Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 19 mai 1989, la République de Nauru a déposé au Greffe de la Cour une requête introduisant contre le Commonwealth d’Australie une instance au sujet d’un différend concernant la remise en état de certaines terres à phosphates exploitées sous administration australienne avant l’indépendance de Nauru. Dans sa requête, Nauru a soutenu que l’Australie avait violé les obligations de tutelle acceptées par elle en vertu de l’article 76 de la Charte des Nations Unies et de l’accord de tutelle du 1er novembre 1947 pour Nauru. Nauru a soutenu aussi que l’Australie avait violé certaines de ses obligations en vertu du droit international général à son égard, notamment en matière de mise en œuvre du principe d’autodétermination, ainsi que de souveraineté permanente sur les richesses et ressources naturelles. L’Australie aurait ainsi engagé sa responsabilité juridique internationale et serait tenue à restitution ou à toute autre réparation appropriée envers Nauru pour les dommages et les préjudices subis. Dans le délai fixé pour le dépôt de son contre-mémoire, l’Australie a présenté certaines exceptions préliminaires portant sur la recevabilité de la requête et la compétence de la Cour.
Le 26 juin 1992, la Cour a rendu son arrêt sur ces questions. Concernant la question de sa compétence, la Cour a noté que Nauru fondait cette compétence sur les déclarations par lesquelles l’Australie et Nauru avaient accepté la juridiction de la Cour dans les conditions prévues au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut. La déclaration de l’Australie précisait qu’elle « ne s’appliqu[ait] pas aux différends au sujet desquels les parties ont convenu ou conviennent de recourir à une autre procédure de règlement pacifique ». Se référant à l’accord de tutelle de 1947 et se prévalant de la réserve contenue dans sa déclaration pour soutenir que la Cour était incompétente pour statuer sur la requête de Nauru, l’Australie a exposé que tout différend né au cours de la tutelle entre « l’autorité administrante et les habitants autochtones » devrait être regardé comme réglé du fait même de la levée de la tutelle (dès lors que celle-ci avait été opérée sans réserve) ainsi que par l’effet de l’accord relatif à l’industrie des phosphates de l’île de Nauru de 1967 conclu entre le conseil du gouvernement local de Nauru, d’une part, et l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, d’autre part, par lequel Nauru aurait renoncé à ses revendications concernant la remise en état des terres à phosphates. L’Australie et Nauru n’ayant passé, après le 31 janvier 1968, date de l’indépendance de Nauru, aucun accord par lequel ces deux Etats seraient convenus de régler le différend qui les opposait à cet égard, la Cour a rejeté cette première exception de l’Australie. Elle a rejeté de même les deuxième, troisième, quatrième et cinquième exceptions soulevées par l’Australie.
La Cour a ensuite examiné l’exception tirée par l’Australie du fait que la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni n’étaient pas parties à l’instance. Selon elle, les trois gouvernements mentionnés dans l’accord de tutelle constituaient, aux termes dudit accord, « l’autorité chargée de l’administration » de Nauru ; cette autorité ne jouissait pas d’une personnalité juridique internationale distincte de celles des Etats ainsi désignés ; et, parmi ces Etats, l’Australie jouait un rôle tout particulier, consacré notamment par l’accord de tutelle. La Cour n’a pas estimé, en premier lieu, qu’il avait été démontré qu’une demande formée contre l’un des trois Etats seulement devait être déclarée irrecevable in limine litis au seul motif qu’elle soulevait des questions relatives à l’administration du territoire à laquelle participaient les deux autres Etats. En second lieu, la Cour a considéré, entre autres, qu’il ne lui était nullement interdit de statuer sur les prétentions qui lui étaient soumises, pour autant que les intérêts juridiques de l’Etat tiers éventuellement affectés ne constituaient pas l’objet même de la décision sollicitée. Or, dans l’hypothèse où la Cour est ainsi à même de statuer, les intérêts de l’Etat tiers qui n’est pas partie à l’affaire sont protégés par l’article 59 du Statut de la Cour. Elle a constaté qu’en l’espèce les intérêts de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni ne constituaient pas l’objet même de la décision à rendre sur le fond de la requête de Nauru et que, par conséquent, elle ne pouvait refuser d’exercer sa juridiction et que l’exception développée à cet égard devait être rejetée.
La Cour a enfin retenu l’exception préliminaire soulevée par l’Australie selon laquelle la demande nauruane relative aux avoirs d’outre-mer des British Phosphate Commissioners était irrecevable au motif qu’elle constituait une demande à tous égards nouvelle, présentée au stade du mémoire, et que l’objet du différend qui lui avait originellement été soumis se trouverait transformé si elle accueillait cette demande. Un contre-mémoire de l’Australie sur le fond a ensuite été déposé et la Cour a fixé les dates pour le dépôt d’une réplique du demandeur et d’une duplique du défendeur. Avant que ces deux dernières pièces ne soient présentées, les deux Parties, par notification conjointe déposée le 9 septembre 1993, ont informé la Cour qu’elles étaient convenues, étant parvenues à un règlement amiable, de se désister de l’instance. L’affaire a été en conséquence rayée du rôle de la Cour par ordonnance de la Cour du 13 septembre 1993.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.