Chasse à la baleine dans l'Antarctique (Australie c. Japon ;Nouvelle-Zélande (intervenant))
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 31 mai 2010, l’Australie a introduit contre le Japon une instance concernant « la poursuite par le Japon de l’exécution d’un vaste programme de chasse à la baleine dans le cadre de la deuxième phase du programme japonais de recherche scientifique sur les baleines en vertu d’un permis spécial dans l’Antarctique (« JARPA II »), en violation des obligations contractées par cet Etat aux termes de la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine (« ICRW »), ainsi que d’autres obligations internationales relatives à la préservation des mammifères marins et de l’environnement marin ».
L’Australie a invoqué comme base de compétence de la Cour les dispositions du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, renvoyant aux déclarations d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour faites par l’Australie et le Japon le 22 mars 2002 et le 9 juillet 2007, respectivement.
Le 20 novembre 2012, la Nouvelle‑Zélande a déposé au Greffe une déclaration d’intervention en l’affaire. Se prévalant du paragraphe 2 de l’article 63 du Statut, la Nouvelle‑Zélande soutenait que, du fait qu’étant partie à la convention internationale pour la réglementation de la chasse à la baleine, l’interprétation que la Cour pourrait donner de celle‑ci dans l’arrêt en l’espèce présentait pour elle un intérêt direct.
Dans une ordonnance du 13 février 2013, ayant constaté que la Nouvelle‑Zélande satisfaisait aux conditions énoncées dans le Statut et le Règlement, la Cour a dit que la déclaration d’intervention était recevable. La Cour a tenu des audiences publiques du 26 juin au 16 juillet 2013, au cours desquelles ont été entendus l’Australie et le Japon, les experts dont chaque partie avait demandé l’audition par la Cour, ainsi que la Nouvelle‑Zélande sur l’objet de son intervention.
Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 31 mars 2014, la Cour a tout d’abord estimé qu’elle avait compétence pour connaître de l’affaire, écartant l’argument du Japon selon lequel le litige relevait du champ d’application d’une réserve dont est assortie la déclaration australienne d’acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. Elle s’est ensuite penchée sur la question de l’interprétation et de l’application de l’article VIII de la convention de 1946, dont le paragraphe 1 autorise, dans sa partie pertinente, les parties à « accorder à l’un quelconque de [leurs] ressortissants un permis spécial autorisant l’intéressé à tuer, capturer et traiter des baleines en vue de recherches scientifiques ».
S’agissant de l’interprétation de cette disposition, la Cour a observé que, si la recherche scientifique est l’une des composantes d’un programme de chasse à la baleine, la mise à mort, la capture et le traitement des cétacés auxquels il aura été procédé dans ce cadre ne relèveront des prévisions de l’article VIII que si ces activités sont menées « en vue de » recherches scientifiques. Pour déterminer ce point et, en particulier, si c’est à des fins de recherche scientifique qu’un programme recourt à des méthodes létales, la Cour examine si les éléments de sa conception et de sa mise en oeuvre sont raisonnables au regard des objectifs de recherche annoncés.
En ce qui concerne l’application de cette disposition, la Cour a indiqué que JARPA II pouvait globalement être qualifié de programme de « recherche scientifique ». Elle a toutefois estimé que les éléments de preuve dont elle disposait ne permettaient pas d’établir que la conception et la mise en oeuvre de ce programme étaient raisonnables au regard des objectifs de recherche annoncés. Elle a conclu que les permis spéciaux au titre desquels le Japon autorisait la mise à mort, la capture et le traitement de baleines dans le cadre de JARPA II n’étaient pas délivrés « en vue de recherches scientifiques » au sens de l’article VIII, paragraphe 1, de la convention de 1946.
La Cour s’est enfin penchée sur les conséquences de cette conclusion, à la lumière de l’affirmation de l’Australie selon laquelle le Japon avait contrevenu à plusieurs dispositions du règlement annexé à ladite convention pour la réglementation de la chasse à la baleine. Estimant que le Japon avait effectivement violé certaines des dispositions invoquées (à savoir les moratoires sur la chasse commerciale et les usines flottantes, ainsi que l’interdiction de la chasse commerciale dans le sanctuaire de l’océan Austral), la Cour en est venue à la question des remèdes. Constatant que JARPA II était toujours en cours, elle a ordonné au Japon de révoquer tout permis, autorisation ou licence déjà délivré pour mettre à mort, capturer ou traiter des baleines dans le cadre de ce programme, et de s’abstenir d’accorder tout nouveau permis en vertu de l’article VIII, paragraphe 1, de la convention au titre dudit programme.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.