Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 29 mai 1996, le Gouvernement du Botswana et le Gouvernement de la Namibie ont notifié conjointement au greffier de la Cour un compromis qu’ils avaient signé le 15 février 1996 et qui était entré en vigueur le 15 mai 1996, en vue de soumettre à la Cour le différend qui les opposait concernant la frontière autour de l’île de Kasikili/Sedudu et le statut juridique de cette île. Dans ce compromis, il était fait référence à un traité signé le 1er juillet 1890 entre la Grande-Bretagne et l’Allemagne qui porte sur les sphères d’influence respectives de ces deux pays et à la constitution, le 24 mai 1992, d’une commission mixte d’experts techniques aux fins de déterminer la frontière entre la Namibie et le Botswana autour de l’île de Kasikili/Sedudu sur la base dudit traité et des principes applicables du droit international. N’étant pas parvenue à se prononcer sur la question qui lui avait été soumise, la commission mixte d’experts techniques a recommandé le recours à un mode de règlement pacifique du différend sur la base des règles et principes applicables du droit international. Lors d’une réunion au sommet tenue le 15 février 1995 à Harare (Zimbabwe), les présidents des deux Etats sont convenus de saisir la Cour du différend.
Compte tenu des dispositions pertinentes du compromis, la Cour a fixé, par une ordonnance du 24 juin 1996, les délais pour le dépôt, par chacune des Parties, d’un mémoire et d’un contre-mémoire. Ces pièces ont été dûment déposées dans les délais prescrits.
La Cour, compte tenu de l’accord intervenu entre les Parties, a également autorisé le dépôt d’une réplique par chacune des Parties. Les répliques ont été déposées dans les délais impartis.
Dans son arrêt du 13 décembre 1999, la Cour a tout d’abord indiqué que l’île dont il était question, qui en Namibie est appelée « Kasikili » et au Botswana « Sedudu », a une superficie d’environ 3,5 kilomètres carrés, qu’elle est située sur le cours du fleuve Chobe, qui la contourne au nord et au sud, et qu’elle est sujette à des inondations qui commencent vers le mois de mars et durent plusieurs mois. La Cour a brièvement évoqué le contexte historique du différend, puis s’est penchée sur le texte du traité de 1890 qui, pour ce qui est de la région concernée, situe la limite entre les sphères d’influence de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne dans le « chenal principal » du Chobe. La Cour a exprimé l’avis que le véritable différend entre les Parties avait trait à l’emplacement de ce chenal principal, le Botswana affirmant qu’il s’agissait du chenal contournant l’île de Kasikili/ Sedudu au nord et la Namibie celui contournant l’île au sud. Le traité ne définissant pas la notion de « chenal principal », la Cour a donc entrepris de déterminer elle-même quel était le chenal principal du Chobe autour de l’île. Pour ce faire, elle a notamment pris en considération la profondeur et la largeur du chenal, le débit (c’est-à-dire le volume d’eau transportée), la configuration du profil du lit du chenal et sa navigabilité. Après avoir examiné les chiffres présentés par les Parties, ainsi que des levés effectués sur le terrain à des époques différentes, la Cour a conclu que « le chenal nord du Chobe autour de l’île de Kasikili/Sedudu doit être considéré comme son chenal principal ». Ayant évoqué l’objet et le but du traité de 1890, ainsi que les travaux préparatoires, la Cour s’est attardée sur la conduite ultérieure des parties au traité. Elle a constaté que cette conduite n’avait donné lieu à aucun accord entre elles au sujet de l’interprétation du traité ou de l’application de ses dispositions. La Cour a en outre indiqué qu’elle ne pouvait tirer de conclusions du dossier cartographique, « eu égard à l’absence de toute carte traduisant officiellement la volonté des parties au traité de 1890 » et compte tenu du « caractère incertain et contradictoire » des cartes produites par les Parties au différend. Elle a enfin examiné l’argument subsidiaire de la Namibie selon lequel cet Etat et ses prédécesseurs auraient acquis un titre sur l’île de Kasikili/ Sedudu par prescription en vertu de l’exercice d’une juridiction souveraine sur cette île depuis le début du siècle, au vu et au su des autorités du Botswana et de ses prédécesseurs, et avec leur acceptation. La Cour a notamment relevé que, si des membres de la tribu des Masubia de la bande de Caprivi (territoire appartenant à la Namibie) avaient bien utilisé l’île pendant de nombreuses années, ils l’avaient fait de façon intermittente, au gré des saisons, et à des fins exclusivement agricoles, sans qu’il ait été établi qu’ils occupaient l’île « à titre de souverain », c’est-à-dire en y exerçant des attributs de la puissance publique au nom des autorités du Caprivi. La Cour a donc écarté cet argument. Après avoir conclu que la frontière entre le Botswana et la Namibie autour de l’île de Kasikili/Sedudu suit la ligne des sondages les plus profonds dans le chenal nord du Chobe et que l’île fait partie du territoire du Botswana, la Cour a constaté qu’aux termes d’un accord conclu en mai 1992 (« communiqué de Kasane ») les Parties se sont mutuellement garanti la liberté de navigation sur les chenaux autour de l’île pour les bateaux de leurs ressortissants battant pavillon national.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.