Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

Document Number
078-19930614-JUD-01-07-EN
Parent Document Number
078-19930614-JUD-01-00-EN
Document File
Bilingual Document File

OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Troisdécenniesaprèsl'entrée envigueu drelaconvention deGenèvede
1958sur le plateau continental et aprèsque bien des faits nouveaux sont

intervenusdans le domaine de la délimitation maritime,le paragraphe 1
de l'article 6 de la convention se trouve maintenant appliqué pour la
première fois par la Cour. Des problèmes passablement difficiles se
posent. Je souscris l'arrêt maisdésireformuler derséservessur certains
points etprésenter des observationsadditionnellessur d'autres. Dans les
sixparties qui suivent,j'expose ma façon de voir concernant, respective-
ment :1)lerégimede délimitationapplicableau plateau continental; 2)la
proportionnalité; 3)la disparité delongueurs de côtes; 4) la détermina-
tiond'une ligneéquitable;5)lacompétencepour établiruneligneunique;
6) la question de savoir s'ilentre dans la frontièrejudiciaire de la Cour
de tracer une lignede délimitation.

PREMIÈR EARTIE. LE RÉGIME DE D~LIMITATION APPLICABLE
AU PLATEAU CONTINENTAL

i) La question centrale
En l'espèce,la Cour est directement confrontée, commeelle ne l'a été
dans aucune autre affaire,àd'importantes questions d'interprétationdu

paragraphe 1 de l'article6 de la convention de Genèvede 1958sur le
plateau continental (laconventionde 1958).Lesdeux Partiesontreconnu
que cette disposition a établiune règleconjuguant l'équidistanceet les
circonstancesspéciales,mais àpartir de cepoint leurspositions divergent
nettement. Sion laisse de côtéà ce stade, les autres argumentsinvoqués
des deux côtés,on peut dire qu'en pratique la position du Danemark a
consistéà affirmer que cetterèglecombinéenepouvait êtredistinguéd ee
la règledu droit international coutumierselonlaquelle l'équidistanceest
une méthode quine doitpas êtrepréférée à d'autres méthodes possibles,
lechoixd'uneméthode particulièreétantfaitdans chaque caspar l'appli-
cationdeprincipes équitables,comptetenu descirconstancespertinentes.

La Norvège,pour sa part, a soutenu qu'en l'absence d'accordil fallait
déterminers'il existe des circonstances spécialeset que si, comme elle
l'affirmait,iln'en existepas, c'estalors,auxtermesdeladispositionconsi-
dérée,«la lignemédianequi estla ligne de délimitation».Selonlesmots
du procureur générad l e la Norvège

((L'élément principalde ce libelléest impératifet d'exécution
automatique : «à défaut d'accord ..[la]délimitationest constituée
par lalignemédiane ».Aucundétourn'esteffectuépar lamention de ((principes» qui nécessitentune «application », comme au para-
graphe 2 relatif aux Etats adjacents. Les termes employés sont
directs et d'effetdispositif, et ne laissentplace qu'à un seul élément
d'appréciation laclauserestrictivepour lecasoù lescirconstances
spécialesjustifientune autre délimitation.»(CR 93/6, p. 43,18jan-
vier 1993,M.Haug,coagent dela Norvège;voirégalementCR 93/8,
p. 49,52,53,20 janvier 1993.)

J'interprète l'arrêt comme signifianqtue la Cour, pour l'essentiel, fait
sienne l'interprétationdonnée par la Norvège à cette disposition en ce
sensque,sielleavaitconstatéqu'iln'existepasde circonstancesspéciales,
ellen'aurait euaucune raison de déplacerla lignemédiane,qui aurait dès
lorsformélalignededélimitation.Etantdonnéquecetteinterprétationde
ladisposition enquestionpeut fort biendifférerde cellequi estplusgéné-
ralement acceptée,j'estime de mon devoir d'expliquer pourquoi je
l'appuie.

ii) Lesprincipesde délimitatiode la conventionde Genèvede 1958
surleplateaucontinentalsont applicables

Il convienttout d'abord d'examinerla questiongénérale del'applicabi-
lité des dispositionsde la convention de 1958relatives àla délimitation.
Les deux Parties reconnaissent que la convention est en vigueur à leur
égard. Toutes deux sont également signataires de la convention des
Nations Uniessurledroit de lamer de 1982(laconvention de 1982),mais
elles nel'ont pas ratifiée,et cetteconvention n'estpas encore en vigueur.
Toutefois, il est généralement admisque les principes directeurs de la
conventionde 1982,ou à tout lemoinslesprincipespertinents enl'espèce,
sont l'expression du droit international coutumier, bien que l'on puisse

débattredu point de savoir quelles sont exactement les dispositions à
considérer commetelles(voirl'affaire de la Délimitationdeszones mari-
times entre le Canada et la France, sentence du 10janvier 1992,para-
graphe 42 de l'opinion dissidente de M. Prosper Weil, se référantaux
paragraphes 75et suivants de la sentence).
En affirmant que la convention de 1958 est encore en vigueur, les
Parties ne sembleraientpas s'écarterde lajurisprudence qui existeen la
matière.Dans l'affaire concernant la Délimitationduplateau continental
entreleRoyaume-Unide Grande-Bretagneet d'IrlandeduNordetla Répu-
bliquefrançaise,1977(Recueildes sentencesarbitrales(RSA),vol. XVIII,
p. 165-167),la Franceafaitvaloirquelesnouvellestendances qui sedéga-
geaient alors et qui ont pris forme plus tard dans la convention de 1982
avaient rendu caduque la convention de 1958, à laquelle tant la France
quele Royaume-Uniétaientparties. Cet argumenta été rejeté, letribunal

arbitral considérant que,dans les limitesfixéespar certaines réservesde
la France concernant la convention de 1958,celle-ci était en vigueur à
l'égarddes deux Etats (ibid.,p. 166,par. 48).Dans l'affaire concernant la
Délimitationde lafrontièremaritimedans la région dugolfedu Maine,la
Chambre a étéd'avisque la convention de 1958ne s'appliquait pas àladélimitationpar une ligneunique du plateau continental et de la zone de
pêche entre leCanada et les Etats-Unis d'Amérique, mais elle a claire-
mentconsidéréque laconventionétaitenvigueur àl'égard desdeux Etats

pour ce qui étaitdu plateau continental,en dépit de l'évolutionde ce con-
cept après 1958,et qu'elle aurait étéapplicable s'ils'était agiuniquement
de délimiterle plateau continental (C.I.J. Recueil 1984, p. 301, par. 118,
p. 303,par. 124; voir égalementl'Arbitrage entrele Canada et la France,
1992,sentence,par. 39 et 40,et la convention de 1982,art. 83et 311).
Toutefois, tout en reconnaissant que les dispositions du paragraphe 1
de l'article 6 de la convention de 1958relatives à la délimitation sont
encore envigueurentrelui etla No~ège, leDanemark soutient qu'ellesne
sontpasapplicables dans cecasparticulier du fait que l'affaireportesur la
délimitationparune ligneunique aussibien du plateau continentalque de
la zone de pêche.Dans la cinquièmepartie, j'indiquerai les motifs pour
lesquelsje ne suispas d'accord aveccetteaffirmation. Si le Danemark a

tort sur ce point, il s'ensuit qu'ayant reconnu que la convention est en
vigueur entre les Parties le paragraphe 1 de l'article 6 est applicable en
l'espèce.
Lesarguments touchant le rapport opérationnel précis entreles dispo-
sitions de la convention de 1958et celles de la convention de 1982pour-
raient être complexes,particulièrement en ce qui concerne les articles 83
et 311de cette dernière (voir, entre autres auteurs, Lucius Caflisch, «La
délimitation des espaces entre Etats dont les côtes se font face ou sont
adjacentes »,dans René-JeanDupuy et Daniel Vignes (dir. publ.), Traité
du nouveaudroitdela mer, 1985, p. 374).Toutefois, pour lesraisonsexpo-
sées,je propose departirdu principe que laCour esttenue d'appliquer les
dispositions relatives a la délimitation du paragraphe 1 de l'article 6 de
la convention de 1958en tant que dispositions d'une conventioninterna-
tionale générale «établissant des règlesexpressémentreconnues par les

Etats en litige» au sens de l'alinéaa) du paragraphe 1de l'article 38 du
Statut de la Cour. L'interprétationde cesdispositions estuneautre chose.
Elle fait l'objet du reste de la présente partie.

iii) La questiongénéralede l'interprétationdu paragraphe 1 de I'article6
de la conventionde 1958

Pour résoudre les questions d'interprétation qui se posent, il faudra
consulter un corpus dejurisprudence dont les principaux élémentssont
indiquésdans lanote de bas de pageci-dessous ',pour lesquelsj'utiliserai

' Plateau continentalde la mer du Nord, C.I.J.Recueil 1969, p. 3; Délimitation du
Républiquefrançaise, 1977, RSA, volXVIII,rp. 130; Plateau continental (Tunisie/
Jamahiriya arabe libyenne),C.Z.J.Recueil1982,p. 18;Délimitationde lafrontière mari-
time dans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 246; Plateaucontinental
(Jamahiriyaarabelibyenne/Malte),C.I.J.Recueil1985,p. etDélimitationdesrégions
maritimes entrele Canadaet laFrancsentencedu IOjuin1992. les appellations abrégées affaires de la Mer du Nord, Arbitragefranco-
britannique, affaire Tunisie/Libye, affaire du Golfe du Maine, affaire

Libye/Malteet ArbitrageentreleCanada etlaFrance,respectivement. Bien
que ces affaires puissent nous aider, elles ne préjugent pas des réponses
auxquestions posées.Dans lesaffaires de la Merdu Nord,la Cour a dit ce
qui suit

«Les considérationsqui précèdent amènentnéssairementlaCour
àconclure que l'article 6de la convention de Genèven'estpas appli-
cable en tant que tel aux délimitationsviséesen l'espèce;il devient
donc superflu de traiter de certaines questions d'interprétation ou
d'application qui pourraient se poser s'il en allait autrement.»
(C.I.J. Recueil1969,p. 27,par. 34.)

Cettedisposition n'étaitpas en causedans l'affaire Tunisie/Libyeni dans
l'affaire Libye/Malte, la Libye n'étant paspartie à la convention. Dans

l'affairedu Golfedu Maine,comme on l'avu,la Chambre a estiméque ces
dispositions, qui auraient autrement été applicables, ne s'appliquaient
pas àla délimitationpar une ligneunique du plateau continental et de la
zone depêche(C.I.J. Recueil1984,p. 300-303,par. 115-125).Dans l'affaire
de l'ArbitrageentreleCanada etla France,letribunal arbitral a adoptéune
position analogue en cequiconcerneladélimitation par une ligne à toutes
fins (sentence, par. 39 et 40). Dans l'Arbitragefranco-britannique, cette
disposition estintervenue et aétéinterprété pear letribunal arbitral (RSA,
vol.XVIII,p. 175,par. 70,etp. 188,par. 97).Cetteinterprétation seraexa-
minéeplus loin.
La doctrine est fort enclineàconsidérer que lajurisprudence a donné
unecertaineinterprétation à l'article6delaconvention de 1958;quecette
interprétation s'écarte,vrai dire,des termes deladisposition etmêmeen
altère sensiblement l'esprit; mais que la déviation ainsi introduite

est maintenant bien établie dans le droit existant; et que ce serait donc
faireun effortfutile, voire inadmissible, derévisionnismequede s'interro-
gersurlesensinitial deladisposition encause.Toutenrespectant cepoint
de vue, le juriste qui se penche sur le problème n'en désire pas moins
connaître le cheminement juridique précisde la penséequi a abouti àun
changementaussiremarquable. Il faut allerau-delàdesimpressions ;ilne
suffit pas de s'entendre dire,mêmeavec assurance,qu'indépendamment
de la signification qu'elleavait en 1958cettedisposition doit maintenant
être interprétéeet appliquée conformément à la jurisprudence qui s'est
dégagée depuislors. Certes, mais comment? Et dans quelle mesure?
Le changement n'a pas pu se produire par osmose. Si cette disposition
doitmaintenant s'entendre autrementqu'ellen'aurait étéentendue à l'ori-
gine, est-cele résultat de l'évolution ultérieuredu droit intervenue pour

modifierla disposition au sens législatif?Si, comme il le semble, il n'y a
pas eu de modification de ce genre, l'interprétation différentequ'il faut
donner aujourd'hui à cette disposition résulte-t-elle de l'interprétation
judiciaire que la Cour estime devoirsuivre, mêmesi elle n'est pas obligéede s'en tenir aux précédents? S'il n'en est pas ainsi, comment est-on
parvenu à transformer le sens initial d'une disposition conventionnelle
aussi importante?
Voyons d'abord la possibilité d'une modification. La mesure dans la-
quelle il faut tenir compte,dans l'interprétationet l'applicationd'un traité,
de l'évolutionultérieuredu droit afaitl'objet de nombreux débats '.Qu'il
faille en tout cas en tenir compte concernant des dispositions conven-
tionnelles de caractèrejuridictionnel et normatif semblealler de soi(Pla-
teau continental de la mer Egée, C.I.J.Recueil 1978,p. 32-34,par. 77-80;
ibid., p. 68-69 et note 1, p. 69, opinion dissidente de M. de Castro). Il

faut plusparticulièrement tenir compte de l'évolution ultérieuredu droit
international coutumierlorsqu'on applique lesdispositions de la conven-
tion de 1958(Arbitrage franco-britannique, 1977,RSA,vol. XVIII, p. 166,
par. 48; voir aussi Golfedu Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 291,par. 83).
Il faut donc avoirà l'esprit que l'article 76 de la convention de 1982a
introduit une nouvelledéfinition de la limiteextérieure du plateau conti-
nental.Il n'estguèrecontestéquecelle-ciremplace la définition différente
énoncée a l'articlepremier de la conventionde 1958(Tunisie/Libye, C.I.J.
Recueil 1982, p. 114-1 15,par. 52-53,opinion individuelle de M. Jiménez
de Aréchaga).Mais on voit moinsbien comment on en est arrivélà.
On peut parfois régler leproblème qui se pose lorsque deux règles se

rapportant à une mêmequestiondiffèrent en considérantqu'ellessont en
réalité complémentaires(Sociétéd'électricité de Sofia et de Bulgarie,
C.P.J.I.sérieA/B no77,p. 75etsuiv.;voiraussi ibid,p. 136etsuiv.,opinion
individuelle de M. De Visscher). En cas de conflit inconciliable (comme
dans le cas présent),un systèmejuridique intégré offriraitune méthode
permettant de déterminerlarèglequiprévaut enfin de compte,car on ne
peut soumettre simultanément les mêmesfaits à deux règlescontradic-
toires.M.Anzilotti ne semblepas avoirretenu cettepossibilitélorsqu'il a
dit:

«11estévidentque,dans lemêmeordrejuridique, ilnepeut yavoir
à la fois deux règlesvisant les mêmesfaits et reliant à ces faits des
conséquences contradictoires ..» (ibid.,p. 90, opinion individuelle;
voir aussi ibid.,p. 105,opinion dissidente de M. Urrutia. Voir égale-
ment C.I.J.Mémoires,Essais nucléaires (Australiec. France), vol. 1,
p. 238,M. Elihu Lauterpacht, Q.C.).

Comment le problème a-t-il été résolu en l'espèce? La définition du
plateau continental de 1958n'aurait pas pu être remplacéepar celle de

l Voir,entre autres auteurs,K..Yasseen, ((L'interprétationdes traités d'après la
G. E. do Nascimento e Silva,«Le facteur temps et lestraités»,RCADZ,t. 154(1977-1),
p. 266et suivT.O. Elias, «The Doctrine of Intertemporal Law»,AmericanJournalof
InternationalLaw,1980,vol.74,p.285etsuiv.;sirHumphrey Waldock, «The Evolution
of Human Rights Concepts and the Application of the European Convention on
Human Rights», dans Mélangesofferts à Paul Reuter, 1981, p. 535, 536, 547; et
sir Ian Sinclair, TheViennaConventionontheLaw ofTreaties,2eed.,p. 124-126,139-140. 1982par un déplacementde traité étantdonnéquela convention de 1982
n'est pas en vigueur. Cette substitutiontient-elle au fait qu'en droit inter-

national coutumierlanouvelledéfinition l'emporte sur l'ancienne? En ce
qui concernetout au moinsla limite des 200milles habituellement appli-
quéeau plateau continental (sur laquelle porte la présente opinion), il
sembleraitpréférablede considérerquelanouvellelimiteopère au niveau
du droit international coutumier. Si la règle de 1958 est considérée
uniquement comme une règleconventionnelle,la situation est qu'aune
règlecoutumièrel'emporte sur un traitéantérieur ..»(Paul Reuter, Intro-
duction au droit des traités,1989,p. 107-108,par. 216). Mais,bien sûr, la
'même règlepeut exister defagon autonome envertu du droitinternational
coutumier aussi bien qu'en vertu du droit international conventionnel l.
La limite prescrite par l'article premier de la convention de 1958était
considéréecomme exprimant elle aussi le droit international coutumier
(Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil1982,p. 74,par. 101,seréférant aux affaires

de la Merdu Nord).Vuesous cet angle, ilest évidentqu'elle seraitrempla-
céepar la limite différente prescrite par le droit international coutumier
postérieur tel que reflétée l'article 76de la convention de 1982.
Parconséquent,que larègleprescrite par l'articlepremier delaconven-
tion de 1958soit considéréecommeune règlepurement conventionnelle
ou aussi comme une règle de droit international coutumier, force est
d'admettre qu'ellea étémodifiép ear l'article 76de la convention de 1982
qui s'appliquerait en tant que droit international coutumier. Les deux
Partiesontenfaitraisonnéen sebasant surl'hypothèse quelalimiteappli-
cable estcelledes200millesconformémentau droitcoutumierinternatio-
nal contem~orain.
Mais à mes yeux il n'ya eu aucune modification des dispositions de la
convention de 1958relatives à la délimitation.Dans les affaires de la Mer
du Nord,la Cour a estimé qu7«il ne semblepas que les articles 1et 2de la

convention de Genèveaient un rapport directavec une délimitationentre
Etats en tant que telle» (C.I.J. Recueil1969,p.40, par. 67). Lesméthodes
de délimitationprévues àl'article 6 ne dépendaient pas des limites exté-
rieuresparticulièresfixéespour leplateau continental. Lesmodifications
apportéesultérieurement à ces limitesne devraient pas avoir d'effet sur
l'applicabilité continuede cesprocédures. 11estcertain,comme ila été dit
plus haut, que toute application des principes de délimitation de la
convention de 1958devrait tenir compte de l'évolutiondu droit concer-
nant la question qui fait l'objet de la requête, mais cela n'impliquepasà
mon sens qu'ilfaillemodifier de quelquefaçon lesprincipes de délimita-
tion eux-mêmes.
Les Etats ont le droit de déroger d'un commun accord aux règlesde

droit international autres que celles du jus cogens(qui ne semble guère

' YearbookoftheZntemationalLuwCommission,1950,vol.II,p.368,par.29;Activités
militairesetparamilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis
rique), compétenceet recevabilité,C.I.J. Recueil 1984,p. 424, etibid.,fond,
C.I.J.Recueil1986,p.93-94,par. 174-175.avoir d'application, voire aucune, dans ce domaine). Ilspourraient donc
fort bien établir entre eux une méthodede délimitation conventionnelle
différentede cellequi s'appliquerait envertu du droit international géné-
ral. Selonl'interprétation quej'en donne, les affaires de lardu Nord
signifient que le régimede délimitation établipar la convention de 1958
différaitde celui que prévoyaitle droit international général.Rien n'est
venu ultérieurement mettre fin au régimeconventionnel ainsi établi en
1958.Sanss'attarder davantage sur l'historique de la question, il y a lieu
de releverl'objectionélevéeavecsuccèscontretoutemention del'équidis-
tance dans lesdispositions delaconvention de 1982relativesà ladélimita-
tion, mais,àjuste titre selon moi, les Parties n'ont pas suggéréque cette

convention renferme une disposition quelconque qui vienne modifier
les dispositions de la convention de 1958relativeà la délimitation dans
les cas où ces dernièressont applicables.
Nous avonstraité de la modification. Voyons maintenant l'interpréta-
tionjudiciaire. Dans la mesure où les dispositions de 1958concernant la
délimitationont faitl'objetd'une interprétationde la Cour, sitant estque
cela ait étéle cas, j'hésiteraisexprimer un avis différent, eu égard en
particulier au rôlejouépar la Cour dans ledéveloppementdu droit. Mais,
comme l'indique leparagraphe 45del'arrêt quinous occupeaujourd'hui,
laCour n'ajamais eu àseprononcer sur une affaireconcrèteen sefondant
sur cesdispositions et ellen'a donc pas eu l'occasion de prendre position
avec autorité sur l'interprétation de leur libellé exact. Comme indiqué
plus haut, une interprétation a été donnéear le tribunal arbitralanco-
britannique (RSA,vol. XVIII, p. 174-175,par. 68et 70,et p. 181,par. 84).

Pour lesraisonsquej'exposerai plusloin, iln'yapas,selon moi, de motifs
suffisants pour laCour de suivrecettedécisionen l'espèce.
A monsens, leschosesseprésententcommececi :lorsqueenvertu d'une
obligation conventionnelle la délimitationdu plateau continental entre
lesparties estrégiepar lesdispositions delaconvention de 1958relatives
la délimitation,comme c'estle casici,la Coura ledevoird'appliquer non
pas une quelconquejurisprudence concernant ces dispositions, mais ces
dispositions elles-mêmesau sens où elles doivent être entendues lors-
qu'ellessontinterprétéesselonlesprincipes applicables à l'interprétation
destraités.La question qui sepose alors est cellede savoir dans quelsens
ces dispositions doivent être comprises lorsqu'ellessontainsi interprétées.

iv) L'équidistanceestensoiuneméthode technique,
mais,tellequ'énoncéeà l'article6delaconventionde 1958,
ellefait partie d'unerèglededroit

Je ne partage pas l'opinion, émisepar des sourcestrès autorisées,que
l'idéede l'équidistancen'est pas inhérenteà la notion de plateau conti-
nental (Merdu Nord, C.I.J.Recuei1l 969,p. 23,par. 23,p. 33-34,par. 48-50,
et p. 46-47,par. 85).En elle-mêmel,'équidistanceestune méthode techni-
que etnon un principe de droitinternational. Mais rienne conduitsérieu-
sement à penser que l'emploi d'une méthodetechniquedans des circons-tances prescrites ne peut pas être dictépar une règlede droit. «La vraie

question)), comme l'a fait valoir avecraison le professeur Jaenicke (aux
arguments duquel je me référeraiassez fréquemment au sujet de la
convention de 1958),
«n'est pas de savoir si la méthodede l'équidistanceest une règleou
un principe de droit, cequ'ellen'estcertainementpas,maisplutôt de
savoir s'il existeune règlede droitquiprescrit lescirconstances dans

lesquelles la méthodede l'équidistance déterminela lignede délimi-
tation.» (C.I.J. Mémoires,Plateau continental de la mer du Nord,
vol. II, p. 13.)
Il me semble qu'il existeune telle règle,c'est-à-direune règlequi prévoit,
entermesimpératifs,quelaméthodede l'équidistance doitêtreemployée
pour établirlalignede délimitationenl'absence etd'accord etde circons-

tances spéciales.
Nul doute que, comme l'afait observer M. Jaenicke :
Lorsque les experts recommandèrent à la Commision du droit
international en 1953 la méthode de l'équidistance en parlant
du ((principe »de l'équidistance,ilestcertain qu'ilsne lerecommen-
daient pas en tant que «principe de droit». Pour eux, il s'agissait

surtout d'un principe de construction géométrique pouvant être
utilisépour définir la lignede délimitation..»(Ibid.)
Mais la Commission du droit international était une commission de
juristes et non un comité d'experts techniques. C'est effectivement la
Commission qui a adopté cette méthode dans le contexte du plateau
continental. L'équidistance en soi est assurément restéeune méthode
géométriquemêmeaprès avoir été incorporéeau paragraphe 1 de l'ar-

ticle6 de la convention de 1958.Mais elle occupe aujourd'hui une place
dans le cadre normatif d'une disposition conventionnelle qui stipulait
que,dans certaines circonstances, la ligne de délimitationest la ligne mé-
diane. Utiliséedans ce cadre, elle est devenue partie intégréed'unerègle
de droit. Avec sa compréhension habituelle des principes, M. Tanaka
a présenté la questionde la façon suivante :

Nous sommes en présence d'une norme technique de caractère
géométrique,appelée règledel'équidistance,quipeut êtreappliquée
dans le domaine géographique. Cette norme, qui est en elle-même
d'ordre technique, constitue une solution commode mais dont
l'application estlaisséeau choixdesintéressés,c'est-à-direqu'elle est
facultative; le seul effet de son inobservation est que le résultat
qu'elle aurait permis d'atteindre ne sera pas obtenu. Cette norme
technique et géométriquepeut êtru etiliséepour délimiterle plateau
continental. Le législateur,conscientde l'utilitéde cetteméthode du
point de vuejuridique, ena faitune norme de droit.
Ainsi la méthodede l'équidistance, entant quetechnique de déli-
mitation simple, se trouve consacrée en droit, que ce soit au para- graphe 2 de l'article 6 de la Convention de Genève ou dans le droit
international coutumier relatif au mêmesujet. Du fait que sa valeur
juridique a étéreconnue et qu'ellea étéérigéeennormd ee droit, elle
a acquis une force obligatoire qu'elle n'avait pas lorsqu'il s'agissait
simplement d'une norme technique. » (Mer du Nord, C.I.J.Recueil
1969,p. 182-183.)
Cela aété affirmédansune opiniondissidente.Mais ilmesembleque la
Cour elle-mêmea égalementreconnu que l'article 6 de la convention de
1958a effectivement eu pour effet de conférerune force normative àla

méthode technique de l'équidistance lorsqu'elle a dit ce qui suit:
Eu égard aux considérations qui précèdent, laCour conclut que
la Convention de Genèven'a ni consacré ni cristalliséune règlede
droit international coutumier préexistante ou en voie de formation
selonlaquellela délimitation du plateau continental entreEtats limi-
trophes devraits'opérer, saufsilesPartiesendécidentautrement,sur
labase d'unprincipe équidistance-circonstancesspéciales.Une règle
abien été établiepar l'article6de laConvention, maisuniquementen
tant que règleconventionnelle. Il restà voir si elle a acquis depuis

lors un fondement plus largecar, comme règleconventionnelle, elle
n'est pas opposable à la République fédérale, ainsique la Cour l'a
déjà constaté.D (Ibid.,p. 41,par. 69.)
La convention ne représentaitdonc pasune quelconque règlecoutumière
de droitprescrivant qu'en l'absence d'accord la délimitationdoives'opé-
rer sur labase d'un principe équidistance-circonstancesspéciales ; mais il
n'y avait pas de doute qu'une ((règlea ..étéétabliepar l'article 6 de la
convention »etilsuffit de laconsulter pour s'assurerque cette règlestipu-
lait bien que la méthode de l'équidistance devait être employée dans

certaines circonstances.
Dans l'affaire duGolfeduMaine,la Chambre a sembléreconnaître que
le (droit international particulie>)ne peut contenir
«une quelconque règle de droit requérant spécifiquement des
Parties,et par conséquentde la Chambre,l'application à la délimita-
tion recherchéede certains critères ou de certaines méthodes prati-
ques déterminées » (C.I.J.Recueil1984,p. 300,par. 114).

A mon avis, l'article 6 de la convention de 1958contient incontestable-
ment une règlerequérant spécifiquement l'emploide I'équidistance en
tant que méthode pratique de délimitation lorsque certaines conditions
prescritessont remplies.

v) La disposition équidistance-circonstancesspéciales consiste
en une règlerequéranlt'emploide l'équidistancesausf'ilexiste
descirconstancesspéciales

Endépitdesaviscontraires que l'onpeuttrouver dans lesouvrages ilne
paraît pas possible de faire abstraction de la distinction que le para-
graphe 1de l'article 6 de la convention de 1958établitprima facieentrel'élémenltignemédianeetl'élémenc tirconstancesspécialesde la disposi-
tion considéréelorsqu'il stipuleu'a àdéfaut d'accord, etàmoins que des
circonstances spéciales ne justifient une autre délimitation, celle-ci est
constituée par la ligne médiane)). Pour appliquer l'un de ces deux
éléments, ilfaut de toute évidencetenir compte de l'autre, et en ce sensje
reconnais qu'ilsconstituent une règleunique combinée; mais il n'en faut
pas pour autant perdre de vue quecette règleunique combinéeestformée
de deux éléments. Il est difficile de comprendre comment la distinction
évidenteentrecesdeux elémentset lerapport entrela règle etl'exception

que cette distinction établit entre eux peuvent être effacéspar le simple
fait de les désigner sous le nom de règle «équidistance-circonstances
spéciales». En recourant à une appellation plutôt que de procéder à
une analyse, on s'expose au risque d'encourir ce que, dans un autre
contexte, T. J. Lawrence appelait «le reproche de prendre l'obscurité
pour de la profondeur » l.
Il convient desedemander quel estlerapport exactentre l'élémend tela
règlequi serapporte àl'équidistanceet celuiqui a trait auxcirconstances
spéciales.Dans les affaires de la Mer du Nord, la République fédérale
d'Allemagne invoquait pour argument que

«Les débats [àla Commission du droitinternational] au sujet de la
réservedes «circonstances spéciales» ont montréque cette clause

était entendue non pas comme une exception limitée à une règle
d'application générale,mais plutôtau sens d'une méthode pouvant
remplacer, avec un rang égal,la méthodede l'équidistance. » (C.I.J.
Mémoires,Plateaucontinentalde la mer du Nord,vol. 1,p. 68.)

Devant cet argument, le Danemark a présenté(dans lesaffaires de la Mer
du Nord)une observation qui reste pertinente eu égard à la façon dont la
question a ététraitéepar la suite,savoir que

«La Républiquefédéralecherche ..à amenuiser la forcejuridique
du ((principe de l'équidistance» en gonflant tellement la portée de
l'exception des «circonstances spéciales» qu'elle fait presque du
((principede l'équidistance»l'exception plutôt que la règle.»(Ibid.,
p.205.)

On sait que, devant l'inquiétude expriméeà la Commission du droit
international au sujet des difficultés que pourrait causer dans certaines
circonstancesl'application de laméthodede l'équidistance,lerapporteur

spécial,M. François, a suggéréque l'équidistance ne soit admisequ'aen
règlegénérale »,mais cettesuggestion s'estheurtée àune opposition àla
suite de laquelle M. Spiropoulos a proposé une clause restrictive
«à moins que des circonstancesspécialesnejustifient une autre ligne de

1 T.J. Lawrence, The Principlesof InternatLaw,l7e éd.,1930, préfaceà la
premièreédition,pvii.

105délimitation»(A/CN.4/SR.204, p. 16,par. 62).Detoute évidence,l'inclu-
sion des termes «en règlegénérale)) auraitpu ôter sa signification à la
disposition relativeà l'équidistance. Selon Hersch Lauterpacht, «l'on
peut soutenir non sans quelque apparence de raison qu'ils retirent tout
caractèrejuridique àla disposition)) (ibid.,p. 13,par. 47). Sans vouloir
aller aussiloin, on peut admettre que tel pourrait,tout le moins,êtrele
résultat pratique de l'emploi sous la formeadjective de ce que. Albert
Thomas aappeléunjour «le fameux «généralemen» t qu'on trouveainsi
dans un grand nombre de textes »(Compétence de I'OITpourlaréglemen-
tation internationaldesconditionsde travaildespersonnesemployées dans
l'agriculture,C.P.J.I.série no1,p. 136).Il sembleclair que la réservede
M. Spiropoulos, qui a été adoptéev ,isaitàéviterce risque età préserver
l'intégritéde la disposition, laquelle il ne peut être dérogqu'en invo-
quant l'exception.
Aussi connue qu'ellesoit, il est néanmoinsutile de rappeler l'observa-
tion de la Commission du droit international sur le projet de disposition

qui est devenu par la suitel'article 6de la convention de 1958

«81. Pour ce qui est de la détermination des limites du plateau
continental, la Commission a pu, dans une certaine mesure,s'inspi-
rer de propositions faites par le Comitéd'experts chargéde la déli-
mitation des eaux territoriales. Dans son projet préliminaire, la
Commission,qui, à l'époque,nedisposait passur cepointde ladocu-
mentation technique et des avis d'experts indispensables, s'était
contentéede proposer que leslimites du plateau continental contigu
aux territoiresd'Etats limitrophes soient fixées par voie d'accord
entre les parties et qu'à défaut d'accordelles soient déterminéespar
arbitrageexaequoet bono.En ce qui concerneleslimites du plateau
continentald'Etats dont les côtesse font face, elle proposait la ligne
médianesousréservede soumettre àl'arbitrage lescasoù la configu-
ration descôtespourrait fairesurgirdesdifficultés pour letracéde la
ligne médiane.
82. Tenantcomptedesconclusions du Comitéd'experts dontilest
questionplus haut, la Commission a estimé qu'elleétait maintenant

en mesure de formuler une règlegénérale f, ndée surle principe de
l'équidistance, applicable aux limites du plateau continental aussi
bien lorsqu'il s'agitEtats limitrophes que d'Etats dont les côtes se
font face. La règleainsiproposée peut êtreodifiée par accord entre
lesparties. Au surplus, si,dans'uneet l'autre éventualitél,eslimites
sontdéterminées,engénéral,palr a règledel'équidistanced,es modzj?-
cationspeuvent êtreapportées à cette règlelorsquedescirconstances
spécialejsustifient letracéd'une autrelimite.Comme pour leslimites
des eaux territoriales, il doit êtreprévuqu'on peut s'écarterde la
règlelorsqu'une configuration exceptionnellede la côte ou encore la
présenced'îlesou de chenaux navigables l'exigent.La règleadoptée
estdoncpar làdotéed'une certaineélasticité D.ufait del'existencede
la clausegénéraled'arbitrage ...aCommission n'apas estiménéces- saire de prévoirune clausespécialeen vue de soumettre àl'arbitrage
les différends qui pourraient naître en la matière. Ici l'arbitrage
dont on attend qu'il tienne compte des circonstances spéciales
exigeant la modzjlcationdu principe générd aléquidistance - ne se
présentepas commeun arbitrage exaequoetbono.C'estsurlabasedu
principegénéraq lue doit êtreendul'arbitrage,considéré commeun
règlement fondé sule r droitsous réservedes modificationsraison-
nables commandéespar lescirconstancesspécialesdes casd'espèce. »
(Nations Unies, Documentsofficiels deIXssemblée générale,huitième
session,supplément no9 (A.1'2456)~((Rapport de la Commission du
droit international sur les travaux de sa cinquièmesession tenue du
le'juin au 14août 1953»,p. 16-17,par. 81-82,note omise; les ita-

liquessont demoi; voirégalement C.I.J.Mémoires,Plateac uontinen-
taldela merduNord, vol. 1,p. 18.)
L'accent mis par la Commission du droit international (et non par
lecomitéd'experts) surlarèglede l'équidistance,entantque règles'appli-
quant «en général))et sur le fait que «des modifications peuvent être
apportées à cette règlelorsque des circonstances spécialesjustifient le

tracé d'une autrelimite» ou en tant que ((principegénéra ..sous réserve
des modifications raisonnables commandées par les circonstances spé-
ciales des cas d'espèce» ne saurait être concilié avec l'opinion selon la-
quelle la Commission a considéré laréserveforméepar les «circons-
tancesspéciales »comme «une méthodepouvant remplacer,avecunrang
égal,la méthode de l'équidistance» (voir également C.I.J. Mémoires,
Plateau continentalde la mer du Nord, vol. 1, p. 203 et suiv., contre-
mémoiredu Danemark).
Il est indubitable, comme l'ont fait observer certains auteurs, que les
comptesrendus desdébats de 1956de la Commission du droitinternatio-
nal comme de ceux de la quatrième commission de la conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer de 1958font apparaîtreune prise de
consciencecroissante de la nécessitéde parvenir à une ligne de délimita-
tion équitable par le recours à la disposition des «circonstances spé-

ciales» dans les cas où, en raison de ces circonstances, la méthode de
l'équidistancesetraduirait parun résultatinique.Faisantallusionen 1956
àcetype de circonstances,laCommission du droitinternational a dit que :
«Ce cas pourra seprésenterassez souvent. La règleadoptéeest donc par
là dotéed'une certaine souplesse. »(Annuairede la Commisssiondudroit
international,1956, vol. II, p. 300.) Les travaux préparatoires de la
Commissionmontrent en effet à suffisancecombiencetteexceptionavait
étéjugée indispensable à l'application de la règle (Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p. 92-95,opinion individuelle de M. Padilla Nervo).
DevantlaCommission,en 1956,sirGerald Fitzmaurice adéfendulepoint
de vueselonlequel :

«les circonstancesspécialesseront la règleplutôt que l'exception,à
causedesdifficultéstechniques queprésente l'application exacte du
principe de laligne médiane;d'autre part, cetteméthode peut prêter à critique s'ilarrive que la configuration de la côte la rende injuste,
dans le cas, par exemple,où la laisse de basse mer, qui constitue la
ligne de base,risque de subir avec le temps des modifications maté-
rielles duesàl'envasement ou àl'ensablement. Il faudrait donc indi-
quer dans le commentaire qu'il est fort possible que les cas excep-
tionnelssoient assezfréquents. »(Annuairedela Commissiondudroit
international, 1956,vol.1,p. 164,par. 28.)

Mais les raisons données pour soutenir que les «circonstances spéciales
serontla règleplutôt quel'exception »portaientsur l'application pratique
de la disposition et non sur son caractère juridique. Quelle que soit la
fréquenceaveclaquelle il faillerecourir aux circonstancesspéciales,cela
ne saurait modifier la structurejuridique de la disposition, qui érige de
toute évidence l'équidistanceen règle, lescirconstances spéciales étant
l'exception.
Pour en revenir au débat dans les affaires de la Mer du Nord,

sir Humphrey Waldock a bien présenté la situationlorsqu'il a dit que les
termes «àmoinsque »et ((spéciales»donnaient à cetteclause la marque
d'une exception (C.I.J. Mémoires,Plateau continentalde la mer du Nord,
vol. II, p. 267)et lorsqu'il a ensuiteajouté
«A notre avis, les expressions «à moins que », «circonstances

spéciales», «ne justifient », et «une autre délimitation», qu'elles
soient considéréesséparément ou ensemblef,ont sans nul doute de
cette clause une exception à la «règle générale)) ou,comme l'a
dit la Commission, au ((principe généra» l de l'équidistance.»(Ibid.,
p. 280.)

Ces solidesargumentsdoivent avoir été peséspar la Cour lorsque, àson
tour, elle a parlé de «l'exception des «circonstances spéciales)) (C.I.J.
Recueil I969,p. 36,par. 55;lesitaliquessont de moi).Parlant sur un ton à
peine différent, le tribunal arbitral franco-britannique a désigné cette
disposition sous le nom de ((condition relative aux «circonstances
spéciales »(RSA,vol. XVIII, p. 175,par. 70;lesitaliques sont de moi).
Il est intéressantde constater que, prenant la parole quelques années
plus tard en tant que conseil du Canada dans l'affaire du Golfedu Maine,
M. Jaenicke s'estexprimé encestermes :

«Mais, mêmesi la méthode de l'équidistance et l'existence de
circonstances spéciales doivent être considérées ensemblepour
l'appréciationdetoutes lescirconstances del'espèce,iln'endemeure
pas moins que, dans le cadre de l'article 6, l'application de la
méthode de l'équidistanceest la règle,et l'application d'une autre
méthode en raison de circonstances spéciales est l'exception.))
(C.I.J. Mémoires,Délimitationde lafrontière maritimedans la région
dugolfedu Maine, vol.VII, p. 5 1.)

Dans les affaires de la Mer du Nord, M. Morelli, suivant un assez fin
raisonnement, n'a pas considéré que la référence aux circonstances D~LIMITATIONMARITIME(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 143

spécialesétaitune((véritableexception »maisilareconnu que «toutesles
Parties aux présentes affaires ont toujours parlé d'aexception)) (C.Z.J.
Recueil 1969, p. 206, opinion dissidente; les italiques sont de moi).
Avectout lerespect queje luidois,j'estimeque lesPartiesavaientraison et
certains des autres juges semblent avoir étédu même avis(ibid.,p. 186-
187,opinion dissidente de M. Tanaka; p. 220 et 239, opinion dissidente
de M. Lachs; p. 254,opinion dissidente de M. S~rensen,juge ad hoc;voir
opinion individuelle de M. Padilla Nervo, ibid,p. 92, et opinion indivi-
duelle de M.Ammoun, ibid.,p. 148,par. 52).Eneffet,commeindiquéplus

haut, mêmela Cour a qualifié cette clause d'«exception» (ibid, p. 36,
par. 55).11faut ajouter qu'en refusant de voir dans l'élément«circons-
tances spéciales» une véritable exception, M. Morelli cherchait réelle-
ment à renforcer la primauté de l'élémentéquidistance et non à la
diminuer. Je ne vois pas comment il est possible de réfuter la conclusion
de M. S~rensen,juge ad hoc,selonlaquelle :
«Si l'on interprètela clause, et en particulier les termes «à moins

que ..nejustifient une autre délimitation»de la manièrequi vient le
plus naturellement àl'esprit, il sembleraitque l'on ait voulu faire du
principe de l'équidistance larèglepremière,la détermination d'une
autre ligne de délimitationne devant être qu'une exception à cette
règle.Cetteacceptiongénéralede la clausesembleconfirmée par les
travaux préparatoires, en particulier le rapport du comité d'experts
de 1953etlesrapports de la Commission du droitinternational pour
1953et 1956. »(Zbid.,p. 254.)

Ensomme,quellequesoitl'importance delaclausedes «circonstances
spéciales»,ellene suffit pasà effacerla distinctionessentielleentre règle
et exception que l'on ne peut manquer de voir dans la structure et les
termes mêmesde la disposition. Il faut distinguerentrel'application pra-
tique d'une disposition et le caractèrejuridique de sa structure. Un prin-
cipe auquel on peut dérogern'en demeure pas moins un principe (voir
sir Robert Jennings, «The Principles Governing Marine Boundaries »,
dans Staat und Volkerrechtsordnung,Festschriftfür Karl Doehring, 1989,
p. 399).La fréquenceaveclaquellepeuvent seprésenterles circonstances
envisagéesdans l'exception etpartant celledel'exception elle-mêmeainsi
que la souplessecorrespondante corrélative de la dispositiontout entière
n'ôtent rien au caractèrejuridique de l'exceptionentant qu'exception ni

celui de la règlegénéraleentant que règlegénérale;en droit, l'exception
conserve son caractèreaccessoire de garantie du bon fonctionnement de
la règle.Comme l'adit M. de Castro :«La souplesse d'une règlen'estpas
une raison pour nier son existence.»(Compétenceen matièredepêcheries
(Royaume-Uni c.Islande), C.I.J. Recueil1974,p. 96,opinion individuelle.)
Ou, pour paraphraser M. Read, ((l'importance de [la règle]ne saurait se
mesurer à la fréquence de [son] application)) (Statut international du
Sud-Ouest africain, C. I.J. Recueil 1950, p. 169, opinion individuelle).
A mon avis, il est un principe d'interprétation généralement accepté
qu'une exception, tout comme une disposition restrictive, ne peut êtreinterprétéede manière à dépouiller larègleprincipale de son effetjuri-

dique. Cela ne peut arriver que si I'exception est en fait incompatible
avec la règle1,auquel cas la clause tout entière risque fort de tomber.
La fréquence des recours à une exceptionne saurait à elle seuleprouver
qu'il y a incompatibilité entre la règle et I'exception, et seule celle-ci
pourrait à mes yeux priver la règlede son cacactèrejuridique de règle
(voir Tunisie/Libye,C.I.J. Recueil1982,p. 197,par. 64,opinion dissidente
de M. Oda).
La propension à penser que leparagraphe 1de l'article 6de la conven-
tion de 1958 énonceune règle unique combinée équidistance-circons-
tances spéciales qui est équivalente à la règle principes équitables-
circonstancespertinentes du droit international coutumier nerepose pas
sur desbasessolides. Selonmoi, cettefaçon devoirrevient,à yregarder de
plus près,à essayer trop hâtivement de liquider l'élément e la «combi-

naison »qui estindiscutablement une règleetàleremplacer par l'élément
qui estclairement une exception,età agirainsisansdire,car on ne saurait
lefaire,que l'exceptionestincompatibleavecla règlealorsque,d'un point
devue analytique, ellene l'estque sil'incompatibilitéesttellequela règle,
et la place spéciale qu'elle accorde manifestement l'équidistance, peut
êtreprivée d'effet.

vi) L'emploide laméthodede l'équidistancp eeut être obligatoire
envertude l'articlede laconventionde 1958

J'en viens maintenant au point de savoir si l'emploi de la méthode
de l'équidistance peut jamais être obligatoire en vertudu paragraphe 1
de l'article 6 de la convention de 1958. Selon le Danemark, la règle
de l'équidistance établiepar cette disposition «n'a pas un caractère
obligatoire, mêmecommepoint de départd'une délimitation »(mémoire,

vol. 1, p. 60, par. 212). En revanche, la No~ège défend la thèse selon
laquelle, en l'absence d'un accord et de circonstances spéciales, la
règle de l'équidistance est obligatoire aux termes du paragraphe 1 de
l'article 6.
Il estaisédetrouverdanslajurisprudence l'affirmation que laméthode
de l'équidistancen'est pas obligatoire en droit international coutumier
(voir, par exemple, Tunisie/Libye, C.Z. RJ.cueil1982, p. 79, par. 110).
Mais la Cour ne s'est pas clairement prononcée en ce sens pour ce qui
est de l'application de l'article 6 de la convention de 1958ne affaire
concrète.
Enbref, il mesemble que soutenirquela règlede l'équidistancenepeut
jamais être d'application obligatoire en vertu du paragraphe 1de l'ar-
ticle 6 de la convention de 1958serait contraireà la déclaration de la

' Voir, en droit anglais, Maxwell on the Znterpretationof Statutes, 12eéd., 1969,
p. 190-191,et CraiesonStaLaw, 7eéd.1971,p.218-220.Cour elle-mêmes ,elon laquelle la Cour est appelée «à interpréterlestrai-
tés,non à les reviserfil. Il ne semble pas non plus que la jurisprudence
puissevéritablement étayerune telle thèse.
Pour commencer par les affaires de la Mer du Nord elles-mêmes,il
semble plausible que toute l'hypothèse sur laquelle a reposé l'enquête
minutieusemenéepar la Cour surle point de savoir sila Républiquefédé-
rale d'Allemagne étaitliéepar la convention de 1958consistait àdireque,

siellel'était,lesdispositions del'article6relativesl'équidistances'appli-
queraient nécessairement à défaut de circonstances spéciales puisqu'il
n'existait aucun accord. Certes, l'arrêt contient des observations d'une
ampleur telle qu'elles pourraient donner à penser que la méthode de
l'équidistancen'estentout étatde cause pas obligatoire mêmeaux termes
de l'article 6de la convention (C.I.J. Recueil1969,p. 23-24,par. 21-24,et
p. 45-46,par. 82).Mais la Coura dit que

«l'article 6 est rédigéde telle sorte qu'il fait passer l'obligationde
recourir àlaméthodedel'équidistanceaprèsl'obligationprimordiale
d'effectuer ladélimitationpar voie d'accord »(ibid.,p.42,par.72; les
italiquessont de moi).

Ainsi, quel que soit le rang que l'on puisseaccorderà l'obligation d'utili-
ser la méthode de l'équidistance,la Cour l'a bien qualifiéed'«obliga-
tion »,ce qu'elle étaitde toute évidence;même si ellevenait en deuxième
lieu, c'étaitune «obligation »ayant lemêmesensjuridique que 17« obliga-
tion ...d'effectuer la délimitation par voie d'accord». Il semble que
M. Arnmoun et M. Koretsky, Vice-Président,aient reconnu que la Cour
avait admis quel'article 6de la conventioncréaiteffectivement une obli-
gation d'utiliser la méthode de l'équidistance(ibid.,p. 149-150,opinion
individuelle, etp. 154-155,opinion dissidente, respectivement). Lesdécla-
rations de la Cour sur ce point peuvent être conciliéessi l'on considère
que, si la Cour avait émis l'idéeque la méthodede l'équidistance n'était

pas rendue obligatoire par la convention de 1958, ilfaut l'entendre non
pas au sensabsolu, mais au sensrestreintsignifiant qu'ellen'était pasobli-
gatoire dans tous les cas.
Dans l'Arbitragefranco-britannique, le tribunal arbitral s'estprononcé
clairement comme suit :

leprincipe del'équidistancepossède,dans lecadre del'article6,une
force obligatoirequ'iln'apas dansla mêmemesure envertudes règles
du droit coutumier; en effet, l'article 6 créeune obligation conven-
tionnelle d'appliquer le principe del'équidistancepour les parties à
la Convention» (RSA,vol.XVIII,p. 175,par. 70; lesitaliquessont de
moi).

'Interprétationdes traitédsepaix conclusavecla Bulgarie,la Hongrieet la Roumanie,
deuxièmephase, C.I.. ecueil1950,p. 229; voir aussiAcquisitionde la nationalitépolo-
nuise,C.P.J.I.sérieBno7,p.20; Empruntsserbes,C.P.J.IsnO20/21, p. 3etDroits
des ressortissantsdesEtats-UnisdAmériqueauMaroc,C.I.J.Recueil1952,p. 196.Seréférant encore àces dispositions, letribunal arbitral a ajoutéqu:

GA défaut d'accord,et à moinsque descirconstancesspéciales ne
justifient une autre délimitation,celle-cidoitêconstituéeparlaligne
qui est équidistantedes points les plus proches des lignes de baseà

partir desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale de
chacun des Etats. D (RSA,vol. XVIII, p. 249, par. 238; les italiques
sont de moi.)
Dans l'affaire duGolfeduMaine,laChambreaégalementété d'avisque,

«si une question de délimitation du plateau continental, et du
plateau continental seulement, s'étaitposée entre les deux Etats,
l'aspect contraignant de l'application de la méthode prévue à l'ar-
ticle 6 de la convention ne ferait pas de doute, ceci, bien entendu,
toujours dans le respect de la condition prévoyant le recours àune
autre méthode ou combinaison de méthodes là où descirconstances
spécialesl'exigeraient»(C.I.J. Recueil1984,p. 301,par. 118;les ita-
liquessont demoi; voir aussi ibid.,p. 301,par. 116).

Dans son opinion dissidente, M. Gros a ajouté :

«La convention de 1958sur le plateau continental pose une règle
de l'équidistance+ circonstancesspéciales,une règleunique qui est
claire; s'il n'y a pas de circonstances spéciales, l'équidistance doit
être appliquée. (Ibid.,p. 387,par. 46; lesitaliques sont de moi.)
Dans l'affaireLibye/Malte, la Cour a dit ce qui sui:

a En retenant ainsi, dans la premièreétapede l'opérationde déli-
mitation,la ligne médianecomme limite provisoire, laCour ne peut
ignorer que la méthode de l'équidistancen'ajamais été considérée
comme applicable telle quelle en toutes circonstances,fût-ce entre
côtes se faisant face. La convention sur le plateau continental de
1958, qui impose aux Etats parties à cet instrument l'obligation

conventionnelle de recourir,àdéfautd'accord, à l'équidistancepour
délimiterles zones de plateau continental, spécifie déjà en son ar-
ticle 6 que la méthodedoit êtreutilisée «à moins que des circons-
tances spécialesnejustifient uneautre délimitation».»(C.I.J. Recueil
1985,p. 48,par. 65; les italiquessont de moi.)
Ainsi, une lignedifférentepeut fort bien êtreétabliepar voie d'accord ou

en raison de «circonstances spéciales)), mais il est incontestable qu'à
défaut la convention ((imposeaux Etats parties à cet instrument l'obliga-
tion conventionnelle de recourir ..à l'équidistance..»,étant donnéque
cette ((méthodedoitêtreutilisée.))dans ces circonstances.
Dans l'Arbitrage entre le Canada et la France, il semblerait que, tout
comme dans l'affaire du Golfedu Maine, le tribunal arbitral ait, tout au
moins implicitement,également étéd'avis que, si le plateau continental
avait étéseul en cause, il aurait été impératd'appliquer la méthodedel'équidistance envertudel'article 6delaconventionde 1958,enl'absence
de circonstancesspéciales(sentence,10juin 1992,par. 39-40).
Evidemment,encas de différendsur lepoint de savoirs'ilya effective-
ment des circonstances spéciales,celui-ci devra êtrerégléde manière
appropriée, éventuellemenp tar voied'accord ou, commeon cherche à le
faire dansla présente procédure,par jugement. Seréférantau régimede
l'article 6de la convention de 1958,M. Jaenicke, dans les affaires de la
Merdu Nord,aprésenté commesuitla question :

«Si lesparties s'accordent àreconnaître qu'iln'ya pas de circons-
tances spéciales,c'estalorsla ligned'équidistance quiestla lignede
délimitation,mais siellesdiffèrentsurlepoint de savoirs'ilexisteou
non des circonstancesspéciales,la question doit êtreréglée soip tar
voied'accord, soitpar arbitrage. (C.Z.J.MémoiresP , lateaucontinen-
tal dela mer duNord,vol. II, p. 52.)

Un différendportant sur l'existencede circonstancesspécialesn'estpas
insoluble.Ilpeut êtrerésolu«soit par voied'accord, soitpar arbitrage»(y
compris le règlementjudiciaire). S'il est décidéqu'il n'existepas de
circonstances spéciales,c'est alors, selon l'argument invoqué, «la ligne
d'équidistance quiestla ligne de délimitation B.

vii) «Lescirconstancesspéciales) s)ontplus étroites
queles ((circonstancespertinentes))

Le mécanisme consistant à mettre sur le mêmepied la règleéquidis-
tance-circonstances spécialesde la convention de 1958et la règleprin-
cipes équitables-circonstancespertinentes du droit international coutu-
mier repose essentiellement sur l'assimilation des «circonstances spé-
ciales» aux circonstancespertinentes ». A cet égard,le Danemark fait
valoir cequisuit:

«Le paragraphe 1de l'article 6 énonceune règled'équidistance
applicable aux cas où aucun accord n'a pu être atteint entre les
Parties;cependant,cette règlen'apas uncaractèreobligatoire,même
comme point de départd'une délimitation.C'est ce qui ressort des
termesduparagraphe 1del'article6 :((àmoinsquedescirconstances
spécialesne justifient une autre délimitation ..» Selon l'interpréta-
tion qui en estfaite,cetexte viselarecherche de solutionséquitables
tenant compte descirconstancesspécialespertinentesde chaque cas
particulier de délimitation.»(Mémoire,vol. 1,p. 60,par. 212.)

Cette dernière phrase semble impliquer clairement qu'il existe dans
chaque cas des ((circonstancesspécialespertinentes». Mais est-ce bien
exact?
L'argument selonlequel la catégoriedes «circonstances spéciales »est
plus étroite que celle des «circonstances pertinentes» ne semble pas
dépourvude force(C.I.J. MémoiresP , lateau continenal(Jamahiriyaarabe

libyenne/Malte), vol. II, contre-mémoirede Malte, p. 292, par. 108).Certes, on peut dire en un sens que, dans toute situation, il existe des
«circonstancesspéciales»,mais les«circonstancesspéciales»qui comp-
tent en vertu du paragraphe 1 de l'article6 de la convention de 1958se

limitentàcellesquijustifient une lignede délimitationautre qu'une ligne
d'équidistancepour le motif que cettedernière créeraitune injustice qui
ne peut êtreévitée qu'en employantune ou plusieurs autres méthodesde
délimitation.
L'expression «circonstances spéciales» est utilisée àbon droit dans
une disposition opérant comme une exception à une règle qui exige
l'application de la méthodede l'équidistance en l'absence d'accord;elle
ne l'estpas sion veutyvoirune référence àtoutes lescirconstancesperti-
nentes en fonction desquelles il faut opérerun choix entre un certain
nombre deméthodespossibles (ycomprisl'équidistance)envued'obtenir
lalignededélimitationlaplus équitablepossible.Dans lepremier cas,les
circonstancessont ((spéciales»en cesensqu'ellescréentune injustices'il
est appliquéune méthodede délimitation particulière - celle de l'équi-

distance - etjustifient par conséquentque la règleprescrivant l'emploi
de cetteméthode soitécartée; dansle second cas, les circonstances sont =
simplement cellesqui sont((pertinentes »pour lechoix de la méthodede
délimitation la plus équitable(ycompris,éventuellement,cellede l'équi-
distance)etpas seulementcellesquijustifient la mise à l'écartd'unerègle
de droit prescrivant l'emploi de cette méthode particulière (voir
Charles Vallée, «Le droit des espacesmaritimes »,dans Droit intematio-
nulpublic,Paris, 4eéd.,1984,p. 375).
En fait,envertu duparagraphe 1del'article6delaconvention de 1958,
la méthodede l'équidistance s'applique non pas parce que des «circons-
tances spéciales » l'exigent, mais parce qu'il n'existepas de ((circons-
tances spéciales» qui l'interdisent. En revanche, en droit international
coutumier,la méthodede l'équidistanceest uniquement applicable lors-
queles«circonstancespertinentes »lerequièrent.En combinant cesdeux

perspectives,on peut dire que si les«circonstancespertinentes »peuvent
effectivement exiger l'application de l'équidistance,les «circonstances
spéciales»peuventuniquement avoir pour effetdel'exclure etnepeuvent
jamais êtreinvoquéep sour lajustifier. Par conséquent,si on lescompare
aux ((circonstancespertinentes », les «circonstancesspéciales» ont àla
fois une portée plus étroiteet un effet d'exclusion dans l'emploi de la
méthodede l'équidistance.II y a toutes les fois des circonstances perti-
nentes, mais parfois seulement des circonstances spéciales.La question
peut surgir de savoir s'il existe des circonstances spéciales et,si elle se
pose, ilpeut être déterminé p, r voied'accordou autrement, si elles exis-
tent ounon. La question de savoirs'ilexistedescirconstancespertinentes
ne peutjamais seposer, car il en existetoujours.
Les travaux préparatoires de la Commission du droit international
contribuent à mettre en relief l'importance attachée à la disposition

concernant les «circonstances spéciales », mais ils sont loin de suggérer
quela Commission aitjugéquedes circonstances spécialesaient été inhé-
rentesà toute situation.Cettedispositionaétéformulée envuedeprévoir,à titre exceptionnel, letracé d'uneligne autre que celle de l'équidistance

(y compris une ligne d'équidistance modifiée) lorsquel'existence de
circonstances spécialesjustifiait ce tracépar opposition à celui d'une
ligne d'équidistance. L'hypothèse devaid tonc nécessairement être qu'il
n'yaurait pas de circonstancesspécialesdans tousles cas.Autrement, la
règleprincipale perdrait engrandepartie son fondement et,aveclui, son
utilité;une telle conséquenceest exclue par le principe qui veut qu'une
interprétation qui dépouilleraitletraité d'unegrandepartie de sa valeur
ne saurait être admise (Acquisitionde la nationalité polonaise,C.P.J.Z.
sérieB no7,p. 17,et EcolesminoritairesenAlbanie,C.P.J.Zs.érieA/B no64,
p. 20).
Sila référenceà la lignemédiane faiteauparagraphe 1del'article 6de
la convention de 1958visaitsimplement à indiquer une méthodede déli-
mitation possible parmi d'autres, le choix entre celles-ci se faisant
toujours par référenceauxprincipes équitables,comptteenu descircons-

tancespertinentes, lesauteurs ontpris bien soin de cachercetteintention.
Dans cette hypothèse, il n'aurait été de guère d'utilitéde mettre cette
méthodeparticulièreenévidenceni,d'ailleurs,deparler expressémentde
((circonstancesspéciales»quijustifieraient quelque autre lignededélimi-
tation; il aurait suffi, et c'eût été plus simple,de dire qu'en l'absence
d'accord lalignededélimitationdevraitêtrc eellequiaétéjustifiép ear les
principes équitables,comptetenu descirconstancespertinentes. Comme
indiqué plus haut,si tel étaitle sens correct, on voit difficilement pour-
quoi, sauf pour des raisons théoriques, laCour aurait, en 1969,pris la
peine de rechercher si cette disposition était applicable, car le régime
qu'elleaurait instauré auraitétésemblable àcelui du droit international
coutumier.Enl'occurrence,laCour estparvenue àlaconclusionquecette
disposition n'étaitpas déclaratoirede la situation en droit international

coutumier (C.Z.J.Recueil1969,p. 41,par. 69).Quelleque soitson origine,
ladispositionenquestion,ainsi rédigées,embleavoirétéconçue defaçon
à donnerune place éminenteàl'équidistance, quine devaitle cédeà r une
autre méthodede délimitation quesi des circonstances spécialesjusti-
fiaient letracé d'une autreligne.On ne trouve dans les documents perti-
nents de la Commission du droit international, ni d'ailleursdans ceux de
la conférencede Genèvede 1958,aucun argument de poids àopposer à
cettefaçon de voir.

viii)Ily a deslimitesàl'applicationobligatoiredesprincipeséquitables,
par exempledanslecasd'unedélimitation par voie d'accord

A l'évidence,lorsqu'il existedes circonstancesspéciales,les principes

équitablestiennentune place de premier plan quand il s'agitde détermi-
ner quelle est la délimitationqu'ellesjustifient.l y a toutefois quelque
chosedeforcé dansla manièredont ontente detraiter lesprincipes équi-
tables comme devant obligatoirement et directement s'appliquer à toute
délimitation concevabledans les affirmations réitérées à l'effetquetout
accord doit êtrenégocié sur la base detelsprincipes. Teldevra certesêtrel'objectif général, mais qu'en résulte-t-ilquand un accord est en fait

concluautrement quesur labase desconsidérations d'équité propresàla
situation considérée?
On peut présumer qu'une délimitation effectuéepar voie d'accord est
conforme à l'équité, maisce n'est pas là une présomption irréfragable.
Comme la Cour l'afaitobserver dans les affaires de laMerduNordelles-
mêmes :
((Sanschercher àaborder laquestion dujus cogensetencoremoins

à seprononcer sur elle,on doitadmettrequ'en pratique ilestpossible
de dérogerpar voie d'accord aux règlesde droit international dans
descasparticuliers ou entrecertainesparties..»(C.I.J.Recueil1969,
p. 42,par. 72; voir aussiaresenCrèteet à Samos, C.P.J.Is.érieA/B
no71,p. 150,deuxièmeparagraphe, opinion individuelle de M. Séfé-
riadès,juge ad hoc.)

Dans un accord de délimitation,unepartie a la facultéde faire, pour des
raisons politiques et autres, des concessionsqui n'ont rien àvoir avecla
valeurpropre de sesrevendicationsmaritimes (MerduNord,C.I.J.Recueil
1969, p. 155, opinion dissidente de M. Koretsky, Vice-Président);une
partie atoute facultépour disposervalablement de sesdroits (ibid.,p. 205,
par. 10,opinion dissidente de M. Morelli). Par exemple, un Etat qui a
affaire à un autre à propos de deux régions distinctes et sans aucun
rapport sur leplan géographiquepeut fairedesconcessions dans l'unede
ces régionsen échangede concessionsdans l'autre (pourun cas possible
d'«arbitrage »entredeuxrégionsgéographiquesdifférentes,voirl'accord
entre les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique du 4 mai 1978relatif aux
frontièresmaritimesentre lesdeux pays, contre-mémoire,vol.2,annexe 5,

p. 248 et suiv., et réplique,vol. 1,p. 92, par. 245). L'accord conclu sera
obligatoire parce qu'il est un traité; et pourtant il ne reflétera presque'
assurémentpas les considérationsd'équité propres àchacune des régions
géographiquesdont il s'agit, prise en elle-même.Au contraire, il pourra
s'agirentièrementde considérations étrangères àl'équité. Comme l'afait
observer M. Gros dans son opinion dissidente: «Deux Etats peuvent
négocierune ligneunique qui leurconviennesans seposer la question de
l'équitédu résultat.(GolfeduMaine,C.I.J.Recueil1984,p. 370,par. 16;
voir sir Robert Jennings, «The Principles Governing Marine Bounda-
ries »,op.cit.,p. 401et suiv.)
L'objetréelde l'obligation de procéderpar voie d'accord étaitd'éviter
tout problème d'opposabilité résultantde délimitationsunilatérales(Mer
du Nord, C.I.J.Recueil 1969,p. 184,opinion dissidente de M. Tanaka;

Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 194,par. 60, opinion dissidente de
M. Oda; Golfedu Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 292, par. 87; et Libye/
Malte, C.I.J. Recueil 1985, p. 141, par. 32-33, opinion dissidente de
M. Oda). Comme il avait déjà été indiquél,'effet d'une telle délimita-
tion à l'égardd'autres Etats dépend du droit international (Pêcheries,
C.I.J.Recueil 1951,p. 132;voir, plus tard, l'affaire de la Compétencen
matièredepêcherie( sRoyaume-Unic. Islande),fond, C.I.J.Recueil 1974, D~LIMITATIONMARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 151

p. 22,par. 49, et p. 24,par. 54).Les auteurs de cettedisposition n'enten-
daient pas faireen sorte que lesprincipes équitablesdoiventobligatoire-
ment ou nécessairements'appliquerdans le cadre de la conclusion des
traités.
Dans lesaffairesde la Merdu Nord lesPartiess'étaientengagées

«à procéderàla délimitation((par voie d'accord conclu conformé-
ment àla décisiondemandée àlaCour »,c'est-à-diresurlabaseet en
conformitédesprincipes etdesrèglesdedroitinternationaltenus par
la Courpour applicables »(C.Z. Recueil1969,p. 13,par. 2).

Ainsi les parties avaient-elles assumél'obligation conventionnelle de

conclure un accord conformémentaux principes et règlesde droit inter-
national tenus pour applicables par la Cour. La Cour a doncdonnéàsa
décisionla formedesprincipes etrèglesà respecterau cours des négocia-
tionsprojetées(ibid.,p.46,par. 84;voiraussiProsper Weil,Perspectivesdu
droit de la délimitation maritime,1988,p. 114-123). LaCour n'a pas eu
l'occasionde direcequ'elleavaitdéjàdéclaréauparagraphe 72del'arrêt,
c'est-à-direque dans la pratique les parties étaient libres de convenirde
déroger à ces principes et règles.Correctementinterprété, l'arrêt rendu
dans lesaffairesdela MerduNordn'entendait Dasétablirau'un accordde
délimitationne pouvait êtrenégocié et concluque conformément à des
principeséquitables.Leparagraphe 1del'article 74et leparagraphe 1de
l'article 83 de la convention de 1982ne sauraient davantage être inter-
prétés ence sens: la possibilitéd'une dérogation consensuellesubsiste
toujours.
Dans ces conditions, si les principes équitables ne s'appliquent pas

obligatoirementà la conclusiond'un accord de délimitation,cela pourra
entrer en ligne de compte quand on recherchera,à la section suivante,
dans quelle mesure l'applicabilité dela méthodede la ligne médianeen
vertu de la convention de 1958dépendde tels principes, plutôt que de
l'absenced'accord etde circonstances spéciales.

ix) Neserait-cequemarginalement,la conventionde 1958envisage
une utilisationplus largedela méthodedel'équidistance
queledroitinternationalcoutumier

Nul douteque l'idéegénéralequiainspiré larédactiondelaconvention
de 1958étaitqu'ilétaitsouhaitable d'aboutiàun résultat équitabledans
tous les cas. Il importe toutefois de distinguer l'idéequi a inspiré une
dispositionde la manièredont cettedispositionchercheà donner effetà
l'idée.Dans la premièreaffaire relatiàla Conventionsur le génocidel,a
Cour a écri:

«La considération desfins supérieuresde la convention est, en
vertudela volontcommunedesParties,lefondement etla mesure de toutes les dispositions qu'elle renferme.» (Réservàsla convention
pourlaprévention et la répressiodu crimedegénocide, C.I.J.Recueil
1951,p. 23; lesitaliques sontde moi.)
Les idéaux constituant l'inspiration sont donc «le fondement et la
mesure» des dispositions de la convention; mais ils ne le font qu'«en

vertu de la volonté commune des Parties» et cette volonté s'exprime
évidemmentdans les dispositions pertinentes de la convention. Les
idéaux peuvent certes expliquerles dispositions, mais ils n'exercentpas
une force indépendante extérieure aux dispositions commesi celles-ci
n'existaienttout simplementpas. Dans la présente affaire,en l'absenceà
la fois d'accord et de circonstancesspéciales,la dispositiondont il s'agit
envisageelle-mêmlealigned'équidistance commelaméthodeappropriée
pouraboutir àun résultatéquitableM . .Jaenickel'abienexpriméquand il
a faitvaloir devant la Chambre en l'affaire duolfeduMaine:

«que l'article 6présume que la méthode de l'équidistanceaboutit à
un résultatéquitabletant qu'iln'existepas de circonstancesspéciales
manifestespouvant faire douter ducaractèreéquitabledelafrontière
ainsiobtenue »(C.I.J.Mémoires,Délimitatio delafrontière maritime
danslarégion du GolfeduMaine, vol.VII, p. 51).
Cela est exact. A défautd'accord et de circonstances spéciales,les
parties ont déjà convenu,par l'intermédiairede la convention, qu'une

ligned'équidistance seraitéquitableet c'estleuraccord quantà cequi est
équitablequicompte.LaCour aledevoirderesterfidèle àlavolontéainsi
expriméepar lesparties etdenepas luisubstituersapropre conception de
ce qui serait une solution équitable en l'occurrence.Il est plus facile de
modérertoute tendance à effectuer une telle substitution quand on se
souvientque,selonlajurisprudence généraleu , n conceptjuridique indé-
terminé(telestbien,je pense, celuid'une solution équitable)
«n'a pas d'ordinaire pour effet d'aboutir de façon contraignanteà

une certaine décision dans une affaire déterminée,mais réserve
plutôt unemargeimportantepour exercerunjugementvariable dans
l'interprétationet l'application et ne se rapproche de la contrainte
qu'aux confins de cette marge» (Julius Stone, Legal System and
LawyersJReasonings1 , 964,p. 264).
Dans certaines circonstances, l'équité peut être satisfaiee diverses
manières.Dansune situation donnée,une solution équitablepeut assuré-
ment aussi bien résulterde l'emploi de telle méthodeque de telle autre.

Selonlestermes de Paul Reuter:
«Sipour reprendre le dictumde la Cour internationale de Justice
dans l'affairedulateaucontinentaldela merduNord(par. 93)«il n'y
a pas de limitesjuridiques aux considérationsque les Etats peuvent
examiner afin de s'assurer qu'ilsvont appliquer des procédés équi-
tables~, il n'y en a pas non plus aux combinaisons techniques que
l'onpeut mettre en Œuvrepour réaliser une délimitation équitable» (Paul Jean-Marie Reuter, «Une ligne unique de délimitation des
espaces maritimes?)), dans MélangesGeorgesPerrin, 1984,p. 265;
voir aussi ibid.,p. 266.)

Il est donc possible de recourir àdifférentesméthodesou combinaisons
de méthodes techniques pour aboutir à une délimitation équitable.Qui
plus est, il peut advenir que les circonstances, dans certaines affaires,
autorisentplusd'une ligneéquitable (voirsirRobertJennings, ((ThePrin-
ciples Governing Marine Boundaries)), op. cit.,p. 402).Il sepeut fort bien
que la ligne médiane soittout aussi équitable que quelque autre ligne.
Ce n'estpas enpareil cas quela ligne médianeest exclue :ellen'estexclue
que silescirconstances spécialesjustifientuneautredélimitationencesens
qu'il est démontré que,dans la situation dont il s'agit, la ligne médiane
aboutirait àune injustice,commecelaressortd'ailleurs destravauxprépa-
ratoires de la Commission du droit international et de la conférencede
Genève de 1958.D'un autre côté, une ligne de non-équidistance déter-

minéen'est ((justifiée » (non pas ((appropriée)))que si, compte tenu des
circonstances de l'affaire, seule cetteligne et non pas la ligne d'équidis-
tance permet de faire justice. A défautde telles circonstances, la ligne
médianeestla délimitation.
Un problème qui se pose àl'évidence estque la disposition ne définit
pas les«circonstancesspéciales»,nin'indique de critèrepour déterminer
quelle estla ((délimitationque ((justifient»lescirconstancesspécialesde
l'espèce. Il faut donc chercher la portée du concept de «circonstances
spéciales »et son rapport exactavecla règlerelative àl'équidistance dans
quelque critère supérieurimplicite dans ladite disposition et qui régisse
les relations entre ses deux éléments.Pourquoi? Parce que, pour utiliser
une dernière foisl'argument de M. Jaenicke :

«Si une disposition légale telle que l'article 6, paragraphe 2,
contient une règlemaisprévoitconcurremment une exception à cette
règleau titre de la notion généralede circonstancesspéciales,il doit
nécessairementexister une norme supérieure de décider
si c'est la règle ou l'exception qui s'applique.» (C.I.J. Mémoires,
Plateau continentalde la merdu Nord,vol. II, p. 178.)

Danslecas de l'article 6,ilestraisonnable de situer lecritèresupérieurde
coordinationparmi lesprincipes équitablesau sensdu droit international.
Cette approche rejoint lepoint devuegénéralementadmisselonlequel
l'équitéestlefacteur d'ensemble déterminant en ce qui concernel'emploi

tant de la méthodede l'équidistance qued'une autre méthode possible. Il
y a pourtant une différence :on s'efforcede donnerun sens à la mention
expresse de la méthode de l'équidistance dans la mesure où on retient
cetteméthode commeobligatoire au cas où il semblepossible d'aboutir à
un résultat équitablesoiten l'utilisant, soitenseservant de quelque autre
méthode (ycompris une modification deIaméthodede l'équidistance).Si
cette marge en faveur de l'équidistance est exclue, il devient difficile
d'expliquer la nécessitéde lamentionexpresse de cette méthode;en effet,sans une tellemarge,comme indiquéplushaut, ilaurait étéplussimplede

libellerla disposition de manièreàstipulerque, àdéfaut d'accord, ladéli-
mitation doit être danstous les cas celle qu'exigent des principes équi-
tables compte tenu des circonstances pertinentes. Avec cette formule,
aucune méthode déterminée n'étant nommément mentionnée, l'équidis-
tance aurait la mêmevaleur que toutes les autres méthodes (comme
l'estimela doctrine admise), lechoix entre ellesdevant danstous lescas se
faire en appliquant des principes équitables compte tenu des circons-
tancespertinentes.
Il est vrai que, dans la pratique, la règleconventionnelle de 1958et la
règlede droitcoutumiertendraient, dansune large mesure, àaboutir àdes
résultatssemblables.Quoi qu'ilensoit,j'estime qu'il yaune distinction et
plus qu'une simple nuance entre le fait de considérerles principes équi-
tables comme aboutissant à une délimitationéquitableparl'intermédiaire
de la structure«règle-exception»de la disposition «équidistance-circons-
tances spéciales » et celui de dire que les principes équitables influent
directement sur les circonstancespertinentes de chaque affaire de manière

àaboutir àune délimitationéquitable.

x) Bienqueprésentéd eemanière improvisé en1953,
l'idéede l'équidistancea été mûremr eéntyéchievantdlêtre$nalement
adoptéeen1958

Au coursdesannées,on a insistésurlefait que la Commission du droit
international avait étsaisie de plusieursméthodespossibles de délimita-
tion du plateau continental, ainsi que sur l'observation suivante de la
Cour dans les affaires de laerduNord :
«C'est de cette manière presque improvisée et purement contin-

gente que le principe de l'équidistancea étenvisagépour la délimi-
tation du plateau continental.» (C.Z.J.Recueil1969,p. 35, par. 53.)
Le comitéd'experts de 1953,qui a ainsi «envisagé» le principe de
l'équidistance,sepréoccupait avanttout de ladélimitationde lamerterri-

toriale.Il a déclaré quel'équidistance s'appliquait égalemenàtla délimi-
tation du plateau continental. Selon le rapporteur spécialde la Commis-
sion du droitinternational,M.François, lecomitéd'experts,cefaisant, «a
confirmél'opinion préliminairede la Commissionselonlaquelle leprin-
cipe de la lignemédiane pouvait êtreadoptépour les Etats dont les côtes
sefont face..»(A/CN.4/SR.201, p. 10,par. 39).Ainsi la Commission du
droit international s'est-elle trouvée d'emblée amenée à réfléchir sur
l'applicabilitéde l'équidistanceàla délimitationdu plateau continental,
du moins dans le casdescôtesqui sefont face. Au paragraphe 162deson
deuxième rapport sur la haute mer du 10avril 1951,M. François avait
lui-mêmeproposé àla Commission neuf projets d'articles sur le plateau
continental comme bases de discussion. Le projet d'article 9 était ainsi
libellé «SideuxouplusieursEtatssontintéressésau mêmeplateau conti-
nental en dehors des eaux territoriales, les limites de la partie du
plateau de chacun d'eux seront fixéesde commun accord entre les
Parties. Faute d'accord, la démarcation entre les plateaux continen-
taux de deux Etats voisins sera constituéepar la prolongation de la
ligne séparant les eaux territoriales, et la démarcation entre les
plateaux continentaux de deux Etats séparéspar la mer sera consti-
tuéepar la ligne médiane entre les deux côtes.» (Yearbook of the
International Law Commission, 1951,vol. II, p. 102.)

Une notejointe à cettedisposition ajoutait:
Commeligne de démarcation entre le plateau continental com-
mun à deux Etats séparéspar la mer, on pourrait adopter, par ana-

logie àla ligne de démarcation entre les eaux territoriales dans les
détroits,la ligne médiane entre les deux côtes. Le cas échéant,les
Etats intéressés pourraient, d'un commun accord, délimiter les
plateaux continentaux d'une manière différente.» (Ibid., p. 103.
Voir aussi la discussion dans A/CN.4/SR.115, p. 15-24, et
A/CNA/SR.131, p. 17-19.)

Ainsi l'idéede la ligne médiane a-t-elleétenvisagéedès1951.
Après que le comité d'experts eut présentéses recommandations en
1953, la Commission a suspendu ses débats à ce sujet pendant cinq
jours pour se donner le temps d'yréfléchir(A!CN.4/SR.201, p. 13-16,et
A/CN.4/SR.204, p. 2-5). Le texte n'a été adopté qu'après de nouvelles
discussions (A/CN.4/SR.205, p. 12,par. 51. Pour le texte voir Nations
Unies, Documents officiels de Iüssemblée générale,huitième session,
supplément no 8 (A/2456), p. 13, Rapport de la Commission du droit
internatonal sur lestravaux de sa cinquièmesession du le'juin au 14août
1953~). Cette suspension, soit dit en passant, n'avait pas étélongue.
Cependant, trois ans plus tard, le texte a fait l'objet de nouvellesdiscus-
sions à la Commission(Annuairede la Commissiondu droit international,
1956,vol. 1,p. 148-151,298-299).

De plus, on ne peut pas dire que l'adoption du fond du texte de la
Commission du droitinternational àlaconférencedeGenèvede 1958, àla
suited'un débatàlaonzièmesession del'AssembléegénéraledesNations
Unies', ait étéle résultat d'une réactionimproviséede la conférence
devant un nouveau texteprésenté à l'improviste:ilparaît clairque letexte
a fait l'objet d'une étudeapprofondiede la part dejuristes bien préparés
en 1958et que lesgouvernementsavaienteulapossibilitéd'être consultés
auparavantpendant lesintervalles. «L'envergureet la méticulosité ..[de]
ce processus D ont àjuste titre été relevéesar M. Koretsky, Vice-Prési-
dent (Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,p. 156,opinion dissidente; voir
aussi C.I.J. MémoiresD, élimitationde lafrontière maritimedans la région

' Nations Unies,DocumentsofficielAssembléegénéraleo,nzièmesession,séances
plénière658eséance,21février1957,vol.II, p. 1181et suiv.

121dugolfedu Maine, vol. II, p. 78-79,par. 203-204,et Documentsofficielsde
la conférencedes Nations Uniessur le droit de la mer,vol. VI, quatrième
commission, Genève, 24 février-27avril 1958,p. 9 et suiv., passim, et
p. 91-98).Lanécessité de fairepreuve de souplessedans la mise en Œuvre
de cette disposition a été reconnue, et mêmesoulignée(Documentsoffi-
cielsdela conférencedesNations Uniessurledroitdela mer,vol.VI,op.cit.,
p.22,par. 35,Tunisie); maisrien de cequia été dit ne donne lieu depenser
que la méthodede l'équidistancen'ait pas étédestinée àjouer concrète-
ment le rôlenormatifultime que paraissaient lui attribuer lestermes de la

disposition.
La trilogie accord, équidistance et circonstancesspéciales est apparue
dans le projet adoptépar la Commission du droit international le 30juin
1953.Elleestrestéesur latablejusqu'au momentoù elleaétéreflété dans
le texte final en 1958.Dans l'intervalle, des modifications ont éappor-
téesau texte, mais rien ne confirmeque, comme ila étdit, celles-ciaient
profondément modifié les rapports essentiels initiaux entre les trois
éléments de latrilogie (cf.contre-mémoireprésenté par leGouvernement
de la République française dans l'Arbitrage franco-britannique, juillet
1976,vol. 1,p. 49,par. 125).
Quellesqu'aient pu êtrelescirconstancesdanslesquellesl'équidistance
a pu être proposée à la Commission en 1953,l'examen dont elle a fait
l'objetà partir de ce moment-là et jusqu'à son adoption finale cinq
années plus tard, en 1958,n'a rien eu de précipité. Supposerle con-

traire,c'est inciteà dire que si les rédacteursde la disposition avaient
agi de façon plus réfléchie,ils auraient employé des termes sensible-
ment différents. Quand une juridiction s'engage dans des réflexions
de ce genre, elle risque d'estimer, dans la mêmeperspective, qu'elle a
pour tâche de donner effet non aux termes utilisés, mais aux termes
qui, selon elle, auraient dû l'êtrepour exprimer une idéeque les rédac-
teurs de la disposition n'avaient pas en fait présente à l'esprit, mais
à laquelle, de l'avis de la Cour, ils auraient dû songer s'ils avaient
plus délibéré avant d'agir. Cen'est pas là, il està peine besoin de le
dire, une méthode d'interprétation acceptable (voir l'observation
de M. Lachs dans les affaires de la Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,
p. 221-222).

xi) La doctrine

J'ajouterai une brève mention de la doctrine. Sans entreprendre un
examend'ensemble, j'ail'impression quenombre d'auteurs partageraient
l'avisqu'a expriméM. Bowett, lequel, sans évidemmentavoir l'autorité
du juge, a considéréquela situation était la suivante

« Ilressortdestravauxpréparatoires del'article6que les«circons-
tances spéciales»opèrententant qu'exception à la règlegénéraleet
non en tant que principe indépendant de mêmevaleur. Comme l'a
déclaréla Commissiondu droit international : «si..leslimitessontdéterminées,engénéra pla,rla règledel'équi-
distance, des modifications peuvent êtreapportées à cette règle

lorsque des circonstances spécialesjustifient le tracéd'une autre
limite B.
L'on aurait d'ailleurs pu penser qu'il nepouvait guère en aller
autrement, car siles«circonstances spéciales»étaientàmettresurle
mêmepied que la règleligne médiane d'équidistance,il n'yaurait
aucune règlesurlaquelle sereplierencas de désaccordettellen'était
manifestementpas l'intention desparties àlaconvention de 1958.En
pareil cas, il serait résultéde ce rapport entre la règleet l'exception
que la règles'applique sauf à l'une des parties de rapporter cette
double preuve :

a) ilexistedes«circonstancesspéciales»ausensdel'article6,et

b) elles «justifient » une autre délimitation.» (Derek Bowett, The
Legal Regimeof Islands in International Law, 1979,p. 149-150,
note omise.)

Il n'estpas iciquestion de céderà ce qu'Henri Rolinappelait péjorative-
ment «l'attrait de cetteentreprise à,savoiropposer à l'avocat sesécrits
de chercheur (C.I.J.MémoiresD , roitdepassage enterritoireindien,vol.V,
p. 187).En effet,M. Bowetta aussidéclaré que :

«l'on ne sauraitmaintenant soutenir (siletribunal [arbitral]araison)
que l'équidistance s'appliquesauf si une partie peut établirl'exis-
tence de circonstances spéciales d'une nature plutôt limitée»
(Bowett,op.cit.,p. 151).

Cequi importe, pour la Cour, c'estsamiseengarde :«siletribunal [arbi-
tral]a raison ».A-t-ileu raison? Je n'ensuispas persuadé.

xii) Conclusion

L'équidistance en soiest certainement une méthode géométrique et
non un principe de droit; toutefois, dans le contexte où elle seprésente,
sous la forme de la ligne médiane,au paragraphe 1 de l'article 6 de la
convention de 1958,elle fait indubitablement partie d'une règlede droit
à l'effet que, sous réservede deux conditions, c'est-à-dire l'absence

d'accord et l'inexistence de circonstances spéciales, la délimitationest
constituéepar lalignemédiane.Direquel'équidistancene s'applique que
s'il ressort des principes équitables appliqués aux circonstances perti-
nentes qu'elle constitue, parmi d'autres méthodes possibles, la mieux
appropriée pour aboutir à une délimitation équitable,c'estsubordonner
sonapplication àdeuxconditionssupplémentairesoutrelesdeuxquisont
enfaitimposéespar la disposition elle-même« .Imposer ..une condition
supplémentaire ..ce ne serait plus interpréter [ce]traité, ce serait le
refaire.(Acquisitiondela nationalitépolonaise,C.P.J.I.sérieBno7,p. 20;voiraussil'opinion dissidente de M.Read dans l'affairedel'Interprétation
des traitésde paix, C.I.J.Recueil 1950,p. 246.) Mêmes'il est donné de
l'exception relative'aux circonstances spéciales l'interprétation la plus
large, on ne saurait lui faire décapiter l'intention claire de la règle,c'est-
à-direqu'une foissatisfaites les deux conditionsprescrites la méthode de
l'équidistance s'appliquede façon automatique et obligatoire pour défi-
nir la ligne de délimitation.
Une certaine façon de voir s'est imposée qui a privéla méthode de
l'équidistancede la place distinctivequi lui était manifestementassignée
dans le cadre de la convention de 1958pour lui donner une position qui
consiste,selon lestermes de M. Evensen, à la ((reléguer..au dernierrang
desméthodespratiques »(Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 297).Pour

M. Valticos, juge ad hoc,la méthode est souvent apparue comme «la
«mal-aimée» parmi les méthodes de délimitation (Libye/Malte, C.I.J.
Recueil 1985,p. 106,par. 7). Lestermes de la disposition nejustifient pas
une position aussi inférieure. Ils font naturellement penser à l'apho-
risme de Vattel: «La première maxime généralesur l'interprétation est
qu'il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interpréta-
tion.»' Si l'idéedont s'inspire cette maxime n'a pas toujours été bien
accueillie2, je n'emprunterai pas moins les termes dont s'est servi
M. Winiarski pour conclure :«Aucun effort d'interprétation ne pourrait
faire direà cestextesclairs autre choseque ce qu'ilsdisent. »(Application
de la conventionde 1902pour régler latutelledes mineurs,C.I.J.Recueil
1958,p. 133,opinion dissidente.)
Versla finde sonéminentecarrièrejudiciaire, M. Anzilotti afaitobser-

ver ce qui suit:
«ici la Cour n'est pas en présence de la règlede droit international

commun; elle est en présence d'une disposition précise et formelle,
l'article 3 du traité,et c'estcette disposition qu'elle doit appliquer
(Compagniedëlectricitéde Sofia et de Bulgarie, C.P.J.I. série A/B
no77,p. 98,opinion dissidente).

Il s'agissait d'un contexte différent, mais pas assez pour exclure cette
approche. Il ne serviraiàrien de prétendreappliquer la disposition de la
convention de 1958relative àla délimitation tout en la forçant pour la
mettre sur le mêmepied que la situation en droit international général.
Une telle équation serait artificielle. Les affirmations en sens contraire
font de l'effet, mais nesont pas convaincantes.En définitive,la question
de savoir s'il existe une équation ne présente peut-être pasbeaucoup
d'importance dans la pratique dès lors qu'il y a, comme je le pense, des
circonstancesspécialesau sens deladisposition. Acestade,cependant,la

Va eurWimbledon, C.P.J.ZsériCno3,vol. 1,p. 197.r. 263,citépar M.Basdevant dans le
voir Znterpritationdela convende1919concernantle travailde nuitdesfemmes,
C.P.J.Zsére /B no50,p. 383,opinion dissidente de M. Anzilotti.question de savoirs'ilexisteunetelleéquation seposeeffectivement,etje
répondrai en accueillant la thèsede la Norvège,àsavoir qu'à défaut à la
foisd'accord etde circonstancesspéciales «la délimitationestconstituée
par la lignemédiane D.

Il convient maintenant de rechercher si la volonté des Parties, telle
qu'expriméeau paragraphe 1 de l'article 6 de la convention de 1958,

requiert vraiment une ligne médiane.Elle ne lepeut que si des circons-
tances spécialesnejustifient pasune autre délimitation. Y a-t-ilde telles
circonstances ?Le Danemark soutient que la disparité des longueurs des
deux côtes qui se font face constitue une circonstance de ce genre. La
Norvègesoutientquetel n'estpaslecas.SileDanemark araison, ilfaudra
se demander aussi quelle délimitation de telles circonstances spéciales
justifient. mon avis, les réponses à ces deux questions dépendronten
grande partie de la question de la proportionnalité. Je passerai donc à
cettequestiongénéraleq , ui est controversée.

i) La perspectiveévolutionnisteansson ensemble

Il seraitutile de commencer en centrant l'attention sur certains aspects
delaperspectived'ensembledans laquellelajurisprudence s'estdevelop-
pée.
Premièrement,puisqu'ence domaine ledroit est en état d'évolution, le

danger de trop conceptualiser a été signalé àjuste titre (Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p. 53, par. 100,et Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,
p. 92,par. 132). Lestermes utilisésdans lajurisprudence - il ne fautpas
s'enétonner - nesontpastoujours clairsou cohérents.Adiversmoments
du mouvement de la jurisprudence, il peut être discerné un écartchan-
geant entre l'énoncéde propositions juridiques connues mais peut-être
dépassées et le principe déterminantqu'ilconvient d'extraire de la déci-
sioneffectivementrendue (Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p.90,par. 37,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga).Le
flou de lajurisprudence s'expliquepar une raison compréhensible :dans
seseffortspour concilierstabilitéetchangement,laCour acceptelechan-
gement, tout en tendant à rester attachéeà des structures qu'en fait ce
changement a dépassées.Car ici encore, comme l'a dit Keynes, «la dif-

ficulté ne tient pas aux idéesnouvelles, elle consiste à échapper aux
anciennes »(citédans EarlWarren, «TowardaMore ActiveInternational
Court », VirginiaJournao lf InternationalLaw, 1971,vol. 11,p. 295).
Deuxièmement,il paraît exiter le risque de méconnaîtrel'effet d'une
ligne de délimitationquand il s'agitde régler la questionde l'étenduedu
plateau continental auquel les parties en litige ont droit dans leurs
rapports mutuels. Làréside,onpeut enêtrepresque sûr,cequelesparties
veulent vraiment savoir plus que tout; c'estla ligne de délimitation qui
leurdonne laréponse.Commeilaétéobservé dans l'opinion conjointeenl'affaire Libye/Malte, «la Cour a définiune ligne déterminant les zones
((relevant» de chacune des Parties » (C.Z.J.Recueil 1985,p. 92, par. 40).

Cet effet de la décisionde délimitation,qui consiste àdéterminer quelles
sont les zones qui relèvent de chacune des parties, risque d'êtredissi-
mulé par latendancede lajurisprudence à s'arrêtersur le principe selon
lequel le plateau continental relèvede 1'Etatcôtier de plein droit, et que
la délimitationn'a donc pas pour objet de répartirle plateau continental
(envisagécomme un fonds commun indivis) en parts distinctes entre
les Etats côtiersintéressés,maissimplementde déterminer quelleslignes
séparentles zones du plateau qui relèvent déjàde chacun d'eux à titre
individuel (Mer du Nord, C.Z.J.Recueil 1969,p. 22, par. 20; voir aussi
p. 188,opinion dissidente de M. Tanaka, et p. 199,opinion dissidente de
M. Morelli).
Cependant, pour reprendre lestermes de M. Mbaye, «on ne peut ..pas
artificiellement séparer le droità une zone de plateau continental des
règlesde délimitationde ce plateau » (Libye/Malte, C.Z.J.Recueil 1985,
p. 96,opinion individuelle). Il est vrai que les questions du titre et de la
délimitation sont ((distinctes». Mais, comme la Cour l'a fait observer,

qu'elles«soient ..enoutre complémentairesestune véritéd'évidence L.a
basejuridique de cequi est à délimiteretdu titre correspondant ne saurait
êtresansrapport avecladélimitation. »(Zbid.,p. 30,par. 2;voir aussi ibid.,
p. 33-34,par. 34.) Sila compétence nécessaireexiste, rien n'empêcheun
Etat de chercher à fairedéclarerson titre au cas oùun autre Etatviendrait
à lecontester.Peut-êtrela question ne sepose-t-elle pas souvent,mais elle
peut surgir, par exemple quand ilyaun différendsur lepoint de savoir si
le territoire dont il s'agit estpour une raison quelconque incapable de
générerun plateau continental propre. Un différend de ce genre a été
présentédansl'affairedu Plateaucontientalde lamerEgée,oùlaTurquie a
soutenu que «les îles grecquessituéestout prèsde la côte turque ne pos-
sèdent pas de plateau [continental] propre» (C.Z.J. Recueil 1978,p. 8,
par. 16); et naturellement la requête de la Grèce contenait bien une
demandetendant à faire déclarer son titre (ibid.,p. 6, par. 12,point i),de
la requêtede la Grèce).Toutefois, dans le cas le plus fréquent, ce que
1'Etatcôtier souhaite établir, c'est l'étendue précisede son titre par rap-

port à un Etat adjacent qui lui fait face; c'est une décisionde délimita-
tion qui trancheà ce sujet.
Ainsi ne faut-ilpas laisserla théoriejuridique (correcte par elle-même)
selonlaquelle lesdifférenteszonesdeplateau continental relèventdéjàde
chaqueEtatcôtierentretenirl'illusion que ladétermination d'une lignede
délimitation ne constitue pas du mêmecoup une déclaration effective
de l'étendueréellede la zone à laquelle chaque Etat a droit vis-à-vis de
l'autre. La Cour n'apas commiscetteerreur en 1969.Elle a admisqu'une
ligne de délimitationdétermine effectivementles zones sur lesquelles les
Etatsintéressésontun titre quand elle a déclaré :

«Il estévidentqu'un différendsur deslimitesimpliquenécessaire-
ment l'existence d'une zone marginale litigieuse réclamée par les deux parties et que toute délimitation n'attribuantpas entièrement

cette zone àl'unedes parties aboutit en pratique àla partager ou à
faire comme s'ily avaitpartage. »(C.I.J. Recueil1969,p. 22,par. 20.)

Il estvrai,commela Cour l'a faitobserver,qu'auxtermes de l'article 2de
la convention de 1958,lesdroits de 1'Etatcôtiersur leplateau continental
ontun caractère «exclusif»mais, comme ellel'aajouté :

«aucune précision n'y est donnée quant aux zones mêmessur
lesquelles chaque Etat riverain possède des droits exclusifs. Cette
question, qui ne peut se poser qu'en ce qui concerne les confins du
plateau continental d'un Etat, est exactement, comme on l'a vuau
paragraphe 20 ci-dessus infine, celle que le processus de délimita-
tion doitpermettre derésoudreetellerelèvedel'article6,non del'ar-
ticle 2.(Ibid.,p. 40,par. 67.)

Ilestbienévidentquela question «ne peut seposer qu'en cequiconcerne
les confins du plateau continental d'un Etat». Il n'en estpas moins vrai
que, chaque fois qu'unetelle question se pose, c'estla ligne de délimita-
tion qui donne la réponse «quant auxzonesmêmes sur lesquelleschaque
Etat riverainpossèdedesdroitsexclusifs »,etcetteréponsepeut faireune
différenceconsidérabledupoint de vue desétenduesrelatives.
Dans les affaires de la Mer du Nord,la Cour a bien compris que les
affairesdansleur ensembleportaienten réalitésurl'étendue deszone dse
plateau continental revendiquéespar chaque Etat par rapport à chaque
autre. Elle a repris pour l'essentielcette conception de l'affaire en 1978
quand elle a déclaré:«Toute délimitationde frontière contestée oblige
jusqu'à un certain pointà déterminerlestitres sur leszonesà délimiter.»
(Plateau continental de la mer Egée,C.I.J. Recueil 1978,p. 35, par. 84.)

Même à propos de questions terrestres, il ne convient pas d'insistersur
une distinction trop rigide entre l'attribution du titre et la délimitation
(Différendfrontalier, C.I.J.Recueil1986,p. 563,par. 17).
En conséquence,si l'onomet de rechercherquel effetune délimitation
proposéeproduira sur la définitionde la zone de plateau continental qui
relèvedechaque Etat, on risque depasser àcôtédel'objetréeldel'action.
Troisièmement,ilnefautpas oublierque,danslamesureoù leprincipe
fondamental duprolongementnaturel a été déplacé dans lecadreconcep-
tuel du plateau continental, lesrestrictions qu'ilimposait antérieurement
au recours au facteur d'undegréraisonnablede proportionnalité doivent
être maintenant réputées assouplies en conséquence. Ce poin etst déve-
loppédans la sectionii)ci-après.

ii) Proportionnalitéetprolongementnaturel

Lajurisprudence reçue sur la question de la proportionnalitéa subien
grandepartie l'influencede ceque la Cour, en 1969,a appeléla «concep-
tion ..fondamentale du plateau continental envisagécomme prolonge-ment naturel du territoire» (Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 30,
par. 40).Selon moi, c'estessentiellement (mais pas seulement) le prolon-
gementnaturel, envisagéau sensphysique,quiaété à l'origine desrestric-
tions imposées à la proportionnalité. Il faut donc rechercherjusqu'à quel
point le prolongement naturel s'entendait en un sensphysique, de quelle
manière il avait pour effet, en ce sens, d'imposer de telles restrictions et
dans quelle mesure, le cas échéant,ces restrictions doivent maintenant
êtrecondidéréecsomme érodées par l'attrition de l'aspect du concept qui
était engrandepartie à leur origine.
D'abord, donc, en quel sens entendait-on le prolongement naturel? Il
est vrai que, mêmeen 1956,la Commission du droit international avait
décidé«de nepas s'entenir strictement à lanotion géologiquedu plateau

continental)) (Annuaire de la Commission du droit international, 1956,
vol. II, p. 297,par. 6; voir aussi la discussiongénérale,ibid., 1956,vol.
p. 140et suiv.).Toutefois, les documents dont la Commissionétait saisie
indiquent que mêmeles hommes de sciencedifféraient dans l'usage du
terme ((plateau continental » (ibid., 1956,vol. II, p. 297, par. 5). Je ne
souhaite donc pas discuter du point de savoir si la Cour, en 1969,a eu
raisond'attribuer à ceconcept un sensphysique. Je chercheseulement si,
de fait,la Cour a entendu ce concept de cettemanière et, en ce cas, ce qui
enestrésultél,e caséchéantd , u point devue du concept deproportionna-
litételle qu'elle l'a défini.
Il estbien sûr depuislongtempsreconnu que le ((prolongementnaturel
du territoire terrestre ne revêtpas toujours un caractèregéomorpholo-
gique identifié de façon précise à l'extension d'un littoral déterminé.
Comme la Cour l'afait observeren 1982:

«trèstôt dans l'évolutionde lanotionjuridique de plateau continen-
tal, son acception s'est élargie,au point de comprendre pour finir
toute étenduedufond des mers setrouvant dansun rapport particu-
lier avecla côted'un Etat voisin, qu'elle présente ounon les caracté-
ristiques exactesqu'un géographe attribuerait àun ((plateau conti-
nental»»(Tunisie/Libye, C.I.J.Recueil1982,p.45,par. 41 ;voir aussi

ibid.,p. 45-46,par. 42-43).

Voilàpour quellesraisonsla Cour a ajouté :

«Ce serait une erreur de croire que dans tous les cas, ou dans la
plupart d'entre eux, il soit possible ou approprié d'établirque le
prolongement naturel d'un Etat s'étend,par rapport à celui d'un
autre Etat, jusqu'à un point bien déterminé,de sorte que les deux
prolongements se recontreraient sur une ligneaiséà définir.»(Ibid.,
p. 47,par.44; voir aussi, de façongénérale,l'opinion individuellede
M.Jiménezde Aréchaga,juge ad hoc,p. 110-113,116-120.)

Il serait toutefois inexact de faire remonter ce point de vue trop loin
dans le temps. Les délimitations en mer du Nord dans le contexte de la
fossenorvégiennesontparfois citées à l'appui de l'opinion selonlaquelle,mêmeen 1969,la Cour admettait que leprolongement naturel n'était pas
toujours physique. Ce point de vue est plausible. Cependant, mon inter-
prétation préféré de la décisionde la Coursur cepoint est qu'en plusde
déclarerexpressémentqu'elle n'entendaip tas «se prononcer sur lestatut
de la fosse»,la Cour a estiméque lesdélimitationspouvaient s'expliquer

par la décisiondesPartiesdene pastenir comptede l'existencede celle-ci.
Selon ses propres termes :«ces lignes médianesont été tracées selon le
principe de l'équidistance, maisc'estuniquement parce que l'on n'apas
tenu compte de l'existencede la fossenorvégienne »(C.I.J. Recueil1969,
p. 32,par. 45). Siles Parties n'avaient pas été convenuedse ne pas tenir
compte de l'existencede la fosse, des conséquences différentes auraient
pu résulterdu fait que,comme l'adéclaréla Cour,
«les zones du plateau continental ..séparées de la côtenorvégienne

par [la]...fosse ...ne sauraient être considéréea su point de vue
géographiquecommeétantadjacentes à cettecôte ou commeconsti-
tuant son prolongement naturel » (ibid.).
Voicicequela Cour adéclaré en 1969lorsqu'elleaprésenté sonidédeu
prolongement naturel :

«L'institution du plateau continental est néede la constatation
d'unfaitnaturel etlelienentre cefaitetledroit,sanslequel ellen'eût
jamais existé,demeure un élémenitmportant dans l'application du
régimejuridique de l'institution.Leplateau continental estpar défi-
nition une zoneprolongeant physiquementleterritoire de la plupart
des Etatsmaritimes par cetteespècedesoclequi a appeléenpremier
lieu l'attention des géographes et hydrographes, puis celle des
juristes. L'importance de l'aspect géologiqueestmarquéepar lesoin
qu'a prisaudébutdesesétudeslaCommissiondu droitinternational
pour se documenter exactement sur ses caractéristiques, ainsique
cela ressort notamment des définitions contenues dans l'Annuaire

de la Commissiondu droit international, 1956,volume 1,page 141.
L'appartenance géologiquedu plateau continental aux pays rive-
rains devantleurscôtes estdonc un fait etl'examen dela géologiede
ce plateau peut être utileafin de savoir si quelques orientations ou
mouvements influencent la délimitation en précisant en certains
points la notion même d'appartenance du plateau continental à
1'Etatdont il prolonge en fait le territoire.» (Mer du Nord, C.I.J.
Recueil1969,p. 51,par. 95; voir aussi ibid.,p.1,par. 43.)

Pour la Cour, leprolongement naturel étaitle ((concept fondamental du
plateau continentalB. Elleaprisbiensoind'expliquer que,cequ'elle avait
à l'esprit, c'étaitle prolongement naturel en un sens physique palpable.
Elle n'aproposéaucuneautre version de ce concept. Puisque ce concept
était«fondamental »,ily a lieu de supposerque sila Cour avaitenvisagé
l'éventualitéde quelque autresortede prolongement naturel, ellel'aurait
indiqué et l'auraitindiquéde façon d'autant plus explicitequ'ilétaitplus D~LIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 164

ésotérique.Elle ne l'apas fait. Avecun peu de diligence, il estpossible de
nuancer cette opinion en se servant de remarques fragmentaires et de for-
mules tangentielleséparsesici et là dans l'arrêt.Mais il n'est pas possible
de récrire l'arrêtà la lumière de la jurisprudence ultérieure ou d'idées

pluscomplexesdéveloppéesdans lecontexte dela conventionsur ledroit
de la mer de 1982.Les expressions incidentes qui figurent dans l'arrêt
n'ôtent rien àla force de sa conclusion, qui était clai:quand la Cour a
parléde ((prolongementnaturel »,c'estprécisémentcela qu'elle avait en
vue,un prolongementquiétait «naturel »etnon pasphilosophique, théo-
rique ou conceptuel. Il n'est pourtant pas nécessaired'adopter une posi-
tion absolue; aux fins quinousintéressent,ilsuffit de dire que laposition
detravail adoptéepar laCour étaitqueleprolongementnaturelprésentait
un caractèrephysique.
Il convient de passer maintenant au second point, qui est de dire de
quellemanière le prolongement naturel au sensphysique a eu pour effet
de restreindre le recours au concept de proportionnalité.
Le prolongement naturel était considérécomme pertinent du point de

vue du titre. Toutefois,comme on l'a rappelé plus haut, il existe un lien
entre letitre et la délimitation. n'estguèrepossiblede ne pas voir l'opé-
ration de ce lien dans le tout premier des principesou règlesdudroit inter-
national définis par la Cour en 1969comme «applicables à la délimita-
tion»,quand elle a déclaréqu'ilfallaittenir compte
«detoutes lescirconstancespertinentes, de manière àattribuer, dans
toute la mesure du possible, àchaque Partie la totalité deszones du

plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sousla mer et n'empiètentpas sur le prolongement naturel
du territoire del'autre» (C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101C 1 ;voir
aussi ibid.,p. 47,par. 85 c)).
Comme la Chambre l'a fait observer en 1984,une délimitation est une
((opérationjuridico-politique » qui ne doit pas nécessairement suivre le

tracéd'une frontière naturelle là où il en apparaît une (Golfedu Maine,
C.I.J.Recueil1984,p. 277,par. 56).Il n'enestpas moins clairqu'en 1969le
point de vue adoptépar la Cour étaitqu'un facteur essentiel de différen-
ciation entre le plateau continental d'un Etat et celui de son voisin, et qui
régissaitdonc l'établissementdelaligne dedélimitation,étaitleprolonge-
mentnaturel, àsupposerbien entendu quelasituationphysiquepermît de
l'identifier séparément (Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 46, par. 43,
et p. 92, par. 133 2). Voilà pourquoi une zone sous-marine situéeplus
prèsde lacôted'un Etat quede celled'un autrepouvait cependant relever
de ce dernier si elle faisait partie de l'«extension naturelle territoire
terrestre de ce dernier (Merdu Nord, C.I.J. Recueil1969,p. 31,par. 43).
C'est aussi le prolongement naturel au sens physique qui explique
pourquoi, à défautde solution convenue, leszonesmarginales de chevau-
chement devaient êtrediviséespar parts égalesentre les trois Etats inté-

ressésdans lesaffairesdela Mer du Nord (ibid.p, . 50,par.91p. 52,par. 99;
et p. 53,par. 101C 2). Selonmon interprétation de l'arrêt, ladifférencia-tion de prolongements distincts étant impossible à l'intérieur des zones
marginales de chevauchement mais la situation géographiqueétant en
l'occurrenceune situation de «quasi-égalité»où la ((longueur[des]côtes
est[enfait]comparable »,lesprolongements dans leszonesdechevauche-
ment devaient être considérés comme égau par leur étendue,avec des
effets correspondants sur la division des zones. En d'autres termes,une

divisionparparts égalesdans cetteaffairerésulteraitdel'égalitprésumée
desprolongementsnaturels. Amoinsdesefondersurun raisonnement de
ce genre, la directive prévoyantune division par parts égalesétaitau
mieux mécanique,au pire arbitraire. De fait, elle n'a pas échappéaux
critiques de M.Koretsky, Vice-Présidentp , our le motif qu'elle ne respec-
tait pas la distinction établiepar la Cour elle-mêmeentre délimitation et
répartition (Merdu Nord, C.I.J. Recueil1969,p. 168).
Ladirectiveprévoyantladivisionpar parts égalesdeszonesmarginales
de chevauchement n'empêchait en rien l'arrêdte donner clairement à
entendre que deux côtes de longueurs et de configurations rigoureuse-
ment semblables pourraient avoir des plateaux continentaux différents
par leur superficie, selon l'étendue de leurs prolongements naturels
respectifs. Les incidences physiques du prolongement naturel avaient
donc pour effet de limiter la portée de l'applicabilitédu concept de
proportionnalité. Sanscet aspect de la question, il y aurait eu bien des

raisons à l'appui de l'opinion expriméepar M. Bustamante y Piivero,
Président,selonlaquellelanotion de prolongementnaturel
((implique,par une nécessitélogiqueévidente u,n rapport depropor-
tionnalitéentrela longueur des côtesdu territoire d'un Etat etl'éten-
due du plateau continental relevant dudit territoire. Parallèlement,

en ce qui concerne les rapports entre Etats, la conclusion s'impose
que celui qui possède une côte plus longue aura un plateau plus
étendu.Ce genre de proportionnalitéest donc, àmon avis,un autre
des principes quecomporte le droit du plateau continental. L'arrêt,
dans sesparagraphes 94et98,mentionne cetélémentcomme l'undes
facteurs à prendre en considération pour la délimitation d'un
plateau; la Cour ne lui a pas cependant conféréle caractèred'un
principe obligatoire. (Ibid., p.58-59,par. 4, opinion individuelle.)

Sicetteconception delaproportionnalitéestsilarge,c'estparce qu'ellene
tient pas compte des restrictions inhérentesau fondement physique du
concept de prolongement naturel tel qu'entendu par la Cour.
Il est utile d'examiner, par contraste, le point de vue exprimépar le
tribunal arbitral franco-britannique dans un passage bien connu où il a
déclaré :

«En bref, c'estla disproportion plutôt qu'un principe généradle
proportionnalité qui constitue le critère ou facteur pertinent.
Commele Tribunal l'a déjà souligné au paragraphe 78,la délimita-
tion équitabledu plateau continental n'est pas une opération de partage et d'attribution du plateau continental entre les Etats qui
bordent ce plateau. Elle ne consiste pas davantage en une simple
attribution à ces Etats de zones du plateau proportionnelles à la
longueur de leur lignecôtière; agirainsiserait,en effet,remplacer la

délimitationparuneattribution departs. Deplus, leprincipe fonda-
mental suivant lequel le plateau continental relèved'un Etat côtier
parce qu'il est le prolongement naturel du territoire de celui-ci
limite nettement le recours au facteur de proportionnalité. » (RSA,
vol.XVIII. p. 189,par. 101.)

Letribunal arbitral aprobablement entendu leconcept deproportionna-
litéun peuplus étroitementquenel'avaitfaitla Couren 1969(voirLibye/
Malte, C.I.J. Recueil 1985,p. 72-73,opinion individuelle de M. Sette-
Camara, Vice-Président).L'arrêtde 1969ne semblait pas s'être rendu
coupable du raffinementselonlequel (c'estladisproportion plutôt qu'un
principe généralde proportionnalité qui constitue le critère ou facteur
pertinent ». Il est cependant possible de comprendre ainsi le dictumdu

tribunal arbitral. Comme indiquéplus haut, le prolongement naturel, au
sens géophysique, pouvait bien signifier que deux côtes parfaitement
comparables pourraient avoir des superficies inégalesde plateau conti-
nental. Sur cette base, on pourrait bien dire que ((c'estla disproportion
plutôt qu'unprincipe généradleproportionnalitéqui constituelecritèreou
facteurpertinent ».Cette formulationrestrictiveexprimaitcomment,selon
le tribunal arbitral, le ((principe fondamental suivant lequel le plateau
continental relèved'un Etat côtierparce qu'il estleprolongement naturel
du territoire de celui-cilimitenettement»le recours àla proportionnalité.
Passons maintenant au troisième point, qui est de savoir dans quelle
mesure,lecaséchéantl,esrestrictions imposéesau recours à laproportion-
nalitépar leprolongement naturel devraientêtre réputées assoupliepsar
l'atténuation dece dernier concept, du moins sous son aspect physique.

Le concept de prolongement naturel n'a pas tout àfait disparu; dans
une certaine mesure il continue d'exister mêmesous le régimede la
convention de 1982 (Tunisie/libye, C.I.J. Recueil1982,p. 47, par. 44, et
p. 48, par. 47, etLibye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 68, opinion indivi-
duelle de M. Sette-Camara,Vice-Président,etp. 93et suiv.,opinion indi-
viduellede M.Mbaye).Bienqueje n'aiepas l'intention d'argumentera ce
sujet, l'existencede ce concept sous le régimede la convention garde un
aspect physique, du moins dans le cas du plateau large. Toutefois, à des
fins pratiques (y compris celles de la délimitation),dans les limites du
plateau continental normal d'une largeur de 200milles,le prolongement
naturel estdésormaisremplacé par leprincipe géométrique etplusneutre
d'adjacence mesuréepar la distance. Malgréquelques hésitations,ce
changement a étéeffectué (Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 48-49,

par. 48; et Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985,p. 35-36,par. 39-40; p. 41,
par. 49; p. 46-47,par. 61,et p. 55-56,par. 77.Voir ibid.,p. 33,par. 34.)Il
convient d'envisager l'effetde cette importante transformation avecplus
de franchise qu'on nel'afaitjusqu'a maintenant. Il n'estpas logiquede continuerà penser que l'onpeut affirmer que le
principe fondamental du prolongement naturel «limite nettement le
recours au facteur de proportionnalité» au mêmepoint qu'il lefaisait
auparavant, maintenant que ceprincipe (qui constituait la source fonda-
mentale de ceslimites)a été remplacé d,ans le contexte du plateau conti-
nental normal, par celui de l'adjacence mesuréepar la distance. Ce
nouveauprincipe, d'ordregéométrique,permea tu facteur deproportion-
nalitéd'opérer dansla mêmemesure dans tous les cas, sous la seule
réservede l'existenced'autrescirconstancesrestrictives.
L'influence quele concept du prolongement naturel, pris en son sens
géophysique,a euesur laproportionnalitédans l'important arrêd te 1969
me paraît avoir persistémêmeaprès que l'on eut commencé à insister

davantagesurlesaspectspurementjuridiques decetteidée. Ilesttoutefois
possibledevoir dans l'évolutionde lajurisprudence, avec son apogéesur
ce point en l'affaire Libye/Malte, une attitude mieux disposéàprendre
son parti, dans le cas du plateau continental normal, des incidences du
remplacementduprolongementnaturel par lecritèrededistanceet mieux
prête à attribuerà la proportionnalité un rôle plus complet, sans que le
prolongement naturel le ((limite nettement» par les restrictions qu'il
imposait auparavant àla possibilitéd'yrecourir.
Mêmecomptetenu desrestrictionsimposées à la proportionnalitépar
le concept fondamental du prolongement naturel, on ne peut pas dire de
façon convaincante que la Cour n'ait jamais, dans aucune des affaires
dont elle a euà connaître, témoignéd'une manière ou d'une autred'un
intérêptour la question desavoirsilalignededélimitationqu'elle établis-

saitpartagerait leszonesmaritimesencause en tenant comptedesexpec-
tatives raisonnables issues d'une comparaison entre les longueurs des
côtes. Quelle que soit la méthode employée,la Cour,semble-t-il,a tou-
jours eu conscience de la nécessité d'évitedre décevoirces espérances.
Il n'est pas vraiment crédible d'affirmer quela considérationdécisive
dans lesaffairesdela Merdu Nordn'apas été le fait que lestroislittoraux
étaientde longueur comparable. Il faut maintenant réévaluerla capacité
etledevoirqu'a laCourde satisfairedetellesexpectatives,comptetenu de
l'évolutiondu concept de prolongement naturel.
Iln'estpas satisfaisantde répondrequ'ilpourrait résulterde la propor-
tionnalité qu'un Etat exerce ses compétencessous le nez d'un autre.
Le principe du non-empiétement, étenduau plateau continental tel
qu'il estenvisagé maintenant, reste là pour éviterque cela n'arrive en

fixant une limite appropriée à la mesure dans laquelle la proportion-
nalité peut rapprocher un Etat d'un autre (Libye/Malte, C.I.J. Recueil
1985,p. 89,par. 34,opinion conjointede MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménez
de Aréchaga).Il ne suffit pas davantage de répéter la proposition incon-
testéeselonlaquellela proportionnalitén'estpas par elle-même un prin-
cipe direct de délimitation;il y a toujours eu et il y a encore d'autres
considérationsdont ilfauttenir comptepour déterminerune lignededéli-
mitation (ibid.,p.45,par. 58).Unpartage mécaniquedu plateau continen-
tal enfonction deslongueursdescôtesexcluraitcesautres considérationsdefaçon inadmissible.L'exactitude mathématiquen'estpas le but pour-
suivi, indépendamment mêmedu fait que la proportionnalité pourrait
être satisfaite par différentes lignes concevables (Tunisie/Libye,
C.Z.J.Recueil 1982,p. 258, par. 162, opinion dissidente de M. Oda).
Ces diverses considérations n'ont pas cesséd'imposer leurs propres
restrictions à la proportionnalité; ainsi la mention, dans l'affaire
Libye/Malte, de «la nécessité d'éviter dans la délimitation toute dispro-
portion excessive» semble-t-elleprésenterles choses de façon raison-
nable (C.Z.J.Recueil1985,p. 57).Toutefois,pour interpréter et appliquer
cetteformule,ilconviendraitd'admettre, defaçongénéraleq ,uelerôlede
la proportionnalitéestdésormaisnécessairementplusimportant, dansla

mesureoùla considérationantérieure, selonlaquelle«le principe fonda-
mental »du prolongment naturel «limitenettement»ce rôle,a étéassou-
plie, sinon éliminéed,epuis que leditprincipe a étéremplacé par celuide
l'adjacencemesuréeparla distance.

iii) La questiondela valeurnormativedelaproportionnalité

Commele conseil dela Norvègel'a fait observeràjuste titre, lefacteur
relatifàl'existenced'unrapport raisonnable entre la longueur du littoral
et les zones de plateau continental a été énoncé par la Cour en 1969
commele «dernier» de trois ((facteurs», et il n'a pas été incorporé aux
((principes et..règlesdu droit international » stipuléspar la Cour dans
l'alinéa Cdu paragraphe 101de l'arrêt. Cependantj,e suis moins certain
que l'on aurait raison de voir dans cet ordre d'énumérationune circons-

tance autorisantà attribuerune valeur «modeste» àcefacteur.L'essentiel
de la proposition concernant l'existenceàun rapport raisonnable a une
importance cruciale pour l'application de ((principes équitables», aux-
quels la Cour l'a rattaché expressément,et je dirai mêmepéremptoire-
ment, lorsqu'elle a parlédu ((rapport raisonnable qu'une délimitation
opéréeconformément àdesprincipes équitablesdevraitfaireapparaître D
entre la longueur du littoral et les zones maritimes correspondantes. Le
conseil du Danemark a eu raison d'insister sur les mots ((devrait faire
apparaître »(CR93/2, p.77-78,12janvier 1993,M.JiménezdeAréchaga).
Ces mots signifiaientnécessairementquele ((rapport raisonnable » était
quelque chose qui était positivement enjoint par les ((principes équi-
tables» eux-mêmesl,esquels, cela va de soi, étaientles principes juridi-
quesdéterminants.Celaétanti,lne sertpas àgrand-chose desedemander
s'ilseraitjuste de dire que le facteur proportionnalité n'a qu'une valeur

((modeste»ou ((subordonnée»et,dans l'affirmative,enquelsensexacte-
ment.
Sila Cour n'apas fait figurer la proportionnalité parmiles ((principes
et ..règlesdu droit international » énoncésà l'alinéa Cdu dispositif de
l'arrêtoncernantla MerduNord,l'explication doitenêtrecherchéd eans
le fait, une fois de plus, que la décision,dans l'étatdu droàtl'époque,
procédaitde l'hypothèseque le principe fondamental du plateau conti-
nental était celui du ((prolongement naturel du domaine terrestre»,entendu au sensphysique.Commeon l'avu,enraison deceprincipe et de
la manièredont il étaitcompris, deux côtespouvaient fort bien avoir la
mêmelongueur et la mêmeconfiguration et cependant engendrer des
zones de plateau continental différentessi leurs prolongements naturels
étaient inégaux.En conséquence,le prolongement naturel pouvait fort
bien avoir pour effet de rendre impossible l'instauration d'un rapport
raisonnable entre les zones de plateau continental et la longueur des
côtes; comme l'a fait observer le tribunal arbitral franco-britannique, il
avait en réalitépour conséquence d'imposer des «limites définies» au
recours à laproportionnalite. Ainsi,etpour uneraison qui à mon avis n'a
plus de poids, la proportionnalité ne pouvait pas être énoncéc eomme
faisant partie des «principes et..règlesdu droit international ».Toute-

fois,ilne s'ensuivaitpas que,par rapportà d'autres facteurs,on entendait
lui reconnaître seulement une valeur modeste.
Je ne suispas persuadéque l'on puissediscernerune hiérarchie dans la
circonstance qui a fait que la proportionnalité n'a été nommée qu'en
dernier lieu parmi les trois facteurs. Le premier était«la configuration
générale des côtes des Parties ..» Ce facteur intervient manifestement
comme élémentimportant - et pas simplement modeste - dans le
processus de réalisationde la délimitation,et je ne vois aucune raison
suffisante pour qu'il en soit autrement en ce qui concerne le facteur
concernant un rapport raisonnable. Dans le cours des négociationsulté-
rieures, la République fédérale d'Allemagne n'aurait certainement pas
admis (je serais surpris du contraire) qu'on interprètel'arrêtde la Cour
commelui commandant d'assignerun rôleaussihumble à un facteur qui,
manifestement, était à la racine mêmede ses griefs (voir Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p.17,par. 7) et qui, selon moi, constituait tout aussi
manifestement un chaînon majeur du raisonnement d'ensemble de la
Cour.
Qu'est-cedonc quipréoccupait laCour au paragraphe 91de l'arrêt? Je
ne peux lire cette partie d'importance capitale de l'arrêt sans conserver

l'impressiontrèsnetteque la Cour s'inquiétaitde faire en sorte que,dans
«une situationgéographiquede quasi-égalitéentreplusieurs Etats»dont
«les côtes ..sont justement d'une longueur comparable», des mesures
soientprises pour corriger l'effetdéformant d'une configuration côtière
particulière,demanièrequ'aucun destroisEtatsn'«ait des droitsconsidé-
rablement différentsde sesvoisinssur leplateau continentaldu seulfait»
de cette caractéristique particulière.Le passage du dispositif où il est
question du«rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformé-
ment à des principes équitables devrait faireapparaître entre l'étendue
deszones de plateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur
de son littoral.»doit être interprétà la lumièrede cettepréoccupation
maîtresse,visant àassurer,sous réservedetout autre facteurpertinent, un
degréapproximatifd'égalitéecnequiconcerneles ((droits ..surleplateau
continental»par rapport àdescôtesquiseraient ((justementd'une longueur
comparable».L'objectifdéclaré dela Cour - faireensorte qu'aucun Etat
se trouvant dans la situation viséen'«ait des droits considérablement différentsde ses voisins» - ne pouvait manifestement pas être atteint
sans égardpour la zone du plateau continental sur laquelle les droits en
question seraient exercés.Cet objectif pouvait évidemment supposer,
mais sans se limiter à cela, l'égalitéquantà la mesure dans laquelle le
plateau continental d'un Etat devait s'étendre en direction de la
hautemer; cedernieraspectétaittraitéprincipalement par lerecours àun
principeou àune règlede droitinternationaldistincts,àsavoir le principe
oula règleselonlesquelsladélimitationdevaitêtreeffectuéedemanière à
attribuer des zones qui ((n'empiètent passur le prolongement naturel du
territoire »de l'autre Etat (C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101C 1).Lorsque
ledispositif estainsiinterprété,ilestimpossibled'accepter une analyse de

sestermes quipuisse aboutir à n'accorder qu'une valeur modeste au troi-
sièmefacteur, celui qui a traitun rapport raisonnable. Sicettefaçon de
voir n'est pas conforme à la position adoptéepar la Cour dans l'affaire
Libye/Maltequant àlavaleur du facteurproportionnalité dans lecadre de
la décisionde 1969,je dirai respectueusement que cetteposition n'estpas
la mienne (voir Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 43-45,par. 55-57).
Pour les mêmesraisons, j'ai des difficultésavecla Norvègequand elle
soutient que le concept de proportionnalité, tel qu'il a étéénoncépar la
Cour en 1969,n'était pasde ceux qui sont ((d'application générale ».
Naturellement, le concept a étéénoncé à propos des circonstances de
l'espèce, maisje nevoispasen quoi leraisonnementd'ensemble surlequel
ilreposaitn'aurait pas étsusceptibled'application générale. Il estremar-
quable qu'aucun principe nevienne àl'appui de l'opinion selonlaquelle,
lorsquela Cour a parlédu

((rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones deplateau continentalrelevant de 1'Etatriverainetlalongueur
de son littoral »(C.I.J. Recueil1969,p. 54,par. 101D 3),

elle a considéréque ce résultat équitableprimafacie étaitun résultatque
des ((principeséquitablesdevraqenltfaire apparaître)),mais pas dans tous
lescas.Ilsepeut fortbien que cerésultatéquitabledécouled ,ans certaines
circonstances,directement de l'application de laméthodede délimitation
choisie, sans que soit nécessaire aucune retouche, mais c'est tout autre
chose que de dire que le résultat lui-mêmen'est pas de ceux que «des
principes équitables devrai[en]t faire apparaître » dans tous les cas. Le

résultatest toujours un objectifvalable, et cela indépendamment du fait
qu'une démarche spécifiqueou supplémentaire soit ou non nécessaire
pour l'atteindre.Il y a une autre conséquence: si c'est seulement dans
certaines circonstances qu'une démarche spécifique ou supplémentaire
peut être indispensablepour atteindre cet objectif,cela ne fait pas de ce
dernier un objectifd'importance secondaire.
Je ne peux pas admettre non plus l'idéeque les raisons sous-jacentesà
la proportionnalité ne s'étendent pasau cas de côtes se faisant face (voir
C.I.J. Recueil1985,p. 135,par. 18, opinions dissidentes de M. Oda et,p. 184-185,de M. Schwebel).Dans l'affaireLibye/Malte, la Cour n'apas
estimé qu'ilexistaitsemblablelimitation. L'idéede proportionnalitévise
inévitablementune comparaison qui porte sur le point de savoir dans
quellemesure il y a lieu de donner effet aux revendicationsrivales sur le
plateau continental. Danslecasderevendicationssurleplateau continen-
tal,cetterivalitéexistetoutautantquand lescôtessefontfacequelorsqu'il
s'agitde côtesadjacentes.

iv) La questionde savoirsi la proportionnalité peut entrerenjeu en tant
qu'élémendtu processus de délimitation,et nonpas simplement comme
moyende vérifier aposteriorilecaractèreéquitabld e'unedélimitationréa-
liséesansréférence àlaproportionnalité

Bonnombre d'avisautorisés sontfavorables à lathèse,soutenuepar la
Norvège,qui veut que la proportionnaliténe soit admissible que comme
moyen de vérificationde l'équité àposteriori et n'entre enjeu que pour
corriger - généralementsur des points mineurs - toutes inégalités
pouvant résulter d'une délimitation obtenuepar la méthode utilisée1.
La proportionnalité peut, nul doute, être employée de cette manière,
maisje ne suispas persuadéqu'ilfaillela circonscrire àcela. Rien, dans

l'arrêtde 1969,n'indique l'intention de la reléguerau rang de moyen
de vérification à posteriori du caractère équitabled'une délimitation
effectuée sans que l'on ait eu recours à elle. Les premier et deuxième
facteurs, concernant d'une part la configuration générale des côteset
d'autre part la structure physique et géologique ainsi queles ressources
naturelles, ont manifestement pu êtrepris en considérationau cours du
processus mêmede délimitation. Il est difficile de voir pourquoi il
doit nécessairement en être autrementpour le troisième facteur, relatif
à la proportionnalité.
Et je ne vois pas non plus que la situation ait été autredans l'affaire
Tunisie/Libye.Le facteur relatif au rapport raisonnable a été reproduit
dans le paragraphe 133,alinéa B5, de l'arrêt,dans des termes presque

identiques àla formulation de 1969,sauf que,pour desraisons évidentes,
il devait en l'occurrence entrer en jeu non pas en ce qui concerne «la
longueur [du]littoral»mais pour cequi étaitde «la longueur de la partie
pertinente [du]littoral».D'autre part, compte tenu de la structure de la
demande adressée en l'espèce à la Cour, le facteur relatif au rapport
raisonnable était formulé en l'occurrencecomme étantl'une des «cir-
constances pertinentes ..dont il faut tenir compte pour aboutir à une
délimitation équitable»,et non pas comme l'undes «facteurs àprendre
enconsidération »«au coursdesnégociations»(C.I.J.Recueil1982,p. 93,

' Voir, d'une manière générale,rbitragefranco-britannique, vol. XVIII,
p. 188-189,par. 98et suiv.; Tunisie/Libye,C.Z.J.Recueil1982,p. 91,par. 131; p. 92-93,
par. 133,etp. 152-153,par.17etsuiv.,opinion dissidM.tGros; GolfeduMaine,
C.Z.J.Recueil1984,p. 322-323,par. 184-185,et p. 334-335,par.218; Libye/Malte, C.I.J.
Recueil1985,p.44-46;etArbitrage entreleCanadaetla Frances,entence,par.61-63.par. 133B, et C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101D). Cependant, le para-
graphe 133 Adel'arrêt concernantl'affaire Tunisie/Libye,qui énongaitles
((principes etrèglesdu droit international applicablesla délimitatioD,
affirmaitcomme letout premier de cesprincipes et règlesque «la délimi-
tation doit s'opérer conformément à des principes équitables entenant
compte de toutes les circonstancespertinentes ».Ainsi,la proportionna-
litéayantétéstipuléecommel'une descirconstancespertinentelse,dispo-
sitif,considérédans son ensemble,exposaiteffectivement un principe ou
une règledu droit international qui lui-mêmeordonnait que la délimita-
tion soit effectuéeconformément à des principes équitableset en tenant
compte de la proportionnalitéentant que circonstancepertinente. Je ne
vois pas comment quoi que ce soit, dans tout cela,pourrait raisonnable-
ment signifierque la proportionnaliténe devaitpas, après tout, êtreprise

en compte dans le processus de délimitation, et qu'elle devaitservir
simplement de moyen de s'assurer à posteriori du caractère équitable
d'unedélimitationpréalablement effectuéesansréférence àcettepropor-
tionnalité.Sila délimitation était effectuéesansqu'il soittenu comptdee
laproportionnalité, celareprésenteraituneinfractiondirecte àladirective
du dispositif selon laquelle la délimitation devait s'opérer entenant
compte de toutes les circonstancespertinentes, la proportionnalité étant
explicitement rangée parmi ces circonstances. Il est vrai qu'au para-
graphe 131de l'arrêt la Cour, évoquanlte rapport entre la longueur des
côtes etleszones de plateau continental, a déclaréce qui suit:

«De l'avisde la Cour, ce résultat, qui tient comptede toutes les
circonstances pertinentes, paraît satisfaire aux critères de propor-
tionnalitéentantqu'aspectdel'équité. »(C.I.J.Recueil1982,p.91.)

Il y a une certaine orthodoxie dans cettedéclaration. Maisje ne la consi-
dèrepas comme suffisante pour contrebalancer l'interprétationdeprin-
cipe, que le dispositiflui-mêmeconfirme, à savoir que lerapport entre la
longueur des côteset leszones de plateau continental doit êtretraité non
pas simplement comme un moyen de vérifier à posteriori le caractère
équitabledu résultat, maiscommeun facteur dans le cadredu processus
mêmede délimitation.Telle est en tout cas la manière dont M. Gros a

comprisl'arrêt(ibid.,p.152-153,par. 17et suiv.).Je pense que samanière
de lecomprendre étaitlabonne, àla foispour ceque la Cour avoulu dire
etpour cequ'elle a fait en réalité.
Jusqu'àun certainpoint, ilyatoujours eu une certaine irréalitédans le
débatqui concernela question de savoirsila proportionnalitéseborne à
un rôle àposteriori ou si ellepeut aussijouer un rôle de facteur influant
sur la délimitationinitiale.Il une certainevérité dans l'observationde
M. Prosper Weil :

((Pratiquement,la distinction se brouille facilement: chasséepar
lagrande porte, la proportionnalitén'apasde difficulté revenirpar
les petites portes de la disparité des longueurs côtières etdu tàst
posteriori. »(CR 93/9, p. 19,21janvier 1993.)Cependant, lavéritableinférence n'estpas l'illégalim, aisI'inévitabilité.
Sousla formed'une comparaison entre leslongueurs de côtes,la propor-
tionnalitéestapparue enpleine lumièredans l'affaireLibye/Malte. Dans
cetteaffaire, la Cour a distinguéentred'une part lefait de considérerune
disparitéde longueurs des côtes comme un élémend te la détermination
de la ligne de délimitation, etd'autre part le fait de recourir,itre de
moyendevérifier àposteriori l'équitdu résultatà laproportion entrela
longueur des côtes et les zones maritimes correspondantes, en faisant
appel dans lepremiercas àl'arithmétiqueetdans lesecond à desapproxi-
mations (C.I.J. Recueil1985,p. 49 et suiv., p. 52 et suiv.; p. 72 et suiv.,
opinion individuelle de M. Sette-Camara, Vice-Président;p. 82 et suiv.,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga; et

p. 138et suiv., opinion dissidente de M. Oda). Comme je comprends
l'affaire,l'opérationde délimitation a comporté deux étapes,la première
étant l'établissementàtitre provisoired'une lignemédiane,et la seconde
ledéplacementde cetteligneverslenord. Ainsi,la disparitédelongueurs
des côtes, qui a étla raison du déplacement en directiondu nord, a été
prise en considérationau cours du processus même d'établissementde la
lignededélimitation.C'estseulementune foiscelaaccompliquelaCour a
entrepris d'examiner la question de lavérificationdu caractèreéquitable
des résultatsde la délimitation ainsiexécutépear référenceaux rapports
entreleslongueursdescôtes etleszonesmaritimescorrespondantes (voir,
d'une manière généralei,bid.,p. 48-55,par. 66-75).Aucun manquement
grave à l'équitn'estapparu, ce qui n'estpas surprenant.
Et pourquoi «pas surprenant » ? Parce que - c'estle bon sens qui le

dit- il n'yaaucunintérê ttenircompte d'unedisparitédelongueursdes
côtesau coursdu processusde délimitationsil'intentionn'estpas defaire
ensorte que la disparité soitreflétéedanlses droits desarties tels qu'ils
sont assignés à ces dernières par la ligne de délimitation. Or,si l'on
demande cequesont cesdroits,laréponsenepeut êtreque :desdroitssur
leplateau continental. Et icintervientla question crucial:comment ces
droits sur le plateau continental sont-ilsestimés? Sansaucun doute par
référence àla divisionzonale accompliepar la ligne.Il n'estpas facilede
voir commentil estpossibled'affirmer quel'onpeut prendreen considé-
ration une disparité de longueurs des côtes au cours du processus de
détermination d'une lignede délimitation,tout en évitant à tout prix de
faire la moindre comparaison, au cours du mêmeprocessus,entre l'éten-
due de cettedisparitéet l'étenduede toute disparité deszonesmaritimes

correspondantesquipourrait résulterdelaligne eavisagée.Untelraffine-
mentne peut que provoquer l'incrédulité.
Si,lorsqu'on tientcompted'unedisparité danslalongueurdescôtesau
cours du processus de délimitation,onn'apas en même tempsune vision
des effets qu'aura en définitive cette opérationsur l'étendue des zones
maritimes que la délimitation assignera à chacune des parties, alors la
disparitéde longueursdes côtesn'aura pas été priseen considérationde
manière réalisteau moment de la délimitation. Inversement, comme
l'indique lajurisprudence disponible, lorsqu'une disparitéde longueurs D~LIMITATIONMARITIME (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 174

des côtes a été prise en considératiode manière réaliste,il estpeu pro-
bable qu'une vérification à posteriori révèlequoi que ce soit d'inéqui-
table dans lerésultat ence qui concerne la proportionnalitéentre leslon-
gueurs des côtes et les zones de plateau continental (voirunisie/Libye,
C.Z.J.Recueil 1982,p. 91, par. 131,et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,
p. 53-55,par. 75,et p. 56,par. 78).Ou encore, pour dire les chosesautre-

ment, le fait mêmeque dans ces affaires la vérificationà posteriori n'a
révélé aucune disproportion importante conduit nettement à penser
qu'au cours de l'opérationde délimitationil a dû en réalité êtrte enu
compte de l'effetde la délimitationsur lerapport entre leslongueurs des
côtes et les zones maritimes. Que le testposteriori n'ait révélaucune
disproportion importante n'était pasune coïncidence miraculeuse, mais
la conséquence logiquede la considération qui avait été accordée avec
réalismeàla disparitéde longueurs des côtes au cours du processus de
délimitation.Ilyalieudereleverqueledispositifdel'affaireLibye/Malte
mettait «la disparité des longueurs des côtes pertinenten sur le même
pied que la nécessitéd'éviterdans la délimitationtoute disproportion

excessive »entre leslongueursdes côtes et leszones de plateau continen-
tal, l'uneetl'autreétantappelées ((circonstanceset facteurs prendre en
considérationpour parvenir àune délimitation équitableD (C.Z.J.Recueil
1985,p. 57).
Commeilaétéditplushaut, lajurisprudence établiq tuelaproportion-
nalité entre les longueurs de côtes ne peut pas être utiliséecomme
méthodede délimitation.Si elle devait l'être, el((seraitalors»,comme
l'aditla Cour, «àlafoisleprincipe du titre surleplateau continental etla
méthodepermettantdemettreceprincipe enŒuvre )>(ibid.,p.45,par. 58).
Mais le point sur lequel il faut insister, c'est que la Coura en réalité
acceptéecomme((principedu titre)).Cela est important étant donnéque,
dans le mêmearrêt,laCour avait déclaré :

«Quant à fairejouer un rôle comme circonstance pertinente aux
fins de la délimitationun facteur qui n'enjoue aucunpour la vali-
ditédu titre juridique, on ne voit cela aucune raison non plus.»
(Zbid.,p. 35,par. 40; voir aussi ibid.,p. 46-47,par. 61.)

Cepassage - onpeut raisonnablement lepenser - laisseentendre quela
proportionnalité, étant «le principe du titre», est recevable comme
facteurpertinent aux finsde la délimitation,même si ellne peut pas par
elle-même servirde méthodepour construire une ligne.
Bref,il n'estpas possible de négliger lefait que c'estl'extension dans
l'espace des pouvoirs et droits souverains de1'Etatà travers sa façade

côtièrequi engendre son titre en ce qui concerneles droits sur le plateau
continental (Plateau continentalde la mergée,C.Z.J.Recueil1978,p. 35,
par. 85,etp.36,par. 86;Tunisie/Libye,C.Z.J.Recueil1982,p.61,par. 73-74;
Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,p. 40-41,par. 47, 49, et p. 83,par. 21,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga);
que ((c'estla côte du territoire de 1'Etatqui est déterminantepour créer
le titre sur les étenduessous-marines bordant cette cDt(Tunisie/Libye, C.Z.J.Recueil1982,p. 61,par. 73; les italiques sont de moi); qu'une côte
plus longue aura tendance à engendrer une zone de plateau continental
plus grande que celle qui serait engendréepar une côte plus courte,
commecelaestimplicitedans lesaffairesdela MerduNord(C.1.J.Recueil
1969,p. 54,par. 101D 3);et qu'enconséquence,lorsquelesdeux côtesen
cause ne sont pas comparables,cela devrait en principe devenir l'un des
facteursduprocessusmême d'établissementdelalignededélimitationen
vued'assurerun rapport tolérableentreleslongueursde côtesetleszones
de plateau continental.

TROISIÈM PARTIE. LA DISPARITÉ DE LONGUEURS DES CÔTES

Uneremarquepréliminaires'impose.Selonl'une etl'autre desproposi-
tions présentéesJ,an Mayen obtiendrait une zone maritime plus grande
quecellequicorrespondrait àlalongueur desescôtes ;ilenestainsimême
selon la proposition du Danemark. Ce n'estpas àdire que lapart de l'île
devraitêtrestrictementlimitépearla proportionnalité.Laquestion estde
savoirsila disparité marquéede longueursdescôtesdevraitêtrecomplè-
tement négligéeS . i elle l'est,comme elle le serait pratiquement dans la

perspective de la proposition de la Norvège,un kilomètrede la côte de
Jan Mayenaurait sixfoisplus dezonemaritimequ'un kilomètredelacôte
du Groenland oriental. Le recours àune ligne médiane produisant ce
résultat serait-iléquitable?
Siétrange que sa formepuisse être,ne ligned'équidistance,sielle est
correctementtracée,n'estjamais, d'un point de vue géométrique, défor-
mée (voirC.Z.J.Mémoires,Plateau continentalde la mer du Nord,vol. II,
p. 153,M. Jacobsen, agent du Danemark). Cependant, sous l'effet de
caractéristiques géographiques particulières,elle risque de revêtirune
configuration pouvant être considérée comme créan utne circonstance
spécialequiluiôterait laqualitédelignededélimitationéquitableau sens
du paragraphe 1del'article 6delaconventionde 1958.Enlaissantdecôté
les cas où la configuration de la ligne médianeest ainsi caractérisée, y

a-t-il des situations dans lesquelles la ligne médiane serait écarter
simplement en raison des proportions dans lesquelles elle divisela zone
de plateau continental? Dans la présente affaire,par exemple,la dispro-
portion entre les zones qui est produite par cette ligne serait-elle une
circonstancespécialedevant conduire àécarter cetteligneet empêchant
d'yavoirrecours ?Le Danemark répondraitpar l'affirmative,la Norvège
par la négative.
Il est intéressantde noter que chacune des Parties a conclu son plai-
doyer sur l'idée d'égalitéq,ui cependant était comprise de plusieurs
manièresdifférentes,à savoir:

a) égalitéau sens de division égale des zones de chevauchement,
évoquép ear laCour en 1969,divisionqui,asoutenu la Norvège,serait
en grande partie accomplie par une ligne médiane,toute inégalité
étantenfaveurdu Danemark;b) égalité dans le sens où une ligne médiane effectueune division par
parts égalesdeladistanceentrecôtessefaisantface;
c) égalité dans lesensdelacomparaisonentrechosescomparables, avec
cette conséquenceque le fait de traiter des côtes de longueur inégale
comme si elles étaientd'égalelongueur équivaudrait à les traiter de
façoncontraire àl'égalité.

La Norvègea plaidépour a)et b),le Danemark pour c).Ces différents
points sontexaminésrespectivementdanslessectionsi),ii)etiii)ci-après.
Inévitablement,letraitement n'estpas parfaitement compartimenté,et le
tout demeure imprégnéde la question de la proportionnalité, examinée
dans ladeuxièmepartie. Ilya lieud'ajouter qu'en générallN aorvègeaeu
tendance àminimiserla proportionnalitéet àmettre d'accent sur la divi-
sionpar parts égales,tandis que le Danemark a eutendance àinsistersur
la proportionnalitéetà minimiserla division par parts égales.

i) La demandede laNorvègeauregardde lajurisprudence
concernantladivisionparparts égalesdeszonesdechevauchement

Je commencepar le premier des deux sens dans lesquelsla Norvègea
conclu sa revendication relative une lignemédianeen invoquant l'idée
d'égalité. C'est lens dans lequel lajurisprudence parle de division par
parts égalesdeszonesde chevauchement.
Tellequeje l'ai comprise,laNorvègesoutenait quecequidoitêtredéli-
mité, ce n'estpas la totalitédu plateau continental situé entreles deux
côtes se faisant face, mais seulement la partie qui,l'intérieurde cette

zoneplus vaste,estcompriseentrelesdeuxlignesde200millessechevau-
chant projetéesàpartir de chaque côte;queleprincipe établipar lajuris-
prudence estque cettezone de chevauchementdoit êtredivisép ear parts
égales;et que, bien que la ligne médianetende à favoriser dans une
certainemesureleGroenland même àl'intérieurdelazone dechevauche-
ment, d'un point de vue pratique, elle aboutiraitne divisionsensible-
ment par parts égalesde cette zone (contre-mémoire,vol. 1,p. 124-126,
par. 421-424; p.147-148,par. 498-502;et duplique, p. 170et suiv.).
Il y a deux questions que je me propose d'examiner. Premièrement,la
prémissede la Norvègeest-elle fondée, dans la mesureoù elle semble
affirmer que ceque l'on estentrain de délimiter,cen'estpas latotalitédu
plateau continental compris entre les deux côtes se faisant face, mais

seulement la zone de chevauchement situéeau milieu de la zone plus
vaste?Deuxièmement,dans lamesureoùlajurisprudence dit quelazone
de chevauchement est diviséepar la lignemédiane enparts égales,envi-
sage-t-elletous les cas concevables indépendamment des disparitésde
longueurs des côtes,ou seulement dans les cas où les longueurs de côtes
sont com~arabies ?
Ala premièrequestion,on répondraquenaturellement laligne de déli-
mitation ne se situerait pas en dehors de la zone de chevauchement.
Cependant,une foisla ligneconstruite, cequ'elledélimite,cen'estpas la 177
DÉLIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDE~N)

zone de chevauchement, mais le plateau continental situé entreles deux
côtessefaisant face. S'ilen estainsi,c'estparce que cedont parle lepara-
graphe 1de l'article 6de la convention de 1958,c'estde«la délimitation
du plateau continental entre [des]Etats» «dont les côtes se font facD,
termesquej'interpréterai commeserapportant àune délimitationconcer-
nant la totalitédu plateau continental situéentreles côtessefaisant face.
De même,le paragraphe 3 de la disposition parle de ((délimitationdu
plateau continental ».
Même sic'estseulementla zone de chevauchementqui est àdélimiter,

la délimitation doit tenir comptedu facteur relatiàun rapport raison-
nable,etcela,à sontour,tient comptedel'effet ultimedelalignededélimi-
tation sur la position des partiesl'intérieurde la totalité deszones de
plateau continental qui relèvent d'elleserdu Nord,C.Z.J.Recueil1969,
p. 54,par. 101D 3, et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,p. 54-55,par. 75).
Cefacteurdevra manifestementêtreprisen considérationdans lecontexte
de l'ensemble du plateau continental dans une affaire ou, la distance
entre les côtesétantinférieure 200milles,latotalitédu plateau setrouve
à l'intérieurde la zone de chevauchement. Je ne vois pas comment il ne
peut s'appliquer tout autantl'ensembledu plateau continental lorsque,
comme dans la présente affaire, la distance estsupérieureà 200milles.
Ainsi,selonmoi,l'onnesaurait partir d'une prémissequiindiquequele

caractère équitabled'une ligne de délimitationn'est pas touchépar les
répercussionsde la ligne sur le plateau continental en dehors de la zone
interne de chevauchement àl'intérieurde laquellela ligne est construite.
Passonsmaintenant à la deuxième question,cellede savoir si lajuris-
prudence concernant la division par parts égalesa envisagétousles cas
concevablesindépendamment desdisparitésde longueurs de côtes.
Dans leurs argumentations, les Parties se sont référéesdeux aspects
de la façon dont l'arrêtde 1969a traité la question.Le passage qui a été
soulignépar la Norvègeétaitle suivant:

«En effet les zones de plateau continental se trouvant au large
d'Etats dont les côtesse font face et séparantces Etats peuvent être
réclamées par chacun d'eux àtitre de prolongement naturel de son
territoire. Ces zones se rencontrent, se chevauchent et ne peuvent
donc être délimitée qsue par une ligne médiane;si l'on ne tientpas
comptedesîlots,desrochers ou deslégerssaillantsdelacôte,donton
peut éliminerl'effetexagéréde déviationpar d'autres moyens, une
telle ligne doit diviser également l'espacedont il s'agit.)) (C.Z.J.
Recueil1969,p. 36,par. 57).

Lepassage sur lequel le Danemark a misl'accentselisaitcommesuit :
«Dans une mer qui a la configuration particulière de la mer du
Nord etenraison de la situation géographiqueparticulière descôtes
des Parties dans cette mer, ilpeut se faire que lesméthodeschoisies

pour fixer la délimitation des zones respectives conduisent en
certains secteursàdes chevauchementsentre les zones relevant des
Parties. La Cour considèrequ'ilfaut acceptercettesituation comme une donnée defait et la résoudre soitpar une division des zones de

chevauchement effectuéepar voie d'accord ou, à défaut,par parts
égales,soitpar desaccordsd'exploitation en commun,cettedernière
solution paraissant particulièrement appropriée lorsqu'il s'agitde
préserverl'unité d'un gisement.»(C.I.J. Recueil1969,p. 52,par. 99;
voir aussi ibid.,p.,par. 101C 2.)
S'appuyant sur ce passage, et sur les élémentsconnexesdu dispositif, le
Danemark a conclu en cestermes :

«le principe dedivisionpar parts égalesqu'invoquela Norvègeense
fondant sur cette affaire ne devait s'appliquer que dans les zones
marginalesoùil yachevauchement,etnon àladélimitationdansson
ensemble »(réplique,vol. 1,p. 153,par. 416).
L'unet l'autrepassage de l'arrêtde 1969parlent de division par parts
égales. Mais ily a dans le premier passage un élément quiest absent du

second, à savoirune mention du recours àla lignemédianedans lecadre
d'une délimitation entre Etats sefaisantface. Le second passage prescri-
vait l'objectif (saufaccord) d'une division par parts égalesdes zones
marginalesde chevauchement,maisnestipulait aucune méthodeparticu-
lière de délimitationpour atteindre cet objectif; la division par parts
égalesn'implique pas nécessairementlerecours àla lignemédiane. Etant
donnécettedifférence,je ne suispas en mesure d'accepter la conclusion
du Danemark selon laquelle l'idée de division par parts égales,telle
qu'elle figure dans le premier passage, est circonscrite au cas de zones
marginales de chevauchement dont il estquestion dans le second.
Mais la question demeure de savoir si l'idéed'une division par parts
égaless'applique àtoute délimitation entre Etatssefaisant faceindépen-
damment des disparitésde longueurs des côtes.Il y a lieu de rappeler ici
qu'untribunal, lorsqu'il faitune déclaration,nepeutpas toujours envisa-

gertoutes les circonstancesvariées auxquelleson pourrait lui demander
par la suite d'appliquer les termes de sa déclaration.Est-il réellement
certainque,lorsqu'elleparlait en 1969dedivisionpar parts égalesparune
ligne médianedu plateau continental entre «Etats se faisant face», la
Cour internationale deJusticeabieneu à l'esprittous lescasconcevables,
siparticuliersfussent-ils,dans lesquelsonpeut direqu'un Etat«fait fac»
àun autre? Quelleimage avait-elle en vue quand elle parlait d'«Etats se
faisantface» ?Rienn'était pluséloignd éel'espritdelaCour qu'une situa-
tion dans laquelle une petite île et une longue côte continentale seraient
mutuellement en présence entant qu'éléments principauxde la zone
géographiquepertinente.Lesensdans lequella Cour a considéré la posi-
tion des îlesétaitceluioù il s'agissait«des îlots,desrochers ou des légers
saillants de la côteuipouvaient avoir pour effetde déformerune ligne
médiane(C.I.J. Recueil1969,p.36,par. 57).Etant donnéqu'à l'époquela

Cour considéraitle prolongement naturel comme ayant un caractère
physique, il est douteux qu'elle aurait eu l'idéedu prolongement naturel
d'un petitlittoralinsulairerencontrant etchevauchantvraimentlatotalité
du prolongement naturel d'une côte continentale neuf fois plus longue,dans lesenspratique où lesprolongementsnaturels dedeux côtescompa-
rables et se faisant face se rencontreraient et se chevaucheraient.l est
encoremoinsprobable que la Cour auraitadoptécettefaçon devoir dans
un cas où la distance entre les côtes aurait été aussigrande qu'elle l'est
dans la présente affaire.
Seréférantau dictumde la Cour de 1969concernant le principe de la
divisionparparts égalesparune lignemédiane,leconseildela Norvègea
citélecommentairesuivant,quifiguredans laneuvièmeéditiondel'Inter-
nationalLaw d'oppenheim (vol.1,p. 779,note 10) :

«Mais bien sûr, sauf le cas invraisemblable de rivages qui se
correspondent exactement, une ligne médiane n'opère jamaisune
division par parts égalesdes espaces,et ne prétend d'ailleurspas le
faire»(CR 93/7, p. 51,19janvier 1993,M. Brownlie).

On ne peut qu'être d'accord. Cet argument avait,en substance, été
présenté àlaCourlorsdesplaidoiriesoralesconcernant latroisièmeques-
tiondesirGerald Fitzmaurice. Dans saréponse,sirHumphrey Waldocka
expressément déclaré :«mêmeles lignes médianes ne garantissent en
aucune façon une division par parts égalesdes zones, qu'il s'agissedu
plateau continental au sens étroit oudans un sens plus large» (C.I.J.
MémoiresP ,lateaucontinentaldela merdu Nord,vol. II, p. 275;voir aussi
ibid.,p. 163et 248 et suiv.). Il serait erronéde supposer que ce point a
échappéa laCour, etonneluiavaitpasnon plus donnédebonnes raisons
pour nepasl'admettre.Ainsilaquestionqui sepose estlasuivante :quand
la Cour a déclaré qu'une ligne médian« edevait» diviser les zones par
parts égales,ya-t-ileu erreur de sapart, compte tenu du fait qu'une ligne
médianene fait pas toujours cela? Mais l'interprétation la plus raison-
nableneserait-ellepasdeconsidérerque,lorsquelaCourparlaitdedivision

par parts égalespar une ligne médiane,elle envisageaitdes cas où deux
Etats étaientdes«Etatssefaisant face »encesensqu'ilsavaientdeslitto-
raux qui étaientcomparablesetquipouvaient en conséquenceconduire à
une divisionpar parts égalespar une lignemédiane,tout au moins avec
l'approximation nonmathématique quiesttolérableenmatièrededélimi-
tation maritime ?Tout en reconnaissant que le raisonnement est quelque
peu circulaire,je pencherais néanmoinspour ladeuxièmefaçondevoiret
conclurais que, lorsque la Cour a déclaré qu'une ligne médiane «devait
opérerune divisionpar parts égales», il n'est pas possible qu'elleait eu
l'intention d'appliquer celaà des situations dans lesquelles une ligne
médiane ne pourrait absolumentpas parvenir àce résultat, tellesque la
situation dans la présente affaire,où l'une des côtes est neuf fois plus
longueque l'autre.Amon avis,aucune raison convaincante ne permet de

penserque,lorsquela Cour aparlé d'une lignemédiane opérantunedivi-
sionparparts égales,elleentendaitque celadevaits'appliquer àtoutesles
situations concevables dans lesquelles des prolongements se chevau-
chaient; manifestement, une ligne médiane ne pouvait pas toujours
opérerde la sorte, et l'onpeut raisonnablement faire confiancela Cour
pour ne pas avoirignorécela. Le conseil de la Norvège a invoqué certaines autres décisions qui se
référaientau paragraphe 57 de l'arrêt rendupar la Cour en 1969.ou au
principe énoncédans cet arrêt, àsavoir les affaires du Golfedu Maine et
Libye/Malte et l'Arbitragefranco-britannique. En réalité,ces décisions
n'ajoutent rien.
Evoquant la question de la division par parts égalespar une ligne
médiane, la Chambre, en 1984,a expressémentformulé à cette occasion
uneimportante mise en garde :

«son choix de base [celuide la Chambre] ne peut que seporter sur le
critèreà propos duquel l'équitéestdelongue date considéréecomme
un caractèrerejoignant la simplicité :à savoir lecritèrequi consisteà
viser en principe - en tenant comptedes circonstances spécialesde
l'espèce- àune divisionpar parts égalesdeszones de convergence et
de chevauchementdesprojectionsmarines des côtesdes Etats entre
lesquels la délimitation est recherchée)) (Golfe du Maine, C.I.J.
Recueil 1984,p. 327,par. 195;les italiques sont de moi).

Danscetteaffaire-là,où la disparitédelongueursdescôtes dans lesecond
secteurétait bien moindre qu'elle ne l'estdans l'affaire considéréeici (le
rapport étantde 1,38contre 1tandis qu'il estde9,2contre 1en l'espèce),la
ligne médiane a étécorrigéecomme il convient. Plusieurs des passages
(citéspar le conseil de la Norvège)où la Chambre a évoquél'idéede la

division par parts égalesmontrent effectivement l'importance qu'elle
attachait à cette idée;en revanche, ils n'indiquent pas qu'aux yeux de la
Chambre toute zone de chevauchement,quelle qu'ellefût,devaittoujours
êtrediviséepar parts égales,que ce fût par une lignemédiane ou autre-
ment '.Au contraire,la Chambre a déclaré :

«La méthode en question n'est cependant applicable qu'à la
condition qu'il n'y ait pas dans le cas d'espèce de circonstances
spéciales qui rendraient ledit critère inéquitable, en faisant appa-
raître le caractère déraisonnable d'unetelle division et en imposant
donc le recours à une ou plusieurs méthodes différentesou,tout au
moins, une correction adéquate du résultatque l'application de la
premièreproduirait. »(Ibid., p.301,par. 115.)

Et la Chambre a explicitementconsidérécomme «particulièrement no-
table »etcomme «une circonstancespécialequipèsed'un certainpoids »
la différencede longueurs des côtes - pourtant modeste - qui existait
en l'occurrence (ibid.,p. 322-323,par. 184).
Dans l'affaireLibye/Malte, dans laquelle la Courade nouveauinvoqué
le paragraphe 57 de l'arrêt rendu en1969,la ligne médianen'a pas été
utilisée comme ligne de délimitation; elle a été employée seulement «à

'C.Z.J.Recueil 1984D.300-301.Dar.115: D. 312-313.Dar.157:D. 328. Dar.197:
p. 329-330,par.201; p.'3j1-332,pai.i~9; p. 335,parp.1332-333:~ar.iii; p. 333;
par.213;p. 334,par.217.titre d'élément provisoiredans un processus devant se poursuivre par
d'autres opérations...))(C.I.J. Recueil1985,p. 47, par. 62). La Cour a
corrigéles résultats produitspar la ligne médiane précisémena tfin de
tenir compte d'une disparité marquée de longueursdes côtes.Lerésultat
obtenu en définitiven'apas du tout été de diviserla zone par parts égales
entre les deux Etats:celuiqui avait la côtela plus longue a obtenu beau-
coup plus.
Dans l'affaire de l'Arbitragefranco-britanniquel,e tribunal arbitral a
déclaré :

«Lorsque les côtes de deux Etats se font face, la ligne médiane
établira normalementune délimitation sensiblementégale etéqui-
table. Toutefois, il en estainsiuniquementàcause des effetsgéomé-
triques de l'application du principe de l'équidistance uneportion
deplateau continentals'étendan etnfait entredescôtesquisefont véri-
tablementface l'une à l'autrepar-dessusceplateau continental.En
somme,lecaractèreéquitabledeladélimitationne résultepasdu fait
que la situation est qualifiéeuridiquementde situation d'Etats qui

«sefont face»,maisde son caractère géographique réelte antquetel.
(RSA,vol.XVIII,p.249,par. 239;lespremiersitaliques sontde moi.)
Letribunal arbitralparlait enréalitéd'unedivisionparparts sensiblement
égalesdu plateau continental par une ligne médiane. Toutefois,la ques-
tion de savoir comment une ligne médiane pourrait diviserpar parts

égales leplateau continental intermédiaire dans les cas où les côtes se
faisant facesont de longueurtrès sensiblementinégaledemeure obscure.
Etant donnélesfaitsde l'espèce, cen'étaiptas làlegenre de situation que
le tribunal arbitral envisageait. Ce qu'il avaità l'esprit, c'était«une
portionde plateau continentals'étendant enfaitentredescôtesquisefont
véritablement facel'une à l'autre par-dessusceplateau continental ».En
pareil cas,

«le caractèreéquitablede ladélimitationnerésultepasdu faitquela
situation estqualifiéeuridiquementde situation d'Etatsqui «se font
face»,mais de son caractèregéographique réeen l tant quetel».

J'hésiteàimaginerque letribunal arbitral aurait eurecours à cesdescrip-
tions detype factuel dans lecas d'unpetit littoral insulaire setrouvant en
présence d'une côte continentaleneuf fois plus longue. Qu'il n'envisa-
geait pas un tel casressort clairement du paragraphe 182de la sentence,
qui se lit commesuit:

((Commeletribunal l'aindiquéau paragraphe 95,lorsqu'ils'agit
d'Etats se faisant face, la lignemédiane confèràchaque Etat, dans
descirconstancesnormales,desaires deplateau continentalpresque
égales,et elle constitue une délimitation selon des principes équi-
tables. Lorsque les lignes côtièresde deux Etats se faisant face sont
elles-mêmea spproximativement égalespar rapport auplateau conti-
nental, il s'ensuitque non seulementla lignemédiane devraitconsti- tuer la limite dans des circonstances normales, mais aussi que les
zones de plateau continental revenant à chaque partie de part et
d'autre de la lignemédiane devraientêtresensiblementégaleosu du
moins sensiblement comparables. Il est manifeste que, si les îles
Anglo-Normandes n'existaient pas, c'est précisémentde cette
manière que se présenterait le tracéde la délimitationdu plateau
continental dans la Manche. »(RSA,vol.XVIII, p. 223.)

Ainsi, le tribunal arbitral parlait d'une division par parts sensiblement
égalesproduite par une ligne médiane «dans des circonstances nor-

males», comme par exemple la circonstance où «les lignes côtièresde
deuxEtats sefaisantfacesont elles-mêmea spproximativement égalespar
rapport au plateau continental».C'étaitdans cescas-làquelerecours àla
lignemédiane seraitéquitable.
Selonmoi,lajurisprudence relative àladivisionparpart égalesneparle
pas contre le Danemark.

ii)La demandede la Norvègeau regardde la notion
selonlaquelleunelignemédianeopèreunedivisionparparts égales
de ladistanceentre côtessefaisantface

Voyons à présentledeuxièmesensdanslequellaNorvègeafaitreposer
sa revendicationd'une lignemédianesur l'idéed'égalité. Il s'agitdu sens

selonlequelune lignemédianeeffectueune divisionpar parts égalesdela
distance entre côtessefaisant face.
Je suis d'accord avec la Norvège pour penser que, ce que la ligne
médianedivise par parts égales,c'estla distance entre les deux côtes se
faisantface,etpasnécessairementlazone maritime.Amoinsquechacune
desdeuxcôtessefaisantfacenesoit lerefletexactdel'autrepour cequiest
à lafoisdelaconfigurationet delalongueur,unelignemédianenesaurait
diviserlazonemaritime parparts égales.L'égalitéd,ans lescasoù elleest
obtenue, est en réalitun aspect de la proportionnalité. Et doncon peut
ajouter plus généralementqu'une zonemédiane ne diviserp aas nécessai-
rement la zone proportionnellement aux longueurs de côtes lorsque ces
dernières sont inégales.Manifestement, les situations idéales dans les-
quelles une proportionnalité exacte peut êtreobtenue ne peuvent être
lesseulscasdans lesquelsleparagraphe 1del'article6delaconventionde
1958envisageaitque la lignemédiane serait la lignede délimitation.En
conséquence - tellequeje comprendsl'argumentation dela Norvège -,

dans lescasoù cettedisposition apour effetdeprescrire lalignemédiane
commelignede délimitation,la lignemédianeestla lignede délimitation
mêmesi en fait elle ne divise pas la zone maritime en proportion des
longueurs de côtes.Celaest vrai; cependant, afin d'éviterune pétitionde
principe, il faut garder l'esprit que pour savoir si, dans une situation
donnée, la disposition a réellementpour effet de prescrire la ligne
médiane commeligne de délimitation,il importe de déterminersi uneligne médiane créeraou non une iniquité. Selonmoi, cela - quoiqu'il
s'agissemanifestement d'une question de degré - concerne, dans les
circonstances de la présente affaire,la mesure dans laquelle une ligne
médianene satisfaitpas àla condition d'un rapport raisonnable entre les
longueurs de côtesetleszonesmaritimes correspondantes.
En raison d'un effet radial qui favorise le cerclepar rapporta ligne
droite, une longueur donnée de côte insulaire typique engendrera une
zone deplateau continentalplusgrande que neleferaitla même longueur
d'une côtecontinentaletypique.Onpourrait dire que c'est làun avantage
que ledroit confèreàune île et qu'iln'ya aucune raison de priver celle-ci
decetavantagequand ellesetrouveêtresituée à moinsde400millesd'une
côte continentale (y compris celle d'une grande île telle que le Groen-
land). Toutefois, me semble-t-il,il existeen équitune distinction selon

que l'îlejouissant de cetavantage est situéeenhaute mer au-delà de cette
distance ou en deçà de cette distance face à une autre côte. Dans le
premiercas,lefaitque l'îlejouit desonavantage n'apasd'incidencesurle
droitafférentàune autre côte,mais iln'envapas demême dans lesecond.
Selonlaproposition dela Norvège,Jan Mayen,dont lafaçademaritimea
54kilomètres,aurait une zone maritime de 96000kilomètrescarrés;le
Groenland oriental, avec une façade maritime de 504kilomètres,aurait
une zone maritime de 141 000kilomètrescarrés.Chaque kilomètrede la
côte de Jan Mayen engendrerait donc une zone maritime six fois supé-
rieure àcelle que généreraiutn kilomètrede côte du Groenland oriental.
Dire que l'îlepeut en droit prétendreà une ligne qui accorderait àune
longueur donnée de sa côte six fois l'étenduede plateau continental
correspondant à la même longueurde la côte continentale lui faisant
face et que ce que donne le droit ne doit pas être refuséc,'est exclure

complètementl'équité descalculsquiproduisent unrésultataussidispro-
portionné.Sil'affaire devait êtrrégiepar le paragraphe 1de l'article 83
de la convention sur le droit de la mer de 1982,on pourrait légitime-
ment douter qu'une telledisproportion méritelenom de «solution équi-
table».
Répondantaux arguments du Danemark relatifs àla disproportion, la
Norvège a fait observer que dans les cas où, comme en l'occurrence,
les deux côtes sont de longueur inégale,une ligne médianeaurait pour
effet de donner l'étenduela plus grande à la côte la plus longue. Cela
est vrai; dans une certaine mesure on peut dire que la ligne médiane
tient effectivement compte d'une disparité de longueurs des côtes et
qu'il y aurait double emploi si cette disparité devait être traitée séparé-
ment ou additionnellement. Cependant, s'il est de fait que la ligne

médiane laisseraitune superficie plus grande à la côte la plus longue,
cela ne garantirait pas nécessairementqu'iln'y ait pas de disproportion
excessive.
A considérerleschosesobjectivement,il n'ya rien, dans la géographie
de lazonepertinente, quidonne à penser quechaque kilomètrede la côte
deJan Mayen doiveengendrer sixfoisplus de plateau continental qu'un
kilomètredela côtepertinente du Groenland oriental, comme ceseraitle D~LIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 184

cas si l'on suivaitla proposition de la Norvège.l est vrai que l'idéedu
plateau continental estune créaturedu droit. Mais,mêmeainsi,dansune
affaire de ce genre, on est censé délimiterune zone maritime entre des
côtes sefaisant face qui existent matériellement. Cette zon- la ((zone
pertinente » - est le territoire couvert par les projections convergentes
partant de chaque côte opposée(voir le raisonnement qui figure dans
l'arrêtconcernant l'affaire Tunisie/Libye,C.ZJ..Recueil 1982, p. 61-62,
par. 75). La Norvègen'a pas dit quelle étaitson idéede la zone perti-
nente, mais le Danemark l'a fait. J'accepte comme exacte l'idée qu'ila
donnéede la zone en question. Elle est représentée approximativement
par lafigure AEFB,BCDG, GH etHAdu croquis no1incorporéàl'arrêt.

Sicettefigure estinterprétéeàlalumièredesdonnéespertinentes,ilappa-
raît que la zonepertinente qu'elle représenteest limitéel'ouest entière-
ment par 504kilomètresde la côte du Groenland oriental, mais qu'à l'est
c'estseulementtrès partiellement qu'elleest limitéepar 54kilomètresde
la côte de Jan Mayen. A l'est, elle estlimitéepar la côte occidentale de
Jan Mayen projetée théoriquementjusqu'à 200 milles en direction du
nord et 100millesen direction du sud-ouestjusqu'à lalimiteextérieurede
la zonemaritime de l'Islande (voir mémoire,vol. 1,carte noII; duplique,
carteVI;réplique,vol.1,carteV;etlesfigures 12,14et 15présentées par le
Danemark). L'utilisation d'une ligne médiane signifieque la division
porte non pas sur l'espace compris entre le Groenland oriental et
Jan Mayen, mais sur l'espace situé entrele Groenland oriental et la côte
occidentale de Jan Mayen artificiellement prolongée vers le nord et le
sud-ouest.

Parconséquent,quand la Norvègeinsistesur «l'égalitjuridique d'une
lignemédiane »(CR93/7, p. 58,19janvier 1993,M.Brownlie),au sensde
l'égalitdans laportéede la capacitégénératricd eechaque côteendirec-
tion du large,c'estune égalitéjuridique quiemporte avecellel'avantage,
pour la Norvège,d'être miseen Œuvrepourune zone donton nepeut dire
quethéoriquement quesalimiteorientaleestreprésentée par Jan Mayen,
alors que la limite occidentale coïncidepratiquement avec la côte perti-
nente du Groenland oriental.
C'était l'argumentdu Danemark que, dans le cas d'un littoral insu-
laire peu étendufaisant face àune longue côte continentale, l'équité ne
pouvait être assurée qu'en traçant la lignde délimitation plus prèsde
la côte courte que ce ne serait le cas s'ilétait utiliséune ligne médiane,
afin d'évitertoute disproportion excessive.La Norvègeétait en désac-
cord.

Pour illustrer les critiques qu'elle adressaitproposition du Dane-
mark,la Norvègeaprésenté la figureno10,reproduite à la pagesuivante.
Cette figure montre, comme on s'yattendrait, qu'entre deux côteségales
etparallèles(l'une situéaunord de l'autre),une lignemédiane opèreune
divisionpar parts égalesde l'espace maritimequ'ellesenferment.Toute-
fois, laorvègea compris le raisonnement du Danemark comme ayant
pour conséquence que, si la côte septentrionale se répartissait entre
plusieurs Etats différents,alors, DÉLIMITATIONMARITIME(OP. IND. SHAHABUDDE185

I
Côte de l'Atat

Côte de 1'Btat

Côtes desEtats

Côtede1'EtatF
1

Côtes des Etats

LI iB_1El D IIEIIm

Côte de 1'EtatG «la côte longue [au sud],par sa seule longueur, conduiraità placer
chacune des différentes limites [maritimes] au nord d'une ligne
médianeentrelescôtesphysiques»(CR93/11, p.45,27janvier 1993,
M. Brownlie).

Si telle était la conséquencedu raisonnement du Danemark, elle serait
manifestement inéquitable, car elle aurait tendance à favoriser la côte

méridionalepar rapport àla côteseptentrionale prise comme un tout, les
deuxétantd'égale longueurO . r,contrairement àcequ'affirme laNorvège
dans son analyse,chacune des côtescourtes situéesau nord ne ferait pas
face,dans cettesituation,àl'ensembledelalonguecôtesituéeausud. Sila
longuecôteseptentrionalevenait àêtredivisée entreplusieursEtats, toute
tendance à se déployeren éventailvers le large que pourraient avoir les
projections de chaque côte courte résultante serait limitéepar une
tendance en sens contraire engendrée par la côte courte avoisinante
(Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985,p.79-80,par. 10,etp. 80,par. 14,opinion
conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga).Les projec-
tions a partir d'une côtecourte donnée ne s'opposeraientpas à cellesqui

partiraient de l'ensemblede la longue côte situéeen face. Le résultatest
que, dans le cas de l'une quelconque des côtescourtes, la côtepertinente
opposée seraitnon pas la totalitéde la longue côte opposéemais seule-
ment la petite fraction de celle-ciqui serait égàcellede la côtecourte.
Ainsi,lescôtespertinentes seraientdeux côtescourtes égalesetparallèles,
etl'espacemaritimelesséparantseraitdiviséparparts égales - etéquita-
blement - par une ligne médiane. Les arguments du Danemark ne
conduisentpas, enpareil cas, àun déplacementverslenord du tracéde la
lignemédiane,etsathèsenepeut êtrecritiqué au motifqu'elleproduirait
desrésultatsinéquitablessiun tel déplacementétaiteffectué. Il enirait de
mêmeslialonguecôteseptentrionale étaitfractionnéeenune séried'îles,
chacune proche de la suivante; en effet, en pareille situation, les projec-

tions radiales de chaque île seraient coupéespar celles de l'île la plus
proche, de sorte qu'en définitivela côte de chaque île ferait face unique-
ment à une longueurcorrespondante delacôtelongueméridionaleetnon
à latotalitéde cettedernière.
La conclusion du Danemark selon laquelle un déplacementest indis-
pensable pour réaliser l'équitévise seulement le cas où une côte courte
isoléepar ailleurs- tel que celuid'unepetite îlesedressant toute seuleen
haute mer - est en présence d'une longue côte continentale, telle que la
partie pertinente de la côte du Groenland oriental. Si l'on exclutde la
figure no 10tous les éléments quine sont pas pertinents dans une telle
situation, il ressortira des éléments restants qu'en pareil cas le cas
présenté par le Danemark - une lignemédiane diviseraeffectivementla

zonemaritime de manière à donner à chaque kilomètrede la côte courte
une étendue nettement plus grandede cette zone qu'elle ne donnerait à
chaque kilomètrede la côte longue opposée. Une égalitémathématique
n'estcertespas le critère,maisil n'enrestepas moins quedans lescas où,
comme ici, la disproportion des étendues à attribuer à un kilomètredechaque côte est de l'ordre de 6 contre 1 en faveur de la côte courte,
l'argument selon lequel l'«égalitjuridique » est quand même satisfaite
étantdonné quela distance entre les côtes demeure diviséepar parts
égalespar la ligne médianes'éloignetrop du sens commun pour qu'il
puisse aboutirà cetteégalitépratiqueque l'équité devraittendrà réaliser
dans lesrelations internationales. Selonmoi, une disproportion de cette
ampleurrevient àuneiniquitéquidoitconduire àécarterlalignemédiane
entant que méthode équitablede délimitation.

iii)La demandeduDanemark au regarddel'égalité dans lesens
d'une comparaisonentrechosescomparables

A cestade, on aura vu apparaître avecsuffisamment de clartélestraits
saillants de l'argumentation du Danemark. Celle-ci est, cela va de soi,
fondéesurdesconsidérationsrelatives àla proportionnalité. Cependant,
il y a un aspect particulier de ce concept que le Danemark a invoqué.
Selon la Cour, ((l'aspect essentiel du critère de proportionnalité est
simplement que l'on doit comparer ce qui est comparable» (Tunisie/
Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 91,par. 130).Ou,commela Cour l'adit aussi,
«l'équité impose seulemend te comparer ce qui est comparable » (ibid.,

p. 76,par. 104).C'estdans cesens,je crois,que le conseildu Danemark a
conclu que, si l'on traite des côtes de longueur inégale commesi elles
étaientde même longueur, on lestraite defaçon inégaleCR93/10, p. 51,
25janvier 1993,M. Bowett).
Il ya dans lesouvragesdes misesen garde,formuléesaveccirconspec-
tion, selonlesquellesla maxime de la commonlaw((égalité estsynonyme
d'équité»demande à être nuancéequand on cherche à l'étendreau
domaine du droit international. Dans les relations internationales, les
situations ont tendance à s'individualiser au plus haut point, peut-être,
dit-on,encoreplus que sur leplan interne,etune égalitdetraitement qui
négligeraittotalement une inégalitdans lessituations etdans leursrésul-
tats pourrait conduireà de graves injustices (Charles De Visscher, De
l'équitdans lerèglementarbitral etjudiciairedeslitigesdedroitntematio-
nalpublic, 1972,p. 7,8 et 32; et affaire des EcolesminoritairesenAlbanie,

C.P.J.I.sérieA/B no 64, p. 19). En conséquence: ((Rétablirl'équilibre
entre des situations différentes, tel peut être l'objet d'une égalité qui
répond à l'équit»(CharlesDeVisscher,op.cit.,p.7 ;voiraussiPaulReuter,
((Quelquesréflexionssur l'équité en droit internationalRevuebelgede
droit intemational,980-1,vol. XV,p. 170-173).J'interprèteces observa-
tions et d'autres selon lesquellesl'équité veut qu'un équilibre soit établi
entreintérêtsrivauxcommesignifiantque,lorsquelessituationsconsidé-
réessontsensiblementdifférentes,l'égalité straduit par laproportionna-
litéen vue de la réalisation d'une égalité danlses relations. L'idée a été
exprimée en substancepar M. Tanaka, lorsque,bien que seréférant à un
autre domaine du droit, il a déclaré

«le principe de l'égalidevantlaloi ne correspond pas àune égalité
absolue, qui voudrait que les hommes soient tous traités également D~LIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 188

compte non tenu des situations individuelles et concrètes, mais
correspond plutôt à une égalité relative, c'est-à-direau traitement
égalde ce qui est égal etinégalde ce qui est inégalSud-ouestafri-
cain, C.I.J. Recueil1966,p. 305-306,opinion dissidente).
La maxime de la commonlawn'estpas réellementdéficientesur cepoint,

carilestadmis,tout au moinsaujourd'hui, que «le mot ((égalité»,dans la
maxime,veutdire nonpas égalité àla lettre mais égalproportionnelle »
(R. P. Meagher, W. M. C. Gummow et J. R. F. Lehane, Equity,Doctrines
and Remedies, 3eéd.,1992,p.87,par. 330).
Et c'est un fait que, comme l'a déclaré la Chambredans l'affaire du
Différendfrontalier:

« Bien que ((l'équité n'implique pas nécessairementl'égalité »
(Plateau continental de la mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,p. 49,
par.91), il reste qu'en l'absence de circonstances spéciales c'est en
généralcelle-ci qui traduit le mieux celle-là.(C.I.J. Recueil 1986,
p. 633,par. 150.)

Ainsi, sous réserved'exceptions raisonnables liéesà des ((circonstances
spéciales», l'idée d'égalitest cruciale pour l'équité.Ce que la Cour a
déclarée,n 1969,c'estque ((l'équitén'implique pasnécessairement l'éga-
lité»(Mer du Nord, C.I.J.Recueil1969,p. 49,par. 91);la Cour n'a pas dit
que ((l'équitén'implique pas l'égalit». Abstraire complètement l'idée
d'égalitéde l'équité,'estàla foisdépouillercettedernière de toute signi-
fication et défigurer la déclaration faitepar la Cour sur le sujet. Cepen-
dant, si la Cour n'a donc pas exclu l'idéed'égalitéde l'équité, elle a
effectivement souligné que «l'égalitése mesure dans un mêmeplan»

(ibid., p. 49-50,par. 91). C'est pourquoi la Cour a été soucieuse,dans les
circonstances de l'espèce,de faire en sorte que les Etats ayant des côtes
comparables se voient accorder l'égalitéde traitement dans la pratique.
C'est aussi la raison pour laquelle la Cour n'a pas pu non plus admettre
que l'on puissejamais ((égaliserla situation d'un Etat dont les côtes sont
étendues et celle d'un Etat dont les côtes sont réduites» (ibid., p. 49,
par. 91). Je pense que cette déclaration de principe nette et pertinente
serait directement menacée au cas où une côte neuf fois plus longue
qu'une autre se verrait assigner une étendue de plateau continental à
peine une fois etdemieplus grandeque celledont bénéficieraitl'autre. Or
ce serait bienlà la conséquencedans la présente affaire,à moins que la
disparité de longueurs des côtes ne puisse être considérée comme une

circonstancespécialeappelantun déplacementdela lignemédiane.Cette
disparitépeut-elleêtre ainsiconsidérée?
Répondant àl'affirmation du Danemarkselonlaquelle Jan Mayen,par
excellence, constitue une circonstance spéciale, la Norvège soutient
qu'une circonstance spéciale est une caractéristique physique incidente
qui fausserait une ligne médiane fixéepar référenceaux élémentsprinci-
paux de la régiongéographiquepertinente; que Jan Mayen n'estpas une
caractéristiquephysiqueincidente de cegenremais estelle-mêmel'un deséléments de la zone de délimitation;et qu'en conséquenceJan Mayen ne
peut êtreune circonstancespécialedans le cadre de la délimitationde ses
propres projections côtières. Les situations en cause dans certaines
affairesviennent à l'appui de l'idée quese fait la Norvèged'une circons-
tance spéciale.Voir, par exemple, les affaires de la Mer du Nord, 1'Arbi-
tragefranco-britannique et l'affaire Tunisie/Libye. Les cas où un îlot ou
une autre caractéristique physique se trouvant entre des côtes opposées
auraitun effet de distorsion exagérésurune lignemédiane ne sontmani-
festement pas à prendre en considération dans la présente affaire. La
tentativefaite par le Danemark,dans sesécritures,pour traiter Jan Mayen
elle-mêmecommesetrouvant «du mauvaiscôté»d'uneligne dedélimita-
tion entrela Norvègecontinentale etleGroenland (réplique,vol. 1,p. 109,

par. 299)a étéà juste titre abandonnéeau cours de la procédure orale,car
il ne peut être question d'unplateau continental quelconque à délimiter
entre ces deuxterritoires.
Comment donc l'îledeJan Mayen peut-elle constituer une circonstance
spéciale? La question en appelle une autre: quelle est la portée des
«circonstances spéciales »?Dans les affaires de la Merdu Nord,la Cour
elle-mêmea évoqué «les controverses ..non encore résolues auxquelles
ont donné lieu la portée et le sens de cette notion)) (C.I.J. Recueil 1969,
p. 42,par. 72; voir aussi, ibid.,p. 254,opinion dissidente de M. Sorensen,
juge ad hoc).Et en 1977le tribunal arbitral franco-britannique a eu des
raisons de noter que

«l'article6 s'abstient de définirles «circonstances spéciales» aussi
bien que d'indiquer le critère permettant d'établir si des circons-
tances donnéesjustifient une délimitationautreque celle qui résulte
de la ligned'équidistance»(RSA,vol.XVIII, p. 175,par. 70).

Toutefois, il est utile de rappeler ce passage de l'opinion dissidente de
M. Lachs, dans les affaires de la Merdu Nord: ((l'application de la règle
[del'équidistance]etla possibilitéd'exceptions doiventêtreenvisagéesde
façon raisonnable » ;comme il l'a fait observer, «la raison exige que l'on
tienne pleinement compte de toutes les réalitésd'une situation, dans ses
effets pour toutes les PartiesC.I.J. Recueil1969,p. 239).
Bien que je persistà croire que les «circonstances spéciales»au sens
de l'article6 de la convention de 1958ont un sens plus étroit que les
« circonstancespertinentes »du droitinternational coutumier, il m'appa-
raît néanmoins que les premières pourraient raisonnablement englober

des situations diverses.
Je ne crois pas avoir àprendre position sur la question de savoir si,à
priori, un élément principal d'une zone pertinente ne peut pas cons-
tituer une circonstance spéciale. La question réelle n'estpas de déter-
miner si Jan Mayen est par elle-mêmeune circonstance spéciale, mais
si les rapports entre Jan Mayen et le Groenland constituent une circons-
tance spéciale. Sans aucun doute, la Commission du droit internatio-
nal avait à l'esprit des caractéristiques ou irrégularités physiques
particulières qui auraient un effet de distorsion exagérésur une ligne DÉLIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 190

d'équidistance qui, à d'autres égards, s'imposerait (Mer duNord, C.I.J.
Recueil 1969,p. 92-94, opinion individuelle de M. Padilla N~NO;
Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 187 et suiv., opinion dissidente
de M. Oda, et Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985, p. 142et suiv., opinion
dissidente de M. Oda). Toutefois, il me semble que le véritableprin-
cipe sous-jacent est qu'une circonstance constitue une circonstance
spécialesi elle est de nature a rendre le recours à la ligne médiane
inéquitable.Ainsienvisagées,lescirconstancesspécialespourraient com-
prendre des circonstances s'ajoutant à celles qui donnent une configu-
ration particulière à la ligne médiane. Mêmeen supposant que Jan

Mayen n'est pas par elle-mêmeune circonstance spéciale,la disparité
de longueurs de sa côte et de celle de la côte du Groenland oriental
rendrait le recoursà la ligne médiane inéquitable et constituedonc une
circonstancespéciale.
Dans l'affaire Libye/Malte, M. Oda a fait l'observation suivante dans
son opinion dissidente :

La méthodesuivie dans le présent arrêt consiste a voir dans le
territoire entier de l'une des Parties une circonstance spécialede
nature à influer sur une délimitatio.D.(C.I.J. Recueil 1985,p.138-
139,par. 27.)

M.Oda a critiquél'arrêstur cepoint. Que sescritiques aient étéjustifiées
ou non ne changerien a la validitéde son sentiment que la Cour avaiten
réalité traité«le territoire entier de l'une des Parties» comme «une
circonstancespéciale D,ou peut-être,plusexactement,lelittoral entierdu
territoired'une Partie dans sesrapports aveccelui de l'autre.Lescôtesen
cause étaient, bien sûr,celles d'une petiteîle et celles d'une longue côte

continentale situéeen face.L'île,dans la présente affaire,n'estpas seule-
mentun petitterritoire quiadevantlui une longuecôtecontinentale :c'est
unepetiteîle isoléequiadevant elleune longuecôtecontinentale - isolée
en ce sens particulier que ses projections radiales, par rappoàtla côte
longue,nesontpaslimitéespar lesprojectionsoriginaires decôtestierces.
Selonmoi,celaconstitueune circonstancespécialequi exclutlerecours à
la ligne médiane conformémentau paragraphe 1de l'article6 de la con-
ventionde 1958,etj'appuielesconstatationsde laCourallantdans cesens.

iv) La zone depêche

Les observationsqui précèdent concernaientle plateau continental et
reposaient sur cette prémisseque le droit applicable étaitcelui qui est
énoncédans la convention de 1958.En revanche, la délimitationde la
zone de pêcheest régiepar le droit international général. Toutefois, la

conclusionretiréeau sujet du plateau continental est applicable enprin-
cipe à la zone de pêcheen ce sens que, compte tenu des circonstances
pertinentes, l'application de principes d'équité exclurailte recours la
lignemédianepour la délimitationde cettezone. QUATRIÈME PARTIE. LA D~TERMINATION DE LA LIGNE ÉQUITABLE

La proportionnalité ne peut pas en elle-mêmeservir de méthodede
délimitationmais, dans les circonstancesspécialesde l'espèce, elleindi-
queraitune lignesituéequelquepart entrelalignedes200millesdu Dane-
mark et la limite ouest de la mer territoriale deJan Mayen. Etant donné
que dans cetteaffairelalargeur maximumdu plateau continental endroit
international contemporain estde200milles,leDanemark soutient quela
ligne de délimitation doit êtrela ligne des 200 milles qu'il propose.
L'objectionde la Norvègesuivantlaquelle il s'agitlà d'une correctionde
l'équitépar le droit est attrayante mais n'estpas convaincante. Je n'inter-

prète pas la référenceu Danemark àla possibilitéd'une lignequi serait
situéeau-delàde lalimitedes 200millescommeune référence àune ligne
fixéepar l'équitépar oppositionà une lignefixéepar ledroit, desorteque
l'équité devrait alors être corrigper le droit.l s'agitseulement d'une
étapedans le raisonnement théorique employépar le Danemark pour
démontrer la mesurejusqu'à laquelle l'équité donnerait effet à ce qu'il
conçoitcomme étantl'intention véritabledu droit dans les circonstances
spéciales de l'espèce, cette étendue étant bornéepar la limite des
200millesfixéepar le droit. L'équité faisantlle-même partie du droit, il
n'estpasquestionquel'équité corrigeledroitniqueledroitcorrigel'équité.
Lalignedes200millesdu Danemarkaurait pour résultatunrapport des
superficies de6,64contre 1en faveur du Groenland, alors que le rapport
deslongueursdescôtes estde 9,2contre 1enfaveur du Groenland. Ainsi,
Jan Mayen obtiendrait encore proportionnellement plus que le Groen-

land. Mais le problème que suscite la démarche du Danemark, pour
laquellej'aurais autrement fortement penché,est qu'elle aurait eu pour
effet d'attribuer au Danemark la totalitéde la zone de chevauchement
entre les deux lignes des 200milles.Ce point, qu'a fait valoir la Norvège
avec insistance, n'est pas une preuve concluante de la faiblesse de la
thèsedu Danemarkcar,dans lesaffairesdela MerduNord,laCoura envi-
sagéla possibilité qu'une lignede délimitation laissela «zone margi-
nale litigieuse..entièrement ..à l'une des parties)). Il est cependant
possible d'interpréter cette déclarationde la Cour comme signifiant
qu'ilseraitplus habituel que la ligne de délimitation aboutisse la par-
tager ou à faire comme s'ily avait partage)) (C.Z.J.Recueil1969,p. 22,
par. 20).
Ainsi donc, si l'équitn'estpas synonyme de division de la différence,

c'estseulement, sitant est,dans des cas extrêmesque l'on pourraitlégiti-
mementexclureentièrementunepartiede la zonemarginale litigieuse».
Je pense que ces conditions sont près d'êtreremplies dans les circons-
tances spécialesde cette affaire, mais pas toutà fait. Bien que j'eusse
préféréunelignesitué une peuplus àl'estdecellequiaété déterminée par
la Cour, etquia étéobtenue par un déplacementmodéré versl'ouestdela
lignerevendiquéepar le Danemark, je ne saurais direque ma préférence
estjustifiéepar des raisons assez impérieusespour que je ne puisse pas
souscrireà l'arrêtde la Cour sur cepoint. Je crains cependant qu'il faille envisager les critiques dont pourra
faire l'objet le caractère discrétionnairede la décision.La méthodepar
laquelle la ligne a été déterminée par la Cour suit le précédent établi

dans l'affaireLibye/Malte. Dans cette affaire, comme on l'a vu, il a été
appliquéune procédureen deux étapes consistant a tracer une ligne mé-
diane provisoire et ensuite à déplacer celle-ci pour tenir compte de la
disparitéde longueurs des côtes,la ligne finaleétant située plus prèsde
la côte la plus courteque de la côte la plus longue. Le problème soulevé
par cette façon de procéder est celui de la quantification de l'équité,
en ce sens qu'il faudra trouver un raisonnement pour justifier I'éten-
due du déplacement opéré. Pourquoi exactementce déplacement?Pour-
quoi pas un peu plus, ou un peu moins? 11est d'autant plus difficile
de trouver une réponse convaincante que le déplacementest plus impor-
tant.
Il s'agit d'un problème familier concernant l'exercice du pouvoir
discrétionnaire du juge. Un reste de pouvoir discrétionnaire est intrin-
sèque alafonctionjudiciaire (voirsirRobertJennings, «Equity and Equi-
table Principleso, SchweizerischesJahrbuchfür internationales Recht,
vol. XLII, 1986,p. 35, et Golfedu Maine, C.I.J.Recueil 1984, p. 357,

opinion individuelle de M. Schwebel). L'évaluationdu préjudice subi en
estuneillustration; enpareil cas,ainsi que la Cour l'aelle-mêmeobservé,
«le calcul du montant de l'indemnité ne[peut]pas êtredéduitderèglesde
droit posées à cet effet»(Jugementsdu tribunaladministratifde1'OITsur
requêtes contrle'Unesco,C.I.J.Recueil1956,p. 100).Il serait inexact de
supposer que les commentateurs qui ont ainsi exprimé leur trouble ne
connaissaient pas le principe en cause. On ne doit pas non plus penser
qu'ilsconsidèrentcommefatal qu'iln'existeaucune «règlepour délimiter
d'une manière mathématique» les zones maritimes (Compétenceen
matièrede pêcheriesC , .I.J.Recueil1974,p. 96, opinion individuelle de
M. de Castro). Ils reconnaissent qu'à l'intérieur de certaines limites,qui
peuventêtrelarges,lepouvoir discrétionnaire dujuge est là pour combler
la lacune (Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 187,opinion dissidente de
M. Schwebel). Mais, ainsi que l'a observéM. Bustamante y Rivero a
propos du droit administratif espagnol, «un pouvoir discrétionnaire
n'implique nullement l'arbitraire» (Barcelona TractionL , ightand Power
Company,Limited, C.I.JR . ecueil1970,p. 59-60,opinion individuelle).En

matièrede délimitationmaritime, où la marged'appréciation est si large,
la difficultéestdeprésenterun fondementjuridique satisfaisant pourtout
exercice particulier de ce pouvoir discrétionnaire afin que le résultat
n'apparaisse pas comme «une ligne que la Cour a tiréeex nihilo»(Tuni-
sie/Libye, C.I.J. Recueil 1982, p. 150, par. 14, opinion dissidente de
M. Gros).
La Cour a soulignéque son pouvoir d'appréciation dans l'application
desprincipes équitables està distinguer du pouvoir de statuer exaequoet
bon0(Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 60, par. 71 ;voir aussi Libye/
Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 39,par. 45, et GolfeduMaine, C.I.J.Recueil
1984,p. 278,par. 59).Exprimant avecplus de rigueur la position moinsnette adoptéedans l'affaire Tunisie/Libye,elle a reconnu égalementque
son application de l'équité«doit être marquée par la cohérenceet une
certaine prévisibili»(Libye/Malte, C.I.J.Recueil 1985,p. 39,par. 45).La
réponse,cependant,est que lesprincipes équitablesqu'applique laCour
manquent à telpoint de contenu concret qu'elle exerceenfaitun pouvoir
discrétionnaired'uneétendue quile rend pratiquement indiscernabledu
pouvoir de statuer ex aequo et bon0 (voir, d'une manière générale,
E.Lauterpacht, AspectsoftheAdministrationofInternationalJustice,1991,
p. 124-130).Pourreprendre lestermes de M. Gros:

«Une décisionlibredetoutevérificationde sonbien-fondésurla
base du droit peut êtreopportune, elle n'estjamais un actejuridic-
tionnel. Une équité discrétionnairement découverte n'est pas une
forme d'application du droit.»(Golfe duMaine,C.I.J. Recueil 1984,
p. 382, par. 37, opinion dissidente; voir aussinisie/Libye, C.I.J.
Recueil1982,p. 153.par. 18,opinion dissidentede M. Gros.)

Plus sérieuseencoreest la mise en garde «qu'une utilisation démesurée
ou désordonnéede l'équité aboutissait au gouvernement des juges, ce
qu'aucun Etatn'acceptefacilement »(GolfeduMaine,C.I.J.Recueil1984,
p. 385,par. 41,opinion dissidentede M. Gros). Des critiques d'une telle

sévéritéméritent considération.
Le caractèrejudiciaire dela Cour, soulignàjuste titre par M. Kellogg
dans l'affaire des Zonesfranches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex
(C.P.J.I.sérieA no24),n'interdit pas pour autant que, conformémentau
paragraphe 2 de l'article 38 de son Statut, la Cour, si les Parties sont
d'accord,puisse statuer sanstenir compte du droit international existant
(A. P. Fachiri, ThePermanent Court ofInternational Justice,2eéd.,1932,
p. 105-106;Max Habicht, ThePowerof the InternationalJudge to Givea
Decision«ex aequo et bono)),1935,p. 20-27;et Charles De Visscher,op.
cit.,p. 21-26).En pareil cas,

«la Cour n'estpastenue de s'écarterdudroitapplicable,maiselleest
autoriséeà lefaire,etpeut même demander àune partie derenoncer
à des droits juridiques. Elle n'a cependant pas une entière liberté
d'action.Ellenepeutpas agird'unemanièrecapricieuseetarbitraire.
Dans la mesure où elle s'écartedu droit applicable, ou intervient
dans des domaines où il n'y a pas de droit applicable, elle doit
s'appuyer surdesconsidérationsobjectivesde cequi estéquitableet

juste. Ces considérations dépendent, dansune large mesure, de
l'appréciation personnelledesjuges et cependant la Cour ne serait
pas fondée à aboutir à un résultat impossibleà expliquer par une
motivation rationnelle.)) (M. O. Hudson, The Permanent Court of
InternationalJustice,1920-1942(éd.1943),p. 620,par. 553.)

Siun pouvoir de statuer ex aequo et bon0n'exigepas qu'on s'écarte des
principes du droit,samarque distinctiveestqu'ilpermet delefaire.Onne
peutpasdire d'untribunal dont iln'estpasquestion qu'ilsesoitdépartidel'application des règlesde droit qu'il a statuéex aequo et bono,même
lorsqu'il a lui-même utilisé cette expressionpour motiver sa décision
(voir Jugementsdu tribunal administratifde l'OIT sur requêtes contre
l'Unesco,C.Z.J.Recueil1956,p. 100).La Cour ne peut pas s'écarter des
principes du droit pour procéder àune délimitation équitable.Lespou-
voirs d'appréciation de la Cour, aussi étendus qu'ils soient, lui sont
conféréspar le droit lui-même;leur exercice aboutit à une détermina-
tion judiciaire des relations juridiques existantes entre les parties et ne
consiste pas à légiférerour créerde nouvelles relations juridiques qui
remplaceraient celles qui existent entre elles (voir, d'une manière géné-
rale,sirHersch Lauterpacht, TheDevelopmentofInternationalLaw bythe
International Court,1958,p. 231, par. 68; et, du mêmeauteur, Private
Law SourcesandAnalogies ofInternationalLaw (with SpecialReference
to InternationalArbitration),927,p. 65-66,par. 28).Cela étant,il serait

erronéde considérerque l'application par la Cour de principes équi-
tables équivautde sa part às'approprier un pouvoir de statuer ex aequo
et bono.
Laissant de côtélescasoùun arbitre doit seborner à déterminerentre
deux lignes cellequi constitue la ligne de délimitation,il faut de rappeler
lestermes utiliséspar sir Hersch Lauterpacht quand il écrivait:

«Si[unarbitre]choisituneligneintermédiaire,riennepermetvrai-
ment de dire que la limite choisie est un dénominateur commun
obtenu par la voie d'un compromis et d'une médiation,par opposi-
tionà une procédure strictementjudiciaire. Amoinsque le compro-
mis d'arbitrage ne le lui interdise expressément,il peut, et en fait il
doit, enpesant la valeurrelativedes argumentset despreuvesavancés
par lesparties,terminerune lignequ'ilconsidèrecorrecteen droit.
Il peut choisir une ligneproposéepar l'une desparties. Mais il n'est
pas tenu delefaire.(HerschLauterpacht, TheFunction ofLaw inthe
InternationalCommunity,1933,p. 132;lesitaliques sontde moi.)

Auparavant, J. B.Moore avait de même remarqué à propos desalléga-
tions suivant lesquelles le résultat de l'arbitrage du différend frontalier
concernantlarivièreSainte-Croix «étaitdavantagelefruitd'une négocia-
tion que d'une décisionjudiciaire :

«Il estcertainement exactquela décisionn'atotalement faitdroit
àla revendication d'aucune desparties, mais il estpermis de consi-
dérerque ce qui semblait pour l'avocatde l'une des parties, et sans
doute aussi pour celui de l'autre, êtreune «négociation» plutôt

qu'une «déterminationjudiciaire », car chacune des parties y était
contrainte de renoncerà une partie de sesprétentions,n'étaitaprès
tout qu'un exemple duprocessus nécessairde'ajustement,de balance
d'uneconsidérationpar rapportàuneautre,par lequel,enprésencede
preuves dont la force se prête inévitablemenà des interprétations
différentes,sont quotidiennement rendus des jugements humains concordants et justes par des organes judiciaires ou autres.»
(J. B. Moore (dir. publ.), Intemational AdjudicationsAncient and
Modem, 1930,vol.2,p. 367-368;lesitaliques sont de moi.)
L'individualisation de la justice, par l'application de normes juri-
diques formulées à la manièrede principes, de manière à concilier une
prévisibilité suffisante avecle besoin de s'adapter aux caractéristiques

particulières d'une situation spéciale,n'est pas synonyme d'éclectisme
ou d'arbitraire (voir Compétenceen matièrede pêcheries,C.I.J. Recueil
1974,p. 56,note 1,opinion individuelle de M. Dillard). Recourir àl'ap-
plication de ces principes est areconnaître qu'à l'intérieur des bornes
fixées chaque affaire est dans une certaine mesure unique» (Roscoe
Pound, An Introductionto thePhilosophyofLaw, 1930,p. 118;voir aussi
ibid.,p. 113-120.et,du mêmeauteur, ~Hierarchy of Sources and Forms
in Different Systemsof Law», TulaneLaw Review,1933,vol. 7, p. 485).
Commeon l'adit :

«Lorsque des tribunaux sont appelés à appliquer des normes
comme impartialité, caractère raisonnableet absence d'arbitraire,
conscience,honnêtetéj,ustesse de la cause ou de l'excuse, suffisance
du motif,duediligence, adéquationoudifficulté,lejugementnepeut
pas s'appuyer sur des formulations et des déductions logiquesmais
doit comporter une décisionsur ce que la justice exige dans les
circonstancesdel'espèce.Cela estd'ailleurs admispour cequi estde
nombreux principes équitables,et aussi de normes bien connues de
la commonlaw comme le caractère ((raisonnable». Ces principes
reposent surdescomplexesdefaitsetdevaleurs,etpas surdesimples
faits. (Julius Stone, Legal Systemand Luwyers'Reasonings, 1964,
p. 263-264; notes omises; voir aussi, d'une manière généraled ,u

mêmeauteur, île Provinceand Functionof Law, 1946,p. 318-319,
325-326,411-412.)
En pareils cas, c'estseulement quand son auteur approche les bornes de
son pouvoir discrétionnaire qu'une décision particulière(et nulle autre)
s'impose (Julius Stone, Legal System and Luwyers'Reasonings, 1964,
p. 264).
«FromPrinciplesto Pragmatism Changesin theFunction ofthe Judi-

cial Processand the Law»(«Des principes au pragmatisme:l'évolution
du rôle de la fonction judiciaire et du droit») était le titre choisipar
M. P. S.Atiyah pour sa conférence inaugurale à l'université d'Oxfordle
17février1978(Iowa Law Review,1980,vol. 65-11,p. 1249). Letitre, qui
lui-mêmedonne matière àreflexion,parle de lui-mêmeA . u sujet de ((la
versionmoderne de l'équité »,l'auteur écrivai:

((11ne peut assurément faire aucun doute qu'aujourd'hui le
pouvoir discrétionnairedu juge, qu'iltire parfois de la loi mais qu'il
s'arroge aussiparfois lui-mêmed,e faire ce qu'il considèreêtrejuste
compte tenu de toutes lescirconstances de l'espèceest la version du
XXesièclede l'équité». (Ibid.,p. 1255.)Un peu plus loin, il ajoutait:

«Le droit ..est désormaislargementfondésur l'idéeque l'infinie
variété des circonstancesest telle que vouloir fixer des règlesgéné-
rales ne peut qu'aboutir à l'injustice. Lajustice ne peut être rendue
que par une démarche individualiséeet ponctuelle, par un examen
très détaillédes circonstancesde chaque espèceet par la détermina-
tion de ce qui semble être équitable comptetenu des faits interve-
nus.» (M. P. S. Atiyah, op. cit., Iowa Law Review,1980,vol. 65-11,
p. 1256.)

Et ensuite,mentionnant une ((tendance croissante àemployerdesinstru-
ments etdestechniquesjuridiques possédant une flexibilitéintrinsèque »,
il cite comme ((exemple le plus remarquable ..le très largeusage qui est
fait aujourd'hui des normes du «raisonnable» (ibid.).Il serait peu vrai-
semblable que les phénomènes jurisprudentiels analyséspar M. Atiyah
n'aient aucune contrepartie dans les autres systèmes juridiques ou
qu'ils ne soient pas pertinents en droit international du seul fait des
distinctionsqui existent entre l'équité en droitinternationalet l'équité en
droit interne.
Ces tendances ne justifient en aucune manière que l'on se dispense
de la nécessitéde fixer des limites précises au pouvoir discrétionnaire
du juge ou d'établir des critères pourréglementerson exercice à l'inté-
rieur des limites fixées.Il me semble cependant que ces limites doivent
être trouvées dans -le principe consacré suivant lequel la Cour ne
s'occupe pas de répartir un bien commun, mais de circonscrire des
droits que détient déjà séparément chaque partie. Commeje l'ai dit plus

haut, une délimitation peut bien avoir pour effet de déterminer de
manière définitive l'étenduede droits concurrents dans des zones mar-
ginales, mais elle n'a pas pour effet de répartirun bien indivis. En outre,
les critères régissant une délimitation sont raisonnablement clairs
(voir, par exemple, Golfe du Maine, C.Z.J. Recueil 1984, p. 312-313,
par. 157,et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil 1985,p. 39-40,par. 46). Ce qu'il
faut ensuite, c'est peser et mettre en balance les critères applicables
à l'intérieur de ces limites. Certes, l'opération peut être difficilecar,
ainsi que la Cour l'a dit en 1969, «de tels problèmes d'équilibre entre
diverses considérations varient naturellement selon les circonstances
de l'espèce» (Mer du Nord, C.Z.J.Recueil 1969, p. 50, par. 93). Mais
les difficultés que rencontre la Cour dans l'accomplissement de sa
tâche ne sont pas suffisantes pour l'entraîner hors des limites de sa
missionjudiciaire.
Lanécessité depeser etdemettre enbalancedesconsidérationsconcur-
rentes limite nécessairementla capacitédujuge de statueravec une préci-
sion mathématique. L'impossibilité d'atteindre ce niveau d'exactitude

n'est pas incompatible avec un exercice approprié de la mission judi-
ciaire. Attendre davantage ne seraitpas seulementsurestimerla fonction
judiciaire, maisaussi mal la comprendre. Lemalentendu estaggravélors-
que cettefonction s'applique àune délimitationmaritime,domaine danslequel ilimporte particulièrementde garder à l'esprit l'observation géné-
rale de M. Paul Reuter suivant laquelle le droit international «est néces-
sairement simple et un peu rustique» (C.I.J. Mémoires,Templede Préah
Vihéarv, ol. II, p. 85). Il y a certainement beaucoup de vrai dans l'idée
qu'«une décisionne peut pas être équitable si lesplaideurs ne compren-

nent pas cette décision, commentelle a été prise, nipourquoi telles ou
telles règlesjuridiques doivent être appliquée» àla situation en cause1.
Quelle que soit la générosité des limitesque l'on voudrait assigner au
pouvoir discrétionnairedu juge, ce pouvoir doit toujours s'exercer de
manière disciplinéeet par rapport à des critères vérifiables. Pourtant,
considérant la nature des fonctions de la Cour dans cette affaire et le
caractère assez indéterminé des circonstances à prendre en compte,

il existeàmon avis des motifs suffisants à l'appui de son point de vue
selon lequel la revendication par la Norvègede la ligne médianeet la
revendication par le Danemark de la ligne des 200 milles ne sont ni
l'une ni l'autre justifiéeset que la délimitation équitableest celle établie
par son arrêt.

CINQUIÈM EARTIE. LA COMPÉTENCE POUR DÉFINIR

UNE LIGNE UNIQUE

Le Danemark demande une ligne unique pour le plateau continental
et la zone de pêche.Je comprends en cela qu'il s'agitde deux lignes
distinctes mais coïncidentes. La Norvège soutient que, sauf dans la
mesure où l'application du droit international conduirait normalementà
deux lignes distinctesmais coïncidentes, il ne peut pas être fait droitàla

requêtedu Danemark en l'absence d'un accord en ce sens entre les
Parties,etquede faitcetaccord n'existepas. Laréponsedu Danemark est
que :

a) lepouvoir delaCourdefixerune ligneunique à doublefin découledu
fait que l'affaire concerne la délimitation de deux zones, et que
l'accord des Partiesde demander àla Cour de tracer une telle limite
n'estpas nécessaire;
b) subsidiairement, siun tel accord est nécessaire,il peut être dédutu
fait quechaque Partie, dans sespropres conclusions, demande enfait
àlaCourdetracerune ligneunique.

Sur le premier point, il faut considérerd'abord la relation qui existe
entre la ligne de délimitationdu plateau continental et celle de la zone
de pêche.Quelle que soit la nature précisede leur rapport avec la

zone économiqueexclusive,le plateau continental et la zone de pêche

LauraNaderetJuneStarr,«1sEquityUniversal»,dansR.A. Newman(dir.publ.),
Equity in the World'sLegal Systems, A ComparativeSt1973,p. 133, cité dans
J.1.Chamey, OceanBoundariesbetween Nations:A TheoryforProgres»,American
JournalofInternationalLa1984,vol.78p.595,note69.sont chacun une institution reconnue par le droit. Cela est certain
pour le plateau continental, et aussi pour la zone de pêche. D'origine
ancienne (D. P. O'Connel, ne International Law of the Sea, vol. 1,
1982, p. 510 et suiv., et Compétenceen matière de pêcheries,C.Z.J.

Recueil 1974,p. 82, opinion individuelle de M. de Castro), l'idéede la
zone de pêche a évolué dans le cadre du droit coutumier, la question
de son étendue se révélant particulièrement épineus( eCompétenceen
matièredepêcheries(Royaume-Unic. Islande),fond, C.Z.J.Recueil 1974,
p. 23, par. 52; voir aussi ibid., compétencede la Cour, C.Z.J.Recueil
1973,p. 24 et suiv., opinion individuelle de M. Fitzmaurice, et p. 40
et suiv., opinion dissidente de M. Padilla Neno). Dans l'affaire du
Golfedu Maine, la Chambre avait à connaître de zones de pêchede
200 milles instauréespar les deux parties «se prévalantdu consensus
réalisé entre-temps à la troisième conférence des Nations Unies sur
le droit de la mer» (C.Z.J. Recueil 1984, p. 282, par. 68; voir aussi
ibid., p. 265, par. 20, et p. 278, par. 58). La Chambre a tenu pour
acquis qu'une zone de pêche étaitune institution qui possédait une

existence juridique. Que l'instauration aujourd'hui d'une zone de
pêche constitueen réalitéun exercice limitéd'une juridiction plus
étendue résultantde l'institution plus récentede la zone économique
exclusive est une intéressante question, particulièrement eu égard aux
responsabilités qu'implique cette dernière institution(voirr1August
Fleischer, Fisheriesand BiologicalResources D,dans René-JeanDupuy
et Daniel Vignes,A Handbook on the New Law of the Sea, 1991,vol. 2,
p. 1055et suiv.). Cependant, je ne pense pas nécessaire d'aborder cette
question. La Chambre ayant considéré,dans l'affairedu Golfedu Maine,
qu'une zone de pêchede 200 milles instaurée en1977étaitune institu-
tion reconnue par le droit, il devrait en êtrede mêmepour les zones de
pêchedont il estquestion dans cetteaffaire,qui ont été établiese1980.
Cela étant,il est possible de concevoir que deux ensembles de droits

coexistentàl'intérieurdu même espacephysique.Des droits de cegenre
se prêteraientà une délimitationpar une ligne unique. Mais les droits
conférép sar leplateau continental etpar lazonedepêchenesesituentpas
à l'intérieurdu mêmeespace. Leplateau continental, qui existe ipsojure,
confère des droits surles ressourcesnaturelles du lit de la mer et de son
sous-sol.Lazone depêche,qui doit êtredéclarée,confèredesdroitsceen
qui concerne les ressources biologiques de la colonne d'eau surjacente.
Cette dernièren'est pas «un simple accessoireB du plateau continental
sous-jacent(GolfeduMaine,C.Z.J. Recueil1984,p. 301,par. 119).Quoique
physiquement en contact, ces deux institutions sont distinctes aussibien
juridiquement que spatialement (Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), fond, C.Z.J.Recueil 1974, p. 45-46, par. 4,
première phrase, opinion conjointe de MM. Forster, Bengzon,Jiménez

de Aréchaga, NagendraSingh et Ruda, et Golfedu Maine, C.Z.J.Recueil
1984,p. 367,par. 12,opinion dissidente de M. Gros). En théorie, la seule
manièredont il soitpossible de fixer une ligneunique les concernant est
de déterminer deuxlignes semblables,superposées l'une à l'autre. Maismême une ligneunique conçue dans cesensne peut être établieque dans
le cas d'une identité des critèresrégissantla délimitationde la zone de
chevauchementdesdroits à chacun de cesdeux ensemblesderessources ;
ces critères ne sont pas nécessairementles mêmes1.La possibilitéde
lignes distinctes a étéreconnue dans l'affaire du Golfedu Maine (C.I.J.
Recueil 1984,p. 314,par. 161).
Bonnombredesproblèmesliés à unedélimitationpar une ligneunique

ont été analysés dans l'opinon dissidentd ee M. Gros dans l'affaire du
Golfedu Maine(ibid.,p.360).Manifestement,lesparties peuventfaire par
voie d'accord beaucoup de choses que ne peut faire la Cour. Quand les
parties n'ont pas convenu d'une ligneunique, une telleligne ne peut être
établie quesi lescritères régissantla délimitatiodu plateau continental
setrouvent conduire au même résultatque lescritèresrégissantcellede la
zone depêche.Adéfautde concordance, leseulmoyend'éviter d'aboutir
à deslimitesdifférentesconsiste,parun processusdesélectionapproprié,

à n'employerque lescritèresde délimitationquisont communs aux deux
situations.Onpeut cependant être ainsiconduit àrenoncer àl'emploide
certainscritèresquiauraitétéautrementrequip sar ledroitinternational si
laCourn'avaiteu àdélimiterqu'un seulespace.Cepoint aété bienprécisé
dans l'affairedu Golfedu Maine,où la Chambre a dit:

a En d'autres termes,dans le fait que la délimitation a un double
objet, il y a déjàune particularitédu cas d'espèce qui doit êtreprise
en considération avantmêmede passer àl'examen de l'incidence
possible d'autres circonstancessurle choix des critèresappliquer.
Il endécouledonc qu'abstraction faitede cequi apu avoirétéretenu
dans des affairesprécédentesil conviendrait d'exclurel'application,
dans un cascommecelui-ci,d'unquelconquecritèrequiapparaîtrait

typiquement et exclusivementliéaux caractéristiquespropresd'une
seule des deux réalités naturelles à délimiter ensemble.))(Ibid.,
p. 326,par. 193;lesitaliques sontde moi.)

L'établissementd'uneligneunique pourrait donc imposer à la Cour
d'exclure ..l'application d'un quelconque critèrequi apparaîtrait
typiquement et exclusivementliéauxcaractéristiquespropres d'une
seuledesdeux réalitésnaturelles à délimiterensemble D (ibid.).

Voir C.I.J. Mémoires, Plateau continenta(lTunisie/Jamahiryia arabe libyenne),
vol.V,p.246,questionIV,no1,de M. Oda,etp. 503, par.IV,al. 1,réponsede la Libye;
C.I.J.Mémoires, Délimitatne lafrontièremaritime dansla régiondugolfedu Maine,
vol.VI,p.461,questionduprésident,. go;GolfeduMaine,C.I.J.Recuei119, .317,
par. 168,p. 326, par.192-193;Paul Jean-MarieReuter, Une ligne uniquede déli-
mitation des espacesmaritimes?)), dans MélangesGeorges Perrin,1984, p. 256;
D. W. Bowett, TheLegal Regime of Islandsin InternaLaw,a1978,p. 188-189;et
R. R.Churchill,((MarineDelimitation in theJanMayenAre))dans MarinePolicy,
continentaletcelledelazone économiquedansle casdutrde 1978entrel'Australie plateau
et laPapouasie-Nouvelle-Guineelatifàleursfrontièresmaritimes. D~LIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 200

Et pourtant, ledroit international exigerait que la Courapplique précise-
ment un tel critère.Lesparties peuvent-elles, par voie d'accord, donner
pouvoir à la Cour d'agir autrement lorsque cet accord n'est pas de ceux
quiprennent effetconformémentau paragraphe 2 del'article38du Statut
de la Cour?
Laréponsedépenddelanature del'accord.Lesparties peuventpar voie
d'accord valablementfixerunelimitequin'estnullementfondéesur I'appli-

cationdeprincipesjuridiques; iln'enrésultepas qu'ellespuissenatutoriser
la Cour àdéfinirune délimitationsur une base similaire,àmoins qu'ilne
s'agissed'un accordprenant effet conformémena tux dispositionsdupara-
graphe2de l'article38du StatutdelaCour(cequin'estpas lecasici).Ilest
vraiqu'en l'absencedejus cogens(guèreapplicableenmatièrededélimita-
tion maritime),lesparties peuvent dérogerpar voied'accordauxrèglesdu
droitinternational(MerduNord,C.I.J. Recueil1969,p. 42,par. 72); mais, si
lajuridiction de la Cour est consensuelle,saprocédureestjudiciaire et ne
correspondpas à une négociationpar délégationou àune négociationpar
procuration (voir l'argumentation du conseildu Canada dans l'Arbitrage
entreleCanadaet la France,plaidoiriedu Canada, vol. 11,p. 1088).Cepen-

dant,onpeut présumerqu'unaccorddonnantpouvoir à laCourdedétermi-
ner une ligne unique prévoiraitque celle-cis'efforceraitd'appliquer des
principes équitablesdans le choix des critèresappropriés pourune limite
commune.Sur cettebase,selon moi,lesparties peuventpar voied'accord
autoriserla Cour àfixerune lignededélimitationunique.
Commeon l'avu,leDanemarksoutientcependant qu'un accordn'estpas
nécessairepourautoriserlaCour àtracerune ligneunique.Ilfaitvaloirque,
dansl'affairedu GolfeduMaine,laChambreafondésacompétencepour ce
fairesurcequeladélimitationconcernaitenfaitlesdeuxzones,etnonsurce
que lesparties avaient étd'accord pour demanderune telle délimitation.
Selon lui, «la convention [de 19581,traitant d'une seule dimensio- le

plateau - ne pouvait pas régirune délimitation à double dimension, à
savoirleplateau etleseaux surjacentes»(CR93/10, p. 20,25janvier 1993,
M.Lehmann).En elle-mêmec,etteaffirmationestexacte;la conventionde
1958,quines'applique qu'auplateaucontinental, «ne pouvaitpas régirune
délimitationa double dimension B. Maisla Chambre ne pouvait pas fixer
une ligneunique si ellene pouvait pas valablementfaireun usage sélectif
des critèresnormalementapplicablesendroitinternationalpour la délimi-
tation de chaque zone, conservant certains d'entre eux et en rejetant
d'autres, afin de constituer un ensemble commun de critèrespermettant
d'aboutirà unelignededélimitationunique.Endroitinternationalgénéral,

si lesfacteurspertinents indiquaient des lignessituéesdans des emplace-
ments différents,un organe judiciaire serait tenu de définirdes lignes
situéesdans des emplacementsdifférents;le simplefait que l'affairedont
elleétait saisieconcernaitla délimitationde deuxzonesne lui donnait pas
pouvoir de tracer des lignescoïncidentes. Unepartie ne doit pas pouvoir,
par le simpledépôtd'unerequête relativeà deux zones,priverunilatérale-
mentl'autrepartiedesondroit àdeuxlignesnon coïncidentesquand celles-
cisontnormalement requisespar ledroitinternational. Amonavis,lorsquelaChambre adéclaré «queledroitinternational ne
comporte certespas de règles qui s'opposent à cequ'elle traceune ligne
unique (C.I.J. Recueil1984,p. 267,par. 27),ellevoulait dire que le droit
international ne l'empêchaitpas d'accéder à la demande par les parties
d'une ligne unique, et non qu'elle pouvait de toute manière tracer une
ligne unique quand des lignes situées en des emplacements différents
pourraient autrement êtrerequises: En faisant un usage sélectifdes
critèresquiauraient étautrementapplicables,enenrejetantcertainseten
enretenantd'autres,laChambredérogeaitauxprincipesnormauxdu droit
international. Seul l'accord des parties pouvait l'autoriser à procéder
ainsi. Par conséquent, correctement interprété, l'arrêdte la Chambre
doit être entendu comme signifiantque le pouvoir pour la Chambre de
tracer une ligne unique alors que deux lignes situées dans des em-
placements différents pourraient autrement avoir été requises en droit
international avait sasourcedans l'accorddesparties pour demander une

ligne unique. J'interprète la Sentence arbitraleGuinée/Guinée-Bissau
commeétantfondéesur un accord tacite pour letracé d'uneligneunique
(Revuegénérald ee droit internationalpublic,1985,vol. LXXXIX, p. 504,
par. 42).
Apropos de la première question,je ne suisdonc pas convaincu par la
thèsedu Danemark selonlaquelle un accord n'estpas nécessaire.
En ce qui concerne la deuxième question concernant la thèse subsi-
diaire du Danemark suivant 1aqu.elleil existe un accord, je dirai qu'il
n'existemanifestement dans cette affaire aucun accord, au contraire de
l'affaire du Golfe du Maine. Le Danemark, cependant, soutient que
chaque Partie, dans ses conclusions, demande en fait une ligne unique
pour le plateau continental et la zone de pêche,et que cetteconcordance
desconclusionséquivautendroit àun accordpourdemander àlaCour de
tracer une telle ligne. La Norvègedemande des lignes coïncidentesmais
avec deux importantes réserves, à savoir, premièrement, que ces deux
lignesdoiventcorrespondreuniquement àla lignemédiane et,deuxième-

ment, que cettecorrespondance doit résulterdujeu des critèresnormale-
ment applicables en droit international àla délimitationde chaque zone
maritime considérée séparémenL t.a Norvègen'accepte aucune déroga-
tionauxcritèresnormalementapplicablesafin d'obtenir deuxlignescoïn-
cidentessicescritèresdevaientautrementindiquer letracéde deuxlignes
non coïncidentes.
Il n'ya donc pas d'accord. Il en résulteque,sile plateau continental et
leszonesdepêchepeuventêtredélimitp éarune ligneunique (ausens de
deuxlignescoïncidentes),c'estseulementsicettecoïncidence estlerésul-
tat incident du jeu des principes de droit international normalement
applicables.Maisdeux lignestracéesindépendammentpour chaquezone
ne pourraient qu'exceptionnellement coïncider sur toute leur longueur.
Lefacteurrelatifà l'emplacement desstocksdepoisson, surlesquelss'est
appuyée laCour,peut, dans lescirconstancesdecetteaffaireparticulière,
être pertinentpour la délimitationde la zone de pêche,mais il n'estpas
pertinent pour ladélimitationdu plateau continental.Je nepuis donc direque j'aie trouvé la question d'une ligne unique exempte de difficultés.

Mes doutesn'ont cependant pasétéassezforts pour m'empêcherde sous-
crireàla conclusion de la Cour.

La Norvègesoutient que la Cour ne devrait pas entreprendre de tracer
une ligne de délimitation.La Norvège n'a pas invoqué à cet égardune
question de compétence,maiselleaassezinsistésur cepoint pourque l'on
puisse s'interroger sur la compétence de la Cour, cette question étant
d'ailleurs toujours ouverteà l'examen. C'estdoncpar là que je commen-
cerai.

i) Compétence

La question que je me propose d'examiner est de savoir si la compé-

tence pour déterminer la ligne de délimitationest exclusivementlimitée
par ledroitinternational au casd'un accorddesparties, avec pour résultat
que la Cour ne peut pas le faire en l'absence d'une requête conjointede
celles-ci,etavecenoutre laconséquencequ'à défautderequêteconjointe,
comme c'estlecas ici,la Cour ne peut pas faireplus qu'indiquer des prin-
cipesdirecteurs afin de permettre aux parties de déterminerelles-mêmes
une lignede démarcationpar lavoie d'un accord à négocierentreellessur
la basedesdits principes directeurs.
Sansentrer dans lesdétails,je dirai d'abord queje comprendsdesposi-
tions adoptéespar les Parties qu'elles reconnaissent la compétence de la
Cour pour statuer et indiquer quelle est la ligne de délimitation. Leur
désaccordporte surune question différente,celle de savoir sil'arrêtde la
Cour doitselimiter àune description de cequ'estlaligne de délimitation,
ou s'ildoit en outre comprendre le tracé concretde la ligne. Aucune des
Parties n'ademandél'indication deprincipes surlabasedesquelsseraient
entreprises des négociations pour déterminer par voie d'accord ce qui

constitue la ligne de délimitation. Les négociations envisagéespar la
Norvègene concerneraient pas la nature de la délimitation,mais la ques-
tion technique de la ligne spécifique qui serait nécessaire pour donner
corps au propre arrêtde la Courau sujet de ce qu'estla ligne de délimita-
tion.
Les Partiesayant,selon moi, étéd'accordque laCour était compétente
pour déterminerce qu'est la ligne de délimitation, est-ilnéanmoins pos-
sible dedire que la Cour n'a pas compétencepour ce faire?
A enjuger par le dossier, aprèshuit annéesde négociations,non seule-
ment il n'y a pas eu accord, mais aussi il y a eu échecdans la recherche
d'un accord.
Prenant d'abord le cas du plateau continental,quelle est la situation en
cas d'échec dans la recherche d'un accord? Cet échec signifie que lesParties ont épuisé leurpropre capacité d'établirune délimitation de

manière consensuellesur quelque base que ce soit. Il y a donc un diffé-
rend. Celui-cine porte pas sur le devoirqu'auraient ou non les Parties de
négociercar ellesont déjànégocié, il est vrasians succès. C'estun diffé-
rend surlanature deladélimitation,lesPartiesn'étantpas d'accord surce
en quoi elle consiste.
Partant de là, il est nécessairede lirela convention de 1958en associa-
tion avectoutes lesprocédures existantesen matièrede règlementpacifi-
quedesdifférends.Théoriquement,l'impossibilitéos ùesonttrouvéesles
Parties deprocéder à ladélimitationpar voied'accord neleur interditpas
ultérieurement d'avoir recoursà un accord pour réglerde manière paci-
fique le différend qui découlede cet échec.Cependant, mettant àpart la
question de son utilité pratique,un accord n'est qu'une méthode parmi
d'autrespour régler ledifférend.
Lesprocéduresderèglementdesdifférendsdelaconvention de 1982ne
sont pas applicables,mais je n'exprimerai aucune opinion, dans un sens
oudansun autre, sur cequeseraitla situation siellesl'étaient. Manifeste-

ment, cependant, leparagraphe 2de l'article36du Statut de laCour offre
une procédurepour le règlement des différends. LaNorvègea reconnu
«que c'est ..le droit incontestédu Danemark d'invoquer la juridiction
généralede la Cour conformémentau paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut, et aux déclarations faitesenvertu de la clausefacultative»par les
parties(CR93/5, p. 21, 15janvier 1993,M. Haug). Il ne saurait faire de
doute qu'un différendau sujetd'une lignededélimitationmaritimeestun
différend juridique ayantpour objet un point de droit international au
sensde cettedisposition. Seréféranatu mécanismeprévu par cettedispo-
sition,la Norvègea en faitreconnu

((qu'ilentre dans le mandat et la mission de la Cour d'opérer une
délimitationdu plateau continentalentre leDanemark etla Norvège,
ainsiqu'une délimitationdeszonesdepêcheentrelesmêmes Parties,
dans la régionsituée entreJan Mayen et le Groenland »(CR 93/ 11,
p.27,27janvier 1993,M. Haug).

LeDanemark a donc ledroit absolu d'invoquer lacompétencedela Cour
envertu de cettedisposition.
Considérantqueledifférendconcernelanaturedelalignede délimita-
tion, la Cour ne peut répondre qu'enindiquant ce qu'est cetteligne. En
fonctiondeséléments à sadisposition,la Courpourra répondre àla ques-
tion de manière plus ou moinsprécise. Maisje ne vois pas comment un
sensbien compris de sa missionjudiciaire pourrait contraindre la Courà
éviterde répondre directement à la question qui lui est posée ence qui
concernelanature de lalignede délimitationet àseborner au contraire à
indiquerauxparties desprincipes directeurs qu'ellesn'ont pasdemandés,
ou à leur indiquer les bases sur lesquelles elles devraient négocierpour
régler cettequestionpar voie d'accord.Il serait particulièrement hors de
propos etquelquepeugratuit pour laCourdefournir cesindicationsalorsque lesparties ne sesont pas engagéesànégociersur labase de principes
juridiques (comme dans les affaires de la Mer du Nord),vu qu'ellesont
toujours latitude des'accordersurune lignede délimitationsurlabase de
simplesconsidérationsde commoditéoud'opportunité.
L'impossibilitéde parvenirà un accord a donc donnénaissance à un
différendquant à cequiconstituelaligne dedélimitation.Cedifférendest
susceptibled'un règlementjudiciaire au moyen d'une requêteunilatérale
conformément aux dispositionsdu paragraphe 2 de l'article36du Statut
de la Cour.
En supposant cependant qu'un accord soit nécessairepour saisir la

Cour, la véritable questionest de savoir siles deux Parties sesont enten-
dues sur une procédurede règlementde leurs différendset, dans l'affir-
mative, sicesdifférendscomprennent un différendsur la délimitationdu
plateau continental. Tel est indiscutablement le cas en vertu du para-
graphe 2de l'article36du Statut.Envertu de cettedisposition, lesParties
ont établide manière consensuelleun systèmede règlement des diffé-
rends qui comprend le présent différend étand tonnéqu'il porte sur un
point de droit international. Lorsqu'un tel différendestsoumàsla Cour
unilatéralement dans le cadre de cette procédure établiede manière
consensuelle, il n'est pas loisible au défendeurde se plaindre que l'ins-
tance a étéintroduite sansson consentement.Il ya ou il n'ya pas consen-
tement. Dans lanégative,il n'ya pas compétence.MaislaNorvègeadmet
qu'ily a compétence.Un argument fondésurle caractèreunilatéralde la
requêteachoppe surlefait que,fondamentalement,cetterequêteunilaté-

rale estelle-même,endernièreanalyse,présenté avecleconsentement de
la Norvège.
Selonmoi,cequiprécèdevaudrait égalemenptour la délimitationdela
zone de pêche conformémentau droit international coutumier. Les
Partiesayant échouédansleur tentative de déterminerla lignede délimi-
tation par voie d'accord,il existeun différeàdcepropos. Cela étant,le
Danemark a le droit d'invoquer le mécanismedu paragraphe 2 de l'ar-
ticle36du Statut pour lerèglementde cedifférend.Et,là encore,lediffé-
rend portant sur cequ'estlalignede délimitation,laCour doitrépondre à
cettequestion, etnonà une question,qui neluiapas étéposée,concernant
lesprincipes surlabasedesquelslesPartiesdevraientnégocierpour régler
le différend.

ii) Prudenceetréservjeudiciaire

LaCour n'apas tracédelignede délimitation.Lathèsedela Norvègea
donc prévalu en substance.Mais la décisionde la Cour repose sur l'idée
que le tracé d'une ligne de délimitation pourrait l'amener à négliger
certaines insuffisances des élémentsde preuveà sa disposition en ce qui
concerne les aspectstechniques d'une telleopération.Je désiresouligner
iciqueje n'interprète pasl'arrêt commeaccueillanlt thèsedela Norvège
danslamesure où ellerepose surl'idéequelasimpleabsence deconsente-ment de sapart doitinterdire àla Cour,pour desmotifs deprudence etde
réservejudiciaires, detracer une lignede délimitation.
LaNorvègeasoigneusementdistinguéentrelacompétenceetlareceva-
bilité, d'unepart, et la prudence et la réservejudiciaires, d'autre part.
Cependant, ellea déclaré que:
«La Cour pourra utilement s'inspirer des analysessemblablesqui

ontété effectuéedansdesaffairescommelesaffaires Tunisie/Libyeou
El Salvador/Honduras, où les mêmes questions ont ététraitéedsans
le contexteplus étroitde l'interprétationdu consentement des Par-
ties, etoù de cefait ellesont étéuste titre considérésommeétant
directement liéesà la compétencede la Cour, ou de la Chambre,
plutôt qu'a la marge d'appréciationetà la réserveque la Cour peut
choisir d'observerpour exercer ses pouvoirs et sa compétencejudi-
ciaires dans ce domaine délicat.» (CR93/9, p. 53,21janvier 1993,
M. Keith Highet.)

Cetteinterprétation norvégiennedesdeuxaffairesen question estexacte,
commelemontrent lesarrêts quiont étérendus à leur sujet (C.I.J. Recueil
1982,p. 38-40,par. 25-30,et C.I.J.Recueil 1992,p.582-585,par. 372-378.
Voir égalementC.I.J.Mémoires,Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabelibyenne)v, ol.IV,p.440-441,etvol.V,p. 50,214-216,282-285,353).A
ces deux affaires,je pense que l'onpourrait ajouter l'affaire Libye/Malte
(C.I.J. Recueil1985,p. 22-24,par. 18-19).Ellesportent toutes surla ques-
tion de la compétenceet,selonmoi,offrent unebonne analogie en cequi
concerne la question de la prudence et de la réservejudiciaires.
A mon avis,le conseil de la Norvège neparlait pas de la réservejudi-
ciaire au sens pour ainsi dire constitutionnel dans lequel le concept s'est

développé dans certainesjuridictions de droitinterne face àla nécessité
depréserverunemarged'appréciationdans l'exercicepar chaque déposi-
taire del'autoritéde1'Etatdesresponsabilitésquiluiont étéconféré '.Il
faisait appel à la prudence et à la réservejudiciaires considérées non
comme un des facteurs limitatifs imposés par les relations entre les
élémentsd'un systèmeinstitutionnaliséà l'intérieur duquelfonctionneun
tribunal, mais comme un des facteurs qui influencent intrinsèquement
l'exercicepar la Cour de sa fonctionjudiciaire.
C'estainsi quej'ai compris leconseildela Norvègelorsqu'ilarappelé à
laCour «laréserveappliquée àl'exercicedesesfonctionsjudiciaires dans
l'affairedu Camerounseptentrional(C.I.J. Recueil 1963,p. 3)» (CR93/9,

VoirCorpusJurisSecundum,vol. 16,p. 563etsuiv.,par. 176,au sujetdesattitudes de
l'ordre judiciairevis-à-visdes questions politiques aux Etats-Unis. Voirl'opinion dissi-
dente dM. Stone dans UnitedStatesv. Butler(1926),297US 1(78),
«alors que l'exercice anticonstitutionnel du pouvoir par les organes du pouvoir
exécutifet du pouvoir législatif est soumisà la réservejudiciaire,le seul contre-
poids ànotre propre exercice du pouvoir est notre propre sens dela réserve».
En cequiconcerne l'activismeetlaréservejudiciaires enAngleterre,voirS.A. de Smith,
JudicialReviewofAdministrativeAction,4eéd., p.31et suiv.p. 53, 21janvier 1993,M. Keith Highet). Mais la Cour se trouverait là
«réduite à trancher une question éloignéede la réalité»(C.I.J. Recueil
1963,p. 33).Par conséquent,ainsiqu'elle l'aremarqué :
«La fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut
rendre des arrêts qu'à l'occasionde cas concrets dans lesquels il

existe, au moment du jugement, un litige réelimpliquant un conflit
d'intérêts juridiques entreles Parties. L'arrêtde la Cour doit avoir
des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter les
droits ou obligationsjuridiques existantsdesparties, dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relationsjuridiques. En l'espèce,aucun
arrêtrenduau fondnepourrait répondre àcesconditionsessentielles
de fonctionjudiciaire. » (Ibid.,p. 33-340.)

Dans cette affaire, il n'existait réellementaucune question susceptible
d'êtrejugée etpour laquelle une décisionauraitpu avoir une utilité quel-
conque. Seprononcer à son sujetaurait donc étéune entreprise sortantdu
cadre de la mission judiciaire de la Cour. Dans la présente affaire, par
contre, il existeune question sur laquelle il est possible de statuer et qui
concerne un différendjuridique quant àce qu'estla ligne de délimitation
du plateau continental et de la zone de pêchedans leszones situéesentre
le Groenland et Jan Mayen, problème concret àpropos duquel une déci-
sionjudiciaire seraitindiscutablement utile.
Leconseil dela Norvègeaégalementrappelé à laCour lesréflexionsde
sirHersch Lauterpacht,

danssonouvrage TheDevelopment ofInternationalLaw bytheInter-
national Court (éd.rev. 1982, 2epartie, chap. 5, p. 75-90), sous les
différentes rubriques connexes de ~judicial caution» (prudence
judiciaire) etjudicial restraint »(réservejudiciaire) distinguéesbien
sûr de «judicial hesitation)) (hésitationjudiciaire) ou de «judicial
indecision » (indécision judiciaire) » (CR 93/9, p. 53, 21 janvier
1993).

Laissant decôtélespouvoirsintrinsèquementdiscrétionnaires dujuge, on
retrouve sous ces rubriques la nécessitéde n'aborder qu'avec prudence
desquestionshypothétiques ou académiques ;lesquestions sur la mesure
plus ou moinscomplète dans laquellela Cour doit motiver sesdécisions;
etla question de savoirjusqu'à quelpoint, sitant est qu'elle doivelefaire,
laCourdoit aborder desquestionsqui,bien qu'ellesseposent,n'appellent

pas unedécisioncomptetenu du tour pris par lamotivation del'arrêf tina-
lement rendu. Mais je ne puis pas penser que ces rubriques, ainsi que
d'autres quileursontconnexes,puissent viserune affaire dans laquellela
raison invoquéepour que la Cour fassepreuve de prudence et de réserve
judiciaires en déclinant d'exercer la compétence qui lui est reconnue est
que le défendeur, à propos d'un aspect particulier de l'instance, a refusé
de coopérer de manière aussi complète qu'il aurait pu le faire si elle
avait étéintroduite avec son assentiment exprès et non par une requête
unilatérale. Pour évaluer la thèse suivant laquelle,par prudence et réservejudi-
ciaires,la Cour ne devraitpas procéder àune délimitation enl'absencede
l'assentiment à cet effetde chacune des parties, il estutile d'examiner la
relation qui existeentre une déclaration des principes applicablesà une
délimitationparticulièreetl'exécutionde la délimitationelle-même.
Dans l'affaireLibye/Malte,les Parties ontpar leur compromisdemandé
à la Cour d'indiquer les principes et les règlesapplicableà la délimita-
tion de leurs zones respectivesde plateau continental, et aussid'indiquer
((comment,dans la pratique, ces principes et règlespeuvent ...être

appliquéspar lesdeux Parties dans lecasd'espèceafin qu'ellespuis-
sent délimiterces zones sans difficulté par voie d'un accord ..»
(C.I.J. Recueil1985,p. 16).
Lecompromisne demandaitpas à laCourde tracerune ligneetlaCourne
l'apas fait. Mêmeainsi,cetteaffaire illustrela relation étroite et presque
indissoluble qui existe entre une déclaration des principes qui doivent
régirune délimitationetletracé concretd'uneligne.Commentantlepoint
jusqu'où ellepouvait aller pour indiquer de quelle manière,en pratique,
lesprincipes et règlespertinents pourraient être((appliquéspar les deux
Parties afin qu'ellespuissent délimiterceszones sans difficultépar voie

d'un accord »,la Cour a dit:
«LaquestiondesavoirsilaCour doitindiquerune lignededélimi-
tation précisedépendra dans une certaine mesure de la ou des
méthodesconsidéréescommeapplicables. »(Zbid.,p.24,par. 19;voir
aussi ibid.,p. 23,par. 18.)

Bienquele compromisait réservé auxparties le soin detracer la ligne,la
Cour était disposéeà ((indiquerune lignede délimitation précise »s'illui
apparaissait qu'elle nepourrait pas s'acquitterde sa partie de la tâche si
elle ne le faisait pas. Ainsi, il peut y avoir une relation étroite entreune
déclaration desprincipesde délimitation et letracéd'une ligneillustrant
l'application de cesprincipes (voirégalement, àpropos de l'affaire Tuni-
sie/Libye,lescommentairesfigurant dans Romualdo Bermejo,«Lesprin-
cipes équitableset les délimitations des zones maritimes :Analyse des
affairesTunisie/Jamahiriya arabe libyenneet du Golfedu Maine», Hague
YearbookofInternational Law,1988,vol. 1,p. 67).
Que le tracéd'une lignefasse effectivement partie intégrantede toute
opérationde délimitationressoit de l'observation faite par la Cour en
1969 à l'effetque

«l'opération dedélimitation consiste essentiellement à tracer une
ligne de démarcationentre des zones relevant déjà de l'un ou de
l'autre des Etatsintéressés(Merdu Nord,C.Z.J.Recueil 1969,p.22,
par. 20; lesitaliques sontde moi).

Ilenestdemême pour l'affairedu PlateaucontinentaldelamerEgéeD . ans
sa requête,la Grèceaprié
«la Cour de dire etjuger ..quel est dans la mer Egéele tracéde la limite (ou des limites) entre les étenduesdu plateau continental
relevant de la Grèce et de la Turquie...)) (C.I.J. Recueil 1978,p. 6,
par. 12.)
La Cour a dit:

«Il faut donc établir la limite oules limites exactes entre Etats
voisins, c'est-à-dire tracer la ligne exacte ou les lignes exactes de
rencontre des espaces où s'exercentrespectivement les pouvoirs et
droits souverains de la Grèceetde laTurquie. »(Zbid.,p. 35,par. 85.)

Ainsi,touten sedéclarant incompétente,laCour n'apas hésité àaffirmer
que la solution d'un différend relatif la délimitationdu plateau conti-
nental impliquaitnécessairementletracédela «ligne exacteou deslignes
exactesde délimitation ».
Dans lecasd'undifférendrelatif àune frontièreterrestre,s'agissantpar
exempled'une lignedepartage deseaux,il estadmisque la Cour ne peut

pas «se substituer à une commission de délimitation)), ni - moins
encore - «tracersur leterrain une nouvellelignedefrontière»(Templede
PréahVihéarC , .I.J.Recueil1962,p. 68,opinion dissidente de M. Moreno
Quintana). Dansune affaire de cegenre :
«Unefoisindiquéeparla Courlalignedepartage deseaux quilui

paraît être laligne exacte,il appartiendra aux Parties de déterminer
de quelle manière cette ligne sera matérialiséesur le terrain. Cette
dernièretâcherelèved'unordre technique etnon pasde l'ordrejudi-
ciaireauquel est reliéla Cour.»(Ibid., p.69.)
Cependant, dans la présente affaire, aucune ligne de démarcation

concrètedans leszonespertinentes n'estenvisagéeni requise.
On peut concevoir que soit soumis à la Cour un différend concernant
l'exactitude d'une ligne existante, notamment d'une ligne de base. La
manièrenormalede résoudreun tel différend seraitpour la Cour non seu-
lement de se prononcer sur des «définitions, principesou règles »,mais
aussi de statuer sur la validitéde la méthode particulière oude la ligne
qui sont contestées enl'espèce. Telleétait la positiondans l'affaire des
Pêcheries (Royaume-Un ci.Norvège)o, ù la requête avaiteffectivementété
présentée unilatéralement conformément p auragraphe 2 de l'article 36
du Statut de la Cour (C.I.J. Recueil1951,p. 118, 126et 143).Si la Cour
est autoriséeàprocéder ainsidans le cas d'une lignede base, elledevrait
égalementpouvoirtracer une lignede délimitationquand il est nécessaire

qu'elle lefasse pour exprimer de manière définitive sa décision dans le
différend concretdont elle est saisie.Letracé d'uneligne est simplement
un moyend'illustrerla décision à laquellela Cour estparvenue afin d'as-
surerlastabilitéquidoitrésulterd'une décisioennmatièrede délimitation.
D'une manière généralei,l ne fait pas de doute qu'en l'absence de
coopération consentieil peut surgir des difficultés ence qui concerne la
preuve et dans d'autres domaines (voir en général, à propos des procé-
dures en matière consultative, l'affaire de la Carélie orientale,C.P.J.I.sérieBno3,p. 28).Maisl'absencedecoopérationne place pas nécessaire-
ment la Cour dans l'impossibilitéde statuer. Lorsqu'ellea devant elle les
éléments pertinents,il me semble qu'un plaideur, en tant que partie
au Statut de la Cour, est en droit d'attendre, et en véritéd'exiger,que la
Cour exerce la compétencequi résultede son Statut. L'existencede ce
devoir a étérelevéepar la Cour elle-mêmeE . n 1984,elle a observé que,
en l'absencede circonstances qui nes'appliquentpas dans le cas présent,
«la Cour doit avoir la faculté,et ellea en fait l'obligation,de sepronon-
cer aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce » (Plateau continental(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête
àfin d'intervention,C.I.J. Recueil 1984,p. 25, par. 40). En 1985,elle a
ajoutéque «la Cour ne doit pas excéderla compétenceque lui ont

reconnue les Parties, mais elle doit exercer toute cette compétence»
(Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p.23,par. 19;voiraussi Diffërendfronta-
lier, C.I.J. Recueil1986,p. 577, par. 45). Ainsi que l'a succinctement
expriméM. Moreno Quintana: «La Cour ne peut serefuser à accomplir
la tâchejudiciaire qui lui revientTempledePréahVihéarC , .I.J.Recueil
1962,p. 68,opinion dissidente).
Je ne pense pas que la portéede ces déclarations mûrementréfléchies
puisseêtreéclipsé par l'accentqueleconseildela Norvègeavouluplacer
sur lerôle assignéau consentement en matièrede délimitation(CR 93/9,
p. 50, 21janvier 1993,M. Highet). Ce rôle est certainement important,
mais il est tout aussi clair qu'en l'absenced'accord tout différend quant
à ce qu'est la ligne de délimitationest un différenddont la Cour peut
connaître en vertu du paragraphe 2 de l'article36de son Statut et, s'agis-
sant d'une instance introduite dans les règlescomme c'estle cas ici, sur

lequel elle doit en vertu de ces mêmedispositionsstatuer complètement.
Ilnefautpas oublierqu'il existedeuxmoyensdesaisirlaCour. L'unest
celui d'une instanceintroduite en application d'un accord (d'un type ou
d'un autre)en vertu des dispositions du paragraphe 1de l'article 36 du
Statut de la Cour. L'autre est celui d'une instance introduite conformé-
ment aux dispositions de la clause facultative du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36du Statut.Il peut arriver que chacune de cesméthodes soitappli-
cable entre les mêmes parties (Compagnied'électricitéde Sofia et deBul-
garie,C.P.J.I.sérieA/B no77,p. 76). Lapossibilitéde recourir à l'unede
ces méthodesn'exclut pas nécessairementla possibilité simultanéede
recourir a l'autre. Onpeut même soutenirà plusjustetitre encore,qu'ilne
saurait être correctde se servir de la possibilitéthéoriquemais inacces-
sible de recoursàune méthodepour limiterl'exerciced'un droit existant

derecourir à l'autre.Quecesoitlà lefond de la questionressort del'affir-
mation de la Norvègesuivantlaquelle :

«La délimitationest par essence un sujet qui ne prêtepas à une
procédure engagéepar voie de requête unilatérale, à moins qu'il
n'existe une quelconque forme d'accord de la part du défendeur
quantau rôleetauxpouvoirs dela Cour. »(CR93/9, p. 81,21janvier
1993,M.Keith Highet.) LaNorvègeadmetquelaCour estcompétenteenvertu du paragraphe 2
de l'article 36 du Statut. Cependant, elle semble dire que l'instance ne
pouvait être introduite en vertude cette disposition que s'«il existe une
quelconque formed'accord de la part du défendeurquant au rôle et aux
pouvoirs de la Cour». Cependant, s'il existait un tel accord, l'instance
pourrait aussibien êtreintroduite envertuduparagraphe 1del'article36
du Statut.Lathèsedela Norvège,sielledevaitêtreadmise,représenterait
une restrictionà l'exercicede la juridiction obligatoire de la Cour; elle
aurait pour effet de soumettre les dispositions du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36 du Statuà une réservecachée,qui reviendrait en pratique à ex-
clurede l'application decesdispositionscertainesaffairespour lesquelles
une instance ne pourrait être introduite qu'en vertudu paragraphe 1de
l'article 36.La gravitéde cette conséquencen'estpas atténuéepar le fait

que cetargumenta été avancéau titre delaprudence et de la réservejudi-
ciaires.
La Cour ne perdjamais de vuele fondement consensuel de sa compé-
tence. Mais il existe une limite aux assertions fondées explicitementou
implicitement sur le volontarisme. Le Statut et le Règlement fixent un
certain nombre de conditions pour l'exercicedu pouvoir qu'a laCour de
statuer sur des différendssur une base consensuelle. Mais dès que ce
pouvoir entre en action, je ne conçois pas qu'un consentement supplé-
mentaire soit requis pour qu'il puisse s'exercer effectivement.n peut
imaginerl'exception d'une instance qui seraitintroduite par un compro-
mis dont les termes mêmessubordonneraient à un assentiment supplé-
mentairelapossibilitépour la Cour d'examinerune questionparticulière
(voir Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.P.J.I.
sérieA/B no46,p. 165).Mais ce n'estpas le cas dans la présente affaire.

Le conseilde la Norvègelui-même a penséque le Danemark aurait pu
dire que laNorvège«ne peut être à la fois partie au litige et hors de la
cause .»(CR93/9, p. 78,21janvier 1993,M.Keith Highet). Plusparticu-
lièrement, ainsi qu'il l'a aussiuste titre observé:«Après tout, nous
avons affaireà un contentieq non àune conciliation ouà une procédure
de médiation. » (Ibid., p. 79.)Mais précisément parce qu'ils'agit d'une
instance contentieusequi a étéintroduite dansles règles,laCour ne peut
pas prendre en compte des considérations étrangères. Sa compétence
ayant étéadmise,lefaitquel'instancen'apas été introduite avecl'assenti-
ment du défendeurest, en soi, dénué depertinence quant à la manière
dont la Cour doit aborder la question poséeet exprimer sa décision. Par
conséquent,si la Cour avait jugéque les élémentsdont elle disposait
étaient suffisantspour qu'elle puissetracer une ligne, ellepouvait, selon

moi, légitimementle faire malgré l'absence d'assentimentde la Norvège
pour qu'elle procèdeà cetteopération particulière.
(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Bilingual Content

SEPARATE OPINION OF JUDGE SHAHABUDDEEN

Three decades after the entry into force of the Geneva Convention on
the Continental Shelfof 1958,and followingon agreat dealofintervening
developmentsin thefield ofmaritimedelimitation, Article6,paragraph 1,
of the Convention is now being applied for the first time by the Court.
Issuesofsomedifficultyarise.1agreewiththeJudgmentbut havereserva-
tions on some points and additional views on others. In Parts 1to VI
respectively,1set out my reasoning on (1)the delimitation régimeappli-
cable to the continental shelf;2) proportionality; (3) the disparity in

coastallengths; (4)the determination ofan equitable line; (5)the compe-
tence to establish a singleline; and (6)thejudicial propriety of drawing a
delimitation line.

PART 1. THEDELIMITATIR OÉNGIMEAPPLICABL TETHE
CONTINENTS ALELF

(i) TheCentralIssue

Theinstant case places directlybefore the Court, as no other case has
done, important questions of interpretation of Article 6,paragraph 1,of
the Geneva Convention on the Continental Shelfof 1958(the 1958Con-
vention). Both Parties accepted that this provision established one
combined equidistance-special circumstances rule, but from this point
onwards their positions diverged sharply. Ignoring at this stagema-
tive arguments on both sides, Denmark's position was in effect that this
combined rule was indistinguishablefrom the rule at customaryinterna-
tional law,under whichequidistance isa non-preferential method among
otherpossiblemethods, the choiceofanyparticular methodbeing in each
casemade bythe application ofequitableprinciples, taking account ofthe
relevant circumstances. Norway, for its part, contended that, in the
absence of agreement, the question was whether there were special cir-
cumstances, and that if, as it submitted, there wase, then, in terms
of the provision, "the boundary is the median line". In the words of the

Solicitor-Generalfor Norway :

"The main element of that language is prescriptive and self-
executing: 'In the absence of agreement.. .the boundary is the
median line.'There is no detour by way of reference to 'principles' OPINION INDIVIDUELLE DE M. SHAHABUDDEEN

[Traduction]

Troisdécenniesaprèsl'entrée envigueu drelaconvention deGenèvede
1958sur le plateau continental et aprèsque bien des faits nouveaux sont

intervenusdans le domaine de la délimitation maritime,le paragraphe 1
de l'article 6 de la convention se trouve maintenant appliqué pour la
première fois par la Cour. Des problèmes passablement difficiles se
posent. Je souscris l'arrêt maisdésireformuler derséservessur certains
points etprésenter des observationsadditionnellessur d'autres. Dans les
sixparties qui suivent,j'expose ma façon de voir concernant, respective-
ment :1)lerégimede délimitationapplicableau plateau continental; 2)la
proportionnalité; 3)la disparité delongueurs de côtes; 4) la détermina-
tiond'une ligneéquitable;5)lacompétencepour établiruneligneunique;
6) la question de savoir s'ilentre dans la frontièrejudiciaire de la Cour
de tracer une lignede délimitation.

PREMIÈR EARTIE. LE RÉGIME DE D~LIMITATION APPLICABLE
AU PLATEAU CONTINENTAL

i) La question centrale
En l'espèce,la Cour est directement confrontée, commeelle ne l'a été
dans aucune autre affaire,àd'importantes questions d'interprétationdu

paragraphe 1 de l'article6 de la convention de Genèvede 1958sur le
plateau continental (laconventionde 1958).Lesdeux Partiesontreconnu
que cette disposition a établiune règleconjuguant l'équidistanceet les
circonstancesspéciales,mais àpartir de cepoint leurspositions divergent
nettement. Sion laisse de côtéà ce stade, les autres argumentsinvoqués
des deux côtés,on peut dire qu'en pratique la position du Danemark a
consistéà affirmer que cetterèglecombinéenepouvait êtredistinguéd ee
la règledu droit international coutumierselonlaquelle l'équidistanceest
une méthode quine doitpas êtrepréférée à d'autres méthodes possibles,
lechoixd'uneméthode particulièreétantfaitdans chaque caspar l'appli-
cationdeprincipes équitables,comptetenu descirconstancespertinentes.

La Norvège,pour sa part, a soutenu qu'en l'absence d'accordil fallait
déterminers'il existe des circonstances spécialeset que si, comme elle
l'affirmait,iln'en existepas, c'estalors,auxtermesdeladispositionconsi-
dérée,«la lignemédianequi estla ligne de délimitation».Selonlesmots
du procureur générad l e la Norvège

((L'élément principalde ce libelléest impératifet d'exécution
automatique : «à défaut d'accord ..[la]délimitationest constituée
par lalignemédiane ».Aucundétourn'esteffectuépar lamention de which require 'application', as in paragraph 2 relating to adjacent
States.Thelanguage isdirect and dispositive,and has roomfor only
one element of appreciation: the proviso for the eventthat 'another
boundaryline isjustified byspecialcircumstances'."(CR93/6, p. 43,
18January 1993,Mr.Haug,Co-Agentfor Norway.Seealso CR93/8,
pp. 49,52,53,20 January 1993.)

1take the Judgment to mean that the Court in substance upholds the

Nonvegian reading of the provision in the sense that, had it found that
there were no special circumstances, it would have had no ground for
shiftingthe median line, which accordinglywould have been the bound-
ary.Asthisinterpretation oftheprovision may welldifferfrom that more
generallyfavoured, 1feel 1should Saywhy 1support it.

(ii) TheDelimitationPrinciplesoftheGeneva Convention onthe
ContinentalShelf1958Apply

Itwillbe convenientfirstto considerthe generalquestion ofthe applic-
abilityofthedelimitationprovisions ofthe 1958Convention. BothParties
acceptthat the Convention is in forceas between them. Bothare also sig-
natories to the 1982United Nations Convention on the Law of the Sea
(the 1982Convention). Butthis they have not ratified, and it is not yet in
force. However, it is generally agreed that the leading principles of the
1982Convention, or at any rate those relevant to the present case, are
expressive of customaryinternational law, although there may be argu-
ment asto preciselywhat provisions can be so regarded (see Delimitation
oftheMaritime AreasbetweenCanadaandFrance,Decisionof 10January
1992,para. 42ofArbitratorProsper Weil'sdissentingopinion,referring to
paragraphs 75 etseq. ofthe Decision).

In takingthe position thatthe 1958Convention isstillin force,the Par-

ties would not appearto be at variance with suchjurisprudence asthere
existson the subject. In the caseconcerningtheDelimitationof the Conti-
nentalShelfbetween theUnited Kingdom of GreatBritainand Northem
Zrelandand the FrenchRepublic,1977(Reports of InternationalArbitral
Awards (RZAA)V , ol.XVIII, p. 3,atpp. 35-37),Francearguedthat the new
trends which were then evolving, and which later took shape in the
1982Convention, had rendered obsolete the 1958Convention, to which
both France and the United Kingdom were parties. The submission was
overruled,the Court of Arbitrationholdingthat, within limits setby cer-
tain Frenchreservations to the 1958Convention,the latter wasin forceas
between the two States (ibid., p. 37, para. 48). In the case concerning
Delimitationof the Maritime Boundary in the Gulf of Maine Area,the
Chamber held that the 1958Conventiondid not apply to the delimitation ((principes» qui nécessitentune «application », comme au para-
graphe 2 relatif aux Etats adjacents. Les termes employés sont
directs et d'effetdispositif, et ne laissentplace qu'à un seul élément
d'appréciation laclauserestrictivepour lecasoù lescirconstances
spécialesjustifientune autre délimitation.»(CR 93/6, p. 43,18jan-
vier 1993,M.Haug,coagent dela Norvège;voirégalementCR 93/8,
p. 49,52,53,20 janvier 1993.)

J'interprète l'arrêt comme signifianqtue la Cour, pour l'essentiel, fait
sienne l'interprétationdonnée par la Norvège à cette disposition en ce
sensque,sielleavaitconstatéqu'iln'existepasde circonstancesspéciales,
ellen'aurait euaucune raison de déplacerla lignemédiane,qui aurait dès
lorsformélalignededélimitation.Etantdonnéquecetteinterprétationde
ladisposition enquestionpeut fort biendifférerde cellequi estplusgéné-
ralement acceptée,j'estime de mon devoir d'expliquer pourquoi je
l'appuie.

ii) Lesprincipesde délimitatiode la conventionde Genèvede 1958
surleplateaucontinentalsont applicables

Il convienttout d'abord d'examinerla questiongénérale del'applicabi-
lité des dispositionsde la convention de 1958relatives àla délimitation.
Les deux Parties reconnaissent que la convention est en vigueur à leur
égard. Toutes deux sont également signataires de la convention des
Nations Uniessurledroit de lamer de 1982(laconvention de 1982),mais
elles nel'ont pas ratifiée,et cetteconvention n'estpas encore en vigueur.
Toutefois, il est généralement admisque les principes directeurs de la
conventionde 1982,ou à tout lemoinslesprincipespertinents enl'espèce,
sont l'expression du droit international coutumier, bien que l'on puisse

débattredu point de savoir quelles sont exactement les dispositions à
considérer commetelles(voirl'affaire de la Délimitationdeszones mari-
times entre le Canada et la France, sentence du 10janvier 1992,para-
graphe 42 de l'opinion dissidente de M. Prosper Weil, se référantaux
paragraphes 75et suivants de la sentence).
En affirmant que la convention de 1958 est encore en vigueur, les
Parties ne sembleraientpas s'écarterde lajurisprudence qui existeen la
matière.Dans l'affaire concernant la Délimitationduplateau continental
entreleRoyaume-Unide Grande-Bretagneet d'IrlandeduNordetla Répu-
bliquefrançaise,1977(Recueildes sentencesarbitrales(RSA),vol. XVIII,
p. 165-167),la Franceafaitvaloirquelesnouvellestendances qui sedéga-
geaient alors et qui ont pris forme plus tard dans la convention de 1982
avaient rendu caduque la convention de 1958, à laquelle tant la France
quele Royaume-Uniétaientparties. Cet argumenta été rejeté, letribunal

arbitral considérant que,dans les limitesfixéespar certaines réservesde
la France concernant la convention de 1958,celle-ci était en vigueur à
l'égarddes deux Etats (ibid.,p. 166,par. 48).Dans l'affaire concernant la
Délimitationde lafrontièremaritimedans la région dugolfedu Maine,la
Chambre a étéd'avisque la convention de 1958ne s'appliquait pas àlaof a single line for the continental shelf and the fishery zone between
Canada and the United States of America; but the Chamber clearly con-
sidered that the Convention was in force as between the two States in
respect of the continental shelf even as it emerged after 1958and would
have applied if the shelfalone were being delimited (Z.C.J.Reports 1984,

p. 301,para. 118,p.303,para. 124.Seealsothe Canada/FranceArbitration,
1992,Decision,paras. 39 and 40, and the 1982Convention, Arts. 83 and
311).
However,while accepting thatthe delimitationprovisions of Article 6,
paragraph 1,ofthe 1958Conventionarestill in forceasbetween itselfand
Nonvay, Denmark contends that they are inapplicable in this particular
caseby reason ofthe fact thatthe case isconcerned with a delimitation by
a single line of both the continental shelf and the fishery zone.1give my
reasons in Part V for disagreeing with this contention. If Denmark is

wrong on thispoint, it follows,from itshavingaccepted thatthe Conven-
tion is in forcebetween itself and Nonvay, that Article 6,paragraph 1,is
applicable to this particular case.

Thearguments onthe preciseoperationalrelationshipbetweenthepro-
visionsofthe 1958Convention and those ofthe 1982Conventioncould be
complex, particularly as regards Articles 83 and 311 of the latter (see,
interalia, LuciusCaflisch, "The Delimitation of Marine Spacesbetween
States with Opposite or Adjacent Coasts", in René-Jean Dupuy and

Daniel Vignes(eds.),AHandbook on theNewLawoftheSea, Vol. 1,1991,
p. 479).However, forthe reasons given, 1propose to proceed on the basis
thatthe Court isrequired to apply the delimitationprovisions ofArticle6,
paragraph 1,of the 1958Convention as provisions of a general interna-
tional convention"establishing rules expresslyrecognized bythe contest-
ingStates"within the meaning ofArticle38,paragraph 1(a),ofthe Statute
oftheCourt. Theinterpretation ofthose provisions isanother matter. It is
the subject of the remainder of this Part.

(iii) TheGeneral Issue of ZnterpretationRelating toArticle6,Paragraph 1,
of the 1958Convention

Theresolution of the questions of interpretation which arise willmake
it necessary to consultabody of case-lawthe principal items ofwhich are
footnoted below l.Theywillbe referred to inbrief as the North Sea cases,

North SeaContinentalShelf;I.C.J.Reports1969,p.3;Delimitation oftheContinental
Republic,1977,RIAA,Vol.XVIII,p.3; ContinentalShelf(Tunisia/LibyanArabJamahi-
riya), I.C.J. Reports1982,p. 18; Delimitation of the MaritimeBoundaiy in the Guifof
Maine Area, I.C.J. Reports1984,p. 246; ContinentalShelf (LibyanArab Jarnahiriyu/
Malta), Z.C.J.Reports 1985,p. 13; and Delimitation of the MaritimeAreas between
CanadaandFrance.Decisionof 10June 1992.délimitationpar une ligneunique du plateau continental et de la zone de
pêche entre leCanada et les Etats-Unis d'Amérique, mais elle a claire-
mentconsidéréque laconventionétaitenvigueur àl'égard desdeux Etats

pour ce qui étaitdu plateau continental,en dépit de l'évolutionde ce con-
cept après 1958,et qu'elle aurait étéapplicable s'ils'était agiuniquement
de délimiterle plateau continental (C.I.J. Recueil 1984, p. 301, par. 118,
p. 303,par. 124; voir égalementl'Arbitrage entrele Canada et la France,
1992,sentence,par. 39 et 40,et la convention de 1982,art. 83et 311).
Toutefois, tout en reconnaissant que les dispositions du paragraphe 1
de l'article 6 de la convention de 1958relatives à la délimitation sont
encore envigueurentrelui etla No~ège, leDanemark soutient qu'ellesne
sontpasapplicables dans cecasparticulier du fait que l'affaireportesur la
délimitationparune ligneunique aussibien du plateau continentalque de
la zone de pêche.Dans la cinquièmepartie, j'indiquerai les motifs pour
lesquelsje ne suispas d'accord aveccetteaffirmation. Si le Danemark a

tort sur ce point, il s'ensuit qu'ayant reconnu que la convention est en
vigueur entre les Parties le paragraphe 1 de l'article 6 est applicable en
l'espèce.
Lesarguments touchant le rapport opérationnel précis entreles dispo-
sitions de la convention de 1958et celles de la convention de 1982pour-
raient être complexes,particulièrement en ce qui concerne les articles 83
et 311de cette dernière (voir, entre autres auteurs, Lucius Caflisch, «La
délimitation des espaces entre Etats dont les côtes se font face ou sont
adjacentes »,dans René-JeanDupuy et Daniel Vignes (dir. publ.), Traité
du nouveaudroitdela mer, 1985, p. 374).Toutefois, pour lesraisonsexpo-
sées,je propose departirdu principe que laCour esttenue d'appliquer les
dispositions relatives a la délimitation du paragraphe 1 de l'article 6 de
la convention de 1958en tant que dispositions d'une conventioninterna-
tionale générale «établissant des règlesexpressémentreconnues par les

Etats en litige» au sens de l'alinéaa) du paragraphe 1de l'article 38 du
Statut de la Cour. L'interprétationde cesdispositions estuneautre chose.
Elle fait l'objet du reste de la présente partie.

iii) La questiongénéralede l'interprétationdu paragraphe 1 de I'article6
de la conventionde 1958

Pour résoudre les questions d'interprétation qui se posent, il faudra
consulter un corpus dejurisprudence dont les principaux élémentssont
indiquésdans lanote de bas de pageci-dessous ',pour lesquelsj'utiliserai

' Plateau continentalde la mer du Nord, C.I.J.Recueil 1969, p. 3; Délimitation du
Républiquefrançaise, 1977, RSA, volXVIII,rp. 130; Plateau continental (Tunisie/
Jamahiriya arabe libyenne),C.Z.J.Recueil1982,p. 18;Délimitationde lafrontière mari-
time dans la régiondu golfe du Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 246; Plateaucontinental
(Jamahiriyaarabelibyenne/Malte),C.I.J.Recueil1985,p. etDélimitationdesrégions
maritimes entrele Canadaet laFrancsentencedu IOjuin1992.the Anglo-French Arbitration,the Tunisia/Libya case, the Gulfof Maine
case,the Libya/Malta case, and the Canada/FranceArbitration,respec-
tively. However, although these cases may assist, they do not pre-empt
the answersto the questions presented. In the North Sea casesthe Court

said :

"Since, accordingly, the foregoing considerations must lead the
Court tohold that Article6oftheGenevaConvention isnot, assuch,
applicableto the delimitationsinvolvedinthe presentproceedings,it
becomesunnecessary foritto gointocertainquestionsrelatingto the
interpretation or application of that provision which would other-
wisearise." (Z.C.J.Reports1969,p.27,para. 34.)

Theprovision was not in issuein the Tunisia/Libyacase or in the Libya/
Malta case, Libya not being a party to the Convention. In the Gulfof
Maine case, as has been seen,the Chamber took the viewthat the provi-
sion,whichwould othenvisehaveapplied, wasinapplicable tothe delimi-
tation of a singleboundary for the continental shelf and the fisheryzone
(Z.C.J.Reports1984,pp. 300-303,paras. 115-125).The Court of Arbitra-

tioninthe Canada/FranceArbitrta otkiosimilarviewinrelationtothe
delimitation ofan all-purpose line(Canada/FranceArbitration,Decision,
paras. 39 and 40). In the Anglo-FrenchArbitration,the provision was
involved and it did receivean interpretation by the Court of Arbitration
(RZAA,Vol.XVIII,p. 45,para. 70,and p. 57,para. 97).That interpretation
willbe considered below.
The literature isheavy with a viewthat the jurisprudence has placed a
certain interpretation on Article of the 1958Convention; that, frankly,
that interpretation variesfrom the terms ofthe provision and indeed sub-
stantially alters its intent; but that the variation so effected is now an
established part of the living law; and that it is therefore a futile effort
of revisionism, if not simply impermissible,to trouble over the original
meaning of the provision. Respecting that view, a lawyer who goes to
work on the problem would still like to know the precise legal route
through which so remarkable a changehas comeabout. Somethingmore
than impressions is required; it is not enough to be told, however con-
fidently, that, whatever the provision meant in 1958,it now has to be

interpreted and applied in accordance with the jurisprudence as it
has since developed. Yes; but how? And to what extent? The change
could not have occuned through osmosis. If the provision is now to be
understood differently from the way it would have been understood
when made, is this the result of subsequent developments in the law
operating to modify the provision in a legislativesense? If, as it seems,
there has not been any such modification, is the different reading
which the provision must now receivethe result of judicial interpretation
which the Court considers that it should follow, even though it is not
bound by any doctrine of binding precedent? If not, how has the trans- les appellations abrégées affaires de la Mer du Nord, Arbitragefranco-
britannique, affaire Tunisie/Libye, affaire du Golfe du Maine, affaire

Libye/Malteet ArbitrageentreleCanada etlaFrance,respectivement. Bien
que ces affaires puissent nous aider, elles ne préjugent pas des réponses
auxquestions posées.Dans lesaffaires de la Merdu Nord,la Cour a dit ce
qui suit

«Les considérationsqui précèdent amènentnéssairementlaCour
àconclure que l'article 6de la convention de Genèven'estpas appli-
cable en tant que tel aux délimitationsviséesen l'espèce;il devient
donc superflu de traiter de certaines questions d'interprétation ou
d'application qui pourraient se poser s'il en allait autrement.»
(C.I.J. Recueil1969,p. 27,par. 34.)

Cettedisposition n'étaitpas en causedans l'affaire Tunisie/Libyeni dans
l'affaire Libye/Malte, la Libye n'étant paspartie à la convention. Dans

l'affairedu Golfedu Maine,comme on l'avu,la Chambre a estiméque ces
dispositions, qui auraient autrement été applicables, ne s'appliquaient
pas àla délimitationpar une ligneunique du plateau continental et de la
zone depêche(C.I.J. Recueil1984,p. 300-303,par. 115-125).Dans l'affaire
de l'ArbitrageentreleCanada etla France,letribunal arbitral a adoptéune
position analogue en cequiconcerneladélimitation par une ligne à toutes
fins (sentence, par. 39 et 40). Dans l'Arbitragefranco-britannique, cette
disposition estintervenue et aétéinterprété pear letribunal arbitral (RSA,
vol.XVIII,p. 175,par. 70,etp. 188,par. 97).Cetteinterprétation seraexa-
minéeplus loin.
La doctrine est fort enclineàconsidérer que lajurisprudence a donné
unecertaineinterprétation à l'article6delaconvention de 1958;quecette
interprétation s'écarte,vrai dire,des termes deladisposition etmêmeen
altère sensiblement l'esprit; mais que la déviation ainsi introduite

est maintenant bien établie dans le droit existant; et que ce serait donc
faireun effortfutile, voire inadmissible, derévisionnismequede s'interro-
gersurlesensinitial deladisposition encause.Toutenrespectant cepoint
de vue, le juriste qui se penche sur le problème n'en désire pas moins
connaître le cheminement juridique précisde la penséequi a abouti àun
changementaussiremarquable. Il faut allerau-delàdesimpressions ;ilne
suffit pas de s'entendre dire,mêmeavec assurance,qu'indépendamment
de la signification qu'elleavait en 1958cettedisposition doit maintenant
être interprétéeet appliquée conformément à la jurisprudence qui s'est
dégagée depuislors. Certes, mais comment? Et dans quelle mesure?
Le changement n'a pas pu se produire par osmose. Si cette disposition
doitmaintenant s'entendre autrementqu'ellen'aurait étéentendue à l'ori-
gine, est-cele résultat de l'évolution ultérieuredu droit intervenue pour

modifierla disposition au sens législatif?Si, comme il le semble, il n'y a
pas eu de modification de ce genre, l'interprétation différentequ'il faut
donner aujourd'hui à cette disposition résulte-t-elle de l'interprétation
judiciaire que la Cour estime devoirsuivre, mêmesi elle n'est pas obligée 134 MARITIME DELIMITATION (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

formation of the original meaning of so important a treaty provision
been managed?

First,asto possiblemodification.The extentto which the interpretation
and application of atreaty must take account ofthe subsequent evolution
of the law has been much debated l.That such account must be taken at
any rate in the case of jurisdictional and law-making treaty provisions

seems clear (AegeanSea Continental SheK I.C.J. Reports 1978,pp. 32-34,
paras. 77-80;and, ibid.,pp. 68-69,and footnote 1top. 69,Judge de Castro,
dissenting). More particularly, later developmentsin customaryinterna-
tional law do need to be taken into account in applyingthe provisions of
the 1958Convention (Anglo-FrenchArbitration, 1977,RIAA,Vol. XVIII,
p. 37,para. 48.And see GulfofMaine, I.C.J.Reports 1984,p. 291,para. 83).

Thus, account must be taken ofthe fact that Article 76 ofthe 1982Con-
ventionhasintroduced a new definition ofthe outer limit ofthe continen-

talshelf.There islittledisputethat this replaces the differentdefinitionset
out in Article 1 of the 1958 Convention (Tunisia/Libya, I.C.J. Reports
1982,pp. 114-115,paras. 52-53, Judge Jiménezde Aréchaga, separate
opinion). But exactly how this has come about is less clear.
Differencesbetween two rules relating to the same matter may some-
times be resolved by regarding the rules as being reallycomplementary to
eachother (ElectricityCompanyof Sofia and Bulgaria, P.C.I.J.,SeriesA/B,
No. 77,pp. 75 ff.; and see, ibid.,pp. 136ff., Judge De Visscher, separate
opinion). In case of irreconcilableconflict(as in this case), an integrated

legal systemwould provide somemethod of determining which rule ulti-
mately prevails; for the same facts cannot at one and the same time be
subjectto two contradictory rules. Judge Anzilotti did not seem to enter-
tain that possibilitywhen he said,

"[ilt is clear that, in the same legal system, there cannot at the same
time exist two rules relating to the same facts and attaching to these
factscontradictory consequences ..."(ibid.,p.90,separate opinion.
And see, ibid.,p. 105,Judge Urrutia, dissenting.Cf. I.C.J. Pleadings,
Nuclear Tests, Vol.1,p. 238,Mr. Elihu Lauterpacht, Q.C.).

How has the problembeen resolved inthis case? Thesubstitution ofthe
1982definition of the continental shelf forthe 1958definition could not

Viennesurledroit destraités",151Recueildescours(1976-III),pp. G.E..do Nasci- de
mento e Silva, "Le facteur temps et les traités", 154 Recueil des cours (1977-1),at
pp. 266 ffT. O.Elias, "The Doctrine of Intertemporal Law", 74AmericanJournal of
InternationalLaw (1980), pp. 285 ff.; Sir Humphrey Waldock, "The Evolution of
Human Rights Concepts and the Application of the European Convention on Human
Rights", in Mélangesoffertsà PaulReuter,1981,pp. 535,536,547; and Sir Ian Sinclair,
fie ViennaConventiononthe Law of Treaties,2nd ed.,pp. 124-126,139-140.de s'en tenir aux précédents? S'il n'en est pas ainsi, comment est-on
parvenu à transformer le sens initial d'une disposition conventionnelle
aussi importante?
Voyons d'abord la possibilité d'une modification. La mesure dans la-
quelle il faut tenir compte,dans l'interprétationet l'applicationd'un traité,
de l'évolutionultérieuredu droit afaitl'objet de nombreux débats '.Qu'il
faille en tout cas en tenir compte concernant des dispositions conven-
tionnelles de caractèrejuridictionnel et normatif semblealler de soi(Pla-
teau continental de la mer Egée, C.I.J.Recueil 1978,p. 32-34,par. 77-80;
ibid., p. 68-69 et note 1, p. 69, opinion dissidente de M. de Castro). Il

faut plusparticulièrement tenir compte de l'évolution ultérieuredu droit
international coutumierlorsqu'on applique lesdispositions de la conven-
tion de 1958(Arbitrage franco-britannique, 1977,RSA,vol. XVIII, p. 166,
par. 48; voir aussi Golfedu Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 291,par. 83).
Il faut donc avoirà l'esprit que l'article 76 de la convention de 1982a
introduit une nouvelledéfinition de la limiteextérieure du plateau conti-
nental.Il n'estguèrecontestéquecelle-ciremplace la définition différente
énoncée a l'articlepremier de la conventionde 1958(Tunisie/Libye, C.I.J.
Recueil 1982, p. 114-1 15,par. 52-53,opinion individuelle de M. Jiménez
de Aréchaga).Mais on voit moinsbien comment on en est arrivélà.
On peut parfois régler leproblème qui se pose lorsque deux règles se

rapportant à une mêmequestiondiffèrent en considérantqu'ellessont en
réalité complémentaires(Sociétéd'électricité de Sofia et de Bulgarie,
C.P.J.I.sérieA/B no77,p. 75etsuiv.;voiraussi ibid,p. 136etsuiv.,opinion
individuelle de M. De Visscher). En cas de conflit inconciliable (comme
dans le cas présent),un systèmejuridique intégré offriraitune méthode
permettant de déterminerlarèglequiprévaut enfin de compte,car on ne
peut soumettre simultanément les mêmesfaits à deux règlescontradic-
toires.M.Anzilotti ne semblepas avoirretenu cettepossibilitélorsqu'il a
dit:

«11estévidentque,dans lemêmeordrejuridique, ilnepeut yavoir
à la fois deux règlesvisant les mêmesfaits et reliant à ces faits des
conséquences contradictoires ..» (ibid.,p. 90, opinion individuelle;
voir aussi ibid.,p. 105,opinion dissidente de M. Urrutia. Voir égale-
ment C.I.J.Mémoires,Essais nucléaires (Australiec. France), vol. 1,
p. 238,M. Elihu Lauterpacht, Q.C.).

Comment le problème a-t-il été résolu en l'espèce? La définition du
plateau continental de 1958n'aurait pas pu être remplacéepar celle de

l Voir,entre autres auteurs,K..Yasseen, ((L'interprétationdes traités d'après la
G. E. do Nascimento e Silva,«Le facteur temps et lestraités»,RCADZ,t. 154(1977-1),
p. 266et suivT.O. Elias, «The Doctrine of Intertemporal Law»,AmericanJournalof
InternationalLaw,1980,vol.74,p.285etsuiv.;sirHumphrey Waldock, «The Evolution
of Human Rights Concepts and the Application of the European Convention on
Human Rights», dans Mélangesofferts à Paul Reuter, 1981, p. 535, 536, 547; et
sir Ian Sinclair, TheViennaConventionontheLaw ofTreaties,2eed.,p. 124-126,139-140.have come about through a treaty displacement, since the 1982Conven-
tion isnotinforce.Could ithave come about through the customaryinter-
national laweffect ofthe new definition on the old? At least in relationto
the normal continental shelf of 200 miles (which is what this opinion is
concerned with), the better view would seem to be that the new limit
operates at the level of customary international law. If the 1958rule is
regarded solely as a treaty rule, the position is that "a later custom . ..
prevails over an earliertreaty ..." (Paul Reuter, Introduction to theLawof
Treaties, 1989,pp. 107-108,para. 216). But, of course, the same rule may
exist autonomously under customary international law as well as under
conventionalinternational law l.The limit prescribed by Article 1of the
1958 Convention was regarded as being also expressive of customary
international law (Tunisia/Libya, I.C.J. Reports 1982, p. 74, para. 101,
referring to the North Sea cases). Considered on this basis, it would
clearlybe superseded by the different limit prescribed by later customary

international law as expressedin Article 76of the 1982Convention.

Thus, whetherthe limit prescribed by Article 1of the 1958Convention
istreated solelyasatreaty rule or alsoasa rule of customaryinternational
law, it falls to be regarded as having been modified by Article 76 ofthe
1982Conventionapplying ascustomaryinternational law.Both Partiesin
factproceeded on the basis thatthe applicable limitis200milesin accord-
ance with contemporary customaryinternational law.

But 1do not consider that there has been any modification of the deli-
mitation provisions of the 1958Convention. In the North Sea cases, the
Court said, "Articles 1and 2 of the Geneva Convention do not appear to
have any direct connection with inter-State delimitation as such" (I.C.J.
Reports 1969,p. 40, para. 67). The delimitation procedures of Article 6

werenot dependent onthe particular outer limitsfixed forthe continental
shelf.Subsequentchanges in those limits should not affect the continued
applicability of the procedures. No doubt, as remarked above, anyappli-
cation of the delimitationprinciples of the 1958Convention would have
totakeaccount ofthe evolution ofthe lawrelating to the subject-matter to
which the application is directed; but 1cannot see that this calls for any
modification of the delimitationprinciples themselves.

States are entitled by agreement to derogatefrom rules of international
law other thanjus cogens(whichseemstohavelittle, if any,application in

l Yearbookof theInternationaLaw Commission,1950,Vol. II,p. 368,para.29; Mili-
taly andParamilitalyActivitiesinandagainstNicaragua(Nicaraguav. UnitedStates of
Merits, I.C.J.Reports1986,pp.93-94,paras.174-175.rts1984,p. 424,para.73, and ibid., 1982par un déplacementde traité étantdonnéquela convention de 1982
n'est pas en vigueur. Cette substitutiontient-elle au fait qu'en droit inter-

national coutumierlanouvelledéfinition l'emporte sur l'ancienne? En ce
qui concernetout au moinsla limite des 200milles habituellement appli-
quéeau plateau continental (sur laquelle porte la présente opinion), il
sembleraitpréférablede considérerquelanouvellelimiteopère au niveau
du droit international coutumier. Si la règle de 1958 est considérée
uniquement comme une règleconventionnelle,la situation est qu'aune
règlecoutumièrel'emporte sur un traitéantérieur ..»(Paul Reuter, Intro-
duction au droit des traités,1989,p. 107-108,par. 216). Mais,bien sûr, la
'même règlepeut exister defagon autonome envertu du droitinternational
coutumier aussi bien qu'en vertu du droit international conventionnel l.
La limite prescrite par l'article premier de la convention de 1958était
considéréecomme exprimant elle aussi le droit international coutumier
(Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil1982,p. 74,par. 101,seréférant aux affaires

de la Merdu Nord).Vuesous cet angle, ilest évidentqu'elle seraitrempla-
céepar la limite différente prescrite par le droit international coutumier
postérieur tel que reflétée l'article 76de la convention de 1982.
Parconséquent,que larègleprescrite par l'articlepremier delaconven-
tion de 1958soit considéréecommeune règlepurement conventionnelle
ou aussi comme une règle de droit international coutumier, force est
d'admettre qu'ellea étémodifiép ear l'article 76de la convention de 1982
qui s'appliquerait en tant que droit international coutumier. Les deux
Partiesontenfaitraisonnéen sebasant surl'hypothèse quelalimiteappli-
cable estcelledes200millesconformémentau droitcoutumierinternatio-
nal contem~orain.
Mais à mes yeux il n'ya eu aucune modification des dispositions de la
convention de 1958relatives à la délimitation.Dans les affaires de la Mer
du Nord,la Cour a estimé qu7«il ne semblepas que les articles 1et 2de la

convention de Genèveaient un rapport directavec une délimitationentre
Etats en tant que telle» (C.I.J. Recueil1969,p.40, par. 67). Lesméthodes
de délimitationprévues àl'article 6 ne dépendaient pas des limites exté-
rieuresparticulièresfixéespour leplateau continental. Lesmodifications
apportéesultérieurement à ces limitesne devraient pas avoir d'effet sur
l'applicabilité continuede cesprocédures. 11estcertain,comme ila été dit
plus haut, que toute application des principes de délimitation de la
convention de 1958devrait tenir compte de l'évolutiondu droit concer-
nant la question qui fait l'objet de la requête, mais cela n'impliquepasà
mon sens qu'ilfaillemodifier de quelquefaçon lesprincipes de délimita-
tion eux-mêmes.
Les Etats ont le droit de déroger d'un commun accord aux règlesde

droit international autres que celles du jus cogens(qui ne semble guère

' YearbookoftheZntemationalLuwCommission,1950,vol.II,p.368,par.29;Activités
militairesetparamilitairesauNicaraguaetcontrecelui-ci(Nicaraguac.Etats-Unis
rique), compétenceet recevabilité,C.I.J. Recueil 1984,p. 424, etibid.,fond,
C.I.J.Recueil1986,p.93-94,par. 174-175.this field). Hence they could well establishamong themselves a conven-
tional delimitationprocedure whichis differentfrom that applying under
generalinternational law.1read the NorthSeacasesto mean that the deli-
mitation régimeestablished by the 1958Convention was different from
that prevailing under general international law. Nothing in subsequent
developments has operated to put an end to the conventional régimeso
established in 1958.Without being lured further into the history of the
subject, one may note the successfulopposition to any mention of equi-
distance being made in the delimitation provisions of the 1982Conven-
tion; but the Parties have, correctly in my view, not suggested that
anything in this Convention operates to modify the delimitation provi-
sions of the 1958Convention in those cases in which these provisions
~PP~Y.

Sofarfor modification. Now forjudicialinterpretation.Totheextent, if
any, that the 1958delimitationtext has been the subject of interpretation
by theCourt, 1shouldbe slowto differ,particularlywhenregard ishad to

the role of the Court in developing the law. But, as indicated in para-
graph 45oftoday'sJudgment,therehas neverbeenanyconcretecase fall-
ingto be decided bythe Court under that provision and the Court has not
therefore had occasion to pronounce authoritatively on the interpretation
ofitspreciseterms. As observed above, an interpretation wasmade bythe
Anglo-French Court of Arbitration (RIAA, Vol. XVIII, pp. 44-45,
paras. 68 and 70, and p. 51, para. 84). For reasons to be later given, my
respectful submission is that there is not a sufficiency of reason for this
Courtto follow that decision.

Theposition,as 1seeit,isthat, where as amatter oftreatyobligation the
delimitation of the continental shelf between parties is governed by the
delimitation provisions of the 1958Convention, as is the case here, the
duty ofthe Court isnot to applyanyjurisprudence relating to those provi-
sions,but to apply the provisions themselves inthe sensein whichtheyare
to be understood when construed in accordance with the applicable

principles of treatyinterpretation. Thequestion then is:in what sense are
the provisions to be understood when so construed?

(iv) EquidistanceIs per se a TechnicalMethod, but;asSet OutinArticle6
ofthe1958Convention,It FormsPart ofa RuleofLaw

1do not enter into the view, for which there is high authority, that the
idea of equidistance isnot inherent in the concept ofthe continental shelf
(NorthSea,Z.C.J.Reports1969,p. 23,para. 23,pp. 33-34,paras. 48-50,and
pp. 46-47,para. 85).Byitself,equidistance isatechnicalmethod and nota
principle of international law. But there is nothing which can seriously
suggest that the use of a technical method in prescribed circumstancesavoir d'application, voire aucune, dans ce domaine). Ilspourraient donc
fort bien établir entre eux une méthodede délimitation conventionnelle
différentede cellequi s'appliquerait envertu du droit international géné-
ral. Selonl'interprétation quej'en donne, les affaires de lardu Nord
signifient que le régimede délimitation établipar la convention de 1958
différaitde celui que prévoyaitle droit international général.Rien n'est
venu ultérieurement mettre fin au régimeconventionnel ainsi établi en
1958.Sanss'attarder davantage sur l'historique de la question, il y a lieu
de releverl'objectionélevéeavecsuccèscontretoutemention del'équidis-
tance dans lesdispositions delaconvention de 1982relativesà ladélimita-
tion, mais,àjuste titre selon moi, les Parties n'ont pas suggéréque cette

convention renferme une disposition quelconque qui vienne modifier
les dispositions de la convention de 1958relativeà la délimitation dans
les cas où ces dernièressont applicables.
Nous avonstraité de la modification. Voyons maintenant l'interpréta-
tionjudiciaire. Dans la mesure où les dispositions de 1958concernant la
délimitationont faitl'objetd'une interprétationde la Cour, sitant estque
cela ait étéle cas, j'hésiteraisexprimer un avis différent, eu égard en
particulier au rôlejouépar la Cour dans ledéveloppementdu droit. Mais,
comme l'indique leparagraphe 45del'arrêt quinous occupeaujourd'hui,
laCour n'ajamais eu àseprononcer sur une affaireconcrèteen sefondant
sur cesdispositions et ellen'a donc pas eu l'occasion de prendre position
avec autorité sur l'interprétation de leur libellé exact. Comme indiqué
plus haut, une interprétation a été donnéear le tribunal arbitralanco-
britannique (RSA,vol. XVIII, p. 174-175,par. 68et 70,et p. 181,par. 84).

Pour lesraisonsquej'exposerai plusloin, iln'yapas,selon moi, de motifs
suffisants pour laCour de suivrecettedécisionen l'espèce.
A monsens, leschosesseprésententcommececi :lorsqueenvertu d'une
obligation conventionnelle la délimitationdu plateau continental entre
lesparties estrégiepar lesdispositions delaconvention de 1958relatives
la délimitation,comme c'estle casici,la Coura ledevoird'appliquer non
pas une quelconquejurisprudence concernant ces dispositions, mais ces
dispositions elles-mêmesau sens où elles doivent être entendues lors-
qu'ellessontinterprétéesselonlesprincipes applicables à l'interprétation
destraités.La question qui sepose alors est cellede savoir dans quelsens
ces dispositions doivent être comprises lorsqu'ellessontainsi interprétées.

iv) L'équidistanceestensoiuneméthode technique,
mais,tellequ'énoncéeà l'article6delaconventionde 1958,
ellefait partie d'unerèglededroit

Je ne partage pas l'opinion, émisepar des sourcestrès autorisées,que
l'idéede l'équidistancen'est pas inhérenteà la notion de plateau conti-
nental (Merdu Nord, C.I.J.Recuei1l 969,p. 23,par. 23,p. 33-34,par. 48-50,
et p. 46-47,par. 85).En elle-mêmel,'équidistanceestune méthode techni-
que etnon un principe de droitinternational. Mais rienne conduitsérieu-
sement à penser que l'emploi d'une méthodetechniquedans des circons-cannot be commanded by a rule of law. "[Tlhereal question", as was cor-
rectly submitted by Professor Jaenicke (to whose arguments on the
1958Convention 1shallbe referring with somefrequency),

"is not whetherthe equidistancemethod isa rule orprinciple of law,
which it is certainly not, but rather whether there is anyrule of law
which prescribes under which circumstances the equidistance
method determinesthe boundary" (Z.C.J.Pleadings,North Sea Con-
tinentalSheK Vol.II, p. 13).

It seems to me that there is such a rule, namely, a rule which provides,in
mandatory terms, that the equidistance method is to be used to establish
the boundary where agreement and special circumstances are both
absent.
No doubt, as remarked by ProfessorJaenicke :

"When the experts recommended the equidistance method to the
International Law Commissionin 1953and spoke of the 'principle'
ofequidistance,theycertainlydidnotrecommend itasa'principle of
law' ... They rather understood it as a principle of geometric con-
struction which might be used for defining the boundary ..." (Zbid.)

Butthe International Law Commission wasa commission ofjurists, not a
committee of technical experts. It was effectivelythe Commission which
adoptedthe method in relation to the case of the continental shelf. To be
sure, equidistance perse remained a geometricmethod even as incorpo-
rated in Article 6,paragraph 1,of the 1958Convention. But it now held a
place within the normativeframework of a treaty provision, which stipu-
lated that, in certain circumstances, the boundary is the median line. As
therein used it became part of a rule of law. Withhis usual grasp of prin-
ciples, Judge Tanaka put the matter this way :

"We have before us a technical nom of a geometrical nature,
which is called the equidistance rule, and may serve a geographical
purpose. Thisnom, beingin itselfofatechnicalnature, constitutes a
nom of expediency which is of an optional, Le., not obligatory
character, and the non-observation of which does not produce any
further effect than failure to achieve the result it would have ren-
dered possible. Thistechnical nom of a geometrical nature can be
used as a method for delimiting the continental shelf. The legis-

lator, being aware of the utility of this method for legal purposes,
has adopted it as the content of a legalom.
Thus the equidistance method as a simpletechnique is embodied
in law,whether in Article 6,paragraph 2, of the Geneva Conventiontances prescrites ne peut pas être dictépar une règlede droit. «La vraie

question)), comme l'a fait valoir avecraison le professeur Jaenicke (aux
arguments duquel je me référeraiassez fréquemment au sujet de la
convention de 1958),
«n'est pas de savoir si la méthodede l'équidistanceest une règleou
un principe de droit, cequ'ellen'estcertainementpas,maisplutôt de
savoir s'il existeune règlede droitquiprescrit lescirconstances dans

lesquelles la méthodede l'équidistance déterminela lignede délimi-
tation.» (C.I.J. Mémoires,Plateau continental de la mer du Nord,
vol. II, p. 13.)
Il me semble qu'il existeune telle règle,c'est-à-direune règlequi prévoit,
entermesimpératifs,quelaméthodede l'équidistance doitêtreemployée
pour établirlalignede délimitationenl'absence etd'accord etde circons-

tances spéciales.
Nul doute que, comme l'afait observer M. Jaenicke :
Lorsque les experts recommandèrent à la Commision du droit
international en 1953 la méthode de l'équidistance en parlant
du ((principe »de l'équidistance,ilestcertain qu'ilsne lerecommen-
daient pas en tant que «principe de droit». Pour eux, il s'agissait

surtout d'un principe de construction géométrique pouvant être
utilisépour définir la lignede délimitation..»(Ibid.)
Mais la Commission du droit international était une commission de
juristes et non un comité d'experts techniques. C'est effectivement la
Commission qui a adopté cette méthode dans le contexte du plateau
continental. L'équidistance en soi est assurément restéeune méthode
géométriquemêmeaprès avoir été incorporéeau paragraphe 1 de l'ar-

ticle6 de la convention de 1958.Mais elle occupe aujourd'hui une place
dans le cadre normatif d'une disposition conventionnelle qui stipulait
que,dans certaines circonstances, la ligne de délimitationest la ligne mé-
diane. Utiliséedans ce cadre, elle est devenue partie intégréed'unerègle
de droit. Avec sa compréhension habituelle des principes, M. Tanaka
a présenté la questionde la façon suivante :

Nous sommes en présence d'une norme technique de caractère
géométrique,appelée règledel'équidistance,quipeut êtreappliquée
dans le domaine géographique. Cette norme, qui est en elle-même
d'ordre technique, constitue une solution commode mais dont
l'application estlaisséeau choixdesintéressés,c'est-à-direqu'elle est
facultative; le seul effet de son inobservation est que le résultat
qu'elle aurait permis d'atteindre ne sera pas obtenu. Cette norme
technique et géométriquepeut êtru etiliséepour délimiterle plateau
continental. Le législateur,conscientde l'utilitéde cetteméthode du
point de vuejuridique, ena faitune norme de droit.
Ainsi la méthodede l'équidistance, entant quetechnique de déli-
mitation simple, se trouve consacrée en droit, que ce soit au para- orincorrespondingcustomaryinternational law.Bybeingsubmitted
to a juridical evaluation and invested with the character of a legal
norm, it has acquired an obligatoryforce which it did not have as a
simpletechnical norm." (NorthSea,Z.C.J.Reports1969,pp. 182-183.)

That was statedin the course of a dissentingopinion. Butitseemsto me
that the Court itself also recognized that Article 6 ofthe 1958Convention
did have the effect of imparting normativeforce tothe technical method
of equidistance when it said :
"Inthe light ofthese various considerations, the Court reaches the
conclusion that the Geneva Convention did not embody or crystal-
lizeanypre-existing or emergent rule of customary law,according to
which the delimitation of continental shelf areas between adjacent
States must, unless the Parties othenvise agree, be carried out
on an equidistance-specialcircumstances basis. Arule was of course
embodied in Article 6 of the Convention, but as a purely conven-

tional rule. Whether it has since acquired abroader basisremains to
be seen: qua conventional rule however, as has already been con-
cluded, it is not opposable to the Federal Republic." (Zbid.,p. 41,
para. 69.)
Thus, the Convention didnot represent anycustomary rule of law requir-
ing a delimitation to be carried out, in the absence of agreement, on an
equidistance-specialcircumstancesbasis ;but there was no doubtthat "[a]
rule was ...embodied in Article6ofthe Convention", and simpleinspec-
tionwouldshow thatthat mle didincorporate arequirementfor the use of
the equidistancemethod in certain circumstances.

In the Gulf of Maine case the Chamber seemed to recognize that
"special international law" can
"include some rule specifically requiring the Parties, and conse-
quently the Chamber, to apply certain criteria or certain specific
practical methods to the delimitation that is requested" (I.C.J.
Reports 1984,p. 300,para. 114).

In myopinion, Article6ofthe 1958Convention does include a rule speci-
ficallyrequiring the use of equidistance as a practical method of delimi-
tation when certain prescribed conditions are satisfied.

(v) TheEquidistance-SpecialCircumstance PsrovisionConsistsofa Rule
Requiringthe Useof EquidistanceSubjecttoan Exception If nere Are
SpecialCircumstances

For al1that the literaturemight suggestto the contrary,it does not seem
possible to erase a distinction which Article 6, paragraph 1, of the
1958Convention prima facie establishes between the median line part graphe 2 de l'article 6 de la Convention de Genève ou dans le droit
international coutumier relatif au mêmesujet. Du fait que sa valeur
juridique a étéreconnue et qu'ellea étéérigéeennormd ee droit, elle
a acquis une force obligatoire qu'elle n'avait pas lorsqu'il s'agissait
simplement d'une norme technique. » (Mer du Nord, C.I.J.Recueil
1969,p. 182-183.)
Cela aété affirmédansune opiniondissidente.Mais ilmesembleque la
Cour elle-mêmea égalementreconnu que l'article 6 de la convention de
1958a effectivement eu pour effet de conférerune force normative àla

méthode technique de l'équidistance lorsqu'elle a dit ce qui suit:
Eu égard aux considérations qui précèdent, laCour conclut que
la Convention de Genèven'a ni consacré ni cristalliséune règlede
droit international coutumier préexistante ou en voie de formation
selonlaquellela délimitation du plateau continental entreEtats limi-
trophes devraits'opérer, saufsilesPartiesendécidentautrement,sur
labase d'unprincipe équidistance-circonstancesspéciales.Une règle
abien été établiepar l'article6de laConvention, maisuniquementen
tant que règleconventionnelle. Il restà voir si elle a acquis depuis

lors un fondement plus largecar, comme règleconventionnelle, elle
n'est pas opposable à la République fédérale, ainsique la Cour l'a
déjà constaté.D (Ibid.,p. 41,par. 69.)
La convention ne représentaitdonc pasune quelconque règlecoutumière
de droitprescrivant qu'en l'absence d'accord la délimitationdoives'opé-
rer sur labase d'un principe équidistance-circonstancesspéciales ; mais il
n'y avait pas de doute qu'une ((règlea ..étéétabliepar l'article 6 de la
convention »etilsuffit de laconsulter pour s'assurerque cette règlestipu-
lait bien que la méthode de l'équidistance devait être employée dans

certaines circonstances.
Dans l'affaire duGolfeduMaine,la Chambre a sembléreconnaître que
le (droit international particulie>)ne peut contenir
«une quelconque règle de droit requérant spécifiquement des
Parties,et par conséquentde la Chambre,l'application à la délimita-
tion recherchéede certains critères ou de certaines méthodes prati-
ques déterminées » (C.I.J.Recueil1984,p. 300,par. 114).

A mon avis, l'article 6 de la convention de 1958contient incontestable-
ment une règlerequérant spécifiquement l'emploide I'équidistance en
tant que méthode pratique de délimitation lorsque certaines conditions
prescritessont remplies.

v) La disposition équidistance-circonstancesspéciales consiste
en une règlerequéranlt'emploide l'équidistancesausf'ilexiste
descirconstancesspéciales

Endépitdesaviscontraires que l'onpeuttrouver dans lesouvrages ilne
paraît pas possible de faire abstraction de la distinction que le para-
graphe 1de l'article 6 de la convention de 1958établitprima facieentreand the specialcircumstances part ofthe provisionwhen it provides that,
"[ilnthe absence of agreement, and unless another boundary isjustified
by special circumstances, the boundary is the median line". In applying
either of the two parts, regard must obviously be had to the other, and in
this sense 1accept that they establish one singlecombined rule; but this
does not obliterate the fact that this singlecombined rule does consist of
twoparts. It isdifficult to apprehend how the evidentdistinction between

these two parts and the relationship of rule and exception which that dis-
tinction establishesbetweenthem are removed by simply callingthem the
"equidistance-specialcircumstances" rule. To use a label as a substitute
for analysis isto risk what, in another context, T.J. Lawrencecalled "the
reproach of mistakingobscurity for profundity" l.

Thequestion is :what isthe preciserelationshipbetween that part ofthe
rule which refers to equidistance and that part which refers to special cir-
cumstances? The argument of the Federal Republic of Germany in the
North Seacases was that -

"[tlhediscussion [inthe International LawCommission]on the reser-
vation of 'special circumstances'showed that this clause was under-
stood not so much as a limited exception to a generally applicable
rule,but morein the sense of an alternative of equalrank to the equi-
distance method" (Z.C.J.Pleadings, NorthSea ContinentalShelJ;
Vol.1,p. 68).

On this the Danish comment(in the North Seacases),which has not lost
relevance in the light of the subsequent treatment of the subject, was

that -
"[tlheFederal Republic further seeks ...to undermine the legalforce

ofthe 'equidistanceprinciple' by soinflating the scope ofthe 'special
circumstances' exception as almost to make the 'equidistance prin-
ciple'the exceptionrather than the rule" (ibid.,p. 205).

One knows that, in response to concern expressed in the International
Law Commission about possible hardship which might be produced by
the equidistance method in certain circumstances, the Special Rappor-
teur, Professor François, suggested that equidistance should be recog-
nized only "as a general rule", but that that suggestion encountered
opposition, whereupon Mr. Spiropoulosproposed a reservationreading,
"unless another boundary line is justified by special circumstances"

T.J.Lawrence,ThePrinciplesofIntemationalLaw,7thed., 1930prefacetothefirst
edition,p.vii.

105l'élémenltignemédianeetl'élémenc tirconstancesspécialesde la disposi-
tion considéréelorsqu'il stipuleu'a àdéfaut d'accord, etàmoins que des
circonstances spéciales ne justifient une autre délimitation, celle-ci est
constituée par la ligne médiane)). Pour appliquer l'un de ces deux
éléments, ilfaut de toute évidencetenir compte de l'autre, et en ce sensje
reconnais qu'ilsconstituent une règleunique combinée; mais il n'en faut
pas pour autant perdre de vue quecette règleunique combinéeestformée
de deux éléments. Il est difficile de comprendre comment la distinction
évidenteentrecesdeux elémentset lerapport entrela règle etl'exception

que cette distinction établit entre eux peuvent être effacéspar le simple
fait de les désigner sous le nom de règle «équidistance-circonstances
spéciales». En recourant à une appellation plutôt que de procéder à
une analyse, on s'expose au risque d'encourir ce que, dans un autre
contexte, T. J. Lawrence appelait «le reproche de prendre l'obscurité
pour de la profondeur » l.
Il convient desedemander quel estlerapport exactentre l'élémend tela
règlequi serapporte àl'équidistanceet celuiqui a trait auxcirconstances
spéciales.Dans les affaires de la Mer du Nord, la République fédérale
d'Allemagne invoquait pour argument que

«Les débats [àla Commission du droitinternational] au sujet de la
réservedes «circonstances spéciales» ont montréque cette clause

était entendue non pas comme une exception limitée à une règle
d'application générale,mais plutôtau sens d'une méthode pouvant
remplacer, avec un rang égal,la méthodede l'équidistance. » (C.I.J.
Mémoires,Plateaucontinentalde la mer du Nord,vol. 1,p. 68.)

Devant cet argument, le Danemark a présenté(dans lesaffaires de la Mer
du Nord)une observation qui reste pertinente eu égard à la façon dont la
question a ététraitéepar la suite,savoir que

«La Républiquefédéralecherche ..à amenuiser la forcejuridique
du ((principe de l'équidistance» en gonflant tellement la portée de
l'exception des «circonstances spéciales» qu'elle fait presque du
((principede l'équidistance»l'exception plutôt que la règle.»(Ibid.,
p.205.)

On sait que, devant l'inquiétude expriméeà la Commission du droit
international au sujet des difficultés que pourrait causer dans certaines
circonstancesl'application de laméthodede l'équidistance,lerapporteur

spécial,M. François, a suggéréque l'équidistance ne soit admisequ'aen
règlegénérale »,mais cettesuggestion s'estheurtée àune opposition àla
suite de laquelle M. Spiropoulos a proposé une clause restrictive
«à moins que des circonstancesspécialesnejustifient une autre ligne de

1 T.J. Lawrence, The Principlesof InternatLaw,l7e éd.,1930, préfaceà la
premièreédition,pvii.

105(Yearbook of the InternationalLaw Commission,1953, Vol. 1, p. 130,
para. 62).Obviously, the inclusion of the words "as a general rule" could
have subverted the equidistance provision. Hersch Lauterpacht con-
tended that "it wasat leastarguable that theydeprived the rule of itslegal
character" (ibid.,p. 128,para. 47). Without putting it so high, one might
concede that that, at any rate, could be the practical result of using the
adjectivalform ofwhat Mr. AlbertThomasoncereferred to as"the notor-
ious word 'generally' whichisfoundina great many documents" (Compe-
tenceoftheIL0 inRegardtoInternationalRegulation of theConditionsof
Labourof PersonsEmployedinAgriculture,P.C.Z.J.S , eriesC,No.1,p. 136).
It seems clear that the Spiropoulosreservation, which was accepted, was
intended to avert such a risk and to preserve the integrity ofthe provision
subjectonly to an exception.

Wellknownas itis,itisuseful to recallthattheInternational LawCom-
mission's own commentas. on the draft provision which eventually
became Article 6 of the 1958Convention was as follows :

"81. In the matter ofthe delimitation oftheboundaries ofthecon-
tinental shelf the Commission was in the position to derive some
guidance from proposals made by the committee of experts on the
delimitation of territorial waters. In its provisional draft,the Com-
mission, which at that time was not inpossession of requisite techni-
cal and expert information on the matter, merely proposed that the
boundaries of the continental shelf contiguous to the territories of
adjacentStatesshould be settledbyagreement ofthe parties and that,
in the absence of such agreement, the boundary mustbe determined
by arbitration exaequo etbono.With regardto theboundaries ofthe
continental shelf of States whose coasts are opposite to each other,
the Commissionproposed the median line - subjectto reference to
arbitration in casesinwhich the configuration ofthe coast mightgive

rise to difficultiesin drawing the median line.
82. Having regardto the conclusions of the committee of experts
referredto above,the Commission now felt inthe position to formu-
late a generalrule,based on the principle of equidistance,applicable
tothe boundaries ofthe continental shelfboth of adjacent States and
of States whose coasts are opposite to each other. The rule thus pro-
posed is subject tosuch modzficationsas may be agreed upon by the
parties. Moreover, while in the case of both kinds of boundaries the
ruleof equidistanceis the generalrule,it is subject to modificationin
cases in which anotherboundary line isjustified by specialcircum-
stances. As inthe case ofthe boundaries of coastalwaters,provision
must be made for departures necessitatedby any exceptionalconfi-
guration ofthe coast,as wellasthe presence ofislands or ofnavigable
channels.To that extent the rule adopted partakes of some elasticity.
In viewof the generalarbitration clause ...no specialprovision was
considered necessary forsubmittinganyresultingdisputes to arbitra-délimitation»(A/CN.4/SR.204, p. 16,par. 62).Detoute évidence,l'inclu-
sion des termes «en règlegénérale)) auraitpu ôter sa signification à la
disposition relativeà l'équidistance. Selon Hersch Lauterpacht, «l'on
peut soutenir non sans quelque apparence de raison qu'ils retirent tout
caractèrejuridique àla disposition)) (ibid.,p. 13,par. 47). Sans vouloir
aller aussiloin, on peut admettre que tel pourrait,tout le moins,êtrele
résultat pratique de l'emploi sous la formeadjective de ce que. Albert
Thomas aappeléunjour «le fameux «généralemen» t qu'on trouveainsi
dans un grand nombre de textes »(Compétence de I'OITpourlaréglemen-
tation internationaldesconditionsde travaildespersonnesemployées dans
l'agriculture,C.P.J.I.série no1,p. 136).Il sembleclair que la réservede
M. Spiropoulos, qui a été adoptéev ,isaitàéviterce risque età préserver
l'intégritéde la disposition, laquelle il ne peut être dérogqu'en invo-
quant l'exception.
Aussi connue qu'ellesoit, il est néanmoinsutile de rappeler l'observa-
tion de la Commission du droit international sur le projet de disposition

qui est devenu par la suitel'article 6de la convention de 1958

«81. Pour ce qui est de la détermination des limites du plateau
continental, la Commission a pu, dans une certaine mesure,s'inspi-
rer de propositions faites par le Comitéd'experts chargéde la déli-
mitation des eaux territoriales. Dans son projet préliminaire, la
Commission,qui, à l'époque,nedisposait passur cepointde ladocu-
mentation technique et des avis d'experts indispensables, s'était
contentéede proposer que leslimites du plateau continental contigu
aux territoiresd'Etats limitrophes soient fixées par voie d'accord
entre les parties et qu'à défaut d'accordelles soient déterminéespar
arbitrageexaequoet bono.En ce qui concerneleslimites du plateau
continentald'Etats dont les côtesse font face, elle proposait la ligne
médianesousréservede soumettre àl'arbitrage lescasoù la configu-
ration descôtespourrait fairesurgirdesdifficultés pour letracéde la
ligne médiane.
82. Tenantcomptedesconclusions du Comitéd'experts dontilest
questionplus haut, la Commission a estimé qu'elleétait maintenant

en mesure de formuler une règlegénérale f, ndée surle principe de
l'équidistance, applicable aux limites du plateau continental aussi
bien lorsqu'il s'agitEtats limitrophes que d'Etats dont les côtes se
font face. La règleainsiproposée peut êtreodifiée par accord entre
lesparties. Au surplus, si,dans'uneet l'autre éventualitél,eslimites
sontdéterminées,engénéral,palr a règledel'équidistanced,es modzj?-
cationspeuvent êtreapportées à cette règlelorsquedescirconstances
spécialejsustifient letracéd'une autrelimite.Comme pour leslimites
des eaux territoriales, il doit êtreprévuqu'on peut s'écarterde la
règlelorsqu'une configuration exceptionnellede la côte ou encore la
présenced'îlesou de chenaux navigables l'exigent.La règleadoptée
estdoncpar làdotéed'une certaineélasticité D.ufait del'existencede
la clausegénéraled'arbitrage ...aCommission n'apas estiménéces- tion. Such arbitration, while expectedtotake into accountthe special
circumstances calling for modificationofthe majorprincipleof equi-
distance, is not contemplated as arbitration ex aequo etbono.That
majorprinciplemustconstitutethebasisofthearbitration,conceivedas
settlementon the basis of law, subject to reasonable modifications
necessitated by the specialcircumstances of the case." (Yearbookof
theInternational Law Commission,1953,Vol.II, p. 216,paras. 81-82,
footnote omitted; emphasis added. And see 1.C.JPleadings, North
Sea Continental SheE Vol. 1,p. 181 .)

Thestresslaid by the International Law Commission(not bythe Com-
mittee of Experts) on the equidistance provision as "the generalrule ...
subjectto modification in cases in which another boundary line isjusti-
fied by special circumstances", or as that "majorprinciple ...subject to
reasonablemodificationsnecessitated bythe specialcircumstances ofthe

case", is not reconcilable with any suggestion that the Commission
regarded the "special circumstances" reservation as "an alternative of
equal rank to the equidistance method" (see also Z.C.J.Pleadings, North
Sea ContinentalSheEVol.1,pp. 203ff.,Counter-Memorial of Denmark).

No doubt, as has been pointed out by some writers, it is possible to
detectincreased interest at the 1956proceedings ofthe International Law
Commission, and alsoat the proceedings ofthe Fourth Committee of the
United Nations Conference on the Lawofthe Sea 1958,inthe necessityto
secure an equitable boundary through the use of the "special circum-
stances" provision in those cases where, because of such circumstances,
the use ofthe equidistancemethod would result in inequity.Advertingin
1956to such circumstances, the International Law Commission did Say
that "[tlhis case may arise fairly often, so that the rule adopted is fairly
elastic" (Yearbookof theInternationalLaw Commission,1956,Vol. II,

p. 300).And there is, indeed, a greatdeal in the preparatory work of the
Commissionto show how indispensablethe exception was thought to be
to the working of the rule (North Sea, Z.C.J.Reports 1969,pp. 92-95,
Judge Padilla Neno, separate opinion). Speaking in the Commission in
1956,SirGerald Fitzmauricetook the position that -

"special circumstanceswould be the rule rather than the exception,
owingtothe technicaldifficulty ofapplying an exact median lineand
to the possibility that such application would be open to the objec- saire de prévoirune clausespécialeen vue de soumettre àl'arbitrage
les différends qui pourraient naître en la matière. Ici l'arbitrage
dont on attend qu'il tienne compte des circonstances spéciales
exigeant la modzjlcationdu principe générd aléquidistance - ne se
présentepas commeun arbitrage exaequoetbono.C'estsurlabasedu
principegénéraq lue doit êtreendul'arbitrage,considéré commeun
règlement fondé sule r droitsous réservedes modificationsraison-
nables commandéespar lescirconstancesspécialesdes casd'espèce. »
(Nations Unies, Documentsofficiels deIXssemblée générale,huitième
session,supplément no9 (A.1'2456)~((Rapport de la Commission du
droit international sur les travaux de sa cinquièmesession tenue du
le'juin au 14août 1953»,p. 16-17,par. 81-82,note omise; les ita-

liquessont demoi; voirégalement C.I.J.Mémoires,Plateac uontinen-
taldela merduNord, vol. 1,p. 18.)
L'accent mis par la Commission du droit international (et non par
lecomitéd'experts) surlarèglede l'équidistance,entantque règles'appli-
quant «en général))et sur le fait que «des modifications peuvent être
apportées à cette règlelorsque des circonstances spécialesjustifient le

tracé d'une autrelimite» ou en tant que ((principegénéra ..sous réserve
des modifications raisonnables commandées par les circonstances spé-
ciales des cas d'espèce» ne saurait être concilié avec l'opinion selon la-
quelle la Commission a considéré laréserveforméepar les «circons-
tancesspéciales »comme «une méthodepouvant remplacer,avecunrang
égal,la méthode de l'équidistance» (voir également C.I.J. Mémoires,
Plateau continentalde la mer du Nord, vol. 1, p. 203 et suiv., contre-
mémoiredu Danemark).
Il est indubitable, comme l'ont fait observer certains auteurs, que les
comptesrendus desdébats de 1956de la Commission du droitinternatio-
nal comme de ceux de la quatrième commission de la conférence des
Nations Unies sur le droit de la mer de 1958font apparaîtreune prise de
consciencecroissante de la nécessitéde parvenir à une ligne de délimita-
tion équitable par le recours à la disposition des «circonstances spé-

ciales» dans les cas où, en raison de ces circonstances, la méthode de
l'équidistancesetraduirait parun résultatinique.Faisantallusionen 1956
àcetype de circonstances,laCommission du droitinternational a dit que :
«Ce cas pourra seprésenterassez souvent. La règleadoptéeest donc par
là dotéed'une certaine souplesse. »(Annuairede la Commisssiondudroit
international,1956, vol. II, p. 300.) Les travaux préparatoires de la
Commissionmontrent en effet à suffisancecombiencetteexceptionavait
étéjugée indispensable à l'application de la règle (Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p. 92-95,opinion individuelle de M. Padilla Nervo).
DevantlaCommission,en 1956,sirGerald Fitzmaurice adéfendulepoint
de vueselonlequel :

«les circonstancesspécialesseront la règleplutôt que l'exception,à
causedesdifficultéstechniques queprésente l'application exacte du
principe de laligne médiane;d'autre part, cetteméthode peut prêter tion that the geographical configuration of the Coastmade it inequi-
table,because, for example, the low-watermark, which constituted
the baseline, was liable to physical change in the course of time by
silting.The point should be made in thecomment that exceptional
caseswere liable to arise fairly frequently."Yearbookofthe Interna-
tionalLaw Commission,1956,Vol. 1,p. 152,para. 28.)

Butthe reasons giventhere for holding that "special circumstanceswould
be the rule rather than the exception"related to the practical operation of
the provision, and not to its juridical character. However frequently it
might be necessary to have recourse to specialcircumstances,this could
not alter the legal structure of the provision, which clearly cast equi-
distanceas the rule, with specialcircumstances as the exception.

Toretum to the debatein the NorthSeacases,the position waswellput
by Sir Humphrey Waldock when he submitted "that the very words
'unless'and 'special'stampthe clause with the hallmark of an exception"
(I.C.J.Pleadings,NorthSeaContinentalShelJV ; ol.II,p. 267),and whenhe
added later :

"In Ourviewthe word 'unless',the phrase 'anotherboundary line',
the phrase 'isjustified' and the phrase 'special circumstances' indi-
vidually and in combination categoricallycharacterize the clauseas
an exceptionto the 'general rule' or,as the Commission said, 'major
principle' of equidistance."(Ibid.,p. 280.)

These cogent arguments must have weighed with the Court when, in its
own considered tum, it spoke of "the exceptionin favour of 'special cir-
cumstances"' (I.C.J. Reports 1969, p. 36, para. 55; emphasis added).
Scarcelystriking adifferentnote, in 1977the Anglo-French Court ofArbi-
tration referred to theprovisionas"the 'specialcircumstances' condition"
(RIAA, Vol.XVIII, p. 45,para. 70 ;emphasisadded).

Interestingly,speaking some years later as counsel for Canada in the
GulfofMaine case, ProfessorJaenicke put itthis way :

"Even if the equidistance method and the presence of special cir-
cumstances have to be considered together in appreciating al1of the
circumstances of the case, it remains nevertheless true that under

Article 6 the application of the equidistance method or the use of
some other method because of special circumstances stand in rela-
tionship to each other as rule and exception." (I.C.J.Pleadings,Deli-
mitationof theMaritime BoundaryintheGulfofMaineArea,Vol.VII,
p. 51.)

In the North Seacases, Judge Morelli,in an argument of somerefine-
ment, didnot think thatthe reference to specialcircumstances was "a true à critique s'ilarrive que la configuration de la côte la rende injuste,
dans le cas, par exemple,où la laisse de basse mer, qui constitue la
ligne de base,risque de subir avec le temps des modifications maté-
rielles duesàl'envasement ou àl'ensablement. Il faudrait donc indi-
quer dans le commentaire qu'il est fort possible que les cas excep-
tionnelssoient assezfréquents. »(Annuairedela Commissiondudroit
international, 1956,vol.1,p. 164,par. 28.)

Mais les raisons données pour soutenir que les «circonstances spéciales
serontla règleplutôt quel'exception »portaientsur l'application pratique
de la disposition et non sur son caractère juridique. Quelle que soit la
fréquenceaveclaquelle il faillerecourir aux circonstancesspéciales,cela
ne saurait modifier la structurejuridique de la disposition, qui érige de
toute évidence l'équidistanceen règle, lescirconstances spéciales étant
l'exception.
Pour en revenir au débat dans les affaires de la Mer du Nord,

sir Humphrey Waldock a bien présenté la situationlorsqu'il a dit que les
termes «àmoinsque »et ((spéciales»donnaient à cetteclause la marque
d'une exception (C.I.J. Mémoires,Plateau continentalde la mer du Nord,
vol. II, p. 267)et lorsqu'il a ensuiteajouté
«A notre avis, les expressions «à moins que », «circonstances

spéciales», «ne justifient », et «une autre délimitation», qu'elles
soient considéréesséparément ou ensemblef,ont sans nul doute de
cette clause une exception à la «règle générale)) ou,comme l'a
dit la Commission, au ((principe généra» l de l'équidistance.»(Ibid.,
p. 280.)

Ces solidesargumentsdoivent avoir été peséspar la Cour lorsque, àson
tour, elle a parlé de «l'exception des «circonstances spéciales)) (C.I.J.
Recueil I969,p. 36,par. 55;lesitaliquessont de moi).Parlant sur un ton à
peine différent, le tribunal arbitral franco-britannique a désigné cette
disposition sous le nom de ((condition relative aux «circonstances
spéciales »(RSA,vol. XVIII, p. 175,par. 70;lesitaliques sont de moi).
Il est intéressantde constater que, prenant la parole quelques années
plus tard en tant que conseil du Canada dans l'affaire du Golfedu Maine,
M. Jaenicke s'estexprimé encestermes :

«Mais, mêmesi la méthode de l'équidistance et l'existence de
circonstances spéciales doivent être considérées ensemblepour
l'appréciationdetoutes lescirconstances del'espèce,iln'endemeure
pas moins que, dans le cadre de l'article 6, l'application de la
méthode de l'équidistanceest la règle,et l'application d'une autre
méthode en raison de circonstances spéciales est l'exception.))
(C.I.J. Mémoires,Délimitationde lafrontière maritimedans la région
dugolfedu Maine, vol.VII, p. 5 1.)

Dans les affaires de la Mer du Nord, M. Morelli, suivant un assez fin
raisonnement, n'a pas considéré que la référence aux circonstancesexception", but he accepted that "al1theParties to the present cases have
always referred to it as an 'exception'" (Z.C.J.Reports 1969,p. 206, dis-
senting opinion; emphasis added). With respect, 1 think the Parties
were right, and some of the other Judges seemed to think so too (ibid.,
pp. 186-187,Judge Tanaka, dissenting;pp. 220and 239,Judge Lachs, dis-
senting; and p. 254,Judge ad hoc S~rensen,dissenting. Cf. Judge Padilla
Nervo, separate opinion, ibid.,p. 92,and Judge Ammoun, separate opin-
ion, ibid.,p. 148,para. 52). Indeed, as mentioned above, even the Court
referred to the clause as an "exception" (ibid.,p. 36,para. 55).It needs to
be addedthat, indenying thatthe "special circumstances"limb wasatrue
exception,Judge Morelli wasreallyseekingto enhance the primacy ofthe
equidistancelimb, and not to diminishit. 1do not see how it ispossible to
refuteJudge ad hoc S~rensen'sconclusion that -

"[a]natural construction ofthe wording ofthe provision,inparticular
the words 'unless another boundary line is justified .. .'seems to
indicate thatthe principle of equidistance isintended to be the main
rule, and the drawing of another boundary line an exception to
this main rule. Thisgeneralunderstanding of the provision seems to
be confirmed bythe travauxpréparatoires,includinginparticular the
1953report ofthe Committee of Experts andthe reports ofthe Inter-

national Law Commissionin 1953and 1956."(Zbid.,p. 254.)

In sum, important as was the "special circumstances" provision, its
importance was neverthelessnot such as to extinguish the essential dis-
tinctionbetween rule and exception which the very structure and terms of
the provision ineluctably presented. One must distinguish between the
practical operation of a provision and the juridical character of its struc-

ture.A principle subject to an exception does not cease to be a principle
(see Sir Robert Jennings, "The Principles Governing Marine Bounda-
ries", in Staat und Volkerrechtsordnung, Festschriftfur Karl Doehring,
1989,p. 397,at p. 399).However often the circumstancescontemplated by
the exception may arise, the resultingfrequency of recourse to the excep-
tion and the accompanyingelasticity of the whole provision do not abate
the juridical character of the exception as an exception or that of the
general rule as the general rule; in law, the subordinate character of the
exceptionasasafeguard tothe working ofthe rule remains. As wassaid by
Judge de Castro, "The flexibility of a rule is not a reason for denying its
existence" (Fisheries Jurisdiction (United Kingdom v. Zceland), Z.C.J.
Reports 1974, p. 96, separate opinion). Or, to adapt the words of
Judge Read, "the importance of [therule]cannot be measured by the fre-
quency of [its]exercise" (International Status of South West Africa, Z.C.J.
Reports 1950,p. 169, separate opinion). 1believe it is agenerallyaccepted
principle of construction that an exception, like a proviso, cannot be so

read as to cancel outthe legaleffectofthe main rule.This can happen only D~LIMITATIONMARITIME(OP. IND. SHAHABUDDEEN) 143

spécialesétaitune((véritableexception »maisilareconnu que «toutesles
Parties aux présentes affaires ont toujours parlé d'aexception)) (C.Z.J.
Recueil 1969, p. 206, opinion dissidente; les italiques sont de moi).
Avectout lerespect queje luidois,j'estimeque lesPartiesavaientraison et
certains des autres juges semblent avoir étédu même avis(ibid.,p. 186-
187,opinion dissidente de M. Tanaka; p. 220 et 239, opinion dissidente
de M. Lachs; p. 254,opinion dissidente de M. S~rensen,juge ad hoc;voir
opinion individuelle de M. Padilla Nervo, ibid,p. 92, et opinion indivi-
duelle de M.Ammoun, ibid.,p. 148,par. 52).Eneffet,commeindiquéplus

haut, mêmela Cour a qualifié cette clause d'«exception» (ibid, p. 36,
par. 55).11faut ajouter qu'en refusant de voir dans l'élément«circons-
tances spéciales» une véritable exception, M. Morelli cherchait réelle-
ment à renforcer la primauté de l'élémentéquidistance et non à la
diminuer. Je ne vois pas comment il est possible de réfuter la conclusion
de M. S~rensen,juge ad hoc,selonlaquelle :
«Si l'on interprètela clause, et en particulier les termes «à moins

que ..nejustifient une autre délimitation»de la manièrequi vient le
plus naturellement àl'esprit, il sembleraitque l'on ait voulu faire du
principe de l'équidistance larèglepremière,la détermination d'une
autre ligne de délimitationne devant être qu'une exception à cette
règle.Cetteacceptiongénéralede la clausesembleconfirmée par les
travaux préparatoires, en particulier le rapport du comité d'experts
de 1953etlesrapports de la Commission du droitinternational pour
1953et 1956. »(Zbid.,p. 254.)

Ensomme,quellequesoitl'importance delaclausedes «circonstances
spéciales»,ellene suffit pasà effacerla distinctionessentielleentre règle
et exception que l'on ne peut manquer de voir dans la structure et les
termes mêmesde la disposition. Il faut distinguerentrel'application pra-
tique d'une disposition et le caractèrejuridique de sa structure. Un prin-
cipe auquel on peut dérogern'en demeure pas moins un principe (voir
sir Robert Jennings, «The Principles Governing Marine Boundaries »,
dans Staat und Volkerrechtsordnung,Festschriftfür Karl Doehring, 1989,
p. 399).La fréquenceaveclaquellepeuvent seprésenterles circonstances
envisagéesdans l'exception etpartant celledel'exception elle-mêmeainsi
que la souplessecorrespondante corrélative de la dispositiontout entière
n'ôtent rien au caractèrejuridique de l'exceptionentant qu'exception ni

celui de la règlegénéraleentant que règlegénérale;en droit, l'exception
conserve son caractèreaccessoire de garantie du bon fonctionnement de
la règle.Comme l'adit M. de Castro :«La souplesse d'une règlen'estpas
une raison pour nier son existence.»(Compétenceen matièredepêcheries
(Royaume-Uni c.Islande), C.I.J. Recueil1974,p. 96,opinion individuelle.)
Ou, pour paraphraser M. Read, ((l'importance de [la règle]ne saurait se
mesurer à la fréquence de [son] application)) (Statut international du
Sud-Ouest africain, C. I.J. Recueil 1950, p. 169, opinion individuelle).
A mon avis, il est un principe d'interprétation généralement accepté
qu'une exception, tout comme une disposition restrictive, ne peut êtrewhere the exception is in fact repugnant to the rule1, in which case the
whole provision might wellfall. Merefrequency of recourseto an excep-
tion isnot proof ofrepugnancebetween rule and exception; and, unless it
is,it cannot,in myview,serveto deprive the rule of itsjuridical character
as a rule (cf. Tunisia/Libya, I.C.J. Reports 1982, p. 197, para. 64,
Judge Oda, dissenting).

The propensity to think in terms of Article 6, paragraph 1, of the
1958Conventionasbeing asinglecombinedequidistance-special circum-
stances rule which is equivalent to the equitable principles-relevant cir-
cumstances rule of customaryinternational law is not well supported. In
my submission, that thinking resolves itself, under scrutiny, into a too
hasty attempt to liquidate that part of the "combination" which is indis-
putably a rule andto supplant itby that part which isas clearly an excep-
tion, and to do so without saying, because it cannot be said, that the
exception isrepugnant to the rule; and yet,analytically, itisonlyifthere is
such arepugnance thatthe rule,and thedistinctiveposition whichitmani-
festlyaccordsto equidistance, can be neutralized.

(vi) TheUseoftheEquidistanceMethoC danBeObligatoïyunderArticle6
of the1958Convention

1come next to the questionwhether the use ofthe equidistancemethod

is ever obligatory under Article 6, paragraph 1,of the 1958Convention.
Denmark submits thatthe equidistance rule setout inthe provision "isnot
of an obligatorycharacter, not even as a startingpoint fora delimitation"
(Memorial, Vol. 1, p. 60, para. 212). By contrast, the Nonvegian case
proceeds on the footing that, absent both an agreement and special
circumstances, the equidistance rule is mandatory under Article 6, para-
graph 1.

Judicial statements are easilycomebyto the effectthatthe equidistance
method is not compulsory at customary international law (see, for
example, Tunisia/Libya,I.C.J.Reports1982,p. 79,para. 110).Butthere is
no clearpronouncement by this Court to that effect so far as the applica-

tion of Article 6 of the 1958Convention to a concrete case is concerned.

Briefly, it appears to me that to hold that the equidistance rule could
never operate compulsorily under Article6,paragraph 1,ofthe 1958Con-
ventionwouldbetobreach the Court's owndeclaration that itsfunction is

See,in English law, Maxwell on the Znterpretationof Statutes,ed.,h1969,
pp. 190-191; and CraiesonStatuLaw,7th ed., 1971,pp. 218-220.

110interprétéede manière à dépouiller larègleprincipale de son effetjuri-

dique. Cela ne peut arriver que si I'exception est en fait incompatible
avec la règle1,auquel cas la clause tout entière risque fort de tomber.
La fréquence des recours à une exceptionne saurait à elle seuleprouver
qu'il y a incompatibilité entre la règle et I'exception, et seule celle-ci
pourrait à mes yeux priver la règlede son cacactèrejuridique de règle
(voir Tunisie/Libye,C.I.J. Recueil1982,p. 197,par. 64,opinion dissidente
de M. Oda).
La propension à penser que leparagraphe 1de l'article 6de la conven-
tion de 1958 énonceune règle unique combinée équidistance-circons-
tances spéciales qui est équivalente à la règle principes équitables-
circonstancespertinentes du droit international coutumier nerepose pas
sur desbasessolides. Selonmoi, cettefaçon devoirrevient,à yregarder de
plus près,à essayer trop hâtivement de liquider l'élément e la «combi-

naison »qui estindiscutablement une règleetàleremplacer par l'élément
qui estclairement une exception,età agirainsisansdire,car on ne saurait
lefaire,que l'exceptionestincompatibleavecla règlealorsque,d'un point
devue analytique, ellene l'estque sil'incompatibilitéesttellequela règle,
et la place spéciale qu'elle accorde manifestement l'équidistance, peut
êtreprivée d'effet.

vi) L'emploide laméthodede l'équidistancp eeut être obligatoire
envertude l'articlede laconventionde 1958

J'en viens maintenant au point de savoir si l'emploi de la méthode
de l'équidistance peut jamais être obligatoire en vertudu paragraphe 1
de l'article 6 de la convention de 1958. Selon le Danemark, la règle
de l'équidistance établiepar cette disposition «n'a pas un caractère
obligatoire, mêmecommepoint de départd'une délimitation »(mémoire,

vol. 1, p. 60, par. 212). En revanche, la No~ège défend la thèse selon
laquelle, en l'absence d'un accord et de circonstances spéciales, la
règle de l'équidistance est obligatoire aux termes du paragraphe 1 de
l'article 6.
Il estaisédetrouverdanslajurisprudence l'affirmation que laméthode
de l'équidistancen'est pas obligatoire en droit international coutumier
(voir, par exemple, Tunisie/Libye, C.Z. RJ.cueil1982, p. 79, par. 110).
Mais la Cour ne s'est pas clairement prononcée en ce sens pour ce qui
est de l'application de l'article 6 de la convention de 1958ne affaire
concrète.
Enbref, il mesemble que soutenirquela règlede l'équidistancenepeut
jamais être d'application obligatoire en vertu du paragraphe 1de l'ar-
ticle 6 de la convention de 1958serait contraireà la déclaration de la

' Voir, en droit anglais, Maxwell on the Znterpretationof Statutes, 12eéd., 1969,
p. 190-191,et CraiesonStaLaw, 7eéd.1971,p.218-220."to interpret ...,not to revise" a treat'.Nor does it appearthatthe case-

law would safely support such a holding.

To begin with the North Sea cases themselves, it seems plausible that
the whole assumptionbehind the elaborate enquiry which theCourt con-
ducted into the question whether the Federal Republic of Germany was
bound by the 1958Convention was that, if it was, the provisions of Ar-
ticle 6concerningequidistancewouldnecessarilyapplyunlessthere were
special circumstances, there being no agreement. True, the Judgment
includes remarks of an amplitude which might suggest that the equidis-
tance method is in any event not mandatory even under Article 6 of the
Convention (Z.C.J.Reports 1969,pp. 23-24,paras. 21-24,and pp. 45-46,
para. 82).But the Court did Saythat

"Article 6 is so framed as to put second the obligation to make use
ofthe equidistancemethod,causingitto come after aprimary obliga-
tion to effect delimitation by agreement" (ibid., p. 42, para. 72;
emphasisadded).

Thus, however the obligation to use the equidistance method might be
ranked, the Court did refer to it as an "obligation", as itplainlywas; even
if it came second, it was an "obligation" in the same juridical sense in
which there was an "obligation to effectdelimitation by agreement". That
the Court accepted that Article 6 of the Convention did create an obliga-
tion to use the equidistancemethod would seemto have been recognized
by Judge Ammoun and Vice-President Koretsky (ibid.,pp. 149-150, sepa-
rate opinion, and pp. 154-155, dissenting opinion, respectively). The
Court's statements on the point may be harmonized by taking the view
that any suggestion by it that equidistance was not obligatory under the
1958Convention isto be understood not in an absolute sense, but in the
qualified sense that it was not obligatory in al1cases.

In the Anglo-FrenchArbitration the Court of Arbitration distinctly
stated -
"that under Article 6 the equidistance principle ultimatelypossesses
an obligatoryforce which it does not have in the same measure under
the rules of customarylaw; for Article6makes the application ofthe
equidistanceprinciple a matter oftreaty obligationfor Parties to the
Convention" (RZAA,Vol. XVIII, p. 45, para. 70; emphasis added).

' InterpretationofPeaceTreatieswithBulgaria,HungaryandRomania,Second Phase,
No. 7,p.20;SerbianLoans,P.C.I.J.,SeriesA,No.20/21, p.32;andRightsofNationalsofes B.
the UnitedStates ofAmericainMorocco,Z.C.J.Reports1952,p. 196.Cour elle-mêmes ,elon laquelle la Cour est appelée «à interpréterlestrai-
tés,non à les reviserfil. Il ne semble pas non plus que la jurisprudence
puissevéritablement étayerune telle thèse.
Pour commencer par les affaires de la Mer du Nord elles-mêmes,il
semble plausible que toute l'hypothèse sur laquelle a reposé l'enquête
minutieusemenéepar la Cour surle point de savoir sila Républiquefédé-
rale d'Allemagne étaitliéepar la convention de 1958consistait àdireque,

siellel'était,lesdispositions del'article6relativesl'équidistances'appli-
queraient nécessairement à défaut de circonstances spéciales puisqu'il
n'existait aucun accord. Certes, l'arrêt contient des observations d'une
ampleur telle qu'elles pourraient donner à penser que la méthode de
l'équidistancen'estentout étatde cause pas obligatoire mêmeaux termes
de l'article 6de la convention (C.I.J. Recueil1969,p. 23-24,par. 21-24,et
p. 45-46,par. 82).Mais la Coura dit que

«l'article 6 est rédigéde telle sorte qu'il fait passer l'obligationde
recourir àlaméthodedel'équidistanceaprèsl'obligationprimordiale
d'effectuer ladélimitationpar voie d'accord »(ibid.,p.42,par.72; les
italiquessont de moi).

Ainsi, quel que soit le rang que l'on puisseaccorderà l'obligation d'utili-
ser la méthode de l'équidistance,la Cour l'a bien qualifiéed'«obliga-
tion »,ce qu'elle étaitde toute évidence;même si ellevenait en deuxième
lieu, c'étaitune «obligation »ayant lemêmesensjuridique que 17« obliga-
tion ...d'effectuer la délimitation par voie d'accord». Il semble que
M. Arnmoun et M. Koretsky, Vice-Président,aient reconnu que la Cour
avait admis quel'article 6de la conventioncréaiteffectivement une obli-
gation d'utiliser la méthode de l'équidistance(ibid.,p. 149-150,opinion
individuelle, etp. 154-155,opinion dissidente, respectivement). Lesdécla-
rations de la Cour sur ce point peuvent être conciliéessi l'on considère
que, si la Cour avait émis l'idéeque la méthodede l'équidistance n'était

pas rendue obligatoire par la convention de 1958, ilfaut l'entendre non
pas au sensabsolu, mais au sensrestreintsignifiant qu'ellen'était pasobli-
gatoire dans tous les cas.
Dans l'Arbitragefranco-britannique, le tribunal arbitral s'estprononcé
clairement comme suit :

leprincipe del'équidistancepossède,dans lecadre del'article6,une
force obligatoirequ'iln'apas dansla mêmemesure envertudes règles
du droit coutumier; en effet, l'article 6 créeune obligation conven-
tionnelle d'appliquer le principe del'équidistancepour les parties à
la Convention» (RSA,vol.XVIII,p. 175,par. 70; lesitaliquessont de
moi).

'Interprétationdes traitédsepaix conclusavecla Bulgarie,la Hongrieet la Roumanie,
deuxièmephase, C.I.. ecueil1950,p. 229; voir aussiAcquisitionde la nationalitépolo-
nuise,C.P.J.I.sérieBno7,p.20; Empruntsserbes,C.P.J.IsnO20/21, p. 3etDroits
des ressortissantsdesEtats-UnisdAmériqueauMaroc,C.I.J.Recueil1952,p. 196. Speaking still with reference to that provision, the Court of Arbitration

later said :
"In the absence of agreement, and unless another boundary isjus-
tified by specialcircumstances, theboundaryistobe the linewhichis
equidistantfrom the nearest points of the baselines from which the
breadth of the territorial sea of each State is measured." (RZAA,
Vol.XVIII, p. 111,para. 238;emphasis added.)

In the Gulfof Maine case, the Chamber likewise took the view that -
"if a question asto the delimitation of the continental shelf only had
arisen between the two States, there would be no doubt as to the

mandatoly application of the method prescribed in Article 6 of the
Convention, always subject, of course,to the condition that recourse
is to be had to another method or combination of methods where
special circumstances so require" (Z.C.. Reports 1984, p. 301,
para. 118;emphasis added. And see ibid.,p. 301,para. 116).

Judge Gros, dissenting, added :

"The 1958Convention on the Continental Shelf posits an equi-
distance/special-circumstances rule, a single rule which is clear :if
there are no special circumstances,equidistance must be applied."
(Zbid.,p. 387,para. 46; emphasisadded.)

In the Libya/Malta case,the Court said :
"In thus establishing,as the first stagein the delimitationprocess,
the median line as the provisionaldelimitation line, the Court could
hardly ignore the fact that the equidistance method has never been
regarded, evenin adelimitationbetweenopposite coasts, asone tobe
applied without modification whateverthe circumstances. Already,
in the 1958 Convention on the Continental Shelf, which imposes
upon the Statesparties to it an obligationoftreaty-law,failingagree-
ment,tohave recoursetoequidistance forthe delimitation ofthe con-
tinental shelfareas, Article 6 contains the proviso that that methodis
to be used 'unless another boundary line is justified by special cir-

cumstances'." (Z.C.J.Reports1985,p. 48,para. 65; emphasis added.)
Thus, a differentline maywellbe established byagreement orthrough the
operation of "special circumstances"; but, failing these, the Convention
unquestionably "imposesupon the States parties to it an obligation of
treaty-law .. .to have recourse to equidistance .. ."that "method" being
one which "istobeused. .."in those circumstances.
In the Canada/FranceArbitration,it would appear that, as in the Gulf
of Maine case,the Court of Arbitration, at least by implication, alsotook
the position that, if the continental shelf alone were involved, it would
have been obligatory to apply equidistance under Article 6 of theSeréférant encore àces dispositions, letribunal arbitral a ajoutéqu:

GA défaut d'accord,et à moinsque descirconstancesspéciales ne
justifient une autre délimitation,celle-cidoitêconstituéeparlaligne
qui est équidistantedes points les plus proches des lignes de baseà

partir desquelles est mesuréela largeur de la mer territoriale de
chacun des Etats. D (RSA,vol. XVIII, p. 249, par. 238; les italiques
sont de moi.)
Dans l'affaire duGolfeduMaine,laChambreaégalementété d'avisque,

«si une question de délimitation du plateau continental, et du
plateau continental seulement, s'étaitposée entre les deux Etats,
l'aspect contraignant de l'application de la méthode prévue à l'ar-
ticle 6 de la convention ne ferait pas de doute, ceci, bien entendu,
toujours dans le respect de la condition prévoyant le recours àune
autre méthode ou combinaison de méthodes là où descirconstances
spécialesl'exigeraient»(C.I.J. Recueil1984,p. 301,par. 118;les ita-
liquessont demoi; voir aussi ibid.,p. 301,par. 116).

Dans son opinion dissidente, M. Gros a ajouté :

«La convention de 1958sur le plateau continental pose une règle
de l'équidistance+ circonstancesspéciales,une règleunique qui est
claire; s'il n'y a pas de circonstances spéciales, l'équidistance doit
être appliquée. (Ibid.,p. 387,par. 46; lesitaliques sont de moi.)
Dans l'affaireLibye/Malte, la Cour a dit ce qui sui:

a En retenant ainsi, dans la premièreétapede l'opérationde déli-
mitation,la ligne médianecomme limite provisoire, laCour ne peut
ignorer que la méthode de l'équidistancen'ajamais été considérée
comme applicable telle quelle en toutes circonstances,fût-ce entre
côtes se faisant face. La convention sur le plateau continental de
1958, qui impose aux Etats parties à cet instrument l'obligation

conventionnelle de recourir,àdéfautd'accord, à l'équidistancepour
délimiterles zones de plateau continental, spécifie déjà en son ar-
ticle 6 que la méthodedoit êtreutilisée «à moins que des circons-
tances spécialesnejustifient uneautre délimitation».»(C.I.J. Recueil
1985,p. 48,par. 65; les italiquessont de moi.)
Ainsi, une lignedifférentepeut fort bien êtreétabliepar voie d'accord ou

en raison de «circonstances spéciales)), mais il est incontestable qu'à
défaut la convention ((imposeaux Etats parties à cet instrument l'obliga-
tion conventionnelle de recourir ..à l'équidistance..»,étant donnéque
cette ((méthodedoitêtreutilisée.))dans ces circonstances.
Dans l'Arbitrage entre le Canada et la France, il semblerait que, tout
comme dans l'affaire du Golfedu Maine, le tribunal arbitral ait, tout au
moins implicitement,également étéd'avis que, si le plateau continental
avait étéseul en cause, il aurait été impératd'appliquer la méthodede 1958Convention, unless special circumstances were present (Decision,
10June 1992,paras. 39and 40).
Naturally, if there is a dispute as to whether there are in fact special
circumstances,this must be settledin some appropriate way, possibly by
agreement or, as is sought to be done in these proceedings, by adjudica-
tion. Referring to the régimeofArticle 6ofthe 1958Convention,the mat-
ter was put this way by ProfessorJaenicke in the North Seacases :

"If the Parties agree that there are no special circumstances then
the equidistance boundary is the boundary, but if the Parties are in
dispute astowhetherthere arespecialcircumstances or not, the mat-

ter has to be settled either by agreement or by arbitration." (Z.C.J.
Pleadings,NorthSea Continental SheK Vol.II, p. 52.)

Adispute asto whetherspecialcircumstances existisnotinsoluble. It may
be determined "either by agreement or by arbitration" (includingjudicial
settlement). If the determination is that special circumstances do not
exist, then, to adopt the argument, "the equidistance boundary is the
boundary".

(vii)"SpecialCircumstances" AreNarrower
than"RelevantCircumstances"

The mechanism of equating the equidistance-special circumstances
rule of the 1958Convention with the equitable principles-relevant cir-
cumstances rule of customaryinternational law depends largely upon an
assimilation of "special circumstances" to "relevant circumstances". In
this respect,Denmark submits :

"With reference to situations where no agreement has been
reached between the Parties, Article 6.1 sets out a rule of equidis-
tance, a rule which, however, is not of an obligatory character, not
even as a starting point for a delimitation. This follows from the

wording of Article 6.1, '...unless another boundary isjustified by
specialcircumstances .. .,'That wording is interpreted as having in
view the achievement of equitable solutions taking into considera-
tion the relevant specialcircumstances ofeach particular caseofdeli-
mitation." (Memorial, Vol. 1,p. 60,para. 212.)
The implication in the last sentence that there are "relevant special
circumstances"in each case seems clear. 1sit also right?

There seems to be force in the argument that the category "special
circumstances" is narrower than that of "relevant circumstances"
(Z.C.J. Pleadings, ContinentalShelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta,

Vol.II,Counter-Memorial ofMalta, p. 292,para. 108).No doubt there isal'équidistance envertudel'article 6delaconventionde 1958,enl'absence
de circonstancesspéciales(sentence,10juin 1992,par. 39-40).
Evidemment,encas de différendsur lepoint de savoirs'ilya effective-
ment des circonstances spéciales,celui-ci devra êtrerégléde manière
appropriée, éventuellemenp tar voied'accord ou, commeon cherche à le
faire dansla présente procédure,par jugement. Seréférantau régimede
l'article 6de la convention de 1958,M. Jaenicke, dans les affaires de la
Merdu Nord,aprésenté commesuitla question :

«Si lesparties s'accordent àreconnaître qu'iln'ya pas de circons-
tances spéciales,c'estalorsla ligned'équidistance quiestla lignede
délimitation,mais siellesdiffèrentsurlepoint de savoirs'ilexisteou
non des circonstancesspéciales,la question doit êtreréglée soip tar
voied'accord, soitpar arbitrage. (C.Z.J.MémoiresP , lateaucontinen-
tal dela mer duNord,vol. II, p. 52.)

Un différendportant sur l'existencede circonstancesspécialesn'estpas
insoluble.Ilpeut êtrerésolu«soit par voied'accord, soitpar arbitrage»(y
compris le règlementjudiciaire). S'il est décidéqu'il n'existepas de
circonstances spéciales,c'est alors, selon l'argument invoqué, «la ligne
d'équidistance quiestla ligne de délimitation B.

vii) «Lescirconstancesspéciales) s)ontplus étroites
queles ((circonstancespertinentes))

Le mécanisme consistant à mettre sur le mêmepied la règleéquidis-
tance-circonstances spécialesde la convention de 1958et la règleprin-
cipes équitables-circonstancespertinentes du droit international coutu-
mier repose essentiellement sur l'assimilation des «circonstances spé-
ciales» aux circonstancespertinentes ». A cet égard,le Danemark fait
valoir cequisuit:

«Le paragraphe 1de l'article 6 énonceune règled'équidistance
applicable aux cas où aucun accord n'a pu être atteint entre les
Parties;cependant,cette règlen'apas uncaractèreobligatoire,même
comme point de départd'une délimitation.C'est ce qui ressort des
termesduparagraphe 1del'article6 :((àmoinsquedescirconstances
spécialesne justifient une autre délimitation ..» Selon l'interpréta-
tion qui en estfaite,cetexte viselarecherche de solutionséquitables
tenant compte descirconstancesspécialespertinentesde chaque cas
particulier de délimitation.»(Mémoire,vol. 1,p. 60,par. 212.)

Cette dernière phrase semble impliquer clairement qu'il existe dans
chaque cas des ((circonstancesspécialespertinentes». Mais est-ce bien
exact?
L'argument selonlequel la catégoriedes «circonstances spéciales »est
plus étroite que celle des «circonstances pertinentes» ne semble pas
dépourvude force(C.I.J. MémoiresP , lateau continenal(Jamahiriyaarabe

libyenne/Malte), vol. II, contre-mémoirede Malte, p. 292, par. 108). 148 MARITIMEDELIMITATION (SEP.OP.SHAHABUDDEEN)

sense in which it can be said that every situation has its "special circum-
stances"; but the "special circumstances" which count under Article 6,
paragraph 1,of the 1958Convention are limited to those whichjustify a
boundary other than an equidistanceline on the ground thatthe latter will
create an inequity which canbe avoidedonly byusingsomeothermethod
or methods of delimitation.

The expression "special circumstances" is aptly used in a provision
operating as an exception to a rule requiring the application of the equi-
distance method in the absence of agreement; it is inapt if sought to be
read as a reference to al1relevant circumstances in the light of which a
choice istobe made amongany of a number ofpossiblemethods (includ-

ing equidistance) with a view to producing the most equitable delimita-
tion. In the formercase, the circumstancesare "special" inthe sense that
theycreateinequity ifa particular delimitationmethod - that ofequidis-
tance - is applied and accordingly operate tojustify the putting aside of
the rule requiring the use of that method; in the latter case, the circum-
stances are simply those which are "relevant" to the choice of the most
equitable method of delimitation (including equidistance as a possible
method) and not only those which justify putting aside a rule of law
requiring the use of that particular method (see Charles Vallée,"Le droit
des espaces maritimes", in Droit intemationalpublic,Paris, 4th ed., 1984,
p. 375).

In effect,nder Article6,paragraph 1,ofthe 1958Convention, the equi-
distancemethod appliesnot because "special circumstances"requireit to

apply,but because there areno "special circumstances" topreventitfrom
applying. By contrast, under customary international law, the equidis-
tance method applies only where the "relevantcircumstances"require its
application. Combining thesetwoperspectives, one may Saythat,whereas
"relevant circumstances" may well require the application of equidis-
tance, "special circumstances" can only operate to exclude it,and neverto
apply it. Hence,as compared with "relevant circumstances", "special cir-
cumstances" are bothnarrower in scope and exclusionaryin effectinrela-
tion tothe use ofthe equidistancemethod. Relevant circumstances existin
al1cases;specialcircumstances existonly in some.Aquestion can arise as
to whether special circumstances exist, and, when it arises, it may be
resolved, by agreementor other form of determination, to the effect that
such circumstances do or do not exist. No question can ever arise as to
whether relevant circumstances exist, forthey always do.

Thepreparatory work ofthe International LawCommission does serve
to emphasize the importance attachedto the "special circumstances"pro-
vision, but it is far from suggesting that the Commissionconsidered that
special circumstances inhered in every case. The provision was formu-
lated in terms of providing, exceptionally, for a non-equidistance lineCertes, on peut dire en un sens que, dans toute situation, il existe des
«circonstancesspéciales»,mais les«circonstancesspéciales»qui comp-
tent en vertu du paragraphe 1 de l'article6 de la convention de 1958se

limitentàcellesquijustifient une lignede délimitationautre qu'une ligne
d'équidistancepour le motif que cettedernière créeraitune injustice qui
ne peut êtreévitée qu'en employantune ou plusieurs autres méthodesde
délimitation.
L'expression «circonstances spéciales» est utilisée àbon droit dans
une disposition opérant comme une exception à une règle qui exige
l'application de la méthodede l'équidistance en l'absence d'accord;elle
ne l'estpas sion veutyvoirune référence àtoutes lescirconstancesperti-
nentes en fonction desquelles il faut opérerun choix entre un certain
nombre deméthodespossibles (ycomprisl'équidistance)envued'obtenir
lalignededélimitationlaplus équitablepossible.Dans lepremier cas,les
circonstancessont ((spéciales»en cesensqu'ellescréentune injustices'il
est appliquéune méthodede délimitation particulière - celle de l'équi-

distance - etjustifient par conséquentque la règleprescrivant l'emploi
de cetteméthode soitécartée; dansle second cas, les circonstances sont =
simplement cellesqui sont((pertinentes »pour lechoix de la méthodede
délimitation la plus équitable(ycompris,éventuellement,cellede l'équi-
distance)etpas seulementcellesquijustifient la mise à l'écartd'unerègle
de droit prescrivant l'emploi de cette méthode particulière (voir
Charles Vallée, «Le droit des espacesmaritimes »,dans Droit intematio-
nulpublic,Paris, 4eéd.,1984,p. 375).
En fait,envertu duparagraphe 1del'article6delaconvention de 1958,
la méthodede l'équidistance s'applique non pas parce que des «circons-
tances spéciales » l'exigent, mais parce qu'il n'existepas de ((circons-
tances spéciales» qui l'interdisent. En revanche, en droit international
coutumier,la méthodede l'équidistanceest uniquement applicable lors-
queles«circonstancespertinentes »lerequièrent.En combinant cesdeux

perspectives,on peut dire que si les«circonstancespertinentes »peuvent
effectivement exiger l'application de l'équidistance,les «circonstances
spéciales»peuventuniquement avoir pour effetdel'exclure etnepeuvent
jamais êtreinvoquéep sour lajustifier. Par conséquent,si on lescompare
aux ((circonstancespertinentes », les «circonstancesspéciales» ont àla
fois une portée plus étroiteet un effet d'exclusion dans l'emploi de la
méthodede l'équidistance.II y a toutes les fois des circonstances perti-
nentes, mais parfois seulement des circonstances spéciales.La question
peut surgir de savoir s'il existe des circonstances spéciales et,si elle se
pose, ilpeut être déterminé p, r voied'accordou autrement, si elles exis-
tent ounon. La question de savoirs'ilexistedescirconstancespertinentes
ne peutjamais seposer, car il en existetoujours.
Les travaux préparatoires de la Commission du droit international
contribuent à mettre en relief l'importance attachée à la disposition

concernant les «circonstances spéciales », mais ils sont loin de suggérer
quela Commission aitjugéquedes circonstances spécialesaient été inhé-
rentesà toute situation.Cettedispositionaétéformulée envuedeprévoir,(including a modified equidistance line) where the existence of special
circumstancesjustified suchalineasopposed to anequidistanceline.The
necessary assumption was that special circumstanceswould not exist in
al1cases.Wereitotherwise,thefoundation ofthemain rulewould largely
disappearand, with it,theusefulnessofthe ruleitself;suchaconsequence
stands excluded by the principle that an interpretation which would
deprive a treaty of a great part of itsvalue is inadmissible (Acquisitionof
PolishNationality, P.C.I.J.,eriesB,No. 7,p. 17;and MinoritySchoolsin
Albania, P.C.I.J.,eriesA/B, No.64,p. 20).

If the reference to the median line in Article 6, paragraph 1, of the
1958Convention was intended merelyto indicate one of any number of
possible methods of delimitation, with the choice among them being
always made by reference to equitable principles, taking account of the
relevantcircumstances,the drafterstook careto concealthe intention.On
that hypothesis, there was little point in singling out that particular

method or, indeed, in speaking specifically of "special circumstances"
which justify some other boundary; it would have sufficed, and should
havebeensimpler,tostatethat, inthe absenceofagreement,theboundary
wasto bethat justified by equitableprinciples, taking account ofthe rele-
vant circumstances.Asremarked above,ifthis werethe correctmeaning,
it is difficult to seewhy,except for theoretical reasons, the Court in 1969
troubled itselfwiththequestionwhether theprovisionwasapplicable,for
the régime under the provision would have been the same as that under
customaryinternational law.Asit happened,the Court reached the con-
clusion that the provision was not declaratory of the positionnder cus-
tomary international law (I.C.J.Reports1969,p. 41,para. 69).However it
cameabout,the provision, as drafted, would seemto havebeen designed
to present equidistance in aposition ofprominence, which wasto yieldto
someother delimitation method only ifthere werespecial circumstances
whichjustified another boundary. There isnothing ofconsequenceinthe
relevant International LawCommissionmaterial, orindeedinthat ofthe
GenevaConference of 1958,to setagainstthis view.

(viii)ThereAreLimitstotheMandatoryApplicationofEquitablePrinciples,
as,for Example,intheCaseof a DelimitationbyAgreement

Obviously, where special circumstances exist, the role of equitable
principles willbe conspicuous in ascertainingwhat boundary isjustified
by such circumstances. But the straining in the effort to treat equitable
principles as mandatorily and directly applying to every conceivable
delimitation is apparent in repeated statements to the effect that
any agreement is to be negotiated on the basis of such principles. No
doubt, that should be the general aim; but with what effect if an agree-à titre exceptionnel, letracé d'uneligne autre que celle de l'équidistance

(y compris une ligne d'équidistance modifiée) lorsquel'existence de
circonstances spécialesjustifiait ce tracépar opposition à celui d'une
ligne d'équidistance. L'hypothèse devaid tonc nécessairement être qu'il
n'yaurait pas de circonstancesspécialesdans tousles cas.Autrement, la
règleprincipale perdrait engrandepartie son fondement et,aveclui, son
utilité;une telle conséquenceest exclue par le principe qui veut qu'une
interprétation qui dépouilleraitletraité d'unegrandepartie de sa valeur
ne saurait être admise (Acquisitionde la nationalité polonaise,C.P.J.Z.
sérieB no7,p. 17,et EcolesminoritairesenAlbanie,C.P.J.Zs.érieA/B no64,
p. 20).
Sila référenceà la lignemédiane faiteauparagraphe 1del'article 6de
la convention de 1958visaitsimplement à indiquer une méthodede déli-
mitation possible parmi d'autres, le choix entre celles-ci se faisant
toujours par référenceauxprincipes équitables,comptteenu descircons-

tancespertinentes, lesauteurs ontpris bien soin de cachercetteintention.
Dans cette hypothèse, il n'aurait été de guère d'utilitéde mettre cette
méthodeparticulièreenévidenceni,d'ailleurs,deparler expressémentde
((circonstancesspéciales»quijustifieraient quelque autre lignededélimi-
tation; il aurait suffi, et c'eût été plus simple,de dire qu'en l'absence
d'accord lalignededélimitationdevraitêtrc eellequiaétéjustifiép ear les
principes équitables,comptetenu descirconstancespertinentes. Comme
indiqué plus haut,si tel étaitle sens correct, on voit difficilement pour-
quoi, sauf pour des raisons théoriques, laCour aurait, en 1969,pris la
peine de rechercher si cette disposition était applicable, car le régime
qu'elleaurait instauré auraitétésemblable àcelui du droit international
coutumier.Enl'occurrence,laCour estparvenue àlaconclusionquecette
disposition n'étaitpas déclaratoirede la situation en droit international

coutumier (C.Z.J.Recueil1969,p. 41,par. 69).Quelleque soitson origine,
ladispositionenquestion,ainsi rédigées,embleavoirétéconçue defaçon
à donnerune place éminenteàl'équidistance, quine devaitle cédeà r une
autre méthodede délimitation quesi des circonstances spécialesjusti-
fiaient letracé d'une autreligne.On ne trouve dans les documents perti-
nents de la Commission du droit international, ni d'ailleursdans ceux de
la conférencede Genèvede 1958,aucun argument de poids àopposer à
cettefaçon de voir.

viii)Ily a deslimitesàl'applicationobligatoiredesprincipeséquitables,
par exempledanslecasd'unedélimitation par voie d'accord

A l'évidence,lorsqu'il existedes circonstancesspéciales,les principes

équitablestiennentune place de premier plan quand il s'agitde détermi-
ner quelle est la délimitationqu'ellesjustifient.l y a toutefois quelque
chosedeforcé dansla manièredont ontente detraiter lesprincipes équi-
tables comme devant obligatoirement et directement s'appliquer à toute
délimitation concevabledans les affirmations réitérées à l'effetquetout
accord doit êtrenégocié sur la base detelsprincipes. Teldevra certesêtrement is in fact reached otherwise than on the basis of the equities of the
case?

Adelimitationeffected by agreement may be presumed to accord with
equity ;but the presumption isrebuttable. Asremarked bythe Court inthe
North Seacasesthemselves,

"Without attempting to enter into, still less pronounce upon any

question of jus cogens,it iswell understood that, in practice, rules of
international law can, by agreement,be derogated from in particular
cases,or asbetweenparticular parties ..." (I.C.J.Reports1969,p. 42,
para. 72; and seeLighthousesinCreteandSamos,P.C.I.J.,SeriesA/B,
No. 71,p. 150,secondparagraph, Judge ad hoc Séfériadèss,eparate
opinion).
In a delimitationagreementa party iscompetent to make concessionson

political and other grounds havingnothing to do with the intrinsicmerits
of its maritime claims (NorthSea, I.C.J.Reports1969,p. 155,Vice-Presi-
dent Koretsky,dissenting);aparty may quite competently and validly dis-
pose of its rights (ibid.,p. 205, para. 10,Judge Morelli, dissenting). For
example, a State concerned with another State in respect of two distinct
and wholly unrelated geographical areas may make concessions in one
area inexchange forconcessionsin theother (forapossiblecase of"trade-
off' between two different geographical areas, see the Agreement
between the United States of America and Mexico of 4May 1978relating
to the Maritime Boundaries between the two countries, Counter-Memo-
rial, Vol. 2, Ann. 65,pp. 248 ff., and Reply, Vol. 1,p. 92,para. 245).The
agreementreached willbe binding because it isa treaty; and yet it almost
certainly willnot reflect the equitiesin the geographical areas concerned,
each taken by itself. On the contrary, it may have everything to do with
considerations extraneous to the equities. As remarked by Judge Gros,
dissenting :"Two Statesmaynegotiatea singleboundary which suitsthem
without going intothe question of whether the result is equitable." (Gulf

of Maine, I.C.J. Reports 1984,p. 370, para. 16. And see Sir Robert Y.
Jennings, "The Principles Governing Marine Boundaries", op. cit., at
pp. 401ff.)

The realobject ofthe requirementto proceed by way of agreement was
to avoid problems of opposability arising from unilateral delimitations
(NorthSea,I.C.J.Reports1969,p. 184,Judge Tanaka, dissenting ;Tunisia/
Libya, I.C.J.Reports1982,p. 194,para. 60,Judge Oda, dissenting; Gulfof
Maine, I.C.J. Reports 1984, p. 292, para. 87; and Libya/Malta, I.C.J.
Reports 1985,p. 141,paras. 32-33,Judge Oda, dissenting).The factthat the
efficacy ofsuch adelimitationasregardsother States depends on interna-
tional law had been earlierpointed out (the Fisheriescase, I.C.J.Reports
1951,p. 132.And see, later, the FisheriesJurisdiction (UnitedKingdom
v. Iceland),Merits, I.C.J.Reports1974,p. 22,para. 49,and p. 24,para. 54).l'objectif général, mais qu'en résulte-t-ilquand un accord est en fait

concluautrement quesur labase desconsidérations d'équité propresàla
situation considérée?
On peut présumer qu'une délimitation effectuéepar voie d'accord est
conforme à l'équité, maisce n'est pas là une présomption irréfragable.
Comme la Cour l'afaitobserver dans les affaires de laMerduNordelles-
mêmes :
((Sanschercher àaborder laquestion dujus cogensetencoremoins

à seprononcer sur elle,on doitadmettrequ'en pratique ilestpossible
de dérogerpar voie d'accord aux règlesde droit international dans
descasparticuliers ou entrecertainesparties..»(C.I.J.Recueil1969,
p. 42,par. 72; voir aussiaresenCrèteet à Samos, C.P.J.Is.érieA/B
no71,p. 150,deuxièmeparagraphe, opinion individuelle de M. Séfé-
riadès,juge ad hoc.)

Dans un accord de délimitation,unepartie a la facultéde faire, pour des
raisons politiques et autres, des concessionsqui n'ont rien àvoir avecla
valeurpropre de sesrevendicationsmaritimes (MerduNord,C.I.J.Recueil
1969, p. 155, opinion dissidente de M. Koretsky, Vice-Président);une
partie atoute facultépour disposervalablement de sesdroits (ibid.,p. 205,
par. 10,opinion dissidente de M. Morelli). Par exemple, un Etat qui a
affaire à un autre à propos de deux régions distinctes et sans aucun
rapport sur leplan géographiquepeut fairedesconcessions dans l'unede
ces régionsen échangede concessionsdans l'autre (pourun cas possible
d'«arbitrage »entredeuxrégionsgéographiquesdifférentes,voirl'accord
entre les Etats-Unis d'Amérique et le Mexique du 4 mai 1978relatif aux
frontièresmaritimesentre lesdeux pays, contre-mémoire,vol.2,annexe 5,

p. 248 et suiv., et réplique,vol. 1,p. 92, par. 245). L'accord conclu sera
obligatoire parce qu'il est un traité; et pourtant il ne reflétera presque'
assurémentpas les considérationsd'équité propres àchacune des régions
géographiquesdont il s'agit, prise en elle-même.Au contraire, il pourra
s'agirentièrementde considérations étrangères àl'équité. Comme l'afait
observer M. Gros dans son opinion dissidente: «Deux Etats peuvent
négocierune ligneunique qui leurconviennesans seposer la question de
l'équitédu résultat.(GolfeduMaine,C.I.J.Recueil1984,p. 370,par. 16;
voir sir Robert Jennings, «The Principles Governing Marine Bounda-
ries »,op.cit.,p. 401et suiv.)
L'objetréelde l'obligation de procéderpar voie d'accord étaitd'éviter
tout problème d'opposabilité résultantde délimitationsunilatérales(Mer
du Nord, C.I.J.Recueil 1969,p. 184,opinion dissidente de M. Tanaka;

Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 194,par. 60, opinion dissidente de
M. Oda; Golfedu Maine, C.I.J.Recueil1984,p. 292, par. 87; et Libye/
Malte, C.I.J. Recueil 1985, p. 141, par. 32-33, opinion dissidente de
M. Oda). Comme il avait déjà été indiquél,'effet d'une telle délimita-
tion à l'égardd'autres Etats dépend du droit international (Pêcheries,
C.I.J.Recueil 1951,p. 132;voir, plus tard, l'affaire de la Compétencen
matièredepêcherie( sRoyaume-Unic. Islande),fond, C.I.J.Recueil 1974, It was not the object of the framers of the provision to ensure that equi-
table principles would mandatorily or necessarily operate through the
machinery of treaty-making.

In the North Sea cases the Parties had, by their Special Agreement,
undertaken
"to effectsuchadelimitation 'byagreementinpursuance ofthe deci-

sionrequestedfrom the.. .Court' - that isto Sayonthe basisof,and
in accordance with, the principles and rules of international law
found by the Court to be applicable" (I.C.J. Reports 1969,p. 13,
para. 2).
Thus, a treaty obligation had been undertaken to reach agreement in
accordancewiththeprinciples and rulesofinternational lawfound bythe
Court tobeapplicable.The Court accordinglycastits decisioninthe form

ofprinciples and rulesto be obsewed inthe course ofthe projected nego-
tiations (ibid.,p.46,para. 84.And seeProsper Weil,Perspectivesdudroitde
ladélimitationmaritime, 1988,pp. 114-123).Therewasno occasionforthe
Court to Saywhatithad already saidinparagraph 72oftheJudgment,that
inpracticepartiescould consensuallyderogatefrom those principles and
rules. Correctly construed, the North Sea cases did not intend to lay it
down that a delimitation agreement could only be negotiated and con-
cluded in accordance with equitable principles. Nor can Article 74,
paragraph 1,and Article 83,paragraph 1,of the 1982Conventionbe so
interpreted; the possibilityof consensualderogation alwaysremains.

Ifthen equitableprinciples donotapplymandatorily to themakingofa
delimitation agreement,that circumstance may be borne in mind in con-
sidering, in the next Section,the extent to which the applicability of the
median line method under the 1958Convention is dependent on such

principles, as distinguished from being dependent on the absence of
agreement and of special circumstances.

(ix) If OnlyMarginally,the1958ConventionEnvisagesa WiderUseofthe
EquidistanceMethod thanDoesCustomalyInternationalLaw

No doubt thegeneralidea whichinspiredthe drafting ofthe 1958Con-
ventionwasthe desirabilityofachievinganequitablesolutionin al1cases.

But it is important to distinguish an idea inspiring a provision from
the wayin whichthe provision seeksto giveeffectto the idea. In the first
GenocideConventioncase,the Court wrote,

"The high ideals whichinspiredthe Convention provide, by virtue
ofthecommon willoftheparties,thefoundation and measure ofal1its D~LIMITATIONMARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 151

p. 22,par. 49, et p. 24,par. 54).Les auteurs de cettedisposition n'enten-
daient pas faireen sorte que lesprincipes équitablesdoiventobligatoire-
ment ou nécessairements'appliquerdans le cadre de la conclusion des
traités.
Dans lesaffairesde la Merdu Nord lesPartiess'étaientengagées

«à procéderàla délimitation((par voie d'accord conclu conformé-
ment àla décisiondemandée àlaCour »,c'est-à-diresurlabaseet en
conformitédesprincipes etdesrèglesdedroitinternationaltenus par
la Courpour applicables »(C.Z. Recueil1969,p. 13,par. 2).

Ainsi les parties avaient-elles assumél'obligation conventionnelle de

conclure un accord conformémentaux principes et règlesde droit inter-
national tenus pour applicables par la Cour. La Cour a doncdonnéàsa
décisionla formedesprincipes etrèglesà respecterau cours des négocia-
tionsprojetées(ibid.,p.46,par. 84;voiraussiProsper Weil,Perspectivesdu
droit de la délimitation maritime,1988,p. 114-123). LaCour n'a pas eu
l'occasionde direcequ'elleavaitdéjàdéclaréauparagraphe 72del'arrêt,
c'est-à-direque dans la pratique les parties étaient libres de convenirde
déroger à ces principes et règles.Correctementinterprété, l'arrêt rendu
dans lesaffairesdela MerduNordn'entendait Dasétablirau'un accordde
délimitationne pouvait êtrenégocié et concluque conformément à des
principeséquitables.Leparagraphe 1del'article 74et leparagraphe 1de
l'article 83 de la convention de 1982ne sauraient davantage être inter-
prétés ence sens: la possibilitéd'une dérogation consensuellesubsiste
toujours.
Dans ces conditions, si les principes équitables ne s'appliquent pas

obligatoirementà la conclusiond'un accord de délimitation,cela pourra
entrer en ligne de compte quand on recherchera,à la section suivante,
dans quelle mesure l'applicabilité dela méthodede la ligne médianeen
vertu de la convention de 1958dépendde tels principes, plutôt que de
l'absenced'accord etde circonstances spéciales.

ix) Neserait-cequemarginalement,la conventionde 1958envisage
une utilisationplus largedela méthodedel'équidistance
queledroitinternationalcoutumier

Nul douteque l'idéegénéralequiainspiré larédactiondelaconvention
de 1958étaitqu'ilétaitsouhaitable d'aboutiàun résultat équitabledans
tous les cas. Il importe toutefois de distinguer l'idéequi a inspiré une
dispositionde la manièredont cettedispositionchercheà donner effetà
l'idée.Dans la premièreaffaire relatiàla Conventionsur le génocidel,a
Cour a écri:

«La considération desfins supérieuresde la convention est, en
vertudela volontcommunedesParties,lefondement etla mesure de provisions." (Reservations to the Conventionon the Preventionand
Punishmentof the Crime of Genocide, I.C.J. Reports1951,p. 23;
emphasis added.)
Thus, the inspiring ideals provide "the foundation and measure" of the
provisions of the Convention; but they do so only "by virtue of the com-
monwillofthe parties", andthat willisofcourseexpressedinthe relevant
provisions ofthe Convention. The ideals may,indeed, explain the provi-

sions;but they do not exert an independent forcefrom outside ofthe pro-
visionsasifthe provisionssimplydid not exist.Inthiscase,in the absence
of both agreement and special circumstances, the particular provision
itselfregardsthe equidistanceline astheappropriate method ofachieving
an equitablesolution.ProfessorJaenickeput it wellwhenhe submittedto
the Chamber inthe GulfofMainecase -

"that Article6presumesthatthe equidistancemethod yieldsan equi-

table result as long asno special circumstancesare apparent which
might cast doubt on the equitableness of such a boundary" (I.C.J.
Pleadings,DelimitationotfheMaritime BoundaïyintheGulfofMaine
Area, Vol.VII,p. 51).
That is correct. In the absence of an agreement and special circum-
stances,the parties have,through the Convention,already agreed that an
equidistancelinewouldbeequitable, and it istheiragreementas to whatis

equitable which matters. It isthe duty of the Court to keep faith with the
willofthe parties assoexpressed and notto substitute its ownconception
ofwhatwouldbe an equitablesolutionin suchconditions. Ithelpsto tem-
per any disposition to make such a substitution to bear in mind that, as a
matter ofgeneraljurisprudence, an indeterminate legalconcept (such as,
1think, isthat of an equitable solution)
"does not usuallylead compellinglyto anyonedecision inaconcrete
case,but ratherallowsawiderange forvariablejudgment ininterpre-

tation and application, approaching compulsion only atthe limitsof
the range" (Julius Stone, Legal System and Lawyers'Reasonings,
1964,p. 264).

In some circumstances,equity can be satisfied in different ways. Cer-
tainly, an equitable solution in a given situation may result just as well
from the use of one method as from the use of another. In the words of
PaulJean-Marie Reuter :

"Si pour reprendre le dictum de la Cour internationale de Justice
dans l'affaireduPlateaucontinentad l elamerduNord(par. 93)'iln'y
a pas de limitesjuridiques aux considérations que les Etats peuvent
examiner afin de s'assurerqu'ilsvont appliquer des procédés équi-
tables', il n'yen a pas non plus aux combinaisons techniques que
l'onpeut mettre en Œuvrepour réaliserune délimitation équitable." toutes les dispositions qu'elle renferme.» (Réservàsla convention
pourlaprévention et la répressiodu crimedegénocide, C.I.J.Recueil
1951,p. 23; lesitaliques sontde moi.)
Les idéaux constituant l'inspiration sont donc «le fondement et la
mesure» des dispositions de la convention; mais ils ne le font qu'«en

vertu de la volonté commune des Parties» et cette volonté s'exprime
évidemmentdans les dispositions pertinentes de la convention. Les
idéaux peuvent certes expliquerles dispositions, mais ils n'exercentpas
une force indépendante extérieure aux dispositions commesi celles-ci
n'existaienttout simplementpas. Dans la présente affaire,en l'absenceà
la fois d'accord et de circonstancesspéciales,la dispositiondont il s'agit
envisageelle-mêmlealigned'équidistance commelaméthodeappropriée
pouraboutir àun résultatéquitableM . .Jaenickel'abienexpriméquand il
a faitvaloir devant la Chambre en l'affaire duolfeduMaine:

«que l'article 6présume que la méthode de l'équidistanceaboutit à
un résultatéquitabletant qu'iln'existepas de circonstancesspéciales
manifestespouvant faire douter ducaractèreéquitabledelafrontière
ainsiobtenue »(C.I.J.Mémoires,Délimitatio delafrontière maritime
danslarégion du GolfeduMaine, vol.VII, p. 51).
Cela est exact. A défautd'accord et de circonstances spéciales,les
parties ont déjà convenu,par l'intermédiairede la convention, qu'une

ligned'équidistance seraitéquitableet c'estleuraccord quantà cequi est
équitablequicompte.LaCour aledevoirderesterfidèle àlavolontéainsi
expriméepar lesparties etdenepas luisubstituersapropre conception de
ce qui serait une solution équitable en l'occurrence.Il est plus facile de
modérertoute tendance à effectuer une telle substitution quand on se
souvientque,selonlajurisprudence généraleu , n conceptjuridique indé-
terminé(telestbien,je pense, celuid'une solution équitable)
«n'a pas d'ordinaire pour effet d'aboutir de façon contraignanteà

une certaine décision dans une affaire déterminée,mais réserve
plutôt unemargeimportantepour exercerunjugementvariable dans
l'interprétationet l'application et ne se rapproche de la contrainte
qu'aux confins de cette marge» (Julius Stone, Legal System and
LawyersJReasonings1 , 964,p. 264).
Dans certaines circonstances, l'équité peut être satisfaiee diverses
manières.Dansune situation donnée,une solution équitablepeut assuré-
ment aussi bien résulterde l'emploi de telle méthodeque de telle autre.

Selonlestermes de Paul Reuter:
«Sipour reprendre le dictumde la Cour internationale de Justice
dans l'affairedulateaucontinentaldela merduNord(par. 93)«il n'y
a pas de limitesjuridiques aux considérationsque les Etats peuvent
examiner afin de s'assurer qu'ilsvont appliquer des procédés équi-
tables~, il n'y en a pas non plus aux combinaisons techniques que
l'onpeut mettre en Œuvrepour réaliser une délimitation équitable» (Paul Jean-Marie Reuter, "Une ligne unique de délimitation des
espaces maritimes?", in MélangesGeorges Perrin, 1984, p. 265.
And see, ibid.,p. 266.)

Thusan equitabledelimitationcould beproduced byrecourseto different
technical methods or combinations of methods. More to the point, the
circumstances of some cases may conceivably admit of more than one
equitable line (see Sir Robert Jennings, "The Principles Governing
Marine Boundaries", op.cit.,p. 402).Themedian line may wellbejust as
equitableas someother line. It isnot insuch acasethatthe median lineis
excluded; itisexcludedonlywhere the specialcircumstancesjustify some
other boundary inthe senseof demonstrating thatthe median linewould
in those particular circumstances be productive of injustice,as indeed is
evidentfrom the travauxpréparatoiresofthe International LawCommis-
sion and the 1958Geneva Conference. On the other hand, a particular
non-equidistance line is "justified (not "appropriate")only if in the cir-
cumstancesofthe casejustice can be done onlybythat line and not by an
equidistanceline. Inthe absenceof suchcircumstances,the median line is

the boundary.

Anobviousproblem isofcoursethatthe provisionneither defines"spe-
cial circumstances" nor lays down any criteria for identifyingwhat isthe
"boundary line" which"is justifiedby" particular specialcircumstances.
Thisbeing so, the scope ofthe concept of "special circumstances" and its
precise relationship with themle relatingto equidistancemust be sought
in some higher criterion implicit in the provision as controlling the rela-
tionship between its twoparts. Why ?Because,to turn forthe lasttimeto
the argument of ProfessorJaenicke :

"If a legalprovision such asArticle6,paragraph 2,contains a mle
and at the sametimeprovides foran exceptionto this mle under the
general notion of special circumstances,there must necessarily be
some higher standard for judging whether the mle or the exception
applies." (Z.C.J. Pleadings, North Sea Continental ShelJ; Vol. II,
p. 178.)

In the case of Article6,it is reasonable to locatethe-ordinatinghigher
standard in equitableprinciples as understood in international law.
This approach rejoins the generally accepted view that equity is the
overallcontrollingfactor, bothforthe useofthe equidistancemethod and
forthe useofsomeotherpossiblemethod. Butthere isthisdifference,that
some sense is sought to be givento the specificreference to the equidis-
tancemethod, insofarastheuseofthismethod isretained asobligatoryin
a situation in which an equitable solution may conceivably be offered
either by the use ofthat method or by the use of someother (includinga

modification ofthe equidistancemethod). Ifthismargininfavourofequi-
distance is excluded,it becomesdifficult to explain the need forthe spe-
cific referenceto that method; for, excludingthat margin, the provision, (Paul Jean-Marie Reuter, «Une ligne unique de délimitation des
espaces maritimes?)), dans MélangesGeorgesPerrin, 1984,p. 265;
voir aussi ibid.,p. 266.)

Il est donc possible de recourir àdifférentesméthodesou combinaisons
de méthodes techniques pour aboutir à une délimitation équitable.Qui
plus est, il peut advenir que les circonstances, dans certaines affaires,
autorisentplusd'une ligneéquitable (voirsirRobertJennings, ((ThePrin-
ciples Governing Marine Boundaries)), op. cit.,p. 402).Il sepeut fort bien
que la ligne médiane soittout aussi équitable que quelque autre ligne.
Ce n'estpas enpareil cas quela ligne médianeest exclue :ellen'estexclue
que silescirconstances spécialesjustifientuneautredélimitationencesens
qu'il est démontré que,dans la situation dont il s'agit, la ligne médiane
aboutirait àune injustice,commecelaressortd'ailleurs destravauxprépa-
ratoires de la Commission du droit international et de la conférencede
Genève de 1958.D'un autre côté, une ligne de non-équidistance déter-

minéen'est ((justifiée » (non pas ((appropriée)))que si, compte tenu des
circonstances de l'affaire, seule cetteligne et non pas la ligne d'équidis-
tance permet de faire justice. A défautde telles circonstances, la ligne
médianeestla délimitation.
Un problème qui se pose àl'évidence estque la disposition ne définit
pas les«circonstancesspéciales»,nin'indique de critèrepour déterminer
quelle estla ((délimitationque ((justifient»lescirconstancesspécialesde
l'espèce. Il faut donc chercher la portée du concept de «circonstances
spéciales »et son rapport exactavecla règlerelative àl'équidistance dans
quelque critère supérieurimplicite dans ladite disposition et qui régisse
les relations entre ses deux éléments.Pourquoi? Parce que, pour utiliser
une dernière foisl'argument de M. Jaenicke :

«Si une disposition légale telle que l'article 6, paragraphe 2,
contient une règlemaisprévoitconcurremment une exception à cette
règleau titre de la notion généralede circonstancesspéciales,il doit
nécessairementexister une norme supérieure de décider
si c'est la règle ou l'exception qui s'applique.» (C.I.J. Mémoires,
Plateau continentalde la merdu Nord,vol. II, p. 178.)

Danslecas de l'article 6,ilestraisonnable de situer lecritèresupérieurde
coordinationparmi lesprincipes équitablesau sensdu droit international.
Cette approche rejoint lepoint devuegénéralementadmisselonlequel
l'équitéestlefacteur d'ensemble déterminant en ce qui concernel'emploi

tant de la méthodede l'équidistance qued'une autre méthode possible. Il
y a pourtant une différence :on s'efforcede donnerun sens à la mention
expresse de la méthode de l'équidistance dans la mesure où on retient
cetteméthode commeobligatoire au cas où il semblepossible d'aboutir à
un résultat équitablesoiten l'utilisant, soitenseservant de quelque autre
méthode (ycompris une modification deIaméthodede l'équidistance).Si
cette marge en faveur de l'équidistance est exclue, il devient difficile
d'expliquer la nécessitéde lamentionexpresse de cette méthode;en effet, as argued above,mighthavebeen more simplyworded to Saythat, in the
absence of agreement,the boundary shall in al1casesbe that required by
equitableprinciples,takingaccount ofthe relevantcircumstances.Onthis
formula, no specificmethod being singled out, equidistance would rank
(as received doctrine has it) equally withal1other methods, the choice
amongthem beingmade in al1casesbythe application of equitable prin-
ciples,taking account ofthe relevantcircumstances.

Itisconceded that inpractice the 1958conventionalmle and the mle of
customaryinternational lawwould tend inlargemeasure to produce simi-

lar results. But,howeverthat may be, it does appearto me that there is a
distinction, and that it ismorean one of merenuance, betweentreating
equitable principles as operating to produce an equitable delimitation
through the rule and exception structure of the equidistance-special cir-
cumstancesprovision, and treating equitable principles as directlyacting
ontherelevantcircumstances ofeachcaseto produce anequitabledelimi-
tation.

(x) HoweverImpromptuMightHaveBeenthe Tablingofthe Equidistance
Ideain1953, ZtWasMaturelyConsideredBeforeBeing Finally
Adoptedin1958

Over the years emphasis has been placed on the fact that the Interna-
tional LawCommissionhad beforeit severalpossiblemethods of delimi-
tation ofthe continental shelf, and on the followingremark by the Court
in theNorthSea cases :

"In this almost impromptu, and certainly contingent manner was
theprinciple ofequidistancefor the delimitation ofcontinental shelf
boundaries propounded." (I.C.J.Reports1969,p. 35,para. 53.)

The 1953CommitteeofExperts,by whichthe principle ofequidistance
was so "propounded", was concerned primarily with the delimitation of
the territorialea.Itstated that equidistancewasequallyapplicable to the
delimitation ofthe continental shelf.According tothe International Law
Commission'sSpecialRapporteur, ProfessorFrançois, the Committeeof
Experts,insostating,"had confirmed the Commission'spreliminaryview
that the technique of the median line could be adopted for Stateswhose
coastsfaced each other .. ."(Yearbookof theInternational LawCommis-
sion, 1953,Vol. 1,p. 106,para. 39). So, from the beginning the Interna-
tional Law Commission was involved in the thinking concerning the
applicabilityofequidistancetothe delimitationofthe continentalshelf,at
least as between opposite coasts. In paragraph 162of his Second Report
on the High Seas of 10April 1951,Professor François had himself sub-
mitted to the Commissionnine draft articles on the continental shelfas a

basis of discussion.Draft Article9read :sans une tellemarge,comme indiquéplushaut, ilaurait étéplussimplede

libellerla disposition de manièreàstipulerque, àdéfaut d'accord, ladéli-
mitation doit être danstous les cas celle qu'exigent des principes équi-
tables compte tenu des circonstances pertinentes. Avec cette formule,
aucune méthode déterminée n'étant nommément mentionnée, l'équidis-
tance aurait la mêmevaleur que toutes les autres méthodes (comme
l'estimela doctrine admise), lechoix entre ellesdevant danstous lescas se
faire en appliquant des principes équitables compte tenu des circons-
tancespertinentes.
Il est vrai que, dans la pratique, la règleconventionnelle de 1958et la
règlede droitcoutumiertendraient, dansune large mesure, àaboutir àdes
résultatssemblables.Quoi qu'ilensoit,j'estime qu'il yaune distinction et
plus qu'une simple nuance entre le fait de considérerles principes équi-
tables comme aboutissant à une délimitationéquitableparl'intermédiaire
de la structure«règle-exception»de la disposition «équidistance-circons-
tances spéciales » et celui de dire que les principes équitables influent
directement sur les circonstancespertinentes de chaque affaire de manière

àaboutir àune délimitationéquitable.

x) Bienqueprésentéd eemanière improvisé en1953,
l'idéede l'équidistancea été mûremr eéntyéchievantdlêtre$nalement
adoptéeen1958

Au coursdesannées,on a insistésurlefait que la Commission du droit
international avait étsaisie de plusieursméthodespossibles de délimita-
tion du plateau continental, ainsi que sur l'observation suivante de la
Cour dans les affaires de laerduNord :
«C'est de cette manière presque improvisée et purement contin-

gente que le principe de l'équidistancea étenvisagépour la délimi-
tation du plateau continental.» (C.Z.J.Recueil1969,p. 35, par. 53.)
Le comitéd'experts de 1953,qui a ainsi «envisagé» le principe de
l'équidistance,sepréoccupait avanttout de ladélimitationde lamerterri-

toriale.Il a déclaré quel'équidistance s'appliquait égalemenàtla délimi-
tation du plateau continental. Selon le rapporteur spécialde la Commis-
sion du droitinternational,M.François, lecomitéd'experts,cefaisant, «a
confirmél'opinion préliminairede la Commissionselonlaquelle leprin-
cipe de la lignemédiane pouvait êtreadoptépour les Etats dont les côtes
sefont face..»(A/CN.4/SR.201, p. 10,par. 39).Ainsi la Commission du
droit international s'est-elle trouvée d'emblée amenée à réfléchir sur
l'applicabilitéde l'équidistanceàla délimitationdu plateau continental,
du moins dans le casdescôtesqui sefont face. Au paragraphe 162deson
deuxième rapport sur la haute mer du 10avril 1951,M. François avait
lui-mêmeproposé àla Commission neuf projets d'articles sur le plateau
continental comme bases de discussion. Le projet d'article 9 était ainsi
libellé "Si deux ou plusieurs Etats sont intéressés au mêmeplateau con-
tinental en dehors des eaux territoriales, les limites de la partie du
plateau de chacun d'eux seront fixéesde commun accord entre les
Parties. Faute d'accord,la démarcation entrelesplateaux continen-
taux de deux Etats voisins sera constituéepar la prolongation de la
ligne séparant les eaux territoriales, et la démarcation entre les
plateaux continentaux de deux Etats séparés par la mer sera consti-

tuéepar la ligne médiane entreles deux côtes." (Yearbookof the
ZnternationalLawCommission, 1951V , ol.II, p. 102.)
Afootnote to this provision added :

"Comme ligne de démarcation entrele plateau continental com-
mun à deux Etats séparéspar la mer, on pourrait adopter, par ana-
logie à la ligne de démarcation entreles eaux territoriales dans les
détroits,la ligne médiane entreles deux côtes. Le cas échéant,les
Etats intéresséspourraient, d'un commun accord, délimiterles pla-
teaux continentaux d'une manièredifférente."(Zbid.,p. 103.And see

the discussionin ibid., Vol.1,pp. 285-287,411.)

Thus the idea of the median line was being considered as early as 1951.
Thediscussionson the subjectinthe Commissionin 1953,afterthe sub-
mission of the recommendations of the Committee of Experts, were

adjournedfor fivedaysforthe purpose ofallowingtime forconsideration
(Yearbookof the International Law Commission, 1953V , ol.1,pp. 108and
125).It was onlyafter further discussionsthatthe text was adopted (ibid.,
p. 134,para. 51.Forthe text, seeibid., Vol.II, p. 213).Not alongperiod of
adjournment, itmaybe said. Butthen, three years later,the text wasagain
discussedinthe Commission(YearbookoftheZnternationalLawCommis-
sion,1956,Vol.1,pp. 151-153,277).

Besides, it could not besaid that the adoption of the substance of the

International LawCommission's textat the Geneva Conference in 1958,
followingon a debate atthe eleventhsession ofthe United Nations Gen-
eral Assemblyl, was the result of an impromptu response by the Confer-
enceto a newtext suddenlypresented :it seemsclearthatthe text wasthe
subjectofcarefulstudy bywell-preparedjurists in 1958and that opportu-
nity had been givento Governments to be consulted in preceding inter-
vals. "Thescaleand thoroughness ofthis process" was rightlynoticed by
Vice-PresidentKoretsky(NorthSea, Z.C.J.Reports1969,p. 156,dissenting
opinion. And see Z.C.J.Pleadings, Delimitationof theMaritimeBoundary
in the Gulfof MaineArea,Vol.II, pp. 78-79,paras. 203-204;and OfJicial

l Offial RecordsoftheGeneralAssembly,EleventhSession,PIenaryMeetinVol.II,
658thmeeting,21 February1957,pp. 1181ff. «SideuxouplusieursEtatssontintéressésau mêmeplateau conti-
nental en dehors des eaux territoriales, les limites de la partie du
plateau de chacun d'eux seront fixéesde commun accord entre les
Parties. Faute d'accord, la démarcation entre les plateaux continen-
taux de deux Etats voisins sera constituéepar la prolongation de la
ligne séparant les eaux territoriales, et la démarcation entre les
plateaux continentaux de deux Etats séparéspar la mer sera consti-
tuéepar la ligne médiane entre les deux côtes.» (Yearbook of the
International Law Commission, 1951,vol. II, p. 102.)

Une notejointe à cettedisposition ajoutait:
Commeligne de démarcation entre le plateau continental com-
mun à deux Etats séparéspar la mer, on pourrait adopter, par ana-

logie àla ligne de démarcation entre les eaux territoriales dans les
détroits,la ligne médiane entre les deux côtes. Le cas échéant,les
Etats intéressés pourraient, d'un commun accord, délimiter les
plateaux continentaux d'une manière différente.» (Ibid., p. 103.
Voir aussi la discussion dans A/CN.4/SR.115, p. 15-24, et
A/CNA/SR.131, p. 17-19.)

Ainsi l'idéede la ligne médiane a-t-elleétenvisagéedès1951.
Après que le comité d'experts eut présentéses recommandations en
1953, la Commission a suspendu ses débats à ce sujet pendant cinq
jours pour se donner le temps d'yréfléchir(A!CN.4/SR.201, p. 13-16,et
A/CN.4/SR.204, p. 2-5). Le texte n'a été adopté qu'après de nouvelles
discussions (A/CN.4/SR.205, p. 12,par. 51. Pour le texte voir Nations
Unies, Documents officiels de Iüssemblée générale,huitième session,
supplément no 8 (A/2456), p. 13, Rapport de la Commission du droit
internatonal sur lestravaux de sa cinquièmesession du le'juin au 14août
1953~). Cette suspension, soit dit en passant, n'avait pas étélongue.
Cependant, trois ans plus tard, le texte a fait l'objet de nouvellesdiscus-
sions à la Commission(Annuairede la Commissiondu droit international,
1956,vol. 1,p. 148-151,298-299).

De plus, on ne peut pas dire que l'adoption du fond du texte de la
Commission du droitinternational àlaconférencedeGenèvede 1958, àla
suited'un débatàlaonzièmesession del'AssembléegénéraledesNations
Unies', ait étéle résultat d'une réactionimproviséede la conférence
devant un nouveau texteprésenté à l'improviste:ilparaît clairque letexte
a fait l'objet d'une étudeapprofondiede la part dejuristes bien préparés
en 1958et que lesgouvernementsavaienteulapossibilitéd'être consultés
auparavantpendant lesintervalles. «L'envergureet la méticulosité ..[de]
ce processus D ont àjuste titre été relevéesar M. Koretsky, Vice-Prési-
dent (Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,p. 156,opinion dissidente; voir
aussi C.I.J. MémoiresD, élimitationde lafrontière maritimedans la région

' Nations Unies,DocumentsofficielAssembléegénéraleo,nzièmesession,séances
plénière658eséance,21février1957,vol.II, p. 1181et suiv.

121 Records ofthe UnitedNationsConferenceon the Law of theSea,Vol.VI,
Fourth Committee,Geneva, 24 February-27April 1958,pp. 9 ff.,passim,
and 91-98).The need for flexibility in the working of the provision was
recognized and, indeed, emphasized (OfJicialRecords of the United
NationsConferenceonthe Law oftheSea,Vol.VI, op.cit.,p. 22,para. 35,
Tunisia);but nothing said suggeststhatthe equidistancemethod was not
intended to play the ultimate concretenormativerole exfacie assigned to
it by the terms of the provision.

The triad - agreement, equidistance, special circumstances -
appeared in the draft adopted by the International Law Commission on
30June 1953.They remained on the table until they emergedin the final
text in 1958.Textual alterations weremadein the interval,but suggestions
that these profoundly affected the essential original relationship of the
threeelements ofthe triad are notborne out (cf.Contre-mémoireprésenté
par le Gouvernement de la République française, in the Anglo/French
Arbitration,July 1976,Vol.1,p. 49,para. 125).

Whatevermighthavebeen the circumstancesinwhich the equidistance
proposa1camebefore the Commissionin 1953,there was nothing rushed

inthe consideration whichitreceivedfromthen onuntil itsfinaladoption
fiveyears later in 1958.Toassume the opposite isto invitethe supposition
that, had the framers ofthe provisionacted withgreaterdeliberation,they
would have employed materially different language. This sort of reflec-
tion, if engaged in by a court, imports a risk of itstaking a corresponding
viewthat itstask isto giveeffectnot to the languageused,but to language
which,inthe court's opinion,should havebeenusedin order to expressan
idea which the framers of the provision did not in fact have in mind, but
which the court thinks they would have had in mind had they acted with
greater deliberation. It is scarcely necessary to Say that this is not an
admissiblemethod of interpretation (see Judge Lachs's comment in the
NorthSea cases, Z.C.J.Reports1969,pp. 221-222).

(xi) ScholarlyOpinion

1shall add a brief reference to scholarlyopinion. Withoutattempting a
survey, 1 have the impression that many writers would share the view

expressed by Professor Bowett, when, but for decisional authority, he
considered thatthe correctsituation was as follows :
"The legislativehistory of Article 6 suggeststhat 'specialcircum-
stances' operate as an exception to the general rule and not as an
independent principle of equal validity. Asthe I.L.C. state:dugolfedu Maine, vol. II, p. 78-79,par. 203-204,et Documentsofficielsde
la conférencedes Nations Uniessur le droit de la mer,vol. VI, quatrième
commission, Genève, 24 février-27avril 1958,p. 9 et suiv., passim, et
p. 91-98).Lanécessité de fairepreuve de souplessedans la mise en Œuvre
de cette disposition a été reconnue, et mêmesoulignée(Documentsoffi-
cielsdela conférencedesNations Uniessurledroitdela mer,vol.VI,op.cit.,
p.22,par. 35,Tunisie); maisrien de cequia été dit ne donne lieu depenser
que la méthodede l'équidistancen'ait pas étédestinée àjouer concrète-
ment le rôlenormatifultime que paraissaient lui attribuer lestermes de la

disposition.
La trilogie accord, équidistance et circonstancesspéciales est apparue
dans le projet adoptépar la Commission du droit international le 30juin
1953.Elleestrestéesur latablejusqu'au momentoù elleaétéreflété dans
le texte final en 1958.Dans l'intervalle, des modifications ont éappor-
téesau texte, mais rien ne confirmeque, comme ila étdit, celles-ciaient
profondément modifié les rapports essentiels initiaux entre les trois
éléments de latrilogie (cf.contre-mémoireprésenté par leGouvernement
de la République française dans l'Arbitrage franco-britannique, juillet
1976,vol. 1,p. 49,par. 125).
Quellesqu'aient pu êtrelescirconstancesdanslesquellesl'équidistance
a pu être proposée à la Commission en 1953,l'examen dont elle a fait
l'objetà partir de ce moment-là et jusqu'à son adoption finale cinq
années plus tard, en 1958,n'a rien eu de précipité. Supposerle con-

traire,c'est inciteà dire que si les rédacteursde la disposition avaient
agi de façon plus réfléchie,ils auraient employé des termes sensible-
ment différents. Quand une juridiction s'engage dans des réflexions
de ce genre, elle risque d'estimer, dans la mêmeperspective, qu'elle a
pour tâche de donner effet non aux termes utilisés, mais aux termes
qui, selon elle, auraient dû l'êtrepour exprimer une idéeque les rédac-
teurs de la disposition n'avaient pas en fait présente à l'esprit, mais
à laquelle, de l'avis de la Cour, ils auraient dû songer s'ils avaient
plus délibéré avant d'agir. Cen'est pas là, il està peine besoin de le
dire, une méthode d'interprétation acceptable (voir l'observation
de M. Lachs dans les affaires de la Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,
p. 221-222).

xi) La doctrine

J'ajouterai une brève mention de la doctrine. Sans entreprendre un
examend'ensemble, j'ail'impression quenombre d'auteurs partageraient
l'avisqu'a expriméM. Bowett, lequel, sans évidemmentavoir l'autorité
du juge, a considéréquela situation était la suivante

« Ilressortdestravauxpréparatoires del'article6que les«circons-
tances spéciales»opèrententant qu'exception à la règlegénéraleet
non en tant que principe indépendant de mêmevaleur. Comme l'a
déclaréla Commissiondu droit international : '... the rule of equidistance is the general rule, it is subject to
modification in cases in which another boundary line isjustified
by special circumstances'.

Indeed, onemighthavethought that itcouldscarcelybeothenvise,
for if 'special circumstances' stood on an equal footing with the
mediadequidistance linerule,therewouldineffectbe no ruleto fa11
back on in the event of disagreement, and this the parties to the
1958Convention clearly did not intend. On this view it would have
followed from this relationship of rule to exception that the rule
applies unlessa party can dischargethe dual onus ofproving

(a) that 'specialcircumstances'exist,withinthe meaningofArticle6,
and
(b) that these 'justify'another boundary." (Derek Bowett, TheLegal
Regime of IslandsinInternational Law, 1979,pp. 149-150.Foot-
note omitted.)
There isno questionhere ofwhat Henri Rolin referredto, deprecatingly,
as "l'attrait de cette entreprise" of contradicting an advocate with his
academicwritings (I.C.J.Pleadings,RightofPassageoverIndianTerritory,
Vol.V,p. 187).For Professor Bowettdid also state that

"it cannot now be argued (if the Court [ofArbitration] is right) that
equidistance applies unlessa party can showthat there existspecial
circumstances of rather limited character" (Bowett, op.cit.,p. 151).

The matter ofimportance inthis Court ishis caveat,"iftheCourt [ofArbi-
tration]is right". Wasit? 1am not persuaded that it was.

(xii) Conclusion

Equidistance per se is certainly a geometric method and not a legal
principle; but in the collocation in which it occurs, in the form of the
median line, in Article 6, paragraph 1, of the 1958Convention, it un-
doubtedly forms part of a rule of law to the effect that, subject to two
conditions, namely, the absence of agreement and the non-existence of
special circumstances,the boundary isthe median line.To Saythat equi-
distance is applicable only where equitable principles as applied to the
relevant circumstances indicate it as the most suitable method among
other possible methods for achieving an equitable delimitation is to im-
pose a condition for its application in addition to the two which have

in fact been prescribed by the provision itself. "To impose an addi-
tional condition ... would be equivalent, not to interpreting the [Con-
vention], but to reconstructing it." (Acquisition ofPolish Nationality,
P.C.I.J.,Series B, No. 7,p. 20. And see Judge Read, dissenting, in the «si..leslimitessontdéterminées,engénéra pla,rla règledel'équi-
distance, des modifications peuvent êtreapportées à cette règle

lorsque des circonstances spécialesjustifient le tracéd'une autre
limite B.
L'on aurait d'ailleurs pu penser qu'il nepouvait guère en aller
autrement, car siles«circonstances spéciales»étaientàmettresurle
mêmepied que la règleligne médiane d'équidistance,il n'yaurait
aucune règlesurlaquelle sereplierencas de désaccordettellen'était
manifestementpas l'intention desparties àlaconvention de 1958.En
pareil cas, il serait résultéde ce rapport entre la règleet l'exception
que la règles'applique sauf à l'une des parties de rapporter cette
double preuve :

a) ilexistedes«circonstancesspéciales»ausensdel'article6,et

b) elles «justifient » une autre délimitation.» (Derek Bowett, The
Legal Regimeof Islands in International Law, 1979,p. 149-150,
note omise.)

Il n'estpas iciquestion de céderà ce qu'Henri Rolinappelait péjorative-
ment «l'attrait de cetteentreprise à,savoiropposer à l'avocat sesécrits
de chercheur (C.I.J.MémoiresD , roitdepassage enterritoireindien,vol.V,
p. 187).En effet,M. Bowetta aussidéclaré que :

«l'on ne sauraitmaintenant soutenir (siletribunal [arbitral]araison)
que l'équidistance s'appliquesauf si une partie peut établirl'exis-
tence de circonstances spéciales d'une nature plutôt limitée»
(Bowett,op.cit.,p. 151).

Cequi importe, pour la Cour, c'estsamiseengarde :«siletribunal [arbi-
tral]a raison ».A-t-ileu raison? Je n'ensuispas persuadé.

xii) Conclusion

L'équidistance en soiest certainement une méthode géométrique et
non un principe de droit; toutefois, dans le contexte où elle seprésente,
sous la forme de la ligne médiane,au paragraphe 1 de l'article 6 de la
convention de 1958,elle fait indubitablement partie d'une règlede droit
à l'effet que, sous réservede deux conditions, c'est-à-dire l'absence

d'accord et l'inexistence de circonstances spéciales, la délimitationest
constituéepar lalignemédiane.Direquel'équidistancene s'applique que
s'il ressort des principes équitables appliqués aux circonstances perti-
nentes qu'elle constitue, parmi d'autres méthodes possibles, la mieux
appropriée pour aboutir à une délimitation équitable,c'estsubordonner
sonapplication àdeuxconditionssupplémentairesoutrelesdeuxquisont
enfaitimposéespar la disposition elle-même« .Imposer ..une condition
supplémentaire ..ce ne serait plus interpréter [ce]traité, ce serait le
refaire.(Acquisitiondela nationalitépolonaise,C.P.J.I.sérieBno7,p. 20; ZnterpretationofPeaceTreatiescase, Z.C.J.Reports1950,p. 246.)However
widely the exceptionrelating to specialcircumstances may be construed,
it cannot be read soas to decapitate the clearintendment of the rule that,
when the two prescribed conditions are satisfied, the equidistance
method automatically and compulsorilyapplies to define the boundary.

Acertain viewhasimposed itselfto shift the equidistancemethod from
the position of distinctivenessplainlyassigned to itwithin the framework
of the 1958provision to a position described by Judge Evensen as one of
"relegation ...to thelast rank ofpracticalmethods" (Tunisia/Libya,Z.C.J.
Reports 1982, p. 297). To Judge ad hoc Valticos, the method has often
seemed "la 'mal-aimée"' among delimitation methods (Libya/Malta,
Z.C.J.Reports1985,p. 106,para. 7). So lowly a position is not justified by

the language of the provision.Looking at that language,one might think
naturally of Vattel'saphorism, "The first general maxim of interpretation
isthat itisnot permissible to interpret that which does not need interpreta-
tien."' If the idea behind that maxim has not always been hospitably
received2, 1would yetborrow the words ofJudge Winiaîski and conclude
that "[nlo effort of interpretation could make these clear provisions Say
whatthey do not say" (ïheApplicationoftheConventionof1902Goveming
the Guardianshipof Infants, Z.C.J.Reports 1958, p. 133, dissenting
opinion).

Towards the end of his distinguishedjudicial career, Judge Anzilotti
remarked,

"[Iln this case,the Court is not confronted with a rule of common
international law; it is dealing with a specific andorma1provision,
Article3ofthe Treaty,whichitisrequired to apply." (ElectricityCom-
pany ofSofiaand Bulgaria,P.C.Z.J., SeriesA/B, No. 77,p. 98,dissent-
ing opinion.)

Thecontext wasdifferent,but not sodifferentas to exclude the approach.
It would serveno useful purpose to purport to be applying the delimita-
tion provision of the 1958Convention while straining to equate it with
the position at general international law. Such an equation would be
artificial. Affirmations to the contrary are impressive, but not con-

vincing. In the end, it may not make much practical difference whether
there is an equation if, as1think, there are special circumstances within
the meaning of the provision. But, at this stage, the question whether
there is such an equation does present itself; and the answer 1 would

' E.deVattel,Ledroitdesgens,Vol.2,Chap.17,para.263, citedbyMr.Basdevantin
the S.S. "Wimbledon", .C.I., eriesC,No.3,Vol. 1,p. 197.
duringtheNight,P.C.Z.J, eriesA/B, No.50,p. 383,JudgeAnzilotti, dissenting.nvoiraussil'opinion dissidente de M.Read dans l'affairedel'Interprétation
des traitésde paix, C.I.J.Recueil 1950,p. 246.) Mêmes'il est donné de
l'exception relative'aux circonstances spéciales l'interprétation la plus
large, on ne saurait lui faire décapiter l'intention claire de la règle,c'est-
à-direqu'une foissatisfaites les deux conditionsprescrites la méthode de
l'équidistance s'appliquede façon automatique et obligatoire pour défi-
nir la ligne de délimitation.
Une certaine façon de voir s'est imposée qui a privéla méthode de
l'équidistancede la place distinctivequi lui était manifestementassignée
dans le cadre de la convention de 1958pour lui donner une position qui
consiste,selon lestermes de M. Evensen, à la ((reléguer..au dernierrang
desméthodespratiques »(Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 297).Pour

M. Valticos, juge ad hoc,la méthode est souvent apparue comme «la
«mal-aimée» parmi les méthodes de délimitation (Libye/Malte, C.I.J.
Recueil 1985,p. 106,par. 7). Lestermes de la disposition nejustifient pas
une position aussi inférieure. Ils font naturellement penser à l'apho-
risme de Vattel: «La première maxime généralesur l'interprétation est
qu'il n'est pas permis d'interpréter ce qui n'a pas besoin d'interpréta-
tion.»' Si l'idéedont s'inspire cette maxime n'a pas toujours été bien
accueillie2, je n'emprunterai pas moins les termes dont s'est servi
M. Winiarski pour conclure :«Aucun effort d'interprétation ne pourrait
faire direà cestextesclairs autre choseque ce qu'ilsdisent. »(Application
de la conventionde 1902pour régler latutelledes mineurs,C.I.J.Recueil
1958,p. 133,opinion dissidente.)
Versla finde sonéminentecarrièrejudiciaire, M. Anzilotti afaitobser-

ver ce qui suit:
«ici la Cour n'est pas en présence de la règlede droit international

commun; elle est en présence d'une disposition précise et formelle,
l'article 3 du traité,et c'estcette disposition qu'elle doit appliquer
(Compagniedëlectricitéde Sofia et de Bulgarie, C.P.J.I. série A/B
no77,p. 98,opinion dissidente).

Il s'agissait d'un contexte différent, mais pas assez pour exclure cette
approche. Il ne serviraiàrien de prétendreappliquer la disposition de la
convention de 1958relative àla délimitation tout en la forçant pour la
mettre sur le mêmepied que la situation en droit international général.
Une telle équation serait artificielle. Les affirmations en sens contraire
font de l'effet, mais nesont pas convaincantes.En définitive,la question
de savoir s'il existe une équation ne présente peut-être pasbeaucoup
d'importance dans la pratique dès lors qu'il y a, comme je le pense, des
circonstancesspécialesau sens deladisposition. Acestade,cependant,la

Va eurWimbledon, C.P.J.ZsériCno3,vol. 1,p. 197.r. 263,citépar M.Basdevant dans le
voir Znterpritationdela convende1919concernantle travailde nuitdesfemmes,
C.P.J.Zsére /B no50,p. 383,opinion dissidente de M. Anzilotti. 159 MARITIMEDELIMITATION (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

give is to uphold the submission of Norway to the effect that, absent
both agreement and special circumstances, "the boundary is themedian
line".

PART II. PROPORTIONALITY

Thequestion nowiswhetherthe will ofthe Parties,as expressed in Ar-
ticle6,paragraph 1,ofthe 1958Convention,truly callsforamedian line.It
can only do soifthereare no special circumstanceswhichjustify another
boundary. Arethereany suchcircumstances? Denmark contends that the
disparityinthe lengths ofthe two opposite coastsis such a circumstance.

Norwaysubmitsthat itisnot. IfDenmarkis right,the further questionwill
arise as to what is the boundary which such special circumstances
justify. It seemsto methat the answersto both questions will turnlargely
ontheissueofproportionality.Tothisgeneral issue,the subjectofdebate,
1nowturn.

(i) TheBroad EvolutionaryPerspective

It would be useful to begin by advertingto some aspects of the broad
perspective within whichthejurisprudence has beenunfolding.

First, the law in this field being in a state of evolution,the danger of
over-conceptualizationhas been rightly pointed out (North Sea, Z.C.J.
Reports 1969,p. 53, para. 100; and Tunisia/Libya, Z.C.J.Reports 1982,
p. 92, para. 132).Not surprisingly, the language in the case-law is not
always clear or consistent. It is possible to discern at some stages in the
movement of thejurisprudence a shiftingdiscrepancy between recital of
known but possibly obsolescent legal propositions and the controlling
principle to be extractedfromthe decision actuallymade (Libya/Malta,

Z.C.J.Reports1985,p. 90,para. 37,joint separate opinion ofJudgesRuda,
Bedjaoui and Jiménezde Aréchaga).The understandable reason for the
jurispmdential hazeisthat, in itseffort to reconcilestability with change,
the Court accepts change, while tending to retain an attachment to
articulations which the change has really left behind. For here too, as
Keynes said, "the difficultyliesnotinthe newideas,but in escapingfrom
the old ones" (citedin EarlWarren, "Toward a More ActiveInternational
Court", VïrginiaJoumal ofZntemational Law, 1971,Vol. 11,p. 295).

Second,there seemsto beadanger ofoverlookingthe effectofadelimi-
tation linein settlingthe question of the extent ofthe continental shelfto
which the litigating parties are entitled in relation to each other. Almost
certainly,this above al1is what the parties really wish to know; it is the
delimitation line which givesthem the answer. As obsemed in the joint
separate opinion inthe Libya/Malta case,"the Court isestablishingalinequestion de savoirs'ilexisteunetelleéquation seposeeffectivement,etje
répondrai en accueillant la thèsede la Norvège,àsavoir qu'à défaut à la
foisd'accord etde circonstancesspéciales «la délimitationestconstituée
par la lignemédiane D.

Il convient maintenant de rechercher si la volonté des Parties, telle
qu'expriméeau paragraphe 1 de l'article 6 de la convention de 1958,

requiert vraiment une ligne médiane.Elle ne lepeut que si des circons-
tances spécialesnejustifient pasune autre délimitation. Y a-t-ilde telles
circonstances ?Le Danemark soutient que la disparité des longueurs des
deux côtes qui se font face constitue une circonstance de ce genre. La
Norvègesoutientquetel n'estpaslecas.SileDanemark araison, ilfaudra
se demander aussi quelle délimitation de telles circonstances spéciales
justifient. mon avis, les réponses à ces deux questions dépendronten
grande partie de la question de la proportionnalité. Je passerai donc à
cettequestiongénéraleq , ui est controversée.

i) La perspectiveévolutionnisteansson ensemble

Il seraitutile de commencer en centrant l'attention sur certains aspects
delaperspectived'ensembledans laquellelajurisprudence s'estdevelop-
pée.
Premièrement,puisqu'ence domaine ledroit est en état d'évolution, le

danger de trop conceptualiser a été signalé àjuste titre (Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p. 53, par. 100,et Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,
p. 92,par. 132). Lestermes utilisésdans lajurisprudence - il ne fautpas
s'enétonner - nesontpastoujours clairsou cohérents.Adiversmoments
du mouvement de la jurisprudence, il peut être discerné un écartchan-
geant entre l'énoncéde propositions juridiques connues mais peut-être
dépassées et le principe déterminantqu'ilconvient d'extraire de la déci-
sioneffectivementrendue (Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p.90,par. 37,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga).Le
flou de lajurisprudence s'expliquepar une raison compréhensible :dans
seseffortspour concilierstabilitéetchangement,laCour acceptelechan-
gement, tout en tendant à rester attachéeà des structures qu'en fait ce
changement a dépassées.Car ici encore, comme l'a dit Keynes, «la dif-

ficulté ne tient pas aux idéesnouvelles, elle consiste à échapper aux
anciennes »(citédans EarlWarren, «TowardaMore ActiveInternational
Court », VirginiaJournao lf InternationalLaw, 1971,vol. 11,p. 295).
Deuxièmement,il paraît exiter le risque de méconnaîtrel'effet d'une
ligne de délimitationquand il s'agitde régler la questionde l'étenduedu
plateau continental auquel les parties en litige ont droit dans leurs
rapports mutuels. Làréside,onpeut enêtrepresque sûr,cequelesparties
veulent vraiment savoir plus que tout; c'estla ligne de délimitation qui
leurdonne laréponse.Commeilaétéobservé dans l'opinion conjointeenwhich will determinethe areas which 'appertain' to each of the Parties"
(Z.C.J.Reports 1985,p. 92,para. 40).This effect of a delimitation decision
indetermining what arethe areas appertaining to each oftheparties isapt
to be obscured by thetendency of thejurisprudence to dwell onthe prin-
ciplethat the continental shelf appertains to a coastalState ipsojure, and
that, accordingly, the object of a delimitation is not to apportion the con-
tinental shelf (considered as an undivided common pool) in separate
sharesamong the interestedcoastalStates, but simplyto determinewhatis
the line separating areas of the shelf which already appertainto each of
them individually (North Sea, Z.C.J.Reports 1969,p. 22,para. 20; and see
p. 188,Judge Tanaka, dissenting, and p. 199,Judge Morelli, dissenting).

But,in the words ofJudge Mbaye, "it isnot feasibleartificiallyto sepa-
rate the right to an area of continental shelf fromthe rules for delimiting
[the] shelf' (Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985,p. 96, separate opinion).
True, the questions of entitlement and delimitationare "distinct". But,as
the Court remarked, that they "are also complementary is self-evident.
The legal basis of that which is to be delimited, and of entitlement to it,
cannotbeother than pertinent tothat delimitation." (Zbid.,p. 30,para. 27.
And see ibid., pp. 33-34, para. 34.) If the necessary jurisdiction exists,
there would benothingtopreventa State from seekingadeclaration ofits
entitlement, werethistobechallenged byanother State.Theoccasion may
not often arise, but it could, as where there is a dispute as to whetherthe
territoryin question isforanyreasonincapable of generatinga continen-
tal shelfofitsown. Adispute ofthat kind waspresentedinthe AegeanSea
ContinentalShelf case,in whichTurkey tooktheposition that "the Greek
Islandssituated verycloseto the Turkish Coastdo not possess a[continen-

tal] shelf of their own" (Z.C.J.Reports 1978,p. 8, para. 16);and naturally
theApplication by Greecedidincludea claim fora declaration of entitle-
ment (ibid.,p. 6,para. 12,item (i)of Greece'sApplication). Moreusually,
however,what a coastalState may wishto ascertain iswhat isthe precise
extent of its entitlement in relation to an adjacent or oppositeState; it isa
decision as to delimitation which settles the point.

Thus, the theory of the law (correct in itself) that separate continental
shelf areas already appertainto each coastalStateshould not be allowed
to foster the illusionthat the determination of a delimitation line is not
unoflatu an effectivedeclaration ofthe actual extent ofthe area to which
each State is entitled vis-à-visthe other. The Court in 1969did not make
this mistake. It accepted that a delimitation line does define areas of
entitlement when it said:

"Evidently anydispute about boundaries must involvethatthere is
a disputed marginal or fringe area, to which both parties are layingl'affaire Libye/Malte, «la Cour a définiune ligne déterminant les zones
((relevant» de chacune des Parties » (C.Z.J.Recueil 1985,p. 92, par. 40).

Cet effet de la décisionde délimitation,qui consiste àdéterminer quelles
sont les zones qui relèvent de chacune des parties, risque d'êtredissi-
mulé par latendancede lajurisprudence à s'arrêtersur le principe selon
lequel le plateau continental relèvede 1'Etatcôtier de plein droit, et que
la délimitationn'a donc pas pour objet de répartirle plateau continental
(envisagécomme un fonds commun indivis) en parts distinctes entre
les Etats côtiersintéressés,maissimplementde déterminer quelleslignes
séparentles zones du plateau qui relèvent déjàde chacun d'eux à titre
individuel (Mer du Nord, C.Z.J.Recueil 1969,p. 22, par. 20; voir aussi
p. 188,opinion dissidente de M. Tanaka, et p. 199,opinion dissidente de
M. Morelli).
Cependant, pour reprendre lestermes de M. Mbaye, «on ne peut ..pas
artificiellement séparer le droità une zone de plateau continental des
règlesde délimitationde ce plateau » (Libye/Malte, C.Z.J.Recueil 1985,
p. 96,opinion individuelle). Il est vrai que les questions du titre et de la
délimitation sont ((distinctes». Mais, comme la Cour l'a fait observer,

qu'elles«soient ..enoutre complémentairesestune véritéd'évidence L.a
basejuridique de cequi est à délimiteretdu titre correspondant ne saurait
êtresansrapport avecladélimitation. »(Zbid.,p. 30,par. 2;voir aussi ibid.,
p. 33-34,par. 34.) Sila compétence nécessaireexiste, rien n'empêcheun
Etat de chercher à fairedéclarerson titre au cas oùun autre Etatviendrait
à lecontester.Peut-êtrela question ne sepose-t-elle pas souvent,mais elle
peut surgir, par exemple quand ilyaun différendsur lepoint de savoir si
le territoire dont il s'agit estpour une raison quelconque incapable de
générerun plateau continental propre. Un différend de ce genre a été
présentédansl'affairedu Plateaucontientalde lamerEgée,oùlaTurquie a
soutenu que «les îles grecquessituéestout prèsde la côte turque ne pos-
sèdent pas de plateau [continental] propre» (C.Z.J. Recueil 1978,p. 8,
par. 16); et naturellement la requête de la Grèce contenait bien une
demandetendant à faire déclarer son titre (ibid.,p. 6, par. 12,point i),de
la requêtede la Grèce).Toutefois, dans le cas le plus fréquent, ce que
1'Etatcôtier souhaite établir, c'est l'étendue précisede son titre par rap-

port à un Etat adjacent qui lui fait face; c'est une décisionde délimita-
tion qui trancheà ce sujet.
Ainsi ne faut-ilpas laisserla théoriejuridique (correcte par elle-même)
selonlaquelle lesdifférenteszonesdeplateau continental relèventdéjàde
chaqueEtatcôtierentretenirl'illusion que ladétermination d'une lignede
délimitation ne constitue pas du mêmecoup une déclaration effective
de l'étendueréellede la zone à laquelle chaque Etat a droit vis-à-vis de
l'autre. La Cour n'apas commiscetteerreur en 1969.Elle a admisqu'une
ligne de délimitationdétermine effectivementles zones sur lesquelles les
Etatsintéressésontun titre quand elle a déclaré :

«Il estévidentqu'un différendsur deslimitesimpliquenécessaire-
ment l'existence d'une zone marginale litigieuse réclamée par les claim,sothat anydelimitation of itwhich does not leaveit whollyto
one of the parties will in practicedivide it between them in certain
shares, or operate as if such a division had been made." (Z.C.J.
Reports1969,p. 22,para. 20.)
It istrue, asthe Court observed,that under Article2ofthe 1958Conven-
tionthe coastal State'srights in the continental shelfare "exclusive",but,
as it added,

"this saysnothingas to what infactarethe preciseareas in respect of
which each coastalState possessesthese exclusiverights. Thisques-
tion, which can arise only as regards the fringes of a coastal State's
shelf area is, as explained atthe end of paragraph 20above, exactly
whatfallstobesettledthroughthe processofdelimitation,and thisis
the sphere of Article6,not Article2." (Zbid.,p. 40,para. 67.)

Of course it is the case that the question "can arise only as regards the
fringesofacoastal State's shelfarea".Itisnonethelesstruethat, whenever
suchaquestionarises,it isthedelimitationline whichprovidestheanswer
"as to what in fact are the preciseareas in respect of which each coastal
Statepossesses theseexclusiverights" ;and that answercould makeasub-
stantialdifference in terms of relative magnitudes.
Inthe NorthSea casesthe Court understood very wellthat the wholeof
the caseswasreallyaboutthe extentofthecontinental shelfareasclaimed

by each State in relation to each other. It repeated the substance of that
understandingin 1978whenit said,"Anydisputeddelimitationofabound-
ary entails some determination of entitlement to the areas to be deli-
mited" (AegeanSea ContinentalShelJ;Z.C.J.Reports1978,p. 35,para. 84).
Evenin respect ofterrestrialquestions,it isinappropriate to insist ontoo
rigid a distinction between attribution of title and delimitation (Frontier
Dispute,Z.C.J.Reports1986,p. 563,para. 17).

It followsthat failureto consider the effectwhichaproposed delimita-
tion willhave on the definition ofthe area ofthe continental shelfapper-
tainingto each State maybe to missthe realpoint ofthe litigation.
Third,it is necessaryto bear in mind that,to the extent that the funda-
mental principle of natural prolongation has been displaced within the
conceptualframework ofthe continental shelf,the restraints whichit pre-
viouslyimposed on recourse to the factor of a reasonable degree of pro-
portionality would fa11to be now regarded as correspondingly relaxed.

Thispoint is developed in Section(ii)below.

(ii) Proportionalityand Natural Prolongation

Much ofthe receivedjurisprudence on the question ofproportionality
wasinfluenced bywhatthe Court in 1969referredto asthe "fundamental
concept of the continental shelf as being the natural prolongation of the deux parties et que toute délimitation n'attribuantpas entièrement

cette zone àl'unedes parties aboutit en pratique àla partager ou à
faire comme s'ily avaitpartage. »(C.I.J. Recueil1969,p. 22,par. 20.)

Il estvrai,commela Cour l'a faitobserver,qu'auxtermes de l'article 2de
la convention de 1958,lesdroits de 1'Etatcôtiersur leplateau continental
ontun caractère «exclusif»mais, comme ellel'aajouté :

«aucune précision n'y est donnée quant aux zones mêmessur
lesquelles chaque Etat riverain possède des droits exclusifs. Cette
question, qui ne peut se poser qu'en ce qui concerne les confins du
plateau continental d'un Etat, est exactement, comme on l'a vuau
paragraphe 20 ci-dessus infine, celle que le processus de délimita-
tion doitpermettre derésoudreetellerelèvedel'article6,non del'ar-
ticle 2.(Ibid.,p. 40,par. 67.)

Ilestbienévidentquela question «ne peut seposer qu'en cequiconcerne
les confins du plateau continental d'un Etat». Il n'en estpas moins vrai
que, chaque fois qu'unetelle question se pose, c'estla ligne de délimita-
tion qui donne la réponse «quant auxzonesmêmes sur lesquelleschaque
Etat riverainpossèdedesdroitsexclusifs »,etcetteréponsepeut faireune
différenceconsidérabledupoint de vue desétenduesrelatives.
Dans les affaires de la Mer du Nord,la Cour a bien compris que les
affairesdansleur ensembleportaienten réalitésurl'étendue deszone dse
plateau continental revendiquéespar chaque Etat par rapport à chaque
autre. Elle a repris pour l'essentielcette conception de l'affaire en 1978
quand elle a déclaré:«Toute délimitationde frontière contestée oblige
jusqu'à un certain pointà déterminerlestitres sur leszonesà délimiter.»
(Plateau continental de la mer Egée,C.I.J. Recueil 1978,p. 35, par. 84.)

Même à propos de questions terrestres, il ne convient pas d'insistersur
une distinction trop rigide entre l'attribution du titre et la délimitation
(Différendfrontalier, C.I.J.Recueil1986,p. 563,par. 17).
En conséquence,si l'onomet de rechercherquel effetune délimitation
proposéeproduira sur la définitionde la zone de plateau continental qui
relèvedechaque Etat, on risque depasser àcôtédel'objetréeldel'action.
Troisièmement,ilnefautpas oublierque,danslamesureoù leprincipe
fondamental duprolongementnaturel a été déplacé dans lecadreconcep-
tuel du plateau continental, lesrestrictions qu'ilimposait antérieurement
au recours au facteur d'undegréraisonnablede proportionnalité doivent
être maintenant réputées assouplies en conséquence. Ce poin etst déve-
loppédans la sectionii)ci-après.

ii) Proportionnalitéetprolongementnaturel

Lajurisprudence reçue sur la question de la proportionnalitéa subien
grandepartie l'influencede ceque la Cour, en 1969,a appeléla «concep-
tion ..fondamentale du plateau continental envisagécomme prolonge- 162 MARITIMEDELIMITATION (SEP.OP. SHAHABUDDEEN)

land domain" (NorthSea, I.C.J. Reports1969,p.30,para. 40).It issubmit-
ted that itwasnatural prolongation, considered in aphysical sense,which
was chiefly(thoughnot wholly) responsiblefor the restraints imposed on
proportionality. So it is necessary toconsider how far natural prolonga-
tion was understood in a physical sense, in what way it operated in that
senseto impose such restraints, andto what extent, if any,those restraints
should now beregardedashavingbeendiminished bytheattrition ofthat
aspect of the conceptwhichoperated in large partto impose them.

First then, as to the sense in which natural prolongation was under-

stood. Itistrue that even in 1956the International Law Commission had
"decided not to adherestrictly tothe geologicalconcept ofthe continental
shelf" (YearbookoftheInternational LawCommission, 1956,Vol.II, p. 297,
subpara. 6.And see the generaldiscussion, ibid.,1956,Vol. 1,pp. 130ff.).
But the material before the Commission shows that even scientists dif-
fered intheir use oftheterm"continental shelf" (ibid.,1956,Vol.II, p. 297,
subpara. 5).Consequently, 1do not wish to arguewhether the Court was
right in 1969in understanding the concept in a physical sense. 1am con-
cerned only with the question whether the concept was in fact so under-
stood by the Court, and, if so, with what consequences, if any, for the
concept of proportionality as enunciated by it.

Ithas, ofcourse,beenlong recognized thatthe "natural prolongation of
the land domain" does not always assumea geomorphologicalcharacter

specificallyidentified with the extension of any given coastline. As the
Court noted in 1982 :
"at a very earlystagein the development ofthe continental shelf asa
concept oflaw,it acquired amore extensiveconnotation, so as event-
ually to embrace any sea-bed area possessinga particular relation-
ship with the coastline of a neighbouring State,whether or not such

area presented the specificcharacteristicswhichageographerwould
recognize as those of what he would classify as 'continental shelf"
(Tunisia/Libya, I.C.J. Reports 1982,p. 45, para. 41. And see ibid.,
pp. 45-46,paras. 42-43.)
Itisfor these reasons thatthe Court added:

"It wouldbe amistaketo suppose that itwillin al1cases,or evenin
the majority ofthem,be possible or appropriate to establish thatthe
natural prolongation of one State extends,in relation to the natural
prolongation of another State,just so far andno farther, so that the
two prolongations meet along an easily defined line." (Ibid., p. 47,
para. 44. And see, generally, Judge ad hoc Jiménezde Aréchaga,
separate opinion, pp. 110-113, 116-120.)

But it would not be right to take these views too far back in time. The
North Seadelimitationsrelatingto the Nonvegian Trough are sometimes
cited as supportive of the opinion that even in 1969the Court acceptedment naturel du territoire» (Mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969, p. 30,
par. 40).Selon moi, c'estessentiellement (mais pas seulement) le prolon-
gementnaturel, envisagéau sensphysique,quiaété à l'origine desrestric-
tions imposées à la proportionnalité. Il faut donc rechercherjusqu'à quel
point le prolongement naturel s'entendait en un sensphysique, de quelle
manière il avait pour effet, en ce sens, d'imposer de telles restrictions et
dans quelle mesure, le cas échéant,ces restrictions doivent maintenant
êtrecondidéréecsomme érodées par l'attrition de l'aspect du concept qui
était engrandepartie à leur origine.
D'abord, donc, en quel sens entendait-on le prolongement naturel? Il
est vrai que, mêmeen 1956,la Commission du droit international avait
décidé«de nepas s'entenir strictement à lanotion géologiquedu plateau

continental)) (Annuaire de la Commission du droit international, 1956,
vol. II, p. 297,par. 6; voir aussi la discussiongénérale,ibid., 1956,vol.
p. 140et suiv.).Toutefois, les documents dont la Commissionétait saisie
indiquent que mêmeles hommes de sciencedifféraient dans l'usage du
terme ((plateau continental » (ibid., 1956,vol. II, p. 297, par. 5). Je ne
souhaite donc pas discuter du point de savoir si la Cour, en 1969,a eu
raisond'attribuer à ceconcept un sensphysique. Je chercheseulement si,
de fait,la Cour a entendu ce concept de cettemanière et, en ce cas, ce qui
enestrésultél,e caséchéantd , u point devue du concept deproportionna-
litételle qu'elle l'a défini.
Il estbien sûr depuislongtempsreconnu que le ((prolongementnaturel
du territoire terrestre ne revêtpas toujours un caractèregéomorpholo-
gique identifié de façon précise à l'extension d'un littoral déterminé.
Comme la Cour l'afait observeren 1982:

«trèstôt dans l'évolutionde lanotionjuridique de plateau continen-
tal, son acception s'est élargie,au point de comprendre pour finir
toute étenduedufond des mers setrouvant dansun rapport particu-
lier avecla côted'un Etat voisin, qu'elle présente ounon les caracté-
ristiques exactesqu'un géographe attribuerait àun ((plateau conti-
nental»»(Tunisie/Libye, C.I.J.Recueil1982,p.45,par. 41 ;voir aussi

ibid.,p. 45-46,par. 42-43).

Voilàpour quellesraisonsla Cour a ajouté :

«Ce serait une erreur de croire que dans tous les cas, ou dans la
plupart d'entre eux, il soit possible ou approprié d'établirque le
prolongement naturel d'un Etat s'étend,par rapport à celui d'un
autre Etat, jusqu'à un point bien déterminé,de sorte que les deux
prolongements se recontreraient sur une ligneaiséà définir.»(Ibid.,
p. 47,par.44; voir aussi, de façongénérale,l'opinion individuellede
M.Jiménezde Aréchaga,juge ad hoc,p. 110-113,116-120.)

Il serait toutefois inexact de faire remonter ce point de vue trop loin
dans le temps. Les délimitations en mer du Nord dans le contexte de la
fossenorvégiennesontparfois citées à l'appui de l'opinion selonlaquelle,that natural prolongation wasnot alwaysphysical.That viewisplausible.
Buttheinterpretation ofthe Court's Judgment onthe point which 1prefer
is that, apart from expressly stating that it was not "attempting to pro-
nounce onthestatus ofthat feature", the Court consideredthat the delimi-
tations were explicable by reason of the decision of the Parties to ignore
the existenceoftheTrough. In itswords,"it wasonlybyfirstignoringthe
existence of the Trough that these median lines fell to be drawn at all"
(I.C.J.Reports1969,p. 32,para. 45).Had the Partiesnot agreed to ignore
the existence of the Trough, different consequences might well have
ensued fromthe factthat, asthe Courtfound,

"the shelf areas ... separated from the Nonvegian Coastby ... the
Troughcannot in any physical sensebe said to be adjacent to it, nor
to be itsnatural prolongation" (ibid.).

Presentingitsidea ofnatural prolongation, what the Court saidin 1969
wasthis :

"The institution ofthecontinental shelfhasarisenout ofthe recog-
nition of a physical fact; and the link between this fact and the law,
without which that institution would never have existed,remains an
important element for the application of its legal régime.The conti-
nental shelf is,by definition, an area physically extendingthe terri-
tory of most coastal States into a species of platform which has
attracted the attention first of geographers and hydrographers and
then of jurists. The importance of the geological aspect is empha-
sizedbythe carewhich,atthebeginning ofitsinvestigation,the Inter-
national LawCommissiontook to acquireexactinformation asto its
characteristics,as can beseeninparticularfrom the definitions to be
found on page 131of Volume 1of the Yearbookof theInternational
LawCommissionfor 1956.Theappurtenance ofthe shelftothe coun-
tries in front of whose coastlinesit lies,istherefore a fact, and it can

be useful to consider the geology of that shelf in order to find out
whether the direction taken by certain configurational features
should influence delimitation because, in certain localities, they
point-up the whole notion of the appurtenance of the continental
shelfto the Statewhoseterritoryit doesin fact prolong." (NorthSea,
I.C.J.Reports 1969,p. 51,para. 95; and see ibid.,p. 31,para. 43.)
Forthe Court, natural prolongation wasthe "fundamental concept ofthe
continental shelr'. Itwentoutofitswayto explainthat whatit had inmind
wasnaturalprolongationin apalpably physical sense.It offeredno other
versionoftheconcept.Theconcept being "fundamental", itmightbe sup-
posed that, ifthe Court had in mind the possibility of some other kind of
natural prolongation, it would have mentioned it, and mentioned it the

moreexplicitlythemoreesoteric itwas.It didnot. Withsomediligence,itmêmeen 1969,la Cour admettait que leprolongement naturel n'était pas
toujours physique. Ce point de vue est plausible. Cependant, mon inter-
prétation préféré de la décisionde la Coursur cepoint est qu'en plusde
déclarerexpressémentqu'elle n'entendaip tas «se prononcer sur lestatut
de la fosse»,la Cour a estiméque lesdélimitationspouvaient s'expliquer

par la décisiondesPartiesdene pastenir comptede l'existencede celle-ci.
Selon ses propres termes :«ces lignes médianesont été tracées selon le
principe de l'équidistance, maisc'estuniquement parce que l'on n'apas
tenu compte de l'existencede la fossenorvégienne »(C.I.J. Recueil1969,
p. 32,par. 45). Siles Parties n'avaient pas été convenuedse ne pas tenir
compte de l'existencede la fosse, des conséquences différentes auraient
pu résulterdu fait que,comme l'adéclaréla Cour,
«les zones du plateau continental ..séparées de la côtenorvégienne

par [la]...fosse ...ne sauraient être considéréea su point de vue
géographiquecommeétantadjacentes à cettecôte ou commeconsti-
tuant son prolongement naturel » (ibid.).
Voicicequela Cour adéclaré en 1969lorsqu'elleaprésenté sonidédeu
prolongement naturel :

«L'institution du plateau continental est néede la constatation
d'unfaitnaturel etlelienentre cefaitetledroit,sanslequel ellen'eût
jamais existé,demeure un élémenitmportant dans l'application du
régimejuridique de l'institution.Leplateau continental estpar défi-
nition une zoneprolongeant physiquementleterritoire de la plupart
des Etatsmaritimes par cetteespècedesoclequi a appeléenpremier
lieu l'attention des géographes et hydrographes, puis celle des
juristes. L'importance de l'aspect géologiqueestmarquéepar lesoin
qu'a prisaudébutdesesétudeslaCommissiondu droitinternational
pour se documenter exactement sur ses caractéristiques, ainsique
cela ressort notamment des définitions contenues dans l'Annuaire

de la Commissiondu droit international, 1956,volume 1,page 141.
L'appartenance géologiquedu plateau continental aux pays rive-
rains devantleurscôtes estdonc un fait etl'examen dela géologiede
ce plateau peut être utileafin de savoir si quelques orientations ou
mouvements influencent la délimitation en précisant en certains
points la notion même d'appartenance du plateau continental à
1'Etatdont il prolonge en fait le territoire.» (Mer du Nord, C.I.J.
Recueil1969,p. 51,par. 95; voir aussi ibid.,p.1,par. 43.)

Pour la Cour, leprolongement naturel étaitle ((concept fondamental du
plateau continentalB. Elleaprisbiensoind'expliquer que,cequ'elle avait
à l'esprit, c'étaitle prolongement naturel en un sens physique palpable.
Elle n'aproposéaucuneautre version de ce concept. Puisque ce concept
était«fondamental »,ily a lieu de supposerque sila Cour avaitenvisagé
l'éventualitéde quelque autresortede prolongement naturel, ellel'aurait
indiqué et l'auraitindiquéde façon d'autant plus explicitequ'ilétaitplusis possible to qualify this view by recourse to fragmentary remarks and
tangential phrases dropped here and there in the Judgment. But one can-

not now rewrite the Judgment inthe hindsight of laterjurisprudence or of
moresophisticated ideas developedinrelationtothe Lawofthe SeaCon-
vention 1982.Incidental expressionsin the Judgment do not blunt its hard
thrust. That thrust was clear:when the Court spoke of "natural prolonga-
tion" it meant just that - a prolongation which was "natural", and not
one which was philosophical, theoretical or notional. It is not necessary,
however, to take an absolute position; it suffices for present purposes to
saythatthe workingviewwhich the Court took wasthat natural prolonga-
tion was physicalin character.

Now forthe secondpoint, as to the way in which natural prolongation
inthe physical sense operated to imposerestraints on recourse to the con-
cept of proportionality.
Natural prolongation was considered as relevant to title. But, as
recalled above,title and delimitationareinterlinked. One can scarcelyfail

to seethis connection at work in the very first principle or ruleof intema-
tional law enunciated by the Court in 1969as being "applicable to . ..
delimitation",when it spoke of account having to be taken

"of al1the relevantcircumstances,in such a way as to leave as much
aspossibletoeachParty ofal1those parts ofthe continental shelfthat
constitute a natural prolongation of its land territory into andunder
the sea, without encroachment on the natural prolongation of the
land territory ofthe other" (I.C.J. Reports1969,p. 53,para. 101(C)(1).

And see ibid.,p. 47,para. 85 (c).)
As the Chamber observed in 1984, a delimitation is "a legal political
operation" which does not have to follow a natural boundary, where one
is discernible (Gulfof Maine, I.C.J.Reports1984,p. 277,para. 56).But it is
nonethelessclear thatthe viewtaken bythe Court in 1969wasthat amajor
factor differentiating one State's continental shelf from that of itsneigh-

bour, and, therefore,governing the establishment ofthe delimitation line,
was that of natural prolongation, dependent of course on whether the
physical circumstances permitted of separate identification (Tunisia/
Libya,I.C.J. Reports 1982,p. 46,para. 43,and p. 92,para. 133A(2)).This
waswhyasubmarine area lyingclosertothe Coastofone Statethan to that
ofanother mightyetappertain tothe latter ifitformed part ofthe "natural
extension" of the latter's land territory (North Sea, I.C.J. Reports 1969,
p. 31,para. 43).
Natural prolongation inaphysical sensewasequallythe reason why,in
the absence of any agreed solution, marginal areas of overlap had to be
dividedequallybetween the three Statesconcernedin the North Sea cases
(ibid.,p. 50,para. 91,p. 52,para. 99,and p. 53,para. 101(C)(2)). As 1inter-
pret the Judgment,differentiation ofseparate prolongationsbeing impos- D~LIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 164

ésotérique.Elle ne l'apas fait. Avecun peu de diligence, il estpossible de
nuancer cette opinion en se servant de remarques fragmentaires et de for-
mules tangentielleséparsesici et là dans l'arrêt.Mais il n'est pas possible
de récrire l'arrêtà la lumière de la jurisprudence ultérieure ou d'idées

pluscomplexesdéveloppéesdans lecontexte dela conventionsur ledroit
de la mer de 1982.Les expressions incidentes qui figurent dans l'arrêt
n'ôtent rien àla force de sa conclusion, qui était clai:quand la Cour a
parléde ((prolongementnaturel »,c'estprécisémentcela qu'elle avait en
vue,un prolongementquiétait «naturel »etnon pasphilosophique, théo-
rique ou conceptuel. Il n'est pourtant pas nécessaired'adopter une posi-
tion absolue; aux fins quinousintéressent,ilsuffit de dire que laposition
detravail adoptéepar laCour étaitqueleprolongementnaturelprésentait
un caractèrephysique.
Il convient de passer maintenant au second point, qui est de dire de
quellemanière le prolongement naturel au sensphysique a eu pour effet
de restreindre le recours au concept de proportionnalité.
Le prolongement naturel était considérécomme pertinent du point de

vue du titre. Toutefois,comme on l'a rappelé plus haut, il existe un lien
entre letitre et la délimitation. n'estguèrepossiblede ne pas voir l'opé-
ration de ce lien dans le tout premier des principesou règlesdudroit inter-
national définis par la Cour en 1969comme «applicables à la délimita-
tion»,quand elle a déclaréqu'ilfallaittenir compte
«detoutes lescirconstancespertinentes, de manière àattribuer, dans
toute la mesure du possible, àchaque Partie la totalité deszones du

plateau continental qui constituent le prolongement naturel de son
territoire sousla mer et n'empiètentpas sur le prolongement naturel
du territoire del'autre» (C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101C 1 ;voir
aussi ibid.,p. 47,par. 85 c)).
Comme la Chambre l'a fait observer en 1984,une délimitation est une
((opérationjuridico-politique » qui ne doit pas nécessairement suivre le

tracéd'une frontière naturelle là où il en apparaît une (Golfedu Maine,
C.I.J.Recueil1984,p. 277,par. 56).Il n'enestpas moins clairqu'en 1969le
point de vue adoptépar la Cour étaitqu'un facteur essentiel de différen-
ciation entre le plateau continental d'un Etat et celui de son voisin, et qui
régissaitdonc l'établissementdelaligne dedélimitation,étaitleprolonge-
mentnaturel, àsupposerbien entendu quelasituationphysiquepermît de
l'identifier séparément (Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 46, par. 43,
et p. 92, par. 133 2). Voilà pourquoi une zone sous-marine situéeplus
prèsde lacôted'un Etat quede celled'un autrepouvait cependant relever
de ce dernier si elle faisait partie de l'«extension naturelle territoire
terrestre de ce dernier (Merdu Nord, C.I.J. Recueil1969,p. 31,par. 43).
C'est aussi le prolongement naturel au sens physique qui explique
pourquoi, à défautde solution convenue, leszonesmarginales de chevau-
chement devaient êtrediviséespar parts égalesentre les trois Etats inté-

ressésdans lesaffairesdela Mer du Nord (ibid.p, . 50,par.91p. 52,par. 99;
et p. 53,par. 101C 2). Selonmon interprétation de l'arrêt, ladifférencia- 165 MARITIME DELIMITATION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

sible within marginal areas of overlap, but the geographical situation in
the particular casebeingone of "quasi-equality" in whichthe "coastlines
[were]in fact comparable in length", the prolongations in the areas of
overlapwould fa11to be deemed of equalextent,with corresponding con-
sequencesfor division of the areas. In other words, equal divisionin the
particular casewouldbe the result of a presumed equalityin natural pro-
longations. Save on the basis of some such reasoning, the direction for
equal division was at best mechanical,at worst arbitrary. Asit was,it did
not escape criticismfrom Vice-President Koretsky,on the ground that it
transgressed the Court's own distinction between delimitation and dis-
tribution (North Sea, I.C.J.Reports1969,p. 168).

The direction for equal division of marginal areas of overlap left
untouched the clearimplication oftheJudgmentthat two coastsofexactly
the samelength and configuration could wellhave continental shelvesof
differentareas,dependent onthe extentoftheir respectivenatural prolon-
gations. Thus the physicalimplications of natural prolongation operated
to limit the extent to which the concept of proportionality could be
applied. But for this aspect, there would have been much to support the
view expressed by President Bustamante y Rivero that the concept of
natural prolongation

"implies,asan obviouslogicalnecessity,arelationship ofproportion-
alitybetweenthelengthofthe coastlineofthelandterritory ofaState
and the extentofthe continental shelfappertaining to suchlandterri-
tory. Parallel with this, so far as concerns inter-State relations, the
conclusion isinescapable thatthe Statewhichhas a longer coastline
willhavea moreextensiveshelf.This kind ofproportionality iscon-

sequently,in myview,another ofthe principles embraced bythelaw
of the continental shelf. The Judgment, in paragraphs 94 and 98,
mentionsthiselementas oneofthefactorstobe taken into considera-
tion for the delimitation of a shelf; the Court nevertheless did not
confer upon it the character of an obligatory principle." (Ibid.,
pp. 58-59,para. 4, separate opinion.)

Theamplitude ofthat viewofproportionality isattributable to its neglect
of the restraints implicit in the physical basis of the concept of natural
prolongation asthis was understood bythe Court.
It is useful toonsider the contrasting view expressed by the Anglo-
French Court of Arbitration in a well-knownpassage in which it said:

"In short, it is disproportion rather than any general principle of
proportionality which is the relevant criterion or factor. The equi-
table delimitation of the continental shelf is not, as this Court has
already emphasized in paragraph 78,a question of apportioning -tion de prolongements distincts étant impossible à l'intérieur des zones
marginales de chevauchement mais la situation géographiqueétant en
l'occurrenceune situation de «quasi-égalité»où la ((longueur[des]côtes
est[enfait]comparable »,lesprolongements dans leszonesdechevauche-
ment devaient être considérés comme égau par leur étendue,avec des
effets correspondants sur la division des zones. En d'autres termes,une

divisionparparts égalesdans cetteaffairerésulteraitdel'égalitprésumée
desprolongementsnaturels. Amoinsdesefondersurun raisonnement de
ce genre, la directive prévoyantune division par parts égalesétaitau
mieux mécanique,au pire arbitraire. De fait, elle n'a pas échappéaux
critiques de M.Koretsky, Vice-Présidentp , our le motif qu'elle ne respec-
tait pas la distinction établiepar la Cour elle-mêmeentre délimitation et
répartition (Merdu Nord, C.I.J. Recueil1969,p. 168).
Ladirectiveprévoyantladivisionpar parts égalesdeszonesmarginales
de chevauchement n'empêchait en rien l'arrêdte donner clairement à
entendre que deux côtes de longueurs et de configurations rigoureuse-
ment semblables pourraient avoir des plateaux continentaux différents
par leur superficie, selon l'étendue de leurs prolongements naturels
respectifs. Les incidences physiques du prolongement naturel avaient
donc pour effet de limiter la portée de l'applicabilitédu concept de
proportionnalité. Sanscet aspect de la question, il y aurait eu bien des

raisons à l'appui de l'opinion expriméepar M. Bustamante y Piivero,
Président,selonlaquellelanotion de prolongementnaturel
((implique,par une nécessitélogiqueévidente u,n rapport depropor-
tionnalitéentrela longueur des côtesdu territoire d'un Etat etl'éten-
due du plateau continental relevant dudit territoire. Parallèlement,

en ce qui concerne les rapports entre Etats, la conclusion s'impose
que celui qui possède une côte plus longue aura un plateau plus
étendu.Ce genre de proportionnalitéest donc, àmon avis,un autre
des principes quecomporte le droit du plateau continental. L'arrêt,
dans sesparagraphes 94et98,mentionne cetélémentcomme l'undes
facteurs à prendre en considération pour la délimitation d'un
plateau; la Cour ne lui a pas cependant conféréle caractèred'un
principe obligatoire. (Ibid., p.58-59,par. 4, opinion individuelle.)

Sicetteconception delaproportionnalitéestsilarge,c'estparce qu'ellene
tient pas compte des restrictions inhérentesau fondement physique du
concept de prolongement naturel tel qu'entendu par la Cour.
Il est utile d'examiner, par contraste, le point de vue exprimépar le
tribunal arbitral franco-britannique dans un passage bien connu où il a
déclaré :

«En bref, c'estla disproportion plutôt qu'un principe généradle
proportionnalité qui constitue le critère ou facteur pertinent.
Commele Tribunal l'a déjà souligné au paragraphe 78,la délimita-
tion équitabledu plateau continental n'est pas une opération de sharing out - the continental shelfamongst the Statesabutting upon
it. Nor isitaquestion ofsimplyassigningtothem areas ofthe shelf in
proportion to the length oftheir coastlines :for todo thiswould beto

substitute for the delimitation of boundaries a distributive appor-
tionment of shares.Furthermore, the fundamental principle thatthe
continental shelf appertains to a coastal State as being the natural
prolongation of its territory places definite limits on recourse to the
factor of proportionality." (RIAA,Vol.XVIII, p. 58,para. 101.)

The Court of Arbitration is thought to have understood the concept of
proportionality somewhat more narrowly than did this Court in 1969
(cf. Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985, pp. 72-73, Vice-President Sette-
Camara, separate opinion). The 1969Judgment seemed innocent of the
refinement that "it is disproportion rather than any general principle of
proportionality which is the relevant criterion or factor". It is, however,
possible to understand the dictum ofthe Court of Arbitration in this way.
Asremarked above, natural prolongation, in itsgeophysical sense, could
well mean that twoperfectly comparable coasts couldhaveunequal areas
of the continental shelf. Onthis basis, it might well be said that "it is dis-

proportion rather than any general principle of proportionality which is
the relevantcriterion or factor". Thisrestrictiveformulation reflected the
"definite limits" which, asthe Court ofArbitration found, wereplaced on
recourseto proportionality by the "fundamental principle thatthe conti-
nental shelf appertains to acoastalStateasbeing thenatural prolongation
of itsterritory".
Now forthe third point, concerning the extent, if any,to which the res-
traints imposed on recourse to proportionality by natural prolongation
shouldbe regardedashavingbeenrelaxed byreason ofthe attenuation of
the latter concept, at least in itsphysicalaspect.
The concept of natural prolongation is not altogether extinct; to some
extent it continues to exist even under the 1982Convention (Tunisia/
Libya, I.C.J.Reports 1982,p. 47,para. 44, and p. 48,para. 47; and Libya/
Malta, I.C.J. Reports 1985,p. 68, Vice-President Sette-Camara, separate
opinion, and pp. 93 ff., Judge Mbaye, separate opinion). And, although
1do not propose to argue the point, its existence under the Convention

still has a physical aspect, at least in the case of the broad shelf. But, for
practical purposes (including those of delimitation), within the normal
continental shelf of 200miles'width,natural prolongation has now been
replaced by the geometric and more neutral principle of adjacency
measured by distance. Some hesitation notwithstanding, that changehas
occurred (Tunisia/Libya, I.C.J. Reports 1982,pp. 48-49, para. 48; and
Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985,pp. 35-36,paras. 39-40,p. 41,para. 49,
pp. 46-47,para. 61,and pp. 55-56,para. 77.Cf., ibid.,p. 33,para. 34).The
effect of this important developmentneedsto be more franklyaddressed
than it has been. partage et d'attribution du plateau continental entre les Etats qui
bordent ce plateau. Elle ne consiste pas davantage en une simple
attribution à ces Etats de zones du plateau proportionnelles à la
longueur de leur lignecôtière; agirainsiserait,en effet,remplacer la

délimitationparuneattribution departs. Deplus, leprincipe fonda-
mental suivant lequel le plateau continental relèved'un Etat côtier
parce qu'il est le prolongement naturel du territoire de celui-ci
limite nettement le recours au facteur de proportionnalité. » (RSA,
vol.XVIII. p. 189,par. 101.)

Letribunal arbitral aprobablement entendu leconcept deproportionna-
litéun peuplus étroitementquenel'avaitfaitla Couren 1969(voirLibye/
Malte, C.I.J. Recueil 1985,p. 72-73,opinion individuelle de M. Sette-
Camara, Vice-Président).L'arrêtde 1969ne semblait pas s'être rendu
coupable du raffinementselonlequel (c'estladisproportion plutôt qu'un
principe généralde proportionnalité qui constitue le critère ou facteur
pertinent ». Il est cependant possible de comprendre ainsi le dictumdu

tribunal arbitral. Comme indiquéplus haut, le prolongement naturel, au
sens géophysique, pouvait bien signifier que deux côtes parfaitement
comparables pourraient avoir des superficies inégalesde plateau conti-
nental. Sur cette base, on pourrait bien dire que ((c'estla disproportion
plutôt qu'unprincipe généradleproportionnalitéqui constituelecritèreou
facteurpertinent ».Cette formulationrestrictiveexprimaitcomment,selon
le tribunal arbitral, le ((principe fondamental suivant lequel le plateau
continental relèved'un Etat côtierparce qu'il estleprolongement naturel
du territoire de celui-cilimitenettement»le recours àla proportionnalité.
Passons maintenant au troisième point, qui est de savoir dans quelle
mesure,lecaséchéantl,esrestrictions imposéesau recours à laproportion-
nalitépar leprolongement naturel devraientêtre réputées assoupliepsar
l'atténuation dece dernier concept, du moins sous son aspect physique.

Le concept de prolongement naturel n'a pas tout àfait disparu; dans
une certaine mesure il continue d'exister mêmesous le régimede la
convention de 1982 (Tunisie/libye, C.I.J. Recueil1982,p. 47, par. 44, et
p. 48, par. 47, etLibye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 68, opinion indivi-
duelle de M. Sette-Camara,Vice-Président,etp. 93et suiv.,opinion indi-
viduellede M.Mbaye).Bienqueje n'aiepas l'intention d'argumentera ce
sujet, l'existencede ce concept sous le régimede la convention garde un
aspect physique, du moins dans le cas du plateau large. Toutefois, à des
fins pratiques (y compris celles de la délimitation),dans les limites du
plateau continental normal d'une largeur de 200milles,le prolongement
naturel estdésormaisremplacé par leprincipe géométrique etplusneutre
d'adjacence mesuréepar la distance. Malgréquelques hésitations,ce
changement a étéeffectué (Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 48-49,

par. 48; et Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985,p. 35-36,par. 39-40; p. 41,
par. 49; p. 46-47,par. 61,et p. 55-56,par. 77.Voir ibid.,p. 33,par. 34.)Il
convient d'envisager l'effetde cette importante transformation avecplus
de franchise qu'on nel'afaitjusqu'a maintenant. It isnot logicalto continue to think as ifthe "definite limits" whichthe
fundamental principle of natural prolongation had earlier placed "on
recoursetothefactor ofproportionality" stillexisttothe samedegreenow
that that principle (which was the basic source of those limits) has been

supersededin relation tothe normal continental shelfbythe principle of
adjacency measured by distance. This new principle, being geometric,
leavesthefactor ofproportionality free to operate to the sameextentin al1
cases,subject onlyto the existenceof otherrestraining circumstances.

It seemsto me that the influence on proportionality whichthe concept
ofnaturalprolongation,considered initsgeophysical sense,exertedinthe
seminal case of 1969continued even after greater weight began to be
placed onthepurelylegalaspectsofthe idea.Itispossible,however,tosee
in the evolution of the jurisprudence, culminating on this point in the
Libya/Malta case, a growing readiness,in the case of the normal conti-
nental shelf, to come to terms with the implications of the supersession
of natural prolongation by the distance criterion and a corresponding
willingnessto admit proportionality to a fuller role unrestrained by the
"definite limits" which natural prolongation had previously imposed
on recourseto it.

Evenwith the restraintsimposedon proportionality bythe fundamen-
ta1concept of natural prolongation,in none ofthe casesdealt with bythe
Court can it persuasively be said that the Court did not in one way or
another show a concern with the question whether the delimitation line
establishedby it would dividethe maritime areas in keeping withreason-
able expectations deriving from a comparison of coastal lengths. What-
everthe methodology employed, the Court has always seemed aware of
the need to avoida defeat ofthose expectations. It isnot really credibleto
assert that the decisiveconsiderationin the North Sea caseswas not the
factthat thethreecoastlines werecomparable inlength.Thecapacity,and
theduty, ofthe Courtto satisfysuchexpectationsneed nowtobere-evalu-
ated in the light of the evolution of the concept of natural prolongation.

It isnot a satisfactory answertoaythat proportionality couldresultin
one State exercising jurisdiction under the nose of another. The non-
encroachmentprinciple, extended to the continental shelf as now under-

stood, still remainsto prevent that from happening, by setting an appro-
priate limit to the extent to which proportionality can bring one State
close to another (Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985,p. 89,para. 34,joint
separate opinion). Nor is it enough to iterate the unchallenged proposi-
tion that proportionality is not in itself a directprinciple of delimitation;
there have always been, and there still are, other considerations to be
taken into accountindeterminingadelimitationline (ibid.,p.45,para. 58).
To divide the continental shelf in mechanical proportion to the coastal
lengths would impermissibly exclude such other considerations. Math-
ematical exactnessisnotthe aim.Thisis apart fromthe circumstancethat Il n'estpas logiquede continuerà penser que l'onpeut affirmer que le
principe fondamental du prolongement naturel «limite nettement le
recours au facteur de proportionnalité» au mêmepoint qu'il lefaisait
auparavant, maintenant que ceprincipe (qui constituait la source fonda-
mentale de ceslimites)a été remplacé d,ans le contexte du plateau conti-
nental normal, par celui de l'adjacence mesuréepar la distance. Ce
nouveauprincipe, d'ordregéométrique,permea tu facteur deproportion-
nalitéd'opérer dansla mêmemesure dans tous les cas, sous la seule
réservede l'existenced'autrescirconstancesrestrictives.
L'influence quele concept du prolongement naturel, pris en son sens
géophysique,a euesur laproportionnalitédans l'important arrêd te 1969
me paraît avoir persistémêmeaprès que l'on eut commencé à insister

davantagesurlesaspectspurementjuridiques decetteidée. Ilesttoutefois
possibledevoir dans l'évolutionde lajurisprudence, avec son apogéesur
ce point en l'affaire Libye/Malte, une attitude mieux disposéàprendre
son parti, dans le cas du plateau continental normal, des incidences du
remplacementduprolongementnaturel par lecritèrededistanceet mieux
prête à attribuerà la proportionnalité un rôle plus complet, sans que le
prolongement naturel le ((limite nettement» par les restrictions qu'il
imposait auparavant àla possibilitéd'yrecourir.
Mêmecomptetenu desrestrictionsimposées à la proportionnalitépar
le concept fondamental du prolongement naturel, on ne peut pas dire de
façon convaincante que la Cour n'ait jamais, dans aucune des affaires
dont elle a euà connaître, témoignéd'une manière ou d'une autred'un
intérêptour la question desavoirsilalignededélimitationqu'elle établis-

saitpartagerait leszonesmaritimesencause en tenant comptedesexpec-
tatives raisonnables issues d'une comparaison entre les longueurs des
côtes. Quelle que soit la méthode employée,la Cour,semble-t-il,a tou-
jours eu conscience de la nécessité d'évitedre décevoirces espérances.
Il n'est pas vraiment crédible d'affirmer quela considérationdécisive
dans lesaffairesdela Merdu Nordn'apas été le fait que lestroislittoraux
étaientde longueur comparable. Il faut maintenant réévaluerla capacité
etledevoirqu'a laCourde satisfairedetellesexpectatives,comptetenu de
l'évolutiondu concept de prolongement naturel.
Iln'estpas satisfaisantde répondrequ'ilpourrait résulterde la propor-
tionnalité qu'un Etat exerce ses compétencessous le nez d'un autre.
Le principe du non-empiétement, étenduau plateau continental tel
qu'il estenvisagé maintenant, reste là pour éviterque cela n'arrive en

fixant une limite appropriée à la mesure dans laquelle la proportion-
nalité peut rapprocher un Etat d'un autre (Libye/Malte, C.I.J. Recueil
1985,p. 89,par. 34,opinion conjointede MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménez
de Aréchaga).Il ne suffit pas davantage de répéter la proposition incon-
testéeselonlaquellela proportionnalitén'estpas par elle-même un prin-
cipe direct de délimitation;il y a toujours eu et il y a encore d'autres
considérationsdont ilfauttenir comptepour déterminerune lignededéli-
mitation (ibid.,p.45,par. 58).Unpartage mécaniquedu plateau continen-
tal enfonction deslongueursdescôtesexcluraitcesautres considérationsproportionality couldbe satisfied bydifferentconceivablelines(Tunisia/
Libya,Z.C.J.Reports1982,p.258,para. 162,Judge Oda,dissenting).These
various considerations continue to place their own restraints on propor-
tionality; and consequentlythe referencein the Libya/Malta caseto "the
need to avoid in the delimitation any excessivedisproportion" seems a
reasonable way of putting the matter (I.C.J. Reports1985,p. 57).But, in
construing and applying this formulation, it would be right to take the
general viewthat the role of proportionality is now necessarilylarger to
the extent that the "definite limits" previouslyimposed on recourse to it
by "the fundamental principle" of natural prolongation have been
relaxed,ifnotremoved,withthe supersessionofthelatterbythe principle
of adjacencymeasured by distance.

(iii) TheQuestionoftheNormativeStatusof Proportionality

Counsel for Norway correctlypointed outthatthe factor concerninga
reasonable degree ofproportionality, asbetweencoastallengths and con-
tinental shelfareas,wasstated bythe Court in 1969asthe "final" ofthree
"factors", and wasnot included among"the principles and rules ofinter-
national law" laid down by the Court in subparagraph (C) of para-
graph 101oftheJudgment. But 1amlessconfident that itwouldbecorrect
to rely on that circumstance as justifying the attribution of a "modest"
status to that factor. The substance of the proposition concerning a rea-
sonable degree of proportionality is central to the application of "equi-
tableprinciples" to whichthe Court expresslyand, 1should havethought,
peremptorily linked it when it spoke of "the element of a reasonable
degreeofproportionality, whicha delimitationcarried out inaccordance

with equitable principles ought to bring about" between coastal lengths
and corresponding maritime areas. Counsel for Denmark was right in
stressingthe words "ought to bring about" (CR 93/2, pp. 77-78,12Janu-
ary 1993,ProfessorJiménezde Aréchaga).Thosewordsnecessarily signi-
fied that the "element of a reasonable degree of proportionality" was
something positively enjoined by "equitable principles" themselves,
which,ofcourse,werethe governinglegalprinciples.Thisbeing so,there
is notmuch purpose in consideringwhether it wouldbe right to describe
the status ofthe proportionality factor as "modest" or as one of "subordi-
nation", and, if so, with preciselywhat meanings.

Ifthe Court did not includeproportionality among"the principles and
rules ofinternational law" setoutinsubparagraph (C)ofthe dispositifof
the NorthSea Judgment, the explanation is to be found in the fact, yet
again, that the decision, in the then state of the law, proceeded on the
assumption that the fundamental principle of the continental shelf was
that of the "natural prolongation of the land domain", understood in adefaçon inadmissible.L'exactitude mathématiquen'estpas le but pour-
suivi, indépendamment mêmedu fait que la proportionnalité pourrait
être satisfaite par différentes lignes concevables (Tunisie/Libye,
C.Z.J.Recueil 1982,p. 258, par. 162, opinion dissidente de M. Oda).
Ces diverses considérations n'ont pas cesséd'imposer leurs propres
restrictions à la proportionnalité; ainsi la mention, dans l'affaire
Libye/Malte, de «la nécessité d'éviter dans la délimitation toute dispro-
portion excessive» semble-t-elleprésenterles choses de façon raison-
nable (C.Z.J.Recueil1985,p. 57).Toutefois,pour interpréter et appliquer
cetteformule,ilconviendraitd'admettre, defaçongénéraleq ,uelerôlede
la proportionnalitéestdésormaisnécessairementplusimportant, dansla

mesureoùla considérationantérieure, selonlaquelle«le principe fonda-
mental »du prolongment naturel «limitenettement»ce rôle,a étéassou-
plie, sinon éliminéed,epuis que leditprincipe a étéremplacé par celuide
l'adjacencemesuréeparla distance.

iii) La questiondela valeurnormativedelaproportionnalité

Commele conseil dela Norvègel'a fait observeràjuste titre, lefacteur
relatifàl'existenced'unrapport raisonnable entre la longueur du littoral
et les zones de plateau continental a été énoncé par la Cour en 1969
commele «dernier» de trois ((facteurs», et il n'a pas été incorporé aux
((principes et..règlesdu droit international » stipuléspar la Cour dans
l'alinéa Cdu paragraphe 101de l'arrêt. Cependantj,e suis moins certain
que l'on aurait raison de voir dans cet ordre d'énumérationune circons-

tance autorisantà attribuerune valeur «modeste» àcefacteur.L'essentiel
de la proposition concernant l'existenceàun rapport raisonnable a une
importance cruciale pour l'application de ((principes équitables», aux-
quels la Cour l'a rattaché expressément,et je dirai mêmepéremptoire-
ment, lorsqu'elle a parlédu ((rapport raisonnable qu'une délimitation
opéréeconformément àdesprincipes équitablesdevraitfaireapparaître D
entre la longueur du littoral et les zones maritimes correspondantes. Le
conseil du Danemark a eu raison d'insister sur les mots ((devrait faire
apparaître »(CR93/2, p.77-78,12janvier 1993,M.JiménezdeAréchaga).
Ces mots signifiaientnécessairementquele ((rapport raisonnable » était
quelque chose qui était positivement enjoint par les ((principes équi-
tables» eux-mêmesl,esquels, cela va de soi, étaientles principes juridi-
quesdéterminants.Celaétanti,lne sertpas àgrand-chose desedemander
s'ilseraitjuste de dire que le facteur proportionnalité n'a qu'une valeur

((modeste»ou ((subordonnée»et,dans l'affirmative,enquelsensexacte-
ment.
Sila Cour n'apas fait figurer la proportionnalité parmiles ((principes
et ..règlesdu droit international » énoncésà l'alinéa Cdu dispositif de
l'arrêtoncernantla MerduNord,l'explication doitenêtrecherchéd eans
le fait, une fois de plus, que la décision,dans l'étatdu droàtl'époque,
procédaitde l'hypothèseque le principe fondamental du plateau conti-
nental était celui du ((prolongement naturel du domaine terrestre»,physical sense.Ashasbeen seen,because ofthisprinciple and the wayin
which it wasunderstood, two coastscould wellbe ofthe samelength and
the same configuration and yetgeneratedifferentcontinental shelf areas
iftheir natural prolongations were unequal. Hencenatural prolongation
could wellhavethe effectof making it impossibleto achievea reasonable
degreeof proportionality of continental shelfareas to coastallengths;as
observed by the Anglo-French Court of Arbitration, it really operated to
impose "definite limits" on recourse to proportionality. Thus, and for a
reason which in my opinion no longer carries weight, proportionality
could not be enunciated as part of "the principles and rules of interna-
tional law". But it did not follow from this that, as compared with other
factors, it was intended to occupy only a modest status.

1amnotpersuaded that an enumerativeranking isdiscerniblefromthe
circumstancethat proportionality wasstated onlyasthe final ofthreefac-
tors. The first factor was "the general configuration of the coasts of the
Parties...".Thiswould obviouslyapplyas an important factor - and not
merelyasa modestone - inthe process ofeffectingthedelimitation, and
1seeno sufficientreason whyit should be otherwiseasregardsthe factor

of a reasonable degree of proportionality. 1should be surprised if in the
course of the subsequentnegotiationsthe Federal Republic of Germany
was agreeableto the viewthat the Court's Judgment required it to assign
sohumble a role to a factor which plainly lay at the root of itsdiscontent
(see NorthSea, Z.C. RJ.ports1969,p. 17,para. 7)and was, in myview,as
plainly a majorlink in the overallreasoning of the Court.

What was it that was preoccupyingthe Court in paragraph 91 of the
Judgment ? 1cannotread that all-important part oftheJudgmentwithout
being fixed with the clear impression that the Court was concerned to
ensure that, in "a geographicalsituation of quasi-equality as between a
number of States" whose "coastlines are in fact comparable in length",
stepsshouldbe taken to correctthe distorting effectofaparticularcoastal
configurationsoas to ensurethat one ofthethreeStateswouldnot "enjoy
continentalshelfrightsconsiderablydifferent fromthose ofitsneighbours
merelybecause" ofthat particular feature.The reference in the dispositif
to "the element of a reasonable degreeof proportionality...betweenthe
extent ofthe continental shelf areas appertaining to the coastalState and
the length ofitsoast. .."hasto be read inthe lightofthisdrivingconcern
to ensure, subjectto anyother relevantfactors,a roughmeasure of equal-
ity of "continentalhelfrights"in relation to coastlines that were "infact

comparableinlength". TheCourt's expressedobjectiveofensuringthat no
such State would "enjoy continental shelf rights considerablydifferent
from those of its neighbours" could obviously not be achieved without
regardtothe area ofthecontinental shelfoverwhich suchrightswouldbeentendu au sensphysique.Commeon l'avu,enraison deceprincipe et de
la manièredont il étaitcompris, deux côtespouvaient fort bien avoir la
mêmelongueur et la mêmeconfiguration et cependant engendrer des
zones de plateau continental différentessi leurs prolongements naturels
étaient inégaux.En conséquence,le prolongement naturel pouvait fort
bien avoir pour effet de rendre impossible l'instauration d'un rapport
raisonnable entre les zones de plateau continental et la longueur des
côtes; comme l'a fait observer le tribunal arbitral franco-britannique, il
avait en réalitépour conséquence d'imposer des «limites définies» au
recours à laproportionnalite. Ainsi,etpour uneraison qui à mon avis n'a
plus de poids, la proportionnalité ne pouvait pas être énoncéc eomme
faisant partie des «principes et..règlesdu droit international ».Toute-

fois,ilne s'ensuivaitpas que,par rapportà d'autres facteurs,on entendait
lui reconnaître seulement une valeur modeste.
Je ne suispas persuadéque l'on puissediscernerune hiérarchie dans la
circonstance qui a fait que la proportionnalité n'a été nommée qu'en
dernier lieu parmi les trois facteurs. Le premier était«la configuration
générale des côtes des Parties ..» Ce facteur intervient manifestement
comme élémentimportant - et pas simplement modeste - dans le
processus de réalisationde la délimitation,et je ne vois aucune raison
suffisante pour qu'il en soit autrement en ce qui concerne le facteur
concernant un rapport raisonnable. Dans le cours des négociationsulté-
rieures, la République fédérale d'Allemagne n'aurait certainement pas
admis (je serais surpris du contraire) qu'on interprètel'arrêtde la Cour
commelui commandant d'assignerun rôleaussihumble à un facteur qui,
manifestement, était à la racine mêmede ses griefs (voir Mer du Nord,
C.I.J.Recueil 1969,p.17,par. 7) et qui, selon moi, constituait tout aussi
manifestement un chaînon majeur du raisonnement d'ensemble de la
Cour.
Qu'est-cedonc quipréoccupait laCour au paragraphe 91de l'arrêt? Je
ne peux lire cette partie d'importance capitale de l'arrêt sans conserver

l'impressiontrèsnetteque la Cour s'inquiétaitde faire en sorte que,dans
«une situationgéographiquede quasi-égalitéentreplusieurs Etats»dont
«les côtes ..sont justement d'une longueur comparable», des mesures
soientprises pour corriger l'effetdéformant d'une configuration côtière
particulière,demanièrequ'aucun destroisEtatsn'«ait des droitsconsidé-
rablement différentsde sesvoisinssur leplateau continentaldu seulfait»
de cette caractéristique particulière.Le passage du dispositif où il est
question du«rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformé-
ment à des principes équitables devrait faireapparaître entre l'étendue
deszones de plateau continental relevant de 1'Etatriverain et la longueur
de son littoral.»doit être interprétà la lumièrede cettepréoccupation
maîtresse,visant àassurer,sous réservedetout autre facteurpertinent, un
degréapproximatifd'égalitéecnequiconcerneles ((droits ..surleplateau
continental»par rapport àdescôtesquiseraient ((justementd'une longueur
comparable».L'objectifdéclaré dela Cour - faireensorte qu'aucun Etat
se trouvant dans la situation viséen'«ait des droits considérablementexercised.This objectivemight of course involve,but was not limitedto,
equalityinrespectofthe seaward extentto whichthe continental shelfofa
State was to extend; the latter was primarily addressed by the separate
principle or mle of international lawthat the delimitation was to be
effected "without encroachment on the natural prolongation of the land
territory of' the other State (I.C.J. Reports1969,p. 53,para. 101(C) (1)).
When the dispositif is thus constmed, it is impossibleto accepta parsing
ofitsterms whichresults in a modeststatusfor the third factorrelating to
reasonable proportionality. If this view is at variance with the position

taken bythe Court inthe Libya/Malta caseasto the status ofthe propor-
tionality factor under the 1969decision, 1respectfully differ from that
position (see Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985,pp. 43-45,paras. 55-57).

Forthe samereasons, 1havedifficultywith Nonvay'sargumentthat the
concept of proportionality, as enunciated by the Court in 1969,was not
one "of generalapplication".Naturally, the conceptwasstatedinrelation
to the circumstancesofthe particular case,but 1am unable to seethat the
broad reasoning on which it rested was incapable of generalapplication.
There is a noticeablewant of principle to supportthe viewthat when the
Court spoke of

"the elementof areasonable degreeofproportionality, whicha deli-
mitationcarriedoutinaccordance withequitableprinciplesought to
bring about between the extent ofthe continental shelf areas apper-
tainingtothe coastalState and the length of itscoast" (I.C.J.Reports
I969,p. 54,para. 101(D) (3)),

it considered that that prima facie equitableresult was one which "equi-
tableprinciplesoughttobringabout''b,utnot inal1cases.Itmaywellbethat
that equitable result flows, in certain circumstances, directly from the
application of the method of delimitation chosen, without need for any
finishingadjustment;but this isan altogetherdifferentthingfrom saying
that the result itself isnot one which "equitableprinciples ought to bring
about" in al1cases.The result is alwaysa valid objective,whether or not
somespecificoradditionalstep isneededtoaccomplish it.It follows,too,
that the fact that it is only in some circumstances that some specific or
additional step may be required to achievethat objective does not make
the objectiveone of modest importance.

Nor do 1accept that the rationaleunderlyingproportionality does not
extend to the case of opposite coasts (cf. I.C.J. Reports 1985,p. 135,
para. 18,Judge Oda,dissenting,and pp. 184-185J ,udge Schwebel,dissent- différentsde ses voisins» - ne pouvait manifestement pas être atteint
sans égardpour la zone du plateau continental sur laquelle les droits en
question seraient exercés.Cet objectif pouvait évidemment supposer,
mais sans se limiter à cela, l'égalitéquantà la mesure dans laquelle le
plateau continental d'un Etat devait s'étendre en direction de la
hautemer; cedernieraspectétaittraitéprincipalement par lerecours àun
principeou àune règlede droitinternationaldistincts,àsavoir le principe
oula règleselonlesquelsladélimitationdevaitêtreeffectuéedemanière à
attribuer des zones qui ((n'empiètent passur le prolongement naturel du
territoire »de l'autre Etat (C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101C 1).Lorsque
ledispositif estainsiinterprété,ilestimpossibled'accepter une analyse de

sestermes quipuisse aboutir à n'accorder qu'une valeur modeste au troi-
sièmefacteur, celui qui a traitun rapport raisonnable. Sicettefaçon de
voir n'est pas conforme à la position adoptéepar la Cour dans l'affaire
Libye/Maltequant àlavaleur du facteurproportionnalité dans lecadre de
la décisionde 1969,je dirai respectueusement que cetteposition n'estpas
la mienne (voir Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 43-45,par. 55-57).
Pour les mêmesraisons, j'ai des difficultésavecla Norvègequand elle
soutient que le concept de proportionnalité, tel qu'il a étéénoncépar la
Cour en 1969,n'était pasde ceux qui sont ((d'application générale ».
Naturellement, le concept a étéénoncé à propos des circonstances de
l'espèce, maisje nevoispasen quoi leraisonnementd'ensemble surlequel
ilreposaitn'aurait pas étsusceptibled'application générale. Il estremar-
quable qu'aucun principe nevienne àl'appui de l'opinion selonlaquelle,
lorsquela Cour a parlédu

((rapport raisonnable qu'une délimitation opérée conformément à
des principes équitables devrait faire apparaître entre l'étendue des
zones deplateau continentalrelevant de 1'Etatriverainetlalongueur
de son littoral »(C.I.J. Recueil1969,p. 54,par. 101D 3),

elle a considéréque ce résultat équitableprimafacie étaitun résultatque
des ((principeséquitablesdevraqenltfaire apparaître)),mais pas dans tous
lescas.Ilsepeut fortbien que cerésultatéquitabledécouled ,ans certaines
circonstances,directement de l'application de laméthodede délimitation
choisie, sans que soit nécessaire aucune retouche, mais c'est tout autre
chose que de dire que le résultat lui-mêmen'est pas de ceux que «des
principes équitables devrai[en]t faire apparaître » dans tous les cas. Le

résultatest toujours un objectifvalable, et cela indépendamment du fait
qu'une démarche spécifiqueou supplémentaire soit ou non nécessaire
pour l'atteindre.Il y a une autre conséquence: si c'est seulement dans
certaines circonstances qu'une démarche spécifique ou supplémentaire
peut être indispensablepour atteindre cet objectif,cela ne fait pas de ce
dernier un objectifd'importance secondaire.
Je ne peux pas admettre non plus l'idéeque les raisons sous-jacentesà
la proportionnalité ne s'étendent pasau cas de côtes se faisant face (voir
C.I.J. Recueil1985,p. 135,par. 18, opinions dissidentes de M. Oda et,p. 184-185,de M. Schwebel).Dans l'affaireLibye/Malte, la Cour n'apas
estimé qu'ilexistaitsemblablelimitation. L'idéede proportionnalitévise
inévitablementune comparaison qui porte sur le point de savoir dans
quellemesure il y a lieu de donner effet aux revendicationsrivales sur le
plateau continental. Danslecasderevendicationssurleplateau continen-
tal,cetterivalitéexistetoutautantquand lescôtessefontfacequelorsqu'il
s'agitde côtesadjacentes.

iv) La questionde savoirsi la proportionnalité peut entrerenjeu en tant
qu'élémendtu processus de délimitation,et nonpas simplement comme
moyende vérifier aposteriorilecaractèreéquitabld e'unedélimitationréa-
liséesansréférence àlaproportionnalité

Bonnombre d'avisautorisés sontfavorables à lathèse,soutenuepar la
Norvège,qui veut que la proportionnaliténe soit admissible que comme
moyen de vérificationde l'équité àposteriori et n'entre enjeu que pour
corriger - généralementsur des points mineurs - toutes inégalités
pouvant résulter d'une délimitation obtenuepar la méthode utilisée1.
La proportionnalité peut, nul doute, être employée de cette manière,
maisje ne suispas persuadéqu'ilfaillela circonscrire àcela. Rien, dans

l'arrêtde 1969,n'indique l'intention de la reléguerau rang de moyen
de vérification à posteriori du caractère équitabled'une délimitation
effectuée sans que l'on ait eu recours à elle. Les premier et deuxième
facteurs, concernant d'une part la configuration générale des côteset
d'autre part la structure physique et géologique ainsi queles ressources
naturelles, ont manifestement pu êtrepris en considérationau cours du
processus mêmede délimitation. Il est difficile de voir pourquoi il
doit nécessairement en être autrementpour le troisième facteur, relatif
à la proportionnalité.
Et je ne vois pas non plus que la situation ait été autredans l'affaire
Tunisie/Libye.Le facteur relatif au rapport raisonnable a été reproduit
dans le paragraphe 133,alinéa B5, de l'arrêt,dans des termes presque

identiques àla formulation de 1969,sauf que,pour desraisons évidentes,
il devait en l'occurrence entrer en jeu non pas en ce qui concerne «la
longueur [du]littoral»mais pour cequi étaitde «la longueur de la partie
pertinente [du]littoral».D'autre part, compte tenu de la structure de la
demande adressée en l'espèce à la Cour, le facteur relatif au rapport
raisonnable était formulé en l'occurrencecomme étantl'une des «cir-
constances pertinentes ..dont il faut tenir compte pour aboutir à une
délimitation équitable»,et non pas comme l'undes «facteurs àprendre
enconsidération »«au coursdesnégociations»(C.I.J.Recueil1982,p. 93,

' Voir, d'une manière générale,rbitragefranco-britannique, vol. XVIII,
p. 188-189,par. 98et suiv.; Tunisie/Libye,C.Z.J.Recueil1982,p. 91,par. 131; p. 92-93,
par. 133,etp. 152-153,par.17etsuiv.,opinion dissidM.tGros; GolfeduMaine,
C.Z.J.Recueil1984,p. 322-323,par. 184-185,et p. 334-335,par.218; Libye/Malte, C.I.J.
Recueil1985,p.44-46;etArbitrage entreleCanadaetla Frances,entence,par.61-63.applicable forthe delimitation", stated as the veryfirst of these that "the
delimitation isto be effectedin accordance with equitableprinciples, and
taking account of al1relevant circumstances".Thus, proportionality hav-
ing been stipulated as one of the relevant circumstances, the dispositif,
read as a whole,was effectivelypropounding a principle or rule ofinter-
national lawwhich itselfdirected thatthe delimitation wasto be effected
in accordance with equitable principles and taking account of propor-
tionalityas a relevantcircumstance.1amnot ableto appreciate how any-
thing inthis could reasonably mean that proportionality was not after al1
to be taken into account in the process of effectingthe delimitation,but
that it wasto servemerelyas an expostfacto test ofthe equitablenessofa
delimitation which had been carried out without taking account of it. If
the delimitation was carried out without taking account of proportional-

ity,this would represent a direct breach of the direction in the dispositif
thatthe delimitation should be effected taking account of al1relevant cir-
cumstances,proportionality being explicitly stated as one of these. It is
true that in paragraph 131of the Judgment, the Court, referring to the
ratio between coastallengths and continental shelfareas, said :

"This result, taking into account al1the relevant circumstances,
seemsto the Court to meetthe requirementsofthetestofproportion-
alityas an aspect of equity." (Z.C.J.Reports1982,p. 91 .)

There is a certain orthodoxy aboutthe statement; but 1do not consider it
sufficient to off-set the interpretation of principle, which the dispositif
itselfbears, to the effectthat the ratio between coastal lengths and conti-
nental shelfareaswastobetreated not merelyasan expostfacto testofthe
equitableness of the result, but as a factor in the actual delimitation pro-
cess. This, at any rate, was how Judge Gros understood the Judgment
(ibid.,pp. 152-153,paras. 17ff.).1think his understanding wasright,both
as to what the Court meant and asto what it in fact did.

To an extentthere has alwaysbeena measure ofunrealityin the debate
as to whether proportionality is limited to an expostfacto role, or as to

whether it may also operate as a factor influencing the primary delimita-
tion. There is sometruthin ProfessorProsper Weil'sremark:

"In practice the distinction is easily blurred: once chased out
through the main door, proportionality has no difficultyin re-enter-
ingbythe sidedoors ofthe disparity of coastallength and ofthetest

aposteriori" (CR 93/9, p. 19,21January 1993,translation.)par. 133B, et C.I.J. Recueil1969,p. 53,par. 101D). Cependant, le para-
graphe 133 Adel'arrêt concernantl'affaire Tunisie/Libye,qui énongaitles
((principes etrèglesdu droit international applicablesla délimitatioD,
affirmaitcomme letout premier de cesprincipes et règlesque «la délimi-
tation doit s'opérer conformément à des principes équitables entenant
compte de toutes les circonstancespertinentes ».Ainsi,la proportionna-
litéayantétéstipuléecommel'une descirconstancespertinentelse,dispo-
sitif,considérédans son ensemble,exposaiteffectivement un principe ou
une règledu droit international qui lui-mêmeordonnait que la délimita-
tion soit effectuéeconformément à des principes équitableset en tenant
compte de la proportionnalitéentant que circonstancepertinente. Je ne
vois pas comment quoi que ce soit, dans tout cela,pourrait raisonnable-
ment signifierque la proportionnaliténe devaitpas, après tout, êtreprise

en compte dans le processus de délimitation, et qu'elle devaitservir
simplement de moyen de s'assurer à posteriori du caractère équitable
d'unedélimitationpréalablement effectuéesansréférence àcettepropor-
tionnalité.Sila délimitation était effectuéesansqu'il soittenu comptdee
laproportionnalité, celareprésenteraituneinfractiondirecte àladirective
du dispositif selon laquelle la délimitation devait s'opérer entenant
compte de toutes les circonstancespertinentes, la proportionnalité étant
explicitement rangée parmi ces circonstances. Il est vrai qu'au para-
graphe 131de l'arrêt la Cour, évoquanlte rapport entre la longueur des
côtes etleszones de plateau continental, a déclaréce qui suit:

«De l'avisde la Cour, ce résultat, qui tient comptede toutes les
circonstances pertinentes, paraît satisfaire aux critères de propor-
tionnalitéentantqu'aspectdel'équité. »(C.I.J.Recueil1982,p.91.)

Il y a une certaine orthodoxie dans cettedéclaration. Maisje ne la consi-
dèrepas comme suffisante pour contrebalancer l'interprétationdeprin-
cipe, que le dispositiflui-mêmeconfirme, à savoir que lerapport entre la
longueur des côteset leszones de plateau continental doit êtretraité non
pas simplement comme un moyen de vérifier à posteriori le caractère
équitabledu résultat, maiscommeun facteur dans le cadredu processus
mêmede délimitation.Telle est en tout cas la manière dont M. Gros a

comprisl'arrêt(ibid.,p.152-153,par. 17et suiv.).Je pense que samanière
de lecomprendre étaitlabonne, àla foispour ceque la Cour avoulu dire
etpour cequ'elle a fait en réalité.
Jusqu'àun certainpoint, ilyatoujours eu une certaine irréalitédans le
débatqui concernela question de savoirsila proportionnalitéseborne à
un rôle àposteriori ou si ellepeut aussijouer un rôle de facteur influant
sur la délimitationinitiale.Il une certainevérité dans l'observationde
M. Prosper Weil :

((Pratiquement,la distinction se brouille facilement: chasséepar
lagrande porte, la proportionnalitén'apasde difficulté revenirpar
les petites portes de la disparité des longueurs côtières etdu tàst
posteriori. »(CR 93/9, p. 19,21janvier 1993.) 173 MARITIME DELIMITATION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

But the true inference is not illegality,but inevitability. In the form of a
comparison ofcoastallengths,proportionality madeafrontal appearance
in the Libya/Malta case. There, the Court made a distinction between
using a disparity in coastal lengths as an elementin the determination of
the delimitationline,andusing,asan expostfacto testofthe equitableness
of the result, the proportion between coastal lengths and corresponding
maritimeareas,thelatterbeingarithmetical,theformertaken intheround
(I.C.J. Reports 1985,pp. 49ff.,pp. 52ff.; pp. 72ff.,Vice-PresidentSette-
Camara, separate opinion; pp. 82ff., joint separate opinion; and
pp. 138ff.,Judge Oda,dissenting).As 1understand the case,the delimita-
tion exerciseconsisted of two steps, the first step being the provisional
establishment ofa median line,and the second beingthe northward shift

ofthat line.Thus,the disparity incoastallengths,whichwasthereason for
the northward shift, was taken into account in the very process of estab-
lishingthe delimitation line. It was onlyafterthis had been done thatthe
Courttumedto considerthe questionofverifyingthe equitableness ofthe
results ofthe delimitation so executed by referenceto the ratios between
coastal lengths and corresponding maritime areas (see, generally, ibid.,
pp. 48-55,paras. 66-75).Not surprisingly,no material discrepancy was
disclosed.

And why "not surprisingly"? Because,as a matter of common sense,
there isno purpose in taking into account a disparity in coastallengths in
the process of effectinga delimitationunless the intention isthat the dis-
parity isto be reflected in the rights of the parties as assigned to them by
the delimitation line. But now, if the question is asked what are these
rights,the answer can onlybe rights overthe continental shelf. And here
comes the crucial question: How are these rights over the continental
shelfestimated? Surelybyreferenceto the arealdivisionaccomplished by
the line. It is not easyto apprehend how itispossibleto affirm that a dis-
parity in coastallengthsmaybetaken into account inthe processofdeter-
mining a delimitation line, while firmly eschewing the making of any
comparison, in the course ofthe sameprocess,betweenthe extent ofthat
disparity and the extent of any disparity in the corresponding maritime

areas which might be produced by any proposed line. The proposition
presses sophistication to the point of disbelief.

Unless,whentakingaccount ofadisparity in coastallengthsinthe pro-
cess of effecting a delimitation, one at the same time has an eye to the
ultimate effectofthe operation onthe extent ofthe maritime areaswhich
the delimitation will assign to each claimant, the disparity in coastal
lengths willnot have been realisticallytaken into account when effecting
the delimitation. Conversely, as the available cases suggest, wherea dis-
parity in coastal lengthshas been realisticallytaken into account, any exCependant, lavéritableinférence n'estpas l'illégalim, aisI'inévitabilité.
Sousla formed'une comparaison entre leslongueurs de côtes,la propor-
tionnalitéestapparue enpleine lumièredans l'affaireLibye/Malte. Dans
cetteaffaire, la Cour a distinguéentred'une part lefait de considérerune
disparitéde longueurs des côtes comme un élémend te la détermination
de la ligne de délimitation, etd'autre part le fait de recourir,itre de
moyendevérifier àposteriori l'équitdu résultatà laproportion entrela
longueur des côtes et les zones maritimes correspondantes, en faisant
appel dans lepremiercas àl'arithmétiqueetdans lesecond à desapproxi-
mations (C.I.J. Recueil1985,p. 49 et suiv., p. 52 et suiv.; p. 72 et suiv.,
opinion individuelle de M. Sette-Camara, Vice-Président;p. 82 et suiv.,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga; et

p. 138et suiv., opinion dissidente de M. Oda). Comme je comprends
l'affaire,l'opérationde délimitation a comporté deux étapes,la première
étant l'établissementàtitre provisoired'une lignemédiane,et la seconde
ledéplacementde cetteligneverslenord. Ainsi,la disparitédelongueurs
des côtes, qui a étla raison du déplacement en directiondu nord, a été
prise en considérationau cours du processus même d'établissementde la
lignededélimitation.C'estseulementune foiscelaaccompliquelaCour a
entrepris d'examiner la question de lavérificationdu caractèreéquitable
des résultatsde la délimitation ainsiexécutépear référenceaux rapports
entreleslongueursdescôtes etleszonesmaritimescorrespondantes (voir,
d'une manière généralei,bid.,p. 48-55,par. 66-75).Aucun manquement
grave à l'équitn'estapparu, ce qui n'estpas surprenant.
Et pourquoi «pas surprenant » ? Parce que - c'estle bon sens qui le

dit- il n'yaaucunintérê ttenircompte d'unedisparitédelongueursdes
côtesau coursdu processusde délimitationsil'intentionn'estpas defaire
ensorte que la disparité soitreflétéedanlses droits desarties tels qu'ils
sont assignés à ces dernières par la ligne de délimitation. Or,si l'on
demande cequesont cesdroits,laréponsenepeut êtreque :desdroitssur
leplateau continental. Et icintervientla question crucial:comment ces
droits sur le plateau continental sont-ilsestimés? Sansaucun doute par
référence àla divisionzonale accompliepar la ligne.Il n'estpas facilede
voir commentil estpossibled'affirmer quel'onpeut prendreen considé-
ration une disparité de longueurs des côtes au cours du processus de
détermination d'une lignede délimitation,tout en évitant à tout prix de
faire la moindre comparaison, au cours du mêmeprocessus,entre l'éten-
due de cettedisparitéet l'étenduede toute disparité deszonesmaritimes

correspondantesquipourrait résulterdelaligne eavisagée.Untelraffine-
mentne peut que provoquer l'incrédulité.
Si,lorsqu'on tientcompted'unedisparité danslalongueurdescôtesau
cours du processus de délimitation,onn'apas en même tempsune vision
des effets qu'aura en définitive cette opérationsur l'étendue des zones
maritimes que la délimitation assignera à chacune des parties, alors la
disparitéde longueursdes côtesn'aura pas été priseen considérationde
manière réalisteau moment de la délimitation. Inversement, comme
l'indique lajurisprudence disponible, lorsqu'une disparitéde longueurspostfacto test isunlikelyto revealanythinginequitable inthe result sofar
as proportionality between coastal lengths and continental shelf areas is
concerned (see Tunisia/Libya,Z.C.J.Reports 1982,p. 91, para. 131 ;and
Libya/Malta, Z.C.J.Reports1985,pp. 53-55,para. 75,and p. 56,para. 78).
Or,toput it another way,the veryfact that in such casesthe expostfacto
test revealed no material disproportionality strongly suggeststhat, in the
course of effectingthe delimitation,account must in fact havebeen taken
of the possible effect of the delimitation on the ratio between coastal
lengthsand maritime areas.Thatthe expostfacto testrevealednomaterial
disproportionality wasnotamiraculouscoincidence;it wasalogicalcon-
sequence of account having been realistically taken of the disparity in
coastallengths inthe process of delimitation. It maybe remarked that the
dispositif in theLibya/Malta casetreated "the disparityin the lengths of

the relevant coasts" on the samefootingas "the need to avoid in the deli-
mitation any excessive disproportion" as between coastal lengths and
continental shelf areas,both being referredto as "circumstances and fac-
tors to be taken into account in achieving an equitable delimitation"
(Z.C.J.Reports1985,p. 57).

As mentioned above, the cases establish that proportionality as
betweencoastallengthscannotbe used asamethod ofdelimitation.Were
proportionality tobeused inthat way, "itwould", astheCourt said,"be at
oncethe principle of entitlement to continental shelf rights and also the
method ofputtingthat principleintooperation" (ibid.,p.45,para. 58).But
thepointto beemphasizedisthat theCourt didacceptitas "theprincipleof
entitlement".That is important because earlier in the same Judgmentthe
Court said,

"Neither isthereanyreason whyafactor whichhasno partto play
intheestablishment oftitleshouldbe taken intoaccountasa relevant
circumstanceforthe purposes ofdelimitation." (Zbid.,p.35,para.40;
and see ibid.,pp. 46-47,para. 61.)

Thisstatementmayreasonably bethought to suggestthat proportionality,
being "the principle of entitlement", is admissibleasa relevant factorfor
thepurpose ofdelimitation,evenifitcannotbyitselfserveasamethodfor
constructing anyparticular line.
In brief,it isnot possibleto overlookthe fact that it is "the extensionin
space of the sovereignpowers and rights" of the Statethrough its coastal
front which generates its entitlement to continental shelf rights(Aegean
Sea Continental SheK Z.C.J.Reports 1978,p. 35, para. 85, and p. 36,
para. 86; Tunisia/Libya,Z.C.J.Reports 1982,p. 61, paras. 73-74; Libya/
Malta, Z.C.J.Reports 1985,pp. 40-41,paras. 47, 49,and p. 83, para. 21,
joint separate opinion); that "the coast of the territory of the State is the
decisivefactorfortitleto submarine areasadjacent to it" (Tunisia/Libya,
Z.C.J.Reports1982,p. 61,para. 73; emphasis added); that a longer coast D~LIMITATIONMARITIME (OP. IND.SHAHABUDDEEN) 174

des côtes a été prise en considératiode manière réaliste,il estpeu pro-
bable qu'une vérification à posteriori révèlequoi que ce soit d'inéqui-
table dans lerésultat ence qui concerne la proportionnalitéentre leslon-
gueurs des côtes et les zones de plateau continental (voirunisie/Libye,
C.Z.J.Recueil 1982,p. 91, par. 131,et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,
p. 53-55,par. 75,et p. 56,par. 78).Ou encore, pour dire les chosesautre-

ment, le fait mêmeque dans ces affaires la vérificationà posteriori n'a
révélé aucune disproportion importante conduit nettement à penser
qu'au cours de l'opérationde délimitationil a dû en réalité êtrte enu
compte de l'effetde la délimitationsur lerapport entre leslongueurs des
côtes et les zones maritimes. Que le testposteriori n'ait révélaucune
disproportion importante n'était pasune coïncidence miraculeuse, mais
la conséquence logiquede la considération qui avait été accordée avec
réalismeàla disparitéde longueurs des côtes au cours du processus de
délimitation.Ilyalieudereleverqueledispositifdel'affaireLibye/Malte
mettait «la disparité des longueurs des côtes pertinenten sur le même
pied que la nécessitéd'éviterdans la délimitationtoute disproportion

excessive »entre leslongueursdes côtes et leszones de plateau continen-
tal, l'uneetl'autreétantappelées ((circonstanceset facteurs prendre en
considérationpour parvenir àune délimitation équitableD (C.Z.J.Recueil
1985,p. 57).
Commeilaétéditplushaut, lajurisprudence établiq tuelaproportion-
nalité entre les longueurs de côtes ne peut pas être utiliséecomme
méthodede délimitation.Si elle devait l'être, el((seraitalors»,comme
l'aditla Cour, «àlafoisleprincipe du titre surleplateau continental etla
méthodepermettantdemettreceprincipe enŒuvre )>(ibid.,p.45,par. 58).
Mais le point sur lequel il faut insister, c'est que la Coura en réalité
acceptéecomme((principedu titre)).Cela est important étant donnéque,
dans le mêmearrêt,laCour avait déclaré :

«Quant à fairejouer un rôle comme circonstance pertinente aux
fins de la délimitationun facteur qui n'enjoue aucunpour la vali-
ditédu titre juridique, on ne voit cela aucune raison non plus.»
(Zbid.,p. 35,par. 40; voir aussi ibid.,p. 46-47,par. 61.)

Cepassage - onpeut raisonnablement lepenser - laisseentendre quela
proportionnalité, étant «le principe du titre», est recevable comme
facteurpertinent aux finsde la délimitation,même si ellne peut pas par
elle-même servirde méthodepour construire une ligne.
Bref,il n'estpas possible de négliger lefait que c'estl'extension dans
l'espace des pouvoirs et droits souverains de1'Etatà travers sa façade

côtièrequi engendre son titre en ce qui concerneles droits sur le plateau
continental (Plateau continentalde la mergée,C.Z.J.Recueil1978,p. 35,
par. 85,etp.36,par. 86;Tunisie/Libye,C.Z.J.Recueil1982,p.61,par. 73-74;
Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,p. 40-41,par. 47, 49, et p. 83,par. 21,
opinion conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga);
que ((c'estla côte du territoire de 1'Etatqui est déterminantepour créer
le titre sur les étenduessous-marines bordant cette cDt(Tunisie/Libye, 175 MARITIMEDELIMITATION (SEP. P.SHAHABUDDEEN)

will tend to generate a greater area of continental shelfhan a shorter
coast, as implied in the North Sea cases (I.C.J. Reports 1969, p. 54,
para. 101(D)(3));andthat, consequently,wherethere isa lackofcompar-
abilitybetweenthetwocoastsinquestion,thisshould inprincipleenteras
a factor into the veryprocess of establishingthe delimitationline with a
viewto ensuring atolerablerelationship betweencoastallengths and con-
tinental shelfreas.

PARTIII. THEDISPARIT IN COASTAL LENGTHS

A preliminary remark is this. On both of the proposals presented,
Jan Mayenwould get a maritime area greaterthan what is proportionate
to its coastallength; this is so even onnmark's proposal. There is no

suggestionthat the island'sshareshouldbestrictly limitedbyproportion-
ality. The question is whether the marked disparity in coastal lengths
shouldbealtogetherdisregarded. Ifitis,asitwouldpracticallybe on Nor-
way'sproposal, a kilometreofJan Mayen'scoastwould have sixtimes as
greatamaritimeareaasa kilometreofthe coastofEastGreenland. Would
the use of a median line whichproduces thisresultbe equitable?

However odd its shape might be, a line of equidistance, if correctly
drawn, is, from a geometricalpoint of view,never distorted (see I.C.J.
Pleadings, NorthSea Continental ShelJ;Vol. II, p. 153, Mr. Jacobsen,
Agentfor Denmark). Yet,in responseto particulargeographicalfeatures,

it could assume a configuration which mightbe regarded as creativeof a
special circumstance disqualifying it for use as an equitable boundary
under Article6,paragraph 1,ofthe 1958Convention. Putting aside cases
in which the configuration of the median line is so affected, are there
situationsin whichthe median lineisdisqualifiedforuse byreason simply
of the proportions in which it divides the continental shelf area? In this
case,forexample,would the disproportionalityin areas produced bythat
line be a special circumstance disqualifying it for use?nmark would
answerin the affirmative; Norway inthe negative.

In an interesting way each Party rested its caseonthe idea of equality,

whichhoweverwasunderstood in these different ways :

(a) equality in the sense of equal division of overlapping areas, as men-
tioned by the Court in 1969,a division which Norway contended
would largelybe accomplished by a median line,with anyinequality
beinginfavourof Denmark; C.Z.J.Recueil1982,p. 61,par. 73; les italiques sont de moi); qu'une côte
plus longue aura tendance à engendrer une zone de plateau continental
plus grande que celle qui serait engendréepar une côte plus courte,
commecelaestimplicitedans lesaffairesdela MerduNord(C.1.J.Recueil
1969,p. 54,par. 101D 3);et qu'enconséquence,lorsquelesdeux côtesen
cause ne sont pas comparables,cela devrait en principe devenir l'un des
facteursduprocessusmême d'établissementdelalignededélimitationen
vued'assurerun rapport tolérableentreleslongueursde côtesetleszones
de plateau continental.

TROISIÈM PARTIE. LA DISPARITÉ DE LONGUEURS DES CÔTES

Uneremarquepréliminaires'impose.Selonl'une etl'autre desproposi-
tions présentéesJ,an Mayen obtiendrait une zone maritime plus grande
quecellequicorrespondrait àlalongueur desescôtes ;ilenestainsimême
selon la proposition du Danemark. Ce n'estpas àdire que lapart de l'île
devraitêtrestrictementlimitépearla proportionnalité.Laquestion estde
savoirsila disparité marquéede longueursdescôtesdevraitêtrecomplè-
tement négligéeS . i elle l'est,comme elle le serait pratiquement dans la

perspective de la proposition de la Norvège,un kilomètrede la côte de
Jan Mayenaurait sixfoisplus dezonemaritimequ'un kilomètredelacôte
du Groenland oriental. Le recours àune ligne médiane produisant ce
résultat serait-iléquitable?
Siétrange que sa formepuisse être,ne ligned'équidistance,sielle est
correctementtracée,n'estjamais, d'un point de vue géométrique, défor-
mée (voirC.Z.J.Mémoires,Plateau continentalde la mer du Nord,vol. II,
p. 153,M. Jacobsen, agent du Danemark). Cependant, sous l'effet de
caractéristiques géographiques particulières,elle risque de revêtirune
configuration pouvant être considérée comme créan utne circonstance
spécialequiluiôterait laqualitédelignededélimitationéquitableau sens
du paragraphe 1del'article 6delaconventionde 1958.Enlaissantdecôté
les cas où la configuration de la ligne médianeest ainsi caractérisée, y

a-t-il des situations dans lesquelles la ligne médiane serait écarter
simplement en raison des proportions dans lesquelles elle divisela zone
de plateau continental? Dans la présente affaire,par exemple,la dispro-
portion entre les zones qui est produite par cette ligne serait-elle une
circonstancespécialedevant conduire àécarter cetteligneet empêchant
d'yavoirrecours ?Le Danemark répondraitpar l'affirmative,la Norvège
par la négative.
Il est intéressantde noter que chacune des Parties a conclu son plai-
doyer sur l'idée d'égalitéq,ui cependant était comprise de plusieurs
manièresdifférentes,à savoir:

a) égalitéau sens de division égale des zones de chevauchement,
évoquép ear laCour en 1969,divisionqui,asoutenu la Norvège,serait
en grande partie accomplie par une ligne médiane,toute inégalité
étantenfaveurdu Danemark;(b) equalityin the sensein which a median line effectsan equal division
ofthe distancebetweenoppositecoasts ;and
(c) equality in the sense of comparing like with like, with the conse-
quence that to treat coasts of unequal length as ifthey were ofequal
lengthwould betotreatthemunequally.

Norway contended for (a) and (b);Denmark contended for (c).They
are dealt with respectivelyin Sections (i),(ii)and (iii) below. Inevitably,
the treatment isnot neatlycompartmentalized, and permeatingthe whole
is the question of proportionality considered in Part II. It maybe added
that, in general, Norway tended to de-emphasizeproportionality and to
stressequal division,while Denmark tended to stressproportionality and
to de-emphasizeequal division.

(i) Norway'sClaimConsideredon theBasisofthe Case-Lawconcerning
EqualDivisionof OverlappingAreas

1begin withthefirst ofthe two sensesinwhich Norwayrested its claim
to a median line on the idea of equality. This is the sense in which the
case-lawspeaks of equal division of overlapping areas.

1understood Norway to be contending that what hasto be delimited is
not the whole of the continental shelf lying between the two opposite
coasts,but only the smallerpart within this wider area which is enclosed
by thetwo overlapping 200-milelinesprojected from each Coast;thatthe
principle established by the case-law isthat this area of overlap should
be divided equally; and that, although the median line would tend to
favour Greenland somewhat even withinthe area of overlap, yet,from a
practical point of view,it would effecta fairlyequal division of this area
(Counter-Memorial, Vol. 1, pp. 124-126, paras. 421-424; pp. 147-148,

paras. 498-502;and Rejoinder, pp. 170ff.).

There are two questions which 1propose to examine.First, is the pre-
miseof Norway'sposition correct,in sofar asit seemsto be assertingthat
whatisbeingdelimitedisnotthe entirecontinentalshelflyingbetweenthe
two opposite coasts, but only the smaller area of overlap lying in the
middle of the larger area? Second,in so far asthe case-lawspeaks ofthe
area of overlapbeing divided by the median line equally, does it contem-
plate al1conceivable cases regardless of disparities in coastal lengths,
or only casesin whichthe coastallengthsare comparable?

As to the first question, naturally the delimitation line would not lie
outsidethearea ofoverlap.But,onceconstructed,what the linedelimitsis
not the area of overlap, but the continental shelf lyingbetween the twob) égalité dans le sens où une ligne médiane effectueune division par
parts égalesdeladistanceentrecôtessefaisantface;
c) égalité dans lesensdelacomparaisonentrechosescomparables, avec
cette conséquenceque le fait de traiter des côtes de longueur inégale
comme si elles étaientd'égalelongueur équivaudrait à les traiter de
façoncontraire àl'égalité.

La Norvègea plaidépour a)et b),le Danemark pour c).Ces différents
points sontexaminésrespectivementdanslessectionsi),ii)etiii)ci-après.
Inévitablement,letraitement n'estpas parfaitement compartimenté,et le
tout demeure imprégnéde la question de la proportionnalité, examinée
dans ladeuxièmepartie. Ilya lieud'ajouter qu'en générallN aorvègeaeu
tendance àminimiserla proportionnalitéet àmettre d'accent sur la divi-
sionpar parts égales,tandis que le Danemark a eutendance àinsistersur
la proportionnalitéetà minimiserla division par parts égales.

i) La demandede laNorvègeauregardde lajurisprudence
concernantladivisionparparts égalesdeszonesdechevauchement

Je commencepar le premier des deux sens dans lesquelsla Norvègea
conclu sa revendication relative une lignemédianeen invoquant l'idée
d'égalité. C'est lens dans lequel lajurisprudence parle de division par
parts égalesdeszonesde chevauchement.
Tellequeje l'ai comprise,laNorvègesoutenait quecequidoitêtredéli-
mité, ce n'estpas la totalitédu plateau continental situé entreles deux
côtes se faisant face, mais seulement la partie qui,l'intérieurde cette

zoneplus vaste,estcompriseentrelesdeuxlignesde200millessechevau-
chant projetéesàpartir de chaque côte;queleprincipe établipar lajuris-
prudence estque cettezone de chevauchementdoit êtredivisép ear parts
égales;et que, bien que la ligne médianetende à favoriser dans une
certainemesureleGroenland même àl'intérieurdelazone dechevauche-
ment, d'un point de vue pratique, elle aboutiraitne divisionsensible-
ment par parts égalesde cette zone (contre-mémoire,vol. 1,p. 124-126,
par. 421-424; p.147-148,par. 498-502;et duplique, p. 170et suiv.).
Il y a deux questions que je me propose d'examiner. Premièrement,la
prémissede la Norvègeest-elle fondée, dans la mesureoù elle semble
affirmer que ceque l'on estentrain de délimiter,cen'estpas latotalitédu
plateau continental compris entre les deux côtes se faisant face, mais

seulement la zone de chevauchement situéeau milieu de la zone plus
vaste?Deuxièmement,dans lamesureoùlajurisprudence dit quelazone
de chevauchement est diviséepar la lignemédiane enparts égales,envi-
sage-t-elletous les cas concevables indépendamment des disparitésde
longueurs des côtes,ou seulement dans les cas où les longueurs de côtes
sont com~arabies ?
Ala premièrequestion,on répondraquenaturellement laligne de déli-
mitation ne se situerait pas en dehors de la zone de chevauchement.
Cependant,une foisla ligneconstruite, cequ'elledélimite,cen'estpas laopposite coasts. This must be so because what Article 6,paragraph 1,of
the 1958Conventionspeaks of is "the boundary of the continental shelf
appertaining to [opposite] States" - words which 1would construe to
refer to a boundary relating to the entire continental shelf lyingbetween
the opposite coasts. Likewise, paragraph 3 of the provision speaks of
"delimitingthe boundaries of the continentalshelf".

Evenifitisonlythearea ofoverlapwhichisbeingdelimited,the delimi-
tation must take account of the factor of a reasonable degree of propor-
tionality, and this in turn takes account of the ultimate effect of the
delimitationlineontheposition oftheparties withinthe wholeofthecon-
tinental shelf areas appertaining to them (NorthSea,I.C.J.Reports1969,

p. 54,para. 101(D) (3),and Libya/Malta, I.C.J.Reports1985,pp. 54-55,
para. 75).That factor willobviouslyhaveto be taken intoaccountin rela-
tion to the whole of the continental shelf in a case in which, the distance
between the coasts being less than 200 miles, the whole of the shelf is
withinthe area of overlap. 1cannot seethat it can applyanythe lessto the
wholeofthe continental shelfwhere,asinthis case,the distance isgreater
than 200miles.
Thus, it cannot, in my view, be right to proceed on a premise which
suggeststhatthe equitableness of adelimitationline isnot affected bythe
repercussions oftheline onthe continental shelfoutside the inner area of
overlapwithin whichthe line is constructed.
Now to the second question, as to whether the case-law on equal
division contemplated al1conceivable cases regardless of disparities in
coastal lengths.
The argumentsreachedback to two waysin whichthe 1969Judgment
dealt withthe matter.Thepassage whichwasemphasizedby Norwaywas

the following :
"The continental shelf area off,and dividing,opposite States,can
be claimed by each of them to be a natural prolongation of itsterri-
tory. These prolongations meet and overlap, and can therefore only
be delimitedby meansofamedianline; and,ignoringthe presence of
islets,rocksand minorcoastalprojections,the disproportionallydis-
torting effectofwhich can be eliminated by other means, such a line
must effectan equal division ofthe particular area involved." (I.C.J.
Reports1969,p. 36,para. 57.)

The passage which was stressedby Denmark wasthis :
"In asea withtheparticularconfiguration ofthe North Sea,and in
view oftheparticulargeographicalsituation ofthe Parties'coastlines
uponthat sea,the methods chosenbythem forthe purpose offixing
the delimitationoftheirrespective areasmayhappen incertainlocal-
itiestolead to an overlapping ofthe areas appertaining to them. The

Court considersthat suchasituation mustbeaccepted asagivenfact 177
DÉLIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDE~N)

zone de chevauchement, mais le plateau continental situé entreles deux
côtessefaisant face. S'ilen estainsi,c'estparce que cedont parle lepara-
graphe 1de l'article 6de la convention de 1958,c'estde«la délimitation
du plateau continental entre [des]Etats» «dont les côtes se font facD,
termesquej'interpréterai commeserapportant àune délimitationconcer-
nant la totalitédu plateau continental situéentreles côtessefaisant face.
De même,le paragraphe 3 de la disposition parle de ((délimitationdu
plateau continental ».
Même sic'estseulementla zone de chevauchementqui est àdélimiter,

la délimitation doit tenir comptedu facteur relatiàun rapport raison-
nable,etcela,à sontour,tient comptedel'effet ultimedelalignededélimi-
tation sur la position des partiesl'intérieurde la totalité deszones de
plateau continental qui relèvent d'elleserdu Nord,C.Z.J.Recueil1969,
p. 54,par. 101D 3, et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil1985,p. 54-55,par. 75).
Cefacteurdevra manifestementêtreprisen considérationdans lecontexte
de l'ensemble du plateau continental dans une affaire ou, la distance
entre les côtesétantinférieure 200milles,latotalitédu plateau setrouve
à l'intérieurde la zone de chevauchement. Je ne vois pas comment il ne
peut s'appliquer tout autantl'ensembledu plateau continental lorsque,
comme dans la présente affaire, la distance estsupérieureà 200milles.
Ainsi,selonmoi,l'onnesaurait partir d'une prémissequiindiquequele

caractère équitabled'une ligne de délimitationn'est pas touchépar les
répercussionsde la ligne sur le plateau continental en dehors de la zone
interne de chevauchement àl'intérieurde laquellela ligne est construite.
Passonsmaintenant à la deuxième question,cellede savoir si lajuris-
prudence concernant la division par parts égalesa envisagétousles cas
concevablesindépendamment desdisparitésde longueurs de côtes.
Dans leurs argumentations, les Parties se sont référéesdeux aspects
de la façon dont l'arrêtde 1969a traité la question.Le passage qui a été
soulignépar la Norvègeétaitle suivant:

«En effet les zones de plateau continental se trouvant au large
d'Etats dont les côtesse font face et séparantces Etats peuvent être
réclamées par chacun d'eux àtitre de prolongement naturel de son
territoire. Ces zones se rencontrent, se chevauchent et ne peuvent
donc être délimitée qsue par une ligne médiane;si l'on ne tientpas
comptedesîlots,desrochers ou deslégerssaillantsdelacôte,donton
peut éliminerl'effetexagéréde déviationpar d'autres moyens, une
telle ligne doit diviser également l'espacedont il s'agit.)) (C.Z.J.
Recueil1969,p. 36,par. 57).

Lepassage sur lequel le Danemark a misl'accentselisaitcommesuit :
«Dans une mer qui a la configuration particulière de la mer du
Nord etenraison de la situation géographiqueparticulière descôtes
des Parties dans cette mer, ilpeut se faire que lesméthodeschoisies

pour fixer la délimitation des zones respectives conduisent en
certains secteursàdes chevauchementsentre les zones relevant des
Parties. La Cour considèrequ'ilfaut acceptercettesituation comme 178 MARITIMEDELIMITATION (SEP.OP.SHAHABUDDEEN)

and resolved eitherby an agreed, orfailingthat by an equal division

ofthe overlapping areas, orby agreementsforjoint exploitation, the
latter solution appearing particularly appropriate when it is a ques-
tion of preservingthe unity of a deposit.".C.J. Reports1969,p. 52,
para. 99.And see ibid p..,3,para. 101(C)(2).)

Relyingon this passage, and on the associatedelements ofthe dispositif,
Denmark concluded that :

"the assertedprinciple ofequaldivisionsupposed to bederivedfrom
that casewasto apply only in those marginal areas of overlap,not in
the delimitation as a whole" (Reply,Vol.1,p. 153,para. 416).

Both of the two passages fromthe 1969Judgment speak of equal divi-
sion.Butthere isoneelementinthe first passage whichisabsent fromthe
second,namely,a referenceto the use ofthe median lineina delimitation
between opposite States. The second passage prescribed the objective
(barring agreement) of equal division of marginal areas of overlap, but

stipulated no particular method of delimitation for achieving it; equal
divisiondoes not necessarily implythe use ofthe median line. In view of
this difference,1am not able to accept Denmark's submission that the
ideaofequal division,asreferredtointhe first passage,isrestrictedto the
caseof marginal areas of overlapdealt with inthe second.

Butthe questionremainswhether the idea of equal division applies to
every delimitation as between opposite States regardless of disparities
in coastal lengths. Here it is worth bearing in mind that a court in
making a statementcannot alwaysvisualize al1the varied circumstances
to which it may later be sought to apply the statement. 1sit really clear
that, in speaking in 1969 of equal division by a median line of the
continental shelfbetween"opposite States", thisCourt visualizedal1con-
ceivable cases, however peculiar, in which one state may be said to be
"opposite" to another? What was the picture in its mind when it spoke
of "opposite States"?Thething furthest fromthe mind of the Court was
a situation in which a small island and a long mainland coast were

confronting each other as the primary components of the relevant geo-
graphical area. The sense in which the Court considered the position
of islands was that in which "islets, rocks and minor coastal projec-
tions" might operate to distort a median line (I.C.J. Reports 1969,
p. 36, para. 57). With the view which the Court then took of natural
prolongation as being physical in character, it is doubtful that it would
have entertained the idea of the natural prolongation of a small island
coast realistically meeting and overlapping with the whole of the
natural prolongation of a mainland coast nine times as long, in the prac-
tical sense in which the natural prolongations of two comparable and
opposite coasts would. It is even less likely that the Court would have une donnée defait et la résoudre soitpar une division des zones de

chevauchement effectuéepar voie d'accord ou, à défaut,par parts
égales,soitpar desaccordsd'exploitation en commun,cettedernière
solution paraissant particulièrement appropriée lorsqu'il s'agitde
préserverl'unité d'un gisement.»(C.I.J. Recueil1969,p. 52,par. 99;
voir aussi ibid.,p.,par. 101C 2.)
S'appuyant sur ce passage, et sur les élémentsconnexesdu dispositif, le
Danemark a conclu en cestermes :

«le principe dedivisionpar parts égalesqu'invoquela Norvègeense
fondant sur cette affaire ne devait s'appliquer que dans les zones
marginalesoùil yachevauchement,etnon àladélimitationdansson
ensemble »(réplique,vol. 1,p. 153,par. 416).
L'unet l'autrepassage de l'arrêtde 1969parlent de division par parts
égales. Mais ily a dans le premier passage un élément quiest absent du

second, à savoirune mention du recours àla lignemédianedans lecadre
d'une délimitation entre Etats sefaisantface. Le second passage prescri-
vait l'objectif (saufaccord) d'une division par parts égalesdes zones
marginalesde chevauchement,maisnestipulait aucune méthodeparticu-
lière de délimitationpour atteindre cet objectif; la division par parts
égalesn'implique pas nécessairementlerecours àla lignemédiane. Etant
donnécettedifférence,je ne suispas en mesure d'accepter la conclusion
du Danemark selon laquelle l'idée de division par parts égales,telle
qu'elle figure dans le premier passage, est circonscrite au cas de zones
marginales de chevauchement dont il estquestion dans le second.
Mais la question demeure de savoir si l'idéed'une division par parts
égaless'applique àtoute délimitation entre Etatssefaisant faceindépen-
damment des disparitésde longueurs des côtes.Il y a lieu de rappeler ici
qu'untribunal, lorsqu'il faitune déclaration,nepeutpas toujours envisa-

gertoutes les circonstancesvariées auxquelleson pourrait lui demander
par la suite d'appliquer les termes de sa déclaration.Est-il réellement
certainque,lorsqu'elleparlait en 1969dedivisionpar parts égalesparune
ligne médianedu plateau continental entre «Etats se faisant face», la
Cour internationale deJusticeabieneu à l'esprittous lescasconcevables,
siparticuliersfussent-ils,dans lesquelsonpeut direqu'un Etat«fait fac»
àun autre? Quelleimage avait-elle en vue quand elle parlait d'«Etats se
faisantface» ?Rienn'était pluséloignd éel'espritdelaCour qu'une situa-
tion dans laquelle une petite île et une longue côte continentale seraient
mutuellement en présence entant qu'éléments principauxde la zone
géographiquepertinente.Lesensdans lequella Cour a considéré la posi-
tion des îlesétaitceluioù il s'agissait«des îlots,desrochers ou des légers
saillants de la côteuipouvaient avoir pour effetde déformerune ligne
médiane(C.I.J. Recueil1969,p.36,par. 57).Etant donnéqu'à l'époquela

Cour considéraitle prolongement naturel comme ayant un caractère
physique, il est douteux qu'elle aurait eu l'idéedu prolongement naturel
d'un petitlittoralinsulairerencontrant etchevauchantvraimentlatotalité
du prolongement naturel d'une côte continentale neuf fois plus longue,taken that view where the distance between the coasts was as great as it
is in this case.

Referringtothe Court's 1969dictum on the principle of equal division
by a median line,counselfor Norway cited the followingcommentinthe
ninth edition of Oppenheim's InternationalLaw (Vol. 1,p. 779,fn. 10):

"But of course, except in the unlikely case of exactlyrrespond-
ing coastlines, a median line never does effect an equal division of
areas, nor does it seek to do so." (CR 93/7, p. 51, 19January 1993,
Professor Brownlie.)
Onereadily agrees.Thepoint had in substancebeenmade totheCourt in

the course of the oral arguments conceming Judge Sir Gerald Fitz-
maurice'sthird question. In hisanswer,SirHumphrey Waldockexpressly
stated"that even median linesbyno meansguaranteeanequal divisionof
areas whether in a narrow or more extensive continental shelf" (Z.C.J.
Pleadings,North Sea ContinentalShelf;Vol. II, p. 275. And see ibid.,
pp. 163and 248ff.).It would not be right to suppose that the Court over-
lookedthe point; norhad itbeen givenanygoodreason to disagreewithit.
So the question which arises is this. When the Court said that a median
line"must" divideareasequally,didtheCourt fa11intoerror,regard being
had to the fact that aedian line does not alwaysdo that ? Or, would the
more reasonableinterpretation be to read the Court's reference to equal
divisionbya median lineascontemplating casesinwhichtwo Stateswere
"opposite States" in thesense of having coastlines which were compar-
able and which could in consequence lead to equal divisionby a median
line, at any rate with the non-mathematicalroughnesstolerable in mari-
time delimitation? Recognizingthat somecircularity of argument is not
altogetherabsent, 1would nevertheless electforthe second viewand con-

clude that, when the Court said that a median line "must effect an equal
division", it could not have intended to include situations in which a
median linecouldnot possiblyachievethat result,such astheinstantcase
inwhichone Coastisninetimesaslongastheother. Inmyopinion,there is
no compellingbasis for suggestingthat the Court's referenceto a median
lineas effectingan equaldivisionwasintended to applyin al1conceivable
situationsin which prolongations overlapped; manifestly a median line
couldnot alwaysdothat,and the Court mightreasonablybecredited with
knowingthis.dans lesenspratique où lesprolongementsnaturels dedeux côtescompa-
rables et se faisant face se rencontreraient et se chevaucheraient.l est
encoremoinsprobable que la Cour auraitadoptécettefaçon devoir dans
un cas où la distance entre les côtes aurait été aussigrande qu'elle l'est
dans la présente affaire.
Seréférantau dictumde la Cour de 1969concernant le principe de la
divisionparparts égalesparune lignemédiane,leconseildela Norvègea
citélecommentairesuivant,quifiguredans laneuvièmeéditiondel'Inter-
nationalLaw d'oppenheim (vol.1,p. 779,note 10) :

«Mais bien sûr, sauf le cas invraisemblable de rivages qui se
correspondent exactement, une ligne médiane n'opère jamaisune
division par parts égalesdes espaces,et ne prétend d'ailleurspas le
faire»(CR 93/7, p. 51,19janvier 1993,M. Brownlie).

On ne peut qu'être d'accord. Cet argument avait,en substance, été
présenté àlaCourlorsdesplaidoiriesoralesconcernant latroisièmeques-
tiondesirGerald Fitzmaurice. Dans saréponse,sirHumphrey Waldocka
expressément déclaré :«mêmeles lignes médianes ne garantissent en
aucune façon une division par parts égalesdes zones, qu'il s'agissedu
plateau continental au sens étroit oudans un sens plus large» (C.I.J.
MémoiresP ,lateaucontinentaldela merdu Nord,vol. II, p. 275;voir aussi
ibid.,p. 163et 248 et suiv.). Il serait erronéde supposer que ce point a
échappéa laCour, etonneluiavaitpasnon plus donnédebonnes raisons
pour nepasl'admettre.Ainsilaquestionqui sepose estlasuivante :quand
la Cour a déclaré qu'une ligne médian« edevait» diviser les zones par
parts égales,ya-t-ileu erreur de sapart, compte tenu du fait qu'une ligne
médianene fait pas toujours cela? Mais l'interprétation la plus raison-
nableneserait-ellepasdeconsidérerque,lorsquelaCourparlaitdedivision

par parts égalespar une ligne médiane,elle envisageaitdes cas où deux
Etats étaientdes«Etatssefaisant face »encesensqu'ilsavaientdeslitto-
raux qui étaientcomparablesetquipouvaient en conséquenceconduire à
une divisionpar parts égalespar une lignemédiane,tout au moins avec
l'approximation nonmathématique quiesttolérableenmatièrededélimi-
tation maritime ?Tout en reconnaissant que le raisonnement est quelque
peu circulaire,je pencherais néanmoinspour ladeuxièmefaçondevoiret
conclurais que, lorsque la Cour a déclaré qu'une ligne médiane «devait
opérerune divisionpar parts égales», il n'est pas possible qu'elleait eu
l'intention d'appliquer celaà des situations dans lesquelles une ligne
médiane ne pourrait absolumentpas parvenir àce résultat, tellesque la
situation dans la présente affaire,où l'une des côtes est neuf fois plus
longueque l'autre.Amon avis,aucune raison convaincante ne permet de

penserque,lorsquela Cour aparlé d'une lignemédiane opérantunedivi-
sionparparts égales,elleentendaitque celadevaits'appliquer àtoutesles
situations concevables dans lesquelles des prolongements se chevau-
chaient; manifestement, une ligne médiane ne pouvait pas toujours
opérerde la sorte, et l'onpeut raisonnablement faire confiancela Cour
pour ne pas avoirignorécela. Counsel for Norway cited certain other decisions which referred to
paragraph 57 of the Court's 1969Judgment, or to the principle it enun-
ciated, namely, the cases of the Gulf of Maine, Libya/Malta and the
Anglo-FrenchArbitration.Thesedo not reallytakethe matter further.

In referring to the question of equal division by a median line, the
Chamber in 1984expressly incorporated an important caveat when it
said -

"it is inevitable that the Chamber's basic choice should favour a
criterion long held to be as equitable as it is simple, namely that in
principle, whilehavingregard to thespecialcircumstancesof thecase,
oneshould aimat an equal divisionof areaswherethe maritimepro-
jections ofthecoastsofthe Statesbetween whichdelimitationistobe
effected convergeand overlap." (Gulfof Maine, I.C.J. Reports 1984,
p. 327,para. 195;emphasisadded.)

In that case, in which the disparity in coastal lengths in the second seg-
ment wasmuch lessthan itishere(theratiothere being 1.38to 1asagainst
9.2to 1inthis case),the median line was appropriately adjusted. Several
references by the Chamber (cited by Counselfor Nonvay) to the idea of
equal divisiondo showthe importancethe Chamber attachedtothe idea;
they do not showthat the Chamber considered that any and everyarea of
overlap was always to be divided equally, whether by a median line or
othenvise '.Onthe contrary,the Chamber said:

"The applicabilityofthismethod is,however,subjectto the condi-
tion that there are no special circumstancesin the casewhich would
make that criterion inequitable, by showing such division to be
unreasonable and so entailing recourse to a different method or
methods,or,attheveryleast,appropriate correction oftheeffectpro-

duced by the application of the first method." (Ibid., pp. 300-301,
para. 115.)
And the Chamber explicitly considered the modest disparity in coastal
lengths in that case as "particularly notable" and as amounting to "a
special circumstance of someweight" (ibid.,p. 322,para. 184).

Inthe Libya/Malta case,inwhichthe Court recitedparagraph 57 ofthe
1969Judgment,the median linewasnot used asthe boundary ;itwasonly
used "by way ofa provisionalstep in a process to be continued by other

1 Z.C.J.eports1984,pp.300-301,para.115;pp.312-313,para.157;p.328,para.197;
pp.329-330,para.201; pp.331-332, para.209;p.332,para.210;pp.332-333,Para.212;
p. 333,para.213;p.334,para.217.

146 Le conseil de la Norvège a invoqué certaines autres décisions qui se
référaientau paragraphe 57 de l'arrêt rendupar la Cour en 1969.ou au
principe énoncédans cet arrêt, àsavoir les affaires du Golfedu Maine et
Libye/Malte et l'Arbitragefranco-britannique. En réalité,ces décisions
n'ajoutent rien.
Evoquant la question de la division par parts égalespar une ligne
médiane, la Chambre, en 1984,a expressémentformulé à cette occasion
uneimportante mise en garde :

«son choix de base [celuide la Chambre] ne peut que seporter sur le
critèreà propos duquel l'équitéestdelongue date considéréecomme
un caractèrerejoignant la simplicité :à savoir lecritèrequi consisteà
viser en principe - en tenant comptedes circonstances spécialesde
l'espèce- àune divisionpar parts égalesdeszones de convergence et
de chevauchementdesprojectionsmarines des côtesdes Etats entre
lesquels la délimitation est recherchée)) (Golfe du Maine, C.I.J.
Recueil 1984,p. 327,par. 195;les italiques sont de moi).

Danscetteaffaire-là,où la disparitédelongueursdescôtes dans lesecond
secteurétait bien moindre qu'elle ne l'estdans l'affaire considéréeici (le
rapport étantde 1,38contre 1tandis qu'il estde9,2contre 1en l'espèce),la
ligne médiane a étécorrigéecomme il convient. Plusieurs des passages
(citéspar le conseil de la Norvège)où la Chambre a évoquél'idéede la

division par parts égalesmontrent effectivement l'importance qu'elle
attachait à cette idée;en revanche, ils n'indiquent pas qu'aux yeux de la
Chambre toute zone de chevauchement,quelle qu'ellefût,devaittoujours
êtrediviséepar parts égales,que ce fût par une lignemédiane ou autre-
ment '.Au contraire,la Chambre a déclaré :

«La méthode en question n'est cependant applicable qu'à la
condition qu'il n'y ait pas dans le cas d'espèce de circonstances
spéciales qui rendraient ledit critère inéquitable, en faisant appa-
raître le caractère déraisonnable d'unetelle division et en imposant
donc le recours à une ou plusieurs méthodes différentesou,tout au
moins, une correction adéquate du résultatque l'application de la
premièreproduirait. »(Ibid., p.301,par. 115.)

Et la Chambre a explicitementconsidérécomme «particulièrement no-
table »etcomme «une circonstancespécialequipèsed'un certainpoids »
la différencede longueurs des côtes - pourtant modeste - qui existait
en l'occurrence (ibid.,p. 322-323,par. 184).
Dans l'affaireLibye/Malte, dans laquelle la Courade nouveauinvoqué
le paragraphe 57 de l'arrêt rendu en1969,la ligne médianen'a pas été
utilisée comme ligne de délimitation; elle a été employée seulement «à

'C.Z.J.Recueil 1984D.300-301.Dar.115: D. 312-313.Dar.157:D. 328. Dar.197:
p. 329-330,par.201; p.'3j1-332,pai.i~9; p. 335,parp.1332-333:~ar.iii; p. 333;
par.213;p. 334,par.217.181 MARITIME DELIMITATION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

operations ..."(I.C.J. Reports1985,p. 47,para. 62).The Court adjusted
the resultsproduced bythe median linepreciselyin order totake account
of a marked disparity in coastallengths.Theultimateresult was not at al1
to dividethearea equallybetweenthe twoStates;the Statewiththe longer
coast got much more.

In the Anglo-French Arbitration,the Court of Arbitration said:

"In asituationwhere the coastsofthe two Statesare opposite each
other,the median line willnormallyeffectabroadly equal and equi-
table delimitation. But this is simply because of the geometrical
effectsofapplyingthe equidistanceprinciple to anareaofcontinental
shelf which,infact, lies between coaststhat, infact, face eachother
across that continentalshelJ:In short,the equitable character of the
delimitationresults not fromthe legaldesignation ofthe situation as
one of 'opposite' Statesbutfrom its actualgeographical characte ars
such."(RIAA, Vol.XVIII, p. 112,para. 239; first emphasis added.)

The Court of Arbitration was indeed speaking of broadly equal division
of the continental shelf by a median line. But how a median line could
dividethe interveningcontinental shelfequallywherethe oppositecoasts
are markedlyunequal isthoroughlyunclear.On the facts,this wasnotthe
kind ofsituation whichthe Court ofArbitration envisaged.Whatithad in
mind was "an area of continental shelf which,infact, liesbetweencoasts
that, in fact,faceeach other acrossthat continental shelf'. In such a case,

"the equitable character ofthe delimitationresults not fromthe legal
designation of the situation as one of 'opposite' Statesbutfrom its
actualgeographicalcharacteras such".

1hesitate to imaginethat the Court ofArbitration would haveused these
fact-orienteddescriptions inthe caseofasmallisland coastconfrontinga
mainland coastninetimesaslong.That itdid not contemplate suchacase
is shown by paragraph 182of itsdecision,reading:

"BetweenoppositeStates,asthisCourt hasstated in paragraph 95,
a median line boundary willin normal circumstancesleavebroadly
equal areas ofcontinental shelfto each Stateand constitutea delimi-
tation in accordance with equitable principles. It followsthat where
the coastlines of two opposite States are themselvesapproximately
equal in their relation to the continental shelf not only should the
boundary in normal circumstancesbe the median line but the areastitre d'élément provisoiredans un processus devant se poursuivre par
d'autres opérations...))(C.I.J. Recueil1985,p. 47, par. 62). La Cour a
corrigéles résultats produitspar la ligne médiane précisémena tfin de
tenir compte d'une disparité marquée de longueursdes côtes.Lerésultat
obtenu en définitiven'apas du tout été de diviserla zone par parts égales
entre les deux Etats:celuiqui avait la côtela plus longue a obtenu beau-
coup plus.
Dans l'affaire de l'Arbitragefranco-britanniquel,e tribunal arbitral a
déclaré :

«Lorsque les côtes de deux Etats se font face, la ligne médiane
établira normalementune délimitation sensiblementégale etéqui-
table. Toutefois, il en estainsiuniquementàcause des effetsgéomé-
triques de l'application du principe de l'équidistance uneportion
deplateau continentals'étendan etnfait entredescôtesquisefont véri-
tablementface l'une à l'autrepar-dessusceplateau continental.En
somme,lecaractèreéquitabledeladélimitationne résultepasdu fait
que la situation est qualifiéeuridiquementde situation d'Etats qui

«sefont face»,maisde son caractère géographique réelte antquetel.
(RSA,vol.XVIII,p.249,par. 239;lespremiersitaliques sontde moi.)
Letribunal arbitralparlait enréalitéd'unedivisionparparts sensiblement
égalesdu plateau continental par une ligne médiane. Toutefois,la ques-
tion de savoir comment une ligne médiane pourrait diviserpar parts

égales leplateau continental intermédiaire dans les cas où les côtes se
faisant facesont de longueurtrès sensiblementinégaledemeure obscure.
Etant donnélesfaitsde l'espèce, cen'étaiptas làlegenre de situation que
le tribunal arbitral envisageait. Ce qu'il avaità l'esprit, c'était«une
portionde plateau continentals'étendant enfaitentredescôtesquisefont
véritablement facel'une à l'autre par-dessusceplateau continental ».En
pareil cas,

«le caractèreéquitablede ladélimitationnerésultepasdu faitquela
situation estqualifiéeuridiquementde situation d'Etatsqui «se font
face»,mais de son caractèregéographique réeen l tant quetel».

J'hésiteàimaginerque letribunal arbitral aurait eurecours à cesdescrip-
tions detype factuel dans lecas d'unpetit littoral insulaire setrouvant en
présence d'une côte continentaleneuf fois plus longue. Qu'il n'envisa-
geait pas un tel casressort clairement du paragraphe 182de la sentence,
qui se lit commesuit:

((Commeletribunal l'aindiquéau paragraphe 95,lorsqu'ils'agit
d'Etats se faisant face, la lignemédiane confèràchaque Etat, dans
descirconstancesnormales,desaires deplateau continentalpresque
égales,et elle constitue une délimitation selon des principes équi-
tables. Lorsque les lignes côtièresde deux Etats se faisant face sont
elles-mêmea spproximativement égalespar rapport auplateau conti-
nental, il s'ensuitque non seulementla lignemédiane devraitconsti- of shelfleftto each Party on either side ofthe median line should be
broadly equal orat leastbroadly comparable.Clearly, iftheChannel

Islands did not exist, this is precisely how the delimitation of the
boundary of the continental shelf in the English Channel would
present itself." (RIAA,Vol.XVIII,p. 88.)

Thus, the Court of Arbitration was speaking of a broadly equal division
being produced by a median line "in normal circumstances", as "where
the coastlines oftwo opposite Statesare themselvesapproximatelyequal
in their relation to the continental shelf'. It was in casesthatthe use
ofthe median linewould be equitable.

In my opinion, the case-law on equal division does not speak against
Denmark.

(ii) Norway's ClaimConsidered ontheBasisthat aMedianLineEffects
anEqual DivisionoftheDistance between Opposite Coasts

Now to the second sensein which Norwayrested its claimto a median
lineontheidea ofequality.This isthe senseinwhicha median lineeffects
an equal division ofthe distancebetweenopposite coasts.

1agree with Norway's argument that what the median line operates
to divide equally is the distance between the two opposite coasts, and
not necessarily the maritime area. Unless the two opposite coasts are
mirror images of each other, both in configuration and in length, a
median line will not divide the maritime area equally. Equality, where
it is achieved, is really an aspect of proportionality. And so it may be
added more generally that a median line will not necessarily divide
the area in proportion to the coastal lengths where these are unequal.

Clearly, ideal situations in which exact proportionality can be achieved
cannot be the only ones in which Article 6, paragraph 1, of the 1958
Convention contemplated that the median line would be the boun-
dary. Hence, as 1 understand the Norwegian case, where that pro-
vision operates to prescribe the median line as the boundary, the median
line is the boundary even if it does not in fact divide the maritime
area in proportion to coastal lengths. True; but, in order to avoid a
petitioprincipii,it is necessary to bear in mind that whether in any given
situation the provision really operates to prescribe the median line
asthe boundary depends on whether or not a median line willbe creative
of inequity. In my opinion, this, though obviously a matter of degree,
turns, in the circumstances of this case, on thetent to which a median
line fails to satisfy the element of a reasonable degree of propor- tuer la limite dans des circonstances normales, mais aussi que les
zones de plateau continental revenant à chaque partie de part et
d'autre de la lignemédiane devraientêtresensiblementégaleosu du
moins sensiblement comparables. Il est manifeste que, si les îles
Anglo-Normandes n'existaient pas, c'est précisémentde cette
manière que se présenterait le tracéde la délimitationdu plateau
continental dans la Manche. »(RSA,vol.XVIII, p. 223.)

Ainsi, le tribunal arbitral parlait d'une division par parts sensiblement
égalesproduite par une ligne médiane «dans des circonstances nor-

males», comme par exemple la circonstance où «les lignes côtièresde
deuxEtats sefaisantfacesont elles-mêmea spproximativement égalespar
rapport au plateau continental».C'étaitdans cescas-làquelerecours àla
lignemédiane seraitéquitable.
Selonmoi,lajurisprudence relative àladivisionparpart égalesneparle
pas contre le Danemark.

ii)La demandede la Norvègeau regardde la notion
selonlaquelleunelignemédianeopèreunedivisionparparts égales
de ladistanceentre côtessefaisantface

Voyons à présentledeuxièmesensdanslequellaNorvègeafaitreposer
sa revendicationd'une lignemédianesur l'idéed'égalité. Il s'agitdu sens

selonlequelune lignemédianeeffectueune divisionpar parts égalesdela
distance entre côtessefaisant face.
Je suis d'accord avec la Norvège pour penser que, ce que la ligne
médianedivise par parts égales,c'estla distance entre les deux côtes se
faisantface,etpasnécessairementlazone maritime.Amoinsquechacune
desdeuxcôtessefaisantfacenesoit lerefletexactdel'autrepour cequiest
à lafoisdelaconfigurationet delalongueur,unelignemédianenesaurait
diviserlazonemaritime parparts égales.L'égalitéd,ans lescasoù elleest
obtenue, est en réalitun aspect de la proportionnalité. Et doncon peut
ajouter plus généralementqu'une zonemédiane ne diviserp aas nécessai-
rement la zone proportionnellement aux longueurs de côtes lorsque ces
dernières sont inégales.Manifestement, les situations idéales dans les-
quelles une proportionnalité exacte peut êtreobtenue ne peuvent être
lesseulscasdans lesquelsleparagraphe 1del'article6delaconventionde
1958envisageaitque la lignemédiane serait la lignede délimitation.En
conséquence - tellequeje comprendsl'argumentation dela Norvège -,

dans lescasoù cettedisposition apour effetdeprescrire lalignemédiane
commelignede délimitation,la lignemédianeestla lignede délimitation
mêmesi en fait elle ne divise pas la zone maritime en proportion des
longueurs de côtes.Celaest vrai; cependant, afin d'éviterune pétitionde
principe, il faut garder l'esprit que pour savoir si, dans une situation
donnée, la disposition a réellementpour effet de prescrire la ligne
médiane commeligne de délimitation,il importe de déterminersi unetionality as between the coastal lengths and the corresponding maritime
areas.

Byreason ofaradial effectwhich favoursthe circularoverthe linear,a
given length of a typical island coast will generate a greater continental
shelfarea than the samelength ofatypicalmainland coast.It maybe said
that thisisan advantage whichthe lawconferson an island and that there
isnoreason whyitshouldbe deprived ofthat advantagewhereit happens
to lie less than 400miles off a mainland coast (including that of a large
island such as Greenland). But it seemsto me that there is an equitable
distinctionbetween the caseofan island enjoyingthat advantagewhere it
liesin the open seabeyond that distance and the casewhere it lies within
that distanceoppositeto another coast.In the former case,the enjoyment
bytheisland ofitsadvantage doesnot affectthe right appertaining to any

other coast;inthe latter case,it does.On Norway'sproposal, Jan Mayen,
with a coastal front of 54 kilometres, would have a maritime zone of
96,000 square kilometres; East Greenland, with a coastal front of
504kilometres,wouldhaveamaritimezone of 141,000square kilometres.
Each kilometreofJan Mayen'scoastwouldthereforegenerateamaritime
zone six times as great as that generated by a kilometre of East Green-
land's coast.ToSaythat the islandisentitledbylawto alinewhichaccords
to agivenlength ofitscoastsixtimesthe continental shelfarea appertain-
ing to the same length of the opposite mainland coast and that what the
lawgivesshould not be withheld, isto exclude equityaltogetherfrom the
calculations whichproduce sodisproportionate a result. Ifthe matter fell
to be governed by Article 83,paragraph 1,ofthe Law ofthe SeaConven-
tion of 1982,it mightbe fairlydoubted whether such a disproportionality
would rank as an "equitable solution".

Responding to Denmark's arguments about disproportionality, Nor-

way observed that, where, as in this case, the two coasts are of unequal
length, a median line would operate to'givethe larger area to the longer
coast.Thisis true; to an extentitcanbe saidthatthe median linedoestake
account of a disparity in coastallengths and thatthere would be duplica-
tion if that disparity were to be separately or additionally treated. But,
although the median line would leave a larger area to the longer coast,
this would not necessarily ensure that there is no excessive dispropor-
tionality.

Objectivelyconsidered, there is nothing in the geography of the rele-
vant area to suggestthat each kilometre of Jan Mayen's coast must gen-
erate six times as much continental shelf as a kilometre of the relevant
coast of East Greenland, as would be the case on Norway's proposal.ligne médiane créeraou non une iniquité. Selonmoi, cela - quoiqu'il
s'agissemanifestement d'une question de degré - concerne, dans les
circonstances de la présente affaire,la mesure dans laquelle une ligne
médianene satisfaitpas àla condition d'un rapport raisonnable entre les
longueurs de côtesetleszonesmaritimes correspondantes.
En raison d'un effet radial qui favorise le cerclepar rapporta ligne
droite, une longueur donnée de côte insulaire typique engendrera une
zone deplateau continentalplusgrande que neleferaitla même longueur
d'une côtecontinentaletypique.Onpourrait dire que c'est làun avantage
que ledroit confèreàune île et qu'iln'ya aucune raison de priver celle-ci
decetavantagequand ellesetrouveêtresituée à moinsde400millesd'une
côte continentale (y compris celle d'une grande île telle que le Groen-
land). Toutefois, me semble-t-il,il existeen équitune distinction selon

que l'îlejouissant de cetavantage est situéeenhaute mer au-delà de cette
distance ou en deçà de cette distance face à une autre côte. Dans le
premiercas,lefaitque l'îlejouit desonavantage n'apasd'incidencesurle
droitafférentàune autre côte,mais iln'envapas demême dans lesecond.
Selonlaproposition dela Norvège,Jan Mayen,dont lafaçademaritimea
54kilomètres,aurait une zone maritime de 96000kilomètrescarrés;le
Groenland oriental, avec une façade maritime de 504kilomètres,aurait
une zone maritime de 141 000kilomètrescarrés.Chaque kilomètrede la
côte de Jan Mayen engendrerait donc une zone maritime six fois supé-
rieure àcelle que généreraiutn kilomètrede côte du Groenland oriental.
Dire que l'îlepeut en droit prétendreà une ligne qui accorderait àune
longueur donnée de sa côte six fois l'étenduede plateau continental
correspondant à la même longueurde la côte continentale lui faisant
face et que ce que donne le droit ne doit pas être refuséc,'est exclure

complètementl'équité descalculsquiproduisent unrésultataussidispro-
portionné.Sil'affaire devait êtrrégiepar le paragraphe 1de l'article 83
de la convention sur le droit de la mer de 1982,on pourrait légitime-
ment douter qu'une telledisproportion méritelenom de «solution équi-
table».
Répondantaux arguments du Danemark relatifs àla disproportion, la
Norvège a fait observer que dans les cas où, comme en l'occurrence,
les deux côtes sont de longueur inégale,une ligne médianeaurait pour
effet de donner l'étenduela plus grande à la côte la plus longue. Cela
est vrai; dans une certaine mesure on peut dire que la ligne médiane
tient effectivement compte d'une disparité de longueurs des côtes et
qu'il y aurait double emploi si cette disparité devait être traitée séparé-
ment ou additionnellement. Cependant, s'il est de fait que la ligne

médiane laisseraitune superficie plus grande à la côte la plus longue,
cela ne garantirait pas nécessairementqu'iln'y ait pas de disproportion
excessive.
A considérerleschosesobjectivement,il n'ya rien, dans la géographie
de lazonepertinente, quidonne à penser quechaque kilomètrede la côte
deJan Mayen doiveengendrer sixfoisplus de plateau continental qu'un
kilomètredela côtepertinente du Groenland oriental, comme ceseraitleTrue,theidea ofthe continental shelfisacreatureoflaw.But,evenso,ina
caseofthis kind oneissupposed to be delimitingamaritime areabetween
oppositephysical coasts.Thisarea - the "relevantarea" - istheterritory
covered by converging projections from each opposite coast (see the
reasoningin Tunisia/Libya,I.C.J.Reports1982,pp. 61-62,para. 75).Nor-
way did not present any idea of the relevant area, but Denmark did.
1accept Denmark'sidea ofthearea as accurate. It isrepresented roughly
by the figure AEFB, BCDG, GH and HA shown in sketch-map No. 1
included inthe Judgment. Whenthisfigureisinterpreted inthe lightofthe
pertinent material,it willbe seenthatthe relevantarea which itrepresents
is bounded on the West wholly by 504 kilometres of the coast of
East Greenland, but that on the east it is only in very small part that it is
bounded by 54 kilometres of the coast of Jan Mayen. On the east, it is

bounded by the western coast of Jan Mayen notionally projected
200milestothenorthand 100milesto the south-westup to the outer limit
of Iceland's maritime area (see Memorial, Vol. 1, Map II; Rejoinder,
Map VI; Reply,Vol.1,Map V;and Figs.12,14and 15,presented by Den-
mark).Theuse ofa median linemeansthat whatisbeingdivided isnotthe
space between East Greenland and Jan Mayen, but the space between
East Greenland and the western coast ofJan Mayen artificiallyextended
to thenorth and to the south-west.

Hence, when Norway insists on "the legal equality of a median line"
(CR 93/7, p. 58, 19January 1993,Professor Brownlie), in the sense of
equalityinthe seawardsreach ofthe generatingcapacity ofeachcoast,it is
a legal equality which carries with it the benefit to Norway of being
applied to an areathe easternboundary ofwhich canonlytheoreticallybe

said to be represented by Jan Mayen, whereas the western boundary is
practicallycoterminous with the relevant coast of East Greenland.

It wasthe argument of Denmark that,in the caseofa short islandcoast
confronting a long mainland coast, equity could not be achieved unless
the delimitation line were drawn nearer to the short coasthan would be
the caseifamedian linewereused,soasto avoidany excessivedispropor-
tionality. Norway disagreed.

To illustrate its criticisms of Denmark's proposition, Norway intro-
duced Figure No. 10,reproduced on the following page.It shows, asone
wouldexpect,that, asbetweentwoequal and parallelcoastlines(one lying
north of the other) a median line accomplishes an equal division of the
intervening maritime space. Norway, however, understood Denmark's
reasoningto havethe consequencethat, ifthenorthern coastwerebroken
up among severaldifferent States,then D~LIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 184

cas si l'on suivaitla proposition de la Norvège.l est vrai que l'idéedu
plateau continental estune créaturedu droit. Mais,mêmeainsi,dansune
affaire de ce genre, on est censé délimiterune zone maritime entre des
côtes sefaisant face qui existent matériellement. Cette zon- la ((zone
pertinente » - est le territoire couvert par les projections convergentes
partant de chaque côte opposée(voir le raisonnement qui figure dans
l'arrêtconcernant l'affaire Tunisie/Libye,C.ZJ..Recueil 1982, p. 61-62,
par. 75). La Norvègen'a pas dit quelle étaitson idéede la zone perti-
nente, mais le Danemark l'a fait. J'accepte comme exacte l'idée qu'ila
donnéede la zone en question. Elle est représentée approximativement
par lafigure AEFB,BCDG, GH etHAdu croquis no1incorporéàl'arrêt.

Sicettefigure estinterprétéeàlalumièredesdonnéespertinentes,ilappa-
raît que la zonepertinente qu'elle représenteest limitéel'ouest entière-
ment par 504kilomètresde la côte du Groenland oriental, mais qu'à l'est
c'estseulementtrès partiellement qu'elleest limitéepar 54kilomètresde
la côte de Jan Mayen. A l'est, elle estlimitéepar la côte occidentale de
Jan Mayen projetée théoriquementjusqu'à 200 milles en direction du
nord et 100millesen direction du sud-ouestjusqu'à lalimiteextérieurede
la zonemaritime de l'Islande (voir mémoire,vol. 1,carte noII; duplique,
carteVI;réplique,vol.1,carteV;etlesfigures 12,14et 15présentées par le
Danemark). L'utilisation d'une ligne médiane signifieque la division
porte non pas sur l'espace compris entre le Groenland oriental et
Jan Mayen, mais sur l'espace situé entrele Groenland oriental et la côte
occidentale de Jan Mayen artificiellement prolongée vers le nord et le
sud-ouest.

Parconséquent,quand la Norvègeinsistesur «l'égalitjuridique d'une
lignemédiane »(CR93/7, p. 58,19janvier 1993,M.Brownlie),au sensde
l'égalitdans laportéede la capacitégénératricd eechaque côteendirec-
tion du large,c'estune égalitéjuridique quiemporte avecellel'avantage,
pour la Norvège,d'être miseen Œuvrepourune zone donton nepeut dire
quethéoriquement quesalimiteorientaleestreprésentée par Jan Mayen,
alors que la limite occidentale coïncidepratiquement avec la côte perti-
nente du Groenland oriental.
C'était l'argumentdu Danemark que, dans le cas d'un littoral insu-
laire peu étendufaisant face àune longue côte continentale, l'équité ne
pouvait être assurée qu'en traçant la lignde délimitation plus prèsde
la côte courte que ce ne serait le cas s'ilétait utiliséune ligne médiane,
afin d'évitertoute disproportion excessive.La Norvègeétait en désac-
cord.

Pour illustrer les critiques qu'elle adressaitproposition du Dane-
mark,la Norvègeaprésenté la figureno10,reproduite à la pagesuivante.
Cette figure montre, comme on s'yattendrait, qu'entre deux côteségales
etparallèles(l'une situéaunord de l'autre),une lignemédiane opèreune
divisionpar parts égalesde l'espace maritimequ'ellesenferment.Toute-
fois, laorvègea compris le raisonnement du Danemark comme ayant
pour conséquence que, si la côte septentrionale se répartissait entre
plusieurs Etats différents,alors, 4
Coastof SAate

Coastof Btate

CoasofStates
c A B C D E
l

Coastof SFate
1

Coastsof States

14 1-7 O El E El

Coastof SGate DÉLIMITATIONMARITIME(OP. IND. SHAHABUDDE185

I
Côte de l'Atat

Côte de 1'Btat

Côtes desEtats

Côtede1'EtatF
1

Côtes des Etats

LI iB_1El D IIEIIm

Côte de 1'EtatG "the longcoast[onthe south]would byitslengthalone leadto aloca-
tion of each of the several [maritime]boundaries to the north of a
median line between the physical coastlines" (CR 93/11, p. 45,
27January 1993,Professor Brownlie).

If that werethe consequence of Denmark's reasoning,itwouldbe plainly
inequitable, tending, as it would, to favour the southem coast as against
thenorthern coast taken as a whole,both being equalin length. But,con-
trary to Nonvay's analysis, each of the short coasts on the north would
not, inthat situation,be facing the whole ofthe longcoast on the south. If
the northern long coast came to be divided up among several States,any
tendency in the projections of each resulting short coast to fan out sea-
wards would be confined by an opposing tendency generated from the
neighbouring short coast (Libya/Malta, I.C.J. Reports 1985,pp. 79-80,
para. 10,and p. 80,para. 14,joint separate opinion).Theprojectionsfrom
anygivenshort coastwouldnot oppose those fromthe wholeofthe oppo-
site long coast. In the result, in the case of any of the short coasts, the
relevantoppositecoastwould be,notthe wholeofthe oppositelongcoast,
but only that small part of it which was equal to that of the short coast.

Thusthe relevantcoastswouldbetwoequal and parallel short coasts,and
the maritime space between them would be equally - and equitably -
dividedby amedian line.Denmark'sarguments do not lead insuch acase
to a northward shiftin the position ofthe median line, and itsthesis can-
not befaulted onthebasisthat itwouldproduce inequitableresults ifsuch
a shiftweremade. Sotoo ifthe northern longcoast werebroken up into a
seriesofislands,each near to the other; for,in such a case,the radial pro-
jections of each island would be cut off by those of the island next to it,
with the result that the coast of each island would be left to face only a
correspondinglength ofthe southern longcoast and notthe whole ofthe
latter.

Denmark's submission that a shift is required to achieve equity is
directedonlytothe casewhere anotherwiseisolated short coast - suchas
that of a small island standing alone in the open seas - confronts a
long mainland coast,such asthe relevant part ofthe coast of East Green-
land.RemovingfromFigureNo. 10al1elementsnot relevantto suchacase,
it willbe apparent fromthe remainingelements that in such a case - the
casepresented by Denmark - a median line willindeed dividethe mari-
time area so as to give to each kilometre of the short coast a markedly
greater area ofthe maritime zone than it would giveto each kilometre of
the oppositelongcoast. Grantedthat mathematical equalityis notthe cri-
terion, yetwhere,asinthis case,the discrepancy in areas attributable to a
kilometreofeachcoastisinthe order ofaratio of6: 1infavouroftheshort
coast,insistencethat "legalequality" isneverthelesssatisfied because the «la côte longue [au sud],par sa seule longueur, conduiraità placer
chacune des différentes limites [maritimes] au nord d'une ligne
médianeentrelescôtesphysiques»(CR93/11, p.45,27janvier 1993,
M. Brownlie).

Si telle était la conséquencedu raisonnement du Danemark, elle serait
manifestement inéquitable, car elle aurait tendance à favoriser la côte

méridionalepar rapport àla côteseptentrionale prise comme un tout, les
deuxétantd'égale longueurO . r,contrairement àcequ'affirme laNorvège
dans son analyse,chacune des côtescourtes situéesau nord ne ferait pas
face,dans cettesituation,àl'ensembledelalonguecôtesituéeausud. Sila
longuecôteseptentrionalevenait àêtredivisée entreplusieursEtats, toute
tendance à se déployeren éventailvers le large que pourraient avoir les
projections de chaque côte courte résultante serait limitéepar une
tendance en sens contraire engendrée par la côte courte avoisinante
(Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985,p.79-80,par. 10,etp. 80,par. 14,opinion
conjointe de MM. Ruda, Bedjaoui et Jiménezde Aréchaga).Les projec-
tions a partir d'une côtecourte donnée ne s'opposeraientpas à cellesqui

partiraient de l'ensemblede la longue côte situéeen face. Le résultatest
que, dans le cas de l'une quelconque des côtescourtes, la côtepertinente
opposée seraitnon pas la totalitéde la longue côte opposéemais seule-
ment la petite fraction de celle-ciqui serait égàcellede la côtecourte.
Ainsi,lescôtespertinentes seraientdeux côtescourtes égalesetparallèles,
etl'espacemaritimelesséparantseraitdiviséparparts égales - etéquita-
blement - par une ligne médiane. Les arguments du Danemark ne
conduisentpas, enpareil cas, àun déplacementverslenord du tracéde la
lignemédiane,etsathèsenepeut êtrecritiqué au motifqu'elleproduirait
desrésultatsinéquitablessiun tel déplacementétaiteffectué. Il enirait de
mêmeslialonguecôteseptentrionale étaitfractionnéeenune séried'îles,
chacune proche de la suivante; en effet, en pareille situation, les projec-

tions radiales de chaque île seraient coupéespar celles de l'île la plus
proche, de sorte qu'en définitivela côte de chaque île ferait face unique-
ment à une longueurcorrespondante delacôtelongueméridionaleetnon
à latotalitéde cettedernière.
La conclusion du Danemark selon laquelle un déplacementest indis-
pensable pour réaliser l'équitévise seulement le cas où une côte courte
isoléepar ailleurs- tel que celuid'unepetite îlesedressant toute seuleen
haute mer - est en présence d'une longue côte continentale, telle que la
partie pertinente de la côte du Groenland oriental. Si l'on exclutde la
figure no 10tous les éléments quine sont pas pertinents dans une telle
situation, il ressortira des éléments restants qu'en pareil cas le cas
présenté par le Danemark - une lignemédiane diviseraeffectivementla

zonemaritime de manière à donner à chaque kilomètrede la côte courte
une étendue nettement plus grandede cette zone qu'elle ne donnerait à
chaque kilomètrede la côte longue opposée. Une égalitémathématique
n'estcertespas le critère,maisil n'enrestepas moins quedans lescas où,
comme ici, la disproportion des étendues à attribuer à un kilomètrededistance between the coasts is still equally divided by the median line
becomes too remote from common understanding to satisfy the kind of
practical equalitythat it should be the aim of equityto achievein interna-
tional relations. In my opinion, a disproportionality of that magnitude
amounts to an inequity disqualifying the median line as an equitable
method of delimitation.

(iii) Denmark's Claim Considereo dntheBasis ofEqualityintheSenseof
TreatingLike withLike

Atthisstage,the mainfeatures ofDenmark'scasewillhavesufficiently
appeared from the foregoing. It is, of course, based on considerations
relatingto proportionality. Butthere isaparticular feature ofthisconcept
which Denmark invoked.In the wordsof theCourt, "the essentialaspect
of the criterion of proportionality is simply that one must compare like
with like" (Tunisia/Libya,I.C.J.Reports1982,p. 91,para. 130).Or, as it

alsosaid,"the onlyabsolute requirement ofequityisthat oneshould com-
pare likewithlike" (ibid.,p.76,para. 104).1believeitwasinthissensethat
counselfor Denmark submitted that to treat coasts ofunequal lengthas if
they were of equal length is to treat them unequally (CR 93/10, p. 51,
25January 1993,Professor Bowett).

There are warnings in the books, doubtfully made, that the common
law maxim "Equality is equity" needs qualification when sought to be
extendedto the field ofinternational law.In international relations,situa-
tions tend to become highlyindividualized,perhaps, it is said, evenmore
sothan atthe municipal level,and an equalityoftreatment whichentirely
neglects an inequality of conditions and their results can lead to grave
injustice(CharlesDe Visscher, Del'équitédanslerèglementarbitrae ltjudi-
ciairedeslitigesdedroitintemationalpublic,1972,pp. 7,8,32; and Minority
Schoolsin Albania,P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 64, p. 4, at p. 19).Conse-
quently,"Rétablir l'équilibre entre dessituations différentes,telpeut être
l'objet d'uneégalitéqui répond à l'équité"(Charles De Visscher,op.cit.,

p. 7.And seePaul Reuter, "Quelques réflexionssurl'équité en droitinter-
national", Revue belgede droit international,1980-1,Vol. XV, p. 165,at
pp. 170-173).1 construe that and similar statements to the effect that
equity is concerned with the achievement of a balance or equilibrium of
competinginterestsasmeaningthat,where thepositions beingconsidered
are materiallydifferent,equalitytranslates out asproportionality soasto
achievean equalityin relations. Thesubstance ofthe idea was expressed
by Judge Tanaka when, dealing admittedly with another area of the law,
he said:

"the principle of equalitybefore the lawdoes not mean the absolute
equality, namely equal treatment of men without regard to individ-chaque côte est de l'ordre de 6 contre 1 en faveur de la côte courte,
l'argument selon lequel l'«égalitjuridique » est quand même satisfaite
étantdonné quela distance entre les côtes demeure diviséepar parts
égalespar la ligne médianes'éloignetrop du sens commun pour qu'il
puisse aboutirà cetteégalitépratiqueque l'équité devraittendrà réaliser
dans lesrelations internationales. Selonmoi, une disproportion de cette
ampleurrevient àuneiniquitéquidoitconduire àécarterlalignemédiane
entant que méthode équitablede délimitation.

iii)La demandeduDanemark au regarddel'égalité dans lesens
d'une comparaisonentrechosescomparables

A cestade, on aura vu apparaître avecsuffisamment de clartélestraits
saillants de l'argumentation du Danemark. Celle-ci est, cela va de soi,
fondéesurdesconsidérationsrelatives àla proportionnalité. Cependant,
il y a un aspect particulier de ce concept que le Danemark a invoqué.
Selon la Cour, ((l'aspect essentiel du critère de proportionnalité est
simplement que l'on doit comparer ce qui est comparable» (Tunisie/
Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 91,par. 130).Ou,commela Cour l'adit aussi,
«l'équité impose seulemend te comparer ce qui est comparable » (ibid.,

p. 76,par. 104).C'estdans cesens,je crois,que le conseildu Danemark a
conclu que, si l'on traite des côtes de longueur inégale commesi elles
étaientde même longueur, on lestraite defaçon inégaleCR93/10, p. 51,
25janvier 1993,M. Bowett).
Il ya dans lesouvragesdes misesen garde,formuléesaveccirconspec-
tion, selonlesquellesla maxime de la commonlaw((égalité estsynonyme
d'équité»demande à être nuancéequand on cherche à l'étendreau
domaine du droit international. Dans les relations internationales, les
situations ont tendance à s'individualiser au plus haut point, peut-être,
dit-on,encoreplus que sur leplan interne,etune égalitdetraitement qui
négligeraittotalement une inégalitdans lessituations etdans leursrésul-
tats pourrait conduireà de graves injustices (Charles De Visscher, De
l'équitdans lerèglementarbitral etjudiciairedeslitigesdedroitntematio-
nalpublic, 1972,p. 7,8 et 32; et affaire des EcolesminoritairesenAlbanie,

C.P.J.I.sérieA/B no 64, p. 19). En conséquence: ((Rétablirl'équilibre
entre des situations différentes, tel peut être l'objet d'une égalité qui
répond à l'équit»(CharlesDeVisscher,op.cit.,p.7 ;voiraussiPaulReuter,
((Quelquesréflexionssur l'équité en droit internationalRevuebelgede
droit intemational,980-1,vol. XV,p. 170-173).J'interprèteces observa-
tions et d'autres selon lesquellesl'équité veut qu'un équilibre soit établi
entreintérêtsrivauxcommesignifiantque,lorsquelessituationsconsidé-
réessontsensiblementdifférentes,l'égalité straduit par laproportionna-
litéen vue de la réalisation d'une égalité danlses relations. L'idée a été
exprimée en substancepar M. Tanaka, lorsque,bien que seréférant à un
autre domaine du droit, il a déclaré

«le principe de l'égalidevantlaloi ne correspond pas àune égalité
absolue, qui voudrait que les hommes soient tous traités également ual, concrete circumstances, but it means the relative equality,
namely the principle to treat equally what are equal and unequally
what are unequal" (South WestAfrica, I.C.J. Reports 1966,pp. 305-
306,dissentingopinion).

The common law maxim is not really deficient on the point, it being
accepted, at least today, that "the word 'equality' in the maxim means
not literal equality but proportionate equality" (R. P. Meagher,
W. M. C. Gummow and J. R. F. Lehane, Equity,Doctrinesand Remedies,
3rd ed., 1992,p. 87,para. 330).
It is indeed the case that, as thehamber said in the Frontier Dispute
case :

"Although'Equity does not necessarily implyequality'(NorthSea
ContinentalShelJ;I.C.J.Reports 1969,p. 49,para. 91),wherethere are
no specialcircumstances the latter isgenerallythe best expression of
the former." (I.C.J. Reports 1986,p. 633,para. 150.)

Thus, subject to reasonable exceptions for "special circumstances", the
idea of equality is centralto equity.What the Court said in 1969was that
"[elquity does not necessarily imply equality" (North Sea, I.C.J. Reports
1969,p. 49,para. 91); the Court did not Saythat "[elquity does not imply
equality". Toabstract the idea ofequalityaltogetherfromequity isatonce
to denude the latter of meaning and to disfigure the Court's statement on
the subject. But, while the Court did not therefore exclude the idea of
equality from equity, it did emphasize that "[elquality is to be reckoned
within the same plane" (ibid.,p. 50,para. 91).Thiswas whythe Court was
concerned, in the circumstances of the case, to ensure that States with
comparablecoastlinesshould be accordedpracticalequality oftreatment.
That too waswhythe Court was equallyunable toaccept that "therecould

[ever]be a question of rendering the situation of a State with an extensive
coastline similar to that of a State with a restricted coastline" (ibid.,
pp. 49-50,para. 91). 1should have thought that this straightforward and
pertinent statement ofprinciple was directlythreatened whereacoastline
nine timesaslongas another was assigned anarea ofthe continental shelf
just one and a half times as large as that assigned to the other. Yet that
would be the consequence in this case unless the disparity in coastal
lengths couldbe regarded as a specialcircumstancedisplacing the use of
the median line. Can it be soregarded ?

Responding to Denmark's claim that Jan Mayen, par excellence,is a
special circumstance, Norway contends that a special circumstance is
someincidentalphysicalfeature which would distort a median linefixed
by reference to the primary components of the relevant geographical
region; that Jan Mayen is not such an incidental physical feature but is

itselfone ofthe components ofthe delimitation area; and that it cannotin D~LIMITATION MARITIME (OP.IND.SHAHABUDDEEN) 188

compte non tenu des situations individuelles et concrètes, mais
correspond plutôt à une égalité relative, c'est-à-direau traitement
égalde ce qui est égal etinégalde ce qui est inégalSud-ouestafri-
cain, C.I.J. Recueil1966,p. 305-306,opinion dissidente).
La maxime de la commonlawn'estpas réellementdéficientesur cepoint,

carilestadmis,tout au moinsaujourd'hui, que «le mot ((égalité»,dans la
maxime,veutdire nonpas égalité àla lettre mais égalproportionnelle »
(R. P. Meagher, W. M. C. Gummow et J. R. F. Lehane, Equity,Doctrines
and Remedies, 3eéd.,1992,p.87,par. 330).
Et c'est un fait que, comme l'a déclaré la Chambredans l'affaire du
Différendfrontalier:

« Bien que ((l'équité n'implique pas nécessairementl'égalité »
(Plateau continental de la mer du Nord, C.I.J. Recueil 1969,p. 49,
par.91), il reste qu'en l'absence de circonstances spéciales c'est en
généralcelle-ci qui traduit le mieux celle-là.(C.I.J. Recueil 1986,
p. 633,par. 150.)

Ainsi, sous réserved'exceptions raisonnables liéesà des ((circonstances
spéciales», l'idée d'égalitest cruciale pour l'équité.Ce que la Cour a
déclarée,n 1969,c'estque ((l'équitén'implique pasnécessairement l'éga-
lité»(Mer du Nord, C.I.J.Recueil1969,p. 49,par. 91);la Cour n'a pas dit
que ((l'équitén'implique pas l'égalit». Abstraire complètement l'idée
d'égalitéde l'équité,'estàla foisdépouillercettedernière de toute signi-
fication et défigurer la déclaration faitepar la Cour sur le sujet. Cepen-
dant, si la Cour n'a donc pas exclu l'idéed'égalitéde l'équité, elle a
effectivement souligné que «l'égalitése mesure dans un mêmeplan»

(ibid., p. 49-50,par. 91). C'est pourquoi la Cour a été soucieuse,dans les
circonstances de l'espèce,de faire en sorte que les Etats ayant des côtes
comparables se voient accorder l'égalitéde traitement dans la pratique.
C'est aussi la raison pour laquelle la Cour n'a pas pu non plus admettre
que l'on puissejamais ((égaliserla situation d'un Etat dont les côtes sont
étendues et celle d'un Etat dont les côtes sont réduites» (ibid., p. 49,
par. 91). Je pense que cette déclaration de principe nette et pertinente
serait directement menacée au cas où une côte neuf fois plus longue
qu'une autre se verrait assigner une étendue de plateau continental à
peine une fois etdemieplus grandeque celledont bénéficieraitl'autre. Or
ce serait bienlà la conséquencedans la présente affaire,à moins que la
disparité de longueurs des côtes ne puisse être considérée comme une

circonstancespécialeappelantun déplacementdela lignemédiane.Cette
disparitépeut-elleêtre ainsiconsidérée?
Répondant àl'affirmation du Danemarkselonlaquelle Jan Mayen,par
excellence, constitue une circonstance spéciale, la Norvège soutient
qu'une circonstance spéciale est une caractéristique physique incidente
qui fausserait une ligne médiane fixéepar référenceaux élémentsprinci-
paux de la régiongéographiquepertinente; que Jan Mayen n'estpas une
caractéristiquephysiqueincidente de cegenremais estelle-mêmel'un desconsequencebeaspecialcircumstance inthedelimitation ofitsowncoas-

ta1projections.The situationsin some cases support Nonvay's idea of a
special circumstance. See,for example, the North Sea cases, the Anglo-
FrenchArbitration,and the Tunisia/Libya case.Casesin which someislet
orotherphysicalfeaturebetweenopposite coastswould operatetoimpart
an unduly distorting effect on amedian lineare obviouslynot apt in this
case. Denmark's attempt, in the course of the written pleadings, to treat
Jan Mayen itself as occurring"on the wrong side" of a delimitationline
between mainland Nonvay and Greenland (Reply, Vol. 1, p. 109,
para. 299) wasrightly not pursued in the oral arguments,there being no
question of any continental shelf between these two territories falling to
be delimited.

How then can Jan Mayen be a special circumstance? The question
tums on another: what is the scope of "special circumstances"? In the

NorthSea cases,theCourt itselfreferredto "stillunresolved controversies
as to the exact meaning and scope of this notion" (Z.C.J.Reports 1969,
p. 42,para. 72.See also ibid.,p. 254,Judge ad hoc Sarensen, dissenting).
And in 1977the Anglo-French Court of Arbitration had reason to note
that

"Article 6 neither defines 'special circumstances'nor lays down

the criterion by which it isto be assessed whether any givencircum-
stances justify a boundary line other than the equidistance line"
(RIAA, Vol.XVIII, p. 45,para. 70).
It isuseful, however,to recallthe statement of Judge Lachs in his dissen-
ting opinion in the North Sea cases that "the application of the rule [of
equidistance],and the admission ofpossible exceptionsfromit, cal1for a
reasonable approach; as he remarked, "'Reasonableness' requires that
the realities of a situation, as it affectshe Parties,be fully taken into

account" (Z.C.J.Reports1969,p. 239).
Adhering to myopinion that "special circumstances" withinthe mean-
ing of Article 6 of the 1958Conventionare narrower than "relevant cir-
cumstances" at customaryinternational law,itneverthelessappears to me
that the former could reasonablyencompassa variety of situations.

1do not think that 1need take up a position on the question whether
apriori a primary component of a relevant area may not be a special cir-
cumstance.Therealquestion isnot whetherJan Mayenisperse a special
circumstance, but whether the relationship between Jan Mayen and
Greenland is a special circumstance. No doubt, the International Law
Commission had in mind particular physical features or irregularities
whichwould haveanundulydistorting effecton an equidistanceline that
would otherwise be required (North Sea, Z.C.J.Reports 1969,pp. 92-94,éléments de la zone de délimitation;et qu'en conséquenceJan Mayen ne
peut êtreune circonstancespécialedans le cadre de la délimitationde ses
propres projections côtières. Les situations en cause dans certaines
affairesviennent à l'appui de l'idée quese fait la Norvèged'une circons-
tance spéciale.Voir, par exemple, les affaires de la Mer du Nord, 1'Arbi-
tragefranco-britannique et l'affaire Tunisie/Libye. Les cas où un îlot ou
une autre caractéristique physique se trouvant entre des côtes opposées
auraitun effet de distorsion exagérésurune lignemédiane ne sontmani-
festement pas à prendre en considération dans la présente affaire. La
tentativefaite par le Danemark,dans sesécritures,pour traiter Jan Mayen
elle-mêmecommesetrouvant «du mauvaiscôté»d'uneligne dedélimita-
tion entrela Norvègecontinentale etleGroenland (réplique,vol. 1,p. 109,

par. 299)a étéà juste titre abandonnéeau cours de la procédure orale,car
il ne peut être question d'unplateau continental quelconque à délimiter
entre ces deuxterritoires.
Comment donc l'îledeJan Mayen peut-elle constituer une circonstance
spéciale? La question en appelle une autre: quelle est la portée des
«circonstances spéciales »?Dans les affaires de la Merdu Nord,la Cour
elle-mêmea évoqué «les controverses ..non encore résolues auxquelles
ont donné lieu la portée et le sens de cette notion)) (C.I.J. Recueil 1969,
p. 42,par. 72; voir aussi, ibid.,p. 254,opinion dissidente de M. Sorensen,
juge ad hoc).Et en 1977le tribunal arbitral franco-britannique a eu des
raisons de noter que

«l'article6 s'abstient de définirles «circonstances spéciales» aussi
bien que d'indiquer le critère permettant d'établir si des circons-
tances donnéesjustifient une délimitationautreque celle qui résulte
de la ligned'équidistance»(RSA,vol.XVIII, p. 175,par. 70).

Toutefois, il est utile de rappeler ce passage de l'opinion dissidente de
M. Lachs, dans les affaires de la Merdu Nord: ((l'application de la règle
[del'équidistance]etla possibilitéd'exceptions doiventêtreenvisagéesde
façon raisonnable » ;comme il l'a fait observer, «la raison exige que l'on
tienne pleinement compte de toutes les réalitésd'une situation, dans ses
effets pour toutes les PartiesC.I.J. Recueil1969,p. 239).
Bien que je persistà croire que les «circonstances spéciales»au sens
de l'article6 de la convention de 1958ont un sens plus étroit que les
« circonstancespertinentes »du droitinternational coutumier, il m'appa-
raît néanmoins que les premières pourraient raisonnablement englober

des situations diverses.
Je ne crois pas avoir àprendre position sur la question de savoir si,à
priori, un élément principal d'une zone pertinente ne peut pas cons-
tituer une circonstance spéciale. La question réelle n'estpas de déter-
miner si Jan Mayen est par elle-mêmeune circonstance spéciale, mais
si les rapports entre Jan Mayen et le Groenland constituent une circons-
tance spéciale. Sans aucun doute, la Commission du droit internatio-
nal avait à l'esprit des caractéristiques ou irrégularités physiques
particulières qui auraient un effet de distorsion exagérésur une ligneJudge Padilla N~No, separate opinion; Tunisia/Libya, I.C.J. Reports
1982,pp. 187ff.,Judge Oda, dissenting; and Libya/Malta, I.C.J.Reports
1985,pp. 142ff.,JudgeOda, dissenting).Butitwould seemto me that the
true underlyingprinciple isthat a circumstance is a specialcircumstance
if it issuch as to render the use of the median line inequitable. Thus
viewed, special circumstancescould include circumstances in addition
to those which impart some peculiar shape to the median line. Even
assuming that Jan Mayen is not per se a special circumstance, the
disparity between its coastal length and that of East Greenland would
render the use of the median line inequitable and is accordingly a
special circumstance.

In the Libya/Malta case,Judge Oda, dissenting,remarked :

"The technique ofthe presentJudgment involvestaking the entire
territory of one Party as a specialcircumstance affecting a delimita-

tion ..." (I.C.J.Reports1985,pp. 138-139,para. 27.)

Judge Oda was critical of the Judgment on the point. Whether his criti-
cismswerejustified ornot doesnotaffectthe correctnessofhisperception
thatthe Court had in realitytreated "the entireterritory of one Party asa

specialcircumstance" - orperhaps,moreaccurately,the entirecoastline
of the territory of one Party in itsrelationship with that of the other.The
coastlines involvedwere,of course,those of a smallisland and that of an
opposite long mainland coast. The island in this case is not only a small
one facing a long mainland coast; it is an isolated small island facing a
long mainland coast - isolated in the particular sensethat itsradial pro-
jections, in relation to the long coast, are not constrained by the projec-
tions from anythird coasts. 1am of opinionthat this constitutesa special
circumstance which excludes the use of the median line under Article 6,
paragraph 1,ofthe 1958Convention, andsupport thefinding ofthe Court
to the same effect.

(iv) fie FisheryZone

The foregoingobservationsconcernedthe continental shelf and were
premised on the applicable lawbeingthat laid downin the 1958Conven-
tion. In contrast,the delimitation of the fisheryzone is governed by gen-
eralinternational law.Theconclusionreached inrelation to the continen-
tal shelfishoweverapplicable in principleto the caseofthe fisheryzone,
in the sensethat, taking account of the relevant circumstances, equitable
principleswould precludethe use of the median linefor its delimitation. DÉLIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 190

d'équidistance qui, à d'autres égards, s'imposerait (Mer duNord, C.I.J.
Recueil 1969,p. 92-94, opinion individuelle de M. Padilla N~NO;
Tunisie/Libye, C.I.J. Recueil 1982,p. 187 et suiv., opinion dissidente
de M. Oda, et Libye/Malte, C.I.J. Recueil1985, p. 142et suiv., opinion
dissidente de M. Oda). Toutefois, il me semble que le véritableprin-
cipe sous-jacent est qu'une circonstance constitue une circonstance
spécialesi elle est de nature a rendre le recours à la ligne médiane
inéquitable.Ainsienvisagées,lescirconstancesspécialespourraient com-
prendre des circonstances s'ajoutant à celles qui donnent une configu-
ration particulière à la ligne médiane. Mêmeen supposant que Jan

Mayen n'est pas par elle-mêmeune circonstance spéciale,la disparité
de longueurs de sa côte et de celle de la côte du Groenland oriental
rendrait le recoursà la ligne médiane inéquitable et constituedonc une
circonstancespéciale.
Dans l'affaire Libye/Malte, M. Oda a fait l'observation suivante dans
son opinion dissidente :

La méthodesuivie dans le présent arrêt consiste a voir dans le
territoire entier de l'une des Parties une circonstance spécialede
nature à influer sur une délimitatio.D.(C.I.J. Recueil 1985,p.138-
139,par. 27.)

M.Oda a critiquél'arrêstur cepoint. Que sescritiques aient étéjustifiées
ou non ne changerien a la validitéde son sentiment que la Cour avaiten
réalité traité«le territoire entier de l'une des Parties» comme «une
circonstancespéciale D,ou peut-être,plusexactement,lelittoral entierdu
territoired'une Partie dans sesrapports aveccelui de l'autre.Lescôtesen
cause étaient, bien sûr,celles d'une petiteîle et celles d'une longue côte

continentale situéeen face.L'île,dans la présente affaire,n'estpas seule-
mentun petitterritoire quiadevantlui une longuecôtecontinentale :c'est
unepetiteîle isoléequiadevant elleune longuecôtecontinentale - isolée
en ce sens particulier que ses projections radiales, par rappoàtla côte
longue,nesontpaslimitéespar lesprojectionsoriginaires decôtestierces.
Selonmoi,celaconstitueune circonstancespécialequi exclutlerecours à
la ligne médiane conformémentau paragraphe 1de l'article6 de la con-
ventionde 1958,etj'appuielesconstatationsde laCourallantdans cesens.

iv) La zone depêche

Les observationsqui précèdent concernaientle plateau continental et
reposaient sur cette prémisseque le droit applicable étaitcelui qui est
énoncédans la convention de 1958.En revanche, la délimitationde la
zone de pêcheest régiepar le droit international général. Toutefois, la

conclusionretiréeau sujet du plateau continental est applicable enprin-
cipe à la zone de pêcheen ce sens que, compte tenu des circonstances
pertinentes, l'application de principes d'équité exclurailte recours la
lignemédianepour la délimitationde cettezone. Proportionality by itself cannot serveas a method of delimitation,but,
in the special circumstances of the case, it would indicate a line lying
somewherebetween Denmark's200-milelineand the western outer limits
ofJan Mayen'sterritorial sea.Sincethemaximumlimitunder contempor-
ary international law for the continental shelf in this case is 200 miles,
Denmark submitsthat the delimitationline isthe 200-milelineproposed
by it. Norway'scriticismthat this involvesa correction of equityby law is
attractivebut not convincing. 1do not interpret Denmark'sreference to a
possiblelinebeyond the 200-milelimitasbeing a referenceto alinefixed
byequityinopposition to onefixed bylaw,sothat equitywould then have
to be corrected by law. It is only a step in the theoretical reasoning
employed by Denmark to demonstratethe extent to which equity would

giveeffectto what itperceivesto bethe fair intent ofthe lawinthe special
circumstancesofthe case,that extentbeingbounded bythe 200-milelimit
fixed by the law. Equity itself being part of the law, there is no question
either of equity correctinglaw or of lawcorrectingequity.

Denmark's 200-milelinewouldyieldan arealratio of6.64to 1infavour
of Greenland, as against a coastal length ratio of 9.2 to 1 in favour of
Greenland. So Jan Mayen would stillbe securingproportionately more
than Greenland. But the problem with Denmark's approach, to which
1have been otherwise much drawn, is that it would have the effect of
assigningto Denmark the whole of the area lyingbetweenthe two over-
lapping 200-milelines.Thatpoint, whichhasbeenpressed by Norway, is
not conclusive proof of infirmity in Denmark's argument; for, in the
NorthSeacases,the Court did visualizethe possibilitythat a delimitation

linecould leavethe "disputed marginal orfringearea ...whollyto one of
the parties". It is,however,possible to interpretthe Court's statementas
suggestingthat it would be moreusualforthe delimitationline to "divide
itbetweenthem in certainshares, or operate asifsucha divisionhad been
made" (I.C.J. Reports1969,p. 22,para. 20).

Thus, while equityisnot synonymous with splittingthe difference, itis
only in extreme conditions, if at all, that it would be right to exclude a
party altogether from the "disputed marginal or fringe area". 1consider
that those conditions come near to being satisfiedin the special circum-
stancesofthis case,but not quite. Although 1would have preferred a line
lying somewhat more to the east of that determined by the Court and
derived byway ofa moderate westward shiftof Denmark'sline, 1cannot
Saythat my preference is so compellingly right as to disable me from
adhering tothe Judgment on thispoint. QUATRIÈME PARTIE. LA D~TERMINATION DE LA LIGNE ÉQUITABLE

La proportionnalité ne peut pas en elle-mêmeservir de méthodede
délimitationmais, dans les circonstancesspécialesde l'espèce, elleindi-
queraitune lignesituéequelquepart entrelalignedes200millesdu Dane-
mark et la limite ouest de la mer territoriale deJan Mayen. Etant donné
que dans cetteaffairelalargeur maximumdu plateau continental endroit
international contemporain estde200milles,leDanemark soutient quela
ligne de délimitation doit êtrela ligne des 200 milles qu'il propose.
L'objectionde la Norvègesuivantlaquelle il s'agitlà d'une correctionde
l'équitépar le droit est attrayante mais n'estpas convaincante. Je n'inter-

prète pas la référenceu Danemark àla possibilitéd'une lignequi serait
situéeau-delàde lalimitedes 200millescommeune référence àune ligne
fixéepar l'équitépar oppositionà une lignefixéepar ledroit, desorteque
l'équité devrait alors être corrigper le droit.l s'agitseulement d'une
étapedans le raisonnement théorique employépar le Danemark pour
démontrer la mesurejusqu'à laquelle l'équité donnerait effet à ce qu'il
conçoitcomme étantl'intention véritabledu droit dans les circonstances
spéciales de l'espèce, cette étendue étant bornéepar la limite des
200millesfixéepar le droit. L'équité faisantlle-même partie du droit, il
n'estpasquestionquel'équité corrigeledroitniqueledroitcorrigel'équité.
Lalignedes200millesdu Danemarkaurait pour résultatunrapport des
superficies de6,64contre 1en faveur du Groenland, alors que le rapport
deslongueursdescôtes estde 9,2contre 1enfaveur du Groenland. Ainsi,
Jan Mayen obtiendrait encore proportionnellement plus que le Groen-

land. Mais le problème que suscite la démarche du Danemark, pour
laquellej'aurais autrement fortement penché,est qu'elle aurait eu pour
effet d'attribuer au Danemark la totalitéde la zone de chevauchement
entre les deux lignes des 200milles.Ce point, qu'a fait valoir la Norvège
avec insistance, n'est pas une preuve concluante de la faiblesse de la
thèsedu Danemarkcar,dans lesaffairesdela MerduNord,laCoura envi-
sagéla possibilité qu'une lignede délimitation laissela «zone margi-
nale litigieuse..entièrement ..à l'une des parties)). Il est cependant
possible d'interpréter cette déclarationde la Cour comme signifiant
qu'ilseraitplus habituel que la ligne de délimitation aboutisse la par-
tager ou à faire comme s'ily avait partage)) (C.Z.J.Recueil1969,p. 22,
par. 20).
Ainsi donc, si l'équitn'estpas synonyme de division de la différence,

c'estseulement, sitant est,dans des cas extrêmesque l'on pourraitlégiti-
mementexclureentièrementunepartiede la zonemarginale litigieuse».
Je pense que ces conditions sont près d'êtreremplies dans les circons-
tances spécialesde cette affaire, mais pas toutà fait. Bien que j'eusse
préféréunelignesitué une peuplus àl'estdecellequiaété déterminée par
la Cour, etquia étéobtenue par un déplacementmodéré versl'ouestdela
lignerevendiquéepar le Danemark, je ne saurais direque ma préférence
estjustifiéepar des raisons assez impérieusespour que je ne puisse pas
souscrireà l'arrêtde la Cour sur cepoint. 1 apprehend, however, that it is necessary to consider possible criti-
cismsofthe discretionarycharacter ofthe decision.Themethod bywhich
the linehasbeendetermined bythe Court followstheprecedent setinthe
Libya/Malta case. There, as has been seen, a two-stage procedure was
applied involvingthe provisional drawing of a median line and a shift in
the position of that line to take account of the disparities in coastal
lengths,withthe final line lyingnearer to the shortCoastthan to the long.
The problem which this procedure presents is one of quantification of
equity,in the senseoffinding arationale tojustify the extentto whichthe
shift is made. Why exactly that extent? Why not a little more, or a little
less? The difficulty of finding a persuasive answer increases with the
extent ofthe shift.

Theproblem isafamiliaroneinthe field ofexercisingajudicial discre-
tion. A residue of discretion is intrinsic to the judicial function (see
Sir Robert Y. Jennings, "Equity and Equitable Principles", Schweizer-
ischesJahrbuch für internationalesRecht,Vol.XLII (1986),p. 35,and Gulf
of Maine,I.C.J.Reports 1984,p. 357,Judge Schwebel,separate opinion).
Theprocess ofassessing damages offersan illustration;in such a case,as
the Court itselfobserved,"the precisedetermination ofthe actual amount
to be awardedcouldnotbebased on anyspecific rule oflaw" (Judgments
of theAdministrativeTribunal of the IL0 uponComplaintsMadeagainst
Unesco,I.C.J.Reports 1956,p. 100).It would not be right to suppose that
observers who have expressed disquiet are unacquainted with the prin-
cipleinvolved.Nor shouldit be feltthat they consider itfatal that there is
no "rule for the mathematical delimitation of' maritime zones (Fisheries
Jurisdiction,I.C.J.Reports1974,p. 96,Judge de Castro,separate opinion).
They recognize that within bounds, which may well be ample,judicial
discretion is available to fil1the gap (Libya/Malta, I.C.J. Reports1985,

p. 187,Judge Schwebel, dissenting). But, as was observed by President
Bustamantey Rivero speaking of Spanishadministrative law, "a discre-
tionary power byno means impliesanarbitrary one" (BarcelonaTraction,
LightandPowerCompany,Limited,I.C.J.Reports1970,pp. 59-60,separate
opinion). Inthefield ofmaritimedelimitation, wherethemarginofappre-
ciationis aswideasitis,the difficultyisone ofofferingasatisfactory legal
basis for any particular exercise of the discretion if the results not to
appearto be "alinewhichthe Court hasderived exnihilo"(Tunisia/Libya,
I.C.J.Reports1982,p. 150,para. 14,Judge Gros, dissenting).

The Court has emphasized that itspowersof appreciationinthe appli-
cation of equitable principles are to be distinguished from a power to
decide exaequoetbon0(Tunisia/Libya,I.C.J.Reports1982,p.60,para. 71 ;
and see Libya/Malta, I.C.J.Reports 1985,p. 39, para. 45, and Gulfof
Maine, I.C.J. Reports 1984,p. 278, para. 59).Tightening up a llesswell- Je crains cependant qu'il faille envisager les critiques dont pourra
faire l'objet le caractère discrétionnairede la décision.La méthodepar
laquelle la ligne a été déterminée par la Cour suit le précédent établi

dans l'affaireLibye/Malte. Dans cette affaire, comme on l'a vu, il a été
appliquéune procédureen deux étapes consistant a tracer une ligne mé-
diane provisoire et ensuite à déplacer celle-ci pour tenir compte de la
disparitéde longueurs des côtes,la ligne finaleétant située plus prèsde
la côte la plus courteque de la côte la plus longue. Le problème soulevé
par cette façon de procéder est celui de la quantification de l'équité,
en ce sens qu'il faudra trouver un raisonnement pour justifier I'éten-
due du déplacement opéré. Pourquoi exactementce déplacement?Pour-
quoi pas un peu plus, ou un peu moins? 11est d'autant plus difficile
de trouver une réponse convaincante que le déplacementest plus impor-
tant.
Il s'agit d'un problème familier concernant l'exercice du pouvoir
discrétionnaire du juge. Un reste de pouvoir discrétionnaire est intrin-
sèque alafonctionjudiciaire (voirsirRobertJennings, «Equity and Equi-
table Principleso, SchweizerischesJahrbuchfür internationales Recht,
vol. XLII, 1986,p. 35, et Golfedu Maine, C.I.J.Recueil 1984, p. 357,

opinion individuelle de M. Schwebel). L'évaluationdu préjudice subi en
estuneillustration; enpareil cas,ainsi que la Cour l'aelle-mêmeobservé,
«le calcul du montant de l'indemnité ne[peut]pas êtredéduitderèglesde
droit posées à cet effet»(Jugementsdu tribunaladministratifde1'OITsur
requêtes contrle'Unesco,C.I.J.Recueil1956,p. 100).Il serait inexact de
supposer que les commentateurs qui ont ainsi exprimé leur trouble ne
connaissaient pas le principe en cause. On ne doit pas non plus penser
qu'ilsconsidèrentcommefatal qu'iln'existeaucune «règlepour délimiter
d'une manière mathématique» les zones maritimes (Compétenceen
matièrede pêcheriesC , .I.J.Recueil1974,p. 96, opinion individuelle de
M. de Castro). Ils reconnaissent qu'à l'intérieur de certaines limites,qui
peuventêtrelarges,lepouvoir discrétionnaire dujuge est là pour combler
la lacune (Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 187,opinion dissidente de
M. Schwebel). Mais, ainsi que l'a observéM. Bustamante y Rivero a
propos du droit administratif espagnol, «un pouvoir discrétionnaire
n'implique nullement l'arbitraire» (Barcelona TractionL , ightand Power
Company,Limited, C.I.JR . ecueil1970,p. 59-60,opinion individuelle).En

matièrede délimitationmaritime, où la marged'appréciation est si large,
la difficultéestdeprésenterun fondementjuridique satisfaisant pourtout
exercice particulier de ce pouvoir discrétionnaire afin que le résultat
n'apparaisse pas comme «une ligne que la Cour a tiréeex nihilo»(Tuni-
sie/Libye, C.I.J. Recueil 1982, p. 150, par. 14, opinion dissidente de
M. Gros).
La Cour a soulignéque son pouvoir d'appréciation dans l'application
desprincipes équitables està distinguer du pouvoir de statuer exaequoet
bon0(Tunisie/Libye,C.I.J.Recueil1982,p. 60, par. 71 ;voir aussi Libye/
Malte, C.I.J.Recueil1985,p. 39,par. 45, et GolfeduMaine, C.I.J.Recueil
1984,p. 278,par. 59).Exprimant avecplus de rigueur la position moinsdefined position taken in the Tunisia/Libya case, it has recognized too
that the equity whichit applies "should display consistencyand a degree
of predictability"(Libya/Malta, I.C.J.Reports1985,p. 39,para. 45).The
response, however, is that the equitable principles. which the Court
applieslack concretenessofcontent to thepoint wherethe Court isinfact
exercising a range of discretion which is practically indistinguishable
from a power to decide exaequoet bono(see,generally, E.Lauterpacht,
AspectsoftheAdministrationofInternationa Jlustice,1991,pp. 124-130).In
the words ofJudge Gros :

"A decision not subjectto any verification of its soundness on a
basis of law may be expedient,but it is never a judicial act. Equity
discoverèdbyan exerciseofdiscretionisnot aform ofapplication of
law." (GulfofMaine, I.C.J.Reports1984,p. 382,para. 37,dissenting.
And see Tunisia/Libya, I.C.J. Reports 1982, p. 153, para. 18,
JudgeGros, dissenting.)

Graver stillisthe warning "that an inordinate use of equitywould lead to
government by judges, which no State would easily accept" (Gulf of
Maine,I.C.J.Reports 1984,p. 385,para. 41,Judge Gros, dissenting).Criti-
cismsofthis order of severitydeserveconsideration.

Thejudicial character of the Court, rightly emphasized by Judge Kel-
loggin Free Zones ofUpperSavoyandtheDistrictof Gex(P.C.I.J.S ,eriesA,
No. 24), does not neutralize the fact that, pursuant to Article 38, para-
graph 2, of its Statute,the Court, if authorized by the Parties, may act in

disregasdofexistinginternational law(A.P. Fachiri, ThePermanentCourt
of InternationalJustice,nd ed., 1932,pp. 105-106;Dr. Max Habicht, The
PoweroftheInternationalJudgetoGivea Decision"exaequoetbono",1935,
pp. 20-27;and CharlesDe Visscher, op.cit.,pp. 21-26).In such a case,

"the Court is not compelled to depart from applicable law,but it is
permitted to do so, it may even cal1upon a party to give up legal
rights. Yet itoes not have a completefreedom of action. It cannot
actcapriciously and arbitrarily.Tothe extentthat it goesoutsidethe
applicable law, or acts where no law is applicable,it must proceed
upon objectiveconsiderations ofwhatisfairandjust. Suchconsider-
ations depend, in largemeasure,uponthejudges'personal apprecia-
tion, and yet the Court would not be justified in reaching a result
which couldnot be explained on rational grounds." (M.O. Hudson,
ThePermanentCourt ofInternationalJustice,1920-1942 (1943ed.),
p. 620,para. 553.)

Although an ex aequoet bon0 power does not require a departure from
principles oflaw,itshallmark isthat itpermits ofsuchadeparture. Where
no such departure isin question,it isnot correct to speak of a tribunal asnette adoptéedans l'affaire Tunisie/Libye,elle a reconnu égalementque
son application de l'équité«doit être marquée par la cohérenceet une
certaine prévisibili»(Libye/Malte, C.I.J.Recueil 1985,p. 39,par. 45).La
réponse,cependant,est que lesprincipes équitablesqu'applique laCour
manquent à telpoint de contenu concret qu'elle exerceenfaitun pouvoir
discrétionnaired'uneétendue quile rend pratiquement indiscernabledu
pouvoir de statuer ex aequo et bon0 (voir, d'une manière générale,
E.Lauterpacht, AspectsoftheAdministrationofInternationalJustice,1991,
p. 124-130).Pourreprendre lestermes de M. Gros:

«Une décisionlibredetoutevérificationde sonbien-fondésurla
base du droit peut êtreopportune, elle n'estjamais un actejuridic-
tionnel. Une équité discrétionnairement découverte n'est pas une
forme d'application du droit.»(Golfe duMaine,C.I.J. Recueil 1984,
p. 382, par. 37, opinion dissidente; voir aussinisie/Libye, C.I.J.
Recueil1982,p. 153.par. 18,opinion dissidentede M. Gros.)

Plus sérieuseencoreest la mise en garde «qu'une utilisation démesurée
ou désordonnéede l'équité aboutissait au gouvernement des juges, ce
qu'aucun Etatn'acceptefacilement »(GolfeduMaine,C.I.J.Recueil1984,
p. 385,par. 41,opinion dissidentede M. Gros). Des critiques d'une telle

sévéritéméritent considération.
Le caractèrejudiciaire dela Cour, soulignàjuste titre par M. Kellogg
dans l'affaire des Zonesfranches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex
(C.P.J.I.sérieA no24),n'interdit pas pour autant que, conformémentau
paragraphe 2 de l'article 38 de son Statut, la Cour, si les Parties sont
d'accord,puisse statuer sanstenir compte du droit international existant
(A. P. Fachiri, ThePermanent Court ofInternational Justice,2eéd.,1932,
p. 105-106;Max Habicht, ThePowerof the InternationalJudge to Givea
Decision«ex aequo et bono)),1935,p. 20-27;et Charles De Visscher,op.
cit.,p. 21-26).En pareil cas,

«la Cour n'estpastenue de s'écarterdudroitapplicable,maiselleest
autoriséeà lefaire,etpeut même demander àune partie derenoncer
à des droits juridiques. Elle n'a cependant pas une entière liberté
d'action.Ellenepeutpas agird'unemanièrecapricieuseetarbitraire.
Dans la mesure où elle s'écartedu droit applicable, ou intervient
dans des domaines où il n'y a pas de droit applicable, elle doit
s'appuyer surdesconsidérationsobjectivesde cequi estéquitableet

juste. Ces considérations dépendent, dansune large mesure, de
l'appréciation personnelledesjuges et cependant la Cour ne serait
pas fondée à aboutir à un résultat impossibleà expliquer par une
motivation rationnelle.)) (M. O. Hudson, The Permanent Court of
InternationalJustice,1920-1942(éd.1943),p. 620,par. 553.)

Siun pouvoir de statuer ex aequo et bon0n'exigepas qu'on s'écarte des
principes du droit,samarque distinctiveestqu'ilpermet delefaire.Onne
peutpasdire d'untribunal dont iln'estpasquestion qu'ilsesoitdépartideacting exaequo etbono,evenwhere thetribunal may itselfhave used the
term in describing itsdecision (seeJudgmentsoftheAdministrativeTribu-
nalofthe IL0 uponComplaintsMadeagainst Unesco,I.C.J.Reports1956,
p. 100).No power to depart from principles of law is exercisable in an
equitable delimitation by the Court. Wide as are the Court's powers of
appreciation, they are powers conferred by the law itself; their exercise
results in a judicial definition of the existing legal relations between the
parties, and not in a legislativecreation of new legalrelations displacing
existingones between them (see,generally,Sir Hersch Lauterpacht, The
Developmentof InternationalLawby theInternational Court, 1958,p. 213,
para. 68 ;and, also by him, PrivateLawSourcesandAnalogies of Interna-
tional Law (withSpecial Referenceto International Arbitration), 1927,
pp. 65-66,para. 28).Thisbeing the case,itwould not be right to regard an

application by the Court of equitable principles as amounting to the
assumption of a power to act exaequoet bono.

Putting aside cases in which an arbitrator is restricted to determining
which of two lines is the boundary, it seems appropriate to recall the
wordsused by Hersch Lauterpacht when he wrote:

"If [anarbitrator]chooses an intermediate line,there is no reason
formaintainingwithanydegreeofcogencythattheboundary chosen
is a common denominator arrived at through a process of compro-
mise and mediation, as distinguished from a strictly judicial pro-
cedure. Unless heis expresslyprecluded by the terms ofthe arbitra-
tion agreement from adopting such a course, he may - in fact, he
must - by balancing therelativevalueof the arguments andproofs
adduced bytheparties, fix a line which he deems to be correct in
law. He may choose a line suggestedby one party. But he need not
necessarily do so." (Hersch Lauterpacht, The Functionof Law in
theInternationalCommunity, 1933,p. 132;emphasisadded.)

Writing earlier with reference to allegations that the result of the
St.Croixboundary arbitration "wasrather effectedbynegotiationthan by
a Judicial determination", J. B.Moore likewiseremarked :

"It certainlyistrue that the decisiondidnot fullyallowthe claimof
eitherparty; but it ispermissibleto takethe viewthat what appeared
to the advocate of one of the parties, and no doubt equally to the

advocate ofthe other party, to be a 'negotiation' ratherthan a 'Judi-
cial determination', since it required the abandonment by each of a
part ofhis contentions,wasafter al1onlyan example of thenecessary
process of adjustment,of theweighingof one consideration against
another,by which,inthe presence of proofs concerning the effectof
which opinions may inevitably differ, concurrent and just human
judgments,judicial and othenvise, are daily reached." (J. B.Moorel'application des règlesde droit qu'il a statuéex aequo et bono,même
lorsqu'il a lui-même utilisé cette expressionpour motiver sa décision
(voir Jugementsdu tribunal administratifde l'OIT sur requêtes contre
l'Unesco,C.Z.J.Recueil1956,p. 100).La Cour ne peut pas s'écarter des
principes du droit pour procéder àune délimitation équitable.Lespou-
voirs d'appréciation de la Cour, aussi étendus qu'ils soient, lui sont
conféréspar le droit lui-même;leur exercice aboutit à une détermina-
tion judiciaire des relations juridiques existantes entre les parties et ne
consiste pas à légiférerour créerde nouvelles relations juridiques qui
remplaceraient celles qui existent entre elles (voir, d'une manière géné-
rale,sirHersch Lauterpacht, TheDevelopmentofInternationalLaw bythe
International Court,1958,p. 231, par. 68; et, du mêmeauteur, Private
Law SourcesandAnalogies ofInternationalLaw (with SpecialReference
to InternationalArbitration),927,p. 65-66,par. 28).Cela étant,il serait

erronéde considérerque l'application par la Cour de principes équi-
tables équivautde sa part às'approprier un pouvoir de statuer ex aequo
et bono.
Laissant de côtélescasoùun arbitre doit seborner à déterminerentre
deux lignes cellequi constitue la ligne de délimitation,il faut de rappeler
lestermes utiliséspar sir Hersch Lauterpacht quand il écrivait:

«Si[unarbitre]choisituneligneintermédiaire,riennepermetvrai-
ment de dire que la limite choisie est un dénominateur commun
obtenu par la voie d'un compromis et d'une médiation,par opposi-
tionà une procédure strictementjudiciaire. Amoinsque le compro-
mis d'arbitrage ne le lui interdise expressément,il peut, et en fait il
doit, enpesant la valeurrelativedes argumentset despreuvesavancés
par lesparties,terminerune lignequ'ilconsidèrecorrecteen droit.
Il peut choisir une ligneproposéepar l'une desparties. Mais il n'est
pas tenu delefaire.(HerschLauterpacht, TheFunction ofLaw inthe
InternationalCommunity,1933,p. 132;lesitaliques sontde moi.)

Auparavant, J. B.Moore avait de même remarqué à propos desalléga-
tions suivant lesquelles le résultat de l'arbitrage du différend frontalier
concernantlarivièreSainte-Croix «étaitdavantagelefruitd'une négocia-
tion que d'une décisionjudiciaire :

«Il estcertainement exactquela décisionn'atotalement faitdroit
àla revendication d'aucune desparties, mais il estpermis de consi-
dérerque ce qui semblait pour l'avocatde l'une des parties, et sans
doute aussi pour celui de l'autre, êtreune «négociation» plutôt

qu'une «déterminationjudiciaire », car chacune des parties y était
contrainte de renoncerà une partie de sesprétentions,n'étaitaprès
tout qu'un exemple duprocessus nécessairde'ajustement,de balance
d'uneconsidérationpar rapportàuneautre,par lequel,enprésencede
preuves dont la force se prête inévitablemenà des interprétations
différentes,sont quotidiennement rendus des jugements humains (ed.), Intemational AdjudicationsAncientand Modem, 1930,Vol. 2,
pp. 367-368;emphasisadded.)

Theindividualization ofjustice, throughthe application oflegal noms
framed in terms of standards, in such a way as to reconcile a tolerable
degree of predictability with the need to adjust to the peculiarities of a
specialsituation isnotthe sameaseclecticismor arbitrariness (seeFisher-
iesJurisdiction,I.C.J.Reports1974,p. 56,footnote 1,Judge Dillard, sepa-

rate opinion).Toresort to such standards isto "recognizethat within the
bounds fixed each caseisto a certain extent unique" (RoscoePound, An
Introduction to the Philosophy of Law, 1930,p. 118. And see ibid.,
pp. 113-120,and,alsobyhim,"Hierarchy ofSourcesand Formsin Differ-
ent Systemsof Law", TulaneLaw Review(1933),Vol. 7,p. 485).As has
been said :

"When courts are required to apply such standards as fairness,
reasonableness and non-arbitrariness, conscionableness, clean
hands,just cause or excuse, sufficientcause, due care, adequacy, or
hardship, then judgment cannot turn on logical formulations and
deductions,but must include a decision asto whatjustice requires in
the context ofthe instant case.Thisisrecognised,indeed, asto many
equitable standards, and also as to such notorious common law
standards as 'reasonableness'. They are predicated on fact-value
complexes,not on merefacts." (JuliusStone, LegalSystemand Law-
yers' Reasonings, 1964,pp. 263-264; footnotes omitted. And see,
generally, also by him, The Provinceand Function of Law, 1946,
pp. 318-319,325-326,411-412.)

In suchcases,itisonly asthe decision-makerapproachesthe limitsofthe
availablerange of discretionthat anyparticular decision (and no other)is
compellinglyright (Julius Stone, LegalSystemand Lawyers' Reasonings,
1964,p. 264).
"From Principlesto Pragmatism:Changes inthe Function ofthe Judi-
cialProcessandthe Law"wasthetitle chosenbyProfessorP.S.Atiyahfor
hisinaugurallecturedeliveredbeforethe UniversityofOxfordon 17 Feb-
ruary 1978(IowaLawReview,1980,Vol.65-11,p. 1249).The title,though
challenging, speaks for itself. On the subject of "the modern version of
Equity", he wrote :

"Surelythere can be no doubt that the modernjudicial discretion,
sometimes statutory, but sometimes also self-granted, to do what
is thought just according toal1the circumstances of the case is the
twentieth-centuryversion of Equity." (Zbid.,p. 1255.) concordants et justes par des organes judiciaires ou autres.»
(J. B. Moore (dir. publ.), Intemational AdjudicationsAncient and
Modem, 1930,vol.2,p. 367-368;lesitaliques sont de moi.)
L'individualisation de la justice, par l'application de normes juri-
diques formulées à la manièrede principes, de manière à concilier une
prévisibilité suffisante avecle besoin de s'adapter aux caractéristiques

particulières d'une situation spéciale,n'est pas synonyme d'éclectisme
ou d'arbitraire (voir Compétenceen matièrede pêcheries,C.I.J. Recueil
1974,p. 56,note 1,opinion individuelle de M. Dillard). Recourir àl'ap-
plication de ces principes est areconnaître qu'à l'intérieur des bornes
fixées chaque affaire est dans une certaine mesure unique» (Roscoe
Pound, An Introductionto thePhilosophyofLaw, 1930,p. 118;voir aussi
ibid.,p. 113-120.et,du mêmeauteur, ~Hierarchy of Sources and Forms
in Different Systemsof Law», TulaneLaw Review,1933,vol. 7, p. 485).
Commeon l'adit :

«Lorsque des tribunaux sont appelés à appliquer des normes
comme impartialité, caractère raisonnableet absence d'arbitraire,
conscience,honnêtetéj,ustesse de la cause ou de l'excuse, suffisance
du motif,duediligence, adéquationoudifficulté,lejugementnepeut
pas s'appuyer sur des formulations et des déductions logiquesmais
doit comporter une décisionsur ce que la justice exige dans les
circonstancesdel'espèce.Cela estd'ailleurs admispour cequi estde
nombreux principes équitables,et aussi de normes bien connues de
la commonlaw comme le caractère ((raisonnable». Ces principes
reposent surdescomplexesdefaitsetdevaleurs,etpas surdesimples
faits. (Julius Stone, Legal Systemand Luwyers'Reasonings, 1964,
p. 263-264; notes omises; voir aussi, d'une manière généraled ,u

mêmeauteur, île Provinceand Functionof Law, 1946,p. 318-319,
325-326,411-412.)
En pareils cas, c'estseulement quand son auteur approche les bornes de
son pouvoir discrétionnaire qu'une décision particulière(et nulle autre)
s'impose (Julius Stone, Legal System and Luwyers'Reasonings, 1964,
p. 264).
«FromPrinciplesto Pragmatism Changesin theFunction ofthe Judi-

cial Processand the Law»(«Des principes au pragmatisme:l'évolution
du rôle de la fonction judiciaire et du droit») était le titre choisipar
M. P. S.Atiyah pour sa conférence inaugurale à l'université d'Oxfordle
17février1978(Iowa Law Review,1980,vol. 65-11,p. 1249). Letitre, qui
lui-mêmedonne matière àreflexion,parle de lui-mêmeA . u sujet de ((la
versionmoderne de l'équité »,l'auteur écrivai:

((11ne peut assurément faire aucun doute qu'aujourd'hui le
pouvoir discrétionnairedu juge, qu'iltire parfois de la loi mais qu'il
s'arroge aussiparfois lui-mêmed,e faire ce qu'il considèreêtrejuste
compte tenu de toutes lescirconstances de l'espèceest la version du
XXesièclede l'équité». (Ibid.,p. 1255.)A little later he added:

"The law ...isnow largely based onthe assumption that the infi-
nitevariety ofcircumstances issuch thatthe attemptto laydown gen-
eralrules isbound to lead to injustice.Justice can onlybe done bythe
individualized, ad hoc approach, by examining the facts of the par-
ticular case in greatdetail and determiningwhat appears to be fair,
havingregard to what hashappened." (P.S.Atiyah, op.cit.,IowaLaw
Review, 1980,Vol.65-11,p. 1256.)

And then, referringto "an increasingtendency to use legaltools and tech-
niques which have an in-built flexibility", he cited as the "outstanding
example.. .the verywideuse madetoday ofstandards ofreasonableness"
(ibid.).It isunlikely thatthe jurisprudential phenomena examined by Pro-
fessor Atiyah have no counterpartin other legal systems, or that they are
irrelevant to international law merely by reason of distinctions between
equity in international law and equityin municipal law.

Nothing in these trends provides justification for dispensing with the
need to define thearea ofjudicial discretion by clearbounds, orto estab-
lish criteria governing its exercise within the prescribed limits. But it
seemsto methat such limitsaretobe found inthe settledprinciple thatthe
Court is concerned not to apportion common property, but to delimit
rights already separately appertaining to each Party. As argued above, a
delimitation may indeed operate to settledefinitivelywhat isthe extent of
competing rights in marginal areas, but it does not have the effect of

sharingout undivided property. The criteria governing a delimitationare
alsoreasonablyclear (see,for example, GulfofMaine, I.C.J.Reports1984,
pp. 312-313,para. 157;and Libya/Malta, I.C.J.Reports1985,pp. 39-40,
para. 46).What remains isthe task of weighing and balancing the opera-
tion ofthe applicable criteria within those limits.Admittedly, the process
couldbe a difficultone, because, asthe Court said in 1969,"The problem
of the relative weight to be accorded to differentconsiderationsnaturally
varies with the circumstances ofthe case" (NorthSea,I.C.J.Reports1969,
p. 50,para. 93).Butdifficulties ofthis kind experiencedindischarging the
task ofthe Court are not enough to takethe Court beyond the province of
the judicial mission.

The need to weigh and balance competing considerations necessarily
places a limit on the capacity of a court to adjudicate with mathematical
precision. Inability to demonstrate that level ofexactness is not inconsis-
tent with the due discharge of the judicial mission. To expectmore is not
merelyto overestimate thejudicial function; itisto misunderstand it.The
misunderstanding iscompounded where that functionrelatestomaritime
delimitation, a field in which it is particularlyuseful to bear in mind Pro-Un peu plus loin, il ajoutait:

«Le droit ..est désormaislargementfondésur l'idéeque l'infinie
variété des circonstancesest telle que vouloir fixer des règlesgéné-
rales ne peut qu'aboutir à l'injustice. Lajustice ne peut être rendue
que par une démarche individualiséeet ponctuelle, par un examen
très détaillédes circonstancesde chaque espèceet par la détermina-
tion de ce qui semble être équitable comptetenu des faits interve-
nus.» (M. P. S. Atiyah, op. cit., Iowa Law Review,1980,vol. 65-11,
p. 1256.)

Et ensuite,mentionnant une ((tendance croissante àemployerdesinstru-
ments etdestechniquesjuridiques possédant une flexibilitéintrinsèque »,
il cite comme ((exemple le plus remarquable ..le très largeusage qui est
fait aujourd'hui des normes du «raisonnable» (ibid.).Il serait peu vrai-
semblable que les phénomènes jurisprudentiels analyséspar M. Atiyah
n'aient aucune contrepartie dans les autres systèmes juridiques ou
qu'ils ne soient pas pertinents en droit international du seul fait des
distinctionsqui existent entre l'équité en droitinternationalet l'équité en
droit interne.
Ces tendances ne justifient en aucune manière que l'on se dispense
de la nécessitéde fixer des limites précises au pouvoir discrétionnaire
du juge ou d'établir des critères pourréglementerson exercice à l'inté-
rieur des limites fixées.Il me semble cependant que ces limites doivent
être trouvées dans -le principe consacré suivant lequel la Cour ne
s'occupe pas de répartir un bien commun, mais de circonscrire des
droits que détient déjà séparément chaque partie. Commeje l'ai dit plus

haut, une délimitation peut bien avoir pour effet de déterminer de
manière définitive l'étenduede droits concurrents dans des zones mar-
ginales, mais elle n'a pas pour effet de répartirun bien indivis. En outre,
les critères régissant une délimitation sont raisonnablement clairs
(voir, par exemple, Golfe du Maine, C.Z.J. Recueil 1984, p. 312-313,
par. 157,et Libye/Malte, C.Z.J.Recueil 1985,p. 39-40,par. 46). Ce qu'il
faut ensuite, c'est peser et mettre en balance les critères applicables
à l'intérieur de ces limites. Certes, l'opération peut être difficilecar,
ainsi que la Cour l'a dit en 1969, «de tels problèmes d'équilibre entre
diverses considérations varient naturellement selon les circonstances
de l'espèce» (Mer du Nord, C.Z.J.Recueil 1969, p. 50, par. 93). Mais
les difficultés que rencontre la Cour dans l'accomplissement de sa
tâche ne sont pas suffisantes pour l'entraîner hors des limites de sa
missionjudiciaire.
Lanécessité depeser etdemettre enbalancedesconsidérationsconcur-
rentes limite nécessairementla capacitédujuge de statueravec une préci-
sion mathématique. L'impossibilité d'atteindre ce niveau d'exactitude

n'est pas incompatible avec un exercice approprié de la mission judi-
ciaire. Attendre davantage ne seraitpas seulementsurestimerla fonction
judiciaire, maisaussi mal la comprendre. Lemalentendu estaggravélors-
que cettefonction s'applique àune délimitationmaritime,domaine dansfessorPaul Reuter'sgeneralremark that international law"estnécessaire-
mentsimple etun peu rustique" (I.C.J. Pleadings,TempleofPreah Vihear,
Vol.II, p. 85).To be sure,there is substance in the viewthat "a decision

cannot be equitable whenlitigantsdo not understand the decision,how it
wasreached,nor why suchlegalrulesshouldbeapplied to" the situation l.
Howevergenerouslyonemaybeinclinedto locatethe boundaries ofjudi-
cialdiscretion,ithasalwaystobeexercisedon adisciplinedbasisand with
reference to verifiable criteria. Yet,oking at the nature of the Court's
functions in thiscase andat a certain indeterminacyin the circumstances
tobe taken into account, 1considerthat there isasufficiencyofreasoning

to sustainitsviewthat neither Norway's claimtothe median linenor Den-
mark'sclaimto the 200-mileline isright,and that an equitableline isthat
established by itsJudgment.

Denmark seeks a single line for the continental shelf and the fishery
zone. That 1understand as including two separate but congruent lines.
Norway contends that, exceptwhere the application of international law

would ordinarily result in two separate but congruent lines, Denmark's
requestcannot begranted inthe absenceofa supporting agreementbythe
Parties, and that there is in fact nouch agreement. Denmark's reply is
that -

(a) theauthority ofthe Courtto fixasingledual-purpose line flowsfrom
the fact that the case relates to the delimitation of two zones, and
that the agreement of the Parties to request the Court to fixsuch a
boundary isnotnecessary;
(b) alternatively,ifsuchan agreementisnecessary,itcanbe derivedfrom

the factthat eachPartyinits separate submissionsisin factaskingthe
Courtto fixasingleboundary.
Asto the first question, it is necessaryto beginby noticingthe relation-
ship betweenthe boundary in the continental shelfand thatinthe fishery

zone.Whatevermight be their preciserelationship to the exclusiveecon-
omic zone, the continental shelf and the fisheryzone are each an institu-

l Laura Nader and June Starr,"1sEquity UniversaR.A. Newman (ed.),Equity
in the World'sLegal Systems, A ComparativeStu1973p,.125, at p133,cited in
Joumal ofIntemationalLaw,1984V,ol78,p.582i,t p595h,ote69.r Progress", Americanlequel ilimporte particulièrementde garder à l'esprit l'observation géné-
rale de M. Paul Reuter suivant laquelle le droit international «est néces-
sairement simple et un peu rustique» (C.I.J. Mémoires,Templede Préah
Vihéarv, ol. II, p. 85). Il y a certainement beaucoup de vrai dans l'idée
qu'«une décisionne peut pas être équitable si lesplaideurs ne compren-

nent pas cette décision, commentelle a été prise, nipourquoi telles ou
telles règlesjuridiques doivent être appliquée» àla situation en cause1.
Quelle que soit la générosité des limitesque l'on voudrait assigner au
pouvoir discrétionnairedu juge, ce pouvoir doit toujours s'exercer de
manière disciplinéeet par rapport à des critères vérifiables. Pourtant,
considérant la nature des fonctions de la Cour dans cette affaire et le
caractère assez indéterminé des circonstances à prendre en compte,

il existeàmon avis des motifs suffisants à l'appui de son point de vue
selon lequel la revendication par la Norvègede la ligne médianeet la
revendication par le Danemark de la ligne des 200 milles ne sont ni
l'une ni l'autre justifiéeset que la délimitation équitableest celle établie
par son arrêt.

CINQUIÈM EARTIE. LA COMPÉTENCE POUR DÉFINIR

UNE LIGNE UNIQUE

Le Danemark demande une ligne unique pour le plateau continental
et la zone de pêche.Je comprends en cela qu'il s'agitde deux lignes
distinctes mais coïncidentes. La Norvège soutient que, sauf dans la
mesure où l'application du droit international conduirait normalementà
deux lignes distinctesmais coïncidentes, il ne peut pas être fait droitàla

requêtedu Danemark en l'absence d'un accord en ce sens entre les
Parties,etquede faitcetaccord n'existepas. Laréponsedu Danemark est
que :

a) lepouvoir delaCourdefixerune ligneunique à doublefin découledu
fait que l'affaire concerne la délimitation de deux zones, et que
l'accord des Partiesde demander àla Cour de tracer une telle limite
n'estpas nécessaire;
b) subsidiairement, siun tel accord est nécessaire,il peut être dédutu
fait quechaque Partie, dans sespropres conclusions, demande enfait
àlaCourdetracerune ligneunique.

Sur le premier point, il faut considérerd'abord la relation qui existe
entre la ligne de délimitationdu plateau continental et celle de la zone
de pêche.Quelle que soit la nature précisede leur rapport avec la

zone économiqueexclusive,le plateau continental et la zone de pêche

LauraNaderetJuneStarr,«1sEquityUniversal»,dansR.A. Newman(dir.publ.),
Equity in the World'sLegal Systems, A ComparativeSt1973,p. 133, cité dans
J.1.Chamey, OceanBoundariesbetween Nations:A TheoryforProgres»,American
JournalofInternationalLa1984,vol.78p.595,note69. tionknownto law.Thatiscertainlythe casewiththe continentalshelf.Itis

equally the case with the fishery zone. Going back a long way in time
(D.P.O'Connell,TheInternationalLawoftheSea,Vol.1,1982,pp. 510ff.;
and FisheriesJurisdiction,Z.C.J.Reports1974,p.82,Judge deCastro,sepa-
rate opinion), the idea of the fishery zone evolved through customary
international law, the question of extent being a particularly thorny one
(FisheriesJurisdiction(UnitedKingdom v. Zeeland),Merits,Z.C.J.Reports
1974, p. 23, para. 52. And see ibid., Jurisdiction,Z.C.J.Reports 1973,
pp. 24 ff., Judge Fitzmaurice, separate opinion, and pp. 40 ff., Judge
PadillaNervo, dissenting). In the Gulfof Maine case, the Chamber was
concernedwith200-milefisheryzonesestablished in 1977byboth Parties,
"basing themselves on the consensus meanwhile achieved at the Third
United Nations Conference on the Law of the Sea" (Z.C.J.Reports1984,
p. 282,para. 68.And see ibid.,p. 265,para. 20,and p. 278,para. 58).The
Chamber assumed that such a fishery zone was an institution known to
law. Whether the establishment today of a fishery zone is in reality a
limiteduse of a wider cornpetencederivingfrom the newer institution of

the exclusive economic zone is an interesting question, particularly in
view of the responsibilities involved in the latter (see Car1 August
Fleischer, "Fisheries and Biological Resources", in René-Jean Dupuy
and Daniel Vignes,A Handbookonthe NewLaw oftheSea,Vol.2, 1991,
pp. 1055ff.).But 1do not consider itnecessaryto enterintothat issue.The
assumption made by the Chamber in the Gulf of Maine case that a
200-milefisheryzoneestablished in 1977wasan institution knownto law
should not be less valid for the fishery zones in this case, which were
established in 1980.

Now,itispossibleto conceiveoftwosetsofrightsCO-existing withinthe
samephysicalspace. Rightsofthat kind wouldbe susceptible ofdelimita-
tion by a singleline. Butthe rights conferred bythe continental shelfand
the fisheryzone do not existwithinthe samespace.Thecontinental shelf,
which existsipsojure,confers rights in respect ofthe natural resources of

the sea-bed and the subsoil.Thefisheryzone, which requires to be estab-
lished, confers rights in respect of the livingresources of the superjacent
water column.Thelatter isnot "a mere accessory"ofthe underlyingcon-
tinental shelf (Gulf of Maine, Z.C.J.Reports 1984, p. 301, para. 119).
Though physically in contact, the two institutions are both legally and
spatially distinct(Fisheries Jurisdiction (UnitedKingdom v. Zceland),
Merits,Z.C.J.Reports 1974,pp. 45-46,para. 4, first sentence,joint sepa-
rate opinion ofJudgesForster, Bengzon,JiménezdeAréchaga,Nagendra
Singhand Ruda; and GulfofMaine,Z.C.J.Reports1984,p.367,para. 12,
Judge Gros, dissenting).Theoretically, the only sense in which it is pos-
sible to establish a singleline for them is by way ofthe establishment of
two similarlines,one superimposed on the other. But evena singleline in
thissensecan be establishedonlywhere the criteria governingthe delimi-sont chacun une institution reconnue par le droit. Cela est certain
pour le plateau continental, et aussi pour la zone de pêche. D'origine
ancienne (D. P. O'Connel, ne International Law of the Sea, vol. 1,
1982, p. 510 et suiv., et Compétenceen matière de pêcheries,C.Z.J.

Recueil 1974,p. 82, opinion individuelle de M. de Castro), l'idéede la
zone de pêche a évolué dans le cadre du droit coutumier, la question
de son étendue se révélant particulièrement épineus( eCompétenceen
matièredepêcheries(Royaume-Unic. Islande),fond, C.Z.J.Recueil 1974,
p. 23, par. 52; voir aussi ibid., compétencede la Cour, C.Z.J.Recueil
1973,p. 24 et suiv., opinion individuelle de M. Fitzmaurice, et p. 40
et suiv., opinion dissidente de M. Padilla Neno). Dans l'affaire du
Golfedu Maine, la Chambre avait à connaître de zones de pêchede
200 milles instauréespar les deux parties «se prévalantdu consensus
réalisé entre-temps à la troisième conférence des Nations Unies sur
le droit de la mer» (C.Z.J. Recueil 1984, p. 282, par. 68; voir aussi
ibid., p. 265, par. 20, et p. 278, par. 58). La Chambre a tenu pour
acquis qu'une zone de pêche étaitune institution qui possédait une

existence juridique. Que l'instauration aujourd'hui d'une zone de
pêche constitueen réalitéun exercice limitéd'une juridiction plus
étendue résultantde l'institution plus récentede la zone économique
exclusive est une intéressante question, particulièrement eu égard aux
responsabilités qu'implique cette dernière institution(voirr1August
Fleischer, Fisheriesand BiologicalResources D,dans René-JeanDupuy
et Daniel Vignes,A Handbook on the New Law of the Sea, 1991,vol. 2,
p. 1055et suiv.). Cependant, je ne pense pas nécessaire d'aborder cette
question. La Chambre ayant considéré,dans l'affairedu Golfedu Maine,
qu'une zone de pêchede 200 milles instaurée en1977étaitune institu-
tion reconnue par le droit, il devrait en êtrede mêmepour les zones de
pêchedont il estquestion dans cetteaffaire,qui ont été établiese1980.
Cela étant,il est possible de concevoir que deux ensembles de droits

coexistentàl'intérieurdu même espacephysique.Des droits de cegenre
se prêteraientà une délimitationpar une ligne unique. Mais les droits
conférép sar leplateau continental etpar lazonedepêchenesesituentpas
à l'intérieurdu mêmeespace. Leplateau continental, qui existe ipsojure,
confère des droits surles ressourcesnaturelles du lit de la mer et de son
sous-sol.Lazone depêche,qui doit êtredéclarée,confèredesdroitsceen
qui concerne les ressources biologiques de la colonne d'eau surjacente.
Cette dernièren'est pas «un simple accessoireB du plateau continental
sous-jacent(GolfeduMaine,C.Z.J. Recueil1984,p. 301,par. 119).Quoique
physiquement en contact, ces deux institutions sont distinctes aussibien
juridiquement que spatialement (Compétenceen matière de pêcheries
(Royaume-Uni c. Islande), fond, C.Z.J.Recueil 1974, p. 45-46, par. 4,
première phrase, opinion conjointe de MM. Forster, Bengzon,Jiménez

de Aréchaga, NagendraSingh et Ruda, et Golfedu Maine, C.Z.J.Recueil
1984,p. 367,par. 12,opinion dissidente de M. Gros). En théorie, la seule
manièredont il soitpossible de fixer une ligneunique les concernant est
de déterminer deuxlignes semblables,superposées l'une à l'autre. Maistation of overlappingrights to each of the two sets of resources are the
same; and they need not bel. The possibility of distinct lines was recog-
nized in the GulfofMaine case(I.C.J. Reports1984,p. 314,para. 161).

Many of the resulting problems relating to a single-line delimitation
were critically considered in the dissentingopinion of Judge Gros in the
GulfofMaine case(ibid.,p.360).Obviously,parties can domanythingsby
agreementwhichcannot bedone bytheCourt. Wherethe parties havenot
agreed to a single line, such a line can be produced only if the criteria
regulating the delimitation of the continental shelfhappen to lead tothe

same result asthe criteria regulating that of the fishery zone. Failingthis
concordance,the onlywayto preventdifferentboundaries fromresulting
is, by an appropriate process of selection,to use only such delimitation
criteria asarecommon to both cases.Butthiscouldinvolvethenon-use of
some criteria the use of which would otherwise have been required by
international law were the Court engaged in delimiting one space only.
Thiswasmadeclear inthe GulfofMaine case,inwhichthe Chamber said :

"In other words, the very fact that the delimitation has a twofold
object constitutesa special aspect of the case which must be taken
into consideration even before proceeding to examinethe possible
influence of other circumstancesonthe choiceofapplicablecriteria.

It followsthat, whatever may have been held applicable in previous
cases, it is necessary, in a case like the present one, to ruleout the
application of any criterion found to be typically and exclusively
bound up withthe particular characteristics of one alone of the two
natural realities that have to be delimited in conjunction." (Ibid.,
p. 326,para. 193;emphasisadded.)

Thus the establishment of a singleline might requirethe Court
"to ruleoutthe application ofanycriterion found to betypicallyand

exclusivelybound up withthe particular characteristics ofone alone
ofthe two natural realitiesthat haveto be delimitedin conjunction"
(ibid.).

' See I.C.J.Pleadings, ContinentalShelf (Tunisia/LibyanArab Jamahiriya),Vol. V,
I.C.J.Pleadings,MaritimeDelimitationintheGulfofMaineArea, Vol.VI,p.461,Presi-
dent Ago's question; Gulfof Maine, I.C.J.Reports 1984, p. 317, para. 168,p. 326,
paras. 192-193; PaulJean-MarieReuter,"Uneligne uniquededélimitatiodesespaces
maritimes?",inMélanges GeorgePserrin,1984,p.251,atp.256;D.W.Bowett,ne Legal
RegimeofIslandsinInternationaLaw, 1978,pp. 188-189;andR.R. Churchill,"Marine
DelimitationintheJanMayenArea",inMarinePolicy,1985,Vol.9,pp.26-27.Thereisa
well-knowndivergencebetweenthe boundaryof the continentalshelfandthatof the
economic zonein the caseof the Australia/PapuaNew GuineaMaritimeBoundaries
Treatyof 1978.même une ligneunique conçue dans cesensne peut être établieque dans
le cas d'une identité des critèresrégissantla délimitationde la zone de
chevauchementdesdroits à chacun de cesdeux ensemblesderessources ;
ces critères ne sont pas nécessairementles mêmes1.La possibilitéde
lignes distinctes a étéreconnue dans l'affaire du Golfedu Maine (C.I.J.
Recueil 1984,p. 314,par. 161).
Bonnombredesproblèmesliés à unedélimitationpar une ligneunique

ont été analysés dans l'opinon dissidentd ee M. Gros dans l'affaire du
Golfedu Maine(ibid.,p.360).Manifestement,lesparties peuventfaire par
voie d'accord beaucoup de choses que ne peut faire la Cour. Quand les
parties n'ont pas convenu d'une ligneunique, une telleligne ne peut être
établie quesi lescritères régissantla délimitatiodu plateau continental
setrouvent conduire au même résultatque lescritèresrégissantcellede la
zone depêche.Adéfautde concordance, leseulmoyend'éviter d'aboutir
à deslimitesdifférentesconsiste,parun processusdesélectionapproprié,

à n'employerque lescritèresde délimitationquisont communs aux deux
situations.Onpeut cependant être ainsiconduit àrenoncer àl'emploide
certainscritèresquiauraitétéautrementrequip sar ledroitinternational si
laCourn'avaiteu àdélimiterqu'un seulespace.Cepoint aété bienprécisé
dans l'affairedu Golfedu Maine,où la Chambre a dit:

a En d'autres termes,dans le fait que la délimitation a un double
objet, il y a déjàune particularitédu cas d'espèce qui doit êtreprise
en considération avantmêmede passer àl'examen de l'incidence
possible d'autres circonstancessurle choix des critèresappliquer.
Il endécouledonc qu'abstraction faitede cequi apu avoirétéretenu
dans des affairesprécédentesil conviendrait d'exclurel'application,
dans un cascommecelui-ci,d'unquelconquecritèrequiapparaîtrait

typiquement et exclusivementliéaux caractéristiquespropresd'une
seule des deux réalités naturelles à délimiter ensemble.))(Ibid.,
p. 326,par. 193;lesitaliques sontde moi.)

L'établissementd'uneligneunique pourrait donc imposer à la Cour
d'exclure ..l'application d'un quelconque critèrequi apparaîtrait
typiquement et exclusivementliéauxcaractéristiquespropres d'une
seuledesdeux réalitésnaturelles à délimiterensemble D (ibid.).

Voir C.I.J. Mémoires, Plateau continenta(lTunisie/Jamahiryia arabe libyenne),
vol.V,p.246,questionIV,no1,de M. Oda,etp. 503, par.IV,al. 1,réponsede la Libye;
C.I.J.Mémoires, Délimitatne lafrontièremaritime dansla régiondugolfedu Maine,
vol.VI,p.461,questionduprésident,. go;GolfeduMaine,C.I.J.Recuei119, .317,
par. 168,p. 326, par.192-193;Paul Jean-MarieReuter, Une ligne uniquede déli-
mitation des espacesmaritimes?)), dans MélangesGeorges Perrin,1984, p. 256;
D. W. Bowett, TheLegal Regime of Islandsin InternaLaw,a1978,p. 188-189;et
R. R.Churchill,((MarineDelimitation in theJanMayenAre))dans MarinePolicy,
continentaletcelledelazone économiquedansle casdutrde 1978entrel'Australie plateau
et laPapouasie-Nouvelle-Guineelatifàleursfrontièresmaritimes.And yet, under international law, the Court would be required to apply
precisely such a criterion. Can the parties, by agreement,empowerthe
Courtto actothenvise, wherethe agreementisnot one whichtakes effect
under Article38,paragraph 2,of the Statute ofthe Court?

Itdepends on the nature of the agreement. The parties may by agree-
ment competentlyfixaboundary on abasishavingnothing to do withthe
application of legalprinciples; it does not followthat they could author-
izethe Court to fixthe boundary on a similarbasis, unlessthe agreement
takes effect under Article 38, paragraph 2, of the Statute of the Court
(which is not the case here). Tme, in the absence ofjus cogens(scarcely
applicable in relation to maritime delimitation),the parties can agree to
derogatefrom rules of international law (North Sea, I.C.J. Reports 1969,
p. 42,para. 72);but, althoughthejurisdiction of the Court is consensual,
itsproceedingsarejudicial and do not represent a delegatednegotiation
or a negotiation by proxy (see arguments of counsel for Canada in the

Canada/France Arbitration, Transcript of the Canadian Pleadings,
Vol. 11,p. 1088).However,an agreementempowering the Courtto fix a
single-lineboundary mustbepresumed to contemplatethat the Court will
seek to apply equitable principles in selecting criteria appropriate to
a commonboundary. On this basis, it is, in my view, competent for the
parties by agreementto authorizethe Courtto fix a singleboundary.

As noticed, Denmark howevercontendsthat an agreementisnot neces-
saryto enable the Courtto establisha singleboundary. It submitsthat in
the Gulfof Maine casethe basis on which the Chamber considered itself
competent to do so was the circumstancethat the delimitation in fact
relatedto twoareas,and notthe fact that the Parties had agreedto request
such a delimitation. In itsview,the 1958"Convention,dealing with only
onedimension - the shelf- couldnot governatwodimensional delimi-
tation, Le.,shelf and superjacent waters" (CR 93/10, p. 20, 25 January
1993,Mr. Lehmann). Byitself, that statement is tme; the 1958Conven-

tion, whichapplies onlyto the continental shelf,"could not governa two-
dimensional delimitation". Butthe Chamber couldnot establisha single
line unless it could competently make a selectiveuse of the criteria nor-
mallyapplicable under international lawto the delimitation ofeachzone,
retaining some and rejecting others soas to produce a commongroup of
criteria leading to a single line. Under general international law, if the
relevant factorspointedto separatelylocated lines,ajudicial body would
be bound to establish separatelylocated lines; the mere factthat the case
beforeit involvedthe delimitation of two zones would not empower it to
fix congruent lines. A party could not by simply filing an application
relatingto two areasunilaterally deprivethe otherparty ofitsright to two
non-congruent lines where these were ordinarily required by interna-
tional law. D~LIMITATION MARITIME (OP.IND. SHAHABUDDEEN) 200

Et pourtant, ledroit international exigerait que la Courapplique précise-
ment un tel critère.Lesparties peuvent-elles, par voie d'accord, donner
pouvoir à la Cour d'agir autrement lorsque cet accord n'est pas de ceux
quiprennent effetconformémentau paragraphe 2 del'article38du Statut
de la Cour?
Laréponsedépenddelanature del'accord.Lesparties peuventpar voie
d'accord valablementfixerunelimitequin'estnullementfondéesur I'appli-

cationdeprincipesjuridiques; iln'enrésultepas qu'ellespuissenatutoriser
la Cour àdéfinirune délimitationsur une base similaire,àmoins qu'ilne
s'agissed'un accordprenant effet conformémena tux dispositionsdupara-
graphe2de l'article38du StatutdelaCour(cequin'estpas lecasici).Ilest
vraiqu'en l'absencedejus cogens(guèreapplicableenmatièrededélimita-
tion maritime),lesparties peuvent dérogerpar voied'accordauxrèglesdu
droitinternational(MerduNord,C.I.J. Recueil1969,p. 42,par. 72); mais, si
lajuridiction de la Cour est consensuelle,saprocédureestjudiciaire et ne
correspondpas à une négociationpar délégationou àune négociationpar
procuration (voir l'argumentation du conseildu Canada dans l'Arbitrage
entreleCanadaet la France,plaidoiriedu Canada, vol. 11,p. 1088).Cepen-

dant,onpeut présumerqu'unaccorddonnantpouvoir à laCourdedétermi-
ner une ligne unique prévoiraitque celle-cis'efforceraitd'appliquer des
principes équitablesdans le choix des critèresappropriés pourune limite
commune.Sur cettebase,selon moi,lesparties peuventpar voied'accord
autoriserla Cour àfixerune lignededélimitationunique.
Commeon l'avu,leDanemarksoutientcependant qu'un accordn'estpas
nécessairepourautoriserlaCour àtracerune ligneunique.Ilfaitvaloirque,
dansl'affairedu GolfeduMaine,laChambreafondésacompétencepour ce
fairesurcequeladélimitationconcernaitenfaitlesdeuxzones,etnonsurce
que lesparties avaient étd'accord pour demanderune telle délimitation.
Selon lui, «la convention [de 19581,traitant d'une seule dimensio- le

plateau - ne pouvait pas régirune délimitation à double dimension, à
savoirleplateau etleseaux surjacentes»(CR93/10, p. 20,25janvier 1993,
M.Lehmann).En elle-mêmec,etteaffirmationestexacte;la conventionde
1958,quines'applique qu'auplateaucontinental, «ne pouvaitpas régirune
délimitationa double dimension B. Maisla Chambre ne pouvait pas fixer
une ligneunique si ellene pouvait pas valablementfaireun usage sélectif
des critèresnormalementapplicablesendroitinternationalpour la délimi-
tation de chaque zone, conservant certains d'entre eux et en rejetant
d'autres, afin de constituer un ensemble commun de critèrespermettant
d'aboutirà unelignededélimitationunique.Endroitinternationalgénéral,

si lesfacteurspertinents indiquaient des lignessituéesdans des emplace-
ments différents,un organe judiciaire serait tenu de définirdes lignes
situéesdans des emplacementsdifférents;le simplefait que l'affairedont
elleétait saisieconcernaitla délimitationde deuxzonesne lui donnait pas
pouvoir de tracer des lignescoïncidentes. Unepartie ne doit pas pouvoir,
par le simpledépôtd'unerequête relativeà deux zones,priverunilatérale-
mentl'autrepartiedesondroit àdeuxlignesnon coïncidentesquand celles-
cisontnormalement requisespar ledroitinternational. In my view,when the Chamber said that "there is certainly no rule of
international law" preventing it from establishing a single line (I.C.J.
Reports 1984,p. 267,para. 27),what it meant was that international law
didnotprevent itfromaccedingto the Parties'requestfora singleline,not
that it could in any event fix a single line where separately locatedines
might otherwise be required. In making a selective use of criteria that
would be otherwise applicable, rejecting some and retaining others, the
Chamber wasderogatingfrom the normalprinciples ofinternational law.
Only the agreement of the Parties could empower it to derogate. Hence,
on itstrue construction,the Judgment ofthe Chamber isto beunderstood

as meaningthatthe source ofthe authority ofthe Chamber to fix a single
line where two separately located lines might otherwise have been
required under international law was the agreement of the Parties to ask
for a singleline.1interpret the Guinea/Guinea-BissauArbitralAward as
resting on a tacit understanding that a single line was to be established
(Revuegénérale de droitintemationalpublic, 1985, Vol.LXXXIX, p. 504,
para. 42).

On the first question, 1am accordingly not persuaded by Denmark's
submissionthat an agreement isnot necessary.
As to the second question, concerning Denmark's alternative sub-
missionthat there isan agreement,there is obviouslyno agreementinthis
case as there was in the Gulfof Maine case. Denmark, however, argues
that each Party, in its submission, is in factasking for a single line in
respect of both the continental shelf and the fishery zone, and that this
concurrencein submissionsamountsin lawto an agreementto requestthe

Court to draw suchaline.Norway isaskingforcongruentlinesbut ontwo
important qualifying bases, first, that they should correspond with the
median line only, and, second, that this correspondence should result
fromthe operation ofthe criteria normallyapplicableatinternational law
to the delimitation of each maritime area consideredseparately.Norway
isnotagreeabletoanyderogationfrom the normallyapplicable criteria so
as to produce two congruent lines if those criteria would otherwise pro-
duce two non-congruent ones.

Hencethere is no agreement. It followsthat the only way in which the
continental shelfandthe fisheryzone canhaveasingleline(inthe senseof
two congruent lines)isif congruence isthe incidentalresult ofthe opera-
tion of the normally applicable principles of international law. But two
linesdrawnindependently foreachareawouldcoincidealongtheir entire

lengths only exceptionally. The factor concerning the location of fish
stocks,reliedonbytheCourt, may,inthe circumstancesofthisparticular
case,be relevanttothe delimitation ofthe fisheryzone; itisnotrelevantto
the delimitation of the continental shelf.Thus, 1cannot Saythat 1have
found the question of a single line to be without difficulty. The doubts Amonavis,lorsquelaChambre adéclaré «queledroitinternational ne
comporte certespas de règles qui s'opposent à cequ'elle traceune ligne
unique (C.I.J. Recueil1984,p. 267,par. 27),ellevoulait dire que le droit
international ne l'empêchaitpas d'accéder à la demande par les parties
d'une ligne unique, et non qu'elle pouvait de toute manière tracer une
ligne unique quand des lignes situées en des emplacements différents
pourraient autrement êtrerequises: En faisant un usage sélectifdes
critèresquiauraient étautrementapplicables,enenrejetantcertainseten
enretenantd'autres,laChambredérogeaitauxprincipesnormauxdu droit
international. Seul l'accord des parties pouvait l'autoriser à procéder
ainsi. Par conséquent, correctement interprété, l'arrêdte la Chambre
doit être entendu comme signifiantque le pouvoir pour la Chambre de
tracer une ligne unique alors que deux lignes situées dans des em-
placements différents pourraient autrement avoir été requises en droit
international avait sasourcedans l'accorddesparties pour demander une

ligne unique. J'interprète la Sentence arbitraleGuinée/Guinée-Bissau
commeétantfondéesur un accord tacite pour letracé d'uneligneunique
(Revuegénérald ee droit internationalpublic,1985,vol. LXXXIX, p. 504,
par. 42).
Apropos de la première question,je ne suisdonc pas convaincu par la
thèsedu Danemark selonlaquelle un accord n'estpas nécessaire.
En ce qui concerne la deuxième question concernant la thèse subsi-
diaire du Danemark suivant 1aqu.elleil existe un accord, je dirai qu'il
n'existemanifestement dans cette affaire aucun accord, au contraire de
l'affaire du Golfe du Maine. Le Danemark, cependant, soutient que
chaque Partie, dans ses conclusions, demande en fait une ligne unique
pour le plateau continental et la zone de pêche,et que cetteconcordance
desconclusionséquivautendroit àun accordpourdemander àlaCour de
tracer une telle ligne. La Norvègedemande des lignes coïncidentesmais
avec deux importantes réserves, à savoir, premièrement, que ces deux
lignesdoiventcorrespondreuniquement àla lignemédiane et,deuxième-

ment, que cettecorrespondance doit résulterdujeu des critèresnormale-
ment applicables en droit international àla délimitationde chaque zone
maritime considérée séparémenL t.a Norvègen'accepte aucune déroga-
tionauxcritèresnormalementapplicablesafin d'obtenir deuxlignescoïn-
cidentessicescritèresdevaientautrementindiquer letracéde deuxlignes
non coïncidentes.
Il n'ya donc pas d'accord. Il en résulteque,sile plateau continental et
leszonesdepêchepeuventêtredélimitp éarune ligneunique (ausens de
deuxlignescoïncidentes),c'estseulementsicettecoïncidence estlerésul-
tat incident du jeu des principes de droit international normalement
applicables.Maisdeux lignestracéesindépendammentpour chaquezone
ne pourraient qu'exceptionnellement coïncider sur toute leur longueur.
Lefacteurrelatifà l'emplacement desstocksdepoisson, surlesquelss'est
appuyée laCour,peut, dans lescirconstancesdecetteaffaireparticulière,
être pertinentpour la délimitationde la zone de pêche,mais il n'estpas
pertinent pour ladélimitationdu plateau continental.Je nepuis donc dire202 MARITIMEDELIMITATION (SEP .P.SHAHABUDDEEN)

which 1have felt arenot, however,sufficientlystrong to prevent mefrom
adhering tothe Court's conclusion.

PART VI. THEJUDICIAP LF~PRIET YF DRAWIN GDELIMITATIL OINE

Norway submitsthatthe Court shouldnot undertake the drawing of a

delimitation line. The submission was not made onthe basis ofrisdic-
tion,but ittrenchedsufficiently onthisarea toput oneon enquiryas tothe
Court's competence,this being always a matter open to consideration.
1shall accordingly address myselfto this issueinthe first place.

(i)Jurisdiction

Thequestion which 1propose to examineiswhetherthe competence to
determine the boundary is confided by international law exclusivelyto
the process ofagreementbytheparties, withtheresultthat the Court can-

not determine it except on theirjoint request, and with the further
quencethat, where,ashere,there isnojoint request,theCourt can atmost
only provide guidelinesto enable the parties themselvesto determinethe
boundary by an agreementto be negotiated by them on the basis ofuch
guidelines.

Without entering intodetails, 1shouldfirststate that myunderstanding
of the positionsaken by the Parties is that they accept that the Court is
competent to adjudge and declare what constitutes the boundary. The
issue between them relates to a different question, namely, whether the
Court's Judgment should be limited to a descriptive statement of what
constitutesthe boundary, or whether it should take the further form of
including the actual drawing of the line. Neither Party has asked for
guidelines on the basis of which negotiations will be undertaken with a

view to determining by agreement what constitutesthe boundary. Any
negotiations visualizedby Norway would be directednot to the question
what constitutesthe boundary, but to the technicalquestion whats the
specificlinerequiredto giveexpressiontothe Court's ownjudgment asto
what constitutesthe boundary.
TheParties having,in myview,acceptedthat the Court iscompetent to
determinewhat constitutestheboundary, isitneverthelesspossibletoSay
thatthe Court lacksthe necessaryjurisdiction to do so?
On myreading ofthe record, after eightyears of negotiations,not only
has there in factbeen no agreement,but there has been a failure to reach
agreement.
Taking,first,the caseofthecontinental shelf,whatistheposition where
there has been a failure to reach agreement?The failure to reachee-que j'aie trouvé la question d'une ligne unique exempte de difficultés.

Mes doutesn'ont cependant pasétéassezforts pour m'empêcherde sous-
crireàla conclusion de la Cour.

La Norvègesoutient que la Cour ne devrait pas entreprendre de tracer
une ligne de délimitation.La Norvège n'a pas invoqué à cet égardune
question de compétence,maiselleaassezinsistésur cepoint pourque l'on
puisse s'interroger sur la compétence de la Cour, cette question étant
d'ailleurs toujours ouverteà l'examen. C'estdoncpar là que je commen-
cerai.

i) Compétence

La question que je me propose d'examiner est de savoir si la compé-

tence pour déterminer la ligne de délimitationest exclusivementlimitée
par ledroitinternational au casd'un accorddesparties, avec pour résultat
que la Cour ne peut pas le faire en l'absence d'une requête conjointede
celles-ci,etavecenoutre laconséquencequ'à défautderequêteconjointe,
comme c'estlecas ici,la Cour ne peut pas faireplus qu'indiquer des prin-
cipesdirecteurs afin de permettre aux parties de déterminerelles-mêmes
une lignede démarcationpar lavoie d'un accord à négocierentreellessur
la basedesdits principes directeurs.
Sansentrer dans lesdétails,je dirai d'abord queje comprendsdesposi-
tions adoptéespar les Parties qu'elles reconnaissent la compétence de la
Cour pour statuer et indiquer quelle est la ligne de délimitation. Leur
désaccordporte surune question différente,celle de savoir sil'arrêtde la
Cour doitselimiter àune description de cequ'estlaligne de délimitation,
ou s'ildoit en outre comprendre le tracé concretde la ligne. Aucune des
Parties n'ademandél'indication deprincipes surlabasedesquelsseraient
entreprises des négociations pour déterminer par voie d'accord ce qui

constitue la ligne de délimitation. Les négociations envisagéespar la
Norvègene concerneraient pas la nature de la délimitation,mais la ques-
tion technique de la ligne spécifique qui serait nécessaire pour donner
corps au propre arrêtde la Courau sujet de ce qu'estla ligne de délimita-
tion.
Les Partiesayant,selon moi, étéd'accordque laCour était compétente
pour déterminerce qu'est la ligne de délimitation, est-ilnéanmoins pos-
sible dedire que la Cour n'a pas compétencepour ce faire?
A enjuger par le dossier, aprèshuit annéesde négociations,non seule-
ment il n'y a pas eu accord, mais aussi il y a eu échecdans la recherche
d'un accord.
Prenant d'abord le cas du plateau continental,quelle est la situation en
cas d'échec dans la recherche d'un accord? Cet échec signifie que lesment means that the Parties have exhausted their own capacity to fix a
boundary consensually on any basis whatever. Sothere is a dispute. It is
not a dispute as to whether the Parties areunder a duty to negotiate, for
they have already negotiated, albeit unsuccessfully. It is a dispute as to
what in fact isthe boundary, there being no agreementas to what it is.

Fromthispoint onwards, it isnecessaryto read the 1958Conventionin
partnership with any available procedure for the peaceful settlement of
disputes.Theoretically,the failure ofthe Parties to determine thebound-
aryby agreement does not preclude them at a later stagefromstillhaving
recourseto agreementasa means ofpeacefulsettlement ofthe disputeleft
overby suchfailure. Butnow,apart fromthe question ofitspractical use-
fulness,agreement isonlyonemethod amongother availablemethods of

settlingthe dispute.
The disputes settlement procedures of the 1982Convention do not
apply,and 1expressnoopinion onewayoranother astowhatthe position
might be if they did. Obviously, however, Article36,paragraph 2, of the
Statute of the Court is an available procedure for the settlement of dis-
putes. Norway accepted that "it is Denmark's undisputed right to avail
itselfofthe Court's generaljurisdiction under Article36,paragraph 2,of
the Statute and the optional clause declarations" of the Parties made
thereunder (CR93/5, p. 21,15January 1993,Mr.Haug). There canbe no
doubt that a dispute relating to a maritime boundary is a legal dispute
relatingto a question ofinternational lawwithin the meaning ofthat pro-
vision.Referringto themachineryofthisprovision,Norway infactrecog-
nized

"that it lies withinthe scope and function of the Courtto perform a

delimitation ofthecontinental shelfbetween Denmark and Norway,
as wellas a delimitation of the fishery zonesbetween the same Par-
ties, in the area between Jan Mayen and Greenland" (CR 93/11,
p. 27,27 January 1993,Mr. Haug).

Denmark, therefore, has an absolute right to invokethe Court'sjurisdic-
tion under that provision.
Bearing in mind that the dispute is one as to what isthe boundary, the
Court's responseto it can onlybeto Saywhat isthe boundary. Depending
onthe adequacy ofthe material,the Court maybe ableto answerthe ques-
tion withmoreorlessparticularity. But 1amunable to seehowanyproper
sense of its judicial mission can compel the Court to avoid a direct
responsetothe questionsubmitted asto what isthe boundary and to con-
fine itself instead to givingguidance to the parties, which they have not
sought,onwhatarethebases onwhichtheyshouldnegotiatefor the deter-
mination by agreement ofthat question. It wouldbe especiallybeside the

point, and somewhat gratuitous, for the Court to give such guidance
wherethe parties havenot committedthemselvesto negotiateon the basisParties ont épuisé leurpropre capacité d'établirune délimitation de

manière consensuellesur quelque base que ce soit. Il y a donc un diffé-
rend. Celui-cine porte pas sur le devoirqu'auraient ou non les Parties de
négociercar ellesont déjànégocié, il est vrasians succès. C'estun diffé-
rend surlanature deladélimitation,lesPartiesn'étantpas d'accord surce
en quoi elle consiste.
Partant de là, il est nécessairede lirela convention de 1958en associa-
tion avectoutes lesprocédures existantesen matièrede règlementpacifi-
quedesdifférends.Théoriquement,l'impossibilitéos ùesonttrouvéesles
Parties deprocéder à ladélimitationpar voied'accord neleur interditpas
ultérieurement d'avoir recoursà un accord pour réglerde manière paci-
fique le différend qui découlede cet échec.Cependant, mettant àpart la
question de son utilité pratique,un accord n'est qu'une méthode parmi
d'autrespour régler ledifférend.
Lesprocéduresderèglementdesdifférendsdelaconvention de 1982ne
sont pas applicables,mais je n'exprimerai aucune opinion, dans un sens
oudansun autre, sur cequeseraitla situation siellesl'étaient. Manifeste-

ment, cependant, leparagraphe 2de l'article36du Statut de laCour offre
une procédurepour le règlement des différends. LaNorvègea reconnu
«que c'est ..le droit incontestédu Danemark d'invoquer la juridiction
généralede la Cour conformémentau paragraphe 2 de l'article 36 du
Statut, et aux déclarations faitesenvertu de la clausefacultative»par les
parties(CR93/5, p. 21, 15janvier 1993,M. Haug). Il ne saurait faire de
doute qu'un différendau sujetd'une lignededélimitationmaritimeestun
différend juridique ayantpour objet un point de droit international au
sensde cettedisposition. Seréféranatu mécanismeprévu par cettedispo-
sition,la Norvègea en faitreconnu

((qu'ilentre dans le mandat et la mission de la Cour d'opérer une
délimitationdu plateau continentalentre leDanemark etla Norvège,
ainsiqu'une délimitationdeszonesdepêcheentrelesmêmes Parties,
dans la régionsituée entreJan Mayen et le Groenland »(CR 93/ 11,
p.27,27janvier 1993,M. Haug).

LeDanemark a donc ledroit absolu d'invoquer lacompétencedela Cour
envertu de cettedisposition.
Considérantqueledifférendconcernelanaturedelalignede délimita-
tion, la Cour ne peut répondre qu'enindiquant ce qu'est cetteligne. En
fonctiondeséléments à sadisposition,la Courpourra répondre àla ques-
tion de manière plus ou moinsprécise. Maisje ne vois pas comment un
sensbien compris de sa missionjudiciaire pourrait contraindre la Courà
éviterde répondre directement à la question qui lui est posée ence qui
concernelanature de lalignede délimitationet àseborner au contraire à
indiquerauxparties desprincipes directeurs qu'ellesn'ont pasdemandés,
ou à leur indiquer les bases sur lesquelles elles devraient négocierpour
régler cettequestionpar voie d'accord.Il serait particulièrement hors de
propos etquelquepeugratuit pour laCourdefournir cesindicationsalorsoflegalprinciples(asinthe NorthSeacases),fortheyarealwaysatliberty
to agree a boundary on the basis of simple convenience or expediency.

Thus the failure to reach agreement bequeathed a legal dispute as to
what constitutes the boundary. That dispute is susceptible of judicial
settlementviaunilateral application under Article36,paragraph 2,ofthe
Statute ofthe Court.

Assuming, however, that a consensual reference to the Court is
required, the real question is whether both Parties have consensually
established asettlementprocedure relatingto disputes and, if so, whether

suchdisputesinclude adispute asto theboundary ofthe continentalshelf.
Thisundoubtedly isthe case under Article36,paragraph 2,ofthe Statute.
Under that provision,the Parties have consensuallyestablished a scheme
for settlement of disputeswhich include the instant dispute as one which
raisesa question ofinternational law.Wheresuch a dispute hasbeen uni-
laterally referred to the Court under this consensually established pro-
cedure,it isnot open to the Respondent to complainthatthe proceedings
were instituted without its consent. There is either consent or there
is not. If none, there is no jurisdiction. But Norway accepts that there is
jurisdiction. Hence an argument based on the unilateral nature of the
Applicationcollideswiththe factthat, in afundamental sense,that unilat-
eral Application is itselfultimatelybrought with the consent of Nonvay.

In myview,the foregoingapproach would apply equally to the delimi-
tation ofthe fisheryzoneinaccordance withcustomaryinternational law.

There being a failure of the Parties to determine the boundary by agree-
ment,there isadisputeasto whatistheboundary.Thisbeingso, Denmark
is entitled to invoke the machinery of Article36,paragraph 2,of the Sta-
tute forthe settlementofthe dispute. And, again,the disputebeing one as
to whatconstitutestheboundary, the Court's responsemustbearesponse
to that question, not to a question,unasked, as to what arethe principles
on which the Parties should negotiate for the settlement of the dispute.

(ii) JudicialProprietyandRestraint

TheCourt hasnot drawn a delimitation line.Thus,the substance ofthe
Norwegian contention has prevailed. Butthe decision of the Court rests
on the viewthat the drawing of a line by it could overlookpossible defi-
ciencies in the evidence, in the state in which it stands, concerning the
technicalaspects of such an operation. What 1should liketo makeclearis

that 1do not understand the decision to be upholding Nonvay's conten-
tion in so faras this restsonthe proposition thatthe mere non-consent ofque lesparties ne sesont pas engagéesànégociersur labase de principes
juridiques (comme dans les affaires de la Mer du Nord),vu qu'ellesont
toujours latitude des'accordersurune lignede délimitationsurlabase de
simplesconsidérationsde commoditéoud'opportunité.
L'impossibilitéde parvenirà un accord a donc donnénaissance à un
différendquant à cequiconstituelaligne dedélimitation.Cedifférendest
susceptibled'un règlementjudiciaire au moyen d'une requêteunilatérale
conformément aux dispositionsdu paragraphe 2 de l'article36du Statut
de la Cour.
En supposant cependant qu'un accord soit nécessairepour saisir la

Cour, la véritable questionest de savoir siles deux Parties sesont enten-
dues sur une procédurede règlementde leurs différendset, dans l'affir-
mative, sicesdifférendscomprennent un différendsur la délimitationdu
plateau continental. Tel est indiscutablement le cas en vertu du para-
graphe 2de l'article36du Statut.Envertu de cettedisposition, lesParties
ont établide manière consensuelleun systèmede règlement des diffé-
rends qui comprend le présent différend étand tonnéqu'il porte sur un
point de droit international. Lorsqu'un tel différendestsoumàsla Cour
unilatéralement dans le cadre de cette procédure établiede manière
consensuelle, il n'est pas loisible au défendeurde se plaindre que l'ins-
tance a étéintroduite sansson consentement.Il ya ou il n'ya pas consen-
tement. Dans lanégative,il n'ya pas compétence.MaislaNorvègeadmet
qu'ily a compétence.Un argument fondésurle caractèreunilatéralde la
requêteachoppe surlefait que,fondamentalement,cetterequêteunilaté-

rale estelle-même,endernièreanalyse,présenté avecleconsentement de
la Norvège.
Selonmoi,cequiprécèdevaudrait égalemenptour la délimitationdela
zone de pêche conformémentau droit international coutumier. Les
Partiesayant échouédansleur tentative de déterminerla lignede délimi-
tation par voie d'accord,il existeun différeàdcepropos. Cela étant,le
Danemark a le droit d'invoquer le mécanismedu paragraphe 2 de l'ar-
ticle36du Statut pour lerèglementde cedifférend.Et,là encore,lediffé-
rend portant sur cequ'estlalignede délimitation,laCour doitrépondre à
cettequestion, etnonà une question,qui neluiapas étéposée,concernant
lesprincipes surlabasedesquelslesPartiesdevraientnégocierpour régler
le différend.

ii) Prudenceetréservjeudiciaire

LaCour n'apas tracédelignede délimitation.Lathèsedela Norvègea
donc prévalu en substance.Mais la décisionde la Cour repose sur l'idée
que le tracé d'une ligne de délimitation pourrait l'amener à négliger
certaines insuffisances des élémentsde preuveà sa disposition en ce qui
concerne les aspectstechniques d'une telleopération.Je désiresouligner
iciqueje n'interprète pasl'arrêt commeaccueillanlt thèsedela Norvège
danslamesure où ellerepose surl'idéequelasimpleabsence deconsente-Nonvay operates as a factor to prevent the Court,on grounds ofjudicial
propriety and restraint, from drawinga line.
Nonvay carefullydistinguishedbetweenjurisdiction and admissibility,
on the onehand, andjudicial propriety and restraint, on the other. How-

ever,it submittedthat the
"Court mayusefullydrawguidancefrom the analogous analysesthat
havebeenperformedin casessuch as Tunisia/Libya or ElSalvador/
Honduras,wherethe sameissuesweredealtwithinthenarrower con-

text of interpreting the consent of parties, and were therefore
properly viewed as being directly related to the jurisdiction of the
Court, or Chamber,rather than tothediscretion and restraintthat the
Court may choose to bring to bear in the exercise of its judicial
powersand competenceinthisdifficultarea" (CR93/9, p. 53,21Jan-
uary 1993,Mr. Keith Highet).

That Nonvay'sinterpretation of those two casesiscorrectisshownbythe
Judgmentsin the cases (Z.C.J.Reports 1982,pp. 38-40,paras. 25-30;and
Z.C.J.Reports1992,pp. 582-585,paras. 372-378.And see I.C.J. Pleadings,
ContinentalShelf(Tunisia/Libyan ArabJamahiriya),Vol.IV,pp. 440-441,
and Vol.V,pp. 50,214-216,282-285,353).And to those two cases,1think
therecouldbeaddedthe Libya/Malta case(Z.C.J.Reports1985,pp. 22-24,

paras. 18-19).Theyal1bear on the question of competence, and do not, in
myview, provide a safeanalogy onthe question ofjudicial propriety and
restraint.
1understood counselfor Norwaytobe speakingofjudicial restraintnot
in thekind of constitutional sensein whichthe concepthas developedin
certainmunicipaljurisdictions in responseto the need to preserve amar-
ginofappreciationinthe exercisebyeachrepository of Statepower ofits
allotted responsibilitiesl. The appeal was to judicial propriety and
restraint not as limiting factors imposed by the relations between the

elementsof an institutionalized systemwithin whicha court maybe func-
tioning, but as factors which intrinsically influence the exercise of this
Court's judicial function.

It wasinthiswaythat 1understood counselwhenhereferredthe Court
to "the restraint articulated on the exercise of its judicial functions in
the case concerningthe Northem Cameroons(Z.C.J.Reports 1963,p. 3)"

l See CorpusJurisSecundum,Vol. 16,pp. 563ff.,para. 176,conceming judicial atti-
tudes to political questions in the United States. And see Justice Stone's dissent in
UnitedStates v. Butler(1926),297US (78),
"while unconstitutional exercise of power by the executive and legislative
branches ofthegovemment issubjecttojudicial restraint, the onlycheckupon our
own exercise of powers our own sense of self-restraint".
Astojudicial activismandjudicial self-restraint in England, see S.A. de Smith,Judicial
ReviewofAdrninistrativeAction,4th ed., pp. 31ff.ment de sapart doitinterdire àla Cour,pour desmotifs deprudence etde
réservejudiciaires, detracer une lignede délimitation.
LaNorvègeasoigneusementdistinguéentrelacompétenceetlareceva-
bilité, d'unepart, et la prudence et la réservejudiciaires, d'autre part.
Cependant, ellea déclaré que:
«La Cour pourra utilement s'inspirer des analysessemblablesqui

ontété effectuéedansdesaffairescommelesaffaires Tunisie/Libyeou
El Salvador/Honduras, où les mêmes questions ont ététraitéedsans
le contexteplus étroitde l'interprétationdu consentement des Par-
ties, etoù de cefait ellesont étéuste titre considérésommeétant
directement liéesà la compétencede la Cour, ou de la Chambre,
plutôt qu'a la marge d'appréciationetà la réserveque la Cour peut
choisir d'observerpour exercer ses pouvoirs et sa compétencejudi-
ciaires dans ce domaine délicat.» (CR93/9, p. 53,21janvier 1993,
M. Keith Highet.)

Cetteinterprétation norvégiennedesdeuxaffairesen question estexacte,
commelemontrent lesarrêts quiont étérendus à leur sujet (C.I.J. Recueil
1982,p. 38-40,par. 25-30,et C.I.J.Recueil 1992,p.582-585,par. 372-378.
Voir égalementC.I.J.Mémoires,Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabelibyenne)v, ol.IV,p.440-441,etvol.V,p. 50,214-216,282-285,353).A
ces deux affaires,je pense que l'onpourrait ajouter l'affaire Libye/Malte
(C.I.J. Recueil1985,p. 22-24,par. 18-19).Ellesportent toutes surla ques-
tion de la compétenceet,selonmoi,offrent unebonne analogie en cequi
concerne la question de la prudence et de la réservejudiciaires.
A mon avis,le conseil de la Norvège neparlait pas de la réservejudi-
ciaire au sens pour ainsi dire constitutionnel dans lequel le concept s'est

développé dans certainesjuridictions de droitinterne face àla nécessité
depréserverunemarged'appréciationdans l'exercicepar chaque déposi-
taire del'autoritéde1'Etatdesresponsabilitésquiluiont étéconféré '.Il
faisait appel à la prudence et à la réservejudiciaires considérées non
comme un des facteurs limitatifs imposés par les relations entre les
élémentsd'un systèmeinstitutionnaliséà l'intérieur duquelfonctionneun
tribunal, mais comme un des facteurs qui influencent intrinsèquement
l'exercicepar la Cour de sa fonctionjudiciaire.
C'estainsi quej'ai compris leconseildela Norvègelorsqu'ilarappelé à
laCour «laréserveappliquée àl'exercicedesesfonctionsjudiciaires dans
l'affairedu Camerounseptentrional(C.I.J. Recueil 1963,p. 3)» (CR93/9,

VoirCorpusJurisSecundum,vol. 16,p. 563etsuiv.,par. 176,au sujetdesattitudes de
l'ordre judiciairevis-à-visdes questions politiques aux Etats-Unis. Voirl'opinion dissi-
dente dM. Stone dans UnitedStatesv. Butler(1926),297US 1(78),
«alors que l'exercice anticonstitutionnel du pouvoir par les organes du pouvoir
exécutifet du pouvoir législatif est soumisà la réservejudiciaire,le seul contre-
poids ànotre propre exercice du pouvoir est notre propre sens dela réserve».
En cequiconcerne l'activismeetlaréservejudiciaires enAngleterre,voirS.A. de Smith,
JudicialReviewofAdministrativeAction,4eéd., p.31et suiv. (CR 93/9, p. 53,21 January 1993,Mr. Keith Highet). Butthere the Court
was"relegatedto anissueremotefrom reality" (I.C.J. Reports1963,p.33).
Hence,as it remarked :
"Thefunction ofthe Court isto statethelaw,but itmaypronounce
judgment onlyinconnectionwithconcretecaseswherethere existsat

the time of the adjudication an actual controversy involving a con-
flictoflegalinterestsbetweentheparties.TheCourt'sjudgment must
havesomepractical consequence inthe sensethat it can affect exist-
ing legal rights or obligations of the parties, thus removing uncer-
tainty from their legal relations. No judgment on the merits in this
case could satisfy these essentials of the judicial function." (Ibid.,
pp. 33-34.)

In that casethere was really no triable issue the determination of which
could serve any useful purpose. To decide the case would accordingly
have been to undertake an exercise outside the judicial mission. In the
instant case,there is,by contrast, a triable issuerelating to a legaldispute
asto whatisthe delimitationlinein the continental shelfand fisheryzone
lyingbetween Greenland and Jan Mayen, and the determination of that
concreteissuewould unquestionably servea useful purpose.

Counselalso referred the Court to SirHersch Lauterpacht, writing

"in his book, TheDevelopment of InternationalLaw by the Interna-
tionalCourt (1982,rev. ed.,Part Two,Chap. 5,pp. 75-90),under the
several and associated rubrics of 'judicial caution' and 'judicial
restraint', as distinguished, of course, from 'judicial hesitation' or
'judicialindecision"' (CR 93/9, p. 53,21 January 1993).

The exercise of inherently discretionary judicial powers apart, these
rubrics encompass, interalia, the need for caution in dealing with hypo-
thetical or academic issues; questions as to how sparingly or fully the
Court should givereasons fordecision; and the question howfar,ifat all,
the Court should deal with issueswhich,though arising, do not require
determination inthe light ofthe course taken bythe reasoning relating to
the decision finally taken. But 1cannot think that these and other asso-
ciated categories cover a case in which the real reason why it is asserted
that the Court should as a matter of judicial propriety and restraint
declineto exerciseitsadmittedjurisdiction isthatthe Respondent has not
been willingto CO-operate in the evolutionofsomeparticular aspect ofthe
litigationas fullyasit mighthave done had the casebeenbrought with its
specificconsentrather than by unilateral application.p. 53, 21janvier 1993,M. Keith Highet). Mais la Cour se trouverait là
«réduite à trancher une question éloignéede la réalité»(C.I.J. Recueil
1963,p. 33).Par conséquent,ainsiqu'elle l'aremarqué :
«La fonction de la Cour est de dire le droit, mais elle ne peut
rendre des arrêts qu'à l'occasionde cas concrets dans lesquels il

existe, au moment du jugement, un litige réelimpliquant un conflit
d'intérêts juridiques entreles Parties. L'arrêtde la Cour doit avoir
des conséquencespratiques en ce sens qu'il doit pouvoir affecter les
droits ou obligationsjuridiques existantsdesparties, dissipant ainsi
toute incertitude dans leurs relationsjuridiques. En l'espèce,aucun
arrêtrenduau fondnepourrait répondre àcesconditionsessentielles
de fonctionjudiciaire. » (Ibid.,p. 33-340.)

Dans cette affaire, il n'existait réellementaucune question susceptible
d'êtrejugée etpour laquelle une décisionauraitpu avoir une utilité quel-
conque. Seprononcer à son sujetaurait donc étéune entreprise sortantdu
cadre de la mission judiciaire de la Cour. Dans la présente affaire, par
contre, il existeune question sur laquelle il est possible de statuer et qui
concerne un différendjuridique quant àce qu'estla ligne de délimitation
du plateau continental et de la zone de pêchedans leszones situéesentre
le Groenland et Jan Mayen, problème concret àpropos duquel une déci-
sionjudiciaire seraitindiscutablement utile.
Leconseil dela Norvègeaégalementrappelé à laCour lesréflexionsde
sirHersch Lauterpacht,

danssonouvrage TheDevelopment ofInternationalLaw bytheInter-
national Court (éd.rev. 1982, 2epartie, chap. 5, p. 75-90), sous les
différentes rubriques connexes de ~judicial caution» (prudence
judiciaire) etjudicial restraint »(réservejudiciaire) distinguéesbien
sûr de «judicial hesitation)) (hésitationjudiciaire) ou de «judicial
indecision » (indécision judiciaire) » (CR 93/9, p. 53, 21 janvier
1993).

Laissant decôtélespouvoirsintrinsèquementdiscrétionnaires dujuge, on
retrouve sous ces rubriques la nécessitéde n'aborder qu'avec prudence
desquestionshypothétiques ou académiques ;lesquestions sur la mesure
plus ou moinscomplète dans laquellela Cour doit motiver sesdécisions;
etla question de savoirjusqu'à quelpoint, sitant est qu'elle doivelefaire,
laCourdoit aborder desquestionsqui,bien qu'ellesseposent,n'appellent

pas unedécisioncomptetenu du tour pris par lamotivation del'arrêf tina-
lement rendu. Mais je ne puis pas penser que ces rubriques, ainsi que
d'autres quileursontconnexes,puissent viserune affaire dans laquellela
raison invoquéepour que la Cour fassepreuve de prudence et de réserve
judiciaires en déclinant d'exercer la compétence qui lui est reconnue est
que le défendeur, à propos d'un aspect particulier de l'instance, a refusé
de coopérer de manière aussi complète qu'il aurait pu le faire si elle
avait étéintroduite avec son assentiment exprès et non par une requête
unilatérale.207 MARITIMEDELIMITATION (SEP . P.SHAHABUDDEEN)

In evaluatingthe submission that, asa matter ofjudicial propriety and
restraint,the Court should not perform a delimitationin the absence of
the consent ofboth parties to the Court doing so,it is helpful toonsider
the relationship between a statement of principles applicable to a par-
ticular delimitation andthe carrying out ofthe delimitation itself.
In the Libya/Malta case,the Parties,bytheir SpecialAgreement,asked
the Courtto statetheprinciples and rulesapplicable tothe determination
oftheir respective areas ofthe continental shelf,and also to indicate

"how inpractice such principles and rules can be applied bythe two
Partiesintheparticular casein order that theymaywithoutdifficulty
delimit such areas by an agreement ..." (I.C.J. Reports 1985,p. 16).

The SpecialAgreementdid not requestthe Court to draw a line, and the
Court did not. Evenso,the caseillustratesthe close,almost integral,rela-
tionship which existsbetween a statement of principles governinga deli-
mitation and the actual drawing of a line. Commenting on the question

how far the Court could go in indicating how in practice the relevant
principles and rulescould "be applied bythetwoParties inorderthat they
may without difficulty delimit such areas by an agreement", the Court
said :
"Whether the Court should indicate an actual delimitation line
will in some degree depend upon the method or methods found
applicable." (Ibid.,p. 24,para. 19.Seealso ibid.,p. 23,para. 18.)

Eventhoughthe SpecialAgreementhad reservedto the Partiesthe func-
tion of drawingthe line, the Court was prepared to "indicate an actual
delimitation line" ifit feltthat, withoutdoingso,it could not carryout its
part of the task. Sothe relationship between a statement of delimitation
principles and the drawing ofa lineexpressiveofthe application of those
principles can be close(see,also, withrespect to Tunisia/Libya,the com-
ments in Romualdo Bermejo, "Lesprincipes équitableset les délimita-
tionsdes zonesmaritimes :Analysedesaffaires Tunisie/Jamahiriya arabe
libyenneet du Golfedu Maine", Hague Yearbookof Iilternational Law,
1988,Vol. 1,p. 67).
Thatthedrawing ofalineis,indeed, an integralpart ofanydelimitation

exerciseis apparent fromthe Court's remark in 1969that

"the process of delimitation is essentiallyone of drawingaboundaïy
line between areas which already appertain to one or other of the
States affected" (North Sea, I.C.J. Reports 1969,p. 22, para. 20;
emphasisadded).

So, too, in the Aegean Sea Continental Shelf case. In its Application
Greecerequested

"the Courtto adjudge anddeclare.. whatisthe course ofthebound- Pour évaluer la thèse suivant laquelle,par prudence et réservejudi-
ciaires,la Cour ne devraitpas procéder àune délimitation enl'absencede
l'assentiment à cet effetde chacune des parties, il estutile d'examiner la
relation qui existeentre une déclaration des principes applicablesà une
délimitationparticulièreetl'exécutionde la délimitationelle-même.
Dans l'affaireLibye/Malte,les Parties ontpar leur compromisdemandé
à la Cour d'indiquer les principes et les règlesapplicableà la délimita-
tion de leurs zones respectivesde plateau continental, et aussid'indiquer
((comment,dans la pratique, ces principes et règlespeuvent ...être

appliquéspar lesdeux Parties dans lecasd'espèceafin qu'ellespuis-
sent délimiterces zones sans difficulté par voie d'un accord ..»
(C.I.J. Recueil1985,p. 16).
Lecompromisne demandaitpas à laCourde tracerune ligneetlaCourne
l'apas fait. Mêmeainsi,cetteaffaire illustrela relation étroite et presque
indissoluble qui existe entre une déclaration des principes qui doivent
régirune délimitationetletracé concretd'uneligne.Commentantlepoint
jusqu'où ellepouvait aller pour indiquer de quelle manière,en pratique,
lesprincipes et règlespertinents pourraient être((appliquéspar les deux
Parties afin qu'ellespuissent délimiterceszones sans difficultépar voie

d'un accord »,la Cour a dit:
«LaquestiondesavoirsilaCour doitindiquerune lignededélimi-
tation précisedépendra dans une certaine mesure de la ou des
méthodesconsidéréescommeapplicables. »(Zbid.,p.24,par. 19;voir
aussi ibid.,p. 23,par. 18.)

Bienquele compromisait réservé auxparties le soin detracer la ligne,la
Cour était disposéeà ((indiquerune lignede délimitation précise »s'illui
apparaissait qu'elle nepourrait pas s'acquitterde sa partie de la tâche si
elle ne le faisait pas. Ainsi, il peut y avoir une relation étroite entreune
déclaration desprincipesde délimitation et letracéd'une ligneillustrant
l'application de cesprincipes (voirégalement, àpropos de l'affaire Tuni-
sie/Libye,lescommentairesfigurant dans Romualdo Bermejo,«Lesprin-
cipes équitableset les délimitations des zones maritimes :Analyse des
affairesTunisie/Jamahiriya arabe libyenneet du Golfedu Maine», Hague
YearbookofInternational Law,1988,vol. 1,p. 67).
Que le tracéd'une lignefasse effectivement partie intégrantede toute
opérationde délimitationressoit de l'observation faite par la Cour en
1969 à l'effetque

«l'opération dedélimitation consiste essentiellement à tracer une
ligne de démarcationentre des zones relevant déjà de l'un ou de
l'autre des Etatsintéressés(Merdu Nord,C.Z.J.Recueil 1969,p.22,
par. 20; lesitaliques sontde moi).

Ilenestdemême pour l'affairedu PlateaucontinentaldelamerEgéeD . ans
sa requête,la Grèceaprié
«la Cour de dire etjuger ..quel est dans la mer Egéele tracéde la ary (or boundaries) between the portions of the continental shelf
appertaining to Greece and Turkey in the Aegean Sea .. ." (I.C.J.
Reports1978,p. 6,para. 12).

The Court said:
"It istherefore necessaryto establishthe boundary or boundaries
between neighbouring States,that isto say,to drawthe exactline or
lineswherethe extension in space ofthe sovereignpowers and rights
of Greece meets those ofTurkey." (Ibid., p.35,para. 85.)

Thus, although denyingjurisdiction,the Court had no hesitationin hold-
ingthatthe resolution ofa continental shelfboundary dispute necessarily
involvedthe drawing of "the exactline or lines" of delimitation.

In the case of aterrestrialboundary dispute,as where a watershedline
is concerned,one accepts that the Court cannottakethe "place of a deli-

mitation commission",stilllessthat itcanmark "a newfrontierline onthe
ground (TempleofPreah Vihear,I.C.J. Reports1962,p. 68,JudgeMoreno
Quintana, dissenting).In such a case -

"Once the Court has indicated what it considers to be the correct
line of the watershed, it willbe forthe Parties to determine howthat
line is to be given expression on the ground. The latter task is of a

technical nature, and not within the judicial field which belongs to
the Court." (Ibid., p.69.)
But in the instant case no physical demarcation in the relevant areas is
either visualizedor required.
Itisconceivablethat adisputecouldbepresented to the Court asto the

accuracy of an existing line, including a baseline. The normal way of
resolving such a disputewouldbeforthe Court not merelyto pronounce
upon "definitions, principles or rules", but to decide on the validity or
otherwise of the specificmethod or line challenged in the casebefore it.
That wasthe position inthe Fisheriescase(United Kingdomv.Norway)in
which the Application was in fact made unilaterally under Article 36,
paragraph 2, ofthe Statute ofthe Court (I.C.J. Reports1951,pp. 118,126
and 143).If the Court can properly do that in the case of a baseline, it
should be equally proper for it to draw a delimitation line where it is
necessarytodo thisin order to expressitsdecisiondefinitivelyonthe con-
cretedisputebefore it.Thedrawing ofalineis merelyone wayofexpress-
ing the decision reached with a view to achieving the kind of stability
which it shouldbethe object of aboundary decisionto produce.

No doubt, asa general matter, in the absence of CO-operation based on
consent, there could be evidential and other difficulties (see generally,
in relation to advisory proceedings, the Eastern Carelia case, P.C.I.J.,
Series B, No. 5, p. 28). But the absence of such CO-operationdoes not limite (ou des limites) entre les étenduesdu plateau continental
relevant de la Grèce et de la Turquie...)) (C.I.J. Recueil 1978,p. 6,
par. 12.)
La Cour a dit:

«Il faut donc établir la limite oules limites exactes entre Etats
voisins, c'est-à-dire tracer la ligne exacte ou les lignes exactes de
rencontre des espaces où s'exercentrespectivement les pouvoirs et
droits souverains de la Grèceetde laTurquie. »(Zbid.,p. 35,par. 85.)

Ainsi,touten sedéclarant incompétente,laCour n'apas hésité àaffirmer
que la solution d'un différend relatif la délimitationdu plateau conti-
nental impliquaitnécessairementletracédela «ligne exacteou deslignes
exactesde délimitation ».
Dans lecasd'undifférendrelatif àune frontièreterrestre,s'agissantpar
exempled'une lignedepartage deseaux,il estadmisque la Cour ne peut

pas «se substituer à une commission de délimitation)), ni - moins
encore - «tracersur leterrain une nouvellelignedefrontière»(Templede
PréahVihéarC , .I.J.Recueil1962,p. 68,opinion dissidente de M. Moreno
Quintana). Dansune affaire de cegenre :
«Unefoisindiquéeparla Courlalignedepartage deseaux quilui

paraît être laligne exacte,il appartiendra aux Parties de déterminer
de quelle manière cette ligne sera matérialiséesur le terrain. Cette
dernièretâcherelèved'unordre technique etnon pasde l'ordrejudi-
ciaireauquel est reliéla Cour.»(Ibid., p.69.)
Cependant, dans la présente affaire, aucune ligne de démarcation

concrètedans leszonespertinentes n'estenvisagéeni requise.
On peut concevoir que soit soumis à la Cour un différend concernant
l'exactitude d'une ligne existante, notamment d'une ligne de base. La
manièrenormalede résoudreun tel différend seraitpour la Cour non seu-
lement de se prononcer sur des «définitions, principesou règles »,mais
aussi de statuer sur la validitéde la méthode particulière oude la ligne
qui sont contestées enl'espèce. Telleétait la positiondans l'affaire des
Pêcheries (Royaume-Un ci.Norvège)o, ù la requête avaiteffectivementété
présentée unilatéralement conformément p auragraphe 2 de l'article 36
du Statut de la Cour (C.I.J. Recueil1951,p. 118, 126et 143).Si la Cour
est autoriséeàprocéder ainsidans le cas d'une lignede base, elledevrait
égalementpouvoirtracer une lignede délimitationquand il est nécessaire

qu'elle lefasse pour exprimer de manière définitive sa décision dans le
différend concretdont elle est saisie.Letracé d'uneligne est simplement
un moyend'illustrerla décision à laquellela Cour estparvenue afin d'as-
surerlastabilitéquidoitrésulterd'une décisioennmatièrede délimitation.
D'une manière généralei,l ne fait pas de doute qu'en l'absence de
coopération consentieil peut surgir des difficultés ence qui concerne la
preuve et dans d'autres domaines (voir en général, à propos des procé-
dures en matière consultative, l'affaire de la Carélie orientale,C.P.J.I.necessarily disablethe Court from deciding. Wherethe relevant material
isbeforethe Court, itwould seemto methat alitigatingparty,asaparty to
the Statute,has aright to expect,and indeed to require,theCourtto exer-
ciseitsjurisdiction under the Statute.The existenceof this dutyhas been
noticed bythe Court itself.In 1984itobservedthat, barring circumstances
which do not apply here, "it must be open to the Court, and indeed its
duty,to givethe fullestdecision it mayinthe circumstancesof each case"
(ContinentalShelf(Libyan Arab Jamahiriya/Malta),Applicationfor Per-
missionto Intervene,I.C.J.Reports1984,p. 25,para. 40).In 1985it added,
"The Court mustnot exceedthejurisdiction conferred upon itbythe Par-
ties, but it must also exercisethat jurisdiction to its full extent" (Libya/
Malta,I.C.J.Reports1985,p. 23,para. 19.And see FrontierDispute,I.C.J.
Reports 1986, p. 577, para. 45). As it was succinctly put by Judge
Moreno Quintana, "The Court cannot refuse to discharge its judicial
task" (ne Templeof Preah Yihear,I.C.J. Reports1962, p. 68,dissenting

opinion).

1do not seethat the thrust ofthese purposeful statements can be offset
bythe stress which counselhas placed on the role assigned to consent in
delimitationmatters(CR 93/9, p. 50,21 January 1993,Mr. Highet).That
roleisclearlyimportant. Butitisjust asclearthat, inthe absence ofagree-
ment,anydisputeas to whatisthe delimitationline isadispute cognizable
under Article36,paragraph 2,ofthe Statuteand,inaproperlyconstituted
case, such asthis, must be fully decided by the Court thereunder.

It isusefulto bearinmind that therearetwo ways ofmovingthe Court.
Oneisbywayofproceedingsinstituted pursuant to an agreement (ofone
kind oranother) under Article36,paragraph 1,ofthe StatuteoftheCourt.
The other is by way of proceedings instituted pursuant to the optional
clauseprovisionsofArticle36,paragraph 2,ofthe Statute.Asbetweenthe
sameparties, both methods may wellbe applicable (Electricity Company

ofSofa andBulgaria,P.C.I.J., SeriesA/B, No. 77,p. 76).The availability
of one method is not necessarily inconsistent with the concurrent avail-
abilityofthe other. It maywith evengreaterjustice be held that it cannot
be right to use atheoreticalbut unavailable possibilityof recourseto one
method to limit the exerciseof an existingright of rewurse to the other.
Thatthis isthe substance ofthe issuearising maybe seen from Nonvay's
submissionthat -

"Delimitation isinherentlyunsuitablefor casesbrought byunilat-
eralapplicationunlessthere issomeformofagreementonthepart of
the respondent as to the role and powers of the Court." (CR 93/9,
p. 81,21January 1993,Mr. Keith Highet.)sérieBno3,p. 28).Maisl'absencedecoopérationne place pas nécessaire-
ment la Cour dans l'impossibilitéde statuer. Lorsqu'ellea devant elle les
éléments pertinents,il me semble qu'un plaideur, en tant que partie
au Statut de la Cour, est en droit d'attendre, et en véritéd'exiger,que la
Cour exerce la compétencequi résultede son Statut. L'existencede ce
devoir a étérelevéepar la Cour elle-mêmeE . n 1984,elle a observé que,
en l'absencede circonstances qui nes'appliquentpas dans le cas présent,
«la Cour doit avoir la faculté,et ellea en fait l'obligation,de sepronon-
cer aussi complètement que possible dans les circonstances de chaque
espèce » (Plateau continental(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête
àfin d'intervention,C.I.J. Recueil 1984,p. 25, par. 40). En 1985,elle a
ajoutéque «la Cour ne doit pas excéderla compétenceque lui ont

reconnue les Parties, mais elle doit exercer toute cette compétence»
(Libye/Malte, C.I.J.Recueil1985,p.23,par. 19;voiraussi Diffërendfronta-
lier, C.I.J. Recueil1986,p. 577, par. 45). Ainsi que l'a succinctement
expriméM. Moreno Quintana: «La Cour ne peut serefuser à accomplir
la tâchejudiciaire qui lui revientTempledePréahVihéarC , .I.J.Recueil
1962,p. 68,opinion dissidente).
Je ne pense pas que la portéede ces déclarations mûrementréfléchies
puisseêtreéclipsé par l'accentqueleconseildela Norvègeavouluplacer
sur lerôle assignéau consentement en matièrede délimitation(CR 93/9,
p. 50, 21janvier 1993,M. Highet). Ce rôle est certainement important,
mais il est tout aussi clair qu'en l'absenced'accord tout différend quant
à ce qu'est la ligne de délimitationest un différenddont la Cour peut
connaître en vertu du paragraphe 2 de l'article36de son Statut et, s'agis-
sant d'une instance introduite dans les règlescomme c'estle cas ici, sur

lequel elle doit en vertu de ces mêmedispositionsstatuer complètement.
Ilnefautpas oublierqu'il existedeuxmoyensdesaisirlaCour. L'unest
celui d'une instanceintroduite en application d'un accord (d'un type ou
d'un autre)en vertu des dispositions du paragraphe 1de l'article 36 du
Statut de la Cour. L'autre est celui d'une instance introduite conformé-
ment aux dispositions de la clause facultative du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36du Statut.Il peut arriver que chacune de cesméthodes soitappli-
cable entre les mêmes parties (Compagnied'électricitéde Sofia et deBul-
garie,C.P.J.I.sérieA/B no77,p. 76). Lapossibilitéde recourir à l'unede
ces méthodesn'exclut pas nécessairementla possibilité simultanéede
recourir a l'autre. Onpeut même soutenirà plusjustetitre encore,qu'ilne
saurait être correctde se servir de la possibilitéthéoriquemais inacces-
sible de recoursàune méthodepour limiterl'exerciced'un droit existant

derecourir à l'autre.Quecesoitlà lefond de la questionressort del'affir-
mation de la Norvègesuivantlaquelle :

«La délimitationest par essence un sujet qui ne prêtepas à une
procédure engagéepar voie de requête unilatérale, à moins qu'il
n'existe une quelconque forme d'accord de la part du défendeur
quantau rôleetauxpouvoirs dela Cour. »(CR93/9, p. 81,21janvier
1993,M.Keith Highet.) Norwayadmitsthatjurisdiction existsunder Article36,paragraph 2, of
the Statute.Yet it seemsto be sayingthat the case could only be brought
under that provisionif"there issomeform ofagreementonthe part ofthe
respondent asto the role and powers of the Court". But, if there is such
agreement, the case might as well be brought under Article 36, para-
graph 1,ofthe Statute.Norway'ssubmission,ifcorrect,wouldrepresenta
restriction on the exercise of the Court's compulsory jurisdiction; it
would operate to impose a hidden proviso to Article 36,paragraph 2, of
the Statute,the effectofwhichwouldinpractice beto excludesomecases
fromthisprovision andto limittheright tobringproceedingsinrespect of
them to Article 36,paragraph 1,only. The gravityof this consequence is
not mitigatedby the fact that the argumenthasbeen made on the basis of
judicial propriety and restraint.

The Court is alwaysmindful ofthe consensualbasis of itsjurisdiction.

Butthere is a limitto contentionsbased explicitlyor implicitlyon volun-
tarism.TheStatuteandthe Rulesprescribeanumber ofconditions forthe
exercise of the Court's power to decide disputes on a consensual basis.
Butoncethe power comesinto play, 1cannot seethat anyfurther consent
is required for its effectua1exercise. There is a conceivable exception
where a case is brought pursuant to an agreement by the very terms of
whichsomefurther consent isrequiredbeforeaparticular issueis consid-
ered by the Court (see FreeZones ofUpperSavoyand tlzeDistrictof Gex,
P.C.I.J.,SeriesA/B, No. 46,p. 165).Butthat isnot the situation here.

In this case, Counsel for Norway himself expected that it would have
been open to Denmark to Saythat "Norway cannot both be in the liti-
gation and out of the case . . ."(CR 93/9, p. 78, 21 January 1993,
Mr. Keith Highet). More particularly, as he also correctly remarked,
"After all, it is a litigationthat we are conducting,not a conciliation,or
mediation procedure" (ibid.,p. 79). But precisely because it is a litiga-

tion - a litigation duly institut-d the Court cannot act on extraneous
considerations.Jurisdiction having been admitted, the fact that the case
was not brought with the agreement of the Respondent is, by itself, not
relevant to the manner in which the Court should approach the issue
which it presents and express its decision thereon. Accordingly,had the
Courtjudged that theavailable material wassufficientto enableitto draw
aline,it could, in myopinion,properly have done sonotwithstandingthe
non-consent of Norway tothat particular step being taken.

(Signed) Mohamed SHAHABUDDEEN. LaNorvègeadmetquelaCour estcompétenteenvertu du paragraphe 2
de l'article 36 du Statut. Cependant, elle semble dire que l'instance ne
pouvait être introduite en vertude cette disposition que s'«il existe une
quelconque formed'accord de la part du défendeurquant au rôle et aux
pouvoirs de la Cour». Cependant, s'il existait un tel accord, l'instance
pourrait aussibien êtreintroduite envertuduparagraphe 1del'article36
du Statut.Lathèsedela Norvège,sielledevaitêtreadmise,représenterait
une restrictionà l'exercicede la juridiction obligatoire de la Cour; elle
aurait pour effet de soumettre les dispositions du paragraphe 2 de l'ar-
ticle 36 du Statuà une réservecachée,qui reviendrait en pratique à ex-
clurede l'application decesdispositionscertainesaffairespour lesquelles
une instance ne pourrait être introduite qu'en vertudu paragraphe 1de
l'article 36.La gravitéde cette conséquencen'estpas atténuéepar le fait

que cetargumenta été avancéau titre delaprudence et de la réservejudi-
ciaires.
La Cour ne perdjamais de vuele fondement consensuel de sa compé-
tence. Mais il existe une limite aux assertions fondées explicitementou
implicitement sur le volontarisme. Le Statut et le Règlement fixent un
certain nombre de conditions pour l'exercicedu pouvoir qu'a laCour de
statuer sur des différendssur une base consensuelle. Mais dès que ce
pouvoir entre en action, je ne conçois pas qu'un consentement supplé-
mentaire soit requis pour qu'il puisse s'exercer effectivement.n peut
imaginerl'exception d'une instance qui seraitintroduite par un compro-
mis dont les termes mêmessubordonneraient à un assentiment supplé-
mentairelapossibilitépour la Cour d'examinerune questionparticulière
(voir Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.P.J.I.
sérieA/B no46,p. 165).Mais ce n'estpas le cas dans la présente affaire.

Le conseilde la Norvègelui-même a penséque le Danemark aurait pu
dire que laNorvège«ne peut être à la fois partie au litige et hors de la
cause .»(CR93/9, p. 78,21janvier 1993,M.Keith Highet). Plusparticu-
lièrement, ainsi qu'il l'a aussiuste titre observé:«Après tout, nous
avons affaireà un contentieq non àune conciliation ouà une procédure
de médiation. » (Ibid., p. 79.)Mais précisément parce qu'ils'agit d'une
instance contentieusequi a étéintroduite dansles règles,laCour ne peut
pas prendre en compte des considérations étrangères. Sa compétence
ayant étéadmise,lefaitquel'instancen'apas été introduite avecl'assenti-
ment du défendeurest, en soi, dénué depertinence quant à la manière
dont la Cour doit aborder la question poséeet exprimer sa décision. Par
conséquent,si la Cour avait jugéque les élémentsdont elle disposait
étaient suffisantspour qu'elle puissetracer une ligne, ellepouvait, selon

moi, légitimementle faire malgré l'absence d'assentimentde la Norvège
pour qu'elle procèdeà cetteopération particulière.
(Signé)Mohamed SHAHABUDDEEN.

Document file FR
Document Long Title

Opinion individuelle de M. Shahabuddeen (traduction)

Links