Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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088-19980227-JUD-01-08-EN
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OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je regrette de ne pouvoir souscrireà aucun des trois points du dis-
positif de l'arrêt cj'ai surtoute cetteaffaireun point de vue différentde
celui de la Cour.

2. Le problèmeessentielque soulèvel'affaire dont nous sommes saisis
est simpledèslors que, pour reprendre l'expression utiliséepar la Libye
dans sa requête,le Royaume-Uni ((persiste dans une attitude visant à
faire pression sur la Libye pour qu'elleremette les accusés»et ((entend...
obtenir par la force que les accusés luisoient remis».
Le Royaume-Uni et la Libye ont adoptédes positions différentesau
sujet de la remise(du transfert) des deux Libyens qui sont accusésd'avoir
détruit l'appareil assurantle vol 103de la Pan Am au-dessus de Locker-
bie, et qui se trouvent en Libye. Toutefois, ces positions divergentes de
1'Etatdemandeur et de 1'Etatdéfendeurne constituaient pas un ((diffé-
rend ..concernant l'interprétation ou l'application de la ...convention
[de Montréal de 19711)) àlaquelle ils sont tous deux parties (convention
de Montréal,art. 14, par. 1).
Je suis fermement convaincu que la requêtepar laquelle la Libye, le
3mars 1992,a introduit une instancecontre le Royaume-Uni en vertu du
paragraphe 1 de l'article 14 de la convention de Montréal devrait être
rejetéepour le seul motif que le différend,s'ilexiste,entre les deux Etats,

ne concernepas ((l'interprétation ou l'application de la..convention [de
Montréal] ».
Afin d'explicitercette conclusion, il me paraît nécessaire derappeler la
suite des événements qui se sont produits depuis que le Royaume-Uni a
exposé,le 13 novembre 1991,sa position au sujet de l'incident de Loc-
kerbie et qui ont conduit la Libyeà introduire sa requêtele 3 mars 1992.

A. Les demandes respectives du Royaume-Uni et de la Libye

3. La destruction de l'appareil assurant le vol 103de la Pan Am a eu
lieu le 21 décembre1988au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, sur le ter-
ritoire du Royaume-Uni et ellea causéla mort de onze habitants de Loc-
kerbie, de deux cent cinquante-neuf passagers et membres d'équipage,
dont cent quatre-vingt-neuf ressortissants des Etats-Unis et au moins
vingt-neuf du Royaume-Uni, ainsi que d'un certain nombre de citoyens
de dix-neuf autres Etats.Le Royaume-Uni exige que la Libye livre les suspects

4. Aprèsavoir menépendant plus de trois ans une enquêtescientifique
méticuleusepour recueillir des éléments dp ereuves concernantla destruc-
tion de l'appareil, le Royaume-Uni a considéré qu'ilavait identifiéles
deux personnes responsables de l'explosion - qui se trouvaient alors en
Libye - qui auraient agi en tant qu'agents du Gouvernement libyen. La
position du Royaume-Uni est exposéedans: i) la ((déclarationdu procu-
reur général d'Ecossedans l'affaire [des deux suspects]»et ii) «la requête
du procureur général (Procurator Fiscal) du tribunal d'intérêtgénéral
auprès du premier président du tribunal de comté (Sheriffl de South
Strathclyde, Dumfries et Galloway siégeant à Dumfries)), datéestoutes
deux du 13novembre 1991.

Le lendemain, le 14 novembre 1991, le Royaume-Uni a rendu pu-
bliques sesaccusationscontre lesdeux suspects par la voie: i) de la décla-
ration du procureur général d'Ecosse, dans laquelle il avait indiqué:
«je continuerai à m'efforcer defaire en sorte que cette affaire aboutisse
à la conclusion qui convient devant un tribunal, que ce soit dans ce pays
ou aux Etats-Unis» (Nations Unies, doc. N461826; Sl23307, annexe);
et ii) de la déclaration du ministre des affaires étrangères de l'époque,
M. Douglas Hurd, à la Chambre des communes, informant celle-cique:

«il a étédemandé aux autoritéslibyennes de livrer les accusés afin
qu'ils puissent être traduitsen justice. Je réitère cettedemande au
nom du gouvernement tout entier.

Nous espéronsque la Libye accédera pleinement à nos demandes
en livrant les accusés lajustice. C'est ce que veut lajustice. Cet acte

monstrueux ne saurait êtreignoré. » (Nations Unies, doc. N461826;
Sl23307,annexe II.)
5. Le 27 novembre 1991, leGouvernement du Royaume-Uni a publié
la déclaration suivante:

«le Gouvernement [britannique] a exigéque soient livrés lesdeux
accuséspour qu'ilssoient traduits enjustice. Nous n'avons reçu jus-
qu'à présentaucune réponsesatisfaisante des autorités libyennes)),

et il a ajoutéque:

«Les Gouvernements britannique et américaindéclarentce jour
que le Gouvernement libyen doit:
- livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésde ce crime et assumer l'entièreresponsabilitédes agis-
sements des agents libyens;
- divulguer tous lesrenseignementsen sa possession sur ce crime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accèsà tous lestémoins,documents et autres preuves matérielles,

y compris tous les dispositifs d'horlogerie restants; - verser des indemnités appropriées.
Nous transmettons nos demandes à la Libye par l'intermédiaire
des Italiens, qui sont chargésde nos intérê. ous comptons que la
Libye y fera droit promptement et sans aucune réserve.»(Nations
Unies,doc. Al461826;Sl23307,annexe III.)

Le deuxièmepoint me semble subordonné au premier, et le troisième
n'est qu'une demande subsidiaire sur laquelle le Royaume-Uni n'a appa-
remment pas insisté.
6. Le mêmejour, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que la
France (qui avait été aussi ictime de la destruction d'un aéronef en vol,
un DC 10 d'UTA, le 19 septembre 1989, à la suite d'un attentat qui
aurait été commis par des agents libyens), ont publiéune déclaration tri-
partite sur le terrorisme. Cette déclaration comportait le passage suivant:

«à la suite des enquêtes effectuéessur les attentats relatifs [au vol]
Pan Am 103 ...,lestrois pays ont adresséaux autoritéslibyennesdes
demandes spécifiquesliéesaux procédures encours. Ils exigent que
la Libye accède à toutes ces demandes, et en outre qu'elle s'engage
de façon concrète et définitiveenoncer à toute forme d'action ter-
roriste et tout soutien apporté à des groupements terroristes. La
Libye devra apporter sans délaipar des actes concrets les preuves

d'une telle renonciation. (Nations Unies, doc. Al461828;Sl23309,
annexe.)
L'essentielde ce que réclamaitle Royaume-Uni était que les suspects
lui soient livrés.Pour exiger la remise des suspects, le Royaume-Uni n'a
pris aucune autre mesure que de publier une déclarationà ce sujet, qui a
été transmise à la Libye par l'intermédiairedu Gouvernement italien,

chargédes intérêts du Royaume-Uni.

La réponsede la Libye à l'exigence du Royaume-Uni

7. La Libye a répondu rapidement à l'accusation, le 15 novembre
1991,sous la forme d'un communiqué publié par le comitépopulaire de
liaison avecl'étranger et decoopérationinternationale (ci-aprèsdénommé
«le comitépopulaire libyen))) dans lequel il «dément[ait]catégorique-
ment que la Libye ait [eu]quelque lien que ce soit avec cet accident)) et
«réitér[ait]sa condamnation du terrorisme sous toutes ses formes)). Le
communiquéajoutait :

«Lorsqu'un petit pays en développement comme la Libye est
accusé par des superpuissances comme [les Etats-Unis et] le
Royaume-Uni, il est normal qu'il se réservele droit de se défendre
devant une juridiction juste et impartiale, comme l'organisation des
Nations Unies, la Cour internationale de Justice et d'autres organes.
.............................
Nous demandons instamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni

de s'enremettre à la logique de la loàla sagesseet àla raison et de faire appel au jugement de commissions d'enquête internationales
impartialesou de la Cour internationalede Justice.»(Nations Unies,

doc. 923221, annexe.)
8. Quant à la déclaration tripartite, elle a suscitéde la part du comité
populaire libyen un communiqué du 28 novembre 1991, contenant le
commentairesuivant :

«toutes les demandes présentées[par les trois Etats] bénéficierote
toute l'attention voulue, et les autorités compétentes libyennesles
examineront avec tout le sérieuxrequis, dans le respect desprincipes
du droit international, notamment le droit à la souverainetéet la
nécessitéd'être juste enverl'accusé commeenvers la victime)),

et:
«La Libye juge positive la détente internationale et sa possible
contribution au renforcement de la paix et de la sécuriinternatio-
nales etàl'émergenced'un nouvel ordre international, où toutes les
nations seraient égales,où le respect de la liberté et des choix des

peuples serait assuré et où seraient confirmésles principes relatifs
aux droits de l'homme, les principes énoncésdans la Charte des
Nations Unies et les principes du droit international.)) (Nations
Unies, doc. Al461845,Sl23417,annexe.)
9. Le 2 décembre1991,le comitépopulaire libyen a publié uneautre
déclaration réfutant l'accusationdu Royaume-Uni contre la Libye et se
disant de nouveau prêt à veillerà ce que justice soit faità l'égardde

l'incident de Lockerbie.
10. Ces réponses de la Libye, datées du 15 novembre 1991, du
28 novembre 1991et du 2 décembre1991(évoquées ci-dessus), qui trai-
taient toutes les trois de questions plus générales relativess actes de
terrorisme, attestaient certainementd'un refus catégoriquede la part de
cet Etat d'accéder à l'exigencedu Royaume-Uni tendant à ce qu'il lui
livre les suspects.

Les véritables problèmesqui se posent entre le Royaume-Uni et la Libye

11. Depuis qu'il a rendu public, le 14novembre 1991,son acte d'accu-
sation pour une infraction pénaleayant traità l'incident de Lockerbie, le
Royaume-Uni a accuséla Libye, dans les termes les plus énergiques,
d'avoir des liens avecle terrorismeinternational. La Libye, de son côté, a
affirméqu'aucun agent libyen n'était impliquédans l'incidentde Locker-
bie mais s'estdéclarée disposé e ne ménageraucun effort pour éliminer
le terrorisme international et coopéreravec les Nations Unies cette fin.

En dépitdes accusationsque les deux Etats ont échangées à propos de
leurs positions respectives sur le terrorismeinternational, ce problème
constitue toutefois pas un différendqui oppose les deux Etats en la pré-
sente affaire. En réalité, laLibye insistait pour que toute procédurepénaleait lieu sur son propre territoire, ou se trouvaient les suspects, et
indiquait clairement qu'elle n'avait nullementl'intention de livrer ceux-ci

au Royaume-Uni, même si,par la suite, elle s'est déclarée disposée àles
remettre à un Etat tiers, neutre, oà un tribunal international. La Libye
accusait le Royaume-Uni de tenter de créer des difficultésela sommant
de lui remettre les suspects.
12. En fait, ce qui s'estpasséentre le Royaume-Uni et la Libye, c'est
simplement que le Royaume-Uni a exigéque les suspects se trouvant en
Libye lui soient livrés,et que la Libye a refusé d'accédertte demande.

En réclamant laremisedes deux suspects,le Royaume-Uni s'est efforcé
dejustifier son exigenceen la présentantcomme un appel à ce que lajus-
tice pénale soit rendue.l n'a pas prétendu que laLibye seraitjuridique-
ment tenue, en vertu de tel ou tel droit, de lui remettre les deux suspects.
Dans aucun des documents qu'il a publiésle Royaume-Uni n'a men-
tionné la convention de Montréal, pas plus qu'il n'a reconnu que la

convention s'appliquait àl'incident, y comprisà la question de la remise
des suspects. La Libye n'a pasnon plus invoquéla convention de Mont-
réalavant janvier 1992,pour motiver son refus de remettre les deux sus-
pects au Royaume-Uni.

La Libye n'invoquela convention de Montréalque le 18janvier 1992

13. Le 18 janvier 1992, le secrétaire du comité populaire libyen a
adressé unelettre au secrétaired'Etat des Etats-Unis et au ministre des
affaires étrangères du Royaume-Uni par l'intermédiaire des ambas-
sades de Belgique et d'Italie, qui étaientchargéesde veiller aux intérêts
de ces deux Etats en Libye. Après avoir rappelé queles Etats-Unis, le
Royaume-Uni et la Libye étaient parties à la convention de Montréal
de 1971,la lettre de la Libye se poursuivait en ces termes:
«par respect pour le principe de la primautédu droit et en applica-

tion du code libyen de procédurepénale ... dèsque les accusations
eurent été portées, laLibye a exercésa compétence à l'égard des
deux auteurs présumés conformément à l'obligation qui lui incombe
en vertu du paragraphe 2 de l'article 5 de la convention de Montréal
en prenant certaines mesures pour assurer leur présenceet en pre-
nant immédiatementdes dispositions pour ouvrir une enquêtepréli-
minaire. Elle a notifiéaux Etats ..que les suspects étaienten état
d'arrestation...
En notre qualitéd7Etatpartie à la conventionet conformémentau
paragraphe 2 [de l'article51,nous avons pris les mesures nécessaires
pour établir notrecompétenceaux fins de connaître de toutes infrac-
tions ..étantdonné que l'auteurprésumé enl'espèce setrouvait sur
notre territoire.
De surcroît, l'articlede la convention stipule que 1'Etatcontrac-

tant sur le territoire duquel l'auteur de l'infraction est découvert,s'il
n'extrade pas ce dernier, soumet l'affairesesautorités compétentes pour l'exercicede l'action pénale,et que ces autorités prennent leur
décisiondans les mêmesconditions que pour toute infraction de
droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet
Etat.)) (Nations Unies, doc. Sl23441,annexe.)
14. C'est dans la lettre de la Libye datéedu 18janvier 1992,citée ci-
dessus, que la convention de Montréal de 1971est mentionnéepour la
première fois. Le Royaume-Uni n'a pas répondu à cette lettre. Par la

suite, le 3 mars 1992, il a été informépar'le greffier de la Cour que la
Libye avait déposéune requêtqeui seréféraitde nouveau à la convention
de Montréal. Il importe de ne pas perdre de vue cepoint pour déterminer
s'il existait ou non, la date de la requête(c'est-à-dire le 3 mars 1992),
(([un] différend...concernant l'interprétation ou l'application de la ...
convention [de Montréal] qui ne peut pas êtreréglépar voie de négo-
ciation)) (convention de Montréal,art. 14,par. 1).

B. Les questions pertinentes de droit international

Les questions qui se posent en l'espèce

15. Il ne fait aucun doute que la convention de Montréal de 1971pour
la répression d'actesillicites dirigéscontre la sécuritéde l'aviation civile
s'applique, de manière générale, à la destruction de l'aéronef desEtats-
Unis assurant le vol de la Pan Am qui s'estproduite en décembre1988
au-dessus de Lockerbie, au Royaume-Uni, dès lors que la Libye aussi
bien que le Royaume-Uni y sont parties.
Aucune des deux Parties ne semblejamais avoir douté que cette des-
truction constituait une ((infractionénale))au sens de la convention de
1971. Toutefois, ce point n'estpas en litige entre les deux Etats; la pré-
vention du terrorisme international n'est pas non plus en cause dans la

présenteaffaire puisque la procédure a étéintroduite par la Libye etnon
par le Royaume-Uni.
De surcroît, la question de savoir si le Royaume-Uni peut tenir la
Libye, en tant qu'Etat, responsable des agissements de ressortissants
libyensen liaison avecla destruction de l'aéronefdes Etats-Unis assurant
le vol de la Pan Am au-dessus du territoire du Royaume-Uni et celle de
savoir si l'explosion a étécauséepar des personnes présuméesêtredes
agents de renseignementlibyens (ce qui rendrait la Libye responsable des
actes qu'ils auraient commis) ne sont pas non plus en litige dans la pré-
sente requête, qui a été introduite parla Libye et non par le Royaume-
Uni.
16.Il serait erroné deconsidérerque la présenterequêteconcerne la
destruction de l'appareil assurant le vol Pan Am 103ou, de manière plus
générale, l'incidentde Lockerbie dans son ensemble qui constituait un

acte de terrorisme international. Une requête de cette nature aurait pu
êtredéposée par le Royaume-Uni mais non par la Libye.
Les questions qui se posent dans la présente affaire soumise à la
Cour par la Libye concernent exclusivement l'exigencedu défendeur,le CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP.DISSO . DA) 88

Royaume-Uni,que le demandeur,la Libye, livre les deux suspects identi-
fiéspar leprocureur générald'Ecosse(Lord Advocateof Scotland) comme
étantles auteurs présumésde la destruction de l'aéronefde la Pan Am
(ce qui constitue manifestement une infraction pénaleaux termes de la
convention de Montréal) et le refus opposé par la Libye d'accéder à
l'exigencedu défendeur.Les relations entre ces deux Etats à l'égardde
cette affaire n'allaient pas plus loin.

Compétencepénale

17. Aucun Etat n'est empêchd é'exercer sa compétencepénale àl'égard
d'une ou plusieurs personnes ayant commis une infraction pénalesur son
territoire, causéun préjudice graveaux intérêtsde cet Etat ouà ceux de
ses ressortissants, ou commis une infraction pénalequi relèvede la juri-
diction universelleoù que ce soitdans lemonde. Par conséquent,ilne fait
aucun doute qu'en la présente espèce leRoyaume-Uni est compétent
pour exercer sajuridiction pénaleàl'égarddes deux suspects,quels qu'ils
soient, et où qu'ils se trouvent.
Inversement, il ne fait aucun doute non plus que tout Etat a le droit
d'exercer sa compétence pénalelorsqu'une infraction pénale gravea été
commisepar sesressortissants où que ce soit, sur son propre territoire ou
à l'étranger.Les droits de la Libyeà ce titre ne semblent pas avoir été

contestéspar le Royaume-Uni.
18. Ainsi, le droit de poursuivre ou depunir des criminelsne relèvepas
de la compétenceexclusived'un Etat donné,soitceluidans lequell'infrac-
tion a été commise(en l'espèce,le Royaume-Uni) soit celui dont le cri-
minel est ressortissant (en l'espèce,la Libye). Les suspects libyens, en
l'espèce,relèvent des juridictions concurrentes, soit deEtat où ils ont
commis le crime, soit de 1'Etatoù ils se trouvent. La conventionde Mon-
tréal n'ajouterienà ce principe général et nes'enécarte absolumentpas.

Il n'existepas de divergencede vues entre le demandeuret le défendeur
au sujet del'interprétationde ces règlesgénéralesde droit international.
Aucun différendn'existe apparemment à cet égard.

19. Les questionsqui seposaient en la présente affairene portaient pas
sur une question juridique relative aux droits et obligations de l'une ou
l'autre Partie de poursuivreou de punir lesdeux suspects, mais plutôt sur
le fait que, alors que le Royaume-Uni exigeait que la Libye remette ou
livrelesdeux suspects qui setrouvaient sur leterritoire de celle-ciafin que
la justice pénalesoit rendue, la Libye s'est refuséeaccéder àcette exi-
gence, si bien que les suspects ont (jusqu'à présent)évila compétence
pénaledu Royaume-Uni.

Le droit enmatière d'extradition
20. En droit international générall,es Etats ne sont pas tenus d'extra-

der des accusés, maiscertains traités spécifiques,multilatérauxouilaté-raux, ont imposé à leurs Etats contractants l'obligation d'extrader des
accusésvers d'autres Etats contractants. La convention de Montréalest

certainement l'un de ces traités.
Toutefois, il est prévu une exceptionà cette obligation d'extrader des
criminelslorsque les accusésont la nationalitéde 1'Etatauquel l'extradi-
tion est demandée.Cette règlede la non-extradition des ressortissants de
1'Etatrequispeut ne pas semblertout àfait appropriéepour servirlesfins
de lajustice pénale,car l'accusépeut mieuxêtrepoursuivi dans lepays où
le crime a effectivementété commisB . ien qu'aucune règlede droit inter-
national n'interdise l'extradition de ressortissants de1'Etat requis, il
existe de longue date une pratique internationale qui reconnaît qu'un
Etat n'est pasobligéd'extrader sespropres ressortissants. La convention
de Montréalne fait pas exception àcettepratique, puisqu'ellene prévoit
pas l'extradition de ressortissants de'Etatrequis mêmepour réprimer
des actes universellementreconnus comme illicites.
La règle de la non-extradition de criminels politiques est appliquée

depuis longtemps, mais ellene s'applique pasà certains crimes universels,
tels que le génocideet les actes de terrorisme.
21. La convention de Montréal, pourtant, va un peu plus loin dans le
cas où lesEtats n'extradentpas lesaccusés versd'autresEtats compétents,
enimposant à 1'Etatoù setrouve l'accusél'obligationde soumettrel'affaire
àsespropres autoritéscompétentespour l'exercicede l'actionpénale.Aux
termesde la convention de Montréal, laLibyeassumerait donc la respon-
sabilité depoursuivrelesaccuséssi ellene lesextradepas. La Libye n'apas
du tout contestéce point. Elle a affirméqu'elleallait engager des pour-
suites contre les suspects et s'est également déclarée disposéees extra-
der vers ce qu'elle qualifie decertains Etats politiquement neutres.

C. Conclusion

22. Ainsi conçue, la question relative à l'exigencedu Royaume-Uni
que la Libye livreles deux suspects et au refus par la Libye d'accéder
cette demande n'estpas une affaire de droits ou d'obligations juridiques
d'extraderdes accusésentre le Royaume-Uniet la Libye envertu du droit
international, ni une affairequi entre dans lesprévisionsde la convention
de Montréal. Ou,du moins, il n'existepas de différendjuridiqueentre la
Libye et le Royaume-Uni concernant l'interprétationou l'application de
la convention de Montréal qui aurait pu êtresoumis à l'arbitrage ouà la
Cour.
Si un différendexiste entre eux à ce sujet, il pourrait êtresimplement
une divergence entre leurs politiques respectivesà l'égardde la justice
pénale,portant sur le point de savoir quel Etat devrait légitimement
rendre la justice en l'espèce.Cette question n'entre pas dans le cadre
de la convention de Montréal.

Dès le départ, il n'existait pas de différend entre la Libye et le
Royaume-Uni((concernantl'interprétation ou l'application dela conven-
tion [deMontréal]))au sujet del'exigencede livrer les suspectset du refusd'accéder à cette exigence- la question principale en l'espèce.La Libye
n'apas présentéd'argument contraire à ce point de vue ni prouvéI'exis-
tence d'un tel différendjuridique.

23. Je conclus donc qu'il n'existepas de fondement à l'exercicede sa
compétencepar la Cour pour connaître de la présenterequête introduite
par la Libye.

II. LA QUESTION DE LA RECEVABILITÉ - L'EFFET DES RÉSOLUTIONS
DU CONSEI L E SÉCURITÉ

24. Ainsi que je l'ai exposé ci-dessus,je suis fermement convaincuque

la Cour n'est pas compétentepour connaîtrede cette requêtedéposée par
la Libye. Sila Cour dit qu'ellen'estpas compétente,ce qui à mon avis est
le cas en l'espèce,la question de savoir si la requête estrecevable ou non
ne se pose pas. Selon moi, au moins, il est dénué desens d'examiner la
question de la recevabilité.Pourtant, la Cour, après avoir dit

«qu'elle a compétence,sur la base du paragraphe 1 de l'article 14de
la convention de Montréal ...pour connaître des différends qui
opposent la Libye au Royaume-Uni en ce qui concerne l'interpréta-
tion ou l'application des dispositionsde cetteconvention)) (dispositif
de l'arrêt, par.1, al. b)),
traite ensuite de la question de la recevabilité et dit que «la requête

déposée par la Libye ..est recevable))(ibid., par. 2, al. b)) en «rejet[ant]
l'exception d'irrecevabilité tirpar le Royaume-Uni des résolutions748
(1992) et 883 (1993)du Conseil de sécurité))(ibid.p , ar. 2, al. a)). Tout
en considérant que la question de la recevabilité nedevrait pas se poser
puisque la Cour devrait rejeter la requêteau motif qu'ellen'est pas com-
pétente,je voudrais maintenant faire quelques observations au sujet de
l'incidencede ces résolutionsdu Conseil de sécuritéq , ui est le seul pro-
blèmedont traite le présentarrêts'agissant de la question de savoir si la
requête estrecevable ou non.

25. Auparavant, je dois aussi évoquer un autre point de l'arrêt sur
lequelje ne suis pas d'accord. L'arrêt dit quela Cour:
((Déclare que l'exception du Royaume-Uni, selon laquelle les
résolutions748 (1992)et 883 (1993)du Conseil de sécuritéauraient
privéles demandes de la Libye de tout objet, n'a pas, dans les cir-

constances de l'espèce,un caractère exclusivement préliminaire.))
(Ibid., par. 3.)
Enjugeant la requêterecevable,la Cour a certesindiqué quel'exception
du Royaume-Uni, selonlaquelle lesdemandes de la Libye sont privéesde
tout objet du fait de l'adoption des résolutions748 (1992) et 883 (1993)du Conseil de sécurité, n'apas un caractère exclusivementpréliminaire.
J'estime cependant que ce point ne devrait pas constituer une question
séparée ou distincte de cellede la recevabilitémais devrait faire partie de
celle-ci.
Je considèreque si l'adoption des résolutions748 (1992)et 883 (1993)
du Conseil de sécuritédoit êtreexaminéedans le contexte de la question
de recevabilitéde la requête,elle devrait l'êtreau stade (préliminaire)
actuel,que cettequestion possèdeou non un caractère exclusivement pré-
liminaire.Je répète quele point de savoir silesdemandesde la Libyesont
privéesd'objet en raison des résolutions duConseil de sécuritéest une
question qui concerne la recevabilité,dont la Cour aurait dû traiterce
stade.

A. Les Parties ont porté l'incident devant l'Organisation des Nations
Unies - en particulier le Conseil de sécurit- et ce qu'ellesont fait
par lasuite
26. Il convient d'observerque la majorité des documentspubliéspar le
Royaume-Uni et la Libye ont été communiqués à l'Organisation des

Nations Unies, qui a été priée de les diffuser comme documents de
l'Assemblée généraeltedu Conseilde sécurité ou seulementdu Conseilde
sécurité (voilres paragraphes4 à 7 ci-dessus).

Communication des documents duRoyaume-Uniet de laLibye à I'Organi-
sation des Nations Unies

27. Le Royaume-Uni n'a transmis les documents pertinents à l'Or-
ganisation des Nations Unies que le 20 décembre 1991: i) la décla-
ration faite par le procureur générald'Ecosse et la déclaration du rni-
nistre des affaires étrangèresdu Royaume-Uni, toutes deux datéesdu
14novembre 1991,ainsi que la déclarationdu Gouvernementbritannique
du 27 novembre 1991,ont été transmises auSecrétairegénéral de l'Or-
ganisation des Nations Unies le 20 décembre1991 et ont étépubliées
sous les cotesAl461826et Sl23307;ii) la déclaration communedu 27 no-
vembre 1991a aussi été transmise au Secrétairegénérad le l'organisation
desNations Unies le 20 décembre1991et publiéesous les cotes Al461828

et Sl23309.
28. C'estpourtant la Libye qui avait déjàinforméle Secrétairegénéral
de l'organisation des Nations Unies des déclarationsdu Royaume-Uni
dans lesquelles les deux suspects étaient accusésd'êtreimpliquésdans
l'incidentde Lockerbie. Cela se passait bien avant que le Royaume-Uni
n'ait transmisses documents à l'organisation desNations Unies.
Trois documents ont été transmispar la Libye à l'organisation des
Nations Unies: i) le premier communiqué de laLibye a été transmisle
15novembre 1991au présidentdu Conseil de sécurité et a été distribué
sousla cote SI23221; ii) lecommuniquédela Libyerépondant à la décla-
ration commune des trois Etats (Royaume-Uni,Etats-Unis et France) du
27 novembre 1991a été transmisle 28 novembre 1991et a été distribuésous lescotes Al461845et 923417; et iii)une lettre du 18janvier 1992du
secrétairedu comité populaire libyen adresséeau secrétaire d'Etat des

Etats-Unis et au ministre des affaires étrangèresdu Royaume-Uni a été
transmise le mêmejour au présidentdu Conseil de sécurité et a étédis-
tribuée sous la coteSl23441.

Notijication des événementspar la Libye à l'Organisation des Nations
Unies

29. Les documents pertinents ont été donc transmis par la Libyepour
être distribués auxdélégués à l'Assembléegénérale et en particulier aux
membres du Conseil de sécurité. Enoutre, quelquesjours après que le
Royaume-Uni et les Etats-Unis eurent rendu public l'acte d'accusation
contre lesdeux suspectslibyens,le secrétairedu comitépopulairelibyena
envoyé des lettres directementau Secrétairegénéradle l'Organisation des
Nations Unies (commeil est indiquéau paragraphe 30ci-après)pour ten-
ter d'appeler l'attentiondes Etats Membresde l'organisation desNations
Unies sur l'enchaînementdes événements survenusdepuis le 13novembre
1991,en particulier au sujet de la remise des suspects. La Libye semble
avoir considéré queles questions dont il s'agissaitn'étaient pas d'ordre
juridique mais concernaient la paix et la sécuritinternationales et, ce
titre, devaient êtreexaminéespar l'organisation des Nations Unies.
30. i) Dans sa lettre du 17 novembre 1991 au Conseil de sécurité,

publiée commedocument des Nations Unies sous les cotes Al461660et
Sl23226,la Libye demandait qu'un dialogue s'instaure entre elle-même,
d'unepart, et le Royaume-Uni et les Etats-Unis, d'autre part, et sedécla-
rait disposéeà coopérer à toute enquête impartiale et honnêteL.a Libye
sedisaitattachéeau règlement pacifiquedes différendsconformémentaux
dispositions du paragraphe 1 de l'article33 de la Charte, qui stipule que
lespartiesà tout différend«doivent en rechercherla solution, avant tout,
par voie de négociation,d'enquêted,e médiation,de conciliation,d'arbi-
trage, de règlementjudiciaire.» ;ii) dans sa lettre du 20 novembre 1991,
publiéecomme document des Nations Unies sous les cotes Al461844
et Sl23416,la Libye déclarait son ((entièredisposition à coopérer pour
[fairela vérité]))t se disait ((entièrementdisposée coopéreravec toute
instance juridique internationale impartiale)). Cette lettre soulignait
que la Charte ((garantit l'égalientre les peuples et leur droit choisir
librement leurs options politiques et sociales, droit inscrit dans les pré-

ceptes divins[et]dans le droit international)); iii) dans sa lettre du 8jan-
vier 1992,publiée sousles cotes Al461841et Sl23396,la Libye a déclaré:
((S'ils'agitde différendspolitiquesentre cestrois pays et la Libye,
ces différends devraient êtreexaminéssur la base de la Charte des

Nations Unies, qui, loin de sanctionner l'agression ou la menace
d'agression,prône le règlement des différendspar des moyens paci-
fiques. Or la Libye s'est déclarée disposéeà accepter tout moyen CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP.DIS.ODA) 93

pacifique souhaité par les trois pays pour résoudre les différends
existants.)

31. Il est donc clair que la déclaration faitepar le procureur général
d7Ecosse,l'exigenceexpriméepar le Royaume-Uni que les deux suspects
lui soient livrésainsi que le refus immédiat opposépar la Libye d'accéder
à cette exigenceavaient déjàété notifiépsar la Libye a l'organisation des

Nations Unies le 17 novembre 1991 - non pas, apparemment, comme
des questions juridiques se posant exclusivement entre les deux Etats,
mais comme des problèmes concernant la paix et la sécuritéinternatio-
nales dans lesquelsl'organisation des Nations Unies devraientintervenir.

B. Les résolutions duConseil de sécurité

La résolution731 (1992) du Conseil de sécurité du 21janvier 1992

32. Le 20 janvier 1992 - c'est-à-dire deuxjours après que la lettre
du 18janvier 1992adresséepar la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-
Uni eut été distribuée comme document du Conseil de sécuritésous la
cote SI23441(voir ci-dessuspar. 28) - le Royaume-Uni et les Etats-Unis
ainsi que la France ont présentéau Conseil de sécurité,en vue de son
adoption, un projet de résolution (Nations Unies, doc. S/23762),dont le
principal objet était d'encourager la Libye «à répondre de façon com-
plèteet effective aux demandes» (les italiques sont de moi) faites par le

Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Il convient de noter qu'en fait la remisedes deux suspectsau Royaume-
Uni (ou aux Etats-Unis) n'était pas mentionnéeexplicitement dans ce
projet de résolution, sauf par un simple renvoi aux lettres reproduites
dans les documentsdu Conseil de sécurité, publiéssous lescotes Sl23306,
Sl23307, Sl23308, SI23309et SI23317(les lettres adressées à l'organisa-
tion des Nations Unies par le Royaume-Uni et les Etats-Unis; la lettre
adresséeau Conseil de sécuritépar la France portait la cote Sl23306).
33. Lelendemain, le 21 janvier 1992,le Conseil de sécurités'estréuni
et a adoptéson ordre dujour - lettres datées des20 et 23 décembre1991
(Sl23306; Sl23307; Sl23308; SI23309et Sl23317) :les lettres figuraàt
l'ordre du jour étaient celles, mentionnéesci-dessus, que la France, le

Royaume-Uni et lesEtats-Unis avaient adresséesau Secrétairegénéral de
l'organisation des Nations Unies.
34. La plupart des arguments présentésportaient sur des questions
assez générales relativesà la condamnation ou à l'éliminationdu terro-
risme international, et il était tacitement entendu que la destruction de
l'appareil assurant le vol 103de la Pan Am avait étécauséepar des per-
sonnes (présuméesêtredes agents de renseignement libyens) qui rési-
daient alors en Libye.
Durant les débatsau Conseil de sécuritéla question de la remise des
deux suspects par la Libye, soit au Royaume-Uni, soit aux Etats-Unis, a
été à peine abordée. Dans leurs déclarations devant le Conseil seuls leRoyaume-Uni et lesEtats-Unis sesont déclarés favorables à la remise des
suspects. Le représentantdes Etats-Unis a déclaré:

«Il ressort clairement de la résolutionque l'objectif recherchépar
le Conseil est de faire en sorte que les accuséssoient jugésprompte-
ment conformément aux principesdu droit international. La résolu-
tion stipule que les personnes accuséessoient simplement et directe-
ment remises aux autoritésjudiciaires des gouvernements qui, en
droit international, sont compétentspour lesjuger.»(Nations Unies,
OC.SlPV.3033,p. 78-79.)

Et le représentantdu Royaume-Uni a dit:
«Nous espéronsvivement que la Libye répondra complètement,
positivement et promptement, et que les accusésseront livrésaux
autoritésjudiciaires en Ecosse ou aux Etats-Unis ...Les deux per-
sonnes accuséesd'avoir détruitl'avion assurant le vol 103de la Pan
Am doivent se présenterdevant la justice et être dûmentjugées.Le
crime ayant eu lieu en Ecosse, l'avion étantaméricain,et l'enquête

ayant étéconduite en Ecosse et aux Etats-Unis, le procèsdevrait de
toute évidence sedérouleren Ecosse ou aux Etats-Unis. Il a été sug-
géréque ces hommes pourraient êtrejugésen Libye. Mais, dans ces
circonstances particulières, on ne peut avoir confiance dans l'impar-
tialitédes tribunaux libyens. (Zbid.,p. 104.)
35. Lors de sa séancedu 21 janvier 1992, le Conseil de sécuritéa
adopté àl'unanimité la résolution731 (1992),qui comporte les passages
suivants:

«Le Conseil de sécurité,
.............................
Profondémentpréoccupépar ce qui résultedes enquêtes ...et qui

est mentionné dans les documents du Conseil de sécuritéqui font
état des demandes adresséesaux autoritéslibyennes par les Etats-
Unis d'Amérique ..et le Royaume-Uni ..liéesaux procéduresjudi-
ciaires concernant[l']attentatperpétrécontre ..l[e]vol 103de la Pan
Am ...;
Résolu à éliminerle terrorisme international,

2. Déplorevivementle fait que le Gouvernement libyen n'ait pas
répondueffectivement àcejour aux demandes ci-dessus decoopérer
pleinement pour l'établissementdes responsabilitésdans [l']acteter-
roriste..contre l[e]vol 103de la Pan Am ..;

3. Demande instamment aux autoritéslibyennesd'apporter immé-
diatement une réponse complète eteffective à ces demandes afin de
contribuer à l'éliminationdu terrorisme international;
4. Prie le Secrétairegénéradle rechercher la coopérationdu Gou-
vernement libyen en vue d'apporter une réponse complète eteffec-
tiveà ces demandes))(les italiques sont de moi).Il convient d'observerque même slia résolutionne fait pas explicitement
mention d'une remise des deux suspects, la «demande» qui y est men-
tionnéevise surtout à l'obtenir, et que le Conseil de sécurité évoqulea
demande adresséepar le Royaume-Uni et les Etats-Unis à la Libye de
coopérer à l'établissementdes responsabilités dans l'acte terroriste,
demande qui, je le répète,comporte un appel à livrer les deux suspects.

36. Le 11 février 1992, le Secrétaire généraa l présentéun rapport
publiécomme document des Nations Unies sous la cote 923574, en
application du paragraphe 4 de la résolution 731 (1992) du Conseil de
sécuritéd, ans lequel il rendait compte de sa mission en Libye et faisait
connaître le point de vue dela Libye. Le 3 mars 1992, leSecrétairegéné-
ral a présentéun rapport supplémentaire sur la mêmequestion publié
comme document des Nations Unies sous la cote Sl23672,qui concluait
que :

«Il résultede ce qui précèdeque si les autoritéslibyennes ne se
sont pas encore conforméesaux displositionsde la résolution 731
(1992),ellesont infléchileur position depuis le rapport précédt u
Secrétaire généraeln date du 11février1992.»

C'est à cette mêmedate, le 3 mars 1992, que la Libye a déposé sa
requêteintroductive d'instance contre le Royaume-Uni sur des «ques-
tions d'interprétationet d'application de la convention de Montréal [de
197 11résultant del'incident aériende Lockerbie».

La signiJicationde la résolution 731(1992) du Conseil de sécurité

37. Il ressort de cette suite d'événementssurvenus entre novembre
1991et la date du dépôt dela requête,à savoir le 3mars 1992,que ce qui
préoccupait la Libye étaitle fait que, sur la base d'une proposition pré-
sentéepar le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que par la France, le
Conseil de sécuritéavait adopté la résolution731le 21janvier 1992,aux
termesdelaquelleil «demand[ait]instammentauxautoritéslibyennesd'ap-

porter immédiatement une réponse complète ee tffective ces demandes
afin de contribuer à l'éliminationdu terrorisme international)) (les ita-
liques sont de moi) («ces demandes))étantessentiellementles demandes
du Royaume-Uni et des Etats-Unis que les suspects soient livrés).
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne semblaientpas avoir considéré à
l'époquequ'ilexistaitun ((différend),u sensdu chapitre VI de la Charte
des Nations Unies, entre eux-mêmes et la Libye, commele montre clai-
rement le fait que le Royaume-Uniet lesEtats-Unis ont participéau vote
sur cette résolution 731 (1992) du Conseil de sécurité.La Libye paraît
avoir penséque le Royaume-Uni et lesEtats-Unis devaient bien serendre
compte qu'ils devraient formuler leur exigence, désormaisqualifiéede
«demande», simplement sous l'angle d'uneconsidération politique, qui
étaitde faire condamner et d'éliminerle terrorisme international. 38. Le Royaume-Uniet lesEtats-Unisconsidéraientapparemment, les
20 et 21janvier 1992,que le refus de la Libye de livrer les deux suspects
dont les noms avaient été mentionnéd sans le cadre de l'incidentdeLoc-

kerbie aurait des conséquencessur le maintien de la paix et de la sécurité
internationales et qu'il y avait lieu d'en saisir le Conseil de sécu, uiq
exerce la responsabilitéprincipale dans ce domaine. On peut supposer
que le Royaume-Uni et les Etats-Unis devaient savoir que leur exigence
n'était pasune questionqui pouvait êtreexaminéed'un point de vuejuri-
dique.
Le fait que, le 21 janvier 1992,le Conseil de sécuritéa étéunanime
pour considérer l'incidentde Lockerbiecommeune question liée à la paix
et àla sécuritéinternationales n'a rieà voir avec le point de savoir si le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient ou non compétence,en droit,
pour exigerla remisedes deux suspects,et sila Libyeétait ou nonobligée
de leslivrer en application des dispositions de la conventionde Montréal.
Ces questions séparéed sevraientêtreexaminéesen fonction des éléments
qui leur sont propres.

Les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité

39. Le Royaume-Uni et lesEtats-Unis semblent avoir considéréa ,près
le dépôt dela requête dela Libye en la présente affaire,que l'opposition
fermemanifestéepar la Libye àla remisedes deux suspectsconstituaitun
cas de ((menacecontre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agres-
sion» (chapitreVI1de la Charte desNations Unies). En fait, le Royaume-
Uni et les Etats-Unis, ainsi que la France, ont proposé un autre projet
de résolutionau Conseil de sécuritéle 30 mars 1992 (Nations Unies,
doc. Sl25058).L'appel lancé à cette occasion par le Royaume-Uni et les

Etats-Unis (ainsi que par la France) au Conseil de sécuritépour que
celui-ci adopte un projet de résolution en vertu du chapitre VI1 de la
Charte des Nations Unies n'était pasdirectement lié àla requêtedéposée
en la présenteinstance par la Libye le 3 mars 1992et avait fait l'objet
de négociationsau Conseil de sécurité avant cette date.
40. Le 31mars 1992,le Conseil de sécurité(,(agissanten vertu du cha-
pitreVI1de la Charte)), a adopté la résolution748 (1992). LeRoyaume-
Uni et lesEtats-Unis, commecoauteurs, ont veillé à cequela proposition
soumise au Conseil de sécuritéindique que celui-ci était ((gravement
préoccupé de ce que le Gouvernement libyen n'ait pas encore donné une
réponse complète eteffectiveaux demandes contenuesdans sa résolution
731 » (les italiques sont de moi).
Au cours du débatau Conseil de sécuritél,e représentantdes Etats-
Unis a déclaré:

«Nous avons demandé à la Libye ...qu'elle...livre lesdeux sus-
pects dans l'explosion du vol Pan Am 103, afin qu'ils soient jugés
soit aux Etats-Unis soit au Royaume-Uni ..Cette résolution sou-
ligne clairement que le Conseil a décidque la Libye devait se con-
former à ces exigences.» (Nations Unies, doc. SffV.3063, p. 66.) Et le représentantdu Royaume-Uni s'estexpriméen ces termes
«Nous sommes en particulier reconnaissants aux ministres arabes

qui se sont rendus la semaine dernière à Tripoli pour essayer de
persuader le dirigeant libyen de se conformer à la résolution en
livrant les accusés afin qu'puissent êtrejugés. Lestrois auteurs de
la résolutionse sont efforcés minutieusementde faire en sorte que
le temps permette à ces efforts de porter fruit.» (Nations Unies,
OC.SlPV.3063,p. 68-69.)

En fait, l'exigenceque les suspectssoientlivrésa éinséréeimplicitement
dans cette résolution,bien que le principal objet de celle-ci ait étéde
condamner l'incidentde Lockerbie lui-mêmedans sa totalitéet aussi, de
manière plus généralel,es actes de terrorisme dans lesquels la Libye
aurait été impliquée. Le Consed ile sécurita décidé d'imposer des sanc-
tions économiques à la Libye.
41. N'ayant pas obtenu de résultatspositifsà la suitede l'adoption de
la résolution748 (1992) du Conseil de sécuritél,e Royaume-Uni et les
Etats-Unis (ainsiquela France) ont pris de nouveau l'initiativede propo-
ser une nouvelle résolution au Conseil de sécurité(Nations Unies,
doc. Sl26701)qui a adopté,le 11novembre 1993,la résolution883 (1993)
du Conseil, qui allait dans le mêmesens que la résolution 748 (1992).
Lors de cette séance,le représentant des Etats-Unis a déclaré:«Nous
attendons que les accusésde l'attentat contre le vol Pan Am 103 nous

soient remis» (Nations Unies, doc. SlPV.3312,p. 51) et le représentant
du Royaume-Uni a déclaréque:
«si le Secrétaire générailnformait le Conseil que le Gouverne-
ment libyens'engage à fairecomparaître devant le tribunal américain
ou écossaisappropriéceux qui sont accusésde l'attentat de Locker-
bie...le Conseil de sécurité réexamineraaitlors les sanctions en vue

de les suspendre immédiatement))(ibid.,p. 58).

C. Conclusion

42. Il reste la question de savoir si ces résolutionsdu Conseil de sécu-
rité,en particulier lesrésolutions748(1992)et 883(1993),adoptéesaprès
le dépôt de la requêteen l'espèce,ont des incidences sur la présente
affaire telle qu'elle a étésoumise par la Libye. En fait, la question de
savoir si la requête introduitele 3 mars 1992par la Libye est devenue
sans objet après l'adoption de ces résolutions du Conseil de sécuritdu

31 mars 1992et du 11novembre 1993a un caractère distinct de l'affaire
que la Libyea soumise à la Cour. Siun différendexisteà ce sujet,il pour-
rait s'agird'un différendentre la Libye et le Conseil de sécur,u entre
la Libye et l'Organisation des Nations Unies, ou les deux, mais nonpas
entre la Libye et le Royaume-Uni.
L'effetdes résolutionsdu Conseil de sécurité (adoptéesdansle but de
maintenir la paix et la sécuriinternationales)sur les Etats Membres estune question qui est tout à fait dénuéede pertinence dans la présente
affaire, et la question de savoir si la requêtede la Libye est devenue sans

objet après l'adoption de ces résolutionsne se pose guère.

43. Tout en estimant que la requêtede la Libye devrait êtrerejetéeau
motif que la Cour n'est pas compétente,je tenais néanmoins à exprimer
l'avisque ces résolutionsdu Conseil de sécurit, ui ont une connotation
politique concernant les aspects plus générauxdes menaces à la paix ou
des ruptures de la paix, n'ont aucun rapport avecla présenteaffaire,qui,
sila Cour était compétente,aurait pu luiêtresoumisecomme un point de
droit opposant le Royaume-Uni et la Libye, et les Etats-Unis et la Libye,
avant que les résolutionsne soient adoptéespar le Conseil de sécurité.

(SignéS )higeru ODA.

Bilingual Content

DISSENTING OPINION OF JUDGE ODA

1.1regret that 1am unable to agree with any of the three points in the
operative part of the Judgment as 1 see the whole case from a different
viewpoint to that of the Court.

2. The crux of the case before usis simplein that, to use the expression
used by Libya in its Application, the United Kingdom "continues to
adopt a posture of pressuring Libya into surrendering the accused" and
"is rather intent on compelling the surrender of the accused".

The United Kingdom and Libya have adopted different positions con-
cerning the surrender (transfer) of the two Libyans who are accused of
the destruction of Pan Am flight 103over Lockerbieand who are located
in Libya. Those differingpositions of the applicant State and the respon-
dent State did not, however, constitute a "dispute . . .concerning the
interpretation or application of the [1971 Montreal] Convention" to
which both are parties (Montreal Convention, Art. 14,para. 1).

It is my firm belief that the Application by which, on 3 March 1992,
Libya instituted proceedings against the United Kingdom pursuant to
Article 14,paragraph 1,of the Montreal Convention should be dismissed
on the sole ground that the dispute, if one exists, between the two States
is not one that "concern[s] the interpretation or application of the

[Montreal]Convention7'.
In order to clarify this conclusion, 1 find it necessary to examine the
chain of events which have occurred sincethe United Kingdom outlined,
on 13November 1991,its position on the Lockerbie incident and which
led to Libya filing its Application on 3 March 1992.

A. The United Kingdom and Libya's Respective Claims

3. The destruction of Pan Am flight 103 occurred on 21 December
1988over Lockerbie, Scotland, in the territory of the United Kingdom
and involved the death of 11residents of Lockerbie, 259 passengers and
crew, including 189United Statesnationals and at least 29 United King-
dom nationals, and a number of citizens of another 19 States. OPINION DISSIDENTE DE M. ODA

[Traduction]

1. Je regrette de ne pouvoir souscrireà aucun des trois points du dis-
positif de l'arrêt cj'ai surtoute cetteaffaireun point de vue différentde
celui de la Cour.

2. Le problèmeessentielque soulèvel'affaire dont nous sommes saisis
est simpledèslors que, pour reprendre l'expression utiliséepar la Libye
dans sa requête,le Royaume-Uni ((persiste dans une attitude visant à
faire pression sur la Libye pour qu'elleremette les accusés»et ((entend...
obtenir par la force que les accusés luisoient remis».
Le Royaume-Uni et la Libye ont adoptédes positions différentesau
sujet de la remise(du transfert) des deux Libyens qui sont accusésd'avoir
détruit l'appareil assurantle vol 103de la Pan Am au-dessus de Locker-
bie, et qui se trouvent en Libye. Toutefois, ces positions divergentes de
1'Etatdemandeur et de 1'Etatdéfendeurne constituaient pas un ((diffé-
rend ..concernant l'interprétation ou l'application de la ...convention
[de Montréal de 19711)) àlaquelle ils sont tous deux parties (convention
de Montréal,art. 14, par. 1).
Je suis fermement convaincu que la requêtepar laquelle la Libye, le
3mars 1992,a introduit une instancecontre le Royaume-Uni en vertu du
paragraphe 1 de l'article 14 de la convention de Montréal devrait être
rejetéepour le seul motif que le différend,s'ilexiste,entre les deux Etats,

ne concernepas ((l'interprétation ou l'application de la..convention [de
Montréal] ».
Afin d'explicitercette conclusion, il me paraît nécessaire derappeler la
suite des événements qui se sont produits depuis que le Royaume-Uni a
exposé,le 13 novembre 1991,sa position au sujet de l'incident de Loc-
kerbie et qui ont conduit la Libyeà introduire sa requêtele 3 mars 1992.

A. Les demandes respectives du Royaume-Uni et de la Libye

3. La destruction de l'appareil assurant le vol 103de la Pan Am a eu
lieu le 21 décembre1988au-dessus de Lockerbie, en Ecosse, sur le ter-
ritoire du Royaume-Uni et ellea causéla mort de onze habitants de Loc-
kerbie, de deux cent cinquante-neuf passagers et membres d'équipage,
dont cent quatre-vingt-neuf ressortissants des Etats-Unis et au moins
vingt-neuf du Royaume-Uni, ainsi que d'un certain nombre de citoyens
de dix-neuf autres Etats.The United Kingdom's demandthat Libya surrender the suspects

4. After carefully conducting a scientificinvestigation of the crash evi-
dence for a period of over three years, the United Kingdom considered
that it had identified the two persons responsible for the explosion -
then located in Libya - who were said to have been acting as agents of
the Libyan Government. The United Kingdom's position is set out in
(i) the "Statement of facts by the Lord Advocate, Scotland, in the case
of [the two suspects]" and (ii) the "Petition of the Procurator Fiscal of
Court for the Public Interest unto the Honourable the Sheriff of South
Strathclyde,Dumfriesand Galloway at Dumfries", both dated 13 Novem-
ber 1991.

On the following day, 14November 1991,the United Kingdom made

publicits chargesagainst the two suspectsthrough (i) the Announcement
by the Lord Advocate of Scotland in which he stated that "1remain com-
mitted to bring this matter to a proper conclusion in a Court of Law
whether it is to be in this country or in the United States" (United
Nations doc. Al461826;Sl23307,Ann.) and (ii) the Statement of the then
Foreign Secretary, the Rt. Hon. Douglas Hurd in the House of Com-
mons, in which he said:

"a demand is being made of the Libyan authorities for the surrender
of the accused to stand trial.1repeat that demand on behalf of the
whole Government.

We expect Libya to respond fully to Ourdemand for the surrender
of the accused. The interests of justice require no less. This fiendish
act of wickedness cannot be passed over or ignored." (See United

Nations doc. Al461826;Sl23307,Ann. II.)
5. On 27 November 1991,the United Kingdom Government issued a
statement that

"the [British]Government demanded of Libya the surrender of the
two accusedfortrial. Wehave sofar receivedno satisfactory response
from the Libyan authorities"

and in which it was further stated that:
"The British and American Governments today declare that the

Government of Libya must:
- surrender for trial al1those charged with the crime; and accept
complete responsibility for the actions of Libyan officials;

- disclose al1 it knows of this crime, including the names of al1
those responsible, and allow full access to al1witnesses, docu-
ments and other material evidence, including al1the remaining
timers;Le Royaume-Uni exige que la Libye livre les suspects

4. Aprèsavoir menépendant plus de trois ans une enquêtescientifique
méticuleusepour recueillir des éléments dp ereuves concernantla destruc-
tion de l'appareil, le Royaume-Uni a considéré qu'ilavait identifiéles
deux personnes responsables de l'explosion - qui se trouvaient alors en
Libye - qui auraient agi en tant qu'agents du Gouvernement libyen. La
position du Royaume-Uni est exposéedans: i) la ((déclarationdu procu-
reur général d'Ecossedans l'affaire [des deux suspects]»et ii) «la requête
du procureur général (Procurator Fiscal) du tribunal d'intérêtgénéral
auprès du premier président du tribunal de comté (Sheriffl de South
Strathclyde, Dumfries et Galloway siégeant à Dumfries)), datéestoutes
deux du 13novembre 1991.

Le lendemain, le 14 novembre 1991, le Royaume-Uni a rendu pu-
bliques sesaccusationscontre lesdeux suspects par la voie: i) de la décla-
ration du procureur général d'Ecosse, dans laquelle il avait indiqué:
«je continuerai à m'efforcer defaire en sorte que cette affaire aboutisse
à la conclusion qui convient devant un tribunal, que ce soit dans ce pays
ou aux Etats-Unis» (Nations Unies, doc. N461826; Sl23307, annexe);
et ii) de la déclaration du ministre des affaires étrangères de l'époque,
M. Douglas Hurd, à la Chambre des communes, informant celle-cique:

«il a étédemandé aux autoritéslibyennes de livrer les accusés afin
qu'ils puissent être traduitsen justice. Je réitère cettedemande au
nom du gouvernement tout entier.

Nous espéronsque la Libye accédera pleinement à nos demandes
en livrant les accusés lajustice. C'est ce que veut lajustice. Cet acte

monstrueux ne saurait êtreignoré. » (Nations Unies, doc. N461826;
Sl23307,annexe II.)
5. Le 27 novembre 1991, leGouvernement du Royaume-Uni a publié
la déclaration suivante:

«le Gouvernement [britannique] a exigéque soient livrés lesdeux
accuséspour qu'ilssoient traduits enjustice. Nous n'avons reçu jus-
qu'à présentaucune réponsesatisfaisante des autorités libyennes)),

et il a ajoutéque:

«Les Gouvernements britannique et américaindéclarentce jour
que le Gouvernement libyen doit:
- livrer, afin qu'ils soient traduits en justice, tous ceux qui sont
accusésde ce crime et assumer l'entièreresponsabilitédes agis-
sements des agents libyens;
- divulguer tous lesrenseignementsen sa possession sur ce crime,y
compris les noms de tous les responsables, et permettre le libre
accèsà tous lestémoins,documents et autres preuves matérielles,

y compris tous les dispositifs d'horlogerie restants; - pay appropriate compensation;

We are conveying Our demands to Libya through the Italians, as
Ourprotecting power. We expect Libya to comply promptly and in
full." (See United Nations doc. Al461826;Sl23307,Ann. III.)

The second point seemsto me to be contingent on the first point and the
third point is nothing but a subsidiaryrequest which was apparently not
pursued by the United Kingdom.

6. On the same day, the United Kingdom and the United States,
together with France (which had also been the victim of the destruction
of an aircraft in flight, aA DC10, on 19September 1989,in an attack
allegedlycarried out by Libyan agents), issued a tripartite declaration on
terrorism. The declaration reads in part:
"following the investigation carried out into the bombing[s] of Pan
Am 103 . . the three States have presented specificdemands to the
Libyan authorities related to the judicial procedures that areunder
way. They require that Libya comply with al1these demands, and, in
addition, that Libya commit itself concretely and definitively to

cease al1 forms of terrorist action and al1 assistance to terrorist
groups. Libya must promptly, by concrete actions, prove its renun-
ciation of terrorism." (See United Nations doc. Al461828;S123309,
Ann.)
The main thrust of the United Kingdom's claim was the demand for
the surrender of the suspects. In demandingthe surrender of the suspects,
the United Kingdom took no further action other than issuing a state-
ment or declaration in this respect which wasconveyed to Libya through
the Italian Government as the United Kingdom's protecting power.

Libya's response to the United Kingdom's demand
7. Libya responded to the accusation promptly on 15November 1991
by means of a Communiquéissued by the People's Committee for For-

eign Liaison and International Co-operation (hereinafter "the Libyan
People's Committee") in which it "categorically denie[d]that Libya had
any association with that incident" and "reaffirm[ed] its condemnation
of terrorism in al1its forms". The Communiquécontinued:

"When a small, developing country such as Libya finds itself
accused by super-Powers such as [the United States and] the United
Kingdom, it reserves its full right to legitimate self-defencebefore a
fair and impartialjurisdiction, before the United Nations and before
the International Court of Justice and other bodies.

.............................
We urge the United States and the United Kingdom to be gov-
erned by the logic of the law, by wisdom and by reason and to seek - verser des indemnités appropriées.
Nous transmettons nos demandes à la Libye par l'intermédiaire
des Italiens, qui sont chargésde nos intérê. ous comptons que la
Libye y fera droit promptement et sans aucune réserve.»(Nations
Unies,doc. Al461826;Sl23307,annexe III.)

Le deuxièmepoint me semble subordonné au premier, et le troisième
n'est qu'une demande subsidiaire sur laquelle le Royaume-Uni n'a appa-
remment pas insisté.
6. Le mêmejour, le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que la
France (qui avait été aussi ictime de la destruction d'un aéronef en vol,
un DC 10 d'UTA, le 19 septembre 1989, à la suite d'un attentat qui
aurait été commis par des agents libyens), ont publiéune déclaration tri-
partite sur le terrorisme. Cette déclaration comportait le passage suivant:

«à la suite des enquêtes effectuéessur les attentats relatifs [au vol]
Pan Am 103 ...,lestrois pays ont adresséaux autoritéslibyennesdes
demandes spécifiquesliéesaux procédures encours. Ils exigent que
la Libye accède à toutes ces demandes, et en outre qu'elle s'engage
de façon concrète et définitiveenoncer à toute forme d'action ter-
roriste et tout soutien apporté à des groupements terroristes. La
Libye devra apporter sans délaipar des actes concrets les preuves

d'une telle renonciation. (Nations Unies, doc. Al461828;Sl23309,
annexe.)
L'essentielde ce que réclamaitle Royaume-Uni était que les suspects
lui soient livrés.Pour exiger la remise des suspects, le Royaume-Uni n'a
pris aucune autre mesure que de publier une déclarationà ce sujet, qui a
été transmise à la Libye par l'intermédiairedu Gouvernement italien,

chargédes intérêts du Royaume-Uni.

La réponsede la Libye à l'exigence du Royaume-Uni

7. La Libye a répondu rapidement à l'accusation, le 15 novembre
1991,sous la forme d'un communiqué publié par le comitépopulaire de
liaison avecl'étranger et decoopérationinternationale (ci-aprèsdénommé
«le comitépopulaire libyen))) dans lequel il «dément[ait]catégorique-
ment que la Libye ait [eu]quelque lien que ce soit avec cet accident)) et
«réitér[ait]sa condamnation du terrorisme sous toutes ses formes)). Le
communiquéajoutait :

«Lorsqu'un petit pays en développement comme la Libye est
accusé par des superpuissances comme [les Etats-Unis et] le
Royaume-Uni, il est normal qu'il se réservele droit de se défendre
devant une juridiction juste et impartiale, comme l'organisation des
Nations Unies, la Cour internationale de Justice et d'autres organes.
.............................
Nous demandons instamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni

de s'enremettre à la logique de la loàla sagesseet àla raison et de faire appel au jugement de commissions d'enquête internationales
impartialesou de la Cour internationalede Justice.»(Nations Unies,

doc. 923221, annexe.)
8. Quant à la déclaration tripartite, elle a suscitéde la part du comité
populaire libyen un communiqué du 28 novembre 1991, contenant le
commentairesuivant :

«toutes les demandes présentées[par les trois Etats] bénéficierote
toute l'attention voulue, et les autorités compétentes libyennesles
examineront avec tout le sérieuxrequis, dans le respect desprincipes
du droit international, notamment le droit à la souverainetéet la
nécessitéd'être juste enverl'accusé commeenvers la victime)),

et:
«La Libye juge positive la détente internationale et sa possible
contribution au renforcement de la paix et de la sécuriinternatio-
nales etàl'émergenced'un nouvel ordre international, où toutes les
nations seraient égales,où le respect de la liberté et des choix des

peuples serait assuré et où seraient confirmésles principes relatifs
aux droits de l'homme, les principes énoncésdans la Charte des
Nations Unies et les principes du droit international.)) (Nations
Unies, doc. Al461845,Sl23417,annexe.)
9. Le 2 décembre1991,le comitépopulaire libyen a publié uneautre
déclaration réfutant l'accusationdu Royaume-Uni contre la Libye et se
disant de nouveau prêt à veillerà ce que justice soit faità l'égardde

l'incident de Lockerbie.
10. Ces réponses de la Libye, datées du 15 novembre 1991, du
28 novembre 1991et du 2 décembre1991(évoquées ci-dessus), qui trai-
taient toutes les trois de questions plus générales relativess actes de
terrorisme, attestaient certainementd'un refus catégoriquede la part de
cet Etat d'accéder à l'exigencedu Royaume-Uni tendant à ce qu'il lui
livre les suspects.

Les véritables problèmesqui se posent entre le Royaume-Uni et la Libye

11. Depuis qu'il a rendu public, le 14novembre 1991,son acte d'accu-
sation pour une infraction pénaleayant traità l'incident de Lockerbie, le
Royaume-Uni a accuséla Libye, dans les termes les plus énergiques,
d'avoir des liens avecle terrorismeinternational. La Libye, de son côté, a
affirméqu'aucun agent libyen n'était impliquédans l'incidentde Locker-
bie mais s'estdéclarée disposé e ne ménageraucun effort pour éliminer
le terrorisme international et coopéreravec les Nations Unies cette fin.

En dépitdes accusationsque les deux Etats ont échangées à propos de
leurs positions respectives sur le terrorismeinternational, ce problème
constitue toutefois pas un différendqui oppose les deux Etats en la pré-
sente affaire. En réalité, laLibye insistait pour que toute procédurecedure on its own territory where the suspects were to be found and made
clear that it had no intention of surrendering them to the United King-
dom, although it later expressed its readiness to hand the two suspects
over to a third, neutral, State or to an international tribunal. Libya
accused the United Kingdom of attempting to cause difficulties in
demanding the surrender of the suspects.
12. In fact, what occurred between the United Kingdom and Libya
was simply a demand by the United Kingdom for the surrender to it of
the suspects located in Libya and a refusa1by Libya to comply with that
demand.

In demanding the surrender of the two suspects, the United Kingdom
made an attempt to justify that demand as an appeal that criminal justice
be pursued. The United Kingdom did not claim that Libya would be
legally bound under any particular law to surrender the two suspects. In
none of the documents that it issued did the United Kingdom make any
mention of the Montreal Convention nor did it accept that that Conven-
tion applied to the incident, including the matter of the surrender of the
suspects. Nor did Libya, until January 1992,invoke the Montreal Con-
vention as the basis of its refusa1 to surrender the two suspects to the
United Kingdom.

Libya invokes the Montreal Convention only on 18 January 1992

13. On 18 January 1992, the Secretary of the Libyan People's Com-
mittee addressed a letter to the United States Secretary of State and the
Foreign Secretary of the United Kingdom through the Embassies of Bel-
gium and Italy which were entrusted with looking after the interests of
those two countries in Libya. After pointing out that the United States,
the United Kingdom, and Libya were States parties to the 1971Montreal
Convention, Libya's letter stated:

"out of respect for the principle of the ascendancy of the rule of law
and in implementation of the Libyan Code of Criminal Procedure
. . as soon as the charges were made, Libya immediately exercised
itsjurisdiction over the two alleged offenders in accordance with its
obligation under article 5, paragraph 2, of the Montreal Convention
by adopting certain measures to ascertain their presence and taking
immediate steps to institute a preliminary inquiry. It notified the
States . . that the suspects were in custody . ..

As a State party to the Convention and in accordance with para-
graph 2 of [article 51,we took such measures as might be necessary
to establishOurjurisdiction over any of the offences . . because the
alleged offender in the case was present in Ourterritory.

Moreover, article 7 of the Convention stipulates that the Con-
tracting Party in the territory of which the alleged offender is found
shall, if itoes not extradite him, submit the case to its competentpénaleait lieu sur son propre territoire, ou se trouvaient les suspects, et
indiquait clairement qu'elle n'avait nullementl'intention de livrer ceux-ci

au Royaume-Uni, même si,par la suite, elle s'est déclarée disposée àles
remettre à un Etat tiers, neutre, oà un tribunal international. La Libye
accusait le Royaume-Uni de tenter de créer des difficultésela sommant
de lui remettre les suspects.
12. En fait, ce qui s'estpasséentre le Royaume-Uni et la Libye, c'est
simplement que le Royaume-Uni a exigéque les suspects se trouvant en
Libye lui soient livrés,et que la Libye a refusé d'accédertte demande.

En réclamant laremisedes deux suspects,le Royaume-Uni s'est efforcé
dejustifier son exigenceen la présentantcomme un appel à ce que lajus-
tice pénale soit rendue.l n'a pas prétendu que laLibye seraitjuridique-
ment tenue, en vertu de tel ou tel droit, de lui remettre les deux suspects.
Dans aucun des documents qu'il a publiésle Royaume-Uni n'a men-
tionné la convention de Montréal, pas plus qu'il n'a reconnu que la

convention s'appliquait àl'incident, y comprisà la question de la remise
des suspects. La Libye n'a pasnon plus invoquéla convention de Mont-
réalavant janvier 1992,pour motiver son refus de remettre les deux sus-
pects au Royaume-Uni.

La Libye n'invoquela convention de Montréalque le 18janvier 1992

13. Le 18 janvier 1992, le secrétaire du comité populaire libyen a
adressé unelettre au secrétaired'Etat des Etats-Unis et au ministre des
affaires étrangères du Royaume-Uni par l'intermédiaire des ambas-
sades de Belgique et d'Italie, qui étaientchargéesde veiller aux intérêts
de ces deux Etats en Libye. Après avoir rappelé queles Etats-Unis, le
Royaume-Uni et la Libye étaient parties à la convention de Montréal
de 1971,la lettre de la Libye se poursuivait en ces termes:
«par respect pour le principe de la primautédu droit et en applica-

tion du code libyen de procédurepénale ... dèsque les accusations
eurent été portées, laLibye a exercésa compétence à l'égard des
deux auteurs présumés conformément à l'obligation qui lui incombe
en vertu du paragraphe 2 de l'article 5 de la convention de Montréal
en prenant certaines mesures pour assurer leur présenceet en pre-
nant immédiatementdes dispositions pour ouvrir une enquêtepréli-
minaire. Elle a notifiéaux Etats ..que les suspects étaienten état
d'arrestation...
En notre qualitéd7Etatpartie à la conventionet conformémentau
paragraphe 2 [de l'article51,nous avons pris les mesures nécessaires
pour établir notrecompétenceaux fins de connaître de toutes infrac-
tions ..étantdonné que l'auteurprésumé enl'espèce setrouvait sur
notre territoire.
De surcroît, l'articlede la convention stipule que 1'Etatcontrac-

tant sur le territoire duquel l'auteur de l'infraction est découvert,s'il
n'extrade pas ce dernier, soumet l'affairesesautorités compétentes authorities for the purpose of prosecution and that those authorities
shall take theirdecision in the same manner as in the case of any
ordinary offence of a serious nature under the law of that State."
(See United Nations doc. Sl23441,Ann.)

14. It was in Libya's letter of 18January 1992,as quoted above, that
the 1971 Montreal Convention was first mentioned. The United King-
dom did not respond to that letter. The United Kingdom was then
informed by the Registrar of the Court on 3 March 1992 of Libya's
Application in which reference was again made to the Montreal Conven-
tion. Itis important that this point should not be overlooked in deciding
whether there did or did not exist, on the date of the Application (namely
3March 1992),"any dispute ...concerningthe interpretation or applica-
tion of the [Montreal]Convention which cannot be settled through nego-
tiation" (Montreal Convention, Art. 14,para. 1).

B. The Relevant Issues of International Law

The issues in thepresent case

15. There is no doubt that the 1971 Montreal Convention for the
Suppression of Unlawful Acts against the Safety of Civil Aviation is, in
general, applicable to the destruction of the American Pan Am aircraft
which occurred in December 1988 over Lockerbie in the United King-
dom, as long as both Libya and the United Kingdom are parties to it.

Neither Party seemsever to have doubted that that destruction consti-
tuted a "crime" under the 1971Convention. That point, however, is not
in issue between the two States; nor is the prevention of international
terrorism at issue in this casesince proceedings were brought by Libya
and not by the United Kingdom.

Furthermore, the question of whether the United Kingdom can hold
Libya, as a State, responsible for the acts of Libyan nationals relating to
the destruction of the American Pan Am aircraft over United Kingdom
territory and of whether the explosion was caused by alleged Libyan
intelligence agents ,(which would make Libya responsible for the acts
committed by such persons), werenot at issue either in the present Appli-
cation which was instituted by Libya and not by the United Kingdom.

16. It would be wrong to consider that the present Application con-
cerns the destruction of Pan Am flight 103 or, more generally, the

Lockerbie incident as a whole which constituted an act of international
terrorism. An application of that nature could have been filed by the
United Kingdom but not by Libya.
The issues in the present case submitted by Libya to the Court relate
solely to the demand of the Respondent, the United Kingdom, that the pour l'exercicede l'action pénale,et que ces autorités prennent leur
décisiondans les mêmesconditions que pour toute infraction de
droit commun de caractère grave conformément aux lois de cet
Etat.)) (Nations Unies, doc. Sl23441,annexe.)
14. C'est dans la lettre de la Libye datéedu 18janvier 1992,citée ci-
dessus, que la convention de Montréal de 1971est mentionnéepour la
première fois. Le Royaume-Uni n'a pas répondu à cette lettre. Par la

suite, le 3 mars 1992, il a été informépar'le greffier de la Cour que la
Libye avait déposéune requêtqeui seréféraitde nouveau à la convention
de Montréal. Il importe de ne pas perdre de vue cepoint pour déterminer
s'il existait ou non, la date de la requête(c'est-à-dire le 3 mars 1992),
(([un] différend...concernant l'interprétation ou l'application de la ...
convention [de Montréal] qui ne peut pas êtreréglépar voie de négo-
ciation)) (convention de Montréal,art. 14,par. 1).

B. Les questions pertinentes de droit international

Les questions qui se posent en l'espèce

15. Il ne fait aucun doute que la convention de Montréal de 1971pour
la répression d'actesillicites dirigéscontre la sécuritéde l'aviation civile
s'applique, de manière générale, à la destruction de l'aéronef desEtats-
Unis assurant le vol de la Pan Am qui s'estproduite en décembre1988
au-dessus de Lockerbie, au Royaume-Uni, dès lors que la Libye aussi
bien que le Royaume-Uni y sont parties.
Aucune des deux Parties ne semblejamais avoir douté que cette des-
truction constituait une ((infractionénale))au sens de la convention de
1971. Toutefois, ce point n'estpas en litige entre les deux Etats; la pré-
vention du terrorisme international n'est pas non plus en cause dans la

présenteaffaire puisque la procédure a étéintroduite par la Libye etnon
par le Royaume-Uni.
De surcroît, la question de savoir si le Royaume-Uni peut tenir la
Libye, en tant qu'Etat, responsable des agissements de ressortissants
libyensen liaison avecla destruction de l'aéronefdes Etats-Unis assurant
le vol de la Pan Am au-dessus du territoire du Royaume-Uni et celle de
savoir si l'explosion a étécauséepar des personnes présuméesêtredes
agents de renseignementlibyens (ce qui rendrait la Libye responsable des
actes qu'ils auraient commis) ne sont pas non plus en litige dans la pré-
sente requête, qui a été introduite parla Libye et non par le Royaume-
Uni.
16.Il serait erroné deconsidérerque la présenterequêteconcerne la
destruction de l'appareil assurant le vol Pan Am 103ou, de manière plus
générale, l'incidentde Lockerbie dans son ensemble qui constituait un

acte de terrorisme international. Une requête de cette nature aurait pu
êtredéposée par le Royaume-Uni mais non par la Libye.
Les questions qui se posent dans la présente affaire soumise à la
Cour par la Libye concernent exclusivement l'exigencedu défendeur,leApplicant, Libya, surrender the two suspects identified by the Lord
Advocate of Scotland as having caused the destruction of the Pan Am
aircraft (clearly a crime pursuant to the Montreal Convention) and
Libya's refusa1 to accede to the Respondent's demand. Relations
between those two States regarding the case went no further than this.

Criminaljurisdiction

17. No State is prevented from exercisingits criminaljurisdiction over
a person or persons who ha$e committed a crime on its territory, or a
person or persons who have committed serious damage to its interest or
against its nationals, or who have committed a crime of universal juris-
diction anywhere in the world. Accordingly, there is no doubt that in this
case the United Kingdom is competent to exercise its criminal jurisdic-
tion over the two suspects, whoever they may be and wherever they may
be located.
Conversely, nor is there any doubt that any State is entitled to exercise
itscriminal jurisdiction over a serious crime committed by.its nationals
anywhere, either on its own territory or abroad. Libya's rights in this
respect do not seem to have been challenged by the United Kingdom.

18. Thus, the right to prosecute or punish criminals does not fa11
within the exclusivejurisdiction of any particular State, eitherthe State in
which the crime has been committed (in this instance, the United King-
dom) or the State of which the criminal is a national (in this instance,
Libya). The Libyan suspects in this case are subject to the concurrent
jurisdictions of either the State where they have committed the crime
or of the State where they are located. The Montreal Convention adds
nothing to this general principle and does not deviate at al1from it.
There is no difference in the views of the Applicant and the Respon-
dent regarding the interpretation of those general rules of international
law. There exists, apparently, no dispute in this respect.
19. The issues in this case arose not in relation to a legal question gov-
erning the rights and obligations of either Party to prosecute or punish
the two suspects but are related rather to the fact that while the United
Kingdom demanded that Libya transfer or surrender the two suspects
located on its territory with a view to achieving criminal justice, Libya
refused to accedeto that demand, and, accordingly,the suspects have (so

far) avoided the criminal jurisdiction of the United Kingdom.

Law of extradition

20. States have not been under an obligation to extradite accused per-
sons under general international law but some specific treaties, either CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP.DISSO . DA) 88

Royaume-Uni,que le demandeur,la Libye, livre les deux suspects identi-
fiéspar leprocureur générald'Ecosse(Lord Advocateof Scotland) comme
étantles auteurs présumésde la destruction de l'aéronefde la Pan Am
(ce qui constitue manifestement une infraction pénaleaux termes de la
convention de Montréal) et le refus opposé par la Libye d'accéder à
l'exigencedu défendeur.Les relations entre ces deux Etats à l'égardde
cette affaire n'allaient pas plus loin.

Compétencepénale

17. Aucun Etat n'est empêchd é'exercer sa compétencepénale àl'égard
d'une ou plusieurs personnes ayant commis une infraction pénalesur son
territoire, causéun préjudice graveaux intérêtsde cet Etat ouà ceux de
ses ressortissants, ou commis une infraction pénalequi relèvede la juri-
diction universelleoù que ce soitdans lemonde. Par conséquent,ilne fait
aucun doute qu'en la présente espèce leRoyaume-Uni est compétent
pour exercer sajuridiction pénaleàl'égarddes deux suspects,quels qu'ils
soient, et où qu'ils se trouvent.
Inversement, il ne fait aucun doute non plus que tout Etat a le droit
d'exercer sa compétence pénalelorsqu'une infraction pénale gravea été
commisepar sesressortissants où que ce soit, sur son propre territoire ou
à l'étranger.Les droits de la Libyeà ce titre ne semblent pas avoir été

contestéspar le Royaume-Uni.
18. Ainsi, le droit de poursuivre ou depunir des criminelsne relèvepas
de la compétenceexclusived'un Etat donné,soitceluidans lequell'infrac-
tion a été commise(en l'espèce,le Royaume-Uni) soit celui dont le cri-
minel est ressortissant (en l'espèce,la Libye). Les suspects libyens, en
l'espèce,relèvent des juridictions concurrentes, soit deEtat où ils ont
commis le crime, soit de 1'Etatoù ils se trouvent. La conventionde Mon-
tréal n'ajouterienà ce principe général et nes'enécarte absolumentpas.

Il n'existepas de divergencede vues entre le demandeuret le défendeur
au sujet del'interprétationde ces règlesgénéralesde droit international.
Aucun différendn'existe apparemment à cet égard.

19. Les questionsqui seposaient en la présente affairene portaient pas
sur une question juridique relative aux droits et obligations de l'une ou
l'autre Partie de poursuivreou de punir lesdeux suspects, mais plutôt sur
le fait que, alors que le Royaume-Uni exigeait que la Libye remette ou
livrelesdeux suspects qui setrouvaient sur leterritoire de celle-ciafin que
la justice pénalesoit rendue, la Libye s'est refuséeaccéder àcette exi-
gence, si bien que les suspects ont (jusqu'à présent)évila compétence
pénaledu Royaume-Uni.

Le droit enmatière d'extradition
20. En droit international générall,es Etats ne sont pas tenus d'extra-

der des accusés, maiscertains traités spécifiques,multilatérauxouilaté- multilateral or bilateral, have imposed the obligation on contracting
States to extradite accused persons to other contracting States. The
Montreal Convention is certainly one of those treaties.
An exception to that obligation to extradite criminals is made, how-
ever, in the event that the accused are of the nationality of the State
which is requested to extradite them. This rule of non-extradition of
nationals of the requested State may not seemto be quite appropriatefor

the purposes of criminal justice, as the accused may more adequately be
prosecuted in the country where the actual crime occurred. While no rule
of international law prohibits extradition of nationals of the requested
State, there is a long-standing international practice which recognizes
that there is no obligation to extradite one's own nationals. The
Montreal Convention is no exception as it does not provide for the extra-
dition of nationals of the requested State evenfor the punishment of these
universally recognizedunlawful acts.
The rule of non-extradition of political criminals has long prevailed
but that rule does not apply in the case of some universal crimes, such as
genocide and acts of terrorism.
21. The Montreal Convention, however, goes one step further in the
event that States do not extradite the accused to other competent States,
by imposingthe duty upon the State where the accused islocated to bring
the case before its own competent authorities for prosecution. Under the
Montreal Convention, Libya would thus assume the responsibility to
prosecute the accused if it did not extradite them. Libya has not chal-

lenged this point at all. Libya has claimed that it was proceeding to the
prosecution of the suspects and it has also expressed its willingness to
extradite them to what it maintains are certain politically neutral States.

C. Conclusion

22. Thus conceived, the question relating to the United Kingdom's
demand that Libya surrender the two suspects and Libya's refusa1 to
accede to that demand is not a matter of rights or legal obligation con-
cerningthe extradition of accused persons between the United Kingdom
and Libya under international law nor is it a matter falling within the
provisions of the Montreal Convention. Or, at least, there is no legal dis-
pute between Libya and the United Kingdom concerningthe interpreta-
tion or application of the Montreal Convention which could have been
brought to arbitration or to the Court.
If there is any difference between them on this matter, that could
simply be a difference between their respective policies towards criminal

justice in connection with the question of which State should properly
do justice on the matter. That issue does not fa11within the ambit of
the Montreal Convention.
From the outset, no dispute has existed between Libya and the United
Kingdom "concerning the interpretation or application of the [Montreal]
Convention" as far as the demand for the surrender of the suspects andraux, ont imposé à leurs Etats contractants l'obligation d'extrader des
accusésvers d'autres Etats contractants. La convention de Montréalest

certainement l'un de ces traités.
Toutefois, il est prévu une exceptionà cette obligation d'extrader des
criminelslorsque les accusésont la nationalitéde 1'Etatauquel l'extradi-
tion est demandée.Cette règlede la non-extradition des ressortissants de
1'Etatrequispeut ne pas semblertout àfait appropriéepour servirlesfins
de lajustice pénale,car l'accusépeut mieuxêtrepoursuivi dans lepays où
le crime a effectivementété commisB . ien qu'aucune règlede droit inter-
national n'interdise l'extradition de ressortissants de1'Etat requis, il
existe de longue date une pratique internationale qui reconnaît qu'un
Etat n'est pasobligéd'extrader sespropres ressortissants. La convention
de Montréalne fait pas exception àcettepratique, puisqu'ellene prévoit
pas l'extradition de ressortissants de'Etatrequis mêmepour réprimer
des actes universellementreconnus comme illicites.
La règle de la non-extradition de criminels politiques est appliquée

depuis longtemps, mais ellene s'applique pasà certains crimes universels,
tels que le génocideet les actes de terrorisme.
21. La convention de Montréal, pourtant, va un peu plus loin dans le
cas où lesEtats n'extradentpas lesaccusés versd'autresEtats compétents,
enimposant à 1'Etatoù setrouve l'accusél'obligationde soumettrel'affaire
àsespropres autoritéscompétentespour l'exercicede l'actionpénale.Aux
termesde la convention de Montréal, laLibyeassumerait donc la respon-
sabilité depoursuivrelesaccuséssi ellene lesextradepas. La Libye n'apas
du tout contestéce point. Elle a affirméqu'elleallait engager des pour-
suites contre les suspects et s'est également déclarée disposéees extra-
der vers ce qu'elle qualifie decertains Etats politiquement neutres.

C. Conclusion

22. Ainsi conçue, la question relative à l'exigencedu Royaume-Uni
que la Libye livreles deux suspects et au refus par la Libye d'accéder
cette demande n'estpas une affaire de droits ou d'obligations juridiques
d'extraderdes accusésentre le Royaume-Uniet la Libye envertu du droit
international, ni une affairequi entre dans lesprévisionsde la convention
de Montréal. Ou,du moins, il n'existepas de différendjuridiqueentre la
Libye et le Royaume-Uni concernant l'interprétationou l'application de
la convention de Montréal qui aurait pu êtresoumis à l'arbitrage ouà la
Cour.
Si un différendexiste entre eux à ce sujet, il pourrait êtresimplement
une divergence entre leurs politiques respectivesà l'égardde la justice
pénale,portant sur le point de savoir quel Etat devrait légitimement
rendre la justice en l'espèce.Cette question n'entre pas dans le cadre
de la convention de Montréal.

Dès le départ, il n'existait pas de différend entre la Libye et le
Royaume-Uni((concernantl'interprétation ou l'application dela conven-
tion [deMontréal]))au sujet del'exigencede livrer les suspectset du refusthe refusa1to accedeto that demand - the main issue in the present case
- are concerned. Libya neither presented any argument contrary to that
viewpoint nor proved the existence of such a legal dispute.

23. 1therefore conclude that no grounds exist on which the Court may

exercise its jurisdiction to hear the present Application instituted by
Libya.

x:II. THEQUESTIO ONF ADMISSIBILI TYTHEEFFECT
OF THE SECURITC YOUNCIR LESOLUTIONS

24. As 1 have stated above, 1 am firmly of the view that the Court
lacks the jurisdiction to consider this Application filed by Libya. If the

Court'&jurisdiction is denied, as 1 believe it should be, the issue of
whether the Application is or is not admissibledoes not arise. For me, at
least, it is meaningless to discuss the question of admissibility. However,
the Court, after finding that it
"has jurisdiction, on the basis of Article 14, paragraph 1, of the
Montreal Convention . . .to hear the disputes between Libya

and the United Kingdom as to the interpretation or application
of the provisions of that Convention" (Judgment, operative para-
graph 53 (1) (b)),
continues to deal with the question of admissibility and finds that "the
Application filedby Libya ...is admissible" (para. 53(2) (b)) by "reject-

[ing] the objection to admissibility derived by the United Kingdom from
SecurityCouncil resolutions 748(1992)and 883 (1993)"(para. 53(2) (a)).
Despite the fact that 1 am of the view that the question of admissibility
should not arise since the Court should dismiss the Application on the
ground of lack of jurisdiction, 1 would now like to comment upon the
impact of these Security Councilresolutions, which is the only issuedealt
with in the present Judgment in connection with whether the Application
is admissible or not.
25. Before doing so, 1also have to refer to another point in the Judg-
ment on which 1disagree. The Judgrnent Statesthat the Court

"Declares that the objection raised by the United Kingdom
according to which Security Council resolutions 748 (1992) and
883 (1993) have rendered the claims of Libya without object does
not, in the circumstances of the case, have an exclusivelyprelimi-
nary character." (Operative paragraph 53 (3).)

By finding the Application admissible, the Court certainly indicated
that the objection of the United Kingdom that Libya's claimsare without
object as a result of the adoption of Security Council resolutions 748d'accéder à cette exigence- la question principale en l'espèce.La Libye
n'apas présentéd'argument contraire à ce point de vue ni prouvéI'exis-
tence d'un tel différendjuridique.

23. Je conclus donc qu'il n'existepas de fondement à l'exercicede sa
compétencepar la Cour pour connaître de la présenterequête introduite
par la Libye.

II. LA QUESTION DE LA RECEVABILITÉ - L'EFFET DES RÉSOLUTIONS
DU CONSEI L E SÉCURITÉ

24. Ainsi que je l'ai exposé ci-dessus,je suis fermement convaincuque

la Cour n'est pas compétentepour connaîtrede cette requêtedéposée par
la Libye. Sila Cour dit qu'ellen'estpas compétente,ce qui à mon avis est
le cas en l'espèce,la question de savoir si la requête estrecevable ou non
ne se pose pas. Selon moi, au moins, il est dénué desens d'examiner la
question de la recevabilité.Pourtant, la Cour, après avoir dit

«qu'elle a compétence,sur la base du paragraphe 1 de l'article 14de
la convention de Montréal ...pour connaître des différends qui
opposent la Libye au Royaume-Uni en ce qui concerne l'interpréta-
tion ou l'application des dispositionsde cetteconvention)) (dispositif
de l'arrêt, par.1, al. b)),
traite ensuite de la question de la recevabilité et dit que «la requête

déposée par la Libye ..est recevable))(ibid., par. 2, al. b)) en «rejet[ant]
l'exception d'irrecevabilité tirpar le Royaume-Uni des résolutions748
(1992) et 883 (1993)du Conseil de sécurité))(ibid.p , ar. 2, al. a)). Tout
en considérant que la question de la recevabilité nedevrait pas se poser
puisque la Cour devrait rejeter la requêteau motif qu'ellen'est pas com-
pétente,je voudrais maintenant faire quelques observations au sujet de
l'incidencede ces résolutionsdu Conseil de sécuritéq , ui est le seul pro-
blèmedont traite le présentarrêts'agissant de la question de savoir si la
requête estrecevable ou non.

25. Auparavant, je dois aussi évoquer un autre point de l'arrêt sur
lequelje ne suis pas d'accord. L'arrêt dit quela Cour:
((Déclare que l'exception du Royaume-Uni, selon laquelle les
résolutions748 (1992)et 883 (1993)du Conseil de sécuritéauraient
privéles demandes de la Libye de tout objet, n'a pas, dans les cir-

constances de l'espèce,un caractère exclusivement préliminaire.))
(Ibid., par. 3.)
Enjugeant la requêterecevable,la Cour a certesindiqué quel'exception
du Royaume-Uni, selonlaquelle lesdemandes de la Libye sont privéesde
tout objet du fait de l'adoption des résolutions748 (1992) et 883 (1993)(1992)and 883 (1993)does not have an exclusivelypreliminary character.
In my view,however, this point should not form any separate or distinct
issue from the question of admissibility but should be included in that
question.
1believethat if the adoption of SecurityCouncil resolutions 748(1992)

and 883 (1995) is to be dealt with in connection with the question of
admissibility of the Application, it should be dealt with at the present
(preliminary) stage irrespective of whether this question possesses or not
an exclusively preliminary character. 1 reiterate that the question of
whether Libya's claims are without object because of the Security Coun-
cil resolutions is a matter concerning admissibility which the Court
should have dealt with at this stage.

A. Referral of the Incident to the United Nations - Particularly to the
Security Council- by the Parties and Their Subsequent Actions

26. It should be noted that themajority of the documents issued by the
United Kingdom and Libya were comrnunicated to the United Nations
with the request that they be distributed as documents of both the Gen-
eral Assembly and the Security Council or of the Security Council alone
(seeparas. 4-7 above).

Referral of United Kingdom and Libyan documents to the United
Nations

27. The United Kingdom only transmitted the relevant documents to
the United Nations as late as 20 December 1991 :(i) the announcement
by the Lord Advocate of Scotland and the statement by the Foreign Sec-
retary of the United Kingdom, both of 14November 1991,and the state-
ment issued by the British Government on 27 November 1991were pre-
sented to the United Nations Secretary-Generalon 20 December 1991
and were distributed as document Ai461826and S123307;(ii) the Joint
Declaration of 27 November 1991 was also transmitted to the United
Nations Secretary-General on 20 December 1991 and distributed as

document Ai461828and Sl23309.

28. It was, however, Libya that had already informed the United
Nations Secretary-General of the British statements in which the accusa-
tion that the two suspects were involved in the Lockerbie incident was
made. This occurred well before the United Kingdom transmitted its
documents to the United Nations.
Three documents were transmitted by Libya to the United Nations:
(i) Libya's first Communiquéwas transmitted on 15November 1991to
the President of the Security Council and was distributed as document
Sl23221; (ii) Libya's Communiqué responding to the three States' (the
United Kingdom, the United States and France) Joint Declaration of
27 November 1991 was transmitted on 28 November 1991,and was dis-du Conseil de sécurité, n'apas un caractère exclusivementpréliminaire.
J'estime cependant que ce point ne devrait pas constituer une question
séparée ou distincte de cellede la recevabilitémais devrait faire partie de
celle-ci.
Je considèreque si l'adoption des résolutions748 (1992)et 883 (1993)
du Conseil de sécuritédoit êtreexaminéedans le contexte de la question
de recevabilitéde la requête,elle devrait l'êtreau stade (préliminaire)
actuel,que cettequestion possèdeou non un caractère exclusivement pré-
liminaire.Je répète quele point de savoir silesdemandesde la Libyesont
privéesd'objet en raison des résolutions duConseil de sécuritéest une
question qui concerne la recevabilité,dont la Cour aurait dû traiterce
stade.

A. Les Parties ont porté l'incident devant l'Organisation des Nations
Unies - en particulier le Conseil de sécurit- et ce qu'ellesont fait
par lasuite
26. Il convient d'observerque la majorité des documentspubliéspar le
Royaume-Uni et la Libye ont été communiqués à l'Organisation des

Nations Unies, qui a été priée de les diffuser comme documents de
l'Assemblée généraeltedu Conseilde sécurité ou seulementdu Conseilde
sécurité (voilres paragraphes4 à 7 ci-dessus).

Communication des documents duRoyaume-Uniet de laLibye à I'Organi-
sation des Nations Unies

27. Le Royaume-Uni n'a transmis les documents pertinents à l'Or-
ganisation des Nations Unies que le 20 décembre 1991: i) la décla-
ration faite par le procureur générald'Ecosse et la déclaration du rni-
nistre des affaires étrangèresdu Royaume-Uni, toutes deux datéesdu
14novembre 1991,ainsi que la déclarationdu Gouvernementbritannique
du 27 novembre 1991,ont été transmises auSecrétairegénéral de l'Or-
ganisation des Nations Unies le 20 décembre1991 et ont étépubliées
sous les cotesAl461826et Sl23307;ii) la déclaration communedu 27 no-
vembre 1991a aussi été transmise au Secrétairegénérad le l'organisation
desNations Unies le 20 décembre1991et publiéesous les cotes Al461828

et Sl23309.
28. C'estpourtant la Libye qui avait déjàinforméle Secrétairegénéral
de l'organisation des Nations Unies des déclarationsdu Royaume-Uni
dans lesquelles les deux suspects étaient accusésd'êtreimpliquésdans
l'incidentde Lockerbie. Cela se passait bien avant que le Royaume-Uni
n'ait transmisses documents à l'organisation desNations Unies.
Trois documents ont été transmispar la Libye à l'organisation des
Nations Unies: i) le premier communiqué de laLibye a été transmisle
15novembre 1991au présidentdu Conseil de sécurité et a été distribué
sousla cote SI23221; ii) lecommuniquédela Libyerépondant à la décla-
ration commune des trois Etats (Royaume-Uni,Etats-Unis et France) du
27 novembre 1991a été transmisle 28 novembre 1991et a été distribuétributed as document Al461845and Sl23417; and (iii) a letter dated
18 January 1992from the Secretary of the Libyan People's Committee
addressed to the United States Secretary of State and to the Foreign Sec-
retary of the United Kingdom was transmitted on that same day to the
President of the Security Council and was distributed as document
Sl23441.

Libya's notification of the events to the United Nations

29. The relevant documents were thus transmitted by Libya for distri-
bution to the delegates in the General Assembly and particularly to the
members of the SecurityCouncil. In addition, a fewdays after the United
Kingdom and the United States announced the indictment of the two
Libyan suspects, the Secretary of the Libyan People's Committee sent
letters addressed directly to the United Nations Secretary-General (as
indicated in paragraph 30below) in an effort to draw the attention of the
United Nations member States to the chain of events that had unfolded

since 13 November 1991,particularly in relation to the transfer of the
suspects. Libya seemsto have believedthat the matters involvedwere not
legal issues but were concerned with international peace and security,
and, as such, were to be dealt with by the United Nations.

30. In (i)ts letter to the SecurityCouncil of 17November 1991,issued
as United Nations document Al461660and Sl23226, Libya requested a
dialogue between itself, on the one hand, and the United Kingdom and
the United States, on the other, and expressed its readiness to CO-operate
in the conduct of any neutral and honest enquiry. Libya affirmed its
beliefin the peaceful settlement of disputes, as provided for in Article 33,
paragraph 1, of the Charter, which lays down that the parties to any dis-
pute "shall, first ofall, seek a solution by negotiation, enquiry, media-
tion, conciliation, arbitration, judicial settlement ..";(ii) in its letter of
20 November 1991, issued as United Nations document Al461844and
Sl23416,Libya stated its "unconditional readiness to CO-operatein order
to establishthe truth" and declaredits "readiness to CO-operateto the full
with any impartial international judicial authority". This letter empha-

sized that the Charter "guarantees the equality of peoples and their right
to make their own political and social choices,a right that is enshrined in
religious lawsand is guaranteed by international law"; (iii)in its letter of
8 January 1992, issued as United Nations document Al461841 and
923396, Libya stated:
"If it is a matter of political differences between the three coun-

tries and Libya, then the differences must be discussed on the basis
of the Charter of the United Nations, which does not endorse
aggression or the threat of aggression but rather calls for the resolu-
tion of differencesby peaceful means. Libya has expressed its readi-sous lescotes Al461845et 923417; et iii)une lettre du 18janvier 1992du
secrétairedu comité populaire libyen adresséeau secrétaire d'Etat des

Etats-Unis et au ministre des affaires étrangèresdu Royaume-Uni a été
transmise le mêmejour au présidentdu Conseil de sécurité et a étédis-
tribuée sous la coteSl23441.

Notijication des événementspar la Libye à l'Organisation des Nations
Unies

29. Les documents pertinents ont été donc transmis par la Libyepour
être distribués auxdélégués à l'Assembléegénérale et en particulier aux
membres du Conseil de sécurité. Enoutre, quelquesjours après que le
Royaume-Uni et les Etats-Unis eurent rendu public l'acte d'accusation
contre lesdeux suspectslibyens,le secrétairedu comitépopulairelibyena
envoyé des lettres directementau Secrétairegénéradle l'Organisation des
Nations Unies (commeil est indiquéau paragraphe 30ci-après)pour ten-
ter d'appeler l'attentiondes Etats Membresde l'organisation desNations
Unies sur l'enchaînementdes événements survenusdepuis le 13novembre
1991,en particulier au sujet de la remise des suspects. La Libye semble
avoir considéré queles questions dont il s'agissaitn'étaient pas d'ordre
juridique mais concernaient la paix et la sécuritinternationales et, ce
titre, devaient êtreexaminéespar l'organisation des Nations Unies.
30. i) Dans sa lettre du 17 novembre 1991 au Conseil de sécurité,

publiée commedocument des Nations Unies sous les cotes Al461660et
Sl23226,la Libye demandait qu'un dialogue s'instaure entre elle-même,
d'unepart, et le Royaume-Uni et les Etats-Unis, d'autre part, et sedécla-
rait disposéeà coopérer à toute enquête impartiale et honnêteL.a Libye
sedisaitattachéeau règlement pacifiquedes différendsconformémentaux
dispositions du paragraphe 1 de l'article33 de la Charte, qui stipule que
lespartiesà tout différend«doivent en rechercherla solution, avant tout,
par voie de négociation,d'enquêted,e médiation,de conciliation,d'arbi-
trage, de règlementjudiciaire.» ;ii) dans sa lettre du 20 novembre 1991,
publiéecomme document des Nations Unies sous les cotes Al461844
et Sl23416,la Libye déclarait son ((entièredisposition à coopérer pour
[fairela vérité]))t se disait ((entièrementdisposée coopéreravec toute
instance juridique internationale impartiale)). Cette lettre soulignait
que la Charte ((garantit l'égalientre les peuples et leur droit choisir
librement leurs options politiques et sociales, droit inscrit dans les pré-

ceptes divins[et]dans le droit international)); iii) dans sa lettre du 8jan-
vier 1992,publiée sousles cotes Al461841et Sl23396,la Libye a déclaré:
((S'ils'agitde différendspolitiquesentre cestrois pays et la Libye,
ces différends devraient êtreexaminéssur la base de la Charte des

Nations Unies, qui, loin de sanctionner l'agression ou la menace
d'agression,prône le règlement des différendspar des moyens paci-
fiques. Or la Libye s'est déclarée disposéeà accepter tout moyen ness to pursue any peaceful means that the three countries may
desire for the resolution of existing differences."

31. It is thus clear that the announcement of the Lord Advocate of
Scotland and the United Kingdom's demand for surrender of the two
suspects, and Libya's immediate refusa1to accede to that demand, had
already been notified by Libya to the United Nations on 17November

1991 - not apparently as legal issues existing solely between the two
States but as matters concerning international peace and security in
which the United Nations should be involved.

B. The Security Council Resolutions

Security Council resolution 731 (1992) of 21 January 1992

32. On 20 January 1992 - that is to say two days after the Libyan
letter of 18 January 1992 addressed to the United States and to the
United Kingdom was distributed as a SecurityCouncildocument SI23441
(as stated above in paragraph 28) - the United Kingdom and the United
States,together with France, presented a draft resolution for adoption to
the SecurityCouncil (United Nations doc. S/23762),the main purpose of
which wasto encourage Libya to provide "a full and effectiveresponse to
the requests" (emphasis added) made by the United Kingdom and the

United States.
It should be noted that, in fact, the surrender of the two suspectsto the
United Kingdom (or to the United States) was not mentioned explicitly
in this draft resolution except by a simple reference to the letters repro-
duced in Security Council documents S123306,Sl23307,Sl23308,SI23309
and SI23317(the letters addressed to the United Nations by the United
Kingdom and the United States; SI23306was sent to the Security Coun-
cil by France).
33. On the following day, 21 January 1992,the Security Council was
convened and the agenda - letters dated 20 and 23 December 1991
(Sl23306; Sl23307; Sl23308; ,9123309;and Sl23317) : the letters indi-

cated in the agenda consisted of the letters addressed to the United
Nations Secretary-General by France, the United Kingdom and the
United States, mentioned above - was adopted.
34. Most of the arguments presented were directed at rather general
questions relating to the condemnation or elimination of international
terrorism, on the tacit understanding that the destruction of Pan Am
flight 103 was caused by persons (allegedly Libyan intelligence agents)
now residing in Libya.

The surrender of the two suspects by Libya to either the United King-
dom or the United States was barely addressed in the Security Council
debates. Support for the surrender of the two suspects was mentioned in CONVENTION DE MONTRÉAL DE 1971(OP.DIS.ODA) 93

pacifique souhaité par les trois pays pour résoudre les différends
existants.)

31. Il est donc clair que la déclaration faitepar le procureur général
d7Ecosse,l'exigenceexpriméepar le Royaume-Uni que les deux suspects
lui soient livrésainsi que le refus immédiat opposépar la Libye d'accéder
à cette exigenceavaient déjàété notifiépsar la Libye a l'organisation des

Nations Unies le 17 novembre 1991 - non pas, apparemment, comme
des questions juridiques se posant exclusivement entre les deux Etats,
mais comme des problèmes concernant la paix et la sécuritéinternatio-
nales dans lesquelsl'organisation des Nations Unies devraientintervenir.

B. Les résolutions duConseil de sécurité

La résolution731 (1992) du Conseil de sécurité du 21janvier 1992

32. Le 20 janvier 1992 - c'est-à-dire deuxjours après que la lettre
du 18janvier 1992adresséepar la Libye aux Etats-Unis et au Royaume-
Uni eut été distribuée comme document du Conseil de sécuritésous la
cote SI23441(voir ci-dessuspar. 28) - le Royaume-Uni et les Etats-Unis
ainsi que la France ont présentéau Conseil de sécurité,en vue de son
adoption, un projet de résolution (Nations Unies, doc. S/23762),dont le
principal objet était d'encourager la Libye «à répondre de façon com-
plèteet effective aux demandes» (les italiques sont de moi) faites par le

Royaume-Uni et les Etats-Unis.
Il convient de noter qu'en fait la remisedes deux suspectsau Royaume-
Uni (ou aux Etats-Unis) n'était pas mentionnéeexplicitement dans ce
projet de résolution, sauf par un simple renvoi aux lettres reproduites
dans les documentsdu Conseil de sécurité, publiéssous lescotes Sl23306,
Sl23307, Sl23308, SI23309et SI23317(les lettres adressées à l'organisa-
tion des Nations Unies par le Royaume-Uni et les Etats-Unis; la lettre
adresséeau Conseil de sécuritépar la France portait la cote Sl23306).
33. Lelendemain, le 21 janvier 1992,le Conseil de sécurités'estréuni
et a adoptéson ordre dujour - lettres datées des20 et 23 décembre1991
(Sl23306; Sl23307; Sl23308; SI23309et Sl23317) :les lettres figuraàt
l'ordre du jour étaient celles, mentionnéesci-dessus, que la France, le

Royaume-Uni et lesEtats-Unis avaient adresséesau Secrétairegénéral de
l'organisation des Nations Unies.
34. La plupart des arguments présentésportaient sur des questions
assez générales relativesà la condamnation ou à l'éliminationdu terro-
risme international, et il était tacitement entendu que la destruction de
l'appareil assurant le vol 103de la Pan Am avait étécauséepar des per-
sonnes (présuméesêtredes agents de renseignement libyens) qui rési-
daient alors en Libye.
Durant les débatsau Conseil de sécuritéla question de la remise des
deux suspects par la Libye, soit au Royaume-Uni, soit aux Etats-Unis, a
été à peine abordée. Dans leurs déclarations devant le Conseil seuls lethe debates in only the statements of the United Kingdom and of the
United States. The United States representative said:
"The resolution makes it clear that the Council is seeking to
ensure that those accused be tried promptly in accordance with the
tenets of international law. The resolution provides that the people
accused be simplyand directly turned over to thejudicial authorities
of the Governments which are competent under international law to
try them." (United Nations doc. SlPV.3033,p. 79.)

The United Kingdom's representative said :
"We verymuch hope that Libya will respond fully, positivelyand
promptly, and that the accused will be made available to the legal
authorities in Scotland or the United States ... The two accused of
bombing Pan Am flight 103 must face, and must receive a proper
trial.Since the crime occurred in Scotland and the aircraft was

American, and since the investigationhas been carried out in Scot-
land and in the United States, the trial should clearly take place in
Scotland or in the United States. It has been suggested the men
might be tried in Libya. But in the particular circumstances there
can be no confidence in the impartiality of the Libyan courts."
(Zbid.,p. 105.)
35. In the meeting that took place on 21 January 1992,the Security
Council unanimously adopted resolution 731 (1992) which includes the
following :

"TheSecurity Council,
.............................
Deeply concernedover the results of investigations ... which are
contained in Security Council documents that include the requests
addressed to the Libyan authorities by ... the United Kingdom ...
and the United States ... in connection with the legal procedures
related to the attac[k] carried out against Pan Am flight 103 .. .;

Determined to eliminateinternational terrorism,
.............................

2. Strongly deplores the fact that the Libyan Government has not
yet responded effectively to the above requests to cooperate fully in
establishing responsibility for the terrorist ac[t]... against Pan Am
flight 103 .. .;
3. Urges the Libyan Government immediately to provide a full
and effective response to those requests so as to contribute to the
elimination of international terrorism;
4. Requests the Secretary-General to seek the cooperation of the
Libyan Government to provide a full and effectiveresponse to those
requests" (emphasis added).Royaume-Uni et lesEtats-Unis sesont déclarés favorables à la remise des
suspects. Le représentantdes Etats-Unis a déclaré:

«Il ressort clairement de la résolutionque l'objectif recherchépar
le Conseil est de faire en sorte que les accuséssoient jugésprompte-
ment conformément aux principesdu droit international. La résolu-
tion stipule que les personnes accuséessoient simplement et directe-
ment remises aux autoritésjudiciaires des gouvernements qui, en
droit international, sont compétentspour lesjuger.»(Nations Unies,
OC.SlPV.3033,p. 78-79.)

Et le représentantdu Royaume-Uni a dit:
«Nous espéronsvivement que la Libye répondra complètement,
positivement et promptement, et que les accusésseront livrésaux
autoritésjudiciaires en Ecosse ou aux Etats-Unis ...Les deux per-
sonnes accuséesd'avoir détruitl'avion assurant le vol 103de la Pan
Am doivent se présenterdevant la justice et être dûmentjugées.Le
crime ayant eu lieu en Ecosse, l'avion étantaméricain,et l'enquête

ayant étéconduite en Ecosse et aux Etats-Unis, le procèsdevrait de
toute évidence sedérouleren Ecosse ou aux Etats-Unis. Il a été sug-
géréque ces hommes pourraient êtrejugésen Libye. Mais, dans ces
circonstances particulières, on ne peut avoir confiance dans l'impar-
tialitédes tribunaux libyens. (Zbid.,p. 104.)
35. Lors de sa séancedu 21 janvier 1992, le Conseil de sécuritéa
adopté àl'unanimité la résolution731 (1992),qui comporte les passages
suivants:

«Le Conseil de sécurité,
.............................
Profondémentpréoccupépar ce qui résultedes enquêtes ...et qui

est mentionné dans les documents du Conseil de sécuritéqui font
état des demandes adresséesaux autoritéslibyennes par les Etats-
Unis d'Amérique ..et le Royaume-Uni ..liéesaux procéduresjudi-
ciaires concernant[l']attentatperpétrécontre ..l[e]vol 103de la Pan
Am ...;
Résolu à éliminerle terrorisme international,

2. Déplorevivementle fait que le Gouvernement libyen n'ait pas
répondueffectivement àcejour aux demandes ci-dessus decoopérer
pleinement pour l'établissementdes responsabilitésdans [l']acteter-
roriste..contre l[e]vol 103de la Pan Am ..;

3. Demande instamment aux autoritéslibyennesd'apporter immé-
diatement une réponse complète eteffective à ces demandes afin de
contribuer à l'éliminationdu terrorisme international;
4. Prie le Secrétairegénéradle rechercher la coopérationdu Gou-
vernement libyen en vue d'apporter une réponse complète eteffec-
tiveà ces demandes))(les italiques sont de moi).It should be noted that, although the surrender of the two suspects was
not specifically mentioned in the resolution, the "request" referred to
therein meant mainly the surrender of the suspects, and that the Security
Council referred to the request of the United Kingdom and of the United
States that Libya CO-operatein establishing responsibility for the terrorist
act, which request, as 1repeat, included a cal1for the surrender of the two
suspects.

36. The Secretary-General presented a report on 11 February 1992,
issued as United Nations document Sl23574,pursuant to paragraph 4 of
Security Council resolution 731 (1992) in which the Secretary-General
gave a report on the visit of his mission to Libya and transmitted Libya's
viewpoint. On 3 March 1992,the Secretary-General presented a further
report on the same issue as United Nations document SI23672 which
concluded that :

"it will be seen that while resolution 731 (1992) has not yet been

complied with, there has been a certain evolution in the position of
the Libyan authorities since the Secretary-General'searlier report of
11February 1992".
It was on that very date, 3 March 1992, that Libya filed the Appli-
cation in the present case instituting proceedings against the United
Kingdom on "questions of interpretation and application of the [1971]
Montreal Convention arising from the aerial incident at Lockerbie".

The meaning of Security Council resolution 731 (1992)

37. It appears from this chain of events dating from November 1991to
the date of the Application, namely 3 March 1992,that what concerned
Libya was the fact that, on the basis of a proposa1 made by the United
Kingdom and the United States, as well as France, the Security Council
had passed resolution 731 on 21 January 1992by which it "urge[d] the
Libyan Government immediately to provide a full and effectiveresponse
to those requests so as to contribute to the elimination of international
terrorism" (emphasisadded) ("those requests" being mainly the requests
of the United Kingdom and the United States for surrender of the sus-
pects).
The United Kingdom and the United States did not at that time appear
to have considered that there was a "dispute" between themselves and
Libya within the meaning of Chapter VI of the United Nations Charter,
as is clear from the fact that the UnitedKingdom and the United States
participated in the voting on that SecurityCouncil resolution 731 (1992).
Libya appears to have considered that the United Kingdom and the
United States would have been wellaware that their demand, now called

a "request", would have had to be made simplyfrom the standpoint of a
political consideration that international terrorism should be condemned
and eliminated.Il convient d'observerque même slia résolutionne fait pas explicitement
mention d'une remise des deux suspects, la «demande» qui y est men-
tionnéevise surtout à l'obtenir, et que le Conseil de sécurité évoqulea
demande adresséepar le Royaume-Uni et les Etats-Unis à la Libye de
coopérer à l'établissementdes responsabilités dans l'acte terroriste,
demande qui, je le répète,comporte un appel à livrer les deux suspects.

36. Le 11 février 1992, le Secrétaire généraa l présentéun rapport
publiécomme document des Nations Unies sous la cote 923574, en
application du paragraphe 4 de la résolution 731 (1992) du Conseil de
sécuritéd, ans lequel il rendait compte de sa mission en Libye et faisait
connaître le point de vue dela Libye. Le 3 mars 1992, leSecrétairegéné-
ral a présentéun rapport supplémentaire sur la mêmequestion publié
comme document des Nations Unies sous la cote Sl23672,qui concluait
que :

«Il résultede ce qui précèdeque si les autoritéslibyennes ne se
sont pas encore conforméesaux displositionsde la résolution 731
(1992),ellesont infléchileur position depuis le rapport précédt u
Secrétaire généraeln date du 11février1992.»

C'est à cette mêmedate, le 3 mars 1992, que la Libye a déposé sa
requêteintroductive d'instance contre le Royaume-Uni sur des «ques-
tions d'interprétationet d'application de la convention de Montréal [de
197 11résultant del'incident aériende Lockerbie».

La signiJicationde la résolution 731(1992) du Conseil de sécurité

37. Il ressort de cette suite d'événementssurvenus entre novembre
1991et la date du dépôt dela requête,à savoir le 3mars 1992,que ce qui
préoccupait la Libye étaitle fait que, sur la base d'une proposition pré-
sentéepar le Royaume-Uni et les Etats-Unis, ainsi que par la France, le
Conseil de sécuritéavait adopté la résolution731le 21janvier 1992,aux
termesdelaquelleil «demand[ait]instammentauxautoritéslibyennesd'ap-

porter immédiatement une réponse complète ee tffective ces demandes
afin de contribuer à l'éliminationdu terrorisme international)) (les ita-
liques sont de moi) («ces demandes))étantessentiellementles demandes
du Royaume-Uni et des Etats-Unis que les suspects soient livrés).
Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ne semblaientpas avoir considéré à
l'époquequ'ilexistaitun ((différend),u sensdu chapitre VI de la Charte
des Nations Unies, entre eux-mêmes et la Libye, commele montre clai-
rement le fait que le Royaume-Uniet lesEtats-Unis ont participéau vote
sur cette résolution 731 (1992) du Conseil de sécurité.La Libye paraît
avoir penséque le Royaume-Uni et lesEtats-Unis devaient bien serendre
compte qu'ils devraient formuler leur exigence, désormaisqualifiéede
«demande», simplement sous l'angle d'uneconsidération politique, qui
étaitde faire condamner et d'éliminerle terrorisme international. 38. The United Kingdom and the United States were apparently of the
view, on 20-21 January 1992,that Libya's refusa1to surrender the two
suspects named in connection with the Lockerbie incident would have
consequences for the maintenance of international peace and security,
and should have been dealt with by the Security Council which has pri-
mary responsibility for that object. It may be assumed that the United
Kingdom and the United States would have known that the demand
would not be a matter that could be dealt with from a legalpoint of view.

The fact that, on 21 January 1992, the Security Council dealt unani-
mously with the Lockerbie incident as a matter connected with interna-
tional peace and security had nothing to do with the issue of whether or

not the United Kingdom and the United States had legal competence to
require the surrender of the two suspects and of whether or not Libya
was obliged to surrender them under the provisions of the Montreal Con-
vention. These separate issues should be examined on their own merits.

Security Council resolutions 748 (1992) and 883 (1993)

39. The United Kingdom and the United States appear, after the filing
of Libya's Application in the present case, to have considered that
Libya's firm resistance to the surrender of the two suspectswould consti-
tute "threats to the peace, breaches of the peace, and acts of aggression"
(United Nations Charter, Chap. VII). In fact, the United Kingdom and
the United States, together with France, submitted another draft resolu-
tion to the Security Council on 30 March 1992 (United Nations doc.
Sl25058).This appeal by the United Kingdom and the United States (as
wellas France) to the Security Council to adopt a draft resolution under
Chapter VI1of the United Nations Charter was not directlyrelated to the
present Application filed by Libya on 3 March 1992and had been under
negotiation in the Security Council before that date.

40. On 31 March 1992, the Security Council, "acting under Chap-
terVI1of the Charter", adopted resolution 748(1992).The United King-
dom and the United States, as sponsoring States, ensured that the pro-
posa1 before the Security Council stated that it was "deeply concerned
that the Libyan Government has still not provided a full and effective

response to the requests in its resolution 731" (emphasis added).

During the meeting in the Security Council, the United States repre-
sentative said:
"We have called upon Libya to . . turn over the two suspects in
the bombing of Pan Am 103for trial in either the United States or
the United Kingdom ... This resolution also makes clear the Coun-
cil'sdecisionthat Libya should complywith those demands." (United
Nations doc. SlPV.3063,p. 66.) 38. Le Royaume-Uniet lesEtats-Unisconsidéraientapparemment, les
20 et 21janvier 1992,que le refus de la Libye de livrer les deux suspects
dont les noms avaient été mentionnéd sans le cadre de l'incidentdeLoc-

kerbie aurait des conséquencessur le maintien de la paix et de la sécurité
internationales et qu'il y avait lieu d'en saisir le Conseil de sécu, uiq
exerce la responsabilitéprincipale dans ce domaine. On peut supposer
que le Royaume-Uni et les Etats-Unis devaient savoir que leur exigence
n'était pasune questionqui pouvait êtreexaminéed'un point de vuejuri-
dique.
Le fait que, le 21 janvier 1992,le Conseil de sécuritéa étéunanime
pour considérer l'incidentde Lockerbiecommeune question liée à la paix
et àla sécuritéinternationales n'a rieà voir avec le point de savoir si le
Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient ou non compétence,en droit,
pour exigerla remisedes deux suspects,et sila Libyeétait ou nonobligée
de leslivrer en application des dispositions de la conventionde Montréal.
Ces questions séparéed sevraientêtreexaminéesen fonction des éléments
qui leur sont propres.

Les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité

39. Le Royaume-Uni et lesEtats-Unis semblent avoir considéréa ,près
le dépôt dela requête dela Libye en la présente affaire,que l'opposition
fermemanifestéepar la Libye àla remisedes deux suspectsconstituaitun
cas de ((menacecontre la paix, de rupture de la paix et d'acte d'agres-
sion» (chapitreVI1de la Charte desNations Unies). En fait, le Royaume-
Uni et les Etats-Unis, ainsi que la France, ont proposé un autre projet
de résolutionau Conseil de sécuritéle 30 mars 1992 (Nations Unies,
doc. Sl25058).L'appel lancé à cette occasion par le Royaume-Uni et les

Etats-Unis (ainsi que par la France) au Conseil de sécuritépour que
celui-ci adopte un projet de résolution en vertu du chapitre VI1 de la
Charte des Nations Unies n'était pasdirectement lié àla requêtedéposée
en la présenteinstance par la Libye le 3 mars 1992et avait fait l'objet
de négociationsau Conseil de sécurité avant cette date.
40. Le 31mars 1992,le Conseil de sécurité(,(agissanten vertu du cha-
pitreVI1de la Charte)), a adopté la résolution748 (1992). LeRoyaume-
Uni et lesEtats-Unis, commecoauteurs, ont veillé à cequela proposition
soumise au Conseil de sécuritéindique que celui-ci était ((gravement
préoccupé de ce que le Gouvernement libyen n'ait pas encore donné une
réponse complète eteffectiveaux demandes contenuesdans sa résolution
731 » (les italiques sont de moi).
Au cours du débatau Conseil de sécuritél,e représentantdes Etats-
Unis a déclaré:

«Nous avons demandé à la Libye ...qu'elle...livre lesdeux sus-
pects dans l'explosion du vol Pan Am 103, afin qu'ils soient jugés
soit aux Etats-Unis soit au Royaume-Uni ..Cette résolution sou-
ligne clairement que le Conseil a décidque la Libye devait se con-
former à ces exigences.» (Nations Unies, doc. SffV.3063, p. 66.)The United Kingdom representative stated:

"We were especially grateful to the Arab Ministers who went
to Tripoli last week to seek to persuade the Libyan leader to
comply and hand over the accused so that they could stand trial.
The three CO-sponsorsof the resolution have taken the greatest
care to allow time for these efforts to bear fruit." (United Nations
doc. SlPV.3063,p. 69.)

In fact the demand for the surrender of the suspects was insertedmpli-
citly into that resolution, although its main purpose was to condemn the
Lockerbie incident itself totally and also, more generally, acts ofor-
ism in which Libya was allegedlyinvolved.The SecurityCouncil decided
to impose economic sanctions upon Libya.

41. Having obtained no positive result from Security Council resolu-
tion 748 (1992), the United Kingdom and the United States (together
with France) again took the initiative in proposing a renewed resolution
to the Security Council (United Nations doc. Sl26701) which, on
11 November 1993, adopte Security Council resolution 883 (1993),
along similar lines to reso?on 748 (1992).In that meeting the United
States representativeaid "[wle await the turnover of those indicted for
the bombing of Pan Am 103" (United Nations doc. SlPV.3312,p. 41),
and the United Kingdom's representative stated:

"if the Secretary-General reports to the Council that the Libyan
Government has ensured the appearance of those charged with the
Lockerbiebombing before the appropriate United States or Scottish
court . . then th6Security Council will reviewthe sanctions with a
view to suspending them immediately" (ibid p..,5).

C. Conclusion

42. The question nmains whether these Security Council resolutions,
particularly resolutions,748 (1992)and 883(1993),which wereadopted
after the filingofhe&pplication in this case, bear on the present case as
brought by Libya. Inc,other words, the question of whether Libya's
3 March 1992Application has become without object after the adoption
of these 31 March 19921and 11November 1993Security Council resolu-
tions is distinct fromhe case as presented by Libya. If there is any dis-
pute in this respect, itld be a dispute between Libya and the Security
Council or between Libya and the United Nations, or both, but not
between Libya and the United Kingdom.

The effect of the Security Council resolutions (adopted for the aim of
maintaining international peace and security) upon member States is a Et le représentantdu Royaume-Uni s'estexpriméen ces termes
«Nous sommes en particulier reconnaissants aux ministres arabes

qui se sont rendus la semaine dernière à Tripoli pour essayer de
persuader le dirigeant libyen de se conformer à la résolution en
livrant les accusés afin qu'puissent êtrejugés. Lestrois auteurs de
la résolutionse sont efforcés minutieusementde faire en sorte que
le temps permette à ces efforts de porter fruit.» (Nations Unies,
OC.SlPV.3063,p. 68-69.)

En fait, l'exigenceque les suspectssoientlivrésa éinséréeimplicitement
dans cette résolution,bien que le principal objet de celle-ci ait étéde
condamner l'incidentde Lockerbie lui-mêmedans sa totalitéet aussi, de
manière plus généralel,es actes de terrorisme dans lesquels la Libye
aurait été impliquée. Le Consed ile sécurita décidé d'imposer des sanc-
tions économiques à la Libye.
41. N'ayant pas obtenu de résultatspositifsà la suitede l'adoption de
la résolution748 (1992) du Conseil de sécuritél,e Royaume-Uni et les
Etats-Unis (ainsiquela France) ont pris de nouveau l'initiativede propo-
ser une nouvelle résolution au Conseil de sécurité(Nations Unies,
doc. Sl26701)qui a adopté,le 11novembre 1993,la résolution883 (1993)
du Conseil, qui allait dans le mêmesens que la résolution 748 (1992).
Lors de cette séance,le représentant des Etats-Unis a déclaré:«Nous
attendons que les accusésde l'attentat contre le vol Pan Am 103 nous

soient remis» (Nations Unies, doc. SlPV.3312,p. 51) et le représentant
du Royaume-Uni a déclaréque:
«si le Secrétaire générailnformait le Conseil que le Gouverne-
ment libyens'engage à fairecomparaître devant le tribunal américain
ou écossaisappropriéceux qui sont accusésde l'attentat de Locker-
bie...le Conseil de sécurité réexamineraaitlors les sanctions en vue

de les suspendre immédiatement))(ibid.,p. 58).

C. Conclusion

42. Il reste la question de savoir si ces résolutionsdu Conseil de sécu-
rité,en particulier lesrésolutions748(1992)et 883(1993),adoptéesaprès
le dépôt de la requêteen l'espèce,ont des incidences sur la présente
affaire telle qu'elle a étésoumise par la Libye. En fait, la question de
savoir si la requête introduitele 3 mars 1992par la Libye est devenue
sans objet après l'adoption de ces résolutions du Conseil de sécuritdu

31 mars 1992et du 11novembre 1993a un caractère distinct de l'affaire
que la Libyea soumise à la Cour. Siun différendexisteà ce sujet,il pour-
rait s'agird'un différendentre la Libye et le Conseil de sécur,u entre
la Libye et l'Organisation des Nations Unies, ou les deux, mais nonpas
entre la Libye et le Royaume-Uni.
L'effetdes résolutionsdu Conseil de sécurité (adoptéesdansle but de
maintenir la paix et la sécuriinternationales)sur les Etats Membres estmatter quite irrelevant to this case and the question of whether Libya's

Application is without object in the light of those resolutions hardly
arises.

43. Even though 1found that Libya'sApplication should be dismissed
owing to the Court's lack ofjurisdiction,nonetheless wanted to express
my view that these Security Council resolutions, which have a political
connotation in dealing with broader aspects of threats to the peace or
breaches of the peace, have nothing to do with the present case, which,
had there beenjurisdiction, could have been submitted to the Court as a
legal issue which existed betweenthe United Kingdom and Libya, and
between the United States and Libya, before the resolutions wereadopted
by the Security Council.

(Signed S)higeru ODA.une question qui est tout à fait dénuéede pertinence dans la présente
affaire, et la question de savoir si la requêtede la Libye est devenue sans

objet après l'adoption de ces résolutionsne se pose guère.

43. Tout en estimant que la requêtede la Libye devrait êtrerejetéeau
motif que la Cour n'est pas compétente,je tenais néanmoins à exprimer
l'avisque ces résolutionsdu Conseil de sécurit, ui ont une connotation
politique concernant les aspects plus générauxdes menaces à la paix ou
des ruptures de la paix, n'ont aucun rapport avecla présenteaffaire,qui,
sila Cour était compétente,aurait pu luiêtresoumisecomme un point de
droit opposant le Royaume-Uni et la Libye, et les Etats-Unis et la Libye,
avant que les résolutionsne soient adoptéespar le Conseil de sécurité.

(SignéS )higeru ODA.

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Document Long Title

Opinion dissidente de M. Oda (traduction)

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