Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 11 March to 19 May and 24 July 1964, the President sir Percy Spender, presiding (Minutes and Annexes to the Minutes)

Document Number
050-19640311-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
1964/1
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

COUR KNTERNATIODEJUSTICE

MÉMOIRES,PLAIDOIRIETDOCUMENTS

AFFAIREDE LA BARCELONA

TRACTION,LIGHT AND POWER
COMPANY, LIMITED
(NOUVELLEREQUETE 162)

(BELGIQc.ESPAGNE)
VOLUMEII
Procidureoralepréliminaires)

MTERNATIONALCOUOJUSTICE
PLEADINGS,ORAARGUMENTS,DOCUMENTS

CASECONCERNING THE

BARCELONA TRACTION,LIGHT
ANDPOWERCOMPANYL , IMITED
(NEWAPPLICATION1962)

~ELGIUM SPAIN)
VOLUMEII
OralProceedings(ybjections) Référenceabrégée:
15.J.Mémoires, UnrcelonnTrnctiow,Light and Power
Company.Lintite(noztvelreyc~ê:eg02),
vol. II

Abbreviatedreferen:e
I.CJ. Pleadiîags,Barceha Tracfion, Light andPower
Company, Lilnited (New Applicat:1962),
Vol. II

No devente:
I Sales numbe:346 1 AFFAIREDE LA BARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER
COMPANY,LIMITED

(NOUVELLEREQUETE: 1962)
(BELGIQUE. ESPAGNE)

CASECONCERNING
THE BARCELONATRACTION,LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED
(NEW APPLICATION:1962)

(BELGIUMv.SPAIN) MÉMOIRES,PLAIDOIRIESET DOCUMENTS

AFFAIREDE LABARCELONA

TRACTION, LIGHT AND POWER
COMPANY, LIMITED

(NOUVELLEREQUETE: 1962)
(BELGIQUEc. ESPAGNE)
VOLUMEII
Procéderale(exceptionspréliminaires)

INTERNATIONAL COURT OF JUSïïCE

PLEADINGS, ORALARGUMENTS,DOCUMENTS

CASECONCERNINGTHE
BARCELONATRACTION,LIGHT

ANDPOWER COMPANYL , IMITED
(NEWAPPLICATI:1962)
(BELGIUMSPAIN)

VOLUMEII
OralProceedings(Objections) PLAN GÉNÉRAL DE LA PUBLICATION

L'affaire de la BarcelonaTraction, Light and PowerCompany, Limited
(nouvellerequête: 1962). inscrite au rôle généralde la Cour sous le numéro
50 le19 juin 1962, a fait l'objet de deux arrêts rendus le 24 juillet 1964
(Barcelona Traclion, Light and Power Company, Limited. exceptions
préliminaires,arrD,C.I.J. Recueil 1964, p. 6) et le 5 février1970 (Barce-
lona Traction. Lihht and PowerComfian.,Li.ited, deuxièmefihase, arrêt,
C.I.J. Recueil 1970, p. 3).
Les mémoireset Plaidoiries relatifs à cette affaire sont publiés dans
l'ordre suivant:

Volume V. Réplique;
Volumes VI-VII. Duplique;
Volumes VIII-X. Procédure orale(deuxième hase) et corres~ondance.
Lci di,canrinl.,niiiicxcs .luxpi&;,-sdv ~iri,is:<liI:cr~t,ct di>cuiii<iirs
~)r>s<.iir&as1rL 1.1tin ILr,r,,.'.,Iii,zr~tc]>croiit triirL'.i;~~~~416111~11r.
N.B. - Le dossier de la première affairede I;BLarcelonaTraction,Light
and PowerCompany,Limited. introduite en 1958et rayéedu rôle en 1961,
a fait également l'objet d'un traitement séparé (voir C.I.J. Mémoires,
BarcelonaTraction, Light and PowerCompany,Limited).

GENERAL PLAN OF PUBLICATION

The case concerning the BarcelonaTraction,Light and PowerCompany,
Limited (!Vew Application: 1962), entered as No. 50 in the Court's
General List on 19 June 1962,was the subject of two judgments, the first
of 24 July 1964 (BarcelonaTraction, Light and PowerCompany, Limited,
Preliminary Objections.Judgment, I.C.J. Reports 1964, p. 6) and the
second of5 February 1970(BarcelonaTraction,Lightand PowerCompany,
Limited, SecondPhase,Judgment, I.C.J. Reports1970, p. 3).
The order of publication of the pleadingsand oralargumentsin this case
is asfollows:
Volume 1. Institution of proceedings and initial pleadings;
Volumes II-III. Oral proceedings (preliminary objections);
Volume IV. Counter-Memorial:
Volume V. Re l4,; . . .
Volumes VI-V 1 Reloinder,
Volumes VIII-X. Oral proceedings (second phase) and correspondence.
'i'l.,.d.,ranre~(.iiiiir~jro tlic pli.ndiri~nii<l~lociininti iiibniirtcd
:~fti:rrhc cloîiii01 thc \\.ritt,-ii prj,.cc-.i\vil1Itcrrr:itt:d ,<.~~r:ct~l\..
N.B. The documentation in the first case concerning the Barcelona
Traction,Light and PowerCompany, Limited, brought before the Court
in 1958 and removed from the List in 1961, has also been the subject of
separate treatment (see I.C.J. Pleadings, BarcelonaTraction, Light and
Poww Company,Limited).relati;,cs aiix exçzptions priliniinaircs (m:~rs-maiet 24 juillet 196,). ainsi
que le tçxtedc; ylaiduincîproiioncées nu cours <les;iudiencII mnrj
au 16avril 1964.
Les renvois comportant le chiffre1 visent le premier volume de la
présente édition,dont il convient de rappeler que la pagination n'est pas
continue.

CONTENTS OF VOLUME II

This \~oluinccoiitnini tlic ininutes ofthe public hearingj relnting to the
preliminar!. ol>jcctions (>larcl~-.\I;iyand 24 July 19641.and tlic text
of tlic oral ;<rmmcnts ~resenttd du-ine the hen-ints bç.t\IIcYarch
and 16April Ï964.
edition: the reader is reminded that the ~aeination of that volume isnot TABLE DES MATIÈKES

PROCÈS-VERBAUX
page
Audiences publiques tenues du II mars au 19 mai 1964 ..... xv
Audience publique tenue le 24 juillet 196.......... XXXIII
ANNEXES AUX PROCÈS-VERBAUX
(II mars-16avril1964)

PLAID~~R~ EE M .REUTER:Stlucture du groupe de la Barcelona
Traction et ses rapports avec les autorités espagnoles 4
Considérationspréliminaires

Buts frauduleux ....... 1 ..............
Infractionsà la législationfiscal..............
Absence de protection diplomatique du Ciouvernement belge
jusqu'en 1946 .....................
Interventionsau nom du Canada ..............
Arrêtdu tribunal suprêmedu 28 mai 1964 ..........
Problème des devises de 1940 à 1945 ............
Plan de compromis ....................

PLpostérieuresE?la faillit..................ns diplomatiques

Attitude du Gouvernement espagnol ............
De 1950)i.........................la commission d'experts (1948-
Commission d'experts et ses suites (1g50-1g52........
De l'intervention belge de 1955à la première requête.....
Désistement et réintroduction de la demande (1961.1963) ...
Contenu identique des deux requêtes ............

ARlection .........................OCKF :irst preliminary ob-

Introductory remarks ...................
Termination of proceedings under Article: 68 and 69 of the
Rules of Court .....................
Practice of States regarding termination of proceeding....
Provisions in national systems of procedure.........
Rules applied by various international jurisdictio......
Discontinuauce in the International Court of Justice.....X BARCELOKA TRACTIOS

Position of the Spanish Government . , . . . . . . . . . .
Finalityof the discontinuance in the present case. . . .. . .
Consultations prior to the discontinuance . , . . . . . . . .
Incompatibility of the introduction of the new Application with
the provisions of the Spanish-Belgian Treaty of 1927 . . . .
Summary of contentions. . . . . . . . , , . . . . . . . .
PLAIDOIRI E E M. GUGGENHEIM D:euxièmeexception préliminaire
Position du problème . . . . . . . . . , , . . . . . . . .
Interprétation de l'article 37 du Statut de la Cour . . . . . .
Conditions pour que le transfert de juridiction puisse s'opérer .
Caducitéde l'article 17 du traité hispano-belge de 1927 . . . .
Effet de l'admission de I'Es~a.ne aux Nations Unies . . . . .
Abjeiicc.Je susl>eiisioii<IrIcisl:~iiscjuridictioiiii~il.t:. . . . .
1iiterprït:itioii (ILSterrncu pnrtics au prtLriit Statut jj . . . .
Esanicn <le11r)r:itiouï ~nternation:~lçen mati2rc de triiii?fcrt de
compétences'et pÔuvoirs. . . . . . . , . , . . . . . . .
Prétendu caractère autonome de l'article 37 du Statut. . . . .
L'article ". du Statut ne rév voi pas la remise en vimeur de
):tenduese(cjIol,lig.itiondeltranjfcrtédes'juridictioii. . . . . .
Réfutation de diverses affirmationscontenues dans les écritures
du Gouvernement belge . . . . . . . . . . . . . . . . .
Application rntioite lemporis de l'article 17 du traité hispano-
belgedergz7 . . . . . . . . . . . . . . . .... . .

PLAIDOIRI EE M. AGO:Troisièmeexception préliminaire . . . .
Correspondance diplomatique (1948-1956) . . . . . . . . . .
Procédures devant la Cour. . . . . . . , . . . . . . . . .
Sens et portée véritables de la nouvelle demande du Gouver-
nement belge . . . . . . . . . . . . . . .. . . . . .
Rébelges. . . .réju. .eq. . . .it . . .us. . . . .des. .ss. . . . .ts
Comportement illicite attribué à l'Etat espagnol , . . . . . .
Attitude du Gouvernement canadien . . , . . . . . . . . .
Principes généraux du droit international concernant la con-
dition des étrangers et la protection diplomatique. . . . . .
~é~--~-t~de l'existence d'un droit subjectif et d'une oblirati-n
correspondante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Xécessitédu lien de nationalité et du rattachement effectif à
1'Etat réclamant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Prétendue existence d'actionnaires belges de la Barcelona
Traction ......... ..............
Prétendue règle spéciale du droit international permettant
des actionnairesa pr. .ct. . .ip. . . . . . . . . .t nati.n. . . .
Précédentsarbitraux . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Précédentsgouvernemeiitaux . . . . , . . . . . . . . . .
Droit conventionnel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Interprétation du Gouvernement belge . . . . . . . . . . .
Absence d'analogie entre la lésion par 1'Etat national de la
sociétéet la lésionpar un Etat tiers. . . . . . . . . . . . Rôle de l'équité ........................
Conclusions . : .......................
Question de la ]onction au fond ..............
PI.AIDOIRIE DE N .MALINTOPPIQ : uatrième exception prkliminaire

Etavoies de recours interne.................e d'épuisement des
Conduite du plaideur ....................
Non-épuisement des recours administratifs ..........
Importance primordiale du jugement déciaratif de faillite. fait
générateurdes griefs du Gouvernement bejge ........
Non-opposition au jugement déclaratif de faillite .......
Argument tiré del'absence de notification ..........
Régularité dela publication .................
Prétendu défautde compétencedu juge espagnol .......
Non-utilisation du recour.........................
Comportement des filiales et d'autres sujets privés ......
Question de la jonction au fond ..............

D~CLARATIO DNE M. CASTRO-RIAL ..............
PLAIDOIRIE DE M. DEVADDERA : ttitude du Gouvernement belge
dans les négociationsdiplomatiques ............
Notes consécutives la faillite ...............
Commission internationale d'experts et deinande d'arbitrage .
Démarches et notes de 1952 A1957 .. ...........
Désistement et correspondance diplomatique ulténeure ....

PLAIDOIRI EE M: ROLIN:Réponseaux plaidoiries de MM. Reuter
ct Castro-Rial .....................
Doctrine des cleun hunds en droit international. .......
Epoque des irrégularitésalléguéeset originedes piècesproduites
Stmcture du groupe et avantages qu'en auraient tiré ses fon-
Prétendues dissimulations et autres fraudes à l'égard du fisc
Prétendu refus de fournir des renseigrienients à l'appui des
demandes de devises ..................
Prétendue exploitation de l'économie espagiiole ........
Prétendu non-épuisement des voies de recours diplomatique . .

PLAIDOIRIE DE M.VANRYN:Première exception préliminaire ...
Faiblesses de !'argumentation du Gouvernernent espagnol ...
Rappel des faits ayant abouti au désistemeiit ........
Communications et documents officiels postérieurs au désiste-
Conclusions quant..à.la portéeet aux effets iiu désistement...

PLAIDOIRIE DE M. SERENI:Première exceptioii préliminaire ...
Conceptions juridiques sur lesquelles se fonde la première ex-
ception préliminaire...................
Principes du droit interne .................XII BARCELONA TRACTION

Situation en droit international...............
Articles 68 et 69 du Règlement de la Cour ..........
Désistement en cas d'exception préliminaire............
L'absence de réserve lorsdu désistement n'interdit pas d'intro-
duire une nouvelle requête ................
Principe alleganscontrark non audiendus est ..........
Introduction d'une nouvelle requêteet traité hispano-belge de
1927 . .
Conclusions
PLAIDOIRIE DE IIm' BASTID:Deuxième exception préliminaire . .
Fondement de la com~étencede la Cour selon le Gouvernement
belge ................
Prétendue caducitéde l'article 17du traitéhispano-belge de 1927
Effet de la disDarition de la Cour Dermanentede Jus.ice inter-
nationale .........................
Conditions et limites de la divisibilitédes traité.......
Absence d'analoeie entre une clause iuridictionnelle et les décla-
rations unilat&ales d'acceptafionhe juridiction ......
Suspension des........................du traité hispano-belge
Portéede l'article 37 du Statut de la Cour à l'égardde l'Espagne
Absence de distinction entre les Membresoriginaires desNations
Unies et les autres Etats parties auStatut .........
Effets juridiques de l'article 37 du Statut ..........
Attitude du Gouvernement espagnol ............
Com~étencede la Cour ratione temporis ...........
~oncîusions ........................
ARGUMEN T FMR .LAUTERPACHT T:ird preliminary objection . .
Ownership of the relevant shares on 12 February 1948 ....
Ownership of shares on 14 June 1962 ............
Relgian nationality of the owners-the bearer shares .....
The Sidro shareholdings-Belgian nationality of Sidro.....
Effect of registration in the names of nominees........
Position in international law ..............
Propriety of theuse of the nominee system in general and in the
case of Sidro......................
Considerations of equityr.......................
Special circumstances of the case ..............
Consideration of the current needs of the international com-
munity ........................
Need to avoid unsatisfactory consequences .......... DES AUDIENCES PUBLIQUES
TENUES DU II MARS AU 19 AIAIliT LE 24 JUILLET

1964
souslaprésidencedc sir Percy Spender,
Président Présents: sir Percy SPENDER,Président;Al.WELLINGTOK NOO,Vice-
Président; MM. \VIXIARSKI,BADA\VI,SPIROPOULOS si,r Gerald FITZ-
MAURICEl,lll. KORETSKYT ,ANAKAB , USTA~IANT ERIVERO,JESSUP,
A~ORELLIs ,ir Muhammad ZAFRUI.LA KHAN, UN. PADILLAXERVO,
FORSTERG , ROS,juges; M. GARNIER-COIGNIG ~re,fier.

Présentsdgalement:
Pour le Gouvernement espagno l
M. Juan M. CASTRO-RIALc ,onseiller juridique du ministère des
Affaires étrangères,commeagent:
M. Roberto Aco, professeur de droit interiiational à I'Uiiiversitéde
Rome,
M. Paul GUGGENHEIM pr,ofesseur de droit interiiationaluniversité
de Genève,
M.Antonio MALINTOPP p,ofesseurde droit interiiationàl1:Université
de Camerino,
nt. Paul REUTER,professeur (le droit internationalà l'université de
Pans,
Sir Hnmphrey WALDOCK, C.M.G., O.B.E., Q.C., professeur de droit
international àl'université d'Oxford (chaire Chichele),
comme avocatset conseils;
M. niaarten Bos. .>Aofesseur de droit inteniational à l'université
d'Utrecht,
hl. Torge CARRERAp Sr,ofesseur de droit de la procéduràl'université
de Pampëlune,
AI.Eduardo G. de EXTERRIAm , aitre des requêtesau Consejl d'Etat,
AI.Federico de C.ASTR O13~~~0,conseiller juridique au ministère des
Affaires étrangères,
Al.Antonio de LUSA GARCIAc ,onseiuer juridique au ministère des
.4ffaires étrangères,
hi. ToséAlaria TRIAS DE BES. conseiller iuridique au ministere des
Affaires étrangères,
~ ~me~ ~ ~~ls :
Al.3Ianano BASELGA Y ~IANTECON pr,emier secrétairede L'ambassade
d'Espagne à La Haye, commesecrétaire.

Pour le Gouvernementbelge:
Al.Yves DEVADDER j,risconsulte du ministhe des Affairesétrangères
et du Commerce extérieur, commeagent;
ATmC Suzanne BASTID,professeur à la Facultéde droit et des sciences
économiquesde Paris,
JI. Henri ROLIN,professeur honoraire àla F:tcultéde droitdel'univer-
sité libre de Bruxelles et professeur associéà la Faculté de droit de
Strasbourg, avocat à la Cour d'appel de Bruxi:lles,
N. Georges SAUSER-HALLp,rofesseur honoraire des Universités de
Genèveet de Neuchâtel,XVI BARCELONA TRACTION

M. Jean VAXRYN, professeur à la Faculté de droit de l'université
libre de Bruxelles et avocat la Cour de cassation de Belgique,
M.Angelo Piero SERENI,professeur à la Faculté de droit de Bologne,
avocat à la Cour de cassation d'Italie, membre dit barreau de 1'Etat
et du barreau fédéralde New York,
Sir John FOSTER,Q.C., membre du barreau anglais,
M.Elihu LAUTERPACHm T,mbre du barreau anglais,lecturer àl'univer-
sitéde Cambrid~-,
commeconseils;
X. Rlichel ~YAELBROECK c,argé de cours à l'université libre de
Bruxelles, commeconseiladjoint et secrétaire;
M.Leonardo Prieto CASTRO p,rofesseuràla Facultédedroit de Madrid,
ni. JoséGiron TEKA,professeur à la Faculté de droit de Valladolid,
commeconseils-expertsen droit espagnol.

Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et annonce que la Cour se réunit pour
examiner l'affaire de laBarcelona Traction, Light and Power Company,
Limited (nouvellerequête:1962) entre la Belgique et 1'Espagne. La pré-
sente audience est la première séancepublique que tienne la Cour depuis
l'important renouvellement qui est intervenu dans sa composition. En
octobre 1963,l'Assembléegénéraleet le Conseil de S6curitédes Nations
Unies ont éluquatre nouveaux membres: sir Muhammad Zafrulla Khan,
RI.Luis Padilla Nervo, M. Isaac Forster et M.AndréGros.
Aux termes de l'article zo du Statutde la Cour. ces nouveaux mem-
Ic.iirattributiuiii cii plriiii: inip3rti1lit4 et eii route conscicilcc Confor-rr
mCniciit à I':irricldu5 I<<~glcrrier.s d>clrrrations <loii~rritêtrefailes

;ir>rCslcur élecriuii.II invitc iloii~~.lia<uiijuges,{Ij1;ipp~,ldt*son
nom, à prononcer cette déclaration

(La Cour se lève.)

Sir khhammad ZAERULLK AHANprononce sa déclaration.
hl. PADILLA NERVO prononce sa déclaration.
M. FORSTER prononce sa déclaration.
11.GROSprononce sa déclaration.
(La Cour se rassied.)

Le PRÉSIDENT prend acte des déclarations qui viennent d'être faites
par sir Muhammad Zafrulla Khan, M. Padilla Nervo, M. Forster et
M. Gros et les déclare installéscomme juges à la Cour.

L'audience est levéà IO h40

Le Président,
(signe?)Percy SPENDER
Le Greffier,
(signd) GARNIER-COIGNET. PROCÈS-VERBAUX XVII
DEUXIÈI~E AUDIENCE PUBLIQUE (II Il164,IO h 45)

Présents:[Voir audience du II v 64,IO h 30. Sir Muhammad Zafnùla
Khan, absent: MM. Armand-Ugon et Ganshof van der Meersch, juges
ad hoc,présents à IO h 45.1
Le PRÉSIDENTouvre l'audience et annonce que la Cour examine
maintenant l'affaire de laarcelonaTraction,Lightand Power Company.
Limited (nozrrrelrequête:1962). L'instance a étéintroduite par une
requéte du Gouvernement belge déposéeau Greffele 19 juin 1962. Une
ordonnance du 7 août 1962a fixéles délais pour le dépbt des premières
~iècesde la procédure écrite.Dans le délai prescrit par la Cour pour le
h(.pttdii iuitre-iii6nioire esp~giiol. le GouïérnemenÏ espagnol a ioulcv?
certainçs cxccptions prc'liminnires.Eii coris~quenie, la proci.dure sur Ic
ftmd a 616susuen<lucet un délaiimparti au Gouverneiiient belge pour
prkrcntcr l'exiio-k6cride SL.Sohs~&tions et eonc111sions ~ur le<c&ep-
[ion,. Cc dociinii.nt a étédépojCdaiis le (lél:iiprescrit ct l'affaire s'cst
truuv>r .%iétat (I'Ctreulnid<'equnnt niix es8:eption, prélimirinire,.
La Cour ne comptaAt sur le'siège aucun jùge de,ia nationalité des
Parties, chacun des deux gouvernenients s'est prevalu du droit de
dési ner un juge ad hocque lui conférel'article 31 du Statut de la Cour.
Le gouvernement espagnol a désignéM. Enrique C. Armand-Ugou,
ancien présidentde laHaute Cour de justice de I'Uru uay, et le Gouver-
nement belge a désignéM.Walter J. Ganshof van a:r Meersch, avocat
général à la Cour de cassation de Belgique, professeurà l'université de
Bruxelles.
L'article 20 du Statut de la Cour prescriv;int que tout Membre de la
Cour doit,avant d'entrer en fonctions, prendre en séancepublique l'en-
gagement solennel d'exercer ses attributions en pleine impartialité et eu
toute conscience, il invite M. Armand-Ugon et M. Ganshof van der
Meersch à prononcer cette declaration solemnelle.

(La Cour ne lève.)

\I :\~~i.\xi)-Ucus prononce sa déclaratioii.
hl.GASSHOF \.;in der \li;i:~scic proiionce sa déîI:iration.
(La Cour se rassied.)

Le PRÉSIDEXT prend acte des déclarations qui viennent d'être faites
par XI. Armand-Ugon et M. Ganshof van der Meersch et les déclare
installés dans leurs fonctions de jugesd hot:en la présente affaire.
Dans une lettre qu'il luia adressée, sir Muhammad Zafrulla Khan a
indiquéles raisons pour lesquelles,àson avis, il ne devait pas participer
au règlement de l'affaire. En conséquence, il ne prendra pas part à la
présente instance.
11constate la présence à l'audience des agents des Parties et de leurs
conseils et déclare la procédureoraleouverte. IIdonne laparoleà l'agent
du Gouvernement espagnol.
M. CASTRO-RIApL rononce l'exposéreproduit en annexe1.
M. DEVADDER demande l'autorisation de faire une brève déclaration
avant que la parole soit donnée à M. Paul Reuter.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Devaclder.

Voirp. r-3.XVIII BARCELONA TRACTION

M. DEVADDER prononce le déclaration reproduite en annexe '.
Le PRÉSIDENT déclareque la Cour a entendu les observations faitespar
l'agent du Gouvernement belge. A ce stade de la procédure, il ne pense
pas qu'il soit possible de limiter l'exposé que le conseil du Gouveme-

ment espagnol désire faire devant la Cour. On ne peut que laisser à la
discrétion des conseils des Parties le soin de présenter leurs thèses d'une
manière pertinente.
Le PRESIDENT donne la parole à M. Reuter.
M. REUTERcommence l'exposéreproduit en annexe

L'audience,suspendue à 12 h jo, est refirisà16 h

hl. REUTERcontinue l'exposéreproduit en annexe 3.
L'audienceest levée à 17 h 55

[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III 64, IO h 45.1

Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à M. Reuter.
hl. REUTERcontinue l'exposéreproduit en annexe'.
L'audience, suspendue à 12 h j5, est repriseà 16 h

M. REUTERcontinue l'exposé reproduit en annexe 5.

L'audienceest levée à 18 h
[Signatures. ]

Prekents: [Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRESIDEN oTuvre l'audience et rappelle qu'au dkbut de la procédure
la Cour a dit aue l'on devait laisser le soin aux conseils des Parties de
ntr Ir II. Y : 1, i c u ii~t Dci iI;,i.l.trntions
f;iirc.:i1.1memc nuJicncc .iiniin1LI,.+riellu Pirtic, oiitnlr>r.tr>qti'~ll~s
com~renaient ce oint. Il im~orte donc aue les deux Parties. dan; toute
I:initilirt- uii cc,l:,~.)tri~iju~iii;l~t posiibl<, limitcnt I'cxpri,<Ir Iciirs
~r~u111~11n 1i,ix ~>rol,lt'..j,criin~iii: 1);s I(ir; qii'h ii:l<lI.xCoiir lit:

s'occiipc I>:Iililiuiirl,siir I<:qiiI;i~,roc;,liir~;I5r: suipcnJuc il s~,r:ii~
rr>s apprcci;. r~ii'.~iiceiforr r.tiç~iiii:il>lenc soit ;ydrgiii puur t.\.itcr iinc
di~iu~sion non nic~.ssaiir siir Ic fc,nrl.

' Voir p. 4.
Vair p.4-11,
' Voir p. 11-20.
* Voir p.20.32.
Voir p.32-40, Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Reuter.
M. REUTERcontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience,suspendue à 13 h, est reprise d 16 h
hl. REUTERtermine l'exposéreproduit en annexe 2.
Le PRÉSIDEXT donne la parole à l'agent du Gouvernement espagnol.
hf. CASTRO-RIAcL ommence l'exposéreproduit en annexe j.

L'arrriienceest leudà a7h 54
[Signatures.]

CIMQUI~ME AUDIENCE PUBLIQUE (16 II164, IO h 30)

Présents:[Voir audience du II 64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre I'audicnccet donnelaparole àl'agent du Gouver-
nement espagnol.
M. CASTRO-RIAcL ontiniic I'csposéreprodiiit en annexe '.
L'audience, suspendue à 12 hj3, est repriseà 16h

M. CASTRO-RIA termine l'exposéreproduit en annexe
Le PRÉSIDENT donne la parole à sir Humphrey \Valdock.
Sir Humphrey WALDOCK commence l'exposéreproduit en annexe6

L'audieirce est levéàe17 h jj
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à sir Humphrep
Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK continue I'expos6reproduit en annexe 7.
L'audience,suspendue à 12 h jj, est repriseà 16h

Sir Humphrey WALIIOCK continue l'exposi:reproduit en annexe '.

L'audienceest levéed 17h 56
[Signatures.]

1 Voir p. 40-53.
Voir p.53-56.
3 Voir p.57-64.
' Voir p.04-75.
' Voir p.75-77.
Voir p.78-88.
7 Voir p. 88-ro~.
6 Voirp. ior-iiz.XX BARCELONA TRACTION
SEPTIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (18 III64,IO h 30)

Présents:[Voir audience du II III64,IO h 45. If. Koretsky, absent.]
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et annonce que, pour des raisons per-
sonnelles, M.Koretsky ne pourra assistàrl'audience. Il donne la parole
à sir Humphrey Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK termine l'exposéreproduit en annexe*.
Le PRESIDENT donne la paroleà RI.Guggenheim.
M.GUGGENHEIc Mommence l'exposéreproduit en annexe Z.

L'audience,suspendue à12 h 55, estreprisà 16 h
M.GUGGENHEIcM ontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audienceestlevéeà 18 h
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64,IO h 45.1
Le PRÉ~IDENo Tuvre l'audience et donne la parole M. Guggenheim.
M.GUGGENHEIc Montinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience,suspendue à 13 h,estrepriseà16 h

hl.GUGGENHEIcM ontinue l'exposéreproduit en annexe
L'audienceestlevée à18 h
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II II64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parolà M. Guggenheim.
X. GUGGENHEIc Montinue l'exposéreproduit en annexe6.

L'audience,suspenùue à ra h 51,estrepriseà16 h
M. GUGGENHEI Mrmine l'exposéreproduit en annexe 7.
Le PRESIDENT donne la paroleA M.Ago.
At.Aco commence l'exposéreproduit en annexe

L'audienceestlevéeà 17 h j6
[Signatures.]

1Voirp. 112-121.
Voir p. 122-127.
"Vo p.127.138.
'Voirp.138-151.
Voir p.151.165.
Voirp.165-176.
'Vair p.180-189. PROCÈ~-VERBAUX XXI

DIXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (23 III 64, IO h 30)

Préseizts:[Voir audience du II III64. IO h. 45. M. Spiropoulos absent

le matin.]
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et annonce que M. Spiropoulos, souf-
frant, ne siégera pas.Il donne la parole à M.Ago.
N. Aco continue l'exposéreproduit en anriexe '.
L'ar~dieizce s,uspendue à rz h 58, est reprisà 16 h

AI.Aco continue l'exposéreproduit en annexe Z.

L'audienceestlevée à 17 h j0
[Signatlrres.]

Présents:Foir audience du II III 64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole àM.Ago.
M. AGOcontinue I'exposéreproduit en anriexe 3.

L'audience, suspendue à rz h 57 estreprise à 16 Iz

Jf. Aco continue l'exposéreproduit en annexe 4.

L'audienceestlewbe à à8 h z
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne 1;~parole A AI.Ago
Il. AGOcontinue l'exposé reproduit en anriexe ).

L'audience, suspendue à 12 h 52, est repriseà 16 h

AI.AGOcontinue I'exposéreproduit en annexe 6.
L'audienceest levée à 17 h 45
[Signatures.]

TREIZIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (1 IV 64. IO h 40)

Prisenrs. [Voir audience (lu II III64. IOh .lj. 11.Spiropoulos absent.]
Lc P~ÉsiuE'ir olL\.reI'audiriice et annoncc ciire 11.sp-.opoilloi. sollf-
frant, ne siégerapas. II donne la parole à M.Aio.

' Voir p.189-204.
Voir p. zoq-213.
' voir p.228-240.
Voir p.240-253.
6 Voirp. 254-263.XXI1 BARCELOXA TRACTION

hf. Aco termine l'exposéreproduit en annexe'.
Le PRESIDENT donne la parole à M. blalintoppi.
M. ~~AL~NT~PPI commence l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience, suspendue à12 h 50, est reprisà 16 h
JI. ~IALINTOPP continue l'exposéreproduit en annexe3.

L'audienceest leudeà 17 h 52
[Signatzrres.]

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à hi. hlalintoppi.

M. MALINTOPP cIontinue l'exposéreproduit en annexe '.
L'audience,snsfiendzte à 13 h, est reprisà 16 h

11. ~IALISTOPPcIontinue l'exposéreproduit en annexes.

L'audienceestlevée à18 h
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.3
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la paroleà M. hlalintoppi.
M. MALINTOPP tIrmine l'exposéreproduit en annexe 6.
Le PRESIDENT donne la parole àl'agent du Gouvernement espagnol.
M. CASTRO-RIApL rononce l'exposéreproduit en annexe '.
Le PRÉSIDENT donne la parole àl'agent du Gouvernement belge.
M. DEVADDER commence l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience, suspendue à 12 h 55, est reprisà 16 h

hl. DEVADDER termine l'exposéreproduit en annexe9.
Le PRASIDENT donne la parole à M. Rolin.
M. ROLIKcommence l'exposéreproduit en annexe".
L'audienceest levéeà 18 h 4
[Signatures.l

Voir p.272.277..
3 Voir p.277-285.
' Voirp.285-298.
"loir p.298.308.
Voirp.308-3rr.
' Voirp.312.
0 Voir p.313-324.
9 Voir p.324-329.
'0Voirp.330-335. PROCES-VERBAUX XXIII

Présents:voir audience du II III 64,IO h 45.1
Le PRESIDENT ouvre l'audience et donne la parole à hl. Rolin
M. ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience, suspendue à 13 lz,est reprisà 16 h

PI. ROLINcontinue l'exposé reproduit en annexe 2.
L'audience estlevée à 17 h 56
[Signatz~resJ.

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne 1;iparole à M. Rolin
M.ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe 3.

L'audience, suspendzce à 13 h 6, est reprisà 16 h
hZ.ROLINtermine l'exposb reproduit en annexe '.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Van Ryn.
M. VANRYNcommence l'exposéreproduit en annexe

L'audience est levée à 17 h j7
[Signatures.J

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne 1;iparole à M. Van RF.
M. VANRYNcontinue l'exposéreproduit en annexe
L'audience, suspendue à 12 h 50, est yej>riàe16 h

M. VANRYNcontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience est levéeà 17 h j8
[Signatures.]

-

Voir p.335-349.
Voirp. 349-360.
' Voir p.360-375.
* Voirp. 378-384.
Voir p.384-398.
' Voirp. 398-qrr.XXIT' BARCELONA TRACTIOK

DIX-NEUVIPM AUDIENCE PUBLIQUE (g IV64, IO h 30)

Présents:[Voir audience du II III64,10 h 45.1
Le PRESIDENT ouvre l'audience et donne la parole à hl. Van Ryn.
M.VANRYNtermine l'exposé reproduit eu annexe '.
L'audience, suspendueà 12 h 49, est reprisà 16 h

Le PRESIDENT donne la parole àhl. Sereni.
11.SERENIcommence l'exposéreproduit en annexe2.

L'audienceest leuéeà 17 h 56
[Signatures.]

Piésents:[Voir audience du II III64,IO h 45.1
Le PRÉSIDENo Tuvre l'audience et donne la paroleà M. Sereni.
M. SERENIcontinue l'exposéreproduit en annexe '.
L'audience,suspendue à 12 h 55, est reprisà 16 h

M. SERENItermine l'exposéreproduit en annexe '.
Le PRESIDENT donne la parole à Mm'Bastid.
Mm"BASTID commence l'exposéreproduit en annexe

L'audienceestleude à18 h 7
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64, IOh 45.1
Le PRESIDENT donne la parole à Mme Bastid.
Mm'BASTID continue l'exposéreproduit en annexe 6.
L'audience,suspendue à 12 h 56, est vepriàe16 h

Mm' BASTID continue l'exposéreproduit eu annexe 7.

L'audienceest levéeà 17 h 59
[Si~natnres.]

1 Voirp.412-425.
Voir p.426-435.
' Voir p.435-448.
' Voir p.448-452.
Voir p.453-460.
Voir p.460-473.
' Voir p.473-484. PROC~S-VERBAUX xxv

Présents:[Voir audience du II III64,IO h 45.3
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la paroleA Mme Bastid.
IImC BASTIDcontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience,suspendue à 13 h, estrepriseà16 h

Il"' BASTIDtermine I'exposhreproduit en annexe 2.
L'audienceestleuée à 17 h 42
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III64,IO h 45.1
Le PR~SIDENT donne la parole àM. Lauterpacht.
hl. LAUTERPACH cTmmence l'exposéreproduit en annexe 3.
L'audience,suspendue à12 h 54, ÿst reprisà 16 h

hl. LAUTERPACH continue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audienceest levéeà Ir h &'
[Signatures.]

Prksents: [Voir audience du 11 III64, IOh 45.7
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la paroleà II.Lauterpacht.
M. LAUTERPACH tTnnine l'exposéreprodiiit en annexe '.

L'audience,susfiendue à12 h 50, 1strepriseà 16h
Le PRÉSIDENT donne la parole à hl.Sauser-Hall.
M.SAUSER-HALc Lommence l'exposéreproduit en annexe

L'audienceest levéeà 18 h 5
[Signatures.]

1 Voir p. 484-496.
Voir p.496-505.
' Voir p.506-519.
' Voir p.519-530.
' Voir p.530-544.
VoirIII.p. 545-557.XXVI BARCELONA TRACTION

VISGT-C~NQU~ÈA~E AUDIENCE PUBLIQUE (17 IV64, 10 h 30)

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole M. Sauser-HaU.
M. SAUSER-HALcL ontinue l'exposéreproduit en annexe1.
L'aitdience,suspendue à rz h 59, est reprisà 16 h

M. SAUSER-HALcL ontinue l'exposéreproduit en annexe 2.

L'audienceest levée à 18h 6
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDESTouvre l'audience et donne la parole à M. Sauser-Hall.
hl. SAUSER-HALc Lontinue l'exposéreproduit en annexe3.

L'audience, suspendue à 12 h 50, est reprisà 16 h

11. SAUSER-HAL termine l'exposéreproduit en annexe'.
Le PRÉSIDEST donne la parole à b1.Rolin.
M. ROLINcommence l'exposéreproduit en annexe 5.
L'audienceest levée à 18 h 4
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRASIDENT ouvre l'audience et donne la parole à M. Rolin.
M. ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe 6.
L'audience, suspendue à 12 h 59, est reprise d 16 h

M. ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe7,

L'audienceest levée à 18 h
[Sipnatiires.]

' VoirIII,p.557-571.
Voir IIIp. 571-581.
VoirIII,p.581.593.
' VoirIII,p. 593.599.
VOXr111,p. Goj-619.
' Voir IIIp. 619.629. PROCÈS-VERBAUX XXVII

VINGT-HUITIÈM AEUDIENCE PUBLIQUE (22 IV 64, 10 h 30)

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à M.Rolin.
M. ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience, suspendue à 12 h 56, est repriseà 15 h 30

M.ROLINcontinue l'exposéreproduit eii annexe Z.
L'audience est levde à17 h 27
[Signatures.]

VINGT. .UVIÈM AUDIENCE PUBLIQUE (23 IV 64,IO h 30)

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à M.Rolin.
M.ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe

L'audience, suspendue à 1.7h,est reprised ~j h 30'
M. ROLINtermine l'exposé reproduit en annexe4, et demande au
Président de donner la parole à l'agent du Gouvernement belge pour ce

qui est des conclusions.
Le PRÉSIDENTcroit comprendre que les conclusions belges sont
longues. L'agent peut en donner lecture s'il le veut, mais il est suffisant
qu'elle soient remises par écritau Greffier.
M. DEVADDER propose de ne pas lire les conclusions mais de les
déposerau Greffe 5.
Le PRÉSIDENT annonce pour la commodité des Parties. que la Cour
siégera leslundi,mardi et mercredi dela semaine suivante, mais non les
jeudi et vendredi.

L'audience est levée à16 h 23
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du Ir III64, IO h 45.1
Le PRKSIDEXT ouvre l'audience et annonce qu'aux termes de l'article
52 du Règlement de la Cour, chaque juge a la faculté de poser des
questions aux Parties. Deux Membres de la Cour, sir Gefald Fitzmaunce
et N. Jessup, désirent poser des questions aux Parties. Il donne la

parole à sir Gerald Fitzmaurice.

1 VoirIII,p. 629-641.
2 Voir IIIp. 641-652.
' VoirIII,p. 652-665.
4 VoirIII,p. 665-669.
5 VoirIII,p. 1023.XXVIIl BARCELON. T4RACTION

Sir Gerald Fl~znrAu~lcEdonne lecture des questions reproduites en
annexe'.
Le PRÉSIDENT donne la parole à hl.Jessup.
M. JESSUP donne lecture des questions reproduites en annexe 2.
Le PRÉSIDENT donne la parole àl'agent du Gouvernement espagnol.
M. CASTRO-RIApL rononce l'exposéreproduit en annexe 3.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Reuter.
M. REUTERcommence l'exposéreproduit en annexe '.
L'audience, suspendu e 12 h 50, estrepriseà 16 h

M. REUTER termine l'exposéreproduit en annexe 5.
Le PRÉSIDENT donne la parole à sir Humphrey Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK commence l'exposéreproduit en annexe 6.

L'audienceestlevée à 18 h I
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64, 10 h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à sir Humphrey
Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK continue l'exposéreproduit en annexe7.
L'audience, suspendu e 12 h 57, estrepriseà 16 h

Sir Humphrey WALDOCK continue l'exposéreproduit en annexe8.

L'audienceest levée à 17 h 51
[Signatrcres.]

TRENTE-DEUXI~M AEDIENCE PUBLIQUE (29 IV64, 10 h 30)

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.1
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à sir Humphrey
Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK continue l'exposéreproduit en annexeg.

L'audience,suspendue à 12 h 54, estrepriseà 16 h

Sir Humphrey \VALDOCK continue l'exposéreproduit en annexe Io.

L'audienceestlevée à 17 h 50
[Signatures.]

VoirIII,p. 670-671.
2 VoirIII,p. 671.672.
Voir IIIp.673-679.
' Voir IIIp. 680-683.
' VoirIII,p. 683-689.
Voir IIIp.690.695.
' VoirIII,p. 695.710.
Voir IIIp.722-736.
'OVoirIII,p. 736-747. PROCÈS-VERBAUX XXIX

TRENTE-TROISIÈM AUDIENCE PUBLIQUE (4 v 64,IO h 30)

Prdsents:[Voir audience du Ir II64, 10 h 45.3
Le PR~SIDENT ouvre l'audience et donne la parole à sir Humphrey
Waldock.
Sir Humphrey WALDOCK termine l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience. suspendue à12 h 47, est re9risà 16h
Le I'HÉSIIIEST donne la paroleà 11.Guggenheim.
.IlGCGGESHEI\cIornnience I'expod repro~luiten :inneXe 2.

L'audienceestleuded 18 h
[Sifnatz<res.]

Présents:lVoir audience du Ir 1116..10 Ii.-. M. Winiarski ré sentle
matin, Al.~~iro~oulosabsent.]
Le P~SIDENTouvre l'audience et annonce que hl. Spiropoulos, souf-
frant, ne siégerapas.Il donne la paroleà M. Guggenheim.
M. GUGGENHEIc Montinue l'exposéreproduit en annexe3.

L'audience,suspendue à 13h z,estreprise d 16h
Le PR~SIDENT annonce que, pour des motifs personnels de caractere
urgent et inattendu, 151. iniarski sera absent cet apr&s-midi. II donne
la paroleà M. Guggenheim.
hl. GUGGENHEItM ermine l'exposéreproduit en annexe'.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Malintoppi.
M. I~~ALINTOP cPI mence I'exposéreproduit en annexe 5.

L'audienceest levéd 17h 57
[Signatures.]

PrLsents:poir audience du II III64. 10h 45; M.Spiropoulos absent.]
Le PR~SIDENT ouvre l'audience et donne la parole à M. Malintoppi.
hl. MAL~NTOPc PIntinue I'exposbreproduit en annexe 6.
L'audience, suspendud e 13h 5, esl reprisà 16h

VoirIIIp.747-760.
2 VoirIIIp.76'772.
VoirIIIp.772-785
' VoirIIIp.785.790.
' VoirIIIp. 791-798.
6 VoirIIIp.798-810.XXX BARCELOKA TRACTION

M. MALINTOPP tIrmine l'exposéreproduit en annexe '.
Le PR~SIDENT donne la parole àM. Ago.
M. Aco commence l'exposéreproduit en annexe 2.

L'audienceest levée à 17 h jj
[Signatures.]

l'risznts:.\'air~iirliencerliri III04, IO 11.1>;\I. Spirnpoul~i .iI)jriit..
Le PI<~.,IIIFST ou\,rc I';i~idi~n~-tdo~iticla prlrolc 3 .Il. .\go.
JI..\Go rontiiiiir i'ispo5ér<,lirudiiiren aiiiir'.
L'azldieuce,suspendue à 13 h, est reprisà 16 h

31. Ac0 continue l'exposéreproduit en annexe %
L'audienceest leuée à 17 h 56
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45; M. Spiropoulos absent.]
Le P~SIDENTouvre l'audience et donne la parole àM.Ago.
M. Aco continue l'exposéreproduit en annexe5.

L'audience,susfiendue à 13 h4, est repriseà 15 h 30

M.Aco termine l'exposéreproduit en annexe6.
Le PRÉSIDENT invite l'agent du Gouvernement espagnol à soumettre
les conclusions finales.
M.CASTRO-RIAfL ait la déclaration reproduite en annexe7 et se dit prêt
à lire à la Cour ou à déposer au Greffe les conclusions finales de son
gouvernement.
Le PRÉSIDEMd Téclarequ'il conviendrait àla Cour que les conclusions
finales soient déposéesau Greffe; elles seront également jointes au
compterendu de l'audiences.
M. CASTRO-RIA acLcepte cette procédure.
L'audienceest levée à 18 h 4
[Signatz~res.]

VoirIII,p.810-818.
2 VoirIII,p. 819-822.
"oir III,p. 822-836.
4 VoirIII,p. 836.848.
VoirIII,p. 848-860.
VoirIII,p. 860-872.
7 VoirIII,p. 1032. PROCÈS-VERBAUX XXXI

TREXTE-HUITIEM AUEDIEXCE PUBLIQUE (11 V 64, IO h 30)

Présents: [Voir audience du II III64, IO h 45; MM. Winiarski et
Spiropoulos absents; M. Garnier-Coignet. Greffier, prése. l'après-midi
seulement; M. Aquarone, Greffier adjoint, présent le matin seulement.]
Le PRESIDENT ouvre l'audience et donne la ~arole à l'aeent de la
Belgique.
M. DEVADDER prononce l'exposéreproduit en annexe '.
Le PRESIDENT donne la parole M. Sereni.
M. SEREKIprononce l'exposéreproduit en annexe2.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M.Van Ryn.
M. VANRYKcommence l'exposéreproduit en annexe3.

L'az~diences ,uspendue à 12 h 55, est repriseà 16 h

M. VANRYNcontinue l'exposi:reproduit en annexe'.

L'audienceestlevée à 17 h jg
[Signatures.]

Présents: [Voir audience du II III64, IO h 45; fil. Winiarski absent.]
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la ~arole à M. Van Rvn.
11.\'.\ <vs ti~iniiiiI't:xpoîc'iel~ri>Jii<il Rnnexc
1.rI'~<i-~ii>i:s.iiiir-I:Ip.,r<gl:IIl"" K.t,rid.
Il"" H\~TII) ~~iiiniinc,:I'cspoit: itq>rii<litn anncx,:*

L'audience, suspendue à 12 h 55, estreprise à 16 h

Mm'BASTIDcontinue l'exposéreproduit en annexe7.

L'audienceest leuée à 17 h jo
[Signatures.]

QUARANTI~ME AUDIENCE PUBLIQUE (13 V 64, IO h 30)

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45; M.Winiarski absent.]
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole à hl"' Bastid.
hlmcBASTIDtermine l'exposéreproduit en annexes.
Le PRÉSIDENT donne la parole à M. Lauterpacht.

1 VoirIII,p. 874.877.
2 Voir 111p. 878-883.
' Voir IIIp. 884-888.
' Voir IIIp. 888-900.
"Vir IIIp. 900-908.
6 Voir IIIp. 909-914.
7 Voir IIIp. gr4-921.
8 VoirIII,p. 921-930.XXXlI BARCELONA TRACTIOK

M.LAUTERPACH commence l'exposéreproduit eu annexe'
L'audience, suspendue à 12 h 56,est reprisà 16 h

M. LAUTERPACH cTntinue l'exposéreproduit en annexe2.

L'audienceest levéeà 17h 58
[Signatures.]

Présents: voir audience du II Ir164,IO h 45; hl.Winiarski absent.]

Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la paroleà M.Lauterpacht.
M.LAUTERPACH cTntinue l'exposéreproduit en annexe3.
L'audience, suspendue à 12 h 55,estrepriseà 16 h

M. LAUTERPACH trmine l'exposéreproduit en annexe4.
Le PRÉSIDENT donne la parole àM. Sauser-Hall.
hl. SAUSER-HALcL ommence l'exposéreproduit en annexe

L'audienceestlevée à 18h z
[Signatures.]

Présents:[Voir audience du II III64,IO h 45; M. Winiarski présent
'après-midiseulement.]
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la paroleà M. Sauser-Hall.
M. SAUSER-HALtL ermine l'exposéreproduit en annexe6.
Le PRESIDENT donne la parole à M. Rolin.
M.ROLIN commence l'exposéreproduit en annexe '.

L'audience, suspendue à13h, estreprise à 16 h

M. ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe
L'audienceest levéeà 17h 53
[Signatures.]

1 VoirIII,p.931-936.
3 VoirIII,p.947-960.
4 VoirIII,p.960.968.
VoirIII,p. 969.971.
6 VoirIII,p.971.975.
7VoirIII,p.976-984.
VoirnI, P.984-997. PROCÈS-VERBAUX XXXIII

Présents:[Voir audience du II III64, IO h 45.3

Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et donne la parole àM. Rolin.
AZ.ROLINcontinue l'exposéreproduit en annexe '.
L'audience, suspendue à 12 h 58, estrepriseà 15h. 30

\1 l<~ii.ircriiiiiI'vxpusi r<,liroduiin xnnc,xe2
1.ePi~i::sir,t<Ikl;,rtt.lujl:,1~rutt'~licr:~Ict:t pr<ciseqlihi11 Cotir
rir~ir<~ ~,-nii(1,iiuiivc.iiix rL~iiscirii~iilv,l'.grtic~cllcILi~ra con-
naître aux agents.

L'audienceest levée à17 h 49
[Signatures.]

Présents: sir Percy SPENDERP , résident;M.WELLINGTO KNOO, Vice-
Président: MM. \VINIARSKIB . ADAWI.SPIROPOULOs Si.r Gerald FITZ-
MAURICE,'MM K.ORETSKYT ,ANAKA ,USTAMANTE Y RIVEKO,JESSUP,
MORELLIP , ADILLA NERVO,FORSTERG , ROS,juges; Ùfhl.ARMAND-UGON
GANSHOF VAN DER MEERSCHj,uges ad hoc; RI.GARNIER-COIGNE GTr,ej-
fier.

Présentségalement :

PozwleGouvernementespagnol:
AI.Juan M.CASTRO-RIAL co,nseiller juridique du ministère desAffaires
étrangères, commeagent;
M. Maarten Bos, professeur de droit international à l'université
d'Utrecht, commeconseil.
Pour le Gouvernementbelge:
M.Yves DEVADDER j,risconsulte du ministère des Affairesétrangères

et du Commerce extérieur, commeagent;
M. Henri ROLIN,professeur honoraire à la Fiiculté de droit de l'Uni-
versitélibre de Bruxelles ct professeur associéà la Faculté de d~oit de
Strasbourg, avocat à la Cour d'appel de Bruxi:lles, commeconsezl.
Le PRÉSIDENT ouvre l'audience et annonce que la Cour se réunit pour
rendre son arrêt surles exceptions préliminaires soulevéespar le Gouver-
nement espagnol en l'affaire de la Barcelena Traction, Light and Power
Company,Limited, introduite devant 1;iCour le 19 juin 1962par requête
du Gouvernement belge.

1 VoirIII,p. 997-1008.
VoirIII ,.1008-1019XXXIV BARCELONA TRACTION
Le Président donne lecture du texte anglais de i'arrét.
Le Président invite le Greffiàrdonner lecture du dispositif del'arrêt
en français.
Le GREFFIERlit le dis~ositif en francais
Le PRÉSIDEXT annoncéque le Présidéntet MAI.Spiropoulos, Koretsky
et Tessup, ju~es, ont joiàtI'arret des déclarations. Le Vice-Président
et MN. Tanaka et Bustamante y Rirero, juges, y ont joint les exposés
de leur opinion individuelle. M. Morelli,juge, et Pi. Armand-Ugon, juge
ad hoc,y ont joint les exposésde leur opinion dissidente.

L'audience estlevéed17 h 50

Le Président,
(signé)Percy SPENDER.
Le Greffier,
(signé)GARNIER-COIGNETANNEXES AUX PROCÈS-VERBAUX

DES AUDIENCES PUBLIQUES
TENUES DU IIMARS AU 16 AVRIL 1964

sousla présidettcede sir Percy Spender,
Président DÉCLARATIONDE M. CASTRO-RIAL

AGENT DU GOUVERNEMEKT ESPAGNOL
[Audience $ublique du II mars 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour. J'ai l'honneur de me pré-
senter devant vous en qualité d'agent du Gouvernement espagnol.
Je tiens à adresser à la Cour l'expression de mon profond et très respec-
tueux dévouement et àla prier de bien vouloir m'accorder toute I'indul-
geiice dont j'aurai tant besoin.
Je désire aussi saluer mes éminents confrères qui se trouvent au-
jourd'hui de l'autre côtéde la barre.
Dans la présente affaire soumise à la Cour, le Gouvernement belge
a articulé contre le Gouvernement espagnol des griefs fort graves puis-
qu'ils portent sur des fautes lourdes et mêmesur des dols, imputables,
selon lui, aux organes les plus élevéset les plus respectés del'Etat, et
notamment à l'ensemble des tribunaux.
Il s'agit cependant d'un litige entre des gi~uvernements amis, cons-
cients des liens qui unissent leurs deux nations et désireux de ne pas
mettre en cause. Dar ces ~rocédures iuridictionnelles devant la Cour,
id quiillé de Iciiir.ipport> ili~tutis.
1.1C;uu\~rrr~crit~iii.t.iplh.noltrouvrclc'[~tluï,lr:lil;.rc prof<indinlt:iit
rjiiciisriiitiles ncciiiarions1.i~r;;t.nt,: aifair*!.ILi<r~;ietILs;ciirité
de l'esprit avant tout dans la &science qu'il a de n'avoir pas encouru
la responsabilité qu'on veut lui faire supporter. 11est une obliga'ion
inhérente à la vie sociale, c'est celle d'entendre formuler par autrui les
griefs qui nous sont adressés.Toutefois,cette obligation ne va pas sans
certaines limites. En effet, il y a bien longtemps, le Gouvernement
espagnol a dû répondre à ces all6gations. Maintenant, devant la Cour
internationale de Justice, il se trouve devoir comparaître pour la deu-
xième fois devant un tribunal auquel, à sou aviç, la compétence pour
juger une telle affaire n'a pas été attribuée parles instruments invoqués.
La Cour sait bien, toutefois, que le Gouvernement espagnol, tout en
usant librement. comme l'ont fait d'autres Etats, du droit de mesurer
la portée de ses engagements judiciaires, éprouve pour la Cour inter-
nationale de Justice le respect le plus profon<let la plus haute estime,
sentiments qui ont suffi pour lui dicter, sans hésitation, sa ligne de
conduite.
D'autres considérationsauraient pu, s'il avait éténécessaire,renforcer
le sentiment de sérénitéqu'éprouve le Gouvernement espagnol. Tout
d'abord, l'invraisemblance des griefs découl:iit de leur excès mème;
aucune administratioii, aucun tribunal espagnol ne sort indemne des
attaques belges. Les hésitations de la Belgique, qui se traduisent par

de récuser lesconstatations d'une commissiori internationale d'expertsrouve

et les conclusions que d'autres gouvernements en ont tirées, leserreurs
manifestes que contiennent les écritures belges, tout cela donnait à.
penser qu'il n'était pas facile au Gouvernement belge de troubler les
esprits, mêmesur la base d'nne simple apparence.2 BARCELONATRACTION
Au surplus, selon lesthèses développées par la Uelgique 1'Etat espagnol
serait coupable, envers l'Etat belge, de graves violations du droit inter-
national, mais, chose curieuse, il a suffiqu'on l'on entrevoie l'éventualité
de négociations heureuses entre des groupes financiers pour que l'Es-
p:lgnc r~devienn~ iiiiiocente; dans ~r.tt<:seule perspecrl\a. 16 toi1 de
I'ad\.crsnirccliniigenit et son estiinc étsit inouvelu :icqiiiw. Qui pourrait
croire oue l'lioiiiii:de 1'l:spn~iic:liGtC nttcint s'ilsuffit, pour eii cfiacer
les taches, que des particuli;er<,financiers internationaux,tombent entre
eux d'accord pour réglerleurs affaires?
La responsabilité encourue par l'Espagne serait une responsabilité
h~-~~~tranee vuisaue des accords. non vas entre Etats mais entre varti-
culiers, suffiraientà la faire disparaître: A ~ ~
La orocédure écrite,mêmeaprès cette reprise que le Gouvernement
espagiol n'a acceptéeque par respect pour 1; Cou< obligeait le Gouver-
nement belge à des choix embarrassants.
Dans les développements de caractère technique qui vont suivre,
certains de ces choix apparaissent en pleine lumière; il en est ainsi
notamment à propos de la troisiémeet de la quatrième exception.
11est beaucoup question, dans cette affaire, <lesproblèmes relatifs
aux investissements étranger; c'est en effet uii grave problème et qiii
mérite toute sollicitude. Toutefois, qui croira que l'Espagne est un
pays sans juges et sans administration, un pays où d'énormesinvestisse-
ments étraneers sont l'obiet des vires traitements. en rése en c dee la
réponse donGée à ces allégations par les faits mêmes,el par l'accrois-
sement constant des investissements étrangers en Espagne depuis 1048?
- - . .
C'eSi l'affaire de la Barcelona Traction avait été vraimentce que prétend

le Gouvernement belge, jamais ce développement économique de
l'Espagne avec le concours de capitaux étrangers n'aurait étépossible.
Pour comprendre l'histoire de ce que l'on appelle l'affaire de la Bar-
celona Traction, il faut y distinguer, suivant les personnes qui s'y oppo-
sent, trois ordres de difficultéset de conflits.
Tout d'abord il y a eu, entre les sociétésqui constituent le gToupe
de la Barcelona Traction et les autorités espagnoles, toute une série
de difficultés,centrées essentiellement sur des questions fiscales et sur
des questions de transferts monétaires. Ces difficultés,devenues aigues
en 1931, ont repris après la parenthèse de la guerre civile espagnole;
elles ont atteint leur point culminant au moment où la Barcelona
Traction a voulu procéder à une réorganisation financière, c'est-à-dire
à partir du plan de compromis de 1945. Elles devront êtreexposées
assez longuement, en mêmetemps quesera décritela structure essentielle
du groupe de la Barcelona Traction qui est mise en cause.
Une deuxième opposition ou un deuxième conflit s'est produit entre
les dirigeants de la Barcelona Traction et un groupe d'obligataires;
après des péripétiesdiverses, il a conduit à la faillite de la Barcelona
Traction le 12 février 1948. Ce conflit s'est poursuivi devant les tribu-
naux de plusieurs pays. Il met en présencedeux grou es internationaux
dont l'un est formépar des obligataires de la sociétf Il entre en con-
currence avec le troisième conflit qui, en réalité,n'en est qu'une mala-
droite métamorvhose
Le troisièmeEonflitse situe - et il est le se-l Monsieur le Président,
sur le plan international. A la suite de la faillite, une réclamation diplo-
matique du Canada et de nombreuses interventions diplomatiquesont prétendu à la fois modifier le cours de la procédurejudiciaire relativeà
la faillite et mettre en cause l'attitude des autorités espagnoleàpropos
du refus d'accorder des devises à la Barcelona Traction. Tout d'abord,
la Belgique a semblén'intervenir que pour appuyer la mise en Œuvre
de la protection diplomatique par le Gouvernement canadien. Puis, à
partir d'un certain moment, il est apparu qu'elle entendait exercer
elle-mêmela protection diplomatique sous sa forme la plus élevée,
en portant le différend devant la Cour internationale de Justice. Les
griefs formulés par la Belgique s'articulent d'ailleurs très simplement;
ils consistent à alléguer que les difficultés (qui ont, avant 1948, fait
l'objet du premier conflit entre les autorit& t:spagnoles et la Barcelona
Traction n'ont aucune substance réelle,et à prétendre que la solution
qui a prévalu devant les tribunaux espagnols pour réglerle deuxième
conflit, c'est-à-dire celui qui a opposéles dirigeants du groupe de la
Barcelona Traction et ses obligataires, engage fortement la responsabilité
du Gouvernement esuam. ..Comme le oréteiidu conflit interrouverue-
nicntal s'est &v,:loppL.au fur eA rnesiir~~~ii:c d6roulnit le cuntlit priv;,
ily rit:u dv nombrziijei occasions de fnirc agir ou .Irtr3ntt.rdt: i:iire agir
le deroulciiicntdc l'un .tir Ic dc'roul<.iidiei1';iiitrc.I.'iiriasion la ~lus
importante, au point de vue de la procédure suivie devant la bur ri
certaines négociations entre les parties au litige privé, puis d'une réin-
troduction de la requêtebelge devant la Cour.
Le Gouvernement espagnol aura donc à faire exposer par ses conseils
les quatre exceptions préliminaires qu'il oppose an Gouvernement belge.
Il estime cependant nécessaire deprésenter à la Cour un tableau préa-
lable tant de la stmcture du groupe de la 13arcelonaTraction et des
rapports de celle-ci avec les autorités espagni~lesque des préliminaires
diplomatiques à la requête belge. Un exposéde ces donnéesconstitue .
l'introduction indispensable à l'étude desexceptions.
L'ordre des ~laidoiries sera donc le suivant:
Le Reuter présentera à la Cour les rapports entre le groupe
de la Barcelona Traction et les autorités es- -noles et décrirala struc-
ture du groupe de la Barcelona Traction.
En ma qualité d'agent di1Gouvernement espagnol j'exposerai ensuite
un bref historique des interventions diplomatiques qui ont suivi la
faillite de la Barcelona Traction.
Après quoi, les exceptions seront plaidéesdans l'ordre suivant:

1) L'exception préliminaire concernant l'irrecevabilité de la réintro-
duction de l'affaire après le désistement sera exposée par le pro-
2) L'exce~tion rél liminairetouchant l'incom~étence de la Cour sera
, développkepar le professeur Paul ~u~~enhetim;
3) L'exce~tion uréliminaire concernant le défaut de qualité du Gouver-
-, nemeni belg&pour agir dans la présente affaire Sera traitée par le
professeur Roberto Ago;
4) Finalement, l'exception concernant le non-épuisement des voies de
recours interne sera exposéepar le professeur Antonio Malintoppi. DÉCLARATIONDE M. DEVADDER
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

[Audience publiquedu II mars 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je suis amenépar l'ob-
servation faite par l'agent du Gouvernement espagnol à devancer la
déclaration que je ferai plus tard. Celui-ci a annoncé que l'exposédu
professeur Reuter aura trait notamment à la structure de la société
en cause. Il y a là un inconvénient du fait que ces développements
risquent de prendre beaucoup de temps; ceux-ci reprendront pro-
bablement ce qui a étédit daiis le volume des exceptions préliminaires
du Gouvernement espagnol; ils seront longs et eiitraîneront de la part
du Gouvernement belge des réponsesqui seront assez longues également.
Or si le Gouvernement espagnol est demandeur sur exceptions, il est
normal qu'il soit amené à développer ces exceptions mais il doit éviter
de traiter des questions qui ne sont pas pour le moment soumises au
jugement de la Cour. D'autre part, il convient de souligner un élément
de fait: la Cour a, comme les Parties, le désird'éviter que la longueur
des débats dépasseles limites raisonnables. Ce ne serapas aiséen raison
du nonibrc d<.sexceptions et clil'ani{ileu(It-dr:\~clo~~~~cnicrnltus't~lles
rec~tiiir~iit;ccl:~dcvieii<lr.iitiinpossiblr:si Ics cunsidérÿtiuiisqui ne wnt
pns s~ric~ciiii.iitlikAsla conil~rflir-nsioiidïs~.\rzi>tionsd,:v;iii.iit Are
;mises et susciter des observafions contraires. ans ces conditions, je
voudrais prier respectueusement la Cour d'inviter le professeur Reuter
à limiter l'exposéqu'il fera, concernant l'historique et la structure de
la société,àce qui est indispensable àla compréhensiondesexceptions'.

PLAIDOIRIEDE M. REUTER

CONSEIL DU GOUVERNEMENT :ESPAGNOL

[Audience publiquedu IImars 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs les juges, je me permets de deman-
der très respectueusement à la Cour comme un service personnel de
m'interrompre et de me prier de raccourcir mes développements si
la Cour estime qu'à un moment quelconque ces développements sont

1 Voir proc&s-verbaux.xvrIr PLAIDOIRIII DE M. RIiUTER 5
sans intérEtou sansrapport avec la présenteaffaire. Mais, bien entendu,
je n'adresse trèsrespectueusement cette demande qu'à la Cour elle-même.
Notre part dans la présente affaire est d'exposer à la Cour la struc-
ture et les mécanismesdu groupe de la Bxcelona Traction. ainsi que
les difficultéscroissaiitesi ont opposé cegroupe, d'une part, à I'ad-
miiiistration et, d'autre part, au Gouvernement espagnol depuis les
origines jusqu'h 1948.
l'ourauoi donc revenir sur cette matiére et qui a fait. comme le fait
si justement remarquer l'agent du Gouvernêment belge, i'objet de
développements si substantiels dans les écritures. Essentiellement pour
deux %sons: tout d'abord, la structure et les mécanismesdu groupe
de la Uarcelona Traction dominent toute cette affaire. Ils sont non
seulement nécessaires à l'intelligence généralede l'affaire, mais ils
entretiennent avec les exceptions préliminaires, et notamment avec la
troisième et avec la quatrième, des rapports nombreux et pour une part
inattendus.
D'autre part quand on a mesuré le nombr~:,l'étendue et la gravité
des atteintes portées à l'ordre légalespagnol par le comportement du
groupe de la BarceIona Traction et de ses dirigeants, on est en droit
de se demander si ce groupe peut encore êtreI'objet d'une protection
diplomatiqu~ qu~lconque et notamment de la part du Gouvernement
belge.
Sans doute le Gouvernement espagnol n'a-t-il pas donné à cette
considération la forme technique d'une exception préliminaire qui
serait venue s'ajouter à celles, déjà trop iiomtvreuses,qu'il a soulevées.
Mais la question est poséedevant la Cour. Comme la Cour le sait, le
Gouvernement espagnol estime qu'au regard des conditions relatives
à la nationalité, la requêteprésentéepar le Gouvernemerit belge n'est
pas recevable. Mais le droit international met aiissi à l'exercice de la
protection diplomatique des conditions qui tiennent à la conduite de
ceux qui doivent en bénéficiere,t,à cet égard,11G: ouvernement espagnol
estime que le groupe de la Barcelona Traction et de ses dirigeants n'est
plus recevable i bénéficierd'une protection diplomatique quelconque et
spécialement de celle de 1'Etat belge.
Avant d'aborder la matière il convient toutefois de présenter quelques
considérations préliniinaires.
Suivant le Gouvernement belge (annexe I,par. 28, al., observa-
tions):
iiLes accusations contenues dans la section I de l'exposé histo-
rique ne visent en fait qu'à discréditer après coup la Barcelona
Traction et ses dirigeants, afin que paraisse moins choquante la
spoliation dont ils ont étévictimes.»

On ne répond à une affirmation de ce genre que par des faits. Pour
le Gouvernement espagnol, ces faits sont les aveux nombreux et incontes-
tables qui se trouvent dans les pieces de la procédure écrite.Notre rôle
sera donc très modeste et nous nous efforcerons de ne pas le rendre trop
long. Il consistera tout simplement à tenter d'xider la Cour à consulter
utilement les pieces de la procédure écrite.Le Gouvernement espagnol
aurait lui aussi beaucoup de choses à dire en ce qui concerne le recours
méthodiaue au discrédit: il estime ceoendant ~référabiede se contenter
de déclaier qu'il est sensible au discrédit quj pourrait atteindre toute
personne physique et nous serons amenés à prendre à cet égard quelques6 BARCELONA TRACTION
précautions pour que personne ne souffre indûment dans un procésqui
aurait dù et devrait êtreun vrai procésinternational,
Le Gouvernement espagnol s'imposera par ailleurs une règle de dis-
~-~~ionet c'est ~ourauoi il nous faut bien ~réciserles limites de ce aui va
suivre. Xous néc0n;idérons qu'un caç cGncret donné, à une périide et
entre des dates données: nous n'entendons, sauf de rares exceptions,
procéder à aucune qualification juridique sauf en ce qui concernë, bien
entendu, la législation fiscale et la législation des changes.
Cette règle de discrétion nous conduit aussi, par la nature mêmedes
choses, à ne pas tout dire et à choisir quelques cas très limités parmi
tout ce qu'il y aurait à dire. Tout ce qu'il y aurait à dire a étéexposé
dans les procédures écrites; nous nous permettons à cet égard de ren-
voyer aux exceptions préliminaires 1960, pages 96 et 108 et également
aux exceptions préliminaires de 1963, annexe no 64.
Ce n'est pas d'après des critères de gravité que nous ferons notre
choix mais c'est en fonction de l'iutérét organiqueet si l'on peut dire
institutionnel que nous retiendrons un certain nombre d'exemples que
nous soumettrons à la Cour.
Il v a aussi certaines remaraues eénéralesau'il est éauitable de carder
à l'esprit lorsque l'on aborde l'élude du ~omportem&t du
-roupe de la Barcelona Traction et de ses dirigeants. Personne ne niera
les difficultésprovoquéespar deux guerres mondiales et par une guerre
civile qui ont durement affectétant de structures économiques.Davan-
tage, le groupe de la Barcelona Traction, comme le groupement des
oblieataires d'ailleurs. est un -.ouDe internatio~ial: il fait donc ~artie
d~.&S organi5111eqsli'il faut bicu appclcdes inititiitioii; iiitcrii;itioiinI,:;
et sans itre, I>i~.inteiid~i,1111~or~iiiii~atini~intt.rnation:~I~pro[Ircmcnt
dite, il en présente cependant, à-certains égards, certains ciractères
qui ne manquent pas d'éveillerl'attention d'un internationaliste. mais,
c'est en cette qualité de groupe international qu'il se heurte à des
difficultésparticulières et risque continuellement de pâtir, comme toutes
les entreprises de ce genre, des effets excessifs que notre siecle attache
à la division du monde en Etats.
Le groupe de la Barcelona Traction et de ses fondateurs appartient
aussi à une autre époqueque la nôtre. La générationde ses dirigeants
qui anivent à la force de l'âge en 1930 a aujourd'hui disparu et, cepen-
dant, il semble que des siEclesnous séparent de l'époqueoù la Barcelona
a étéfondée.Elle est née à la belle époque; elle a étéfondée eu I~II
dans un pays dont la législationdispensait de tout impôt les entreprises
qui se consacraient exclusivement aux services publics à l'étranger.
Elle est néeégalement au contact d'une expansion économique prodi-
gieuse: celle des Etats-Unis; elle était faite pour vivre au rythme de la
même croissanceet de la mêmeliberté: elle s'est vue par la suite p.onaé-
dnris iiiiiiondc meurtri, a\.cc dcs bcsoinj, des iJC;iuct des iiistitutions
noiivclles; comment ne pas s'cupliquer ses diRicult(.~?
Un tel groupe s'était organiié pour vivre non pas dans une société
compartimentée comme la nôtre mais dans un monde ouvert au lib6ra-
lisme international.
Est-ce mur cela - et icicommencent nos critiaues - que lesdiri~eants
du grouie ont toujours considéréque, pour uie bonne part, l'affaire
étaitétrangère à l'ordre juridique espagnol? Pourtant, toutes les recettes,
sans exception, ~rovenaient de l'éiofiomieespagnole. Pour avoir,une
autre opinion il faudrait considérer que les réorganisations financiéres PLAIDOIRIE DE hl.REUTER 7

faites aux dépens des obligataires représentent une activité économique
productive, ce qui serait excessif. Et pourtant aussi il ne s'wissait uas
d'entreprises quëlconques: équiperdesChutesd'eau, construiredes usines,
installer des lignes de transport de force, fournir la consommation de
l'électricité,ce sont là desobjets qui, pour reprendre le langage français,
sont objets de services publics, de travaux publics et que dans les pays
anglo-saxons on qualifie de rpublic utilities ».
Certes, le groupe reconnaissait que les Œuvres serviles, la production.
et la vente se faisaient en territoire espagnol. Mais selon eux, ni la
direction ni les profits financiers n'avaient rien à voir avec l'Espagne
et mêmepour la production, les sociétés à qui elle étaitconfiéerelevaient,
en têtede file, d'une sociétécanadienne qui depuis l'origine a eu un
recours ininterrompu à la protection diplomatique britannique exercée
au nom et pour le compte du Canada.
Ou'on nous entende bien. rien n'est ulus légitime oue l'exercice de
la >rotection diplomatique et mêmeque'le siniPie apphi diplomatique.
Ces pratiques contribuent cependant à renforcer chez ceux qui en sont
les &op fréquents bénéficiaiiesune mentalité particulière: Ceux-ci en.
arrivent à considérerque toute règlede droit commun n'est point faite
pour eux et qu'ils soiit appelés à traiter d'égalà égalavec 1'Etat étranger.
Le groupe de la Barcelona Tractjon, nous le montrerons, s'était,
constitué, par des moyens de droit przvéet par des actes pour une part,
fratauduieux,une véritable extra-territoriaiizlitfinancière; ses dirigeants
avaient pris l'habitude de considérerqu'ils traitaient avec l'Etat espagnol
de Puissance à Puissance.
L'extra-territorialité n'était d'ailleurs qu'un des élémentsde leur
force: celle-ci reposait sur bien d'autres donnéesque la présente affaire
met trop en lumière pour qu'il soit nécessairede les souligner, sauf une
cependant.
Le eroune de la Barcelona Traction a disvoséd'une force oui tenait
dans xenx'traits de sa structure: le secretet ia complication.L; Gouver-
nement esuamol s'est heurtédésl'orinine à cet obstacle et si l'on pouvait
résumer d'un mot ce qui pendant p?èsde quzuante ans a étéion seul
désir, sa seule demande, ce mot serait: voir clair; et si l'on dispose
aujourd'hui de quelques lumièresgrâce aux rév6lationsinattenduesd'une
faillite,il s'en faut de beaucoup, comme nous aurons peut-êtrei'occasion
de le montrer, que la lumière soit faite sur tous les tenants et aboutis-
sants de cette affaire.
Le nombre des sociétés misesen cause. ce~~,ai~ ~s sociales oui s'..a-
nouisscrit Ir; iiiie<I;in%1,;sautres, ILcomplckit1: dcs r;ippurts nii;iiit.içrs,
ce3 contrat.; extraor(1inairt:i ,,t q.iitrc;rois;s, lcs (1i~~iiiiiila~iorifsorida-
mentales aui recouvrent le tout. tout cela~est~ ~it uour éea"erles esvrits.
Qu, de cli;riLcs <I'crreurs.que clcp1~'gc.sour Ir.fioi~v~rnr.i~ir~ndt's;~i)<~rd,
riisiiitc pour ~cuxqui aborderit cc I,ri~l,l;.(.cv.~iit ICoiir, par eucnil~lc
et ni;.nii. pour Ics diriceniitdl, la I{;trcelun:rIr;~ctioii viix-iiiCriics:c'est
en effet in des traitsvles plus curieux de ce genre d'entreprise que de
constater combien peu nombreux, au sein de l'entreprise, sont ceux
qui sont vraiment au courant de l'affaire. Déjàdans la périodede I~II
à 1948,nous voyons d'après les annexes qu'il arrive fréquemment qu'un
des dingeants, pour mettre de l'ordre dans ses penséesou pour redresser
l'attitude de ses collaborateurs. est oblieéde faire le uoint et de dire
ce que sont en réalitéle groupe de la BaGelona ~raction et ses mécanis-
mes: nous aurons évidemment fréquemment recours à ces enseignements8 BARCELONA TRACTIOS

internes. Maintenant quetoute une générationa disparu, non seulement
l'intelligence des procédésse fait plus rare, mais la connaissance de
certains secrets s'est probablement évanouie ou apparaît réservée ii
quelques très rares initiés.
Le mouue lui-mêmedevait êtrela uremi&revictime de ses trou savants
:irtiii~:Li;inis p~-iidanil?longiiesar;ii;cs il!.truu\.cr:i iiiiesoli<IL:Li:ii%
iuiitrt: toiitis Icsciirio,it;s. niime les plus 1égiririi.)?sqiii:Iuii ;,bonli.
211et fi.I'ctiiil~Iii<roiii)e,oii ucntltre sur un rcrraiii rniii;1'011:,\.:illie
à ses risques et p&ils;*il faudrait même préciser«sur un terrain miné
par le droit ».
En effet les prati<iues du Croupe ..tra,nent une mise en Œuvre de
moyeii jurid~<~iesà'uii degré'j;,in.ii, ~g;d$. Sou, nrciitcndons ps p;ir
ictte constntntion iouligner la riclicsse dcs prùl>lèinc;)iiriili<lucsjouiiiis
i I;iCour vilr I';-rrumcntntiondei i>artit:s:ct!ll*:-iit iit,iiiinlcet doiincrn
sails duutc {I ceux qiii Ici étiidieront ou les exposcrront des .intisfactioni
intell~~ctiiIilei d'uiie haute qualité. Sotrc rcm:ir<liics';il)l)licliieseiilciiient
à la part qui nous est réser~yé et ellea un autre Sens. En ci oui concerne
la stÎuctuie et les mécanismesdu groupe, la mise en Œuvre au droit est
certes d'une grande intensité, mais point pour servir l'intelligence de
l'esprit ni les intentions voulues par le législateur; tout ici n'est que
complication et dissimulation et relève avant tout de l'art de la guerre.
guerre que I'on livre aux autoritCs publiques, guerre que I'on livre
aussi à ceux des actionnaires et des obligataires qui ne participent pas
au contrôle de l'affaire et, dans ce cadre, le droit finit par se perdre
dans ses propres Œuvres.
La complexité et le secret des structures et des engagements sont
ainsi des facteurs d'impunité; on lasse son esprit et celui de qui vous
écouteou qui vous lit à essayer de suivre ces chemins trop tortueux et
à la moindre erreur l'adversaire triomphe!
Xous essaierons, malgré ces périls, de mener à bien notre tâche,
et pour cela nous ferons bien entendu un choix très limitéen renvoyant
le plus possible aux écritures, mais en dispensant en contrepartie des
explications plus étenduessur les points les plus difficiles.
Nos développements auront essentiellement les objets suivants:
Décrire le groupe de la Barcelona Traction sous l'angle de deux
visions successives: d'abord tel qu'on peut dans ses. grandes lignes
se le représenter aujourd'hui; ensuite tel qu'il se présenta pendaiit de
loneues annéesaux veux des autorités esparnoles.
fiontrer rluc.llc.sfureiit les rcnctions (1;s;iuturii;:s espngnol<:sen facc
dii gruulw: çoniiiiçnt ipropos des prohl; iiii.stiscniix, puis dei probl&me.i
iiioii6t.iirzi c-clles-cincciiii1;con\,ictioii ~~~'rllciit;~ient\.ictimcs (1une
séried'impostures sani (lu'ellespuissent jamais en fournir la preuve.
L'image visuelle la plus simple du groupe de la Barcelona Traction
est celle d'une pyramide; une sériede sociétés,quatorze en tout, sont
organiséesdans un ensemble sous le contrôle d'une quinzième, la 13ar-
celona Traction, Light and Power Company. L'unité du groupe est
réaliséepar divers procédés.Le plus simple et le plus iinportaiit est
la possession du capital social d'une sociétépar une ou plusieurs autres
sociétésdu groupe. Sur les quatorze sociétéscontrblées,neuf, comptant
parmi les plus importantes, sont contrôlées à IOO %; quatre le sont
presque pour IOO %: une l'est pour 90 %; c'est ce qui résulte de la
présentation faite par le Gouvernement belge dans un organigramme
publié sousle no 24 en annexe au volume 1, page 1j9. PLAIDOIRIE DE BI. REUTER 9

Le Gouvernement espagnol fait toutes réservessur cet organigramme
tant en ce qui concerne la qualification du rble des sociétésqu'en ce
qui concerne leur place dans l'ensemble. Nais, néanmoins, cet organi-
gramme donne une sorte d'image physique du groupe et ceux qui ne
le comprendraient pas pourront se consoler car ils en auront peut-être
la vision la dus exacte aui est celle de la comolication. On Deut donc
dire que pra?iquement leAgroupene comprend que des filial; à IOO %1
II est donc d'une homogénéité exceptionnelle. C'est bien dans ce sens
que, d'ailleurs, le Gouvernement beige exclut du groupe par une note
en basde page, note digne d'êtreremarquée,deux sociétés qu'il considère
comme étrangèresau groupe, bien que celui-ci y possèdeun important
intérét.Ce dernier terme, dans la bouche du Gouvernement belee. a -.
toiijours iine ]>orrét:iiiil)urt;intc. I'iicii d'aiitres ciir~ctcres vieniieiit
renforcer ou irndiiire1;jo1id:iritA6troitt: qui existe ail scinde ce groupe:
clci:idministrîtcilrs cummiinï entre les sociétés:des droits de carre et
des garanties particulières qui s'exercent au profit des obligat&ës de
la Barcelona Traction et qui viennent instituer une solidarité supplé-
mentaire entre la sociétémère Barcelona Traction et d'autres sociétés
du groupe. Il existe notamment au profit des obligataires en livres de
la Barcelona Traction une hypothèque sur les biens d'une des sociétés
en Espagne, hypothèque qui a étéétablie par des actes notariés passés
à Barcelone le 27 juin 1913 et le 6 avril 1916. Un autre trait qui montre
la solidaritéde l'ensemble, c'est la pratique établieau Canada de présen-
ter un bilan consolidé,c'est-à-dire un bilan où l'on fait masse desrésultats
atteints par toutes les sociétésdu groupe pour les traduire dans un
enL'unitééconomiquetotale du groupe de la BzircelonaTraction apparait

de bien des manières dansla pratique du groupe. Dès le début, dans un
d'administration de la Barcelona Traction dcs administrateurs, un des
fondateurs, M. Pearson. disait que la Barcelona Traction était la vraie
société souslaquelletoutes lesaffaires se faisaient en Espagne (exceptions
préliminaires espagnoles 19601). D'ailleurs, (lans les comptes rendus
internes. dans la ~lu~art des communiou6s destinésau oublic et même
dails lesrapports'an~uels, il est d'usageà la ~arcelona~~raction, pour
souliguer cette unité. d'employer un autre rnot finalement beaucoup
plus juste et beaucoup plus expressif et de parler de l'entreprise (enter-
prise). Les dirigeants ont ainsi souligné fréquemment d'une maniere
parfaite l'unité substantielle et totale du groupe. On mesure donc, dès
l'abord, combien la physionomie du groupe ile la Barcclona Traction
est particulière; c'est à ces quinze sociétés,filiales à IOO % l'une de
l'autre, étudiéessur le plan de la législation fiscale et monétaire, que
nous nous limitons. Il v a d'autres hv~othèses de relations sociétaires.
II v a d':iutrci nicrnriismcs quc I;ipmicip:itii>ii;iicapital. Soiis n'ai-
tendons nulltiinent ici pr6sriiter une thSorii:géri5r:ile<leserfetj de groupe
sur Icplaii juridiqii?. Suu- traitorIrris (lui iiouiest souniis tel qu'il est.
Pnr :tilleurs. rios rechcrcl~rs, notre espt~; et rios coii~liisio~issïront
liniit;~ :lu groupe tel qut: nous \.rnor(IL 1.dire ii I'excIu~ionde toutes
autres soci&tés.iaufraÏes exce~tions. Sur ce oint nous suivons la rèele
de discrétion Poséeau seuil de'cet exposéaiisi que les lignes
de la thèse espagnole qui considèreque, aux firisdes exceptions prélimi-

C.I.J. ArémoireBarcelonaTraclion, Ligland PotveCompany,Limitcd. p. i89.10 BARCELONA TRACTION
naires, il suffit de considt!rer les sociétk du groupe telles que noiis \.enoris
de Irs présenter. Rien entendu cette attitude est pro\.ijotre et le Gouver-
nemen? es~amol se réserveaufur et à mesure dudéroulement des débats
de se départ& de cette ligne de conduite et si c'est nécessaire pour les
objets que nous traitons ici, de considérerpar la suite d'autres sociétés.
ÉssaGons maintenant de regarder le iroupe d'un peu plus vrès.
La prekière tâche serait de pa&er d'un pl& organique un Plan fonc-
tionnel et de préciserle r8le de chaque société.Cette tâche serait com-
. .auéeet en bonne ~artie inutile. Il? a en effet dans le-crou.. auela.es
sociitCs~IIIlouent lin r?detelleiiieni iiiiportant q1'01pe11tSC coiitcnter
(le coiisidCrerccs sozi6tCs-li çn négligeniitles autres. Quand nous consi-
déronsnotre pyramide nous voyoni qu'il y a plusieurs chemins, plusieurs
filièrespour passer de labase de la pyramide au sommet. Mais il y a une
filière qui présente un intérêtexceptionnel. C'est celle qui rejoint la
Barcelona Traction en passant immédiatement auparavant par la socibté
Ebro Irrigation and Power Company. Et l'on peut pratiquement - et
voilà qui va rassurer tout le monde - limiter l'examen du groupe aux
relations entre Ebro et la Barcelona Traction. C'est là le couple qui
est le ressort foncier de toute l'histoire de la Barcelona Traction. En
réalité,comme souvent dans la vie, il y aurait bien une troisième société
qu'il faudrait y ajouter, mais comme cette sociétéest un personnage
de comédie,nous l'introduirons sur la scène le moment venu et plus
tard. Dès leur naissance, ily a sur les deux sociétés,Barcelona et Ebro,
une sorte de mvstère aui est essentiellement le mystère de la ressem-
blaiice. Cesdeux soci~t&sfont penser i zei ]iiiiieaiix q1'01riedistingiie
oiit ét; coristitu6es sirniiltniiérncnI.cslettres i>atentes sont octro\.Les
à la mêmedate, 12 septembre 191r Les objêtssociaux, à quelques
légères différencesprèss,ont identiques. Les deux sociétésont les mêmes
fondateurs sauf quela Barcelona Traction en a deuxde plus. Lesmembres
du premier conseil d'administration sont identiques. Le président et
le vice-président de la Barcelona Traction sont président et secrétaire
d'Ebro à la naissance. Pour toutes ces indications on pourra se reporter,
en ce qui concerne le texte anglais, aux annexes 1960, volume III.
pages 286 et suivantes, aux annexes de 1963, pages 196 et suivantes
et le Gouvernement belge a publiéune traduction française des lettres
patentes au mémoire, annexe 22, appendice I, page 149. Certes, peu
après la naissance, ily a déjàeu une sorte de disjonction entre les deux
sociétésL. a Barcelona Traction a ajouté à son activitésociale des affaires
de chemins de fer. Elle devait d'ailleurs y renoncer par la suite. Mais
il y a eu également par la suite une différencequi est l'objet d'une
contestation entre le Gouvernement belge et le Gouvernement espagnol:
si personne ne conteste que 1'Ebro ait eu la qualité de société exploi-
tante en Espagne, dès qu'il s'agit de définir le rble de la Barcelona
Traction, les deux Etats divergent. Pour le Gouvernement belge toutes
les ~ossibilitésde fait oui étaient incluses dans les lettres Patentes de
la Êarcelona Traction ;'ont pas étéutilisées et la ~arceloia Traction
se trouve n'être qu'une holdin~.Le terme holdi~q ici n'a pas de coiitenu
juridique précis puisque les lettres patentes qui créent cette société
sont lesmêmesque celles d'Ebro. Le Gouvernement belge vise seiilement
le fait que, d'aprèsles apparences tout au moins, au moment de la faillite
les seuls élémentsd'actifqui setrouvaient dans les mains de la Barcelona
Traction étaient des valeurs mobilières. Mais la différence entre la PLAIDOIRIE DE II.REUTER II

Barcelona Traction et 1'Ebro apparaît vraiment quand on considère
que le groupe est traversé par une ligne frontière. Qu'est-ce que cela
veut dire iitraversé par une ligne frontière ii?L'expression fait image,
mais elle est d'une fausse simplicité. S'il nes'agit que de la nationalité
des sociétés, BarcelonaTraction et Ebro sont toutes deux canadiennes.
S'il ne s'agit que du siègesocial, les deux soci&tésont leur siègesocial
au Canada. Toutefois, on voit ici apparaître une diffhrence: Barcelona
Traction soutient qu'elle n'a jamais eu d'établissement en Espagne.
Tandis que l'on peut peut-êtredire, au moins en apparence, que 1'Ebro
a un pied de chaque côté de la frontière. On serait mêmetenté de dire,
et on l'a dit, qu'il a deux Ebro, une Ebro au Canada et une Ebro en
Espagne. En effet, Ebro s'est fait domicili<:ren Espagne avec tout
son capital social, suivant un acte de domiciliation du 14décembre 1911
et a pris le nom espagnol de Riegos y Fuerza del Ebro. En réalitéle
problème fiscal que l'on verra plus tard est encore un peu plus subtil:
il s'agira de savoir quelles sont les relations entre les deux Ebro et si
la Barcelona Traction ne fait pas des affaires i:n Espagne.

[Audience publiquedu II mars1964, après-midi]

Ce sont, Monsieur le Président, Messieurs les juges, les fonctions
financières des principales sociétésdu groupe qui appellent maintenant
quelques explications.
Si l'on se borne à décrire extérieurement l'histoire financière du
groupe, on peut le faire en très peu de mots.
Les sociétksespagnoles du groupe, celles qui sont à la base de la
pyramide, ont émis en Espagne de nombreuses séries d'obligations
(exceptions préliminaires 1963, annexes 26-34).
La Barcelona Traction a émis égalementeii Espagne des obligations
en pesetas; ces obligations avaient un régimi:particulier; elles étaient
garanties par des obligations en livres restées attachées à la souche
dans les mains d'un lrzlsteeanglais, la Westminster Bank. La Rarcelona
Traction versait l'argent ainsi obtenu en pesetas à 1'Ebro. en Espagne,
dans des conditions que nous préciserons.
La Barcelona Traction avait aussi émis beaucoup d'obligations en
livres sterlin$. Ces émissionsont subi de nombreux avatars car la Bar-
celona Traction a eu une vie financière agit6.e: quatre réorganisations
qui ont toutes entraîné de lourds sacrifices pour les obligataires. La
cinqniéme réorganisation, celle de 1930. n'a porté que sur le capital-
actions; elle a eu pour objet d'avantager par un échange d'actions
léonin une catégorie d'actionnaires qui se sentaient sans doute une

vocation particulihre à présideraux destinéesde la société.
Mais les choses se compliquent quand on se demande quelles sont
parmi ces émissions diverses, tant d'actions que d'obligations, celles
qui ont apporté qu-lque-chose au grou~e et-ce qu'elles ont réellement
apporté.
En effet, une émissiond'actions ou d'obligations peut, nous le mon-
trerons bientôt, ne s'accompagner d'aucun enrichissement équivalent de
la société.
Par ailleurs une telle émission d'actions ou d'obligations, mêmesi
elle s'accompagne d'une équivalence exacte dans la contrepartie, peut
avoir sur le plan économique iin sens très différent suivant la nature12 BARCELOS,\ TRACTIOS

de la contrepartie, spécialement en ce qui concerne ce que l'on appelle
aujourd'hui les cinvestissements étrangersn. Si des étran~ers viennent
en~fouleacheter des champs, des niaisons, des entreprises déjà existants,
loin de contribuer a développer l'économienationale ils introduisent
dans celle-cides facteurs de trouble et même,si le phénomène s'accélère,
àecréer des sources dericliesses nouvëlles ile'hprincipe, un effet bien:
faisant. C'est là une distinction bien connue aujourd'hui qui se trouve
consacréepar exemple dans le projet de conveniioii élabor6par I'Orgü-
nisation de coopération et de développement économiqiies pour la
protection des biens étraiigers.
Sur ces idées~énéralesle Gouvernement espaanol croit avoir établi
dans ses écriture: lespoints suivants quenou dons nous borner sim-
plement à rappeler.
D'abord que les capitaux d'une origine autre qu'espagnole ont faible-
ment contribué au développement de l'affaire. Cela tient, pour une
boniie part, au fait que le groupe de la Barcelona Traction a eu pour une
part pour objet de regrouper des installations déjà existantes,de manière
à s'assurer tous les avantages d'une situation monopolistiqi~e.
Deuxièmement, le Gouvernement espagnol a soutenu que seuls les
obligataires et non les actioniiaires,in principe, ont i ce
déTroLi'èrnernent,les capitaux réellement apportés dans l'affaire sont
bien inférieurs au montant total des oblirratioris censées en être la
contrepartie. -
Le Gouvernement belge a contesté certains chiffres et a sur certains
points pris une position très différente; il a mêmeaffect6 ne pas coin-
prendre le sens de certaines affirmations. Si nous effectuons ici ce rappel
ce n'est pas du tout pour entrer dans une controverse comptable mais
d'abord pour maintenir les positions du Gouvernemeiit espagnol et
pour nous rapprocher du cmur mêmede notre sujet, car nous sommes
maintenant tout près.En effet que devient Ebro dans tout cela?Jamais
aucune action ni aucune obligation d'Ebro n'ont étéplacées dans le
public. Est-ce donc un rouage inutile?
Ebro est au contraire un rouage essentiel.
Quel est donc le rble d'Ebro?
loppements, consiste g.2ktre le grand régulateur des mouvements deve-
fonds entre le Canada et l'Espagne; c'est par Ebro que sont distribuées
et appliquées les sommes d'argent que la Barcelona Traction veut
introduire dans ses affaires en Espagne et c'est par Ebro, vers le Canada,
que passent les fondsque la Barcelona Traction veut retirer d'Espagne.
Dans ce rôle généralse situe un rôle particulier qui est d'opérerle trans-
fert des bénéticesde I'Espagiie vers le Canada dans les conditions fiscales
les plus avantageuses.
C'est cet aspect spécialqui nous intéresse le plus. L'opération doit
se faire en deux étapes. D'abord les bénéficesdoivent êtretransférés
de la base de la pyramide jusqu'à Ebro et puis, dans une deuxième
étape, les bénéficesdoivent effectuer le saut décisifet passer de I'Ebro
ila Barcelona Traction.
La première étape, bien qu'elle présente beaucoup d'aspects très
intéressants, ne doit pas être nécessairement exposépour I'iiitelligence
de l'affaire; elle n'est pas indispensable, nous l'écartonsdonc. PLAIDOIRIE DE hl. RECTER I3

Mais la deuxième, celle qui met en cause le passage de 1'Ebro à la
Barcelona Traction est très importante. Le procédéle plus courant,
mais non le seul, pour effectuer ce passage est tout simple: il consiste

à charger Ebro de dettes, et de dettes pour une très large part fictives,
à l'égard de la Barcelona Traction de telle manière que, par ces dettes
et surtout ~ar le revenu de ces dettes. les bénéficessoient. au regard
de l'~s~a~ne, réduits ou éliminéset &'ayant pris corn& tenue de
voyage l'habit d'un intérêt,ces bénéficesfassent la traversée de 1'Atlan-
tiiuëdans les conditions les moins onéreuses.
ais pour bien comprendre ce mécanisme, et comment il met à profit
toute la structure du groupe de la Barcelona Traction et va l'engager
dans une voie sans issÜe, notamment quand vont se poser les probrèmes
de devises, il faut maintenant abandonner (:et examen généralde,la

structure du groupe et examiner avec un peu plus d'attention certains
des mécanismes sur lesquels il est fondé. Nous laisserons de côté les
mécanismes les plus compliqués pour ne prendre que les plus importants
et les plus simples. D'une part, le régimede l:r filiale et, d'autre part, le
régime du mouillage de ca itaux (stockwatering), ainsi que le cumul de
la qualité de créancier et $actionnaire.
Pour examiner le mécanisme de la filiale, nous considérerons le cas
le plus simple, qui est celui où la sociétBmère possède xoo % du capital
de la société filiale;c'est d'ailleurs, nous le savons, le mécanisme qui est
en Œuvre au %in du groupe de la Barcelona Traction. Quand la so,cieté
mère réalise ainsi une transaction avec sa société fille,c'est en realité

une transaction qu'elle opère avec elle-mêmeet c'est dans ce sens que
les écritures espagnoles ont employé pour désigner de tels actes le mot
discutable de aautocontrats B; les prix, ou, d'une manière plus générale,
les termes d'échange (terms oftrade) sont dépourvus, dansce cas, de toute
pertinence économique.
Si la société A. uour rendre un exemde,.uaie .0 un produit ou un
5t.ivii.t qui, en rlaiii6r;~ ~.iiitlui8,,I q11,-I;i ~T<~II~:IC-;<:1î11 il\.,:3.1
fillc, I:i suci;t13, In s,iiAi' .\ fiit iiii,c\<c.llcntl, ,lf,~ir~Iltg.ignc iii
1.2<n<it:t~1~%f:ii111iciii:~u!.;~~s,t,.ifairc~:,-Il<,28,.\lxis rniiini<>tnillia
IL; i,ctioi~.;Jc:lx >nri.'1.'jui~tc1.m~les n1:,iiiCI,.1.SOCICI \, IV r&iilt,~r
tiii;icjt i~iil~.LII:tiiciln,-:cp~~.,rcritrf,~Isifi~~c!~;~riit~ir(III.i rlt-pI,i$.C

de l'argent d'un patrimoine a un autre, ou m&meplutôt d'un compte à
un autre, sans que les bénéficiaireschangent.
Généralisons I'hypothese. Imaginons maintenant tout un ensemble
de sociétés filialesà IOO 4/,et cherchons à comurendre ce oui va se
passer entre elles. Xous demandons ~es~ectueusemêntà la Cour,konsieur
le Président, de recourir à une comparaison un peu familière mais em-
pruntée somme toute au décor espagnol: chaque sociétéest comme un
champ; dans chaque champ il y a un bassin avec de l'eau et I'eau repré-
sente ici l'argent. Entre tous les bassins, il y a des canalisations, des
conduites, et il faut mêmedire qu'entre les deux mêmes bassinsil y a
plusieurs canalisations. Les canalisations symbolisent ici toutes les

transactions juridiques. Si nous considérons maintenant qu'il y a une
seule volonté qui s'exerce dans toutes les soi:iétésde ce groupe. cette
volonté va manŒuvrer les robinets, les vannes qui con~maiident les
canalisations en foiiction de ses désirs; elle va donc arroser les champs
qui lui sont le plus chers; elle pourra aussi, pour arroser le mêmechamp,
choisir entre plusieurs canalisations; elle prendra celle, par exemple,
daiis laquelle l'eau se perd le moins. Et nous allons voir tout de suite*4 BARCELOSA TRACTIOS
ce que ce symbole va dire: elle choisira par eiemple la caiialisation par
laquelle l'argent paie le moins d'impôts.
Mais il faÜt a..rofondir encore un veu ce aue nous venons de dire.
I'oiir(liiui prncc'tl{idr telles trniijfiisioi(IcI)JnCtii:c,,il'iiiic soci.?c
iiiie autre? Eii r;ditr:. 1,:str~nsluiioiis n'aifciteiit p,s. dans I',:xcniple
aue nous venons de nrendre. les intérêtsenaaréu -ans les deux sociéiés
puisque c~:sont Icsm;mes. (:cpcnd;~iit.ccs transfusions sont su;ceptililes
de portcr unL.gave atteinte aus droits des tiers. IJ;irmices tiers. n'en
retenons qu'un-seul: le fisc. Si nous supposons qu'une fronti6re sépare
la sociétéA et la sociétéB, nous voyons tout de suite qu'une transaction
du type que nous indiquions tout à l'heure risque de défavoriser soit
le fisc de 1'Etat .A,soit le fisc de 1'Etat B. Et si nous supposons, bien
entendu, que dans I'Etat A il n'y a pas d'impôts, on voit tout de suite
dans quel sens la transfusion va s'opérer et on commence alors à avoir
peut-être uneidéeun peu plus claire de ce qui va êtrela grande tentation
de la liarcelona Traction et de son groupe qui est de faire apparaître
les bénéficesau Canada puisqu'ils ne paient pas d'impôts et de les faire
disparaître en Espagne. Il faut encore insister sur deux points: pour
réaliserde tels transferts, il suffit de procéder des écritures comptables
d'opérations qu'il n'est pas aisé de déceler et qu'il est toujours très
difficilede chiffrer.
Ajoutons une deuxième remarque: c'est que ce jeu de valeurs a égale-
ment des conséquencestrès graves en matière de contrôle des changes;
en effet, par ce mécanisme on peut effectuer des transferts clandestins,
on peut accroître la masse des transferts à opérer et on peut surtout
faire passer un transfert d'une catégorie à une autre. Tout le monde
sait, en effet, qu'un des principes de la législation monétaire est de
classer les transferts en introduisant entre eux un ordre de dignité
ou de uréférence:on accorde nlus facilement des devises vour un achat
(le produits que psur uiit: tr;,ii;:<~:tnnliiiciCrt!;oii acci>rdcplus facile-
iiiciir des dc\.iscs poiir uii service cl'intér<,Ide di\.idcii(les que pour
uii transfert de capital; on accorde plus facilement des devisespour un
service d'intérêtsque pour un service de dividendes.
Et alors ceci nous mène directement au deuxième mécanisme, le
mouillaee de cavitaux et le cumul des aualités d'actionnaire et d'obli-
gataire-Consid&rons comment on a après la fondation de la
Barcelona Traction et celled'Ebro, quisont contemporaines. Des contrats
interviennent entre la société originaire (pour une part importante
Spanish Securities) et la Barcelona Traction, puis entre la Barcelona
Traction et I'Ebro. Et l'on voit ainsi toute une chaîne de contrats qui
sont tous des autocontrats: nous renvovous simulement ici vour une
déinoiistr:itiunplui cornplCréi~'or~aiii~raiiiiiipuù'liC11:iiIcse;septions
prtli~niii~iics cîl>~i~iiuleil*:1960. 1s ~:oiisidér~iisun pcu uii dl:
ces contrats dans ion contenu kénéral.Ils sont une des inventions les
plus remarquables des fondatecrs du groupe, qui ont eu un véritable
de fonder recoit esientieliement des biens en nature: elle remet aux vient
fondateurs q;i apportent ces biens des actions et des obligations. Si l'on
imagine une opération de ce genre dans l'un quelconque des systèmes
contiiientaux, il y aurait a~vlication de rèrrlesiuridiques sévkrespour
assurer une équiGalenceeniÎe ce qui est aFport'é - ies biens - et ce
qui est reçu - les titres. Mais le Canada avait, à l'époquequi nous PI.AIDOIRIE DE M. REUTER Ij
intéresse, une législation très libérale, qui, malgréquelques règles pro-
tectrices, n'assurait pas dans de telles transactions le respect de l'équi-
valence.
Le Gouvernement espagnol a montré dans 1t:sécritures comment d'une
m:rnièretout à fait généraleil n'y avait eu aucune proportion entre les
biens apportés et les titres mobiliers - actions et obligations - reçus
en échange. Le Gouvernement belge a contesté certaines des appr6-
ciations faites par le Gouvernement espagnol. Celui-ci, sans entrer dans
une controverse comutable, maintient ses ~ositions. Et on désime du -
iiomde nioiiillnga-dc.s>apitaus (slock udtzrin~) cette pratique qui consiste
;iLincrtrc<lei titres -actions et obligatioiis- pour une \,alciirsu1>6rieiirz
à celle qui a étéreçue en contrepartie,
Mais l'on nous dira: à quoi peut bien servir le stock wateringdans
des hypothèses comme celles que nous envisageons? Puisque, d'un
côté, les biens et d'un autre côté, les titres qui sont ceiisésles repré-
senter se trouvent dails les mêmesmains, ces mains ne seront ni plus
riches ni plus pauvres si elles ont, d'un côtB, des biens et, de l'autre
côté, une pile plus ou moins haute de papiers qui sont censés les
représenter.
Pour répondre sur ce point, il faut d'abord remarquer que toute
absence de sincéritécornotable est mauvaiu: dans son urinciue. mais.
l'liistoirc tlc 1.t l-;;ircelorin''I'raetide son groupe 110;s nlontre des
exeinl>l~-iparticuli~\remciit cl;iir, où I'on \.oit 1c genrc de singiilicres
opCratibiii que I'uii petit r;aliser gricc au slorkualeri~i:.
1.asitiinriunse poii: dniis (1,:sterriics lin leu diff;rrnti si I'urizuiisidire
Insoii; ta13~rcelt>ii':.l'r:~ct1:si I'oncon3idi:icla s~tcictLl:il,ru. l'r~.iioni-
les successivement. II faut bien cornushrtout beaucoup 'pl& d'obligations
qu'ellen'a reçu de biens, ellevient au monde drns une situation financière
déséquilibrée,d'une manière purement nominale certes, mais d'une
certaine manière, elle est en état de faillite latente; mais ce n'est pas
cela qui nousintéresse.Cequi nousintéresse,c'est le cas où lespossesseurs
originaires des titres arrivent à en placer un certain nombre dans le
public, dans le bon public. Si des difficultésfinancièressurgissent alors,
que va-t-il se passer? Nous allons prendre, pour l'expliquer à la Cour,
un exern~le Durement imaginaire aui n'a rien à voir avec la Barcelona
Tractioii; ma'isqui peut bkn metGe en liirnièrele problème qui va se
poser. Supposons que les fondateurs d'une sociétéaient apporté à cette
sociétédes biens iéels uour 1000 unités. Ils ont émisen-contreuartie
pour 2000 d'obligationsAet 1000 d'actions qu'ils ont gardéespardevers
eux. Puis la sociétédémarre et ils arrivent à placer dans le public. dans
le bon public, pour 1000 d'obligations; ensuite les choses se gàtent et
la sociétéfait de mauvaises affaires et il faut la réorganiser;il faut alors
demander aux obligataires, bien entendu, certains sacrifices. En ce qui
concerne les sacrificesà consentir, quelle est 1;situation? Les fondateurs
avaient a~~ortéen valeurs réelles 1000. Ils ont nlacé des oblieations
dans le p&lic pour rooo. Ils ont donc retiréIr:<ira;gsnt de l'affaire et ils
consentiront, sans aucune difficulté, tous les sacrifices financiers que
I'on voudra puisque les sacrifices qu'ils feront sur les obligations qui
leur restent sont faits sur les obligations qui ne leur ont rien coûté. Les
malheureux se recruteront dans le bon public qui auront, eux, payéles
obligations à leur vrai prix parce que ce seront eus qui feront le sacrifice,
mais les fondateurs lie font aucun sacrifice. Bien au contraire, I'opéra- 16 BARCELONA TRACTIOS
tion leur est éminemment favorable, puisqu'ils ont aussi les actions et
qu'en réduisant ses dettes, la sociétés'enrichit.
Voilà une des opérations les plus simples et les plus efficacesque l'on
peut réaliser par l'intermédiaire du stock wulering.Autrement dit, et
la Cour a certainement compris le principe, tout ceci se ramène à appli-
quer la règled'or de ce genre d'opération: socialiser les pertes et indivi-
dualiser les profits. Pour pouvoir faire ce genre d'opération il faut, bien
entendu. multiplier lescatégoriesde titres. On créera plusieurs catégories
d'obligations, plusieurs catégories d'actions et, coninic le bon piiblic n'a
pas de mémoire, onréalisera successivement une séried'opérations très
profitables.
Le Gouvernement espagnol a montré dans les écritures que tel avait
étéle jeil dei réorganisations financières de la Barcelona Traction.
Nous n'avons nullement l'intention de les rappeler à la Cour, sinon pour
prendre l'exemple le plus simple, parce qu'il n'appelle aucun examen
comptable; quand au niois de juillet 1g14u ,n certain nombre de fonda-
teurs ont essayé de placer dans le public des obligations, alors qu'ils
savaient parfaitement que la suspension des paiements interviendrait
quelques mois plus ta., ils ont certainement accompli un acte qui
prouve une certaine désinvolture.
Mais de telles pratiques ont nécessairement des conséquences non
seulciiiciit pour 1'2pnrg1<IIInmiiui~i 1nt;rcss.: p:i, ici, iiiaii t'~.ilcincnt
pour I'Etnt Et! rnatitkc:(1,:cu!itrblt-(1, ,.it:tng\,:t:r&r .LI.~1~11~.11~
iliiiijysr;!iit: III<~!IC~<1I<~1<.r1n1nIl:<II;L~XCI~.II\.C<LU 111,11LI<..(-
quelles on présentera plus tard, sans raison, dë pn:ssantes réclamations
pour des transferts. Ceci nous mène alors à la situation d'Ebro qui est
beaucoup plus simple. II n'est pas nécessairedefaire intervenir le public.
le bon public, puisque, comme nous l'avons dit, toutes les actions et
toutes les obligations d'Ebro ont toujours été lapropriétéde la Barce-
lona Traction.
Mais,pour ne prendre qu'un exemple: quand Ebro vend à la Barcelona
Traction un paquet d'obligatioiis au taux de 6 %, à moiiis de 50% de
la valeur nominale de ces obligations, les résultats vont êtreles siiivants:
c'est plus de 12 % d'intérêtqu'obtient la Barcelona Traction, ce qui
lui permet d'éponger en Espagne tous les bénéficesd'Ebro, avant
l'application del'impat. Or ces intérêts sontau moins à concurrence de
50 % de purs bénéfices.Ils n'auront payél'impbt ni en Espagne ou ils
font figure de dettes iii au Canada, puisque la Barcelona Traction en est
exemptée. Plus tard, quand les difficultésde change vont apparaître,
on va obtenir pour les intérêtsle bénéficdu traitement le plus favorable,
avant les dividendes, et l'on pourrait mêmeprétendre obtenir le rem-
boursement d'obligations dont le capital n'a jamais été versé.
11faut insister un peu sur l'avantage qu'il y a à pouvoir invoquer
simultanément la qualité d'actionnaire et celle d'obligataire. Bien en-
tendu,cette hypothèse suppose que parun mouillage de capital important
on détient un assez gros paquet d'actions comme d'obligations. Eh bien!
il ya d'abord une opérationque l'on peiit faire et que l'on ne peut faire
que si l'on aà la fois la qualité d'actionnaire et celle d'obligataire: c'est
celle d'une réorganisation financière, car comment se fait-il que des
réorganisations financières aussi désavantageuses pour les obligataires
que celles que nous avons citées aient réussi? Mais c'est parce que
les fondateurs viennent aux assemblées avec un paquet d'oblig t' a ions
très important et comme tout le monde le sait l'absentéisme des PLAIDOIRIE DE M. REUTER I7
petits porteurs fait que les fondateurs dominent ainsi les assemblées
d'obliwataires.
Il, ~c~\~iitainsi iairc t.0tc.ct acwptrr dec rLsolutioiis qui ruinent les
abseiiti. \lu, il) :Ld'autrcs ;L\,<LIII~~Ic'sI.suCL.point nous alluiii iiou
référer à un maitre document. Car,nous nous exEusons de le dire mais
notre science est toute fraîche, nous étions innocents avaiit d'étudier

cette affaire. Ccmdtrc document, c'est aux t:xceptions prélimiiiairesde
1960, l'annexe 126 au volume II, page g8j. C'est la lettre du directeur
et président de la Barcelona Traction, un autre important personnage,
en date du 6 septembre 1934. C'est précisémentun de ces exemples où
on se trouve en présence de ce qu'il faut tout de mêmebien appeler
une euvre de doctrine. Le président commence par expliquer, dans un
esprit qui n'a rien de frsnciscain, les avantages de l'apparente pauvreté.
Bien entendu, on montre ainsi qu'il est bon qiie Ebro paraisse largement
endettée pour des raisons fiscales. $lais ce n'est pastout. C'estégalement
avantageux dans l'hypothèse d'une expropriatio~i ou d'une nationali-
sation, parce qu'on sait bien que la propriété n'estpas toujours par-
faitement respectée et il vaut mieux pouvoir invoquer la qualité de
créancier que la quaiité d'obligataire. Peut-ètre d'ailleurs qu'en invo-
quant les deux successivement, on peut encore avoir un traitement
plus avantageus. Mais cctte situation d'endettement factice est aussi
très avantageuse pour une sociétéde publiu cliliti Teout.Ic monde sait
que les gouverncineiits ont une politique des prix et qu'ils contrôlent
les tarifs et, dès qu'une société commence à faire des béiiéfices,les
gouvernements ont une tendance à faire pression pour que l'on baisse
les tarifs. II est donc très prudent de se maintenir officiellement dans une
position déficitaire. 011obtiendra ainsi plus facilement des avantages
du oints de vue des tarifs. Mais. tout cecim: suffit uas. il fauttout de
mêmeaussi rester actionnaire. C'kt indispe1is;rblepoÛrg~lrderle contrôle
de l'affaire. Et puis dans beaucoup de cas la qualité d'actioiiiiaire est
plus avantageuse que la qualitéd'obligataire. Ai<si,quand on sedemande
quelle est l'origine économique descapitaux qui ont concouru au déve-
loppement d'une affaire, eh bien! pour couper court à cette question,
ou rét tendra aue la oualité d'actionnaire oermr~ de revendiouer une
brig'ine étrang&e pou; tous les bénéficesrbiwestis dans l'afaire ou
résultant d'une réévaluationdes installations productives. 011s'estime
en effet propriétaire et on s'estime propriétaire i>arceque l'on est action-
naire et bien qu'en tant qu'actionnaire on n'ait pas fait d'apport au
développement de l'affaire. Cette ambivalence des positioiis juridiques
est d'ailleurs un des traits fondamentaux du groupe de la Barcelona
Traction sur lesquels iious aurons encore l'occasion de revenir.
Quand on essaie de regarder d'un peu plus près comment les choses
se sont passéesen ce qui concerne Ebro, ou peut par esemple faire les
remarques suivantes - nous serons très brefs, il suffiraà la Cour de se
reporter aux exceptions préliminaires es agnoles de 1960. page 194'.
A I'oriainc.Daruii contrat entre Ebro et la g-~ ~ ~na Traction en datedu
30 n0"mb;e 1911, la Barcelona ~raction s'tit fait remettre en contre-
partie d'un transfert d'avoirs de très loin inférieurs, un capital-actions
de 500 000 livres et un capital-obligations d'un peu moiiis d'un million
de livres. Ensuite, on a crééun compte d'av:mces oii l'on inscrivait en
principe les avances en espècesde la Barcelona Traction à Ebro. Mais.
quand on considère l'histoire de ce compte d'avances au cours des

' C.I.J. Mdmoires.Borcelo»ilTraction, Light end Puwer Company. Lintifad.18 BARCELONA TRACTION

années. on voit qu'il présente des aspects tout à fait extraordiriaires et
inexplicables. Ainsi, au 31 décembre 1914, la Uarcelona Traction avait
un crédit de 3,7 millions de livres sterling. En 1915, par un nouveau
contrat, Ebro, pour éteindre sa dette, remet à la Barcelona Traction
8,5 millions d'obligations. Ainsi donc Ebro se créeen capital uiie dette
plus que double de ceUe qui existait en compte courant. Puis en Igrj
Ebro rachete ses obligations et le compte est ressuscité avec un solde
de 6 millions de livres en faveur de la Barcelona Traction. Eii 192j
la Barcelona Traction rachète à nouveau pour 8.5 millions de livres
d'obligations d'Ebro, mais à moins de 50 % de la valeur nomiliale et
on pourrait contiriuer ainsi l'histoire de ces manipulations miraculeuses.
Suivant les circonstances et les besoins on modifie le taux d'intérêt,
mêmerétroactivement.
Les représentants de la Barcelona Traction savaient parfaitement
bien qu'ils s'étaient constitué auprèsd'Ebro un matelas de dettes large-
ment fictives. Ainsi la stratégie qu'arrêtera dans une lettre du 27 sep-
tembre 1940 le chef du service juridique en Espagne (exceptions préli-
minaires 1960, vol. II, annexe gj, p. 899) sera entre autres la suivante:
ciNe fournir aucuri chiffreantérieur à 1926, vu qu'entre les années1922
et 1025 ce comDte a subi des mouvements de erande im~ortance sur
lesq;eG il seraitksez ennuyeux de fournir des explications.; Le Gouver-
nement espaenol a exposéen détail cette matiére. entre autres dans les
exceptions p&liminaires de 1963, 1, page 30, et dails l'annexe 36 aux
exceptions préliminaires de 1963, page 370.
Mais iln'est pas nécessairede rentrer dans une discussioii comptable
sur l'ensemble de ces matières pour établir ce que le Gouvernement
espagnol considére comme l'un des points essentiels de cette affaire, à
savoir que ces mécanismes si compliquésqui constituent la structure
financière et sociale du groupe en Espagne ont étéédifiésdans uri but
de fraude et ont permis en fait de réaliserdes fraudes importantes. Il
suffità cet effet de recourir aux témoignagessurabondants trouvésdans
les archives du groupe en ~s~a~ne.-Etcependant, le Gouvernement
espagnol n'a jamais eu connaissance de la totalité des documents qui
se~trouvaieut dans ces archives. En effet, à plusieurs occasions que n&ç
allons indiquer, les agents et les directeurs de la compagnie Ebro ont
fait disparaître les documents les plus compromettants. D'abord la
corres~ondance trouvée montre aue l'habitude avait été ri se dc~uis
lo~i~t~~~ s eg;,rder i I.oiidrrs ou':, Toroiito les documents ;lui dci..Ui:iir
~:cliapi>eraux :ii~torir6s~..;i~nciin,cxici>riniis prt:liiniii;t1063. \ol.
auxiliaire, annexe 14, dot.-17, p. 299). Ensuite,'en 1936, avanf que les
comitésouvriers ne prennent possession des bâtiments de l'administra-
tion centrale, le représentant de la Barcelona Traction a informé la
socibté à Toronto qu'«une bonne quantité de la correspondance d'une
nature trop compromettante a étédétmite avant de quitter les lieux n
(exceptions préliminairesde 1960,tome II, p. 1003, annexe 127). D'autre
art, Dendant toute la ~érioaeoui a ré cédé la faillite. les dirimants
de,ia 6ocif.r; ont ii1niiife;tenient <fhcrci;prcndrc un ,gr=ndnoni5re <Ic
precnutions. Soi13cil trou\,ons I:itrace. par exemjile, dans I:Içttre dii
?fi ftvrit:r12., et sn rénonse. aus annexes oii'il Iniit lire dans lordre
inverse no 116 et no 115,~auxéxceptionspr61ihinaires de 1960, tome II,
pages 945 et 944.
Parmi ces documents, nous allons nous borner à en relever simplement
quelques-uns en laissant de côtétoiis les autres. PLAIDOIRIE DE i\I. REUTER 19
Dans les documents des annexes, il y a un terme qui revient d'une
manière constante: c'est le terme de uuassine ~rofits n. aconvenient
vehicle for passing profitsiet nous n'abusêroiisiG du temps de la Cour
ni de personne A étudier tous ces documents, nous nous permettons
simplement de donner comme référencesquelques-uns d'enfrc eux qui
font la théorie du problème que nous avons expliqué. Par exemple:
exceptions prélimina,ires 1963, annexe 14, document 20, page 274:
exceptions préliminaires de rqGo, tome II, annexe no 124. page 976;
dans le mêmetome, annexe 129 b), document 4.
Nous voudrions cependant, peut-être la Cour pensera-t-elle que ce
n'est pas abuser que d'exposer ce point, faire un petit commeiitaire
sur deux documents qui ont un peu plus de poids ou d'intérêtque
les autres. Il y en a un d'abord sur lequel nous reviendrons plus tard,
c'est un document très intéressant parce qu'il envisage. en date du
z octobre 1944, quelle pourrait êtrela réorganisation de la compa-
gnie (exceptions préliminaires 1960, annexes, tome 11, p. 972) et dans
ce document l'auteur fait un tableau du passé.Tableau qui se termine
par une conclusion pleine de mélancolie, au paragraphe 6, parce que,
évidemment. dans l'avenir les choses ne risquent plus d'aller aussi
bien. Il nous dit:

(cLa présente structure de l'entreprise en Espagne avait étébien
concue. Grace à elle tous les bénéficesde I'entreurise urovenant de
la lhmière et de la force étaient finalenient mênésjÙsqu'à I'Ebro
Company, pour êtrepassés de l'autre côté par l'intermédiaire de
l'intérêtdes Afortpaeeet InconaeBonds. de l'intérêtdu comute
courant, et, finalemlnt, quand les bénéficesse gonflaient, paries
dividendes de ses actions.Les résultats de la Euerre civile, entraînant
des pertes élevéesen Espagne et provoclu~t dans les chiffres des
distorsions, ont mis hors d'usage le jeu huiléde ce mécanisme (nthe
smooth morking of the mechanism n).11
L'autre document est plus modeste mais il est encore plus intéressant
parce qu'il nous ramene - mais il s'agit icid'un ave-à lacomparaison
que nous faisions tout à l'heure entre des champs, des bassins et des
conduites. Il nous raconte comment les choses se passent au niveau
du service juridique et des comptables et tous les ans iicommc c'est
connu et de routine u,vers la fin dzimois d'octobre, quand les veiidanges
sont terminées.les déuartements cornotables et iuridioues se réunissent.
A ce moment-là on cÔnnaît les résulta&du sehestre de l'+née;
on connaît méme, moinsnettement, les résultats des premiers mois du
deuxième semestre et alors on sait A oeu urès auel sera le résultat de
l'exercice. C'est le moment où, en foiction du texte, des impôts, des
possibilités, onfaitouer le jeu des canalisations pour faire passer l'argent
dans des conditions les vlui commodes. les vlus~o~vortunës
Et le texte se terminé par la conclusion iuivaniê, qui n'est pas d'un
francais excellent, comme l'ensemble du document, mais que nous citons
cependant :

nCe résultat satisfaisant est attribuable à la structure de la
compagnie Ebro qui fut réorganiséeen 1926 en ayant en vue prin-
cipalement la tributation et la facilitation du transfert de la per-
ception à la compagnie principale de la façon la plus économique
possible.» (Exceptions préliminairesde 1963,ann. 39,doc. 3, p. 398.)20 BARCELOXA TRACTION

Il est vrai que l'on a opposé à la critique du Gouvernement espagnol
une objection, objection qui, dans ces questions de fait un peu mono-
tones, viendrait jeter la douce lumière d'une théorie juridique. Tout ce
qu'a fait le groupe de la Barcelona Traction en Espagne serait parfaite-
ment iiormal; il a choisi les voies juridiques les moins onéreusesdu point
de vue fiscal; mais c'était son droit le plus strict. Et ici nous citons les
annexes aux obsen.ations du Gouvernement belge (annexe I, p. 6) :

<,La pratique des affaires connait une distinction élémentaire
que le Gouvernement espagiiol lui-même rappelled'ailleurs, mais
qu'il omet d'appliquer, c'est celle entre, d'une part, l'évasion ou
la fraude fiscale flux evasionl. oui consiste nour le c~n~ribuabl~~ à
dissimuler aux yeux des autorités une opération qui devait donner
lieu à taxation, et d'autre vart le fait uour le contribuablede réaliser
l'opération de manière à ce que légalement elle ne donne pas lieu

à taxation (lux avoidaicce).»

Bien aue ce texte comuorte une très larze vérité, il contient tout de

en Espagne, Serait conforme à la paFiquê des affaires. Ce qui semble
vouloir dire que les autres sociétésinternationales se comportent comme
la Barcelona Traction. C'est là une affirmation d'une certaine gravité,
comme la Cour le verra, et bien entendu le Gouvernement espagnol en
laisse la responsabilité entière au Gouvernement belge. En ce qui le
concerne ilne s'y associe pas.
La deuxièmeaffirmation est que la conduite du groupe de la Barcelona
Traction en Espagne a étélégalement, parfaitement correcte. Sur ce
oint. le Gouvernement esnaen.l. lui aussi. n'est mis d'accord. Peut-être
;ioiii trsiiil>oii+riuu~!(:',-sIi;lot dc tous I<>c.uii;éils iii;iisi iious iiuiis
troiiil>ons,iiuiij :,iiroi:LU iliuins une <.onsolltinii: c'cst qii'iy sur3 des
d;l)orderiiçnts alc ioic dniis leiiioiidc <lescuiitril~iinhl~..i~cut-frrc iii>riic
en Belgique.
Quels sont les motifs pour lesquels le Gouvernement espagnol n'est
Das d'accord avec cette dernière affirmation du Gouvernement belge.
nous demandons respectiieusement à la Cour, 3Ionsieur le ~résident,2e
bien nous donner l'autorisation de les exposer demain.

[Audience pzcbliyuedu rz mars 1964, malin]

hlonsieur le Président, I\lessieurs les juges, nous avions terminé la
session hier en disant que, del'avis du Gouvernemeiit espagnol, le groupe
de la Barcelona Traction n'avait pas respecté les obligations fiscales de
la loi espagnole, mais nous n'avions pas démontrécette affirmation.
Ce sera là notre ~remièretache ce matin.
I'oiirIcfiiirc, noiis feroris;ippcl i<Ivuxconsiil6r:itioiis siics~:îsi\~~:ii:it
l'uiieOcdroit et I'jiutnadc fait. Suiis nlloii,il'nbord lei fnont.crct. ensiiite,
nous les exposerons.
En ceque concerne d'abord la considérationde droit, le Gouvernement
espagnol a dit toutes les réserves qu'il faisait à l'égard du passage
des observations belges que nous avons lu, réserves sur l'expression PLAIDOIRIE DE JI. REUTER 2 1

mêmede l'idée incluse, réservesquant aux conséquencesque le Gouver-
nement belge voulait en tirer mais, ceci dit, le Gouvernement belge
a raison.
Il ne suffit pas qu'un acte ou un agisseme~itcomporte des avantages
fiscaux pour qu'il soit irrégulier. Il y a vraiment un problème de la
distinction de ce que, en faisant appel à la terminologie britannique,
leGouvernement belge appelait taxevasio nttaxauoidance.
11n'y a toutefois dans ce problème aucurie ililficulténi aucun mystère,
car sa solution relAve tout simplement d'un principe généraldu droit
très connu dans tous les svstèmes lé~isl-tils. Ce orinci~e. .'.st tout
sirnpl~riicnt I'~utonuiiiie dc,'!:r \'oluiCc;.priiicilic'a cssentii.llîiiient
5011appIic;~tionJ;IIISles rnatic,ril<dr011priv2 c~iais,cornnicIIU~I:~IUIIS
11dire.1;idistinction de cc (iiidu i>oiiit<levue tisrdl. i:st L~1:tde cc
qui n/ l'est pas, n'est que 1; projec'tion dans le dornaine fiscal de cette
règlede l'autonomie de la volonté.
Nous ne rappellerons pas cette règleen termes trop insistants devant
la Cour car ellc la connaît très bien; ellc veut dire que les systèmes
législatifs abandonnent aux parties le choix d'élaborer des actes juri-
diques, la liberté de choisirl'un ou l'autre pour réaliserles opérations
qu'elles entendent mener à bonne fin.
Seulement, bien entendu, il y a lin principe plus important que le
principe de l'autonomie de la volonté: c'est le principe de l'égalité.
L'autonomie de la volonté n'est qu'une règle poséepar le législateur
lui-même,et par conséquent le législateur liii apporte des limites que
nous connaissons bien; ces limites conduisent à interdire certains actes;
elles conduisent à obliger, pour certains actes, de suivre une ligne déter-
minée; elles conduisent même,dans beaucoup de cas, à obliger le juge
parties lui ont donné. Par exemple. en droit privé,les parties peu\-ents
vouloir conclure des actes de vente entre parents et enfants, entre
successibles, et la loi peut obliger le jugeà ci~nsidérerque de tels actes
ne sont pas des actes de vente mais sont des donations. Et l'on pourrait
donner encore bien d'autres exemples.
II en est tout simplement de mêmeen droit fiscal. Certes, la loi donne
aux partiesle clioix entre différentsactes juridiques. Si l'on veut fonder
une société, ona le choix entre la sociétéanonyme et la société à respon-
sabilité limitée,par exemple, en droit français. Les deux actes ne com-
portent pas les mêines conséquences fiscales.Seulement, ici aussi, le
choix des parties est limitépar la législation fiscaleelle-même et le droit
fiscal, dans beaucoup de cas, qualifie obligatoirement les actes que les
parties concluent dune certaine manière. 11 lcur interdit de passer
certains actes et, la seule différenceavec le droit commun, c'est que dans
beaucoup de cas un acte pourra étre saisi par le droit commun, rester
soumis aux règles du droit commun, mais sur le plan de la fiscalité,
recevoir une autre qualification de la main du Iiigislateuret, bien entendu,
ici, la libertédes parties expire là où commence la loi. Ce qui veut donc
dire qu'il ne suffit pas d'avoir proposé à la Cour les images que nous
avons suggérées, celles dece réseau de canalisations et de conduites,
ilfaut, iipartir du rnoment où Son entend qualifier, démontrer que la
loi, et ici la loi espagnole, interdit de prendre telle canalisation ou
que, si, on la prend, elle considère, au point de vue du droit fiscal, et
du droit fiscal seulement, qu'on en a pris une autre.
Nous n'échappons donc pas à la nécessit<:de considérer, au moins22 BARCELOKA TRACTlOh'
d'une manière superficielle, le droit espagnol, la législation fiscale
espagnole.
Nous le ferons d'ailleurs, très brièvement, puisque la brièvetéest une
obligation dont on nous a rappeléla nécessité, mais nous leferons aussi
brièvement parce que nous pouvons recourir à un deuxième ordre de
considérations, qui sont des considérations de fait, et ici, nous pourrions
nous appuyer sur la déclaration du Gouvernement belge elle-même.
Pour lui l'évasion fiscale (ta.revasion) consiste, pour le contribuable,
à dissimuler aux yeux des autorités une opération. En effet. il suffit de
considérer l'attitude des Parties, mêmesi l'on n'est pas très expert en
droit fiscal espagnol.
I.'attitude, en effet, des intéressésdémontre quelle est leur propre
opinion sur l'acte qu'ils posent. S'ils cherclient à le dissimuler, à le
masquer, c'est qu'ils pensent que cet acte tombe sous le coup d'une
prohibition ou, au moins, c'est qu'ils pensent qu'il y a un risque que
cet acte tombe sous le coupde la prohibition, et opérantla dissimulation,
ils acceptent le risque.
Ajoutons d'ailleurs que, si l'on peut avoir ici quelque indulgence
pour des petits fraudeurs. des ~articuliers. il est bien évident oue le
iervice contentieux d'une jussi grosse affaiie que celle du groupe'de la
Barcelona Traction est parfaitement renseicné..et que. par conséquent,
lorsaue ses membres recommandent une d?ssimulsion.- c'est ou'fl vAa,
man'ifestement là, à leur avis, une violation de la loi &pag~iole.
Voilà les deux motifs Dour lesauels nous ne sommes pas de I'o~inion
du Gouvernement belge: Nous dons, maintenant, le; appliquêr aux
problèmes de la Barcelona Traction.
II y a, en droit espagnol, des textes qui intéressaient le cas de la
Barcelona Traction. Il est permis à delointains gouvernements étrangers
d'ignorer ces textes, mais le groupe de la Barcelona Traction ne les
ignorait pas, et il les ignorait si peu qu'il a procédé,pour éviterl'impo-
sition, à des dissimulations systématiques, méticuleusement préparées
et concertées.
Nous nous bornerons à donner un seul exemple de textes. Nous ne
prétendons pas qu'il couvre toutes les fraudes du groupe en Espagne,
mais simplement qu'il couvre les plus importantes et ce texte a eu de
telles conséquences dans l'histoire du groupe que nous pensons qu'il
vaut la peine de nous y arrêterun peu.
C'est un texte qui fait partie de la grande réformefiscale espagnole
de 1920; réforme fiscalequi devait mettre le groupe de la Barcelona
Traction en face du choix, du choix tragique; le groupe a fait ce choix
dans le mauvais sens, et c'est cela, l'origine de sa perte.
Nous reviendrons sur d'autres dispositions de la loi de 1920. Lisons
simplement à la Cour une de ces dispositions, celle qui est la plus im-
portante. C'est l'article 3, disposition 5, règle quatrieme, paragrapheb)
de la loi espagnole de 1920:

non ne déduira jamais des bénéfices lesintérêts queles entre-
prises mères étrangères exigeront de leurs filiales ou succursales
établies dans le Royaume, ni en raison des capitaux investis par
les premiéresdans les affaires des secondes, ni en contribution aux
frais d'un autre établissement, ni par aucun motif analogue qui
permettrait de réduirele bénéficeobtenu en Espagne. I, PLAIDOIRIE DE M. REUTER 23
Voilà donc un texte tout à fait clair qui nous dispense mêmede
rentrer dans ces analyses que l'on considérera peut-être, du côté de
nos distingués contradicteurs, comme polémiques, sur la réalité des
dettes d'Ebro; rbalitéou pas réalité,la loi espagnole interdit de consi-
dérerque despaiements peuvent recevoir la qualification fiscale d'uinté-
rêtsidans aucun des cas que nons avons exposés.
Ayant lu cette disposition dans un texte qui n'avait pas encore été
votéet ne constituait donc qu'un projet de loi, les agents supérieurs du
groupe déclaraient: «Cette dispositioii met en cause le point le plus
important de la loi touchant nos intérêts » .ifxAeptions préliminaires de
1~60 ,ol. II, annexe58, p. 601).
On comprend les soucis des dirigeants du groupe: à eue seule, la
dis~osition oue nous venons de lire ietait Dar terre toute la construction
dn'groupe q;'ils avaient réalisée;à moinsAqu'ilspuissent soutenir que le
moupe n'existe pas. Si Ebro n'est pas avec la Barcelona Traction dans
Üne ielation de Société mère à me.-le texte oue nous venons de lire n~ ~
s'applique pas aux relations entre'la Barcelo'na et Ebro. De la, parmi
d'autres, cette énorme dissimulation, qui va ètre mise en Œuvre de 1920
à 1946: le groupe de la Barcelona Traction a dissimulé les relations
très étroites qui unissaient la Barcelona Traction et Ebro. il a tout
fait pour accréditer la croyance qu'il s'agissait de sociétés bolta fide
indépendantes.
Et cette attitude est si grave que nous jugeons inutile pour le moment
de poursuivre i'examen d'antres textes espagiiols; mais nons allons abor-
der le deuxième point de notre démonstratioii, c'est-à-dire établir quel a
étéle comportement du groupe en Espagne.
A cet égard, parmi les nombreuu témoignagesque l'on peut recueillir,
on classera les manifestations des attitudes du groupe en quatre caté-
gories qui présentent une qualification croissante.
Sous une première forme, encore peu caractérisée,l'aven de la dissi-
mulation et de la fraude est indirect; il résulted'un état d'esprit général
qui se traduit essentiellement par la crainte d'éveillerl'attention des
autorités fiscales. On prkfère ne pas les aborder, on préfèreéviter tout
contact parce que l'on craint; et l'on exprime cette crainte.
Sous une deuxième forme, la fraude résulte, dans les documents que
nous citerons, de confidences et d'explicatioris isoléesque les agents du
groupe s'adressent les uns aux autres.
A un troisième stade, nous dépaswns le plan des aveux isolés;il s'agit
alors de travestissements et de mises en scène destinés & tromper les
autorités espagnoles.
Le dernier et quatrieme stade est constitué par les fausses dé-
clarations proprement dites, adressées aux autorités espagnoles elles-
mêmes.
Reprenons ces quatre manifestations les unes après les autres, en
citant à leur propos les exemples les plris significatifs. Et d'abord la
première.
Cet état de crainte et d'anxiétéfiscales apparait dans l'ensemble des
documents soumis par le Gouvernement espcrgnol à la Cour et se mani-
festepar cette tactique qui consisteà fuir les autorités fiscalàsne leur
soumettre aucune difficulté, mêmemineure. car ce que Son craint
par-dessus tout, c'est leur curiosité.
Nous allons citer, parmi beaucoup d'autres, deux lettres: d'abord une
lettre du19mars 1930(exceptionspréliminaires de 1960,annexes,tome 1,24 BARCELONA TRACTION
p. 184). 11s'agit d'un problème sur lequel nous reviendrons, concernant
les affaires de la sociétéBarcelona Traction en Espagne. Après discus-
sion - nous citons: «Les conseils comme les :gents de la compagnie
concluent qu'il serait hautement imprudent clapprocher les autorités
fiscales en cette matière1,
Voici une autre lettre, du 5 janvier 1931 (exceptions préliminaires de
rg60, annexes, tome II, doc. 129 b), 4, p. 1016). II s'agit du taux de l'in-
térêtsur le compte courant d'Ebro et des commissions que cette société
doit verser:

uNous devons éviter de niodifier le taux de l'intérêtainsi que
de la commission d'une manière qui pourrait donner aux autorités
fiscalesespagnoles une raison de croire que celles-ci ont été ajustées
sur la base des bénéfices à absorber, et une occasion de poser des
questions que nous désironséviter. n
Passons mainteriant à la deuxième catégoriede manifestations: ce que
nous avons appelé des confidences isolées.
Nous ne retiendrons pas l'attei~tion de la Cour sur des points mineurs:
la dissimulation majeure dont toute la documentation fait état dans les
archives du groupe. c'est la nécessité demasquer les liens entre Ebro et
la Barcelona Traction.
Prenons, à cet égard, un document secondaire mais qui contient des
aveux d'une éblouissante clarté et qui est très intéressant. II s'agit
de notes établies par les services comptables à l'intention d'un agent
supérieur du groupe présent dans l'affaire depuis les origines, mais
qui n'a plus conservéun souvenir très net de ce qui s'est passé àpropos
d'une affaire (mémorandum du 5 mars 1937, exceptions préliminaires de
1963,annexe 33, doc. 1).C'estun cas trèsintéressant parce qu'ilmet bien
en lumière les procédésque nous expliquions hier, procédéstellement
simples qu'on rougit de les exposer, mais qui trompent par leur simplicité
même.Voilà de quoi il s'agit: le groupea l'intention d'acheter en Espagne
des actions d'une société: qu'est-ceque ferait ilne sociéténormale,
correcte, qui aurait une société mèreet une filiale? Eh bien! les diri-
geants du groupe choisiraient pour réaliser l'opération soit la société
mère soit la filiale. Sainte simplicité! Qu'est-ce que l'on fait dans le
groupe de la Barcelona Traction? La Barcelona Traction achète les
actions en payant le prix marchand. C'est une transaction authentique.
Et puis elle les revendà Ebro, mais plus au mêmeprix, à un prix beaii-
coup plus gros, ce qui fait qu'il y a une somme considérablequi va être
transféréed'une manière occulte. Si Ebro paie comptant, Ebro a fait une
mauvaise affaire, Ebro se rnine: c'est justement ce que l'on souhaitait:
les bénéficesdisparaissent d'Ebro et apparaissent à Barcelona Traction.
Si Ebro ne paie pas tout de suite mais procède à une émissiondetitres
au'il remet à Barcelona Traction. ces titres vont oroduire des intérêts;
et le même phénomènv ea sereproduire suivant un kutre rythme: tous les
ans une certaine quantité d'argent va ainsi disparaitre d'Ebro pour
apparaître dans BarceIona Traction.
Dans l'affaire dont nous parlons, il y a mêmeeu des attaques de
presse qui ont paru à l'époquesur cette opération. Nous allons citer
maintenant le texte le plus intéressant, en demandant, malgré notre
mauvaise prononciation de l'anglais, à la Cour beaucoup d'indulgence
pour lire en anglais la dernière phrase, car dans cette phrase il y a deux
petits mots britanniques que l'on traite quelquefoisà la légèremais qui
nous semblent ici avoir leur poids: ce sont les deux mots of course. PLAIDOIRIEDE AI.REUTER 25

aLa raison du transfert des actions de la Barcelonesa A la com-
pagnie de 1'Ebro. de m&meque d'autres transactions liées àcelle-ci
(accroissement du capital d'Ebro, émissiondes obligations d'Ebro,
etc.) était simplement de permettre une évasion fiscaleimportante
et le prix élevé, fixépour les actions, était, je pense, choisi pour
adopter un chiffre adéquat au regard de l'ampleur des riutres trans-
actions. This real reason for the operation has, of course. not been
diutrlgedin Barcelolia.D
<,Levrai motif de cette opération n'a pas été,et pour cause. rendu
public à Barcelone. n
Puis, plus loin, dans son explication, le comptable imagine les raisons
que l'on pourrait invoquer, le cas échéant,pour jiistifier un prix aussi
élevé;et il en trouve, car Lescomptables trouvent encore p!us de raisons
que les juristes, ils sont nos maîtres. Puis il conclut je cite:

A toute Dersonnefamilinriséeavec les relations eritre les sociétés
Barcelona 'fraction, Ebro et Barcclonesa, les argiimeiits que nous
venons de dire sont of cozcrseextrêmement minces, mais il faut se
souvenir que nous, A Barcelone. avons dû toujours feindre ignorer
notre connexion avec la Barcelona Traction. >,

Je continue en anglais, en sollicitant l'indiilgence:
n \\le claim that the Iiarcelona Traction doesno businessin Spain.
has been disassociated from and has no activc connection wit'hus
since it transferred its Ciirrent Account to the International Utili-
ties.i,

Alliisionà une opération dont nous parlerons dans un instant. Cequi
veut donc dire: irNous crions (we clninb) pu-dessus les toits que la
Barcelona Traction ne fait pas d'affaires eii Espagne, qu'elle a été
dissociéede nous et qu'eue n'a plus de connexioii active avec nous
depuis qu'elle a transféréson compte courant à International Utilities1,
C'est vraiment à Barcelone le souci majeur; il s'exprime dans une
masse considérable de documents: Dar exem~le. au nioment de la
créationde la société espagiiole saltosde cataIuha,'à laquelle le Gouver-
nement espaanol a consacré une note entihre et <lui commente une
masse de do&ments annexes (exceptions de 1963,annexe
16, p. 283).
On peut encore citer une autre lettre du 5 juin 1931 (exception:
préliminairesde 1960,annexes, tomc II, p. 976)isfine où l'auteur exami-
ne un transfert facile de bénéfices,une opération isolécqui pourrait
permettre de faire passerde l'autre côtédes bénéficesimportants. Mais,
cette sollition qu'il envisage aurait l'inconvénient majeur de faire appa-
raître le nom de la Rarcelona Traction dans les comptes d'Ebro: ou
encore dans une lettre, une troisièmelettre,dans laquelle, à propos de la
clause or que l'on envisageait d'insérer dans les obligations d'Ebro, un
agent de la compagnie émetl'opinion suivante:

cSi la disposition des obligations doit apparaître comme effectuée
A travers une banque, il est important que ces bons ne soient pas
détenus par la Barcelona Traction, car autrement on risque que
toute la transactioii soit considéréecommi:fictive si elle est connue
par la suiteii 26 BARCELONA TRACTIOX
1)oiic Ics qciitj Ctaiciit pxrfsitçmïiit coiijcicnts qu'ilj faisaient des

op6rations avec dcs Jiisiniulxtions. eri sacli:~iit~IIV la smct1011~'.,pagiiulc'
icrat de conjid>rer I'ovc'ratioiicoiiiiiir:tizti\,c\icsccAtioiis vrclinii~~~~...~
de 1960,annexes, vol. II. p. 995).
Alais une fraude aussi énorme que celie qui consistait à dissimuler
l'existence mêmedu mouve dans sa structure fondamentale ne ~ouvait . ~~
évidemment étreréaliiées'ants ravestissements et c'est ainsi un troisième
degrédans la fraude dont il faut maintenant dire auelaues mots. Nous
sommes pressés,je lesais, et nous éviteronsdonc les ekemples secondaires.
Il y a eu des caç où, dans le groupe de la Barcelona Traction, on a voulu
dissimuler que certaines sociétés,Saltos de Cataluiia par exemple,
faisaient partie du groupe, parce qu'on craignait, non point des consé-

quences fiscales, mais l'application de certaines règles espagnoles con-
cernant le régime des concessions (voir, par exemple, exceptions pré-
liminaires de 1963, annexe 16, doc. 8, p. 296).
011 a donc eu recours à tout l'appareil très compliquédes prête-noms
et on verra par cet exemple combien il est parfois compliquéde réaliser
une opérationde cegenre. hlais leproblèmefondamental étaitdemarquer
la coupure entre Ebro et la Barcelona Traction. Et, pour cela, on s'est
résolu à une opération de grand style qui a étéla créationd'une nouvelle
sociétéentierement fictive, n'ayant aucune activité économiquepropre:
International Finance Utilities. Il s'agissait esseiitiellement de remédier
à la loi de 1920 dont nous venons de donner tout à l'heure un extrait.
Cette loi, dans la disposition citéeet dans d'autres dispositionsd'ailleurs,

interdisait les relations directes entre Ebro et la Barcelona Traction.
Il devenait trèsdangereux de faireapparaîtredans les comptes d'Ebro
le nom de la Barcelona Traction. Alors, l'idéetoute simple a étéla
suivante: Au lieu d'avoir des rapports directs Ebro-Barcelona Traction,
on va instituer des raDuorts trianenlaires avec un intermédiair~ ~e~ ~ ~ ~rI~~-
Ebro va entrer en relat'ionsavec Ïuternational Utilities et International
Utilities entre en rapport avec Rarcelona Traction. C'est notainment
Our ce qui concerne' le compte courant qui existait entre Ebro et
garcelona Traction que le problème s'est posé.C'était une chose tout
à fait compromettante que le compte courant Ebro-Barcelona Traction;
il faisait apparaître constamment le nom Barcelona Traction dans les
écrituresd'Ebro. La solution va alors être trèssimple. On va procéder à

une cession de créances: Barcelona Traction cède sa créance à Inter-
national Urilitivs ct disorniaii les rapports fiiiniicicrs eiitrc Ebro et Io
Cxii:ida s'Ctab1i~it:iit;LU noni d'lntr.rnntion~1 Ctilities. 1.e nom même
de I:I3nrct:l1~riï;'ir.ictioii disu:irnit d:~nsles cornutes ~I'llbro.
Le Gouvernement espagiol a consacréune note entière relative à la
fondation et aux fonctions d'International Utilities à l'annexe 14 aux
exceutions rél liminairesde 1061. Nous ne voulons ici oue souliener
quelques Lpects caractéristi{u& du phénomène de tra;estissemënt.
D'abord sa fécondité.Le système marche très bien. On en attend beau-
coup. Sur ce point on pouka consulter une lettre du 6 september 1934
(exceptions préliminaires de 1960. vol. II, annexe 126, p. 985)relative à
l'introduction de la clause or dans le compte courant d'International

Utilities et d'Ebro: elle contient un petit abrégéde doctrine où on
explique pédagogiquement quel est le rale d'International Utilities
dans les rapports entre Ebro et Barcelona Traction.
Il y a un antre exemple que nous tenons beaucoup à citer: c'est un
télégrammedu 27 août 1945 (exceptions préliminaires 1960, annexes, PLAIDOIRIE DE If. RoUTER *7

tome II, p. 969). Les services sont un peu inquiets parce qu'il s'agit
d'une inscription comptable qui porte sur 45 millions de dollars et
l'auteur du télégramme expliqueque cette iiiscription risque tout de
mêmede faire quelques difficultés.Maisilexplique que tout s'arrangera
si I'on ne voit pas apparaître le nom de la Hnrcelona Traction dans
les livres del'Ebro et il présume que le grand manager du groupe, M.
H., sait que l'on peut interposer International Utilities pour couvrir
toute l'affaire.
Cet exemple est très important, moins par la substance que par la
date, car ce télégramme sesitue en plein di:veloppement du plan de
coinpromis dont nous reparlerons plus tard et ily a un problèmedélicat,
mais que nous aborderons, qui est de savoir à partir de quelle date le
travestissement dont nous parlons a pris fin. Nous savons bien quand
il commence. Il commence au moment de la création d'International
Utilities, la suite de la loi de 1920. Mais quand est-ce qu'il prend fin?
Nous verrons cela plus tard.
Mais d'un autre cdtéle systeme était tout de mêmefragile; quand on
joue la comédieil ne faut pas oublier les réponses.Voilà par exemple
à irn moinent donné Ebro qui se met à écriredes lettres en appelant
International Utilities du nom denbanquier ince qui est une qualification
professionnelle précise qui, bien entendu, ne correspondait nuliement
au somnolent bureau dans lequel se trouvaient les gens inutiles qui
s'occupaient d'International Utilities. Ou procède alors à un rappel
à l'ordre et on dit qu'il faut se servir d'un autre titre: celui d'<<agent
finzinciern (exceptions préliminaires 1963,annexe 17: p. 300).
Quelquefois le caractère si visiblement contrefait de toute cette
structure frappe l'esprit des dirigeants, mêmetrès anciens, et ils expri-
ment alors leurs craintes. Nous allons ici citer un petit passage qui
émane d'un des membres les plus anciens de: la direction canadienne
qui est certainement un honnêtehomme; c'est un ancien colonel qui
travaille àla Barcelona Traction depuis les origines et qui s'accommode
assez mal au fond de toute cette comédieet. cciinmesouvent ces natures
droites et un peu impulsives, il pense quelquefois à en sortir en prenant
desinitiatives empreintes d'lingoût marqué polirles formulesexpéditives.
Voila par exemple ce qu'il nous dit (lettre d2 octobre 1934) (annexe aux
exceptions préliminaires de 1963, vol. auxiliaire, annexe 39, doc. 9,
p. 685). Le passage est à.la fin de la page 629:
cI1 faut se souvenir cependant que la sociétéEbro est corps et
biens (body and bones) dans les mains de la Barcelona Traction
qui, à son tour. a dans ses mains International Utilities. Franche-
ment, je ne vois vraiment pas comment I'on peut expliquer aux
autorités espagnoles l'inscription subite d'une dette de quelques
miIiions de dollars d'Ebro à l'égardd'International Utilities.,i

Mais les agents du groupe faisaient de leur mieux et pour bien mainte-
nir I'irn~ression de sociétésindénendantes bona fide il fallait se mettre
d'accord sur les lettres qui ~'éch'an~eaienetn1.r; Ebro et International
Utilities. Alors l'usage s'était établi, après bi:aucoup de consultations
et de discussions, d'établir en commun un jeu de lettres et ensuite on
se l'envoyait officiellement; et on voit ainsi des scènes de comédie
extraordinaires où chacun fait valoir son point de vue pour que les
lettres respirent la bonne foi et reflètent en apparence des transactions
réelles«to avoid in, as faraç possible, giving it a cut-and-dried appear-28 BARCELOXA TFACTION

ance », apour éviter autant que c'est possible de donner à la lettre une
apparence toute cuitei~; on simule ainsi des négociations difficiles qui
opposent Ebro à Internationai Utilities (exceptions préliminaires 1953,
annexe 14, doc.8, p. 235; exceptions préliminaires1960, vol. II, annexe
126, p. 968; annexe 87, doc. 14, p. 86j; annexe 129 b).2, p.1012).
Il y a un dernier aspect des travestissements d'International Utilities
qui appelle l'attention: ce sont les problèmes qu'International Utilities
allait recontrer au Canada. International Utilities était tout de même

dans beaucoupde cas,pouvait présenter pour cette sociétcdes incon-
vénients. Il y a eu ainsi, par exemple, des discussions entre les membres
du groupe lorsqu'ils ont enviçügéd'introduire dans le compte courant
entre International Utilities et Ebro une clause or et il ont tl'ailleurs
renoncé finalement à leur projet mais, s'ils avaient voulu le réaliser,
ils auraient dû faire un double travestissement: faire un travestissement
au regard de la législation espagnoleet en faire un autre au regard de la
Iégislatioiicanadienne (exceptions préliminaires, 1960, vol. II, annexe
126, p. 989). Blais, de Charybde eii Scylla, l'International Utilities
rencontrait au Canada un problème fiscai car, au regard de la législation
fiscale canadienne, International Utilities n'était pas une sociétk qui
exploite des services publicsà l'étranger; elle ne faisait rien, et ce qu'elle
pouvait avoir l'air de faire, c'étaitd'être agent financier.
Ainsi à un certain moment est apparu le problème de savoir si elle
n'allait pas payer au Canada des impûts trop élevés.Il y avait, dans la
àécette d'International Utilities, donnait au ministre des 1~iii;~nceseiin
certain pouvoir discrétionnaire pour fixer un tarif de l'impôt très bas.
Et la personne que nous citions tout i l'heure, le brave coloriel G., a
alors une idéetoute simple qui est qu'il faut aller trouver le ministre
et puis lui faire comprendre quel est son devoir. 13talors, voilà ce qu'il
propose (exceptions préliminaires, 1960, vol. II, annexe j7, p. 707):

«Abattre son jeu (lay011his cards on thetable) et expliquer que
tout l'objet de la constitution d'International Utilities étaitd'éviter
une im~ositioii iniuste en Esoaene, mais que si ceci devait conduire
à une imposition' trop lourde au 'canada, on pourrait renoncer B
cette formule et que le Trésor canadien ne percevrait plus d'impôt
du tout. »
Quelque temps après, International Utilities a un autre souci qui est
très important parce qu'il montre bien le sentiment de culpabilité des
membres de la société.Il existe au Canada un Dominion Companies
Act qui prévoit que les sociétésdoivent faire certaines déclarations et
ces déclarations deviennent des documents publics. Et alors la même
personne que nous avons citées'inquiète: que va-t-il arriver si l'on fait
cette déclaration publique? Evidemment, on risque peut-être alors de
l'apprendre en Espagne; et si on l'apprend en Espagne, c'est la catas-
trophe. Alors, suivant la mêmesolution que précédemment,on suggère
d'aller voir le ministre, de lui expliquer le tout et de demander une
dispense (clearance) pour que la sociéténe soit pas mise dans une
situation qui risquerait vraiment de compromettre gravement ses
intérêtsen Espagne (lettre du 2 octobre 1934. exceptions préliminaires,
1960, vol. II, annexe 129b), 7, p. 1022). PLAIDOIRIE DE filREUTER 29

Toutes ces précautioiisdifficiles,toutes ces dissimulations, ces déguise-
ments tortueux, ne peuvent cependant pas dispenser les responsables
du groupe de procéderen Espagne à de faussesdéclarations à l'égard des
autorités espagnoles eues-mêmes.Et nous çonimes alors ici en présence
du auatrièine derré dans la fraude. En effet. il était inévitable. dans des
coniitions que nous dons d'ailleurs bientôt préciser, que les agents
du fisc posent des questions avec une fraiichise un peu naïve; ce n'&ait
pas le moyen de Fendre en défaut les responsabies, mais c'était leur
réserver le privilège peuenviable de faire de fausses déclarations. Il y
en a eu un certain nombre et, pour ne donner qu'un exemple (esceptions
préliininaires, 1960, annexes, vol. II, p. 810, lettre du 23 mars 1932).
voici la réponsequi a été faite parle représentant local de la Barcelona
Traction aux agents du fisc - réponsefaiteau nom de la sociétéEbro:
ccIls ;t.iieni i~ic;~p;ilslefouriiir d'autres iiiioriii:~tioiisque sc.llcs
uiiir:r;riciconteiiuç:, rlaiii I>il;ide I'litro au'ils nvsierit iuiiimu-
kqué et qu'en ce qui coiiceme les actions dêl'~bro, c'étaient des
actions au porteur et qu'ils ignoraient tout d'International Utilities,
sauf que cette sociétéleur avait avancé une certaine somme d'ar-
gent. »

II est iiiutile d'insister, il est inutile aussi de chercherà préciser le
montant des dommages qui ont kt&ainsi causés à 1'Etat espagnol. Ce
serait d'ailleurs une question qui toucherait le forid. Nous nous conten-
terons simplement de rapporter encore une fois ici un aveu; on le trouve
dans les exceptions préliminaires de 1960, au tome II. annexe 123,
page 972; voici ce que dit un Iioinme qui est vraiment infonné: cinous
payons un montant ridiculement petit d'lr~comeTax i)(ridiculoz~slysmall
amount of Income Tax). II subsiste néanmoins dans l'exposéque nous
venons de présenter à la Cour un mystère (lui pousserait presque à
l'iiicrédulité: comment est-il possible que les autorités espagnoles se
soient inclinées devant de tels aeissemeiits? Pourauoi n'ont-elles pas
impos; Icur I>,?irit e nie? 1.e~ou;:ernt:nieiit hr,lger&iziit ir;<liicnim>~it
sur CL.IILo.l>j,~rti~~p:ur lui.c est In prciiic cl,:I'iriiiucericc
Un riourrait r6rioii<lrc<iuï ianiais I'iiiii>uiiiri':61; I;tiiiCriiezliose
qiie l'innocence. liais c'cst'là ;ne répons: un peu polémique et insuffi-
sante; il faut aller plus loin; il faut coinprendn:, même si celaprend du
temos. Et c'est ~ourauoi nous allons maintenant aborder la deuxième
par;ie denotre eiposé:en montrant à la Cour queiles ont étéles réactions
des autorités esparnoles: quelle a étéleur attitude car, dans tout ce que
nous venons de-dire, iious i'en avons presque pas parlé.
Nous allons donc maintenant reprendre les faits d'un point de yue
franchement nouveau. Il ne s'agit pas de savoir quels sont les faits.
II s'agit de savoir comment ils sont apparus successivement dans le
temps aux autorités espagnoles.
Comment se fait-il que la structure et les mécanismes du groupe
semblent avoir échappéaux aiitorités espagnoles?
Rappelons d'abord un point fondamental - nous allons aborder
maintenant une question qui, nous nous trompons peut-être mais c'est
notre sentiment, est vraiment au cŒur de l'affaire. Le probléme de la
fraude se pose à la fois sur le plan fiscal et sur le plan des devises. Dans
les deux cas, c'est la même difficulté qui apparait: impossibilité d'identi-
fier la véritable structure du groupe, création de dettes en capital
et intérêts d'unemanière tout à fait fictive. aus dépensd'Ebro, trans-30 BARCELOSA TRACTIOS

actions dépourvues de toute authenticité économique; mais il y a
cependant, entre la question fiscale et la question des devises, plusieurs
diLa première - la plus importante - est une différencede principe;
c'est elle qui commande tout le développement historique de l'affaire
de la Uarcèlona Traction. --
En matière d'impôts sur le revenu, c'est1'Etat quiest demandeur; ilse
trouve eu présenced'une apparence; ilcroit que cette apparence cache
peut-êtrequelquechose. Ilais c'esà lui qu'il appartient de prouver que
l'apparence est fausse; et c'est pourquoi les autorités espagnoles n'ont
pas DU effectuer la démonstration. En matière de devises, tout au
cont;aire. les rôles sont renversés:ce n'est plus 1'Etat qui est demandeur,
c'est l'entreprise qui prend l'initiative et sollicite une faveur; c'est elle
qui demande desmoyens de paiement sur l'étranger; et alors c'est
l'administration qui peut lui demander des justifications et, si le de-
mandeur ne donne pas les justifications, l'administration refuse. Et
voilà qu'apparaît le drame du groupe de la Barcelona Traction: il était
admirablement organisé pour l'évasionfiscale et les contrôleurs fiscaux
-nous alions le montrer - se sont toujoursheurtés hce Canada lointain
qui échappait à leur juridiction. Mais lorsqu'il s'agissait de demandes
de devises, toutes les ruses, toutes les falsifications, toutes les com-
binaisons du groupe se retournaient contre lui. Pour obtenir des devises.
ilétaitobligéde démonterun à un tous lesmécanisinesqu'ilavait inveiités
pour réaliser sa fraude fiscale. Cette démonstration le mettait en état
d'accusation devant les autorités espagnoles et il ne pouvait donc pas s'y
soumettre sans courir des risques. Le groupe a donc affrontéce problème
fondamental qui domine toute son histoire à partir de 1931. q" est de
sortir de cette situation tragique où il s'est enfermé lui-mêmeE . t la
tentative - nous le verrons en détail - sera le plan de compromis de
1945. Ilais il n'est pas facile de sortir d'un mensonge qu'on a édifisans
setrahir, sans secouper ct c'est ainsique cette maiimuvre de dégagement
en qooi consistera le plan de compromis de 1945 bchouera et conduira la
Barcelona Traction et son groupe à la catastroplie finale.
De cette différence fondamentale à laquelle nous faisons allusion
découlent toutes les autres. Sur le plan des dates, les problèmes fiscaux
n'existe pas en Espagne, non pas parce qu'il serait une chose récente,
mais parce qu'il n'a commencé à gêner effectivement la Barcelona
Traction qu'A partir de 1931 seulement. Cependant, le point le plus
aigu, apparemment, des difficultésfiscales de la Barcelona se situe entre
1931 et 1934. Aprèscette date, comme nous le montrerons, les difficultés
fiscales sont loin d'êtrerésolues,mais elles passent au second plan; ce
sont les problèmes des devises qui passent au premier plan; mais les
deux dtaient liés et les dirigeants du groupe l'avaient parfaitement
bien compris. Dans une lettre du 13 janvier 1931 (exceptions prélimi-
naires, 1960, vol. II, annexe 61, doc. 26). le représentant local de la
Barcelona Traction, aprks avoir pris connaissance d'un nouvel ordre
royal concernant les transferts, voit tout de suite le risque qui frappe le
comptecourant: ou bien déclarerce compte en assumant tous les risques
et en recevant des devises, ou bien être privéd'un «convenient vehicle
for passing profits».
Un peu plus tard, dans une lettre du 23 mars 1932 (meme recueil,
vol. II, annexe 75. p. 810), le mêmereprésentant local de la Barcelona PLAIDOIRIE DE M. REUTER 3I

Traction, rendant compted'une niission d'inspection dont il vieiit d'être
l'objet de la part des autorités espagnoles, fait allusion à la situation
délicate dans laquclle se trouve la compagnii: au regard des autorités
fiscales,rnas estime finalenient que la source de cette enquête est
relative au transfert. Uii des inspecteurs lui a d'ailleurs déclaré - et
cette phrase doit êtrenotéesi l'on considèresa date - que:

"s'il n'était pas préparé à donner les renseignements demandés,
il ne pouvait espérer que les choses iraient facilement en ce qui
concerne les allocations de devises dans l'avenir a.
Les agents de la Barcelona Traction avaient tout fait raison. Les
conclusions auxquelles arrivaient les autorites espagnoles portaient à
la fois sur les questions fiscales et sur les questioris de change.
Sous le bénéficede ces observations générales,qui doniinent tout ce

que nous aiions dire désormais jusqu'à la fiiltant attendue de cette
plaidoirie, nous diviserons les développements qui vont suivre de la
manière suivante: d'abord les problèmes fiscaux de l'inipos~tion du
groupe de la Barcelona Tractioii; ensuite les démêléd se 1931.1936;
ensuite le ~roblèmedes devises -~- ~ ~IO,a à 10,." et enfin. Aour terminer.
le plan de compromis.
Nous allons donc, Alonsieur le Président, Messieurs les juges, simple-
ment aborder le problèmequi est l'objet denotre premier developpement,
à savoir, les problèmes fiscaux de l'i~npositioiide la société Barcelona
Traction et du groupe de la Barcelona Traction eii Espagne.
Le droit fiscal espagnol du débutdu >;s sièclea ététout entier inspiré
par une pléiade de juges écoiiomistes et de jeuiies penseurs qui ont
essavéde faire du droit fiscal esvamol quelque chose de tr6s moderne.
de frès progressif. Il présente eh effet Ces caractères, avec, peut-être,
ce brin d'irréalismeque certains espagnols croient retrouver dans leurs ,
traditions nationales. &laisces caractères du droit fiscal espagnol font
qu'il est tout entier imprégiiédes principes générauxdu droit fiscal
international, Et ceci nous permettra pratiquement de nous dispenser,
sauf un point ou deux, de présenter A la Cour un exposétrop technique
ou trop ardu. Il suffira de rappeler un certain noinbre de principes
générauxquisont, à l'heure actuelle, la base de toute la fiscalitémoderne;
nous verrons que le droit fiscal espagnol les suit de très prés.
Le principe de base de fiscalité misen cause par la sociétéBarcelona
Tractioii et par le .,oup. de la Barcelona Traction est. tout simplement,
iiripriiiiipc'cl<:tc.rriti>ri.ilitéqui s'21ioricccii I.:ipi<n~..comnie plrtuiil,
il?In iiiiiri6rc siirvniit1.tir~~~iirçioiiiI:tfi~r.ilit6c;l>,igii(<IccJIISlrî
i>roduitj nets obtciiiiscn tcrritoirc ~:si,:txipnr 1'i:serciced'iinc.:r.:ti\.irC
industrielle et commerciale par uRe persôn~ie quelconque; principe
simple, comme toujours en matiére de fiscalité,mais principe d'applica-
tion difficilequi va poser, à propos de la sociétéet à propos du groupe,
deux problèmes qu'il faut bien distinguer soigneusement.
Dans un premier problèine, on prenait en considération la spciété
Barcelona Traction, proprement dite, isoléede tout contexte societaire,
isoléede tout rapport avecd'autres sociétés.On prenait donc la société
Barcelona Traction telle que le groupe cherchait la présenter aux
autorités espagnoles postérieurement, après 1920. Pouvait-on imposer
dans ces conditions la sociétéBarcelona Traction?
Le deuxième problème, tout à fait différent, était de prendre en
considération non pas l'activité externe, individuelle de la société32 BARCELOSA TRACTION
Barcelona Traction, mais deprendre le problèmedans le cadre du groupe,
dans le cadre du contrôle total que la sociétéexerçait sur le groupe.
II fallait alors déduire les conséquences fiscales de ce cotitrôle de la
sociétésur le groupe. Ce deuxième problèmeest tout à fait différentdu
premier. Il est plus intéressant et il nous retiendra plus longuement,
Prenons-les successivement. Pouvait-on considérer que la société
Barcelona Traction. indé~endamment de toute connexion interne avec
des sociétésde son &oup: en Espagne, réalisait des affaires en Espagne?
Ce problème a une grande importance pratique de 1920 à 1946,puisque
la Barcelona Traction se rése entaitainsi aux autorités~e~~a~uio.~- e~ ~
pas autrement. Nous l'examinerons brièvement mais sans nous y attar-
der. mais nous tenons tout desuite. sur ce uoint. à rassurer nos distintniés
coiitradictc.urs;<;Icxsiiiinliiit icttc qucjtion nous ~~'~~iitriiislletGLint
yrL:]ugcrd*: 1;qucstiun de a;i\uir311:~13arcïl<jiia'fr<iitiflitdes :iil:iirça
eii P:A - .!ii.lcl'aiitrcs vuinta dc\WC uuc Ic i)uiiit de \.uL.nsiid.SC>IIS
allons soutenir dans les'pages qui viênnentque droit fiscal et droit
commercial ne sont jamais nécessairement liés. Nousn'entendons nulle-
ment démontrer à priori un point quelconque qui lie ce que nous allons
dire aux problèmes du fond.

[Audiencepubliquedu 12 mars 1964, après-midij

Dlonsieur le Président, bIessieurs les juges, le Gouvernement espagiiol
a consacré une longue note et une importante documentation pour
prouver qu'au sens fiscal du terme la Barcelona Traction faisait des
affaires en Espagne (exceptions préliminaires de 1963, annexe 8, p. 38).
Le Gouvernement belge, au contraire, insiste avec force pour que nous
gardions de la BarceIona Traction l'idée qu'elleest une sociétéholding,
c'est-à-dire, si nous osons nous permettre cette comparaison familière,
que la Barcelona Traction évoquerait un spectacle très français qui se
fait aujourd'hui de plus en plus rare, celui d'une dame d'un certain
âge, assez distinguée, assise dans le sous-sol d'une banque derrière un
vitrage opaque au-dessus duquel ellejette detemps en temps des regards
inquiets et un peu furtifs et munie d'une longue paire de ciseaux elle
découpe des coupons.
Le Gouvernement espagnol pense qu'il faut prendre de la Barcelona
Traction une image plus vigoureuse et, en ce qui concerne l'Espagne,
moitis lointaine. La Barcelona Traction a effectuéen Espagne de nom-
breuses opérations économiques; elle a empmnté, prêté, achetédes
concessions, acheté et rendu des participations, créédes sociétés.Mais
ce qui nous intéresse présentement ce n'est pas d'établir la réalitédes
affaires faites en Espagne par la Barcelona Traction, mais bien d'expli-
quer à la Cour les raisons pour lesquelles les autorités espagnoles ne sont
pas parvenues à faire la preuve de ce fait dans le passé.Ces raisons sont
toujours les mêmes: ellestiennent aux grandes facilités de dissimulation
qu'offrait la structure mémedu groupe en Espagne. Montrons-le briè-
vement.
Au débutde son histoire, et parce qu'elle avait tout d'un coup appliqué
dans des relations internationales une méthode an'elle réservait au ~lan
espagnol, la Barcelona Traction avait commis \ne grosse erre~r;'~ar
un de ces contrats extraordinaires dont ses fondateurs avaient le secret,
elle avait prislle-mémeen Espagne une entreprise en location, en recon- PLAIDOIRIE DE AI.REUTER 33

naissant d'ailleurs dans cet acte qu'de-ménie avait bien son centre
d'exploitation en Espagne. Elle tenia, par la suite, de se dégagerde ce
mauvais pas en transférant la location àune sociététiliale, alors que ses
conseilslÜiavaient indiqué que ce transfert ne suffirait pas à la mettre
sûrement à l'abri de tout risque d'imposition (exceptions préliminaires
de 1963,tome 1, annexe 64, p. 451).
Par la suite. le.Drobièmese ramena. D,.r eue. vu i'imvortance de ses
interventions en Espagne. à avoir sur piace un représentant permanent.
II faudrait d'ailleurs repenser tout ce ~roblème des relations de la
Barcelona Traction aveci'EsoaAnu dans i~-c~ ~e de eéom- - Aécono- ~ ~
mique et de géographiedes transports à l'époquequi se situe entre 1911
et 1~148 et l'on verra alors que cette nécessitépour la Barceloua Traction
étaii 'évidente. Mais il y avait pour elle une solution toute trouvée:
il suffisait qu'un des représentants de la sociétéEbro en Espagne soit
aussi, en fait. un représentant de la SociétéBarcelona Traction; et le
Gouvernement espagnol estime qu'il y eut ainsi, notamment de ~gzj
à 1931. en permanence à Barcelone hl. Y. qui était président de la
Barcelona Traction et occuvait aussi de hautes fonctions à Ebro. Le
Gouvernement belge a souténu qu'au regard du droit canadien il était
impossible que cette personne représeiite la Barcelona Traction; et il
produit à cet effet (obsërvations,annexe 1,app. 3, p. 23)une consultation
juridique d'une personne qu'il considère comme uii jurisconsulte réputé,
ce que nous ne songeons pas du tout à contester; c'est d'ailleurs une
personne qui réunit à la science pure 1'inform:ltion. car il eschair ma?^
de la Barcelona Traction. et depuis un certain temps déjà.
Mais si l'on lit attentivement la consultation, on voit que, dans le
cadre de la Barcelona Traction, le président est chargéde la direction
généraleet de la gestion des affaires de la société,et qu'au surplus il
peut recevoir du conseil toute compétenceparticulière pour représenter
la société.Or, nous savons - et le Gouvernement espagnol croit l'avoir
montré - que M. Y. a reçu, à plusieurs reprises, de telles délégations,
notamment pour des objets permanents concernant les titres de la
Barcelona Traction en pesetas émis à l'intention du public espagnol.
Au surplus, la question n'est pas là du tout; la question n'est pas de
savoir si, en droit canadien, le ckairmn~t peut recevoir une délégation;
la question est de savoir si, eii droit espagnol, en droit fiscal espagnol.
cette personne a représenté en /nit la Barcelona Traction. Cela suliit
au point de vue du droit fiscal,car, suivant une règlegénéralesur laquelle
nous allons encore revenir dans un instant, les définitions fiscales se

des qualifications légalesdedroit privéet surtoiit dedroit privéétranger.à

cette situation de fait? Il aurait fallu qu'elles soient,u àrl'époque, en

possession de toute la correspondance que nous pouvons consulter
aujourd'hui. Elles auraient vu alors, par esemple, toutes les difficultés
qui s'élevaient entre la Barcelona Traction et ses banquiers espagnols.
Pour essayer d'éviter que ses banquiers ne soient ses représentants, la
Barcelona Traction a voulu imposer à ses banquiers toutes sortes de
fonctions qui sortaient du cadre normal de la profession bancaire et
contre lesquelles ces banquiers s'insur ent Par ailleurs, on verrait que
pour toutes ses relations bancaires la garcélon;rTraction a un représen-
tant à Barcelone, qui est ce M. Y.; c'est lui qui donne des instructions,
c'est lui qui contrôle l'exécution au nom de la Barcelona Traction. 34 BARCELONA TRACTIOS

Seulement voilà: les banquiers de Catalogne ne sont pas très faciles à
nianier; ils ont notamment la fâcheuse habitude d'appeler les choses
par leur nom. Et oii voit dans la correspondance que les représentants
de la Barcelona Traction pestent contre la manière de s'exprimer des
banquiers (the phruseologyof the S$anish bankers) qui emploient tout
le temps des termes très dangereux; on voit par exemple qu'ils se mettent
à envoyer le courrier à la Barcelona Traction en mettant comme adresse
iiBarcelone ». Alors on va leur faire la leson et on essaie, par exemple,

de bien leur expliquer comment ils doivent désigner LI.Y., et on a trouvé
le titre: ((représentant privéde la.Barcelona Traction in.
&lerveilleux pouvoir d'un adjectif! Nous avoiis vu que les sociétés
anonymes ont une vocation à la maternité et, par une parthénogenèse
qui ne va pas sans certains accidents, elles engendrent des filles; est-ce
que c'est suffisant pour dire qu'elles ont une vie privée et qiie cette vie
L;ri\.>~IICri.g.ir<l~LS Ic; :tiitu;it&s ~~ubliqucs,cl siirtuiit p:tslcj ;iiiioritr:i
fi<.i1..> (" *:.%II:Udes :irtiiit.va (Iiç gciirv ~IIC I'UII~>~<liîifortiriir IIIIC
dis;iiiiul:itiun ~2ncr.dc L~~CI~~IOIIS~~r~Iiitii~~.urdce~ it)G?, vol:~ii~iIi~i~r~,
annexe 8, doc.24, 26. j3, 199, etc.]. . -

Les inspecteurs fiscaux avaient bien réuni quelques indices mais pas
davantage, et quand ils eurent la naïveté de poser des questions,
ils recurent des réoonses inexactes ou incom~lètes lexceotions orélimi-
naire; de 1960, tome II, annexe 76. p. 8r3).'11s gaida& d'aifieurs le
sentiment très vif d'rtre dupéset les représentants du Eroupe en Espagne
savaient que les représeniatits du fisc espagnol avGent-ce seiidmënt
(exceptions préliminaires de 1963, vol. auxiliaire, annexe 8, doc. 88,
P. '54):
Voila donc ce que nous dirons simplement sur le prcrnier problème,
c'est-à-dire l'imposition de la société Barcelona Traction prise sous

l'aspect apparent qu'elle s'est donné eii Espagne, c'est-à-dire détachée
de toute relation sociétaire avec d'autres sociétésdu erouue-.
.\l:tiil y;I 111<I~iis~Cni~~~. ioblCine:coiiinieiiSC yrl:s~ntitit l'tri~po;ition
dc 1;i l$.ircei<iii:i'l'r;tctioii eiivii:1i1csciii d~ son çroii~>i:?~:omlllriit
se présente, au point de vue fisc& la situation d'une soiiétémère qui
possède plusieurs sociétésfilles à l'étraiiger? Cominent se présente, d'une
manière plus génér:rle,la situation fiscale d'un groupe iiiternational du
type de celui de la Uarcelona Traction?
Sur ce plan, la réponse est facile; elle tient dans deux remarques:
simplicité des principes, difficulté extrêmede leur application.
Disons quelques mots d'abord des principes. La pratique interna-

tionale communément reçue dans des hypothèses de cegenre a étél'objet
de nombreuses études conduites par des organisatioiis internationales
du temps de la Sociétédes Xations, puis par les Nations Unies, et la
question n'a d'ailleurs pas fait beaucoup de progres depuis la grande
eiiquéte menée sous les auspices de la Sociétédes Nations avec l'aide
de la fondation Rockefeller, enquéte dont les résultats ont fait l'objet
d'une publication intitulée L'imposilio%zdes e?&treprisesétrnngèreset
taliona al es.intérêtsuscité à l'époquepar cette publication avait incité
celui qui parle à écrire, il y a 29 ans, une étude sur l'imposition des
entreprises étrangères, étude marquée de la jeunesse de l'auteur mais

qui constituait sa première rencontre avec la législation espagnole, et
notamment la loi de 1920.
D'après cette pratique internationale, et étant donné l'importance du
prélèvement fiscal,tous les Etats admettent que I'impat sur les bénéfices I'LAIDOIRIE DE 31.REUTER 35
iiidustriels et comnierciaux doit se modeler sur la réalité écononiioue

des entreprises et non pas sur des combitirrisoiis fornielles extérieuAs;
ceci revientà dire uu'eii droit fiscal les règles du droit civil commun iie
s'appliquent pas.~f l'on sait q1iecette co;ception a reçu uiie expression
doctrinale et systématique ùam l'Œuvre dc çertairis graiids spécialistes,
i>arexemole le urofesseur Criziotti ou le doven Louis Trotabas. Tous les
pays ont'donc; en ce qui coiicerne les g;iupes, posé des règles pour
em1)êclierprécisément un transfert de bénéhcçsqui, si on le laissait
joucr, conduirait à vider des entreprises de toute-leur substance éco-
~~~i~=~~.
Pour énoncer ces règlcs, revenons à l'hypothèse initiale élémentaire,
celle d'une société A a l'étranger, contrô1;rnt à roo % une société B
sur le territoire iiational. On peut alors dégager trois règles, qui sont
essentiellement les suivailtes.
La première règleest toute simple et lie nous retiendra pas longtemps.
Selonelle, toute sociétéqui est filiale d'une société situéeàl'étranger
doit le faire connaître aux autorités fiscales ou ail moins ne pas le dissi-
muler et surtout ne procéder à aucune inancetivre ayant pour objet de
travestir la situation. Toutes les infractions à ces préceptes sont &idem-
ineiit des infractions fiscales graves.

La deu~ième règle concerne le redevable de l'impôt: la détermination
de la personne qui doit l'iinp0t. liappelons notre hypothèse: une société
filialeB sur le territoire n.ational; une sociétéinèrA sur un territoire
étranger. Si c'est 1'Etat national qui impose celui sur le territoire duquel
se trouve la filiale, il est normal que le redevable dc l'impôt soit lB.filiale
Ceperidant, et c'est ce qui est particulièremeiit iiitéressant, la pratique
internationale admet que I'lStat, au lieu de corisidérer comme redevable
la société filialequi est sur son territoire, considère comme redevable la
société mèrequi se trouve à l'étranger et l'impose de préférenceà la
sociéténationale. La persoiine aiiisi retenue an point de vue fiscal dans
ce dernier cas sera la sociétéqui, donc en fait, dirige et qui fait les béné-
fices.L'Etat aui ininose considérera aue la sociétéa fait des affaires sur

mettra alors. suivant la terminoloeie recuë. cilie fa société A ~ossède
un établissement yerrn:iiient sur leuterritoire iiationaEt cet établisse-
ment permanent, c'est tout sirn~lement la société B. La iustificritioii
juridique, au point de vue purekent fiscal, de cette analysé varie d'un
pays à l'autre. Chacuii puise dans le trésor de théories juridiques qui est

plus familier à ses juristes nationaux. Dans les pays anglo-saxons on
considérera volontiers oue la société B. celle nui est sur le territoire
iiational, qui est la fiiiRie d'une société'étr:ing&e,est un représentant
de la société A; et on remoiite du représentarit nit représenté.Dans les
pays germaniques on considère que 1; société1:, I:Lfiliale, est un organe
de la sociétéA. Cette dernière, la sociétéA, sera donc imposéeau nom
de la r6alité organique du groiipe. On considkrera que c'est la société
qui contrôle le tout, coinme disent les Alleinands la sociCtéqui est iin
toit (la Dachgesellschuft),qui a les autres soi:iéléscomme organes. C'est
la théorie bien connue en droit fiscal allemand de l'Organsclia/t.
Et l'on pourrait citer bien d'autres théories fiscales. Nous insistons
simplement sur un dernier point; c'est que ces théories jouent quand la
société filialea fait connaitre Ics liens qui l'unisseàtla société mère.
Alaissi elle ne les a pas fait connaitre et si elle a cherchéà les dissimuler, BARCELONA TRrlCTIOX
36

des sanctioiis bien plus graves que la nullité ou que l'iiiexiste6ce. En
effet, les mécanismes qui sont le fruit de la simulation, y compris la
personnalité mêmedes sociétés,sont opposables à leurs auteurs, mais
ceux-ci ne peuvent les invoquer à leur profit.
La troisieme règle est relative cette fois, iion pas au redevable de
l'impôt, mais à l'assiette de l'impôt. Sur quelles bases va-t-on calculer
l'impôt? Eh bien! ily a plusieurs solutions qui soiit possibles et prati-
quées. Lesautorités fiscaies peuvent, bien entendu, apporter àla comp-
tabilité des deux sociétés ~es~ ~ ~fications aui ont vour obiet de corrieer
lç; trsiiiloriii.~tioiii ilc \.*!cCL.'cu~lii>t:d~il~ont ~rtih~i<;l!L.ii~<;nl
iri: ll~ii on ,>eut aujii yrocÇdcr iruticiiicel.nous rxppcluiis
ce svstème Darce aue nous alloni le trouver en droit es~aenol. On Deut
dirgceci: 12 auto;ités fiscalesfont une masse. une ma&e>ommuné des
bénéfices des deux sociétés.Puis. ayant fait cette masse commune, elles
la répartissent entre les deux io;étés, quand il n'y en a que deux,
d'après une fraction qu'il faut évidemment déterminer avec un certain
arbitraire mais qui est censéereprésenter l'importance productive écono-
mique relative des deux sociétés.Il y a encore d'autres procédés, mais
ceux-ci nous font sortir du mécanisme de l'impôt sur le revenu. Ils
consistent tout simplement à fixer un impôt forfaitaire pour les filiales
sur la base des bénéficesfaits par d'autres entreprises du mêmegenre,
mais iiidépeiidantes, ou bien sur la base du capital ou sur la base du
chiffre d'affaires.
Voilà ce que l'on peut dire sur les principes. Ils sont simples; mais ils
sont d'une application extrêmement difficile. Non pas seulement parce
qu'ils impliquent des calculs, des répartitions, des ventilations, mais ils
sont difficileà appliquer surtout si l'on considère le principe qui les
conditionne. Ce principe c'est la participatioà ~oo % au capital d'une
société.C'est une chose extrêmement difficile qiie de prouver qu'une
sociétéest filiale ~oo %. Et c'est encore plus difficiàeprouver quand
on s'ingénie à le dissimuler. Devant un tribunal grec de l'Antiquité, un
plaideur, pour mieux convaincre ses juges, laissa tomber tous ses voiles;
le geste de cette trop aimable personne a peu de chances de servir de
précédent enmatière de sociétésde capitaux, qu'il s'agisse d'un débat
devant les autorités fiscales ou qu'il s'agisse d'un débat devant un
tribunal. La Cour aura trop l'occasion d'entendre des bouches plus
autoriséesque la mienne débattre de ces problèmes devant elle à propos
d'autres élémentsde ce procès pour qu'il soit nécessaire que nous in-
sistions sur ce point.
Nous voudrions encore ajouter une remarque, une seule, en ce qui
concerne les principes et cette remarque a, nous le pensons, une certaine
importance pratique.
Jusqu'à présent, nous avons raisonné sur le cas d'un groupe qui est
fondé sur un contrôle à ~oo % parce que c'est le cas du groupe de la
Barcelona Traction. Mais, bien entendu, il peut y avoir des groupes
fondés sur un contrôle différent et où la société mère possède,par
exemple. entre 25 et 75% du capital social. Dans ce cas, il peut aussi y
avoir une transfusion comptable des bénéfices.La sociétémère peut
parfaitement employer le contrôle qu'elle possède pour dépouillerune
filiale dont elle ne possèdepas mêmesouvent la moitié du capital social.
Bien entendu, cet acte est beaucoup plus grave que précédemmentparce PLAIDOIRIE DE 11. REUTER 37
que ce ne sont plus seulenieiit les droits du fisc qui sont lésés,mais ce
sont les droits des actionnaires qui ne participent pas au contrôle et qui
se voient dépouillésainsi d'un des droits fondamentaux qu'ils tiennent
de leur aartici~ation à la société filiale.Jlais dans ce cas. évidemment.
les droit'sdih;i:seruiit bcniicoiip plus IimitCjIIaura le dr&t de proc~de;
i certaines rc<:tiiic;ilionscomvtnule~. mais il 1i'aiir.ip;sle droit d'irn-
poser la société mère au lieu de la sociétéfiliaie par exemple.
Ceci simplement pour dire que les autorités fiscales ont un intérêt
évidenti prouver qu'une filiale est une filialeà zoo %. Mais cette preuve
est très difficile; on veut bien avoir quelques indices d'un contrôle sur
une société, maisla preuve que toutes les actioris sont dans les mains
d'une autre société est unevéritable probatio diabolica et, en dehors de
circonstances hasardeuses et heureuses, elle est généralement impoçsible.
Et tout ceci alors nous explique la situation eii Espagne. D'aprèsce que
nous venons de dire, I'Etat espagnol, certainement, aurait dû imposer
en Es~2e%, la Barcelona Traction. en considérant les sociétésoui se
trouvaient sur le territoire espagnol comme des organes ou comme des
re~résentants de la Barcelona Traction. Mais il n'a iamais DU le faire
p;is<lu'il n'a jamais pu prouver, précisément,ce con{rôle qu'il ignorait
et qu'on avait tout fait pour lui cacher. II se trouvait donc reduit à
envisager l'imposition de I'Ebro. Alais là, il rencontrait un nouveau
problème: nous avons dit, au début de cette plaidoirie, qu'il y avait en
quelque sorte deux sociétésEbro et en effet, il y avait bien en Espagne
une exploitation visible que le fisc espagnol constatait, mais au sein
de la même société Ebro il y avait - disait-on - d'autres entités. II y
avait un si&gesocial et il y avait même,d'aprèsce que l'on disait. pour
Ebro, d'autres installations, d'autres centres producteurs qu'en Espagne.
I'ar conséquent, c'estun point qu'il faut liieii comprendre, le problème
que nous avons essavéd'expliauer à la Cour des relations entre la société
Aère et la sociétéfiliale Gut'se poser au sein d'une sociétéilnique à
partir du moment où, économiquement, on individualise les différents
centres de production.
Quelleétaitalors à cet égardla position dii systeme espagnol? Eh bien!
avant 1920, l'Espagne appliquait une règle très simple: dans le cas
d'Ebro, elle acce~tait de considérerque les affaires d'Ebro en Espagne
étaient une succursale fermée,-cpi constituait un monde
qui avait sa comptabilité propre, et elle imposait ainsi Ebro uniquement
sur ce qui était saisissable par le fiscespagnol. Cette solutiori faisait très
bien l'affairedes dirigeants du groupeparce que, par définition,l'Espagne
se retirait tout droit de regard sur I'ensemhle de la sociétéet que par
conséouent les droits du fisc se trouvaient liniités. Bien entendu. Dour
t~iitc;tte solutii,n soit ;ipplicnblcilfnlkiit dire iiinis on nc s'en I)ri\,n~r
pn~.qi~'Iil>ro :,\.:ldes nilaircs alllci~ri<li~'Eis1)3çnc
l'uis <:srintcrvclii~eIn loi du20 avril rozo. crttc loi Jont noi1.i;ivoiii
déjà dit les effets cataçtrophhues su; l'a structure générale du
groupe. Cette loi ajoute un autre malheur pour le groupe à celui que
nous avons exposé. Désormaisles Espagnols se rallient an système que
nous exposions tout à l'heure et qui consiste à faire masse de tous les.
résultats: des résultats de l'exploitation en Espagne, des résultats de
l'exploitation en dehors de l'Espagne; et par conséquent, en principe,
le fisc espagnol se donne un droit de regard sur toute l'affaire Ebro.
Seulement, pour déterminer une fraction qui sera imposable seulement
en Espagne, la loi espagnole organise la consultation d'un organisme38 BARCELONA TRACTIOK

indépendant, le jury des utilités, qui coinporte parini ses membres des
personnalit6s de l'industrie; ce jury. lorsqu'on lui donne le dossier d'une
affaire, détermine iin pourceniagi qui doit être appliqué à la masse
globale pour déterminer ce qui est imposable en Espagne. C'est ce
pourcentage, qn'en espagnol on appelle cifrarelntiun(perce~iluge fi~rizover),

qui va déterminer les droits d'iriiposition du fisc espagnol.
Mais cette réforme est pour le groupe une cause dc graiid ~ouci. Et
voici pourquoi: ce n'est pas pour kaquestion du volume de l'imposition;
nous :rvons moiitré qu'Ebro ne doit pas faire de bénéficeet Ebro en fait,
en fat, ertrêmemciit peu; il y a juste l'excédent de scs bénétices, ce
qu'on n'arrive pas à distribuer sous forme d'intérêts et qui prend la
forme d'un bénéfice.Ce n'est donc pas pour la question quantitative,
mais c'est pour la question de principe. Depuis la loi de igzo, tliéorique-
ment, le fisc espagnol a un droit de regard sur toute l'affaire Ebro et,

par conséquent, il va pouvoir se rendre compte des liens intimes qui
unissent Ebro au reste du groupe et le jour où le fiscespqnol s'en rendra
conipte, il va en tirer des conséquences redoutables. C'est pour cela
aussi qu'il faut faire machine arrihre et un des motifs de I:Lcréation
d'International Utilities a étéilon seulement d'éviter l'imposition des
iiitérèts,comme nous l'ex~liauions ce matin. mais demettre un écranaui
fasse lorsque le fiscest ceRséavoir sous ses yeux tolite l'affaire d'~b;o,
il ne rencontre nulle part le nom de la Barcelona Traction.
La situation »ratiÜue était donc la suivante et c'est là one l'on voit
~ ~ -~~
combien, en mitière kscale, il y a un écart entre les théoriques
et leur application. Ebro soutient qu'une partie de ses affaires se trouve
à l'étranger. Il y a rin &fi-e social au Canada, il y a un bureau à Londres.
En réalité,toutes les affaires sont en Espagnc. Mais Ebro n'arrive même
11asà justifier ses affirmations et devant le iurv des utilités. on lui
applique un pourcentage d'imposition en Espagne: très élevé; maisc'est
indifférent à Ebro puisqii'en fait, pratiquement, il n'y a pas de bénéfice.
Le principe est sauf et le groupe trou\redans cette sit;at;on une certaine

garantie. Par ailleurs, il devrait y avoir une vraie comptabilité d'Ebro
et on pourrait concevoir qu'il y ait une copie decette vraie comptahilit6
ailleurs. Mais en réalitéil y a deux comptabilit<ls. II y en a une en
Espagne et il y cn a une au Canada. Et on essaye d'ajuster les compta-
bilités, mais celle d'Espagn. ~st réduite au strict minimuni prévu
par la loi.
I>'nutrcp:irr, ilPaiitbien s'eiitcndicFII~~Cie11sdu iernic cccoinlit:il>ili.>;
ce sunt iin vcrtniii nonibre dc li\.r~.s111:ti. ii:~nd ICSautoritCs fisc;ilt:s
vont vcriir i I3arcelorii:1:t<I<rm:rridcàr I?l~rudes iiiitific:itioiis soiiii.rrinnt
des actes importants de la société,les actes son; en fait là, à Barcelone,

mais on dira qu'on ne les connaît pas ou qu'ils sont au Canada. De telle
sorte qu'en réalitéles autorités fiscales espagnoles ne se trouvent qu'en
présence d'éléments insuffisantset ceci est tellement vrai que la procédure
devant la Cour a permis de citer des documents qui ont de l'intérêtpolir
le Gouvernement espagnol en ce qui concerne Ebro, par exemple, et, bien
entendu, le Gou\rernement espagnol n'a jamais eu connaissance de ces
documents. Il ne les a pas trouvés dans les archives parce qu'on les a fait
disparaître et qu'il n'y avait pas, officiellement, au regard du fiscespagnol,

à Barcelone, l'ensemble des piécesadministratives concernant Ebro.
Ceci alors aboutit à des résultats assez extraordinaires. En 10,.. les
:igents rliigruiipc ont di1t~iitr,.l~rc.ndrcertaines Crodcs polir voir iiiipeu
<I:ins<~ii<llinrîiirc - noiij \.errons dans quelle; circonjt:~iices - ils ne PLAIDOIRIE DE hl. REUTER 39
devraient pas enfin satisfaire aux demandes des autorités espagnoles:
bien entendu. ils n'étaient décidés à y satisfaire que s'ils pouvaient
présenterdes papiers et des piècescomptables quiétaient en ordre. II y a
donc eu une sorte de toilette réala ableet on a notamment comuaré les
deux comptabilités: la canaâienne et l'espagnole, et on s'est' trouvé
devant des résultats ahurissants (esceptioiis préliniiiiaires, rq67,. an-
-,A -,.,
Les circonstances étaientsuffisamment graves pour que l'on fasse venir
du Canada le secrétaire de la Barcelona Tr:rction et des experts. Ces
personnes ont séjourné àBarcelone du jau II avril 1947et ont constaté,
par exemple, un écartde prèsde 9 millions de dollars entre les écritures
canadiennes et les écrituresespagnoles. Si I'onseréfèreau document que
nous venons d'indiquer, on voit que les experts se rendent parfaitement
compte de l'origine de cette différence.Seulement voilà, la comptabilité
la plus juste, pour une fois, c'est cellede Toronto et si l'onlait ajuster
cellede Barcelone, ilfaudrait procéder à une nouvelle inscription compta-
ble et, comme à ce moment-là déjà et toujours, il y a des problèmes
fiscaux et des problèmes de devises.
Les experts et le secrétaire de la Barcelona Traction ont conclu qu'il
valait mieux laisser les clioses en l'état <ijusqu'k une occasion propice
pour un ajustement » (exceptions prélimin;iir<:s,960, annexes, vol. II,
p. 946). Remarque particulièrement grave et dont nous verrons tout le
sens lorsque nous seronsarrivés à cette époque.
En bref, I'Etat espagnol était une fois de plus et toujours dupé et
trompé.
SiI'onveut d'ailleurs savoircomment se passent lesinspections fiscales;
si l'on veut se rendre compte d'une façon concrète de la manihre dont les
malheureiix inspecteurs espagnols ont essayédefaire ce qii'ils pouvaient,
on n'a qu'à se reporter, par exemple, à une longiie note du z avril 1928
élaboréepar les services d'Ebro pour relater comment s'est déroulée
une enquête.L'enquétea portésurlesactivitésd'Ebro pendant lesannées
1920 1926 (exceptions préliminaires, 1963, annexe 64, doc. 6, p. 482).
A ~remière lecture. on uourrait oenser au'il s'aeit là d'un de ces
documents quelconques, c&me la'cour e5i: certahement lasse d'en
entendre citer, mais c'est tout de même lin document exceptionnel parce
qu'il nous montre parfaitement la réalité vue en Espigne. Il-nous
montre d'abord que les inspecteurs espagnols ne sont pas dupes. Quelle
a ététout de suite leur premièreaffirniation? Ils ont déclaré qu'ilsétaient
convaincus que la Barcelona Traction avait toutes sesaffairesen Espagne,
de mêmequ'Ebro et qu'International Utilities est une filiale de la
Barcelona Traction qui sert à dissimider les interventions de celle-ci.
Ce sont lesdéclarations des agents de la compagnie qui rapportent
cette position des inspecteurs. Ils ont donc dû, une fois de pliis, prendre
position vis-&vis d'eux et, bien entendu, nier les faits. Ils n'ont reconnu
aucun de ces points. Ils ont adopté une tactique et c'est vraiment
une chose extraordinaire de voir que l'homme ne peut pas s'abstenir de
faire des systèmes - c'est une consolation Iioiir les juristes lorsqu'ils
s'interrogent sur leur propre art - car ce service qui est le service juri-
dique et comptable expose dans sa lettre quels sont les principes - ces
principes sont numérotés - qu'il faut observer lorsqu'on reçoit une
visite fiscale.
Nous allons les lire à la Cour, non pas du tout pour y voir la preuve,
une fois de plus, de fraude, la chose est acquise pour nous, mais pour4" BARCELONA TRACTION
montrer qu'il y avait une doctrine - il n'y pas d'autre mot - et c'est
cette doctrine qui explique toute l'histoire de la Barcelona Traction.
Nous allons lire lentement les principes, mais il en a sur lesquels nous
reviendrons plus tard; ce n'était pas le hasard qui a dictél'attitude du
groupe de la Barcelona Traction mais une conception raisonnée, sjfsté-
matique qui avait reçu le bénéticede l'expérienceet qui avait fait ses
preuves. L'est donc un véritable règlement.
Quels sont ces principes? Nous dons les lire, en faisant une citation
qui comporte simplenient, par rapport au texte original, un léger,très
léger raccourcissement.
«Premier principe: Fournir le moins possible de renseignements
et de documents afin d'éviterque les inspecteurs puissent connaître
à fond les rapports entre Ebro, International Utilities et Barcelona
Tractioii.
Deuxième principe: Chercher à éviter la discussion en bloc afin
de pouvoir persuader les inspecteurs de la légalitéde chacune des
opérations réalisées.
Troisième ~rinci~e: Rendre la discussion la ~lus lente ~ossibie
[les discussiois avéc les inspecteurs ont duré >inq mois environ
pendant lesquels se sont tenues trois et quatre séances journelle-
ment].
Quatrième principe: Attirer l'attention des inspecteurs sur des
questions secondaires afin d'écarter la discussion des questions qui
~ourraient être~lus essentielles.
Cinquieme pRncipe [c'est le principe le plus intéressant]: Ne
fournir aucun document sauf dans les cas absolument nécessaireset
à titre confidentiel de façon qu'on ne puisse en faire mention au
moment de rédigeri'acte. i,
C'est là un principe très important parce que nous en verrons une
application de qualité, plus tard. D'ailleurs l'auteur de la note est
modeste; ilpourrait ajouterun sixiemeprincipe qui apparaîtdans la suite
de la lettre et que nous formulerions ainsi: Donner raison aux inspecteiirs
sur quelques points secondaires,
On voit aussi, dans la suite de ce rapport, que les agents ont écartéla
communication à l'inspection fiscale de l'accord du 29 novembre 1926
entre Ebro et Barcelona Traction et ils exoliauent avec des détails
auxquels il vaut la peine de sereporter, quelleon;équence trks dangereu-
se cela aurait eu pour la çociktéde communiquer cet accord. On voit
ainsi qu'aprks leurs cinq mois d'inspection, 16s inspectas s'en vont,
peut-être, pense-t-on, tout heureux, parce qu'ils ont fait deux petites
corrections sur des stocks de charbon; c'est du moins ce que dit la lettre
qui est un chant de triomphe. Mais,en réalité,quand on voit le probleme
de l'autre côté,on voit que l'administrationse rend parfaitement compte
que l'onsemoque d'elle,qu'elleest dupéeet elleva réagirplus vigoureuse-
ment et ce sera la crise de 1931 à 1936.

[Audieltce pzrbliquedu 13 mars 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs les juges, pour tenir compte du
désir exprimé par la Cour', nous allons raccourcir considérablement

Voir proces-verbauxp.xix. PLA1I)OIRIE DE M. REUTER 4I
les explications finales que nous lui devons et nous nous limiterons
aux asvects aui. commenous l'avionsdéclaréail débutdenotre vlaidoirie.
unr d~.?r:iPYXrrjsoitn\t:cle5L.SC~I)IIOp Irliniinair~~,riuramm>nr :iet4.,
soiravec IL.droit i~ilr~\.ciidiqiiI'l?t:c~u;wi101de c~ii~iclCrcsrlesiiiin-
portements du de la narcelona TkaCtion lui permettent encore
d'êtrel'objet d'une protection diplomatique de la part du Gouvernement
belge. A ce titre, dans la penséedu Gouvernement espagnol, ce sont les
rkgles concernant la qualité du Gouvernemenl. belge pour agir qui sont
mises en cause.
Certes, il eût étépossible de placer beaucoup des développements que
nous avons présentés àla Cour sous le chef d'une exception p'uticulière;
nous avons préféré en faire l'objet d'un développement continu, à cause
des difficultésextrêmesde I'exvosition. Et ie vais en donner immédiate-
ment, avant de rentrer dans laSuite de mo~dévcloppement, un exemple.
Nous allons voir, dans cette partie que nous allons exposer à la Cour, un
exemple de protection diplomatique. Le Gouvernement canadien, par
l'intermédiaire du Gouvernement britannique, a exercé d'une manière
continue la protection diplomatique. Dans-cet exposé,par conséquent.
nous apparierons des iaits q;i soulageront i'expoSé de la' troii
siéme exception; nous noterons également l'absence d'interventions
belges.
Comment se fait-ilque pendant la période quiva de 1920 à 1946jamais
les intérêtsencause ne semblent avoir sollicitéun appuiou une protection
belges? Il y a de cela plusieurs explications: il y en a une qui convient
parfaitement à la ligne de la thèse espagnole,et qui consistà penser que
ces intérêtsn'étaient pas présents; mais il peut y en avoir une autre,
et cette explication est importante. Elle ne résulte que des longs et
pénibles dé\~eloppementsque nous avons dû imposer à la Cour concernant
la dissimulation fondamentale au sein du groupe de la Barcelona Trac-
tion. Tout exercice de la protcction diploniatique surEbro pouvait étre
fait sans difficultépar le Canada, mais,à supposer que des intérêts belges
soient présents dans l'affaire, le déclenchementde la protection diploma-
tique belge n'aurait pu se faire qu'en révélantles liens qui existaient
entre Ebro et la Barcelona Traction. Par conséquent, lorsqu'on se
demande quelle est la portéejuridique de cette abstention belge et qu'on
se pose cettc question dans la ligne de la théscbolge,noiis pensons que les
explications que nous avons soumises à la Cour peuvent Etre prises en
considération.
Et en donnant cet exemple, Jlonsieur le Président, nous nous privons
- mais pour répondre au désirde la Cour - d'un argument qu'il eût
été peut-être plus opportun de placer à un autre moment. Et il y en a
plusieurs du même genre.
Ceci dit, je vais reprendre mon exposé,hlonsieur le Président, en le
raccourcissant le plus possible; non seulement nous aurons fini aujour-
d'hui, mais je ticherai de finiravantla fin dc la journée.Et je vous avais
déclaré, personnellement,que je vous saurais gré,Monsieur le Président,
au nom de la Cour, de medire si j'avais dépasséce qui étaitlicite, ce qui
&tait normal comme exposé des faits; cette demande tient toujours.
Je vais m'efforcer cematin d'êtreaussi bref qiie possible, mais je vous
demanderai de me dire, au débutde la reprise de l'après-midi, sij'ai trahi
les devoirs de ma charge ou si je n'ai pas suivi le désirde la Cour. Nous
ne sommes pas ici, nous les conseils, d'abord aii service des Etats, mais
d'abord au service de la Cour.4" BARCELON.4 TRACTION

I!iicc ~LIIconcvrlic L,C~IIC IIUIIS :i0x1s~pp~ljIcs ~l~iii~~l ~es1931-1<,,ji>,
il filutIlOt~<rslnlliirlni~~lticcl d'aijord llI1c~C~I~IUIIdl1prïinier irrilii~lrc
(IcI:iieuiie I\'cr>iiblio~iecsn;iznol<:.i)reniicr miiiistrcclc~I.iiiniicdj.iiiirrisrrc
social'iste. Il demande uneenquge approfondie sur la situation de la
Barcelona Traction, essentiellement pour des questions de devises mais
aussi pourdes questions fiscales (décisionministérielledu 22 octobre 1931,
exceptions préliminaires, 1963, annexe 64, doc. 6).
Les rapports qui ont ét&soumis à la suite de cette demaiide, malgré
un franqais très rocailleux, sont des docuinents très iiitéressants. Nous
ne les coinmeiiterons mêniepas. Xous allons donner la référericeet la
Cour Dourra 5').reDorter si elle l'estime utile: exce~tions ~réliminaires.
rgio.~vuiiiriic il, nRncï 77, p:rgc S:j
('t:pcii<l:iiiti,ioii, r~.n;irclc\cr iiitoiit pctit point: le Gouvernciiit.nr
k>t.lgccsriinc que cv rsi1qurt II'~ ILL< t.1<lesiiitt:, quejuii:iiircurkic>ir.iit
lu~.tiiCnic..urIL, ~~~ii:Iii.ioii< c:,r,,v,p>rt,cc:i ir'ctLI[FA,l upiiiioiclr I:I
13arct.Ic~ir'.'r:i:ri(~iiirl3;trc~lo1icI,r3.t.rsiLt.,i<:itl(iniiurrc sc~rtini:iir;
voici ce qu'ils disaient:

Cedossier est pour lemoment en arrêt ;mais il se pourrait qu'on
le termine définitivemelit alors qu'on s'y attendra le moins. 1,(Xote
intérieurede service en date du j avril 1935.exceptions préliminaires,
1960, vol. II, annexe 78, p. 835.)

Uii mot maintenant -et nous pensons êtrcici tout à fait daiis la ligne
de la troisième exception -sur un exeniple de protection diplornatique;
nous n'en donnerons pas beaucoup pour ne pas abuser de la patience de
la Cour, mais nous avons déclaré,au début de notre plaidoirie, qu'il y
avait eu une protection ini~iterrompuedu Canada. Xous pensons que la
Cour nous saura gréde nous limiter, mais au moins une fois de nous
justifier.
Voici quelques-unes des piécesque 1'011 peut consulter an sujet decette
intervention britannique au nom du Canada; il s'agit des exceptions
préliminaires,1960,volume II, annexes 84.85, 86, 87,documents II et 12.
C'est d'abord une lettre de l'attaché commercial de l'ambassade de
Grande-Bretagne au directeur d'Ebro en date du ~j décembre 1931. Il
rend compte de ses démarclies,au cours desquelles il a donné /ri11srrpport
(appuitotal) à Ebro; puis une lettre du 18décembrede l'ambassadeur de
Grande-Bretagne à ce mémedirecteur. mentionnant des re~résentations

provoque des instructions à l'ambassadeur de'Grande-Bretagnele 21 octo-
bre 1932 afin qu'il traite des problèmes du groupe avec les autorités
es~aenoles. Les dirigeants du erouoe aui se trouvent à Londres donnent

d'~i11'eurcsomme insructions $en appéler àl'ambassadeur pour toutes les
difficultés, quelles qu'ellessoient.
Lesméthodes ainsi instituéesvont continuer sansarrêt en da nt les an-
nées 1933.1934.193j. La preuve en est dans les comptes ;endus envoyés
par les dirigeants d'Ebro à Barcelone au bureau de Londres; le 27 mars
Ï934, on rapporte ainsi que le conseiller commercid de l'ambassadë reste
en liaison constante avec l'Officedes changes. Dans une lettre du IO dé-
cembre 1934, l'ambassadeur de Grande-Bretagne informe un représen-
tant de la Barcelona Traction à Londres d'une démarcheaccomplie: il a
remis lui-même - l'ambassadeur de Grande-Bretagne - une lettre au PLAIDOIRIE DE hl. REUTER 43

niinistre des Finances. Quant au contenu de la lettre, il n &téarrêté d'un
commun accord avec l'un des conseillersjuridiques du groupe en Espagne.
Tout ceci à propos du problèmedes devises; car, cotiiirienous l'avons dit
hier, l'administration espagnole, parfaitement consciente de l'immense
duperie dont elle était l'objet, s'&taitmise à refuser les devises, et les
interventions ont pour objet de les accorder.
Sur ce que pensait l'administratioii espagnole à l'époque, il faut
consulter les lettres qui émanent des personnes que le groupe de la
Barcelona Traction ;i priees d'intervenir. Une ititervetition fut faite
auprès du gouverneur de la Banque d'Espagne. Celui-ci déclare:
iLa Cariadiense doit donner des éclaircissements sur l'origine et
la nature des obligations financières de la compagnie, avec les
doniiéesdémontrant leur investissement total en Espagne. ii

Et il ajoute:
eAussitôt 4ue lacornoamie aura expliau&et iustific ses demandes

de la situation des marchés. ii(Lettres des O et IS mai 14<-. anneses
So et 82, p. 839 et 841.)
Xous citons égalementles propos d'un avocat - un avocat-conseil - de
la compagnie (annexes SI et 83 de la meme référence);cet avocat dit,
apr&sses interventions:

«Ne marchandez pas les explications ... autrement ni moi ni
personne ne sera capable de vaincre une méfiancequi, dans le fond,
serait juste, et que n'importe qiiel pays aurait dans le cas de l'Es-
pagne. Tel est mon conseil loyal. ii
Au point de vue fiscal, nous n'aurions rien à ajouter; et nons ne le
ferions pas, nous en avons assez parlé,si nous n'avions ici, précisément,
un exemple qui va noils justifier d'avoir - peut-être - abuséde l'atten-
tion de la Cour. En citant cet exemple, nons usons d'un droit de réponse

à l'égardd'un argumeiit du Gonvernenient belge.
En appendice 4 à l'annexe I de ses observations, le Gouvernement
belge cite lin arrêtdu tribunal suprêmedu 28 mai 1934 (p. 26). Il faut se
féliciterde voir le Gouvernement belge citer cet arrêt,qui constitue en
effet un élémentimportant qu'il faut prendre en considération. Faisant
valoir l'autorité etles méritesde ce tribunal espagnol - iine foisn'est pas
coutume - leGouvernement belge voit dans cet arrêtune nouvelle preuve
de l'innocence de ses protégés.Il va mêmejusqn'à dire - et jecite:
<Les instances espagnoles compétentes ont appréciéen pleine
connaissance de cause lasituation fiscale de la Rarcelona Traction
et de son groupe, et ont virtuellement écartéles accusations que le
Gouvernement espagnol formitle devant la Cour. 1)

On ne saurait poser le problème en meilleurs termes: «en pleine con-
naissance de cause ». Mais quelle « pleine connaissance de cause in?La
connaissance de cause nu'onnons dônne maintenant ou hien la connais-
sance de cause qui résuliaitdel'imposture et que l'onfaisait valoir auprès
desautorités espaanoles? Lisons l'arrét : c'est un casrelativement simple,
c'est une affaire remonte à 1920-1921.Ebro verse desintérêtsdeson
compte courant à la Barcelona Traction encore à l'époque. Le fisc44 BARCELONA TRACTION
espagnol a voulu soumettre ces intérêts à un petit impôt, un impôt léger,
quiest un impOtsur les intérêtsL . etribunal suprêmea donne tort au fisc
espagnol au nom de la territorialité de la loi fiscale. Mais le tribunal
suprêmea statué en droit et non sur les faits. Quels étaient les faits qui
avaient étéétablis auprès du tribunal? Ces faits étaient que la société
Ebro n'avait pastoutes ses affairesen Espagne; et voilà déjiune première
dissimulation,mais surtout ces faits étaient qu'Ebro n'était pasla filiale
de laBarcelona Traction parce que siEbroavait étéfilialede la Barcelona
Traction, si on l'avait dit, ce n'est pas cet imp0t-là qui aurait étépayé,
c'est l'impôt bien plus lourd sur les bénéfices.
C'est donc cette deuxième imposture, que nous avons eu tant de peine
à établir devant le tribiinal, qui justifie cet arrêt du tribunal suprême.
Et ce qu'il y a de pluscurieus c'est que si on le lit attentivement, on voit
que le tribuiial fait une allusiori à ces faits. Il suffit de prendre,à la
page 27, geligne, la phrase suivante - je cite:cLa Barcelona Traction
ne participe pas aux béiiéficesque 1'Ebro Irrigation aurait pu obtenir
en Espa~ne. » Ceci est l'inscription dans I'arrétdu tribuiial supréme de
I'inipostÜreet par coiisr:quc.iiicet nrrC.test trri prCcicus. >lais'il proiive
non p.u Inforce Jr I'innoir.ncc,m;us celled~.la dls~imuliltlon.SCUICIIICII~.
on comprendalors, sil'on considèreque l'arrêtest rendu en 1934,combien
cette malheureuse administration fiscale espagnole était gênée dans ses
poursuites.
Nous en avons terminé avec la auestion fiscale.
Sous allons aborder rapideiiicnr ieprohlbm~. des dc\,ises<leit,41>1945.
CeproblCmepuii\.:iit Ctrï :il)ordésoiii bien dc,s.inglvs. si iious avionCU
nliis<letemiii i.t si iioiisii':i\P:Lcritintil<1:ljsil'attention deI:Cotir.
nous auriois montré les relatiois entre ce problème et la quatrièiné
exception; car enfin, dans ces demandes qui ont étéfaites au cours de
cette périodeil v avait l'occasion. si on n'était nassatisfait de l'attitude
de l'administrafion espagnole, d'intenter des recours: mais, comme nous
sommes un peu pressés, nous laisseronsle soin à un autre. plus heureux
que nous, d'exposer la quatrième exception aussi en ce qG concerne le
problème des devises. On aurait pu aussi, à propos de ce problème des
devises, évoquerbien des qiiestions; il y en a une que nous n'aurions pas
evoquéeparce qu'elle se rapproche un peu du fond et qui est la suivante:
c'est que, au moment mêmeoù Ebro faisait ses demandes de devises, les
liquidités étaient minces dans le groupe; au fond, il est absolument
certain qu'Ebro aurait mis sa plus grande satisfaction à obtenir ces devi-
ses, parce que cela permettait pour elle d'être délivrfe de ce mauvais
compte courant oii de ces niiuvaises ohlig:itioiis qui ohs;.dent les
dirigeants d'El>ru.\I:iis. n'obtcnant pns les de\,ises. ils ont proc(àddes
investisseinciit~rt l'idéeest n& <Ice moiiient-lii d;inj Icor esprit qiic,
peut-être,on pouvait tirer un bien du mal, un bien poureus, bienintendu,
en prétextant du non-service des obligations faute de devises pour faire
une de ces opérationsfinancièresdont legroupe avait eu, dans le passé,le
secret. Parmi les demandes de devises adressées à l'administration, il y
en a un premier groupe qui concerne les obligations en livres de 1'Ebro.
Sur celles-li, nous ne dirons rien; on assiste au processus bien connu
maintenant: l'administration n'a pas oublié; lès réqimes changent.
les gouvernements passent, mais I'administration demeure, et elle
oublie rarement; et quand on lui adresse les demandes. une de ses
premières réponsesest de dire, par exemple (22 mai 1940, annexe 91,
P. 894): PLAIDOIRIE DE $1.REUTER 45

uNous avons besoin que vous nous remettiez les docuinents
nécessaires vour coniiaîtÏe les conditions sous lesquelles a été
effectuée 1'éÎnissiondes obligations hypotiiécaires bpu/, dont fait
mention ledit écrit,ainsi que du compte courant avec International
Utilities et les piècesjustiiicati...a

En face l'attitude correspond à la doctrine que iious avons exposée
hier: on répond toujours; on dit toujours quelque chose, mais quelque
chose qui ne correspond bien entendu en rieii à ce que l'on demande.
Une autre demande d'Ebro est plus intéressante, parce qu'elle se
rapporte aux obligations de la Barcelona Traction qui circulent eii
Espagne en pesetas. Ebro deniande à l'administration iiscale espagnole
le droit de payer les coupons en pesetas. Ebro est obligéede faire cette
Espagne, Det que'l'inscription du paiement dts co&ons va se faire au
compte courant avec International Utilities; et c'est Ih d'ailleurs une
instctution tout àfait extraordinaire. car. bien entendu. cctte inscri~tion
va diminuer le solde débiteur d'~6ro =ce compte ciurant qui kt en
dollars; mais ce au'il v avait de scandaleux c'est que les oblieations
payéesen pesetas'avaiént étéinscrites elles aussi à Cecompte courant
en dollars. Que répondI'administration? EUerepond (lettre du 6 septem-
bre 1940, annexe-101, p. 910) en autorisant l'opération, mais à li coii-
dition que l'opération soitinscrite à un nouveau compte provisoire en
pesetas et elle ajoute:

«Nous ne rentrons pas dans I'htude du compte de dollars dont
vous faites mention dans votre susdit écrit, étant donné que ce
compte n'est pas autorisé par cet Institut et la seule nouvelle que
nous avons eue là-dessus a étécelle que vous nous avez fournie
dans votre communication susmentionnée. a
Et, pour qu'il n'y ait aucun doute, quelques jours après, pour ce
seul paragraphe que nous venons de lire, I'administration &rit le 13sep-
tenibre (annexe 103, p. 913) pour reconfirmer le dernier paragraphe;
et dans une autre lettre immédiatement postérieure du z novembre
1940 (annexe 104. p. 914). on voit reparaître le fameux refrain:

uDans votre prochaine réponse, veuillez éclaircir les relations
qui existent entre vous et les deux entiths, Barcelona Traction et
International Utilities, ainsi que la provenance du solde débiteur
de ce dernier compte ..1)
Eh bien! aue devait faire Ebro? Fournir les renseienements. Mais si
oririzIiirrc&,n;.ijjnit p;icccuiiiptc, 1:bro niir.iit ilii f;irc des d~i~i;irches
<.strn~~r<lii?;iiis:comptc Ct:iit \,ital; c'est I'instninicnr p:ir 1i:iliiclse
rL:llisent tiJiites les o~>~rntiuiifinnnci<irds.I<tfuser <le rt:ci>riiinirrcce
conipte, c'était refus& que le groupe existe. Or. qu'est-ce qu'a fait
Ebro? Ebro a attendu, toujours la m&meméthode, en espérant obtenir
un meilleur resultat dans des jours plus favorables.
Nous citons encore à cet égard un autre fait, il est mineur: il s'agit
toujours de ce compte. Après cette lettre que nous venons de citer, le
18 novembre, une nouvelle lettre des autorit& fiscales monétaires est
envoyée,qui porte sur le mêmegenre de paiements, mais pour une autre
période; et cette fois la lettre dit simplemerit: "le montant devant être
imputé à International Utilitiesr Immédiatement Ebro voit qu'il y‘16 BARCELOSA TRACTION

a là une heureuse omissioii et que l'on ~ourrait en conclure m'il s'aeit -
du cuiiiptc CILdblla~set quv ccli;i-ci ik,iic rect~~ii. l;.iiIC'COII~CIIdc
1s ii;ii~~lon:~'l'ractioii cxpii(1uc >cc ii.piLsciit..iiti qiiest ccrt:iii~111~
rïl ii'cat vis Cvidcniiiie~iiIc xiis d~ I'autuiis:itiuii .,s,.or<léc(;inricx,,.lui.
11.919) ei la correspondance ultérieure pour les autres paiemeiits posté-
rieurs (annexes 106 et 109, p. gzr et 922). confirme pleinenient qu'il
s'aeit du cornIIte ~rovisoirc en Desetas. Néanmoins. le Gouvernement
belge, qui ne p'ubl&pas l'autorisation donnéele 6 seitembre et la lettre
du 13 septembre, soutient (mémoire,p. 28. al. -.)qAe les paiements ont
étéréconnus au compte doiiars.
En réalité,on voit bien quelle est la position iles sociétésdu groupe
en Espagne; dès que l'on demande à ces sociétésdes renseignements,
elles rentrent dails l'ombre. Et nous citons encore un autre exemple
parce qu'il se rapporte aussi à la troisième exception, car c'est encore
uii exemple de protection diplomatique britannique. C'est une histoire

de tarifs. Ebro voudrait que les tarifs d'électricitésoient augmentés et
l'administration va lui répondre: il faudra procéder préalablement à un
examen à fond de la situation financière d'Ebro. Exieences bien nor-
males puisque les tarils sont fonction du prix de revient. II suffit de dire
R examen de la situation financière à fond iet Ebro recule dans l'ombre,
malgré la protection diplomatique canadienne exercée en la cir-
constance (exceptions préliminaires, 1963, aiinexe 64, doc. 60 et 62,
p. j3S et 543. et exceptions préliminaires, 1960, annexe 12s. vol. II.
p. 1004).
En réalité,quel était donc vers cette fin de 1944 l'état d'àme des
dirigeants du groupe? Eh hieii! nous avons à ce suiet deux documents
trè<intéressan?s. h'ous n'en dirons presque rien, mais nous allons donner
des référencesà la Cour.
Le premier (exceptions préliininaires, 1960, aiinexe 134. vol. III, p. 6)
émane d'un homme intelligent et généreuxqui ne connait pas tous les
problèmes. C'est un ingénieur et il raisoiiiie sur la réorganisation future
en disant iiu'il faudra atteindre un certain nomhre de résultrrts, ~armi
lesquels nôus en notons uii seul pour gagiier du temps; il ùit:-dans

l'organisation future du groupe il faudra voir clair.
Mais le second est beaucoup plus intéressant. Xous l'avions déjà
cité (exceptioiis préliminaires, ~$3, vol. auxiliaire. annexe 39, doc. 4,
p. 67j). Il s'agit d'un document qui émaned'un homme informé comme
ily en a peu dans le groupe; et il envisage différentes données du pro-
blèmesans oublier laprincipale: Ifacilitating inter-Company adjustments
aiid the püssiiig of profits to tlie Parent Company ». Et c'est pour ce
motif. et sur les iiistances Dressantes du coiiseiller iuridiaue es~aenol.
que l'on décide, dans la réo'rgauisation future que ?on eii;içag/ eï qui
va &tremise en Œuvre, de ne pas toucher à Ebro. Ce rouage du groupe
est tro~ délicat:.on DAut lire iiissi dans ce document d'autres réflexions
qui concernent le rôle de la National Trust Company; mais si la Cour
pense que ce document vaut ln peine, elle s'y reportera.
Et l'on voit alors quel est le problfme du groupe en Espagne. En
apparence il s'agit d'une forteresse puissante, fortifiée par les sécurités
que donne non seulement aux porteurs mais à la com~a~nie la Xational
'l'rusr Cùiiipniiy, doinin& p:ir lin p;filiiet d':,ztion.i énormï. qiic ;cuu qiii
contiblcnt Ic groiil,u it:soiit :iilliig<iii 1~30. IortifiCt:p:ir t~utes jortcs

de mécanismes; et cependant Ce groupéést menacé: Ce groupe est
menacé parce que la canalisatioii qui amenait l'argent jusqu'aii cŒur PLAIDOIRIEDE 31.REUTER 47

est coupée; et que, pour la rétablir, il faut descendre en rase campagiie
et s'expliquer avecl'administration espagnole; et ça, ce n'est pas possible.
De sorte que la seule solution que l'ou envisage est de réglercette dissi-
mulation malheureuse, ce boulet que le groiipe traine 3. l'abri d'une
réormiisatioii d'ensemble. Ihns le cadre d'iirie telle opération cette
-
(]ur.,rii>ii-Pidi~li.ri.tiiri.'diiiiiuii dit cii :~iigl.iij,(l.iIL.ii:iiiv.ii; .irigl:iis
yu: l'oii lxirlc 1.~1sd'.\iigIctcrre, uii Y.I ftiirciiip,zrf!,i;d~c,.I/.
:i I'uii arri\.L:i titr?g.ciiiciit CI'CII,CIII~ 011L.n.i\i.r:~ rlu~~ii Oliiiiiii~r
cc (.OIII~IL i.iirllittL.ILC; ul~liglitiu~i~!~CIIL:IIC I. ..I
lit vuil.'<i..i~LC qiii v:, ;rrt:crip;irric :i1'or-:iiit,111l,l.,Jc ioiiil,ruiiiis
qu'il nous faut aborder maintenait.
Le plan de compromis, en j>ratique, intéresse les exceptions prélimi-
iiairc.; ;uituut sur uii {>uiiii.1):iiis.:t trni;iiiiic. ~x~cl)liuii[~r;Iiiiiiii:iiiç,
uii v:idisiiitcr di.\.siit 1;iCour 1.1<~iicjtiuiidt,1;in.iti~~~i:~Ii(rlïes >u~iCt;s

ct li~qu~;iiuii di .SAXL< \,I:iis~IICIIL n.eslir~:If;droit 11iI~rn:itiu11:d ~1~iiie
actueliement, ou devrait donner, une protection à des intérêtsinclus
dans une société.Or, I'exameii du plan de coriipromis, entre autres, va
mettre en lumière les problèmes qui peuvent résulter 'de l'existence de
sociétésqui entendent se détricher de la forme juridique dans laquelle
elles ont été incorporées, pour aboutir en quelque sorte a des intérèts
purs, détachésde toute forme juridique. C'est la un exemple telleinent
important que, s'il ne iious était pas alloué de l'exposer à la Cour, au
titre de cet exposé préliminaire, sans doute mériterait-il de l'êtreau

titre de la troisième exception.
On note aussi, à propos <luplan de compromis, les atteintes les plus
graves qui aient été apportées à l'ordre juri(1ique espagriol, atteintes
les plus graves à l'égard del'lltat espagnol lui-même,à l'égardde soi1
honorabilité et, ce titre, le Goiivernemeut espagnol pense qu'il a le
droit de l'exposer à la Cour.
Le projet de plan de compromis n'a pas retenu les vastes projets de
réorganisation du groupe auxquels iious faisinris alliision tout ?t l'heure;
il s'est borné à un point trés élémentaireet tnut à fait simple: le rein-

boursement total des obligations de la 13arcelona Traction, oblig t' a ions
en livres et anssi obligations en pesetas, puisque ces obljg t' ions en
pesetas étaient garanties par des obligations en livres à la souche dans
les mains de la \\'estininster Rank.
Avant d'exposer le déroulement mêmedu plan de compromis, il faut
peut-êtreen montrer les problèines. Le premier problème était de savoir
ce Que l'on allait donner aux oblieataires. et c'est ici aile le Gouver-

au; obligataires mais aux tribunaux caiadiens, car le groupe a entendu,
par le plan de compromis, faire comme il l'avait fait dans le pass6 uii
substantiel bénéficeaux dépens des obligataires, et la justification qui
a étédonnéeaux tribunaux canadiens c'~ ~ ~ ~~- ~ ~s du Gouvernement
espagnol de donner des devises. Or, nous l'avons vu mainteriaiit, ce
relus de donner des devises à Ehro résultait tout simplement du refus de
donner des éclaircissements sur certains m6canisÎmes financiers qui
étaient établis en fraude des droits de 1'Etat. On a donc fait subir ?I
1'Etat espagnol la charge d'un acte qui, finalement, s'est ramené à

imposer des sacrifices aux obligataires et on le lui a fait assiimer sur
la base de déclarations inexactes. En effet, si l'on consulte la requête
adressée au Tribunal supréme de l'Ontario, le II juillet1945 (exceptionsqS BARCELOSA TRACTION
préliminaires, 1960, vol. 111,p. 46, annexe 140). on voit qu'oii y déclare
qu'il a étéimpossible d'obtenir des devises et, au paragraphe 7, on dit
- nous citons:

"De l'avis des directeurs et des agents de la compagnie, il n'y
avait pas de perspectives raisonnables, de conditions, qui rendraient
satisfaireàeses dettes ou faire un paiement substantiel.iiur

sur les mécanismes financiers que iioüs avons exposés à la CÔur.'13
dans les explications donnéesaux obligataires, on donnait bien entendu
des commentaires plus étendus; on exposait que l'Espagne n'avait plus
de devises; qu'elle pouvait tout au juste en donner pour les besoins
de première nécessitéE . t en mêmetempson laissait entendre, iious allons
le voir, que cependant 1'Etat espagnol pourrait donner 2.7 millions de
liwes s'il s'agissait de rembourser les obligations!
L'opération ainsi envisagée aux dépens des obligataires était pro-
fitable. Nous ne pouvons pas la chiffrer, et nous renonçons à la chiffrer
parce que, pour la chiffrer, il faut procéder à l'évaluation de la valeur
des actions de la Barcelona Traction et que ceci est une question de
fond: en effet le schémaconsistait à donner une certaine somnie d'areU~t ~
aux obligataires, plus des actions. Maisil n'est pas nécessairede la chiffrer
- encore que le Gouvernement espagnol l'ait fait dans la procédure
écrite - iln'est pas nécessairede ihyffrer le profit parce pourra
se reporter à la lettre du 25 août 194s (exceptions préliminaires. 1960,
vol. II, annexe 122, p. 969) où l'on voit que les auteurs du plan par-
lent de l'immense bénéfice de l'opération.
Une fois déterminéle sort dcs obligataires, il y avait à régler deux
problèmes: il fallait trouver des livres pour rembourser les obligations
en livres et il fallait trouver des pesetas en Espagne, qui devaient être
la contrepartie de ces livres.
Prenons ces deux probl&mes: qui est prêt à donner des livres? En
Espagne, on ne peut en trouver qu'auprès de 1'Etat espagnol. Et,
aprésavoir expliqué aux obligataires et aux tribunaux canadiens que
l'Etat espagnol n'avait pas de livres parce au'il étaitoblieéde les donner
pour lespa?iements les plus courants, on va s'adresser àÏ'~tat espagnol
pour lui demander d'abord. nous le verrons dans un instant, la totalité
du montant des livres nécessaires.
Si maintenant 1'Etat espagnol, tout de même,fait le difficile et ne
veut pas donner des livres, eh bien! il faudra avoir recourà des concours
privés. Il faudra aller cherclier ailleurs. Mais,bien entendu, on y recourra
le moins possible, si possible dans des conditions profitables et. en tout
cas. sans imposer un risque.
En ce qui concerne les pesetas en Espagne, comment les trouver?
L'idéal serait de connaître quelqu'un qui recherche des pesetns en
Espagne, et ce serait par exemple quelqu'un qui a des livres à l'exté-
rieur et qui a besoin de pesetas eii Espagne: on lui offrirait alors des
pesetas mais, pour le séduire,à un cours qui ne serait pas le cours officiel.
mais qui se rapprocherait par exemple du cours qui est pratiqué à
Tanger, de sorte que si cette personne-là existe, elle serait séduite par
l'idéede donner des livres A l'extérieur et de recevoir des pesetas en
Espagne à la condition, encore une fois, qu'elle en reçoive un peu plus PLAIDOIRIE DE hl. REUTER
49
que 1'Etat espagnol ne lui en donnerait par une opération monétaire
réguliére.
Pour offrir des Desetas en Esoaene - nous avons ou> .u'un aui Aa ~ ~
donner des livres et'qui demandePaEne contrepartieen pesetas enEspagne
- il faut avoir ces pesetas à sa disposition. Et laissons absolument de
côté,puisque c'est une question de fÔnd,la qui:stion de savoir si la com-
pagnie avait, en Espagne, les pesetas suffisaiit(:spour payer les revenus.
11est absolument clair. et tout le monde en coiivieiit. au'elle n'avait
pas, en Espagne, une contrepartie en pesetas siifîisante po;r rembourser
toutes ses émissionsen livres. Il fallait donc se procurer des pesetas en
Espagne et, pour cela, il y avait une voie touie normale qÜi était de
placer des obligations dans le public espagnol.
Certes. il v avait déià eu des obliaations en pesetas placéesdans le
~>ubIicp:ir dis snci;.ti.ci1gro111~et, C&~IL. lernppelle lei'IOII\'L'~IICIII~II~
belge. clics étaient I>i~iic~té~i. I'm conséquent, le piiblic ,-spagnol
Ctait rout j. f31tdis~>osC~ .~rtillneiiitiit. i sotiscrlre.
Seulement, comme nous le verrons tout l'heure, par suite des con-
ditions de l'opération, en fait il fallait disposer de tellement de pesetas
que la sociétédu groupe Ebro, qui allait émettre des obligations en
Espagne, allait les émettre avec un escompte c'norme,c'est-à-dire qu'au
lieu de garder tout l'argent, les IOO%,elle allait kmettre dans le public
espagnol pour une somnie considérable d'obligations dont elle ne rece-
vrait qu'une faible fraction, c'est-à-dire environ 60% d'aprèsles chiffres
qui ont étéenvisagés à un certain moment. De sorte que l'on va, dans le
géniedu système, placer sur le marchéespagnol qui, en ce qui concerne
les titres du groupe, a étéjusqu'ici un marché équilibréet sain, des
obligations pour un montant tel que ce sera peut-être la source, plus
tard. de nouvelles difficultés financières~our la sociétéémettrice.
voilà l'esprit généradl e l'opérationqu;était envisagée.Elle demandait,
cette opération. tout de même.un doieté extreme. 11fallait obtenir le
cnii;eii~ciii~~i<tleIn 'I'rc'sorcrieI,ritniiiiiquc int&rc.:nr liiie ,?pl:r;ition
ails51inipurt;iritc sur (lei ritrcs lil~cs.1livres sterling.1:tInl'rl:sorcrie,
à un ceriain moment, ~lus tard. nous le verrons. :iurûit refuséson auto-

Et, non seulement on allait trouver au ceiitrc du plan de compromis,
comme toujours, Ebro, mais un des résultats fondamentaux de l'opéra-
tion avait pour objet de dénouer la situation dificile des mécanismes
d'Ebro: il fallait DurFer le mouDe en Esnaene de ses institutions irré-
gulières et qui étaien<pour Ls dkigeants ;in: cause de souci perpétue!.
Il ne ~ouvait donc êtrequestion de présenter l'opérationaux autorites
es.am-oles dans toute s~simnliuté.~On a donc ëssavé de nrendre des
approches prudentes, lointainés,enveloppante!;, en t&hant,avant tout.
d'obtenir de l'Etat, avant que celui-cine sesoit rendu compte, un propos,
un geste, une promesse l'engage, oumieux encore, qui le cbmpro-
mette de telle manière qu'il ne puisse plus se dégageret que l'on puisse
enfin réaliser le $acha~e deal qui permette de passer l'épongesur les
miracles financiers d'Ebro. Pour convaincre I'Etat, on disposera d'ail-
leurs, comme on va le montrer, de doux et d'amer, et l'on dosera, suivant
les circonstances. et le doux et l'amer.
Avant d'aborder le mécanismede l'opératioii,il faut encore présenter
un nouveau personnaRequ'il sera bon de garder pré-ent àl'esprit chaque
fois que l'on-songera i la troisième exception.j0 BZRCELOSX TRACTlOS
Ce personnage c'est la Compaflia Hispano Americana de Electricidad,
dite Chade.
1.e~uu\.<;rnement esp;ignoi :isoumis sur cettc su21CtL 'llcxpoj,! i
1.tCuiir(C.1j. .llimorrzs, U.~rcslo>ïr,irlio~i,1.ighluil1or;<rCJIII~~,III~,
1-iniiced1, 2b5)On i>ourr~i.p;ile,iiciir;icrcra. iSceptlun p1~Iillli~l;llr~.
1960,annexe 3,tom; 11,page 13j,pièceg et surtout $+ce ~i page 177.
Cette sociétéest une société espagnole,soumise à la loi espagnole, qui
a fait appel à i'épargne espagnole et qui a fait un appel aussi, dans
des circonstances inémorables, à la protectiori diplomatique espa-
gnole. Cependant son président rappelle que la sociétéqui était à son
origine était une sociétécallemande de nom mais internationale de
fait»; la Chade résulta de son émigration en Espagne et de sa trans-
formation.
La Chade avait des relations très étendues avec certaines sociétés
plus ou moins affiliéesau groupe de la Barcelona Traction; pendant la
guerre civile d'Espagne, dans la crainte d'une mesure prise à Madrid,
la Cliade transfère ses avoirs qui sont situésen Argeiitineàune société
luxembourgeoise, la Sodec. Mais le transfert est de courte durée, la
deuxième guerre mondiale suggèreun refuge plus assuréet une émigra-
tion par un boiid ait-dessus de l'océan, à l'anania dans le sein d'une
sociétépanainéenne, la Sovalles, pour parer à une exteiisioii du conflit
européen à tout le continznt. Comme l'Espagne est neutre, et reste
neutre, une certaine hésitation se manifeste peut-être parmi les diri-
geants de la Sov;illes et de la Chade au moment où se posele problème
du plan de compromis. Chade existe toujours à Madrid comme une
sociétéespagnole.
Ilais les dirigeants de Chade se tâtent; ils ont beaucoup de problèmes
à régleravec le Gouvernement espagnol; il y a d'énormes rentréesde
devises dans la sociétéChade; il y a de I'argent à distribuer. Tout cela
juridiquement devrait passer par l'Espagne mais ces dirigeants ne
veulent pas que 1'Etat espagnol ait son mot à dire à ce sujet. II y a
d'autre part des questions fiscalesà régleravec 1'Etat espagnol; il y a
de l'argentà distribuer en Espagne et les dirigeants trouvent mêmeque,
vu le cours de la peseta à Tanger, ce serait un péché - comme on dit
dans les pays latins - que de remettr-e d I'Etat espagiiol les devises
au prix officiel pour en avoir les pesetas dont on a besoin à Madrid.
Aussi, en attendant une occasion favorable, la sociétépaie par des
IncomeBonds, des bol~odserenia,ce qiii retarde le moment de la solution
de ces problèmes. Chade n'est donc pas en ruptun: avec I'Etat espagnol
mais, pas en droit encore mais en fait, Chade est un sac videz en Es-
pagne et on voit alors qu'il y a des motifs excellerits de s'entendre arec
legroupe de la Barcelona Traction. Celane surprendrapas trop, d'ailleiirs,
que l'on s'entende; il y a de bonnes relations entre les deus sociétés,
des dirigeants communs et Chade justement a besoin de pesetas à
Madrid si ses affaires s'arrangent avec I'Etat espagnol et c'est pourquoi
cette Chade va êtrel'élémentcentralpar lequel va êtreengagéle plan de
compromis.
L'opération va démarrer de la manière suivante: au Canada on met
en mouvement les procédures nécessaires;la Barcelona Traction, con-
formément aux lois canadiennes, se déclare en état d'insolvabilité et
fait volontairemeiit la preuve de cette situationon va réunir d'ailleurs
les assemblées d'obligataires selon les dispositions prévues par la loi
canadienne. PLAIDOIRIEDE 31.REUTER 51

En Esmene -n \.a nrocéderà une avvrocheA Lèslente: Dour co.&en-
cer on envoye en écl&reur un certain nombre de banques espagiroles,
mis la Chade va se réveiller de son amarente Iéthar~ie e- va eiitrer en
Eoiitact plus directenient avec les inilceùx officiels.
Les banques espagnoles entreiit cii rïlation avec les autorités espagiio-
les de la manière suivaiite. Elles fout uiie déclaration officielle auprès

de I'lnstitut de la monnaie étrangère pour demander si elles pouvaient
continuer à préparer un plan dont elles ilrdiquaient quelques-uns des
éléinents, eii date du II juin 1945 (exceptions préliniiiiaires, 1960,
tome Ill, annexe 136, p. 23). On dit qu'il s'agit de rembourser les dettes
de la Uarcelona Traction et il faut 3.7 millions de livres sterling. Ces
livres sterling seront fournies par Chade pour I million et par I'lnstitut
espagnol de 1'Etat pour 2,7 millions. Lin million immédiatemciit puis
1,7 million par versements trimestriels.
Quant aux pesetas qui vont être en Espagne la contrepartie de ces
livres, c'est Ebro qui va les fournir eii reinettant à la Chade et aux ban-
ques des obligations en pesetas. Deplus on explique àl'Institut monétaire
que la totalité de la dette sterlirig, en livres, pesant sur I'ir~dustrieblec-
trique en 1Sspagne est éteinte. Quirizc jours après 1'Institut a envoyé

une lettre dont voici la teneur:
iXous avons I'honneiir de vous faire savoir que cet institut
ne voit pas pour le moment et en principe un inconvénient quel-
conque à la réalisation de l'opération. Vous pouvez donc poursuivre
les démarches pertineiites mais qu'il conviendrait de soumettre en
temps voulu le projet définitif aux fiiis d'étude et de décision. 3)

(Vol. Ill des annexes de 1960, annexe 136, p. 26.)
Le Goiivernement belge iiiterprète cettelettre comme une approbation
de principe; le Gouvernement espagnol est d'un autre avis. La préparû-
tion d'un plan de ce genre, si elle n'avait p;is 6té déclarée,était une
contravention à la législation des clianges. Lor-sque des bariqiiiers

préparent des opérations de ce genre, il faut faire une première décla-
ration pour couvrir leur bonne foi et I'iritention de l'Institut étaitclaire
piiisque celui-ci résenrait mêmepour lui le droit d'étudier le projet.
1Cnréalitéce qui est surprenant c'est qu'on nit oséfaire la proposition
qiie nous venons de dire. Qui, en réalité,fournissait les livres? alais pour
2.7 millions c'était 1'Etat espagnol. pureinent 1'Etat espagnol. Et pour
I million c'était la Chade, mais Chade est une société espagnolesoiimise
au droit espagnol, par conséquent c'&ait encore l'économieespagnole
qui fouriiissait les 3,7 millions. 11 avait d'autre part dans l'histoire des
élémentsassez surprenants.
Il'ahord cette opposition subite de Chade qui est une sociétéavec
laqiielle I'Etat espagnol est dans une situatiori difficile. En intervenant
dans cette opération elle met en cause tout son statut, tous ses droits.

Par ailleurs on voit aussi apparaitre Ebro à propos des obligations de la
Barcelona Traction. L'administration espagnole est en éveilsur tout ce
qui concerne les relations entre 1'Ebro et la Barcelona Tractioii: elle sait
bien qu'il y a la quelque chose qui mérite attention.
Par conséquent, il était bien évideiit que l'on allait tout de suite du
côté officiel se poser des qiiestions: le risque d'attirer l'attention de
l'administration espagnole sur les rapports entre 1'Ebro et la BarceIona
Traction avait frappé les gens biens informés <lugroupe de la Barcelona
Traction. Ils l'avaient tellement perçu que, dans une lettre du 22 juin52 BARCELOKA TRACTION
qqj, exceptions préliminaires, 1960, tome II, page 925, document
importait, les comptables, les juristes avaient mis en garde contre une
solution centrée sur Ebro. Ils en proposaient ilne autre parce qu'ils
estimaient que la solution centrée sur Ebro allait attirer l'attention de
I'administratioii sur des questions qui ne sont pas résolues,par exemple

l'ancienne émissionde bons a 50% de leur valeur et surd'autres questions
qui sont précisémentrelatives au mécanisme financier à'Ebro.
Donc, lesgens bien informés,les comptables et les conseillersjuridiques
avaient vu clair. Pour quelle raison ne s'est-on pas rangé à leur avis? Il
ne nous appartient pas de ledire, mais ilest évidentque l'admiiiistration
espagnole va êtreamenée à se poser des questions.
Evidemment il manquait dans cette histoire un maillon. Pourquoi
Ebro et Barcelona Traction? Quels étaient les rapports entre ces deux
sociétés?
Ce qu'on ne disait pas aux autorités espagnoles c'est l'accord que ces
deux sociétésavaient conclu le zo août I94j (annexe 142, exceptions
préliminaires, 1960, tome III, p. 53).,Cet accord est d'ailleurs certaine-
ment raiable au point de vue dii droit canadien mais offre le caractere
piquant d'êtresignépar les msmes personnes agissant simultanément au
nom des deux sociétés.
Que conteii:iiti<:t:rr~:ur<lLL Urircc1uri:iTr:<ctioii:rllait <lijpoilcs
oblifi;iiiunj d'Ebro yu'clli.:iv:~its:lietrcil1i.iitciiipsi mo~~iiJrijju. ,
~lcIciir \.iilc~CI.<II ;i~lall~t.. Ebro JL\.:II~rcilieti IR dia~~o.iit~~dii
la Barcelona ~raction des pesetas en Espagne. Autrement dit, Ebro se
faisait rendre les obligatioiis dont nous avons parlé et payer cette
restitution de sesdettes partiellement fictives par des pesetas en Espagne.
Poui trouver cespesetas on avait décidéque i'Ebro émettrait un emprunt
obligataire de 367 miliions de pesetas.
Mais s~r~c~- .~int~les oremières communications ne disaient rien de
précis, sinonque les banques seraient rembourséesde leurs avances à la
Barcelona Traction Dar des oblieations émisesDar I'Ebro. Ce aue l'on
ne disaitpas non c'estcomment on passait dé367millions de'pesetas
au montant d'obligations en livres qui en était la contrepartie. Certains
documcnts, noil publiés à l'époque, dont le procès-verbal de Chade,
révèlent que Chade comptait acheter des obligations, à 60% pour les
revendre immédiatement aux banquiers à 73% et avoi! donc une assez
jolie comniission. Ceci montre qu'il n'était pas besoin d'une amitié
débordante pour intervenir dans l'affaire (exceptions préliminaires, 1960,
tome III, annexe 144, p. 60).
Mais ce n'étaitlà encore ou'une deséventualitéscar. enfait. l'o~ération
était destinée à dégagerdei disponibilités encore plus importan&s.
Le 14 novembre 1q45 le représentant de la Chade remet à l'administra-
tion espagnole un e~emp1ai;e du plan de compromis et ,cette dernière
va eii apprendre un peu plus. Les 367 millions d'obligations à émettre
par 1'Ebrocorrespondent à 294 millions de pesetas pour l'éqniv;ilentdes
livres et 72 millions pour le remboursement des obligations en pesetas de
la Barcelona Traction, obligations qu'il fallait aussi rembourser comme
nous l'avons dit précédemment.
En donnant ces explications, on est ainsi obligé,pour la première fois,
d'ajouter que lesobligations de 1'Ebrosont dans les mains de laBarcelona
Traction puisque c'est la restitution - partielle - de ces obligations
qui est la contrepartie des pesetas qui seront mises par Ebro à la dispo-
sition de la Barcelona Traction. Puis on ajoute dans la note dont nous PLAIDOIRIE DE 3%. REUTER 53
venons de parler - et c'est la première fois qu'on l'apprend - que ce
qui pèse sur l'économieespagnole ce ne sont pas les obligations de la
Barcelona mais ce sont les dettes de 1'Ebro à l'égardde la Barcelona.
Par conséquent le remboursement des dettes (le la Barcelona Traction
ne faisait pas disparaître tout le montant des dettes de l'Ebro mais
seulement une fraction.
C'était donc reconnaître une fois de olus aile 1'Ebro était au centre
dc Lcrtc :i~:iirc ,;innc.vi:146. 11.117.\,idliiiiiicnt1r.;iiiroiirCC~I>.I~~IOIL.;
troir\.;iiciI~Ldcs suicts d'iiitCrCt LI< ril~iscii pliis~r~ial, et Ii: iiiiiii>trt:
demande des 6claircissements suu~lémentairei et les obtient Dar une
lettre du 6 décembre 1945. ces; ià que i'oii voit se résoudre pénigme
des uarités monétairesdont nous parlions tout :II'lieure. Les1,7 millions
de livres sterling, au cours du change normal, auraient dii cc%espoiidre

à 157.5 millions de pesetas. En y ajoutant les 70 millions d'obligations
en pesetas, cela fait 226 millions. 11restait donc finalement une somme
disponible de 137.8 millions de pesetas et on a expliqué à 1'Etat que l'on
pouvait étudier une formule pour répartir ce boni et que dans ce boni,
si 1'Etat voulait bien I'acceoter. il uourciit v avoir une uart uour lui
(niiricsc 147. p.ij,. Ici Ii:iiiiiiisrrc f.iit i:n.:orc un pl;rh;tc iI~.iii:iiidc
<Icsex~>lic.îrionci<~iiii)l:m~iir;iirt~~le 17 dL:céii.l)rïIc r~prC,viit.~ii.lt1:i
Chadë (annexe 148;~. 76) explique que cette sornme ne pouvait être
répartie, nous citons, asans connaître l'effort et l'apport que chacun
devait réaliser n.On voit bien l'opération: Chade, nous l'avons vu tout
à l'heure, demande quelque chose pour compenser ce sacrificequ'elle fait
en réintégrant en Espagne un petit montant de dc\risecdont elledispose;
mais si 1'Etat esuacnol fait aussi un sacrifice, somme toute on pourra le
traite1 comme uic ;ociétékt on Iii<loiiri<.r;aiussi <~iielqclioiL..'Pcn<l.iiit
cc tcmifi-li I'éplrgnc espnjinole serti iii,,itéc 3 soujcrirr lrs titres inhli-
r;itioiii d'uiie iosiétCoiii tic .;cront couverts mir I'arc-:iil reii~i:i 1:idite
sociétéqu'à concurrence de 60 %.
Le ministre en savait assez et a refusépar une lettre du 18 décembre
1945(annexes au mémoirebelge, tome 1, p. 198).

[A%&diencpsubliquedu 13mars 1964,aprds-midi]

Monsieur le Président, Messieurs les juges, nous comprenons parfaite-
ment les vertus de 12 discrétion et du silence, et nous tenons à nous
soumettre complhtement aux désirsde la Cour. Nous allons donc tenter
de ne prendre la parole que pendant une vingtaine de minutes cet
aprhs-midi, témoignant par là de notre souinission aux vŒux de toute
~ ~ ..ir.
Il nous resteà dire quelques motssnr l'évolutiondu plan de compromis.
Nous l'avons vu échouer soussa oremièreforme Darun refus desautorités
espagnoles,,refii.i qiii :i\$:iit&rék;iillc.nrs ;iccnmp:ignt!IiiI;foriiiulr qiie
nniii connaissons 11iciiniainten:int. Ics ~utoritésespajiriolci ne pourront
donner Iciir conqentenirnr qii';ipr<\s<lesiiiii>rnintionscoml>létcïcoiicer-
nant Ic finnncemcnt et I'irii.eîti;î:nitint rn li.ipajinr. etc. AprC.5divrr;cq
aIt~rnati\'cs CIIICnous p:is;;<iiiîsoiis si1cnq:e.car finnleincnt ellcï tic suiit
p:ic esseiitiellcs. le pl:<n<leinnipromis i.epar;iitrc soiis iine rii>uvclle
fomic: cette fois oii fait iinr proliositinn beaiin:oup plus simple: Cli;idc
et deiix antres socibtésétraric&re; à I'Ccnnomi~e :s~apnolc voiit fournir
toutes les devises, de sorte qÜel'Espagne n'est plÙs'intércsséeque parle plaii de coriipr&mis,reinbourscr Ics obligations en pesetai de la Barce-
lona'ïraction qui circulent enEsyagne. Et, à cepoint-là,la sociétéintéres-
sée - Ebro eiila circonstance- va adresser aux autoritésespagnoles une
demande d'autorisation de procéder à ce remboursemeiit; cette autori-
sation a l'aird'étrevraiment une pure formalité qui ne doit pas soulever
de dificulté. Ebro est une sociétéétrangèredomiciliéeeii Espagne mais
ayant son siège social à l'étranger; elle demande donc la permission à
l'Officedes changes mais elle ne demande aucune devise aux autorités
espagnoles. Par conséquent, la partie essentielle de l'opérationn'engage
pas l'Espagne, et - nous dit-on - on rie comprend pu pourquoi l'Es-
pagne ferait uiie objection: ce serait Ià vraiment une preuve de mauvaise
volontéiiisigiie. Voilà ce qu'expose le mémoirebelge.
3Iais regardons de près un peu comment les choses se pasçent. Les
sociétésqui vont rembourser les obligations de la Barceloiia Traction
vont demander une contrepartie; la Barcelona Traction a justement ce
connaissoiis bien: ce sont les obligations émisespar Ebro-e,les mauvaises
obligations; nous voulons dire par la les obligations que I'Etat espagnol
conteste. Aussi, ces trois sociétésn'entendent par les garder et elles
imaginent que, à peine reçues des mains de la Barcelona, ces obligations
d'Ebro vont êtreI'obiet d'un échaii~e:elles vont rendre ccs mauvaises
obligations à Ebro, ef Ebro va leurYdoniierde nouvelles obligations en
échange,avec un taux d'intérêu t ii Deuréduit; les mauvaises obli-ations
seroncdoiic annulées.
Et alors, pour que cette opérationd'échange soit opposable à 1'Etat
espagnol, pour qu'il ne puisse pas dire que cette opération n'a pas été
faite avec son consentenient, on a uiie idéetrès ingénieuse: onintroduit
dans les nouvelles obligations une clause d'un aspect tout à fait innocent,
tout à fait sympathique et qui est la suivante: les nouvelles sociétés
prévoiront que, le cas échéant - si 1'Etat espagnol l'autorise- elles
pourront effectuer leremboursement des opérationsen pesetas. Pour que
cette clause soit valable, il falit l'autorisation de 1'Etat esp,agnol.Mais on
va venir exposer à i'Etat espagnol que c'est là une mesure pleine de
bienveillaiice, puisque au fond on \,aenvisager à l'avenir, peut-être,de
transformer une dette qui pèserait finalementsur l'économieespagnole -
une dette en livres -en dette en pesetas. Desorte que, lorsqu'on regarde
l'opération - et nous allons lire le teste- les sociétésne s'engagent à
rien: ça se fera ou ça ne se fera pas. Mais eues obtiennent tout de suite
la reconnaissance. La reconnaissance a, dans les affaires privées, une
importaiice aussi grande qu'en droit international. De telle sorte que
toute l'opérationa finalement pour but, par une novrrtioii, de purger les
titres mauvais de leur vice: I'Etat espagnol ayant donné à un moment
sil est ré ouune deusième mesure relative aux oblieations en Desetas deité,
la Bakelona Traction. Leur remboiirsement ne \,>pas se fiire d'une
façon pure et simple: il \'acomporter une contrepartie- une contrepartie
tout innocente -, une annulition en contrepaitie sur le compte pesetas
des arréragesdes mauvaises obligations d'Ebro qiii ne sont pas payés,de
sorte que la aussi 1'Etat espagnol reconnaît à la fois le coiripte avec
International Utilities et les obligations d'Ebro qui se trouvent dans les
mains de la Barcelona Traction. PLAIDOIRIE DE II. REUTER
55
Voilà le texte que nous allons lire du passage de 1:rlettre des intéressés:
c'est l'annexe 155 aux exceptions préliminaires de 1960, a la page 99:

con ne préjuge pas la conversioii des nouvelles obligations de
1'Ebroque les entitésapportaiites recevroiit en oblipations en pesetas.
Cela ~iurra se faire &Ï ne Das se faire dans uiii-&tai>e ulférieure. ~,
mais,'en tout cas, cela néccisitera toujours 1':rutorisat'ionpréalable
du Couverrieme~it espa~nol. La seule cliose qu'on fasse maintenant
est de laisser la porteuverte en établissarit c6nirne nnedes conditions
d'émission des noz~uelleosbligationsEbro, le ,fuitgrrecellds-ciPuissent
étretotalement oie$nrtielleme~ttcoiiucrliesen titres en $esetas, si le
Gotcuernemene tspagnoll'nzrtorise. ii

On voit donc, et pour nous cette constatation a un grand sens, que
non seulement le groupe mais ses sociétés cstérieures,qui venaient avec
leur amitié, étaient parfaitement au couraiit des risques qui étaient
attachés aux obligatioiis. Tout le monde savait prrfaitcment bien qu'il
y avait là un grand danger, que 1'Etat espagiiol n'avait jamais admis
I'opposabilité de ces obligations et que, s'il n'avait pas pu pousser sa
justice plus loin que ce refus de leur opposabilitC, il était parfaitement

conscieiit de ce qiie par Ic jeu de ces ob1ig:ltionsil avait Ctécomplètement
et toujours dupC par Ebro.
C'est tout ce quc nous dirons sur le plari de coinprornis. Nous voudrions
aiouter sim~lcmeiit deux autres indications. sim~lemcnt sous forme de

-
et donner le moins d'iiidications possible.
Tout ce que nous avons dit devant la Cour a surtout étéfondé sur
cette imposturequi a consisté,de 1920 à 1946, à masquer, à cacher autant
que possible les relations entre la Barcelona Tr:rction et Ebro.
Quand cette imposture a-t-elle pris fiii? C'est iin problème qu'il n'est
pas aiséde résoudre. Cependant, nous attiroiisl'attention de la Cour sur
deus lettres aue nous aurions commcntées. ~robableinent à tort. si nous

avions eu le femps.
La première se trolive aux exceptions préliminaires de 1960.volume III,
annexe 161...a.e .,6. L'autre. aui ,e.rouve ~rr;llernentdans le mémoire
bc1.q~.:r ,516rcprodiiitt! p:iIt.3Lcritiir,.~c:sr~~~~~~ ,IX~,:~~vption~pr(.li-
ininairv; de ~GJ,:inrio? 6.1 <,lnciimc:ii55.Ce i.~nttl,:iix Icttrcs &iiiriiniit
II<.I:inii:iiici>ersoiiiie.Ccrit,s le ni?iii,. iour.estiiiiiilettri: a~liniiiistr~-
tive qui comporte désdéveloppeme~ts assez étenclus et qui ii'a pas la
sécheresse d'un document administratif; elle a même pourune part une
forme narrative. L'aiitre est une lettre pcrsonnclle. écrite à un ministre,
et elle est très longue. Ce qui frappe dans ces deux lettres ayant le même
objet, le ton mis à part, c'est qu'elles n'ont pas le niêmecontenu. La
lettre adressée à l'administration, celle qui coiistitiie un document, ne

contient presque rien. Elle n'apporte en tout cas aucune révélation. Mais
il n'en est pas de mêmede celle qui, sous couleiir de lettre personnelle,
est écrite au ministre. Et on ne peut s'empêcheralors de se reporter an
cinquibme conseil que noiis avons ln hier ?Ila Cour et qui se trouve dans
le documcnt des exceptions préliminaires, 1963, annexe 64, document 6,
pape 482.
Il resterait encore qiielcliie chose à dire. Dans quelques secondes notre
voix se sera tue. Et cependant, nous n'avons rien dit car il aurait fallu
se placer dans le cadre de la troisième exception, et savoir qui, finalement,56 BARCELONA TMCTIOX
était responsable à Barcelone au point de vue technique, administratif.
financier et comptable. Le Gouvernement espagnol n'en a jamais été
informé. Si l'on veut savoir pourquoi il n'en a jamais étéiiiformé,on
pourra consulter - c'est une toute petite parenthèse d'un premier
paragraphe - la note du 13août 1931 aux annexes 1960, tome II, page
849. Maintenant si on vent savoir qui était responsable, il suffira de se
reporter à l'un des mémoiresbelges, mais spécialement au premier, qui
contient un paragraphe 29, page 39l, dont le texte mérite de longues
méditations si on le rapproche de tout ce que rious avons dit jusqu'à
présent.
Monsieur le Président, je remercie profondément la Cour de son atten-
tion et de sa patience.

' C.I.J. Afdmoives. Barcelona Traction. LighPower Company, Limifed. PLAIDOIRIEDE M. CASTRO-RIAL
AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audience publiquedu 13 mars 1964 .près-ntidij

Illoiisieurle Président, hlessieurs de la Cour, il nous faut donc mainte-
nant procéder àun bref exposé desinterventionsdiplomatiques survenues
au lendemain de la faillit;
Elles ont été fortnombreuses et émanentd'un groupe assez,important
d'Etats, avec, en tête,le Canada, puis l'Angleterre, la Belgique et les
Etats-Unis. Chronologiquement on discerne sans peine une coupure en
deux périodes.Au cours de la première tous lcs Etats que nous avons
citésinterviennent en suivant en fait le déroulement des diverses phases
de la procédure de faillite; au cours de la seconde la Belgique infervint
seule et avec l'intention déclaréede porter l'affaire devant la Cour
internationale de Tustice
A\.:int <Ipr;.s;nter iIironulogi(liicnieni le dCroiiIt.in~teices iiiter-
constrtiitccliGou\,t:rncni~nt ~.sv;ixnol:ellee géifort simple et d&.oulait
des carxtéres in2mes de la situ:itiun.
1.e premier priniiye qui s'irnlios:iit au Gouvernem<:nt c;p:<gnol;,tait
tout s'im~lemet le ÏesÜect de i'indénendance du pouvoir judiciaire A
l'égard du pouvoir exé'cutif.La de failfite est en Espagne,
comme dans la plupart des pays continentaux, iine procédiireessentielle-
ment judiciaire. Ôr, ce &ë divers gouvernements demandaient au
Gouvernement espagnol n'était rien de moins que de peser,lui-mêmesur
le cours de la justice; le Gouvernement espagnol ne pouvait que refuser,
en exn.iaAiant ~atiemment et inlassablement à chacun les rè-les fonda-
mentales des iistitutions espagnoles.
En second lieu, le Gouvernement espagnol, tout en répondant à
chacun avec leplus de courtoisie possible, se trouvait en présenced'Etats
qui, dans leurs rapports avec la Barcelona Traction. n'étaient pas tous
situéssur le mêmeplan. L'und'entre eux, et l'un seiilement, le Canada,
avait qualité pour présenter une réclamation diplomatique proprement
dite,à savoir: prendrefait et cazrsepo~rrson ressortzssan2et p~ésentertrne
demande foridéeen droit, exposant szrr tom les points de droit et de fait
importants les justifications essentielles. Les autres gouvernements
pouvaient appuyer les démarches canadiennes ou faire v?loir avec des
accents particuliers tel ou tel aspect duobl8ine qui attirait particuliè~e-
proprement dite.itude; mais ils n'avaient pas de titre à une réclamation
Jamais il n'y a eu sur ce point dans l'esprit du Gouvernement espagnol
ni doute ni hésitations; pendant de longues :uinéesavant la faillite,
ce fiit le Canada qui intervint constamment en faveur de la Barcelona
Traction et de 1'Ebro: aux exemoles donnéspar le professeur Reuter, on
pourrait ajouter toute une séried'antres exemples concernant l'Ebro ou,
spécifiquement,la Barcelona Traction; on pourra se reporter notamment 9 BARCELOS:\ TRACTIOS
à toutes les iiiterventions, dont certaines, hautement caractérisées,
auxquelles donna lieu la guerre civile espagnole (documents zoj et 206,
annexe 8, vol. auxiliaire, exceptioiis préliminaires, 1963,p. 261 et 262).
Cornmeon le montrera dans un instant, au moins jusqu'à la fin de 1951,
tous les Etats autres que le Canada et mêmela Belgique, comprirent
et délinirent leur rôle comme étant seulement celui d'uii appui diploma-
tique donné ila démarche caiiadienne.
La compétence esercéepar les tribunaux espagnols à l'égard de la
Barcelona Traction avait obligéle Gouvernement espagnol à montrer
une grande discrétion à l'égard des difficultésqui avaient opposé ses
propres services administratifs, en matièrefiscaleet monétaire,au groupe
de la Barcelona Traction. Cependant, ce dernier était entré dans une
campagne <lemensonges et de diffamation à l'égarddu Gouvernement
es11ag110r1é, paiidant partout le bruit que le Gouvernement espagnol était
à l'origine de son inforturie, notamment parce qu'il avait refusésysté-
matiquement de lui accorder des devises. Lorsque les syndics de la faillite
vinrelit informer les autorités esoa. .,es des sineulières découvertes
<ipvrc:tstiiii,lcs ârcliivt<IIgrvupc. é~iLsy~fine,Ic i;ou\'ernement cspn-
nii,,l înijit rlu pr,~bl;-riicIc(;oiiveriir.mc.iitcÿit,avec I'aj>ist;inccdu
Rovauiiie-Uni. il réunit une commission d'exoerts dont les travaux
rl<:;:ti<!ii:ti\oir si.r InpoiiriiiitSiitretiens ~li~~lom:itiq~itciisiciiiducncc
~:o~ij~~lCr:iI ~l~~jt~~uurquoi,\Io~isi~iir1,:Pr<>~dt:iit.IIOIIS ILLLI~>~rinr.t-
trons. à la lumière des considérations aui. .écèdent. de diviser Ehrono-
Iogicluenicnt notre exposéen quatre parties:
I. De la f:lillità la coiistitution de la Commission d'experts de 1948 à

z. La Commission d'experts et ses siiites de 1950 à 1952.
3. De l'intervention belge de 1955 à la première requêtedevaiit la Cour
interiiationale de Justice.
4. Le désistement et la réintroduction.

Première ~artie: De la faillite à la constitution de In Conimission
d'experts deArg48 à 1950.
La premiCre intervention diplomatique est constituée par une note
canadienne du 27 mars 1948 (exceptions prélinlinaires, 1960, vol. III,
p. rgj). Elle étaitprincipalement fondéesur la nationalité de la Barcelona
Traction et de deux autres sociétéségalement canadiennes, impliquées
dans la faillite de la Barcelona Traction.
Sur ce point, et pour autant qu'une telle démarche ait étéfaite au
nom des sociétéscanadiennes, le Gouvemement espagnol ne soulevait
aucune obiection. Il n'en était Dasde mêmede son obiet. Le Gouveme-
mciit znn:iciieii dt-niniirlnii nii (;oiiviriieiiici~t t~p:igiioI d'adopter dt-s
rnoyc,lis 1vo1,rcs 3 ;iiiiiiilIn ~>rocEdurc<II- lh~lli~~.t fi fiicilitc:IIIS
r~i~~~~~cnt.tiit;laI13Gi~ rc III'r~t~tirt.i #IIISat~t,~i;d'lrriist iinc~.iitre\~t~c
a;ec le ministre de la Justice espagnol pour traiter de l'affaire.
Selon le Gouvernement canadien, la cessation de paiement de la
Barcelona Traction était due au fait de n'avoir pas reçu en temps voulu,
de ses filiales espagnoles, les devises nécessairesau paiement des intérêts
de ses obligations en livres; en outre, le Gouvernement canadien con-
testait la compétence destribunaux espagnols.
Le jour même,le Gouvemement espagnol recevait une lettre d'un
gouvernement qui ne s'étaitjamais intéresséaux affaires de la Barcelona
Traction, et qui surgissait de l'ombre pour la première fois, à savoir le PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 59

Gouvernement belge. Celiii-ci. pendant trente-sept ans, n'avait jamais
saisi le ~ouvernem<nt espagnol'd'aucun problèmèconcernarit le groupe
de la I(arcelonaTractioii. iblaisl'ideiititédu contenu de la note belge avec
la note canadienne, ainsi <luesa simultaiiéitéde date, donnaient àpenser

deux notes. " a .
II répondit par courtoisie aux deux gouvernernents par des notes
du 2 juillet 1948, rédigéesen termes identiques (exceptions, 1960,

vol. III, p. 201; annexe au mémoire belge, vol.IV, p. 980). Reprenant
une simple constatatiori de fait, le Gouvernement espagnol rappelait
que l'affaire était pendante devant les tribiinaux espagnols et faisait
savoir que le tribunal suprsme avait nomméun juge spécial afind'exa-
miner le cas avec les ulu. err-ndes garavties; bien entendu, le Eouver--
uement ne pouvait faire aucune indication aux tribunaux.
Une année plus tard, l';imb:issa<lede Grande-Bretagne remettait, au
nom du Canada, une nouvelle iiote en date du 21 juillet 1949(annexes aux
exceptions prélimiriaires, 1960, vol. 111, p. 203); cette iiote faisait
part des préoccupations du Gouvernenient canadien devant les lenteurs
de la vrocédureet l'extension de la faillite à des filiales de la Barcelona
~ractiou. 11se plaignait aussi d'un traitenient qu'il considérait comme
discriminatoire à I'é~arddes investissements étrirngers.Il est tout à fait
remarquable de constater que, à deux reprises, le Gouvernement canadien
faisait allusion A des démarches ;iccomplies pr6s de lui ou auprès des
tribunaux espagnols par les <iintérêtscanadieris II.Le 22 juillet 1949
\~xceo.ions. ,,GOv ,. ol. II,..Iza,,,.une note du Gouvernement américain
était remise au Gouvernement espagnol pour appuyer la démarchecana-
dienne; elle indiquait que des citoyens américains avaient des intérêts
dansla ~arcelonaTrac&on. Le 22 jiillet également,une note belge ayant
le mêmeobjet était remise au Gouvernement espagnol (mémoire belge,
1962, IV, annexe 252. p. 981) ;elle qualifiait la note du 27 mars 1948
de c démarchespéciale i,ayant pour objet d'attirer rl'attention du minis-
tère des Affaires étrangèresespagnol »sur le cas de la Barcelona Traction,
et elle suivait la l"ene "énéralede la note canadienne.
I4ien quc le (;ouverneni~.nt belge <lri;ilih:iitSI iiorc \,erl>alcde siriiple
~l;in;rrclicsli<.ci:ile,11prLjcnt:iit (Icscons~dc'rntioiiiiipt-u iirl>içiiaiitcs;
ilnL. SC 1)orii:iit11:iscil cff:ikiire nllusioiià I;iisucith<;cari.iilit:iiflcri
question, mais 'il prétendait attirer l'attention sur le traitement qui
devait être donné, conformément au droit espagnol, à la Barcelona
Traction: il ne selimitait pas Asign:iler seulement la prétendue présence
d'«intérêtsbelges» dans les sociétés dela Barcelona Traction, mais 11
proclamait l'existence de «grarids intéréts internationaux ildans la
Barcelona Traction dont la faillite lui avait fait dire précédemment
(le 27 mars 1948)qu'elle affectait des a intér&tstrès vastes et impossibles
à évaluer n.

Entre pays amis ayant des relations diplomatiques normales et cour-
toises, le Gouvernement espagnol pensa qu'il se devait d'apporter au
Gouvernement belge des précisions sur quelques idées exposees dans
sa note, mais de nature à apporter quelque ,:onfusion. Tels sont le
sens et laportéeréellede la note-réponseespagnoledii 26septembre 1949:
offrir courtoisement au Gouvernement belge une information pouvant
lui permettre demettre au point, d'une manièreplus précise,des données60 BARCELOSA TKACTIOS

concrinlant L'affaire à laquelle il s'intéressait (mémoire belge, 1962,
vol. IV, annexe 2j3, p. 9S3).
En ce aui concerne I'as~ect iudiciaire. les auestions soulevéesdevant
les tribunius dépassentlecadrr:de l'actioiidu ioiivernemcnt. Cclnndaiit.
a titre cl'i~ifurmatiun. le Guiiverneinent belge rc~uit les indications
suivantes: le principe du respect dû aux part'tes à un litige privé leur
permet, en contrepartie, d'utiliser dans les délaisde procédureles recours
ët les voies procéduralesqui leur sont ouvertes et celles-ci. dans la pra-
tique, prii\ciit rct:.rdci l~proc;iliire Jaiij ccrt:,in~:sliniirzs.).estrihurkiix
ÇS~~~~,IIU~lie ~1~11\~~):J1o1iitit ill:dcerrcspccr?r les Inis ludicinirect
ac;c.lt.r<.rla nrocidiirc. d'une iii:iiii;re toute jul'ci;ilc, lorjiiii'iinc amli:is-
sade étranggres'y intiresse.
En ce qui concerne l'aspect économique,l'allégationde la Barcelona
Traction suivant laquelle c'est le refus espagnol d'accorder des devises
à l'une de ses filiales qui a déterminéla faillite de la sociétécanadienne
méritait d'êtrerectifiéecar elle était inexacte: i'octroi de devises à un
p6tirioiiliairii. qiiel qii'il soit. iiatioiial ou Gtranger, pou.pxieiiient
cl'obllgations :i I',.stériç~ir~sigeait ;III~~ré:ilable- et niijuurd'hui
encore - lan iustification de I'oricineet <leIIIréalit; de la deo.points
au sujet desqhels - je cite- con n'a pas obtenu que la canadienne
présente les justificationsn pertinentes oencore qu'elles lui aient été
réclamées à plusieurs reprises>,.
Le Gouvernement espagnol terminait en disant que, en général,il
ne semble pas raisonnable de - je cite:

telle que tous les pays qui maintiennent un contrôle de devises
l'exigent. Il est évident que l'on ne pouvait donner de devises à
cette société, comme à toute autre société,que dans la mesure où
il s'agit de remboursement d'intérêtsou de capitaux réellement
apportés de l'étranger. »

En conséquence, le Gouvernement espagnol signalait au Gouverne-
ment belge i'iiiopportunité de sa ndémarche spéciale u qu'il considérait
comme inadmissible et dont la seule explication possible était, peut-être,
un manque d'information.
La note espagnole du 26 septembre 1949 spécifiaitdonc bien la non-
pertinence de la ~idémarchespécialen du Gouvernement belge et le
motif de pure courtoisie qui avait inspiré les amicales précisions qui
lui avaient étédonnéespour qu'il ne fasse plus présenter par son ambas-
sade à Madrid de nouvelles notes verbales au sujet de l'affaire. Le Gou-
vernement belge n'objecta l'époque absolument rien à l'égard des
précisions données par le Gouvernement espagnol. L'ambassade belge
Madrid se limita, tout simplement, à accuser réception de la note
verbale espagnole. sans faire de commentaires au nom de son gouver-
nement.
Comment résumer en un mot ces premiers échanges de notes diplo-
matiques? En premier lieu, un seul des deux pays qui étaient intervenus
avait qualité juridique pour exercer la protection diplomatique: le
Canada. La Belgique n'avait aucun titre pour intervenir d'une manière
autonome et de présenterune réclamation internationale au sens propre
du terme. En deuxihme lieu, il était difficile, mêmeau Gouvernement
belge, de répondre à l'objection fondamentale du Gouvernement espagnol PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 61

concernant l'indépendance des tribunaux espagnols à l'égard du gou-
v. .-.~ ---~ ~
II existait cependant une allégation juridique présentéepar le Canada,
qui était la base de toutes les accusations colportées par la Barcelona
Traction et reprises par le Gouvernement canadien: la responsabilité
initiale du Gouvernement espagnol pour le refus de devises. C'est afin
de réoondred'une manière dgfin'itive-àcette accusation aue le Gouveme-
mint espagnol prit l'initiative de proposer la constitution de la Com-
mission d'experts de 1950.
Deuxième nartie. Monsieur le Président. la (:ommissiou d'ex~erts et
ses suites, de 1950 à 1952.
Dans une note verbale du 16mars 1950(exceptionspréliminaires, 1960,
vol. III, p. 208, annexe 170, no 12) adressée à l'ambassade britannique,
le ministère des Affaires étrangèresd'Espagne proposait que des experts
désignésvar le Gouvernement du Royaume-Uni et par le Gouvernement
du canada viennent examiner avec des expert; e~pagnols une sériede
faits d'une indisnitable ravi téqui justifiait le refus espagnol de fournir
des devises. Les Gouvemementsanilais et canadien acceütèrent par des
notes du 17 mai 1950 tout en der&ndant qu'il n'y ait pas d'acte de
disposition des biens des sociétés en faillite pendant la duréede l'enquête
(exceptions préliminaires, 1960, vol. III, annexe 170, no 13, p. 210; et
no 14. p. 211). Dansdes documentsultérieurs le Gouvernement espagnol,
fidèle à sa position, déclarait qu'il ne pouvait prendre aucun engagement
en ce aui concernait les actes de dis~osition des actifs de la faillite aui
seraient décidéspar les tribunaux mais que, selon les informations dÔnt
il disposait, des mesures de ce genre ne semblaient pas devoir intervenir

pendant les travaux de la commission; le Gouvernement espagnol
précisait que l'examen de la commission devait porter sur nles faits et
documents »y relevant et que - je cite:

iil'action et le développement des entreprises intéresséesseront
..rfaitement éclaircis à la suite du rapport des experts ». (Excep-
tions préliminaires, 1960, vol. III, annexe 170. no 19, P. 216.)

A vropos de l'initiative de constituer la Commission mixte d'experts,
le Gkvérnement belge a avancé (mémoirebelge, 1, p. 84-85) des-idées
assez surprenantes et visant à attribuer à la Rarcelona Traction l'origine
de cette initiative. Le passage est ainsi rédigé -- je cite:

«Les intéressésbelges incitirent leur gouvernement à tenter,
d'accord avec le Gouvernement canadien, de firovoquerla création
d'une commission internationale à laquelle' participeraient des
experts belges, canadiens et espagnols dans le but de déterminer la
position réellede la Barcelona Traction et de ses filiales vis-à-v!s
de l'économie espagnole, c'est-à-diresi elle était débitriceou crédi-
tric?.
L'ne note c:tnn~lieiinetuitt~,n;int iitie ~>rcq>o..iti.11 ce sc7nsfait
fi~ili~tit cm\.uy;c i ltt:td I>ritatini<,it:i r i Elle
iIt\.aitCtrc ,~bfir<i!~p;lr iiitc ttute dit ~;~ii\~crtiiiticnrl~c. llnis
avant que ces'iofes di:plomatiques n'aient étéremises au Gouverne-
ment espagnol, celui-ci proposa au Gouvernement canadien la
constitution d'une commission ayant une mission identique, mais
où l'expert belge serait remplacépar un expert britannique.62 BARCELOS.4 TRACTIOS

En dépitdes protestatioitset des auertisse~~leittsu Gouvernement
belee. les Gou\,ernements canadien et britaniiiaue crurent devoir
acc&ter l'offre espagnole et, aux termes d'un'échange de notes
diplomatiques, la commission fut finalement coiistituée ..» (Les
itâliYjressint de notrs.)

Un peu plus loin, le Gouvernement belge fait daris une incise une autre
remarque surprciiarite - je cite:
([Ayant ainsi réussi à exclure de toute représentation au sein de
la commissionle seul gouvernement réellementintéressi: à i'affaire.u.

Le Gouvernement espagnol ne saurait cacher son étonnement à l'égard
de ces préteiitions.
A preniière vue on pourrait croire que le Gouvernement belge se
considérait lui-mêmecomme i'élémentcentral de ces démarches. Mais
il n'en est rien et le texte contient trnaveuprécieux;la note belge prévue
n'aurait du intervenir qu'àl'appui de la note canadienne. Le Gouverne-
ment belxerecontcaitdonc, d'après la versionqu'il donne lui-ntênted- son
rôleà jozrerdans ces détnarchesq, u'il n'avait ucicuntitàeprocéder à une
protectiondiplomutiyrreproprementdite à propos de lu BarcelonuTraction
et qu'il devaitseconte~jterd'une intervention desozitien. On a ainsi, une
fois de plus, une description coiicrète du rôle des particuliers dans le
fonctionnement de la protection diplomatique. On voit quel est le rôle
d'animation et d'orclicstration uui est iouéDarle croupe de la 13arcelona
Traction. On peut donc s'étoiner bien Gvement que les ointéressés
belges » - pour employer le langage du Gouvernement belge - n'aient
D& fait entendre des~~rotestat?ons devant une commissien d'ex~erts
aussi mal composée. A
Par ailleurs. le Gouvernement espagnol veut bien croire que le Gou-
vernement belge ait soulevé des protestations et des avertissements;
il ne sait pas auprès de qui, mais en tout cas sûrement pas auprès de
lui; aucune note ne lui a étéremise à ce sujet. Le Gouvernement belge
n'a protesté contre le fait de ne pas avoir été invité à participer à la
Commission mixte que beaucoup plus tard, à un moment qui se situe
bien après la publication mêmedu rapport des experts. II s'agira donc
d'une protestation ex post factosur laquelle nous reviendrons.
La Commissioii d'experts fonctionna sur la base d'informations
recueillies en Espagne et, pour certaines d'entre elles, auprès de la
compagnie au Canada.
Les experts ne furent pas d'accord sur uii certain nombre de ques-
tions - ce dolit le Gouvernement belge parait se réjouirgrandement -
et deux rapports séparésfurent établis.
Les experts &taient en désaccordsur leur mission; les experts anglo-
saxonsvoulaient s'entenir àun plan formellement comptable; ils furent
effrayéspar certaines expressionsemployéespar leurs collèguesespagnols
et qui semblaient comporter une qualification juridique de certaines
constatations comptables. D'autre part, ils ne purent procéder à la
vérificationéconomiquede certaines mentions comptables et. par consé-
quent, leurs constatations sur ce point ne permettaient pas de répondre
complètement à la question qui leur était posée, cequi provoqua les
réservesespagnoles.
Mais les experts anglo-saxons constataient quand mêmeformellement
que PLAIDOIRIE DE Ar.CASTRO-RIAL 63

iil'entreprise en Espagne n'avait pas répondu d'une manière adé-
quate aux demandes des autorités de change ...[et que] les autorités
du change étaient en droit de refuser les demandes de permis de
change étranger jusqu'à ce que I'information qu'elles avaient de-
mandée leur ait &téau moins fournie)).

En possession des rapports, le Gouvernement britannique indique
le 31mars 1951 du côté anglo-canadien que - je cite- «les gouverne-
ments intéressés désireront-sans aucun doute examincr les imülications
de ces deux rapports et le genre d'action qu/ doit étreentrePr& en cette
matière B. De cet examen en commun devait résulter l'acte du Ir iuin
lgjr (exceptionspréliminaires, 1960,annexes, vol. 1,noz, p.IV; mémoire
belge, annexe, vol. III, p. 655).
Le Gouvernement belge qualifie aujourd'hui cet acte de regrettable;

nous comorenons bien oue la Barcelona Traction doit en effet reerette"
un acte dont les conséquences sur le plan juridique comportent la dé-
monstration définitive et irréfutable de I'inanite de certaines accusations
adressées à 1'Etat espagnol dont, notamment, celle relative aux devises,
qui était,à l'origine, le pivot des accusations adresséesau Gouvernement
espagnol, et que le Gouvernement belge a voulu reprendre, mêmeaprès
la signature de l'acte consacrant le résultat (le la Commission mixte
d'enquête.
Cet acte est une déclaration. Monsieur le l'résident. simée Dar les
représentants des gouveriiemeuts intéressésct elle a p;ir'co<séqu~ntune
autorité officielle qui dépassecelle des experts.
Cet acte concerne d'une manière eénéralela Burcelona Traction et
ses sociétéfsiliales;il implique que 1;s actes dressés par les autorités
espaxnoles à l'égardde ce xroupe étaient légitimes et rentraient dans le
cadre des compktences de ïEtG espagnol. -

Les gouvernements intéressés reconnaissaient la validité du refus de
devises.
Ils reconnaissaient que la Barcelona Traction ne pouvait pas prétendre
à des devises tant que sa situation n'aurait pas étérégularisée.
Ils reconnaissaient que des sanctions pouvaient êtreprises légitime-
ment contre le groupe des compagnies par le Gouvernement espagnol,
donc contre la Barcelona Traction elle-même.
Un point présentait également un intérêtparticulier. Le Gouverne-
ment espagnol prend acte desdesiderata expriméspar les Gouvernements
canadien et anglais en ce qui concerne - je cit- «les intérêtslégitimes
qui peuvent se trouver affectés par les procédéset la situation de la
compagnie ».
Ce point paraît important parce qu'il reconnaît une fois de plus que
la compagnie a eu recours à des procédésparticuliers.
Cela devait d'ailleurs êtreconfirmépar la note canadienne postérieure

du 26 juillet de la mêmeannée (exceptions préliminaires, 1960, annexes,
vol. III, p. zzo), laquelle met en cause lesintérêtcsanadiens et par la note
également canadienne du 28 septembre 1951 qui parle de la protection de
the legitimateintevestsof the shareholdersand bondholdersof the Comfiany
(ibid.,p. 225). Le Gouvernement canadien reviendra à deux reprises
sur cette question des intérêtslégitimes des actioiinaires et des obliga-
taires (notes du 23 octobre et du IO décembre 1951, ibid.,p. 232). La
note canadiennedu 22 décembre1951 étaitencore plus énergiquepuisque
dans son paragraphe g le Canada faisait connaître son acceptation de64 BARCELOXA TRACTIOS
soumettre sa réclamation à l'arbitrage et soulignait au paragraphe 12
qu'il se réservait ledroit de procéderà toute réclamation selon le droit
international.
Alais quelle était donc l'attitude du Gouvernement belge? A-t-il
notamment, en tant que. selon lui, «seul gouvernement réellement
intéressén à l'affaire, protesté au lendemain de l'acte?

[Audience publiquedu 16 mars 1964 , atillj
Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, à lafui de la séancede
vendredi, lorsque j'ai traité de la Commission iiiternatiouale d'experts
et de ses suites. c'est-à-dire de I'acte iuridiaue internatioual s-rné à
Ilndrid lc.IIjliiiI<,~Ipar ILS~ouvcriiekcnts du Caiiada. dii I<uy.~iiin~.-
CIII ct de I'l~sl~~grit].'terminé par 1;question suivante: \l;iii~iielle
étxitdoiic I'attitudcili(;ouvcrnciiieiit I,cle:\-t-inot~iniilciit111taiit
que, selon lui, seul gouvernement réellementintéressé àl'affaire,protesté
au lendemain de l'acte?
Tout d'abord, le Gouvernement belge n'a fait entendre aucune pro-
testation. En présenced'un acte qui détruisait pratiquement le foude-
ment mêmeattribué par lui & l'accusation adresséeau Gouvernement
espagnol, il est resté silencieux. Bien mieux, sa premiare note diplo-
matique qui suivra l'acte est du 13juillet 19j1(mémoiie,annexe 254,
p. 986)e,t est rédigéeavecune mesure et une discrétionqae le Gouverne-
ment espagnol n'a jamais rencontrées dans les notes diplomatiques
belges, sauf, bien entendu, au moment du désistementde 1961I. l faudrait
la lire en entier: elle ne metlus en cause le ~assé,mais seulement cer-
taines mesures envii.<gt:espir Ics s!ridics. f11e est baie siir I'iqiiit6.
On rviii:irq~i~a%uleiiir~it11111~n:inii.relin pcii énigrrinti---i:iiiit>iiis
~u'cIlzi~ercii.lcuncc~~rtniiicdo -scdclritilttmro~ ir:irz~i&e
Quand cette note évoque - je cite:cles réactiôns qui ne ma;quero;it
pas de seproduire dans lesmilieux sidivers des épargnantsde mon pays B.
Et l'on devrait en dire aiitaiit de deux notes belres du 2 novembre et
du 7 novembre 1951. relatives à certaines mesiiFes envisagées par les
syndics de la faillite.fais ces notes se pla~aient encore sur le terrain de
k courtoisie et s'exprimaient avec une grande retenue. Le Gouverne-

ment belge faisait suivre sa note du 7 novembre d'une note juridique
relative aux articles383et 384du Code de procédure espagnol.
Toutefois, le Gouvernement espagnol doit constater que, des le
29 octobre, l'attitude du Gouvernement belge devait à nouveau et
progressivement changer. Lors des entretiens ayant eu lieu entre le
ministre desAffairesétrangèresd'Espagne et l'ambassadeur de Belgique,
le problème de la Barcelona Traction avait été envisagé, et par une
lettre du 30 octobre 1951 l'ambassadeur a.fait parvenir au ministre -
je cite:nà titre toutàfait personnelet confidentiel,un petit aide-mémoire
exposant la thèse belge dans le différend qui nous occupen. La note
était d'ailleurs des plus aimables et parlait du udblicat problème de la
Barcelona Tractiono. Dans sa réponse.en date du 14 novembre 1951.
le Gouvernement espagnol prenait en considération les notes belges
précédenteset leurs annexes, et parmi celles-ci l'aide-m6moire personnel
et confidentiel du 30 octobre. Le Gouvernement belge a publiéses notes
des 2 et 7 novembre et la réponse espagnole du 14 novembre; il n'a
publiéni lalettre du 30octobre ni l'aide-mémoire ile petit aide-mémoire n
de cette mêmedate de son ambassadeur. Le Gouvernement espagnol a PLAIDOIRIE DE hl. CASTRO-RIAL 65
voulu respecter le caractère privé de ce document et ne l'a pas rion
plus publié; la réponse espagnole du 14 novembre peut donc susciter
une certaine surprise puisqu'elle répond à des observations qui n'ont
pas étépubliées. Le fait est que l'aide-mémoire belgeamorçait une
remise en cause de tout le passéet qu'il énonçait la remarque suivante,
comme l'expression d'un regret - je cite:

CS. Malgréles intérêtsconsidérables de l'épargnebelge dans la
Barcelona Traction, aucun expert belge n'a étéinvité à prendre
Dart à I'exuertise urécitée.En outre. le Gouvernement belee n'a
;eçu du ~o;vernekent espagnol qu'une communication iricokplète
des travaux des experts, bien que ces derniers aient terminé leur
tàche en mars 1g51:n
II s'aeit donc d'une observation dont la uortée n'est ua. ur.cisée;
tllcpeut \'ouluirdirequc IrGou\,ernc.ni~iitbcl& sutitinitr iiiieiiifvriiiatioii
ulus iuriii~léts:ur les tra\.aus dc ILCommi.üion intcrnlitioii:ile d'esl>erts.
il se eu? aussi au'il s'aeisse d'une sorte d'obii:ction encore très Goilée
contré le fait q;e la ~chnission mixte ne Comprenait pas d'experts
belges. Le Gouvernement belge n'avança d'ailleurs l'objection qu'à
demi.
La réponseespagnole du 14 novembre devait facilement faire justice
de ces alléaations.
C'est alors que le Gouvernement espagnol reçut la note belge du
5décembre1951qui, dans l'évolutionde l'attitude de la Belgique, marque
à nouveau une importante et toute nouvelle prétention (mémoire,an-
nexes, vol. IV, p. 996).
En effet, pour la première fois, la Belgique prétend exercer la pro-
tection diplomatique proprement dite en mettant en jeu la procédure
prévueau traitédu 19juillet 1927pour soumettre l'affaire à un arbitrage.
Gouvernement canadien, leuisaGouvernement belge entend agir ouverte- le
ment de manière autonome. Bien entendu, la note belge passe sous
silence l'acte de1951;quant à la Commission internationale d'experts.
le Gouvernement belge se débarrasse de ces constatationsd'un trait de
plume en déclarant -je cite:

uLes constatations d'un collège d'experts, au sein duquel, la
Belgique n'était pas représentée, ne lui sont paç opposables bien
qu'il [le Gouvernement belge] se réserve,comme il va de soi, d'en
faire état s'il lui convie»t.
Cette déclaration, Monsieur le Président, Messieurs, jette une vive
lumière sur la portée pratique des thèses di1 Gouvernement belge.
Somme toute, les sociétésdans lesquelles se trouvent représentésdes
intérêtsmultinationaux jouiraient d'un extraordinaire privilege: elles
choisiraient plusieurs protecteurs et on retiendrait en même temps
tous les avantages de ces différentes protections. Pareille prétention
va à l'encontre d'un des caractères essentiels de la protection diplo-
matique dont tout l'esprit a étéd'empêcher, souvent par des regles
très séveres,les changements de nationalité de la réclamationet d'éviter
que les Gouvernements ne soient tentés de joui:r ces rdles que les spé-
cialistes américains du droit de la responsabilité internationale ont
stigmatiséspar le terme de daim agents. 66 BAKCELONA TKACTION
Le Gouvernement belge n'a pas protesté contre I'acte international de
19j1; bien au contraire, jamais il n'a étéplus discret dans ses interven-
tions qu'au lendemain de la signature de I'acte et il ii'a fait de réserves
ni sur son origine ni sur son contenu. Alais c'est seulement plus tard,
sous la pression puissante de certains intérêts,qu'il reviendra sur son
attitude et qu'il essaiera de forger de toutes piècesde nouveaux titres
à agir.
Eii ce qui coricerue sou droit d'intervenir officiellement dans l'affaire
de la Barcelona Traction, au titre de la protection diplomatique, le
Gouvernement belge croyait suffisant d'alléguerla possession d'actions
de la Barcelona Traction par la Sidro, sociétc de nationalité belge,
possession dont il ne se souciait même pu de fournir la preuve. Je
ii'examinerai pas ici les problèmes juridiques posés par cette inter-
vention. uroblèmes qui seront examinés Dar hl. le urofesseur Aeo. Mais
jrobserve;ai que le Gouvernement espag~ol. dans Îes échangesZe notes
diplomatiqiics qui ont suivi (note espagnole du 22 décciiibre 1051, et
note espagiiole du 3 janvier 19jz en rkponse à une note bclge*du 31
décembre 19j1), ne pouvait que marquer sa vive surprise devant une
intervention du Gouvernement belge qui priitendait soudainement
exercer la protection diplomatique d'une sociétécanadienne, laquelle,
an surplus, n'avait mêmepas épuiséles recours internes qui étaient à
sa disposition pour faire valoir scs droits.
La résistancedu Gouvernement espagnol face aux prétentions belges
se justifiait d'autant plus que la protection diplonlatique du Canada
continuait à exercer tous ses effets et d'une manière particulièrement
pressante. On a cité plus haut les notes relatives à l'exercice de cette
protection et le fait que le Gouvernement canadien en était arrivé, lui
aussi, de son cdté, à proposer au Gouvernement espagnol un arbitrage.
Le Goilvernement es~aen.l,,evait mettre un terme définitif à ces
inniiccii\rcj.Face i l';,rg~iiii~~~t;t~tiisp.i~iiolc,le Gb~ivcri~c~ncmt t:t-
dicn dci.:iiSC:r~.ndrt:coii~ptcqiil;t:iil il;~iis;oii iii(III'IIr?clenient
intervieiiiie entre l'ensembleAdes parties privées intékessées a cette
affaire. Déjà, dails sa note du 26 juillet 1951 (exceptions préliminaires,
1960, annexe 170. doc. 23, vol. III, p. zzo), le Crouvernenient canadien
avait d'ailleurs déclaréqu'il avait communiqué aux intérêts canadiens
qu'un règlement négociéentre les diverses parties privées était sou-
liaitable; le 28 septembre 1951, il avait signalédaiis sa ilote (exceptions
preliminaires, 1960, annexe 170. doc. 28, vol.III, p. 226) que la présence
à Madrid du Receiver de la Barcelona Traction, désignépar la justice
canadienne, aurait pu faciliter un règlement amiable. Le Gouvernement
canadien reconnaissait dans la mêmenote qu'il ne clierchait nullement
à provoquer une intervention du Gouvernement espagnol dans le fonc-
tionnement des tribunaux espagnols, et rappelait les dispositions essen-
tielles de I'acte de 19jr. Plus tard, l'argumentation canadienne s'était
consacrée à rechercher d'autres bases juridiqiies; dans sa note du
28 septembre, ce gouvernement avait prétendu que la mise en cause
des biens de 1'Ebro dans une faillite dirigée contre une autre société
était contraire au traité anglo-espagnol du JI octobre 1922.
De plus, le Canada pensait que le Gouvernement espagnol pouvait
empêcher lavente des actifs de la société.Le Gouvernement espagnol
devait, une fois de plus (note du 3 janvier 1452,exceptions préliminaires,
1960, vol. III, annexe 170. doc. 37. p. 241). mgntenir sa ligne de con-
duite, rappeler que, dans le droit espagnol, la faillite est une procédure PLAIDOIIIIE DE II. CASTRO-RIAL 67

judiciaire; par suite. les problèmes toucliant tant ce qui concerne la
masse des bieiis affectéspar la faillite quela vente de ces biens relevaient
des tribunaux. Quant aux accords éventuels entre les demandeurs à
la faillite et la société, ilsne constitueraiequ'une forme de concordat
et seraient ainsi un des élémeiitsde la procédure de faillite; en raison de
leur caractère conventionnel, les concordats bchappeut d'ailleurs à la
compétence de l'Etat.
Quant à l'allégation suivant laquelle la publication de l'acte d~gjr
aurait servi de prétexte aux syndics pour hâter la réalisation des biens
de la société,il était facile au Gouvernement espagiiol de faire observer
au Gouvernement caiiadieii que les appréciati<insque les syndics de la

faillite pouvaieiit faireucliaiit les conséquences des irrégularitéssigna-
lées par les experts espagnols, relevaient du contrôle des tribunaux et
non du gouvernement.
Comme on vient de le rappeler, l\lonsieur le Président, iJfessieurs,
après la note énergique et détailléedu Gouvernement espagnol en date
du 3 janvier 1952 et deux autres ititerventions du Gouvernement cana-
dieri eu 1952 même, le Caiiada devait reiiiarquer qu'il continuait à
êtreintéressé iprofoiidément ,dans les affaires de la Barcelona Traction
et qu'il n'envisageait, à ce sujet, qu'un arrangement amiable entre les
parties; c'est ce qui ressort de la lettre de l'ambassadeur du Canada
au ministre des Affaires étrangères,en date du zr mars 1955,lui annon-
çant la visite de M. Arthur Deaii, avocat américain à la recherche d'un
compromis entre les intérêtsprivés (exceptions préliminaires, 1960.
VOLIll, annexe 170. doc. 28,p. 244).
Troisième partie: de l'intervention belge dr~jj à la première requête.
Le Gouvernement espagnol avait répoiiduà la note du Gouvernement
belge du 31 décembre 1951 par uiie note abondamment motivée du
3 janvier ~gjz.
La nouvelle période qui va s'ouvrir à partir de cette date commence
par trois années de silence complet, trois an?zi!esdesilencecomplet, du
Gouveriiement belee. Ce oui nouvait donner à croire au'il avait été
convaincu par les Gisons et arguments espagnols.
La suite des événementsva coinporter deux phases distinctes
Dans la première, on note, en 1gj5, une interGention belge qui, quant
au fond et quant à la forme, est toiit à fait révélatricede la pensée
profonde du Gouvernemeiit belge. Quant au fond, parce qu'elle se place
sur le plan de l'équité;quant à la forme, parce qu'elle tend à effectuer

des pressions .gouveriiement;rles pour la solution d'un litige purement
privé.
Dans la seconde phase, Ic Gouvernement belge prétend à nouveau
recourir à la voie juridictionnelle. Cette fois son intention est d'aboutir
à la saisine de la Cour internationale de Justice. A cet effet, il adresse
au Gouvernement espagriol deux loiigiies notes,-- c'est d'ailleurs toujours
essentiellement dans la perspective d'une pression à exercer sur le
Gouvernement espagnol que ces démarches sont conçues, car plutôt
que de répondre aux questions précises poséespar ce gouvernement,
le Gouvernemeiit belge se dérobe et essaie de valider rétroactivement
ses démarches depuis 1948 en renvoyant à des explications antérieures.
Permettez-moi de présenter, en quelques mots, Monsieur le Président,
hIessieurs, ces deux phases.
Le 21 mars 1955, le Gouvernement belge intervient inopinément
pour patronner une négociation entre les particuliers analogue à celle68 BARCELONA TRACTIOX
que le Gouvernemeiit canadien préconisait de son côté le mêmeiour
(exceptions préliminaires, 1963,vol. 1, annexe 66, doc. 2, p. 571). '

Cette proposition belge consistait à organiser des négociations entre
.às l'intervention des gouvernements intéresséset ceu-ci étant tenuse cite:
au courant de leur développement u.La négociation privéefaciliteraitun
règlement équitnblede l'affaire. A cette fin - disait le Gouvernement
beige - M.Dean, avocat nord-américain, hf.\Vilmers, sujet britannique
et membre du conseil de la Barcelona Traction, reviendraient à Madrid.
L'allusion belge à l'équitén'était pas faiteà cette occasion pour la pre-
mière fois, puisqu'elle avait déjà étéformulée cinq ans auparavant
dans la note du 13juillet 1951;il avait alors étéquestion detenir compte
en équitéde la participation de la Barcelona Traction dans 1'Ebro. et
de la Sidro dans la Barcelona Traction, ainsi que celie de la Sofiiia dans
la Sidro. L'équité invoquée en 1955 était prise en considération pour
dévier de son cours normal la procédure de faillite et pour placer le
litige privé sur un plan extrajudiciaire, sur le plan espagnol, comme le
disait le Gouvernement belge, en imposant aux parties privées une
négociation directe sous la surveillance des gouvernements. Dans ce
sens, la prétention du Gouvernement belge aliait plus loin que celle que
le Gouvernement canadien, lui-même,avait suggérée le jour même en
termes analogues.
Alors que le Gouvernement national de la société failliecherchait
à obtenir que les particuliers en liti~e ~uissent parvenir entre eus à
un règlement amiable, le Gouvernem&t beige proposait que la n6gocia-
tion privée fût contrôlée directement par les gouvernements, étant
donné que ceux-ci devaient êtretenus au courant du dévelovve..nt
tic la ni~guiiltti~ii.Et 1 CS i n u 1 L I ]~iliteitti~i~hclgc
Anil furiiiul;~.Ic joiir iii;iiic oi!;oii\.t!rnciiiciit (lu C;~nncla~~ro~lani:,it
qu'il - je cite: CC-s'iiitérestitujours profondément aux affaires de la
Barcelona Traction Iet où il attirait, en outre, l'attention du Gouverne-
ment espagnol sur ce fait que, si les particuliers parvenaient à un regle-
ment à l'amiable, il faudrait {irespecter les droits du Ca?radiaizKeceiuer
et de la National Trust Company ».
Le Gouvernement espagnol, n'ayant jamais reconnu de titres juri-
diques au Gouvernement belge pour intervenir dans l'affaire, considéra
cette tentative comme un antécédentrévélateursur lequel l'attention
de la Cour devait êtreattirée. Elle démontrele désirconstant du Gouver-
nement belge de mêlerle Gouvernement espagnol à une affaire qui se
trouvait sub jsdice, pour qu'il intervienne par la contrainte dans son
déroulement normal. Et cela donnait un avant-goût de la méthode
qu'ildevait plus tard prétendreappliquer aprèss'être désisté dans l'affaire
introduite devant la Cour internationale de Justice. Le parallélisme des
deux situationsest si~iiificatif et évident. Dans les deux cas, l'initiative
fut prise exclusive<ent par le Gouvernement belge, sans trouver le
moindre échoaupres du Gouvernement espagnol.
Le Gouvernement espagnol avait fait connaître en 1955,au Gouver-
nement canadien sa position et les raisons pour lesquelles il désirait ne
pas intervenir dans le procèset, par conséquent, il ne se considérait pas
obligé, mêmesur le plan de la pure courtoisie, de redonner la même
explication à un troisilme gouvernement, à savoir le Gouvernement
belge: celui-ci avait étéprécédemment - le 3 janvier 1952 - suffi-
samment infomié de l'opinion du Gouvernement espagnol relative à PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 69

son défaut de qualité juridique valable pour intervenir dans la même
affaire.
Ilais les dirigeants du groupe de la Barcelona Traction devaient
tenter de pousser le Gouvernement belge dans une nouvelle voie. Après
sans doutede longues et difficilesdémarches,ils réussirentà faire envoyer
au Gouvernement espagnol par le Gouvernement belge une note en
date du 31 décembre 1956 (mémoirebelge, 1962, vol. IV. annexe 262.
p. 1009) bientôt suivie d'une autre comminatoire en date du 16 mai
1957 (mémoirebelge, 1962,\.0l. IV, annexe 26:3,p. 1026). Cette derniére
sommait le Gouvernement espagnol de consentir tout de suite à ce que
le litige privéde la sociétécanadienne, qui était encore pendant devant
les tribunaux espagnols, fût soumis à une instance internationale.
Lesthèses belges étaient exposéesdans la note en date du 31 decembre
1956;celle-ciétaitaccompagnéed'un mémoranclumqui reprenait, parfois
littéralement. l'exposépartial qui avait été faitauparavant par le Gou-
vernement canadien comme si rien ne s'étaitpasséentre-tem~s.
Le mémorandum belee de 1056. non seuleinéntdiminua~ ~ ~ ~moortance ~ ~ ~
du texte de l'acte int&natioiil hispano-anglci-canadien de rg?x, mais
présentait les résultats de la Commission internationale d'experts comme
Un grief de plus du Gouvernement belge contre le Gouvernëment espa-
gnol, celui-ci ne l'ayant pas invitéà participerà l'enquête.
Puis, il insistait sur ce fait que les tribunaux espagnols n'avaient pas
compétence pour déclarer la faiUite d'une sociaté qui, de l'avis du
Gouvernement belge, n'avait enEspagne «ni biens ni sièged'exploitation
et n'exerçait dans ce pays aucune activitén.
Cette affirmation était en contradiction flagrante
précédentesdu Gouvernement belge lui-même:il
auparavant, dans sa note du 27 mars 1948, que
non seulement fournissait de l'énergie électrique' A la Ca$logne
par l'intermédiaire de ses filiales, mais qu'elle &ait clle-mémccons-
truit de ses profires capitaux plusieurs
Espagne.
Quelle devait êtrela position du
de ces nouvelles notes belges?
Le Gouvernement espagnol a
étésa position fondamentale, à
proprement dite doit, au moins comme prima facie euide+tce,exposer
clairement les éléments juridiques sur lesquels cette rkclamation est
fondée.Cette exigence n'est qu'une application des règles de la bonne
foi. Sans doute le gouvernement réclamant n'est-il pas obligéde déve-
lopper, dans toute leur ampleur, tous les moyens de droit et de fait sur
lesquels il se fonde; encore faut-il qu'il en donne le tableau général.
En ce qui concerne sa qualité pour agir, il se doit évidemment d'étre
plus complet, d'êtreplus explicite lorsque toutes les cifconstances font
que, à première vue au moins, il n'a aucun titri: pour agir. Ainsi en est-il
lorsque la protection diplomatique a déjà été exercéepar un autre Etat
et lorsque la personne à protéger n'a pas sa nationalité. Au surplus,
il y a différentes formes de protection diplomatique, et lorsque les
réclamations diplomatiques entendent, des le départ, être le prélude
à une action judiciaire qui, comme la Cour internationale de Justice l'a
rappel6 dans l'affaire Nottebohm,n'est que la forme la plus 4levke de la
réclamation diplomatique; les exigences dont on vient de parler n'en
sont que plus rigoureuses.7O BARCELOSA TRACTIOS

Or, sur ce point, les notes belges de 1956 et de 1gj7 n'apportaient
aucune indication susceptible de satisfaire la légitime curiosité du
Gouvernemerit espagnol.
Dans ce seris, la seule affirmation coiicrfte contenue dans le mémoran-
duni de 1956 et dans la note ultérieure du 8 juillet 1957 (mémoirebelge,
1962, vol. lil, annexe 265, p. 1030) se limitait h une prétendue partici-
pation, qu;llifiéede prépondérante,de la sociétébelge Sidro dans la
sociétC:canadienne. On en déduisait, s;ins autre explication juridique,
le droit de présenterune réclamationiiiternationaleet d'assumerlui-même
la protection de la Barcelona Traction malgré sa nationalité canadienne.
De l'avis du Gouvernement espagnol, le Gouvernement belge ne
pouvait remédier à son défaut de qualité pour étendre sa protection à
la Barcelona Traction en invoquant le prétendu caractère bclgc de
certaines actions qu'aurait détenues la Sidro. Comme le disait le Gouver-
nement espagnol, dans sa note du 30 septembre 1957 (mémoirebelge,
1962, vol. Ili, annexe 266, p. 1036). je cite:
ii... si le Gouvernement belge se prévaut de la dissociation de la
nationalité canadienne de la Barcelona Traction d'avec la iiatio-
ilalité bclge de la Sidro pour appuyer sa réclamation, cette même
dis~osition est a~~iicabie isuivant un tel critère) à la sidro r...l:
.,II s rir . .It:pr: I'IIIII:~I~I ~initîitt.cl11 011\'"IL
appItc111c L la S~dros':,ppIiq~~c Cgal~:t~i~! :i~lta I?~rct,lot'l'ractinii,
cg:(iiiicmvi.ilie roiilc d~iiuct;itit~<lela n:~tionalirL.1~crllt:-ci ii'.i\.ec

celle de sis associéset rend inipossible la réclamation ii.
Dans sa iiote du 8 juillet 1957, le Gou\rernement belge ne put justifier
d'une manièresatisfaisante sa qualitépour agir. En effet, il se contenta de
s'en remettre aux affirmations contenues dans les notes précédentes.
Au lien de présenter des élémentsnoiiveaux pouvant établir sa qualité
pour intervenir dans l'affaire, il insinua, non sans forcer quelque peu
les règlesconcernant la correspondance diplomatique, que le Gouverne-
ment espagnol avait acceptépar son silence les explications précédentes
du Gouvernement belge au sujet de son prétendu droit d'intervenir
en faveur de la Barcelona Traction. En effet, il faisait valoir que la
premiére note espagnole di1z juillet 1948 n'avait formuléqu'une seule
objection, à savoir, que l'affairesetrouvait entre les mains des tribunaux
espagnols, sans faire à l'époqueun commentaire quelconque concernant
la qualité pour agir du Gouvernement de la Belgique.
Par ailleurs, Monsieur le Président, le Gouvernement belge, afin
peut-être d'éluder les règles sttictes du droit des gens en matière de
réclamations internationales tout en se donnant l'apparence de les
respecter, s'empressa, sans hésitation aucune, de donner dans sa note
du 8 juillet 1957 une interprétation suiceneris de l'article z du traité

hispano-belge de 1927. Cet article limitait l'application du traité aux
litiges iqui n'auraient pu êtreréglés iil'amiable par les procédés diplo-
matiques ordinaires ».
Ayant ainsi invoqué ladite règle de l'épuisement des négociations
diplomatiques, le Gouvernement belge s'empressad'annoncer au Goiiver-
nement espagnol, faisant état d'une urgence extraordina!re (urgence
provenant peut-être de la crainte non fondéeque le traité hispano-belge
de 1927 pot êtredénoncépar l'Espagne), que si les deux gouvernements
n'arrivaient pas iiun compromis dans le délaide trois mois, il avait la
ferme intention de soumettre l'affaire de la Barcelona Traction, unila- PLAIDOIRIE DE JI. CASTRO-RIAL 7I

téralement, à la Cour internationale de Justice, conformément, selon
l'avis belge,à ce que prévoyait l'article 17 diidit traité.
Le Gouvernement espagnol répondit au Gouvernement belge par
sa longue note du 30 septembre 1957. dont le texte intégral figure
au volume IV des annexes au mémoire belge, page 1035 et que je
ne coinmenterai pas maintenant pour nc pas abuser de la patience
de la Cour, sauf cn ce qui concerne, cependarit, l'épuisementde la voie
di~ioniatioue.
'En effet', l'épuisement préalable des voies diplomatiques est tenu
pour acquis, lorsque, vendant la période de la négociation, on atteint
;n point mort 06 lorique l'on se-heurte à un non fiossumus ou à un
non voliimtispéremptoire de l'une des parties. Si tel est bien le sens de
la règle de l'épuisementdes recours diplomatii-lue, il ne devait pas être
permis aux Etats sous le couvert de cette ri:gle. d'éluder en ce qui
concerne lacompétenced'une instance arbitrale ou judiciaire certaines
règles juridiques généralesou conventionnell(:s, en l'espèce l'article n
--it~-~.-~-- ~,-,.
Le Gouvernement espagnol rappela au Gouvernement belgela nécessité
inéluctable dans laauelle celui-ci se trouvait d'éclaircir ou d'auuorter
une preuve, firimu /mie tout au moins, de sa qualité à agir a;Îegard
des personries protégées.Il s'agissait 1àd'une exigence fondamentale
que le Gouvernement belge n'accepta jamais de respecter. S'il y eut ainsi
un non volt~mz~sc,e fut le Gouvernement bçlgi: qui en prit la responsa-
bilité.
Le Gouvernement espagnol, dans la note du 30 septembre Igj7, ne
de 1gj1 de faire appel aà l'arbitrage. il n'av;iit fait sncuii effort sérieux,
après cinq annéesde silence, pour expliquer eii vertu de quel principe
international la prétendue participation de la Sidro dans la Barcelona
Traction lui donnait un titre quelconque pour protéger la sociétécana-
dienne, laquelle,à son tour, avait étéprotégéejnsqu'alors, exclusivement
et sans interruption pendant presque un demi-siécle,par I'Etat dont elle
avait la ~iatiorialité.
Il y a là ilne btrange tentative de transférer le droit de protection
diplomatique du Canada à la Belgique. On ne semblait nullement avoir
mesuréles conséqueiicesqu'elle entraînait, notammerit le passage de la
Barceloiia Traction du régime conventioniielhispano-canadien au régime
conventionnel hispano-belge. Les accords hisp;uio-canadiens en matière
de sociétésavaient étéappliqués jusqu'alors à la Barcelona Traction,
et le Canada lui-mêmeles avait invoqués à maintes reprises auprès de
1'Etat espagnol. Le régimeconventionnel hisl~ano-belgen'avait rien à
voir avec la sociétécanadienne Barcelona Traction. Et. étant donné
que la Barcelona Traction revendiquait pour elle-mêmeauprès de 1'Etat
espagnol la nationalité canadienne, la prétention belge de protégercette
sociétébouleversait radicalement les bases juridiques de la protection
diplomatique de la société faillie.
C'est pour ces raisons que le Gouvernement espagnol informa le Gou-
vernement belge, en 1957, de l'impossibilité juridiqiie qii'il y avait à
entreprendre l'examen approfondi des faits a:oncrets sur lesquels on
voulait fonder le prétendu dénide justice allilguép.u le moupe de la
Barcelona Traction, dont l'affaire setrouvait eiicoresub jzhdice,tant que
le Gouvernement belge n'aurait pas formulésa réclamationsur une base
juridique valable.72 BARCELOSA TRACTIOS
Aucune raison lécit-rne ne Deut iustifier la manière dont le Gouver- ~~
iieiiitiir bclges'est dL:rob>sus justcs deiiiaiiclt~îdu ~;oiivcrneiii~:iit
esl).ignoI. Cii gouvcrnciiicrit yiii \.icdr: f:iir1;rlonfiii,:curedc silerice
uuc >'litiiii~iu~re1i~;ouvcrii~.iiit.nthl~c doit cIisooi3~rc t~utï ~'1~ ~ ~ - -
kation et di toute l'argumentation quql veut méttrc en ceuvre. S'il ne
les livre pas, mieux encore, s'il dit clairement qu'il ne les livrera pas,
c'est qu'il attache plus d'importance aux pressions qu'aux procédures
juridiques. Le Gouvernement espagnol pourrait comprendre qu'une récla-
mation soit accoinpaguéede représentations politiques, mais il n'admet
pas que la présentation de la réclamation elle-mêmesoit accompagnée,
dans son contenu et ses conditions, d'imprécisionssubstantielles et d'un
silence délibéré.
Or, c'est bien ce qui est arrivé eu ce qui concerne la qualitépour agir.
Le Gouvernement belge se trouve, en effet,dans cette correspondance
diplomatique, en présence de deux problèmes: sur quel principe se
fonde-t-il pour protéger une sociétéétrangère?Quelle en est la preuve?
Sur le premier problème, problème de droit, le Gouvernement belge
avait certainement quelque chose à dire si l'onseréfèreaux volumineuses
explications qui devaient êtredonnées à la Cour par lasuite. Et pourtant,
que s'est-il borné à dire au Gouvernement espagnol? Que le droit de
l'Etat national de la sociétéfaillie à exercer sa protection diplomatique
n'était pas incompatible avec l'intervention, en certainescirconsla~ices,
d'autres Etats dont relevaient d'autres personnes juridiques intéressées
à la société faillie. uellesétaientces ciautres circonstances n? Le Gouver-
nement belge s'est bien gardéd'éclairerde façonraisonnable et suffisante
le Gouvernement espacnol sur ce point.
Sur le deuxième pro61ème,danCune note en réponsedu 6 février 1958,
le Gouvernement belge faisait valoir (annexes au mémoirebelpe, vol. IV.
p. 1043)que le Gouvërnement belge n'avait pas - je cite: '

u àsoumettre à l'appréciationdu Gouvernement espagnol les preuves
dont ildisposait à cette finou lesarguments juridiques qu'il comptait
invoquer, preuves et arguments qu'il appartiendrait seulement à la
juridiction saisie d'appréciern.

nement &p'agnolle disait dans les exceptigns préliminai;es de 1960e Gouver-

comme si elle ne discutait pas d'un problème international avec un
autre Etat souverain. mais-comme s; elle ~oursuivait en iustice un
advers;iir<:ordinaire devant un trihuiinl de i)reniihrr iiiîtnnc'e: j'ni les
preuves n6cessaires pour cnçqer un procc\s,mais je nic réscr\,ede les
or6seritt.r :iu tribunal. Cettc attitude Deut étre cornnréhensiblelorsau'il
S'agit d'une instance nationale qui, ;eus l'autorité'de lrEtat, a a;to-
matiquement juridiction sur les parties. Mais le Gouvernement espagnol
a considérép , ar contre, quecette attitude étaitabsolument inadmissible
dans une procedure internationale, alorsque la compétenceest fondee sur
l'accord des parties et sur l'acceptation réciproque des limites de cet
accord. Un accord international commeceluide 1927 implique nécessaire-
ment que la partie qui prétend entraîner une autre partie devant une
instance internationale devrait apporter, pour le moins, la preuve
suffisante. prima facie, qu'il s'agit d'une question susceptible d'être
soumise à une telle juridiction; c'est-à-dire que la question en litige
était du domaine de l'instrument juridictionnel. Le Gouvernement
espagnol pensait et pense encore que la qualité pour agir aurait dîi être PLAIDOIRIE DE hl. CASTRO-RIAL 73
présentéedans le cadre de la négociationdiplomatique en fonction mème
de la bonne foi indispensable à I'applicatiori des traités.
Cependant le Gouvernement belge plaça la Gouvernement espanol
devant le fait accompli du dép6t de sa requCte devant la Cour inter-
nationale de Justice le rj septembre 1gj8. P:ir respectueuse déférence
envers cette haute juridiction, il ne restait plus au Gouvernement espa-
nol, bien qu'il n'ait pas admis la compétence(lela Cour, qu'à donner la
forme d'exceptions préliminairesaux objections qu'il avait constamment
soulevées au cours des échanges de notes hispano-belges, l'exception
concernant la compétence du tribunal préckilant les deux exceptions
relatives à la recevabilité de la requêtebelge.
Eiicore que ne formulant pas d'exceptions préliminairespour défaut
d'éuuisementdes néeociationsdi~lomatiaues -- ce ou'il auraitDU faire.
c&il n'y a pas eu rzellement de'négociaiionsdiplo~atiques a;sens di
traitéhispano-belge de 1927-le Gouvernenient espagnol s'est cm obligé
d'attirer l'attention de la Cour sur l'attitude du Gouvernement belee ',
avant le dépôtde la requêtede rgjS.
Le Gouvernement es~awol attendait donc, en toute sécuritéet con-
fiance, le moment de laAd&isionde laCour sur~esexce~tions~réliminaires
de rq60, dont le fondement solide lui semblait évident. Or, un nouvel
événémenv tint le sur~rendre.
Quatric'nic partie l\i.sistenienr et réintroduction dc 1951:i1963.
Alors ~IIIle (;oii\~crnement belge de\,ait avoir dL'l~oCcs observations
et conclusions en réponse aux exceptions prLliminaires espagnoles de
1960, le Gouvernement espagnol fut informéqiie le Gouvernement belge
avait pris la décisionde s'adresser à la Cour internationale de Justice
~our Iiii demander le retrait définitif de sa reauête de 1aG," Il avait
hiil>nra\.:inr par cert;iirics dt:iriarclies <l31.je prnfcsieiir \\'aldock
exposcr:i pliictard. trnt; d'iinl>liquïrleGouvernenierit espngnoldani son
disistciii~iit. ICnutcdc sricriIiii;niiv~.riieiiiciitbelee notifia nianmoins.
le 23 mars 1961. son désistement au Greffier de Ta Cour, désistement
qii'il réalisait, disait-àlla demande des ressortissants belges, dont la
protection avait précédemment donné lieuà l'introduction de la requête
de 1958.
Le Gouvernement espagnol fut alors conraiiicu que l'affaire avait été
placéede nouveau sur le plan d'un simple litige privé,qu'elle n'aurait
d'ailleurs jamais dû quitter. La ferme conviction du Gouvernement
espawol auant au caractère définitifdu désistement belae étaitlot5au-. .
compte ténu des circonstances particulieres du cas d'Gpéce; elle sera
exposéeet discutéebientôt par le professeur \Valdock. Le Gouvernement
espagnol se trouvait en piésence d'un acte à l'égard duquel aucune
réserven'était faite et en présenced'informations qui toutes indiquaient
au Gouvernement espagnol que le désistement étaitdéfinitifet signifiait,
par conséquent, i'abandon de la prétention belge au sujet de l'existence
d'une responsabilitéinternationale dc l'Espagne à l'égardde la Belgique.
La confirmation la plus sûre de cette interprétation résidaitdans le fait
oue le retrait de la demande devait étre suivi dc néeociationsentre les
groiipei prives. nt5goci;itioiisnusqiicllcs lc Guii~~ernenicntcap:t~iiolserxit
iine qiicltioii cnnccriiant Inreslir>iisil>iiternntion~lr d'un lit:it riivers
iin:!litre Ftnt. LrGniivt:rncmcnt r.,jingnolnciliiitdonc Infcrmccori\,iction
que l'nffairt: nvnir PtéL nuiivc:iii plncCcsur son plan ~~rii,;,et que le
Goiivernement I)el~r consid6rait. lui aiissi. conimc 1lt5fiiiitivcmcnt<:los74 BARCELOSA TRACTIOS

le prétendu différendinterétatique qui, en réalité,n'avait eu d'existence
que daiis les prétentions précéùeiitesdu Gouvernemelit bclge. Ce. fut
la Cour,le 5 avril 1961,qu'ilne formulait pas d'opposition au désistement,
attitude qu'il n'aurait évidemment pas prise s'il n'avait pas étésûr
que le Gouveriiement belge avait définitivement retiré, par soii acte de
désistement. non seulement son instance devant la Cour. mais aussi la
substance de sesgraves accusations non fondées à l'égardde l'Espagne.
C'est alors que le Gouvernement beQe fait savoir au Gouvernement
espagnol, par -sa note du g octobre 1961, qu'il répkte les accusations
antérieures et reprend la protectioii des prétendus intérêtsbelges lésés.
avec l'iiiteiitioii de porteà nouveau l'affaire devaiit la Cour. Après uri
bref échangede correspondance diplomatique, une nouvelle requêtebelge
est déy0si.ele 14 juin 1962. La lettre que le ministre des Affaires étran-
gèresespagiiol adresse le 7 juillet 1962 au Président et aux membres de
la Cour reflète clairement l'état d'esprit du Gouvernement espagnol
devant le comportement du Gouveriiement belge.
En lisant larequêteet le mémoire.oii ~ouvait constater aue le Gouver-
iieineiit I>clg. \.;iit tir&,ci~iilscrn cspus> par .II. II>kfesscur .\go.
uii gr:iiid 1)roiitrlvsc\c~ptioiis ~>rl:liniinssp:iji~iolei.suil :irguiiicrit:<-
tloli LiaitI~I~:II~)r;jci~tLtcl II:ivait I:iit tuut iin ~r:~v:iiI~i'~td:L~)t~ctio~i
quiavait pour objet d'améliorersa position juridique. Mais, néaimoins,
une étude plus attentive des testes montrait qu'en ce qui concernait
notammenf les conclusions, le changement étafit apparent:
c'était bien la mêmedemaiide qui était réellement réintroduite. A cet
égard, il est très important de remarquer que toute la conduite du
Gouvernement belee durant la courte nériode en da ntlaauelle les deus
gouvernements on<correspondu apr& k désistementest fkdée, en droit,
sur l'identité et la continuité de sesrétentions dans cette affaire.
Le Gouvernement espagnol ne re;iendra pas siir sa thèse conoernant
les devoirs des Etats en cas de présentation des ~Eclaniations diplo-
matiques. Le Gouvernement belge s'était une fois de plus donné le
temps de reflbchir et de s'informer; il aurait pu, lors de la reprise de la
correspondance diplomatique à partir du g octobre 1961, tenir compte,
ou même simplement avoirl'air detenir compte, des légitimesobjections
du Goiiverneinent espagnol. Va-t-il le faire? Bien an contraire, il allait
tirer prétextede ceu'ils'agitde la méme affairepoirraccélérer les choses.
Dans sa ilote du 9 octobre 1961. le Gouvernement belge se réfi.re à
l'affaire relativà la Rarcelona Traction; il demande an Gouvernement
espagnol si celui-ci est disposé - je cite: .à modifier sa position an-
térieureail siijet des répa~ationsdemandéesen faveur des ressortissants
belges 1,.
A cette époque, l'intention du Gouvernement belge était bien de
circonscrire la protection diplomatique aux cintér8tsbelges en cause 1).
mais les prétendus nmesures, actes, décisionset omissions imputables
à 1'Etat espagnol. qui avaient causé l'intervention diplomatique,
n'avaient rien à voir directement avec les ressortissants belges, alors
qu'ils avaient trait exclusivement et directement à la RarcelonaTraction.
Ces questions seront exposéesen détail par 11. le professeiir (\go. Et les
prétendus «actes, décisions B.etc., imputablesà 1'Etat espagnol, suivant
ce que le Gouvernement belge disait, avaient déjà étédécritsdans - je
cite: «la correspondance diplomatique échangéeantérieurement n, c'est-
à-dire antérieurement au désistement. PLAIDOIRIE DE 31. CASTRO-RIAL 75
1311r:t ce que 1:i cul-rcs{~onO;incr~l~~)lurn:itic~IcJ~~:I~U-~IC~~~.
1~>cCd;iiitIL'L.si;t~.rn~iteiiiuiitr~.isiifli?ant,'est que, fundaiiiciit;rit-
iii~iirl'iiitervcntion I,c.lciiiiiiitili:ivait etc rr:alrsce cn iaveur <lu
grouie de la Barcelona fiactioii.
Le Gouvernement belge, dans sa note du !)octobre 1961, ne laisse
subsister aucun doute Quant au fait aue la réclamation formuléeétait
ideritique à celle de sa >equêtede I~~S.Etant donné qu'il considérait
que le prétendu ulitigea était substantiellen~ent le nième, il en vint à

prier le Gouvernement espagnol de le dispenser du délaides trois iiiois,
prévu par le traité hispano-belge de 1927, concernant le compromis
à établir avant la soumission d'une quelconque affaire à une instance
--~~~nationale.
Les seukfaits nouveaux que le Gouvernement belge signalait dans sa
note du mois d'octobre 1461 étaient les ii~iégociationsvrivéesu avant
eu lieu entre les groupes 'privésespagnol et-belge dès-le désistement
du Gouvernement belge, et l'intervention du comte de Notrico en tant
qu'intermédiaire,aux finsdetransmettre au groupe privé dit Kespagnol 1,
la proposition du groupe privé dit belge I)d'engager des pourparlers.
Comrnesuite Aune demande d'un groupeprivé,le Gouvernement belge
a opéré,selon sa note du g octobre 1961,le désistement, et à la demande
de ce même groupeprivé, il réintroduit ensuite de nouveau la même
affaire devant la Cour internationalede Justice. Lorsque les ressortissants
belees liésau oerouven de ces sociétés étrangeres vensent au'il leur
coGient de de&ndér ce qu'ils appellent uneYrépar;rtion"su; le plan
mi\-é n.le Gouvernement belge s'empresse d'abandonner la réclamation

ils réussisseiit de nouveau à obtenir que leur gouvefnement porte la
mêmeaffaire, encore une fois, «sur le plan international a.
L'Etat espagnol croit de son devoir d'attirer l'attention de la Cour
sur cette étrangefaçondefaire usage, dans la vie juridique iriternationale,
de l'exercice de la protection diplomatique pour soutenir toutes sortes
d'imputations injurieuses montées par un cgroupen d'intérêtsprivCs
contre l'administration de la justice d'un Etat, comme I'Etat espagnol,
toujours soucieux de sauvegarder la traditionnelle indépendance et la
dignité du pouvoir judiciaire.
Lc Gouvernement belee soutient. dans sa note du 5 déceinhre 1061.
après le désistement, qle sa position juridique à l'zgard du préSent
différendest suffisamment définiedans ses notes antérieures au retrait
de sa demande.
Mais si les notes belges antérieures à la proposition de compromis de
1957 avaient déjà définil'objet de la réclamation, ainsi que la Belgique
le soutient en 1961, cela revient à reconnaitre de façon explicite que
l'objet de sa réclamation est en 1g61exactement le mêmeque celui
qu'elle avait poursuivi avant le désistement.

[Audience publiquedu 16mars 1964a ,prks-miXj

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour. je vais terminer mon
exposéde ce matin en disant que la Belgique soutient en 1g61( Yune
façon explicite, que l'objet de sa réclamation est en 1961 exactement le
mêmeque celui qu'elle avait poursuivi avant le désistement.76 BARCELOXA TRACTIOX
-~ e~~.t. Monsieur le Prés~de~t..a.rès aue le Gouvernement esuae.ol-
eiit iigiialc, postCricur~mcnt au Jisistcriiçiit, sur yuellc hast Ic Guuvcr-
IICIIICII~ÏICC IUIIJ~IS;Li~ui~liiiagir du15I':iifitirCL-Jerilier crouvcriie-
ment répondit le j décembre 1~61-squ'il s'estimeyualifié, en-vertu du
droit international, pour exercer sa protection diplomatique B et que c'est
- je cite: uau Gouvernement belge et à lui seul qu'il appartient de
déterminer si les conditions d'une réclamatioii internationale sont
remplies et s'il entend user de cette voie a. Je me permets de souligiier
le fait inadmissible de nrétendre au'à une seule des Parties revient la
faculté de décider quani un différendexiste.
Une autre affirmation du Gouvernement belge d-ns ladite note mérite
que l'on s'y arrête- je cite:
<,LeGouvernement espa~iiol a étépleinement informé de l'iin-
portance des intérêtsbelges~notamme~t par les notes qui lui ont été
adresséesles 27 mars 1948, 6 et 31 décembre 1951 et 31 décembre
rgj6.u

Et il ajoutait:
u Si le Gouvernement espagnol persiste à contester la manière de
voir du Gouvernement belge sur les points ci-dessus et s'il décline
sa responsabilitésur le plan du droit international, il faut en concliire
qu'il existe un différendentre les deux Gouvernements, différend
portant sur un point de droit. z
Maisil est bien évident,Monsieur le Président, que sile Gouvernement
espagnol devait sereporter aux points indiqués dans les notes antérieures
au désistement pour connaître la position juridique actuelle du Gouver-
nement belge, cela reviendrait à dire que ce serait la mêmeaffaire qui
serait remise. En réalité.il s'agit donc touiours des mêmesactes imnutés

avec la société. -
Il n'y aurait plus en réalitéqu'une simple différenceverbale et non
juridique dans le contenu des deux requêtesbelges. Dans la première,
le Gouvernement belge protégeait une sociétéen fonction de ses action-
naires; dans la seconde, il prktend protégerdes actionnaires en fonction
de leur société.
Le Gouvernement belee faisait fi des nrofondes contradictions aue le
renvoi à ses notes antéGeures faisait apparaître. En effet, la ~ekique
avait connu les actesde protection diplomatique du Canada; elle n'avait
fait aucune réserve à kur égard; comme elle le reconnaît dans son
mémoire,elle les avait appuyés.
Comment le Gouvernement belge ne voyait-il pas qu'il ne pouvait
simultanément se fonder sur les mêmes griefsque le Gouvernement
canadien et prétendre refuser d'indiquer d'une manière plus précise ses
propres griefs, puisque ceux-ci auraient dû êtredifférents pour être
recevables?
En invitant le Gouvernement espagnol à une nouvelle lecture des
notes antérieures au désistement, le Gouvernement belge semble avoir
oubliéquelles avaient étéses déclarations précédentes.Dans sa note du
22 juillet 1949, le Gouvernement belge avait fait allusion à de <,grands
intérêts internationaux a, confirmant par là une autre phrase desa note
du 27 mars 1946 où l'on visait, en parlant de la faillite de la Barcelona PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIIU 77
Tractiun. wune procédrircuiii\.crselle aifect;iuiitr& gr31idiionlbie de
persoiiiiretdes iiitL:rCt,11;svasics et ~ml>us;iblesiL:\~~lu:rL)'ailleurs.
dans une lettre postérieure, en date dui3 juillet1951, l'ambassadeur
de Belgique avait fait une allusion encore plus inystérieuse aux «milieux
si divers des épargnants de mon paysr. Tout ceci ne constituait pas un
ensemble très coherent et était de nature àprovoquer l'attente de quel-
ques Iegitinies éclaircissements.
Cependant, le Gouvernement belge trouve toutes ces objections sans
pertinence. Bien plus, il laisse entendre qu'en soulevant toutes ces
questions le Gouvernement espagnol ne cherche qu'à gagner du temps et
à éviter, par toutes sortes de mesures dilatoires, que l'affaire vienne
à êtrejugéeau fond.
Il y a entre cette dernière accusation et celie qui fut lancéà propos
du refus de devises une certaine sjmétrie.
A propos des devises, le Gouvernemeiit belge s'est fondésur la pré-
tendue snotoriété publique » pour dire que le refus de devises était la
seule cause de la cessation du paiement des inthrêtsdes obligations en
livres sterling. Or, nous savons que les sociétésintéresséesse sont
systématiquement refusées à donner au Gouvernement espagnol les
informations que celui-ci était en droit de deinander et que c'est leur
attitude qui est la cause du refus.
De même. le Gouvernementbelee s'est fondésur laprétendue notoriété
publique <lesprétendu.,iiitérCtsbrlgcs po~irjustifier nii co~ides niiiiées
1948, I~~CJet 19jo s:i sullicitude. vii les ditficultcs él~ouv6e5eii Esp~giie.
envers une société ~iii'rcconnaiss;iit Clri:canailienile IIi,oii\.nii cilcflet
agir ainsi sur le politique, mais il n'avait plus le droit de le faire
à partir du moment où il prit la grave décisionconsistant à prétendre
d'exercer la protection diplomatique, puis de saisir la Cour internationale
de Justice, puis de la saisià nouveau après s'êtredésisté.11ne pouvait
pas non plus, sur sa seule affirmation, fondée sur des arguments et des
informations réservéespour plus tard, chercher à placer l'Espagne dans
la position d'un accusédevant la Cour internationale de Justice.
Certes, Monsieur le Président, les Etats ont le droit de recourir à
certains moyens diplomatiques pour obtenir qiielques avantages, même
au profit d'intérêtsprivés. Cependant, le Goiivernement espagnol est
d'avis, quant à lui, que la voie de la justice iiiternationale ne se prête
pas un usage aussi excessif que celui que le Gouvernement belge a
entendu en faire.
Je remercie la Cour de sa bienveillante attention. ORAL ARGUMENTOF SIR HUMPHREY WALDOCK

COUNSEL FUR THE GOVERNMENT OF SPAIN

.\Ir. I'rcjiclent :ilid .\lr.mbi:rs of tti~.Coi311.iiiterii:itioii;~l Ian.y,.r
c:innot f.11ti, iccl;Li~iijcof pri\.ilcgc I.uiiour iii I,<.iiigc:illcrl iipon
to ;iJdrcs.; 11.1sIiiclicî~af tril~iinliiil1 fiill\sl.:~rtliis fcelinn tu<l:<v.
1jut it is my dutyat the very outset to submrt to you, on behaïf of the
Spanish Government, that this case really ought iiot to be before you at
all, because al1 proceedings in this Court in tlie Barcelona Traction
Company case were, we believe, wholly and finally discontinued at the
initiative of the Belgian Government itself three yedrs ago.
My distinguislied colleagues will be submitting to you our arguments
on the other l'reliininary Objections-Objections which ayplied to
tlie proceedings instituted in 1959 no less than the? do to the proceed-
ings of which pou are now seised. The objections to the competence
of the Court and to the admissibiiity of the Belgian claim with
which my colleagues \vil1deal are serious and fundamental enough in
al1conscience.
13utthe first Objection, wliich 1 have the honour to present, is even
more fundamental. It challenges the right of the Ijelgian Goverliment to
discuss the Barcelona Traction Company case before you in any way
at all. It is, as it were, a pre-preliminary objection. It not only denies
the right of the Belgian Government to ask you for a decision on tlie
merits. It denies that they now have any right to obtain from you any
decision on the question of your jurisdiction nnder Article 17 of the
Spanish-Helgian Treaty of 1927 i~i connection with the I3arcelona
Traction case. It denies tliat tliey have any riglit to ask you to pronounce
upon their title to intervene, or to ask you to determine whether or
not the domestic remedies available in Spain were eshausted. In short,
hfr. President, this Objection logically and legally precedes al1the others
and, if it iswell founded. the com~licated issues of law and fact uvon
which your decision on the other objections depends willbe of no concern
whatever to the Court.
Our distinguished opponents have sought in paragraph 20 of their
Observations to create the impression that the arguments regarding the
legal effect of the discontinuance put fonvard in our Preliminary Ob-
jection are radically different from those advanced by Spain in her
diplomatic Notes. The? repeatedly state that the position of Spain
in her Note of 5 March 1962\vas that the Court's Order of IO April 1961
removing the case from the list had the force of a chosejugée,which
was sufficient in itself to debar Belgium from reintroducing the case;
and they Say that we have now abandoned this untenable position.
hlr. President and Members of the Court. the Spanish Note of 5 bIarch
1962 is printed at Annex 271 of the Belxian hlemorial, and yon only
have to pass a rapid eye over its contents to see that this alleged change .4RGUMEXT OF SIR HUlIPHRliY \VrlLI)OCK 79

oppoiicnts' imagination. the Sp:rnisli Governnierit is a pure figmeiit ofour

'The Note-a long one of zOparagraphs-recited the salient circum-
Our pleaùings. It reminded tlie Belgian Goverriment of the filing of then
notice of discontinuance and of Belgium's subsequent request to Spain
that she sliould at once inform the Court that she did not ouuosc the
discontinuance. Nest the Note recalled how, in response to th&'request,
the Spanish Governmerit had notified the Court of its non-opposition
to the discontinuance and Iiow. in couseauence. the Court hadmade its
Order striking the Barcelona Traction &se of; its list. And tlicii the
Xote commerited:

"Le Gouvernenient belge ne peut ignorer que ladite ordonnarice
de la Cour internationale de Justice a niis fiii au litige artificiel
concernalit la Rarcelona Traction; et aujourd'hui, il se trouve lié
par cettc ordonnance rendue sur sa demancle et aprèsque le Gouver-
nement espagnol eut manifesté i la Cour qu'il ne s'opposait pas au
désistement."
Now, this comment h;is naturally to bc rend in its contest. In the
very nest paragraphs tlie Spanish Government went on to give thc
reasons why it considered that tlie Court's Order Iiad put an end to the
case and \vas binding iipon Belgium. It stressed that it would never have
accepted the discontinuaiice if tliis had not been presented to it as
ahsolute and definitive in character; and it espressly took the position
that any attempt by Belgium to reintroduce the case would not be
consistent with good faith. In short, anyone reading tlie Note as a whole
could not possibly fail to sec the true grounds upon which the Spanish
Governrnent claimed that the discontinuance Iiad the effect of debarring
Belgium from hringing the case back again to the Court.
It is not ive, >Ir. President. it is our opponents who have dragged
this question of chose jrrgécinto the discussion. Our general position in
regard to the effect of the discontinuance is statedin paragraph 79ofthe
First Preliminary Objection aiid in the final paragraph of our Conclusion
to that Objection, which the Court can find on pagc39rr. Our position
is perfectly clear. U'e contend tliat the notici: of discontinuance filed
by the Belgian Goverument on 23 hlarch rgfir, and the consent given to
that discontinuance by the Spanish Governmerit in its letter to the Court
of 5 April 1961, at the request as we say, of the Belgian Government,
constituted legal acts done in face of the Court, which hound the two
Governments and had the effect of finally miî.lidrawing the Barcelona
Traction case from the Court. And we submit tli;rt in consequence the
Court is now withoiit any competence either to cntertain or to adjudicate
tlie claim prcsented in the Rrlgian App1ic;ltirin of 14June 1962; for
whatever jurisdiction the Court mav ever have had to decide any
question relating to that claim, whether a question of jurisdiction, ad-
missihility or merits, was. we believe, coinpletely and finally put an end
to by the letters of the Belgian and Spanish Govcrntnents of 23 March
and 5 April 1961.
At the same time, Mr. President, we think that your Order of IO April
1961 \vas, strictly speaking. necessary to accomplish the termination

See I.C.J. Pleadingr, Barcelona Tradion, LiaridI'owsrCompany. Limited.SO BARCELOSA TRACTION

of the ~roceedines aiid to effect the final withdrawal of the case from
tlie Court. Ai \vf.iiotcdiiip-r:igr.,l,ISyul oiir Ol>l~ctioiiiiiwi>tiiiud~rii
iystciiia of l;i\\.the discoiitiiiuarisï uf procce<liiiga.uiicc tliey 11.1veI>c.cii
iiiititutcd.is .riiiaitcr of iiiiblic ortl<.r:;,\\.cft.eltl~iiit t.o~ildIi;irJI\.
he othenvise iiithe internitional ~ourt'of Justice. Eut, in our submission,
even before you made your Order of IO April, the Belgian Government
had, in consequence of the letters of 233larch and 5April, losi all riglit
to ask you to retain the Barcelona Traction case on your list and al1
right ever again to ask you for any decision relating to that cse. Whether
in these circumstances your Order is or isnot to bcregarded astechnically
of having had the effect of making the matter chosejugéeseems to us
an entirely academic one; for even if your Order is considered to have
been a pure formality, it shut-and it finally shut-in our submission.
the doors of the Court against Belgium in the Barcelona Traction case.
In concluding these introductory observations, klr. President, 1 may
perhaps be allowed to add that the Spanish Government, of course,
recognizes, without any reservation, your competence to determine
whether the letters of 23BIarch and 5 April 1961 had the effect which
we contend that they did have-in other words, to pronounce upon this
First Preliminary Objection. If, however, we are right in our contention
regarding the effect of the discontinuance, that, in our submission, is
the limit of your competence in the present proceediiigs; for in that case
the matters covered by our other Preliminary Objections fall wholly
outside your jurisdiction.
It is common ground hetween the Parties, Mr. President, that the
legal framework within which the validity of this Objection has to be
examined is Articles 68 and 69 of the Rules of Procedure, and more
especially, of course, Article 69. There is also, 1 think, much common
ground as to the interpretation of these Articles and as to the role
which they have in the procedure of the Court. But there is a wide
divergence in the written pleadings between the vieivs of the two Gov-
ernments as to the precise significance to he attached to a notice of dis-
continuance filed under these Articles; and this makes it necessary for
me to review as brieflyas 1 can the position taken by the two Govern-
ments on these matters.
The interest of this discussion lies, of course, in the deductions which
the Belgian Govem~nent is asking you to make from the particular
words which it used in informing the Court of its wish to abandon the
proceedings. These words occur, as the Court knows, in the first para-
graph of the letter to the Registrar of 23March 1961, which reads:
"A la demande de ressortissants belges dont la protection a
motivél'introduction de la requêterelative iil'affairede la Barcelona
Traction. Lizht and Power Com~anv. déuoske à la Cour inter-
iiationale cl?Justice le 75 scpteml;re ir)iS. iiion (;uui~cnieiii~~iiIIC
clinrpcde I'liunneur de \.eus demaridcr de hien vouloir fair*:connaitre
i 1:Cour. iitirf.lisant iisncc dc In faciiltéoue lui ilonnc 1':irticlz60
du ~è~leként de la cour,-il renonce A pohrsuivre l'instance intr;
duite par ladite requete."

jTranslation]
"At the request of Belgian nationals the protection of whom
\vas the reason for the filina of the Application in the case conceming
the Barcelona Traction, Light and Power Company, filed in the52 BARCELONA TRACTION
We could weUunderstand the loaic of their position, hfr. President and
Members of the Court, if they we;e saying to ?ou that the first paragraph
of tlieir letter aas solelycoriçerncdwith the proccdural act of withdrawiiig
the proccedings and was completely net~tialon the question \vheth&
or not tliey were withdrawing the whole case fiiially from the Court.
That would at least be consistent with the conclusions wliich they draw
from Articles 68 and 69 and froin tlie Orders of the Court. But that is
not the argument which they are putting ta you. They do not say that
the words "renorice à poursuivre l'instance" coiiveycd no informatiori
to anyone as to their intention to withdraw or iiot to withdra~vthe case
finally from the Court. 'iïiey say that tliose words made it evident to
everyone th:it they were only proposing ta witlidraw the proceediiigs
actually in progress and were reserving the right ta reintroduce the
claim if the negotiations between the private interests failed.
The reasons why the Belgiaii Government is seeking ta apply this
double standard to the words "renonce à poursuivre l'instance" appear
to be obvious. Our opponents have shown themselves ansious, Mr.i'resi-
dent and Afembers of the Court, to shut out from your consideration
the quite estraordinary çircumstaiices in which they discontinued the
Barcelona Traction case-when fundamental objections had been raised
by the Spanish Government bath to the jurisdiction of the Court and ,
objections was imminent; when the so-called Belgian private interestsse
were energetically attempting to get the affair arranged out of Court.
You will certainly remember how in paragraph zgz of their Jiemorial
they sought ta minimize the importance of the facts regarding the
discontinuance and to keep them out of the discussion. 1 shall return to
these niatters again later on. 1 mention thein riow only because they
seem to explain our opponents' whole approach to the interpretation
of Articles 68 and 60 and of their own letter ot z? March. Thcv arc
afraid tliat, if the cir&mstances in which the disconfinuance took'place
are brouaht into consideration, they will not pe-suade you that it left
them wifh any right ta reintroducetlie case.
In order then ta achieve this object of shuttiiig out the facts our
opponents take the position that asa matter of law the words "renonce
à poursuivre l'instance" in their letter meant and could only mean that
they were abandoning t.e proceedings actually in pro-.ess, and nothing
more.
Our opponents, Mr. President, 1 should not forget, have sometimes
seemed ta be keeping in reserve a secondary argument in which they fa11
back upon a presiimption-a presumption against the renunciation of a
right. Thus, in paragraphs 294 to 295 of the Memorial, they appeared
ta invoke in their favour a presumption against the renunciation of a
right and this presumption reappears in paragraphs 40 and 42 of the
Observations and Conclusions. Rut a mere presumption would not, of
course, he enough to shut out the facts from your consideration. A
presumption goes only to the burden of proof alid may be rebutted.
So. Mr. President, you find the Belgian Government, in its Observations
and Conclusions-in the first footnote on page 36, 1,and again later-
insisting that its whole case rests on the proposition that the discon-
tinuance provided for in Article 69 is a simple abandonment of the pro-
ceedings actually in progress, which neither has reference to nor affects ARGUMENT OE SIRIiUI\IPHREY WALDOCK 83

tlie riglits in issue. It is therefore clear eriougli that the whole Belgian
argunient is centred upon those five words in the letter "renonce à
poursui\~e l'instaiice" and is directed to shutting every other aspect of
the discontinuance out of your minds.
The view of the Spanish Gorernment, expressed in paragraphs Sj to
iiotice of discontinuance altogcther from the circumstances in which itrae
was filed finds no justification whatever eitherin the terms of Articles 68
arid Gg or iri the practice of Statesor of the Court itself in applying those
rules. Indeed, we think that it completely disrcgartls the system of
discontinuance set up by tliese Articles and tlie practice of States and
of the Court under tliat system.
We and Our learned opponents seem to be agreed that Articles 68
and 69 establish wliat is reaiiy a threefold system of procedures for
terminating proceedings in progress whcn such is the desire of one or
both the parties. Article 68 covers two separate cases where the proposa1
to terminate is prcseiited to tlie Court as an agrecd niattcr. Article 69
covcrs cases where the proposa1is presented to the Court as the unilateral
act of one party. In each case the Articles simply indicate the procedurc
to be followed to bring about the desired result. Tliey provide, as it
were, three different slots into whicli a coin may be put to obtain from
tlie Court the termination of proceedings. Our opponents are trjing to
say to you, as they inust do to succeed in their argument, that one of
these slots is clearlv niarked "unilateral discontinuaiice for terminatinr
tlie proceedings ody"; arid that, because they put thcir coin into thiz
slotand not into a slot marked "unilaterd discotitinuance for terminating
the rights at issue", not only was their intention made perfectly cleaÏ
to the Spanish Governnieiit but the packet which came out of the slot
was and could only be a discontinuaiice of the proceedings in progress,
which left them free to begin the case over again.
The difficulty which confronts our opponents' argument, Alr.President,
is tliat your procedural machine has no slot inarked "unilateral discon-
tinuance for terminating the right at issue". Articles 68 and 69 of tlie
Riiles speak of the parties informing the Court of the conclusion of an
agreement as to the settlement of the dispute, or of the parties informing
the Court by mutual agreement that tliey are not going on with the pro-
ccedings; they also speak of the Applicant party informing the Court
word do they contain of désistementd'actioir. Thus, Mr. President,t a
apart from an Order recording the settlement of the dispute, your
procedural machine, if 1 may again respectfully use that expression.
only offers your customers two things-an Order recording a désistement
d'insfance obtained by mutual agreement oi- an Order recording a
désistementd'instanceafter a unilateral approach to tlie Court. In other
words, it both invites and requircs your customers to put their coins
into the same slot, whether they are seeking to effect a termination
of the proceedings only or a termination of al1right to prosecute their
case before the Court.
Iii the written pleadings our opponents have sought to remedy this
difficulty primarily in two ways. In paragraphs 293to 295of the Memorial
they tried to inculcate into your mirids the idea that, iii spite of aU
appearances, Articles 66 and 69 really do make this distiriction. The
method was ingenious. Instead of beginiiing thi: discussion with Articles84 BARCELONA TRACTION
66 and 69, which are, after all, the applicable rules of procedure, they
svoke of a clear distinction which thev allered to be made in certain
ktioiid systeiiis of proccdiird ùct!r.eciidést,t&>retr'~~isr.uuzid d2srsrf-
ntcnl d iir:tu>zand tlicii I)!,a proceîj of siiùliiiiiiial suggestion, thcy
iii\.itçd vou ro rtjiuiiie thar thcdP'sistdnienlsdr:ilt \r.ithin :\rticles6Sand6~
must béunderstood torefer exclusively to a discontinuance limited to thé
proceedings in progress because they speak of désistementd'instance.
The Spanish Govervment, as the Court wiU recall, insisted that it is
your Kules of Procedure and no otliers that are in question, and also
~ointed out that quite other conclusions may be drawn from some na-
iivnal systems th& those that are suggested- in the i\lemorial. Whether
it was because deductions from national systems of procedure had lost
some of their glamour or because thev felt that vou vourselves mirht be
inclincd to incre attcntiuii to)O; o\\iilltil~11i>roiedurc, d& not
appcar. Uut iiitticir Observations and Coricliisiuniour oplionentj diiftecl
the fo~.usof rlieir ;trcumciitd r\rticles6S aiid G*.contciitii-c tlieinscl\.ej
with brief referencey to national systems.
Quite correctly, Our opponents in their Observations and Conclusions
sav that the Articles make a clear distinction betiveeii "sett1ement"-
"arrangement amiable"-of a dispute, and "discontinuance"-"désiste-
ment". They point out that according to the Articles there is a "settle-
ment" ivhen the ~arties "conclude an agreement as to the settlement
of the disputeu-"tombent d'accord sur solution à donner au litige";
going on with the proceedingsm-"renonce there à poursuivre l'instance" in
Article 68 and "renonce à poursuivre la procédure" in Article 69. Natu-
rally, we agree with these statements, for these are the very words of
your Rules. In passing, 1may Say perhaps, Mr. President, that the ivord
"litige" which pou find in the French text of Article 66, "tombent
d'accord sur la solution à donner au litige". seems to us to have the same
meaning as "différend", which is the term used both in the Statute of
the Court and in the Charter as the equiralent of the English word
"dis~ute". Certainlv we would aeree that Article 68 s~eaks of "an
agr&:i~ient3s to tht;Bcttleinriit of thc dispiitc"itrcfcrs to'an ngrceiiicnt
relaiiiif: to .,nd di~~,~>~iif~thc ~~ih~~.ct-tn~to:frtlir <liipute 5ubniittc)d
to the court.
We can also agree with our opponents that, when the framers of the
Statute made separate mention of "settlement" and of "discontinuance",
they did so because of a àifference between these two acts. But it is
just at this point that a gap begins to open betmeen us and Ourleamed
friends as to the interpretation of the two Articles. They are seeking
to versuade vou that vour Rules make this difference between the two
a&, becanséthe f&Lers considered tliat "settlement" is a transactiop
which necessarilv disposes of the dispute itself, while discontinuance 1s
a transaction which kust necessaril; be vresumed to relate onlv to the
proceedings in progress. Pointing'out .that Article 68 provides for
discontinuance by mutual ameement as well as "settlement", the? argue
-the passage is in paragrafh 45 of the Observations-

"... If the parties 'by mutual agreement inform the Court in ivriting
that thev are not going on with the proceedings', but do not also
inform the Court in their written communications that they 'CO?-
clude an agreement as to the settlement of the dispute', their ARGUMEXT OF SIR HUSIPHREY WALDOCK 85

communications record only discoiitinuance of the proceedings and
not settlement. Conseauentlv. the documeiit or documents (if there
are two separate comm~nications) putan end only to the proGeedings
and not to the right at issue. The Court cannot inler therefrom, and
no presumption 70 this effect can be derived from the document,
that there has also heen a settlement entailing abandonment of the
action."

Tlien, recognizing that cases may occur in which either beforeor after
a discontinuance the parties conclude a "settlement" of the case, our
learned opponents nevertheless state that if the Court has not been
informed of the settlement, no presumption of the abandonment of the
asserting a settlement to prove its existence and the iproof, they Say,y
inust be provided by elements extraneous to the ;ict of discontinuance
of the proceedings. And they say that this reasoiiing applies u forliori
to cases like the present where the notice of discontinuance is given under
Article 69 and emanates from one party only.
As 1 said, Afr. President. the purpose of Articles 66 and 69 appears
simply to he to provide in an equitable and orderly manner for the
termination of proceedings iii progress when both parties, or in certain
cases one party only, apply to the Court for thcir termination. They do
notpurport to deal with the effects of the termination ofthe proceedings;
they deal only with the procediire and with the fornial Order appropriate
for use in each case. True. thev distineuish between "settlements" and
"discontinuances". But they do so simply by reference to the difference
in the transactions which lead the parties to ask for the termination of
the oroceedines. So much is this thêcasethat the Court does not concern
itseif in any6 Withthe terms or the effects ofthe "settlement" which
is the bais for the request for the removal of the case {rom its list.
Article 68 does not require the parties to inforni the Court of the terms
of their "agreement" as to the settlement of the dispute, nor does it
contemplate that the Court should do anything more than record the
fact of the conclusion of the settlement. At the revision of the Rules
which took place in 1926 the Court expressly rejected a suggestion
that it should endorse or otherwise ratifv in a iudrment the settlement
arrived at between the parties. In doing so,'it émphasized that the
settlement might well be based on political, t:conomic or diplomatic,
rathcr than legal considerations. The Court has thus deliberately re-
stricted its role to recording officially the tact ofthesettlement. Similarly,
the Court does not concem itself in any way with the terms or the effects
a case from the list. It again restricts its role to recording officially the
fact of thediscontinriance of the proceedings in progress.
So far, MI. President, 1 have discussed Articles 68 and 69 together
and 1 have referred primarily to Article 66, since it deals with both
6settlement" and "discontinuance". and Our opponents have sought to
exaggerate the significance of the different treatment accorded to them
in that Article. \Vhat 1 have said about that Article applies equally
to Article 69. Rut, as the Belgian Govemment i?xpresslyfiled its notice
of discontinuance under Article 60 and has soueht in Daraera~h 47 of
its Obsrrvations to draw some ikdniisiihle dcduction; frtm ;he 'jiro-
\,iàionsof :\rticle 61mujt mnke somcobsrr\.ations on tliià .Artiilcalso.56 BARCELOXA TRACTION

Article 69 concerns cases where the requcst for the termination of
the proceedings emanates from the Applicant aloiie. As the Court knows,
the Article is divided iiito two paragraphs. l'aragraph 1 covers cases
where the respondent has taken no step whatever in the proceediiigs,
and where the Applicant's notification of its wish to discontinue the
proceedings sufficesby itself to obtain from the Court an Order recording
the discontiiiuance and reinoving the case from the list. Cases under
that paragraph may therefore fairly be said to be cases of purely urii-
lateral discontinuance. The second paragraph coiicerns discontinuances
effected after the respondent has already taken a step towardsdefending
is not purely unilateral. The request emanates from the Applicanttinuance
alone, but the Article provides that the Respondent shall be giveu the
opportunity to state whether it opposes the discontinuance; and that,
ifthe Respondent objects, the proceedingsshall continue. The Respondent
having taken a step in the proceedings, acquires a legal interest in them
and thereafter its consent, as wcll as that of the Applicant, is neccssary
for their termiiiation.If it consents, or if it al1oa.sthe time limit to run
ont without objecting, the Court will make the Order requested by the
Applicant, and in it will officially record the discontinuance of the
proceedings. Discontinuances uiider this paragraph, &Ir.President, begin
unilaterally but are in the result bilateral, because before any Order
will be made there must be obtained, in face of the Court, at least a
concurrence of the wills of the parties in favour of the termination of the
proceedings.
It is, of course, Article 69, paragraph2, which goverus the present
case; and \ve freely concede that the parties an: more at arms' length
in terminating proceedings under this paragraph than in the case of a
"settlement" or of a "discontinuance by common accord" under Article
68. But the general character of the transaction which takes place in
Court under Article 69 is essentially, we submit, the same as that
under Article 68. A request is addressed to the Court for the termination
of the proceedings. The Court, having satisfied itself that al1 those
possessing a legal interest in the proceedings consent, makes an Order
recording the discontinuance. Under Article 69, paragraph 2, it is true,
the Court dues concern itself with protecting the procedural rights of the
Respondent. Rut the Court does not otherwise concem itself in any way
with the terms or the effects of the notice of discontinuance which is the
basis of the request for the termination of the proceedings. Again, it
ceiving its commiinication, and to recording officially the resultinge-
discontinuance.
Before going on to erplain our position in regard to the legal effects
of a discontinuance under Articles 68 and 69, Mr. President, 1 must
Say a word about the completely inadmissible deductions which our
opponents have asked you to make from Article 69. The place is para-
graph 47 of their Observations. There the), stress the evident fact that
Article 69 does not deal with "settlement" at al1but only with unilateral
discontinuance of proceedings instituted by Application, and they Say
that in consequence a letter referring explicitly to Article 69 can only be
a discontinuance of the proceedings. And they further Say that unless
the document contains some indication to the contrary, it "does not
constitute evidence nor carry any presumption of any agreementwhat-88 BARCELOIIA TRACTION
concerning the outcome rather than ta any actual agreement as to the
legal issues in dispute.
1could easily enlarge, Alr. President, upon the variety of the trans-
actions which may provoke recourse ta Articles 65 and 69; but it would
only abuse your time if 1were to do sa. Different though these trans-
actions may be, they ail have one common feature-a desire for the
termination of the proceedings. This is where Articles 68 and 69come in.
They simply Say to the parties, in Oursuhmission, "Here are the pro-
cedural instruments for your pnrpose. Ask for an Order recording the
conclusion of the settlement of the dispute, if that is your case. Other-
wise ask for an Order recording discontinuance of the proceedings, either
under Article 66 if your case is one of mutuai agreement, or under
Article 69 if it is not." In our submission, these Articles are purely
functional. They provide procedures and instruineiits lor terminating
the proceedings and that is dl. They do not attempt ta regulate the
substantive rights of the parties. Nor do they attempt to divide and
classify al1the variety of requests for the termination of proceedings into
neat categories,each with its appropriateinstrument and pre-determined
effects. They specify three possible courses of action for the parties to
take, and merely indicate ta them that they will get a corresponding
Order from the Court.

[Public hearingof 17 March 1964, morning]

MI. President and Rlemhers of the Court. Both the variety of the
transactions and the absence of clear distinctions between them in the
application of Articles 68 and 69 can be iilustrated from the actual
practice of States in requesting the termination of proceedings. IVe
mentioned the Borchgraoecase in paragraph 103 of our Preliminary
Objection. That was a case, if ever there was one, where the parties had
"concluded an agreement as ta the settlement of the dispute". Spain
had made an ex gratia payment to the dependants of the deceased
Belgian diplomat which had been accepted by Belgium; and the parties
had then arrivcd at a mutually acceptable formula for disposing of the
auestion of S~ain's res~onsihilitv in the matter. Yet considerations of
I;rctifir ;aiid~iploiiiac~ lcd the iwo pnrtiei tu snd separate. if identic,
letters IOtlicCourt informinfi itthat "hy riiiitual q~ecmcnt" ihry ivere
"no1 c"iii" on \\.itlthc nroçcedines". In ottirr \vor<ls.settleinent thoueli
it was, they preferred in the pakcular circumstances to enter a drs-
continuance of the proceedings under Article 66.
Another precedent from more recent practice is the discontinuance
ofthe Electricitdo BeyrouthComfianycase-the reference, MI. President,
is I.C.J. Refiorts1954 .nd the Pleadings volume. The caseconcemed the
alleged breach hy Lebanon of undertakings ta the French Government
with respect to the treatment of a French electricity company. After the
proceedings had been instituted, the Lebanese Government negotiated
a new concessionwith the company ~vhich,ifratified by the Lebanese Par-
liament, would put an end to the dispute between the two Governments.
The Lebanese Agent informed the Court of this fact and of an agreement
between the two Governments that, if this happened, "le Gouvernement
fThe French Government being agreeable, the Court made an OrderCour . . .". ARGUIiIEXT OF SIR HUYPHREY WALDOCK 89

extending the time-limits for the pleadin~s bv three months. The
concessi& iv;~duly rdtiricd by tlie i.el,.iiieie 1':;rli:iiiient:uid theii. on
23 JuI!. 1954,tlit I.reri~n.\gent-\\.lio\\.are al1deliglitedIOser.sittiiig
aiilonkat sou-\vrcte tc tlw Court IIOII~\~Iit 01~IIISlac[. YOU \\.I~iiid
the t&t ofhis letter on pages 535 andVç36of the volume, and you will
see that in it he recalled that his Governnient had accepted the three
months' extension of time-limits-
"pour objet de permettre la ratification par Ics parties de l'accord
intervenu. le 26 mars rou. entre le Gouvernement libanais et la
Société'Electricité de Kèirouth' portant règlemef~tamiable, par
rachat de la concession, du différendque le Gouvernement de la
République fran~aise avait devant la Cour".

This again was clearly a case of the "conclusion of a settlement" by
agreement. But the request made by the French Agent to the Court was
not to record a settlemënt or even adiscontinuarice-by mutual agreement
69, paragraphe 62, of the Rules, his Government "renonceity àipoursuivre
laprocélilrreet demande que son action soit rayéedu rôle de la Cour".
The word "action" in French, as in English, may mean either the
proceedings in progress or the right of action. Having regard to the
circumstances of this case, this discontinuanceiio doubt may have been
inteiided to go beyond a mere "renonciation à poursuivre la procédure".
but the Court's Order sim~lv read "Prend acte du désistementdu Gouver-
nement français del'instakcé... Ordonne que l'affaire soit rayée durôle."
The point that 1 am concerned to make is not that the letter of the
French-Agent meant either one thing or another. Indeed, in the circum-
stances it would be somewhat impertinent for me to tlo so. My point,
Mr. President, is that here again there was a settlement, but the parties
in seeking to bring about the termination of the proceedings did not feel
constrained to proceed under Article 68 rather than under Article 69;
nor did the Court feel constrained to use the formula of one Article
rather than the other. The point is underlined by the fact that in a later
case of a very similar kind between the same two States. where there
\vas a very similar settlement out of Court, the parties used the other
~rocedure and terminated the ~roceedines under Article 66. This case
tonceriied thc Co,npo:>iizda 1'o;l.desQUL Sl dzs I:'~rlrepse Beyroitlh,
etc.. aiid its teriiiiriltion is reported in I.C.J. I<epor/s1960. at page 11.f;
and in the :ii:ïnniosn\~iiir I'lc.ridiiiei volume. 1-Icre the t\vo mrties
severally cornmuniCatek tGthe cour; the fact tliat an agreement ?or the
arrangement of the case had been concluded between them and the
Cour< nctiiig under .Articlr 65. made ail Order reiiiovirig the case frurn
the list The Orilcr rccitzd the commiinicnrions of the parties concerniii,u
the "arrnngement" and then iiiirs disporiiif niniply "placctl on record
the communicntioiis thiis recei\,ed froin tlie Parties to the case".
Another precedent illustrating sornrii,hat strikin~ly thc almost
inconseauentialwav in which onelormula is chosen rathër than another
for brin&ng ahoiit tlie termination of proceedings ijthe crise concerning
the Terrilorial Il'ulnî oj Caslsllorizo. l'hesr proccediiigs. \lr. I'rcsidcnt.
had heen I)ecun b\. rombromis ;andon tlit: date fist:d for the dclivcrv of
the hlemorid thedtwo ~overnments sent parallei letters to the ~Rurt
stating that "le différendsurgi entre l'Italie et laTurquie ... se trouve
rkglépar la signature d'un accord signé à Ankara". The Turkish Govern-go BAHCELONA TRACTION

ment iii its letter said that it "se désistede son action iiitroduite par sa
requéte . ..". The ltalian Government, on the other hand, said that it
"renonce à poursuivre la procédure prévuedans le compromis". As for
the Court, in its Order it recited these passages from the letters of the
two Governinents, and it is interesting to see tliat in tlie English text
of the Order the French phrase "se désistede son actioii" used in the
Turkish letter was rendered "was discontinuing the proceediiigs", thereby
confirming what 1 have just said about the amhiguity of the word
"action" in the two languages. The Court concluded hy recording the
fact that tlie two Governments "d'un commun accord renoncent i
poiirsuivre la procédure", and declared that the proceedings were
therefore terminated. Yet that again, &Ir.President, was as clear a case
of ~roceedinrrs terminated after an agreement had been concluded
betiveen the parties which settled the dispute and disposed of the suhject-
matA somewhat Gecial case where there \vas ~arallel action. but no
chpm.;cd agreement, I>ctweentlir 11:irties x.;othe SiLrlrrO/Sozirh-l?nsisrn
G~e~~~l~r~~J-trl~ i:fcr~,i1elJ.C.l J., .jerie,418, .Yu.j j,:III:xt11:1gt:53.
Sor\i.a\:tnd I)ciiiii.~Ii:<<txaclitilecl:\i~i>lii:iti~ns;IL':%IIoflicr\\.itli
respect to South-Eastern ~reenland,'at a time when the firit case
concerning ICnsternGreenland was still undecided. The Judgment in the
earlier case liaving been given on the basis that the wliole of Greenland
was under Daiiish sovereignty, Xonvay withdrem the decree she had
issued claiming sovereignty with respect to the South-Eastern region.
Each Government then sent a letter to the Court reciting this fact and
stating that it "retirait sa requête".The Court, for its part, took up the
phrase used hy the parties, and in a new formula said "La Cour, prenant
acte des déclarations ... portant désistementde leurs requêtes ...", etc.
Here, of course, the nghts at issue had been settled for the parties
already by tlie Court itself; yet the formula was simply a witlidrawal of
the Applicat'ion.
If one tnrns to more ohviously unilateral notifications, Mr. President,
there is one case which will be familiar to our opponents-the De-
nuszciatiotiof theSino-Belzian Treaty of 1865,the discontinuance of wliich
is reported inP.C.I. J., Series A, Nos. 18 and 19. China had taken no step
to defend the proceedings, and after an interval Belgium informed the
Court that the dispute had been "practically settled hy the conclusion
of a preliminary treaty the ratification of wliich was shortly to be expect-
en"; and that accordingly "le roi des Belges se désistaitde son action ...
et demandait que ladite action fùt rayée du rôle de la Cour". In its
Order, the Court recited the terms of the letter, but then went on to
speak only of the Belgian Government's "hreaking off the proceedings".
In the French text-the authoritative text-of the dispositif, the Court
simply took note of the fact that Belgium "renonce poursuivre la
procédure ..." and ordered "la radiation de ladite affaire du rôle de la
Cour". Again, it isnot without interest to find that on this occasion the
English text of the Order identified the English word "action" with the
French word "procédure". again providing an illustration the other way
round of the double use of the word in the two languages.
1 am nearly done with these precedents, Mr. President, and only
propose to refer to two more cases where the notification to the Court
was purely unilateral. One is the Appeals {rom the Hungarian-Czecho-
slovakian Mked Arbitral Tribunal case. the discontinuance of which is ARGUMENT OF SIR HU.\IPHREY TVALDOCK
91
reported in P.C.I.J., Series C, No. 68, at pages 278 to 279. Here the
Czechoslovak Agent wrote to the Court explaining that tlie purpose of
liis Government's Application-the clarificatioii of certain legal issues
for the guidance of tlie Arbitral Tribunal-had become impossible of
realization owing to a preliminary objection r:rised by tlie Hnngarian
Government. And he informed the Court that his Governineiit tlierefore
"sedésistedes instances d'appel". In this case it is clear that the Czecho-
slovak Government, thougli speakiiig merely of a <lésislemendt'instance
d'appel. was filing a notice of the terminatiori of the whole lat'ion, as
appears indeed from the corninent of the Hnngarian Government in its
response ta the notice. l'or the Hnngarian Governinent cxpressed its
gratification that by withdrawing the proceedings the Czechoslovak
Government had terminated "ces affaires litigieuses" and eliminated
them from the relations between the two Governments.
My List precedent,hlr.President, isthe Aerial Iqzcidciztcases, and 1will
leave that for my next intervention.
As 1 said, Mr. President, the last precedent 1 wish to eramine is the
dom against Bulgaria; and the Court willrecall that the discontinuance in
the latter case receives some mention in the evidence and in the written
pleadings in the present case. The discontinuance in the Aeri~rlIncident
cases will be found in I.C.J. Reports Igjg, pages 676-679, and the
Pleadings volume, pages 698-700. There was, of course, a tliird case
arising out of the same incident-Israel against Bulgaria-which the
Court took first and in which Bulgaria's preliminary objection to juris-
diction was upheld. Rfy distinguished colleague, Professor Guggenheim,
will liave something to say about that case when he dcnls witb Our
Second Objection. Its only interest in the preserit conncction is that the
Court upheld Bulgaria's plea that its Declaration under the Optional
Clause was no longer in force, and that the United States and United
Kingdom's Applications to the Court were founded upon the same
extiiict Declaration.
Some six weeks after the delivery of your Judgment iii the Israel-
Bulgaria case, the United Kingdom informed the Court of its decision
to discontinue the proceedings. In doing so,it stated that this decision
had been reached having regard to the Court's decision that it had no
jurisdiction in the Israeli case. Then it added: "in discontinuing the
present proceedings the Government of the United Kingdom fnlly reserve
al1 their rights in connection with the claim of the United Kingdom
against Bulgaria arising out of the Aerial Incident". Clcarly, as we
pointed out in paragraph 104 of our Preliminary Objectioii, the United
Kingdom nt least considered it to be prudent to insert an express reserva-
tion of its rights in discontinuing its case before the Court.
It was not nntil çometen months later that the United Statesinformed
the Court that in accordance with Article 69 of tlie Rules it requested
the Court's list. The United States made no reference to the Court'som
Judgment in the Israel-Bnlgaria case. On the contrary, it based its
request expreççly on areconsideration of the validity of one of Bulgaria's
other objections to jnrisdiction ~vhichwas foiinded upon the United
States own reservation of mntters essentially within its dornestic
jurisdiction as determined by the United Stat1:s. It withdrew wbat it
had said in reply to that Objection and asked for the proceedings to beg2 BARCELOSA TRACTIOX
discontinued and the case removed from the list. The United States,
unlike the United Kingdom, made no reservation of its rights, and the
reason probably was that, by formally withdrawing its arguments
concerning the secoiid Bulgarian objection, it Ilad given its whole case
away; for it had formally conceded that Bulgaria had an absolute,
unfettered, discretion to "determine" the Aerial Incident case to be a
matter esçentially within her domestic jurisdiction, and 1 do not ex-
aggerate there, hlr. President, because she used language of that kind in
conceding the objection.
It may further be observed that, whereas in the United Kingdom's
case the disbositif ofthe Court's Order "nlaced on record the discontinii-
ance by thé GoGernment of the united Kingdom of the proceedin&,
etc. ...",the disfiosilil in the United States casemerelv "nlaced onrecord
the communicaiioiis thus received from the two Goveinments Parties
to the case". This latter form of dispositif is the same as that used in
the present case; and it is the same as was used in the Order for the
Compagniedu Port, desQuais et des Entrepbts, with which 1 have already
dealt and which was unquestionably a case of "settlement" by the
conclusion of an agreement.
hly review of the practice has, 1 helieve, touched al1 the cases of
real interest in the present connection, but for the sake of completeness,
1should perhaps mention remaining precedents. First of all, the termina-
tion of thechorzdw Factory (Indemnity) case-P.C.IJ.,Series A, No. 17-
which was a straightforward case of a "settlement" dealt with as such;
and secondly the discontinuances of the Von Pless and Polish Agrarian
Reform cases, which furnish the only examples of unashamedly political
discontinuances, the discontinuances of these cases being expressly attri-
buted hy Nazi Germany to her withdrawal from the League of Nations.
What then are the conclusions, Mr. President, which we draw froni
this varied practice? One point that enierges very clearly is the lack
of anv rieid formalism on the Dart either of States or of the Cour~~wi~h ~...
regard tg the proccdiires uied foi oi>t:iining thc terminarinn of prn-
ceedin.:~under :lrticles 6.3and 60. \\'lieii tlie 11:irtieshavc arrivednt nn
agreement for the settlement of a case, th& have, as often as not,
chosen to terminate the proceedings by way of a "discontinuance"
rather than hy way of a settlement; for example, the Borchgrave,
Electricitéde Beyrotetlaand the Castellorizocases. And even when jointly
discontinuing "settled" cases, they have sometimes proceeded by
mutual agreement, as in the BorchgraveandCastellorizo cases.sonietimes
unilaterally under Article 69, as in the Electricitéde Beyrocetltcase.
.4gain, not only in these cases of actual settlement but also in other
cases where a State actins unilaterallv. was manifestlv abandonine the ..
litiç:~tiun for good alid dl, the r~~uésthas usiiall~~lieen simpl!. for a
désislemenld'itrtn~ice, or n dkisltnicirl de liz reqirSt?,for eunmple. tlie
Soiilh-Faslern (;reeirliiird. the .Abbeais /rom lhe .llixe<l/Irhitrnl Trihior01
and the United States-~ul~aria'&ses. ~ndeed, it leaps to the eye that in
the great majoritv of caseswhere a désistementd'instancehas heen applied
for, the State or States concerned were manifestly intending to abandon
not only the proceedings in progress but also al1right to pursue before
the Court the suhject-matter of the litipation. In al1 these cases the
Court, on its side, has been content to allow the parties to make their
own choice and has made an Order simplv recording the requests and
directing the removal of the case from thelist. ARGUYEST OF SIR HU3lPHREY WALDOCK
93
Another point that emerges is the lack of an). rigid technicality in the
use of terms either by the parties or by the Court. As 1 pointed out
in the South-Eastern Greenland case the parties sent separate letters
siinply notifying a "withdrawal of its Application" and tlie Court was
conteiit to foilow their language. Similarly, in the Castellorizo case,
when there was the settlemeiit, as 1 said, one party spoke of a désiste-
ment d'instance and the other of a désistementd'action,while the English
text treated the two phrases as meaniug the sane thing. Again, in some
cases the Court's Order, as 1 have said, has forrndy placed on record
the conclusion of a settlement or discontinuance of the proceedings, and
in others has simply "placed on record the communication of the parties".
\Ve need not, 1 suggest, look very far for an explanation of the
flesibility we see in the practice under Articles 68 and 69. The needs
or. it mav be. the mere conveniences of divlomacv lead the States con-
ceined toadopt one procedure rather than anothe;or to use this formula
rather than that. Nor is this vrocedural flexibility in any way abnormal
or contrarv to the s~irit in wliich international iustice is administered.
.As~tlie Pcriii3ne1ii Court said I :~tI.c ~ICC~OII, .\li(iri~~n~nuli~

I'iileslinConcrssio~~s "'l'lie Court, \\fliosc iuri~dicrioii is iiitcrriational,
is not bound to attach to matters of form the same degree of importance
which they might possess in municipal law."
There is another proposition, àlr. President, on wtiich our opponents
haïe rested their argument, but which we feel we cannot accept. They
seeni to contend that as a matter of law, a State which withdraws its
case in terms of a discontinuance of the proceeclingsmiist be considered
to have discontinued only tlie proceedings actually in progress and to
hava retained the right to reintroduce tlie case, unless it can be proved
tliat the discontinuance was intendcd to effect an actual settlement of
tlie rights at issue. It is here that they are asking you to give to an
act, wliich they admit to be purely procedural, the character and effects
of a substantive act determiniiie -he riehts of the varties. Thev insist
thnt this cont~nrioii isnor I>îsc<lon any'~>résunil>tio LS' tu tlic inrvlition
of tlie t>:Irtics~on~~<rlir'ïltï\sio.. 11 un~I~rit:~~i~dIICIIcIi~rrecrl).,that
it is thélaw regarding disconiinuincc in this Court.
1 have already shown, llr. President, that there is not a trace of
any such law in Articles 68 and 69. As to the Statute of the Court, it
has nothing to say at a11about discontinuance. 1 have also shown,
Mr. President, that our opponents' proposition does not seem to bear
any relation to the existing practice in terminating proceedings under
the :~pplicableRules of this Court.
However, as 1 mentioned yesterday, our opponents scek to make
good the omissionsin Articles 68 and 69 by asking you to read into them
the provisions of certain national systems of procedure and, on that
basis, to give rigid, predetermined, substantive effects to an): discon-
tinuance expressed in terms of a discontinuance of the proceedings-or
a désistementd'instance. Indeed, in the written pleadings, they almost
appeared to be trying to suggest the possible existence of a general
principle of law under which every discontinuance of proceedings must
be regarded as leaving intact the right to reintroduce the case, unless
proved to have been intended to effect a settlement.
Well, we dealt with this matter, to soine extent, in paragraphs 85
to 94 of our Preliminary Objection, where we showed tliat national
systems of procedure, so far from laying down uniform rules in regard ARGUAIEST OF SIR HUAIPHREY IVALDOCK 95
slight variations in the rules themselves. The tests of tlie four rules of
procedure wliich 1mentioned by way of esampli: can be found, &Ir.Presi-
dent, in Volume 1 of tlie Recueil des Décisionsdes Tribunaux arbitraux
mixtes, at pages 41, 53 and 69, and there are others of the same kind
scattered througli this and subsequent voluines of the Tribunaux
arbitraux mixtes series. A second group of rules of procedure, on the
other liand, namely al1 those established for tribunais in which either
Great Britaiii or Japaii participated, contain no provisions whatever
concerning désistement.The English form of rules is equaüy silent in
regard to settlements. The Japanese form provides for settlements, but
only to tlie exteiit of stating that "reconciliation is effected by prodccing
to the Tribunal the agreement signed by the Parties", and of requiring
that a copy of the agreement should be served by the Tribunal on the
parties and on a certain Japanese Agency. Exainples of these tivo forms
can be seen in tlie same volume of the Tribz~izaz~a xrbitraux mixtes at
pages 109 and 126 to 127. Einally, ;\Ir. Presideiit, there is a third group
which is of some interest-the rules established lor tribunals in which
Italy participated. Article 65 of these rules lays down in some detail
the procedure for cases where a claimant wishes to renounce his claim:
The following article, cntitled "Effects of Renuiiciation" simply provides
that "the reiiunciation extinguishes tlie ;rctioii aizd the right at issue".
No other form of discontinuance was conteinplated in these rules of
procedure, an esaniple of which will be found in the same volume of
the Tribunaux arbitruux mixtes at page Soy. You will there see that
though settlemetits are provided for in a separate article, désistemeizts
d'instance have no mention in the rules. l'here is only the article dealing
with désistemeiztswhich put an end both to th<:action and the right.at
issue.
right in saying that tlic rules of procediire for the Conciliation Com-m
missions established with ltaly after the Secon(1\l'orld \Var by 1''raiice,
the United Iiingdom, the Xetlierlands and the United States do iiot
contain any provisions regarding discontiniiaiice. 011 the otlier liand,
the rules of proceclure for trihunals establishrd to deal with matters
affecting Germaiiy do contain provisioiis coiicerning discontinuance,
and these rules today tend to reflcct the influence of yoor own Rules
of Court. The rules of the Commission for Germany's External Debts
deal with both settlements and discontiniiaiice, and repeat, almost
textuaüy, the provisions of Articles 68 and 69 (ofyoiir Rules. The rules
of the Arbitral Commission on Property, Rights, and Interests in Ger-
many aiso deal nith both settlements ancl <liscontinuance, and the
provisions concerning the latter repeat, with one minor variation, the
language of Article 69. On the other hand, the Article dealing with settle-
ments is quite diffcrent from Article 68, and espressly provides that the
settlement sliall have the effect of a judgment ol the Commission. The
rules of the procedure for the Franco.German Arbitral Tribunal for the
Saar also contained an article concerning discontinuance which, subject
again to one small variation, followed the language of Article Gy,but the
rules of thistribunal contain no provisions :ktal1concerning settlements.
The rules of procedure of the different European Courts also exhibit
considerable variations in their provisions regarding the termination
of proceedings. The rules of the Coal and Steel Coinmunity Court pro-
vided in Article Sofor a désistementin a case of an agreement between theg6 BARCELOSA TRACTIOS
parties to settle the case, and in Article 81 for disistement d'instanceon
the request of a plaintiff party, but subject to the consent of the de-
fendant if the latter has taken a step in the proceedings. Somewhat
different rules, however, were laid down in Articles 77 and 76 of the
European Communities Court. Article 77 provides, subject to certain
exceptions, for a case to be struck off the list upon the Court's being
informed that the parties have arrived at an agreement and abandon
al1their pleas. The exceptions are cases brought under particular articles
of the European treaties which concern the supervision of the acts of
the organs of the three Communities. Article 78 then providcs for the
immediate removal of any case from the list upon the Court's being
informed that the plaintiff does not wish to go on with the proceedings.
As to the European Coiirt of Human Rights, its rules are quitc special.
The Courts and the European Commissionof Human Rights areentrusted
with the responsibility of ensuring that States concerned fulfil their
undertakings with respect to the fundamental rights and freedoms of
individuals. The rules of Court-it is de 4740 not in consequence
admit any form of purely unilateral discontinuance. Nor do they alloiv
the parties to settle the case by simple agreement amongst themselves.
They contemplate only a discontinuance by mutual agTeement upon
which the Commission has had an opportunity to express its opinion
and the terms of which are expressly approved by the Court.
Mr. President, if 1 have not reviewed the rules of procedure of every
international jurisdiction that has ever been established, 1 believe that
1 have dealt with enough to make my point to demonstrate the truth
of what 1 said as to the diversity of the provisions which they contain
regarding the termination of proceedings. The proceùural systeins of
international trihuiials reflect the differences in the jurisdiction where
from them. as from national svstems.is that the effectof a discontinuance
miisr be appreciated iithe ligliof the rulïs aiid ~~r;ictof tlic particu1.u
court ;and of tlie cir~xnistances of thc pnrticiilnr diicontinuancc.
For th15reson. ifforIIO other.it tvotild ~)ruI>;ihnot ssist tlic Court
very much if 1 were to seek to analyse the'precedeks of discontinuance
in these other international jurisdictions in the same way as 1 have
done with the precedents of discontinuance under the Rules of this
Court. Another reason is that many of the instances of discontinuance
in the other jurisdictions do not involve the withdrawal of the whole
proceedings but the renunciation of particular claims, leaving the
proceedings to continue with respect to the remainder of the case. The
only case of substantial interest, we believe, is the one we referred to in
paragraph 139of our Preliminary Objection,namely the 0. V.C.(Winand)
case against R.A.A., which appears to be the only case in tlie whole
history of international litigation where a party has tried to restart
proceedings which it had discontinued. In that case, as the Court may
recall, it was Belgium herself who discontinued proceedings before a
mixed arbitral tribunal and then, having heard of a favourable decision
given by another tribunal on a relevant point tried to go back upon her
discontinuance. The tribunal, holding that Belgium's désistementd'in-
stance had become dLfinitif upon Germany's consenting to it, declined
to allow Belgium to resume the proceedings. 1 grant, Alr. President.
it is not an exact precedent but it is the only case we can find of this
kind. ARGUMENT OF SIR HUnlPHREY WALDOCK 97

hlr. President and hlembers of the Court. mv review of the ~recedents
and the procedural systems may have see&d a little labôured, but
1believe that it was iustified in the circumstances of this case; for this
is the first occasion oh which any question as to the legal consequences
of a discontinuance has arisen before the Court. In the hlonetary Gold
case, it is true, you had to consider whether Italy's preliminary objection
could be regarded as equivalent to a refusal to go on with the proceediiigs
and therefore a discontinuance. But tliat was a highly special point
which has no bearing on the problem now confronting you. If the analysis
of the precedents and the various systems wliich 1 have made may riot
furnish any cnt and dried, automatic answcr to the problem before you,
it does, in my submission, enable you to draw certain clear conclusions
in regard to some of the propositions put forward by our opponents.
Tlie evidence, we submit, does not support the proposition that under
anv and everv nrocedural svstem a discontinuance of the moceedin~s-
a ~i~islerne,rl'd~i~rsla,rce-ri~ubc considcre~lto Icave iniact the Gght
to begin ne\\, proceediiigs. urilessit is pro\,ed that th\Y.% ail intentio~i
to effecr a settlenicnt of the rights at issiie.Oii tlic contrary, the evidcncc
slio\vsthat in a nuniber of jurisdictions. hoth national aild inturnationai.
a difierciit nile obtains. In tlicsr: iurisdictioni, the discontiriu;irice is
considered either to be a final disposal of the case, unless the right to
reintroduce is shown to have been expressly or impliedly reserved at
the time of the discontinuance, or else to be ail act the legal effects of
which depend on the facts of each case.
The evidence, we submit, also does not siipport the proposition that
States in their practice make clear distinctions between désistements
d'action and désistements d'instancein their communications notifying
international tribunals of the withdrawal of cases. On the contrary.
the evidence of the practice of States, aiid more especially of theirpractice
under the Rules of this Court, shows that the use they make of the for-
mula of désistenrentd'inslance is quite inconseiluential, indifferent, for
anv tv~e of case and. not infreauentlv. ,v.n iri cases of settlement bv
mituif agreement. '
The conclusion which ae ask the Court to draw from the evidence is
that. under international law. the effects of a désistementd'instance are
to be appreciatcd b!. referenccto the rules of coiirtiiforce in the particu-
lar tribuii:il and to the particular circunistances of tlir discontinuance.
Arid tliijOriii~s mc kick. .\Ir I'residrnt. to diicüiitiriuance in tliis
Court. It is yonr own ~ules of Procedure that are in issue, and their
interpretation and application are, of course, matters which are very
particularly within your owii province. Nevertheless 1 hope that you
will allow me to recall to you, and to elnborate a little, the considerations
which the Spanish Government put before you in paragraphs ,95 ta 97
ofits Preliminary Objections, concerning the inappropriateness in regard
to your Court of the principle contended for by our opponents. As we
there pointed out, the very fact that the Court's jurisdiction depends
on the consent of the States Parties to the dispute makes the conditions
for interpreting a désistement d'instancequite dil'ferentfrom those which
obtain in a national tribunal. One of the normal wavs contemplated by
tirticle 36 of Sour Stature for bringing cases bcforétlie Couit is I>y i
compromis -311 ilgrrrment to itccej)t jiirisdiction ad hocIf I:i!er suc11a
case should be discontinued hv mutual amcement iindrr Article 68. or
with the concurrence of the olher party Ünder Article 69, paragraph 2,gs BARCELOSA TRACTIOS
as might happcn where the compromisauthorizes unilateral filing of an
Application, it is really di6cult to imagine that thediscontinuance would
not be intended to terminate the jurisdiction of the Court-unless, of
course, the parties had espressly reserved that point at the time of
the discontinuance, when the position would naturally be quite different.
Similarly, if proceediiigs had been instituted by unilateral application,
as in the Corlu Cl8annelcase, and the defendant State iievertheless
accepted tlie jurisdiction of the Court for the particular dispute, it is
reaüy very dificult to think that the plaintiff Statc could discontinue
the proceedings. whetlier by mutual agreement with tlie defendant
State or with its coiisent, without terminating tlie Court's whole juris-
diction in the case-unless, again, the right to reiutroduce had been
mentioned by the plaintiff and consentcd to by the defendant.
Furtherniore, Mr. President, it is the fact today, as it \vas when the
Rules of the Permanent Court were first framed, that the majority of
States reserve to themselves full discretion to decide in each particular
case whetlier or not to submit an international dispute to judicial
settlement. Under Articles 6S and 69 of the Rules, after the respondent
State has taken a ste~ to defend the case. the ~roceedinas can-ot be
diiiontinuc<l i;\i<pt ivitliits ioii<:iit. 11riilc ivliicli would iiiterprct tlic
jiniplc cuiijciit ufa rcspoiidurit xnt~: to 1 notiic of tlic di,iontinii~ii~~.
uf ~~ru~:~.t?~I iic~rt:cn~iiitioiiof [lie iiltiii~tSI:,IC'Srulit tt,iiistitiitc
freih proceedings beforëthe Court, seémsto us to takeno account of
the reaiities of international relations concerning the acceptance of
jurisdiction, and more especially in cases whcrc the defendant State
bas opposed tlie submission of the dispute to the Court by lodging
Preliminary Objectioiis. As 1 have shown, a number of national systems,
even. do not admit such a rule even in cases before national tribunals.
'flic Sp:iiiish(;o\.crriiiiciit ~lsnpointcd out in its I>rclimiiiOlijcctioii
tli.ittlic riilc coiitciiiled for t)y our uppoiicnts iiiigllx iiiiiiiii:~ltu thc
fricndl!. settlciiiciit of cxscs ticfort tlie Ccniirt; fur diicoritinuanc~. ia
cun\.t.niL.nr. ~liicrcet mcttiod I>v ivliicli the parties iii:~!dipose of :i
;;isv:i;:rrejult of :,I;iErr.eiiiciitrcaclicd or ionccssion inarle oiiuf Court
while the proceedings-are in progress. As 1 said, reasons of prestige,
reasons of interna1 or international politics, may make it embarrassing
for a State in express terms to abandon its claim or, alternatively, to
recognize the soundness of its opponent's claim. But, as the Borchgrave
case ço well illustrates, it may be possible to find a form of words, as
Belgium andSpaindid in that case, to dispose of a case by discontinuance
in a manner which both sides can accept. And the same purpose may be
achieved by a discreetly worded unilateral discontinuance under Ar-
ticle 69, paragrapli 2. If, on the other hand, terms such as désistement
and renonce à $ourszaiurela $rocMure are always to he interpreted as

carrying the substantive effects contended for by our opponents, the
friendly disposal of cases bv such means may be more difficult.
Moreover, as the Court is aware, international law, unlike domestic
law, does not have fised time-limits for the institution of proceedings,
or ~recise rules concernine the oneration of ~rescri~tion. In Our sub-
mis'sion,these are furtherYreasons'why the c&ditiok for appreciating
the effects of a discontinuance in an international court are materially
different from those in national tribunals
Finally, Mi. President. there is another point which the Court may
think deserves consideration. Even amongst international tribunals thisCourt has a very special cliaracter. It is not oiily the most importriiit of
international tribunals, it is the principal jiidicial organ of tne United
Nations, and in a very red sense the World Court. And froiii tliis certain
consequeiices follow. Uiider Article 40, paragrûph 3, of the Statute and
Article 34 of the 12ules,any special agreement or application instituting
proceedings is at oiice transmitted to al1Mem01:rsofthe United Nations
andto any other State entitled to appear before the Court. ils ivepointed
out in our lctter to the Court protesting agaiiist the reiiitroduction of
the case, tliis means that aiiy application, Iiowever calumnious or
ill-founded may he tlie cliarges whicli it makes against the otlier State,
is automatically circulated to virtually every Government. The filing
of an Application of the kind framed by Belgium in the preçent case
ma), thercfore cause a grave prejudice to tlie other State and be a means
of eserting pressure. 'i'his, in our sub~nissioii,is aiiother consideration
that the Court sliould takc into account in deciding whether a State,
whiçli has filed a notice under Article 69 of the liules without giving
any indication that the withdraival of the case was not final, sliould
or AIr. President, it niay be convenient to the Court if at this point.
1 set out in two short statemeiits the position taken by the Spanish
Government in regard to the legal effects of a discontinuance under
.4rticles 6s and 69 of the Rules. In the light of ail the evideiice and
practice wliich 1 have re\riewed and the con~iderations which 1 have
mentioned, the Spaiiish Governinent inakes the following submissions:

First, Articles 6S and 69 of the liules are procediiral in character,
and it is always for the Court to appreciate the legal effects of a dis-
continuance made under these i\rticles in the light of the terms of the
discontinuance and of the circumstances in wliich it took place.
Secottdly, a party discontinuing procecdiiigs under ~rdcle 6S or
69 is not permitted to institute fresh proceedings before the Court
in the sanie case. unless it auuears eithër from the terms or circum-
stances of tlie discontinuan& that it indicated to the other party
at the time of the discontiiiuance its intention to retain tlie righ.
to do so.
III formulating those suhniissions, >Ir. Presideiit, 1 have studiously
avoided the language of "presumptions", since our opponents have been
so insistent that they do not rely on :iny presumption and tbat the legal
effect ofa désisleinetil 'i~rstni~s purely a question of laiv. It is perhaps
one of the failings of common laiiryers that tliey are inclined to dress
up rules of Iaw under the guise of presumptions. I hope that so far 1
have not offended in this respect. Now, howc\rer, 1 fear that 1 must
risk the wrath of my leariied friends on the other side of the bar because,
as 1 said earlier, despite their protestations about not relying upon
presumptions, they seem to he keeping one in reserve iii their ar-
moury-a presumption against the abandorirncnt of a right. The re-
ference in the Belgian Observations and Conclusions, Afr.President, is
paragraph 42.
If the second of the two submissions \\,hich 1 have made on behalf
of the Spanish Government is correct, there is clearly no reason for
the operation of this presumption. A renunciation, ivh;itever form it may
take, has to be iiiterpreted in the light of the applicable law. If tlie
procedural law of the Court, like that of the Swiss Federal Tribunal100 BARCELONA TRACTION

or the French Conseil d'Etat, excludes any right to reintroduce, unless
reserved at the time of the discontinuance, it isidle to talk of apresump-
tion in favour of the retention of the right. But even on the basis of
my first submission aione, there is little room for the operation of any
~resumotion in favour of Our oDmnents. A désistementd'instanceunder
Ârticles'68 and 69 retains its *Gely procedural character and is neutrai
as to the intentions of the partieswith respect to the ri~ht to reintroduce
the case, and the effect Ôf the désistem&t necessarilf. depends on the
circumstances of each case. Perhaps it was this that Professor Charles
De Visscher had in mind in his recent book. Problèmesd'interbrétation
lttdta.i~irVI druil i1itr~rridtiupi<llr~011 page 147. Iia\.ii~'s.ud ttiaa
dh~,lz~ni~rrd irisraiirs asrcnunciation and tlicrvforc r<:<luirebv Article
69 to be made in written form, he goes on:
"Le désistement d'instance implique-t-il renonciation du droit
d'action ou celui-ci subsiste-t-il? La réponse est affaire d'espèce;
l'interprétation dépendra à la fois des termes dans lesquels le
désistement s'est fait et des suites que les Parties y ont données."
This statement of the matter seems to come close to that ~IImy first
submission, though it would, 1 think, be necessary, Mr. President, to
complete the statement by saying: "l'interprétation dépendra à la fois
des termes et des circonstancesdans lesquels le désistement s'est fait".
In any event, Mr. President, 1 must emphasize that, even if our
opponents were right in thinking that their presumption a ainst the
renunciation of a right has a larger role to play under Artic kes 68 and
69, it would not mean that this presumption must hold good, unless we
can prove that behind the discontinuance there lies a settlement between
the parties disposing of the rights at issue. It would he quite enough,
in Oursubmission, to show by reference to the terms ofthediscontinuance,
the circumstances of the case, either that Belgium intended to effect
a final withdrawal of its claim from the jurisdiction of the International
Court, or that it so acteds to lead Spain to consent to the discontinuance
in the belief that she was consenting to such a final withdrawal of the
Belgian claim from your jurisdiction.
Mr. President and Rlembers of the Court, in concluding my arguments
on the effects of a discontinuance under Article 69. paragraph 2,1feel
that 1 must comment upon one further point in the Belgian argument.
The Belgian Government is saying, in effect, tliat it was under no obli-
gation whatever to clarify its intentions with respect to the discon-
tinuance; that it used words which in themselves spoke only of the
proceedings in progress; and that if Spain thought that there was
ambiguity in the words, she ought to have asked for explanations or to
have used the right given to her by Article 69, paragraph 2, to object to
the discontinuance. The short answer to the latter point is that, having
regard to the terms and the circumstances of the Relgian discontinuance,
the Spanish Government saw no ambiguity in the Belgian action and,
when consenting to the discontinuance, did not imagine that it might
not be consenting to the final withdrawal of the litigation from the
International Court. That, naturally, is a point to which 1 will retitrn
later when dealing with the facts. My immediate comment relates rather
to the Belgian Govemment's assumption that it sufficientlv discharged
the obligations which rest upon States in international litigation by
using the formula prescribed in the Rules forevery case of discontinuance ARGUMENT OF SIR HUMPHREY IVALDOCK
101
and then leaving Spain to find out whether the discontinuance was to
be final or not.

[Public hearing O/17 March1964,afterwoon]

hlr. President and Alembers of the Court. this afternoon 1 propose
to take up the question of the finality of the discontinuance in the
present case.
If we are right in Our second submission that 1 made at the end of
this morning, hfr. President, the Belgian discontinuance of 23 March
which contained no indication of any reservation of a right to come
back to the Court or to pursue its claim against the Spanish Govern-
ment in any manner, must clearly be considered to have effected the
final withdrawal of the international litigation in the Barcelona Traction
case. Nothing was said by Belginm to the Spanish Government to warn
it or to indicate to it in any way that the discontinuauce was not a
final termination of al1 proceedings in the International Court. The
Spanish Government consented to the discontinuance on the basis that
it was concurring in the final liquidation of tlie proceedings that had
been brought against it in this Court. These cardinal points of fact are
clearly-you would Say unassailably-established by the evidence, as
1 will show. And, if we are right in Our first submission, these facts
snffice by themselves to shut the dnor of the Court against the present
Application.
If the matter is approached on the basis simply that the effect of
the discontinuance must be appreciated in the light of the circum-
stances. those same cardinal facts (as we subniit) combined with the
particuiar legal circirmslancesin which the discontinuance took place,
seem to us to lead inevitablv to the same result. Theleaal circumstances
to which 1 refer arose before the eyes of the Court ytself in the first
proceedings, so that there is no need for me to establish or explain
them. 1 need not therefore do more than state the particular circum-
stances which we consider to be decisive, together with the conclusions
which you are asked to draw from them.
The Spanish Agent in his review of tlie diplomatic correspondence
lias recalled that at the very outset of this matter the Spanish Govem-
ment objected that the baiikruptcy of the Barcelona Traction Company
was befnre the Spanish Courts, and that any form of intervention in
the judicial proceedings would be inadmissible. He also recalled that
when, despite its Canadian nationality, Belginm began in 1951 to
assert an independent right of diplomatic protection with regard to the
Company, and to invoke the Belgian-Spanish Treaty of 1927 in that
so. That, hfr. Presidcnt, was in the Spanish Government's Note of to do
22 December 1951, which is printed as Anni:x II to the Belgian
Government's Memorial in the original proceedings. You will see that
in that first Note the Spanish Government in the most formal terms
called upon Belgium to produce proof of the Belgian nationality of
the claim which she was asserting the right to espouse. You will equally
see that the Spanish Government drew sharply to the attention of the
Belgian Government the fact that the nile requiring the prior exhaus-
tion of local remedies had not been complied with in the case, and that
the exhaustion of the local remedies in Spain was not only reqnired ARGUAIEST OF SIR HUi\IPAREY WALDOCK IO3
is urider no obligation to esamine any aspect ol the case. It had pointed
out that the categoricd non possumus or not~?~olumusthus opposed to
the Uelgian claim by Spain, until proof of the link of nationality was
forthcoming, did not entitle the Belgian Govi:rnment to consider tlie
diplomatic negotiations at an end; for the Belgian Government, hy
refusin.,to furnish uroof of tlie link of iiatiomilitv-.had itçelf bcen re-
,poiii;iblc fur itiiltil~,ing tliusc ncgotiatiuns. Ir lilid proit.st,:d tliat tlic
I!,clgi:inC;u\eriiiiiciili~ilin cunsei~iieiiie kiilciIO coiiiply wilh a pi,:-
-~~~~~~~~~ rciiiiir<:nit:iit-tl~c cxli;~ii~tufritticiIii>loinatic rémcdies--
laid do& in'the 1927 Treaty asan essential to he fblfilledprior to resort
being had to judicial settlement. Ahove all-and this is the point 1
want particularly to bring to the Court's attentii~n-the Spanish Govcrn-
ment had insisted tliat at that stage tlie çriici:il point of disagreement
between the t\vo Governments did not concein the subject-matter of
the Belgian claim but a preliminary question relating to this claim,
namely the link of nationality-the question whether Belgium had any
loczrsstandi to take up the case at all.
ln its reply of 6 February 19jS, ITr. I'resident, the Belgian Govern-
ment persisted in its refusal to furnish any proofs of its locrisstnndi.
It asserted it was under no obligation to furnish them to the Spanish
Government. and iiot to fumish any of the proofs ivhich it claimed
to possess, and that it was forthe Court alone to appreciate the proofs
and the legal arguments of the Belgiaii Government as to its locns
standi in the case. 1 shall not enter into any details ofthe Belgian Note,
because that falls to another colleague wh<iwill deal with the whole
question of Belgium's title to intervene. 13ut 1 am now concerned only
with the procedural positions of the two Governments prior to the filing
of the first Application. The Belgian Governmi:nt's position, as 1 have
said, was that it was entitled to withliold from Spain the proofs and
arguments by which it might hope to satisfy her of Belgium's legal
title to intervene. Commenting upon the Belgian Note nearly four years
ago, Mr. President, the Spanish Government. on page 321 'of its Pre-
liminary.Obje.tions to the firstAppl-.ation, said:
"La Bclgique paraît, dans ce cas, avoir procédé commesi elle
ne discutait pas un problème international avec un Etat souverain,
mais comme si elle poursuivait en plaideur ordinaire devant un
tribunal national de premiPre instance."
1pause, MI. President; 1am aware that my Spanish Agent lias alrcady
drawn this to your attention but it bas, in my submission,a very dis-
tinct relevance in the present case in the present objection. The Note
went on:

"En effet, elle a dit B l'Espagne dans les notes diplomatiques:
'J'ai des preuves pour vous intenter lin procès et j'ai. un locus
standi pour vous traduire devant la Cour, mais je refuse de vous en
donner aucune, me réservant de les soumettre la Cour une fois
que l'affaire aura étéportée devant elle.' Cette attitude, ne serait
admissible que devant une instance nationale qui, sous l'autorité
de l'Etat, possède automatiquement la juridiction en ce qui con-
cerne les parties; mais, de l'avis du Gouvernement espagnol, une
telle attitude est ahsolument inadmissible dans une procédure
'See I.C.]. Pleadings. BarcclonTraclion,Light and Power Company, Limited.IO4 BARCELOXA TRACTION
iuteriiationale où la juridiction de la Cour se base sur l'accord
des parties et leur acceptation mutuelle des limites de cet accord."

Even more, 1 want to draw the attention of the Court to the last two
paragraplis of the Belgian Note-which was printed at Annex 19to
the brst Belgian Memorial. Having recalled in the penultimate para-
graph that Article I of its draftcompromis had expressly provided for
a prior decision on Spain's Preliminary Objections, the Belgiali Govcrn-
ment ended the Note and at the same time closed the whole diplomatic
correspoiidence by observing:
"Le Gouvernement belge seplaît au surplus à rappeler au Gouver-
nement espagnol que l'article 62 du Règlement de la Cour suffit
à lui donner toute garantie qu'il ne sera pas tenu de présenter
ses moyens de défense relativement au contenu de la demande
avant que la Cour ait statué sur ses exceptions préliminaires et
les ait éventuellement rejetées."

There again, hlr. President, is the Belgian Government, in its very
last words before filing its Application, recognizing the strength of
Spaiii's objections to Belgium's action in taking the Barceloua Traction
case before the Court without first disposiiig of the fundamental prelim-
inary issue raised by her in the diplomatic correspondence.
hlr. l'resident, i1 have spoken primarily of the Spanish Govern-
ment's protest against Belgium's failure-indeed refusal-to furnish
proof of her title to intervene, it is only in order to simplify the issue.
1 do not, of course, mean to set aside or minimize in any way ber other
Objection conceming the failure to exhaust the local remedies. My
purpose, as 1 have indicated. is to establish and to underline the pro-
cedural positions of the Parties prior to the beginning of the proceedings
which Belgium elected to discontinue in the spring of 1961. These were
as follows: Spain, as respondent, was vigorously insisting that the fun-
damelital question between the two Governments and the primordial
issue in their dispute was whether Belgium had any right to intervene
in the case at all. and that the Beleian Government bv declinine to
furnisli Spain\vit), :inprooli on tlii~~~iiestionIind preriintiirely broüght
the diplomntic nrgotiations to :i<leadlo<:knf its own illaking. Ilelgium.
on its sidr. ivhilt: not acceotinrthc Sinnish contentions on tlic I:ttter
point, recobized the fundamental, prefimi~iarycharacter of the Spanish
Objection which denied the natiouality of the claim.
The rest of the storv is well known to the Court. Beleium filed her
Application invoking the 1927 Treaty and making grave Chargesagainst
Spanish administrative and iudicial authorities. The Memorial followed
and was met by the Preliminary Objections so insistently opposed by
Spain to the Belgian Government during the diplomatic correspondence.
Indeed, Article 17 of the 1927 Treaty having been cited by Belgium as
the basis of the Court's jurisdiction. a further Obiection waç added
contesting the continued validity of that Article. Then, by automatic
application of Article 62, paragraph 3, of the Rules, the proceedings
on the merits were suspended and a date was fixed bythe President for
the submission of Belgium's Observations concerning th. Preliminary
Objections.
At that point, Mr. President and Members of the Court, the proceed-
ings before the Court underwent a significant change. The proceedings ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK
'O5
immediately in progress-l'instunce devant la Cour-no longer related
ta the merits of the dispute but ta the Prelinunary Objections raised
by Spain. Furthermore, in these preliminary proceedings, which the
Court's own practice treats as proceedings distinct from the proceedings
on the merits, Spain had ceased to be the respondent before the Court
and had become the plaintiff before the Court. 1 need not labour the
point, Mr. President, for the truth of what 1 have said was demon-
strated last Wednesday, when you called, not upon the Belgian Agent,
but upon my distinguished friend the Spanish Agent, ta open these
proceedings. And it follows that when Belgium sent her letter of discon-
tinuance to the Court, she was the defendant in the proceedings in
progress before the Court-dans l'instance devant la Cour.
Our opponents can hardly Say they had not expected to be put in
that position. They had foreseen it. In the very sentence, as 1 have
said, with which they closed the diplomatic a~rrespondence, they had
foreshadowed the filing of the Preliminary Objections. Spain, for her
part. had strenuously iiisisted, a1have said, in the diplomatic corre-
spondence, that the fundamental dispute betweau her and Belgium was
the question of the nationality of the claim; slie demanded proofs and
legal explanations on this question. But she had been met by the reply:
"We will give you our answers in Court and not before." Now she had
been brought before the Court and had made the expected challenge
ta the Belgian plan and, upon the filing of our Preliminary Objections
on zr May 1960, Belgium found herself called upon, as defendant in
the preliminary proceedings, ta reply ta Spain's complaints concerning
the absence of any Belgian right ta take up the case.
That, hlr. President and&lembersofthe Court, was, in our submission.
the procedural mise en sclne for the great anti-climau of the discon-
tinuance. Instead of making good her promises, furnishimg her proofs
and demonstrating the solid legal grounds of her right to intervene,
Belgium slipped away from the stage, leaving her piece unsaid and
Spain's case still nnanswered.
The position, 1 submit, of a defendant who bl-eaksoff the proceedings
is by nomeans the same as that of a plaintiff. Indeed, a defendant is not
normally considered as having any right to discontinue proceedings.
Certainly, he may notify the Court of hisdesire to have the proceedings
terminated: but can he withdraw from the proceedings at his own
request without expressly or by necessary implication abandoning the
field to his opponent? We do not think so,Mr. President. And certainly
not, in Our submission, when he says not a ~vordto indicate to the
plaintiff that he is proposing ta withdraw from the proceedings only on
a "without prejndice" basis.
Our opponents, as the Court knows, insist that the words renonce
à poursuivre l'inslance introduite par ladite reqtdte refer, and can only
refer, ta the proceedings which were actually pending before the Court
at the time of the discontinuance. \lie have strong reservations, which
1 have already expressed to the Court, about the substantive effects
which our opponents seek to attribute to those words. But on the
purely procedural plane we agree that the words referred to the proceed-
ings pending before the Court on 23 March 1961. N%at we are now
saying ta the Court is that the proceedings actually in progress before
the Court on that date were not of the simple kind which they aresking ARGUZIEXT OF SIR HUAIPHREY WALDOCK
"'7
to the Court. Biit it is an important document and 1 ask the Court to
give it close attention together with Our analysis of it in paragraphs 44
to 46 of our first Objection. In that analysis we poiiited out that the
Legal Department referred in one passage to Ledésistemelitdf~Goi~verite-
ment belgede sonrrction,and in another to son désistementlie sonactioit.
As 1have had occasion to remark earlier, tlie wcird"action" is one which
may Iiave a double meaning, but other unmist:ikable indications in the
Minute show conclusi\~elythat the Legal Department was assuming that
place [or example, the Legal Department underlined tliat if the dis-n one
continuance took place and if the private interests did not succeed in
arriviiig nt a scttlement, the question would neverthcless remain pcnding
beforctheSpanishCoiirts; and thatthisinitself wciuldbeaserioiis objection
to the Ç1x11iishCovernrnent allorvingitself to be in an), way imp1ic;ited
in tlie discussions betwecii the private interests. This last obser\ration,
iii a Minute intended oiily for the eyes of tlieir own hlinister, testifies
eloquently to the genuineness of the Spanish Goverrinient's resistaiice
to the idea that it sliould intervene in matters before the Spanish
Courts. But it also shows that it never entered the Iiead of the Legal
Departmeiit that the question might again be peiiding before the lnter-
national Court. Tliere is a passage, &Ir.President, on page 645 of the
Annexes aiid there is another passage again on the following page \\.hich
is even more re\.e:lling. Having outlined the procedure under Article 69,
Darae-.Dh 2. the I.eaai De~artment said: "11serait incoiicevable oue le
Gouvernement espagnol p6t s'opposer à un désistement belge qui'vieii-
drait confirmer le bien-fonde des exceptions préliminaires espagnoles."
And it \vent on to siiggest that the riasonable course to adopf wrs to
make no rel~lyto the Court and merely allorv the time-lirnit to expire,
when the Court would make an Order declaring tlie case terminated.
Here, 111. President, you see very clearly the belief of the Legal De-
partment tliat in the then esisting state of the pleadiiig before the
position with regard to the Preliminary Objections. Arid was tliat not
right when Belgium was the defendant in the preliminary proceediiigs?
That tliis ivns the vierv taken by the Legnl De[~artment further appe:irs
in the warning wliich it gives in the penultimate parngraph as to the
possible consequences of agreeing to nithhold the Spanisli reply iintil
the espiration of the tirne-limit. It pointed out that if the private
interests arrived at nii arrangement during the period fixed I>ythe Court,
Belgium might represent the arrangement to be the outcoine of an
agreement between the two Govemments, and rherebv bring to nothing
the strong Iegal position cstablished by the Spanish Goveriiment in the
pleadings.
Our opponents profess to find the Legal Department's Minute un-
clear on the question of the effects of the anticipated ddsistement.\Veil,
xve are quite content to leave that to the appreciation of the Court.
Our opponents also seek, in a footnote, to get rid of this embarrassing
document by saying that it was written before the terms of the Bclgian
notice of discontinciance were knoivn to the Legal Department. Thisis
certainly the fact. Rut the document remains cogent eridence of the
Spatiish Government's attitude of mind towards the Belgian discontin-
the lcgal effects of the discontinuance in that state of the pleading. In108 BARCELOSA TRACTION

point of fact, it may be doubted whether the Belgian letter of dis-
continuance, read as a whole, would have done anything but confirm
the Legal Department in its opinions, as 1 hope to sliow very soon.
But in any event, Ouropponents are overlooking the fact that the Legal
Department's view of the effects of the proposed discontinuance was
founded on the assumption that discontinuance of the preliminary
proceedings would inevitably involve the abandonment of Belgium's
defence against the Preliminary Objections.
That, hlr. President, was the legd advice given to M. Castieila, the
Foreign Minister, on zr hlarch, oiily the day before the Belgian
Ambassador arrived with his notice of discontinuance.
The Belgian Ambassador, when he came, first produced a draft of
the notice of discontinuance wliich would have stated that by mutual
agreenieiit the two Parties desired that the longest possible time-limit
should be granted to the Spanish Government for its reply. Belgium,
in paragraph 34 of her Observations and Conclusions, has denied that
the inclusion of this statement in the draft in anv wav meant that the
Belgian Government was ~eekingto associate théspCnish Government
in its unilateral act of discontinuance. Be that as it may, the express
mention of a mutual agreement between the two Goveriments, unless
challenged, could not possibly fail to have that effect; and more es-
pecially when the Belgian Government was requesting, through its
Ambassador, that the Foreign Minister should give a formal assurance
that tlie Spanish Government would not reply to the Court until the
expiry of the time-limit. The Spanish Government, Mr. President and
Members of the Court, had frequeiitly in the past been confrontedwith
dispute between the private interests. 1sit therefore surprising that the
Foreign hlinister should have interpreted the Belgian draft as leading
in that direction? At any rate, he at once objected both to the draft
and to the request for an assurance. He pointed out that in the Spanish
Government's view the matter was exclusively one between the private
interests and that it was not prepared to recognize, even in the most
indirect manner, the right of the Belgian Government to intervene in
the Barcelona Traction auestion. This re~lv seems not~to~ ~ve been
uncupectcd. for tlie :liiil!a!s:idor \vas;irmcd \i.itlinilotlier test thc sanie as
rhc one actiinlly scnr in thc Coiirt. tvhicliomitred the ofiendiric r<:ft:rericr.
to an agreement. Nevertheless, he still pressed for an assurance Conceming
the withholding of the Spanish reply until the expiry of the time-limit.
The hlinister-that is, the Minister of Foreign Affairs-maintained
his refusal to give any such assurance. In a brief Note-which is printed
at Annex 66,No. 4 of the Belgian Memorial-he explained the procedural
considerations which made it nnnecessary for any reply to be sent to
the Court bythe SpanishGovernment, and he undeilined that the Spanish
Government must decline to enter into any commitment conceming
the time-limit in order that there might be no question of the discon-
tinnance appearing to be subject to conditions. At the same time, he
gave the Ambassador to undentand that as a matter of mere courtesy
the Spanish Government would see no difficulty in not replying to the
Court immediatelv.
The next day, 3lr. President,23 March, two things happened. First.
the Belgian Ambassador wrote to the Foreign Minister regretting that
the latter had notfelt able to give the desired assurance, and then adding: ARGUMENT OF SIR HUhlPHREY WALDOCK
log
"Soucieux des intérêts en vue desqueis il avait introduit son
action à la Cour internationale de Justice, il notifiera au Greffe
de La Haye le désistement d'instance qui lui a6tédemandé.
Il exprime au surplus sa confiance que dans le comportement que
le Gouvcrneruent espagnol adoptera à cet 6gard. il voudra bien
être attentif, en fait, au désirexprimé dans ma lettre du 22 mars
1961."
True, this letter spoke of the intention of the Belgian Government to
notify the Court of "le désistement d'instaf~cequi lui a étédemandé".
But the term "désistement d'instance", as 1 hxve previously explained,
was not such as would necessarily make the Spanish Government think
that Belgium was preparing to discontinue the proceedings only on a
"without prejudice" basis, and especially not in the existing state of
the pleadings on the Preliminary Objections. Moreover, tlie whole
efiect of this letter was to focus attention upon something quite differ-
ent-the renewed request of the Belgian Government that the Spanish
reply would uot be sent to the Court until the expiry ofthe period fixed
by the Court. The other thing that happened on that day, Mr. President,
was that the Belgian Government at once proceeded to address its letter
of discontinuance to the Court, and in the terms of the Second Draft
shown to the Spanish Foreign Minister.
The Belgian démarche concerning the discontinuance, as the Court
willhave ohserved, was al1fiuished in a mattcr of hours. The Ainbassador
came with draft letters of discontinuance in liis pocket. He produced
one text which was objected to and another which evoked no comment.
He made a request for assurances which was refused. The Spanish
Foreign >finister explained with complete frankness why he inust object
to the first text and why he could not give tlie assurances demanded.
The Belgian Ambassador, presumably on instnictions, gave a minimum
of explanations as to why Belgium desired a mutual agreement con-
cerning the length of the time-limit, to why shi: attached importance to
the assurances being given concerning the withholding of the Spanish
reply. Nothing was said by way of the need for jiistifying the words c
"hy mutual agreement" in the first text.
But what was the Foreign Minister told in order to exp1:Ùnto him
the importance attaclied by Belgium to the withholding of the Spanish
reply and to persuade him to give the desired assurances? The aiiswer
is nothing but the need to keep the discontinuance from heing made
public before a settlement was arrived at between the rivate interests
in order to avoid speculation on the Bourse. Later the gelgiaii Govern-
ment's reasons for wishing to have the Spanish reply delayed underwent
iiiteresting amplifications, as we pointed out in paragraphs 117 to 121
of our Preliminary Objections.
In paragraph 40 of its Note to the Spanish Government of g October
1961 the Belgian Government added another reason for its request:
"Elle avait d'autre part pour le Gouvernement belge l'avantage
de ne rendre le désistement d'instance d(:finitif qu'a un moment
où suivant les prévisions des intéressés11:snégociations devaient
avoir abouti."
\f'hat was our surprise to find, Mr. President, in paragraph 290 ofthe
Memorial that al1 the tine the Belgian Government had really heen
thinking of Spain's interest in the matter! For there we read:II0 BARCELOSA TRACTIOX
O...il demandait au Gouvernement espagnol que celui-ci lui donnàt

l'assurarice qu'il s'abstiendrait de prendre attitude jusqu'à i'expi-
ration dudit délai.Ainsi, en css d'échec,le Gouvcrncrnent espagnol
aurait la ~ossibilitéde s'ovvoser en temus utile. s'il le désirait. au
désistemeh belge, de façon'à permettrela reprise de la procédke,
puisque bien avant la fin des six semaines les Gouvernements
kraieiit fixes sur l'issue des négociations dont la durée, suivant le
comte de llotrico, ne devait pas dCpasser quinze jours."

blr. Presideiit and i\Ieinbers of tlie Court. even if this was onlv a
iccuiidar). ioiisideratioii iii tlie iliind of the UtIgiaii Go\~c~i~iii~~vi,1!.
\va ir nor iiiciitioiicb!. rlie Uclgi:iii :\~iib&~ud~~orn 22 1lar:li: If rlic
l<~~c.i,,ii~~~~ci~ainx ntrth:~r d:itc r\..Jlv xiiv~U..~zv~-ts ctisis~ir>3s~<,
mere withdrawal of the proceedings actually in progrcss-as a glorified
form of suspeiision of those proceedings-aiid if she bo~zafide imagined
that Spain would find no difficulty iii coiisenting to such a temporary
dispensstion [rom these proceedings, why did her Ambassador not
explain al1 the procedural advalitages of the Belgian Government's
proposal to Spain's Foreign llinister? The Belgian Government was
trying to persuade the Spanish Govcrnment to ask the Court "by mutual
agreeineiit" to fis a long time-liinit and to give assurances regarding
the withholding of the Spaiiish reply. \\'hat argument could there have
been more helpful to their purpose or Inoreappropriatc to their requests
than to indicatc the procedural ndvantage to the Spiiiiisli Goveriiment
of the course 01action whicli was being proposed by Relgium? But we
heard nothing of this procedural advantage on 22 JIarch, rior indeed
on 4 April when tlie Ambassador called on the Foreign Alinister to
request that the désistement sliould after al1be made dé/iititi/ at once.
If, as our oppoiients Say, the Belgian Gorernment considered its
plan for arranging the discontinuance to have thesc rcal procedural
advantages for Spain, the conclusion seems almost inevitable that its
failure to mention them or to touch in anv wav on tlie vrocedural
relationsbip between its désistemcrza tnd the éxistiRgproceedings under
the first Application was deliberate. Certainlv, as the Court will recall,
when Bclgium was announcing her intention of stnrting proceedings
against Spain in her Note of S July 1957, proposing a compromis and
in her Note of 6 February, closing lier diplomatic correspondence, she
\vas not sparing of procedural coinments. Did she not with an almost
paternal air point out that Spain would have every opportunity of
getting tlie question of the nationality of the clairn decided in a pre-
liminarv iudement? But there \vas iiothine of that kiiid on zz hlarch
iior on; ~pr'il 1961. As we pointed out invour Preliminary Objections,
the Bcl~ian Government's solicitude for Spaiii's procedural interests in
the firsti\pplication \\,asrather belated.
And liow short-lived did \ve find this solicitiide for otir procedural

interests, hfr. President! Wlien we came to paragraph 17 of the intro-
duction to Belgium's Observations and Conclusions, \\!e found our
opponents insisting that their Application of 14 June 1962stated
". .. une nouvelle procédure autonome. totalement indépendante de la
cause antérieurement au rôle de la Cour", and actually placing on
record a formal objection to our treating the written pleadings or their
earlier Application as part of tlie present proceedings. A'ot mucb trace
here will you hnd, Mr. President, of a siniple suspettsion of the pro- ARGUAIEST OF SIR HUAIPHREY WALDOCK III

ceedings nor of the obvious procedural conveniences of not throwing
away the work already done in the first procc:eùings. \\'ben he speaks
on our Third Objection my distinguished colleague, Professor Ago.
will have sometliiiig to Say on this poiiit in connection with the new
presentation of the Belgi~ii case on the 1iation:rlity of the claim. 1 shall
not trespass on his ground. 1 merely recall, iii order tliat the Court may
see the explaiiations of the Belgian Government of its désistementplan
in full perspectivc. how in its new Application ancl Xleinorial the Belgiaii
Government souglit to dress up its case on tliis fundamental issue
between the two Governments in entirelv new clothes.
\f'hatever procedural notions the ~el~;aii Government may now claim

to have Iiad on 22 hlarch conceminc the relation betrveen its désistement
and the position of tlie Parties in the proceedings then in progress before
the Court, it did iiot, as1 have said, givc aiiy indication of them to the
Spanish Foreign hlinister. It kept its thoughts to itself and spoke only
of the risk of speculation on the Bourse. It did that, Alr. i'resident,
despite the strong objection voiced by the Foreign Minister to accepting
any procedure which might have the appearance of iiiaking the désiste-
ment "subject to conditions". It now inaintains that al1 the indications
which it iieeded to give were contained in its letter of discontinuance.
The primary poiiit in that letter on wliich thc Belgian Government
relies is its use of the phr-ase repzonceà poursatiu~el'instance. 1 have
already dealt with that point at length. For the reasoiis which 1 have
given ive coiisider that the mere repetition by Belgium in the letter of
the \i.ords found in Article 69 of the Xules \vaswholly insufficient to
indicate to Spain tliiit she \\.as confronted witli a proposal which \vas not

for the final withdrawal of the case but only for the temporary cessation
of the litigation bet~seen the tivo Govemmenfs before the Court. Aiid
we consider that in the particular circumstances of tliis case-procedural
situation-it \%,asimperatively demanded that Belgium should make
the nature of her projected discontinuancc eiitirely clear, seeing that
she was proposing to abandon the pre1imin;~ry proceedings withont
making any defence to Spain's contentions in those proceedings.
The other point ivhich the Relgian Government invokcs is put in
paragraph 30 of the Observations and Conclusions iri this way:

"Puisque le désistement intervenait arriiqrremenetn vue de faciliter
des nérrociations transactionnelles. il tombe sous le sens au'il ne

à iiouveau iécessa;re, à la suite de I'écliecdes négociations proje-
tées."

This contention, blr. President, cannot be accepted for a moment.
Indced, it calls for several comments. In the lirst place. the one thing
that Belgium rcfrained from stating to the Spariish Government was
that she was discontinuing the proceedings "îrniquemenl en rue de
faciliter des négociations transactionnelles". III tlic second place, if it
really was so self-evident that Belgium \\,as not abandoning her right to
bring the Spanish Government before tlie Court ;igaiii in the evcnt of
the failure of the negotiations, it makes it al1the inore strange that the
Belgian Ambassador did not explain the Belgiaii plan more openly to
the Foreign llinister when tving to persuade Iiim to give the desired
assurances regardiiig the withholding of the Spanish repli.112 BARCELOSA TR4CTIOS
Thirdly, Air. President, our opponents are again taking an altogether
too detached and narrow view of the actual situation which existed
between the two Governnients in AIarch 1961. The diplomatic corre-
spondence, as 1Iiave said, shows that from the first the Spanish Govern-
ment had been taking two firm positions in face of Uelgium's attempt
to intervene in the Uarcelona Traction question. It Iiad insisted again
and again that the question waç one between two groups of private
interests and must be leftfor them to resolve before the Spanish Courts.
It had also again and again contested Belgium's right to exercise any
diplomatic protection whatever of the private group whose claim she
was seeking to espouse. hforeover. these two positions had once more been
asserted in the Preliminary Objections to which Belgium was due to
reply in the very near future. Instead of the reply, Spain was notified
that Belgium would give up the proceedings shehad begun in order that
the matter, which Spain had always insisted \vas one for the private
interests concerned to resolve, should be the subject of negotiations
between those same private interests. In these circumstances, \iredo not
understand how the Belgian Government could fail to be aware that
Spain would automatically assume that the Belgian Government had
decided to leave the matter to the private groups in question.
Furthermore, Mr. President, it \vas notas if the Belgian Governinent
was withdrawing the proceedings in order that negotiatious might take
place between the Belgian private interests and tlie Spanisli Governrnent
itself. The claims advanced by its nationals were being deliberately
removed from the international to the purcly private plane by the
Belgian Government at their request.
As to the actual words used in the letter of22 March: "A la demande
de ressortissants belges dont la protection a motivél'introduction de la
requête", they did not seern to the Spanish Government to do more
than record a fact or to be intended to be anything more tlian a diplo-
matic formula to justify in the eyes of the public the act of the Belgian
Government in discontinuing the case. Certainly. there \vas nothing in
these mords to indicate to the Spanish Government that the discon-
tinuance \vas to be on a "without prejudice" hasis.

[Publi hcearingof 18hfarch 1964. tnorning]

Mr. President and Mcmbers of the Court, 1do not think thatit would
assist the Court i1 ivere to deai ivith every contention advanced by our
opponents in their Observations and Conclusions; for on some points
weare really not on the same wave-length. They start from the hgpothesis
that the Belgian Government said al1that it needed to Say and gave ail
the explanations that it needed to give, when in its letter of 23 htarch
it framed its discontinuance in terms of a notice that it was "not going
on with the proceedings8'-"renonce àpourszrivrel'instance". We, on the
other hand, start from the verydifferent hypothesis which 1havealready
explained to the Court-the hypothesis that under the Court's procedure
those formulas are indicative simply of the procedural act necessary
to bring about the termination ofproceedings and that the circiimstances
in which Belgium had recourse to that procedural act in the present case
were strongly, indeed compellingly, indicative of an intention to effect
a final withdrawal of the Barcelona Traction case from tlie Court. ARGUhlEST OF SIR HUSIPHREY IVALDOCK
113
If. for this reason, 1 do not reply to every contention in the Observa-
tions and Conclusions, 1 am not, of course, to be taken to have accepted
them.
However, there are one or two observations made by oiir opponents
upon which 1shouldlike to offerbrief comments. The first, Afr.Mesident,
is the contention put forward in paragraph 30 in the form of a question:

"If the Spanish Government believed tliat the Belgian Govern-
ment was definitively abandoning its right, why then did it beat
about the bush and enter into so much discussion when the Belgian
Government simply asked it to wait for the expiry of the time-
limit fixed by the Court before making its ositiou known on a
discontinuance which, according to the view OY the Spanish Govern-
ment, would have inevitably put an end to the international
dispute?"
This so-called "beating about the bush", MI. President, refers, 1
assume. to the Foreign hlinister's explanations of tlie Spanish objections
to giving assurances about the withholding of tlie Spanish reply to the
Court-explanations that were so absent from the Belgian Government's
presentation of the discontinuance to him. Let Our opponents cal1 it
what they may, there were perfectly goocl reasons for tlie Spanish
Government's reserved attitude on this auestion. Thev were exvlained
to tlic Iklgian :\ml,zs;ador. 'IticSp:iriish6o\.criirnciit fclt thtt;q Ii;id
Som,:re;L;unto fcar thnt, iftliq t.ritcred into aiiy iorrii of agreement or
undcrtiikinc with resnect to ttie u'ic~steme~itrt.ie (;o\.criiiiient rniztit liiid
itself once vagain bei& pressed to intervenk in the differences between
the two private groups. In addition, Mr. President, there was the evident
possibility tbat, if Spain entered into any kiiid of undertaking with
respect to the discontinuance, this undertaking miglit itself be made the
basis for further diplomatic pressures by Belgium.
These considerations, so far from being in contradiction with Spain's
statement that she believed the discontinuance to involve the final
withdrawal of the case, are fully consistent wifh it. The Government's
refusal to allow itself to be im~iicated in the disi>utebetween the vrivate
groups was the position which'it had taken up fiom the very begi&ing-
independently of the Belyian Government's intervention in the matter.
Its ;cason sor doing so Ïemained just as stroiig if the discontinuance
was final. Similarly, its determination not to enter into any undertaking
which might furnish Belgiiim with a new legal basis for intervention was
due nr - ~~~2 to the fact that it assumed the discontinuance to ~ ~e~final.
And on this pointi~r. President, you have theexpress evidence of the
Foreien hlinister's Note to the Belyian Ambassador in which he stressed
the iynportance nttaclietl hy his Go\.ernincrit IO doing nothing \rliicli
rniçlit resiiliiithc discoritinuancc beiriç iiiadc suhject to con~lition~.
1riosi.Drovosc.hlr. i're3irient. to sornoietc thstar\.of tlic ~iisirtemliil
between iheL~overnments as rapidlv as'possible. On i4 March, JI. Juan
March reacted strongly against being asked to begin the negotiations
wheii the discontinuance had not yet been mad,: défifil~itM if.. March was
refusing to negotiate; this looked like creating :rn impasse. The Belgian
Government, on the other hand, as we know, had pressingly asked of
the Spanish Government that it should refrain €rom making the désista-
ment de'fifinitiiifntil the expiry of the time-limit in order to avoid specula-
tion on the Boilrse. However, a firite-a leak in the Press+ccurred"4 BARCELOSA TRACTIOS
in Geneva; the Bozrrsewas put in possession of the news. So the Uelgian
Government now sent its Ambassador again to the Foreign hlinister to
request, as we say, that the Spanisli Government should haste11its reply
to the Court, saying that, owing to the fuite, it no longer sa\v any need
for the Spanish Governnierit to take account of the wishes it liad es-
pressed in its letters ozz and 2.3 Blarch; in other words, it no longer
saw any need for the Spanish reply to the Court to be delayecl.
Here, hlr. President,there is a differeiicebetween us and our opponeiits
on a point offact. \Vesaid in para. jg of our Preliminary Objections that
the Ambassador at the same time clearly indicated that the Govcrnnient
desired the Spanisli reply to be sent to the Court as soon as possible;
request of the Belgian Government that Spain had notified the Court oncit
j April that it did not oppose the discontinuance. Our opponents, on the
other hand, have solemnly denied that there was any such indication
and contest our statement that the Soanish notification was sent to the
Court at the request of the Belgian Government. The Belgian délttarche
ha vin^ been oral. the Court can oniy look to thsur round in c^rcumstan-
ces and draw its own conclusions. Rut the surrounding circürnstances, in
our submission, support very strongly the Spanish Governmeiit's
appreciation of the démarchemade to it on 4 April by the 13elgiaii
Government.
In the first place, why did the Belgian Government approach the
Spanish Government nt al1on 4 April, if its purpose was not to induce
the Spanish Government to riccelerate its reply to the Court? \\'as it
to complain about what now is represented as the intransigencc of
Al.hfarchinsisting upon tlic désistementeingmadedéhnitif? Certainly iiot.
Never a word did the Ambassador Say on that sublect. Was it to invite
the Spanish Governnient to consult together with the Belgian Gooern-
ment as to the best wav of dealine w"th the difficultv? Certainlv iiot.
That was not a suhject Faised.
IVhy, bIr. President, should the Belgian Government send its Ambas-
sador to speak to the Spanisli Government at all, if it was not goiiig
either to raise questions of this kind or to ask it to accelerate its reply
to the Court?True. the /fritehad occurred. But the Spanish Governinent
had not reacted in ani, way. It was doing-sereiely doing-esactly
what the Foreign Alinister liad said to the Amhassador it mould see no
allowing the time-limit to run out. \Vhy then bother the Spanish Govern-
ment at all, if not to suggest tliat it should do sometliing, nainely, inake
the désistementdéfinitif?Does Belgium realiy ask the Court to think that
the object of the démarcheof 4 April was simply a display of courtesy or
to keep the record straight?
In any case, Afr. President and Members of the Court, the Belgian
documents themselves really leave you not mucli doubt as to the object
of the démarcheand the reasons for the ncceleration of theSpaiiisli reply.
In paragraph zgr of the Mernorial, having spoken of the friile, the
Belgian Government said:

"11convient de mettre aussi ra~idement aue ~ossibie un ternie à
l'incertitude qu'une telle publicaiion ne po&aii manquer de créer
dans le public. Aussi le Gouvernement belge fit-il savoir, le4 avril,
par son- ambassadeur, au Gou\~ernementuespagnol, qu'il estimait ARGUMEXT OF SIR HUMPHREY \VALDOCK IIj
qu'iln'y avait plus lieu de tenir compte du désirexpriinépar celui-ci
dans ses lettres des 22 et 21 mars 1~61. C'est dans ces conditions

JI. Frère, in paragrrrph 30 of the iIlemorandun~ printed as Annex 6
of the Belgian Observatioiis aiid Conclusions, was less reticent as to
what \vas the state of inind on the Belgian side after the /nite. There
he wrote:

"Devant cette publicité, il riie parut qu'il &ait impossible de
demenrer dz~rai~s tix semaines dans L'incertitndequant BZL point de
savoir s'il y aurait on non [lesnégociationsC . epoint devue /ut pnrtugé
par le Gor~vernemenb telge.et l'on sait dans quelles circoiistances le
Gouvernement espagnol notifia, le 5 avril, à laCour, son acceptation
du désistement."

And there he made a reference back to the statement in the Belgian
3lernorial.
In the li~., of this statement and of the other consider;itions wliich
1 li.~vciiit:nriuticd,WC belicvt: t11.i).UIIiv1111i:it.cno d~ili~~iltIIIconclii~l-
iiig tlt:it oii 4 :\pril i\v;b iiidic.~tcil-tlic iiii~irc~i;i\i.;igiveii-ru tli,:
Suariijl. (i~i.rrriiii<:iittl.it clI5clci.~i(;oi.crririit.iii*,iirislic(lSi>..ii11,
inform the Court without delay that she did not oppose tlic discontinu-
aiice; and thatit \vas on that requcst-or if you like, irnplicd request-
thatthe Spaiiish Goverriment's lctter \vas sent to the Court the following
day.
Again. >Ir. Presideiit, 1 must empliasize the extreme economy of
esplanation forind oii the Belgian side when it \vas addressing itself to
the Spanish Government on the subject of the disistement. 011 22 Xlarch,
just a mention of the risk of speciilation on the Boirrse;on 4 April, just
the occurrence of the fuite. Xotliing by way of discussing the relations
between the two Go\rernments in the procee(liiigs bcfore the Court.
Xothing ta indicate to the Spanish Governnieiit that it \vas not being
asked to consent to the final withdrawai of the proceedings before the
Court.
That, 111.President, is really the end of the story betwecii the Govern-
ments concerning the discontinuance. After receiving the Spanish letter,
the Court made its Order of 10 April 1961 rcmovirig tlic Blrrcelona
Traction Com~nnv case froin its list. The leml cliarnctcr and eflects of
r i l~tini.ir~ I~iivcIU III:npl,r~<:i;~tt-<l1ilit: I~glitnf tlii: iir~i.~tion
\vl~ic:lixisr~d:rt tli.,t darc ~II~~~~~~IICIiiotc, or >t:~t~iii,.nt<ifthc ll<îrtii...
m:i\, no doubt tliruiv Iiglir oii tlicc;irlit:rciciiti. Ijut, for guxl or il][tic
1cg;tl ilinrncter triid t:ifccts of clic iliscnntinii:iiic~.II: I r hecii
di.t~:niiinedII!.rh:it ~1:rte.For tliis rc:L$iiii\,Ir. Pit,sidciir. 1du rior I)rol!Ljc
to ;<jkrlic Cuiirt to siil)mit to hviiir taken tliroiirrli tlic dii>loni;itichate
of g October 1961, in which the~elgian Govgrnment ~iinouncecl its
intention to rcintroduce the case or the other diploniatic Notes ivhich
preceded the filing of the second Application. These Xotes were written

with respect to the reintroduction of the case. Furtliermore, the Notes

have been thoroughly exnmiiied in the written pleadings ivherethe Parties
have estractedfrom thein suchadvantageas they thouglit that they could
find; and in ariy event most of the points made in thcm Iia\,e heen ARGUhlENT OF SIR HUhlPHREY \VALDOCK "7

"The full import of these words is realized when it is known that
the person who spoke them holds the Chair of public international
law at the University of Madrid."

Oddly enough, hlr. President, when Mr. Castiella sends a note to the
Belgian Ambassador informing him that the Spanish Government can
agree to nothing which would have the effect of making the discontinu-
ance conditional, when hlr. Castiella approves thi: despatch forcirculation
to hlissions abroad informing them tliat the discontinuance "constilue
donc la ~ecounaissancedéfinilive du bien-fondéde ln posilion prise
Foreign hlinister was at that time the holder ol a Chair of public inter-is
national law. But the moment it is a questioii of words put into his
mouth, quite fairly and properly, by tlie Belgiaii Ambassador, he is
suddenly made to appear in al1his professional roles!
As 1 have said, this document was not broiight into the discussion
in 1962when the hlemorial was filed but iiAiigust 1963.At this distance
of time, &Ir.President, Mr. Castiella is iiatunilly not willing to affirm
that he used one ivord rather than another nt ail oral interview between
him and the Belgian Ambassador. For this reason we are instructed to
make every reservation as to the actiial words used by him and the
nuances with which they may have becii used. \Ve are furtlier to point
out that, as paragraph 2 of the report itself shows, the sole purpose of
his reply to the Belgian Ambassador was to warn him against recourse
to threats and to counsel the continuation of the negotiations. In our
submission, therefore, this document does nothing to weaken the cogent
evidence which 1 have put before yoii of the Spanish Government's
understanding of the désistementbetweeo zz Marcli when Belgium first
informed it of the Belgian proposa1and 5 April 1961when it notified its
consent to the Court at the request of Belgium.
Mr. President, 1would now like to pass to our secondary argument to
the alternative basis on which wehave rested our Preliminary Objections,
that is, the incompatibility of the introduction of the new Application
with the provisions of the Spanish-Belgian Treaty of 1927.We developed
our argument on this question in paragraphs 134to 138of our Objection
and it is as follows.
We say that the Treaty provides for a detailcd and graduated system
of procedures for the settlement of disputes. In cases such as the present,
the Treaty expressly contemplates, first, that local remedies shall have
been exhausted, secondly, that diplomatic means shall be exhausted,
the submission of the dispute to a conciliation commission. Failing thatse
conciliation, the dispute should be submitte~l either to an arbitral
tribunal or to the Court, and that in this event the parties should.,if
possible, draw up a special agreement, and, firially, that if the special
agreement should not be drawn up within three months, either party
should have a right of unilateral application.
This is a well-known system, inspired, as we think, by the principle
that each step should, as far as possible, be taken hy mutual agreement
between the parties, and this is not a system. we think, which contem-
plates that a party should be able to bring tlie same matter before the
Court twice under the procedures provided in the Treaty. If a party,
having had recourse to the procedures of tlie Trcaty, arrives at the point116 BARCELOSA TRACTIOS
of filiiig a unilateral Application seising the Court, and the otlier party
appears before the Court, tlie full course of the remedies contracted
for in the Treat~ has been riin. In our view, siich a double rise of the

'Trc:ity.
'l'lieBelgian Governmeiit, in answer, has contended in effect, in its
writteii pleadings, that the provisions of the 1937 Treaty must he read
subject to the Rules of Court; tliat Article 69 allows a party which
has discontinucd proceedings under yaragraph z to reintroduce the case;
and that to apply a contrary rule under the 1927 Treaty would iurolve
a modification of the Rules of Court, which would onlp be permissible
if done with the approval of the Court under another article. This,
&Ir.President, is one of those c'ues where our arguments and those of
our opponents are simply again not on the sanie wave-length. We, of
course, agree that the 1927 Treaty is subject to your Rules of Court.
A party discontinuing proccïdings which were iiistituted under the
Treaty must necessarily do so either under Article 68 or 69. But those
Articles, in our submissiori, are solely concerned with the procedure for
termiiiating proceedings and do not purport to deal in any way with the
introduction of cases. Accordiiigly, the argument advanced by Spain is,
we think, perfectly compatible witli the Rules of Court.
l'ou ma). perhaps recall, >Ir. l'resident and Jlembers of the Court,
tliat in my generai argunieiit on Articles 66 and 69, I referred to the
casc of proceedings introduced under a compromis, for the purpose of
illustrating my point that the conditions for operating procedural rules
for the discontinuance of proceedings in international law are not the
saine as in national law. 1 suggested that it was difficult to conceive
of a party's having a right unilatcrally to reintroduce proceedings urider
a compromis if, having instituted them, it had discontinued them uiider
Article 69 witlioiit in any way rcserving its riglit to come krck again.
'l'lieverv nature of the iririsdictional instrument itself. under wliicli the
proceedrngs have to be 6egun in such a &se, really ~o&~elsthe inference
that n~artv which discontinues is abandonina its richt to pursue before
the Cokt ihe claim submitted under the co~tpronz&.
\\'e submit that the 1927 Trcaty is another case rather of this kind.
The Treatv. as 1have said. establishes a series of eraduated and carefullv
rcgiil:itc(lrifilit, of rectniirji.to v;iriuus I~roLriliirc<.\n'part!. 11:;s
;i\.:iiluitsclf of tlic syiti:niol proci:durcsin tlie'Tr,.aty aiid hns ii1riiii;itcly
in\.oketl tltiiiIIrirtlit of r~~coiirsc-iinilatrr:~I:~i~iilito tlic Coiirt-
can it, by its ow; voluntary act, terminate'chat procedure without
raising the inference that it is abandoning its right to pursue thepartic-
rilar matter in question through the system of procedures created by the
Trentv?
And, BIr. President and hlembers of the Court, is not this inference
al1the stronger ivhen thnt party discontinues the proceedings under the
Treaty at a time when it is in the position of a defendant called upon
to answer preliminary objections-objections that it has no riglit to
invoke the Treaty at dl, and tbat, in any event, it has not complied
with an essential condition for invoking the procedure, namely, the
exhaustion of the local remedies? The Treaty made the eshaustion of
local remedies a specific condition for invoking it. a condition designed, ARCUIIEST OF SIR HU.\II'HREY \VALDOCK 119
1would submit, to protect the right of the parties to the exercise of their
i-lomesticiurisdiction.
\\'lieii ;l>:iiii prote;ted agiiiiist I3elgiuiii'siittt:ii[Otiit~>rv~.iieS~C
\i,:t;xiniiicli uic.rti~ig IICIOWII ~uI~st:ri~tiv~rights a; r.iiiiij:i~uris-
tlictii-mil inlcn.Hçr i,rorcitj. :riIitr SU~SCLIIICII~I'r~liinii~.irvOI)~<:ctiu~i
regardinç'the non-exhaustio'n of tlie local rekedies, were counter-clairns ~ ~

as well as jurisdictional pleaç. Coiild Uelgium, as defendant in the
preliminary proceedings establislied to determirie Spain's rights in the
inatter, discontinue the procecdings without impliedly abandoning lier
defeiiccs to tliose counter-contentions of Spain? We ask tlie Court to
liol<lthat the Belgian Government could not do so, without obtaiiiing
Spain's concurrence to their disçoritiriiiiiig the proceedings without
prejudicc to the right to reintrodiice the cl;iirn.
\Z'ell,for the reasons that1 have given, and 1don't propose to elaborate
on this point, the Spanish Government subrnits that Belgiiim's attempt
to reintroduce the Barcelona Traction Company case by filing a second
Application w.u incompatible with the provisiomjof the Spanish-Belgian
Treaty of 1927.
That, Mr. President, and 3Iembers of the Court, really coiiipletes my
presentation of tlie Spanisli case on tlie First Preliminary Objection,
but it may be convenient if 1 summarize briefly the contentions tliat ure
are advancing on this Objection. Tlicsc arc:
First, in the diplomatic correspondence prior to the institution of the
first proceedings, Spain consistently took tlie positions, first, that the
lund:lrnental dispute between the two Governmentswas whetlier Belgiuin
had nny title to intervene in the BarceIona Traction qiiestion and,
secoiidly, that the question w:is oiie essentially between two groups of
privatc interests which it was for tlicni to ri:solve between themselves
or through the medium of tlie Spanish coiirts.
Relgium-this is my second point-altlioiigh refusin: in the diplo-
inatic correspondence to substantiate her title to intervene, recognizcd
the preliminary character of hoth Spain's objections, and also the
fiindamental issue raised by her objection to the Belgian title to esercise
diplomatic protection.
Thirdly, in the preliminary proceedings in progress on 23 Blarch 1961
Spain was in the position of plaintiff, Relgiuin of defendant: and wlien
Belgium discontinued tlie proceedinçs on her first Application she was
at the sanie time discontinuing tlie prcliminary proceedings in which
she was defendant.
Fourthly, in consequence, that discontiiiuance was bound to imply
an ahandonment of her dcfeiices ngainst the Preliminary Objections.
iinless she clearlj? indicated tliat her notice of discontinuance was one
wliich would be \vithout prejudice to lier rights in the litigatioii and if
Spaiii then consented to the discontinu:ince.
Fifthly, the Belgian Government, in pri:senting its letter of dis-
continuance to Spain. furnished her with no ex~~lanationsor indic t. ions
of such a kind as might sufficc to put Spain on notice that Belgium
was intending to discontinue the proceei-lirigsonly on a "without pre-
judice" basis.
Sixthly, neither the use of the phrase renoiict:d pozcrstrivrel'iitslaiice
in the letter of discontinuance, nor the reference to la demande de
ressortissaittsbelgesdont la protectio+t nmoliukl'i~tlrodzrction de la reqnéle120 BARCELONA TRACTIOX
\vere suficieiit iiidicatioiis in the circurnst.in<ecof the prcseiit ixie uf
:,IIiiitciitiun to ilis:ontinii~~oiily Ji"iritliuut prcjudice" bïsis.
:\iid tlicn, s~\,r;ntliltlw IJclgiïii (;u\.~riiint,iiiirc(]iicstii.g-or at
tlic \.cryIcxçt iiiiplicdl)~rcqucstiiig-S11ïin oii .{April 19b1 tu ioiiîent

to the discontinu.i~ice.furnished Iiei iritli no explaiiilrioris or iridicatioris
of such a kind as might suffice to put her on notice that the disconti-
nuance was to be only on a "without prejudice" basis.
And then. eiehthlv. S~ain, at aU times hetween 22 hlarch and
IO .+il 1961 Ündcr!tood th<: propused discuntinu:iiicc to rcfcr tu tlir
final rrithdr;iival of tlie intcriiationd litigatiirithe B:irzelori;i'l'rastiun
Company case.
The conclusions in law, hlr. President, which we ask you to draw
from these contentions, are first, the notice of discontinuance filed by
the Beleian Government on z? March 1061. which was consented to
by spa& on 5 April 1961, constituted Cn law an abandonment of
Belgium's defences against the Preliminav Objections. Second, having
regard to the diplomatic history of this dispute, to the procedural
circumstances in which the discontinuance was fùed, the terms of the
Belgian Government's notice of discontinuance of 23 Alarch 1961,
combined with the failure of the Belgian Ambassador either on 22
March or 4 April to furnish Spain with any sufficient explanations or
indications to put her on notice that Belgium was proposing to dis-
continue without prejudice to her right to introduce fresh proceedings,
led Spain on 5 April 1961 to consent to the discontinuance on the
understanding that she was consenting to the final withdrawal of the
Barcelona Traction case £romthe International Court.
Thirdly, on the principle expressed in the maxims dlegans contraria
non awlie~zdusest and vejtire contra factnm proprizrm ?ton valet-the
principle that a State may not maintain claims or make allegations which
are in contradiction with its previous conduct-we Say Belgium is
precluded from instituting a new Application in the Barcelona Traction
Company case.
And fourthly, for the reasons which 1 have just submitted to the
Court, the filing of Belgium's new Application in the Barcelona Traction
case on 14June 1962 is, we think, incompatible with the 1927 Spanish-
Belgian Treaty of Conciliation, Arbitration and Judicial Settlement.
With your permission, hlr. President, 1 should like to add a few
brief words concerning the third conclusion 1 am asking you to draw,
the one based on the principle of allegans contraria non arrdiendus est.
Our opponents, in their Observations and Conclusions. seemed to
complain that we had not given them a sufficient indication of the legal
authority upon which we were basing our submission on tliis point. We
felt, Nr. President, that so soon aftcr the decisions of the Court in the
cases of the Temple of Preah Viltear-I.C.J. Reports 1962, pp. 23-32 are
the relevant pages, and of the Arbitral Award made bytheKing ofSpain-
vour Reports for 1960, at pp. zr3-zr4, we did not think it was necessary
for us to do more than cite those cases as authority for the legal principle
upon which we rely. We are still of that opinion, since the Court, in
the pages of the Reports which 1have cited, has recently applied the
principle. Moreover the principle is one of international law which has
frequently been applied in the jurispmdence of international tribunals.
Haç not Professor Charles De Visscher recently written in his Problèmes
d'interprétation judiciaire en droit international public, p. 180: "La ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 121

jurisprudence internationale voit avec défaveurles contradictions dans
les comportements successifs d'une Partie."
Of course, Mr. President, to provide you with legal authority directly
relevant to this case is not so easy, it is a case of first impression, and
there is nothing that is exactly in point but the application of this
principle to procedural questions will certainly be nothing strange in
this Court and in that connection I think perhaps al1one need mention
is of course thewell-known cases which established the jiirisdiction forum
prorogatum.
Obviously that is based upon the same general principle as the one
which 1 have been citing and relying upon. Therefore, while reserving
the right to reply more fuüy if the learning of my distinguishedopponents
leads me to do so at a later stage1 did not think, Mr. President, having
regard tothe length of this case, that it was necessary for me to embark
upon such an exposéat this particular stage, and therefore, klr. President
and Members of the Court, on the basis of the contentions of fact and
oflaw which I have formulated we submit that independently of anything
before or after the discontinuance,betRelgium's act in discontinuing theer
proceedings on the first Application operated to bar her from institnting
the new Application of 14 June 1962. We rescrve the right to invoke
any ofthe other facts established by the evidence in the writtenpleadings
and of any contentioris based upon them so far as may be necessary in
the light of our oppouents' arguments. We aiso reserve the right to
amend Ourown contentions and submissions in our Reply. And we shali,
of course, Mr. President. with your permission be submitting to the
Court our formal submissions on al1our Preliminary Objections at the
conclusion of our argument on the Fourth 0hjei:tion.
And .with that, Mr. President and'Members of the Court, it only
remains for me to thank you for your patience in hearing me. PLAIDOIRIEDE M. GUGGENHEIM
CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audience publiqziedu 18 mars 1964,rnatiu]

Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, la tâche qui iii'incombe
cst de présenterle point de vue du Gouvernenient espagnol sur les obser-
vations que le Gouvernement belge a adressées à la Cour touchant les
exceptions piéliminaires principale et subsidiaire no z. La Cour me
Dermettra de situer. en nremier lieu. le ~robièmeaui fait l'obiet de l'ex-
LePtion préliminaire principale. . *
Le Gouvernement belge prétend fonder la compétence de la Cour
internationale de Justice sur la base de l'article 17, alinéa4, du traité
de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage Iiispano-belge du
rg juillet 1927, qui institue la juridiction obligatoire de la Cour perma-
nente de Justice internationale.
La Belgique arrive à cette conclusion parce qu'elle considèreque le
traité hispano-belge de 1927 en général, ainsique la disposition parti-
culière de son article 17, alinéa4, sont toujours en vigueur et ont été
en particulier en vigueur à l'époque de l'introduction de la requête
belee devant la Cour. La validité de l'article 17. aliné4.serait la consé-
quence de l'article 37 du Statut de la Cour qui opérait'la novation des
oblieations contenues dans les ckruscs iuridictioiinelles se rapportant à
la four permanente. La Cour perma<ente, à laquelle comstence est
donnée par l'article 17 du trait6 Iiispano-belge, serait tout simplement
remplacee par la Cour internationalede Justice et ceci bien que l'Espagne
ne fat pas partie au Statut de la nouvelle Cour aii moment de la disso-
lution de l'ancienne Cour en avril 1946.

Pour faciliter l'examen de l'article 37, il n'est peut-être pas inutile
de rappeler les termes dans lesquels il est rédigé:

a Lorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi
la Cour permanente de Justice internationale, la Cour jntemationaleà

de Justice constituera cette juridiction entreles parties au présent
Statut. o

Le Gouvernement espagnol conteste que l'article 37 du Statnt.de la
Cour ait pli avoir pour effet de transférer la juridiction obligatoire de
la Cour permanente, telle qu'elle est prévue à l'article 17, alinéa4, du
traité hispano-belgeà la Cour internationale de Justice, et ceci pour la
raison évidente que l'article 17, alinéa 4, du traité hispano-belge a été
rendu caduc à l'époqueoù l'article 37 du Statut de la Cour aurait pu
lui êtreappliqué,et parce qu'il n'y a pas lieu de présumerque l'article37
fat en mesure de faire renaître cette disposition caduque à l'époqueou
1'Espaene devenait partie au Statut de la nouvelle Cour en 1955.
Je démontrerai cette affirmation de la manière suivante: PLAIDOIRIE DE M. cvccoxiiernr 123

En une première partie, nous nous proposons d'interpréter I'article 37
du Statut de la Cour, interprétation qui nous indiquera les raisoris de
la caducitéde I'article17. alinéa 4,du traité hisvaiio-bclee.
Dans une seconde pakie, nous examinerons lapratiqueinternationale
en la matière qui, comme nous le verrons, correspond à I'iiiterprétation
aue nous donnons de I'article 37.
Une troisièmc partie enfinnous perniettra de réfuter certaines des
affirmations contenues dans les observations écrites [lu Gouvernement
belge.
Alonsieur le Président, pour arriver à une interprétation raisonnable
de I'article7 dii Statut de la Cour, il est d'abord iiécessaired'esaininer
très sommairement I:r différenced'objectif qu'xvait l'article 37 sous le
régime de la Cour permanente et celui qu'il a aujourd'hui dans le cadre
de la Cour internationale de Justice. A ce sujet, il est indisciitablc que
I'article7 avait iin champ d'application plus restreint sous Ic régime
du Statut de la Cour permaneiite. En effet, l'article 37 cliStatut ne
visaità l'&poquecle la Cour permanente que les traités oii converitions
en vigueur prïvovant le renvoi à une juridiction obligatoire que devait
instituer la Société desNations. En revanche, le but principal de I'ar-
ticle 37, tel qu'il a étérevisà San Francisco en 194j, est <lemaintenir
en vigueur les clauses juridictionnelles qui prévoyaient Ic recours la
Cour permanente et d'instituer à leur place le recours obligatoire à In
Cour internationale de Justice.
En vue d'obtenir ce résultat, la conférence de San Francisco, qui a
élaboré laCharte des Nations Unies et adapté le Statut de l'ancienne
Cour à la nouvelle, a modifiél'article 37 du Statut de l'ancienne Cour.
Noiis nous référons à ce sujet au rapport du rapporteur du ComitéIV/I
dela conférencede San Francisco. Il s'estprononcéde lamanièresuivante
sur les objectifs de l'article modifié(voir doc.. tome 13,p. 341, sous a))
- je cite:
ciLa création de la nouvelle Cour soulèvera certains problèmes
qui ont étéexposésdans le rapport du sous-comité.Pour quelques-
uns de ces problèmes, le Comite 1 propose idessoliitions.
a) II est prévuà I'article 37 du projet du Statut que, lorsque les
traités et conventions en vigueur contiennent des dispositions pré-
voyant quc des différends seront portés devant l'ancienne Cour,
ces dispositions seront considérées,ntre Membres de l'Organisation,
comme s'appliquant à la nouvelle Cour. »

En définitive. I'article 17 du Statut de la nouvelle Conr. a~rès son
remaniement par la congrence de San Francisco de I ~ ~ ~vke deux
obligations différentes.
Première obligation: il continue à assurer le transfert de com~étence
de l'ancienne cour à la nouvelle, pour les traités conclus apr&s'la pre-
mière guerre mondiale qui renvoient non pas explicitement à la Cour
permanente, mais à la juridiction à établir par la Sociétédes Nations.
Toutefois, cette obligation ne joue aucun rôle dans la procédureactuelle
et n'est plus un problème sur le plan pratique depuis la dissoliition de la
Sociétédes Nations. D'ailleurs, déjà dans le passé, l'application de
l'article37 a créécertaines dificultés en ce qui concerne la fonction que
nous venons de mentionner. hlanley Hudson les mentionne dans son
ouvrage classique sur la Cour permanente de Justice internationale de
1934. où il 6crità la page 361 - je cite:124 BARCELONA TRACTIOS
"Cet article [il s'agit de l'article 37 du Statut de la Cour dans sa
forme originale] soulèvecertaines questions complexes..On n'entre-
voit pas nettement si les parties au Protocole de signature ...
peuvent, comme l'article 37 vise à le faire, lier soit les parties au
traité de paix, soit l'Assembléeet le Conseil de la Sociétédes
Nations. u

Voir dans le même sensla très intéressante étude de l'ancien Greffier
et juge à la Cour permanente, A. Hammarskjiild, sur l'article~i7 du
Statut de la Cour permanente de Tustice iiiternntionale. dans la Revue
généraldee droit intirnational fiublicde 193,ux pages 653 et suivantes.
Dans ces conditions, Monsieur le Président. Messieurs de la Cour, ni
l'affaireorrit, ni l'affaire Wimbledon, mentionnées par nos honorables
contradicteurs, ne jouent de rôle pour la solution du différend belgo-
espagnol. Dans les deux affaires, il s'agissait de requêtesjudiciaires intro-
duites sur la base d'une clause juridictionnelle du traité de Versailles
(art. 3%). avant que la juridiction de la Cour permanente fût établie.
Dans le premier cas, la demande allemande n'a pas étéaccueillie par
les Puissances alliées.Elles ont répondu à juste titre au Gouvernement
alleniand que l'on nepouvait suppléerà l'absenced'unejuridiction établie
par l'expectative que cette dernière entrerait en fonctions plus tard.
La situation e~~ o'~~.ue De'~~ifiérente dans l'affaire Wimbledon.
La Cour a étésaisie par l'Allemagne. le zS janvier 1922, quelques jours
vigueur du Statut était cepend& auiintervenue plus tôt, ie2. septembren
1921, donc avant le dépôtde la requéteallemandc dans l'affaire Wimble-
don (voir Hudson, The Permanent Courtof International Justice, 1934,
p. 120).Les Principales Puissances alliéeset associéesne pouvaient pas
s'opposer à la demande allemande, le Statut de la Cour ayant étédéjà
en vigueur à l'époquede l'introduction de la requêteet la constitution
de la Cour étant prévisiblepour une date proclie.
D'ailleurs, une nouvelle requéte allemande adressée quelques jours
plus tard à la Cour, aprés qu'elle eut étéeffectivement constituée,
aurait suffià rendre inopérant le refus d'admettre la juridiction de la
Cour à cette époque. C'est donc pour des raisons purement pratiques
que les Puissances alliéeset associéesne sesont pas opposéàsla demande
allemande. Une exception d'irrecevabilité n'aurait eu au plus qu'une
valeur temporaire, très éphémèreet mêmepurement théorique, car,
déiàau moment de la décisionde la Cour sur la recevabilitéde la demande
alfemande, les conditions qui auraient pu amener à reconnaître l'irrece-
vabilité de la demande avaient disparu. Nous ne voyons donc pas
comment ce cas peut êtreinvoquéen'faveur de la théseque soutieni le
Gouvernement belge, c'est-à-dire pour affirmer qu'il suffit qu'un traité
soit en vigueur pour qu'une clause juridictionnelledéhnitivement inap-
plicable puisse sortir ses effets.
Nous passons maintenant à examiner la deuxihe obligation que
l'article 37 du Statut de la Cour vise après son remaniement par la
conférencede San Francisco en 1943. En effet, l'article 37 ne continue
pas seulement à assurer le transfert de la juridiction de l'ancienne Cour
à la nouvelle Cour pour les traités conclus aprks la première guerre
mondiale qui renvoyaient à la juridictionà établir par la Sociétédes
Nations, mais l'article37 assume aussi le transfert de la juridictiànla
Cour interiiationalo de Justice au cas où des clazcsesjuridiclionnelles PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEInI 125

général,conclus entre 1920 et 1940 L'arïicle 37 lie se rapportà aucune
autre disposition que celles visant directement l;r juridiction de la Cour
permanente qui sont restéesen vigueur malgréla dissolution de celle-ci
jusqu'à l'époque de la requête adressée à la Cour internationale de
Justice. Le terme «les traités et conventions en vigueurii est donc
employé,dans le contexte de l'article 37, dans un sens étroit. Ce sont
uniquement les traités ou conventions ou, plus exactement exprimé,
les clauses juridictionnelles des traités en vigueur, qui ont attribué
compétence à la Cour permanente de Justice internationale, qui sont
viséspar l'article37. Ce sont ces clauses de juridiction dont les effets
sont transférésà la Cour internationale de Justice.
Alonsieur le Président, Messieurs de la Cour, pour que ce transfert de
juridiction de la Cour permanente à la Courinternationale puisse s'opérer,
il faut que soient réunis deux éléments.
I. En premier lieu, le traité de juridiction doit avoir étéen vigueur
d'instance était adresséeeàtla Cour, et ce indéperidamrnent de la clause
qui prévoit le recours devant la Cour permanente. Cette condition était
effectivement réalisée à l'époque oùla Belgique a introduit l'affaire à
la Cour. Nul ne saurait nier que le traité hispano-belge de 1927soit resté
en vicueur. en ce aui concerne la blubart de ses disoositions. maleréla
dissolÜtion'de la Cour permanent'e et son remplacement par laYcour
internationale de Tusticeet bien que 1'Esoaene ne soit devenue Membre
des Nations UnieCqu'en 1955. . * -
2.Toutefois - et nous examinons le second élément - pour que
l'article 37 du Statut de la nouvelle Cour puisse produire ses effets, il
ne suffit pas que le traité oua convention soit en vigueur h l'époque où
l'une des parties introduit l'affaire devant la Cour. Ce traité ou cette
convention doit aussi contenir une clause juridictionnelle vulable entre
les parties, clause qui doit prévoirle recourà la Cour permanente.
De l'avis du Gouvernement espagnol, c'est ce second élémentqui fait
défaut dans les rapports entre l'Espagne et la Belgique.
En effet, lorsqu'on analyse la notionrtraité ou convention en vigueur»,
au sens de l'article 37 du Statut de la Cour, on se rend compte que ce
n'est pas un traité ou une convention en généralet d'une manière abs-
traite qui est visépar cette clause, mais uniquement et excliisivemeiit
une clause juridictionnelle qui prevoit le renvoi à une juridiction que
devait instituer la Sociétédes Nations ou à la Cour permanente de
Justice internationale. Cene sont pas les effets du traité ou de la conven-
tion in abstracto,en généralou dans leur totalitb, qui sont transférés à
la Cour internationale de Justice, mais uniquement et exclusivementles
effets de la clause juridictionnelle qui prévoitle renvoà une juridiction
que devait instituer la Sociétédes Nations ou à la Cour permanente de
Tusticeinternationale.
- Comment peut-on, dans ces conditions, prétendre qu'une convention
ou un traité soit en soi valable, qu'il faille faire abstraction des clauses
caduques contenues dans le traité, ou la conventioii, mentionné à I'af-
ticle 37 du Statut de la Cour?Une telle inséparabilitédes règlesde droit126 BARCELONA TRACTION

contenues dans un traité et en particulier dans le traité hisyano-belge
de 1927 serait absurde. On ferait alors abstraction de la seule et unique
règle contenue dans ce traité qui se rapporte au recours juridictionnel,
seule modalité conventionnelle envisagée par l'article 37 di1 Statut de
la Cour, la clause juridictionnelle qui renvoie à la Société desNations
ou à la Cour permanente. Au lieu de statuer sur la validité de la clause
ji~rid~ctir~ni~cl.u~ I~.IIIl.i-~~:~i~o-l~~d~ci1927, di. CIItvr~it r~~t.~l(ixici~t
nhxr.ic~iun. :\ S.,l>l,.iuiic.s.riiiiiicr,~it1,~\..rliditiii:,usc, CIitr.iitc
lii,i>:iiiu-bil-c qiii ii'uiit tiii~uii Lc;<>TICL~s~rnnil~:..U I:,liiiiiiiirlc

I'aÎticle 37,lc'Gt-à-dire les clauses qui ne sont pas en rapport avec la
juridiction de la Cour.
11s'agit mairitenant de voir, Monsieur le Président, à la lumière de
l'article37 du Statut de la Cour, pourquoi l'article 17 du traité de 1927
est caduc, nul, ina..licable. A ce sujet le Gouvernement espaAno- expose
ce qui suit.
Au moment où le Statut de la Cour internationale de Justice est entré
en vigueur en 1945, on escompta la dissolution prochaine de la Cour
~ermanente. La conséauence normale de cette dissolution aurait été la

part, auraient étécaduques les ~lauses'a~ant institué Tajuridiction obli-
gatoire de la Cour permanente dans des traités particuliers bilatérailx
ou plurilatéraux, tels que l'article 17 du traité hispano-belge.
Dans ces conditions, on a voulu préserver à la conférence de San
Francisco de la caducité les clauses reconnaissant la juridiction obliga-
toire de l'ancienne Cour en tant qu'elles pouvaient être transférées i
la nouvelle Cour.
Cependant, selon la thbe qui est celle du Gouvernement espagnol,
il ne pouvait en êtreainsi que pour les clauses juridictionnelles engageant

les Etats qui faisaient partie de la nouvelle Cour avant la dissolution
de l'ancienne Cour. Seules les clauses juridictionnelles contenues dans
des traités en vigueur entre Etats parties au Statut de la nouvelle Cour,
avant la dissolution de l'ancienne, pouvaient donc entrer en considéra-
tion pour le transfert. Ces Etats seuls pouvaient êtremis au bénéfice
de la clause de transfert contenue dans l'article 37 du Statut de la nou-
velle Cour. En revanche. les clauses juridictionnelles liant les Etats
non parties au Statut à l'époquede la dissolution de l'ancienne Cour ne
pouvaient être qualifiées de «clauses juridictionnelles en vigueur,,
selon la thèse que nous avons déjàdéfenduedans nos exceptions prélimi-
naires. Pourquoi cette limitation aux clauses juridictionnelles entre

Etats qui faisaient partie de la nouvelle Cour avant la dissolution de
l'ancienne?
En premier lieu, nous prétendons que cette manière de voir correspond
seule à une interprétation raisonnable de l'article 37 du Statut de la
Cour. Pour bien interpréter ce texte et pour se rendre compte si oui
ou non il est applicable à l'article 17 du traité hispano-belge de 1927,
il faut l'étudier à la lumière des règles ordinaires d'interprétation des
traités internationaux. Ces regles ont été souvent rappelées. Ainsi,
par exemple, par une résolution de l'Institut de droit international à
la session de Grenade en 1956 (Annzcaiue1956, p. 358) et par la Cour
internationale de Justice, notamment dans son avis du 3 mars 1950

sur la question de l'admission aux h'ations Unies. Il n'est peut-être PLAIDOIRIB DE $1. GUGGENHEIM 127

pas inopportun de rappeler ce que la Cour a dit il ce sujet (C.I.J. Recueil
Igjo, p. 8):
«Le premier devoir d'un tribunal appelé à iiitcrpréter eà appli-
quer les dispositions d'un traité, est de s'cfforccr de donner effet,
selon le sens naturel et ordinaire, a ces dispositions prises dans
leur contexte. Si les mots pertineiits, lorsqu'on leur attribue leur
signification naturelle et ordinaire, orit un sens daris leur contexte,
l'examen doit s'arrêterlà. En revanche, si les mots, lorsqu'on leur
attribue leur signification naturelle et ordinaire, sont équivoques
ou conduisent à des résultats déraisonnables, c'est alors- et alors
seulemeiit - que la Cour doit rechercher par d'autres méthodes
d'interprétation ce que les parties avaient en réalitéris l'espri..>,

[Aîcdience publique dît18mars 1964, après-midi]

Monsieur le Président, klessieurs de la Cour, dans notre exposé de
ce matin. nous avons coiiclu à ce oue les c1aiisi:siuridictionnelles liant
Cour ne pouvaient êtrequalifiéesde clauses juridictionnelles en vigueure
et nous avons prétendu-que cette mani6re.de voir correspond 5 une
interprétation raisonnable de I'article37 du St;rtut de la Cour.
Pour bien interpréter ce teste nous avons rncntionnéla célèbrerégle
d'interprétation que la Cour a rappelée dans son avis du 3 mars 1950
sur la question de l'admission aiix Nations Unies ct dans lequel les deux
principes suivants ont été retenus:
D'abord, la Cour doit retenir dans son contexte le sens iiaturel et
ordinaire des dispositions d'un traité et seul dans le cas où le sens naturel
et ordinaire des mots employéssont équivoquesou coiiduisent iiin résul-
tat déraisonnable, d'autres méthodes d'iriterprétation s'imposent, mais
toujours dans le cadre de la recherche dr ce que les parties avaient
en réalité à l'esprit.
Suivons donc les conseils de la Cour et attachons-nous au sens naturel
et ordinaire des mots: que veut dire le membre de phrase employé
à l'article 37: .Traité et convention en ~igueiirn? Certes! ilne s'a@
pas d'une clause conventionnelle qui était autrefois en vigueur, mais
d'une clause qui l'est actuellement. En l'espèce,il s'agit donc de la
question de savoir si la clause juridictionnelle de l'article 17 était en
vigueur à l'époqueoù la requête unilatéralede la Belgique est adressée
à la Cour. Nous nous permettons de présenter à la Cour trois observa-
tions sur ce point.
Nous observons d'abord que le texte de I'article 37 s'applique aux
rapports entre les parties au présent Statut. II ne s'applique donc pas
d'une façon générale,mais exclusivement entre les parties, au présent
Statut. L'Espagne est devenue Membre des Nations Unies en 1955
et ainsi elle est devenue ipso facto partie au Statut de la Cour à partir
de cette date. C'est partir de cette date que peut se poser la question
de l'existence d'un traité ou d'une convention en vigueur prévoyant
le recours à la Cour permanente et dont le bénéficeserait transféré
à la Cour internationale de Justice.
Notre seconde observation est la suivante: II s'agit de statuer sur
les clauses juridictionnelles qui sont en vigueur et non pas sur les clauses
juridictionnelles qui étaient en vigueua une autre époque,par exemple,128 BARCELOKA TRACTION

à l'époquede la rédactiondu Statut de la Cour internationale de Justice.
Xous formulerons notre troisième observation de la manière suivante:
On arriverait à un résultat déraisonnable, contraire aux priiicipes
d'interprétation rationnelle que nous venons de rappeler, si I'on con-
sidérait comme étant encore en vigueur en 1955une clause juridic-
tionnelle, devenue caduque en 1946, lors de la disparition de la Cour
permanente du fait mhe qu'elle se rattachait au Statut de cette juri-
diction qui disparaissait; cette clause juridictionnelle était certes valable
jusqu'au 18avril 1946, mais elle ne l'était plus aprésla dissolution de
la Cour permanente. Sa caducité est d'autant plus certaine en 1955,
c'est-à-dire lorsque s'est poséela question de son application, de I'appli-
cation de cette clause juridictionnelle. aux rapports entre l'Espagne
et la Belgique, toutes deux parties,à partir de cette époque, au Statut
de la nouvelle Cour.
Ces trois observations que l'on ne peut manquer de faire si l'on
prend les termes de I'article 37 dans leur sens ordinaire et naturel,
et si I'on attache aux iiioosrapports enlreles fiurtinleur juste valeur,
en les mettant au présent, permettent de conclure que I'article 17du
traité hispano-belge de 1927est en dehors du champ d'application de
l'article 3à partir du ISavril 1946.
Monsieur le Président, le Gouvernement espagnol a déjà pris soin
d'examiner dans ses exceptions préliminaires la réponse à donner à une
question qui, à notre avis, dépasse le problème de la simple interpré-
tation del'article7. 11s'agit en effet de savoir sil'admission del'Espagne
aux Nations Unies en 1955n'a pas eu pour conséquence de rendre
applicable l'article7en conférant une validité rétrouctiue à I'article 17
du traité hispano-belge de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbi-
trage. A ce sujet, le Gouvernement espagnol a déjàrelevé,au cours de
la procédure écrite, qu'il apparaissait difficilement admissible que les
Etats signataires de la Charte puissent avoir le pouvoir d'imposer la
mise en vigueur rétroactive aux Etats devenant par la suite parties
au Statut de la Cour d'une clause qui avait perdu sa validité lors de la
dissolution de la Cour permanente.
L'acceptation de cette nouvelleobligation, qui serait à la charge de
l'Espagne et qui consisterait à devoir admettre la remise en vigueur
de l'article 17du traité hispano-belge àl'époqueoù l'Espagne devenait
partie au Statut de la nouvelle Cour, aurait nécessitéune rédaction
toute différente de I'article 37.Il aurait faliu que cet article précise
explicitement que l'obligation de recourir la Cour permanente, devenue
caduque par la dissolution de la Cour permanente, renaîtrait à l'époque
où toutes les parties soumises à cette obligation auraient étéadmises
comme parties à la Cour internationale de Justice. Il aurait donc fallu,
comme le dit la Cour au sujet de I'article 36paragraphe j, dans l'affaire
de l'admission aux Nations Uniesr».Mais,comme la Cour ajoute, moa...rien
de tel n'est ex~rimédans le Statut n.Dans ces conditions. il a~~araît
que I'article 37R'apsi eu pour eflet de prker\.er de la cadiicitéles'ciauses
des traitésqiii attrilwaient comr>étence;Ala Cour permanente de Justice
internationde, ni mêmea eu lepouvoir de les remettre en vigueur.
Cette manière de voir du Gouvernement espagnol, Monsieur le Prési-
dent, Afessieurs de la Cour, est encore appuyée par une considération
d'un caractére plus ~énéral.En effet, lorsqu'un traité ne contient pas
une disposition explicite admettant la remise en vigueur rétroactive PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIlll 129
d'un engagement antérieur, le droit international est dominé, coinme
les autres ordres juridiques des communautés civilisées,par le principe
de non-rétroactivité des engagements. Cornme le droit international ne
contient aucune norme autonome touchant la reconnaissance ou la
non-reconnaissance de la rè-lede la rétroactivitil. il v a lieu de se référer
des principes plus généraux, telspar exemple leu; de l'article 381 c)
du Statut de la Cour. Ces principes s'opposentà la reconnaissance d'une
urésom~tionen faveur de in rétÏoactivitélorsoue celle-cin'est asexoli-
'citement prévue dans une disposition réglémentaire. comme le dit
justement Charles Rousseau dans ses Principes générnicd xe droit inter-
national public,p. 456:
«Le droit international parait dominépar le principe de la non-
rétroactivité.Ce principe résulterait tant des traités eux-mêmesque
de la pratique diplomatique et conventionnelle. »

Le juge Levi Cameiro s'est prononcé de la rnêmemanière dans son
opinion individuelle dans l'affaireAmbatielos (r:xceptions préliminaires,
C.I.J. Recueil1952, p. 54):
<<Pource qui est de l'application rétroactive des dispositions
d'ordre procédural et de celles sur la compétence...je me permet-
trai d'ajouter que, dans le domaine du droit international, elle
doit êtreadmise seulement quand elle résulte des textes mêmes.
Mêmequand l'organe antérieurement compétent a été supprimé,
on ne considère pas que ses attributions passent aiitomatiquement
à l'organe nouveau qui le remplace.>,
La Cour elle-mêmes'est prononcéd eans la mêmedécision(Ambatielos)
contre l'application du principe de la rétroactivité sans qu'il soit expli-
citement reconnu. Voici ce qu'elle dità ce sujet (ibid., p. 40):
cCette conclusion [il s'agit de l'affirmation grecque en faveur
de la rétroactivité de la clause juridictionnelle de l'article du
traité de 1926 entre le Royaume-Uni et la Grèce] aurait pu étre
contredite s'ilavait existéuneclause ou une raison particulièresappe-
lant une interprétation rétroactive. Il n'existe pas dans le cas
urésent de telle clause ou de telle raison. Il est donc impossible

Dans le cas de l'article 37 du Statut de la Cour, une telle mise en
plicable ou nulle, ne s'impose d'ailleurs nulleinent. L'article 37 peut
être raisonnablement interprété à la lumière des principes généraux
qui déterminent la matière, sans qu'il y ait nécessitéquelconque de
faire appel au principe de la rétroactivité si contraire à la sécurité
juridique.
Mais Messieurs, dans ce contexte le Gouvernement cspagnpl doit
encore examiner un point particulier qui est en rapport étroit avec
la possibilitéou l'impossibilité d'accordeà la (clausede l'article 17 du
traité hispano-belge un caractère rétroactif. 11s'agit de savoir si, comme
l'affirme le Gouvernement belge dans ses objervations, l'article 17,
alinéa 4, de ce traité n'a pas étabrogé A l'époquede la dissolution de
la Cour permanente, et si, au contraire, tout en ne produisant pas
d'effets durant un certain temps, il a simplement étésuspendu jusqu'àl'époqueoù l'Espagne est deveriue partie au Statut ,de la Cour inter-
nationale de Justice, en 1955.
Si nous cherchons des situations dans lesquelles la suspension des
traités internationaux ou de certaines clauses qui y sont contenues se
Dose.nous devons surtout nous oencher sur le droit de la euerre écono-
kiqie. En effet, la doctrine et 1; jurisprudence ont examilé avec grand
soin les effets de l'état de guerre sur la continiiité des traités interna-
tionaux entre belligérants et des contrats civils et commerciaux de droit
privé entre sujets ennemis. Les traités et les contrats sont-ils abrogés
ou restent-ils en suspens du fait de la guerre? Voici la question qui-se
pose. Si, toutefois, le problème de la suspension des traités est une
question inportante en matière de confits armés en vertu de certaines
règles de droit international coutumier, il est cependant difficile d'en
déduire des analogies pour d'autres chapitres du droit des gens pour
lesquels des règles de droit coutumier relatives à la suspension des
traités n'existent pas. En tout cas, la clause juridictioniielle de l'article
de la dissolution de la Cour permanente. Elle est devenue caduque duépoque
fait aue la Cour Dermanente. dans le cadre de laauelle la clause était
applicable, a disparu.
La thèse de la suspension arriverait d'ailleurs. en suivant la pensée
de nos honorables contradicteurs, à la curieuse conséquence I'ar-
ticle 37 du Statut de la Cour, auquel l'Espagne n'a certainement pas été
soumise entre 1946 et 1955, aurait eu la facultéde transformer. en 1946,
la caducité de l'article 17 du traité hispano-belge en une suspension
d'un caractère très spécial qui n'aurait d'ailleurs eu qu'un caractère
conditionnel. En effet, il ne s'agirait pas d'une suspension ordinaire ma?
d'un caractère très particulier, suspension qui, à ma connaissance, n a
paç de précédentsdans la pratique des traités internationaux. Cette
suspension de l'article 17 n'aurait étévalable et efficace que dans le
cadre d'une condition résolutoire ou d'une condition suspensive, c'est-
à-dire de la condition que l'Espagne dcvienne un jour partie au Statut
de la Cour. La réalisation de cette condition résolutoire ou suspensive
dépendait de différentsfacteurs: d'une part de la volonté de l'Espagne
de demander son admission aux Nations Unies ou au moins comme partie
au Statut de la nouvelle Cour, d'autre part des organes compétents des
Nations Unies, du Conseil de sécuritéet de l'Assembléegénérale,qui
devaient se prononcer sur une telle demande d'admission.
Monsieur le Président, d'ailleurs, nos honorables contradicteurs allè-
guent, en vérité, nonpas la simple suspension de l'article 17 du traité
hispano-belge, mais sa suspension accompagnée d'une novation, c'est-
à-dire la suspension accompagnée du transfert de la compétence de la
Cour permanente prévue à l'article 17 du traité hispano-belge à la Cour
internationale de Justice.
En faveur de cette thèse, le Gouvernement belge fait état d'un passage
d'une opinion dissidente du juge Anzilotti dans l'affaire de la Cqm-
pagnie d'électricitdeSofia(C.P. J.I. sérieA/B no77, p. 93).Cette opinon
dissidente ne se ra~. .te cenendant as à la situation aui fait l'obiet
(IL.nntrc c83litrovcrsc. 1.i.ii;<c Anïiiotri r.il~l,<llt.;~v;aisuii qu'unc
tl:t.l;ir.iriun fliil,.t:iivvrru rle I'-rliSt:iiiitdc lx Cour p .rnianeiitt:.
c'est-i-direI;1dl:~l;ir,alioiif:icult:rti\.c <Irrc~onnaiii.tnic di. In iuri(1icrion
obligatoire de la Cour, peut être suspendue par le fait que déuxparties
liéespar cette déclaration concluent un traité particulier instituant de PLAIDOIRIE DE JI. GUGGENfIEI.\I 131

son côté la juridiction obligatoire. Les déclarations unilatbrales faites
en vertu de l'article 36, paragraphe 2,du Statut de la Cour ne déploient
alors plus leurs cffets tant que la clause juridictionnelle du traité est

eu vigueur. Toutefois, dès que le traité cesse d'être en vigueur, les
déclarations en question redeviennent applicables, naturellement sous
la condition de n'avoir pas étéabrogées. Cette observation pertinente
du grand jurisconsulte italien n'a cependant rien à faire avec le problhe
qui se pose en l'espèce, aucune question de concurrence entre deux
clauses juridictionnelles n'étant en disçussio~i. La question qui se pose
en l'espèce est également saris rapport avec le problème examiné à
différentes reprises par la Commission de droit international des Na-
tions Unies et auquel nos honorables contradicteurs se rapportent,
à savoir dans quelles conditions un traité est abrogé ou simplement
suspendu.
Monsieur le Présidcnt, Messieurs de la Cour, la question centrale qui
se Dose dans le cadre de la deuxième exce~tion préliminaire ~rinci~ale

est'donc celle de savoir si l'article 17 du traité de'1927, abroge, inaipli-
cable à partir de 1q4Gà la suite de la dissoliition de la Courvermanente,
a étérémis e?z vi&<èur en 1955 lors de I'adinission de 1'Êspagne aux
Nations Unies. En outre, cette règle devrait aussi êtretransformée, en
substituant à la compétence de la Cour permanente, abrogée en 1946,
le recours à la Cour internationale de Justice, avec effet à partir de 1955.
Une choseest certaine àce sujet: une telle remise en vigueur d'une clause
caduque accompagnée d'une modification de la clause ne pourrait avoir
lieu que sur la base d'une règle conventionnelle explicite, consacrant
cette remise en vigueur accompagnée de la modification indiquée.
Le Gouvernement belge prétend en effet que cette r&gleconvention-
nelle existe. Il s'agirait del'article 37 du Statut de la Cour. Selon l'opinion

belge, le transfert du bénéfice des clauses juriilictio~inelles de la Cour
permanente à la Cour internationale de Justice vaudrait pour toutes
celles qui prévoient le recours à la Cour perniancnte entre n'importe
quels Etats devenus parties austatut de la nouvelle Cour etindépendam-
ment de l'époqueà laquelle les parties ont adhéréau Statut de la nouvelle
Cour.
Nos honorables contradicteurs répètent h ce sujet simplement ce
que les auteurs de l'opinion dissidente collective ont affim; dans l'affaire
Israël-Bulgarie. Les auteurs de l'opinion dissidente collective ont effec-
tivement admis en ce qui concerne l'article 30. paragraplie 5, que la
notion c parties au Statut »se rapporterait, indépendamment de l'époque
de leur admission aux Nations Unies, à toutes les parties au nouveau
Statut qui ont reconnu la juridiction de la Cour permanente dans le

cadre de l'article -.> ~araera~he 2. de l'ancien Statut (voir C.I.7.
Recueil 1959, p. 178).
L'opinion dissidente collective aboutit à cette: conclusion surtout par
un raisonnement très simple, trop simple à mon avis, et je l'affirme avec
tout le respect que je voue à la profonde science (le ses auteurs. L'opinion
dissidente collective attire l'attention sur le fait que le terme cparties
au présent Statut »se trouve aussi dans d'autres dispositions du Statut.
sans que cela entraîne une distinction entre ,<Membres originaires), et
Etats membres qui sont devenus parties au Statut plus tard. Il s'agit
donc d'une interprétation de l'article 36, paragraphe 5, sur hase d'appli-
cation analogue à d'autres dispositions qui contiennent également la
formule «parties au,present Statut ».132 BARCELOSA TRACTIOS
Certes, deux autres dispositions duStatut de la Cour parlent, al'instar
de l'article 37. de uoarties au orésent Statut u. D'abord l'article 5. II
rL'glela Ix2~~txt~o~~'dcc saiidid>ts iiIr<Cour iiitt:rii:itioii;ilt:de ~uïiiie.
Sc.oii cctte disposition, iie ueu\.eiit dC:sicii~'1r,-sciiiid:?I:Cour inter-
nationale de JÙstice que lèsgroupes nationaux des Etats qui sont - et
je cite: fparties au présent Statut II.Par «parties au présent Statut n,
on entend naturellement tous les Etats gui sont oarties au Statut à
I'é1>0qudcc 1:ipr6sciit:ition du caiidid:it. Cc;er,iit dan'sCRS iii~dinissibli:
dc fairc uiic diif6rciicc entre plrtic:i origiiiiiirt-. et y~rrics qui oiit ;té
~dmiies ~>ost;.ri~.iirc.m~i :iUX SGitioiiJ Ciiic,. 1.c ~>rol>li.ni~nrtiiulicr
qui se en ce qui concerne l'article 36, paragr~phe 5, et ?article 37
ne se pose donc pas pour l'interprétation de l'article j; ce probl&meest
le suivant: y a-t-il lieu de distinguer entre deux groupes d'Etats, les
Etats devenus Membres des Nations Unies avaiit la dissolution de la
Cour permanente et les Etats devenus Membres de l'organisation

postérieurement à cet événement?Pour la désignation des candidats
à la Cour internationale de Justice, une telle différenciation serait sans
aucun intérêtet mêmecontraire à la lettre et à l'esprit du Statut de
la Cour.
La question de l'interprétation des termes zparties au présentStatut n
se pose encore pour I'article 3j du Statut de la Cour. En vertu de cette
disposition, la Cour n'est en principe ouverte qu'aux Etats parties au
présentStatut. Il ne peut donc s'agir que des Etats qui, au moment de
leur action judiciaire devant la Cour, sont parties au Statut. Une iriter-
prétation qui distinguerait entre les Etats originaires et les Etats adinis
ultérieurement au Statut de la Cour Iie trouverait aucun appui dans le
but, dans l'objectif, qiie poursuit l'article 35.
En conséquence, l'expression ,<parties au présent Statut 1)ne désigne
pas, dans toutes les dispositions dans lesquelles cette expression est
utilisée, les mêmesEtats, les mêmestitulaires des droits et obligations
contenus dans le Statut. Il y a donc toujours lieu d'examiner cette
formule dans le contexte dans lequel elle se troiive. Il cil résulteque sa
signification est différentedans les articles 5 etjj d'une part.et dans les
articles 36, paragraphe j, et 37, d'autre part. Tandis que, dans les deux
premières dispositions, cette formule signifie .dans les rapports entre
les présentesparties an préserttStatut n, I'article 36, paragraphe 5, et
l'article 37 visent les parties au présent Statut qui sont soumises une
clause juridictionnelle en vigueur à l'époque à laquelle la requêteuni-
latérale est introduite à la Cour internationale de Justice, requéte auto-
riséeen vertu soit de l'article 36, paragraphe 5, soit de l'article 37. En
d'autres mots: il n'est pas possible d'interpréter les termes iparties au
présentStatut idans les cas de l'article 36,paragraphe 5,et de l'article37
isolément, sans tenir compte du contexte dans lequel ils se trouvent.
L'interprétation par analogie n'aboutit pas à une solution satisfaisante.
La sitiiation est toute différentepour les articles5 et 35, où le texte même
des dispositions suffit en lui-même,sans qu'il soit nécessairede le placer
dans un contexte quelconque.
L'article 37 et comme nous le pensons aussi l'article 36, paragraphe 5,
présupposent deux élémentsqui n'entrent pas en ligne de compte pour
l'interprétation des termes «partiesau présentStatut n dans les articlesj
et 35. Il s'agit de parties au présentStatut entre lesquelles:
1) les clauses juridictionnelles sont conclues sous le régimede la Cour
permanente, et PLAIDOIRIE DE M. GUGGEKHEIM I33

2) ces clauses sont encore en vigueur, c'est-à-dire fion ezpirées à
l'époque où la requêteest portéedevant la nouvelle Cour.
Il s'agit donc, contrairement aux articles j et 35, dans les articles 36,
varagraphe 5,et 17. comme la Cour l'a dit dans l'affaire de i'lncident
âérie;,ae diSpositT&ns ayant un caractère transitoire.
Monsieur le Président, toutefois, le Gouvernenient belge ne se contente
pas de s'appuyer sur l'interprétation qu'ont donnée dÜ terme «parties
au présent Statut B les auteurs de l'opinion dissideilte collective dans
l'affaire de l'Incident aérien.Nos honorables contradicteurs renvoient
en outre à la pratique conventionnelle de certains Etats et ils cherchent
à interpréter une décision récente de votre haute juridiction en leur
faveur.
En premier lieu. nous avons à examiner dans ce contexte certains
faitsrelatifsàla pratique conventionnelle des pays scandinaves. Les faits
invoquéspar nos honorables contradicteurs soni les suivants: les traités
de conciliation, d'arbitrage et de juridiction c<inclusdans les rapports
entre le Danemark, la Norvège et la Suède avec la Finlande d'avant la
deuxième guerre mondiale prévoyaient le recours à la Cour permanente.
La Finlande avait conclu. le zo ianvier 1026. une convention avec la
Suède relative au règlement p&ihque des différends. Cette convention
contenait une clause de iuridiction obligatoire renvovant les différends
qui ne pourraient pas êt;erésolusd'uneautre nianièré à la Cour perma-
nente de Justice internationale. Des conventions analogues ont été
conclues à la même époquepar la Finlande avec la Norvège et par la
Finlande avec le Danemark.
La situation crééepar la dissolution de la Cour permanente d'un côté,
et le fait que ni la Finlande ni la Suède n'étaient devenues parties au
Statut de la Cour internationale de Justice avant la dissolution de la
Cour permanente, a certes rendu caduques les clauses juridictionnelles
des traités que nous venons de mentionner.
Dans ces conditions, la Finlande et la Suèdeont conclu le g avril 1953
un accord tendant à compléterla convention di129 janvier 1926pour le
règlement pacifique des différends. Cet accord a étéconclu en vue de
remplacer la juridiction de la Cour permanente par celle de la Cour
internationale de Justice. Des accords analogues, à peu près identiques,
ont étéconclus avec la Finlande et la Norvège i:t entre la Finlande et le
Danemark. Le préambule de l'accord avec la Suède du g avril 1953,
auquel correspond le préambuledes deux autres accords (avecla Norvège
et le Danemark), affirme:

<Le Gouvernement de la République de :Finlande et le Gouverne-
ment royal de Suède, ayant constaté que l'article premier de la
Convention entre la Finlande et la Suèdepour le règlement pacifique
des différends, concluele zg janvier 1926,n'est plus applicable du
fait que la Cour permanente de Justice internationale, mentionnée
audit article, a cesséd'exister et que la Firilande n'a pas adhéréau
Statut de la Cour internationale de Justice actuelle ...11
L'article premier de l'accord finno-suédoistransfère la clause jun-
dictionnelle de la Cour permanente àla Cour internationale de Justice.
Il dispose:

"Les stipulations de l'article premier de l'aConvention pour le
règlement pacifique des différendsrelatives à la Cour permanenteI34 BARCELOSA TRACTIOS

de Justice internationale s'appliqueront par substitution à la Cour
internationaledeJustice; la référenceau paragraphe 2 de l'article 36
du Statut de la Cour permanente de Justice internationale sera
considérée commevisant le mêmeparagraphe et le mémearticle du
Statut de la Cour internationale de Justice. o
Eii outre, l'accord de 1gj3 contient i l'article 4, alinéa 2, la phrase
suivante:

«Au cas où la Finlande adhérerait au Statut de la Cour inter-
nationale de Justice, le prksent accord cessera d'êtreeu vigueur dés
le jour de l'adhésion.»
Le Gouvernement belge interprAte l'accord complémentaire finno-
suédoisde 1gj3 de la manière suivante. Je m'excuse de la longueur de
cette citation mais pour la coinpréliensionde nos objections il me paraît
opportun de rappeler littéralement l'interprétation belge de l'accord
complémentaire finno-suédois:

«... Un premier précédentintéressant deux Etats dont l'un, la
Suède,n'est devenu hlemhre des Xations Unies que le 8 novembre
1946et l'autre, la Finlande, n'a étéadmis - comme l'Espagne -
que le 14décembre1955.manifeste la conviction que l'article 37 du
Statut fait droit à l'égardd'Etats devenus parties au Statut de la
Cour interiiationale de Justice postérieurement à la dissolution de la
Cour permanente de Justice internationale.
Ces deus Etats ont conclu le 20 ianvier la26 une convention
relative au règlement pacifique des diiférends Antenant une clause
de iiiridiction obli~atoire renvoyantà la Cour permanente de Tustice
intirnationale. -
En 1953,alors que la Finlande n'était pas partie au Statut de la
Cour internationale de Justice, ils ont conclu un accord [g avril
1953.Recueildes traitésdes Nations Unies, tome 198,p. 661relatif
à un supplément à laconvention du 29 janvier 1926.
Les deux gouvernements Nconstatent a que l'article premier de la
Convention de 1926n'est plus applicable du fait que la Cour perma-
nente de Justice internationale, nientionnée audit article, a cessé
d'exister et que la Finlande n'a pas adhéréau Statut de la Cour
internationale de Justice actuelle...
Les deux gouvernements admettent donc implicitement que si
les deux Etats.étaient déià~arties au Statutde la Cour. même s'ils
l'étaient devenu -telle la &de - postérieurement à 1; dissolution
de la Cour permanente de Tustice internationale. le problème ne se
poserait ps.
Relevons que pour les deux gouvernements l'article de la con-
vention renvoyant à la Cour permanente de Justice internationale
cn'est plus applicable ».11sne considèrent pas que cette disposition
soitircaduque »,et l'article 4 de l'accord confirme cette interpréta-
tion. Par ailleurs, en visant la situation de la Finlande, et celle-là
seulement. ils reconnaissent au'en ce oui concerne la Suède l'ar-
ticle 37 produit effet.
Par cet accord, les deux gouvernements déclarent que les stipu-
lations de la Convention de roz6 relatives A la Cour ~ermanente de
Justice internationale s'appl<queront par substitution à la Cour
internationale de Justice. Mais l'engagement ainsi conclu est limité PLAIDOIRIE DE JI. GUGGESIIEIM I35

ratione temporis et cette limitation, contenue dans l'alinéa 2 de
l'article4, est ainsi conçue:
"Au cas où la Finlande adhérerait au Statut de la Cour inter-
nationale de Justice, le présent accord cessera d'êtreen vigueur dès
le jour de l'adhésion. u
Ainsi les deus Etats admettent que cet accord relatif à un sup-
plément à la convention, qui en Rconstitue une partie intégrante »,
deviendra sansobjet lejour oùlaFinlande, devenantpartie au Statut
de la Cour, sera liée, commela Suède,par l'article 37. Ils reconnais-
sent donc que les effets de l'article 37 se produiront à cette date à
l'égardde la Finlande, s'agissant de la Convention de 1926, sans
qu'un accord particulier soit nécessaire.
De ce pr&céderit.il résulte clairement que les deux Etats ont
considéréAqule'arti'clepremier de la conveition de 1926, qui n'est
riplus applicable » à lasuite de la disparitiori de la Cour permanente
de Jusfice internationale, reste cependant «en vigueur 1,;
Il eii résulte également quela substitution de la Cour internatio-
nale est opéréeen vertu de l'article 37 du Statut pour tout Etat
partie au Statut, quelle que soit la date à laquelle il l'est devenu.
Un accord spécialpour prévoirla substitution, entraînant l'applica-
tion de l'article 35, 2, du Statut de la Cour [voir C.I.J. Anmaire
1953-1954.p. 2341.n'a de raison d'étrequ'autant qu'un des Etats en
cause au inoins n'est pas partie au Statut. r>

Le Gouvernement espagnol n'est pas d'accord avec l'interprétation
que donne le Gouvernement belge du préambule de l'article premier et
de l'article 4 de l'accord de 1052 entre la Finlande et la Suède. Nous
ot>xr\.uiij, eii prçrniq:rlieti. (I~&'~nrti~lc37 (IIIStatutde I:iCour n'est
p3s menrioiiii6 d:iiis l'accord fiiiiio-sii6doijde 1953.Waiisces ion<litions.
rien ne \.ieiit corifiriiit?rd;IL'teste des trait63 I'affinn:it~i>rdii1(;oiivcr-
nement belge selon laquelle le transfert de la juridiction de la Cour

permanente à la Cour internationale de Justice s'est opéré automatiqtre-
ment aurès l'adhésionde la Suèdeet de la Finlande aux Nations Unies.
en \.arrii <le1';irticle37 du Statut dr: In Cour. ,\iiciin tmte iie pcut Ctrz
in\.oquc en f:i\,eiir de cette thésc. Certes.1':iccoril<1i).j3entre I:iSiit'de
et 1:il;iril:inde <:tait iii<lisi>ens;iiI*;ed,tiis Eiats \~oiilnii:ntremettre
en vigueur la clause de juridiction du traité de 1926 en vue d'avoir
recours àla Cour internationale de Justice dans le cadre de la juridiction
obligatoire.
Ceci était nécessaire parce que la résolution du Conseil de sécurité
du 15octobre 1946relative aux conditions d'accés à la Courinternationale
de Justice d'Etats non parties au Statut de la Cour - ce qui était le
casde la Finlande en 1953,comme nous l'avons déjàdit - prévoyait que
la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour par un Etat
non partie au Statut présupposeune Cconvention expresse »entre 1'Etat
non partie au Statut et I'Etat partie au Statut. Ce n'est qu'aprèsla mise
en vigueur d'un tel accord que la compétencede la Cour peut s'exercer
dans la relation entre I'Etat non partie au Statut et les Etats parties
au Statut.
La durée de l'accord finno-suédoisde 1953 était limitée à l'époque
antérieure à laquelle la Finlande devenait partie au Statut de la Cour,
car, partir de son ,admission, ses relations avec les autres parties au
Statut de la Cour, dont laSu6de;étaient régléep sar ledit statut lui-même.13~ BARCELONA TRACTION
L'accord finno-suédois de 1gj3, établi en vertu de la résolution du
Conseil de sécuritédu 15 octobre 1946 précitée,perdait donc son sens.
Cela lie veut cependant pas dire qu'à partir de igjg, époquede l'entrée
de la Finlande aux Xations Unies et de sa participation à la Cour inter-
nationale de Justice, l'article 37 opérait d'officele transfert du bénéfice

de la clause juridictionnelle du traité de 1926 de la Cour permanente
à la Cour internationale. Les relations juridictionnelles entre la Finlande
et la Suèdeont étérégléesaprès l'admission de la Finlande aux Nations
Unies et à la Cour ainsi que par les dispositions spécialesprises aussi
bien par la Finlande que par la Suede pour introduire la juridiction
obligatoire d'une manière plus générale. Pour la Finlande, il s'agissait
de sa déclaration du 25 juin 1gj8 adressée au Secrétaire généraldes
Natioiis Unies, pour la Suède,desa déclarationdu 6 avril 1957,également
adressée au Secrétaire généraldes Nations Unies et conforniément à
l'article 36, 2, du Statut de la Cour.
La thèse que nous venons d'exposer est coiiforme à l'interprétation
qu'a donnéela Cour dans l'affaire de l'Incident aérienentre Israël et la
Bulgarie, de l'article 36,paragraphe 5, du Statut de la Cour, dfcision
postérieure à l'accord de 1953 entre la Finlande et la Suède et aux
accords entre la Finlande. le Danemark et la Norvège.aui ont d'ailleurs
étémentionnés dans la procédure orale devant 1aCoÙr dans l'affaire
de l'Incident aérieertentre Israël et la Bulgarie. Cette tli&se s'impose
surtout du fait - comme nous l'avons dit ou'on ne trouve. dan; les
1i6goci:it101iet dniis Ics instrunit-nts coiivcntionncls de 1953, ;i~icuiie
réfzrencei I'applicnliiliti de l'article 3; dii Statut. en vue <le iiiettre
en rciivrï 13 iuridictinii ~l)li~ittoircda115les r~I:~tionjentreI:iI:iiil;iridï
d'une part, et la Suède,le Danemark et la Norvège d'autre part, pour
l'époque postérieure à l'abrogation de l'accord de 1gj3. c'est-à-dire pour
l'époquequi suit l'adhésionde la Finlande au Statut de la Cour inter-
nationale de Justice.
Mêmesi on admettait l'intemrétation avancéeDarla Partie adverse -
qui ne nous parnit i,iillernc.iircoiicliinntt.-, elle tic constitiicr:,i11~1:
I'~x~~~:ssiod ii'iiii<:~~r:iti<l~tiic>s restri.iiit<:1iiiiiri:c:iiiz,entreilais
l:inlaiide d'iinr.parr.12 Siii.dcIr 1):inemnrkt:t In Xur\.égc :I'niitrcIv~irr.
II s':igirnit d'nill~.iirs ~l'iiiic intirrtt~n siibjecri\.i: i:t niillc.iiient
autlieiiti<~uc<lela ninriiérede \.airde; Pa\... jc:iiidin;i\(liiilitz soiit
jamais piononcés, à ma connaissance, su; la portée de l'accord finno-
suédoiset des accords correspondants entre la Finlande et la Norvège,
ainsi qu'entre la Finlande et le Danemark.
Le Gouvernement belge cherche en outre, dans ce contexte, à démon-
trer que l'arrêtdu 21 décembre1962 dans l'affaire du Sud-Ouestafricain
(Ethiopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique du Sud) ne limite pas
l'application de l'article 37 aux seuls Membres originaires des Nations
Unies. Cette manière de voir ne tient toutefois pas compte de la façon
dont la Cour s'est expriméedans cette affaire au sujet de l'article 37,
affaire dans laquelle n'étaient impliquésque trois Membres originaires
des Nations Unies, l'Ethiopie, le Libériaet l'Afrique du Sud. La décision
sur les exceptions préliminaires du 21 décembre1962se prononce en effet
comme suit quant à l'interprétation à donner à l'article 37 du Statut
de la Cour (Cl .. Recueil 1962, p. 3341:

uBien que la Société des Nations et la Cour permanente de Justice
internationale aient disparu l'une et l'autre, la Cour e='ime que PLAIDOIRIE DE hl. GUGGESHElM '37
l'obligation du défendeurde se soumettre à la juridiction obligatoire
de la Cour permanente a étéeffectivement transférée à la présente
Cour avant la dissolutiortde la Sociétédes Nations. Par sa propre
résolution du 18avril 1946,la Sociétédes Nations a cesséd'exister
à partir du jour suivant, soit à partir du rg avril 1946.La Charte
des Nations Unies, conformément à son article 110, est entrée en
vigueur le 24octobre 1945.Les trois Parties à la présenteprocédure,
1'Afriouedu Sud. l'Ethio~ie et le Libéria. ont dé~osé leurs ratifica-
tioiis le 7 iio\~ciiil~IW5. 12 2 iiuvciiil>re1945 et le 13 iio\~ciiil~rr:
1$)4jrt.spccti\.ciiit:nt ecii\.,irtii du paragnphe .+dudit article ilo.
ces rrui; Etarb sont rlcveniis .\lcnibrcs oricinûirej <Isîtiuns Ciiics
à partir de ces dates respectives. ~e~uiFlors, ils sont soumis aux
obligations de la Charte et jouissent des (droits qui en découlent.
L'une de cesobligations figure à l'article 37du Statut de la Cour qui,
en vertu de l'article 92 de la Charte, rfait partie intégrante o de la
Charte, tandis qu'aux termes de l'article 93 rcTousles Membres des
Nations Unies sont ifisofactoparties au Stat.ut de la Cour internatio-
nale de Justice. n Par l'effet de ces dispositions, le défendeur s'est

engagé depuisle 7 novembre 1945,époque où la Société des Nations
et la Cour permanente existaient encore et où par conséquent
l'article 7 du Mandat était encore pleinement en vigueur. à accepter
la juridiction obligatoire de la présente Cour au lieu de celle de la
Cour permanente à laquelle il avait primitivement accepté de se
soumettre en vertu de l'article 7 du hland~t. 1,
La Cour insiste donc sur le fait aue l'article -, du Statut de la Cour
est :~pl>lic;ilcri I'ril~i.t:ç,par(IIIles p:trtics pi~rticipizi13 proc&liire
ont i;tIGUIFS liiisi 1;ijuridictinii obligntoirc de In Coiir pcrin:iiientc ct
sont iIe\,eiiucs .\lcmbres des Sstions Cnics avnnt si di~s~lilrioii.1.3Cour
a beaucoup insisté sur leur qualité de Membres originaires des Nations
Unies et sur le fait qu'ils sont devenus ibso /«CCP parties au Statut de la
Cour internationale de Tustice. Cette iiiiistance &met de conclure que
si les trois I:r;,rs en (liicaion. ou l'und'eiis avaient hl. :irlmispi>stGriciirc*-
inriit ila diss~liitioicIçI:iCour pcrm:inente niis Sittioiis 1:nirs. la Cuiir
n3:iiirait pas aclmis 1';il)plic;irionai~tom:~tiqJee 1';irticlc37 aux I:t;its
en question.
Certaines opinions individuelles et dissidentes ont encore souligné
la qualité de Membre originaire des Nations Unies des trois Etats
participant à la procédure dans l'affaire du Sud-Ouest africain. Ainsi,
hl. lejuge Rustamantedans sonopinion individui:lle (p.376)s'estexprimé
de la manihre suivante:

rl>'acceptation en 1945 de ce Statut entraîne par conséquent
l'acceptation de son article 37, qui établit le transfert à la Cour
internationale de Justice de la juridiction de la Cour permanente
dans les cas prévus par ledit article. »
La même opinionest formulée par le juge sir Louis Mbanefo, à la
page 438 de son opinion individuelle:

«Etant admis, par conséquent, que le Mandat était un traité ?u
une convention en vigueur lorsqtcela Cotir fiermanentede Jzcstzce
internationalea été dissoute,l'article 37 a transférà la présenteCour
la juridiction que la Cour permanente tenait ou aurait tenu de
l'article 7 du Mandat. a13~ BARCELOSA TRACTIOS

Alonsieur le Président, ùfessieurs les juges, ainsi - et c'est sur ce
point que je voudrais terminer cette premièrepartie - l'examen auquel
je me suis livré de I'article 17 du traité hispano-belge et de I'article 37
du Statut de la Cour nous permet de conclure que I'article 17 doit être
considéré commecaduc et que d'aucune façon I'article 37 n'avait le
pouvoir de le ressusciter.

[Az~dience publique du rg murs 1964, mutin]

Monsieur le l'résident, Messieursde la Cour, j'ai terminé, hier après-
midi, la première partie de mon exposé en concluant que l'examen
auquel je me suis livréde l'article 37 du Statut de la Cour et de l'article
17 du traité hispano-belge permet de dire que I'article 17 doit être
c~ ~-dérii conime caduc et aue d'aucun~~fncon I'a,~icle ", n'avait le
pouvoir de le ressusciter.
II s'a& toutefoisniaintenant, ;\Ionsieur le Président, d'examiner - et
ce seraT'objet de notre deuxième partie - si la pratique internationale
confinne notre manière de voir.
Si l'on considèreavant tout la pratique des organisations internatio-
nales, l'observation suivante s'impose.

Lorsqu'une institution internationale ayant certaines compétences
administratives ou judiciaires est dissoute et lorsque cette institution
désiretransférer ces compétenceset pouvoirs à une autre organisation,
le transfert n'a pas lieu autoniatiquement. Certes. ce transfert de compé-
tences et de poiivoirs peut étre recommandépar l'organisation en voie de
disparition. Ainsi une résolutionde l'Assemblée gériérale,dite de liqui-
dation de la Sociétédes Nations, a recommandéen 1946aux gouverne-
ments des Etats Membres de faciliter la prise en charge par les Nations
Unies ou les iiistitutions spécialiséesdes fonctions et pouvoirs coiifiés
antérieurement à la Sociétédes Nations frés'lutiondu 18 avril 1046, , .
S.d.N., J.O., suppl. spéc.,norgq, p. 278).
Xalgrécette recommandation, le transfertdes compétenceset pouvoirs
des oreaiies. iiidiciaires en ~articulier. de la S.d.N. à ceux des Nations
~nies~rés"~~osnit toujouk un accord particulier entre Etats ayant
reconnu la compétence dela Sociétédes Nations. C'est par un protocole
de transfert particulier de l'ancienne organisation h la nouvelle que s'est
opéréle transfert. Ce protocole n'est rien d'autre qu'une convention
entre Etats désireux de procéder au transfert des compétenceset pou-
voirs, ainsi que d'stre au bénéficede la clause juridictionnelle. Ce fut,
par exemple, le cas du transfertde l'organisme du contrôle de la Société

des Nations priivii dans la convention collective sur les stupéfiants aux
Nations Unies. Darle ~rotocole de transfert adontéle II décembre1046.
Le rapport de 'la siiième Commission de la première Assemblée'des
Nations Unies, mentionné dans les observations du Gouvernement belge
(p. 69).se prononce trèsclairement à ce sujet. Voicicomment ils'exprimë:
o... I'oreanisation actuelle du svstème de contrôle international
bt:i11Ii les actes originniix ejt ipprléc i disl>:irnitreentiGr~rnïiit.
dii rnoinsi partir de la dntu ;i1;iqiielIrI:cprotocole entrer:! en\.ipiiriir.
Certaines ~irties des actes orieiiaux debiendront ainsi lettre morte.
du moins polir tout Etat qui l'est pas partie au protocole. n

Un simple lot de consolation est donné aux Etats qui ne participent
pas au nouveau protocole. Le rapport se prononce en faveur du maintien PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEII\I
139
en vieueur des divers traités relatifs aux stuuifiants. mais sans aue le
contrale de l'organisme international se pours;ive après la disso1ut;on de

la Sociétédes Nations. Le rapport déclareeii effet - et je cite:
K Mais on peut faire valoir que les auteurs du projet de protocole
ont effectivement os tu léaue. nialaré la dissolution de la S.d.it'..

En tout cas le recours aux orvanes no-vellement constitués et en
p~rti~ulrcr IC tr:t~..<f~rtc 1.L~UIII~<~I~II.Jc LICwr perrii,iri~rit~ .'la 1;our
iorcrn;iriuii.il~1IcJustiiv ., tuiijtiiir.. f:iit I'ot~~ttiI':irr..ii~,.~~~LI~L~IK.

I'uur ~i!iriiiiiisr1iiiil~uit.rii.ç. cVIIp~tticiilic?rle <.ir..ct;rc ~oiistitutrf
dc ~,rutu~~uI~ <sl,.tt,.ii<frrt, ~;~~IIVC~~IVIII~Iljk,lgc1>r<.tc11i(lI:i 11~gc
33 dc .;chuiiscr\,.ttiviijt~llcle, dl,liusitiull; iullti.lllilililsIc, prutu:oic>
jii~niciiti<iiiiir's.~uI~stitii:i<LIi,]uri~lic:t~otl? 1'1l;c,iir pcrtii,.iIt rite .clic
,Ic lnCiiiiiiiitt,tii:,tluiial~~di: ~usti11~t~i~ilt ~i.tstriit .~~lrllt11Ct:<!si.~i11:5.
Si rïlit:,rt ,iif.iti\,:iiit It: i.~~qii<:I-<urnilet<)I'oh]~~:tii i1c:~,roti.;ulcs
L:t.,L>lis~.,iitI tr<~ii4,rt Jt., <iill~~~t~o<sleI:Icour ~li.rlll:~llill.lla ~,)11r
~iitcr~~,i~ioi~:,cIl::JIIS~IX?I)'~pi+s la r,~~~iIiitioi ji4 ;l ,<III1,) II~~VC~IIII,~~
r,-,ju vt t.rll~ il2,) c-,ctt-,hr,.1u.i; (It: l'.\~~c~~ihI~t!t<.r.il<IKS S:.II<,~IS

u'iies qui se rapportent à la &;vention pour la rrpression des drogues
nuisibles, ainsi qu'à certaines autres converitions multilatérales mention-
nées dans la note I à la page 162 des exceptions préliminaires, des
protocoles additionnels ont été adoptéspour coiiféreraux Nations Unies
les fonctions autrefois exercéespar les organes (le la Sociétédes Nations
dans le cadre de ces protocoles. On ne peut expliquer raisonnablement
ce transfert que par une raison. Après la dissolution de la Cour perma-
nente, qui date du 14 avril 1946, la clause juridictionnelle prévue dans

ces conventions multilatérales et se rapportant à la Cour permanente
n'était plus adaptée aux nouvelles circonstances. En d'autres termes,
pour permettre le recours à la Cour internationale de Justice. il fallait
l'adoution d'un ~rotocole ~articulier afin de lier les Etats membres de

C'est ainsi que i'on a aitssi procédépour adapter la claüse juridiction-
nelle contenue dans la convention du 25 septembre 1926, relative à
l'esclavage, à la nouvelle institution judici;iin: crééeà la suite de la
dissolution de la Cour Dermanente. La ~remièr<:~hrase de l'article 8 de

cette convention avait en principe admisle recours à la Coiirpermanente.
La deuxième. ~hrase de l'article 8 orévovait cependant le cas où se
trouveraient les Etats parties à la cÔriven~ionqui n'étaient pas parties
au protocole du 20 décembre rgzo relatif à la Coiir permanente de Justice
internationale. Les difiCrends entre Etats qui n'étaient pas parties au
Statut de la Cour permanente de Justice internationale devaient être
soumis, en vertu de cette disposition -et je cite:

ià leur gréet conformément aux règlesconstitutionnelles de chacun
d'eux [c'est-à-dire les Etats n'ayant pas signéle protocole de ~gzo]
soit i la Cour permanente, soit à un tribuiial d'arbitrage ...ii

Il est vrai que le mémorandum présentépar le Secrétaire généraldes
Xations Unies au Comitéspécialde l'arbitrage (1951, XIV, 2) mentionne
que l'article S précité permet le recours à la Cour internationale de
Justice, en vertu de l'article 37 de son Statut. Toutefois, le mémorandum PLAIDOIRIE DE hl. GUGGENHElhI Iqr
sur la base d'une proposition belge. Comme l'a dit le rapport préliminaire
du sous-comité II rédigépar le professeur Jessup, il s'agissait de faire
certains rajustements à l'acte général,la revision de l'ensemble du texte
s'imposant d'autant moins qu'il était encore en vigueur à l'époquede
la dissolution de la Sociétédes Nations. Le rapport préliminaire s'es-
prime à ce sujet sans équivoque possible. Voici ce qu'il dit:

nLa proposition belge ne tend pas à doiiner une nouvelle forme
à l'acte géiiéral,qui continue à êtreen vigueur. Son seul but est
d'assurer le transfert aux orgaiies des N;rtions Unies, y compris
la Cour internationale de Justice, des fonctions conféréespar l'actc
généralaux organes de la Société desNations et à la Cour perma-
nentede Justice internationale. »(Exceptions préliminaires,1, p. 150,
note 2.)
Le rapport définitif de M. l'ambassadeur Entezani du 13 août 1948
insiste encore plus sur ce point (voir doc. A 605 pour le Comitéinter-
médiairede l'Assembléegénéraleayant siégé du 5 janvier au j'août 1948).
Ce rapport Entezam justifie l'introduction des nouvelles dispositions
en constatant que, si l'acte générala dû êtrerevisé, c'estque certaines
dispositions sont devenues inapplicables. Si, effectivement, l'article 37
du Statut de la Cour avait pu empêcherla caducité des clauses juridic-
tionnelles de l'acte généraloriginal (de celui de 1928) et avait entraîné
l'applicabilitéautomatique de la juridiction obligatoire de la Cour inter-
nationale de Justice, comme se substituant à cellede la Cour permanente,
la revision de l'acte général.au moins sur ce point, n'aurait pas été
nécessaireet n'aurait certes pas eu lieu. Cette nianière de voir se trouve
encore corroborée par la résoliition de I'Assenibléegénérale268 (III)
di128 avril 1949 relativeà la restitutionàl'Actegénéraldu 26 septembre
1928 de son efficacitépremiere.
Ori trouve dans le nouveau préambule les considérations qui ont été
à la base des modifications sueeérées.Aorèsavoir constaté la disuarition
de la Sociétédes Nations et d:ïa Cour krmanente, il y est expliChement
dit que les amendements ne ioueront qu'entre les Etats ayant adhéré
à l'acte général ainsireviséét. ne porteront pas atteinte aux
droits des Etats qui, partiesà l'acte tel qu'il a étéétablile 26 septembre
1928, entendraient s'en prévaloirdans la mesiire où il pourrait encore
être appliqué.Parmi les amendements que vise la résolutiondu 28 avril
1949 de l'Assemblée généralei,l y a lieu de mentionner que partout oh
se trouve un renvoi à la «Cour permanente de Justice internationale 1,
dans le texte original de I'acte général, ces mots sont remplacés par
cCour internationale de Justicen. Cette substitution n'aurait pas été
nécessaire si l'article 37 avaitautornatiqueme~it opéré letransfert du
bénéficedes clauses juridictionnelles renvoyant de la Cour permanente
h la Cour internationale de Justice pour toutes les parties B 1an-
cieii Statut, indépendamment de leur admission à la nouvelle Cour,
avant ou après la dissolution de la Cour permanente. Ceci d'autant
plus que les Etats qui n'avaient p.= acceptéd'étreparties au Statut de
la nouvelle Cour étaient considérés comme soumisaux dispositions de
l'ancien Statut, dans la mesure où cedernier pouvait encore êtreappliqué.
Pour eux, le remplacement de la Cour permanente par la Cour inter-
nationale de Justice ne jouait pas. Cette substitution ne pouvait donc
viser que certaines catégoriesd'Etats parties nu Statut de la nouvelle
Cour, c'est-&dire les Etats devenus parties au Statut postérieurement142 BARCELOSA TRACTIOK
à la dissolution de l'ancienne Cour. La catégorie des Etats devenus
l\Iembres des Nations Unies et de la Cour anterieuremeut à cette disso-
lution ne posait guère de problème; étant automatiquement ~~artieau
Statut de la ~~OUVB~~CCour, il n'était pas u&cessairede créer pour eux
un protocole particulier établià cet effet.
hlonsieur le l'résident, i\lessieurs de la Cour, cette manière de voir
n'est pas iiifirmée, mais au contraire confirmée par le rapport du
Comite IV/I, approuvéle II juin 1945par la conférencede San b'rancisco,
qui est invoqué par le Gouvernement belge en faveur de la thèse qu'il
soutieiità la page 87. De quoi s'agit-il? Sur la recommandation de la
Comniission des juristes à la confërence de San Francisco, le ComitéIV11
qui s'est occupé à San Francisco en premier lieu de la revision de l'ar-
ticle 37 du Statut de l'ancienne Cour, a désiréélargir le nombre des
conventions contenant des clauses juridictiouiielles conférant coinpé-
tence à la Cour permanente, clauses dont les effets devaient etre traiis-
férésà la Cour internationale de Justice. En effet, comme le dit le Coinité
IV11lui-même,ul'article tel qu'il a été d'abordapprouvé par le Cornité
n'admettait letransfert que pour lestraitéspassésentre parties au Statutn.
En d'autres termes, un traité multilatéral - et il ne s'agit, dans la
questioii qui fait l'objet de la discussion, que de traités multil' t:c-ilux
n'entrait pas en ligne de compte pour le transfert s'il y avait la parti-
cipation d'un seul ou éventuellement de plusieurs Etats qui n'étaient
pas parties au Statut. Pour obtenir ce transfert, il fallait donc négocier
un accord particulier, comme le proposait la Belgique pour le cas que
nous avons examiné, celui de l'acte général.Dans ces conditions, le
Comité IV/I avait fait la proposition raisoiinable d'éliiiiiuercette res-
triction et d'appliquer l'article 37à tous les traités, c'est-à-dirà tous
les traités multilatéraux dont les clauses juridictionnelles étaient siis-
ceptibles de voir traiisférer leurs efIets à la Cour interiiationale de
lustice. Bien entendu. toutefois. une limitation im~ortantz était
brévue, et c'est ce que nos honorables coiitradicteurs oublient de dire:
l'extension de la clause juridictionnelle ne visait que "les parties au
préseiit Statutin.
Comme nous l'avons dit dans nos exceptions préliminaires, le renvoi
à la noiivelle Cour dans les clauses juridictioiinelles suppose donc que
iiles parties nu présent Statut » aient accepté cette juridiction. Saris
doute est-ce automatiouement le cas Dour les Etats oui sont Menibres
originaires de I'O.N.U: et parties à Charte et auAstatut; il en va
différemment pour les autres Etats parties à la mêmecon\.eutioii inulti-
latérale, niais ion parties au statut.de la Cour.
Le fait de placer l'expression «entre parties au présent Statut » àla
fin de l'article37 a certes quelque peu modifiéla portée de cet article,
mais elle n'entraîne pas de modification qui influe sur la solution de la
controverse qui oppose l'Espagne et la Belgique, eu l'occurrence. La
modification ne se rapporte qu'aux catégories de traités multilatéraux
dont le bénéfice des clauses juridictionnelles est susceptible d'êtretrans-
féréd'une Cour h l'autre. Elle permet d'élargir le cercle de ces traités
en y insérant aussi des traités collectifs qui ont, comme destinataires,
à la fois des Etats parties au Statut et des Etats non partiesàce Statut.
L'élargissement se limite cependant, comme cela est dit esplicitenient
aussi dans le texte final de l'article 37, iiaux parties au Statuii.
Alonsieur le Président, Alessieursde la Cour, au cours de notre exposé
nous nous sommes parfois référé à l'article 36, paragraphe 5, du Statut PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 143

de la Cour et à l'arrét de cette mêmeCour dans l'affaire de l'Incident
aérien entre Israël et la Bulgarie. Il s'azit donc maintenant Dour nous
de voir dans quelle mesure irexiste un ~arallélisme entre les articles 37
et 36, paragraphe 5,du Statut et, si tel est bien le cas, quel ensei~nement
on eut tirer de cit arrêt.
l'uur Ctii).,S.,il.;^^:scluri l.iqri~Il,:1':irtr3;e ~([~cIIc;L; ~tict, LI~IIIS
Icirtl.iii<8~i<.titrId J$cl;.iilivt I'E~p~giirJ:.ii; If ..,,Ire dr. I,i pro~<..liirc
.i:t~i~Il~lc ~~ou\~cr~i~rir~ IctI~c: I,,;I~Ia brtniut r l?r.!?.kTercultlc11<n112
de l'article 37 et à le détacherude son contêxte naturel qui le rapproche

de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour. L'article 36, para-
graphe 5, a joué un rôle important dans I'affaire de l'Incident aérien
entre la Bulgarie et Israël en 1959 et a fait l'objet d'une analyse péné-
trante dans la décision de la Cour. Il s'agissait de savoir si la Bulgarie
était soumise à la juridiction obligatoire de la Cour internationale de
Justice à la suite de sa reconnaissance de la juridiction obligatoire de la
Cour permanente. Elle avait effectuécette recoiinaissaiice dans le cadre
d'une déclaratioii facultative de juridiction obligatoire conforme à
l'article 36, paragraplie 2, du Statut de la Cciur. Cette déclaration a
cependant étéconsidéréepar la Cour comme nt: produisant pas d'effets
dans l'affaire de l'Incident aérien. Selon l'expnsé des motifs de cette
décision, la reconnaissance de la juridiction obligatoire de la Cour par
la Bulgarie ne pouvait être transféréeà la nouvelle Cour. Ceci pour la

raison que le Statut de la nouvelle Cour n'était pas applicable à la Bul-
garie à l'époque où aurait dû avoir Lieule transfert à la nouvelle Cour
des effets de la déclaration facultative de juridiction obligatoire souscrite
par la Bulgarie, c'est-à-dire avant la dissolution de la Cour permanente,
dissolution qui date du 18 avril 1946.
Le Gouvernement belge n'admet pas yue l'affaire de l'Incident aérien
puisse constituer un précédent pour l'affaire di: la Barcelona Traction.
II se base à ce sujet sur une prétendue différence fondamentale entre
l'article 36, paragraphe 5, applicable à l'affaire de l'Incident aérien, et
l'article 37 du Statut de la Cour applicable à L'affairede la Barcelona
Traction. Les conditions d'application de ces deux dispositioiis- celles
de l'article 36, paragraphe 5, et celles de l'article 37 - différeraient,
selon l'opinion du Gouvernement belge. En effet, d'après le Gouverne-

ment belge, dans le cas de l'article 36, paragraphe 5, la juridiction obli-
gatoire de la nouvelle Cour re~oserait sur des diclarations unilatérales de

nouvelle CO; sur lgbase d'un traité qui était eri vigueur aussi bien sous
le régime du Statut de l'ancienne Cour que souk celui de la nouvellc.
sans que la dissolution de la Cour permanente ait eu une influence
quelconque sur la validité de la clause juridictionnelle de ce traité,
c'est-à-dire, dans notre cas, sans que cette dissoltition ait eu une in-
Ruence sur l'article 17 du traité hispano-belge de 1927.
La thèse belge relative à la différencedu fondement de la jiiridiction
de la Cour en cas d'application de l'article 36, paragraphe 5, ou de l'ar-

ticle 37, ne résiste cependant pas à un examen approfondi. Il n'y a pas
de différencefondamentale, contrairement à ce que prétend le Gouverne-
ment belge, entre la juridiction obligatoire fondée sur l'article 36,
paragraphe z (déclarations de reconnaissance de juridiction obligatoire
concordantes unilatérales), et celle basée sur l'article 37 du Statut de la'44 BARCELOSA TRACTIOS

Cour (clauses juridictionnelles inséréesdans un traité formel); et ceci
pour deux raisons.
En premier lieu. il est certes possible de constater que les déclarations
de reconnaissance de juridiction obligatoire prévues à l'article 36, para-
graphe 2, ont le caractère d'actes unilatéraz<xet non pas de traités au
sens formel, dont il est question à l'article 37. Toutefois, les d6clarations
unilatéralesvisées à l'article 36, paragraphe 2,ne sont pas des expressions
de volontéindépendantes ou autonomes des Etats qui les ont faites. Ce
ne sont pas des déclarations juridiques directes créant. en l'espèce, la
iuridiction obligatoire de la Coiiren faveur ou à la charge des Etats dont
clic,iminncnt. C<~iiiinI~'ndit avdc r:usun :\n~ilotti, I'~hp~.ciii<,n1nilnt6r:ile
dt: volviit6 IICcompte, dan; dcs situ:itiu~isioninir cïllcs qui fuiit l'objet
de 1'csniii~:ri If:In Cour. oiie iomiiie Cli~nerzrtorislilutii d'rt~raccord [.es
effets juridiques des déclirations unilatérales, c'est-àidire la reconnais-
sance de la juridiction de la Cour, déiivent donc de l'accord intervenu
à la suite de la concordance des déclarations unilatérales. et non des
déclarations unilatérales elles-mêmes(Anzilotti, Coirrs de droit internn-
tional, 1929p ,. 346).Commel'afirme à juste titre Suydans son excellente
thèse soutenue à Genèveen 1462 - Les actes iuridioires unilatéraux ert
droil inter~taliond public - noiii n3:i; troiiions. loriqiic nous exaniinonj
lea d6cl;tr.irioni fnciilt;iti\,ei de reconnzisi-trice d.2 la juridiitiondl 13

Coiir,dcvant 1~t:ype de d(.clnr.ztionsunilît<'r.il~~qjiii. bien qu'iinil:rtér:ilej
d:rrii li!~rrtdlciion. neceijircnt l'intervention il iine autre in:inifcitntioii
dc \.oloiitt 1)011rue se prodiiiicnt Ic; cffcrsjuridiilii-i que ieî d6cl:.ration>
unil:ir;rnlc; itierslienr i ;irtr.indre. D:iiis ses ciiiditioii,. ici nctes iini-
latéraux dépendent dans leurs effets juridiques de l'existence d'autres
actes juridiques ayant un contenu concordant. Les déclarations faites
individuellement par les Etats, et qui sont conformes l'article 36,
paragraphe z, duStatut de la Cour, ne sont donc que desélémentsconsti-
tutifs d'un accord, c'est-à-dire d'un traité ou d'une convention. C'est
dans ce sens que la Cour elle-même s'est prononcée à différentes reprises
au sujet des déclarations de reconnaissance de la juridiction obligatoire.
Certes, elle est partie de l'idéequ'il s'agissait d'actes unilatéraux, mais
cette affirmation ne se rapporte cependant qu'à la réductionde ces
déclarations.
Cette opinion a étéexprimée par la Cour, notamment dans l'affaire
de I'.4nglo-Iranian Oil Co., qui reprenait la formule employée dans
l'arrétdes Phosphates du Maroc de la Cour permanente:

riXais le texte de la ~écl~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ n'est nas un texte ~ ~
coiitr:ictiiel resiiltnnt dcs n6gociationi entr,.<lriis oii plusieurs Etats.
11r;sulte d'iine ridficrion iinilatcr;ileJ (C 1.1. iicii~silr352, y 105.)

Aloncher collégueet ami, le professeur sir Humphrey Waldock, dans
Decline of the h'ationnl Clause (British Yearbooh of Internntionnl Law,
1956, p. 253 et suiv.) tire les justes conclusions de la décisionde la
Cour dans l'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Co. et s'exprime de la manière
suivante:
«On doit noter que la Cour, tout en soulignant le caractère
unilatéral de la rédactionde la déclaration, ne nie pas son caractère
iundiaue de traité. Cette déclaration est un acte unilatéral dans la
mêmehesure que l'adhésion à un traitépréexistant ou la ratification
d'un traité négociéauparavant sont des actes unilatéraux. » PLAIDOIRIE DE II. GUGGESKEIhI *45

Dans ces conditions, les déclarations de recoiinaissaiice de juridiction
obligatoire ne sont p,asdes actes autonomes.Une deuxième manifestation
de volonté s'impose et s'ajoute pour que les déclarations unilatérales
piiisseut produire des effets pratiques. La deuxième rais011pour laquelle
il ne convient pas de distinguer la compétenc~:fondéesur l'article 36,
paragraphe 2, et sur l'article 37 est la suivarite. La concordance des
déclarations unilatérales entraine une volonté conjointe se traduisant
dans un accord entre les signataires des déclarations de reconnaissance
de juridiction obligatoire, accord qui a pour coiiséquenceque la juridic-
tion obligatoire de la Cour r8gle les rapports entre lesdits signataires
dans les limites indiquéespar les déclarations iinilatérales. Les déclara-
tions individuelles d'acceptation de la juridiction obligatoire constituent
donc des élémentsd'un contrat, d'un accord. d'un traité. Ce traité,
cette cuii\.ention. cil r;:ili:i[i:,rtir du iiioiiieiii oitl~:ux<I;il.irorioiis
>ont tiitr&s CII\.igiicur. Il ;rutiii~t~auîii I.n~ti.-iCIIICIc; ~li.il:~r;~rluns
unilatérales demeurent concordantes.
La Cour, Monsieur le Président, a confirmécette rnanière de voir A
plusieurs reprises. Dans l'arrêt rendu le 4 avril 1939 dans l'affaire de la
Compagnie d'électricité de Sofieat de Bulgarie (exception préliminaire),
la Cour parle de cidéclarations d'adhésion a la disposition facultative du
Statut de la Cour» (C.P.J.I., série .4/B no 77, p. 60). Dans son opinion
dissidente en cette mêmeaffaire, le juge Anzilotti dit avec raison:

«Ensuite de ces déclarations, uii accord s'cst formé entre les
deux Etats portant acceptation de la juridiction obligatoire de la
Cour. i>(Ibid.. p. 87.)
Voir, dans le mêmesens, l'affaire de 1'Anglo-IuanianOil Co. (C.I.J.
Recneil 19j2. p. 103) ;voir aussi l'affaire de l'lnlerhandel (C.I.J. Recueil
1959. P. 23):
La Coiir internationale de Justice, dans l'affaire di1 Droit de passage
(exceptions préliminaires) jugéeen 1gj7. se prononce d'une manière
particulièrement lucide sur le caractère contractuel des obligations
résultant des déclarations unilatérales d'acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour. La Cour estime en effet qiie

«...par le dépôt de sa déclaration d'acceptation entre les mains du
Secrétairegénéral, 1'Etat acceptant devient partie au système de la
disposition facultative à l'égardde tous les autres Etats déclarants,
avec tous les droits et obligations qui découlent de l'article 36 n.
Le rapport contractuel entre les Parties et la juridiction de la Cour
qui en découles'établit nde plein droit et sans convention spécialedu
fait du dépôt de la déclaration 1,.(C.I.J. Recueil 1957. p. 146.)
Et un peu plus loin la Cour s'exprime de la manière suivante au sujet
du caractère contractuel des declarations i~nilatérales conneses et
conjointes:

o C'est en effet de ce jour-là que le lien corisensuel qui constitue
la base de la disposition facultative prend naissance entre les
intéressés.»
Et, dans son opinion dissidente, un membre éminent de la Cour -
hl.le juge Badawi - insiste plus encore et écrit:

lorsque l'article 36 dit *de plein droit et sans convention
spécialen,il souligne le caractère conventionnel des déclarations.14~ BhRCELOSh TRACTIOS
qu'il confirme par la phrase «à l'égardde tout Etat acceptant la
même obligation ».Ces formules excluent toute idéed'attribuer à
la seule déclaration un caractAre unilatéral et un effet obligatoire
de ce chef.11(C.I.J. Recueil 1957. p. 145.)

Et il ajoute:
c...la Cour a, dans certains considérants, qualifiéles déclarations
comme des actes unilatéraux ... mais elle-constatait simplement
qu'aux fins de l'interprétation de ces déclarations leur origine uni-
latérale devait ètre prise en considération,,.

La doctrine ce rallie à cette opinion. Le professeur sir Humpbrey
\\'aldock se prononce ainsi dans son étude déjà citée, à la page zj4:
#$Lesorigines de la clause facultati\~e et son caractère de traité,
le rôle que ioue le Secrétairegénéraldes Nations Unies en recevant
et en enregistrant les déclayations faites en vertu de la clause
facultative, la pratique des Etats lorsqu'ils font leurs déclarations
et la jurisprudence de la Cour ne laissent pas de doute sur la nature
coiisensuelle du lien juridique qui s'établit entre les Etaàsla suite
de leur déclaration.II

La même opinionest expriméepar sir Hersch Lauterpacht dans The
deueloptnentof I+tter~iationalaw bytheInternatiortalCourt, à la page 345:
CIII ne devrait pas y avoir de difficultésà considérer letexte de
I'article6, alinéaz, du Statut de la Cour ... comme le texte d'un
traité auquelI'Etat qui fait sa déclaration donne son adhésion.Sans
doute lesdéclarationsfaitesen vertude I'article 36,alinéa2,duStatut
du fait qu'elles sont faitàsdes périodes différenteset par différents
Etats ne sont pas cxactcment à tous égards des traités. Toutefois.
elles sont des traités dans leur essence.

Enfin, sir Gerald Fitzmaurice dans The Law and Proceiiure O/ Ihe
International Courto/JÎ<S~~1 C9E51-1954(British Yearbook O/ Infernational
Law, 1957, p. 230)se rallie également à la thèse qui a obtenu un si large
assentiment dans la pratique et dans la doctrine. Voici comment il
s'exprime:

nLa déclaration est unilatérale dans sa forme mais contractuelle
dans sa substance. Car elle se réduit à un acte dont la raison est
l'acte d'un autre Etat ou qui forme Dour cet Etat la raison de son
acte. Une telle situation doilne naissake àune Nsituation de traitén
dans laquelle le ou les testes seront évidemment interprétésselon
les règlei norniales d'interprétation des traité».
Dans ces conditions, le Gouvernement espagnol, klonsieur le Président,
Messieurs de la Cour, ne voit pas de différencefondamentale entre d'une
part l'engagement réciproque créépar Yengagenient niutuel dkcoulant
des reconnaissances unilatérales de la juridiction obligatoire de la Cour
permanente en vertu de I'article 36, paragraphe 5, et d'autre part la
clause juridictionnelle contenue dans un traité ou une convention en
vigueur, telle qu'elle est visée par l'article 37 du Statut de la Cour.
Dans les deux situations. qui se rapportent l'une et l'autre au transfert
de la juridiction de l'ancienne Cour à la nouvelle, un accord, une con-
vention. un traité entre les parties au Statut de la Cour sont intervenus. PLAIDOIRIE DE 31. GUGGESHElBI
'47
Dans le cas de l'article 36, paragraphe 2 et paragraphe j,la juridiction
obligatoire de la Cour résulte des déclarations individiielles, unilatérales.
~arallèles mais concordantes aboutissant à un accord. En revanche.
i'article37 présuppose l'établissement d'un lien de juridiction obligatoire
par l'acceytatioii d'une clause iuridiçtioniielle inséréedans un traité
international formel qui est en tigueur à l'époqueoù la requête intro-
ductive d'instance est adressée à la Cour p:ir un des Etats liéspar la

clause juridictionnelle en question.
L'application de l'article 36, paragraphe j, ainsi que l'application
de i'article 37 du Statut de la Cour présupposmit doiic le même engage-
ment, la reconnaissance de la juridiction obligatoire de l'ancienne Cour
pour le différendqui est porté devant la noui,elle Cour.
Alonsieur le Président, plus important encore peut-étre que ce premier
argument que nous venons de développer au sujet de la juridiction obliga-
toire fondée sur l'article 36, paragraplies 2 et j, et l'article 37, est le
second argument qui est le suivant: les articles 37 et 36, paragraphes 2
et j,poursuivent des objectifs identiques. Ils oiit tous deux pour but de
transférer la reconnaissance de la juridictioii obligatoire formulée dans
le cadre dc l'ancienne à la nouvelle Cour. En conséquence, la reconnais-
sance de la juridiction obligatoire qui a do~inécompéteiice à la Cour

permanente doit Ctrc eii vigueur entre les parties aii moment où iiiter-
vient la saisine de la noiivelle Cour. En d'autres termes, il s'agit de
déclarations unilatérales concordantes en vue de la reconnaissance de la
juridiction obligatoire prévoyant le recours à l'ancienne Cour au sens
de l'article36, paragraphe j, du Statutde la Cour; elles doivent êtreen
vigueur, c'est-à-dire, commele dit expliciteincnt l'article 36, paragraphe j,
npas encore êtreexpirées» au moment de l'iritroduction de la requête
à la nou\relle Cour. Par ailleurs, s'il s'agit d'une clause juridictioiinelle
inséréedans un traité et prévoyant le recours à I'ancienne Cour au sens
de l'article 37 du Statut, cette clause devra ;iussi êtreen vigueur au
moment de l'introduction de la requête dcvaiit la rioui~elle Cour. Le
par;rllélismedes deus sitiiations, cellerégléepar l'article 36,paragraphe j,
et celle régléepar l'article 37, est évident et incontestable, aussi bien en
ce qui concerne la concordance de I'engagement qii'cn ce qui coiicerne
l'objectif poursuivi.

Le Gouvernement espagnol ne conteste cependant pas qu'une certaine
interprbtation littérale de l'article36, paragraplie 5,du Statut de laCour
(qui n'est d'ailleurs pas la seule possible) puisse:avoir pour conséquence
que l'article 36, paragraphe j, permette le transîert de la juridiction
obligatoire de l'ancienne Cour à la nouvelle dans certains cas où l'ar-
ticle37 exclut le transfert de cette meme juridiction obligatoire instituée
dans le cadre de I'ancienne Cour.
Bien que le Gouvernement espagnol ne partage pas cette thèse, il
adniet qu'il est en effet possible de dire que la durée de validité de la
déclaration est, surtout selon les termes français employés à l'article 36,
paragraphe j, du Statut, fonction de la durée précise dans les termes
mêmesde cette déclaration. Selon cette maniére de voir, il ne serait
donc pas nécessaireque les déclarations de rect~nnnissnncede juridiction

obligatoire soient effectivement en vigueur en vertu des règles de droit
international général,à l'époquedu recours à la Cour. Le critère de la
validité de ladite déclaration serait fourni par la durée de l'engagement
telle qu'elle est prévue dans les termes de la déclaration de reconnaissance
de la juridiction obligatoire. Ainsi, seule la durGerestant à courir d'après14~ BARCELOKA TRACTION
les termes des déclarations devrait alors êtreprise en considération pour
savoir si les déclarations de reconnaissance sont encore en vigueur. 11
n'y aurait pas lieu de tenir compte de la question plus généralede savoir
si - tenu compte de tous les autres élémentsqui, en vertu du droit
international "énéral.déterminent la validité des clauses instituant la
juridicrisii uliligatuire ILCoiir - ccsJc:~lar;itioii~suiit cniorç cifccti\.c-
ment cn vixuc~irlurs dt 1;iaisie de la Cuiirpli Iun des si-nataircj dr cc3
déclarations.
L'interprétation de l'article 36, paragraphe 5, que nous venons
d'exposer, interprétation qui permet le transfert de la juridiction de
l'ancienne Cour à la nouvelle, sans examiner si les déclarations étaient
devenues caduques à l'époquede la dissolution de l'ancienne Cour, a été
- on le sait- admise par l'opinion collective dissidente joiiiteà l'arrêt
de la Courdans l'affaireBulgarie-Israël.Cette opinion collective s'exprime
de la manikre suivante (C.I.J. Recueil Igjg, p. 164):
u Xous parvenons en conséqueiice àla conclusion qu'en raison du
sens ordinaire de ces termes ainsi que de leur contexte, les mots
awliich are still in foriivisent les déclarationselles-mêmes,c'est-à-
dire une durée limitéequi n'était pas expirée. i,

Et à la page 175 - je cite:
iiNous estimons que les termes eii questiou visent non pas la
dissolutioii de la Cour permanente, mais la validité des déclarations
d'acceptation à la date d'entréeen vigueur de la Charte, ou la date
à laquelle I'Etat déclarant devient partie au Statut. a

hlonsieur le Président, une telle interprétation des clauses iiistituant
13 jundictioii obligatoire dc la Cour iic Grentint eii sonsid>rntiuii pou1.r
cesstitioiidc I'ubligation iritcriiation;ilc xii'iinc autre sariic que I'C~ti6:iiiiz
du terme, n'est possible pour les situations viséespar l'article 37
du Statut de la Cour. L'article 37 ne srr. éftre pas, pour la validité des
clauses juridictionnelles dans le temps, à la durée restant à courir dans
le cadre des traités dont elles font partie. L'article37 exige impéneuse-
ment que les clauses juridictionnelles soient effectivement en vigueur à
l'époqueoù 1'Etat soumis à la juridiction obligatoire de la Cour devient
partie au Statut. L'article 37 ne s'oppose pas à ce que, dans le cadre
d'une interprétation littérale,l'obligation pré\~ueprenne fin pour d'autres
raisons et qui ont leur fondement dans les réglesconcernant la fin des
traités du droit international général.
En conclusion, on ne peut pas suivre le Gouverncment belge lorsqu'il
affirme sous le iiuméro65,à la page 55.1, de ses obser\rations- et je cite:
(1...que l'article 37 a une portée plus généraleque l'article 36,
paragraphe 5, puisqu'il a pour but de consacrer la compétence
obligatoire de la Cour internationale de Justice lorsque, dans un
traité ou une convention en vigueur, est prévu l'engagement de re-
courir à une juridiction autrement dénommée,soit o juridiction que
devait instituer la Société desNationsa, soit «Cour permanente de
Justice internationale B.

ifonsieur le Président, Messieursde la Cour, dans l'affaire de l'Incident
aérien, la Cour internationalede Justice a examiné une question analogue
à la nôtre en rapport avec le chiffre 5 de I'article 36, et son raisonnement
s'applique aussi à l'article 37. La Cour s'est occupée,en effet, de la PLAIDOIRIE DE IliGUGGENIIEIM 149
question de savoir si ces deux dispositions, l'article 36, chiffre 5, et
l'article7, sont applicables sous le régimede la nouvelle Cour lorsqu'il
s'agit d'Etats qui ne sont pas parties originaires au nouveau Statut ou
lorsque l'un seulement des Etats intéressésest partie originaire au nou-
veau Statut. LaCour rappelle à cesujet ce que le Comité 1VI1 de la con-
férencede San Francisco, qui s'est occupéde cette question, a exposé
dans son rapport du Ir juin 1945 Voici les termes du rapport (C.I.J.

RecueilIgjg, p. 141) reproduit par la Cour dans l'affaireIsraël-Bulgarie -
et je cite:
«...on devrait également réglerde quelque manière les cas où
compétence a été attribuée à l'ancienne Cour pour connaître des
différends s'élevant soit entre des Etats qui seront parties au
nouveau Statut et d'autres Etats, soit entre ces Etats. Il semble
désirable que des négociationssoient entreprises afin d'obtenir que
ces acceptations de compétence s'appliqu1:nt à la nouvelle Cour.
Cette question ne saurait Etrerégléenipar 1;~ Charteni par le Statut.
Mais l'Assemblée générale pourrait ultérieurement se trouver en
mesure de faciliter des négoci:~tionsutiles. 11

Comme le dit la Cour à la ~ag~ 141 - et je cite:
ccC'i.t:iitIi <listingiicr rrl's ntittciiieCC qui strnit rt'glC par
1'~rtic:l36, ~>~ragr:il~li51c.tiioi:..:ijolilcron;. &[:>ntclcnn; I':iii:ilogie
entre les deus situations ix~r 1':irticl771.ct ce qui nt,lxiuvnit I'Ctrc
qu'autrement, à savoir par accord, 'diitinct dé ce Qui serait dit
dans le Statut, avec les Etats absents de la négociation de San
Francisco. ii

Dans ces conditions, il y a lieu de distinguer deus situations en ce
qui concerne les Etats auxquels s'applique ou non l'article 37 et I'arti-
cle 36, chiffre 5.
La première situation résultede l'entréeen vigueur de la Charte des
Kations Unies et, simultanément, du Statut de la Cour lorsqu'un Etat
Membre gui avait accepté la juridiction obligatoire de la Cour perma-
nente et est dcvenu partie au nouveau Statut avant la dissolution de
cette Cour. Si la clause juridictionnelle était encore en vigueur à cette
époque, 1'Etat a nécessairement étésouinis à la juridiction obligatoire
de la nouvelle Cour internationale de Justice. Cette solution s'imposait
pour que le transfert de la juridiction obligatoire de la Cour permanente
à la Cour internationale de Justice puisse s'effectuer dans le cadre d'une
opération siniple. Le transfert prévupar l'article 37 - comme d'ailleurs
par l'article 36, chiffre 5 - est contemporain à ces deux événements
pour les Etats déjà parties ail nouveau Statut avant la dissoliition de
l'ancienne Cour (devenir partie nu nouveau Statut et dissolution de
l'ancienne Cour). Cctte opbration a pu Etre régléeimmédiatement et
complètement par l'article 37. D'une part, il fallait maintenir avec
effet immédiat, contemporain à l'entrée envigiieur du Statut, la clause
juridictionnelle ancienne. D'autre part, il fallait transférer le bénéfice
de cette clause juriclictioniielle à la COur internationale de Justice. Ce
transfert ne pouvait se faire - comme l'admet la dkcision de la Cour
dans l'affaire de l'Incident aérien - que par l'acceptation du nouveau
Statut de la part de I'Etat intéressé, c'est-à-direen pratique par l'ad-
mission de celui-ci aux Nations Unies. Le maintien immédiat de la
clause juridictionnelle était nécessaire pourpré'erver celle-cide la cadu-I5O BARCELOSA TRACTIOX
cité dont elle était menacée par la dissolution prochaine de la Cour
perinanente. Si ce maintien n'avait pas étéassuré,un transfert ultérieur
du bénéficede la clause juridictionnelle à la nouvelle Cour n'aurait
pu s'effectuer.
En revanche, Monsieur le Président, toute différenteest la situation
des clauses juridictioiinelles des traités entre des Etats dont l'un ou tous
deus ne sont pas devenus parties au Statut de la Cour avant l'époque
de la dissolution de la Cour permanente. Cette différence n'est pas
ex~riméedans le texte (le l'article 17. mais elle dérivede In situation
qÛecette règlea entendu régir, à srr& le transfert à la Courintern:rtio-
nale de Justice du bcnéficedes clauses instituant la juridiction obligatoire
de la Cour oermanente de lustice internationale. oreanc en voie de
disparition lorsque s'élaborai: le nouveau Statut. es Etats représentés
à San Francisco savaient quelle était leur situatioii en ce oui coiicerne
les clauses ju~idictioniielles~u'ils avaient adoptées.Ils avaient lepouvoir
de transférer l'effet de celles-ci à la nouvelle Cour et ils agissaient en
connaissance de cause.
loiiti.lois, ici tSt:its ii'i:taierit pa.; JI:iinCnir:;itiiati,~i:i l';g,ird
dvs cl:iiise~~uiiclicrioiincllciatlopr?éspdr d':liitrcs I<t:its, qiii ii'oiit pas
:i<lIiL:i I:(:linitc av;tiit Iddisjoluiivii dc la Cour prmaneiitc. Les Ictats

~ur~~l~~:ii~i~i~ ls~uI~ritcs ciitrc k:txt>iion iii~:iiibrr;t1,;t:ttsixirtic:,IIes
St:,tut <leIrrCoiir de I;cndiicitC(iiiiL:txitl:COII~~.~IIIC~Ciii2\.~t:~hld.elit
dissolution de l'ancienne Cour, ét ceci indépendamment du fait qu'il

s'agissait de traitéshilatéraus et multilatéraux.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, si l'on se demande pour
pouvaient êtreétendusaux Etats qui n'étaientpas parties au Statut de lae

nouvelleCour, avant Indissolutioii de l'aiicienne, onarrive nécessairement
à une constatation essentielle. Ces Etats n'ont pas donné leur consente-
ment à l'application, à leur égard,des obligations prévuespar l'article 37.
Or, ce consentement -et tel est également l'avisformulédans l'opinion
dissidente collecti\~e,dans l'affaire de l'Incident aérien à propos de la
disposition parallèle de l'article 36, paragraphe 5 - ce consentement
aurait dîi Etre donnéd'une manière certaine, claire, et sans équivoque
aucune. 11est vrai que l'opinion dissidente collective mentionnée a tenté
de surmonter la difficultérésultant d'un tel acte exorès. Dar leouel les
Etats qui n'étaient pas parties au Statut de la nou;elli tour =Gant la
dissolution de l'ancienne auraient donné leur consentement à la remise
en vigueur des clauses juridictionnelles.
En l'absence d'lin consentement direct, les auteurs de l'opinion
dissidente collective ont présumé que cetassentiment résulte - toujours
dans le cas parallèle de 1':lrticl36. paragraphe 5 - de l'adhésion à la
Charte et au Statut de la Cour de 1'Etat quin'était pas membre originaire
des Nations Unies.
Cette manière de voir poiirrnit êtreprise en considération, 1112'SOllS
une condition qui. Iiélns,n'est pas réaliséeen l'espèce. En effet, I'ar-
ticle 37n'est pas une règleautonome imnzédiatementd .irectement applica-
ble comme le sont la plupart des autres dispositions de la Charte et du
Statut de la Cour, règles sesuffisant à elles-mêmes,ne renvoyant pas
uour leur application à d'autres rèelescoutumières ou conventionnelles,
Comme, paÎ'exemple, les disposit6ns relatives au règlement pacifique
des différendsinternationaux (art. 33 et suiv. de la Charte) ou les règles PLAIDOIRIE DE M. GUGGIISIiEIhI
1jr
relatives à la sécuriti:collective (art. 39 et suiv. de la Charte). S'il en
était de mêmepour l'article 37, cette règle serait. sans assentiment
particulier, applicable à ses destinataires, qu'il s'agissed'Etats Membres
ou même,dans une certaine mesure, d'Etats non membres des Nations
Unies.
Mais I'article 36, cliiffre 5, et l'article 37 et sans oublier la disposition
fondamentale de I'article 36, chiffrc z, du Statut de la Cour, n'entrent
pas dans cette catégoriede règlesde la Charte et du Statut de la Cour.
L'application de ces dispositions présuppose, en effet,un consentement
spécial indépendant de celui qui implique 1':idtiésioà la Charte et au
Statut de la Cour. Or l'article 36, paragraphes z et 5, et I'article 37 iie
sont pas obligatoires pour tous les Etats parties au Statut maisseulement
pour ceux qui ont, eii outre, par un acte spécial,accepté une obligation
complémentaireet individuelle. c'est-à-dire pour ceux aui ont acceptéla

conventibn particulière, d'un consentemerit exprès et spécial, qui est
d'ailleurs prévu au Statut, pour la seule caté(:oriede déclarations au
sens de I'article 36, paragraphe z, mais tel n'est pas le cas pour les
autres clauses juridictionnelles et en particulier celles meiitionnées à
I'article 37.
Toutes ces clauses iuridictionneiles n'ont Das leur fondement de
valirlitéd:iiii IcSt;itiidc I:1Cour iiiaisil;,iiunc'coiiv~iirioii~cirtii:iiiiirc
comrrlr noii, \lcii~iisde lc dirc II .i';igit doncde SC rc:n<lrcco:iiptc si
I'acct,rd p:irticiilier :i).aiit çoiil<r; uii c:ir;ict&iuohligati,irc auu il:<usc~-
juridictioniit:llcj. ;iccor<lindl:l)eii<lclé, (Iiqx.sitions (lu I'actç, dc 1;i
('linitc et niiinc dii Çintiit. jliliii~t~.;LUI:.li~<l1iio111t10d1ei la t:viir
permanente.
Selon la thèse défenduepar le Gouvernement espagnol, l'article 37 du
Statut de la Cour n'a pas prévula remise en vigueur de clauses juridic-
tionnelles abrogéesen raison de la dissolution (lela Cour. Comme nous
l'avons déjà dit, I'article 37 ne peut remettre en vigucur les clauses
juridictionnelles h l'époqueoù les Etats qui ne sont p.asmembres origi-
naires sont admis aux Nations Unies et devi1:nneiit parties an Statut de
la Cour.
En effet, l'article 37 ne prévoit à cet égard aucune obligation à la
charge des nouveaux Meinbresde I'Organisatioii. Pour exister, elleaurait
dit être explicitement mentionnée dans la disposition de I'article 37
meme ou dans une autre règle explicite. Cette obligation de transfert
n'est en tout cas pas couverte par le texte de I'article 37.

[Audience Publique du 19 mars 1964, après-+nidi]

Monsieur lc Prbsident, Messieurs de la Cour. à la fin de l'audience
de ce matin. j'ai rappeléque, selonla thèsedéfenduepar le Gouvernement
espaenol, I'article 37 du Statut de la Cour n'a pas rév v a remise en
vigiieiir de c1:iiisv~j~iri~l~cti~~tiiiekjr,,<<:f:csil r;lisnii1.tdi~~~~liitioll

à la charge des nouveaux Illehbrei de I'Organisaiion. Pour exister, elle~li:.ition
aurait dû êtreexplicitement mentionnée dans la disposition même 011
dans une autre règleexplicite.=Y BARCELONA TRACTION

Sotre manière de voir, hIonsieur le Président, lie saurait pas non plus
Gtrcvûl:~bleniei~c toiitredite pr un rgurncnt qui parhit :L\.OIIla =yiiil>ii-
tliic l~:~rti~uiic'rd~ 110s113110rllblci~ ontr,l~~ict~iirs.],:IIeiti.t, ciicrck1;iiit
i i:iirc *bjti-;iitioii du ioiisciitciii~iit cliicit ct preiIICJL.?S~~I<<ILlt piirt
des Etats non membres originaire- des Natioiis Unies pour assurer la
~CIIIISL(.II\.igucur des ilausc; jiiridictii~nncllci<Icpuiilongteiiills abrt,gCcs
lurj de I'ndiiiiisioii de c~.sEratj aux Z;itioiis Ciiies ct de leur a<lh>sion
au Statutde la Cour.leGouvernement belee fait av~el à une construction
intéressante. bien q&edépourvue de toute efficaLiié.Cette construction

consiste dans l'affirmation que la Charte des Nations Unies et le Statut
de la Cour ont un cara~tère'im~ératifet constitutionnel qui aurait pour
conséquence d'accorder à l'article 37 une substance particuliere qu'il
n'aurait pas, s'il s'agissait d'une norme juridique d'un degré inférieur,
non constitutionnel ni impératif (voirobservationsbelges, 1,p.6j. par. 81).
Voici comment nos honorables contradicteurs s'expriment dans une
phrase où ne perce pas la lumineuse clartéde la langue française. Voici
ce qu'ils disent:

<iLe texte du Statut de l~ -~~.- ~ ~ ~vide~me~ ~ ~reffet d'aiouter
quelque chose à~l'engagerneutconventionnel qu; prévoit le récours
àune iundiction autrement dénomméem . aisune telle subordination
d'un accord particulier à un traité ayant une portée généraleet
constitutionnelle se trouve consacrée dans des dispositions bien
connues. II

Et plus loin, les observations belges ajoutent les remrques suivantes:
.La supérioritédu Statut a, de même,étéaffirméepar la Cour
permanente de Jiistice internationale: «II ne lui [à la Cour] appar-
tient pas, sur la proposition desParties, de dérogeraux dispositions
duStatut » (C.P.J.I. sérieA no 22, p. 12).Or précisément,l'article 37

telqu'il a étérédigé en 1920,puis en 1915,répond à la préoccupation
d'établir, par une disposition ayant valeur constitutionnelle, la
comvétenced'attribution de la Cour vermanente de Tnstice inter-
nationale, puis de la Cour internationale de Justice la mise en
application de clauses de iundiction conventionnelles qui, littérale-
ment entendues, ne se réfèrentpas à l'une ou l'autre juridiction. »

1)':ibordiiriecoii~tatation de fait: lescLiiiscsde iuridiction ciiquestion
sc rCRrt.iit ~.xplicitemeiit à iiiic jiiridi~tion. Elles s'appliqiicnt i In
jiiridii:tioii d1:ic:oiir pcrm:iiicnte. I.'ollirrri:itionIiclgcest iliiiiiiicuacte.
\l;,iscc qui est plus important: voici qii'nplnrair d:,ii; I:ithh: I>clgeun
argiinit.iitiliiclierchc en toiit cas ci iniiiiniircr I'irnport:iiicedu fori<lcmcnt
cori,cnsut.l ile Icicoriiri>tence(le la Cuiir. 011 \,oiidrait faire :il)strwtion
de la nécessitépour lésEtats devenis Membres desNations Unies après
la disparition de la Cour permanente, de remettre en vigueur les clauses
juridictionnelles abrogées, se référant à cette Cour en invoquant une
règled'un degré hiérarchiquementsupérieur.Cette thèsebelge s'inspire,
dans ses lignes générales,d'une théorie développéepar un émiynt
juriste à l'époquede la Société des Nations, dans une étudedont le titre
est aussi évocateur que pcu classique: The Covertantas the Hzgher I.RW

(British Yearbookof International Law, 1936,p. 54 et suiv.). Cette pende
perce aussi, à certains endroits - bien que tres discrktement - dans
l'opinion dissidente collective dans l'affaire de l'Incident adrien,,opin!on
qui porte aussi la signature de l'éminent juriste qui, une vingtalne PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEINI 153

d'années plus tôt avait publié l'article sur le Pacte considéré comme
hiérarchiquement supérieur aux règlesdu droit international.
Dans ce contexte, on insiste aussi du côté belge sur une autre idée,
également consacréedans cette opinion dissidente collective (observa-
tions,1,p. 158et suiv.).II s'agit d'affirmer lacontinuité entrel'ancienne
et la nouvelle Cour. Le nouveau Statut ressemblerait à l'ancien à tel
point que la succession des deux Cours entraînerait nécessairement la
continuité de la juridiction internationale.
Quelle est l'attitude du Gouvernement espagnol à l'kgard de ces
suggestionsintéressantes dont on veut déduire la possibilitéde remettre
en vigueur, après l'admission de l'Espagne aux Xations Unies, quasi
automatiquemelit, l'article 17 du traité hispano-belge à la lumière de
l'article 37 du Statut de la nouvelle Cour?
Le Gouvernement espagnol, hlonsieur le l'résident, ne pensepas devoir
prendre position à l'égardde l'affirmation de la supérioritéde la Charte
et du Statut, normes auxquelle? certains auteurs cherchent à attribuer,
à tort ouà raison, un caractère impératif. La grave question de l'attri-
bution d'un caractère impératif et constitutionnel à certaines règles
fondamentales de l'organisation internationale dépasse, à notre avis,
le domaine auquel doit se circonscrire la discussion belgo-espagnole
devant la Cour,
Une chose nous paraît toutefois évidente: lorsque la Charte et le
Statut de la Cour établissent expliciteinent ilne règle à laquelle les
destinataires ne sont liésques'ilsont acceptéun engagement indépendant
de celui qui découlede l'adhésionaux Nations Unies et au Statut de la
international s'appliquent et non des règlesparticulières, d'un caractère
constitutionnel. En effet, des règles comme l'article 37 et l'article 36,
paragraphe 5, se rapportent à l'acceptation volontaire de la juridiction
obligatoire par les parties au Statut de la Cour. La juridiction obligatoire
automatique n'a étéadmise ni dans le Pacte, ni dans la Charte, ni dans
le Statut de la Cour. Il ne s'agit donc en tout cas pas de dispositions
constitutionnelles de l'organisation internationale,En conséquence, le
Gouvernement espagnol ne pense pas devoir se préoccuper dans ce
contexte de la supérioritéde la Charte et du Statut de la Cour sur les
autres règles du droit international. L'application de l'article 37 du
Statut de la Cour ne soulèved'ailleurs aucun problème de concurrence
entre des traités, seul domaine où pourrait se poser le problème de la
supérioritéde la Charte et du Statut de la Coiir à l'égardd'autres dis-
positions du droit iiiternational.
A quelles conditions est soumis le transfert des effets des clauses
juridictionnelles de l'ancienne Cour à la nouvelle, conformément à
l'article 37 du Statut? Tout d'abord, en l'absence d'une règle explicite
prévoyant un tel transfert rétroactif de clauses juridictionnelles abrogées,
il est indispensable qu'un accord particulier intervienne entre des Etats
dont les uns seraient parties au Statut dès son origine et les autres
seraient devenus parties après la dissoIution de la Cour permanente.
Cet accord est d'ailleurs indépendant de l'adhésion à la Charte et au
Statut de la Cour. Cecipour la bonne raison que (cetteadhésionn'implique
pas l'acceptation de la juridiction obligatoire généraleet laisseaux Etats,
individuellement, le choix d'accepter ou non la juridiction obligatoire.
Lorsque donc le Gouvernement belge prétend que I'article 37 du Statut
de la Cour prévoit le transfert de la clause juridictionnelle dans lesI54 BARCELOSA TRACTIOS
conditions que nous venons de mentionner, il ne fait qu'avancer une
pétition de principe qui n'est fondéesur aucune nécessité logiqueet
surtout ne peut en aucune manière se rattacher à la rPgle de l'article 37.
-uant à l'a-eument belc- tiré de la rét tenduecontinuité des deux
Coiiri. ]<tif:pciisc p;is qu'il suit n;it~iiairi: de le reluter csl~liiitcmcnt.
Suiii n'x\.olislus ;idéh:ittre iiiprul~lCiiiq:ii rlhultr de1;iilisiuntiiiuit>
des deux Couri.
hfonsieur le Président,Messieursde la Cour, lorqu'on cherche à réunir
les principes qui sont à la base d'une application raisonnable de l'article
37 du Statut de la Cour, il y a lieu de retenir une observation judicieuse
faitepar leprofesseur Charlesde Visscher,ancien juge àla Courpermanente
et à la Cour internationale de Justice. Cette observatiori figure dans
l'ou\rrage qu'ila consacré,en 19fi3,aux Problèmesd'interprétationjudi-
sur lesraisons profondes de la solution qu'a adoptée laCourinternationalee
de Justice dans l'affaire de l'Incident aérien(p. 216 et suiv.):

"L'arrêt rappelle que la Cour doit se garder d'agir à l'encontre
d'un principe de droit international bien établiet incorporédans le
Statut, à savoir qu'elle ne peut exercer sa juridiction envers un
Etat si ce n'est qu'avec le consentement certain de ce dernier ...
L'arrêtsouligne la différencede fond entre la position des Etats
signataires de la Charte ainsi que du nouveau Statut, et celle des
autres Etats dont l'admission ultérieure aux Nations Unies restait
à cette &poqueproblématique. Opérationsimple pour les premiers,
le transfert des déclarations de juridiction obligatoire à la nouvelle
sous un tout autre jour.l,, Etats non représentés à San Francisco

Et le professeur Charles de Visscher conclut en citant, pour s'y rallier,
un passage de la décisionde la Cour dans l'affaire de l'Incident aérien
(C.I.J. Recireil1959.p. 139) :
"Tout autre est la situation lorsque, l'ancienne Cour et l'accepta-
tion de sajuridiction obligatoire ayant disparii depuislongtemps, un
Etat devient partie au Statut de la nouvelle Cour: il n'y a pas alors
de situation transitoire à régler par application de l'article 36,
paragraphe 5. I,

Et nous ajouterons deux phrases de l'article publié par feu le juge
Hammarskjold dans l'étude mentionnéepubliéeen 1935sur l'article 37
du Statut de la Cour permanente, phrases qui s'appliquent cependant
aussi à l'article 37 actuellement en vigueur:
«L'article 37 n'est pas une clause compromissoire ou juridiction-
nelle indépendante... La question de savoir si elle est [c'est-à-dire
la Cour] effectivement compétente se posera dans les conditions
habituelles.» (Raire généraledn droit international pzrblic. 1935.
p. 657et suiv.)
hIonsieur le Président, dans ce contexte il paraît nécessaired'ajouter
quelquesobservations complémentaires touchant l'étenduede l'obligation
de transférer les effets des clauses juridictionnelles au sens de l'article
Leur objet est d'infirmer l'affirmation faite par nos honorables contra-
dicteurs à la page 67,I. de leurs observationslorsqu'ilsprétendent trouver,
dans nos exceptionspréliminaires, certaines contradictions et obscurités. PLAIDOIRIE DE hl. GUGGESREII\I 155

On nous reproche en premier lieu de limiter, dans nos exceptions
préliminaires, l'applicatioii de l'article 37 aux «clauses juridictionnelles
instituant la Cour perinanente comme instance: de recours obligatoire
entre Etats originaires des Nations Unies » (voir exceptions préliminaires
espagnoles, no 4, 1, p. 153). 11s'agit donc, dans notre esprit, des Etats
représentés à la coiiférericede San Francisco, qui ont adliéré à la Charte
et au Statut de la Cour avant la dissolution de la Cour permanente en
avril 1946.
Nous n'avons aucun inconvénient à admettre, hlonsiçur le Président,
avec le Gouvernement belge que les Etats non originaires de la Charte
admis aux Nations Unies avant le 18avril 1940. date de la dissolution
de l'ancienne Cour, pourraient également théoriquement se pré6~aloidre
la clause de transfert de l'article 37. Il s'agirait d'Etats n'ayant pas
participé à la conférencede San Fraiicisco, mais qui seraient devenus
3Iembres des Xations Unies avant la dissolution de la Cour perinanente.
Le Gouvernement es.a,,ol doit toutefois constater au'il ii'esiste as
d'l:t.itiqui, toiit eii ii';:i:intrii~inl~rcsorigiii;~iic.I'0rg;iniiatiori. cil
joiir dt:\,ciiu..\lcnibrc.,avant Ii:16avr11,46 S8niiicc, <:ili~<litiol'si,iiticle
37 II?s'aj>pli,li<III':LIcIaiisc~uri~lictioniiell~dcs tr:iiiCct conv~iition.;
en :.~KIIPI<Y CIILI-t:~ts .\Iciiibr~~~r~;~ili,irri ai:riht:iird~. I;Clliiri~
d,-s S.itit,ii; UIIIC~ILI<;t:~k,Ii.;sctlC~IIII~~~~CIIotdi-:itoir~<IV I;ICuiir
permanente.
Contrairement 3 cc qu'affirme le Gouvernement belge (1.p. 56). le
Gouvernement espagnol ne peiise cependant pas que l'article 37 iconsti-
tue un accord entre les Etats originaires iayant participé à la coiiférence
de San Francisco. Le Gouvernement espagnol affirme simplement que
l'article 37 ne lieen fait que les Etats Membres originaires <le1'O.X.U.
ayant participé à la conférencede San Francisco. En effet, ce sont les
seuls Etats pour lesquels il est effectivement opéré letransfert à la
Coiir internationale de Tustice du bénéficede la clause iuridictionneile
donnant compétence à-la Cour permanente qui figure dans certains
traités et certaines conventions. Le Gouvernerneiit espagnol -contraire-
ment à ce aue orétend le Gouvernement belce - à doiic Darfaitement
précisédaiiç'son'mémoire quellessont les cla&es juridictio~nelles ayant
conférécompétence à l'ancienne Cour qui sont en vigu-ur conformément
à l'article 3j du Statut de la nouvelle Cour.
La clause juridictionnelle de l'article 17, paragraphe 4, dii traité
hispano-belge de 1927 créant iin lien de juridiction obligatoire entre
deux Etats, dont l'un (l'Espagne) n'était pas partie au Statut de la
Cour avant la dissolution, n'est pas au nombre des claiises juridiction-
nelles qui ont survécu. Elle a étéentraînée dans le naufrage de la Cour
permanente, ne pouvant survivre au fait qur: l'Espagne n'était pas
deveniie partie au Statut de la Cour internationale de Justice avant la
dissolution de la Cour permanente.
On nous reproche aussi, Alonsieurle Président, de ne pas tenir compte
de certains aspects de la pratique internationale. Ainsi. nos honorables
contradicteurs citent une note préparéepar le Secrétariat des Nations
Unies du 6 mai 1948 (A/AC/8/57),qui déclare:

uLa Cour [il s'agit de la Cour internationale de Justice1.a établi
une liste de 135 traités pour le règlement pacifique des différends
internationaiix, dont laplupart sont erzcoreen vigueur, qui attribuent
compétence à la Cour permanente de Justice internatioiiale. a PLAIDOIRIE DE M. GUGGENIIEIX 157

chfais, interprétant l'article 36, paragraphe 5, dans l'affaire
Israël c. UzrLgagar le, Cour est parvenue i la conclusion que cette
disposition ne s'appliquait pas indistincteinent à tous les Etats
ayant accepté la juridiction obligatoire de l'ancienne Cour perma-
nente qui pourraient ensuite, à n'importe quel moment, devenir
parties au Statut de la Cour, mais seulemt:nt à ceux de ces Etats
oui étaient oarties au Statut deouis l'origine. La Cour est en outre
~~.,rvcnue a 1.cuii<.liiiitiiiilI<:'ii~\,i-i1946, iI.itdc la dissulutiuii
<le1';uiii-iiiic((:~urpurn~iinc>nttute, Ici ~l,.l:iriltiui~s(l'a:ccpt;,tion
I;]uri;liciiun oblig~ituiri:di: 1..c:oiir pcrmanriitt: qui nc s'c't.iiriit
1 . J tr<injf~rr~i<'c~i.11!.<:rtU l'ulrti~I: (Op,.ir.lgr.i{,lj,:
cil :,cc~.~~t~it(lreila ii~rid~ct~bIiz~~rdir +Jcla Cotiractiirllt. <.t~iient
devenues caduques ét avaient cesgéd'êtreen vigueur, car elles se
seraient dès lors appliquées à un tribunal - l'ancienne Cour per-
manente - qui n'existait plus. En conséquence [a dit la Cour],

toutes les déclarations qui iie se sont pas ainsi transformées avant le
19 avril 1946 ont cessé à partir de cette date d'êtresusceptibles de
la transformation ipso jure prévue à l'article 36, paragraphe 5.ii

Ainsi, et c'est sur cette constatation que je voudrais clore cette partie,
la pratique internationale et la jurisprudence antérieure de la Cour inter-
nationale de Justice non seulement n'infirmf:nt pas les conclusions
auxquelles nous étions arrivé à la fin de notre première partie. mais
encore les confirment; à savoir que la disposition de l'article 17 du
traité Iiispano-belge qui prévoyait le recours à la Cour permanente de
Justice internationale doit être considérée commecaduque, comme
abrogée,et que l'article 37 du Statutn'a pas eu le pouvoir de luiinsuffler
une nouvelle vie.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il me reste maintenant,
avant de terminer les observations relatives à la deuxieme exception
préliminaire principale, à examiner quelques objections du Gouverne-
ment belge.
Le Gouvernenient belge reproche au Gour.ei.nernent espagnol de ne
pas se prononcer sur la question de savoir si la caducité de la clause de
juridiction obligatoire contenue à l'article 17 du traité hispano-belge
de 1927 atteint l'engagement généralde recourir à tous les ~èglements
des différendsprévus dans le traité hispano-belge ou si cette caducité
selimite àl'engagement prévu exclusivement à I'article 17,paragraphe4,
de ce traité qui contient la clause de recours obligatoire à la Cour perma-
nente de Justice internationale.
hlonsieur le Président, dans l'esprit du Gouvernement espagnol,
la caduciténe se rapporte qu'à l'engagement préyu àl'article 17tendant à
reconnaître la Cour permanente comme juridiction compétente. Dans
ces conditions, nous considérons que l'obligation de soumettre des
différends à la Cour permanente doit êtreconsidérée comme«éteinte n.
«non valable r, «abrogée »,vu la dissolution de cette Cour. La termino-
logie varie en effet, comme on nous le reproche, dans les exceptions pré-
liminaires espagnoles, sans que cela ait une importance quelconque.
Il paraît surtout injustifié de prétendre que les exceptions espagnoles
(voir 1,p. 58, no69 des observations belges) contiendraient - et je cite:
i... un singulier flottement dans la détermination de ce qui serait prive
d'effets du fait de la disparition de la Cour permanente ».Le Gouverne;
ment espagnol n'affirme, comme nous venons dt: le dire, que la caducite1j8 BARCELOSA TR4CTlOS

de l'article 17 du traité bispano-belge. Ceci résulte d'ailleurs clairement
de certains passages de iiotre mémoire, passages mentionri6s par nos
honorables contradicteurs eux-mêmes.Ainsi, pai exemple, à la pige 156,
1, des esceptions préliminairesil est clairement dit -et je cite:
it...si le traité de 1927 peut être considéréen vigueur eii ce qui
coiicerrie certaines de ses clauses, notamment celles qui ont trait
à la commission de conciliation, nous avons vu que l'article 17
de ce traité, qui est celui qui nous intéresse, doit êtreconsidéré
comme caduc du fait de la dissolution de la Cour permaiiente de
Justice internationale in.

Le Gouvernement es~acn.l - d'ailleurs ex~ressémentrau~elédan..le
cadre <le>r.xcc~~tiorii~,r;liiiiinaire; que lc ir.ut2 I)clgo-esp:ignol 5i;iit.
L.nsr:qui C0Il~:crIIçla p.Up:irt de sci di~~lu~ltloni<:IIvigueur ail inunicnt
de la iud;sjinsc dii 111tiL:rtinsdoumii;iI:ICour. IIil~C.COIIIIfv. LU{ 1.cles
exceptions préliminaires)que le traité de 1927a ététacitemgnt r&o;velé
en 1948, à l'exception, bien entendu, de la disposition de l'article 17
qui devait déjà être considérée comine caduque à cette époque,puisque
celle-ci était postérieure au 18 avril 1946, date de la dissolution de la
Cour.
II est d'ailleurs toutà fait naturel, Monsieur le Président, que soient
restéeseii vigueur certaines dispositions du traité hispario-belge de 1927
qui sont sans raDDo.. avec le transfert à la Cour internationale de
justicc du I>;iii.ncc d,: 1:1clniisc jiiri~lictioiiiiellcdL.I':rrtii17. yara-
gr;iplie4, dc cc tr:iir>. I.'uniquï qiie;tioii qiii cloitnuus pr6ucciiper dCC.i,
coiitcxte est ccll<.di:s;i\.oirI;icl;iiisedc iiiriiliction obliciituirc coiiteiiiie
dans l'article 17, paragraphe 4, du traitk hispano-belge est valable ou
non. Comme l'obligation contenue dans cette clause est la seule dans
tout le traité bispano-belge qui puisse - et doive - étre confrontée
avec l'article 37 du Statut de la Cour, la validité ou la nori-validitédu
traité hispano-belge dans son ensemble n'est pas en (Iiscussion. Dans
ces conditions, ce qui est cridiscussion, ce n'est pas la question de savoir
si le traité hispano-belge de 1927 est divisible ou indivisible, mais celle
de savoir si l'article 17 du traité hispano-belge de 1927, interprété à la
lumière de l'article 37 du Statut de la Cour, est valable oii caduc.
La procédure de recours prévue dans le traité hispano-belge en ce
qui concerne l'arbitrage et la conciliation peut sansdoute étreconsidérée
comme encore valable à l'heure actuelle. alors ou'à la suite de la disso-
Iiitioiiilc13 Cour I>r:rni:ineiiteI:tc1:iu.i'e iiiriilictioii ol~lig;Ltoircqiii
vrévov:~itle recoiirs :iscttc Cour ;luit Ctrc c<nii~i~l;r;coni~iie<ICi)oiiillCc
de toit effet.
hfonsieur le Président, il résulte de ce que nous venons de dire que,
selon la these du Gouvernement espagnol, le traité de juridiction, d'arbi-
trage et de conciliation de 1927est donc dans la périodecritique - entre
1945 et 1955 - en partie un ntraité en vigueur 1et en partie un traité
caduc. II est en vigueur en ce qui concerne toutes les clauses qui ne se
rapportent pas à la juridiction de la Cour pennanente. Il est d'autre
part caduc en ce qui concerne les clauses principales et accessoires qui
se rapportent au recours à la Cour permanente de Justice internationale.
En particulier, c'est le cas pour la clause juridictionnelle prévue à son
article 17. Elle a pour conséquenceque le traité de 1927 contient, d'une
part, des dispositions valables et, d'autre part, des dispositions nulles.
L'admissibilité dela division du traité de 1927 en dispositions valables PLAIDOIRIE DE hl. GUGGENHEIhl I59

et dispositions non valables est cependant fonction d'une réponse
affirniativeà la question de savoir si le droit iritarnational positif admet
la divisibilité des dispositions conventionnelles d'un mêmetraité en
régies valables et règles non valables, ce que le Gouvernement belge
semble contester.
Une coiistatation de caractère général s'impose:la these de la divi-
sibilité destraitEs en règles valables et non valables est généralement
admise dans la doctrine du droit international. C'est ainsi Que lord
AlcXair, contrairement à l'opinion expriméepar nos honorablescontra-
dicteurs. admet sans doute la possibilité de la divisibilité des traités.
II admet que certaines règlescontenues dam un tfaitérestent en vigueur.
tandis que d'autres contenues dans le mème traité sont abrogées.Voici
comment ilse prononce dans son ouvrage intitulé The Law of Trealies,
1g61, pages 474 et suivantes:
«Il suffitde donner un simple coup d'Œil à un traité comme celui
de Versailles de 1919 composé de 440 articles pour voir quelles
absurdités résulteiit quand on insiste d'une manière pédante sur
l'idéed'inscparabilité des dispositions de ce traité ou sur son carac-
tère entier.r,

Et lord IlcNair pose la question - et je cite:
c Un tribunai peut-il maintenir et appliqiier les dispositions d'un
traité en éliminant une partie qui va & l'encontre de ce qui est
exigé poursa validité? i,

Et il répond-et je cite:

cipe. Supposohs que dans un traité entre A et B prévoyant dans
de nombreux articles un r&glementgénéralde questions politiques
et économiquesil se trouve un article qui consiste dans un engage-
ment des deus Parties ...il serait possible d'admettre qu'un tribunal
puisse considérer que cet article est un élémentisoléet qu'il est
illégal...mais que cette illégalitén'a pas pour conséquencede rendre
nul le reste du traité.»
La question qui nous préoccupe a kgalenient étéexaminée par sir
Hersch Lauterpacht dans son opinion individuelle dans l'affaire relative
à Certains empruntsnoruégiens,arrèt du 6 juillet 1957. L'éminent juge
s'est prononcéde la manière suivante à la page 56 - et le cite:

«La pratique et la doctrine juridiques internes sont familières
avec des situatioiis dans lesquelles uii contrat ou tout autre acte
juridique contient une clause que le droit tient pour nulle ou non
exécutoire, sans nécessairement entraîner la nullité du contrat ou
de l'acte tout entier. Dans ces cas, la disl>osition en question est
retranchée - est traitée séparément - du reste du texte. Ce n'est
pas toujours possible. Tout dépend de savoir si la disposition est
un élhent essentiel de l'acte en question. Dans %,domaine inter-
national, le problème de la séparation des dispositions des traités
et autres actes internationaux a étésouvent discuté.paf les auteurs
et parfois dans les décisions judiciaires - en particulier à propos
de la question de la dénonciation des traités - à cause de l'inexé-
cution par l'une des parties ou à cause du fait de guerre ou de160 BARCELONA TRACTIOS
changements dans les circonstances. Les premiers auteurs ont
estimé aue chaoue disnosi.i~ ~d'un traité est indissolublemeiit
liéeau sgrt de l'&te tout entier qui,à leur avis, s'effondreà la suite
de l'échecou du non-accomr>lissementd'une disposition particuli&re.
si peu importante ou non-essentielle qu'elle Soit. Telie n'est pas
l'opinion moderne. Ce n'est pas non plus celle qui a rallié l'adhésioii
de la pratique gouvernementale et ludiciaire modernes, y compris
ceiiede la Cour permanente de Justice internationale.Cette dernière,
àplusieurs reprises, s'est refuséàtraiter lesdispositions particulières
d'un traité comme étant indissolublement liéeset interdépeiidantes
(voir par exemple l'affaire des Zones franches, série A/B na 46,
p.140. où la Cour a traitél'article 435 du traitédes Versaillescomme
ccuntout »indépendant du reste du traité, et les avis consultatifs
sur la compétence de l'organisation internationale du Travail,
sérieB, no 2, p. 23-24e .t sérieB. no 13,p. 16,sur l'indépendance
de la partie XII1 du traité). Dans un autre domaine. l'avis de la
Cour en l'affaire desRéserves à ln conventionstrr le génocidemontre
qu'il peut y avoir des limites raisonnables à la notion de l'iiidivi-
sibilité d'un traité et que certaines de ces dispositions peuvent
n'être pasd'un caractére essentiel au traité dans son ensemble.
La pratique internationale en la matière n'est pas assez abondante
pour permettre d'essayer avec confiance une généralisatioii,et on
est fondé à rechercher l'aide des principes générauxdu droit élaborés
en droit interne. Ce principe généralde droit est qu'il est légitime
- et peut-être obligatoire - de séparer une coridition nulle du
reste de l'acte et de traiter ce dernier comme valable pourvu que,
eu égard à l'intention des Parties etàla nature de l'acte, la condition
en question n'en constitue pas un élément essentiel .

Et encore tout récemment, hI. le juge Jessiip s'est prononcé de la
manière suivante sur le iPrinciple of separability » dans son opinion
individuelle dans l'affaire du Sud-Ouest africain (C.I.J. Rectceil 1962,
p. 408) -et je cite:
aLe principe de la séparabilitéest admis à présent dans le droit
des traités, notamment en matière de traités multilatéraux, encore
que les auteurs classiques plus anciens tendent à le rejeter. C'est
une doctrine qui se rencontre dans le droit interne des contrats
(parfois sous le nom de doctrine de la ndivisibilitéu) et clans le
droit régissant l'interprétation des lois. Dans le droit des traités,
il faut chercher la démonstration de ce priiicipe dans les effets de
la.,rre sur les traités et dans l'acceptation des réservesauxtraites.
car Icî r;ieri.<.s ~onsisttxit ~~S(.~I~I~.IICII,cCI[)iariUII l~..~gi~ieiit
d'un tr.iitidc soli cnsenihlc pour czeiiilitïr iinc p:irtic t:ontract.iritc
,Ir. ol>liz;itiuiis d;roiil;iiit dit fri~it :,insi :r . I,n ioiir
de Justice internationde a reconnu ie principe de la
séparabilitédans les affaires des Zones franches et du Wïrnbledon.
En droit international, certaines parties de l'accord de Mandat
peuvent êtredemeurées en vigueur, alors que d'autres devenaient
caduques. o

Nous pensons que ces citations sont suffisantes et qu'il n'est pas né-
cessaire de prolonger la discussion sur la divisibilité et l'indivisibilité
des conventions internationales en vous citant des auteurs et des docu- PLAIDOIRIE DE M. (;UGGENIIEI.\I 161

ments relatifsà l'interprétation dcs traités. Une liste de monographies et
d'articles consacrésà cette question figure dails I'opinion individuelle
de M.le juge Jessup que iious venons de nicntioiiner. fin ce qui concerne
détachée desduSispositions toujours valables be ce t&ié çan's aucune être
difficulté.Ces dernières peuveiit continuerà deployer leurs effets ordi-
naires, étant donné que les procédures de règlcmeiit pacifique qu'elles
prévoientet en particulier la conciliation etartitrage. sont susceptibles
d'être mises et~mouvement et poursuivies jusqu'àleur fin sans qu'il
soit nécessaireque l'rirticl17 soit appliqué et saiis que la convention
soit amputéed'un élément essentielquiest celuid'instituer une procédure
de rAglement pacifique des différends entre' I'lcspagne et la Belgique.
En revanche, les dispositions dela convention de 1927 qui 5e rapportent
au recours à la Cour permanente sont anniiléas, vu la disparition de
cette Cour en 1446.On ne Dent donc uas dire. coinme l'affirmele Gouver-
nement belge d&s ses obsêrvatioiis- et je citeu...que la seule énumé-
ration des articles qui mentionnent la Cour montre que-le recours au
juge est une pièce essentielledu système du traitén.
Si l'on admet - comme la doctrine et surtout la pratique dominante
le fontà l'heure actuelle- c'est-à-dire si on reconnaît le principe de la
séparabilitédes traités, le seul point qui se pose encore dans ce contexte,
c'est celui de savoir quel est le critère de la survivance pour certaines
clauses. Comme le dit M. le juge Jessup dans l'opinion iiidividiielle
susmentionnée -et je cite:
«il n'existe pas de critère objectàfappliquer à une pareille appré-
ciation. Le point qu'on peut trancher est cc:luide savoir si une dis-
position ou uiie partie d'une disposition est devenue inapplicable,
mais non si telle ou telle disposition était essentielle. ou n'était
qu'importante ou utile ou méme insignifi;inte »,il n'existe pas de
critère objectif appliquer à une pareille appréciationi,
Monsieur le Président. Alessieurs de la Cour. le Gouvernement belge
nous fait aussi une autre objectioii. 11prétendqu'au couri dc la corrci-
yon~lancediplomatiqiie Cchangéeeritrc I'Espwne et la Rcl~iqtic.c0rrc.s-
pon<l;incediploninti<lucqui cst nntL'ricii:II'iiitro~luctioii13.rcqtiCtc
tiçlgt! iIc\.:int la CotILGouvcrncriierit esp:ignol :iiir:iit recoiiriii qiic
depuis 1'adiiiissiond,: 1'Esp:~:iiisSarions Unies 13Coiir intcrn:itioiinlc
de Iiijticc constituerait In iuridiction coniu6triitr. iioiir 1,:ssni oii Ic
traiTéde 1927, conclu avec la~elgi~ue, reiiv6yaità la'Cour permanente.
Cela nous oblige à examiner cette question clans le cadre des négo-
ciations di~lomatiaucs hisonno-hel-.s aui ont urécédé l'introduction des
requetes bélgesdeGant la tour.
A ce suiet, d'abord une constatation d'ordre général.
Le Gouvernement espagnol tient à affirmer xermement qu'en aucun
moment un acte ou une déclaration de sa part n'a pu faire supposer
que l'Espagne avait consenti à ce que la Cour internationale de Justice
soit substituée à la Cour permanente de Justice internationale pour
la soumission du différendde la Barcelona Tractionlàila Cour internatio-
nale de Justice nes'est poséqu'après l'admission de l'Espagne ati Statut
de la Cour, donc apres le 14décembre 1955 ..e (>ouvernement belge ne
conteste d'ailleurs pas que la clause juridictionnelle de l'artic17 n'a
pas pu êtrerétablie avant l'admission de l'Espagne aux Nations Unies162 BARCELOSA TRACTIOX

et a\.;iiit <lucliicclci.icnnc ylrtic:LU 3t:ittit de la Cuiir iiirerii.rtioriile
dc juiticc lisiicc, coiitliiiuo~.Lcsiiotci belgc;. antCrieiircs iI'adiiiiijiuii
de 1'L;;p;ignccuiiiiiicpartidiiStcitur de la Coiiriiircrn:itiori:ile(lcJusticc.
lorj~]ii'cllc;iiisistcnt sur uiiz ino<l:,lit;,de rigleiii,:iit,11dilf>it!riil
de 1.tl3:trcelona'l'ractiunIICIIV~~,I~~laIIiais IGrccoi~r;i la LUI ir1tc.r-
nationale de Justice. C'est ainsi q~e,'~ar exernple, la note belge du
6 décembre 1951 propose le recours à la proc6dure arbitrale. La suite
de la discussioii (voir surtout la note espagriolc du 22 dCcembre 1951
et la note belge du31 décembre1951)tourne autour du poirit de savoir si
le différend est susceptible d'êtresoumis à l'uuc des procédures de
règlement pacifique prévuespar le traité liispano-belge de 1927 en géné-
ral, ce qui est affirmépar la Belgique, mais nié catégoriquement par
l'Espagne.
Il est vrai que dans une note belge, celle du 16mai 1957, qui se situe
déja à une époqueoÙl'Espagne fait partie du StatutdelaCour internatio-
nale de Justice, le Gou\,ernement belge demande avec plus d'insistance
qu'antérieurement la soumission du différend à iin règlement judiciaire.
Toutefois, méme encoredans cette note du 16 mai 1957. la procédure
envisagéen'est as nécessairement le recours à la Cour internationale
de Justice. Le l ouvernement belge ne marque qu'une pré/érence pour
cette procédure, tout en laissant au Gouvernernent espagnol le choix
final de la procédure à suivre. La note dit textuellement - je cite:

(II va de soi que, si le Gouvernement espagnol avait des pré-
férences pour iirie des deux autres procédures prévues au traité
(règlement arbitral ou conciliation), ses propositions seraient exa-
minéespar le Gouvernement belge avec la plus grande attention. 8
Le Gouvernement belge fait, à tort, grand cas de deus passages qui
se trouvent dans deus notes espagnoles postérieures à la note belge du
16 mai 1g57, à savoir, celles des IO juin 1957 et 30 septembre 19j7.
Que disent ces deus notes espagnoles au sujet de la soumission du
litieeà une orocédure iudiciaire internationale? Elles commencent
p;rappeler q;e la note Gerbale de l'ambassade de Belgique du 16 mai
1957 insiste sur la conviction du Gouvernement belge - je cite:

<(quele différendancien qui existe entre les deux pays ne pourra
étre réglésans recours au règlement judiciaire et d'arbitrage signé
à nruxelles le 19 juillet 1927 par la Belgique et I'Espagriei,.
Ensuite la note espagnole, du IO juin 1957, enchaîne en affirmant
qu'il s'agit là simplement d'un désid re lapart du Gouvernement belge.
Sans prendre en considération la proposition belge, le Gouvernement
espagnol ajoute - je cite:

cCedésirde soumettre le différendsupposé à une instanceinterna-
tionale [il n'est d'ailleurs pas indiqué de quelle instance interna-
tionale il s'agit] implique qu'ait étérésolu préalablement le pro-
blème de savoir si le Gouvernement belge est habilité ou non pour
assumer la protection de la «BarceIona Traction n.

Dans cette note, le Gouvernement espagnol ne donne donc nullement
son assentiment A la thèse belge qui prétend que le conflit devrait être
réglédans le cadre d'une procédure judiciaire. La note espagnole ne
répond pas affirmativement au désir de la Belgique qui souhaite que PLAIIIOIRIE DE DI. GUGGEICHEIN 163

l'Espagne donne son agrément à la soumissiondu différend à la Courinter-
nationale de Justice. \'u cette situation, il n'y a pas lieu lion plus d'ac-
corder la moindre attention à uiie formule employéedans la note ver-
bale espagnole du 30 septembre 1957, note postérieure de plus de trois
mois àEeïle que nous vinons d'examiner. 11-estexact que ie Gouverne-
ment espagnol n'a pas exclu, daiis cette note du 30 septembre 1957,
la possibilité de soumettre le Litige à une uautorité iiiterii~tioi~alei~. LI
ajoute toutefois, coiiformCment a son attitude habituelle, ln rbserve
bien connue -je cite:
<La soumission à uiie autorité internationale ne peut se faire
que sous condition que la question de savoir si le Gou\,ernement
belge possède ounon des titres à assumer la protectioii de la Uarce-

lona l'raction soit d'avance réglée .
Le Gouvernement espagnol iie spécifie cependant pas que cette
autorité soit nécessairement la Cour iiitemationale de lustice. En outre,
contrairement à ce qu'affirment maintenant les observations belges, le
fait que dans la méinenote du 30 septembre 1957, I'Espagne affirme
<,qu'il n'existait pas une juridiction obligatoire pour les deux pays
jusqu'à la date de l'entréede l'Espagne à 1'O.N.U. n lie veut niillement
dire que l'Espagne reconnaît I'applicabilité de l'article 17 du traité
hispano-belge de 1927pour la période postérieure i rentrée de l'Espagne
aux Nations Uiiies. Pour reconnaitre I'applicabilité de l'article 17, il
aurait iallu une déclaration iormelle du Gou\,ernernent espagnol, décla-
ration qu'il n'a jamais faite; et cette reconnaisiance ne peut certes pas
résulter du fait que le Gouvernement espagnol constate négativement
qu'il n'existait pas de juridictioii obligatoire pour la Belgique et l'Es-
pagne jusqu'à ladate de l'entréede l'Espagne aux Nations Unies.
D'ailleurs, quelle que soit, alonsieur le Président, l'interprétation des
intentions exprimées par le Gouvernement espagnol dans les notes
des IO iuin et .. se.tembre 10,.., il est exclu.D.UI tliffcrentes raisons.
que I'lljlxifiii.,Idoiinc 1111<:oiii~~ritt:i~ivr:iitI:il~lviiL.de ioiiiiicttr~.
le iliH6rt~ndd<: 1:iI3:irii:loii:t'i'rncti l;,('oiir.
D'abord. le Gouvernement esvaenol. -ans ses notes du io iuin et du
3'8 stpti.ml>rc i<jj7, siiborclonnc I:isoiirniiiiun ,111préjent ioi;tlit i iiiic
init;iiicc iiitt.rii;,tiuii;il~.:<:..or~lviitrI;iI:i:lgi~li~t 1'l:sp.igiicjiir
1: i~rul~l;.ride s:iwir si It:Goii!crncmeni bo:lzéeit h:it>ilitL jii iioii
assiimer la protection de la Rarcelona ~raction ». Selon la thèse
exposéepar le Gouvernement espagnol dans ces deux notes, il aurait
donc fallu, avant mêmeque le différendpuisse êtresoumis et examiné
par une autorité internatioiiale que l'Espagne ait reconnu explicjtement
la légitimitédc la protection diplomatique exercéepar la Belgique en
-~~e~r de la Barc~~-~~~Traction.
Les notes espagnoles des IO juin et 30 septembre 1957 n'indiquent
nullement auelle serait l'autorité internationale reconnue Dar le Gouver-
nement espagnol, dans le cas oii la condition que nous vinons de men-
tionner, à savoir la reconnaissance du Gouvernement belge comme
protecteur de la Barcelona Traction, se trouverait réalisée.Si l'Espagne
avait effectivement eu l'intention d'entrer dans les vues du Gouveme-
nient belge et d'accepter de soumettre le différend de la Barcelona
Traction à la Cour iiiternationale de Justice, elle,'l'Espagne, aurait dÙ
faire une proposition concr6te conformément à l'article 17, paragraphe 2,
du traité hispano-belge de 1927. Elle aurait (Iù proposer de négocier164 BARCELOSA TRACTION

avec la Belgique le compromis prévu à I'article 17, paragraphe 2,du
traité hispano-belge afin de déférerle litige, d'un commun accord, à
la Cour iiiternatioiiale de Justice. Jamais l'Espagne n'a formulé pareille
proposition en vue d'un compromis déterminant nettement l'objet du
difléreiid, les compétences particulières qui auraient pu êtredévolues
à la Cour, ainsi quetoutesautres conditions à convenir entre les parties,
comproniis qui présuppose,d'après le texte mêniede l'article 17, para-
graphe 2, un &changede notes entre les pdrties. Lorsque la Belgique,
par sa note du 8 juillet1gj7, a fait elle-mêmeune telle démarcheauprès
de l'Espagne. cette dernière ne l'a pas priseenconsidération. L'Espagne
n'a donc pas acquiescé à la demande belge de soumettre le différend
à la Cour internationale de Justice.
Si le Gouvernement espagnol prend acte, dans sa note du IO juin
~,*....du désirdu~~ouvernement belee de-soumettre le différendsuu- .
posé à une instance internationale » et s'il émetune opinion sur la possi-
bilité d'un règlement iudiciaire du conflit. dans sa note du?O septembre
1957, ce n'e;t qu'n& déclaration géné;aleet vague ne-coGportant
pas la reconnaissance formelle du principe du règlement judiciaire du
conflit; cette déclaration ne saurait se substitueà la procédureformelle
prévue à l'article 17 du traité hispano-belge.
Enfin et surtout, la Belgique n'a paç pu prendre et n'a pas pris acte,
à aucun monient, d'une déclarationde l'Espagne acceptant de soumettre
le différendhispano-belge à la Cour. Les auteurs des notes belges du
8 juillet 1957et du 6février1958auraient certesvolontierssaisi l'occasion
de consta~~r l'as~~ntiment ~Lua-nol. si effectivement. le Gouvernement
espagnol avait consenti à la saisine de la Cour. Le buv verne m belget
s'est tout simplement contentédans sa note du 8 iuillet 1057. en réponse
à la note espâgnole du IO juin 1957. de soumetire «au Gouvernément
espagnol le projet de compromis annoncé dans une note antérieure,
dans sa note du 16 mai u.Le Gouvernement belge ajoute encore
«qu'il se plaîtà espérerque la rédaction proposéepourra dès lors
rencontrer I'a~rémentdu Gouvernement es~amol. étant entendu
~IIC ""!tes les ~>rupositiuiisiI':inicii~i~iiiciitsFcruiit cdi1iiri;rs .ii.cc
IziI;sir îiii*:ircd':il,uiitir i un :<,.ord

L'assentiment espagnol n'est donc pas présumé. Aucune référence
non plus à un consentement espagnol, dans la note espagnole du
30 septembre 1957. ne se trouve dans la note belge du 6 février 1958.
hlais il ya plus. Alalgrél'échangede vues sur certains aspects du
différend belgo-espagnol, les deux gouvernements n'ont pas abouti à
un accord sur la procédurede solution de ce différend.Dans ces condi-
tions, le Gou\rernement belge avance, dans sa note importante du
6 février1958, qui est postérieureaux notes espagnoles des 8 juillet et
30 septembre 1957 qu'il npourra à tout moment porter directement
par voie de requête ledifférenddevant la Cour internationale de Justice n.
II s'exprime de la manière suivante - je cite:
oLe Gouvernement belge se plaît au surplus à rappeler au Gou-
vernement espagnol que l'article 62 du 1Zèglementde la Cour
suffità lui donner toute garantie qu'il ne sera pas tenu de présenter
ses moyens de défenserelativement au contenu de la demande
avant que la Cour ait statué sur les exceptions préliminaires et les
ait éventuellement rejetées.a PLAIDOIRIE DE hl. GUGGEXHEIhl 1~5

'l'out coinnient:~ire est siil)cfiii. Si. cffeztivcin~iit. 1'Cqrrignc;i\,:~it
;iccept& 1;iiuri<lictioiidc la Cour, le Guuverrieiiieiit bclge ii'aiir,iit pas.
ex~licitement et sans aucune réserve, confirméau Gouvernement espa-
gn'olsuridroit de soule\.cr toute csicytion prCliniin~irï quelcoiique ~~>rès
1 ~iitioduct~ondc I':~fi:~~iipr<.(IrI:Cuiirp:tr la1'3eIgi<l1'1c,utau iori-
tr~iit:. si I'uis~iitiiii~iit<.snnl\.:iit iti:. efiçiti\~c~~iç~(iIIiGou-i,
vernement belge aurait in&& sur le fait que le Gouvernement espagnol
aurait reconnu I'applicabilitéde l'article 17du traité hispano-belge en
l'espèce.En outre, le Gouvernement belge aurait fait état de la renon-
ciation espagnole à faire valoir la caduçiti: de l'article 17du traité
hispano-belge. C'est donc tardivement, trop tardivement, que le Gou-
vernement belge lait valoir cette prétendue acceptation de soumettre
le différendà la Cour internationale de Justice. C'est donc à juste titre
que la note espagnole du 5 mars 1962(p. ~~jg, ,nnexe au mémoire
belge, vol. IV) contient le passage suivant - et je cite:
«Sans analyser pour le moment la question de savoir si les stipu-
lations du traité [il s'agit du traité hispano-belge de 1927peuvent

s'étendreà l'actuelleCour internationale de Justice- ceque le Gou-
vernement espagnol n'a jamais admis ..n
Si l'on veut apprécier l'existence d'un engagement qu'aurait pris
l'Espagne, au cours de la correspondance dipllimatique, de soumettre
le différend à la Cour, il convient d'attribuer une importance parti-
culière à l'attitude que les parties ont prise après l'époqueoù se situe
le prétendu consentement. Nous constatons à ce sujet que les notes
belges qui ont suivi les notes espagnoles du 8 jiiillet et du 30 sep-
tembre 1957ne prétendent pas qu'il existe uii accord belgo-espagnol
tendant à soumettre l'affaire de la Barcelona Traction à la Cour inter-
nationale de Justice. Or. seul un tel accord aurait pu remettre en vigueur
la clause juridictionnelle de l'article 17abrogée à l'époquede la disso-
lution de la Cour permanente en 1946L .'absence d'un tel accord a bim
pour conséquenceque la compétencede la Coirr pour juger cette affaire
au fond n'est pas établie. Les juges Spender et Fitzmaurice, dans leur
opinion dissidente collective sur les affaires dud-Ouestafricain (C.I. J.
Recueil 1962, p. 473) se sont exprimés à ce suji:t. dans d'autres circons-
tances il est vrai, dans les termes suivants:
«Au surplus [...la Cour, avant d'admettre sa compétence,doit
etre convaincue de façon concluante [...] que la compétenceexiste
bien. S'il se révkleun doute raisonnable [...] alors. étant donné
que le principe du consentement est la base indispensable de la
compétence internationale, il faudrait arriver à la conclusion que
la compétence n'estpas établie. D

[Audience publiquedu 20 mars 1964. matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour. dans l'audience d'hier,
après avoir terminé les observations felatives à la deuxihe partie de
mon exposésur l'exception préliminaire principale no z, j'ai commencé
à examiner quelques objections du Gouvernement belge. Le dernier
~robl&meaue nous avons étudié serapportait :1 l'affirmation que l'Es-
pagne avait reconnu, dans le cadre déla correspondance diplimatique
échangéeentre l'Espagne et la Belgique, que la Cour internationale de166 BARCELOSA TR%CTIOS

Justice constituerait la juridiction compétente pour le cas oii le traité
de 1927 renvoyait à la Cour permanente. Nous avons pu constater en
dernier lieu qiie les notes belges qui ont suivi les notes espagnoles du
8 juillet et du 30 septembre 1957ne prétendent pas qu'il existe un accord
belgo-espagiiol tendant à souiiiettre l'affaire dla BarceIona Traction
à la Cour internationale de Justice. Or, seul un tel accord, un forum
prorogalzfnz,aurait pu mettre en vigueur la clause juridictionnelle abro-
gée à l'époquede la dissolution de la Cour permaiiente en 1946. L'ab-
sence d'un tel accord a bien pour coiisérluenceque la compétencede la
Cour pour juger cette affaire au fond n'est pas établie.
Dans ces conditions, Monsieur le Président, le Gouveriiement belge
soulève, également à tort, l'application du principe de l'eslofifieldans
le mêniecontexte.
Comme nous l'avons démontré,le Gouvernement espagnol n'a pas
adopté, dans l'exposéécrit de ses exceptions préliminaires, un point
de vue qui serait à la fois contraireà l'attitude prise par lui-méme
auparavant et contraire à la boniie foi. La forclusion du Gouvernement
espagnol ne peut donc pas être invoquée en l'espèce, l'attitude du
Gouvernement espagnol n'ayant pas varié depuis l'époqueoù il s'est
opposéaux prétentionsbelges. Jamais, en aucune occasion, le Gouverne-
ment espagriol n'a donnéson consentement à la soumission du présent
différend à la Cour internationale de Justice. En particulier, à aucun
stade des échanges diplomatiques, l'Espagne n'a renoncé i son droit
de faire valoir la caducité irrévocablede l'article 17 du traité hispano-
belge de 1927, àdater de la dissolution de la Cour permanente de Justice
internationale en 1946.L'estoppeln'est doncpas un moyen que la Belgique
peut valablement soulever contre l'Espagne.
Monsieur le Président, aux principes que le Gouvernenient espagnol
a développés à propos de l'interprétation de l'article 37 du Statut de
la Cour, le Gouvernemeiit belge fait enfin un certain nombre d'autres
objections mineures qu'il nous faut encore soumettre à un examen
sommaire.
Ainsi. le Gouvernement belge se demande quelle aiirait étéla portée
pratique de l'article 37 du Statut de la Cour internationale de Justice
si la dissolution de la Cour permanente avait précédél'entréeen vigueur
de la Charte et ne l'avait pas suivie, comme ce fut effectivement le cas.
Il conclut que dans ce cas il n'y aiirait eu aucun champ d'application
pour l'article 37. Aucune clause luridictionnelle n'aurait étéenx'gueur
à l'époquede l'eiitréeen vigueur de la Charte. L'article 37 aurait été,
ce qui est difficiàeadmettre. lettre morte. Xous avons déjà, Monsieur
le Président. répondu àcette objection dans nos exceptions préliminaires
et nous nous bornerons à répéterce que nous avons déjà dit, en cher-
chant encore à rendre plus explicite notre pensée.
En effet, en rédigeant et en signant la Charte et le Statut de la Cour
à San Francisco. les Etats Membres oriein..res des Nations Unies ont
admis qiie les 21111~~de jiiri<lictionol>li~;itnirt:pr&\,riv;iiitle :iIn\.oi
Coiir~>erinaiiciine clcvieiidrnientpnsc;idu(liics avant I'eiitrbecrivigiieiir
de la Clixrtc. l'our ccs 1;t:itj. s'est-h-dire mur les ~leinbrcs'i'n:iircs
des ritions Unies. l'articlei7 reconnnit fsplicitcnic~t et s:ins~é~er\~e
que I'o1~liç:ition(le soiimi!ttrc des (IiGrenrli I'nncicnne jiiridiction
t.st tr:insférHIn iii,iivcllcjiiri<liction.I.'&piiiliir1I;iqii,:lleintcriicndrait
la di.soliition de la Cour perm:ineiitc rle.lii;tice intcrnation;ile ne [~oiixiit
donc ;ivoir auciin eîfct :IISi.gxrdde ces Ettits, c'ct-i-rlire (les Et;its PLAlDOlRlE DE W. GUGGENHEIM 1~7
membres originaires des Nations Unies. En ratifiant la Cliarte at le

Statut de la Cour, ils ont formellement reconnu que lorsqu'un traité
ou une convention a prévu le renvoi à In Cour permanente de Justice
internationale, la Cour internationale de Justice constituerait cette
juridiction entre les parties au présent Statut. Leur consentement
à l'application de l'article -. ne peut donc faire l'objet d'aucun
doutë..
La situation est cependant différente pour les Etats non signataires
de la Charte qui, i l'époquede la création des Nations Unies et de la
Cour internationale de Justice, n'avaient pas adhéré à ces organismes
mais qui l'ont fait plus tard, après la dissolutioii de la Cour permanente
et après que les clauses iuridictionnelles prévolant le recoiirs à la Cour
I'~~~i..~l."sc~ii~ntI~Lr~l; ~ur t:iict.1'011;CU\: I':irtirlJ; rejtr'ri,s
i>//cv,-difia<.(<ut12 <IIS~~.;I~IUqiIlIi il'c>tiutpCII~ric;~~rdcl. ,ortirJCI
~fiets :tI'Ci,o<iii.I:i~uc:lleilsoiit CIL.:,driii; corninc llcmbrcs des X;itiuns
Unies, étjnt 'donné@'on ne peut pas, comme nous l'avoiis démontré,
présumerde son caractkre rétroactif.
La question soulevéepar le Gouvernement belge n'a d'ailleurs qu'un
caractère théorique. Le Statut de la iiouvelle Cour est entréeii vigiieiir
avant la dissolution de l'ancienne et perinettait ainsi le transfert de
la juridiction obligatoire sans qu'il y ait eu un vide juridique entre
la fin de la juridiction obligatoire de la Cour permanente et le début
de la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice.
Monsieur le Président, le Gouvernement belge prétend, dans le meme
contexte, que le Gouvernement espagnol se meut dans certaiiies contra-
dictions lorsqu'il admet la caducité de l'obligation prévue à l'article17
du traité hispano-belge de 1927 pour les Etats qui ont adhéré à la
Charte et à la Cour après la dissolution de la Cour permanente. II prétend
que. d'une part. le Gouvernement espagnol affirmerait que l'article 17,
alinéa 4, aurait cessé d'exister au moment du recours belge à la
Cour internationale de Justice, tandis que, au paragraphe 13 des escep-
tions préliminaires (1,p. 6r), ilne autre conception se ferait jour. Selon
cette dernière, l'article 17 oreaniserait le transfert de la iuridiction de
la Cour permanente à Cour internationale de ~usticc «mais à la
condition que les Parties aient accepté cette juridiction ii.
Contrairement à ce qu'affirme le Gouvernement belge, il n'y a aucune
contradiction dans la thèse soutenue par le (;ouvernement espagnol.
Voici comment iious voyons la chose: -
D'une part, I'article 17, alinéa 4, du trait<::hispano-belge a cessé
d'exister avant l'époque à laquelle le recours belge la Cour interna-
tionale de Justice a étéintroduit par la Belgique. Pour remettre la clause
juridictionnelle de l'article17, alinéa4, en vigiieur, les deux Parties -
la Belgique et l'Espagne -auraient di1conclui-eun nouvel accord per-

mettant à l'article17, alinéa 4, du traité Iiispano-belge de sortir ses
effetsd'une maniere modifiée.Il ne s'agit donc pas de l'«organisation a
du transfert de la juridiction de la Cour permanente A la Cour interna-
tionale de Justice ou d'une «organisationii de l'article 37, terme qui
n'a étéemployé à aucun moment dans les documents écrits soumis
par le Gouvernement espagnol à la Cour; cette notion ne se trouve
donc n,e dans I'imaeination du Gouvernement belce. -e Gouvernement
cspnpol prctciid toit simplement, cornriic nous \,srions dc le dire. qii'il
niirait fnllu lin riou\,el acior(l entre la Rel~6qumt I'Espngn~.pour con..
fércr .i1';irticl17 son pleiii effet. Cette riixniére(le voir est coniormf!168 BARCELOSA TRACTION
à ce qui a étédit à ce propos à la Conférencede San Francisco et à ce
que nous avons déjà relaté dans nos exceptions préliminaires, aux
pages 159 à 161.
En outre, Monsieur le Président, au sujet des Etats bénéficiantdu
transfert de la clause de juridiction de la Cour permanente à la Cour
internationale de Justice, le Gouvernement belge rappelle que selon
l'A?i~iuairede la Cour internationale de Justice de 1946.1947, !Lla
page 191, un important nombre de traités et conventions conclus avant
la guerre et ayant institué la compétence obligatoire de la Cour perma-
nente sont toujours en vigueur gràce au transfert de la compétence
prévue en faveur de la Cour permanente à la Cour internationale de
Justice sur la base de l'article 37.
Le Gouvernement espagnol a accordé à cette question l'attention
qu'elle mérite, et nous faisons à ce sujet les observations suivantes:

L'Annrraire de la Coiir n'indique pas dans quelles conditions et dans
quelles limites s'op6re le transfert du bénéficedes clauses juridiction-
nelles de I'aiiciennà la nouvelle Cour. Une telle analvse aurait d'ailleurs
et& au-deli driyou\,oirs des auteur;dl I'.4nnii<iir6.1.a mêii: bicrvnrior~
se rnppork {iIiiitroduction dii Syslrs~slic~t<riof Ire~ili/in I~Ppcrciiir
celllen16ni811inl~r~iiilionirldt.~i>r,c2.)-,,..SiiiiI,Iir 1t.iS;itions
Unies. L'article 37 ne se trouve que mentionné, sans que les auteurs du
Suruey aient eu l'occasion d'examiner et de se prononcer sur la question
oui fait l'obiet de la divereence de vues entre le Gouvernement bel"e et
Îe ~ouvernkent espagnol:
Il n'est pas non plus possible, Ilonsieur le Président, de tirer une
conclusion quelconque en rapport avec les questions débattues devant
votre haute juridiction, de la décisiondu Comitéd'experts du Conseil
de sécurité relativeaux conditions d'un Etat non membre des Nations
Unies qui désireêtreadmis comme partie au Statut de la Cour. La mission
de ce comité,qui a siégé en1947, consistait à déterminer les conditions
à remplir par la Suisse en vue de répondreà sa demande de devenir partie
au Statut de la Cour (voir annexe au procès-verbal officielde la huitième
séance. 16 novembie 1946, p. 159 et suiv.). Le Comité d'experts a
subordonné l'admission de la Suisse à la Coiir à l'acceptation par la
Suisse "de toute compéte~tcd e'attribution dévolue à la Cour au terme
du Statiit in.Le comité ne s'est cependant pas prononcé sur l'inter-
prétation à donner à l'article 37 du Statut. En particulier, le Comité
d'experts n'a jamais examiné la continuité ou la discontinuité de la
validitédes clauses de juridiction obligatoire adoptéespar les Etats non
membres des Nations Unies. à l'époquede la SociétEdes Nations et de
leur transfert à la nouvelle Cour à partir du moment où ils devenaient
parties au Statut de la Cour. A fortiori, le rapport du Comitéd'experts
ne vise pas le cas où les clauses juridictionnelles ont étéadoptées par
des Etats en vue d'un recours A la Cour permanente et où ces Etats,
telle l'Espagne, ne sont pas devenus parties au Statut de la Cour inter-
nationale de Justice avant leur admission aux Nations Unies.
Ainsi, hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, c'est sur ces
constatations que je voudrais clore la troisième partie de mon expos6,
qui se rapporte à l'examen de quelques observations du Gouvernement
espagnol sur la deuxième exception préliminaire principale à ce stade
de la procédure. Les quelques conclusions que cela comporte seront
présentées à la fin de nos observations sur la deitxi6me exception pré-
liminaire subsidiaire, car nous démontrerons qu'il n'y a qu'une oppo- PLAIDOIRIE DE Y. GUGGENHEIAI 1~9

sition très relative et très petite entre les deux exceptions, l'exception
principale et l'exception subsidiaire, mais qu'elles se complètent réci-
proquement.
Monsieur le Président, Nessieurs de la Cour, nous arrivons maintenant
àl'exposé desmotifs qui sont à la base de la deuxième exception prélimi-
naire subsidiaire, à laquelle le Gouvernement belge a répondu aux
pages 95et suivantes (1) de ses observations. Le Gouvernement espagnol
ne soulève cette exception qu'à titre subsidiain:, notre thèse fondanien-
tale ayant étédéveloppéedans la seconde exci:ption préliminaire prin-
cipale. Nous continuons à affirmer en priiicipe que l'article 37 du Statut
de la Cour n'a pas pu rétablir, à l'époquede l'admission de l'Espagne
aux Nations Unies, en 1955, la validité de l'article 17, paragraphe 4 -
d'ailleurs modifié -, du traité hispano-belge de 1927. L'article 17,
paragraphe 4, est et demeure définitivement caduc et inapplicable depuis
le moment de la dissolution de la Cour permanente dans les relations
entre la Belgique et l'Espagne.
Toutefois, si la Cour, contre toute attente, n'zidmettait pas la maniére
de voir du Gouvernement es.wnol teUe au'elle est exposée dans la
iI~~iisi$mc~:xc:i:~~ticic:liiiiinairc priiicipdc. quelle s,:r:iir nloiitii;~.
tiori? I..iCour <I~i.r:iitri:r.tiiiii.IIII~ p:~rtir dii14 iI;c~iiiI>r~~jj,
dnte de I'zirlmisiion (ILI ISspacn: lux S:,tions Cnics IC (~OUYC'~IICIII<~II~
belge et le Gouvernement espagnol ont étésoiimis a la claiise juridic-
tionnelle de l'article 17, paragraphe 4, du traité hispano-belge de 1927
et qu'ils ont admis, en principe, i partir de cette date, le recours à la
Cour internationale de Justice. Toutefois. il ne s'agirait alors pas de
l'application de la clause originale de I'article 17, paragraplie 4- celle
qui admettait, entre 1927 et Igqj, le recours à la Cour permanente -;
il s'agirait d'une nouvelle clause de juridiction, transformée par l'inter-
vention de I'article 37 du Statut de la Cour, clailse qui substitue au
reconrs à la Cour ~ermanente. le recours à la Cour internationale de
Justice. Il ne s8agi;ait donc de la remise en vigueur d'une clause
simplement susfiendrce,mais d'une clause abropde et-ultérieurement
rétiblie.
Dans ces conditions, Monsieur le Président, se pose la question de
savoir si la nouvelle clause de juridiction, iiorit la validité remonte à
1955, peut êtreappliquée à un différend qui est né, comme celui de la
Barcelona Traction, antérieurement à ~gjj, c'est-8-dire à l'époquede
l'envoi de la première note belge à l'Espagne, soit le 27mars 1948 (an-
nexes belges, tome 1. p. 14 et suiv.). C'esà cette époqueque le Gouver-
nement belge a pris fait et cause pour les intairêtsbelges, en prenant
position contre les conséquencesde la dbcision judiciaire espagnole du
12 février 1948.qui a prononcéla faillite de la 13arcelonaTraction.
Dans ce contexte, Monsieur le Président, il ,y alien de rappeler que
le traité de conciliation, de réglement judiciaire et d'arbitrage conclu
entre la Belgique et l'Espagne en 1927,ne se rapporte qu'à des différends
dont les faits générateurssont postérieurs à son entrke en vigueur. Le
traité de 1927 ne prévoit pas l'examen de différendsrelatifs à des situa-
tions ou à des faits, c'est-&-direrésultant de faits générateurs,antérieurs
à l'entréeen vigueur du traité. Cecidécouledéjàdu préambuledu traité
de 1927 où ne sont visésque - je cite:iles difiérendsqui viendraientii
s'&leverentre les deux pays n,c'est-à-dire les différendsqui naîtraient à
l'avenir. L'article premier parle de - je cite: «litiges et de conflits qui
ziienrl~nientd s'éleuerentre la Belgique et I'Espagnen. La formule de'7O BARCELOXA TR.4CTION
l'article2 qui donne la définition des différendsjusticiables n'est pas
différente et est tout aussi révélatrice-et je cite:

<Tous litiges ...au sujet desquels les Parties se contesteraient
récil~roquementun droit ... seront soumis pour jugement soit à
un tribunal arbitral soit à la Cour permanente de Justice inter-
nationale. n
II n'y a donc pas de doute que ces dispositions en elles-mémesdéjà
visent les différends qui naitront à l'avenir. Elles excluent un effet
rétroactif du différend, puisqu'elles excluent par les ternies employés
l'application dutraité à desévénementsantérieursàson entréeenvigueur.
Conime l'a dit trèsjustemciit sir Gerald Fitzmaurice clansson quatrihrne
rapport sur le droit des traités (Annuaire de la Commissioude droitinter-
natioual, 1959.vol. II, p. 75, par. 122) - et je cite:
iiEn un sens, un traité, quelle qu'en soit la teneur, ne peut jamais
étrerétroactif parce qu'il ne peut jamais entrer en vigueur avant la
date qu'il prescrit ou, à défaut de précision à cet égard, avant la
date qui résultede l'application des principes déjàénoncés ...'l'oute-
fois, ilestévidentqu'un traitépeut trèsbien stipuler que, nonobstant
son entrée en vigueiir à une date déterminée,il sera néaninoiiis
réputé,dès son entrée en vigueur, se rapporter à certains égardsh
des événements antérieiirs.Cependant, lorsqii'un traité a iin effet
rétroactifau sens ainsi iiidiqué,l'obligation de l'appliquer ou d'appli-
quer certaines de ses disl~ositions rétroactivement ne peut exister
avant une certaine date. à savoir celle de l'entréeen vigueur dudit
traité, ce qui n'empêchepas, mais au contraire explique, que
l'obligation dont l'exécutiondoit avoir lieu rétroactivement naisse
A cette date-là. TI est évident [continue sir Gerald Fitzmaurice]
que ce résultat n'est possible que si le traité le prévoitexpressément
ou l'implique de façon absolumentnécessaireQ . uoi qu'il en soit, yla
loujoz~rsune présomption de non-rétroactivitéii.

La formule employée dans le protocole final confirme en principe le
caractère non rétroactif de l'application du traité Iiispano-belge, carac-
t&requi, comme l'a dit justement sir Gerald Fitzrnaurice, ne doit pas être
présumé.Le protocole final constate d'abord, en effet, que - et je cite:
«aucune contestation n'esistant actuellement entre les deus Etats,
les Parties contractantes, en signant le présent traité, n'ont fait
aucune déclaration concernant l'application rétroactive du traité,
puisque cette question ne se pose pas ».

Toutefois, le protocole final ajoute- et je citc:
« ..il est entendu que les engagements que stipule ce traité seront
applicables aux contestations portant siir l'interprétation de tout
traitéantérieur encore en vigueur dont, aprèsla signature du présent
traité de conciliation, de réglementjudiciaire et d'arbitrage. ilserait
fait par l'une des Parties une application que l'autre Partie jugerait
non conforme à ses droits. Il en serait encore ainsi si l'application
incriminéeavait commencé dèsavant la signatiire du présent traité
et se poursuivrait après ladite signature. n

Le Gorivernement belge déduit à tort de ce passage que le protocole
final admet l'applicabilité du traité - et je cite: «mêmesi l'origine du litige est antérieurà la signature du traité de1927 inCetteiriterprétation
est trop absolue et trop générale.On doit lui opposer les corrections
suir,anïes. - - -.
Primo: Les auteurs du protocole n'ont certainement pas voulu ané-
antir les effets des dispositioiis ratione temporis excluant tout effet
rétroactif pour le traité de juridiction et d'arbitrage hispano-belge lui-
inènie. Celles-ci, comme nous venons de le relater. ne se rapportent
qu'à des différends néspostCrieurement à l'entrée en vigueur du traité
de 1927. En effet, aussi bien le préambule que l'article premier et l'ar-
ticle 2 ne visent que les différendsqui uiendririent à s'éleverentre les
deux pays.
Secundo: Lorsque le protocole final admet que des contestations
portant sur l'interprétation de tout traité antérieur encore en \' guenr
pourraient étre soumises aux instances prévues par le traité hispano-
belge de 1927, il s'agit exclusivement d'un effet rétroactif de l'examen
d'événements quise rapportent à ces actes présumés contraires à des
conventions internationales.
Cette extension incontestable de l'applicabilité du traité de 1927 à
certaines situations et faits antérieurs à son entrée en vigueur ne se
rapporte donc pas aux événementsprésumés contrairesau droit inter-
iiatioual couturnicr. Ce n'est doiic pas tout litige antérieuà la signature
du traité de 1927 qui tombe sous le coup d'une application rétroactive
admissible du traité hispano-belge, comme l'affirment les observa t'ions
belges à la page 99. Le principe de la rétroactivité, tel qu'il est prévu
au protocole final, joue seulement lorsque les faits générateurs d'un litige
entraînent à une controverse touchant l'interprétation d'un traité
international.
Aionsieur le Président, l'affaire qui occupe la Cour, comme nous
l'avons déjà constaté,ne vise pas l'interprétation d'un traité car, comme
le disent les observations belges elles-memes (1, p.99) - je cite: irle
Gouvernement belge avait saisi le Gouvernement espagnol de réclama-
tions pour dénide jirsliceaildétriment des intérêtsbelges IDLe fondement
jiiridique de la requète belge ii'est donc pas I'interprbtation d'un traité
antérieur encore en vigueur. Le fondement juridique de la requêtebelge
est l'affirmation qu'il y a eu violation d'une règlede droit international
coutumier, qu'il y a eu un dénide justice qui n'est pas couvert par la
regle du protocole final limitant l'applicaticin rétroactive du traité de
juridiction, d'arbitrage et de conciliation de 1927 aux prbtendiies vin-
lations par l'Espagne et la Belgique d'obligations contenues dans un
traité antdrieztà la mise en vigueur du traité de 1927.
Dans le cadre de cette exception subsidiaire, nous admettons donc
que l'article 17 du traité hispano-belce de juridiction, d'arbitrage et
de conciliation. transformé par l'article 37 du Statut de la Cour. pro-
duit ses effets entre la Belgique et l'Espagne à partir du 14 décembre
19.55
1.cGouvrrnrment I~elgeconteste cependant que la.claiise juridictjoii-
nellc, trllr qii'clledïploic scs effets depuis141iI6ccml)re1955.consritue
iinr iroui.cllci.on\.cntion. II prétendqiie la tlirw soiit(:iiiielu(;oiivcr-
nement espagnol de l'existënce d'un nouveau lien convèntionnel n'est
pas compatible avec les termes de l'article 37 du Statut de la Cour,
dont I'obiet serait uniquement de permettre à une clause d'un traité
déjàen vigueur depuis 1927 de produire certains effets, effets #rovisoire-
ment szaspendusentre 1946 et 1955. Le Gorivernement belge se fonde172 BARCELOKA TRACTION
à ce sujet sur deux passages de décisionsde la Cour internationale de
Justice relativesà l'article 37.
Le premier cas mentionné par le Gouvernement belge dans ce contexte
est l'arrét dlaCour dans l'affaireAmbalielos (compétence),du rerjuillet
19j2, dont nous avons déjà fait l'analyse dans un autre contexte, à
l'audience du 16mars 1964 (voir p. 129supra) .>ans cette affaire entre
la Grèceet la Grande-Bretagne, l'article 37 du Statut de la Cour a effecti-
vement pu transformer la clause de juridiction [le l'article 29du traité
de commerce et de navigation conclu le 16juillet 1926entre la Giéce
et la Grande-Bretagne, prévoyant le recours obligatoire à la Cour
permanente pour les différendsqui pouvaient surgir entre les parties
quant à l'interprétation ou l'application de l'une quelconque des dispo-
sitions du traité en question. En effet, la transmission de la clause
juridictionnelle de l'ancienne Courà la nouvelle Cour ne faisait aucune
difficulté.les deux Etats, la Grèceet la Grande-Bretagne, ayant adhéré
aux Nations Unies comme Membres originaires avant la dissolution de
l'ancienne Cour. La question de savoir si la clause juridictioniielle de
l'article29 du traité gréco-britannique a créé unnouvel engagement
ou, ce qui revient au même, unnouveau lien conventionnel entre les
parties, n'avait donc aucune importance en l'espèce.La transformation
de la clause juridictionnelleaynnt dù étre opéréesans que se produise
un vide juridique entre i'application de la clause de juridiction pré-

naissance à une contestation-réalisée avant l'entrée en vigueur dc la
clause juridictionnelle. ne se posait donc pas. C'est pour cette raison
que la Cour internationale de Justice a pu déclarer, en acceptant la
manière de voir du Gouvernement hellénique:

uLe Gouvernement hellénique se fonde,dans la présente espèce,
sur l'article9 du t~aitéde 1926, lu à la lurniérede l'article 37 du
Statut de la Cour, lequel dispose que, lorsqu'un traité prévoit le
internationale de Justice qui constitue cette juridiction.n (C.I.J.
Recweil1952, p. 39.)

Les mêmes réflexions valent pour la deuxième affaire que le Gouver-
nement belge invoque pour contester notre maiiière de voir.
L'avis consultatif relatif au Sud-Ouest africain contient dans le dis-
positif citépar nos honorables contradicteurs la phrase suivante:
«La référence à la Cour permanente de Justice internationale
devrait êtreremplacée par la référenceii la Cour internationale de
rustice conformément à I'articl7 du I\Iandat et à l'article 37 du
Statut de la Cour.» (C.I.J. Recueil Igjo, p. 143.)

Dans ce cas égaiement, la substitution à la clause juridictionnelle
prévoyant le recours à la Cour permanente de celle prévoyant le recours
à la Cour internationale de Justice est intervenue sans qu'un vide
juridique, sans qu'un vacuum existât entre les dates de validité de
l'ancienne et de la nouvelle clause de juridiction. II ne fut donc pas
nécessairede prévoirune procédnreparticulière pour rétablir l'ancienne
clause juridictionnelleabrogke, comme ce fut le cas, au contraire, dans
les relations entre l'Espagne et la Belgique. PLAIDOIRIE DE .M. CUGGENHEIAI '73

.\luiisieur II'r2;ident. tout2 diff4reiiteest 1:isituatiui<I:iii11:sr<:l:itioiis
1iijp;ino-belge;. L;icl~uie juridi~tiuiiiielle du tra~t; Iiisy.iriu-lirlgcdc 1927
a CrL, coiilme UII 1'.1d>~iiotirrL:.II:I~>O~~CJ~~Cc:tJuqu~. <.brogL:c.cntrc
rgqi,et 1952 ct cc iiihie >iI'UII:iiiiiii.t plrr liyputli;,c. c.xiinic nous lc
i~isons clsiijIci:,drc .Ic ~citt t:\<,:l>tioiipr&liiiiiii.iire~LILJ~IC~IIUL'IIIL.'.
soit remise et1vigueur en 1955.La dause jûridictionnelle n'est pG s;mple-
ment suspendue entre 1946et 1955.comme le prétend la partie adverse,
et ceci pour la raison qu'il n'y aura pas de remise en vigueur incontestable
de la clause juridictionnelle du traité de 19x7 entre la Belgique et
l'Espagne, comme c'est, par exemple, le cas pour certaines conventioiis
collectives conclues avant uneguerre et suspendues pendant les hostilités.
Ces conventions étendent automatiquement de nouveau leurs effets aux
es-belligérants après la guerre, comme nous l'avons déjà mentionné à
propos de la deuxième exception préliminaire principale. En revanche,
la remise en vigueur de la clause juridictionnelle du traité belgo-espagnol
dépend, mêmesi l'on admet l'applicabilitb de l'article 37 du Statut de
la Cour en l'espèce,de la volontéde l'iine des parties au traité hispano-
belge de 1927,c'est-à-dire de la volontéde l'Espagne de devenir lxirtie
au Statut de la Cour internationale de Justice. Ccttc remise en vigueur
dé~endait d'ailleurs aussi des oreaiies des N;rtic,usUnies ciuiavaient un
puuvoir di~~rctio~~t~;~:~IrI~ I\, tt:r;ied~ la CIi:irtc, <lefaircJI: I'l:il~i.gnc
un .\lcmhrL'des S<itionj 1;iiies ct une partie ;IIClthtut CIC I;Cour. Sans
cette <lotil>lci.oluriti<;:tliitn:,r 1'13;v~~ncet les Sittioiij Unici en 10;;.
la clause juridictionnelle di traitk' hrspano-belge serait restée l&;é
morte, non simplement suspendue, mais serait nuile, caduque, abrogée.
Le lien conventionnel crééen 1,27, a donc étédefinitivement romnu au
nioiiicnt de la diisuliitiuii (1,:I'a~icienncCotir. cil 194611n'y :idoiic p:is
LIIremise en i.icii~.ur(l'iiriroblic:itionct d'iin droir iusp~~iidii,ni:,ii hicn
remise en vigueur d'un droit et-d'une obligation abrogés, dudroit et de
l'obligation du recours juridictionnel. D'ailleurs le droit caduc a été
transformé par le changement de l'organe judiciaire susceptible d'être
saisi du recours.
C'est le nouvel engagement de l'Espagne, néle 14 décembre 1955.
qui a créé, commenousl'avons démontrédans le cadre decette exception
subsidiaire, l'accord belgo-espagnol pour la soumission à la Cour inter-
nationale de Justice des différendsprévus dans le traité Iiispano-belge
de 1927.
Dans ces conditions, ils'agit de savoir quelle est la validité dans,le
temps de l'article 17 du traité hispano-belge, Bsavoir, non pas du traité
original, mais du traité rétabli et transformé, déployant ses effets B
partir du 14 décembre 1955. C'est-à-dire qu'il s'agit de savoir si les
dispositions ratione te?nporisprévues dans le préambule, dans l'article
premier, dans l'article 2 et dans le protocole find du traité hispano-
belge de 1927,sont maintcnues telles quelles, ou si l'effet de ces dispo-

sitions rntione lemporis commence à courir B partir du moment où la
clause iiiridictionnelle de l'article 17 est rétablie et transformée. donc
partir du 14 décembre1955.
La réponse à In question que nous venons de poser dépend, selon
l'opinion du Gouvernement espagnol, de l'interprétation de I'événe,ment
important intervenu le 14décembre1955.Si l'on admet que l'admission
de l'Espagne comme partie à la Cour internationale de Justice a crééu,n
nouveau lien conventionnel belgo-espagnol, les dispositions ratzone
temporis mentionnéesdu traité hispnno-belge subissent le mêmesort que'74 BARCELOS:! TRACTIOS
I'article 17 lui-mî.me, c'est-à-dire qu'appliquéesà uiie clause nouvelle
relative au recoursà la Cour iiiteriiatioiiale de Justice, que nous appelons
la clause de l'article17 revisé, clles commencent i produire des effets
à i'épo<luede L'eirtréeen vigueur de cette clause. Si, d'autre part, on
admet tout simplement que I'article 17 original continue à déployerses
effets après une suspensioii de dix ans, on doit adopter la thése belge.
En effet, selon cette thèse, l'article 37 du Statut de la Cour s'est borné
à rendre <<possibleI'exécutioiiintégrale d'un engagement demeuré en
vigueur cill'adaptant aux circonstances nouvelles»(observations belges.1,
p. 96). En conséquence,il faudrait donc conclure, comme la Belgique,
que <l'article 37 du Statut de la Cour permet l'exécution intégrale d'un
engagement dont l'exécutioiia étéprovisoirement impossible, sans créer
de nouveau régimeconventioiinel ».
hlonsieur le Présideiit, Messieurs de la Cour, l'article 17a toutefois
été traiisformé après avoir étécaduc. II est en effet difficile, pour la
double raison de son rétablissemeiit après sa caducitéet du changement
de son contenu, d'admettre qu'il s'agit du mêmeengagenieut et, en
coiiséquence,de lui attribuer une validité dans le temps qui est celle
du traité hispano-belge lui-mêmeresté en vigueur, quant à lui, sans
discontiiiuité,i la seule exception. en principe, de la clause juridiction-
nelle de son article 17. Dans ces coiiditions, I'article 17 revisé,entré en
vigueur en 1955.a son propre domaine de validité temporelle, indépen-
dant de celui du traité fondainental.
Cette maiiière de voir du Gouveriicment espagnol s'impose parce que
les clauses qui se rapportentà la validitédans le teinps ne soiit pas des
règles juridiques autonomes, niais des clauses accessoires à des règles
principales, qui suivent la destinée de la règle principale. Elles sont
mémepartie iiitégrante de la règleprincipale réglant le champ d'appli-
cation de la norme ratio?ietemporis. De mêmeque la regle principale,
en l'espèceen vertu de la clause reviséede I'article 17-cellequi prévoit
le recoursà la Cour internationale de Justice - commence à déployer
ses effets.ion en 1927, mais en 1955; pareillement, les clauses relatives
à la validité rations temporis commericent également à produire leurs
effetsi l'égarddu recours à la Cour internationale de jiistice en 1955,
et non en 1927. Ceci parait aussi êtrela seule solution raisonnable du
problème de déterminer le domaine de validité ratione lemporis de la
clause juridictionnelle reviséede l'article17. On ne peut en effet pré-
sumer, en l'absence d'une réglementation contraire explicite, que la
nouvelle clause juridictionnelle a voulii étendre rétroactivement son
application ratione tsmporis a des situations antérieures à son entrée
en vigueur, en dehors des cas prévus dans le protocole final de 1927.
Monsieur le Président, nous devons examiner dans ce contexte un
dernier point encore. Notre démonstration,n'est exacte qiie si l'on
admet qu'en 1955 un nouveau lien conventionnel a étécrééentre la
Belgiqiie et l'Espagne, lien qui s'est substituéà deux situations anté-
rieures dans le cadre du traité hispano-belge de 1927. toujours présumé
en vigueur. Premièrement, ce nouvel engagement se substitue à la
situation qui a existéentre 1927et 1~46,époque à laquelle la juridiction
obligatoire entre la Belgique et l'Espagne était régie par la clause
juridictionnelle obligatoire de I'article 17 original du traité hispano-
belge; deuxièmement, ce nouvel engagement se substitue à la situation
existant entre 1946et 1955, périodepour laquelle, après la caducité de
l'article17 original du fait de la dissolution de la Cour permanente, PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM '75

;LUC~~IIrCgiii~e~~~~i.li~~~ru I~L ex~i~l <IJII$lcs r.,pl)<,rtsI~i~~~~ii~o-b~Ig~s
sur 1.1t),i,~.du triutL dc 1~17><;IVIII'V~)~IIIdIII;OLI\.L.IIIIIII:Is[p~gii~I,
un iiou\.c:iu rl'giiiizsoii\~~iiiionn~ll1cl~~~-esi).>11: iiiiiiiiIL.14 cli.-
cenibre 1955, la mise en vigueur ae lah~uvelle clause de I'articie 17
du traité hispano-belge, transtormé, dans le cadre toujours de cette
exception subsidiaire, par l'article 37 du Statut de la Cour, et ce dans le
cadre du traité hispano-belge toujours prCsuméen vigueur. Les éléments
constitutifs de ce nouveau régimeconventionnel sont les suivants.
La Belgique, hlembre originaire des Natioris Unies et partie au Statut
de la Cour en 1945 a, par l'acceptation du Statut, accepté de rét:iblir
la clause juridictionnelle modifiéequi renvoyait à la Cour pernianente
dans le cadre du traité de 1927. La Belaiaue s'f:st trouvéeliéeDarcette
clause à partir du inomentou son cocgniractant est devenu Cui-même
partie au Statut de la nouvelle Cour.
Pour que cette transforination s'opère dans les relations Iiispano-
belges, il eût étéindispensable que l'Espagne devienne partie au Statut
de la Cour internationale de Justice.
L'article37du Statut iie pouvait donc pas recréer le lien juridictionnel
entre la Belgique et l'Espagne sans qu'int1:rvienne ultCrieurement
l'adhésion de l'Espagne au Statut de la Cour. L'Espagne n'était pas
contrainte de devenir partie au Statut de la Cour.
L'accord de volontés'est réalisé par le fait qur:la Belgique est devenue
volontairemeiit partie au Statut de la Cour eri 1945 et que l'Espagne
l'est devenue volontairement en 1955 Sans ces deux actes, l'accord de
volonté qui entraînait la remise en vigueur de la clause juridictionnelle
du traité de 1927, avec la modification qu'elle entraînait, ne se serait
pas récilisém, êmepas en admettant que I'article 17 du trait6 de 1927
soit toujours restéen vigueur dans sa totalité. Dans l'accord de rgjg il
s'agit donc d'un nouvel engagement et non d'une novation de l'ancienne
clause juridictionnelle de l'article 17 du traité de 1927. En effet. la
novation - d'aprésla trèsexacte définitionde l'laniol (Traiféélé~nenfaire
de droitcivil, zoe édition, tome II, p. 186- coiistitue l'extinction d'une
obligation par la création d'une obligation no~ivelledestinée à la rem-
placer. Dails notre cas, la création de la nouvelle obligation lie s'est
réaliséequ'après l'extinction de l'ancienrie et. non pas, coninie dans
le cas de la novation, iminédinfementaprès 1':rbrogationde l'ancienne
obligation.
1% 1955 est donc intervenu un accord entre la Belgique et L'Espagne
créant un nouveau lien de juridiction obligatoire entre les deux pays
dans le cadre du traité hispano-belge de 1927. Quelle a étéla procédure
par laquelle le nouvel engagement belgo-esp;igiiols'est créé? Laréponse
à cette question est importante, parce que les observations belges
déclarent à juste titre sous le no116,à la page 96,I, que: N ... siiivant le
droit international, le traité se caractérise par I'eniploid'uiie procédure
fornielle..ii.
A ce sujet le Gouvernement espagnol constate en premier lieu que
la création d'un accord n'est liée à auciiiie forme spéciale. Un accord
peut, par exemple, êtrecontenu dans le préanibule d'un traité. Ce qui
est important, c'est que l'accord soit - comme le dit avec raison le
projet final de la Commission du droit international des Nations Unies
sur N La conclusion, l'entréeen vigueur et l'enregistrement des traités n
(voir doc. A.Cn.4/148 du 3 juillet 1958)- cxunaccord international 11.
D'aprésla même définitioni,l est nécessairequi: cet accord international17~ BARCELOSA TRACTlOS
csuit ~oniigii; da113UIIiiistrunicitUIII~U(:uu dliii Jeux ULL[~IUSICU~,
ii.>truiilcnt> iuiin<.scCI, ~~u<:Il,U<; soiti:id~iiùii~inr<iiu~pilrtic~i-
1ii.r~.<uii~luentrc rlçiiuu iilu,ieurs Er.its uu Juires suiers de droit
inteinational et régipar le*droit international B.

La définition de la Commission du droit international ajoute que le
traitédoit avoirune forme écrite.Cettequestion controversée, c'est-à-dire
celle de savoir si l'accord peut se réaliser verbalement ou par écrit, ne
doit cependant pas nous arrêter,le caractère écritde l'accord hispano-
belge ne faisant défautni eii 1927ni en 1955.
Bien que tout engagement ne soit pas un accord, il n'y a aucune
difticultéà prouver I'existeiice d'un accord conclu entre l'Espa-ne-et la
Lie~giqueen-1955.
II est certes vrai que les déclarations de volontéde la Belgique et de
l'Espagne ne revètent pas la forme usuelle, celle qui caractérise la
orocedure ordinaire de conclusion des traités. Cela n'a rien d'étonnant.
kous avons vu antérieurement que la mémeforme peu usuelle existe
dans le domaine des déclarations d'acceptation de la juridiction obliga-
toire prévuespar l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour. 11s'agit
de déclarations unilatérales, élémentsconstitutifs d'un accord résultant
d'une expression de volonté,cequi a pour coiiséquencequ'ellesproduisent
des effets tels qu'elles nese distinguent en aucune manière d'un contrat,
d'une convention ou d'un traité.
11est d'autres exemples de traités bilatéraux conclus dans une forme
peu usuelle. Ainsi, dans l'affaire dite de I'Usi~tede Rheinatren 1953, le
Conseil fédéralsuisse a fait sienne i'opinion d'un jurisconsulte suisse
selon lequel l'octroi de deux concessions concordantes pour I'établisse-
ment des usines exploitant la force hydraulique sur un fleuve frontière
créeune communauté d'intérêts dontla conséquenceest que

«Une décision unilatérale d'un Etat riverain au suiet de la
concession qu'il a accordéeest en principe exclue si elle~cause un
préjudice à un autre Etat. » (Voir Anituaire suisse de droit itzler-
iatlonal, 1953. tome X, p. 199:)

Et mon éminentmaitre, collègueet ami le professeur Georgcs Sauser-
Hall ajoute à ce sujet dans son excellente étude sur l'utilisation indus-
trielle des fleuves internationaux, dans le Reciieildes cozrrsde l'Académie
de droit international,tome II, p-g. 57~.
«La délivrance b la mêmeentreprise d'une concession par chaque
Etat riverain d'un fleuvecontigu-suppo.. inévitablement un accord
entre deux Etats. r

Et encore, à la page j73:
aMais ce qu'il importe de relever dans ces concessions étatiques,
indépendantes à la forme mais coinmunes au fond, c'est que, par
In concordance des déclarations de volonté qu'ellesimpliquent de
la part des deux Etats qui les accordent, elles équivalent à des
engagements de chaque Etat riverain envers l'autre de laisser A la

Ce mêmeraisonnement doit être appliqué à la situation qui doit être
examinéepar la Cour. PLAIDOIRIE DE II. GUGGlrNHEIhI I77

[Audience publiqztedu 20 murs 1964 .près-midi]

Monsieurle Président.Messieursdela Cour.daiis la séancede ce matin.
l'ai coinniciic3.~CVCIU~II~ ci.~utifs qi11>ont à IrL>:Lsdc .I.L~CUZICIII~
çxceptioii prc:liniinltircsubsidia..hprïj avoir rltpl)eI&<lu':Ic [rai" de
conciliatioii.dc r&ulçriicnt iu~liciaire et <I'arbitraee 1~eI~o-csn.icnolde
1927 ne se'rapporre, à la ;eule exception du dokaineucon'~en~ionnel,
qu'à des faits générateurspostérieurs à son entréi:en vigueur, nous avons
constaté que la clause juridictionnelle de l'article7 n'était en tout cas
étéeffectivement rétablie lec14 décembre1955, A là l'époquede rentrée de
l'Espagne aux Nations Unies, dans sa forme revisée, ellea son propre
domaine de validité rationetemporis, qui commence à courir à la même
date, c'est-à-dire le14 décembre1gj5. Dans ces conditions un nouveau
régimeconventionnel a étéinstitué à cette date par la mise en vigueur
de l'article 17 revisé du traité hispano-belge. Nous avons en outre
démontréque ce régimeconventionnel a étémis en vigueur dans une
forme peu usuelle par Cdeux instruments connexes », pour employer le
langage de la Commission du droit international, c'est-à-dire par le
fait <tuela Beleiaue est devenue volontairement ~artie au Statut en xaas
et l'ispague l'est devenue volontairement en 16~ ce qui, dans 1'esPiZ
de cette exception subsidiaire, a entraîné la créationd'un nouvel accord
entre les deui pays.
L'article 17du traité de 1927,réadaptéen 1953et instituant le recours
à la juridiction obligatoire de la Cour internationale de Justice, est un
accord spécial, malgréla forme inusitée dans laquelle il a étéconclu.
Dans ces conditions, les clauses accessoires du traité hispano-belge de
10,7. suivent le sort des clauses principales. Tel est particuli&rement le
cas polir les di.;po.iitiuiisqui r~~~iniCornp;ttiiL.r~ii~~~ ritporis de 12
Cour. Eii ionsi<luencc. le prcniiil>iile,les articles 2 du traitéde 1927.
:iiiiii qile protocole firial a!.aiit i!téinnpplical~lcjçt iiiappliquCsciitrc
1<).{6ct rgji cn tant que ces dispoiitions se i.ÿlq)urtcii.\la jiiri<li<:tirgii
réalPedans I'nrticlcrj.di! traité Iiiipaiio-belce, ces clause; ont ;té r~mijes
envigueur lorsque I'article 17, adapté au? nouvelles circonstances, a
cominencé à déployer à nouveau ses effets. 1è1 est particulièrement
le cas des clauses relativesà la non-soumission des différends nés anté-
rieurement à la remise en vigueur de l'article 17. En conséquence, le
préambule, les articles I et 2, et le protocole final du traité de 1927,
dispositions qui règlent la portéerationeten~pori.dse la règlequi institue
le recours à la Cour internationale de Justice, ne sont applicables dans
ce contexte qu'à partir du moment où la clatise principale est également
applicable. c'est-à-direà partir du 14 décembre 1955.
1.eGouvernement belge propose deux objections à notre interprétation
de l'application ratione temfioris de l'article 17 du traité hispano-belge.
II affirme en premier lien que 'si.selon le Gouvernement espagnol, il y a
lieu de distinguer, pour l'application du traité de 1927, d'une part les
recours qui échappent la clause juridictionnelle de l'article et sont
donc régis par des textes demeurés en vigueur sans interruption et,
d'autre part les dispositions du mêmetraité relatives à la claiisejuri-
dictionnelle, cette manière de voir entraîne une dualité d'obligations
dans les ran~orts his~ano-belees réglésDar le traité de 1az7. Dans ces
conditionsrLii y aur& rupture toui à fait arbitraire dais'la mise en
Œuvre des procéduresde règlement pacifique. Eri second lieu, le Goilver-17~ BARCELOXA TRACTION

nemeiit belge affirme que les exceptions prbliminaires espagnoles -
je cite:
use bornent à esauisser une ventilation des clauses e~tr~~-'an-...--
lien coriventionnei et le nouveau et se gardent bien de déterminer
dans le détailce qui se rattacherait à l'un on à l'antreo.

A ce double reproche, le Gouvernement espagnol répondde la mani&re
suivante.
Primo: La dualité des obligations résulte du fait que la clause juri-
dictionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge de 1927 n'était pas
applicable entre 1946 et 1955,tandis que les clauses se rapportant aux
autres moyens de procédure prévusdans le traité de 1927ont sorti leurs
effets sans discontinuité.
Secundo: La distinction entre les clauses qui se rattachent à l'ancien
lien conventionnel et au nouveau n'entraîne aucune difficultépratique
d'applicatioii. En effet,la plupart des dispositions auxiliaires du traité
de 1927, surtout celles qui règlent ledomaine de validité dans le temps,
c'est-à-dire le préambule,l'article premier, l'articzeet le protocole final,
se rattachent aussi bien aux procédures de conciliation et d'arbitrage
qu'à la procédure judiciaire.
Lorsqu'il s'agit de procédure de conciliation et d'arbitrage, les dis-
positions rationeteinparisdéploient leurs effets depuis l'entrée envigueur
du traité de 1927 En revanche, selon la manière de voir adoptée par le
Gonvernement espagnol dans la seconde exception préliminaire subsi-
diaire, cesdispositions produisent leurs effets di1point de vue de la procé-
dure judiciaire àpartir du 14dEcembre1955,époque à laquelle l'Espagne
est devenue partie au Statiit de la Cour, et ce du fait que la nouvelle
clause juridictionnelle a déployéses effets.
hlonsieur le Président. Messieurs de la Cour. a~rès avoir ex~oséla
deuxième exception principale et la deuxième &céption subsid:aire, le
conseil du Gouveriiement espa~noltient à ajouter encore une observation
com~lémentaire. d'ailleurs très brève. car clse rend comDte au'il met à
rudêépreuve lj patiente attention de votre haute juri&ctioi.
Le Gouvernement espagnol constate que l'exception principale a pour
point de départ l'affirmation que l'article 37 du Statut de la Cour n'a
pas pu rétablir la validité de l'article 17, alinéa 4, du traité hispano-
belge: et nous pensons que cette thèse est sans faille et tout à fait co-
hérente, même logiquementet juridiquement inattaquable. L'exception
subsidiaire,en revanche, part de l'hypothèseque la Belgique et l'Espagne
ont étésoumises àla juridiction de la Courà dater du 14 décembre1955.
Toutefois, l'exception principale et l'exception subsidiaire admettent,
l'une et l'autre, que l'article17, alinéa 4, du traité hispano-belge n'a
pas étéseulement suspendu entre 1946 et 1955, comme l'affirme le
Gonvernement belge, mais que cette disposition a étécaduque, abrogée,
nulle, iipartir de la dissolution de la Cour permanente. L'exception
~rinci~ale nie iauossibilité d'une remise en vhueur-de l'article 17:
l'ruc~.i>tionsiilisidi~ire, tout eii I';i<lnictrniit par Iiypotl.>sr., <:onst;ite
cepentl:int qiie I'Çpoque oii sont intcr\eniii 1c.cf:iits gl:ncratt:iirs du
cliffércn<dle la l3:ircclon:i'i'rnrtion rie veut êtrecoiiii>riseclnni le ~loinniiie
d'application rationetemporis de l'article 17, a~inéa'~r,eviséet remis en
vigueur. Dans ces conditions, l'exception subsidiaire reioint l'exception
principale pour constater qiie la clause juridictionnelle de l'articledu
traité hispano-belge est inapplicable en l'espèce, nonpas toutefoisàcausede sa caducité absolue, ce que Iait ressortir l'exceptioii principale, mais
parce que le domaine de validité viilionctemporis de la clause juridiction-
nelle Ïevisée, remise en vigueur en 1gj5, ie conipreiid pas les faits
générateursdu différend dela Uarcelona Tractioii, néeii 1949.
Dansces conditions, et avec la réservefaite de ce que je viens de vous
dire du caractère inattaquable de I'exception principale, de l'avis du
Gouvernement espagnol, une option s'offreà la Cour entre la recevabilité
de l'exception principale et celle de l'exception subsidiaire.
Toute autre interprétation, Monsieur le Président. de l'article 17 du
traité hispano-belge, à la lumière de l'article 37 do St:itut de la Cour,
paraît exclue. Tel est particiilièremeiit le cas de I'iiiterprétation avancée
par nos honorables contradicteurs lorsqu'ils afirmeiit que l'article 17 du
traité hispano-belge est simplement suspendu et noii pas abrogéentre
1946 et 1955 Cette manière de voir est contraire aux exigences de 13.
logique juridique et aux principes généraux dedroit qui, à la lumièrede
I'article37 du Statut de la Cour, régissentla validitérafione temporis de
l'article17 de la convention his~ano-belge.
~onsieir le Président,~essieuÎs de la Gur, le Gouvernement espagnol
mainticnt ses conclusions relatives aux exceptions préliminaires no 2,
orinciDale et subsidiaire. et se réserve de le; niodifiir si nécessaire au
Cours he la procédure.
Je vous remercie, Rlonsieur le Prgsident, Messieursde la Cour, de votre
patiente attention, après cette loiigue, trop longue plaidoirie. PLAIDOIRIEDE M. AG0
CONSEIL DU GOUVERXEJIEXT ESPAGNOL

[Audience Publiquedu 20 ninrs1964. après-midi]

1

.\luiisieur le I'ri.sid~.iit.3lejjieuriaCuur, I'c\ccpiion prt!liiiiiiiaire
I3,iiieloria'1'r;icrt. ielit and I1o\r.eri'orii~?..iriiitedOUL.le Guuver-a
. ..~
nement espagiiol a l'honneur de soulev& devant la C&I, contre la
stade actuel de la procédure.lge, ne représente pas une nouveauté au

1.En effet, dès que la vraie nature des prétentions du Gouvernement
belge dans cette atfaire est apparue, et dès que le but véritable de ses
démarchesa étédéfinisur le plan du droit, le Gouvernement espagnol
a fait savoir au Gouvernement belgequ'ils'opposait à la prétention de ce
dernier de protégerdiplomatiquement une société àlaquelle il n'étaitpas
liépar la natioiialité. Le Gouvernement espagnol a clairement indiqué
qu'en raison du défaut de lien de nationalité avec la sociétéqui se
prétendait lésée, cen'était pas le Gouvernement belge, mais un autre
gouvernement qui, le cas échéant,avait qualité pour intervenir et qui,
iu surplus, était en train de le faire.
Dans l'espoir d'écarter un obstacle aussi gênant, le Gouvernement
' belge a eu recours à des tentatives très diverses, marquées par autant
de fantaisie aue. ~ensons-nous.d'insuccés. Sonattitude a évoluéP . endant
longtemps ii a &ayé de se soustraire à l'obligatioii de répondre. Plus
récemment il a cru utile de modifier certains aspects, d'ailleurs plus
apparents que réels,de sa demande.
Par contre, l'objection espagnole, elle, est restéefondamentalement la
mêmeau cours de tout le lonr dér"ulement de l'affaire. Aussi dois-ie
coniiiiznccr ilioncslioG:vn ni rucin:inr :iiiprisla Çu~irde dc>\.oiric\.t:liir
moi a~iiii en ;irriCrctr:tl>pelzrde; f;iits clcî ],oints bieri cunnus. ni:iij
.u'A .1r6serirle Gou\~erneriienrbclrce\-ou<lr:iiti~:irfoisI;iirc oul,lirr
z. La situation à laquelle le Gouvernement espagnol s'est trouvé
devoir faire face, sur le plan diplomatique, à propos de la Barcelona
Traction, est des plus extraordinaires.
Au début de la présente procédureorale, l'agent du Gouvernement
espagnol a eu l'occasion de dresser l'historique des interventions dont ce
gouvernement a étél'objet.
11vous a rappelé, en particulier. que quelques semaines seulement
après que cette sociétécanadienne, à la demande de certains porteurs
d'obligations, eut étédéclaréeen faillite par le tribunal de première
instance de Reus, le Gouvernement espagnol était l'objet de deux
démarches paralléles, émanant de deux gouvernements différents: le
Gouvernement canadien et le Gouvernement be~-e. Ces eouvemements
venaient tous deux entretenir le Gouvernement espagnol Zu sort fait à la
sociétéqui avait été déclaréeen faillite. Les deux notes diplomatiques qui portaielit la m6me date du 27 mars
1948' présentaient en outre des ressemblances saisissantes du point de

vue de la rédaction. Toutes deux commençaient par rappeler que la
Barcelona Traction, déclaréeen faillite par le tribunal de Keus, ainsi que
ses filiales dont les biens avaient étésaisis à la suite de la faillite de la
société mèreé , taient des sociétésde nationalité canadienne. Après quoi.
les deux notes poursuivaient de manière identique, si ce n'est que la
note belge alléguait, en plus, que des ressortissants belges, personnes
physiques et surtout personnes morales, auraieiit eu des participations
considérablesdans la sociétEcanadienne Uarcelona Traction. Les mêmes
faits étaient alléguésdans les deux notes, les mémesexcuses y étaient
invoquéesen faveur de la société déclaréeen faillite, les mêmes accusa-
tions y étaient fornulées Al'égarddes autorités espagnoles. Enfin, les
deux notes concluaient l'une et l'autre eii prétendant qu'il y aurait eu,
dans cette affaire. un dénideiiistice ou mieux rritesériede dénisde irislice
à l'égardde la ~arcelona Triction et de ses filiales, et en demandant au
Gouvernement espa~nol une cliose aussi extraordinaire que l'annulation
par le pouvoir execütif d'un jugement de faillite prononcépar un organe
judiciaire.
3. Si l'on a cru devoir remonter jusqu'à ce tait désormais lointain,
c'est qu'il y avait là, de la part du Gouvernement belge, la première
manifestation d'une conduite que le Gouvernement espagnol tient pour
inadmissible, et qui a néanmoinscontinuéjusqu'à nousamener àla pliase

actuelle de la procédure.
Des deux gouvernements qui intervenaient auprks de lui le 27 mars
1948, de façon aussi étrangement semblable quoique. comme on l'a dit,
séparémentet indépendamment, le Gouvernement espagnol en connais-
sait un depuis longtemps en qualité de protecteur de la Barcelona
Traction. C'était le Gouvernement canadien, Gouvernement national de
cette socibtéqui avait étéenregistrée à Toroiito et avait son siègedans
cette ville. En effet, tout au long de son histoire et mêmerécemment,
La Rarcelona Traction avait fait sentir son poids de puissant groupe
financier. en montrant une prédispositionmarqu<lepour les interventions
et IFSpr~ssionî p:ir Livoie d'iploni~rique. .Ace sujet.'lSagent (Ii(;oiiverne-
ntciit esp;i.iiol et le ~,rt,fcssciirlleuter orit dcj:: r:tlipcclii'f~>Iusieiirs
reprises lck ou\~ernciii~ritdo C;iii:t<l:ii,inr I'iiiti:rnl<idiaircil,,Ind1ploni;itié
hrirnnniilti.: nv:tit ;~<.;r,;iInsocii:ri-toiappiii s~fFiiiels.oit pour i>l~t~.iiir
CIL-il.c\.iscs, ,oit pouse f.iirc nccoiclcr clcs:iii~iii~-iit:itilc tirilswil
~our exercer une ~rotection divlomati~ue au plein sens du terme à
i'occx~ioii(letroublcs iiitérieiirsei not:imi;icnt nii;ours de Igiierrc civile.
Par contrc. I'interveiition dii (;ouverneriicnt beige i propus de la nii,nir
sociétéconstituait une nouveauté aussi com~l&teau'inattendue
On sait que le Gouvernement espagnoi ne <oulut pas, au début.
dramatiser la chose. Les Gouvernements qui s'étaient adressésAlui ne
~ouvaient certes Das avoir emnlové> ,ex~ression edéni de iustice» au
iens propre et technique dti terme. Cette éxpresdon. dans son acception
de fait illicite international aualifié.commis à l'égardde l'Etat national
d'un ressortissant étranger, R'avait déjà, d'une façon générale,aucune

' Voir le texte de la note de l'ambassade britannique. présentee au nom du
Gouvernement canadien, dans les exceptions preliminaires 1960, annexe 170.
doc. 3.vol. III. 195 etletexte de la note du Gouvernement belge dans le memoira
1962, annexe 250. vol. IT:p. 976.1sZ BAKCELONA TKACTIOS

justification possible dans le cas d'espèce. Mais elledevenait tout simple-
ment absurde dèsl'instant qu'un gouvernement l'employait, quin'était
pas celui de i'1Statnational de la société,et dont on iie pouvait donc
mémepas envisager, à titre d'liypotbèse, qu'il puisse êtrela victime
possible d'un délit international, résultant d'un acte dont aurait été
victime cette société.Le Gouvernement espagnol n'était certes tenu
d'aucune obligation envers la Belgique en ce qui concerne le traitement
à accorder en Espagne à des sociktéscanadieiines. Le miiiistère des
Affaires étrangèresd'Espagne, comme l'a indiquél'agent du Gouverne-
ment espagnol, a donc voulu penser que l'intervention belge, malgré

son ton, n'était en réalitéqu'une manifestation arnicale d'intéret et
pouvait ètre traitée comme telle.
4. Par la suite, le phénomènede l'iiitervention parallèledevaitse pro-
duire à nouveau, cette fois-ci avec un jour de décalage,au moment de
l'envoi des notes diplomatiques par les deux gouvernements, respec-
tivement le 21 et le 22 juillet 1949'. La note canadienne était plus
détailléeet plus approfondie. A propos du traitemelit à appliquer en
Espagne à des sociétéscanadiennes comme la Barcelona Tractioii, elle
invoquait en particulier le traité aiiglo-espagnol du 31 octobre 1922,
étendu au Canada le Ier août 1928. (Et le Gouvernement canadien

était évidemment seul à ouv voi le faire.) A part cela. cependant. les
accusations étaient une fois de plus les kêmêset, se serknt
de termes différents, les deux notes demandaient toujours la même
chose.
JIalgré la répétitionde l'anomalie déjà constatée, le Gouvernement
espagnol ne crut pas, une fois encore, devoir ce départir de l'attitude
amicale adoptbe jusqu'alors en présencedes démarchesdesdeux gouver-
nements. II prit mêmela peine de fournir à chacun d'eux, le 26 septem-
bre 1949 2,les informations détailléesdont a parlé l'agent du Gouverne-
ment espagnol, informations à l'ignorance desquelles il voulait bien
attribuer l'origine des notes qui lui avaient étéadressées.

5. Dès ce moment, la ligne de conduite du Gouvernement canadien
et celle du Gouvernement belge, qui avaient été absolument similaires
en 1948 et en 1949 semblent se différencierquelqiie peu. An cours des
deux années suivantes, c'est le Gouvernement canadien qui poursuit
son action avec le plus de constance et de vigueur, ce qui paraît bien
compréhensible s'agissant du gouvernement national de la sociétéqui
seprétendait victime d'un préjudiceillicite. C'étaitle seulgouvernement
qui avait, sans doute, le droit d'exercer la protection diplomatique en
faveur de cette société sice qu'elle prétendait était fondé.Il est inutile
de ra~mler ici le fait oui a déii étéillustréen détail devant la Cour. à

accusation aui lui avait étéadresséeet aue le Gouvernement canadien
surtout avalt reprise. On avait prétend;, en effet, qu'a l'origine de la
faillite de la Barcelona Traction il y aurait eu essentiellement un acte

'Voir le texte de la note canadienne du 21 juillet 1949dansles exceptions
preliminaires 1960.annexe170, doc. ro.vol.III.p. 203 etcelui de la note belge
du zzjuillet dans le mCmoire 1962,annexe152.vol. IV. p. 98,.
Voir le textedesdeux notes espagnoles respectivement dans les exceptions
préliminaires1960,annexe 170,doc. 11.vol. III,p.205 et dans le mçmoire 1962,
annexe 253,vol. IV,p.983. PLAIDOIRIE DE 91.AG0 183
des autorités gouvernementales espagnoles, à savoir le refiis arbitraire
d'octroyer les devises étranaères nécessaires ilour assurer le service
-
*Ir; @t)li~:iriorci ni;^^t.11livres. Or, vuiis siivc~ fort l)i<1IUC I'LII~]~I;IL'
ellectii~i.p:ir la Co~i~i~ii;~miiixte (I'ex~)crtc.spa~iiut.t;iiiglo-c:iii;i~li~iij,
crLYt.sur l'offre <Ir:I'l<jv~~irc,a alloiitià l:isifirrarurc du ~~roc&;-\~:,rl~iil
du II juin 1951 ' dan; %quel, pour emprui~er les termes ernployés
par le Gouvernement canadien lui-mêmedans iine note postérieure du
58 seutembre IQ~I ', il fut reconnu aue le rcfiis du GouveÏrnemcnt esDa-
gnol a'autorise;ies fameux transfeits de devises étrangères qu'on'lui
avait demandés avait étéapleinement justifié o.
A la suite de cet acte, on put remarquer des changements sensibles
dans l'attitude des gouvernements protestataires. Il devenait difficile
désormais - et pour leGouvernementcanadienstrictement impossible -
d'accuser encore le Gouvernement espagnol d'avoir causé,par l'attitude
illicite de ses autorités financières, la faillite dela bar ce lori^Traction.
Une protection des intérêtsde cette sociktédevait donc, rriitant que
possible, se situer dans le cadre de la loi espagnole. C'est précisément
sur ce plari qiie se placera, pendant un certain temps, l'intense activité
dont le Gouvernement canadien fera preuve au icoursdes mois suivants,
au rytlinie d'environ une note tous les mois: et c'est sur ce mémeplan
que se situera l'action que le Gouvernernent belge reprendra. lui aussi,
au cours du deuxième semestre de 1951, après un silence de prés de
deux ans, car il ne s'est pas manifestédu tout auprhs du Gouvernement
espagnol lors de la constitution de la Commission (l'experts.
Le parallélismeentre l'action du Gou\~ernemi:ntcanadieii et celle du
Gou\-ernement belge reprenait donc, mais cette fois-ci sous le signe de
la modération.
Il n'était point question de u dénide justice i,ni de responsabilité du
Gouvernement espagnol. D'nilleurs, ce que le groupe intéressé recher-

chait à ce moment, qu'il eût recours à la protection du Gouvernernent
canadien ou ii celle du Gouvernement belge, c'étaitobtenir dii Gouver-
nement espagnol qu'il intervienne pour empêcher I'exécutioiides mesures
envisagéespar les syndics de la faiiüte à propos des titres des sociétés
affiliéesAla Rarcelona Traction et de la vente de leurs biens; ceci en vue
de paralyser les effetsde la faillite. On devait donc voir avancer. du cdté
belge comme du côté canadien, des suggestions opportunes destinées à
convaincre le Gouvernement espagnol que l'action qu'on lui deinandait
pouvait êtreexécutéeen respectant pleinement la loi espagnole.
6. Il a étérappelé toutefois que, dans le biit indiqué, l'ambassade
de Belgique à Madrid avait transmis au Gouvernement espagnol, le
7 novembre 1951 , une «note juridique » visant justement A prouver
que le Gouvernement espagnol pouvait intervenir pour suspendre la
veiite des biens de la Barcelona Traction. sans pour autant s'4carter
de l'application de la loi espagnole et du respect de l'aiitonomie du
ouv voirjudiciaire.
~tant'donné le caractère pour le moins inattendu d'une telle démarche
et l'insistance du Gouvernement belae dans iine affaire où. visiblement,
il n'avait aucun titre à intervenir,-le Goiivemement espagnol jugea
opportun d'avancer, dans sa réponse,un argument supplémentaire. Se

' Voir exceptions prdlirninnirrg63.annexe 63, vol.auxil., p7GR
Voir exceptions préliminaires ,96annexe r7o. do#:.28, volIII, p.226.
Voir memoire 1962,annexe256. vol. IV, p.989.184 BARCELONA TRACTION
référant aux vieilles prétentions relatives à une prétendue responsa-
biité qu'aurait encourue l'administration espagnole dans la faillite de
la Barcelona Traction, pour avoir refusé d'autoriser un transfert de
devises qui, dans les circonstances, ne pouvait êtreadmis, le ministère
des Affaires étrangères rappela la constitution de la commission d'ex-
perts et,à ce propos, observa:
. .
( Cettr: iiivitntion <le ciirartr're ~.xc~ptiuniic.ls'est Iiinitéc i ces
rlciix goiivcrncmcnti [I,ritaiirii<ltiect i:~irüdit:n].parce <]lieIL.C311ad:i.
nieiiibre du Cumiiiun\r~::dtliI)ritanriio~ie.est le duniicilc fificicl (Ic
la Barcelona Traction ... L'ambassadeAde'~elgiquecomprendra donc
qu'une telle invitation ne pouvait êtreétendue aux nations qui
auraient fait des investissements en actions ou obligations de la
compagnie, parce que, dans ce cas, l'invitation aurait dû être
faiteà la France, i la Suisse et Q d'autres pays. »
Je me suis permis de relire ce passage de la note espagnole du 14 no-
vembre 1951 ', car il y avait là une première mise au point courtoise
relative au droit que le Gouvernement espagnol reconnaissait au Gou-
vernement canadien - et qu'il ne pouvaitreconnaitre àd'autres gouver-
nements-d'intervenir au titre de la protection diplomatique en faveur
d'une sociétécanadienne. Les limites dans lesquelles le Gouvernement
belge pouvait montrer un intérétdans l'affaire étaient ainsi clairement
indiquées.
7. En décembre 1951, un durcissement de ton inopiné devait se
produire dans les notes canadiennes et, en mémetemps, toujours avec
le mêmesurprenant parallélisme. dans les notes belges. On cherchait
de nouveau, des deux côtés, à mettre en cause le droi; international et,
des deus cbtés,chose encore plus étonnante, on voyait formuler séparé-
ment une proposition de recoÜrs à l'arbitrage.
Dans un effort désespérépour retarder encore la mise à exécution
de la faillite et lavente des biens des sociétésaffiliées à la Rarcelona
Traction,le Gouvernement canadien rét tenditde nouveau aue la saisie
de ces biens avait constitué un déni de justice, une violatio; des droits
dont les sociétéscanadiennes auraient dû iouir en Espa~ne en vertu
du traité his~ano-britannioue de commeice et de -nLvi~ation du
31 octobre 192? el di, tr;iit; Cnirc Ics rn;incs pnrties duICI Luiit 192s
conciriiniit Iitralteilicnt des soci6tCs.
Le 22 décembre 1951, il proposait de soumettre cette question à
un arbitrage.
Quant au Gouvernement belge, il fait preuv< d'lm courage digne
de mention. Dans sa note du 6 décembre2, il se décerne lui-même,
d'autorité, en raison des (intérêts considérablesa que ses nationaux
auraient possédésndirectement ou indirectement dans la Barcelona
Traction et ses filialestuun titre juridique à intervenir sur le plan inter-
national en tant que protecteur de ces sociétés.II refuse de considérer
comme concluante l'opinion de la commission mixte d'experts, prenant
pour cela prétexte, comme on l'a rappelé,du fait qu'il n'a pas participé
auxtravaux de ces experts - il affecte mêmede protester rétrospective-
ment de ne pas y avoir été invité.11évoquedonc de nouveau le défaut
de paiement des intérêtsdes obligations qui aurait eu «pour seule cause II

' Voir mémoire 1962,annexe257.vol. IV, p. 992.
Ibid., mnexe258, vol.IV,p. 996. PLAIDOIKIE DE hl. AG0 185

le refus du Gouvernement espagnol d'autoriser les transferts de devises.
Enfin, apres avoir exposé d'autres griefs, il en vint tout bonnement à
annoncer son intention de régler «la question pendante entre les deux
pays par le recours à la procédure arbitrale prévue par le traité du
19 juillet1927 ».Une autre note de la mémedate demande, en effet, offi-
ciellement, l'arbitrage'.
Les conseils de l'époque de la Barcelona î'ractioii devaient avoir
un penchant pour le droit international conventionnel: un penchant
tellement poussé qu'ils ne prêtaient pas une attention excessive au
fait que les traités qu'ils invoquaient dans l'affaire avaient étéconclus
avec des pays différents! Qiiand il s'agissait d'étofferl'argumentation
touchant le fond de l'affaire, c'étaitle trait6 his1)ano-anglo-canadienque
l'on invoquait. Quand il s'agissait de rechercher une procédure pouvtint
permettre de transférer cette même:IH:iire dii plan interne au plan
international, c'étaità un traité hispano-belge que l'on avait recours.
Il faut reconnaître que, par cette voie, on parvenait à se créer un
système de droit conventionnel singulièrement complet et adapté à ses
propres besoins.
Pour en revenir aux faits, le Gouvernenient espagnol, en répondant
aux allégations canadiennes, devait prendre clairemeiit position sur le
fond, pour contester avec énergie lesprétendiies violations de traités
qu'on voulait lui imputer. Mais, face aux nou\,elles prétentions belges,
sa réaction devait être,cette fois-ci, radicalement différente. Il s'était
jusqu'alors donné la peine de répondre, patiemment et en détail, aux
divers points soulevésdans les lettres et les notes de l'ambassade de
Belgique, car l'intervention belge paraissait avoir conservél'aspect de
simples démarches amicales. On avait pu y voir de simples manifesta-
tions de l'intérêtindirect qu'aurait porté la Belgique à une affaire
devait de réagir de la façon la plus fernie en présencede la nouvelle
attitude qui était adoptée, de la tentative inadinissible de se placer sur
le plan des cdroitsii et mêmed'évoquer le recours à une procédure
d'arbitrage, comme si le différend éventuel relatif aii traitement en
Espagne d'une sociétécanadienne était ilon pas un différend entre
l'Espagne et le Canada,mais un différendentrel'Espagne et la Belgique.
Le Gouvernement espagnol se devait, en particulier, de contester for-
mellement au Gouvernement belge l'existence de son jarssiandi dans
l'affaire; il se devait de souligner l'absence de cette <qualité" qui est
indispensable pour pouvoir avancer desgriefs d'ordre juridique et pour
pouvoir recourir à des procédures permettant de les faire valoir. Dès
ce moment donc se trouvait ouvertement formulée I'argiirnentation qui
fait l'objet de la troisiéme des exception préliminaires auxquelles est
consacréela phase actuelle de la procéduredevant la Cour.

8. Pour toute explication, le Gouvernement belge ne fit alors pue
de la Barcelona Traction qu'aurait ~ipossédéesntives an nombre d'actions
aussi, comme si la chose avait présenté le nioindre intérêt,que 1'Etat
belge lui-mêmedétenait un certain nombre (1'ai:tionsde la Sidro.,Il ne
se donnait pas la moindre peine pour prouver. comment des fa+ de
ce genre, abstraction faite de leur exactitude ou de leur inexactitude.
auraient pu conférer au Gouvernement belge un droit de protection

Voir rnfmoire1962,annexe258.vol. IV, p. rom.186 BAKCELONA TRACTION

diolomatiaue non DaS à l'éeardde la Sidro oui. certes. ne s'étaitDasvu
rciuscr p;ir lei :iii;orit;s ~~~:~iiolesiin irîiijfcrt d-lccIe\.is~i&traiig>rej
,:tn'avsit 1i:i.s <Lkl;ir;e cil f:ullite en Esp.ync. iiiais bien :il'cganl
<l~ -~ U;iricluna 'l'rlictioii.soci;.téde natioiiditi. cariadieiiiic eii I:iveur
de laquelle - le Gouvernement belgeriepouvait l'ignorer - le Gouverne-
meut canadien était au mémemoment en train de faire des interven-
tions trb pressantes et avait, pendant de longues années, exercéuiie
protection diploinatique constante et ininterrompue, aussi bien avant
qu'après la fillite deia société.
Ce n'était donc que pour manifester sa bonne volonté, et convaincu
qu'il était de l'inconsistance absolue des accusations répétéesdans la
dernière note belge, que le Gouvernement espagnol, après avoir nette-
iiient formulé son objection de principe à l'intervention du Gouverne-
ment belge, ainsi qu'à la proposition de recourir à un arbitrage, s'est
appliquéencore à dFinontrer à ce Gouvernement. commeauparavant au
Gouvernement canadien, l'absence de fondement des griefs qu'on lui
adressait.
1.a ferme prise de position du Gouvernement espagnol sembla, pendant
un certain temps, produire l'effet esptré. Le Gouvernement canadien,
après la réponse espagnole, avait, à vrai dire, encore réitéré,dans ses
notes du 21 avril et du 18 juin 1952', Sa proposition de soumettre la
question h l'arbitrage. Plus tard, il n'avait plus insisti: sur ses accusa-
tions et s'était plutôt efforcé,au cours des annéessuivantes, d'obtenir,
par des démarches verbales ou écrites,l'appui du Gouvernement espa-
gnol pour des tentativesde règlemententre groupes privés. Le Gouverne-
ment belee, de son côté. observait un silence comnlet oendant nlus de
trois ans."hlais le dernieFacte de cette phase de la procééuredevàit être,
une fois de plus, deux démarches similaires et simultanées quelesinté-
ressbs réussikent provoquer de la part des deux gouvernëments. 1-e
21 mars 1955 le Gouvernement espagnol se voyait adresser en effet

deux notes d'une teneur à peu près identique, l'une émanant de l'am-
bassade du Canada et l'autre de l'ambassade de Belgiquez. Ce que
l'on voulait obtenir - l'agent du Gouvernement espagnol l'a rappelé -
c'était les bons offices du Gouvernement espagnol à l'occasion de la
visite à Xadrid de hI. Arthur Dean, avocat américain de la Barcelona
Traction.
9. Cette derniere intervention parallèle desdeux gouvernements dont,
jusqu'alors, la Barcelona Traction avait réussi à se procurer l'appui,
devait êtresuivie d'une nouvelle périodede silence d'une durée à peine
infkrieure à deux ans. Puis, soudain, le 31 décembre 1956 3, le feu se
rallume mais, cette fois-ci, d'un seul côté.
Les conseils de la Rarcelona Traction croyaient avoir trouvé entre-
temps un système permettant d'amener l'Espagne devant une instance
internationale, mêmesi, malheureusement, l'on ne pouvait pas faire
entrer dans cette voie le gouvernement national de la société,et s'il
fallait recourir à la seule action d'un gouvernement aussi peu qualifié
que le Gouvernement belge.

' Cesdeuxnotes ne figurentpas parmi les annexeaux documents de laproc6dure
hite.
Voir respectivement exceptions prCliminaires 1960,annexe 170. doc. 38,
vol. 111. p244 et exceptions preliminair1963, annexe 66. doc.z.p. 571.
Voir memoire 1962,annexe 262,vol. IV, proog. PLAIDOIRIE DE hl. AG0 1~7
Dans une longue note, ce gouvernement en revint donc à l'accusa-
tion déjà formulée: le «traitement injuste dont la Barcelona Traction
a été victime>, est uéquivalent au déhide jiistice au sens que le droit
international confère à cette expression ». En mêmetemps, une fois de
plus, et en dépit de toutes les justes remarques formulées cinq ans
aunaravant Dar le Gouvernement esoarrnol. il s'attribuaità lui-même
q;aiité pour'poursuivre brrréparation di piéjudice causk uiie sociéti
aui n'avait nullement sa nationalité. Le Gouvernenierit belce crovnit
de nouveau pouvoir déduire cette qualité de la iyrépoiid&ance.des

intérêtsbelges dans la Barcelona Traction 1,.Finalement, il énonçait
une prétention nouvelle, dont le professeur Guggenheim vous a dit ce
qu'il fallait en penser, à savoir que le jeu combinédu traite hispano-
belge du ~g juillet 1927 et de l'adliésion de l'Espagne aux Nations
Unies. aurait fourni iiiaintenaot nu Goiivernernent belce la ~ossibilité
de recourir unilatéralement à la juridiction de la Cour,au&oùi'Espagne
se serait de nouveau opposée à l'arbitrage ou à la saisine de la Cour
par compromis. A cet ëfiet, dans une ai;trc note du 16 mai 1957 1, le
Gou1,ernenient belge annonçait son intention dc soumettre au Gouver-
nement esp:rgnol un projet de compromis.
La réponsedu Gouvernement espagnol à ces nouvelles et étonnantes
démarches du Gouvernement belge fut des plus claires. Ileux points
sont surtout à relever dans la note esp:~gnoledu IO juin 1957 2, parce
que laposition lo,pi<luemeiitet constammeiit m;rintenue par le Gouver-
nement espagnol jusqu'aujourd'hui y est déjà établiesynthétiquement;
on a déjà remarqué que le Gouvernement belge, avec toiis ses chaiige-
ments d'attitude, mêmerécents, n'a pu se soustraire i la rigueur de
ces objections. II est intéressant de relire, aujourd'hui cricore, deux
passages essentiels de cette note. Le premier passage, qui figure à I'an-
nese 264 au mémoirebelge (p. 1027 et suiv.), dit:
aCe désir de soumettre le différend supposé à une instance in-
ternationale implique qu'ait étérésolupréalablement le problème
de savoir si le Gouvernement belge est habilitéou non pour assumer
la protection de la cBarcelona Traction », alors qu'en réalitéce
point, qui est indispensable pour l'acceptation de la réclamation
diplomatique, n'a pas encore étéprouvé.Malgrécela, dans le mémo-
randum du 31 décembre 1si6. en se fondant sur des intérêts pré-
tendument belges représencint une partie du capital-actions de la
<Barcelona Traction a,le Gouvernement helge demande que 1'Espa-
gne adopte des mesures qui puissent conduire au rétablissement
des droits de l'ancienne sociétéou, en cas d'impossibilité,assume
la réparation du préjudice supposé:en d'autres termes, le dessein
de protégerles soi-disant intérêtsbelges sert de prétexte au Gouver-
nement belge pour étendre sa protection à toute la «Barceloua

ïractionn; il en vient ainsi à se substituer dans l'exercice de sa
protection au Gouvernement national de la sociétéprétendument
préjudiciée, c'est-à-direà celui du Canada. »
Quant au deiixihme passage, on y lit:
aEtant donnéque la dissociation de la nationalité de la société
et celle de ceux qui en font partie, aux effetsde leur protection

' Voir memoire 1962,annexe263. vol. Il', ,026
Ibid.annexe264. vol.TV. p. ,027.188 BARCELOXA TRACTIOS
internationale s'est seulement présentée dans la pratique lorsque
la sociétk préjudiciéeposs6dç la nationalité de I'Etat qui est la
cause du préjudice supposé.et comme cette circonstaiice ne se
présente pas dans le cas hypothétique de la cBarcelona Traction ,I
auquel se rapporte le mémorandum en question, il se pose inévi-
tablement la question préalable de savoir si le Gouvernement belge
est habilité ou non-en droit international-pour assumer la pro-
tection d'intérêtsjuridiquement rattachés au Canada. Et, en outre,
il est anormal que le Gouvernement belge désireassumer une pro-
tection qui revient d'une façon exclusive au Gouvernement du
pays dont la fiBarceIona Traçtionn fait état de posséderla natio-
nalité.n

IO. Dans sa réponsedu 8 juillet 1957 ', le Gouvernement belge fei-
gnait la surprise, ce qui lui permettait de masquer sa volontéde ne pas
répondre sur ce point. La note, en effet, ne faisait qu'indiquer "le lien
d'allégeance existant entre la Belgique et les uictimes véritablesdes
mesures dénoiicéesn.La Barcelona Traction, qui avait fait couler tant
d'encre à propos des actes préjudiciables qui auraient prétendument
étéperpétréscontre elle, n'aurait-elle donc étéune victime qu'eu appa-
rence? Le Gouvernement belge ne devait pas s'attarder à donner des
explications, ni mêmeinsister sur ce point. II était bien décidé à s'en-
gager bravement sur la voie dans laquelle ilétait entré.
Partant, nullement soucieux de la confusion qu'il entretenait,aux fins
de la protection diplomatique, entre la nationalité de la sociétéet celle
de certains de ses associés,il transmit au Gouvernement espagnol sa
proposition de compromis, dans laquelle il exposait
nque la BarcelonaTraction ainsi que les sociétksqu'ellecontrbleont
fait l'objet en Espagne de divers actes, décisions, mesureset omis-
sions contraires au droit des gens a.

II demandait, à titre principal:
nque la responsabilité internationale de l'Espagne soit reconnue et
que soit ordonné le rétablissement de cessociétéd sans la totalité de
leurs biens, droits et intérets et/ou la réparation du préindice
causé ...auxdites société.s.»

Le Gouvernement espagnol s'efforça, une fois de plus et inutilement
de faire entendre raison au Gouvernement belge. Il fit observer, dans sa
note du 30 septembre 1957 2,qu'alléguer la présence d'intkrêtsbelges
dans la Barcelona Traction était une chose, et tout autre chose de
prétendre assumer la protection diplomatique de cette société.11rappella
à cet égardque
«le fondement de la protection diplomatique des sociétésest le
mêmeque celui de la protection des individus, et que le droit
international a sanctioiiné le principe selon lequel la protection
des sociétésappartient à 1'Etat de la nationalité duquel elles se
réclainent ».
Il essaya de faire comprendre au Gouvernement belge combien il était
anormal de faire apparaître les mêmesintérêtscomme étant certaines

'Voir m6moiro igOz, anncxe 26.5. voIV. p.1030.
Ibid.. annexe 266.vol. IVp. 1035. PLAIDOIRIE DE DI. AC0
189
fois canadiens, dans la Uarcelona Traction, et d'autres fois belges,
par le truchement de la Sidro. C'étaient là des efforts bien inutiles.
C'est en vain que le Gouvernement espagnol rappela que le Gouver-
nement belge n'aurait pu protéger la Barcelona Traction que si la
sociétéavait, à un moment donné, changé de nationalité et pris la
nationalité belge à la place de la iiationalité canadienne; c'est en vain,
également, que l'on s'efforça de faire comprendre au Gouvernement
belge que sa prétention de soumettre l'affaire de la Barcelona Traction
à la Cour internationale de Justice sur la base d'un traité hispano-
belge supposait non seulement qu'il prétendait substituer la Belgique
au Canada pour l'exercice du droit de protection diplomatique au
profit de la société,mais aussi de substituer le droit conventionnel
hispano-belge au droit hispano-canadien, ce qui bouleversait naturelle-
ment toutes les bases juridiques de la protection. Le dialogue avec le
Gouvernement belge était ainsi devenu manifestcrnent impossible. Dans
sa dernière note du 6 février 1098 l.dans laoueue il affecta mêmede
,- .
considérer comme tardive l'objectioii espagnÔle, ce gouvernement a
notifié, sans ~lus attendre, le préavis d'un rnois pour la présentation
à la Cour de &I reouêteunilatérile.
Ainsi, bfonsieur'le Président, Messieurs. prenait fin la longue phase
au cours de laauelle le Gouvernement espaanol s'était trouvédans cette
situation absuide: devoir faire facc à de& goiivernements qui inter-
venaient auprès de lui en mêmetemps et dans les mêmestermes, mais
indépendamment l'un de l'autre,à propos de la mêmeaffaire et pour
la protection du mêmesujet.

[Audience publique dzb23 mars 1961, matin]
II

hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, pendant l'audience de
vendredi dernier je m'étaisconsacré à décrire certains aspects de cette
longue phase de négociations diplomatiques au cours de laquelle le
Gouvernement espagnol s'était trouvé devant la situation quelque
peu extraordinaire de se voir l'objet d'une série de réclamations, qui
émanaientde deux Etats différents,quoiqu'ellesse:rapportaient au même
sujet, pour demander la mêmeréparation à propos des mêmesgriefs.
A la suite de l'introduction. par leGouvememi:nt belge, de sa requête
du 15 septembre 1958 et de la présentation de son mémoiredu 15 juin
1959,le Gouvernement espagnol eut l'honneur de soulever formellement,
dans ses écritures du 21 mai 1960, en plus des :autres objections, deux
exceptions préliminaires, dont l'une principale et l'autre subsidiaire,
se référant respectivement à la demaiide principale et i la demande
subsidiaire du Gouvernemcnt belge, et toocliant l'une comme l'autre au
défaut de qualité pour agir de ce gouvernement dans l'affaire de la
Barcelona Traction.
La demande principale, exposéeaux points 1, II et III des conclusions
belges Z, visait à obtenir le r6tablisseineiit intégral de la Barcelona
Traction dans ses biens, droits et intérêtstels qu'ils existaient avant

Voir m6moire 1962,annexe 267,vol. IV, p104.3.
Company, Limiled,p.ir)..I.J. Mernoires. Borcclono liaclioLight and Power=go BARCE1.OSA TRACT1OS

le 12 février 1948, ainsi que l'indemnisation de cette sociétépour les
autres préjudices qu'elleaurait subis; ou, alternativernerit, obtenir une
indemnisation intégrale des bieris, droits et intérêtsdont la Barcelona
Traction aurait étédépouillée, augrnentésde leurs iiitbréts à dater du
12 février1948.
Le Gouvernement espagnol constatait donc une fois de plus que le
sujet en faveur duquel le Gouvernenient belge avait \.oulu exercer la
protection diplomatique au moyen de ses notes et de ses interventions,
et eii faveur duquel il prétendait niaintenant exercer une protection
par voie de recours judiciaire, était la sociétécommerciale Barcelona
Traction, Light and Power Company Ltd., constituée à Toronto, au
Canada, le 12 septembre 1911, et domiciliéedans cette mêmeville.
Le Gouvernement espagnol notait également que le Gouvernement
belge avait, à maintes reprises, reconnu lui-mêmeqiic la Barcelona
Traction était une sociétéde nationalité canadienne; par ailleurs, il
n'avait mêmepas essayé d'établir l'existence - d'ailleurs objective-
ment impossible à prouver - d'un lien d'appartenance de la société
en question à 1'Etat belge.
Ces constatations faites, le Gouvernement espagnol reprenait, cette
fois sous la forme d'une exception préliminaire à la recevabilité de la
demande belge. l'argumentation de base déjà esquisséedans les notes
diplomatiques. Le Gouvernement canadien, en tant que gouvernement
national de ln Barcelona Traction, était seul en droit de protéger diplo-
matiquenient la sociétéet, cri fait, il avait largement exercé ce droit
par une série d'interventions aussi nombreuses que pressantes, entre
mars 1948 et mars 1955. Quant au Gouvernement belge, faute d'un
lien de nationalité entre la Barcelona Traction et lui-même, ilri'avait
manifestement aucun droit de poursuivre la réparation des préjudices
prétendument subis par cette société;et il ne pouvait songer à se créer
un titre valable à la protection d'une sociétécanadienne en invoquant
simplement le fait que, parmi les actionnaires de cette derniere, figurait
selon lui. une sociétéde nationalité belge.
Le Gouvernement espagnol concluaiï donc eu demandant à la Cour
de déclarer définitivement irrecevablela demande principale formulée
par le Gouvernement belge.
Je me borne à ce bref rappel, car je m'en voudrais d'abuser de la
patience de la Cour en répétantici les considérations de droit et de fait
que le Gouvernement espagnol avait exposées, à ce stade antérieur de
la ~rocédure. à I'a&.ui de son areumentation. On aura l'occasion de
reGenir par li suite sur certains pornts essentiels sur lesquels le Gouver-
nement espacnol est obligéd'insister aujourd'hui. avec la mêmefermeté
au'alors. ét Ce malerél& transformations. ~lus annarentes aue réelles
d'ailleurs, qu'asubi& entre-temps la deman'debelpi.
Quant à la demande subsidiaire, exposéeau point IV des conclusions
belges 1,elle ne différait de la demande principale alternative que sur
un point: le montant des indemnités réclamées yétait limité «à con-
currence de la part du capital de la Barcelona Traction possédéepar
des ressortissants belgesà la date du12 février1948 U. Celapour lecas où
«la Cour estimerait que, nonobstant la prépondérance des inté-
rêts desressortissants belges dans la Barcelona Traction, le Gou-
vernement belge n'est justifié à poursuivre la réparation du pré-

' Vair requète 1958,C.I.J. hldwoires,Bnrcelona Tradian, Light and Power
Company, Limited. p20. PLAIDOIRIE DE M. AG0
Ig =
judice subi par cette sociétéque dans la mesure où ses ressortissants
y sont intéressés a.

II était aiséau Gouvernement espagnol de répondre, abstraction faite
de toute autre considération, que le défaut dc qualitédu Gouvernement
belge en ce qui concerne la protection d'une sociétécanadienne n'&tait
pas corrigépar le fait que ce gouvernement se bornait, à titre subsidiaire,
«à poursuivre la réparation du préjudice subi p:ir cette société ...dans

la mesure où ses ressortissants y sont intéressés IDLe sujet dont on pré-
tendait exercer la protection restait quand mêmeet toujours la société
canadienne Rarcelona Traction.
Mais le Gouvernement espagnol a voulu aussi prévoir et prévenir
la manŒuvre à laquelle, par la suite, le Gouvernement belge devait
recourir dans une si large mesure en essayant di: présenter sa demande
comme visant la protection de sujets autres que la Barcelona Traction.
Les premières exceptions préliminaires espagnoles s'étaient donc atta-
chées à prouver que le Gouvernement belge n'aurait pas pu essayer
non plus de justifier sa demande en prétendant qu'elle visait à protéger
non pas la Barcelona Traction mais seulement les ressortissants belges

actionnaires de la société.Une analyse détailléeet objective des hypo-
thèses très limitées dans lesquelles le droit international admet la pro-
tection de sociétaires avait montré, sans doute possible, que le cas de
la Barcelona Traction était totalement étranger à toute hypothèse où
pourrait se justifier la protection diplomatique d'actionnaires ou d'obli-
gataires d'une sociétépar leur Etat national. Ayant relevé, au surplus,
I'impossibilité d'admettre qu'un seul et iiiêmefait, A supposer qu'il ait
étéréaliséau préjudice d'une société,puisse donner lieu en mêmetemps
à une double protection diplomatique, de la part d'un Etat pour la
sociétéet d'un autre pour les actionnaires, le Gouvernement espagnol

concluait en demandant à la Cour de déclarer définitivement irrecevable
la demande subsidiaire formulée par le Gouvemi:rnent belge.
12. Ayaiit ainsi définisa position, le Gouverneinent espagnol attendait
avec beaucoup d'intérêt la réponseque le Gouvernement belge donnerait
aux exceptions qu'il avait formnlées, et il était tout particulièrement
désireux de savoir comment le Gouverneme~it belge chercherait à
justifier, au moins devant la Cour, son jtcs standi dans l'affaire de la

Barcelona Traction.
On ne connaît que trop bien, cependant, les circonstances à la suite
desquelles le Gouvernement espagnol s'est trouvé en présence, non pas
d'une réponse à ses exceptions préliminaires, mais, plus tard, après
désistement.d'une nouvelle reauêtebelee introduitedans la mêmeaffair~~
ci iui\.ic t1'111uIiv<cauni;iii~;ii.c. L';ig<.irlii(;uii\<,rnt!nicnr i~>p.iqiiol
:i tl;]rappel2 I{II';.coiir.(ltl';,l~.~~~~~~~l~~~iotv.-ii~ter~~n~~~i~tr~lc~l~~..i..te-
iiieiit cI:irt'ii~rrwJii.:ti,r. I'.iii-iirc.IVGoiivt:ineiii~iit helzr: j'v>tlimirl'.
face à la patiente réitération par ?Espagne de l'objection relative a"
défaut de qualité de la Belgique dans l'affaire, à indiquer d'un ton outré

qu'il s'estimait qualifiéet qu'il n'appartenait qu'h lui de déterminer si les
conditions d'une réclamation internationale étaient remplies.
La nouvelle requête et le nouveau mémoire affectaient d'ignorer
le ~lus com~Mtement tout ce aui s'était ~assé;ru cours de la nremière
de la brocédure devant lj~our. Le Gouvernement espagn;>ldevait
toutefois noter, à propos de ces documents, deux faits directement liés
à l'exception qu'ilavait soulevée192 BARCELONA TRACTION

Le premier est que le Gouvernement belge, évidemment préoccupé
par les arguments développéspar le Gouvernement espagnol dans ses
exceptions préliminaires, avait profité de la situation créée
par la présentation d'une nouvelle requête pour changer la forme de
sa demande et, en particulier, pour supprimer la distinction établie
auparavant entre une demande principale et une demande subsidiaire.
Ce qui formait la substance de l'ancienne demande subsidiaire prenait
maintenant la place de l'ancienne demande alternative, laquelle dis-
paraissait. De plus on pouvait noter que, tout en se référantaux mêmes
mesures, actes, décisionset omissions,des organes de 1'Etat espagnol, la
nouvelle demande belge prenait maintenant grand soin de présenter,
comme victimes du nréiu.ic, causépar ces mesures. non DIUS.comme
:ivant 1;).o,:I~I1.&.irctIOII:'~~l~tilJ11II>I: ;ss:ictio~i~l:~~ivrr. rtI+.tnts
I,c:I<v.1~~~r~c~n~n~ eliiyiiquct, biciit.iiti.ii~pl'rit~~n~iii~or.iIr;.
1.c d.iix~~:iii~i~itci1 quv Ic mi,moirc, roiit en p.îr:iiciciiit ne \.uoloir
t~nir ionlpti ~IIC 'ics iittrcs rt d... nott-i ,lu (;oii~~~riir:riit~q1.~~1 1t1.1
tii p:ar:#i:s:~ntoiit,li.-r to:i f.titIn rsirption, forin~llciii~:iiriiiiilc\;i:s
paÏce mêmegouvernement en réponse à ia première requête,contenait
néanmoins une section consacrée à la question du jus slandi du Gou-
vernement belge.
Dans cette sectio~i,le Gouvernemeiit espagnol a trouvé, avant toute
autre chose, l'étonnante affirmation selon laqiielle le Gouvernement
belge n'aurait jamais eu l'intention d'exercer la protection diplomatique
en faveur de la société BarcelonaTraction, les bénéficiairesde sa pro-
tection ayant toujours été,dans son esfirit,les ressortissants belges inté-
ressés.L'interprétation erronéede ses intentions serait le fait du seul
Gouvernement espagnol, coupable d'avoir défonnéla demande belge
et de ne pas avoir compris que demander la restitutio il6 integrum
d'une sociétédans ses droits et intérêtsn'est pas du tout un moyen
d'obtenir réparation du préjudice causé la sociétéen tant que telle,
mais uniquement le moyen de faire réparer le préjudice résuitant, pour
les actionnaires de la société,ede l'atteinte portée à leurs droits et
intérêts». Le mémoirebelge de 1962n'hésitepas à affirmer, à la page 149,
1, que la société BarcelonaTraction n'aurait étéatteinte que prima /mie
par les mesures dénoncées,alors que dans EuréaliLe'Écoitomiqeutesociale
le dommage aurait étésubi par les actionnaires belges de la société.
Espérant par là s'être débarrassés,ur le plan des réalitéséconomiques,
de la présence devenue si gênante de cette sociétéet de celle, non
moins gênante maintenant de son Etat national, il fallait compléter
l'opérationsur le plan du droit.
C'est pourquoi la section en question consacrait plusieurs pages,
d'une part la protection diplomatique des sociétésen tant que telles,
et, d'autre part, à celle des action~iaires. Les deux développements
étaientmanifestement liéspar un dessein commun: accréditer l'idéeque,
dans tout ce domaine, une exigence se serait progressivement affirmée -
promue, pour la circonstance, au rang d'une sorte de principe général -
à savoir l'exigence du ipercement du voile iide la personnalité morale.
Ceci aurait pour conséquenceun double résultat ': d'une part refuser
lerrjus standi à 1'Etat national de la société à laquelle seuls les ressortis-
sants d'autres Etats seraient intéressés»; et, d'autre part, octroyer le
jus standi aux Etats comptant des ressortissants parmi les actionnaires,

' Voir mernoire 1962, p. 154, 1. PLAIDOIRIE DE M. AG0 '93

sin011pour la protection de la sociéti:comme telle,dii inoiils pour celle
des actionnüires eux-n~&iiie s.Ainsi se trouvaient jetées,sur leplan juri-
dique également, les prcmibres bases de l'opération viséc. qui devait
aboutir à écarter de la scènele Canada et à y faire entrer la Belgique.
Aprésquoi la voie était ouverte aux développements nécessaires. Une
adaptation opportune aux besoins de la cause des précédentsofferts
par la jurisprudence arbitrale et par la pratique des Etats, aussi bien
que des conclusions de la doctrine, amenait finalement le mémoire à
conclure que i'application à la présente affaire des doiinéesjuridiques
rappeléesdémontrait «pleinement le jus sln~iddu Gouvernement belge a.
13. Nous avons ainsi fait le point de Ia question au nionient où le
Gouvernement belge tentait pour la première fois de prouver son jus
slanrli,et à la veille de la phase plus récente, oh le dialogue entre les
Parties sur cette exception devait se faire plus serré. L'analyse de la
question des deux côtésdevait se développer,au point qu'il faut main-
tenant examiner séparément et successivement ses différents aspects.
Le premier de ces aspects concerne le sens et la portée véritablesde la
demande belge. II s'agit en effet de savoir avant tout si l'on doit ou non
admettre la nouvelle version, qui voudrait présenter comme l'objet de
la protection non plus la sociétécominerciali: canadienne Uarcelona
Traction et ses filiales. mais la sociétébelae Sidro et les. .elaues autres
rei>urtiistiitLclgr.;qu't-~iiit ctrc :iztidnn.iiril,In 13:irct.loii.'~l'r.iition
II est CVI~L.I I~~ts:i. con111iciiuiii le pcnsoni. .>ndoit rCpontlr;icette
question par la-négative, l'on ne saiiriit pas même envisager l'idéed'un
jus slandide la Belgique dans cette affaire. Ledroit de protégerune société
qui est canadienne et que l'on ne peut, cela est incontestable, présenter
comme ayant la nationalitébelge, ne peut certes pas revenir àla Belgique.
Quant au deuxième aspect, il ne peut donc êtrepris en considération
que si I'on tient pour admis - à titre, bien entendu, purement Iiypo-
thétique - que la demande belge a vraiment pour objet la protection
des prétendus actionnaires belges de la Barcelona Traction et non pas
de l;sociétéen tant que telle. La question qui se pose alors impliqiie
à son tour un examen sur deux ~lans différents.
En premier lieu, il s'agit de Gérifierà la luniière des principes géné-
raux du droit international concernant la condition des étrangers et la
protection diplomatique, s'il ne découlepas de ces principes @'en cas
de préjudice indiunent causépar un Etat à une sociétéétrangère,seul
1'Etat dont la société ala nationalité a qualité pour intervenir en tant
que titulaire d'un droit de protection diplomatique.
En deuxièmelieii, il s'agit encore, pour suivri: jusqu'au bout la Partie
demanderesse, d'établir si, comme elle l'affirme, il est exact ou si, au
contraire, il est faux, que la pratique internationale ait développéune
règle spécialeen vertu de laquelle, dans ce'taines hypothèses précises,
on devrait considérer comme légitime, à la suite d'un préjudiceindûment
des actionnaires ou autres sociétaires par leiir Etat national, sans tenir

ment belge allègue en effet que sa demande trouverait une justificatione-
dans cette prétendue règle.
Ce dernier examen suppose, d'autre part, que i'on répondeau préalable
également à certaines questions qui se posent tout particuliérement dans
cette espèce, telle, par exemple, celle de savoir si I'on devrait ou non
reconnaître à la Sidro la qualité d'actioniiaire de la Barcelona Traction.'94 BARCELOXA TRACTIOK

Ce sont donc ces différents points qu'il faut soumettre maintenant
à un nouvel examen, et ce dans leur succession logique. Après quoi l'on
sera encore forcé, avant de conclure, de preridre brièvement en considé-
ration certaines questions introduites tout à fait artificiellement dans la
discussion par la Partie demanderesse, qui cherchait, in extvemis, à
éviter le rejet de ses thèses ou, tout au moins, à gagner encore du temps.

Je me réf4reaux appels que le Gouvernement belge a adressésà la Cour
pour qu'elle veuille attribuer dans sa décision un rôle déterminant à
l'équité,ou pour qu'elle veuille joindre au fond l'exception préliminaire
relative au défaut de qualité du Gouvernement belge.
14. Un mot encore, enfin, avant de passer à l'examen des questions
que l'on vient d'énoncer. Un vieux principe de stratégie, valable tout
autant dans L'artde la guerre qne dans celui du barreau. indique que le
meilleur moyen de se défendre est d'attaquer. Peut-étre est-ce en hom-

mage à ce principe que, dans ses dernières observations, le Gouvernement
belge croit devoir se plaindre, à la page 103 (1) du ton qu'il qualifie de
«particulièrement acerbe »et de la igrande agressivité n des exceptions
préliminaires espagnoles; ceci pour nous accuser tout de suite aprPs
d'avoir suivi une sméthode dialectique n consistant aprincipalement à
déformer constamment et de manière flagrante la thèse belge », avec le
iirésultat d'embrouiller les débats judiciaires et detransformer en inex-
tricable nŒud gordien le problème, relativement simple, soumis à la
Cour inUn peu plusloin, àlapage IIO (1) lesmêmesobservations pensent
pouvoir qualifier le raisonnement suivi par le Gouvernement espagnol
dans ses exceptions préliminaires de:

<<mélanged'arguments empruntés presque entièrement à une ins-
tance disparue, fait de citations incomplètes ou détournéesde leur
véritable sens, de suppositions, de réfutations sans pertinence dans
la cause actuelle, d'insinuations sans fondement et aussi de re-
proches et d'accusations, qui ne peuvent que créer la confusion
mais sont inaptes à servir la recherche sereine et objective de la
véritéau prétoire lu.

Nous ne pensons pas qu'il faille réagir sur de telles déclarations qui
ne font que trahir l'embarras et les difficultés que ressent la Partie
requérante. La Cour saura juger objectivement de quel côté se situent
les efforts pour embrouiller les débats et créerla confusion. Pour ce qui

nous concerne. même s'il est de notre delzoir le ulus strict de nous
attacher avec ie plus grand soin i décelerleserreurs que nous remarquons
dans le raisonnement qui nous est op~osé.et à rétablir l'exactitude des
faitset des ~rinci~es aiand elle est C&n~;omise Dar l'autre Partie. nous
nous naturéllement, au cour; des débats, de garder 1; pIus
grande sérénitéet la plus complète objectivité. Et cela d'autant plus
que nous voyons, de l'autre côtéde la barre, des maîtres très respectés
et admirés, avec lesquels l'habitude du dialogue est trop ancienne pour
que nous puissions seulement envisager de nous en départir.

III

15. Monsieur le Président, Messieurs, considérant les allégations sur-
prenantes contenues dans le nouveau mémoirebelge à propos des inten-
tions qu'aurait toujours eues le Gouvernement belge touchant le but
de ses interventions et les «titulaires» de sa protection diplomatique. PLAIDOIRIE DE JI. AG0 '95

le Gouvernement espagnol crut devoir réagir fermement sur ce point
dans ses exceptions préliminaires.
En effet, il pouvait facilement déceler les raisons qui ont poussé le
Gouvernement belge, profitant de la nouvelle requète, à modifier ses
nnsitions initiales. II ~ouvait com~rendre <iu'aD. .avoir vil la critioue
scrr;c coiitciiiic d:iiiic; pn.iiii&r~icuiçptiuii, ~~r;lirninurcs cspa;iioiei,
le (;ouvcriienicnt Idg:: ;lit clic.rcli;:I s,<iivcrLC qui poiiv;iit ;Ire iniivc:,

-t~~.i'il ;iit doncej;:i\.dc jiit>,tir~i::II i>iribt;! t:ll~-11121dieti rïjjortis-
sants belges, qii'il veut actionnaires de la Barcelo:ia Traction, soit comme
victimes désignéesdo prétendu préjudice causépar les mesures, actes,
décisionset omissions imputés à I'Etat espagnol. soit comme objet de la
protection diplomatique et judiciajre exercée par lui. Mais, ce que le
Gouvernement espagnol ne pouvait pas cornprendre, c'est qu'on ait
pu avoir l'idéede soutenir que le Gouvernement belgs n'avait jamais eu
l'intention d'intervenir en faveur de la société Barcelona Traction en
tant que telle, en raison du préjudice subi par cette société.

Et pourtant, le Gouvernement espagnol était sùr de ne p:is avoir
rêvéen lisant, écrit en toutes lettres dans une note diplorn~tique du
Gouvernement belge, que ce dernier intervenait ueii faveur d'une société
de droit canadien »'. Il avait tout de même pu const;iter que le Gou-
vernement en question, s'il faisait souvent allusion à la «présence
d'intérêts belges considérables» dans la Barcelona Traction, ne le
faisait que pour indiquer la raison qui, à ses yeux, aurait clil justifier
son intervention au titre de la protection diplomatique en faveur de
la société et l'autoriser à poursuivre la réparation di1 préjudice subi
pur, lu société en demandant que la Bareelona Traction et ses filiales

a soient réintégréesdans I'entièretéde leurs droits nZ.C'est tout de méme
?+lui, Gouvernement espagnol, qii'avait étéadressée une proposition de
c~~nroinis où la vosition belre ét-it définie comme demandant. tout
d':ili'or<,iic soit re;onnue I:Irt,:l) >1ii3billtLii~~~sr~ia~ioileeI'Eipign?,.,
à caui~. <Ir.. .ctcj. rlCcijioiii. niciiirci er onii;ioni L0ntr:ii....:iiiilroit
I~~; YC1151, dont . 1.1l<:irccl~ii;i'I'r,~.ii<,~:iiiiCIIIC1,:; >.~zit,~e;o.i'cl1~~
contyôleo aiiraient iifait l'objet en Espagne»: et ensuite que «sÔit or-
donnk le rétablissement de ces sociétésdans la totalité de lcurs biens,
droits et intérêts,,3. Et le Gouvernement esp1:nol n'était pas seiil à

avoir reçu de pareilles déclarations. La Cour elle-rnêrneavait reçu, le
15 septembre 1958, une requête dans laquelle les actes incrimirlés,
imputés à I'Etat espagnol, étaient décrits comine ayant étk perpétrés
au préjzcdicedeIn BarcelonaTraction. La resporisabilitéde 1'Etat espagnol
était mise en cause du fait d'un traitement contraire au droit des gens
infligéù h BarcelonaTraction. La réparation demandée était le rétablis-
sement de la LiarcelonaTrnclion dans ses biens, droits et intérêts 011
bien l'indemnisation des biens, droits et intérèts dont la Burcelon:~
Traction avait étédéponillée. Mêmedans la demande siib;idiaire, on
poursuivait une réparation quelque pzu réduite di1 préjz~iicesz65iprir

la société.
IO. Il était à prévoir que, gênépar les critiques circonstanciées for-
mulées à ce sujet dans les exceptions préliminaires, et tout en ayant
l'air de s'en plaindre, le Gouvernement belge jugerait opportun de

1 Fote belge du 6 fevrier 1958; voir mémoire 1962,annexe 267, vol. IV. p.1043.
2 Note belge du 22 jiiillet ,949; voir mémoir1962,annexe 252, vol. IV. p. 9Sr.
' Note belgedu 8 juillet 1957; voimémoire 1962, annexe 265. vol. IV,p. 1030.19~ BARCELOXA TRACTION
rectifier sa position. C'est cequ'il a fait dans ses dernières observations
et conclusions, où ila reconnu ouvertement, à la page 104 (1).avoirprofité
du désistement pour formuler des conclusions divergentes par rapport
à celles de sa requête antérieure.Ce faisant, il n'aurait d'ailleurs fait,
selon lui, qu'exercer un droit: un droit qui serait couramment admis et
exercé et qui ne serait que ala conséquence logique d'un désistement
qui ne touche pas au fond de l'action iiCe n'est pas le moment de faire
des commentaires sur les aspects d'une telle affirmation, qui touchent
aux questions qu'a examinéesici le professeur Waldock. On peut donc

se limiter à orendre acte avec intérêt del'aveu qu'elle contient et de le
sigi1.tlt:iI'ait<iitisii d~ la Cour qui nppr;cir.m la i>git~niiJc:l,i t.unduitc
J: I:, l'aitit: dviii.in~l~rr.j,c.sur It,pl~n1.1~iru..Ciiiir<:.
Quant aux aspects qui nous intéressent ici, notons donc que l'erreur
qu'on nous reproche maintenant est différente de celle qu'on nous
imputait dans le mémoire.Eile ne consisterait plus dans iune véritable
déformationi, de la demande belge. Notre erreur serait plutdt de con-
tinuer à discuter et à réfuter une thèse a périmée », avancée ((dans une
procédureterminéequine peut plus sortiraucuneffet juridique »(p.103 ,I).
Nous nous obstinerions à ne pas saisir ler(sens véritable des conclusions
belges iiparce que notre raisonnement confondrait une instance radiée
et une instance pendante, alors qu'il n'y a actuellement pendante devant
la Cour que la deuxième instance. Nous semblerions, nous dit-on à la
page 105, ne voir dans la présentecause «qu'un camouflage de la précé-
dente iiau lieu d'une res nova; pour nous, la nouvelle demande helge
tendrait, comme la précédente, à la protection effective de la société
canadienne elle-mêmepar la Belgique et non pas, comme on le veut
maintenant, à la protection des actionnaires belges de cette société.
On nous rappelle, toujours à la mêmepage, que, dans la première
des conclusions actuelles du Gouvernement belge, on demande à la
Cour de dire et juger que 1'Etat espagnol est tenu à l'égarddela Belgique
de réparer le préjudice causé «à des ressortissants belges, personnes
physiques et morales, actionnairesde la BarcelonaTraction ii.On ajoute
que, mêmedans les deux autres conclusions, il n'est pas question de
la protection de la sociétécanadienne Barcelona Traction en tant que
telle par le Gouvernement belge. Nous semblerions ne pas vouloir com-

prendre que maintenant le Gouvernement belge n'intervient pu, ou
plutôt n'intervient plusen faveur de la Barcelona Traction, sinon (p. 106).
n en faveur desairitables lésés qui sont de nationalitébelge inLe véritable
lésé serait surtoiit la Sidro et le Gouvernement helge protégerait la Sidro.
En particulier, l'annulation du jugement de faillite ne serait pas deman-
dée pour remettre la Barcelona Traction dans sa situation originale,
mais Dour rétablir in bristinum les droits et intérêts dela Sidro: et la
r:r:to lu rudc il r 1 1;rI: r:ion ; zonciirrciire
de ln part di1 r:il~it:ilrle la sociitb can.îdieniic ~n~i.i<:Je>:Ircles rtessor-
tisç.int5 hc"zcs.Iii'xiirait rie:i \.ai:iv~~iinr nrottection clcla Iiarc~luii;~
Traction. Une foisde plus, nous nous baserions sur les conclusions de
la requêtebelge du 15 septembre 1958 et non pas sur celles de la pré-
sente instance qui ne ferait «la moindre allusion » à une telle protection
(P. 107).

17. En vérité. l'insistance aveclaaii.~~e la-~a~--~ demanderesse veut
maintenant makner que la nouvelle instance présentéepar el!e serait
distincte de la précédente,au point que touteréférence d celle-czdevrait PLAIDOIRIE DE M. AG0 I97

ltre tout bonnementexclue et considéréc eomme illégitime,ne manque pas,
à son tour, d'êtreassez surprenante.
La Partie demanderesse dit, à la page 104 des observations (1). qu'il
y a une ucloison étanche » entre la requêtebelge du 15 septembre 1958
et celle du 14juin 1962.Toutefois, elle a tout de mêmesoutenu que, par
sa «nouvellerequête n du 14 juin rgGz,elle n'a fait que réintroduire la
iii<nic~ii.~irt:IIIÏ~~~II~C,: ~rcmiCÏcfuis 11.u >:IrcyuCtr di1 15 st:pt,:ni-
bre 1951. Le tititr..li.ni;nic;lesfiilti uillcigutiijIrliii;rii~:s,i~rcjydn-
j:iI)ili~~~tçrii~ti~ii~ld~. I'l<ip:~pltt:qui l'un v<iiidra.t ioiider succ,
faits est la même.
L'idéeque l'instance précédente,avec ses conclusioiis et ses alléga-
tions, devrait être entièrement oubliée,parce qii'il s'agirait d'un procès
périmé,est peut-êtred'une grande utilité dans l'optique des buts pour-
suivis par le Gouvernement belge. Toutefois, cette idéene saurait se
justifier d'aucune manière. Le Gouvernement espagnol a pleinement le
droit de constater les analogies ou lescontradictions entre les deux ins-
tances et de repérer le fil conducteur qui les relie, pour autant que
cela puisse servirà mettre en lumiere les aspects réelsdu présentprocès.
Il y a là un droit qui est certainement plus sûr et plus incontestable que
celui de changer les conclusions présentéesdans la requêteoriginale en
introduisant une nouvelle requête, droit dont le Gouvernement belge
prCtend se prévaloir à la faveur du désistement.
Le Gouvernement belge semble oublier, d'autre part, qu'il ne s'agit
pas ici d'une procédureinterne où une partie intéresséepeut introduire
une instance contre une autre sur la base d'une règle édictéepar le
législateur et sans qu'il y ait eu, au préalable, des tentatives de solution
par la voie de négociations. Xous nous trouvons engagésdans une pro-
cédureinternationale dont la base est, ou mieus devrait être, la volonté
commune des parties, et où, soit en vertu d'une règle coiitumière du
droit international, soit en vertu d'une clause spéciale de ce traité
hispano-belge du 19 juillet 1927 - que la Belgique invoque à tort en
l'espèce - il est nécessaire que l'on ait eu préalablement recours, pour
résoudre la prétendue question litigieuse, des négociations diploma-
tiques.
Or, dans la correspondance diplomatique échangéeentre les Gouver-
nements belge et espagnol de 1948 à 1958, l'intention d'intervenir au
titre de la protection diplomatique en faveur de la Barcelona Traction,
de se plaindre du préjudice causé à cette sociétéet de poursuivre la
réparation de ce préjudice, n'a certes pas été niée,ni dissimuléeaussi
soigneusement que le Gouvernement belge le voudrait aujourd'hui.
Cette intention constituait, au contraire, le leitniotiv de toutes les inter-
ventions belges et elle était énoncéesans possibilité d'équivoquedans
le projet de compromis finalement rédigépar le Gouvernement belge
lui-mêmeen vue de la saisine de la Cour. Les intérêtsbelges, les préten-
dus investissements de l'épargnebelge dans la Barcelona Traction n'é-
taient présentés - pardonnez-moi de le répéler-une fois de plus - que
comme une excuse, une justification pour pouvoir intervenir en faveur
de la sociétéet exiger la réparation du prétendu préjudice subi par elle.
Nous avons eu l'occasion de voir, d'ailleurs, le parallélismeabsolu
qui a caractérisé, à plusieurs reprises, les interventions du Gouverne-
ment canadien et celles du Gouvernement belge, la coïncidence qu'on
y remarquait dans les accusations, dans l'argumentation, dans les
demandes. Les notes émanant de ces deux gouvernements étaientIgS BARCELOSA TRACTlOS
souvent semblables au point de faire supposer qu'elles s'étaientiiispirées
d'un modèle unique. Le Gouvernement canadien, on n'en doutera pas,
prenait fait et c:~iisepour la Earcelona Traction et poursuivait larépa-
ration du préjudicequi, àson avis, avait étécausé à cette société.
Rien lie permettait donc de penser qu'en iiitervenant les mêmes
jours, en employant les mémestermes, en alléguant les mêmesfaits
positifs ou nég:itifs,en formulant les inémesgriefs et en demandant
les mêmes mesuresdans les mêmesbuts, le Gouvernement belge ait eu,
en réalité,l'intentioii de prendre fait et cause pour un sujet différent
et de poursuivre la réparation d'un préjudice diffërent.
On se trouve, par conséquent,devant une alternative.
&
- Ou bien la correspondance officielle,qui a eu lieu entre le Gouver-
nement espagnol et le Gouvernement belge de 1948 à r9j8, doit être
considéréeexclusivement en relation avec la première instance devant
la Cour, celle qiii apparaît, mêmede l'extérieur, comme la continuation
logique de cette correspondance sur le plan judiciaire. Dans ce cas, il
est évident que dans l'optique de la deiixième instance, le Gouverne-
ment belge n'a pas rempli la condition de l'épuisement préalable des
négociationsdiplomatiques. En effet, les deux notes de 1951 ne fontque
se référerà «la correspondance diplomatique que le Gouvernement belge
a échangéeantCrieiirement avec le Gouvernement espagnol au sujet de
cette affaire»';et l'on ne saurait y trouver la moindre ébauche d'une
négociation préalable en vue d'une instance différente.
-Ou alors, seconde hypothèse, toute cette correspondance doit
êtreconsidérée commeconstituant le préalable idcessaire sur le plan
diplomatique, aussi bien pour la deuxième que pour la première instance.
Dans ce cas, il faut admettre qu'il existe un lien évident entre les deux
instances et que nous avons pleinement le droit de remonter de la plus
récente à la vrécédenteet au-delà mêmede celle-ci. à tout ce aui l'a
précédée, nous rendre compte de la vraie naturé de lfaffaire.'~ous
avons mêmele droit incontestable de coiisidérer l'énoncé des conclusions
de la première instance comme plus correct que celui des conclusions
de la deuxième, si elle correspond mieux à l'essence de l'affaire, telle
qu'elle est apparue dèsle début.

18. A ce stade de notre exposé, nous voudrions toutefois rassurer
la Partie demanderesse. Ce n'est certes pas seulement à cause de ce
qu'elle a pu demander ou alléguerau cours de la correspondance diplo-
matique ou dans l'instance antérieure au désistement et à la réintro-
duction - instance aujourd'hui nradiée», «périmée B. pour emprunter
les mêmesadjectifs - que nous considérons comme inadmissible la
tentative actuelle de superposer, dans la présente affaire, au visa~e de
la Barcelona Traction celui de la Sidro. Et ce n'est pas sur des raisons
d'ordre formel oue nous nous basons lorsaue nous maintenons aue.
tout en parlant 'de protection diplomatique'et judiciaire des cact:on:
naires belgesn de la Rarcelona Traction, ce que fait en réalitéle Gouver-
nement belge c'est essaver de prendre faitet cause pour la sociétéen tant
que telle et, partant, de se si~bstitueau Gouvernement canadien dans
une tâche qui-ne revient qu'à lui.

' Note belge du 9 octobr1961:voir exceptions preliminnires ,963.annexe 66.
doc.7 etg. p.582. Peu de remarques semblent contrarier la partie requérante autant
uue celle-ci. Sur ce uoint. ses dénégations se font emuhatiaues et les
técriminations, à notre égard, viulktes. Ces déve~o~perneiîtsembar-
rassent l'autre côtéde la barre à un point tel qu'il s'évertue à faire à
cet éeard les déclarations les ulus étbees. Po& nous assurer aue le
seul objet de la protection du ~ouverne~ent belse et de tous ses Soucis
est la Sidro et d'autres personnes de nationalité belge,on nous dit que ce
sontlàles véritablesvictimes des aeissements du Gouvernement esvaenol: .
que la Barcelona Tractionn'a étéatteinte que prirna faciepar les mesures
prises, lesquelles étaient dirigées en réalité contre les ressortiss;uits
belges oau travers de la sociétécanadieime i)(Monsieur le Président,
Messieurs, je n'invente pas, je cite la%ge181 des observations, 1); que
la Sidro et les autres actionnaires belgesont subiin préjudice<<immédiat
et directidans leurs droits et intérêtspropres; que les mesures incrimi-
nées étaient intemationalement illicites et que, partant, l'Espagne
a encouru une responsabilité internationale envers La Belfigue.*..e
ce que le Gouvernement belge réclameest une réparation e cet acte
illicite, des préjudices indûment subis par ses propres ressortissants et
non pas de ceux causés à la Barcelona Traction.

19. Ces assertions sont saisissantes. Encore faudrait-il qu'elles puis-
sent résister une critique objective.
Les actes, omissions, décisionsde 1'Etat espagnol que l'on voudrait
incriminer comprennent, si notre mémoireest bonne, des mesures telles
que le refus opposé aux sociétéscanad'iemes affiliées à laBarcelona
Traction d'autoriser le transfert des devises destinées au service des
obligations en livres de la sociéténière; ou bien la décisiondu tribunal
de Reus dCclarant la faillite de la Barcelona Traction et la procédure
quis'cnestsuivie; ou encore lesdispositions prisesàl'égarddes avoirs des
sociétésaffiliées à la suite de la faillite de la Barcelona Traction. On
fait entrer dans la mêmecatégorie le refus du Gouvernement espagnol
d'intervenir pour annuler les décisionsde ses tribunaux ou pour en
arrêterles conséquences.
On voit difficilement comment on pourrait soutenir que rune quel-
conque de ces mesures aurait affectéprima facie seulement la Barcelona
Traction et les autres sociétéscanadiennes. et surtout qu'elle aurait
étédirigée en réalité contre des ressortissants belges, aciionnaires de
la Barcelona Traction, dont les auteurs de ces mesures ignoraient vrai-
semblablement jusqu'à l'existence.
Il paraît plus difficileencore de voir en quoi ces mesures auraient pu
frappcr c directement u lesidroits nde la Sidro et des prétendus action-
naires belges(p. 181,I). Ce n'est paà la Sidro que lesautoritésespagnoles
ont refuséun transfert de devises, mais Ala société canadienneEbro
affiliéeà la Barcelona Traction, dont les actions appartenaient à cette
dernière. Ce n'est paç la Sidro qui a étédéclarée enfaillite; ce n'espas
à ses biens que l'on a étendu les conçéquences<lela faillite, mais une
fois de plus à ceux de certaines sociétéscanadieiines dont l'actionnaire
était la Barcelona Traction. II apparait donc qu'aucune-des mesures
iiidiqiiéesn'a porté atteinte à un seul droit d'un ressortissant belge.
belges,t vrai que l'on trouve, en un autre endroit des observations
à la page 191, la mention de trois adroits fondamentairxa dont
immédiatement et directement par les mesures imputables A 1'Etatvés200 BARCELOSA TRACTIOS

espagnol. Or, pour ce qui est de ces trois préteildusdroits, il n'apparait
en aucune maniere que les actionnaires belges aient étéprivésde deux
d'entre eux, à savoir le droit de participer aux profits éventuels de la
gestion sociale et le droit de participer à une répartition du reliquat
éventuelde l'actif social au moment de la dissolution de las .ociété.Ces
droits,à supposer que I'on puisse les qualifier ainsi au sens propre du
mot, ne coniportent certes pas la possibilité d'exigerqu'il y ait des pro-
fitspendait la vie de la société,ou qu'il reste un actif au moment de sa
dissolution. On n'a jamais entendu dire que l'actionnaire ait le droit, en
toute circonstance, de toucher un dividende. Tout ce que l'actionnaire
peut demander c'est que, s'il y a des profits et si I'on a décidéde les
distribuer, il en reçoivesa part. Au surplus il s'agit ici de droits de l'ac-
tionnaire envers la société: on ne voit pas en quoi les agissements de
1'Etat espagnol auraient pu leur porter atteinte #immédiatement et
directement ».
Pour ce qui est du troisieme droit, celui de choisir les administra-

teurs de la société,l'affirmation contenue dans les observations est encore
plus surorenante. Si elle veut se référeraux administrateursdes sociétés
âffùiées,'la partie demanderesse oublie évidemment que l'actionnaire
de ces sociétésétait la Barcelona Traction et non pas la Sidro. Si elle
veut se référer à la sociétémère, elle oublie que les mesures prises en
Espagne n'ont touclié en aucune maniére aux administrateurs de la
Barcelona Traction, qui se trouvaient au Canada et sous la juridiction
exclusive de ce pays. On ne prétendra pas faire passer comme {ne mesure
du Gouvernement espag-ol~la nomination d'un receiuerpar les autorités
canadiennes.

20. D'ailleurs, les demandes q"e le Gouvernement belge persiste à
avancer dans ses conclusions, confirment de la manière la plus évidente,
et ce malgré les assertions actuelles de la Partie demanderesse, que
les droits dont elle poursuit la restitution ou la réparation sont les droits
de la sociétéet non pas ceux des actionnaires. Ce que le Gouvernement
belge demande n'est certes pas une indemnisation pour les prétendus
préjudices subis par des ressortissants belges dans leurs .droits» ou
iintérêts » d'actionnaires. C'est tout simplement l'élimination ou la
réparation du préjudicequ'aurait subi la société.
Le Gouvernement belge paraît contrarié quand nous lui adressons
cette remarque et quand nous lui demandons cn quoi uourrait consister
la demande'du goivernement qui agirait pour protéger la société,du
moment que le gouvernement qui déclare agir pour la protection de
certains actionnaires croit pouvoir prétendreiui,dans se; conclusions,
à «la restitulio in integrum de l'entrepriseo et demander que 1'Etat
espagnol assure «par voie administrative, l'annulation du jugement de
faillite de la Rarcelona Traction, ainsi que celle iides actes judiciaires
et autres qui en ont découléu.Pourtant, la question ne saurait être
plus pertinente. Et que croit-on avoir changé en ajoutant, dans la
nouvelle instance, au sujet de la demande qui figurait déjàdans l'ains-
tance périmée n, le membre de phrase suivant: en assurant auxdits
ressortissants belges léséstous les effets juridiques devant résulter
Doureux de cette annulation »?
Les cieffets juridiquesB d'une annulation du jugement de faillite,
auxquels se réfèrela deuxième des conclusions actuelles du Gouverne-
ment belge, concerneraient la société déclarée en faillite; ils compor- PLAIDOIRIE DE M. AG0 201

teraient la restitution in pvistinum des droits de la Barcelona Traction
et le rétablissement de sa situation juridique antérieure. Par contre, on
voit mal quels pourraient êtreles-iieffeti juridiques u de l'annulation
de la faillite de la sociétéen ce qui concerne le rktablissement des droits
de la Sidro, étant donné que la déclaration de faillite de la Barcelona
Traction en Es~a.ne-n'a entraînéni l'extinction des droitsde ses action-
ii;urcsiiiI:iniudin~..tioii <leccs rlroits.
I;)ii:iiitil]<I~~i~.aiii~llc'ind~.iii~ii~l.rkeii~,:.~d,iisIritroiiie!inc d,.i
ci,i~clu;ioiist~z"c~i<iirut~II~~t,~uchanr $3',- <IIc~riiialJr, Li U;irccl~n:i
Traction », c'est là aussi, comme nous l'avons toGours remarqué, une
demande iiicontestablement formulée au titre de la protection de la
sociétéet non pas de ses actionnaires. La Partie requérante semble
ne pas avoir appréciénotre constatation que cette demande n'était
que la répétitiondu point 111de la précédenterequêtebelge avec seule-
ment une réduction de 12%. Mais elle n'a rien su répondre quand nous
avons demandé si ce «rabais» devait avoir l'effet magique de trans-
former inopinémentla requêtebelge en une requêterecevable.
Le Gouvernement belge n'a pas l'air de se rendre compte qu'en
avançant une prétention de ce genre il ne demande pas l'indemnisation
d'une prétendue privation de leurs «droitsi> d'actionnaires, subie par
des ressortissants belges. Il ne demande pas non plus une compensation
pour d'éventuelles répercussions indirectes aui se seraient produites
daiij Iç cndrc (Ica ii.tr'rCrsi.coiiomic~ut:;les aiti~iiiii.cir(;;bclscs .iyrL:s
1 I I II fllt ! 1.1ociktr' cn EqJdgne; iliirrii2n<lctout simylcincilt
IIU'OII,iccur<Ic! I'Etiit ii~itioiiI~IVc,crtai~~;cti~~nndirc;I'ii~~l~~nirii~:iii~~n
Correspondant au dommage subi par la socikté elle-même,tout en
acceptant un escompte de 12%.
En fait, elle va encore beaucoup plus loin: elle demande que lui soit
attribué, pour le distribuer aux actionnaires belges, le patrimoine de
la société,car la somme de 88600 ooodollars qui est indiquéereprésente
l'estimation donnée Dar la Belaiau..d. la valeiir de l'entreprise. Nous
,uiiiiiit>s ~IOIIVII P;~i~i~ir, non sculr.riiciit d'un tt?nt:iti\.~:iii:iiiifrstc
ii'iii~irp~tioitI.b(Iroitj ~1çI'Ict.~tn:~tiuii<Ic12 SOCL~~ mC.,ij :ilii,i d'une
tentathe visant à priver, ce faisant, les obligataires et les autres créan-
ciers de la sociétéde leurs droits et de la garantie y relative, qui est
représentée justement par le capital social. Ce capital, à la différence
de ce qu'affirme la Partie demanderesse, n'est pas npossédé 11$vo $arte
par les différentsactionnaires; il est la propriét6 exclusive de la société
et, à ce titre, constitue à l'égard destiers la garantie de la dette sociale
et la raison d'êtremêmede la limitation de la responsabilitédes action-
naires. La chose apparaît dans toute sa gravité si l'on considéreque,
dans la Barcelona Traction, le capital a fréquemment étéinférieur à
la dette globale envers les obligataires!
Il y a d'ailleurs un petit détail savoureux à ajouter. Non contente
de prétendre qu'on lui attribue 88% du patrimoine de la société,la
Partie demanderesse voudrait en mêmetemps mettre à la charge de
1'Etat espagnol la dette que la sociétéaurait contractée envers des
oblieataires et des créanciers de nationalité belge. Elle demande. Dar . .
con:kquent, l'attribution supplémentaire de l8éqÜivalenten capital et
intérêtsdu montant des obligation. de la Barcelona Traction détenu
par des ressortissants belges.
Il ne vient jamais à l'esprit dela Partie demanderesse qu'Ala créance
de l'obligataire correspond une dette équivalente a imputer sur le202 BARCELOSA TRACTIOS

patrimoine social. Xon seulement la Belgique voudrait se faire attribuer
le capital d'une sociétéétrangère,mais en plus elle voudrait le recevoir
libéréde son passif et ce à titre gracieux!

21.Il y a lieu finalement de considérerencore, toujours dans le cadre
de la question actuellement examinée, tout d'abord le caractère inter-
nationalement illicite qu'on voudrait attribuer au comportement de
1'Etat espagnol dans le cas de la Barcelona Traction, ensuite les condi-
tions dans lesqiie\les ce caractkre illicite pourrait Etre attribué; enfin
lesDans le comportement des différents organes de 1'Etat espagnol, le
Gouvernement belge et le Gouvernement canadien ont cru pouvoir
repérer les élémentsconstitutifs d'un dénide justice. C'est sur la base
de ce prétendu fait illicite international que la Belgique voudrait affirmer
ce qu'elle appelle iile droit propre ...à intervenirii dans l'affaire. Le
raisonnement énoncé à la page III des observations (1) et qui mérite
d'étre reproduit dans ses termes exacts, est le suivant:

.L'acte internationalement illicite a étécommis en Espagne et
1'Etat espagnol en est tenu pour responsable ... la Belgique est lésée
par l'atteinte portée aux droits de ses ressortissants contrairement
au droit des gens. Elle peut, dès lors, agir contre l'Espagne qui est
respoiisable du dommage ... Le Gouvernernent belge reste donc
dans la ligiie la plus classique du droit intern:ttionnl en accordant
sa protection ...à des ressortissants belges ayant des intérêtsim-
portants dans la Barcelona Traction. ii
Dans notre affaire, comme ilest dit à la page114, 1,ily aurait donc une
demande belge .dont les conclusions ont une seule et mêmecause
juridique, qui est le dénide justice commis en Espagiie, et poursuivant
un seul objet, la réparation de ses effets désastreux pour des nationaux
belges ».
Il est quelque peu surprenant que, pour rester dans la ligne la plus
classique du droit international, la Partie demanderesse ait prétendu
se servir d'une conception tellement inadmissible du dénide justice et,
en général,du fait illicite international. Le déni de justice est une
forme caractériséede fait illicite international commis à l'égard d'un
Etat déterminé,de 1'Etat national de la persoiine à laquelle justice a
étédéniée,et non pas de la généralité desEtats. 11consiste dans la
violation, par l'Etat coupable, de l'obligation rpi'il a envers un autre
Etat d'assurer un certain traitement dans le domaine de l'administra-
tion de la justice aux personnes physiques ou morales qui ont la natio-
nalité de cet autre Etat. On ne peut certes pas transformer iin dénide
justice en une sorte de crime relevant de l'action publique, que tout
Etat pouriait faire valoir. Si la personne à laquelle on a déniéjustice
est de nationalité canadienne, c'est le droit du Canada qui a étéléséet
c'est le Canada, et lui seul, qui peut faire valoir cette infraction de son
propre droit.
On voit donc combien le raisonnement belge est viciélorsqu'il dit:
l'acte internationalement illicite a étécommis en Espagne ... L'Etat
espagnol est responsable ... La Belgique peut donc agir contre l'Espagne.
Avant d'en arriver à une telle conclusion, il fallait d'abord se demander
à l'égardde qui avait étécommis l'acte illicite international, à l'égard
de quel Etat l'Espagne aurait étéresponsable. Et il n'aurait étélégitime PL.4IDOlRIE DE 11.AGCI zo3

de conclure que la Belgique pouvait agir contre l'Espagne que si I'on
avait pu répondre que le dénide justice avait étécommis à l'égardde
ressortissants belges et que l'Espagne avait encouru une responsabilité
internationale envers la Belgique.
Les mesures, actes, décisions, omissionsd'organes de 1'Etat espagnol
dont on parle constamment dans cette espècesont des agissements qui
ont toujours en pour objet la sociétéBarcelona Traction ou, tout au
pliis, ses filiales tout aussi caiiadiennes que la sociétéBarcelnna Trac-
tion elle-méme.Au cas où ces agissements auraient pris vraiment l'as-
pect d'un dénide justice. il n'y a pas de doiite que c'est Ala Barcelona
Traction au. iu,tice aurait été déniée. AlQniesi I'on admet aue les actes
accomplis à l'encontre d'une sociétécanadienne aient pu avoir, sur les
iiitérêtsdes ressortissants belges. en l'espècesur ceux de la Sidro. des
répercussionsnégatives indireGtcs, il est iontefois certain- et je m'es-
cuse de le répéter unefois de plus - que ce n'est pas à la Sidro qu'a
ét&refuséun transfert de devises; que ce n'est pas la Sidro qui a été
déclaréeen faillite par un tribunal espagnol; que ce ne sont pas ses
avoirs qui ont étésaisis et vendus eii exécution de la faillite; que ce
n',.si :Isoli ig;ird, donc, i~ii'onniirnir pu ioriimctrr111dGniII+r~istice
dii 1311<ILt'<-llr:i~~i:i~irI.s':tire illicite iiitcrnati011:c:iiioiiilaiir:iit
rr'ell~inciiti.xi;tl, ~ur:iit ,515comrnis par 1'l-:-~xiyr 1'6.nr(ldii Caii;i(I;i
et non pas de la Belgique.
Le Gouvernement belge prétend agir en vertu de son droit dedéfendre
cvsesressortissants léséspar un acte contraire ;LUdroit international 11'.
Il oublie qu'il n'aurait le droit d'intervenir que si ses ressortissants
avaient étéléséspar un acte commis en violation d'une obligation intcr-
n;itioiiale de l'Espagne envers la Belgique et niln pas envers le Canada.
II oiihlie aussi que les pertes éventuellement subies par certains de ses
ressortissants, en raison du traitement infligé à une sociétéétrangère
à laquelle ils étaient intéressésne peuvent, en elles-mêmes,donner lieu
à aucun grief tant qu'il n'est pas établi que le traitement qu'a subi
la sociétéétait contraire aux obligations internationales coutumières
ou conventionnelles de 1'Etat auteur de ce traitement envers 1'Etat
national de la société.Et seul I'Etat national de la sociétépeut demander
qu'on établisse l'existence d'me telle violation des obligations inter-
nationales à son égard et qu'on en tire les conséquences éventuelles,
mémeen ce qui couceme les dommages indirectssubis par des étrangers
intéreisésdans la société.Ce que la Belgique demande, c'est en réalité
qu'on établissesi, oui ou non, l'Espagne a comrnis un délitinternational
à l'égard du Canada. Au surplus, la réparation qn'elle demande est iine
réparation qui, si elle était due, devrait aller au Canada en raison de la
violation de son droit et non pas à la Belgique dont, en l'espèce, Ics
droits propres sur le plan international n'ont subi aucune lésion.
22. Il paraît donc maintenant bien établi et prouvé que le Gouver-
nement belge, si conscient de l'irrecevabiliti: de sa demande du fait de
son défaut de qualité qu'il a tenté, in extremis, ainsi qu'on l'a vu. d'en
changer certains aspects extérieurs, ne peut espérer modifier, par ce
petit artifice, les donnéesessentielles de la situation.
Quel que soit l'angle que I'on adopte polir regarder cette situation,
il n'en reste pas moins certain que les faits :illéguéspar la Belgique
dans le présent procès pourraient, le cas échéant,êtrealléguéspar un

' Voir observations, priI. 1.204 BARCELOSA TRACTIOX
autre Etat, mais pas par la Belgique, pour y déceler une violation
éventuellede ses propres droits, pour y fonder une responsabilité inter-
nationale de l'Espagne à son égard, et pour en poursuivre les consé-
quences.
Une sociétécanadienne a étésoumise en Espagne àun traitement
donné; on a pris, à sori égard, certaines mesures. Si ce traitement, si
ces mesures devaient avoir quelque aspect critiquable sur le plan du
droit international, ce serait dans la mesure où on y retrouverait les
élémentsd'une violation d'une obligation internationale assumée par
l'Espagne à l'égarddu Canada; car, on ne l'a que trop rappelé, l'Espagne
n'a aucune obligatioii internationale envers d'antres pays à propos du
traitement à accorder à des personnes physiques oii morales canadiennes.
C'est donc le Canada et Iiii seul qui peut, s'il le croit opportun, de-
mander à vérifier sison propre droit subjectif dans l'ordre internatio-
nal a étérespectéet, dans le cas contraire, exiger une réparation. Aucun
autre Etat n'a le droit de prendre la place du Canada et de demander
quelque chose qu'il n'appartient qu'au Canada de deinander. Et il est
évident que l'on ne change rien à l'essence des choses en essayant de
mettre de plus en plus en évidencedes ressortissants belges pour les-
quels le traitement faità la sociétécanadienne peut avoir eu, indirecte-
ment, des répercussions écoiiomiquesnégatives, mais qui n'ont certes
pas fait l'objet ni des mesures qu'on imputeà1'Etat espagnol ni d'aucun
autre agissement qui puisse êtrequalifiéde dénide justice ou, sous une
autre forme, de violation par l'Espagne d'une obligatioii internationale
envers la Belgique.
Tout cela, d'ailleurs, ne saurait tromper personne, car ce que l'on
continue à exiger, tout en parlant de réparation du préjudice causé à
des ressortissants belges. c'est bien la réparation du préjudice préten-
dument causé à la société,et l'attributioà la Belgique de l'indemnité
qui, le cas échéant,devrait revenir au Canada.
Nous pouvons donc conclure. sur le premier aspect de la question
qui, nous l'avons indiqué,doit faire l'objet d'une analyse dans le cadre
de ce commentaire de la troisiémeesception soulevéepar le Gouveme-
ment espagnol, l'aspect qui concerne le sens et la portée véritables de
la demande belge et des conséquences qui en découlent. Malgrétous
les artifices de derniére heure, cette demande n'a nullement changé
dans son essence; malgré toutes les dénégations,non corroborées par
les faits, le sujet polir lequel le Gouvernement belge est censéprendre
fait et cause en présentant cette demande est et reste un sujet qui
n'a pas la nationalité belge. Le Gouvernement belge est donc sans
qualité dans la présente affaire.

[Audience publique du 23 mars 1964, après-midi]

Monsieur le Président, hlessieurs, dans l'audience de ce matin nous
nous sommes ~ermis de considérer ce qui. à notre avis. constitue le
prtmicr a5pect'de la question qu'il a h traiter h propos deI;itroisitnie
evccption prt5lirninnire. c'est-A-dire I'asprct qiii conceriisens et 13
port& vCritables de I:Ldemande belge. Yous iioiis somnies (iernande si
la pr2sentation nctuelle de cette demande qui coiisiste 3 dirt: qI'i>l)j~.t
(lc la iirotectioii nz serait pas la socibt6 cnnadieniie i<nrcelona Trnrtion
mais la socit!tCI>elgcSidro et Ics q~izlquesaiitr2s rzssortissaiits I)cl:<..; PLAIDOIRIE DE M. AG0 Zog
que l'on dit êtreactionnaires de la Barcelona Traction est admissible

et, ayant répondud'une manière négative àcette question, nous sommes
arrivé à la conclusion que, de ce fait. la Belgique n'a pas de ~ZLSstandi
dans la présente aifaire.

23. Avant de passer à l'examen du point suivant, il reste toutefois
encore un aspect de l'attitude du Gouvernemerit belge qui mérite quel-
ques développements.
Pour essayer de créerune ambiance favorable à ses prétentions dans
une affaire où, à l'obstacle négatif que constitue le défaut de qualité
de la Belgique, s'ajoute l'obstacle positif dujus standi du Canada et de
l'exercice effectifde la protection diplomatique de la Barcelona Traction
par ce dernier pays, la Partie demanderesse a recours à un moyen de
plus. Elle essaie - si l'expression m'est permise - de rgrignoter » ce
deuxième obstacle. Pour prouver qu'il serait inexistant en fait - et du
fait au droit il n'v aura ensuite au'un Das - elle essaie de minimiser
la protection exercéepar le ~ouve;neme& canadien. Elle laisse entendre
que le Gouvernement canadien aurait proté~éla Barcelona Traction
<eulement pendant une périodetrès couite, s&s aucune vigueur, sans
manifester un réel intérêt.Bien au contraire, nous aurions, quant à
nous, donné aux notes diplomatiques canadiennes une importance
tout à fait démesurée.
Cette suggestion prend un aspect tout à fait particulier si on I'envi-
sage par rapport àla construction, déjà esquisséeaux pages 153et sui-
vantes du mémoire belge (1).où l'on indique que la nécessité du «perce-
ment du voile ide la nationalité des personnes morales aurait eu comme
conséquence,d'un part cllerefus du jus standi à 1'Etat national d'une
sociétédans laquelle seuls les ressortissants d'autres Etats seraient

intéressésilet, d'autre part,iil'octroi du jus standi aux Etats comptant
des ressortissants parmi les actionnaires, sinon pour la protection de la
société commetelle, du moins pour celle des actionnaires eux-mêmes >i.
Plus tard, la r construction iisera d'ailleurs renforcéedans les obser-
vations belges par l'esquisse de la théorie. tirée d'une soi-disant inter-
prétation du principe de I'effectivité,selon laquelle, comme il est dit
à la page 182,1, «la protection diplomatique d'une entité collective par
1'Etat dont elle a le statut 1,ne serait «ni préférentielle niexclusiven.
La Partie demanderesse conclura alors que
<rien ne s'oppose, en droit international, à ce que 1'Etat national
des actionnaires exerce son droit de protection diplomatique et
adresse à 1'Etat tenu pour responsable une réclamation parallèle
à celle que lui adresserait YEtat national de la compagnie 11.

Et l'on s'empressera aussi de préciser: iisi ce dernier jugeait à propos
de le faire, ce qzcin'est pasle cas en l'espècer.Le Canada n'aurait donc
pas jugé àpropos d'adresser de réclamation.
Renvoyons à plus tard, pour le moment, tout commentaire sur la
athéorie 1,des «réclamations parallèles » et arrétons-nous seulement sur
le membre de phrase ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Pour déplacer ou pour tourner l'obstacle canadien, il faudrait donc
pouvoir accréditer l'idée que ,le Canada, n'ayant aucun intérêtpour
une sociétCqui ne serait canadienne que par son siège,aurait étéindiffé-
rente à son sort. La pauvre Barcelona Traction serait donc restée sans
protection si 1'Etat national d'un important groupe d'actionnaires ne206 BARCELOXA TRACTION
s'en était préoccupéet ne s'était utilement substitué à I'Etatnational
de la société pour remplir lestaches que ce dernier aurait omis de rem-
r----
Nous nous devons de réagir fermement contre une telle méconnais-
sance des faits les plus évidents.
Arrittons-iious tout d'abord au prétendu manque d'intérêtque le
Canada aurait éprouvé, enprincipe, à l'égardde la Barcelona Traction.
Pourtant, la Partie demanderesse n'est pas sans savoir que, mêmedu
point de vue des actionnaires, un certain nombre de nationaux cana..
diens fieurent au reristre des actions nominatives de la société:et l'on
peut pFésumer que-des ressortissants du Canada figurent également
parmi les possesseurs d'actions au porteur. A part cela, la Partireman-
aeresse devrait êtrela dernière a prétendre que la seule raison pour
un Etat de s'int6rcsser au sort d'uiie sociétéserait la participation de
ses nationaux au capital social. Pour s'en persuader, il suffit deever le
ton approbatif avec lequelon rapporte, àla page 127des observations (1),
le fait que le surarbitre dans l'affaire de l'dgency of Canndian Car and
Foundry Co. a considéréque la nationalité d'une sociétépeut avoir
un caractère effectif en fonction ad'antres circonstances que la natio-
nalité des actionnaires». Celle-ci lie saurait d'ailleurs être le facteur
~rinciual dans le cas de ces sociétésanonvnies où les uartici~ations

" . A
iallation sur son terriCoire des sociétésde capitaux et à protéger les
sociétésqui ont choisi de se placer sous l'empire et la protection de
ses lois. C'est d'ailleurs le Parlement canadien qui octroyai la Uarcelona
Traction l'autorisation d'exercer ses activités en Espagne et c'est le
Canada qui lui accorda un régime fiscal spécialafiii de favoriser ses
activités.Mais chose lus imoortante encore. mêmesilaPartiereauérante
n'ainie gukre tenir compte décet aspect, la Plupart des obligations de la
Barcelona Traction émiseshors d'l3sparrne et en monnaie autre que la
monnaie espagnole ont étéplacéessÛrule marché britannique. C'est à
Toronto. en particulier, qu'a étéconstitué ce national Traut, officielle-
ment chargé de veiller aux intérêtsdes obligataires et créanciers et
auquel avaient étéconfiés engage tous les titres des sociétésaffiliées
de la Barcelona Traction. En outre, l'action du i\'ational Trust, après
la faillite, soit devant les tribunaux espagnols soit devant les tribunaux
canadiens. est relatée dans le mémoirebelge lui-meme. Alémeau titre
de la sauvegarde des intérêts deses ressortissants, le Canada était donc
intéresséau ~remier chef à la ~rotection de la Barcelona Traction.
~evrait-on penser, toutefoi;, qiie cet intérêtn'aurait pas eu d'effet
pratique? Ce serait étonnant, puisque le Goiivernerneiit canadien,
Commel'ont rappelé l'agent du GAuveinement espagnol et le professeur
Reuter. a prêtéson appui à la Barcelona Traction au cours de toute
l'activité de la sociétéen Espagne, depuis sa création. Or, à notre con-
naissance, il a étéle seulà le faire. La sociétéet ses actionnaires n'ont
pas paru vouloir refuser la protection canadienne, ni la juger inefficace,
lors des protestationsàpropos des événementsde 1936-1937,ou lorsqu'il
a fallu intervenir pour appuyer les requétes de la sociétéconcernant
l'octroi de devises ou l'augmentation des tarifs. Ils n'ont pas trouvé
alors que le Gouvernement national se désintéressait de In société à
cause de la nationalité étrangéredes actionnaires! PLAIDOIRIE DE M. AC0 z"7

Les choses auraient-elles changé apres la faillite? Dans les observa-
tions du Gouvernement belge, qui consacrent deux pages' à décrire
l'«attitude du Canadan, la protection diplomatique exercée par le
Gouvernement canadien est qualifiée defaible et intermittentLes notes
canadiennes y reçoivent les commentaires suivants et je m'excuse de
devoir les lirein extensodans leur texte, mais si nous les résumions avec
d'autres mots, on risquerait de ne pas nous croire:

«En réalité[lit-on aux pages 108-rog desobservations (1)]les notes
canadiennes se sont échelonnéesdu 27 mars 1948, peu après la
déclaration de faillite de la Barcelona Traction, au 22 décembre
1951. Depuis 1951 la correspondance diplomatique entre les deux
Etats au sujet de la Barcelona Traction cessa à l'exception d'une
dernière note de l'ambassade du Canada du 21 mars 1953 qui ne
concernait que l'introduction d'un intermédiaire eni,oyé par la
Sidro auprès des autorités espagnoles et faisait appel aux bons
offices de ces dernières en vue d'arriver à un arrangement satis-
faisant.
Ces notes du Gouvernement canadien commencent d'ailleurs
par se borner à attirer simplement l'attention du Gouvernement

espagnol sur les cas de la Barcelona Traction et de l'Ebro, toutes
deux sociétésde statut canadien, ainsi quo sur la situation spéciale
de la National Trust Co., corporation can:rdienne, en sa qualité de
iitrusteen des porteurs des ernpru~its Prior Lien Bonds et First
Mortgage Bonds de la Barcelona Traction; elles expriment l'espoir
que le Gouvernement espagnol saura trouver les voies et moyens
pour éviter toute injustice. Ces premières démarches aboutirent
à la réunion du Comité d'experts aux travaux duquel la Belgique
ne put pas participer, malgré ses protestations, ainsi qu'il a été
exposédans le mémoire ...
C'est à partir de l'émission des faux titres de 1'Ebro par les
syndics de la faillite que le ton des notes britanniques etcan.Cdien-

nes se modifie et qu'une actioii, jusqu'alors amiable, prend l'allure
d'une véritable intervention diplomatique; elle atteint son point
culminant dans la note no 737 du 22 décembre 1951 de l'ambassade
de Grande-Bretagne par laquelle le Gouvernement canadicn adresse
formellement au Gouvernement espagnol le reproche d'avoir violé
le Traité de commerce et de navigation (Lu31 mars 1922 entre la
Grande-Bretagne et l'Espagne, applicable au Canada depuis
le août 1928; il affirme catégoriquement qu'il y a déni de
justice, se déclare disposé à accepter un arbitrage et réserve tous
ses droits.

celle du GouGernement be~~e'~our'sau~~e~arde~ les droits dcs inte-
ressés lésépsar la faillite de la Barcelona TractionII
Monsieur le Président, Xessieurs, nous avons consacré le débiit de
notre exposé une sorte de récapitulation en parallèle des démarchcs
canadiennes et des démarches belges, après la déclaration de faillite

de la Barcelona Traction en Espagne. Sur la base de cette récapitula-20s BARCELOSA TRACTION

tion, vous pourrez juger du fondement des assertions conteiiues ce
sujet dans les observations belges.
Nous avons vu que les interventions des deux gouvcrneinents com-
mencent le même jour et sont rédigéesexactement dans les mémes
termes. L'accusation de dénide justice se retrouve, identique, dans les
deux notes du 27 mars 194% Le Canada n'a donc certes pas attendu
décembre 1951 pour la formuler. Ce que le Gouverne,ment canadien
demandait, après avoir formulépareille accusation, n'était rien de moins
que l'annulation par les autorités gouvernementales espagnoles de la
sentence prononcée par le tribunal de Reus. C'est beaucouo.D,ur une
iiiltqui lie sïr.iit p:is ciidorï.\.Grit.ihlciiiter\.cntioii diploiii8.tiquc
in:iis unc sililplc 2~1)rc5ii~li<IcI'L.<Iu<le (;ou\.er~iti~~~ei-~s-~)il~n~I
saura trouverles viies et moyens pour ébiter toute injustice!
duD21ijuillet1949n'aisant suiteànune note précédentedunot27cmarsi1946,
que sont invoquésles traités anglo-espagnols de 1922 et de 1924 .ntre
le27 mars 1946 et leII juin1951 ,ate de la signature du procés-verbal
hispano-anglo-canadien, il y a sept notes canadiennes. Les notes belges
dans la même périodene sont qu'au nombre de deux. Entre le II juin
et la fin décembre 1951 l y a encore six notes canadiennes, alors que,
du côtébelge, on compte cinq notes et une lettre personnelle.iiis il y a
encore, du côtécanadien, deux notes en 1952 insistant sur la proposition
d'arbitrage, et ensuite encore de nombreuses démarchesverbales jusqu'à
la note du 21 mars 1955 .nsqu'i la note de cette date, l'on constate
par contre, du côtébelge, plus de trois ansde silence, et cette ilote, tout
comme celle du Canada de la inémedate, ne concernait que la présen-
tation d'un intermédiaire; et puis de nouveau vingt et un mois de silence
jusqu'au moment où l'on croit avoir découvert la possibilité d'iitiliscr
le traité hispano-bel-e du xq.j.illet 1.2. avec les conséquences que
l'on sait.
Dans l'ensemble, donc, l'exercice de la protection diplomatique cana-
dienne s'est traduit par seize notes diplomatiques, échelonnéessur huit
années et accom~a.nues de huit noies bntinniaues et auatre notes
amCricaiiiei. qui sont toutes dej iii;inife.itntiori; ~l'int;r$t et appui h
1'L:Karddci dfirnnrzliesdu Gouverneiiiçiit caiiadieii.
Comment, en présencede tels faits, le Gouvernement belge a-t-il pu
parler d'une prétendue ofaiblessn et d'une prétendue aintermittence n
de la protection diplomatique exercéeen faveur de la Barcelona Trac-
tion par le Gouvernement canadien? II est vraiment difficilede le com-
prendre. Cette protection a étéexercée d'une manière non seulement
pressante et constante, mais avec efficacitéaussi puisqu'elle a réussi
à provoquer l'initiative du Gouvernement espagnol pour constituer la
Commission mixte d'enquêtechargéed'examiner le point le plus impor-
tant et le plus délicat de toute la question. Cettc protection s'estbasEe
aussi sur l'application de certains traités liant l'Espagne au Canada
et a comporté le recours réitéré à l'idéed'un arbitrage international,
jusqu'au moment où le Canada a vraisemblablement pu se rendre
compte que, dans cette espèce, il v avait plutôt matière iune querelle
entre groupes privés qu'à un différend international. Des ce moment
en effet,le Gouvernement canadien s'est borné à appuyer des démarches
privéesen vue d'un accord entre les particuliers intéressés, accordauquel
le Gouvernement canadien ne mettait, quant A lui. d'autres limites que
le respect des droits du CanadianReceiveret du AratalionT alrust.Maisil PLAIDOIRIE DE hl. AG0 209

a fallu et le résultat d'une enquête impartiale et cinq ans d'explications
patientes de la part du Gouvernement espagnol pour en arriver à cela.
Le fait qu'une sociétéde nationalité canaùienne a été déclarke en
faillite en Espagne n'implique certes pas uécesjairement qu'il doive y
avoir eu, à propos de cette faillite, une violation par l'Espagne de ses
obligations internationales et, partant, une responsabilité.
La partie requérante souligne elle-mème, à la page 162 des obser-
vations (I), que le droit d'intervention diplomatique est,par excellence,
un droit discrétionnaireB.
Chaque Etat apprécie souverainement lavraiseniblance et le fonde-
ment des allégations de son propre ressortissaiit, personne physique
ou morale, qui se prétend lésépar l'action d'un autre Etat. II doit même
le faire avec d'autant plus de soin qu'il saitque le plaignant est i'un
de ces groupes puissants, qui ont une tendance si marquée à se libérer
par des pressions exercéessur le plan international, de l'ennui d'observer
les lois du pays où ils opèrent. A la suite de cette appréciation, SEtat
décidelibrement s'il doit considérerou non qu'une atteinte a ét6portée,
sur le plan international,à ses propres droits et s'il y a lieu d'accorder
ou non sa protection diplomatique. Et comme il peut se convaincre dès
le premier moment qu'il n'y a pas lieu de l'accorder, de mêmeet plus
fréquemment il peut tirer plus tard la mêmeconviction d'un échange
prolongéde correspondance diplomatique ou de l'examen des résultats
d'une enquète.
Prétendre qualifier de «faible» et d'<intermittente» une protection
qui, apres avoir étéexercéeavec la dernière énergiependant plusieurs
années, est arrêtée à un moment donné, au moins sous sa forme con-
tentieuse, alors aue cet arrêta pu êtredictépar de trésbonnes raisons,

à lin autre Etat disposé à prêter une oreille plus complaisante à ses
réclamations; admettre que l'intéressépuisse obtenir qiie cet Etat
intervienne encore à la *lace de 1'Etat nnthinal aui. lui. a décidé
qu'il n'y avait plus désoimais lieu à intervention. 1;oil.àqu.i contredit
la lo~iqueavant mêmede contredire les principes en vigueur dans l'ordre
international en matière de protection diplomitique.

24. Monsieur le Président, Messieurs, il n'est que trop évident. de
l'avis du Gouvernement espagnol, que l'on ne saurait admettre que
la Partie demanderesse modifie, dans sa deusieme instance, ses con-
clusions, afin de leur donner l'apparence d'une demande en vue de la
protection des actionnaires belges de la Rarcelona Traction et non plus
de la sociétécomme telle. Il pourrait alors sembler presque inutile
d'entrer, encore, dans le fond des problèmes relatifs à l'admissibilité
d'une protection diplomatique en faveur des sociétaires,dans les cas où
elle se présente réellement comme telle.
Nous pensons, toutefois, qu'il est utile de convaincre la Partie requé-
rante que, mêmesi sa demande avait, réellement et dès son origine,
eu pour seul but la protection des actionnaires et l'indemnisation du
préjudice indûment causé à ces derniers et non pasà la sociétécomme210 BARCELONA TRACTION

telle, les conclusions quant à la recevabilité d'une telle demande n'en
auraient pas, pour autant, étémoins négatives.
Il nous appartient donc, comme nous l'avons indiqué plus haut,
d'aborder maintenant l'examen du second aspect qu'il y a lieu de
considérer.Pour ce faire, nous prendrons comme hypothèse que ce que
la Partie demanderesse affirme auiourd'hui est vrai: la demande belee
actuelle n'aurait pour objet que laprotection diplomatique et judiciaGe
des prétendus actionnaires belges de la Barcelona Traction et ne com-
~ortërait aucune tentative. niuouverte ni dézuisée.de ~rotection de la
société comme telle.~aissohs donc sortir de s&e la ~atcelona Traction.
Et voyons si l'on peut vraiment y laisser entrer la Sidro.
Xous l'avons dit déjà: l'examen de ce deuxième aspect, tout hypo-
thétique soit-il, de la question qui nous intéresse, comporte à son tour
deux points différents.

- Le premier concerne les conséquences,dans une situation comme
celle qui se présente en l'espèce,des principes générauxdu droit inter-
national relatifs à la condition des étrangers et à la protection diplo-
matique des personnes physiques et morales.
- Le deuxième consiste à vérifierl'existence, en droit international,
de la prétendue règlespéciale qui, au dire du Gouvemement belge, se
serait développéerécemment; règle qui, selon lui, devrait entre autres,
dans certaines hypothèses particulières, rendre admissible une protection
diplomatique des sociétaires en raison de préjudices indûment causés
par un Etat à une sociétkétrangère.

C'estdonc à l'examen du premier de cespoints que nous allons procéder
tout d'abord.
25. Certains principes essentiels, énonçant les conditions fondamen-
tales de l'exercice du droit de protection diplomatique, en particulier
lorsque la personne léséeest une personne morale, ont étérésuméspar
le Gouvernement espagnol aux pages 184 à 187 des exceptions préli-
minairesde1963 (I),après avoir étéexposésdéjà,de façon plus détaillée,
dans les exceptioris préliminaires de xqf501.Le Gouvemement belge,
aux I):IYC ~17 b 12:;dC.;oi>scrv:itioii(I),a pris ~~oiitic,itict. priiiii1)ci

rl'uiic ririiniïrc curci.iisr:~ncIIest dori: int;.r~.-ant di\.aijui<lii'oi\':i
1....O~~ eiitre Icst1t:tixI';irtVI,de d6tcrininer :i lesmotif, <leiI>înici~r~l
expriinéspar la Partie demanderesse sont ou non justifiés.
En premier lieu, le Gouvernement espagnol avait indiqué le principe
qui est le fondement, le pivot m&mede toutes les règles généralesdu
droit international relatives tant à la protection diplomatique des
personnes morales qu'à celle des personnes physiques. Ce principe
consiste à reconnaître que la protection diplomatique est le corollaire,
sur le plan de la garantie, de l'existence de règlesde fond du droit inter-
national général ou conventionnel en vertu desquelles un Etat est
tenu, envers les autres Etats, d'accorder un traitement déterminéaux
personnes physiques et morales possédant leur natioiialité. Le droit
subjectif qui est conféré à l'Etat et qui l'autorise à exiger d'un autre
Etat qu'il réserve un certain traitement à des personnes déterminées,
est couvert par la garantie consistant à pouvoir mettre en ceuvre des
moyens de protection visant à assurer le respect du droit subjectif en
question. 11ne peut donc v avoir d'exercice de la garantie sans qu'il y
ait garantir un droit subjectif et une obligation correspondante.

' C.I.J. &ldmoires. BarceIono Tvoction, Lightand Power Comfiany, Limilrd,
p. 350 et sui". PLAIDOIRIEDE 11. AG0 211

La Partie demanderessedéclare dans ses observations ne pas contester
la valeur de ce principe. On pourrait s'en féliciter, si toutefois elle
était disposée à accepter qu'on fasse application di1principe à l'espèce,
ce qui n'est pas le cas. En effet, après avoir tenu à préciser àla page 118
de ses observations (1) «que ces garanties ne s'étendent pas seulement à
la personne des étrangers, mais aussi à leurs avoirs de tous genres.
propriétésimmobilières et mobilières, créances,investissements, etc. r,

elle juge bon d'ajouter, toujours à la page 118, la phrase que nous
avons déjàeu l'occasion de citer et aux terines (le laquelle:
cCesconditions sont manifestement reinvlies var la Sidro et autres
ressortissants belges qui, actionnaires dé la Barce~oiia Traction,
ont étélésésdans leurs investissements 1x11 des mesures diripées

en réalitécontreeux, au travers de la société;:a?rndienn 1,.
Xous avons dit ce qu'il fallait penser de l'idee expriméepar ces der-
niers mots. Mais nous devons mettre bien en évidenceici un autre point,
sur lequel nous devrons d'ailleurs revenir bientôt beaucoup plus en
détail. La protection diplomatique n'a pas pour fonction de garantir

en généralla persoiiiie et les avoirs des étrangers contre toute atteinte.
Cette institution a vour but et vour tàche de rrarantir certains droits

eux deux Etats: l'Eta? sur le territoire duouel se trouvent la versonne
ou les biens de I'étrarigeret 1'Etat national de ce dernier.
En relation avec le principe généralque 1'011vient d'indiquer, le
Gouvernement espagnol avait en effet rappelé une constatation qui
revient si fréquemmentdans la jurisprudence de la Cour, à savoir qu'«en
prenant fait et cause poiir I'un des siens, en inettant en mouvement,
in s;i faveur, l'action diplomatique ou l'action judiciaire internationale »,

1'Etat fait .valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter, eu
la versonne de ses ressortksants. le droit-internationalnl. Là aussi.
la partie demanderesse se déclare d'accord; à un autre endroit, elle
consacre mêmedeux pages à la réaffirmation de cette constatation,
comme s'il fallait nousen-convaincre.
Xous pourrions donc nous réjouir de l'accorcldes Parties à ce sujet,
si nous n'étions malgrétout obligils de poser ilne question. Puisque le
Gouvernement belge souscrit si complètement au principe tradition-
nellement affirmépar la Cour, comment pense-t-il concilier avec cemême
principe l'énoncé mêmequ'il donne de la question poséedans le cadre

de l'exception préliminaire présentement examinée? Coiniiient peut-il
dire, à la page 115des observations (1), que cette question serait
ncelle de la protection internationale dil)lomatique et judiciaire
des personnes physiques et morales qui, ayant investi des fonds
dans des sociétés commercialesétrangères.ont subi des pertes en
tant qu'associés oii actionnaires de ces societés par siiite d'actes

internationalen~entillicites dont zrn Etat s'est reirdtr coupable envers
ellesn?

Voir Concessions Mnvromrnatisea PnZestinc, arrêtna1, rpîi.C.P.,I.I.sdricA
no 2,p. 12; Paiemerrlde divers emprunfsserbesémis en France, arrêt rg, 1929,
C.P.J.I sbie A no 20. p. r7; Chemin da ferPaxeut.qs-Saldi~liskisarrêt,1939,
C.P.J.I.sévieAli? no 76, p. rG.212 BARCELONA TRACTIOX

En effet, si l'acte iiicrimiiié a étécommis envers une société,on
pourra repérer dans cet acte les éléments constitutifs de la violation
d'une~ob~ie"tion~ ~ternationale i~com~~~-~~ à VEtat auteur de l'acte
envers I'Etat national de la société;on pourra donc déceler leséléments
d'un cfait internationalemeiit illicite im~utable au uremier Etat envers
le second u.Ce dernier, en prenant fait et cause iour la société,fera
alors vraiment valoir, seloii l'expression employée par la Cour, son
droit 4ro4re de faire resoecter le droit international en la Dersonne de
son réss8rtissant. Mais iuel droit propreferait valoir un Etat tiers, tel
que l'Etat national des ilersonriesavant investi des fonds daiis la société.
cil intervenait pour ces Personnes par la voie diplomatique?
On a bien vu, auparavant, que l'acte, ou les actes dorit il s'agit n'ont
pas étédirigés contre ces personnes; aucun de ces actes ne peut être
présentécomme une spoliation affectant leurs droits propres.
On a beau lancer ici et là des phrases comme celle qui figure à la page
121 (1) et oui revient aussi en d'autres endroitsdes observations. des uhra-
ses oiil e5t dit que «l'action spoliatrice de l'instigateur de la man&uvre
qui a suscitéla requêtede la Belgique atteignait directement les action-
naires s.Les répercussionsque lei àctionnaGes peuvent avoir ressenties,

par exemple dans la valeur en bourse de leurs titres - et laissez-moi
dire en passant que tel n'a pas étéle cas pour les actionnaires de la
Barcelona Traction -à la suite des actes accomplis àl'égardde la société,
ne constituent,n'en deviennent pas pour autant, un fait illicite interna-
tional dont 1'Etat auteur de I'acte se serait rendu coupable à l'eiicontre
de 1'Etat national de ces actionnaires. Nous l'avons déjà dit, et nous
iious excusons de devoir le répéter:le dénide justice commis à l'égard
d'une personne déterminéen'est pas une sorte de crime envers la com-
munauté internationale tout entière ou envers chacun de ses membres;
c'est un délit international commis par un Etat envers 1'Etat national de
la personne en question. Si, en l'espèce,le traitement fait à la Barcelona
Traction avait vraiment constitué un déni de iustice. il aurait été la
source~dun «droit pioprea du canada à faire ;aloL'la responsabilité
internationale aui en découlait. Il n'aurait certes uas étéla source d'un
K droit propre nd'autres Etats.
L'erreur de la Partie demanderesse à ce sujet apparaît en plein an
moment où, commentant la nécessitédu lien de nationalité entre 1'Etat
protecteur et la personne protégbe,elle affirme que les particuliers qui
ont créé une personne morale (il s'agit en l'espècede la Sidro qui, entout
cas, n'a ni crééla Rarcelona Traction ni participé à sa création, mais
en aurait acquis des actions beaucoup plus tard), elle affirme que

ces particuliers, dis-je, auraient droit à la protection de leur Etat
national, à la seule condition d'avoir asubi un dommage» du fait d'ac-
tes commis à l'égardde 1:isociété.Voici ce qui est dit à la page 121 des
observations (1) :

cPour apl>rccicr SI ces reisortiss:inti oiir droit.i I;I prorection.
il fnuilr:se ilzmnnder. réglede bon sens: oiir-ils subi irn clonimn-e
dii fait des acres dénoircl's?Si 1:riiionsr cir nffirm;iti\,é.on rie \.oit
pas pourquoi le droit de protection'leur serait refusé. >i

Ne cherchons pas à savoir quelle idéela Partie requérante se faitdu
bon sens. Ce qui nous paraît certain, c'est qu'elleoublie en la matière le
droit international. Plus loin,à vrai dire, A la page 187.1 ellereconnaîtra PLAIDOIRIE DE AI. AG0 *I3
elle-mêmeque le droit de protection diploniatique n'existe que pour
autant que les ressortissants de l'Etat protecteur aient étéatteints dans
iezdrsbiens,d70itset intérélpsu7 un actecolztraireau droit desgens. Seule-
ment, le droit des gens n'a pas institué la protection diplomatique pour
protéger les particuliers contre n'importe quel dommage. La protection

diplomatique ne peut êtreexercéeque si le particulier a subiun préjudice
que 1'Etat étrangerétait tenu de lui éviter,et il yétait tenu -précisons-
le une fois de plus - en vertu d'une obligation internationale assumée
envers 1'Etat national du particulier en question.
La Partie requérante en revient toujours à séparer arbitrairement la
protection diplomatique des règles juridiques de fond dont cette
protection a pour unique fonction d'assurer la garantie. Les règles
de fond du droit international im~osent à 1'Etat l'obl"ration, envers
1'Etat national d'une personne étiangère, d'assurer à cette personne
un traitement déterminéet surtout de s'abstenir de certaines actions
à son égard. Mais elles ne lui imposent certainement pas l'obligation,
envers les Etats tiers, de garantir leurs nationaux respectifs contre toute
répercussionqui pourrait résulter pour eux, sur le plan de leurs intérêts
économioues.du traitement fait à la Dersonneeii auestion.
~'~tat' qui viole une obligation ir!tternationaleAdont il était tenu à
l'égardd'un autre Etat. en rcfusant arbitrairement à l'un de ses ressor-
ti&ants une concession devait lui attribuer, ne viole tout de même
pas aussi une obligation internationale envers 1'Etat dont relève un
créancierdu suiet lésém . êmesi ce créancier, à cause de ce aui s'est ~assé.
iic peut ]>lusrA 11pSrer IVniont )rit dt: cr(.:i~~ct!.
Eii ,iiiitcn:iiit qu'jci..itpui.il>l<[lcprotip.r clil>l.~iii.itiqli ciiiciir
iii.r~oiiiiejint;rcs;;r.i d:ii~;uni: ,i~iiii111r31;lIliIIII1t:iiun~n<lii~n~iit
infligéepar un Etat étranger à la sociltéet non pas aux personnes elles-
mêmes(une lésion qui, partant, ne saurait constituer un fait illicite
international à l'égardde 1'Etat national desdiles personnes), la Partie
requérante soutient finalement la légitimitéd'une intervention en garan-
tie d'un droit subjectif inexistant.
Quoi que fasse la Partie demanderesse, quel que soit le sujet qu'elle
désignesuccessivement comme objet de sa protection, il reste donc, à
la liimière des principes essentiels du droit international régissant
la matière et auxquels elle est elle-même forcéede souscrire, que la
Partie demanderesse se retrouve toujours dans la même situation:
sa prétention d'intervenir dans cette affaire se heurte à un obstacle
insurmontable.
On pouvait théoriquenient soutenir que la Barcelona Traction était,
en l'espèce, victime d'un fait internationalement illicite: mais elle
n'a pas la nationalité belge. Le prétendu fait illicite aurait donc en tout
cas étécommis envers un Etat autre que la 13elgique,et la Belgique
n'aurait absolument rien à dire à ce sujet.
La Sidro, de son côté,peut fort bien avoir la nationalité belge, mais
elle ne peut pas êtreprésentée,en l'espèce, commela victime d'un déni
de justice ou de n'importe quel autre fait international illicite que
l'Espagne aurait commis envers la Belgique.
Dans un cas comme dans l'autre, une condition essentielle de l'exis-
tence du droit de protection diplomatique fait irrémédiablementdéfaut;
et toute la science, toute l'habiletéde nos honorables contradicteurs ne
sauraient combler une pareille lacune.214 BARCELONA TRACTION
[Azidience pzrbliquedu 24 mars 1964,matin]

illonsieur le Président, Messieurs, avant de commencer mon exposé
d'aujourd'hui, je tiens à faire une précisiontouchant un point de détail
de mon exposéahier matin, figurant aux pages 201 et suivantes, sfrpra.
En indiquant la somme représentant l'estimation de la valeur de
I'entreprise, j'ai donné un chiffre qui, en fait, avait étéindiqué par la
Belgique après avoir déduit, d'une estimation faite par elle de la
valeur globale de l'entreprise, le montant - évaluéaussi par elle -
de certaines des obligations et des dettes à la charge de I'entreprise
même. II s'ensuit que le raisonnement que ]'en avais tiré doit être
modifié,et je m'en excuse.
On ne saurait dire que la Belgique a voulu se faireattribuer le capital
d'uiic sociétéétrangère,libéré à titre gracieux de son passif. II faut dire,
par contre, que le Gouvernement belge vise à faire attribuer aux action-
naires le patrimoine qui, jusqu'à la liquidation et à la dissoliition de la
société,n'appartient qu'à elle et doit lui rester, car il constitue la seule
garantie des droits des tiers.
Monsieur le Président, AIessieurs,à la fin de l'audience d'hier, j'avais
commencé l'examen du second aspect de la question concernant la
troisième exception préliminaire. En ayant pris comme hypothèse
qu'il soit vrai que la demande belge actuelle n'aurait pour objet que la
protection des prétendus actionnaires belges de la Barcelona Traction,
j'avais commencé l'examende la question de savoir si une intervention
de cette nature serait ou non légitime, à lalumiéredesprincipesessentiels
du droit international qui concernent la coiidition des étrangers et la
protection diplomatique. Nous en étions à une confrontation des points
de vue des deux pays au sujet de ces principes.

26. I'oiii roiiipl;iS~IInii;il!.s;;I'?gar<dc cc-.~,rincipr.s,1,:Gouvciiic-
mt:iit ~spxgi~ul.iv;.ir:tpp,:l?qiicleilroit iiircrn:,~iunp;ii;.r;ni. c:uiif;re
:L uri le <lroit<l'cxigcr~I'III:Itiilrl?r;ct~,ii'iIr?a<.rvclin t:t.rI.lin
traitement à des personnes déterminées que-si ces personnes sont
rattachées à1'Etat par le lien de la nationalité.Il avait, partant, souligné
que cette condition essentielle doit nécessairemeritêtreremplie pour que
le droit international reconnaisse à 1'Etat la possibilité, corollaire du
droit indiqué, d'intervenir pour assurer la protection diplomatique de
ces personnes. Pour reprendre la formule employéepar la Cour à propos
de l'affaire Panevezys-Saldzrtiskis, iien l'absence d'accords particuliers,
c'est le lien de la nationalité ... qui seul donne à 1'Etat ledroit de pro-
tection diplomatique »'.
Le Gouvernement espagnol avait tenu à préciser, à propos de cette
condition, que c'est sur la base du droit de 1'Etat intéressélui-même
qu'il faut prouver que la personne en faveur de laquelle cet Etat veut
exercer la protection diplomatique possède et possédait, aux dates
critiques. la nationalité de cet Etat; la nationalitéest un statutjuridique
conférépar le droit interne à Linsiijet de droit interne. L'existence d'une
telle situation de droit dans le systéme juridique de 1'Etat constitue,
pour le droit international, la condition de fait laquelle est liée,sur le
plan international, l'existence pour 1'Etat du droit d'exiger qu'un
traitement déterminésoit réservé,par un Etat étranger, à la personne

1Voir C.P.J.I. sérieIB no76, p.16 et sui" PLAIDOIRIE DE hl. AG0 z15

dont il s'agit et, en corrélation avec ce droit, la facultéd'intervenir au
titre de la protection diploinatique, si le traitement prévu n'est pas
assuré.
Le Gouvernemeiit espagnol avait aussi constatéque, selon lesprincipes
actuellement en vigueur. le lieii juridique représentépar la nationalité
attribuée à une personne par I'Etat sur la base de son propre droit doit
correspondre, potir qu'on puisse le faire valoir sur le plan international.
à un minimum de lien réel,de raffache~neiletfectif entre la personne en
question et 1'Etat.
27. A tous ces arguments, dont le bien-fondé est d'ailieurs difficile-
ment contestable, la Partie demanderesse semble, en général,n'avoir
rien à obiecter et nous en prenons acte avec satisfaction.
Ce par contre, est intéressant, c'est de voir comment réagit cette
mêmePartie demanderesse lorsqu'on passe :1l'application de ces prin-
ci~es au cas de la protection dii~lomat~auedes oe?sonnes morales. -

la ~rotëction di~lomati<iue ne-cllanient pas dais leur essence et dans

leuk effets, par 1; seul fai'tquI;ipersznne qui est l'objet de la protection
diplomatique est une personiie morale plutôt qu'une personne physique.
Les règles,soit coutumi&rcs,soit conve~~tiorinellt:sd ,u droit international
qui concernent la condition des Mrarigersautorisent l'Etat à exiger qu'un
certain traitement soit réservé à ses ressortissarits. qu'il s'agissede per-
sonnes morales ou de personnes physiques. II en découledonc. logique-
ment, que la protection diplomatique peut être exercée à l'égarddes
unes et des autres. Et à propos de cette conclusion, le Gouvernement
espagnol avait noté:
a) que la condition nécessaire pour l'esercice de la protection diplo-
matique au profit d'une personne morale, aussi bien que d'une
personne pliysique, est que la personiie iiioralc ait la nationalitéde
l'Ela1réclamant;
b) que le lien juridique de la nationalité d'une personne morale, quelle
que soit sa nature et quel que soit le critère sur lequel ce lien est
fondé,est toujours. comme pour une personne physique, une situation
de droit interne,définiepar l'ordre jzaridiqt<internede I'Etat;

c) que, pour que I'Etat national puisse présenter, dans certains cas,
à d'autres Etats, des prétentions til'égardd'une personne, même
s'ils'agit d'une personiie morale, il faut qu'au lien juridique existant
entre 1'Etat et la personne en question corresponde aussi un lien
réel; c'est-à-dire que la n;itionalité attribuée sur le plan du droit
doit êtreaussi une nationalitéeffectiÿe.
A propos de cette dernière coridition, le Gouvernenient espagnol avait
eu soin, aux pages 187 et suivantes de ses exceptions préliminaires (1),
d'indiquer quelles btaient, :1son avis, la signification et la portée de
cette condition. On sait fort bien. et on l'a déi,ra~~.,é,au.,l n'v a.pas.
PAun<:c:irnrt?ristii(iie propre <le l:iii:itiiin:,lirr:tlcs pf-rsuiiiii.iniurnlc.;:
au contr;iirc, c'est.L I';>g:idIcs perjnliiics plic?iqiies qiiLette t:xig~iic~.
rliicarnct;.r.: effectif dI:iiiatioiinlir:i616nilirrnïe le& -luir.lairernciitet
que l'autorité de la Cour est venue étayerce principe.
L'origine d'une telle condition, la raison d'être deson affirmation,
sont liées A l'essence mêmede la notion de nationalité en généralet non216 BARCELOSA TUCTIOS

en particulier de lanotion denationalité dessociétésE. n réalité. observait
le ~uti\.r.rncment espagiiol I;page 18sdes csccptions pr&Iiriiinairei(I),
1çrefus d':i<lmcttrc.sur ICplan inrcrnation:ilcIe13.protcctioii dipluinatiquc,
les conséquences d'une nationalité de pure forme, est intervenu dans
des cas où il s'agissait d'éviter que,sous le couvert d'une telle apparence,
une personne puisse se procurer indûment des avantages et surtout se
soustraire à l'empire des lois auxaueiles elle devrait être soumise. En
d'autres termes, fe fait d'exiger l'ekistence d'un rattachement matériel,
en plus du rattachement juriàique àun Etat étran~erdéterminé.estune
saGegarde nécessaire pour 1'Etat auprès duquel on revendique un
traitement déterminéen faveur de certains particuliers. C'est cequi res-
sort très clairement des deux précédentsque l'on produit généralement
pour confirmerl'exigence du lien réel,à.savoir, la décisiondans l'affairedu
1 ant Atone, pour les personnes morales, et l'arrêtNottebohmpour les
peNotons au passage que la Partie demanderesse ne semble pas avoir
bien compris la portéede nos remarques à ce propos lorsqu'elle dit,à la
page 177 des observations (1), que le sieur Nottebohm n'avait commis
aucune fraude à l'égard de ses deux patries. Mais ce n'est pas pour
protéger contre une fraude l'une ou l'autre de ces parties que la Cour a
voulu vérifier lecaractère effectif de la nationalité du sieur Nottebohm,
mais pour sauvegarder le Guatemala contre la tentative abusive qu'il
avait faite de se soustraire aux conséquences des lois de guerre guaté-
maltèques en alléguant une nationalité neutre fictive.
Au sujet de la raison d'êtremêmedu principe dit de la nationalité
effective, le Gouvernement espagnol avait aussi précisédeux aspects
dudit principe dont il tient Rsouligner à nouveau le caractère essentiel.
Le premier est que l'exigence du rattachement effectif constitue une
condition de plf~squi s'ajoute ?Icelle de l'existence du lien juridique
d'appartenance à 1'Etat demandeur, qui le complète, mais bien entendu
Ne peutpas lerenzplacer.Un lienréelquelconque,auquel ne correspondrait
pas un rattachement juridique, ne constituerait pas une nationalité et
l'on nepourrait fonder sur un tel lien aucun droit à exiger un traitement
déterminépour la personne en question et aucun.droit à intervenir en sa
faveur atrtitre dela protectiondiplomatique.
Le deuxième aspect est que, sauf l'hypothèse où l'intéresséaurait une
double nationalité et, partant, où il y aurait concurrence entre deux
Etats nationaux différents à propos de sa protection, sauf ce cas, dis-je,
c'est seulement I'Etat destinataire de la r6clamation qui a le droit de con-
tester le caractère effectif du lien juridique de nationalité allégué.

28. La logique, d'ailleurs très simple, de ces différentes remarques,
était si rigoureuse que le Gouvernement belge pouvait difficilement faire
autre chose qu'exprimer son accord à cesujet. A cette occasion, toutefois.
il a cru opportun de tenter des précisions et des mises au point qui
devront retenir un moment notre attention.
C'est ainsi, par exemple, qu'après nous avoir confirmé son accord au
sujetde la nécessitépour la personne morale d'avoir avec 1'Etat réclamant
un lien de nationalité conforme à l'ordre juridique interne de cet Etat,
et aprèsnous avoir donnél'assuranceque lesexigencesdel'ordre juridique
belge sont pleinement remplies par la Sidro, la Partie requérante croit
utile, malgrétout, d'entamer une discussion au sujet de la <<naturejiiri-
dique iide la nationalité des personnes morales. Elle nous dit (p.122)(1), PLAIDOIRIE DE M. AG0 217

que «la nationalité d'un individu est incomparablement plus forte et
efficace que ceiie d'une personne morale>,. La première comporterait
«un faisceau de privilèges et d'obligations fondé sur une allégeance
politique 1)et sur une «présomption de loyalisme n qui expliquerait ale
rôle efficace attribué par le droit des gens à l'Etat national dans le
domaine de la protection diplomatique de ses ressortissants, carils sont
l'élément principalde tout Etat il.
Par contre (et toujours à la p. 122, I),1;rriationalité des personnes
morales et sociétésn'aurait trien d'indispensable à la vie de 1'Etat ni

même à celle de l'entité corporative!?. Empruntant les mots d'Harnlet,
on nous dit qu'ellepouvait «êtreou ne pas être D.Elle serait e contingente,
relative» et ne conférerait pas, envers 1'Etat auquel il est rattaché, les
mêmesobligations au groupement qu'à un individu.
Jusque-là tout reste plutôt vague. La Partie demanderesse a heau
ne pas avoir de sympathie pour la notion de rnationalité i>des personnes
morales, il n'empêcheque les règles de fond du droit international
concernant la condition des étrangers se réfèrent sans conteste à la

pricisément de garantir ferespect de 2s oblig&i&s, est donc nécessaire-
ment liée, même pour les personnes morales, à la notion de nationalité,
auelle aue soit la définitionde cette notion oue l'on décided'adonter. .
* L:, <.;>njt:~t3ti01d1i.-. LI;~.IIII.NILC<C ~<.ritC\~~(Ic IJ. 1i.iri~11:~lit1t:s
l,crsoiin:; inur..lcsI,>i.iLl~S'II~I~dt dc\tcrnlirlçrI'Lrdr :taiit ,lu.ili"po~ir
cscrctr 1 prut~ctiuii itiplorn.itiIII*est ii.inttie, dans Icîdli,,-r\..iri~)clii
C;uii\~crni.iii~~nhel~r., (1,~uri~id&r;rtiuri~iccciiiircj, "II~I~CII~ d;:ji
I I l r . 5% I I ~iilrti~~s ,IV11 1: o u l t, i 16,1 :

iiQuelle que soit la théorieadoptéepouvexpliquer la personnalité
iuridiaue des sociétésou coroorations, on ne veut nier oue derrière
ioutepérsonnejuridiquz id y a aesêtreIscumainsSeulsuérilah~eisrztires-
sés,et que toute l'activité sociale ou corporative se manifeste en
réalitépar eux et pour eux. i>

A ce Dr,Do,.le.Gouvernement esnaenoi av.it..oulu courtoisement
IR~IL ~' III~~CII~TL,:LU\pngc; 231 t:twi\.-iiit-i ,le sr; cxit*l>tionspr2linii-
iinirt:sde r,-~,(1). cornhicn (Ir; consid&ratiuns(le ci. cciirc lui itmt~l.iicnt
peu appropriées de la part d'une partie qui, lors~u'elle doit avancer
les noms des actionnaires belges de la Barcelona Traction en faveur
desquels elle voudrait intervenir, ne peut produire que celui de la société
Sidro, et qui, en plus, lorsqii'elle veut nous assurer que la Sidro est sous
contrôle belge, se voit contrainte d'indiquer, comme étant un actionnaire
belge majoritaire de la Sidro, le nom d'une antre société,la Sofina. Et
la chose ne s'arrêterait pas là. Nous avions cru que le Gouvernement
belge aurait éprouvéun certain embarras à ce propos. Au contraire, ne
s'en souciant nullement, la Partie demanderesse persiste bravement à
soutenir qu'il faut tenir compte des vrais Êtres humains couvertspar le
voile de la persolzwalité jzaidique et elle y voit la raison qui doit amener
à «percer le voile ID.La ipersistance des intérêtsindividuels dans toutes
les formes de groupements collectifs il - dit-elle à la page 117des
observations (1)-n'aurait pas alaisséd'exercerune influencesur le droit
des gens moderne Bet expliquerait «le rôle de plus en plus étendu » qui
serait "attribué à la nationalité des actionnaires et autres sociétaires218 BARCELOSA TRACTION
dans le domaine de la protection diplomatique des intérêtsgroupésdans
des entités collectives.
De notre côté, selon la Partie demanderesse, nous n'ignorerions pas
cette tendance mais iious nous efforcerions Nd'en réduirela portée ii.

29. A part les rappels, si peuà leur place dans le cas d'espèce,de la
rkalité de l'homme derrière la fiction de la personne morale, il est une
autre idée sur laquelle la Partie demanderesse aime à revenir: c'est
celle qui voiidrait que la nationalité des personnes niorales n'ait pas
un caractère unitaire; qu'elle change d'urie matière à l'autre, qu'elle
s'apprkcie différeniment selon qu'on la considère sous l'angle du droit
privé ou sous celui du droit public et du droit des geiis. La Partie re-
ouérante voudrait déveio~uercette idéedu manciue d'unitéde la natio-
nalitéde la personne morafe, en se référant enpaiticulier au droit belge.
Elle cherche, en effet,à contester, de façon fort inattendue, l'esactitude
de notre affirmation qu'en matière de nationalité des personnes morales
le droit belge ne s'est pas écartédu critère du siège social, mémedans le
domaine du droit public et dans la législationesceptionnelle du temps
de guerre. D'après ce qu'elle prétend (p. 819,1).le siège socialne serait,
en droit belge, qu'uiie preuve prima facie de l'appartenance d'une
société à un Etat et, tout au moins dans le doinaine du droit public et
du droit des geiis, une sociétérie seraitc0nsidéri.ecomme belge que si,
au siègeen Belgique, s'ajoiitait une présenceeffective d'intérêtsbelges
dans la société.
La question pourrait sembler d'un intérêttrès théorique par rapport
à l'espèce.hlais si le Gouvernement belge a consacrétrois pages à cette
auestion. ce n'est certes Das sans intention. C'est i~oiirquoinous nous
devons de dire que l'id& qu'il voudrait faire accepte; à propos des
critères consacréspar le droit belge en matière de nationalité des sociétés
est dénuéede fondement. Nous nous permettons de prier respectueuse-
ment la Cour de bien vouloir se reporter, à ce propos. aux pages 237 à
247des exceptions préliminairesprésentéespar le Gouvernement espagnol
le21 inai 1960 (1).A ce moment-là, quand le Gouvernement belge faisait
ouvertement de la Rarcelona Traction l'objet de sa demande, il était
nécessaire de déjouer par avance toute tentative éventuelle de faire
passer la Barcelona Traction comme possédant, ou du moins comme
possédant aussi, la nationalité belge. C'est pourquoi le Gouvernement
espagnol avait procédé à une analyse scrupulelise de la législation, de la
jurisprudence et de la doctrine juridique belges. tant par rapport au
droit privéqu'à l'égarddu droit public, par rapport à la législationdu
temps de paix comme par rapport S celle du temps de guerre. Il avait
constaté que le droit belge s'inspire d'une notion de natjonalité des
personnes morales singulièrement constante et uniforme, qui n'a jamais
subi de changements ni mêmede déviations. 11 avait aussi remarqué
que, lorsqu'elle doit servir de fondement à la protection diplomatique.
la nationalité des sociétésapparaît clairement fondée,dans la pratique
belee. sur un seul et mêmecritère. à savoir le siècesocial effectif. Dans
1':itfnidr InCo>nP,xqiiiee&,it!rale<lmeatilriz~nricrls. sociGt6~,onstitii6e
à Rnisclles ct y amnt son sicge, Ic ci~mrniss:iireheljie dc In Coitirnisiion
rniute iii:Igi<liie-\'cnczuel;iGoffnrt, :tclol>tan\.ec succt's iinc position
tr+i frrriic i:n In\.ctir dc In pris,: <.riconiiil<ratioii aInzrot<-stioti
dil~loin:itiqiic.dit scitl Clérndvt I:iii:itionnlitG di: In socictb, prciinrit
aiiiii po<itionaiontrcI'attribiirion d'iiiic\nlcrir qiielconqiic 1la nationaliti: PLAIDOIRIE DE M. AG0 219

des actionnaires ou des obligataires (Nations Unies, Recueil des sentences
arbitrales, IX, p. 330 et suiv.). Enfin le Gouverneinent espagnol avait
produit aussi une longue liste de traités de tous genres, passés par la
Belgique avcc d'autres pays, et notamment des traités d'établissement,
lesquels ont justement pour tâche de réglementer cette condition des
nationaux à I'étranger qui est la prémisse mêmede l'exercice possible
d'un droit de protection diplomatique. Dans la iiégociation de tous ces

traités, la Belgique a fait constamment valoir le critère du siège social
pour la détermination des personnes morales qui devraient ètre considé-
rées comme belges aux fins du traitement qu'il était prévu de leur
réserver.
bfaintenant, prétendant démontrer que nos affirmations étaient
uinexactes inon a citédans les observations belges (1). page 119, un arrêté
royal du 30 janvier 1954 relatif à la réparation des donimages de guerre.
Pourtant, ce texte déiinit, de la manière la plus incontestable, comme
étant de nationalité belge, les personnes morales ci~nstituéessous l'empire

des lois belges ou ayant leur siègesocial en Belgique. Si cet arrêtélimite
ensuite la réparation par 1'Etat des dommages causés par la guerre
aux seules sociétésde nationalité belge dans lesquelles la majorité des
capitaux appartient à des Belges, cela n'a visiblement rien à voir ni
avec la nationalité des personnes morales, rii avec les critères sur lesquels
se base, en Belgi-ue~ la protection desdites personnes envers les Etats
étrangers.
Toujours aux mêmesfins, les observations belges (1,p. 120) ont encore
emprunté, sans le préciser, aux exceptions préliminaires espagnoles de
1960 (1,p. 146) l,citation de l'accord du 30 septembre 1952 entre l'Union

économique belgo-luxembourgeoise et la Tchécoslovaquie, accord relatif
à l'indemnisation des propriétaires de biens nationalisés par le Gouver-
nement tchécoslovaque. Nais, comme on l'avait déjà fait observer à cette
occasion, la détermination de la nationalité des personnes morales belges
dans l'accord en question était faite clairement i:texclusivement sur la
base du critère du siège social. Que la Tchécoslovaquie n'ait accepté
d'indemniser que celles, parmi les sociétés de nationalité belge ou
luxembourgeoise, où il y avait en outre des intéréts belges ou lusem-
bourgeois prépondérants, voilà qhi est fort compréhensible. Toutefois,

cela n'affecte en rien les critères sur lesquels se base le droit belge pour
déterminer quclles sociétéssont de nationalité belge. Et c'est toujours
sur la base de ces critères que le Gouvernement belge détermine quelles
sont les sociétés à l'égard desquelles il prétend, normalement, qu'un
traitement donné leur soit accordé à l'étranger; et c'est sur la même
base qu'il décideen faveur de quelle sociétéil prendrait éventuellement
fait et cause au cas où ce traitement ne serait pas accordé.

2(jiliin ir (lui coni:q.riir.,tin;iiriiiciit. I'i~\i~,r1,licii di.n:irii>iln
lit; ;lvc<:I'Et.it I>rt,tcctcur r;cl oii t.ifcçtilI;il'.irri<.il ,ni:iiiderciit:

ne conteste pas apparement le bien-fondé de notre remarque quand nous
faisons observer qu'il y a là une condition qui qualifie le lien juridique
qui doit s'ajouter à ce dernier et qui, à elle seule, ne peut certes pas
suffire à.justifier un droit d'intervention. En mêmetemps, à propos de la
remaraue concernant 1'Etat nui aurait droit à soulever éventiiellement
1.1rliic~rit,tidu car;,~.t;~ret+f~ctif<I;riitinii;ilit;. ;1116qii;~l.e C,t,~i~eriii.-
rn?lit bric? p;ir;lît vouloir iloiii nslircr.it3~,iii;iciii; rq>rii,.i, nliu 1);lfirs
I IO,113et r77,It.se; ul~,<.rvntinni(I). qu'il nSi.iit1p ist<ni~,rtrrdc<loutcs220 BARCELOSA TRACTION

à propos du caractère effectifde la nationalité canadienne de la Barcelona
Traction.
Tout cela serait fort bien s'il ne semblait que la Partie requérante
n'a pas une notion trhs claire du fait qu'exiger le caractère effectif du
valable pour des situations en réalité extrémes de-pludu droit ld'unaEtat
d'intervenir pour assurer la protection diplomatique de son propre
ressortissant. limitation qui ne peut pas êtretransformée arbitrairement
en un élargissement. Nous aurons l'occasion de voir plus loin quel usage
étendu et inadmissible le Gouvernement belge voudrait faire, par contre,
de la notion de nationalité effective enl'appliqiiant aux personnes mora-
les. Quant aux déclarationsverbales de respect pour le caractère effectif
de la nationalité de la Barcelona Traction, elles apparaissent singulière-
ment contredites par une attitude qui revient justement à essayer, d'un
bout à l'autre des écritures bel-.s. d'insinuer que la nationalité en
qucstion n';ipis iiiicarncl2rc cfirctif. atii~(IctlCILIi des consCqiiences
sur 1;ib.isc dçsquclles 6r:it)lir le prt:tcjus sinndi<Icla Helgiqiie.

30. Les précisionset les mises au point dont la Partie demanderesse
a cru opportun d'assortir l'expression plus on moins contrainte de son
accord sur les nrincioes énoncésDarle Gouvernement es~aeno. -DroDos.
de la potectik desApersonnesmorales n'ont donc guère de consistance
nide fondement. Nous pourrions fort bien passer à d'autres considéra-
tions,n'étaient le but, lakaison d'êtredeces; misesau point »qui posent
quand mémequelques problèmes. Pour quelle raison, en effet, la Partie
requérantea-t-elle considér6utilede nousmettre engarde (1,p. 1-23contre
les prétendus dangers d'une irfacile et trompeuse assimilation in,que
d'ailleurs nous n'avions pz faite. entre le concept de la nationalité des
personnes physiques et celui de la nationalité des personnes morales?
Pourquoi favoriser pareille destruction de la notion mêmede nationalité
des personnes morales? Pourquoi s'en prendre, contrairement l'éviden-
faire maintenant.on ànpropos de ce droit.ionilctsi ln~igsd&iGloppenitr;II$.
d'ailleiirs si totxlement dépour\,usde foiidcmtnt? Si vraiment, comriizil
cst dit <I:inslesobscr\.;itioII D.121).c'est seiilçnient. dans Iiotrd ~ffairr.
«de la nationalité belge d'une iersonne morale, actionnaire de la société
canadienne, qu'il s'agit, de la Sidron, alors tous ces développements
paraissent bien inutiles.
Eu fait, la Partie demanderesse ne sait que trop bien qu'en dépit de
ses efforts et de sesiIlusions, il n'y a pas que la Sidro dans cette affaire.
Evidemment, il est fort difficile d'éliminercette sociétécanadienne si
ênante qui s'appelle la Barcelona Traction. S'il n'v avait eu que la
& idro, si l'affaire discutée ici avait pu s'appeler «affaire de la Sidron,
il est certain que le Gouvernement belge n'aurait jamais suggérél'idée
d'une différencede nature juridique entre la nationalité des personnes
morales ct celle des personnes physiques, ni d'ailleurs non plus l'idéedu
manque d'unité dans la notion de nationalité des personnes morales en
droit belge. Dans une telle hypothèse, on n'aurait certainement pas
soutenu dans les écritures de la Partie demanderesse, la thèse hardie et
dangereuse selon laquelle le droit belge exigerait.aux finsde la protection
diplomatique des personnes morales, la double condition d'une partici-
pation importante d'actionnaires belg-es et du siege social situé en
Belgique. Et finalement, on pouvait êtresûr que le Gouvernement belge PLAIDOIRIE DE If. AG0 221

n'aurait pas tenu àinsister sur le principe de l'exigencede la nationalité
effective. Les conséquences possibles de cette exigence à propos de la
Sidro le préoccupent parfois à tel point, qu'aux pages 178et suivantes
des observations (1), il s'empresse de se couvrir par une «présomptiou
d'effectivité du rattachement juridique. 11 y ajoute notamment la
prétention que, si l'on avait des doutes. ce serait au Gouvernement
espagriul qu'il appartiendrait de prouver qu'au :statut belge de la Sidro
ne correspondrait pas un lien de rattachement effectif.
Mais il y a aussi la Barcelona Traction, et derriere eue son Etat
national, le Canada, légitimement habilité à en exercer la protection
diplomatique. De là la nécessitéde continuer l'offensive contre un
obstacle aussi gênant,offensive dont nous avons déjà signaléla première
phase consistantà minimiser la protection diplomatique que le Canada a
exercéeen faveur de la Barcelona Traction, et à expliquer sa prétendue
nfaiblesseii en soutenant que le Canada n'aurait pas de réelintérêt à
l'égardde la Barcelona Traction, faute d'un nombre suffisant d'action-
naires canadiens. Nous avonsvu aussi que la Partie demanderesse n'a pas
étégénéedans la poursuite de son offensive par le fait que le Canada
pouvait avoir et, en fait, avait, des raisons encore plus valables de
s'intéresserau sort de la société.
Mais il était utile d'ajouter encore quelque chose. 11convenait non
seulement d'expliquer la conduite que l'on prêtait, gratuitement d'ail-
leurs, au Canada, mais en mêmetemps de la justifier, en quelque sorte,
en la présentant comme un simple exemple d'une attitude généralisée.
11 fallait laisser entendre que tout Etat, y compris la Belgique, en
aurait fait autant dans des conditions semblables. Voilà pourquoi il
était utile d'avoir avancé la théorie selon laquelle le droit belge ne
considérerait comme étant de nationalité belge, aux fins du droit public
et du droit des gens, qu'une sociétéqui, en plus d'avoir son siège en
Belgique, remplirait aussi la seconde condition et compterait un nombre
important d'actionnaires belges. Voilà pourquoi l'on a affirméavec tant
d'assurance et si peu de véracité que,dans le cas contraire, la Belgique
n'aurait pas de réelintérêtan sort de la sociétéet s'abstiendrait de lui
accorder sa protection diplomatique, même sila sociétéétait victime
d'un préjudice causépar un Etat étranger en violation d'une obligation
internationale envers la Belgique. La situation qu'on prétend être celle
de la Barcelona Traction n'aurait alors rien d'exceptionnel: elle pourrait
justifiéàtprévoir età fournir une solution.e droit international serait
L'idéede la Partie demanderesse, en d'autres termes, est d'en arriver,
s'agissant d'une sociétéaui se trouverait dans 1;imêmesituation aue la

pas de hardiesse, si l'on pense au fleuve d'encre diplomatique que,
justement, la Barcelona Traction a fait couler. Alaisqu'à cela ne tienne:
nous raisonnons ici désormais en termes généraux.La sociétédont il
s'agirait aurait donc eu le malheur de prendre la nationalité d'un Etat
qui, en réalité,ne s'occupe pas d'elle, faute d'lin intérèt véritable. La
protection de cet Etat seraitillusoiD res.lors que l'on aurait réussà
faire passer cette idée,on pourrait essayer de franchir un pas de plus.
En s'obstinant i vouloir faire application des principes normaux gouver-
nant la protection diplomatique. on ne pourrait porter aucun remède à
une situation aussi déplorable.Il faudrait alors laire admettre que, dans222 BARCELOSA TKACTION
des coiiditions aussi exceptionnelles, un Etat autre que I'Etat national
de la sociétéueut intervenir. i\Iais. comme la Partie demanderesse le
rccoriii:iitnus 1):13cs176 ct sui\.nntcs d~.;ol~jcrv;itinri;(1). cIL.droit iiitcr-
natiori:ilIILTC<-uiinai~t):isà1'lit:ttdolit la sniiétCII',p:ts Icstrltiii iintioniil.

la comoétence à intirvenir en faveur de la sociétécomme tellen. Par ~ ~ ~
ion,r'<luent, ilf;iuJi.iit trouvcr un moycn pour (lue I'iri<lr1<1atpuisse
s'ociupcr de 1.iioci;:t> rlc;li;rit6u, sinun directcmeiit, du nioiii~por \.oie
dL:rouriiCc,pli. IL,trurl~~iiicnti1':iutrt:ssujet;, tels, piirCS~:IIII~~, CCIIYqui
po.ss&I~r:ii~iidtrj :tg:tlons(1,Ici;~iiCt:.,d>ns lccas cl'iiiie<n:i<.i;.:iiiniiyinc.
l'nr ce I)i:iisssiilcrni.iit oii poiiirait :ittcind12 Iiiit iiii.fltI'vpGratiuii.
1.ccnuroiinciiit:iit J,: I'Gdi~icts.cr:iit (1:,voir truiivliiivj~i~ti!i~~.i~iuiic,
i)rL:t'.n;lir;~l<. IIICIIILt'ci sl);:ii~l~.qiii 11~111i~ttr:d~it.in<ttrtCI] <ii.;~iit
l:~Sidrn. .,IIICIIvt i)l.,~:dc 1:i13:trc(:Ion~ 'l'i~:i~.ti<.I:~I12 .u~ir,~ ~tt;flc
la réparjtion du prijudice qu'on prétcridavoir étécausé à la Barceloiia
Tractioii; une règle tout à fait ad hoc, qui permettrait surtout à la
Belgique de demander et de se faire attribuer, en faveur de la Sidro, ce
que le Canada aurait pu, s'ilL'avaitvoulu, demander et se faire attribuer
en faveur de la Barcelona Traction.

31.C'est donc à la recherche de cette règlespéciale,tellement néces-
saire pour ses desseins, que la Partie demanderesse partira désormais:
c'est à cette tiche qu'elle consacrera ses efforts patients et tenaces.
Elle ne doute pas de son succès. La règlespécialedont elle a besoin
serait imposéepar les exigences du problèine a d'assurer la sécuritédes
investiss~ment<effectués a l'étranger », problème qu'à la page 115 des
observations (1)ellenous dit être « d'uneimportancecapitale dansle monde

moderneo. Il paraît, on ne sait pas bien pourquoi] que nous aurions
négligél'importance de ce problèinc, lequel aurait des incidences toutes
particulières sur les questions qui noiis occupent. A la suite de o l'essort
des crandes sociétés financières dans lesauelles le statutde droit intcrne

internationale. soit des sociétéscomme telles. soit des actionnaires ou
autres sociétaires ilserait aactuellement en évolution inL'influence
de ces groupes financiers sur le droit international serait tellement forte
au'elleauràit ~rovoaué iitout un mouvement doctrinal d'une envereure
~roissantenqui'préciniserait «une application réalistedes du
droit international à la protection des investissementsdans des corpora-
tions étrangères,en s'appuyant sur des précédentsimpressimz~~a~zts'dans
lesquels le droit de protection des actio~tizaireset autres associésest
nettement affirmé o. En nous obstinant à soutenir que, en l'espèce,«la
qualité pour agir n'appartient qu'à I'Etat national de la sociétémise en
failliter. nous irions donc décidément A contre-courant.
Mais laissons de côtéles phrases à effet destinées à nous impressionner
oar la re~résentation de ce erand mouvement et de cette véritable
rc'volutiun qui SC prodiiiraiciit soiis nos yeiiu (tans Ic clonioiiit. (le I:i
protcctioii dinloin:irioiie interii:itionnle poii:illi::iii-3cv:iiiclcicxic(.riccs

dfait-ands &oupeménts financiers internationaux. Et venoris-es aux

Ce qu'il y a pour le moment d'essentiel à.relever dans le raisonnement
de la Partie demanderesse est Que.maleréles efforts au'elle dédoie oour
trouver réserves i fo;m;ler et"queÏques préc'isions ippirier à
la définitionque nous avons donnéedes principes généraux essentielsdu PLAIDOIRIE DE M. AG0 223
droit international en matière de condition des étrangersct de protection
diplornatique, la.artie demanderesse s'est trouvée dans I'iinpossibilité
de coritester l'exactitude de notre définition.
Elle a aussi étéforcéed'admettre que, si l'on ii'apportait pas à ces
principes des correctifs adaptésaux besoins de la cause, elleetrouverait
l'obstacle le plus net à ses intentions. Le fait mêmeque, pour nous
convaincro de la nécessitéd'admettre de tels correctifs, elle ait fait un
appel aussi passionnéau inouvenient, à l'évolution,aux transformations
en cours, montre qu'elle ne sait que trop bien que, si l'on envisage ses
préteritionà la luniièredu droit tel qu'il est, du dràl'étatde quiétude,
le résultat ne peut être quenégatif pour elle.
Nous vouvons donc considérer comme bien établies et certaines les
~"IIC~IISIUIdc 1analyse :I1;tquellcnuus iious sominçs coiisacrLJIIS~IILI.
et qui ~orisi.~tilitri rc-chercher Ics ~onsiiquciic~.sd'une ~pplicatiuii des
nriiicii>escéiiCr~u.du droit interii;irioiial i uiie situ~iiuii cuiniiic celle
4ui sépr&ente en l'espèce. Ces conséquences ne sauraieiit désormais
faire de doute:à la lumière des principes générauxmentiomiés,aucune
qualité pour agir ne sauraitêtre-reconÎiue'auGouvernement belge dans
la préseiiteaffaire.
hlais le Gouvernement belge nous dit aue l'évolutionexigée Dar une
tutelle plus efficace des investissements ktrangers aurait eÜ pour effet
d'a.p-rter, en fait, un correctià ce qu'elle considère commeune riaidité
excessive des principes en vigueur. Li correctif aurait pris la forme d'une
règle spéciale,vite élevée à la dignité d'une règle coutumière, dont la
portée essentielle devrait être de prévoir I'adniissibilité, à titre plus
ou moins exceptionnel, de i'interveiition d'un Etat tiers, en cas de pré-
judice causépar un Etat à une sociétéétrang6re.aux fins d'une protec-
tion de sesressortissants sociêtairesde la sociétécn question.
En réalité,plus que d'un correctif - le terme a évidemment été
employépour ne pas effrayer -, il y aurait là un bouleversement fort
surprenant de la logique mêmedes principes du droit international en
matière de conditioii des étrangers et de protection diplomatique. Mais
la Partie demanderesse nous parle de firéct?~leicszfiressio~cnantet de
plus en plus nombreux, qui viendraient à l'appui de cette prétendue
règleet la consacreraient. Sous allons alors nous attacher encore. dis-
poséque nous sommes à examiner les prétentions de la Partie deman-
deresse jusqu'au bout, à vérifiers'il y aurait un fondement quelconque
à cette assertion du Gouvernement belge.

32. Monsieur le Président, Messieurs, en vous présentant le plan de
cette plaidoirie, je m'étais permisde rappelerque l'examen de la question
de la prétendue règle spéciale,d'origine récente, qui comblerait d'une
manièretout àfait ad hoc les vmux de la Partie demanderesse enmatière
de protection diplomatique des actionnaires, présupposait, à son tour,
qu'on ait répondu par l'affirmative à une question préalable. Nous
discutons ici, avec force détails et arguments, du point de savoir si
le droit international permet ou ne permet pas, dans une hypothèse
comme la natre, la protection diplomatique de certains actionnaires
par leur Etat national. Mais ail fait, y a-t-il des aactionnaires~, belges
dans la Barcelona Traction?2z4 BARCFLOSA TRACTIOX
Je dois dire tout de suite que nous n'avons pas l'intention de con-
sacrer de longs développements à cette question. Nous sommes trop
convaincu qua, mêmesi le nom de la Sidro tigurait en toutes lettres
au registre des aactionnairesii de la Barcelona fraction, il n'en serait
pas moins totalemeiit exclu que le Gouvernement belge puisse se créer
une auaiité Dour aeir dans la présente affaire. Cela a'autant ~ius aue
cetteAquesti&ia étc1argement béveioppéedans les écrituresduA~ou;er-
nement espagnol et notamment, en dernier lieu, à la section V de l'his-
torique des exceptions préliminaires de 1963. La Cour pourra donc s'y
référer,si elle l'estime opportun, et elle pourra juger si l'on peut considé-
rer comme pertinentes -& convaincantes les réponses à certaines ques-
tions poséespar le Gouvernement espagnol, qui sont donnéesau chapi-
tre V des observations belges rlla troisième exception prélimiiiaire. En
particulier, nous ne nous arrêterons pas à discuter le problème des ac-
tions aux porteurs revendiquées par la Sidro comme étant siennes au
moment de lafaillite et du coiitraste qui subsiste toujourà ce propos
entre les donnéesrésultant de la comptabilitéde la Sidro et les renseigne-
ments fournispar les organes officiels.
La Cour pourra apprécier si les efforts de fantaisie déployéspar la
Partie demanderesse pour expliquer les prétendues uanomalies apparen-
tesa contenues dans la certitication de l'Institut belgo-luxembourgeois
du change, peuvent avoir pour effet de transformer ce document, dans
lequel la Sidro figure comme détentrice de 54 actions au porteur de la
Barcelona Traction, en une preuve des assertions selon lesquelles elle
en aurait possédé349 905. Nous n'attribuons d'ailleurs pas beaucoup
d'importance à ce point, d'autant que, entre le moment de la faillite
de la Barcelona Traction et le moment de l'introduction de l'instance
belge. les actions au porteur en question ont changé de caractère et
sont alléesrejoindre les actions nominatives.
La situation des actions nominatives mérite, par contre, quelques
considérations supplémentaires.
On aura remarqué que, lorsque la Partie demanderesse parle de la
prétendue règlespécialedu droit international, toute récenteet fabriquée

elle parle d'une protection diplomatique des .actionnairesnaapar rapportis:
à l'hypothèse spécifiqued'une sociétépar actions. et plus généralement,

thèsedes associésdans une société de personnes.Maisquand elle se réfère-

à la situation dans le cas d'espèce, sonlangaga devient beaucoup plus
vague. On parle beaucoup des intérêtsd,es inusslissements,de la parti-
cipation belges dans la Barcelona Traction; mais la protection diplo-
matique, comme le Gouveriiement espagnol l'avait indiqué dans ses
exceptions préliminaires, est la protection de personnes, physiques ou
morales, et non pas d'intérêtsplus ou moins vaguement définis.
Quand on mentionne en particulier la Sidro, il est rare que le mot
actionnairefigure: on parle plut& de cette sociét6comme apropriétairen
d'actions de la Rarcelona Traction, ou encore on parle des actions
comme nappartenant a à la Sidro.
Qu'il y ait de très bonnes raisons pour ces précautions de langage,
ce n'est un mystère pour personne. Déjà, dans ses exceptions prélimi-
naires de 1960' puis dans celles de 1963 (1,p. 232 et suiv.), le Gouverne-
' C.I.J.AMmoires. BarceIono Traction Lighl and Powrr Company, Limifed,
p. 376et sui". PLAIDOIRIE DE DI.AG0 225

ment espagnol avait souligné que le registre des actionnaires de la
Barcelona I'raction tenu par la National Trust Company de Toronto
n'indique pas le nom de la Sidro comme titulaire des Iorz 688 actions
qu'elle prétendait posséderau 12 février 1948,mais celui du parlnership
Charles Gordon and Co.de New Jersey. Ceregistre indique aussi comme
actionnaire des I 354 776 actions dont la Sidro revendique la propriété
au 14 juin 1962, le pavtnership Newman and Co. de New York. Le
nombre d'aactionnairesn belges inscrits au nominatif dans le registre
en question était insignifiant.
Là aussi nous ne nous arrêteronspas à reprendre les commentaires
pleins de points d'interrogation que toutes les firmes d'experts consultées
par le Gouvernement espagnol ont fait touchant l'étonnante complexité
des «passages»dont ont étél'objet, après 1939, les actions qui étaient
inscrites au nom de laSid1-Oen ro?o.
Nous n'essaierons pas non piusde pénétrerdans la jungle des conveu-
tions. des transferts, des mouvements en avant et en arrière, des inter-
Partie demanderesse nous décrit pour nous expliquer comment on seraita
arrivéà la situatio~i actuelle.
Nous pousserons la discrétionjusqu'à ne pas nous demander pourquoi
la mêmePartie, qui a produit en annexe tant de documents pour donner
la preuve indirecte de certainiipassages» ou de certaines modifications,
n'a pas produit quelques textes auxquels elle a fait pourtant des allu-
sions fréquentes, et quelques certificats qui auraient pourtant pu être
plus probants, pour établir quelle était véritablement la situat'ion
juridique au moment de la faillite.
Peu importe! Nous ferons la partie belle A nos distingués contradic-
teurs et nous tiendrons pour vrai le récit qui est fait an chapitre V
des observations du Gouvernement belge(1p ,. 196et suiv.)en vue d'expli-
quer comment les actions dont il est question auraient abouti à être
inscrites successivement au nom des deux partnerships américainsmen-
tionnés. Nous ne discuterons mêmepas I'afirmation belge - bien des
doutes àson sujet seraient pourtant permis - selon laquelle, aux épo-
ques qui intéressent, cespartnerships américainsauraient étédes nomi-
neesde la Sidro.
Le Gouvernement belge dit dans ses observations (1,p. 201) qu'il est
prêt à accepter les avis juridiques et techniques que le Gouvernement
espagnol avait produits en annexe à ses exceptions préliminaires de
1963. Xous lui rendrons la courtoisie en disant. que, nous aussi, nous
acceptons, avec les mêmes réservesque lui, la consultation qu'il a pro-
duite à l'annexe no 12 de ses observations, en ne reproduisant mal-
heureusement pas le texte original.
De tous ces avis, le Gouvernement belge serait ravi de pouvoir tirer
la conclusion que lenominee n'est qu'un simple détenteur pour le compte
d'autrni, et c'est ce qu'il prétend à la page 201,1,de ses observations.
Or, il sait parfaitement qu'il n'en est pas ainsi et que cette prétention
est contredite par les citations qu'il a faites liii-même.Ce qu'il peut
soutenir, c'est que le fait d'inscrire des titres au nom d'un nominee
ne comporte pas la perte de la beneficialownershi# (nous dirons la <<pro-
priétébénéficiaire> , je ne sais pas si cette traduction est exacte) des
titres mêmes.Mais le maintien de la beneficialownevship comporte en
mêmetemps, ipso faclo, la perte du legaltifle (du titre juridique), lequel
passe au nomiltee. La Sidrr, peut au maximum prétendre que, en admet-226 BARCELONA TRACTION

tant que tous ses récitssoient vrais, elle était encore, au moment de la
faillite de la Uarcelona Traction, l'undisclosed principal des actions
inscrites au nom de la Gordon and Co. Mais certainement, elle n'avait
plus de legal title sur les actions; elle n'avait plus le droit de se qualifier
actionnaire de la Barcelona Traction. En effet, la tradition juridique
américaine et la tradition juridique européenne concofdent sur le fait
que, lorsque les actions sont nominatives, est actionnaire d'une société
celui qui est inscrit dans les registres de la societé; celui que la société
invite à participer aux assemblées; celui qui peut voter; celui qui a
qualité pour agir contre les décisions des assemblées; celuiqui peut
encaisser les dividendes. En d'autres termes, est eactiounaire n au sens
propre du terme celui qui peut exercer valablement les droits inhérents
à la qualitéde sociétaire.
II cst tien certan quc c'Ctaieiit Gordon aiid ilo. et Seivriiaii :iiiCu.
qui. aux kl>u<lueS qui intL'rc5.itiilt.pouvuent vuCerii:iii,1c.S;isi~nihl~es,
encaisser le iiiuiitaiit dei <livi<lcii<lcjc.'est <loiiCC;,purriiirships qui
état actoniare le II Iarloii I'r:ictio~i.et non p.u:I;i Sidro.
Ces cun;idc:r~tioiii ~)reiiiicilt~I'.~utI>Iu~de poids <las lc; rapports
internationaux où, cimme on le rappelait à la page 233 des exceptions
prélimiiiairesde1963(1), on nepeutcertes pasprétendre a ceque les Etats
procèdent à des enquêtes, qui ne seraient d'ailleurs pas admises, sur la
véracitéde ce qui résulte des documents officiels.Aussi bien en ce qui
concerne la condition des étrangers qu'en ce qui concerne la protection
diplomatique, il est exclu qu'on puisse demander à un Etat de tenir
compte, non ps de ce qui ressort de ces documents, mais de ce qui
résulterait d'un contrat purement interne passé entre les personnes
figurant auxdits documents et d'autres personnes éventuelles.
Quant à la prétention du Gouvernement belge touchant l'existence
d'une règle spécialedu droit international qui devrait jouer en sa faveur.
et que nous devonsdiscuter.ilnous a touiours dit que cette rèyled-vrait
przvuir UIIV po;~li)iiité~x~:cplio~i~icI(Ije prott~StlOll<Ics~i~~ti~~i~~l.iirc~,
et nun lus dc, Dorcfic~aol:~r~crCî vciituel,. \l;iiiireiiI;iP.irtic dcrnan-
deresse-voudrait non seulement que le droit international, en cas de
préjudice causé à une société,prévoie pour un Etat tiers différent de
i'Etat national de la sociétéla possibilitéd'intervenir pour la protection
diplomatique des actionnaires; elle voudrait encore qu'il admette aussi
l'intervention d'un quatrième Etat, en faveur des beneficial owners
auxquels les actionnaires, en vertu d'un contrat passéentre eux, doivent
rendre compte des intérêtsou dividendes. Autour d'un mêmeet unique
fait on assisterait à une véritable multiplication des interventions!
En fait, comme le Gouvernement espagnol le rappelait aux pages 376
et suivantes' de ses exceptions préliminaires de 1960, c'était bien la
présence d'un partnership américain au registre des actionnaires qui
avait provoqué la note du 22 juillet1949 du Gouvernement des Etats-
Unis au Gouvernement espagnolz. Bien entendu le Gouvernement
américain connaissait, lui, les limites qu'il devait respecter dans son
action. 11 reconnaissait, tout comme le Gouvernement britannique,
que le Gouvernement canadien était seul en droit d'exercer la pro-
tection diplomatique d'une sociétéde nationalité canadienne telle que
la Barcelona Traction, à la suite d'un préjudice qu'elle prétendait
avoir subi. Il s'était donc naturellement abstenu de toute action pou-

' C.T.J.Mdmoires, Horcelo>raTraction. Light ondPomer Conzpany. Limited.
' Voir erceptioiis prdliminair1g60,annexe 171,doc. r,vol.III, p247 PLAIDOIRIE DE M. AG0 227

vant apparaître comme une intervention pour son propre compte; mais
il avait quand mémetenu à appuyer officiellement la démarclieefiectuée
par le Canada en faveur de la barceloua Traction et à motiver cet appui
par la «présence d'intérêtsaméricains idais la société.Et le même dee$
interestétait réaffirméà nouveau dans les notes verbales des 12 juin
et z juillet1951 ', par lesquelles on demandait copie du rapport de la
Commission d'experts hispano-anglo-canadi1 e1enerésulte donc que
le Gouvernement des Etats-Unis prenait au sérieux l'inscription de
Charles Gordon and Co. comme un important actionnaire, sans quoi
il n'aurait pas accompli lesdémarches officiellesque nous avons rappelées.

33. A ce propos, il y a d'ailleurs un fait auqiiel il est bon de réfléchir
et ie m'excuse de retenir l'attention de la Cour sur ce vointour auelauL~
initants encore. Les observations belges, àla page I&, 1,Ans décrivent
les <<actesde prudente gestion)) accomvlis par la Sidro en présence des
dangers que cÔmportait'la guerre. Ellei disent:

rI1 sufiira de dire ici que l'appareil de défense a consisté tout
d'abord dans la création d'une sociétéde statut américain, la
Securitas Ltd., destinée à servir d'abri aux biens de la Sidro comme
d'ailleurs à ceux d'autres sociétésdu groupe Sofina. Cette société
était, comme elle devait l'être, une création des dirigeants des
sociétésà protéger, qui étaient ainsi assurées de voir leurs actifs
à l'étranger cotitinuer à être géréspar ceux des mandataires de
leur choix qui se trouveraient hors du contrôle ennemi.
C'est ainsi que sur les douze administrateurs composant le con-
seil d'administration de Securitas, sept étaient des administrateurs
de Sidro ou de Sofina, tandis que les cinq autres étaient soit direc-

teurs, soit fondés de pouvoirs, soit encore avocats du groupe Sofina-
Sidro.
Securitas créa, suivant la pratique coiirante aux Etats-Unis,
un partnersizip.Charles Gordon & Co., composé de personnes qui
étaient étroitement liéesà elle et destiné i lui servir de nominee.
C'est ainsi que les actions nominatives de la Barcelona Traction
dont Securitas était dépositaire furent iriscrites au nom de Charles
Gordon & Co. »

Ces quelques phrases, si on les regarde de près, fournissent la clé
de bien des choses. L'opération menéene consi~tait pas du tout à cher-
cher sur place, aux Etats-Unis, une firme de confiance au nom de laquelle
inscrire ses propres titres. Elle consistaità se donner à soi-même,pour
les besoins de la cause, un visage bien américai~i.On nous dit en toutes
lettres que la Securitas Limited était encore iine Sidro ou une Sofina de
nationalité américaine, puisque enregistrée aux Etats-Unis et y ayant
son siège. Le directeur de la Securitas, la Sidro américaine, était d'ail-
leurs une personnalité financière bien connue, ressortissant américain
et manager de la Sidro elle-même.Quant à la Charles Gordon and Co.,

ce n'étaient que certains des administrateurs de Securitas qui avaient
pris la forme d'un partnership. On n'avait dorlc vraiment plus rien à
craindre du moment où c'était la Gordon qui devenait l'actionnaire
en ce qui concerne les fameux titres jadis inscrits ail nom de la Sidro,
et elle était le mandataire de choix de cette dernière, char f.comm. le .
disent les observations, de gérer ses avoirs à I'étranger. actionnaire

Voir exceptions préliminaires, 1960.anne171,doc.3, vol. III, 249 et25'.228 BARCELONATRACTION

était encore, en fait, le même,mais avec nationalité américaineet non
plus belge. Cela explique aussi pourquoi, après la fin de la guerre et des
dangers qu'elle comportait - dangers bien relatifs puisque tous les
au nom de la Sidro. mais ontéténasçésles aiun autre 4artnershi4 du mêmeés
genre, puisque crééaunom de ce M. Newman qu'on'avait déji rencontré
comme trésorier de la Sidro américaine ou Secnritas. Le maintien de
l'américanisation des titres en question procurait plusieurs avantages:
entre autres celui de pouvoir compter, si nécessaire, sur l'appui du
Gouvernement américain et de s'assurer ainsi. une fois de plus, une
double protection. On ne peut qu'admirer la puissance et i'habileté
de ceux qui trouvaient toujours le moyen de provoquer des interventions
doubles, à tous les échelons.Pour la société BarcelonaTraction la pro-
tection diplomatique du Canada et ceile de la Belgique vont de pair
tant que les intéressésle trouvent utile, l'une en vertu du statut national
de la société,l'autre en vertu des soi-disant intérêtsprépondérants. En
ce qui concerne les actionnaires on se servira de la protection belge,
en mêmetemps que de la protection américaine, cette dernière sur la
base de la nationalité de la personne ayant le legallitle en tant qu'action-
naire, alors que la première sera baséesur la nationalité du belieficial
owqrer.De ces deux protections, c'est finalement de la protection belge
que l'on se servira de préférence,le Gouvernement américain ayant
montré trop clairement qu'il considérait le Gouvernement canadien
comme ayant seul une qualitépropre àpoursuivre l'affaire. Malheureuse-
ment. non seulement la protection belge n'était pas celle de 1'Etat
national de la société, mais encore ellen'étaitpas non plus celle de I'Etat
national des actionnaires. La Belgique n'était que I'Etat national de la
société à laquelle revenait la belieficialownership des titres. Car- et
cela nous permet de répondre A la question préalable que nons nous
étions posée - il n'y a pas de personnes physiques ou morales belges
qui soient, au sens propre du terme, aactionnairesu de la Barcelona
Traction, du moins pour un nombre d'actions qui soit plus que négli-
geable.

[Audience publiquedu 24 mars 1964,après-midi]

VI

34. Monsieur le Président, hfessieurs, dans la deuxikme partie de
l'audience de ce matin, nons nous étionsattaché àexaminer la question
de la présenced'actionnaires, an sens propre du mot, ayant la nationalité
belge, dans la Barcelona Traction, question qui est préalable à celle
que nous allons aborder maintenant, concernant l'existence de la pré-
tendue règle spéciale préconisép ear la Partie demanderesse. Le moment
est donc venu de prendre en considération les assertions de la Partie
demanderesse relatives à la prétendue formation d'une règle spéciale
qui devrait - précisons-le une fois de plus - prévoir entre autres
la possibilité d'une protection des actionnaires par leur Etat national
dans les cas où un autre Etat aurait causéun préjudice à une société
relevant d'un Etat tiers, et cela en violation d'une obligation inter-
nationale envers ce dernier Etat.
Je n'ai pas besoin de rappeler que nous ne nous consacrons A cette recherche qu'à titre purement hypothétique et même,aprèsce qu'on a pu
constater dans les parties précédentesde cette plaidoirie, en cumulant
hypothèse sur hypofhèse. QÜoiqu'il en soit, nous ne noussoustrairons pas
à cette tâche. Notre coiisçience n'en sera que plus tranquille lorsqu'on
aura vérifisiles thèsesbelgessur cepoint sont fondéesou si,au contraire,
elles le sont encore moins, si possible, que celles relatives aux points
que nous avons déjàexaminés.
Si nous sommes disposé à suivre la Partie demanderesse en accep-
tant d'accomplir cette tâche, nous n'irons toutefois pas au-delà d'une
limite bien précise. Nousne permettons pas qu'oiise départede l'attitude
la preuve de l'existence d'une règlecoutumière (ledroit international. Il
suffit de lire, dans les observations belges, les considérations préalables
à l'analyse de la pratique des Etats pour se rendre compte que la règle
dont la Partie demanderesse voudrait établir l'existence est déjà toute
faite d'avance dans son esprit. Cette attitude' est inadniissible, car
lorsqu'il s'avère notamment que la pratique des Etats ne permet guère
de déduire les données nécessairespour confirmer la validité de cette
construction préfabriquée,c'est celle-ci qui doit êtreécartée;ce n'est
pas la réalité des faits qui doit s'effacer devant les exigences des buts
poursuivis.
Nous avons vu que la Partie demanderesse est très impressionnée
par un grand «mouvement B qui se manifesterait dans le droit inter-
national moderne en vue de donner plus de sécuritéaux investissements
privés à l'étranger.
En particulier, au regard de ce c~mouvement n,ce serait le critérium
du statut national des sociétésqui se serait arévélé parfois inadéquat II,
appliqué à la détermination de 1'Etat ayant qualité pour agir par la
voie diplomatique ou devant une juridiction internationale. Quand cela?
Dans deux hypothèses. La première: <ilorsqu'unGouvernement prend
q~icllei~lt.;tr:iii~~ri ~>o&dci~t(lei inrir;ts iriiport~nts ,,:I:Idciii,'-e
rr Ii lei nior- rrrir)lo!;i0.î~~r rhd~.i<ibî~r!..?tioi~.lc~~(I~)l~!!'icririent
vraiment plein diitérêt - lorsque

cicomme c'est le cas en l'espèce [...] ces mesures atteignent des
corporations dont 1'Etat national du siège se désintéresse parce
que les entitésléséessontcomposéesd'étrangersousontdominéespar
eux. Dans les deux éventualités [conclut-on], les lésésseraient
exposés à êtreprivésde toute protection diplomatique, si un cor-
rectif n'était pas apportéà ce critérium.»
Voilàdonc ledessein précisde la règlespeciale que recherche la Partie
demanderesse et qui devrait permettre une application opportunément
«corrigée n des principes du droit international. Une vraie règle sur
mesure. car la deuxième hy. .hese que la ~irétenduerègle devrait
envii:igcr. I'hyln,tli+scqiii ioiiiprc, n'~cique ~i'traii~~o:itio~en tcmies
d'li).pi,rhfisegi.iii.ralI;situation p:irtiiiili+rz a>u,au dil1(;oiiverne-
mrrit liclgc.1;R1rcc1on.iTrxtion se 5t,r:1ittroux,écpar rnplrnrt nu Goii-
\.enlenient cariadirn. soli (;ou\.crneni?rit national.
Se faiionc pas de ioriinient:~irv:abqtt!nons-noiisde ~P~circomme noiis
aurions envie.de le faire une fois de plus contre (cettenoüvelle confirma-
le sort de In BarceIona Tractiori. Lc pointàtconsidirer ici c;t tout niitrr.230 BARCELONA TRACTION

La Partie demanderesse nous parle de l'existence de précédentsimpres-
sionnants à l'appui de sa règle spéciale.Voyoiis donc ces précédents.
34 bis. L'examen des prétendus iprécédentsjuridictionnels et arbi-
traux » et des prétendus «précédents gouvernementaux et autres »
occupe quarante pages des observations du Gouvernement belge (1), de
la page 124 à la page 164.
L'ordre dans lequelles affairessont analyséessuit de prèscelui qu'avait
adopté le Gouvernement espagnol aux pages 199 à zrg des exceptions
préliminaires de 1963(1) en réponseau premier examen fait dans le mé-
moire (1) belge de 1962, aux pages 153 à 160.
Nous nous devons de donner acte la Partie demanderesse du fait
que la nouvelle analyse représente un progrès par rapport à la précé-
dente. L'étude des cas est plus détailléeet généralementelle semble
avoir été faite,cette fois-ci, sur la base des textes et non pas sur la base
de référencesindirectes souvent peu soignées. Certaines erreurs plus
choquantes, certaines déformations que nous avions à regret dû relever
dans le mémoiresemblent avoir étéévitées.Toutefois, la méthode con-
sistant à essayer d'«adapter *les faitsà ses convenances et i citer des
cashors de propos est toujours largement employéepar la Partie adverse,
même si son emplois'est fait plus subtil et s'il se présente parfois sous
l'apparence du souci de rétablir l'exactitu e. A ce propos, si l'on pense
à certains passages du mémoire, les bonnes notes qu'on nous octroie
aimablement dans les observations lorsque l'on qualifie notre arialyse
d'rrà peu près exacte in,peuvent nous faire sourire tout autant que les
mauvaises notes que l'on nous attribue lorsqu'on voudrait nous imputer
des prétendues iconfusions ),etiiinexactitudes n.
En fait, selon la Partie demanderesse, aux pages 124 et suivantes
des observations (1), nous aurions confondu dans certains cas « la qualité
pour agir des Etats demandeurs iiet lesirèglesde droit applicables au
fond de l'action o. Nous aurions cité des cas où les prétentions des
Etats demandeurs à la protection des actionnaires et autres associés
ont été,en fait, rejetées sans que l'on enquête sur les raisons pour
lesquelles les demandeurs ont étédéboutés,raisons qui aiiraient pu
étre tout autres ou'un défaut de ius standi de l'Etat réclamant. Finale-
ment, les cas les plus gênants la thèse belge sont écartésen bloc en
disant qu'ils seraient <sans pertinence dans le présentlitige iet ou'«au-
cune réiutation de la tlièsebelge »ne serait <crip ortée ».-
Un exemple vaudra pour illustrer devant la tour la soliditéde telles
assertions. A la page 187 des exceptions préliminaires (1), là où il se réfé-
raità la tendance récente de la jurisprudence à demander que le lien
juridique de nationalité soit doubléd'un lien réelaux fins de l'admissi-
bilité de la protection diplomatique, le Gouvernement espagnol avait
souligné, dans une note, le caractere rigoureusement limité de la

tendance en question. En il avait rappeléque
«dans la très grande majorité des cas, c'est exclusivement l'exis-

tence d'un rattachement juridique de nationalité qui a étérequis
comme condition de la faculté de protection diplomatique au profit
d'une société, soitavec le résultat de reconnaître le droit de pro-
tection là où un tel rattachement existe, soit avec l'effet de le
refuser là où ce méme rattachement ne pouvait êtreprouvé, et
sans attribuer, en particulier, auczenpoids à la ~ationalitédes mem-
bres de la société». PLAIDOIRIE DE M. AG0 231

A l'appui de cette affirmation, le Gouvernenient espagnol avait cité
dans la mêmenote toute une sériede cas. dont certains récents. dans
Itî..1.~~1I;Ipr~,tccrioii~lipluiii,~tiquï;le l;, part le l'lCt>r I~;I~IUIIJdc la
wii,.ri. .iCr! toujours :,~lmi.iti, cr cllc I':Icl; iiunul>ir,III Ic f:,it cliic,
d.111~ 1.1plup~rt d'viilrc, C;II>,uiitiil ])II clc,~rt(IIIa::#rx:t,.rt:effcctde 12
ii:ition.ilit;. iii\.w{::t.tII~n:~rti:uIi~ri,~onob~t.lnt ICf31! ~UC' I:Iiii:~]t>rirc,
vuirt 1.trnt:~I~lc,dc.i :~L.l1ulin.iir~i,.r;iit <IVir~~li~~n;tl~lii~i~r~i~lc.
Comment retrouvons-nous ces mémesaffaires dans les observations

donné aie la sociétéet ses actionnaires avaient la mêmenationalité.

mettons ~es~êctuëusementde suggérer la relecture des trois page; en
question, si l'on veut apprécier la correspondance entre le titre de ce
passage et son contenu. Parmi les exemples de sociétée st d'associés de
mémznationalité,la Partie demanderesse n'hésite pas à mentionner
l'affaire de 1'Agencyof Canadian Car and Fouiidry Co.,société incorporée

à New York. dont 1oo0/, des actions auuartenaient à une société mère
canadienne. Avec une'certaine désinGÔlture,la Partie demanderesse
constate que, selon le surarbitre, l'existence d'intérêtseffectifs pourrait
résulter de circonstances autres Que la nationalité des actionnaires.

nant aussi d'autres assërtions de la Partie deinand&esse. hlais, pour
ce qui est d'avoir classécette affaire. où les actions d'une sociétéaméri-
I I oiir :I rrniiiiirr~,nL: I<.nnO, (lc 1.1]>rojiri;.tiIv i.iii:i.li,.n;, 1):irini
irllc.3 oiiil\. ;itir:iiicI~-iiti(1, ii.ttini~.ilit~iitirI:i~ii,:i<:<-IIr5 .<ctinn-
11:4ires, ucllc iiisti~i~~:~ri~1gn1':irrir ~l~.ii~aiirIrrr;;rpr~i;,~-~-t:llip.ouvnir
en donner? '
Nous n'avons citécela qu'à titre d'exemple, et par ri.action légitime,
pensons-nous, contre les assertions que la Partie demanderesse a cru
opportun de faire à propos d'une analyse de la jurisprudence dans
laquelle le Gouvernement espagnol avait eir le souci de l'objectivité
la plus scrupuleuse.
Mais nous ne voulons pas insister là-dessus: nous comprenons les
difficultésde la Partie demanderesse, aux prises avec une jurisprudence

qui ne lui offre, hélas, aucun appui pour les thèses qu'elle voudrait
narvenir à Drouver. Au sumlus. si l'on devait re~rendre ici. un~ ~, à un.
i'examen detons les cas andysék par les deux ~ariies dans les dernière:
écritiires. et s'attacher à réfuter toutes les observations de détail faites
par la requérante, observations qui sont souvent sans rapport avec le
problème qui nous intéresse, on en aurait pour plusieurs jours. Dans
la suite de notre argumentation, nous nous bornerons donc à reprendre
seulement les points essentiels et nous nous arrêteronssurtout aux cas
que la Partie demanderesse cherche à exploiter à des fins qui n'ont
d'ailleurs rien à voir avec ce au'elle devrait vraiment Drouver. et à
propos desquels elle déploie des efforts d8interprétadon et d'adap-
tation quelque peu excessifs.Nous tenons toutefois à faire. au préalable,
deux obserGati6ns que nous considérons essentielles.
La première est celle-ci: à la fin de l'analyse de chaque affaire, dans
les exceptions préliminaires, nous avions indiqué en résumécertaines232 BARCELOXA TRACTIOS

remarques que nous considérionsessentielles pour tirer des conclusions
par rap..rt à la question qui nous occupe. Nous tenons à affirmer que
Iioui iii;iiiitciions ioriiiellcnicnt IL'contcni1 de ce; rcm;irques, au~~~iieiles
:iouj nous perinerroris de falrc rcn\.o1,a1i11 di:IICpits :I~LISC~dc la psti<:nce
de la Colirc.1lesrCpCtanrici. Sou, le iai3oii.;;i\.ecd'liit~iir pliij J'aii;arict.
qu~ le Zouv~.rn~iiient Oelge ii'a. en fair. pti ~:o~itcstcrIc bicn-foiidC
d'aucuiic d'L.nrrcellçj. II ~jt Ijicn c~iiti:icriIII': la L'.Lrtia:deni.~~i~l~r~jic

nous y forçait, nous serions prêts à y reveni? plus tard, et avec tous les
détailsnéc<:sjaircs.
La deuxihme observation est que la Partie denianderesse oublie mani-
festement que ce n'est pas nous qui soutenons I'existeiice d'une règle
coutumière spéciale,de formation récente, règlequi aurait apporté une
dérogation aussi profonde que surprenante aux principes générauxdu
droit international gouvernant la matière de la condition des étrangers
et de la protection diplomatique. C'est elle, la Partie demanderesse,
qui a formulé cette prétention. C'est donc à cUe qu'il appartient de
produire les précédents susceptiblesd'apporter la preuve de ce qu'elle
affirme et de démontrer, avec toute la certitude nécessaire, que cette

règle si extraordinaire s'est créSeet est effectivement en vigueur. Que
la Partie dcmanderesse ne s'imagine pas avoir rempli cette tâche par
le simple fait qu'elle a affirmé - et de plus à tort - que certains des
cas examinés par nous n'apportent pas une réfutation de sa thèse. La
formation d'"Re règle coutumière nouvelle doit se prouver de manière
positive, en faisant apparaître des précédentsoù elle a étéeffective-
ment appliquée et non pas en prétendant seulement qu'il n'y a pas de
précédentsoù elle ait étéexpressément exclue. S'il en était autrement,
la preuve des règles coutumières deviendrait singulièrement facile et
chacun pourrait aisément se tailler des règles selonses propres besoins.

35. Ayant lait ces constatations que nous estimons essentielles, nous
oouvons volontiers reioindre la Partie demanderesse sur le chemin dans
iequel elle s'est enga&e. Ayant écarté certains cas en allégiiant qu'ils
n'auraient pas d'intérèt parce qu'ils comporteraient identité de natio-
nalité entre sociétéet associés.le Gouvernemeiit belee Dasse.UAans les
observations (I), aux pages 128étsuivantes. à l'examen d'affair& à propos
desquelles il dit, ail contraire, que «la nationalité formelle de la société
recouvre des intérêts étrangers i;.
A cet égard, la Partie demanderesse est forcéede reconnaitre, à son
grand regret, à la page 128des observations, que dans un certain nom-

bre de ces litiges. u la loi nationale de la société a étéretenue in,malgré
son caractère purement formel. Mais elle se consolc en disant que «la
plupart d'entre eux u seraient cidéjàanciens. en sorte qu'il n'est pas
vermis d'affirmer ou'ils seraient résolus de la mêmemanière de nos
joursa. Par cette nffirmation courageuse, la Partie demanderesse se
débarrasse encore de trois cas, après en avoir liquidé unautre lot consi-
dérable~e~ ~ ~ ~a~ihre aue l'on a indiauée.La Cour trouvera iinr an~~ ~ ~ - - ~~
plus approfondie de ces'affairesaux piges 215et suivantes desexceptions
préliminaires espagnolesde 1963 (1).
A en croire les observations (1,p. 129) on devrait voir n un signe pré-
curseur d'une inévitable evolutionn - l'évolution qu'elle préconise,

bien entendu - dans l'affaire Ruden, précédentqui serait, lui aussi
d'ailleurs, «dépassépar les é~~énemen »sEnsuite, selon la page 130 des
observations, PLAIDOIRIE DE 31. AG0 233
N Le premier précédenttypique concernant le droit de 1'Etat de
protéger diplomatiquement ses ressortissants, à raison de leurs
investissements dans des compagnies étrangères [serait] l'affaire
de la DelagoaBay Railway Co... v.

A ce propos nous aurions fait des confusions et notre analyse serait
inexacte. L'importance que la Partie demanderesse attribue à cette
espèceest telle qu'elley consacre sept pages (130à 136)dont une section
entière souligne l'importance de ce précédenett une autre est consacrée
à la réfutationdes erreurs espagnoles à son sujet. Non contente de cela,
la Partie demanderesse y reviendra encore par la suite à un autre sujet
à la page 185.
Etant donné lerelief inattendu donné cette affaire, voyons, le plus
brièvement possible, quelles remarques nous avions formulées à.son
égard et quelles objections l'on a cru pouvoir leur oppose..du c8té
bëlge.
Nous avions noté 'que le tribunal arbitral n'eut pas du tout à exami-
ner la question du droit des Etats nationaux des actionnaires à inter-
venir pour la protection de ces derniers; le compromis d'arbitrage
donnait au tribunal mission de fixer le montant d'une indemnité dont
le principe avait étédéjà accepté par le Goiivemement portugais dans
un accord amiable avec les Gouvernements américain et britannique.
On pourra apprécier, à ce propos, la valeur <lel'objection belge qui
revient Adire aue. uuisaue les arbitres choisis étaient des iuriscon;ultes.
il est impossible +'ils n'aient pas eu aussi pour tàciie dé ratifier ,,ia
décisionentérinéedans le compromis.D'ailleurs, lesobservations (1)elles-
mêmes reconnaissentque idans ce précédent, lecompromis d'arbitrage
est plus important que la décisiondu tribunal arbitral n (p. 134).
Nous avions indiqué que, tout en étant conjointes, les réclamations
des Etats-Unis et de la Grande-Bretagne étaient de nature différente
Les Etats-Unis faisaient valoir les droits des héritiers d'lin ressortis-
sant américain, le colonel Machfurdo, à l'égardde la révocationet de la
violation d'un contrat de concession que le Gouvernement portugais
avait conclu avec AlacMurdo pour la construction et l'exploitation
d'un chemin de fer. Tout en ayant constitué, eri exécutiond'une clause
du contrat de concession. la sociétéde nationalité ~ortu~a-se Lourenco
\I:ir<l~rcand 'l'ransvn:ilR:iilivnv (:o., pouexploite;I:iconceision >I;r;-
\lirr<lo avait g:irili. irne ~respons~bilit~ ~)ersoiinellà: I'Cgard di: 1;1
socir'tL:.Pour curltester ccttc sim~~lcconstatation de fait. 1c.iuhscrva-
tions rapportent, à la page 135, ;ne note portugaise dans laqirelle le
Gouvernement de Lisbonne faisait valoir que d&sle moment oii la,com-
pagnie portugaise avait étéconstituée et subrogée dans les droits et
dans les obligations résultant du contrat, la personnalité de M. Rlac-
Murdo avait disparu quant à tous ses effets juridiques. 11est permis
de s'étonner que la Partie demanderesse ait pensé opposer A notre
thèse cette note, qui, au contraire, ne fait que la confirmer. LeGouyer-
nement portugais, pour s'opposer aux prétentions américaines, faisait
valoir qu'il n'&tait plus question de droits personnels de hlachlurdo
dans l'affaire. C'est le signe que le Gouvernement américains'appuyait,
jiistement, sur ces droits personnels. Et que disrlit, de son &té, la lettre
du secrétaire d'Etat américain Blaine du 8 novembre 1889, que l'on

Vair exceptions préliminair1963 (1).p. zooetsui"234 BARCELOSA TRACTION
peut retrouver dans Moore, Arbitrations, volume II, page 1S67? Elle
disait ceci:

iiMac3lurdo ... remained al1 through as the original conces-
sionnaire, a responsible party for the completion of the road... It
is to be observed that by the terms of the concession the company
wiiich he was required to form was to iiiclude himself and hi3
personal liability was not merged in that of the company. u
Nous espérons, à présent, que la Partie demanderesse ne prétendra plus
que la thèse espagnole est «en formelle contradiction avec les faits de
la cause i,.
Le Gouvernement britannique, par contre, agissait en vue de la pro-
tection de la Delagoa Bay, société anglaise coiistituée par des capitalis-
tes britan~ques pour financer l'entreprise de filac?ilurdo,et à laquelle
Machliirdo avait cédéson contrat avec la Lourenço BIarques. Comme
le Goiivernement britannique le fit expressément remarquer, la Delagoa
Bay était elle-mêmeconstructrice et propriétaire du chemin de fer
saisi et confisquépar le Gouvernement portugais. C'est pure fantaisie
de dire,coinme lesobservations belges (1)lefont A deux reprises (pages 132
et 135)q .ue le Gouvernement britannique intervenait pour la protection
des actionnaires anglais de la société britaiiiiiqiicqui, à son tour, coii-
trôlait la compagnie portugaise; le Gouvernement britannique agissait
en tant que protecteur de la société anglaise DelagoaBay, qui était
elle-mêmei'uiiique actionnaire anglais de la sociétéportugaise Lourenço
Xlarquec et, eii plus, la victime directe de la confiscation de son chemin
de fer. On ne voit vraiment pas pourqiioi le Gouvernement britannique,
ayant un tel titre direct pour intervenir, aurait dû aller s'en chercher
un autre aussi détournéque celui avancé par la Partie demanderesse.
Xotre remarque finale à cet égard était donc que les Gouvernements
américain et britannique n'intervenaient ni l'îr?~+ri l'autre en faverrr
d'action?zairesd'une société étrangèrem , ais au contraire, l'un et l'autre,
pour la protection d'une personne, physique ou morale, possédant leur
nationalité etayant subi un fi~éimi.icedirecdtu fait del'action du Gouirer-
nement portugais. On ne peut rien objecter ir l'exactitude de cette
constatation.
Enfin, nous avions fait observer, au surplus, que le Gouvernement
britannique comme le Gouvernement américainavaient indiqué qu'il ne
pouvait êtrequestion d'opposer à leur intervention l'existence de la
sociétéportugaise Lourenço Marques, pratiquement défunte; et que,
en tout cas, la Lourenço Marques était une société possédaiilta nationa-
lité de 1'Etat contre lequel les réclamatioizsétaientdirigées.La Partie
demanderesse déclare, à la page r36 des observations (1),n'avoir aucune
dificulté reconnaître ces deux faits. Alais elle prétend qu'aucune
déduction défavorableaux actionnaires belges de la Barcelona Traction
ne pourrait êtretirée, par analogie, de cette situation. Avouons qu'il
y a de quoi êtresurpris. La Barcelonn Traction serait-elle donc devenue
à notre insu une société espagnolepour que l'on puisse dire que la Sidro,
sociétébelge, se trouve par rapport à la Rarcelona Traction (et je re-
rends les termes aui sont utilisésà la,o. ",6):i...dans la mêmesituation
iiiri<liqur <\lxesr,ci;i<;Iirit:~nniq\icpar rapport:iI:>so:iCt> porlii~.,izi.
dans 1':ilfairc <leI;IIJelngoî lk~y»? 131ci: ~:linngernciitii>:itt<:n<ied
ri:itionnlit&iIc In 13:ircl-l:ir:xction sserait-iliiro~liiit:1\.3nt riu'intrr-
vienne, en plus, une mort soudaine dont nul ne nous a encore fst part? PLAIDOIRIE DE hl. AG0 235

En fait. la seule conclusion qui se dégagedu cas de la Delagoa Bay
est qu'aucune, absolumewtaucune déduction favorable aux prétentions
des actionnaires belges de la Barcelona Traction iie peut ètre tirée de
ce soi-disant précédent.Le Gouvernement belge ne saurait êtreplus
mal fondé à prétendre invoquer à sa faveur, comme il le fait (p. 1361,
cile bénéficedes règlesde droit qui sont à sa base ».

36. Monsieur le Président, Messieurs, je tiens à m'excuser auprès de
vous si j'ai dù vous infliger ces considératioiis relatives à une affaire
lointaine dans le temps, empruntant son nom à un chemin de fer que

certains d'entre vous ont peut-être eurécemment l'occasiond'utiliser.
Eii effet,cette affaire, n'en déplaiseàla Partie demailderesse. est plutôt
vieillotte: l'acte incriminé estde 1889,le compromis de 1891, la décision
de 1900. La plupart descas que les observations belges(1) ont écartés, à
la page 128, comme étant anciens ou dépasséspar IItoute la pratique
internationale qui s'est développéedepuis lors N,étaient contemporains
de celui-ci. Les autres. égalementgênantset que l'on a essayéd'écarter
par le procédéque nous avonsdécrit, étaient, par contre, pour la plupart,
postérieurs et mêmerécents. C'est pourquoi l'on n'est pas peu surpris
de trouver, dans les observations, à la fin de l'examen de l'affaire de
la Delagoa Bay, un aveu inattendu..On nous avait dit an départ, à
la page 130. qu'il y avait là le apremier précédenttypique a de l'évolu-
tion qu'on devrait constater dans la pratique arbitrale internationale,
A la page 136, en guise de conclusion, il est dit que odepuis lors des cas
aussi caractéristiaues sont restésexceptionnels i*On ~arait bien oublier
qu'oii iious a proiiiii (1,.iious iiioiitrcr comineiit s'est ;iNiriii~curivCii-
t;iblt: et ;iiitlit.iiir6b.l~coutiiniikrz dii dniit iiitcriinrioii.il; et, arten-
tion. 1111~rkli. a111~I~-\.r:i;~i~l,lirI':~d~nisji[>iliC~.I'I~~L~~CII~ (IIIIIII
~tat, au titre d'cla protection diplomatique d'actionnaires, à la suite
d'un préjudice causépar un autre Etnt à une sociétéétrangèreL . e
Gouverneineiit belge a produit jusqu'ici un soi-disant précédentqui,
nous venons de le voir, est tout sauf un précbdentpermettant d'établir
la rkgle dont le Gouvernement belge aurait besoin pour justifier son
intervention en faveur d'actionnaires belces d'une sociétécanadienne.
prkt:ndiie victiine d';igiij~.iiirnti *le 1.îp:irr (IL.1'13rarcsl~;~~iii.it :LU

sur~~liis.on prkise qu':iprC; crrtc ailnirti. qui r<rnonte :t I:Iiii(lu iiklt:
~ ~iiicr. IIcst \~rnimc~iiilrillicilc(I'cnrroiivcr d'~tutrest:iiij;riri,l)nntt!s
La partie demanderesse considère toutefois qu'on peut encore - ce
sont ses mots à la page 136-en relever encore quelques-uns. Suivons-la
donc, le plus rapidement possible, dans cet examen de la jnrispmdence
ultérieure.
Les observations (1,p. 136.138) citent l'affaire El Triirnfo. Elle date
plus ou moins de la mêmeépoque que celle de la Delagoa Bay. Sans
entrer dans les détails,nous constatons qu'à son égardle Gouvernement
belge est d'accord avec le Gouvernement espagnol pour reconnaître,
avant tout. que la sociétéavait la nationalité (le 1'Etat auteur du pré-
judice, préjudice qui était, en l'espèce,un dénide justice. Au surplus,
point particulièrement intéressant, nous colistatons que le déni de
justice n'avait pas'étéinfligé à la soc,iétéelle-rnênie,mais directement
à la personne des ressortissants américains pour lesquels le Gonverne-
ment des Etats-Unis intervenait. Il y a donc là des précisionsqui con-
firment deux des points que nous avions déjàpli constater dans la déci-
sion de l'affaire de la Delagoa Bay. BARCELONA TRACTION
236
Quant au fait que l'arbitre rappelle les conclusions de cet autre arbi-
trage, l'interprétation la plus poussée d'un passage aussi sommaire
permet, tout au plus, de penser que l'arbitre était convaincu de I'adinis-
sibilité d'une réclamatiori en faveur des actionnaires étrangers d'uric
sociétéayant In nationalité de 1'Etat auteur de la mesure incriminée.
Nous n'avons rien contre cette idée,mais nous ne voyons pas en quoi
cela pourrait aider la Partie demanderesse dans la présente espèce.

37. Les observations en rcvieiinçnt ensuite (1.1) r3j-142) :tus alfairr.;
CP;~UIIZ , ia1BsnKin~n, Sh~r/?ldlet Sp~ll~~~rLze (~oiivcrriemeii~espagiiol
:i~ltites:iininGcescas ails p;ige202 j.205des~xcepiio~i prt!liinina~res (1).
a~i\-<]i~cll;l sc periii~t de i;iii-uii rcvoi poiir iles reri~ïignïnierit~ et
de3c~ri,idCratioiisplui (Ié~.~~llr.\lais, dvns l'ensemble,il doit rïmnrquer
qu'il s'agit d'un groupe de cas intéressants, dans la mesure où tous les
quatre confirment les constatations que nous avons faites à propos des
affaires de la DelngouBay et EL Triunfo. II s'agissait en effet toujours
d'esoècesoù la sociétéavait la nationalité de 1'Etat auteur de la mesure
coniid6rie préjudiciableet uii. au surplus, (IIInioins rlaii;I;i l lu partdes
GIS. Ic; préjudices dont il &tait queitioii avaient i:t&iiifligts aux so~ié-
taireî eus-rnèmcs olutbt tiii'I:isucic:tCr\ ces cleiis asoect;. lin troisir\iiie
aspect commun sfajoutai't encore: les sociétésdont 8n traitait étaient
touiours des sociétésde personnes et non pas des sociétés anonvmes.
A ce propos, à la 139 des observitions, la Partie demanderesse
tient à nous assurer que le fait qu'il s'agisse de sociétésde personnes
serait sans importance, tout associéd'unesociété depersonnes-pouvant,
nous dit-on, en droit des gens, nbénéficierd'une protection intcrnatio-
nale analogue à celle d'un actionnaire d'une sociétéanonyme in.
Nous nous permettons d'observer que le problème n'est pas de savoir
si le~ a~ ~ciésd'une sociétéde Dersonnes ~euvent se trouver. en ce oui .
concerne la protection internaiionale, da'ns une situation analogue A
celle des actionnaires d'une sociétéanonvme; il s'agit olutbt de savoir
si les actionnaires d'une sociétéanonymé peuvent tpouver dans une
situation analogue à celle d'un associéd'une sociétéde personnes!
38. Le Gouvernement espagnol avait dû relever, dans ses exceptions
préliminaires,que le Gouvernement belge avait négligéd , ans leméinoire,
une séried'autres cas aui ont eux aussi un intérêttout oarticulier. si
l'on veut brosser un tableau complet de la jurisprudence apbitrale inter-
nationale et en dégager correctement les principes appliqués dans la
matière oui nous intéresse. La Partie demanderesse. aux Daces id? et
suivante; 146 et suivantes, et 150 à 153des observktions'(1): sfoc'Gpe
donc des cas que nous avions examinés aux pages zoj à 209 des excep-
tions préliminaires(1).
Les affaires auxquelles on se réfèreici présentent cette particularité
commune aue toutes les tentatives faites Dar les Etats nationaux de
certains sociétaires pour introduire une réclamation en faveur de ces
derniers, ont étérejetées par les instances internationales saisies, tout
au moins tant qu'il-s'agisiait de décideren droit.
Ainsi, par exemple, dans l'affaire Alsop. tant que la réclamation
américaine,présentée en faveur d'un associéd'une société en commandite
chilienne, était restéesur le plan du droit, elle avait étérepoiisséepour
le motif que les dommages alléguésavaient étécausés à la société
chilienne et non pas A ses membres de nationalité américaine. Quand,
finalement, les deux pays s'accordèrent pour faire trancher la question
en équitk,l'amiable compositeur accorda une indemnité. Mais c'est là PLAIDOIRIE DE Y. .1M 237

que la décisionprend tout son intérêtpour la définitiondes principes
car, en premier lieu, il s'agissait d'une sociéte'otée dela natiorralitéde
l'Etat contre lequella réclamationétait adresséee ,t en second lieu, il
s'agissait non seulement d'une société liquidéeet n'existant plus au
moment de la réclamation, inais encore d'une sociétéde persownes.La
Partie demanderesse ne peut contester aucune de ces constatations:
elle reproduit en effetà la page 143. certaines déclarationsdu secrétaire
d'Etat Knox qui en confirment entièrement l'exactitude.
Les autres décisionssont toutes des décisioiisde rejet des réclama-
tions présentées. S'agissantde cas très gênants pour la Partie demande-
resse, elleréagita la page 150desesobservations (1) en pretendant que Ies
décisionsen question iie coiicerneraient pas nécessairementle izrsstandi
de I'Etat demandeur, en sorte qu'elles ne projetteraient souventaucune
lumière sur la question de 1:~recevabilité de la présente demande, ou
bien qu'elles seraient insuffisamnient analysées.
Trois de ces décisionsémanent de la Comniission mixte Pays-Bas-
Venezuela. Ce sont celles relatives aux affaires Maasch and Rcmer,
IacobM. Henriouezet BrewerMollerand Co. Dans la uremière. à laauelle
les ohser\~atio~isbelges cui~sacrontune ;itteiitiuii part~cuIiér~I,n Conimis-
siu~ircpousia litr2cl:iiii.îtion ~~CjçritCeeii fn\,ciir ~l'actionn:iircsIiollaii-
dais d'ke sociétéanonyme vinézuéiienneen employa~itces termes:

cC'estla propriétéde la sociétéqui a étéendommagée.La société
peut avoir une réclamation fondéedevant un tribunal véiiézuélien,
mais elle n'a pas de jus statzdi ici. Le fait que les actionnairessont
hollandaisn'affecte pasla question. La nationalitéde la société est le
setclélémen t prendreen considération .

La Partie demanderesse accuse le coup et essaie de dire que,ce cas
n'aurait pas de portée générale - on se demande bien pourquoi - et
comporterait des contradictions. Mais elle se livre aussi à des analyses
complémentaires à la suite desquelles nous apprenons - et nous lui
savons mé de vouvoir corrieer notre erreur - oue les membres hollandais
de la sociétéceseur, ~6me;and Co.étaient tr& et non pas quatre. Nous
lui sommes encore plus reconnaissants d'avoir indiqué que la même
commission avait acèueillideux autres réclamations émanant des mémes
personnes en leur qualité de liquidateurs d'une société dissoute.Ce fait
nous permet de bien comprendre la conception adoptéepar la commission
arbitrale. selon laauelle. donc..mêm~ ~ cas où la sociétévictime du
dommagéa la natiinalite du pays responsable du préjudice,les sociétaires
n'ont vas droit à la vrotection de leur Etat national si la socibtén'a
pas étkdissoute. Et ii est à remarquer, par rapport à certaines préten-
tions de la Partie requérante à propos de la situation actuelle de la
Barcelona Traction, que la sociétévénézuéliennd eont il s'agit en l'espèce
n'a pas été considéréc eommedissoule, nonobstantle fait qu'elleavait fait
faillite après avoirperdrcLoirtesses installafions.
Une cinquième décision.celle relative à l'affaire Kundhard alrd Co.,
émanait de la Comm~ss~on - - ~ Etats-Unis-Venezue~ ~ ~a Partie
denianderesse veut bien reconnaitre (lue iious avons r:ipport4 avec
exacritii<l~les opinions des commisiaircs. I'our ne pxs ilbuser du tcmpi
de la Cour, noui nous permettons donc de renvoyeÏ aux passages repro-
duits en bas des pages 207et 208desexceptions préliminaires(1).On verra
qu'il en ressort, on ne peut plus clairement, la concordance de vues des

commissaires sur le point essentiel. Mêmedans l'hypothèse où la société
a la nationalité de 1'Etat auteur du préjudice, ils considerent qu'une23S BARCELOSA TRACTION
ric..iili~lioiaililuiiide, ;ictioiiiidirïs <~'uiiçsuilClL!jllull).lII'CS~Pa,
:idiiiij<ibl~.idnt quïIdsociit; e~istt:; tni.dis qnc, tuiijuuirl;iiiIdmirii~
Ii)1>otIi;;l:il; pr:iiscnt qii'cllr: puuriait ilc\ciiir rccc\,dl,lu lur,iluc, la
uii:tti s!;iiirLAC 11quidC~l.cs a~tioiinilir~s,~<r:~icndt~\.enu~eux-iiiGm~s
titulaires d'uii tlruir de proi)ri6tr jur lx paQUI lçur re\,ient dii r~liuuat
des biens de la société. -.
Quant à la décisionarbitrale du j aoùt 1926,relative à l'affaire de
la Deiilsche-Amerikaiiische lïelroleum Gesellschait. le tribunal fit siens
<,xactciiient Ir.; nii:iiici ]ir111~1ped~ans iiiie idia~rc où, i~peiidiin~, les

nctioniiaires siii~~iicaiiistl;tcnaiciit la tot.il112Ju ~;lpitn1-.~~tiudl: ln
.ociCtC;llll:iiinii,l~.Vue 1'sil:f;iiracit 616tr;iii~IiCesu ion~i.iIdil'artie
demanderesse croit utile de le dire à la page 148desobservations (1).
n'emvécheque le tribunal s'est clairement exprimé au suiet des mincives
en 11a indiqué en particulier, comme motif permêttant'de
distinguer cette espèce des autres affaires qui avaient fait l'objet de
décisionsplus anciennes et favorables, le fait que dans ces derniers cas
la sociétéavait été dissoute et ne pouvait plus faire valoir ses droits.

39. La Partie demanderesse tient ensuite à examiner encore, à son
tour, quelques décisions. Noussommes quelque peu surpris de retrouver
là, aux pages 153et suivantes, une vieille connaissance: i'a8aire de
I'O~ii~ocSoleanzshi$ Co. Nous aurions penséque le Gouvernemerit belge
aitrait préféréfaire oublier cette affaire. 11s'agit d'une décision qui,
comme la Partie demanderesse le sait parfaitemciit elle aussi, n'a pas le
moindre rapport avec le probleme quenous tentons d'élucider;la question
qui y est traitée est en efiet tout autre: il s'agit de la question de suc-
session dans le temps poséepar le principe qui voudrait qu'une récla-
mation ait la même nationalitéau moment de sa naissance etau moment
de son réglement. La Partie demanderesse a nilanmoins cm opportun
de revenir de nouveau sur cette affaire. Ce qui frappe..art.culièrement
dans cette persévérance c'estque, ne pouvint trouver dans l'opinion
desarbitresni du surarbitre le moindre appuipour son désird'y découvrir
un vpercement du voile 1).la Partie requérante se console en prétniit à
ces personnes des intentions de «percement u qu'ils auraient enes, tout
en s'en cachant aussi soigneusement que possible. La Cour pourra
a~~récier la valeur de considérations de ce eenre comme élémentsde
Géuve d'une règlede droit. Nous nous perme~toiisd'ailleurs de rappeler
que le texte des conclusions des différents arbitres est reproduit aux
pages zro et suivantes des exceptions préliminaires de1963i1). Nous ne
serions que trop heureux si les membres de la Cour voulaient bien avoir
la patience des'y rapporter pour mieux se rendre compte du rapport qu'il
Deutv avoir entre la décisionde l'orinocoet nos uréoccu~ationsactuelles.
~&t aux autres décisions mentionnées aux ob<ervations et qui
n'avaient pas étS considéréesdans les écritures précédentes.la Partie
demanderesse n'aurait rien perdu à les laisser dan; l'oubli.
On ne voit pas en effet quelle utilité pourrait représenter, pour.le
propos belge, une décisioncomme celle du Rio Grande (p. 148 et suiv.
des observations. 1).où un tribunal arejetéla plainte, et cela nonobstant
le fait qu'il s'agissait d'une demande britannique tendant à la protection
d'une sociétébritannique possédant la totalité du capital-actions d'une
société américaine qui avait subi un préjudice de la part du Gouverne-
ment américain, c'est-à-dire de son propre Etat national. Mêmeen

voulant suivre la Partie demanderesse et en adinettant que le tribunal PLAIDOIRIE DE ai. AGO 239
n'a rejetéla demande britannique que pour d'autres raisons, distinctes
de celle de la qualité pour agir, le Gouvernement belge ne peut quand
mêmepas s'attendre à ce qu'on le suive aussi lorsqu'il se livre à des
spéculations gratuites à propos des phases probables du raisonnement

par lequel le tribunal en est arrivé à cette decision.
Quant aux autres affaires mentionnées, la I'artie demanderesse sait
parfaitement que la décision - au surplus négative elle aussi - relative
à i'affaire de la Standard Oil, Sun Oil and Pierce Oil (mentionnée aux
pages 144et suivantes desobservations, 1).n'a étéprise qu'eu application
d'une clause expresse du traité de Berlin du 10 août 1922. Elle n'a
donc rien à voir avec des situations comme la nôtre. Pour les mêmes
raisons on voit mal ce qu'ont à faire ici des décisions comme celle
concernant la Società mineraria e metallz<reicadi Pertz~solaet celle ~~
rcIaii\~e.i1'aif:iir~O/~J~I~~~i,eniio~m&!s, IIcs~%~rai,scuIe~~~ *;ii[tx~,~;~nt,
la page Ijo des ob;er\,ations (1). (:escli.ciiions,ont en faitI~,&i.r<:zcIu-
S~\'CIIIC.II~ les disi)uîitions toiir if.tit~srticiiliLrej <leI'nrtizl-S du
traité de paix avec pltalie.

40. L'examen de la pratique arbitrale internationale que nous venons
de termiiier :ipu paraître long, contrairemeiit à ce que nous avions
annoncé. Nous nous eii excusons beaucoup auprès de la Cour. Néan-
moiris, si notre analyse a pris quelque temps, I'avaiitage en est que nous
pouvons êtrebeaucoup plus concis pour forinuler maintenant quelques
observations d'ordre fénéralsur les Eonséquenc<:q sui s'en déeafent,
La pratique arbitrde examinée a confirméla ;al& de la
règle fondamentale concernant la protection des personnes morales,
rè-.e uui découleloei-.ement. comme nous l'avions~constaté.des ~rin-
cipei g~iiir:ius essentieij iliidrdlt iriterii~t:oriaI rel;itif$ 13c~ii~lilion
dei Ctrangerset i 1:iprotcctioii dipl~iiiarique. 1.aprotection (liploin;itiqur:
d'une personne morale pour UÏI préjudice indûment infligé à ceite
personne par un Etat étranger - je souligne, étranger - revient à 1'Etat
national de la sociétéet à lui seul. Non seilleinent la pratique n'offre
Das un seul exemole d'une décisionarbitrale aiii ait accordé à un Etat
autre que 1'Etat iational de la sociétéle droit di:protéger lasociété elle-
mêmecontre 1'Etat étrancer qui lui a causé un vréiudice, mais elle
n'offre pas non plus le moi6dre exemple d'une si:ntencéqui ait accordé à
un Etat autre que I'Etat national de la société,en cas de préjudice causé
à celle-ci par un Etat étranger,le droit de prendre fait et cause pour ses
ressortissants associésou actionnaires de la société en question. La Partie
demanderesse a eu beau recourir à toutes les tentatives que l'on a vues
pour se libérer, sous le prétexte de leur âge, de certains des précédents
les ~lus eênantsDour elle. Elle a eu beau recourir. ~our d'autres. aux
efforts dyinterpr&tation qu'on a pu apprécier. ~l'le'est quand héme
forcéede reconnaître le bien-fondé de cette constation. varce qu'elle
relève d'une donnéede fait absolument incontestable,
Il est donc bien évident que la Partie demanderesse, qui aurait dû
fournir et se proposait de fournir la preuve de la formation plus ou

moiiis récente d'une règle différente, n'aurait pu manquer plus com-
plètement sa démonstration. Pour donner cette preuve, elle aurait dîi
produire à l'appui de sa thèse un ensemble vraiment étofféet con-
vaincant de décisions judiciaires on arbitrales, c'est-à-dire de décisions
- je m'excuse de le répéter,mais la précisionest ici très nécessaire -
où l'on aurait admis que le droit de protection diplomatique propre de240 BARCELOSA TRACTION
1'Etat national d'une sociétéenvers un Etat étranger soit remplacéou
doublépar uii droit correspondant reconnu à 1'Etat national des socié-
taires.La I'artie dentanderessen'a pu trouver z<rseulprécédent d ceegenre.
Résumons-nous donc, à présent. Les constatations essentielles qui
ressortent de l'analyse des affaires examinées et qui, avec beaucoup
plus de détails, se trouvent déjà indiquées aux pages 219 à 222 des
exceptions préliminaires de 1963 (1).
En premier lieu, dans chaque cas, d'ailleurs plutôt exceptionnel, où
une protection des sociétaires aétéadmise, il s'agissait toujours - on l'a
dit, mais il n'est pas inutile de le répéte- d'associésou d'actionnaires
d'une société victzntede mesurespréjudiciablesémanantde 1'Etatnational
de la sociéte',ais jamais d'un Etat étranger.
En deuxième lieu, les affaires citées, en plus de la caractéristique
commune que nous venons de signaler, présentaient encore un au moins
des aspects suivants:

a) très souvent, le préjudice dont on se plaignait en l'espèceavait été
causé non pas à la société, maisdirectement et immédiatementaux
sociétaireset à leurs droits;
b) le plus fréquemment les sociétairesdont on admettait la protection
par leur Etat national étaient des associésde sociétés dpeersonnes et
non pas des actionnairesde sociétédse capitaux;
c) dans les rares cas où il s'agissait de sociétéspar actions, une protec-
tion des actionnaires n'a étéadmise qu'à la condition que la sociéti
elle-méme /Utliquidéeet dissoute.Les personnes protégéesétaient donc,
plutôt que des actiomaircs, des anciens actionnaires ayant succédé
àla sociétédans certains de ses droits;
d) la demande d'indemnisation rése enté ee faveur de sociétairesdevait
nécesjairement Ctre coniidérCepar l'arbitre comme rccev;ible. parce

que lepriiicipe en a\.;iir et6 acceprL:au préal;ilrled:iri, uii;iccurdspécial
conclu-entrëles parties intéresiées

[Audience publique du 2.5 mars 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs, au cours de l'audience d'hier, nous
avons passéen revue la pratique arbitrale internationale, et nous avons
pu établir, àla fin de cet examen,certaines coucliisions quant au résultat
qui s'en dégage à l'égardde la question qui nous occupe. Nous avons
constaté que la Partie demanderesse n'a pu trouver un seul précédent
pour appuyer sa thèse à l'égarddu prétendu jus standi de la Belgique
dans la presente affaire.

41. En plus de I;ipratique arbitrale iiiteriintion:~lc.le Gouvernement
belge s'tst r2fërc,auu p:igrs r563 164desohier\~atiori(l).i t:equ'ilappelle
les vréc<'deritusuu\,erncilienl;<u.j~c'est-i-d~~- ~--~~~-~ ~creis oui n'ont
pas honné lieuu&des sentences arbitrales, mais au sujet des&els des
prises de position intéressantes ont étéprises par les pays intéressés.
Point n'est besoin de les examiner un à un. Cet examen a déjà été fait
tres soigneusement aux pages 213 à 219 des exceptions préliminaires de
1963(I),auxquelles nous nous permettons de faire renvoi, pour lesréféren-
ces bibliographiques également. L'intérét descas en question ou, tout
au moins, de ceux d'entre eux qui prennent un relief particulier par PLAIDOIRIE DE M. AG0 241
rapport à la question qui nous occupe, résidesurtout dans le fait qu'ils
font apparaître une nette divergence entre les attitudes adoptées par
certainsgroupes d'Etats.
D'un coté,il y a des gouvernements qui prennent une position abso-
lument rigide, s'opposant à toute idéed'une intervention de la part de
gouvernements étrangers en faveur d'actionnaires étrangers de sociétés
opérant dans le pays, mèmesi elles ont la nationalité de ce pays. Cesont,
on le comprend, surtout les gouvernements de pays qui sont le plus
fréquemment les bénéficiairesdesinvestissemcnts étrangers. Le Mexique
s'est fait, deux reprises, le champion de cette position.
Il y a, de l'autre cbté, des pays comme la Grande-Bretagne et les
Etats-Unis, d'où proviennent pour la plupart les investissements et qui,
dans la mêmesituation, formulent des réclamations en faveur de leurs
nationaux actionnaires de sociétésconstituées dans les Davs d'investis-
sement. C'est, de façon caractéristique, ce qui se produit &ns les affaires
comme celle de la TlahualiloCo. et celle de la hfexica~tEa~le.
A art ces cas.il v en a d'autres. comme celui de la Romano-Ameri-
cana'lo.. où, par contre, ce sont justement les deux principaux pays
protecteurs des investissements qui s'opposent et ont ainsi l'occasion de
mieux définirles principes consicïérécsomme applicables.
Il està noter que, dans la première sériedl: cas, l'opposition a été
généralementrésoluepar des accords, mêmesi leur conclusion n'a pu
intervenir au'aorès un temos trèslong. Ces accords. il faut le dire. reoré-
sentent plubt,'sur le plan 'desprincipes, une victoiredes thèsesdésiays
défendeurs. Dans les deux affaires susmentionnées, où le Mexique était
l'objet de réclamations britanniques et américaines. l'arrangement final
a étéréalisésur la base de la thèse soutenue par le Mexique lui-même,
à savoir que la seule possibilitéde réglerledifférendétaitun accord direct
entre le Gouvernement et la société.
Malgrécela, il est particulierement intéressant - peut-être encore
plus intéressant du point de vue qui nous occupe maintenant - de voir
quels ont étéles principes et les critères qu'ont soutenus les gouveme-
ments demandeiirs. Or, il n'y a pas de doute qu'ils ont tenu eux-mêmes
à souligner que leur conception d'une intervention en faveur d'actiou-
naires de sociétésétrangeres était (àdéfaut d'accord spécialqui entraî-
nerait une conclusion différente) strictement limitée par la double
et que la sociétéait cesséd'exister. Les observations belgesdu (1)elles-
mémes, à la page 160,reconnaissent expressément que

«Le Gouvernement britannique estimait que l'action protectrice
devait, en tout cas [le nen tout cas» est belge] êtreadmise lorsque
le donimageétaitcarrsépar 1'Etatnational de la sociéféet que celle-ci
était éteinte juridiquemeou pratiquement.a
En effet, dans sa note du 20 avril 1938au Gouvernement mexicain,
le Gouvernement anglais indiquait qu'il n'étxit intervenu en faveur
d'actionnaires britanniques que lorsqu'une activité mettant en danger
l'existence de la sociétéavait étécentreprise par le Gouvernement
mêmeauquel la sociétédevaits'adresser pour êtn:protégée ».D'autrepart,
dans la discussion qui avait eu lieu une dizaine d'années plus tôt entre
les Etats-Unis et la Grande Bretagne, les deux gouvernements s'étaient
trouvés finalement d'accord sur des principes qui allaient exactement
dans le mêmesens. Le Gouvernement britannique. en plus, avait inséré242 BARCELOSA TRACTION

dans ses noles des précisionsintéressantes pour illustrer les raisons de
cette exigence supplémentaire, à savoir la dissolution de la société
victime du préjudice du fait de son propre Etat, pour que la voie soit
ouverte j.l'iiitervention de 1'Etat national des actionnaires.
uFor it is not until a Company has ceased to have an active
existence or has gone into liquidation [disait la note du Gouverne-
ment britannique du 5 juillet ~gzS]that the interest of the share-
holders ceases to be merely the right to share in the Company's

~rofits and becomes a rieht to share in its actual surolus assets.
i~here the company is stzl in effective existence [coiicl;aitla note]
the shareholllcrshave no status to claim in resfiectof dantaee to the
corporaleproperty, and interventionon their be'half is inadmissible. »
11est donc bien Cvident que la pratique des gouvernements confirme
entièrement les conclusions auxquelles avait abouti l'examen de la
pratique arbitrale. Ainsi, une fois'de plus, mêmede l'avis des pays les
plus intéressés à la protection diplomatique de leurs ressortissants
actionnaires de sociétésétrangères, il est hors de doute qu'une telle

protection ne peut êtreexercéeque lorsque deux conditions essentielles
sont réunies: a) que la sociétéait la nationalité de YEtat auteur du
préjudice, et b) que sauf le cas où la possibilité d'intervention aurait
étéprévuedans un accord spécial,la sociétéait étéliquidéeet dissoute,
en droit ou en fait,de sorte que les actionnaires aient succédéaux droits
de la société.

42. Vraiment à court d'arguments, la l'artie demanderesse a cru utile
de se référerencore, avant d'achever l'étudede la pratique des Iltats,
à quelques cas qu'elle trouve tr&s instructifs. Ce sont des cas dans
lesquels certains gouvernements auraient refusé leur protection à des
sociétésaui avaient leur statut national mais dans lesauelles. dit la
1'articdcrii;inderïjse;i I:page 162desohscr\.ntions (I),«<lesintcr&tsctrnn-
aerj Ctaizrir iiiipori~nts au point de fnirï ;iuv~rai..e 1:i natiunnlitC
fictive de ces soc'iét~-».
~ei quelques exemples que les observations citent à la page 163
concernent les Etats-Unis et le Royaume-Uni. II va sans dire qu'ils
s'lii,l'r<:iittl;I;iprnriiliic <ICL-,deux 1nCmes~>:r!s,qiii eir t:xtriiiiciiit:nt
rickicet \,ari;c etou nt!iii.iiiquciit certes 18s,:sercniyli:;ciiwni n))l>usC.
II \.a ;:irisdim aussi. coiiinie In 1':irtic rc,iii&i:iiiteribus l'a elle-iiiCiiie
r;ippelz, giic le carnct6rs eifcctif dcI:iiintiui:ilitédt,la per..oiiiie nior:ile,

et I'int6r;t de I'ttat naiioii;il<i lui :iccorderSA protcctivn diplorn:itiqiie.
pcii\.<:ntd;coiilcr d'CIL:inentiroiit diffcrents de celiii dc IL< nntion:ilit&
des sociétaires.
Mais, abstraction faite de ces remarques. nous sommes prêts à recon-
naitre aue dans la ~ratioue de certain~ ~tats - Das dans celle de la
Rclgique d'nillciiri. ;;iit:iique iiou?;:ichions - oiia cunsinté1):irfoisune
ccrt;iinc rcpugiiancc. i nccorilcr 1.i~~rote~tioi i iiiic pcrcbiini:pl>yji(lt'U
mor;ile.Ic,ri;ou'ilest i;\.iclliitii1.1natii>ii:ilit6de Iniieraflii,:iltliiestion
n'est qu'un'manteau qui ;eut couvrir une réali'tédifférente'et n'a
d'autre but que de procurer à la personne en question des avantages
abusifs. Nous sommes d'accord pour reconnaître que cette attitude est
conforme à une exigence que l'ordre juridique international tend lui
aussi à affirmer: l'exigence, que nous avons étéles premiers à souligner
dans ce procès, que le lien juridique de natioiialité soit doublé d'un PLAIDOIRIE DE hl.AG0
243
minimum de lien effectif. Nous sommes aussi d'accord avec la Partie
requérante pour reconnaitre, une fois de plus, comme elle le fait a la
page 162 dès observations, que

«le droit d'intervention diulomatique est. par excellence. un droit
discrétionnaire de tout ~t2; c'est ;ne compétencede sou.\reraineté
de i'Etat, ce n'est pas un droit subjectif de la personne physiqueou
morale, laquelle ne peut jamais l'exiger u,
Là où nous ne sommes plus d'accord - méiuesinous ne voyons guère
enquoi celapourrait aider la Partie dernailderessedans l'espèceactuelle -
c'est lorsqu'eiie voudrait introduire ice propos une idéetoute gratuite:
à savoir l'idée que lorsque 1'Etat national d'une sociétérefuserait
d'intervenir par la voie diplomatique en sa faveur, une protection
diolomatiaue des actionnaires de la oart de leur Etat national devien-
clbdit:iiitoiiidti~~uçi~ieii1tI:gitiiiie.
Cc icr.iivr:iiriicnt trop fncilc. çjrCvi~lentque 1<k : tit de rcconnaitre
le c;iraitii,; iioiieficcJelI;ii:itiuii;~litr'attribiidroit itiiieDCI~UIIIIC
physique ou morale peut êtreune raison de nc p:rçaccorder la protection
diplomatique ou, si elle l'a été,de la contester; mais certainement ce
mime faitene Deut Das êtreune raison de iustifier. de la Dart d'autres
Etats, des intirvenfions qu'autrement rien'ne justifierait.~ous aurons
l'occasion de revenir encore sur ce point lors de l'examen des théories
élaboréespar la Partie demanderesséà propos de son prétendu jusstandi
dans la présente affaire.

43. Finalement - et c'est la dernière étape des loiigues randonnées
de la Partie demanderesse à travers cila pratique du droit international
public n - le Gouvernement belge a consacréles pages 164 à 171 de ses
observations (1) au icdroit international conveiitiotinelinC'est là-dessus
qu'il semble ionder ses derniers espoirs, étant dorinél'insuccès absolu
qu'il a dû enregistrer dans sa recherche, pourtant si minutieuse, d'un
quelconque précédentdaiis la pratique arb-itrale ou gouvernementale.
En ce qui concerne le droit conventionnel, la Partie requérante croit
pouvoir faire flèche de tout bois. Lorsqu'elle indique, au début, sur
quelles catégories de traités aurait porté l'évolution qui devrait lui
permettre d'atteindre ses buts, elle mentionne lien aussi à la page 164
les ntraités d'établissement ou de commerce contenant des dispositions
pour la protection des placements à I'étranger~.hlais ensuite elle oublie
cette catégorie de conventions quaiid elle entreprend de donner des
exemples concrets; et pourtant, ces traités aiiraient étéles seuls à avoir
un rapport quelconque avec la matière ei1visagi.e.Elle y a évidemment
trouvé un bien maigre appui. Alors elle n'hésite pas à jeter dans la
mêlée deux autres catégoriesd'instruments qui seront, en fait, les seules
dont elle se servira: les traités de paix et ceux conclus à des fins d'in-
demnisation avec les pays qui ont adopté sur leur territoire des mesures
de socialisation ou de nationalisation.
Ce qui viendrait cimeiiter entre eux ces instrumeiits relatifs à des
situations et à des hypotheses pliitot différentesserait cette «tendance à
lever le voile de la personnalité juridique des corporations »,tendance à
laquelle la Partie demanderesse fait toujours :ippel qiiand il s'agit de
réaliser une opération quelque peu difficile, d'interprétation ou autre.
Affirmée à la suite d'une initiative angkiise au cours de la première
guerre mondiale et utilisée commecritérium pour la détermination «du2-44 BARCELOSA TRACTIOS
caractère ami ou ennemi d'une entitécorporativen, cette tendance aurait
eu ses répercussionssoit sur les traités de paix soit sur les aaccords con-
clus afin de réglerlaquestion des indemnités dues pour nationalisationsn.
Aprèsquoi lesobsen.ations belges (1) croient pouvoir citer,à la page 169.
pour appuyer les thèses qiie l'on préconise, des clauses tellesque l'arti-
cle 297 du traité de Versailles ou l'article 78 do traité de paix italien,
et elle prétend qu'il serait actuellcrneiit possible de considérer coinme
Riiicorporés »au droit international généralles principes conteiius dans
ces clauses.
Ainsi que l'a fait observer le Gouvernement espagnol à la page 213
desexceptions préliminaires (1),lorsqu'on se propose d'établiri'existence
et de définir la teneur et la portée d'une rkgle de droit international
général,coinme celle que s'efforce de trouver le Gouvernement belge,
il n'est certes pas admis que l'on allègue, comme données utiles, des
clauses contenues dans des traités. Le Gouvernement britannique, dans
sa notedéjà mentionnéedu 5 juillet 1928relative à l'affairede la Roma~io-
Americana, avait attiré forniellement l'attention sur le fait que 'in0
principle of international law can be deduced » [on ne saurait déduire
aucun principe de droit international] de ces accords spéciaux,pourtant
certainement plus liés à la matière de la protection diplomatique, dans
lesquels deux Etats en litige convieniient finalement d'accorder à des
actionnaires ia right to claim compensation ii[le droit de demander
réoarationl.
~ii':iurn~t-il ,kit. l'nutc~irlie cette iiote. s'il s',:tait rrout.,i .n prtsence
(I'iinetelle prétcntioii tirerd,>sconcliiiions d'ordrc.~6ii;ral (Ic traitrj de
caractère aussi spécial, conclus en tenant compteVde situations aussi
anormales qu'une guerre, une révolution ou un changement radical des
structures économiqueset sociales d'un pays? Les clauses inséréesdans
des traités de ce genre ont étéformulées,le plus souvent, précisément
pour déroger, grâce A des prescriptions spéciales, aux règles générales
qui auraient dii s'appliquer et qui ont paru insuffisantes par rapport aux
situations exce~tionnelles auxouelles il fallait Darer. Si une conclusion
quclconquc dc.wit Ciretir:? dc :csclaii~eji dii droit intt:rnntioii:~l
c&nér-il <?IIirait donc pluti31dirtctciiient 31encontre CI(cr que pr;.coniie
Ïa Partie demanderesse lorsqu'elle propose de considérer ies principes
contenus dans les clauses en question comme cincorporésau droit des
gens n'.
Ce n'est d'ailleurs pas tout. La Partie demanderesse ne se contente
mêmepas d'introduire dans ses développements des élémentsaussi
étrangers à ces développements que les traités et les conventions que
nous venons de mentionner. EUese croit encore autorisée à en interpréter,
selon ses besoins, les finalitéset le contenu même. Je me permettrai de
citer cet exemple relatif aux conventions qui prévoientune indemnisation
des sociétésétrangères à la suite des mesures de socialisation ou de
nationalisation adoptées par certains pays. Dans certaines de ces con-
ventions, les gouvernements des pays où ces mesures ont étéprises ont
DU vouloir exclure de l'indemnité demandéeDar I'Etat national d'une
soci6t;llei particip;irioiii dircçrcs oii indirc.ctc.'d< I;pribprcsrcssortij-
snnrs Z la sociL(t<:Iqu~ifi~~i.Or ces ~l;>ductions oli'r2cs sur l'ind~.tiiiiitC
nccor<léa eii:iiid inCniel'Et.~tn~tionaldt: la sociCti:on1 ~;tci~rCîciitCei.
la suite de'l'analyse faite aux pages 166à 168desobservation: (1)c .omme

'Voir obsewations. 1, pi69 PLAIDOIRIE DE ni.A<;O 245

constituant une preuve de I'abandon du crittriuni de la nationalité d'une
société apour décider de la compétence internationale à Ia protection
dipXous pourrions nous arrêterlà, d'autant que leGouvernement espagnol
avait déjàexposél'essentiel de ces remarques aux pages213 et suivantes
de sesexceptionspréliminairesde 1963 (1)et que le Gouvernenient belge
feint de les ignorer, ne sachant évidemment pascomment y répondre.
Mais il y a quand mêmeun fait que nous voudrions citer nous-mêmes,
de notre cîlté,puisqu'il s'agit de droit international conventionnel et de
tendances récentes.
Sur instmctions données en avril 1960, un coinité de l'OCDE -
Organisation de coopération et de développement économiques - a
élaboréun projet de convention sur la protection des biens étrangers.
Des représentants et experts de quinze pays membres, dont 12Belgique,
ont participé aux travaux. Le projet approuvé par eux et publiépar les
soins de l'OCDE donne, à l'article 9, les définitions, aux fins dLa
convention, des termes employés.Je me permettrai de lire la définition
qui figure au pointc):
«Le terme «biens ,,désigne tons les biens, droits et intérêts,
détenus directement ou indirecteinent, y coinpris les intérêts quele
membre d'une sociétéest censéavoir dans les biens de la société.
Toutefois. aucune action ne peut être iiit<:ntéeaux termes de la
présente convention i l'-~ard des intérêtsd'un membre d'une
société:
i) si la sociétéest ressortissant d'une partie autre que celle qui a
pris les mesures affectant les biens de la société;
ii) lorsque la société est ressortissant de la partie qui a pris les
mesures affectant des biens, si les intérêtsdu membre de la
société nerésultent pas d'un investissenient de fonds étrangers
fait par lui ou par ceux dont il tient ses droits, et ne représentent,
à l'époqueoù lesdites mesures ont étéprises, ni un investissement
de fonds étrangersfait par lui ou par ceux dont il tient ses droits.
ni un investissement de fonds versésA titre d'indemnité ou de
dommages conformément aux dispositions de la présente con-
vention.,,

Monsieur le Président, Messieurs, est-il besoin de souligner l'intérêt
de la clause que je viens de lire? Bien entendu, on pourra nous dire qu'il
devenu une convention en bonne et due forme. 11n'empècil n'Rse que lesre
représentants et experts des quinze pays qui ont pris part aux travaux
du comitéont adopté le projet, et que ces quinze pays sont justement
ceux d'où provient la très grande majorité des investissements privéà
l'étranger: ce sont les pays qui ont donc principalement intérêt à la
protection de ces investissements.
Les principes qui sont endossésdans le projet de l'OCDE pourront
certes susciter des réservesde la part des pays qui sont surtout desti-
nataires des investissements privésétranger5; mais ce seront des réserves
dans le sens d'une restriction de la facultéde protection prévue ici et
certes dans le sens d'un élargissement.
Ce texte peut donc êtreconsidérécomnie l'énoncé le plus récent d'un
point de vue commun àdes Etats parmi lesquels se trouvent ceux quisont246 BARCELONA TRACTIOS
les plus favorablesau principe de la protection des investisseincnts privés.
Ce document ne peut mêmepas encore êtreconsidéré comme I'aboutisse-
ment, dans le droit international d'aujourd'hui. de cette é\-olutionen
cours, qu'il plaît tanà la Partie requérante d'invoquer: il pourrait l'être
dans le droit de demain. Or. dans un texte semblable, quelles sont les
conditions considéréesindispensables pour que devienne admissible une
action en vue de la protection des intérêtsd'un sociétaire? Qu'a-t-on
exprimépar ccs formules qui frappent par leur clartéetpar leur netteté?
Que l'intervention de 1'Etat national du sociétaire esexclzbe- je répète:
exclue- si la sociétn'est pas ressortissante de l'Etat auteur des mesures
qui affectent les bicns de la société.Au surplus, alors mémeque cette
première condition serait remplie, il y en a encore une autre: il faut
encore qu'il soit prouvéque lesintérêts dumembre de la sociétérésultent
d'un investissement de fonds étrangers fait par lui ou par ceux dont il
tient ses droits. Condition elle aussi pleine d'intérêtsi l'on veut se rappe-
l'activité de la Rarcelona Traction en Espagne! fonds qui alimentaient
Avec l'examen de ce document, nous pensons bien pouvoir conclure
l'analyse de la pratique du droit international public, auquel nous avons
accepté de nous préter pour suivre la Partie demanderesse. Celle-ci
avait une preuve à faire. Elle devait prouver qu'une règle spécialede
droit international se serait développéeet finalement affirmée, par
dérogation aux principes essentiels qui concernent la condition des
étrangers et la protection diplomatique. Selon cette règle, devrait être
admissible une protection diplomatique exercéepar 1'Etat national des
actionnaires lors d'un préjudice causépar un antre Etat à iine société
étraneère à i'Etat oui exerce la ~rotection. Non seulement In Partie
demanderesse, à qui inconibait l';nus probandi, a-t-elle maiiqué cette
preuve de la inanihre la plus totale età toutes les étapessiiccessives de
Ses tentatives de démo-nstration. mais ail contrairé. c'est la Partie
défenderesse, à laquelle n'incombait aucun fardeau de ce genre qui,
estimons-nous, a fourni la preuve contraire d'une manière irréfutable.
Au cours de toute cetteanalvse vraiment exhaustive de la oratiaiie
arbilrnlr, Je ccllc <ICSpou\,vrnemc.nts. et rn;.rne dii droit iiiternational
ion\~ciitioririi.tde sestendnr~ccsles pIiisrCceilt,ct lei plus pertinc~itr's.
nous avons toujours rencontré, claiFement affirmé,le'mêiie principe.
Là où la sociétése plaint d'un préjudice causépar un Etat étranger, ce
n'est que l'Etat national de la sociétéqui a le droit d'intervenir au titre
de la protection diplomatique. Ce n'est que lorsque la société asubiun
préjudicede la part de I'Etat dont elle relèveelle-méme,lorsque, partant,
ce préjudice ne peut certainement pas constituer la violation d'une
oblieation internationale envers 1'Etat national de la société. nidonner
lieu1 une protection diploniatique de la part de cet Etat, q;'une possi-
bilité différenteapparaît: iine possibilitétoute particuli6re d'intervenir,
dans certaines ciÏconstances ef sous certaines conditions, en faveur des
sociétairesétrangersde la société qui a étévictime des agissements de son
propre Etat national.
VI1
44. filonsieur le Président, hIessieurs, le moment pourrait êtrevenu
à ré sentd'établirdes conclusions sur lepoint aui nous a occupéiusou'ici:
ef après toutes les constatations que nous a;ons pu faire,'ce'tte'tiche
pourrait paraître tr&sfacile et rapide. PLAIDOIRIE DE M. AG0
247
Il est bien certain que, dans la pratique des Etats, on ne rencontre
pas la moindre trace d'uiie véritable dérogation :I la rkgle fondamentale
qui, on l'a vu, n'est à son tour que I'application des principes essentiels
du droit intematioiial régissant la matière. Selon cette règlela protection
diplomatique d'une personne morale à la suite d'un préjudice causépar
un Etat étranger est exercée exclusivement par i'Etat national de la
personne morale en question.

Il est bien certain aussi que les quelquescas de protectioii diplomatique
des sociétaires, lorsque la sociétéa une nationalité différente de la leur
propre, ne représentent nullement une déviation par rapport à la règle
fondamentale que l'on a énoncée.Ces cas ne rentrent en effet jamais
dans l'hypothèse - la seule qui intéresse la condition des étrangers et
la protection diplomatique - de préjudices causéspar un Etat à une
personne morale étrangère à cet Etat. Dans ces conditions, n'en déplaise
à la Partie demanderesse, le simple fait de parler de la prétendue for-
mation d'une règle cozltumière spéciale qui devrait couvrir précisément
cette hypothèse mais qui ne s'appuierait sur aucun précédent nous
semble une absurdité. La conséquence inéluctable est donc que la
Barcelona Traction, sociétécanadienne, ne peut être protégée,en vertu
du droit international, que par le Canada, s'agissant d'lin préjudice
subi par la sociétéen tant que telle; et ce même prEjudice ne peut
donner lieu à l'intervention d'aucun autre Etat, fût-ce au titre d'une

protection diplomatique des actionnaires qui seraient d'une autre
nationalité.
Mais il est trop tôt pour conclure, car la tknacité avec laquelle la
Partie demanderesse soutient ses thèses contre toute évidence nous
impose une tâche supplémentaire. Nous devons encore tenir compte d'une
tentative extrême du Gouvernement belge pour sauver son prétendu
jus rtandi dans l'affaire et pour lui donner des apparences de fondement.
C'est pourquoi il est nécessaire d'approfondir plus avant la question.
La Partie demanderesse est parfaitement consciente de l'échec complet
de la minutieuse et longue analyse à laquelle elle s'est livréeà la poursuite
d'un précédent susceptible d'étayer ses préteiitions. L'optimisme qu'elle
afficheen déclarant (1,P. 179) que la pratique internationale offriraiti2112
bloc im$osant de $récedents établissant la recevabilitéde L'instancen ne
saurait trom~er Dersonne. et elle-même moinsaue auiconoue.

Pour essayer de sauver quand mêmequelque Chosédes réiultats de son
analyse, elle cherchera donc à les iitravailler », à les «interpréteII;et
celasans se préoccuper de vérifier si, dans son cas, interprétation n'est
pas trahison.
45. Les tentatives d'interprétation faites par la Partie demanderesse
ne sont d'ailleurs Das circonscrites aux données résultant de l'analvse
de la pratique. 0n'en retrouve aussi à i'égard de la pensée de certains
auteurs qui ont spécialement étudiénos problèmes. A ce propos une
brève digression nous sera peut-être consentie.

Le Gouvernement espagnol s'était attaché, d'abord aux pages 382 et
suivantes1 des premières exceptions préliminaires, et ensuite aux pages
222 à 225 des exceptions préliminaires de 1963 (t) auxquelles nous nous
permettons de renvoyer pour les références bibliographiques, i indiquer
quelle était, en la matière, la position prise par les auteurs les plus
connus. On pourrait dire à ce propos que ces auteurs confirment pleine-
ment les constatations qu'on a pu faire en examinant la pratique. Dans

' C.I.J. ~llénioiras,BarneTraction,LightatidI'ower Company, Limiled.~4~ BARCELOh'A TRACTIOS
la doctrine sereproduit en quelque sorte la même oppositionde tendances
qu'on a pu remarquer entre les gouvernements.
D'un côté,il y a les auteursqui, s'en tenant strictement aux principes,
restent radicalement opposés àtoute idéed'une protection diplomatique
de sociétaires pour des préjudices causés à une sociétéen n'importe
quelle hypothèse.
De l'autre coté, il y a les auteurs qui, sensibles surtout à l'attitude
prise par certains gouvernements dans la pratique, se prononcent en
faveur de la légitimitéd'une protection des actionnaires étrangers dans
l'hypothèse particulière où l'auteur du préjudicesubi par la société est
1'Etat mêmedont la société ala nationalit6. Il est mêmecaractéristique
que les auteurs qui ont surtout défendu cette thèse soient des auteurs
britanniques. comme Beckett et Mervvn Jones, et que leur position
corrcspu;idr parf;iitriiicnt h ç~llc qiie'lc 'i;~ii\~~rneiiiei,tbrit:;niiique.
~);irtic~iliCrciiisouci<.iide saiii.eg;irder lesiiitCrGtsdei iii\.cjtiiiriiicnts
privés à l'étranger, a prise, cornGe on a pu le vérifierdans plusieurs
occasions concrètes. Aux actionnaires étraneers"d'une sociétévictime
de doriini;igescniijk pur soiEl111>i'irio>tdloit donc poiivoir itrc accordée
la protection diplorn;itiqiie <lel'Et31 dont ils rel6vent. .\l;iis ç;ititre
to;t à fait exceptionnel,.les auteurs en question s'empressant d'indiquer
leur opposition très nette à tout droit d'intervention en faveur de
nationaux actionnaires d'une sociétéétrangère, en dehorsde l'hypothèse
spécifiquement envisagée.Une protection des actionnaires n'est donc
légitime, poureux, que dans cette hypothèse où elle est la seule logique-
ment concevable, et où. au surol.s. o. demande normalement en outre
(IlleInsoiil'ti sril i~i~jolitr,iIcsorte rliieIcs:ictioniinircs lui ai?ilt iucc;dc
comnie titiilnirc;dr st~sdroitset~oniiiicpropri~t;iir~.sdc zsI>ieCIsavoirs.
Le Gouvernement espagnol avait aissi noté, au mêmeendroit, que
sur ces conclusions les opinions des auteurs britanniques rejoignaient
celles d'internationalistes belges comme Charles et Paul De V~sscher,
malgré quelques différences quant à la justification théorique des
conclusions.
Le Gouvernement belge a plutat négligéla doctrine dans ses obser-
vations, et on en comprend fort bien la raison. Toutefois, manifestement
gêné par le fait que même lesjuristes de son propre pays ne lui apportent
aucun appui pour ses thèses, il a voulu essayer de nouveau d'interpréter
à sa facon la pensée du savant internationaliste Charles De Visscher.
Puisqu'à la page 224 des exceptions préliminaires (1)nous nous étions
permis de nous élevercontre ceque l'on avait voulu déduirede sa pensée,
la Partie demanderesse a cru pouvoir qualifier notre prise de position de
téméraire.
Pourtant, l'illustre auteur belge, ancien juge à la Cour, a écrit un
article dont le titre est nDe la protection diplomatique des actionnaires
d'une sociétécontre I'Etat sous la législationduquel cette société s'est
constituée » (Revuede droit international el de législationcomparée,1934,
p. 624 et suiv.). D'un bout à l'autre de cette étude, l'auteur s'efforcede
faire comprendre le caracthe spécial dela situation dans l'hypothèse -
et ce sont les mots utilisésdans la conclusion de i'artic-e où les mesures
dont la société estvictime «émanent de i'Etat même sousla loi duquel
elle s'est constituées. Tout le but de l'étudeest d'indiquer qu'il serait
injuste de s'en tenir à la règlefondamentale qui exclut toute protection
diplomatique de lapart d'un Etat autre que I'Etat national de la société,
lorsque - ce sont encore les mots de l'auteur. à la page 642: PLAIDOIRIE DE M. AG0 249
tfau Iieii dc trouver dans le p:iy; &nt clle a adopte Ic régimeI<g;il
la protcctioii qui lui est diie.13 suciétC(l<:vi<:1I1'objct dans CC piiyi
iii;.iiil,:iii~.urcs inanilcstcniciit injii:tes. \*~:xntoi<)II<-liscrimiii;t-
toires qui, en portant atteinte à sesintérêtsci)llectifs,compromettent
gravement ceux des actionnaires étrangers ».

La Partie demanderesse prétend à la page 188desesobservations (1)que
les motifs valables pour justifier dans cette hypothèse une protection
diplomatique des aitioniïaircs seraient exact; na fortiori [ce sont ses
propi-cs mots] lorsque les dommages peuvent être attribués à un Etat
tiers, qui n'est donc pas celui de la nationalité de la société iiLa Partie
demanderesse semble faire abstraction du fait que, danscette Iiypothèse,
il y a un Etat national de la sociétéqui peut la protéger contre 1'Etat
responsable des dommages. Xous pensons que, par contre, M. Charles
De Visscher en a tenu compte et que c'est pour cela qu'il a si clairement
limitésa proposition au cas où aucun Etat n'a qualité pour protéger la
sociétécontre I'Etat auteur du préjudice.
Nous ne voulons pas engager une polémique à ce sujet. La Cour
pourra relire les passages essentiels où la pensée(lel'auteur est exprimée.
Elle pourra juger laquelle des deux Parties a ététéméraire.
Quand au professeur Paul De L'isscher,citéà l'appui de la tlikse belge
en d'autres endroits des observations, on écarte d'un trait de plume,
à la page 18g,I, une idéeexpriméepar ce juriste, en disant qu'elle e n'est
nas du droit ~ositif » et irie saurait êtreretenut: a.Et surtout. on vasse
suii; ~ilc:iiccI:i tliCs~fonclnriicntnl1111SI'trotiv~ enon& :LUX Iiagcj 475
et siiiv~nres du <:ourspr,>les~C L'I1~61 : L':\~i~(iCii~ie droit intcrn:itir,n:il

de l.:i lin\.,: sur LJ proieciroiidtfilonruiiyrti.t~cprrsorint~rirl~~Is).c l'~\.is
dc I'nutcur, Ica dciix conditions qiie, il'iiiicpartlu scciirr.air la 11u1i11i.rliri
,ir/'i</d/hirt /a re.sbo>~s~rb>e lsrm~.rs en cnrrse CI tiuc, d';iutrc 1):irtla
sociétésetrouve dissoute où autrement placéedans Ùnesituationde droit
ou de fait qui compromsttel'efet utile de toute acfio+tsociale azrprofit des
adionnaires, "paraissent dmoir étresimultatréff~errré t frniesn.
46. Mais revenons donc Al'interprétation des iprécédents n préconisée
par la Partie demanderesse.
Elle s'est reportée au fait que, dans certains de ces u précédeiits a,on a
admis que I'Etat national des sociétaires d'une sociétévictime d'un
préjiidice causépar 1'Etat dont la sociétéelle-niêmerelève, intervienne
auprès de ce dernier Etat conime protecteur desdits sociétaires. Elle
n'a pas recherché dans quelles conditions et pour quelles raisons parti-
culièrescela a étéadmis. Elle ne s'est pasdemandCsi cette simple donnée
ne devrait pas s'expliquer, par Iiasard, en parfaite harmonie avec les
principes classiques du droit international eri vigueur et sans entraîner
la moindre contradiction avec la règlequi veut que la protection diplo-
matique de toute personne, physique ou morale. revienne à I'Etat
national de ladite personne et à lui seul. Elle a essayé,par coiitre, d'en
faire un exemple typique de déviation par rapport à cette règle: elleen

a fait la cheville ouvrière de la démonstration de sa thèse selon laquelle
ladite règle,devenue inadéquate enraison des exigences de la vie fiiian-
cièreinternationale moderne. aurait étécorriaée, sinontout à fait balayée
,nr II,coiir;int imj,;tiicux des nouvelles t<:n;ian<:ei.
Croy:iiit avuir ainsi ouvert iine brL\i.lirJ.:inIrriiiidu ~)riiicipc<1ii'e11<:
clicrclie :ivt:ctant d'a~1i;irnemeiitzi;ibnttrc. la I'nrtie d~:riiaiidcreises'est
attachée au travail nécessairepour élargir cette brèche. Pour y réussir250 BARCEI-ONA TRACTION
elle a fait un pas de plus et a essayéd'accréditer l'idée qu'il yaurait,
en pratique, une analogie profonde entre deux hypothèses différentes.
A i'hypoth6se d'une sociétévictime des mesures préjudiciables de la
part de son Etat national, et pour laquelle donc il n est pas question
d'une protection diplomatique, il faudrait assimiler entièrement celle
d'une sociétéétrangère, qui comme telle pourrait être protégéepar
1'Etat auquel elle appartient, mais en fait ne le serait que faiblement
et d'une manière inactive, en raison du manque d'intérêtdont ferait
preuve cet Etat.
L'idée de cette <<analogie »,rappelons-le, la Partie demanderesse y
songeait bien avant de s'engager dans sesrecherches à travers la pratique
des Etats. Elle était mêmepartie pour son analyse avec le ferme espoir
de pouvoir produire au moins un précédent.Ne l'ayant pas trouvé, elle
a cherché alorsà établirl'cianalogie»en question sur le plan des principes
des prétendues finalitéscommunes, qu'il y aurait à poursuivre dans les
deux hypothèses. Pour étayer sa construction, elle fera appel surtout à
l'idéedit percement du voile de Lapersonnalité moraleet à la notion de
nationalitépffective,idéeet notion étroitement liéesdans la conception
de la Partie requérante.A son tour, la nécessiremplacera les précédents
qui font défaut, comme fondement de la soi-disant règle contumière
qu'il s'agit d'établir.

46 bis. Voilà donc le raisonnement de la Partie requérante. L'examen
de la pratique internationale montre que, dans une hypothkse au moins,
à savoir celle où la sociétéa la nationalité de 1'Etat auteur du préjudice,
une protection diplomatique des actionnaires ou sociétairesest légitime.
Une exception au principe du droit exclusif de l'Etat national de la
société A la protection de cette dernière est donc admise, observe la
Partie demanderesse, par la pratique comme par la doctrine, et, nous
dit-elle, vous-mêmele reconnaissez.
Mais, poursuit le raisonnement, quelle est la. raison d'êtrede cette
exception, quels sont les motifs pour lesquels elle a été acceptée? On
répond, à la page 172desobservations belges (1)queces motifs résidaient
dans:
ila nécessitéde percer le voile de la perso~inalitémorale ou civile
des entités collectives Dour découvrir les véritables intéresséset
déterminer ainsi 1'Etat Ôules Etats ayant qualitépour agir dans les
relations internationales lorsqu'yla eu violation du droit des gens
au préjudice desdites entités;,. .

Ces motifs, toutefois, toujours selon le raisonnement de la Partie
demanderesse, ne valent pas seulement par rapport à l'hypothèse d'une
sociétédont la protection diplomatique est impossible parce que 1'Etat
national est en mêmetemps l'auteur de la mesure incriminée.Ils doivent
valoir aussi pour l'hypothèse d'une sociétédont la protection diploma-
tique, tout en étant théoriquement possible, est en fait irréelleparce que
1'Etat national ne s'intéressepasà son sort. Dans les deux cas le principe
devrait donc jouer et il devrait êtrepossible d'cadapterrs1,des règlesde
droit caux réalitésde la vie économique ».
La notion de nationalité effectiveviendrait, elle aussi, opportunément
apporter un soutien de plus. Le lien juridique de nationalité d'une
personne morale avec un Etat qui s'en désintéresseen raison de la252 BARCELOSA TRACTIOS
Si donc cet Etat voulait, lui aussi, intervenir au titre de la protection
de la société. cela nenrésenterait aucun inconvénient.
Le ouv veine m beeietse soucie tellement peu de la situation dans
laauelle se trouverait I'Etat destinataire de deux ou mêmede v lu sieurs
réLlamationsdemandant deux ou plusieurs fois la mêmechose: qu'il ne
voit aucune incompatibilité entre la protection exercée par 1'Etat
national des actionnaires et celle exercéeDar1'Etat national de la société.
toiitcs dciix pur poursuivre I:IrLip~ratio~du prrjurlict: caiijciila su~irité.
IIy ;LUF:ICI~U,(1:iiIn1ir:Ltique- ct li1':iffnircde l:»dd@~~ H~iy rï!,iciit
de nou\.e:iu - dcs cas d'iiitcr\.entiun u~r;illClcnar nlii, d'uii litat dans
une mêmeespèce. Une pensée n'efflêurepas ïespÎit de la Partie de-
comnlexes. com~renant différentsfaits illicites ititernationaux constituéss
par 13 vioiiition'd'oI>lig:itioiiiiiitcrnationales (lui incoirih:aiçI'ljtat
coui>nl)leenvers clcsEtsts dilféreiits.Siirtuut. elleIIÇreni;iriliie pns que.
daisces affaires. lesEtats aui intervenaient en mèmetem~snour<uivafent
en réalitél'indémnisation'de préjudices différents,et ;or; pas, comme
dans notre esu6ce. l'indemnisation du mêmeuréiudice,causé la même
personne et en prétendue violation d'une Seule et unique obligation
internationale envers un seul des Etats réclamants. Pourtant, à la page
196 des exceptions préliminaires, le Gouvernement espagnol n'avait pis
manqué d'attira l'attention du Gouvernement belge sur le fait que des
réclamations parallèles, émanant d'Etats différents, pour un seul et
mêmefait illicite ne concernant que l'un de ces Etats, constituaient
quelque chose d'encore plus inadinissible que le fait de substituer
l'intervention d'un autre Etat à celle de I'Etat victime du fait illicite.
On ne se soucie donc uas de I'incom~atibilité flaerante de l'action
directeriicnt exçrctc p;ir I'Etnt nation:il dc; nctioiiii;iircsI:ipoursuite
rl'iinc rcsponsabilitl' dt!~.uiilnnt<IIIpréjiitliccc:iuàila soril't6. quand
la rnhe rcsuonsabiliti.. dbcoulant du mkme urciudicr c:iu;; i I:i mCme
personne, es't déja parallèlement poursuivie iupr&s du mêmeEtat par
1'Etat national de la société.
Et la Partie demanderesse de noursuivre son raisonnement. Il ne s'aait-
pliis dfsorm~ii il'(,lnrgirI:I l>rècliequ'oii pcii~nit;avoirouvcrtc dans
Ir mur qiii enipéclinittoiitc protrction diploniatiqiic d~; .iciioiiii;iircs en
cnî de ~.éi,di~i:c:iiisG:iiine soci6tG.II s'uiuit tout horiiiciiicnt d'nh:ittre
ce mur pour que rien n'en reste.
I'areumentation de la Partie demanderesse. il suffit de lire im vassaFe ?i
sit2 la page 174 des observations (1) tou tu début du raisonieme~t,
et à titre de commentaire des conclusions aue le Gouvernement espaenol
a tirées,aux pages 2x9 à 222 des exceptions préliminaires de ri63-(1),
de l'analyse de la pratique des Etats:

«Enfin [disent les observations] la protection des actionnaires et
associ~s par leur Etat d'origine serait [selon le Gouvernement
espagnoljexclue lorsque le dommage causé3 une personne juridique
est le fait d'un Etat tiers qui n'est donc pas celui du statut national
de la compagnie. Rfais, s'il est vrai que la jurispmdence révèle peu
de cas [quel bel exemple d'owerstatemen tue ce .peu de cas» alors
qu'il n'y en a aucun!] où cette circonstance [que la société soit
nationale de 1'Etat auteur du préjudice] nese retrouve pas parmi
ceux où une protection des actionnaires fut exercéepar leur Etat PLAIDOIRIE DE M. AG0 253

national, le Gouvernement belge dénie formellement qu'on puisse
en déduirela règlerestrictiuedéfenduepar le Gouvernement espagnol.
En réalité,la seuleconclusion qui se dégagede cesprécédentsest que
le voile de la personnalité juridique doit être percé pour faire
apparaître les véritables léséschaque fois qu'il serait injuste de se
fonder seulement sur le statut de la sociétépour déterminer 1'Etat
ayant titre à exercer la protection diplomatique. »
Grâce à ce principe du ripercement du voile dont on se sert comme
d'un véritable marteau pneumatique, rien ne restera donc de la person-
nalité morale, ni de ce principe du droit international, pourtant si
généralement reconnu,qui veut que le droit d'exiger d'un Etat étranger
un traitement déterminépour une personne physique ou morale revienne
à 1'Etat national de ladite personne et à lui seul, et qu'à cet Etat et à
1\11>L.IIr<:vl<:nnc.,.ir ioiis;:iliitriit, lz droit de I~rotçuii~iidil,lurn;~ti$liic:
d.t11s1I.ypotli~,~ uii 1,; tiaitc~i~~~iVI& 11'~ur.utp:,s 61; .i,coiil.'.. Le
i~oii\.i.:,#ririp~:~CnCralpr&\.oir.iit<IAi,riii:~i.;..iaucune liriiitcdnns
IIi!p~tlit,~: iiidiclu2c. IL.droit 11,.protc<:tinii<Iiploin;itclciI'l<t>t ou
i~iielixdes Et:ttj n.tti.,n~iix dt:>~~ctiuiiii,~ire,.
On trouvera le principe, formulédans toute son étendueet dans toute
sa gloire,à la page 179 des observations (1). Il y est libellé commesuit:

iEn ~rinci~e.tout Etat a le droit de ~.otée.,Da.la voie dioloma-
tique sésnationaux qui sont actionnaires d'une sociétéét;angère
dans laquelle ils ont des intérêtssubstantiels, lorsqu'ils sont lésés
par suite d'un acte illicite selon le droit des gens, Commis par un
autre Etat au préjudicede cette personne juridique ou société. i,
Ce principe est ainsi devenu la cléde voûte de la construction que la
Partie demanderesse présente finalement, aux pages 175 et suivantes
des observations, construction dont les piliers puissants devraient
soutenir ccle jus standi dela Belgiqnedans l'exercicedeson droit deprotec-
tion diplomatiqne en faveur de ses ressortissnnts,actionnairesde la Barce-
lona Traction». Les piliers seront huit règles, parmi lesquelles, outre le
principe que l'on vient d'énoncer, onretrouvera naturellement ceux de
la nationalité et de I'effectivité,celui qui refuse toute préférenceau droit
de protection de 1'Etat national de la société, ceuxqui perruettent une
intervention conjointe de plusieurs Etats, ceux qui entraîiient le rejet
de toute limitation imposéeau droit de protection de 1'Etat national des
actionnaires au cas où la sociétéserait nationale de l'Etat auteur du
préjudiceet au cas où la sociétéaurait étédissoute.
La Partie demanderesse ne s'arrêtemêmepas à vérifier si les piliers
de l'édificereposent sur quelque chose de plus solide que les sables d'un
rêve.Et eue ne s'aperçoit pas que, pour avoir énoncéune nouvelle rkgle
aussi généraleet aussi catégoriqueque celle dont on a lu le texte, elle n'a
pas, pour autant, apporté la preuve de son existence et ne saurait pas
prétendre inverser les rbles à cet égard. Et pourtant, quiconque ose
encore faire appel modestement à Ia réalitéet exprimer des doutes
sur l'existence d'une rkgle ayant la teneur qut: l'on prétend, se voit
accuser de vouloir patronner, quant à lui, une rkglerestrictivepar rapport
à celle que tout le monde devrait désormaisaccepter comme une vérité
indiscutable. L'analogie a mené bien loin.254 BARCELOSA TRACTIOX

[Azidience publigrreds zj mars 1964,après-midi]

Nonsieur le Président, Messieurs, nous avons pu constater àl'audience
de ce matin que la Partie demanderesse, grâce à une interprétation des
donnéesdelapratique internationale - interprétationconduite àL'aidede
ce principe du percement du voile sur lequel il aurait été iiitéressaiit de
s'attarder si je ne craignais d'abuser de la patience de la Cour - en est
finalementparvenue à affirmerl'existence d'une prétenduerèglegénérale,
national des actionnaires d'une sociétéétrangère le droit d'intervenirEtat
au titre de la protection diplomatique de ses actionnaires, en cas de
préjudice causé à la société,sans tenir aucun compte du droit corres-
pondant qui revient à 1'Etat national de la société.

47. Pour parvenir à affirmer l'existence du principe si étendu auqucl
aboutit sa construction théorique, la Partie demanderesse prend, on l'a
vu, pour point de départ la prétendue analogie entre deux hypothèses
différentes: l'une. celle aui se présente lorsau'une sociétécomprenant
des sociétairesétrangers êstléslepar son Etat national;'l'autre.
celle où la sociétécomprenant des sociétairesétranger- est léséepar un
Etat tiers.
Nous avons vu que, dans la première hypothèse, une possibilité
d'intervention au titre de la protection diplomatique de la part de 1'Etat
national des sociétüires étrangers paraît admise. soit dans certaines
décisionsarbitrales, soit dans les poiitions prises Par certaiiis gouverne-
ments et par certains :iuteurs, lorsque certaines conditions particulières
se trouvent réunies. Par contre, aucun précédent iii auciiii appui ne
saurait êtrecitéen faveur de l'idéequ'une intervention au titre de la
protection diplomatique exercée par 1'Etat national de l'actionnaire
puisse êtreadmise dans la seconde hypothèse.
La prétendue analogie entre deux hypothèses devrait donc servir à
étendre à la seconde le principe qui a étéadopté, à titre exceptionnel,
oour la oremière.
Une analogie n'est concevable que pour des situations vraiment
comparables. Et les deuxsituations oui correspondent aux deux hvpo. .
ses que l'on a mentionnéesn'ont rien de comparable.
Le fait que, dans certaines circonstances, 1'Etat national des action-
naires d'une sociétéétrangère puisse assumer la protection diplomatique
de ses ressortissants à la suite d'une lésioncommise par 1'Etat national
de la société,ne constitue nullement une exception, une déviation par
rapport à la règle généralede la matière: règle qui. ne l'oublions pas,
prévoit que seul 1'Etat national d'une société puisseen assumer la
protection cn cas de préjudicecausé à la sociétépar un Etat dtrnn~er.
Dans l'hypothése envisagée,1'Etat auteur du préjudice n'est pas un
Etat étrangerpar rapport à la société:on est donc hors de la sphère
d'application possible de la règle générale. Sicertains auteurs parlent.
dans ce cas. d'une exce~tion aue l'on ferait aux ~rinci~esfondamentaux,
de i'appliqiicr s:iiis etrc le nioins dii niII?!% 6.question.peîcontiniient
En fait. Ic oréiiidiceéi.entiielleiiieiitinflicc IIIIEtat :Iiiiie suciclé
qui a sa 'nationalité ne peut pas avoir été'causéen violation d'une
obligation internationale de I'Etat en question. Aucun Etat ne peut avoir,
ni pariant, enfreindre, une obligation internationale envers lui-même. PLAIDOIRIE DE 31. AG0 255

La situation envisagéereste donc, en ce qui concerne la sociétéet le
domiiiage subi par elle, entièrement en-dehors du domaine des regles
relatives au traitement des étrangers et des sociétésétrangères en
particulier, aussi bien que de celles qui régissent les conséquences de
la violation de ces règles. Ce n'est donc pas i:n raison d'une simple
difficiiltépratique, mais pour un motifjuridique,et mieux encore, logique,
qu'il ne peut pas êtrequestion de protection diplomatique dans un cas
de ce genre. II ne peut pas en êtrequestion parce que la protection
société n'estpas étrangère.tution qui intéresse les étrangers et que la
Par conséquent, il est évident que si, toujours dans I'hypothèse ici
envisagée, une intervention se produit au titre de la protection diplo-
matique de certains sociétairesétrangers d'une sociétéqui est nationale,
il est pourtant inexact de parler à ce propos d'une intervention pour la
poursuite d'un préjudice causé h la société.L'objet de l'intervention
ne peut pas êtrela mise en cause d'une responsabilité découl:intdu fait
que la société a étélésée. Lepréjiidice que la sociétéa subi ne peut,
en lui-même,représenter la violation d'une obligation internationale et il
est, partant, impossible qu'il entraîne iine respoiisabilitéinternationale.
Poiir que l'intervention envisagée soit légitinie, il faut donc qu'elle
ait pour objet la réparation d'un préjudice autre que celui causé à la
société:on préjudice causépar 1'Etat national de la société à des per-
sonnes différentes de celle-ci, à des personnes, bien entendu, ayant la
nationalité de 1'Etat étranger qui intervient; ou bien, autre possibilité,
ilfaut que ces personnes aient siiccédé à lin moment donné aux droits
de la société, desorte que la lésion persistante des droits de celle-
ci se transforme en une lésion toujours actuelle des droits desdites
personnes. Ajoutons que le préjiidice causé par la lésionde ces droits
doit pouvoir être représenté comme la violation d'une obligation
internationale envers 1'Etat national des personnes en faveur desquel-
les l'intervention est effectuée, sans quoi elli: ne constituerait pas
un fait internationalement illicite pouvant justifier une réclaination
interiiationale.
Or, si nous considéronsattentivement les cas dans lesquels on a adniis
une intervention en faveur de sociétairesétraneers d'une sociétéavant
subi un dommage du fait de son propre Etat,Ïes conditions que hous
venons d'indiquer étaient touioiirs réunies.d'une manièreou d'une autre.
Nous avons-pu remarquer notamment, lors de l'analyse de la pratique,
qu'en fait une réclamation en faveur de sociétaires étrangers auprès
de 1'Etat national de la sociéti:a étéadmise beaucoup plus fréquemment
lorsqu'il s'agissait de sociétésde personnes; la Partie demanderesse
a cru pouvoir négligerla portéede cette remarque en observant que les
sociétésde cette nature ont aussi une personnalité juridique et que,
partant, l'hypothèse ne serait pas différente de celle d'une sociétépar
actions. Tout d'abord, cette remarque est inexacte, car dans les droits
d'inspiration anglo-saxonne, le partitershipne jouit pas d'une person-
nalité distincte de ceUe des partners, des associés. Les titulaires des
droits sont les associés,de sorte qu'une lésiondes droits de la sociétése
résouttoujours, et nécessairement,dans une Iésioiides droits des associés.
En second lieu, mêmedans les cas de sociétésde personnes conçues
d'aprhs les systèmesjuridiques d'inspirationfrançaise et latine engénéral,
le fait que la responsabilité personnelle de l'associé soit entièrement
engagéedans l'association exclut presque totalement la possibilitk qu'une256 BARCELOSA TRi\CTIOS

atteinteaux droitsde la société ne soitpas en mêmetemps et immédia-
tement une atteinte aux droits des associés.La mise en faillite d'une
societ; dr. pcrjciriiic; suiiipurtc .iii~oniati<~iicriiciid i;iillite dei :issoci;;.
doiit I;Lre;l>i,ri;:ibilitc ~.silliiiiirtl011 i~iiiprcii~l.Ioii- 1>ounliiui. 1I;iiii
uiic~ifiii~,~i,~~iiiiIi'~.iff::ir~LrII~Z~liir.r>~.I';<rl>itr\I:i Iiiibcr ii';iirp.,;
cherch; 1 désidçrsi 1':ii~ot:i:itioi:iirait ou noii iiiie pcrsonndliti juri<liqut;
indCperidaiitu. 11~'cst pliitiit prCoccupCde reclicrclicr, p.lr r;ipport a
chjuue cas d'esilé.r..si 1,iiurniii:-!2cdont 11s';lKii;:iit.iv;ii.~JD.. irrrmé-
drdrimznl lu pcrsoriiil cri f:i\.<:iJe I:iquclleÏ;i r;:il.iin:ition n!.ait été
pr>;eritézou si, 311contr31re.cettc lxrionne nëtait que le rréuircierd'une
<ri<hebtrso>lilcmi seroll. rllr. ~mrn~i~fremr~r irlabbie. lit ïoii cliin~rend
fort bien que l'&minentjuriste suisse ait fait déc&e distinction le Critère
de base de sa décisionau suiet des différeiitesr6clamations.
Ai,uton~ ~ ~ ~e aue. .ans certains deScas envisaeés. la lés~.na.ait
ih; cauiic dirccti.inciit :LI'.is;oi:i;lui-iiiiiii~:i:iii; )>.i1131.ICI~U:~ICIIIC!II~
JC 1.1socictL. U:inî d';iiitre;. 1';ictivitl:qu'on :ittribii iit.iI:Is~<:iLtLaitaif,
vii f;iit, iinc scti!,itC purciiieiit prrsoiin~.llcd~.sassoci~!;,et lacoiiititiitioii
riieiiii$1,I:Isocikt; n'av3it et;. qii'iiiie forinalitérequise pnr 1:iloi locale
ou pnr iiiicontr:it p~ssCcntrc Ics persoiiiizs en qiicstiun et le goLiverne.
iiient local. 1:iideriii2r~.nn:ilyje donc, Ir?prc~u<lice:~vaitfrnp~)L:u ,ne lois
<leplus, immCdiatcnicrit 1;ipersonne eii laveur <leIxquellc I:irfcl:imation
étaitformiilée
l').iiisles :ifi;iirc; bien pliis rnrcs oii,'toujours en cas de sociéten).:int
ln ii:itioii:ilit>de IStat :luteUr<leiincsurç, ~)rC]u~liciablcsi,inc protection
diploiii;~ti~liic11CtC;idnii;c r.11fn\,t:iir ci'.istioniiairvs d'unc ;o:iLt: niin-
ii!,iiivII cnii<litioiiIIIIC I;isocirt; nit 216dissuiitt. ;i p.ir ~:c,iitretuiilourj
et;: rçiiuisc Lcs actioiiii:iircs i:t;~ientdunc <Icrciiiis.oii l,taiciiiiir1,.la>iiit
de deizenir eux-mêmespropriétaires du reliquat, et surtout titulaires,
à la place de la sociétédéfunte, des droits jadis propres Acette dernihre.

On tombait donc dans la deuxième hypothhe: celle où, des sujets
différentss'étant succédé,la lésionqui affectait les droits propres de la
sociétédevenait la lésion, toujours actuelle, des droits propres des
actionnaires.
Toutes ces hypothèses présentent donc cet élément communque les
sociétaires étrangers y ont fait valoir un préjudice direct affectant ce
qui &taitou était devenu leur propre droit. un préjudicequi. par consé-
quent, pouvait prendre l'aspect d'une violation d'une obligation inter-
nationale, bien que la société comme telle nufût pas étrangère.
J'aimerais dire au passage que le Gouvernernent belge a paru gêné
par le fait que. dans la pratique concernant la protection d'actionnaires
de sociétésanonymes nationales de I'Etat auteur du préjudice, la
condition de la dissolution de la sociétéait toujours étérequise. TI a
donc essayéde se libérerdes précédentsjudiciaires par des affirmations
catégoriques,qui ne sont accompagn&esd'aucune argumentation valable;
ila, d'autre part, écartéà ,lapage 191des observations (1).lesopinions des
deux auteurs britanniques, en trouvant qu'elles manquaient de clarté.
et celle d'un internationaliste belge, qualifiéde isingulihrement incon-
séquent inparce que, tout en admettant qu'il ne serait pas indispensable
que la sociétéait étéjuridiquement dissoute selon son propre droit. il
estime nécessaireque la sociétéait étéparalysée.Il ne s'est toutefois pas
limité à cela: il s'est aussi em~resséd'alléeuerencore une fois aue la
Barcelona Traction, tout en n'étant pas jusdiquement dissoiite, aurait
étévidéede toute sa substance sociale et ne feraitque se survivre à elle- PLAIDOIRIE DE M. AG0 257

mémeeràce au soutien aue lui orêtela Sidrol. D'ici à dire aue la société
serait aWpratiquementdéiunte a fin'y avait qu'un pas. pourtant, la Partie
demanderesse sait très bien que la Uarcelona Traction n'est ni dissoute
ni en voie de dissolution et qu'aucune succession à ses droits de la part
de ses actionnaires n'est intervenue ou n'est sur le point d'intervenir.
Et d'ailleurs, nous ne pouvons trop y insister, mêmesi l'on se trouvait
devant une pareille situation - ce qui est absolument contredit par la
réalité - ce lane suffirait pas encore à ouvrir la voie à la protection
diplomatique des prétendus actionnaires belges en l'espèce.Comme on
:r pu le constater, la possibilité de la protectiou diplomatique d'une
sociétédissoute n'a pratiquement jamais étésoulevée - ce qui est
logique - que dans la seule hypothèse d'une sociétéayantla nationalité
de I'Etat contre lequel la réclamation est dirigée.
~8. Il ne saurait donc être~lus clair aue les cas d'intervention au
titie d'une protectiou diplomahque de siciétaires que nous avons pu
décelerdans la pratique arbitrale ou intercouvemementale ne constituent
en aucune mahère -une dérogation au; principes essentiels du droit
international, principes qui veulent que toute personne, physique ou
morale, ne soit protégéeque par son Etat national à la suite d'un
préjudice qui lui aurait étécausé par un Etat étranger et qui constitue
à ce titre la violation d'une obligation internationale de cet Etat envers
1'Etat national. Quand un préjudice a étéinfligépar un Etat à une
sociétéétrangère, c'estl'Etat national de la sociétéet lui seul qui a
le droit d'intervenir. Quand le préjudice a ét6 infligé à une société
nationale, une intervention au titre de la protection diplomatique
des sociétaires étrangers peut devenir possible si, pour une raison ou
pour une autre, la mesure préjudiciable peut &treconsidérée commeune
atteinte directe aux droits des sociétairesen question et comme consti-
tuant ainsi un fait illicite international de la part de l'Etat auteur de
la mesure à l'écardde I'Etat national des sociétaires.
II n'y a donc en tout cela vraiment aucune dérogation aux principes
qui n'ont en eux rien de contingent. rien qui soit sujet à des variations
constantes, puisq~i'ilsne sont aue la traduction en-rècles de droit de
siniples esi&nie; logiques irr6fiital>les. 1';ircon~i.~u<:ni:s1'01regarde
les cliosesavec rkli3ine. on ne saurait découvrirle moin<lrepoint d'appui
pour ILSmandi dc\sci~is de la I'artit: deinanderzs,~ II est imuoj~itle
de traiter d'une manisre analogue des situations qG n'ont,
en fait, aucun rapport entre elles. L'une concerne dessociétés nationales
n'avant. comme telles. aucun droit à une tutelle internationale contre
lei niéqurespriiej <!:\nileiir propre pny,: I';iutre. des iociitCs étrang+rei.
protCg2e; coiiiiiietcll~.par lei olilijiations iiiteni:itionnles. coutiiniiéres
oii con\~cntionnell~.sriiiinconil:ent AI'Etnt oii elles oi)ircnt. envers Ieiir
Etat national, ainsi Que par le droit de protection'diplokatique qui
revient à ce mêmeEtat.

49. Monsieur le Président, Messieurs. avant de terminer ces com-
mentaires sur l'exception préliminaire touchant le défaut de qualité
du Gouvernement bèlee. ,..Partie demanderesse adresse encore à la
Coiir un appel H I'éqiiité.Un appel sinpilit\rement intkreisant en ce
qu'il démontre combien la Piirtie demanderesse a consciziice de se

1 Voir observations1, p192.258 BARCELOXA TRACTION
débattre, malgréses assertions pleines d'assurance, dans des difficultés
insurmoiitables du point de vue du droit.
On trouve en effet,à la page 193des observations (I), une soi-disant
règle présentéecomme la huitième des règles qui devraient constituer
les piliers qui soutiendraient le jus standi de la Belgique dans l'affaire, et
destinée évideniment à êtrela poutre maîtresse de tout l'édifice.dans
le cas fort probable d'une défaillancede tous les autres.
La prétendus règleen question est formulée commesuit:
rLes règles précédemment dégagée sur la base de nombreuses
décisionsarbitrales internationales, ainsi que d'une sériede décla-
rations officiellesdes Etatsà propos de la protection diplomatique
des actionnaires, doivent être interprétées dans un large esprit
d'équité,afin d'assurer le respect des intérêtslégitimes des action-
naires et leur réparation lorsqu'ily est illégitimementportéatteinte.

Comme commentaire de cette crègleii, on dit dans les observations
que le «système de protection élaborédans les exceptions préliminaires»
serait insuffisant, notamment parce qu'«aucune place n'est faite à
l'équitéa.La «protection diplomatique des intérêtsgroupésen personnes
juridiques ou en sociétésiipourrait, selon le Gouvernement belge, «se
fonder également sur I'équitéiLi.'équitéà laquelle se réfèrentles obser-
vations serait l'équitéinterprétative.qui devrait avoir pour fonction
iid'adapter la norme juridique aux +~écessitéssciales, de permettre de
l'appliquer d'une manièrerépondant aux exigences de lajustice, entenant
compte dc l'évolution dcs idéesdans le monde moderne au sujet de la
protection des intérétsgroupés en entités collectives et de toutes les
circonstances à chaque cas soumis à l'appréciation desjuges
ou des arbitresn.
L'intérêtfondameiital de cet appel final à l'idéede l'équité ressort
surtout de la page suivante des observations, la dernière de ce long
chapitre IV coiisacréaux «conclusions qui se dégagent udes précédents
considéréset à leur application au cas d'espèce. Le passage est ainsi
libellé:
=Le point de droit fondamental sur lequel l'opposition est la
plus aiguë entre les Parties au présent litige, est celui de l'appli-
cation du principe de la protection des actionnaires au cas où la
sociétédont ils sont membres est lésée,ilon pas par la faute de
1'Etat dont elle a la nationalité mais par celle d'un Etat tiers. C'est
cettesituation de fait qui donne sacaractéristique àlacause actuelle.
Dans ces conditions, le Gouvernement belge se doit de préciserque
la demande qu'il adresseà la Cour tend non A dégagerune nouvelle
norme de droit international, mais de faire application des principes
déjà dégagésdans la jurisprudence et la pratique internationales à
un cas sur leqriel les juridictions internationales n'ont pas encore
eii l'occasion de se prononcer; il s'agit en effet seulement de traiter
1'Etat tiers auteur du dommage, quant à sa responsabilité envers
1'Etat national des actionnaires d'une sociétéétrangère, de la
mêmemaniere qiie si ce dommage avait étécommis par 1'Etat
national de la sociétD.

La Partie demanderesse est donc devenue, en approchant du terme de
son argumentation, bien plus modeste. Du domaine des rêves et des
illusions. nous voilà redescendus à celui, hélas. moins favorable. des PLAIDOIRIE DE M. AG0 259

réalités.On ne se sent évidemment plus tellement sûrs de la possibilité
de fonder sur une solide base de droit la fameuse analorie entre les deux
situations que l'on essaià nouveau de rapprocher ici. Quant à la préten-
due règle général deu droit international qui aurait di1 représenter le
broduit cerlain d'une évolt~tionde ~lus en nlus murouée et nrouvée ad

Ce que l'ondemande maintenant ce n'est p:rs<piela cour applique uiie
règle de droit en vigueur ciqui s'inspire éventuellemeiit des priiicipes de
l'équitén,selon les terines employéspar Max Huber dans la décisionde
i'affaire Ziat Ben Kiran; c'est que la Cour construise de toute pièce
sur une prétendue base d'équité,une règle nouvelle, qui dérogerait
radicalement aux règles en vigueur. Cette règle nouvelle devrait for-
mellement se rattaclier à la constatation, si souvent répétée désormais,
que là où certaines conditions spéciales soiit réunies on reconnaît à
1'Etat national de certaines personnes le droit d'intervenir en tant
que protecteur de ces dernières lorsqu'elles sont des associés ou des
actionnaires étrangers d'une sociétéléséepar son propre Etat national.
On méconnaitrait le fait essentiel aue le fondement d'une telle reconnais-

par le &oit internatAna1 en faveur des personni:s phyiiques ou morales
étrangères.En vertu de ce faux rapprochement, on bàtirait par coritre
une règle prévoyant un droit de protection diplomatique au profit de
1'Etat national d'associés ou d'actionnaires d'une sociétéqui serait
étrangèrepar rapport à I'Etat qui l'a lésée:une sociétédonc qui pourrait
invoquer, à l'encontre de cet Etat, la protection offerte par le droit inter-
national, et qui aurait derrière elle la garantie représentéepar le droit
d'intervention en sa faveurde son Etat national.
Nous ne savons. à vrai dire, sur quel foiidement la Partie deman-
deresse pense pouvoir basrr son appel. Sclon les termes de son Statut,
la Cour appliqiie le droit en vigueur et ne juge pas en équité.Le traité
hispano-belge, que la Partie demanderesse prïteiid itort êtreapplicable
à l'espècene conféreraitpas non plus à la Cour, aii cas où ils'appliquerait,
la tàche et lenouvoir de trancher les différeiidsentre les deux.Dadssur la
base de l'équi'tépliitbt que sur celle du droit.
La Partie demanderesse ne peut d'ailleurs pas espkrer surmonter
la difficultéen avanc~int l'idéede l'éauité<iinter~rétative, lu tôt aue
de l'équité «supplétive». Les textés n'admet'tent pas i'une $us
que l'autre. En tout état de cause, l'absence di: tout rapport entre les
deux hypothèses que nos contradicteurs voudraient rapprocher esclut
qu'on puisse atteindre le résultat visépar la Partie demanderesse grice
à une forme quelconque d'interprétation. fût-elle fondce sur le droit,
fùt-elle basée sur I'éouité.Plutôt aue d'une Caiiité ointemrétativen.
la I'nrtie dernnndere&c :iiir.iit l>c<ijiii~<l'uie<l;iit6suhvcksiven, c.ar
I'i<l;<lert:ridreICgitiii1.1iroti:ctinndiplom:itiqiiit des :ic~ioiinnirci~I'iine
socit%t;l'tran~6re nnr leurlit;iii;iriori;il. I:ii>ll<.IiiiCiii;i.Ot6de 1.i
protection qze seul 1'Etat national de la société aqualit6 pour exercer
contre 1'Etat auteur du préjudice, représente un renversement total des
principes généraux du droit international relatifs B la condition des
étrangers, à la protection diplomatique et à la ri:sponsabilitéintematio-
nale.260 BARCELOSA TRACTION

Abstraction faite de ces considérations. nous pensons que la Partie
demanderesse devrait se demander si elle a vraiment intérêt à faire
appel à l'équitédans le cas d'espèce.On parle beaucoup, dans les obser-
vations. des u droitsa et des uintéréts u des actionnaires étrangers,
de la nécessitéd'assurer une uprotection aplus siire des investissements
ah>olunieiit ricn, eii I)riricil)e,contre de telles pr~occup~:euii~as.onj
seulenient tenu i rappeler que, i cUt; de exigences <]Ion a!,an:e
avec r;rnr <I'in~isi:iii:1~Lut auhi tenir coiiiilrï ales ii1tiie~tliinls
Jet.]vjy> uu ces opc'rarions iiiianciCrc, sont rz:ilisées,et dcfundre aussi
leur soii\~er.iiriet leur independance coiitrc les agijsement.i de ccrtniiij
puissants groupes financiers,-qui ont souvent un&tendance marquée à
se comporter comme des Etats dans I'Etat et à se soustraire à l'empire
des lois locales grâceà des pressions exercéespar eux-mêmesou par les
gouvernements aont ils onti'appui.
La Barcelona Traction en a été,au cours de toute son activité en
Espagne, un exemple typique. hlémeau moment de la faillite, au lieu
de se prévaloir des lois locales et des moyens juridiques qu'elles lui
fournissaient, elle a eu recours immédiatement au système des pressions
étrangeres, et ce. non pas de la part d'un gouvernement, mais de deux
à la fois, sans compter l'appui obtenu d'autres gouvernements. Nous ne
voulons certes pas dire que le puissant groupe financier que cette société
représenteet qui a des attachesdans tant de pays, n'a pas le droit d'être
protégésur le plan diplomatiquepar le gouvernement ayant qualité-pour
ce faire,si une atteinte illicite a étéportéà ses droits. Nousdisons tout
simplement qu'il doit s'en tenir à la protection de 1'Etat qui a qualité
pour le protéger, et qui a étélibrement choisi par le groupe comme
Etat national de la sociétéqu'il a constituée. Sous afflrmons qu'il ne
doit pas êtrepermis à un particulier - méineet peut-êtresurtout s'il
s'agit d'un particulier qui est, en fait, une grande et puissante entité
collective -d'agir de manière à transformerl'institution de la protection
diplomatique en une source de désordredans les relations entre Etats.
11ne peut étreadmis que ce particulier provoque, pour la défensede ses
intérêtsqu'il considère compromis par l'action d'un gouvernement,
l'intervention simultanée auprès de ce gouvernement d'Etats différents,
avançant. chacun pour son compte, les mêmesgriefs et les mêmes
prétentions, à propos d'un mêmeet unique fait, concernant un même
et unique sujet. On ne saurait admettre non plus que le particulier en
question fasse jouer alternativement à son grél'une ou l'autre protection
diplomatique, selon les avantages qu'il peut espérer tirer de chacune
d'elles aux différents moments.
La Rarcelona Traction a bénéficié dlea protection canadienne pendant
tant d'années:elle en a tirétout le profit possible, soit avant, soit après
la faillite. Que laociktépuisse regretter aujourd'hui de ne pas avoir fait
un autre choix ou de ne pas avoir changéde nationalité en temps utile
pour s'assurer la protection de la Belgique qui, aujourd'hui, lui paraît
mieux servir ses intérêts,cela est bien possible; mais c'est son affaire.
Puisqu'elle a gardk la nationalité canadienne, lui permettre de se préva-
loir, sur le dan international. de la ~rotection di~lomatiaue de la
Belgique, ap;ès avoir utilisé, pour la mdme affaire, la: diplo-
matique du Canada, voilà un résultat qui serait non seulement anti-
juridiaue mais aussi manifestement inéquitable. PLAIDOIRIE DE .\I. AGO 261

50. Monsieur le Président, Messieurs. au cours du raisonnement que
no& avons dévelo~~é devant la Cour. nous avons examiné en ~.~~ier
lieu l'histoire de 1'<xceptionpréliminbre relative au défaut deLqualité
du Gouvernement belge dans l'affaire de la Barcelona Traction, que ce
soit au stade de la correspondance diplomatique échangéeentre le
Gouvernement espagnol et le Gouvernement belge parallèlement à celle
qui avait lieu simultanément entre le Goiiveriement espagnol et le
Gouvernement canadien, ou dans la première phase de la procédure
devant la Cour. Nous avons constaté que le Gouvernement belge, tout
en avancant les prétentions les plus surorenantes touchant la oretendue
rejpoiisahilitC internationale de 1'Esp~gnecii cette ailaire. i';i jamais
renipli ccttc conditioii pr&~lablerigoureuse qui impose ;i1'Et:it<loiveut
intervenir au titre dè la protection diplomatiqüe de avant
toute chose qu'il a qualitépour agir en l'espèce.
Nous avons examiné ensuite sous quels aspects cette question se
présente dans la deuxième phase de la procédure devant la Cour. et
en particulier après les développements consacrés à cette question
dans les dernières écritures des Parties. Kous avons constaté que ces
aspects étaient différents et qu'il convenait de les envisager de façon
distincte et successive.
Nous avons vu que le premier de ces aspects concernait le sens et
la puttce \Critables dc 1; demande bt:lgc. ielle qu'elle :.pparait dans
sa nuiivellc \,ersion, pré.~.nti.epar IL.Gouvcri~cmentbelge dans la iiuu-
\.elle rcriii?tt; qu'il a introduite :iIçd<;iistcmeiit. Soui Densons3voir
démontié quêcette nouvelle vêrsion,qui voudrait pré;enter comme
l'objet de la protection diplomatique belgenon plus la sociétécanadienne
Barcelona Traction. mais la sociétébelge Sidro et auelaues autres ressor-
tissants belges que i'on dit êtreactionniires de1;iÊarceiona Traction, est
en contradiction manifeste avec la réalité.Notre analyse a fait ressortir
aue le véritable obiet de la demande belee est encore et touiours la
s'ociétécanadienne ~arcelona Traction. grt ta ri,omme la ~~rcelona
Traction n'a pas la nationalité belge, le Gouvernement belge n'- pas
qualité pour intervenir dans la présenteaffaire.
En second lieu. prenant pour hypothèse que la demande belge ait
vraiment pour objet la protection diplomatique de ressortissants belges
prétendument actionnaires de la sociétécanadienne Barcelon~~Traction.
nous nous sommes posé 1;question de savoir si cette demande pourraii
être considéréecomme légitime à la lumière des principes généraux
du droit international concernant la condition des étrangers & ia pro-
tection diplomatique. Cette analyse a abouti au résultat, à nos yeux
irréfutable, que le Gouvernement belge, en vertu de ces principes géné-
raux et mêmeau titre de la protection d'actionnaires belges de la société
canadienne Barcelona Traction, n'a pas qualité pour intervenir dans la
présente affaire.
Nous avons examiné ensuite la question de s;rvoir si les ressortissanti
belges au profit desquels le Gouvernement belge déclare exercer la pro-
tection diplomatique peuvent, oui ou non, êtÏeconsidéréscomme de!
aactionnairesn, au sens propre dri terme, de la Barcelona Traction, et
ceci pour l'éventualité-où l'on admettrait la thèse belge relative à
l'existence d'une rèele spéciale du droit international concernant la
protection diplomatrque 'des actionnaires d'une sociétéétrangère par
leur Etat national. Notre conclusion à cet égard est rigoureusement
négative et il s'ensuit donc que, dans tous lès cas, le Gouvernement262 BARCELONA TRACTION

belge ne saurait avoir qualité pour intervenir dans la présente affaire.
Sous avons procédéalors à l'examen de la prétention du Gouverne-
ment belge selon laquelle une règle spécialedu droit international se
serait récemment formée,règle eii vertu de laquelle 1'Etat national des
actionnaires d'une sociétéétrangère, qui aurait subi un préjudice du
fait d'un Etat tiers, 'ourrait intérvenk en faveur de ces ictionuaires.
&lieu et place ou à cbtC:de 1'Etat national de la sociétéauquel revient
min~itieiiseet objective de la pratique internatioiiale a démontrésanse
conteste l'inexistence d'une pareille règledans le droit iiiternational en
vigueur. A ce titre également donc, le Gouvernement belge ne saurait
avoir qualité pour intervenir dans la présenteaffaire.
puis, nous avons examiné les tentatives du Gouvernement belge
tendant àétablirl'existence d'une règlequi permettrait une intervention
en faveur d'actionnaires d'une sociétéétrangèreléséepar un Etat tiers,
et ce sur la base d'une prétendue analogie avec le droit de protection
diplomatique reconnu, dans certaines conditions particulières, à VEtat
national des sociétairesd'une sociétéétrangère quia étélésée par VEtat
dont elle relève. Xous avons pu constater l'impossibilité logique à
laquelle se heurte cette prétendue analogie; nous avons constaté aussi
l'impossibilité de constmire, à l'aide d'une application inadniissible
de certains principes et de certaines notions dépourvusde rapport avec
la situation envisagée, la règle préconiséepar le Gouvernement belge.
Xoiis avonsdonc conclu que ces tentatives ont ététotalement inefficaces
et que, partant, le Gouvernement belge est sans qualité pour intervenir
dans la présenteaffaire.
Xous avons envisagé en dernier lieu les considérations développées
par le Gouvernement belge dans la perspective d'une politique législative
internationale et l'appel qu'il adresse finalementà la Cour pour qu'elle
crée,sur la base d'une prktendue R équitéinterprétative »,la règle dont
il a recherché envain l'existence dans le droit international en vigueur.
Nous pensons avoir prouvé l'inconsistance absolue de ces considérations
et l'irrecevabilitéde cet appel.
Notre conclusion est doncque, quelle quc soit l'optique que l'ou adopte
pour examiner la question du prétendu jzcssfaiididu Gouvernement
belge et mêmesi Von se place successivement, à titre d'hypothèse, sur
tous les terrains choisisDar le Gouvernement belee, ce eouvernement
demeure toujours dépou;vu de toute qualité po&inte&enir dans la
présente affaire. Sa demande est, partant, de ce chef. définitivement
irrecevable.
Alonsieur le Président, Messieurs, ainsi que j'ai eu l'occasion de
l'indiquer à la fin de l'audience de ce matin, j'ai terminé la plils grande
partie de l'exposédes arguments du Gouvernement espagnol au sujet
de la troisièmeexception préliminaire.Je m'excuse très vivement et très
sincèrement auprès de vous d'avoir si longtemps sollicité votre patiente
attention. Il ne reste désormais au'iin ooint au'il imnorte encore de
prendre en considération: celui, in'opinéments&levé par la suggestion
qu'a faite le Gouvernement belge dans ses derniEres écritiires, tendant
& ce que la Cour joigne au fondcette troisième exception préliminaire,
sans la trancher au stade actuel de la procédure.
Je voi~sdemande donc très respectueiisement, Monsieur le Président,
de bien vouloir me redonner briévement la parole au debut de la première
audience qui suivra l'interruption. PLAIDOIRIE DE M. AGD
[Azadiencefizrblique du 1~7 az~~iZ1y64 , atin]

j~. Ivlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'ai eu l'honneur de
vous présenter, à la fin de l'audience de l'après-midi, le 25 mars dernier,
un résumé des conclusionsrelatives aux divers aspects de la troisième
exceution uréliminaire. résuméaui aiirait fort bien DU mettre le oint
final'à 12e>;posé du ~ouvernemênt espagnol à ce &jet. Si je me' vois
obligé de reprendre brièvement la parole aujourd'hui, c'est qu'il est
nécessaire de tenir corn~te d'une nouvelle suéeestion. orésentéede la
manière la plus inattendue par le ~ouvernemeïz belge aux pages zog à

zrr de ses observations (I), à savoir celle -ui vise subsidiairement la jonc-
tion au fond de la présente exception.
L'exception relative au défaut de qualité de 1'Etat réclamant pour
agir dans une affaire déterminéeest l'une des exceptions préliminaires
dont la ~ratiaue arbitrale internationale et la iuriso.uden.e de la Cour
oiit depiii, lungr<:tirl>;iiii;,:rfilici I'iinl>urinii~c.IJrt'.;eiit~~BII~.C-II<~<,II<
Ic nuin d .,ux-l>tir.iiri.l.ii~iti tl;f.8i<If3 ~i~rtiur~:iI~1C; 1,tricI:,ni.itr~n,
cette exce~tion recouvre en rCalitédifférentes situations oossibles. dans . ~ ~
lesquelles in élémentse retrouve toujours, à savoir que l'Etat qui a

avancé une réclamation est dépourvu de qualité pour acir dans l'affaire.
La nature irpréliminairen de cette el<ceptiob n'es? pas contestée,
à savoir sou caractère d'empéchemeut à l'exanien du fond de la récla-
mation, tant que l'exception elle-mêmen'a pas étéconsidéréeet tranchée.
II est donc évident que l'on ne saurait tirer des conséquences particu-
lières, en ce qui nous concerne, du choix de l'une plutôt que de l'autre
des qualifications possibles de cette exception.
La définition et la classification des exce~tioris Dréiiminairesaue font
ressortir la pratique arbitrale internationAe et l'a jurispruden~e de la
Cour, tout en étant inévitablement influencées par les conceptions -

Das touiours concordantes d'ailleurs - .roo,es iux différents-svstèrnes
juridiqi;ei irit :rii<;. -'in;pirt.i<I,iritcr,.. 3iiiivt.nt nic.in- ii,riii<:l;et p.iis
;<iiil>lt.ii.:iiiiiiii,. 1,.fniiIiivrnIrprofc~;~iirGii:p>nli.:ini :i1.1p;i&e1-18
1111tonic II LIPsuil 7'riii,: .l<.dr,,rr r>il~r~irrlio.~irlblr,.. I:i iiiii;iiru.lcni:c

tion mêmeentre exceptions touchant à la compétence et exceptions
relatives à la recevabilité de la demande n'a pas toujours étéétablie
d'une manière nette; et surtout la notion mêmede recevabilité a gardé
des frontières plutôt vagues, étant donné son intérétplus théorique que

pratique.
De même, l'on n'a établi aucune différence, quant aux effets de l'ex-
ception sur la procédure, selon que la question qui est soulevée à titre
d'exception préliminaire est une question de pure procédure on bien de
fond. Bien souvent elle est, par sa nature mèrne, une question de fond,
mais elle reste séparéeet distincte de la question de fond soiilevéepar la
réclamation.
Le caractère commun à toutes les différentes exceptions d'incom-
pétence, d'irrecevabilité ou autres, de procédrire ou de fond, tient à
leur but et à leur effet, qui est d'arrêter l'examen par le tribunal de la

réclamation qui lui a &tésoumise et de provoquer l'ouverture d'une264 BARCELONA TRACTION
proct'durc.spbciale. concernant uniqu<;mr.nt1.1qucstioii oii les qufitiuris
soulcvéc~ititre d'eïcc.ptioiis prCliriiirinircs 1.eprocèsrclat:I I:(luesriori
nrincir>:ilen'niirx lieu ou'i lx coii<litiiie celui oui concerne I'excevtion
iit abouti au rejet de'cette exception. Ên cas cintraire, l'empêch/ment
prendra un caractère définitif et le procès au principal ne pourra pas
.avoir lieu.

52. Il est vite apparu nécessaire, dans la pratique arbitrale, que la
question soulevée en tant qu'exception préliminaire, quelle que soit
la qualification particulière qu'on lui donne, fasse l'objet d'un débat
préalable àcelui qui doit êtreconsacré àl'existence ou à la non-existence
de l'obli ation litigieuse.
Dans T'affaire Jarr, portée devant la Commission mixte Etats-Unis-
Mexique de 1562, le surarbitre, Dr Lieber, a affirmé la nécessitéde
trancher au préalable l'exce~tion tiréedu défaut de caractere national
de I:rréclanintiori,en ot>srr\;intilil?dans le cas contraire, il n'y ;iurnit
aiiciiri proI>1Ci.ietraiicher cii 1'espi.c~ct lx réclamntion, ausii fuiiil;e
i>iiissc-t-cllei.trc. lie ~ourrait itrr soumisà la Coinrnission folhem~ise
iliere rniozrldbe no quéstionfor decisions in the case ... and be claim,
howeuerjust it may be,cannotbebroughtfordecisionbeforetheCommission).
(Voir Moore, International Arbitrations, p. 2712.)
De leur caté, les r&glemeuts des tribunaux arbitraux mixtes créés
apr&s la premiére guerre mondiale indiquent que, si une exception
«avant toute défenseau fond iiest présentéeen bonne et due forme, le
fond de la cause est suspendu et ce n'est qu'après avoir statué sur l'ex-
ception que le tribunal peut reprendre la cause principale.
Pour eu venir finalement à la jurisprudence des Commissions de
conciliation créées envue de la solution des différendsprovoqués par
l'application de l'article 78 du traité de paix avec l'Italie, on pourra
seborner à mentionner la décisionmagistrale.rendue le 20 septembre 1958
dans l'affaire Flegenheimerpar un éminent juriste suisse qui siège de
l'autre cbtéde labarre. Dans sa décision,qui figuredans le volume XVIII,
,1961, de l'Annuaire suisse de droitinternational, l'arbitre a clairement
distingué les questions concernant la compétence de la commission de
ceiles relativesà la recevabilité de l'action, et il a indiqué (voir p. 166)
qu'en l'espècec'était la recevabilité de l'action qui était «incertaine n,
puisqu'il existait entre les parties un différend à propos du caractere
national de la réclamation. A cause de cela, l'arbitre a considéré comme
«nécessaire D- ce sont ses propres mots - iique la Commission tranche
ce point litigieux pour décider de la recevabilité ou de l'irrecevabilité
de la demande introduite par le Gouvernement des Etats-Unis a.
En ce qui concerne la Cour, l'histoire de son Règlement et des amende-
ments successifs qu'il a subis est pour nous particuli6rement riche d'en-
seignement. Le Reglement de 1922 ne contenait aucune clause à propos
de la procédure suivre pour l'examen des exceptions préliminaires.
Mais, dès les premihres expériences, la nécessitéest vite apparue de
prévoirexpressémentune procédure spécialepour l'examen des questions
de cette nature, procédure qui fut fixPe, sur la base de celle qui avait
étésuivie en pratique dans l'affaire hfaurommatis, dans l'article 38 du
Règlement de 1926. Une distinction nette entre la procédure relative
au fond de l'affaire introduite par la requêteet la procédureconcernant
la décisionsur les exceptions préliminaires, de quelque nature qu'elles
soient, était ainsi établie. PLAIDOIRIE DE II. AGCI 265
3l'c;t-il péiiiiisde rnppelc:t ce propos. I'iritlueriic ilttii>ivt.:<..c
d.ins I':sclol>ti<lel:iiioii\.*-l:.I.iii?i~p.:ir \I -\nzilritti. qui cspo;.i Ics
rdijoiis iiiridiquet:tlogiqiiei juilifiaiit I'esripr~:nl;il)ilc~di\.~ri<:i
exceptions et qui soulignaque~ce n'est qu'aprèsavoir tranché ces excep-
tions que la Cour aura autorité pour obliger les partiàsdévelopper leurs
arguments. A la même occasion,le GreffierHanimarskjold fit remarquer
que
«lorsqu'un Etat oppose une exception à la compétencede la Cour,
ce n'est pas uniquement pour éviter que le litige déféré à la Cour
soit jugé, niais aussi et peut-être mênieprincipalement, en vue
d'éviterla discussion devant la Cour du problème mêmequi a été
soulevé n.

Lors de la revision de 1936, la question a étésoumise à nouveau à
une discussion longue et approfondie qui a abouti à l'adoption de l'arti-
cle 62 du Règlement. Ce texte a passédans l'article 62 du Règlement
de 1946 de la Cour internationale de Justice,avec de petits changements
de rédaction et avec l'adjonction de la clause stipulant que, par l'acte
introductif de l'exception, la procéduresur le fond est suspendue.
En 1936 aussi, c'est M. Anzilotti qui a indiquéde la manière la plus
claire les critères essentiels de cette procédure. Certains points sont
surtout à retenir parmi ceux que l'éminent juriste afait valoir en cette
occasion. En premier lieu, M. Anzilotti exprimait son,souci que la Cour
ne se lie pas dans cette matière par une terminologie trop technique,
consacréedans certains droits internes. II obtenait donc que l'on parle
«tout simplement d'exceptions préliminaires ».On doit entendre comme
telle,àson avis, toute exception dans laquelle oii <<demandeune décision
sur l'exception avant toute procédure ultérieiire~,. M. Anzilotti s'est
opposéaussi avec succ&s à toute distinction dans le cadre de la procédure
applicable à une exception préliminaire, selon que les motifs sur lesquels
elle est baséesont de fond ou de forme.
qui figurepàsla page 647 du troisième adtfendurn au noea2tude la sérieD,i
où M. Anzilotti exprime avec une clarté cristalline son souci que,la déci-
sion éventuelle de joindre l'exception au fond ne soit pas pnse à la
légère.

mLa jonction au fond [remarque-t-il], obligeant un Etat à ester
en justice bien qu'il prétende ne pas avoir contracté pareille obli-
gation, a, dans la procédure internationale, une tout autre signi-
fication que dans le droit interne, où l'obligation d'ester en justice
ne dépendpas de la volontéde l'intéressé. a
Cette remarque du grand maître italien touche vraiment au cŒur
de notre problème. Ce dernier naît du fait que l'examen des exceptions
préliminaires comporte souvent la nécessiténoii seulement de débattre
des questions qui sont en elles-mêmesde fond, mais aussi de toucher,
au moins indirectement, à certains points de fait liésau fond mêmede
l'affaire.
Dans de tels cas, une double possibilité se préseFe. La plus simple
est de considérer, à propos de l'exception préliminaire, certains points
de fait, tout en se limitant aux strictes nécessitésdu débat. Dans son
arrêt du 25 août 1925 concernant l'affaire relative à Certains zntérêts
allemands en Haute-Silésie polonaise (compétence()C.P.I.J. sérieA-no 6,266 BARCELOSA TRACTION

n. I< et suiv.l. la Cour a exoressément indioué la nécessitéd'aborder
?examen d'u/icxception préliminaire cquand'mème cet examen devrait
l'amener à effleiirer des sujets appartenant au fond de l'affaire ».Bien
entendu. la Cour a tenu à observèÎ la lus erande ru den ce à ce suiet et
iiiitout à se rCservéruiie gcuiiil>lGtclibcrti. <l';i~~~~r~~ci:ilirin, ci d&l>;its

siir le fond. cles3rguments apportiî ~v~~iitii~:Il~.iiiv (~ .tp.irt et d'aiitrc.
sur dcî jiiit:rJCii tuuclik. ;lux fins d'uiic déci;ion :iii.itxctt:dI'~:~CL;VIIOI~
préliminaire. '
L'autre possibilité à propos de laquelle la Cour a senti la nécessité
[i'uiie priidcricc, si po>îi1112encore liius gr.<ndc, c.-t ~r&cisCint:iitcelle
d,: jnindrï I'esceptioii prCliriiiiinirç;iiifuiid Jc l';~if;,irc,>fin dc tic In tr:in-
clicr OIIC lorjque le foncl liirrir'tépItiii<iiii:iit <li;i:t.1flucid;. l'our SC
rendre comnté du caractère absoiument exce~tionnel aue doit revêtir
I:, poi.iibilii~ di. joiiidrc :<il foiirl iiiic r.~~r.~iioii~>r;liinin:iir~I:~ii.la
pro~.L:cI~ri~ntcrnn1ion:ilc il siifrit <Irr<llt:i:li<,tIs.~ixt.<~iiii.l;r:,tions
I.,I i~reiiii~r,.SC 13 rdison IIICIII< (ltii:t pii.?itI<.'OI'ii~sliti~li~~lc ILI

piuiitliii~ il,&ii:iIc ]~ré\'llelx,iii. I'i.\liiit.ii di.; is<rllti~illi ~~1i:ii~lllll:lir~~:
,%\.iti:rqiicIL<d<fc.iiill;ur,oit oblig;,,111p<îrti~~iIirr5 IIrst nttr.lit rl<\..iiit
le iiice sur l'ii~iti;~lirv~inil;ctLr;(l:u ,I~:ni~,ii~l,l~r.é!~t:lon~>sc?:rdi.f<:il<c
su; fond de l'affaire aussi longtemps qu'il n'est pas vé;i.fiéque le tri-
bunal a reçu la compétence nécessaire pour statuer ou tant ciu'il ii'est
pas établi que le demandeur a qualité pour agir en l'espèce.
La deuxihme considération touclie au fait, si opportunément rappelé
par M. Anzilotti, qu'en droit international la source du pouvoir du
juge de connaître du fond d'une affaire réside non pas dans la volonté
du législateur, mais seulement et toujours dans le consentement des
parties. Si, partant, le défendeur soulève une exception prélimiiiaire
à l'encontre d'une requêteintroduite contre lui, afin d'arrêter le procès

sur la question 5oulevéepar cette requête, c'est qu'à ses yeux les con-
ditions pour quc soit acquis son consentement au jugement de cette
question ne sont pas remplies. Obliger le défendeur à subir un proces
au fond avant d'avoir statué au préalablesur l'exception qu'il a soule\~ée
peut donc entrainer l'exercice d'un pouvoir de juridiction auquel, dans
l'espèce. toute base fait défaut. Et décider de ioindre l'examen de l'ex-
cephonpréliminaire au fond de l'affaire, c8est'risquer de contraindre le
défendeur à discuter tout le fond d'une réclamation pour que. finale-
ment, on en arrive à reconnaître que la réclamation-était irrecevable
et que le défendeur n'était aucunement tenu d'assumer une telle charge.
eEn fait [observe avec beaucoup de pertinence Witenberg, à la p. 107

de son cours de 1932 à l'Académie de droit iiiternational sur Lu rece-
vabilité des réclamationd sevant les juridictions internationales], une des
raisons d'être (le la iiotion de recevabilité est de permettre au défendeur
d'éviter,s'ilse peut, lesdébatsau fonddudroit.Luiimposer de plaider non
seulement l'exception, mais encore le fond, c'est le priver d'une faculté
dont le bénéficeva de pair avec la notion même del'exception. »
Voilà les raisons qui. aux yeux de l'auteur, imposent la plus grande
circonspection dalis l'exercice du pouvoir de joindre l'examen des
exceptions et du fond d'une affaire, sauf dans des circonstances escep-
tionnelles. Lorsque, eii particulier, non seulement l'accord exprès ,ou
présumédu défendeur n'est pas acquis, mais lorsqu'au contraire celiii-ci
s'oppose résolument à la jonction de l'exception au fond, cette jonction

ne saurait rtre décidéeque si la Cour se trouve dans l'impossibilité
absolue de statuer séparémentsur l'exception. PLAIDOIRIE DE M. AG0 267
Si l'on considère attentivement la jurisprudence de la Cour, on peut

d'ailleurs se rendre compte qu'elle s'est constamment inspirée de ces
critères. Comme l'observe Rosenne, aux pages 358 et suivantes de son
ouvrage, The International Court of Justice, publié à Leyde en 1957,
la Cour permanente de Justice internationale n'a fait usage de la faculté
de jonction que lorsque les faits sur lesquels était fondée l'exception
préliminaire étaient strictement liés aux faits relatifs au fond. Quant
à la Cour internationale de Tustice. u.ursuit Rosenne. elle ne s'est
nullement montrée favorableUà cette procédure, bien que les parties
intéresséesl'aient poussée à le faire. L'argument enfaveur dela jonction
au fond, ajoute cet auteur, touchant ici au point crucial, a étéinvoqué
dans des circonstances qui paraissent suggérer qu'il va de pair avec la
faiblesse de la réponse qu'on oppose à l'exception préliminaire: «it runs

hand in hand witli weakness in answering the preliminary objection, or
at lcastpart of it ».
En ce qui concerne en particulier l'exception touchant au défaut de
qualité de 1'Etat demandeur, le Gouvernenient belge (à la p. 210 des
observations, 1) a cru pouvoir citer comme exeinple l'ordonnance du
4 février 1933 concernant l'affaire relative à l'Administration du prince
non Pless(C.P.J.I. sérieAIB no jî, p. 14). De fait, dans cette ordonnance,
l'examen de la question ayant trait au défaut de caractère national de
la réclamation a étérenvoyé au moment prévu pour la procédure sur le
fond parce que la question soulevée à ce sujet l'avait éténon pas par le
défendeur, mais d'office (proprio motzc) par la Cour elle-même. Une
décisionde la question dans la phase relative à l'examen des exceptions
préliminaires était impossible si l'on voulait que les parties puissent
présenter leurs arguments sur un point qu'elles n'avaient pas traité.

Au surplus, la Cour n'allait, sur ce point, à l'encontre d'aucune intention
du défendeur d'éviter, grace à un tel moyen, le procès sur le fond de
l'affaire, puisque c'était la Cour elle-mêmequi l'avait soulevé.
Le seul cas, dans toute la jurisprudence de la Cour permanente,
où celle-ci ait réellement joint au fond une exception touchant au défaut
de qualité de 1'Etat auteur de la réclamation avancée par le défendeur,
est donc celui de l'affaire du Chemin defer Pani:vezys-Saldutiskis (ordon-
nance du 23 février 1939, C.P.J.I. sérieA/B no 75, p. 55 et suiv.). Toute-
fois, dans cette affaire, la base de l'exception apparemment invoquée
par le Gouvernement lithuanien était en mêmetemps le motif sur lequel
ce gouvernement se basait pour contester sur le fond le droit que la
société privéeintéressee prétendait avoir en l'espèce. Plutôt que d'une
exception préliminaire, il s'agissait donc d'une contestation quaiit au

fond, et c'est cela que faisait valoir le Gouvernement estonien en s'oppo-
sant à ce aue ce move,i ~ ~ ~n~ fût traité en tant au'exce~tion urélimi-
naire. La Cour se trouva donc placéeà la fois dcvan't un d&sacco;d entre
les parties i propos du caractère à attribuer au motif invoqué - ce qui
entiainait le-«besoin des informations les ~lus orécises ccincernant les
thèses juridiques énoncéespar les Parties et les motifs à l'appui de ces
thèses ilet surtout devant l'impossibilité matériellede statuer sur l'ex-
ception sans trancher en mêmetemps la question essentielle du fond de
l'affaire. Renvoyer I'exarrieri de la questionà la procédure sur le fond
était donc l'unique issue parce qu'en l'espèce la prétendue exception
n'en était pas une. Et dans l'arrêt du 23 février 1939 relatif au fond de
l'affaire(C.P.J.I. sérieA/B no 76, p. 17), la Cour a tenu à confirmer que268 BARCELONA TRACTION

is'ilest vrai qu'une exception ayant en vue de contester le caractère
national d'une réclamation est en principe de nature préliminaire.
il n'en est pas ainsi dans le cas concret dont la Cour estsaisie ».
C'est donc essentiellement en vertu du but réellement poursuivi, en
invoquant un tel motif, par la partie mêmequi avait soulevéla question,
que la Cour a jugé ne pouvoir ni traiter, ni trancher celle-ci comme
une vraie exception préliminaire.
C'est d'aiiieurs ce qui s'est passé aussià propos d'une exception d'une
autre nature, dans l'affaire Pajzs, Csdky, Esterhazy (ordonnance du
23mai 1936,C.P.I.J. sérieA/B no66,p. 9).où la Cour a joint l'exception
au fond, non pas simplement pour être à mêmede statuer nen meilleure
connaissance de cause iicomme le Gouvernement belge voudrait le faire
croire, mais parce que le défendeuravait lui-mêmedevancéla Cour sur
cette voie, répondant au fond en mêmetemps qu'il soulevait l'exception
dans un contre- ném moire en rénonse au mémoire du demandeur. Il en
découlaitque le défendeurn'entendait pas seprévaloirdu pouvoir d'arrê-
ter le procèsquant au fond et qu'il existait desorniais, entre les questions
soulevéesDarles exce~tions et celles aui étaient à la base de la demande
«des rapp8rts trop ét;oits et une coniexité trop intime pour que la Cour
puisse statuer sur les unes et éviter de se prononcer sur les autresa.
Il n'est pas sans intérêt.d'autre part. de considéreice aui s'est ~assé.
plus récemment dans l'affaire ~ottébohk,où la fin de no;-recevoi; tou:
chant au défautde caractère national de la réclamation a étésoulevée
Dar le -rouvemement défendeur non Das au moment de la orésentation
des exci.ptioiii ~~riliiiiiiinirc,,niais s<:iil,.rncdc-t1.1~>roil:cluriiirIc
foiid I<::lu.-51,ce ii'ejr qu'cil iniîon dil propri, ;ittirudc. qiic rl.;ien-
<leur 112i,oii\.:ipli1é\.iterde di-cu1t.rIc fonJ LI?I'nM..ircn ni&iiietiini).;
que l'exception Soulevéetardivement; et, en fait, il ne prétendait
faire suspendre la procédure au fond en avançant son exception. M. Rolin
le confirmait dans sa plaidoirie. Malgrécela, la Cour, mêmedans cette
deuxièmephase, a fini par considérerque sa tâche se limitait strictement
h la décisionsur la recevab'ïlitéde la réclamation et elle n'est pas entrée
dans l'examen du fond de l'affaire.
La jurisprudence de la Cour parait donc bien s'inspirer du principe
que le défendeur, lorsqu'il soulèveau moment requis une question à
titre d'exception préliminaire et s'abstient de répondre sur le fond, fait
usage de son droit le plus strict de ne pas discuter le fond d'une affaire
avant que l'on n'ait établiqu'il est vraiment obligé,en l'espèce,d'assu-
mer une telle charge. C'est pourquoi l'exception doit être,dans toute la
mesure du possible, tranchée d'une manière autonome à la fin de la
procédure spécialequi la concerne. Une décisionde joindre au fond de
L'affaireune exception préliminaire,sans quela nécessitéde cette jonction
résulte soit de l'action mêmede la partie qui a présenté l'exception, soit
de l'impossibilitémanifeste de séparerl'examen de la question soulevée
par l'exception de celles concernant le fond, serait en contradiction avec
les fondements mêmesde la juridiction internationale, basée sur le
consentement des parties, et avec toute l'économiedu système de procé-
dure établi par la Cour, basésur la séparation de la procédure relative
tions. .ptions préliminaires d'avec celle relative au fond des réclama-

53. Monsieur le Président, Messieurs, point n'est besoin de longs
développements pour montrer que, dans le cas qui nous occupe, il PLAlDOlRlE DE M. AG0 269

est exclu d'imaginer seulement une possibilité de jonction au fond de
belge.ption préliminaire tirée du dkfaut de qualité du Gouvernement
Le caractère d'exception préliminaire d'uiie telle question est admis
par les deux Parties en litige et l'a toujours été.Le troisième alinéade
l'article premier du projet de compromis proposépar le Gouvernement
belge le8 juillet 1957 (p. 1033 de l'annexe 265 au mémoire belge)était
libellécomme suit:

ciLes Parties soumettent ce différend à la Cour internationale
de Justice, étant entendu qu'avant de statuer sur le fond de la
demande belge, la Cour aura à se prononcer dans un premier arrêt,
conformément Ason règlement, sur la fin de non recevoir espagnole
mentionnée ci-dessus ainsi que sur les autres exceptions prélimi-
naires qui seraient présentéespar le Gouvememeiit espagnol et dont
la Cour ne déciderait pas de joindre l'examen au fond.u
La note qui accompagnait cette propositio~i (p. 1032 de la même
annexe) disait de son côté:

nAinsi qu'il apparait de la lecture de ce document, il y a été
pleinement tenu compte du fait que la contestation du Gouverne-
ment es~aenol ne or tenas seulement sur le fond de la réclamation
belge,maicégaleméntsu; la recevabilitéet qu'il nepourrait consentir
à se préterà un débat sur le fond avant que cette question ne soit
vidée. Rien que la Cour reconnaisse en principe le caractere préli-
minaire de la contestation du caractère national d'une réclamation
et que les exceptions préliminaires fassent suivant le règlement
l'objet d'une premiere phase de procédure devant conduire A une
décisionfavorable à l'admission avant que 1'Etat défendeur n'ait
à s'expliquer sur le fond de la demande (affaire du Chemin de fer
Panevezys-Saldutiskis, C.P.J.I. sérieAIR no 76, p. 17). le Gouver-
nement belge a cm répondre au désirdu Gouvernement espagnol en
prévoyant expressément la chose dans le texte du compromis. u
Plus tard, lors de la notification du préavis d'un mois avant I'intro-
duction de la requête unilatérale, lanote belge du 6 février 1958. se
terminait par cette phrase:

nLe Gouvernement belge se plaît au surplus à rappeler au Gou-
vernement espagnol que l'article 62 du Reglement de la Cour
suffit lui donner toute garantie qu'il ne sera pastenu de présenter
ses moyens de défenserelativement au contenu de la demande avant
que la Cour ait statué sur ces exceptions préliminaires et les ait
éventuelIement rejetées.»
II ne saurait être plus clair, par conséquent, que le Gouvernement
belge, non seulement a toujours reconnu le caractère préliminaire de
I'exception du Gouvernement espagnol, mais qu'il a étéparfaitement
d'accord avec ce dernier quant au droit du Gouvernement espagnol de
ne pas se prêteà un débatsur le fond avant que nesoit vidéela question de
recevabilitérelative au défautde qualitépour agir du Gouvernementbelge.
A cette époque-là,le Gouvernement belge prenait le soin de ne pas m+me
évoquerlapossibilitéde joindre au fond la finde non-recevoir en question,
dont il reconnaissait qu'elle étaitcompl&temeritséparéedu fond de la270 BARCELONA TRACTION

question. Son changement d'attitude actuel ne peut donc êtreinterprété
que comme la peuie que leGouvernement belgë lui-mêmeest convaincu
de la faiblesse de sa position en présencede l'exception soulevéepar le
Gouvernement espagnol.
Il ne saurait étre plus certain. d'autre part, que la question relative
au défaut de qualité du Gouvernement belge est absolument mdre pour
étretranchde.
Le désaccordentre les Parties porte avüiit tout sur le point de savoir
si l'on doit ou non admettre la tentative belge de changer aujourd'liui
sa demande en la prksentant non plus au titre de la protcction de la
sociétécanadierine Rarcelona Traction, mais au titre de la protection de
la sociétébelge Sidro, prétendue actionnaire de la première. II porte
égalementsur la question de savoir si la nouvelle demande a vraiment
pour objet la protection d'actionnaires de la Barcelona Traction, et non
pas la protection de cette sociétéen tant que telle.
Les vues dcs Parties s'o~~osûnt aussi quant à la uossibilité de con-
sidérerdt:s persoriiics qiii iie sont pxs insc;ltCs ,11reiistre otliciel d'iilie
jociétccomme des, ocrioiinnirr.~ ,;iiiscns proprc du teriiiu ;lux hiij d'une
iirotection Jivloinntiaue n:ir 1,:iiEt:it nntioiixl. Le coiitr:i;te d'oi)iiiioni
ii l>lllrll.ir<ll~UIIL~L'~nsUlt<a:u ~)oilltdc 5:lvuirsi11nC <iclllx~ldepr8'scntér:
;IIItitre de Iii protection diploiii:ititlii~ d':i~ti~ilii~ireietraii~eri d'iinc
sociétése plaignant d'un pikjudice causé par un Etat tier;, pourrait
être considérée comme légitime,en dépit du droit revenant à I'Etat
national de la sociétéet effectivement exercépar cet Etat. Et ceci soit
à la lumière des ~rinciocs eénérauxdu droit international relatifs à la
cull~~itiolldrs ;'lrilllgerset i I;iprotcction tlililviii:itiqiiu. soit cil vertri

d'uiit:prL:teii<liierZglecoiituinii-rc doiit Ic (;oii\~crncint?iitbelge :iiliriiic
CI ~loiitle i;oiivcriir.niuiit cîpngiiul nit: rtlioliinieiit I'r.xist~iicc.
Sur roui ces difi6r~:iitbpoints Ics ilonii,'~:jmit :ilisoliini~nt ~1:iirc.sut
:,iicun il;,iiit!iit 11ltc5r1lredccision :i It:iiiiijct !IL,;iiirsit Ctre tir; de
I'crnnit!ii du fond de Ili r6clnrnntion belge. On pourri reprocher aiis
Parties d'a\.oir coiis:i<:rt:I I'illustintioii de Iriir; tliéscs ~iiridiiliiessur
l'esception qui nous occupe des développements d'une longiieur exces-
sive; par contre nul ne pourrait dire qu'il y ait encore besoin d'informa-
tions plus précisesconcernant ces thèses.
Le Gouvernement espagnol a soulevé la présente exception à un
stade désormaislointain des échanges de notes diplomatiques. II a fait
savoir qu'il lui était impossible de discuter le fond de la réclamation
belge tant que cette question préliminaire n'était pas tranchée, chose
que le Gouvernement belge a reconnue dans les termes les plus explicites.
Le Gouvernement espagnol a mêmedù exposer deux fois dans ses
écrituresson point de vue et ses motifs à l'a..ui de cette exceution et il
a dii 1,-3:iil.il)t:~iist:linnqenient; jiiiivisifjdc prcseiit.,rion iiibii cntre-
tc:nip; p.8rI;itlt:iii;iiibclge. 11 cido~ic 11.ir,~ide r',i>i>~wr Iris /?r!~iimi~!l
ar~i,.i<rd'h~r2i Ici li.irl11itedrr C;.?~<iir~rs~n~L tlir:.Id rslurdzr oicure ln
ddiisio~i.Demander qite la question ne soit pas trànchée,mêmeau présent
stade de la procédure et vouloir forcer finalement le Gouvernement
espagnol à discuter le fond d'une affaire dans laquelle la Belgique n'a
aucunequalité pour intervenir, c'est vraiment aller à l'encontre à la fois
des principes fondamentaux de l'ordre juridique international et des
critères essentiels dont s'inspire le système de procédurequi résumedans
ses articles l'expérienceet la sagesse de la Cour. PLAIDOIRIE DE M. AG0 271

Monsieur le Président, iifessieurs, cette fois-ci je suis vraiment arrivé
au terme de mon exuosé.
Les conclusions dÙ Gouvernement espagnol irpropos de la troisième
exception préliminaire dCcoulent nécessairement de l'ensemble de la
~laidoirie âue i'ai eu l'honneur de Drononcer devant vous. Le Gouverne-
;nent espainof se réservobien entendu de les préciser et éventuellement

les modifier à un stade ultérieur de la procédure.
Laissez-moi vous dire, une fois de plus, combien je vous suis recon-
naissant de votre patience à mon égard et combien je suis navré d'avoir
dû vous infliger de si longs développements. PLAIDOIRIEDE M. MALINTOPPI
CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audience Publiquedu II'avril 1964,matin]

Monsieur le Président, Ilessieurs de la Cour, permettez-moi tout d'a-
bord de vous renouveler l'assurance de mon très vif et trèsrespectueux
dévouement. Qu'il me soit permis ensuite d'exprimer ma reconnaissance
à mes coilègues espagnols pour la collaboratioii qu'ils ont bien voulu
m'a~~orter. Te tiens aussi à saluer les iurisconsultes distingué aui se
troi<ent de l'autre côtéde la barre, et toit particulièrement leprofêsseur
Henri Rolin, auprès duquel i'ai eu l'honneur, iy a trois ans, de débuter
devant cette haüte juridiction.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il m'appartient de pré-
senter à la Cour la quatrième exception préliminaire du Gouvernement
espagnol, tiréedu nôn-épuisementdes voresde recours interne à propos
de la déclaration de faiUite de la sociétéBarcelona Traction, Light and
Power Company, Limited.
De ce chef aussi, le Gouvernement espagnol prie la Cour de bien
vouloir déclarer l'irrecevabilitédéfinitivede la demande soumise par le
Gouvernement belge. Pour ma part, je me bornerai à attirer l'attention
de la Cour sur les aspects les plus essentiels du problème,tout en retenant
à leur appui les divers et nombreux élémentsqui ont étédéjàdégagéspar
le Gouvernement espagnol au cours de la procédure écrite.
Le Gouvernement espagnol reproche au Gouvernement belge la non-
utilisation, de la part de sujets ayant qualité pour le faire, des recours
internes qui auraient pu et dû &treépuiséspour faire facà une situation
où le Gouvernement belge prétend à tort voir les élémentsd'un fait
illicite international.
A cette exception préliminaire, le Gouvernement belge a opposé des
arguments d'ordre général, serattachant au domaine et à la portéede la
règleinternationale sur l'épuisementde voies de recours, aussi bien que
des arguments touchant les données spécifiquesdu cas d'espèce. Il
convient de répondre à ces arguments en ordre successif afin de préciser
dès l'abord l'état actuel de la règle telle qu'elle s'applique de nos ]ours
dans les rapports internationaux.
Cependant, il est nécessairede souligner que, même à première vue,
l'affaire dont la Cour est actuellement saisie constitue un exemple
typique de non-épuisement des recours internes dans un différend
international.
Pourtant le Gouvernement belge, par contre, feint la sur,prise, voire
mêmel'étonnement, à l'égardde cette exception du non-épuisement des
recours internes. Le Gouvernement belge, en effet, se demande au début
de la partie de ses observations consacrées à la quatnème exception
préliminairecomment une telle exception a pu êtresoulevéevu lenombre
très élevéde dkcisions rendues par les autorités judiciaires espagnoles
à propos de la déclaration de faillite de la Barcelona Traction et des PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 273

lit-~es,v afférentsdemis le12 février10<...ate de la déclaration initiale.
jusqu'à présent.
En se basant sur une telle situation de fait, que le Gouvernement
espagnol a lui-même soulignée le premier à la section C de l'annexe 89
aux exceptions préliminaires de 1963, le Gouvernement belge cherche à
accréditer l'idéed'une appréciation de la règlede l'épuisement préalable
des recours internes sur la base purement statistique du nombre des
actions judiciaires. Par contre, il faut se placer sur le terrain de la
qualité, de la pertinence et de la valeur ratiothetemporis des recours,
pour vérifier sil'on a satisfait ou non à la condition de l'épuisement
préalable des recours internes. La règle de l'épuisement a en effet un
sens et une ~ortéetrès clairs. Elle demande l'épuisement ur..lable dans
Ir, d41xisiitilcde toutcj \.<,icisp2cifiqiiz; t:t :td<(]~~iit;iiit ii~scii~
de I'or<lr,,iuri<li<iu,i:ntciieI'l-txt os est ~)ru.liiiteI:,sitii.itiollitui
l'obiet de ia demande internationale
1. prr:jçnct3d'un iioiilhr~ ior~iidliraldlact~ons jii<li~rxir~jii~t~rnes.
pcut-;'trc, p<,iirrxit<loiirr iinpreiiion. I>ienque ji.iilt:mc.ntpri~niilacie.
de I't~~~~,~~~~ effcttif (lzj vuit,iou\.ertcs au v~iti~iili~.ruuc I'urii>rr't~:nd
protéper sur le plan international. Mais tout' autre est i'état de'choses
dans la présente affaire. Ici, l'on se trouve en présenced'un nombre de
décisionssur les actions judiciaires internes qui est beaucowptrop élevé
la présentation de ses exceptions écrites de 1963, le Gouvernementoquede
espagnol fai~ait lui-mêmeremarquer que l'on avait déjà rendu nz736
ordonnances, 494 jugements (autos), 37 arrêts(sentencias) » (voir annexe
89, p. 716). D'autres décisions encore ont étérendues par la suite. Et
pourtant, dans ces conditions, il apparaît tout simplement que la partie
privée, dont on prétend exercer la protection diplomatique, a entamé à
un moment donné une activité iudiciaire fiévreuse.Mais une activité
aussi fiévreuse, loin de compo;ter l'utilisation normale des recours
internes, découledirectement de la conduite passive adoptéepar la partie
rivéeau moment vraiment crucial de toute cette affake. -

dans des attitudesdifférentes à des époques diverses.
Dans la première phase, qui va même au-delàde la publication de
l'acte déclaratif de la faillite et bien au-delà de l'échéance desdélais
prévuspar la loi espagnole pour attaquer l'acte t:n question, la Barcelona
Traction a adopté une attitude de négligencetotale sur le terrain des
recours internes. C'est le moment où des interventions diplomatiques
ont étésuscitées,mais c'est aussi le moment où la Barcelona Traction
affecte l'indifférencela plus complète, la plus radicale, l'égard des
procédures internes.
La deuxième phase s'ouvre le 18 juin 1948, lorsque la Barcelona
Traction se décida finalement à entrer en lice, et se poursuit jusqu'à
l'année1956. C'est le moment de l'activité la plus fiévreuse.N'importe
quel recours est intenté. n'importe quel incident est soulevé. On a
vraiment l'impression de voir un nageur imprudent qui, en raison de sa
propre négligence, est allé irrémédiablement au-delà des limites de
sécuritéet cherche par tous les moyens à ne pas couler. Il faut rend~e
hommage à l'habiletédont ont fait preuve dan3 cette phase les conseils
qui ont assistéla société BarcelonaTraction an cours des procédures
devant les juges espagnols. Ils devaient accomplir une tâche impossible,274 BARCELO-NA TRACTION

à savoir, réparer, lorsqu'il n'y avait plus de moyens efficaces pour le
faire. les conséauences de la néeliLe-ce initiale. de L'attitude nassive
ndüprbc :;l'bpu~~iiueii I., ;<ici;t; ;i\.;iir;.ci~~irciCri:;,$il sur'lc p1:iii
dc; intïr\~~:iitiotlir),niuti.~iics11lutL(111sur <<.lu<lx;rct.uuri iiit~riic?5.
C'est dans cette que les jÜges espagnols, avec une sollicitude qui
leur fait honneur, se sont prononcéssur les différentesinstances, au fur
et à mesure que l'on clierchait à réparer par des efforts nouveaux les
conséquences de la négligenceinitiale qui fut, en mêmetemps, déter-
minante.
Finalement, dès 1956, l'activité des juges n'est plus sollicitéepar
secondaire. Plusieurs décisionsont étérendues après, commeconséquence
naturelle des procéduresentaméesauparavant et, aucun recours n'ayant
étéintenté, elles ont acquis force de chose jugée. Mais la Barcelona
Traction, de son côté,est encore une foisrevenue siir le plan desdemandes

du tout occasionrielie entre activité au sein des urocédures interne; et

Dans Gecadte, en invoquan<la présénced'une telle &cumulation de
recours et de décisions iudiciaires, le Gouvernement belce veut trou
prouver. Le nombre bea6coup trop élevédes actions judiciaires internis
accroît, loin de l'affaiblir, la valeur réellede l'exception soulevéepar le
Gouvernement espagnol. II vous montre aussi, en tous points, combien
est anormale l'activité déployéepar la Barceloria Traction dans les
procéduresinternes.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le Gouvernement belge
admet aujourd'hui que la règle de l'épuisement préalable des recours
internes s'applique dans les rapports entre l'Espagne et la Belgique telle
qu'elle est conçue par le droit international coutumier, l'article 3 du
traité hispano-belge de 1927 n'ayant d'autre but qu'une confirmation
conventionnelle de la regle dont il s'agit.
Le Gouvernement espagnol est heureux deconstater cet accord, s'étant
efforcéde repousser au cours de la procédure écrite unetentative avancSe
par le Gouvernement belge dans sa note diplomatique du 31 décembre
19j1 afin d'accréditerla légitimitéd'une demande internationale sur la
base de l'existence d'un jugement interne définitif,mêmede première
instance quelle que soit l'origine de ce caractère définitif(voirexceptions
préliminaires, 1963,I, p. 240).
Mais le Gouvernement espagnol ne saurait être d'accord avec le
Gouvernement belge sur le sens qu'il prétend attribuer à la règle de
l'épuisement dans l'état actuel du droit international, La règle de
L'épuisementdes recours internes tend en effet à l'accroissement du res-
pect dû à l'organisation judiciaire des Etats de l'époquecontemporaine.
Au fond. la méthode suivie Dar le Gouvernement belee nour faire
accepter soi interprétation condste dans la présentation de limitations
et des conditions à I'. .licabilitéde la rè-.eDour en déduire des consé-
IIII?~CESr(.stricf~v~i.I:n -uf~iii{r\.piqiit: iiuiii cil i.st doiiI';itfiriiin-
tiun CI?I:I~~r;,tcii(ldiipi.ii+ rlc I'utili;.itirin ,IV.r<.couii eh;cprionnels
exposéean paragraphe 223 des observations belges (1) PLAIDOIRIE DE X. ErlALlNTOPPI 275

Le Gouvernement espagnol a lui-mêmeattire le premier l'attention
de la Cour sur la formulation de la règleadoptée par l'Institut de droit
international au cours de la session de Grenade de 1gj6 (exceptions
préliminairesde 1963,I,p. 238et sui\..). Dans la mfimepiècedela procédure
écrite,le Gouvernement espagnol a indiquéque la règle ainsi poséepar
l'Institut comprend la référence à l'existence, au sein de l'ordre juridique
interne de 1'Etat saisi d'une demande interiiationalc. de voies de recours
Naccessibles u,uvraisemblablement ...efficaceset suffisantes I)et dont on
est en droit d'exiger ul'usage iiormal n.Cependaiit, d'après le Gouverne-
ment espagnol, il ne faut jamais oublier, pour la véritable appréciation
de la règle, sa raison d'êtreaiiisi que son but. La raison d'être dela
règlea étéexprimte d'une fa~ontrèsprécisedans le passage suivant de la
sentence arbitrale rendue le 6 mars 1956 dans l'affaire dmbatielos,
passage dont on chercherait vainement trace dans les observations du
Gouvernement belge, je cite:
<C'esttout le système de protection jiiridiqiie tel qu'il est prévu
var le droit interne. aui doit étremis à l'éoreuveavant au'un Etat.
éntant que protecteur de ses ressortiss$l.s, ne puis~e'~oursuivr~

la réclamation sur le plan inteniational. 1(Exceptions oréliminaires,
1963, 1,P. 241.)
Le but de la règle est celui d'accorder à 1'Et:~tle droit de réparer le
vréiudiceéventuelen :e servant de son ordre iiiridiaue interne avant de
poii\.<,i;trt.;.,hiJ iiiier;cliiii.iiioii iiitcrii;ititc.c:(lri,it~lit~r~~,~tional
iiii~~o~t:c rcjllc;~dc l'~~r~~111i~~tiu<dici:tirqllc Ir~Llt fcl:111~;I I;(lis-
~oiition des intéressésdaris le cadre de sa souveraineté.
Le Gouvernement belge, par contre, eii mettant l'accent, et pour
cause, sur les conditions d'applicationde la règle,oublie tout simplement
sa raison d'être.11en arrive même à des coiiclusions en contradiction
frappante avec son développement historique. détournant de la sorte le
sens actuel de la règle.
L'exemple le plus frappant de cette attitude i:st celui que je viens de
citer plus haut, de la prétendue dispense de l'utilisation des recours
extraordinaires.
Le Gouvernement belge a déjà soutenu cette thèse en 1939devant
la Cour permanente de Justice internationale daris l'affaire de la Conpa-
gnie d'électricité deofia al de Bulgarie. En invoqiiant à cette occasion
certaines opinions exprimées dans la jurisprudence et dans la doctrine,
le Gouvernement belge essaya de démoritrerque les recours auraient été
épuisésen l'espèce, même sila décision de 1:i Cour de cassation de
Bulgarie sur le recours formé contre un jugement interne n'avait pas
encore étérendue. Tout en faisant remarquer que les griefs du cas
d'espèceétaienten grandepartie tirésde questions defaits et échappaient
donc à la compétencede la coiir de cassation d'un pays de droit conti-
nental, le distingué conseil du Gouvernement belge, le professeur Henri
Rolin, s'empressa d'ajouter:

R Mais SUppOFOnm s ême qiie nousn'ayons eu qiie des griefs de pur
droit. Je crois pouvoir vous dire qiie la règle de l'obligation de
l'épuisement préalable desvoies de recours d'ordre interne n'impose
pas d'obligation de pousser l'épuisemeiit dc la voie de recours
d'ordre interne au-delà des instances d'appel et jusqii'à desinstances
que, dans la procédure française cornme dans la procédure belge,276 BARCELONA TRACTIOX

et je pense aussi dans d'autres procédures, nous considérons comme
des voies de recours extraordinaires. n (C.P.J.I. série C na 88,
P. 428-4294
Mêmesi, par hypothèse, la question était encore ouverte à cette
époque-là,ellene l'étaitcertes plusapres cette affaire car eiiefut tranchée
par L'arrêtrendu par la Cour suprème le 4 avril 1939 dans lequel la
thèse du Gouvernement belge fut nettement rejetée. Cette thèse visait
l'interprétation d'un traité qui correspond dans sa substance à l'article 3
du traité hispano-belge de 1927dont il est question ici. La Cour pema-
nente eut soin de préciser l'obligation de l'épuisement préalable du
recours en cassation sans attribuer aucun poids à son caractère in-
discutablede moyen extraordinaire (voir C.P.J.I. sérieA/B no 77,p. 79).
Par cette décision, la Cour permanente a placé le problème sur le
terrain qui lui est propre. En réalité,la raison d'êtrede la règledoit être
recherchée, selon l'idéede base énoncéedans la sentence arbitrale
rendue dans l'affaire Ambatielos. dans le res~ect dii à l'o~,anisation
judiciaire de çliaqu~.t'riitLa protection des pnrtiçs privecs intzrcssées
se rr'aliszylciiiiiiiçiit sur la base très siiiiple de 1'i:xiircnucrccouri
adé<~uatsuour Li dCfciise de leurs droits...n. selon 1s foriiiul~ i)r6cise
ador;tée la Cour internationale de ~ustice dans une affaire e&uivée
soigneusement par les observations du Gouvernement belge (affaire de
i'lnlerhandel, arrêtdu 21 mars 1959.C.I.J. Reczreilrg59, p. 27).Dans ces
conditions, mêmeun recours spécifiquede caractere extraordinaire doit
être épuisé,pour satisfaire à la règle internationale telle qu'elle est
conçue de nos jours, afin de respecter le droit qu'a chaque Etat de voir
reparer un préjudiceéventuelpar les moyens des garanties de son système
iudiciaire.
La Coriiinisjion eiirup6ennc (lesdroits de l'lionin;L:idoprC :Lion tour
une attitude pleiiienieiit conforiiie aux ciitères iiidiquJc.inc.boriicrsi
;1attirerl'.ittr~ritider1;iCuiir. i titre d cs<~riiv.ur 1.1d8iision reiiil~le
par cette commission le II jan;ier 1961sur larecevabilité de la requete
no 788160 introduite par l'Autriche contre l'Italie, décision dont les
motifs ont été adoptés par le comitédes ministres du Conseilde i'Europe
dans sa résolution(63)3 DH du 23octobre 1963.D'aprèsl'article 26 de la
Convention européennedes droits de l'homme:

nLa Commission ne peut êtresaisie qu'après l'épuisement des
voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes
de droit international généralementreconnus. D

En statuant sur cette base. qui est aussi celle de l'affaire actuellement
soumise A votre décision.la Commission européenne des droits de I'hom-
me a notamment accueilli L'exception du non-épuisement des recours
internes du fait de la non-utilisation du recours prévupar la loi italienne
tendant au renvoi d'un roc ès~énali un autre iü~e,-.ur cause de
siispicion l6gitime. lorsqur I:I(leniinde intern:itiuii;ile était I):isCcsur une
prbtendiie parrialit6 de.; iiigej nationaiis. Or. on ne saurait :iiicunement
Contester que la demande ae renvoi pour cause de suspicion légitime ne
constitue un moyen tout à fait exceptionnel, plus encore qu'extra-
ordinaire. hlaiis ion épuisement est quand méme requis par la regle
internationale, puisqu'il s'agit d'un moyen adéquatet puisqu'il s'agit d'un
moyen spLcifiquepar rapport au mêmefait oii l'on prétend voir les
éléments d'un déliitnternational. PLAIDOIRIE DE M. IIIALINTOI'PI 277

Les exemples si clairs et si nets que je viens di: vous présenter quant
à l'extension de l'obligation de l'épuisement des voies iiiternes aux
règle internationale a évolué.La directioii est i;elle de l'utilisation la
plus large possible des moyens internes. La direction est celle de la
confiance qu'il faut faire l'organisation judiciaire des Etats et que tout
Etat est aujourd'hui en droit d'exiger.
Le Gouvernement belge, pour sa part, est restéfidèle A sa position de
1939. Cette position a étérejetee en 1939; à plus forte raison elle ne
saurait être admise en 1964.

[Audience publiquedtr rCr avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Coiir, toujours dans le souci
d'accréditer son interprétatioii restrictive,le Gouvernement belge
cherche doiic à attirer i'attention sur lu sieurs nuances inhérentes aÜx
limitations et conditions d'application'de la règle. en passant pourtant
sous silence la question de l'a~~réciation,par le inge international, de
la conduiteadoptée par la privéeau cours désprocédures internes.
A cette fin, on invoque même,au paragraphi: 219 des observations
belges. des décisionsarbitrales visant des cas d'espèce, dans lesquels
l'inefficacitédesrecours internes&tait la conséauencenaturelle de la loi
natioiiale, ou des instructions expressémentdonihes aux juges nationaux,
ou bien de la limitation des voies internes à l'appréciation en l'espèce
des seules questions de droit. Ainsi, dans I'affaii.<concernant Certüi~s
lorélsdu Rhodopecentral,tranchée le 29 mars 19:$3par l'arbitre Unden,
l'élémentconstitutif du délit international se rattachaià la loi nationale
ordonnant la confiscation de l'objet du litige, loi nationale qui. en tant
que telle, devait nécessairementêtreappliquéepar tout organe de I'Etat.
(Voir Unden, L'article181 du traitéde Netrilly, Uppsala. 1933.p. 29.)
De mème, l'épuisement des recours internes ne fut pas requis dans
l'affaire Johnson pour la raison très simple qu'une circulaire officielle
du ministre de la Tustice avait ordonné aux iuires de ne pas admettre
de recours tels que ;eus dont ilétaitquestionCR l'&îp2ce.(~GirI.apradelle
ct I'olitis, Rect<~les arliiira~esinler~iationat~xt,ome II. p. 593et sui\,.)
Enfin. daris l'affa~r~~.-s Varssetrrfi~rnois.I'iirbitre stntua. rlnns sa
sentence du 9 mai 1934.que iesiiies de recours existant pour attaquer
les décisions d'un organe tres spécialis6,I'nAdmiralty Transport Arbi-
tration Boardn, n'étaient ouvertes que pour l'examen de questions
de droit. dont I'appréciation n'aurait pu, en I'espece. modifier les con-
clusions de l'Admiraltv Board ouant aux faits oui ont donnélieu à la
réclamation internatioiaie. ~an; ces cas, on est kvidemment à la limite
de la condition de l'épuisementpréalable des recours internes. Mais l'on
est aussi tout a fait en dehors d'une analorrie auelconque avec l'affaire
dont la Cour est actuellement saisie, affaiTe o'ul'ntili'sation des voies
internes n'est exclue ni en raison de la connexité d'un prétendu délit
international avec le contenu de la loi nationale, ni en raison d'une
vkritable obligation des juges de rejeter tout recours, ni en raison d'une
limitation quelconque I'appréciationdu fond des litiges internes.
cation de larkgle et qui n'ont riennvoir avec la présenteaffaire, montrei-
clairement l'attitude du Gouvernement belge qiiantà son appréciation278 BARCELOSA TRACTIOX

en l'espècede la règle internationale. Par cette attitude, il cherche à
détourner i'atteiition de l'interprète du problème de l'évaluation de la
conduite de la partie privée dais le cadre des procéduresinternes.
Tel est, par contre, l'aspect critiquelaquestion enla présenteaffaire.
Your appréciers'il a étéou non satisfait à la règledont il s'agit, il ne
adéquates. 11est aussi nécessaired'examiner si la partie privéeintéresséeont
a fait preuve de la diligence nécessaire pour iitiliser les moyens mis à
sa disposition par la loi interne. II est certainement exact d'affirmer,
à ce propos, que la règle internationale présupposeun plaideur normal,
c'est-i-dire un plaideur qui utilise valablement les moyens adéquats.
La diligence du plaideur constitueen soi un élément essentielde la régle
de I'épuisement,règlequi ne saurait lui procurer l'avantage inadmissible
de la recevabilité de la demande internationale, lorsque c'est cause
de sa propre négligencequ'il ne s'est pas prévalu des moyens mis à sa
disposition.
Encore une fois, c'estd'abord la sentence arbitrale rendue dans l'affaire
Ambaticlos qui précisele point. en soulignant qu'il n'est pas satisfait
à la règle de I'épuisement lorsquele plaideur a rendu inutilisable un
recours donnédu fait qu'il ne s'est pas prévalude moyens de procEdure
ouverts à un plaideur diligent. Le Gouvernement espagnol, au cours de
la procédure écrite, adéjà attir4 l'attention de la Cour sur ce pas-
sage de l'arrêtAenbatielos(exceptionspréliminaires, 1963,I p. 241),dans
leouel la conimission arbitrale a étenduI'oblieation d'é~uisementmême
à i'utilisation des moyens de procédure qu; le droit interne met à la
disposition des plaideurs . .rocedural facilities which municipal la\v
makes available- to litigzînts..1,).
Mais il convient au surplus de souligner que la Commissioneuropéenne
des droits de l'homme, dans l'affaire entre l'Autriche et l'Italie que je
viens de citer, a elle aussi retenu la mêmeidée de base. Toujours à
propos du défaut d'épuisement du recours extraordinaire de renvoi
pour cause de suspicioii légitime, ladite conimission fait justement
reniarqucr -je cite:
riconsidérant, du reste, que I'épuisementd'une voie de recours
interne déterminéene cesse normalemeiit d'êtrenécessaire, selon
les principes de droit international généralement reconnus, que
sila partie requérante réussit à établir que, dans les circonstances
de l'espéce,cette voie n'était p,u vraisemblablement efficace et
suffisante quant au grief dont s'agit..; que, de l'avis de la Commis-
sion, leouverizemena t utrichienn'adéueloppé à cetépardquedesargrc-
rnentsse situattl sur le terrain de l'opportzcnitéet, ~IZSrécisément,
dela tactiquequeles accusésauaietiloz1n'aunientpas intérêt a adop-
ter;qu'il n'a pas établi qu'une demande de renvoi pour cause de
suspicion légitime n'eût pas constitué, en l'occurrence, un recours
vraisemblablement efficaceet suffisant;
Constate,dès lors, que I'épuisement desvoies de recours interne
ne se trouve pas réalisé sousce rapport ii(p. 40-41 de la dbcision
précitée).

Or, tout cela revient dire que la rbgle de l'épuisement imposeau
ouverts. Le choix d'une tactique dans le cadre du procès interne qui
exclut l'utilisation de certains moyens et de certaines procédures'est un PLAIDOIRIE DE M. I5ALIKCOPPI 279
risque,risqueauquelle plaideur s'assujettit sciemn~ettt.Cerisque conscient

est celui de voir frapper d'irrecevabilité toute demande internationale
éventuelle.
On n'échappe donc pas à l'appréciation nécessaire de la conduite du
plaideur. Qu'il suffise, arrivés à ce poiiit, d'avoir rappeléce principe que
le Gouvernement belge essaie en vain d'esquiver. La négligence de la
Barcelona Traction à cet égard est frappaiite, et l'examen détaille de
l'affaire nous permettra d'en voir les aspects les plus saillants.
Monsieur le Président. &lessieurs de la Cour. dans son ex~osé le

ses interventions du I? mars dans auelles coiiditions on a cherch4 en
1945 & sortir de cette-situation un plan de compromis, tout en
persistant dans le refus constant de donner les éclaircissements touiours
demandés sur certains inécanismes financiers établis en fraude des droits
de i'Etat espagnol (voir ci-dessiis, 46 et suiv.). 11vous a aussi montré

les raisons pour lesquelles le Gouvernement espagnol a fermement main-
tenu sa position,cherchant àtirer au clair unc fois pour toutes la situation
généraledu groupe. A la suite dc l'échec de 1945 ,n nouvel effort fut
produit l'année suivniite. Le plan de compr<imis fut soumis sous une
nouvelle forme ~our faire croire aue l'autorisation des autoritCs es~aenoles
aurait été,dan; le plan revisé, ;ne simple formalité. Tel ne fut &"l'avis
des ces autorités et c'est bien dans ces conditions quel'Institutespa~nol
des monnaies étrangères refusa, le 30 octobre 1~.+ 6o.n autorisation>ux
modalités d'exécution du plan de compromis.
A partir de ce moment, les événements bvoluent rapidement vers
leur conclusion logique et naturelle. La Barcelona Traction et son
groupe se trouvaient désormais dans une situation salis issue, vu leur
persistance dans une ligne de conduite inadmissible. Quinze mois après,
trois obligataires de la sociétédemandèrent la faillite de la Barcelona
Traction qui fut diiment prononcéele 12 février194s par le juge de pre-

mière instance de Reus.
Or, dans la mesure où le Gouvernement belge prétend voir dans l'échec
du plan de com~rornis la prémissede la faillite de la société,le Gourerne-
ment espagnol,pour sa pirt, maintient son exception du non-épuisement
des voies internes administratives, ainsi qu'il l'a indiqué au coiirs de la
~rocédure écrite. D'ailleurs le Gouvernement belge ..admis. au para-
h~:~plic314 (le; 01i;crvition;. que le rcspcçt dt: la riglt: de l6piiiic:ment
<Ir<rcïuiirs inrerncz ezrge aussi l'Gl>i~i~e~nent5 rrroiiri adiniiiistr:itils.
IIest lin kiit qii';iui~ii~recoiir; :~tliiiinijtratif ne fut forin: vis-ii-vi5
ilu rcfiis de I'liistitiit eipignol dcs monii;iirî 6rraiigCrei On in~liilii4
;XI<.oiirs<IcI:~>rocé(liirecritr qiie~)lii~i~~v<~it,î C1:iicoiivt:rrt,<poiir
;itta(iuïr1.dkiiioii de I'lri.;titf,.xccntioii? nrCliiiiinairc. ioh7,:inneue
go, p. 728 et suiv.).TI convient cie se 'horner'm:rintenant à &{peler les
seuls recours ordinaires, dont le non-épilisement suffit à justifier l'excep-
tion (lu Goii\~~.rrirnicnrespagiiol i. <.t:tég:ir<l.
Il s'agit tnut (I'al)ord dii rccoirrçhi<:r~rreii miiii;trd dc l'liidustrie
et du Ci>rniiicrcc,prb\.ii 3 l'article 26 %I;,~l~:ni<!tii14 iiiin 1935. 1.e

Gouvernement bélge prétend que ce recoürs n'est applicable en
l'espèce, puisque ledit article l'écarte pour les décisionsrendues en vertu
de facultés déléguéep sar le ministre lui-mèine. Le Gouvernement espa-
gnol répond que d'aprhs sa 16gislationles fonctions du directeur général
del'Institut des monnaies étrangères nesont pas des fonctions déléguées.280 BARCELONA TRACTION

D'après le système administratif espagnol, une telle délégationaurait
vrésuvposéun acte exprès.dûment vubhédans leiournal officielde1'Etat.
Un têl'acten'existe ias, en l'espèce.Rien de pius normal, car la com-
pétence pour les mouvements de devises est conféréed'une façon directe
du d24enovembre 1939.e La jurisprudence du tribunal suprême,dont uneatut
chambre constitue en Espagne la plus haute juridiction en matière
administrative, confirmede la façon la plus claire la possibilité de recours
hiérarchique contre les décisionsde l'Institut. Les arrrts du24 octobre
1057 et du 21 mars rqgq - et le Gouvernement belce veut bien I'ad-
mëftre au paragraphe jÏj de ses observations- constattent que dans les
cas d'esphce Les intéressésavaient préalablement exercé le recours
hiérarchhe. ce oui est d'une im~oriance déterminante. car en droit
espagnol ie ;ecou;s au tribunal su'prêmeen matière administrative est
admis seulement aprds l'épuisement obligatoiredu recours hiérarchique.
Et ces deux arréts, constatant qu'il y avait eu en l'espècedes recours
hiérarchiques préalables, confirment de la sorte que les recours hiérar-
chiaues sont bien ouverts contre les décisionsde i'Institut. Au surplus.
il yAale troisième arrêtdu 5 novembre 1959l. ui aussi indiqub an para:
graphe 317des observations belges. Dans ce cas, le tribunal suprême
etait saisi d'un recours contentieux administratif formé contre une
décisionde l'Institut édictant une sanction disciplinaire contre un de
ses fonctionnaires, décisiondîiment confinnéepar le ministre de l'Indus-
a rejetéIc recours sur le fond, ayant estirnéque'le ri'glemeritdu<4juin
1935ii'était pas applicable eri ce qui concerne le st~tut du persoiinel de
l'Institut en matiére discil~liriaire.Or. le tribuiinl siipr&meen statuant
siir le fond a, de ce fail. admis 1:1rerevabilit(. forinelle du recours. aussi
bien qiie la \fnlidii2 forrni:lle de la procbdure pr~~lnblement suivie,
savoifle recours hiérarchique.
Contrairement àce quele Gouvernement belge soutientau paragraphe
317 de ses observations, il s'agit donc d'une jurisprudence qui, comme
la loi, est toutfait conforme A notre thése.
En deuxième lieu, et sous réserve de l'épuisement obligatoire et
uréalable du recours hiérarchiaue. la décision de l'Institut esvamol
;les monnaies étrangeresniirait Stre attaquée par le moyen di] ;ecoirrs
co~ile~iiieiirnd»iinistrnli/ devant le tribunal siipréme. Ce recours est
exclu lorsque l'acte que l'on prétend attaquer Ïelève du pouvoir dis-
crétionnaire. Le Gouvernement espagnol est heureux de constater que
le Gouvernement belge, en faisant valoir cet argument, veut bien
admettre aue la décision de l'Institut..au,nt au vlan de comvromis.
relevnit de'son pouvoir discr6tionnnire. bl:tii si le bon\.crneme~t belge
de &mpromis; qui, d'aprèslui n'entraînait aucun mouvement de devises, du plan
la décisionde l'Institut aurait étérendue tout à fait en dehors de son
ouvoir discrbtionnaire. Dans ces conditions, la décision négative de
f'n,titut aurait pu et dû étre attaquée par la voie contentieuse admi-
nistrative, bien que toujours après l'épuisement préalable du recours
hiérarchique.
L'hypothkse vide par l'arrêtdu tribunal suprêmedu 24 octobre 1957
est toutà fait comparable A celle que l'on vient d'exposer (voirColeccidfl
dejurispncdencia Aranzndi, 1958,tome 25,ne 1280). Dans cette affaire,
une décisionde l'Institut en matière de changes avait étéconfvméepar PLAIDOIRIE DE 31.MALIXTOPPI 281
le ministre à la suite du recours hiérarchique. Mais elle fut annuléepar le
tribunal suprsme statuant sur le recours contentieux administratif. En
effet, le tribunal suprêmejugea que le recours avait légitimement été
iiitroduit, bien que la matière relèvedu pouvoir discrétionnaire. dans la
mesure où les griefs présentésont trait à une activité exercéeen dehors
du pouvoir discrétionnaire.
Voilà donc, dès le début, Monsieur le Président, Jlessieurs de la Cour,
un titre pleinement valable pour fonder l'exception du non-épuisement
des recours internes. Mais d'après le Gouvernement espagnol, la consta-
tation du non-épuisementdes recours internes est encore plus frappante
en ce qui concerne l'acte déclaratif de la faillite, prononcé le 12 février
1948par le tribunal de Reus, qui constitue le noyau de i'aflaire dontla
Cour est actuellement saisie.
La partie adverse feint d'éprouver une certaine surprise à l'égard
de l'importance que le Gouvernement espagnol attache à I'acte déclaratif
de la faillite. Ne serait-ce pas, au contraire, au Gouvernement espagnol
de s'étonner que l'on attache aujourd'hui si pu d'importance a un
acte qui, le 27 mars 1948. pamt au Gouvernement belge suffisant à lui
seul pour affirmer qu'il y a eu dans cette affaire un dénide justice ou
plutôt une sériede dénisdejustice? (Voir à cet égardla notediplomatique
du 27 mars 1948, mémoire,annexe 250. p. 3.) .kujourd'hui, le Gouverne-
ment belge cherche à faire croire que son grief international vise:

nun ensemble de mesures positives, d'actes ou omissions, souvent
contradictoires qui s'enchevêtrent et s'intèqent les uns dans les
autres et dont le caractère illicite au regard du droit des gens se
manifeste de maniere particuliArement évidente dans le résultat
final auquel ils ont aboutin. (Nouvelle requête, 1,par. 43.)
Mais le Gouvernement belge ajoute dans les observations écrites (1).
immédiatement apres avoir rappelé ce passage de la requête, que:
<Dans cette chaîne de décisions,'la déclaration de faiUite ne constitue
que le premier anneau et non le plus important. ,,(Par2. 29.)
On comprend fort bien, Messieurs, pourquoi le Gouvernement belge
s'efforce de diminuer l'importance de I'acte de faillite qui ne fut pas
attaqué par la Barcelona Traction en temps utih:.
II n'empêche que, mêma eujourd'hui, c'est toujours l'acte de faillite
en tant que tel, qui coristitue pour le Gouvernement belge le véritable
fait générateurde ces griefs.
Dans ces conditions, le Gouvernement espagnol ne voit vraiment pas
comment l'on Deut contester l'im~ortance de l'acte déclaratif de la
1;iillite iinc fnisaqiic1unrlliif..~i;.:ir,ict6rcat>oliiiiicpr5liiiiin:iiri:er.
pour siiivrv I'<:xl~resiiernl~li~y;~par le Goii\.criieiii~.iithelcti In-incnie.
sa \.aleur dc hl~>ni~r ot~tze~itddans1;cliaiiio dei ;.v;iiellit:nt5 ei1trniii;iiir
le prétendu iait illicite international. 11 est certain qu'en l'absence
de l'acte déclaratif de la faillite, aucun des événementsqui devaient
juridiquement en découlerne se serait produit. AIême la vente des biens
de la Barcelona Traction effectuéeen 1952 n'aurait pu avoir lieu en
l'absence de I'acte déclaratif de la faillite. 11s'ensuit qu'il est contra-
dictoire d'admettre la position de priorité de la déclaration de faillite et
d'en contester en mêmetemps l'importance. Tnut au contraire, I'acte
déclaratif de la faillite constitue lebiuot du ~roblème tout entier. Par
conséquent. c'est justement par rapport ?Ll'acte déclaratif de la faillite
qu'il faut apprécier l'observation ou bien la non-observation en l'espèce282 BARCELOSA TRACTION

de la rPglede l'épuisementdes recours internes. On ne saurait assurément
admettre que la règlede i'épuisementdes recours internes ait étéobser-
vée, lorsqÛele particulier que i'on prétend protégersur le plan intema-
tional n'a pas attaqué par des moyens existants et adéquats justement
le premier-anneau dune chaîne dévéneinents étroitemint lies les uns
aux autres par un lien de nécessité à la fois logique et juridique.
L'attitude du Gouvernement belge à ce stade de la procédure vise,
par contre, à rattaclier le problème du non-épuisement des recours
internes non seulement à I'acte déclaratif do la faillite, mais aussi à
l'ensemble de l'activité judiciaire interne qui s'est déroulée à la suite
de la déclaration de faillite. Ou comprend tort bien une telle attitude,
car le Gouvernement belge se propose de la sorted'atteindre deux buts
bien précis. D'un cOte, il cherche à accréditer l'idéede l'épuisement
effectif des recours iiiternes, mêmesi eu fait, et malgré ses prétentions
contraires, I'acte générateurd'une séried'événements, à savoir l'acte
déclaratif dc la faillite, ii'a pas été attaquéen temps utile. De l'autre
cbté,il cherche aussi à domier l'impression que le problèine de I'épuise-
ment ne saurait 2tre appréciédans la présente affaire sans procéder
à un examen détailléde toutes les procéduresinternes engagéesdevant
n'importe quelle autorité judici&re d'Espagne. Le Goüvernement
espa~nol. pour sa part, conteste de la façon la plus nette le bien-fondé
d'in: telle attitude.

liquidation totze du patrimoine de laL13arcelonaTraction, et Ge les
\.itc; dr recolira inttfr1uLI\.crIêpolir l':~tta(lil~rn'oi~tp;~3et< 11tilii6c.i.
Par cons::(li~,;n~,'est:I1';tcte(l~'cI:~ra~fltla f:iiIliCL !Ilui s,:11qii'il
f:iut dcci~l;nietit s'attaeli~r pour ;~plirtiiier 1'c:piiisïinent oii Ic iioii-
épuisement des recours internes. I;e non-épiiiiement de ces recours
une fois acqiiis, I'acte déclaratif de la faillite en tant que fait géné-
rateur des événements ultérieursest devenu irréuersible i ce nioment,
le droit international se borne en effet à rendre acte de l'omission
imputable à la partie privée intéressée pou; en dCduire l'irrecevabilité
définitivede la demande internationale,
Quant à In deuxième question, c'est-à-dire l'examen de toutes les
procédures engagées par la suite devant n'importe quelle autorité
judiciaire d'Espagne, le Goiivernement espagn<-1l1 ui donne une réponse
qui découledes considérations qui précèdent.Lorsque, dans la chaine
des événementsqui se sont passésdans la spli&reinterne d'un Etat, un
premier élémentconstitue le fait générateurdos élémentssuccessifs,
l'appréciationde l'épuisementou du non-épuisementdes recours internes
liedoit$as s'étendre R l'évaluationde toutela série possibledes recours
visant les élémentssuccessifs de la chaîne. Plus particulièrement, si le
non-épuisement est acqiiis par rapport l'élémentconstituant le fait
générateurde la série, l'examen des recours concernant les éléments
ultérieursest nécessairementun examen limité. II s'agit justement d'un
examen tendant à vérifier si. dans le svstème national. les recours
exercésau cours des procédureiinternes ul&rieures a~raient'~uempêcher
le fait générateur d'engendrerdes faits successifs. Dans ces conditions.
ledit e;amen n'a pas jour objet les recours qui, en fait, sont formés
par les particuliers, mais tout d'abord la question de savoir si le fait
égnérateurpeut être renversébien qu'il n'ait pas étéattaqué en temps PLAIDOIRIE DE RI. MALINTOPPI 283

utile et Dar les movens aonrooriés. C'est seulenient si un tel examen
L A
mène à in résultat Positif que l'on peut passer par la suite à i'apprécia-
tion des recours éventuellement forméspar les particuliers. Par contre,
si un tel examen arrive à un résultat ;légatif,-l'appréciation du nou-
&puisement est terminée à ce stade-là et il n'est pas nécessaire d'aller
plus loin. D'après le Gouvernement espagnol, c'est précisénient de
la deuxième hypothèse qu'il s'agit dans l'affaire ai:tuelle et je me réserve
de voiis endonner la preuve au moment opportun sur la base des données

de l'esuèce.
~ellêssont donc les positions respectives par rapport à la quatrième
exception prélimiiiaire, et telle est l'attitude très simple et très nette du
Gouvernement espagnol. Dans ce cadre, c'est le premier anneau de la
série,à savoir l'acte déclaratif de la faillite, qu'il faut prendre essentielle-
ment en considération pour apprécier s'il a été satisfait ou non à la
condition de l'épuisement préalable des recours internes. Car si cet

«anneau » n'a pas étéattaqué de la façon appropriée selon les prescrip-
tions du droit interne espagnol et en temps utile, c'est 1eGouvernement
belge qui en subira sur le plan international la conséquence négative,
à savoir l'irrecevabilité définitive de sa demande.
Dans le système espagnol relatif au droit de la faillite, l'acte déclaratif
de la faillite peut êtreprovoqué, sur la base du fait de la cessation des
paiements, soit par le commerçant lui-même,soit par lin des créanciers.
La matière est régie à ce point de vue par les articles 1017 et 1025 du

Code de commerce de 1829 qui régit la matière en vertu de la référence
expresse, contenue dans l'article 1324de la loi de procédurecivile de 1881.

du commeÏcait soii nécessaire. Ce svstème doit être auurécié Dar

rapport à l'article 1017 du Code de Commerce de 1829. D'après Cet
article, le commerçant a lui-mêmel'obli~ation, eu égard à sa situation
économioue.,.e ,rovoauer le ~rononcédëla faillite. Dans ces conditions.
l'on cr,niyrciirl .ii.<:iiit.nt Iioii;,liiui I'arti;li. 1025, qui vik<I;I[)rut.t'durt.
niise t!i(t:uvre pr Ici ~:r;:trici<r~n , t.i<:r:,l)~)urtc1111':~I:Iv;rilicntion .le
I:I<it~i,itioiioI,ic:tivc: ~.un,rit~i6,?mr lt{,tircl,l,t?r:.,~rion D:itrrnt:IiI,.
C'est à un stide ultérieur, dans le cadre de l'opposition 'éientuelle
à l'acte déclaratif de la faillite, que se situe à son tour la défense du

commercant déclaréen faillite. ~ ~
Si 1t.s corirlition. il<.(.lit rxiircnr t>rin~.r/.icii. IV I I 1 prerni;rr
insranes! pronunc.*-;liiiic I':icte d;~:l.ii.;itii~lc1:~f:iillititir Iï III~?d'iinc
siri1:lriuiioliic;ti\.r.I;ic~s.irii,ri <Iwi~:tic~rii~ntsi1 il lui ~lc>nnIrnniihlii:it;
prA iic 1x11 la loi. l..:p~it,Iicii<.prC.!,~~t .ir 12 171 ~!~I:I~IH~rInT-l'e:q,;~t?
s'i~isplr~ ~e I,I nt;cc,<sii,Ll'~tt~pI~,ir,~c-c>niortn~t~:,WC IFS pr~ncipt T cili;,.
r i rit 1 r l 1: fillir I I I I ! I):,ii;if-t esilrir. In
loi espa*ole a adopté un moyen parfaitement simple pour porte; l'acte

déclaratif de la faillite à la connaissance des tiers intéresséset du failli
lui-même. La publicité prévue par la loi espagnole en l'espèce est
constituée par la publication de l'acte déclaratif de la faillite.
Conformément aux dispositions de l'article 104.t dri Code de commerce
de 1829, toujours en vigueur en vertu de la référencecontenue dans
l'article 1337 de la loi de procédure civile de 1881, la publication de
l'acte déclaratif de la faillite doit êtrerealiséepar son affichage au lieu

du domicile du failli aussi bien qu'au lieu où il possède sesétablissements284 BARCELONA TRACTION

commerciaux, et par l'insertion dans les journaux officielsde la province
s'ily en a. En l'espèce,la publication de l'acte de Reus, prononcé le
12 février 1948, fut réaliséedès le 14 février suivant par l'affichage au
tribunal de première instance de Reus, et par l'insertion aux bulletins
officiels de la province de Tarragone, dont relève le tribunal de Reus,
et de la province de Barcelone, c'est-à-dire aux lieux où le débiteur
avait le centre de ses opérations commerciales en Espagne, aussi bien
que celui de ses sociétésfiliales.
La publication de l'acte de faillite entraine pour le failli la possibilité
d'intervenir dans la procédure en ce moment-là. En effet, c'est à dater
recours leplus spécifique,c'est-&-direl'oppositionprévuepar l'article 1028e
du Code de commerce de 1829 et visant à obtenir la rétractation de la
décisiondéclarative de la faillite.
En l'espèce,il n'est pas contesté, et il ne peut être contesté, que la
Barcelona Traction, mise en faillite par l'acte du juge de Reus du rz fé-
vrier 1948, n'a pas fait opposition dans les huit jours qui ont suivi la
date de la publication, c'est-?-dire avant le 24 février1948.
II convient encore d'ajouter que le caractère tardif de l'opposition
que l'on prétend avoir étk formée par la Barcelona Traction aurait
&téincontestable mêmeen admettant que le délaide huit jours ait été
suspendu en raison du déclinatoire visant une question de juridiction
introduite par le sieur Garcia del Cid,dont noiis avons parléà la page 250
des exceptions préliminairesécritesde 1963. En effet, le 13 février 1948,
un tel déclinatoire fut introduit. Il est inutile de discuter ici si un tel
incident a ou n'a pas pour effet de suspendre le délai d'oppositioncontre
un acte déclaratif de faillite.En tout cas, l'incident fut définitivement
clos le 27 février1948par un jugement qui devait acquérirforce de chose
jugéele 5 mars suivant. Il s'ensuit que mêmeen admettant que la sus-
pension du délai eût lieu, le dernier jour utile pour former opposition,
savoir le 15 mars 1948 s'est écoulétoujonrs sans que la Barcelona
Traction ait forméd'opposition.
Pour apprécier dans le cadre du droit international le problème de
l'épuisement des recours internes par rapport à l'acte déclaratif de la
faillite de la Barcelona Traction, la Cour internationale de Justice
n'est pas appelée,contrairement à ce que le Gouvernement belge semble
parfois vouloir accréditer, à se prononcer sur le bien-jugéou le mal-jugé
de l'acte dont il s'agit. La Cour doit simplement constater que la Barce-
lona Traction, déclaréeen faillite par un acte dont elle conteste le bien-
fondé, ne s'est pas prévalue en temps utile du recours en opposition,
c'est-à-dire du moyen le plus spécifique mis par la loi espagnole la
disposition de tout failli pour lui permettre d'intervenir dans la procé-
dure, afin d'obtenir la rétractation de la décisiondéclarativede la faillite.
11découlede cette précisionrelative à la manière d'évaluer la règle
de l'épuisement des recoursinternes sur le plan du droit international
que, parmi les élémentsinvoqués par le Gouvernement belge pour justifier
le défaut d'opposition contre l'acte de Reus, seuls peuvent être discutés
ici ceux qui ne se rapportent pas au bien-fondéde la décisiondont il
s'agit. En effet, tous les efforts que la Barceloria Traction aurait pu et
dû faire sur le plan judiciaire pour écarterun prétendu préjudicedécou-
lant de la déclaration de faillite, c'était d'attaquer l'acte déclaratif
lui-même.En tout cas, sur le plan du droit international, tout le problème
se borne à établir si, oui ou non, l'opposition l'acte de faillite a été PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI z85

faite pour empêcherla formation définitivede ce premier anneau de la
série.
Or, d'aprèsle Gouvernement belge lui-même,l'opposition de la Barce-
lona Traction à l'acte de faillite devrait êtreconsidéréecomme intro-
duite le 18 juin1948, c'est-à-direà la date à laquelle la sociétéproduit
son premier acte de procédure (voir observations belges. 1,par. 242,
p. 232): Cette constatation sufirait pour établir le caractère tardif de
l'opposition, à supposer que telle soit en réalitéla nature de l'acte du
18juin, car le délaide huit jours prévu par la loi s'était écoulédepuis
longtemps.
Mais le Gouvernement belge s'est efforcé,au cours de la procédure
écrite,de soutenir cl'absencedetardivité iide l'opposition de la Barcelona
Traction. En définitive, le Gouvernement belge allègue que la société
n'aurait pu former opposition dans le délaide huit jours à partir de la
publication de l'acte de faillite. A l'appui de sa thèse le Gouvernement
belge, en définitive,allegue une sériede trois motifs.

[Audience publigz~edu z avril 1964.matin]
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, à la fin de l'audience
d'hier, j'avais indiqué que, d'aprèsla loi espagnole, l'opposition contrela
décisiondéclarative d'une faillite doit êtreforméedans le délaide huit
jours qui suit la date de la publication de la décision.J'ai indiqué aussi
que cedélais'est écoulé sans que la Barceloiia Traction ait fait opposition.
Le Gouvernement belge prétend toutefois invoquer ce qu'il a appelé
l'rabsence de tardivitén de l'opposition de la Barcelona Traction.
D'après lui, en définitive, la sociétén'anrait pu faire opposition dans
les huit jours qui ont suivi la publication de la décisiondéclarant sa
faillite, et ce pour les motifs suivants:

I. en raison du défaut de notification à ladite sociétéri.:la décision dé-
clarative de la faillite;
z. en raison de l'irrégularitéde la publication de la décisiondéclarative
de la faillite;
3. en raison du défaut de juridiction des juges espagnols dans une
procédurevisant la faillite d'une sociétéétrangère.

Le Gouvernement espagnol conteste de la façon la plus nette le bien-
fondéde ces allégations.
En ce qui concerne, tout d'abord, le prétendu défautde notification
de la décisionde faillite, la réponsedu Goiivernement espagnol est très,
trb simple. La notification de la décisionde la faillite n'est nullement
requise par la loi espagnole. Comme on l'a déji vu, la publicité de la
décisiondéclarative de faillite se fait en Espagne sous l'empire d'une
loi spéciale, le Code de commerce de 1829, et doit se réaliser par un
moyen antre que la notification, c'est-à-dire par la publication.
Il est vrai que lorsque la Rarcelona Traction entra elle-mêmeen lice,
le 18juin 1948, bien après l'expiration di1 délaiprévu pour former le
recours d'opposition, cette sociétédemanda la iiotification de l'acte de
faillite. Mais ce n'est assurémentpas une telle demande qui peut modifier
le système très simple de la loi espagnole, qui réalisepar le moyen de la
publication la publicité à la fois nécessaireet sufisante àtoute décision
déclarative de faillite. I ... ,266 LIARCIJLOSA TRACTIOS
Le Gouvernement belge a toutefois essayé d'invoquer, au para-

graphe 247 de ses observations. la nécessitéde la notification personnelle
au failli de l'acte déclarant sa faillite à son domicile sur la base d'une
prétendue pratique jiidiciaire et sur la base des articles 260 et 303 de la
loi de procédure civile, articles dont la traduction figure à l'aiinese 32,
page I aux observations du Gouvernement belge. Mais l'application des
articles précités doit être écartéeen l'espèce par l'existence d'une loi
spéciale,et la pratique judiciaire n'a pas la portée que le Gouvernement
belge prétend y attacher.
L'article 260 de la loi de procédure civile vise, au premier alinéa,
la notification des actes à tous les sujets qui sont parties à la procïdure.
En l'espèce, ledit article est inapplicable pour deux raisons. D'abord,
parce qu'en tant que disposition générale, il est écarté en matière de

faillite par une loi spéciale, à savoir le Code de commerce de 1829, qui
adopte, comme on l'a vu, à I'article IO& le système de la publication.
En outre, ledit alinéa de I'article 260 de la loi de procédure civile est
inapplicable du fait qu'en matière de faillite le failli n'est pas partie
à la procédure, il le devient seulement à la suite de l'opposition qii'il a
éventuellement formée contre l'acte de faillite, toute la procédure
antérieure se déroiilant inacidita fiarie debitoris.
Le deuxième alinéa de I'article 260 de la loi de procédure civile vise
la notification des actes aux Dersonnes auxaileiles ils se réfèrent ou
qui peuvent subir uii préjudice,'mais seulement «cuando asi se mande »,
c'est-à-dire quand il en sera ordonné ainsi. Par consSquent, niêmesi
cet article n'ktait pas écarté, entant que norme générale,par les règles
spéciales régissant la faillite. cet aliiika ne pourrait en aucune manière

permettre de déduire In iiécessitéde la notification de la décisiondécla-
rative d'une faillite. étant donné oue d'aurès cet article le iiire n'a vas
l'obligation d'ordonner la notific&ion. 1i s'agit tout simpiement d'un
pouvoir discrétionnaire, dont I'iitilisation est entièrement laissée à son
appréciation.
Dc son côté, l'application de I'article 303 de la loi de procédure civile,
qui rattache le point de départ des délais judiciaires au jour suivant la
date de l'assignation de la citation ou de la notification, est elle aussi
exclue en l'espèce, cette disposition étant écartée,sur la base du même
rapport entre droit spécial et droit général,par l'article 1028 du Code
de commerce de 1824 aui. en matière de faillite. rattache d'une facon
eprrjsc. Ic poiiit dedcp;;rt du rlcl;ii pour forinvr oppoiiiion Iîrl;itc dé13

piiblicatiun dc la <I;cisioii <li.clnr;iii\.c(Ic In faillite.
011 ni. 5;iiir:iit certaiiieriicnt ccartcr Ic svst;:inc édictr:vI;loi d'iirir:
iyon si i131r<'e.n in\.o~jiisnt iiiic prc't~~iiiritiqiic jiidi<inire. iuminc Ir
C;ouv<~nittiiienl lirlgccli<:r~lw\..~incinciit:i le fiirc ;iii]>:irn~rnpl.i24;
de ses observations. II est certain que dans un pays telÏque~l'Espagne.
appartenant àla tradition juridique continentale,une pratique judiciaire,
mêmeà la supposer existante, ne pourrait jamais modifier Ic régime
établi par la loi.Mais en tout cas, ce n'est pas sur la base de passages
isoléstirésde quelques arrêtset citéssans rappeler les donnéesd'espèces,
que l'on peut prétendre bâtir une véritable pratique judiciaire.
En effet, pas un seul des arrêtscitésau paragraphe 247 des observations
belges ne rattache à la notification le point de départ du délaiprévupour

former opposition à la décisiondéclarative de la faillite. Ces arrSts indi-
quent qu'en l'espècela notification au lai& avait étéordonnée.ce qiii est
pleinement conforme à I'article 260 de la loi de procédure civile, d'aprés PLAIDOIRIE DE M. hIALINTOPP1 287

lequel, comme on l'a vu, le juge a la facultéet non pas l'obligationd'or-
donner la notification d'une décision déclarative de faillite. Mais le
problème dont il est question ici est tout à fait (différentpuisqu'il s'agit
de déterminer le point de départ du délaipour former opposition. Et
si l'on veut se pencher sur la pratique judiciaire, c'est plutôt un autre
arrêtqu'il faut retenir, le seul arrêtconcernant lf:point qui nous occupe.
Il s'agit de l'arrêt du tribunal suprêmedu 5 juillet 1957 où on lit le
passage suivant à l'avant-dernier considérant se rapportant justement
a une décisiondéclarative de faillite:

a ... le délaide recours contre les actes de ce genre [c'est-à-dire les
actes de faillite] est de huit jours à dater (le la publication de ces
actes dans le «Bulletin officieliet non pas à dater de la notification
aux parties ...»(Jurisprudencia ciuil, tome LXI, 1957. p. 280).

II s'ensuit que même à supposer que les décisionsde faillite soient
dans la pratique parfois notifiéesaux faillis- c'est toujours sur la base
de la publication qu'il faut vérifiersi l'acaeétéou non attaqué en temps
utile par le recours en opposition.
Du reste, puisque les arguments présentéspar le Gouvernement belge
devant cette Cour ont déjà étéinvoquéspar la IIarcelona Traction dans
sa défense dans les procédures internes, il y :I lieu de considérer la
réponsetrès nette que les juges espagiiols ont donnée & ces arguments.
Dans son arrêtdu 7 juin 1963, le juge spécialde la faillite, statuant
justement sur la demande de notification de l'acte de Reus, a rejeté
la thèse de la société BarcelonaTraction, en prfcisant que seule la
publication de la décision déclarative dc la kiillite était requise. De
même,dans son arrêtdu 15 mai 1963 sur la qiiestion de juridiction, arrêt
dûment passéen force de chose jugée,la cour d'appel de Barcelone a
confirméque l'acte de Reus i... fut l'objet de la publicité prévuepar la
loi de procédure civile,à travers sa publication dans les bulletins officiels
des provinces respectives ...» (nouveau document, mars 1961, 2e partie,
P. 8).
Les référencesque je viens de vous indiquer nous confirment à la
fois l'interprétation donnéeau droit espagnol par un organe qualifié,ce
qui nous permet de réfuterde la façon la plus nette la thèse de la partie
adverse quant à la prétendue applicabilité en l'espècede l'article 260
de la loi de procédure civileet, de manière plus généraleq , uant an pré-
tendu rattachement à la notification du point de départ du délaid'oppo-
sition qui découlepar contre de la date de la publication.
Monsieur le Président, Mcssieiirs, en deuxième lieu le Gouvernement
belge cherche à contester la régeclrzvi2éla +l>lication de l'acte de faillite.
Cette prétention est, elle aussi, dénuéede tout fondement.
D'après le Gouvernement belge, puisque l'article 1044 du Code de
commerce espagnol de 1829 requiert la publication de la décisiondécla-
rative de la faillite au domicile du failli. la publication de l'acte de Reus
aurait étéirrégulière,parce que la -je cite: iEarcelona Traction a son
siègesocial à Toronto, où iln'y eut ni apposition d'avis. ni insertion dans
le journal officielde la place».(Observations belges, 1, par. 244.)
De cette façon, le Gouvernement belge interprète l'article précité
dans le sens que la publication doit nEcessairement se faire ail heu où le
siège social se trouve mêmelorsqu'il s'agit d'une procédure,,dc,faillite
visant une sociétéayant justement son siège social à l'étranger.288 BARCELOSA TRACTIOX
Le Gouvernement espagnol conteste cette interprétation qui ne
s'appuie que sur la lellre du paragraphe 5 de l'article 1044 du Code
de commerce de 1829, sans examiner ledit paragraphe à la lumièredu
sens logique de l'article tout entier, ainsi qu'à la lumière d'autres dis-
positions applicable eu matière de faillite.
Il suffit de se pencher sur l'ensemble de l'articlepour comprendre
les dispositions qui visent toute une sériede mesuresà exécuter en Es-
pagne, et en Espagne seulement.C'est l'intérêtgénéralqui prime tout
intérêtparticulier dans le système de la procédure de faillite adopté
en Espagne, comme d'ailleurs dans plusieurs autres pays. Dans cet
esprit, le juge qui a prononcéla décisiondéclarative de la faillite prend
toute une série de dispositions qui ne peuvent être exécutéesqu'en
Espagne. Une simple lecture de l'article en question vaudra mieux que
tout autre commentaire. Je me permets d'en lire la traduction française
qui figure à l'annexe 32, page 6, aux observations belges, traduction
à laquelle nous avons apporté quelques rectifications - et je cite:

aEn mêmetemps qu'il ferala déclaration de faillite, le Tribunal
de premièreinstance prendra les dispositions suivantes:
IO La nomination du commissaire de la faillite, qui portera sur
un commerçant patenté, s'il en est;
20 La contrainte par corps du failli, dans sa maison s'il fournit
sur-le-champ une caution d'écrou.ou à défautde caution, en prison;
3" La saisie judiciaire de tous les biens du failli et des livres,
papiers et documents relatifsàses affaires;
qo La nomination du séquestre provisoire, qui portera sur une
personne ayant la confiance du Tribunal de premiéreinstance et à
charge de qui sera mise la conservation de tous les biens saisis au
débiteurjusqu'à ce que les syndics soient nommés;

50 La publication de la faillite par annonces dans la localitédu
domicile du failli et dans les autres lieux où il aurait des établisse-
ments commerciaux, et son insertion dans le journal de la place ou
de la province, s'il en est;
6'3La confiscation de la correspondance du failli aux fins et selon
les modalités prévues à L'article1058;
70 La convocation des créanciersdu failliàla première assemblée
générale.D

Est-il vraiment possible d'admettre, pour se borner à deux seuls
exemples, que les dispositions en matière de contrainte par corps et de
saisie judiciaire auraient été dictées par la loi espagnole en prévision
d'une exécution à l'étranger? Dans l'affirmative, faudrait-il en déduire
que la loi espagnole aurait édicté desdispositions assurément inexécu-
tables? 11faut donc admettre, au contraire, que la loi espagnole s'est
complémentaireseràala declaration de la faillite.de certaines mesures
Cesystème d'ailleurs n'a pas ét6écarté parla suite par les dispositions
les plus généralesrégissantle statut des sociétésétrangéres en Espagne.
D'après l'article15 du Code de commerce de 1885 - c'est-à-dire le
nouveau Code de commerce - les sociétésétrangères peuvent exercer
leur activité en Espagne,tout en restant soumises A leur loi nationale
en ce qui concerne leur capacité de contracter. Par contre, elles sont PLAIDOIRIE DE 31. XALINTOPPI
289
soumises à la législation espagnole en ce qui concerne leurs opérations
commerciales, ainsi que leur soumission à la compétence destribunaux
espagnols. Cela reviëut au mêmeprincipe: l'application nécessaireaux
sociétésétrangèresdes lois ayant un domaine d'application temtoriale,
telles que celles régissant le système de publicité de la procédure de
faillite. Aucune modification de ce système ne s'est produite à la suite
de l'extention au Canada, par l'échangede noies des 12 et rg juillet
1928, du traité de commerce et de navigation du 31 octobre 1922,
passé entre l'Espagne et le Royaume-Uni. Ilaiis ces conditions, c'est
seulement sur la base de l'application nécessaire des lois espagnoles
au'une société commercialeétranaere s'enaaee à exercer son activité
en Espÿgne. sans autre exception 4c celle p&;ui: en matière de capacit6
de contracter Et I':irticlIO* ilu Code de commerce <le1829 e5t lui
aussi applicable en tant que regle ayant un domaine d'application
territoriale. Lesens etla portéede la disposition concernant la publication
de la décisiondéclarative de la faillite ne visent, dans la logique de ce
syst&me, que la détermination du lieu où la publication doit se faire
en Espagne,mêmepar rapport aux sociétésétrangeres demeurant sou-
mises en tout cas aux lois esp-g-oles par le jeu de l'article 15 du Code
de commerce de 1885.
II s'ensuit que la publication de la décisiondéclarative de la faillite
a étéréaliséepar lejuge de Reusen pleine conformitéavec lesdispositions
que l'on vient de rappeler. A défaut de siège social de la Barcelona
Traction en Espagne, ladite publicité a étémise en Œuvre au centre des
activités de la sociétédans ce pays, c'est-à-dire non seulement dans la
province de Tarragone, mais aussi dans celle de Barcelone.
Cette décisionest à son tour conforme aux articles 65 et 66 de la loi
de procédurecivile. Contrairement àce qui est affirméau paragraphe 245
des observations du Gouvernement belge, l'hypoth6se d'une société
n'ayant pas de domicile connu en Eseagne n'est pas ignoréepar la loi.
L'article 66 de ladite loi détermine le domicile des sociétéssur la base
du lieu désignépar l'acte constitutif ou par les statuts; mais, encore une
fois, cette disposition ne peut êtreappliquéeaux sociétésayant leur siège
à l'étranger parce que les dispositions sur la faillite, en tant que droit
spécial ayant un domaine d'application territoriale, écartent les dis-
positions généraleset empêchentde réaliserla publication à l'étranger
de la décisiondéclarative de lafaillite.
Par conséquent, lorsqu'une sociétéa son sii!ge social à l'étranger,
il est exclu qu'elle ait un domicile statutaire en Espagne. Les éléments
nécessaires pour l'application du premier alinéa de l'article 66 de la
loi de procédure civile ne sont donc pas réunis. Il s'ensuit que c'est le
deuxièmealinéa du mêmearticle qui doit être censé applicable. La
détermination du domicile des sociétés est renvoyéepar cet alinéa aux
mêmescritères employés pour déterminer le cloniiciledes commerçants.
Ce dernier, d'apr6s l'article 65 de la loi en question, est l'endroit où se
trouve le centre des activités commerciales. Et c'est justement sur cette
base que la publication de la décisiondéclarative de la faillite de la
Barcelona Traction a étéréaliséepar le juge de lieus.
En procédant de la sorte, le juge espagnol s'est pleinement conformé
donc, il faut le répéter,aux dispositions de sa propre loi. Au point de
vue du droit international, cette conformité de la décision du juge
espagnol avec les dispositions de la loi interne est la seule circonstance
à retenir. car l'on ne peut aucunement reprocher à un Etat quelconque290 BARCELOSA TRACTIOS
le fait que ses organes internes se soient bornés, dans le cadre de leur
compétence, à appliquer d'une façon correcte leur propre loi.
En effet, le contenu de la législationespagiiole en la matière au mint
de vue du droit international n'est pas en jet1 et il ne saurait 1être.
En pareil cas le droit international se borne à prendre acte de la régu-
laritédes décisionsinternes conformes àla loi. Le cas échéant,c'est eiicore
aux autorités juridiciaires iriternes hiérarchiquement supérieures qu'il
appartient de se prononcer éventuellement, à la demande des intéressés,
sur la régularitédes décisionsrendues Dar les inridictions infér~--~.s.
Et une cznfirmation ultérieure entrainede son côté la garantie la plus
c3mplètequant à l'application régulièredu droit interne, dont le contenu
n'est pas in discussion sur le plan international.
Alonsieur le Président, Hessieurs de la Cour. ayant ainsi établi la
régularitéde la publication de l'acte déclaratif de la faiiiite de la Barce-
Iona Traction, il nous resteà montrer que le troisièmeargiiment invoqué
par le Gouvernement belge, c'est-à-dire le défautde compétence du juge
espagnol pour prononcer la faillite d'une sociétéétran~èreayant son
siège socialà Toronto, est lui aussi dénuéde tout fondement. Il s'agit à
cet égardd'un argument visant à écarter la compétencede toute juri-
diction espagnole. Il s'agit donc d'une question qui touche à ce que nous
appellerons ici la compétence juridictionnelle espagnole.
Qu'il me soit permis de préciser, d'abord, qu'au point de vue de
l'a. .icntion de la rècle dont il s'arit, la Cour en tout cas n'est vas
~plwlL'ci ie pioriuiii~r iiir1.i~omp&~iiccjuridiitioiincll~: cîP:ignolc'en
m:itic'reCIf.:iillite. II serait trck ;lis2dc \.oiij iiiontrcCOIII~ICIC~CL
]iiridictio~i~ill des juges e~pq?,~ioest bieii ttal~lie e1.1m:itir're. .\lais
cc prul>lénieii'ejt nhsiiliiinc1x3 eii <luestioi011 iloit doriz se horiicr i
;!t;iblir. ~)reiiiiCrcment.si oui oii rion la quejtioti de iiiridiction poii\.ait
faire I'obiet de recours internes. et en deusième lieu siren fait. ces;ecours
internes ont étéépuiséspar lasociétéau profit de laquelle le Gouverne-
ment belge prétend aujourd'hui exercer la protection diplomatiqiie.
Le moyen typique pour soulever la queition visant à écarter-la com-
pétence de toute juridiction espagnole en l'espèceest nécessairement le
déclinatoire, prévu par l'article 72 de la loi de procédure civile.
Le déclinatoire. en droit esuaenol comme d'ailleurs dans d'autres uavs.
est un moyennormal de procédure par lequel les parties demandkj
au iu~e lui-mêmede reconnaître son incompétence et de se dessaisir de
1'affaiÏe.
Or, Messieurs, d'après le droit interne espagnol, tout déclinatoire
soulevant une question de compétence juridictionnelle ne peut intervenir
qu'avant que la décisiondu juge soit passéeen force de chose jugée.
Ce principe, qui a une importance capitale pour apprécierl'inanité des
efforts déployéspour attaquer de ce chef la décisionde Reus, découledes
articles 76 et 408 de la loi de procédurecivile. Ce mêmeprincipe a aussi
étéretenu comme l'un des fondements de I'arrèt de la Cour d'appel de
Barcelone du 15mai 1963, qui a tranchéla question touchant la compé-
tence dii juge de Reus (voir nouvean document, mars 1964. ze partie,
notamment 30 et 7e considérants). A défaut d'opposition à la décision
déclarative de la faillite, le déclinatoire devait aussi êtreprésentéavant
l'échéancedu mêmedélaide huit jours prévu pour former opposition.
En l'espèce, la décisiondéclarative de la faillite a acquis la force de
chose jugéepar défaut d'opposition, sans qu'aucune question de juridic-
tion ait étsoulevéepar la Barcelona Traction.Cetteconstatation suffirait PLAIDOIRIE DE JI. MALISTC)PI>I 291

à elle seule Dour établir le défaut d'utilisation des moven, rév ~~-ro- -
contester laLjuridiction du juge de la faillite.
Maisle Gouverncinent belee cherchevainement às'en tirer en allépuant
le fait que, par la suite, la garceIona Traction décl:irii,le II avrilÏgj3,
adhérer formellement à un déclinatoire préseritépar le sieur Boter,
obligataire de lasociété.Le Gouvernement belge oublie tout simplement,
à cet égard,que Ic déclinatoireBoter étaitlui aussi tardif. Le Gouverne-
ment belge lc reconnaît lui-même implicitement au paragraphe 269 de
ses observations, la où il est affirméque: ci... dès fin mars 1948, les
juridictions espagnoles se sont trouvéesen présenced'une dénégationde
leur compétence ».
Fin mars 1946! Alais. fin mars 1~46, il v avait bien longtemus aue la
déclaration dé'faillite avait acqu&'forcé de chose jugée. E; fait, le
déclinatoire Boter ne fut forméque le 30 mars 1048, c'est-à-dire afirès
l'expiration de tout délaipossible pour former opposition. Le déclinafoire
était donc frappépar la forclusiondécoulant des articles 76 et 408 de la
loi de procédurecivile.
Le Gouven~ement belge, il est vrai, soutieiit la régularitédu déclina-
toire Boter, puisqu'il estime, bien qu'à tort, que la décisiondéclaratia~
de la faillite n'a SIS acquis la force de chose jiigéeen raison de la pré-
tendue irrégularite de la publication de I;rdécisionde Reus. Il s'agit là
d'une véritable pétition de principe, car la th6se belge présuppose
l'irrégularitéde la publication de la décisiondéclarative de la faillite.
La parfaite régularitéde ladite publicatioii ayant par contre étéétablie

par le Gouvernement espagnol et confirmée à maintes reprises par les
juges espagnols, il s'ensuit qu'aucun déclinatoire n'a jamaisétéforméen
temps utile.
Il serait erroné d'affirmer que le déclinatoire Iioter n'était pas tardif
parce que cette circonstance n'a pas étéinvoquéed'une façon expresse
par les juges espagnols dans les décisionsrenducs à ce sujet. Le Gouver-
nement belge a cherché a accréditercette thèse au paragraphe 263 de
ses observations (... mais notre réuonse à cet é..rdest très simole. Eu
Cg:)rbl:III3~,stdn~dGt~ldi [):crl:~loi :spag~ioIv CII I:Iin;.ti;.rt:, c'vsi-:~-,lirt:
y11 l.II~:C:C.SScltsoulcwr I,Iq~i:;ti~~ndir ~I~.f:t(le itiri~li~:t:t<..ii,ILI,:
I';ite .itr.i~ii.rit:ii<iiiIn loiic <leilios*.ii~rr;~li.5trihuiiaiis ~:i>.iriiols
n'avaient pas besoin de retenir formelléinint lc caractère ta;di.f du
déclinatoire. Pour qu'un déclinatoire soit tardif, il suffit tout simplement
d'établirque l'acte attaqué a acquis la force de chosejugée.Cela explique
pourquoi la Cour d'appel de Barcelone, dans son arrêtdu 15 mai 1963
surla question de la juridiction, arrét qui a étésoumis à la Cour dans !e
document additionnel espagnol de mars 1964 ,euxièmepartie, a eu soin
de préciser,au début de son troisième considérant, que l'acte déclaratif
de la faillite avait acquis force de chose jiigée. Par cette affirmation
la Cour d'anoel de Barcelone a dit tout ce ou'il était nécessairede dire
pour établi; kani sa substance le caractère tardif du déclinatoire Boter.
une déclaration formelle icet ésard étant tout ?Lfait inutile la lumière
du système établi par la loi. dis il y a plus.
En tout cas, même à supposer, par une hypothèse que leGouvernement
espagnol n'admet pas, que le déclinatoire Bciter ait étéforméen temps
utile, la Barcelona Traction ne pouvait auciinement se prévaloir dudit
déclinatoire, même eny adhérant formellement. En effet, d'après l'ar-
ticle75 de la loi de procédure civile,toute partie qui a acceptéla juridic-
tion de fa~on expresse ou mêmetacite n'a pas idetitre pour justifier un292 BARCELONA TRACTIOX
déclinatoire.Et de son côté,l'article 58de la mémeloi établit l'accepta-
tion tacite de la iuridiction lorsque la partie intéresséeaccomplit un acte
quelconque de procédure. autre que Celui visant à soulever ia question
du défaut de juridiction par les moyens typiques prévus à cet effet.
c'est-à-dire, en l'espèce,par le moyen du déclinatoire. Or ledéclinatoire,
en droit espagnol, peut êtreformé,conformément à l'article 79de la
méme loi,soit en forme d'excepcidn dilataria,soit par voie d'incident. En
matiere de faillite,l'exception dilatoire ne peut êtreutiliséepour attaquer
l'acte déclaratif une fois ~rononcé. car ce moven vise iustement à
empêcher le prononcéde l'acte.
»ans ces conditions, le seul moyen utile aurait étécelui de l'incident.
Mais en fait comme en droit. la dénéeationde iuridiction mentionnée
d&is l'acte de comparution déla ~arceïona ~raction du 18juin 1948 n'a
pas étéproposéepar voie d'incident. Donc la question de juridiction
n'a pas étésoulevéeen la forme prévue,avanttoutautre acte de procédu-
re de la part de la mêmesociété.Par conséquent,la soumission tacite de
la Barcelona Traction à la juridiction espagnole s'est pleinement vérifiée
en conformitéavec l'article 58de la loi de procédure civileau moment de
sa compamtion du 18juin 1948.
IIs'ensuit qu'à l'époque de son adhésion au déclinatoire Boter. à
savoir le II avril 1953l.a Barcelona Traction était soumise en tout cas
à la juridiction espagnole; et cela en raison du défaut de contestation de
la iuridiction en temus utile et Dar le moven réeulier. Etant soumise à
la 'juridiction esp~~~ole,la ~a;celona ~;actio< ne pouvait utilement
adhérer au déclinatoire Boter. même à le su--oser fondéet présenté en
temps utile.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, c'est justement sur la
base de ce raisonnement quela Cour d'appel de Barcelone, toujours dans
son arret du 15mai 1963, dont la traduction française que je vais lire,
laisse quelque peu à désirer - et je m'en excuse - a déclarédans son
troisièmeconsidérant:

SC...quela fa~llic. H:irct.lona 'l'r~ction. comparut dans lej nctri
par un écriioù, tout en protestant 'contre le défaut décompétenceantc-huit
des tribunaux espagnols, elle ne soulevacependant pas une question
d'incompétence quelconque et que tant dans cet écrit initial que
dans nombre d'écrits postérieurs, elle formula plusieurs demandes,
tout, en exprimant la réserve qu'ellene se soumettait pas,i la juri-
diction espagnole, mais sans proposer enforme de déclinatoireet que,
malgré lefait de comparaître dans le procès le 18juin 1948, alors
que la question d'incompétence soulevée par Boter (qui ne fut
rejetée que le 12 février 1949, date de l'arr&tdont appel) était en
cours, elles'abstint d'intervenir danscette question où l'on discutait
un point soutenu par elle-même:défautde compétencedes tribunaux
espagnols ...et que, en conséquence,ilexiste une soumission tacite ...
comptetenu de ce fait que dans les faillites le principe de la soumis-
sion tacite aux effets déterminéspar l'article 56a touiours régi,
crith encore plus dL'finipxr la juhspnidence qui pose que. même
dans le cas où l'on soulé\,eraitune i~iiestiond'incornpt:tence. ceIl!-ci
ne peut pas .roi.>C.reri lesDanies ont fait pir ailleurs iine ~llégation
quëlconque. car ceci comporte une reconhaissance de la condition PLAIDOIRIEDE hl.MALINTOPPI 293
elle-mêmeque l'on conteste ».(Arrêtsdes 21 juin 1952et 7 décembre
1955n ,ouveau document, mars 1964,2-artie, p. 32-33.)

La thèse développéepar la Cour d'appel de 13arcelonen'appelle pas
de commentaires additionnels. Qu'il me soit permis, toutefois, d'attirer
l'attention de la Cour sur la nature de cette soumission taciteà la juri-
diction espagnole. Contrairement à ce qui est affirméau paragraphe 264
des obsen7ations belges, la dénégationexpresse de la juridiction n'est pas
suffisante pour empêcherla soumission tacite de la partie intéresséeà la
juridiction espagnole, si cette dénégationn'est pas formuléeen la forme
utile qui, comme je viens de le faire remarquer, aurait étéen l'espèce
la voie de l'incident. Tout au contraire, si la question du défaut de
juridiction n'a pas étésoulevéeen bonne et due forme, un acte quelconque
de procédure, même s'iclontient une expression de dénégationquant à la
juridiction,entraine nécessairement la soumission tacite à la juridiction
espagnole. La loi est simple et cohérentà cet égard,puisqu'elle demande
logiquement que la question de juridiction soitoiùevée dèslepremier acte
de$racédurem , aisentemps utile et par un acte de procédure formellement
approprié.
C'est dans ces conditions, Messieurs, que la Barcelona Traction est
demeuréesoumise à la jutidiction espagnole, et c'est dans cesconditions
que ses efforts pour l'attaquer ont échoué.
La régularitéde toute la procéduretouchant à I'acte déclaratif de la
faillite a étéainsi etablie d'une manière définitive;le caractère tardif de
l'opposition a été démontré en fait comme en droit; et l'absence de
contestation de la compétencejuridictioniielle par un moyen approprié
a étésoulignée.Il n'appartient pas au Gouvernement espagnol de cher-
cher les raisons de la négligencedont a fait preuve la Barcelona Traction
au stade initial mais en mêmetemps absolument décisifde son activité
judiciaire en Espagne. Dans la procédure écrite, aussi bienqu'au début
de ma plaidoirie et dans certaines parties d'autrcsplaidoiries prononcées
devant la Cour au nom de l'Espagne, la prédilection de la Barcelona
Traction pour lesinterventions diplomatiques,qu'elle préfèreaux moyens
là d'une explication psychologique de l'attitude de la sociéen question,t
qui ne saurait étreappréciéedu point de vue de l'application de la règle
de l'épuisement préalabledes recours internes. Le fait d'avoir recoum
aux interventions diplomatiques plutôt qu'à des recours internes ne
permet de déduire que des éléments d'ordrenégatif à la charge de la
Barcelona Traction, tels que, par exemple, le fait que la société eue-
mêmeavait très probablement conscience de la faiblesse de sa situation
juridique.
La Barcelona Traction ne pourrait pas non plus affirmer aujourd'hui
le fait que, par une malchance extréme, elle n'a pas eu matériellement
connaissance de la publication du jugement de Reus. Les élémentsqui
empbhent d'admettre, mêmepar hvpothkse, cette ignorance matérielle
ont déjà étédégagésdans la procédure écrite et ils sont confirmésau
troisième considérant de l'arrêt dela Cour d'appel, de Barcelone du
15mai 1963(nouveaudocument, mars 1964,zepartie). Ils se rattachent,
àtitre d'exemple, d'abord au fait que le lendemain du prononcé de
I'acte de Reus un juge chargé d'unecommission rogatoire prise en vertu
de I'acte déclaratif de la faillite porta cet acte la connaissance des
administrateurs de la Compaiiia Barcelonesa de Electricidad, dont deux BARCELOKA TXACTIO'I
294
étaient en même temns membres du conseil d'administration de la
Rarcelona Traction (exceptions préliminaires1963~1 p.,248) .ls se ratta-
chent aussià l'immédiate notoriétépublique de la déclaration de faillite
dans le monde entier (exceptions préliminaires, 19631 ,,p. 249) 115se
rattachent au surplus au fait que la première note diplomatique du
Gouvernement du Royaurne-Uni date du 23 février1948 ,'est-à-dire la
veille de l'expiration du délaiqui aurait étéen tout cas utile pour faire
opposition àladécisiondéclarative de la faillite (exceptionspréliminaires,
1gb3.1 p,251)I .lse rattachent enfin au fait queglmars 1948 ,onc en
tout cas avant l'expiration du délai éventuellement prorogé à caiise du
déclinatoire Garcia del Cid, la Barcelona Traction avainommé comme

fondéde pouvoir M. Carlos Muiitaner Felip pour ester en justice en son
nom (exceptions préliminaires, 1963 , . p2j0).
Ainsi, le Gouvernement espagnol est aujourd'hui en état de montrer
que les moyens de publicité adoptés par rapport à l'acte déclaratif de la
faillite avaient en tout cas atteint leur effet utile avant l'expiration du
délai prévu par la loi pour former opposition. Contrairement à ce que
semble penser le Gouvernement belge, cette constatation n'est certaine-
ment pas invoquée par le Gouvernement espagnol dans l'intention d'y
rechercher un remède à une prétendue irrégulal-itéde la publication de
l'acte déclaratif de la faillite. ou bien dans l'intention suécieusede faire

matique, celle du Gouvernement ùritanniqué datée du 23 février,indfque
à lui seul une connaissance indiscutable de l'état de choses. Sciemment,
la Rarcelona Traction a écartéla voie des recours internes. aui étaità
cette époquetout à fait ouverte. L'Etat qui prétend aujourd6ui assurer

sa protection diplomatique doit subir en tous points la conséquence de
l'irrecevabilité dbfinitive de sa demande.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le Gouvernement espagnol
.u.e nécessaire d'élucider maintenant les points les plus essentiels
touchant une question dont l'importance ni saurait êtFecontestée vu
l'objet dudiférend qui l'oppose au Gouvernement belge. II s'agit de
l'exception du non-épuisement des recours internes tirée de la non-
utilisation, par la société BarcelonaTraction, du recours en revision prévu
par les article1796 et suivants de la loi de procédure civile.
Au cours de la procédure écrite, le Gouvernement espagnol a montré
l'existence, dans son système juridique national, de ce recours, qui cst
d'ailleurs connu par la plupart des législations. Le Gouvernement
espagnol a lui-même précisé à la page 254 des exceptions préliminaires
de 1963 (1) qu'il s'agit d'un moyen exlraordinaire destinéàfaire valoir des
accusations de corruption, violence ou toute autremachination fraudu-
leuse par rapport à une décision judiciaire ayant acquis force de chose
jugée. Je me suis permis de vous montrer aussi dès le début de ma
plaidoirie que la règle de l'épuisement des recours internes, telle qu'elle
est aujourd'hui conçue en droit internationaexige l'utilisation préalable
mêmede certains moyens extraordinaires lorsqu'ils visent d'une façon
spécifique certains actes dont on prétend déduire un fait illicite inter-

national. Et dans la partie des observations consacrée à ce moyen PLAI1)OIRIE DE hl. JIALIXTOPPI 29j

(1,p:r. 273 et suiv.), le Gouvernement belge, de son côté, iie souffle mot
de I inclusion de ce remède parmi ceux dont on peut, eii égard aux
circonstances d'esphce, exiger l'épuisenient. 1-e Gouverneinent belge se
borne, en effet, à la contestation de la possibilité d'iitiliser ce moyen en
l'espece, eu égard h la loi espagnole.
La Cour voudra bien apprécier que les choses i:n sont autrement, mais
le Gouvernement espagnol se permet d'attirer son attention, à titre
préalable, sur le lien existant entre la question do l'iitilisation du recours
en revision et I'obiet du différend dont elle est saisie. Car ce lien montre

de la procédure éciite.
Le Gouvernement espagnol a soutenu, au cours de la procédure
&criteque - je cite:

uau fond, d'après les prétentions du Gouvernement belge, toute la
procédure concernant la mise en faillite de la Barcelona Traction
aurait été la consequence d'une sériede manŒuvres frauduleuses
accomplies avec la connivence dolosive des autorités judiciaires
espagnolesii. (Exceptions préliminaires de 1963, 1, p. 254.)

De cette constatation le Gouvernement esoaeno. ~, déduit. tout en
t uiitt...t;iiit pour s;i pIc I;i(:n-Ionil;;ri?-.:illr:gatiuiisd espicc,rliic<i.3
prr'ti.iidues in3iitLiivrcs Iraudulcujes :iiir:ii~.iitdi1Ctic :ittaqu;'cs <l':ihor(l
iur le olan du droit interne o.r le moven dii recours en reviston,
1.r koiivernement I)cljic,<leion cbt;.. :i<l':ilior(lcssayr: [le contr3tc:r la
base dc fait <ILci: rnisonn~.mcnt. 1\11p.lrafinl>lie '71 de iej ol>,t:rvationj,
Ic Guuveriieinrrii belre :iffirme oii'il ne 1>i6teii<lons if:iire In i>rciive
devant la Cour d'actes de suborn'ation, violent< oi: autre machination

frauduleuse in,qu'il a
(idénoncé l'injustice manifeste, l'irrégulariti: grossière, voire même
la partialité du jugement de faillite i,,

et que cces vices peuvent fort bien être dus A une cause autre que la
subornation, la violence ou quelque autre rnachinntion fraiiduleuse».

Le Gouvernement espagnol comprend fort bien la préoccupation de
fond qui est rl la hase de l'attitude du Gouvcriiement belge, contraint
aujourd'hui à un choix dont on ne peut sous-estimer la portée réelle.
Si ses allégations, quant à la collusion des autorités judiciaires espagnoles
avec certains particuliers. étaient de nature à entraîner la possibilité
technique d'un recoiirs en revision, ce moyen aurait pu et dû êtreépuisé:
en raison de sa non-utilisation, la recevabilité <lela demande belge se
heurterait auiourd'hui à un obstacle infranchissable. Cependant, le
Gouvernemeni belge peut écarter cet ohstaclo, mais à ia condition
d'avouer d'une facon très nette que les allégations qu'il prétend prouver
devant la Cour ne constitiient 'oas. en Cuciin CG. des machinations
frnudolci~i~srcllcs qiic ccllci <ii.c.ti>tihlri ~l'oiii.rir,scluii Ir <Iroiri.ip:ijinol.
le rt.i.i>iir..i:n revisi0ii ii';çli.ippi. d'.iiiciiric f:i(.oni ccrrc .~lreriiari\~c

Pour mieux oréciser la ~ortée de cette oue!;tion. le Gouvernement
i:ipa:nol sc Ir:r;~iL.t<l'attire; I'.itt~:ririiiiii rilie d'cxciiiplc iiir cçrt.,iiis
(airi qiii, cI':il~rn jiirispr~i~l~~iiilcvst:?triI,~~i~.~i~,~~~~irr;~iocivtrir lc
r,.roiirî ri1 reviiion siir Ihnîc dr I'nlin<;i [le 1':irticlc 17cifdc la loi dr
procédure civile, qui est ainsi libellé:296 BARCELOXA TRACTION
iII y aura lieu à revision d'un jugement définitif:
........................

4. Lorsque le jugement définitif aura été obtenu indûment par
subornation, violence ou toute autre manŒuvre frauduleuse. II
L'exemple que je suis en train de soumettre à la Cour n'a pas été
choisi au hasard. Comme la Cour voudra bien apprécier, il s'agit d'un
exemple qui coïncide de façon singulièreavec un des griefs - peut-être
le plus important -élevés par le Gouvernement belge à l'encontre de la
régularitéde la décisiondéclarative de la faillite.
L'exemple est celui des manŒuvres frauduleuses du demandeur visant
à dissimuler ledomicileréeldu défendeurafin d'empéchersa comparution
dans le procès en temps utile. Je me borne à vous citer six cas, choisis
parmi les plus récentsd'une jurisprudence aussi copieuse qu'unifornie.
1.L'arrêtdu tribunal suprêmedu 30 mars 1954 a retenu le recours en
revision puisque -je cite:

c ..la preuve a été faite que l'on a voulu dissimuler, dans une
intention dolosive, le domicile du défendeur qui a introduit ce
recours [en revision] pour l'empêcherde sedéfendreet pour s'assurer
ainsi une victoire plus facile au cours du procès..n. (Jsrisprridencia
civil, tome XLVI, 1954, p. 555 et suiv.)
2.Toujours dans le même sens,l'arrêtdu tribunal suprêmedu 23 juin
1959 affirme que:
(i..il est indubitable que les demandeurs ont commis sur le plan de
laprocédureun do1tendant, ainsiqu'ils y sont parvenus, à empêcher
le défendeur de se défendre et à obtenir indûment un jugement
définitifau moyen de manŒuvres frauduleuses ...u.(ColeccidnJuris-
prudenciaAranzadi, 1959, no 2928.)

3. L'arrêtrendu par le tribunal suprêmele 19 décembre 1961 est très
intéressant parce que le demandeur avait faussement alléguéque le
défendeur était absent d'Espagne, en provoquant la notification de la
demande par affichage. Le recours en revision fut admis parce que
« ... le droià la défenseest consacrépar tontes les législationsen
matière de procédure, quelles que soient les raisons qui peuvent
guider les parties quant à l'objet du litige, et toute manŒuvre
tendant à mettre obstacle àce que le défendeurait connaissance de
l'introduction de l'instance ou à l'en empêcher,releve de la notion
de manŒuvre frauduleuse en matière de procédure... u. (Coleccidn
Jurisprudencia Aranzadi, 1961, no 4160.)

4. De mêmel'arrêtdu tribunal suprêmedu 19 octobre 1962. statuant
sur labase d'une citation par affichage,alors que ledomicile du défendeur
n'était pas inconnu, admet le recours en précisant à la foi! que u... la
citation par voie d'avis ne se fera que si'on ignore le domictle..D et que
n... il est anormal et &range que, le domicile du défendeurétant connu
comme il l'&tait,le requérant ait demandé que la citation etla fixeon
des délais se fassent par voie d'avis..ilpour en déduireque la situation
frauduleuseso.(ColeccidnJurisprudencia Aranzadi, 1962, no 3878.)nŒuvre

5. Plus frappant encore estl'arrêtdu tribunal suprêmedu ?3 novembre
1962, qui reproche précisément lefait que la demande onginairement PLAIDOIRIE DE AI. MALINTOPPI 297
introduitedans le procésobjet du recours en revision, avait étéprésentée
devant un tribunal K ...dans le ressort duquel nul n'avait son domicile,
ni son voisinage, ni sa résidencetemporaire pendant plus de quelques
lieures»;

ce qui entraîne
*...une fraude sur le plan de la procédureayant eu pour résultat
le jugement obtenu par des manŒuvres frauduleuses de la part
des soi-disant plaideurs, et dont le but était de porter préjudice
aux demandeurs au recours [en revision], fraudeen raison de laquelle
l'affairetombe entièrement sousle coup de l'alinéa4del'article 1796
et peut donner lieu à un recours en revision n. (ColeccibnJuris-
przrdenciaAranzadi, 1962, no 4295.)

Enfin, l'arrêt'du tribunal suprêmedu 5 février 1963 confirme cette
jurisprudence en considérant
Oaue le ré sentrecours étant fondésur le fait -aue le demandeur
à i'instAce dont la revision est demandéeait disSimuléle domicile
du défendeur.dont il est notoire qu'il le connaissait, dans le dessein
détournéet déloyalde I'empêcherde comparaîtreau cours du procès

et ce pour obtenir un jugement favorable, facile à obtenir en raison
du défaut d'opposition; l'unique problème qui se pose à présentse
limite à déterminer s'il est wai que le demandeur connaissait le
domicile du défendeurqui a introduit le présent recours [en,revision]
ainsi aue l'affirme ce dernier. ca.. s'il en est réellement ainsi, doit
ii6cess;irement Ctre conCucommc uii c~sde manwu\rre frauduleuje
le cornportcinerit de toute personne qui nc mentionne 1)a.(1311s>a
deniûnde Icdomicile de celui contre qiiielleest fiiite. afin que celiii-ci
lie puisse 2tre isjipé conform;>ment :,US <lijpojitionj <IrI:I loii.
(ColeccidiiJtrrisprtrile~roa Arai~z<id, 9h3,no 960.)
Qu'il me soit permis de confronter toute cette jurisprudence claire
et constante, avec le grief formulépar le Gouvernement belge. Je me
bornerai à quelques passages tirés des écrits di1 Gouvernement belge,
qui suffirontde toute évidence.Au paragraphe 18de la nouvelle requête
belge de 1962, on lit:

i11semble d'autre part que les demandeurs aient eu le souci
d'éviter que la société miseen faillite fût officiellement informée
par une notification dela mesure prise contre elle.Aussidemandèrent-
ils que la publication de la faillite eût lieu au seul bulletin officiel
de la province de Tarragone (dont Reus est le chef-lieu) et le juge
n'eut aucun scrupule A l'admettre sous le prktexte que cette société
de réputation internationale était nsans domicile connu IL.. o,
Au paragraphe 339 du mémoire belgede 1962,on lit: a Quant aux maté-
riaux juridiques utilisés par le juge de Reus pour franchir la première
étape,ils étaient manifestement fabriqués pour les besoins de la cause. n
Enfin, dans la même pièce, onlit au paragraphe 97 que:

icQuant à la publication de la déclaration de faillite, il fut, comme
demandé,ordonné qu'elle fût faite dans le seul journal offic,ielde
Tarragone. Mais le juge de Reus reconnut sans doute l'impossibilité
juridique d'écarter la publication du jugenient au domicile de la
sociétefaillie, soit en l'espèceToronto, parla considérationavancée296 BARCELOSA TRACTIOS
p:ir lei reqiiérsiitsque lc failli n';i\xdi:ciigç oiid'c'tablisscincnt
coiiini~rci:çri Espngiic ... car il substitua coriiinc niotif (Ics;i
rléii~i I'etraordiiiaire a~firriiation ouc Ic iiicï de la sociétç
étaitiucouuu ..a -

Est-il vraiment nécessaire d'ajouter que ces griefs auraient très
exactement constitué un cas de revision? Est-ce que le Gouvernement
belge osera aujourd'hui nier l'Bvidence,c'est-à-dire nier que ses griefs,
à les supposer fondés.auraient pu, satis l'ombre d'un doute, faire l'objet
d'un recours en revision?
Encore une fois, ce n'est qu'à titre d'exemple que je me suis limité
au seul grief tiré de prétendues fausses allégations quant au domicile
que sur le non-épuisement des recours internes, il suffit de vousréseiiter
le cas le plus simple que l'on puisse imaginer, pour montrer de quelle
façon la décisiondéclarative de la faillite aurait pu et dû être attaquée.
Mais je le répète,d'autres motifs encore de revision pourraient être
déduits de l'ensemble des écritures du Gouvemement belge et de ce
chef, nous opposons le non-épuisementdes recours internes.

[Audience fizrbliqiieduz avril 1964, après-midi]

ce matin la fonction du recours ensrevision en droit espagnol.miné
Xous avons aussi vu, à titre d'exemple, comment ce moyen aiir:iit
pu êtreutilisé pour attaquer de prétendues irrégularitésdans la publi-
cation de la décisiondéclarativede la faillite.
On a aussi établi l'importance que le tribunal suprêmeattache nus
griefs relatifs à des irrégularités entachant la publicité des décisions
judiciaires. Enfin, nous avons souligné, qu'en fait, aucun recours de
cette nature n'a jamais étéformépar la Barcelona Traction.
Le Gouvemement belge a toutefois essayé d'écarter la nécessitéde
l'épuisement préalable du recours en revision par l'exp6dient d'une
interprétation, qui semble A première vue s'appuyer sur la lettre du
premier alinéade l'article 1796de la loi de procédure civile.D'après ce
texte, le recours en revision ne serait admis que s'ilconcerne z<nnse~ttencia
firme, un jugement définitif. D'après le mêmegouvernement, l'acte
déclaratif d'une faillite,to de qzriebra,ne saurait avoir la nature d'une
sentenciaet par conséquentla procédure de revision ne serait pas appli-
cable.
Le Gouvernement-espagno1conteste formellement cette interprétation.
La décisiondéclarative d'une faillite. bien que formellement qualifiée
de auto, peut faire l'objet d'un recourç en revkion eu égardaux crit&res
de base dont s'inspire sa loi nationale.
Pour résoudrecette question, il faut réfléchir àla nature et aux effets
de l'acte déclaratifde la faillite, par rapport surtout la détermiiiation
des effets typiques de la chose jugéeau sens matériel. Des précisions
très brèves pourront éclaircir cette idéequi découlede la théorie di1
droit. Une décisionrendue par un juge est dite passéeen force de chose
quela loi ne prévoieaucun recours, soit que des recours existent et quesoit
les délaissont expirés.On parle parfois à cet égardde forclrisionen tant
qu'application spécifiquede l'institution plus généralede la forclusion. PLAIDOIRIE DE hl. M.SLINTOPP1
299
La chose jugéeau sens matériel, de son côté,pr6suppose la chose jugée
au sens formel, c'est-à-dire la forclusion. Mais une décisionqui a force
de chose jugéeau sens matériel touche directenient aux droits propres
des parties, édictant ainsi la volonté de la loi à cet égard. Il y a là,
tout simplement, la traduction moderne de l'adage d'Ulpien Digesta
1/5/25?esjudicata pro ueritateaccifiitur, qui en droit espagnol est rendu
par la formule la casa juzgada es verdad, consacrée à l'article 1251du

--d- -.-v- -
Revenons maintenant à l'acte déclaratifde la faillite en droit espagnol.
Si. dans une ~remière hvvothèse. la dCcision déclarative de la faillite
est attaquée par le moyen*îjipede l'opposition, c'estla sentence prononcée
à l'issue du recours en opposition qui produit les effets propre de la
chose jugée au sens matériel. Si, par contre, aucune opposition n'est
formée contre la décision déclarative de la faillite, c'est la décision
déclarative de la faillite qui touche elle-même directemeiit et d'une
manière définitiveau fond de la situation juridique du failli, produisant
de la sorte les effets typiques de la chose jugéeau sens matériel. Dans
ce cas-là, la chose jugéen'est pasrattachée à une sentenciapour la raison
très simple que, faute d'opposition, la situation.juridique du failli n'est
pas déterminéepar une sentencia au sens,formi:l de l'expression. Mais
en mêmetemps, il y a sans doute une décision judiciaire par laquelle la
situation juridique du failli est déterminée. Cette décisionest justement
la décisiondéclarative de la faillite à laquelle les effets de la chose jugée
au sens matériel doivent nécessairement ètre rattachés. La conclusio~ ~ ~~
qui en découleconstitue la base nécessairepour apprécierdu point de
vue de la nature réellela décisiondéclarative defaillite à laouelle il n'a
vas étéfait o~vosition.
Sil'on examine maintenant la raison d'être,la ratiologique du système
du recours en revision, il est tres aiséde se rendre comnte au'en utilisant
le moyen extraordinaire du recours en revision, c'est $st&ent la chose
jugéeau sens matériel que l'on cherche à écarter. Cela découled'abord

de la loi elle-même.Le deuxième alinéade l'article 1251du Code civil
de 1599 établit en effet d'une façon expresse que la présomption
de véritéqui se rattache à la chose jugée peut êtrerenversée seule-
ment par une décision prononcée & la suite d'un recours en revision.
Si l'on voulait admettre, ad absz&rdztml,'impossibilité du recours en
revision contre la décision déclarative de la faillite, il faudrait aussi
admettre que la force de chose jugée qui s'attache à une décision
déclarative de faillite, non contestée en temps utile, ne pourrait jamais
être attaquée.
Il y aurait donc, dans cette hypothèse inadmissible, le cas isoléd'un
acte jouissant de la force de chose jugée,mais qui en mêmetemps ne
pourrait jamais êtrerenversé bien qu'il soit affecté des vices extra-
ordinaires de nature à fonder un recours en revision. Mais une telle
conilii:iuii ;cr;iil cn ioiirr;idiciion frnppaiitsi.<:#d lofiqiietoiit enricrt
~'I~II .v.tCii~qui <c.irt<:1'1nim11t:il~ilia>ùjIiictlt13( hn~t-j~ig;:1orsq11'011
8.~1i.n ~x>"~nce rlc !.iiei c,xtr:iur<lin.iires.E1.1ioiitr,i~icrioii eir eiicorr
plu- fr,p[i:irir:i In Iiiiiii;~rcde I:i di>po>itionrspr<.ii:dc I'nrticlc rr;r
,lu ('0~1.ii\.il. Or. Ic rt;r:iiiic-;tal>li ptr I:i loi c;p.,giiule ii'zilinet p;,.; unc
8:nnrr.idictiun ~#;trrillr.Tout :,I8-"11tr;airr1,:rt'ciiiv 81:il~lin,ar la loi est
à la fois simple et cohérent, en établissant d';il côtéuneLprésomption
de véritérattachée à la chose jugéeet en admettant, de l'autre côté,
un seulmoyen susceptible de renverser cette présomption,nécessairement30° BARCELONA TRACTION

applicable vis-à-vis de tous les actes, quelie que soit leur définition
formelle,assortisdes effetsdelachose jugéeau sensmatériel.
La junspmdence des juges espagnols, bien que très limitée en la
matière. et en l'absence d'une décisionavanttrait à la auestion d'esoèce.
a clairement retenu l'idéede base qui vient d'êtredégagée.Il Suffif
d'examiner à ce propos les mêmes décisions qui sont citéespar le Gou-
vernement belge; d& la note 2 du paragraphe 274 des observations
écrites.Ces décisions, loind'avoir le sens et la portée que le Gouverne-
ment belgeprétend yattacher. viennent l'appui de la thèseici présentée
par le Gouvernement espagnol. Deux arrêtsnous donnent des arguments
d'ordre négatif; le troisième des arguments d'ordre positif.
En premier lieu, l'arrêtdu tribunal suprêmedu 25 juin 1932 doit être
écarté(voir Jurisprudencia civil, tome 204, 1932,p. 660). En effet, il se
réfère à l'article 1797 sans y apporter le moindre commentaire. Rien
de plus naturel d'ailleurs, car en l'espècele recours en revision avait
été;lirigkcoiitie une se~rri~icifaormell~ment qu2lifice telle. Le liroblénle
Sin;m;iiitdu rwu\.oir iudicinire n'a doété ni discuténi effleurr'.P:irtniit.
il s'agit d'un'arrêtdépourvude tout intérêptour lasolution de la question
dont il s'agit.
En deuxième lieu, l'arrét du tribunal suprêmedu 17 juin 1940 a
motivé sa décisionsur la base de l'article 1797, premier alinéa,de la loi
de procédure civile. Mais l'acte, objet du recours en revision, dont
vainement on cherchera mention dans les observations belges était un
auto du mêmetribunal suprême déclarant la caducitéd'un pourvoi en
cassation,en raison de la non-observation de certains délais de procédure.
11s'agissait là encore une fois d'un acte auto n'ayant pas, de toute évi-
dence, la forcede chosejugéeau sensmatérielet qui était,par conséquent,
en dehors de i'hypothèse prévue à l'article 1251 du Code civil (voir
ColeccidndeJurisprudencia Aranzadi, 1940, p. 335).
Troisième arrêt.L'idéede la nature de la décision judiciaire mise en
cause par le recours en revision et de ses effets au point de vue de la
chose jugéeau sens matériel, est exposéeavec une parfaite clarté par
l'arrêtdu tribunal suprême du 3juin 1959, dont le Gouvemement belge
a fait 6tat d'une manière incomplète (voir Colaccidnde Juris@rideitcia
Aranzadi, 1959, p. 1513 et suiv.). Le tribunal suprêmeétait en l'espèce
saisi d'un recours en revision élevécontre un acte. auto, de la cour
d'appel de Barcelone. Cet auto avait pour objet l'indication de mesures
provisoires en vue de l'administration d'une succession; c'était donc
un acte qui, par sa nature même, nepouvait avoir force de chose jugée
au sens matériel.
Or, la demande en revision avait étéjustifiéepar le requérant sur la
base du fait que, le pourvoi en cassation étant inconcevable en I'espece,
un souci de justice devait entraîner la possibilitédu recours en revision,
seul moyen pour établir l'existence d'une machination frauduleuse. Les
faits de l'affaire expliquent donc le passage de i'arrêt, seul reproduit
par le Gouvemement belge, à la page 248 en note desesobservations (I),
dans lequel le tribunal suprême atout simplement montré qu'il n'existe
pas d'identite, en droit espagnol, entre les actes pouvant faire l'objet
du pourvoi en cassation et les actes pouvant faire l'objet du recours
en revision. Mais tout au long de sa décision,le tribunal suprêmes'est
efforcéd'élucider lepoint essentiel de la question pour démontrer que
l'élémentdécisifjustifiant l'admissibilité de la revision d'un acte déter- PLAIDOIRIEDE hl.MALINTOPPI 301

miné doit êtrerecherché dans la nature mêmede i'acte dont il s'agit.
Et cette nature a étédégagéejustement par rapport à la force de chose
jugéeau sens matériel.
Le tribunal suprêmeprécise sa positioii dès le début, au deuxieme
considérant - je cite:
uce moyen de recours extraordinaire [c'est-à-due le recours en
rc\~isiun~,~sseiiti di~tiritdcnlacas~ation, ayaiit une structure.
uiie portte et un but tr2j difil:rents, est cuncu et établieii ayaiit eii
vue l'efficacité erga omnes de ce que l'on appelle chose jÜgéeau
sens matériel, qu'il convient d'ecarter, à titre toutà fait exception-
nel, dans le cas où l'inexactitude des faits sur lesquels la décision
s'est fondéeaétédue soit à i'ignorance, soità la faussetédes docu-
ments ou du témoignage,soit à la subornation, à la contrainte ou
à des manŒuvres frauduleuses u.
Le mêmeprincipe est confumépar la négative au quatrième considé-
rant à propos de i'acte examinéen l'espèce - je cite:

ala nature propre du recours en revision exclut les hypotlièses
où il s'agit d'attaquer une mesure, qu'elle soit interlocutoire ou
provisoire, qui n'entraine pas l'établissement de la force jugéesur
le fond...
Ainsi, dans la seule décision judiciaire au cours de laquelle le pro-
blème est analysé dans ses élémentsde fond, la position du tribunal
suprêmeva donc entièrement dans le sens que l'on a dégagépar les
considérations énoncées.Elle montre que pour admettre l'utilisation de
ce moyen il est nécessairede se pencher sur la nature de l'acte que l'on
prétend attaquer par le recours en revision. Au-delà de toute définition
formelle il faut que i'acte incriminé possede la force de chose jugée
au sens matériel. Mais il suffit aussi quei'acte incriminé possède la force
de chose jugéeau sens matériel.
II s'ensuit que l'auto de quiebra, l'acte déclaratif de la faillite, peut
valablement $ire attaqué en droit espagnol par le moyen du recours en
revision. Il s'ensuit ainsi que le Gouvernement espagnol est pleinement
en droit d'invoquer lenon-épuisementde cemoyen internedans la mesure
où le Gouvernement belge prétend voir des machinations frauduleiises
à la base de la décisiondéclarativede la faillite <lela Barcelona Traction
prononcéepar le juge de Reus.

* * *

1.e r:iijuniienient que je \.iciis (IL.<16veIoppcrpar rqiport;IIIreioiirs
ciireviaiun peut \.alnblemeiit Ctre;idoptCcilce rliiconccine d':iiitr~j\.oies
iiitcrnc5. dont ila dCji Ct6 question no coiirj di:I:Il>r<icCiliiccrite et
eii l>lrticulicr h I'aiinexeIlg des esceptions ~>icliiniii;iircdc 1963 dii
Gou\~erncmentespagnol. On :iiiidiquL:,dails I:, ~>rcini<>:irti.l,ladite
aririexe, d'nutrcj ieinurs l)rCi,iispàr la loi espignolr.tluc Iiulir 1~11(lse
simplicitéon s désignis en Iiani:iis par lesternie; recoilrsenrrrpo~rr~iliiliri
rii.ile. rrcoiren nudienr?, 7pcoi<rsen dolea~iteet filui~rrrcri~~ii~r~lld.
Il est un fait aue ces recours n'ont jamais étéformésni Dar la Barce-
loiia Traction ni'par un sulet quclcoAque au coiiri Je5 'i\,:nernents qui
se sont pro(1iiitsen Espagne à propos de la faillite 1)rononrée11:irle luge
de Reus. Dans le rniriie ordre d'idéesqiie celuiesposb i propoj du recours302 BARCELOSA TRACTIOS
eii rïvijiuii. cela ieviciir idire que l'onn'a ps :~tta<~iiÜ. UILLp.L:rcnduc
iiégligçiicsou urie prctcndue igiioriiiiie incscus;rlik des juges. ni Id
uuuliiariuii iaitc v~r alticliare. ni d~.j~~retcndusrctnrds iii~ustiliCjdans
ies procédures judiciaires, toute pÎétendue judiciaire.
Encore une fois, la méae alternative s'impose. Ou bien l'on admet
que des griefs pareils existent en l'espèce,et dans ce cas les voies internes
spécifiqueset adéquates n'ont pas &téépuisées.Ou bien l'on admet que
des griefs pareils ne sauraient aucunement êtreformés en l'espèce, et
dans ce cas, il faut l'avouer, avec toutes les conséquencesque cela com-
porte. Pour notre part, il iious suffit de montrer cette alternative et de
prier la Cour de bien vouloir en prendre acte.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je pense vous avoir
montréque le Gouvernement espagnol est pleinement en droit d'opposer
le non-épuisement le plus incontestable de la part de la Barcelona
Iraction, des moyens adéquats existant dans La Loi espagnole pour
attaquer une décisiondéclaratived'une faillite. On a vu que la prétentioii
contraire du Gouvernement belge est dénuéede tout fondement. L'acte
déclaratif (le la faillite n'a pas fait l'objet d'opposition en temps utile;
la juridiction du juge de la faillite n'a pas étévalablement attaquée;
(iuant aux urétendues irréeularitésde urocédure. aue d'ailleurs rious .-
;'admettons'pas, elles n'ontpas étéattaquéespar les moyens appropriés.
La né~li~encefrappante de la barceIona Traction vous a étémontrée
à tous-lei points de'vue.
Le Gouvernement belgecherche toutefois àdéplacerle centre de gravité
de l'esception, en alléguant ensuiteI'activitédéployéeen Espagne par la
Barcelona Traction après le prononcé de la faillite aussi bien que les
recours intentés par d'autres sujets privés.Le Gouvernement espagnol
de son côtérejette cette tentative de la façon la plus nette. Le Gouverne-
ment espagnol estime en effet que la négligence vis-à-visde la décision
déclarative de la faillite, une fois établie, entraîne des conséquences
absolument irrémédiablesd'aprèsla régleinternationale qui exige I'épui-
sement préalabledes recours internes.
II est certain qu'un nombre très élevéde recours ont étéformés en
Esvacile. Mais l'ensemble de ces recours ne visait ou'à rechercher une
ii,ici~iit:l~uiirlpour r;p:ircr I'onii.;iicii iiiiti:ilc, :'Y.;[-i-(lire en?-ir
p~i~licrIcdi:roiilïnieri(l'iii[>roc;diirctlui dL~uiilcn;.~:~i?~ircnit:~(iIi'II~L.
d~~:lnr:itioiidc f:rillitc nnri roiitc,t;c rur la nxrtic iiit;rcji&. I>ufait bit.11
établidu défiut d'opposition à la d6clarat:on de faillite de la part de la
13arcelona Traction, la plupart de ces recours étaient voués à l'échec;
les autres l'étaienà destitres divers. 11seratrès aiséde vous en soumettre
la preuve en esaminant d'abord I'activité déployéepar la Barcelona
Traction et par la suite celle d'autres sujets privés. Je me bornerai,
bien entendu, à l'examen des points les plus essentiels tout en me réser-
vaiit le droit de réponse à cet égard. Ces points peuvent suffire, à mon
avis. polir démontrer l'inanitédes efforts dont il est auestion.
I.a'l{ariclun;i 'i'r.ictiuiia\.:iiir plt:iiieiiicnt coiij&:s.cons6(lut.iic~s
dc ia iiC~gligeiiicii;iy~tuiir tI':ilgordd'!. reniéil:IImoyen d'une ~crioii
<:IIiiiillit~1.e i iiiillzt1045 cllc soiilevn furiiicll~incnr iin iiiriri,.,r/i
de nnlidad de aciiaciones, à>i;oir un incident tendant à établirla nullité
des actes de la procédure. incident que nous désigneronspour plus de
simplicitépar le terme incident de nullité. Cet incident de nullité visait
l'acte déclaratifde la faillite lui-même,aussi bien quetoute la procédure
ultérieure.La Cour n'étant appelée à sa prononcer que sur la valeur d'un PLAIDOIRIE DE M. ~IALINTOPPI 303

tel incident comme moyen de recours, il me suffira de faire ressortir que
l'incident dont il s'agit a unevaleur trèsprécisedans le systèmejudiciaire
espagnol. Ledit incident vise à attaquer la validité de la procédure au
sens formel. Il ne peut pas être utilisé valablementpour mettre en dis-
cussion le fond de l'affaire. La jurisprudence de la cour suprêmeest for-
melle à ce sujet. On peut citer, dans une jurisprudence très copieuse, à
titre d'exemple, des arrêtsdatés du 21 février 1945, 23 octobre 1950,
21 mars 1958. II s'ensuit que l'incident de nulliténe pouvait saper ni le
fondement objectif de la déclaration de faillite, c'est-à-dire la cessation
des paiements, ni son fondement subjectif, c'est-&-dire la qualité des
sujets intéressés.Mais il y a plus.
L'incident de nullité de la procédure présiippose à son tour l'épuise-
ment des recoursordinaires vis-à-vis des actes que l'on prétendattaquer.
Cette comtatation est basée sur uiie iurisorudence traditionnelle et
constante du tribunal suprême,dont if su& de rappeler, toujours à
titre d'exemple, les décisionsdatéesdes 17 décembre~qoq, II novembre
1911, 12 janvier 1916, 9 janvier 1930. 14février 1942,-23 octobre 1950.
Celarevient à dire, encore une fois, qu'une décisiondéclarativede faillite,
non attaquée en temps utile par le moyen ordinaire de l'opposition, ne
peut pas faire l'objet d'un incident de nullité de procédure, les vices
éventuels ayant dû donner lieu à un recours ordinaire, et doric avant
que la décisiondéclarative de la faillite ait acquis la force de la chose
lugée. En l'espèce,c'est justement sur la base de la jurisprudence du
tribunal suprêmeque l'incident de nullité aétérejetépar le juge spécial
de la faillite dans son arrèt du 8 iuin 1467..dîiment vasséen force de

les observations belges). . -
L'inadmissibilité de l'incident de nullité vis-à-vis de la déclaration
de faillite entraîne de son côtéle rejet de tout incident de nullitévisant
la suite de la vrocédure daus la mesure où cette ~rocedure est la consé-
quence juridique de la déclaration de faillite. Ûne telle conséquence
découledu fait quel'acte déclaratifde la faillite,à défaut d'opposition, a
. .
acqAyant pleinement constaté que son attaque de la déclaration de

faillite par des moyens indirects était vouée à l'échec,en raison du
défaut d'utilisation du moyen direct, la Barcelona Traction essaya par
la suite d'attaquer d'une façon spécifique les actes de la procédure
ultérieure, toujours dans l'espoir d'écarter les conséquences juridiques
de la déclaration de faillite n'avant Das donnii lieu à son ovvosition.
Le Gouvernement espagnol n'a jamais contesté qu'en les
actes consécutifs à une déclaration de faillite ne peuvent en tant que
tels êtreattaqués.Maistout recours formé à cestadene peut aucunement
anéantir la situation découlant de l'existence d'une décisiondéclarative
de faillite ayant acquis force de chose jugée.Dans ces conditions, le
failli a certes le droit d'intervenir dans la procédure aussi bienque celui
d'attaquer les actes de la procédure par les moyens appropriés. Mais le
failli ne saurait nullement prétendre à la poursuite d'un objectif bien
différent,à savoir celuide vider de son contenu ladéclaration de faillite,
et d'effacer de la sorte la force de chose jug.e.de la déclaration de
faillite.
Tel est le cas, par exemple, des recours contre les décisionsdu juge
spécialde la faillite réglant les formalités d'estimation des biens mis en3O4 BARCELONA TRACTIOS

vente, qui sont énuméré s la page 32 de l'annexe 31 des observations
belges. Ces recours ne pouvaient en réalitéviser que les modalités de
l'estimation des biens.Ils ne pouvaient pas empêcherl'estimation des
biens ni le résultat final de la vente conséquente. Et mêmeau point de
l'aspect déterminant de la liquidation de l'actif social, car le résultat
économiquede toute venteaux enchèresn'est pasdétermine en définitive
par le prix de base, mais plutôt par le déroulement des enchères dont la
prévision n'estcertes pas possible lors de l'estimation des biens.
Toujours à titre d'exemple, on peut dire que la mêmeportée limitée
affecte les recours contre la convocation de l'assembléedes créanciers.
dont ile>r qucjtionj.la page 414 de 1'mne.w 31 des observations belges:
1Siicorcilne fuis.la Uarceloiia Tr~ction ne pouvait about11par cesmoyens
à empêcherhalement la nomination de syndics pour-parvenir i la
liquidationdes biens du failli, liquidation qui estla conséquencenécessaire
d'une déclaration de faillite.
Monsieur le Président et Messieurs. convocation de l'assembléedes
créanciers, nomination de syndics, autorisation de vendre, estimation
de biens, formation du cahier des charges. vente aux enchères. exécution
de la vente, tout cela ne constitue en-réalitéque l'ensemble des étapes
naturelles et juridiquement consécutives à une déclaration de faillite
passée en force de chose jugée. En l'espèce, mêmela substitution des
actions des sociétésfiliales, contre laquelle la partie adverse s'élbve
d'une fason particulière, n'était quela conséquence juridique de la saisie
dans leur totalitéàala Barcelona Traction, saisie prononcée par le jugent
de Reus dans la décisiondéclarative de la faillite dont la force de chose
jugée vousa étémontrée à maintes reprises.
Il serait aiséd'entrer dans les détails d'une façon complète. Le cas
échéant,le Gouvernement espagnol est prêt à le faireà tout moment.
Mais les conclusions ne sauraient varier. Le lien de connexité de ces
étapes les rattache toujours à la décisiondéclarative de la faillite et
3.l'omissionfiacrante de la Barcelona Traction qui ne l'a pas attaquée en
temps utile. -
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ayant ainsi examiné
l'attitude adoptéepar la Barcelona Traction à la suite de la déclaration
de sa faillite. il convient devrendre maintenant en considération le
comporteme& des sociétésfilcales. Le Gouvernement belge semble y
attacher rand vrix, puisque ce sont bien les recours d'une sociétefiliale
qu'il en tiut pÎemiérplan aux paragraphes 232 et suivants de ses
observations. De cette façon, il oublie tout simplement que c'est la
faillite de la Barcelona Traction qui fut prononcée en Espa ne et que le
destin des sociétésfiliales fut lui aussi déterminévar la-n-Jieence de la
soOr, les sociétésfiliales n'avaient point intérêt,d'après les principes
de la vrocédurees~aenole. à faire ov~ositionà la déclaration de faillite
de la Rarce~oni ~&ct?ion.c'est bien l'erreur commise par la Barcelona
Traction, lorsque, pour employer l'expression qui figure au paragraphe
212 des observations belees. I'oon estima oue c'était à ces sociètés
Gxiliaires qu'il incombaitYd'agirsansretard »pour attaquer la partie de
la décision déclarative de la faillite ordonnant I'occupacidn mediata y
civilisima des actions des sociétésfiliales possédéespar la sociétém+e.
II n'est pas nécessairede s'arrêter sur la qualification de l'opposition PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 3"s

forméeen fait par les sociétés filiales pourdéterminer si elle fut fondée
sur l'article1028 du Code de commerce de 1829 visant l'oppositionà
la faillite, ou bien sur l'article 377 de la loi de procédure civile,visant
l'opposition ordinaire. Il appartenait en tout cas à la société mèrede
s'opposer à cette mesure mediala y civilisima, mesure qui, après tout,
visait au oint de vue juridique le patrimoinee1:~sociétémèreelle-même,
diiment Béclarée en faillite, et non pas le patrimoine des sociétésfiliales
en tant que tel. Il ne faut jamais oublier que les actions des sociétés
filiales affectéespar la saisie mediata y civilisimlr étaient la propriétéde
la société mèrec ,'est-à-dire de la Barcelona Traction. C'est biencette
dernière qu'il appartenait de former les recours éventuels. Et c'est bien
cette dernière qui n'a pas exercéles recours appropriés en temps utile.
Il est bien vrai que la saisie mediatay civilisim~ides actions des sociétés
filiales qui étaient la propriétéde la sociétéreentraîna aussi la saisie
des biens des sociétés filialespendant les mois iie févrieret mars 1948.
Xais là encore c'est la saisie des actions des sociétés filialesdans le
patrimoine de la société mèrequi joue uri rale décisif. Carla saisie des
biens des sociétés filialesdans une situation semblable découledu fait
que les actions desdites sociétéssont la propriétéde la sociétémère et
tombent, à ce titre, dans le cadre de l'administration de la faillite. Ce
sont les organes préposés à l'administration di: la faillite qui doivent
par la société mère. C'est dàoieux qu'il :ippartient, en particulier, de
nommer et de contrbler les organes statutaires des sociétésfiliales,comme
il appartenait à la société mère,avant la faillite, d'exercer les mémes
droits vis-à-vis des sociétésdont elle avait la~rooriété.Dans ces con-
ditions, lorsqueà la suitede la déclaration de failliie d'une sociétémère,
on ordonne aussi la saisie des actions des sociétés filen raison de leur
appartenance au patrimoine de la sociétémère. il faut nécessairement
procéder à la saisie des biens des sociétésfiliales, tout au moins dans
l'attente des décisions légitimesdes organes préposésà la faillite quant
à l'administration des sociétés filiconformémentaux droits découlant
de la possession des actions desdites sociétés.
Il est donc évident qu'aucun recours des sociétés filiales nepouvait
réussir si onn'avait pas attaqué le premier anneau de la chaîne, c'est-à-
dire la décisiondéclarative de la faillite. Ail début. deux des sociétés
filiales, Riegos y Fuerza del Ebroet la Compaiila Barcelonesa de Electri-
cidad formèrent recours contre l'acte déclaratif (le faillite pour contester
la légitimité desmesures de saisie de l'actif di: la Rarcelona Traction
qui avaient, à leur égard, des incidences directes. Mais cette demande
était inconcevable, les sociétés filialesn'ayant pns qualitépour attaquer
la déclaration de faillite en tant que telle. Elles auraient pu, par contre,
à ce moment-là, former un recours contre la saisie de leurs biens et
pendant sa durée, par le moyen de l'action diteferceriade dominio, visée
aux articles 1532 et suivants de la loi de procédure civile, justement
pour soustraire du patrimoine du débiteur des biens appartenant à des
tiers.Mais mêmeun tel recours n'aurait pu aboutir en l'espèce,puisque
la Barcelona Traction ne s'était pas opposée à la déclaration de faillite.
De ce fait, les organes de la faillite avaient qualité pour exercer, ou
tard, leurs droits visantà l'administration cles sociétésfiliales.
En fait, une action qualifiéepar lesdemandeiirs de ferceriadedominio
fut exercée dès le 15 septembre 1949 M. ais ilne telle action ne pouvait
prospérer, et cela pour deux raisons. D'abord parce que la terceria de306 BARCELOSA TRACTIOS
dontinioprésupposela saisiedes biens; mais la saisie des biens des sociéttj
filiales, originairement ordonnéepar le juge de Reus, était terminéedès
le mois d'avril de 1948. En deuxième lieu, parce que l'action de 1949
fut entamée par les anciens administrateurs de Ebro qui n'avaient plus
qualité pour agir à ce titre. En effet. dès mars 1948, les anciens ad-
ministrateurs d'Ebro avaient étéremplacéspar d'autres administrateurs,
dûment nommés par les organes préposés à I'admiiustration de la faillite
de la Barcelona Traction. Contrairement aux prétentions du Gouverne-
ment belge, les organes préposés à i'adniinistration de la failliteétaient
pleinement qualifiés pour effectuer une telle nomination, puisque la
possession des actions des sociétés filiales leurétait octroyée par L'acte
déclaratifde la faillite, dont la force de chose jugéeétait acquise du fait
dudéfaut d'opposition. Encore une lois, hlcssieurs, le premier anneau de
la chaîne produisit ses effets juridiques. Encore une fois, laUarcelona
Traction ne peut se plaindre que de sa propre négligenceau moment
critique de l'affaire. Les sociétisfiliales qui, après tout, appartenaient i
la société mère,ont étéfrappées elles aussi de la sorte, en raison de
l'attitude prise par la société mère.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, la négligence de la
Barcelona Traction au moment critique doit certainement être imputée
à ses organes statutaires lors de la déclaration de la faillite, organes
ces derniers sont eux aussi frappéspar les omissions deélasociétéet, eii
particulier, par son défaut d'opposition à la décisiondéclarative de la
faiiiite. Les actionnaires en tant que tels, dont le Gouvernement belge
voudrait aujourd'hui exercer la protection diplomatique, étaient plcirie-
ment en mesure d'agir au sein de la socii.t&pour la déterminàrformer les
recours nécessaires.
Par contre, la qiiestion se pose sur un terrain différent eii ce qui
concerne les obligataires de la Barcelona Traction. En tant que cr6aiiciers
de la faillite, les obligataires auraient pu attaquer la déclaration qe
faillite. Je me borneàcette constatation et à faire remarquer qu'en fait
le Gouvernement belge invoque à ce propos lesrecours du National Trust,
et en particulier le déclinatoire de compétence juridictionnelle soulevé
par lui le 27 novembre 1948(observations belges, 1,p. 266).Le Goiiveriie-
ment belge n'ignore pas, toutefois, que In qualité d'obligataire a &té
valablement contestée au National Trust dès l'ordonnance dii juge
spécialde la faillite ler février1949et jusqri'à la décision finalerendue
le8 juin 1963 par le juge spécialde la faillite, décisiondùment passée
en force de chose jugée (voir nouveau document du Gouvernement
espagnol, mars 1964.2epartie,attestation relative aux décisionsrendues).
En effet, d'après le droit espagnol, il n'appartient pasun trust d'obli-
gataires d'exercer les droits propres des obligataires, qui seulsuraient
pu attaquer, en cette qualité, l'acte déclaratif de la faillite. Mais il y a
plus. Même à supposer, hypothése que le Gouvernement espagnol
n'admet pas, que le National Trust avait selon la loi espagnole qualité
pour former recours, son déclinatoire était, en tout cas, tardif. n'ay:int
étéproposé que le 27 novembre 1948. Et cela, en vertu des mêmes
articles76 et 408 de la loi de procédurecivile, déjàmentionnés à propos
du déclinatoireBoter, articles d'après lesquelsledéclinatoirene peut plus
êtreformé lorsque la décisionque l'on prétend attaquer est passéeen
force de chose jugéedu fait de l'expiration des délaisde recours. L'acte
de Reus ayant préalablement acquis la force de la chose jugée, il ne PLAIDOIRIE DE hl. hIALINTOPP1 3O7
pouvait fius êtreattaqué par déclinatoire le 27 novembre 1948, date de la

proposition du recours du National Trust. Ici encore, la question de
compétence juridictionnelle n'a, en tout cas, pas étésoulevéeen temps
utile. La néclicence de la Barcelona Traction au moment critiaue a
rendu caduqÜetoute question de juridiction, qui, je le répète,aiiriit dîi
être posée,d'après le système espagnol, avant que la décisionjudiciaire
que i'on prétend attaGer ait force de chose jugée.
Ayant ainsi terminé l'examen du comportement de la Barcelona
'l'raction et d'autres sujets privés, et ayant ainsi démontréqu'en raison
du défaut d'opposition à la décisiondéclarative de la faillite de la part
de sujets dûment qualifiés pour le faire, tout,: la fameuse cfor@t de
recours» était nécessairement vouée à l'écliec, deux considérations
s'imposent, à la lumière du droit international et de la règle qui exige
l'épuisement préalable des recours internes.
La première de ces considérations est la suiv:inte. La déclaration de
faillite est le fait générateurde toute la procédure subséquente. Le défaut

d'opposition a pour conséquence que la déclaration de faillite acquiert
la force de la chose jugée. D'après le droit espagnol, jamais cette force
de chose jugéen'aurait pu étreécartéedans la procédure conduisant à la
liquidation du patrimoine du failli. Cerésultat final ne pouvait être évité,
justement à cause du défaut d'utilisation des moyens existant pour
attaquer la décision déclarative de 1:i faillite. On a examiné à titre
d'exemple certains recours formés eri l'espèce, mais la conclusion a
toujours été la même,à savoir le caractCre irrémédiablede la négligence
initiale de la Barcelona Traction au moment où 0:llefut dûment déclarée
en faillite. Dans ces conditions, la négligence di: la Harcelona Traction
par rapport à la décisiondéclarative de sa faillite est l'élémentessentiel
à retenir.
La deuxième considération se rattache à la première. L'appréciation
du non-épuisement des voies internes doit se faire en l'espècesur la base
de la décision déclarative de la faillite, fait générateur de la série des

événementssuccessifs. II s'ensuit que 1'011ne doit pas prendre en con-
sidération les circonstances d'es~èceaui ont entouré les recours visant
~:t~rt;iinii;l6tiientsrle I;I.;&riedes C\,Fnc.tneiit;;iiice.;sifs Ccire coiijtntattoii.
t.n11;irticiilier.rcncl iriiiiile l'examen sr5tcndiis retitrds d:in, 1,:spro&-
dures internes. où le Gouvernement belGefeint de voir une circonstance
à retenir dansle cadre du problème de pépuisement des recours internes
tel qu'il se pose dans la présente affaire. Le Gouvernement espagnol
n'admet en aucune façon quelconque l'existence de retards non justifiés
dans les procédures internes. Il serait d'ailleurs tres simple de vous en
donner la preuve détaillée, à travers l'analyse d'(:spècede tous les procès
décoiilant de la faillite de la Barcelona Tractioii, ce qui ferait ressortir
que la durée totale de la procédure de la faillit,: en question était bien
au-delà de la durée moyenne d'une procédiin: de faillite ayant une
com~lexitécomoarable à celle de la Rarcelona Traction. Mais au b ointde
\.II.* l':ippr5;ikion il?In questioii i>r?liiiiinaire soiilevc'erluvnnt'li C8,ur

p:ii 1.<iunrril'mc<:uccption, 1.:i>roblCmede In<Iiiréi: c cerinine. i>rocC-
iliirc;iicse porc pns, ]ustcm8:ni pnrcc qiie Ic foiid du probléme di cette
t!sc?i~tiotn trait ex~luii\~cmeiiti In non-utilis;iti,n (les moyens eviit:int;
t!t n<lC<iu;itspuiir nttntiuïr I':i;te d&clnratif C.n f:iilliteIIs':~cit~loiic
<~'apprkcier, à ce point'de vue. des omissions de la part du su@t privé
intéressé.Du fait de ces omissions, I'activitii déployéepar la suite par le
sujet privé intéressén'aurait pu avoir pour conséquence de les réparer.3OS BARCELOXA TRACTIOS
Cette activité ultérieure n'est doncpas à prendre, à ce titre, en considé-
ration dans le cadre de l'exception préliminaire que le Gouvernement
espagnol a soulev6e. Les modalités à travers lesquelles cette activité
ultérieure s'est déployéene sont pas non plus à retenir.

[Audiencequbliquedu 3 avril 1964. matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour. les considérations que
j'ai exposéesau cours de ma plaidoirie ont fait état de l'absence soit
d'une opposition interjetée en temps utile par la sociétécontre la décision
déclarant la faillite, soit d'une contestation valable de la compétence
juridictionnelle du juge ayant prononcé l'acte dont il s'agit, soit de
l'utilisation de moyens extraordinaires mais adéquats tels que, par
exemple, le recours en revision.
Ces considérations ont toutes mis l'accent sur un fait incontestable
au oint de vue obiectif. à savoir la nédieence de la Barcelona Traction
d:iai le itade initial.m;is en mCnictPmFs déterniina~itde soi1nctivitr'
judiciaire en Espagne. C'est a CL moinciit <luele prcriiier nnncau - I:I
décisioiidi.clar;iti\,e d13 faillite- s'est forméet c'est :icc iiiornrnt
que la ~arceloni Traction a préféréporter l'affaire sur le plan des
interventions internationales en écartant la voie des recours internes
lorsau'elle ~ouvait encore utilement et valablement le faire. Ce n'est uue
lorsque le 'couvernmnent espagnol attira clairement l'attentioii su; le
droit que l'ordre international donne à tout Etat d'exieer préalablement
1'épui&mentdes voies internes que la Barcelona TÏacGon se décida
finalement, pour employerl'expression du Gouvernement belge, à aentrer
en lice,,. Mais en matière d'é~uisement des recours internes. ce n'est
certes pas ni1p;irticulier qu'il ;pl)artient de dCcider d'une f:iqoiidtscrc-
tionnnirc iquel niornerit illui coiivicnt d'entrer en lice Iest. ieit \.rai,
parfaitemeni libre au point de vue matériel d'entrer ou de ne pas entrer
en lice, ou bien d'entrer en liceà tel ou tel moment. Mais au point de
vue juridique. il est tenu d'entrer en lice et de le faire avant l'échéance
des délaisprévuspar la loi interne. Seulement dans ce cas il aura satisfait
à la regle de droit international de l'épuisement préalable des recours
internes.
Si àun moment donné, qui doit êtredéterminéd'apr&sla loi nationale
du pays saisi, les voies internes ne peuvent plus êtreutilisées à la suite
de l'échéance des délais utiles,la négligence du privé intéresséest
définitivement acquise. Une négligence pareille ne saurait jainais être
surmontée par aucun genre d'efforts ultérieurs. L'acte interne qui n'a
pas étévalablement attaqué produira tous ses effets, sans que.le parti-
culier frappépar sa propre négligence puisseles esquiver. Et si cet acte
interne est le premier anneau d'une chaîne d'événementssuccessifs, le
particulier, qui a omis de l'attaquer. n'aà se plaindre que de sa propre
négligence.
Il se peut que le particulier, ayant finalement réalisétoute la portée
de son attitude négative, fasse à ce moment-là des efforts désespéréss,e
traduisant dans une activité judiciaire fiévreuse. C'est justement là.
comme on l'a vu, le cas de la sociétéBarcelona Traction à l'issue de
l'échecdes interventions diplomatiques. Mais c'&taittrop tard puisque
c'était bien apres I'echéancedes délais prévus pour utilise! les seuls
moyens susceptibles d'écarter la décisionconstituant le premier anneau
de la série. PLAIDOIRIE DE >1. hlALISTOPP1 3O9

011ne saurait voir la moindre contradiction entre la thèse que je viens
de vous exposer du caractère définitifet irrémédiablede la négligencede
la Barcelona Traction à la suite du défaut d'opposition à la déclaration
de faillitede 1948 et l'attitude du Gouvernement espagnol mêmeaprès
1948qui, dans ses notes diplomatiques, a toujours opposéau Gouver-
nement belge que des prockdures internes étaient encore en cours.
En effet, comme on l'a dit, des actions judiciaires internes étaient
en cours. Elles étaient toutes vouées à l'échecjustement en raison du
défautd'opposition à la décisiondéclarativede la faillite. Maisil n'appar-
tenait pas au Gouvernement espagnol, lui-même,de se prononcer sur
l'inanité de ces efforts judiciaires. Tout Etat soucieux de respecter
l'indépendancede sesjuges aurait adoptéla mêmeattitude. Pour sa part,
le Gouvernement espagnol devait seborner à constater età faireconstater
l'existence de procéduresen cours.
Alaislorsque votre haute juridiction est appelée à apprécierla conduite
du particulier dans les procédures internes, on est en droit de faire
ressortir, au point de vue de l'exception soulevéedans le procès inter-
national, à quelmomentle non-épuisement des voiesinternes a étéacquis
en raison de la négligencedu sujet que l'on prétend protégersur le plan
international. Et cela d'autant vlus aue les urocéduresinternes se sont
ciitré-temps tcriiiin6ei, jii5teinen'ten confirmant d'une inanikre dr'fiiiitive
1;inCgli~ericede 13partic priv6c 311mornciit critique du il6roulemcnt il,:
la faiilice.
La regle internationale de l'épuisement préalable desrecours internes
a une raison d'&tretrès claire, comme on l'a démontréet au cours de la
~rocedure écrite et dans la ~artie initiale de cette intervention. Une
ictivité judiciaire qiielconque'de la part di] particiilicr intLresL lie sufht
pas :iremplir lesconditions requises par cette rl'glçI.'Etat qui filiI'ot~jet
cl'iinidern:~ndcinrernntionnle n le droit di: faire ~r6alnt1li:iiitoiiit;.ter
que son systèmede protection juridique, tel qu'if est prévupar son droit
interne. a étévalablement utilisé par un particulier diligent qui a
respectéles lois internes en se prévalant des moyens spécifiquesprévus
par elles, dans les délaisprévuspar elles.
Siir le plan du droit international, l'analyse de la conduite d'un
varticulier dans des ~rocéduresinternes ne veut avoir ou'nn sens lorsau'il
kt étahli que ce I>:lrticiilierest respons3'blc d'une hniission fl;igri;ntz
par rapport à I':~ctepivot de cette proc6durc inti.rn,:. L'netell? ~n:il!.sc
ne ocut avoir d'niitrc hiit ciuedc soiilicner 3la ioi; les effets définitifset
détérminants de cette omcssion et l'inanité absolue de toute tentative
visant à en écarter les conséquences inéluctables.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le thema decidendi de
l'exception préliminaire tirée du non-épuisement des recours internes,
se présentedonc dèsce moment dans les termes les plus simples que l'on
puisse imaginer.
Une décision déclarative de faillite, 6remier anneau d'une chalne
d'kuénementssuccessifs,dûment portée à.la connaissance de l'intéressén.'a
pas été attaquéeen temps utile par les moyens prkvus par la loi.
Le Gouvernement espagnol estime que cette exception peut être
appréciéeet tranchée par la Cour en tant que question préliminaire.
Partant, le Gouvernement espagnol prie la Cour de bien vouloir se
prononcer sur elle, sans la joindre au fond de l'affaire.
Mon éminent confrère.le professeur Ago, vous a montréau cours de la
dernière partie de sa plaidoirie, quels sont le sens et la portée des ques-31° BARCELOSA TRACTIOS
tions préliminaires dans la procédure devant la Cour internationale de
Justice. 11me suffit donc de souligner que la question préliminaire dont
il s'aeit ici. veut êtretranchée en vleine connaissance des faits. sans
risquLr de P;éjuger la solution de tuestions appartenant au fond de

l'affaire. C'estiustement uiie telle préoccupation - qui vraiment n'existe
1x1sen l'esvècë - aui a varfois amené i'ancierine-Cour vermanente à
<l:cid~r I:]onction (I'<:sccpti(misciiilil:ible; nii fui(1% I;,tinire.
:linsi. pnr c\cinl)lc, d;iiis 1'nff;iiruI.usrti:.IriCour Iierm;,iiciite. eii
.>rt~ ~ii~d'unc ~~xc~~i)ti\oiiinii;i(~a~ter ~~iiuridi~,tionet iiiI)sidinirciiient
de l'exception du nAn-épuisementdes recodrs internes, a d'abord remar-
qué que les conclusions quant à l'exception subsidiaire: « ... soulèvent
certaines questions qui présentent une connexité étroite avec celles
que pose l'exception de compétence ... u, et. s'étant trouvée dans la
nécessitéde joindre au fond l'exception préliminaire principale, afin
de ne pas trancher des questions appartenant au fond de l'affaire, a
statué sur la même basepar rapport àl'exception du non-épuisementvu
son caractère subsidiaire vis-à-vis de l'exception principale (C.P.J.I.
sérieAIB no 67, p. 23-74).
Par contre, l'exception du non-épuisement a étéretenue in limine
lilis daris l'affaire de la Comfiagnied'électricité de Sofilr.elde Bzrlgarie
(C.l'.J.I. sérieA/B no 77) aiissi bien que dans l'affaire de l'lnterhandel
(C.I.J. Recueil 1959, p. 26), dans lesquelles la Cour permanente et la
Cour actuelle ont jugé possiblel'examen de ladite exception préliminaire
indépendamment de l'examen sur le fond des affaires.
Au surplus, qu'il me soit permis d'attirer à nouveau l'attention sur
les principes générauxénoncéspar la Cour permanente au sujet de
l'examen des questions préliminaires. Ces principes ressortent surtout
de l'affaire concernant Certoéfzsintkrétsallmands en Haute-Silésie, où
l'arrêt rendupar la Cour contient le passage suivant (C.1'.J.I. sérieA
no 6, p. 15et suiv.):

iLa Cour, en vue de la décisionqui lui est maintenant demandée,
estime devoir absorber l'examcn visé quand mêmecet examen
devrait l'amener à effleurer des sujets-appartenant au fond de
I'affaire. étant bien entendu t~u~.foi~~~~- rien de ce au'elle dit
dans le présent arrétne saurait limiter sa complète liber& d'appré-
ciation. lors des débats sur le fond. des armments éventuellement
apportés de part et d'autre sur ces mêmes &jets. u

Du reste, il est opportun de se pencher un instant sur l'attitude
du Gouvernement belge, qui a demandéla jonction au fond de l'exception
du non-épuisement par rapport à la décisiondéclarative de la faillite
pour des raisons qui ne sauraient aucunement étreadmises à la lumière
(le la portée véritable de la règle de l'épuisement des voies internes.
On lit, en effet,au paragraphe 311 des observations du Goiivernement
belge, que la jonction au fond serait peut-être nécessaire: a) <ien ce qui
concerne les griefs relatifs à la prétendue usurpation de la compétence
juridictionnelle n: b) en ce qui concerne les prétendues «irrégularités
substantielles affectant le jugement de faillite »;c) en ce qui concerne
«l'émissiondes nouveaux titreso des sociétésfiliales. Ouant - à cette
(IeriiiCr~.uestion, on n df iivit qiicIc pro1)l~mc dr I'6piiisementen rCnlit;,
ne se pose pz<. car le défniit d'utilisatioii ilci ii~oy~riseuistants pou!
s'orivoser à la d6cision dl:clnrative dc la faillite ne salirait Ctre comr>ense
;ne activité quelconque à des moments successifs. PLAIDOIRIE DE M. hIALINTOPPI 3l r
Quant aux griefs concernant la déclaration de faillite elle-même,le
Gouvernement espagnol conteste de la façon la plus nette, comme il a été
déjà soulignéplus haut, que l'appréciation de la règle de l'épuisement
puisse s'étendre au bien-fondé de la décision<Iéclarativede la faillite
ou au fondement de la compétence juridictionnelle espagnole par rapport
à la déclaration de faillite. Un tel examen viserait sans doute le fond
de l'affaire.Mais le Gouvernement espagnol tient à souligner que la
question ici est tout autre. Pour apprécier s'ila étéon non satisfait
à la rkgle de l'épuisement des recours internes, le juge international
n'est pas appelé à vérifierle bien-jugé oule mal-jugé d'un acte interne
ni la compétence (ausenslarge) de l'organe, dont l'acte émane. Ayant
étéétabli que des moyens internes étaient existant5 et adéquats en
l'espèce, lejuge international doit tout simplernei~tapprécier si l'acte
interne a étéou non attaqué par ces moyens en temps utile. C'est donc
l'activité déployéedans les procédures internes par le particulier que
l'on prétend protéger sur le plan international qui est actuellement
soumise à l'appréciation de la Cour. Et les élémentsnécessaires à une
telle appréciation de la conduite du particulier sontéjàréunissans le
moindre risque de préjuger lefond d'une façon quelconque.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, une fois acquis le non-
épuisement des voies internes par rapport à la décision déclarative
de la faillite. la demande formulée Dar le Gouvernemeiit belee est

chaice des événementssuccessifsne pourrajamais êtrecompenséepar des
efforts ultérieurs aussi bien qu'inutiles dans le cadre des procédures
internes, efforts vouésà un échec nécessaireen raison de cette même
négligence.
L'aspect critique de la conduite de la socidevant les juges espagnols
se rattache essentiellement à ses omissions par rapport à la décision
déclarative de la faillite. Cet aspect critique ne touche aucunement
au fondde l'affaire. 11est donc, il faut le répéter,touà fait mûr pour
êtretranché dèsce moment.
Je remercie la Cour pour sa bienveillante attention. DÉCLARATIONDE M. CASTRO-RIAL
AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audience Publiquedu 3 avril 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, au terme des exposés
oraux que moi-mêmeet les conseils du Gouvernement espagnol nous
avons eu l'honneur de présenter à la Cour dans le cadre des exceptions
préliminaires, les conclusions du Gouvernement espagnol concernant
chacune des différentes exceptions découlent nécessairementde i'ensem-
ble de ces exposés, à la lumière desquels il convient de compléter et
d'adapter les conclusions figurant aux pages 260 et suivantes de nos
exceptions préliminaires de1963(1).
Les conclusions finales du Gouvernement espagnol seront établies
lorsque nous aurons pu prendre connaissance des exposés oraux que
présenteront à la Cour l'agent et les conseils du Gouvernement belge.
Elles seront déposéesau Greffeconformémentaux dispositions du Statut
de la Cour et de sa pratique judiciaire.
Je vous remercie, Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, de
votre patiente attention. PLAIDOIRIE DE M. DEVADDER
AGENTDU GOUVERNEMENTBELGE

[Audience publique du 3 avril 1964,matin]

mettre de dire combien j'apprécie l'honneur de me présenter devauter
elle en qualité d'agent du Gouvernement belge et d'exprimer mon
souci, ainsi que celui des conseils de mon gouvernement. de faciliter sa
tâche dans une affaire qui revêtdes aspects nombreux et complexes.
Je tiensà saluer les éminentsjuristes qui repréçentent et assistent le
Gouvernement espagnol; ils ont d&jien l'occasion, au cours des dernières
semaines, de se montrer, par leur science et leur talent oratoire. dignes
de la flatteuseréputation qui les a précédés.
Je m'associe pleinement à la pensée de mon distingué coll&gue,
l'agent du Gouvernement espagnol, lorsqu'il affirme que le présent
litige ne saurait mettre en cause la qualité des rapports mutuels de
nos gouvernements, conscients l'un et l'autre des liens qui unissent
nos deux nations.
Mon estimé colléguecomprendra quedans cet esprit j'estime utile de
relever certaines de ses déclarations.l a dit:

%Dansla présente affaire soumise à la Cour, le Gouvernenlent
belge a articulé contre le Gouvernement espagnol des griefs fort
graves, puisqu'ils portent sur des fautes lourdes et mêmesur des
dols imputables, selon lui, aux organes les plus élevéset les plus
respectés de I'Etat, et notamment à l'ensembledes tribunaux. u
Voir ci-dessus, p1.
Et plus loin:

r... qui croira que l'Espagne est un pays sans juges et sans ad-
ministration. ..n.Voir ci-dessus. p.2.
Je tiens à préciser que le Gouvernement belge n'entend nullement
critiquer dans son ensemble le fonctionnement des tribunaux et de
l'administration espagnole, ni la maniere d'agir de tous les membres
de ces institutions.
Le Gouvernement belge a contesté dans son mémoire certains actes
administratifs et certaines décisions judiciaires qui sont intervenues eii
l'espéceet qui sont le fait de certains organes <le1'Etat espagnol. C'est
en analysant le contenu objectif de ces actes ou décisions, en relevant
les circonstances qui les ont accompagnés, en les rapprochant les uns
desautres, en montrant le résultat auquel ils ont conduit,que le Gouver-
nement belge arrive la conclusion qu'il y a eu dans cette affaire un
d4ni de justice et, partant, une violation des règles du droit des gens.
Le Gouvernement belge est parfaitement conscient qu'en portant,
même souscette forme limitée, de tels griefs devant la plus haute
juridiction internationale, il accomplit un acte grave. S'il l'a fait, c'est3I4 BAKCELOSA TKACTIOS

parce qu'il est convaincuà la foisqu'iY a eu en cette affaireuneiuiustice
&anif&te dont ses ressortissants ;ontules principales victimes, q;'il est
recevable à en saisir la Cour internationale de Justice et que celle-ci
est compétente pour en connaître.
Je me suis réjoui d'entendre l'agent du Gouvernement espagnol
souligner dans son exposé introductif l'accroissement colistant des
iiivestissements étrangers en Espagne depuis 1948, de mêmeque c'est
avec plaisir que mon gouvernement a suivi les efforts judicieux faits
dans ces dernières annéespar le Gouvernement espagnol pour stabiliser
son économie afinde mieux la lancer dans la voie de l'expansion. Mais
je ne vois vraiment pas en quoi les nouveaux investissements, quirestent
d'ailleurs,à en croire les statistiuues. relativement modestes et en tout
cas bien en deçà des besoins du pays',pourraient constituer, suivaiit les
termes de l'arent du Gouvernement esparnol. uii IIréférendumoui ne se
discute pas »Gu encore fournir une pre;vë ou une indication quélconque
que les griefs iiivoquéspar le Gouvernement belge dans l'affaire de la
!JarceIona Traction seraient sans fondement.
Le Gouvernement belge n'a en effet jamais songé à soutenir que le
investit des fonds en Espagne. Ce caractère sans doute très particulier,
pour ne pas dire exceptioiinel, de la faillite de la Rarcelona Traction,
a pu l'empêcheren fait d'être unobstacle à tout investisseinent ctranger
nouveau en Espagne; mais d'autre part, il ne fait que rentorcer I'impor-
tance des griefs du Gouverneinent belge. Celui-ci établit en effet dans
son mémoire par quel concours de facteurs et de forces la situation
qu'il dénonce a pu, hclas, effectivement se réaliser.
Monsieurle Président, Messieursde la Cour, j'ai l'intention de répondre
A une partie de la secoiide intervention de l'agent du Gouveriiement
espagnol concernant les notes diplomatiques qui oiit étc échaiigées
depuis la faillite de la Barcelona Traction.
Puis le professeurKolin répondra àla plaidoirie introductive de M.le
professeur Reuter et à l'autre partie de l'exposéde l'agent du Gouver-
nement espagnol qui l'a suivie.
Ensuite, il sera plaidésur les exceptions préliminaires commesuit:
L'exception fondéesur l'irrecevabilitéde l'introduction d'une nouvelle
instance après le désistement sera examinéepar les professeurs Vaii Rijn
et Sereni.
L'exception concernant l'incompétencede la Cour sera traitbe par le
professeur Mme Rastid.
L'exception relative au défaut de qualité du Gouvernement belge
pour agir dans la présente affaire sera discutée par les professeurs
Sauser-Hall, Sereni et Lauterpacht.
L'exception concernant le non-épuisementdes voies de recours interne
sera traitée par le professeur Rolin.

L'agent du Gouvernement espagnol, Monsieur le Président, Messieurs
de la Cour, a consacréde longs développements à l'histoire des négocia-
tions diplomatiques. Je ne pense pas devoir imposer à la Cour l'exposé
d'une version belge de ces mêmesfaits. La simple lecture de la coi.rcs-
pondance diplomatique, qui est intégralement reproduite dans la
procédure écrite,permettra à la Cour de suivre, dans l'essentiel. I'évo-
lution du litige et d'apprécier laposition respective que les parties ont
adoptée. PLAIDOIRIE DE hi. DEVADDER 3I5

Je me bornerai à répondre à certaines interprétations de l'agent
du Gouvernement espagnol. tendant à faire apparaître l'attitude belpe
comme extraordinairë, &constante, voire cont;~dictoire.
Laissant à d'autres plus qualifiés que moi le soin de justifier sur le
plan de la technique du droit international le ius staf~didu Gouvernement

i~t:lgi:d:riII prCir.iitr .iil.iir,, jt. \.t~iiii~Iiiiii1,1riiidiirr. !,lx (:iiiir
~IIL,..III l1~1,~ii ltcjs<.ul~n~~n tlxI'cq~iit:III.,Icltisii~~pl,. on WII, c1t11
in,, [j,~rhiri*(lt:t.,?ir j~im Ctr<;:ik,~c.i.t(l<; r<.I,ttii~tc~II,I~ILII,~~~1.~
p<,.siiiun;iilopt;i. p,iIC Cuiiv rnr iiit.i~tI,.:Igc dl. rylS juiilu':~~ii~iiiiviir
l~rC;,:ntc5t iit81.<<ul~~n~~ ~it r~il~tl:t ~~~stiii~e~,iiaiIiii (t:.tli,.t(,, l,.Lr
1.rn;itiirt- I;ii~cirtiili.; [:ti<II11a I.i-e~~iit~~tI;C~I~ <Iitiis1:sUI;~LI I<.
la procédure écrite.
En premier lieu, l'agent du Gouvernement espagnol a tenté de faire
partager par la Cour la surprise qu'aurait causée à son gouvernement
la première intervention diplomatique de la Bi:lgique qui se produisit
le27 mars 1948, soit quelques semaines après la declaration en faillite
de la Barceloua Traction.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, la surprise, je dirai plus,

la stupéfaction, ce sont les ressortissants belges intéressésà plus de 80%
dans le capital de la Rarcelona Traction et le Crouvernement Belge qui
l'éprouvèrent lorsque subitement, le 12 février 1948, cette société
canadienne notoirement prospère fut déclaréeen faillite dans des con-
ditions pour le moins insolites par un juge d'une ville de province espa-
gnole. Tous les biens de ses sociétésauxiliaires, qui représentaient à
l'époque la plus importante entreprise d'électricitéd'Espagne, étaient
saisis, leurs dirigeants, en téte desquels un ressortissant belge, évincés,
et leurs conseils d'administration destitués. LI participation des res-
sortissants belees reorésentait un investissenient de l lu sieursmilliards
de francs. EnOutre: le groupe belge qui détenait le c'ontrôlede l'affaire
participait depuis 1030 à la gestion technique, iuridique et financière
. .
des exi>loitatiÔnsenEspagne.'
Peut-on imaginer dans ces conditions que le Gouvernement belge,
alerté par les représentants des intérêtsprivésen cause, eût pu se refuser
à agir comme si ces faits, d'une gravité sans précédent, ne l'intéressaient
ou ne le touchaient nullement?
On se trouvait manifestement en face d'une manŒuvre préméditée
qui avait pour objet, et qui eut d'ailleurs pour résultat, de permettre
à un groupe privé espagnol de s'approprier injustement l'intégralité de
l'entreprise, vidant ainsi de tout contenu économique les droits des
actionnaires dont, comme on l'a dit plus haiit, l'écrasante majorité
était belge.
En se ~lacant ainsi sur le terrain des faits considérésdans leur simule

le vérraplus loin,~pourque ce droit lui soit contestépour la pr&nière fois.
Quand un pays comme la Belgique, pour lequel les investissements à
l'étranger sont non seulement une tradition m;ris une nécessitévitale,
se trouve en présence d'actes qui affectent non le fonctionnement de
l'entreprise on sa rentabilité, mais la substance mêmedes droits et
intérêtsparfaitement légitimes que ses nationaux y ont investis, le
Gouvernement belge se doit d'assurer que ses ressortissants obtiennent
finalement la juste réparation du préjudice subi.31~ BARCELOSA TRACTION
Telle a étél'attitude que le Gouvemement belge a adoptée immédiate-
ment, dès I'ori~inede la présenteaffaire en 1q48.
NOUS avons étésuruiis d'entendre souténir ici Dour la oremière
fois que ce faisant le Souvernement belge surgissaitAde l'om6re après
avoir né--id u-ndant trente-sept ans de s'intéresser aux affaires de la
barceIona Traction, pour reprendre les expressions utilisées par l'agent
du Gouvernement espamol.
Cet argument nouCeCun'est pas fonde en fait, car en septembre 1936
déjà,au moment où les entreprises du groupe de la Barcelona Traction
belee avait exercé sondroit de ~rotection en faveur de ses ressortissants
acconnaires de la Barcelona '~raction, en dénonçant aux autorités
es~agnoles, tant à Madrid qu'à Barcelone, les mesures prises à I'écard
drs entre~rises en Esnaene-et en réservant son droit à-demanderkne
lndcrnni.~~t1~~1)1urle pr?]iidic2 aul,i p.si:rc~sortiss:lllt~.
Cettc intcr\.i:iition dci;t aiicicîdcproduiilit dans dcs cirsoniraiicr.s
certes bien différentes décelles aui no& occuoent. mais aui rése entaient
cependant avec elles ce trait cohmun: c'étai: l'ekemblé dèl'eutreprise
aui étaiten fait saisi et soustraitau contrôle de ses mandataires légitimes,
lésdroits des actionnaires se trouvant ainsi atteints dans la substance
mêmede leur contenu économique.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, dans la présente affaire,
c'est dèssa première note, celle du 27 mars 1948 (vol. IV des annexes,
mémoire belge, p. 976 et suiv.), que le Gouvemement belge affirme sa
volontéde ~.otée..ses ressortissants actionnaires de la Barcelona Trac-
tiun. qu'il rjtimc ICiL 1ircj ni,.;iires prisesen lispa~iiç,et ccttc attitiiJe,
il 1:sm~intici~rlraconsraiiiment dni~sIci note; (luisuivront, coniriiç I:i
Cour pourra le constater en consultant la note belge du zz juillet 1949,
la lettre du 13 juillet 1951, la note du 7 novembre 1951, la note du
la note du 16 mai 1957,la note du 8 juillet 1957 et la note du 6 février
1958, qui figurent aux pages 981 et suivantes du quatrième volume
d'annexes au mémoirebelge.
Malgré mondésird'éviter dans toute la mesure du possible la citation
de documents que la Cour a devant elle, je voudrais la prier de m'excuser
de rappeler, au seuil de cet exposé,les termes très clairs dans lesquels le
Gouvernement belge s'exprimait dans sa premièrenote du 27 mars 1948
-je cite:
«Afin de marquer l'importance des intérêtsbelges dans la Barce-
lona Traction, il convient de remarquer que la Sociétéinternationale
d'énergie hydro-électrique(Sidro), sociétébelge ayant son siège à
Bmxelles, est propriétaire de plus de 70% des actions de la Barce-
lona Traction. Il y a en outre de nombreux actionnaires belges indi-
viduels. Au total, plus de 80% des actions émisespar la Barcelona
Tractionsont entre desmains belges. D'autre part, I'Etat belge pos-
shde 50000 actions de la Sidro, à titre d'impôt sur le capital. Enfin,
de 40.à 45% des obligations First Mortgage de la Barcelona Traction
sont egalement détenuespar des Belges. n
Aprèsavoir dénoncé les principauxactes qu'il reprochait aux autorités
espagnoles (parmi lesquels la destitution d'une partie du personnel
supérieur de ces sociétéset notamment de M. William Menschaert.
ressortissant belge, président et unique représentant légalen Espagne PLAIDOIRIE DE hl.DEVADDER 3I7
de la Compagnie Ebro), le Gouvernement belge concluait qu'il y avait
dans cette affaire- je cite:

Iun dénide iustice ou plutôt une &rie de dénisde justice, lesauels
nepeuvent manquer deléser gravement les intérêtsBeigeslégitimes
dans des sociétésqui ont exercé valablenient leurs activités en
Espagne dans le respect de la loi espagnole et qui ont rendu des
services considérablesà l'économie espagnole u.
Le Gouvernement belge exprimait l'espoir que le Gouvernement
espagnol prendrait les mesures nécessaires polir assurer i'annulation
complète des mesures prises à l'égarddes compagnies précitéeset la
réintégrationde la compagnie Ebro et autres soci6tésintéresséesaffectées
et de leur personnel dans leurs biens et dans leurs clroits. N'était-cepas
là en effet la seule manière d'éviter à ses ressortissants le préjudice
énorme qui était à redouter et qui s'est matérialisé quelques années
plus tard?
Il s'agissait donc de la part de la Belgique d'un acte caractériséde
protection diplomatique qui, contrairement à ce que l'on soutient
aujourd'hui, ne donnait nullement - je cite: «à penser à première
vue qu'il ne s'agissait que d'une intervention à l'appui de la démarche

canadienne n (voir cidessus, p. 59). En effet. la démarche canadienne
n'était même Das mentionnée dans la note belee! 11est sienificatif aue
devant un tel acte le Gouvernement espagnol, lzn des'étonnerou même
de contester un instant au Gouvernement belee tout droit d'intervention
en la matière, ait accepté le dialogue, bienUqne ce fùt, hélas, pour se
retrancher derrière l'affirmation- je cite: «qu'il ne peut intervenir en
cette affaire, la laissant complètement à la rectitude età la compétence
des tribunaux 1,.
A ce propos, je voudrais répondre ici incidemment à la remarque de
l'agent du Gouvernement espagnol (voir ci-dessus, p. 57), suivant
laquelle ce qu'on demandait au Gouvernement espagnol n'était -
je cite: «rien de moins que de peser lui-mêmesur le cours de la justice 11.
L'agent du Gouvernement espagnol semble perdre de vile que lors-
qu'un Etat demande l'annulation de mesures prises par,les organes
d'un autre Etat parce qu'il les estime contraires au droit des gens,
il n'appartient Das à l'Etat demandeur de ~réiuoerles movens légaux.
que 1; droit interne peut mettreà la disposit'ion'd; gouvernement aGquel
il adresse sa plainte pour remédierà la situation dénoncée.
Cette couiidératiôn suffit.à notre avis..à ,ustifier mon eonvernement
,lu reproche qu'à cet Crard icgou\.i.rnement dGfcndcur ;i,.ni pou\.oir lui
.iclrciîri di\,erscs rcuriscs. saque i'aic <I(;niontrericque IcGouver-
nement espagnol diiposait effeciivément de moyens d'action. Je me
bornerai à ajouter une simple constatation de fait: il suffira que le
Gouvernement espagnolprovoque en mai 1950la réuniond'une commis-,
sion internationale d'experts pour que les mesiires judiciaires d'~xécution
qui étaient en train marquent un temps d'arrêtd'un anet demi environ,
et il suffira que le Gouvernement espagnol publie en juin 1951 la décla-
ration des trois gouvernements à laquelle l'agent du Gouvernemmt
espagnol a fait une longueréférence,pour que la procéduresoit précipitée
vers la liquidation finale de tous les biens.
Fermant cette brève parenthèse, je constaterai donc que dèsle début
l'attitude du Gouvernement belge fut clairem~:nt et nettement celle
d'un Etat qui entendait protéger ses ressortissants victimes d'actes318 BARCELONA TRACTIOS

contraires au droit international. S'il se souciait du sort d'une société
de statut canadien privéede tous ses moyens et menacéede mort, c'était
exclusivement et ouvertement en raison des intérètsbelges importants
qui y étaient investis et quisetrouvaient atteints d'unemanièreévidente
par les mesures prises en Espagne.
hlonsieur le Président, illessieurs les juges, si l'attitude protectrice
de la Belgique fut ferme et constante dans son principe, elle se devait
naturellement daiis la pratique, en raison du but mêmequ'elle s'assi-
enait. d'être aussi nuancée et souole aue l'exieeraient les cirçoiistaiices
Sans cessc mouvantes de l'affaire'et ie soucivde rechercher à chaque
instant la plus grande efficacité,c'est-à-dire en définitive le meilleiir
inoyeii d'obtenir pour les ressortissants belges l'effacement du préjudice
subi. C'estcet objectif essentiellement économiquequi justifie l'actiori dii
Gouvernement belge en mêmetemps qu'il en déterminera la mesure et
-~s mo~ali~ ~.
Le gouvernement défendeur tente néanmoins de trouver maintenant
dans cette ~osition essentiellement réaliste et r>rarmatiaue du Gouver-
nement belge unc preuve d'inconstance et de Gercatilité;voire un aveu
de son manque de qualité pour agir.
C'est ainsi uu'à la naee 62 ci-dessus. l'aeent du Gouveriieineiit
espagnol voudrait voir'dàns le fait que ie Güuvernement belge &tait
disposé à prêtersoi1appui à une proposition canadienne de convoc. t' '1 1011
d'une corÏnnission infërnationalë d'ëxnerts. la reconnaissance aue le
Gouvernement belge - je cite: iin2a\&it aucun titre à procéder'à ni~e
protection diplomatique propiement dite à propos de la liarceloiia
Traction et qu'il devait se contenter d'une intervention de soutien a.
Rien n'était plus éloignédes intentions du Gouvernenient belge.
Depuis la réceptionde la note espagnole du 26 septembre 1949(vol. IV
des annexes au mémoirebelge, p. 983). où le Gouvernemeiit espagnol
tentait pour la première fois de justifier par i'insuffisanced'informations
les refus opposés aux demandes de devises présentéespar 1'Ebro. le
Gouveriiement belee.- à la suU ~ ,ioii des intéressés.avait assiei-é à son
:ictioii un but LrL\sprécis:;lIIICIIC rC C~~uvirllhlllelltespagiii,i:laiccptcr
13. COII~~~CUIIOId'une coiiimijsioii iiit~rn~tioii:ilt!il'esi1crt;,iiirlci~ciidaiit~
désignéspar les Gouvernements espagnol, canadien ei belge. LëGouver-
nemeiit belge estimait en effet que les conclusions d'une telle commission
ne pouvaient manquer de révélerl'importance des investissements faits
nar le erouoe de la Barcelona Traction en Esnaene et réduiraient ainsi
à néant l'argument espagnol suivant lequel, si le groupe de la Rarcelona
Traction refusait les renseignements demandés Dar les autorités du
change, c'était pour cacher @'il n'avait plus dlin;estissements réelsen
Espagne.
Après s'êtreconcerté avec le Gouvernement canadieii, il parut prb-
férable au Goiiveriiemerit belge, dans les circoiistances du moment, en
vue d'assurer à la démarche le plus de chances de succès, d'en laisser
l'initiative au Gouvernement canadien. L'esseiitiel. Dour le Gouverne-
inwt belp:, 6i:lit çncorc iiii<fois d':ittcindrc iori<il>iritifci ilii';~1):'s
soii:i iin iiist:iiit. cil ndopt<iiitcette procédiir;ircconnnitrt. ;ILCaii;icl;i
un droit prcfërenriel qiielconqiiz :i cserccr 1;iprotection dil1lomatique
(1~11csettç nfkiire. I'njoiiterni cn p:iss;iiit qui. ictre guistiodc ~irési.anre
on \le prél6renceiie s'estj;iii,:iij poik ri:~ris1c.srelntioii-.cntrc le (;ouver-

neniciit cnnnrlicn et le Couvcriii:mcnt brlp- ;ipropos dii litigc de I:i PLAIDOIRIE DE hl. DEVADIIER 3I9
Barcelona Traction, mêmeaprèsque le Gouvernement belgeeut officielie-
ment aviséle Canada de son intention d'agir devant la Cour et qu'il lui
eut communiquéle texte de sa première requête.
Dans le même ordre d'idées, l'agent du Gouvernement espagnol

s'étonne (voir ci-dessus, p. 62 et 64) du rôle que la Belgique attribue
aux dirigeants de la Barcelona Traction dans les faits qui menèrent
finalement à la coristitution de la commission internationale d'exoerts& .
ainsi que de la circonstancequ'elle n'aurait pas protestéimmédiatement.
ni contre l'exclusion de tout expert belae de la commission dont l'Es-
pagne, devançant le Canada, avait prGposéla réunion, ni contre la
déclaratioii conjointe des Gouvernements britannique, canadien et
es. ..rnoldu II iuin 1051.
1.e Cou\,erne;iiciit d:feii(iciir ~uiiiign~encore ic ton p:irti;iiiii!rciii~~~~t
inodCrE LA niinal>lrdcs preriiii'reàiiotçs I,elgcj qui iui\.irciit In piihliiitiori
de cetrï ~lr'clai.ition.Eniiii. SC rL:f;.r311i In iiote belcc rlii1,ilt;ic:iiit>rc
1951(celle à laquelle était jointe la demande d'arbitrage), il mentionne
que -je cite:

<bien entendu, la note belge passe sous silence l'acte de 1951;
quant à la commission internationale d'experts, le Gouvernement
belge se débarrasse de ses constatations d'un trait de plume en
déclarant - citation - ules constatations d'un collèged'experts
:iiisein duquel la Belgique n'était pas représentéene lui sont pas
opposnbles, bien qu'il [le Gouvernement belge] se réserve,comme il
ira de soi,d'en faire état s'il lui convient. I(Voir ci-dessus, p. 65.)

Ilonsieur le Président, hIessieurs les juges, je dois attirer votre
:ittention sur le fait que les affirmations de l'agent du Gouvernement
espagnol que je viens de citer sont sur ce point formellement contredites
par la teneur mêmede la note belge du 6 décembre1951: non seulement
la déclaration des trois gouvernements du II juin 1951, appelée aussi
procès-verbal du II juin. s'y trouve expressément mentionnée à trois
reprises (voir mémoirebelge, vol. IV des annexes, p. 997,3je ligne, p. 998,
22e ligne, p. 999, 33e ligne), mais dans cette note, le Gouvernement
belge critique sévèrementtant les conclusions des experts en ce qui con-
cerne la cause du refus des devises, que le fait que le Gouvernement
espagnol ait participé à la signature et à la publication du procès-verbal
rlu II juin. Ce n'est donc pas d'un trait de pl~ime,pour reprendre les
termes de mon honorécontradicteur, que le Gouvernement belge s'est
déharasséde la commissioninternationale d'experts. Sil'agent du Gouver-
nement espagnol avait continuélacitation qu'il faisait de la note belge du
6 décembre1951,la Cour aurait entendu ce qui suit - je cite:

t7. Il [leGouvernement belge] ne considèrepas comme concluante
l'opinion de ces experts, désignéssans son intervention, selon
laquelle 1'Ebro Irrigation and Power Conipany, comme chef de
groupe des sociétésfiliales de la Barcelona Traction, n'aurait pas
donnéles renseignements qui lui auraient élé demandésen diverses
occasions pour justifier ses demandes de transfert de devises, et
aurait ainsi provoqué les refus que l'administration espagnole y
avait opposés. Tout au contraire, il résulte de la documentation
complète sur ce point qui est en la possession des représentants
légitimes de la société,que cette accusation portée contre 1'Ebro
Irrigation and Power Company manque de fondement. Les experts BARCELONA TRACTION
320
out d'ailleurs omis, tant sur ce point que sur de nombreux autres.
d'interroger les représentants qualifiés des sociétéisntéressées.

La note continue:
tS. LeÇou\~ernenieiir bclgepersiste 3 croire que l'attitude aduptc'e
par IcÇoii\.ernement csp;,jinoltarit dans ,on coniiniiiiiqu~diIVluiil
1051 aue dans le ~rocès~vërbaldu II du mêmemois est inconciliable
avec ?affirmation que les questions soumises aux tribunaux échap-
pent à sa sphère d'action.
En attestant, sur la foi d'une documentation incomplète, que le
refus de devises était la conséquenced'un refus de renseignements
de la part des dirigeants du groupe, le Gouvernement espagnol a
affirmé, par voie d'autorité, l'existence de circonstances faute
desquelles tout l'édificede la faillite doit s'écrouler par la base.
D'autre part, en imputantaux compagnies du groupe de la Barcelona
Traction un grand nombre d'irrégularités, que d'ailleurs il ne
précisait pas - et n'a pas encore précisées-, le Gouvernement
espagnol fournissait aux syndics de la faillite des arguments pour
soutenir l'urgence prétendue de la vente des biens - ce qui n'a pas
manqué de se produire - et donner une apparence de raison à une
vente à vil ~rix. II convient de rédter que les représentants légitimes
de la compagnie n'ont étéentêndussur aucÙne des irrégÜlarites
qu'on impute à celle-ci. Seuls les transferts de devises effectués
sans autoÏisation sont reconnus par la déclaration des dirigeants de
la Barcelona Traction. » (Vol. IV des annexes au mémoire belge,
P. 998.)

Je prie respectueusement la Cour de bien vouloir excuser la citation
un peu longue que j'ai faite mais qui me paraissait avoir le doublemérite
de mettre les choses au point et de rappeler à la Cour la position du
Gouvernement belge tant à l'égardde certaines conclusions des experts
que de la déclarationconjointe. Mongouvernement se réserve del'étayer
avec tons les documents à l'appui lorsque la Cour, comme je l'espère,
connaîtra du fond de l'affaire, de mêmed'ailleiirs qu'il expliquera à ce
moment le rBle réeldes représentants de la Barcelona Traction et du
Gouvernement belge dans la genèse de la commission internationale
d'experts.
Quant à l'exclusion de tout expert belge de la commission, la même
note belge du 6 décembre1951relevait que le fait qu'aucun expert belge
n'avait été invitéà prendre part à l'expertise faisait naître, dansle chef
de la Belgique, un grief de plus. La note précisait- je cite:
iL'importancedes participations belgesdans le capital-actionsde la
Barcdona Traction, sur laquelle les notes précédentesavaient attiré
l'attention du Gouvemement espagnol, donnait àla Belgique le droit
d'êtrereprésentéedans une commission d'experts dont les conclu-
sions devaient avoir une répercussion certaine sur les igite'rtse1zes.o
(Annexes au mémoire belge, vol.IV, p. 997 et 998.)

Si la Belgique retient sur ce point un griefà l'égarddu Gouvemement
espagnol, c'est parce que l'exclusive dont elle avait fait l'objet en1950
n'était nullement fondée, comme l'exposéde l'agent du Gouvernement
espagnol tendrait à lefaire croire,sur la non-reconnaissance par i'Espagne
d'un droit de la Belgique à intervenir sur le plan diplomatique pour la PLAIDOIRIE DE M. DEVADDER 321

~rotection des intérêtsbelaes. En effet, s'ilen avait étéainsi, la commis-

d'appliquer cc qu'il prisente maintenant comme un strict principe
régissant la protection diplomatique, il n'avait aucune raison valable
d'étendre son invitation à un expert désignépar le Gouvernement
britannique, dont la prcsence au sein de la conimission ne se justifiait
à aucun titre. La seule explication que le Gouvernement défendeur ait
pu invoquer sur ce point à l'égarddu Gouverncrnent belge, ill'insinue,
plutôt qu'il ne la suggère, très discrètement ù'ailleurs, dans sa note du
14 novembre 1951 -je cite:

o Cette invitation de caractère exce~tionnel s'estlimitée à cesdeux
gcii\.t:rncnicnti, Iiaric que lcc:nri:irliiicn~Lr~d.u (:~~rn~iinr~iv~~;ilth
I.ritanniqiic. rsiliditniiiilc~iiiatl dt.la sl:;<iii:luii;i'l'r;ir.rioii qui
;ilesolilig~tiuii,. Liirnque 1;'turalirl 3t.ibi,-i,-I;xif:iirts,c rroii\e
eii E:p~giie. L';iriiI~.is:.îdcde Etlgi<liit. (uni1~rcndr.i Jon~II'IIIIC
tcllc inviratioi~ nt poiivdir Gtrt:;~I,.I~~IAIIX ii:itioiii qtii aur;ii(llt
fait des investissemënts en actions ou obligations de laAcompagnie,
parce que, dans ce cas, l'invitation aurait dû êtrefaite à la France,
a la Suisse età d'autres pays. 1)

Cette explication n'en était pas une, ni en ce qui concerne l'inclusion
de la Grande-Bretagne ni en ce qui concerne l'exclusion de la Belgique.
Le fait que le Canada étaitmembre du Common~vealthbritannique était
manifestement sans aucune relevance pour expliquer l'invitation adressée
à la Grande-Brctagne. Il n'était pas plus pertinent, pour justifier l'ex-
clusion de la Belgique dont les ressortissants possédaient plus de 60 % du
capital-actions, d'alléguerque son invitation aurait entraînécelled'autres
Etats, alors que ceux-ci, à supposer que leiirs ressortissants aient eu
quelque intérêtdanslecapital-actions de la Barcelona Traction, n'étaient
jamais intervenus pour les protéger sur le plan diplomatique. Ceci ne
pouvait que confirmer le Gouvemement belge clans la conviction qu'il
s'était faitedèsl'origine que l'exclusion de la Belgique de la commission
avait été, dela part du Gouvernement esp;ignol, un acte prémédité.
Aussi le premier soin de la Belgique avait-il étéde tenter d'y parer en
demandant au Gouvernement canadien de subordonner son acceptation
de l'invitation espagnole à l'inclusion d'un expert belge. Le Canada s'y
étant refusé parce qu'il craignait de retarder, voire de compromettre de
ce fait la réunion d'une conlmission qu'il jugeait souhaitable, accepta
l'offre espagnole telle quelle. Dans ces conditions, le Gouvernement belge
estima qu'une protestation à MaArid eût étésans objet.

L'argumentation de l'agent du Gouvememi:nt espagnol m'oblige,
avant d'abandonner cette phase des négociationsdiplomatiques dont le
Gouvernement défendeur cherche à tirer un si erand uarti. m'ohliee.
dis-je, chose étrange, à justifier le ton apparemment trop'modéréet trop
aimable des notes belges qui suivirent immédiatement la publication de
la déclaration conjointe du II juin 1951. Ce n'est assurément pas tous
les jours qu'un Gouvemement doit se justifier d'un tel reproche. Il
pourrait paraître superflu de le faire, si je n'y trouvais l'occasiond'abord
de souligner combien, dans cette affaire, toiit acte de bonne volonté,
tout geste de conciliation du Gouvemement belge est, devant la Cour,
immédiatement et impitoyablement exploité contre lui; l'occasion322 BARCELONA TRACTIOPI

ensuite de replacer dans son contexte historique l'attitude que mon
gouvernement a adoptée àce moment.
Il se fait qu'au moment de la déclaration conjoiiite, le Gouvernement
belge avait étéinformé,notamment par son ambassade à Ottawa, que le
but des Gouvernements canadien et britannique en consentant à signer
le procès-verbal du II juin 1951, aurait étéde provoquer une détcnte
qui préparait la voie à des négociations. Le Gouvernement belge qui,
faut-il le rappeler encore, visait essentiellement obtenir la satisfaction
des droits légitimesde ses ressortissants, avait tout intérêt,au lieu de
motester à Madrid. cornrileil l'avait faià Londres et à Ottawa. contre

belge de dénoncer au GouGernement espagnol les mesures d'exécution
qui furent prises au lendemain de la dédaratiori conjointe dans la
procédure de faillite et qui menaçaient de la mener rapidement à une
liquidation totale. L'ambassadeur de Belgique en fit l'objet d'une lettre
qu'il adressa au ministre espagnol des Affaires étrangèresle 13 juillet
1951 et dont le ton aimable suscite les commentaires de l'agent du
Gouvernement espagnol (voir ci-dessus, p. 64) Mais ce que celui-ci
omet de dire, et qui résulte cependant de la note belge du 2 novembre
1951 (vol. IV des annexes au niémoirebelge, p. 988), c'est que vers la
mêmeépoque desentretiens eurent lieu entre l'ambassadeur de Belgique
et le ministre des Affaires étrangèresd'Espagne, au sujet des affaires de
la Barcelona Traction. et aboutirent à ce aue le Gouvernement esoarrnol
in\.itit le iiiinishelgc du Cuiiii~i~~rcutlri:iir:,rcncoiiticr II iniiiiitr~.
e~y.i.:iiuldu i'omnicrccn hl:i(lrid. Ceci p.,riiiiiioii~cnrt:oniiriiir.rqu'il
~Gait v avoir auelone chose d'exact dans les indications aue le GouGer-
nement beige aviit ;eçues au sujet d'une détente.
Sans doute, cette lueur d'espoir s'avéra-t-elle bientôt fugitive, car le
Gouvernement espagnol refusa de prendre, fùt-ce à titre de mesure de
courtoisie, les dispositions qui arrêteraient jusqu'à nouvel ordre toute
éventuelleliquidation en Espagne, ce qui empêchale Gouvernement belge
d'accepter l'invitation qui lui avait étéadressée.
Sij'ai imposéà la Courle récitde cebref épisode,cen'est pas seulement
pour expliquer le ton de certaines communications diplomatiques. ce qui
pourrait paraître superflu, mais surtout parce que l'invitation adressée
au ministre belge confirmait que le Gouvernement espagnol admettait
encore à cette date, c'est-à-dire aprèsl'épisodede la commission d'experts,
l'intérêltégitimede la Belgique danscetteaffaire et ne lui niait nullement
le droit d'y intervenir au niveau gouvernemental.
Monsieur le Président, Messieurs les jubes, l'échecde cette tentative
de contact direct entre les deux ministres,zinsi que la précipitation avec
laquelle la procédure de faillite allait vus la liquidation du patrimoine
de la Barcelona Traction. devaient amener le Gouvernement bel~e à
tenter le seul recours qui 'lui était ouvert en droit internationalet qui
pouvait prévenirencore les mesures d'exécution,manifestement illegales,
à savoir ia vente aux enchères des biens. Nous étionsfin novembre-1951
et celle-ci avait étéfixéeau 4 janvier 1952. Les conditions également
illégalesauxquelles cetteventeserait soumise venaient d'êtreapprouvées
par le juge de la faillite: elles consacraient le dépouillement complet des PLAIDOIRIE DE M. DEVBDIBER 323

actionnaires de la Barcelona Traction. 11était donc urgent d'y parer
en attirant l'attention du Gouvernement espagnol sur le préjudice
irréparable qui allait ainsi êtreportéaux intérêtsbelges en cause. Tel fut
l'objet de la note belge du6 décembre1951et de la demande d'arbitrage
qui y était jointe. Le Gouvernei~ient belge essa).ait notamment de faire
appliquer l'article22 du traité Iiispano-belge de 1927 prévoyant que les
~arties contractantes sont tenues de s'abstenir de toute mesure oouvant
avoir une répercussionsur l'exécutionde la sentence du tribunal 'arbitral.
Le Gouvernement défendeur feint l'étoiineineiitdevant ce qu'il décrit
comrne un revirement d'attitude opéré - je cite - iisous la pression
puissante de certains intéréts »,revirement par lequel Je Gouvernement
titresàsagir11(voir ci-dessus, p. 66).forger de tnutes piècesde nouveaux
Je crois avoir montré, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
peut-êtretrop longuement, que mon gouvernement n'avait cesséd'affir-
mer vis-à-vis de l'Espagne son droit de protection diplomatique et que
celui-ci ne lui avait pas étéun seul instant contesté.Comment s'étonner
dès lors que le Gouvernement belge, devant la menace imminente de
l'annihilati~n totale des intérêtsde ses natioiiaus dans cette affaire, ait
songé à. se prévaloir d'un traité par lequel l'Espagne et la Belgique
s'étaient engagées solennellement à résoudreselon les principes les plus
élevésdu droit international les différendsqui viendraient às'éleverentre
les deux pays?
Faut-il souligner le caractère décevant et fornialiste de la réponseque
le Gouvernement espagnol adressa au Gouvernement belgele 22 décembre
1951? (vol. IV des annexes au niémoire, p. 1001).
Il est essentiel d'y relever d'abord que le Gouvernement espagnol ne
nie pas encore, en principe, lelocus standi de la I(e1giqueen tant qu'Etat
des actionnaires. Il seborne à remarquer que la Belgique n'a pas apporte
-je cite: «la preuve de la nationalité belge <lesintérétsen question,
étant donné que la nationalité canadienne de la sociétéétablit la pré-
somption contraire ». Après avoir signaléque la Belgique n'a pas établi
non plus lc préjudice subi par ses ressortissanls, ni l'existence d'actes
contraires au droit des gens et imputables à 1'Etat espagnol, le Gouver-
nement défendeur conclut que la Belgique n'a pas - je cite:iprésenté
formellement une réclamation par la voie diplomatique, conformément
aux formalitésimposéespar le droit international ».
3lonsienr le Président, Messieurs les juges, quelques jours après, tout
le Datrimoine de la Barcelona Traction allait etre vendu à vil ~rix à un
grÔupe privé espagnol, ce qui signifiait la ruine totale des actionnaires
belges que mon gouvernement défendait: et le Gouvernement espa~nol . -
Dariait de formeset de formalités!

affaire.Il reproche au Gouvernement belgeLdene jamais avoir consenti
à lui fournir les preuves et les justifications de kiit et de droit qui, selon
lui, eussent éténécessaires pour qu'il se trouvât en présence d'une
réclamation formelle. 11accusera plus tard le Gouvernement belge de
s'êtrede ce fait adressé à lui non pas comme à un Etat souverain, mais
comme à un simple plaideur de droit privé.En vérité,c'est là un curieux
renversement des rales. L'attitude du Gouvernement espagnol consistait
en réalité à demander au Gouvernement deinandeur de convaincre
préalablement le Gouvernement défendeur de la recevabilitéet du bien-324 BARCELOXA TRACTION

fondé de sa réclamation, avant de considérer mêmequ'un différend
existât entre les deux pays, s'érigeantainsi en juge avant d'accepter le
rôle de partie. C'est là assurément un procédé facilepour se soustraire
à toute réclamation et kviter i'appiication d'un traite en vigueur. Que
telle était bien l'intention du Gouvernement espagnol, I'échange de
notes des 31 décembre 1951et 3 janvier 1952 viendra le confirmer d'une
manière formelle.

[Audience publiquedu 3 avril 1964, après-midi]

'\loiisieur Iç I'rCsiilént.'\lrsaicuIci JUS,:..jziiç in';tciiJr;ii pas sur1.1
cviiccl~tion.de i'.,vis du Zouvt~riiciiient belgc tout 3 fait iriaiieytablc.,
quc IL<;o~~vcrncm~.n~ l.ip:ignoISC fait 11~5nign;i:,t13nj diylniii:~tiil~ie~
qui duivtnt prCc6dcruii rtwuiiri arbitral oii juiliii;,ire1.cyrulcscur Ituliii
en dir? l~i-riii.mr rluelquis iiiuti. icci ni,: disl~tri~e de rïl>ondré .? I:,
truiiii.iiic p~rtiz (IcI'cspn;<:de I'.ig~.ntdu (;ouvcriiciii~iit esp~gnolquii.;t
toiit ~111ii.r.~r~i.~<:r&i la ~IIFS~IV~Idu riùn-cpuiicriii.nt di:>tuil.;~liplo-

rnatiiiuci lurj (1,:l i:~li;"ncc <ILriutci Aui ui5:éda i'intrndii;ti~n Jc in
premfere requête.
Je voudrais toutefois dire un mot des atrois annéesde silencecomplet »,
pour reprendre les termes de l'agent du Gouvernement espagnol, qui
suivirent le rejet de la demande belge d'arbitrage en 1951(voirci-dessus,
P 67.)
Le Gouvernement défendeur, toujours prêt A croire qu'on s'incline
devant ses thèses, en conclut qu'on pouvait penser que le Gouvernement
belge ravait étéconvaincu par les raisons et les arguments espagnols
(abid.).
Il y avait cependant à ce silence une explication bien évidente:
l'Espagne avait indiqué clairement sa volonté de ne pas accepter de
compromis arbitral, et le fait qu'elle n'était pas partie au Statut de la
Cour, ni comme membre des Nations Unies, ni à aucun autre titre.
excluait la possibilité dela citer par voie de requêteunilatérale devant
la Cour en application de \'article 17 du traitéet del'article 37 du Statut
de la Cour tant que cette situation durerait. Le Gouvernement belge
n'avait dès lors et i,squ.à nouvel ordre rien A attendre de concret de la
youriuit,: dvs vuic..iiiil~luin~tiques,qiii it;>iciit drri\.l~iiIbointmort.
.\iiiile (;oiiv~rncmciit I>clwion;<:ill;i-r-il~IIXint;rc;sCi CI<t, nter. par
d';iiitrei voie;. (l'ul>reniirrc~l~mcntarrii:ttili<(11I.':+fl:~i.I:.tciit;iti\~~<
en ce sens, aussi variéesque nombreuses, furent faites de 1952 à 1955. ,
L'agent du Gouvernement espagnol commente assez longuement (voir
ci-dessus, p. 68) l'une d'entre elles qui fut entreprise en 1954 et en
1955 par l'éminent avocat américain Arthur H. Dean en tant que
représentant de la Sidro. La Cour voudra bien m'excuser d'avoir m'y
arrêterquelques instants.
Après un premier voyage de M.Dean en Espagne en juillet 1954, au
cours duquel celui-ci, accompagné de l'administrateur déléguéde la

Sidro, M.Wilmers, avait étéreçu par le chef de l'Etat, le ministre des
Affairesétrangères et divers autres ministres, le Gouvernement belge in-
tervint auprèsdu Gouvernement espagnol pour recommander et a puyer
les démarches que M. Dean se proposait de poursuivre à ~a&id au
mois d'avril 1955 auprès des autorités espagnoles. Ce fut l'objet de la
note belge du 21 mars 1955 reproduite aux annexes des exceptions PLAIDOIRIE DE BI.DEVADIIER 325

préliminaires1963.annexe 66, document z,p. 57r Eue suscite, de lapart
de i'ageiit du Gouvernement espagnol, des critiques certes sévéres,mais
assez déconcertantes.
Le premier grief qu'il lui adresse - chose vraimeut étrange - est
d'avoirparléd'un uréglementéquitabl» edel'affaire.Cette notion. apparem-
ment déplacéed'équité,leGouvernement belge jraurait déjà faitallusion
en 1951, mais:
"L'équité invoquéeen 1955 était prise en considération pour
déviercleson cours normal la ~rocédurede faillite et ~om r lacer le
litige privé sur un planextraj;diciaire, sur le plan esp'agnoccomme
le disait le Gouvernemeiit belge. en imposant aux parties privées
une négociationdirecte sousla surveillance des gouvernements. u
l'lus loin, l'agent du Gou\'eniement ejpagiiol dcnoiicera encore: .le
d6sir constant LIGouv~rnemcnt belgcdem&lcrleGou\~erritiiiciitesp;igiiol
à une affaire aui se trouvait sub &dice. Dour au'il intervienne -DG la
contrainte dan: son déroulementnirmal ,étde i:onclureque cetteinitia-
tive comme celle que le Gouvernement belce ]>rendra aux mêmes fins
apres le désistemeiiine trouvapas u le moindre &ho auprésdu Gouverne-
ment espagnol a (voir ci-dessus, p. 68).
Monsieur le Président, Messieurs les juges, j'ai déjàdû précédemment
justifier mon Gouvernement d'avoir, dans certaines notes diplomatiques,
utilisé un ton trop modéré.Jc pense que la Cour me pardonnera de ne
as in'attarderà iustifier I'a~~elaue le Gouvernementbelee fit l'équité.
je pri.li.rcrais ntt'irer sGn:itiuntio'nsur ce qiie l'agent du~ouvcrne;nent
espagnol Iredi1 pas Jans soli commeiit:iire de Icnote belg. Ju 21 mars
1655
Eii premier lieu, la note belge commençait par rappeler que:

aDes échanee- de vues ont eu lieu entre de hautes autorités
ver une soliition au litige Ikircelona 'Traction tout en respectant les
intérêtsdechacun. a -

L'agent du Gouvernement espagnol ne si nale nulle part que M.Dean
avait eu descontacts avec leshautes autoritfsgoiivernementdes espagno-
les, ~iiqu'il les avait eus nom dela Sidro, accompagnéde M.Wilmers,
qui était à l'époqueadministrateur délégué de cette sociétébelge. C'est
au contraire sous un titre tout diffhrent de celui de areprésentants de la
Sidro m. que cependant la note belge leur attribuait expressément, que
mon estimé collégueprkente ces personnalités (voir ci-dessus, p. 68):
aA cette îii- disait le Coui~crnerrientbelge - X. Ikan. :i\.ocat
nord-américain. et 11. \\'ilmers, siijet I)riraniiique et méiiil>r~d.u
conseil de la U:ircelona Traction. reviendraientj.Madrid. n

On comprend évidemment que I'agent du Gouvernement espagnol ait
eu quelques difictiltés à réconcilierce dialogue prolongéentre les auto-
rités espagnoles et les représentants de Sidro avec certaines des thèses
espagnoles relatives à la troisihme exception.
Ensuite, I'agent du Gouvernement espagnol ne dit pas qu'apres
s'êtredéclaré.dans la susdite note. favorable à une solution intervenant
siir le plan espagnol. le Gouvernement belgc ajoutc iminédiaterii<:nt
{icequi permettrait d'abnndoiiiier la voie de la procédiiretl'arbitragi:J.
R:ippel discret s;iiis doute de ln pwt du Gouvi:rnt.ment l>eilge.mais entout cas suffisaminent clair pour ne pas adonner h croire qu'il avait tté
convaincu par les raisons et arguments espagnols», pour reprendre
encore uiie Soisl'expression de mon honorécontradicteur.

Enfin, n'est-ce pas aller un peu loin que de s'indigner maintenant,
comme le fait i'acrnt du Gouvernement espamol, dans les termes que

ment espagnol ,,?
La Cour pourra en juger en tenant compte des faits suivants:
I. La proposition belge contenue dans la note du 21 mars 19jj iie
suscita pas la moindre objection, ni verbale, ni écrite, de la part du

Gouvernement espagnol.
2. M. Dean, qui avait présentécette mêmeproposition aux autorités
espagnoles quelques mois auparavant, loin d'être éconduit, allait
au contraire, au lendemain de la démarche belge, être reçu une
nouvelle fois par le ministre des Affaires étrangères d'Espagne.
"~ C-~~i-ci lui dem~n~ ~ ~ ~ ~~tte occasion une note lui indiauant aueues
seraient lesbases juridiquesd'uneinterventionadministra&~ees~~~nole
dans l'affaire de la Barcelona Traction,note qiii lui fut envoyéep.r -
M. Dean le 22 juin 1955en annexe à une lon&e lettre.

Ce sont là des faits dont mon honoré contradicteur pourra vérifier
l'exactitude dans les archives du ministére des Affaires étrangères
d'Espagne. Je n'ai pas estimé devoir, bien que l'argument espagnol sur
ce point ait étéprésenté pour la première fois en plaidoirie, produire
à titre de document nouveau les piècesrelatives la mission de hl.Dean;
ellessont en effet. une foisde olus. héla. assez volumineuses et, vratment,
nc pr~sflltult avec I'csccpIii,liilo 3 qu'uile rvi:ition trop 1i.riiieIWurcil
iiiiliuscrIiIvituri: i la Cour.Je puis iel>c.ndiuitd6lid;clarer qu'au <:;iioii
Ir. (;i,iivcrncniciit cs~aciiol iICiircrait i~rutluirelui-iiiCiiicI'enscniblt. <IV
ces documents. mon'Gouvernement verrait aucune objection.
Toujours est-il que le ministre des Affaires étrangères d'Espagne
estima finalement ne pouvoir donner suite à la suggestion de M. Dean.

Force fut donc de constater l'échecde sa mission. Ceci coïncida presque
exactement avec l'admission de l'Espagne comnie Membre des Nations
Unies. Cet événementprésentait pour la Belgique l'avantage de lui
ouvrir la possibilitédu recours judiciaire qui lui avait fait tellement défaut
depuis 1950.
11n'est peut-étre pas sans intérêt,puisque l'agent du Gouvernement
espagnol a préféré ne pas en parler, d'expliquer incidemment ce que fut
la première rkaction du Gouvernement espagnol à la note belge du
31décembre1956par laquelle le Gouvernement belge tint àfaire précéder
sa nouvelle invocation du traité de 1927.
Je suis amené,avant d'aborder ce point, de relever la critique parti-
culièrement sévèreque l'agent du Gouvernement espagnol fait (voi~
ci-dessus. p. 69) du passage de la note belge du 31 décembre 19j6 où il
est affirméque la Rarcelona Traction n'avait en Espagne ni biens ni
sièged'exploitation, et n'exerçait dans ce pays aucune activité. L'agent
du Gouvernement espagnol vous a dit que oette affirmation était «en
contradiction flagrante avec les assertions précédentesdu Gouvernement
belge lui-même ».Il en veut pour preuve le fait que dans sa note du
27 mars 1948, leGouvernement belge avait reconnu: PLAIDOIRIE DE JI. DEVADDER 327

.que la Barcelona Traction non seulement fournissait l'énergie
électrique à la Catalogne par i'intermédiaire de ses filiales, mais
qu'elle avait elle-mêmeconstruit de ses propres capztatazapxlusieurs
centrales hydro-électriques en Espagne in.

Cette paraphrase résuméede la note belge tend évidemment à établir
une distinction très nette entre la fourniture de courant, qui se faisait
Dar l'intermédiaire des filiales. et la construction des centrales au'au

1948, qui figure à la page 976 du volume IV idesannexecau memoire
belge. La Courconstatera que cetexte ne permet pas une telle distinction,
car tant pour la fourniture d'électricitéque pour la construction des
centrales, la note belge indique clairement que cette activité s'était
accomplie «par l'intermédiaire de ses sociétésfiliales inLa rcontra-
diction fl~,antex re~rochéeau Gouvernement belee est ~,existante si
l'un~'X~~CIC,II<lcr~~~npIa~:ct:rs muCs~ndi~p~~i~,iI~ ,p:.i;r l'~r~tcr~i~~~~I~~~irc
.Iacs ,ui.i<:tt;snli.il..s i-n I I 1 c par 1 mi <.IIc-mCmc 9
qui n'y figurent pas.
J'examinerai maintenant quelle fut la réaction de l'Espagne à la
note belge du 31 décembre1956.
La Cour sait que dans ce long document le Gouvernement belge, après
avoir affirméla prépondérancedes intérêts belgesqui motivait son action,
récapitulait les principaux griefs qu'il articulait contre le Gouvernement
espagnol.
Quand on a suivi l'exposé de l'agent du Gouvernement espagnol
jusqu'à ce point, on s'attendrait à voir à ce moment le Gouvernement
défendeurrejeter immédiatement et péremptoirement cette intervention
importune et accusatrice d'un gouvernement étranger auquel il refuse
toute qualité pour intervenir en l'affaire.
11n'en fut rien. Quatre mois et demi après, le Gouvernement espagnol
ii'avait toujours pas répondu, en dépit d'un rirppel du Gouvernement
belge. Entre-temps, un nouveau ministre des Affaires étrangeres avait
étédésigné enEspagne: au cours d'un entretien avec l'ambassadeur
de Belgique, le ministre lui annonça que la note en réponse préparée
Dar son ~rédécesseurétait ~rête.mais au'il DI-éféraitd'abord enfaire
i'objet dtne conversation avec i'ambas&.deG. Devant ces propos qui
semblaient bien indiauer chez le nouveau ministre un état d'esprit
conciliateur, leGouvekement belge attendit encore quelques semaines.
Comme les paroles du ministre ne furent suivies d'aucune proposition
concrète en vue d'un règlement amiable et que la date d'échéancedu
traité hispano-belge de 1927 se faisait dangereiisement proche, le Gou-
vernement belge se vit obligé,le 16 mai 1957, de notifier an Gouveme-
ment espagnol son intention de recourir à la procédure judiciaire prévue
par le traité. Cette note signifiait que:

riLe Gouvernement belge, mis au courant de l'entretien que
le ministre des Affaires étrangères d'Espagne a en avec I'ambassa-
deur de Belgique, a dûment pris note des considérations qui
avaient amené leministre à ne pas remettre de répouse à la note
belge du 31 décembre1956,par laquelle ilétait demandéque 'Etat
espagnol reconnaisse sa responsabilité pour le dommage cause a la
Barcelona Traction. n32S BARCELONA TRACTIOX

Mais le Gouverneinent belge ajoutait qu'il demeurait cependant
uconvaincu - mêmeaprès l'échangede vues auquel il a étépro-
cédé - que le différenddéjàancien qui existe entre les deux pays
ne pourra pas Etre réglésans le recours aux procédures prévues
dans le trait...u.(Vol. IV des annexes au mémoire belge,p. 1026.)

Ce lie fut que leIO juin 1957 que le Gouvernement espagnol répondit
en mEmï temps à la note du31 décembre1956et ircelledu 16mai 1gj7. II
réaffirmaitunenouveile foisla position formaliste deses notes aiitérieures.
J'aborde enfui la dernière partie de l'exposéde l'agent du Gouverne-
ment espagnol qui couvre le désistement belge et la correspondance
diplomatique qui a précédél'introduction de la présente instance.
J'y relèveprincipalement deux thèmes.Le premier, qui sera le fondement
mêmede la plaidoirie de sir Hnmphrey \Valdock sur la première escep-
tion, est I'afhrmation réitéréqeue le Gouvernement espagnol a cm ferme-
ment que le désistementbelge mettait firau "prétendu différendinter&-
tatique D relatià la Barcelona Traction, sans quoi il n'aurait pas notifié
à la Cour le4 avril qu'il ne s'opposait pas au désistement de la Belgique.
L'autre thèmetend à démontrer que le Gouvcrnement belge a grande-
ment profité des premières exceptions préliminaires pour améliorersa
position juridique dans la deuxième instance, mais que ce changement
a ét6plus apparent que réel.
Cette derniere question, d'ailleurs largement développéepar le pro-
fesseur Ago, se situe nettement dans le cadre de la troisième exception.
Je laisserai donc aux éminents juristes qui prendront la parole après
nioi lesoiiide la traiter. me bornant à constater. en ce qui me concerne.
qu'il est rlificile dc discerner hpreiiiiirc \.ue si nos honorss contradicteurs
nous reprochent d'avoir changénotrc position jiiridique ou, ail contraire.
de lie lavoir point assez fait..
Quant au premier thème, je me bornerai à résumer ici l'attitude
parfaitement claire qui fut celle de mon gouvernement. Cette attitude
se résumeen qiielques propositions.
I. 1.e Gouvernement belge a étésollicité au début de 1961 par les
représentants de la Sidro de se désister de l'instance alors pendante
devant la Coiir. II lui fut ex~oséque cette condition était exigéeh titre
pr&nlal,lcp;tr IL.grouyc e~p:;~iiolavec Ic.qii~11;iSitlro rtrtiiiinil ~r)ii\.oir
ncgociersoujdej:iii;l,icesf:ivor:ible;l'i~l>tciitiuii tl'iiiieindÇiniiit<i'qiiit:iI>Ie
rlour I'cnscml~ledcs :ictiunii:iircj I:i13arcelori;i'l'r;ictiori.

2. Le Gouvernement belee s'est d'abord refusé à donner suite à
cette dem:mdu et n propos6 di\,rrscs fornules alternati\.<:s qiii tendaient
tolites i Iiipermettre de poursuivri: la procédureil6i:i i.iigagr:edeïant
la Cour au c& où les nkeo~,ations échoueraient
3. C'est le refus persistnnt (le In pnrtic csp-ignol(! (i'ac,:t:ptcr ces
formulcs qui a arii~n6le Gou\wncnient belge, pour ne pas faire obstacle
:iIn n6rocintion cnvi5ac;e. 3 recoiisid6rc.rI';.vcntualitF d'iiii d6sistenicnt
d'instance, auquel il aÏînalement consenti au vu des assurances 4crites
donnéescpar!e comte de hlotrico ai1président de la Sidro et des rapports
que ce ernier lui fit sur les multiples entretiens préparatoires qu'il
avait eus avec le comte de hlotrico.
4.A aucun moment les représentants de la Sidro n'ont suggéréan
Gouvernement belge, et à aricun moment le Gouvernement belge n'a
envisagé,soit de faireporter ce dbsistement sur autre chose que l'instance PLAIDOIRIE DE II. DEVADI>ER 329

eneaeée. soit de l'accomoaener d'une renonciation au droit d'assurer.
fuccë devant la Cour, la PrOtection de ses ressortissants intéressésdan;
l'affaire de la BarceIona Traction si les néuociations échouaient. Toute
suggestion en cesens, qui aurait replacéle G&vemelneiit belgedans l'état
d'impuissance où il se trouvait avant 1956,n'aurait pas eu la moindre
chance d'êtreacceptéepar lui.
5. A aucun moment le Gouvernement espagnol n'a expriméou laissé
entendre au Gouvernement belge qu'il croyait qu'il s'agissait d'un
abandon définitif de la réclamation; le Gouvernement espagnol savait
parfaitement que le Gouvcmement belge ne consentait pas à ce désiste-
ment de l'instance de sa propre initiative, mais parce que c'était la
condition préalable mise par le groupe prive espagnol à la négociation
avec la Sidro. Aucune attitude, aucune parole de l'ambassadeur de
Belgique à Madrid n'a pu faire naître ou entretenir chez le Gouvernement
es.ae-ol la crovance au'il dit maintenant avoir étéla sieme.
Dc l'ensembie de ce; faits et de ceux qui sont rappelésdans les pièces
de la procédure écriteou qui le seront au cours des plaidoiries, mon
couveniement s'estime en droit de conclure. comme il i'a fait dans ses
Observations et conclusions aux exceptions préliminaires, que l'attitude
du Gouvernement défendeur en cette affaire ne lui permet pas de tenter,
au nom de la bonne foi. d'exclure le GouvernerncÏit beleë du orétoire.
Je suis également que lorsque la Coiir aura eltendu?'exposé
de l'ensemble des circonstances exceptionrielles qui ont entouré le
désistement belge, elle reconnaîtra qÜe le reproche que l'agent du
Gouvernement espagnol nous adresse en conclusion de son discours,
d'avoir abuséde la protection diplomatique et di: la procédure judiciaire,
est déo'urvu de tout fond~~ent et oue le .ouverne~e~t belee~é~ait -
pleinement justifié isaisir à nouveau la Cour de sa demande.
Monsieur le Président. Messieurs les iue2s.-ie..emercie la Cour de
l'attention qu'elle a bien voulu m'accorder. PLAIDOIRIEDE M. ROLIN
CONSEIL DU GOUYERKEMEST BELGE

[Audiencepubliquedu 3 avril 1964,après-midi]

hlonsieur le l'résident, lllessieurs de la Cour, la Cour a certainement
ao~réciéautant aue les conseils du Gouvernement belge l'interét con-
sfiérable des queitions juridiques qui font l'objet des q;atre exceptions
préliminaires présentéesdans la prockdure écrite,et la valeur desexposés
Gui leur ont été consacrésDar n& distineu-s contradicteurs.
Le Cour est, j'imagine, Zgalement impatiente, curieuse tout au moins,
d'entendre les ar~uments que le Gouvernement belge entend opposer à
ces exceptions. Lës conseik du Gouvernement belge ne sont pii nioins
impatients de vous les présenter.
Force nous est cependant de retarder l'heure de nos explications,
idr LCIICd.e 110sad\.c&airez sii1x5~t.iilesqiiestioiis qiii sont aciiicllenicnt
tiidiiciijsion dcviint I;LSuiir onIt; ~>rCitil;csd'uiitrisIaiig ~)~<..IIIII>III<
oui occui).i 11r;dc trois ioiirs et <li.ictiiln aurait 1x1s LOLIILU:di
notre part l'égard de'nos adversaires, iii sans doute convenable à
l'égardde la Cour, que nous nous bornions à balayer la plus grande partie
de cet exposé introductif en indiquant qu'il était dépourvu de toute
pertinence pour les questions que la Cour aura ?Irésoudre.
Et pourtant, ce manque de pertinence ne parait pas doiiteux, et il
est plus étendu encore en ce qui concerne les exposés oraux qu'en,ce
qui concerne la procédure écrite.Car, sans doute, les exceptions preli-
minaires contenaient une introduction et ce qu'on appelait une partie
histona. .aui étaient assez~encombrantes ~uisciu'ellesoccupaient en-
semble 86 pages sur 258, soit un tiers, et beaucoup plus considérable
encore était la place réservée à ces considérations dans l'ensemble des
annexes.
Soit dit en passant, je n'apprendrai rienà la Cour en lui disant que la
méthode de présentation de ces annexes par le Gouvernement espagnol
est quelque peu particulière et quelque peu compliquée.
Il y eut d'abord un volume d'annexes non nuniéroti:;sur les 780 pages
de ce voluine, il y en avait 546 qui étaient consacrées à I'introductioii
ou à la partic historique.
Nous avons reçu dans la suite un volumc auxiliaire d'aniiexes qui
commençait par reproduire le texte des documents déjàpubliésen 1960
et qui n'avaient figurédans le volume de 1963 que par une référeiice.
Cette fois, sur un total de 922 pages, il y en avait 853 qui concernaient
minaires. IInfin, dans le même secondvolume. il y avait une longueréli-
liste de180autres documents déposés à la Cour internationale de Justice
en 1960 et sur lesquels les exceptions préliminaires de 1963étaient
déclaréeségalement fondéesE . n ce qui concerne cette liste additioiinelle,
il y avait 178 de ces documents consacrés à la partie historique et II y
en avait deux qui étaient consacrés à la quatri&meexception. PLAIDOIRIE DE >I. ROLIS 33I
J'imagine, Messieurs, la surprise et la déception des chercheurs qui,

je n'en doute pas, plus tard, désirerontétudierdans le détail,documents
en mains, l'arrêtque vous aurez rendu sur les exceptions préliminaires,
qui prendront les volumes de documents de la Cour et notamment ceux
remis par le Gouvernement demaiideur sur les exceptions préliminaires
et qui constateront avec quelque effroi que la plupart de ces annexes
sont parfaitement étrangéres à la question <le droit qu'ils auraieiit
désireétudier.
Alessieurs,le Gouvernement belge, saisi de cette documentation écrite
et du volume contenant la partie historique et l'introduction, cmt
pouvoir y répondretréssommiirement dans ses observations et dans les
annexes à celles-ci. Puisque hi. le professeur Keuter a indiqué qu'un
de ses buts avait étéd'inciter les membres de la Cour à lire les annexes
espagnoles, puis-je recommander aux membres de la Cour qui auraient
ce courage de bien vouloir ne pas oublier égalf:ment,outre les pages g
à I jde l'introduction à nos observations (I),les pages 5 à 67 du premier
volume des annexes à riosobservations.

s'étaitlivrédansla procédureécritepour Gengerles accusations pknCbles
qui avaient étédirigéescontre ses autoritésadministratives et judiciaires
par la requêtebelge, le Gouvernement espagnol aurait considéréque son
honneur était suffisammerit satisfait et qu'il estimerait pouvoir épargner
aus membres de la Cour, aus conseils du Gouvernement belge et à ses
propres conseils le temps précieux qu'ils devaient normalement con-
sacrer à l'examen des exceptions préliminaires.
Les premikres paroles de M. l'agent dri Gouvernement espagnol.
1orsq~'iiniiiioiiq;i i'espos; dii prolciil:iir I<<.iiiiiiviili:virci;i Ct:tt<:
illii~ion <l'ouIn rkiition de l'agent du (;i~u\.<,rnrni,nt b<,lgi:qiii crut
de\.oir t.spriiiic.r iiiiiiiétliatcment ses crnintcs quintla tournure dei
débats; mais notre surprise augmenta lorsque noris vîmes le professeur
Reuter, non seulemeiit se tenir éloignédes exceptions préliminaires,
voir mêmedu fond du litige, mais bien plus encore que ce n'avait éte
le cas dans la procédure écrite, se livrer i des dé\-eloppements qui,
dans notre pensée, mêmele jour où, comme nous l'espérons, nous
aborderons le fond, n'y trouveront aucune place:légitime.
En effet,la partie historique des exceptions préliminairesétait consa-
créeiiotamment à un effort de réfutation de l'argumentation présentée
par le Gouvernement belge pour établir l'existence des intérêtsbelges
dans l'affairede la Barcel~~a Traction et dans les actes dénoncésde la
part des autorités judiciaires et administratives. Ceci se rattachait
incontestablement à la troisième exception portant sur le prétendu
défaut de qualit6 du Gouvcrnement b&e pÔur agir. Aussi, àans nos
observations, avons-nous répondu à cette partie historique daris le
chapitre consacré à In troisièmeexception.
Nous notons avec iine certaine satisfaction que les conseils dl1Gouver-
nement espagnol se sont inspirés de cet exemple et qu'il n'y a plys
de trace dans l'exposéintroductif du professeur Reuter, de cette partie
de l'introduction aux exceptions prtliminaires. bIa tache va donc s'en
trouver abrégéed'autant.
De son côté.il est vrai. AI. Reuter avait annoncé. au début de son
exposé, que ses développ&nents ne seraient pas seulement nécessaires
à l'intelligence généralede l'affaire mais - je cite: centretenaient33z BARCELONA TRACTION
avec les exceptions préliminaires et notamment avec la troisiéme et
avec la quatri'emedei rapports nombreux et pour une part inattendus B.
Après cet avertissement, l'indication de ces rapports a étéattendue
par nous avec une certaine curiosité, et notre aftënte a étédéçuecar,
à mon souvenir, ni sir Humphrey Waldock, ni le professeur Guggenheim,
ni les professeurs Ago ou Malintoppi, s'ils ont fait parfois allusion
l'exposédu professeur Reuter, n'ont cherché dans son argumentation
aucun appui quelconque pour leur propre démonstration.
D'autre part, on s'était également efforcé,dans la partie historique
des exceptions écrites, de démontrer l'état de faillite latente de la
Barcelona Traction au mois de février 1948.et la conduite maladroite
de la Barcelona Traction dans la procédure de faillite. Ces tentatives de
justification des décisionsjudicia'ires espagnoles qualifiéespar nous de
dénis de justice, étaient manifestement des anticipations sur le fond.
Le Gouvernement belge y avait néanmoins répondu brièvement, mais
seulement dans des annexes à sesobservations, à savoir les annexez et 4.
A ce sujet encore, nous constatons que toute esquisse de la future
défense au fond du Gouvernement espagnol a disparu des exposés
introductifs qui ont étépréscntés à la Cour.
Sur un point seulement les considérations développéesverbalement
semblent se rapporter au fond, à savoir là où les refus de devises par les
autorités espagnoles aux dirigeants de 1'Ebroont étéexpliqués comme
trouvant leur origine dans le refus d'indication opposépar l'adminis-
tration de l'Ebro aux demandes de renseignements de l'administra-
tion fiscale. Au surplus, la discrétion observéepar le professeur Reuter
à l'égard desaccusations de déni de justice dirigées contre les auto-
rités espagnoles est trop conforme à la phase actuelle des débats
suivant le Règlement de la Cour pour que nous songions à lui en faire
grief.
En résumé,je suis bien forcéde constater que ni l'exposéintroductif
du professeur Reuter, ni dans une large mesure celui de M. l'agent du
Gouvernement espagnol en tant qu'il a plaidé le non-épuisement des
voies de recours di~lomatiaues. n'ont esauissé de défenseau fond. ni
préparéle développhent d'aucune excephon préliminaire.
Quelle aété dèslors la portéede ces exposés?A vrai dire, lorsque nous
avons entendu l'un et l'aitre des orateuk, nous avons étésousi'impres-
sion qu'ils entendaient nous développerune cinquième et une sixiéme
exception préliminaire, et nous serions surpris que la mêmequestion
n'ait pas surgià l'esprit de certains Membres de la Cour.
N'était-ce pas, en effet, Monsieur le Président, llIessieurs les membres
de la Cour,une cinquièmeexception préliminaire que paraissait annoncer
Monsieur le professeur Reuter, lorsque, avec une certaine emphase, il
posait la question suivante (voir ci-dessus, p. 5:
ii[si] le nombre, l'étendue et la gravité des atteintes portées à
l'ordre légalespagnol par le comportement di1groupe de la Rarce-
lona Traction et de ses dirigeants [nepermettait pas] de se demander
si ce groupe peut encore être l'objetd'une protection diplomatique
quelconque et notamment de la part du Gouvernement be1ge.n

Il avait continué en disant, il est vrai:
nSans doute le Gouvernement espagnol n'a pas donné à cette
considération la forme technique d'une exception préliminaire qui PLAIDOIRIE DE M. ROLIIJ 333

serait venue s'ajouter à celles, déjàtrop nombreuses, qu'il a soule-
vées.i,

Mais il avait aussitôt ajoutécette phrase sybilline: <<Mailsa question est
poséedevant la Cour. iiII ne disait pas la question est posée à la Cour
mais la question étaitposéedevantlaCour.Et aprèsavoir poséla question
devant la Cour, il proposait, j'imagine à la Cour, une réponse libelléeen
termes presque aussi mystérieux: R ..le groupe de la Barcelona Traction
et de ses dirigeants n'est plus recevable à bénéficierd'une protection
diplomatique quelconque et spécialement <le celle de 1'Etat belge».
Le groupe de la Barcelona Traction n'était plus recevable, mais il
s'agit ici de la recevabilité de la demande belge! Est-ce que dans la
~ensée du ~rofesseur Reuter le Gouvernemi:nt belee n'était ~lus
;ecevable? ~uant à M. l'agent du Gouvernement espa$ol, de son Côté,
il clôturait les considérations qu'il avait consacrées à la démonstration
que le Gouvernement belge neme serait pas conforméaux exigences du
droit international, en ce qui concerne l'usage <lela voie diplomatique,
par la considération suivanle que je relèveàia page 73 ci-dessus:

iiEncore que ne formulant pas d'exceptions préliminaires pour
défaut d'épuisement des négociations diplomatiques - ce qu'il
aurait DU faire. car il n'. a Da' eu réellement de néeociati-ns
dil~l<,iii:;iiqu:III.:ils Jutr:,it<Iii~p.iri~.l~ci;tcl(.192---le ':;oII\.c~-
it<.iiicntç.~).agJIs'cst cri!r>blig&rl;ittiri:1art~~itiuiide li ('OIIIsur
l attitiirl,LIU Gui~\cr~i~:ni~~ itC-E,::,V:III~IV(l,'.oLt11,:la XCLIII~.I~
de 1958. »
Toutefois, Rlessierirs,je reconnais que, tout à la fin de sa déclaration,
nous nous trouvions rassurés par les termes dans lesquels M. l'agent
du Gouvernement espagnol annonçait leprogrammedesexposés ultérieurs
qui allaient être consacrés aux quatre exceptions préliminaires bien
connues de la procédure écrite,ce qui nous amenait à conclure que ce
nombre d'exceptions préliminaires demeurerait limité à quatre, et que
nous ne nous trouvions pas devant une tentative, qui eût étéassurément
discutable, d'introduire au cours de la procédure orale une cinquième
et une sixième exception.

Mais alors, on peut se demander: si ce n'est pas à titre d'exception
préliminaire que le professeur Reuter a parlédes prétendues violations
de la loi espagnole commises par lesdirigeants de la Rarcelona Traction,
s'il n'attend pas de la Cour une réponse à une question qu'il a posée
devant la Cour, pourquoi alors a-t-il posécette question? Et pourquoi
hl. l'agent du Gouvernement espagnol a-t-il cru devoir attirer l'attention
dela Con7sur la prétendue insuffisanceou absence de négociations diplo-
matiques aiisens du traité hispano-belge de 1937, si cette circonstance
ne doit, dans sa pensée, exerceraucune influence sur la recevabilité de la
demande belge qui est, avec celle de la conipétence.la seulequestion qui
est actuellement soumise à la Cour?
A cette question une rhponse me parait devoir êtredonnée.En ce qui
nous concerne nous n'en avons trouvé au~un~ seul~ ~ ~ ~'a~~t là d'une
simple tentative dediversion.
Nous avionsdéjàémis,dans nos observations (I),i la page 8,paragraphe
6.cette ao>.éciationen ce oui concerne la section 1de la ~artie histonaue
bésexceptions préliminairésdont M. le professeur ~ekter s'est inspiré
et nous avions précisé,quelques pages plus loiti, à la page 28, que ces334 BARCELOSA TRACTIOS

accusations ne visaient en fait ou'à discréditer anrès COUD la Barcelona
Traction et ses dirigeants afinie paraisse moins Choquanie la spoliation
dont ils ont étévictimes. M. le nrofesseur Reuter a relevéla chose avec
assez de fierté, au cours de la' première audience, page 5 ci-dessus,
et il iious a riposté avecquelque mépris:aOn ne répond à une affirmation
de ce genre que par des faits.»
Je regrette, Rlessieurs,mais cette riposte me parait à côtéde la ques-
l'objet du premier exposésont ou non fondées,la question est de savoirfait
préliminaires
dans quel but des allégations étrangèresaux exceptions
vous sont préseiitées.A supposer que la Cour considére comme vérité
d'évangiletout ce qui lui a étéexposéde l'autre côtéde la barre, quelle
relative au désistement, de l'exception relative iila compétence, deon
I'exceptioii relative aujus standi,de l'exception relative au non-épuise-
ment des \.oies de recours internes! A cela, ce ne sont pas les faits qui
répondent, c'est hl. le professeur Reuter qui aurait dii répondre.
Et pmrquoi 31. l'agent du Gouvernement espagnol s'est-il efforcé
d'établir,suivi du reste en cela par certains des conseilsde son Gouverne-
ment, que le Gouvernement belge avait mis une réelle désinvolture
- c'est le mot qu'il a employé; il aurait pu dire. d'après le tableau
qu'il en faisait, que le Gouvernement belge avait manqué à la plus
élémentairecourtoisie - en prétendant remettre iil'étape judiciaire
sa réponseaux objections du Gouvernement esp;lgnol, notamment en ce
qui coiicerne lejus stand;.
L'un et l'autre doivent sans doute s'titre dit que si leurs accusations,
ou leurs re~roches. étaient reconnus fondésnar les membres de la Cour.

esprits la lecturede l'exposécontinu dans le mémoire.
>lais il se peut aussi que te développement donné aux deux fins
de non-recevoir qui n'ont pas étéformulées officiellementait obéi,
fiit-ce simultaiiément, à une préoccupation différente. Xos adversaires
n'ont-ils pas espéré convaincrela Cour du bien-fondéde leurs reproches
et aussi du fait (lue ces exceptions préliminaires qui n'étaient pas pré-
sentées auraient pu étre retenues - comme le disaient l'un et l'autre
elles auraient pi1êtreprésentées - afin que certains des membres de la
Cour aient l'impression aue. dans cette éventualité. ils auraient été
disposés à les :icciieilliret hue cela les encouraàse montrer favorables
à certaines exceptions qui étaient effectivement présentéeset au sujet
desouelles ils aiiraient~rouvéaueloue doute
Aionsieurle Président, certes {ln'êntrepas du tout dans ma penséede
mettre en doute ni l'esprit juridique ni la conscience des membres de
la Cour qui, tous. j'en iuis~convaincu, auront à cceur de peser à leur
juste valeur les argiiments des Parties relatifsà chacune des exceptions
prélimiiiaires,en faisant abstraction dans leur esprit, aussi bien de tout
ce oue nous avons DU dire auant au fond. dans notre reauêteet dans
notre riil'iiiuirc.queile (lu,:sI:xr:~\.irfilc. ncciisations qi;c rioiii :i\.on.
:irti<:iilt.lu'ciicc qiiiconcerne les ~illégationicontenucs d~rii 1'cxpo;C
introductif..
Mais nous ne pouvons pas êtreindifférentau fait que nul d'entre nous
n'est maître de son subconscient qui peut, à son insu, influer sur son
jugement. Et je ne crois pas qu'il y ait iin seul plaideur ni devant les PLAIDOIRIE DE X. ROLIfi 335

juridictions nationales ni devant les juridictions internationales qui
puisse se désintéresserdu climat ou de l'atmosphère que ses adversaires
s'efforcentde créerautour d'une affaire.
Le Gouvernement belge, d'antre part, ne peut pas oublier que ceux
qui oiit institué cette haute iuridiction internationaleont voulu que
<es audiences soient publiqnes~ il en résulte que les appréciations émi'ses
pendant de nombreuses audiences au sujet des origines de cette affaire
ont éténécesairement entendues. elles-ont étérC~~ortées.avidement
recueillies par les correspondants des journaux de'èertains pays, dans
la presse desquels elles ont étélargements orchestrées. On ne peut pas
attendre du lecteur non initié qu'il fasse le départage entre les questions
qui sont actuellement soumises à la Cour et celles qui sont, au contraire,
actuellement sans pertinence ou prématurées.
Enfin, le Gouvernement belge n'a pas le droit de perdre de vue que
les accusations qui ont étéproféréesportent directement atteinte à
l'honneur de certaines personnes. Si elles apparaissent comme dénuées
de tout fondement, il est justeque la réputation de ces personnes ou leur
mémoireen soit lavée. Il ne suffit pas à cet égard que les noms des per-

sonnes physiques en cause n'aient pas étéprononcés alors qu'elles ont été
suffisamment désignées par l'indication de leurs fonctions et que leur
identité est du reste parfaitement expliquée et exposéedans les annexes
auxquelles on s'est référé.Il ne suffit pas davantage que les conseils du
Gouvernement espagnol se soient abstenus, comme M. le professeur
Reuter l'a souligné à la page 5 ci-dessus, de procéder à aucune quali-
fication juridique sauf, disait-il, bien entendu, en ce qui concerne la
législation fiscale et la législation des changes. Les accusations que nous
aurons à rencontrer parlent d'elles-mêmes.II s'agit bien de ces mêmes
accusations d'escroquerie et d'abus de confiance dont certains groupes
rivaux saisirent déjà le Parquet de la Seine en 1913 et dont il fut fait
bonne justice dans le réquisitoire du procureur de la République,
reproduit à la pacc60 des annexes aux observations belges.
Ce sont là dêsGcusations dont la gravité ne peut echapper à personne.
Ainsi, Messieurs, par un curieux renversement des rôles, les accusés se
font aujourd'hui accusateurs, et tandis que si~us préteste de ne pas
anticiper sur le débat au fond, on laisse dans une ombre complaisante
les actes qui sont à la base de la requête du Gouvernement belge, ainsi
que l'extraordinaire personnalité de celui qui en fut l'inspirateur et le
profiteur, voici qu'un projecteur est braqué siir l'entreprise doiit il a

fait sa proie. Ainsi il n'aura pas suffiqu'elle ait étédépouillée,il faudrait
encore qu'elle soit rendue méprisable.
Vraiment, Messieurs, une telle description de la situation est par trop
caricaturale et les conseils du Gouvernement belge ne pouvaient pas se
soustraire au devoir d'établir qu'elle repose entièrement sur une grossière
déformation des faits.

[Audience fiz~l>Zigueu 6 avril 1964,rnati~cj

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, la Cour aura compris
que rnon exorde de vendredi dernier avait eu pour objet de solliciter son
indulgence pour des thèmes que j'allais êtreamené à développer devant
elle au cours de cette première intervention.
Sur le plan strictement juridique, en effet,,je ne pouvais me refuser à
reconnaître que ces développements seraient sans incidence sur la336 BARCELONA TRACTION
décisionque la Cour viendrait à prendre concernant la compétenceet la
recevabilité de la demande belee.
p,I ~~iiitrc,stir Ic plait nioi:iÏ.~iiii~il~iiiiliurii.iiiliiiz~~:.i.iij..itt
inij~u-.,iblIL,131%~~ .+nriTCJ~OII,1c.j:~ici~jiti~~dte~fr.iii(itd'rll&:<lifts
dir'ieéecontre les~ersonneS~rivéesoue le Gouvernement belee entendait
proréger, non plus'que le réprochede non-épuisement de 1: voie diplo-
matique qui avait étéadresséau Gouvernement belge. -
Je iouKaite que la Cour m'ait compris.
Je crois d'autre part répondre à son sentiment en limitant mes expli-
cations à i'essentiel des exposésdu professeur Reuter et de M.l'anent du
Gouvernement espagnol. Autant je cuis convaincii en effet qu'une ;éponse
s'impose, autant il me paraîtrait déraisonnablede donner à cette réponse
iinelongueur comparable à celle des exposés de mesdistingués contra-
dicteurs. Quelque puisse êtrel'intérêd tes questioiiç qui ont Stésoulevées,
il me paraîtrait peu raisonnable de consacrer un temps considérable
supplénientaire i l'examen de sujets qui sont étrangers au véritable
objet de la procédure verbale.
Dans cet esprit. je n'examinerai que très sommairement les bases
iuridiaues sur lesauelles mes estimés contradicteurs bâtissaient les
éscep<ionsqu'ils esquissaient devant la Cour.
Et je serai à ce sujet d'autant plus bref que M.le professeur Reuter,
tout en affirmant aue i...le droit international inet aussi des conditions
à l'esercice de la protection diplomatique qui tiennent à la conduite de
ceux qui doivent en bénéficier ...1,(voir ci-dessus, p. 51, s'est gardé
d'indiquer les autorités doctrinales ou jurisprudentielles sur lesquelles
cette afhmatioii s'appuyait. Et de même, M. l'agent du Gouvernement
espagnol s'est abstenu de préciserce qui l'autorisait à soutenir que la
négociation diplomatique préalable l'intentement d'une procédure
judiciaire ne pouvait se limiter à la constatation de l'existence d'un
différend,mais qu'elle comportait iiécessairement aussi la discussion des
objections de droit et dc fait opposéesilademande par 1'Etatdéfendeur,y
compris celles relativesi la compétenceou àla recevabilitédelademande.
Je ne traiterai pour l'instant que la base jisidique des accusations
dirigéespar le professeur Reuter et dont il croyait pouvoir éventuelle-
ment tirer une exception préliminaire additionnelle.
A cet égard, il s'est borné à soutenir que

cla protection judiciaire de personnes privéespar le Gouvernement
de 1'Etat dont elles sont les ressortissants ne ~ouvait êtreadmise
par le juge international lorsque ces étaient indignes,
c'est-à-dire. pour employer l'expression irnagée utilisée en droit
anglo-saxon > 10rs~u'iisn'avaient pas les mains propres »
Je regrette ce laconisme. 11 eût sans aucun doute étéintéressant
d'entendre un internationaliste de la valeur du professeur Reuter
développer cette thèse, qu'il voudra bien reconnaître êtrequelque peu
contestable.
Sauf erreur de ma part, la doctrine des clean hands n'est connue en
droit interne que dans les pays anglo-saxons: elle ne peut en tout cas
êtreérigée commefaisant partie de ces principes générauxde droit
communs à tous les Etats civilisés.
Et comme d'autre part elle n'est consacrée nipar un traité ni par,la
coutume, je ne vois pas A quel titre la Cour internationale de Justice
en ferait application. PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 337

BIeme dans les pays anglo-saxons au surplus, elle n'est appliquée
qu'avec une extrême prudence; c'est ainsi qu'il est de règleque la con-
duite critiauable doit avoir un ra~oort immédiat et nécessaireavec le
règlement &pitable qu'une partie 'c'herche à obtenir de l'objet du litige:
rla conduite critic~uéedoit avoir uiie relation immédiate et nécessaire
avec l'équitéqu'une partie recherche dans le cas d'un différend ri.
Et suivant un autre adage
«l'inconduite, qui est sans rapport avec l'objet du litige, ne fera
pas obstacle ce que la demande reçoive satisfaction, mêmesi
Cette inconduite est'indirectement connexe aux affaires dont il est
question dans le procès ».

Voilà pour le droit anglo-saxon. Quant au droit international, il
a DU arriver sans doute aue certains tribunaux d'arbitraae aui avaient
compétencepour recevoi; des réclamations individuelles'sur'base d'un
traité d'arbitrage, aient rejetéces demandes pour cause d'indignité des
requérants. AIak je ne connais aucun exemple où une réclamation pré-
sentéepar un gouvernement dans l'exercice de son droit de protection,
ait étéécartéecil raison de l'indignité des ressortissants protégés.C'est
aux gouvernements, en effet, dans l'exercice di: leurs droits souverains,
d'apprécier tout à fait librement quels sont le mérite et la valeur des
demandes de protection qui leur sont adresséeset on concevrait diffi-
cilement qu'un tribunal arbitral ou une cour saisie d'un différend puisse
exercer un contrôle de la décisionprise par un gouvernement dans ce
domaine.
Tout au plus peut-on relever dans la jurisprudence internationale
certaines décisionsqui. comme dans l'affaire arbitrale bien connue du
I'm alone, ont tenu compte des fautes commises p:rr certaines victinies
pour mesurer l'atténuation de responsabilité qui doit en résulter, voire
l'incidence que cela peut exercer sur le montant de la réparation.
Il est vraique Jenks, dansunchapitre intitulé(~Equityin International
Adjudication » de son livre tout récent The Prospects of International
Adiudicnlion aux pages 412 à413, a cru trouver dans un arrêtde la Cour
permanente de Justice internationale, une application du principe des
mains propres, à savoir dans l'arrêt concernant l'affaire relative à
l'Usine deChdrzow(Indemnitéet cornpetence) (C.P.J.I. sérieA n0q, p.31).
Suivant l'extrait de la regle que cite Jenkciune partie ne saurait opposer
à l'autre le fait de ne pas avoir rempli une obligation ou de ne pas s'être
servie d'un moyen de recours si la première, par un acte contraire au
droit, a empêché la seconde de remplir I'oblig;itien question ou d'avoir
recours à la juridiction qui lui aurait étéouverte a.
J'imagine, Messieurs,que les membres de la Cour permanente auraient
étéfort surpris de voir interpréter cet arrét comme une reconnaissance
et une application du principe des mains propri:s en droit international.
En ce qui me concerne, je me bornerai A souligner qu'en tout cas
I'obiection formulée à l'une des uarties en cause était tirée d'un de
scs propres :ictes, d'iiii <sctci di; (;nu\.criit:riicnt, et non pni d'iiri acte
des p3rticiili,:rs clont cc (;oiivc.rii~,iiciitaslarl~rntection.It d'nutrc
part, que les actes relevésavaient directement tra;it à une des questions
en litige, en l'espécela non-utilisation du droit de recours interne.
Ai-je besoin de le rappeler, dans la faillite de la Barcelona Traction,
ce n'est pasà l'initiative du fiscet ce n'est pas sur base de violation d'une
législation fiscaleque la faillite a étéprononcée. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 339

Je pense qu'il y avait dans cette divulgation de graves irrégularités.
Les organes de la faillite n'avaient pas le droit de se livrer à cette divul-

gation. Le respect des lettres s'imposait à eux dans toute la mesure où
leur mission ne leur commandait pas d'y déroger. Cette mission ne
commandait assurément ni n'autorisait la communication de toutes
les archives de la sociétéEbro à M. hlarc:h et à ses hommes. Ouan- au~ ~ ~~~ ~
autorités judiciaires et fiscales, assurément les syndics avaient le droit
et le devoir de dénoncer aux autorités judiciaires les infractions qu'ils
constateraient..de ~rocéderà des déclarjtions fiscales rectificative--n~L~ ~~
estimeraient opportunes; mais le fisc n'avait pas plus de droit ù'investi-
gation à l'égardd'une société failliequ'à l'égardd'une société nonfaillie
et toute divulgation qui n'était pas nécessitéepar une dénonciation ou

une déclaration additionnelle était donc manifestement irrégulière. Or
en l'espèce iln'y a pas eu de déclaration fiscale rectificative: il n'v a eu
d'autre dénonciation que celle relative ai= sorties de devises p<ndant
la guerre mondiale pour êtreremises à l'ambassade britannique dans
des circonstances que nous verrons à la fin de mon exuosé. Dans ces
conditions, la diffuiion à laquelle on s'est prêtéi:n vue de'permettre une
exploitation en cornmuri desdites archives par M. Alarch et par les
autorités aouvernementales n'a uu avoir d'autfe but. vu I'absencede tout
aboutissement à une condamnâtioi?, qu'un but putement diffamatoire.

II y a là une première irrégularitéet nous ne manquerons pas d'y revenir
le -jour où, comme nous~l'espérons, nous auroiÎs I'occâsion de nous
expliquer sur le fond de la demande.
IIy a une deuxième irrégularité.Si la Cour a parcouru les trois volumes
d'aniieses de 1960 et les deux volumes d'annexes de 1963, elle aura
constaté que les pièces publiées ont fait l'objet d'un choix. Ces pièces
se réfèrent à des pièces antérieures qui ne sont pas produites; elles
nécessitent des réponses qui souvent ne sont pas produites; elles men-
tionnent I'existencc d'annexes qui souvent ne sont pas produites; or,

il n'est pas possible actuellement aux dirigeants (le la Barcelona Traction.
sollicitéspar le Gouvernement belge, de combler toutes ces lacunes parce
que, depuis 1948, ils n'ont plus accès à leurs archives. Alors je pose la
question à la Cour: est-ce qu'il est convenable et conforme aux règles
en vigueur dans les pays civilisésen matière de preuve ou de discovery,
est-ce qu'il est conforme A la conception que nous avons du fair trial-
du procès loyal - que l'on se présente avec un choix de pièces puisées
dans les documents de ceux mêmesdont laplainte est à la base du présent
procès?
II. le professeur Reuter, sans rencontrer l'argument, a semblé vouloir

le prévenir en formulant le premier une accusation inverse contre Ics
dirigeants qu'il a accusésd'avoir détruit ou éloi nédu siègede Barcelone
les pièces les plus compromettantes (voir ci-cfessus, p. 18). C'est une
curieuse accusation, Messieurs, lorsqu'on constate les centaines de pièces
que l'on a publiées, les présentant comme compromettantes, et qui
auraient donc échappéà la vigilance des dirigeants de la société,désireux
d'épurer leurs archives.
Au surpliis, si on se réfèreaux documents cités par hl. Reuter, en ce
qui concerne notamment l'élimination de certaines pièces des archives,

on constate que sans doute les pièces invoquéesétablissent qu'on a jugé
inutile et contre-indiaué de communiauer à la succursale d'Ebro à34O BARCELONA TRACTION

l'activité de la succursale aient étééliminéesde ses archives et envovées
au siègede Toronto.
Et quant aux destructions de pièces, le seul fait qui est,relaté par
notre estimé contradicteur se situe suivant ses propres explicatioiis en
1936, iravant que les comités ouvriers ne prennent possession des bàti-
ments de l'administration centrale u.
A ce moment, une bonne quantité de la correspondance décritecomme
ude nature trop compromettanteu aurait étédétruite. Est-il besoin de
dire. hlessieurs..o.'en uériodede euerre civile les mots IIde nature trou
coiiiproiiiettanrr.>n'o1.i 1j.bun<: p&ic hjzal~; quc IL.SUUCI cIirigc.~nis
i cc nioiiiciit est dc prott:Kvrles liornrii~dont certiiiic~ ul~iiiion~.iiiraic.nt
étéinséréeset fieurêraienrdans la corres~ondance et seraient susceutibles
de leur attirer des ennuis. Comment pe;t-on croire à un moment'donné
qu'en des circonstances aussi critiques les dirigeants de la sociétéaient
eu Dourbut d'éuurerleurs archives du uoint de vue fiscal? Faut-il aiouter
que le 14 févriér1948,lorsque le jugeLde Barcelone commis par 1; juge
de Reus se vrésenta au sièce de la sociétéEbro, les diri~eants de cette
sociétéétaient à cent lieu& de soupçonner que 48 heures auparavant
dans cette petite ville de Reus, sans qu'ils en soient informés, non plus
que la Barcelona Traction, on avait vronoiicéune faillite, et que cette
faillite avait étéconpe comme devk nécessairements'étendrëau siège
des sociétés auxiliaires. Comment,dans ces conditions, auraient-ils pu
avoir le temps matériel - à supposer qu'ils en eussent le désir-de
procéderaux destructions que l'on a imaginées?
Après ces quelques remarques préalables, je vais entreprendre de
rencontrer les principales accusations qui ont étédirigées contre les
actionnaires ou dirigeants de la Barcelona Traction, et je crois pouvoir
les dégagerde l'exposé que laCour a entendu, en les rangeant en quatre
cathgories; je me suis efforcéde les résumerde In manière suivante.
Tout d'abord, j'ai compris qu'il était alléguéque la structure de la
Barcelona Traction. dès l'ori~ine. et les odrations auxauelles se sont
IivrC~ li.fundt<,uri "tir&t> ccii(ii~.s(l~n.Iii,ii(Ic procurcr ;Ic.cs~l~,rnicrs
IV rot s i II dtrii~it Jci a:tiu~~ii~\~r~u)ltiritiiri (les
obligataires.
Deuxièmement, une dissimulationsystématique dela véritablestructure
du groupe aurait eu pour objet et pour résultat de priver le fiscespagnol
des impôts dont le groupe était légalement redevable.
Troisièmement, les dissimulations et les réticences pratiquées par !es
dirigeants du groupe de la Barcelona Traction dans un biit d'évaion

fiscale. l'auraient conduite à devoir refuser àl'administration du contrôle
dvs chniigrs Ic; ii:ii,cigiirmi.iitj qiii e~i;î<.iit;rC indi;p~~ii;;iblt; rfiur
oht<:iiirlii dcviics iii:i.~;i;~irt.ixi[):ri<;nir.dei iuvponi dci oblifi.itioni
lil1ell4~scn livrvc sterlinc: ~llc~i\uiniviit doni'(1;'nin-i 1:)vlrirnble c:aii>e
de la faillite de la ~arzona Traction dénoncéepar le Gouvernement
bcl~c.
Er ciiiin, etcc serait en qii~lqiiesorte Ic r:.;uiiiCIn R:irccloii:il'r:irtioii
et ici rili.il~loi\.~iit2rrc coiisidl:r>eiiwiiiinc une riitrcpri;~ csciitiell<:-
nient iinîiiciGrc qiii, loin di. Ikii;.tiacr;iI'iconomic i.>paqiiolc,n permis
à dt.5c;ipnalisr~i &lr2llg~.l? dc s'ciiri~:IihrSCz 11;pciii.
Cr suiit cr; trci; afiirin;trioi<IIICjt ioniid;.rc, .;ans nictrrc en <l..tc.:i
sinr6rit; <Ici!ii~estim& c,?ntr.xdict~~iri~ , ~nii~iii'iIi.+?lii~,?.~?iitrt,-\,~!rices.
Toiir d'abord i'nl>ordc1,:prcinicr firoiipe d'scciiiationi. 1.a structure
8111gri,ul~c dv I:I Ror,:cl<in;I'r~itioii :, sa f~>ii<l.ttincr Ics o~i;r~itioiis PLAIDOIRIE DE M. ROLIX 341
effectuéesdans les années suivantes auraient i:u pour but d'enrichir
indûment les fondateurs anx dépensdessouscripteurs ultGieu~sd'actions
et d'obligations.
A en croire le professeur Reuter, les fondateursde Barcelona Traction
(je le cite d'après la p. 8 ci-dessus) livraient la guerre non seulement
aux autorités publiques. mais aussi à ceux des actionnaires et des
obligataires qui ne participaient pas au contrôle de l'affaire. Ailleurs je
lis ià la o. rd ci-dessus) aue les aeissements des dirieeants étaient
suscèptib&s déporter «;ne' grave a&einte aux droits des tiers i,.Sans
doute est-il déclaré,aussitôt après: «Parmi ces tiers,'en retenons qu'un
seul: le fisc,maisen passani, mon estimé contradicteur revient vôlon-
tiers sur le sort malheureux de ce qu'il appell,: «le bon public», aux
dépens duquel «on réalisera successivement une séried'opérations très
profitables 1(voir ci-dessus, p. 16). Les pratiques qu'il décritont, dit-il
(ibid): nécessairement des conséquencesnori seulement pour l'épargne
uui ne nousintéressebas ici. mais également voui-1'Etat ».
Ainsi, hlessieurs, t'out enprétendant ne retient que la question
du fisc et qu'or1ne s'intéressepas au sort de l'épargne,constamment,
au cours di l'exposéde la première journée, on i dé3oncé.en passant,
les fraudes et les malhonnetetés commises au détriment des tiers autres
que lc fisc. Je n'aias besoin de vous dire que, sur le plan de la moralité,
ceci est particulièrement grave. Notre estimé contradicteur trouve la
preuve de cette exploitation inadmissible avant tout dans la structure
mêmedu groupe.
Messieurs dc la Cour, au sujet de cette structure, le Gouvernement
belge s'est efforcéde donner dans son mémoire (1)une description aussi
claire et complkte que possible. Je me réfèreaux pages 17 à zr et surtout
aux annexes zz à 30 publiées dans le premier volume d'annexes au
mémoire.Et j'attire spécialement l'attention dr: la Cour sur le tableau
synoptique, qualifié par M. Reuter d'organigramme, qui constitue
l'annexe 30 et qui figure dans cette pochette accolée à la face intérieure
de la dernière page de couverture du premier volume d'annexes. La
Cour y aura trouvéla composition exacte du groupe au31 décembre1947,
avec indication précisedu capital-actions de chaque sociétéauxiliaire,
du montant des obligations de chacune d'elles et avec mention pour
chacune d'elles de la varticivation des autres sociétésdans son capital
ou &linsses émissions.
Notre estimécontradicteur n'a pas contestél'exactitude de ce tableau.
Mais il décrit à son tour le groupe comme suit:

iiune sériede sociétés,quatorze en tout, sont organiséesdans un
ensemble sous le contrôle d'une quinzième, la Barceloiia Traction,
Light and Power Company ...Sur les quatorze sociétés contrôlées,
neuf,comptant parmi les plus importantes,sont contrôlées à IOO %;
quatre le sont presque pour IOO %; une l'est pour go%. >i(P.8.)
Et on souligne le contraste existant entre la multiplicité apparente
des sociétésdu groupe et l'exceptionnelle homngénéité de celui-ci, qui
se traduit notamment, dit-on, par la présentation d'un bilan consolidé,
c'est-à-dire: «un bilan où l'on fait masse des résultats atteints par toutes
les sociétésdu groupe pour les traduire dans'une vision unique n.
Mon estimé contradicteur veut bien reconnaître que ce qu'il appelle
la ~strncture pyramidale »n'est pas une constrni:tion inconnue et propre
à la seule Barcelona Traction mais, suivant lui. pareille institution342 BAHCELOSA TRACTIOS
remonterait à la belle époqueet elle ne pourrait répondrequ'à un but de
fraude. à la foià l'égarddu fiscet des é~arrrnantstro~ crédules.Poumuoi
sans cela aurait-on;rnaginé la créatio; oÜ le rnainiien eii existencé de
sociétésdont d'autres sociétéspossèdent IOO % du capital?
l'ai le remet de dire à la Cour aue mon estimé contradicteur n'est
bien informé,ni sur la stmcturê des grandes affaires telles qu'elles
se pratiquent encore actuellemeiit, notamment en Espagne, ni sur l'état
deia léëislation es~aenole relative aux ErouDementsde; sociétés.
Les g~oupementç'd; sociétés - avec &tes les complications résultant
des connexions complexes établiesentre elles (société mère, filiales,sous-
filiales, participations réciproques, contrats entre sociétésfaisant partie
du groupe, ce qui a étéappelé:lesautocontrats)n'ont cesséde sedévelop-
per au cours des trente dernières années.Les plus grandes entreprises
de notre éo. .eont à leur base des sociétés holdinu .ui détiennent des
~~.irt~~ip:~ti~~iiiliport:~iites dans lei soc~?ii.i du grut~pc et dont le,
dirig~inti soiit rc.sponsnb1e.idc la politiiiut: d'~iist~rnclctoiitc 1't:ntre-
Sans parler-des grandes sociétésApétrolières n,i de ce géant de
I'industrie automobile qu'est la General Motor Corporatioii qui, sauf
erreur. comut. ..8 filiales. dont .resa.e toutes à IOO ."/,.onstatons
qiie ct-tte forme <I'organisntionest p;irtiiuliircnieiit iitilisécpour I'csploi-
i;itiun d,.sroiiiessioiis tic ser\,ices pul)lic;, ci.iliicl'ondbnoninic-cil hiiglai;
pirblic zrtilities.
Les membres de la Cour que la chose intéresserait pourraient feuilleter
à cet égardles recueils financiers publiésaux Etats-Unis sous le titre de
hloody's Industrial A.ln~~zca et Moody's Public Utility ~Muttuul. Ilaiis
l'éditionde ce dernier recueil pour 1961o ,u trouve notamment I'indica-
tion de nombreuses socibtésaméricaines, telle 1;iColumbia Gas System,
cornotarit 18 filiales. dont rGà IOO ," Faut-il mentionner la Brazilian
Traition, sociétécanadienne qui comptait également uii grand nombre
de filialesà roo O/,/Tepréfèrerelever au'en Esuaene méme.l'industrie
électrique est tobi spéGalement, aujoGd'hui encGre, organisée sous la
forme pyramidale. Je me référe à ce sujet a deux ouvrages, I'uii paru à
Barcelone en 1933, sous le titre L'industrie électriqueen Esp<igne, de
Sintes Olives et \'idal Burdils. l'autre paru à Madrid en 1954sous le
titre Le nionopoiedans l'iitdrrsfrieélectriqude MuiiozLinares. Je lis dans
ce dernier ouvrage (dont un exemplaire est déposéau Greffede la Cour):
gLc pru&d; d'incorpor:ition et 1.1itriictiirc pyr linidale rev2tent
driix foriiics ~~rincip:ilc:'iiiïorpor;ition fiii:incc!c I'incorl)oration
iii;itt!ricl1.3 iecùiidc se prodiiit :iprCi rbnlisation (le1;ipramic're.
lors<luc 1~5 son<litiun.i t~ctiniqiie, le pvrinettciit. I.'inçor]>oration
ii~tr~cll cl;iiisIcsstructiiici i>\.r;1mid3l:i21.)iiiiv<Iciinr:ictCris-
tiques de l'industrie électrique;ët son aspect pratique consistedaiis
la substitution d'un grand nomhre de petites unités indbpendantes
par un groupe réduit de grandes entreprises àlignes de transmission
de haut voltage. Les raisons pour lesquelles cette forme d'organisa-
tion est prépondérante dalis l'industrie que nous examinons sont
nombreuses: en premier lien. c'est un fait évident que cette industrie
ne peut se développer de façon adéquate gràce au réinvestissement
des bénéficesnon distribués. La réglementation des prix par les
eouvemements limite de manière considérableles bénéficesde ces
entreprises. La nécessité d'investirdes sommes énormesrend neces-
saire l'adoption d'une organisation capable de les obtenir. Nous PLAIDOIRIE DE U. ROLIK 343

présentons ci-dessous une étude des structures pyramidales dans
l'industrie électriqu...3,

Et l'auteur énumère ensuite une séried'entreprises, à savoir I'Hidro-
eléctrica Iberica (Iberduero), comptant 22 sociétésauxiliaires, l'Union
Eléctrica hladrileiïa, contrôlant 9 sociétésauxiliaires, Luz y Fuerza di:
Levante, contrôlant IO entreprises, Hidroeléctricadel Chorro, coritrdlant
13 entreprises, et il y en a encore toute une liste.
L'aide aux pays en voie de développement n'a fait que multiplier ces
groupes pyramidaux ou verticaux qui causent, à un de mes contradic-
teurs, tant de soucis.
Ainsi que le constate en effet le Secrétaire généraldes Nations Unies
dans un rapport Ji13613 intitulé Décenniedes Nations Unies pour le
rléueloppemen -t Mesures$proposée(sp. 110):
,,Le rôle que les capitaux étrangers peuvent jouer dans le déve-
lo~~ement économiaueest désormais reconnu par un nombre crois-

leur législation sur les inveitisiements. >i

Or on sait qu'en fait ces investissements à l'étranger se produiseiit
presque toujours par la création d'une sociétéd'exploitation ayant son
siègedans le pays en voie de développement, i:onformémentdu reste,
généralement,aux exigences formuléespar le gouvernement de ce pays,
et contrôléepar une sociétéétrangere.
Semblablement, on lit sous la plume du professeur Gower,de I'Univer-
sitéde Londres, dans ses PrinciPles of ~ModertC ~ompaity Law, page ISS
de la deuxiènie éditionqui date de 1959:

<<Laséparation d'un groupe en sociétésdistinctes n'est pas
nécessairementcondamnable [t~nproper];elle peut bien êtreI'arran-
gement le plus économiqueet convenable lorsque le groupe poursuit
un nombre d'activités distinctes. ou lorsqu'il est désirable de
distineuer entre les oarties de I'entreorise-aiii s'occuuent de la
produGtionet de la veAte.ou entre celles'quis'occupent d; commerce
de produits différents.Cela veut aussi présenter les avantages de la
dimensioii \'ar esemolA.-,n-vue de ooürsuivre une mémeDoiitiaur
financière)sans les désavantagesd'une centralisation excessive et un
telarrancemeiit oeut devenir Dresuue inévitable lorsau'une société
a gradue?ement &tenduson ccktrôie d'une industrie in achetant le
capital actions de sociétésexistant dans le mêmedomaine. il

II n'est donc pas exact que la stmcture pyramidale du groupe de la
Barcelona Traction présente déj?ipar elle-mêmeun caractère exception-
ne1qui autoriserait la suspicioi
Nul doute <t.ec~s~-~st.-utions. ou.. ,o-me on le voit. ne sont Das le
propre de la belle époque, donnent lieu à des problèmes uou;eaux.
Certains de ces ~roblèmes concernent surtout le cas des filiales oui ne
sont $as à roo % entre les mains de la sociétémère: ils concerneAt les
conflits quipeuvent en ce cas se présenterentre les intérêts dela filialeet
l'intérêdt u groupe (quise confond avec celui de la sociétémère).
En revanche, lorsque la structure du groupi: ne comprend que des
filialeà plus ou moins IOO %, la distinction en diverses sociétés répond
à une organisation rationnelle des activités du groupe: le patrimoine de344 BARCELONA TRACTION
chacune des sociétésconstitue un patrimoine d'affectation, un ensemble
de droits et de biens affectés à l'une des activités du groupe. Il n'y a
plus place alors pour un conflit d'intérêts.
Mais il y a un autre problème: la nécessitéde permettre aux tiers de
voir clair dans les affaires du groupe, ce qui est diiiicile si chaque société
fait un bilan distinct. Comme elles ont toutes des créances ou des dettes
les unes à l'égarddes autres, il est malaiséde voir en ce cas ce qui re-
présente véritablement dans leurs bilans des valeurs économiques.
Et c'est pour cette raison que la législationde plusieurs pays impose,
dans pareil cas, l'établissement d'un bilan consolidédans lequel sont
groupés ou incorporés,après compensations éventuelles, les éléments
d'actif et de passif de l'ensemble du groupe. C'est une garantie de clarté
et de sincéritéimposéepar beaucoup de lois - la loi canadienne notam-
ment - dans l'intérêt destiers.

Je ne pourrais assez recommander à la Cour à ce sujet l'exemple du
bilan consolidéde la Barcelona Traction qui est reproduit aux pages 330
:i331 ~Iiiyrcmivr \duine d'amitxcj aux <:ict,ption,~pri,liir1111niCIL1.963.
On ), \..t rioiircr:tl'actifI'tnsciiiI,1clt:ihiciis iinmi>l>ili~~ert, i~iul>il:rrs
<Ir.;si>iivtciaiixili.iirit leur, ilroitsi,I';:..~Jlc; ti<.r; .i 1'~~ccpiiori
doncdes droits qu'ellespeuvent avoir les unis à l'égarddesautres,de ces
fameuses dettes fictives dont vous a parlé le professeur Reuter.
De mêmene sont pas portées au passif les obligations des sociétés
auxiliaires qui sont souscrites par d'autres sociétés auxiliaires oupar
Barcelona Traction, mais seulement les obligations émisespar les sociétés
auxiliaires ainsi que par Barcelona 'rraction et qui se trouvent aux mains
du public. On y trouve aussi le passif des sociétésauxiliaires et de
Barcelona Traction à l'égarddes tiers. En ce qui concerne le capital, on
y trouve mentionné, outre le capital de Barcelona Traction et lui seul,
la fraction des actions des sociétés auxiliaires quedétiennent des tiers.
Cette inscription s'impose parce que les avoirs des sociétés auxiliaires
qui sont portés à l'actif n'appartiennent nécessairement au groupe que
dans la mesure où les actions sont propriété du groupe, et il y a donc
lieu d'en déduirepar une inscription au passif, le montant des actions
qui sont aux mains des tiers. Or si l'on examine le bilan consolidéde
Barcelona Traction, on constate que le montant des participations dans
les capitaux des sociétés auxiliairesappartenant à des tiers est inscrit
uour une valeur nominale de I..a,6dollars. alors aue le ca~ital de la
i3nr,.t.ldn.î1'r:~crioirfi,~ircpoiir plu;y, niillioii: <le;loll;trc,ci sort+qiic
13 pnrtic~pntion <I<îticr; dniii I'a\.oiiliigroiipi r<.pr;jciir<.un tirrs polir
niillr ilu rnrntil ri<imin;ildc Uarreloriti i'raction. C'c't rlirc Ic dt>rrrdr
contrôle la sociétémere reconnaît exercer, car ce bilan consolidz était
publié et connu de tout le monde. il était donc constant que la société
m&reexerçait un contrôle immense sur les sociétésauxiliaires et l'on
croit rêver lorsqu'onentend le professeur Reuter déclarerque Barcelona
Traction mit tout en Œuvre pour faire croire que les diverses sociétés
étaient indépendantes les unes des autres.
Enfin, Messieurs, il n'est pas douteux que la créationde groupements
de sociétéspose des problèmes fiscaux. On se tromperait pourtant du
tout au tout si l'on croyait que pareille structure aboutit nécessairement
à des dégrevements fiscaux.
Dans une certaine mesure le résultat est inverse, et il y a taxation
successive des mêmes sommes: ainsisi la sociité A prête à la sociétéB
une somme que la socibtéB prête à la sociétéC,il y a matière à taxation PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 345
sur les deux opérations, tandis qu'il n'y aurait matière qu'à taxation
d'une seule opérationsila société avait prêtédirectement a la sociétéC.
Et de mêmëlorsque les sociétéssont actionnaires les unes des autres,
chacune d'elles va payer l'impôt sur le bénéfic,ien que ce soit souvent
le mêmebénéficequi soit à l'origine et que l'on ne nous dise pas qu'il
n'y aura pas d'impôt si les sociétésne réalisent paç de bénéficeou si
l'on s'arrange pour qu'il n'en apparaisse pas, car dans beaucoup de pays
et notamment en Espagne, il y a un impôt sur les bénéficesminimum
qui est payé mêmeen l'absence de bénéficeet qui est de 49 pour rnille
du capital. Quatre et demi pour mille du capital. cela représenterait
donc IO % d'un bénéfice fictifde 4.j %. On suppose forfaitairement
qu'il y aurait eu un bénéfice dissimuléde 4,5%,, taxé à IO %; c'est le
minimum que toutes les sociétés espagnolesdu groupe de la Barcelona
Traction ont dû payer sur lcur capital chaque année.
Bien entendu, lorsque la société mèreet les sociétés filialesont leur
siège dans des pays différents, il en résulte de nouvelles complications
qui sont bien connues de tous les internationalistes, puisque cela aboutit
à double imposition ou àl'omissiond'imposition et que, depuis la Société
des hations, les efforts des gouvernements abolitissentà la conclusion
de diverses conventions pour éviterl'unet l'autre de cesinconvénients.
Quoi qu'il en soit, c'est manifestement au 1é;:islateurnational et au
lérislateur international.u à ce aui en tient lieu, qu'il incombe de

porîer des jugemen& précipités.
Je retiens, de cette partie de mon exposé, qii'il n'est pas exact que
la structure ~vramidale du mouDe de la Barcelona Traction urésente
déjà,par ellelkêrne,un carac?ère'exceptionnel qui autorise la sÛspicion.
Monsieur le Président, avant de reprendre mon exposé.je dois faire
une petite rectification. J'ai dit que les sociétésauxiliaires, mêmeen
l'absence de bénéfices,étaient taxéesà raison d'un quart pour mille de
leur capital: en réalité,il s'agit deour mille.
Monsieur le Président, j'imagine qu'on va répondre aux explications
peut-êtretrop longues que j'ai donnéessur la raison d'êtredes groupe-
ments de sociétésaue. si effectivement ceux-ci ueuvent ré~ondre à des
besoins économiquésparfaitement normaux, dans le cas Spécialde la
seraient établis.n,au contraire,l'intention de fraude et l'effetde fraude

essentiellement du préjugé défavorabletouchant les groupements delève
sociétés, maison a prétendu le justifier par'ar~alysede certains actes
relatifsàla constitution du groupe. Contrairement à ce que l'exposéde
M. Reuter laisse supposer, le groupe de la Barcelona Traction ne s,e
composait pas à l'origine de quinze sociétés; il secomposait de trois
sociétés:une sociétéde lancement ($ronzoting company), à savoir la
Spanish Securities Company, une société de firiancement, qui éfait la
holding company Barcelona Traction, Light anil Power, une troisième
sociétéexploitante, qui était la ofierating con~paEbro Irrigation and
Power Coiripany, Limited, toutes trois sociétés canadiennesconstituàes
quelqiies semaines d'intervalle. C'est là, comme il a étéexposédans le
mémoire,une méthode classique,en Angleterre et an Canada avant la
guerre de 1914, la méthodea àtrois échelonsa(three tiers). C'est progres-346 BARCELOSA TRACTIOS

ou cpeile manie mon~polistique,~~uele groupe s'esi accru de nouvelles
sociétésdont les unes ont été crééespar lui et dont d'autres ont été
rachetées. Et le détail de ces opérations se trouve relaté de façon très
complèteaux pages 157 à 158 du premier volume des annexes au mémoire,
annexe 23.
Cependant, dès i'origine, M. Reuter croit relever les marques indélé-
biles de la fraude. Et celles-ci, si j'ai bien compris, résulteraient, en
ordre principal, de l'inexistence des apports mentionnés, ou tout au
nioins de leur rémimérationexcessive. II semble que cette critique vise
à la foisles apports qui ont étéfaits par M.Pearson à Spanish Securities,
par Spanish Securities à la Barcelona Traction et leur apport par la
Sarcelona Traction h Ebro. Xotre estimé contradicteur se lamente
parce qu'à l'époquequi nous intéresse. en rgrr, le Canada «n'assurait
pas dans de telles transactions le respect de l'équivalence(voirci-dessus,
P. 'p
Cest exact, hlessieurs, en ce qui concerne la législation canadienne.
Elle se bornait à exiger que la nature des apports soit décrite avec
~récisioii.aue le quantum de leur rémunération soit clairement indiaué
hans toit hrosp&tus d'émissiond'actions ou obligations, et pour' le
surplus, elle laissait aux souscripteurs le soin d'zipprécierDar eux-mêmes
silèsvaleurs av~ortéesétaient'economiauemL~t~~~eliec si siieur estima-
tion était accei>iable.
Je rappelle à la Cour que cette situation a déjà, en 1913, donnélieu
à un examen approfondi de la part d'une juridiction qui ne connait pas
cette législation, qui se montre sévèreen ce qui coiicernel'appréciation
des apports: le Parquet de la Seine a étésaisi à I'é.oa.ed'une vlainte
en escrÔqueriede la part d'un groupe rival. II a commis un expert et nous
avons reproduit l'appréciationdu procureur de la Républiquede la Seine
à l'annexe j à nos observations. Il a conclu au non-lieu dans un réquisi-
toire dont j'extrais les deux passages suivants:

«On ne conçoit pas dans le droit financier français qu'une société
puisse se constituer avec un capital d'actions d'apport et non
d'actions de numéraire. Il n'en va pas de mêmedans la législation
caiiadieniie. Une sociétécanadienne Deiit êtrecrééesans areent: le
numéraire est foiirni par des émissiois d'obligations. Cette knière
de procéder licite et connue heurte sin~ulièrement les principes
français cri matière de sociétésanonymes par actions, mais ille
est telle et la constitution à Toronto de la compagnie Barcelona
Traction n'en est qu'une simple et banale application.
On constate, de plus -et cette remarque est de grand intérêt -,
que les notices et prospectus après avoir énoncé: ccIl n'y a aucun
avantage stipulé au profit des fondateurs et administrateurs».
ajoutent immédiatement: vAIaisles actions sont émisesen représen-
tation de concessions et de propriété»,c'est-&-dire qu'elles cons-
tituent des titres d'apport.
Ainsi, la constitution du capital et des actions d'apport n'est
nullement dissimulée. Il est loisible au public de réfléchiret d'appré-
cier sila sociétéfonctionnant avec les seules ressources du capital
obligataire offre les mêmessûretés que les autres. 1, PLAIDOIRIE DIE 11. ROI.IN 347

Mais, Alessieurs,il a étéplus loin daiis le docunient dont je ne veux
pas prolonger la lecture. II relate quelles ont étéles conclusions de
l'expert qui n'était pas un expert juriste, (lui était un expert comptable
qui s'est rendu à Barcelone, $1.Pons, et qui a conclu qu'en 1gr3 déjà,
c'est-à-dire moins de deux ans après la fondation du eroiipe. ce eroupe
avait manifesté son existence à barcelone par des ré2lisa~iokscksiié-
rables. avant amorcédes travaav et jeté les bases d'uiie concentration
industrielle aui. comme nous allons Ievoir. va se révélerextraordinaire-
ment fécond;. 011 se tromperait donc du tout au tout si l'on croyait que
le Dr Pearson, au moment où il créeSpanish Seciirities s'est borné à
acquérir des concessions ou des droits sur des concessions, dont l'amé-
nagement et l'exploitation vont êtreimprovisés, organisés,en partant
de zéro,par un groupe de sociétésqui va eii assurer la charge et la dé-
pense. Le Dr Pearson était un vétérande la production d'énergie élec-
trique dans le monde entier: au Mexique et au Brésil.il avait également
crééde très vastes entreprises et la création (Iiigroupe de la Barcelona
Traction est l'aboutissement de longues annkes d'étudesaussi bien sur
le plan industriel que sur le plail éconoini<lueet le plan financier, et la
première étapedans la réalisation d'un plan dont le caract6re véritable-
ment génial allait rapidement apparaître.
Ainsi, c'est tout à fait gratuitement (lue le professeur Reuter a cru
voir dans la rémunérationdes divers apports du stockivateri+zg.
A part cela, on cherche en vain d'autres preuves de fraiide commise
au détriment des tiers; on constate qu'il est exposé à la Cour un pro-
blème qualifiéde ipurement imaginaire iiet qui n'a rien à voir avec
la Barcelona Traction, mais que le professeiir Reuter déclare devoir
mettre en lumière:

n Supposons, dit-il, que les fondateurs d'uiie sociétéaient apporté
à cette sociétédes biens réelspour millc imités. Ils ont émis en
contrepartie pour deux mille obligations et mille actions qu'ils
ont gardées par-devers eux. Et puis la sociétédémarre et ils arri-
vent à placer dans le public, dans le bon piiblic, pour mille d'obliga-
tions; puis les choses se gâtent..n

et comme la Cour se le rappellera, les choses tournent mal pour le bon
public, en sorteque M. Reuter conclut sévèrement: rtout ceci se raniène
à appliquer une règled'or de ce genre d'opér:itionsqui est de socialiser
les pertes et d'individualiser les profitsi.
Nais, on nous avait dit aimablement que cela était purement imagi-
naire. que cela n'avait rien à voir avec la Barcelona Traction. Cepen-
dant. on conclut textuellement aile tel a étéle ieu des réorganisations
financières. Alors on souhaiterait une preuve 'de, cette aGpréciation
sévère,qui avait pourtant fait l'objet d'une réfutation soignéedu Gou-
vernement belee ?annexe z aux observations). Or. Jlessieurs. on a pré-
tendu nous enprLsenter une et une seule. '

qui n'appelle aucun examen comptable, Jin exemple inEdit dont ilple,

n'avait pas étéquestion dans les exceptions préliminaires. C'est, je
suppose, une pierre qui est l'apport personne! que l'on croit réelet qui
va s'avérer fictif.C'estcet amoncellement de pierres sous lequel on espère
écraserlegroupe de la Rarcelona Traction.
Voici, Messieurs, cet exemple simple:348 BARCELONA TRACTION

«Au mois de juillet 1914. un certain nombre de fondateurs ont
essayéde placer dans le piiblic des obligations, alors qu'ils savaient
parfaitement que la susperision des paiements interviendrait quel-
ques mois plus tard. » (Voirci-dessus, p. 16.)

Et l'orateur ajoute avec une rare modération: Ils ont certainement
accompli là un acte qui prouve une certaine désinvolture. »
Pour une fois, nous avons un bel exemple de understatement.Mais,
j'avoue que lorsque j'ai entendu cette déclaration j'ai étéquelque peu
perplexe et intrigué; me souvenant de cet ététragique de 1914 que
j'ai moi-même vécu à l'âge adulte et dont j'ai suivi les péripéties jour
par jour, je me suis nécessairement demandé à quel moment les fonda-
teurs de la Barcelona Traction savaient parfaitement que la suspension
des paiements allait intervenir quelques mois plus tard par suite de la
guerre. Aussi je n'ai pas besoin de dire que cette crainte de guerre
mondiale n'a pu naître dans l'esprit des fondateurs comme de n'importe
qui qu'au lendemain de l'attentat de Sarajevo, à la veille duquel per-
sonne en Eurone ne ~ouvait croire à la or~ ~irnitéd'une-euerre mondiale
et mème dansies joirs qui suivirent l'attentat, personne ne crut encore
que les difficultésallaient prendre l'extension qu'elles ont prises réelle-
ment.
Or, je n'ai pas eu de peine à vérifier quelle est la date de l'attentat
de Sarajevo: il se situe au 28 juin 1914. Et d'autre part, le prospectus
d'émissionde ces obligations dont on aurait dû prévoir la suspension
se place au lerjuillet 1914.J'en voisla preuve dans le prospectus d'émis-
sion desdites obligations qui a étéreproduit à la page 618 du volume
auxiliaire d'annexes aux exceptions préliminaires.
quiJeapétéconfiéeoàtla Bank of Scotland, a nécessitéentre les dirigeantset,
de la Barcelona Traction et la Bank of Scotland, des négociations, une
mise au point, notamment en ce qui concerne le mode de paiement des
obligations qui seraient souscrites. La décision d'émission nepeut donc
avoir étéprise au plus t6t qu'une quinzaine de jours avant la date que
nous voyons. Celase situe au 15juin. Alors je posela question: qui donc,
au 15 juin 1914 savait qu'une guerre mondiale allait éclater et qu'elle
allait entraîner nécessairement un moratoire et l'impossibilité defaire
le service des obligations émises?
Au surplus, M. Reuter se trompe lorsqu'il pense que la suspension
de paiements des coupons a résulté directement de la guerre. Si cela
avait étéça, ce n'est pas au bout de quelques mois, c'est au bout de
quelques jours que ce moratoire serait survenu dans la plupart des pays
belligérants. Alors, je signale à mon estimé contradicteur l'existence
dans ces annexes d'un autre document qui devrait retenir son attention.
C'est l'annexe 41 du volume auxiliaire d'annexes à la page 699. 11y
a là le rapport du comité des porteurs d'obligations 5 %, en date du
9 avril191s. II y est expliqué que par suite dc l'extension donnéeaux
travaux à Barcelone, il a éténécessaire d'élargir considérablementle
programme financier initial, que des arrangements ont été pris avec
un groupe debanquiersfrançais et belges. Ceux-ciont versé effectivement
z millions de livres. ~uis ils ont arrêtétout autre versement Darsuite
dii ino~itoir*: ~~ro\oiliii par In giii:rr< lin;iiitz clc <lIIoBnrc,-lonn
s'esttroiivir.2fiil~ICccmhrc101.ldnni I'impo;sihilit> il.p.iy<:rl'inttlrêt
dii poiir Icsbons.25O',qiii :i~~idnt61;:pl:ic>iclan; Ic piibIccler jiiillct. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 349

Alors, Messieurs, vous voyez, cette interruption n'est mêmepas une
conséquence directe de la guerre. Cet emprunt qui avait étéplacé le
juillet1914 I'a étémanifestement de bonne foi. On se demande
véritablement en vain quel est le reproche ou le soupçon qui pourrait
être dirigécontre les auteurs de cette émission.
Véritablement, la Cour reconnaîtra, je pense, avec moi, que l'auteur
de cette accusation aurait mieux fait de se pencher sur la comptabilité
des sociétés,plutôt que de présenter à la Cour un exemple qui est
assurément très simple, mais qui ne résiste pas à l'examen.

[Audience fizcbliqzledu 6 avril 1964, a@&-midi]

Monsieur le Président. Messieurs de la Cour. i.a,orde le deuxième
groupe d'accusations, ceiui auquel le plus de temps a étéconsacré.
La dissimulation illégalede la véritable nature de la Barcelona Trac-
tion et de la structure du "r~~Le aurait nermis :Ila Barceloiia Traction
et à son groupe de ne pas être taxés c'omme légalement ils auraient
dû l'étre.Aprèsun examen attentif del'argumentation qui a étésoumise
à la Cour à ce sujet, je ne peux que la considérer commetotalement
dépourvue de fondement, et j'espère bien pouvoir faire partager cette
conviction à la Cour.
A cet effet, j'examinerai d'abord la nature des preuves qui sont
produites à l'appui de l'accusation; puis je démontrerai qu'à aucun
moment les autorités fiscales espagnoles n'ont ignoréles circonstances
qui, suivant mon estimé contradicteur, auraient dû amener des taxa-
tions beaucoup plus importantes; et enfin je prouverai que mêmeaprès
la soi-disant découverte du not aux roses dans les archives de I'Ebro,
le fisc, qui le pouvait, n'apis procédé à des poursuites et à des taxa-
tions supplémentaires.
Et tout d'abord cette auestion de ureuves. On se serait attendu
ce que, pour étayer des a&usations défraude fiscale, on comparât les
dispositions de la loi espagnole avec les donnéesrelatives à la structure
du groupe d'une part telles qu'elles étaient conriues des autorités espa-
gnoles à l'époque,d'autre part telles que, suivant lui, elles apparaîtraient
maintenant. Or il n'en est rien. En fait de législationfiscale, on ne nous
citera qu'une fois une disposition extraite Curie loi de 1920, pour le
surplus, on se basera de façon généralesur de prétendus principes géné-
raux empruntés A un prétendu droit fiscal international. Quant aux
donnéesfinancikres propres à la Barcelona Traction, on nous déclarera
avec simplicitéqu'on n'entend pas du tout entrer dans une «controverse
comptable »,on négligerade rencontrer, fût-ce d'un seul mot, les notes
annexées aux observations belges qui répondaient à certaines allega-
tions contenues dans les exceptions préliminaires.
Ailleurs encore (voir ci-dessus, p. 18). notre estimé contradicteur
exposera que
riil n'est pas nécessaire de rentrer dans une discussion comptable
sur l'ensemble de ces matihes pour établir ce que le Gouverne-
ment espagnol considère comme l'un des points essentiels de cette
affaire, savoir que ces mécanismes si compliquésqui constrtuen~
la structure financière et sociale du groupe en Espagne ont éte
édifiésdans un but de fraude et ont permis en fait de réaliser des
fraudes importantes 11.350 BAKCELOKA TRACTION
A ce sujet, oii s'en rapporte à ce qu'on appelle des atémoigiiages
importants), qu'ailleurs on qualifie d'un terme qui n'est pas moins
impropre, des «aveux n, entendant apparemment par là les aveux des

fraudes, c'est-à-dire de non-paiement des sornmes légalement dues.
Or, les pièces dont la production présente les irrégularités que j'ai
indiquées ce matin ce sont sans doute des aveux, mais des aveux qui
portent sur quoi? Vous les relirez si vous en avez le temps et vous coiis-
taterez que ces aveux dénotent une crainte à l'égarddu fisc. Est-ce que
c'est là, Messieurs, un sentiment exceptionnel chez les contribuables?
Cette crainte du tisc paraît être particulièrement vive en Espagiie.
Voici comment s'exprimait à cet égard M. MacXurtry dans une lettre
du 5 décembre 1923 qu'à vrai dire je ne trouve pas reproduitein extenso
dans les annexes mais dont un extrait figure à la page 592 du deuxième
volume des annexes de 1960, dans lanote intitulée oDocuments relatifs
à l'International Utilitie». M. MacMurtry examine la question du
transfert à International Utilities d'une somme qui se trouvait comp-
tabilisée à 1'Ebro à un compte dénommé «Bureau de Londres». II
déconseilled'effectuer ce transfert avec effet rétroactif au début de l'an-

néeen cours et il justifie sa manière de voir dans les termes suivants:
«Il faut se souvenir que nous avons affaire à des gens qui,
dans les meilleures circonstances, apparaissent animés par un
esprit d'hostilité et qui, sous le présent régime, encouragés ou
effrayéspar le pouvoir despotique exercé par le directoire militaire
[nous sommes bien entendu en 19231 ont ajouté à leur attitude
inamicale un zèle inaccoutumé dans la poursuite de n'importe
quelle tache entreprise, et si nous ne pouvons donner de raisons

logiques pour lesquelles le transfert d'un niontant aussi important
aurait étérendu rétroactif au début de l'année, ils pourraient et
probablement iraient explorer l'ensemble de la transaction avec
des conséquences que nous ne pouvons prévoir au moment où ceci
est écrit)>
Faut-il ajouter, Messieurs, que ce zèle, assurément tout à fait méri-
toire de la part d'inspecteurs des contributions, se trouve en Espagnc
dangereusement renforcé par l'intérêtpersonnel qu'ont les iiispecteurs

des contributions à taxer fortement le contribuable. En effet, jusqu'en
1926 une part importante des sommes supplémentaires procurées au
fisc par leurs inspections leur était acquise: et. depuis 1926 iy a un
décret royal du 22 octobre 1926 qui fixe ce pourcentage à zo % des
sommes obtenues ainsi, étant entendu que ces zo % ne leur sont plus
versés individuellement mais sont du moins versés à la caisse générale
de l'inspection qui est une caisse du personnel. Je me réfèreà cet égard
à l'ouvrage de Roca Sastre et Muncunile Paled intitulé Trntudo de lu
contribucionde Utilidades, ze édition, 1956. pages 214 et suivantes.
Que cette crainte du fisc ait inspiré aux dirigeants de la Barcelona
Traction le souci de conserver secrètes toutes les opérations qui seraient
de nature à alarmer le fisc et i éveiller chez lui des soupçons, cela n'est
pas douteux; mais le secret n'est pas nécessairement coupable et ne
peut pas être assimiléà la dissimulation, on a bien voulu le reconnaître.
Lorsque le professeur Reuter, cependant, prétend faire application

au groupe de la Barcelona Traction de la définitionque le Gouvernement
belge a donnée dans ses observations de l'évasionet de la fraude fiscale
qui - je lis- «consiste pour le contribuable à dissimuler aux yeux PLAIDOIRIE DE hi.ROLIX 35I

des autorités une opération qui deuaitdonnerlieu à taxation» il omet par
inadvertance ces derniers mots. C'est ainsi .uiie le ieud12 mars.~.l n.é-
tend s'appuyer sur la déclaration du ~ouvernernekt belge pour démon-
trer qu'ily a eu évasion fiscale,il considéreque cette dissimulation est
acquiSe meme si les intéressés pensent qu'il i a seulement «un risque
que cet acte tombe sous le coup de la prohibition iou, en d'autres mots,
s'il y a un risque que les agents du fisc invoquent des circonstances qui
oiit ététenues secrètes pour prétendre, fût-ce injustement, à certaines
impositions.
AI. Reuter a cité à cet égard un extrait d'une lettre de hl. Aferry,
faisant état d'une déclaration d'un colonel suiiant laquelle il fallait

sabattre son jeu et expliquer que tout l'objet de ln constitutio~t
d'ltiternational Utilities était d'éviter une inzpositio~zinjz~steen
Espagne, mais que si ceci devait condiiirr: à une imposition trop
lourde au Canada, on pourrait renoncer à cette formule et que
le Trésor canadien ne percevrait plus d'impôts du tout D. (Annexe
61, page 707, vol. 11,1960.)
Voilà ce uue ce colonel recommandait.
\Ic~siruri, cxpliiliicr qiic fout I'iibjct d~.1.1ionstitutioii ... ;t.iit
<i't5.iti~UIILilll]l~~lti~iiijuit<. . c'c~tiin ir~iici,iari;iitciiiciit lou:ll,le,
i :on<lition iiiiïI'iiiii)i~.;ition;ivu~rnijsç c<~iiiiiit\:.&r~t:tl>i.ujtc
Et donc il ne!sert à ;ien d'aligner les piécesdémontrant que ceptains
documents ont étécachés évcntuellemeiit au fisc espagnol si l'on ne
iious prouve pas que, à raison de ce secret, on a échappe' à une imposi-
tion juste. Pour que des mesures et des réticcricessoient répréhensibles,
il faut que les impôts soient réellement dus; or non seulcment on ne
fait pas cette preuve, mais nous sommes en niesure d'apporter la preuve
contraire, ce que je ferai dans un instant.
hlonsieur le Président, Messieurs de In Cour, Li première fraude à
l'égard du fisc relevée par mon distingué contr;idicteur concerne la
Barcelona Traction en tant qu'elle aurait personiiellement réalisé des
affaires en Espagne, sans acquitter les impôts qui auraient dû être
payés de ce chef, et cela parce qu'elle aurait dissimulé ses réalisatioiis
en Espagne. (Voir ci-dessus, p. 31-33.)
Sotre estimé contradicteur a déclaré qu'iln'entendait pas du tout
<préjuger de la question de savoir si la Barcelona Traction avait fait
des affaires en Espagne, à d'autres points de vue que le point de vue
fiscal.. Mais sur le point de vue fiscal,ilse réfèrenotamment à une note
assez longue - 20 pages - qui a paril dans les annexes aux exceptions
préliminaires et qui est intitulée: «Xote concernaiit la localisation en
Espagne des affaires de la Barcelona Traction n (annexe no 8, p. 38 à 56
du vol. 1 des annexes, 1963).
On y trouve l'indication qu'il y avait à Barcelone un 31. Lawton,
qui était à la fois directeur de la succursale de Barcelone de la société
canadienne Ebro et simultanément président du conseil d'administra-
tion de Barcelona Traction (en fait, il l'est demeuré jusqu'en 1931).
On trouve aussi la référence à divers extraits de corres~ondance établis-
sant que M. Lawton, se trouvant à Barcelone, s'est a'divers moments
occupé des affaires de Barcelona Traction, au sujet desquelles il a
entretenu une corres~ondance. Et. comme le sirrnald le Goüvernement
belge dans lanote qu'il a piibliéeen annexe $'ses ohserirations (p. 14
du premier volume), tout cela ne préseiite d'importance que si l'on39 BARCELOSA TRACTION
établit que la loi espagnole attache à cette circoiistance l'effet de rendre

-a~ ~lona Traction t~~able. et si l'o~ ~tablit aue.~e~t--circonstance ~-
était inconnue du Gouvernement espagnol avant 1948 et que c'est la
raison pour lauuelle Barcelona Traction n'a Dasététaxée.
Or, ;oyons d'abord quelle est la loi espa6nole. Cette loi, qui n'a pas
étécitée, le Gouvernement belge la reproduit dans la note susdite:
il s'agit de la disposition seconde du tarif III relatif à l'impbt sur le
revenu. Elle existait en 1911; elle a étéreprise en 1920 et en 1922.
Elle domine toute l'affaire. Elle est fort simple; il ne faut pas Etre grand
fiscaliste pour la comprendre:

aune entreprise étrangère sera considérée commeréalisant des
affaires en Espagne si elle possèdedans une ou plusieurs provinces
du royaume, des bureaux. fabriques, ateliers, installations, magasins
ou autres établissements, des succursales. agencesou représentations

autoriséespour coiztracterau nom et pour compte de l'entreprise. n

On n'essaie pas de soutenir une Barcelona Traction ait, en Espaene.
des bureaux, fabriques, ateliek, installations, magasins ou autres éta-
blissements, succursales ou agences. Mais on dit: elle a un représentant
et l'on établit une éciuationentre le mot o représentant 1,et l'ex~ression
de la loi «représeniation autorisée pour contracter au nom êt pour
compte de l'entreprise II.
Ce représentani est BI.Lawton, qui, comme je vous l'ai dit, remplit
les deux fonctions de directeur d'Ebro à Barcelone et d'administrateur
et, jusqu'en 1931, de président du conseil d'administration de Barcelona
Traction. Et, pour bien convaincre la Cour que, en réalité,administra-
teur et représentant ce sont des synonymes, on a recours, hlessieurs,
à un procédé asseznaif: on remplace, dans les intitulés des annexes

qui figurent dans le volume de 1963 et qu'on a reprises au volume de
1960, le nom de AI.Lawton par la qualification qu'on lui attribue urepré-
sentant de la Barcelona en Espagne n.Et ce petit jeu se reproduit dans
la table des matikres une cinquantaine de fois. Rien n'est plus frappant
que de comparer ces documents tels qu'ils ont étépubliés en 1960,
tels qu'ils sont reproduits en 1963; c'est vraiment la grande découverte
du Gouvernement espagnol de remplacer le mot chi. Lawtonn par
l'appellation ale représentant de la Barcelona Traction en Espagne rr,
une appellation qui ne lui avait jamais étédonnée jusque-là. Ai-je
besoin de dire, Messieurs, que cette rassimilation » d'un administrateur
à la qualité de ureprésentation autorisée pour contracter au nom et
pour compte de l'entreprise iiest tout à fait gratuite? Un administrateur
c'est, par définition, le membre d'un collège. 11 n'a d'autre fonction
que de participer aux délibérationsd'un collège, 3. moins qu'on ne lui
donne une délégation, soit dans les statuts, soit de la part du conseil
d'administration conformément aux statuts. On ne nous établit rigou-

reusement rien de semblable et nous avons produit une consultation
de hl. Alan Graydon, qui est un avocat canadien, actuellement President
du conseil d'administration de Barcelona Traction (cela figure à la
p. 23 du premier volume des annexes), et dans laquelle il indique que
hl. Lawton qui est President - et, soit dit entre parenthèses, qui n'est
pas Clzairman, comme le croit M. Reuter qui se sert de l'expression
Chairmandans le compte rendu sténographique (c'est quelqu'un d'autre
qui est Chairman) - M. Lawton est un président qui agit sous le PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 353
contrôle du Clzaiymmnet qui ne pouvait engager valablemerit la société
sans l'autorisation du conseil.

C'est, Messieurs, ce que M. Lawton a expliqiié lui-mêmetrès claire-
ment, officiellement, en réponse à un interrogatoire auquel il a été
soumis en 1932 (vous allez voir comme il dissiniule); hl. Lawton dit ce
qui suit (p.814, annexes, vol. II, 1960):
cQu'il n'est pas et n'a jamais étéle représentant autorisé en
Espagne de la e Barcelona Traction, Liglit and Power ide Toronto.
[L'acte en gros prouve le contraire.]
Qu'il n'a jamais éténon plus directeur président de cette société
« Barcelona Traction », ayant rempli seulement jusqu'en 1931 la
charge de président, qui ne confère de fait ni de droit la représen-
, tation de la compagnie, devant faire rem:irqner que légalement,
pratiquement et grammaticalement. dans les pays de langue an-
glaise le titre ou le nom de direclor ou directeur dans une société
anonyme est exactement équivalent au titre ou à la charge de
conseiller ou membre d'un conseil d'administration en Espagne,
motif pour lequel il n'est pas ni peut êtredisposé à se charger de
répondre aux réquisitions auxquelles on fait allusion au para-
gra he z de la réquisition qui lui est dirigée.
&'il n'est pas non plus et n'a jamais étédirecteur (en dehors
du sens de conseillerque, comme il aétédéji dit, l'expression direc-
teur a en langue anglaise) ni gérant de la «Barcelona Traction Light
and Power » de Toronto; c'est pourquoi ilno peut pas se considérer
notifiéaux effets exprimésau paragraphe 3 de la mêmeréquisition. »
[Les termes de la réquisition précèdentles réponses officiellesque
je viens de vous indiquer.]

Mon estimé contradicteur a, il est vrai, essayéd'échapper à la diffi-
culté de différentes façons. Il semble tout d'abord vouloir faire table
ras,(It% l~t~i~wir;t: r.!l)r~~st~iit;q~~ti\ï. l.:t\vlo~i11'~ti!II1:,<d~.tc:ri~is
I;.:alcmcnt. en ~lli.;.irit qu'.i~ipoint (le rue di! (Iroir ii..r..l i,;l>:i:.nol.
ilsiillii.i(111~ïrtrvI>çrwtiIIL:it rq>r<:ivt~t;en/ri I:, U:ir<<-lon:'iI'r;iction.

<<car - a-t-il expliqué, p. 33 - suivant une règle généraleles
définitions fiscales se réfèrent, sauf exceptions, aux situations de
fait sans référence à des qualifications légales de droit privé et
surtout de droit privéétranger B.
Tout de même,Messieurs, voilà M. Lawton, pour que la Barcelona
Tiaction puisse être taxée comme faisant de:; affaires en Espagne,
il faut qu'il ait la qualité de «représentation :autorisée à contracter>i
et l'on prétend résoudre cette question sans examiner le droit privé?
Il y aurait une représentation en fait lors même qu'iln'y aurait pas
une représentation en droit? J'avoue que cette explication m'a laissé
perplexe. Je me suis demandési peut-êtrece que notre estimé contra-
dicteur avait en vue c'étaitle fait, qui est exact, qu'à certains moments,
M. Lawton a effectivement contracté pour compte de la Barcelona
Traction, en vertu de pouvoirs spéciaux qui lui étaient attribués, dont
nous avons le texte dans le volume des annexes. Ceci ne tombe pas

sous le sens: si M. Lawton a eu besoin de pouvoirs spéciaux pour con-
tracter, c'est qu'il n'avait pas de pouvoirs générauxet qu'il n'avait
donc pas la qualitéd'être, à soi tout seul. une nreprésentation autorisée >I
de la Barcclona Traction à Barcelone. Il n'est (lu reste pas le seul qui354 BAKCELONA TRACTION
reçoive des pouvoirs. A uii autre moment, nous voyons des banquiers,
Arnus & Gari, recevoir également des pouvoirs pour contracter une
opération.
Peut-êtrenous dira-t-on qu'en réalité la répétition dea sctes de délé-
gation particulière pourrait êtreconsidéréesuivant le droit fiscal espa-
gnol, valant représentation permanente - qualification dont du reste
hl. Lawton se voit généreusementgratifié à la page 33 ci-dessus; il
devient brusquement le représentant permanent de barcelona Traction.
Messieurs, si je voyais que Al.Lawton, d'aprésle dossier, est effective-
ment intervenu tous les deux jours, ou tous lej mois, ou tous les ans,
pour contracter pour la Barcelona Traction, je dirais, avec beaucoup
de courage, que 81. Reuter va peut-être essayer de combler les inter-
valles et de déclarer que cette représentation intermittente peut être
considérée,en fait, comme une représentation telle qu'eue est visée
par la disposition légale. En réalité,j'ai relevé péniblement dans le
dossier - j'ai quelque mérite, car il faut se promener dans tous les
volumes pour les retrouver - quatre pouvoirs au nom de Lawton: un
de 19x8 (dans le premier volume des annexes de 1960, p. 242); un de
1921 (dans le deuxième volume des annexes de 1960,p. 1049) ;un autre
de 1927 (dans le premier volume des annexes, p. 540); et un troisième
de 1924 (dans le volume auxiliaire de 1963, p. 133). Et c'est tout. Est-ce
que l'on peut sérieusement prétendre que, de 1911 à 1946, quatre pou-
voirs donnés à un adrninistratcur dc Earceloiia Traction permettent
de dire qu'en réalitéune sociétéétrangère, Barcelona Traction, faisait
des affaires en Es~arne? le me demaiide auelles sont. combien il oeut
y avoir eu ce cas: d> souétésétrangères que le fisc espagnol pou;rait
considérer comme ne faisant pas des affaires en Espagne, si vraiment
il devait suffire qu'une sociéfécontracte, en trente ans, quatre fois,
en Espagne, pour êtreconsidérée comme y faisant des affaires.
Une dernière observation s'impose: le fisc,nous l'avons vu, n'a aucune-
ment ignoréque M. Lawton était à la fois président de 13arcelonaTrac-
tion et Managing direclor et président d'Ebro, puisqu'en 1932 nous
voyons les déclarations qui ont étéfaites par Lt. Lawton et, dans ces
conditions, on comprend mal sur quoi peuvent se baser les accusations
qui ont étédéveloppées à ce sujet devant la Cour.
A vrai dire, Monsieur le Président, l'effort tenté par nos adversaires
Dour établir aue Barcel~ ~ ~ ~~t~on réalisait des affaires en EsDame. -
devait prtvin iocir dcj3 nppar;iitre coniiiie iiéces:<iircmcnt\'out:iI'6clit:c.
ne pouvait pas êtreappelée:si ce nést très exceptionnellement,l~>iaràccon-
tracter en Espagne où elle avait la plupart de ses sociétés auxiliaires.
Aussi la deuxième tentative qui est faite se place-t-elle sur un plan
tout à fait différent. Cette lois, on va soutenu quelaBarcelona Traction
aurait dû être taxée, en raison des relations existant entre les sociétés
du groupe et précisémenteu raison du fait qu'elle avait des sociétés
auxiliaires en Espagne. Et sur ce point aussi, nous dit-on, il y aurait eu
dissimulation. L'une de ces accusations est connexe à la précédente:il
s'agit donc de I'lncomeTaï que la BarceIona Traction elle-mêmeaurait
dû payer; suivant nos adversaires, elle aurait dû être considérée comme
une ~icontnbuable~ (voir ci-dessus, p. 34. 35, 36). Cela tient en peu
de mots: à supposer qu'elle nc fit pas d'affaires en Espagne, elle y avait
des filiales, c'est-à-dire, dit le professeur Reuter, des sociétés auxiliairesdont elle possédait la totalité des actions. Or le fisc, tout en soupçon-
nant aue Barcelona Traction avait le contrôle de I'Ebro. se heurta aux
<l~:n;.~;tioiiset <IisiiriiiilarioiisJcj dirigç:iiits qui s'obsi:iprecnter
1,:ssuciétéscomnie iiiJ;~~riitl:~ntes:\ vrai dire, si1:i19srieloiia l'ractii>ii
a vraiment présentétoit ce groupe comme étant un groupe inexistant
n'ayant pas de liens et toutes les sociétés commeétant indépendantes,
sa conduite apparaîtrait comme critiquable et la naïvetédu fiscespagnol
comme considérable.
Ici encore, l'accusation, vous allez le voir, ne tient ni en droit ni
en fait. En droit, il est incompréhensible qu'on ait prétendu l'appuyer
iiiie fois de plus sur une pratique internationale communément reçue.
On nous a énoncétrois règlesaux pages 34-36 ci-dessus - je ne vais pas
les reprendre une à une. J'affirme ne connaître rien de semblable ni en
droit fiscal belge ni en droit fiscal espagnol.
Quant au droit espagnol, il contient une disposition, une seule, qui
règleles cas dans lesquels une sociétéest taxable. Je la relis, c'est celle
que j'ai déjà lue, il n'y en a pas d'autre:
«Une entre~rise étraneère sera considér6ecoinme réalisant des
affaires en ~siague si elle possèdedans uni: ou plusieurs provinces
du royaume des bureaux, fabriques, ateliers. installations, magasins
ou autres établissements, des succursales, agences ou représentations
autoriséespour contracter au nom ou pour compte de l'entreprise. u

Je vous ai dit tantôt qu'on ne conteste pas qu'il n'y ait ni bureaux,
ni fabriques, ni ateliers, mais on a découvert que le mot succursales
devrait être considéré, pourles besoins de I'interpr6tation de cet article,
comme étant un synonyme de filiales,ou tout au moins, les filialescomme
devant, par analogie, par leur seule existence, entraîner la taxation de
la société mère.
Et l'on déduit cela d'une autre disposition de la législation espagnole
qui est la seule que l'on ait citéeet qui, dans un cas particulier qui est
tout à fait étranger à la question de la taxation des sociétésétrangères,
assimile effectivement les succursales aux filiales. C'est la disposition
de la loi de 1920 que le professeur Keuter a cité,:au débutde l'audience
du 12 mars et qui est libellée commesuit (voir ci-dessus, p. 22):
«On ne déduira jamais des bénéficesles intérêts queles entre-
prises mères étrangères exigeront de leurs filialesou st~ccursales
établies dans le royaume, ni en raison des capitaux investis par
les premières dans les affaires des secondes. ni en contribution aux
frais d'un autre établissement. ni par au<:uu motif analogue qui
permettrait de réduire le bénéfico ebtenu en Espagne. »

De quoi s'agit-il? Il s'agit de savoir si, lorsqu'une société mèreest en
compte courant avec une sociétéauxiliaire, ,cette sociétéauxiliaire peut
porter au passif la dette qu'elle a avec la société mèreou si, au contraire,
il ne faut pas considérerque cette dette ne peutpas êtreprise en considé-
ration lorsqu'il s'agit de vérifiersi la sociétéauxiliaire a étéune sociéen
bénéficeou pas.
C'est donc une tout autre question et, Messi(:urs,pour vous montrer
que cette assimilation est rigoureusement, limitée h l'hypothese de la
non-déductibilitéde l'intérêtje ne peux mieiix faire que de vous lireun
extrait d'un arrst du tribunal suprêmede Madrid du 13 juin 1942 ielatif
à l'International Telephone & Telegraph Corporation Espafia. On356 BARCELONA TRACTION
peut en effet lire danscet arrêtreproduit au répertoire de jurisprudence
Araqizadi1953, le passage suivant:
usi le texte de la loi.met sur le mêmepied les concepts de füiale
et de succursale c'est uniquement sur un point concret, à savoir
celui viséau paragraphe B de la règle4 de la disposition 5, quiinter-
dit de déduire des bénéficesles intérêtsexigéspar les entreprises
meres étrangéresde leurs füiales et succursales établies en Espagne
raison des capitaux investis uar les premières dans les affairesdes
secondes...;et lorsque la loi s'occiil~e'deréglementer aux tins de la
contribution lcs bin&nccs qusobti<:nt eii k:sl~agncune entreprise
étrangère (disposition 2 du tarif 3) elle d;lsigiie de; organisations
spCci:ilespour In vente, les ct:il~lis;cmcnt~.succursalr, agcrices ou
rcpréserit;itiuns,mais noii Ics sociétésfili~les.dont la denornin~tion
enelle-mêmeimplique déjhun concept différent ii.

Effectivement, je n'ai pas besoin de vous dire que la différencedu
point de vue juridique entre succursale et filiale est considérable. La
filiale, c'est par définition une sociétéayant une personnalité distincte;
la succursale, c'est un établissement sans personnalité distincte et qui
dépend de la société.Je crois qu'on n'aurait pas pu s'exprimer plus
clairement.
Quant à la distinction que M. Reuter a paru vouloir faire entre une
sociétédont une autre sociétépossède toutes les actions - IOO % des
actions - et les socibtés sur lesquelles une autre sociétéexercerait
seulement le contrble. ayant la majorité des actions, je crois que cette
distinction est égalemententièrement contraire au droit espagnol.
J'admets volontiers qu'en droit belge et vraisemblablement en droit
français une sociétédont une autre société posséderait IOO % des actions
est une sociétéqui serait considérée commeayant perdu sa personnalité
distincte et cela pourrait avoir des conséquences en matière fiscale;
mais en ce qui concerne le droit espagnol, je renvoie à ce sujet .ideux
décisionsdu tribunal économico-administratif central. une du 2 mai IQ??.
l'autre du 22 octobre 1954. qui examinent l'une etl'autre l'hypothé;e
de filialesdont la société mèrepossède IOO % des actions et qui conside-
rent que cela n'a aucuile incidence quelconque sur l'application de la loi
fiscale. Tout cela suffiti expliquer que Barcelona Traction n'ait jamais
ététaxée au titre de I'imp8t sur le revenu puisqu'elle ne pouvait pas
l'êtredu fait de l'existence d'une filiale.
hlnis, on fait. 3Iessieiirs. l'erreur de nioii estimécontrailicteiir cst plus
grave et inoins explicable. Car voici comiiient il s'est exprime:
nune énormedisiiniulation niirait Ctémizeen ceu\.redc 1920 à19qU.
Legro~ip~ ii~IJnrcelonaTraction a iiot:~iiinieiitrlissimiilCIcsrelations
trt!s étroites oiii uniss~ient l~~----~~lonaTractieti1il)roila tout
fait pour aciréditer la croyance qu'il s'agissait de societés bona
@c indépendantes. n

Je pense que quand vous aurez entendu mes explications vous con-
viendrez que ce qui est énorme,cen'est pas la dissimulation de Barcelona
Traction qui est inexistante, mais c'est l'audace de l'affirmation qui
a étéfaite à ce siiiet.
En effet, je relkve dans les piécespubliéespar l'adversaire, d'abord
ce prospectus d'émission d'obligations du I" juillet 1914 qui est publié
aux pages 618 et suivantes du volume auxiliaire des annexes. On y lit PLAIDOIRIE DE M. ROLIN
357
en touteslettres (jeme réfereau basde la page GI~)que la sociétéBarcelo-
na Traction contrôle, par la possession deson capital d'actions, la société
Ebro lmgation and Power Company.
Donc, sans restriction. elle possèdela sociétépar son capital d'actions.
Et Vonnous accuse d'avoir tout fait pour accréditer la croyance que ces
sociétéssont toutes indépendantes.
Il v aun trust deed additionnel du 26 novembre 1026 aui est le docu-
mzncde gage L'tablipur garantir le ser\.icc de; oblig;itioit de H;irwlona
Traction au Canada. C'est un documçrit dont n'iriii>ortequel obli~at;iirï
oeut rendre connaissance. ~ ~s-~ un document oui es6 tellemënt du
;loma;nc public qu'il \,aétre invoquC par les requ&ants i Irifaillite qui
allémicront sur I;rhase de ce dociirnent que Barcelona Traction i,osséde
toutes les actions de l'Ebro.
En effet, on lit dans ce document que la société BarcelonaTraction
possède 150 ooo parts entièrement libéréesd'une valeur nominale de
IOO dollars chacune du capital d'Ebro Irrigation and Power Company
Ltd., société incorporéesous les loisdu domaine du Canada, et 150 ooo
parts sans valeur nominale. ce qui représente bien toute la totalité du
capital. Et nous sommes accusés d'avoir préserité les sociétés comme
indépendantes.
Lê bilan de Barcelona Traction est toujours accompagnéd'un rapport
de M.Lawton, leprésidentde I'Ebro. Voyez,Mcssieurs,àce sujet, l'annexe
no 28 du volume auxiliaire des annexes, page 461qui contient en supplé-
ment un long rapport de President and matbagingdirector de I'Ebro.
Et l'on prétendrait qu'Ebro et Barcelona Traction sont deux sociétés
indépendantes et que nous avons tout fait pour accréditer cette légende.
Le bilan s'accompagne d'un bilan consolidé dont je vous ni fait
l'analyse ce matinet qui, comme vous le savez, contient. par sa définition
même,des rapports entre une société mèreet ilne séried'autres sociétés.
Il ya au dossier un rapport de l'inspecteur des finances, reproduit au
volume II des annexes de 1960, pages 8 et suivantes. Ce rapport est de
1932.Qu'on ne nous dise donc pas que l'inspection des finances a dormi
et qu'elle a ignoréce que tout le monde savait.. Elle le savait. Il dit
expressément que l'actif de la Barcelona Traction est décomposéet
spécialement attribué, comme étant leur propriété directe, à la société
étrangèreavec affairesen Espagne, Riegos y Fuerzas del Ebro deToronto.
età différentessociétésespagnoles,égalemena tutonomes,dont lesactions
sont la propriétéde Barcelona Traction, à l'exception d'un petit nombre
de titres.
Et last not least, la requêteen faillite publiàela page 263 du volume
II des annexes au mémoirebelge contient la déclaration des requérants
que Barcelona Traction possede toutes les actions de I'Ebro, et l'on
produit un témoin,hl. Velezda Silva, quia étéentendu le II février1948,
qui confirme cette allégation, et, sur interrogation, declare le savoir
par la lecture des rapports et bilans de Barcelon;~Traction.
Et l'on prétend que nous avons tout mis en ceuvre pour faire croire
que ces sociétésétaient indépendantes.
En présencede cette accumulation de preuves, je ne crois pas outre-
passer la modération qui m'a étéimposéeen disant que cette accusation
est véritablement extravagante.
Monsieur le Président, Ilessieurs de la Cour, la troisieme prétendue
fraude fiscale importante relevéepar le professeiir Reuter est attribuée
cette foisà Ebro. Elle a étéexposbe à l'audience du jeudi 12 man, mais35s BARCELOSA TRACTIOS
a occupé aussiles pages IO et suivantes des exceptions préliminaire(1).
Ebro était, en 1920, débiteur de Barcelona Traction à la foisà raison
d'un compte courant d'avances et d'émission d'obligations toutes
souscrites par la Barcelona Traction. Elle était filiale de Barceloiia
Traction et d&slors, dit le professeur Reuter, elle ne pouvait pas, en
vertu d'une disposition de la loi espagnole que nous avons lue tantôt,
déduire deses bénéficesles intérétsdébiteurs du à la Barcelona Trac-
tion. Et il ajoute: c'est pour éviter cette taxation que Barcelona Trac-
tion a procédé à la création d'International Utilities (voir ci-dessus,
p. 26).
C'est le sujet des longs développements qui nous ont étédonnés ence
qui concerne la création d'International Utilities qui lui parait être
comme le symbole ou la manifestation la plus grave des dissimulations.
Reconnaissez tout de suite que tout n'est pas inexact dans l'exposé
qui vous a été fait et qu'International Utilities a sansucun doute été
crééedans le but de transférer le compte courant que la Barcelona
Traction avait auprèsd'Ebro et où elleinscrivait ses avances; ce compte
courant a été transféré à International Utilities qui a étécrééeà cette
fin. Le but était fiscal. C'étaitde ne pas induire en tentation le fisc,de ne
pas lui donner de mauvaises pensées.
illais, Messieurs,la taxation n'étaitpas due et la disposition en question
dont on craignait l'application n'était pas applicable et cela bienque
le fisc ait émisdes prétentions, non pas ?Ice sujet car il n'a jamais
demandél'application de cette disposition,mais au sujet de l'application
d'une autre disposition dont je vous dirai un mot tantôt. En réalité
étaient vaines et que la taxation n'était pas due (vol.n1,annexes aux
observations, p. 26). Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'y a pas de
fraude fiscalelorsqu'on se dérobeà une exigence du fisc qui, ultérieure-
ment, est reconnue non fondée. C'estce qui s'est passé.
Messieiirs,en 1920, la sociétén'a pas, contrairementà ce que suppose
M. Reuter, éprouvéune v,ivecrainte au sujet de la loi fiscale qui sortait
ce moment-là. Et International Utilities n'a pas étécrééeimmédiate-
ment; elle a étécréée à la fin de 1922. Avec cette conséquence que
l'exercice 1920, l'exercice 1921, l'exercice 1922 devaient êtretasés siir
la base de l'application de la loi de 1920et qu'il y avait donc là la possi-
bilitépour le fisc de faire la démonstration qu'en réalité un impôt était
dû par Ebro. Car à cette date il n'y a pas de dissimulation puisque
International Utilities n'existeraue plus tard.
La question est donc trEs précisément:nous allons avoir la pierre de
touche, nous allons pouvoir vérifiersile fisc,connaissant l'existence d'un
compte courant direct d'Ebro à la Barcelona Traction, va pouvoir
préleverun impôt.
Eh bien! Messieurs, je précisetout de suite qu'il y avait un compte
courant en Espagne et un compte courant à Toronto. Queceluid'Espagne
a toujours payél'impdt, I'impBt dont je parlais à l'instant, la taxe mo-
bilière, et que la question qui a surgi devant le fisc n'est pas la question
de la déductibilitédes intérêts duspar Ebro sur le compte créditeur de
la Barcelona Traction, mais uniquement l'impôt dû à titre de taxe mobi-
lière, non pas sur les intérêtsdu compte créditeur de Barcelone. mais
sur les intérêtsdu compte créditeur de Toronto dans lequel se trou-
vaient inscrites les avancesqui avaient étéfaites avant 1915, puisque
après 19r5. elles sont régulièrementinscritesà Barcelone. PLAIDOIRIE DE Al.ROLlN 359

Il y a là un compte courant et il produit des intérêtset le fiscprétend
percevoir la taxe mobilièrede20 % je crois (cen'est pas un petit impôt
comme on vous l'a dit) sur le compte de Toronto. Et il s'appuie sur une
dispositioti, notamment de la législationfiscaleespagnole qui rend passi-
bles de la taxe mobilièreles obligations émisespas une sociétécanadienne
ayant ses succursales en Espagne. Ebro paie la taxe mobilière sur ses
obligations, bien qu'elles soient émiseà Toronto. Le fisc ditij'exige
le paiement sur le compte courant que BarceIona Traction a dans vos
livres1)Ebro conteste, doit payer et exerce son recours, et en 1934elle
obtient gain de cause après avoir échouédevant le tribunal économico-
admitiistratif central; elle obtient gain de cause devant le tribunal
suprémedont l'arrêt aétépubliéen extrait en annexes aux observations,
page 26 dit premier volume des annexes.
blessiei~rs,ceci devient très intéressant, car cet arrêt que j'invoque
est invoqué aussi par mou estimé contradicteur qui dit qu'il contient
la preuve de la double supercherie ou imposture dont la Barcelona
Traction s'est rendue coupable à l'époque A l'égarddu fisc espagnol;
ce serait grâce cette double imposture que la Barcelona Traction a
gagné sonprocès (voir ci-dessus. p. 44). Nous allons voir. La premiere
supercherie aurait consisté dans une allégation que la societé Ebro
n'avait pas toutes ses affaires en Espagne. Le professeur Reuter se
trompe. J'ai pu consulter le texte intégral de l'arrêt qui est repràduit
la jurisprudence administrative. tome 157,paje; Gjg et suivantes et
j'y relève,dans les considérants, que
((le tribunal suprême considèrecomme étrangère à la discussion
la question de savoir si les sommes utilisi:eà Toronto pour le
paiement des intérêtsdu compte courant. provenaient ou non
exclusivement d'Espagne II.

1.a preuve d'autre part qu'il n'a pu y avoir supercherie c'est que le
fisc doit, s'agissant d'une sociétéétrangère, évaluer le pourcentage
de I'activitéde cette sociétéétrangère qui a une succursale en Espagne
et qui est donc considéde comme réalisant des affaires en Espagne: il
ne doit pas, il ne peut pas la taxer pouIOOe% des intérêtsdu bénéfice
qu'elleréalise;ila le fameux cifrarelativadont nous a parléle professeur
Reuter.
El1bien! le fiscévalueà 90 % l'activité d'Ebri1en Espagne, leIO %
restatits représentent toute l'activité du siège administratif, l'activité
financière, l'activité aussi consistant dans les commandes extrêmement
importantes de matérielqui sont faites par le siègecentral.
Vraiment. Messieurs, cette évaluation à IO % indique-t-elle que
le fisc aurait étéen quoi que ce soit trompé sur la nature de l'activité
~I'Ebroet aurait pu imaginer qu'Ebro avait, hors d'Espagne, d'autres
siègesd'exploitation?Il n'y a donc pas de première supercherie. Il n'y
en a pas non plus de seconde.
La seconde aurait consisté dans le fait que les dirigeants d'Ebro
actionnaire de 1'Ebro et on en voit la preuve dans deux,l?gnes qu'on
détache de l'extrait publié:a Barcelona Traction ne participe pas aux

héMais, Messieurs, replacéesdans leur contexte, ces deux lignes n'ont
manifestement pas la portéequi leur est attribuée. Deuo! s'agissait-il?
Uniquement, comme nous I'avons vu, du point de savoir si Ebro devait360 BARCELONA TRACTIOX

à'la karcelona ~rac'tionaàcson siègeprincipal de Toronto.créditésDar elle
Et vourauoi le tribunal suprêmereiette-t-il cette taxation qu'avait
admis; le tribunal économicÔ-adminiitratif central? Pour uni raison
fort simple. 11considère qu'enréalitécette taxe mobilière est payée par
Ebro à titre de redevable au compte de la Uarcelona Traction et ne veut
ktre pcrqucque si la Uarcelona l'rr<ctiunest coiitribuable. Et la ~3rc;lona
Ir;ictioii n'Ctant pas contribuabl~, pour les rilisons que ]':IIcxl~usC:es
dais Irs deux chnuirre, vr2cedr.iitsde iiia vl;iidoiilconsidire iiii'l;l>ro
nc cloiipu sur Ir;ir\gcdc Toronto payer l'i;npot sur les intCrirs crc:diteurs
qu'il verseilla krcelona 'l'raction. Et la Courc0nst:ite exl~ressi~iitue!q
le nroblime dc dL:tcrinincrsi Iç vaieiiient dc ces iiitcrCrs var Cbro Irri-
gation se fait à l'aide d'argent' provenant exclusivemen't des affaires
que la sociétéRiegos y Fuerzas del Ebro exploite en Espagne est étranger
à la discussion, qui ne porte pas sur la question de savoir si cette société
a obtenu ou ilon des revenus en Espagiie, mais si la Barcelona Traction,
par le fait de recevoir des intérêts sur son compte courant ouvert à
Toronto par une autre société canadienne.avec succursale en Espagne,
doit être considérée commeayant obtenu desrevenus en Espagne.
Comme elle n'a pas elle-mêmede succursale en Espagne, pour la
raison que je vous ai indiquée tantôt, elle ne peut pas être considérée
comme une contribuable en Espagne. Et c'est au probl&meainsi poséque
l'arrêtrépondnégativement, se refusant à établir une assimilation entre
une participation aux bénéficesen Espagne et le fait de l'encaissement
des intérêtsavec de l'argent qui provient de l'Espagne.
Il eût du reste étéinconcevable..a.rèstout ce au. i, vous ai lu de la
~~iibli~~itt'(Il:itions entre la kircclsna et I<bio.rliic Ic fisci:il~nçiiol,cn
rgj4,+:ux ans alirésl'interrogatoire <lel.;iivtc?iiquc je voi31indiyiii.
tt plii-iturs c~nnéesprésla plupart (lesdociirnerits dont j'ai Pair;ra;lit
pii i~iiorrr, <:IIplaidniit drvant le tribuii:il siiprCiiit:,que iiianifestc.nicnt
BarzélonaTraction &ait toiit au moiiis actionnaire d'Ebro et. <l:iict:i
conditions, le tribunal suprêmelui-mêmene pouvait pas l'ignorer. Dès
lors, il est essentiel de constater qu'ainsi qu'il résulte notamment de
l'arrêt,le fisconnaissant cette qualité d'actionnaire, non seulement s'est
vu refuser le droit de faire payer par Ebro l'impôt sur les intérêtscrédi-
teurs, mais qu'il n'a aucun moment cherché à faire applicationà Ebro
et à la Barcelona Traction de la dis~osition de non-déductibilité des
intérêtsdébiteurs dont, en réalité,M.'~euter prétendait qu'application
aurait dù êtrefaite.

[Audienc Publiqu ei<7 avri l964 ,alin]

Monsieur le Président. Messieurs de la Cour, au cours de la journée
d'hier je me suis efforcéde persuader la Cour, et j'espbe y avoir réussi,
qu'aucune fraude ou illégalitén'avait &técommise par les dirigeants
de la Barcelona'Traction, ni aux dépensdes tiers ni aux dépensdu fisc;
que le groupe de la Barcelona Traction n'avait commis aucune dissi-
mulation quelconque qui ait pu le faire échapper à des impôts réellement
dus.
Il y aurait encore bien des points de l'exposédu professeur Reuter
au sujet desquels des notes m'ont été'remisespour rectifier certaines
erreurs matérielles ou pour fournir certaines explications et redresser PLAIDOIRIE DE DI. ROLIS 361

des interprctations iiiesactes. Je n'ai p~scrii pouvoir en iiiiposer I'cxl)u.it;
a la Cour. noii seulenient pour des raisode concision iiiais pnrcc que
cesraisonnements. aui tendent Bconvaincre les dirieeantsde la Barcelôna
Traction d'avoir ie'courà des manceuvres fraudGleuses, se heurtaient
tous, comme ceux que j'ai examinés, à deux olijections majeures.
La premiere objection c'est que ces prétendus droits méconnus du
fisc espagnol sont totalement étrangers à la procédure de faillite qui
a étédénoncéedans la requêtebelge; je l'ai d4jB dit, ce n'est pas le
fisc qui a réclaméla mise en faillite de la Barcelona Traction, c'est
M.Juan March, par personne interposée;le fiscn'amêmepas comparu à
la procédure de faillite, alors que d'autres créanciers, généralemenà
la requête de Juan March, y comparaissaient pour jouer les rbles qui
bpoque, ont étéfréqÜemmentarticûlées par les requérantsonsàqla faillite
et par leurs compèresdans la procéduredans l'unique but d'encourager
les-tribunaux à ;'aventurer veÏs les mesures qui étiient nécessairespour
accélérerla procédurede faillite et l'acheminer vers son ternie fatal, le
Gouvernement espagnol sert peut-être ce que M. hfarch considère à
cette époquecomme ses intérêts,mais je ne vois vraiment pas en quoi
il sert les intérêtsdu fisc espagnol qui se désintéressaitde la question.
Et ceci me conduit à une deuxième objection, plus grave. Comment
le Gouvernement es~aenoles~ère-t-ilconvaincrela Cour aue la Barcelona
Traction a, par ses'fr~~des,~écha~~éà diverses taxatiok alors que ces
taxations ou bien n'ontjamais étéréclaméespar le fisc, ou bien ont été
écartéescomme non juitifiées par les tribunaux, et notamment par la
cour suprême,lorsque la prétention en était,formulée.
J'entends bien que M. Reuter a émisl'avis qu'aon pourrait répondre
que jamais l'impunité n'a étéla même chose que l'innocence» (voir
ci-dessus, p. 29). Non, Messieurs, on ne pourrait pas le répondre, car
judiciairenient l'impunitéc'est la même choseque,l'innocence, non pas
seulement parce qu'un accusédoit être présyméiiinocent. mais parce
qu'a fortiori un non-accusé doit êtreprésume iiinocent; et qu'il existe
en droit espagnol comme en droit belge une règle élémentaireselon
laquelle on ne peut pas imputeràune personne privée un fait constitutif
d'un délitsans en apporter la preuve et que cette preuve n'est admissible
que par la production d'une condamnation prononcée du chef de ce
délit, sous peine de quoi l'auteur de l'imputation se rend coupable de
diffamation. Est-ce que je ne suis pas en droit de dire qu'il est incon-
cevable et inconvenant aue l'on vienne amorter ainsi des accusations
semblables alors que l'on'ne produit aucunécoiidamnation quelconque
et mêmeaucune poursuite charge de Barcelona Traction?
11est vrai qu'on prétend expliqüer cette chance extraordinaire qu'au-
rait eue Barcelona Traction par le faCquela structure et le mécanisme
du groupe semblent avoir échappé aux autorités espagnoles>,. Cela
serait-il le cas que cela n'exempterait pas les poite-parole du Gouverne-
ment espagnol de l'obligation de se conformer aux regles élémentaires
qui prot6gent l'honneur des personnes.
Mais nous avons vu, Messieurs, que ces circonstances ne peuvent
pas avoir échappé à l'attention du fisc espagnol. Nous avons vu, je
crois vous l'avoir montré de façon éclatante. qu'elles n'ont pas, en fait,
échappb à la connaissance du fisc espagnol. Alors que!le explication
donner, sinon que les autorités compétentes esr~agnolesinterprAtent la
loi fiscale autrement qu'on ne l'a fait devant la Cour et que, dans ces362 BARCELOSA TRACTIOS

conditions, nécessairement ellesont di procéder à la reconnaissance de
la non-taxabilité de la Barcelona Traction.
Mais, Messieurs, il y a beaucoup plus fort: à supposer mêmeque le
fisc ait ignoréjusqu'en 1948les circonstances qtii ont étésoi-disant dissi-
muléeset qui, soi-disant, auraient étéde nature à faire taxer Barcelona
Traction, il n'en a plus étéde même à partir de février 1948. jour où
les organes dela faillite sesontuarésdesarchives de la société auxiliaire
à BaEelone -ces archives dans Îesquelleson prétendtrouver les preuves
auiourd'hui des circonstances qui rendaient Barcelona Traction taxable.
CG archives, vous vous en souvenez, ont étémises à la disposition
simultanément de hf. March et de ses hommes et des autorités espagiio-
les et elles ont amené successivement: d'abord, le dépôt d'une plainte
pour détournement par le séquestre provisoire contre les dirigeants
d'Ebro parce que des fonds avaient étémis patriotiquemeiit par eus
pendant la seconde guerre mondiale à la disl~osition de l'ambassade
britannique; la plainte fut transformée par l'autorité judiciaire en incul-
pation d'infraction à la législationde change et donna lieu, le 28 novem-
bre 1952, après un rapport de M. Andany, à une condamnation d'Ebro
à une amende de 66 millions de pesetas, après avoir, en 1948, motivé
une saisie consenlatoirc de 400 millions de pesetas (mémoire, 1,p. 66,
par. 136; p. 92, par. 200; annexes aux exceptions préliminaires, volume
auxiliaire, p. 927).
Cette premiére condamnation, je n'ai pas besoin de vous le dire,
est totalement étranghre à la matière fiscale et on a bien eu soin de ne
pas en soufflermot dans les exposésqui vous ont étéfaits.
Les mêmesarchives furent également utilisées par l'expert Andan)
pour établir, en 1950, un rapport destiné à un tribunal de Londres
demandé par le comité des obligataires Prior Lien. dont les membres
avaient éténommés par les obligataires, c'est-à-dire par une majorité
détenue par March, en vue d'un procès qui était intenté à ce comité
par Sidro, cette sociétébelge dont on semble vouloir démentir ou dénier
la participation dans le capital de la Barcelona Traction. Les détails
à ce sujet sont indiqués dans le mémoire (1).page 85, paragraphe 187.
Ce qui est extraordinaire, Messieurs, c'est que ce rapport établi par
un expert privé.au profit d'intérêtsprivéçdans une procédurejudiciaire
au sujet de laquelle le Gouvernement espagnol dans la négociation
diplomatique affecte de ne rien vouloir savoir et se tenir entièrement à
l'écart.ce ra~i~ortil en fait étatdans une note au'il adresse au Gouverne-
ment canadi& le 16 mars 1950 (annexes aux e;ceptions préliminairesde
1960, vol. III, p. 208).
Et enfin. Messieurs. lorsa..n De. a~rès. une commission d'esverts
c.;tinstitii;!~.par Irs C~oii\~,~rnc~rirgl;iis, c~ii3diect cspnc~iol,'iioii-
(iiia I;iconfiance rlc11.n'\1archrt oiii ioiiit aussi de cellr d~i(;oiii.,rnc,-
ment espagnol. Nous voyons M. ~n'daiy arriver à la réuniondu r4 juin
1950 et remettre à ses collègues étrangers une note accompagnée des
documents sur lesquels elle se basait «afin que les faits qui s'y trouvent
exposés puissent constituer la base des travaux de la commission n.
La Cour se souviendra - car la chose est relatée dans la procédure
écrite - que les experts anglais et canadien marquèrent leur surprise
du procridé. déclarant ignorer «sur l'ordre de qui M. Andany avait
entrepris le travailinJe partage cette curiosité. Les experts ajoutèrent
qu'après avoir lu le travail par déférencepour leur collègue, ils ne PLAIDOIRIE DE .AI.ROLIN 363
croyaient pas avoir compétencepour se prononcer sur des allégationsde
cette nature, mais que sans doute il était possibla. par suite de la traduc-
tion de l'espagnol en anglais, que le mot u fraude iet le mot utromperie »
aient acquis une portée plus grande que ceUeque M. Andany a voulu
leur donner.
Après quoi, hlessieurs, les deux rapports furent communiqués aux
Gouvernements anglais et canadien, dont les représentants signèrent,
avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, M. Suanzes,. dans les

circonstances relatées aux paragraphes 192et suivants du mémoireet
rappeléespar M.ragent du Gouvernement belge, la-fameusedéclaration
conjointe reproduite à l'annexe 169au ménioirebelge.
Assurément, sur le point précis qui nous occupe, cette déclaration
ii'av;iit pas la portée que lui a attribuée M. l'agent du Gouvernement
espagnol en ce sens que, contrairement à ce qii'il a dit, elle ne recon-
iiaissait pas que des sanctions pouvaient légitimementêtreprises contre
le groupe des compagnies, donc contre Barcelona Traction elle-même;
mais elle contenait l'annonce des sanctions que le ministre espagnol
cornutait rendre Dourdéterminer les res~onsabilitéset exirrer.aes sanc-
tioiis opp;rtiiiies -concvrnaiit Icî irr6ylarit6de tous geiirt:s ct~iistatécs
dans i'avti\.itéde ce groiilw dc conipagiiieso
.ACL'rnoriicnf-li.rd ~iiiriiirio. I:IniL.n:icediricécoflicicllcni~.ntcoritrc
le groupe de la Raiceisna ~raCti'onest à son pa;kxysine. Le fait est que
depuis trois ans une inspection &tait en cours; alle portait sur les exer-
cices de 1932 à 1956s oit sur douze exercices, défalcationfaite des exer-
cices de la période de guerre civile. Si M. Andany avait dit vrai et si
le ministre avait eu raison de proférerces menaces,c'est decette inspec-
tion que devait jaillir la foudre qui allait frapper les coupables. La
menace produisit un certain effet immédiat. Saris attendre les fameuses
saiictions annoncées, immédiatement les synilics de la faillite s'en
emparèrent et dès le 13août 1951ils I'iiivo(~uèrentpour provoquer la
mise en vente du portefeuille de la Barcelona Traction parce que l'on
déclarait aue les actions des sociétésatixi1i;iires étaient désormais
matière p&issable. Les syndics vont vendre le portefeuille et alors,
hlessieurs, il se passe une chose extraordinain:: le Gouvernement est
au courant puisque c'est lui qui a annoncéles menaces fiscales, et pour-
tant le fisclie bouge pas. On invoque la probabilité d'une itrès lourde
dette fiscalei,dans le chef de la Bafcelona Traction, on s'en sert de
prétexte pour mettre en vente publique le portefeuille de Rarcelona
Traction. Si ce portefeuille est vendu - et il sera vendu - Barcelona
Traction deviendra insolvable; et si le fisc a une créance à faire valoir
contre Rarcelona Traction, il ne pourra pas mêmela faire valoir à
l'égardde Fecsa qui va êtreadjudicataire car, dans iin cahier des char-
ges que les tribunaux ont approuvé, Fecsa - c'est-à-dire M. March -
peut se désintéresserde cette dette fiscale: le fisc sert M.Juan March,
Il.Juan >Carchne sert pas le fisc.
Le portefeuille est vendu et alors la tempEte s'apaise et la foudre ne
tomhera pas et il n'y aura pas de condamnation quelconque. L'inspec-
tion est terminée,on n'a pas constaté d'irrégularités,il n'y a pas d'amen-
de fiscale,ily a - comme il a étésignalédans le mémoirebelge (1) à la
pageS8, au paragraphe 194e ,t rappelédans lesobservations (1)-quelques
légers enrôlements supplémentaires, pas à charl;e de Barcelona Trac-
tion qui n'a jamais étéet ne devient pas contribuable, mais à charge
de I'Ebro; et cela porte,pour lesdouze exercices, sur 3 millions de pesetas,364 BARCELONA TRACTION
c'est-à-dire un peu moins d'un pour cent des contributions payées par
Ebro pour les dix exercices. Quantà Barcelona Traction, aucun impôt ne
lui est réclamé.
Qu'en conclure, Messieurs,sinon que le fisc mis en possession de tout
cet amas de pièces et de correspondance qui a étéremué devant vous
par mon éminent contradicteur n'y a trouvé aucune preuve de dissi-
mulation coupable ni de fraude fiscale, ni aucune base de taxation de
Barcelona Traction; qu'il n'a pas estimé qu'elle réalisait des affaires
en Espagne ui qu'eue était taxable du fait de ses filiales, ni qu'un impôt
devait être payépar l'Ebro sur les intérêtsdu compte créditeur qu'elle
avait eu à Toronto et qui dans la suite était passà International Utili-
ties. Messieurs, s'il en est ainsi, comment est-ce que nos adversaires
peuvent attendre de la Cour, non pas sans doute qu'elle se prononce
en faveur des thèses qu'ils ont développées puisquela Cour n'aura pas
à se prononcer à ce sujet, mais qu'elle se formeune opinion admettant
comme établie ou comme simplement vraisemblable l'existence de
fraudes fiscales dans le chef du groupe de la Barcelona Traction qui
rendraient indignes les actionnaires belges dont le Gouvernement a
assuméla protection?
Si nos adversaires voulaient bien reconnaître le bien-fondé de cette
réponse, celanous permettrait de mettre un point final aux accusations
dirigéescontre le groupe, ce qui ne veut pas dire que vous n'entendriez
plus parler de cet incident le jour où nous aborderions le débat au fond.
Car si les accusations étaient enfin abandonnées comme insoutenables
en présencedu désaveu qu'ont infligéles autorités fiscales administra-
tives et judiciaires aux déclarations qui ont étéfaites ici, il resterait,
Messieurs, cette extraordinaire jactance de M. Andany et les complai-
sances avec lesquelles le Gouvernement lui-meme a emboîté le pas en
1950 et 1951, apportant ainsi à M. March une assistance inestimable
pour la réalisation de ses desseins, puisque l'appui donné par le gouver-
nement à ses accusations devait lui permettre de provoquer la mise
en vente du portefeuille.
Ou bien, fiessieurs, est-ce que l'on va suggérer, de l'autre cOtéde
la barre, que ce rapport de l'inspecteur des finances de décembrrggr -
la conclusion-loiniode 1averBarcelona Traction de toutes ces accusations
les avait confirmées;que c'est dans le dispositif seulement que Barcelona
Traction se trouve épargnéeet que si l'on n'a pas frappé Barcelona
Traction, c'est uniquement pour des raisons d'opportunité? Quelles
raisons d'opportunité? Ce serait alors le fait que Fecsa aurait héritédu
portefeuille, ce serait. le fait que l'on ne voudrait pas faire apparaître
l'inertie totale du fisc dans cette liqiiidation ni le scandale de voir le
fisc demeurer avec une grosse créance dont il ne pourrait obtenir le
recrouvrement, tandis que le particulier, aidé par lui, se trouverait
gonfléoutre mesure des dépouilles de la sociétéétrangère. J'ai peine
à croire, ivlessieurs, que l'on vous propose cette explication car, si on
l'aventurait, ce serait là une preuve nouvelle et redoutable de cette
confusion qui n'a cesséde régnerdans l'esprit de certains gouvernants
entre les intérêts deM. March et ceux de 1'Etat espagnol et qui sont à
l'origine de la catastrophe qu'ont connu les intérêtsbelges en Espagne.
Monsieur le Président, me voici arrivé àla troisième catégoried'accu-
sationsque nous avonsentendu formuler contre le groupe de la Barcelona
Traction. Il s'agit cette fois d'une question de devises. Comme vous PLAIDOIRIE DE AI. ROLIN 3%

le savez, la faillite de la Barcelona Tractionété causéepar le fait que
la Barcelona Traction..ne .arvenant dA . >evuis dix ans. à obtenir les
devises nécessaires pour payer les coupons de; obligations émisesen
livressterlinrr.sesrevenus considérablesdemeuraient bloquésen Esoaane.
et que M.hiarch a pris prétexte de cette situation faire priseBter
certaines obligationsà la base d'une requête enfaillite qui a abouti.
Le Gouvernement belge a toujours admis que la situation qui avait
étéexploitéepar M. kIarch était une situation qui,à l'origine, provenait
d'un cas de force majeure. II admet parfaitement qu'au lendemain de
la guerre civile l'Espagne se soit trouvéedans une situation très difficile
au point de vue de ses ressources en devises, et c'est la raison pour
laquelle, après 1945. les dirigeants de Barceloiia Traction ont essayé
de convenir avec les obligataires unystèniequi permettrait à Harcelona
Traction de faire face à ses obligations, sans plus solliciter des devises
de l'Etat espagnol; c'était l'objet des fameux arrangements. Cesarrange-
ments n'ont pas pu aboutir malgré l'accordde tous les intéressés,parce
quele Gouvernement espagnol s'y est opposé.
Le Gouvernement belge dit: refus de devises au début motivé par
la force majeure, refus d'accord au plan d'arrangement motivk par un
nationalisme économiqueintransigeant, poussant les autoritésespagnoles
et tout spécialement le ministre de l'Industrie et du Commerce,
hl. Suanzes,à vouloir forcer Barcelona Traction à passer la main et à
céder toutes les entreprises du groupe à hl. .Juan March qui s'était
porté amateur.
Le conseil du Gouvernement espagnol a dkfendu une thèse toute
différente. II a dit: non, les refus de devises et le refus de consentement
au plan d'arrangement n'ont pas étémotivéspar les circonstances que
vous invoquez; dans les deux cas, I'admiiustration espagnole s'est
heurtée à un refus systématique des dirigeants de Barcelona Traction
de répondre à des demandes de renseignements parfaitement légitimes,
et cette attitude de la Barcelona Traction et de ses dirigeants eux-
mêmesétait la conséquencedu désird'échapper à la taxation et de ne
pas révélerses fraudes fiscales.
dire, accessoire de cellqueqj'ai rencontréejusqu'ici dans ma plaidoirie.
Et du moment qu'elle est accessoire, si j'ai réussià démolircomme je
l'espère la thèse principale, c'est vous dire qua dèsà présent la thèse
accessoire devrait êtreécartéecomme manifestement sans fondement.
On iiipeut p;ts 3ttribti~r cctte intention aiix dirigeniits de la liarci:lon?
Trnctioii. puisqu'en I'espéceils p:iynier.t rCgiiliCreinciitles iinpRts qui
étaient du;. -
Messieurs, je veux tout de même, à titre subsidiaire mais pas trop
longuement. je veux tout de même rencontrer ce qiii vous a étédit à
ce sujet pour vous montrer que, encore une fois, les,conclusions que
mon estimé contradicteur a tirées de la documentation ne sont pas
fondées.J'ajoute qu'il est, cette fois, tout particiilièrement excusable
car cette documentation est présentéedans un désordretel, et elle est
tellement incomplète, que si je n'avais pas eu le fil conducteur d'un
de ceux qui ont vécules dernières années de la Barcelona Traction,
il m'aurait étéabsolument impossible sans plusieurs mois de travail
de m'y retrouver.
En r6alité. dans le courant de 1940 deux questions sont traitées
presque simultanément entre la direction de 1'Ebro et l'administr t'on366 BARCELOSA TRACTION
des changes, et la correspondance de l'une et de l'autre chevauche.
La première question concerne des demandes de transfert de devises
à l'étranger. Ebro demande à transférer des devises au Canada, afin
de payer certaines sommes à Barcelona Traction et, à partir de certaines
dates, également à International Utilities. La seconde demande, qui
est la seule qui a retenu l'attention du professeur Reuter, est relative
à une autorisation requise pour le paiement en Espagne, en pesetas,
Dar Ebro. des couvons des obliga-ions en cours émisesen vesetas Dar
karcelona Traction'.
Occupons-nous successivement des deux demandes et vous verrez
que, leideux cas, Ebro fournit les renseignements qui lui sont demandés
et que l'administration fiscale est pleinement satisfaite.
La première sériede demandes, celles relatives au transfert, concer-
nent à la fois le paiement des sommes requises pour honorer les coupons
des obligations General ilortgage Bonds de I'Ebro, venus à échéance -
il ne s'agit pas cette fois de Barcelon- et le paiement à International
Utilities des intérêtsdu compte courant qu'elle a dans les livres de la
succursale de 1'Ebro à Barcelone.
Une de ces demandes, qui vise les deux chefs,datée du 22 avril 1940,
est publiée à la page 890 du volume II des annexes de 1960. Il y est
répondu par l'institut le 22 mai (p. 894 du mêmevolume); l'institut
réclamecertains renseignements et il y est satisfait le 19 juin par l'envoi
de certificats qui sont reproduitsi la page 501 du voliime des annexes
aux exceptions préliminairesde 1963.
L'administration se déclaresatisfaite en ce oui concerne la demande
<l'nutorisntiuiipuur IL'tr:insfert ilci fo1id-1r<!latii~aux ollli&~tiun5h?p<~-
tlit'i;iides (;eiier:il .\lortjing,: H~I.\sl.ais sïlqui concerrlc Inter-
r~:itionaltiii1iric.s.ellc dcniaiidc <le;~xulicaiioiis cumulCiiient.~irçs Dans
une lettre à I'Ebro, le 17 septembre Î940, qui se tiouve reproduite à
l'annexe 93, page 896, du volume II, l'institut demande à connaitre
non seiilement l'existence du compte courant en question et de son
solde, faitsui peuvent être considérés comme prouvéspar la première
partie du certificat auquel nous avons fait allusion (je cite la lettre de
l'institut), mais encore (ditl'institut) l'objet ou l'emploi que l'on aurait
donnéaux disponibilitésobtenues par ce compte courant.
A cette demande de renseignements complémentaires, 1'Ebro répond
10s aux exceptions préliminaires, volume II, page 915, mais qui figure
aussi dans une meilleure traduction à la page 192 du volume 1 des
annexes au rnémoire belge.Je cite la phrase finale; Ebro écrit:

iiSi plus de détails étaient estimés nécessaires, nous sommes
prêts à les fournir, étant donné que ledit compte a fait l'objet
d'un examen spécial par l'ancien nCentro de Contratacibn de
hIoneda navant qu'il prenne la décision(que les circonstances n'ont
pas permis de mettre en pratique) d'accorder des devises pour
sa réduction à la limite convenue. i,
Après cette date, Messieurs. les autorités esl~agnolesne demandent
plus aucun renseignement quelconque i 1'Ebro; c'est donc qu'ils sont
satisfaits. 11st vrai que la demande ne reçoit pas satisfaction, mais
le 13 avril 1943, lorsque l'institut communiquï à I'Ebro qu'on ne va
pas lui fournir les devises qu'elle réclameilmotive sa décision comme
suit: PLAIDOIRIE DE LI. ROLIN 367

vNous venons de recevoir un cominiiniqué de la «Commission
pour l'étude des comptes titulaires étrangers bloqués » à laquelle
la requête de cette sociétéfut soumise; nous regrettons devoir
vous informer que d'accord avec le rapport émispar ladite cum-
mission, il nous est impossible pour le moment d'autoriser le verse-
ment en monnaie étrangère de ces intérêts. 1)(Vol. 11, annexe 99,
p. 907 des exceptions préliminaires, 1960.)

Donc, Messieurs, comme le Gouvernement belge l'avait compris,
comme il l'a écrit, il y avait une situation de pénurie de devises tout

à fait excusable et le motif du refus de devises pendant la deuxième
guerre mondiale provenait de cette situation et non pas du tout de je
ne sais quel refus de fournir des explications.
C'est aussi la raison pour laquelle - et cela abrégerales explications
dans la quatrième exception -il n'y a pas eu de recours contre le refus
d'autorisation de devises de 1943. Mais, Messieurs, ce n'est pas un de
nos griefs, et nous n'avons donc pas à nous expliquer sur ce point;
nous n'avons pas introduit de recours parce qu'à l'impossible nul n'est
tenu et que s'il y avait trop peu de devises pour satisfaire à toutes les
demandes, même légitimesi,l étaitinévitable que l'administration espa-
gnole opère un choix et retienne celles qu'elle considérait comme les
plus urgentes.
La deuxièmeauestion. au. Ast celleaui retient I'attention du ~rofesseur
Reuter (voir ci-dessus, p. 44). c'était notre demande - celle-là,
varaissait vraiment assez simple: les dirigeants iie la Barcelona Traction
désiraient reprendre en Espagne le paiement des coupons des obligations
6% émisespar la sociétéen pesetas, ce paiement avait étésuspendu par
la guerre ciiile.
On trouve dans les annexes trois demandes de I'Ebro qu'elle adresse
à l'institut monétairele 5 juillet 1940pour les coupons venus à échéance
le ler juin 1940 (vol. II des annexes, 1960, p. 908). le z septembre 1940
pour les coupons venus à échéance le septembre 1940 (p. grr), le
zz octobre 1940 pour les coupons venus à échéance à la veille de la
guerre civile, le 19 juillet 1936 (cette dernière demande n'a pas été
publiée). Dans chacune de ces demandes, Ebro sollicitait de l'institut
l'autorisation de porter ce paiement au débit du compte de l'Inter-

national Utilit~e~. indiauant oue de ce fait ce cotnDtecréditeur en dollars
;ill;iiiliniiniicrrt Irs iiitCrCts<lu11pruJiiis:iit strnient inoin(lres
AIIXdciix pr, riiièr,x~1~iii:iiidcsI.'inititiit ri:pond,OI;,-ptcmlirc:1940
VI le 13 .sept,:riihrr1)40 dilncxt- IOI t,t10.3.1).9111t.1,013 ,11!.~di~nivIl
il?;:iiinrxrs, rq6o - s<.sont ~,.îIt-ttrci qui surit circ:e, p:<rIc profc>it.ur
IL ~itrr?Ila u. 45 ci-~I,~;~us1',iii;titut .~iitori?.iltl'npCr:~tIi,I~,I\~C~III~~.
dait que lesm%tants dépenséspour le paiement de ces coupons soient
débitésdans un compte provisoire de pesetas, ajoutant, comme il a
étédit par le professeur Reuter, que I'institut rie connaissait pas I'exis-
tence du compte dollars International Utilities.
La troisième demande, celle du zz octobre. devait faire l'objet d'une
réponseplus précise:le z novembre 1940, I'jnstjtut demande également
des renseignements quant aux relations qui existent entre Ebro et les
deux entités Barcelona Traction et Intematiorial Utilities, ainsi qu'en
ce aui concerne la Drovenance du solde débiteur de ce dernier comr~te.368 BARCELONA TRACTION
mais dont le mémoirebelge (1)a fait état au paragraphe 47, page 28, et
dont le Gouvernement espagnol, dans la correspondance produite,
accuse réceptionen datedu 18novembre 1940en accordant l'autorisation
demandée.Il a donc recu les ex~lications demandées.il a étéconvaincu.
il a enfin compris que i'imputaîion au débit du compte dollars d'lnter;
national Utilities était dans l'intérêtdu chxnge espagnol. Cette dernière
lettre, qui est capitale, a étéreproduite au premier Golume des annexes
au mémoirebelge, h la page 196.
Ainsi, Illessieurs, la Cour voudra bien constater que l'hypothèse,
ou la thèse, suivant laquelle les refus de devises auraient étémotivés
par une abstention de répondre à des demandes de renseignements, est
absolument non fondée et qu'il est beaucoup plus simple de retenir
ce qui était la réalité,ce qui saute aux yeux, c'est qu'en 1943 l'Es-
pagne connaissait des difficultésde devises. Beaucoup de pays en ont
connu, vous vous en souvenez, encore pendant plusieurs années après
c..te~d~te.
Quant au fait qui a tellement ému le professeur Reuter que, pour
une fois. il a utilisél'éuithète de ac'est scandaleuxn (c'est h la D. 45
ci-dessus), ce serait les obligations payées en pesètas avaient éis
inscrites, clles aussià ce compte courant en douars. J'avoue, Messieurs,
ne pas comprendre cette indignation. De quoi s'agissait-il? Eh bien!
Messieurs, des obligations ayant été émisesen pesetas par Barcelona
Traction en Espagne, le produit de cet emprunt de Barcelona Traction
faisait l'objet d'une avance à Ebro, et Ebro recevant des sommes en
pesetas mais étant une société canadienne, aussi bien du reste que
Barceloni Traction, transformait les pesetas eIi dollars canadiens, au
jour où elle les recevait, et les inscrivait dans sa comptabilité en dollars.
Est-ce qu'il y a la quelque chose d'irrégulier? Encore une fois, qui de
ce fait a étépréjudicié? Est-ce que le fisc, par hasard, ou n'importe
qui, aurait pu émettre une réclamation quelconque à ce sujet? Et
voilà, Messieurs, ce que l'on qualifie de scandaleux.
Monsieur le Président, la dernière partie de l'exposéde mon estimé
contradicteur était consacrée au plan d'arrangement qui avait été
élaborépar les dirigeants de la Barcelona Traction pour remédier à la
situation difficile des obligataires. Je ne compte pas m'y attarder pour
deux raisons.
La première c'est que, sans doute à cause de la hâte, de la vitesse
que le professeur Reuter a dû imprimer à la dernièrepartie de son exposé,
il a étémoins clair qu'à l'habitude. J'ai mal compris les explications qu'il
a donnéesau sujet des plans d'arrangement. Il me serait difficile de les
réfuter. Je pourrais, sans doute, à mon tour, reprendre l'exposéqui en
a déjà étéfait dans notre procédure,écrite, mais cela me prendrait un
certaintemps et je devrais ensuite famela démonstration que, contraire-
ment à ce qui a étédit, ce plan n'avait pas des conséquencesnéfastes
pour les porteurs d'obligations et ne rapportait pas un profit excessif et
injustifiéaux tiers qui seraient intervenus pour permettre au plan d'être
exécuté.Cela me orendrait beau cou^ de temDs et i'ai une deuxième
rniioii pourri? pns'ni'att.irdcr r<:trcquestion, i'e;t que In ii-iilpvrti-
ni:iice dii probl,?int.cit I:i<~iicstiondc s:ivoic'estla pr<:occupationdc
snii\.emrdzr lesiiit;.ritdes oblilr~tuirc1.1dc\.i.it-soii d'l:\.itrr JL'S~~rofiti
excesGfs pour des tiers - donr les uns étaient espagnols et les autres
étaient étrangers - qui a inspiré le Gouvernement espagnol dans son
refus d'accord. PLAIDOIRIE DE M. ROLlN 369

Or la Cour se souviendra que le Gouveriiement beke a donné une
autre explication et, se basani principalement sur le &scours de 1946
prononcéaux Cortespar leministre del'Industrie et du CommerceSuanzes
êtqui est reproduit a la page 217 du volunie 1 (les annexes au mémoire,
a prétendu qu'il y avait là la démonstration (l'une volonté d'hostilité
manifeste de dénégationd'un traitement équitable à desi~itérêtéstrangers
en Espagne. C'est une question de fond; nous aurons évidemment
l'occasion de nous en expliquer si l'affaire revient pour êtredébattue
quant au fond.
Je relève, au surplus, que l'explication ou Li justification de l'bchec
des plans d'arrangement que l'on doiine, n'est pas tout à fait en confor-
mitéavec la thèse initiale qui avait étédéfendue,et qui a étéreprise par
M. l'agent du Gouvernement espagnol, suivant laquelle l'attitude néga-
tive du Gouvernement espagnol aurait été motivéepar notre fameuse
dissimulation, notre refus de répondreaux dem:indes de renseignements.
Le fait que M. l'agent du Gouvernement espagnol ait repris lui-même
cette thèse, semble indiquer l'importance qu'on y attache. A la fin de
l'audience du vendredi I? mars. il s'est référéaux constatations des
epcrts ;iiiglo-s~xons.in~.iiibresdeI;Cunimisjion interri:itionalc injtituCc
par lcs (;ou\~~rnenlciitinnglais, crin:idienet e;pagno~t ileur riattribii;
ln const:it:ition suiv:ir-tc.iécicc d':i~~résf.1:t-cnt du (;ou\.eriicmcnt
espagnol (voir ci-dessus, p.63):
<<L'entrepriseen Espagne n'avait pas répondu d'une manière
adéauate aux demandes des autorités du chanee ...et les autorités
du ;hanse étaient en droit de refuser les demandes de permis de
change étranaer iusqu'à ceque l'information qu'cllesavaient deman-
dée a'itétéaÜmoini fourni;. >,

Messieurs, vous constaterez dans le compte rendu sténographique
qu'après les mots an'avait pas répondu d'une manière adéquate aux
demandes des autorités du change n il ya quelques points de suspension.
Cesquelques points de suspension n'étaient pasperceptibles à l'audition.
Je rends hommage h mon estimé contradicteiir; il a veillé à ce qu'ils
figurent dans le compte rendu sténographique: il y a, effectivement,
quelques mots omis. Pour moi, ces mots ont toute leur importance.
Voici le texte intégral tel qu'il figureà la page 652 de l'annexe 168
au mémoire belge:

sEn ce qui concerne l'obtention des autorisations requises des
autorités du change [disent les experts], nous avons examiné les
copies de la correspondance qui a étééchangéeentre elles et l'entre-
prise en Espagne, durant les années 1940 à 1946. au sujet des
demandes d'autorisation de transferts de fonds hors d'Espagne.
Dans cette correspondance, les autorités du change ont de,mandé
certaines informations ou explications concernant les affaires de
la société, auxquelles l'entreprise en Espagne a répondu, mais
nous devons dire qu'elle n'a pas répondu d'une manière adéquate
aux demandes des autorités du change [et qiielques points de
suspension - je remplis le blanc] et, à moins qu'il n'y eût d'autre
correspondance ou des conversations qui ocombleraientcette appa-
rente lacune, nous considérons que les autorités du change étaient
en droit de refuser les demandes de permis...a BARCELOSA TRACTIOS
370
Ainsi, Messieurs, les experts qui ne connaissent de la correspondance
que l'anthologie qu'on a bien voulu leur remettre, les pieces choisies,
et qui n'ont pas interrogé, n'ont pas eu l'occasion d'interroger les diri-
geants de la Barcelona Traction, ont cette honnêtetéet cette prudence
d'accompagner la constatation qu'on leur demande d'une réserve
considérabledans l'état actuel deleur information.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'en matière de jugement, le droit
à la contradiction est une garantie essentielle du justiciable, et 1'Ebro
est en droit de dire que, n'ayant pas étéinterrogée et n'ayant pas pu
fournir les piècesquenous sommes en mesure defournir, et dont certaines
- dont je vous ai donné lecture - ne figuraient pas, sinon par allusion
parmi les pièces produites à ce procès, les experts avaient cent fois
raison et leur jugement ne peut être considéré.de leur propre aveu,
comme faisant autorité.
M.l'agent du Gouvernement espagnol s'est référé aussi àla déclaration
conjointe des trois ministres, en date du II juin 1951, dans laquelle
ceux-ci déclarent, d'un commun accord (voir page 655 du volume 111
des annexes au mémoire belge,sous 1").que

iiles experts ont étéunanimement d'avis que la compagnie aRiegos
y Fuerza del Ebro S.A. a,en tant que têtedugroupe des compagnies
filiales de laBarcelona Traction » en Espagne, n'a pas accepté de
fournir en diverses occasions les éléments demandés concernant la
justification de l'origine, de la destination et de la réalité des
charges financièresinvoquées à l'appui de sesdemandes de devises n.

Les Gouvernements britannique et canadien estiment que, dans de
telles circonstances, l'attitude de l'administration espagnole, au cours
des dernières années.en n'autorisant nas le transfeft des devises de-
mandées, était justifiée. MM.les représentants britannique
et canadien, lorsqu'ils s'appuient sur l'avis des experts, iinanime, com-
mettent la mêmèerreur-iiie hl. l'agent du Gouvernement espagnol.
Ils omettent une réserve essentielle qui vous donne l'indication du
degréd'autorité qu'avaient ces conclusions, et il va de soi que la décla-
ration conjointe, dans ces conditions, n'ajoute rigoureusement rien aux
constatations des experts.
Au surplus, Messieurs,nous noterons que c'est en 1949seulement que.
se basant sans doute sur les prétendues constatations de 3f. Xndany,
le Gouvemement espagnol a imaginé de justifier, dans la correspondance
diplomatique, l'opposition marquée par les autorités espagnoles cornph-
tentes à toute exportation de devises comme à toute réalisation des
plans d'arrangement, par le refus des dirigeants de 1'Ebrode répondre
aux demandes de renseignements qui leur étaient adresséesen ce sens;
cette justification se trouve pour la première fois dans la note du 26 sep-
tembre 1949 adresséesimultanément à l'ambassade de Grande-Bretagne
et à cellede Belgique (page 205du volume III desannexes aux exceptions
préliminairesde 1960). Avant cette date, lorsque le Gouvemement belge,
au mois de mars 1948. avait invoqué laforce majeure résultant du refus
de devises motivé par la pénurie de devises existant en Espagne, le
Gouvernement espagnol avait accepté, avec satisfaction, cette admissjon
qu'il y avait pénurie de devises et que, tout au moins de ce chef, nen
ne pouvait lui êtrereproché et il est donc extraordinaire qu'en 1949 PLAIDOIRIE DE hl. ROLI'i 37'

il ait brusquement découvert, sur les indications de M. Andany, une
justification à cette attitude.
*uant aux motifs de ce orétendu refus de fournir des renseien-ments.
uii roii:t.iicr.î Cg.ilcniciitquï IL.11oiiit.>urIc.rliiclle aou\criiciii<.nLaurdt
1r:sl:irndes ~chircissciii~nti tr:~il, d 3prCiit que Ir.\.ir.iLsdi. !.oiii lire,
Id iiiitiiiiiiriun de I"or~~1.1IICliirC::ilit<d'lidet~~ ,i.
E; de même,le16 mars 1950, dans une nouvelle note adresséepar le
ministre des Affaires étrangères à l'ambassade de Grande-Breta,%e et
que I'on trouve reproduite à la page 209 du \~oliimeIII des annexes aux
exceptions préliminaires de 1960,il s'appuyait rur:
«une consultation donnéepar de- experts-comptables, dans laquelle
on exposait [ils'agit, bien entendu,de M.Andany et pas des experts
internationaux], après avoir analysé h fond les renseignements
comptables, toute une série de faits d'une indiscutable gravité,
dont le plus important démontrait que l'économie espagnolen'était
pas la débitriceà l'étrangerde cessociétés,mais,au contraire, qu'elle
&tait bien leur créancière,et ce, pour une somme d'une certaine
importance; 1)

et il ajoutait:
uLes raisons pour lesauelles la Barcelon:~Traction ne fournissait
pas les renseig&ments maintes fois demandés par l'administration
espagnole étaient donc évidentes. i,

Ainsi, hlessieurs, c'est pour cette raison, et non, comme le suppose
RI. Reuter, pour éviter de donner prise à des taxations nouvelles, que,
suivant l'avis du Gouvernement espagnol en 1950,la Barcelona Traction
n'aurait vas fourni les renseirnements aui Iiii étaient demandés. et

Or, -Messieurs, nous avons vu ce que pensent ies experts anglais
et canadien de cette galéjade que, en réalité, l'économieespagnole
serait créditrice et qu'elle aurait davantage fourni aux dirigeants de la
Barcelona Traction qu'elle n'en avait reçu. Xous avons vu que c'est,
au contraire, pour des sommes considérables qu'en réalité desinvestisse-
ments avaient étéfaits en Espagne, et cela fait bonne jiistice de cette
dernière affirmation.
Monsieur le Président, j'arrive au dernier ~wint de ma réponse au
professeur Reuter. La Barcelona Traction et ses filiales auraient exploité
l'économie espagnole; à ce sujet nous avons icntendu à l'audience du
II mars les considérations suivantes (voir ci-dessus. p. II):
«Si des étrangers viennent en foule acheter des champs, des
maisons, des entreprises déjà existants, loin de contribuer à déve-
lopper l'économienationale ils introduisent dans celle-cidesfacteurs
de trouble et même, sile phénomène s'accélèred ,e déséquilibre.
Au contraire si l'argent étranger s'investit de manière à créerdes
sources de richesses nouvelles il a. en ~rincive. un effet bienfaisant.
C'est là une distinction bien connue .' qui Setrouve consacréepar
exemple dans le proiet de convention élaborépar l'organisation
de coÔpérationet àe développement économique< 11

Il y avait là, Messieurs, une idéegénérale à laquelle nous n'avions
aucune objection à souscrire. Mais notre surprise fut grande de constater372 BARCELONA TRACTION
bientôt que c'était dans lapremière catégorie,la catégoried'entreprises
parasitaires, que laarcelona Traction étaitclasséepar le Gouvemement
espagnol. Nous entendions en effet ce qui suit:

établi dans ses écritures les points suivants que nousallons nous
borner simplement à rappeler.
D'abord que les capitaux d'une origine autre qu'espagnole ont
faiblement contribué au développement de l'affaire. Cela tient.
pour une bonne part, au fait que le groupe de la Barcelona Traction
a eu pour objet de regrouper des installations déjà existantes, de
manière à s'assurer tous les avantages d'une situation monopo-
listique.n

On veut bien convenir, Messieurs, que
.Le Gouvemement belge a contesté certains chiffres et a sur
certains points pris une position très différente,il a mêmeaffecténe
pas comprendréle sens de certaines affirmations.r

Et puis on passe outre, on ne fournit aucune preuve, on ne cite même
pas l'endroit de la procédure écrite oùl'on aurait prétendument établi,
tation par le Gouvernement belge et on conclut:ations où figure la réfu-

iSi nous effectuons ici ce rappel ce n'est pas du tout pour entrer
dans une controverse com~table mais d'abord Dour maintenir les
positions du ~ouvernemerh espagnol et pour &us rapprocher du
cŒur mime de notre sujet. u

J'ai le regret de le dire, Messieurs, mais la thése du Gouvernement
espagnol, sur ce point, est non seulement grossièrement inexacte et
do'iiiiédans soli mémoirect dans ses'ot>sc;v:~tioiisdes cc~aircisscmàrits
1';rbride tolite contestation et que l'ontliresteP:LSiun~éAcontester.
il est inadmissible aue l'on vienne dire aue Lescâoitaux'd'une oncine
autre qu'espagnole .ont faiblement confribué a; développement- de
l'affaireM. Juan Mach l'a dit; il l'a fait imprimer à des dizaines de
milliersd'exem~laires: il l'a fait soutenir Dar I'ex~ert aui se DréSente
taiitbt pniir lui.'taiitôtcomiiic espcrt du (;o;vcrnc~iil';faii ylaidcr
par ses a\.oz;itilI'nfait r6péterpar un ministre du Goii\~criicineiitqiiin'a
Ûas manouéd'v trouver uitérieürement I'ex~lr~ation des refus msaués
l'es6cii;ion dt plan d'arr:ingement. Et lorsqu'une commisi.iond'espcrts
internatioii;tiis a et6 in5cieI'initiati\'e du Gouv~riieincnt espn«iiol.ils
ont aboutiàdescondusionso~~..ées ~u.souAdansleiirs ra~&.rtsiit-és~ar
lesexperts britannique et canadien, en mar19j1 et dont de~on~sextraits
sont re~roduits sous le n168 des annexes au mémoirebelee. volume III,
on constate à la page 652 qu'au 31 décembre 1947 ,ompte tenu des
intérêtset bénéficesdemeurés en Espagne, et utilisésau financement
des entreprises, les investissements étrangers dans ces entreprises
dépassent le montant des fonds transféréshors Espagne de L17864697
experts prennent soin de notifier que c'est là un chiffre très infàrlaur
réalité puisqu'unebonne partie des investissements avait étéeffectuée
en livres sterling or. PLAIDOIRIE DE hl. ROLIN 373
Alors combien de temps encore les actionnaires belges devront-ils
entendre répéterce qui est manifestement une contre-vérité, pour ne
pas dire une calomnie?
II est faux également que le groupe de la Barcelona Traction ait
eu cipour objet de regrouper des installations déjà existnntesu. Voici
Messieurs quelques brèves données. Fin 19x1, an moment où se crée
I'Ebro, la production d'énergie électrique en Catalogne est des plus
modestes. Depuis ,1894fonctionne une société,la Barcelonesa, dont les
actions sont am mains d'Allemands: elle a une centrale thermique et
clas rGscaux dv distribiitit,ii. Au cl;.lil<1911, une .iiitrc: =ociLtj'cjt
con>titu& avec des c:q>it;ius iraiii~is ct siiiiscs. la Iincrdia I,:lktrica
d~:(:;italui~a.aui;i~.xslt.nientcui1;truiiiri2entr:iiv tiicrniiii.iI3.,rcc-
lone et qui a;n sysgme hydro-électrique dans les le ré né es:
Ebro, le nom l'indique, a pour but l'utilisation de 1'Ebre et de ses
affluents. Dès 19x2, l'année après sa constitiition, cette entreprise à
laquelle on ne reco~ait d'autre objet que de racheter les installations
existantes, créetrois centrales hydro-électriques: Seros. Pobla, Corbera.
t:llc.iciitrt:roiit eii brr\,ice~~t1y1.~a~:~iii;,<I:roductiuil cit 145mil-
liuii; dc kiluwattlit urcs, ;ilurs qiic 1':iiinccd';i\.~nt U:trcrlniiei:i eii ;tait
encore à 32 millions.
On a étéau plus pressé. Ces centrales qui utilisent le courant des
cours d'eau n'ont pas de réservoir et le résultat est qu'en périodede
basses eaux elles sont naturellement insuffisantes et doivent être SUD-
pléées.Voilà pourquoi on acquiert Barcelonesa, centrale thermiq;e,
c'est afin de parer aux déficiencesinévitables en étédes stations cons-
truites par Ebro.
Dès1913.on constrnit à Talarn un barragedont leseaux vontalimenter
une quatrième centrale. cellede Tremp. Les travaux qui sont interrompus
en décembre 1914 reprennent dès qu'il est possible, fin 1915, avec des
capitaux difficilement obtenus. La centrale entre en fonctions en 1916
et la même annéeon entreprend la constrnction d'un nouveau barrage:
celui de Camarasa, le plus haut d'Europe. Il terminé en 1919, ainsi
que la centrale qui porte le mêmenom. Voilà ce que fait la sociétb
dont vous osez dire qu'elle a pour objet d'acheter des installations déjà
existantes.
A ce moment, Messieurs, la capacité de proiiuction dépasse500 mil-
lions de kilowattheures. Ainsi, en huit années, malgré les difficultés
qiic cuiiiinit Ic p:ty', minmc le, nutr<,spn!.s neutre;. polir iir pli; p.rrlcr
II<,Iirl1i;érantjp;iriiiiteJc I:Ljiurrr~,riiondislv,Inc~[~:icit~;dip.rorliiction
électrique a augmentédans la proportion de I à 15.
II est vrai que du point de vue financier, le groupea connu desannées
fort difficiles de 1915à 1919. Mais contrairement à ce qui a étéplaidé,
cette crise ne fut pas le résultat de la rémunérationexcessive des apports
et les conversions d'actions et les rachats d'obligationsà $0 % ne furent
pas inspiréspar de tortueuses machinations. Oune payait plus les intérêts
depuis des années, pourquoi y eut-il crise? Parce que le développement
économiquede la Catalogne, ralenti par la guerre, n'avait pas suivi le
développement de la capacité de production, que le groupe se trouvait
donc momentanément suréaui~éet l'affaire ne ut êtreremise à flot
que par des allégementscon<idgrablesdc ces charges financières.
Mais ce contretemps fut de brève durée.Les besoins d'énergierattra-
p&rent bientôt pour dépasser la capacité de production. Le groupe
put reprendre sa marche en avant. L'effort se poursuivit en telle manière374 BARCELONA TRACTION
qu'à la veille de la faillite 85% de l'énergieélectrique produite résultait
d'installations crééeet non pas achetéescomme on I'asupposédel'autre
côtéde la barre.
Je crois avoir répondu ainsi au pseudo-diagnostic qui croyait pouvoir
exclure la Barcelona Traction de la catégorie des entreprises qui créent
des richesses nouvelles.
Nous avons dans notre mémoire et dans nos observations cité de
nombreux témoignagesquirendaient hommage aux résultats obtenuspar
l'action du groupe de la Barcelona Traction en Catalogne...
The PRESIDENT: May 1 interrupt Professor Rolin and ask him
whether this might be a convenient time to adjourn?
M. ROLIN: If 1 could go on two or three minutes and then stop
before the translation.
Je me réfèreaux appréciations de revues techniques anglaises, es-
pagnoles, allemandes qui ont étécitéesau paragraphe 38 du mémoire
belge (1).Je ne veux retenir qu'un exemple parce qu'il m'a paru le plus
impressionnant, le plus émouvant. Nous l'avons relaté aussi au para-
graphe 25, page 17du mémoire.
Au moment où, en 1919, huit ans après la création, l'Œuvre de la
Barcelona Traction se manifeste dans toute son ampleur, son créateur
n'est plus là.
II n'a mêmepas vu les entreprises surmonter les difficultés crééespar
la guerre mondiale et la première grande centrale hydro-électrique de
I'Ebro alimenter en courant la régionde Barcelone dès 1916.
Le 7 mai 1915 le grand ingénieuramérican,le Il' Fred Stark Pearson
a trouvé une mort tragique dans le naufrage du LusitaniQ au.atre jours
après, le Conseil municipal de Barcelone se réunit et décide, par une
délibérationreproduite à la page 143du volume 1 des annexes au mé-
moire, je cite, de donner son nom cà l'une des rues de la ville qui sera
ouverte dans le futur et dont l'importance corresponde aux avantages
que la Catalogne doit à ce financier si éclain.
Barcelone porte son nom.urs, une des grandes avenues modernes de
Ce nom lui a étéconservépar le Gouvernement de la Généralité de
Catalogne pendant les trois années de cette guerre civile que dans
certaines des annexes du Gouvernement espagnol on dénomme iguerre
de libération>n.
Le nom de l'avenue Fred-Stark-Pearson a étticonservéjusqu'à nos
jours, comme quoi les Catalans n'oublient pas.
On ne pouvait imaginer démenti plus cinglant aux appréciations
actuelles du Gouvernement espagnol quant à l'Œuvre réaliséepar la
Barcelona Traction.
Je crois en avoir assez dit pour convaincre la Cour que même
les fondateurs de la Barcelona Traction, ces hommes qui, suivant les
propres constatations du professeur Reuter, ont aujourd'hui tous disparu,
ne méritaient pas d'être décrits comme de cyniques spéculateurs,
constructeurs de châteaux en Espagne dans lesquels ils auraient attiré
les naifs pour ensuite les dévaliser et se retiràrl'étranger avec leurs
dépouilles. Est-ce de l'audace ou de l'inconscience qui a amené nos
adversairesà faire ainsi, au seuil de ce procès,un réquisitoire contre les
requins de la finance? Cette caricature qu'ils ont donnée desentreprises
de la Barcelona Traction leur a-t-elle fait perdre de vue qu'à l'origine
de cette affaire il y a un autre personnage, dont les procédéspar lesquels PLAIDOIRIE DE XI. ROLlS 373

11s'est emp3rCdes avoirs de I'bpargncbelge sufisei:I<It;iiioiitrcrI'c\tr:i-
~>rdiiiniIiiiissaiicu,le cviiisniI':iud;ice?le ii'ciidir.ii pas da~arit:ip>.
il y a dais les annexes de notre mémoireléportrait de Eet homme, tel
qu'il fut tracé en 1931, par M. Carner, un miiiistre de la Képublique
espagnole qui je crois est encore aujourd'hui d:ins la mémoireunanime-
ment respecté(page 230 du premier volume des annexes au mémoire).
Quels sont les services que Juan Marc11 :Lrendus, je ne dis pas au
Gouvernement espagnol mais au peuple espagnol, à l'économieespagnole?
Que connaissait-il à l'électricitéavant qu'il ait créé Fescadans le seul
la Barcelona Traction qu'il avait provoquée? Qu'est-ce qui lui permet-de
tait de se faire le vengeur de la moralitéet desntéretsdu fiscespagnol?
Comment le Gouvernement espagnol a-t-il pu croire qu'il y avait
intérStpour lui à continuer jusque devant la Cour ce duo de la calomnie
qui,de 1946 à1951,accompagna la mise àmort de la Barcelona Traction.
Vraiment je ne pense pas que si la clioje avait étéjudiciairement
admissible, le Gouvernement belge eiit quoi que ce soità redouter de
voir l'affaire de la Barcelona Traction placéesur le terrain de la moralité.

[Audience publique du 7 avril 1964,après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il me reste à répolirire
quelques mots à l'exposéqui vous a étéfait concernant le prétendu
non-épuisement par le Gouvernement belge des voies de recours diplo-
matique. IImeparait d'autant plus nécessairede m'expliquer brièvement
sur ce point que la question a étéreprise avec quelque insistance, sans
que i'en aie fort bien com~ris les raisons. Dar sir Humu.rev-\\'aldock
bancson exposéde la première exception 'p;éliminaire.
Cette fois encore iene m'attarderai paà rappeler les bases juridiques
de cette question du non-épuisement des voies de recours diplomatique.
La Cour permanente de Justice internationale et la Cour internationale
de Justice ont, dans de nombreux arrêts, fixéles limites précises de
l'obligation qui est faite aux parties, avant qu'un différend fassel'objet
d'un recours en justice, d'en définirnettement la portée an moyen de
pourparlers diplomatiques. Mais en fait, je ne me dissimule pas que des
extraits des derniéres notes dont il a étédonné lecture ont DU créer
l'impression à la Cour qu'effectivement, comme il avait étl dit, le
Gouvernement bel~e avait fait preuve d'une certaine désinvolture et
mêmed'un manoie de courtoiSie en renvovant assez brutalement le
Gouvernement espagnol, pour toutes autres &plications sur la question
de nationalité. i ce qui serait dit par lui devant la Cour internationale
de Tusti~~-
hur comprendre cette attitude du Gouvernement belge en 1961 et
1~62, il est essentiel de se rappeler que la corres~ondance diplomatique
séprolongeait à ce moment depuis quatorze ans: elle avait commencé'en
effet en mars 1948 et hl.l'agent du Gouvernement belge vous en a
retracé l'historique. Déjà en décembre 1951, <:nréponse à la première
notification du désirdu Gouvernement belge (le soumettre le différend
à un réglement judiciaire, à moins que le Gouvernement espagnol ne
marquât sa préférencepour l'une des autres procédures, arbitrale ou
conciliatrice, prévues au traité de,1927, les démarches antérieures de
l'ambassade de Belgique ne pouvaient pas êtreconsidérées,suivant le376 BARCELONA TRACTION

Gouvernement espagnol, comme oi'introductiou en bonne et due forme
d'une réclamation diplomatique ». Déjà alors, en décembre 1951. le
Gouvernement espagnol avait soutenu qu'une telle réclamation eGkerait
avant tout la preuve de la nationalité des ressortissants dontle Gouver-
nement entendait prendre la protection. Cette preuve, disait-il, était
indispensable pour u l'acceptation de la réclamation diplomatique ».
Il y avait là, me paraît-il, une confusion manifeste que le Gouver-
nement bel~es'est efforcéde dissiper à plusieurs reprises. C'està tort aue
ICi;ui~~~cr~~CinC ejitîgnol e~:~~.;itii>niniccoiidir;uii d'iiiie rCclniii.it;on
dipliiiii.tti(l~IICI'l-t.ir dciii.iiideur Ctablit prCs1;ibl:nicnt la ii~tioii;~litL:
dt:.ititiilniicd,-iiiit4r;t~l:i,!;.:luisi bicnrliir~:atcuue 1't.xistcncede
cette lésionet le caractère illicite des actes dénoncéS.Sans doute ces
preuves seraient-ellesindispensablespour qu'une réclamationfût déclarée
recevable et fondée.mais .as ~.us sur la auestion de recevabilité oue
siir Ic f.,iirun .iccoid prt:.il.il>lcne dt-\..iit s'l:t:iblir tiirrc lei ~:trncs
piiis~liicla Cotir, si ,:llr rst :ump,:tciitt- pour jiigdr 1' ImJ du iIiti,4rciiri,
I'cst ~iissi.aux t~rnici dc suri Statut ci de suri lt+rlciii.&it. u,-r ii~~-r dc
sa compétenceet de la recevabilité des demande:
Il est vrai que sir Humphrey Waldock a imaginé qu'en l'espéceil y
avait non pas un différendmais plusieurs, ou tout au moins deux diffé-
rends; il y avait un différendportant sur la demande de réparation, le
dénide justice dénoncépar le Gouvernement belge, et il y aurait, suivant
lui, un autre différendpréalable, relatif au jus stdindidu Gouvernement
belge et ce différendlui aussi devrait faire l'objet de l'épuisement des
voies de recours diplomatique; et il ne pourrait êtresoumis à la Cour
que s'il n'avait pu êtreréglépar la voie diplomatique. Avec tout le
respect que j'ai pour la science et le talent de sir Humphrey Waldock, je
crois vraiment que sa construction est extraordinairement artificielle.
Pourquoi, suivant le droit international généralet suivant le traité de
1927, un reglement ne peut-il êtreporté devant la Cour internationale
de Justice que s'iln'a pas étépossible de leréglerpar lavoie diplomatique?
Manifestement, Messieurs, pour mettre les Etats à l'abri de surprises,
à l'abri de recours vexatoires et égalementpour permettre aux parties de
définir avecprécisionquel est l'objet de leur contestation.
Mais il suffit qu'une demande précised'un gouvernement demandeur
se soit heurtée à un refus non équivoque pour que l'obstacle du non-
épuisement soit levé sans qu'il puisse être requis du gouvernement
demandeur d'avoir indiqué dans le détailles moyens de droit et de fait
sur lesquels il prétend se baser ni d'avoir réponduaux objections ou aux
questions qui lui sont poséespar l'Etat défendeur. Je ne connais pas
d'exemple qu'un gouvernement ait étédéclaréforclos d'utiliser certains
moyens parce qu'il ne les aurait pas indiquésau cours de la négociation
diplomatique.
Messieurs, il en est à fortion ainsi des exceptions préliminaires. Si
elles sont formuléesau cours de la négociation,il appartient au deman-
deur d'en apprécierla valeur, il lui appartient d'apprécier si le refusqui
a étéopposé A sa demande provient d'un désaccord sur le fond du
différend oud'un désaccord relatif à la recevabilité ou à Ia com~étence.
ou. cc qiii ~st IL.cns eiI'~spt'cc,d'iin dCinccnrd qui porte ccrtaineiiicnt
Yiirle fond ilii iliffl:rcnd.inais :tcc~isoirenient xiisii iiir In recevabilitéou
sur la compétence.
Prétendre que toute exception préliminaire devrait faire l'objet d'une
négociationdiplomatique conduirait à des conséquencesétranges qui ne PLAIDOIRIEDE M. ROLIN 377
sont certainement Das voulues de nos adversaires. Assurément sir
Humphrey \~aldoc< s'est placé au point de vue de la seule exception
qu'il défendait et qui était celle du désistement. Esactement la même
question peut se poser et en ce qui concerne le jzrsslandi,et en ce qui
concerne le non-épuisement des voies de recours interne qui a étéégale-
ment invoquédalis la voie diplomatique; est-cc qu'il y a dans sa pensée
autant de différendsqu'il y a d'exceptions préliminaires?Et que fera-t-il
si une exception préliminaire n'a pas étéespode au cours des négocia-
tioris di~lomatiaues et qu'elle l'est seulement devant la Cour? Va-t-il
déc~are;~ue ceite exception n'est pas recevable parce qu'elle n'a pas
fait I'obiet de l'épuisement des voies diploinntiqiics? Car en l'espèceil
n'est pai au pouGoir du gouvernement demanileür de prévoir ce qui va
éventuellement lui êtreopposédevant la Cour. Cc,serait donc au gouver-
nement qui va opposer i'exception àprendre l'initiative de la faire valoir
au cours de la néeo-iatiou diolomatioue sous oeiue d'êtreforclos. Te
crois, Messieurs,que, comme c'éstle cas'pour uueiu moins des exceptions
qui est opposéeaujourd'hui, mes adversaires auront vraiment mande
iépugnancë à pousser jusqu'au bout leur argumentation. Je pensédonc
qu'il est impossible de suivre le système imaginépar le Gouvernement
espagnol. Alais je voudrais ajouter qu'en fait, en I'espece, sur le point
tres précisde la réponsedu Gouvernement belge à la question du jirs
slaitdi,le Gouvernement belge a répondu en droit et en fait au cours de
13 ii6gociation di~>loriiati~liicnon$as iirie fois iiiais yiiatn: fuirob-is
jecti,~iisquiliii;t:ti,mt pr6jeiit;rs p:ir le Gouvernemeiit eil>:ifi~inl311
répondu avec lorct: d6t;iils - lorsque voiij enter.diez In rkponje :i Ici
troisième exce~tion vous enserez convaincus; ie meborne à vousinviter
à vous reporter aux notes du 31 décembre1951, du 31 décembre1956,
du 8 iuillet 1qs7, du 6 février1958que vous trouvez au volume IV des
aniieies au m-&moirep , ages ~ooj,~oog, 1030et 1043,
Ainsi, lorsque le Gouvernement belge écrira, dans sa dernière note.
quc cette question de la nationalité des intérêtsbelgesléséssera débattue
devant I:r Cour,à laquelle il fournira toutes explications, il ne fait,
Messieurs, que marquer sa répugnance à poursuivre un dialogue de
sourds, il ne fait que manifester,de la façon la plus modérée, sonimpa-
tience devant le renouvellement de questions auxquelles il a étéplusieurs
fois répondu, il ne fait que manifester son désir légitimede mettre fin,
une fois pour toutes, à cet atermoiement.
Monsieur le Président, voilà les quelques brèves explications que je
voulais donner à la Cour en ce qui concerne cette exception du non-
épiiisementdes voies de recours diplomatique qui n'a pas étéprésentée,
mais qui, suivant nos adversaires, aurait pu l'être.J'espère en avoir d/t
assez pour dissiper tout trouble qu'elle aurait pu causer dans l'esprit
de certains juges et pour permettre àla Cour d'ecouter maintenant avec
une complete sérénitéles explications que mes confrères et coilègues
seront amenés i lui donner sur les quatre exceptions préliminaires qui
ont étéeffectivement présentées.
Je remercie la Cour de l'attention qu'une fois de plus elle a bien
voulu m'accorder. PLAIDOIRIEDE M. VAN RYN

CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

[Audience publique du 7 avril 1964, après-midi]

Nonsieur le Président. Messieurs les iue.s~,ie ,ais avoir l'honneur de
,l;\.clupl)ir &\.;>ntInCoiir.ioiijoiiit~m~nt .,\c~ ii~oncoll2giicIt~>ruiesjriir
i<.rt.ri1.1i-;p~iii~rli(;o.i\ crnenit,rit I>cl:eLa pI:ii,loiri~qu'a proi~uiii;~:
Ic nrufi.iiriiiii-IIiimAl,i<.\\\'aldn:k Ai)uii> iu:titi1.1nrcn~ilic i.st:ti,tiuii
préliminaireopposéepar le Gouvernement espagnol. '
Le Gouvernement espagnol soutient que votre Cour ne peut plus être
saisie Dar le Gouver~-ment belee d'aucune demande relat~ ~ ~ à l'affaire
de la harcelon sraction.
Il prétend que le Gouvernement belge s'étant désistéde sa première
requête,il lui est interdit d'en introduire une deuxibme relative aux
mbmes faits. Le Gouvernement belge, en d'autres mots, se trouverait
désormais privé de tout droit d'agir en justice devant votre haute
juridiction, en raison de l'affaire de la Barcelona Traction.
Malgrétout le talent demon honoré contradicteur, je ne crois vraiment
pas que l'argumentation qu'il a développéedevant la Cour puisse la
convaincre, et ce pour trois raisons que je tiens à indiquer immédiate-
ment.
Tout d'abord, M. le professeur Waldock n'apu construire son système
qu'en écartant purement et simplement des faits absolument décisifs. Il a,
ensuite, attribué au Gouvernement belge une argumentation que ce

gouvernement n'a jamais songé à défendre. Il a, enfin, pour les besoins
de son raisonnement, introduit dans la discussion une regle juridique
nouvelle purement imaginaire.
Avant d'aborder mon exposéproprement dit. je voudrais, Rlonsieur
le Président, Messieurs les membres de la Cour, souligner ces trois
faiblesses essentielles que le Gouvernement belge croit pouvoir ainsi
relever dans l'argumentation du Gouvernement espagnol.
Premièrement, notre adversaire, disons-nous, a systématiquement
ignoré ou négligédes faits d'une importance essentielle. Et j'ajoute:
d'une importance essentielle même si l'onadmet la thèse juridique
développéepar lui au nom du Gouvernement espagnol.
Je,m'explique. M. le professeur \Valdock a reconnu - la Cour s'en
souviendra certainement - que le Gouvernement espagnol ne peut pas
justifier sa prétention en se fondant exclusivement sur la déclaration
de désistement adressée la Cour par le Gouvernement belge le 23 mars
1961,déclaration qui, comme la Cour le sait, se référaitexplicitement à
l'article 69 du Règlement.
Résumant la position du Gouvernement espagnol. M. le professeur
Nraldock a affirméque l'on ne peut pas séparer une déclaration de
désistement des circonstances dans lesquelles cette déclaration a été

faite (c'est ceque le professeur Waldock a dit notamment au cours de PLAIDOIRIE DE M. VAN RYX
379
l'audience du 16 mars, à la p. 83 ci-dessus et il l'a encore répétà I'au-
dience du 17mars, p. 97 ci-dessus).
A plusieurs reprises, M. le professeur Waldock a encore insisté dails
la suite sur l'importance capitale des vcirconstances I)pour déterminer
le but et les effetsd'un désistement réalisé conformément à l'article 69
du Règlement de la Cour. De son côté,le Gouvernement espagnol lui-
mêmeétait déji certainement de cet avis lorsqu'il a rédigé letexte des
exceptions préliminaires.
En effet, comme la Cour a pu le constater en icxaminant les documents
qu'eue a eus sous les ,yeux, sur les soixante pages consacrées,dans cet
écrit d'exceptionspréliminaires, à la pomière exception, vingt-six - soit
présde la moitié -concernaient précisément l'exposé des circonstances
de fait relatives au désistement du Gouvernement belge.
De son côté, leGouvernement belge, dans ses observations en réponse
à la première exception préliminaire, avait amplement répondu sur le
terrain du fait.
Il avait tout d'abord soulignéet, j'ajoute, déplorédes erreurs très
graves, difficilement excusables, que l'on devait relever dans l'écritdu
Gouvernement espagnol. Je me borne. quant à ce point, a me référer
aux observations du Gouvernement belee. nos 21 et 22. Il avait ensuite
opposé son propre récit des faits à czu; <lu Gouvernement espagnol
(no923 à 25 des observations du Gouveriiement belge).
Il avait enfin réfutéd'une manière détailléel'interprétation que le
Gouvernement espagnol avait cru pouvoir donrier aux circoristances qui
ont précédé et accompagné ledésistement.Cette réfutationétaitdévelop-
péedans nos observations sous les noB26 à38.
Le Gouvernement belge, Messieurs, considlSrait sa réponse comme
complète, comme convaincante. C'était peut-6tre présomptueux de sa
part.
Quoi qu'il en soit, nous attendions, quant nous, avec impatience le
mornent où notre distingué contradicteur allait enfin aborder à son
tour l'exposédes faits qui ont précédé et ;iccompagnéle désistement.
Nous étions d'autant plus curieux à cet égard qu'à plusieurs reprises
en décembre 1963, ensuite à la veille dei débats, puis pendant le
cours mêmedes débats, le Gouvernement espagnol a encore jugéneces-
saire de produire des documents nouveaux, toujours relatifs aux pour-
~arlers aui ont réc ce dle désistement. Nous étions convaincus aue hl.le
professekr al dock allait commenter ces documents nouveaux: dont il
n'avait pas étéquestion dans les exceptions prkliminaires. NOUS n'avons
rien entendu. Et pourtant notre estime contradicteur, au passage, nous
avait accusé,noiis, d'avoir peur des faits. C'est ce qu'il a dàtl'audience
du 16 mars, voir ci-dessus, p. 82, alors que, cependant. nous avions bien
montré, pensions-nous, par le texte mêmede nos observations, que nous
ne leç redoutions aucunement.
Mais voici qu'au moment d'aborder lui-méme l'examen des faits,
M. le professeur \Valdock a en quelque sorte déclaréforfait! A notre
vive surprise, son exposétrès long et très intéressant a tourné court.
Il a cru ouv voir s'en tenir à ce au'il a finalement et tout d'un COUD
clénomini.'Irs circonstansç.i jt<rid;qtre» (ldg<dcirca»~stir,ices]les cci;-
constancd jtrridiqr~esdu d&istr.riient .; c'est ii I';iiidience dii 17 mari
qiie. polir I:apremibre fois. n<iiisavons entend11 ajouter cet adjectif:
cela nous a, jr \.oiis l':i\,oiir. \lc.isieiirs, intrigu6; qiic fall:~ii-ilcntendre
par là? Sous avons :inoiivrau 6ti.<I;.qiAprès avoir rnl~pel&longuement380 BARCELONA TRACTION
la corrt.sl,uiid~iiccrliploi~iatiqu- ct JI. lc profcjscur Roliii \ou= disait
il y a iluelqucj ~njtaiits cliie rious n'avons pas~.omprij I'utilitr: de ce
rau~cl -. .Y.Icvrofesjcur \\'alduA s'estborn>à rzlçvcr ùucl<~ueî<l;inents
d&t'inésdans ;a pensée à établir qu'en fait le ~oivergement belge
n'avait pas réservé,ni expressémentni tacitement, son droit d'introduire
une noÜvellerequête.C'êsttout.
Des circonstances defait qui avaient amené le Gouvernement belge
Ase désisterde sa requête, M. le professeur Waldock n'a pas ditun mot,
alors que cependant, dans les exceptions préliminaires, leGouvernement
espagnol s'y était si longuement étendu, alors cependant que c'est
précisément à propos de ces pourparlers que le Gouvernement espagnol
avait continué à produire de nouvelles pièces, je puis dire, jusqu'à la .
dernière minute. Le Gouvernement belge, hlessieurs, est tenté de voir
dans ce silence la preuve que sa réfutation écritede l'exposé espagnol,
telle qu'eue figure dans les observations du Gouvernement belge, n'est pas
sans avoir fait quelque impression sur notre distingué contradicteur.
Cette lacune très crave s'accom~acne d'une deuxième faiblesse
lond;,mcntnlc. JI. 1,:prui~j~çur\\'aldock. .:<Idibut <Irson :irgiiiiicnratioii.
;iprEtC :iuGou\~ernciiiciit belge iiiietlicsc que ccxoiivcrncmeiit ri':~;iniaij
soutenue et outil ne soutient- as. -
1.c (;oii\~~~riii.riiciIi,tclgc, a-r-il ~xpliqui., prCtçiiJ qu'cn Iii3nt &ni la
d;.cl;tr;itiLil,dt;ii>tcincnt du 2.3iiinisiql,r IV,niors ii.iiui.cj.pour-
suivre l'instance 1).le Gouvernement esoieno1 avait dû nécessairement
se former une opinion définitive quant'à'i'intention du Gouvernement
belce de réintroduire éventuellement une nouvelle demande devant
la Four. Par con~ ~~ ~t notre rétention se ramènerait à dire aue le
Gouvcrnciiitiit csl)&nol. en 1ii.tiices mor5, (Ic\..îit cornprendrc: que
riuiismaiiifistioiis I'iiitcntioii dc r6iiitrodiiirç ~~vcntuclleitnc noii!,t:lle
requête.Tel est le résuméde la thèse du Gouvernement belge que l'on
trouve aux pages 81 et 82 ci-dessus.
Et M.le professeur \Valdock concluait eu disant: toute la thèse belge
repose donc sur ces cinq mots: renonce à poursuivre l'instance.
Que mon savant contradicteur veuille bien m'excuser, mais je ne
puis m'empêcher delui répondre que c'est là, sans plus, une aimable
plaisanterie. Ce n'est pas du tout sur cette têted'épingle que repose
l'argumentation du Gouvernement belge et il importe immédiatement
de redresser les choses. La thèse du Gouvernement belge, la «vraie»
thèsedu Gouvernement belgese fonde sur trois propositions très simples
que je puis résumerbrièvement comme suit.
Premiere proposition: une déclaration de désistement rédigéedans
les termes de l'article 69 du Règlement de la Cour n'est pas, comme
semble le penser et le dire notre savant coll&gue,neutre et dépourvnede
toute sienification.
Une Glle déclaration signifie ce qu'elle dit expressément, c'est-à-dire
que le déclarant rrenonce à poursuivre la procédure », ni plus ni moins.
- Deuxième proposition: prouver que le déclarant a en outre
définitivement renoncé à son droit d'agir devant la Cour à propos
des m&mesfaits, il faut autrechoseque cette simple déclaration. Il faut
soit une manifestation de volonté explicite en ce sens, soit un accord

démontrant que telle a bien étéla volonté de l'Etat qui a déclaréson,

désistement. Et la preuve de cette renonciation doit évidemment,
conformément an droit commun, être faite par 1'Etat qui s'en prévaut. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 381

Troisièmeet dernière proposition: dans le cas actuel. le Gouvernement
es.a"nol ne démontre Das aue la Bel~ia-. ait entendu faire une teiie
renonciation. Cette jetiouvernement espagnol ne l'apporte pas.
Ricii au contraire, et surabondxnm~-lit. puisque rious n'avons rieii à
l'abandon de la procédure en cours, démontrent péremptoirementistement,
le contraire.
Voila quelle est,à propos de cette première exception préliminaire,
la position véritable du Gouvernement belge. M.le professeur Waldock,
en s'attaquant à une thèse différente, que nous n'avons pas soutenue,
a lui-méme privéde tout effet utile sa longue demonstration.
Aux deux faiblesses que j'ai cm pouvoir relever ainsi dans I'argumen-
tation de notre estimécontradicteur s'en ajoute une troisième.
M. le professeur Waldock, pour les besoins de son système, non seule-
ment prête au Gouvernement belge une thèse que ce gouvernement ne
soutient pas, mais s'est vu obligéd'introduire clans la disciission, d'une
manière arbitraire, une regle nouvelle, dans l'espoir de pouvoir ainsi
rejeter sur le Gouvernement belge le fardeau de la preuve.
Il formule cette regle comme suit - je cite le compte rendu de l'au-
dience du 17mars (voir page 99 ci-dessus):
a Une partie [dit-il] qui se désiste de la procédure en application
des articles 68 et 69 du Règlement de la Cour n'a pas le droit
d'introduire une nouvelle demande dans la mêmeaffaire, moins
que les termes ou les circonstances du désistement n'aientrévélé
a l'autre partie, au moment du désistement, l'intention de se réserver
le droit d'agir de la sorte.

Après quoi. notre savant contradicteurentreprend une longuedémons-
tration dont le seul but est de démontrer que le Gouvernement belge
ne peut trouver ni dans les termes de sa déclaration de désistement,
ni dans les circonstances. la meuve au'il aurait révhlà l'autre Partie son
intention de se réserver leAdroit d'introduire une nouvelle demande.
Mais, Monsieurle Président, Messieursde la Cour, cette règle nouvelle,
comprenez tout de suite qu'elle est inexistante: elle n'est pas exprimée
étéconsacrée par vos arrêts, aucun auteur, aucun commentateiir ne jamais
paraît l'avoir admise jusqu'h présent. Mon collèhwe,le professeur Sereni,
en fera ultérieurement la démonstration détaillée.Il me suffit, pour le
moment, de constater qu'encore une fois, la démonstration porte àfaux,
puisque son point de départ est injustifie.
Je n'ai pas l'intention, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, de
suivre l'exemple de mon honorécontradicteur, surtout je ne tenteraipas
de rivaliser avec lui sur le plan de l'érudition en droit international.
Mon ambition sera plus modeste. Je me propose de consacrer ma
plaidoirie aux faits, précisément- à ces faits si singull6rement absents
de la plaidorie de M. le professeur IValdock. J'exposerai la Cour les
événementsqui ont abouti au désistementd'instance annoncé à la Cour
par le Gouvernement belge dans sa déclaration du 23 mars 1961 et je
m'efforcerai de dégager ensuite de ce simple récit les conclusions qui
paraissent s'imposer.
Ce rappel des faits permettra à mon collègue le professeur Sereni de
réfuter, dans le détail, les savants raisonnements dans lesquels notre
éminent adversaire a cherché en vain à nous enfermer.382 BARCELONA TRACTIOX

C'est le26janvier 1961que le Gouvernement belge fut amené,dans des
circonstances trèsparticulièresà envisager l'éventualitéd'undésistement
de l'instance qu'il avait engagéedevant votre Cour à propos de l'affaire
de la Barcelona Traction.
Ce jour là, 26 janvier 1961, le ministre belge du Commerce extérieur
reçut la visite de M. Maurice Frère, président de la Sidro, sociétébelge
qui, comme la Cour le sait, est l'actionnaire principal de la Barcelona
'i'raction.
M. Maurice Frère venait mettre le ministre au courant de certains
pourparlers qui s'étaient noués trois mois plus tôt, au mois d'octobre
1960, entre lui-même et le groupe privé espagnol dirigé par Juan
March.
hl.Frère expliqua au ministre que cette prise de contact avait eu lieu
par l'entremise d'un diplomate espagnol, le comte de Motrico, ambassa-
deur d'Espagne à Paris, que M. Frère coniiaissait depuis 1958, et qui
enM. Frère ajouta que, suivant les renseignements dignes de foi donnés
verbalement par le comte de Motrico, il existait une chance très sérieuse
de pouvoir négocieravec le groupe adverse un accord procurant aux
actionnaires de la Barcelona Traction une indemnité équitable et satis-
faisante.
Mais M. Frère précisait aussi que Juan March avait formulé une
exigence préalable assez inattendue, que le comte de Motrico expliquait
par l'amour propre exacerbé du personnage: il ne voulait entamer une
négociationque sile Gouvernementbelgeconsentait àretirer, au préalable,
la requête introduite par lui devant la Cour internationale de Justice,
et ce, sous prétexte que cette requête contenait des accusations portant
atteinte A son honneur.
Comment le ministre belge du Commerce extérieur allait-il réagir en
recevant ces informations?
Pour l'expliquer, je voudrais me permettre de rappeler respectueu-
sement à la Cour le point de vue du Gouvernement belge dans ce litige
international. M. l'agent du Gouvernement belge l'a d'ailleurs très
clairement exposé à une audience précédente. C'est bien malgré elle
que la Belgique s'étaitvue contrainte d'entrer eii conflit avec l'Espagne
devant votre Cour. Si elle l'avait fait, c'étaitparce que le dénide justice
dont avaient été victimes certains de ses ressortissants l'y obligeait
véritablement. Son action n'avait d'autre objet que d'obtenir la répara-
tion du préjudice causépar ce déni de justice à des particuliers. Son
action ne mettait en jeu ni un intérêtpolitique ni un intérèt moral de
1'Etat belge. Il n'y avait en cause que des intérêtsprivés. Ceux-ci une
foisindemnisés, lerecours deviendrait sans objet, car le but de la Belgique
n'était pas de se faire rendre raison d'un tort causé directement par
l'Espagne à 1'Etat belge comme tel, son but était uniquement d'obtenir
la réparation du préjudice dont certains de ses ressortissants avaient
étévictimes.
Si l'on se souvient de tout cela on comprendra facilement que le
ministre, bien que surpris naturellement de l'exigence préalable formulée
par Juan March, n'ait pas à priori rejeté l'idéed'un désistement, si un
accord amiable entre les groupes privés apparaissait réalisable, et si
un tel accord permettait d'obtenir ainsi, par une autre voie, ce que le
Gouvernement belge précisémentrecherchait par son action internatio-
nale: l'indemnisation équitable des particuliers lésés. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 383
Le ministre ne pouvait cependant envisager lin désistement préalable
de l'instance engagée par la Belgique saris aucune garantie écrite
quant au succès des négociations à engager. C'est pourquoi le ministre
se ralliaà la suggestion de ses conseillers jiiritliques et commença par

proposer de demander éventuellement à la Cour soit une suspension de
l'instance, soit une prorogation du délai imparti au Gouvernement
belge pour le dépôt de ses observations: c'est ce que rappelle M. Frère
dans le mémorandum qui se trouve annexéaux observations du Gouver-
nement belge et qui est l'annexe 6, volume 1, à la page 72.
Cette attitude du ministre était loziaue et normale. La ~rouosition

très laborieuse la poursuite des pourparlers préliminaires.
A partir de ce moment, le Gouvernement belge fut régulièrement
tenu informépar M. Frère des échangesde vues nombreux que M. Frère
eut encore, verbalement et par écrit, avec l'ambassadeur espagnol.
De son côté,le comte de Motrico, qui demeurait en contact avec Juan
Alarcli, déclara peu de temps après à M. Frère s'êtremis en rapport
avec le ministre des Affaires étrangères d'Espagne.C'est ce que rapporte
M. Frère dans son mémorandum, au paragraphe 18.
A vrai dire, je dois préciser que ce point est actuellement contesté
par la Partie adverse, mais bien à tort, comrne j'aurai l'occasion, je
pense, de le démontrer par la suite.
Il a. .raît ainsi au'au cours des semaines aiii ont DI-écédle édésiste-
III~IIiIr,nt la cl:SVcsiiu,.LU ~j III.X~lyn1, les J~II.gnuvcriiriii?nts OIIL
;iiivip;ir p'fioniivj iiit<.ipi,;?\I I.r;rr il'uii ch;. Icci,nitc ~IcSlotri,i~
<Ir.l:iurrc.Ici C,li,.iigtde viici.,II >iij<des :uiiditic,ncl:,iiliiqiicll~.; 1,:
t;uu\.cr~itIIIC.I1,elgcic cI;six,:ra~t ;.VCII~IIV~~~~ LICI'~i~i~t~i:trigq~~.
ann <IV~~t~iiicttrcI'i,ii\,.itiidc ti;:ur.i:itioitiitrcIci Cri,u(>r.;priv&.
Le déÏoulement de ces ~our~arle% uré1imin;riresau 8ésisiemënt est
retracéd'une façon claire 2 cokplète & M. Fri:xedans le mémorandum
dont j'ai déjàparlé, mémorandumqui est appuyé de nombreuses pièces
justificatives auxquelles j'aurai l'occasionde me référer;ces pourparlers
ont égalementfait l'objet d'un rapport adresséau ministre des Affaires
étrangères d'Espagne par le comte de Motrico - rapport très récent
celui-la; il est daté du 4 décembre 1963, et c'i:st le document produit
comme document nouveau par le Gouvernement espagnol au mois de
décembre dernier. J'aurai l'occasion de me référer également à ce
document nouveau.
Les quelques indications que je viens de donner à la Cour permettent
de comprendre que l'histoire du désistement - si je puis me permettre
cette expression - ne commence pas le 18 ou le zo mars 1961 pour se
terminer quelques jours plus tard, ainsi que semble l'avoir considéré,
pour les besoins de sa plaidoirie, notre honoré contradicteur M. le
professeur Waldock.
Cette histoire est malheureusement beaucoup plus longue: son origine

remonte au mois d'octobre 10,0...isaue.c'est à cette date aue commen-
<-ciitIr; pourp~rlcrs prt~liiiiiii:iirc,eiitrerl<:iigroupes 1irii.C~.
Qi~,-I'an:ilyiJC <.v>~OIIIpxrlc.r- q~~~ iIurcrotitii~squ'eniiixr, rc,6-,
<iiic,ccrrc .~ri;ili.i<s:;git intlisinri.,hlc1:i<:orrinr;~h!.risinri ciri.nii;
tances dans l~squelles s'es; produit' le désiste&nt, le Gouvernement
espagnol l'a reconnu lui-mêmed'une faqon catégorique dans son écrit
d'exceptions préliminaires - je cite un passage qui figure dans les384 BARCELONA TRACTION
développements relatifs à la première exception, c'est le numéro 5,
page go, 1. où je lis ce qui suit:

«Les échangesdevues qui ont eu lieu entre les diverses personnes
privéesavant le 10 avril, date de la radiation de l'affaire sur le rôle
de la Cour, font partie intégrante des circonstances dans lesquelles
est intervenu le désistementdans l'affairede la Barcelona Traction. il

Voilà donc l'avis du Gouvernement espagnol sur l'importance, sur
la pertinence des échanges de vues qui ont eu lieu entre les personnes
privées. Les deux gouvernements étant ainsi d'accord au sujet de
l'importance de ces pourparlers privés pour déterminer ce qui sera
la tâche de votre Cour, le but et les conséquencesde ce désistement,
je me sens plus à l'aise pour demander respectueusement à la Cour de
permettre d'entrer dans le détail de ces échanges de vues, bien qu'ils
ne se soient pas déroulésdirectement entre les Etats actuellement en
Litige,les deux gouvernements les ayant suivis dans leur dernière phase,
tout au moins, par personnes interposées.
Te dois encore prier la Cour de m'excuser si mes ex~lications au
su]'et de ces pouÏparlers privés, explications que je voudrais aussi
claires et aussi complètes que ~. le puis, mettent quelquepeu sa patience
à l'épreuvepar leur longueur.

[Audience Publique du 8 avril 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, l'histoire du désistement,
que je m'étaispermis d'annoncer à la Cour hier, ne serait pas toutà fait
complète si on l'arrêtait au jour où fut rendue l'ordonnance de votre
Cour rayant l'affaire du rôle, c'est à-dire lIO avril 1961.
Deux jours auparavant, le 8 avril, avaient commencé enfin à Paris
les négociations. cette fois,entre les deux groupes privés, en vue de la
conclusion éventuelle d'un arrangement satisfaisant pour l'un comme
pour l'autre. Sans doute, ces négociations vont-elles se dérouler sur le
plan purement privé, sans aucune intervention ni directe ni indirecte
des gouvernements. Elles ne peuvent donc pas, par elles-mêmes,affecter
la position juridique des gouvernements. Sur ce point, nous sommes tout
à fait d'accord avec le Gouvernement espagnol.
Mais le récit de ces négociations privéeset surtout le récit de leur
échec - qui sera définitivement acquis six mois plus tard, le 3 octobre
1961 -, ce récit n'en est pas moins important car, comme la Cour le
verra. il iette en auelaue sorte une lumière rétrosoective sur l'attitude
singulièréet, à prémiè;evue, déroutante, que le groupe privé espagnol
-c'est-à-dire en fait TuanMarch - avait ado~téeau cours des premiers
pourparlers.qui ~om~encent, la Cour s'en souGiendra, au mois doctobre
1960, et qui ont fini par aboutir six mois plus tard au désistement du
Gouvernement belge.
C'est pour cette raison qu'il me paraît utile, sans entrer cette fois dans
le détail de ces négociations,de montrer à la Cour dans quel esprit elles
ont étéconduites de part et d'autre et les raisons de leur écheccomplet.
Je me propose de diviser en trois chapitres l'exposéhistorique - si je
puis m'exprimer ainsi - proprement dit. PLAIDOIRIE DE M. VAN KYN 385
Je présenterai tout d'abord à la Cour, si eue le veut bien, les person-
nages qui ont joué les premiers râles dans ces pourparlers préalables
d'octobre 1960jusqu'au désistement.
Dans un deuxième chapitre, je m'efforcerai de dérouler le film des
pourparlers et du désistement qui en fut la suite.
Et enfin, dans un troisihe chapitre beaucoup plus bref, j'exposerai
à la Cour ce que furent ces négociations engagées àpartir du 8 avril 1961
entre les groupes privés et qui ont échoué.
Dans un but de clarté. ie .'.fforcerai d'utiliser une termino~-~ie .J
uniforme et de désigner comme étant les pourparlers préalables au
désistement, ces échange- de vues qui ont commencéen octobre 1960
er se sont poursuivis ]us<lii'àla date Audcsistciiicn- mars 1961 - tyiii-
dis que je qun1ificr:iiiegu;i;itiunn 1csccliangesdc viirs qii"ritcoiiiiiicii-
céau moment du désistement entre les groupes pnvéi et qui se sont
poursuivis jusqu'au mois d'octobre 1961.
Après cette histoire en trois chapitres, je ni'efforcerai de mettre eii
lumièreles conclusions, trEs importantes à nos yeux, qui s'en déduisent.
Avec la permission de la Cour, je vais donc, sivous le voulez bien,
Messieurs, aborder le premier chapitre: les personnages.
C'est RI.Maurice FrEre, comme j'ai déjà eul'occasion de le dire, qui
a pris l'initiative, en octobre960. d'une démarche indirecte aupr&sde
Juan March. Daiis quel but? Pourquoi à ce moment? De queue manière?
Telles sont les questions qui se posent aussitôt et auxquelles il nous
sera aisé,je pense, de répondre. Illais, avant de le faire. je ne crois pas
superflu de parler quelques instants de l'homme.
hl. hfaurice Frère est une personnalité de tout premier plan, bien
connue d'ailleurs dans le monde international. Il a étéappelé succes-
sivement à remplir, en Belgique d'abord, à l'étranger ensuite, les fonc-
tions les plus élevéesdans d'importantes institutions publi ues, sans
parler de ses fonctions d'enseignement d 1'iJniversité de %mxe~es.
Président de la Commission bancaire en 1938, il devint, six ans plus
tard, en 1944, gouverneur de la Banque nationale de Belgique et il a
occupépendant treize années, jusqu'en 1957. cette fonction particulière-
ment importante et délicate.
Après la guerre, ilfut président de la Banque des règlements inter-
Fonds monétaire international. Indépendamment det, puis gocela, iladrempli
des missions officielles dans de nombreux pays, dans le monde entier.
Le râle éminent jouépar M.Frère au cours de toutes les étapes d'une
carrière exce~tionnellement brillante. l'autorité au'il s'était acauise. il
les doit sans'aucun doute à son intelligence,à 6 pondération sÛrt&t,
mais aussi sa conception élevéede la coopération internationale
dans le domaine économiqueet financier.
La carrière officiellede M. FrEre a pris fin quand il atteignit l'âge de
la retraite. En 1957 ,l fut alors invité à assumer la présidence de la
Sofina - importante société belge,qui est à la foisune holdingfinancikre
et un bureau d'études comprenant des ingénieurs, des techniciens
qualifiés,ainsi que des laboratoires spécialement équipés. Bien entendu,
Ivlessieurs,quand j'indique à la Cour que la Sofina est une sociétholding,
je prends l'expression dans son sens normal, dans son sens sérieux: celiii
qui lui est donnéen droit commercial et que lui donnent aussi les écono-
mistes. Il ne s'agit pas, dans ma pensée,de la caricature décrite avec
tant de complaisance par M.le professeur Reuter.386 BARCELONA TRACTION

M. Maurice Frère succédait, comme président du Comitépermanent
de la Soiina. à M.RenéNlaver. ancien résident du Conseil des ministres

~~~~~~-~
préoccupépar ce& très importante affaire de la Barcelona ~racci,i]
sociétédont la Sidro est l'actionnaire principal.
Nous sommes en 1960. L'affaire remonte à douze ans: elle dure
depuis 1948. Depuis 1948, les actionnaires de la Barcelona Traction
cherchent en vain à obtenir la réDarationdu Dréiudiceau'aura causéce

~ ~
'L'affaire s'était en quelque 'sorte enli'séeune première fois, après
L'échecdes négociations diplomatiques eu 1952,le Gouvernement
espagnol s'étant montré, à cette époque,intraitable.
En décembre 1955. une éclaircie était apparue lorsque l'Espagne

fut admise comme Membre des Nations Unies, puis lorsque le Gouver-
nement belge décida, en 1957, d'accorder sa protection diplomatique
aux ressortissants belges léséspar le dénide justice dont la Barcelona
Traction avait étévictime en Espagne, lorsque le Gouvernement belge
décida de saisir du différendla Cour internationale de Justice, ce qui
eut lieu eu 1958.
Mais. deux années DIUStard. en 1060. l'. .aire s'annoncait comme
de\..iiiitrc cncoic dc It,iigiicJurcc. 1,:c;~,iivcrnciiicntcjp~igiiol<:licrr.l.~nr
~,,<rdc iiiultiplc; ~xccl~rioiiipi<'liiiiiii:,ircii.t:ii<lIc l,liiluiigte~iips
i~us~il~lIcc dChnt >tirIi:iond.
Les actionnaires de la Sidro s'impatientaient; ils comprenaient mal
ces retards et, au cours de certaines assemblées générales(en octobre
~gjg, en avril 196o), le président de la sociétéfiit invité, par certains
actionnaires, à prendre l'initiative d'un contact direct avec Juan March,
qui avait, comme la Cour le sait, étéle bénéficiairede la confiscation
des biens de la Barcelona Traction en Espagne.
M. Frère avait assurément de bonnes raisons pour hésiter à s'engager
dans une négociation avec Juan Rlarch, puissant financier, dont il est
dit dans le mémoire du Gouvernement belge (1) avec pièces à l'appui
(par. 59. p. 33) qu'il était un puissant financier d'une honorabilité

discutée.
Pourtant, le concours de diverses circonstances conduisit M. Frère,
à l'époqueoù nous nous trouvons - octobre 1960 - à se demander
en toute objectivité si une tentative de règlemeiit négocién'aurait pas
suffisamment de chances de succès pour mériter d'être tentée.Quelles
étaient ces circonstances? Quelles étaient les raisons de M. Frère? II
s'en explique très clairement dans son mémorandum (annexe no 6 aux
observations du Gouvernement belge, premier volume d'annexes,
p. 68 et 69).
Tout d'abord, le iclimat » en Espagne paraissait meilleur à ce moment.
La preuve venait d'en êtredonnée par le règlement d'un ancien litige
qui avait opposépendant plusieurs années le Gouvernement espagnol
aux actionnaires étraneers de la Chade. La Chade était une société

actionnaires belges et suisses avaient une participation majoÏitaire, et PLAIDOIRIE DE 31.VAN RYS 387

qui contrôlait elle-mêmeune très importaiiti: sociétéd'électricitéde
ljuenos Aires.
Ce qui avait frappéM. Frère, c'est que cet ancien différendavait pu,
en 1960,se réglerpar une brèvenégociationavec les autoritésespagnoles,
au cours de laquelle les deux parties avaient témoignéd'un esprit de
compréhensioiiremarquable. Et le fait était d':iutant plus frappaiit que
~ractiGn. je ne veux pas entrer ici daiis des d6tails qui pourraient être
fastidieux, mais je me permets de signalerà la Coiir que ces connexions
sont indiquées dails noire mémoire,aux paragraphes 68 et 69.
Autre raison encore d'êtrefrappéde la facilitéavec laquelle ce diffé-
rend avait pu êtrerésolu: l'accord conclu l'avait étéen dépit d'une
opposition persistante de Juan March.
ILy avait là des élémentsnouveaux qui ne pouvaient pas manquer
de frapper M. Frère. Le règlement de ce diffkre~id,concernant la Chade,
obtenu dans de telles conditions, paraissait à AI. Frère, comme il le
dit lui-mêmedans son mémorandum (par. 4, p. 69) un indice favorable.
Et je cite la phrase par laquelle il concrétiseen quelque sorte soi1im-
pression:

n'était pasdans ma nature ni dans l'intérêtde la sociétéd'ignorer.il

Une deuxième raison avait achevéde déciderM.Frère.
Après cequi s'était passéde 1948 B 1952, jamais BI.Frère n'aurait
engagé lui-mêmedes négociations directes avec Juan March - qui
passait pour un homme des plus redoutables, des plus retors. Mais
M. Frère avait la chance de ouv voirrecourirà l'entremise d'une Derson-
nalitéen laquelle il avait uni grande confiance, et pour laquelle iféprou-
vait un sentiment de considération sincère: c'étaitle comte de Motrico.
à cette époque ambassadeur d'Espagne à Paris, et qui l'est encorà
ce jour.
C'est ainsi qu'entre en scènela deuxième personnalité.
Le comte de hlotrico va jouer dans les pourparlers préliminaires. dés
leur origine et jusqu'à la date de l'ordonnance de votre Cour décrbtant
le désistement, un rôle absolument capital, qu'en vain d'ailleurs le
écrit d'exceptions préliminaires,et la Cour aura sans doute remarquéque
M. le professeur \Valdock n'a pas prononcé. sije ne me trompe, une seule
fois le nom du comte de Motri~-~--I convient donc d'arrêter auelaue
temps notre projecteur sur lui. . .
Le comte de hlotrico est un diplomate des plus distingués,qui a occupé
successivement plusieurs postes d'ambassadeur parmi les plus impor-
tants: Buenos Aires, Washington, Paris.
Comme M. Frère l'explique dans son mémorandum, c'est en 1958.
à Washington, où le comte de klotrico était alors ambassadeur, que les
deux hommes furent présentésl'un à l'autre par un ami commun,
M. Hernandez. M. Hernandez était un ancien directeur général des
entreprises du groupe Sodec en Argentine; il connaissait personnel-
lement fort bien. depuis longtemps. le comte de hlotrico.
Dans son raDDort daté du 4 décembre 1467 et aui est le nouveau
document prodÙit par le GoAernement e;p<griol,'au paragraphe 2.
le comte de Jfotrico confirmce que je viens de dire et il préciseen même
temps, au paragraphe 3, dans les teimes suivants:38S BARCELONA TRACTIOX
cJe connaissais depuis 1934 M.Juan March Ordinas, qui m'avait
étéprésentépar un de mes parents, banquier, avec lequel il était
en relation depuis longtemps. Après la guerre de 1936-1939, je
revis de temps en temps hl. Rlarch car il me dispensait une affec-
tueuse estime.u

première raison qui, tout naturellement, l'incitaàerenouer tout d'abordne
le contact avec le comte de Alotrico, toujours par l'intermédiaire de
leur ami commun AI.Hernandez. C'est ce que X. Fr&reexplique dans
son mémorandum, au paragraphe 7, page 70 des annexes aux observa-
tions, volume 1.
Indépendamment de son autorité personnelle. qui était grande. et de
ses relations étroites avec Juan AIarch, le comte de hfotrico avait à la
fois des connaissances, une expérience et des dispositions d'esprit qui
faisaient de lui l'intermédiaire rêvé,peut-on dire, pour tenter une
démarchecn vue d'une négociation.
Il a tout d'abord la formation d'un juriste - bien que, comme il
le dit lui-même,il n'ait pas de connaissances juridiques spécialisées.
D'autre part, c'est un homme d'affaires distingué. Ce n'est pas nous qui
lui adressons cecoinpliment. Nous le trouvons dans le dernier document
produit le 16 mars de cette année par le Gouvernement espagnol. II
s'agit d'une lettre adressée au comte de Motrico le lerfévrier 1955
par M. Arthur Dean, dont il a déjà étéquestiori précédemment,et qui
est un avocat bien connu de New York. membre de la firme Sullivan
et Cromwell, qui était à l'époquel'un des conseils de la Sofina. Dans
cette lettre adressée par hl. Dean au comte de Motrico le rerfévrier
1955,je lis ce qui suit:
c In addition to your ambassadorial duties 1 know that you are
a business man of distinction and I am therefore taking this oppor-
tunity of caUing to your attention the current situation involving
Barcelona Traction, Light and Power Company... »

[Je sais qu'en plus de vos fonctions d'ambassadeur, yo~s avez
une activité d'homme d'affaires émériteet c'est pourquoi le saisis
l'occasion qui m'est offerte d'appeler votre attentioni la situation
de la Barcelona Traction, Light and Power Company...]
En outre le comte de Motrico, comme il nous le dit lui-mêmedans
son rapport du 4 décembre 1963, est un homme porté par sa nature
et par son caractèreà la conciliation. Voici ce qu'il dit de lui-même:

.Alon opinion [écrit-il au paragraphe premier, de son rapport]
était - tant à l'égardde cette affaire [c'est-à-dire, l'affaire.de la
qu'il valait mieux dans ce genre de différendsprivés, parvenir -a
un arrangement à l'amiablequed'entreprendre de longs et ennuyeux
procès. n

Parole de sagesse assurément.
Il y avait enfin pour hl. Frère un autre motif encore, nonmoins déter-
minant, de s'adresser au comte de Motrico: c'est que ce dernier connais-
sait fort bien l'affaire de la Rarcelona Traction et toutes ses périp6ties:
il avait eu l'occasion d'en parler maintes fois avec Al.Hernandez. de
1947 à 1950 (il le rappelle d'ailleurs lui-mêmedans son rapport au PLAIDOIRIE DE hl.VAN I<YK 3S9

paragraphe premier); il cn avait parléaussi avec son.ami Juan March;
àplusieurs reprises méme,ilétaitintervenu personnellement dans l'affaire;
il avait participéà des échanges de vues, il s'était entremis dans des
négociations et toutes ces interventions s'étaient renouvelées plusieurs
fois: en 1949, en 1950. en 1951, en 1952, et surtout, comme nous le
Frère, paragraphe 6, ainsi qu'à un nouveau document produit par le
Gouvernement belge, le 9 mars 1964, à I;rsuite et en réponseau rapport
du comte de Motrico. ainsi qu'aux quinze piècesqui sont jointes à ce
document nouveau sous la qualification d'appendices I à 15.
Dans ses exceptions préliminaires (1,exception no 1,par. II, p. 92).
le Gouvernement espagnol s'exprime cependant comme suit:

(,Le comte de Motrico [je cite textuellement] ne s'était jamais
occupé, auparavant, en quelque qualité que ce soit, officielle ou
privée.de la question de la Barcelona Traction. ii

\:oilh donc une ;ifirriiation c;~tcgoriquz.
L)eson cd;, Ir c011itcde \l~tri;o lui-niénie~>rCtt-;il jourtl'liui dans
solirsouort Je riccenibreI2 - .ou^.laconnaisj3iice d,:1'aff:lirrBarceluiin
~ractio'n acquise par lui au cours dessept annéesqui sesont écoulées de
1949 à 1955 se limitait aux simples informatioiis que diverses personnes
lui avaient donnéesincidemment.
C'est en présencede cette dénégation catégoriquedu Gouvernement
espagnol et de cette affirmation minimisante du comte de hlotrico que
niu<avons étéamenés à produire des pieces iitablissant qu'en s'expri-
mant comme il l'a fait dans les exceptions préliminaires, le Gouverne-
ment espagnol a versédans l'erreur la plus complète.
Ces pièces en effet établissent. sans contcst;ltion possible, le nombre
et l'importance des interventions antérieures du comte de Motrico.Elles
prouvent que ces interventions, à l'encontre de ce que l'ambassadeur
soutient aujourd'hui, avaient un caractère nettement actif et positif.
II ne se bornait pas, il s'en faut de beaucoup, à écouter ce qu'on lui
racontait. L'ambassadeur pouvait donc êtreencore, en 1960 aussi, un
intermédiaire particulièrement bien placé, susceptible. comme il l'avait
montré précédemment,et vous allez le voir bieut8t Messieurs, d'exercer
une influence marquée sur les pourparlers - et ce non seulement à
l'égard de Juan hfarch, mais également à l'égard du Gouvernement
espagnol.
Xons voyons en effet par ces piècesqu'en vue d'assurer ledialogue -
si je puis m'exprimer ainsi à propos de l'affaire Barcelona Traction -
le comte de Motrico n'hésitait pas à utiliser. outre ses relations intimes
avec March. l'accès facileaue. tout naturellenient. ses fonctions d'am-
bassadeur 1"i donnaient auprès des ministres espagnols, sans êtrecepen-
dant chargé d'une mission officieue par son aourernement - et c'est
là le grana avantage de cette situation. Le'Gouvernement. espagnol,
officiellement, n'intervient pas mais, par le comte de hfotrico, il sait
tout ce qui se passe et il peut, par l'intermédiaire di1comte de iitotrico,
agir s'il le désiresur les événements.
les annexessqàinotre nouveau document produit le g mars dernier, cesr -
pièces sont éloquentes par eues-mêmes,mais ilserait cependant fasti-
dieux d'en donner lecture à la Cour et je m'en garderai bien. .3g0 . BARCELONA TRACTION
Je crois cependant indispensable de m'arrêterquelques instants sur
la dernière intervention du comte de Motrico, celle de 1955, car elle
me paraît particulièrement révélatrice de l'intérêt agissantque cet
éminentdiplomate portait à l'affaire Barcelona Traction et des contacts
trés étroitsqu'il entretenait au sujet del'affaireUarcelona Traction avec
son ministre, avec le ministre des Affairesétrangères d'Espagne.
M. l'agent du Gouvernement belge a déjà eu l'occasion de rappeler
que l'avocat américain Arthur Dean, comme représentant de IrSidro,
avait commencé en 1954des pourparlers avec de hautes autorités
gouvernementales et, notamment, avec le ministre des Affaires étran-
-éresd'Esp-me- Ces démarches tendaient - la Cour s'en souviendra
peut-être - à obtenir une intervention du Gouvernement espagnol en
vue de provoquer ou de faciliter des négociationsentre les parties privées
sous lasupercision des gouvernementsintéreççés, puisqu'à cette époque
et déjà depuis plusieurs années,les négociations diplomatiques avaient
échouéentre les cleuxgouvernements.
hl. Dean, dans le cadre de cette mission, devait retourner en Espagne
au mois de mai 1955. précisémentpour y rencontrer encore une fois
le ministre des Affairesétrangères d'Espagne.
document, et après le début de ces débats, un échange de lettres quiau
est vraiment fort intéressant. Ces lettres nous apprennent qu'avant de
partir pour l'Espagne M. Dean, désireux sans doute de préparer son
entretien avec le ministre des Affairesétrangkrcss,écrivit au comte de
Motrico une lettre officiellelui demandant êtrereçu par luià \tlashing-
ton afin de discuter avec lui la situation de l'affaire de la Barcelona
Traction avant son départ pour Madrid.
Le Gouvernement espagnol produit aussi la lettre par laquelle I'am-
bassadeur répondit à hl. Dean qu'il venait de rentrer d'Espagne et
qu'il aimerait discuter la question personnellement avec lui soit à
Washington, soit mêmeau besoin à New York, où il comptait être à
la fin du mois de févrieret où il se rendrait au besoin pour pouvoir y
rencontrer M. Dean.
Ces deux lettres, Messieurs, avaient étéperdues de vue quand M.
Frère a préparéson mémorandum. Mais nous nous réjouissons qu'elles
soient aujourd'hui produites par le Gouvernement espagnol.
Sans doute, le Gouvernement espagnol les produit-il pour souligner
une petite erreur de détail dans le mémoranduni de If. Frère. et il est
lettres révèlent que c'est M. Dean qui, le premier, a écrit au comtees
de Motrico. alors que lemémorandum de M.Frére, à la page 70. semblait
indiquer le contraire.Il dit,à cet endroit, que c'est spontanément que
le comte de Xfotrico s'était adressà M. Dean. Mais ce aui ressort de
la lettre de M.Dean c'est qu'il s'adressà l'ambassadeur, comme tel, au
diplomate particulièrement expérimentéen affaires. et non paà l'homme
privé.
' C'est dans cette lettre que M. Dean commence par complime~iter
l'ambassadeur sur ces qualités, notamment sur sa qualité d'homme
d'affaires distingué. Et il poursuit sa lettreails les termes suivants:

~Xnowing of your deep interest in the utilization of private
capital to aid in the development of the economy of Spain and the
imperative necessity of its receiving fair treatment, 1 am enclosing PL.4IDOIRIE DE 11, VAS RYN 39'

for your convenience an abridgemeiit of the meniorandum whicli
1 sent to the Deuartment of State in Tune.,hich contains certain
later information.
For the reasons sct forth in the memorandum, an early settle-
ment of the Barcelona Traction controversv would do much to
encourage private enterprise to undertake such activities and would
materially benefit Spain's economy. 1)

[Sachant combien vous vous intéressez à l'emploi de capitaux
privés aux fins du développement de l'économie espagnole, et
sachant aussi que vous reconnaissez la iiécessitéimpérieuse que
ces capitaux fassent l'objet d'un traitem1:nt équitable, j'ai pensé
vous faciliter les choses en vous adressant u~irésurnédu mémoran-
dum que j'ai envoyéau Département d'Etat en juin et qui contient
certains renseignemeiits récents.
Pour les raisons indiquées dans le mémorandum, un règlement
rapide de la controverse de la Barcelona Traction eiicouragerait
beaucoup l'initiative privée à entreprendre de telles activités et
apporterait des avantages matériels à l'écom~mieespagnole.] ,
i.y.I..., ,.t:,lil.J
~oid.llaii~lan sur lequel M. Dean entretient ou se propose d'entretenir
le comte de hlotrico de l'affaire de la Barcelon;~. Et il termine sa lettre
en exprimant le souhait de pouvoir discuter cette situation avec l'am-
bassadeur en se plaçant - vous l'avez entendu -- sur le plan des inté-
rêts nationaux espagnols.

A cette lettre,le comte de hlotrico répond avec empressement et
offre même - comme je l'ai indiqué - de venir rencontrer Arthur
Dean à New York.
L'entretien a lieu peu de jours après, et ses résultats nous sont connus,
Nessieurs, par le texte d'un long télégramme adressé par $1. Dean à
la Sofina, le 15 février 1955. et que nous produisons en annexe à notre
nouveau document du Q mars 1964 (c'est l'appendice 13, à la page 23).
Si la Cour veut bien prendre connaissance du long télégramme de
XI. Dean à la Sofina dont je viens de parler, malgré la lecture ingrate
de ce document, qui se lit difficilement comme tous les longs télégram-
mes de ce genre, elle sera, je pense, parfaitement informée du rôle que
le comte de Motrico pouvait jouer et désirait jouer dans l'affaire de la

Barcelona Traction chaque fois que l'occasion s'an présentait. Rôle à
l'égard de March mais 1-ôle aussi vis-à-vis du ministre des Affaires
étrangères d'Espagne. '
Quand on lit dans ce télégramme le compte rendu de l'entretien on
comprend la hâte du comte de Motrico: il n'était pas venu seulement
pour entendre ce que M. Dean voulait lui dire au sujet de son futur
voyage en Espagne, où il comptait rencontrer à nouveau le ministre
des Affaires étrangères, il venait surtoiit pour offrir, spontanément
cette fois, ses bons offices en vue aussi d'une iiégociation directe cette
fois avec Juan March.
Le comte de Motrico est donc un intermédiaire par lequel on peut
toucher Juan March et par lequel on peut avoir la certitude aussi que

le Gouvernement espagnol sera informé.
Le style télégraphique se prête malheureusement mal à être lu à
voix haute. Je préfère ériargner à la Cour l'épreuve de cette lecture
et ie me borne à épingler la double conclusion tirée par Arthur Dean
de l'entretien très long qu'il a eu avec le comte de Motrico.3g2 BARCELOSA TRACTIOS

Première conclusion:le comte de hlotrico a étécatéeoriaue. dit 31.
Dean, pour assurer que le Gouvernement espagnol ne désrrera'itd'aucune
manière intervenir entre les croup-. privés. mais accueillerait très
fa\~orahlcnicnt une teiit;iti\,e d'arrnngciiierit. Et je ine pcrinrti clc(1i:-
riixnder j.ln Cour de reieiiir cette f~rriiulc,car clle espriiiic II li6.n~<IL.
coiiduite dit miniitre des .\thire; &tr<inr-rcsd'Esi~a.n- tt:llc ou',>lIc \.,i
cilcore sc iii;iiiiit:sta.r1960 t:t tt:iit: q11eiioii1:itruti\.croi.IC~C:ICC
quclquci jours n\,aiit ICd;ii,tciiieilt Si. p;irticiper ;iiix iiC,;uci:irioiis
iiiais êtretrc'j Iiivornhleriiciit diîpo(1 la tcntati\.e. oii sou1i:iir~uii'cllc.
réussisse.
Deuxièmeconclrrsion:l'ambassadeur. dit Arthur Dean. semblait ~arler
avec grande autorité et avait une connaissance tellement détailféede
diverses converçations qu'il doit êtreen contact étroit (must hein close
communication)

piècesque le Gouvernement belge a produites et qui figurent aux pages
32 et 34 du nouveau document. Quelques semaines plus tard, le IO juin
1955. M. Arthur Dean fait part des déclarations que lui a encore faites
le comte de Bfotricoau couyTd$jeuner, au sujet des entretiens que
lui-même.comte de Motric .venait d'avoir avec son chef - c'est-à-dire
L'virlanment IL miiiiitre )s hff;!ircs Cti.;,iigbrCI L'spagnc ---nii suict
dc-5ncgocintioiis que le groupt?-hi:lgi.s'ciii)r~:iitde noucr ii.\l;iclri1-1
c1'iivrice qu'a dit Iccomtc rlc .\lotricoà cf:iiioment le iiiiniitr.: C~I):LEIIOI
co&eillait de commencer les conversations en ~s~agne quand l'a<b&sa-
deur y serait et pourrait y prêterses bons offices.
Voilà ce qu'à l'époqueArthur Dean transmet à la Sofina comme
information fraîchement reçue du comte de hlotrico.
Peu après, au mois de juillet, le mois suivant, le comte de BIotrico
écrit à h1. Dean - il écrit. cette fois. vous trouverez la lettre - au'il
jc rendra bicntût en lSspngncet abordera le sujet, d!t-il.,discr~tcn~nt.
(ile siijeY - c'est-à-dire Its i~tgoci:itionsrel~tives ji'l'alfnjre Ilnrcelon:i
Tractioii - dniissescon\~erî;iti loiiiiiîre\~lei:\liairrsCtr:iiirCre;.
Est-il témérairede penser que ce qui était vrai&d9gj demkrait
encore vrai en octobre 1960 et devait peut-être même l'êtredavantage
puisque, dans l'intervalle, le conflict était devenu encore plus aigu,
le procès étant porté devant la Cour internationale de Justice?
Le Gouvernement espagnol n'en soutient pas moins qu'il n'a jamais
éténon seulement consulté, mais mêmesimplement tenu au courant
des interventions et des initiatives nombreuses, nous le verrons, du
comte de klotrico pendant la période despourparlers préliminaires au
désistement d'octobre 1960 à man 1961. C'est l'affirmation que nous
trouvons dans les exceptions préliminaires (1).première exception, para-
graphe 42, page 103. Le Gouvemement espagnol n'aurait appris I'exis-
tence de ces pourparlers préliminaires que le 17 mars 1960, six jours
avant la déclaration de désistement. C'est évidemment polir pouvoir
parler ainsi, sans doute, que le Gouvemement espagnol avait commencé
par dire que jantais à un titre quelconque, le comte de Motrico ne s'était
occupéde l'affaire de la Barcelona Traction à quelque titreque ce soit,
privé ou officiel.Je viens de montrer à la Cour ce qu'il faut penser de
cette affirmation catégorique démentie par des faits, par des pièces.
Plus tard, je crois que je n'aurai pas de peine à montrer à la Cour que
l'affirmation du Gouvernement espagnol, suivant laquelle il n'aurait PLAIDOIRIEDE M. VAS RYS 393
méinepas su avant le 17mars 1961que des pourparlers étaient en cours,
est tout à fait invraisemblable.
Tel est l'homme, Rlessieurs de la Cour. que M. Frère va charger en
octobre 1960. par l'intermédiaire de leur ami commun, M. Hernandez,
de laiicer un coup de sonde auprès de Juaii blarch, afin de voir si dans
ce climat que i\I.rère, pour les raisons que je me suispermis d'indiquer,
croit devenu plus favorable en Espagne, des négociationsen vue d'un
arrangement raisonnable, toujours préférables.comme le disait le comte
de hlotrico lui-même,paraissent mériterd'Etre tentées.
hl.hlaurice Frère s'engage dans cette voie en toute bonne foi, cn toute
simplicité, sans la moindre arrière-pensée.II suppose qu'il sera d'ailleurs
rapidement fixésur les dispositions de l'autre partie.
Si un accord peut êtreréaliséau sujet de l'indemnisation des action-
naires, le procès introduit par la Belgique contre l'Espagne devant la
Cour iiiternationale deviendra évidemment sans objet. Si au contraire
cet accord se révèle impossible, le procèscontinuera.
il n'y a d'ailleurs, je me permetsdy insister hlessieurs, aucune urgence
particulière puisque la Belgique dispose, à ce moment, pour le dép6t
de sesobservations en réponseaux exceptions ~iréliniinairesdu Gouverne-
ment espagnol, d'un délaiqui expirera seulement le 5 avril 1961. Or,
le sondage que va tenter hf. Frère se place, je le rapelle,à la mi-octobre
1~60, c'est-à-dire ~rès de six mois auuaravaiit. La ~réuaration de la
réponse du Gouveknement belge qui est déjà en co;rsAse poursuivra
naturellement dans l'intervalle et hl. Frère, à l'assemblée générale de
la Sofiiia du 27 avril 1961, qui figure aux annexes de nos observations.
volume 1, page 135, expliquera aux actionnaires, alors que le désiste-
ment Lient d'êtrefait, et relatarit ce qui s'est passé,qu'il avait voulu
s'efforcerad'explorer les possibilitésd'arriver, en marge de la procédure
qui se poursuivait devant la Cour de La Haye, à un règlement amiable
du litige..n.
C'est le moment de faire entrer en scéne le troisième personnage:
Juan Ilarch.
Il serait difficile de mettre en présencedeux hommes plus différents
que II. Ilaurice Frère et Juan March. II y a. entre leurs caractères et
leurs personnalités, le même violentcontraste qu'entre l'histoire de
leurs deus vies, et c'est tout dire!
I'ai retracé les éta~esde la carriere de M. Maurice Frère. Te réfère
1ai;serà nos adversaGes le soin de retracer dans leur réplique"les'étapes
de la carrière de Juan Blarch,s'ils le jugent opportun, tout en me réser-
vant. cela va sans dire.,d'v,revenir A mon tou~ ~ ~ré~l~rue.ans toute
la mesure qui paraîtrait alors nécessaire.
30s adversaires reconnaîtront avec nous que le personnage n'était
certes pas d'un format ordinaire; que c'était un homme puissant et
redouté,dont le pouvoir reposait essentiellement sur sa fortune immense.
A vrai dire, il n'y aurait pas grand-chose à ajouter au portrait saisissant
qui fut tracé de lui, de main de maitre, au coirrs d'une séancedes Cortes
en 1932. Peut-être certains membres de la Cour auront-ils la curiosité
de lire ou de relire ce Dortrait véritablement effravant dans les annexes
de notre mémoire,où ie compte rendu officielde ia séance desCortes se
trouve reproduit en extrait au volume premier des annexes, document
no 41, page 230.
De son vivant déjà, March était devenu iine figure légendaire bien
connue au-delà des froiitières de l'Espagne. Peut-être nos adversaires394 BARCELOKA TRACTION

eux-mêmesparleront-ils des nombreux articles que des journalistes de
touspays ont consacrés à Juan March, notamment dans la revue améri-
caine Time dlagazine, en I~GI, sous le titre «Le Crésusibériqueu. Peut-
ètre diront-ilsà la Cour ce qu'il y a d'inexact dans ce qu'ont écritsur
AIarch différents écrivainscomme Upton Sinclair dans son livre Presi-
dential Mission, ou Bellamy dans son livre NloodMoney dontun chapitre
est intitulé «Juan htarch: Darling of Diplomacy B.
En 1934 avait paru un livre sous le titre Le dernier pirate de ln Médi-
terranée,livre dont les exemplaires sont devenusrapidement introuvables
parce que de mystérieux acheteurs les avaient acquis en bloc et retirés
de la circulation. On a souvent affirmé,notamment dans les articles que
j'ai cités, que c'était la vie de Juan March qui s'y trouvait décrite.
Peut-étre nos adversaires vous diront-ils, Messieurs, dans leur réplique
si ce fait est exact ou non.
Quoi qu'il en soit, dans les biographies que de tous côtés on a tracées
deJuan hlarch, nous retrouvons les traits du portrait tracédéjà en 1932:
un homme pour qui tous les procédésétaient bons lorsqu'il s'agissait
d'aue..nter encore sa richesse incalculable - et. dit-on. il se vantait
Iiii-iiiéint,ile ii'eri pas cnnnniIirnontant -, iin hoinrnc siirzoiir qu~.
II, II O iiiiiior.,lc~,ni sciitiincnt, ii':irr?t:iit. ii';i,j:inirl.iiiiirCit;
l'iiî:,c.r.ui;Isi1fair? [I'unc i)tii;ssi~cctiiiiincic'rt:irresiitihlç.
~a-réaction de Juan ~arch, en présencede I'approclie tentée auprès
de lui par l'intermédiaire de $1. Hemandez et du comte de JIotrico
en octobre 1g60, nous pouvons nous la représenter aujourd'liui gràce
aux événementsqui se sont déroulésensuite, d'avril à octobre 1961.
Mais au moment des faits, en octobre 1960, les projets de Juan JIarcli
sont demeurésmystérieux.
Bien souvent, &lessieurs,les ressorts psychologiques qui font a,"'ir un
homme se révèlentseulement plus tard, lorsqu'ou voit se dévoiler ses
batteries.
Juan blarch ne dévoila ses batteries que plusieurs mois après le
coup de sonde tenté par M. Frere. Au moment où eut lieu ce coup
de sonde, il dissimula ses intentions réellesavec le plus grand soin et se
montra disposé à seprêter à un règlement amiable.
Mais, lorsque beaucoup plus tard. en avril 1961, après le désistement,
les négociations en vue d'un règlement amiable s'ouvrirent enfin, il
apparut immédiatement qu'elles n'étaient pas sérieuses.
Ce fut, Messieurs, une comédiequi dura six mois, d'avril à octobre
1961, et dont les péripétiessont relatéespar hl. Frère dans son mémo-
randum, avec pieces à l'appui, paragraphes 32 à 65, où j'aurai l'occasion
de revenir très brievement dans une autre partie de mon expo.;é.Et la
Cour verra que hl. Frère, en dépit de la bonne volonté dont il était
personnellement animé et dont j'ai expliquéles raisons, prit peu à peu
conscience, au cours de cette pseudo-nkgociation, d'un fait dont l'évi-
dence s'imposa de plus en plus à lui:à savoir que Juan hlarch n'avait
jamais eu réellementet sincèrement ni l'intention ni le désirde négocier
de bonne foi lerèelement amiable de l'indemnitérevenant aux actionnai-
res lésésde la ~Gcelona Traction.
Désormaisconvaincu, AI.Frère a fini par écrirà Juan Marcli, le 3 oc-
tobre 1961,une lettre qui met le point final à leurs relations et qui figure
en appendice no 26 en annexe au mémorandum de hl.Frère.
Cette lettre est trop longue pour que je songe à la lire ici, niais si la
Cour consent à en prendre connaissance, elle verra comment II. Frère FLAIDOIRIE DE II. VAN RYX 395
perdit progressivement toute confiance en son interlocuteur et finit par
comprendre la manŒuvre dont il avait étélavictime.
Nais revenons maintenant au mois d'octobre 1960.
Quand le comte de alotrico lui parla pour la première fois, Juan
Alarch ne vit probablement, dans la démarche que M. Frère faisait en
toute bonne foi, en toute simplicité, qu'un signe de faiblesse. II y vit
en mêmetemps l'occasion de lui tendre un piège.En faisant miroiter la
possibilitéd'un r6glemeiit amiable, ilpourraitpeut-êtreobtenir l'abandon
de la procédure introduite par le Gouvernement belge devant la Cour
internationale de Justice. Car c'étaitcela sa grande préoccupation. Cette
orocédurele contrariait:surtout. elle l'inquiétait.
Jusqu'en 1955J, uan l\larch avait pu croire que ses advefsaires étaient
désarmés,sans possibilitéd'action. Blaisle procPsinternational, une fois
engagé, il redoutait - à juste titre - di voir exposer devant votre
Cour le récit de la<tconquête ,ivéritablement ex1:raordinaire à laquelle il
s'était livréen Espagne et qui est décrite dans notre mémoire,la des-
cription des étonnantes manŒuvres judiciaires par lesquelles il avait
finalement réussi à mettre la main sur toutes les installations d'une
valeur immense du groupe de la Barcelona Traction en Espagne.
Il savait mieux que personne comment les choses s'étaient passées;
il savait mieux que personne que leur révélation: à l'audieiice de votre
Cour, ne lui ferait pas honneur.
Pour lui, un seul résultat comptait: faire cesser ce procès.
L'indemnisation de ses victimes était le moindre de ses soucis. et
l'expériencel'a bien montré.
La démarche faite par le comte de 3fotrico. de la part de bf. Frère,
lui apparut alors comme une occasion inespériiede faire cesser cette
procédure. sans qu'il lui en coûtât rien ou, en tout cas, peu de chose:
Mais il fallait pour cela jouer la comédie,et il va démontrer qu'il y
est passémaitre.
Je puis à présent, Messieurs, aborder le deuxième chapitre de mon
exposé: le récit des pourparlers préliminaires et du désistement qui en
fut la suite.
Jiiaii Mûrch commence par faire remettre à M. Frère - à la clouble
entremise du comte de Motrico et de M. Hernaiidez - une petite note
indiquant les conditions auxquelles il subordonnait toutc négoci?tion.
Cette note n'est pas signée,elle n'est même pasécritede la main de
Juan Jlarch. Prudence, méfiance... Ce documeiit est écrit de la main
du comte de Motrico, sur les indications de Jiian hlarch, et il figure
en traduction dans le mémorandum de M. Iirere (aiinexes aux obser-
vations du Gouvernemerit belge, vol. 1,doc. no6, 8, p. 70). L'original
est reproduit en facsimilé:c'est l'appendice I ioint au mémorandum.
Et ;.oici le texte français de cetteApetite note-

ccr.D'un point de vue moral. le retrait définitif de la requête
[idemanda n'en espagnol, qui se traduit. nous sommes d'accord
siir ce point par requête] estune condition préalable à l'ouverture
de la né-ociation
2. Une fois remplie cette exigence, l'autre partie s'engage à
entamer immédiatement une né~ociationde bonne foi pour essayer
de trouver une solution qui fixe Üneindeninisation aux actionnaires.
3. Une réserve absolue est indispensable pour le déroulement de396 BARCELONA TRACTION

ces conversations. Aucune publicité ne sera autorisée jusqu'à
éventuelle obtention d'un accord définitif.

Et voilà, Messieurs, comment et dans quels termes il fut polir la
première/oiq suestion du désistement par le Gouvernement belge de sa
iequéte à la Cour.
Cette exigence inattendue de Juan Ifiarch, qu'il formulait en disant:
une fois remplie cette exigence, l'autre partie s'engagà entamer immé-
diatement une néeociation de bonne foi oour essaver de trouver une
solution qui fixe ;ne indemnisation. ~ette'exi~ence-inatt sesciu,e
Messieurs. vous n'en serez pas étonnésvous-mêmes,la plus vive surprise
et on en trouve l'expression en des termes tout à fait modéréset raison-
nables, d'ailleurs, dans la lettre qu'adressa aussitbt, le 22 octobre,
M. Hernandez au comte de Motnco, son ami. Vous la trouverez en
appendice z au mémorandum de M. Frère (annexes aux observations du
Gouvernement belge, vol. 1, p. 88 3.92).
11. Hernandez souligne dans cette lettre combien ces conditions sont
peu équitables et je cite une seule phrase de sa lettre parce qu'elle
est frappante:

On propose, en échange, une intention: nessayer de trouver uneda) u.
solutionn.Le manque d'équilibreest évident. n

Cette surprise un peu naïve, peut-étre, montre bien que ni JI. Her-
iiandez ni hl.Frère n'ont deviné à ce moment le calcul tortueux de
Juan March: d'abord le desistement, puis un semblant de négociation
qui consistera proposer aux victimes une somme ridiculement basse.
Et dans sa pensée,Juan hïarch seraainsi débarrasséde son seul et unique
souci: le proces de La Haye, comme il dit.
L'explication qu'il donnait de sonexigence- pour donner le change -
est. comme il le dit. d'ordre ~moral>i.II commence sa petite note en
disant: d'un point de vue moral. Et le comte de Alotricolaisait le com-
mentaire en disant que Juan Ilarch n'entendait pas négocier aussi
longtemps que subsistérait une demande. une requête, contenant contre
lui de graves accusations, qu'il jugeait hautement injurieuses.
Sa fierténe le lui permettait pas.
hl. Frère. hlessieurs. hésitaàts'avancer olus loin en oréseiiced'uiie
exigence aissi inattendue.
Et comme il l'explique dans son mémorandum (annexes aus.obser-
vations du Gouvernement belge, vol. 1,p. 71). c'est sur la vive insistance
du comte de Motnco qu'il consentit finalement à se prêterà un «premier
contact n avec Juan hlarch, et qu'à cette fin ilse laissa inviter par le
comte de Motrico à un déjeuner à l'ambassade pour y rencontrer Juan
. . -. .. .
L'insistance du comte de hlotrico, les hésitations de ùI. Frère, sont
attestées par un document de l'époque. documenttrès intéressaiit. C'est
la lettre personnelle que hl. Frère adresse le z décembre 1960 à son
confident et ami, M.Hernandez. et que la Cour trouvera dans les annexes
aux observations du Gouvernement belge, vol. 1. p. 95.
Le déjeuner eut finalement lieu le rz janvier 1961. Il avait fallu plus
de deux mois au comte de hfotrico pour persuader M. Frère qiie cette
prise de contact valait la peine d'étre tentée. Et hf. Frère relate, dans PLAlDOlRlE DE M.VAN RYN
397
son mémorandum, au paragraphe II. ce qui fut dit de part et d'autre
au cours de ce déjeuner.
Sur un point, le langage que tint Juan March apparaît, en quelque
sorte, prophétique. Il déclara textuellement, je cite les propos de Juan
hfarch tels qu'ils sont rapportés par M. Frère dans son mémorandum,
inais vous verrez dans un instant qu'ils sont confirmésdans l'ensemble
par le comte de Motrico. D'aprés hl. Frere, Jiian March déclara que

«à ses yeux, le procès de La Haye n'avait aucuiie valeur. Qu'il
se terminerait à la confusion du Gouvernenient belge et pourquoi?
Il l'expliquait. Car lui, March, avait gardé en réserve toute une
série de documents particuliérement conipromettants pour les
anciens dirigeants de la Barcelona Traction, documents qui sus-
citeraient un scandale lorsqu'ils seraient produits devant la Cour
de La Haye. u

Et dans son rapport du 4 décembre 1963,le comte de Motricoconfirme
en substance ce que dit N. Frère, puisqu'il dit, parlant du mêmedéjeuner
(par. 9): «M. March s'étendit égalementau sujet de i'inconduite de la
Barcelona Traction en Espagne. a
Ainsi, Messieurs, vous le voyez, la tentative de diversioii qui a fait
l'objet, au début de ces débats, de la très longue plaidoirie de AI. le
professeur Reuter, c'étaitune tentative préméditée par hlarch lui-mênie
dans l'espoir de faire tourner le procès de La Haye à la confusion du
Gouvernement belge.
Au moment du déjeuner, c'étaitdans sa bouche une menace destinée
sans doute à intimider RI. Frère. menace qui d'ailleurs ne produit pas
l'effet souhaité, car M. Frère s'est borné ,2répéter,comme il le relate
dans son mémorandum à March, que sa condition préalable dii retrait
de la procédure formait un sérieuxobstacle à iine négociation éventuelle.
Et aussitôt hlarch Dassa des rodomontades à l'amabilité, assurant
son interlociiteiir, et.dus le voyez d'nilieiiàsI;pctiic note, qi~'iincfois
In condition reinplir. 11ferait iine proposition tellenient r;iisunn;il)le
ou'elle rallierait iniml:diatement I':iccor<ldes renrCsrritnnts de Siclro
'Cette assurance, Messieurs, ébranla Al. ~rèr;. Et comme il l'écrira
plus tard. le 23 février 1961au comte de Motnco. 3Iarch avait réussi ,2le
convaincre de sa bonne volonté.
Et al.Frère se dit alors qu'apréstout, si un accord raisonnable était
possible, il serait vraiment ridicule de le faire échoueren se montrant
intraitable en présence d'une réaction psychologique assurément mal
fondée, mais qu'il fallait accueillir avec réalisme, comme un fait
dont il fallait tenir conipte. Cependant - et c'était de bon sens -
on ne pouvait évidemment passer outre que moyennant certaines
garanties écritesquant au succés des négociations.
Cette demande, bien légitime cependant, de M. Frère allait donner
lieu à des difficultésmultiples dont les péripétiessont relatées dans le
mémorandum.
Et au cours de tout cela. avant le déjeuner comme après le déjeuner,
le comte de Motnco n'a cesséde jouer un rôle très actif. Vous le verrez,
Afessienrs, si vous voulez vous donner la peine de consulter les lettres
&changéesi cette époquepar le comtc de Motrico avec hl. Hernandez
et qui figurent en appendices 3, 4 et 5 du mémorandum de hl. FrBre
(anneses aux observations du Gouvernement belge, vol. 1.p. 93 à 102).398 BARCELONA TRACTION
Ainsi, le déjeuner ayant eu lieu le 12 janvier 1961, nous en arrivons
à la date du 26janvier 1961.C'est la date, la Cour s'en souviendra peut-
être,où M. Frère rendit pour la première fois visite au ministre belge
du Commerce extérieur pour le mettre au courant de la situation.
Comme je l'ai indiqué au début de mon exposé, le ministre, qui
partageait l'avis de M. Frère au sujet de la nécessitéde garanties écrites,
très logiquement se déclara disposé à envisager que la Belgique soilicite
de la Cour, soit une suspeusioii de l'instance, soit une prorogation du
délaiimparti au Gouvernement belge pour le dépôtde ses observations.
C'était logique, c'était normal: mais cela ne faisait pas l'affaire de
Juan March, n'est-ce pas? Car ni la suspension de la procédure ni la
prorogation du délaiaccordé à la Belgique pour le dépôt de ses obser-
vations ne lui permettraient de réaliser son plan. Ce qu'il voulait. ce
n'était pas négocier,mais obtenir d'abord et d'embléele dési:itenient.
3Iarch comprenait cependant qu'il fallait tout de mêmedonner à
M. Frère et au Gouvernement belge un minimum de garanties, car sans
cela la condition insolite et exorbitante'ilavait uoséeaurait vraiment
trop manifestement révélé qu'il ssagissa:t d'une diperie.
Nais - conformément à ça politique habituelle de méfiance - il
se garda bien d'écrireou de signer que ce soit lui-même.
C'est le comte de Motrico qui va parlerà sa place.
Comme l'explique très clairement M. Frère dans son mémorandum
(par. 15 et 16), les garanties refuséespar M. March allaient êtrerempla-
cees par un échangede lettres entre l'ambassadeur et M. Frère. R.1 Frère
allait ytrouver, pour le moins, une garantie morale- àlaquelle M.Frère
attachait une grande valeur,à cause du créditpersonnel dont l'ambassa-
deur jouissait auprès de Juan March, à cause surtout de la confiance
entière que ce mêmeambassadeur paraissait mériter, à cause enfin de
sa qualitémêmede diplomate, personnage officiel.
Ces lettres existent. Et elles ont, hlessieurs, une importance capitale
pour l'intelligence des mobiles du désistement.
Elles révklent en effet dans quel état d'esprit, sur la base de quelles
garanties morales, ;\l.Frère d'abord, le Gouvernement belge ensuite,
ont finalement accepté de se prêter à la condition préalable imposée
par Narch: le retrait définitifde la requêteau lieu de la simple suspension
de la procédure, qui eut étébeaucoup plus normale et parfaitement
suffisante pour permettre des négociations.
Cette correspondance comprend deux lettres: l'une émane de M. Frère
(elleest datéedu 23 février):l'autre est la réponsedu comte de Motrico
(elleest datéedu 24). L'une et l'autre ont- je ne puis assez insiste-
une importance essentielle.

[Audience publiquedu 8 avril 1964, après-midi]

Nonsieur le Président, hlessieurs de la Cour, la lettre adressée par
M. Frère au comte de Motrico, le 23 février, résume l'ensenible des
échanges de vues qui ont eu lieu et, en particulier, les déclarations
faitespar le comte de Motrico. Dans sa réponse,l'ambassadeur marque
son accord complet sur cette lettre, et c'est la raison pour laquelle je
croispréférablede donnerd'abord connaissance à la Courde cette réponse,
car elle donnera toute sa valeur à la lettre de M. Frère. Voici ce que
répondra donc le comte de Motrico à la lettre de M. Frère (ces deux
lettres figurant aux annexes à nos observations, p. 106 et 107, vol. 1): PL.4IDOIRIE DE 11.VAS RYS
399
«Xloncher ami [écritle comte de &lotrico],

Votre lettre d'hier m'a causé une sincèresatisfaction car elle
reflète fidèlementce qui a ététraité dans les divers entretiens tenus
afin de déterminer dans auelles conditions une négociation directe
entre les deux parties pOurrait avoir lieu polir ficer de boririe foi
et de commuii accord l'indemnisation aux actionriaires de la cBarce-
lona Traction. ,i
Donc, la lettre de hl.Frère .reflète fidèlemeiit » ce qui a été dit à ce
sujet!
Cette lettre, qui garantit en quelque sorte l'exactitude de celle de
hf. Frère, gêne certainement beaucoup le Gouvernemeiit espagnol.
Quelque compréhensible que soit cette gêne,le Gouvernement belge
avait cependant étéun peu surpris de constater qu'à l'appui de ses
développements relatifs à la première exception préliminaire,le Gouver-
nement espagnol produisait en annexe (annexe 69 aux exceptions
préliminaires)une traduction tout à fait infidèlede cettelettre du comte
de AIotrico.
Ce fait singulier lut naturellement relevéDar le Gouvernement belge
d..i.ir..uhirr\.atioii cn r2yuiisc (1 p;ir20. 1121 ct 22). I.liiiisioli riil~l>ort
du tirursdt. d(.~:e~ribrIO)^,nouve:ill d,,c:iitti,:ntt.sp;rgriol ~I<ccrr51>.3,

ri II . Ii:coriitcdc .\lotriio~si~liiiii:iliiiiii'it?t:,irr>tLCII I>OISC;IIJI?
he dé& versions de sx ~ettrc,'et'~ue c'est par erreur qu'il a remis au
professeur Castro-l'Zia1 letexte qui n'avait pas été envoyé ...La Cour
appréciera.
L'erreur était grave car, quoi qu'en dise le comte de Motrico dans
son rapport, les différencesentre les deux textes sont loin d'ètre sans
importance, et la Cour s'en convaincra facilement si elle veut bien con-
fronter les deux documents (la confrontation est d'ailleurs faite dans
nos observations, au passage auquel je nie suis réléré 1,,p. 21 et 22).
Cela dit, voici maintenant la lettre de Al.Frère, dont le comte de 310-
trico atteste qu'elle est un reflet fidèle de la réalité.Après qiielques
phrases de politesse, AI. I'rères'exprime comme stiit -je cite:
((Les échangesde vues qui ont eu lieu permettent de considérer
qu'il existe de part et d'autre une volonté formelle d'arriver eii
toute bonne foi à un règlement équitable et librement négociédu
litige relatif la Rxrceloiia Traction.
Je me suis cependant parfaitement rendu compte que les re-
présentants di1groiipe espagnol tiennent ab:;olument à ce qu'aucune
négociation ne soit entamée avaiit que le Gouvernement belge se
soit désistéde I'instarice introduite par lui contre le Gouvernement
espagnol devant la Cour de La Haye.
Aussi ai-je pris contact personnellemerit avec le miiiistre du
Commerce extérieur de Belgique qui a dans sa compétence la
défensedes intérêtsbelges à l'étranger, pour lui relater les entre-
tiens que j'avais eus et le pressentir quant au retrait de I'iiistance
à La Haye.
Je vousai fait savoir eii son temps que le ininistre, tout en accueil-
lant favorablement l'idéed'un reglement amiable du litige entre
les groupes intéressés, iie croyait pas qu'il fût possible pour le

gouvernement chargé de la défense de tous les intéresséshelges
- mêmes'il en étnit sollicitépar le priiicipal d'entre eux - de se400 BARCELOSA TRACTlOS

désister unilatéralement de l'instance introduite, avant que la
iiéaociationait abouti ou mSme commencéet sans aucune garanti-
&te de quelque nature qu'elle fût.
Par contre [poursuit hl. Frère], le ministre s'était déclarétout
dis~osé.afin de rencontrer notre souci commun de néaouer sans
coGtrainte aucune, à proposer au Gouvernement es$agiiol une
suspension de la procédure devant la Cour pendant une pkriode de
trois mois.
Partageant mon souhait de voir régler aussit6t que possible ce
conflit entre nos deux pays [dit II. Frère], vous avez insisté [uous,
le comte de Motrico] vous avez insisté à nouveau auprès de moi
pour que je m'emploie à obtenir du Gouvernenient belge le retrait
pur et simple de l'instance introduite devant la Cour, afin de réaliser
la condition considéréecomme préalable à la négociation propre-
ment dite. 1,

Et voici maintenant les passages essentiels:
«Vous avez bien voulu me dire, après avoir entendu à plusieurs
reprises les deux parties en cause, que vous êtesconvaincu qu'une
base existe pour fixer d'une manière équitable et de bonne foi
l'indemnité à payer aux actionnaires de la Barcelona Traction.
\'ou avez ajouté que la négociation pourra débuter immé-
diatement après le retrait de l'instance à La Haye et vous m'avez
en outre exprimé votre conviction que dans les quinze jours qui
suivront, une solution satisfaisante pour les deus parties sera
trouvée. J'ai étéd'accord avec vous pour estimer que cette négo-
ciation devra êtreconduite avec la discrétionla plus absolue.
En raison de ces circonstances, je suis disposéà reprendre contact
avec leGouvernement belee et à faire un nouvel effort oour l'amener
à retirer purement et similement l'instance actuellem'ent en cours.
le ne manquerai pas de vous tenir au courant du résultat de mes
démarches.'
Veuillezagréer,cherambassadeur et ami >ietc.

Ainsi donc, vous l'entendez, Hessieurs. si le principe du désistement
préalable du Gouvernement belge a étéfinaleinent retenu par M. Frére,
c'est sur l'insistance du comte de Motrico et en coiisidération de la
Joublc ~uii\~ictiuii~~crsoiiiicl,:<pri~~iCelur CC in6nic nnibai?n<leiir - -
qui il':~\.:t~:IScesi;, d'ctre cn coiit.rct 6troit :i\.r.clu~n llnrch, dont 11
est I'aini- douhlc cuii\.iction&t,uc ic .th?.c. tant clle est cjscnriclle:
1. Une base existe pour fixer d'une maniére équitableet de bonne foi
l'indemnité à payer aux actionnaires de la Barcelona Traction.

2. Dans !es quinze jours qui suivront le désistement, une solution
satisfaisante pour les deus parties sera trouvée.
Et II. Frere écrit. vous l'avez entendu. oue c'est en raison de ces cir-
constances qu'il est, quant à lui, disposéB reprendre contact avec le
Gouvernement belae et à faire un nouvel effort pour l'amener h retirer
Durement et sim~lëment l'instance actuellement-en cours.
Dans son é~rit'd'exce~tionspréliminaires(1). Bla page 97, le Gouver-
nement espagnol s'efforcevainement - nous paraît-il- de minimiser
la valeur des assurances morales ainsi donnéespar le comte de Motrico,
feignant d'oublierque celui-ci, tant en raison de sa personnalité que de PLAIDOIRIE DE hl.VAS RYS 401

sa qualité d'ambassadeur, jouissait évidemment d'un crédit et d'une
autorité considérables, et comme si le Gouvernement espagnol voulait
faire croire que le comte de hlotrico aurait, en qiielque sorte, parléà la
légère.
Dans son rapport de décembre xg63 (nouveau document espagnol,
par. 13, p.12). le comte de Motrico lui-mêmetente àson tour des efforts
vraCes tentatives, Messieurs. trouvent leur réfutatiori dans le texte même
de la lettre deM.Frère certifiéeexacte par le conite de ivlotrico.Et si je
parle de ces tentatives, c'est simplement pour montrer à la Cour que le
Gouvernement espagnol, tout autant que le Gouvernement belge, est
pleinement conscient de l'importance essentielle tle ces documents, pour
déterminer quelle est la partie qui a été trompce, quelle est la partie
qui a agi de bonne foi.
Persuadé par le comte de Motnco, AI. Frkre réussit à son tour à
convaincre le ministre belge du Commerce extérieur (c'est ce que
Il. Frère ex lique dans sou mémorandum, au par. 17).
La procécfure du désistement donnera lieu encore à diverses discussions
sur lesqueiles j'aurai soin de revenir. Finalement. vous le savez, il a eu
lieu: la déclaration dti désistement d'instance du Gouvernement belge
fut envoyée au Greffe de la Cour le 23 mars 1961. Les négociations
allaient théoriquement pouvoir commencer, puisque la condition pré-
alable ooséeDar Tuan hIarch était désormaisremolie.
Je pkis maintenant aborder, Messieurs,le troisi&ne et dernier chapitre
de cerécit:c'est en mêmetem~sle dernier acte du dénoiiementde l'habile
comédie.Ce dernier acte - je puis rassurer la Cour - sera beaucoup
plus bref.
La première réunion desparties eut lieu le 8 avril 1961 à 17 heures.
à Paris, dans les salons de l'ambassade d'Espagne, en présence de
l'ambassadeur.
Il faut lire dans le inémorandum de &I. FrAre au paragraphe 32 le
récitde cette réunion ail cours de laquelle Juan March abattit son jeu
d'un seul coup. Le récitde M.Frère n'est contredit en rien par le comte
de Alotnco dans soii rap..rt du 4 décembre 106, ..'.st le nouveau do-
ciiinrrissp.ignol. p;ir34 ct35).i\l~r;<~iicI'.wnt.~s;3deiireisimiticul~iix
il;iiis toiitcs ses iii:IIpoint, il îcborne A ilin: risscl curiciisemcnt. h
propos de cette réuniondu 8 avril, ail paragraphe 35:
.Ce n'est pas à moi de dire ce qui se passa au cours de cette
réunion,non plus qu'au cours des journéessuivaiites. puisque mon
r6le d'intermédiaire pour mettre en contact les deux parties avait
pris fin.

Mais le comte de Afotricoétait là: il assistaià la réunion. Pourquoi
ne rien dire d'une réunion à laquelle il a participé?
Nous ne pouvons donc retenir cette phrase que comme un aveu de
l'exactitude du compterendu de AI.Frère. Et ce compterendu, le voici;
il n'est pas très long et il est tellement significatif de la façon d'agir de
Juan Yarch que je crois vraiment qu'il est utile que je le lise rapidement:

arrivafàtParis.ement [dit M. Frère] le 8 avril 1gG1que Juan March

bassade d'Espagne, sous la présidence du comte de Motnco, ce de l'am-402 B.4RCELOS.4 TRACTIOS

mêmeS avril à 17 heures. Les représentants espagnols y donnèrent
lecture d'une note définissant leur position. Après avoir signal6
qu'à leurs yeux l'action du Gouvernement belge devant la Cour de
La Haye n'avait aucune valeur, les représentants espagnols se
livrèrent à une attaque contre l'accord qui était intervenu un an
auparavant entre la Sodec et le Gouvernement espagnol aii sujet de
la vente à ladite sociétédes actions de la ucompaiiia Hispano-
Americana de Electricidad (Chade), S.A. i[c'estlerèglementdulitige
dont j'ai parlé ce matin] appartenant à ce dernier. Bien que cette
transaction n'eût rien à voir avec la Rarcelona Traction, Ai.BLarcli,
la jugeant hautement préjudiciableauxintérêtsespagnols,prétendait
obtenir pour ceux-ci une compensation en imposant aux intérêts
belges les mêmescritères d'évaluation que ceux auxquels on avait
en recours dans l'opération Chade. 11pr. .sait de detei.miiier le
'fr..~tiuiipar rclercnc<:s;LUSaioiirj dc boiirsc dc l'actiuii Ilari~ln~ii~i

'i'iactiuii~luiaritl'annéeIO?$ idal<:de la iiii%en blillitc ill:isociit;.
en Espagne) ou en 1952idatè de la prise de possession par Fecsa
des biens de la Barcelona Traction). Copie de la note qui avait été
lue seulement en langue espagnole fut laisséeau comte de Atotrico.
Une traduction française, déclarée mauvaisepar les représentants
espagnols, me fut donnée pour me permettre de suivre la lecture
faite en espagnol. Cette traduction me fut reprise après lectiire
et remise égalementau comte de Xotrico. II

A la fin de la réunion, AI. Frère avait donc entendu les Espagnols
mais il n'avait aucun écrit, aucun document et it n'avait mémepas eu
la possibilitéde prendre note de ce qui s'était dit. II en avait entendu
avait étéjoué.rs, pour comprendre, pour pressentir tout au moins, qu'il
Et la Cour le comprendra tout de suite. si elle me permet d'aiouter
un très bref cornmenTaire au récitde M. ~r&reet de mêttresin~~lénient
en regard l'indemnité demandée par le Gonvernement belge dans sa
reauêie.et celle ~ro~oséeDar Marih
pindémnité riclamée par le Gouvernement belge dans sa requrte
devait évidemment correspondre i la valeur de l'ensemble des installa-
tions. biens et avoirs ou'àvait en Esuaene le erouoe de la Barcelona
'l'rnctiniiau nii,mCiitoii'cettc sociCt2et sej filialescil fiirciit I)riirnlcnit.iit
(Iépu~;L'dc;ç psar I:Ldl:cl;iriition de f~illite, 12 lk\.ricrii).~S II s':igir,
bien entendu. de 1;ivnlciir n~.tte.c'cst-i-diri:. di-du~xionIsitc (IIIi>;iiiif
des sociétésenvers les tiers.
Lecalcul decette valeur nette aétélaitd'unemanièrerationnelle suivant
une méthode et d'apr&sles critères qui sont décrits dans une note qui
constitue l'annexe 282 du mémoire belge (vol. IV, p. 1077). Cette note
indique d'autre part les raisons pour lesquelles il serait tout a fait arbi-
traire et injuste de déterminer la valeur des biens dont les actionnaires
ont étéspoliés,en seréférantsimplement aux cours de bourse des actions
13arcelonaTraction Acette époque.
Bien souvent d'ailleurs, le cours des actions en bourse ne reflète
nullement la valeur intrinsEque d'une entreprise: ce cours est tantôt
supérieur, tantôt inférieur. Dans le cas de la Rarcelona Traction les
cours de bourse étaient restés anormalement bas, parce qu'ils avaient
étéinfluencés,pendant plusieurs années,par des événementsétrangers PI.i\IDOIRIE DE hl.VAX RYX 4O3
à la marche de l'entreprise, mais qui avaient empêchéla distribution
de dividendes, qui avaient mêmeentraîné la suspension du paiement
des intérêtsaux obligataires, alors cependant que l'entreprise avait des
résultatsbénéficiairesetquesa position financière&taitfondamentalement
saine.
Je iie veux pas entrer ici dans l'examen d'une question qui touclie
au fond du litige et je me permets de me réftirersimplement à la note
explicative que je viens de rappeler.
Quant à l'indemnitéfixéepar Marcli et proposéepar lui à la réunion
du S avril, ellereprésentait unseizièd meela valeur réelledes installations
et des biens dont les sociétésdu groupe avaient étédépouilléesau profit
de hlarch lui-même.

Le disproportion est tellement considérable que cette proposition
peut assurément êtrequalifiéede dérisoire.Et le mode de calcul adopté
avait véritablement quelque chose de cynique: non seulement Alarch
prétendait recourir uniquement, pour fixer l'indemnité, aux cours de
bourse des actions Barcelona Traction - ce qui était peu justifiépour
les raisons que j:ai dites - mais il voulait prendre pour base le cours
de 1918(annéede la faillite), ou le cours de 1952(annéede l'acquisition
des biens de Barcelona Traction par la Fecsa). Il choisissait donc déli-
bérémentet exclusivement les annéespendant lesquelles les cours de
l'action Barcelona Traction avaient été, en qiieli~uesorte, enfoncéspar
les deux coups de force réaliséscontre elle par Juan March lui-même.
Mais peut-être n'était-ce là que le début d'un marchandage? Peut-
étre allait-on tout de mêmeaboutir dans la quinzaine & cette solution
satisfaisante pour les deux parties, dont le comte de Motrico. bien au
courant de leurs points de vue respectifs, avait affirméêtreconvaincu?
Sur ce point aussi, M. Frère fut bientbt fixé.Juan March témoigna
immédiatement d'une intransigeance radicale et absolue, refusant même
d'examiner n'importe quel autre mode de calcul ou n'importe quelle
proposition, refusant même toute discussioii: c'était, en somme, à
prendre ou à laisser.
Ces soi-disant négociations furent, lfessieurs, vous le pensez bien,
iiiterrompues presque aussitôt, après quelques jours - l'impasse étant
évidente. Le comte de hfotrico et M. Hernandez témoiznerent l'un et
l'autre d'un zèle louable pour tacher d'amener Juan hhch & plus de
compréhension, comme le dit M. Frère dans son mémorandum (p. 81).
avecla modération oui lui est habituelle.
l~lm 1. I:r>ri;.;i!.:iiit ttlc iii6iiic t;iniii~jiJiinip;<tii!iic<.
LI'VIfii~ir,1,co~iitede \fotrico :tpr& (le longs,!fitjrir<t~sit i rcnk!ttrc
les partici cn r)rCjciiccIilne<leI':iutre.iI{i;~rccttv f<)isl.e65i:utemt)ri:.
A ce momént, la coniédie change. Juan AIarch n'a plus désormais
qu'un seul souci. AI. Frère ayant laisséentendie qu'on s'était moqué
de lui, Juan lfarch appréhende que le groupe privé belge, qui a déjà
averti le Gouvernement belge de la situation au mois de juillet, ne prie
ce gouvernement de lui accorder à nouveau s:~protection diplomatique
par l'introduction d'une nouvelle instancecontre l'Espagne.
Aussi, Juan March a-t-il, avant tout, le souci de préparer le dossier
espagnol. Y. Frhe avait dé$ soupçonnécette tactique au mois de juillet
et il.'en csl>liqiie d:~ri50;)mémornndum ;lu p;irigr;iplie 41, pa& 82.
1.c pI:~nilc,Jii;~\l;irch deviiit bcaiisoiip~>liicl iir encore lori i1ecette
r;iiiiioii ile Ri:irriiz: son unirli~epr~occi~[~i,i:tIIIO~~L.IIestd'nccr;>-
diter une version contraire aux faits, suivant laquelle le comte de4O4 BARCELOSA TRACTION
&fotrico n'est jamais intervenu que comme un ami privé des parties,
sans aucune relation avec le Gouvernement belge ni surtout avec le
Gouvernement espagnol, et il aüa jusqu'à essayer d'obtenir une recon-
naissance écritede ce fait signéepar M.Frere, lequel, bien entendu, s'y
refusa.
Cette thèse que Juan March s'efforçait de faire accréditer ail moyen
d'une déclaration que M. Fréreaurait souscrite, c'est, Messieurs, vous le
savez, la thke que plaide aujourd'hui le Gouvernement espagnol et
grâce à laquelle il voudrait faire admettre par votre Cour qu'il a tout
ignoré,et, par un singulier renversement des rôles, que c'est lui qui a
été trompé.
Toutes les péripétiesde ce dernier acte de la farce sont amplement
décrites par Ai. Frére dans son mémorandum aux paragraphes 32
à AS. Son récitn'est contredit sur aucun oint im~ortant dans le ramort
dicomte de Motnco quitraite desmême<événemên atusx paragrap6& 36
à 46. Le comte de Alotrico semble surtout soucieux de minimiser son
r01e et d'étofferla version selon laquelle il avait gardé, sur toutes ses
interventions, le secret le plus absolu envers son ministre. J'aurai
l'o1.e point hnal est alors niarquc p3r une dernicre lettre adressl:c p?r
XI.Frhe i.\lnrcli. le3 octobre ~rjbr,lettre ilaquellc j'ai déjàfait ;illiiiioii.
\l.FrGrr.;icoinpris dCiiniti~cmtnt, le <;ou\.trnenient belge c.inil~rcrid
:iui.iil'un coninie I'îutrt: orCtc:iiidigiicmcnr troriip;; yrir Junii \l.ircli.
II rierestait dora. Gi.idcrrrriicnt,qu iritr~duirr. dcvari\.orCr.Cour
une nouvelle instance. ~uisaue la situation intolérable dans laliuelle se
trou\,aicnt depula tant d'année;le; resiortijjnnt; belges que Ieiir g0uvr.-
nement entend:iit protr'gcr, cette situ;itron intolérable subsiitai: i:iri>le
moindre changement, el que ces ressortissants avaient étédupés sans
vergogne par l'homme qui avait commencépar les spolier.
Et voilà, Messieurs, le récit que je m'étais promis de vous faire.
Le voila terminé.et i,.~uisD.ssermaintenant il'examen des conclusions
qui s'en dégagent.
La premiére conclusion qui s'en d$gage concerne les intentions des
Parties en présence,et bien entendu, 1entends cette fois les deux Etats,
et non plus les particuliers.
La deuxiéme conclusiou qui se dégage de cet exposé des faits se
rapporte à l'interprétation des documents officiels relatifs au desiste-
ment.
Je commencerai, si la Cour le permet, par examiner les conclusions
que l'on peut déduiredetous cesévénementseiice qui concerne les inten-
tions des Parties, les intentions des deux gouvernements et, en premier
lieu. les intentions du Gouvernement belee.
1.e but du dL:sistcnierit.dansl;ipanst:L:et dans Içs intentions ilu Guii-
\.crnernt-nt belge. apparait disormars avec In 11lusgraiide çI~rt2.
En larsnritsn déclar:itioride d6,siitenicnt du2-{mari 1q6r. le Gi~ii\.rr-
nformulée par Juan hlarchmple-entexigence dont il avait été informé parable
AI.Frére, et à laquelle il n'avait fini par consentir que sur la foi dei.
assurances morales que la Cour connait.
Aussi est-il surprenant que le Gouvernement espagnol ait pu écrire
dans les exceptions prbliminaires (1), première exception, paragraphe 3,
page 89 - je cite -, que «c'est de sa propre initiative uniquenient que
le Gouvernement belge a mis fin à l'affaire de la 13arcelona Traction». PLAIDOIRIE DE X. VAN RYN 405
On ne poiirr.ait plus ou\.crteriit3ntfaire \,ioleiicediix faits.
.Aulieu d'une irii~lc siisi~ensioiide 1in;i.i--c (iiïiitkt,:suflisaritz
et d'ailleurs normale pour permettre le déroulemeutdes négociations -
le Gouvernement belge, sur l'insistance du comte de Motrico et de
M.Frère, a finalement consenti àfaire un pas de plus,à retirer définitive-
ment sa requêteet à perdre ainsi le bénéficedes actes de procédure
déjàaccomplis par lui.
Juan March avait fait savoir, en effet, vous l'avez entendu Messieurs,
que la suspension de la procédure ou toute autre solution arrêtant
provisoirement la procédure nelesatisferaitpas. Il maintenait sa formule
initiale qui était, en espagnol: La retirada definitiva de la demanda,
c'est-à-dire en français: <,Leretrait définitifde la requê».
Cette concession, faite aux préoccupations (lites «d'ordre moral»
expriméespar Juan March, obligerait éventuelleinent le Gouvernement
belge à recommencer une procédure qu'il aurait étéplus simple et
plus naturel de suspendre pour la commoditédes négociations.
Voilà, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ce qu'était, dans
la pensée et dans l'intention du Gouvernement belge, la déclaration
de désistement que ce gouvernement fit parvenir à votre Cour le 23 mars
1961. Et telles étaient les seules conséquences que le Gouvernement
belgey attachait. II avait pleine confiance d'ailleurs dans l'issuefavorable
et rapide des négociations annoncées, puisque le comte de Motrico
prédisait qii'elles ne dureraient pas plus de quinze jours et qu'elles
aboutiraient, dans ce délai, à une solution satifaisante pour les deux
parties.
Le Gouvernement belge n'envisageait donc pas, à ce moment, qu'il
dût un jour se trouver contraint d'adresser à votre Cour une nouvellc
requête.
Rien, ni dans les écritsdu Gouvernement belge, ni dans ses actes, ni
dans les paroles de ses représentants, ne permet d'affirmer que ce gou-
vernement aurait manifesté i un moment quelconque une intention
autre que celle que je viens de préciser.
Jamais le Gouvernement belge n'a déclaré,ni riiêmelaissé sous-
entendre, sa volonté de mettre bas les armes, en quelque sorte, en
acquiesçant aux exceptions préliminaires du Gouvernement espagnol.
Les circonstances dans lesquelles le désistenient lui a étédemandé,
et que votre Cour connaît enfin, exclueiit radicalement cette inter-
prétation de son geste.
Le Gouvernement belge avait préparéses observations en réponse
aux exceptions préliminaires du Gouvernement espagnol. 11 est vrai,
elles n'ont pas étédéposées,précisément à cause de l'imminence des
négociations. Le Gouvernement belge s'en est clairement expliqué
dans ses observations écrites en répo~e aux exceptions préliminaires
de la présente procédure (1,observations relatives àla exception,
se reporter.32) auxquellesje prie respectueusement la Cour de bien vouloir
Jarnais non plus le Gouvernement belge n'a entendu, en ces circons-
tances, abandonner définitivement à leur sort les ressortissants belges
auxqiiels il avait, depuissi longtemps, accordéla protection diplomatique
et finalement, sous sa forme la pluséleyéel,e recciursà votre haute jnri-
diction, seule forme de protection qu!, dans cette affaire. était encore
efficace, en présencede l'attitude intraitable du Gouvernement espagnol
au cours des négociations diplomatiques.40~ BARCELONA TRACTION

Jamais le Gouvernement belge n'a déclaréni laissé sous-entendre
qu'il renonçait pour toujours à cette forme de protection diplnmatique
en vue d'obtenir justice dans cette fameuse affaire de la E:arcelona
Traction - ce scandale sans précédent, je crois pouvoir le dire, dans
l'histoire contemporaine.
Rien de tel n'avait d'ailleurs jamais été demandéau Gouvernement
belge et, Messieurs, chacun comprendra, n'est-ce pas, que si par iiiipos-
sible une exigence aussi outrecuidante lui avait étéprésentée,la Belgique
l'aurait rejetée sans hésiter car elle aurait équivalu à une abdication
humiliante, dépourvue de toute justification, et à laquelle le Gouverne-
ment belge, pas plus qu'aucun autre gouvernement, n'aurait consenti
à se prèter.
Telle était d'ailleurs aussi l'opinion du Gouvernement espagnol en
juillet1961. Je me permets, à ce propos, de signaler respectueusement
à l'attention de la Cour une lettre adresséeau ministre belge des Affaires
étrangèresle 14 juillet rgtir par l'ambassadeur de Belgique à Madrid,
le vicomte Berryer, et qui constitue l'annexe 9 à nos observations, en
réponse aux exceptions préliminaires. Cette lettre a étéécrite à la
suite d'une démarche faite par ce diplomate belge aupres du ministre
des Affaires étrangèresd'Espagne. Notre distingué contradicteur y a fait
allusion dans sa plaidoirie sans dénier la réalitéde l'entretien résumé
dans cette lettre, sans contester l'objet de cet entretien.M. le professeur
Waldock s'est borné à exprimer, au nom du ministre espagnol, toutes
réserves sur les termes réellement employéset sur les nuances avec
lesouelles ils l'ont été.L'authenticité de la lettre n'étant. à iuste titre.
pas'contestée, il est permis, je pense, de considérerqu'elle rehte fidéle-
ment un entretien qui datait de la veille et dont l'ambassadeiir faisait
part à son n~inistre. Les ambassadeurs apportent habituellement le
plus grand soin aux communications de ce genre dont l'importance,
ils le savent, peut êtretrèsgrande.
A cette époque,les pseudo-négociationsavec Juan March étaient dans
l'impasse (juillet1961c ,'étaitavant la réunionde Biarritz) et l'ambassa-
deur de Belgique écrivait à son ministre ce qui suit:

ccJ'ai eu l'honneur de recevoir vos instructions datéesdu 8 juillet.
Le 13de ce mois, je vis le ministre des Affaires étrangLrespour
lui%D,Lendreauet,e venais d'êtrechareéde-lui faire ~a~, des sérieu-
sr> pr~~~~cc~~pntiq n~e~sC::III.<21~(;~IIY~:~II~III~1!)Iegc1 +IXI drs
n;goriatit~iiriitrsparties pri\&i d,ins I'nllnirc 1l~r;zlon:'ï'ition *

C'est ainsi que Juan March a su, certainement, que le Gouvernement
belge était alerté.
a J'ajoutais [poursuit l'ambassadeur] que si une solution satis-
faisante ne pouvait être atteinte et comme le Gouvernement
belge ne s'était désistéde l'instance à La Haye qu'en vue de favo-

riser ces négociations... Ici [poursuit l'ambassadeur] M. Castiella me
devança en disant: «J'ai compris. Je sais ce qui peut êtreenvisagé,
mais mieux vaut pas de menace, il faut que les négociations con-
tinuent ..n.
Je répliquai [écrit l'ambassadeur] qu'elles étaient interrompues
par suite de l'attitude et l'intransigeance de Juan March, et qu'on
ne pouvait parler de négociations devant le «diktat » de la partie
adverse. On ne pouvait plus laisser les choses indéfinimentan point PLAIDOIRIE DE 11. VAN RYN 407

mort, ce dont le ministre convint en m'assurant qu'il ferait quelque
chose.
- Quoi? En parlera-t-il au prochain Conseil des ministres?
Je lui poserai la question lundi prochain. II sait en tout cas à quoi
s'en teiiir et je le lui rappellerai, puisque aussi bien vosinstriictions
précitées inepermettent de faire allusion à un recours nouveau à la
procédure de règlement judiciaire. r

Vous le voyez, Messieurs, pas un instant, au cours de cet entretien,
hl. le ministre Castiella n'a eu la pensée qu'une nouvelle requête du
Gouvernement belge se heurterait à une forcludon, sous prétexte que
le Gouvernement belge en se désistant de sa requêteaurait abdiqué son
droit d'exercer la protection diplomatique par la voie judiciaire, à propos
de l'affaire de la Harcelona Traction. Encore bien moins, M. le ministre
Castiella, s'est-il indigné à la pensée que le Gouvernement belge, en
introduisant une nouvelle requête, manquerait en quelque sorte à la
parole donnée par lui.
L'idéeque le Gouvernement belge aurait perdu le droit d'introduire

une nouvelle requêten'était mêmepas encor,: venue à l'esprit de quel-
qu'un au ministère des Affairesétrangères d'Espagne, au mois d'octobre
1961, après la rupture des négociations privées. En effet, dans une note
du 9 octobre, que la Cour trouvera dans les annexes au mémoiredu Gou-
vernement belge, volume IV, no 269, p. 1051, note qui répond à une
note du Gouvernement belge du même jour, le ministère espagnol des
Affaires étrangères ne faisait pas la moindre allusion à cette forclusion
prétendue qui est, aujourd'hui, toute la base de la première exception
préliminaire. En effet, danscette note, le ministkre des Affaires étrangères

d'Espagne s'exprimait comme suit:

Cfttt. ii.ciip:iii~t~,III (;oii\.criirnicnt belne .i 1,ruiit.i.rI:I Ii:gitiiiiit;
clé isii :iction en vue .l'.i.iiinicr 1.1prortt.titgit d,. ln I{srctltjn:i
'I'v.ictioiir,.>tel:itii;nic :iiii~iir~I'l~,tii'lti~-r.t'tatit clonnLILI~. lt..
preuves auxquelles il faisait allusini dans' sa note précif6e du
6 février 1958 n'ont étéproduites devant aucune autorité: la déci-
sion de revenir sur le désistement de l'action intentée devant le
'Triliiiii;iiirrrii:itir~i<IIJiiîtits. iir iiir,,iiiir.:lonric.11.1-irii:itioii
11,.li;isrt.1tir, ~.~IISII~qiir l:ii~~a~~ilt-statioctil'iinc,n~~iivc~r.ll~it;~

en ce qui concerne la prétention de protéger une sociétécanadienne
et les intérêtsprivés qu'elle groupe. i,

Ainsi, à ce moment, averti officiellement de l'intention di1 Gouverne-
ment belge d'introduire une nouvelle requête devant votre Cour, le
Gouvernement espagnol faisant pour la première fois connaître son
noint de vue ne sonee mêmeDas à dire: «mais il ne c eut Das en être

décidezde revenir sur le désistement et d'introduireune nokvelle requête,
cela ne modifie en rien la situation de base et ce sera la manifestation
d'une nouvelle velléitéde faire valoir une prétention pour laquelle la
Belgique n'est pas qualifiée.
Mais pas un instant, encore à ce moment, on ne songe à dire que le
Gouvernement belge aurait perdu le droit d'agir devant votre Cour.40s BARCELOSA TRACTIOS

Il faudra attendre encore plusieurs mois avant qu'apparaisse pour
la ~remiere fois. au mois de mars 1062. ,'id.eoue le &ouvernement ~~
esPagnol avait ck quele désistement comportait une renonciation défi-
nitive, c'est-à-dire irrévocable, à la réclamation. C'est ce aui sera dit
pour la première fois dans la note espagnole du 5 mars 1~6; qui figure
aux annexes du mémoire du Gouvernement belae, tome IV. p. 1057.
Et c'est encore la thèse surprenante que le Giuvernement espagnol
soutiendra dans son écrit d'exceptions préliminaires avec une énergie
vraiment digne d'une mei:leure cause. Et il prétendra justifier cette
prétention en disant que tel était le sens de la condition préalable
indiquéepar Juan March dans la «note de base aremise par lui au comte
de Motrico le 20 octobre 1960.
Ces prétentions étonnantes sont spécialementdéveloppées aiix para-
graphes 70 i 75 des exceptions préliminaires (1,p. 115 et 116).
Ainsi donc, pour le Gouvernement espagnol, Juan March se serait
conduit, en quelquesorte, comme un de cesbandits degrand chemin qui,
jadis, rançonnaient les voyageurs, mais aimaient parfois se donner
des airs chevaleresques. Après avoir enlevé à ses victimes leur
portefeuille, Juan March leur aurait dit : c Donnez-moi d'abord vos
armes et faites-moi confiance, je vous restituerai ensuite une partie
équitableet raisonnable de l'argent que je vous ai pris ...
Coniment le Gouvernement espagnol peut-il sérieusenient défendre
une thèse pareille? Comment surtout le comte de hlotrico ose-t-il. sachant
ce qu'il sait. souteniraujourd'hui son gouvernement sur ce point, comme
il le fait dans soi1rapport du 4 décembre1963. paragraphe 27, page zo?
Alorssurtout qu'il a corrigéde sa main un projet de déclarationde désis-
tement dont le texte révélait i toute évidence aue le Gouvernement
belgc. luin <Ir.voi~luir nbnndoiincr les actioiin:i;rcs dç ILIUarce1oii:i
'fractioii. vntcndait ;tu contrairep:ir5011dCsijtcment 1,:;:iidrr o\]tcnir
~;itisfactioiCe vruict corri<.<d:e I;inaiii iii6incdu coniic de hlotrico. 1;i
Cour le trouvera dans les annexes aux observations du l ou verne ment
belge, volume 1, page 121.
Mais bien plus que tout cela, Messieurs, Juan March n'avait rien dit
de pareil dans le petit papier qu'il avait fait remettre par le comte de
hlotrico, le20 octobre 1960, à hl. FrBre. Dans cette petite note, il était
uniquement question de la retirada definitivade la demanda.
Le sens grammatical des mots employésétait clair: le mot retirada
signifie (iretrai» et non pas arenonciation D; le mot demanda est le
mot propre pour désignerl'acte introductif d'un proces, dans la termi-
nologie espagnole. C'est ce qui résulte notamment de l'article 524 de
la loi espagnole relative à la procédure civile (article que nous avons
déjà cité dans les observations du Gouvernement belge (1),page 2j. en
note).
Quant à l'adjectif definitiua, le Gouvernement espagnol lui-même
nous en expliquele sens (exceptions préliminaires, 1,Ire exception, no 71,
p. 115)lorsqu'il préciseque ce mot devait simplement faireentendreque
March ne demandait pas seulement la suspension ou I'intenuption
momentanée de la ~rocédure Dendante: il voulait ~lus aue cela: il
voulait que le Gouve;nement beige fît un pas de plus et'retirât la reqiete
qu'il avait introduite. C'est bien là d'ailleurs le seul point de cet exposé
du Gouvernement espagnol sur lequel le Gouvernement belge puisse se
dkclarer d'accord.
hlais le sens des mots ne peut donner lieu à aucune discussion, aucun PLAIDOIRIE DE 11. VAN RïN 409

des trois mots essentiels de cette fameuse phrase ne peut donner lieu à
contestation.
C'étaitbien le retrait de la demande entendu comme le retrait de la
requête,le retrait de la procédure, ledésistement de l'instance.
nref, si je puis me permettre de reprendre encore un instant la com-
paraison un peu audacieuse que j'ai faite tout à l'heure, je pourrais
dire que ce que March demandait au Gouvernement belge, c'était sim-
plement de rengainer son arme, mais non pas, comme ce bandit auquel
je le comparais tout à l'heure, de jeter ses armes à ses pieds et d'y
renoncer à jamais.
Comment le Gouvernement espagnol va-t-il essayer d'accréditer sa
version actuelle?
Le procédé employédans le passage des exceptions préliminaires
dont j'ai parlé tantôt, mérite, Messieurs, qu'on s'y arrête car il est
vraiment curieux. C'est pourrait-on dire le prockdéde la métamorphose
verbale. on si vous aimez mieux. .e vAocédédu remvlacement subrevtice
d'une expression par une autre.
Voici: au no 70, le Gouvernement espagnol commence par rappeler
que, pour des raisons morales cle ressortissant espagnol a fait du retrait
définitifde la demande belge devant la Cour une condition sine qua non
de sa participation à des négociations privées ».
Ceci est exact, ceci est presque exact, car b: mot «demande D, qui
figure dans ce texte ne traduit pas exactement le mot espagnol de-
manda lequel, nous l'avons vu, équivaut en français au mot nrequête ,,,
«assignation »,ou «acte introductif d'instance :,.
Maisle Gouvernement espagnol poursuit alors au no71dans les termes
que voici:
iDu côtébelge, on a parfaitement compris que ce que demandait
le ressortissant espagnol, c'était iile retrait définitif de l'affaire
de la Barcelona TràcGon. »

Première metamor~hose verbale: la dematcda déiàtraduite inexacte-
ment par «demande ,;devient maintenant ci2aff:iiré».
Et le Gouvernement espag. . va conclure, au no 75, dans les termes
que voici:

<<Parconséquent, lorsque le projet de désistement belge lui a
étéprésentépar l'ambassadeur de Belgique, le 22 mars 1961[la
Cour connaît le texte de ce projet, il y est dit: «le Gouvernement
belge renonce à poursuivre l'instance introduite par sa requête^)],
le ministre espagnol des Affaires etrangéres a considéréque le texte
avait trait au retrait définitifde l'affaireune fois pour toutes.a

Nouvelle métamorphose: on ajoute cette fois quatre mots qui n'ont
jamais étéprononcés nipar le Gouvernement belge, ni par l'ambassadeur
deEt le Gouvernement espagnol, TVIessieurse par,n arrive ainsi-àêmformuler

suit: A une demande qui n'avait pour objet que le retrait définitifdemme
la requêtedu Gouvernement belge - c'est ce Gouvernement lui-même
qui aurait répondu par une offre de capitulation sans conditions - car
c'est cela que signifie, pour le Gouvernement espagnol, le «retrait de
l'affaire,ne foispour toutes ».41° BARCELONA TRACTIOX
Ilserait vraiment superflu, je pense, Messieurs, d'insister davantage
sur le caractère véritablement absurde d'une telle présentation des

choses et je préfère,sans plus tarder, passer à la deuxième coiiclusion
qui me paraît se dégager d'une manière évidente de la simple narration
des faits.
Elle concerne cette fois les intentions du Gouvernement espagnol.
Le Gouvernement espagnol avait certainement été informé de i'évo-
lution des pourparlers préliminaires et de leur résultat, bien avant que
le ministre espagnol des Affaires étrangèresne reçoive, le 22 mars 1961,
la visite de l'ambassadeur de Belgique.
Le Gouvernement espagilol conteste ce point, et il a réussi à obtenir
à ce sujet l'appui du comte de Motrico. L'ambassadeur, dans son rapport
du 4 décembre 1963 (nouveau document espagnol), aiiirme en effet que
c'est seulement le 17 mars 1961 que, par téléphone.il aurait pour la
première fois pris contact avec le ministre espagnol des Affaires étran-

gères, et uniquement pour lui annoncer la demande que lui adresserait
prochainement l'ambassadeur de Belgique.
Voilà ce qu'il expose aux paragraphes 18 à 22 de son rapport.
Nous sommes naturellement, de ce côté-ci, dans l'impossibilité de
prouver le contraire à l'aide de pièces et de documents, puisque, s'ils
existent, ces documents ne peuvent se trouver que dans les archives du
ministère espagnol des Affaires étrangères,voire en possession du ministre
lui-même,c'est-à-dire, dans les deux cas, entre les mains de la Partie ad-
verse.
C'est une de ces situations, Messieurs, qui se présentent souvent,
vous le savez - elles se sont parfois présentéesdevant votre Cour --
où une partie ne peut invoquer que la preuve par présomptions ou par
vraisemblance.

Or, sur ce terrain, il n'est pas douteux que la thèse duGouvernen~ent
espagnol apparaît bien peu vraisemblable.
Je tiens avant tout à dissiper une équivoque.
LeGouvernement espagnol (exceptionspréliminaires du Gouvernement
espagnol, 1. rreexception, par. II, p. 92)proteste hautement que «le comte
de hfotrico n'a jamais reçu d'autorisation de la part du Gouvernement
espagnol pour agir en son nom en une quelconque matière relative à
l'affaire de la Barcelona Traction >i.
Protestation bien inutile, car jamais le Gouvernement beige n'a
songéà soutenir que le comte de Motrico aurait agi au cours de ses pour-
parlers préliminaires au nom du Gouvernement espagnol.
Mais ce que le Gouvernement belge affirme, c'est que cet ambassadeur
ne peut pas sérieusement soutenir, comme il paraît cependant vouloir

le faire aujourd'hui, que son intervention se réduirait à celle d'un ami,
d'un ami commun de deux personnes privées qui s'est efforcé, comme
ami, d'apaiser ou de régler un conflit d'intérêtpurement privé existant
entre ces personnes, ou un conflit entre les groupes privés que ces per-
sonnes représentaient.
Nous disons que cette thèse n'est pas soutenable, parce que tout
d'abord l'affaire de la Barcelona Traction a cessédepuis longtemps, et
en tout cas depuis le dépôt de la requête du Gouvernement belge en
1gj8, d'êtreun simple conflit entre des particuliers.
Un litige international s'est greffésur cette affaire, et ce litige demeure
indissociablement liéau conflit entre les groupes privés.
L'ambassadeur le savait mieux que personne. PLAIDOIRIE DE hl. VA3 KYN 4"

Et cela étant, nous pensons qu'il est vraiment contraire à toute
vraisemblance que le comte de Motrico, ambassadeur d'Espagne à Paris,
ait accepté de jouer dans cette affaire complexe, i la fois publique et
privée, le rôleactif qui a étéle sien, d'octobre60 à mars 1961, sans en
référerau préalable àson ministre et sans êtreautorisépar lui.
Il s'agissait d'une affairà propos de laquelle ['Espagne se trouve en
litige avec la Belgique devant votre Cour.
Un ambassadeur ne peut pas, suivant les pratiques les plus élémen-
taires, s'occuper sans autorisation spéciale, si ce n'est incidemment
veut-être. d'une affaire aui ne concerne uaç les relations de son Davs

le Gouvernement espagnol, l'ambassadeur d'Espagne à Paris ne pouvait
se dispenser d'une telle autorisation, sous prétexte que son intervention
n'aurait pas de caractère officielni même officieux.Caril n'était pas ail
pd'ambassadeur en de telles circonstances.n qiielque sorte sa qualité
C'est déjà,Messieurs, ce que le Gouvernemerit belge avait cru pouvoir
indiquer dans son mémoire, au par. 289, et nous pensons vraiment
que les critiques dirigéescontre cette partie de notre mkmoire par le
Gouvernement espagnol (exceptions préliminaires (1), par. IO, p. 92)
ne sont pas justifiées.
Il ne serait d'ailleurs pas moins surprenant que l'ambassadeur ait
négligéd'informer son ministre de l'évolutiondes pourparlers. La Cour
se souviendra comme le comte de Motrico se maintenait en contact
étroit avec le ministère des Affaires étrangèressn 1955 lorsqu'il avait
avec l'avocat américain Arthur Dean des entretiens au sujet d'un
éventuelrèglement amiable de l'affaire de la Barçelona Traction.
N'est-il par normal de penser que le comte <le3lotrico s'est comporté
en 1960comme ill'avait fait cinq ans plus tôt et qu'ia pris soin de trans-
mettre à son ministre les informations recueillies par lui et qu'il a pris
soin de consulter son ministre? C'était pour lui, n'est-ce pas, non pas
seulement un devoir ~rofessionnel. en ouelouï sorte. mais aussi même
une mesure d'élémenfaire dès les Premiers contacts,
vous l'avez entendu, on a parlé du désistemeiit civentuel de la requête
du Gouvernement belge - question de caracttire politique qui, par
excellence, concernait directement le Gonvernt:ment espagnol; et le
ministre des Affairesétrangères n'en aurait rien su?
Que le Gouvernement espagnol soit resté, si je puis dire, dans la
coulisse, rien de surprenant. En le faisant, il s'eii est tenu tout simple-
ment à la ligne de conduite indiquéedéjà à l'avocat Arthur Dean par le
comte de Motrico en 1955, ligne de conduite que le Gouvernement
espagnol ne cesse d'ailleurs de répéterlui-mêmedans son écrit d'excep-
tions préliminaires: ne pas intervenir dans les négociations privées.
Mais il est très vraisemblable aussi que le Gouvernement espagnol
demeurait dans les mêmes dispositionsqu'en 1955 àl'égardd'une tenta-
tive d'arran~ement de l'affaire de la Barcelona Traction. Les disposi-
lions (lu Gouverncnicnt cs[iojinul? I'6g;irdd'iiiitell~tent:~tivecn i95.5
Ataient,je ni<,Iwriiict-.(IVr:ilqirlrr. siii\.nnt I~~i~~iiiriiinc t<li~ramrr~i.
d'r\rthiir Dcnii trh fnvorahlei t.Ellei ile\.:iiriit ccrt~i. cci ilis~>osition~.
êtreencore bien plus favorables en 1960, car le Gouvernement-espagnol
savait aussi bien que Juan March lui-même combienseraient désagre-
ables pour l'Espagne les débats de cette affaire devant votre Cour.IIz BARCELONA TRACTION

[Audience publiquedu g avril 1964,matin]

hlonsieur le Président. Messieurs de la Cour. à l'audience d'hier ames-
midi, je m'étaisefforcé.de montrer combien 11 était peu vraisembiable
que le comte de Motrico ne soit pas demeuréencontact avec son ministre
pendant le déroulement des Üour~arlers préliminaires d'octobre 1460
rii:ir1901. .I ce crois ps nI,;ci,iire d'!,'iiisistt'rviicorr, piii%luecntiii
le I~oii\,crncnient eipa~iiol rzconnait qu'Atour le moiiis Ic 17 rii.irs 1g61.
le ministre espagnoi des Affaires étrangères aétémis au courant déce
que les exceptions préliminaires appellent les «négociations en vue du
désistement ». C'est ainsi que l'on s'exprime dans l'écrit d'exceptions
pr6liriiiiiairç(1).ji:iragrapI.c42, pagc 103.
Le c;oii\~,.riiriiiciit csydgnol aisure que cett<! prciiii+rc iiiiurriiation
lui niir.iit ;ri <luiinCevar tr'l2"hi)nc.11prodiiit iiiielcttr,: de 1':~mbasiadcur
au ministre, datée dÙ 18mars et quiAfigureaux annexes des exceptions
préliminaires (pièce 72, p. 64z),lettre par laquelle l'ambassadeui-confirme
un centretien » entre le ministre et lui - sans préciser, à vrai dire, s'il
s'agit d'un entretien téléphonique. Au cours de cette conversation,
ainsi qu'il le rappelle, le comte de Rlotrico avait annoncé la visite pro-
chaine de l'ambassadeur belee et il avait ~récisé la demande crueferait
cct niiih.i~ja~lcur;iu Gouver~i~riiciite.;p;isiol.ils.ivoir. ri:t;iril;,r I'cn\.oi
ùc s<i (1;clnr:itioi<lenon.oplv)iirion :tu (I;.~i~ternc.ntjusqii'iIciiiiidu
rIG1:iriuilui<<raitiiiii).ir;iccrtc lin i>ir1;Cuiir.
Ma&, Messieurs, il'tornbe sous le Sens - nous paraît-il - que cette
communication, telle que je viens de la rappeler, n'étaitintelligible, pour

le ministre, que s'il était déjà informé des raisons pour lesquelles le
Gouvernement belge allait se désisterde sa requête. Nulne doutera que
l'ambassadeur, parfaitement au courant des faits, avait documenté
son ministre au sujet des nombreuses tractations qu'il avait lui-même
dirigéesentre Juan March et M. Frère, et en particulier au sujet des
raisons qui, finalement au dernier stade de ces pourparlers, allaient
amener l'ambassadeur de Belgique à faire cette demande triis précise.
Or, les raisons de la demande du Gouvernement belge avaient été
indiquées verbalement par M. Frère au comte de Motrico au cours de
leurs divers entretiens du mois de mars, entretiens relatés en détail par
hl. Frère dans son mémorandum (par. 17 à 26).
Mais ces raisons furent confirmées par écrit dans une lettre que
M. Frère fit porter le zo mars au comte de Motnco, lettre à laquelle le
comte de Motrico répondit le jour même,et sa réponse était conçue
comme suit: comme la première fois,je vais lire d'abord la réponse pour
donner plus de valeur à la lettre elle-même.Voici ce que répond lecomte
de Motrico:

«J'ai reçu votre lettre du 20 mars qui reflète parfaitement les
divers aspects des démarches faites depuis le zq février dernier et
avec le contenu de laquelle je suis entièrement d'accord. ii

Cette fois encore, la lettre de M. Frère est donc, si je puis m'exprimer
ainsi, certifiéeexacte par le comte de Motrico lui-même. La date du
24 février,à laquelle il se réfèredans cette lettre, c'est précisémentcelle
où a eu lieu le premier échangede lettres dont j'ai parlé à la Cour hier
et où nous voyons égalementle comte de Motrico confirmer la parfaite
exactitude des affirmations de M. Frère. PLAIDOIRIE DE M. VAN RYN 4'3

Les deux lettres dont je parle à présent figurent parmi les annexes
aux observations du Gouvernement belge, en appendice II de l'annexe 6
(p. 117-119).
Et voyons maintenant ce qu'écrivaitM.Fréredanscettelettre certifiée
exacte. Voici:
.Depuis l'échangede lettres qui a eu lieu entre nous les 23 et
24 févrierdernier, j'ai repris contact avec le Gouvernement belge
pour préparer la negociation que nous avoiis envisagéeen vue de
mettre fin au différendentre Fecsa et Sidro et. par voie de consé-
quence, entre l'Espagne et la Belgique au sujet de la Barcelona
Traction.
J'ai exposé au ministre que le retrait préalable de l'instance
pendante à La Haye constituait en définitivela condition sine qua
non pour que la négociation sur les bases qiii ont étédéfiniesdans
notre échangede lettres des23 et 24 févrierdernier puisse avoir lieu.
Dans ces conditions, le ministre, soucieux avant tout d'une
efficaceprotection des intérêtsbelges en cause, a estiméne pouvoir
empécherune tentative d'arrangement àl'amiable sous des auspices
aussi favorables. Aussi a-t-il bien voulu me marquer son accord
pour retirer, avant que commence la négociation, l'instance intro-
duite par lui contre le Gouvernement espagnol. devant la Cour
internationale de Justice.
Il demande cependant pour agir de la sorte que certaines garanties
lui soient données afin d'éviter que le retrait de cette instance
devienne public avant qu'un accord ait étéconclu entre les parties
intéressées,ce qui pourrait donner lieuà des spéculations qu'il faut
à tout prix éviter.
J'estime moi aussi, que si une hausse prématuréeet peut-étre
excessive du cours des actions des sociktésintéressées à l'affaire
venait à se produireà la suite de l'annonce iduretrait de l'instance,
elle pourrait rendreplns difficilela conchision de l'accord que nous
souhaitons.
que leGouvernementespagnolne notifiepas-il àla Courson acceptatione
du retrait de l'instance avant l'expiration du délai qiii lui sera
imparti.Il compte charger son ambassadeur à Madrid de demander
au ministre des Affaires étrangères d'Espagne une assurance
formelle en ce sens au moment où il l'informera de l'intention du
Gouvernement belge de retirer l'instance.»

Ce document très important, Messieurs,vous l'avezcompris, mérite
d'êtrelu attentivement. Je crois qu'il appelle deux observations essen-
tielles, qui, l'une et l'autre, font justice de prétendue ignorance du
Gouvernement espagnol.
Première observation: La relation faite par hl:.Frère montre que le
ministre belge du Commerce extérieur est resté sous l'influence - ct
c'était bien naturel - de l'assurance morale donnée par le comte de
Motrico un mois plus t6t. Il a dità M.Frère qui le répètequ'il ne veut
pas empêcherune tentative d'arrangement à l'amiable sous des auspices
aussi favorables.
Et vous l'avez entendu, le ministre belge ne met pas en doute que les
négociationsvont aboutir très rapidement à un accord satisfaisant pour
lesdeuxparties, puisque lecomte de Motrico-la Cours'ensouviendra - BIZRCELONA TRACTION
414
a déclaréen êtrepersorinellemerit convaincu. Quinzejours suffiront, a-t-il
dit, et l'accord sera satisfaisant pour les deux parties.
Le seul souci du ministre dans ces conditions est désormais d'éviter
que le retrait de l'instance ne devienne public, et je cite textiiellement
le passage que je viens de dire: $avant qu'un accord ait étéconclu entre
les parties intéresséesin,afin d'kviter des spéculations. Mais à cette fin
il suffit.dans lapenséedu ministre. tant est grande sa confiance dans le

avant l'expiration di délaiqui lui sera imparti >i,délaiqui est toujours
fort bref.
Il ressortà l'évidencede cette lettre que ni M. Frère, ni le (comtede
hlotrico, ni le Gouvernement belge ne mettaient en doute qu'en tout cas
les négociationsaboutiraient à un résultat positif avant l'expiration du
délaiquiserait impartiau Gouvernement espagnol pour prendre attitude,
et le Gouvernement espagnol, informépar Lecomte de hlotrico, parta-
geait sans nul doute la conviction de ce dernier.
Deuxième obseruation: M. Frere relate que le ministre est soucieux
avant tout d'une efficace protection des intérêtsbelges en cause. Est-il
besoin de souligner combien ces termes sont inconciliables avec la thèse
actuelle du Gouvernement espagnol, suivant laquelle le Gouvernement
belge, pris d'un défaitisme subit et total, aurait décidé à ce moment
- uourauoi. nul ne le sait - d'abandonner définitivement à li:ur triste
sori les Îessortissants belges victimes de Juan March, sans la moindre
compensation, sanslamoindrecertitude d'une compensation quelconque?
Revenons-en maintenant au comte de Motrici II a reconnu sans la
moindre réserveque la relation faite par M. Frère était l'expression de
la vérité.
Lorsque le comte de Motrico a fait rapport à son ministre, à une date
que le Gouvernement espagnol fixe au 17 mars, qu'a-t-il pu dire à son
ministre, si ce n'est cette mêmevérité?Supposer qu'il ne la lui ait pas
rapportée exactement ou qu'il ne la lui ait pas rapportée intégralement,
ce serait faire injure cet ambassadeur distingué, diplomatede haut rang,
consciencieux, intelligent et particulièrement averti.
Dès lors, Messieurs, quand cinq jours plus tard, l'ambassadeur de
Belgique rendra officiellement visite au ministre espagnol des Affaires
étrangères,le 22 mars 1961,cet ambassadeur n'aura vraiment pas beau-
coup d'explications à donner au ministre: le ministre étaitdéjàparfaite-
ment documentépar le comte de blotrico.
Et à supposer mêmeque le comte de Motricon'ait pas fourni précédem-
ment au ministre des êxplicationssuffisamment cÔmpl&tes, supposer
mêmeque le ministre ait conservéun doute sur l'un ou l'autre point, ou
qu'il ait cru, à ce moment, apercevoir - on ne voit pas bien pourquoi
d'ailleurs- une certaine équivoque au sujet des intentions du Gouverne-
ment belge, c'était pour lui le moment de parler et de solliciter de
l'ambassadeur les éclaircissements qui lui auraient paru nécessaires.
Mais, Messieurs, l'attitude ultérieure du ministre espagnol, au mois
de juillet lorsque l'ambassadeur de Belgique lui fera une nouvelle visite,
celle dont j'ai parlé hier et au sujet de laquelle il va faire rapport ail
ministre belge par une lettre du 13 juillet, l'attitude du ministre des
Affairesétrangèresespagnoles, au mois de juillet, prouve bien qu'il n'y a
jamais eu le moindre doute dans sa pensée.Mais, je le répète,si même PLAIDOIRIE DE DI.VA.U RYK 4I5

il en avait eu un à la date du 22 mars, il ne pouvait pas alors garder le
silence. II ne pouvait pas garder le silence avec une arriére-pensée,en se
réservant la possibilité de plaider aujourd'hui devant votre Cour qu'il
subsistait une équivoque. S'il avait subsisté une équivoque, ce que nous

ne pouvons pas croire, il avait à ce moment le devoir de la dissiper. S'il
ne l'avait pas fait, son attitude ne serait pas compatible avec la bonne foi.
Mais je suis heureux, *Iessieurs, de pouvoir, en parlant ainsi, employer
le mode conditionnel, car c'est une simple hypothèse que je viens de
faire,qui est démentie par la réalité desfaits: le ministre était parfaite-
ment au courant, il n'avait pas le moiiidre doute, il s'agissait d'un
désistement de l'instance engagée pour permettre L'ouverture de uégo-
ciations, et parce que Juan March avait posécette condition préalable.
Les faits étant établis, les intentions des deux gouvernements étant
connues, il est aisé,jepense, de restituer leur signification véritable aux
communications et documents officiels échangésà partir du 22 mars
entre le Gouvernement esvaenol et l'ambassadeur de Beleiaue.

II est aiséaussi, d'autreLpah, de comprendre la pixtéeex&e des docu-
ments internes du ministère espagnol des Affaires étran~ères produits
par le Gouvernement espagnol ënannexe aux exceptioi~s~réliminaires.
Pour plus de clarté, je me propose de reprendre les uns et les autres
eiisemble - conimunications officielles et pièces internes - en suivant
l'ordre qui me paraît le plus rationnel, c'est-à-dire l'ordre chronologique.
L'ambassadeur, le comte de hfotrico, ayant rendu visite et fait rapport
à son ministre, le 17 mars. et lui ayant annoncé la demande qu'allait
lui présenter l'ambassadeur de Belgique incessamnient, le ministre, tout
naturellement, sollicite l'avis de son service juridique. Et la question
poséepar lui, à ce service, apparaît dans l'intitulé même del'avis exprimé
par ce service le zo mars (reproduit en traduction française dans les
annexes des exceptions préliminaires, document no 74). Cet avis est

intitulé comme suit:
«Possible désistement [c'est-à-dire dé5istemi:ntéventuel] du Gou-
vernement belge de la requête présentée :LI;r Cour internationale
de Justice au sujet de la Barcelona Traction et demande adressée
au Gouvernement espagnol d'adopter une certaine attitude à ce
sujet.1,

La question est très clairement posée, une éventualité se présente:
peut-être que le gouvernernent va se désisterde la requêteet une deman-
de va êtreadressée par lui au Gouvernement espagnol au sujet d'une
certaine attitude que l'on demande au Gouvernement espagnol d'adopter.
C'est bien la demande que la Cour connaît et dont j'ai parlé il y a
quelques instants.
Le communiqué - ou l'avis - qui se présent:ecomme une Œuvre

anonyme, adressé par le service juridique au niinistre espagnol des
Affaires étrangères, atteste par sa rédaction - il s'agit d'un document
relativement long - que le service n'avait pas &témis en possession
des informations précises que le ministre possédait, grâce au comte de
Motrico. D'autre part, comme au moment où le service juridique est
consulté on ne connaît mêmepas encore le texte de la déclaration du
désistement du Gouvernement belge, le service juridique, forcément,
ne pouvait raisonner que sur des hypothèses. IIignorait notamment si
cette déclaration comporterait ou non des réserves. Et les termes dubita-
tifs utiliséà plusieurs reprises par l'auteur de ce document, et surtout41~ BARCELONA TRACTION
les erreurs manifestes que le document contient, nous fournissent la

preuve de tout ce que je viens de dire. Et je me contenterai, à cet égard,
de quelques brèves remarques. Tout d'abord, l'auteur du communiqué
affirme que pour arriver à un reglement du problème posépar la faillite
de la Barceloua Traction «à cette finin,dit-il, cle Gouvernement belge
a offert de retirer la requêteprésentéà la Courinternationale de Justice n.
Le Gouvernement belge, nous le savons, n'a rien offert du tout.
Mais retenons, cependant, que l'auteur - qui est certainement un
juriste - a parfaitement compris qu'il s'agissait simplement de retirer
la requête,c'est-à-dire d'un simple désistement de l'instance en cours.
Plus loin, l'auteur montre à nouveau combien il est mal informé
et il s'abandonne à sa propre imagination. Voici ce qu'il écrit textuelle-
ment :

L'cspo~Ehi>turiqiic qui figure clan? Ic ni6iiioiie du (;«u\,,:iné-
nicnr cspngnol, ;iiri>011<IICfoiidcniéiitjuridique LI<s:es(xct ptiuii.;
oiit fait unc rcllc iiiil>rcaiion5ur leGouverncnient <Icninn<irqu'il ;i,
:L LV qii'il parait [.ijoiiti.-t-il l)riidcn~nieiir'.aLccyrCIcj iiidicarions
di1gr(iiil>cfiii;incSoiin.i-Siilru-l3:ircelol'rnitiun, poiir;ciI<'iiitrr
de sa requête ..D

L'auteur a fait vraiment beaucoup de zèle. Les oon-dit» auxquels
cet honorable fonctionnaire se réfèreainsi, quand il dit aà ce qu'il
paraitii,nous le savons, Messieurs, étaient contraires à la réalité.
Le service juridique se borne ensuite à rappeler la ligne de conduite
du Gouvernement espagnol - déjà indiquée en 1955 par le comte de
Motrico à Me Arthur Dean: ne pas se mêleraux négociation!;entre les
particuliers, mais sans faire obstacle à une tentative d'arriver à une
solution satisfaisante que le gouvernement souhaite.
L'auteur du communiqué attribue la demande belge - la demande
relativeà l'attitude au'ado~tera le Gouvernement esoamol -- au désir
de iichercher une &rantie' à la réussite des conversations entre les
particuliersn et déconseillede répondre favorablement à cette demande
pour ne pas paraître couvrir cette négociation, conjointement avec le
Gouvernement belge, puisque, dit-il, le droit de protection de ce gouver-
nement a toujours été contesté parl'Espagne.
Vous vovez. Messieurs. a.el.souci de sauveearder Dour l'avenir et
i tout C\.;.iieiiic.nrIn pusitiuri luridirliit. <lu ~;~uvcrnCineiit i;l>ngnol
Souii qiiiic:r.iin'eit-cc p:~;,bien iiipcrllu, si IcGouvc.rnem~.iitespagnol
;ii.;icri1coilir>reiiilrc<]ticle Gou\.érrieinr-ntb;iv;iiilc'cid6ii'.italitl~icr
son droit de protection: comme nos honoréscontradicteurs le soutiennent
encore aujourd'hui.
Le service juridique ajoutait que, suivant l'article 69 du Règlement
de la Cour, en cas de désistement, une réponse explicite du gouverne-
ment défendeur n'est Das nécessaire. Il n'v a donc pas lieu, poursuit
le service juridique, de'prendre un engagement à Cesujet,
puisque le seul écoulement du délai sans opposition permettra à la
Cour de rendre une ordonnance rayant la cause sur le rale.
Cette interprétation de l'article 69 du Règlement de la Cour parait
exacte et nous n'avons rien à y objecter.
S'étant persuadé. tout b.ratuitement. que le désistement du Gouver-
iienif:nt h~:~ cun~titucrn iiiireconnaissince dii hieii-forid6 jes escep:
tioiis pr6liminnires du Gouvernement espn~nol. I'autciir (111communiquz PL.4II)OIRIE DE JI.VAN RYh' 417

écritensuite que, dès lors, et pour cette raison, ilne opposition du Gou-
vernement espagnol à ce désistement serait inconcevable.
conseil de ne pas répondre affirmativenientàtla iiemaiide du Gouverne-
ment belge: éviter. en cas d'accord entre les particuliers avant i'ex~ira-
tioii du ~Glxi,que 1cÇouvernçmeiit belge pui&c justifier son déjistekçiit
113rla concluj~onde içt accord.011craint, cn eilet. quc le Gou\~crneinrrit
beige ne soutienne alors que finalement l'accord a pu étreobtenu grâce
au procésinternational. En ce cas, dit l'auteur du communiqué, l'Es-
pagne serait frustrée:elleperdrait lebénéfide ceque le servicejuridique
s'imagine, bienà tort, surla base d'«on-diID,tre la réussite juridiq-e
ce sont ses termes- obtenue par le mémoireprksentépar le Gouverne-
ment espagnol.
Vous voyez que, si je puis m'exprimer ainsi aussi familiArement,
l'auteur du communiqué est vraiment tout A faità cbtéde la question
sauf sur un point, où ce qu'il dit est toutfait (exact: c'est ce qui con-
cerne l'interprétation de l'article du Règlement de votre Cour. Alais
pour le surplus, il esà c6téde la question et il est bien excusable car
informatioiii que le iiiini;tre tenait de I'aml~ass:iileur,cointe de \lotricu.
ilaient pas étCcommuni(liiées 311 ser\.icc subordonnc C'était sur une
ouestion iuridiaue aue 1ë ministre avait consulté ses services. Telles
;ont les Coiisé&en&s, les répercussions, les aspects à considérer en
présencede la demande que va faire l'ambassadeur de Belgique.
Quoi qu'il en soit, le ministre mis en possession du communiqué de
son servicejuridique va alors faire connaître son point de vue personnel
au comte de Motrico par un télégramme qu'illui adresse le 21 mars
(annexes aux exce~tions ~rélirninaires.document no 75) et la confron-
iation des deux documetks - le communiqué <lusezice juridique et
le télégrammedu ministre au comte de Alotrico- est fort intéressante.
Le ministre se rallieà la conclusion pratique du service juridique et
ila décidéde ne pas donner suite Ala demande. Mais il se gardera bien
de reprendre les erreurs d'appréciation du communiqué qui n'était
explicable que par l'information incompi6te du rcdacteur de ce commu-
niqué.
ne faisait aucunement. sur le fait que le Gouvernement espagnol -jeué
cite textuellement- «verra avec satisfaction que les groupes intéressés
arrivent A un accord>,, et plus loin- je cite encore textuellement -
icqu'il sera heureux de voir que les particuliers peuvent arriveà une
transaction et Aun rhglement définitifde leur différendn.
Mais, il le répèteaussi, il ne veut pas se mêleraux négociations privées
- c'est ce que I'on dit depuis longtemp- et il maintient d'autre part
la position juridique de l'Espagne au sujet du défaut de qualité du
Gouvernement belee: c'est normal. il faut réserverl'avenir! Mais cette
précaution, iciencou dkreontre q"e du cGtéesp:ignol I'on n'attend rien
d'autre qu'un simple désistement di. l'instance engagCe.
Au surr>lus.aioute le ministre. le Gouvemernei~?ësoamol ne doit oas
répondre'au déiistement, sauf s'il veut s'y opposkrê tlajoute ohyi>o-
ne les réc ci Deas.pour des raisons évidentes», dit le ministre, et il
Or, ies raisAs du ministre qui lui permettaient de dire que l'hypothhse
que le Gouvernement espagnol puisse s'opposer au désistement est BARCELOKA TRACTION
418
inconce~fable,ces raisons, Messieurs, ne pouvaient pas être les mêmes
que celles toutifait erronées - et je l'ai montré- du service juridique.
Mais elles sont cn effet évidentes et elles se dégagent, si je puis dire,
du contexte. Le Gouvernement espagnol est heureux de voir qu'un
accord entre le:j groupes privés va se conclure; le ministre le dit: il se
dit heureux; ille répètedeux fois. Il sait d'autre part que la condition
préalable mise par Juan hlarch aux négociations est le retrait de la
requête. II tombesous le sens. dès lors, que le Gouvernement es~arnol

comme le dit le ministÏe.
Le comte de Motrico, dans son rapport du 4 décembre 1963, indique
que. de son côté.il tenait Juan Afarch étroitement au courant (par. 28
et 29 du nouveau document espagnol).
C'est encore le comte de Motrico. en pleine connaissance de cause,
qui va indiquer finalement le projet qui lui paraît préférable,en ce qui
concerne la dédaration du désistement. C'est ce que signale M. Frère
dans son mémorandum, au paragraphe 28; aucune contestation sur ce
point dans le r.ipport de l'ambassadeur espagnol du 3 décembre 1963.
C'est ainsi, suivant toujours l'ordre chronologique, que nous en arri-
vons au 22 mar:;. L'ambassadeur de Belgique rend ce jour-là, au ministre
des Affaires étrangères d'Espagne, la visite annoncéeau ministre par le
comte de Motrico. Et l'ambassadeur belge soumet au ministre deux
projets de déclaration de désistement à peu près semblables. La Cour
les trouvera tous les deux parmi les pièces jointes en appendice au
mémorandum de M. Frère (annexes des observations du Gouvernement
belge, vol. 1, p.122 et 123).
Comme le Gouvernement belge l'a expliqué dans ses observations,
page 29, note r, le ministre écarta le projet, appeléle projet B, parce
que, selon ceprojet, le Gouvernement belgepriait M.leGreffierde signaler
à M. le Président de la Cour que, de l'avis commun desParties, il serait
opportun de fixer à six semaines au moins le délaiimpartiau Gouverne-
ment espagnol pour prendre attitude. Le Gouvernement espagnol reste
soucieux de ne rien faire qui paraisse indiquer qu'il s'associeaux négocia-
tions privéeset, pour cette raison, le ministre a préféré écarter les mots
clde l'avis commun des Parties i,- ici j'ouvre une petite parenthèse,
à propos d'un point de détail; ce sont ces mots que, certainement par
inadvertance, le professeur Waldock a remplacés dans sa plaidoirie
par l'expression bymulualagreement,c'est-à-dire «par un accord mutuel in.
Au cours du mêmeentretien, l'ambassadeur de Belgique adressa au
ministre espagnol la demande que le comte de Motrico ayait annoncée
au ministre peu de jours auparavant. 11souhaitait que le ministre s'enga-
ge& à ne pas faire connaitre sa réponse à la Cour avant l'expiration du
délai,de crainte que cette réponse nerendit le désistement public avant
l'aboutissement des nkgociations privées.
Cette demande; le ministre l'attendait; il avait fait examiner d'avance,
vans le savez par son service juridique, la question au point: de vue
juridique et il :idonc pu répondre tout de suite à l'ambassadeur. Il a
tout de suite dit qu'il devait déclinercette demande et il fit remettre
à l'ambassadeur de Belgique une courte note dans laquelle il indiquait
deux motifs de son refus. Cette note figure aux annexes du mémoire
belge: c'est le document no 276. La Cour remarquera que les motifs
indiqués dans cette note sont les seuls dont le Gouvernement belge ait PLSIUOIRIE DE M. VAN RYN 419
reçu officiellement connaissance. Jusqu'à présent, en effet, je n'ai parlé
que de documents internes que nous avons connus au cours du présent
litige.
Quels sont ces deux motifs? Le premier c'est l'inutilité de I'engage-
ment demandé, puisqu'aux termes de l'article bg du Règlement de la
Cour, le simple écoulement du délaisans intervention d'une opposition
de la oart de I'Etat défendeurnermettra à la Cour d'ordonner la radia-
tion du rôle. Le Gouvernement espagnol, poursuit la note, n'avait donc
au'à laisser Dasser intémalement le délai en demeurant. quant à lui.
purement
Le ministre y ajoute une deuxième raison. que j'avoue ne pas com-
prendre, qui me paraît obscure. Il faut, est-il dit dans la note, que le
désistement - je cite textuellement la traduction française qui, seule,
a été produite - .ne se trouve pas êtreconditionné inEt on ne donne
pas d'explications. Cette remarque paraît être le résultat d'une erreur
que contenait la note du service juridique du ministère espagnol des
Affaires étrangèresoù, en effet, nous lisons dans les annexes aux excep-
tions préliminaires, page 646,infine - je cite textuellement:

<... conformément au Règlement [il s'agit de l'article 69 du Règle-
ment de la Cour], le désistement doit ètre formulé purement et
simplement, sans être soumis à aucune conilition ou modalité n.

Or, l'article 69 ne dit pas cela. Le second motàfinvoquer, quel qu'en
soit le sens ou l'origine, ne semble donc préseriter aucune importance.
II était d'ailleursformiilé sous une forme particulièrement elliptique,
la Cour l'a entendu, à la note du ministre; il faut que le désistement ne
se trouve pas êtreconditionné.
Voilà donc la réponse du ministre à la demande de l'ambassadeur.
Le lendemain, le 23 mars, l'ambassadeur de Belgique, écrivant au
ministre des Affaires étrangèresd'Epagne, lui adresse la lettre que la
Cour connaît déjà, qui figure parmi les annexes de notre mémoire,
document no 277. 11y est dit:

iiLe Gouvernement belge regrette que vous n'ayez pas cru
pouvoir prendre l'engagement proposé.
Soucieux des intérétsen vue desquels il avait introduit son action
à la Cour internationale de Justice. il notifiera au Greffede La Haye
le désistement d'instance qui luia étédemandé.
11exprime au surplus sa confiance que dans le comportement
que le Gouvernement espagnol adoptera à cet égard, il voudra
bien être attentif, en fait, au désir exprimé dans ma lettre du
22 mars 1961. o
Et la déclaration de désistement fut, le niême jour,simultanément
adressée à AI.le Greffierde la Cour.
La déclaration de désistement du Gouvernement belge a étélue et
commentéetant de fois que je crois vraiment que ce serait faire perdre
le temps de la Cour que de recommencer cette lecture, d'autant plus
qu'il s'agit d'un document vraiment banal. C'est la déclaration de
désistement par excellence dans laquelle se trouvent simplement repris
les termes mêmesde l'article 69 du règlement. Le Gouvernement belge
fait connaître son intention de ne pas poursuivre l'instance engagée
par sa requête.420 BARCELOSA TRACTION

Le motif du désistement était indiquétrès brièvement au début de la
déclaration par les mots: 6à la demande des ressortissants belg.- dont
la protectioi amotivé l'introduction de la requête ».
Il est bien possible, Messieurs,quevotre Cour, en prenant connaissance
de cette déc1ar:itionet forcément dans l'ignorance des circonstances
qui l'ont précédkeet qui l'expliquent, il est fort possible que votre Cour
ait pensé, en lisant les mots: ira la demande des ressortissants belges
dont la protection a motivé l'introduction de la requêtenqu'un arrange-
ment était intervenu entre les groupes privésimpliquésdans l'affaire et
qu'ainsi, en réalité,le procès n'avait plus d'objet ni de raisoii d'ètre.
tances qui avaientnt précédélet accompagné le désistement, n'a.pas puons-
s'y tromper un !seulinstant.
Le Gouvernement belge, cette déclaration faite, pensait que les
négociations entre les deux groupes allaient pouvoir commencer, sans
plus de retard. Iious sommes le 23 mars. Il n'avait encore aucurie raison
de perdre confiance pour les assurances morales donnéespar le comte de
Motrico et il n'a.vait aucune raison de douter non plus que le Gouverne-
ment espagnol, informé par l'ambassadeur d'Espagne à Paris, était
dans les mêmes dispositionsque lui.
Le Gouvernement belge considérait mêmeque si par impossible les
négociations écliouaient, ce que l'on saurait rapidement, la procédure
pourrait encore êtrereprise sur la base de la premièrerequête.Il suErait
pour cela que 11:Gouvernement espagnol paralyse les effets du désiste-
ment par une oi>positionexpresse adressée à la Cour.
Et fe Gouver;iément bel& croyait que le Gouvernement espa.gno1,en
toute bonne foi, se prêteraiten pareil cas à une reprise de la procédure
qui, dans cette hypothèse improbable, s'imposerait-en bon sens.
Telle est, Messieurs, la signification de ce passage qui figure au para-
graphe 290 de riotre mémoire.
Si notre estimé contradicteur, sir Humphrey Waldock, a ,cru pou-
voir entourer ce passage, ainsi qu'il l'a fait, de commentaires spiri-
tuels et ironiques, c'est je crois parce qu'il l'avait mal interprété.
Son ironie signifierait-elle par hasard qu'il trouve ridicule la confiance
témoignée par le Gouvernement belge à l'égard du Gouvernement
espagnol?
La démarche faite par l'ambassadeur de Belgique avant l'envoi de
la déclaration de désistement fut sans aucun doute portée à la connais-
sance de Juan blarch par le comte de Motrico, son ami. Juan March
voulant que la procédure du désistement fût poursuivie jusqu'à son
terme et sans retard, Juan March fit savoir, le 28mars, par l'intermédiaire
du comte de hlotrico qu'il ne se présenterait pas à la négociation aussi
longtemps que le désistement du Gouvernement belge n'aurait pas été
acceptéformellement par le Gouvernement espagnol. C'est ce que signale
M. Frère dans son mémorandum (par. 29, p. 27 et 28).
En mêmeternps, la nouvelle du désistement fut ébruitéeeii bourse
sans que la source de l'infomatioii ait pu êtredécouverte. Constatons
seulement qu'elle entrait tout à fait dans le jeu jouépar March et il
est, Messieurs, ~~oule savez, un vieil adage is feccui 9rodest.
dans 1,'inaction.àepartir du moment où la nouvelle d'un désistement
s'ébruitait en bourse, car on allait voir se dérouler des spé<:ulations
boursières tout A fait malsaines, sans pouvoir ni démentir ni confirmer PLAIDOIRIE DE XI.VAN RYN 421

l'existence de négociations qui n'avaient mêmepas encore commencé
à ce moment.
Et voilà, Messieurs, la raison toute simple et toute naturelle pour
laquelle l'ambassadeur de Belgique fit savoir au niinistre des Affaires
étrangères d'Espagne,le 4 avril, au cours d'une visite qu'il fàce minis-
tre. a.'il n'v avait olus lieu de tenir comote du désirexorimé orécé-
LIL.~IIIIIVpii~ ICi;ou\~rrlit:iiil:iit Iir1.e't;o~ivcrn<~tnerttbelgt:':iv:iit
dt.iii.~it<l;l,a Cour s'cn sou\~eiit, qiit:l'Espticprit pns ..ttitudi. :i\..irit
I'exniinrioii LId;l;iiJc >is scm:iinc.s.c:e dLir tzt rCtractS.
allait faire,à ce moment, le Gouvernement espagnol qui sait
aussi bien que le Gouvernement belge tout ce que je viens de dire? Car
il a naturellement continué à étre tenu au courant de la situation par
le comte de Motrico.
Il était désireuxde voir s'engager les négociationsen vue d'un règle-
menttransactionuel;leni 'adisttruxfoisquelques joursauparavant.
11savait que Juan March avait décidéde refuser de négocieraussi
longtemps que le désistement n'aurait pas acquis un caractère définitif.
Le Gouvernement espagnol savait donc que le déclenchement des
négociations ne dépendait plus désormais que d'un geste à accomplir
par lui, à savoir, l'envoi au Greffe de votre Cour d'une déclaration de
non-opposition au désistement.
Ce geste, tout naturellement, il l'accomplit par la lettre adressée à
AI. le Greffier de la Cour par son agent le 5 avril 1961(mémoire,an-
nexLe Gouvemement espagnol cherche à donner aujourd'hui à cette
déclaration envoyéepar lui le 5 avril une portée tout à fait différente,
mais véritablement inadmissible.
A l'en croire. cette déclaration aurait étéfaiteA la demande du Gou-
vernement belge. Et l'on aioute: si le Gouvernement esoaeuol a iionné
>tiitii cittt, Jcni;inde. c'est p;irir. qu'en forniiilant cette dernmde, Ic
c;ouvcrntm~~iitticlge sorifiriii.5.1voluiit6 il'.i;*luit.sceraux c?tzc.ptioiii
préliminaires du Gouvernement espagnol, confirmait sa volonté de
renoncer désormais à toute défensede ses ressortissants.
Tout cela, Messieurs, vous l'avez compris tout de suite après ce que
j'ai eul'honneur de vous expliquer si longuement, tout cela est purement
imaginaire et je puis maintenant répondreen peu de mots à cette inter-
prétation que je ne puis vraiment qualifier autrement que de fantaisiste:
il n'y a pas eu de demande du Gouvernement belge, le Gouvemement
belge n'a aucunement sollicitéle Gouvernement espagnol de lui faire
une concession quelconque. L'ambassadeur s'est borné à attirer l'atten-
tion du ministre espagnol sur l'opportunité, dans l'intérêtcommun,
d'une ri se de nosition immédiate de la nart de 1'EsoamA "Dou.*les
raison; que la tour connaît. Mais, surtoit, jamais le Gouvernement
belge n'a marqué sa volonté d'acquiescer aux exceptions préliminaires
ni de renoncer 'à,roté~.rses ressoÏtissants et comment donc le Gouver-
ii<.nicntc;p.ignol .itir:iit-il pti tru1.ii.i,nfirni.iti<iiid'iine tellc intcii-
tiun <l..iislx \.iiiic <lut:lui tit I'xiiib.trleI3.:l.:iqiie4n\.ril?
Liie tcllr intrrnrïtntir~n CI<I-;r\,olontCdu c;oiivcrnemerit hrlnc jcr.rit
contraire, ~essieurs, au plus élémentairebon sens. ~endant~~lus de
douze ans. le Gouvernement belge 'ti'a cessé de lutter pour obtenir
l'indemnisation de ses ressortissants gravement lésésen Espagne. Il
n'a cesséd'affirmer sa qualité pour agir, sa volonté d'accorder sonappui
aux victimes de Juan hfarch. Plus récemment,dans l'intérêd t'une négo;422 BARCELONA TRACTIOY
ciation qui se présentait sous des auspices très favorables, et dont le
succes lui semblait assurésur la foi des garanties morales données Dar
12 cnnitt: III \loti-iiu.aicoiisciiti ltrci gros 5:icrifir.c:In rt noiibi.it;oii
aii hi.ii+rirlt tioi.:rnn&csdc praic'diire drwant votre Coiir.
Comment le (;ouvernement espamol aurait-il DU sumoser aile brus-
qurnicnt, sana i.îiiori, cil r'chniigccl'iinr siniple proincs;c de iiCjinci~>r.
c'est-:i-dirï ;;in; coiiir,\l>.trtie vCrir;iblc, Ir Gou\.erneiiiciit brl,ns.aurnit
d;r.id&d'nb;induiinïr In Iiittc. (lserct:oiiii.,itrc iinniiiisaiit. $11i.onieii-
tir un sacrifice majeur, cette fois, pour rien, en jetant par-dessiis bord,
en quelque sorte, le droit de protégerses ressortissants lésés?
Personne ne croira, nous en sommes persuadés, le Gouvernement
espagnol.
Sa these repoiie sur des faits purement fictifs. C'est une construction
artificielle, sans :appuidans la réalité,édifuniquement pour les besoins
d'une argumentation juridique tout à fait dénuéede pertinence.
Il me reste, pour en finir avec l'examen des documents officiels, et
toujours en suivant l'ordre chronologique, un dernier document qui
ne me retiendra pas bien longtemps.
C'est la circukrire adresséele13 avril 1961par leministère des Affaires
étrangères espa$:nol à ses services diplomatiques au sujet de la fin de
l'affaire Barcelona Traction (exceptions préliminaires, annexe 76).
Je n'en parlerai guère. La Cour lira, si elle le juge utile, ce document
curieux, rédigé, selon son préambule,pour l'information strictement
personnelle des fonctionnaires du service diplomatique espagnol à
l'étranger.
La Cour constatera aisémentque l'envoide cette circulaireau?: agents
diplomatiques de l'Espagne répondait uniquement à une préoccupation
de prestige national. Il s'agissait d'accréditer à l'étranger, de faire
admettre une version tout à fait fantaisiste selon laquelle «la Elelgique
avait reconnu le bon droit de l'Espagne».
En d'autres termes, Messieurs,il s'agissait simplement de propagande.
Cette piece n,; peut donc nous intéresser et nous sommes persuadés
qu'elle ne retiendra pas non plus l'attention de la Cour. Si j'eri ai fait
mention, c'est dans le seul but d'êtrecomplet parce que cette pièce
est la dernièredans l'ordre chronologiqueet parce que notre très distingué
contradicteur l'avait lui-même expressément invoquéeau cours de sa
plaidoirie.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je crois être à présent
arrivéau moment où il m'est possible de dégagerles conclusioiis géné-
rales de I'exposk que j'ai eu l'honneur de faire devant vous.
Je crois pouvoir tout d'abord énoncer maintenant les propositions
précises que le Gouvernement belge affirme avec force en se fondant
sur l'ensemble des faits que j'ai relatésen détail à votre Cour.
Premierement, ce n'est aucunement le Gouvernement belge qui a
pris l'initiative de se désisterde l'instance en cours.
DeuxiBmement, ce désistement est au contraire le résultat d'échanges
de vues qui se sont déroulés d'octobre1960 à mars 1961: ces échanges
de vues eux-mimes ont eu lieu en fonction de la condition posée à
l'origine par Jum March pour des raisons dites cd'ordre moral »: pas
de négociation en vue d'un arrangement avant le retrait définitif de
la requêtedu Gouvernement belge B.
Troisiemement, le mot «définitif » signifiait que March ne se conten-
tait pas d'une simple suspension de la procédure, offerte sous diverses PI.AIDOIRIE DE 31.VAS RYN 423
modalités par le Gouvernement belge au cours des pourparlers, mais

voulait un désistement de l'instance engagée.
Quatrièmement, le comte de Motrico a constamment pris part i
tous les échanges de vues et, selon toute vraisemblance, le ministre
espagnol des Affaires étrangèresa ététenu au courant par ce diplomate
espagnol de l'évolutiondes pourparlers relatifs au désistement. C'est là
une probabilité qui équivaut pratiquement à une certitude.
Cinquièmement, jamais Juan March lui-maint: n'a exigéet, à fortiori,
le Gouvernement belge n'a lamais proposé,fût-ce indirectement, l'abdi-
cation totale ou partielle par la Belgique de son droit d'accorder encore
aux ressortissants belges lésésdans l'affaire de la Barcelona Traction,
en cas de nécessité,sa protection diplomatique, notamment par la voie
d'une action judiciaire internationale. Rien ne permet de supposer une
telle renonciation. car elle aurait étéabsurde niiir<~~--l~~-urLue ~ ~~-
toute contrepartie.
Sixièmement. la déclaration de désistement faite le 23 mars 1061
par le Gouvernement belge, dans les termes mêmesde l'article 6gdu
Règlement de la Cour, était uniquement la réalisation du désistement
d'instance demandé D.r T-an March.
Scpriémliiit:tit,rl;iiis le, cir~oiist.~siiil.tru lieu -~irconsrancci
hien connii~s111i1;o~ivcnieiiir.iiteq>rigii-l cr ~l~iiircm~iitdc 1'inït;iiice
n'avait et ne pouvait avoir aucunë autre signification, tant pour le
Gouvernement belge qu'aux yeux du Gouverni:ment espagnol.
Ce dernier n'a donc nullement pu être induit tenerreur ni en particu-
lier supposer que le Gouvernement belge avait décidéde reconnaître
le bien-fondédes exceptions préliminaires.
Huitièmement, de son côté, le Gouvernement belge n'avait aucune
raison de croire que le Gouvernement espagnol considérait son désiste-
ment comme une renoiiciation A son droit d'action, ni mêmequ'il pùt
y avoir à ce sujet un doute quelconque aux Yeu:<de ce même Gouverne-
ment espagnol.
Il n'y avait donc pas lieu pour le Gouvern1:ment belge de dissiper
par uiie déclaration quelwnque un malenteiidu ou une équivoquedont
l'existence était exclue par les circonstances connues des deux Parties.
Neuvièmement, le Gouvernement espagnol, informépar le comte de
Motrico des raisons du désistement et de son but, désirait faciliter la
conclusion d'un accord éventuelentre les groupesprivés. Or,Juan March
avait déclaré le 28 mars qu'il ne négocierait pas aussi longtemps que
le Gouvernement espagnol n'aurait pas formellement déclarésa non-
opposition an désistement. Le Gourrernement espagnol, tenu informé
par le comte de Motrico, ne pouvait l'ignorer. C'est pour cette raison
uniquement que le Gouvernement espagnol a adressé à la Cour sa décla-
ration du 5 avril 1961,et non pour répondre à une demande du Gouver-
nement belge.
~ixièmement, les négociationsayant échoué,il est tout à fait naturel
et normal que le Gouvernement bel~e ait déposénue nouvelle requête,
reurenant âinsi la ~rotection diuiomatiaue'di ces ressortissants lésés à
laquelle il n'avait Lullernent renbncé.
Onzièmement enfin, :isupposer m6me que par impossible le Gouver-
nement espagnol ait cru apercevoir une certaine équivoque dans la
déclaration de désistement du Gouvernement belge, il avait le devoir
de veillerà la dissiper alors qu'il en avait la possibilité,au lieu de garder
sur elle le silence et de ne l'invoquer qu'ultérieurement. aprèsl'échecdes424 BARCELOSA TRACTION
négociations privées,et au moment où le Gouvernement belge se dispo-
sait à déposer ilne nouvelle requete; en pareille hypothèse le sileiice

1061rle rendrait non recevablepàse prévaloirauiourd'hui d'une rét tenduel
équivoquepour dc'leiidreiiiie intci)r;!tation du d6sistcmcnt di n:;(gii\.er-
iieinerit I>elgeninnift.jtcmentétraiigL'reintciitionsilrrejioiiveriieni~nt
La manŒuvre ourdie par Juan hlarch n'a finalement pas eu le succès
qu'il espérait, puisque votre Cour est à nouveau saisie aujourd'hui
d'une requêtedu Gouvernement belge au sujet de l'affaire Brrcelona
Traction.
1.e désistt~inciitilne lois notifii. Juaii llarch avait (ni sans doute
qu'il se dCbarra\?erait (lei actionnaires de In liarcelona l'raction en leur
rachetant leurs actionshilrii>ridérisoire.vtque siiiicme lesactio,nii;iirrs
lie se soumettai:nt pas. le Goiivi~rnriiienthelge. a!.antir; sn plainte,
se refuserait en tout cssà en introdiiire une nouvelle.
Ses prbvisions ne se sont pas réalisées.
Le Gouvernernent belge, en introduisant la requête dont la Cour est
saisieà présent, n'a fait qu'user de son droit.
Le Gouvernement espagnol ne pourrait donc pas, sans dénaturer les
faits, reprocher aujourd'hui au Gouvernement belge d'avoir, lui, recouru
à une manŒuvre pour introduire une nouvelle requêteplus solidement
présentéeau point de vue juridique.
Ce renversement des rBles, Messieurs, est proprement insoutenable:
le Gouvernement belge s'en était longuement expliqué dans ses obser-
vations (1,par. 33, p. 28); et l'exposéque j'ai eu l'honneur de faire à
votre Cour lui aura, je l'espère,démontréque cette accusation du Gou-
vernement espa,gtol, loin de trouver le moindre appui dans les faits.
est au contrairedementie par eux de la manière la plus nette.
Revenant à présent au début de mon exposé, je puis maintenant
répéteren quelques mots notre position sur le plan juridique. mais
je puis le faire cette fois avec toute la force que nous donne l'exposé
com~let des faits.
L; Gouverneinent belge ne doit nullement prouver qu'il a réservé
son droit d'introduire une nouvelle requête relative à l'affaire de la
Barcelona Traction.
Surabondamnient, sans y être tenu, le Gouvernement belge prouve
qu'il n'a jamais entendu renoncer à ce droit.
Et enfin, le Gouvernement espagnol, sur qui pèseeu réalitéle fardeau
de la preuve, se trouve dans l'impossibilité absolue d'établir que la
Belgique a renoncé ou,pour quelque raison que ce soit, doit être con-
sidkréecomme avant renoncé à son droit d'introduire éventuellement
une iiou\'~:lrcqiiCtc.
Et je \.ou(lrai.,terinincr cCX[)O~;Iur une r;tlcuioii~III.g<nr'r:ll>ur
I'cnseniblcilu dibai coiitr;,dictoirc.au suidc ccttc ~rcniir'rce::ccr>tioii
préliminaire.
Lorsque le Gouvernement espagnol fut appelé à répondre Ala première
requêtedu Goiivernement belge, il avait cm pouvoir s'abriter, pour
reculer, pour éloigner le plus longtemps possible ce débat au fond tant
redouté, derrière un triple rempart d'exceptions préliminaires.
Après l'échecdes négociations privées, le Gouvernement espagnol,
en présencede la nouvelle requêtedu Gouvernement belge, a jugéutile
d'ajouter encon: une quatrième ceinture à ce triple rempart: c'est la
première exception que je viens d'avoir l'honneur d'examiner. PLAIDOIRIE DE AI. VAS RYS 4'3
Pour justifier cette exception nouvelle, le Gouvernement espagnol
a di1se livrer- vous l'avez vu. Messieurs - dans son écrit d'exce.ti~ ~
pr<'liiniiiairei uiic distorsion des faits tollenient violcntt- qiir Sun tiuno-
r;il>lccoiacil, notre bminrnt coiitradicteiu le professciir sir Hiiriiplirc!.
\\'al<loik. senihlc avoir lui-niCmerenoiice ile rcnrodiiire ou BIc rCsumer
dans sa plaidoirie.
Ce sont des raisonnements juridiques que notre adversaire a cru
pouvoir en quelque sorte substituer àla version des faits manifestement
insoutenable qui figurait dans les exceptions préliminaires.
Mais, à leur tour, ces raisonnements ne résistent pas à l'examen:
non seiilement à cause de leur faiblesse oroure. ainsi aue le démontrera
I,icnt<jt i la cour nion coiii.gue IC profEisêur~crciii.'riiais ;lussi pucc
~IIL.pr<:si;;menri less~i~~pose reme fondCs - et ilssont loidc I'Ctrr.-
iis demeurent inefficacëi et sans portée, si on les confronte avec la
réalitédes faits.
L'idée,en particulier. que le Gouvernement belge aurait, d'unemaniere
quelconque, induit en erreur le Gouvernement espagnol ne pourrait
êtreretenue un seul instant dans les circonstances de fait de la cause.
Le bilan de cette premiére exception est donc entierement négatif
oour le Gouvernement esuaenol. En aioutant à son svsteme de défense
cette construction fragile:le-~ouvernekent espagnol ka-t-il pas surtout
donné la preuve que sa triple ceinture d'exceptions ne lui inspirait à
iiii-meme Qu'une confiancelimitbe?
C'est ce que nous pensons, et les conseils (lu Gouvernement belge
appelés à prendre la parole après moi vous démontreront, je n'en doute
pas, que cette inquiétude du Gouvernement espagnol est parfaitement
justifiée.
Il me reste à vous remercier, Monsieur le Président, Messieurs de la
Cour, d'avoir bien voulu m'accorder votre attention aussi longtemps et
avec autant de patience. PLAIDOIRIEDE M. SERENI
CONSEIL DU GOUVEIINEMEKT BELGE

[Azcdiencepubliqicedic g avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieursde la Cour, les conceptions juridiques
sur lesquelles se fonde la première exception préliminaire du Gouverne-
ment espagnol ont &térésuméespar mon éminent contradicteur, sir
Humphrey \\'aldock, en divers endroits de son exposé.Vu leur forme
assez fluctuante et chang.,nte. ie crois ne ouv voirmieux faire aue d'en
lirecertains cxtrxits. .\lecitntioiiîse rtfererit:IItexte et aiix 1xigc:s(le
I:I trndiiction frnni.aisc (IIIsoinpte rendu stCiiojir:ipliiquc.
Une i>r,?iil~ceois.L 1'3uditiicedi117 inas. ils'estt.xi)riin; coi~in. uit
(voir ci:dessus, p.gi) je cite:

iiA la lumière de tous les précédentset de la pratique que j'ai
examinés, et des considérations que j'ai mentionnees, le Goiiverne-
ment espagnol présente les conclusions suivantes:
Premièrenienl; les articles 68 et 60 du Keelement ont un caractère
de procédure,et c'est à la Cour qu'il appartient toujours d'évaluer
les effetsiuridiques d'un désistement opéré en vertu de ces articles,
en fonction dei termes du désistement et des circonstances dans
lesquelles il s'est produit.
Beu%i2rnefnetil jecontinue la citation] une partie qui abandonne
une vrocédure aux termes des articles 68 et 60 n'est Das fondée à
introduire une nouvelle procédure devant 1; Cour in la même
affaire,3.moins qu'il ne ressorte soit des termes, soit des circonstan-
ces du désistement qu'elle a indiqué à l'autre partie, au moment
du désistement, son intention de conserver le droit de le faire. »

Je m'arrêteun instant pour souligner la contradiction certaine qui
existe entre ces deux thèses. Suivant la première, le désistement d'ins-
tance n'a qu'un~:portée de pure procédure et il appartient à la Cour
de procéder à un examen objectif des termes ou des circonstances qui
impliqueraient une volonté de renonciation au droit; d'après la seconde,
le désistement d'instance doit êtreconsidéré commecomportant une
telle renonciation, à moins qu'explicitement ou tacitement I'iiitentioii
de conserver le droit de réintroduire la demande ait étéréservé.Xotre
éminent contradicteur a beau dire que dans les conclusions il a évité
soigneusement le terme de présomption, c'est bien une présomption
qu'il prétend instituer dans sa deuxiéme thèse.
Et pour le dissimuler, c'est au Gouvernement belge qu'il ;rttribue
immédiatement :iprès, dans la méme page,de fonder sa thèse sur une
présomption, la singulière iiprésomption contre l'abandon d'un droit 11,
sur laquelle nous aurons l'occasion de revenir.
Ensuite, acceptant, pour les besoins de son raisonnement, L'existence
d'une présomptionde non-abandon du droit n, il conclutà la page roo
ci-dessus: I'LAIDOIRIE DE hl. SERENI
427
e... si mêmenos adversaires avaient raison de penser que leur
présomption contre la renonciation d'un droit joue un rôle impor-
tant en vertu des articles 68 et 6, .cela ne si,,fie a.s au, cette
pr(:umptiun tic.nnc, j.iiioins qiie iiuiis [lei k:cpngiiulj]ne pu-i'oni
~>ruii\,t:rque, d~rri;r~>le iI;ji~tcnit:iit, yl;I cil accord riirrc Ics
inrties ;ibanJoiiiimt le; droiti en litire. Il .<iiffir:iit:~nii)Icnieiit
Selon nous, de montrer, d'après les Grnies du désisteAent, lei
circonstances de l'affaire, ou bien que la Belgique voulait retirer
définitivement la requêtesoumise à la juridiction de la Cour inter-
nationale, ou bien qu'elle avait agi afin d'amener l'Espagne à con-
sentir au désistement parce qu'elle croyait qu'ainsi faisant. elle
consentait au retrait définitif de la plainte belge devant votre
juridiction u.

de notre contradicteur ou une simple explication de l'une d'entre elles.
Certes. on retrouve sans difficultédans la vremière ~artie de cette alter-

cédéla placeremàèune troisième thèse, apparemment au moins. Un Etatthèse a
serait déchu du droit d'introduire une nouvelle procédure après s'être
désistéde la première si, en se désistant, il avait induit l'autre partie
à croire quelque chose de différent,s'il y avait eu une erreur. On n'aper-
coit vas. à première vue. d'amès ce deuxième ex~osé.si dans la vensée
<leiiotrc coiitr:i(licteI;ijcule al>stt~ritide rC;i:rvesiiiilirnii cniraîiier
ccttc dc'chc'<iiicc1..a suite (le ,on cspos6 nuiis niuntrer,i qiie telle ei:1
th&se.
Eii artiste consommé,notre éminent contradicteur, dans le reste de
son exposé, va se livrer à des variations sur ces différents thèmes.11
les mgle, les combine, les abandonne, les reprend, ce qui a la vertu d'en
cacher la faiblesse et d'en compliquer la réfutation.
Après ces variations habiles, il nous donne un nouvel exposé des
thèses du Gouvernenieiit espagnol, sous une forme encore sensiblement
modifiée,dans les conclusions en droit auxquelles il aboutira an terme
de son exposédu 18 mars.
Cette fois, la première et la deuxième thèse initiale se trouvent
fusionnéeset métamorphoséesdans une premièreconclusionquisoutient,
chose nouvelle, l'abandon par la Belgique de ses moyens de défense à
l'égard des exceptions préliminaires.Qunnt à la troisième thèse, celle
de la déchéance, ellefait l'objet d'une deuxième conclusion; mais cette
fois, elle est clairement fondéesur le seul fait que la Belgique n'a fait
auciinc réservede son droit d'introduire une noiivelle instance.
\'oiçi en effet ce qu'on lià la page 120:

I. La lettre de désistement du Gouvei-nement belge datée du
23 niars 1961, sur laquelle l'Espagne a manifesté sonassentiment
le 5 avril 1961, a constituh en droit un abandon des moyens de
défensede la Belgique à l'égarddes exceptions préliminaires.
2. liu égard aux antécédents diplomatiques du litige et aux
circonstances de procédure dans lesquelles le désistement a été
iiotifié, les termes de la lettre de désistement du Gouvernement
belge en date du 23 mars 1961, ainsi que 11:fait que l'ambassadeur
de Belgique n'a donné à l'Espagne ni le 22 mars ni le 4 avril des
explicatioiis ou des indications de nature à l'avertir que la Belgique
se proposait de se désisterde l'instance sans se désisterde son droit d'action, orit amené 1'Espagne à consentir au désistement le 5
avril 1961dans la conviction qu'elle acceptait la radiation définitive
de l'affairee la Barcelona Traction sur le rôle de la Cour interna-
tionale de Justice»

Je crois utile de rappeler sommairement, pour l'opposer aux thèses
adverses, quelle est la position adoptée par le Gouvernement belge en
la matière, telle qu'elle a étédéfiniedéjà ail début de la plaidoirie par
Me Van Ryn:
«Première proposition: une déclaration de désistement rédigée
dans les termes de l'article 69 du Règlement de la Cour n'est pas
...neutre et dépourvuede toute signification.n
Elle ne signifie que ce que disent ses termes, c'est-à-dire que le décla-
rant a renonce à poursuiwe la procédure o.

«Deuxièmeproposition: pour prouver que le déclarant a en outre
définitivement renoncé à son droit d'agir devant la Cour B propos
des mêmesfaits, il faut autre choseque cette simple déclaration.
..soit Ùiaccord entre ies parties ..soit un ensemble de circonstaii-
cesdémontr.rntquetellea bien étélavolonté [dudéclarant].

La charge de cette preuve incombe évidemment, selon un principe
généralde droit, à celui qui se prévaut de la prétendue reiioncia-
tion. Une renonciation ne se présumepas.
"Troisième proposition: [en l'espèce]le Gouvemement espagnol
ne démontre pas que la Belgique ait entendu faire une telle renon-
ciation...Bien au contraire, et surabondamment ...les circonstances
qui ont précédéet accompagné ...l'abandon de la procédure en
cours, démontrent péremptoirement le contrairea
Il me parait certain que le choix que la Cour devra faire entre les
deux thèses en présence dépendra essentiellemeiit de l'interprétation
qu'elle donnera aux articles 68 et 69 du Règlement de la Cour.
C'est la conviction du Gouvemement belge que ces dispositions impli-
quent l'admission dans laprocédureinternationale tellequ'elle sepratique
devant la Cour. de la distinction courante en droit interne, entre le
désistement d'une instance et la renonciation au droit matériel qui eu
a étél'objet.
Avant toutefois de procéder à l'examen des articles 68 et 69 du.Règle-
ment de la Cour. je crois utile de rappeler briévement quels sont les
principes généralementadmis en la matière en droit interne et de quelle
maniéreils ont pénétré dans le domaine du droit international.
Le désistement d'instance et la renonciation cil'action sont deux
notions généralesde droit, deux institutions juridiques qui sont admises
non seulement par la doctrine, mais aussi par la plupart des législations
étatiques. Notre éminent contradicteur ne nie pas que la distinction
entre ces deux institutions juridiques ait étéaccueillie tant par le droit
espagnol que par le droit belge. Il ne nie pas que la distinction (entrele
désistementd'instance et la renonciation à la réclamation est connue par
la jurisprudence du Conseil d'Etat français on peut avoir devant ces que selon
tribunal un désistement d'instance sans qu'il y ait en mêmetemps
renonciation à la réclamation.11se réfèreàla règleparticulière en vigueurdevant le Tribunal fédéralsuisse, selon laquelle la renonciation à la
procédure entraîne la renonciation à la réclamation; mais à ce propos
il ne mentionne ni lefait que les regles de procéduredevant les tribunaux
des cantons sont différentes, nile fait que, le Tribunal fédéralétant une
juridiction d'appel, la fin de la procédure dorine la force de chose jugée
Iiiijiigi!nient<II;tribunal irifériiur ct qiic<:est pour cctte raisoii ~(iit;I:L
fin clcI'inirnnce dc\.ant le 'rriI~iiri;ilfçdbral nier aussiinla réclain:<rii>ii.
II lie nientionnc pni, ennn. i~iicdaiis toiis les s\,srCniesI6gi;l:itilLI il,
sont vraiment trb Deu nombreux. aui n'admefient vas aie I. . ~uisse
mettre fin i la ~>rocédurs çails renoncer 6galemi.nt i I:iréclaiiiation,oii
3 sentiIc bcsoiii de recoiirir ides dispositiuns Ié:isl;iti\~esesprcsse;~ioiir
faire en sorte aue la terminaison de la orocéduremette fin éealemeit au
droit substantiel, Et d'autre part, dais les systèmes où le'bésistement
d'instance n'empêchepas l'introduction d'une nouvelle instance, on
n'a pas senti le besoin de le dire expressément.
La distinction théorique et pratique entre actes par lesquels on met
fin seulement à la procédure, et actes par lesquels on met fin aussi au
droit substantiel, au droit matériel, est donc Uriedistinction qui existe
en droit, qui est bien connue et dont le fondement n'est pas conteste.
II y a seulement quelques différencesdans le r~?glementconcret de ces
institutions par les législations des différentspays. Ilans le petit nombre
de cas où la renonciation à la réclamation est la seule mesure admise, on
a soin de le déclarerex~ressément.
Et j'cii virtii iiir,iiclc~~sièncoiiit: :i;Icq>tioii1,:trledroit i~it~rii:~~~on.,I
<le1:,distii~c:tioiiciitrt: dc'sistemcnrd'ii.ît;iri<.ect réiionciat;113 rc'cla-
11iation.
IIest un ph2noniGnuI~iensorinu que Icsin,ritiitioiis jiiridiqiies dc ~lruii
iiitarne. lors(lii'elles oiit donné dans leiir applic;ition dcs r;siilt,iti
f:t\.orahlcs rt ~iii'rllesont Dourobier 1%ri:klt.rnrnt de sitii3tionj se retrou-
\,aiit dani Irs rrlntion; internatiun:il~s,~itR int ousetart pnr 6trc
:idopti.cs 6gnleinrnt par le droit intcrii:itional.
ISni:tfet. Incrcatiun d'iiistitutioiis iuri<li<;t~iiv<.llesntis IciIi>ri~niiie
<ludroit intcrn:~tionnlse fait dans IIIItrk 1fir:r nieiiire par l'introdiiciion
ilans les relations internarion:ilrs d'inititutions iiiridi~~iiriqui ont f:iit
leurs Dreuves en droit interne et dont on oourrait se'servi; utilement
dans ies rapports internationaux. Le droit 'judiciaire interiiational tout
entier, la procédure devant les tribunaux interiiationaux, sont iiispirés
par des conceptions qiii avaient étéd'abord élaboréeset mises eii Œuvre
dans le domaine du droit étatique.
qui, dans un procès, permete esà la partie demandi:resse de mettre fin à la
procédure engagéeen gardant le droit de réintroduire l'instance, peut
certainement êtreiitile dans la procédureintern;~tionale.
L'institution du désistement d'instance, toutefois, ne put pas être
adoptée par la pratique internationale jusqu'à ce que I'on parvint à la
création de tribunaux permanents ou quasi permanents. En pratique.
c'est seulement dans le cas où la vie d'un tribunal n'est pas limitée
à l'examen d'une seule affaire ou à une courte périodede temps, que le
recours au procédédu désistement d'instance peut devenir suffisamment
fréquent pour justifier un règlement spécial.
On comprend ainsi qiie l'institution du désistement d'instance ait été
admise pour la premièrefoispar les règlements de procédurede quelques-
uns des tribunaux arbitrniis mixtes qui ont étécréésaprès la prcmiere 430 BARCELOSA TRACTIOS
guerre nioiidiale. On avait prévu en effet que leur juridiction devait
continuer pour une périodeassez étendue, car elle couvrait un groupe
assez nombreux d'affaires. Commel'a remarqué notre contradicteur, on
trouve la distiriction entre désistement d'instance et renonciation à
l'action dans les règlements de plusieurs de ces tribunaux; si les règle-
ments de quelques-uns d'entre eux ne l'admettent pas (et c'est le cas
par exempledes tribunaux arbitraux mixtesauxquels l'Italie était:partie),
on a pris soin d'y indiquer expressément que la renonciation à la procé-

dure coinportnit. l'existence du droit matériel, du droit sur le fond. Et
comme l'on est en train de parler de tribunaux arbitraux mixtes, je me
référeraitrès rapidement à l'affaire Winand c.R.A.A. que notre adver-
saire a meiitionnéele 17 mars, page 96 ci-dessus. Il vous a dit --je cite:

,LI tribunal. estimarit quc le désisrcni?iil'iiislu~icede la 13elgiquc
Ctiiit~L.\.L.IIdéfinilildu fait (lue I'Allem;igiie ).;<\.ait coni:iiti:.
refiijL:(18:iururislitI3elgiqueA rouvrir In procédure. u

En réalité,la Belgique n'avait pas introduit une nouvelle requête
mais avait essayé de reprendre la procédure précédemmententamée,
qui avait pris fin par son abandon auquel l'agent allemand ni: s'était
pas opposé. Celaallait à l'encontre de l'article 69 du Réglement du
tribunal mixte. De plus la Belgique avait abandonné la procédure eu
alléeuant des raiçoiis aui allaient au bien-fondé de sa réclamation.
~o&que notre éminentcontradicteur dit le 17mars, àla page 96, qu'.il
ne s'agit pas d'un précédenttout à fait analo-ue>,,il faut admettre qu'il
y a dë~a-~art un z<*cderstatement.
Ou vint ainsi itla créationde la Cour permanente de Justice internatio-
nale. C'était lepremier tribunal international ayant un caractère perma-
nent. Il était logique, j'oserai mêmedire qu'il était presque inbvitable,
comme on le démontreraaprès,que la distinction entreactesqui mettent
fin à la procédure - les désistements d'instance - et actes qui mettent
fin à la réclamation fiit admise par le Règlement. Ce n'est pas dans un
vide juridique que ce Règlement a étérédigé.Les éminentsjuristes qui
ont collaboré à sa rédaction et ceux qui l'ont amendéétaient bien au
courarit de la distinction entre désistement d'instance et renonciation
à la réclamation.Elle avait pénétré dans le syst&medu droitinternational
où la doctrine tout entière la reconnaît, en proclame l'existence. Nous
avons citéh ce propos dans notre mémoirect dans les observations les
euvres de Salvioli, Scelle, Pinto et Bos; il y en a d'autres.
La distinctiori entre actes qui mettent fiii à l'instance et actes qui
mettent fin à la réclamation, admise par le Règlement de la Cour per-
manente de Justice internationale, est aussi à la base du RPglement
de la Cour iiiternationale de Justice. Nous examinerons plus tard en
détailcelles de ses dispositions qui s'y rapportent.
Depuis qu'elle a étéadmise par les Règlements de la Cour permanente
de Tustice internationale et de votre Cour. la notion de désistement
(l'iii;tniicc. renoiicintion I;iiiroi<:diirt:,distincte de ccllc (IL,liri dc I:I

rh.l;imntion. n pris 1)ird solidt:iiiciit datis le domriinc tout eniicr iIt,>
iiirii1iction.i int<rn:itioiin~ ~ ~ ~ ~ ~ ~cs.I:trctrou\~ en efict d:iiii le
Règlement de la Cour de Justice de la Communauté du Charbon et de
l'Acier fart. 80 et 81). dans celui de la Cour de Tusticedes Communautés
européennes(ari:.77 et 78). dans le ~èglement de procédurede la Com-
mission arbitral,: sur les avoirs, droits et intérêtsen Allemagne (art. 59 PI.AIDOIRIE DE 31.SERENI
431
et 60) et dans le Règlement de la Commission mixte sur l'accord sur les
dettes allemandes (art. 40 et41).
Les conclusions qui me paraissent résulter dc la premièrepartie de mon
exposésont les suivantes:

I.La distinction entre actes qui mettent fin à la procédure sans toucher
au droit substantiel, et actes qui mettent fin aussi au droit matériel
(substantive uight),est reconnue par la doctrine du droit de procédure
interne, a étéadoptée par la législationde presque tous les pays et,
entre autres, par le droit espagnol et par le droit belge.
z. Elle a étéintroduite en droit iiiternational, où elle est reconnue par
la doctrine, a étéadrnise par les règlements de procédure des tribu-
naux permanents, et mêmede quelques tribuiiaux quasi permanents.

Nos considérationsau sujet de l'adoption par le droit international de
la notion de désistement d'instance ont inspiré à mon émineiit contra-
dicteur quatre remarques auxquelles je veux répondre. Ce sont quatre
raisons pour lesquelles,à son avis, un désistementd'instance se prêterait
à une interprétation particulière lorsqu'il a lieu dans une procédure
internationale. Notre émineiit contradicteur voudrait s'en servir pour
préparer la Cour à accepter un système de son invention, dont on iie
trouve pas trace dans les articles 68 et 69 du Règlement.
En ~remier lieu. notre éminentcontradicteur soutient (voir ci-dessus.

.
national».
Et, comme la juridiction d'un tribunal interiiational se fonde sur le
consentement des parties
cil est difficile [dit-il] d'imaginer que le désistement n'ait pas pour
but de mettre fin à la compétencede la Cour - à moins ... que les
parties n'aient expressément réservé ce point au moment du
désistement ..in.

Et il remarque, à ce propos, se fondant sur le principe duforilm proro-
gntum, que lorsque la juridiction du tribunal international est due au
procédédu forum proro~atzrm, l'abandon de la procédure par la partie
demanderesse n'autoriserait pas celle-ci tila reprendre sans le consente-
ment de la partie défenderesse.Or, l'exemple qu'il donne vise lin cas
d'espèce,un cas tout à fait exceptionnel qui ne peut pas êtregénéralisé.
En fait, dans l'hypotlièsedu forum prorogatum, il n'y a pas d'accord pré-
alable entre les parties, dans la forme soit d'lin traité de règlement
judiciaire, soit d'un compromis donnant juridiction à la Cour.
La Cour n'aurait pas eu de juridiction si la partie défenderessen'avait
pas fait volontairement acte de comparution devant elle; il est de toute
évidencequ'il v a là une situation particulièrdans laquelle Insoumission
de la partie défenderesse à la juridiction du tribunal ne s'étend qu'à la
procédureengagée. Sila procédurese termine par un dksistement, le tri-
bunal n'aura plus de juridiction, à moins que la.partie défender%sene
s'vsoumette à nouveau. Maislorsque deux Etats, par un traitéd'arbitrage,
se sont soumis pour tous litiges qui surviendraient entre euxà la jundic-
tion d'un tribunal international quiprévoitdans son règlement la faculté
de se désister purement et simplement de l'instance. on ne voit pas432 BARCELONA TRACTlOS
oourauoi un désistementd'instance devrait être interorétéd'unemanière
hifféréntedu fait qu'il a eu lieu dans la procédureinternationali:.

Te passe à la deuxième remarque de mon éminentcontradicteur (voir
ci-dessus, p. 98) :
.il est de tait auiourd'hui. comme ce l'était au moment où le
1iCgIcriieiit1,:1.iCour y~r1113ii<:ii t~it;.LI.tbfir6,que I:jiluy3it de>
I:t.qt..ae r;jçr\.ent. daiii <:li*que cas I,:irti.:iili~r, rouic I<it.~tidcc
di.<.i(l<srilv a licu ou nwi Je jolirncrrrc uii diifr:rciidintcirniiori:'i
un règlemeiqtjuridique ».

Dès lors,une règlequi interpréterait le sinlple consentement de l'Etat
défendeur un<:déclaration de désistement comme une reconnaissance
du droit de 1'Etat demandeur d'introduire une nouvelle instance, lui
parait ne tenir aucun compte des

ci...realitie.5 of international relations concerning the acceptance
of jurisdiction, and more especially in cases where the defendant
State has opposed the submission of tlie dispute to the Court by
lodging Preliminary Objectionsn.
[... réalités des relations internationales concernant l'acceptatioii
de la comnétence et plus oarticulièrement dans les affaires où
1'~tit défeideur, enpréSeritantdesexceptions préfiminaires,~'o~~ose
à ce que le différendsoit soumis à la Cour.]

Je doisavouer que je ne suis pas certain d'avoir saisi le sens etla portée
de l'argument d,~mon éminentcontradicteur.
L'Etat défendeurqui se serait soumis à la juridiction de la Cour pour
une instance dGterminée, se verrait, par la reconnaissance du droit
de réintroduire, dont parle mon éminent contradicteur, soumis égale-
ment à la juridiction pour une deuxième instance éventuelle. Si telle est
la penséede mon contradicteur, il me sera facile de lui répondre.
Dans sa thèse, le Gouvernement belge n'affirme,ni expressément, ni
implicitement, (que par la non-opposition au désistement unilatéral,
1'Etat défendeur fait une reconnaissance auelconaue. Notre.~oint~de
viir <.it.IIIionirnirc qut: p:ir <:rr :ICIL'I,'Erît dt~fçi1~1~1 ncrc:~inl;'rc:i
l'Et21 d~iii~111~1;~ ~1tLr.tdroit clu'ilii';iiir.iit 11:ispnr xillct.1i~'aggr~~vc
vn ri~.n ~A DIOIIT: i>oiition,iilr~Lititw iur 1,:fo11tt~lle <i~i'~llitn t :tv:~i~t
son acte de non-opposition.
Notamment, la non-opposition au désistement n'a pas pour effet
d'étendre la mesure dans laquelle 1'Etat défendeur s'est soumis à la
juridiction internationale, ni de lui faire perdre le droit d'opposer, dans
toute future instance. les exceptions préliminaires qu'il aurait fait valoir
d:iii; I;x[irt.mi>ri et qiii '.'nl'pliqiirraicïub-i ila deiixii.inr.
I.'Ft.,t ~l~ni:~tidc~.iirurx le drt-it (Ir r(,it~troduircuiie iio~~v~l~staticc

s'il n'a pas rerioncépar ailleurs au droit au fond, et parce qu'il n'y a
pas renoncé. &laisil est bien évident qu'il n'aura pas la possibilit6 de
saisir la Cour à nouveau du différendsila Courn'apas, pourcetteiiouvelle
instance, de juriiiction A l'égardde 1'Etat défendeur.Et la Cour n'aura
cette juridiction que si 1'Etat défendeurest liépar un acte de soumission
générale(une déclaration d'acceptation en vertu de l'article 36 di1Statut
ou un traité de rèelement iudiciaire). ou si 1'Etat défendeur a acce~té
spécialementde seUsoumett;evolontairement cette deuxième instance.
La non-opposition au désistement ne sera jamais acte de soiimission E'LAIDOIRIE DE 11.SEKENI 433

Dans notre cas, répétons-le,suivant le Gouvernement belge, la Cour
a juridiction en vertu du traité de 1927, et cette juridiction, elle i'a
aussi bien pour connaître de la deuxième instance que de la première.
Et la non-opposition d,u défendeur au désistenient n'y a rien changé.
La troisième remarque de notre contradicteur me paraît avoir encore
moins de poids. Suivant lui
i . le droit iiitcrii:,tioii:illisi p.1.de ilFl;,itri~tjpour I'iiitri,.
diiction rl'uiicpri,;:diire, ni dr iC;les pri.<.ii<,-i..uiicçr1.1prci-

rriptioii . les i~~iidilioii~pcrrnctt.tiit ~..np~r;iit-rlis eifctj cl'uii
~lé.ii~rvniciitlcvaiit unc initancc iiiteriiaiioiijuiit ~~rob>iiclim~nt
diricreiitej dct:ll~:.;~uuqucllcs~'ii 1,:~ri>u n:iistationaux
(P. gS ci-dessus.)
Il nous semble évident qu'il n'y a aucun lien logique, aucun rapport
entre la duréede la prescription d'un droit substantiel (O/ n substantiue
right) et l'interprétation à donner à un acte de désistement. Notre
éminent contradicteur devrait admettre que ce genre de règles se
placent sur des plans différents. Au contraire, il fait une comparaison
avec le droit privé, maisc'est précisémentle droit privélui-même qui
nous donne la preuve que son argument est sans fondement. Certes,
le droit privé fixe des délaisde prescription, mais ceux-ci sont extrême-
ment variables quant à leur durée: il y a des prescriptions de six mois,
11nan, dix ans, trente ans. Or, je ne connais pas une seule législation
qui fasse varier les règles du désistement suivant que l'action intentée
se prescrit par six mois, un an. dix ans ou trente ans. Sur le planinterna-
tional, il n'y a guère de différenceentre une pn:scription trentenaire et
pas dc prescription du tout. L'Etat qui serait resté pendant trente ans
sans faire valoir son droit en iustice sera. le ~lus souvent. réuutél'avoir
abandonné. J'ajouterai que si la partiedéfenderesse ne veut pas être
exposéeindéfiniment au risque d'une nouvelle instance, elle n'a qu'a
s'Ôpposerau désistement: qui, d'autre part, iine fois que le désistement
d'instance a eu lieu, ce sera la partie demanderesse qui, s'ilest nécessaire
de reprendre la procédure,devra veiller àréintroduire son instance dans
un délai raisonnable afin d'éviter queson inaction puisse êtreinterprétée
comme abandon du droit substantiel.
Enfin, quatrième remarque, notre éminent contradicteur dit que
i'introduction d'une nouvelle requête du Gouvernement belge, qui
contenait des accusations fort graves contre l'Espagne et qui, aux termes
du Statut et du Règlement de la Cour, devait êtrecommuniquée à tous
les Membres des Nations Unies et à tous les membres de la Cour, aurait
causéun grave préjudice à l'Espagne et pourrait constituer un moyen
de pression. La Cour, dit-il, devrait en tenir compte afin d'établir si la
Belgique avait gardéle droit de réintroduire l'instance.
Nous répondons qu'on ne voit pas en quoi une deuxième requête,
fondée sur les mêmesfaits, aggraverait sensiblement le préjudice qui
pourrait résulter pour 1'Etat défendeur de l'application de l'article 40.
D'ailleurs, si 1'Etat défendeur a des raisons spéciales de redouter un
tel~réiudice.le Rèelement lui fournit un moven simde de l'éviter: c'est
de 4'oGposerau déiistement.
Faut-il rappeler qu'en notre affaire si le (;ouvernement espagnol
avait étési préoccupépar l'effet que pouvaient avoir sur le créditet sur
la réputation internationalede l'Espagne lesgriefsarticuléspar leGouver-
nement belge et communiqués aux Membres des Nations Unies par434 BARCELOZTA TRBCTIOZT
application de l'itrticle 40, il aurait étésans doute plus expéditif et plus
efficace pour lui de se défendre au fond au lieu de se borner à contes-
ter la rëcevabililé de la demande

En conclusion, ni sur le plan général,ni sur le plan plus particulier du
cas de la Barcelona Traction, les considérations développéespar notre
éminent contradicteur ne fournissent d'areument à l'au~ui de sa thèse
q~'en droit international le désistemen; d'instance' Se présenterait
différemmentque sur le plan du droit interne.
Nous arrivons ainsi à l'examen des articles 68 et 69 du Règlement.
La distinction entre actes mettant fin à la procédure engagée et actes

mettant fin à la réclamation existait déjà dans le premier Règlement
de la Cour permanente de Justice internationale, celui de 1922.
Dans son article 61, il faisait une distinction marquée entre, d'une
part, le cas où «les parties tombent d'accord sur une solution à donner
au litieen (et cet accord évidemment. en mettant fin à la réclamation
et parUcon&queiit au différend, entraînait aussila fin de la procédure)
et, d'autre oart. le cas où les oarties. comme le dit l'article «d'lin commun

accord, renoncent à poursui;re la procédure isans que cela comporte la
fin de la réclamation ou la renonciation au droit de réintroduire l'iiistance.
Cet article considérait seulement les hypothèses dans lesquelles la fin
de la procédure ou la fin de la réclamation avait lieu d'un «commuii
accord des parties». On n'avait donc pas prévu l'hypothèse qu'une
partie pût se dés.isterunilatéralement de l'instance.
L'absence de (lispositions réglant cette dernière hypothèse ne iiiaiiqua
pas de soulever des difficultés; elles étaient spécialement graves lorsqiie

la partie défenderesse n'était pas devant la Cour. C'est le cas qui s'est
présenté en 1929 dans l'affaire de la Dénonciation du traité sirho-belge
du 2 novembre 186j entre la Belgique et la Chine; la Belgique vouliit
se désister de l'iiistance. et la Chine n'était Das devant la Cour.
Cette Inciiri,. Iir $.oniLicciurj iie I,, reviii8ii [~iiI<;!<iriiient(ie 11 c:oiir
1,crinan~iiw '11 ]iiiticc iiitcrn:~tioii.llc qu'lit litII1," 1~.$0. Oii ~iilxtitu;~
:ilor< i l'?n,.it.~i trtit.1~.tir tlt.I~OI~Y<YIIIX ;~rti.lc-s.1,; a~ti:lc~t;> c.1

L'article 68 n'est que l'ancien article 61 du ~&glement de 1922 dont
le texte a étéaniélioré.II a trait seulement aux accords. Il maintient la
distinction entre accords qui mettent fin à la réclamation et accords qui
mettent fin siml~lement à la procédure. Mais on change légèrement la
terminoloeie en remoi.çan. le mot «~rocédure » Dar son svnonvriie
iiijt;inccz. le tcurz :iii~l,,i\ rvst~iit Ir niFiiip~~~rteJ~'i~;.s.
En outre, <,II,.iiitrf~~liiJ:UIS I':,rtit.lv IIIII~ disi;tt:iiicnt l.'.t11 1,.
.,rr,iii;<.-
O,< 11r;voit qut, l<,r:cl~ivIr, p:irtit.; ~l;,.I,trciit i la i;our qu'il v
niciit :iiiii:it,lc, I ordi~iiii:iiic:t<lxlx Cour clonnc:IL.~C;1111p,tititi 11,.1c11r
-1rrniigrineiit :,riiinblc ; tandi; I I Ioriqu'ellt > dit ,lu'<llci
rcnoriiçnt i poiirsiii!.re I'init.iiii.i:liCour 11rcii,l.,itc (le 1,-tirdc;~ktv.
nient . 1.c.~I~~;i~rriiicivat donc, d.,113 17 trrniinologic~ <IIIl?i.:I~?iiisnt,le
I:i Coiir, I'nct, p;.r lcqiicl on r,iioiit.e ,riil~~iii~-iito~ir~uivr~I~ 'iii~t:~lir~
ou *à poursui<re la procédure », ce qui est la mêmechose.
L'article 69 a trait au désistement unilatéral d'instance. Comme il est

dit dans l'article, le désistement qui y est prévu est l'acte par lequel la
partie irrenonce à poursuivre la procédure »; il a donc trait seulement
à la procédure, c'est-à-dire à l'instance (proceedings).
Les articles 613et 69 du Règlement de la Cour permanente ont.été
retenus, avec quelques améliorations qui n'ont pas trait aux q~iestlons
que l'on considère ici, dans le Règlement de la Cour internationale de PLAIDOIRIE DE M. SERENI 435

Justice. Les considérations qui précèdent valent donc aussi pour les
articles 68 et 64 du Rèelement de cette Cour.
Si l'on compare lesarticles 68 et 69 du Règlenient de la Cour, on
constate donc une différencefondamentale entre les deux.
L'article 68prévoit que les accords que les parties au procès communi-
quent à la Cour peuvent être de deux types différents: ils peuvent être
des règlements amiables ou des désisternerits bilatéraux d'instance.
Ils produisent des effets juridiques différents: les premiers mettent fin

à la réclamation, les autres mettent fin à la procédure. L'article 69 au
contraire ne mentionne que les désistements unilatéraux d'instance,
c'est-à-dire des actes qui mettent seulement fin la procédure. L'arti-
le 69 ne parle pas d'actes, qu'ils soient uni1atér:ruxou bilatéraux,met-
tant finà la réclamatiori.
Est-il nécessairede souligner que le Règlement de la Cour permanente
de Justice internationale et celui de la Cour internationale de Justice,
dans les articles 68 et 69, font usage du mot Binstance »dans son sens
usuel? Cela est clair. L'instance est la situation juridique crééepar un
débat devant un organe judiciaire. Concrètement, elle se présente comme
une série d'actes qui ont lieu dans le procès. L'instance est donc un
rapport juridique qui n'existe que dans le cadre du procès et dans le
domaine de la procédure. Elle est entièremeiit distincte du rapport de
droit matériel (thesubstantzvelawrelatzonshifi) au sujet duquel est survenu

Ic différendqui a donnélieu au procès. Cela avait étédéjàdit par le juge
ITromageot au cours des travaux préparatoires qi~iont abouti à la rédac-
tioii des article68 et 69.

(iL'instance [dit-il] c'est par définition la série des actes d'une
procédure ayant pour objet de saisir le tribiinal d'une contestation,
d'instruire la cause et d'obtenir jugemerit. » (C.P.J.I. série il,
3' addendumau n" 2, p. 654-655).

C'est pour cette raison que le Règlement de la Cour, dans les articles 68
et 69, parle indifféremment de <irenonciatiori à poursuivre l'instance»
(art. 68) ou à rrpounuivre la procédure* (art. 69) et que le tente anglais
traduit ces deux expressions par les mêmes mots: izotgoing on with the
proceedings.
Et d'ailleurs, cette nature et ce caractère de l'instance sont reconnus
aussi par les autres articles du Règlement de la Cour, conime l'atteste

la terminologie que l'on y emploie. Toutes les règlesconcernant l'instance
sont groupéesdans le titre II du Règlement qui a pour objet la procédure
en matière contentieuse (contentiousproceulings). 11y a instance lorsque,
comme le dit l'article 32, aune affaire est portiie devant la Cours. La
notification d'un compromis ou la requête sont les actes, dit le Règle-
nient, d'ciintroduction de l'instance ,)(Règlement, titre II, section 1,
KÈ,.les ggéi~éralZeisntrmiEzadionde l'insfnnce. arl.. 32 et 33). Les actes
d'introduction de l'instance ont pour effet (art. 34) de .saisir la Cour 11,
de .porter l'affaire devant la Cour 2)(art. 35).

[Audience fiublique du IO avril 1964, matin]

hlonsieur le président. Messieurs de la Cour, à la fin de la séanced'hier,
j'ai considéréles articles 68 et 69 du Règlement ensemble.43O BARCELOSA TRACTIOS
Je voudrais considérer maintenant le seul article 69, celui dont le
Gouvernement belge s'est prévalu dans son désistement du 23 mars
1961. Si I'on considèrecet article, on constate qu'il prévoitdeux hypo-
thèses.
Première hypothèse envisagéedans le premier paragraphe: la partie
défenderessen'a vas encore fait acte de ~rocédureau moment où I'acte
de désistement (lïnstance a étéreçu par ie Greffe de la Cour.
Deuxièmehypothèseenvisagéedans ledeuxièmeparagraphe: la partie
défenderesse a fait acte de ~rocédure au moment où le désistement
d'instance a étéreçu par le Gkeffe.
Dans l'un conime dans l'autre cas la Cour se borne commeelle dit dans
le premier paragraphe et le répètedans le second, à iiprendre acte du
désistement P. L.a seule différence entre les deux hypothèses est que
dans la deuxième la Cour ne prend acte du désistement que dans le cas
où la partie délenderesse nn'a pas fait opposition au désistement ».
Comme le dit le deuxieme paragraphe de I'article69, "s'il n'est pas fait
opposition, le dksistement est réputéacquis n.
II devient important à ce point d'établir la nature du désistement
fait en vertu de l'article 69. Notre éminent contradicteur voudrait,
sur ce point, faire une distinction subtile. II prétend (voir ci-dessus,
p. 81) que seul le désistement prévu par le premier paragraphe de
l'article6g serait un désistement unilatéral, tandis que - dit-i- le
désistement pri:vu par le deuxième paragraphe du mêmearticle ne
serait pas rtun désistement purement unilatéral»; il y aurait, dit-il le
même jour,une transaction intervenant devant la Cour» (a tra?rsaclion
whichlakes#laci:in COZLId ~)nt le caractère généraln est essentiellement
le mêmequ'aux termes de l'article 68 ». (Désistementbilatéral.)
La Cour prendrait acte du désistement - dit-il- .s'étant assurée
du consentement de tous ceux qui ont un intérêtjuridique r. Sotre
éminent contradicteur essaie ainsi d'établir une connexion. un lien
consensuel entre ledL'sisteiiiçntdc la partie <Icm;~n<leres~l~InIIOII-OP~O-
citionJe lapartiedéfenderes~e-iinésortcdcsontr:~t iudici~ire. Ct.1e~r
tout à fait inexact.
Le système <le i'article 69, paragraphe 2, ne transforme pas, par
l'effet de la non-opposition du défendeur, le désistement unilateral
en désistement bilaiéral
En effet, si I'onexamine ensemble les deux paragraphes de l'article 69,
il est de toute évidenceque I'acte de désistement est un acte unilatéral
dans lesdeux hv~othèsesLuiv sont envisagées.C'estl'actede désistement
d'instance, acté'unilatérai,ékanant de 1; partie demanderesse qui met
fin à la procédure tant dans l'un que dans l'autre cas.
Le désistement d'instance émanant du seul demaiideur est ce dont
la Cour B prend acte n.
Quant à la partie défenderesse, elleest impuissante par son attitude
à modifier la portée de la déclaration de désistement d'instana: qui lui
est communiquCe. l'eu importe, à cet égard,qu'elle ait un droit d'oppo-
sition ou qu'elle n'en ait pas, parce qu'au moment de la coinmunicatioii
elle n'a pas encore fait acte de procédure, peu importe qu'elle use de
ses facultés d'opposition, si elle a fait acte de procédure, ou qu'elle
n'en use pas. S'il n'y a pas d'opposition, le désistement .est réputé
acquisu, comme le dit le Keglement, ou, comme l'on dit parfois, le
désistement devient définitif, le désistement d'instance n'étant pas
un contrat de droit judiciaire. PLAIDOIRIE DE M. SERESI
437
Tel est du reste l'avis exurimé Dar M. le urofesseur Scerni dans le
commentaire consacrépar lu; à la p;océdure dévant la Cour permanente
et pnblié en 1938 (Cours de droit à l'Académie de droit international,

1938, vol. II1,p. 565).
Examinant le cas où le défendeur a déjà fait acte de procédure au
moment du désistement, cet auteur écrit:

((A-t-on voulu transformer le désistement ...en acte bilatéral,
c'est-à-dire en accord des parties? Dans ce cas, l'acte du deman-
deur serait la proposition, l'acte du défendeur exprès ou tacite
serait l'acceptation, et le désistement viendrait à acquérir un vrai
caractère contractuel. 11

L'auteur n'accepte pas cette analyse. II dit en effet:

<C'est bien le désistement unilatéral que 1'011a voulu régler
par l'article 69, puisque la renonciation à 1'iiistani:e d'un commun

accord avait déjà étéenvisagée à l'article précédent. Seulement,
on a voulu prendre en considération aussi les intérêtsde 1'Etat
défendeur, surtout si celui-ci s'était déjàprésentédans le procès;
on n'a pas voulu permettre que la simple volonté du demandeur
de se désister puisse léser l'intérêtéventuellement contraire du
défendeur. On a donc voulu donner à celui-i:i le droit de s'o~o~s~r.
à ce que l'acte unilatéral du demandeur puisse produire l'effet
de provoquer l'ordonnance qui termine l'instance. Alors on ne doit
pa<affirker que la volonté du défendeur est convergente avec celle

du demandeur et vient se fonder dans un commun accord; mais on
doit dire que la non-opposition du défendeiir est la condicio luris
pour que l'acte de désistement puisse avoir ses effets. Toute oppo-
sition produit, au contraire, un fait qui est suffisant à empêcher
l'efficacitéde l'acte de volonté du demandeur. Voilà pourquoi la
non-opposition peut êtreprésuméeen cas de silence pendant le
délaifixé. »

En d'autres termes, la partie défenderesse peiit seulement paralyser
les effets qui sont propres au désistement fait par le deriiandeur - et
cela, bien entendu, seulement dans l'hypoth6sf: qu'elle ait déjà fait
acte de procédure; mais elle ne peut pas changer par ses actes la

nature de l'acte de désistement, acte unilatéral, ni surtout, ce qui
est plus, elle ne peut pas modifier par son comportement l'intention de
la partie demanderesse, le contenu, la portée, l'essence des déclaration!
consignées dans le document que la partie demanderesse a adresse
à la Cour pour se désister de l'instance.
Le désistement d'instance, prévu à l'article 69, est doiic un désistement
unilatéral, un acteu~zilatéral .n peut donc lui appliquer, mot pour mot,
sauf à substituer le mot iBelgique »au mot «Iran inla phrase suivante
de la Cour dans l'affaire de 1'Anglo-IraniunOil C,3. (C.I.J. Recueil 1952,
p. 105) ayant trait à la déclaration uiiilatérale iranienne d'acceptatioll

de la compétence obligatoire de la Cour - je cite:

R...le texte de la déclaration de l'Iran n'est uas un texte contractuel43S BARCELOKA TRACTION
Le désistement d'instance belge doit donc être interpr~ité selon
les règles d'interprétation propres aux actes unilatéraux, c'est-à-dire
en tenant compte uniquement de la volonté de L'auteur telle qu'elle
est exprimée ,dans l'acte lui-même. Pour reprendre encore une fois
les termes que la Cour a utilisés pour interpréter l'acte unilatéral de
l'Iran dans l'affaire précitéede l'Anglo-Irunian Oz1 Co. (mêmerecueil,
même page 105) - je cite: «Cette déclaration doit êtreinterprétée
telle qu'elle st: présente, en tenant compte des mots effectivement
employSs. D
A ce point de notre exposé,il n'est pas inutile de constater que notre
éminent contradicteur admet lui aussi que les articles 68 et 69lu Règle-
ment contiennent des règlesde procédurequi, comme il l'admet, «sont
seulement destinées à fournir une façon équitable et régulièrede mettre
fin à l'affaire, si tel est le vŒu des partiesi, (voir ci-dessus, p. 81).
Et il répète qu'ilsasont uniquement fonctionnels et foumi!;sent des
moyens et des instruments pour mettre fin à la procédure,et c'est tout.
Ils n'entendent pas régir les droits des parties touchant au fond,,
(voir ci-dessus, p. 83).
Or. nous sommes aussi d'accord Dour estimer aue le svstème des
articles 68 et 69 aboutit toujours auAmême résultai. La COur, par son
ordonnance, se borne à constater la fin du procès et à ordonner la
radiation de l'affaire, en omettant toute ao~réciation quant à la fin
de la réclamation. & &
Nous sommes d'accord sur ce point.
Enfin, notre éminent contradicteur ne nie pas que dans un procès
devant la Cour, lorsque la procédure se termine, ily a deux possibilités
distinctes: il si: peut que l'on mette fin seulementà la procédure sans
renoncer à la réclamation, ou bien il se peut que l'on mette fin i la
procédureet aiissà la réclamation, et dans ce cas-là l'instance ne peut
pas ètre réintroduite.
Dès lors, il paraît évident que c'est aux communications di:s parties
qu'il faut se r.ipporter avant tout pour établir s'il y a eu devant la
Cour désistement seulement, c'est-à-dire renonciation à la procédure,
ou s'ily a eu aussi fin de la réclamation.
Cela est vrai, soit dans le cas d'un désistement en vertu de l'article 68,
soit dans le cai;d'un désistement en vertu de l'article 69. La différence
est que dans Ir cas d'un désistement en vertu de l'article 68, c'est aux
déclarations des deux parties que l'on doit se référer,tandis que dans
le cas d'un désistement en vertu de l'article 69,c'àsla seule déclaration
de la partie demanderesse.
Il est de toute évidence que les communications des parties aux
termes de l'article 68, ou la communication de la partie demanderesse
aux termes de l'article 6q, devront dans tous les cas faire connaître
à la Cour qu'elles entendént mettre fin à la procédure, parce que tel
est le but spécifiquedes communications dans le système des articles 65
et 69. Ces 6ommunicatious sont donc toujours eten tout cas des actes
de procédure. !ji la communication se borne à mentionner qu'il est re-
iioncé à poursuivre la procédure, elle n'est qu'un acte de procédure
pur et simple,rien d'autre.
Mais les parties, dans le cas de l'article 68. ou la partie demanderesse,
dans le cas de l'article 69, si elles le désirent, peuvent aussi inclure
dans la commiinication qu'elles font à la Cour quelque chose de plus:
elles peuventa.ussi déclarer ou constater que la réclamation elle-même PLAIDOIRIE DE hl.SEKESl 439

a pris fin, et même,si elles l'estiment opportun, pniciser la ~naiiière
dont elle a pris fin (par accord, règlement amiable, ou par renonciation
au droit, etc.). Sans doute, le Règlement de la Cour ne prévoit-il
expressément cette faculté que dans l'article 68 et pour le cas particulier
de la terminaison du litige par arrangement ainiahle. Mais je pense
qu'il n'est pas contestable, ni d'ailleurs contesté, que ni l'article 6S
ni l'article 69 n'empêchentles parties, dans tous les cas où la réclamation
aussi a pris fin, d'en faire état dans leurs cornmunications à la Cour.
Ces communications pourront aussi indiquer la manière dont la réclû-
mation a pris fin. C'est là, du reste, une applcation du principe de la

liberté des -formes dont s'inspire le droit internationaltout entier.
Lorsque les deux parties (article 6S), ou la partie demanderesse
(article 69), dans leurs communications à la Cour, font connaître aussi
que la réclamation elle-mêmea pris fin. ces coinmunications évidem-
ment touchent aussi au droit substantiel (then aflect the sc~bstantive
right) qu'elles concernent. Ce qu'il importe de'retenirV- et je me permets
d'attirer l'attention de la Cour sur ce point, parce qu'il est vraiment
le point essentiel - c'est que dans ce cas. la &nimuiicatiou à la Cour
est un seul document, un seul instrument, dans lequel sont consacrés,
consignés deux actes juridiques distincts (two legal transactions - dos
negociosjuridicos - zwei Rechtsgeschnfte - due negozigiuridici) : l'un est
l'acte de désistement, acte de procédure qui met fin à l'instance, et en
plus, ily en a un autre, l'acte de droit matériel qui met fin à la réc1;r-
mation. Pour ce cas-là, on peut appliquer la formule tr&sclaire énoncée
par l'un de nos éminents contradicteurs, le professeur Bos, dans son
ouvrage Les conditions du procèsen droit international, 1957, p. 261,

note I: «La transaction [c'est-à-dire l'acte de droit matériel], non pas le
désistement, met fin à la réclamation. >,
Or, que dit mon adversaire sur ce point? Il dit dans ses deus pre-
mières thèsesque c'est l'acte belge de désistement d'instance du 23 mars
qui a mis fin à la réclamation. Cela veut dire que selon mon adversaire
l'acte belge du 23 mars 1961. par lequel le Goiivernement belge déclare
seulement qu'il renonce à poursuivre la procédure. est une renonciation
au droit. Cette thèse est évidemment insoutenablt:.
Qu'une renonciation à un droit matériel (waiverof a substantiveright)
puisse avoir lieu par un acte unilatéral n'est pas contestable. hl. le juge
Morelli le dit dans ses Nozioni di diritto intern,zzionale,édition 1958,
page 284, et M. le professeur Guggenheim le confirme aussi dans son
fiaité de droit international public, 1954. voluiue II, page 148. Mais
ce dernier se hâte d'aionter. a la mêmenagA "aue A<larenonciation ne
peut pasêtreprésumée'n.
En ce qui concerne le désistement, M. le professeur Suy, dans son
cruvre sur les Actes juridiquesunilatérauxen droit international public
publiéerécemment (1962) avec une préfacede hl. le professeur Guggen-

heim qui a cité cette cruvre devant vous avec éloge, remarque, à la
page 179. que
ile désistement d'instance porte le plus souvent sur la procédure ...
les effets du désistement d'instanceconcernent seulement la procé-
dure; et l'on peut dire avec la Cour que le désistement inet fin
à la procédure n.

Et il cite à ce propos l'affaire relative à l'Administration du prince
von Pless (C.P.J.I. sérieAIB noj9, p. 195) et l'affaire relative à la440 BARCELONA TRACTIOS
Délimitationdss eaux territoriales entrel';le de Castellorizoet les côtes
d'Anatolie (C.1'.J.I. sérieAIno jI, p.4-5);et il ajoute (p. 1115)que Ic
désistement
.ne s'identifie pas avec la renonciati...la renonciation est un
acte intentionnel qui ne produit ses effets que dans 1;i mesure
où ceux-ci sont voulus par le renonçant. Puisque l'effet de la re-
nonciation est l'extinction des droits, la volonté doit êtreinter-
prétéestrfctement et, en cas de doute, elle doit être interprétée
dans un sens favorable au renonçant.»

Et plus loin (p. 187),il ajouaen cas de doute surla question de savoir
s'ily a eu renonciation dans un cas d'espèce,il faut concluàela non-
reEt il en arrive même àdire,à la mêmepage, que

.le principe dela non-présomption [de la renonciation] restreint
dans une certaine mesure la règle particuliere de l'ordre juridique
internatioiial selon laquelle la volonté extérioriséeest la seule
àêtreprise en considératio11.
Retenons donc que lorsqu'il est mis fin à la réclamation aussi, les
parties (art.61%o)u le demandeur (art. 69) ont un choix: soit inclure
une constatation ou une déclarationen cesens dans leurs commuuications
à la Cour, soit se borner dans leurs communicationsà dire qu'elles re-
noncent à I'insrance.
Dans cette deuxième hypothèse, c'est à la partie qui prétend qu'il
y a aussi extinction de la réclamatio?%le prouver. Elle devra le faire
à l'aide d'élémentextérieursàl'actede désistement d'instance lui-même.
1.a iuris~rudence de la Cour sur laauelle s'est Denchémon éminent
contridictéur rie fait que confirmer l'effet rocédiiral d'un
acte notifiant simplement le désistement d'instance.S >ous ne nous
trompons pas, il y eut seulement quatre désistements sur la base de
l'article 69. to:us devant la Cour internationale de Justice. Ils ont eu
lieu dans l'affzjre des Ressortissants lrançais en Egyfite (ordonnance
du 29 mars 1950, C.I.J. Recueil 1550, p. 59). dans l'affaire de la Société
Electricitéde Lleyrouth (ordonnance du 29 juillet1954 ,.I.]: Recueil
(Royaume-Uni), c.Bulgarie) (ordonnance dun3 août 1959, C.I.J. Recueil
1955, p. 264) (et dans l'affaire de l'Incident aériendu 27 juillet 1955
(Etats-Unis d'Amériquec. Bulgarie) (ordonnance du 30 mai 1960, C.I.].
Recueil 1960, p. 146).
Dans trois c.e ces affaires, la partie demanderesse s'est non seule-
ment désistéede l'instance, mais a aussi renoncéla réclamation. Dans
la quatrième, l'affaire de l'Incident aériendu 27 juillet 1955 (Iloyaume-
Uni c. Bulgarie), la partie demanderesse s'est désistéede l'instance
et a en méme temps renoncé à son droit de fairà nouveau recours à
la Cour; tout ertseréservant seulement le droit sur le fond, ellea reconnu
ne pouvoir plu:j le faire valoir devant la Cour. Comme on l'a déjà dit,
ce ne sont pas les ordonnances de la Cour qui sont relevantes pour
établir s'il yi:uabandon d'un droit substantiel de celui qui si: désiste,
mais les comniunications qui ont étéadressées au Greffe. Or, dans
chaczc~dte ces cas, la partie demanderesse a indiqué expressémentpar
des déclarations non équivoques, inséréesdans sa communication à la
Cour, ou bien qu'elle renonçait, dans les trois premiers càsla récla- PLAIDOIRIE DE hl. SERENI 441
mation parce qu'il y avait eu un règlement du différend(cela est dit
dans l'affaire des Ressortissants français en EgyPte et dans l'affaire
de la Société Electricitéde Beyrouth) ou parce que l'on reconnaissait le
bien-fondé d'une exception préliminaire adverse (cela est dit dans la
communication dans l'affaire de l'Incident aériendu 27 juillet 19jj
(Etats-Unis d'Amérique c.Bulgarie)) ou bien que l'on renonçait au droit
de réintroduire l'instance devant la Cour du fait qu'elle se serait déclarée
probablement incompétente (cela est dit dans la communication dans
l'affaire de l'Incident aériendu 27juillet 195(Roymume-Uni c.Bulgarie)).
Le Gouvernement espagnol invoque aussi en faveur de sa thèse les
particularités juridiques d'autres désistements qui ont eu lieu devant
les deux Cours sur la base de l'article 61 du Rèelement de 1022 de la
Cour permanente de Justice iiitcrii:itiunalc. <Ir1':i;tislclis dii l~\gl~iiiciit
de 1930 tic IColir pirniniii.il<it.~iiiticc iiitvrii;itioi.1dr i'.îrtiri<:l;S
rlu l(ccli.rncnt di. 1.1Cour inrcrnatiuiialc dr. III-tire.rii r)rCtcndxnr
que lesparties ont choisi indifféremment pour-ie déskter la forme de
désistement de l'article 68 ou celle de l'article61).En réalité,l'examen
devrait êtrelimité à la comparaison qu'on a faite entre le désistement
d'instance belge et les seules autres communications à la Cour qui
ont eu lieu sur la base de l'article 69; car, de'adinission mêmedu Gou-
vernement espagnol, ce dernier se serait refusé à s'associer au Gou-
vernement belge dans un désistement bilatéral.Maisen tout cas i'analyse
des autres désistements confirme les conclusions que nous avons tirées
de l'analyse des communications faites sur la base de l'article 69. En
effet, il y a eu, sinous,ne nous trompons pas, sept désistements sur
la base de l'article 61 du Règlement de 1922 de la Cour permanente,
deux désistements sur la base de l'article 68 du Règlement de 1936
de la même Cour,et un désistement sur la base de i'article 68 de la
Cour internationale de Justice. Dans toutes ces affaires,il y a eu aussi
renonciation à la réclamation ou tout au moins au droit de réintroduire
l'instance. Et dans toutes ces affaires, sauf une seule, l'affaire Borch-
grave, les parties dans leurs communications à la Cour ne se sont pas
bornées à déclarer qu'ellesse désistaient de l'instaiice, mais ont aussi
domé acte de l'abandon du droit sur le fond. Cela explique que, dans
certaines communications à la Cour, les parties aient déclaré renoncer
à l'action et non seulement se désister de l'instance. Notre éminent
contradicteur voudrait tirer de l'usage de la phrase irenoncer à l'action»
la conclusion que dans le système des articles 6'3et 69 le désistement
de l'action (ou renonciation à la réclamation) et le désistement d'ins-
tance sont la mêmechose. Pour faire cette dérnoustration, il devrait
prouver que l'on aurait employé l'expression«d$!sistementde l'actioii n
dans un cas où l'on aurait fait un désistement d'instance. Inutile de
dire que cette preuve il n'a pas pu l'apporter.
J'espère, apr&s avoir ainsi exposé les ~récédents,que la Cour se
rendra compte de ce qu'est véritablement la thèse belge.
Notre éminent contradicteur, par une sériede déformations, a essayé
de modifiergraduellement notre thèse,nous fait dire ce que nous n'avons
jamais dit et puis il réfute des affirmations qui: nous n'avons jamais
faites, en prétendant ainsi avoir répondu efficacement à la thèse belge.
Je me bornerai à signaler quelques exemples qui illustrent ce procédé
bien étranee.
l>reniiirë dJ/or»t,ilti>>r;\])r;s :ivoir adriiii que le Gouvcrncmc.iit belge
3, dxns son d6iijtcnient d'iiistaiii:e, r;liCt; iiiot 11:~rnio12 forinule4‘12 BARCELOSA TRACTION
de l'article 69 du Règlement. notre contradicteur prétend (voirci-dessus,
p. 82) que le Gouvernement belge - je cite:

iidéclare qu'il ressort à l'évidence pour tout le monde qu'il se
proposait seulement de se désister de la procédure en cours, et
qu'il se rriservait le droit d'introduire de nouveau la requête si
les négociationsentre les intérétsprivés échouaient u.
II est clair que le Gou\~emement belge n'a jamais fait une telle dé-
claration. Il a seulement déclarépar son acte qu'il renonçait à la pro-
cédure engagée.Le droit du Gouvernement belge de réintrodiiire l'ins-
tance n'est pas le résultat d'une réserve que le Gouvernement belge
aurait faite, mais la simple conséquencedu fait que le Gouvernement
belge, par son acte du 23 mars 1g61,n'a accompli qu'un acte de procé-
dure qui ne touche pas à la réclamation.
L)erixiènrdéformation.Le Gouvernement belge - dit notre éminent
contradicteur - voudrait gagner sur deux tableaux: we are trying lo
have il bothways. Xotre adversaire prétend (voir ci-dessus, p. 81) que
d'un cOtéle Gouvernement belge dit que les articles 68 et 651ont une
portée purement procédurale et que, de l'autre, tout en ayant employé
dans l'actedu :?3mars 1961la formule <renonce àpoursuivre l'instance o,
qui est la formule mêmede l'article 69, il voudrait en tirer des conclu-
sions touchant son droit de réintroduire l'affaire. Et cette étrange
accusation il la reprend mêmele 17 mars 1964 (voir ci-dessus, p. 93),
là où il di- ie cite:

t[qu~.]CC f:,i,iint on coiifircr?Iiiii qui scloii 1,i;oii\"rncnient
\,elgclui-nlCiii?isrJe pur, l,roi<:durt.le c:ir;icti.rcci les ehets <I'iine
dc'cijiurirlu3111au font1qui di:terniineli.droits (1c.spartie*.
Est-il besoin designaler àla Courcequ'il ya despécieuxdans ce discours?
Le Gou\rernernent belge dit seulement que son acte du 23 niars 1961
est un acte de procédure; qu'il produit donc son effet propre qui est
de mettre fin ir la procédure; qu'il ne touche pas le fond du droit qui,
par conséquent,n'aétéaucunement affecté du faitdu désistement belge.
Dire qu'un acte ne touche pas au fond du droit, ce n'est certainement
pas lui attribuer des effets sur le fond du droit. C'est auontraire notre
éminent contradicteur qui, comme nous l'avons signalé,voudrait attri-
buer à un acte dont il a reconnu la portée purement procéduralel'effet
d'étendre le droit sur le fond.
Troisième di/ormalion. Notre contradicteur prétend, nous l'avons
démontréplus haut, que le Gouvernement belgeinvoquerait une (je cite)
c~présomptioncoritre l'abandon d'un droit »!Il le dit même deux fois
(le 16 mars,p. 82 ci-dessus; le 17mars, p. IOO ci-dessus). C'est une for-
;nule bien exiraordinaire! Pour réfléchisseo,n se rend compte
qu'ellc est la n6gation pure et simple du principe universellement admis
que lesrenoncidions ni se présument pas.
Dois-je répéter à la Cour que la Belgique n'invoque aucune présomp-
tioii? Elle ne prétend pas que son avis de désistement d'instaiice créait
une présompti~~n contre l'abandon de la réclamation. Le Gouvernement
belge dit que l'acte du 23 mars 1961 est, en droit comme en fait, une
renonciation à la procédure, et que si le Gouvernement espahwol veut
soutenir que 1;~Belgique a en plus renoncé à son droit au fond, c'est
au Gouvernement espagnol qu'il appartient de le prouver, car les renon-
ciations ne se présument pas. PI.AIIIOIRIE DE M. SERENI 443
Quatrième Iléformalion.C'est celleque notre corltradicteur commet en
recourant à son exemple que j'appellerai de la niacliine à sous (voir ci-

articlesp6883et 69 (reglement amiable, désistement bilatéral d'instance,s
désistement unilatéral d'instance) à une machine à sous qui aurait

trois fentes.
Selon lui, la thEse belge consiste dire qu'une de ces fentes porte
l'indication idésistement unilatéralmettant fin à1;1procédureseulement x
et que, puisque le Gouvernement belge a mis sa piècedans cette fente,
il a révélé clairement ses intentions a11Gouverni:ment espagnol qui ne
peut dès lors s'attendre à voir sortir de la machine qu'un désistement
limité à l'instance en cours. Notre contradictetir relève alors avec satis-
f;iction que In macliine n'cip:1de feiitz rnnrqii4e,<<lki;ti:ment iiiiil;it;r.il
mettant fin j.la rCclam;itionr. 1Snconsiqucncc dit-il. I'inti,r~;si:doit
mettre sa pièce dans la même fente, qu'il ait l'intention de renoncer
à la réclamation ou seulement à l'instance en cours.
Or, la Cour n'aura aucune difficulté a se rendre compte que l'exemple
donné par notre contradicteur n'est ni pertinent iii exact. Le Gouveme-
ment belge n'a pas dit que l'article 69 porte I'&tiquette .désistement
d'instance seulement o. 11dit que cet article porte l'étiquette désiste-
ment d'instance u.
Le mécanismedes articles 68 et 69, tel que nous l'avons décrit, ne
se prête pasdu tout à la comparaison faite par notre contradicteur. Le
systkme créé par les articles 68 et 69 aboutit toujours au mêmerésultat:
quelle que soit la communication faite à la Cour, on obtient toujours
une ordonnance qui met fin à la procédure engagée; mais, reprenant
I'exemde de notre adversaire. afin de démontrer tout ce qu'il contient
de sp&cieux, je ferai remarquer que la machine qu'il vÔus présente
est d'un type très particulier car, contrairemeiit aux vraies machines à
sous, vous pouvez mettre dans ses fentes des piècesde valeur différente
et vousobtiendreztoujours la mêmeordonnance de la Cour. Or. Messieurs
les Juges, je ne connais aucune machine qui xrousdonne le mêmepaquet
de ciaarette. aue vous v introduisiez une ~Mced'or ou dix centimes. En
réaliG, l'argument de .notre contradicteûr prouve que ce n'est pe ce
qui sort de la machine ou la machine elle-mêmequi peuvent servir à
nous indiquer I'intention de celui qui s'en sert, c'est-à-dire s'il a eu
I'intention de se désister de l'instance seulement ou aussi et en même
temps de renoncer à la réclamation. Ce sont les piEcesqu'on met dans
la machine. c'est-à-dire les communications aii'on fait à la Cour. ainsi
qiie ce qu'oit n'nitra pas r'i~enruïlleinentdtt en rnett;iiit InpiC\cch Ji,
nincliine, qiii doiiiieroiit la rCpoiicette question.
Si la commiinication se boriic adonner acte du dCsi;tcriieiitd'instaricc.
on fait seulement acte de procédure; rien n'empêcheque l'on déclare
aussi qu'il y a eu renonciation. s'il en est le cas.
Enfin, il me reste à rencontrer, toujours sur le plan théorique, iin
dernier moyen particulièrement ingénieuxdont iln'avait pas étéquestion
dans les exceptions préliminaires et qui a fait son apparition dans la
plaidoirie de mon éminent contradicteur.
On Deut résumer comme suit cet arrniment de la dernière heure:
la que~tiori dit dhistemtnt se Iir&senternii<lefacon pnrticuliérclorsil i?.
comme en l'espèce.la rcq112redorit on sedL:.;i;ta I~it I'ol~jctde certniricj
exceptions préliminaires. En ce cas. 1'Etlrt deinandeiir passçr:iit sii414 BARCELO'IA TRACTION
rUle de défendcur. et notre éminent contradicteur en tire la conclusion
suivante - je citeà la page 106:

n Etant défenderessedans cette dernière procédure [laBelgique]
ne pouvait éviter que ce retrait impliquàt nécessairement.en droit
son abandon à tout droit de répondre aux thèses de l'Espagne ..ii
Cette thèse témoigne d'une singuliiire méconnaissance des riigles
élémentairesdl: procédure.
En premier lieu, c'est un principe généraldu droit de la procédure
qu'après le début d'un procès, rien ne peut étre modifié: la position
des parties est clichée dés l'intentement de l'action ut lite pendente
nihil inizovetur.
En deuxiéme lieu,pour qu'une partie ait la position d'un demandeur,
il faut qu'elle présente au tribunal une demande sur le fond ayant un
objet propre.
Par l'exception, ledéfendeurnedemande pas quelquechose; ils'oppose
à une prétention; il lui dresse un obstacle. L'exception n'a pas de vie
propre; ellen'e-vistequ'en fonction de la demande àlaquelleelle s'oppose,
et disparait avec elle.
Comme l'admet du reste notre éminent contradicteur lui-inème, le
désistement belge avait pour objet l'instance engagée tout entière; il
balayait 1'entii:reprocédure, y compris la procédure incidente concer-
nant les objections préliminaires, puisque celle-ci n'est qu'uri épisode
de l'instance engagée.
La situation est toute différenteen cas de demande reconventionnelle:
1:i(lemande rei:onveritiunncllr \ije i atteindre un objet prolirc:et in&
pendant ; t.11eiic s'oppr~spi ;lIn <lemniidepriiicip~lc, ixiaij sr di.ruiilc
~arnlli!lcmt-nt i clle.1.a 111<lela dern:~ndc »riniii)alc n'c.iiii.airinx
ipso lac10 la fin de la demande reconventionnefle. A
Or, mon éminent contradicteur essaie d'oblitérer cette distinction
élémentaire:avec une désinvolture extraordinaire. il a déba~tiséles
exceptions pri.limin;iircsespa~molcs:il a di.clarc i;ztégoriqucmeniqu'elles
sont des Mderiiandes rccoiiveiition~iellde I'ISs~afnen..\l:~c'est absurde.
C'étaitsans doute pour en arriver à une conClu<ionsi ahurissante pour
des juristes qu'il s'était efforcé.par un long examen de la négociation
diplomatique, de faire accepter sa these que la troisième exception

Belgique serait: défeiideresse. Le professeurKolinarta déjà montré, sousla
un angle un peu différent,ce qu'il fallait penser de cet artifice.
En réalité.rie11ne peut modifier le fait que la partie demanderesse
devant la Cour est la Belgique et que l'exception préliminaire n'est

qu'Ajoutons encore que les précédentsnous montrent que Iorsqu'une
partie demanderesse a renoncé à sa réclamation ou au droit de réintro-
duire l'instance à la suite d'une exception préliminaire, actuelle ou
potentielle, qui lui avait étéopposée,elle l'a dit expressément dans sa
communicatiori de désistement, ce qui aurait étésuperûu si le désiste-
ment comportait automatiquement acquiescement à l'exception. Ainsi,
dans l'affaire relative aux Aaaels contre certains iueenlents du tribunal
nrbitral mixte tchéc~sloua~r~e,"~com motre éminerït contradicteur le
rappelle (voir ci-dessus, p. go), l'agent tchécoslovaque fit savoir àla
Cour queson I:ouvernemëntrenonçait à l'appel parcë que le but pour-
suivi par ce dernier était devenu impossible à atteindre à la suite d'une PI.AIDOIRIE DE hl. SERENI 445
exception préliminaire soulevéepar le Gouvernement hongrois. Dans
l'affaire relativeà l'Incident aérienentre le Royaume-Uni et la Bulgarie,
le Royaume-Uni a indiqué à la Cour qu'il se diisistait de l'instance et
renonçait au droit de réintroduire parce que la Cour aurait probable-
ment accueilli une exception bulgare d'incompétence. Dans l'affaire
relative à l'Incident aérienentre les Etats-Utzis et la Buleorie. les Etats-
~'IIIont conimuniyu~ i 1.Cn~irL1.iil,r~noii~;~ii~t ir13r(cl*ni:trion cn >c:
fo~~cl~i~it~~)rcs~~~tncsuirt~tinou\,el cxain~~~ci,l'~;xc~:~~ti<leIJ l311lg:1rtc
, 1 III~I~III cl I;iCuiir. m.:ci>tion b5.;t!csur 1.îr;srr\i. f.iitI):I~Ici
~tati-unis eux-mêmestouchant'les questions relevant de leur ;ompé-
tence nationale, telle qu'elle est fixéepar les Etats-Unis eux-mêmes.

Bien au contraire. dans la communication de dé:jistementdu Gouverne-
ment belge, il n'y a aucune référenceaux exceptions préliminaires
espagnoles dont l'on puisse inférer, comme le prétend notre adversaire.
que le retrait impliquait l'abandon par la Belgique de tout droit de
répondre aux exceptions préliminaires espagnoles.
Nous avons étéamenés ainsi, par i'examen de ce demier moyen, à
passer du plan,théorique au cas précissoumis à la Cour et en fonction
duquel le demier moyen avait étéexposé.Si, comme nous l'espérons,
la Cour fait sieme l'interprétation que le Gouvernement belge a donnée
de la vortée d'un désistement effectuéconformément à l'article 60 du
~è~lement, la Cour n'aura aucune peine à constater que quand même
la déclarationde désistement seserait limitée à la.reproduction textuelle
des termes «renonce à voursuivre l'instance » aui fieurent à l'article 64.
cette déclaration n'aurait pu, par clle-même,prodzre d'autre effet q&
celui de mettre un terme à l'instance.
Le Gouvernement esvarnol s'en rend cornote et var conséauent il
prétend - dans sa preiièÏe thèse - que les c&const&ces indiqÛeraient
qu'il y avait eu une renonciation à l'action mais, d'autre part, le Gouver-
nemint esvam.l..'a mêmevas tenté de ~réciser auils autres actes
ou ilicl;imrtoni du (;ou\.,rnciiir,iit I)t>Ip.o;Iiicllt:ii;rrcs circoi~~tniicr~
coiiiliiir~icnr:ii~~ltli~.ftrIc'~\iirencc J'UIInite iul.idiilue indt:p~iiJ:tIC
a.rIiii<lu<I<.,i,t-iii~:ti(tl'i~isrdux tja l~:uuclle LLiuvcru<;nicntIIC&ur.ut
marqué sa volonté de renoncerAaussi 2 la réclaniation devantya Cour.
A ce sujet, il est intéressant de constater que notre contradicteur
fait dater la prétendue renonciation à la réclamation devant la Cour
du jour du désistement: 23 mars 1961. par sa première et sa deuxième
thèse. Il en résulte que jusqu'au 22 mars, la réclamation belge, selon
lui, n'avait uas étéabondonnée.Il faudrait donc admettre qu'il v aurait

qGserait venue à la réalisation au moment mêmeoù se produisait le
désistement d'instance. Il est clair qu'il appartiendrait au Gouvernement
espagnol de préciser les actes, déclarations ou faits qui établiraient
cette volonté du Gouvernement belge. Or il n'y en a pas trace dans
l'exposéqui a étéfait à la Cour.
En réalité,l'interprétation que le Gouverrienient espagnol prétend
donner au désistement d'instance sur la base des circonstances repose
*:nderi.i+rt. :itc.~Iyvcxcli~jiveni~titsur/</01/ 11<:dat11e I':~bscitced'i~icli-
ni r 1 u~ir~iti~iir I l 'il SC rra vil c.ij il'ii.hidc.
iiixoci:irioiis pri\.;,e., d'iiitr~duir~:uiie noti\.~,ll~i:<.<iii;tr..(I,iIc..
seiles circons~ancesqu'il peut iiivoquer. Cefaisant, il se met en flagrante
contradiction avec le caractère purement procécluralque dans la première446 B.4RCELONA TRACTIOX
partie de sa plaidoirie il a, lui-même.attribué au désistement belge;
et, par une de ces volte-face dont sa plaidoirie fourmille, il essaie év-
demment de reprendre son autre thèse selon laquelle la partie qui se
désiste perdrait le droit de réintroduire l'instance si elle ne se l'était
pas réservé.
Au surplus le Gouvernement belge ne s'était pas limité à utiliser
les termes mêmesde l'article 69 du Règlement. Sa déclaration contenait
l'indication que le désistement était effectué cà la demande des ressor-
tissants belges dont la protection a motivél'introduction de l'instance ».
Comme l'a démontréM.le professeur Van Ryn, pour l'Espagne les mots

relevésdans la déclaration belge marquaient clairement que le désiste-
ment d'instance était motivé par le désir de ne pas s'opposer à une
négociation entre les groupes privés sans exclure la possibilité d'intro-
duire une nouvelle instance si cette négociationéchouait.
Cette indication excluait nettement aussi, et par identité de motifs.
l'interprétation actuellement suggéréesuivant laquelle le Gouvernement
espagnol devait nécessairement considérer que l'attitude belge était
motivée par l'admission du bien-fondé des exceptions prélirninaires.
Cette prétendui?conviction du Gouvernement espagnol dont oion con-
tradicteur voudrait se faire l'interprète aujourd'hui, est du reste con-
sidérablement en retrait par rapport à la conviction différente que le
Gouvernement esAauol ex~rimait dans sa circulaire à ses chefs de
postes diplomatiques du ;3 avril 1961 (annexes espagnoles no 76)
dont il a étédonnélecture et suivant laquelle le Gouvememc.nt belge
aurait abandonné les graves accusations portées contre la magistrature
et l'administration espagnoles.
On ne pouvait certes attribuer pareil sentiment aux ressortissaufs
belges à la demande desquels le Gouvernement belge déclarait expresse-
ment se désister. Il était peu raisonnable d'imaginer qu'au moment où
ils allaient tenter d'arriverà un accord par une négociation privée ils
auraient renoncé définitivement à toute possibilité pour le Gouyerne-
ment belge de leur renouveler en cas d'échec la protection qui leur
avait été accordée antérieurement. En tout cas, si le Gouvernement
espagnol avait quelque doute sur la signification de la mention faite
par le Gouveniement belge d'une demande des ressortissants belges,
c'est à lui m'il incombait de demander à cet é~arddes exr>lications
~om~lément~ires,et on ne peut considérercommëacceptable-Vexplica-
tion de son silence donnéepar notre éminent contradicteur que

c... le Goiivernement es~aenol n'v a Das vu antre chose aue la
notification d'un fait ouLqu'une formde diplomatique destinée à
justifier, aux veux du public, la décisiondu Gouvernement belge
&emettre hn a l'affaire; (p112 ci-dessus).

Cette explication tardive du Gouvernement espagnol est iiu reste,
constatons-le..en l.in necontradiction avec la thèse espa.no.. au para-
çr;iplic113 dc I:Ip:~g<1,.35des ~~xcr~>tioi}isriliiiiiilntl,,>cl011I:l<lllr.llt
13 formule dii iI;si;tcment i6tablisssit esprissimeiit III!lien eiitrr Ic
désistement d'instance et les ~A.marlers aÜe menaient hors du métoire
les ressortissants belgesn.
Je pense avoir ainsi répondu d'une façon que j'espère complète à la
première thèse du Gonvernement espagnol rappelée au début de mon
exposé. PLAIDOIRIE DE al. SKRESI 447

Xous en venons ainsi la deuxième thèse suivant laquelle, faute de
réserve expresse ou tacite à introduire une nouvelle requête, le désiste-
ment belge impliquerait renonciation à ce droit. Comme je l'ai dit au
début de ma plaidoirie, il suffit de lui opposer les affirmations répétées
de notre émineiit contradicteur lui-mêmequant au caractère purement
procédural du désistement prévu par l'article 69 du Règlement.
En réalité, la deuxième thèse aboutit ni plus ni moins à lire dans
l'articl69 du Règlement de la Cour un troisième paragraphe qui serait,
j'imagine, libellé comme suit: nLa partie denianderesse qui se sera
désistéesera censée avoir renoncé à introduire pour les mêmes faits
une nouvelle requêtedevant la Cour, à moins qu'elle ne se soit expressé-
ment ou tacitement réservéce droit. iiCe troisième paragraphe n'est

pas dans l'article. Son adoption pourrait peut-être êtreprise en consi-
dération le jour où la Cour procéderait à la revision de son Règlement,
mais je ne vois pas comment on pourrait, par voie d'interprétation. ou
plus exactement par voie d'imagination, considéri:rce paragraphe comme
étant en vi,-eur.
Eii~in,IC ~l<:airc,r.,lir~Cii,:or~~UC~I~I IVuS-. ilc+lx troiii6iiii- 11ii.i~.
Solrr ~111i111.~:t~ntr,l~ii~t~,'itrxl~rili:L1:t.,~lj?coninlc ,1111:I'ullr
,.iiipFclicr Ic C;oiiv~rii~~ni~.In)dclr~iiitri~iliiii~iiiit3iiic. dit-il,
«il suffirait amplement de montrer ...que la Belgique ...avait agi

afin d'amener l'Espagne à consentir au désistement parce qu'elle
croyait qu'ainsi faisant, elle consentait au retrait définitif de la
plainte belge devant votre juridiction n (p. 100 ci-dessus).
Comme nous l'avons sienalé. la deuxième conclusion en droit oue
prend notre contradicteur-précise très nettement la manière dont' le
Gouvernement belge aurait amené le Gouvernement espannol à cette
crovance: c'est ence lui indiauant oas au'il se désistait de-l'instance sans

se désister de son action.
Cette troisième thèse s'appuie doncsur la deuxième, dont nous venons
de dire au'elle ne résistait Dasà l'examen.
Néanmoins, nous répond>onsencore sommairement aux arguments de
droit sur lesquels il prétend, dans la troisième conclusion en droit,
fonder cette thèse. Il invoque à ce propos les maximes alleganscontraria
non ai6diendusest et venire contra factum $ro$rium non valet. Comme
sources de droit il cite les décisionsrendues par la Cour dans les affaires
de la Sentence arbitralerendue $ar le roi d'Espagne le 23 décembre 1906
(C.I.J. Recueil 1960, p. 213-214) et du Tem$le de Préah Vihéar, dans
lesquelles la Cour a appliqué le principe alleganscontrari~znon audiendus
est.
Notre éminent adversaire n'a pas voulu entrer dans une discussion
juridique étendue de sa troisième thèse. Nous ne le ferons pas non plus.
Nous nous bornerons à répondre à ce qu'il a dit:, sur le plan juridique,
sans déborder du cadre de ses remarques. La <liscusdon en sera ainsi

terminée.
On a déjà démontré que les termes du désistement, selon le sens
.clair et naturel des mots employés et par leur référenceà l'article 69
du Règlement, indiquaient d'une manière non éqiiivoqueque la Belgique
entendait se désister de l'instance. Le professeur Van Ryn et moi nous
avons aussi déniontréque les circonstances de fait, de mêmeque les
.circonstances juridiques particulières dans lesquelles le désistement a
-eu lieu confirment que le désistement d'instance du 23 mars 1961 ne418 BARCELOSA TRACTlOS
s'accompagnait d'aucune renonciation au droit et que le Gouvernement
espamol n'avait aucune raison de croire qu'il y avait eu une telle renoii-
ciâtion. . .
On a aussi remarqué que le Gouvernement espagnol n'a pas «acceptés
le désistement d'instance comme il le prétend maintenant. Il n'y a pas
fait opposition. On ne comprend pas comment la non-opposition à un
désistement d'instance puisse avoir la force juridique de transformer
celui-ci en une renonciation à la réclamation qui n'a éténi voulue ni
déclarée.Et cela d'autant ~lus aue notre contradicteur n'accuse Das le
Gouvernement belged'avoi; fait des déclarationsfausses ou frautlu&uses,
d'avoir déclartau Gouvernement espamol qu'il renonçait à la réclama-
tion. II l'accuse.au contraire. de s'en è?retenu àla formule ~rescrite Dar
le Réglement Ans tous les cas de désistement en laissant'à 1'~spagne
le soin de découvrir si ce désistement devait ou non &tre délinitif. Il
ajoute que

"le Gouvernement belee n'a rien dit au Gouvernement espamol
pour l'avertir ou lui lazser entendre d'une maniere quelconq;eque
le désistemizntne mettait pas définitivementfin à toutela procédure
engagée degant la Cour B-
Et alors, si l'on invoqueles principes venire contrafactzcmproprium non
valet,allegans contraria non audiendus est, quels sont les faits, quelles
sont les allégations que le Gouvernement belge aurait reniés 011contre-
dits du fait dedire et de répéter maintenantque son désistement d'ins-
tance a étéet est un désistement d'instance? Messieurs de la Cour,
il n'y ena pas. Le Gouvernement belge a voulu se désisterde l'instance;
il a déclaréqii'il se désistait de l'instance; il maintient et confirme
maintenant son intention, sa déclaration.

[Audience publiqzredu IO avril 1964, après-midi]

A la fin de la matinée, j'avaisremarquéque les principes venirecontra
iactuinarobriunl no?$ualet,et alle~anscontraria nonarrdiendusest, ne sont
pas opi>os~blesau Gouve'rneme<t belge. Il me reste à examintir sur ce
oint les arrêtsde la Cour citéspar notre contradicteur. Ils sont deux:
d'Espagne,et l'affaire relative au Templede PréahVihéar.reitdue par le roi
Dans l'affaire de la Sentencearbitrale rendue par leroi d'Espagne, le
Nicaragua avait:étépartie contre le Honduras à un différendde frontière
tranché par une décisionarbitrale du roi d'Espagne en 1906.
Presque 50 ans aprés, le Nicaragua contesta devant cette Cour la
validité de la décision arbitrale et la Cour constata, dans son arrêt
du 18 novembre 1960 (C.I.J. Recueil 1960, p. 212) que - je cite:

ale Nicaratva a pris connaissance de la sentence ..et le19 nlars1912
ila t,sl,riG;éi reprises au Honduras sa satisf;;~tion de'ce
que le diliérend relatif .2 la <l4limitntion des frontiéres entre Irs
dciiu pays eiit été<IL:iiniiivcriit~tglépar \.oie d'arbitragea.
La Cour en tira la conclusion suivante (C.I.J. Recueil 1960. p. 213)
-je cite:

iDe l'avis de la Cour, le Nicaragua a, par ses déclarations expres-
ses et par son comportement, reconnu le caractére valable de la PLAlDOIRlE DE 31. SERESI 449

sentence et il n'est plus en droit de revenir sur cette reconnaissance
pour contester la vâlidité de la sentence. Le fait que le Nicaragua
n'ait émisde doute quant ila validitéde la sentence que plusieurs
années apr6s avoir pr~sconnaissance de soritexte complet Confirme
la conclusion à laquelle la Cour est parveiiue.D

Donc, selon la Cour, le Nicaragua avait fait actede veconnaissnncede
la sentence. 11ne pouvait plus renier sa reconnaijsance.
Dans l'affaire relative au Templede PréahVihdaéa ilr,était question de
la valeur à attribuer à une carte topographiqiie. Une convention de
frontiérede 1904 entre la France, en tant qu'Etat protecteur du Cani-
bodee. et le Siam. fixait des critéresoour la délimitation de la frontiere
selon lesquels le temple aurait dù & trouver eii territoire thaïlandais.
Mais une carte rédigéepar un membre français clela Commissioiimixte
franco-siamoise aui. aux termes du mêmetraité de 1404. avait la tâche
d'établir le trac6 exact de la frontiére, plaçait le tém$e en territoire
cambodgien. La carte n'avait pas étéofficiellement adoptéepar la Com-
mission mixte, mais elle avait étéremise aux autorités siamoises au
moins depuis 1908 Ce ne fut que plus de 30 ans plus tard que la Thaï-
lande prétendit que le temple de Préah Vihéar était sur son temtoire.
Comme l'a dit la Cour (C.I.J. Recueil 1962, p. 22) -je cite:
.Le vrai probl6me. et le problème essentiel en I'esphce, est
donc de savoir si les Parties ont adoptéla ctirte de l'annexe 1, et la
ligne qu'elle indique ... conférant ainsi iin caractère obligatoire à
cette carte.u

Sur la base de l'examen du comportement des Parties successif à la
communication de la carte aux autorités siarnoises, la Cour a répondu
à la question par l'affirmative en remarquant (C.I.J. Recueil 1962, p. 23):

cil est clair que les circonstances étaient de nature à appeler dans
un délai raisonnable une réactionde la art des autorités siamoises.
au cas où celles-ci auraient voulu contister la carte ou auraient eu
de graves questions à soulever à son égarii. Or, elles n'ont rnagi
ni à l'époqueni pendant de nombreuses années et l'on doit, de
ce fait, conclure à leur acquiescement. Qui tacel coltsentirevidetzrr
si loqiridebrcissetac pofnissen.
11y a donc eu acquiescementde la part de la Thaïlande. Et ensuite
I'arrétrépète(p. 26) que les autorités siamoises iont reçu en son temps
la cartede l'annexe 1et ...l'ontacceptée o;que (p.30-31),il y a eu recoli-
naissance tncite par le Siam de la souveraiiieté du Cambodge (souspro-
tectorat français)»;que (p. 33) iila conduite ultérieure de la Thaïlande
a confirméet corroboré sonacceplaliorsinitiale et que les actes accomplis
par la Thaïlande sur les lieux n'ont pas suffià 1';mnuler».
Le principe que l'on dégagede ces deux décisionsde la Cour est donc
le suivant: lorsqu'une partie, à laquelle on a ci~mmuniquéun acte ou
un fait a ~rocédé à cla reconnaissance D ou à 8l'acauiescement i,de cet
acte ou de'ce fair; lorsrlucla p:irrie a rii:iiiifestL'oiitle'toiite m:inikrï pré12
iori «scquiescemeiit »,elle nc petit plus revenir sur sn recoiinaiis~nzï.
sur son acceptation.
Si l'on compare les situations qui ont étéexaminéespar la Cour dans
les deux décisionscitéesavec celle existant au moment où le Gouver-
nement belge s'est désistéde son instance, on constate une différence49 BARCELOKA TRACTIOK

radicale. Le désistement belge est un acte autonome; il ne constitue ni
une reconnaissance ni une acceptation d'actes ou de faits antérieurs
émanant du Gouvernement espagnol par lesquels on prétendait que le
Gouvernement I~elgeaurait renoncé à sa réclamation; le Gouvernement
belge n'a pas prêtéson acquiescement àde tels actes ou faits parce qu'il
n'y en avait pas. En appliquant l'adage Venire contrajactum @ropriz~nt
?cernapotest au Gouvernement espagnol (pas au Gouvemement belge),
on devrait plutijt en conclure que c'est le Gouvernement espapol qui
iie peut plus revenir sui sa déclarationde non-opposition (ou acceptation,
comme ill'appi:lle) du désistement d'instance belge dans laquelle (la
déclaration espagnole) il s'est borné à déclarer à la Cour que:
nen réponse à votre communication ... de la lettre de l'asent du

l'instance ...le Gouvernement espagnol, conformément àà l'article 69

du Règlement, ne formule pas d'opposition II.
C'est au Gouvernement espagnol que l'on doit dire: Nemo potest venire
colttrafactum proprium.
La troisième Ihèseespagnole est donc elle aussi mal fondée.
II me reste à dire quelques mots sur l'argument subsidiaire espagnol,
à savoir i'inconl~atibilité aui existerait entre le fait d'introdiiire une
nouvelle requêt et les dispositions du traité hispano-belge de 1927.
Dans les exceptions préliminaires (1.P. 146 et suiv.), l'adversaire avait
soutenu en substancequ'il ne serait'p& possible de faire dans un même
litige un double usage des voies de recours prévues dans le traité sans
l'accord des deux parties.
En réponse à cet argument, le Gouvernement belge a soulignédans
son mémoiretrois points. Premièrement: le traité a pour objet d'assurer
le règlement de «tous les litiges ou conflits » (comme il le cite dans
l'article1).ode tous les litiees entre les hautes ~arties contractantes de
quelque nature qu'ils soient, an sujet desqneÎs les parties se contes-
teraient récipro(luement un droit ».et il existe un différend entre les
parties, coime-le traité le répète dans l'article z. Deuxièmement:
afin que l'une des parties puisse saisir la Cour internationale de Justice
par voie de requêteunilatérale, tout ce que le traité exige, c'est.qu'une
des parties n'use de cette voie qu'après avoirproposé à l'autre la conclu-
sion d'un compromis, et après l'expiration de certains délais. C'est
ainsi qu'a procédé leGouvemement belge. Troisi6mement: le traité, en
soumettant les parties à la juridiction de la Cour, les soumet aussi aux
dispositions de :;on Règlement et aux conséquences qu'ellesrattachent
aux actes dc procédure faits par les parties devant la Cour. Ilonc, le
désistement du !Gouvernementbelge n'est qu'un désistement d'instance,
parce que c'est là le sens de son acte selon l'article 69 du Règlement.
Les argunienis avancés par le Gouvernement espagnol dans son
exception c ré liminaireont étéuratiauement abandonnés dans la
l~la~Joirit(:1,;tiotrv ~.tn~tOII~I:II~CI<L.31;iiil reco~~r i III.trgult~rlit
iiuii\.<~oqui r~t. 1. r t ln r n Illit I I 1~t:rait;<Itiqr;
est soumis au R<!glementde la Cour » que, par conséquent,lune paÏtie
qui interrompt laprocédure instituée aux termes du traité doit néces-
sairement le faire en vertu des articles 68 et 69 n(voir ci-dessus, p. 118).
Mais ces articles. aioute-t-il. concernent la Drocédurevisant à clore
l'instance, pasà I'intrGduire. réponse à cet &range argument est que
le Règlement de procédurede la Cour, auquel ces dispositions du traité PLAIDOIRIE DE M. SEREXI 451

de 1927 sont soumises, admet par ces articles la réintroduction de I'ins-
tance et, d'autre part, l'article 31du Règlement de la Coiir dispose que:

iiLes dispositions des sections 1, 2 et 4 du prfsent titre sont
établies sous réserve de l'adoption par la Cour des niodificat'ions
ou additions particulières qui lui seraient proposéesd'un commun
accord par les parties et que la Coiirestimerait appropriéesà l'affaire
et aux circonstances. ii

L'article 69se trouve dans la sectioii I sus\risée.Pour que les effets
normaux de ce texte puissent ètre modifiésdans un cas où la compétence
de la Cour est invoquée sur la base du traité de 1927. il parait donc
indispensable au'une ~ro~osition soit faite d'accord entre les ~arties et
quecette propbsition%t;eçu l'agrémentde la Cour.
Notre éminent contradicteur remarque aussi qu'il serait difficilequ'une
partie pût saisir la Courpar voiede requêteunilatérale,aprèsdésistement
d'instance, si la juridiction de la Cour se fondait sur un coinpromis.
Un nouveau compromis, c'est-à-dire un nouvel accord entre les parties.
serait nécessaireafin aue la Cour pût être à nouveau saisie. i.,auAà
ce point, on pourrait êtremêmed'accord. Mais il ajoute, et là nous ne
sommes plus d'accord, qiie ((letraité de 1927 est un autre cas de la même
espècea jvoir ci-dessus; p. 118). Or. ce iipprochement est tout à fait
faux et arbitraire. Bien au contraire, le traité de 1927 a voulu éviter le
danger que la Cour ne pUt pas êtresaisie lorsqu'une partie, comme l'a
fait d'ailleurs l'Espagne, se refusà signer un conipromis. C'estpour cette
raison que le traité donne à chacune des deux parties le droit de saisir
la Cour par voie de requête unilatérale, et c'est de ce droit que le
Gouvernement belge s'est prévalu tant à l'occasion de sa première que
de sa nouvelle requête.
Enfin, notre contradicteur prétend que les protestations de l'Espagne
contre l'intervention di~lomatiuue de la Belrriaue et son exception
préliminaire relative au'non-kp;isement des Gies de recours internes
seraient des demandes reconuentionnelles, en anglais coirntercloims,et que
la Belgique ne pourrait pas clore la procéduresans, par là même, Nabin-
donner sesdéfensesenfacedesdemandesreconveritionnelles de l'Espagne 1,
(voir ci-dessus, p.119).
La Cour m'excusera si je me dispeiisede répondre à un tel argument.
car notre éminent contradicteur ne fait que soulever à ce point, encore
une fois, l'argument de l'inversion des rôles auquel oii a déjà donnéune
réponseadéquate.
J'en suis arrivé ainsià la fin de mon exposé. Mes thèses peuvent se
résumer, je pense, de la manièresuivante.
Premi&rement, l'acte du Gouvernement belge du 21 mars 1061n'est
qu'un désistement d'instance, acte de procédÜrepuret simplé,qui ne
touche pas au droit de réclamation.
Deuxièmement, par l'acte du 21 mars 1461. le Gouvernement belge
a terniini. la P~~~&Ïur~I.Iil's pas ihaiidom& c3 rC:cIaniiition.
l'roisiemcinent, ni les circonstances relati\.ci cc di.sistement. iiises
tt.rmçs, ni le traitéIii;p;uii~-hçlgryz; ne font obitacle:1I'introdiictiuii
de la I~O~I~CrIcIqCuLtr.(lu Gouvernément belge.
Soiis nuiii rcicr\,inIrdruit <lerL:poiidreen J$:.t:iiiiosc~ntr:~dict~.iir~
:iprC\sICUr~Culi(1ue.et de nous ~>rL:\,nlùi(rI.ni~,la mcsuic uiidc, i>l;iidoiric>
uïtérieures de nos adversaire; le rendiaient nécessaire, de tous autres BARCELOSA TRACTIOS
452
faits ressortant des documents produits et de toutes autres thèses fon-
déessut ces faits.
Xous concluons: Plaise à la Cour rejeter l'exception préliminaire
no r du Gouverriement espagnol.
Mondeur le Président, Messieursde la Cour. je vous remercie. PLAIDOIRIEDE Mm'BASTID

CONSEIL DU GOUVEKNEMEPIT I3ELGE

[Audience publique du IO avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs les Juges, avant d'examiner l'argu-
tion préliminaire no 2, je voudrais, avec votre permission, rappeler quel-

est pour le Gouvernement belge le fondement de la compétence de la
Cour pour connaître de la présenteaffaire.
La Belgique et l'Espagne ont signé,le 19 juillet 1927, un traité de
conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage qui estentréen vigueur
le 23 mai 1928par échangedes ratifications, corifornément aux disposi-
tions du traité. Le texte en est reproduit à l'annexe I au mémoiredu
Gouvernement belge. au tome 1des annexes.
Ce traité a étéc;>n'clpour une duréede dix ans; il stipule, à l'arti-
cle 24.que s'il n'est pas dénoncé six moisavant l'expiration de ce délai,
il sera considérécomme renouvelépour une ~eriode de dix années et
ainsi de suite.
Ni l'Espagne ni la Belgique n'ont uséde la facultéde dénonciationet,
dans ces conditions, letraité a étérenouvelé successivement pour une
périodede dix années le23 mai 1938, le 23 mai 1948 et enfin le 23 mai
19j8.
A ladatedu dépôtdela requêtedi1Gouvenienient belge, soit le 19juin
1962, le traité était, aux termes mêmesde cet instrument, un traité
en vigueur.
Ce traite est qualifié,dans son titre même,dt: ctraité de conciliation,
de règlement judiciaire et d'arbitrage,, et il contient notamment les
dispositions suivantes. .
D'aprèsl'article 2, alinéarPr:

rTous litiges entre les Hantes Parties contractnntes, de quelque
nature qu'ils soient, an sujet desquels les Parties se contesteraient
réciproquement un droit et qui n'auraient pu êtreréglés à l'amiable
par les procédés diplomatiques ordinaires, seront soumis pour
jugement soit à un tribunal arbitral, soità la Cour permanente de
Justice internationale.»

L'article 17 détermine dans quelles conditions s'opére l'option entre
le recours à l'arbitrage et le recours a la juridiction internationale, Le
paragraphe Iest ainsi conçu:

«A défaut de conciliation devant la (:ommission permanente
de conciliation, la contestation sera souinise soit à un tribunal
arbitral, soit à la Cour permanente de Justice internationale,
suivant les stipulations de l'articzedu présent traité.»454 BARCELONA TRACTIOK
Et le paragraphe 2:

iiEn ce cas comme dans celui où il n'y aurait pas ûu recours
préalable à la commission permanente de conciliation, les Parties
établiront de commun accord le compromis déférant le litige à
la Cour permanente de Justice internationale ou désignant des
arbitres..11

Donc il y a là la possibilitéd'une saisine par compromis soit d'arbitres,
soit de la Cour permanente.
- Enfin, le paragraphe 4 dispose:
a Si le conipromis n'est pas arrèté dans les trois mois à compter
du jour où I'une des Parties aura étésaisie de la demande aux fins
de rPglement judiciaire, chaque Partie pourra, apres préavis d'un
mois.porterdirectement par voie derequêtela contestation devant la
Cour permaiiente de Justice internationale. »

Ainsile traitéIiispano-belge de 1927prévoit-il,après l'échecde propo-
sitions tendant à saisir d'accord soit des arbitres, soit la juridiction
internationale, après le respect de certains délais, le droit de saisir la
Cour permanente de Justice internationale par voiede requêteunilatérale.
A la date du dépôt de la requête du Gouvernement belge dans la
présente affaire, la Belgique et l'Espagne étaient, I'une et l'autre,
Tvlembresdes Xations Unies. Par conséquent, aux termes de la Charte,
qui fait droit dans leurs rapports mutuels, ces deux Etats. suivant
l'article 93 de la Charte, étaient et sont .ipsfacto parties au Statut de
la Cour internationale de Justiceo. Et l'article 92 de la Charte stipule
que la Cour uforictionne conformément à un Statut établi sur la base
du Statut de la Cour permanente de Justice internationale et annexé à
la présente Charte dont il fait partie intégrantea.
Le Statut de la Cour,comme laCharte, faitdoncdroit dans les rapports
entre l'Espagne st la Belgique, également Membres des Nations Unies.
Or, l'article 37 duÇtntut de la Cour dispose:

<iLorsqu'un traité ou une convention en vigueur prévoit le renvoi
à une juridiction que devait instituer la Sociétédes Natio~isou à
la Cour permanente de Justice internationale, la Cour internationale
de Justice constituera cette juridiction entre les parties au présent
Statut. »
Le Gouvernement belge considkre que le traité hispaiio-belge de 1927
rentre dans le cadre de l'article 37.
En effet, ce traité est un traité en vigueur. Nprévoit le renvoi» entre
l'Espagne et la Belgique à la Cour permanente de Justice internationale.
donc cette attribution de compétence s'étend aujourd'hui à la Cour
internationale de Justice par l'effet de i'article 37 du Statut dlaCour.
La Belgique est donc en droit de saisir la Cour internationale de Justice
par requêteunilatérale, conformément aux dispositions de l'article 17,
paragraphe 4, du traité,à condition de respecter par ailleurs les disposi-
tions de ce traité.
Tel est, Monsieur le Président, pour le Gouvernement belge le,fonde-
ment de la juridiction obligatoire de la Cour dans cette affaire. Ce
fondement résullede lacombinaison de deux traités, un traité bilatéral,
et un traité mulrilatéral. auxquels la Belgique et l'Espagne ont l'une et PLAIDOIKIE DL almC BAS'CID 455
l'autre donnéleur consentement. tlinsi, comnie il est de règle,la compé-
tence de la Cour résultedu consentenient des Etats en litige.
Si j'ai abuséde la patience de la Cour en reprenant une argumentation
dont l'essentiel se trouve aux paragraphes 265 à 268 du mémoiredu
Gouvernement belge (1)et aux paragraphes 57 à 59desobservationsen ré-
ponse aux exceptions préliminaires (1),c'est que le résumé quien a été fait
le 18 mars au début de l'exposéde mon savant contradicteur et qui se
trouve à la page 122 ci-dessus, en donne une image qui est quelque
peu déformée.Je ne veux pas maintenant in'ftendre sur la manièredont

Gouvernement espagnol; par contre. je voudrais retracer aussi exacte-du

ment que possible la position que le Gouvernement espagnol entend
adopter en opposant l'exception préliminairenC1 2.
Je m'attacherai tout d'abord, Monsieur le Président, à l'exception
préliminaire principale.
Monsieur le Présiderit, dans l'exception préliminaire principaleno 2,
IV (;oiiverncnicnt cip:igiiol prcientc unï tliè.;~.qui :r subi <~iielquei
r,?loii<liciitreI'cup,~;qui ;iLttif:iid~wantvotre Cour t.tles i:sicptioni
rln~iir. la on I r t I;itlir\s,11Couv<:riieniéiite.;p;ignol
acertainement heaucoiip plus de rigueur et je me borrierai à la conddérer
telle qu'elle a étéprésentéedevant la Cour. Puis-je vous demander,
Monsieur le Président, de m'autoriser à citer le passage dans lequel, au
début de l'exposédu 18 mars qui se trouve ?Lla page 122 ci-dessus,
a étédéfiniela position du Gouvernement espagnol:
«Le Gouvernement espagnol conteste que l'article 37 du Statut
de la Cour ait pu avoir pour effet de transférer la juridiction obli-
gatoire de la Cour permanente, telle qu'elle est prévue à l'article 17,
alinéa 4. du traité hispano-belge à la Coiirinternationale de Justice,
et ceci pour la raison évidente que l'article 17, alinéa 4, du traité
hispano-belge a étérendu caduc à I'époqueoù l'article 37 du Statut
de la Cour aurait pu lui êtreappliqué,et parce qu'il n'y a pas lieu
de présumer que i'article 37 fîit en mesure de faire renaître cette
disposition caduque à l'époque où I'lSspagne devenait partie au
Statut de la nouvelle Cour en rgjg .

Alonsieur le Président, si l'on entreprenait l'exégèsegrammaticale
de cette affirmation, on constaterait avec surprise que notre savant
contradicteur paraît situer la caducité de l'article 17, alinéa 4, du
traité hispano-belge précisément à l'époqueoù i'article 37 du Statut
de la Cour airraipu Irii êtreappliqué,ce qui, eii réalité,contredit toute
son argumentation ultérieure; mais j'estime raisonnable d'appliquer
à l'exposéde la Partie adverse la règlesuivant laquelle l'interprétation
d'un texte obscur doit se faire en considération du contexte. Or il est
clair, et il a étéaffirmià plusieurs reprises, que pour le Gouvernement
espagnol la caducitéde l'article 17,alinéa 4, du traité hispano-belge date
de la disparition de la Cour permanente de Justice internationale. C'est
donc ainsi que j'envisagerai, que je comprendrai, la thèsede mon savant
contradicteur.
Quatre autres élémentsviennent compléter et, eut-êt reéme,com-
pliquer cette position principale. Tout d':ibr>rd,à diverses reprises,
mon savant contradicteur a déclaréqu'à la date de la disparition de
la Cour permanente l'article 17, alinéa 4, était devenu - je cite -
,<caduc in- je cite encore - «abrogé », - je cite encore - o nul», -456 BARCELOSA TRACTION
je cite encore - «inapplicable », et on trouve des exemples de l'usage
de ces adjectifs divers aux pages 126 et 178 ci-dessus.
Second élément:la Partie adverse tire de la caducité le principe que
l'article 37 du Statut de la Cour, visant les parties au présent Statut,
ne concerne que les Membres originaires des Nations Unies et ie renvoie.
notamment, au compte rendu dÜ 18 mars, page 132.
Troisième élénientcomplémentaire de la thèse principale: la Partie
adverse reconnaît expressément que le traité de 1927 eit un traité en
vigueur -je cite- rrpour la plupart de ses disposition»,sans d'ailleurs
donner d'indications tres precises sur ce que seraient les dispositions
qui continueraient à faire droit dans les rapports entre la Be1 0'que et
l'Espagne. Je renvoie notamment à la page 158 ci-dessus.
Enfin, quatrierne élément,
iiLe Gouvernement espagnol tient à affirmer fermement qu'en
aucun moment un acte ou une déclaration de sa part n'a pu faire
supposer qui: l'Espagne avait consenti à ce que la Cour internatio-
nale de Justice soit substituée à la Cour permanente de Justice
internationale our connaitre du différend opposant l'Espagne à
la Belgique. :(8 161 ci-dessus.)
En conclusion, le Gouvernement espagnol déclare que l'article 37 du
Statut n'a pu rktablir la validité de l'article 17, alinéa 4, du traité
hispano-belge (p. 178 ci-dessus).Donc, selon la Partie adverse, il n'aurait
pas existéde lien de juridiction obligatoire entre la Belgique et l'Espagne
à la date du dépOtde la requête.
Il apparaît donc clairement de ce résuméde la thèse espagnole que
la base de toute l'argumentation de l'exception préliminaire principale
no 2 est la thèse de la caducité de l'article 17, paragraphe 4, du traité
hispano-belge, ca.ducitéqui est intervenue à la date de la dissolution
de la Cour permanente de Justice internationale,
Cette thèse, Monsieur le Président, s'appuie essentiellement sur les
motifs qui ont (:tédonnés par la Cour dans l'arrêtdu 26 mai 1959.
rendu dans l'affairede l'l~cident aérien entreIsraël et la Bulgarie (C.I.J.
Recz6eil1959,p. 127et suiv.). Dans cet arrêt étaiten question l'interpré-
tation de l'article 36, paragraphe 5, du Statut. Le Gouvernement belge
a déjàlonguemeiit exposé dans ses observations écrites les raisons pour
lesquelles il estirne que l'interprétation du Statut donnée à propos de
l'article 36, paragraphe 5,est inapplicable à l'interprétation de I'arti-
cle37 du Statut [luiest seuleen causedanscetteaffaire. Je renvoie sur ce
point aux observations du Gouvernement belge, para~.aphes .. et
suivants.
En effet, dans l'arrêtde 1959, la Cour a eii à déterminer s'il i:xistait
un lieu de juridiction obligatoire entrela Bulgarie et Israël à raison de
déclarations d'acceptation de juridiction datant respectivement (le xyzr
pour la Bulgarie: - et cette déclaration visait, évidemment, la Cour
permanente de Justice internationale - et 1956, pour Israël, et cette
déclaration visait, évidemment, la Cour internationale de Justice. Le
problèmeétait di:savoir si l'effet de l'article 36, paragraphe 5,du Statut
de la Cour internationale de Justice jouait à l'égardde la déclaration
bulgare de 1921.
Dans la urésente affaire. Dar contre, l'existence du lien de iuridiction
l'Espagne et la Belgique, tels qu'ils existaientànla date du dépôtde larequêteen raison du traité hispano-belge de 1927,traité successivement
renouvelé en vertu d'une clause formelle de tacite reconduction, et si
cette juridiction obligatoire résultait de l'article 37du Statutde la Cour.
Pour répondre à l'araumentation du Gouvernement espamol, nous
esaminerois successivement. oou. ,n définirla nortée exâctë. les deux
<.II~~~.III~II~ioiivïririunnel; ,en cniisr:. d'aliurd IL.trsit2 liispni~o-l.çl<:e
,l; 1,,,.,.~iii,1'~~rrl~I37 du statut de la L'ollr :\urcs (luniiinli~IIIUIIIIC-
rons que, sans contestaiion possible, le Gouverneheut éspagnola admis,
dans des notes diplomatiques adressées au Gouvernement belge, qu'à
dater de son entréeaux Nations Unies l'article 37 du Statut de la Cour
faisait droit à son égard.
Ainsi, &Ionsieur le l'résident, je pense divijer cet exposé en trois
parties:
1. Le destin du traité hispano-belge du 19 juillet 1927 à la suite de la
dissolution de la Cour permanente de Justice internationale.

2. La portéede l'article 37 du Statut de la Cour à l'égardde l'Espagne
qui n'est pas membre originaire des Nations Unies.
3. L'attitude du Gouvernement espagnol, s'agissant de l'application de
l'article 37 du Statut de la Cour internationalede Justice à l'Espagne.

Monsieur le Président, je vais commencer à parler du destin du traité
Iiispano-belge du 19 juillet 1927 à la suite de 1;~dissolution de la Cour
permanente de Justice internationale. En effet, ce traité est au ceur
<ludébat sur la compétence dela Cour dans cette affaire. Pour le Gou-
vernement espagnol, je.viens de le dire, une clause prévoyant la juridic-
tion obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale, l'article
17, paragraphe 4, est devenue caduque au jour de la dissolution de cette
Cour et, de ce fait, l'article 37 du Statut de la Cour internationale de
Justice, lorsque, en 1955, ce Statut a fait droit à l'égardde l'Espagne,
n'a pu faire revivre cet engagement caduc.
Cependant, tout à la fois le Gouvernement espagnol affirme que le
traité de 1927 est reste en vigueur pour la plupart de ses dispositions.
C'est là, il faut bien le dire, une situation juridiqiie quiest assez anormale
et o~is'attendrait à cequ'ellesoitappuyéesur la i:onsidérationdel'ensem-
ble des clauses du traité, sur leurs relations niutuelles, bref à ce que
soit pleinement justifiéle sort particu1:er qui est fait à certaines disposi-
tions du traité ou encore, pour s'exprimer aiitn:ment, on s'attendrait à
ce que soit parfaitement démontréepour ce traité de 1927la divisibilité
de ses articles ou de certains d'entre eux.
Ceci établi, la divisibilité étant démontrée,on s'attendrait A ce que
soit justifiée,conformémentau droit international, la caducité de l'article
17, paragraphe 4, du traité de 1927, et que cette justification soit faite
de telle manière que l'on puisse comprendre quelles en seront les consé-
quences s'agissant de l'ensembledes dispositions dutraité; bref ilfaudrait
une démonstration telle que l'on soit parfaitement assuréde comprendre
ce qui est devenu caduc et ce qui reste finalement en vigueur.
Soutenir que tel alinéa d'un traité est devenu caduc en 1946 sans
montrer quelles sont les conséquences juridiques de cette prétention
touchant d'autres dis~ositions du traité est évidemment de nature à
inipirrr qiirl<lii<luiitcsur ILscrieux et le hirii-i.>iid<'1i.tIii.-t l>ririiipnle.
Or, ~>rïiiil:i~l?ni,'ritic qui fropl~rlur<<lli'nn litït qu'on relit ~'cxpos;
tr?; ~.~v:iiicr tri.' Ii:il)ilcquc nous .ivoii i.iit<.iilI:I~.;iilitC iic I'arti-45s BARCELOSA TR.4CTIOII

ile 17,aliit&;i-1.du trait: Iiiipano-b<.lge eit sari.ct;jc sffirnii,ccomni~.tiiie
\.CiritC(i~'~vldetlce,1113iitout If:pr~iii;lne Cil tr:ilttCO111It1SIcettc:CI<~II;C
irait isolCc.coinn;esirllc ics~itlisaiticlle-itiîinc. aloriqii'cllc cst en r;.:ilitL'
eiichhsée dans iin réseau d'obligations réciproquesassuméespar deus
Etats dans leurs rapports mutuels, ceci dans un traité dont les iiisposi-
tions ont ététrès longuement mùries et très savamment combiniles, qui
a éti:le résultat de discussions approfondies,d'un long effortde réflexion
pour organiser uri mécanismede reglemeut des différendsqui apparaisse
comme un mécanismedonnant des garanties et, en somme, uii mécaiiisnie
qui puisse paraître pleinement satisfaisant.
Et alors il faut bien constater que, comme je vous l'ai déjà iiidiqué,
tout l'effort du Gouvernement esvaanol .en... à rav..ocher uii alinéa
(lu tr;iité (IL 102; il'unv clLcl.iruti81iiiiiiil:itii;tl~l'ii~~ptntiuii iIc 1.1
juridictioii r,hlig.ttoire .iiI;kijc de 1'~rticlc j6, l>;~r.igr:i],c. dii ,t:,riit
de litCotir: ,:t ileut <:,.cituiiiuurs cl;ini ILnt;:tii<:I>iit: iiitçr~rLtt:~I';I~II-
cle 37 du statut de laCour internationale de Justice comme a étéinter-
prété,dans l'affaire de l'Incident aérien, I'article36, paragraphe j.
Or, si l'on veut bien considérer le contexte du traité hispano-belge
de 1927s ,i on veut bien examiner la place de ce fameux paragraphe 4
de I'article 17, il est certain que la disparition de la Cour permanente
de Justice internationale n'a pu entraîner la caducitéde ce paragraphe,
le traité restant par ailleurs en vigueur, comme le reconnaît - et c'est
là un point fondamental dans toute cette aifaire - le Gou\.eriiement
espiigiiul. L;i cliiparitioii d1.1Cuiir pcrmaiiciite n':~pu ;ivi>irputir io1iii)-
queiice que (le rendre pro\iioir<irnriit innpl~licahlccettéclispojition. cl'cn
suspeiidrc lei effets. crcant ainsi tiric sittitition clont In pratiqtit: iiiter-
nafionale connaîr de nombreux exemples.
Ce sont là les deux points sur lesquels je voudrais m'expliquer succes-
sivement. La disl~aritionde la Cour permanente de Justice internatioiiale
n'a pas entraîné la caducité de l'article 17. paragraphe 4, du trait(:
hispano-belge, mais cet article a étésuspendu dans ses effets du fait de
cette dissolution: il a étéseulement provisoirement inapplicable.
Je voudrais commencer à m'expliquer sur le premier point, c'est-à-
dire sur l'idéeque la disparition de la Cour permanente de Justice
internationale n'a pas entraînéla caducitéde I'article 17, paragraplie 4,
<lutraité hispancl-belge.
Pour le Gouvernement espagnol, I'article 17,paragraphe 4, dii traité
liispano-belge est devenu caduc du fait de la disparition de la Cour
vermanente: cependant. le traité. oui n'a pas étédénoncé,r=-t i.b e en
.vig~t~ur.Cette .:,itii:+tiuti~'c~pli~ue~~ita ,r.lts cI:tiiic- (liverst:i ii'tui
traité pciii.ent ,uhir il,.iurrsd~t~~rc.nts. La <Iiviiioiidi1trziitl(Ir.ii,~jt.11
tlijpositioiis \,:ilnl>lesct eii disp~iiiti~~iuil \.:tlahlcsjer~it atiisi coiiloriiie
auAdroitinternational positif.A

elle a invoqué des opinions qui ont étéémisesen diverses circonstancesr;

au sein de la Cotir, et il faut bien dire que, aujourd'hui, on ne prétend
pas volontiers que les clauses d'un traité suivent nécessairement le
mêmesort. Il y a au fond tout lieu de penser que la divisibilité des
traités a étépratiquée en fait bien avant que la théoriede la divisibilité
ne soit dégagéeet systématiquement présentée.Lacommission du droit
international a prêteune attention toute particulière à ce problbme, et
dans les rapport:; sur les travaux de la X\'e session, à laquelle pnrtici-
paient plusieurs de nos honorables contradicteurs, les circonstances dans I'LAIDOIRIE DE alme BASTID 459
lesquelles peut ftre iiivoquéela divisibilité ont ététrès soigneusement
dégagées. 11peut en effet s'agir soit de dénonciation, soit des consé-
quences d'un manquement au traite, soit de l'interprétation, soit des

effets de la nullité, soit des effets de la guerre, d'un changement
fondamental des circonstances. voire même (le la survenauce d'une
nouvelle norme impérative du droit internationalgénéral;voilà quelques
exemples qui ont étéretenus par la Commission du droit international.
Donc on admet la divisibilité des traités. Mais il est trop évident
que la divisibilité ne peut pas jouer pour tous les traités. Dansle passage
célèbrede lord McNair qui a étécitépar notre savant contradicteur,
de quoi s'agit-il? Du traité de Versailles, d'un traité de 440,articles, qui
concerne les objets les plus divers. C'est à propos du traité de Versailles
que lord AfcNairparle des <iabsurditésoqui résultent uquand on insiste
d'uiie manière pédante sur l'idée d'inséparabilitédes dispositions de
ce traité ou sur son caractère entier » (TheLaw O/ Treaties, p. 474). Lord
IllcXaircite, à l'appui de cette opinion. des arrêtsde la Cour permanente;
ces arrêtssont précisémentrelatifs à des articles du traité de Versailles
concernant soit le régimedes zones franches (C.P;J.I. sérieA/B no46,
p. I~o), soit le régimedu canalde Kiel (C.P.J.I. sérieA nor, p. 24).
Lord AlcNair. reDr.nant les formules mêniesde la Cour vermanente.
III~IS~Csnr I'icl&~IIC la ~Iivi~~l~iIir~est )IOS~IIII~I~! 31 i11nu: j,I~l~ic~lrj
(lc3<li>pusitioii..d'un irait; forniciit par elles-~li.:nin tu111SC il~rhj:~nt
I~ii-~i~&niI).~IIClxdiv~~il~il~tn~'est ~~u,sil)lCIII(51 l'on se I~OIIVC er~
présencede parties <Ilitraité qui ont un caracti,Îe distinctif qui forment
un tout.
Une autre condition a étésoulignéepar les autorités qu'a citéesla
Partie adverse, sans que d'ailleurs elle ait jugé à propos de s'y arrêter,
et je fais allusion notamment au compte rend11(lu rg mars, page 160.
Mon savant contradicteur a cité l'ovinion individuelle de sir Hersch
Lauterpaclit dans l'affaire relative à tertains etnpruntsnoruégiensa ,rrêt
du 6juillet 1957 (C.1.J. Recueil1957,p. 56); sir Hersch Lauterpacht a dit:
iiLa pratique internationale en la matière n'est pas assez abon-
dante pour permettre d'essayer avec confiance une généralisation,
et on est fondé à rechercher l'aide des priricipes générauxdu droit

élaborésen droit interne. Ce principe gknéralde droit cst qu'il cst
légitime - et peut-être obligatoire - da: séparer une condition
nulle du reste de l'acte et de traiter ce dernier comme valable
$ozrrvzique, eu égard à l'intentiondes Parti<:set à la natzrre+ l'acte,
In condition en question n'en constituepns un élémene tssentzelu
Ainsi. la lace de la disvosition en auestion dans l'instrument considéré
ne [>?ut l;ai étremise di c0rr:;ilne i;itlit <lu'iinedis~~oiiti~~aiiiialojiuc
IIIIIS,~<.vcnt~~cllenic~ ~;r*: I'ubjet t1'111,;rig;tge~nc~iitso!;11 f~lli\Wir
J..III>c L.LIcoiicrer ci11:c:~rd:LUtrxii? cil caiijc. sI:it:lauii. cn ~iiicïrion
est véritablement engagé<dans ce traité, de telle sorte qu'il y ait quelque
chose de contraire à la nature du traité que d'e'ttraire cette disposition.
C'estune idée<luia étéégalementsoulignéed:rns l'opinionindividuelle
de M. lc juge Jcssup dans l'affaire du Sud-Ouestafricain (C.I.J. Recueil
1962, p. 408). La Partie adverse s'est référé e cette opinion individuelle:
Mais la considération à laquelle je fais allusion en ce moment, a éte
omise dans la citation uni a étéfaite Dar mon honorable contradicteur.
A vrai dire - peut-êtreest-ce là simpiement quelque erreur de dactylo-
graphie - lacitation paraît se prolonger d'uiie sorte de commentaire,460 BARCELOSA TRACTION
si bien que l'on ne distingue plus très bien cequi est extrait de l'opinion
individuelle et ce qui est commenté. Je voudrais citer ce passage inté-
gralement.
A propos de la divisibilité possible de l'accord de Mandat, hl. le juge
essup déclare:

«II n'existe pas de critère objectif à appliquer à une pareille
appréciation. Le point qu'on peut trancher est celui de savoir si
une disposition ou une partie d'une disposition est devenue iriappli-
cable et si, dsns cecas,la partie iizapplicableétaàcepoint esse+~tielle
à l'applicatii~iide ladite disposition que tout l'ensembleett est deuetllc
caduc. »
Ces considérations ont retenu l'attention du rapporteur spécialde la
Commission du droit international desNations Unies dans son deusieme
rapport sur le droit des traités du 30 avril 1963 (.4/C-r'.4/156/.4dd. 2).
Sir Humphrey \Valdock admet la divisibilité,notamment en cas d'estinc-
tion, mais il ajoute, i la page 27, qu'il est ciinadmissible de permettre
que le principe soit appliquéde manière à altérer sur un point essentiel
ou un autre la basesur laquelleles parties ont donnéleur conseizteine~z ntu
tuaitéD.
L'article 46 dir projet d'articles sur le droit des traités qui se trouve
dans le Rapport de la Commission du droit international sur les tra\:aux
de la XVe session (A/5509) indique très clairement que la dixisibilité
d'un traité prévuepar certains articles du projet - comme je le (lisais
il y a un instant,

ine s'applique que:
a) si ces clauses sont nettement séparables du reste du traité en
ce qui concerne leur exécution.
b) et s'il ne résulte pas clairement du Irailé OU des déclarations
faites au cours des négociations que l'acceptation des clairses
en question constituait- une condi'tionessentielle du consente-
ment des parties à l'ensemble du traité),.

Et dans le conimentaire sur cet article il est dit:
(iL'acceptation des clauses disjointes ne doit pas être liée à
l'acceptatioii des autres parties au point que, si les élémentsdis-
joints disparaissent, la base du consentement des partiesà l'eiisemble
du traité disparaisse également. n

Voilà, d'après la doctrine la plus récente, les idéesque l'on a sur les
conditions et sur les limites de la divisibilité des traités.
Et alors, le problème qui n'a pas été dutout examinépar mon hono-
rable contradicteur c'est le problème de savoir si ces conditions sont
réuniesdans l'espèce, si l'onpeut ainsi isoler le paragraphe 4 de I'arti-
cle 17 dans le traité hispano-belge.

[Audience pzdbliqtcedu 13 avril 1964,matiitj

3lonsieur le Pi:ésident,Messieurs les Juges, suivant le Gouvernemeiit
espagnol, la clause de juridiction obligatoire du traité hispano-belge de
1gz7~estdevenue caduque lors de la dissolution de la Cour periiiariente
de Justice inteniationale. Mais, comme je l'ai indiqué dans la derniere PLAIDOIRIE DE alme Bi\Sl'ID 461
audience, le Gouverneinent espagnol admet que le traité de 1927soit
iin traité en vigueur. Cette double affirmation suppose que I'article 17,
paragraphe 4, puisse se séparerdu reste du traité, que la divisibilitéde
ce traité soit possible.
A la fin de la dernière audience, nous avons vu que la divisibilitédes
clauses d'un traité n'est admise qu'à une double condition. Tout d'abord
la disposition en question doit former lin tout se suffisant à lui-mêmeet,

d'autre Dart. il faut que cette dis~osition ne constitue vas une condition
essentiefie d; conseniement des parties à l'ensemble du traité.
La question à laquelle je suis arrivée maintenant est la suivante:
est-ce Queces conditions sont réuniesdans l'esoèce?
Eh bien. le ti~uvernemcrit rspagnol l'admet. ili'adriiet. je dir.li Iirrjqii<.,
~tllégremcnt.et il considèreque.,tinalcment, ilrit tout i fait iioiiiinlque
(1:in.îun traité de coiicili~tion. de r?clerrient iiidici;iire et (l'arbitrace
la clause de juridiction obligatoire dëvienne citduque. Le 19mars, let
ceci est dans le compte rendu, page 161, mon honorable contradicteur a
dit notamment:
iEn ce qui concerne la clause caduque de l'article 17 du traité
hispano-belge, elle peut être détachée des dispositions toujours
valables de ce traité sans aucune difficulté. Cesdernières peuvent
continuer à déployer leurs effets ordinaires. étant donné que les
~rocéduresde rèelement ~acifiaueau'ellesurévoientet en oarticulier
ia conciliation Gt ~'arb{tra~e,~ soit sus&ptibles d'être'mises en
mouvement et poursuivies jusqu'à leur fin sans qu'il soit nécessaire
que l'article 17soit appliquéet sans que la convention soit amputée
d'un élémentesseiitiel qui est celui d'instituer uiie procédure de
règlement pacifique des différendsentre 1'Espagrieet la Belgique. s

Donc du moment que, am~utéde I'article 17, ~araera~he 4. le traité
continuc.r;iit :I pr~:\,o'iriiiic'proc~diir~ di. r&lênicni iaçifiqiie ciitrc
I'llspngnt. <-t II Ij~.lgi<liit.h bien! 1c.ichai?. î<:raient ndiiiiîsiblc; ct
conforiiiei ;illxr>riiiciric;cnet:<iiiit<iiicli13<Iii~i;ibilitd!e;tr;iir;-
Cette conclu;ion, Monsieur le Président, certe manière de voir ne
peut êtrevéritablement appréciéeque si I'on examine le traité, si l'on
regarde le texte mémedu traité. Je ne considère pas qiie I'on puisse à
priori considérer telleou telle clause comme détachable,conime divisible
sans avoir vu l'ensemble du traité.
Ce traité de 1927, il faut considérer d'abord le titre. Il est appel6
<(Traitéde conciliation, de règlemeiit judiciaire et d'arbitrageii, le
règlement judiciaire est en quelque sorte enchâsséentre les deus autres ,
techniques qui sont prévuesentre la conciliation et l'arbitrage.
Par ailleurs, le préambule est très caractéristique, il indique le désir
des deux gouvernements de résoudreselon les principes les plus élevés du
droit international public les différendsqui viendraient à s'éleverentre
les deux pays.
Considéronsmaintenant les dispositions essentielles du traité. Est-ce
que I'onpeut séparer le paragraphe 4 de l'article 17 ainsi que le réclame
la Partie adverse, de testes aussi préciset aussi formels que les testes
siiivants: d'abord I'article qui comporte un engagement réciproque
i .régler par voie pacifique et d'après les méthiidesprévuespar le pré-
sent traité tous les litiees ou conflits de uuelnue nature oui viendraient
a s'éleverentre la Belgique et I'Espagneu et. &\,idemment au nombre
de ces méthodes figure la méthodejudiciaire. Puis arrivons à I'article2462 BARCELOSA TRACTIOK

qui est évidemmaritla clémêmedii système: atous litiges entre les hautes
parties contractantes de quelque nature qu'ils soient au sujet desquels
les parties se contesteraient réciproquement un droit et qui n'auraient
pu être réglésil l'amiable par les procédésdiplomatiques ordinaires
seroiit soumis pour jugement soit à un tribunal arbitral, soit à la Cour
permanente de Justice internationale o.

Sans doute la possibilité de conciliation est prévue, mais elle n'est
envisagée que si les parties agissent d'un corrimun accord. Pour les
litiges de caractkre juridique, le recours à i'arbitrage est évidemment
prévu, mais il suppose également l'accord entre les parties.
Et, en dernière analyse, c'est la clause de juridiction obligatoire, qui
tout en étant siibordomée à des conditions de délai pour que l'action
concertée puisse êtreraisonnablement tentée, c'est la clause de juridiction
oblieatoire uui idonne seule l'assurance aue l,s~f~ ~ ~êmesdu traité
ieroiit. i'.agiss:iiir(Ici litige? juridiques. rcrtainïinenatteintes. Ilonc Iç
r<'gltiiiitxttcifiiliic qui cst l'objet du trait; p,iit Ctrc terit; par Iirersc.
i~roclilurt:;. iiixii:'cit[>:IrI:iclniise <le iuridi.:tii~ii ohlieatuirc~ uue 1,:s
barties sont cert:iines d'arriver, en ce qui couche les différgndsjuridiques,

i une solution.
Cette vréoccuoation. d'ailleurs. d'assurer en tout état de cause une
solutioii p?r jug>inciit ie manif<tste nifinie ~>ourIci diifrirends non juri-
~lique.~.puiqiic les ;irticlcs 13 et siiirants dii tr:iitL: pr&i.oieiit 1;iposii-
I>ilitd'iine saisinéuriil.itGrîlc rlI:iCommissiori dl: coiiciliatiori et mtlnic
du tribunal d'arbitrage.
J'ajouterai que dans ce traité, il y a une autre clause de juridictioii
obligatoire que le paragraphe 4 de l'article 17. Sur cette claiisa il faut
bien dire que lii Partie adverse a gardé un silence total. C'est l'article
23. D'après l'article 23 iiles contestations qui surgiraient au sujet de
I'iiiterprétation ou de l'exécution du présent traité seront, sauf accord
contraire, soumises directement à la Cour permanente de Justice inter-

nationale par voie de simple requêtea.
Donc la juridiction internationale est appelée dans le système de ce
traité à jouer un rôle régulateur, un rôle véritablement essentiel, et on
voit mal comment la disparition de l'article 17 et, particulièrement,
la disparition de:l'alinéa 4 de I'articlc 17 serait admissible.
Je crois qu'il est difficile de trouver un exemple de traité dans lequel
il résulte plus clairement que la clause en discussion était une condition
essentielle du consentement des varties à l'ensemble du traité.
Cette coiisidératiou suffirait, 'de l'opinion du Gouvernement belge,
à écarter la posiiibilitéde faire louer la divisibilité dans le cas du traité
hispano-belge.
Mais on peut ilire plus. Il y a dans ce traité une clause de dénonciation

et, lorsque lord :IlcNair a, dans son fameux ouvrage sur le Law oftreaties,
ouvrage qui a i:té cité par la Partie adverse, examiné la question de
savoir si une partie qui a le droit de dénoncerun traite peut n'en dénon-
cer qu'un ou quelques articles, il conclut fermement, en s'appuyaiit sur
di\.ers précédents, à la négative, à moins qu'il n'existe une disposition
spécialeà cet effet.
Je pense que les motifs qui conduiseiit à écarter, dans ce cas, une
dénonciation p;irtielle devraient en tout cas conduire à exclure la
prétention à uiv: caducité partielle alors que, faute d'usage de la clause
de dénonciatioii, le traité d'aprés les termes de l'article 24 doit être
<<considérc éomrne renouvelé pour une périodede dix ans ,n. PLAIDOIRIE DE )lm' B.+STID
463
Par conséquent, Monsieur le Président, il apparaît qu'or1ne peut pas
parler dans le système de ce traité dans le cadre des engagements réci-
proques pris par les parties d'une caducité partielle, mais il faut pour-
suivre plus loin l'investigation, il faut maintenant rechercher si on peut

mêmedans les conditions de la cause parler d'uiie caducité.
Monsieur le Président, l'exuoséde notre savant contradicteur a été
r,il.ni& 1,:~rI':iff~ri~~iiti~ >ric'I~ I.~~IIL.I~ ~1,: ILclxiist: II(:jiii~di~.tit>i~
~,~II~:~I~,IIV fit <le I,I ~Ii~l>,,riti~eiIJ (ln~r pcrni:,ii~.iite (L! J~ISIIC~
iiitt.rriation;ilcIIi1nr:iittiii'il l:ipani nii.t.sstiic (Icrt:iiic,rc,:rccttc!:ittir-
mation en déclabnt également Ge l'article 17 était - et je cite, au
compte rendu du 16 mars, page 126: ncaduc, nul, inapplicable.;
au compte rendu du 16 mars, page 131: aabrogé, inapplicable a partir
de 1946 n; il a dit également que l'obligation est <iéteinte »,«non valable i,,
«abrogée » (p. 157ci-dessus); quecette disposition est <<caduque,abrogée,
nulle a (p. 178 ci-dessus). La mérnediversité dans la terminologie existait

dans les exceptions préliminaires. Elle a été relevke dans les observations
du Gouvernement belge, mais, nous a-t-on dit, cela n'avait pas d'impor-
tance (p. 157 ci-dessus).
De même,le Gouveriiement espagnol n'est pas arrivé a ilne doctrine
ferme sur ce qui serait frappéde caducité - pour employer le terme qui
parait avoir sa préférence.
Sans doute. tout au lone de son savant e.uoos&.not.e ~.ntradicteur ~-~~~
:i 1-11VI,;!avcc gr:tn(l soiri l':~rticlr17,~~:ir;i~r;~pIi, c'c;t-:i-~lir~l~~l~i~ij~~
(IV j~~ridicrionotdig:itoirr .ilr!rls?~isir.\I:,ij, ;iu ni<sment rit,s'r\pliil~icr
iiir In dr~~isitiliti:dii irairc et <leilisriricu~.rce aiii est frnnn6 dr c.id~ ~ ~ ~
de ce qui reste en vigueur, il parle (p. 126 et 157 ci-dessus) de l'article 17

et, si l'on se rapporte à l'article 17, on constate que celui-ci vise bien la
clause de juridiction obligatoire, mais vise 6g:ilement tout le système
arbitral. Et il parle également (p. 158 ci-dessus) des «clauses principales
et accessoires qui se rapportent au recours à la Cour permanente de
Justice internationale., A contrario (p. 158 ci-dessus), il a déclaréque
le traité nest en vigueur en ce qui concerne tolites les clauses qui ne se
rapportent pas à In juridiction de la Cour permanente ».
Mais, tout en usant de ces formiiles diverses, il n'a pas cherché a
déterminer avec précision ce qui est définitiverncrit lettre morte dans
le système qui est présent&.
Enfin, on constate également qu'il y a dans cet exposé très peu de
souci de s'expliquer sur la cause de la caducité. La formule la plus

explicite a été,semble-t-il, donnée le 16 mars (p. 128 ci-dessus),lorsque
notre savarit coiitradicteur a déclaréque la ckt~rsejuridictionnelle est
- et je cite: iideveniie caduque en 1946 lors de la disparition de la
Cour permanente du fait qu'elle se rattachait a11Statiit de cette juridic-
tion qui disparaissait ».
Cette formule rappelle celle qui a étéemployée par le conseil du
Gouvernement bulgare dans l'affaire de l'Incident aérien l,rsqu'il disait
que la déclaration d'acceptation de la juridiction de la Cour permanente
par la Bulgarie se rattachait au Statut de la Cour comme la branche se
rattache à l'arbre. Et i'arrèt lui-méme, clans des terines iiiuiiisiiiirrgks

il est vrai, a dit (et ce passage se trouve au Recueil 1959, p. 143)-je cite:

«Le support juridiqiie quecette accept:rtion trouvait dans l'article
36, paragraphe 2, du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale avait cessé d'exister par suite de I;i disparition de464 BARCELOS.4 TRACTIOS
ce Statut. Ainsi, la déclaration bulgare était devenue caduque et
n'étaitplus en vigueur. n

Peut-on appliquer le raisonnement fait à propos de la déclaration
unilatérale, dont la portéejuridique relève du Statut de la Cour perma-
nente, dont l'efficacité,dans un cas concret, dépendait d'une autrc
déclaration symiitrique émanant de l'autre partie au différend,peut-oii
rapprocher ce raisonnement de la situation découlant du traité hispano-
belge?
Eh bien! le Gouvernement espagnol l'affirme. Pour lui, il n'y a iipas
de différencefondamentale » - et je cite-

centre la jiiridiction obligatoire, fondéesur l'article 36,paragaphe
2 (déclarationsde reconnaissance de juridiction obligatoire concor-
dantes unilatérales) et celle baséesur l'article 37 du Statut de la
Cour (clausesjuridictionnelles inséréesdans un traité formel) u.

Dans son exposédii 19 mars (p. 144ci-dessus),mon savant contradicteur
a très loiiguement insistésur ce point. Pour lui, les déclarations uni-
latéralesvisées à l'article 36, paragraphe 2. ne sont pas des expressions
de volonté indériendantes.autonomes. de chacun des Etats ani les ont
faites. Elles ne bptent que comme <<élémec ntnstitutif d'un accord in.
Rien qu'unilatérales. elles nécessitent I'intervention d'une autre mani-
festation de volonté pourque se produisent les effets juridiques que ces
déclarations unilatérales cherchent à atteindre.
On ne peut que souscrire a tous ces propos: il n'est pas contestable
au'il faut la coïncidence de deux déclarations oour aue la iuridiction
;bligatoire delacour existe. 11est évident consekteme1;t conjoint
des Etats en litige est nécessaire pour créer,dans un cas concrel:,l'obli-
gation de juridiiiion.
Mais, à ce point, notre savant contradicteur va faire un pas de plus et,
à partir d'ici. il n'est plus possible de le suivre: les déclarations, dit-il,
«ne sont donc que des élémentsconstitutifs d'un accord, c'est-à-dire
d'a<?traitéozrd'ro~econventiono.Et alors là, on voit le tournant du rai-
sonnement, tournant quiest destiné à assimilerla situationqui seprésente
dans la orésenteaffaire et la situation aui se orésentait dans l'affaire de
de I'lncz!diiatérre~i.
Et, suivant la m&meligne de pensée,la Partie adverse insiste (p. 145
ci-dessus) - et ie cite: <La concordance des déclarations unilatérales
entraîne "ne \Gl;nt~: conjointe se traduisant dans lin accord ...11
Ainsi:
cLes déclarations individuelles ...constitiient ...des éléments
d'un contrat,d'un accord, d'un traité. Ce traité, cettc convention,
estr6alisé à ~artir du moment où les deux déclarations sont entrées
en \i$iicur. ilsiibjiîtr;iiir;Iniih.tciiipique Iej rli.cl;irdtioii~uiiil:it6.
ralcs ~Lerneurciitconcordantc;. .>(1'.145 ci-dessus.)

Les multiples citations d'arrêtsde la Cour, d'opinions de ses niembres
ou d'auteurs éminents qui complètent, qui accompagnent ces affirma-
tions sont toutes relatives, lorsqu'on les examine, au mémeproblème:
ils'ad touiours de déterminer à auelles conditions, dans un cas (concret,
sera Tondéélacompétencede la cour. Et alors il n'est pas douteux que
ces déclarations doiveiit coïncider, doivent se rencontrer et qu'il résulte PLAIDOIRIE DE hLme BASTID 465
de cette coïncidence, de cette rencontre un - et je cite - urapport
contractuel i,; c'est la formule que l'on trouve dans l'arrêt du Droit de

passage (exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1957p. 146). C'est,
suivant l'expression qui a étéemployée dans le British Yearbooh O/
Ii~teri~alioiralLaw de 1957, page 230. par sir C;erald Fitzmaurice - je
cite: une Nsituation de traité ii.
Mais cette situation n'apparaît que dans un cas concret, lorsqu'nne
déclaration iinilatérale est amenée à produire ses effets par rapport à
une autre déclaration déterminée.Jusqu'à ce iiioment, la validité de la
déclaration, la portée de la déclaration. s'apprécie en fonction d'elle
seule. de sa rédaction. des conditions dans lejaiielles elle est intervenue.
.Aii'treinentdit, II: ~>r;trndii tr.iit6 auqiii:lli Partie ad\.erse assimile
Ic plir:iiom~iir.de coincidencc des d&clarations n':il)parait qiie lorsqiic
Id rc.~iiii*td'un 1Sr;itcontre lin ;iutr<:l?t.<t n 61i:foriiicc. Iiis<iue-li.nul
ne péiit dire ce que sera la portée effectivede l'engage&ent asskmé,
puisque cette portée dépend notamment du jeu de la réciprocité(les
réserves.
Par conséquent, on peut constater qiie 1'Etat qui s'engage par une
déclaration unilatérale ne sait pas, à l'avance, itl'égardde quels autres
Etats et dans quelles limites exactes il est engagé.
Si cette analyse est exacte, comment prétendre assimil~rcette situa-
tioii de 1'Etat qui a fait cette dbclaration unilatérale et la situation
qui résulte du traité hispano-belge où l'engagement de juridiction
obligatoire est pris réciproquement entre deux Etats donnés; il est
assorti de inodalités acceptéesd'un commuii accord et l'efficacitéde
ces engagementsne peut êtreaffectéequeconformémentaux dispositions
du traité ou en application du droit international général.
Autrement dit, le support juridique de l'eiigagement se trouve ici
dans la rèe-,bacta sunf seruanda. La Cour vermanente de Tustic" inter-
ii;iiiuiinlécit\,ij;c<I;ln,le tr;iitGcoiniiir:1% iio~~<.diii(:siirer I'iipplicatio~i
cifcctivc dc I'~rig;ifii:~i~~<lu tr~itc. qui est I'cng:igein~iit d~ rCgIcr,[ritr
jiigc~iic~~t1,:sdiri>iciidi dc cnract~\rejiiri<li~liic.I<t,.i Ic irlitC .:er>f+rc
III5t;itiitde la ioiir. poiir dire nur:liniiicrit qu,. In proi;lliir-! pr<\.iiéni!
51:ttut ilt I;Cr,ur s'rihpliqucra. I'eiigagemcnr de )iiridiction ob11g:ituirt:
:c s:ihase dans IL tr:iitlIiii-m2nie. c'est-i-diré dans I'aisord <levolont;
(1~drus Eiats. p011rri:glrr jiii\.:iicette voloiitLcominuiic lcilrs rapports
iiiutiiel; l.çsdeus I'artivi st: sr,iit eig:,gGes i rtLoii<lrt:leurs diff4rends
iiii\.:int les ~~rnétliodesu~ui sont vréviicspar le traiti.: 1:irlisvosition dii
paragraphe 4 de l'article'~~ n'esi que la mise en Œuvre praiique d'une
de cesméthodesconcernant lesdifférends juridiques.IIrésultede i'article
2 aue la volonté communedes deux Parties est de pouvoir aboutir à un

ment fondamental des partieS.au traité, cet engagement qui,subsiste
puisque le traité reste en vigueur. Par conséquent, cette assimilatioii
qui est iiiie des bases de la thhse du Gouvernement espagnol, cette
assimilation entre la situation résultant du traité hispano-belge et la
situation qui a étérencontrée par la Cour dans l'affaire de I'Incidei!t
airiepi. vrovient d'une assimilation erronée entre deux situations iundi-
qnes i;i restent différentes. Reste un dernier point: trouve-t-on dans
l'exposéde la Partie adverse une expliution suffisante sur la cause de la
cadcicité?Xous verrons ceci tout à i'heure466 BARCELOSA TRACT104

hlonsieur le Président, la Cour aura observé que la Partie ;id\-erse
s'explique fort p:u sur la cause de cette caducité que par ailleurs elle
affirme si fortement. II semble cependant que pour la Partie adverse la
disparition de la Cour permanente aurait rendu impossible l'exécution
de l'article 17. alinéa4, du traité hispano-belge; mais peu de souci de
s'entourer d'autorités sur ce point paraît préoccuperla Partie adverse.
La question a cependant étéexaminée par la Commission du droit
internitional au côurs dc sa dernière session. L'article 43 du projet
d'articles sur le droit des traités que j'ai déjàcité prévoitcomme motif
pour mettre fin à uii traité-et je cite: la csurvenance d'une situation
rendant l'exécution impossible n,et le commentaire de l'article 43 cite
notamment le cas où disparaît l'objet juridique des droits et obligations
d'un traité.
On pourrait considérer que c'est là précisémentla situation dans
laquelle nous nous trouvons, mais il faut alors noter deus indications
complémentaires qui se trouvent dans le commentaire. qui sont d'une
importance capitale; première indication: les auteurs du teste ont cru
-et je cite:

tcdevoir <:lnl:orcrla rcglc siiiis I:i forme lion 1x1sd'un,: iiisl,uiitiiiii
riitctrniit :iiitumatiqu~nii.iir tiii:IIIri iii:iid'uiic ili~[~ojitioii
Ii;,l>ilit.iI,:i isirticsi inii!Jliir I'iiiit>oi;ihilit~d'r~sl:curiiiii~.uiiiiiic
motif de terinhiaison du tracté »;
et, par ailleurs, ce droit est assujetti de certaiiies exigencespi.océ<lnrales

En outre, seconde indication, l'article 43 ajoute - et je cite: «s'il.
n'est pas évidentque l'impossibilitéd'exécution serp aernianente.elle peut
étre invoquée seulement comme motif pour s~rsper~drle 'application du
traité".
Le commentaire précise - je cite:
aCes cas oeuvent êtresimulement traités comme des cas où il
csi posiit>le;I'arbqir.rqiic la fiir;.,.rn:i]curecxonc'r<i!ine partd<,toiirï
respons.it>iliiCpour iioii-t:sit.iitioii \lais. 1<8rjqii'ily :t pcrli.t:inic
(Ic la situation rrnrl:inr iiiiuoiiiblc I'csi.ciirioii clcs ul~li~;iiii~iiui
subsistent, il semble préféÎablede reconnaître que le fraité piut
étresuspendu.

Ainsi, à supposer mêmeque la divisibilité du traité de xgzj,piiisse
êtreadmise, que l'on puisse considérer isolémentl'article 17, alinéa4,
il aurait fallu faire la preuve qu'avant 1955il était évident que I'irnpos-
sibilité d'exécution devait être permanente pour que soit établie la
c~~ ~itéde cette disnos~Lion. Mais il est bien évident oue dans ce cas le
Gouvernement er;pagnol au+ dù s'expliquer sur sa prétention et non
oas, en eardant le silence, laisser iouer sans plus la tacite recoiiduction
prévueau traité.
En conclusion, hlonsieur le Président. la thèse de la caducité qui a été
présentéepar le Gouvernement espagnol n'est fondéeni en droit ni eii
fait. Le sort de l'article 17, paragraphe 4, di1 traité hispano-belge au
lendemain de la disparition de la Cour permanente doit êtredéterminé
non pas en l'isolant arbitrairement du reste du traité, mais en fonction
de l'ensemble des engagements qui ont été assumés par la Belgique
et par l'Espagne dans leursrapports mutuels et en partant du fait que.
les parties n'ayant pas fait usage de la clause de dénonciation, k: traité
a étérenouvelé conformément a l'article 24. PLAIDOIRIE DE AIme BASTID 467

Et alors j'arrive, alonsieur le Président, à la véritable situation en ce
qui touche le sort du traité de 1927 ail lendemain de la disparition de la
cour permanente: l'article 17, Paragraphe 4, inapplicable-du fait de I;r
disparition de la Cour permanente de Justice internationale. a été
suspendu dans ses effets après le 18 avril 1946.
Dans ses observations. le Gouverneinent belee a exooçéaue la disonri-
tioii CII:iCour I>criiiniiciitcai.;iit ri:iiclii iii;ipplic:ihll: I17:rp;ir;i-
ri: , II ri 111s:- et q11((:IaiiICScir<niiiian~ei CIE1s.ipiic.
II de\.nit Ctre soiijid~~rCcmiiiiic siisii<iiiduJ:iiis >c-.ciict; ficci >c.troiivv
au paragraphe 37 des observations'du Gouvernement bel&).
La Partie adverse s'est bornée à nier qiie telle était la situatiori
juridique.
Qu'a-t-elle dit pour esclure la suspeiision? Eh bien! l'esposé du
mercredi 18 mars (p. 129.130 ci-dessus) apparaît à la fois très rapide

et assez contradictoire. Tout d'abord. il a étéalléguéque la suspension
des traités ou de certaines clauses ne pourrait êtreétendue du droit de
la guerre économique [pour laquelle le Gouvernement espagnol admet
que la suspension soit pratiquée) i d'autres chapitres du droit des gens.
D'autre part, la Partie adverse donne une iriterprétation assez inat-
tendue de la these belge: cette suspension, suivant la Partie adverse,
ii'aurait étévalable et efficace que daris le cadre d'une condition résolii-
toire ou d'une condition suspensive, c'est-ldire de la condition que
l'Espagne devienne un jour partie ail Statiit de la Cour. En effet. pour
la Partie adverse, il faudrait admettre que -et je cite-:

<~l'article37 du Statut de la Cour, auqiiel l'Espagne n'a certaine-
ment pas été soumise entre 1946 et igjj, aurait eu la faculté de
transformer, en 1946, la caducité de l'article 17 du traité hispano-
belge eii une suspension d'un caractère tr2s spécial qui n'aurait
d'ailleurs eu qu'un caractère conditionnel ii(p. 130 ci-dessus).
C'est évidemment une opération étrzrngcot compliquée, mais je dois
dire qu'elle n'a aucun rapport avec la thèse qui a étésouteiiue par le

Gourernement belge ail paragraphe 37 de ses ol~servations.
Par ailleurs, pour écarter l'opinion du président Anzilotti dans
l'affaire de la Compagnie d'électricitde Sofia (C.P.I.J. série A/B no77,
p. 93), opinion qui a étécitéepar la Partie helge, notre honorable contra-
dicteur ne trouve rien de plus i dire qu'elle n'a rien à faire dans l'espèce
puisque aucune question de concurrence entre deus clauses juridictioii-
iielles ii'est en discussion dans la rése enteaffaire.
Monsieiir le ~resident, il~iuffit de-relire le paragraphe 37 des observa-
tions belges pour constater aue la Partie adverse en méconnaît totalement

011 !..uiirii.iit ~ulcrri~~rit daiij ccrr;,iiir.. circori;t:inira uii rriiit;
~i~ii::triiii~i>ciitIii<Ix.~i<.ifersi:,iisicist:r ,l'cii\.i-riciii, ci I'u~>iiiioii
du président Anzilotti est rapportée préciséineiitpou; montrer que tel
peut êtrele cas en dehors de l'hypothèse de guerre économique à laquelle
la Partie adverse voudrait limiter la possibilité de suspension d'une
claiise conventioiinelle. Ici encore lcs travaux récentsde la Commissiondu
<Innt iiitcrn:itioiiltl sont <i'iiii<:im1wrt:incc i:ssentir.ll1-:I poisibili12
I;i5lls~>c1lilollvsptrci\'il~.ilon ,eiilc't?ic:Li(~'aiiur(lciitre les pJrriej

Ir. JO II roc :ri ur lc droit des trnitCsl, inaii aiis>ien de
iraité'subs(;quént(art. 41).en cm de violation dutraité (art. 42),en cas
de survenance d'une situation rendant l'exécution impossible (art. 43).466 BARCELOSA TRACTIOS
Et le paragraphe z de cet article 43 que j'ai déjà cité tout à I'lieure
dispose:

«S'il n'est pas évident que l'impossibilité d'exécutionsera per-
manente, elle peut ètre invoquée seulement comme motif pour
suspendre l'application du traité. »
Au surplus la Commission du droit international a jugéutile de con-
sacrer un texte spécial (art. jq) aux c conséquencesjuridiques de la
suspension de l'application d'un traité ».Et ce texte dispose notaminent
que:

«cette suspension :
a) libèreles parties de l'obligation d'appliquer le traité pendant la
périodede suspension;
b) ne modiiie pas par ailleurs les rapports juridiques établis par
le traité entre les partieu.

L'article 37 d~iStatut de la Cour internationale de Justice n'a pas
eu l'effet étrange que lui attribue la Partie adverse, de transforrner une
caducité en suspension, mais l'article 37, par un accord noiiveau entre
les parties, a eu pour effet de mettre un terme à la suspension en per-
mettant pratiquement au texte de produire ses pleins effets. iqous
reviendrons un peu plus tard sur laportéede l'article 37. Pour le moment,
ilva s'agirde s'expliquer pluscomplètement sur leseffetsde la disparition
de la Cour permanente de Justice internationale sur le traité Iiispano-
belge, et sur la suspension de l'article 17, paragraphe 4.
Monsieur le Président, je crois avoir montré à la Cour que la pratique
de la suspension des effets d'un article ou d'un traité était admise cou-
ramment dans la vie internationale. Ils'agit maintenant de voir si cette
suspension a pu exister dans le cas du paragraphe 4 de l'article 17.
Pour se faire une opinion sur ce point, ilest évidemment iiecessaire
de recourir. une foisde plus. au teste du traité. et ce texte est d'ailleurs
li&aux circoiiirances mimci dan; lesqiielles le trait; .212conclu.
D';ipr;.sles tt.rmcs niérnesdc I'ariiile let:
iLes Hautes Parties contractantes s'engagent réciproqiiement
à réglerpar voie pacifique et d'après les méthodes prévuespar le
présent Traité tous les litiges ou conflits de quelque iiatiire qu'ils
soient, qui viendraient à s'éléverentre la Belgique et l'Espagne et
qui n'auraient pu être résolus par les procédés diploiiiatiques
ordinaires. ii

C'est là le principe de l'article reret tout ce qui suit n'est que la mise
en Œuvre de cet engagement fondamental, d'nn engagement qui doit
réagir en quelque sorte sur tous les rapports entre deux Etats qui appar-
tiennent, je diraià la même région du monde, entre deux Etats qui ont
des liens très étroits, des souvenirs très nombreux et qui participent des
inêmesconceptions généralesdu droit.
Cet article rerest mis en Œuvre dans tout cet engagement, dans tout
le texte du traité qui prévoit un jugement pour les différends,d'ordre
juridique comme: mode de solution et qui, lorsque pour les difierends
non juridiques la Commission de conciliation n'aboutit pas à un règle-
ment, prévoit également une décision par un tribunal arbitral qui
possède les pouvoirs d'amiable compositeur. 1.e teste dit: iiilictera un règlement obligatoire pour les parties». Avec un soin minutieux. les
uarties contractantes orit cherché à éviter aue l'une d'entre elles ~uisse
:,di,rol>erà a:çqu'clicsont ion-iiliri.ttqii'elle.;consi<lL'rt:iitti,ii-<i;iri
pui.~~.~~~'eiiloiitri ilr'iiuiicr tr;iit;-- cuiiiii~ilesprincipci 1,:splii,
élevÉiciii droit iiirc.rii;iiii.'i'r;,;;;ir.~mcrit (I'aillctirs. le; rLddctcui.3
du traité ont favorisé les procédures"de règlement qu'i peuvent être
établiesd'un communaccord, et le recours par voie de requête à la Cour
permanente, à la Cominission de conciliation, au tribunal d'arbitrage
pour les différends noii juridiques, n'est prévu que si l'accord s'est
véritablement révélé impossible et après certains délais.
Tout l'ensemble du traité est révélateurde cet état d'esprit. J'ai déjà
cité l'articl23 qui permet de saisir par requêtela Cour permanente pour
l'exécutiondu traité. On pourrait égalementrelever l'articleréta22oconcer-
nant les décisionsrelatives aux mesures provisionnelles.
Cet agencement minutieux n'a pas étéimaginéde toutes pièces lors
de la négociation hispano-belge qui devait aboutir à la signature du
traité du 19 juillet 1927.Ce traité s'insèredans un effort systématique
qu'ont tenté, au lendemain de la première guerre mondiale, différents
Etats, effort qui a étécouronné par l'adoption par l'Assembléede la
Sociétédes Nations de l'Acte générald'arbitrage. On sait qu'en vue
d'assurer le reglement aussi sir que possible dt:s différendsinternatio-
naux, plusieurs types de traités ont été signés et qu'une véritable
systématisationdevait êtrefaite par le Comitéd'arbitrage et de sécurité
constitué par la Commision préparatoire du désarmenient en novembre
1927,et parmi ces modèles,le Comitéd'arbitrage et de sécuritéretiendra
notamment le modele qui est réalisédans le traité hispano-belge.
Le texte du traité hispano-belge, ce modèledetraite, ce type detraité,
avait étépréconisé par les Etats scandinaves; il a étéadoptéle 30janvier
1926dans les rapports entre la Belgique et la Suede, puis il a étéadopté
dans le traité hispano-belge.
L'Espagne restera fidele à ce type de traité: les mêmes principeset
le mêmesystème se retrouvent dans des traités qu'elle a signésen 1928
avec l'Autriche, la Tchécoslovaqiiie, le Danemark, In Finlande, la
Norvège, la Pologne, la Suède, le Portu al cri 1929 avec la France,
la Hongrie, l'Islande; en 1930 avec la F,réce et la Turquie; en 1931
avec la Bulgarie. Le texte de beaucoup de ces traités se trouve notam-
Settlementof International Dis@~tesqui a étépubliépar les Rations Unies
et qui vise la période1928-1948.
Ainsi letraitéhispano-belge du 19juillet 1927contient desengagements
qui correspondent à une volonté bien établie de l'Espagne de prévoir
dans les rapports avec un très grand nombre d'litats européensle règle-
nient des différendsqui peuvent surgir - je cite- asuivant les prin-
cipes les plus élevésde droit international n.Ce traité a étéconclu pour
iine duréede dix ans et suivant une clause qui a étéune clause de style,
peut-on dire dans ces traités, il a étéprévu que, sauf dénonciation, avec
preavis de six mois, le traité serait renouvelépour dis annéeset ainsi de
suite. On aurait compris que les événementsqui ont précédé et qui ont
suivi la seconde guerre mondiale aieiit amenéi dénoncer ce traité. II
n'en a rien étéet la Partie adverse reconnait que le traité est en ~'geur.
Cependant il ii'est pas contestable que la disparition de la Cour perma-
nente de Justice internationale, organe clont le fonctionnement était470 BARCELOSA TRACTIOS

visé par le traité qui permettait la réalisation des fins de celui-ci, ait
apporté un g~and trouble dans sa mise en Œuvre.
Cependant doux considérations permettent de déterminer quel peut
itre le sort des obligations assumées par les deux Etats et qui concer-
naient l'utilisation de la juridiction internationale, telle qu'elle existait
lors de la concliision du traité en 1927. Tout d'abord subsiste iritégrale-
ment l'engagement de réglerles différendsentre les deux Etats d'après
«les méthodes» prévuespar le traité (art. 2).D'autre part, au moment
mêmeoù a disparu la Cour permanente de Justice internationale est
déjà instituée iine nou\~ellejuridiction, elle est organisée, elli: est en
mesure de fonctionner et la Cour internationale de Justice, en tant
qu'institution, présente des caractères analogues à ceux de la Cour
permanente, elli: a étéinstituée sur le modele avec la volontéd'assurer

la continuité avec la Cour permanente.
Sans doute, en 1946, l'Espagne n'est-elle pas partie au Statut de la
nou\.elle Cour, mais la faculté pour elle d'y avoir accès pour le règle-
ment d'un différendd'ordre juridique a étéreconnue dans des conditions
qu'ont rappelées les observations du Gouvernement belge (pas. 39), et
la Partie adverse n'a as contestéce oint.
I)onc si.:I I>:IIII(lc'l;<Iissulutioi<fi:1.1Cour permnnciitt:. 1':iriiclt I j,
1>ar:igi:~l'Iiç. IIC PCIII jllui ifrc :ij>pIiqu;:iuIv;Lnt In IC~I~C II~CC.[[<.
.liil'o;~r~~~Ii,'ob.igntiuii(lc jurirli<:tionobliqnt~iirc.iic diil~:ir:iirp3>d6tiiii-
iiv~n1~1it i!t+III,i'itcd;ln- le, r;tppr>rl t.rtIci <IL.II\ txts, I:CL.c1rc:oris-
iniit:<.i\.ont jilstil2l~litiu..p~~i:iun I'i~xi.~uti~~iil Cou\<~rri~~nicnt
espagnol, et par conséquentle droit d'agir par voie de requêtedevant le
juge international est certainement, au lendemain mêmede la dicsolution
de la Cour permanente, paralysé pour la Belgique. Mais rien ne permet
de considérer que I'im~ossibilitéd'exécution sera permanente et par
<oni;~lu<.iit,da1i.ices co;iditic>~iiI sur 1:1ll.îse<lesréi1t.i~IICjc r~~>~>riiiii
.iiirt:ricurt.iiieiit. IIfaut cunsidi.rer qii'il n'yqii'un iiioiifI)i,ii,uipr.ii-
dre l'application de l'article 17, paragraphe 4.
Cette argumentation, cette position, que prend le Gouvernement

belge est-elle conforme ê la pratique internationale. à la pratique des
organisations internationales, à la pratique des Etats en présence de
la disDarition de la -~u~ ~ermanente de Tusti"e internationale? Telle
est la question que nous aurons à examiner maintenant.
Monsieur le Président. la question du sort des traités qui prévoyaient
une intervention d'organes iaternationaux qui ont disparÜ,c&te iquestion
a retenu l'atteiitiion au lendemain de la seconde guerre mondiale lorsque
de nouveaux orl;anes internationaux, de nouvelles institutions interna-
tionales étaient créksoui ~ouvaient rem~lir des fonctions analoeues.
Les observations du'~Guvernement bhge ont montré que le: traités,
qui contenaient ces références à l'intervention d'organes internationaux,
sont restésen vigueur. Les paragraphes 31 et suivants des observations
du Gouvernement belge contiennent sur ce point de nombreux exemples,
et le Gouvernement espagnol ne conteste pas que ces traités soient
restésen \'gueur.
Mais si l'on va plus loin. si l'on considère les clauses elles-mêmes
qui visaient l'organe disparu, on constate qu'il n'est jamais question à
leur sujet de caducité.Si l'onparle de la disparition de cesclauses, de ces
dispositions particulières des traités, c'est à la suite d'un nouvel accord

qui va substituer ê ces clauses de nouvelles dispositions mentionnant une
institution différente.Et c'est là notamment le sens du rapport de la PLAIDOIRIE DE a~me BASTID 471

Sixième Commission de l'Assemblée générale desXations Unies, à
propos du protocole de transfert concernant les conventions sur les
stupéfiants qui a étéadopté le II décembre 1946.
Ce rapport de la Sixième Commission a déjà été mentionné dans la
procédure écrite. Mon savant contradicteur l'a rappelé (p.138 ci-dessus),
mais les conséquences qu'il en a tiréesnégligent la réalitédu problème.
En effet, il s'agit ici de définir le sort d'une clause d'un traitéi vise
une institution internationale disparue.
Or ce rapport déclare - je cite:

vigueur. certahes parties des actes'origiria& deviendront ainsi
lettre morte, du nioins pour tout Etat qui n'est pas partie au
protocole. 1)

Qu'est-ce à dire. sinon que, d'après ce ra port de la Sixième Commissioii
la disparition des textes anciens date fe l'accord noiiveau?
Jusque-là, jusqu'à cette date, les textes visant les institutions dis-
parues sont inapplicables mais ils ne sont pas caducs, et ceci explique
que les protocoles de transfert aient souvent tardé pendant plusieurs
années. Lorsqu'ils sont intervenus, c'est avec la préoccupation der donner
plein effet à l'application de toutes les dispositiorisn de la convention
enquestion, telest le terme que l'on trouve notamment dans la résolution
841 (IX) à propos de la Convention internationale concernant l'emploi
de la radiodiffusion dans l'intérêt dela paix.Ces protocoles n'ont jamais
pour but d'introduire une disposition qui remplaceraitune clause caduque,
c'est-à-dire au fond, d'introduire une disposition pour prendre la place
d'une clause qui, d'ores et déjà, ne ferait plus partie du système de la
convention, qui serait déjà frappée d'une caducité, c'est-à-dire d'une
disparition totale dans ses effetsdans le système de la convention.
Cette attitude que nous venons de signaler dans le comportement
notamment des organes des Kations Unies, nous la retrouvons dans les
rapports entre la Finlande et les autres Et;rts scandinaves s'agissant
des accords qui ont &tépassés et qui ont étécita%dans les observations

belges au paragraphe 42. Notamment dans l'accord entre la Finlande et
la Suède du 9 avril 1953, il est dit que l'articlle' de la Convention
de 1926 qui prévoyait le recours à la Cour permanente - je cite:
<<n'estplus applicable du fait que la Cour permanente de Justice inter-
nationale a cesséd'exister ».
L'objet de cet accord.est et c'est le terme textuel - iin iisiipplé-
ment »à la Convention de 1926 qui consiste à prévoir que les stipulations
de l'articlelerde la Convention qui sont relatives à la Cour permanente
de Tustice internationale s'aA.iia.eront irDar substitution>, à la Cour
intekationale de Justice.
A aucun moment il n'est dit que la clause de juridiction est caduque.
et notre savant contradicteur déclare lui-même (\. 1-" ci-dessus) uue
l'objet de l'accordest de «remettre en vigueur la clause de jurid;ction
du traité de1~26 o.La Cour ohser<i~eraque sa formule est ici moins absolue
que celle emploie àpropos de l'ariicle 17, paragraphe 4,mais mêmc
cette formule ne rend prisexactement compte des termes de l'accord <le
1953 Cet accord de 1953 veut simplement rendre pleinement applicable
la disposition du traité qui, entre la Finlande, la Suède ou la Xorvège472 BARCELOS.4 TRACTIOS

ne pouvait pas :.'appliquer dans ses termes mêmesparce que la ITinlande
n'étaitpas encore membre des Xations Unies. Et le jour où la Jïnlande
devient partie an Statut de la Cour, c'est-à-dire lejour où il n'y a plus de
raison pour que cette disposition du traité soit suspendue et qu'il soit
nécessairede parer à cette suspension par un accord particulier, alors
l'accord de complément cesserade produire ses effets.
Nous trouvons, Monsieur le Président, d'autres exemples, notamment
dans l'avis coiisiiltatif relatif au Sud-Ouestafricain.La Cour a dit (C.I.J.
RecueilIgjo, p.-136~.
cion ne saurait admettre que l'obligation de se soumettre à
surveillance aurait dispam pour la simple raison que cet oigane de
contrôle a cesséd'exister. u-

En somme, la conviction qui se dégagede la pratique internationale
est que la claiise visant l'institution disparue est paralysée dans son
efficacité,faute d'un orcane existant oui vuisse accomplir des fonctions
déterminées.Suivant leks, lesconséqienhessont variables: par exemple,
la surveillance de l'organe nes'exercera pas, oii encore, 1'Etat ne pourra
pas saisir cet ork:ane.ou encore le fait de-ne pas se conformer au:<termes
du traité n'entriknera pas de responsabilitéGiternationale. Mais lin point
est certain: tant qu'il n'est pas établi que cette situation est défi~iitivel,e
système du traité fonctionnera de façon incompl&te.mais si cetl:e clause
rii ioiiiiii~ilpciit p:,r uiic iecliniqiie ]iiialiqii~c~o\~~~i,trc rdiiiriire
iii\.aiit Icspri:j>ion t:niplo!;.c par >ir i;sr:I:itziiiniirii<.t.II. Tanak:i
dnii-.Idir ilc~lsr~tioniuiiiiiiiiiic dlii-. 1ail:,irc dii ~'sd l'rédh-l'tiriar
(exceptions préliminaires, C.I.J. Recueil 1961. p. i7), alors le traité
reprendra tous ses effets.
II faut enfin noter que les conséquencesde la dimarition de la Cour
permanente SUI i'artiiie 17, para&aphe 4, du trait% hispano-belge ne
peuvent êtreappréciéesen faisant abstraction de l'article 24, paragraphe
2,du traité que j'ai citéplusieurs fois et qui prévoit que si celui-ci, qui
aura une duréede dis ans, n'est pas dénoncé six moisavant l'expiration
de ce délai, r ilsera considéré comme renouvelé pourune péviodede
dix années ».
Qu'est-ce à dire, sinon que pour les parties le traité continuera à
être obligatoire pendant une nouvelle période,que ce sera bien le traité
lui-mêmeet non pas un acte juridique nouveau amputé de telle ou telle
clause qui serait réputhecaduque, dont leseffetsse roduiront.
Dans l'affaire du Templede Préah-Vihéar,lors As exceptions prélimi-
naires, dans son opinion individuelle le juge Morelli s'est expliquésur
la portée du reiiouvellement tacite d'une déclaration d'acceptation de
la juridiction de la Cour (C.I.J. Recueil 1961, p. 47). 11a distingué la
situation du renouvellement tacite d'une déclaration «renouvelant une
déclaration précédenteuet il a dit qu'en cas de renouvellement tacite
il s'agit toujourj de .la soumission précédentequi continue à produire
ses effets faute de dénonciation B.
La situation est la même s'agissantd'un traité, et dans l'espèce,par
la tacite reconduction, l'article 17, paragraphe 4, du traité a continué
à faire droit entre les parties, mais cette clause, devenue inapplicable
à la suite de la dissolution de laCour permanente, est restée ien sommeil a
jnsqu'à la date où l'article 37 du Statut de la Cour internationale de
Justice faisait droit entre la Belgique et l'Espagne, du fait de l'entrée
de l'Espagne ails Nations Unies; il en résulte que dans leurs rapports PLAIDOIRIE DE Mme BASTID 473
mutuels, les deux gouvernements ont alors donnéleur consentement à
ce que la Cour i~itemationale de Justice constitueentre eux la juridiction
compétente; ayant ainsi montréque la disparition de la Cour permanente
de Justice internationale a eu pour effet de suspendre les effets del'article
17,paragraphe 4, il me f,autmaintenant, Monsieur le Président, montrer
quelles sont les conséquences de l'entrée en vigueur dans les rapports
entre la Belgique et l'Espagne de l'article 37 du Statut de la Cour inter-
nationale de Justice, entréeen vigueur qui va avoirpour effet de toucher,
d'affecter cette situation juridique très particulière, cette situation de
suspension qui était jusqu'alors celle de l'article 17, paragraphe 4, du

traité hispano-belge.

[Audience fizrbliquedu 13 avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'aborde maintenant
la deuxième partie de la réfutation de l'exception préliminaire principale
no 2. Je voudrais rechercher si l'article 37 du Statut de la Cour interna-
tionale de Justice a pu avoir pour effet de ranimer l'article 17, para-
graphe 4, du traité hispano-belge de 1gz7, pour reprendre l'expression
employéepar sir Gerald Fitzmaurice et M. Tannka dans la déclaration
commune relative à l'arrêt du Temple de Prl:ah Vihéar (exceptions
pré1iminaires.C.I.J. Recueil1961,p. 37).déclaration queje citais cematin.
Le Gouvernement belge se fonde dans sa prétention sur un texte
clair (l'article 37 du Statut de la Cour) et sur une situation juridique
qui est admise à la fois par 1'Espagiieet par la Belgique. Le teste est
celui de i'article37. que je relis:

I.orsqu'u~itr:iit<uii niic con\.ciilioii cii \igii<.iir[>r<\Irrcriioi
,'innc ~iiritl~~~t~qc~uii Je\ ait i~i~titi~c.lrx Soci<clr; S:iti<nii<)II.i
la Cour i>riii.tiit.literlc lustiic intcrii:itiui1;Cour iiitcrn~tioii;~l~.
de ~usttce constituera Eette juridiction entre les parties au présent
Statut. »
La situation juridique reconnue est le fait que le traité du 19 juillet

1927est en vigueur entre la Belgique et l'Espagne. Ce traité, renvoyant
dans l'article 17, paragraphe 4, à la Cour permanente de Justice inter-
nationale, leGouvemement belgeestime qu'entrelaBelgique et l'Espagne.
~arties au Statut de la Cour internationale de Tust"ce. cette Cour cons-
titue la juridiction compétente.
Pour écarter cette thèse, qui paraît aller de soi, la Partie adverse
nrésente un svstkme subtil dont il convient de relire. une fois encore,
i'énoncétel qu'il a étédonné dans l'audience du 18 mars (p. 122
ci-dessus) - je cite:
«Le Gouvemement espagnol conteste qut: l'article 37 du Statut
de la Cour ait pu avoir pour effet de transférer la juridiction obli-
gatoire de la Cour permanente, telle qu'elle est prévue à l'article
17, alinéa 4, du traité hispano-belge à la Cour internationale de
Justice, et ceci pour la raison évidente que l'article 17, alinéa 4,
du traité hispano-belge a étérendu caduc à l'époque où l'article
37 du Statut de la Cour aurait pu lui être:appliqué,et parce qu'il
n'y a pas lieu de présumer que I'article 37 fût en mesure de faire
renaître cette disposition caduque à l'époqueoù l'Espagne devenait
partie au Statut de.la nouvelle Cour en 1955. » 474 BARCELOSA TRACTION
Notre savant contradicteur a prétendu démontrercette aai-niation en
interprétant 1'a.rticle37 - et je cite: «interprétation qui nous iiidi-
querait les raisons de la caducité de l'article 17, alinéa 4, du traité
hispano-belge in.
Cette présentation est assez complexe, sinon obscure. On ne voit
guère pourquoi l'interprétation de l'article 37 pourrait indiquer oles
raisoiis de la caducité de i'article 17, alinéa 4 11.A supposer que cette
caducitése soit produite, elle est indépendante de l'article 37 du Statut
de la Cour internationale de Justice, qui ne contient rien qui soit relatif
à la caducité d'une dis~osition auelconaue. La caducité ne ~ourrait se
produire qu'en fonctiok de la diSparition de la Cour permanente et en
conséquenced'une &le de droit international général.
Par-ailleurs, on ne-comprend pas que, s'expliquant sur les effets de
l'article 37, la Partie espagnole ne se pose pas la question de savoir

s'il existe ou non entre l'Espagne et la Belgique un traité en vigueur, et
lie prenne pas en considération le fait que ces deux Etats sont, depuis
1955l. 'un et l'autre, parties au Statut de la Cour.
Le mystère s'est éclairci à mesure que l'on a entendu l'exposéde notre
savant contradicteur: tout son effort a tendu. sous rét texted'interuréter
1';irticle3;i le rkrire. II 2 subiriru; ila fùrriiiib' rr,iirCuu coiivt:iition
rii V~CIICII.,Iü.f>~IIIUIC CI~IIISiCr~~lic~~o~~~ ;Iell~!iic~~,)Il.tICIII~I;~~;
la formule cles ~arties au ~réient Statut iiDar laformule iles vârties
origiiiilirc..;bu pr;scni Siar~it..;\pr& quoi, ;i).:tnt :&hm;, <I:III6s coii.
ditioii; (IIInoii, :ivoiis cupoîét:~cc in:itiii. qucId clauie iiiri(licrioiiiicllc
était caduque depuis 1946, il a conclu que-l'article 37 ne pouvait pas
s'appliquer. Il a de plus tenté de renforcer le système en disant que
l'Espagne n'étant pas membre originaire des Nations Unies, en tout
état de cause, l'article 37 n'était pas destiné, dans l'intention des rédac-
teurs du Statut, à s'appliquer à elle et ne pouvait avoir pour effet de
remettre en vigueur à son égard une clause caduque. Pourqiioi cette
méthode de raisonnement? Eh bien! la raison en est fort claire.
Pour le Gou~ernement espagnol, l'article 37 du Statut de la Cour
internationale de Justice a eu pour seul effet de préserverdelacaducité
les clauses juridictionnelles contenues dans des traités en vigueur entre
Membres originaires des Nations Unies ou, éventuellement, entre Etats
qui auraient pu devenir Membres des Nations Unies avant la dissolution
de la Cour permanente.
Donc, tout l'effort de la Partie adverse tend à rapprocher l'article
37 de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour, ou plutôt à
entraîner la présente affaire dans le sillage de l'affaire de l'Incident
nériee~ein dépit des différences manifestes que révèlentles textes appli-
cables et les rapports de droit existants.
On verra que la prétention du Gouvernement espagnol (l'écarter
en l'espècel'application de l'article 37 du Statut est sans fondement
et que, bien au contraire, cette application est imposéepar les termes de
cet article et que cette application est conforme à la pratique inter-
nationale, y compris la pratique du Gouvernement espagnol.
Eii conséquerice,de l'avis du Gouvernement belge, l'article 17, parn-
graphe 4, du traité de 1927. devenu inapplicable et suspendu dans ses
effets du fait di: la dissolution de la Cour ocrmanente de Tustice inter-
nationale, a pu êtrevalablement invoquk à partir de ladmission de
l'Espagne aux Nations Unies et, dans ces conditions, ce texte fonde la
compétencede la Cour dans la présente affaire. l'oiir renconrrrr la rh&e de nioii s;iv:int cuntr:iilictriir, j'r-x;iiiiiiii~r:ii
iiiit.~~iivcmeiit. .\IonsiciIL I'r~si~l~iit.le5iii;triiin('nt.>visrispar 1':~rticIt:
37: Ici ISt;~tsauxquels s':qil~liil1.';irticlc37;et, eiiti1t~ i.fIctsjiiridigiir;
-. .-RT.-. -a,.
Monsieur le Président, pour ne pas abuser de la patience de la Cour.
j'irai à i'essentiel, sans discuter les méthodes de raisonnement qui ont
étéutiliséespar la Partie adverse mêmelorsqu'elle tente de se couvrir
de l'autorité de la jurisprudence de la Cour. En effet, peut-on prétendre
s'attacher au sens - et ie cite: "naturel et ordinaire des mots i,oour
interpréter l'article 37, aiors que l'on substitue à l'expression iitiaité
et convention en vimeurn l'expression clauses iuridictionnelles des
traités en vigueur >(,6 125 et 12j ci-dessus)?
Je ne discuterai pas non plus d'affirmations qui n'ont aucun rapport
avec les thèsesqui ont étésoutenues par le Gouvernement belge: celui-ci
n'a jamais prétendu que soit - et je cite: «encore en vigueur en
1955 une clause juridictionnelle devenue caduque en 1946, lors de la
disparition de la Cour permanente11 (p. 128 ci-dessus). Je m'étonnerai
seulement flue l'on ~uisse dire oue - et ie cite: irsa caducité est

~I'iin*il:iusr (I'iiitrait:. p;tiiiii.i,L:ii,:riit!n:itutte (lue I'i#dlc-.lit:^!..
iiitc:rcsjCiuii qu'iiiic tl6iioiicintionprc'alal,Ic.m;iiliiii<1.ncadiicirC,e,t
ou n'est pas réalisée;elle ne peut pas se renforcer.
Le point de départ du raisonnement de la l'artie adverse est que
l'article 37 ne se réfèrepas aux nombreux traités d'arbitrage, de juridic-
tion, de conciliation conclus entre 1920 et 1940. mais qu'il - et je cite:

nne se rapporte à aucune autre disposition que celles visant directe-
ment la juridiction de la Courpermanente quisont restéesen vigueur
malgré la dissolution de celle-ci jusqu'à l'époquede la requète
adressée à la Cour internationale de Justice. Le terme cles traités
et conventions en vigueur »est donc employé,dans le contexte de
l'article 37, dans un sens étroit. Ce sont uniquement les traités ou
conventions ou, plus exactement exprimé. les clauses juridiction-
nelies des traités en viguerrr, qui ont attribué compétence à la Cour
permanente de Justice internationale, qui sont viséspar l'article
37. a (P. 125 ci-dessus.)

Ainsi. mon savant contradicteur arrive à poser que, pour que le
transfert de juridiction puisse s'opérer, deux éléments doivent être
réunis :
I) un traité de juridiction doit êtreen vigueur entre parties au Statut
A l'époquedc la requête;

2) ce traité doit contenir une clause juridictionnelle valable entre lei
parties, clause qui doit prévoir le recours à la Cour permanente.
On ne pourrait prétendre, selon la Partie adverse, qu'une convention
ou un traité soit en soi valable et faireabstraction des clauses caduques
contenues dans ce traité (p. 125 ci-dessus).
Donc, ce qui importerait serait de vérifiersi est en vigueur la claiise
juridictionnelle du traité qui serait seule importarite, et non pas i'ensem-
ble des clauses du traité.476 BARCELOKA TRACTION
Cette thèse est affirméeavec une grande énergie, mais elle ne se

réclameque de la force de sa prétendue logique, elle ne s'autorise ni du
texte, ni de la pratique, ni des travaux préparatoires.
En prétendarit éliminer la référence à - et je cite: iiun traité ou
une convention en vigueurr pour ne plus parler que des clauses juridic-
tionnelles en vigueur. la Partie adverse tend vers un objectif très précis:
il s'agit d'écarter la possibilité d'appliquer l'article 37 du Statut aux
Etats qui ne sont pas membres originaires des Nations Unies et de
tenter de retrouver dans le cadre de l'article 37 une situation analogue
à celle qui a ét~! considéréepar la Cour s'agissant de l'article 36, para-
graphe j.
En effet, la Cuur, dans l'arrêtdu 26 mai 1959, a déclaréque la déclara-
tion bulgare est devenue caduque et a cesséd'exister dèslors que - et
je cite:
iile supporl. juridique que cette acceptation trouvait dans l'article
36, paragraphe 2, du Statut de la Cour permanente de Justice
internationale avait cesséd'exister par suite de la disparition de ce
Statut i(C.I.J. Recueil 1959p ,. 143).
Selon l'arrêt,l'article 36, paragraphe j, n'a pu préserver lesdéclara-
tions émanant 11'Etatsnon signataires de la Charte de la.caducitédont
les menaçaitla prochedissolution dela Courpermanenteet la Cour aadmis
que la dissolutiori de la Cour permanente a libéré lesEtats non signataires
des obligations résultant de leurs déclarations (C.I.J. Recueil 1959,

P. Le Gouvernement espagnol,assimilant la clause juridictionnelle de

l'article 17, alinba 4- qu'il a seule retenue de tout le traité de 1927 -
à une déclaration sur la base de l'article 36, paragraphe z, du Statut de
la Cour permanente, asrnze que la dissolution de la Cour permanente a
égalementrendu caduque cette clause juridictionnelle, à moins qu'avant
cette dissolutior~,les Etats parties à cette clause étant devenus parties
au Statut de la Cour internationale de Justice, l'article37 ait pu jouer
à leur égard (p. rz6 ci-dessus).
Nous reviendrons tout à l'heure sur la vortéeau'il convient de donner
;I'LS~J~C~~I L:Iplrtics iiu~~CSCI jtatÙt S\'O;I;~IIunspour 1,.~~l<nnrnt
noils borner R i.':~m~ncil.'i~ltcrprritatiol~I):lrtl.uIi1~1eiiI>artu nd\erir:
donne de cette formule très-simple en apparence: mais quand on y
songe un peu (:tonnante -je cite: «un traité ou une convention en
vigueur ».
Les observations du Gouvernement belge en réponse aux exceptions
préliminaires out exposé l'origine de l'article 37 du Statut, ses liens
avec le mêmearticle du Statut de la Cour permanente de Justice inter-
nationale et les objectifs poursuivis lors de son élaboration par le Comité
des juristes de LVasliingtonet au cours de la conférencede San Francisco.
Ceci se trouve aux paragraphes 65 et 106 des observations du Gouverne-
ment belge. La Partie adverse a présenté à ce sujet quelques remarques
(p. 123 et suiv. ci-dessus); ces remarques appellent certaines mises au
point. Ces mises au point concernent tout d'abord l'article 37 du Statut
de la Cour permanente de Justice internationale. On sait qu'il était
ainsi rédigé-je cite:
«Lorsqu'un traité ou convention en vigueur vise le renvoi à
une iuridiction à établir var la Sociétédes Nations. la Cour consti-
tuera cette juridiction. » A PLAIDOIRIE DE Mme BAS'rID 477
La Partie adverse a repris à sa manière I'applicatioii de ce texte qui
a étéfaitedans l'affaire du navire Wimbledon.Elle a parlé dela requête
allemande à la Cour et des raisons pour lesquelles les Puissances alliées
et associéesn'avaient pas de motif de présenter une exception d'irrece-
vabilité (p. 124 ci-dessus).
En réalité,si le Gouvernement allemand, comme il l'avait fait déjà
le 16 septembre 1920 dans l'affaire du Dorrit, a demandé le 28 janvier
1922que la contestation relative au navire Wimbledonsoit portéedevant
la Cour, ce sont la France, le Royaume-Uni, l'Italie et le Japon qui ont
saisi la Cour par voie de requête,la Pologne intervenant à la procédure.
Donc était exclue une exception d'irrecevabilité qui aurait pu être
opposéepar ces Puissances, mais le motif est tout autre que celui que
parait exprimer la Partie adverse.
Xlais pourquoi donc, hfonsieur le Président. avoir rappelé dans les
observations du Gouvernement belge cette première application de
l'article 37? La Cour ne manquera pas d'observer qu'A cette occasion
est auDarue Dour la ~remièrefois cette situation dans laauelle un traité
contén'antun engagement de juridiction obligatoire est en'vi ueur, alors
que faute de juridiction effectivement établie il est destin[ au moins
kndant un certain temps, à rester inopérant, inapplicable à cet égard.
Par contre, lorsque la juridiction est constituée le traité va pouvoir
produire tous ses effets. Ainsi se manifeste une analogie certaine avec
$<:<~usi'c;t pr<sscdans lei r:ipl~ortshispano-belgr.; qiiaritl la Cour Lierma-
iientc de liistiiç internationale 3 Cté liss soutelors que suhiistait d;ins
IL<triiitc qiii, lui, restCII\.igi~cii1,engageiiieiit de réglerpar jugement
les litieeyentre les deux EtaG. . . - - .-
I.'abseiice (le moyen pratique pour assurer I'excciition de I'crigagenierit
IIC reiid p;is 1'erig:ijiemcntcaduc. son apl)licalion est suiil)riidu~-:IC
texte est provisoirëment inopérant. . .
La Partie adverse a fait allusion aux problèmes qu'a pu soulever

blèmes qui ont étéévoquésdans l'ouvrage classique du juge hlanley pro-

Hudson et dans un article pénétrantde l'ancien greffier et juge Ham-
marskjold.
On trouve dans cet article l'histoire de la rédaction de l'article 37,
établi sur la suggestion du Conseil de la Socitté des Nations, qui avait
décidéd'abandonner le principe de la juridiction obligatoire de la Cour.
En fait. l'article-.7 est issu de la dissociation en deux dis~ositions dis-
tinctcs. 1':irtiile 36 pi~r;~gr:iphcrr"'.et 1':inicle 37, d'un test,: iiiiiqiie
qiii:~v:iiétéprc:cijémeiitproposépar le Cori.ieil (leI;iSociiti! dçs Satioiis.
A la suite dc cette décisiond'une iiiiport:ince ca~itale. ct i CC riiumcnt
le texte unique proposépar le Conseiiétait aiiisi;&dig&:
«La Cour connaîtra, sans convention spéciale, des litiges dont le
règlement est confié à elle ou Ala juridiction instituéepar la Société
des Nations, aux termes des traités en vigiieur. a (Annexe 118 du
procès-verbal de la loe session du Conseil.)

C'est l'Assembléede la Sociétédes Rations qui a séparél'article 37
de l'article 36, paragraphe xer.qui sera ainsi rédigé:

xLa compétencede la Cour s'étend toutes les affaires que les
parties lui soumettront ainsi qu'Atous les C;LSspécialement prévus
dans les traités et conventions en vigueur. »478 BARCELOSA TR.4CTIOS
Dans cet article, paru en 1937 à la Revuegéné~ad lee droit inleritalio~tul
public, le juge I-iammarsl<jolda observéque l'ordre des dispositions di1
Statut n'étaitpas logiquement satisfaisant, que cet ordre s'expliquait en
fait par la hâte avec laquelle avait eu lieu la mise au point finale du

Statut de la Cour par l'Assembléede la Société desNations, et il déclare
qu'il aurait éténaturelde réuniren un article àpart le contenu de l'article
37 et celui de l'article 36, alinéa PT, car, dit-il, l'article 37 n'est qu'un
simple complément de l'alinéa xerde l'article 36 (Revzcegénérald eedroit
ixlernulionul$zri)lic,1935,p. 657).
J'estime que cette observation est d'une importance capitale. Elle
conserve tout son intérétsi I'on considère maintenant le Statut de la
Cour internatioiiale de Justice, car, en effet, tout en tenant compte
d'une situation nouvelle - la disparition de la Cour permanente de
Justice internationale -, l'article 37 conserve un r6le analogue à celui
qu'il avait dans le Statut de l'ancienne Cour. Il se rapporte à une attri-
bution de compétence fondéesur un traité en vigueur, de m&meque
-'article"16. alinéale'.
Par contre, les alinéas z, 3, 4 et 5 de l'article 36 concernent un autre
~rocédéd'attribution de compétence à la Cour: le procédédes déclara-
iions unilatérales concordantes d'acceptation de juridiction.
Ainsi pour l'interprétation de l'article37, c'est avant tout l'article 36,
paragraphe le',et non pas l'article 36, paragraphe 5, qui constitue le
contexte qu'il peut étrenécessairede considérer.
Cette origine de l'article 37 permet également d'expliquer pourquoi on
..trouve l'expression - et je cite- fun traité ou une convention en
v!gueur >r.C'est une expression assez étonnante si on la compare à la
redaction de l'article 36, paragraphe z a) du Statut qui vise ~l'interpré-
tation d'un traité» ou encore à la formule de l'article 38, paragraphe
I a) qui vise *les conventions internationales B.
Le secrétariat de la Sociétédes Nations avait préparé pour laCom-
missionde juristes qui a élaboré leprojet de Statut de la Cour, un mémo-
randum dans 1t:quel étaient cités les textes nombreux, aux formules
dissemblables, qui prévoyaient le renvoi à une juridiction que devait
instituer la Sociétédes Nations, à la Cour de Justice, de l'article 14 du
Pacte, etc. Au riombre de ces textes, il y avait, d'une part, les itraités
de paix ii,d'autre part, diverses conventions comme la convention sur
le régime des spiritueux en Afrique, la convention sur la navigation
aérienne,etc.
Le Comité dejuristes qui admettait la compétence obligatoire de la
Cour avait mentionné ces situations tout en déclarant qu'il était inutile
d'indiquer tous ces cas en détail dans le Statut (procès-verbaux des
séances du Coniité,p. 724). Lorsqu'il est appam, en conséquence des
décisionsque jc-rappelais il y a un instant du Conseil et au cours des
travaux devant l'Assemblée,qu'une disposition spécialedevenait néces;
saire, la proposition de M.Fromageot, sir CecilHurst, et M Ricci Busatti
qui a été finalement adoptée,était rédigée dela façon suivante:

~Lorsqu'un traité ou convention en vigueur vise le renvoi à
une inridiction à établir par la Sociétédes Nations, la Cour consti-
tueri cette juridiction.i,A

Il est clair que I'ona cherché à désigneralorsavec précisionles dive~es
sortesd'instruments qui,en fait, visaient le renvoi à une telle juridiction. I'I.AIDOIKIE DE Mme HASTID
479
A l'époque,le terme traité1)visait essentielleirient les traités de paix,
niais il fallait également mentionner les conventions qui renvoyaient
également à la juridiction agrééepar la Société desNations. Donc, ces
terines ont étéemployésparce qu'on a eu eii vue les instruments eux-
nièmes et noii pas la disposition spéciale rc1at:ive à la juridiction, la
clause jiiridictionnelle, qui pouvait y êtrecontenue.
S'il cn était autrement, la rédaction adoptée n'aurait eu aucun
sens.
La mêmeexpressioii a étéconservéedans le Statut de la Cour inter-
nationale de Justice; donc les rédacteursdu nouvel article37 ont entendu
parler de I'inslrumenl qui renvoie à telle juridiction et iion pas de la
disposition particulière deL'articleou de la cl:iuse dans lequel la juridic-
tion est mentionnée. Par conséquent, la première condition pour que
1':irticle 37 puisse êtreappliqué c'est l'existence d'uii tel instrument:
traité oii convention qiii soit en vigiieur. La prétention du Gouverne-
ment espagnol suivant laquelle le terme xles traités et coiiventions en
vigueur n est employé dans le contexte de I'article 37 ndans iin sens
étroit nest donc inconciliable avec l'origine mêmedu texte. Et même
si l'on \,eut considérerles termes qui sont employésdans le texte actuel
de I'article 37 nun traité ou une convention ,nil faut bien dire que cette
rédaction conduit nécessairement à considérerl'instrument en lui-même
pour apprécier s'il remplit la coiidition d'êtreen vigueur.
Ces observations, Monsieur le Président, touchent au ceur mêmede
la question qui est poséeà la Cour dans cette exception préliminaireno z.
Car c'est en introduisant le esens étroit » de l'expression «un traité ou
une convention en vigueur > ,ue la Partie adverse tente de construire
s;i théoriede la *clause caduque iiet aboutit hn:iIement i traduire dans
le texteKles parties au présentStatut D par ales Jleinbres originajres des
Nations Unies». Aprhs qiioi, notre savant contradicteiir explique le
tout par des considérations ernpruntées,?~l'arrêtde l'Incident aérien,
qui concerne un texte et une situation qui sont différents, considérations
relatives iiotamment à ce que pouvaient prévoir ou envisager les Etats
représentéslors de la conférencede San Francisco - c'est ce que l'on
trouve notamment à la page 150 ci-dessus.
Ceci étant établi, il s'agit maintenant de considérer plus attentive-
ment si cette prétendue distinction entre les parties au Statut a été
envisagée lors de l'élaboration du texte oii si elle a étéadmise dans
l'application ultérieure de ce teste.
alonsieur le Président, je voudrais maintenant examiner le problème
des Etats auxquels s'appliqiie I'article 37 du Statut de la Cour interna-
tioiiale de Justice.
La Partie adverse part du postulat que les clauses de juridiction
iiéesiêtrefrappéesde cai-lucitédu fait de la dissolution decette juridic-
tion et elle soutient que seules ont pu êtresauviies de la caducité celles
qui liaient des Etats qui, avant cette dissolution, ont étéparties au
Statut de la nouvelle Cour.
Pour ces Etats, essentiellement les Membres originaires des Nations
Unies, I'article 37 a pu jouer et c'est la situation qui seule aurait été
envisagée lorsde la conférencede San Francisco.
Si la Partie adverse se défend de considérer I'article 37 comme un
accord inler se ne visant que les Xembres originaires des Nations Unies,
elle affirme du moins que ce texte ne lie en fail que les Membres480 BARCELONA TRACTION

originaires des Nations Unies, ceux qui ont participé à la conférencede
San Francisco (p. 155 ci-dessus).
Donc pour l'article 37 comme pour l'article 36, paragraphe j,l'espres-
sion iiparties au présent Statut iviserait

Icjysrrici au pr<'irnt Stltur qui iont soiiriiis~s i iiii~.t.l;<iiiiri-
di;tiiiiiiii ri1.\.iguciii iI';poqu<* i I.i~~ucll1:ir<qiiCrt:ii~i.l:~tir:il,:
csl i~ltr~~i~ll,'~k!i Cour iiilernnfionll~<Ic Iiiitit:r~.~ili;.:giilurii,'.c
en vertu soit de l'article 36, paragraphe 5, soit dé l'article 37
(p. 132 ci-di:ssus).

Et mon savant contradicteur dit encore que pour l'interprétation des
termes n parties au présent Statut » dans l'article 17 comme dans I'arti-
cle 36, paragraphe 5, deux élémentssont présupposés:
«il s'agit de parties an présentStatut entre lesquelles, premièrement,
les clauses juridictionnelles sont conclues sous le régimede la Cour
permanente et, deuxièmement, ces clauses sont encore en vigueur,
c'est-à-dire non expirées, à l'époque oùla requêteest portéedevant
la nouvelle Cour ri.

L'Espagne ne se trouverait pas dans cette situation et l'article 37 ne
ferait pas droith son égard.
La Partie adverse a cherché à fonder ce système qui limite les effets
de l'article 37 aux Etats parties originaires au Statut par des considéra-
tions tiréesdes travaux préparatoires de ce texte, par une interprétation
très particulière des protocoles qui ont étéconclus en conséquencede la
disparition de la. Société desNations.
Je voudrais reprendre ces diverses considérations et tout d'abord
envisager les travaux préparatoires de l'article 37.
Deux référencesy ont été faitesle 19 mars (p. 142 et 148 ci-dessus),
mais, chose assez curieuse, mon savant contradicteur considère deux
phases de l'élaborationde l'article 37 sans respecter l'ordre chronologique
et il parait ne pas tenir compte de l'évolutionqu'a subie la rédaction
de ce texte.
Les observations du Gouvernemeut belge ont rétracél'essentiel de
l'histoire de ce texte (par. 106 et suiv.); je n'y reviendrai que très som-
mairement. Le !sort des traités qui renvoient à la Cour permanente de
Justice internationale a retenu l'attention, en avril 1945, du Comitédes
juristes de Washington au moment où il discute la question de savoir
si l'on maintien]:la Cour permanente ou si l'on créeune nouvelle Cour.
A la conférencede San Francisco, l'ensemble du problème est confiépar
le ComitéIV11iun sous-comité spécial.Ce sous-comitéva se prononcer
pour la constitution, la création d'une Cour nouvelle, et il s'occupe des
dispositions nécessaires pour assurer la continuité entre les deus. Il
propose que l'article 37 du Statut revisé disposeque les traités Crconclus
entre Membres des Nations Unies > ,t renvoyant à la Cour permanente
de Justice internationale se rapportent désormais à la nouvelle Cour.
Le sous-comitéexamine également la situation qui peut apparaître entre
Membres des Nations Unies et Etats non membres, et il suggère des
négociations afin d'arriver à iiun accord généralnpour que tous les
différendséventuelssoient renvoyés à la nouvelle Cour (documents de la
Conférencedes Nations Unies sur l'organisation internationale, t. 13,
P. 53'). PI,AIDOIRIE DE Mme BASTID 481

Ainsi apparaît la préoccupationde chercher un procédé pourmaiiitenir
l'effet des traités en vigueur et établirà cet effet, la compétence générale
de la nouvelle Cour. II faut noter que le teste anglais qui est proposé
Dar ce sous-comité dis~ose alors: « whenever a treatv or convention in
iorcc Iiet\\.rrii tli,: sigii;;t~ry p:~IOitliiStiitiite...Cctte Iorniiilc. qiii
nc se troii\.i. ~~:~sdxriItexte Iriliijiai\,:Liiltirieiirelnent disparaitri. ,,t
elle ne sera plus utilisée.
Le second stade de la rédactiondurant la conférencede San Francisco
est l'approbation, lors de sa vingt et unième séance, le II juin 1945,
par !e ComitéIV/I, du rapport qui incorpore les propositions du sous-
comité. Ce rapport insiste sur la continuité que l'on veut assurer dans
l'organisation judiciaire internationale. Puis il cxpose:

na) Il est stipulé à l'article 37 du projet de Statut que seront
considéréesentre Membres de l'organisation comme s'appliquant à
la Cour nouvelle. les dispositions des traités ou conventions en
vigueur qui prévoient lerenvoi de différends à l'ancienne Cour. »
Dans le texte anglais du projet d'article, le terme <signatory parties 11
a dispam; il est remplacb comme en français par epartics i ce statut D.

Le rapport du ComitéIV/I vise sous b) Ic transfert des déclarations
d'acceptation de juridiction qui est organisé par le texte qui dcviendra
l'article 36, paragraphe 5. Suit un paragraphe cJ qui est ainsi rédigé:
«On devrait également régler de quelque nianière les cas oii
compétence a été attribuée à l'ancienne Cour pour corinaître des
différends s'élevant, soit entre des Etats qui seront p?rt'les au
nouveau Statut et d'autres Etats, soit entre les autres Etats. Il
semble désirable aile des nég..iationssoient entre~rises afin d'obte-
nir ~IIC ccs ncccpi:itionj iollil>;tt~iiit.j';tppli(liicnI:inoiiv~llc
(:OUTC . eti~.q~iction nr saurnit étrcrégl<c riipar la Ch:irte iip:ir Ic
Statut. \l;~ij I'Ass<;mbl& riL:iii.rn;uurrait ultCrizurcm<;ntse trou\.cr
en mesure de faciliter de; négociâtionsutiles. » (Vol. 13, p. 419.)

Ce paragraphe c) a étérelevé à la page 141 de l'arrêtIstaël contre
Bailaarie comme confirmation de la constatation qui avait été faiteDar
la Gur que l'article 36, paragraphe 5, n'a entendu régler le transfert
qu'entre les signataires du Statut, et l'arrêtdispose:
"C'était là distinguer très nettement ce qui serait reglé par
l'article36, paragraphe 5, et ce qui ne pouvait l'êtrequ'autrement,
à savoir par accord distinct de ce qui serait dit dans le Statut, avec
les Etats absents de la négociation de San Francisco. Cela visait
sinon exclusivemeiit du moins certainement et principalement les
déclarations émanant de ces Etats: l'emploi du terme iacceptation »
le confirme si besoin est et ce terme, qui ni: figure qu'une fois dans
le texte français, figure deux fois dans le texte anglais et se trouve
mêmeen têtede celui-ci. D

Ce mêmepassage du rapport du ComitéIV11 sons la lettre c) a été
repris par la Partie espagnole (p. 123ci-dessiis) commetémoignagedela
volontéde limiter la portéede l'article 37 aux Jfemhres originaires. Et la
Partie espagnole a cité l'arrét de l'lncidenl airien à l'appui de cette
prétention, mais la citation quiest donnéede l'arrêtest incomplète et la
phrase qui insiste sur les déclarations est omise. En outre, une incidente
« compléte ila référence i l'article 36, paragraphe 5, qui se trouve dansqSz BARCELOSA TRACTIOS
l'arrêt:"et nous ajouterons [dit laPartie espagnole] étant donnéL'analo-
gie entre les deux situations par l'article 37 ».Et après quoi, mon savant
contradicteur revient à l'idéeque les Membresoriginaires seuls pouvaient
opérer untransfert en connaissance de cause.
Que dire de ce premier recours de la Partie adverse aux travaux
préparatoires? Tout d'abord il faut constater, quand on se rapporte au
texte mêmede l'arrèt de 1959, la prudente réservede la Cour s':igissant
de la portéedu paragraphe c). II est vraiment bien difficile de soutenir
que l'arrêta entendu viser, outre le cas des déclarations, le cas qui lui
était soumis de 1% Bulgarie, les multiples situations conventionnelles que
concerne I'articlt: 37.

1)'autre part, peut-on invoquer sérieusementle texte de ce par:lgraphe
c) par rapport Al'article 37 alors que postérieurenient au II juin 1945
I'articlt37 va subir un nouveau remaniement dans les conditions qu'il va
falloir maintenant retracer?
Le troisième :;tacle de la rédaction de l'article 37 se situe an effet,
hlonsieur le Président. lors de la 22e séancedu ComitéIV11le 14.i,in
11,4j. 1.c:Ci,iiiitlit ;,I<,i.~[>l>clC .icproiir,iii:i:i~l;fiiiitiv~~icntsuil<-;
rcsrcs qui oiir C,t;c~:iiiiin;~spar ccttr: forrn:trion rccliiiiqiiespécinli:qii'hr,
II I I le II f r i 1: n I~rniicisci~,le C~mitC consultatif <Ii:
juristes. Or, visiblement, celui-ci n'a pas étépleinement satisfait de la
rédaction de l'article 37 et il est préoccupé,notamment, de In situation
pour les traités multilatéraux auxquels peuvent êtreparties des Etats
3Iernbres et des Etats non membres des Xations Unies. La question
avait déjà étéévoquéeau Comité des juristes de Washington et lin texte
analogiie à celui qui a étéfinalement adoptéavait été à ce stade proposé
ra-- ~l. 1'1tzmaur~ ~ - - ~
Les document:: de la conférenceexposent comme suit ce qui s'est passé
le 14 iuiii 1045.:lu ComitéIV11 - et *e cite (documents de la coiiférence
de ai FraiU'sco, tome 13, P.'461):

Le Comitéconsultatif de iuristes. a~.è.avoirexaminél'article ..,.
r<:coiiiiiiaiid<~~~clfiucnjiotli~c:itiuiis d'spr*' Icsquellcs un trait& ou
coiivciition ?IIvig>iciirqui ~)rr'voitIc reii\.ui ~I'IIII<IIIPS~~UIIi iine
111r1~11ctiion5ti111iti,;,r11Su~i;tC,les S:~tiuiis "11 l:~Coiir ioerldi:#-
;ente de Justice intepnationale devait êtreinterprété par les$&;tics au
firésentStatzrtcomme prévoyant ce renvoi ,ila Cour internationale
de lustice. ].'article tel au'il a d'abord étéanorouvi: Dar le Comité
ne "prévoit cette interpiétation qne pour 1;s'truités'pnssé.5entre
parties au présentStatut.
Le Comit4 est d'avis qu'il serait opportun d'éliminercette restric-
tion puisque l'article 37 du Statut s'applique maintenant à tous les
traités; la négociation d'un nouveau traité pour le renvoi d'une
auestion à 1:iCour sera donc inutile.
Décision:le Comitéapprouve l'article 37 duStatut rédigécomme
suit... [suit la rédaction qui a passéet qui est celle de l'actiiel arti-
cle 3717 u

\'eus constatez (lue le Comitéconsultatif des jiiristes recoinmande iine
modification qui va toucher non seulement la redaction proprement dite,
mais qui va toucher la substance du texte, et le Comitéaccepte cette
suggestion avec cette considération: Rpuisque l'article 37 du Statut s'ap-
plique maintenant à tousles traités iet cette phrase: .la négociationd'lin
nouveau traité pour le renvoi d'une question à la Cour sera donc inutile 3). PLAIDOIRIE DE Ilme BASTID 4s3
Mon distiiie-é contradicteur a prêtéattention A ce chaneement -
(p. i16 1.i-<lesus) II rccuiiiiiiitqiic cc ch:irgriii:iqiielque peu 6it:ii<IiiIc
doin.iiiic d'ny~~lic:~tione I'artiilc 37 i'agiis~iir des trair6s iiiiiltilar.~r;iii\,
i~iiisiiuccir.iieiit visc,sdus tr:titl:i oui on1 i:oniiiie(li.iiiii:~t:,ircsdci I:I;II~
part& au Statut et des Etats ion parties. Vais moi1 contra<licteur
maintient qu'il faut cllie «les parties au présent Statut » aient accepté
lajuridiction, cequi serait le caspour les hlembri:s originaires des Nat'ions
Unies, et 11indique qiic cette rédaction nouvelle n'influerait pas sur la
controverse qui oppose l'Espagne et Ia Belgique.
hlonsieur le Prcsident, il faut reconnaître que la inodification proposée
par le Comitéconsultatif des juristes ii'a pas eu pour objet direct de
viser une situation telle qu'elle se présente dans les rapports hispano-
belges. Alais, par contre, il faut reconnaitre, si l'on considèrel'ei~semble
du problème, que la propositioii dii Comitéconsultatif des juristes et les
motifs quiont déterminéle ComitéIV11 à i'acceyitersont fort importants.
Tout d'abord, je relèverai le terme employépour désignerl'effet de
I'article 37; on emploie le ternie«interprétation D de la disposition inappli-
cable et ce terme montre bien que l'on estime qu'il s'agit d'un effet qui
n'entraîne en uratiaue aucune inodification (le iond du lien contractuel.
D'autre pari, je note que le Comitédit expressément que I'article 37
s'applique désormais - et je cite-à «tous les traités »,et cette formule
ne-ie comprendrait pas si on devait définitivemeiit exclure du champ
d'application de I'article 37 tout traité bilatéral auquel est partie un
membre non originaire, c'est-à-dire un Etat qui. eii 1945-1946.n'est pas
membre des Nations Uiiies, mais qui devient ultérieurement itlcrnbre des
Nations Unies.
Enfin, la solution coiicernant les traités multilatéraux serait tout à
fait déraisonnable si oii en limitait les effets aux Membres originaires.
En effet, la rédaction adoptée implique, par Iiypothèse, que le traité
considérécompte parmi ses partiesdes Etats parties au Statut de la Cour
et des Etats non parties. Peut-oii alors cristalliser la situation, c'est-à-dire
exclure que dans l'avenir un Etat partie au traité devenant partie au
Statut de la Cour ne retrouve pas, de ce fait, et en vertii de I'article 37
du Statut, la .lein neefficacité<le la clause iuridictionnelle du traité?
(:'CST ilifond i.ommg.ccl:cque :(:pose I;;I.I~~.C:IleI~~ruI~lCii icl.:trtir
(IIIiiioiiiciou li.Coiiiit?11' I:i;i~lupi;1.1rt:cl:,ctionLConiii; r~~iisiiltatif
dc,s it~ri~tcsIlest ;vi(I~iii<IU~!,,.oi~frc~~~t~<I'~,,recrci:ii\i,tcC:I>(l'lm
traiié auquel participent dei Etats qui, actuelleinent, ne sont pasparties
au Statut de la Cour, Icsrédacteurs du Statut ont iiécessairementadmis
que l'efficacitéde 13clause de juridiction ob1ig;itoire contwnie dans ce
traité multilatéral irait de pair avec i'accç$t~~tion ultérieure par ces
Etats du Statut de la Cour internationale de Justice.
Comment admettre que le Comité consultatif des juristes ayant
précisémentjustifié l'amendement en disant que ela négociation d'un
fiouueazctraité pour le renvoi de la question à la Cour sera donc ii~trliln,
ait, en mémetemps, admis la nécessitéde ce traité, de ce nouvel accord,
à l'égard d'Etats parties au Statut mais non membres originaires?
Ainsi, lionsieur le Président, si l'on veut faire appel aux travaux
préparatoires, il faut les considérerdans leur ensemble. Il ne faut pas se
borner à un texte (celui du paragraphe c) qui se trouve daris le rapport
du ComitéIV/I, mais avant le stade définitifd'élaboratioii),il ne faut
pas se borner à ce texte qui sera ultérieurement dépassé.II faut surtout
constater que le jeu de I'article 37 a été,au dernier stadede son élabora-484 BARCELONA TRACTION
tion, conçu comr:le devant avoir une portée généraleentre les parties au
Statut et on doit reconnaître que, sauf dans le texte anglais quej'ai men-
tionné, texte qui était celui du sous-comité,jamais un qualificatif quel-
conque, limitant la notion de «parties au Statut »n'a étéutilisé.Et il
faut bien dire qiie c'est dans ce sens, sans discrimination entre les Etats
parties an Statut, que l'article 37 a étécompris et appliquéen pratique.

[Audience Publiquedu 14 avril 1964,matin]

Monsieur le P~ésident,depuis l'entréeen vigueur du Statutde la Cour
internationale de Justice, l'article 37 a étéentendu comme ayant une
~ortéegénérale:sansdistinmer dans ses effets entre ~arties orioinaires
êtpartyes non caiginaires gu Statut. Le professeur eharles ~cGsseau,
dans son Traité~!e droit internationalfiublicparu en Iq.-~,.p.~5~5déclare:
.Aux terines de l'article 37 du ~tatk, la Cour internationale de
lustice a Étéautomatiauement substituée à la Cour Dermanente de
justice int<:rnationaleAdans toutes les clauses attributives de
compétencecontenues dans les traités conclus en 1945. n
I).,n> Iriir<iliiiiii~iliisidt.ntc cullecrivc. sir llcrjcti I.anrt:rparI~t,
1. \linn liuo < t iii 1'crt:v jpcii;r, (lniiiI'aiilirc de I'l~irrd,w
uivii~i,cittnr 1'~rriil3: rcnliiicsc rt'f6r:~i:ituiitis 1%:v'artiei au Statut
à quelque moment quece soit (C.I.J. Recueil 1959,p. Î78).
Le Gouvernement belge a montré dans les observations en réponse
aux exceptions préliminaires que, suivant la pratique internationale,
l'article 37 produit effet à l'égardde toutes les parties au Statut sans
qu'il soit fait de distinction en fonction de leur date d'admission (par.
97 et suiv. des observations du Gouvernement belge). Le Gouvernement
espagnol a discuté certains de ces précédentset tout d'abord la portée
des divers protoi:oles de transfert aux organes des Nations Unies et à la
Cour internationale de Justice des fonctions appartenant aux termes de
diverses conventions techniques aLu organes de la Sociétédes Nations
et à la Cour permanente de Justice internationale. Ces protocoles sont
présentéspar la Partie adverse comme la preuve que l'article 37 du
Statut ne peut :;'appliquer aux parties non originaires au Statut de la
Cour (p. 138 ci-dessus).
On sait quesept protocoles de transfert ont étéapprouvéspar l'Assern-
bMe généralede 1946 à 1953 s'agissant de conventions techniques. An
moment où ont été établis ces protocoles, les conventions techniques en
question comptaient parmi les parties des Etats Membresoriginaires des
Nations Unies, des Etats qui ont étéultérieurement admis aux Nations
Unieset enfin de:^Etats qui, lors de la rédaction desprotocoles, n'étaient
pas membres des Nations Unies. L'élaboration de ces protocoles a été
la conséquencede la résolution 24 de la première sessionde l'Assemblée
générale, résolutionrelative au transfert de certaines fonctions et
activités et certains avoirs de la Sociétédes Nations. Cette résolution a
prévu quel'organisation des Nations Unies était disposée A accepter les
fonctions de secrétariat qui étaient dévolues à la Sociétédes Nations
dans l'intérêtdes parties à certains instruments internationam; mais
cette résolution a envisagé sé~arémentles adis~ositions de fond>, des
convcntioii.; tccl.iiiqiieidoiit I'.i~>~ili~~tidiil,;i~ddc I'éuerciicpar 1<1
SociCtc dci N:triJns ou p:w certaiiii de sciorgaiiéi, tlcfoiictiùnsou puu-
voirs conférésvar ces instruments 1,C'est àDGDO de cesrtdis~ositionsde
fondu que le Conseil économiqueet social'a suggéréle mécanisme du PI.AIDOIRIE DE Mme BASTID 485

protocole que les parties devaient appliquerinterse et qui devait entrer
en vigueur pour chaque convention quand la majorité des parties à la
convention seraient devenues parties au protocole: C'est la résolution12
(III) du Conseil économiqueet social.
Deux remarques doivent êtrefaites à propos de cesystème: Première-
ment, ce systeme des protocoles doit pouvoir s'appliquer à des Etats
quelconques parties à la Convention, donc ce protocole est ouvert à des
Etats non membres des Nations Unies, non parties auStviser les clauses de
juridiction qui sont contenues dans ces conventions techniques, leur
objectif est plus large et concerne tous les pouvoirs et fonctions attribués
à des organes de la Sociétédes Nations pour les transférer à des organes
des Xations Unies. La Commission du droit international, au cours de
sa dernière session,a relevéque - je cite:

<idans tous ces protocoles, il a étéprocédiiaux modifications de
fond nécessaires et, de plus, l'occasion a étémise à profit pour
remvlacer la clause du traité antérieur sur les varties éventuellesoar
uiie>laiise pcrmcttant l'adhésiondr tout t:t/t.\lcnihre cles~ati;ns
I:rucs et (le tout litat non-menihrc ~iiqiicl Ic Conseil ~conorniqiie
(Rapport sur les travaux de la qiinzième s&sion, A/5509, p. 34.)iio.

La Commission du droit international fait ici allusion à ce roblème
sur lequel elle s'est penchée, le problème des conditions dans e'quelles
des Etats pourraient êtreautorisés & adhérer à des conventions qui
stipulaient pour l'adhésionune invitation di1 Conseil de la Sociétédes
Nations. Donc la Commission du droit international relève que ces
protocoles visent ce problème et font le nécessaire pour que ce problème
soit réglé.
Donc l'objet de ces protocoles dépasse de beaucoup le,pfoblème de la
clause juridictionnelle à pro os de laquelle il existe ,evidemment un
teste spécial:l'article 37 du {tatut de la Cour intemationalede Justice.
Et ce fait explique qu'à propos de la coul.eution de 1926 sur l'esclavage
êtreen mesure d'assumer les fonctions dévolues au Secrétaire généralt
de la Sociétédes Nations et de plus comme 11:Secrétaire généraldes
Nations Unies l'avait indiqué au Comitéde l'esclavage - je cite:

«l'article 8 de la convention qui mentionne la Cour permânente de
Justice internationale est applicable aujourd'hui puisqu'il rentre
dans la catégoriedescasprévus par l'article 37du Statut de la Cour
internationale de Justicen. (New York 1951, XIV, ze paragraphe
110.28.)
Le Secrétairegénéral, à ce moment-là, n'a fait aucune distinc>ion entre
les Etats parties au Statut de la Cour. Et lorsqu'il a étédéwdéfinale-
ment de conclure ce protocole au sujet de la coiivention sur l'esclavage,
il n'a pas été ditque ce soit pour assurer aux Etats non membres origi-
naires des Nations Unies la juridiction de la Cour intemati0n.e de Jus-
tice. Le rapport de la Sixihme Commission clonne le, motif suivant
- et je cite:npermettre aux Etats non membres. parties à la conven-
tion, de donner leur consentement au transfert a. (19 octobre 1953.
huitièmesessionde l'Assembléegknérale,point 30de l'ordredu jour, p. 3.)
Le transfert dans ce protocole particulier concerne alors non seulement‘lS6 BARCELONA TRACTION
la clause juridictionnelle mais encore les fonctions dévoluesau Secrétaire
généralde la Sociétédes Nations. C'est à leur sujet que le dout:e avait
surgi et par conséquentc'est notamment pour cet objet que le protocole
a étéconclu. LI: Gouvernement es~acnol rét tendaue ce ~rotocole a

-
soutient ait étéadmise par quiconque à cette occasion.
Au fond, poui- la question en discussion, la distinction entre Etats
parties originaires et non parties originaires au Statut de laCour,
l'existence d'un tel protocole n'aurait en elle-mêmede signification que
si le protocole ne concernait que la clause de juridiction et si d'autre
art le protocole visait expressément les Etats Membres des Nations
\nies, mais non parties originaires au Statut de la Cour internationale
de Justice. Or il n'y a aucun exemple de protocole qui ait étécompris
dans ces termes.
Les mêmes conclusionsapparaissent lorsqu'on examine la question
de la revision de l'acte générald'arbitrage sur laquelle la Partie adverse
est revenue une fois de plus.
Monsieur le Président, c'est dans la séancedu IQ mars (voir D. 141
ci-dessus) que la Partie adverse est revenue sur la rqlestion ia rêvisiin
de l'acte générald'arbitrage. La position de mon éminent contra.dicteur
est que cette re.~~ision'a-eu en-vue que les Etats devenus parties au
Statut de la Cou]:postérieuremeut àla dissolution de l'ancienne Cour. La
substitution de la Cour internationale de Justice n'aurait pas éténéces-
saire si l'article :i7avait automatiquement opéréle transfertdu bénéfice
des clauses juridictionnelles et je cite:
«pour toutes les partiesà l'ancien Statut, indépendamment de leur
admission à la nouvelle Cour, avant ou après la dissolution de la
Cour permanente. Ceci d'autant plus que les Etats qui n'avaient
pas accepté d'êtreparties au Statut de la nouvelle Cour étaient
considéréscomme soumis aux dispositions de l'ancien Statut dans
la mesure oii ce dernier pouvait encore êtreappliqué. Pour eux, le
remplacement de la Cour permanente par la Cour internationale
de Justice ne jouait pas. »

Donc, il semble bien que pour mon honorable contradicteur la subs-
titution opérée à l'initiative de la Belgique ne viserait que les Etats
devenusparties :au Statut postérieurement àla dissolution de l'ancienne
Cour.
Monsieur le Président, il semble bien qu'un seul Etat était dans cette
situation lors di: l'adoption par l'Assembléegénéralede la ré:solution
268 A (III). Ce s,eulEtat c'étaitla Suède.
Or, on peut se demander si c'est une interprétation raisonnable de la
décision qui a iitéprise par l'Assemblée,s'agissant de l'acte général
d'arbitrage, au moment où elle avait chargéla commission inttirimaire
d'étudier les miithodcs destinées à favoriser le développement de la
coopérationinternationale dans le domaine politique.
Il est vrai, Monsieur le Président, que seules certaines dispositions de
l'acte de 1928 ont étéadaptées en 1948 car, à ce moment-là, on voulait
conserver l'économie génerale de l'instrument, mais ici encore, comme
pour les protocoles, en dehors des clauses concernant la Cour, d'autres
clauses ont dû i:tre transformées, par exemple celles qui donnaient des
fonctions au Pritsident en exercice de la Sociétédes Nations. A la diffé- PLAIDOIRIE DE Jlmc BASTID 4s7
rence de ce qui s'est passé pour les conventions techniques, on n'a pas
- s'agissant de l'acte générald'arbitrage - établi un protocole se
combinant avec l'ancien instrument. mais on a établi un instrument
juridique constituant untout auquel les Etats ont désormaisla possibilité
d'adhérer, instrument qui est complètement adapté au système des
Nations Unies.
Et l'acte de 1928, qui subsiste aux termes mêmesde la résolution
de l'Assembléegénérale,a étémentionné dans 1':rapport de la commis-
sion intérimaire, et dans ce rapport la comniission intérimaire a placé
sur le mêmeplan -s'agissant du problèmede la juridiction - les parties
non membres de I'Orginisation des Nations Unies et non parties au
Statut de la Cour internationale de Justice; ce rapport est citédans les
observations du Gouvernement belge, 1, page 72. Par conséquent,il appa-
raît clairement que pour la commission intérimaire la distinction entre
Membres originaires et membres non originaires n'apparaît pas et à aucun
moment du débat cette distinction n'est mentioiinée.
11faut ajouter que la pratique internationale postérieure a étéégale-
ment dans le mêmesens, et on pourrait en citer divers exeniples. Je me
bornerai àrappeler que le professeur Reuter, plaidant pour le Cambodge,
dans l'affairedu Temple de PréahVihéur,a déclaré(C.I.J. Mémoires,
Temfile de PréuhVihéar,vol. II, p. 77) :

cLe Siam ne pouvait ignorer aue, selon la Charte, la Cour inter-

velle compétencede la Cour internationale (le Justice. »

Or le Siam n'est pas membre originaire des Fations Unies.
Mon savant contradicteur a pris beaucoup de soiri pour discuter la
portée des accords, mentionnés au paragraphe 98 des observations
belges, qui ont étépasséspar la Finlande antérieurement à son admission
aux Nations Unies pour assurer la substitution de la Cour internationale
de Justice à la Cour permanente dans le fonctiormeinent de conventions
relatives au règlement pacifique des différends (p. 133 ci-dessus).
Il paraît cependant raisonnable de penser que des accords dont le
terme fixéest l'adhésionde la Finlande au Statut. de la Cour qui, d'autre
part, sont motivéspar le fait qu'une clause de juridiction - et je cit-:
un'est plus applicable du fait que la Cour permanente de Justice inter-
nationale a cesséd'exister et que la Finlande n'a pas adhéréau Statut
de la Cour internationale de Justice actuelle »,que de tels accords suppo-
sent, même s'ils ne visentpas expressémentl'article 37-fait que relève
mon savant contradicteur -, que cesaccords, dis-je,supposent que le jeu
de l'article 37, lorsqn'il sera applicable en vertu du Statut, assurera le
résultat par rapport à la Finlande auquel ces accord? ont pourvu tem-
porairement. Donc, je ne crois pas que l'argument tiré de l'absence de
mention de l'article 37 ait la valeur que lui attribue mon savant contra-
dicteur. J'ajoute que le premier des accords finlandais a étéconclu avec
la Suèdedont le ministre des Affairesétrangères'tait lors M. Undén qui
devait êtreparticulièrement attentif dans ce domaine. En outre, soutenir
qu'à dater de l'entrée de la Finlande au Nations Unies elle a attendu
prèsde trois ans pour rétablir dans les rapports avec la Suèdeun lien de
juridiction obligatoire, ce qui est la prétention de mon savant contradic-
teur, ne paraît guhre conciliableavec son initiative de 1953.488 BARCELONA TRACTION
Par ailleurs, je ne pense pas, Monsieur le Président, qu'il y ait là
une attitude scandinave. Nous verrons tout àl'heurequelle aétél'attitude
de l'Espagne à la même époque,et on peut relever que pour ce qui
concerne la Suisse, qui a adhéréau Statut de la Cour postérieurement à
la dissolution de la Cour permanente deJustice, le Traitéclassiquededroit
i?zternationalpuidic de M. Guggenheim ne paraît pas mettre en doute la
compétencede la Cour internationale de Justice pour les conventions con-
clues du temps de la Société des Nations(Traitéfranco-suisse di16 avril
1gz5, tome II, p. 122, note z; p. 188, note 5: Acte générad l'arbitrage de
1928,tome II, p. 188.note 5: TraitéentrelaSuisse etla Colombiediizoaoût
1927, tome II, p. 190, note 2). Lorsque, dans son traité classique, mon
savant contradicteur rapporte presque littéralement les termes de
l'article 37, il ne fait aucune réservequi correspondrait, dans cedomaine,
la pratique suisse.
La eénéralitéd'a~~iication de l'article 77 est aussi à la banjed'une
recomkndatioii aboptée le 31 octobre 19$ par la septième session de
la Conférence <le La Have de droit international privé (Actes de la
session. D. 601'1. Cette <ecommandation concerne Te ~roiocole. siené
ii1.a Ha!.< Ic2;.riinrs 1q11, pour recuun.~itre iila (:oiir 1)rr111.111endee
Iiiirice iiitzriiaiion:~I:Lcurnl~itzriri:d'interprl:tcrIçs Ciiii\~ciirioiiirlc
La Haye de droit international privé n.
En 1951, la Conférencede droit international privé

.prie le Gouvernement néerlandais de vouloir bien imiter les
Etats signataires des conventions adoptées par la Conférence de
La Haye, mais non adhérents au protocole, à signer ce protocole,
et à reconnaître, le cas échéant,la compétence de la Cour. confor-
mément aux dispositions de son Statut D.
II est clair que la Conférencede droit international privé en 19j1 est
convaincue que le jeu de l'article 37 est absolument genéraldu moment
que le Statut di: la Cour lie un Etat intéressé.
Enfin on doit relever que le tribunal arbitral qui s'est prononcéentre
la France et 1'E:suame dans l'affaire du Lac Lnnoux, par une sentence
du 14novembre Î9f7. n'a pas hésité citer textuellemênt, dans le corps
de la sentence, L'articlez de la convention franco-espagnole du IO juillet
1929 qui, dans des termes presque identiques à ceux du traité hispano-
belge, prévoit le règlementdes différendsjuridiques par jugement d'un
tribunal arbitral ou de la Cour permanente de Justice internationale.
Sans doute. en l'es~è.e.le.tribunal arbitral a étéconstitué sur la base
il'iiiic~iiiprunii:. ai; on nt.priit çiii:rt?iiiiqiner qiilaiiccrtc >eiitencc
arbitrale tliiia 6tC tréi soignciis~~rn~~rn<t:iligccoi..itcit; un tcxte ddnt
une partie aurait étécadüqne depuis plus de dix ans. Cette sentence
vient de paraître dans le Reczteil des sentences arbitrales publié par
les Nations Unies, tome XII, page 286.
A vrai dire, Monsieur le Président, la distinction que mon savant
contradicteur prétend établir entre les Membresoriginairesetlesmembres
non originaires du Statut de la Cour pour réserver aux premiers les
effets de l'article 37, si elle devait être consacréepar la Cour, aurait
des effets considérables sur un ensemble de situations iuridiaues aui
n'ont pas étécontestées jusqu'à présent.
Dans l'affaire Israël-Bulgarie, le conseil du Gouvernement bulgare
indiquait que lasolution qu'il demandait la Cour de consacrer n'affec-
tait que d'une façon limitée la compétence obligatoire de la Cour. La PI.AIDOIRIE DE A<"'@BASTID 489
portée de l'article 37 est infininient plus cotisiilérable.Seize Etats qui
existaient au temps de la Société desNations ne sont pas membres
onginairesdes Nations Unies; ces Etats ont signédestraités bilatéraux,
en grand nombre, qui prévoyaient le recours à titre principal, ou acces-
soire,à la Cour permanente de Justice internationale. La situation
est la mêmepour la Suisse.
Il faut d'ailleurs considérerque l'effet de l'article 37 joue non seule-
ment pour les traités bilatéraux mais encore pour les traités multilaté-
raux pour lesquels la thèse que soutient le (;ouvernement espagnol,
en excluant définitivement du jeu des clauses juridictiomeiies les
Etats non membres originaires, aboutirait à créer une discrimination
entre les partieà ces traités eà porter une grave et définitiveatteinte
au principe de I'intégitédes conventions.
$lais il faut aller plus loin. Admettre la thèse de la Partie adverse
entraînerait des conséqiiences,mêmepour les nouveaux Etats, les Etats
qui, par une procédure ou par une autre, peu importe, se reconnaissent
aujourd'hui comme tenus par des traités qui ont ét6passéspar un Etat
ancien auquel ilsétaientrattachésantérieurement. Cestraitéscontiennent
souvent une clause qui renvoie à la Cour pem:inente de Justice inter-
nationale. Ces Etats récemment admis aux Nations Unies seraient,
suivant la thèse de la Eartie adverse, privbs du b&néficde l'article 37;
alors que leur auteur pourrait se prévaloirde la clause de juridiction, eux
n'en auraient pas la possibilité.
Ainsi, en posant leur candidature aux Nations Unies, en acceptant
solennellement les dispositions de la Charte et du Statut de la Cour, ils
seraient amenés àconstater qu'ils sont exclus du bénéficde l'articl37.
qu'ils ne peuvent pas s'en prévaloir, qu'ils ne peuvent pas utiliservia
clause de iuridiction, et il faut bien dire que, dans la vie internationale,
pour un Etat ce peut être et c'est ~éiiéialementconsidéré commeun
bénéfice que de se prévaloir d'une clause de juridiction.
dérations dont I'importance ne manqueralluspasrde retenir i'attention de
la Cour.
La convention sur l'aviation civile interriationale prévoit dans les
articles 84 et suivants le règlement des difiérendset organise un appel des
décisionsqui sont prises par le Conseil de l'O.A.C.I. soià un tribunal
arbitral ad hoc, soit à la Cour permanente de Justice internationale.
Pour les Etats qui sont, dit la convention, parties au Statut de la Cour
permanente de Justice internationale, existe une clause de juridiction
obligatoire. Cette convention date du 7 dCcembre 1944. Elle a été
signéeet ratifiée,notamment par l'Espagne. Or cette convention n'est
entrée en vigueur qu'aprk la dissolution de la Cour permanente de
Justice internationale. Elle a reçu, depuis lors, l'adhésionde nombreux
Etats nouveaux et continue à en recevoir. Si on siiivait le système qui
est préconisépar le Gouvernement espagnol dais la présente affaire, il
faudrait dire sans aucun doute que la clause relativà la juridiction est
caduque. Or dans la pratique on admet que c'est la Cour internationale
de Justice qui possède,en vertu de l'article 37 du Statut, les compétences
prévues par la convention de l'O.A.C.I. entre les Etats parties à son
statut. L'Annuaire de la Cour internationalede Justice mentionne la
convention de Chicago et l'article 84 parmi les textes constitutionnels
fixant la compétence de la Cour. Un ouvrage classique, comme celui
de Shawcross et Beaumont, Air Law, Londres 1951 n,o 74, noteh), et490 BARCELONA TRACTION
no 77 note d), dit que la compétence de la Cour est admise pour tous
les Etats parties au Statut sans distinguer suivant la date d'entrée aux
Nations Unies. Autrement dit, à proposde cetteconventionqui intéresse
un trèsgrand notnbre d'Etats l'article 37s'applique sans distinction entre
les Etats parties au Statut de la Cour.
Ainsi il apparaît, Monsieur le Président, qu'une décisionde la Cour,
dans le sens de la thèse soutenue par mon savant contradicteur, remet-
trait en cause des situations bien établies, provoquerait des difficultés
que les auteurs du Statut ont voulu éviter, comme je l'ai montré, par
la rédaction mêmede l'article 37.
Monsieur le Président, il me reste maintenant à examiner quels sont
les effets juridiques de l'article7. L'article 37 dit que «la Cour inter-
nationale de Justice constituera cette juridiction ». c'est-à-dire la juri-
diction que devait instituer la Société desNations ou la Courpennanente
de Justice internationale à laquelle un traité ou une converition en
vigueur .prévoit. le renvo».
Pour le Gouvernement belge, ce texte a pour effet que chaque fois
que dans le texte du «traité en vigueur)) on trouve la mention de la
Cour permanente de Justice internationale, il faut désormaislire Cour
internationale de Justice inAutrement dit la compétence de la Cour
internationale de.Justice est exactement définie commel'étaitcelle de la
Cour permanenti:;et en cesens on peut employer ce terme qui fait image,
le terme de cisuccessionn.
Au sujet des effets de l'article 37, la Partie adverse a touché le pro-
blèmesous trois aspects dans l'exception préliminaire principale no z.
Tout d'abord elle a examiné si l'on pourrait interpréter l'article 37
de telle sorte que,s'appliquantà l'Espagne lors deson entréeaux Nations
Unies, il aurait pour conséquence de conférer une validité~étroactive à
l'article 17 du traité hispano-belge qui, suivant la thèse espagtiole, est
devenu caduc lors de la dissolution de la Cour permanente.
Mon distinguti contradicteur a posé le il a écarté cette
possibilitéqu'ilaexaminee le 18mars (voirci-dessus,p. 128)et le 19mars
(voir ci-dessus,p. 154) .our lui, cette mise en vigueur rétroactive de
l'article 17, paragraphe 4, aurait exigéuune rédaction toute différente
de l'article371,:
c11aurait: fallu que cet article préciseexplicitement que I'obli-
gation de recourir à la Cour permanente yenaitrait à l'époqueoù
toutes les parties soumises à cette obligation auraient étéadmises
comme parties à la Cour internationale de Justice.»

Et s'appuyanl: sur les termes de l'arrêtIsraël contre Bulgarie (C.I.J.
Recueil 1959. p. 144). il déclare que arien de tel n'est prévu dans le
Statut ».Donc l'article17 ne neut remettre en vigueur uneclause caduaue.
Par ailleurs, il a étéaffirmé:au nom du ~ouvGnement espagnol, q;'en
l'absence d'une telle clause le principe de non-rétroactivité des en- -e-
ments s'opposerait à cet effet-
Le Gouvernement belge répond que même sil'on acceptait la thèse
àe la caducité de la clause renvoyant à la Cour permanentt:, thèse
qu'il persiste à déclarer sans fondement, les termes de l'article 37
indiquent une volonté certaine d'assurer à partir du moment: où un
Etat devient pa~iie au Statut de la Cour internationale de Justice, que
cette dernière remplira le rôle imparti à la juridiction internationale
dans le système(dutraité en vigueur. Et, suivant le Gouvernement belge(observations du Gouvernement belge, 1,par. log), la rédaction du texte
a été faiteintentionnellement pour que ce résultat puisse êtreatteint
mêmesi - contrairement à ce-au'affirme la Partie adverse - tous les
I<r.ti 11.1rtit:#IItr:,itiii!srjiij'.~;Iurs dç 1sdiii<,liitiuii d.: 1:it'oiir ptr.
iiinnenrc.dc .liiirice iiiti:rnrttionale parties nu Si.itudc 1s Cuiir.
I.';irtiil<7.imiir ICGoiivcrn.:mrnr bclxv.constituv. :i(luterdii inoni,nt
où un EtatUde;ient partie au Statut, un-lkn contractuel avec les autres
Etats parties et, conformément au consentemi:nt qui y est donné, la
Cour internationale de Justice peut devenir la juridiction compétente
dans chaque casoù destraitésen vigueur renvoient à la Courpermanente.
Quant à l'effet rétroactif possiblede l'article 37, il faut observer que
le principe de non-rétroactivité, à supposer qu'il soit en général reconnu
en droit international. cède le plus volontiers s'agissant de clauses de
juridiction et d'arbitrage. C'est une situation que mon savant interlocu-
teur a relevée lui-mêmedans son Traitéde droit international public
(tome 1, p. III). A vrai dire, la question de rétroactiviténe se poserait
que s'agissant de la validité dans le temps de la clause qui, dans le sys-
tème di1 Gouvernemerit espagnol, serait remise en vigueur. C'est une
question qui a étéposéedans l'exception subsidiaire no z; nous l'exa-
minerons un peu plus tard.
Il faut noter que le passage mêmede l'ari-êtrendu dans l'affaire
Ambatielos qui est citée par la Partie adverse admet qu'une interpré-
tation rétroactive puisse se justifier eri vertu d'une clause ou d'une
raison particulière (C.I.J. Recueil 1952, p. 40). Et alors, ne peut-on pas
considérer qu'il y a une raison particulière, spécialement importante
dans le fait d'assurer complètement la mise en Œuvre d'un traité
en vigueur, et on peut se demander si cela ne doit pas entraîner dans
un domaine où la rétroactivité est généralement la règle l'ap-
plication rétroactive dans toute la mesure où elle peut se révéler
nécessaire.
Eri conclusion, le raisonnement de la Partie (!spagnole, qui est essen-
tiellement fondé sur l'analogie avec la situation examinéepar la Cour
dans l'affaire de l'lacirlerztaériefe,néglige le fait capital qui distingue
les deux situations: il existe un traité en vigueur entre les parties.
Par conséquent. toute interprétation doit étre commandée par la
règle fondamentale pacta sunt seruanda. L'article 37 a pour objet

institutions internationales. Donc s'il y avait doute dans l'interpré-les

tation de l'article 37, il devrait être interprétéi:n vue de lui assurer un
effet utile, etaris l'hypothèse envisagéepar le iGouvernement espagnol,
hypothèse de la caducité initiale de la clause de juridiction, hypothèse
qui, je le répkte, est écartéepar le Gouvernement belge comme mal
fondée. eh hien!~-ne raison ~articulière d'--a~ter la non-rétroactivité
existerait sans aucun doute.
Mon distingué contradicteur a d'autre part critiqué avec science et
talent la manière dont les observations du Gouvernement belge présen-
taient les effets de l'article 37. Du point de vue doctrinal, sa critique
est très sérieuse,car il accuse les observations de

n... faire abstraction du consentement direct et précis nécessaire
de la part des Et;its non membres origin:iires des Nations Unies
pour assurer la remise en vigueur des clauses juridictionnelles
depuis longtemps abrogées lors de l'admission de ces Etats aux492 BARCELONA TRACTION

Nations Unies ou de leur adhésionau Statut de la Cour ..II(p. 152
ci-dessus).

Et c'est ainsi que la Partie adverse critique avec beaucoup de
sérieux le fait de qualifier le Statut de la Cour de traité nayaut une
portée généraleet constitutionnelle il,ayant Iun caractère impératif et
constitutionnelri. La Partie adverse critique le rappel de la fameuse
jurisprudence dans l'affaire des Zones franches relativeà la supériorité
du Statut sur le!; accords entre les parties, et enfin (p. 152 ci-dessus),
critique le rappel à l'idée fondamentale de continuité entre l'aiicienne
et la nouvelle Cour.
Je reconnais bien volontiers que dans la situation présente ne se pose
pas de problème de concurrence entre traités, car il s'agit par le moyen
de l'article 37 d'assurer l'application du traité hispano-belge de 1927 qui
contient, nous l'avons vu plusieurs fois, l'engagement très précis de
soumettre à rjugsment ules différends juridiques entre les deux pays. Je
reconnais que l'article7du Statut de la Courn'est applicable à l'Espagne
qu'en vertu du consentement qu'elle a donnéen demandant sonadmission
aux Nations Unim Et par là même les effets del'article 37 ont une base
consensuelle. Mais il parait tout de mêmedifficiled'ignorer, d'une part,
au Statut, et tous les traités en vigueur qui renvoient làsla juridiction
à créerpar la Société desNations et à la Cour permanente de Justice
internationale. Il parait difficile d'ignorer également l'article3 de la
Charte qui appui,:, qui confirme la jurisprudence de l'affaire de:;Zones
franches.
11parait enfin assez étonnant de vouloir ignorer la préocciipation
d'assurer la continuité entre l'ancienne et la nouvelle Cour an point
d'interprkter l'article 37 du Statut de manière à eu supprimer les effets
à l'égard de tous les Etats qui ont étéadmis aux Nations Unies depuis
le 18 avril 1946, c'est-à-dirà l'égardde plus de la moitié desMembres
des Nations Unies ainsi qu'à l'égardde la Suisse et d'autres Etats qui
ont délibérémenc thoisi de devenir parties au Statut de la Cour.
Le Gouvernement belge reconnaît que la juridiction de la Courrepose
sur le consentement des Etats; il reconnaît que l'article 37 n'établit
la compétence dm:la Cour que dans les termes et dans les limites du
traité hispano-belge de 1927, mais du moment que l'Espagne a dismandé
à devenir partie ;auStatut de la Cour en devenant Membres des lVatious
Unies, et du moment qu'elle n'a pas usé de la faculté de dénoncer le
traité de 1927. elle doit respecter les engagements qui la lient.
Au demeurant, Monsieur le Président, ce n'est que fort tard que le
Gouvernement espagnol a émis des doutes sur la portée à son égard
de l'article17 di1 Statut de la Cour. et il a. Dar sou attitude à l'éeard
du traité hi';iam,-belge, comme dak d'autre; circonstances, manifesté
que, pour lui, conimec'est la pratique généraleque je citais tout l'heure,
l'article17 est ar~~licablechaaue fois ou'un Etat nartie au Statiit de la
Cour est-iié par';n traité en ;igueur ;envoyant à la Cour permanente
de Justice internationale.
Pour lesurplu', Monsieur le Président, je ne pense pas qu'il coi~vienue
quant à présent de reprendre le problème des traités que l'on peut
qualifer de constitutionnels sous l'angle d'une controverse de doctrine.
Monsieur le Président, je voudrais ajouter quelques observations sur
les effetsde l'article7. PLAIDOIRIE DE Mme BASTID 493
Pour le Gouvernement espagnol, ce texte ne concerne que les clauses
de juridiction obligatoire renvoyant à la Cour permanente. Elles seules
seraient importantes (p. 124 ci-dessus). S'agissant du traité de 1927,
le Gouvernement espagnol n'a en vue que l'article 17, paragraphe 4.
D'où le parallélisme établi entre cette situation et la situation qui est
régléepar l'article 36, paragraphe 5,du Statut (p. 147ci-dessus).
Il n'est pas contestable - et ceci est d'une importance capitale -que
l'article 37 assure la substitution d'une juridiction en état de fonctionner
à une juridiction disparue dans les cas où existe une clause de juridiction
obligatoire. Mais on ne peut limiter à cet effetla mise en application de
l'article 37. Si l'on prend, par exemple, le cas du traité hispano-belge
de 1927,l'effet de l'article 37 ne se borne pas, comme paraît le croire la
Partie adverse, à l'article 17, paragraphe 4; l'article 37 concerne les
articles2, g, 17 (dans tout son ensemble), 22. 23, etc. Ou pourrait d'ail-
leurs mêmeimaginer que le traité, qui renvoie ;lla Cour permanente de
Justice internationale, ne contienne pas strictosensztune clause de juri-
diction obligatoire, et l'article 37produirait tout de même ses effetsentre
parties au Statut.
Eu réalité, l'article37 a pour objet d'assurer que les fonctions dévolues
dans le cadre d'un traité en vigueur à la Cour permanente seront remplies
par la Courinternationalede Justice. Lesengagements des Etats contenus
dans le traitésubsistent puisque letraité est en vigueur et, par l'article 37,
on en assure effectivement l'exécution.
Donc le Gouvernement espagnol réduit d'uni: façon excessive l'objet
mêmede l'article 37; au fond, celui-ci produira ses effets chaque fois
que l'exécution des obligations entre Etats contenues dans un traité en
vigueur comporte l'intérventiou de l'organe juridictionnel qui apparaît
comme le moyen de rendre l'engagement opérant, quel que soit cet
engagement.
Et par là l'article 37 se distingue de l'articli: 36, paragraphe 5, qui,
lui, vise l'engagement lui-mêmede I'Etat de se soumettre à la juridiction
obligatoire et non pas seulement le moyen d'en assurer l'exécution.
Cet engagement est opérant sur la base d'un traité préexistant, le Statut
de la Cour. Et s'il n'est pas contestable que l'article 36, paragraphe 5,
comme l'article 37 ont étéétablis en 1945 à raison de la dissoliitio~ide
ment identique, puisque comme je viens de le dire l'articlet36,paragraphe
5. concerne non seulement la juridiction qui reçoit compétence, mais aussi
l'obligation mêmequi a étécontractée par l'Etat de se soumettre à
une décisionjuridictio~inelle, obligation qui est assumée suivant une
technique juridique très particulière.
Dans ces conditions, l'application de ces deux textes - l'article 37
et l'article 36, paragraphe 5 - doit se faire en respectant pour chacun
leurs termes propres et leur raison d'ètre. En ci: qui touche l'article 37,
il n'a pas étécontestéjusqu'à une date récentequ'il fasse droit l'égard
de l'Espagne depuis son admission aux Natioiis Unies et chaque fois
qu'existait un traitéen vi"ueur ~révovantle renvoi à la Cour ~ermanente
de Justice internationale,
C'est ce qui constituera la troisième partie de mon exposé.
Quelle a étél'attitude du Gouvernement espagnol au cours des négo-
ciations diplomatiques? Monsieur le Président, aux paragraphes III et
suivants des observations en réponse aux exceptions préliminaires, le
Gouvernement belge a exposéqu'au cours de l'+changede la correspon-494 UARCELONA TRACTION
dance diplomatique, le Gouvernement espagnol n'a jamais contesté
jusqu'au 5 mars 1962(annexe no271au mémoiredu Gouvernement belge,
tome IV, p. 10551)les obligations de règlement pacifique qui lui inconi-
baient en vertu ilu traité hispano-belge de 1927. Bien plus, le Gouver-
nement espagnol a pris sur lui de mentionner l'existence de la juridiction
internationale obligatoire dans les rapportsentre la deux pays.
Il serait sans doute inutile de revenir sur des documents qui parleiit
d'eux-mêmessi Inon éminent contradicteur n'avait tiré des coni:lusions
erronées de l'exposécontenu dans les observations du Gouvernemerit
belge. Je cite:

ciLe Gouvernement espagnol tient à affirmer fermement qu'en
aucun moment un acte ou une déclaration de sa part n'a pu faire
supposer quo l'Espagne avait consenti à ce que la Courinternationale
de Justice soit substituée à la Cour permanente de Justice inter-
nationale pour connaître du différend opposant l'Espagne à la
Belgique. n
Cette declaration liminaire ne place pas le problème sur son véritable
terrain; c'est une dtclaration qui se situe dans l'hypothèse présentéepar
le Gouvernement espagnol (p. 178 ci-dessus) où -je cite: ule plein
effeti>de l'article 17du traité hispano-belge exigerait un nouvel accord
entre la Belgique:et l'Espagne.
Le Gouvernement belge, pour sa part, n'a jamais prétendu que la
correspondance diplomatique fasse apparaître un tel accord. mais il a
toujours soutenu que le plein effet de l'article 17 du traité de 1927résul-
tait de la mise en vigueur, dans lesrapportsentre l'Espagne et la Belgique,
de l'article 37 di1 Statut de la Cour lors de l'entrée de l'Espagne aux
Nations Unies.
Alors que le Gouvernement belge, suivant les termes du traité de 1927,
offrait la possibilitéau Gouvernement espagnol de recourir d'un commun
accord à la conciliation,à l'arbitrage, ou même à la Cour pour réglerle
différend, cette attitude est interprétée par mon savant contradicteur
comme la recherche d'un accord relatif àl'effet obligatoire de l'article 17,
paragraphe 4, tentative qui n'aurait étésuivie d'aucun résultat.
Mon savant c<-intradicteurestime que les formules employées par le
Goilvernement e:;pagnolne sont - et je cite:«que déclaration générale
et vague, ne cornpodant pas la reconnaissance formelle du principe du
règlement judiciaire du conflit i,(p. 164 ci-dessus). Chose plus i:urieuse
encore, il attribue une sorte d'hésitation au Gouvernement belge au
moment méme où celui-ci invoque le traité de 1927 - et je cite:
«aucune référeii(:non plus à un consentement espagnol dans la note
espagnole du 30 septembre 1957 ne se trouve dans la note belge du
6 février1958 ».
Lorsque la &:lgique annonce la notification du préavis d'lin mois
prévu au traité [le 1927 qui doit lui permettre, aux termes de ci: traité,
de saisir la Cour par voie de requête(note belge du6 février1958,aniiexe
267 au mémoiredu Gouvernement belge) et lorsque la Belgique rappelle
à l'Espagne que la Cour n'examinera le fond de l'affaire qu'apriis avoir
statué sur les e::ceptions préliminaires, on peut y voir la preuve que
l'Espagne n'a pas accepté la juridiction de la Cour.
Eiifiii (p. 165ci-dessus),le Gouvernenient espagnolva jusqu'àreprocher
au Gouvernement bclge d'avoir - et je cite: ([tardivement, trop
tardivement » fait valoir cette prétendue acceptation de soumettre ce PLAIDOIRIE DEIhlm' BASrID 495
différend à la Cour internationale de Justice. En conclusion, la preuve

ne serait pas faite -et je cite:
iid'un accord belgo-espagnol tendant à soumettre l'affaire de la
Barcelona Traction à la Cour internationale de Justice. Or, seul
un tel accord aurait pu remettre en vigucur la clause juridictionnelle
de l'article 17 abrogée à l'époque de la dissolution de la Cour per-
manente en 1946.

Toute cette présentation n'a aucun rapport avec la thèse qui a été
présentéepar le Gouvernement belge dans les observations en réponse
aux exceptions préliminaires. Le Gouvernemeiit belge n'a pas cherché
à établir qu'un accord se serait fait pour remettre en vigueur une clause

de juridiction caduque. Cet accord n'est pas intervenu et il n'était pas
nécessaire pour fonder la compétence de la Cour. Le Gouvernement
belge a seulement établi que lorsque après l'adrnission de l'Espagne aux
Nations Unies il a énoncé sonintention d'appliquer le traité de 1927 et
d'invoquer notamment la clause de juridiction obligatoire, le Gouverne-
ment espagnol n'a fait aucune réserve sur les obligations qui lui incom-
baient à cet égard et il a spontanément et sans équivoque iriterprétéles
textes conventionnels auxquels l'Espagne est partie, c'est-à-dire le
traité de 1927 et le Statut de la Cour. Le Gouvernement espagnol a
reconnu l'existence de ces obligations par rapport à la Belgique et au
regard de la juridiction de la Cour.

Je ne vais pas, une fois de plus, reprendre l'exposédes notes diploina-
tiques qu'ont échangées lesdeux gouvernements et qui, depuis la note
belge du 6 décembre 1951 (annexe 258, annexes au niémoire belge,
tome Il',p. ~ooo),qui demandait l'arbitrage sur la base dutraité de 1927.
ces notes portant simultanément sur le fond du litige et sur les procé-
dures de règlement
Je ferai seulement deux citations: le 16 mai 1957, suivant une note
du 31 décembre 1956 qui annonçait le recours à la juridiction interna-
tionale, leGouvernemerit belge indique qu'il va soumettre au Gouverne-
ment espagnol un projet de compromis, et le Gouvernement belge
rappelle - rappel assez remarquable - que le traité est susceptible de

venir à expiration le 23 mai 1958 s'il est dénoncéavant le 22 novembre
1957 (annexes 262 et 263. annexes au mémoire belgc, p. rooo et suiv.).
Le Gouvernement espagnol répond le IO juin 1957 dans les termes
suivants:
«Dans la note verbale de l'ambassacle de Belgique du 16 mai
dernier, il est dit que: aLe Gouvernement tielge demeure convaiiicu

Rque le différend ancien qui existe entre les deux pays ne pourra
iiêtre réglésans recourir au rkglement judiciaire et d'arbitrage
«signé à Bruxelles le 19 juillet 1927 par la Belgique et 1'Espagne. »
Ce désir de soumettre le différend suppozé à une instance inter-
nationale impiiaue au'ait étérésolu vré;llabiement le ~roblème
de savoir si 1; GÔuve;nement belge est habilitéou non pou; assumer
la protection de la Barcelona Traction. 11(Annexe 264, p. 1027 de:
annexes au mémoiredu Gouvernement belge, torne IV.)

ilucune obscrvation sur le droit conventionnel invoquépar la Belgique :
sans doute, respectant ce droit conventionnel la Belgique propose-t-elle
de rédiger un compromis, mais c'est là l'étape nécessaire pour pouvoir
ensuite envisager une requêteunilatérale devant la Cour.496 BARCELOSA TRACTIOS

rappelée. C'esti'aiinexe 266, page 1036. Elle répondit auàsune note belge
qui contient le projet de compromis prévu par le traité. Cette dernière
note belge annoiice l'intention de saisir é\feiitiielleinent la Cour par
requête unilatéraleet relève que l'admission de l'Espagne aux Nations
Unies évitedésormais que le refus de règlemeiit arbitral laisse le litige
sans solution; c'cst la l>réoccupalionmajeure du Gouvernement: belge.
Que va dire alors le Gouvernement espagiiol? Il discute sur le jus
standide la Belgique. IIfait allusion au silencequ'aurait gardéla Belgique
à cet égardet il ajoute:

ciEt ce silence ne peut être attribué à ce qu'il n'existait pas une
juridiction obligatoirepour les deux pays jusqu'à la date de l'entrée
de l'Espagne à l'O.N.U., car lorsque la note du 31 décembre1956a
étéprésentée,il y avait plus d'un an que cette entréeavait eu lieu:
nonobstant, aucune réponse à cette objection ne figurait non plus
dans cette note. n
1.3I'srtic adverse <léclarquc cecinc vcut nullcnicnt dire qiie l'l'<spagne
reci,riii;iit I':ip}iliiabilitéde 1';i17idii.trilit;tiisp:iiio-bcl~e (p163
ci-dt%;iiii011 rie.!oipi5 d'ou pr~\.icndrait cetteujiiri<lictionobligatoir.
qu': I;,iiori: cspagriolç inc.ntiuiinç aiilai sponranc'menrcl qiii r&yi~iiil
I I i1r1o dc In Rclgiiliic<~iiviennent d'erre rlppclc'ci.
Force est de cc~nstaterau% cette date le Gouvernemëit esnaenol n'a
pas de doute sur la portée'de ses engagements conventionne&. kembre
des Nations Unies depuis le 15 décembre 1955, partie au Statut de la
Cour. I'Es~aene reconnaît aue deouis cette date elle est tenue de lire le
traitk de Î9+ avec la ~el&~ue ai la lumièrei,de l'article 37 du Statut.
Dans ces conditions, klonsieur le Président, nous ne prétendons pas
qu'il y ait eu accord entre les deux gouvernements consentir a la
juridiction de la Cour, mais seulement, et ceci est capital, que I'inter-
prétation de la situation juridique résultant de l'existence du traité de
1027 et de la narticination de I'Esoaene aux Nations Unies telle ou'Alie
aéié donnéepar le 'Gouvernemenf eçpagnol dans les notes précitées ne
peut être ultérieiirement modifiéedans les rapports avec le Gouverne-
ment belge et par conséquent que l'exceptiôi préliminaire no z est
irrecevable.
J'ajouterai que l'interprétation donnéedans lesrapportsavec la Belgique
correspond parfaitement au comportement officiel du Gouvernement
espagnol à cette époqueet je vous en donnerai la preuve tout à l'heure.

[Aztdie~rcepublique du 14 avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, au risque d'abuser de la patience de la Cour,
je voudrais ajoul.er une indication complémentaire de nature à éclairer
sur l'attitude de l'Espagne ill'époque à laquelle je viens de me référer,
c'est-à-dire à l'époque où la Belgique cherche à mettre en reuvre le
traité de 1927.
J'ai pu consulter un recueil qui a paru soÿs les auspices du ministère
des Affaires étrangèresde Madrid. C'est une publication de la Direction
genéraledes affaires consulaires, publication intitulée Traitésco~lsaclaires
de L'Espagne.Le titre précise qu'ils'agit des traités iren vigueur au le'
janvier 1958 a;l'ouvrage a paru à Madrid en 1gj6. La préfaceest établie I'LAIDOIRIE DE Mme BAS'CID 497

par le directeur général desaffaires consulaires, un diplomate espagnol
qui occupait, à cette époque, ces fonctions au ministhe des Affaires
étrangères.Il souligne dans cette préface le soin qui a étépris par les
auteurs de cerecueil, qui sont des diplomates, fonctionnaires de la Direc-
tion généraledes affaires consulaires, de vérifierpour les traités contenus
dans ce recueil qu'ils sont en vigueur.
Ce recueil comprend I'énumération destraités classéspar pays chrono-
logiquement; certains textes sont reproduits in extenso. Pour chaque
traitédesindications trésprécisessont dorméessur l'étatdesratifications,
la publication, etc.Il apparaît que les auteurs ont,eu le souci d'indiquer
aussi exactement que possible quelle était ia situation pour chacun
de ces textes.
Or, dans ce recueil, on trouve le texte intégralde la convention qui a
étésignée à Nadrid le 2 janvier 19zS entre l'Espagne et le Danemark,
conveiition de commerce et de navigation. Cette convention est signalée
à la page 26 du recueil comme étant une convention en vigueur. Letexte
est reproduit à la page 217 du recueil. Or l'articlII de cette convention
prévoit que tous les différendsentre les parties contractantes relatifs à
l'interprétation ou à l'application de cette convention seront soumis
à la Cour permanente de Justice internationale par voie de requête
unilatérale.
.4insi, au le'janvier 1958, la convention est tenue par les auteurs
de ce recueil, publiésous l'autoritédu ministere des Affaires étrangères,
comme une conventioii en vigueur. Aucune observation particulière
n'est faite sur l'articlII. On peut en déduire que les autetirs dii recueil
considéraient alors que l'article II, se référant à la Cour permanente,
doit se lireàla lumiere de l'article 37du Statut de la Cour internationale
auquel l'Espagne est partie et que ce texte - l'articlII - de la con-
vention avec le Danemark permet de recourir à la Cour internationale
de Justice.
Mais il y a plus. Ce même recueil visecertains traités multilatéraux
et au nombre de ces traités multilatéraux il vise le protocole du 27 mars
1931 - que je citais ce matin même - qui reconnaît à la Cour perma-
nente de Justice internationale compétence pour interpréter les con-
ventions de La Haye de droit international privé.Il s'agit donc là d'un
traité dont l'unique objet est de prévoir la jiuidiction obligatoire. Le
recueil mentionne, page j4, que ce protocole a étératifiépar l'Espagne
le IO jiiille1936; qu'il a étéégalement ratifi6 par les Etats suivants:
Belgique, Pays-Bas, Estonie, Portugal, Norvège. Hongrie, Danemark,
Suèdeet Finlande. Sil'onserapporte àla partie de recueil qui est relative
aus rapports entre l'Espagne et la Belgique, on y lit, page 130, que les
deux Etats sont liéspar leurs accords bilatéraux, mais aussi par les
accords multilatéraux qu'ils ont l'un et l'autre ratifiés. Le protocole de
1931est spécialement mentionné comme étant en vigueur entre les
deux Etats. La mêmeremarque se trouve dans les sections qui concer-
nent les autres parties au protocole, quelle que soit la date à laquelle
ces Etats sont devenus Membres d~- Xations Unies.
I<iiiiid;ms I'iiitrodiiction de la p:irtir:conccm:irit les ;iccords miiltila-
tiraux, 11est question des coi~iriitioiis qiii (.nt clé préparées parles
coiif~reiictide droit iiit~rnatioiial pride Lü tlaye auxquelles l'Espagne
cst 11artiï. I.cs auteurs ajoutent, taij;iiit r:\.i<leinrnent:ill:iiproto-
colt:di i<j.$ique I'Esl~:igiien ~<loiiconil~Ft~iii:3.lnCour interriation:ile
dt. .lii.tict: pour I'iritt:rl~rL:ie; i:oii\.t-ntioiii anti.rieure(II.OIIJ.498 BARCELONA TRACTION
Tout ceci montre que les fonctionnaires de la Direction des affaires
consulaires, préparant un recueil officielqui contient les traités actuelle-
ment en vigueur, au xerjanvier 1958.n'ont aucune hésitation sur le sort
des clauses de juridiction obligatoire qui visent la Cour permanente
de Justice internationale, pas plus que n'en avaient eu les réd~cteurs
des notes adressées au Gouvernement belge et que je citais ce matin.
Pour eux, les clauses renvoyant à la Cour sont en vigueur, eues font
droit à l'égard de l'Espagne et elles ne peuvent l'être que :si elles
concernent la C~ur internationale de Justice, donc si l'article 37
s'applique à l'égard de l'Espagne bien que Membre non originaire des
Xations Unies.
Le Gouvernenient espagnol a ultérieurement changé sa position.
Il tente aujourd'hui, par l'exception préliminaire no z,d'échapper aux
effets de l'article37 du Statut qui, cependant, fait droit à son égard.
Pour sa part, le Gouvernement belge ne peut que persister dans ses
coriclusions tendant à ce que la Cour déclare irrecevable l'exception
préliminaire principale no 2, la déclare au surplus mal fondée et se
reconnaisse compétente pour connaître et décider des demandes for-
muléespar le Gouvernement belge par requête fondéesur I'article 17,
paragraphe 4, du traité hispano-belge de 1927 et l'article 37 du Statut
de la Cour internationale de Justice.
Nous passerons maintenant, Monsieur le Président, à l'examen de
l'exception préliniinairesubsidiaire noz.
Monsieur le Président, je voudrais dire que le Gouvernement: belge
regrette de ne pouvoir déposer au Greffe de la Cour l'ouvrage auquel
je viens de me référer, maiscet exemplaire provient de la bibliothèque
du Palais de la Paix et il se trouve doncà la disposition des membres de
la Cour.
Dans l'exception préliminaire subsidiaire no z,le Gouvernemeni:espa-
gnol maintient la prétention que l'article 17, paragraphe 4, du traité
de 1927 est devenu caduc en 1946 du fait de la disparition de la Cour
permanente de Justice internationale.
Par contre, la Partie adverse part de l'hypothèse où la Cour recon-
naîtrait qu'à partir du 14 décembre 1955 ,ate de l'admission de l'Es-
pagne aux Natio~is Unies. le Gouvernement belge et le Gouvernement
espagnol ont étésoumis, en vertu de l'article 37, àla clause juridiction-
nelle de I'article 17,ragraphe4, du traité hispano-belge.Donc, à partir
de cette date, un recours unilatéral à la Cour internationale de Justice
serait possible. Ainsi, dans cette exception subsidiaire, le Gouvernement
espagnol abandonne la thèse suivant laquelle l'article 37 ne ferail: droit
qu'entre Membres originaires des Nations Unies. Maispartant del'hypo-
thèse de la caducité en 1446 de I'article 17, alinéa 4,le Gouvernement
cq>~gnolîiip1msc qii'; ~'.utii,11114 cI;ctnil>rc11,ij.'.iyliliqiiLI11sIcs
r:lpports ,.ntrq: la I~~I:~~]I,I.tc l'l.::yIII~L.IIUUY~ItI.1IIX <lx jiiri-
I I , trfor r liitri'ril~du.it.it~it 11,1.1:iniir,
clause substituant: âu recours àla Cour permanënte le recours à laCour
internationale de Justice. Il s'agirait donc, suivant les termes qui ont
étéemployéspar mon savant contradicteur (p. 169 ci-dessus),non pas
«de la remise en vigueur d'une clause simplement suspendue, mais d'une
claiiseabrogée et ultérieurement rétablien.
Le Gouvernement espagnol prétend alors que sur la base de cette
nouvelle clause, la Cour ne peut connaître du présent litige, car sa
compétenceest limitée ratione temporiset le différendqui aurait clébuté PLAIDOIRIE DE Mme BAS'rID 499

le 27 mars 1948, lors de l'envoi à l'Espagne de la première note belge,
échapperait à sa juridiction.
La limitation dans le tenips des effets de cette nouvelle clause aurait
son origine dans les termes du traité de 1927 qui s'appliqueraient à ce
nouvel accord.
Sclon la Partie adverse, le traité de 1927 ne reconnaîtrait de rétro-
activité de la clause juridictionnelle que «lorsque les faits générateurs
d'un litige entraînent à une controverse toiichant l'interprétation d'un
traité international* (p. 171 ci-dessus).
Or. dans l'es~èce. le différend ort tant sur le droit international

cornikm invoqu& par l'Etat demandeur, la Cour serait sans juridiction
ratioxe temfioris pour connaître d'un différend né avant l'entrée en
vieueur dc ia clause de iuridiction
I):ti\ i>t>:tr\.aiiui.. ~~r;limiii.~irciiloi\.ciit tir<. faitci >'.i;i:,aiit <l,:cette
III;-<1'>~11t<r par 1,(;ouvcni< iiieni ci~~.i~iiol:toiit rl';iljt,rrl,Ic ;y,thc
rrl%<c: .ciIr lill<k! clt,ILIL::~ducii(111 f:lit d~,1:idi.i~:~ritioncl? l,~ ~uur
p&manente; cette thèse est inadmissible poui- les ;aisons qui ont été
déjàlonguement exposées.D'autre part, suiv.mt le système de l'exception
subsidiaire no 2, l'article 37 aurait un effet juridique différent suivant
qu'il s'applique entre Membres originaires des Nations Unies ou entre

un Membre originaire et un Membre ultérieurement admis.
En effet, dans la première hypothèse, suivant le Gouvernement
espagnol, il n'y aurait pas de vide juridiqiie entre l'application de la
clause de juridiction prévoyant le recours à la Cour permanente et
l'application de la clause prévoyant le recours à la Cour internationale
de Justice. Et dans son exposé, mon savant contradicteur (p. 172 ci-
dessus) déclare à propos de l'affaire Ambulielos qui avait surgi entredeux
Membres originaires des Nations Unies:

cLa question de savoir si la clause iuridictionnelle de l'article 29
du traifé gréco-britannique a crééun nouvel engagement ou, ce qu'i
revient au même,un nouveau lien conventionnel entre les parties,
n'avait donc aucune importance en l'espèce. »

Par contre, dans le cas qui nous occupe, lorsque la clause de juridic-
tion soi-disant abrogée serait remise en viguei~r lors de l'admission de
1'Etat intéresséaux Xations Unies, il serait nécessaire de <prévoir une
procédure particulière » pour la rétablir (p. 172 ci-dessus). Et un accord
spécialcomprenant la clause de juridiction obligatoire mais comprenant
aussi les clauses accessoires ratione temporis interviendrait (p. 177 ci-
dessiis).
Cette ingénieuse construction suscite tout de suite des objections.

Si l'effet juridique de l'article 37 était de provoquer un nouvel accord
constituailt un nouveau lien de juridiction obiqatoire entre les Etats
en présence,il en serait ainsi, quelle que soit ladate à laquelle l'article 37
est devenu applicable. Ce serait dans tous les cas ce nouvel accord et
non pas le traitéen vigueur qui s'appliquerait. Et il ne suffit pas de dire
que dans l'affaire Ambatielos la question n'avait «pas d'importance i,ou
que la question de la compétence ratione temporis ne se posait pas. Le
prohlèmc juridique était exactement le mênie que dans la présente
affaire.
Or, la Cour a employé des expressions qui sont parfaitement claires,
qui concordent exactement avec les termes de l'article 37. Elle parle

dans l'affaire Amhatielos de il'article 29 du traité de 1926, lwdlaluinière50° BARCELONA TRACTION

de l'article 37 du Statut de la Couru (C.I.J. Recueil 1952, p. 39). Dans
l'avis relatif au Sud-Ouest atricain. la Cour déclareQue rla référence à
In(:oiir pcriii;<nr~iirec Jiisrite intc.rnatiorinlc<lc\~air;tri. rd~npl.rcir p.Arla
r&fc:ri.n<c ?I la ('<iur irircrii~ii~)ii.ile(le Jiiitic<:.(CI./, /c,.cII~.I. .,
P. 743.)
Et lord McNair, dans son opinion individuelle (C.I.J. Recueil 1950,
p. 158) dit:
ciLa surveillance judiciairea étéconservée ...grâce à l'article 37
du Statut ...En vertu de cet article, la Courinternationale de Justice

a héritéde la.juridiction obligatoire, conférée à la Cour permanente
par l'article ;. du Mandat ...D
Ces diverses e>:pressions employées par la Cour correspondent aux
termes mêmesde l'article 37: la Cour internationale de Justice r consti-
tue ndésormais la juridiction qui est autrement dénomméedans k: traité
en vigueur. Et il en est ainsi dèslors que l'on admet que l'article 37 fait
droit & l'égardde!;Etats parties au traité en vigueur, ce que reconnaît le
Gouvernement espagnol dans le cadre de cette exception subsidiaire.
Il n'y a pas lieu dl:distinguer l&où l'article 37ne distingue pas: dails tous
les cas il s'agit d'assurer l'application d'un traité en vigueur. C'est donc
ce traité lui-mêrie qu'il convient de considérer pour déterminer la
compétenceratiotbetemfioris,c'est-à-dire le traité qui lui était eritré en
vieueur en raz8 et dont les effets ont subsistéDar suite de l'a~~lication
de-la clause Je ta.,ite reconduction. A
Ces quelques observations suffiraient peut-être à établir que l'excep-
tion subsidiaire est dénuéede toute iustificatiou.
Ct:1,~1ida1illt cori\.icitt dr. nioiitr1.1fr:igilitbd(:InttiPsc qiii t'zt foi id;.^,
sur 1111prcitndu accurd coiiti~iii~ior:iindc l'~~<liiiisîioitilc I'l:ipno.ii~
nits S..ti~n IIriir S.;~icordd'où jiirqirairnt dt:> <:oiis&liicnc~p s~rriiiili;.rc;

quxiit :I I;ionip>~cncernlrojrclonl>c.rtçdc la (:OUT.
'\lorisicurIc I'risidcnt, mon ;avant ;oiirr.i~lictc~urp.irlr.dc I'alliriiitioii
quc Ic lien ~onvr~!tioiiii~. l Cil (I;linift\~r~iicntroi~tpu ti~fr~.la I;<lqi<lui
cr I'Lsphg~ie,s'qi?;xnt dc l'~rtirl<. 17, p\ir.i<raphc 4, xu i~ioiiivii- .k hi
disîoliition dc I'ai.cicnnc Cuiir rn iqqi. .Coiiiiii~.iit \.:(1;s lori t'ti'cri:ilij.'
ce nouvel accord?
Suivant la Pari:ie adverse, cet accord dépend de la volonté de l'une
des parties au traité hispano-belge de 1927, «c'est-à-direde la volonté
de l'Espagne de devenir partie au Statut de la Cour internationale de
Justice a.
Et je cite, p~g~ 173 ci-dessus:
C'estle iiuu\.clt%iig.i;rnieiiide I'Espngii:, il;Ir 14t1;ccnibni ir,gi,
qui n crt'é... l'n~~urdbcl~o-cslr~gnolpour 11~ouiiii;iioii à 1.1Cour
inreriiniioii~li:dc Iiiitiit. Jri rliricrcntlspr;\.u,ddiii letrait :lii,~r.ino-
belge de 1927. » -

Pour ce qui est de la Belgique, son consentement aurait étédonnéau
moment où elle est devenue partie au Statut de la Cour, en del.enant
Membre des Nations Unies en 1945.
La Partie adverse reconnaît que les déclarationsde volontéde la Belgi-
que et de l'Espagne ne revêtent pas la forme usuelle caractérisant la
procédure ordinaire de conclusion des traités, mais elle fait Urie fois
de ulus une comuaraison avec les déclarationsunilatéralesde l'article 76,
parâgraphe 2, dÛ Statut en tant que ces déclarations sont les éléments
constitutifs d'un accord. Ainsi, dit-elle, irmalgre la forme inusitée PLAIDOIRIE DE Xmo BASTID 301

dans laquelle il a étéconclua, il y aurait un accord spécialinstituant
le recours la Cour internationale de Justice. Et, se référantcette fois-ci
à un projet de la Commission du droit intematii~nal, mon savant contra-
nexes, les deux 1Stats étant devenus, l'un en 1945, l'autre enco1955,
volontairement parties au Statut.
Tout ce système fait totalement abstractioii des traités en vigueur
qui font droit dans les rap orts entre la Belgiqiie et I'Espagne: le traité
de règlement judiciaire, ' conciliation et d'arbitrage d'une part, le
Statut de la Cour d'autre part. Il s'attache a une manifestation de
volonté de l'Espagne d'entrer aux Nations linies, manifestation qui
aurait pu n'avoir d'ailleurs aucune suite.
L'accord qui entraîne la compétencede la Cour internationalede Jus-
tice, c'est eu réalitéle Statut de la Cour, en liaison avec le traité de 1927.
Car de deux choses l'une: ou ce soi-disant accord bilatéral concernelgique.
directement la iuridiction de la Cour, et alorsl'article~lusderaison
de ~':~~~~lii~uer.'ui~est contr.tiricc quc Ic Gou\f~?rnem'enetsp:~giiol
dit au di:pari di:ct:itc csceprion siibsidiairisoi-disant accord reriict
en vigueur la clause du traité qui visait la Cour permanente, et, dans ce
cas, l'article 37 produirait un effet, mais on na comprendrait pas alors
qu'il y ait en mêmetemps une adaptation des dispositions ratione
temfiorisparce que c'est le traité lui-mêmequi serait remis en vigueur et
par conséquent les clauses du traité joueraient comme elles ont été
stEn réalité,la difficultévient, Monsieur le Prbsident, de ce que ce
soi-disant accord. aui esta base del'a.,umentation du Gouvernement
c.spa&~i<ta,rait r&alisépar deiix iri~tmi~~ntsconnexes dntnnt de dix
anj d'interi,alle ct a\.ec ceci de ~inriiculiewsIIinstnimenrs nc soiit
kçrits ni I'imrii1';iiitrc:leur tciieiir rst dSiiiiii.aiiiour<l'liuioour lesheioim
de la cause par le ouv verne empagnntl. (in ne donc pas les
comparer aux declarations de l'article 36, paxagraphe 2,qui sont des
documents écrits et que l'on peut par conséquent combiner pour voir
déRfon savant contradicteur a cité un précédentemprunté au droit
fluvial suisse.is son rapport est si lointain avec le problème en discus-
sion que je ne crois pas utile de l'examiner quaàprésent.
En demandant son admission aux Nations IJuies, un Etat s'engage à
seconformer àla Charte et par voie de conséquenceau Statut dela Cour.
A dater de l'admission, ces textes font droit dans ses rapports avec
les autres Etats Membres des Nations Unies. C'est ainsi que directement
I'article 37 va affecter la teneur des traités en vigueur entre l'Espagne
et d'autres Etats Membres des Nations Unies, saiis qu'il y ait lieu
conséquent, Monsieur le Président. le Gouvernement belge ne peutPar
admettre qu'il y ait eu ainsi un soi-disant accord bilatéral qui aurait
étéachevéen 1955 et qui aurait étérelatià la compétenceobligatoire
de la Cour internationalede Tustice. Encore moins oeut-il admettre aue
cet accord bilatéral ait compris, avec certaines aaaptations et défÔr-
mations, les clauses sur la compétenceralione ten+oris qui se trouvent
dans le traité de 1927.
Monsieur le Président, le mystère est encore plus grand quand on
cherche à préciserla teneur du soi-disant accord: en effet, pour aboutir,502 BARCELOSA TRACTION

ce qui est le but (le la Partie adverseà limiter la compétencede la Cour
ratio~ledemporis,il faut imaginer quelque chose de plus qu'un accord
conventionnel qui apparaît en 19jj succédeie adverse le nouveau régime
a existéde 1927 à 1946.durant lequel existe l'article 17original, puis un
autre régime de 1946 à 1955 durant lequel il n'y a pas de claiise de
juridiction obligatoire dans les rapports hispano-belges. En 1955, le
recours à la juridiction obligatoire està nouveau possible, mais - et je
cite (p. 177 ci-dessus): cil va être accompagné des clauses accessoires
dutraité hispmo-belge de 1927qui suivent lesort des clausesprincipales o.
Et tel serait le cas des dispositions qui règlent la compétence ralioiie
temporis de la Cour. La Partie adverse cite alors le préambule et les
articlesI et 2 du rraité.Dans ces trois textes il y a sensiblemeiit la même
formule: c'est l'engagement de résoudre suivant les principes 11:splus
élevés clu droit international les différendsqui viendraient à s'6lever;
l'article premier également les différends qui viendraient à s'élever
entre la Belgique et l'Espagne; à l'articlz tous litiges au sujet di:squels
les parties se coritesteraient réciproquement un droit seront soiimis à
jugement. Quant au protocole final, le texte est le suivant:

cAucune contestation n'existant actuellement entre les deux Etats,
les Parties <:ontractantes en signant le présent traité n'ont fait
aucune déclaration concernant l'application rétroactive du traité,
puisque cette question ne se pose pas, toutefois, il est entendu
que les engagements que stipule ce traité seront applicables aux
contestations portant sur l'interprétation de tout traité antérieur
encore en vi,peur, dont, après la signature du présent traité de
conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage, il serait fait par
l'une des Parties une application que L'autre Partie jugerait non
conforme à ses droits. II en serait encore ainsi si l'application
incriminéea\,ait commencédks avant la signature du présent traité
et se poursuivait après ladite signature.o
Mais il faut bien comprendre qu'en se référant à ces clauses la Partie
adverse entend les détacher du traité oui est entré en vimeur en 1~28
et leur donner un nouveau point de départqui serait le 14d&embrt: 16jj.
Et, en mêmetemps, le Gouvernement espmol admet que pour tout ce
qui n'est pas l'article 17, paragraphe 4, dÜ traité, pouf cequi concerne
par exemple la conciliation et l'arbitrage, c'est le traité de 1927 qui
continue à s'appliquer avec effet depuis son entrée en vigueur. Aiiisi,
dans ce svstème. Monsieur le Président. le mêmelitiee ~o.,r.it ~alione
ienrporisioniber &.miIccadn: clcs restes i,ii1.1;oiicili.~tioiict I'arbitr:~gc,
nilui p:~rculitrc, ,.i/rvli~~iporis;cliapp<r ; I'articl~17, ~~;ir:igrii]e.l
iiii le. c'cil-A-dirvccr <:nrnccmt:iiiciii~r;iit II,? cil15i. IIi.:l
évident q;c C'est un système ert;êmeme<t compliqué et 4; :araît
négliger l'objectifde l'article 17du Statut dont le but est d'assirrer la
pleine efficacitéd<:straités en vigueur.
Si l'exposédc la Partie adverse révèlela préoccupation de préciser
le contenu de ce prétendu accord, il faut bien constater que le Gouver-
nement belge n'est tout de mêmeguère éclairésur les droits et les
obligations qui Iiii incomberaient en conséquence, car de toutes les
dispositions qui dans le traité de 1927 visent la Cour permanente de
Justice internationale seul l'article 17, paragraphe 4, est considéré
par la Partie adverse, etl'on ne voit pas à prion pourquoi cet accord ne E'LAIDOIRIE DE Mme BASTID 503
concernerait pas les autres dispositions qui visent la Cour permanente
comme les articles 21 et 22 ni égalemcntles dispositions de l'article 23.
Donc, mêmesi l'on entre dans le système de.la Partie adverse,ilfaut
bien constater qu'elle n'a pas le souci de présenter un ensemble véri-

certaines limitationsà la compétencerationetemporisde la Cour.ré
En effet, pour la Partie adverse la danse de juridiction obligatoire

de cet accord de 1955 est assortie ratione temporis des limitations qui
dant quelle est la portée possible de ces texti:s qui ont étérédigés en

fonction d'une situation qui existait en 1927. Comment transposer en
1911faut, en effet,s dans l'esprit de l'exception espagnole?
à cet égard relever la première phrase du protocole
final que je lisais il y a un instant:
iiAucune contestation n'existant actui:llement entre les deux
Etats, les Parties contractantes en signant le présent traité n'ont
fait aucune déclaration concernant l'application rétroactive du
traité.1,
Comment prétendre partir de ce texte pour définir la compétence
ratione temporis en 1955. puisqu'à cette époqueavaient surgi des diffi-
cultésentre les deux gouvernements à propos de la Barcelona Traction
et que dès 1951la Belgique avait proposél'arbitrage?
Pour aboutir à exclure ~ationetemporis la compétence de la Cour,
la Partie adverse invoque le préambule et les articles I et 2 visant les
litiges qui «viendraient » à s'éleveret elle en déduit que la clause de

postérieursneàsl'entrée en vigueur de l'accordler.Ce sont les termes em-ient
ployésdans l'exposédu 20 mars, page 169ci-dessus. Il faut bien dire que

mais qu'il s'abstient de l'envisager dans son contexte. Etant donné la
constatation des Partics qu'il n'existe aucun litige pendant en 1927,

l'em~loidu futur et les termes aui sont utilisésmaraueut bien la volonl~
de & faire échapper aucun litige à la procédurede'règlement. Et cette
idée éclaire d'ailleursles termes du protocole relatifs aux différends
portant sur des traités: ici encore se manifeste la volonté de ne laisser
échapperaucun litige au système de règlement qui est prévu, quelleque
soit la date du traité en discussion, mêmesi c'est un traitéantérieur,et
auelle aue soit la date de l'av~lication incriminée. II en serait encore

Donc sil'on fecherclie dan; les termes dutraité de 1927et du protocole
final la position des Partics touchant l'application des méthodes de
règlement qui y sont prévues, il paraît évident que les Parties ont
voulu couvrir le plus largeinent possible les éventualitésde litige, et ceci

qui avait r6gi antérieurement les rapports entre la Belgique et 1'Espagne
et qui datait du 23 janvier 1905. Par conskquent on peut dire que la
volonté des Parties a été véritablement de couvrir de la facon la plus
complète possible les iitiges çurgir entre elles.
Doncsi l'on prétend'qu'unaccord intervenu en 1955reprend au regard

ne peut pas construire ces dispositions de telle sorte qu'un litige impor-504 BARCELONA TRACTION
tant existant entre les deux Etats écha~~..ait ratione temaoris à la
juridiction de la Cour.
Monsieur le Prtisident,mêmesi l'on suivait le système présent6par la
Partie adverse dans son orinci~e. il est fort douteux aue ces conclusious
dernières tendant. à la tump&ence de la Cour ratihe temporis soient
justifiées.
Le présent difftirend concerne sans doute une affaire de responsabilité
pour dénide justice dont le règlement doit fairepcl au droit coutumier,
mais il faut noter qu'il aurait sans doute lieu de considéreraussi, dans
ce règlement, l'application de l'article 3 du traité hispano-belge1927
qui est relatif aux contestations dont l'objet relève,d'aprèsla législation
intérieurede l'une desParties, de la compétence destribunaux nationaux.
Ainsi le différendmêmequi existe entre la Belgique et l'Espagne ne
peut êtredétache totalement d'un traité antérieur au soi-disant accord
temporis qui est inséréedans le protocole final, qui, suivantrla Partie
adverse, se rattacherait à l'accord nouveau intervenu en 1955, cette
disposition sur la compétenceratione temporis devrait jouer en tout état
de cause dans la présente affaire. En effet, suivant la thèse méme du
Gouvernement espagnol, le traité de 1927 reste en vigueur; si l'on admet
qu'un accord nouveau est réaliséen 1955 sur la juridiction obligatoire
de la Cour, le traité de927 apparaît comme un accord antérieur,et lin
différendqui se rattache aux dispositions de cet accord antérieur par le
texte auquel je faisais allusion il y a instant tombe dans les prévisions
du protocole final qui ont étélues toutà l'heure.
Enfin, même si l'onadmet le rattachement en 1955 des dispositions
relatives à la coinpétence ratione temporis du traité de 1927 ;i cette
prétendue nouvelle clause de juridiction obligatoire, il n'est pas certain
que ces dispositions de 1927 doivent nécessairement êtreinterprétées
dans le sens de rion-rétroactivitécomme le prétend la Partie adverse.
En matière de règlement des différends,la rétroactivitéapparaît comme
normale et on peut presque dire qu'elle constitue la règle, et c'est au
contraire lorsqu'on veut en limiter les effets, en préciserles effets qu'une
disposition spécialeintervient.
C'est ce qu'a reconnu la Cour permanente de Justice internationale
dans l'arrêtno 2, sérieA, page 35 - je cite:
<<LaCour est d'avis que dans le doute une juridiction ba-~'eesur
un accord international s'étend A tous les différends qui lui sont
soumis après son établissement...La réservefaitedans de nombreux
traités d'arbitrage au sujet de différends engendréspar des événe-
ments antérieurs à la conclnsion du traité semble démontrer la
nécessitéd'une limitation expresse de la juridiction et, par consé-
quent, l'exactitude de la règled'interprétation énoncéeci-deasus.

Cette attitude a étégénéralement acceptéepar la doctrine. Le profes-
aux conflrts ou aux élémentsgénérateu;spostérieursàla reconn~issance
de la juridiction obligatoire de la Cour ne vaut que -je cite:

<(sielle est prévue expressément. Faute d'une telle clause il y a
lien de préslimer la compétence du tribunal pour des faits ou
événementsantérieurs àla conclusion de la convention arbitrale.»
(Traitd de droit international public, tome 1,III.) PLAIDOIRIE DE IIme BASTID 505

La combinaison des termes du protocole final et des articles I et2 du
traité de 1927 montre la volonté de n'exclure des procédures prévues
aucun litige rationelemporzs. Dans ces conditions, à supposer mêmequ'un
accord intervenu en ~ggj ait rétabliune clause de juridiction obligatoire
entre l'Espagne et la Belgique en l'accompagnant des dispositions qui
viennent d'étre mentionnées, ces dispositions ne pourraient êtreinter-
prétéesde manikre & exclure de la clause de juridiction le litige actuelle-
ment pendant entre la Belgique et l'Espagne.
En conclusion, Monsieur le Président, l'exception préliminaire sub-
sidiaire no 2 est fondée sur la prétention de la caducité de l'article 17,
aragraphe 4, du traité hispano-belge, préteniion qui doit êtrerejetée.
he reconnaît l'application de la juridiction ot>ligatoirede la Cour dans
les rapports hispano-belges sur la base d'un accord qui serait intervenu
en ïgjg, mais cette affirmationde la Partie adverse méconnaît la portée
de l'article 37 du Statut de la Cour et ne permet pas de définiravec
précision lesconditions d'application du traitéen vigueur entre les parties
au Statut.
Entin, isiipposcr rn6nie que l'accord renvo!.;iiit AIn juridistioii de In
Cour soit :issorti de clnuscs dCfinissmt I:ict>iiii,Ct~.nee 1:iCoiir rulionz
temporis, telles qu'elles se trouvent dans le tiaité de 1927, ces clauses
n'auraient paspour effetde priver la Cour de compéteiicedans la présente
affaire.
Le Gouvernement belge conclut donc an rejet de l'exception prélimi-
naire subsidiaire no 2.
Monsieur le Président, je remercie la Cour pour la bienveillance avec
laquelle elle a prêtéattention Bmon exposé. ORAL ARGUMENTOF MR. LAUTERPACHT
COCNSEL FOR THE GOVERShlEST OF BELGIUM

[Public hearing O/ I5 April 1964, wsorningj

Air. President and hlembers of the Court. Mai, 1 first cxnress mv
distinct and deep scnse of privilege upon being per&itted to address yo;.
If, in my own case, this feeling is mingled with another. of a differcnt
nature, I am sure tliat the Court will understand why.
May it please the Court, the case for the Government of Belgium
upon the substance of the third Preliminary Objection will be presented
by Professor Sauser-Hall and myself.
1 am speaking first, because one of the principal poiiits with which 1
shall deal, namely the Belgian national character of the interests which
are heing protectcd in this case, logically cornes first.
The present action, commenced by the Application filed in 1962, is
one for the protection of certain persons. natural and juridical, who are
of Belgian nationality and who have suffered injury as a result of inter-
nation+? unlawful conduct imputable to Spain. These persons happen
to have in commoii the feature that theyare al1shareholders in Barcelona
Traction and that the damaee which thev have suffered lias its source
in the measures ~vhichspain took again& BarceIona Traction and its
suhsidiaries. But that does not make the present action an action for the
protection of Barcelona Traction as su6h. Xo amouiit of reference to
the proceedings cs~mmencedin 1958 and discoiitiiiued in 1961 can alter
the charncter of the present action. lt is juridically quite distinct from
the earlier one. No legally pertinent purpose is served hy the constant
efforts of the Spanish Government to suggest that the tno actions are
the same.
Accordingly, 1 rnust first ask the Court to decline to followthe perliaps
interesting but highly complex and controversial path of considering
the right of Belgiiim to protect a Canadian Company. This is al1 legally
quite irrelcvant. The present case is one ahoiit the protection of Belgian
nationals, and to pretend othenvise is siinply tilting at windmills.
Now, given that the present case is one for the protection of Belgian
nationals, it is of course necessary for Belgium to meet the requircments
relating to natjonality of claims. Belgium must, tlierefore, first satisfy
the Court of the Belgian national character of the iiiterests wliich it
seeks to protect; and it must do so first as at thedate of the comrnence-
ment of the serie:; of wrongful acts on which the present proceedings
are founded. The Belgian Government full? recognizes its obligations in
this respect. Itcan equally show the Belgian national character of the
interests to be protected at the dateof the institution ofthese procecdings.
Accordingly, it sers no point in questioning in the present case the much
repeated though not entirely logical proposition that a claim which was
national at time ioforigin should also be national at the date of sub- ~iiissio10 rli~Coiirt. Ai Ilclgiiiiii cnn j;irisf!. tli$:iic<c;snr) requircincnts
at bdlli <1;11~ r.\vil1jliui\. tti;11<loe; iiii;icttilttluir rs.iiiiiremc.iiiit
those dates.
1 shall, therefore, seek to establisli the Belgian character of the
interests in Barcelona Traction in two steps: first, 1 shall deal with the
ownersliip of tlie relevant shares in I3arcelona Traction; and secondly,
1 shall show, in so faras the question is dis~iuted,that thosc owners of
the Barcelona Traction shares in question are Belgian nationals.
1 turn tlieii first to the question of the ownership of tlie relevant
shares in Barcelona Tractiori.
1 do not want to detain the Court long with a recitation of mere
figures, particularly because it is not at al1clear whether the Government
of Spain is still making an issue of these facts. 011my reading of Professor
Ago's speech 1 ir,ould be inclined to take them as largely admitted.
But since 1must ask the Court to make a findingoffact inthis connection,
1 am obliged very briefly to set out the salient cletails and then to invite
the Coiirt to find accordingly.
1 shall deal first with the sliares owned try Sidro as opposed to the
shares owned by Belgian nationals otlier tlian that Company. These
shares owned by Sidro fell into two classes-registered aiid bc:ver.
Onthe first relevant date, ivhich is 12 Fehruary 1948, theday on which
the series of wrongfiil acts began, tliere existed 1,oSo,qj6 registered
shares in Barcelona Traction. Of these. Sidro owned 1,orz,6SS, ttiat is
to say al1but about 68,000 shares. The evidence for this is provided by
the entry in the register of Barcelona Traction of tbat number of sliares
registered in the name of Charles Gordon aiid Co. There is no issue
between the Parties about that number or about the fact of that registra-
tion. There is, of course, an issiie about thc legal effect of registration
in the name of a norninee. To that 1 shall return in due course. But
about the number of registered shares thcre is effective agreement.
III ilddition to tlie registered shares, theri: were, in Barceloria Traction,
on tlie saine date, 718,408 bearer sliûres. Of these, 349,905 were owncd
by Sidro. The basic evidence for this is tlie certificate given by the
resident partner iri Belgium of Deloitte, Plender, Griffiths and Co.-one
of the best-known and most highly regarded firnis of chartered account-
ants in tlie world. This certificate. dated 6 AIay1959, which is Annev 4
to the Xfemoriat, \vas signed by Alr. AlcGeachy, the resident partner.
It refers to and is based upon an examination of the books and records
of Sidro. Some criticism \vas made of it in the Spanish Preliminary
Objection at 1,page 67 of the French text, by reason of thefact thatit
does not contain an indication of the trnnsfer of Barcelona Traction
sliares from Sidro to Charles Gordon and Co. I3ut this criticism, asthe
Court can readily see from the Belgian Observations and Annexes, is
quite without substance. In any case, it does not affect the figure for
bcarer slinrcs and, moreover, it has not tieeii pressed.
Neverthcless 1 ought perhaps at this point to refer to the manner in
rvhich Professor Ago approached tliis question, that is of Sidro's bearer
shareholding, in the course of his speech. He did not, it should be noted,
direct his observations to the documents which the Belgian Government
referred to for proof of Sidro's holding of bearer shares, naniely the
certificate of Deloitte, Plender, Griffiths and Co. Instead he spoke only
of the letter from the Belgo-Luxembourg Institute of Foreign Exchange,
which is dated ~g February 1959,and whicli is Annex 7 to the XIemorial.508 BARCELOXA TRACTIOS

Now, this is a document which was introduced by the Belgian Govern-
ment for another purpose, namely the proof of ownership of bearer
shares by Belgiaii nationals other than Sidro. However, Professor Ago,
said of it: "The Court wiilbe able to judge whether the fanciful efforts
of the Applicant ... can transform this dociiment .. . into proof of the
assertion that Sidro owned 349,905 shares."
The answer to this observation is simple: the Belgian Government
does not rely upon that document as proof of ownership of Sidro's
bearer shares. That matter is established by the Deloitte, Plender
certificate. The letter from the Iiistitute is relied upon only as helping
to prove the holding of bearer shares by Belgian nationals other than
Sidro. The reason why incidental reference is made to this letter in
connection with i:he Sidro shareholding is fully explaincd in the written
pleadings of the 13elgiariGovernment, and 1 do not think that the Court
will wnnt me to repeat what has already heen saicleither in the Belgian
Meniorialor, mon:particularly, in the Belgian Observations at 1, pages 203
to 205 of the French text. The latter ex~lanations in the Belcian Ob-
sc.rvaÏioiis irere, it ni.,). Lc uhscrved. 'sl~eciticnll)~direcred-towar~ls
nieetiiig the criti0:isnisiuiitaincd in the Spariisli I'rçliniinnry Ol)js3itiuiis,
nt 1, pages 63 to 63 of the Frcncli test iiftlioseOhjcctions, and tlic!. mct
theni. iiiin). siibiiiisjioiiri qiiitc coiiclu.ii\~emaiincr.
It is sigiiificaiit, tli,:rrfore, that i'rofesjor i\fiv has iiot realiy soufilit
to tliese explanations further as one might otheniise have
expected him to do if he had felt that they were defective. It is perhaps
too much to have hoped that he would take a clear position on this
issue of fact-either maintainine his denial or admittine the correctness
of tlie Uclgian poiitioii. Hc siniplv s;iyi tli;it lie will-iiot spend tiriie
disciissing the probleni aiid oliîer\.<s tliat the Court will bc able to judge
whether the certificnt~.of the Iristitute lurnislir.~the rcauisitt proof. He
concludes, albeit somewhat weakly, by saying tbat "wé[that'is Spain]
do not attach much importance to the point". If that is so, one niny ask
why the Governnient of Spain should have devoted so tnuch time to the
point in its Prelirninary Objections. In the circumstances, 1 subniit that
the approach of Professor Ago constitutes in effect an admissioii of
failure to establish a convincing deuial of the evidence presented by
Belgium and 1 raspectfully ask the Court to find as a fnct that Sidro
owned 349,goj bearer sharesin Barcelona Traction on 12 Fehruary 1948.
So far as ownership of Barcelona Traction shares by Belgian nationals
other than Sidro is concerned, the evidence is of Bclgian owner!jhip on
12 February 1948 of 420 registered shares and nt least 244,832 bearer
shares. The evidence of ownership of registered shares again takes the
form of entries iri the register in the names of perçons giving addresses
in Belgium. This has not been disputed by Spain. The evidence of the
ownership of the bearer shares is basically the same certificate of the
Institute of Foreign Exchange Belgo-Luxembourgeois to which 1 have
already referred, but because the figure given in this certificate rcfers to
al1 those Belgian-owned bearer shareç which had been certified by the
Institute, there niust be deducted from the Institute's figure 01244,886
the 54 bearer shares of Sidro which are known to have been certified.
The rest of Sidro's bearer shares were not certified. It is thiis that
one reaches the figure of 244,832 hearer shares owned by nationals other
than Sidro. ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 5O9

Blr. President and Afembersof the Court. 1 corne next to the position
regarding the ownership of shares in Barcelona Traction at the second
relevant date,14June 1962,which is the date of the filingof the Applica-
tion in the present proceedings. On that date, Sidro owned 1,354,514
registered shares in Barcelona Traction and 31,228 bearer shares. The
evidence relating to the registered shares is to be found in the list of
registered share owners wbich appears as Aniiex IO to the Mernorial.
One finds there a figure of 1954.776 shares registered in the name of
Newman and Co. who, it is agreed, were norninees for Sidro. The small
difference between the figures for the shares owned by Sidro and the
nurnber actually registered in the name of Newrnan and Co.is cxplained
in note 3 on page 20 ofthe French text of the Belgian Observatioiis (1)
as being due to tlie fact that Newman and Co. were also nominees for
some other bolders of shares in Barcelona Traction. The effect of the
nominee entry upon the rights of Sidro is, of course, in issue hetween
the parties and 1 will revert to it later. But the quantities are not
in issue. The evideiice of the ownership of the 31,228 bearer shares
Co. dated 23 August 1962 which appears as Annexe, Ple12eto the Netnorial.
Again, the contents of this letter are not now effectively disputed by
Spain.
As to shares owned I>yother Belgian nationals on 14 June 1962, the
position was as follows: there were 2,388 registered sliares, of which
evidence is to be found in the Register (Annex 10 of the Alemorial); and
there were an estimated 200,000 bearer shares, of wliich an explatiation
is given in Annex 14 t« the Belgian ilfernorial.
Subject to the problem of the legal effect of nominee ~Iiareholdings.
these factsdo not appear now to be seriously cliallenged by Spain. It is
my suhmission that iri these circumstances Belgium bas discharged,
so far as this part oftlie case is concemed, the burden of proof resting
upon her.
New, having dealt with the ownership of the relevant shares, 1 must
now seek to establish the Belgian nationality of the owners of these
particular shares in Barcelona Traction.
Here, if 1 may, 1will reverse the order whicb 1 previously adopted
and wiil refer hrst to the shares owned hy persons other than Sidro.
1 do so hecause their national statiis can be disposed of briefly. The
same documents as establish the extent of the shareholding hy Belgian
nationals other than Sidro also establish the Belgian 1i:ttionality of these
shareholders. Inparticular, so far as the bearer shares are concerned-and
they of course form by far the larger part of the holdings of persons
other than Sidro-so far as they are concerned 1should draw the Court's
attention to the statement in tlie letter from the Institut Belgo-Luxem-
bourgeois de Change of rg Febmary 1959, to which 1 have already
referred-the statement that this certification procedure followed by the
Institute involved checking the applicant's natii~nality. Accordingly, the
national identity of these shareholders cannot really effectively be
chdenged and in fact Professor Aga has not sought to do so in his oral
statement. And, having regard to the explanations given by Belgium
in the Observations in reply to the Spanish Preliininary Objections,
Professor Aao's silence on this point can in truth onlv be constmed as
facts. Accordingly,e1shall Sayno more on this question of the nationality51° BARCELOSA TRACTIOII

of Belgian shareholders other than Sidro, but willask the Court to accept
it as established at both material dates.
\Vhen 1 come %O deal, as 1 do now, with the Uelgian charactes of the
Sidro shareholdiiigs,1 cannot, alas, be so brief. Here, there are two
questions \\,hich must be examined. The first relates to the Belgian
cliaractcr of Sidro itself. The second relates to the effect upon the
status of Sidro'sshareholding of the fact that Sidro's shares in Barcelona
Tractioii were registered in thenames of nominees. 1 shall deal with each
of these questions in turn.
speaking, in terms of Belgian law, it is not correct to speak of the Belgian
"nationality" as such of a company, since that legal system does not
know this concept in relation to legal persons. However, it is not in fact
neccsçüry to pnr:;ue this question of whether Sidro enjoys, iiithe eyes
of Belgian law, a.status equivalent to that of Belgian natioiiality. For
that point is ~iotin dispute between thc Parties. TlieSpanish Government,
very rightly in my view, has not made an issue of it. This, 1imagine, is
because the test employed in Belgian law for establishing gencr;illy the
national character of a company is that of the siègesocial,and there is no
donbt tliat Sidro passes that test.
Instead, the Spanish Government has attacked the national status of
Sidro on the plane of international law. It has, so to speak, accepted
Sidro's national character under Belgian law, but Iias then said that the
elements of fact which justify the identification of Sidro with Welgiurn
do not support the international recognition of Sidro's Ijelgiaii status.
The Spanish Government has therefore sought to go hehind Sidro's
position in Belgizrnlaw and has challenged the estent to which Belgian
shareholders o\vn a substantial interest in the Company.
This approach of the Spanish Government calls for the following
observations:
First, it is scarcely open to the Spanisli Govcriimeiit, after al1 the
emphasis which it has placed, in relation to the protection of Barcelona
Tractioii itself-after al1 the emphasis which it Iias placed-on the
dominating importance ofthe place of incorporation, now to suggest that
in the case of Sidro that criterion should be ûbandoned.
Second, there is in any event a presumption that when a company
is established in a particular State and enjoys the riatioiial char:rcter of
that State. the comDanv is also owned and controlled bv shareholders
ofthe snmt?nationafity.'This is of course a rebuttable présuniPtion, but
the evidencc which Spain has produced in this case in relation to Sidro
does not serve to rebut it.
Tliird, in any event, the evidence which Belgium has produce(1shows
clearly that Sidn~is predominantly owned by Belgian nationals, that is,
to the extend of 75.7 per cent. of its sharcs. In particular, abont half of
this amount, sonie 32.9 per cent. was, on 12 February 1948, and stiUis,
owned by aiiother Belgian company called Sofinû. And tliis company
in its turn also possesses Belgian national character hy referencc to the
Belgian participation in that company was about 81 per cent.aterial dates
Fourth, it may be pertinent, as showing the Relgian interest in both
Sidro and Sofina, to draw the attention of the Court to the fact that the
shares of Sidro and Sofina are traded principally in the Brussels stock
market, and this fact is itselfrelevant as creating a presumption as to the ARGUMENT OF &lR.LAUTERI'ACHT SI
owiiership by Belgiaii nationals of the shares in these companies.
The Court may find it helpful to be referred in this connection to a
decision of the Uiiited States Foreign Claims Settlement Commission
given in 1957 in the GreenClaim, which is reported in the International
Law Reports (Vol. 26, at p. 341). The United States Foreign Claims
Settlement Commission. 1 mav add. is a tribuiial set ii~under United
States law for the purpise of distributing amorig me rici nlaimants the
com~cnsation which has been received hv the Uiiited States under

lumii-sum agreements with various other Stjtes who have taken measures
affecting the property of United States nationals.And onquestions ofthis
kind, particularly questions relating to the nationality of the claimant,
.~~. .mmission i~ ~-r~cted to a~~lvinternatioiial law. So ive have here
a case of a municipal tribunaf &rporting to apply directly rules of
international la\\,. It is on that basis that 1shall refer to the Commission's
decision.
In the Greencase a daim was made in respect of the repudiation in
1918 by the Soviet Government of its obligations iiirespect ofImperia1
Russian Government Short Term War Loan Bonds issued in 1916.
The claimant, Mr. Green, had acquired the boiids by purchase in the
United States in rgzz froni a firm of investment brokcrs in that coiintry.
- -rever. in order to cstablish a valid claim bcfore the Commission. it
\vahiircv.s:try for tlicc1:tiiiiai10 >h<~\tv11:~tilie hoii(Ialiahvii o\viie<I
1,y I:niie~l Siitttii:~ri~ii:iit :oncYIILCIthe clilte01 r~pud~atioiiin 1qiS.
Sosv tliis111,:clniiii.liit t:uiildiiohecniiîc tlie ideiititv :inil ndrioii.ilitv
of the previous owners of the bonds-that is to Say 1;etween 1918and
1922 when he himself acquired them-was iinknown. Nevertheless the
Commission allowcd the claim. It said-
"The Commission has ascertained tliat bonds of the type owned
by the claimant were traded on the market in tlie United Statesin
large quantities prior to IO Febmary 1grY. In the absence of any
evidence to the contrary, the Commission concludes that the bonds
upon which the claim is based have been owned continuously from
IO February 1918, by nationais of the United States."

The relevancc of the above case is emphasiz<:dwhen it is contrasted
with the decision of the same Commission, given on the same da , iii
the Bayant Claim, whicli is mentioned in a note to the report OY the
GreenClaim in the International Law Reports. In the Bayant case the
Commission found that the bonds of the type owiiedby the claimant were
not traded on the market or generally circulated in the United States
pnor to IO February 1g18, and so the Commission denied the claim,
saying tliat-"In the absence ofevidence to the contrary, the Commission
must necessarily conclude that the honds upon which the claim, is
based were not owned by United States nationals at the time tlie clam
arose."
1 do not think that it is necessary for me to press further arguments
upon the Court as to the real Belgian national character of Sidro and
of its principal shareholder, Sofina. It is, moreover, pertinent that Pro-
fessor Ago appears not to have reverted to this point in the course of
his oral argument. Admittedly, he has not in terms withdrawn the com-
ments made in the Suanish Preliminarv Obiectioiis. But the omission
of reference to tliis foint in an argnmént nht otherwise characterized
by selectivity or brevity in relation to important matters-and 1Saythat512 BARCELONA TRACTION

with no disrespe<:tto my learned friend-is a fact to which 1 would ask
the Court to atkich the following significance, namely that the (~overn-
ment of Spain is unable to maintain with any semblance of cogency the
objections which it has hitherto raised to the Belgian character of Sofina
or Sidro.
1 turn now to the second question which arises in connectioii with
the character of Sidro's shareholding in Barcelona Traction, naniely the
effect of the registration of Sidro's shares in the names of nominees.
The Court willrecall that on 24March (seepp. 224-228 SU@I~) Professor
ilgo devoted one-eighth of his day's speech to the fact that Sidro's
shares in Barcelona Traction were registered in the names of Ainerican
nominees; first, Charles Gordon and Co. and then, Xewman and Co.
The conclusionwhichProfessor Agodrew (seep. 228supra),wasas follows:
"there are rio Belgian physical persons or legal entities which are,
in the proper meaning of the term, 'shareholders' of Barcelona
Traction-['shareholders' of Barcelona Traction]-at al1 events
shareholders with anything more than a negiigiblenumber ofshares".
Eariier, Professcd Ago had amplified this conclusion by saying thatit
was the partnerjhips, Charles Gordon and Co. and Newman and Co.,
which were the shareholders, not Sidro. In this way, Professor Ago
raiçes the quite clear issue of law-namely what are the consequences
upon the right of protection in international law of the fact that a
national's shareholding is registered in thename of a nominee possessing
another nationality?
In addition tcaraising this issue, Professor Ago also referred to what
he called "one fact on which it is well to reflect", namely what hs asserts
is the reason for the transfer of Sidro's shares to Charles Gordon and Co.
Although Professor Agodoesnot appearto attach any legal consesluences
to this statement of fact, it is perhaps desirable that 1 should, in due
course, devote a few moments to it.
Mr. President and Members of the Court, 1 have referred to the fact
that there are two matters which cal1 for consideration in connection
with the question of nominees, first a question of law and secondly a
question of fact relating to the propriety of the use of nominees both
in general and in this particular case. 1 shall deal first with the legal
aspects of the use of nominees and it is to that that 1 now turn.
As 1understaid them. the contentions which Professor Aeo ac-vanced
:inil wtiich1 niust inect irc the folluwinq:,
I'irst, sii1c.cSirlro'ssliiirt.~in L<~~ccI<IrLcfion arc rrgijrcrcilIIIilic
iianivi of noniin,.es. Sidroii the ljr-iirtici:il.but iior th-.Icc<>\VIICuf
those shares.
Second, to the extent that international law admits the riglit of a
shareholder to protection, the only person whose rights cau bt: recog-
nized is the legal, not the beneficial owner.
The first of these arguments turns entirely on the nature in municipal
law of the relationship hetween a nominee and his principal. There is,
however, so far as the mere use of words goes, in fact no real issue
between the Parties. The Belgian Government admits that the: shares
are re~istered in the names of nominees. Professor AEOm.,t be taken to
Ii:i\.e~&linirted!ili~iII?dcclincd ruarguc ro tlir cotirrary. thnt tlie tir0
ma!.rbe niadr tu p.li22j;\strpro.Again, thc Relginii tio\.ei.riinent :..ckno\\.-5I4 BARCELOSA TRACTIOS

Professor Ago then went on to speii out the incidents of share owner-
ship. But here again he gave only half the picture. He said that it is
the nominee who is registered as the shareholder in the company. Quite
true. But he did not Say, what is no less true and a great deal more
require, at any lime to transfer the registration into the name of the so
beneficial owner or any other person whom the beneficial owner may
indicate.
Again, Profeszor Ago said that it is the registered shareholder who
is summoned to meetings of the company, who votes and who is cntitled
to take action against decisions of general meetings. But once more
Professor Agoleft out half the story. He did not explain tliat the nominee
may vote only in strict accordance with the instructions given to him
by the heneficial o\mer of the shares. Nor did Professor Ago indicate
that the initiation of any action in his capacity as shareholder can only
be uiidertaken by the nominee upon the instruction of the beneficial
owner of the shares.
Professor Ago said that it is the nominee who collects the dividends.
But he did not Say that the nominee is under a duty to account to the
beneficial owner for such dividends; and that for tax purposes the divi-
dends are treatecl aspart of the income not of the nominee but of the
heneficiary.
Nor did Professor Ago Say inany other pertinent thiys about the
rights of the beneficial owner: he did not say that his interests in shares
registered in thc name of the nomiiiee are treated as his proporty for
the purposes of income taxes, or capital taxes, gift taxes and succession
duties. In respect of al1those classes of taxation the obligation is upon
the beneficial ouner, not the nominee. When the beneficial owner goes
bankrupt the shares aretreated as hisassets and are available for distribu-
tion in'the banlu-uptcy proceedings. Indeed, so completel does the law
treat the nomince as being-no more than the alter epo oYtlie beneficial
to the beneficial owner or tlie other way round, that such transfers
attract no transfer tax and require the payment of only a iioininal stamp
duty.
1 must ask the Court's indulgence for having to describe to it matters
which are already so evident on the face of the documents contained
in the pleadings. But 1 am left with no alternative in the face of the
argument advinced hy Counsel for Spain. An English lawyer is almays
tolerant when his foreign friends experience difficulties in appnzciating
the peculiarities of common law and equity. 1 am not sure,-however,
whether my learned friend is entitled to quite the same geiierosity in
respect of his failure to take into consideration and draw to the atten-
tion of the Court the documents in the Annexes to hoth the Mernorial
and the 0bservat:ions which shed upon the legal position, both in general
and in this particular case. so different a light from that reflected in
his remarks.
Could there, one may ask, have heen clearer statements of the general
position than those contained in the letter from Arthur Anderson and Co.
of 6 June 1963 '.vhich appears as Annex 24 to the Observations, and
which refers to American ~ractice? Could there have been a clearer
statement than that in hlr.'hlockridge's opinion of 6 June 1963which
appears as Annex 12 to the Observations, 1,or in &Ir.Currie's letter of ARGUMENT OF JIR. LAUTEKPACHT 515

7 June 1963 which appears as Annex 23 to the Observations; could
there have been clearer statements than those in those two documents
of the Canadian practice?
Again, what is the evidence of the documents, governing relations
between Sidro and the nominees? Look, 1 prûy yoti, at the Custodiau
Agreement of G Scpternber 1939 betwecn Sidro and Securitas which is
Appendix 2 to Aniiex 3 ofthe Memorial, 1.Look agaiii, 1 beg you, at the
partnership deed of 29 Arigust 1939, whictt is Appendix 3 to Annex 3
to the Memorial, establishing the firm of Charles Gordon. Observe
clause 4. This provided that the business of the partiiership shall be and
is limited to the holdiiig in the firmame of stocks and shares, as agent
for persons who employ the services of the partnership. Or take clause 8
of the same document. This provides that neither the partnership nor
any member thereof shall have or daim any beneficial interest what-
ever in an). stocks and shares held by the partnership. Note also the
repetition of tliese limitations in the agreement of 29 August 1939
between Securitas and the partnership which appears as Appendix 4 to
Anilex 4 of the Memorial. Witness again the terrns of the agreement of
19 April 1948 betwceii Sidro and Newman and Co. which appears as
Appendix 5 to Annex II of the Mernorial.How can it be said in the light
ofal1this that the nominces were the legal ownprs of tlie shares of Barce-
lona Traction in any meaningful sense of tlie term-except that they
lent their names and their services to the tnie owners?
This concludes what 1 have to Say about Professor Ago's first point
relating to nominees, namely that they arethe legal ownersof the shares.
I accept that the nominees are the legal owiiers of tlie shares. Sut their
title is a bare title; and it is by reference to tliat bare title that the con-
sequences in international law must be nieasuri:d.
So 1 come now. Mr. President, to what 1 undcrstand to be Professor
Ago's second contention in connection \vit11nominees, namely tliat to
the extent that international law admits the right of a shareholder to
protection, the only person whose rights can 11erecognized is the legal
and not the beneficial ouner. In my snbmission, Rlr. President, this
proposition is quite simply wrong. lt is contrary to principle and it is
contrary to the clcarcst precedent.
In ~resentine the relevant authorities to the Court. it will be con-
venieAt first tgbegin with the judicial decisions. 1 ha"e, in fact, been
able to findonlv one which deals directlv urith the question of the status
ofshares registéredin the name of a nominee. The reniaiilder are decisions
which bear on an aspect of the problem which has arisen more often in
international practice, the nationality of claims brought by trustees or
execiitors. However, tlus category of problems is analogous to the one
now before the Court because, like nominees, trustees and executors
have only a legal title to the property and the beneficial interest in the
property is vested in the beneficiary under the trust or the heirs nnder
the wiU. However, 1 shaU start with tbis decision which bears on the
question of nominees. Again, it is not a decision of an international
tribunal, in the strict sense. Once more, it is ildecision of the United
States International Claims Commission, whicti was the predecessor of
the United States Foreign Claims Settlement Cotnmission. But. again
in this area, it is applying rules of internatiorial law. The case is known
aç the Bindcr-Haas Claim and is reported iri the International La@
RePortsfor 1953 at page 236.51~ BARCELONA TRACTION
This was a claim by Edwin Binder, a United States national, and four
other persons, of tvhom only three were United States nationals. The
claim was for compensation in respect of 7,500 shares of stock in a com-
pany called Dugaresa, which had been taken over by the Government
of Yuaoslavia in 1945. The claim was made under the Claims Aeree-
iiient,;~ pursuant ioihe Claiins tlgrt.rinrnt concliidcd in 194s betkeen
the Lnitcd States and i'ugoslÿ\,ia niicl providing for coinpcns~tion for
the property of tiruted StatL.3nationnls. The agreenieiit covcred, amongst
otlicr matters. cl~iinj iiirespect of propcrty rights aiid interc.itj \vliicli
at the finie of tnl;infi \vcre iiidirrctly o\rncd bv;Iiiatiunnl of the United
States. bv reason oi the interests of such nacional direct or indirect in
a juridical person not of United States nationality. And this, of course.
meant not necessarily even of Yugoslav nationality.
The shares in llugaresa which bad been taken by the Government of
Yugoslavia and in respect of which the claim \vas made were, at the
material times, owned by a Swiss corporation called Etexco. So the
Court will iinmc~iiatelv see that the real auestion in issue in the case
\v:iiwIi,:thcr the iiitcrcsts iii I:tcxco \vt.r<:n\vii~d 1,y3 Unitcd States
iintioiinl. Soir tlic ~1i;ircjin Etcxco Iind ori~iiinlly hcen o\\ned by tlic
four cl;\imiuits orriertli;liHiii~lcr,but iii rgqr tlicy1i.d trrtiisferred ilicir
Iiul(1iiigsto I<iiiclIO I.old(3s it\vas stated iiith. report): "not 3~ Iioldcr
in f:iitIiiitci;osiensible oiviicr" R l)liruc \vhic.lI rcdd ns meaiiiiig that
.\Ir. Ijiiidcr \\.iiieffccta nominec =id 111.Uinder undertook to rctiim
the sharesin Etexco to the four owners on demand.
Now, leaving aside the issues %.hichare not directly in point, the
question before the Commission was this: would it accept Binder's
holding of the E:texco shares, that is to Say the shares in the S~viss
Company, as conferring Binder's United States nationality on the whole
of the claim, including the part in which a non-United States national
\vas interested, or would the Commission,on the other hand, look behind
Binder's legal title to see whether ail the beneficial owners were United

Ssaid that it "views this claim as one by the real or beneficial owners

of the Etexcn shares and not as a claim by-Binder on his own behalf".
Accordingly, the Commissionrejected the part of the claim which related
to the interest of the non-United States national but allowed it in rela-
tion to that part wliich was owned beneficially by the three remaining
United States citizens. The bearing of this decision on the present case
is evident and there can. in my submission, be no real doubt that that
decision is correct. bloreover it is clear that the Commission did not
consider itself as making new law, but as following a line of decisions
given by other tribunals in analogous cases where claims were made,
as 1 have alread!~snid, by trustees in respect of property held by them
on behalf of bem:ficial owners of different nationality.
The Commission has, moreover, followed the Binder-Haas decision
in other cases arrd has cited it as authority for the general proposition
that the nationality of a claim where it is owned by a trustee on behalf
of a beneficiary must be tested by the nationality of the beneficiary.
For example, iri the American Security and Trust Comfiany Claim,
decided in 1957 (I.L.R., Vol. 26, p. 322) the Company, a United States
national, claimed as trustee under the will of one Jeanson. The Com-
mission held that as the evidence showed that the beneficiaries-the
cestui que trust, as they are cailed in the report-were not United ARGUMEST OF MR. LAUTIIRI'ACHT 5I7

States nationals, the claim must be denied, notwithstanding the United
States nationality of the trustee.
Again, in the ChaseNational Bank Clainr,idecidedin 1957 (I.L.R.,
Vol. 26, p. 463) the Commission cited both the cases which L have just
mentioned when it said:
"The Zoniinission Iils consistently lield thnt the national charac-
ter uf a claini filed by a tnistee riiust be trsted by the iiatioriality
of the nersons holdinc bencficial intrrestc therciii rathcr than b\.
the nationality of tmGees, or record hoiders of the claim."

As 1 have already said, the Commission ivas. in this connection,
doine no more than following established international iuris~mdence.
For Theproblem is not a new'one, and it lias always been resolved in a
uniform manner on the basis that the nationality of the claim is deter-
mineà by reference to the nationality of the beneficiary, and not the
nationality of the tmtee, administrator or other person who had no
more than bare legal title. Thus in Halley'scase, which was decided by
the American and British Claim Commission set up under the Treaty of
1871, the Commission said:
"Where a claim is prosecuted by an administrator in respect of
injury to property of an intestate who nas exclusively a British
subject,and the beneficiaries are British siibjects as well as Aineri-
can citizens, the claim may be prosecuted for their benefit. The
commissioners areal1 of opinion tliat the particular nationality of
the administratordoesno&affect thequestion."
The case is reported in Moore's Digest of InternationalArbitrations,
\'olume II, at page 2241 and other early examples may be found in
Ralston's Law and Procedureof International Tribunals at pages 144
t0 143.
Again, in 1903. Umpire Barge held in the Heny case, decided by the
United States-Venezuelan Commission of 1903that the beneficial owner
actually-and this is the word he used-"owied. actnally ownedthe
claim and properly appeared as claimant. The case is cited by Professor
Borchard in his work on The DiplomatieIJrotectionof Citirens Abroad,
at page 643 and is reported in the United vati ioReportsofInternational
Arbitral Azmards,Volume IX, page 12j and following.
A further illustratioii of the mle is to be foiind in the jurispmdence
of the Anglo-Mexican Special Claims Commission in the case of Captain
Gleudellv. Mexico, decided in 1929 (U.A'.R.I.A.A., Vol. V, p. 44). The
claim here was made by Captain Gleadell, a British subject. He was the
executor of the will of his wife, who had dii:d before the claim was
brought. In English law the executor of a will is a trustee. He has the
legal title to the property of the deceased person until such time as the
administration of the assets has been completed and the estate has
been wound up. His position is thus analogous to that of a nominee in
whose name shares are registered.
%me years before her death, Mrs. Gleadell. who \va also a British
subject, had been obliged to contribute to a forced loan in Mexico by
reason of her ownership of land in that country. If she had survived
she would have been entitled to make a clairn to the Commission ui
respect of the contribution. But she died. And the question arose.
therefore, whether Captain Gleadell, the executor of her estate, could51~ BARCELONA TRACTION
continue with the claim. Xow, as 1 have already said. Captain Gleadell
was British. So, the Commission, if it had thought that three was no
distinction between legal and bcneficial ownership of property, would
have been able to treat the claim as possessing continuous British
nationality. But the Commission did not do this. Instead it said-
"The question cannot be solved by the fact that the deceased
Mrs. Gleadell was a British subject at the time of her death and
that her husband acts on behalf of her estate. The necessity of
the continuous national character of the claim .. . does not allow
us toconsider the estate as taking over and retaining the testatrix's
nationality,as apart from the nationality of the heirs. It is essential
to know ~ÏIwhoie hands the assets of the estate have ~assed and
whether thi; transition involved a change of nationaiity in the
person entit!ed to the claim. These questions can only be answrered
by the will."
And so the Commission then weiit on to examine the will in detail
and it found thai: the person who inherited the claim was Mrs. Gleadeli's
daughter, who was a United States citizen. Having regard to this, the
Commission concluded-
"As Mrs. Gleadell died before the Claims Convention was signed,
the claim, although British in origin, hasnotretained that character
until the ti~ne of its presentation. This fact cannot be niodified
by the circiimstances that the executor of the estate is a British
subject."

And that is the end of the quotation at page 46.
Reference may also be made to the Clark case, decided by the United
States hlexican Claims Commission in 1930 and reported in Nielsen's
International Lam Applied to Reclamationsat page 471. In the course of
its opinion, the Commission referred to the rnle of the Commission
which provided that "a claim arising from loss or damage alleged to have
heir or legal representative of the deceased". Then the Commission said:

"This rnle appears to be well grounded on recognized interna-
tional practce. In the instant case the claim was filed in the name
of two legal representatives. From the standpoint of international
practice ther nationality would appear to be a matter of no impor-
tance ..."
Finally,1 apologizeforsomany judicial decisions,it may beappropriate
to cite the following passage from the decision of the United States-
German Mixed Claims Commission established in 1922, a (lecision
reiidered in the case of Cachard and Harles, Execzrlorsof the ûstate of
Afedorade Mores, and this decision is of interest not only because of
its relevance to the narrow point now under consideration but also
because of what it saystliat is pertinent to the wider point of the protec-
tion of shareholders generally. It is reported in Uded Nations Reports
of I?tternationalArbitral Awards, Volume VII, page zgz, and 'i quote
this passage:
"The fact: that this claim is put fonvard on behalf of executors
acting in their representative capacities and that these executors
are American nationals does not in itself impress the claim with ARGUhlEST OF hlR. LAUTERFACHT 5I9

.4merican nationality. The contrary mle contended for by the
claimants has been rejected by the hfixed Arbitral Tribunals ...
The entire beneficial interest in the claim is in French nationals,
and the hlixed Arbitral Tribunais. to mhich France is a party,
have uniformly held that the nationality of the claim must be
determined by the nationality of the beneficiary and have camied
this rule to the extent of applying it to corporations rejecting the
judicial theory of theirnpenetrability of corporations for the purpose
The Umpire holds that the claim as here presented was not impressed
with American nationality ..."

Turning now from judicial decisions to veT brief mention of State
practice, it isclear that the attitudes and actions of States have been
in fuli conformity with the position reflected by the decisions which 1
have just cited. Professor Borchard, at page bP of the volume to which
1have just referred, summed up the practice of the United States in the
fouowing words:
"That the Department of State in its diplomatic support of
claims looks to the citizenship of the real or equitable owner of the
claim asdistinguished from the nominal or ostensible owner appears
from the sections on corporations, administrators and assignees."
And there is no evidence, at any rate in the obvious source which is
Mr. Hackworth's Digest of InternationalLnmnt,hat the practice of the
United Stateshas changed in this respect.

[Public heuriltgof 15 APril 1964.afternoon]
Mr. President and Members of the Court, in view of the clarity and
uniformity of the authorities which 1 have cited, it hardly seems
necessary for me to take the time of the Court with any but the bnefest
reference to the principles whicli govern the protection of beneficial
interests and \\.hich exclude the protection of mere nominees. But
the Court has already in its own jurispmdence, namely in the
Nottebohn~ case, laid the clearest emphasis upon the necessity that there
should exist a genuine link betwren a claimant State and the national
whose claim it seeks to maiiltain. It would seem to be entirely out of
accord with the spirit and, indeed. fundamental reasoning of that
judgment to argue-as in effectProfessor Ago has doue-that a State
may maintain a claim on hehalf of a national who may well be genuinely
linked to it but wbo in fact has no substantial interest in the property
to which the claim relates. Were the Coiirt to accept Professor Ago's
argument the way would in fact bc opened to tliat very situation which
both the Spanish Agent and Professor Ago have described, quite rightly,
as undesirable and, indeed, not in accordance with law, namely the
weak States. which strong States could be made into claims agents for
There is a further point which Professor Agomade in the course ofhis
argument about nominees which calls for mention: the so-cailed risk of
double protection. Professor Ago's point aas tliat acknowledgement of
the right of the national State of the beneficial oxvuersto protect them
could lead to a situation in which claims niigfit be advanced by two520 BARCELONA TRACTION

States-the State of the legal owner and the State of the beneficial
owner. A similar oint has alsoheenraised in connection with the protec-
tion of shareholaers gcnerally. In this latter context it has been the
wrong-doing State may he exposed to double daims by the shareholder'she
State and bv the com~anv's national State. In view of the siinilantv
of tliese t\ro'argiimenit Aiav I>ccon\.enient if the) are hoth de;ilr witii
together I>yI'rofejjor Sauser-Halin his part of the argument. \li>rto\,er.
1 have alreadv. I helic\.e. said more thari eiiuuch ro disuose of Pmfessor
Ago'sconten&ns about 'the legal effect of noGinee reg&tration; and if1
were ta add to my arguments on this point it might look like using a
sledgehammer to crack a nut.
There remainc one small subsidiary point which Professor Ago made
in connection with nominees, and to which 1 ought just to refer in
passing. At page 220 supra . rofessor Ago said:
"These cc,nsiderations [that is to Say, considerations in favour
of treatine the nominees as effective shareholdersl carrv al1 the
more weigvhtin international relations in whic... it canAcertainly
not be claimed that States should carm out investigations, which.
from officialdocuments."allowed, as ti the tmth of what appears

That is the end of the quotation.
In my submi:;sion this point is disposed of by the authonties which
1 have cited for the urpose of answering the larger question of whether
international law wi!!ook to the nationality of the legal owner or of the
beneficial owner.It is,1 would suggest, implicit in the recognition of
quotioning the beneficial interest of the legal owner, States and inter-
national trihunals are entitled to auestion the brima facie evidence of
sucli public sources as compaiiy 'registers or 'prohaie registers. Tlie
decisions wliich i ha\,e 3lrendy cited could iiot ha5.eLeeiireaclied on ans
other basis.
1 turn now, Mr. President, from considerations of the strict law
relating to nominees to Say something about what 1 can perhaps best
desuihe as the "non-legal" side of that institution1 do so with some
reluctance becaitse, on my reading of Professor Ago's speech, he has not
raised any legal issue or indeed any real issue of fact in thisconnec-
perhaps cal1an undercurrent of disapproval and, irrelevant though it
is,1 am, needlezs to Say, anxious that this feeling should not be shared
by the Court.
Accordingly, :Ihope that 1may be excused if 1 seek, by making two
classes of observation, to put the system of nominees into its proper
perspective.
1 might perhips begin by observing that thc practicc of re(?istenng
shares in the riames of nominees is a regular, accepted, legitimate,
convenient and, in many contexts, essential feature of wnteinporaty
commercial prai;tice. The second is that in this particular case the use
of the system was not only a pmdent but, as events nnhappily were to
show, a fullyjustified precautionary measure to guard against the risks
system in this particular case as a deliberate device for accumulating ARGUMENT OF MR. LAUTERI'ACHT 521

the protection ofa number of States.1 wiil,wnthyour leave hlr. President,
amFirst, as to the generality and propriety of the use of the nominee
system. A recent study prepared by Mr. Kevell and Mr. Feinstein of the
Department of Applied Economics in my owti university, Cambridge,
has shown that a minimum of 17per cent. of the total share capital of
public companies registered and managed in the United Kingdom
with shares on the London Stock Exchange were registered in the name
of nominees. A general statement acknowledging the widespread nature
of such holdings was also made-with clear approval and acceptance-
in the report of the Committee on Company Law Reform which was
established in England in 1959to report on the general working of the
Companies Act and sat under the chairmanship of one of our most
distinguished lawyers, Lord Jenkins. In its report the Committee said.
at page 142 :

"In the evidence we have received, considerahle emphasis has
been placed on the administrative advantages of the nominee
business in the City of London." the efficient conduct of day-to-day

A similar and eveu niore extensive system ofiiomineeholdingspreiails
in the United States of America. This is shoirn by a ivork published
there in 1963written by hfr. Cox, entitled Trends in theDistribution of
ShareOwnerslrifi,and he there makes it clear that in 1959at least one-
fifth and more likely by now a good quarter of American traded stocks
are registered in theames of persons \!,hoare not the beneficial owners.
Again, in Canada, nominee registration is, and 1 quote, "a very
cornmon practice"; that is the end of the quote ivhich 1 bave taken from
the opinion of 6 June 1963,signed by Mr. Mockridge,which is Annex 12
to the Belgian Observations and which Professor Ago accepted in the
course of his speech at,page 225 supra.
It is, of course, hardly necessary for me to add that the system of
nominee refstration iç not employed to a11 equal extent everywhere
inthe worl Ihe principal reason for this is that practically ail continen-
tal European companies issue their stock in bearer certificates with
coupons attached. Accordingly, 1 cannot point to, Say,French or Italian
in those countries.r evidence of as extensivea use of the nominee system
However, it is, 1 believe worthwhile my drawing to the attention of
the Court certain European practices which indicate the acceptance
by European States of the need for, and the propriety of, nominee
registration. Perhaps the best illustration is provided by the system
which operates in France to enahle residents of the Franc zone to trade
in France in foreign securities other than hearer shares. There exists in
France asemi-govemmental agencycalled the Société Interprofessionneile
pour la Compensation des Valeurs Mobilikres,which is known for short
as Sicovam. Foreign securities traded in Ihice are registered in the
name of Sicovam, that is they are registered in the books of the Company
issuing the shares, which thus combines within itseif the functions of a
central nominee and public custodian for French holders of foreign
securities. The owners of the securities de~osited with Sicovam retain
dl the riglirs of ownsrd,ip :md the share; coiicemed are bouglit and
sold in l'ans by the exccutioii of Sicovariidelivery ordrri and tlie makiiig522 BARCELONA TRACTION
of corresponding book-keeping entnes at Sicovam. But, as 1 understand
the system, it is the name of Sicovam which appearsin the foreignregister.
In Holland arid Belgium a comparable system of holding foreign
securities is employed but without the intervention of a central agency.
Instead the Duich banks issue "Dutch Administration Certificates"
which reflect, for example, American shares registered in the name of
Dutch hanks. And in Belgium it is possible to purchase from the Morgan
Guaranty Tmst Company of New York as well as £rom certain Belgian
banks so-called "Bearer Depositary Receipts" which again reflect Ameri-
can shares registered in the United States in the name of the nominee
there of the Morgan Guaranty Tmst Company or of the particular
Belgian bank. Similarly, in Switzerland it has been the practice of the
large Swiss banks to register the Amencan dollar seciirities of their
clients in the nanie of the bank and then to deliver the actual American
dollar securities to the Swisspurchaser, but again with the bank's name
as the registered name.
In short, the position is that the system of nominee registra.tion is
employed widely as a matter of ordinary course. There is nothing
surprising, ahnormal or improper about it. And the reasons for its use
are easy to understand. Anonymity may be one of them. There are cases
in which it isconvenient for an individual not to make public the owner-
ship of particulai- shares. But it should not for a moment be a:;sumed
that this desire for anonvmi,v necessarilv stems from an ini~rooer . .
inutive. 0i.c oi rl1.bcsr-knowri resjoiii for (;i,ro di.;guisc tlic I,r<icof+
ncciiiiiiil;ititIIV~uiitrolliii~hlock of slanriiin~o1111,:1it!.prii~rin;ikiiig
3 rake-ovcr hid :or it. l'tiiiis:i nerfcitlv li.iiii~iiatc buiinvii u:liiiii.<.
But anonymity i:;not the only rkson, f&, ina number of juris'dictions,
where nominee holdings are possible, anonymity is not ailowed in
that the law malr reauire either the nominee or the tme owner in some
manner to makejcnoGn his holdings. And yet nomineeholdings continue,
particularly in cases where companies are owners of shares. In thij event
Ïe~istration in the name of nominees wn considerablv facilitate the
trksfer of those shares by eliminating the need to secLe appropriate
resolutions of the board of directors or the si~natures of several officers
or the use of the company seal upon the occ&ion of every transfer no
matter how large: or how small. And yet, again, when things are not
normal, the best interest of a company may be served by securiiig that
there is some means of exercising control over such foreign ac,sets of
the company as take the form of registered shares in other conipanies
in the event of invasion and occupation of the place at which the
owner company normally carries on business and in order to avoid
officers.ble consequences attendant upon the disability of its normal
The use of the nominee system is, therefore, in general perfectly
legitimate and the question remaius was there anything improper about
the use of the system of nominees by Sidro in the present case.
Mr. President, there is no evidence whatsoever before the Court as
to any impropriety affecting ivhat was done inthis case. Indeed, Professor
Ago stated in hi:; speech that he accepts as true the account given in
Chapter s of the Observations of the Belvian Govemment with a view ARGUAIENT OF 3lR. LAUTERPACHT 93
ation consisted in eivinrr Sidro for the needs of the cause a reallv
:\iiicrican apl~carm~ andu.sccoiid. tlint III?riiaintcnnnceof the~mcricnn-
ization of tlic sh:ires enab1c.dtlic sharelioldt?rsto count on the support
ofthe :\meric;rn Go\.ernmcnt. Scittier of rhese points really xppronctics
tli*trutli. 11IoIli?iirst.tli,purlio.,r of ttir cr<srion of tlie rc.lntiorisliip
\vit1Scciiritai jiid tlie recistr.itioii of tlic Sidro Iioldirigs in I<;tr~.elona
Traction in the name of nomin~es was to make provision for the even-
tuality of war. It is only necessary to look at the dates ofsome of the
principal relevant instmments to appreciate this: the creation of Charles
Gordon and Co. on 29 August 1939; the conclusion of the custodian
agreement between Secuntas and Sidro on 6 September 1939 and the
instmctions given on II September 1939 by Sidro to effect the transfer
of the shares. And 1 need not remind the Court that war broke out in
Europe as between the United Kingdom and Germany on 3 September
1939.
In making, as1 have cded it, provisions forthe eventuality of war,
the objective was not to change the national character of the property
concemed in relation to time of peace. Indeed this is evident from the
fact that once Belgium became enemy-occupied territory the sliares were
made the subject of Canadian custodianship in virtue of the beneficial
character in time of !var for purposes of trading-with-the-enemy lcgis-
lation. The real purpose was, instead, within such limits as might be
permissible to make provision for the effectivenianagement and adminis-
tration of the company's extemal assets in tlie event that those who
normally had authonty to deal with those assets should be deprived of
their liberty and thus be unable to manage thein. This was a proper and
pmdent thing to do. It \vas done by many others. 1t reflects no more
than the discharge of the duty of a responsible financial house towards
its shareholders.
As to the second point, the aueged attempt to give Sidro an American
colour for the purpose of obtaining Amencan protection, tliis too is not
tme. 1have already said enough to show that even before 1939 there \vas
ample publicly available evidence to demonstrate that the United
States Government was not disposed to protect interests which were
American in only a forma1 and not a substantial sense. And it is clear,
equally, from even the most cursory pemsal oftlie diplomatic correspond-
ence between the United States Government and the Spaiiish Govern-
ment after 1948 that the United States did not regard itself as acting for
the urotection of larec siibstantive interests on the basis of thc re~is-
trnt;~~~of rliose iiite&tsiiiilic iiaine ol .-\iii~:ric:tiiiio. n!. utlicr
\im would iiot lie consonant. f;ir cxariiplf-,with tlie rcfereiise to Uiirce-
lona I'r:iction in the Ciiited Çr:itci Sotc io Si~.i22of"ul. 1,,.,a\ifhcre
Barcelona Traction \vas simply spoken ofLc';1sa Company in which
Preliminary Objections (Annexsts"171,iVol. 111, p.u247)n .A cornpaiiy in
which Amencan citizens have interests"; that is not the way a State
expressesitself if it is seeking to protect a multi-milliondollarrest the
whole of which haç been affected by the measures under protest. And if
there is any need to enquire why the nominee registration of Sidro's
shares was maintained after the end of the Second World War, it is
only necessary to recall the uneasy state of international affairs which
has since persisted and particularly since1948,94 BARCELONA TRACTIO-V
Subject then to one small point, this brings me to the end of my
consideration of the ~rounetv of the use of the nominee svstem in
gcneral and in particul;r a'ndtiius to the end of niy considerati&i of tlie
\rhole position of noiniiii.ci. l1u\riIIput iny lnst brief pciiiitiii the foriii
of a auestion. which 1must îirst ~reface bv a short refefence to a treatv.
the Êcouomic Aid Agreement Ggned belween the United States aRd
Spain on 26 Septcmber 1953 a,nd which is printed in the United Nations
Tveatv Series (Vol. 207. at D. 94). Now this treatv, which is basicallv
aboui ttie givi;ig of ec&omib a&i;tance. also contains a gcritral coiiipro-
missor) clause. Articlc IS. uridcr ttic heading "Settlenit:rit of Clainis of
Sationnls" and the essential pnrt of it provides ai followi:

"The Go\wnmerits of the United States of :\mericn and Spaiii
agree to subniit to the deçision of the 1ntern:itional Court of Justice
or of a courtufarbitrarion or arbitral tribunal to be inutuîlly agreed
upoii, any 21um ejpoused or presentçd hy cither Cfi\rernrn?nt oii
hehalf of one uf itî iiationali arisinr: as a consequei>governmcn-
tal measures ...taken after 3 Apra 1948by the other Government
and affecting the property or interests of such national."

1 leave out other parts of the clause which 1 immediately concede are
element. to the question of iurisdictio- generally, but that is the essential
1 wonder just how far, Mr. President, Professor Ago would really
want to press his argument about nominees? If 1 have understood rightly
the Article which 1 have just read, would Professor Ago acknowledge
that the Governnient of the United States could institute proceedings
in respect of the shares in Barcelona Traction registered in the names
of Charles Gordon and Co. and later of Xewman and Co.? \Vould he
accrpt tlic posjibilit! of such nn action \vliich \vould not I>ecomplicated
bysucli (~iiestioiisasiiisjsisle~niiia!ncltlie eHnt of .Article3701the Statutc?
Jlr. l'residcnt aiid Jlembcrs ofth^Court. thii concludes the lirjt part
of ni? priiicipil ~ubniission~,naniely tliose \vtiicli arc direstctl t>\r.ards
establijliiiig that tlie claims \i.liiclil3r.lgiiimlias çspousr:d in tliz I1r~:ient
case ;ino :wned In. I{clri:in natioiinls. i have 1 ma\. bc i,criiiittecl to
hope, satisfied thé ~ouÏt first as to the identity of -the okners of the
shares which form the basis of this action and, second, as to their
Belgian nationality. There have, in particular, been two matters on
which 1 have fell:it nght to linger: the Belgian national character of
Sidro and the total irrelevance of the fact that the Sidro shares in
Barcelona Traction were registered in the names of American nominees.
At this point, 1Mr.President, we may. so to speak, draw a hue, and
place the first part of the substantive case on the third Preliminary
Objection behind us.
It now becomi:~ necessary to ascertaiu what liik, if any, there is
between the first part of the Belgian case and the second part-the
part in which we :slialldeal geuerally with the protection of shareholders.
Once the Governrnent of Belgium has satisfied the Court on the rnatters
which 1 have jujt descnbed-that is, the Belgian nationality at the
matenal dates of the relevant shareholders in Barcelona Traction-
once that has beeiidone that is the end of the third Prelimiuary Objection
and the Court should thereupon dismiss it. ARGUBIEST OF AIR. LAUTERPACHT j25

There is. in mv contention. no reason whv the Government of Beleium
should gofurthe; than this. It is,of course: as 1 have already admGted,
necessani for a State advanciw a claim on behalf of an individual to
justify the espousal of the claim Ly reference to the existence of a national
link between the claim and the State of the individual. It is, equally,
open to a respondent State to raise a preliminary objectionon the ground
that this national link does not exist. The Government of Belgium does
not deny the right of the Spanish Govemiiient to have raised the
arguments to which 1have so far heen replying. Ifthe arguments happen
to be bad-as 1 submit is ~he ~ase-Suain - > urobablv ,ost n~th~ ~ ~"
by raising them.
But now that Belgium has satisfied the Court of the Belgian nationality
of the persons who are being protected, that is the end of such matters
of this nature as may in this caseproperly be raised by way ofpreliminary
objection to admissibility. Accordingly, the discussion about the protec-
tion of shareholders in corporations wbich has already takeii place in the
witten pleadings and in Professor Ago's spei:ch, and which mil1now
again be resumed, is one which at this stage is not strictly relevant.
Nevertheless, Mr. President and Alembers of the Court, the fact
remains that tbis substantive question of the right of Belgium to protect
Belaian shareholders in a foreian coruoratiou has alreadv been much
discussed in this case, and youÏnay therefore consider th& the matter
is now in issue before you.
In that event, the further question arises: what more, if anything,
does the Government of Ueleium have to do in relatioii to the third
~reliminar~ objection? ~rofeçsor Ago has a Zear and rather far-reaching
answer. He alleaes that. since this is a case arisina out of damaire done
to a company,regard must be had to the rulesof international law
relating to the protection of companies and. according to him, this
carries with it the corollarv that when a wronc has been suffered bv a
company the shareholder does not possess afi interest in respeci of
which his govemment isentitled to exercise diplomaticprotection. There
is, he asserts, a mle tliat only the State of incorporation of a company
can protect the company. He admits of no exception to this rule other
than the one which arises in the case where the company possesses the
nationality of the wrongdoing State. But that exception apart, Professor
Ago continues, the right of Belgium to protect the Belgian shareholders
in Barcelona Traction must clepend on the existence of a positive rule
of intemational law-a mle which admits, either generally or in cases
other than that comnrised in the exce~tion iiist referred to. the rieht of
the çhareholders'na~ional State to insiituteJ6roceedings on'their brha~f.
The Belaian Government, Mr. President. cannot acceut Professor
Ago's argÜment in any material respect. The Belgian lGovernment
approaches the problem from a quite different point of view. It admits
the existence of a rule in international law affordinga right of protection
to the national State of a corporation. It admits that. At the same time,
it denies the existence of any rule which limits the normal right of a
Stateto protect its natiouals by prohibiting, regardless of circumstauces.
the protection of shareholdersby their national State. The Govemment
of Belgium denies the existence of such a proluhitory rule. There is no
coniïict between the admission and the denial. The two situations are
not correlatives and there is no reason wliy they should not both exist
together.526 BARCELOSA TRACTIOS
If the Court is not persuaded by counsel for Spain that a rule excluding

generaily, subjecl ta the one exception admitted by Spain, the right
of protection of shareholders-if the Court is not so persuaded by
counsel for Spain-that should be the end of the third IJrelirninary
Objection. The question of whether Spain in this case can be Iield
responsible for the acts and omiçsions which have caused tlie damage
to the shareholders is of course one which must be reserved for tlie rnerits.
Accordingly, tlie remainder of iuy speech and the main part of
Professor Sauser-Hall's s~eech will be devoted to sliowinr. that the
prohibitive rule ior which Professor Ago contends forms no part of
international law. On the contrary, we shall hope to show that inter-
national law has iii various situations other tlian the exceptional one
recoguized by Professor Ago, acknowledged the direct interests of
shareholders and 1:heright of their State to protect them. \Ve shall hope
to establish also that neither those situations, nor, indeed, the exception
recognized by PrcifessorAgo, are on any sound hasis of principle distin-
guishable from the present case.
It miIlhardly be necessary for us to demonstrrite what is self-evident,
namely that the shareholders have in fact suffered distinct and economi-
cally recogiiizable dainage.
hfr. President :ind hlcmbers of the Court. 1 turn. therefore. to the
I~~gii~i~iiui;ftli~I<i:l~i;inrgiiiii:iit ;il>oiittl~c'~>r~tc.ct0i ~li:ire'liolds:
.\lil.(tiigl~tlie nnin p.trLof tlus drguiiitni \vil1hc pccs~tit~J IJ~ l'r~fvssor
Sai~~~r-tl:ill,l sli~111~er1c:itlv ,,~~or~cintit iftlic Cr,urt~voiiI(ll#v.ir!vit!.
me while 1 kke certGu ge~er~l'observations on the queçtion.
These observai:ions take as their starting point Professor Ago's
remarks on the ~ubject of equity, equity in international law. These
may be found at pages 258-261 supra. Perhaps what 1have to say might
more logically corne alter Professor Sauser-Hall's inter\.entioii, but
1 believe that it ma}, better suit the convenience of the Court if 1 deal
with the matter now. And, indeed, it is in tlie nature of general remarks
that ifacceptable at au,they may be equally well taken as "entrée" or
as "dessert".
In the course of his speech Professor Ago made a number of comments
on the subiect of the reference by Belgium to considerations of equitv.
Thev mav be referred to in two main irou~s..A .
Hc nid tirst th;it the Ik1gian c'appeaI toeqiiit!." ns I'rufe+ur \go piit
if , il.u\i.cdtli:irlit:IkIgi;ni Guvvrnnienr ciil;a\v.ur: tli:it "rlii.v.rrt. <!II-
nir;lit(liiiiiii~iirtiiouiitnl,leilitliciiltics frornrlic uui\,IC\Vof ;ii>t~lit:.ililr
law". He said again later that "the request Gowbefore the C&rt is to
build out of wholt: cloth a new rule which would derogate radically from
the appiicable rules, on an aileged basis of equity". And again he said
later that "accoriling to the terms of its Statute, the Court :~ppLies
applicable law aiiil does not judge in equity".
Xow these observations may suggest to the Court that the Govern-
ment of Belgium is asking the Court to decide the present case on a basis
other than that of law. Xothing could be further from the truth. The
Government of Uelgium has no fear of a decision ex aeqiro et borio; but
it is not asking the Court to decide on that basis. That is something
which can only be done at the request and with the consent of both
parties.
In invoking "equity" the Belgian Government is doiiig nothing more
than reminding tlie Court that it is part of the riormal process of finding ARGUXEST OF >IR. T.AUTIi.Rl'r\CHT 527
and applying the law to refer to considerations of an equitable character.
Equity, in this sense, is part of the law. It is not so much a body of rules
as a state of mind-a willingness, as 1 shall presently esplain more
fuUy-to take a broad view of matters. Professor Charles De Visscher
has put my point in words which 1 should like to quote in an article in
the Revuede DroitInternational (Vol.40 (1933).p. 415). He there said:
".. .equity is inherent in the sound application of every rule of la~v;in
this respect, it is imposed upon every international jurisdiction".
In short. to refer to equity is in no way to concede that there are, as
Professor Ago would have the Court believe. insurmountable difficulties
from the point of view of the applicable law; it is instead to refer to an
essential ingredient inthe determination of that applicable law.
Again Professor Ago's remarks may be read as suggesting that the
Belgian Govemment istrying to construct a newrule about the protection
ofshareholders,derogating, asheputit. from"the applicable rules" on the
subject. This is an assertion of some importance; and 1 must be quite
exvlicit in mv answer to it. The Govemmeiit of Beleium is n., trvine. 2 -
\vhethcr on tiltkii, of ciluit!, or anylliiiiel;^.to coiistnict J rlcro:;ition
froni an :ry]ilic;iblt.riilc;.Anclthisfor tlit:rc.i11i:it"th? ay})lii;tLlvrule"
for the riitence of \i.liicliProk.ior :\CUcoiirciid~ <lt,csiiur iiiI;izt i:siir.
Mr. President, the issue in this part>f the case is a simple one, though
easily obscured. It is this: is there any rulc of international law which
excludes intervention in this case by the national State of the injured
shareholder? One starts from the undoubted proposition that a State is
entitled to protect its nationals. The burden, therefore, lies npon Spain
to satisfythe Court that in the circumstances of this case there is some
valid reason why Belgium sbould not be allo\iro<-tlo exercise her rights.
It is no part of Uelgium's task to construct an exception to an aileged
nile. relied uDon bv Svain. the a~vlicab..itv of which to the Dresent
cas* liai iiot 'bceripro\'c<l Ilt.lgiiirnducs iior'il~~r(tlo resi,r10 tiiiiit!III
ih.it conni.ition But \\.lin1 Rcl:ium does sa!. ii that \vl,cn tl~trc i$211
issuc :il~~iirrlic contcnt of ihi. rcli.!~;iiitriilitis rizhi for tlii.Coiirt to
give full play to relevant considerations of ejuity.
Again, Professor Ago said that: "According to the terms ofitsstatute,
the Court applies applicable law and does not jadge in equity." It is, of
course, true that Article 38 includes no espress reference to equity;
but it does not at al1follow that equity is not to he applied as part of
intemational law. This very point has been espressly dealt with by
Professor Sorensen in the work which 1 referred to already, Les Sources
du Droit Inlernaiional. published in 1946, ivhcre he sa- the follorving
at pages 206-207 :
"The economy of the article [that is Article 381hasnot prevented
the Court from appealing to considerations of equity, taken in a
broad sense, in order to avoid the unjust or unreasonable results
to which a rigid conception of the legal system might lead."

1tum now to Professor Ago'ssecond order of thoiights on the subject
of equity. These constituted a denial of the vcry existence of the concept
of equity in aiiy relevant sense. Doctrine and practice. he said, do not
recognize interpretative or suppletory equity. (Those two words corn-
prehend al1 the equity tliat there is.) If by "doctrine" Professor Ago
means the views of authors, then Professor Ag0 must be excluding such
anthors as Professor Charles De Visscher, Professor Sorensen, ProfessorYs BARCELOSA TRACTION

Hudson, Dr. Jenks and others 1 could mention. If by "practice" Pro-
fessor Ago means "judiual decisions", then lie must be ercluding the
Diversion of the M7atersfrom the Meuse in which Judge Hudson said
that "IVhat are !videly known as principles of equity have long been
considered to constitute a part of international law". (The quotation
is from P.C.I.J., Series AIB, No. 70, p. 76.) And Professor Ago must
again be excluding the assessment of the role of equity in interna-
tional law given hy Professor Verzijl in his capacity as Presiding Comis-
sioner of the Ereiicli-Mexican Claims Commission in tlie George.7Pin-
son case (U.N.R.I.A.A., Vol. V, p. 327). Xor could Professor Ago
have had in mina the admirable section in Professor Sorensen's book,
to which 1have jcst referred, where he deals with thesubject of"1Squity
and the Practice of the Court", at pages zor to 207.For ProfessorSoremen
there shows, exaniining only the jurisprudence of the Permanent Court,
that equitable considerations infuenced the Court in the IVimbledon
case, the Mosul afiair, the Mavrommatis case, the Panevezys-Saidutiskis
case, the Polish VfiperSilesia case, the Lotus case. the Liglzthouszscase
and the case of the GevmanSettlsrs in Poland. Need 1 really Say more
by \va). of answer to the proposition that "practice does not recognize
equity ?
Rut permit me, XIr.Presideiit, to go back for a momeiit to the views
of the miters of ;~utliority. The significant point to observe is not only
that they accept the vital role of equity, but also that those who accept
it are not simply common lawyers; they include leading writers and
authorities represi:ntative as me11of other systems, continental systems
of la\\..
The wide and representative character of the acceptance of eqiuty as
part of international law is most stnkingly demonstrated by the terms
of the resolution adopted by the Institut de Droit International at its
session at Luxenibourg in 1937. For there the Institute adopted a
resolution of which part read as follows:

"The lnstitute expresses the opinion: that equity is normally
inherent in tlie sound a~~lication of the law, and the international.
as well as the municiPx judge is by his very task called upon to
take account of it to the extent compatible withrespect for thi:law."

And to this, if you will permit me, 1 should like to add a further
quotation from Professor Charles De Visscher supplementing tlie one
which 1 have alre:ldy given:
". ..Considerations of equity [he said] can intervene and in fact
they often do intervene in the application by any judge of positive
international law. Here equity has as its only object the giving to
~ositive international law of an intemretation in con~~rmitv with
ihe requireini:nts of jwticeiiitlie 1iKtiiof the special circurn~t;uict-s
of tlie cue. L:quity intcr\~ens to soften leg:ility, most ofteri to liniit
11sricoiirs b\. a orçcise adaotation of the rules of law to the di\.ersit\,
of p~rticulai &es. But théaward remains based on positive inte;-
national law." !Cd

And again, Professor Sorensen, if 1 may once more refer to him, at
page 197 of his book said: ARGUAIENT OF HR. LAUTERPACHT !ï29
"Authors of al1 shades of opinion, even the most positivist,
consider as a normal part of the iudicial functioii that considerations
of eauitv intervene inthe senie that the iude,. -.ced bv several
interiretations or possible applicitiuns of a positive ml< cho~ses
tliat which best takes into conàideration the indi\.idual situation
ofthe ~);irtiesto the cze aiid tlic ensembleof thrirrightiandduttcs."

1 hardly dare burden the Court with further citation of authority.
But 1 should like to conclude this brief review of doctrine by reading
a short passage from one of the Iatest works which refers to the subject,
namely Dr. Jenks' recently published book oiiThe ProcessofInlernational
Adjzidicntioilwhich contains a whole chapter devoted ta equity in inter-
national adjudication. After a detailed review of the autliorities on the
subject, Dr. Jenks concludes as follows (at pp. 425 to 426):
"lt is difficult to assess in more seneral terms tlie ~ros~ective
contribution of equity to the furthe~t~evelo~ment of intemitional
law, but certain elements in the positioii emerge with reasonable
clarity. .
Firstly, in international as in national adjudication, equity does
not override the laa. It operates withiii the general framework
of the law. makes it more flexible, and meilows it.
Secondly, as 'equity' is not a technical concept of international
law there is no clear distinction between a modified attitude to
proof of custom, fuller rewurse ta general principles of law, the
recognition of equities. and due regard to considerations of inter-
national public policy. AU of these factors merge witli each other
as mellowing influences in the progress of the law towards greater
maturity.
Thirdly, equity in its formative stages is . ..largely a matter of
adapting principles to circumstances. It follows from this that
progress in the mellowing of the law by equity is iinlikely to take
the form of the enunciation of broad piinciples. The question of
'ivhat isequity' is no more answerable than the question 'what is
truth' ..."

There is, 1 think, no need for me to cite further authority to the
Court to support the proposition that it is permissible and, indeed,
desirable to treat and applyequity as part of international law. 1 think,
tao. that 1have said enough b way of repl ta Professor Aga'sdenial of
the recognition of the role oYequity in doctrine and practice. 1 can.
therefore, now pass tothe constructive sideof my task-the wnsideration
of the contribution which eouitv has to make to the decision of this case.
Tt is ni!. contention tliat'thè attribution ti,equity of itsproper role
in tlie determination of rulci of intcrn:itional Inwshould. in tlie present
casc. lead the Court 10 apply the follo\i~iiigthree orders~f ideas:
that the Court will not pennit teclinical considerations of munici-
(i) pal law to otrsctirc the ciscntiÿl i<lcntit\, ol the interests wliich
cal1for protection;

(ii) that the Court u.ill detemine dificult issues of law by reference
primarily to the individual and special circumstances of each
case; and53O BARCELONA TRACTION
(iii) tliat when the Court determines the precise content of the appli-
cable rules of law it will seek to meet the current needs (ofthe
internationni community and wiUseek to avoid a solution which
would involve unsatisfactory legal consequences.

1 shall deal with each of these propositions in turn.

[I'ublic Aearbtgof 16 Aprilrp64, morning]

MI. President and Members of the Court, may 1 start this morning
with a word of explanatioii about something which 1said in the course of
my speech yesterday afternoon.
After the close of yesterday's session. my learned friend Professor Ago
was good eiiough to draw my attention to the fact that 1 had attrihuted
to him a statement wluch he had not made. 1 had quoted him as saying
that doctrine and practice do not recoguize interpretative equity any
more than they do suppletory equity. The relevant passage in my speech
may be found at the bottom ofpage 527stipra. It isbased upon a sentence
which appears in the English translation of Professor Ago's speech of
25 March, a passage which reads as followsin the translation: "Doctriiie
and practice do not recognize one more than they dothe other."
1 wiUSaystraiglit away, hlr. Presiùent, that 1studied only the Eiiglish
text of Professor Ago's speech, but the French text of Professor Ago's
speech, as reported on page260 si~pra,is different. It reads as foUows:
"Les textes [that i:,to Saynot doctrine or practice] n'admettent pas l'une
plus que i'autre."
It is evident that, coming immediately after a paragraph containing
a reference to the Statute of the Court and the Treaty of 1927 berween
so far as the sentence in the translation.ginal French text does not go
1 apologize to Professor Ago for having thus, indi innocence, allowed
myself to be led into misrepresenting his views. 1 greatly appreciate his
gesture of personal friendsliip as ivelas professional courtes). in calling
the matter to my notice sopromptly and in enabling me toset the record
straight. It is unfortunate tliat 1 should just have happened to alight
on an error which must be rare in a process of interpretation which
combines speed and accuracy in a manner which leaves its hearers full
of admiration.
However, even though 1 \vas in emr in selecting this particular
passage from Proft:ssor Ago'sspeech as the one to which to attach my
statement of the authorities relating to the equitable approach to
international law, 1 would, hfr. President, in aiiy case, have had to take
up the time of the Court on this inatter. The question of equit) in the
limited sense in wliich 1 have used it appears to me to be so basically
relevant in this case that 1 would, in any event, have felt bouiid to
mcntioii totIi~.Couitth~a~tl~~ritie~~vhi~li~p~>~~rat~;~ g27>~ j?9sz1/>rti.
1 tri O Ir. l'résidentaiid \lemt,erj of tlic Coiirt. to dcvclop the
thrce propositioiis ..i.liiclircfIII IIsiil)inijjion, the prilici>j~i:cih<:,
constnicfive contributions which equ'itycan make to this aie.
My first proposi1:ionis that the Court will not permit technical con-
siderations of municipal law to obscure the essential identity of the
interests which cal1 for protection. There are two elements in this ARGUMENT OF BIR. LAUTERPACHT 53I
proposition-one of law and one of fact-and, so far as the law is
concerned, there are two sighcant dicta and one important case to
which 1 ought to refer the Court.
And, hlr. President, you will see presently why it would have been
dificult for me yesterday to present even a part of this section of my
speech in tlie short time which rernained at the end of yesterday's session.
These authorities reflect the concerii of international tribunals to
penetrate the form and discover the substance of the legat transactions
in issue before thern.
The first dictum is the observation of Lord Finlay in the Landreau
affair, when he said: "We are not embarrassed by any technicalities
of municipal law." Tlie quotation is from the Uqtiledh'ations Reports
O/ Ixter?tatioiial Arbitral Awards, Volume 1,page 367 And the tribunal
in that case then set aside technical considerations of municipal law
relating to the assignment of debts-considerations which had been
invoked in opposition to the claim.
The second dicturn is the remark of Sir Herbert Sisnett, the Arbitrator
in the Shr~feldlClaim, and he said: "International law wiil not be bound
by municipal law or by anything but natural justice, and willlook behind
the legal person to the real interests involved." Tlie quotation is from the
United Natiorhs Kej4ortsof I?ztenzutio?~aA l rbitral Awards, \Tolume II,
page 1098.
This last observation was made wheii th,: Arbitrator declined to
consider the tcchnical question of whether a partnership was a juridical
entity in the law of Guatemala. Tliere is another passage on the same
page which is of considerable significance in the present connection. The
thequestion submitted to the Arbitrator. The question \vas: "Has P. W.in
Shufeldt the right to claim pecuniary indemnification?" The Arbitrator
said: "What does the word 'right' inthis question mean? It can only mean
an equitable right of wbich international laiv takes cognizance. It cannot
mean legal right enforceable and in keeping with Guatemalan law."
But again, in a later sentence he says: "No international tribunal
will allow rnuliicipal legal fictions of this sort to prevent them doing
strict justice."
h'ow what is the learned Arbitrator saying here? In my submission
he is cspressly acknowledging that it is the task of an international
tribunal to refer to the municipal law right of ailindividual, in respect
of whicli aclaim is made, as a starting point but iiot asa finishing point.
The municipal law right is, in a sense, a fact-a fact which occasions
a situation of which international law takes ccignizance.But the content
of the international lawright isnot limited to Ihe estent of the municipal
law riglit.
This same point is to be found dereloped in the important case of the
Cayugn Indians which was decided in ~gzGby the British-American
tribunal under the Treaty of rgro. The facts of the case, bnefly stated,
were as follows.
The Cayuga Indians at one time constituted an undivided tribe of
American Indians living in the area of the state of New York. The state
of Xew York agreed by three so-called "tre:lties"-in fact they were
contracts but because they were made witli a tribe of American Indians
they were called treaties-in 1789, r7go aiid r7gj to pay to the Cayuga532 BARCELONA TRACTION
Indians certain siims by way of amuity. Between 1784 and 1790 the
tribe of Cayugan Indians divided and the greater part of its members
moved to Canada. After 1811 no further payments of the annuity were
received by the members \ho had moved to Canada, despite the
provision in the Treaty of Ghent of 1814for the restoration of the rights
of the Indians witli whom the United States had been at war. .4nd in due
course Great Britain brought this claim in respect of the proportion of
the annuity due ti, the Canadian Cayugas.
Now, as the Court will appreciate, the Cayugas were at no time an
international person in their own right. Consequently, wheii the state
of New York contracted in so-called treaties with the Cayuga nation, it
was contracting not with an international legal person, but with a person
in effect estabiished under and owing its existence to New York Iaw-a
law which did not recognize the position or rights of the Cariadian
Cayugas. Consequt:ntly, had the Arbitral Tribunal chosen to adopt the
position that the extent of rights which had their origin in muriicipal
law must be tested exclusively by that same system of municipal law,
it would have rejected the claim of the Canadiari Cayugas.
But the interesting thing about this case is that the Tribunal did not
do this. Instead, it held that Great Britain was entitled to treat the
Canadian Cayugas as British national5 and to put fonvard a claim on
their behalf if they had a just claim according to principles of inter-
national law and equity. The Tribunal held that as a matter of justice
the Cavuaas had such a claim founded, asthe Tribunal said: "In the
elziiien?a;j. princilnlt:of justitli:~requires us to look at tlic siitrstance
.ad not to ;tick in the bnrk of the 1cg:iIform." Thcri:werc. the Tril)un;tl
considered, ;pecinl circumstaiices wliich niaile ttir ~,quitaI>lti:laim tlii:
Capgan Indians especially strong, and here 1 müst quote froin the
.udg-ent :The T~ibunal said:
"American courts have agreed from the beginning in pronouncing
the position of Indians an anomalous one. When a situation Iegally
so âuomalous is mesented recourse must he had to aenerallv
rccogni~cdpruiciplbs of justice niid fair duling irorder tu d'kterriiii;c
tlie richts ofilic iiidividiiüh involved. The same corisiderüric.nsof
equiti that have repeatedly been invoked by the courts where
strict regard to legal personality of a corporation would lead to
inequitable re:;ults or to results contrary to public policy, may he
invoked here. In such cases courts have not hesitated to look
behind the ly;al person and consider the human individualc who
were the real beneficiaries."

And the Tribunal then reached the conclusion that-
"According to generaily and universally recognized principles of
justice and the analogy of the way in which Englisb and American
courts, on proper occasions, look behind what in such cases they
cd 'the corporate fiction' in the interests of justice and of the
policy of thelaw ... on the division of the Cayuganation the Cayuga
Indians permanently settled in Canada became entitled to their
proportionate share of the annuity and that such share ought to
bave been paid to them from 1810 to the present time."

The references are to the United Nations RePorts on Internalional
ArbitralAwards,Volume VI, page 173,at pages 178, 179and 183to 184. .ARGUUEST OF 3lR. LAUTERPACCHT 533
Kow. Alr.President and Members of the Coiut. 1 have eone into this
case nt ,orne Icngtli Iic,caiiitillusrrates iri siicli a striking aiid clujely
relevant \va? in? ,proposition that an eqiiital~lc npproacli requircs the
.-urt~to Irie itsclf ruiiian cxccssi\,c.rr.li;iiiccui~otithe tec1inic:ilitie.iofthe
municipal law origin of the rights in question.'l quite appreciate that my
learned friends on behalf of Spain may aiiswer by saying: "Of course.
what you say is quite correct. But the Arbitral Tribunal was directed
by the treaty to apply international law and equity, and the decision is
based on the element of,equity, not international la\%,.It is, therefore,
without relevance in a court such as the present one, which applies
international law exclusively."
Xow, it is not for me to construct arguments for my friends. But
having put this argument into their mouths. 1 must say that it is not a
sound one. It proceeds on the basis that the Tribunal \vas itself prepared
todistinguish between international law and equity in a clear and rigid
way. However. as 1 read the Award, the Tribunal appears to have taken
the viewthat the addition ofthe words "and equity" to the words "inter-
national law" had scarcely greater effect than to make esplicit a power
that was inherent in the office of every judge caüed upon to decide
according to law. The Tribunal referred to Mérignhacas considering:
"that an arbitral tribunal is justified iri reaching a decision on
universally recognized principles of justice where the tenns of the
submission are silent asto the grounds of decision and even when the
grounds of deusion are espressed to be the principles ofinternational
law".

That is at page 179 of the judgment. And later, when distinguishing
their power to decide in equity from the power to decide exaeqtroet bo~to,
the Tribunal said:
"But it [the power to decide en nequo trtbono]is a different thing
from what we invoke in the present c;rse, namely, general and
universally admitted principles of justice and rigbt dealing as
against the harsh operation of strict doctrines of legal personality."
The quotation is from page 183 of the Award.
With the greatest respect, hlr. President, 1 find it difficult to sec how
the Court can, in the light of its own jurisprudence and of the broad
and constmctive view of its own function which it has adopted in the
pas', accept the proposition, for which Counsel for Spain would be
obliged to contend, that the terms of the first paragraph of Article 38
of the Statute preclude you, Mr. President and hfembers of the Court,
from having recouse to "generally and univ+:rsallyadmitted principles
of justice and right dealing".
Now, on this basis of law, iuterpreted in an equitable manner, what
is it that 1 invite the Court to do? 1 respecttully askyou to approach
the problem before you in the same way as did the British-American
Arbitral Tribunal. 1 would invite you to reject the proposition which
is inherent in the whole Spanish case. namely that since the corporation
is the creation of municipal law, the rights of the shareholdcrs must be
detennined exclusively by reference to that law. 1 ~vouldinvite ).ou to
reject that proposition. 1 would urge you to look further, to take the
position in municipal law as a starting point only. and then to recognize
as interests entitled to the protection of tlie law, those interests of534 BARCELOSA TRACTION
undisputable economic reality possessed by the shareholders in Barcelona
Traction.
1 come now, MI. President, to the second respect in which eqiiitable
considerations are relevant to this case. My proposition is asimpleone:
that by reason of two factors the Court must pay careful regard to the
special circumstarices of the case. The first of these factors is that the
law on the subject of the protection of natiorials who are sliareholders
in foreign companics cannot bc said to be free of controversy. The second
factor is that both international and municipal law have rccognized that
in a variety of contexts strict adherence to rigid concepts of legal per-
sonality can leacl to results which are unsatisfactory, unjust and
unacceptable. 1 nt:ed not, 1am sure, Say more to establish the validity
of these two factors.
By reason of these two factors, then, the Court is entitled, and indeed
in mv submission. even bonnd to examine and weieh carefullv the
that 1am not in ariy way concedini: that the Court therefore has a roving
commission to esaminethe wholeÏanee of relations between BarceIoni
Traction and the fjpanish Governmen;. This course is entirely excluded
by the arguments which have already been addressd to the Court by
Professor liolin oii tlie subiect of "clean hands".
Such an exploration ha6 nothing at al1 to do with the special and
restrictive ilse of thc concept of-.qnity about which1 have been making -
these subinissions to the Court.
What, thcn, are the relevant special circumstances in this case,
which need so to 11eborne in mind? In iny view tliere is one dominant
consideration-the character of the action taken against Barcelona
Traction. hlr. President and hlembers of the Court, this is a case of
total spoliation, an act which began as one of private acquisition-to
put it in mild terins-but which \vas conceived on such a scale that
its esecution inevitably led to the involvement of the responsibility
of the Spanish State. Ail of Barcelona Traction's interests in Spain
have gone. and al1 Barcelona Traction's interests were in Spain. Now
that they have gorie tliere is nothing left in Spain or, indeed. in Canada.
To say that Barcelona Traction is dormant or that it is moribuid, or
even that it is ~r:icticallv defunct. while no doubt true has no more
meaning or redity tlian the that an empty eggshell is
dormant, moribund or practically defunct. The brutal fact is, tkiat as
an This isnot a case where the act of which complaint is made has injured
the company but nevertheless left it intact and operative. This is not
a case, Say, of the modification of a concession, or the repudiation of
a loan, or the seiziire of individual items of property. This is instead a
case where the eiitire substratum of the company has disappeared.
Ali has gone, and Barcelona Traction as much resembles a living cor-
poration as a scarecrow resembles a man. It has a hat, and it has eyes
which are painted Qnits face and for arms it has an old pole. Its body is
a sackful of straw. And this, Mr. President, and Members of the Court,
is the "real persoii" to whom alone, exclusively, so counsel for Spain
argues, the law regards the injury as being done. To speak so, hfr.
President, is to claim that superficiality is tnith.
Need 1say more. hfr. l'resident and Members of the Court, to persuade
you that faced by a situation of this kind there would be no merit inerecting a legal barrier to the claim of the shareholders based on the
fictions of municipal law.
1 have said that 1 attach dominait importance to this factor-the
veritable extinction of the life of the cornDan. bv..ea"on of the lois of
al1its assets.
It isnow necessary for me to point to another distinctive feature of the
case, even though it is one to which 1 do not attach the same legal
significance, That is. the extent of the Uelgian ihareholding in Barcelona
Traction. The Court does not need to be reminded that SS per cent. of
theshares in BarcelonaTraction wereowiied by Belgiannationals and that
75per cent. were in the hands of one oumer, Sidro. This figure does not,
as 1understand thepresent basis of the Ijelgian claim, affect the admissi-
bility of the claim. The theoretical possibility nf damaging a shareholder
by the class of action which 1 have just described is the same wliether
he oivns r share or ~oo,ooo, though in the latter case the possibility
that he may control the Company may lead lo additional damage of a
different kind. Xevertheless, the fact remains that the damage done
to the Govemment of Belgium by reason of the injury suffered by its
~ati~ ~ls is~-,o~o.tionate~ ~ the number of shares which are held bv
siicli iiati<>iinin the co~iij~aii!a.giiinst whichtli~urila!r.fiilintusures liav::
b~~iidircct,il. III cons~qiie.ii\:i.,tlii15 :icase of @ive dani:igt.. iiot of
tritlinc <\:iiii:iIt.ijiiut,ir;,.;iii \\.hich hccaii;a (;ovcririiicnt r~r~scntc.l
a claim for rnst a few shareholders, i'tcould be said that de minimis
non cura1 lez. lt is a case in wliich the lielgian national interest has been
injured to the estent of iiiore than fz5millioii.
The fact may. moreover, be relevant in aida the Court to set aside
any prolonged consideration of the problem of multiple claims. It is
possible to envisage some-though not senous-difficulties arising
in the case of a large shareholding spread somewhat equally over. Say,
nationals of a dozen different States. It might perhaps be argued, in
siich a case, that the equities would be a aiiist acknowledging a right
of action on behalf of individual shareholjers. In fact 1 do not accept
that argument. 1 am remindcd in this coiinection of a passage iii the
Joint Dissenting Opinion in the Acrial 1ncidi:ntcase-a passage to the
good sense of wliich 1 may Say, with full res ect, that no one could take
exception. The passage is as follows: "If tl!e manner in wliich a State
invokes a treaty in a particular case is reasonable, it is unreasonable to
suggest that the interpretation on whicli it relies might in estreme cases
produce unreasonable results." The quotation cornes from the I.C.J.
Reports 1959, at page 189. ParaUel reasoning may be used Iiere: if the
Court should corisider that it is reasonable for a State to protect the
interests of its natioiials who are shareholders in foreign corporations,
then the Court should not be discooraged from so holding simply
because in extreme cases the result might-not necessarily, but might-
be said to be unrcasonable in that a nuinber of actions might be com-
menced by a number of States.
But even if 1 were wong in thinking tlus argument, which is based
upon a reduclio ad absfrrdzrntzo be incorrect, it would stiUnot beapplicable
inthis case, where the vast majority of the shares are held by Belgan
nationals. That is why 1have taken the liberty of recalliiig this fact to
the attention of the Court.
And that concludes my argument on the second of the three reîiections
of equity in the present case.536 BARCELOSA TRACTIOS
1 turn, therefore, Mr. President, to the third order of ideas which
calls for developnient in this connectioii, namely the propositioii that
when the Court determines the precise content of applicable rules of law,
it will seek to meet as fully as it can the current and felt needs of the
international cominunitv: the Court wiii seek to avoid a solution which
ttould Icad to iinsirisfaCtbry sonsequcnccs. In iiiy sulmiisiion tliis t.we
of iipproach cm proljerly he dcscrihed as 'cquirable" bec:iiiseir bcloiig,
in n sense to tliat body of "non-tcchiiical" coiisidt-rntiunj tvhich tend.
as I sec the situatiun, to he broiiglit togethrr iindcr tlit. goeeral hi:ading
of "eiluity" in th<:international lield. Inclecd, tliis lwint h.is hecii niade
very clcarly hy Prc.feïsorSorensen, in his c1i:iptc.ron '.Equity", to \%,hich
i have alreadv rt-lerrcd. \r,heii he surnniarizes the effect of certain pms
of the decisioii of thc Permanent Court in the Il'irnDle~ioctrase, :iiid hcre
1 quote from page 202 of Professor Sorensen'sbook:

"These last passages [he said, and he was there quoting from the
1Yimbledoncae] also shed light on the constitutive elements of
considerations of equity; beside the ethical element, they also
include certain elements of sound utility, a certain desire to
conform with and achieve amcement between varions social con-
siderntions. .Asdistinct fromvfacts pcculinr tu the individual car..
this ~lemtnt of sound utiliiy conteiiiplates the gcneral rcquirernents
and necds of the international coiiiiiiuriitv. ~rovidcd tliat the con-
clusions which flow therefrom have soke general applicability."

Myproposition in this connection is that in seeking ta determine the
content of a mle of law which, truth to teil, is not even half as existent
as Counsel for Spain suggests, the Court should approach the problem
in terms of contem~orarv international ~ractice asreflectine international
needs aiid no1czcl~i;iveiyor cvcii iiornih.ntly in terms of intern.rtional
economic coiiditioris. It is rielit that I shoi~ldrefcr iii this cuniicct:on to
the manner in which the court has in the past emphasized the significance
of State practice-including treaty practice-in determining the present
content of mles of international law. In the Advisory Opinion on
Reservations to the GenocideConuention,the Court, after referring 10 the
strictly contractual approach to the problem of reservations. went on
to consider the circumstances which couid lead to a more flexible
application of the<:ontractualprinciple. The Court attached the greatest
weight to international practice in this connection. Indeed, for ail
effective Durnoses it iustified, in albeit eeneral tems and in relation
to that pârtkular caséonly, but on the basis of international practice,
the reversa1of the traditional contractual mle. Perhaps 1may he forgiven
if 1 read a few liiies from the relevant part of the Court's Opinion:

"This concept [the Court said, concept that a State canmt be
bound by a reservation without its consent], which is directly
inspired by the notion of contract, is of undisputed value as a
principle. Ho~ever, as regards the Genocide Convention. it is
proper to refer to a variety of circumstances which would lead
ta a more flexible application ofthis pnnciple. Among these circum-
stances may he noted the clearly universal character of the United
Kations under whose auspices the Convention was concluded, and thevery widedegreeof participation envisaged by Article XI of the
Convention. Extensive participation in conventions of this type
has already given nse to greater flexibility in the international
io reservations, vsry great allowance made for ts'cit assent tort
reservations, the existence of practices which go so far as to admit
that the author of reservations which have heen rejected by certain
contracting partiesis nevertheless to be regarded as a party to the
convention -in relation to those contracting parties tliat have
aczeptcd the rescrvatiuiii-al1 these hictors ~rC'manifestatior~s of
a new need for flesibility in tlie operation of niultil;iteral coi1r.cn.
11011...
III tliis statt. of inteniational practice it could ccrtainly not be
inft~rrcdfroiii tlic irbscnçe a11arlriicl~[.~rovirlirigfur rsseri.ations
in a miiltilater~l curi~ention thai the contriict-iia States are pro-
hibited from making certain reservations."

1 submit, manifesting a clear intention to eiisure that the applicat'ion
of rnles of international law kept in close step with the needs of the
international community, as evidenced by their actual practice, as
reflected in the terms of relevant treaties and as demanded by the
special situation by ~vhich the Court was confronted. This was, as
1 view it, also the approach of the Court in the Nomegian Fishnies case
-an approach which so much mirrored the views of States that
Wtually al1 the relevant rules of the GeneuaConvention onthe Law
oftheTerritorialSenwere framed iii terms of the Court's judgment.
What, then, is the relevant practice of States in the present context?
It consists, 1 submit, in important part of the practice reflected in the
ever growing series of treaties which reylate invanous situations the
treatment by States of the property, rights and interests of aliens
these treaties to say (as did my learned friend, Professor Ago), that of
the relate to abnormal situations: war, expropriation, socialization,
andiso on. Those happen to have been the only situations in which
international law has had occasion in the past few decades to develop
through State practice a relevant and effective content. The treaties
cannot be swept aside as exceptional unless they are shown as being
exceptional in relation to an independciit mass of State practice on the
subject occurring in other fact situations; and this clearly cannot be
shown, because it would not represent the tnith.
1 do not propose to examine al1the re1ev;uit treaties. Reference has
alreadv been made to manv of them in the written lea ad in -U s.nt there
are fok groups which maybe touched upon:
there is the Treaty of Versailles, and in particular, Article 297(e).e,
This provided in part that: "The nationals of AUied and Associated
Powers shall be entitled to compensation in respect of damage or injury
inflicted upon their property, rights or interests, including any Company
or association in which they are interested .. ." And as the Cowt wiU
recall, this was construed as including companies incorporated in States
other than the w~ongdoingState. Could one askfor a clearer acknow-
ledgment that for purposes of international law a shareholder is regarded53s BARCELOFA TRACTIOS

as having an interizst in the property of the Company, an iiiterest which
intSecond, there arc:the treaties creating the MexicanClaimsCort~missions,
and 1 mention tht:m only because first, they are relatively recent, and
second, because there were quite a number of them concluded between
Mexico and European States, including, 1 may say, Spain. If one looks,
for example, at Article 3 of the British iMet<icanConventionof 1926,
one finds that it provided as follows:

[among other things]all . .llosses or damages suffered by British
subjects . ..by reason of lossesor damages suffered by ariy ... com-
pany ... in wliich British subjects ... have or have had an interest
exceeding jo per cent. of the total capital of such. .. companjT .. ."
1s this not also a clear acknoivledgment of the direct interest of the
shareholder? And a similar provision appeared, 1 may Say, in the
Agreement between Mexicoand Spain
Third, there is the evidence provided by the treaties relating to
compensation for nationalization after the Second U'orld War. 1 have
already mentioned theTreaty between the United States and Yugoslavia
in connection with the Binder-Haas claim. Nearly al1these compensation
agreements covered the claims of shareholders in affected companies
and also thc claims of shareholders in companies incorporated in third
States. And at this point perhaps 1 may rcad the comment made upon
thispractice in oneof themost recent monographs devoted tothesubject:
Dr. Gillian \Vhite': book on hTalionalizationofForeigriProperty. At pages
69 to 70 of this book she says:
"It must be emphasized that this is a mle which defines the
circumstances in which the iiationality of an artificial person
according to the municipal laws of the States concerned m:iy be
ignored in favour of the nationality of the persons who have the
final economir interest ... The essence of the mle is that a State
Inav not utilize the nature of an artificial Derson as a hasis for
attacking the property rights of aliens. The pÔstwar treaty przictice
seek to relv on the comorate facade to the detriment of foreim not
interests, but that they were prépared to recognize the claim 'of
shareholders to benefit under the compensation agreeinents."
-
the Conveiition on the Protection of Foreign Property, drafted1 comeiinder
the auspices of the Organization for Economic Co-operation and Uevel-
oprnent, to which Professor Ago referred and which he described as
relating to recent tendencies. 1 think that Professor Ago goes too far in
saying that the dr;ift was approved by the O.E.C.D., the Organiz't. '1ion.
It was not. Indeed the text of the Convention was released forpublication
with the followingnote:
"The Draft Convention, which haç been prepared by a Comniittee
of the Organisation for Economic Co-operation and Developinent,
derives from instmctions given by the Council of the Organisation
for European I<conomicCo-operation in April 1960. Representatives
and experts from ~j countries Members of the latter Organisation
participated ic the work. ARGUMEXT OF JIR.LAUTERPACHT 539
The Council of the Organisation for Economic Co-operation and
Develoument has not vet taken a decision on the princiule and
conteni of the draft whrch conseouentlv does not car& the éndorse-
ment of this Organisation. ~ember louritries and the Secretary-
General have heen authorized to make it available to tlie Govern-
ments of non-Member States or other iiiterested circles in order
to obtain any comments they might make."

That is the end of the note which is printcd on the text ofthe Conven-
tion. Nevertheless, I am quite prepared to agree that the Convention
represents very recent thinking on the suhject and is a document of
some authority. But if it is to be used in this case, it must be described
fully and fairly: and once this is donc it will he seen that fnr from
supporting Professor Ago'sposition, it does th,: reverse: it acknowledges
the interest of a shareholder in the property of a company and it permits
the shareholder's State to institute proceedings on his behalf when
judicial protection caimot otherwise be obtained.
Perhaps 1 had better read the relevant parts of the definition of
property which appearin the Conventioii. Tliiz is in Article 9,paragraph
(c), of the Convention.

property .of ch; cornpan?. However, no'claim shall he niade under
this Convention in respect of the interest of a member of a Company:
(i) if the company is a national of a Party other than tlic Party
wluch has taken the measures affecting the property of the Com-
pany. . ."

And 1 need not trouble you with the second exception. That is tlie end
of the relevant part of the definition of property as employed in the
Convention.
Now, the first point to be niade is thüt the words expressly and
unequivocaiiy acknowlcdge that "a member of a company", i.e. a share-
holder, is deemed to have an interest iii tlie property of the company.
This isstated as an integral part of the definition of "property" in the
Convention. It should be noted that tliis is not stated as being ail
exceptional case. It is put fonvard as being the normal mie-that the
sliareholder has, for international purposes, an interest in the property
of the company. Nothing could be morc clearly statcd, and in terms
which are declaratory of existing law.
The second point to be made is that tlie proviso, which limits the
circumstances in wliicli the shareholder's State may interveiie to protect
him, is not as wide as at first sight it may appear to be. Ili particular, it
cannot he read as supporting any nii<lualified proposition that, as a
matter of general international law, the shareholder's State cannot
intervene to protect the shareholder when the company is incorporated
in some State other than the wrongdoiiig State. The proviso merely
establishes that where the wrongdoing State and the State of incorpora-
tion are botli parties to the Convention, only then can the shareholder's
State not proceed. Tliat is to say, when wrongdoingstate and thestate
of incorporation are both Parties to the Convi:ntion.54O BARCELOXA TRACTION

Tlir rationale of tlii; ii~ifollo\rs. 'irticlc 9 annothc read by itself
but inust bc 1ookc.j.at as part of the Coiiveiitioiias a nliole. Iri particular,
:\rtiçlc7 of flie C,ii\.eiition miist bc looked at. iur tliis nrovi<lesfor the
conipiil~orysettleincnt uf displites, as bet\recn p:irtics, ;;rising uncicr the
Cuii\.eiition. Accoidingly,nc.bet\\.eeri the pariiii thrr\vilnlways be an
effective iurisdictional link. r\s<uinc tliat tlic St:rtc of thc conioui\. aiid
the wroigdoing State (or, in terms of the present case, canada aid
Spain) are hoth pirties to the Convention. In such a case, Canada would
itself be able to start ~roceedines aeainst Spain. There would he thus
little if any justification for the Ynte&entionAofthe shareholder's ~tat;
hecause the substmtive interest of the wmpanv's State is coupled with
an effective means of securing judicial redtess-for the wrong' On that
basis, the right of the shareholder's State was excluded-n lhat basis.
But where the cornpany's State (that is to say, Canada in this case) is
not a ~artv to the Convention. then no such kom~ulsorv iurisdictional
liiik c\'l,tsrni.d iii tho?ccirciiiiistniiccs the pos~i~f tl;e;liarctioldsr
Sta1c sccuring redrcjs fur its national is maintuned. The propcr infcrencc
to he drawn-from this in relation to contemporary non-ionveritional
international law is that there is no iiinitation upon the nght of inter-
dictionalflink between the company's State and the wrongdoing State. juris-
This certainly appears to have been the way in which the Convention
was read in at least one quarter. In a major report on "The Protection
of Private Property Invested Abroad", the Committee on International
Trade and lnvestmcnt of the International and Comparative Law
Section of the American Bar Association-a report which was produced
in January 1963--explained the effcct of the proviso in the following
terms. And this niay be found at page III of the report.

"The right of a stockholder to claim in his own right would
however he limited in two circumstances. Firstly, he could not
claim for injury to himself as a stockholder if his company were a
national of a Party to the Convention other than the expropriating
State. The reirson for this exclusion appears to be the thought that
the right to c:laimin respect of the property of a company should
he reserved to the State of incoruoration where such State as well
as the cspro~riatin~ Srare nrr ho'tli I'artie.; ta tlic Coiivéntionand
:irettiiis j~iris~ictiu~iIiiik~~l.'
In short, ne have in these four classes of treaty, and in the 0.IS.C.D.
Convention in paiticular, a clear acknowledgment in State practice of
the legal interest of a shareholder in the property of a company.
And since 1 am on the subject of treaties as a reflection of the real
needs and the real interests of States, and since the Govemment of
Spain has taken the lead in referring the Court to drafts of treaties which
are not yet finally established or in force, may I conclude this section
with a reference ta the estremely interesting preliminary draft of a
Convention on th,: Settlement of Investment Disputes hetween States
and nationals of cktherStates, a Convention which has been drawn up
hy the legal staff of the International Bank for Recoustruction and
Development and which is dated 15 October 1963; a document, I may
say, which was drawn up by the legal staff at the request of the executive
directors. As the document ismarked "Restricted andnotforpuhiication"
1do not propose to refer to it in detail, though 1take it thatit isperfectly ARGUMENT OF hlR. LAUTERPACHT 54I
proper to refer to it in this Court in a dispute between two States who
are both members of the Bank. But the Agent of the Belgian Governmeiit
has deposited a copy of the Convention and it will be available in the
library of the Court. The general objective of the Convention is to
provide a means of settling disputes directly between States receiving
foreign investments and the individual corporations who make such
investments. The operation of the Conventioii, so far aç investors are
concemed, is limited to "nationais of a contraçting State".
No\\., it is in the definition of this term, nationals of a contracting
State. by Article X of the Draft that one finds material which is of
relevance.
" 'National of a Contracting State' means a person naturai or
juridical possessing the uationality of any Contracting State on the
date on which that persou's consent to the jwisdiction of the Center
. .. becomeseffective, and include(a) any com any which under the
domestic law of that State is its national, an2 (b) any company in
xvhich the nationals of that State have a controiling interest ..."

:\rict1i:ii> tlit?cliof tlic rclc\.ant part of tlie Article.
The C'on\.cntion ttiiis rrcogni7.t.s tivo indel~endciit conncctinfi links
t,çt\\.tcR coiiionnv ;iiiu contractinr Statc: th(. link uf incori,oration
and the indepindént link of ownersgip of a controlling intekst in a
company.
In other words, translating that definition into terms of the present
was not, the Convention would recognize the possibility that Barcelona
Traction could nevertheless take advantage of the provisions of the
Convention by reason of the controlling interest possessed in Barcelona
Traction by Belgian nationals, namely Sidro.
Nori,, the significance of this definition in the context of thepresent
problem is clcar. It constitutes a recognition that in international life
today it is not possible with any sense ofreality tomaintainarigid barrier
between the identity of a corporation and the identity of its controiling
shareholder. 1do not, of course, put this definition ia draft Convention
fonvard as being already an accepted and binding rule of treaty law.
Manifestly, it is not. But its of importance as showing that the drafts-
men of the draft-who are, after aii,officiais of an international
organization, who by virtue of the nature of their work are as closely
connected as anyone can be with the realities oi international investment
today-consider that it is necessay and proper to supplementthe
identification of the national character of a compzmy on the basis of
its place of incorporation by n reference to a quite independent basis,
the national character of the controlling interest. In short, an identifi-
cation by reference to place of incorporation isnot enough; it does not
correswnd to business rerinirements. it is. in other words. not eouitable.
And ierhaps 1ought to add that this pro;ision is made in an insirument
which cannot in any way be represented as an attempt to alter existing
customary internaiionai law. it is an instrument *ch creates new
macbinery, not new substantive rules and, as such, ils indication of the
entities which should be entitled to make use of the new system is
particularly valuable.
So much, then, Mr. President, for the acknowledgment in State
practice of the reai and directnterests of shareholders. 1could, of course,542 BARCELONA TRACTION
have gone into more detail, but 1did not think thatit would be necessary.
1 come now, hlr. President, to the final section of my speech and 1
turn to the concliiding aspect of this third order of ideas on the appli-
cation of equitable considerations to the protection of shareliolders.
It is that the Court will seek to avoid interpreting or finding the rele-
vant rule of law in a way which would lead to generally unsatisfactory
consequences.
Perhaps, therefore, 1 should first nientiou briefly the principal cori-
sequences which rnight appear to flowfrom the acceptance by the Court
of the arguments advanced on behalf of Spain.
If the Court were to reject the Belgian contentions, the inference
would seem to be virtually inescapable that only theState of iiicorpora-
tion is entitled to institute international proceedings in respect of injury
donc to a Companyby a Stateother than theone in whichit isestablished.
A solution of this kind has perhaps a not unattractive simplicity, but
it issimplicity with a sting. \Vhat would have happened,onemay eriquire,
if, in fact, there had existed betweeii Canada and Spain an uiiimpeachable
jurisdictional link enabling Canada to have brought Spain before tliis
Court. Would Spain then have refrained from raising a plea of non-
adniissibility based upon the absence of a genuine link between Barce-
lona Traction and Canada? Would not then Spain have heen the first
to haveattempted to pierce the corporate veil and suggest that Barcelona
Traction was no more entitled to the protection of Canada than, for
esample, hlr. Notrebohm had been held not to have been entitled to the
protection of Liechtenstein? Of course the ansaer must he yes; and is
there counsel in the room who can conscientiously say that if he were
advising the Spariish Government lie would not have advised it so to
argue, and woulc! he not have felt that there was substance in the
argument?
The fact is that if the Spanish contention iii the present case is
accevted thereis a.real dance;. es~eciallvin cases such asthis one. where
theré is a single, large, id&ti'fiaGle,coktrolling shareliolding owned by
nationals of a Stai:e other than the national State of the comvanv, there
is a rcal danger that in such a case a Company may, for a11pÏactical
purposes, find itself deprived of ail international protection. With al1
respect to the Court, 1 can see no advantage in that. Nor does it occur
to ine that the iriternational communitv would derive benefit from a
reply uliicli stiid: "\\'cII, tlieii tlit: coinriii:rci;il world must so arrange
mntters Ointcuin~:niiiesrepreiéiiting international activltics arc iiicorpo-
rntcd eiiher iii the State in \\.hich iii contemplated that tticy may o\i.ii
prupcrty or :ire. instc:«l. çjt;il~lisliedin tlit: >niiicSiati: as the iiinjority of
tl~rir~~#arciin~~~orrrsci5tli<:lrco1ltr8,lIlligjk~~r~liold~rs."
Ijiisinesi tnclïy, \r.hcrlicrit is [lie business of pro~liictiuii.or of piirch;~jc
and sdc, or 01~Ii~irihiitio~ii,s ~IIII~I!!ut (IUIItIc;,t\\.iy. 'l'liederci.niIn:i-
tiun of tlicl,l:itul,rit:tl>liiliriiciit of n coiiipi>dictated by :icoiiil)lcs
\,;irict). of f;izrur:-l<,r.:il 1egi~l:itiuiirçl;itiiig to tlie t:iiri(luctof bujineis
I)y lurci~iirrs, rlie 1)rc:riice or absencc 01 doublc taxation coii\~eiitioii~.
the avnilabilit! or local as \r,cllas furcicn shdre capit;il, tlie extent to
which versonriel of a ~iven nationalitv-are accevtable iii a oarlicular
temto;y. nnd ao ui. .-\latlie resuli of t6is is ihat the pnttcrn of'curporate
structure today ijoiiv IIIirliicti it is iicitlier ;ibiiuniiaI nor inipropcr fur
business to bedone in one country by a subsidiary set up in aiother and
owned by a parent in a third. ARGUhIEXT OF MR. LAUTEHPACHT 543
For example, the well-houn concern of Swiss origin, Kestlé, holds
al1 its interests in the Western Hemisi>l~ereand the Pacific throu~h a
wholly owned compaiiy established inAPanama, and the shares irfthe
l'anamanian company are held partly by the Swiss parent company

and partly through a Canadian holding company. AUXestlé'sinterests
in the sterling area are owned by an Eitglish \vlioKyoumed subsidiary,
which is held in the same way as is the Panamanian company.
Or take, asanother example, the Bayer diemical enterprise, which
is of German oriuin. Al1 Baver's foreien subsidiaries and associated
ciinil).tnit:iii~orili and ~ourh :\nicricar Eur<)l>c ;and Afriû~:ire owned
hy ciC.iiiadiriniiicurporatccl iornpaii),. H:iycr I:ori:igii In\~estments l.td.,
\i.lii;lil\ihullv ,>\ïiicd I>\,rlit(;irni.iii oncerit <ont.idii...I::irt>eniribrikcn
Bayer A.G. *
Consider, again, ari English enterprise, 15lliott Automation Ltd.
In order to develo~ its activities in the Euro~ean Common Market it
eitabli;lir<l i holdin~ ccomydny iit f.usemt>r~ur~,Elliott-:\utoinntiun
Contiiicntal S.:\..throtich \r.liicliit non controls coiiipaiiics in Fr:ince.
Germany, Holland and Ïtaly.
And finally, to show the world-wide nature of this featurc of modern
econoinic life, let me provide an illustration from the United States of
America: the Proctor and Gamble Com~anv. This has established a
wholly owned subsidiary in Srvitzerland which, in its turn, owns ail the
shares of the Proçtor and Gamble subsidiaries in Panama, Morocco,
Lebanon. Greecc. Cliileand South Africa
These are striking examples, but they are not isolated or unusiial ones.
Thev represent the facts of contemporar)r international trade and
inveitmënt. and the\. oueht n<. to be disreearded ..
Coiiji<lvrntioitsof'tliis characier are. iii inv sutiini~;iuii. part of [lie
"e<liiitics" in tliis ilüc I<iit IIIInyiiig thcm 'ltcforeth= Coiirt 1am not
iiiviting rlie Coiirt tu I;iyilo\in strict ancl iiiiniut;iblt rulcs tu tliç effcct.
for e\:tniplc. that ivtieri daiiiagc 1s iJ~iir:1%) a coriipa~iy iiiteriiational
claiiiis ,:an1.chrought oiily in rt,,l,cct of the cl:~ii~,~dcoiic ru rlie intercsts
of thc sti;ir~li~lJ~rs. :iii<Iiie\.t.r hv tliv S~:iteuf ttte cuinnanv iii r(.sI)t:ct
uf tli~~~l.inini.idoncIo tliccoml>;in).I:;ir frt~iiit. II isniy clcar siibmiision
t1,at the Cuiirr jlioiil~li~llc~n~li,trq?ii<\\.lti8:his rctlzcred in 11s~ii~lgi~~~iit
in the Nottebohmcase. It should seek the real interests in eac6 ca& and
should then identify the State which is entitled to protect them. There
may, of course, be cases where a company, tliough incorporated iri one
State. is not subiect to control bv anv maior mou^ of shareholders of
a single nationdity, but is o\ned by .largénukbe;s of shareholders of
different nationalities. In such a situation there may well be a case for
admi~tiiig rlic riglit of tlic Star? of iiiiorporation tu prutccr rliccoinlxiiiy,
cven i\.itl.uiit II,,.iictforc;tnl)lisliinq that tlit:litiresof that conipany :ire

5111;tnitrinlly o\int?ilI,\, iiatioiixls of rhat State. Riit thai ii iiot tlic c:ist.
here.
Here \rrehave a much simpler situation: one in which the bulk ofthe
shares are in the hands of nationals of a single State: one in which there
is no risk of inconvenience and no risk of injustice if the Court acknow-
ledees the real ~ ~erest which thos~ ~ ~ ~ ~lders have. .
iicrli:il';\Ir. l>rcsi<lent,I m;iy Iicper&itt~.d to concliidc ~licscremarks
b). rcferririg to J.bricf story rold by \Ir. Jiistice Oliver \i'cndcll Holnics.
onz <ifth<-iii(oitdi;tineuislird iudees r.ftlic Lniti!fi rtates Sur)rcrncCoiirt.
and which is cited byu~r. ~enks 7" his recent book:544 BARCELOSA TRACTION

,,One mark of a great lawyer", said Mr. Justice Holmes. "is that
he sees the application of the hroadest niles. There is a sto1.yof a
Vermont Justice of the Peace before whom a suit was brought by
one farmer against another for breaking a churn [a butter <:hum].
The Justice look time to consider, and then he said he Iiad looked
gave judgmerit for the defendant.The same state ofmind" concluded
Mr. Justice IIolmes, "is shown inailour common digests and text
books" [by v~hicthhe Judge meant the early works on the law of
the sixteenth and seventeenth centuries].

Now, hlr. President, that is the state of mind which, in this case. the
Govemment of Spain seeks to encourage and maintain. Like the
justice fromVermont, Counselfor Spain have looked through the Statutes
and the cases, and they claim to find there nothing which provides
protection for the interests of shareholders in a Company incorporated
in a State other tlian the one which caused it damage. And, accoriiingly,
they ask this Court to give judgment for them.
But may 1 reacl now what it is that Dr. Jenks has to Say about that
state of mind after he has quoted that story:
"The days when such a state of mind was toleratediiiourcommon
digests and text-books have long since passed by. The days when
such a state of mind would be tolerated in the judiciai recopition
of intematioriai custom are equaiiy doomed to pass. And it is vital
to the health andprogress of a world community based,on the mle
of law that they should pass without dilatory equ~vo~tiou."
Mr. Presidentand Members of the Court, 1thank you forthe pat'ience
with which you have heard me.

Document Long Title

Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 11 March to 19 May and 24 July 1964, the President sir Percy Spender, presiding (Minutes and Annexes to the Minutes)

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