Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 8 juillet 1991, Qatar a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre Bahreïn au sujet de certains différends existant entre les deux Etats relativement à la souveraineté sur les îles Hawar, aux droits souverains sur les hauts-fonds de Dibal et de Qit’at Jaradah et à la délimitation de leurs zones maritimes. Qatar fondait la compétence de la Cour sur certains accords que les Parties auraient conclus en décembre 1987 et décembre 1990, l’objet et la portée de l’engagement à accepter cette compétence étant déterminés par une formule proposée par Bahreïn à Qatar en octobre 1988 et acceptée par ce dernier Etat en décembre 1990 (la « formule bahreïnite »). Bahreïn ayant contesté le fondement de la compétence invoquée par Qatar, les Parties sont convenues que les pièces de la procédure écrite porteraient d’abord sur les questions de compétence et de recevabilité. Après qu’un mémoire du demandeur et un contre-mémoire du défendeur eurent été déposés, la Cour a prescrit la présentation par chacun d’eux, respectivement, d’une réplique et d’une duplique.
La Cour a rendu, le 1er juillet 1994, un premier arrêt sur les questions susmentionnées. Elle a considéré que tant les échanges de lettres intervenus en décembre 1987 entre le roi d’Arabie saoudite et l’émir de Qatar, et entre le roi d’Arabie saoudite et l’émir de Bahreïn, que le document intitulé « procès-verbal » et signé à Doha en décembre 1990 constituaient des accords internationaux créant des droits et des obligations pour les Parties ; et que, aux termes de ces accords, celles-ci avaient pris l’engagement de soumettre à la Cour l’ensemble du différend qui les opposait. A ce dernier égard, la Cour a relevé que la requête de Qatar ne comprenait pas certains des éléments constitutifs que la formule bahreïnite était censée couvrir. Elle a décidé en conséquence de donner aux Parties l’occasion de lui soumettre l’« ensemble du différend » tel qu’il est circonscrit par le procès-verbal de 1990 et ladite formule, tout en fixant au 30 novembre 1994 la date d’expiration du délai dans lequel les Parties devaient agir conjointement ou individuellement à cette fin. A la date prescrite, Qatar a déposé un document qualifié de « démarche», dans lequel il faisait état de l’absence d’accord des Parties pour agir conjointement et déclarait soumettre à la Cour l’« ensemble du différend ». Le même jour, Bahreïn déposait un document qualifié de « rapport », dans lequel il indiquait, notamment, que la soumission de l’« ensemble du différend » devait avoir « un caractère consensuel, c’est-à-dire faire l’objet d’un accord entre les Parties ». Par des observations soumises à la Cour ultérieurement, Bahreïn indiqua que la démarche individuelle de Qatar « ne saurait établir [la compétence de la Cour] ni saisir valablement la Cour en l’absence du consentement de Bahreïn ». Par un second arrêt sur les questions de compétence et de recevabilité, rendu le 15 février 1995, la Cour a décidé qu’elle avait compétence pour statuer sur le différend entre Qatar et Bahreïn, qui lui était soumis, et que la requête de Qatar, telle que formulée le 30 novembre 1994, était recevable. La Cour, après avoir procédé à un examen des deux paragraphes constituant l’accord de Doha, a constaté que, dans ledit accord, les Parties avaient réaffirmé leur consentement à sa compétence et fixé l’objet du différend conformément à la formule bahreïnite ; elle a en outre constaté que l’accord de Doha permettait la saisine unilatérale et qu’elle était maintenant saisie de l’ensemble du différend. Par deux ordonnances, la Cour a ensuite fixé, puis reporté, la date d’expiration du délai dans lequel chacune des Parties pourrait déposer un mémoire sur le fond.
Suite aux objections soulevées par Bahreïn au sujet de l’authenticité de certains documents annexés au mémoire ainsi qu’au contre-mémoire de Qatar, la Cour, par ordonnance du 30 mars 1998, a fixé un délai pour la présentation par ce dernier d’un rapport contenant l’authenticité de chacun des documents contestés. Elle a, par la même ordonnance, prescrit aux Parties le dépôt d’une réplique sur le fond du différend. Et Qatar ayant renoncé à tenir compte, aux fins de l’affaire, des documents contestés, la Cour, par ordonnance du 17 février 1999, a décidé que les répliques des deux Etats ne s’appuieraient pas sur ces pièces. Elle a également accordé une prorogation de délai pour le dépôt de ces répliques.
Dans son arrêt du 16 mars 2001, la Cour, après avoir exposé la procédure en l’espèce, a retracé l’histoire complexe du différend. Elle a noté que Bahreïn et Qatar avaient conclu des accords exclusifs de protection avec la Grande-Bretagne, respectivement en 1892 et 1916, et qu’il avait été mis fin à ce statut d’Etat protégé 1971. La Cour a par ailleurs fait état des différends survenus entre Bahreïn et Qatar à l’occasion, notamment, de l’octroi de concessions à des sociétés pétrolières, ainsi que des efforts poursuivis en vue de régler ces différends.
La Cour a examiné en premier lieu les revendications des Parties sur Zubarah. Elle a indiqué que, dans la période ayant suivi 1868, l’autorité du cheikh de Qatar sur Zubarah s’était consolidée graduellement, qu’elle avait été constatée dans la convention anglo-ottomane du 29 juillet 1913 et qu’elle était définitivement établie en 1937. Elle a également indiqué qu’il n’était pas prouvé que des membres de la tribu des Naïm aient exercé une autorité souveraine au nom du cheikh de Bahreïn à Zubarah. Elle en a conclu que Qatar a souveraineté sur Zubarah.
S’agissant des îles Hawar, la Cour a indiqué que la décision par laquelle le Gouvernement britannique avait estimé en 1939 que ces îles appartenaient à Bahreïn ne constituait pas une sentence arbitrale, mais que ceci ne signifiait pas qu’elle soit dépourvue d’effet juridique. Elle a constaté que Bahreïn et Qatar avaient accepté à l’époque que la Grande-Bretagne règle leur différend et dit que la décision de 1939 devait être regardée comme une décision qui était dès l’origine obligatoire pour les deux Etats, et qui avait continué de l’être après 1971. Rejetant les arguments de Qatar selon lesquels cette décision ne serait pas valide, la Cour a conclu que Bahreïn avait souveraineté sur les îles Hawar.
La Cour a relevé que la décision britannique de 1939 ne faisait aucune mention de l’île de Janan qui, a-t-elle estimé, forme une seule île avec Hadd Janan. Elle a néanmoins souligné que, dans des lettres adressées en 1947 aux souverains de Qatar et de Bahreïn, le Gouvernement britannique avait précisé que « l’île de Janan n’[était] pas considérée comme faisant partie du groupe des Hawar ». La Cour a été d’avis qu’en procédant de la sorte le Gouvernement britannique avait fourni une interprétation faisant foi de sa décision de 1939, interprétation dont il ressortait qu’il regardait Janan comme appartenant à Qatar. Par conséquent, Qatar a souveraineté sur l’île de Janan, y inclus Hadd Janan.
La Cour en est ensuite venue à la question de la délimitation maritime. Elle a rappelé que le droit international coutumier était le droit applicable en l’espèce et que les Parties avaient demandé de tracer une limite maritime unique. Au sud, la Cour était amenée à tracer une ligne délimitant les mers territoriales des Parties, espaces sur lesquels elles exerçaient une souveraineté territoriale (souveraineté sur le fond de la mer, les eaux surjacentes et l’espace aérien surjacent). Au nord, la Cour devait opérer une délimitation entre des espaces dans lesquels les Parties exerçaient seulement des droits souverains et des compétences fonctionnelles (plateau continental, zone économique exclusive).
Au nord, la Cour, se référant à sa jurisprudence, a procédé de façon similaire, traçant à titre provisoire une ligne d’équidistance et examinant s’il existait des circonstances devant conduire à l’ajustement de cette ligne. La Cour n’a pas retenu l’argument de Bahreïn selon lequel l’existence de certains bancs d’huîtres perlières situés au nord de Qatar et exploités dans le passé de façon prédominante par des pêcheurs bahreïnites constituerait une circonstance justifiant un déplacement de la ligne, ni l’argument de Qatar selon lequel il y aurait une différence sensible entre les longueurs des côtes des Parties justifiant une correction appropriée. Elle a en outre indiqué que des considérations d’équité exigeaient de ne pas donner d’effet à la formation maritime de Fasht al Jarim aux fins de la détermination de la ligne de délimitation.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.