Différend maritime (Pérou c. Chili)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 16 janvier 2008, le Pérou a déposé une requête introductive d’instance contre le Chili au sujet d’un différend portant, d’une part, sur « la délimitation de la frontière entre les zones maritimes des deux Etats dans l’océan Pacifique, à partir d’un point situé sur la côte, appelé Concordia, … point terminal de la frontière terrestre telle qu’établie conformément au traité … du 3 juin 1929 » et, d’autre part, sur la reconnaissance de l’appartenance au Pérou d’une « zone maritime qui, située dans la limite de 200 milles marins de la côte du Pérou », devrait donc lui revenir « mais que le Chili considère comme faisant partie de la haute mer ».
Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 27 janvier 2014, la Cour a recherché s’il existait, comme le soutenait le Chili, une frontière maritime internationale convenue entre les Parties et suivant sur une distance d’au moins 200 milles marins le parallèle de latitude passant par le point de départ de la frontière terrestre le séparant du Pérou. Après avoir analysé les proclamations et déclarations du Pérou et du Chili (proclamations de 1947, déclaration de Santiago de 1952), ainsi que des accords et arrangements ultérieurs conclus par le Pérou, le Chili et l’Equateur, la Cour conclut que l’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale entre ces Etats reconnaissait qu’une frontière maritime existait déjà, sans que le texte n’indique toutefois quand ni par quels moyens cette frontière avait été agréée. La Cour a considéré par conséquent que la reconnaissance expresse de l’existence d’une frontière maritime par les Parties reposait nécessairement sur un accord tacite intervenu entre elles auparavant et « consacré » par l’accord de 1954. Après examen de l’ensemble des éléments de preuve pertinents qui lui ont été présentés quant à la frontière maritime convenue entre les Parties, la Cour conclut que celle-ci avait vocation générale et s’étendait sur une distance de 80 milles marins le long du parallèle à partir de son point de départ.
Ayant conclu qu’il existait entre les Parties une frontière maritime unique agréée et que celle‑ci partait de l’intersection entre le parallèle de latitude passant par la borne frontière no 1 et la laisse de basse mer, pour suivre ce parallèle sur 80 milles marins, la Cour a eu recours, s’agissant de la détermination du tracé de la frontière maritime au‑delà de cette distance, à la méthode en trois étapes qu’elle applique habituellement. Premièrement, elle trace, en l’absence de raisons impératives contraires, une ligne d’équidistance provisoire. Dans un deuxième temps, elle examine s’il existe des circonstances pertinentes pouvant appeler l’ajustement de cette ligne pour parvenir à un résultat équitable. La troisième étape consiste à rechercher si la ligne, une fois ajustée, a pour effet de créer une disproportion marquée entre les espaces maritimes attribués à chacune des parties dans la zone pertinente, par rapport à la longueur de leurs côtes pertinentes.
La Cour conclut que la frontière maritime entre les Parties part du point d’intersection entre le parallèle de latitude passant par la borne frontière no 1 et la laisse de basse mer, et longe ce parallèle sur une distance de 80 milles marins jusqu’au point A. A partir de ce point, elle suit la ligne d’équidistance jusqu’à atteindre la limite des 200 milles marins mesurée à partir des lignes de base chiliennes (point B). A partir de ce point, les projections des côtes des Parties sur une distance de 200 milles marins ne se chevauchant plus, la frontière maritime suit la limite des 200 milles marins mesurée à partir des lignes de base chiliennes jusqu’au point C, soit l’intersection des limites des 200 milles marins des espaces maritimes auxquels les Parties peuvent prétendre. Etant donné les circonstances de l’affaire, la Cour a déterminé le tracé de la frontière maritime entre les Parties sans en préciser les coordonnées géographiques exactes. Elle a rappelé que les Parties ne lui avaient pas demandé de le faire dans leurs conclusions finales, mais a néanmoins indiqué qu’elle attendait des Parties qu’elles procèdent à la détermination de ces coordonnées conformément à sa décision et dans un esprit de bon voisinage. Par la suite, le Pérou et le Chili ont approuvé, le 25 mars 2014, les coordonnées de leur frontière maritime.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.