Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Ce différend a fait l’objet de trois arrêts de la Cour. Il a pris naissance à la suite d’explosions subies, en 1946, par des navires de guerre britanniques qui avaient heurté des mines en passant par le détroit de Corfou, dans une zone préalablement déminée des eaux albanaises. Les navires avaient été sérieusement endommagés et les équipages avaient subi d’importantes pertes en vies humaines. Le Royaume-Uni saisit la Cour de ce différend par une requête introduite le 22 mai 1947, et accusa l’Albanie d’avoir mouillé les mines, ou d’avoir laissé un Etat tiers les mouiller postérieurement aux opérations de déminage qui avaient été effectuées par les autorités navales alliées. L’affaire avait été au préalable portée devant l’Organisation des Nations Unies et, à la suite d’une recommandation du Conseil de sécurité, la Cour en avait été saisie.
Le premier arrêt, rendu le 25 mars 1948, portait sur la question de la compétence de la Cour et la recevabilité de la requête, qui avait été soulevée par l’Albanie. La Cour a notamment constaté qu’une communication en date du 2 juillet 1947 que lui avait adressée le Gouvernement albanais constituait une acceptation volontaire de sa juridiction. Elle a rappelé à cette occasion que le consentement des parties à sa juridiction n’était pas soumis à des conditions de forme déterminées, et a déclaré qu’en l’occurrence elle ne pouvait tenir pour irrégulière la voie de la requête, qui n’était exclue par aucun texte.
Le second arrêt, rendu le 9 avril 1949, concernait le fond du différend. La Cour a conclu que l’Albanie était responsable, selon le droit international, des explosions qui avaient eu lieu dans les eaux albanaises et des dommages et pertes humaines qui en avaient été la conséquence. Elle n’a pas retenu l’hypothèse selon laquelle l’Albanie elle-même aurait mouillé les mines, ni celle de la connivence de l’Albanie avec un mouillage qui aurait pu être effectué, à la demande de l’Albanie, par la marine de guerre yougoslave. En revanche, elle a retenu le grief se rattachant au fait que le mouillage ne pouvait avoir été effectué sans la connaissance du Gouvernement albanais. La Cour a notamment indiqué à cette occasion que, du fait du contrôle exclusif exercé par un Etat dans les limites de ses frontières, il peut être impossible de faire la preuve des faits d’où découlerait sa responsabilité internationale. L’Etat victime doit alors pouvoir recourir plus largement aux présomptions de fait, indices ou preuves circonstancielles, ces moyens de preuve indirecte devant être considérés comme particulièrement efficaces quand ils s’appuient sur une série de faits qui s’enchaînent et qui conduisent à une même conclusion. L’Albanie, de son côté, avait présenté une demande reconventionnelle contre le Royaume-Uni. Elle reprochait à celui-ci d’avoir violé la souveraineté albanaise en envoyant sa flotte de guerre dans les eaux territoriales albanaises et en procédant, postérieurement aux explosions, à des opérations de déminage dans ses eaux. La Cour n’a pas retenu le premier grief, estimant qu’elle se trouvait en présence d’un passage innocent dans un détroit international. Toutefois, l’opération de déminage ayant été effectuée contre la volonté du Gouvernement albanais, la Cour a estimé qu’elle constituait une violation de la souveraineté albanaise. En particulier, elle n’a pas admis la notion d’autoprotection (self-help)avancée par le Royaume-Uni pour justifier son intervention.
Dans un troisième arrêt, rendu le 15 décembre 1949, la Cour a fixé le montant des réparations dues par l’Albanie au Royaume-Uni. L’Albanie a été condamnée à payer la somme totale de 844 000 livres sterling
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.