Licéité de l'utilisation des armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Par une lettre en date du 27 août 1993, enregistrée au Greffe le 3 septembre 1993, le directeur général de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a officiellement communiqué au greffier une décision de l’Assemblée mondiale de la Santé tendant à soumettre à la Cour la question suivante, énoncée dans la résolution WHA46.40 adoptée le 14 mai 1993 :
« Compte tenu des effets des armes nucléaires sur la santé et l’environnement, leur utilisation par un Etat au cours d’une guerre ou d’un autre conflit armé constituerait-elle une violation de ses obligations au regard du droit international, y compris la Constitution de l’OMS ? »
La Cour a décidé que l’OMS et les Etats membres de cette organisation admis à ester devant la Cour étaient susceptibles de fournir des renseignements sur la question, conformément au paragraphe 2 de l’article 66 du Statut. Des exposés écrits ont été déposés par trente-cinq Etats, puis des observations écrites sur ces exposés ont été présentées par neuf Etats. Au cours de la procédure orale, qui s’est déroulée en octobre et novembre 1995, l’OMS et vingt Etats ont présenté des exposés oraux. Le 8 juillet 1996, la Cour a dit qu’elle ne pouvait donner l’avis consultatif qui lui avait été demandé par l’Assemblée mondiale de la Santé.
Elle a estimé que trois conditions sont requises pour fonder sa compétence lorsqu’une requête pour avis consultatif lui est soumise par une institution spécialisée : l’institution dont émane la requête doit être dûment autorisée, conformément à la Charte, à demander des avis à la Cour ; l’avis sollicité doit porter sur une question juridique ; et cette question doit se poser dans le cadre de l’activité de l’institution requérante. Les deux premières conditions étaient remplies. En ce qui concerne la troisième, toutefois, la Cour a dit qu’aux termes de la Constitution de l’OMS celle-ci est habilitée à traiter des effets sur la santé de l’utilisation d’armes nucléaires, ou de toute autre activité dangereuse, et à prendre des mesures préventives destinées à protéger la santé des populations au cas où de telles armes seraient utilisées ou de telles activités menées ; la question posée en l’espèce à la Cour portait toutefois non sur les effets de l’utilisation d’armes nucléaires sur la santé, mais sur la licéité de l’utilisation de telles armes compte tenu de leurs effets sur la santé et l’quesenvironnement.
La Cour a rappelé que les organisations internationales ne jouissent pas, à l’instar des Etats, de compétences générales, mais sont régies par le « principe de spécialité », c’est-à-dire dotées par les Etats qui les créent de compétences d’attribution dont les limites sont fonction des intérêts communs que ceux-ci leur donnent pour mission de promouvoir. L’OMS est au surplus une organisation internationale d’une nature particulière — une « institution spécialisée » qui fait partie d’un système basé sur la Charte des Nations Unies tendant à organiser la coopération internationale de façon cohérente par le rattachement à l’Organisation des Nations Unies, dotée de compétences de portée générale, de diverses organisations autonomes et complémentaires, dotées de compétences sectorielles. La Cour a en conséquence conclu que les attributions de l’OMS sont nécessairement limitées au domaine « de la santé publique » et ne sauraient empiéter sur celles d’autres composantes du système des Nations Unies. Or il ne fait pas de doute que les questions touchant au recours à la force, à la réglementation des armements et au désarmement sont du ressort de l’Organisation des Nations Unies et échappent à la compétence des institutions spécialisées. La Cour a donc estimé que la question sur laquelle portait la demande d’avis consultatif que l’OMS lui avait soumise ne se posait pas « dans le cadre [de l’]activité » de cette organisation.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.