Annexes to the Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 16 April to 19 May 1964, the President sir Percy Spender, presiding (concluded)

Document Number
050-19640416-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
1964/2
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

COUR INTERNATIDEAJUSTICE

MÉMOIRES,PLAIDOIRIEETDOCUMENTS

AFFAIREDE LA BARCELONA

TRACTIONL , IGHT AND POWER ,
COMPANY, LIMITED
(NOUVELLEREQUETE 1:62)

(BELGIQUEc. ESPAGNE)
VOLUME III
Procédera(exceppréliminaires)
(swidJin)

INTERNATIOCOURT OJUSTICE

PLEADINGSORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS

CASECONCERNING THE
BARCELONA TRACTIONL , IGHT

ANDPOWER COMPANYL , IMITED
(NEWAPPLICATION: 1962)
(BELGIUv,SPAIN)
VOLUME III
OralProceedings(FObjections)
conclu si^) Référenceabrégée:
G.I.J. Mémoi~es ,urcetonaTraction,Light and Power
Company, Limited (nozivelrequtt:r96z),
vol.III

Abbreviated referenc:
1.CJ. PleatlingBarc~.donaTraclionLightandPower
Cornpavzy ,imited (NewApplication:19621,
Vol. III

No devente:
Sales numbe: 347 1 AFFAIREDE LA BARCELONA
TRACTION,LIGHTAND POWER

COMPANY,LIMITED
(NOUVELLEREQUETE 1:62)
(BELGIQUEc. ESPAGNE)

CASECONCERNING

THE BARCELONATRACTION,LIGHT
AND POWERCOMPANY,LIMITED
(NEW APPLICATION: 1962)

(BELGIUM v. SPAIN) COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

MÉMOIRES,PLAlDOlRlES ET DOCUMENTS

AFFAIREDE LA BARCELONA
TRACTION,LIGHT ANDPOWER
COMPANY,LIMITED
(NOUVELLEREQUETE: 1962)

(BELGIQUcESPAGNE)'
VOLUMEII1
Procédorale (exceptionspréliminaires)
(suetfin)

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

PLEADINGS,ORAL ARGUMENTS,DOCUMENTS

CASECONCERNING THE
BARCELONA TRACTION,LIGHT

ANDPOWER COMPANY, LIMITED
(NEW APPLICATION:1962)
(BELGIU1SPAIN)
VOLUMEIll

OralProc(Conclusion)iminaryObjections) VI1

PLAN GÉXÉRAL DE LA PUBLICATION

L'affaire de la BarcelonaTraction, Light and PowerCompany, Limifed
50 le 19 juin 1962, a fait l'objet de deux arrêts rendus le 24 juillet 1964
(Barcelona Traction, Light und Power Company, Limited, exce tzons
$rélimittaires,arrit, C.I.J. Recueil 1944, p. 6) et le 5 février1970($a;ce-
lonu Traction, Light atedPower Company,Limited, deuxièmephase, arrét, .
C.I.J. Recueil 1970, p.3).
Les inémoireset plaidoiries relatifs cette affaire sont publiés dans
l'ordre suivant:
Volume 1. Introduction de l'instance et dt!but de la procédure écrite;
Volumes II-III. Procédure orale (exceptionspréliminaires);
Volume 11'.Contre-mémoire:
Volume V. Réplique;
Volumes VI-VII. Duplique;
Volumes VIII-X. Procédureorale (deuxième hase) et corres~ondance.
Les documents (annexes aux pieces de procédure écriteet documents
présentésaprès la fin de la procédureécrite) seront traités séparément.

N.B. - Le dossier de la première affairede la BarcelonaTraction. Light
a fait également l'objet d'un traitement séparé (voiréeC.I.J. Mémoires,
BarceloitaTraction, Light and PowerCompany,Limited).

GENERAL PLAN OF PUBLICATION

The case concerning the BarcelonaTraction, Light and PowerCompany,
Limited (New A9plication: 1962). entered as No. 50 in the Court's
General List on 19June 1962,\vas the subject of two judgments, the first
of 24 July 1964 (BarcelonaTraction, Light and PowerCompany,Limited,
Prelimiiiary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1964, p. 6) and the
Limited,fSecorrdPhase, Jeddgment,I.C.J. Reportsh1970d p..3).ompany,
The order of publication of the pleadingsand oralargumentsin this case
is as follows:

Volume 1. Institution of proceedings and initial pleadings;
Volume IV. Counter-blemorial;ings (preliminary objections);
Volume V. Reply ;
\.'olrimesVI-VII. Rejoinder;
Volumes VIII-X. Oral proceedings (secondphase) and correspondence.

The doczrments(annexes to the pleadings and documents submitted
after the closure of the written ~roceedin",l will be treated se~aratelv.
X.B. The documentation in the first case concerning the Barcelona
Traction, Light and PowerCompany, Limited, brought before the Court
in 1958 and removed from the List in 1961,has also been the subject of
separate treatment (see Z.C.J. Pleudings, Barcefona Traction, Light and
Power Company, Limited). ~IATIÈRES DU VOLUME III

Le présent volume contient le texte des plaidoiries prononcées sur les
exceptions préliminairesau cours des audiences publique16davril au
19 mai 1964.
La pagination fait suitecelle du volume II contenant le texte des
plaidoiries prononcées II mars au 16 avril.
Les renvois aux deux précédents volumessont indiquéspar un chiffre
romain gras.

CONTENTS OF VOLUhIE III

This volume contains the text of the oral arguments relating to the
preliminary objectionspresented during the public hearings16April
to 19May 1964.
The pagination follows on from that of Volume II, which contains the
text of the oralarguments presented betweenI hlarch and16 April.
References ta the two earlier volumes are indicated by roman figures
in bold type. TABLE DES MATIGRES

(16 avril-1mai 1964)
Page
PLAIDOIRIE DE M . SAUSER-HALLT : roisième exception préli-
minaire ........................ 545
Nouvelles conclusions du Gouvernement belge ........ 546
Délimitation des points juridiques en discussi....... 557
Thèsedu Gouvernement es~aa.o- ............. 560
Striiiturr. des pcr~onn~snior.i............. 562
Satir.nnlir.; dcs Iicrsonne; n~or~et protectiondipl~~ni~tique 564
Cas (lu (lendr iii>ticc.................. ib8
Thèsedu Gouvérnement belge ...............
Notion d'effectivité ...................
Examen de la pratique internationalere...........tat national
Prétendue règle du droit international s'opposantà ce que la
Belgique assume la protection diplomatique de ses ressortis-
sants actionnairesd'une sociétécanadienne ........
Eléments à prendre en considération dans le cas d'espè...

PLAIDOIRIE DE M. ROLIN:Quatrième exception préliminaire et
jonction au fond.....................
Limites juridiques de la règle de l'épuisement des voies de
recours interne ....................
Recours des sociétésauxiliaires..............
Opposition au jugement déclaratif de faillit........
Absence de publication ..................
Absence de notification..................
Défautde compétencedu juge de Reus ...........
Recours en revision ...................
Grief d'ensemble concernant les décisions judiciair.....
Réfutation de la thèse du fait générateu..........
Demande de jonction au fond ...............
Jonction au fond de la troisième exception préliminai.....
Jonction au fond de la quatrième exception préliminaire
QUESTIOX BSY JUDGES SIRGERALD FITZMAURI CND JESSUP . .

RÉPLIQUE DE 3f. CASTRO-RIAL ...............
Mission de ùI. Arthur Dean ................
Commission d'experts de 1950 ...............X BARCELOXA TRACTIOK

Page
680
Questjon dite des clean hands ............... 680
Questions de fait concernant le groupe de la Barcelona Traction 681
REPLY OF SIRHUMPHRE WYALDOCK:First ~reliminarv obiection
.. 690
The private discussions prior to the discontinuance ..... 691
TheArthur Dean documents ............... 695
Summary and salient factstia..................... 734
Private negotiations subsequent to discontinuance ...... 745
Legal aspects of the discontinuance ............ 747
Désistementd'instance and venonciationa l'actionin inunicipal 750
and international law .................
Discontinuance after filing of preliminary objections.....
Replies to questions from Members of the Court .......

REPLIQUE DE M .GUGGENHEIM D:euxièmeexception préliminaire
Clauses juridictionnelles et déclarations unilatérales d'accep-
tation de juridiction..................
Caducitéde l'article 17 du traité hispano-belge de 192....
Incidence de l'article 37 du Statut de la Cou........
Thèsede la validité potentielle de l'article 37 en 1946àl'égard
des Etats non parties au Statut .............
Attitude du Gouvernement es~aenul ............
IZ,:jionwXIX qiirsrioiii poi3tp.~rsir (;ernl<l I.'itzni.i...i<..<
..p.lication r.i/inn/:»il>~rclr l'articl17 <lurr.iti 1iii~:~no-
belgede1927 .....................

REPLIQUE DE M . MALINTOPPI Q:uatrième exception préliminaire

Recours des filiales
Prétendu défaut de compétencedu juge espagnol ......
Réfutation de divers arguments ..............
RÉPLIQUE DE hl. AGO:Troisièmeexception préliminaire et jonc-
tion au fond ......................

Protection diplomatique exercéepar le Gouvernement canadien
Réponse à la question poséepar M . Jessup .........
Sens et portée véritables de la demande actuelle dii Gouver-
nement belge .....................
Prbtendue existence d'actionnaires belges de la Barcelona
Traction .......................
Question des nominees ..................
Prétendue admissibilité d'une protection diplomatique d'ac-
tionnairesà la suite d'un préjudice causéàune sociétéétran-
gèrepar l'action d'un Etat ...............
Xotion de personnalité morale ...............
Percement du voile de la personnalité morale ........ Page
Analyse des prbcédents..................
Question de la jonction au fond des troisième et quatrikme 857
exceptions préliminaires ................

DÉCLARATIO DE M . CASTRO-RIA ..............
Réponse à la question poséepar M. Jessup .........
Dépôtdes conclusions finales du Gouvernement espagnol ...
DUPLIQUE DE M DEVADDER ................

Réfutation de la répliquede M Castro-Rial .........
DUPLIQUE DE M. SEREXI:Première exception préliminaire ...

Rélï'aldockd.......................noncéspar sir Humphrey

DUPLIQUE DE M .VANRYN:Premiere exception préliminaire . .
Circonstances du désistement ...............
Réponse à la premihequestion poséepar sirGeraldFitzmaurice
Condition préalable stipuléepar M. Juan March .......
Réponseaux critiques de sir Humphrey Waldock ......

DUPLIQUE DE Mme BASTID:Deuxième exception préliminaire
Application de l'article 37 du Statut de la Cour .......
L'Espagne est-elle en droit d'opposer la de.uxièmeexception
préliminaire?.....................
Continuitéde la jurisprudence de la Cour..........
Prétendue caducité de l'article 17 du traité hispano-belge de
IO27 .........................

REJOISDER OF &.IR. AUTERPACHT T:hird preliminary objection
Effect of the diplomatic protection exercised by Canada on
Belgium's jusstandi ..................
Admissibility of the present Belgian claim.........
Quality of shareholder of Sidro ..............
The question of nominee shareholdings ...........
Right to protect shareholders in foreig~icompanie......
Possibility of multiple claim...............
The lifting of the corporate vei..............
Authorities referred to by Professor Ago..........
Failure to meet the Belgian case..............
DUPLIQUE DE M.SAUSER-HALL T:roisièmeexception préliminaire

Réponse à la questions poséepar sir Gerald Fitzmaurice...
DUPLIQUE DE M . ROLIN:Quatrième exception préliminaire et
jonction au fond.....................
Inaccessibilitédes recours administrati..........
Griefs contre les autorités judiciaires.........
Régularitéde l'opposition au jugement déclaratif de faill. .
Autres recours judiciair.................XII BARCELONA TRACTION
Paae
Conclusions. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10;s
Demande de jonction au fond. . . . . . . . . . . . . . . 10x0
Jonction au fond de la troisième exception préliminaire.. . . 1014
Jonction au fond de la quatrième exception préliminaire . . . 1017
CONCLUSIOXS FINALES

Conclusions du Gouvernement belge . . . . . . . . . . . . . 1023
Conclusions du Gouvemement espagnol . . . . . . . . . . . 1032

Liste des documents déposéspar l'agent du Gouvernement belge 1042
Liste desdocuments dkposéspar l'agent du Gouvemement espagnol 1042ANNEXESAUX PROCÈS-VERBAUX

DES AUDIENCES PUBLIQUES
TENUES DU 16AVRIL AU 19 MAI1964

soila firésidercede sir Percy Spender,
Présidefit PLAIDOIRIEDE M. SAUSER-HALL
COKSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

[Audience Publiquedu 16 avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, c'està moi qu'est échu
l'honneur de répondre au nom du Gouvernement belge à la troisième
exception préliminaire soulevéepar le Gouvernement espagnol.
Ce n'est pas la première fois que j'ai l'honneur insigne de m'adresser
Bvotre illustre aréopage. Je connaistoutes les responsabilités, toutes les
charges qui pèsentsur moi envers le gouvernement qui m'a honoréde sa
confiance. Mais je connais aussi tous les devoirs que j'ai assumésenvers
vous par mon acceptation mêmede cette cause, Monsieur le Président
et Messieurs, devoir de vous présenter des faits véridiques, une argn-
mentation loyale éloignéede l'exagération et éloignéedu sophisme.
Je puis vous donner l'assurance que je ferai tout mon possible. avec
probité, pour vous convaincre du caractère si profondément juste de
la cause que j'ai accepté de défendre,si juste qu'aucune des exceptions
préliminaires qui sont placées devant nous comme de redoutables
dievaux de frise ne pourra barrer le chemin de la justice.
Notre propos est surtout d'établirdevant vous que les motifs allégués
par la Partie adverse ne sont pas de nature à justifier l'obstruction du
prétoire au Gouvernement belge; celui-ci n'a pas pris avec la légèreté
que sesont permis de lui reprocher nos adversaires la décisiondedéfendre
les intérêtsdes ressortissants belges dans cette affaire. Le caractère
de nous critiquer en employant toutes les ressourcesa-s et je reconnais
qu'elle sont très grandes- d'une technicité qui oublie peut-êtreun peu
trop que le droit a pour but ultime de réaliserla justice.
Après ces quelques mots d'introduction, j'ai hâte d'aborder l'exposé
technique de la partie de la cause belge qui concerne le jus standi de la
Belgique, c'est-à-dire son droit de protéger les actionnaires belges d'une
sociétécanadienne, léséspar une séried'actes de l'Espagne, actes quisont
considérés commes illicitespar la Belgique, de les protéger d'abord par
la voie diplomatique et finalement devant votre haute juridiction.
Dans ses propos introductifs, mon jeune collègueet ami le professeur
Lauterpacht a montré très clairement que la présente action était une
action,pour laprotection d'actionnaires. Il en résultequ'une fois prouvée
la nationalité de quelque 85% des actionnaires de laBarceIona Traction,
le lus standi de la Belgique dans la présente affaire se trouve de ce fait
mêmeétabli.
L'exposéque je vais entreprendre se justifie donc, de l'avis du Gouver-
nement belge, pour l'hypothèse où la Cour estimerait devoir examiner
aussi, ,au stade de la présente procédure, c'est-à-dirà titre préalable,
s'il existe ou non en droit international une règlequi oblige la Cour. en
la préseritecause, une règlede droit international qui dénie d'emblée à BARCELONA TRACTION
546
la Belgique l'accèsdu prétoire pour cette simple raison que la Belgique
se présente en tant qu'Etat national des actionnaires de la Barcelona
Traction.
Nous n'avons Das l'intention de re~rendre en détail tous les oints
qui ont étéexarnh dans les observations et conclusions de la ~eî@~ue.
En particulier, nous n'avonspas l'intention de nous étendre sur l'analyse
de ious les précédentsinternationaux judiciaires et gouvernementaux
et autres qui s'y trouvent aux pages 124 à 164 des observations et
conclusions de la Belgique (1).
Nous ferons exception pour quelques-uns de ces cas. Mais aucune des
argumentations des constatations que nous passerons sous silence ne
peut être considérée commeabandonnée par la Belgique; nous les
confirmons exoressément ici à la barre. dans la teneur au'eiles ont aux
termes dc:I;Lrequ&rcdii rq jiiin iqiiz. du mcnioircbelge <III30 octobrc
1962 ct dei ol>sçr\~arioni.t~oncluiioni helgrî du rq aoiir 1063.
I'oiirf;icilir;I:iCour laci)rnnrilien;ion du i>oiiiir vuedc la L5clririuf:
et pour lui permettre de suivréplus aisémentles développements"dans
cette question particulièrement discutée par le Gouvemement belge
que nous avons adoptés;nous divisons notre plaidoyer en cinq parties,
qui sont les suivantes:

premièrement, nouvelles conclusions de la Belgique;
deuxièmement, délimitation des points juridiques eii discussion;
troisièmement, thèse espagnoleet sa réfutation;
quatrièmement. la thèse de la Belgique;

cinquièmement, la partie qui sera la plus étendue, laplus importante,
la protection des actionnaires par leur Etat national.
Le fondement du jus staitdide la Belgique, notamment la question des
participations belges dans la Barcelona Traction, en fait, a déjà été
traitépar M. le professeur Lauterpacht. Il vous a aussimontré le rôle que
pouvait jouer l'équitédans l'interprétation à donner aux règles du
droit international en matière de sociétéset en matière de protection
des sociétéset des actionnaires. rèeles au'il m'incombe donc actuelle-
ment de vous exposer; le problème de fa jonction de l'exception pr&-
liminaire no 3 au fond de la cause sera traité avec la jonction de l'excep-
tion préliminaire no 4.
Voyons donc tout d'abord le problème des nouvelles conclusions de la
Belgique.
Avant d'aborder l'étudede la question de la protection diplomatique
des actionnaires, qui reste le point central et i'objet véritable de mon
plaidoyer, je me vois contraint, par la manière mêmedont le Gouverne-
ment défendeur a présentéson exception, d'éliminerau préalablece que
je me permettrai d'appeler une fausse question. Cette fausse question
c'est celle de savoir quelles sont les personnes physiques et morales que
le Gouvemement belge entend réellement défendredans la présente
ac~i~-~
En effet, la thèse principale de nos adversaires au sujet de la troisième
exceution. ainsi aue mon éminent contradicteur l'anettement réaffirmé,
c'esique dans le'cours de toute son action et encore dans la présente
instance, la Belgique n'agit pas pour la protection de ses ressortissants
actionnaires de la Barcelona Traction, mais assume en réalitéla protec-
tion de cette sociétéelle-même - la protection de la sociétécomme telle PLAIDOIRIE DE hl. SAUSER-HALL
547
qui, la Belgique ne l'a jamais contesté, est de nationalité canadienne.
Suivant le Gouvernement défendeur, la Belgique aurait adopté cette
nosition tout au lone de la corres~ondance di~lomatiaue. ensuite elle ~---
j. aurait persistédansfoute la premi'éreinstance hevant la cour, instance
qui est actuellement rayée. Enfin, elle l'aurait encore maintenue dans
I'instance dont vous êtesactuellement saisis et cela en dénitde chaneec
in<-nt>qui s01i1coii..i<lirc'ipI:b'artic a<lvtrst.comnici1~;cliangr.ment~
titcauiuup ~)llisapjrdrciirj que rt.eii de Sei zonclujiun5.
Nous &mmeniërons donc Dar rénondreaussi briévement aue nossible
à cette premiére objection &pagkle en examinant succes;ivekent 1;
contenu de la correspondance diplomatique, ensuite la position adoptée
Dar la Belaiaue Dendant la ~remiéreinstance et enfin èncornuarani les
Conc~usioiGdes &euxinstan'ces. les conclusions de la premièréinstance
et les conclusions que le Gouvernement belae - l'honneur de prendre
devant vous dans l'instance actuelle.
Monsieur le Président, Ifiessieurs les juges, voyons tout d'abord ce
qui résulte de la correspondance diplomatique.
M. l'agent du Gouvernement belge a consacréune partie de ses dé-
veloppements à montrer que dèsla premièrenote diplomatique adressée
par, la Belgique à l'Espagne en mars 1948 la Belgique a clairement
indiqué quesa raison d'agir et l'objet de son action étaient la protection
des ressortissants belges actionnaires de la Barcelona Traction. Le Gou-
vernement belge a indiquéque cette attitude avait étémaintenue dans
toutes les notes diplomatiques que la Belgique a adressées à l'Espagne
jusqu'à l'introduction de la premiere instance devant la Cour.
Comme j'ai le désir d'épargner letemps de la Cour, je me bornerai à
me référer à cet exposé de M. l'agent du Gouvernement belge (voir
II, p. 316)et je me bornerai en outre à renvoyer la Cour pour le surplus
aux notes diplomatiques belges elles-mêmesqui sont éloquentes à ce
sujet (voir,annexes au mémoire belge. vol. IV. p. 976 à 1063). Je me
contenterai donc de relever quelques conclusions essentielles qui se dé-
gagent de l'examen de cette correspondance diplomatique.
La ~rernièrede ces conclusions c'est aue. avec la ~.us g"ande netteté.
Ii:(;ou\~çriiciiicnr bclga in\,oqi16ion;t;iiiinient la pu+es.iion par si
rcssurti,siiitde I'ïiiornim;iiuritCJcs ;ictioiij d1;iI{:irt:eloris'l'rsctioii
comme motif de ses intervéntions diplomatiques. Ses interventions
diplomatiques n'ont jamais eu d'autre motif que celui-là.
Deuxièmement, à aucun moment le Gouvernement belge n'a songé à
nier que la Barcelona Traction était une société canadienne.Il l'a au
contraire constamment qualifiéecomme telle.
Troisièmement, dans sa premiére note diplomatique la Belgique a
déiàdénoncéles mesures nrises à l'égardde la société canadienneet de
sei filialeset a demandél'éffacement,-l'ann delcetmioenures.
Quatriemement, pendant prés de quatre années le Gouvernement
es. .nol ne trouva>ien à redire à cefte attitude ct ne mit iamais un
iii,r;iicil rloiirilucI<!Goiiicrncniriit I~clgt;igi,,nit pui13 protrction
dc rc%urti,saiits ~r.tioiirinircsile la Ulirrt-lon;~l'riction.
II est révélateurde noter à ce suiet aue dans ses réponsesà la première
demande d'arbitrage de décembre ;95Î. faite par la Belgique, Ie'Gouver-
nement défendeurparlait des <,démarcheseffectuéesen défensede sup-
posésintérêtsprivés » et exigeaità titre préalable«la preuve de la natio-
nalité belge des titulaires des intérêtsen question, étant donné que la
nationalité canadienne de la sociétéétablit la présomption contraire),548 BARCELOSA TRACTIOS

(note espagnole du zz décembre1951, vol. IV des annexes au mémoire
belge, p.1001).
La note espagnole du 3 janvier 19jz est encore plus claire à cet égard.
On y trouve des expressions comme oprocédure d'arbitrage en défense
des intérêtsauxquels se réfère la notebelge n;or, la note belge se référait
toujours aux (intérêtsdes actionnaires belgesde la Barcelona Traction u.
Et plus loin encore on trouve cette phrase très caractéristique qui émane
des autorités espagnoles: «le fait que cette ambassade défende IaSidro
[sociétébelge] comme participant important de la Barcelona Traction
en alléguant qu'elle possèdela nationalité belger. Donc il n'y a pas de
doute que lesEspagnols eux-mêmesse sont rendu compte que la Belgique
entendait bien défendre des intérêtsbelreu dans la I3arcelona Traction
et non pas la.société comme telle.
belgeqiiutilisé une terminologieimpropre; mais dans ces notes le contexte
indiquait toujours clairement que l'action de la Belgique se fondait sur
et tendait à la protection de ses ressortissants actionnaires, en sorte
que la conviction que le Gouvernement défendeur se faisait sur ce point
ne pouvait pas s'en trouver modifiée.C'est ainsi que mon honorable
contradicteur, suivant en cela les exceptions préliminaire(1,p. 177)a cru
pouvoir trouver un aveu de l'intention de la Belgique de défendrediplo-
matiquement la Barcelona Traction dans le passage suivant de la note
belge du 6 février1958 qui disait:

«D&ssa premiere note du 27 mars 1946, le Goiivernement belge
a justifiéson intervention en faveur d'une sociétécledroit canadien
par des indications détaillées quant à i'importance des intérèts
belges engagésdans ladite société .
Faut-il vraiment rappeler que cette interprétation ;iprès coup d'une
note reçue dix annéesauparavant est en contradiction formelle avec la
manière dont le Gouvernement espagnol I'a comprise à l'époque où il
l'a reçue?
Ily a plus. La note belge du 6 février 1gj8 elle-mêmecontenait des
prkcisions qui ne permettaient aucun doute quant à la volonté de la
Belgique d'agir toujours pour la protection de ses ressortissants actioii-
iiaires. Je citerai ici le passage suivant extrait du volume IV des aiiiieses
au mémoirebelge, pages 1044 et 1045:
iiQuant à la thèse du Gouvernement espagnol suivant laquelle
une participation belge prépondérantedans la Barceloiia Traction
ne créerait pas un lien de rattachement suffisant de la Barcelona
Traction à la Be-.ioue. le Gouvernement bel-e fait remarquer qu'une
]nrisprudei~cc arl>itr;tlt. iniport;iartrle iionihrciises çon\.enrions
iiitcrnntionalt~srr'c~ii#>IIrcci,iiii:iii;iztioiiiiaircs le droii d'i:tr<:
représentéspar leur Etat dans une instance internationale. Le
Gouvernement espagnol l'admet d'ailleurs dans le cas où il s'agit
d'une réclamation dirigéecontre l'Etat dont la sociétéa revêtula
nationalité. Le Gouvernement belge estime que ce droit existe à
fortiori lorsque le dommage est imputable à un Etat dont la société
léséen'a pas la nationalité.u

II est encore une autre expression utilisée par le Gouvernement helge
définirassez nettement la position que le Gouvernement belge adopterat PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALI. 549
dans la première instance qu'il intentera quelques mois plus tard.
\'oici le passage:

eI1 n'est pas nécessaire que la totalité du capital d'une société
soit aux mains de ressortissants d'une nationalité étrangère pour
permettre à leur gouvernement de faire valoir pour leur compte
[donc pour le compte de ces ressortissants belges] les droits de la
sociéte dépouillée. »

Ce n'est que neuf années après le début du litige, dans sa note du
IO juin 1957, que le ministère espagnol des Affaires étrangeres dévoile
ses batteries pour la première fois et qu'il amorce un système de défense
qui servira plus tard de fondement à sa thèse sur le défaut de tout jus
standi de la Belgique dans cette affaire. Il est écrit dans cette note espa-
gnole:

.Dans le Mémorandumdu .. décembre 1o~," en se fondant sur
<lésint(r&ii pr;.tcm(liirneI)<,ljircl,rés<:ni:it ne pnrti<1\1i:apital-
:icrionsJc I;i1i;irielon:i Trnctioii, le Goiiverncm<.ntbclcc deni;riidt.
que 1'Espagneadopte des mesures qui puissent conduireau rétablis-
sement des droits de l'ancienne sociétéou, en cas d'impossibilité,
assume la réparation du préjudice supposé; en d'autres-ternes, le
dessein de orotéeer les soi-disant intérêtsbelges sert de oréteste
au ~ouver&me$ belge [voilà l'accusation esp'jgnole]pour'étendre
sa protection à toute la Barcelona Traction: il en vient ainsi rc'est
le Ceorocheaue lui adresse 1'EsA Unel2 à se substituerdans l'exercice
de & proteEtion au Gouvernement national de la sociétépréten-
dument préjudiciée, c'est-à-dire à celui du Canada. »

Et le Gouvernement espagnol poursuit. dans l'antépénultième alinéa
de sa note, en invitant le Gouvernement belge à justifier de son droit
d'action dans les termes suivants:

((En conséquence, ce département demande à l'ambassade de
Belgique de vouloir bien fournir la preuve que le Gouvemement
belge est habilité sur le plan international à protéger la Barcelona
Traction et ceci en conformité avec les règles internationales en
vigueur en la matière, et non en se basant siir un critère singulier
qui ne trouve pas de fondement dans la doctrine et la pratique
internationales,»

Le Gouvernement belge, dans sa note du S juillet 1957, ne laisse pas
de marquer sa surprise des motifs invoquéspar l'Espagne pour décliner
sa proposition de déférer à votre haute Cour de Justice le litige entre
les deux Etats. 11rappelle que, dès sa première intervention, il avait
tenu ià indiquer le lien d'allégeanceexistant entre la Belgique et les uic-
lMnesuériiablesdes mesuresdénoncée us;il cità l'appui plusieurs passages
de ses notes antérieures et, sur le point précisde la nationalité des per-
sonnes Ibsées,la note belge expose ce qui suit:

«Si le Gouvemement belge a affirmé, à maintes reprises, dans
le passéet dès le mois de mars 1948 (voir note de l'ambassade de
Belgique à Madrid du 27 mars 1gq8, no 1343) que la Sociétéinter-
nationale d'énergie hydro-électrique (Sidro), de nationalité belge,
ayant son siège à Bruxelles, possédait et possède encore I 362 593550 BARCELOSA TRACTION

actions de la Barcelona Traction, c'est qu'il e1i avait la preuve
certaine.II la trouve dans les déclarations que cette société a faites
à la Banque Nationale de Belgique le zg mai 1946en exécutiondes
arrêtésbelges du 6 octobre 1944,relatifs nu recensement des titres
belges et étrangers. Des documents comptables établissent dans
son chef la propriétéde ces mêmestitres à la date de ce jour.
En outre. le public belge possède des actions de la Barcelona
la totalité des actions émises,ce qui pourrait êtredémontré ulté-
rieurement, si la chose s'avéraitnécessaire. II

Dans sa longue réponse du 30 septembre 1957, le ministre espagnol
des .4ffaires extérieures reproche d'abord au Gouvernement belge de
n'avoir pas retenu

«la raison véritablesiir laauelle le Gouvernement es~ae.o.,se fonde
pour rifujcr de ~oiimcttre'settt~.+fiaire i In Cour iiitcrii~iiuii:ile (1%:
intt,rnatioiialt! inipliqiie qu'on risnt polir résolu^.IniiIiiejtiori de
sa\,oir;iIc<;o~i\.crnernentbclgc possi.de oii non des titre. Iihsiinier
I:prott:t:rion dc la lIarcelon:r Traction. slors 1111'L'alitl:le (;oiiver-
iieincnt espagnol n'a pas cricore approiivi ce poiiit iiidiipensahle
i I'ncirlitntion de In r&çlnniaiion(Iiploriiati<lii10

Le Gouvernement défendeur axe donc toute son argumentation sur
l'équivoque qu'il a introduite lui-mêmedans sa note précédentedu
IO juin 1957 où il accuse la Belgique de se servir d'un prétexte pour
protéger diplomatiquement toute la sociétéde la Rarcelona Traction.
II répeteencore que

au Gouvernement belge pour vouloir étendre cette protectionrétexte à la
Barcelona Traction tout entière, d'où il résulte que le Gouverne-
ment belge vient se substituer au Gouvernement du pays dont
relève la sociétéprétendument lésée. à savoir le Canada, quant à
la protection exercéepar celui-ci B.

Le Gouvernement espagnol adresse au Gou\~ernementbelge la critique
de confondre «la preuve de la nationalité des intérétssoi-disant belges
avec la nrétentiofi dudit Gouvernement belee d'assumer la ~rotectron
de la ~Gcelona Traction,, et il estime que 2 et c'est toujour'sle même
reproche -
ciledésirde couvrir la Barcelona Traction avec le statut national
de quelques associés belges, à l'effet d'assurer la protection inter-
nationale de cette société,constitue le point crucial qui prime toute
autre appréciation n.

Le Gouvernement espagnol insiste encore sur le fait que le Gouverne-
ment canadien est aussi intervenu, en sa qualité d'Etat national, pour
protéger la Barcelona Traction en Espagne et qu'en entendant ulté-
rieurement
sounictrrc ...I'tifiaire5 un ~rbitragt: iiitrrnntiori:~I,leGouv~rii<?ri~iiit
bclge \.oulot dc I;isort,: tr;iii;f<:ri.r défiiiiri\~cnieritd~ C L ~5S
I':iiitrc la ]irotection iii1crnation;ilc (1%I::i I3nrceioii3'l'r1,.tiuil PLAIDOIRIE DE 11.SAUSER-HALL 55I

11affirme aussi que:

51 I I protcirioii ;t:iitpossihlc. itl;isiipl*~si.r;iiiricliangi -
mi.iir dt ii;irluiinlil,1.1I~.irceluiin'l' <::iiktittiiin~j mi II.11
,~,1113di~111~JI!.~uIIIFI~~IIien avvc I'Erat I)clg<...

11relèvefinalement:
<<Commecelle-ci posskde la nationalité canadienne et, dès lors,
n'a aucun lien jutidique avec 1'Etat belge, quelques intérêtsbelges
limités dans la Barcelona Traction ne peuvent se comparer à un
lien decelle-ci avec la Belgique. 3

Les derniéresnotes espagnoles sont ambiguës sur le point à trancher
par la Cour. Elles soutiennent tantôt que la protection diplomatique
de la Barcelona Traction veut être exercéepar la Belgique, tantôt que
celle-cientend substituer sa nationalité à celle qu'a la BarcelonaTraction
en vertu de son statut canadien, tantôt qu'elle veut attribuer à laBarce-
lona Traction le statut belee de ses actionnaires. voire mêmesubstituer
le droit conventionnel hiGano.belge au droit 'conventionnel hispano-
canadien qui est applicable à la Barcelona Traction. Toutes ces varian-
tes se trouvent dani les notes diplomatiques espagnoles.
Monsieur le Président, Messieursles juges, vous pouvez constater que,
par cet échange de correspondance diplomatique si on la considère
dans son ensemble. on Deut constater un certain nombre de confusioiis.

tant du côtéesPabol Ge du côtébelge.
L'Espagne adresse à ce sujet à la Belgique des observations un peu
abracadabrantes oui étaient toutes tr&sloin des intentions du Gouver-
nement belge.
D'autre part, le Gouvernement belge, nonobstant toutes les critiques
qui lui étaient adressées par le Gouvemement espagnol, a maintenu
dans la première instance qu'il a introduite devant la Cour interuatio-
iiale de Justice les positions qu'il avait formulées au cours de cette
correspondance diplomatique. Il estimait que, agissant pour la protection
des actionnaires belges qui représentaient une majorité écrasantedans la
Barcelona Traction, cette prépondérance luipermettait de faire valoir
oour le comute de cesactionnaires sur le olan international les droits de la
sorit'tC~.ompli.temcntdt;pouillcc, ce ilu;lc\,;ii:ivuir pour etict d'nr;urtr
I:irt:p;ir;iriu?II'cnîeriihlcd<,sa~tionn:<irei.
Cela app?raît très clairement dans les conclusions de cette premiére
instance. Si vous vous reportez aux conclusions de la première requête
et du premier mémoirevous pourrez constater qu'il y en avait quatre.
Dans la oremière. la Beleiaue demandait à la Cour un arrêtdéclara-

Traction dans ses biens, droits et intérêts. Danssa troisième conclusion
de caractére alternatif, il demandait pour le cas où cette restitutio in
integrum ne serait pas possible, le versement à titre d'indemnité d'une
somme équivalant à l'intégralitéde l'actif net de la Barcelona Traction.
toutes dettes déduites. Et enfin, à titre subsidiaire, et pour le cas où
la Cou aurait estimé aue la force oréuondérantedes intérêtsbelces ne
permettait pas au Goivemement beige de poursuivre la réparatron de
tout le préjudice subi par la société, leGouvemement belge demandait552 BARCELOSA TRACTION

une indemnisation de la part du préjudice correspondant à la participa-
tion des belges dansla société.
La Cour sait que le Gouvernement défendeur, dans l'exception pré-
liminaire qu'il opposa à cette première requ&te belge, a soutenu que
le Gouvernement belge assumait dans son action la protection diploma-
dait la réparation du préjudice intégral subi par la société,mais égale-
ment lorsqu'il limitait ?Ltitre subsidiaire sa demande à la part de ce
préjudice qui correspondait aux participations de la Belgique.
C'est précisément pouréviter cette confusion que le Gouvernement
belge, lorsqu'il a étéamené, après i'échecdes négociations privées, à
introduire une nouvelle demande, a considérablement modifiéses con-
clusions. Ces modifications tendent toutes à indiquer clairement à la
Cour que l'action de la Uelgique tend actuellement exclusivement à la
protection de ses ressortissants actionnaires lésésdans la Barcelona
Traction par les actes ou par les omissions des autorités espagnoles.
Ces modifications n'ont pas seulement le but de clarification qui
vient d'ètre indiqué; elles comportent aussi une importante limitation
de la demande belge. Xous avons vu que dans l'instance de 1958, le
Gouvernement belge. soucieux exclusivement, comnie il l'est encore
actuellement, de protéger les intérêtsdes actionnaires belges dans la
société,avait étéd'avis que, vu le caractère prépondérant de ces inté-
rêts,son action pouvait tendre à obtenir pour eux, en cas d'impossibilité
d'effacement des effets des actes dénoncés,le rerzflouementde la société
BarcelonaTraction par l'octroi d'une indemnitéégaleau préjudice causé
à l'ensemble des actionnaires, c'est-à-direà la sociétéelle-même.Le
Gouvernement belge s'est toutefois rendu compte di1 caractère contes-
table de cette application de la théoriedu contrôle. et il a. dans sa même
requétede 1958d ,emandé à titre subsidiaire une réparation du dommage
causé à la sociétéet cela jusqu'à concurrence des participations belges,
c'est-à-dire le dommage subi par les seuls actionnaires belges.
Dans la requêtede 1963 - la requète actuelle- la Belgique a aban-
donnél'ancienne demande principale pour se limiter à la réparation du
dommage subi par les actionnaires belges. Examinons d'un peu plus
près les conclusions actuellesdu Gouvernement belge, en les comparant
à celles de l'ancienne instance de 1958.
L'ancienne conclusion no I (conclusion de 1958)était, je vous l'ai dit,
d'ordre Durement dbclaratoire. Actuellement. elle est comolétéeen ce
que le Gouvernement belge y demande que la cour déclareq;e l'Espagne
est tenue envers la Ijelciaiie de réuarer le préiudice subi Dar les ressor-
tissants belges, personnès pl~ysi&es et morales, actionnaires de la
Barcelona Traction, comme conséquence des actes illicites dénoncés.
L'ancienne conclusion no 2 de Larequêtede 1958, qui tendait à la
restauration intéerale de la Barcelona Traction Dar I'Etat es~amol.
que les actes contraires au droit des gens ont euespour lesdits ressortis-
sants belges, c'est-A-direpour les acti'onnaires.
Est-il besoin de dire. de développerdevant vous, que cette demande
d'effacement est imposée au Gouvernement belge par les priincipes
aénérauxdu droit international en matière de ré~arations et ainsi aue
r>arles règlescontenues dans le traité hispano-belge de 1927sur le ré&-
ment judiciaire et l'arbitrace. Le fait quc le Gouvernement belge agissait
excluiivement pour les a2ionnaires belges ne pouvait le dispenser de PLAIDOIRIE DE $1.SAUSER-HALL 553

demander au premier chef que leurs droits et intérêtsdans la Barcelona
Traction leur soient restitués, c'est-à-dire que lesdits actionnaires soient
remis, autant que cela pouvait se faire naturellement, dans la position
où ils se trouvaient avant que les actes dénoncésaient étéaccomplis.
Comme il a étéindiqué plus haut, la conclusion no 3, qui dans la
requêtede 1958se présentait comme une alternative de la conclusion
no 2,a été,dans la requêtede 1963p ,urement et simplement supprimée
par qu'elle visait àobtenir pour 1'Etat belge l'indemnisation de i'inté-
gralitédu préjudice subi par la Barcelona Traction. C'est lasuppression
de cette conclusion qui démontre d'une manière absolument irréfutable
que I'Etat belge entend exclusivement limiter sa demande au préjudice
subi par ses propres ressortissants.
La conclusion subsidiaire no 4 de la requêtede 1958a étécomplète-
ment réforméepour présenter plus clairement l'indemnité de remplace-
ment qui est demandée au cas où l'effacement des mesures incriminées
s'avérerait impossible.
\'oilà les modifications contenues dans la requête.dans la demande
qui CFI :ictuell~.~licntpt>ndaiite<Iv\..antvous. Slorisiciir 1%I:'r&i<lriit
Slcssit,urs les jugcs, conip;rà;celle de 1958.
Ces mudiriç:itivns onr eu le dori d'esciter 1.1col6rc (1Zoii\.rriit-riienr
d6lendeiir. II a dtinoncii cc sujet iiiie combinasioii retorjide ilC~i~tr-
iiiciit-rcintroducrioiIIf;~~iénergiilucmïnt ripiter quc cette coml>ii.ai-
soli n'existrxij Sotrr. Iionur;~l>lic:ontradizt~~iirn'a d'aillciirs i>aircuri..
cette accusaiion dans ses explications orales, ceci en présencl de l'his-
torique du désistement tel qu'il est exposédans nos observations et tel
qu'il a étéretracé par Me Van Ryn. Le Gouvernement belge est resté
dans les limites de son droit en présentant ses nouvelles conclusions à
la Cour, mais la Partie défenderesse persiste vouloir les ignorer; elle
s'exprime de la manière suivante dans ses conclusions à elle sur la
troisième exception préliminaire:
«Plaise à la Cour, dire et juger: que la demande formuléepar le
Gouvernement belge dans sa requêteet dans son mémoire,et dans
toutes et chacune des trois conclusions dans lesquelles elle est
articulée est définitivement irrecevable pour défaut de qualité du
Gouvernement belge dans la présente affaire, étant donné[voilà le
point tout à fait étrange] que la société Barcelonan'a pas la natio-
nalité belge [comme si on ne l'avait jamais soutenu] et que, dans
le cas d'espèce, i'on ne saurait admettre une action diplomatique
ou judiciaire internationale eu faveur de prétendus actionnaires
belges de la sociétépour le préjudice que cette dernière affirme
avoir subi.»
Et au cours des plaidoiries, le Gouvernement, les représentants du
Gouvernement espagnol, les conseilset agents du Gouvernement espagnol
ont ~oussécette areumentation iusau'à ses dernières limites.
~itte prétentiondu Gouvernéme;it défendeur de vouloir imposer à
la Partie demanderesse d'autres conclusions que celles prises actuelle-
ment par la Belgique, de n'accepter la discussion que sur des conclusions
déforméespar lui, est à proprement parler inadmissible; nous ne pen-
sons pas que pareille situation se soit jamais présentéedevant la Cour,
iii devant n'importe quel autre tribunal international. La Partie deman-
deresse est toujours maitresse de décider en faveur de qui elle veut
intervenir.554 BARGELONA TRACTION

Dans sa très brillante, je dirai même,dans sa trop brillante plaidoirie
du 23 mars dernier, notre honorable contradicteur et adversaire a dirigé
contre ce point de vue une attaque aussi insidieuse que poussée, car-il
est un très bon bretteur.
Nous n'avons pas à résumer son argumentation; son argumentation,
elle est sous vos yeux.
En substance. l'orateur nous a reprochéde réintroduire sous la forme
d'une nouvelle requêtedu 14juin 1962, la mêmerequêteque celle du
Ij septembre 1958et de formuler dans le nouveau mémoiredu 30 oc-
tobre 1962des conclusions qui matériellement se couvrent complète-
ment avec celles de notre mémoiredu 15juin 1959e .t il pousse l'audace
jusqu'a vouloir nous enfermer dans le dilemme suivant.
Le dilemme est formuléde la manière suivante (voir II, p. 198:

aOu bien la correspondance officielle,qui a eu lieu entre le Gou-
vernement espagnol et le Gouvernement belge de 1948 à 1958,
doit être considéréeexclusivement en relation avec la première
instance devant la Cour, celle qui apparaît, mêmede l'extérieur.
comme la continuation logique de cette correspondance sur le plan
judiciaire. Dans ce cas, il est évident [dit-il] que dans I'optique de
la deuxième instance. le Gouvernement belge ii'a pas rempli la
En effet, les deux notes de 1961ne font que se référeromala corres-
pondance diplomatique que le Gouvernement belge a échangée
antérieurement avec le Gouvernement espagnol au sujet de cette
affaire,,; et l'on ne saurait y trouver la moindre ébauche d'une
négociation préalable en vue d'une instance différente.»

Voilà une des branches du dilemme. L'autre, la voici:

«Ou alors, seconde hypothèse, toute la correspondance doit être
coiisidéréecomme constituant le préalable nécessaire sur le plan
diplomatique, aussi bien pour la deuxième que pour la première
instance. Dans ce cas [il conclut donc et c'est extraordinaire], il
faut admettre qu'il existe un lien évident entre les deux instances
et que nous avons pleinement le droit de remonter de la plus récente
à la précédenteet au-delà, mêmede celk-ci, à tout ce quil'aprécé-
dée, pour nous rendre compte de la vraie nature de l'affaire. Nous
avons mêmele droit [et cela me paraît énorme]incontestable de
considérer l'énoncédes conclusions de la première instance comme
plus correct que celui des conclusions de la deuxième, si elle corres-
pond mieux a l'essence de l'affaire. telle qu'elle est apparue dès
le début.n

Voilà donc le dilemme en vrésence duauel nous nous trouvons. les
prétentions impitoyables que'formule le Gouvernement espagnol pour
l'interprétation de conclusions qui ont étédéposéespar le Gouverne-
ment belae dans l'exercice de son libre droide- laideur.
MonsieÜr le Président et Messieurs les juge;, tout plaideur qui se
trouve placé par son adversaire devant un dilemme de ce genre qui
c'est de fairesauter une des branches au moins de la tenaille.urelle, PLAIDOIRIE DE hl. SAUSER-HALL 555

Ce dilemme, dans lequel ou prétend nous enfermer, n'existe pas, il
ne repose sur rien. En l'espèce, ce sont les deux branches de la tenaille
que nous sommes en mesure de faire sauter.
Nous faisons sauter la première branche de la tenaille en affirmant
qu'il est plus qu'étrange de voir notre honorable contradicteur tenter
une fois de plus d'introduire dans le débat l'exception du non-épuise-
ment des voies de négociations diplomatiques, alors qu'il résulte de
l'exposéde M. l'agent du Gouvernement espagnol que celui-ci, tout en
ayant envisagéune telle exception, a renoncé à la formuler. Au surplus,
nous avons montré que toutes les notes diplomatiques belges sont dans
la ligne d'une action pour la protection des actionnairesbelges et que,
d'ailleurs. la correspondance diplomatique a porté tant sur le droit de
actionnaires. la Barcelona Traction que sur le droit de protection des
Quant .à la deuxieme branche de la tenaille, on ne voit pas bien en
quoi l'existence d'un lien évident entre les deux instances permettrait
à nos adversaires de tenir pour négligeablesles différencesqui existent
entre la première et la seconde et surtout de prétendre interpréter
celle-cipar celle-là, voire de substituer celleàlcelle-ci.
11est sans doute certain que la nouvelle requêtebelge, le nouveau
mémoire sont baséssur les mêmesfaits que ceux de 1958,qu'ilsinvoquent
comme les précédentsles mêmesactes illicites commis à l'égardde la
Barcelona Traction et de son groupe et qu'ils se fondent sur la même
participation des actionnaires belces dans la Barcelona Traction.
.\laile(;ouvernenient belge a!:ant it,anieni à sc désister:îson corps
dr:ftndaiit de la preniiércinstaiicc. afinde p:isfaire obstaclà l'ouver-
ture de néeociitions urivées oui semblaient rése enterdes chances
sérieusesd'aÏboutirà Ge transaction équitable, aucun reproche ne peut
lui êtreadressé d'avoir tenu compte des observations contenues dans
les ~remières exce~tions ré liminair ehs d'éviter ~récisémentet si
posGble que la noivelle Gquêtene donne ouverture'aux mêmesdiffi-
cultés,aux mêmescontroverses théoriques relatives à la protection des
sociétésdans une affaire où. comme-le Gouvernement- belee l'avait
toujours exposé,c'était bien dans le chef des actionnaires belges que se
situait l'intérêtdont le Gouvernement assurait la protection.
Les nouvelles conclusions du Gouvernement bëlge à cet égard sont
d'une clarté totale. La Belgique invoque le préjudice subi par ses
ressortissants actionnaires, et en demande réparation. Si cette réparation
a pour conséauence l'annulation de la faillite avec tous ses eiïets sur
lei ressortissahts belges lésés, oule droit au paiement de dommages-
intérêtspour les seules participations des ressortissants belges. cela ne
concerne que le mode de réparation demandé à la Cour, mais non pas
la nature 'de l'action; sur ce point la discussion ne devrait plus itre
permise.
En effet, le mode de réparation qui est demandé à la Cour ne concerne
que la mesure du prkjudice qui est causéaux actionnaires de la Barcelona
Traction par les agissements et les omissions qui sont reprochésà I'Etat
défendeur. Le préjudice subi par la Barcelona Traction est nécessaire-
ment aussi causé à ses actionnaires. Les actionnaires, en toute première
ligne, ont le droit à ce que leur situation d'actionnaire soit rétablie
autant que possible, telle qu'elle l'étaitavant que les actes illicites aient
étécommis; c'est la régle posée par la Cour permanente de Justices6 BARCELOSA TRACTIOS

internationale dans son arrêt concernant 1'Usi~iede CAorz6w(fond),
arrêtdu 13 septembre 1928,série A. no 17,pages 47-48.
Les actionnaires ont droit en outre à une indemnité de remplacement
si cette restitution se révèle irréalisabledans Lapratique. Si la remise
en état des actionnaires entraîne inévitablement celle de la société,c'est
belgc, qui reste une demande pour la protection des actionnaires. Sans
doute, cette remise en état éventuelle de la société est-ellesusceptible
de profiter à d'autres que les sujets protégés,et on pourrait concevoir
qu'un tribunal refuse de l'ordonner si la demande en était faite par un
Etat dont les ressortissants n'ont qu'une faible participation dans la
sociétéléséeC . 'est là une affaire d'espèce.
Or, en laprésente cause,la Belgique représentant88% desactionnaires
de la Barcelona Traction, il ne serait pas équitable de refuser à ces
actionnaires majoritaires l'application de la règle généraledu droit
international quant à la reslitutioin integrum, sous prétexte que quelques
actionnaires non protégéset disséminéset répartis en d'autres Etats
en bénéficieraient également.Mais c'est là, je dois insister sur ce point,
une question qui relèveuniquement du fond.
La prétention de la Partie adverse d'interpréter nos conclusionsà sa
manière, c'est-à-dire, en réalité, deles remplacer par d'autres afin de
pouvoir mieux les combattre et les abattre, ne peut donc trouver dans
cet aspect de la demande belge aucun fondement.
Elle est en outre touà fait inadmissible, car eiie est contraàrtoutes
les conceptions du droit de procédure puisqu'elie invite la Cour A se
prononcer sur autre chose que ce qui est clairement demandé par la
Partie demanderesse dans sa requêteet son mémoire. Si on acceptait
le point de vue véritablement anarchique soutenu par le Gouvernement
espagnol, la Cour pourrait etre amenée à rendre des sentences qui se
situeraient toutà fait endehors des questions que la Partie demanderesse
a entendu soumettre à son appréciation. Et la Cour finirait par franchir
les limitesuniversellement posées à la liberté du juge qui iie peut pas
décider tJtra $etita. La Partie demanderesse qui entend soumettre aux
juges d'autres questions litigieuses que ceiles qui ont étésoulevéespar
le demandeur, ne peut le faire qu'en ayant recours aux demandes
reconventionnelles qui sont autoriséespar l'article 63 du Règlement de
la Cour. Elles ne sont pas possibles dans le domaine des exceptions
préliminaires.
C'est donc en fonction des seules conclusions actuelles. fondéessur
la protection des actionnaires belges, que la Cour aura à se prononcer.
La Belgique y affirme son droit propre. proclamé à maintes reprises
par votre haut tribunal, de protégerses ressortissants léspar des actes
internationalement illicites d'Etats étrangers.
C'est dans ces termes, et dans ces termes seulement, que se pose à la
Cour la question du jus standi de la Belgique que je vaisaborder incessam-
me~ ~
En le faisant, je dois commencer par rappeler, car vraiment la Partie
adverse l'atroi, fréauemment oublié.a.e nous sommes dans la ~rocédure
des csccl>tiiiit; priiiiiinairsculernent. et cela par 1;i\.dont< (III
Goiivcrnemcnt di'fcndeur: c'estlui (~icoritcjtc ail C.oiivernr.iiiciitbclgc
la qualitépour intervenir en faveur des actionnaires belges de la Barce-
preuve.aIl doit administrer la preuve qu'il y a une règle de droit desa PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 557

gens qui s'oppose à ce que la Belgique puisse prendre sons sa protection
diplomatique des actionnaires de nationalité belge qui ont étEléséspar
la faillite arbitrairement déclaréeet encore plus arbitrairement exécutée
en Espagne de la sociétécanadienne Barcelona Traction. Dans la procé-
dure sur l'exception préliminaire no 3, le Gouvernement belge n'a qu'à
en faillite, la nationalité belge des intéressés lésées,t cette preuve, il
l'a déjàadministrée; le plaidoyer de notre jeune collaborateur le profes-
seur Lauterpacht est là pour l'établir.
Si la Cour, comme je l'ai dit plus haut, estimait devoir aller lus loiii,
elle ne perdra pas de vue que l'Espagne, étant demanderesse gnscette
procédure en exceptions préliminaires, doit prouver qu'il existe une
règle de droit international nous interdisant l'accèsdu prétoire pour
agir au profit d'actionnaires belges dans une sociétéétrangère.Elle a
l'onusprobandi, je le répète.Si elle échouedans l'administration de cette
preuve, son exception fondée sur l'absence du jus stand; est vouée à
l'insuccès,car il est incontesté que chaque Etat a le droit de protéger,
par la voie diplomatique et judiciaire internationale, ses ressortissants
lorsqu'ils sont victimes d'actes injustes internationalement contraires
au droit des gens, commis par un Etat étranger.
Cette question de l'onus probandi étant précisée, nous passerons plus
tard à l'examen du problème de la protection des actionnaires en droit
international.

[Audience pzcbliquedu 17 avril 1964, matin]

Monsieur le Président, Messieurs les juges, j'ai donc exposéhier à la
Cour le plan de ma plaidoirie et j'ai abordélepremier chapitre concernant
la réfutation du point de vue espagnol en ce qui concerne les nouvelles
conclusions de la Belgique.
J'aborde maintenant un chapitre qui, je I'esphe, sera très bref, car
j'ai aussi le souci de ménager le temps de la Cour: la délimitation des
poLe problème juridique que soulèvele présent litige et auquel la Cour
est respectueusement priée de donner une solution conforme au droit
se pose, si je ne fais erreur, pour la première fois devant elle.
La question cardinale à examiner n'est pas, comme le prétend le
Gouvernement espagnol, celle de savoir si le Gouvernement belge peut
ou non intervenir en faveiir d'une société canadienne.Je vous ai longue-
ment expliquéhier que c'était là une fausse question.
Le problème qui est posé à la Cour de céanspar la troisièmeexception
préliminaireest celui de la protection diplomatique par un Etat et de son
droit d'introduire une action judiciaire internationale en faveur de ceux
de ses nationaux, personnes juridiques ou personnes individuelles, qui
ont subi des pertes dans des sociétésétrangèresoù ils ont fait des inves-
tissements financiers, pertes résultant d'un acte ou d'une omission
contraire au droit d'un Etat, et sans qu'il y ait lieu de distinguer selon
que la responsabilité internationale du dommage incombe à l'Etat dont
la sociétélésée a la nationalité ouà un autre et troisième Etat.
L'opposition de 1'Espagne et de la Belgique au sujet de ce problème
qu'on peut formuler très clairement est complète, irréductible,,et c'est
pourquoi les négociations diplomatiques ont étérapidement inutiles.
bien qu'elles se soient prolongéespendant une dizaine d'années.jjS BARCELOSA TRACTION

L'Espagne soutient qu'on nepeut accorder la protection diplomatique
qu'à la Dersonne iuridiaue. ~u'à la sociétéaui est internationalement
Gséeet Re la conGer qu'à ion Etat nationa1,'avec quelques exceptions.
La Belgique. au contraire, affirme que la personnalité juridique de la
sociétépeut être percée et uue les associés. sociétaires.actionnaires
lorsqu8ils'n'ont pas .la mêmenationalité que l'êtrecollectif,
être protégésdiplomatiquement par leur propre Etal national. Voilà
l'op~osition des deux thèses ramenées à leurs l..nes essentielles.
&i piiit consinier cepen<l:intqu'au cours de I':ict~icllc.roir'durc krirc
On peut considérer qu'elles sont d'accord sur les points suivants de':irtici.
droit international généralqui sont, en définitive, des véritéspremières
dont l'Espagne revendique la paternité ou la priorité ou le droit de
préférence;nous ne \~oulonspas lui disputer cet honneur.
Premier principe: l'institution de la protection diplomatique est
destinée à garantir les règles de droit international géneralrelatives au
traitement des étrangers. Nous sommes d'accord, il n'y a pas lieu de
revenir sur ce ooint.
Deuxième p;incipe: en mettant en mouvement l'action diplomatique
ou l'action judiciaire internationale, chaque Etat exerce son droit propre,
celui, d'après votre jurisprudence, de faire reconnaître en la personne
de ses ressortissants le respect du droit international tout entier. Ici
aussi nous sommes d'accoid: 1'Etat ne fait pas valoir le droit de ses
ressortissants. il fait valoir son droit propre. 11 n'y aura pas lieu de
revenir sur ce point.
Troisième principe: en vertu du droit international public général,
et tous accords étant réservésl,a protection diplomatiqÙe ne pëut être
exercéeque par 1'Etat dont les lésésont la natio?ialité.La Belgique in-
voque cette-réele et pour son intervention en faveur des <ndividt4s
~CI~OIIII<II~~S~ii Biircçionaï'rilc~ioliqiii ont In nationrilit&I>elgcct pour
'11ilrvt aztrrespersojrnîrnroruleset sociitis qui remplissrnt les çoriditioris
~lc son droit pour ctre iiivcsties dcIrinatii,iinlitC hçlcç. X1:iI:Uelziuiic
ne comprendLpas du tout - et considère comme uie contradicti0n'de
la Partie adverse - que dans ses conclusions le Gouvernement espagnol.
après avoir lui-même défenduce principe, tente de justifier son action
d'irrecevabilité pour défaut de jus standi de la Belgique par les mots
<iétant doiinéque la RarcelonaTractionn'apas la nationalitébelge n,alors
que la Belgique n'a jamais soutenu qu'elle en fîit investie.
Cette conclusion du Gouvernement espagnol est. à mon avis, tout à
fait artificielle. Tout ce quiest artificiel dans une argumentation juridique
a un caractère tendancieux; et tout ce qui est tendancieux vise à induire
la Cour en erreur.
Quatrième principe: le lien de nationalité qui relie une personne à
1'Etat qui prétend faire usage en sa faveur de son droit de protection
diplomatique doit rtre juridique, en ce sens qu'il doit résulter du droit
de cet Etat. Ici aussi la Belgique est d'accord.
Cinquième principe: La Belgique prend acte avec satisfaction de la
concordance des points de vue des deux gouvernements pour ce qui
concerne la protection diplomatique des personnesmorales. En principe
la Belgiquecomprend cette règlede telle façon qu'on doit comprendre par
là seulement que les personnes morales sont susceptibles de protectiun
diplomatique comme les individus. Il ne sera pas non plus revenu sur
ce point. PLAIDOIRIE DE 31. SAUSER-HALL
559
Enfin, sixihme principe: le Gouvernement belge prend encore acte
avec satisfaction de l'aflirmation par le Gouvernement espagnol, fondée
sur l'arrêtde la Cour internationale de Justice du 6 avril Igjj dans
l'affaire~Vottebohm (fond) (C.I.J. Recueil1955, p. 25 et suiv.),que

<(un lien juridique représentépar la nationalité attribuée à une
personne par 1'Etat sur la base de son propre droit,doit correspondre,
pour qu'on puisse le faire valoir sur le plan international, à un
minimum réel, à un rattachementeueclif entre la personne et YEtat
car la nationalité existant surle plan juridiquedoit être,enplus, une
nationalité effectiveii.
Les deux Etats admettent cette conséquence, aussi bien le Gouverne-
ment belge que le Gouvernement espagnol. Ils sont d'avis que si la
nationalité purement juridique, la nationalité de pur droit, est une
conditioirwécessaireoour l'exercice de la urotection di~lomatiaue. cette
condition n'estpas t&fotcrs à elleseulesu&santepour qÛe1'Etat'national
puisse faire valoir le lien de nationalité sur le plan international. Mais
ilv aura encore lieu d'examiner de ~lus ~rèscece formule.

ie champ des controverses entre [esdiux Etats se trouve ainsi dégagé
d'un certain nombre d'obstacles, de discussions superfétatoires. Il n'en
reste pas moins singulièrement étendu.
La question cruciale dans ce litige n'est pas du tout celle qui est
indiquéepar le Gouvernement espagnol dans sa note du 30 septembre
1957 ; il ne s'agit pas du "désir du Gouvernement belge de couvrir la
Barcelona Traction avec le statut de quelques associésbelges à l'effet
d'assurer la protection internationale de cette sociétécanadienne iiUne
pareille affirmation reviendrait toujours3 dire qiie la Belgiqueentendrait,
d'une manière ou d'une autre, d'une façoii plus ou moins ouverte ou
plus ou moins dissimulée, affirmer la nationalité belge de la Barcelona
Traction. Tevous ai démontréhier aue cela n'était Dasle cas.
L.1yzt,~sï~ocirrtriilESI /Osur~.ot~ie / s8ugi/de sui'Oirs'il e~rslou JIOII,
C.Jirai/ ~rit~~riiuli~iidlhlrcgt~~érdal.il'.riglr qrdrS'L>PPOS L.QI<<./'Illu/
i~dltonaldes IIC~~OIIIIUI~S rtissUCCU~~C~ su t~ruterlio~.liipI.,»rnft~~i rcs
derniers et introduire enleur iaveur une inilance nvbitrkleou~&~iciaire
devant utle juridiction internat;o&zlelorrqu'ilssont lésés dans leks biens,
droits elintérétspar suite d'actes illicitesselon le droit des gens, commis
par un autre Etat, contrela sociétédont/ont partie cessociétaires.
Sur la base de ces considérations, la question soumise à la Cour
peut donc êtreformuléed'une manière concrète, d'une façon qui soit
trèsadaptée aux faits de la cause et cela de la manière suivante:
Existe-t-if un précepte de droit international qui refuse la qualité
pour agir. le jus standi, à la Belgique, Etat national de la Sidro, société
enregistréeen Belgique, yayant son siege,et dontlesintérètséconomiques
sont belges,sociétéquiest actionnaire principale deIaUarcelonaTraction,
laquelle est une sociétécanadienne, incornorbe au Canada. mais dans
laquelle des personnes physiques et 'des juridiques ont égale-
ment fait des iiivestissements importants? Existe-t-il une règlede droit
des gens, dans les circonstance< de fait que je viens d'indiquer, aux
fins qui puissent s'opposer à ce que la Belgique demande, par la voie
judiciaire internationale, l'Espagne qu'elle considère commel'auteur
d'un déni de justice. acte internationalement illicite, réparation de la
perte complète de ses participations ou investissements belges causée
par la faillite en Espagne d'une sociétéqui n'a donc ni la nationalité560 BARCELONA TRACTION
belge ni la nationalité espagnole? Voilà les questions qu'il y a lieu de
résoudre;je les ai formuléesune première foisde façon abstraite et géné-
rale, une seconde fois de façon concrete, c'est-à-dire bien adaptée au
fait de la cause
Monsieur le Président, j'aborde maintenant la troisième partie de
nion plaidoyer consacré à la thèse espagnole et à sa rbfutation.
Ainsi que vous aurez pu le constater par la lecture des piècesde
procédure,la thèsedu Gouvernement espagnol au sujet de la protection
internationale des persoiines juridiques est extrémement simple et il la
formule avec intransigeance.
Il soutient que la qualité pour agir n'appartient qu'au seul Etat
national de la Barcelona Traction en faillite, méme pour la protection
des intérêtsdes actionnaires belges de la sociétéqui subissent des pertes
énormesde ce chef (ie vous rappelle qu'il s'agit d'une centaine de millions
de dollars). 11 apporte ce endint uie exception à ce point de vue pour
le cas où I'Etat national cf ea sociétéaurait lui-même causé le dommage,
pour la raison que les actionnaires sont alors privés de toute
par 1'Etat qui, normalement, devrait sauvegarder leiirs droits dans la
société,c'est-à-dire qu'ils sont privés de la protection du propre Etat
national de la société.
Le Gouvernement espagnol apporte quelques exceptions à cette
application de la loi nationale de 1'Etat national de la sociétédans
l'exercice de sa protection diplomatique. Il exige en outre que la société,

lorsqu'il s'agit donc d'un dommage causé par I'Etat national même
de la société,soit dissoute ou qu'elle soit pratiquement morte. Il fait
aussi quelques réserves ausujet des sociétésde personnes sans qu'il les
ait jamais bien précisées.
En tout cas, l'Etat espagnol se refuse à prendre en considération
l'éventualitéoù le dommage a étécausé par un Etiit tiers, sans que
1'Etat national de la soci~ ~ ~ccor~ ~ ~~~otect.on a~ ~a~ ~ ~naires.
soit (111'ne p~iisit:11:~lsef.~ir~snit ilii'ric \~r.uil~:LS le faire parcc que
I'eiitrepri,~~n incorpore poiir lui que dcs iiiti,ri.ts Ctraiig,rIcGouvernï-
riieiit ~spafi~nlt~1111i(elue c'cst iiiirm.tl: I'IStat natioiial de la socié;i.
isoii vis, 111droit (Ic.protection qu'il <lii:rliti~.dcprCf6i~iiit.tcsclusil.
1.e Gou~t~rricmeiitesi):~r.nolafhrme i.n ouire: fortci~ierit It:t::ir:ictCrt:
unitaire des intérêtsrn&rporés dans toute personne juridique, ce qui
s'oppose, selon lui, à ce qu'on perce ou qu'on lèvele voile de la person-
nalité juridique pour examiner les éléments composantsde la société,
pour savoir ce qu'il y a derrière le voile de la personnalité juridique,
ce qui l'empêche aussid'adopter des solutions appropriées à la différence
des situations économiquesqui se présentent dans la vie. La protection
diplomatique des sociétés, affirmele Gouvernement espagnol, à la seule
exception que je viens de vous mentionner, est réglée,en droitinterna-
tional public, de la mémemaniere que la protection de l'individu.
C'esten se fondant sur cette conception que le Gouvernement espagnol
soutient que la Belgique s'efforceen vain cide tourner un obstacle qu'il
qualifie ed'insurmontable n résultant du fait que la protection en faveur
de la sociétéavait déjà étéexercéepar le Gouvernement canadien)).
L'Espagne voudrait faire croire à la Cour que I'intcrv<:ntioncanadienne
est là, qui se dresse comme un redoutable monolithe sur la voie où la
Belgique s'est engagéeet lui en interdirait abçolumeiit le passage. II
a étélonguement exposé dans la procédure écrite que cet obstacle
formidable, cet obsatcle insurmontable n'existe pas du tout en fait. Le PLAIDOIRIE DE nt. SAUSER-HALL 561

Canada est intervenu contre l'Espagne entre 1948 et ~yjr en faveur de
sociétés canadiennes, l'une déclarée ef naillite de la façon arbitraire qui
vous a étéexposée - la Barcelona Traction - et i'autre - I'Ebro -
dont les avoirs ont étéincorporés sans autre forme de procès dans la
faillite de la Barcelona Traction, sans même que 1'Ebroait étéelle-même
déclarée en faillite.
Le Gouvernement espagnol relève aussi que des empmnts de la
Barcelona Traction sont soumis à un régime de surveillance canadien
au..lé IrusLee.~.'ils sont surveillésDar la National Tmst. oui e't une
r.~rl~or~tii>iï;iin;tdi~:nnequi:L3011>~;'~c3.Toroiitu. IIeitiiiier:~it qucti
scr;tit aussi cn f:i\,eurdce Satiuiial 'Trustque leGo~i\.erneincntcaii;idien
est intervenu. 11est cependant révélateur-quemon honorable collègue,
le professeur Ago, lorsqu'il cherche à prouver l'intérêtréeldu Canada,
le lien d'effectivité entre la Barcelona Traction et le Canada, ce lien
d'effectivité qui est aussi exigé par le Gouvernement espagnol, il est
- dis-je- révélateur qu'ilpasse, mais comme chat sur braise, sur la
participation canadienne (et pour cause, parce que la participation cana-
dienne est de I à z % du capital) ;il passe aussi comme chat sur braise
sur la présencedu siègesocial à Toronto de la société,pour invoquerI'exis-
tence du trustee, de la National Trust, qui n'est en définitive qu'un
reorésentant et un eardien des créanc~ ~~de la Barcelona Traction: ces
cr'eanciersne sont pas eux-mêmes canadiens et la ~ational~rust n'a
nullement lecaractère d'un organe de la Uarcelona Traction.
La raison fondamentale de l'Fnter-en~ ~ncanadienne. les faits semblent
leprouver, n'a pas étéce souci de sauvegarder lesintéiêtsde laarcelona
Traction et de 1'Ebro. Eneffet, lorsque les créanciers de ces sociétés,
notamment de la Barcelona, ont étérêmboursés par suite de cette vente
des biens en Espagne dont nous vous avons retracé les péripéties en
procédureécrite,toute intervention canadienne a cessé:la dernière note

canadienne est du zz décembrero~r et la vente des bi-ns d~ ~ i~ ~ier
Igjz. Aprèsla vente, les seuls inté;& en souffrance, les seuls int&êtsqui
restaient à défendre, étaient ceux des actionnaires de la Barcelona
Traction, des Belges, qui se trouvaient entièrement dépouilléspar
la ventedes actifs de sa çociétécanadienne. et alors, tout naturellement.
le Canada s'est effacédevant la Belgique.
En réalité,le Canada s'est finalement rendu compte de la vanité.de
ses protestations diplomatiques, et n'ayant avec l'Espagne aucun lien
ju~idictionnel qui lui permettait de lui imposer une solution arbitrale ou
judiciaire du différend,il a finalement renoncé en fait à poursuivre son
intervention.
Actuellement, toute tentative d'intervention diplomatique du Canada
a complètement disparu de l'horizon juridique; depuis pres de treize
ans, le Canada s'est complètement désintéressé de l'affaire. Comme M.
l'agent du Gouvernement belgel'a rappelé,le Canada n'a réagien aucune
façon lorsque la Belgique L'ainforme de son intention de porter l'affaire
de la Barcelona Traction devant la Cour internationale de Justice, en
lui communiquant le texte de sa première requête du 15 septembre
1yjs.
Vaut-il la peine de mentionner encore les démarches du Canada qui
auraient eu lieu, par la voie diplomatique, en faveur de la Barcelona
Traction, avant le litige qui a causé la ruine de cette société?Nous ne
le pensons pas; il s'agissait à l'époquede simples appuis amicaux au
sujet de la fixation des tarifs d'électricitéou au sujet de l'autorisation562 BARCELONA TRACTION
de devises qui n'avaient aucun caractère contentieux. Le fait qu'à
cette époque la Belgique ne soit intervenue que lorsque les droits de
ses actionnaires belges furent véritablement mis eu péril, confirmela
thèse fondamentale de la Belgique selon laquelle elle n'est jamais inter-
venue en faveur de la Barcelona Traction comme telle; elle n'a jamais
voulu protéger la Barcelona Traction, mais elle est seulement iuter-
venue en faveur des actionnaires belges, lorsqu'ils ont étémenacés,
lorsqu'ils ont étéfinalement atteints dans leurs droits et cela d'une
façon vitale.
Cette véritable intervention belge, comme l'a signaléM. l'agent du
Gouvernement beige, s'est produite déjàen septembre 1936, lors ue les
biens, droits et intérêtsdu groupe belge furent réellement misenlanger
par la saisie par descomitésd'ouvriers,pendant laguerre civileespagnole,
des entreprises d'électricité des sociétésauxiliaires de la Barcelona
Traction en Espagne. Le Gouvernement bel e est alors intervenu, et cela
aussi bien à Madrid qu'à Barcelone, pour r fserver tous les droits de ses
ressortissants, en tant qu'actionnaires de la Barcelona Traction, et
rcausés. ses droits pour couvrir les préjudices qui leur auraient été
Monsieur le Président. Ilfessieurs les juges, en rkalité toute cette
argumentation espagnole que je viens de vous résumer porte à faux
parce qu'elle repose sur le postulat inexact qu'un acte illiciteinterna-
national ne peut avoir frappé une sociétéque s'il constitue une violation
du droit international à l'égard du seul Etat dont cette sociétéa le
statut. II y a là une manifeste pétition de principe. Ce postulat invoqué
Dar I'Es.a-e. c'est ~récisémentce aue le Gouvernement belrre-emande
i I'l:5p~gncritI)rouver. Sous n'auri)iij pour notre phrt p:is grand-peiiit:,
je l'es13retout ail in~inii convnincrr InSour yuc Ir droit iiiterriational
ne contient aucune règledans ce sens. Et, pou; ce faire, je demanderai
à la Cour de vouloir m'accorder l'autorisation d'entrer damsun domaine
un petit peu ing.at, qui est celui de la théorie -énéraledes personnes
moiales. -
Je serai aussi bref que possible car, à mon âge. ou n'oublie as le
précepte du vieux Faust qui dit que toute théorie est grise. te qui
s'oppose à la reconnaissance sans réservede la protection des personnes
morales par leur seul Etat national tient, d'une part, à la stmcture
du lien de nationalité qui rattache la personne moralereàun Etat déter-er
m~~~.~
J'aborderai successivement ces deux ordres de cause de rattachement
qui contiennent en eux-mêmesdéià le cerme de la réfutation de la
ihèse espagnole. -
Ces êtrescollectifs qu'ou appelle les personnes morales ne sont pas
du tout réglementéspar le droit d'une façon uniforme. Alors que sur le
plan juridique il n'y a qu'une espèce de personne physique, chaque
homme ayant une personnalité en droit qui est semblable à celle des
autres hommes et qui n'est voiléeque dans son exercice dans la division
des sujets humains eu personnes complètement capables, ou incomplète-
ment capables, ou compl&tement incapables, qu'on retrouve dans toutes
les législationsdes Etats civiliséily a au contraire plusieurs espPcesde
Dersonnesiuridioues oui ont des ca~acitéss~éciales.Le caractèreunitaire
àe la perskm juridique. sur qu& le ~Ôuvernement espagnol insiste
avec tant d'énergiedans la procédureécritepour en tirer des déductions PLAIDOIRIE DE DI.SAUSER-HALL 563

de caractère absolu, n'existe tout simplement pas. Les groupements
d'intérêtsoreaniséscollectivementne sont pas du tout rédementésd'une
manière unirornie par le droit. Depuis ' la sociétésimple jusqu'aus
sociétésayant une personnalité juridique complète, et sans parler des
personnes de droit public, les groupements juridiquement organisés
présentent plusieurs deg~ésd'intégration collective et ils font l'objet de
réglementations diverses.
La raison en est que tout groupement juridiquement organisé de
personnes représente sur le plan juridique une synthésede tous leurs
éléments composants eu une unité, synthèse qui peut êtrevariable et
plus ou moins poussée.Dans la personne juridique l'unitéorganiséetend
à absorber la pluralité des sujets de droit, mais ce qu'il faut relever
c'est que cette opération synthétique n'est jamais égaledans toutes les
personnes juridiquesni même cornlète Autrement dit, l'unitéjuridique
parfaite de la personne morale ou la iociétén'existe pas. II y a toujours
un résidu de la pluralité des diverses personnes qui la composent dans
I'unitéde la personne juridique. Les exemples sont nombreux en droit
dans lesquels l'indépendance et la personnification des groupements
collectifs sont reconnues à certains égards et méconnues à d'autres
uoints de vue.
On peut cousttitcr ainhi dtiii, II:droit pbjitif, une grad<Itprocess~<s
Je s!~irhrszdcj personnr- )iiridiqiicj oii plut6(Icsin~li\~iclsroiipC; en
i>crjoiincsiiiridiauc.~IIIun suict iiriiriué.1':irlois la. fusion de ces élé-
ments com$osank est insuffis&te réaliserune personnejuridique,
une unité nouvelle sur le plan juridique. Il en est ainsi des societts
simples, des phénomènesd'association résultant des indivisions succes-
sorales on des indivisions familiales. Dans d'autres formes de collec-
tivités juridiques apparaît une fusion plus accentuée des intérêtscom-
posants, en sorte qu'un début de personnalité juridique se dégage. II
en est ainsi, selon certains systèmesdu droit, des socibtésen nom collec-
tif et des sociétésen commandite.
Dans d'autres groupements de droits collectifs, la fusion des droits
des intérêtsindividuels est poussée plus loin, sans êtrecompl&te; la
personnalité juridique est dégagée;la personnalité juridique existe et
ily a indubitablement un nouveau sujet du droit avec tous ses attributs.
Néanmoins.la ~ersonnalitéindividuelle des membres n'est uas com~lète-
ment absorbéei>arcellede lacollectivité;parce que lessociétairespe;vent
avoir un tel intérêtpersonnel à la fortune collective et au résultat
restentL m&tres;'plusieursuemiyense majuridiques leur permettenten de le
faire, soit par des statuts accordant un vote plural aux associes les plus
intéressés,-soitpar une gérancequi est confike à quelques associésper-
sonnellement responsables des dettes de la personne juridique afin
d'en augmenter le crédit. Nous trouvons cette forme dans les socié-
tés en commandite par actions et dans les sociétés à responsabilité
limitée.
Enfin, la fusion des intérêtscollectifs peut êtreaussi complète que le
permet le droit; elle peut êtreaussi pousséeque l'autorisent les regles
de la réglementation du droit positif; l'unité des intérêtscollectifs
s'accomplit, elle est pleinement reconnue. Mais mêmedans cette éven-
tualité.ilest im~ossible de faire com~lètement abstraction des membres
qui cohposent Capersonne juridique: Il en résulte que certaines limita-
tions sont inéluctablement apportées à l'unité dela personne juridique,564 BARCELONA TRACTION
dans l'intérêt dequi? Dans l'intérêt desmembres pour protéger les
minorités, pour protéger les droits acquis, pour protéger la bonne foi
ou pour des raisons d'équité.
Bans l'ordre interne; il est des situations dans lesquelles. malgré
l'existence d'une sociétéanonyme, les intérêtspropres des actionnaires
ont revu iiiiiqaiiction juridiiliie. hicn qii'il a,)I~Crrfioutrn~i ~IIC I:r
])crionne jiiridiqiieIrtsociitt:, était sculi.iisiiie II oi cst niiispour la
iiiije cn <riivrc clci ri il,uiis~tl>iliii~ciiico,>:I1'adriiiiii~tr,iti(I'iiii~.
sociétéanonyme; par exemple, lorsque les oGanes de la sociétén'a~is-
sent pas, IorGque1;s actionnaires, lé& indirethnent par une mauvaise
gestion, peuvent, dans certaines conditions, intenter, ut singuli, l'action
sociale.
D'où la nécessité,dans certains cas, de leverle voile de la personnalité
juridique, de percer le voile de cette personnalité, pour découvrirquelles
sont, dans un litige, les personnes qui sont effectivement intéressées.Et
c'est ce qu'a fait, ainsi que nous l'avons relevédans le mémoire belge -
1, page Ijr, paragraphe 315. n.ote 3 -. c'est ce qu'a fait déjàaudébut du
sixe siècle, en 1809. le Chief Justice Marshall dans la cause Bank of
United States v. Deveaux. jugement qui a dégagéla doctrine du dis-
regardof legal estity; je ne peux pas traduire cela autrement que par la
«levéedu voile légal ».Xous avons aussi repris l'exposéde cette affaire
dans les observations et conclusions belges de 1963. 1,page 116, no 134;
le juge américains'y est donc attribué le droit de c percer le voile de la
personnalitéjuridique n,pz de son gré,pas d'une façonarbitraire, mais
pour mieux assurer l'administration de la justice. Voilà la justification
du système.
Cela signifie que la personnalité juridique de l'êtrecollectif n'absorbe
jamais complètementles personnes qui le composent, in casu n'absorbe
pas les actionnaires de la Uarcelona Traction. Si les dommages causés
à une sociétépar un acte internationalement illicite la touchent, ce sont
ces nersonnes. ces actionnaires oui on~ d~ ~t à ré.~rat~on. Et si. finale-
ment, elles ne'peuvent pas l8ob&nirpar des réclamations direct&, c'est
leur Etat national. à eux actionnaires, qui a qualité Dour endosserleurs
la in tes.et les faire valoir contre l'auteur dL domkaee. en vertu de
Sondroit propre, conformémentau droit des gens qui 1ui:sSure la faculté
d'obtenir, par une intervention diplomatique, le respect du droit inter-
national d6 à la oersonne de ces réssortissânts.
En dciiiiiti\.c, la prrjomalité jiiri<liquedes socictéscoiiiiiicrcialej rcstc
lin inkani>iiic de droit priv? clesrini à r6glcrCL orcaiiscr (I'iine maniere
pratique et efficace le; groupements di? personnes physiques qui se
forment dans un but lucratif. Ellen'est elle-mêmequ'unprocédéjuridique,
qu'un mécanisme juridique pour reprendre l'expression du professeur
Reuter ici nrésent. aui n'a rien de comoarable à la réaliténersonnelle
et vivante de l'êtrephysique.
Cette considération prend aussi toute son importance en matière de
,inationalité »des personnes morales; et c'est ce Quim'amène à examiner
un deuxihme ordre de considérations entraînant la réfutation de la
thèse espagnole. Je vais donc parler de la nationalité des personne?
morales. Je prie mon très savant contradicteur de se rassurer, je n'ai
pas du tout, en abordant toute cette question en passe de devenjr
célèbre,la nationalité des sociétés,l'arrihre-penséesournoise de vouloir
convaincre la Cour que la Barcelona Traction peut être assimilée à un
ressortissant belge. Vous le savez, je le répètepour la dixième fois, nous PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 565

n'avons jamais soutenu cette thèse et ne la soutenons pas. Mais je
\-oudrais montrer à la Cour que le concept de nationalité, quand on
l'applique à une société,prend une physionomie propre et conduit à
ceux attachésceà,la nationalité des personnes physiques, notamment sure
le plan de la protection diplomatique.
Ce qui frappetout d'abord lorsqu'onétudiela nationalité des person-
nes morales, c'est que très rarement les lois positives s'en occupent et
la réglementent d'une façon précise.Elle n'a pas un caractère unitaire
comme celle de l'individu. La nationalité de I'individu est la même,sort
ses effets dans tous les domaines, domaine du droit civil, domaine du
droit pénal,domaine du droit international.
La qualitédes personnes morales reste vague par la façon dont elle est
déterminéeet aussi par ses effets. Celle de I'individu entraîne des privi-
lègeset des obligations de droit public précises,car il est un membre de
l'Etat et lui doit l'allégeancepolitique; il est tenu envers àudes obli-
gations d'obéissanceet de loyalisme. Cette situation, toutà fait particu-
liére, que la nationalité confère aux personnes physiques justifie cer-
tainement le rôle cfficaceattribué par le droit des genà l'Etat national
dans la domaine de la protection diplomatique de ses ressortissants; les
ressortissants sont l'élémenpt rincipal de'Etat.
La nationalité des personnes morales et des sociétésest tout à fait
différente.
Au point de vue de la défenderesse,ce serait le droit de l'Etat confé-
rant son statut juridique à une personne juridique ou à une société
qui détermine sa nationalité. Cette conception est exacte lorsque les
membres organisésen groupement sontrattachés au mêmeEtat national
que celui qui attribue sa nationalité A la société;il n'ya alors pas de
problème. Mais il en est autrement lorsque le groupement à protéger
compreiid des élémentsétrangers; alors le poids de la nationalité des
étrangersse fait sentir et contre-balanceaisément celui de la corporation
comme telle.
L'étudedu droit international privé permet de constater que l'expres-
sion de nationalité a étéappliquée aux personnes morales dans un
souci de simplification afin de stabiliser leur statut de droit privé.
Les raisons qui ont conduit à appliquer la notion de nationalité aux
sociétésen déterminent aussi les effets particuliers. Il ne peut dès lors
être question de faire produire à la notion de nationalité appliquée
aux personnes morales, toutes les consequences que comporte cette
notion appliquée aux personnes physiques.
question du caractère national d'une sociétéau regard de la protection
diplomatique est distincte de la nationalité en général» (Droit interna-
tionalfiublic. 1958, p. 164.)
Le point de vue, largement partagé en doctrine, du professeur Charles
De Visscher est encore plus net. Apr6s avoir admis, dans une longue
étude intitulée iDe la protection diplomatique des actionnaires d'une
sociétécontre 1'Etat sous la législationduquel cette société s'est consti-
tuée» (Kevue de droit internationai et de législationcomfiarée,1934.
p. 642-643), que dans le domaine du droit privé il y a place pour une
<nationalité des sociétés,distincte de celle des individus», il constate
qu'il s'agit:5'35 BARCELOSA TRACTIOS
«...de fixer dans l'ordre du droit Public le lien écononiique qui
peut exister entre une collectivité personnifiéeet un Etat donné,
en d'autres termes de lui assigner aveccet Etat un lien de rattache-
ment, qui est non pas identique, mais plus ou nioins analogue à
celui qui existe entre un Etat et ses citoyens ou ressortissants, on
s'aperçoit que jamais une sociétén'a une nationalité vraiment
indépendante de celle de ses membres ».

On voit ainsi que la nationalité des sociétés, prisedans son acception
laplus large,s'appréciedifféremmentselon les mati6res que l'on envisage.
C'est la raison pour laquelle l'expression inationalité »appliquée à des
personiies morales peut avoir des sens différents, contrairement aux
affirmations de la thèseespagnole. selon laquelle la nationalité a toujours
un sens strictement rigoureusement unitaire, quels que soient les groupes
auxquels elle est appliquée; il est aujourd'hui admis dans la plupart des
pays que la soi-disant nationalité lato sensu des sociétéss'apprécie
différemment suivant qu'on l'envisage sous l'angle du droit privé ou
sous l'angle du droit public, ou enfin sous l'angle du droit des gens.
J'invoque encore à ce sujet l'appui du grand jurisconsulte allemand
qui est devenu professeur aux Etats-Unis, Emest Rabel, dans ses
Confliclsof Laws, tome 2,pages 17 à Zr; j'invoque l'autoritéde Niboyet,
Traitédu droit inlernational firivéfrançais, ze édition, 1951, tome II,
pages 341et suivantes, qui rejette la conception unitaire de la nationalité
de la personne juridique; le professeur Battifol dans son Traité de droit
international privé, zeédition, no 192, qui partage la même idée.Je
pourrais encore citer un arrêtde la Cour de Rennes du 23septembre
1958 qui constate que l'action abstraite en déclaration de nationalité
intentée par une société commercialeest irrecevable; cette sentence
tion, il a relevéque:ofesseur Loussouarn; et au cours de son annota-

nMais surtout le fait que la nationalité des sociétésse pose à
propos de questions variées auxquelleselle est liéeentraîne comme
conséquence qu'il n'y a pas de notion unitaire de la nationalité
obéissant à un critère unique. u

Et il ajoute: .La nationalité des sociétésse détermine de fa~on diffé-
rente selon les problémesà résoudre. rVoyez dans ce seiis: Revuecritique
de droit international privé,59, pages 79 et suivantes.
hloiisieur le Président, Messieurslesjuges, nous n'avons pas l'intention
de nous étendre ici sur l'influence du système connu du contrôle sur la
nationalité des personnes morales. Ainsi que cela est exposé dans le
diale et déeaeéDar la iuris~nidence britauniaue Dour démasauer deson-
entreprises ennemies camoufléesen sociétésbrit'annkpes. a viséion pas
à déclarerces sociétésétrangèresmais simplement à les déclarer enne-
mies. On n'a uas entendu susstituer une aütre et nouvelle nationalité à
iell~.qui résuliaidé lciir incorporation en Graiide-Bretagne.CL -'est pi~s
leur nation:ilité qiifutconteitce. fut leur caractt?r(:ennemi qui fut
dC\.oilé.Cette thc'orieu.isia sur le coiitinent. elle fut larecJDD~~(I~I~P
dans les Etats en gu&re, elle fut reprise a;ec beaucoÜp d'intei<ité'par
le législateur français.
Cependant, lors de la réception par les Alliésde la Grande-Bretagne,
cette théorie du contrôle subit une certaine altération en ce sens qu'il PLAIDOIRIE DE 31.SAUSER-HALL 567

fut esigé que la nationalité de droit des sociétésse doublât d'un intérêt
substantiel de mêmenationalité. Pour avoir le caractere de sociétés
alliées.il fallait que les sociétéseussent la nationalite juridique d'un
Etat allié, mais en plus qu'elles fussent effectivement rattachees à un
de ces Etats, ce qui impliquait, naturellement, un affaiblissement con-
sidérable de la notion de la nationalité des sociétéset une rigoureuse
reconnaissance du ~rinci~e de I'effectivité.Des lors. on oeut dire aue
la théorie absolue de la protection internationale des soaétéspar léur
seul Etat national était condamnée.
Et c'est tirer,à mon avis, une conclusion extrêmement objective et
extrèmement modkrée à la fois de ces constatations sur la structure des
sociétésdes personnes morales et sur la nationalité des sociétésqiie
d'affirmer avec le ~rofesseur Charles De Visscher ien aui ie me Dermets
de reconiiaitre uni des personnalités les plus éle;rées'au'pointade vue
de la droiture du caractère et un des iuristes les plus informésen ce qui
concerne lasûretéde son areumentation et desa science)aue iila natioia-
lit; {I'iinscciCt; d&tsrniin& si:lon les critérc.3li;ihitueis;lii droit pii\'i',
ji'erlpds f11thri irr<:rirsuL2?IU pru/2:110>~1lip/~.malryrtc. Ln technique
de la ~,cr~unri;tlijuridiqiic en droit iiitr.rnatioiisl pul~licet pr.IKcttrc
de ~iroiri~ilcrn~lio~icl .lligtslal~oicutnpavée ,"si.ric.vol. S\'11 p. 481.)
Le Gou\,criicnient ~spagiiol. dcfeiideur aii [)rc'.ientprocés, I'ailriiet.
II est hien forcc de I'admettrc dans iine ccrt:iine nicsure. II avvorrc
une esception à son système de protection diplomatique paral'Etat
iiational de la sociétélésée.11reconnaît un jus,standi à un autre Etat ,

lui-minic rcspunsnl>lrnt(ludomm;<gecausbnatioj.sa propre i;ciét~ national<..
Lc <lunimageayant Cr;.causé par l'Espagne t:tnon par le Canada. le

Gouvernenient cti~n~iiolcn coriclut auz la I<elri<-.ii 11'3:iucunc action
contre le Gouveriement espagnol. a
Le Gouvernement belge admet les déclarations du Gouvernement
défendeur selon lesquelles i'action en responsabilité internationale est
possible dans certains cas par un autre Etat que-celui qui est 1'Etat
national de la société.Le Gouvernement belge en prend mêmeacte; il
v voit une bréche énormeouverte Dar le défendeur lui-mêmedans son
iystéme de défense.Cette br6che ne'peut pas êtrecolmatéesans refuser
la protection internationale aux intéressésdans la société. c'est-à-dire
à ceus qui sont les véritables lésésDar un acte internationalement
illicite. c:ir ce serait 1i.saban<loiiiiab hun pl:iiiir,i 1';irbitraire des
aiitorirésn:~tioiialesdeI;isucictc. >laiscettc ;\'~iituJlit> qui est reconilue
par le Gouvernement espagnol n'est pas la seule à consrdérer;il y en a
encore d'autres où une réparation complète resterait illusoire ou impos-
sible si le droit d'action n'était pas reconnuà 1'Etat national des action-
naires ou à d'autres sociétaires.
11résulte de ce qui précèdeque le critérium du statut national des
sociétés pourdéterminer quels sont les Etats qui ont qualité pour agir
par voie diplomatique devant une juridiction internationale en cas de
dommages causés à une sociétépar un acte illicite.en droit des gens
est insuffisant. Ce critérium,sur lequel s'appuie toute la thèse espagnole,
ne peut pas couvrir tous les cas. Le Gouvernement espagnollereconnaît
lui-méme.11faut au'à côtédu lien de la nationalité inridiaue entre la
sociétéet 1'Etat qii exerce la protection on prenne enCoreen considéra-
tion d'autres éléments.Le critérium de la protection Dar le seul Etat
national ne peut jouer d'une maniere satisfaisante que IÔrsqu'unesociété568 BARCELOKA TRACTIOX

est composéede membres associés,d'actionnaires ayant la mêmenatio-
nalité qu'elle. Dès que la sociétécomprend des élémentsétrangers un
peu importants, ce système va àla faillite. II en est ainsi parce que, dans
toutes les lois des Etats civiliséset dans la théorie générale du droit. la
personne morale ne peut pas absorber complètement et intégralement
les intérêtsdes personnes qui en font partie et qu'il y a, dans toute
société,et cela d'une manière constante, un résidude droits individuels
irréductible qui échappe à la concentration juridique et synthétique
qu'entraîne la création de la personne morale.
Il en est encore ainsi parce que, commel'écritle professeur Pinto,dans
le juris-classeur, Llroit international, tome II, fascicule 217, page 12,
nos 61 et 62, sur la procédure de la Cour internationale de Justice: le
«rattachementii des personnes juridiques uà un Etat est fonction de
critères variables iltout d'abord les fonctions d'ordre juridique de 1'Etat
dont la société relèveE , tat qui peut être d'aprésle droit interne I'Etat
du siège, l'Etat de l'incorporation. L'Etat du lieu d'exploitation; il
dépendaussi en fonction de la nationalité des associés.de la nationalité
des dirigeants, de toute l'activité économiquede la personne morale oii
société.
II en est encore ainsi parce que, en ce qui concerne plus particulière-
di. I'orJrc juri<liqiicinterne ii'cst paiinnlienlde n;rtioii:ilitCconili;irlrhlr
à cclui qui relie un iiitliviiuun Eiat. IIrat beaucut~pnioiiis fcrnic, hwu-

l'individu.efficace et surtout il n'est pas unitaire comme celui de
II en est encore ainsi parce que ce lien est complètement irrelevant et
inadéauat lorsau'un couvemement urend des mesures dommageables à
l'égardde ses @opre<sociétéscommêrcialesdans lesquelles des &rangers
ont des intérétsimportants, exception qui est admise par le Gouverne-
ment espagnol lui-même.
Il en est encore ainsi, finalement, parce que le système espagnol laisse
des léséssans aucune protection internationale lorsqu'un gouvernement
prend des mesures dommageables à l'égardde corporations dont 1'Etat
national lui-mêmese désintéresseparce que ce sont des corporations
qui sont composéesd'étrangers ou qui sont dominéespar eux. C'est le
cas qui s'est produit en l'espèce: celuioù le dommage est causépar un
Etat tiers aui n'est Das celui dont la sociétéa la nationalité. ni celui
doiitles assuciCsou actioiin;iires oiit 1'indigt;nat.
1.2 ~~~~~~~~lo 'ii'irnacraoila nation;ilirC de l'L'[ai dit (:sn:tdn. SC.;
:ictioiiii:iiresu1;iitttion:llii1cI'lCtiitCIL'^.IV*r.nczuri:s~luniin:~~.e;ibles
sont imputées à 1'Etat espagnol qui est dgnc ce que j'ai appeléUl'~tat
tiers. D'après lathèse espagnole la Belgique ne pourrait plus intervenir
si on appliquait purement et simplement le critériumdu statut national
de la société, méme lorsquele Canada, se désintéressant du litige dont
l'Espagne est la cause, manifeste sa complète indifférence.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, arrivé à ce point de mes
développements je puis aborder de front la pétition de principe qui est
à la base de toute l'argumentation espagnole. Dans sa plaidoirie du
lundi 23 mars (voir II, p. 188.189). le distinguéagent du Gouvernement
espagnol. toujours avec la maîtrise qu'on lui corinait, a cru pouvoir
proposer à la Cour une application des principes de la thèse de l'Espagne
àpropos du dénide justice qui révèle les bases fragilessur lesquelles elle
est construite. II convient de s'y arrêterquelques instants. PLAIDOIRIE DE JI. S.AUSER-HALL
569
Citant un passage des observations et conclusions belges (1, p. ~rj)
où il est dit, en effet que

da question soumise à la Cour était celle de la protection inter-
nationale, diplomatique et judiciaire des personnes physiques et
morales qui, ayant investi des fonds dans des sociétés commerciales
étrangères,ont subi des pertes en tant qu'associésou actionnaires
par suite d'actes internationalement illicites dont un Etat s'est
rendu coupable envers ces sociétés ii,
il a soutenu, en résumé, cequi suit.
La responsabilité internationale d'un Etat pour actes internationale-
nient illicites ne peut êtreengagéed'aprèsle droit des gens qu'envers un
autre Etat. En cas de responsabilité pour déni de justice, elle ne peut
exister qu'à raison de sujets de droit qui ont étévictimes d'une infrac-
tion aux règlesd'une bonne.adrninistration de la justice. laquelle justice
doit êtreassuréeaux étrangers selon une coutume uni\rersellement ad-
mise du droit des gens. Le droit propre d'exiger réparation ne peut
donc ètre exercé - toujours d'après mon honorable contradicteur -
que par YEtat qui a le droit de protégercelui ou ceux des ressortissants
victimes de ce dénide justice et, s'agissant d'une sociétéqui ne peut
obtenir justice dans 1'Etat du for, l'Etat qui a qualitépour protégerne
peut étre que I'Etat national delasociété.L'Etat nationaldesactionnaires,
lui, ne saurait avoir qualité pour demander, par la voie diplomatique,
réoarati~n en~faveur de ses ressortissants de toutes:les vertes au'entraîne
p&r ,,us I:r>pr.rciisîionil'iiidciii de jiijricCL.: épr.r~iissioi~se.idrt,
r,<:u\.ciiri'irrnrdnrisdes clire.ctionadifiirtiites. Elli:.ipeiivent entrnincr
Üne baisse des titres en bourse: eues euv vent affect& une concession
oii rn ]usiiti~r Ir.retr:iit uiila citducltC.i.llei]ieiiveiirmCmcçoniproiiirtrre
In solvahilirLal'iiiiiidi~~iclu,ré.înc.irdc I:i pcrsurrrtequi a Ct6 vicrim*.
d'un déni <Iriustice intern;itioii;il. fniir-il ;iilincttre aile I'Etat iiarioiinl
de ce créanc:er individuel puisse'invoquer le déni 'de justice commis
envers le débiteurde son ressortissant?
C'est nous d'ailleurs qui multiplions les exemples, toujours dans la
ligne qui nous a étéindiquée, afin de bien montrer l'exagération des
hypothèses admises par la Partie adverse. Relevons d'abord qu'une fois
de plus, par la citation d'une phrase détachéede son contexte, elle
nous attribue des penséesqui ne sont pas les iiôtres. La Cour pourra
constater dans le texte complet d'où sont tirés la plupart des mots
reproduits à la page 212, II, le texte de nos observations et conclusions
belges, 1. page 115.d'où ilrésulte à l'évidenceque nous avons poursuivi
notre raisonnement en nous cantonnant strictement dans la sphère des
auestions aue soulève le litiee actuel. c'est-à-dire en examinant sim-
plement le; relations entre 12 morale et ses membres, et que
nous n'avons iamais soutenu qu'un dénide iustice pourrait donner lieu
à une vrotectiin internationaleûour n'im~ortë auelleatteinte aui ~ourrait
en réculter, silointaine fût-ei~c'.pour un étraRger.comme UR &os p?vé
ietédans une mare provoque des remous et des vagues boueuses qui se
propagent jusque sui les &es.
Restons dans le domaine qui est le nôtre, celui du déni de justice
commis contre une sociétéétrangère et dont les actionnaires doivent
inévitablement patir, parce qu'ils sont l'élément composant principal
de cette société.En Iksant la société;l'Etat responsable lèsenécessaire-
ment les personnes qui en font partie.57O BARCELOSA TRACTlOS
Le Gouvernement défendeur abe que la Belgique. Etat national
des actionnaires, ne saurait invoquer son droit propre de faire respecter
en la personne de ses ressortissants le droit international parce qu'aucun
dénide justice n'a 6té,en réalité,dirigécontre eux. Et il poursuit:

«Si, en l'espéce,le traitement fait à la Barcelona 'Fraction avait
vraiment constitué un dénide justice, il aurait étéla source d'un
cdroit propre a du Canada à faire valoir la responsabilité inter-
nationale qui en découlait. II n'aurait certes pas étéla source
d'un iidroit propre »d'antres Etats. u
Cette proposition contient, comme j'ai déjàeu l'occasionde l'indiquer
tout à l'heure, unepétition de principe manifeste.Elle consisteàsupposer
comme certain ce qui ne l'est pas et qui fait précisémentl'objet de la
présente discussion entre les Parties. Formuler une telle proposition
sans l'assortir d'une démonstration. c'est simulement réuétersous une
autre forme qu'un dommage causé à la sociét8,et à ses action-
naires, ne peut donner lieu à protection que par 1'Etat national de la
société,ce-qui est précisément-laquestion qui nous débattons présen-
tement devant vous, Monsieur le Président et Messieurs.
Le Gouvernement belge soutient en effet devant la Cour que lorsqu'un
acte illicite international. Dar exemule un dénide iustice, est commis à
I'cgardd'une socictC,le dr&t intern;;tionaliivpeur oineitre de consi(l6ri.r
ou plus cs:icreiiieiit ne s'ol)l~oscpas j. ce (lue l'on i:oiisidc\ilii'iin~
sociétb il'<.-(iuc la foriiic tcclirii<liii.,I'inîtriimcnt iuricliqiie (IIIilroit
interne qui ciuvre un ,qoupemeni d'individus, et gu'en ?onséquence
ces individus seront dans la plupart des cas, et en toute hypothese. dans
l'espèce soumise à la Cour, atteints par l'acte illicite en question. Si ces
individus lésésse trouvent êtredes ressortissants d'un Etat autre que
celui dont la sociétéa son statut, les principes générauxdu droit inter-
national en matière de protection diplomatique doivent. à defaut d'une
règle prohibitive (dont la Partie adverse n'a pas prouvé l'existence),
trouver application et permettre à 1'Etat national de ces individus
de prendre leur défensesur le plan intemational.
1)'ailleurs. la proposition ainsi formuléegratuitement par le Gouveme-
ment défendeur se détmit d'elle-mêmepar ce qu'elle a de trop absolu
et de trop exclusif. En effet, le Gouvernement défendeur est incapable
de la concilier avec le fait, reconnu par lui-même,que le droit internatio-
nal admet la protection des actionnaires par leur Etat national à rarsolz
d'actesillicites commis à l'égardde ta sociétéelle-mêmel,orsqu'elle tient
son statut de 1'Etat qui est auteur du dommage.
Or, s'il fallait admettre, comme mon éminent contradicteur le sou-
tient, que l'acte illicite international commisà l'égardd'une société ne
peut en quelque sorte par la nature des choses faire naître un droit
de protection que dans le chef de 1'Etat national de la société,on serait
dans l'impossibilité d'expliquer comment l'acte illicite international
commis contre une societé deviendrait un tort commis à l'égardde
1'Etat des actionnaires par le seul fait que la sociététient son statut
de l'Etat auteur du dommage. Nous aurons d'ailleurs encore l'occasion
de revenir sur cette mave contradiction interne du svstème uréconisé
par le Gouvernement défendeur.
D'ailleurs, toute cette discussion sur la possibilité de commettre un
dénide justice envers les actionnaires ne peut êtreabordée qu'enlevant
le voile de la personnalité juridique et en examinant le litige au fond. PLAIDOIRIE DE 31.SAUSER-HALL 571

Elle ne peut être tranchée au cours d'une procédure en exceptions
préliminaires. Nous sommesde nouveau en présenced'une de ces con-
fusions entre les exceptions préliminaires et le fond du litige que j'ai
déjàeu l'occasionde signaler àmaintes reprises à la Cour. Nousen relève-
rons d'ailleurs encore plusieurs autres.
Nous rie pouvons cependant pas nous abstenir de contstater d'ores
et déjà que la Partie adverse en convient parfaitement exfiressisverbis
puisque dans sa plaidoirie (voir II, p. 212) elle reproche - singulier
reproche - au Gouvernement demandeur de toujours uséparer arbi-
trairement la protection diplomatique des réglesjuridiques du fond dont
cette protection a pour unique fonction d'assurer la garantieo.
Je puis assurer mon honorableadversaire que nous éviteronssoigneuse-
ment cette séparation dès que I'occasionnous aura étédonnée,comme
nous le désirons avant tout, d'aborder enfin le fond du litige. Cette
procédure en exceptions préliminaires où le Gouvernement espagnol
s'est efforcéde multiplier les obstacles et les chausse-trapes, nous ne
l'a\~oiispas voulue; mais nous ne pouvons l'éviteret nous insistons pour
que la Partie défenderesses'en tienne aux questions qu'elle y a soulevées
le moment, du seulà jus standi de la Belgique. C'est au fond que l'&tendue
du dommage sera établie, en particulier que la répercussion sur les
actionnaires d'un dénide justice commis envers la sociétédont ils font
partie pourra êtremesurée.

[Audience fiz~blique du 17 avril 1964,après-midi]

hlonsieiir le Président, Messieurs de la Cour. j.'aborde maintenant la
quatrieme partie de mon exposéconsacré à la thèse belge.
Au seuil de cette nouvelle partie. il est sans doute utile de rappeler
les ~rincives de droit international aue le Gouvernemen~ ~ ~ee considére
comme plica cab lesmatière de protection diplomatiqueulorsque des
actes internationalement illicites commis au préjudice d'une sociétéont
étécommis. Nous avons ra~~eléces ~rinu~éssous une forme svstéma-
tiqueaux pages 176 à194denos exceptionspréliminaires(1): ~o;s avons
énoncé ces principes à la fin d'une étude que nous avons faite, au cours
des quelqiié cinquante pages qui de la pratique du droit
international public telle qu'elle résultait des précédents juridictionnels
et arbitraiix et des cas gouvernementaux et autres, ou du droit con-
ventionnel. Ces r&Ies ont suscitéde la Dart de notre éminent contra-
dicteur (voir II, pi53) des commentaires ilutbt ironiques que pertinents.
Le professeur Ago les a comparées aux piliers d'un édifice.mais pour
nous reproclier Fout de suite' de ne pas'même nous êtrearrêtés-&la
vérific;ition de ces piliers afiii de savoir s'ils reposaient «sur quelque
chose de plus solide que les sables d'un réve i,Qu'il me permette de
lui ra..eler au'ils sed-ea.,nt des ~récédentsinternationaux eux-mêmes.
l.:i CoiirnpprCcieraJr ncs\.eus ;>asengager une diiputc ce sujet.le
ii'aip:ts l'intention nori pliij dc rappeler ici tom ces priiicipes. .je ne
pense pas qu'il soit nict:siaire que13.Cour ait àsr prunonser siir cliacun
<I'L~IpISur écarter011 itdopter l'exception prdiminairc iio .II lui suffira.
iiic scrnblc-t-ide s'attaclier tout pnrticuli;rement i LXUS de ces prin-
cipes qui montrent très clairement qu'il n'existe pas et qu'il nepeut pas
exister de règle de droit international dont la portée serait d'exclure572 BARCELOSA TRACTIOS
la Belgique du prétoire pour défaut de qualité dans une espècecomme
celle qui est aujourd'hui soumise à la Cour.
J'attirerai cependant l'attention de la Cour sur le rôle important que

joue dans la thèse belge la notion d'effectivité. Aussi est-ce à cette
notion que je consacrerai pour commencer quelques commentaires.
L'effectivitéme paraît en effet constituer le remède ~iécessaireque
le droit international apporte aux difficultés qui résulteraient d'une
application rigoureuse de la thèse espagnole en matière de protection
des personiies morales.
Je poserai tout d'abord la question: que faut-il entendre par inatio-
nalitéeffective D dans l'application qui enest faite aux personnes morales?
Je risquerais de lasser l'attention de la Cour en exposaiit devant elle les
différencestrès nettes qu'il y a dans cette notion d'effectivitésuivant
qu'on l'applique aux personnes physiques ou aux personnes morales.
Je me borne à rappeler que la Cour en a fait une application dans son
fameuxarrêt Nottebohmdu 6 avril 1955.
.-~ dif~ ~ ~ ~ ~ ~~~ ~a notion d'effectivité. de nationalité effective.
scloii ~1ii't:li'ajq>liilut;?us personnes niorales uii :III~pi.rsnnnci pl.y>i-
c~ucs,.'.ontp:~railleurj tviilriit<s <:t(:Ilirr'iulteiil(1ij.eii t~oiiiili:iili<It:
1...ii\t. <IUTi';,ifaite tour il'heuru.;ius 1:iisdv r;iiitI Iitlii;: :si,nciiolc.
de la itmEtu;e des personnes morales et de la nature de leur nadoklité.
Appliquée aux personnes physiques, la notion d'effectivitécomporte

une idée d'alléueance.de lovalisme. fondéesur la volonté réelle oul ré-
suméede l'intéressé,sur soi adhésion à une communauté nationale.'
Mais lorsqu'on recourt au même concept d'effectivitéou de natioiialité
effective ~Ôur les sociétés.on constate des l'abord aue son contenu
diffèresensiblement de la notion appliquée ?Ila nation& effective des
individus. Son contenu consiste, cette fois surtout, en des liens écoiiomi-
ques ou financiers, qui permettent de rattacher effectivement une
société à un Etat déterminé.
Pour illustrer cette idée,je ne puis mieux faire que de continuer la
citation de mon éminentadversaire, leprofesseur Reuter,citation extraite
de la première éditionde son ouvrage sur le droit international public,
que j'avais commencéece matin. Aprèsavoir dit:

(La question du carctère national d'une sociétéau regard de la
protection diplomatique est distincte du problème de sa nationalité
in général », -

le professeur lieuter continue en ces termes:

al-a nationalité d'une société,au regard des problèmes du droit
interne ou de droit international privése détermine en généralpar
référenceau système juridique suivant lequel elle a étéconstittiéc.
C'est en effet la règle qui sauvegarde le mieux les intérétsde totis
et la sécuritédes tiers. Mais dèsqu'il s'agit du caractère ennemi en
temps de guerre, d'autres considérationsentrent en jeu et finalement
c'est un ensemblede critères matériels,d'ordre le plus souvent fcono-
mique, qui l'emporte. La mêmeremarque est valable pour le droit
fiscal [je cite toujours le professeur Keuter]. Mais il doit en etre
de mêmeen ce qui concerne la proleclion diplomatiqzle,parce que
celle-ci n'est pas déterminéesetdement par la nationalité fornielle,
mais également par une règle d'effectivitél;a forme d'une société
peut êtreétrangèreaux intérétsqu'elle recouvre. D PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 573
Que dire, quel commentaire? Le commentaire, c'est qu'il est curieux
de constater que ce passage a dispam de la deuxihme édition,publiée
en 1963, de ce manuel. L'auteur a beaucoup affaibli la formule si claire
et si iiette qu'il avait donnée à sa pensée dais la première éditionde
son ouvrage.
La recherche de l'effectivitéde la nationalité implique la levéedu
voile de la personnalité juridique, ah de découvrir quels intérêtsil
recouvre en réalitéet pour déterminer quel est 1'Etat qui a qualitépour
les protégerpar la voie diplomatique.
Le principal élémentde l'effectivitéc'est l'élémentconsistant dans
la composition du capital social; sicecapitalest en des mains de majorités
étrangères,la sociétéaura beau avoir juridiquement la nationalité de
1'Etat de son siège, ou cellede son incorporation, ou celle du lieu de son
centre d'exploitation, selon la loi interne qui lui est applicable, l'Etat
incriminépourra soutenir que cette nationalité ne lui est pas opposable
étant donné précisémentson absence d'effectivité; d'ailleurs, en fait,
les Etats s'abstiennent d'endosser les réclamations de leurs sociétés
nationales qui ne représentent aucun intérêt national, même lorsque
ces sociétésiie sont que partiellement dominéespar des étrangers. J'ai
déjàsoulignéque le Canada, de longuedate, a abandonnétoute intention
d'intervenir en faveur de la Barcelona Traction.

Les intéressésvéritables, les intéressés effectifs,sont ceux qui ont
placédes fonds dans la société.Dans une sociétéanonyme, ce sont les
actioniiaires qui la dominent, qui la contrôleiit, qui l'exploitent; c'est
le plus souvent parmi eux que se font I'électioiide l'administration et
la nomination des directeurs; ils ont véritablement la sociétéen leur
pouvoir; ils peuvent modifier le but social par décisionde l'assemblée
généraledes actionnaires; ils peuvent dissoudre la société;ils ont sur
la sociététous les pouvoirs: le destin de la sociétéest véritablement
entre leurs mains.
La possession du capital est certainement le point de rattachement
principal pour décidersi une société,nationale par sou siègedans un
Etat déterminé,est aussi nationale réellement, économiquement,effec-
tivi~l~ic~it.
(Icttc ~~oss~'sjiu(iiLI:~pitaln',:srd'aillciirs pas le iciil puii<Irrailaclie-
lliclit )ioii(11,r Cett~ii;~ls1011 1>1011 ILScIrCOIlS1~lII~d ~':lu.trci j,uillti
(lc r~~t~acl,~rn~~ I;U\,CII~;II,: p~is, 11,-,,~isiiICration.:\~IICIIIVl'., rclcv<.
le Conseil fedérai suisse dansAun message concernant l'accord Suisse-
Yougoslavie sur les nationalisations du 29 octobre 1948, que vous
trouverez dansla Feuclle tédérul euisse, édition française, 1948. volume
III, page 680: il ne faut pas seulement s'en tenir à l'examen de la pré-
pondérance du capital national ou étranger dans une société,il faut
considérertoutes les circonstances réelleset ne pas se fier à des construc-
tions purement juridiques qui peuvent n'avoir d'autre but que de dissi-
muler les faits. La majorité étranghe du capital social n'exclut pas
d'autres investications. S'il n'y a.as d. majorité, les intérêtseffectifs
poiiirdiit r;;idc.i <lailsiinc I>.<rricll':Luoniiiu;t;iirc $1't;rang,:ri. cst.r+nt
11~~:iiiiiir~iis iiitliir.iiccdeiiji\sur I;t.uci; tt;CC qiii pourra fdcilcni~nt
se vérifier lorsqu'un groupe minoritaire compact, afant beaucoup de
cohésion, se trouve en présence d'une majorité dispersée dont des
ressortissants étrangers résident dans plusieurs pays différents. L'intérêt
effectif dans une sociétépourra aussi résulter de la composition du
conseil d'administration. de la composition de la direction, lorsque, en574 BARCELONA TRACTION

majeure partie, il comprendra des étrangersqui exerceront une influence
décisivesur la société.
Néanmoins, le procédé le plussûr, indiscutablement, pour découvrir
lesintérêtseffectifsdansnnesociété-surtout unesociétécommerciale -
étrangers,cieurs participations financières. qui leur' domentt fapresque
toujours les pouvoirs nécessairespour mener comme ils l'entendent les
affaires de la-société.
Une ~ratioue semblable est bien établie aux Etats-Unis. Le mand
spécialiste américain de la protection diplomatique, ~orchard,~dans
The Dialornatic Protection of Citizens Abroad (ouvraee -ubAié à New
York ei 1925, p. 625) l'indique très nettement. '
Cette pratique, fortement ancrée aux Etats-Unis, a encore étécon-
firmée, en 1923, par une note du Département d'Etat à ses agents
auprès de la Commission mixte américano-mexicaine; il y est rappelé
que l'usage des Etats-Unis est de s'abstenir «d'appuyer diplomati-
quement les réclamations de sociétés américainesdans lesquelles il
n'y a pas d'intérêtsaméricainssubstantiels il.(Voyez dans cesens Hack-
worth, dans son Digest of International Law, vol. V, p. 839. D'autres
réferencessont donnéespar hl. Paul De Visscher dans l'ouvrage que je
vais citer.)
En effet, M.Paul De Visscher dans le cours qu'il a donné à l'Académie
de droit international de La Haye, en 1961, sur la protection diplomati-
que des personnes morales (Recueil des cours. vol. 1, 1961, p. 454).
signale que les recherches du professeur américain Clive Parr! l'ont
conduit à affirmer qu'il n'y a pas d'exemple d'Etat qui aurait réussi
ou mêmetentéde protéger une sociétésur la seulebasedel'incorporation.
de protection du Canada, soit la première exception. de quelques mesures
Monsieur le Président, Messieurs les juges, j'ai donc examiné le
contenu de la notion d'effectivitétel qu'il est appliquéaux sociétés.Je
vais m'attacher maintenant aux effets qu'entraîne son intervention
nécessairesur le plan diplomatique. Ceseffêtssont doubles.
D'abord l'absence démontréede tout lien effectif de rattachement
rendra inopposable sur le plan international la nationalité purement
juridique d une société.J'entends par iipurement juridique n «non
accompagnée d'établissement de valeurs économiques effectives».
En second lieu, la levéedu voile social aura pour effet précisément
de révélerl'intérêtéconomiquevéritable qui se tÎouve sous-jacent, sous
la nationalité purement juridique. C'est-à-dire principalement I'intérft,
comme je viens de vous~l'exp5ser. des actionnaires. Si ces actionnaires
s'avèrent être d'unenationalité autre que celle de la société,ils auront
tout naturellement, en vertu des princi es fondamentaux du droit
international, le droit d'êtreprotégéspar eur Etat national; protectioii
propre et indépendante de celle de la société.
Je dois insister sur un point essentiel: c'est que le second cffet du
principe de la recherche des intérêtseffectifs, c'est-à-dire la reconnais-
sance d'une protection propre qui peut êtreaccordéeaux actionn,aires,
la non-opposabilité de la nationalité purement juridique d'une sociétée
à des tiers.
En d'autres termes, il n'est pas, de l'avis du Gouvernemeiit belge.
nécessaireque la société ne puissepas êtreprotégéepar son Etat national PL.AIDOIRIE DE 31. SAUSER-HALL 575

à défaut de lien effectif, pour que puisse entrer en jeu la protection
de mouDesim~ortants d'actionnaires sur le ~lan international.
fionc'un mêmeacte illicite internationa~'~eut occasionner des inter-
ventions d'Etats différents agissant à des titres distincts. Il en sera
oarticulièremeut ainsi lorsoue ï'actc illicite atteint une oersonne morale
dont nous avons abondakment montré qu'elle n'a pas de caractère
unitaire et n'absorbe pas complétement la personnalité propre de-.
associés.
Cette question des interventions conjointes a déjà fait l'objet de
certains développements aux observations belges -. (1).-ara~-.phe 1...
pagC'est pourqoui le Gouvernement belge, à plusieurs reprises, a indiqué
dans ses observations qu'il n'estimait pas devoir. pour établir son jus
standi, son droit d'intervenir diplomatiquement en faveur des action-
naires, démontrer au préalable que le Canada n'avait pas en l'espèce
le droit de protéger la Barcelona Traction comme telle.
La Cour aura noté avec ouelle insistance au contraire notre honorable
~onrr;iilicttur. f~isaii~iiitid'nil1r.11:~l'iiit<~r\,rnti(Ir hl. l':igciit dii
Çoiivcriic.nient c.;p;ignols cspo..c'les intcrventioiii dii (;ou!.érncnient
canadien qui deCraTent, dan; leur esprit, avoir pour effet d'exclure
radicalement la Belgique de votre prétoire.
Nous avons déjà dit, Our notre part, dans nos observations, ce que
fut réellement l'action iplomatique du Canada, et nous avons montré
que celle-ci. cette action. si ella existépendant un peu plus de trois
ans, n'a pas étéune véritable action pour la protection de la société
dans son ensemble de la Barcelona Traction - et encore moins une
action pour la protection de ses actionnaires, de nationalité belge en
majorité - puisqu'elle a cessécomplétement, et ceci est très frappant,
au moment mémeoù était accompli l'acte qui consacrait le dépoiiille-
ment total de ces actionnaires. Ceci démontre que l'objection espagnole
est sur ce point mal fondée en fait. Elle est aussi mal fondéeeii droit.
je le répète,parce que, quand bien mêmele Canada aurait un intérêt
effectif dans la Barcelona Traction et aurait la faculté d'en excercer la
protection par la voie diplomatique internationale, aucun principe de
droit international ne Deut s'o~..ser à une action simultanée ou une
action conjointe (le 1'~iat clesactionn:rjres. Soiii n'entendons donc pas
nous déy:irtir tlçnotrc attitiidr l)ri&dente et tciitrr <Icproiivçi la Cour
I'abseiiced'un li<!ii1:ffectifi!ritrcIcC;irind13t13arcrliiria'îraciioii. Cw:i
une reconnaissance quelconque.tre part, ceci aussi je tiens à le préciser,
En conclusion, le Gouvernement belge estime qu'il y a lieu d'écarter
comme sans pertinence l'argument que la Partie adverse prétend tirer
de l'intervention que le Canada a eue dans l'affaire de la Barcelona
Traction.
En premier lieu cet argument doit êtreÉcartéparce que cette inter-
vention n'est pas un droit excluant celui de 1'Etat des actionnaires.
En deuxième lieu cette intervention doit êtreécartée parceque, en
fait,il est manifeste que cette intervention n'a jamais eu pour bit une
protection efficacedes intérêts desactionnaires de la société dépouillée,
ni mêmede la société comme telle.
J'abandonne ici cet examen en quelque sorte des effets négatifsde la
notion d'effectivitéparce que, comme je viens de le montrer, il ii'y a pas
lieu de chercher à l'appliquer dans notre cas.576 BARCELONA TRACTIOS
L'effet positif de l'intervention de la notion d'effectivitéétait, comme
je l'ai rappelé, de révélerl'intérêt véritable qui se trouve sous le voile
social, intérét qui sera le plus souvent celui d'un groupe important
d'actionnaires qui ont engagéleurs capitaux dans l'affaire et qui, s'ils
sont étrangers, sont susceptibles d'une protection diplomatique propre
par leur Etat national, ceci en vertu des principes générauxde droit
international.
Kous nous attacherons dans la partie suivante de notre exposé,
répondant aux développements de notre contradicteur sur ce point,
à montrer que l'examen de la pratique internationale ne révèle l'existence
d'aucune règle qui s'opposerait à l'application de ce principe. .4u con-
traire. cet examen nous révélerades cas aussi nombreux aue divers où
iresprincipt:' oiitCi&di1111l:iiit~ivoquéset appli~(uCscri fa\.eur 1lti.,I:t;it.,
aluiit le; ressorris;nnts L'taieiitactionn:iirc~dc sociCtCsICj2c.i.
L'analvse méthodiaue et strictement obiective aue nous avions faite
(1,:cc; pric6deiiti dnii; no. ul~irr\~atiuiiîaux ~*.\c~.ptiursrc'limiii~irr..
iic iioii;L Cvlrgii. les criti<,utcsdc.la I'artic ad\.crsc: on nous repro-
che d'avoik empio$ une méthode - je cite -: «consistant à essayer
d'iiadapter iiles faits à [nos] convenances et à citer des cas hors de
1>ropow~(IIp , . 231).pour nous accuser à la page suivante cd'une certaine
désinvolture n. Je dois dire que les reproches de ce genre ne sont pas de
ceux que ma longue pratique du droit m'a habitué à entendre.
La Cour jugera sur pièces, car ce serait abuser de sa patience que
de lui imposer, dans le seul but de répondre à des critiques de ce genre.
iiiinouvel examen détaillédes cas qui lui ont étélargement exposéspar
fcrit. Nous nous bornerons à répondre à certaines critiques qui nous
ont étéfaites à propos des cas mentionnés par notre honorable contra-
dicteur dans ses exposésdu 24 mars dernier.

Monsieur le Président, Messieurs les juges. dans nos observations aux
exceptions préliminaires espagnoles (1)nous avions consacréla première
partie de notre exposé (p. 125-127) sur les précédentsjuridictionnels
et arbitraus à l'examen d'une sériede cas citéspar les exceptions pré-
liminaires (1,p. 187.note 1)à l'appui de l'allégation espagnolesuivante
- que je cite:
idans la très grande majoritédes cas c'est excliisivement l'existence
d'un rattachenient juridique de nationalité qui a étérequis comme
condition de la facultéde protection diplomatique ait profit d'une
société n.

L'analyse à laquelle nous avons procédéde tous et chacun de ces cas
ré\.èleclairement qu'ils n'apportent en réalitéaucun argument à l'appui
de la thèse espagnole de la suffisance du seul lien juridique de ratta-
chement; et cela pour la raison bien simple que le problèmed'une absence
de concordance entre la nationalité juridique de lasociétéet lanationalité
des particuliersne s'yétaitpas posédu tout ou n'y avait pas étéinvoqué,
ou encore n'avait en rien influencéla décisionrendue.
Pour ces motifs, nous avions pu croire pouvoir les grouper sous le
titreCas d'associésel [lesociétédse même ~zationalité.
Xotre éminent contradicteur n'a pas manqué de relever, et je lui donne
rais011sur ce point s'il le désire,que c'àstort quenous avions fait rentrer
sous ce titre l'affaire de I'Agency of Canadian Cars and I'oundry, que
lui-inSme avait traitée en relation avec tous ces mémes précédents. PLAIDOIRIE DE JI. SAUSER-HALI. 577

Nous disions d'ailleurs nous-mêmesen l'abordant que ce cas concernait
une suiiïtt dc mtut ;imlrir:iin, dont tout Ic c:~l>it;il~apj>.irteiiaito .%,
: iiriiîuciCtGiii,?re<Irîtntiit c;in:idi~n.
Cett,. critiuue de notre ad\.crsnire, i>eriincntequniit ila ~1:~;siricatiuii
des cas, je le ;éptte,estsans importanëe réellecomme je vais le montrer,
et c'est la seule et unique critique qu'il peut formuler au cours de nom-
breuses pages de nos observations qui établissaient très clairement que
les huit précédents invoqués par leGouvernement défendeurne servaient
en aucune manièresa cause, quand ils n'étaient pas purement et simple-
ment sans signification aucune.
Je ne reparlerai donc ici que du cas de 1'Agencyof Canadian Cars and
Foundry puisque c'est le seul sur lequel mon éminent contradicteur a
cm devoir revenir pour cette espèceparticulière.,Je rappelle donc que
ce cas était invoquédans les exceptions prélimiiiaireset qu'il l'a encore
étéen plaidoirie par mon savant collèguede Rome à l'appui de la thèse
que le lien de rattachement juridique seul était suffisant pour conférer à
1'Etat national de la sociétéle droit de protégercelle-ci.
Mais Monsieur le Président, Messieurs les juges, c'est exactement la
solution contraire qui se dégagedu cas de I'Agcncyo/CanadianCarsand
Foundry. Faut-il vousrappeler qu'il s'agissait enj'afiairedela protection
par le Gouvernement des Etats-Unis d'une societéde statut américain.
alors que IOO % de sesactions étaient en main d'une sociétécanadienne.
Jusqu'ici cette donnée de fait paraît, à première vue, donner rais011 à
nos adversaires. Mais les exceptions préliminairesoubliaient dementioii-
ner let mon éminentcontradicteur n'a Dascomblécette lacune en plaidoi-
rie) deux points essentiels.
Premier point: le commissaire allemand (il,s'agissait d'une afiaire
rése enté àela Commisison mixte ~ermano-américainedesréclamations).
ie commissaire allemand, dis-je, gouleva une exception d'iyevabilic
pour la raison, précisément.que le capital-actions de la societé améri-
caine uroté~,ea~u..tenait à une sociétécanadienne et cela à IOO O/,.
l)tii'xii.msmciit:le point I I I 1 plus cs.ic.nticl tiiiori.. dis-le.
vit quc It.~iirnrbitrc ;c;irt:i cctte rscc.pIi,in<:<11rlut p;iiilit<iiiji.ircï
8111'i~unsidGrnoiic 1,;;~;itut ;iin~ri~.iiii l:i so;ictct:tit-~itIi..i~itIIU'II
ce plaça simplement au point de vue de la nationalité juridique, mais
parce qu'il estima que cette nationalité juridique,était confirméepar,un
lien d'efiectivitéqui existait en l'espècepar le fait que la sociétéameri-
caine avait son principal centred'activité aux Etats-Unis où elleoccupait
140 employés et 2000 ou\,riers et qu'en outre elle était occupée à la
fabricatioii des munitions et au'elle faisait donc une ceurre favorable
à la défensenationale.
La circonstance que le surarbitre ait estimédevoir prendre en consi-
dération ces intérèts économiaues américains pour reconnaître le 121s
suli I I G~II~~I~IIIIII :II:I, I r u 1 :il ny]i:irtiiit
itiine sociét<ixn~idieniie.proii\.,- à ,elIrsculc qii'i<>î!.FUS Ic irit;r<. du
liiu il'inic~iuor:itivivt;iiri~isiitfi;,inrIiuiir liisti1.1~~r<~t~.~ti inlli>-
matique; céqui est exactement l'opposéde ce que ie Gouvernement
défendeurveut tirer de cette sentence.
Aussi ne ueut-on réprimer iin sourire auand on voit notre honorable

arec ]:objectivitéla plus scrupuleuse et donner au coniraire ce cascomme57S BARCELOSA TRACTIOS

jurisprudence internationale. probitéintellectuelle dans l'étude de la
La Cour voudra me permettre dedireun mot ici de I'affaire El Triun/o,
bien qu'elle ait étéanalyséedéjà aux pages zor et 202 des exceptions
préliminaires(1) et aux pages 136 à 138 de nos observations (1). Nous y
avons relevé l'erreur manifeste du Gouvernement espagnol qui pré-
tendait auedanscette affaire- ie cit- ,aucune auestion de ~rotection
diplomat'ique ne se posa en fait'dans l'arbitrage inalors que la sentence
arbitrale contenait le passage suivant - ie cite:
-
<<Nousn'avons pas discuté la question du droit des Etats-Unis,
en vertu du droit international. de faire une réclamation pour
ces actionnaires dans I'El Triunfo Co.. corporation nationale du
Salvador, pour la raison que la question de ce droit est complète-
ment établie par les conclusions auxquelles est arrivé l'arbitrage
fréquemment citéet bien compris de la Delagoa Bay Railway Co. »
Notre éminent contradicteur ne commet plus la mêmeerreur. mais
pour minimiser l'importance du passage que ie viens de citer, il déclare
ne pas voir en cela peut nous ardei. Ji lui répondrai simplement
qu'il y a là une affirmation catégoriquedu droit de protection de 1'Etnt
des actionnaires, et pour le moment cela nous suffit.
Cherchant à éliminer par un autre moyen ce précédentgênant de
l'El Triunfo qui présente quant aux faits tant d'analogie avec le cas
qui est soumis à votre haute appréciation puisqu'il y avait, ici aussi, un
cas de mise en faillite tout à fait illégalde la sociétésalvadorègne El
Triu~tfo,dont une sociétéaméricaineet des citoyens américains étaient
les principaux actionnaires, mon contradicteur relève qu'il y avait donc
eu bel et bien dénide justice directà l'égarddes actionnaires étrangers.
Je ferai aussi remarquer en passant au professeur Ago que la société
El Trinnfo n'était pas une sociétéde personne.
Je ne m'attarderai pas non plus à rappeler les caractéristiques très
particulières de l'importante affaire Zial-Ben Kiran, à laquelle mon
éminentcollégue seréfèreaux pages 235 et 236, II, du compte rendu du
24 mars 1964.Je me permettrai encore une lois de renvoyer la Cour aux
explicatioiis détaillées quenous avons doiinées à ce sujet aux pages 139
et 141 de nos observations (1).
La Cour y verra que la réclamation que le Gouvernement britannique
avait présentée pour le compte d'un associébritannique dans une
association espagnole dotée de personnalité juridique, a étéécartée
non pas pour des raisons de compétence de jus standi mais pour des
raisons de fond. L'arbitre, l'éminent et regretté jurisconsulte Max
Huber, avait en effet, envertu du comproinis de la sentence prélimi-
naire. dite par lui rapport, qu'il avait étéchargé d'élaboreravant d'agir
comme arbitre. l'obligation d'entrer en matière avant de trancher la
question de recevabilité.
Dans ces conditions, on peut se demaiider ce qui permet à notre savant
contradicteur de voir danscette affaire un exemple de casoù ledommage
a étécausédirectement aux associéseux-mêmes.
Il est encore plus incompréhensible de constater que le professeur Ago
cite au mêmeendroit, comme autre exemple de dommage direct aux
actionnaires ou participants. celui de l'affaireCerrut6 Co. dans laquelle
cependant l'arbitre avait distinguéavec le plus grand soin, la plus grande
netteté. les indemnités accordées pour dommage à la propriétéperson- PLAIDOIRIE DE 81. SAUSER-HALL 579

nelle di1lésé et les indemnités à attribuer à cette mêmepersonne, à titre
d'associé. Nousavions déjà soulignécette distinction à la page 139de
110sobservations préliminaires (1).
Je me vois d'ailleurs obligéde faire la mêmeconstatation en ce qui
concerne I'affaire Spillane, où l'Etat des associésavait prétendu agir au
nom de la sociétéelle-mêmeet avait de ce chef étédébouté.
Encore une fois, sur quoi se fonde le professeur Ago pour dire que
dans cette affaire le dommage avait étécausé directement aux associés?
On ne le sait pas.
Quant à l'affaire Shideldt, citéeau mémeendroit et aux mêmes fins
par mon contradicteur, je ne comprends guère pourquoi c'est lui qui
a choisi d'en reparler ici, alors que les paroles prononcées parl'arbitre
vont tellement à l'encontre de l'esprit et de l'essencede lathèseespagnole.
Je me permettrai de les lui rappeler; il y est dit:

.Le droit international n'est Das liéDar le droit interne ou Dar
autre chose <lu<I;n ju;tii.r niiturellr.eil pcrroit iIcrriCreI;i
jiiridiqiie lei intérétsr;~.lî qui soiit en jru.

.\Ion éminentcollègue le professeur Ago se réfère ensuite à une série
de cas qrii auraient, suivant lui, éténégligéspar le mémoirebelge. Ces
affaires auraient toutes, suivant mon contradicteur, la particularité
que les tentatives de protection des actionnaires par un Etat iiational
auraierit étéreietées.
II c~~riimciicépar traitvr dt: I'afkiircA/so dnd Cu.. c.til remarque que
Ir.. I-t;its-Cnis se virent rcfuscr Ic droit te prutégcr Ieiir rt.s~orriîsarit
.issoci;.rl;iila sucicl,'cliiiieiinr. tnnr uii13 fllli!stion(ut traitéeen <irait.
II ne fut admis que lorsque la quest;on fut'soumise à l'arbitrage d'un
amiable compositeur.
Outre les considérations aue nous avons déià fait valoir dans nos
ol>;er\~:itioiis.je \.ouJr;~ii:oiiiignt:rquc diinCI>Eas,conime dans l'affaire
5p1//«1ii,iliciiililc.bierliirI;r6cl;imntion :litr't;1)rciscntha11nom de In
~,t:i;.t;.iliilieniterciiiiI'arbitrc résrrvit esinriisémt.iit les droit; cou';iii
titred<.la protcctioii ~lipluin:itique~~oiivaiciitavuir Ic r;il;iiiiriiit oii 1t.s
rl~lsiiinnts indi~~iclutll~~iiicnt.
'1ïllrc.;t du iiioinsl'inrervr?t;ition ciii'cndonneIcr>roic;jeurUntta~lini
a la page 306 de son ou&age La j~roierionedi&omatica deile ~oFietà.
En ce qui concerne l'affaire Bnnsch Ramer, ie ne puis que confirmer
ceaui est dit àce suiet dans les observations du-Gouvërnement belce ..(.).
page I ji.Jc voiidrais toutcfoii :ittirer 1':ittentionde iiion;minent collegue
tir Ii.fair qii'il ic troiiipc cumplércmentdans I'iiirrrprCt;itionqu'il donne
à l'affaire auand il veut o~..ier. aour servir sa thèse. le cas où la récla-
inntioii :iiikiit 61; adriiiic II<LI.ue. 1iiioci(:tCCt:iit liquidée,i celui i,ii
I:irt'.claiiii~tioi:itiiCh(.<:~-artl~1~:arcen<;Insoiiétén'&tait1)nsliqui<ll:<:.
Dans les deux cas. les réclamants étaiéntles liauidateurs d'une société
dissoute. Et cet élémentne joue aucun rôle dans'la décisionde l'arbitre
qui fut une foispositive et l'autre fois népative.La confusion commisepar
notre éminent contradicteur ne fait quë confirmer que ce cas n'est pas
clair comme nous l'avions ind'iqu4.
De l'affaire Kundhardt, également reprise par le professeur Ago, à
la page 237, II, du compte rendu du zq mars, nous ne retiendrons que
le fait que le droit de protection des actionnaires a étéreconnu dans le
cas d'une sociétédissoute.580 BARCELOSA TRACTION

Par contre, la référenceque mon honorécontradicteur fait immédia-
tement après à l'affaire des Pétroliersallemands aussi appelée affaire
de la DeutscheAnzerika?zischePelroleum Gesellschaft,me démontre qu'il
ne veut décidément Das, dans cette affaire. voir clair. 11s'aeissait dans
ce cas, pour le tribu;ial'spécial désigné à cet effet, et devant lequel la
Standard Oil Company était demanderesse, de savoir si cette société
pouvait êtreconsidkréecomme beneficialownerde certains bateaux qui
appartenaient à sa filiale, la Deutsche Amerikanische Petroleum Gesell-
schaft. 11s'agissait essentiellement d'un problème de droit privé, et la
question de laprotection diplomatique des actionnairesne fut pas abordée
du tout, elle ne pouvait d'ailleurs pas i'être.
Par contre, comme nous l'avons signalé,les démarchesqiii menèrent
à l'instauration de ce tribunal spécialsont un exemple de plus de la
pratique gouvernementale consistant pour un Etat à prendre fait et
cause pour ses ressortissants actionnaires.
L'affaire de ItOri?tocoSteamshiP Co., qui a déjà fait couler pas mal
d'encre entre les parties, est de nouveau commentée par le professeur
Ago, à la page 238. II. Selon lui -je citc:
<,nepouvant trouver dans l'opinion des arbitres et du surarbitre
le moindre appui pour son désird'y découvrir un .*percement dn
voile». la ~artie reauérante se console en ~rêtant à ces Derson-
nes des intentions de percement qu'elles auiaient eues tout in s'en
cachant aussi soigneusement que possible W.

La Cour voudra bien m'excuser si je suis un peu sensible à cette
accusation d'interprétation subjective ou d'interprétation sollicitée
d'une décisionarbitrale. Aussi voudrais-je lui rappeler que si je me suis
permis cette interprétation, c'est tout d'abord sur la base desdocuments
et parce qilc. Biiion avis. ccttv iiitcrpr6tatiot.31fondc'e.Je ni,. troii\.;ii.;
pour I':i<loptrrdais la très l>onilt:iompngiiic Je I'ririiiii:nt ~iiri;ci?it~iiltt.
Charles I)e i'iisclicr gui. &in, son oiivraxc I.ii pro/crfio~ii11~101~1~1liqi1~.
page 635, s'exprime dë la manière suivant;:

,<La Commission mixte ...pouvait-elle considérer le Gouverne-
ment de Washington comme qiialifié pour prêter soli appui en
faveur du recouvrement de ces réclamations? A s'eritenir à la seule
considérationde la personnalité et de la nationalité de la société,la
réponse négative s'imposait ... Le surarbitre refusa de s'engager
danscette voie: s~a~ ~chan~ ~à la ~ ~ ~nalité réelledes vrais intéressés
qui n'avaient jamais cesséd'êtreAméricains,il rejeta le déclinatoire
d'incompétenceproposépar le Gouvernement \,énézuélien ,.

J'ai à dessein laissépour la fiii ma réponse aux coniint!iiicatioiis
que fait le professeur Ago sur le cas de la DelagoaBay, dont le Gouverne-
ment belge a souligné avec insistance toute l'importance et toute la
portée en ce qui concerne la pleine mise eu lumière de la règlede droit
international sur la protection des actionnaires d'une sociétéétrangère
victime d'actes illicites.
En terminant cette ~artie et avant de commencer i'aiialvse du cas de
la Delagoa Bay je veix pourtant attirer votre attention: 3lonsieur le
I'rbident et Messieursde la Cour. sur le petit ieu de massacre auquel s'est
complu, surtout dans la procédure écrite,le-Gouvernement cspagnol en
démolissant par la critique certains jugements et en s'amusant à les PLAIDOIRIE DE hl. SAUSER-HALL 581

reconstituer isa guise. C'est véritablement un jeu qui. dans une affaire
de l'importance de la Barcelona Traction, nous parait un peu enfantin.

[Audience &bliyue <lu20 avril 1964, malin]

Xlonsieurle Président,Messieursde la Cour,dans ma dernièreplaidoirie
de vendredi, je vous ai donc exposéla tlièse espagnole avec les réfuta-
tions qu'elle entraîne, la thèse belge. et j'ai déjà abordéla dernièrepartie
de ma plaidoirie sur la protection des actionnaires. A la fin de ma plai-
doirie, je vous avais annoncéque je vous dirai quelques mots de l'affaire
de la Delagoa Bay Railway Co., que je mentionnerai brevilalis causa
durant ma plaidoirie du nom de: affaire de la DelagoaBay. J'y ai consacré
une attention toute particulière parce que cette affaire constitue un
jaloii particulièrement important dans l'évolutiondu droit international.
en m;~tiérede protection diplomatique des sociétéset de leurs action-
naires.
C'est I;Lraison Dour laauelle. n'en dé~laise à mon très honorable

Agol'aconsidérée commeune décisionun peu vieillotte (c'est~'éx~ression
qu'il n reprise); il l'a traitée un peu coinme une vieille dame, qu'il faut
envisager a\-ec condescendance sans doute, mais dont il falit surtout
se garder de lever le voile. Je m'abstiendrai de tout exposé exhaustif
des faits. Ils sont assez connris et sont relatés tout au long des observa-
tions et conclusions belges.
Alon propos présent vise uniquement à répondre aux critiques qu'à
tort, :Lmon avis, le Gouveriiement déferideur d'abord, et son i-minent
conseil le professeur Ago ensuite, nous ont adressées à ce sujet dans le
dessein de montrer à la Cour que noiis lui a\;ions mal présenté le cas,
et <luenoiisprétendrioiisen tirerdes conclusions manifestement abusives.
Soucieiis d'écarterce précédent,qui constitue un exemple caractérisé
de protection diplomatique des actionnaires, mon éminent contradicteiir
a répété devant vous ce qui se trouvait d'ailleurs déjà dans les excep-
tions priliiiiinaires de 1965, page 201. à sai.oir que -je cite:
m...les Gouvernements américain et bsitannique n'intervenaient
iii l'un ni l'autre en faveur d'actionnaires d'une sociétéétrangPre,
mais au contraire, l'un et l'autre, pour la protection d'une personne
physique ou morale, possédant leur nationalité et ayant subi uii
prïjudice direct du fait de l'action du Gouvernement portugais.
On lie peut rien objecter [ajoute-t-ià]l'exactitude de cette consta-
tation.t(Compte rendu du 24 mars. II, p. 234.)

Blais, Monsieur le Présiderit,Messieurs les juges, nous devons précisé-
ment objecter à cette «constatation » tout simplement qu'elle est eii
contradiçtion manifeste avec les faits dela cause.
D'apres le protocole du 13 juin 1891. qui contient le compromis
arbitral, le tribunal arbitral était chargé je cite:
.de fixer, comme il jugera le plus juste, le montant de la compen-
sation due par le Gouvernement portugais aux ayants-droit des
deux autres pays par suite de la rescision de la concession du cheminj82 BARCELOSA TRACTIOS

de fer de Lourenço alarquès et de la prise de possession de ce ctiemiii
de fer par le Gouvernement portugais n.

Cette concession, ce chemin de fer, &taient la propriété de la société
portz~gaise. Ceci n'a jamais étécontesté entre les parties et si, dans une
note diplomatique, qui a étécitée par mon éminent contradicteiir. le
Gouvernement britannique a déclaré - je cite: uque la Ligneet les
matériaux appartenaient à la sociétéanglaisen, ce point a étérectifié
par les arbitres qui ontdit que «c'est elleseule [lacompagnie portugaise]
qui était en relations contractuelles avec I'Etat défendeur et que c'est
elle qui a étédépossédée 1).
Le Gouvernement portugais d'ailleurs ne s'est pas fait faute de le
relever dans la correspondance diplomatique et aussi dans ses conclusioiis
devant les arbitres; ceux-ci les rapportent de la manière sui\.ante - je
cite:
aOr [dit le Gouvernement portugais], comme concessionnaire du
contrat du 26 mai 1884 pour la construction du chemin de fer, la
compa.n.. anglai.. n'avait ni droit ni obligation vi..à-vis dii
Gouvcrneiiitiit portu#ais. C~III 11'laninii trait. :i\.t.tllc,ci c<,inni<:
nctionn~irt.ou cr<';~nr,iC ret.1.1ioiii~~;igrportug.ii;c. t~IIrit~OU\:III
ctrc reprCsrntécdiin; ii'iniporte quel litigr :ivcc le Guu\~criieiii~:iit
porrug;iis cuncernniit l'csicutioii dc In conces,ion p.ir I'ciitrcmic
Jc la mcrne co~ii~~;<fiip li'.tilgnix. .>

Cc ii'est donc pai i titre de ~>ropriCt;iircdirect que le D<.lagonIj:iy
ctait protc~eepûr le(;oiivcrnemcnt britanniuue, maisi titred'actioiinnirt:
.,
Avantd'abandonner l'aspect britannique de laréclamation,je voudrais
relever une autre accusation de mon éminentcontradicteurqui déclare -
je cite sespropres termes:
.C'est Dure fantaisie de dire ...aue le Gouvernement britannique
intervena'it pour la protection des 'actionnaires anglais de la socikté
britannique qui, à son tour, contrôlait la compa~nie portugaise;
le Gouvërnement britannique agissait en tant qiie protecteur de
la société anglaise DelagoaBay ...»

Si mon éminent contradicteur s'était donné la peine de vérifier les
conclusions des parties dans cette affaire. notamment elles sont repro-
duites dans le jugement arbitral. et entre autres les conclusions de la
partie britannique, il aurait vu que le Gouvernement britannique y a
distingué les dommages causésaux obligataires de la Delagoa Ray et
qu'il ne réclamait pas pour ces deux catégories d'intéresséslarantdes indernni-
tés distinctes, attendu ue selon lui l'indemnité était due uniquement
à la compagnie ~ela~oa(Slay. Pourquoi des lors le Couvernement britan-
nique faisait-il cette distinction? C'est parce que.en définitive,il n'allait
pas réclamerau bénéficede la Delagoa Bay l'intégralitéde l'indemnité.
mais seulement la uartie de cette indemnité revenant aux obligataires
aiigl:iis de la I)clagu;i I3.i~.et ceIl,: rcveiiaiit atix 3ctionii;iirc.saiigl:ii?
qui pujséd:iicnt Ics 22.000 iistioiii dc12 Delagoa. et qui ii'i:t;~i~.nt:ii<:II
inaiii <le \lai\lurdo. Si doni; Ic.Gou\~crnemcnt hrit:inniaue. d:~iij1'inrL.-
rêt dela compagnie. avait intenté cette action, cette aciion était néai?-
moins limitée à la part d'intérêt quirevenait aux actionnaires anglais PLAIDOIRIE DE 31.SAUSER-HALL 5S3

de celle-ci. Ceci résulte aussà l'évidencedes conclusions de la partie
britannique telles qu'elles sont relatéespar les arbitres eux-mêmesdans
le texte final de la sentence du tribunal arbitral de la Delagoa.
Je passe maintenant à la position prise par les Etats-Unis. Cette
~ositioii elle aussi, elle est définiedans la sentence arbitrale Darréférence
nement américainsont citées commesuit:ain;ces conc~nsioRsdu Gou\,er-

iiCe qu'on demande au tribunal arbitral de déterminer, c'est le
montant de la compensation due. non pas à la sociétéportugaise.
nià la compagnie anglaise, mais à des prétendants ayant un rap-
port moins direct avec le Gouvernement portugais, c'est-à-dire
les actionnaires et obligationnaires [le mot est employé]de la com-
pagnie anglaise, et que ce sont ceux-ci les véritables demandeurs,
dont une partie- ceux de nationalité analaise- sont re~résentés.
à titre de pure convenance pour les obyets du présentarbitrage,
par la compagnie Delagoa Bay & East Afnca Railway Co. Ltd. 8

Et s'il fallait une preuve de plus. on la trouverait dans le fait que
le Gouveinement américainréclamait mêmeune indemnité particulière
eu égard à la valeur spéciale qu'ilfallait, selon lui et les demandes de
sa ressortissante, Mm"MacMnrdo.attribuer aux actions de la compagnie
analaise a~oartenant à MmeMacMurdo. en raison du ouv voirdit de
contrôle qii y était attachépar le fait que 25.000 de cesactions étaient
réunies eii une seule main et conféraientà leur propriétaire la majorité
dans la aestion de la com~.m-e. II ne fut d'ailleurs as donnésuite h
cette reqÜêteparticulière.
Je mentionnerai simplement en passant aussi que les prétendus droits
directs aue MacMurdo aurait. au dire de la ~artie adverse. conservé
dans la Concession et sur lesquels le Gouveriement amériiain aurait
du Gouvernement américain et qu'elles n'ont pas étérapportées pars
les arbitres qui n'en ont aucunement tenu compte dans leur décision.
Je m'excuse, Monsieur le Président. Messieurs, d'avoir dû vous en-
traîner dans tous ces détails. mais il n'était pas tolérable de laisser
subsister une équivoque quelconque, artificiellement suscitée par la
Partie adverse. au sujet d'un cas qui est particulièrement clair.
Ainsi donc, Monsieur le Président. Messieurs les iuaes. dans cet
arbitrage, tel qu'ilapparaàtla lecture des actes eux-mêmes,l'eGouverne-
ment américainagissait pour la protection de son ressortissant actioii-
naire et obli~ataire d'une com~aanie britanniaue existante et non
dissoute. an disque conjointeménf avec ce gou;ernement, le Gouver-
nement britannique agissait, mais à concurrence des seuls intérêts des
ressortissants britanniques actionnaireset obligataires, pour la protec-
tion de la méme compagnie anglaise. elle-mêmeactionnaire d'une
société portugaisenon dissoute, mais ipratiquement éteinte iiLa com-
pagnie portugaise était la seule à avoir fait l'objet d'actes internatio-
nalement illicites sur lesquels se bawit la réclamation des gouverne-
ments demandeurs.
Voilà, hlessieurs, le précédentdont mon honorable contradicteur vous
a déclaré:.Absolument aucune déduction favorable aux prétentions
des actionnaires belges ne peut étre tiréede ce [qu'ia qualifiéuii] soi-
disant précédent.»5S4 BARCELOSA TRACTION
Je pense que les actes, documents, citations que je vous ai faites
parlent d'eux-mêmes.
Monsieur le l'résident. Messieurs les iucres,avant d'aborder les con-
clusions que l'on peut tirer de I'ensemblëdes précédents invoquésen
sens divers par les Parties, ce qui constituera la demiisre partie de mon
es~osé. ie voudrais. arec la uermission de la Cour. me référer briève-

ment iix commentaires quemon éminent contradicteur a consacrés à
deux autres passages des observations belges. savoir les précédents
gouvernementjux ët ensuite les enseignements que l'on peut trouver
du droit international conventionnel.
En ce qui concerne les précédents gouvernementaux auxquels le
Gouvernement belge a consacré les pages 156 à 164 de ses observa-
tions (I), mon honorable contradicteur fait essentiellerneiit deus remar-
ques.
II constate d'abord que I'attitude des gouvernements diffère selon
que 1'Etat qu'ils représentent fait des investissements ou, au contraire,
qu'il en reçoit.ll relèveensuite que mêmeles gouvernements demandeurs
ont toujours considéréque leur intervention devait étre strictement
limitée par la double condition que la sociétéavait la nationalité de
1'Etat auteur du préjudice, c'est-à-dire que la sociétéétait endommagée
par les actes mêmesde son Etat national et ensuite que la sociétéavait
cesséd'exister. En véritétout, dans ce domaine, est question d'espèce.
II n'est pas niable que les gouvernements ont modifiéet modeléleur
attitude suivaiit les nécessitéset les conditions particulières des cas
qui se présentaient. Ils ont tout naturellement toujours tenu compte
du meilleur intérèt de leurs ressortissants lésés.
1.a grande et notoire évolution qui s'est produite dans le droit inter-
national moderne en faveur de la protection diplomatique des action-
naires n'a certes pas étérectiligne; on n'est pas eii présence d'une
évolution absolument réeuliere: cela était dans la nature des choses:
IIy :L <It3jIiC;i~aiioi~sil Y it:u<lesrt;~uiir< ,iiip<,iiirq~ieceiIc C~~oli11ioin
~l.:ilitrc t:unsl(li>r~c,.oinnii. >~OII~SII~\~:IIvilcor,. (1%1-b5 jnllr~.
IIn'i;t 11"s(liniciluclcrvIv\.,r <I;iiiIc5~1;claintioiisJ'iin &uiivcriieiiiIII,
<l.iri.iiis:ij <I<inii.rlc ob+-rvntii,iis qui ni. concoi<-1t:ii1r1:i;.\et:cc.llci
ilti'ia 1.iitr.sd:ns dc, CL: ~iilrcri~.ii~J.arcsci~ipl~d~;iiii.I'afiairï ?'/iihr~ulil.~

Co., aux déclarations du Gou\~ernement britannique que nous avons
rappelées dans nos observations et conclusions et que notre éminent
contradicteur a également rappeléesen plaidoirie, oii peut comparer
la position du Gouvernement britannique dans d'autres affaires.
Dans l'affaire îlahzialilo Co., société mexicainequi avait eu à souffrir
de certaines mesures prises par les autorités mexicaines, le Gouverne-
ment britanniqueintervint alors que la société n'étaitniilleinent dissoute.
II n'a apport6 à son intervention aucune restriction sur ce point et il
tut d'ailleurs encourqé à cet effet par le Département d'Etat des
Etats-Unis qui intervint conjointement avec le Gouvernement britan-
nique dans cette affaire.
11n'a jamais étédails les intentions du Gouvernemerit belge de soute-
ni: que ces pratiques gouvernementales auraient définitivement fixé
l'état du droit; son but était exclusivement de démontrer que I'attitude
qu'il adopte dans l'affaire de la BarcelonaTractio)lse situe dans la ligne
d'une pratique bien établie, qui consiste pour les Etats dont les ressor-
tissants sont actionnaires de sociétés étrangèree st qui se trouvent lésés,
à intervenir en leur faveur par la voie diplomatique. La position du PLBlDOIRIE DE 31. SAUSER-HALL 585

Gouvernement belge n'a donc aucun caractère extraordinaire; elle n'a
pas ce caractère presque révolutionnaire que le Gouvernement défendeur
allègue.
Pour en finir avec les pratiques gouvernementales, je prends acte
avec satisfaction de ce que notre éminent contradicteur veut bien
reconnaître que la pratique de certains Etats, q~refusent leur protection
diplomatique- aux sociétésdans lesquelles n'est investi aucun intérêt
national est conforme à une exigence de l'ordre juridique international
et qu'elle tendà s'affirmer, autrement dit il faut, et on le demande de
plus en plus, qu'un lien juridique de la nationalité soit doublé d'un
minimum d'effectivité pour qu'un Etat puisse agir en faveur d'une
société nationale.Sans doute mon éminent contradicteur nous reproche-
t-il, immédiatement après, de considérer que ce refus de protection
diplomatique des actionnaires par leur Etatnational légitimerait l'inter-,
vention diplomatique des autres Etats. Nous avons déià démontré à
la Cour ce n'esi pas du tout la these belge, nous y reGiendrons dans
quelques instants.
En ce qui concerne l'évocationpar la Belgique du droit international
conventioiinel, les critiques de noire éminefitadversaire se font encore
plus superficielles. Je rappellerai simplemenàla Cour que le Gouvtrne-
ment belge, aux pages 164 et suivantes de ses observations (1),avait
exuosécomment la nécessitéde dévelouner. à certains moments. mêmede

avait déterminénon seulement une évolution profonde de la jûrispru-
dence et de la pratique diplomatiques, mais avait aussi profondément
marqué le droit international conventionnel. Cette nécessitéavait,
disions-nous, entrainéa la fin de deux guerres mondiales la conclusion
de conventions visant à l'indemnisation des intérêtsétrangers atteints
par des mesures de guerre oii encore à la conclusion de traités d'éta-
blissement ou de commerce contenant des disuositions suécialessur la
protection des placements à l'étranger. Nous nous étion; alors attaché
à démontrer les multiples cas où les Etats contractants furent amenés,
pour respecter les exigences de la réalitéà rechercher derrière ces cons-
tructions juridiques du droit interne les véritablesintérêtsàiridemniser
ou àsauvegarder.
Nous avons conclu de cet exposéaue la fréauence de sti~ulations de
ce genre dans les traités et conGentions pendait une périodéqui couvre
actuellement plus d'un demi-siècle, permettait de considérer qu'on se
trouvait en présence d'un nouvel ekemble de règles coutumi&res, et
nous avions invoquk, quant à la formation de ces coutumes, l'autorité
de la Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire de la
Conzmission internationale de I'Oder,ainsi que celle de l'éminentauteur
Charles De Visscher. A ces autorités le professeur Ago s'est borné à
opposer l'opinion d'un rédacteur d'une note diplomatique britannique
dans l'affairede laRomano-Americanu (voir II. o. ZAA~.
Notre éminent contradicteur nous ;eprochê d'adbir mentionné Ics
traités d'établissement ou de commerce pour les oublier immédiatement
après quand il s'agissait de donner des-exemples concrets: alors, nous
dit-il, que ces trait& auraient étéles seuàsavoir un rapport quelconque
avec la matière envisagée. le re~rette de signaler au professeur Ago
que s'il avait lu attenthement la-& "e 17. dénos observations et con-
ciusions (I), il y aurait trouvé, au paragraphe 168,un renvoà une étude5s6 BARCELOSA TRACTIOS

consacrée à cette catégorie spécialede conventions par le juriste français
Daniel Vignes, dans l'ouvrage intitulé La personnalitémwale et ses
limites. Nous avons cm pouvoir ainsi abréger quelque peu notre exposé
qui était déjà très long. Je ne compte certes pas entrer ici dans les
détails. le ne voudrais pas imposer A.la Cour une énumérationvéri-
tablement fastidieuse dé trait&, car ils sont très nombreux. Je me
bornerai à indiquer certains d'entre eux visant A assurer aux sociétés
constituées dani l'un des Etats contractants. Dar des personnes de
l'aiitrq:Etat contr;iciant. L.ert<i,araniicj de traitement. h cct 'fiit,
ccs tr~it6s font intervenir de; iiorionj comme celles de sociL:tC:csuti~r«li.ci
par les ressortissants de l'autre Etat. (Ce sont les termes employésdans
le traité d'amitié,de commerce et de navigation du 2 février1948 entre
les Etats-Unis et l'Italie.) On emploie aussi les termes de sociétésoù
les ressortissants de l'autre Etat ont des intérêtsredominants ou des
intérétssrrbstantiels(termes employésdans le ~raiié d'amitié, de com-
merce et de développementéconomiqueentre les Etats-Unis et l'Umpay
du 23 novembre igqg); on renconire aussi l'expression <<sociéta éont
la majorité appartient A des ressortissants de l'autre Etat u (c'est la
formule de la Convention judiciaire entre la France et la Tunisie du
O mai 10~7) OU encore celle d'sentrewises contrôlées directement ou
&idirect&&t par des ressortissants dél'autre Etat» (accord entre les
EtaToutes ces conventiins, est-il'besoin dé'le relever. supposent pour
leur application précisémentla levéedu voile social pour rechercher et
découvrirles véritablesintéressés.
Une autre critique. bien peu compréhensible,de notre honorécontra-
dicteur consiste à relever que dans certaines des con\~entionsd'indem-
nisation la levéedu voile social avait pour but d'exclure de l'indemnité
la part du capital des sociétésqui était la propriétéde l'auteur du dom-
mage. Je regrette de devoir faire remarquer au professeur Ago que ce
cas-là aussi est un exemple établissant que le droit conventionnel ne
s'arrétepas à la personnalité morale de la société commes'il s'agissait
d'un bloc d'une seule pièce, mais distingueà quelque fin que ce soit les
parts contributives des membres de la société.
Mon éminent contradicteur estime qu'on ne peut pas établir une
règle coutumière en se basant sur des traités de paix, de nationalisa-
tion, bref du genre de ceux auxquels j'ai fait allusion tout à l'heure
Darce ou'ils visent des circonstances tout à fait ~articulières. le dois
iuifair; remarquer à cet égardd'abord que, comme;e viens de l'i<diquer.
ie me fonde aussi sur de nombreux traités d'établissementet de commer-
Ce.et ensuite sur ce aue dans le monde actuel c'est ~récisément à l'oc-
casion des guerres et 'desnationalisations que le pro61èmede la protec-
tion des actionnaires a pris toute son acuité. Le cas de la Barcelona
Traction a, dans le cas dénotre époque,un caractère absolument excep-
tionnel.
Alonsieur le Président, Messieurs les juges, il me reste maintenant
à aborder la partie principale de mon exposé. Elle consisteà voir si les
enseignements qui se dégagent des précédentsque nous avons analysés
de part et d'autre, tant dans la procédure écriteque devant vous, per-
mettent de dégagerune règlede droit des gens qui s'oppose à ce que la
Belgique assume, comme elle le fait danslaprésenteaction, la protection
de ses ressortissants actionnaires d'une sociétécanadienne, la Barcelona
Traction. PLAIDOIRIE DE &l. SAUSER-HALL 587
Je commencerai par indiquer sommairement à la Cour les conclusioiis
généralesqui dérivent de ces divers cas.J'examinerai ensuite, pour les
réfuter, les conséquences et la portée que la Partie adverse prétend
leur attribuer et je démontrerai en conclusion que le Gouvernement

défendeur est dans l'impossibilitétotale, dans l'incapacité absolue d'éta-
blir l'existence d'une règle de droit international quivous obligerait, en
la présente espèce, d'exclure la Belgique du prétoire.
La première conclusion à tirer de cet exposé complet de toute l'analyse
des précédents est la suivante: le droit d'un Etat d'assumer la protec-
tion de ses ressortissants qui sont actionnaires ou qui sont associésdans
des sociétésétrangères,elles-mêmesvictimes d'actes internationalement
illicites, a étéreconnu dans les cas suivants soumis à l'arbitrage. Nous
pouvons invoquer ici: l'affaireRuden (observations et conclusions belges,
p. 129). l'affaire del'El Triunfo Co. (observations belges. 1, p. 136).
l'affaireCerrutiC Co.(observations belges, 1,p. 138).l'affaireShufeldtCo.
(observations belges, 1, p. 141, l'affaireKundhardt C Co. (observations
belges, 1, p.153).
Une place à part doit êtrefaite au cas de la Delagoa Bay où, par
accord entre les trois gouvernements intéressés, l'affairea étésoumise,
ainsi que vous le savez, à un arbitrage. Dans cet arbitrage, I'Etat ame-
ricain défendait, ainsi que nous l'avons établi tout à l'heure, les droits
de sesressortissants actionnaires et obligataires d'une sociétébritannique
quin'avait étélésée que parce qu'une sociétéportugaise dont elle détenait
toutes les actions avait fait l'objet d'actes internationalement illicites
de la part du Gouvernement portugais. Dans cette mêmeinstance arbi-
trale, le Gouvernement britannique défendait donc la société anglaise,
et cela à concurrence seulement des droits des actionnaires et obliga-
taires britanniques dans cette société.Il y avait donc action conjointe
et simultaiiée de 1'Etat national des actionnaires de la sociétébritannique
et de l'Etat national du principal actionnaire de cette société;la société
n'avait pas le statut de I'Etat auteur du dommage.
Deuxième conclusion à tirer de ces précédents: aucune des décisions
citéespar le Gouvernement défendeur (voir ses exceptions préliminaires
de 1963,I, p.187, note 1)aux fins d'établir qu'à lui seulle lien de rattache-
ment juridique d'une sociétéà un Etat serait suffisant pour permettre
à cet Etat d'assumer la protection diplomatique de la société nepeut
être invoquéeà l'appui d'une telle thèse. Aucune de ces décisions ne la
supporte d'une façon catégorique.
Je me réfèreaux affaires suivantes qui sont donc celles invoquées
par le Gouvernement défendeur: affaire Star and Herald, où les associés
avaient la meme nationalité que la société;le cas n'est donc pas perti-
nent; il n'y a pas de conflit entre deux sociétés;affaires Stirling et
Rosario Nitrate Co., où la question de la nationalité des actionnaires
n'était pas sérieusement contestée - elle a étésoulevéeàtitre purement
hypothétique -; les affaires Flack, Madera Company et Interoceanic
Railway of Mexico. où la nationalité des actionnaires ne fut pas même
évoquée;affaire de la Compagnie générale des Eaux de Caracas, où la
nationalité belge de la sociéténe futpas contestée;affaire de lCompagnie
consignataire du Guano: ici il s'agissait d'un arbitrage privé et non pas
d'un arbitrage entre Etats, aucune esphce de confit sur le jus standi,
de controverse sur la qualité pour agir n'a pu se poser; affaire l'orinoco
SteamshiP Co., sur laquelle nous avons déjà suffisamment donné
de renseignements, et affaire de 1'Agencyof Canadian Car and Foundry 586 BARCELOSA TRACTIOS

Co., à laquelle je me suis référédans ma plaidoirie de vendredi der-
nier.
A cet égardtoutefois. je crois qu'il est de mon devoir envers la Cour,
ayant relu entre-temps la décisionrendue, de corriger ce qu'avait de trop
absolu l'appréciation que je vous en avais donnée. Si dans cette affaire
différentseléments de fait se rattachant à la notion d'effectivitéet de
contrble ont étéinvoquéset ont étéexaminés,la décisionde l'arbitre ne
peut êtreinvoquée commeétant une preuve de l'insuffisance du critère
de l'incorporation. Ce précédent, qui se rapporte à ilne affaire très
spécialeen relation avec des dommages de guerre, ne peut etre, à mon
avis, considéré commen'appu..nt.ni l'une ni l'autre des theses des
I'arties.
Troisième conclusion à tirer de l'examen de ces précédents:aucune
des décisionsarbitrales citéespar la Partie défenderesse comme ayant
écartéle jus staitdi de I'Etat national des actionnaires ou des associés
ne eut être considérée commeconcluante.
Jans I'affaireJacob M. Henriguez Co. (observations belges. 1,p. 151)
l'arbitreconstata simplement que les Pays-Bas n'avaient fourni de preuve
suffisante, pour étayer leur demande, ni au sujet du pillage de la société
Jacob hl. Hernandez ni au sujet de la nationalité des autres associés,
fondéesur la nationalité vénézuéliennecede cette société. le Venezuela,
Dans I'affaire Brewer Moller Co.. il n'y avait mème pas en cause de
sociétédotée de personnalité juridique. Aucune question de jus slandi
de I'Etat national des associéset des actionnaires ne pouvait donc se
poser.
Et dans l'affaire Bausch-Romer, nous avons montré que les particu-
larités de ce précédent,ses contradictions, la très faible participation
des ressortissaiits néerlandais dans la société vénézuélienn enlevaient
toute signification généraleà ce cas.
Nous ne sommes pas seuls de cet avis ;hlervyn Jories. dansson étude
si fréquemment citéeet si appréciéeClaims on behnlf of nationals who
,are shareholdersin foreign companies (British Yearbook 1949, p. 245)
déclareà propos de cette affaire Baasch-Ramer: rThis decision presents
some puzzling features. 1)
Cette décisioncontient des traits particulièrement étranges.
L'affaire de la Deutsche Amerikanische Petroleum Gesellschaft déjà
analysée précédemment ne poseaucune question de jus standi, et dans
l'affaire Ziat-Ben Kiran décidéepar le grand jurisconsulte suisse hfax
Huber, le fond fut abordé conformément à un rapport spécial qu'il
avait dresséà ce sujet et qui avait étéapprouvépar les deux gouverne-
ments, avant que la question du jus standi ne fût tranchée.
11reste enfin I'affairedeI'Alsopdans laquelle le jus slandi du Gouver-
nement américain ne fut pas reconnu, mais il n'est pas certain que ce fut
parce que l'action avait étéprésentée pourle compte de la société chi-
lienne elle-même.La réclamation fut rejetée withoz~tprejzcdiceen réser-
vant tous autres droits. D'autre part, lorsque I'affaire fut soumiseà un
amiable compositeur, le Gouvernement des Etats-Unis obtint gain de
cause bien que le Chili eût ànouveau soulevéune exception fondéesur
l'absence de jus standi du Gouvernement américain.
11est certainement impossible de dégagerd'aucun des cas que je viens
de citer une rhgle de droit international qui s'imposeraitàla Cour pour PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 5S9

écarter l'action du Gouvernement belge dans cette affaire à raison d'un
prétendu Inanque de jus standi.
Monsieur le Président et Messieurs, en présencede ce résultat très peu
satisfaisant pour sa thèse de l'examen des précédentsjudiciaires invo-
qués par lui, le Gouvernement défendeur va s'efforcer de dégagerune
rkgle généralequi s'opposerait au droit de la Belgique de défendre ses
nationaux actionnaires 'dela Barcelona Traction.
A cette fin, ilse bornera à prétendre que dans tous les cas où une
réclamation de 1'Etat national des actionnaires a étéadmise se trou-
vaient réuniesdeux circonstances. La première de ces circonstances est
du dommage, donc d'actes dommageables contraires aux principes dutat auteur
droit des gens dirigéspar un Etat contre ses propres sociétés;etla deu-
xihme circonstance c'est que, pour que l'action des actionnaires puisse
êtrerecevable, il fallaitque cette sociétése trouvât dissoute en fait on en
droit. IIa eiicore aiouté que dans plusieurs cas il s'a~issait de sociétés,
de personnes ou encore d*'atteintes'directes aux droirs des actionnaires,
considérés commedes droits distincts de ceux de la société.
Avant d'examiner avec un peu plus de détails ces diverses circons-
tances dont nos adversaires veulent déduire des rkgles restrictives du
droit de la protection des actionnaires par leur Etat national, je voudrais
faire quelques commentaires sur le manque de rigueur de mon éminent
contradicteur dans l'établissement de ses constatations et déductions.
Je commencerai par faire remarquer à LaCour que la Partie adverse
a tort de généraliser.En effet. en ce qui concerne la nationalité de la
société,nous avons vu que dans le cas de la Delagoa Bay, le Gouverne-
ment américain était intervenu dans un arbitrage pour présenter une
réclamation uour son ressortissant. actionnaire d'une sociétéandaise,
sociétéqui n'avait donc pas la nationalité de 1'Etat auteurdu domhage.
En ce qiii concerne la deuxième circonstance, celle relativeà la disso-
lution de-la société,je ferai remarquer à mon éminent contradicteur
que la sociétévictime du dommage n'était dissoute ni dans l'affaire
Ruden, ni dans l'affaire El Triunfo, ni dans l'affaire Cerrutti, ni dans
l'affairehufeldt. Dans l'affaireShufeldt, la question s'est poséede savoir
laquelle de deux sociétésqui avaient étésuccessivement crééespar Shu-
feldt était encore en vie, et cette question fut expressément écartée
par l'arbitre qui la considéra commeirrelevante, parce que ce qui était
en ieu. ce oui était discuté.ce n'était nas les intérêts dela société.mais
les intérêtsde Shufeldt dans la société:
Dans l'affaire de la Deia~oaBay, la sociétén'était pas formellement
dissoute et le Gouvernemen? nortueais ne manaiia Das;le se orévaloirde
cette circonstance. Le gou;erne&ent demaide& avait ;implement
,l..gué qu'elleétait @racticallydefunct, c'est-à-dire disparue, éteinte en
rait.
Je sais que mon éminentcontradicteur fait à cet égardune distinction
suivant qu'il s'a~it de sociétésde personnes ou de sociétésanonymes,
mais cetie distinction me paraît <ans fondement du moment que la
sociétéde personnes, disons plutôt dèsl'instant où la sociétéde personnes
a aussi une personnalité juridique. Le carathe plus ou moins limite
de la reponsabilité personnelle de l'associéne change en tout cas rien
Ala nature directe ou indirecte du dommage qui lui est causé.
Quant à la circonstance qu'il y aurait eu dans ces cas at!einte directe
aux droits propres des actionnaires en tant que droits distincts de ceuxjgO BARCELONA TRACTIOS

de la société. legouvernement défendeurest totalement incapable d'en
apporter la preuve dans aucun des cas que nous venons de citer et où
li brotectioi des actionnaires fut admise.'
11f:iiisoiiligncr eii outrr que legutivernement d6fendeiir est incapahlt:
il'in\.oqiier un seul cas où ICdroit tlt:~~rote~ride 1'Etat des nctioniiaires
aurait 'étéécartépar un tribunal arbitral pour la raison que soit la
sociétélésée n'aurait pas eu la nationalité de I'Etat auteur dudommage,
soit que cette sociétén'aurait pas étédissoute. soit que le dommaee
n'aurâit pas frappé directemeni, n'aurait pas atteint 'directement Gs
droits des actionnaires. Donc la seule circonstance que certaines condi-
tions de fait sont réuniesdans un certain nombre decas où la protection
des actionnaires a étéadmise ne permet pas du tout d'inffrer que ces
circonstances soient nécessaires en droit pour qu'une telle protection
soit possible.
J'aborderai maintenant l'assertion énergique et réitéréedu gouver-
nement défendeur que la protection des actionnaires n'est possible
que lorsque la sociétéa la nationalité de 1'Etat du sihge. La protection
des actionnaires serait seulement ~0SSiblecontre 1'Etat national de la
joci6t6. IIest iiicoiitestablt: i~iircertc circoiistniicc. iiouj le reconnaissoni.
se retrouve dans la qusci-totalitt! di:î pr6ckIents que nous avons aiialys6s.
et bien <iu'auciincdl:cijioii iirbitralc ii'ait dl'uti'iin~.tclle circonstai~cc
soit nécêssaire pour donner ouverture au droit déprotection des action-
naires, notre adversaire n'hésite pas à dégager de ces précédents une
rèele de droit restrictive. Et cette rèele de droit restrictive oui veut
eclure complc\temeiitl'action de 1't:tat riatiuiial des actionntiire! lorsque
le doinmane ri'est pas iaiiii par I'Etat rialional de la sociPté Cctte rcalc
de droit est la pierre vériiahlement angulaire de tout son système.
Xous avonsdéjà eu l'occasionde signaler à la Cour qu'en étant obligé,
par des précédents notoires invoqués par lui. d'accepter le droit de
orotection de I'Etat des actionnaires en cas de lésio~ ~ dr~ ~ ~ar 1'Etat~ ~
hational de la société, legouvernement défendeur voyaitXsa thèse
s'écroulerpar l'effet de cette contradiction interne, et l'écroulementest
inévitable..
Nous avions déjà fait cette constatation dans nos observations préli-
ininaires, 1,page 187. Mais c'est avec acharnement que notre adversaire
nous attaaue sur ce oint dans sa nlaidoirie du 2s mars. Pour le faire olus
I:~ciIeiiiçiiiliiouj reproche d'assiiiiilcr c.nti$rcment Idcas (l'une sucit?t;
pour Iaqucllc toute protr.ctiuii iliplomatique cit iriipossible parce que Ic
turt uui lui CS^c:iujc éni:iiie~icsoli Etat ii;itiuii;ilixirce <ii;Lle stattit
de l'gtat qui est l'auteur du dommage, je disais dÔncqdil nous reproche
d'assimiler ce cas à celui d'une sociétéléséepar un Etat tiers qui se
trouverait sim~lement en fait sans ~rotection Darceuue soi1DroDreEtat
national se déiintéresseraitde son Sort. . .
Mais là n'est pas du tout le fondement de notre argumentation. Notre
raisonnement consiste à dire que du moment qu'on reconnaît ledroit de
protection de 1'Etat des actionnaires pour dommages causés à la société
dans certaines hypothèses, il faut nécessairement que ce droit existe
dans tous les cas de violation du droit des gens et cela en vertu de la
nature inêmeet du fondement du droit de protection diplomatique.
Pour que le droit de protection di lomatique naisse il faut. mais il
suffit aussi, que les ressortissants deP'Etat protecteur aient &téatteints
dans leurs biens, leurs droits et leurs intérêtet qu'ils l'aient étépar l'effet
d'un acte contraire au droit des gens imputable i un Etat. PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 59'
Si la jurisprudence a reconnu dans certains cas que ce droit deprotec-
tion existait en faveur de l'Etat national des actionnaires pour des dom-

mages causés en premier chef à la sociétédont ils font pariie, c'est donc
qu'elle reconnaissait qu'un acte internationalement illicite commis à
l'ugard de la sociétéatteirna-t ses actionnaires dans leurs biens. leurs
droit, tr Icurs int;rCts, puisque c'est III:1c<indition n;iv,cairc pciur qiir
11.ilroit de protcciiuii iliploiiint.t~~.r~,iiisi;cnaitcii fa\,i,iir dr Iciir 1it;it
national. -
Et nous avons exposé à la Cour pourquoi, à notre avis, la jurispru-
dencedevait nécessairement s'orienter en cesens; l'explication s'en trouve
dans le caractère complexe et non rigoureusement unitaire de la personne
morale, mécanisme de droit privé qui recouvre la réalité humaine et
multiple des associés.Un coup porté à ce mécanisme juridique est inévi-
tablement, aux yeux du droit international, qui ne doit pas s'arrêter
à des constructions plus ou moins techniques et artificielles du droit
privé, un coup porté aux intérêtsréels et vivants que recouvre le
voile social.
Sotrc ;minent contrarlictrur croit <:vitir In curitra<lictioii iluï nuii.

sigii;~luriieri cli;iri~r.aiitquelc~ycu <IVp<?sitioii.I)r'iorriilrI:iprottctiuii
1x11I'Etnt ii.itioii;il<Icaaitiuiinaircs. :ri1cas ou 13 socititL:n 1,:statut d~
I'Etat :iutt:ur dii doiiirii~gv. ii'c,t pliii;, commï il I'.ivair dFcllirc dans13
1iro~:;3lurcCerit,., uiie cxzi.ptioii In l>rc;icridiir>gle <ludroit rle Iirutci:.
tic,vk~~lii~if(le 1'Et.i~ntirion;~lde li ;ociCt<;.1.eproft:;st:i~rAco rious lc dit
très clairement à la page 255(II) du compte Îendu de sa Plaidoirie du
zj mars: ce cas, dit-il, «ne constitue nullement une exception. une
déviation par rapport à la règle généralede la matière n. C'est un cas, à
son avis. qui est hors de la sphère d'application de la règle.
Selon cette nouvelle explication, l'atteinte portée par un Etat à
une de ses sociétésnationales serait un acte interne; comme tel il ne
Deut pas relever du droit des gens.
ai's c'est précisémentlà qUe mon éminent contradicteur se trompe;
cet acte, prétendument interne est, au contraire. considérépar le droit
international. en vertu de tous les précédents a6i ont été thés. comme
iin acte iiitvr~;ition:il~n~entilliiite. '~oiir~uoi: p.~rcequ'il I~ortc';ittriiit~c

:,ilsdruiti de.; rc;sorti,saiit,iIe 11:$\6tr:tng~r~ <;s,.~\.<,inriix n;tionn,iir~,
itraiifir'ri de I:i iociéts!Is!=éc1.ii1c ilr<)itiiitt rii:ttionnl rcconndir qiicsdt
r;ipports ,-ritrilin I;t:it ct =ci iocictl' riationdle; cumpuj&i d'i!trnrigcr.;
pruv<.nt Jonn,.r licii:i iine .tition ,liploinati,luc. y:irI'l,:r:ri:itioiixl Jv
ces nctiunn.iirc;. il doit i f<?rti<,ri. irI;ifurcv rlf.Inlo".ciuc. :irlnicrtre <:t
reconnaître que' les rapports ent;e une sociétéétrangère composée en
majeure partie d'actionnaires qui ne sont pas ressortissants de 1'Etat
national de la compagnie, d'une part, et un Etat tiers, d'autre part, les
rapports entre cet Etat et I'Etat tiers qui lèseleurs droits, relèvent par
eux-mêmes directement du droit international sur le traitement des
étrangers et que 1'Etat national des étrangers a le droit, en vertu du
droit des gens, précisémentde lever le voile de la sociétéétrangèrepour
mettre en évidenceles intérêts deses propresressortissantset établirainsi
sa qualité pour agir, son droit de les protéger, son jus stand;.
Monsieur le Président, Messieurs, il y a encore une autre raison pour

ne pas admettre la règle restrictive préconiséepar le Gouvernement
espagnol qui veut donc limiter le droit d'intervention de 1'Etat national
des actionnaires au seul cas où le dommagea étécausépar I'Etat national59= BARCELOSA TRACTION
de la sociétà sapropre sociétéC . ette raison est fondéesur une comparai-
son des situations respectives de 1'Etat national qui cause un tort à sa
propre société,et de 1'Etat tiers qui lèsearbitrairemeut les droits, biens
et intérêtsd'une sociétéétrangèrecomposée elle-même de ressortissants
d'un Etat étranger au statut de la société.
L'Etat national de la sociétéen se fondant sur sa souveraineté peut
toujours objecter que la compagnie a son statut légal, qu'ellerelèveini-
quement de ses lois et juridictions internes et qu'il ne peut pas tolérer
qu'un Etat étranger qui a des intérêts dansune compagnie de ce genre
puisse s'immiscer dans ses affaires intérieures dans des circonstances
qu'il estime relever desasphère juridique interne. Eà consulterl'histoire
on peut dire que chaque Etat à qui une réclamatiori internationale a
étéadressée à vrovos de lamanière critiauable dont il traitait sesurovres
sociétésà fort& participations étrangère;,a commencépar soulevêr&te
obiection, et vous savez que les difficultésqui en sont résultéesn'ont
toujours pu êtresurmontées.
Des difficultésde ce genre ne peuvent pas se présenter lorsque 1'Etat
défense de se retrancher derrière sa iuridiction utiledeàcesa législation
iiitérieurt:.et ces iiio!.ens de d6fciise\."us rappelle lins dc 1.1.II?ii-
cu~iEugle- -SCsont prolonjiCiparfois pendant plusieuri dir;tirie.id'aiiiiées.
II cii rCsulCIII'est ~)ussihl~d.e I~~aitiiiieirnimCdiatcinent. dirtxtenient.
l'intervention en faveur des actionnaires par leur Etat national par
application de la règle autorisant la levéedu voile de la personnalité
juridique, pour mettre au premier plan les intérêtsréelsdes membres
de la personne juridique; il en résulte encore que l'Etat national des
actionnaires peut agir directement pour obtenir le respect du droit
international en la nersonne de ses ressortissants: l'obstacle résultant
de la souveraineté &terne est alors complètement ibsent; aucune règle
de droit international établissant le contraire n'a pu êtreprouvée par
1'Etat espagnol.
Le gouvernement défendeur ne peut non plus tenter de faire accepter
la règle restrictive qu'il parait mettre en avant pour barrer l'accèsdu
prétoire à la Belgique en disant que cette regle se justifierait pour éviter
descas de doubleprotection. En d'autres termes, laprotection des action-
naires ne serait admissible que lorsque la protection de la sociétéelle-
mpimeserait impossible.
En premier lieu, je dois avouer humblement que je ne vois pas la
logique d'une telle règledans le cadre du système de protection diploma-
effet. la sociétéest un sujet de droit en tous points assimilable au point
de vue du droit international à une personne physique, et eiiejouit d'une
nationalité propre distincte de celle de ses actionnaires (c'est la thèse
espagnole).
On ne voit pas pourquoi le fait qu'une société ne puisseplus être
protégéediplomatiquement par son Etat national pour des dommages
qu'elle a subis, ferait naître un droit de protection autrement inexis-
tant de la part d'un autre Etat àraison de ce mêmedommage, mais au
profit d'une autre personne, l'actionnaire.
En deuxième lieu, si on admet, toujours en se plaçant dans le systAme
espagnol, qu'une telle exception aux règles normales de la protection
diplomatique est possible, ce n'est peut-pitre que parce que l'onreconnaît
l'existence d'un principe supérieur dedroit des gens qui viseràiassurer. PL.%IDOIRIE DE 31. SAUSER-HALL
593
dans tous les cas, que les droits des actionnaires puissent êtreprotégés,
soità travers la société, soità titre propre.
Mais alors il faudrait admettre logiquement que ce même principe
supérieur de droit des gens devrait s'appliquer également chaque fois
que, la sociétén'étant pas en fait protégbe, ou ne pouvant pas l'être
efficacement, par exemple à défaut d'une compétence juridictionnelle
obligatoire existant entre I'Etat de la sociétéet I'Etat auteur du dom-
mage, les actionnaires se trouveraient sans protection aucune.
Mais il suffit que l'on ose mentionner cette simple conséquence
logique de leur propre systkme, qu'on veuiUe l'appliquer au cas de la
Barcelona Traction, pour que nos adversaires crient presque au scandale,
dénoncent une usurpation de la protection diplomatique, évoquent le
spectre de la double protection, risque qui n'existe pas du tout en
l'espece puisque l'Espagne peut toujours refuser de donner suite à
d'éventuellesréclamations du Canada, comme elle Va fait dans le passé,
et que le Canada est dans l'impossibilitéde citer l'Espagne par voie de
requEte unilatérale devant votre Cour.
Mais je ne désireraispas êtremal compris par mon éminent contradic-
teur et je tiens préciserque ce n'est pas sur ce dernier argument quela
Belgique entend fonder son droit à la protection diplomatique des
actionnaires. Nous l'invoquons exclusivement pour mettre en évidence.
sous un autre aspect, toutes les contradictions internes du syst&mede
nos adversaires.
En outre, ces cas de double protection dont on agite les éventualités
devant la Cour ne sont pas du tout inconnus de la pratique internationale,
le principe en a étéadmis par vous-mêmes,Ilonsieur le Présideiit et
hIessieurs, par votre Cour, dans l'affaire de la Réparationdes dommages
subis au servicedes Nations Unies. Je me permets de faire allusion sur ce
point à votre avis consultatif du II décembre1948 (C.I.J. Recneil1949.

P. 185).

[Audience $ublipz<edu 20 avril 1964, a$rès-midi]

Monsieur le Président, Ilessieurs les juges, j'aborderai maintenant,
pour finir, l'autre prétendue rtigle invoquéepar le Gouvernement espa-
gnol pour limiter la protection des actionnaires au seul cas où la société
serait dissoute en fait ou endroit. J'ai déjàindiquéque cette limitation ne
correspondait à aucune règledu droit des gens.
Cette idéerepose tout d'abord sur une confusion entre le droit privé
et le droit international.
IIII'!n :iucuiic rnioii \.~lnl>poiir iiibor<lt,iiiicrI'cscrd~c~ILprotec-
tioii <liplomatic]ucdcI'Ct;ii ;tu profit des azliuiiii,iiri 1:.rCiiiiionJes
coiiditioiii iiCcz.;nir,:s i,o(iii'rrdroit ~rivt: lei actioi1ii;iirt.spiii~sei~t
agir individuellement. A
Les deus questions se posent sur des plans tout à fait différents.

pas liépar le droit interne. pour adopter la formule utiliséepar l'arbitre

dans l'affaire Shufeldt,et cette formule a étéreprise entre autres par
lord Finlay dans l'affaireLandreauoù ila déclaré: cWe arenot embarras-
sed by any technicalities of municipal law.. (i\'ousne sommes pas gênés
par aucune question technique de droit interne.) (Recueil desSentences
arbitralespubliépar les Nations Unies, vol. 1, p. 367.)594 BARCELOSA TRACTIOS

La Cour elle-même,en vertu de l'article 38 de son Statut, a pour
mission (ide régler conformément au droit international les différends
qui Iiiisont solimis ..I'nr coiis6qiitnt. la Cour i cet ri~arcla I'ut~lil<:itiuii
CI<t:ic p;is se ri-f<;rerau droit iiitcriie des Lta<lii'i'agi,se çiiI'esp2ic
dii droit esnncnol ou du droit caiiadieii. rioiiri1t;ciili.rsi uii actiuiiila.irc
la hrceioiaTraction a ou non souffert un tort international par suite
des mesures prises par l'Espagne et qui ont atteint la Barcelona Traction
et les sociétesqui lui étaient affiliées.A cet égard,la Cour ne peut que
s'inspirer des principes du droit international pour décider sice corps de
droit oppose une barrière juridique à la reconnaissance du dommage
qui a été,en fait, souffert par les ressortissants belges.
Cette confusion entre le droit privéet le droit international est pré-
cisément t'erreurqui a étécommise par les deux commissaires dans l'al-
faire Ktindhart à laquelle je me suis déjà référé à maintes reprises.
Voicicomment le commissaire américains'exprimait danscette affaire:
t.:\lori qur la propri?tl d'une soci,;ri cil çxijtciicc ri'app:irri~.ii[
iiiiiidividuelleiiit:iiIIIcollecti\~cmeiitaux :içtiuiinnires III~IS:, 1.1
société elle-même,c'est un principdee droit universellement reconnu
qu'au moment de la dissolution lesintérêts des différentsactionnaires
deviennent de justes droits à des parties proportionnelles de la
propriétésociale. après paiement des dettes. Les droits des porteurs
de créances et d'actions à la propriété réeue et personiielle des
sociétés,ainsi qu'à ses droits contractuels et à ses droits d'action,
ne sont pas détruits par la dissolution ou par la liquidation. »

Cette opinion fut partagée d'ailleurs par le commissaire vénézuélien
dans ce litige. Remarquons au surplus que si l'on voulait s'en tenir
aux stricts principes du droit interne, la dissolution de la société à elle
seule ne sufirait pas, il faudrait encore que la liquidation ait étémenée
jusqu'à sa fin dernière et qu'après paiement des créanciers, les action-
naires se soient vu répartir effectivement le solde. Alors seulement on
pourrait dire que les actionnaires individuels auraient un droit de
propriétésur une partie des biens sociaux.
La question de savoir si la dissolution préalable de la sociétéest
nécessaire pour que 1'Etat national des actionnaires puisse intervenir
sur le ~lan di~lomatiaue et sur celui de la iustice internationale est
contrÔ\serséein doctrhe.
Charles De Visscher, dans l'étudedéjà fréquemment citée De la pro-
tection diplomatique des actionnairesdd'ne sociétécoiztre l'Ela1 sozis la
législationduquelcettesociété s'est constituéen,'en parle pas.Beckett relève
qu'actuellement les limites de l'exclusion de la protection diplomatique
par I'Etat national des actionnaires lorsque le dommage a étécausépar
I'Etat national de la sociétéou mêmelorsqu'un Etat tiers est rendu
responsable de ce dommage, ne sont pas tout à fait claires. (Voir Diplo-
matic claims in respect to injuries to companies in Transactions O/ the
GrotiusSocrety, 1931,p. 175.)
Quant à Mervyn Jones, dans son étude,égalementfréquemment citée,
Claims on behalf of nationals who are shareholders in foreign companies
in British YearbookofInternationalLaw, 1949i, l estime que dans certains
cas on a accordéune importance excessivé,boire erronée, à la condition
de la dissolution de la société.
C'est vers une opinion de ce genre que s'est orienté le professeur
Paul De Visscher dans son cours déjà citéaprès avoir relevé qu'à son PLAIDOIRIE DE DI. SAUSER-HALL 595
avis, pour donner l'ouverture au droit de protection des actionnaires,
il faut également-je cite:
«que par l'effet de l'acte dommageable la sociétése trouve dans
une situation de droit ou de fait qui compromet l'effet utile de
toute action sociale au profit des actionnaires. Tel est le cas lorsque
la sociétéest dissoute, lorsque ses statust sont modifiés'autoritb
par une loi de nationalisation ou lorsque l'objet est supprimé par
I'effetd'un acte du gouvernement. II
Et cet auteur ajoute- je cite:

des actionnaires. il faut s'attacher essentiellementidéede l'effec-
tivité de la ersonne morale. Il importe peu [écrit-il]que, selon les
cntéres du &oit interne, la personne moralesubsiste ou non; même
lorsqn'elle subsiste, lejuge international peut admettre la protection
diplomatique des actionnaires des l'instant où il constate en fait
que le dommage causé àla personne morale a eu pour effet de para-
lyser ou de stériliserl'effet utile ue la technique de la personnalité
morale devait normalement proluire au profit des actionnaires.
Dans ce cas, dit-on, le juge international, qui n'est pas liépar
plus exact de dire [ajoute Paul De Visscher] qu'il constate l'absence
detout intermédiaire valable entre les actionnaires et les droits
lésés.

n'est pas requise, le droit international ne s'arrêtant pàsdes notionsue
technhues de droit interne. Il n'est vas nécessaireque la personne iuri-
dique - la personne morale, la sokiété - ait diSpani Pour les
actionnaires puissent êtreprotégés,il suffirait.selonlui, que lemécanisme
de la personnalité morale soit en quelque sorte grippé, paralys6 pour
qu'on puisse lever le voile social. C'est sans doute là, dans dtermes
plus précis, l'évocationde l'idéedéjAancienne de practically defzinct
que nous avons trouvée mentionnéedans la correspondance diplomatique
entre la Grande-Bretagne et le Portugal qui a conduit à l'arbitrage
daA mon avis, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, on ne peut
pas considérer que le droit international existant ait, mêmesous cette
forme restreinte et plus pragmatique, consacré une règlerestrictive du
droit qu'un Etat trouve dans les principes générauxdu droit des gens
à protéger ses ressortissants actionnaires.
Quoi qu'il en soiilfaut constater qu'en l'espéceune teUerestriction,
fût-elle acceptée par la Cour, ne serait pas de natureà faire obstacle
à l'action de la Belgique en la présenteaffaire.
enlever. des le12ifévrier 1948, la gestion de tout le patrimoine social.
La sociétéa étéprivéede tout revenu et de toute possibilitéd'en retirer
de ses filiales. La vente de tout son portefeuille, c'est-à-dire l'intégralité
de son avoir, réalisée enEspagne le 4 'anvie1952. l'a vidéde tout con-
tenu et lui a fait perdre l'intégraldte son capital social. De plus, son
objet social. son but social, tel que la Barcelona Tractiona poursuivi
depuis sa création, devient irréalisable. La Barcelona Traction vous
le savez - s'est consacrée exclusivementà la promotion et au finance-596 BARCELONA TRACTION

ment d'entreprises destinées à mettre en valeur les ressources hydro-
électriquesde la Catalogne et la production etla fourniture d'énergiedans
cette grande partie de l'Espagne. Or, les entreprises qu'eue a constituées
à cet effet lui ont été intégralement enlevées. Faut-il dire qu'il est
impensable que la Barcelona Traction, à supposer qu'elle en ait les
moyens, cherche maintenant à créerde nouvelles usines, de nouvelles
installations dans ce mêmesecteur? Depuis 1948, la sociétés'est même
trouvée dans l'incapacitétotale d'établir un bilan. L'assembléegénérale
des actionnaires ne s'est plus réunie depuis le 13 décembre1948. Enfin,
il faut noter quela défensede la Barcelona Traction dans les procédures
judiciaires auxque!les a donné lieu la déclaration de faillite, n'a pu
êtrepousuivie que grâce à l'aide financièrequi lui a étédonnée à cette
fin par sa principale actionnaire, la Sidro, société anonymebelge.
Cette situation a étéévoquéed'une manière très claire au moment
de la nomination du receivercanadien en 1948 Je me réfère à cet égard
de 1960,e3e volume, où l'on trouve le procès-verbal de la comparution
des uarties devant le tribunal de Toronto. Il fut expliaué au iuee m'il
ne iourrait êtreprocédé à la nomination d'un receiier Que pourVautant
que les actionnaires de la Barcelona Traction consentiraient à financer
lë receivershi$,et il fut indiqué au juge que les actionnaires avaient
marqué verbalement leur accord de le faire.
On ne pouvait, Messieurs,marquer plus clairement à la fois la paralysie
totale de la Barcelona Traction et l'intérêtctif et agissant du principal
actionnaire de celle-ci.
Eh bien! Messieurs, notre aimable adversaire, le gouvernemeiit défen-
deur. n'a Das hésité à écriredans les exce~tions rél liminairese 1460 '.
ces mots Çtupéfiants que la Barcelona Traction «est aussi vivaRte a
l'heure actuelle qu'au moment où elle aurait subi le prétend-.préjudice
de la part des aulorités espagnoles».
Monsieur le Président et Messieurs, arrivé à ce stade de mon plai-
doyer, j'espère vous avoir convaincus que votre Cour n'est liée par
aucune règle de droit international reconriue. établie ou implicite, qui
vous obligerait à écarter la Belgique de votre prétoire, parce qu'elle
agit pour la défensede ses ressortissants actionnaires dans une société
canadienne non dissoute qui a subi des dommages du fait de l'Etat
espagnol.
La Partie adverse ne s'est pas acquittée à cet égad de la charge de
la preuve qui lui incombe incontestablement puisque c'est elle qui a
soulevé l'exception d'absencede jus stand;; consciente de cette faiblesse
elle voudrait inverser l'onus $robandi sous prétexte que c'est nous qui
aurions à prouver et à invoquer l'existence d'une regle spéciale déroga-
toire qui nous permettrait d'intervenir pour la protection des action-
naires de la Barcelona Traction.
Mais, Monsieur le Président et Messieurs les juges, le Gouvernement
belge soutient devant vous et il espère vous avoir démontré à satisfac-
tion de droit que c'est au contraire dans les principes générauxdu droit
international et non dansune règledérogatoireque vous pourrez trouver
la iustification du ius slandi de la Beleioue.
Ayant ainsi terminé i'exposédes c~/clusions que l'on peut tirer des
--écédents,je constate qu un fait reste certain: la Cour ne se trouve

VoirC.I.J. Mdmoires, Bavcelona Tradion. Light andPowcr Company.384. PLAlDOIRlE DE M. SAUSER-HALL 597

en présence d'aucun précédentcaractéristique, spécialement d'aucun
précédentrésultant de sa propre jurisprudence ou de la jurisprudence
de la Cour permanente de Justice internationale qui s'appliquerait
adéquaternent à l'espèce qui est actuellement pendante devant vous.
La Cour a donc la possibilité de tailler en plein drap, eue peut faire
de droit international applicables en la matière. compte tenu des idées,
des réalitéset des exigences du monde moderne.
Et je suis convaincu que l'examen que la Cour voudra bien faire la
conduira à conclure que le droit international tel qu'il est actuellement
reconnaît le droit de protection deEtat national des actionnaires d'une
sociétélésée.Si la Cour estimait que la conclusioà laquelle elle amve
sur ces points devrait peut-être être plus nuancée, accompagnéede
réserves ou de limitations, je me permettrais de lui demander alors de
considérer que le litige qui est débattu devant vous présente, au seul
point de vue de l'exception préliminaire no3, des caractéristiques de
fait très particulières, je dirais mêmedes caractéristiques exception-
nelles. La décisionque la Cour rendra devra avoir, dans ces conditions,
à n'en pas douter, la portéelimitéed'un cas d'espèce.
Aussi la Cour me permettra-t-elle de lui indiquer sommairement quels
sont ces élémentsconcrets, propres au cas singulier soumis à la Cour,
que je la prierai d'avoir toujouài'esprit enméditant sur cette question
de jussta~zdi,si la Cour estimait devoir adopteruneinterprétation restnc-
tive des règles de droit international publien matière de protection
des actioiinaires.
Ces élémentsfondamentaux particuliers à ce cas sont les suivants.
Tout d'abord i'importance de la partici ation belge: il s'agit d'une
participation de8 % au capitalde la Barceona Traction, dont 75% sont
aux mains d'un seul ressortissant belge, la société Sidro.Cette partici-
pation ne représente pas pour la Sidro un placement temporaire et
passif en quelque sorte, c'est au contraire une participation active et
permanente, dans une entreprise étrangère à la gestion technique,
financière et juridique de laquelle elle participait activement, notam-
ment par l'intermédiaire de sa propre société mère,une autre société
belge. la Sofina.
&'deuxième élément concret à considérer, c'est lanature de la Bar-
celona Traction. La Barcelona Traction est une sociétéholding pure
dont l'actif ne se compose que d'un portefeuille de créances su< ses
fiLe troisième élément concretà considérer,c'estl'origine de la déposes-
sion de la Barcelona Traction. L'origine de l'affaire remonte aux vaines
tentatives d'un financier espagnol pour acquérir des mains de la Sidro
le contrôle de toute la Barcelona Traction et de ses entreprises en
Catalogne.
C'est en définitive parce que la Sidro a refuséau financier en question
de lui céder le contrôle de la Barcelona Traction que ce financier a
décidéde l'obtenir par la voie d'une procédure de faillite abusive en
Espagne, telle qu'elle est relatée dans nos actes.
C'est bien ainsi que l'a compris un auteur de droit international privé,
Verplaetse, dans un ouvrage publié en espagnol, DerechoInternacional
Privado, qui déclare sous le titre «Expropriation »: «Récemment, la
Barcelona Traction a passédes mains étrangères à des mains espagnoles
par la voie de la failliC'est,je dois dire, un excellent résuméde toute 5g8 BARCELOSA TRACTIOX
l'affaire. C'est bien l'entreprise elle-mêmedans son ensemble qui passe
des mains belges en des mains espagnoles par une faillite abusive.
Le quatrième élémentconcret-importait à prendre en considération,
c'est la maniere dont la dépossession fut commencée. La déclaration
de faillite eut pour effet immédiat de dessaisir le conseil d'administra-
tion de la Barcelona Traction, c'est-à-dire les mandataires légitimes
nomméspar des votes majoritaires de la sociétébelge Sidro pour gérer
les affairessociales. Ce conseil d'administration de la Barcelona Traction
fut remplacé par les organes de la faillite, qui étaient des hommes de
confiance du financier espagnol. Le conseil d'administration de la
Barcelona Traction cessa de ce fait mêmetoute activité.
De cette manière, les actionnaires belges de la Barcelona Traction,
et tout particulièrement la Sidro, perdirent toute possibilitéd'interven-
tion dans la gestion de l'entreprise. De plus, les deux ressortissants
belees aui assuraient la direction des ex~loitations à Barcelone furen~ ~
expulsésde leurs fonctions.
Le cinquième élément concretet particulier à prendre en considé-
ration, c'est la manière dont la dépossession a étéconsommée. C'est
en exerçant les pouvoirs ainsi usurpés aux mandataires légitimesde la
Barcelona Traction nomméspar Sidro qu'il fut procédé à la vente de
tons les biens de la Barcelona Traction dans des conditions ruineuses
~ -
pour les actionnaires.
Pour apprécier à quel point les actionnaires de la Barcelona Traction
ont étéviséset touchésdirectement dans cette affaire. il faut e~~ ~~ ~ ~ ~-. - ~ - -
but, le mécanisme, lerésultat de ce fameux cahier déscharges en vertu
duquel fut réaliséelaventede tout leportefeuille de la Barcelona Traction
en Espagne, le 4janvier 1952.C'est en effetl'acte le plus important, celui
qui consomme la ruine totale des actionnaires.
En bref, tout l'actif de la sociétb,d'une valeur considérable, environ
~oomillions de douars, a étécédéau créancierinstigateur de la faillite,
en satisfaction de sa créance d'une valeur nettement inférieure, de
manière telle que les actionnaires de la Barcelona Traction se trouvaient
sans aucun solde à se partager et étaient ainsi directement dépouillés
tandis que le créancier s'enrichissaitd'autant.
L'entreprise elle-mêmese trouvait intacte, mais elle avait, par ce
subterfueu..~assédes mains des actionnaires belees de -a Barcelona
TV .i~tion aux mains du cr6ancier ehyagnul Je cette mGmejociété.
Enfin. il\.eus faut encore prendrt. en consid6raiiori la situation de IL
Barcelona Traction. Ainsi qÜe je viens de vous le démontrer, privée
de la gestion de sesaffaires et detoute ressourcequelconque, la Barcelona
Traction fut finalement vidée de son contenu, perdant ainsi la totalité
de son capital, de mêmeque la possibilité de poursuivre son but social
qui était la réalisation d'affaires de traction, d'éclairage et de force
motrice à Barcelone.
La Cour voudra bien comprendre que ce qui pourrait à première vue
paraître une incursion inopportune dans le fond du litige n'est en réalit8
que l'indication d'une sériede faits ou de circonstances précis que je
n'ai mentionnés que parce que i'estime que si la Cour se place dans
une certaine optique, ils sont indispensables à i'appréciation de la ques-
tion du jus slandi de la Belgique. Je les ai choisis et retenus exclusive-
ment en fonction de la relation au'ils re~résentent avec certains as~ects
de i'exception préliminaire no itelle iu'elle vous a été par
les conseils du gouvernement défendeur. PLAIDOIRIE DE M. SAUSER-HALL 599
En conclusion, je demanderai à la Cour de bien vouloir écartercomme
sans pertinence dans l'instance actuelle pendante devant la Cour l'ex-
ception préliminaire no 3 en tant qu'elfe se fonde sur une prétendue
protection de la sociétéde droit canadien Barcelona Traction par le
Gouvernement belge et de rejeter pour le surplus ladite exception en
tant au'elle .roD.sede refuser à la Bel~.a.e le droit de p rendredans la
yrisr~tc ;,Haire faitet c:tiiii. pour sei rcsjortisi.iiit;. pers6nncs pIiyjiqur.s
rt iiio~ilcj. qui sont nctiiiiiiinireiI:iIiarcrl<niinl'rlctioii.
Mon-icur Ic I'r>îidi.nt. ic \,uiii srrnis i,hlizCde bien vuiiluir accorder
la parole Me Rolin me succédera b.la-barre et qui traitera entre
autres aussila question de la jonction au fondde l'exception préliminaire
no 3.
Ifonsieur Ic Pr;~sidcntet \Icjsieiirs de13.(:uur. ]cvi,iis reniercicde la
tre, pxwntr aitrntion qiie vous ni'n\.cz accurdt;~. J'c5p;rc ne pas en
avoir abuji: et je considerz ïliiiiiia ticliest teriniiiéepour le moilient. PLAIDOIRIEDE M. ROLIN
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

[Audience Publique da620 avril 1964,après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, mon collègiie M.Sauser-
Hall a bien voulu vous faire savoir que l'étais chargé notamment de
développer la conclusion subsidiaire prise par le Gouvernement belge
relativement à l'exception no3 et qui tend àproposer àla Cour la jonc-
tion au fond. Mais la Cour comprendra, je pense, que devant dkvelopper
une question analogue à propos de l'exception no 4, je considère comme
plus pratique de retarder le développement de la question en ce qui
concerne la question no 3 de façon à pouvoir développer cesdeux con-
clusions subsidiaires en mêmetemps et épargner à la Cour un exposé
théorique, celui que je ferai pouvant être communaux deux questions.
Je vais donc commencer. si M. le Président veut bien m'y autoriser,
par développer devant la Cour notre réponse à la quatrième exception
préliminaire,et avant de rencontrer les argumentsqui ont étédéveloppés
à cet égardpar mon estimé contradicteur, le professeur Malintoppi. je
voudrais le remercier de ses aimables paroles. J'ai, moi aussi, conservé le
meilleur souvenir de la coliaboration que nous avons eue ensemble
devant la Cour, il y a quelques années, et je ne serai certajnement pas
le seul à avoir constaté combien, en aussi peu d'années,11a gagnéen
autorité.
Monsieur le Président, j'qhire d'autant plus l'exposéqu'il vous a
fait que je crois, personnellement, que sa tâche était particulierement
difficile et ingrate; vu lenombre touàfait extraordinaire des recours qui
ont étéexercésdans la présenteaffaire. Je rappelle à la Cour les chiees
donnés par le Gouvernement espagnol lui-méme dans ses exceptions
préliminaires et que M. le professeur Malintoppi a rappelésà l'audience
du 1''avril. Je me réfèreà la page 273 (II). du compte rendu de cette
journée:
«A l'époquede la présentation [de la requête] de 1963 ... I'on
avait déjà rendu a2736 ordonnances, 494 jugements (autos), 37
arrêts(se?zlencias.)II

Mon estimécontradicteur a néanmoins émisl'avis assez étonnant que
omême à première vue, l'affaire dont la Cour est actuellement saisie
constitue un exemple typique de non-épuisement des rejours internes
dans un différendintemationalo. Un peu après. pourtant, sans craindre
de paraître se contredire, il reconnaissait que:
«La présence d'un nombre considérable d'actions judiciaires
internes, peut-être, pourrait donner l'impression, bien que seule-
ment $rima facie, de l'épuisement effectif des voies ouvertes au
particulier que I'on prétend protéger sur le plail international.»
Mais ce n'est là, ajoutait-il, qu'une apparence. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 601

L'obiet de ma lai do rieest de démontrer à la Cour a.e.. Aur une
fois, les apparenc& ne sont pas trompeuses et que l'examen approfondi
de cette affaire ne pourra que confirmer la Cour du mal-fondé de l'ex-
ception.
L'explication dont on nous annonce qu'on va démontrer la réalité,
l'explication de ce phénomèneparadoxal qu'autant de recours ne cor-
respondent en aucune façon a un épuisement des voies de recours
prescrit par les règlesde droit international, elle nous a étédonnéepar
le porte-parole du Gouvernement espagnol dans les termes suivants:
c'est tout d'abord l'attitude de négligencetotale que Barcelona Traction
aurait nianifestée au cours des premiers mois - je cite: ~l'indiffé-
rente la plus complète, la plus radicalà l'égarddesprocéduresinternes 1,
(voir II, p. 273), tandis que la seconde période se caractériserait par
l'activité la plus fiévreuse:mon estimécontradicteur n'hésite d'ailleurs
pas à rendre hommage i l'habileté dont ont fait preuve dans cette
deuxième phase les conseils qui ont assisté la Barcelona Traction au
cours des procédures devant les juges espagnols. La date précise qui
sépare cette période de passivité de cette période d'activité fiévreuse,
ce serait, Messieurs, le 18 juin948.
Peut-être, en entendant cette plaidoirie, vous êtes-vous demandé:
pourquoi le 18 juin 1948? Vous constaterez, Messieurs, en feuilletant
le mémoire et les exceptions préliminaires,. que le 18 juin 1948, c'est
la date du dépôt de l'opposition de Barcelona Traction.
Ainsi, il y aurait eu, suivant le Gouvernement espagnol, quatre mois,
on ne va pas jusqu'à dire d'inaction, mais de négligencetotale, suivis
de huit annéesd'activitéfiévreuseet intelligente. Maismalgréles qualités
d'invention et d'activité déployéespar les conseils de la Barcelona
Traction à partir du 18 juin 1948, cette dernière activité aurait été
frappéede malédiction; dès le début elle était, nous dit-on, condamnée
à l'échecparce qu'au seuil de la première période, le 12 février 1948,
se serait accompli le fait générateurde la sériede dénisde justice que
leCe fait générateur,c'est le jugement de déclaration de faillite que la
négligencedes intéressésaurait rendu délinitif.Je prie la Cour de retenir
ces deux mots.clés qui lui ont étérépétés dixfois:.négligence et fait
générateur.Nous verrons, Messieurs, dans quelle mesure cela correspond
h la réalité.
Avant de procéder à cette confrontation de l'explication donnéepar
la Partie adverse du bien-fondéde son exception avec la réalité desfaits,
je me suis posé la question de savoir s'ii ne fallait pas que, suivant
l'habitude, je consacre une première partie de ma plaidoirie au rappel
des principes juridiques qui sontà la base de l'exception de non-épuise-
ment des voies de recours interne, le rôle que joue cette exception et
son fondement. Je crois vraiment, Monsieur le Président, que la chose
serait superfliie, carjen'ai rien entendu qui soit venu contredire les
vues qui avaient étéexprimées à ce sujet dans les observations du
Gouvernement belge. Les deux Parties, en ce qui concerne tout.spéciale-
ment les limites juridiques de la règle du «local redress» (je me réfere
aux p. 217 à 223 desobservations, 1), se sont trouvéesd'accordpour s'en
référerà la fois quantàla définitionde la règleet quantà ses limitations,
à la résolution de l'Institut de droit international adoptée en sa session
de Grenade en 1956 et à l'article 3 du traité hispano-beige de 1927.
Nous avons étéd'accord l'un et l'autre pour souscrire à la constatation602 BARCELONA TRACTION
faite par la Cour dans son arrét du 21 mars 1959 dans I'affaire Inter-
h6ndel:

«que la regle selon laquelle les recours internes doivent êtreépuisés
avant qu'une procédure internationale puisse êtreengagéeest une
règle bien établiedu droit international coutumier0.
D'accord aussi, Messieurs, pour constater que les dernieres décisions
arbitrales et judiciaires ont considérablement éclaircila méthode aui
doit êtresuivie par des arbitres ou par la Cour pour décidersi, dans Ln
cas précis, un recours déterminé indiquépar la Partie défenderesse
doit ou non avoir étéépuisépar la victime de l'acte illicite dénoncé
pour que l'action protectrice puisse êtreexercéesur le plan international.
Et qu'importe des lors que je ne puisse pas souscrirà cette apprécia-
tion de mon estime contradicteur lorsqu'il affirme que l'évolution de la
règletendait «à l'accroissement du respect dû à l'organisation judiciaire
des Etats de l'époque contemporaine^? Ce qui est essentiel, c'est que
nous soyons d'accord pour relever, dans la disposition du traité et dans
la résolution de l'Institut du droit international, que les seules voies de
recours qu'en l'espkce le groupe de la Barcelona Traction était tenu
d'utiliser préalablement à tout exercice de la protection internationale
par le Gouvernement belge, étaient les voies de recoursaccessibles.vrai-
semblablemenl e@aces ei sufisantes et dont on est en droit d'exiget
l'usage normal.
Je n'ai pas besoin, je pense, de souligner l'importance que présentent
ces trois conditions et leur signification. L'accessibilitédu recours. c'est
la possibilité juridique et matérielle pour la victime d'y avoir recours.
Ainsi un individu ietéen riso onet mis au secret ne vourra vas se voir
relrocticr ultérieurement déne pas ;i\,oiradressù13a;toritéwmpCtentc.
sa disposition. Et dans l'affaire qui rioiisoccupe, les société;filialei <lui
"rit introduit diverses procCdures contre le jugement de faillitr,. nc
pourront 11;isse voir reproctier dc.11~pu les avoir poursui\.ies iusqu'i
(les décisionsfinalcs. alors oue diversës manŒuvres: et notamment les
substitutions d'avoués,les ré'vocationsdes avouésqu'ils avaient commis
par d'autres avoués avec l'approbation des tribunaux, paralysaient
ëompl6tement ces recours. --
Quant à l'efficacitéque doit revêtir un recours Our êtreobligatoire,
elle doit s'apprécier nécessairementà la fois en Ponction du grief que
l'on fait valoir. de l'iniustice aue l'on dénonceet de l'obiet aue l'on
désireatteindre. Ainsi. Ln condamné à mort ne sera pas tek à Sepour-
voir en cassation pour faire valoir l'irrégularitéde sa condamnation,
si ce pourvoi en cassation n'est pas suspensif de l'exécutionet compro-
met les chances de succèsd'un recours en grâce; et si lerecours en grâce
estreleté, le défaut de pourvoi ne pourra pas dans ces conditions être
reproché à ses ayants-droit lorsqu'ils introduiront une réclamation.
C'est cemêmedéfaut certain d'efficacitéque le Gouvernement belge
afait valoir dans sanote du 31décembre1951pour contester, en réponse
au Gouvernement esvaen.l" aue l'article du traité imoosait à ses
ressortissants d'épuiser avant .toute intervention internatibnale les re-
cours existant contre le jugement ordonnant la mise eu vente des biens
de la Barcelona Traction.'II v avait des recours et le Gouvernement
espagnol prétendait qu'il fall2t en attendre l'épuisement avant que le
Gouvernement belge pût protester. Le Gouvernement belge, en réalité. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN '533

était conscient que la miseen vente destitres des sociétéfilialesallait dé-
finitivement consommer la ruine de Barcelona Traction, que les recours
intentés étaient donc condamnés à l'inefficacité,tout au moins en ce
qui concerne la possibilitéd'empêchercette vente. C'est la raison pour
laouelle il nrocédaità une intervention di~lomatiaue. Cette exolication.
Gkouvernement belge l'a donnée3.la page 218 déses observations (1);
en réponse à une observation qui était contenue dans les exceptions
(1),page 249; et l'on peut s'étonner que le Gouvernement
espagnol n'ait pas cm devoir tenir compte de cet'e explication qui
lui était donnée et. à la page 274, II, il renouvelait son observation
relative à la note diplomatique du 31 décembre1951.
Enfin, nous soulignons une fois de plus que bien que sans doute il
s'étendeaux voies de recours dites extraordinaires, c'est-A-direnotam-ne
ment au pourvoi en cassation (ce qui, en Espagne, s'appelle le recours
au tribunal suprême), à condition que ces recours soient susceptibles
de redresser le grief formulé par l'Etat protecteur, l'obligation de la
victime ne va pas cependant jusqu'à lui imposer le recours à des moyens
que négligerait un plaideur normal. Ceci permet d'écarter certaines
voies de recours 3.tel oint exceptionnelles que dans la pratique l!n'en
est guère fait usage. ? y a place à une appréciation inconcretoqut doit
tenir conipte de la vraisemblance du succès et dès lors notamment du
volume des efforts accomplis antérieurement par la victime et de l'in-
succès total auquel invariablement ils ont abouti.
Après ce bref rappel des principes généraux régissant la matière,et
sur les.uels. comme la Cour l'aura constaté.il n'va mère de divergences
<levues intrc Irs I':irties riuiis allons pJs,cr 3.l'zxaken des recours qui
ftircnt r&llcnit:iit iitiliks en sigrand numl>redans l'aifxi1;iUariclona
'i'raction. et uuand ie dis r~ellrment i'eritrnds. bien entendii. aiijsi dire
qu'ils l'ont étkrégu6èrementet notamment dans les délaislégaux. Nous
examinerons Apropos de chacun d'eux si par leur nature ils se presen-
taient comme efficaces.c'est-A-direcomme rése entanu tne chance raison-
nable de redressement:
Si la conclusion de cet examen est positive, il faudo reconnaîpe
oue nous avons exercé et évuiséles voies de recours interne. Bien
entendu, nous ne manquerons pas de passer également en revue les
remèdes que la Partie adverse nous accuse de,ne pas avoir utilisés, et
nous appiécierons s'ils réunissent les trois conditions que nous venons
de relever comme étantrequises pour qu'il y ait obligation de les exercer.
Monsieur le Président, la Partie adverse a traité d'abord, dans son
exvoséoral. du non-é~uisement des voies de recours interne relative-
ti\.enieiit ~)liigraridv partic des actes qui sont critiqu6s par Ictiouver-
riviiiviitbclce. e(luii:niaiiciit (les autoritCs administr:iti\.es esr>:i~noks,
se situent ;vint les actes des décisions judiciairesilest normal que cet
examen soit effectuéen premier lieu.
Comme je viens de l'annoncer, nous allons avoir à examiner si les
voies de recours que la législation espagnole offrait prétendument au
groupe de Barcelona Traction étaient accessibles aux intkressés,si elles
eussent dû leur oaraître efficaces. c'est-à-direrése ente des chances de
succèset êtred';ne nature telle qu'un homme normal eût dû les exercer.
Nous constatons tout de suite que la situation, comparée à celle
devant laquelle nous allons nous troüver en ce qui concerie les mesures604 BARCELONA TRACTIOS
judiciaires, est relativement simple puisqu'il n'a étéexercéancirilrecours
var le mouDe de Barcelona Traction contre les décisionsdes autorités
'adminictrathes.
Le Gouvernement espagnol relève la chose dans ses exceptions pré-
liminaires. et il fait de cette inaction une des bases de son escevtion.
Düiij sci tsccptions préliniiiiairec.il ;:iiuiiii:it:iiiiit4ritdç rciuii;s qui
itnient prr:tciiJiimcnt ou\.crt. et dc iiatiirt:i I)t7rmettre{Icporter reriitklc
aux sitüations dénoncéespar le Gouvernement belge (anneies aux excep-
tions préliminaires, no 90, p. 728 et suiv.). En plaidoirie il n'a retenu
que deux de ces recours et comme nous avons répondu, en ce qui con-
cerne les autres recours et que nous ne revenons pas sur nos réponses
faites dans les observations (1,p. 264 et suiv., no 313 et sui!..), je vais,
moi aussi, nécessairement me limiter aux deux seuls recours dont il a
étéquestion dans la plaidoirie du professeur Malintoppi.
Il s'agit du recours hiérarchique au ministre de l'Industrie et dii
Commerce, prévu à l'article 26 du règlement du 14 juin 1935,et il s'agit,
en deusième lieu, du recours de contentieux administratif devant le
tribunal supréme.
Examinons-lesrapidement l'un et l'autre.
-uant au recours hiérarchioue il serait. suivant le Gouverneineiit ~ ~
espagnol, ~)ri:viiQ l'article 26 (l'un rCglcincnt ilii14 ]iiiiir93j qui est
préîcnrécomme ;tant applicable i I'liiititut ~spagiiol dei iiioiiiiaiej
Ctranr-Cres.ci.ie,';..>i~cllcraciil :ibrévi:itionI'I.E.\I.E.. oui estl'institut
qui. tiipririiipe. avait conipétensc poiir taturr eii iiiatkrc di: de\.i.v5,
ct qui rat iiitervi~iiu1iot:iininenteiii:equi concc,rncles iIcni;,iiile5rl;iiito-
risition adressées Dar le mouue de BarceIona Traction et d'autres
dcsdn:irr:ingcm~iiti qiii ;~\,aiciitPt; pri5!.eciles ot,lig;~tairvs.sct:iitioii

aux exceptions pr&liminaires qÛ'il existe un droit d'appel au Ainistreudiiit
contre les décisionsdu sous-secrétaire et des directions générales. No-
tez Messieurs, que c'est - nous sommes d'accord sur ce point - un
règlement qui, provenant du ministère de l'Agriculture, a étéetendu à
d'autres ministèresmais c'est essentiellement un règlement qui s'applique
directement aux décisions prises dans le cadre d'un département
ministériel.
Dans la thèse du Gouvernement espagnol, ce règlemelitd'iiriministère
serait d'a~~iication aussi en ce oui concerne l'I.E.iv1.E. Il faudrait -
sclon le5 exscptions prc:liiiiiiiaircs - reconiiaitrc . l'iinportancc cl'iiiic
~lirïçtion gi.ii4rnlt:ministl'riclleà l'Institut dei nionn:iics ;,traiig&res çt
ccttc coi1si~Ic:rarion de!~ait coiidiiirz :I I':i~.iiiiil:itdeiiI'liistitiidci
iiiuiiri;iie; 5traii:i.nis uii ruuiige minist<~riclct ..uii <:i,iis<il';i<liiiiiii~-
tratisn i unc dirc~tioii piiir'ralc t (,.sc~ptit,iiî prcliiiiiii:iir<:;.~iiiics- go.
P. 730). -
C'est, Messieurs, une construction à mon sens tout à fait artificielle,
et comme vous le verrez elle n'a pu êtredéfendue qu'au prix, d'uiie
part, d'une amputation du texte de l'article 26 du règlement auquel
on se réfèreet, d'autre part, d'une méconnaissance totale d'un arret
du tribunal suprémede 1943 quant à l'inapplicabilitédu règlement de
1935 à l'Institut espagnol des monnaies étrangères.
Voyons d'abord cette question du texte de l'article 26 que l'on a
incomplètement reproduit dans les exceptions préliminaires (volume
d'annexes aux exceptions préliminaires, 1963, annexe 90, p. 730) Le PLAIDOIRIEDE hl. ROLIX bo5

texte reproduit dans les exceptions préliminaires a omis la phrase
suivante:
irIl n', aura vas lieu à recours en avveL Aontre les décisions
rendues par le sous-secrétaire et les directeurs générauxen vertu
desfacultés delé~iiéep sar le ministre. » (Observations du Gouverne-
ment belge. 1, n"316, $. 265.)

Donc, on ne peut pas en ap eler au ministre de la décision prisepar
un secrétaire d'Etat ou une Jrection généraleen vertu d'une faculté
qu'il lui a déléguée.
Or, aux termes de l'article IO de la loi organique, le conseil d'adminis-
tration de cet Institut espagnol de monnaies étrangèresest présidépar
le ministre lui-mêmequi pourra. dit le texte; «déléguerses pouvoirs au
sous-secrétaire du département n; et l'article 6 de la mêmeloi attribue

au ministre «la supréme direction et le contrôle de la politique des
CI<i.\t5 u.
En plailuiri II I'artic :illvcrie a bien \.oulu a<lrnettre tacitenient
CIIIV1';irticlc20 dii rt?glcriit:iitdvisait Ctrr coml)létllp;ir la )>lir:rjesignal&
conlnlc orniie daiii ksobser\.ation.;. mai; il iioiis aobieste (iii'cnI'esvCct
cvirc diipo;irion :idditioiiiicllc csclunnr Ic rccoiirs loiîqu'il's'agissait de
J~cisioiij 1)riws cn vsrtii Jc puiivuirs (I;l;~ui.î iic poiivsit pas s',ippliquer
varce au'& n'établissait va5 aA..l v eût eu délégation.
Je ni crois pas, Messieurs, que cette répon& puisse êtreconsidérée
commevalable, car de deux choses l'une: ou bien les décisionsque nous
incriminons ont étéprises par le conseil d'administration présidépar
le ministre, ou elles ont été rise par le conseil d'administration présidé
par le sous-secrétaire qui. $après la loi, nous l'avons lu, est un sou-
secrétaire qui, en ce cas, doit avoir été délégué par leministre. II ne peut

donc pas présider le conseil d'administration sans qu'il y ait eu délé-
gation. En fait, au surplus, comme nous le montrerons un peu plus tard,
en examinant les niècesdu dossier. il n'v a as de doute au'en l'espèce
Ii: iiiiiii.tr;ipri.;dc! i:çjréiiiiiuiiiililconscii d'adminisrr;iiioii. car inus
\,srroiii qii'il \.a priiidre uricpart tr~iiti fait l)rl'l~oridt5raiicux d6siiions
giiiivoiit i:ir*,rendues cn I;irn:iti;.re. l:r alors. on v~iit coniid6rrr CIUC
d'uiit part Ic rcçours parîit rie pnî awir i:r6 nccçsiii)lt.ci. d'autrc p:irr,
;i jiipyucr mime qu'il eitt étCjiiic;siblc. ild,-vnit Ctrc enniidgr; coiiiiiit:
II,: II<III\.:~i,trc ~lfii:icc jlui~(lil8onne yoii\.;iit \~;ritatllcineiit p.ri avoir
<l'eil~utri;ri~iis <I'nlioiiiir:iun,: t1Cci;ioiifa\~or.iblcdii iiiinisrrc cii ;ij)pe-
i.,iitc.i,iitr~~ 11~i~ciiioii~1111:L\.;LI[I;.rendue ,OU' i;i prL<ii(icllt:t:.

[Audience Publiquedzi 21 avril 1964, matin]

hronsieur le Président. Messieurs de la Cour, la Cour se souviendra

qu'au cours de l'audience d'hier, j'avais commencé à rencontrer l'argu-
mentation de la Partie adverse en ce qui concerne le non-usage par le
groupe de la Barcelona Traction des voies de recours qui, prétendument.
auraient pu ou dù êtreexercéespar elle en ce qui concerne les ysures
administratives. Et je signalais à la Cour que mon estimé contradicteur,
dans sa ~laidoirie. s'était uniauement attaché à tenter une démons-
tr;iiior1.1;L.C<IIIcoilcen~edciis ;.nici di-r<.roiirs:le recours liiérarcliiquc
- I':ippel :IIIiiiiniitrc -, ct d'iiiitre 11art Ic rwoiirs de cont~iitieux
ailriti~~isti~til<:',.it-.i-ilircII.rcct>iirs:iii~,r;i <IIItrilliliinl ~u~)rèinic!ontre
les décisionsprises par le ministre sur je recours hiérarchijue 606 BARCELONA TRACTION

En ce qui concerne le premier de ces recours, j'ai montre que c'était
sur un réglement de 1935,trés exactement sur l'article 26 de ce régle-
ment, que l'on prétendait s'appuyer et j'ai expliquéqu'en réalité,même
si ce réglement pouvait êtreconsidéré commed'application pour des
décisionsémanant non pas d'un rouage ministériel niais émanant de
l'Institut espagnol de monnaies étrangé~esl,a disposition de l'article 26,
eue, ne pouvait pas trouver application parce y nous nous trouvions
devantle cas d'une décisionprise par un conseil 'administration présidé,
soit par le ministre, soit par son déléguée,t que l'on ne concevait pas,
ministre d'une décisiond'un conseil présidépar lui et que le teste de la
loi écartait cet appel lorsqu'il s'agissait d'une dbcision du conseil des
ministres prbsidépar un de ses délégués.
J'en arrive maintenant au deuxièmeargument que j'oppose au raison-
nement de la Partie adverse, à savoir que c'esà titre de pure hypothèse
que j'ai supposéque le règlement comme tel pouvait êtred'application
en ce qui concerne l'Institut paraétatique qu'est l'1.E.M.E. alors que
c'est le contraire qui est vrai, comme il résultede la façon la plus claire
d'un arrêtdu tribunal suprêmedu 14juin 1943.La date de cette décision
importante, puisque c'est en1945et en 1946que se placent les décisions
que le Gouvernement belge a critiquéeset que l'arrêt de1943représente
le dernier état de la jurispmdence dont devaient nécessairementtenir
compte les conseils de Barcelona Traction au moment où ils avaient à
se plaindre de l'attitude de l'administration en ce qui concerne les plans
de compromis.
L'arrêt de1943est relatif non pasà1'I.E.M.E. mais àun autre organis-
me paraétatique: lesassembléesdesouwagesportuaires. Maiscommevous
allez le voir dans un instant, le considérant du tribunal suprême.la
base de sa décision, est une affirmation de principe qui s'étend aux
autres organisations autonomes. Voici comment s'exprime l'arrêt:

«Il y a lieu seulement à titre exceptionnel et quand les disposi-
tions applicables l'imposent, de considérer comme applicable à la
s~hèred'action de ces entités la norme usuelle relative au recours
d'appel et de ré\,isioncontre les dt:cisions administraiivcce qui
exclut la poçsibilitL:de foiidrr sur lei iiorinçs ;i<lminiitr;itivtis
adoptéespar de tels o;&anismes.niile rninistCre çoiitrIci(ICcisions

décisionest toutsàefait formelle, elle exclut le recours au ministre contre
des décisionsadoptéespar de tels organismes.
Mon estimé contradicteur a fait appel, lui, à d'autres décisionsqui
sont postérieures et pourraient donc, éventuellement de ce fait, être
écartees puisqu'elles sont de 1959; mais en réalité.je ne vais paç les
écarter parce que l'arrêtauquel elles se référentdu 5 novembre ïgjg
confirme l'inapplicabilità l'1.E.M.E. du réglementde 1935.
Cet arrêt,Messieurs, est trop long et d'un style trop enchevêtré pour
que je puisse en donner une lecture intégrale la Cour, mais je prie
la Cour de le relire, car il se trouve dans nos observations (I), page 267.
Nous en avons reproduit un très long extrait pour montrer que Ievoca-
tion succincte qu'en faisait l'adversaire était touà fait injustifiée. Le
tribunal s'exprime comme suit dans le premier considérant: PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 607

(...la question à éluciderdans le présentlitige consiste à déterminer
si l'Institutes~arrnolde monnaies étraneèresdoit ou non êtreréei
par les nurnie<dc proc6dure administranves &t:ihlit~pour les or&;-
ries de I'administracion dc I'Etli.. )>.

C'est bien la question qui nous occupe. L'alinéasuivant montre que
parmi ces normes de procédure figure essentiellement le règlement de
procéduredu ministkre daté du 14 juin 1935. Puis l'arrêtaffirme que la
réglementation spécifiqued'organisation et de procédure de l'I.E.M.E.
fn'a rien à voir avec celle établiepour les organesdirects de I'administra-
tion de 1'Etat ...ni, concretement, avec le règlement de procéduredudit
ministère ..a. Et l'arrêtconclut que <<leditorganisme n'avait aucune
obligation de se conformer aux dispositions du reglement de procédure
qui est d'application pour le ministere du Commerce P.
Je vous rappelle que le règlement de procédure, article 26. c'était
la base légalesur laquelle le Gouvernement espagnol prétendait appuyer
au ministre. qu'aurait eue le groupe de la Barcelona Traction de recourir
Voilà donc, Messieurs, comment s'exprime le tribunal suprême,même

en 1959. Je crois pouvoir dire que voila un deuxihme motif de la juris-
prudence du tribunal suprêmequi me permet de dire que le Gouverne-
avait là un recours accessible aux intéressésdu groupe de la Barcelona

TraMais, Messieurs, il y a une dernière objection à la thèse espagnole:
aux termes de l'article 2, II~alinéade la loi sur les bases de la procédure
administrative du 19 octobre 1889, il est disposéqu'en matièreadminis-
trative il y a lieu d'insérer dans toute notification d'une décision
administrative l'indication des recours ouverts à l'intéressé.Cette dis-
position est reprise précisément dans le règlement de 1935 dont on
prétend nous faire application.
On lit en effetdans le règlement du 14 juin 1935:

rLa notification devra contenir l'ordonnance ou la décision en
entier, la désignation des recours qui sont éventuellement perti-
nents et des délais pour les interposer, étant entendu que cela ne
ferapas obstacle à ce que les intéressésutilisenttous autres recours
s'ils l'estiment adéquat. n

Or, on chercherait en vain dans une quelconque descommun~cations
qui ont étéadressées au moupe de la Barcelona Traction en ce qui
concerne le plan de compÏomis, l'indication d'un recours quelconque
avec l'indication des délaisdont il aurait dù éventuellement, s'il n'était
pas satisfait, faire usage.
Le deuxieme recours que, suivant le Gouvernement espagnol, le
groupe de la Barcelona Traction aurait dù utiliser contre les décisions
de 1'I.E.M.E. est la voie de contentieux administratif, c'est-à-dire le
recours devant le tribunal su~rême.
.\lc.~sicurs.on nc peur ~l~plorcrilne fois de pliii I'indixrriccil?~
rrliseignciiienrj foiirnii 1i;trIc(;ou\.eri~ciiit:ntcspngiiol Ilih~scIi:gale
(lestestes li.rislritifs oiii rt!clrnienrl'utilisation(lecc recours.
Dans les annexes aux eXceptions préliminaires (annexe go, p. 731) il
y a une note où l'on voit que l'exercice de la juridiction contentieuse
administrative a étéiirétabli en Espagne par la loi du 18mars 1944 B.608 BARCELOSA TRACTIOX

On ne nous donne pas le texte de cette loi; mais ce qu'il y a de beaucoup
plus intéressant que laloi de 1944c'est le texte de la loi qui étaitrétablie.
Or dans nos observations (1, p. 268. no 319). le Gouvernement belge a
indiqué quelle était cette loi rétablie en 1944: c'est la loi sur la juridic-
tion contentieuse administrative du 22 juin 1894. Et il a étéindiqué
dans les observations qu'aux termes de l'article 4, no I, de cette loi
de 1894, remise en vigueur en ~g*. échappent à la compétence des
tribunaus contentieux les questions qui, par la nature des actes dont
elles résultent ou la matière sur laauelle elles ~ortent. se réfèrent au
pouAjoutons aujourd'hui que l'article 4 de la loi de 1894. auquel les
observations belges se référaient (1,p. 268, no319). n'est que le complé-
ment de l'article premier qui, lui, énumèrede façon positive !es condi-
tions qui doivent êtreréuniespour qu'un acte administratif soit suscep-
tible d'un recours devant le tribunal suorême.II faut. dit cet article
premier: primo, que l'acte soit final (c'est'à-dire qu'il ne soit plus soumis
au contrble d'uneautorité administrative supérieure) ;secundo, que l'acte
rel&ved'un oouvoir réelemenlé ,.ui est l'A.~osédu oouvoir dkcrétion-
naire qui, c&me no; l'avons vu. échappe au co;itrble du tribunal
suprême) :tertio. que l'acte entrepris lese un droit reconnu au requérant
ogr une ioi. un rèèiement ouune-autre dis~osition administrative.
Or, ~essieurs, ïe Gorivernement belge jffirme que l'acte ou les actes
qu'il critique relevaient du pouvoir discrétionnaire de 1'I.E.M.E. et du
ministre et qu'il ne lésaientpas un droit reconnu au groupe de la Barce-
lonaTraction par une loi, un règlement ou une autre disposition adminis-
trative.
De nombreux arrêtsdu tribunal suprêmeont fait application de la
disposition ci-dessus, dont ils se bornent à peu près à reproduire les
termes, ce qui fait que je ne vais pas vous en lire des extraits; ces arrêts
sont innombiables: 23 novembre 1943, 25 mars et 30 septembre 1947,
26 janvier 1948. et 4 févrieret 25 avril 1949; tous ces arrêtsexigent
que le requérant soit titulaire d'un droit préalablement reconnu et lésé
et qu'il spécifie cedroit dans sa requête.
Voilà, Messieurs, les textes de la loi qui régissent Ic recours de con-
tentieux administratif. Je crois pouvoir dire que, suivant ces textes, ce
recours n'était pas accessible au groupe de la Barcelona Traction.
Le Gou\.ernement espagnol a cru pouvoir opposer, dans ses excep-
tions, à la these belge trois arrêts du tribunal suprSme, deux du 30
mai 1959 et un troisième du 30 novembre 19jg (annexe 90, p. 732).
Comme ila étéindiquédans les observations, 1, à la page 269, ces arrêts
tif contre les décisionsdu ministre de l'Industrie et du Commerce, cera-
recours lie pouvant être exercé contre les actes des fonctionnaires
qu'après un appel hiérarchique au ministre. Or, cela n'a jamais eté
contesté.
Je constate que mon estimé contradicteur n'a pas repris ces trois
arrèts dans sa plaidoirie, mais ils'est référéà un quatrieme arrêt, qui
lui est du 24 octobre Igj7 et qui concerne 1'1.E. M.E. (voir II, p. 280).
II vise. dit-il. une Iiypothèse tout à fait comparable celle des refus
d'autorisatioii du plan de compromis. Nous avons examiné cet arrêt
et il nous paraît conduire formellement à une conclusion opposée. Quela
Cour en juge!. PLAIDOIRIlS DE 11. ROLIN 609
Il s'agissait en l'espéce desavoir si l'Institut des changes était tenu
de respecter les changes garantis par un importateur espagnol de pro-
duits hollandais en vertu d'une autorisation du ministre du Commerce
qui avait fixédans la licence le change auquel le paiement pourrait se
faire. Les cours s'étant modifiéspendant que l'opération se déroulait.
l'Institut des monnaies étraneères - uui devait exécuter la décision
du ministre^ p-rétendit appl&uer à ~'ii~ortateur des cours nouveaux
moins favorables que ceux qui lui avaient été aarantis. L'importateur
exerça un recours devant leministre qui rejetaCe recours. Il~s'adressa
alors au tribunal suprêine.Devant celui-ci, le représentant de I'adminis-
tration- dénomméen Espagne le fiscal- contesta la compétence de
cette haute juridiction, en déclarant que la fixation du change par I'acte
attaqué relevait de l'exercice du pouvoir discrétionnaire de 1'I.E.AI.E.
Le tribunal ne fit pas droit à cette conclusion et se déclara compé-
tent. II expliqua dans son arrêt que si effectivement en principe la
matière de change relève du pouvoir discrétionnaire, en l'espèceI'acte
constituait au contraire un cas d'exercice du pouvoir réglementéparce
que le ministre s'étaitengagé vis-à-visde l'importateur et qu'il cessait de
pouvoir s'abriter derriéreson pouvoir discrétionnaire une fois qu'usant
de ce pouvoir discrétionnaire il avait pris un engagement. C'est, Mes-
sieurs, je n'ai pas besoin de vous-le dire, une distinction classique eii
droit administratif: elle sera d'autant plus compréhensible à la Cour
qu'elle rappelle de façon frappante la décisionque la Cour permanente
rit elle-niême.vous vous en souvenez. tout au début de son existence
Sans l'affaire des L)écretsde nationalité$romulgués en Tunisie et au
mar r oocsau'elle déclara que la matière de nationalité bien entendu
lorsqu'un traité était intervenu, qu'un Etat avait pris un engagement
h ce sujet, cet Etat ne pouvait pas prétendre que l'observation de ce
traité continuaità relever desa compétenceexcluYve.
Et ceci me permet de me débarrasser d'une autre observation qui a
étéfaite par mon estimécontradicteur en plaidoirie pour écarter l'argu-
ment que le Gouvernement belge tirait du texte de la loide 1894.Il a paru
voir une contradiction entre le fait que nous soutenions que I'acte in-
criminé relevait du pouvoir discrétionnaire de 1'I.E.M.E. et que, d'autre
vart. dans ses écrits.le Gouvernement belae considéraitoue les décisions
jvai~nt étéarbitraires (voir II, p. 280).
Messieurs, je crois que la Cour n'aura pas de difficulté à reconnaître
qu'il n'y a là aucune contradiction quelconque; qui dit pouvoir discré-
tionnaire ne dit pas pouvoir de décidersuivant son bon plaisir en accor-
dant ou en refusant les autorisations refuséessuivant le degréde sym-
pathie ou d'antipathie que l'autorité éprouve pour le requérant. II est
vrai qu'il n'existait pas en 1945.1946 dans l'ordre interne espagnol de
recours de contentieux administratif contre les actes relatifs au plan de
compromis, mais l'absence de recours dans le cadre du droit interne n'a
pas pour effet de priver le Gouvernenient belge du droit de se plaindre
aujourd'hui devant la juridiction internationale du traitement discri-
minatoire dont ont étévictimes les intérêtsbelges, je dirais au contraire,
cette absence de recours dans l'ordre interne laisse I;ivoie ouverte, ni1
Gouvernement belge pour introduire sa réclamation sans qu'on puisse
inexistantes.e non-épuisement par les intéressésde voies de recours610 . BARCELONA TRACTION
Messieurs, enfin, et i'en aurai fini avec cette matière ouebue Deu
aride, 1:i thCse du Gouvernement esp:ignol rokrtive au zoiitentieux
administratif sr.heurte de la pari du Couverriernent belge une troisièmi:
,)biéction.la rnémeque celle qiie nous nvons opposécdéià cil troisihme
ordre aux moyens qüi nous étaient opposésen iê qui concerne le recours
hiérarchique, savoir que les notifications des décisionsde 1'I.E.M.E.
qui ont été faitesau groupe de la Barcelona Tractiuri soit par i'I.E.M.E.,
<oit nar le ministre. touchant le refus d'autoriser l'exécution du ~lan
a.&&rigement ne contenaient aucune indication quelcon~ue de l'exis- r----
tence d'un recours quelconque ni des délais dans lesquels ces recours
auraient pu étre exercés.
Je crois en avoir assez dit ainsi pour convaincre la Cour de l'inacces-
sibilité en droit du recours de contentieux administratif que le Gouver-
nement espagnol reproche, pour les besoins de la cause, aux victimes
de ses agissements de ne pas avoir utilisé.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, apres avoir montré que
les recours que l'on nous propose de l'autre côté de la barre étaient
par leur nature inaccessibles au groupe de la Barcelona Traction, je
voudrais encore établir qu'à supposer ,qu'ils eussent étéaccessibles,
ils étaient nécessairement inadéquats, ils manquaiexit de pertinence,
étaient voués à l'inefficacité,si l'on considèrela nature des actes coutre
lesquels le groupe de la Barcelona Traction se débattait.
C'est incontestablement en fonction des actes des autorités adminis-
.tratives qui ont étédénoncésdans la requêteet le mémoire belgesque
cette éventuelleefficacitédoit êtreappréciée.Cesactes ont étéénumérés
dans le mémoire(1). paragraphes 355 359. Ils ont étérepris dans les
observations belges(I), lapage 264.paragraphe 313. En voicile résumé,
l'énumérationtrès brève.

iiIl s'agit:
I. des refus d'autorisation opposésaux modalités d'exécutiondu
plan d'arrangement convenu entre la sociétéet ses obligataires;
2. du réquisitoire injuste prononcéaux Cortes contre la société
en décembre 1946 par le ministre de l'Industrie et du Commerce;
3. de la désignation en 1950, comme membre d'une commission
internationale d'experts, d'un homme connu pour étre à la solde
de M. March [il s'agit de l'expert Andani];
4. du traitement de faveur accordé à Fecsa pour l'exécution du
cahier des charges [en contraste avec la rigueur du traitement qui
avait étéimposéau gToupede Rarcelona Traction]. u

Mon estimé contradicteur a cru pouvoir, dans un but de simplifica-
tion, limiter son examen aux refus opposéspar les autorités espagnoles
compétentes en matikre de devises. d'accorder les autorisations iéces-
iliresi I'ex~cutioiidu plaii d'arrangcriient et. par deux nou\.ellçs sim-
plificntions, ;<nsC au 30 novenibre 1946la <Ii:~.i,ion de refus attribué,:
air seul Institut espagnol de monnairs étrangéres.ainsi la date et l'auteur
<lurefus itaient, juivant noiii, enagérénientsimplifiés(voir II, p. 279)
La duiunii:iit;ition qui se trouvéeii majorit6 dansIL.Saniiçxti pul~liies
par le Gouvernementesi>nanolniontre coiiibien JiifL:renteest la rCalit6.
Constatons tout d'abôrcïque les premiers contacts ont eu lieu effec-
tivement avec l'I.E.M.E.: le rr juin 1945, les banques espagnoles qui PLAIDOIRIE DE M. ROLIS 611

de\.aient participer à I'cu6cution du plnn d'2rrangemt:nt s'adressent à
II E 1.. pour en esposcr les grandes lignes (annexe 136. 1). 23 du vol.
III des annexes aus escevtions r>ri.liminaircsru6ol: le 26,iui.. I'IE..\l.E.
donne son accord de (annexe 137, 26 'du mêmevolume) et
le 14 novembre 1945, M. Ventosa, qui est vice-président de la Chade,
précisedans unesqunouvelle noteicàpeI'1.E.M.E. les conditions de I'arrange-
ment conclu avec les obligataires.
Il va de soi, Messieurs, que ce n'est pas de la décisiondu 26 juin
1945 que le Gouvernement belge se plaint puisque I'I.E.M.E., à cette
époque,marquait son accord de principe.
A partir de cette date, c'est le ministre qui va entrer en scène et
l'attitude des autorités espagnoles va changer du tout au tout. Je
rel&veune lettre au ministre di1 6 décembre 1945 (annexe 147, p. 74,
vol. III); le 17 décembre 1945. nouvelle lettre des mêmes associés de
Rarcelona Traction au mêmeministre (annexe 148. p. 76 du même
volume d'annexes). Et la réponsevient le 18 décembre 1945 qui rejette
la première modalitéproposée.Cette lettre qui n'est pas reproduite dans
I:idocumentation espagnole (cette documentation. comme je vous l'ai
dit. est extraordinairement pleine de trous) est, par contre, reproduite
à l'annexe 38 du mémoirebelge (p. 198, vol. 1).
18 décembre 1945: ce n'est pas I'I.E.M.E., c'est le ministre qui nous
a fait connaître cette décisionet nous, ne connaissons pas de lettre de , .
I!6poqiiede l'Institut espagnol de Monnaies étrangères.
C'est du reste, le 19 décembre,au ministre que le vice-président de la
Chade, hl. Ventosa, répond en exprimant ses doléances (annexe 150,
p. 82, vol. III, annexes 1960).
Le printemps 1946 voit uiie nouvelle tentative de ceux qui veulent
aider la Barcelona Traction. Une mission (le mémoire belge (1) y.fait
allusion au Dar. "6, .. -,) est envovée à Madrid pour voir le ministre
et une iiote êstremise au ministre par cette mission le 13 juillet (annexe
152. p. 86 et annexe 153, p. 87 du vol. III des annexes espag-ol~s de
rg60). La note demeure sans réponse.
Une troisième modalité est exposée au paragraphe 56, page 31 du
mémoire. Elle ne comporte plus la fourniture par l'Espagne d'aucune
devise. elle ne reauiert de l'autorité espar.o.. que l'autorisation de
rt:nibour.;er en Esydgne Irs oblig:itions en pesetas c:rnisespar Rarccloiia
'l'r;ictiori.et cc. au moyoi des dis{)onibilitéjde I'Ebro. Cela fait I'objçt
de deus lettres: l'une du zS septembre <I'Ebro3.I'1.E.JI.E . l'autre du
21 octobre du vice-président de la Chade au ministre.
La première de ces deux lettres n'est pas reproduite, mais bien celle
au ministre ainsi qu'une note compl6mentaire du 24 octobre (annexe
155, p. 99, vol. III des annexes de 1960).
Le 30 octobre 1946 -- c'est la date relevéepar mon estimé contra-
dicteur -, M. Ventosa et 1'Ebro sont tous deux informés du refus
d'autorisation, 1'Ebro par 1'I.E.M.E.. mais exactement le même]Our.
M.Ventosa par le minisire (voir annexe 57, p. 105, vol. III des annexes
de.1960, et annexe 158, p. 106 du même volume).
Et enfin il y a une dernière tentative. Comme l'inscription au débit
du compte provisoire en pesetas de l'International Utilities de la somme
nécessaireau remboursement des obligations s'est heurtée à I'oppos~tion
tion ont imaginéd'affecterlesàdce remboursement des intérêtsarriérésdus- 612 B.4RCELOX.4 TRACTlOS
par Ebro à Barcelona Traction pour des obligations de I'Ebro dont
Barcelona Traction est propriétaire. Cela a fait l'objet des notes du
président de Barcelona Traction, hl. Spéciael,les unes au ministre, les
autres A 1'I.E.XI.E. Cette tentative coiinaît le sort de la précédente;
le 14décembre, hl.Spéciaelreçoit notification d'un double refus émanant,
l'un du ministre Suanzes, l'autre de l'I.E.M.E. On trouve le premier
à l'annexe 64, page 534 du volume des annexes espagnoles de 1963,
le second à la page 114 du volume III des annexes de 1960 et à la page
851 du volume auxiliaire des annexes espagnoles de 1963.
D'où, Messieurs, il ressort que les questions à résoudre relevaient
' sans doute de la compétence de I'I.E.M.E., mais que le ministre de
l'Industrie et du Commerce qui, comme nous l'avons vu, présidait le
conseil d'administration de 1'I.E.IiI.E., avait pris dèsle début un intérèt
personnel au règlement de cette question et a pratiquement dicté la
décision. La chose est tellement flagrante que, lors de la publicatioii
des annexes aux exceptions préliminaires, le Gouvernement espagnol a
constaté l'impossibilité de présenter la négociation comme ayant eii
et il a intitulé la sectzodu volume III de cesannexes 1060lo<Lesdémar-n
ches effectuéesauprès des autorités espagnoles au sujet du plan d'arran-
gement 2.Ces autorités, c'étaitessentiellement le ministre. Imagine-t-on
dans ces conditions qu'un recours eût dû êtreadresséau minictre dans
une affaire dont il prenait ainsi la responsabilité?
Une deuxième observation s'impose: les refus opposésaux diverses
démarches relatives au ~lan d'arranre-ent n'étaient Das.iust.fiés. sui-
vant Ic Coii\.crnt:rnent t~elge.p;tr de; consid~5r~tionsd'int2ri.t csp;t~nol
inais Gtaieiit empreiiite:<Icuiitrairc. d'une \.niontéd';icciiler I<.iri.i.loii;i
Traction passer par les fourchescaudines de Juan March.
Mais nous reconnaissons que prise isolément, une quelconqiie de ces
lettres, pouvait difficilement êtreretenue comme portant en elle-méme
la preuve de la partialité. C'est de leur rapprochement, c'est de la suite
des événements, c'estsurtout des déclarations haineuses contenues dans
le discours du ministre du 12 décembre1946 qui éclairent d'un jour si-
nistre les véritables mobiles auxquels il obéissait, c'est de l'utilisation
qui fut faite au moment mêmepar Juan March des décisionsobtenues
de l'Institut de change et de l'usage qui en fut fait ultérieurement par
que 1; preuve de notre inteFprétation de l'attitude de l'administrationons,
espagnole peut résulter.
C'est vous dire, Alessienrs, que mêmesi nous avions eu des recours,
pratiquement il étaitimpossiblèd'exercer des recours successifs à propos
de chacun des actes isolément, alors que c'est de leur ensemble quc
résulte la preuve que, lorsque le moment sera venu, nous pensons
pouvoir faireà la Cour.
JIessieiirs, comme je vous l'ai dit, il n'y avait pas, au surplus, que
les actes relatifs au plan d'arrangement, ces actes de 1945 et 1946:
parmi les griefs que nous avons cités,je vous les ai énuméréstantôt,
le deuxihe grief était le discours du ministre de l'Industrie et du
Commerce de 1946. Vous vous rendez bien compte qu'il n'existe, qu'il
n'est concevable que rapproché avec les actes de la même époqueet
avec ce qui a suivi. On ne voit vraiment pas quel recours le groupe de
la Barcelona Traction aurait pu exercer contre un discours qui est PLAIDOIRIE DE M. ROLIS 613

plutiit pour nous un élémentde preuve qu'un acte qui, en lui-même,
avait des conséquences dommageables.
Le troisième grief concerne la désignation par le Gouvernement
espagnol en 1950 comme membre d'une commission internationale
d'expertsd'un homme connu pour être à la solde de Juan March. Est-ce
que l'on imagine que nous aurions pu, devant un tribunal quelconque,
alors que nous n'étionspas directement viséspar cette décision,inter-
venir pour faire rapporter une nomination d'experts dans une expertise
à laquelle ni Barcelona Traction ni le Gouvernement belge lui-même
n'étaient invités participer. Elle ne sepassait du reste pas sur le plan
des intéréts privés. elle était théoriquement une expertise officielle
gouvernementale exclusive.
Et quant au quatrième grief, le traitement de faveur accorde à Fecsa
pour l'esecution du cahier des charges, Messieurs, il est mentionné
uniquement en raison de la comparaison que nous prétendons faire entre
ce traitement de faveur et celui qui avait étéinfligéau groupe de Barce-
n'était évidemment pas directement visédans des mesures de facilités
d'autorisation, d'indulgence extraordinaire, d'exemption de I'applica-
tion de la législation espagnoleen vigueur dont bénéficiaitJuan Marcli.
On n'imagine pas une juridiction quelconque qui aurait pu êtresaisie
d'un recours de la part du groupe de la Barcelona Traction sur cette
base. -.
Aussi, Messieurs, les exceptions préliminaires se bornent-elles à cet
égard, dans une annexe go publiée à la fin du volume des annexes de
1963, page 728,à faire état de l'action pénalequi aurait pu êtredirigée
contre les fonctionnaires coupables de prévaricatioii, de l'action en
responsabilité civile pour dommages et préjudices causéspar lesdits
fonctionnaires, d'une action en responsabilité civile contre 1'Etat pour
le dommage et préjudicerésultantdes délitscommis par lesditsfonction-
naires. Et, .\lessieurs, vous chercherez en vain dans notre mémoireou
dans nos observatioiis I'indicution que nous avons formellement accusé
des fonctionnaires quelconques de s'êtrelaissé acheter ou corrompre.
J'aurai l'occasion de dire quelques mots plus tard de ce que nous coii-
sidéronsêtrevraisemblablem<:nt les mobiles, mais de toute façon l'exer-
cice des recouis susmentionriés ne pouvait pas raisonnablement être
considéré commede nature à accorder une réparation des torts causés
au groupe de la Barcelona Traction Dar tout ce aui a suivi les décisions
en quesiion que nous aurions di1pr&enter comme uiie suite directe des
agissements desdits fonctionnaires. Sur la base même, de semblables
recours faisaient défaut, puisque ce qu'on reprochaià ces fonctionnaires
c'était de la partialite, mais en aucunefaçon une soumission trop grande
à des ordres supérieurs ni un délitde concussion.
ale voici arrivé, Monsieur le Président. au terme de ma réfutation
de la quatrième exception préliminaire relativement aux voies admi-
nistratives.
Je m'erciise auprès de la Cour d'avoir étésensiblement plus long sur
ce oint aue mon estimécontradicteur. mais iene oou\riis décemment
répo<dre à ses affirmations sommaires par dés dénégationstout
aussi sommaires. Force m'a étéde retourner à des textes de lois et aux
faits orécisde la cause. C'estinalheureusement devant la mêmenécessité
que jévais me trouver lorsque je vais aborder la démonstration du non-'34 BARCELONA TRACTION

fondzriicnt de I'cxcrptioii dc noii-Lpw.iem~iitdvoit, dc recours iiiteiiir
cn ce qui coiicerne les d;i:i5iùjudiciaires.
Sous :irrivoiis ainàil'examcn di1bien-fond6 dt I'excci~tioneii icoiii
concerne divers actes des autorités judiciaires relatifs la. faillite 'de
la Barcelona Traction.
la Cour sur l'aspect toutàufait exceptionnel et, je crois, sans précédent,
que cet examen des voies de recours va revêtirpour elle.
A ma connaissance. dans les très nombreux cas où l'exception a été
invoquée devant des juridictions arbitrales, ou devant la Cour perma-
nente, ou devant la Cour internationale de Justice elle-même.on s'est
trouvé toujours soit devant une absence de recours, soit devant une
insuffisance de recours de la part des victimes - ces recours étant
réputésne pas avoir étéépuisés -; tout au plus, indiquait-on qu'une
voie différente aurait pu êtresuivie par les victimes que celle dans
laquelle elles s'étaient engagées: mais le débat se concentrait toujours
sur ce qui n'avait pas été fait,sur les recours proposéspar 1'Etat défen-
deur comme de nature à donner une satisfaction éventuelle aux vic-
times, si elles étaient fondéesdans leurs réclamations, et comme n'ayant
pas étéutiliséspar elles. Dans le cas de la Barcelona Traction. la situa-
tion va êtretout à fait différente.
L'Etat demandeur, comme je vous l'ai déjà dit, produit un tableau
impressionnant des recours intentés par la Barcelona Traction et les
autres sociétésantérieurement au dépat de la requête.La Cour voudra
bien se référerà cet égard ne fût-ce qu'au tableau qui figure àl'annexe
31du deuxième volume des annexes aux observations belges. C'est un
tableau de 41 pages (p. 399 et suiv.), rien que pour la sècheénumération
chronologique des principaux écrits et des décisionsintervenues dans
lesdites procédures.
On ne conteste pas que ces recours aient étéépuisés, maison prétend
faire admettre Dar la Cour au'ils étaient condamnés dès l'orieine. Ils
introduits, ou émanant d'une personne iuridique qui n'avait pas qualité
pour agir, soit qu'ils fussentnécessairémentinefficaces, quils ne
s'attaquaient pas au jugement de faillite qui était l'alpha et l'oméga
de toute la procédure de spoliation dont se plaignent les actionnaires
belces à Barcelona Traction.
Pest donc autour de ces recours, qui ont étéeffectivement intentés,
que va se produire la plus grande partie de la contestation. Et nous
avons beaucoup moins de temps à consacrer au recours, au seul recours
que l'on nous reproche en plaidoirie de ne pas avoir exercé - car il y
en avait d'autres, très secondaires, sur lesquels on n'est pas revenu en
plaidoirie: la fameuse demande en revision.
Mais àpart cela, neuf dixièmesde la plaidoirie de mon estimécontra-
dicteur, comme de la mienne, vont tourner autour de recours effec-
tivement utilisés et incontestablement épuisés; je crois qu'il valait la
peine de le signalerà la Cour.
D'autre part, e constate que, sans aucun doute, la thèse du Gouver-
nement espagno i a étéexposéeavec une étonnante assurance, je dirais
mêmela plus grande sérénitéd ,ans l'affirmation de certaines thèses qui
nous paraissaient plutôt ahurissantes, une grande apparence de logique,
plus de logique quede respect de la chronologie, car, lorsqu'i un moment
donné, un recours du groupe de la Barcelona Traction devenait véri- PLAIDOIRIE DE >f.ROLIN
61j
tablement embarrassant, on le rejetait vers la fin de l'exposé,afin de
ne pas détruirel'harmonie de ce tableau de l'inaction et de la négligence
et de l'indifférencetotale et coupable, avec laquelle le groupe de la
Barcelona Traction avait accueilli le jugement déclaratif de faillite.
La Cour le comprendra, pour qu'elle puisse apprécier l'opportunité,
la légitimité,la nécessité, l'efficacità laquelle on devait s'attendre,
des recours qui ont étéeffectivement exercés, il est impossible de se
dispenser d'une analyse précisedes situations auxquelles il fallait faire
face, des textes légauxdont ocilpouvait se prévaloir. de l'objet que l'on
pouvait Iégitimementattendre des recours.
Je vais donc nécessairement devoir, à divers moments, parler des
faits de la cause- je m'en excuse d'avance -, je m'efforcerai de con-
server présente à l'esprit la distinction tres nette entre cettphase de
la procédure et celle qui éventuellement suivra dans le débat au fond,
de m'abstenir donc de toute discussion sur la valeur réelleque l'on doit
reconnaître ou dénier aux décisions judiciaires que je devrai citer, mais
je dois tout de mème, dans la mesure où cela est indispensable pour
Etre compris, représenter devant la Cour quelle était la décisionet quels
étaient les griefs qu'à tort oàraison les intéressésà l'époque,ont fait
valoir. et aue vous retrouvez auiourd'hui sous la res~onsabilité du
Gou\.~.rneméiithelgr, dans la procé;liireécrite
I.'histoirc de la fdillite de In Uarcelona l'ractiori comnicnce Ic 14
février1948. C'est le12 que le jugement est prononcé, mais c'est le 14
12 h 45 que les dirigeants de L'Ebroet de Barcelonesa, M. Menschaert
et M. Hiernaux reçoivent la visite du juge du tribunal de premiere
instance no 4 de Barcelone, déléguépour exécuter une comrnissioti
rogatoire, d'un huissier du tribunal de Barcelone, d'un avouédes deman-
deurs à la faillite. du commissaire et du secrétaire provisoire qui ont
ét6 désignésdeux jours auparavant par le juge de Reus et qui sont
assistés d'un comptable. Il est donné connaissance à M. Menschaert et
M.Hiernauxd'un jugement de faillite prononcé à charge de la Barcelona
Traction et ils apprennent avec stupéfaction que la saisie est ordonnée
de tout l'actif des sociétésauxiliaires filialeset par conséquent des biens.
livres, papiers et documents de toutes sortes.
Ebro n'est pas mise en faillite. mais les biens d'Ebro sont saisis et
les dirigeants 'de1'Ebro sont expulsésde leurs bureaux sur lesquels les
scelléssont apposés.
Alors, Messieurs, après un temps de réflexion, ilsse précipitent chez
leurs avocats et tandis au'ils tkl&era~hient à Bruxelles ce aui se nasse
pour demander les autor?isations, ët [omme nous le verrons,'les moyens
de se défendre, ils sont en mesure deux jours après, le 16 février1948.
d'introduire trois recours: l'un contre le juge de Reus en reconsidération
de son jugement de faillite, un deuxikme en récusation du juge de Reus
(car ils considèrent que son jugement comporte tout de mème suffisam-
ment d'anomalies pour rendre suspecte l'impartialité de celui qui l'a
proEst-ce que, Messieurs, c'est là de la négligence?Je ne m'occuperai
Dourl'instant aue du ~remier recours.
Est-ce que CC recou;~ Ptait accesiible aux socciétéasiisiliaires? Est.ce
qu'il devait norm;<leinent conduire à lin résultat intéressant de naturé
à mettre le aroiir>ede la Harcelona Traction :l':ibn de I'invraiseniblaL>Ie
manŒuvre qui ;tait dirigéecontre lui? C'est ce que je vais maintenant
examiner.616 BARCELONA TRACTION

Je souhaite que Messieurs les juges qui ne l'auraient pas encore fait
lisent, s'ils ne devaient lire qu'une pièce du dossier, cet extraordinaire
document qu'est le jugement déclaratif de faillite que j'ai ici sous les
\-eus. oui est ~ublié au volume II des annexes au mémoire belee. ~ ~~-"~,
innekea56, 284 à zSg.
Saturellement, Messieurs, comme ie l'ai dit déià, ie l'ai aualifié de
premier anneau, mais je ne souscris pas à l'appréciation de 'on estimé
contradicteur qui voit en lui le fait générateur, en donnant cette
espression un sens que je considhre comme excessif et inadmissible.
.\rais cela dit, je suis le premier ?ireconnaître que c'est un document
d'une importance considérable.Je le qualifiais d:extraordinaire, je dirais
mêmevolontiers, il est monstrueux, bien entendu sans donner du tout
;icette c\prt:s;ion iin sens p?jorntif qu'il n gr:ii.;rnlerirciitdaris Ic langage
a.uiiiiiiiin.cri ni? tcii:iiit plAisoit ticception t)iologi<liicIIest riiuns-
trucus 1i:irivqii'ilest tiiiiquele ne crois [)a,qli'icsi~tc dnirs la iuris-
espagnole ni dans la jürisprudencé d'aucun pays un docukent
aussi extraordinaire que celui qui prononce la faillite d'une sociétépour
aussitôt après étendre la saisie qui en résulteaux biens d'autres sociétés.
La sociétéBarcelona Traction était une sociétécanadienne. Il n'est
certainement pas inconcevable que les tribunaux d'un pays puissent
déclarer en faillite une sociétéétrangère. Du point de vue pratique,
cela ne présente d'intérétpour les créancierset j'ajoute cela ne présente
d'inconvénients pour In sociétémise en faillite que si la société misa
en faillite a des biens dans le pays où on la déclare en faillite. S'il en
existe, ils feront nécessairement l'objet d'une liquidation, il y aura
quelque chose qui normalement pourra êtreliquide. Et une fois que
l'on aura amorcé cette liquidation avec des biens se trouvant sur le
territoire du juge, le juge pourra, si son pays a la conception d'univer-
salité de la faillite, tâcher d'étendre les effets de la failliteà d'autres
pays, à condition que cet autre pays ait lui aussi une conception d'uni-
versalité de la faillite et qu'il ait des chances d'obtenir l'exécutiondes
décisionsqu'il aura rendues par voie de commission rogatoire.
Or, en l'espèce,Jlessieurs, cette condition - qu'il y ait des biens -
n'étaitpas réaliséeet ?ipremière vue, la faillite de la Barcelona Traction
avait toutes chances de demeurer lettre morte comme le serait un juge-
ment de faillite qui serait prononcé disons en Islande contre la societé
General >lotors ou au Guatemala contre la Société Généraldee France
ou par un tribunal de la républiquedu Tchad contre la sociétéUnilever;
ces sociétéstrouveraient cela une assez mauvaise plaisanterie, mais
leurs actions en bourse ne bougeraient pas d'un point.
temps qu'un commissaire, le séquestre provisoire ne devait normale-
ment pas trouver de biens qu'il puisse appréhender. Le juge de Reus
avait beau ordonnerla saisie de tous les biens appartenant à la Barcelona
Traction et qui se trouvaient dans les coffres-forts de la Barcelona
Traction ou dans ceux de la National Trust ?i Toronto, un tel ordre
était par sa nature inexécutable, à moins que le juge ne recourre à une
commission rogatoire et n'obtienne le concours des autorités cana-
diennes. Mais les demandeurs i la faillite se gardaient bien de le lui
conseiller parce que hl. Juan Rlarch avait envoyéune mission au Canada
quelques mois auparavant pour s'enquérirdes dispositions de la justice
canadienne et de la possibilité, notamment, de faire exécuter le gage
par la National Trust et il s'était rendu compte que l'on était très PLAIDOIRIE DE M. ROLIS br7

impressionné là-bas, d'une part par les ressources abondantes de la
Barcelona Traction dont l'actif était supérieur considérablement ail
passif et qui disposait de ressoui-cesconsidérables bloquéesen Espagne et,
d'autre part, du fait que c'étaient des élémentsde force majeure qui
avaient arrêtéle paiement des obligations.
Alors, Messieurs, comment le tribunal de Reus s'y est-il pris pour
surmonter ce qui était à première vue un obstacle insurmontable!
Comme je vous le disais, j'ai lààproximité le jugement du juge de Reus
dont le dispositif figureà la page 288. Le juge de Reus commence par
ordonner cette saisie des biens, actions et droits, livres de comptabilité
de la Barcelona Traction. Jusque-là, il n'y a, comme je vous le disais,
qu'un préjudicepurement moral et le jugement paraît inoffensif.
Je puis donner à la Cour une preuve du caractère platonique que
normalement ce jugement devait avoir. Il y a dans le volume I des
annexes au mémoire,page 184, le dernier bilan publiépar la Barcelona
Traction. Et dans ce dernier bilan, on voit à l'actif qu'à côté des titres
des sociétésauxiliaires qui sont le véritable avoir, la Barcelona Traction
a aussi un tout petit paquet de titres de sociétésqui ne sont pas des
sociétésauxiliaires, qui sont un investissement minime d'un fonds de
reseive. Il ya 15 ooo dollars de titres d'autres sociétés.Cestitres furent,
bien entendu, englobésdans l'ordre de saisie.
Mais jamais le séquestre provisoire n'a même essayéde saisir ces
titres. Le conseil d'administration ou lreceiuerde la Barcelona Traction
ont au bout de quelques mois, pour se créer les réserves indispensables
pour les premières dépenses judiciaires,vendu cestitres sansprotestation
de personne. Ces titres, Messieurs, faisaient l'objet d'un ordre de saisie
d'un tribunal espagnol et ils n'étaient pas affectés.Mais, quand on lit
le dispositif du juge de Reus, on voit que le paragraphe suivant est:
COn saisira également tout l'actif de la sociétéfiliale Riegos y
Fuerza del Ebro dont la totalité des actions appartient en pro-
priétéà la sociétkfaillie et par conséquent tous ses biens, livres,
papiers et documents de toutes sortes.ii

auxiliaires.
Je dis Ge c'est une innovation car on fait table rase de la personnalité
distincte évidente de la sociétémère et des sociétés filiales.Le iuve
motive cette décision par la considération que toutes les actions de
1'Ebro sont la propriétéde 1;i Barcelona Traction. C'est ce qu'on lit
dans l'avant-dernier considérant. Et la mêmeidée se trouve esprimée
dans le dernier considérant sous la forme suivante: «que ces biens
appartiennent dès lors de façon médiate(en /orma mediatn)à la société
mère B.,
Je signale à la Cour ce premier emploi du mot magique mediatn,
parce que la Cour va voir quelles autres vertus miraculeuses on va lui
découvrir. Mais ici le mot mediata est utilisé pour indiquer la propriété
ciue la Barcelona Traction aurait de cette manière sur les actifs des
s'ociétéfsiliales de façànpermettre au séquestrede saisir et de s'assurer
la possession immédiate des usines, des biens, des dépôts en banque
apFartenant aux sociétés filiales.618 BARCELONA TRACTION

La saisie des avoirs de I'Ebro, plutôt l'ordre de saisie des avoirs de
I'Ebro, est suivie dans le jugement déclaratif de faillite d'une sorte
de parenthèse bizarre, incompréhensible à première vue et en tout cas
parfaitement inoffensive d'apparence. Je lis:

Kétant entendu que la saisie (ocupacidn) [donc la saisie des biens
de I'Ebro] implique la possession médiate et civilissime (posesich
mediata y civilisima) pour ce qui concerne ses actions [les actions
de l'Ebro] qui seraient en la possession de «BarceIona Traction
Light & Power Co. Ltd. n

T'attire l'attention de la Cour sur le caractere très ~articulier de ce
Ixi;j:$ge Coiiiinc voiis \.o),iln'y ;i In; liuiie rneiiiie ;uppli:ment:iire.
de s:ii;ir<:onre\,r;iitdu roste pas.1.ejuge a déji ordonnr au séquestre
Ici hirn; oui se troiivcntà Toroiito. Irj titre;. nctioiis de I'Ehro
qui se trouvent daRs les coffres-forts de Toronto. Il neieut pas ordonner
deux fois qu'ils soient saisis. C'est donc une erreur de mon estimé
n'en est pas question.l parle d'une saisie «médiate et civilissime »; il

Mais le juge prétend attribuer un effet juridique dont il définit la
portée à l'occupation qui se réalisedes biens de 1'Ebro qui se trouvent
donc en Espagne. D'aprèsle juge, il en résultera une possession médiate
et civilissimeiidans le chef du séquestre provisoire sur les actions qu'il
n'a pas pu appréhender matériellement.
Qu'est-ce que cela pouvait vouloir dire? Personne, Messieurs, parmi
les conseils du groupe de la Barcelona Traction consultés ne pouvait
le deviner. En effet, qu'est-ce qu'une possession médiate en droit
espagnol? La théorie de la possession médiate est empruntée au droit
allemand. Son point de départ est l'article 868 du BürgerlichesGesetz-
buch suivant lequel si quelqu'un possède une chose en tant qu'usu-
fruitier, locataire, dépositaire ou par suite d'une relation juridique
analogue qui lui donne la faculté ou l'obligation de possédertemporaire-
ment à l'égardd'un autre, ce dernier est également possesseur (posses-
sion médiate - mittelbarer Besilz). L'usufruitier ou le locataire a la
possession immédiate dans cette conception mais le propriétaire, dont
le titre n'est pas contesté, et qui est en quelque sorte représentépar le
détenteur, est réputéconserver la possession titre médiat. Un auteur
espagnol, Castin, qui est le président du tribunal suprême,écrit dans
son Traitéde droit civil commun et particulier, ze volume, 8e édition,
Madrid 1951 p,ages 397 et suivantes:
R Notre plus récentedoctrine accueille généralementcette distinc-
tion dans notre droit. Quand une personne possède A titre de déten-
teur de la chose tout en reconnaissant la propriétéchez une antre,
il existe deux possesseurs car le propriétaire ne perd pasla possession
de son droit de propriété quoiqu'ilne possède pas matériellement
la chose, etdans cesens on peut considérer comme fidèlementadmise
dans notre système juridique la distinction (que le code allemand
formule clairement dans son paragraphe 868) entre un possesseur
immédiat ou direct [qui est le détenteur] et un autre médiat ou
indirect.»

Le séquestren'était évidemment pas le possesseur inimédiat ou direct
des actions qui se trouvaient à Toronto et on le réputait,par un véritable PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 619

contresens, possesseur médiat des actions qui étaient la propriétéde la
Barcelona Traction.
La possession médiate, d'aprésce que je viens de lire, ne peut exister
que dans le chef du propriétaire. La Barcelona Traction était, si l'ou
veut, possesseur médiat des titres qui étaient confiés à la National
Trust; elle était propriétaire et dans la mesure où la National Trust
était devenue créanciergagiste des actions de I'Ebro, qui se trouvaient
à Toronto, la Barcelona Traction demeurait possesseur médiat. Mais que
le séquestre,qui n'est paspropriétaire et qui n'a pas la possession immé-
diate, puisse prétendre à la possession médiate par le fait qu'on lui a
permis de saisir les avoirs dont les titres de l'Ebro sont représentatifs,
c'étaitévidemment solliciter le sens des termes: c'était une construction
véritableme& ahurissante et qui au début suscita chez les juristes de la
Barcelona Traction une douce hilarité.Messieurs,lequalificatif <mediata »
n'était, en aucune façon, éclairci,complété,simpiifiéou renforcé par
l'adjonction du mot « civilissime11.Cela aussi est une conception qui
existait dans le droit espagnol avec un sens précis.La possession civifis-
sime est celle qui est conféréepar la loiindépendamment du fait matériel
de l'appréhension, de la détention corporelle. Le cas le plus important
est celui de la transmission héréditaire. les héritiers avant, en droit
espagnol comme chez nous, la saisine des biens dont ils hkritent.
Mais, Messieurs, il est évidemment aux antipodes de la législation
espagnole de considérerqu'un curateur de faillit6 ou ce que l'onappelle,
en l'espéce, leséquestreprovisoire en attendant la nomination des syn-
dics, puisse avoir une possession en vertu de la loi des biens qu'il a
l'oblication de saisir matériellement;tant qu'il ne les a pas saisis maté-
riellement, iln'y a pas de possession imag&able.
Voilà,Messieurs,la deuxiéme anomalie; mais celle-là paraissait abso-
lument inoffensive car on ne voyait pas comment 'ette possession
médiate et civilissime pouvait tenir lieu de la saisie matérielle qui est
la condition sine qua nonde toute liquidation et de toute action active
de la part d'un curateur de faillite.

[Audience publique du 21 avril 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je reprends ma démons-
tration où ie l'ai laisséece matin. La Cour se rendra compte que l'objet
<lem;i dhnnstrntion pstrlcIiroiivcr qiie Icrecoursdes sociit;, 51isili.iiii.i
de I'Ebro et de I;i I(;iricloiizs.i ;tu Iciidt:m3in du jugciiiznt dt: faillite
(tait lc~itime, ii<ce;s;~ir~r,cev3ble. adixiiint et siiîiis:àiilui seul Iioiir
é~uiser-lesvoies de recours interne. Et comme il a étépoussépar tous
lès moyens tant qu'il y a eu la moindre possibilité dé surmonter les
obstaclesinnombrables que leEroupe March et lesdécisionsdes tribunaux
semaient sur la route dis soc'iétéa iuxiliaires. cela a continué. Pour le
rendre sensible à la Cour, j'ai commencé l'analyse du jugement de
faillite, me limitantà son dispositif, et je lui ai montré qu'il y avait,du
point de vue qui nous occupe, trois points à retenir; il y avait deux
ordres donnés par le juge de la faillite, deux ordres de saisie. L'un
était normal, banal et en l'espèceparfaitement platonique. Un juge qui
ordonne une faillite ordonne nécessairement la saisie des biens du faill!.
C'est ce que fait le juge; mais comme ces biens sont ?+l'étranger, 11
sait -- et j'ai montré qu'il en fut ainsi- qu'ils ne peuvent faire l'objet620 BARCELONA TRACTION
d'une appréhension réelle,c'est-à-dire d'une saisie au sens juridique
du mot. --
Et puis il y avait un deuxième ordre, qui, celui-là, était anormal,

inattendu, sans précédent, sans répétition: c'était la saisie des biens
~ ~ ~ ~ ~ ~té commercialeaui n'était Das déclaréeen faillite. Ah! sil'on
:i\..,iiiii:igiii<11icp.1rt.cIIIIIll:ir~,cl~n.'l'r:~ctii~tiois6d.~ittoit5 Ie~ritrt,~
1.1i ~ii;,rvnlialr:Jcv;iit Ctre cniiicl;.i;c i~oiiiiiiti\.ti\.ç cqu'il n'en scr;iit
DIUSonestion. eh bien! Messieurs. il fallait la mettre en faillite aussi.
;l iGtll;,iIIC plus mnvnqiicr ~iIt,;rir~ir~ii~c~die ts ~~sc~~il,l~g ~;.it'r,ilcjCI
iiiiiiiiii,.i ,Ici t.t~nirili <I'atlmiiiisrr~tioilfall..it I:uppriinvr Cc ii'cst
Dasce au'on a fait. Commevous le verrez, on n'a pas cesi6de la maintenir
ili:%i>l,,our l<,*IW~~II~ Iv 1.1C:LU,C, 011 3 ini;iGiutrit.>:siair,CS avoirs, Ir3
si,iili viilnirnhlcs, Ics -ziils.iI;i1~0rtCc J'itn ic:qut,srr<:,-ip:igiiol. Et .ilors
cil :t :iiuiit;i~rt~~ r)ar,.nrli~ir. rilct,rq:pllis;riiiiii:liitccllt!-li, oui t;t:iit
une soite d'appendice théorique ajouté à la saisie des avoirs de
1'Ebro. On a déclaréque cela impliquait la possession médiate et civilis-
sime de ces titres de 1'Ehroqui étaient iuatteignahles parce qu'ils étaient
à Toronto. Et l'on a ainsi donné l'impression que l'on ailait - et ulté-
rieurement on s'est aperçu que c'était la suprêmepenséedu juge et de
ceux qui l'avaient inspirée - par ce subterfuge, par cet artifice, établir
une équivalence entre cette possession médiate et civilissime que l'on
prétendait attribuer au séquestre sur ces titres et la saisie réelle,maté-
rielle, qu'il aurait pu exercer si ces titres s'étaient trouvés en Espagne

à sa portée.
Dès lors, Messieurs, il saute aux yeux que le seul effet pratique immé-
diat du jugement déclaratif de faillite, le seul trouble réelapporté au
groupe de la Barcelona Traction c'est le fait qu'elle a perdu - et ce
n'est pas sans importance - le contrôle des sociétésauxiliaires et que
les avoirs de ces sociétésauxiliaires se trouvent paralysés.
La Barcelona Traction n'a pas perdu un titre, tous les titres sont
demeurés à Toronto, mais la Barcelona Traction constate que les avoirs
représentatifsde ces titres ont échappéau contrôle desconseilsd'adminis-
tration des sociétés filialesD . ans ces conditions, il tombe sous le sens que
ce n'était pas Barcelona Traction qui devait agir, mais les sociétés
auxiliaires; l'abus commis par le juge de faillite était flagrant et attei-
gnait les patrimoines des sociétésauxiliaires; c'étaitcepatrimoine auquel
on avait porté atteinte. C'est donc elles qui doivent intervenir, et elles
interviennent. Eues interviennent le 16 février.J'ai dit ce matin que la
saisie, la visite, avait eu lieu le 14: je me suis trompé de jour, c'étaitle
13. On n'a pas perdu de temps; le jugement avait étéprononcé le12, il
ne sera publiéque le 14, mais grâce au zèletout particulier mis par les
autorités judiciaires de Reus et de Barcelone et grâce aux communica-
tions ultra-rapides que les demandeurs à la faillite peuvent leur assurer,
dès le 13 à 12 h 45 M. Hiernaux et M. Menschaert reçoivent la visite

des messieurs qui viennent mettre les scelléssur leur bureau.
Messieurs, j'imagine qu'à ce point de ma démonstration le défendeur
de la thèse espagnole qui s'est occupéde la troisikme exception s'est
penchévers son coilèguequi s'est occupéde la quatrième et a souligné
avec une certaine satisfaction que les sociétés auxiliaires,dans sa pensée,
ne peuvent pas satisfaire à l'obligation d'épuiserles voies de recours
intêmedans-un procès qui, toujoürs dans si pensée,est intenté par le
Gouvernement belge dans l'intérêt dela Barcelona Traction et que PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 621

c'était à Barcelona Traction d'intervenir pour exercer les voies de
recours interne.
Monsieur le Président, perd-on de vue que, non sans doute sur le plan
de la procédureinterne où, cornme je le disais, il y avait plusieurs per-
sonnesjuridiques, mais quant àla réalitédes intérêtsen cause (etj'ajoute
des cerveaux qui vont concevoir les recours à exercer et prendre des
décisionset donner des instructions aux avoués), Barcelona Traction,
Ebro et Barcelonesa c'est bonnet blanc et blanc bonnet, qu'en réalité
ce sont les mêmes hommesqui vont là-bas sur place téléphoner,télé-
graphier aux capitales pour savoir quelles mesures on va prendre pour
résisterà cette dangereuse emprise? Et quand je dis bonnet blanc et
blanc bonnet, c'est qu'ils ont quelque chose de commun: ils ont une
cocarde belge; ce sont des intérêtsbelges qui sont léséset j'en vois
situation matérielle où se trouvaient les dirigeants belges de 1'Ebro
aue l'on mit à la norte de leurs bureaux? Ce n'était vas seulement leurs
bureaux dont ils étaient privés;ils étaient du jour a; lendemain coupés
des comptes en banque où se trouvaient les ressources des sociétés
auxiiiairës. Les société;auxiliairesn'avaient nlus une veseta nour exercer
un recoursquelconque. Et àqui s'adresse-t-A de arce el opo ur deman-
der des instructions et des movens matériels? On s'adresse à Bruxelles,
ons'adresse à la Sidro: c'estelléaui va faire les frais des ~remiers recours
et c'est elle qui bientôtà partirde 1949 - dèsque ~akelona Traction
et National Trust se trouveront devant des dépenses judiciaires dont
on n'a pas idéeétant donnéla multiplication géométriquede ces recours
- va devoir alimenter les actions ultérieures; ainsi, Messieurs, je
crois que mon collégueM. Sauser-Hall avait bien raison lorsqu'il mon-
trait qu'en réalité sousces ktiquettes variées il n'y avait d'intérêt
véritable qu'un intérêtbelge. Qu'aurait-on fait, qu'aurait dit le Gouver-
nement espagnol si le Gouvernement belge était venu lui dire: «Il n'y
a pas eu de recours judiciaire, mais vous ne pouvez pas m'opposer le
non-éuuisement des voies de recours interne Darce au'en réalitéles
sociétésse trouvant privéesde leurs ressourcesn6nt pas eu la possibilité
d'intervenir.iiC'est le Gouvernement belee auA défenddes intérêtsdes
actionnaires belges et vous apporte la preuve qu'indirectement ces
actionnaires belges ont exposédes sommes considérables pour assurer
la défense et je crois que c'est là un argument de plus également en
faveur du rejet de la troisième exception. Mais je clos cette parenth&se,
je reviensà mon sujet et je prie la Cour de retenir que les sociétés filiales,
étant très directement et évidemment et seules frappéespar la mesure
conçue par le juge de Reus ont immédiatement, dans les trois jours,
réagi. Je n'aurai pas de peine à démontrer, je pense, que ce recours
était pleinement recevable, qu'il était efficace et qu'il a étévainement
épuisé.
Le moment est venu, je pense, de rechercher quel est l'argument
que le Gouvernement espagnol oppose à l'invocation par le Gouverne-
ment belge de l'immense effort tenté dèsles premiers jours par les mem-
bres du groupe de la Barcelona Traction qui se trouvaient à Barcelone,
c'est-à-dire, par les sociétés auxiliaires.
Il n'eçt pas aiséde comprendre le Gouvernement espagnol, car, comme
je l'ai dit, ce n'est pas dans la partie consacréeau jugement de faillite.
mais dans une espècede petit appendice relégué à la fin de la plaidoirie
que l'on trouve l'examen des recours par les sociétésauxiliaires, comme622 BARCELONA TRACTION
si c'était là une sorte de fantaisie, de curiosité, quelque chose de tout
à fait accessoire eà côtéde la question.
L'argument que l'on nous oppose est, je crois, résumédans la décla-
ration suivante de mon estimé contradicteur, le professeur Malintoppi:

«Les sociétésfiliales [tenez-vous bien] n'avaient point d'intérêt,
d'après les principes de la procédure espagnole, à faipre oposition
à la déclaration de faillite de la Rarcelona Tractiou.(II, p. 304.)
On vous parle ici d'opposition, nous verrons tantôt qu'effectivement
ily eut une opposition. On ne vous parle pas de la demandede reconsidé-
ration du 16 fewier. mais I'argumentation est, sans doute dans la pensée
de mon estimé contradicteur, commune à tous les recours intentés par
les sociétés auxiliaires.
Donc, elles n'auraient point d'intérêt,d'après les principes de la
procédure espagnole.Quelle singulièreconception, Messieurs! C'est dans
la procédureque vous cherchez la question de savoir si quelqu'un a ou
non intérêt.J'ai vraiment l'impression que vous pouvez garder votre
code fermé.Voyezles faits. On prend lepatrimoine des sociétés auxiliaires
- et elles n'ont pas d'intérêt.Je ne connais pas de règle de droit qui
uisse nier l'existence d'un intérêtdans une circonstance semblable.
8 n continue en disant cau'il aupartenait en tout cas à la société mère
de s'opposer à cette mesuie méâ:ate et civilissime~et l'on justifie aussi-
tôt cette affirmation étonnante par l'argumentation suivante:
(([cette mesure] après tout visait au point de vue juridique le
patrimoinede la société mère elle-même dament déclaréeen faillite,
etnon pas les patrimoines des sociétésfiliales en tant que telles»
(11,P. 305).

Il est bien évident, Messieurs, que le jugement de faillite aurait di
viser exclusivement le patrimoine de la société mèreM . ais lorsqu'on se
patrimoine des sociétés filiales, voyez-vous, vous avez beau ajouter
<<entant que telleso,c'est encore une foisune petite restrictiànlaquelle
je ne puis accorder aucun sens. On atteint le patrimoine ou on nel'atteint
pas; en l'espèce,ce patrimoine a étéatteint. Et vous continuez:

uil est bien vrai que la saisie médiate et civilissime des actions
des sociétésfilialsuiétaient la propriétéde la société mèreentraîna
aussi la saisie des biens des sociétés filialespendant les mois de
févrieret mars 1948 » (ibid.).
Mais là encore, c'est la saisie des actions des sociétés filialesdans le
patrimoine de la société mère qui joue un rôle décisif,car la saisie des
biens des sociétésfiliales dans une situation semblable découledu fait
que les actions desdites sociétéssont la propriétéde la société mèreet
tombent à ce titre dans le cadre de l'administration de la faillite.
Ce raisonnement n'est pas seulement empreint d'une sophistique
déplorablequi sauteaux yeux,il n'est mêmepas conforme à la construc-
tion juridique du jugement du juge de Reus. Eu effet, il n'est pas vrai
que c'était la saisie médiate des actions des sociétés filialesqui avait
entraîné la saisie des biens des sociétés filiales. C'est lecontraire qui
est vrai. Je vous ai lu, à dessein, le dispositif du jugement de Reus.
Car après avoir ordonné la saisie des biens des sociétésEbro et Barcelo-
nesa, le juge de Reus ajoute acette occupation matérielle, tangible. des PLAIDOIRIE ~ijh. ROLIS 623

biens de la sociétéEbro implique la possession médiate et civilijsime
des actions qui se trouvent à Toronto et qu'elles sont inatteignables~.
Du moment que cela implique, mêmeen se plaçant dans le système
de la construction échafaudéepar le juge de Keus, c'était évidemment
à la saisie des biens des sociétésfilialesqu'il fallait avanttout s'attaquer,
à la fois pour restituer ces biens aux sociétésfiliales et pour faire tomber
la base de cette constmction invraisemblable de possession médiate et
civilissime que l'on prétendait accorder au séquestre provisoire sur les
titres qui se trouvaient à Toronto. Et, Messieurs, puisque le seul patri-
moine touchéétait celui des sociétés filiales,contrairement à ce que dit
le Gouvernement espagnol, c'étaient évidemment les sociétés filiales
seules qui pouvaient l'exercer.
Donc, je crois pouvoir dire qu'incontestablement elles avaient un
intérêt,elles pouvaient agir, et alors je crois comprendre dans les excep-
tions préliminaires et peut-êtreaussi dans la plaidoirie que nous avons
entendue, que de cette prétendue absence d intérêt,on a voulu tirer
une autre conséquence.
Auparavant, je dois mentionner que les exceptions préliminaires
avaient ététout de même«meilleur joueur apuisqu'elles avaient reconnu

textuellement qu'Ebro et Barcelonesa avaient agi logiquement, en
limitant leur recours à ce qui les intéressait, à savoir, la contestation
de la Iéeitimité desmesures de saisie de l'actif de Barcelona T-~~ti~n ~ ~ ~ ~ ~
qui les affectaient directement.
L'argument tel qu'il a étéesquissédans les exceptions préliminaires
et qui, je suppose, n'est pas abandonné, est de dire: lisezdonc lesrecours
d'Ebro et de Barcelonesa. On ne demande pas, dans ces recours,l'annu-
lation du jugement de faillite. On demande que le jugement de faillite
soit ~ureéde cet abus aui est l'extension de la saisie aux avoirs d'Ebro
et dE ihrceionesa. On fous dit: puisque II jugenient CICf.,iiiite cit en
rc'alitLl:e mal principil dont \.otis \.ou3 plnigiiez. iin r~coiiri 112peut
pas le dctruire in;iis oui uziit sciilenient 1'~nivuttr d'urie de ses r~.irtirs
éstun recours inefficace.je pense ne pas trahh la penséede mon êstimé
contradicteur et cela me permettra immédiatement de vous montrer
combien il est éloignédes réalités.Le jugement de faillite débarrassé
de l'ordre de saisie des avoirs d'Ebro et de Rarcelonesa, qu'est-ce qui
reste, Messieurs? Il reste une phrase. II ne reste rien. Si l'on restitue les
avoirs aux sociétésEbro et Barcelonesa, eh bien! le séquestreprovisoire
pourra se tourner les pouces, car lorsqu'on aura supprimé le séquestre
sur les biens matériels, iln'y aura plus moyen de soutenir que. par le
détour de cette saisie matérielle,il a la possession médiateet civilissime
des titres. Il n'y aura donc rigoureusement plus rien. Ils ne pourront plus
se conduire en actionnaires, et cette faillite pourra très rapidement
êtreclose faute d'actif oui soit administrable ~ar le séauestre ~rovisoire.
Ce qui fait qiit;iu lieu d"al>inraitre somme étkt iiirkoiirs ;>arnature
inefficacc. le recours de; so~it?tïsauxiliaires appauit comme mnriifeste-
ment le recours tv~e aui fra~~ait au cceur mgme de la décisionet aui
débarrassait vériïabiekent 1; ?lécisionde tout ce qu'elle pouvait avoir
de nocif. comme une guêpe à laquelle on aurait arrachéson dard.
Monsieur le Pr6sidënt; je rappelle une fois de plus à la Cour que je
n'attends d'elle, eu aucune façon, qu'elle se prononce sur le bien-fondé
des griefs que les sociétés auxiliairesfaisaient valoir contre le jugement
du juge de Reus. Cela sera pour plus tard. Pas plus que je ne lui deman-
derai de se prononcer sur Je bien-fondéde l'appréciation de l'attitude624 BARCELONA TRACTION

du juge de Reus que vous trouvez dans la requêteet dans le mémoire.
Cela aussi sera pour plus tard. La seule chose que je demande à la Cour
de bien vouloir reconnaître, c'est que le grief que le Gouvernement belge
articule est le même,exactement le même,que celui que firent valoir
les sociétésauxiliaires devant le juge de Reus et ultérieurement devant
la cour d'a~oel de Barcelone. Elles allèrent iusau'au tribunal su~réme
lorsque celaiut possible, sans parvenir du reste à'se faire entendreparce
que leur voix était considérée comme non recevable.Je demande à la
Cour de reconnaître qu'elles ont agi raisonnablement, normalement, que
ce recours était indispensable et que par sa nature il aurait dû être
suffisant pour éviter au gro.pe d. la Barcelona Traction ses malheurs
iiIr~.ri~ur<
II reste i (lirvqiir Icïrrr.<jiirjun1>t~~~~l>iii;(;"s?.sr, Jlessiciir;. iinzlongiit:
Iiistoirc(liii(Ic\.rsit nie prciidrc pliisi(uri Iieurci, innij \~aini<iit jc crois
i>iiu\oirni'riidiint-nier. \.iciii'<,Ia<616faite rn Jit;iil ;ailxi>:+r.i:rn~>li,:~
;18,124 à 129 et;43 à 1~5dû mémoire.Je me bornerai à rapieler"brfève-
ment que ces recours des sociétésauxiliaires furent d'abord reconnus
non recevables en raison de leur ~ersounalité distincte de celle de la
>ociCrlf:;iillii. Vousrenrlvï-voiis~-~ri~~)t~\leiïicuri? 1.çliigr di: In f:iillitt:.
I'autvur (IIIjiijicnirnt dii 12 IC\.rier,qui :ivair pris 1,rt;ttxtc JIIf.iirOIIV
tous 1t.stiirc; (Ir I'El>ro ic 1roiiv:iirnt:III\iii;iiiide 19~rceloii;r'I'r:i~:tit~ii
pour dire qu'il considérait que les avoirs de Barcelona Traction compre-
naient les avoirs de i'Ebro, que cette personnalité distincte était une
fable. le mêmeiuee,".orsaue l'Ebro se orésente à la barre. déclare: iAh
non! Vous êtes une distincte' et je ne peux en 'aucune façon,
sans méconnaître desprincipes juridiques élémentaires,confondre votre
~ersonnalitéavec celle de la société mère ,,
hill~i,pour I;Liiliiit.ils'agiicait d'iinc sciile soriétr,Cr [loiir la 1)rocr'-
[lure, (1u;ind il s'agiss:iir dt.sc di,fendr,. <.oiitrcIL siisir., hrucclut.nienr,
la ~crconiinlir<'diîtiiicic rc.;suscirait.C'rit. \It:sîit urs, ai;-.ï ii.iii~t~.~lioiid.
Êt puis, deuxième moyen invoqué par les demandeurs A la faillite,
c'était que la procédure en faillite était suspendue et que, nécessaire-
ment. le recours des sociétésauxiliaires devait suivre le sort de la pro-
cédure en faillite suspendue par des déclinatoires de compétence in-
troduits successivement par deux hommes de paille de Juan March,
M. Garcia del Cid et M. Boter.
Et puis, les demandeurs à la faillite eurent recours à un troisième
moyen, qui fut également accueillipar les tribunaux; se prévalant de
la possession médiate et civilissime de ces titres qu'ils n'avaient jamais
vus et qu'ils ne virent jamais, car ils ne quittèrent jamais Toronto, ils
prétendirent néanmoins se conduire en actionnaires. Ils convoquèrent
une assemblée eéné.,le oùils se ~résentèrent. et s'étant rése enté às
celte ns;~~nll>lt:gt:in6rale qu'ils av;tiviit ioiivoqu;~, ils r6\,i,qii$rcnr Ici
ndrniiiiîtrnteur~ de; sociCt6s auxiliaire.; Cr, aprt.. avoir rFvoquC Ica
adniini~trareiir; (les s(ici6tr'i nusili:tiri.il..rii iirininiirent d'nuires, rt
lys noii\.e.iiis ndiiiiiiiitr~reur~ iioiiiiiiis pnr Ici orgaiie> de IL fnillitr
revoqiir'ri:iit les nvoucj JÏ 1'Et.m ci de l{ar~cloi~csn; ii hien que
les recours introduits par les sociétésauxiliaires tombèrent brusque-
ment et disparurent suite aux désistements des nouveaux avoués ainsi
désignés.
Voilà, Messieurs, contre quoi les sociétésauxiliaires se débattirent
pendant des années, sans le moindre résultat. On n'a pas contesté, et PI.AIDOIRIE DE AI. ROLIS 625

je ne crois pas que l'on contestera que les voies de recours internes
aient étéépuiséespar ces sociétés.
Alors, Messieurs, peu confiants dans l'argumentation relative aux
recours des sociétésauxiliaires, on a imaginé de sous-évaluer et de
prévenir en quelque sorte toute impression que vous pourriez avoir de
cet effort infructueux, en développant longuement, dans la première
partie de l'exposéoral que vous avez entendu, qu'en réalitéil n'y avait
au'un recourr tvDe: le recours auauel il était indis~ensable aue l'on
fitiq,l>eI,quel',inutiliiit. pÿrce<lti'6t;iir >ciileii rnt:surc tic si~i>~rimer
cc 1ii;inient <IVfnillite. Ic Idnicif;tig;ii+rnteiir de tous 1i.siii:iux. Et
ce ri.cotirs. vvii; I'a\.ez dc.viii(..c'cit I'UI>I>O1'0II'.1'0SI'l'10S\'\.cc
dis majuscules, l'opposition di: la sociéti'failli'.
Eh bien! Messieurs, nous ne sommes pas impressionnésdu tout par
cette argumentation, pour de très nombreux motifs. Le premier c'est
que le recours des sociétésauxiliaires, que je vous ai indiqué. a pris
le23 février,puis sept jours après, la forme d une opposition, opposition
qui était dans les délais,mêmecalculésde la façon la plus étroite, tels
que le propose le Gouvernement espagnol, et la chose est reconnue
daLa deuxième réponserélimànla thèse de l'opposition. remède unique et
souverain, c'est que la Barcelona Traction, lorsqu'elle s'aperçut que.
par suite des substitutions d'avoués, les recours des sociétésauxiliaires
n'allaient jamais aboutir à une décisionsur le fond, car les griefs des
sociétésauxiliaires n'ont jamais étéexaminés par aucun tribunal,
notifiaà son tour une opposition alors que le délaid'opposition n'avait
r>ascommencé à courir.
Puis. j'ai un troisièmeargument: à supposer mêmeque la Barcelona
Traction eût exercé son opposition dans les huit iours - non même
pas - de la publicatiori dans les journaux de province espagnols, mais
qu'elle l'eût exercéedans les huit jours du prononcé du jugement, il
n'y aurait rien eu de changé, parce que le système imaginépar Juan
hlarch et approuvé était en place. Le déclinatoire de compétence -
le premier déclinatoire, i2lessieur- est du 13 févrieret il y a tout de
suite un créancierà portée de la main: ce qui fait que l'on a immédiate-
ment, avant mêmeque l'opposition soit formulée,trouvé un moyen de
suspendre. Et que va-t-on suspendre? On va suspendre l'examen des
griefs, mais l'on va permettre L'acheminementvers la vente des biens.
Voilà l'admirable machination conçue par Juan March et qui a la béné-
diction du juge de Reus, des juges spéciaux et de la Cour d'appel de
Barcelone.
Et ~uis. il v a une auatrième ré~onse.c'est aue. à défaut d'obtenir
une decision éntemps Ûtile sur les méritesde soi opposition, Barcelona
Traction aurait dû pouvoir faire échecau déroulement de la faillite par
sa dénécationde 1i corn~étence.ou dus exactement de la inridiction
<letrihunliiiu cii~a<n<,ly.ci~nil>rîcjkge de Kcui. déntgatioii de corniiG-
teiic~.iiir l:i<~i:ucuiic dccision judiciaire ri'eit iiitcr\~çiiue;r19fj3.
Je vais reprendre. Messieurs.-aussi brièvement que possible, ces
quatre points.
Le premier et le troisième des points que j'ai énuméréspourront
étre traitésbrièvement. Le deuxième et lequatrièmeme retiendront plus
longtemps.
Le premier est relatif à l'opposition proprement dite des sociktés
auxiliaires: c'est un fait que les sociétésauxiliaires ne se sont pas626 BARCELONA TRACTION

hornées le 16 février à introduire une demande de recousidération et
deux demandes de récusation; elles ont, le 23 février, commeil a été
signaléau mémoire belge. 1, page 60. note I, et rappelédans les observa-
tions belges, 1, page 228, paragraphe 234, présentéun nouvel acte par
lequel elles donnaient, pour les besoins de leur grief, la forme d'une
opposition au jugement de faillite. Et l'acte setrouve reproduit à l'annexe
33." observat~ons.
La Partie adverse veut bien la mentionner, là où je l'ai indiqué,aux
termes de l'audience du z avril (voir II, p. 304). C'est même très
exactement sous Ic vocable d'opposition sëulemeit que les actes des
sociétésauxiliaires figurent dans les exceptions préliminaires et dans
l'exposé oralque nous avons entendu.
L'attitude que l'on prend au sujet de cette opposition est singulière.
iiIl n'est pas nécessaire[c'est ce que je lisà la page 3041de s'arrêtersur
la qualification de l'opposition forméeenfait par les sociétés filialespour
déterminer si elle fut fondéesur l'article 1028 du code de commerce de
1829 visant l'opposition à la faillite ou bien sur l'article 377 de la loi de
procédure civile visant l'opposition ordinaire. B S'il n'est pas nécessaire
de s'v arrêter.eh bien! Messieurs. nous ne nous v arrêteronsoas. Cela
m'csi tout i I;iic'fi.i.e~ori_itatequ'ilupoint <le\.iiE<lcodede I);oc~di~rc.
iiotrr adierî;iirt est quclquc peu eniharr.is;i. pour tenter dr d?i~i<.rqiir
cette oo~osition ait été recevable comme tell&.bien aue n'émanant Üas
de la sÔCiété faillie.
Voici ce que je lis sous la plume d'un auteur, M. Ramirez, dans un
ouvrage très développésur la faillite, paru en 1959 à Barcelone; c'est
un ouvrage qui ne manque pas d'intérêt parce que l'auteur cite constam-
ment des juristes espagnols qui ont donné des consultations au groupe
March. Or, sur ce point précis,cet auteur s'exprime comme suit:
<Finalement, nous ne croyons pas que dans la faillite sur requête
la qualité pour s'opposer au jugement déclaratif de faillite appar-
tient seulement au failli et à ses créanciers, à l'exception de celui
qui a demandé la déclaration de faillite. Ainsi que nous l'avons
exoosélorsaue nous avons étudiéla faillite sur aveu. nous estimons
~IIC ccttc qualit;! ~pp~rticrit ;t<lei ticrs qui pour dl. r.iisuni de
rnrsctire moral oii ~cononiiqii~o~nt linintir81 Ir'gitinicru v?ritabli:
dans I:If:tillitc.dur15krmesun: où ilssont :iilccti.sdr auelout: ni3nii.r~
que ce soit. Ét ceci parce que si le jugement déclahide faillite,
par suite de son caractère général,crée une nouvelle situation
iuridiaue aui affecte tant le failli aue ses créancierset aue certains
&ers, >l sêrait inexplicable de lakser ces derniers sans défense
tandis qu'aux autres on reconnaît un moyen d'attaquer le jugement

C'est ce que je lis la page 743 et suivantes de cet ouvrage.
Voilà, Messieurs, une oanstatation formelle. Bien entendu, c'est peut-
êtrece qui a inspiré mon estimé contradicteur lorsqu'il a soutenu que
les sociétésauxiliaires n'avaient pas d'intérêt,qu'eues n'étaient pas
affectéespar le jugement de faillite. La Cour reconnaîtra qu'il est vrai-
ment difficile de considérercette allégation comme sérieuse si on songe
que c'était tout l'avoir des sociétésauxiliaires qui se trouvait mis sous
la garde du séquestre et enlevéauxdites sociétés auxiliaires.
Ainsi, Messieurs, ceci confirme déjà l'inanité del'accusation de négli-
gence dirigéecoutre le groupe de la Barcelona Traction et le caractkre PLAIDOIRIE DE 31.ROLIN 627

fantaisiste de la supposition qui a étéémiseen plaidoirieà savoir qu'en
réalitéle moupe de la Barcelona Traction, à l'époque.avait entièrement
négligélei recours de la voie interne judiciaire pour s'en remettre en-
tièrement à la protection diplomatique des Gouvernements belge et
canVous verrez, Messieurs, le tableau des recours et vous verrez toute
l'activité qui fut déployéeau cours des premiers mois, je dirais plus, au
cours des premières semaines, par le groupe de la Barcelona Traction.
Si la société BarcelonaTraction, la sociétémère, n'intervient pas en
son nom propre dans les tout premiers mois, c'est uniquement parce
que cette intervention lui apparaîtà la fois comme superflue et préma-
turée. Bien entendu, il ii'est jamais entré dans la penséedu Gouveme-
ment belge de soutenir, comme le lui impute la Partie adverse, que la
sociétén'aurait pu faire opposition dans les huit jours qui ont suivi
la ~ublication de la décision déclarant sa faillite. Le Gouvernement
belie n'a jamais rien soutenu de semblable: ilasoutenuet ilmaintient que
la Barcelona Traction avait, à bon droit, différé sapropre intervention
Darce oue les tribunaux esoaenols se trouvaient SaiGs d'un recours
Euffisani et parce qu'elle-m??mipouvait garder en réserve sa propre
opposition éventuelle. vuque le delai d'opposition n'avait pas commencé
gêourir,ce que je pense pouvoir vous dgmontrer d'ici queiques minutes.
Monsieur le Président, l'opposition de La Barcelona 'Traction est
effectivement venue s'ajouter au bout de quelques mois à l'opposition
de 1'Ebro et de Barcelonesa, exactement le 18 juin 1948. L'acte de
comparution conclut à ce qu'il soit donné acte de la présentation de
l'oppositionà la déclaration de faillite.
La Cour sera heureuse d'apprendre qu'il n'y a pas de désaccordentre
les Parties quant aux textes légauxqui régissent le délaid'opposition
en matière de faillite. Comme il a étéexposédans les observations belges
et comme l'a confirmé monestimécontradicteur, l'article 1028du code
de commerce de 1829 stipule que le débiteur mis en faillite est admis
à former recours contre le jugement ayant déclaré lafaillite dans un
délaide huit jours ouvrables à compter de la date de publication de
ce jugement, conformément aux dispositions en vigueur. Ce texte doit
êtrerapproché de l'article 1044 du même codequi, précisément,fixe
ce qu'est la publication du jugement. Le point 5 de cet article prévoit
la publication de la faillite par affichage dans la localité(pueblo)du
domicile du failli et dans les autres localitésoù il aurait des établisse-
ments commerciaux, airisi que son insertion dans le journal de la place
ou, s'il n'y en a pas, de la province. De quelle place s'agit-il, de quelle
province s'agit-il? On est unanimement d'accord pour considérerque,
comme pour l'affichage,il s'agit, suivant l'article 1044. du journal de la
place où se trouve le domicile du failli ou, s'il n'y a pas de journal officiel
deLa Barcelona Traction avait son siège socialceàoToronto. 11ne parait
donc pas douteux un seul instant que la publication devait avoir lieu à
Toronto. Pour que le délaide huit jours puisse courir, ce délai prenant
effet au jour de la publication, il faut que la publication soit conforme
à la législationen vigueur, doncà l'article 104450.
Messieurs, comment justifier, comment expliquer que l'on peut au-
jourd'hui considérer comme régulière une publication qui aétéordonnée
par deux décisions différentes, maisqui a eu lieu le m&mejour, une
fois dans la province de Tarragone où se trouve situé Reus, et une fois628 BARCELOSA TRACTIOS

à Barcelone? Et I'on n'a pas envoyéde commission rogatoire à Toronto
pour lui demander une publication quelconque.
Messieurs, les requérants à la faillite, on nesait trop pourquoi mais on
peut le deviner, ne souhaitaient pas qu'il y eût de publication a Toronto
et ils avaient eiix-mêmesdemandé que la publication ait lieu dans le
journal officiel de la province de Tarragone. Et puis, se ravisant, ils
ont introduit un petit écrit additionnel et ils ont demandéque la publi-
cation ait lieu aussi dans le iournal officielde lanrovince de Barcel~ ~ ~
Kr le ]tige :i(Ion112~:iti~f:is;ionaux d,,iis dcinandci tctiiidiqiiri~iiuI:i
piihlic:itiuil ;~lxai(aire dalis lesdeus louri~aiisufficiels.Çoiiirii~nr cit-cc
qu'on jujutiait cette demande' Lei il~.rn:tn(lciirs à In f:iillitc a\.liicnt
iruiiv& 111>yjt2111q ~ui se r:ippruclitas~c.~dc ccli~iauquel :c\,:~;il)uuti
Ic(;ouvernenient espa~iiol. avec b~~siicoiide rcHesiori; inais coiiirnevoiij
le verrez, il lui a failu'du temps.
Les requérants à la faillite avaient dit qu'en l'absence d'un siègesocial
ou d'un établissement commercial quelconque de la Barcelona Traction
en Espagne, la publication de la déclaration de faillite devait être faite
dans le journal de la province de Tarragone, à laquelle ils ajoutèrent
Barcelone. Ils ii'indiquèrent pas pourquoi ils choisissaient Tarragone
et Barcelone. mais ils indiauèrent un motif aui n'est Das nrévu Dar la
loi mais qui leur paraissaitAsuffisant: pas de domicile ên~S~a~ne:donc
une publication en Espagne parce qu'une publication à l'étranger c'est

kessie;rs,'je pense que le juge de Reus, consultant fiévreusementson

code, n'a pas trouvé de disposition qui lui permit d'accepter ce motif.
II a trouve alors autre choie et il mentionne, dans son figement, que
la publication doit avoir lieu dans ces provinces parce que le siègede la
sociétéest inconnu. Mais c'était assez difficile à soutenir car le siege
de la sociétéétait abondamment indiquédans les annexes à la requéte.
II suffisait de feuilleter les documents produits pour se rendre compte
que Barcelona Traction avait son siège à Toronto. Ce qui fait que, à
supposer qu'il y eût un siège social inconnu, vous imaginez une grande
sociétédont on ne connaîtrait pas le siège social et où I'on n'essaierait
mêmepas de le découvrir.Mais il l'a sousles yeux. On a donc beaucoup
cherchéet depuis 1958, le Gouvernement espagnol a cherchécomment
il pourrait couvrir cette décisionsans retenir ce qui était une contre-
véritéindéfendable. Alors, Messieurs, puisque la Partie adverse aime
beaucoup à se référer à la procédure qui a été introduitepar la requête
du Gouvernement belge de 1958, je vais lui faire le plaisir de revenir
aussi un instant à cette procédure et, très exactement, aux exceptions
préliminaires qu'ellea déposées à l'époque.Je constate qu'a ce moment-
là à la page 398 'desdites exceptions préliminaires, on pouvait lire que
la publication avait eu lieu conformément aux dispositions de la loi
espagnole prévoyant que toute déclaration de faillite doit faire l'objet
d'une ~ubiicitéau lieu où~~a faillite a étédéclaréeou bien au lieu où le
failli a'iles i.tablissements de cr,iiinicrce. Cela, 3lessieurs. est regrçtt;iliI~~.
c:,r c'&taitiinc falsification de trxtc. Vousverrez Ictesteexact tel qu'il tst
maintenant donnéaussi par le professeur Malintoppi. Vous conitaterez
que l'article 1044impose la publication au lieu où le failli a son domicile
et au lieu où le failli a des établissements de commerce et non pas: ou
bien au lieu où le failli a des établissements de commerce. En 1960, le
Gouvernement espagnol essayait d'expliquer que Barcelona Traction

' C.I.J. Mdmoirer. BarceloneTraction, Lighi anPouierCompany. Limited. PLAIDOIRIE DE 31.ROLIN 629

avaitun établissementde commerce à Barcelone par personne interposée,
donc la publication était régulière.>fais méme si Barcelona Traction
avait eu un établissement commercial à Barcelone, la publication était
irrégulièrepuisque l'article 1044 impose la publication et au siège du
domicile et à l'endroit où il y a un établissement commercial. Cela
n'était donc pas trés fort. Nous avoiis relevécette vulgaire altération
des textes dans le volume des observations qui est sorti de presse au
lendemain du désistement. Je ne sais pas si le Gouvernement espagnol
a eu vent de notre réponse, mais je constate que dans ses exceptions
arécru se tirer d'affaire par un extraordinaire laconisme. En effet, onl
nous présente à la page 248, paragraphe 17 des exceptions préliminaires
de 1963 (1).la publicitédu jugement déclaratoirede faillite comme ayant
étéeffectuée conformément aux dispositions en vigueur, mais après
avoir reproduit. au paragraphe 19, page 249, le texte de l'article 1ozS.
on ne souffleplus mot de I'article IO++,on ne soufile plus mot des dispo-
sitions relativesà la façon dont la publication doit avoir lieu. Rien plus.
hlessieurs, alors qu'on prend soin de publier aux pages 677 à 679 du VO-
lume des annexes les articles du code de commerce de 1829 qui parais-
sent intéressants à la Cour, l'article 1044a disparu, il n'est pas reproduit.
Il semble que l'article 1044depuis cette époqueait fait partie, j'imagine,
des textesdont la lecture est interdite en Espagne. Voilà qu'aujourd'hui
l'article 1044 ressuscite. Et le Gouvernement espagnol va essayer une
autre explication, que je ine permettrai d'exposer à la Cour A l'audience
de demain.

[Audience Publiqz~e du 22 avril 1964, matin]

Monsieur le Président. Messieurs de la Cour. dans I'exuoséoue i'ai
fait hier des thèses des Parties en présencerelativement à'la
exception du non-épuisement des voies de recours interne, j'ai montré
à la-Cour que la position du Gouvernement espagnol se heurtait, de
son propre aveu, $rima facie à une difficulté,à savoir le nombre insolite
de recours introduits par le groupe de la Barcelona Traction.
Pour concilier son exceution avec une situation de fait o...à .remi6re
viic,Iii;tait roiià fait (16fnvoinble.Ir (;oiivernt-ment <.s[~agnl iiiiagin;
d'c.yli(lut:rA I:,Coiii.qii'cn rkiliti idt nmonc~ll~meiitde wcours ct iir
~l~cisionsjudiiinircj s'etait ~)rocliiitt:irdivt~iiicnt et qiiI;isituntioii
d'iiiil~ilji.~nc~;oii s'ét1it:iittroiiv>s Ic? int;resjéi, s'cs~~litar deiix
~~irconstaiiccs.rii preniiïr licii I'extr:ior~liii:iirç ~iglic~icc ct indiff2-
rïiicc dont ils avniriii fait i>rciivrnu rlthiit i.t ensiiitc Ic fait ouz. nvaiit
ainsi laissé,passer le temps très bref dans lequel ils auraierit puuag/r
utilement, ils avaient permis an jugement déclaratifde faillite de devenir
définitif.
J'ai commencé àrépondreau premier thème de cette these espagnole,
le thème de négligence,et j'ai indiquéque, loin d'avoir éténégligent,le
groupe de la Barcelona Traction avait, dès les premiers jours, réagi de
la façon 1: plus adéquate, la plus pertinente, la plus active, par la voie
des sociétesfiliales qui étaient directement, principalement, exclusive-
ment touchéespar le jugement.
J'ai montré que cette action aurait dû normalement être efficace
puisque, si meme la demande de reconsidération introduite le 16février
1948 ne tendait qu'à obtenir une modification du jugement sur un630 BARCELONA TRACTION

point déterminéet à faire supprimer la saisie des avoirs de I'Ebro, en
réalité,je vous le disais hier en teminarit ma plaidoirie, cette modi-
fication aurait entraîné la disparition de toute la partie nocive du juge-
ment. Je vous disais, le dard de la gu&pe;j'y ai réfléchidepuis putsque
ce jugement déclaratif de faillite est considéré commeétant le fait
générateur. De fait, c'était l'élémentgénérateur, c'étaitl'organe qui
devait théoriquement donner naissance à toute la suite des abus dont
nous nous plaignons, en sorte que le jugement déclaratif de faillite, par
le succès de l'action entreprise par les sociétés auxiliaires,aurait été
véritablement stérilisé,il aurait étéémasculé,et nous n'aurions plus
eu à nous plaindre de rien du tout.
Je vous ai montré ensuite qu'indépendamment de ce recours des
sociétés auxiliaires,Barcelona Traction avait eu recours à ce qui nous
savoir l'opposition du failli au jugement déclaratif de faillite. Elle a
fait cela le 18 juin 1948. Bien entendu, on nous a dit qu'il ne sufit
pas qu'un recours soit exercé,il faut qu'il soit exercédans les délais;
nous tombons d'accord li-dessus. Nous avons examiné, à la suite de
mon estimé contradicteur. les deux dispositions: I'article28 et I'article
1044 du code de commerce de 1829; nous avons constaté que l'article
1028 prévoit comme délai d'opposition les huit jours qui suivent la
publication du jugement; il ajoute upublication conformément aux lois
en vigueur ».Nous sommes d'accord pour dire que cette loi en vigueur
c'est I'article 1044 du code de commerce, que cet article prévoit la
publication au domicile du failli et aux centres auxiliaires ou autres
établissements commerciaux auxiliaires qu'il peut avoir, et que dans
ces conditions, du moment qu'il n'y avait pas eu publication au domicile
de la sociétéfaillià Toronto, il n'y avait pas de délaiqui ait pu courir.
Messieurs, l'article1044 est absolument concluaiit. 11est tellement
concluant que, comme je vous l'ai montré, le Gouvernement espa-
gnol, avant d'entendre l'exposé de mon estimé contradicteur, avait
eu recours à deux moyens successifs désespéréspour essayer d'y
échapper.
Le premier, dans les exceptions préliminaires de 1960, consistait à
altérer le texte eà déclarer qu'il suffisait que la publication soit faite
au domicile ou au siège d'un des établissements commerciaux et à
essayer de faire admettre que Barcelona était un des établissements
commerciaux. Or méme, si Barcelona était un des établissements
commerciaux, l'article 1044 prévoit que la publication doit avoir lieu
au domicile et au centre où se trouvent les établissements commerciaux.
En 1963, dans les exceptions préliminaires, comme on ne parvenait
pas à concilier l'article 1044 avec la publication faite en Espagne, on
n'a plus parléde l'article 1044 et I'on s'est boràérépkterque la publi-
cation avait étérégulière,conformément aux textes des lois espagnoles.
sans dire de quelie loi il s'agissait. On a mêmesupprimé le texte de
I'article 1044 parmi les dispositions que I'on reproduisait en annexe.
Et alors maintenant, comme je vous l'ai dit, nous avons constaté un
effort courageux pour reconnaître l'existence de l'article044 que nous
n'avions Dasmanauéde brandir dans les observations du Gouvernement
belge. C'ornmcntva-t-on ess:~ycrd'en surtir?
devr;iit 6trï com~rii. ie dirai ~olontiecufn eruitosalistL'article 1044rbalité.
serait un articleui,-par sa nature méme,ne ;serait que des opérations PLAIDOIRIE DE M. ROLIN
631
à effectuer en Espagne. Et l'on nous a dit: voyez cet article 1044, au
primo il vise l'arrestation du failli à moins que le failli ne donne une
caution. Pour arrêter un failli, il faut qu'il soit en Espagne. C'est une
exécution en,Espagne. Et voici que l'article 1066 prévoit aussi que la
saisie judiciaire des biens ne peut avoir lieu que sur les biens qui se
trouvent en Espagne. Dans ces conditions, cela montre que tout cet
article est destiné à des opérations qui ont lieu en Espagne. Sur ce
deuxième point, la Cour partagera sans doute ma surprise, car nous
nous trouvons devant le phénomèned'une faillite qui n'a pas prétendu
limiter la saisie judiciaire A ce qui se fait en Espagne. La possession
judiciaire médiate et civilissime, dont le juge de Reus a fait la décou-
verte, a précisément pourobjet de réaliserune espècede saisie symbo-
lique qui veut être considéréecomme suffisante pour que les orgazies
de la faillite se considèrent cornme actionnaires.
En ce qui concerne la publication, on va dire que celle-ci doit aussi
se situer en Espagne; je me permets toutefois d'attirer l'attention de
M. l'agent du Gouvernement espagnol sur le danger pour son pays de
cette théorie, car. au'il soit bien attentif. il a dià la Cour au seuil de

s'il &ait proclamé par le< porte-parole du GouGemement espagnol que
la procédurede faillite est comprise de telle manière en Espagne, qu'une
sociétéétrangère peut y êtredéclaréeen faillite sur simple requête,que
la saisie des biens peut y êtreordonnée,que cette saisie peut être étendue
d'une façon symbolique à des titres de sociétésqui ne se trouvent pas
en Espagne, que cette saisie symbolique peut être traduite immédiate-
ment en une espèce d'appropriation de tous les droits afférents à ces
titres et peut aller jusqu'à leur annulation, leur substitution par de
ilouveaux titres; enfin, qu'un tel jugement devient définitifsans avoir
éténotifié à la société faillie,huit jours après une publication qui aura
eu lieu dans un petit journal de province espagnol?
Si c'est cela la façon dont on entend traiter les sociétésétrangères
en Espagne, j'ai vraiment l'impression qu'il y a là une situation qui
devrait être prise sérieusement en considération.
Messieurs, vous vous rendez compte tout de suite qu'indépendam-
ment de l'extraordinaire interprétation d'un article fort clair que l'on
prétend brusquement modifier dans son application en ce qui concerne
les sociétés étrangères,nous nous trouvons dans une situation qui, en
fait. est incom~réhensible. Ouant au choix du lieu de la ~ubiicrtion.
coniiiitiinllrz-;.eusrluiiiii iiiic :ilil~licnrioiicliit:lcocct;iriii:lr 1044
s'ils';i:id'iiii co1linlérC:~i(i,tilsoli d<iiiiici:ll'étr.niiqervt(IUC YIIUS
\,oulez f:iiréIn iiiiblicatiuïii Es~aiiiir? La Iqi IICii:irIc:t1,ins I'articlt:
1044que du domicile ou des établis'sekentscommercikx: que sepassera-
t-il si la sociétén'en a pas?
Alors, le Gouvernement espagnol s'est livré à une véritable acrobatie.
II explique que, s'agissant d'un commerçant étranger, ou d'une société
étrangère,il y a lieu de considérer, pour les besoins de l'article 1044,
comme son domicile, non le siège social mais, dit-il, par analogie avec
ce qui est prévu quant au domicile des commerçants, l'endroit où se
trouve (sous-entendu en Espagne) le centre de ses activitk commerciales.
C'est justement sur cette base, dit-il, que la publication de la décision
déclarative de faillite de la Bircelona Traction a étéréaliséepar le juge632 BARCELOXA TRACTIOK
de Reus. Je trouve cela à la page 289, II, du compte rendu du 2 avril.
Messieurs, mon estimé contradicteur perd de vue que, en fait, ce
centre des activités commerciales de Barcelona Traction est inexistant
en Espagne. Barcelona Traction n'a pas decentred'activités en Espagne.
Les demandeurs à la faillite, eux-mêmes,l'ont reconnu dans leur requête;
je cite, suivant la traduction publiée à lapage 263des annexes au mémoire
belge :

« ...que la communication par'notice de la faillite ne peut êtrefaite
au domicile de la société faillie,attendu que celle-ci ne l'a pas en
Espagne, pas plus qu'elle n'y a un quelconque établissement com-
mercial direct ...IV.

. .
Cornmcnt \.oiilez-voiij, iiiEmc:,vrz I'iiitrrprCtation julliiitii. 1.i1rtirlc
IO.&,+~réwndrcqii'il !.:tplnïcpour unc~>uhlicatioiiiKru.rtiii~ I<:<n~lunt:?
-~ ~tic~~,doriiii. ni;.riIKIS I;i»CIIILd-c chni~ir.CII ioll~ld6r~nt I'i111edt:
ces deux villes comme Ln cen&e de l'activité commerciale.
Messieurs, que mon estimé contradicteur ne prenne pas la peine de
signaler à la Cour, en réplique, que la cour d'appel de Barcelone a,
elle aussi, dans son arrêtde 1963,considéré lespublications qui ont été
faitesdans les provinces de Tarragone et de Barcelone comme régulières,
car tout en affirmant aue ces oublications étaient rémùières.la cour
d'appel ne s'est mêmepas donngla peine de tenter d'expliquer comment
elles pouvaient êtrerégulièresen présence destermes formels de l'article
10~4; ce qui me pem-et de cori<dérer que cette honorable juridiction
aura essayé jusqu'au bout de couvrir les excentricités auxquelles se
sont livrés lesdemandeurs à la faillite et les tribunaux espagnols.
Je crois, Messieurs, qu'il n'y a aucun doute possible en présencedes
termes rétablis dans leur intégralité dei'article 1044; la Cour se doit de
considérer que i'opposition de la Barcelona Traction a été faitedans
les délais et que, dans ces conditions, bien qu'elle puisse considérer
comme sufisantes les actionS.des sociétésauxiliaires, sa propre position
était égalementtout à fait régulière.
hlonsieur le Président, mon estimé contradicteur, après avoir livré
ainsi un combat courageux mais malheureux autour de l'article 1044
du code de commerce, a semblévouloir chercher une di\.ersion en s'éten-
dant assez longuement sur une question que je crois vraiment très
accessoire. C'est le reproche qu'avait formulé le Gouvernement belge
quant à la procédure suivie dans la faillite, et notamment quant au
jugement déclaratif de faillite, de ne pas avoir ordonné la notification
du jugement à la société faillieà Toronto. Il ne s'agit pas cette fois de
la publication par la voie des journaux; il s'agit de la notification directe
par la voie judiciaire du texte intégraldu jugement déclaratif.
Le Gouvernement belge a consacré à cette question un paragraphe
de ses observations (par. 247) et, dans la plaidoirie de la Partie adverse,
il y a étéréponduassez longuement aux pages 285 à 288, II, du compte

rendu du 2 avril. Comme la question est secondaire. je vais être très
bref à ce sujet. La position adoptée par le Gouvernement belge en la
matière était la suivante - je lis:

«la seule hypothèse où, suivant une pratique admise par la juris-
prudence ...une autre date [peut êtreadmise] comme point de
départ du délai d'opposition que celle de l'accomplissement des PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 633
formalitésprévuespar l'article 1044 du code de commerce de 1829,
serait celle où le jugement de faillite aurait étésignifié[ou notifié]
à la société déclaréeeu faillite ».

Cela paraissait une position de bon sens; la publication du jugement
de faillite a apparemment pour objet de porter le jugement à la connais-
sance de tous les intéresséset spécialement du failli. Il faut admettre
qu'une notification personnelle, directe, au failli du jugement qui a
déclarésa faillite, réalisecet objet et doit êtreraisonnablement considérée
comme en tenant lieu. D'autrepart, nous estimions, au vu des renseigne-
iiients donnés par des experts de droit espagnol, que l'obligation de
notification résultait clairement des dispositions de l'article 260 du
code civil.
A quoi on nous a répondu par l'adage bien connu que l'article 260
du code civil est une règle générale à laquelle dérogela loi spécialede
la procédurede faillite, lez specialis generalib~sderogat.
Tevais faire grâce à la Cour du commentaire et des contestations aui
IIUIII~N~:~iilrgir.~II5ujt.t rlI:ilil>li.;1tdc ccrtc rigle. \.II ii~~t.~iiiiii:~ir
I'e.xijr~~~cdei. ;irr~;lc, rrct r310 ri'1.1loidc pri18.6diirrci\.ilcespl-nulc.
Je veux me limiter à la remarquésuivante. - . .
Nous avons démontrédans nos observations, et la Partie adverse
a reconnu en plaidoirie (ou ne le conteste pas tout au moins). que la
notification du jugement de faillite est possible, qu'elle est fréquemment
ordonnée.Signalons à la Cour qu'elle est tellement fréquemment ordon-
néeque les formulaires qui contiennent les formules d'actes judiciaires,
et notamment de jugements, en ce qui concerne le jugement de faillite,
prévoient comme une des clauses stéréotypéesl'ordre de notification
du jugement.
Rien d'étonnant, dit mon contradicteur, puisque le juge a cette
faculté.
Mais voici mon sujet d'étonnement: c'est que s'agissant d'une société
étrangère,le juge de Reus n'ait pas cru que cette faculté était particu-
lièrement recommandable dans son exercice,et qu'il ait préféré seconten-
ter de la publication dans deux journaux officielsespagnols. Je me borne
à signaler la chose à la Cour, et je vais passer àun autre sujet,car je me
rends compte que c'est là une question de fonddont l'approfondissement
iious est pour L'instant interdit.
J'arrive ainsi au troisikme point de la réponse du Gouvernement
belge au reproche qui lui est fait du manque d'action des intéressés
contre le jugement de faillite et du non-épuisement desvoies de recours
interne.
Le troisième point de la réponse du Gouvernement belge est que,
même siBarcelona Traction avait agi dans la huitaine, comme je l'ai
dit, ,du prononcé du jugement et pas de la publication à Toronto qui
n'a jamais eu lieu, ou avant toute publication, le cours des événements
n'aurait pas étémodifié.On rie peut pas oublier en effet que, dès le
13 février1948. c'est-à-dire au lendemain du jugement et avant toute
publication, un des hommes di: paille de Juan March, M. Garcia del Cid,
avait déposéun déclinatoire de compétence qui fut aussitôt utilisépar
le juge de Reus pour suspendre les recours des sociétésauxiliaires dont
ilétaitsaisi (voir mémoirebelge, 1,p. 57, ar 112,et annexe68, p. 312du
deuxième volume d'annexes au mémoiref:11est vrai que M. Garcia del
se désista de cet appel le 5 mars, que la procédure fut de ce fait634 BARCELONA TRACTION
débloauéeDendant auelaues semaines: mais le 31 mars, un nouvel hom-
rnc (1,~>lill,:,.I3otcr.<lCyoinitsolidl:i:liiiotoi,:rtti.liiisde d6iiig.itioii
<Iciiiriilictioii aux tribiiri;~iiuc5pnpnols. Or, iiiFinecas d'oppo;itiuii
de -la Barcelona Traction dès-cë moment, la même relève ië se fût
vraisemblablement pas opérée,il était iinpossible que dans le seul mois
de mars l'opposition de Barcelona Traction fît l'objet de décisionen
dernière insiance et, dans ces conditions, le cours dei événementsn'eût
pas étédifférent.car l'opposition de Barcelona Traction qui fut notifiée
au mois de juin 1948 demeura bloquée jusqu'en 1963. Il en eût été
exactement demêmed'une opposition qui aurait éténotifiéeau début de
mars 1948, donc avant l'explication du délaitel qu'il est calculépar le
Gouvernement espagnol, tout cela par le mystère de la conception que
s'étaient faiteles tribunaux espagnols du mécanismede cette suspension
qui devait les empêcherde statuer sur le bien-fondé des griefs formulés
par le groupe de la Barcelona Traction, mais qui ne devait pas les
empêcher d'autoriserl'acheminemeni de la faillite jusques et y compris
la vente des biens.
Ainsi, Messieurs, l'opposition de la Barcelona Traction dans le sys-
tème des suspensions admis par les tribunaux espagnols ne pouvait
tat.uire à un résultat efficace et ce même sielle avait étéexercée plus
Bien entendu, ce refus de statuer sur l'opposition, quelle qu'en soit
la date, constitue le type mêmedu dénide justice que le Gouvernement
belge a dénoncédans ses écrits. Ces décisions mêmesde suspension
successives out étéun des objets des recours qui ont étéintroduits par
les intéressés. Commentpeut-on soutenir que le Gouvernement belge
ne serait pas autorisé à saisir la Cour internationale de Justice de ce
grief, parce que les voies de recours interne n'auraient pas étéépuisées?
J'en arrive ainsi, Messieurs, au quatrieme et dernier point de la ré-
ponse que le Gouvernement belge a faite au reproche adressé pour
l'insuffisance d'action de la part du groupe de la Barcelona Traction
contre le jugement déclaratif de faillite.
Ma réponse,c'est que la~compétencedu juge de Reus, comme du reste
celle des tribunaux qui lui ont succéd6,du juge spécialet de la cour
d'appel de Barcelone, pour statuer sur une faillite qui se présentait
dans les conditions que vous savez (cette question, elle, a étéformulée
devant les tribunaux), dans notre penséen'était en rien tenue en échec
par le délaid'opposition et par la prétendue chose jugéequ'on attribue
déclinatoire de compétence aurait dû suffiree, àanéviter la vente qui eut
lieu en 1952 et à permettre au recours d'êtreentendu et d'aboutir à
l'annulation du jugement de faillite.
Rappelons, Messieurs, que cette question de compétence,avant même
qu'elle fût soulevée Dar le ..uDe.de la Barcelona Traction et les coïn-
rért->si>I,'a\,:et;, &oiiitiit:le \.icns <Ir1,-<lire iuccçi-,i\~çint.ntpir cl~ux
ac.ulyt?s(11.luriii 1I:irietcc pour <Ic.ir~isons tactiqii,.;, cir~>rt.iiii;ri:
vueil est surprenant que les démandeurs à la faillite aient comme com-
pères des qui voit dénierla compétencedu juge auquel il se sont
adressés.Cette dénégationde compétence avait pour but de fournir au
juge de Reus un moyen de ne pas se prononcer sur les griefs du failli
et des wïutéressés, tandis qu'il allait permettre au plan de March de
continuer à êtreexécuté.Il y eut donc le déclinatoire du 13 février
1948 de Garcia del Cid et celui du 30 mars de M. Boter. C'est lorsque I'LAIDOIRIE DE hl. ROLIN 635

les intéressés(qui. au début. accueillaient avec sympathie ces déclina-
toires de compétenceen disant: après tout, ils doivent aboutir, nous les
appuierons) virent qu'en réalitéles auteurs de ces déclinatoiresde com-
pétence étaient de mèche avec les demandeurs de la faillite, qu'ils ne
poursuivaient pas un instant l'objet d'obtenir une décisionde compé-
tence. qu'ils ne demandaient qu'une chose, c'était qu'on ne se pronon-
çât sur rien du tout, sauf sur la nomination des syndics et les autorisa-
tioris de vente à des coiiditions aui conviendraient à Tuan Rfarch. c'est
lorsque les intéressésvirent cela qu'ils se direntu;il &ait indispensable
qu'à leur tour ils manifestent et prennent en main ces dénégationsde
iom~étence. Et alors. nous vovois. le 27 novembre 1048. laNational
~ruit qui formule elle-mêmeun'décinatoke; dèsavant &l=la Barcelona
Traction avait articuléformellement la dénégationde la juridiction des
juges espagnols comme premier moyen deson opposition pour ulté-
rieurement adhérer au déclinatoire Roter dans le but de mettre fin au
double jeu de son auteur. Tout cela se trouve exposé en détail aux
I~afiiKr~i~lirl,0-162. pngcij du niciiioire belge([), :iÏnnexe140,nu para-
gi;iplic?jq.page 241 (Icsubicrv;itions(1)et nu p;iragraplic 261. p;ig242
AesobserGations.
L'un et l'autre de ces recours ont étédiscutés par la Partie adverse
dans sa plaidoirie, celui de la National Trust à la fin de l'audience du
jeudi 2 ahil.
En ce qui concerne la National Trust, j'indique tout d'abord à la
Cour qu'il s'agit en l'espèced'une société canadienne!qui était le trzcslee
des obligataires en vertu d'un acte annexé aux obligations, par lequel
elle avait recu en eaee les titres des sociétésauxiliaires. ~ro~riétéde
la ~arcelona'~racti&i ce gage devait servir à la siiretédei,obligations
en livres sterlina émisespar la Barcelona Traction, et avait bien entendu
une valeur coniidérabl<ment supérieure à la valeur des émissions.
Lorsque la Xational Trust comparut à la faillite et formula dans l'acte
mêiiiede comparution sa dénégationde compétence et de juridiction
de lajustice espagnole.lesdemandeurs à la faillite (tout commeaujourd'hui
le Gouveriiement espagnol) dénièrent à la National Trust la qualité pour
se présenter à la faillite. Actuellement les argunients que l'on a entendus
dans l'exposéoral pour déclarer que la National Trust ne pouvait pas
se présenter c'est, d'une part, qu'elle n'avait pas la qualité de créan-
cier et, d'autre part. que son déclinatoire de compétence se heur-
tait à un jugement déclaratif de faillite qui était définitif (voir II,
P. 306).
Messieurs, il avait étérépondu à ces objections aux pages 244 et 245
des observations belces. 1. mais ~uisau'elles sont l'uneet l'autre repnses
en plaidoirie, je suisbieii forcéd'y rebenir brièvement.
Suivant le Gouvernement belge, la représentation en justice des
obligataires par letr~~steeen exécution de-l'acte de trust par lequel ce
pouvoir lui a étéconférépar les obligataires, ne pouvait êtreécartéeque
s'il s'agissait d'une convention contraire à l'ordre public, ce qu'on n'a
même Ilas essavéde soutenir. En réalité sicette convention doit être
rcspcci;)c. ce n'est pas la Sntiorinl Trust qui aurait dii étrr.éc;~rtt;cdu
jir<>toirr..c'6t:iient tous les autres obligataires i la solde (Ic \larch;
c'Cini<:iiIVSdcniandeurs :i1;~f;iillite: c'r't.ilG:ircln del Cid: c'6tait
M. Roter. La Iégislatioiiespagnole, loin d'interdire une telle représen-
tation. la prévoitau contraire implicitement lorsqu'on lità l'article 503.
no 2, du code de procédure:636 BARCELONA TRACTION
«qu'à toute demande ou contestation il faut joindre nécessaire-
ment le ou les documents qui prouvent la qualité avec laquelle le
litigant se présente en justice, dans le cas où il a la représentation
légalede quelque personne ou corporation ou lorsque le droit qu'il
réclameprovient de ce qui lui a ététransmis par autruipar héritage
ou par tout autretitre II.

La Cour se souviendra de la citation que je lui ai faite de Ramirez
à propos des sociétésauxiliaires: il s'agissait de «toute personne ayant
un intérêt de comparaître à la faillite^;or la National Trust avait
incontestablement un intérêt et cela aurait dû suffire.
Enfin, l'exclusion du prétoirede la National Trust est d'autant pliis
choquante que la même juridiction espagnoleavait deux mois plus tôt
admis comme partie à la faillite un comité des obligataires Prior Lien
constitué par le groupe March, qui n'avait mêmepas la personnalité
juridique et qui, bien entendu, n'était pas lui-même, commetel, titulaire
d'aucune créance - je me réfère à ce qui est indiqué à la page 74 du
mémoire belge (1), paragraphe 158.
Bien entendu, 'e ne demande pas à la Cour de se prononcer une fois
de plus, à ce stad e de la procédure, sur la qualité de la Kational Trust
à intervenir dans la faillite de la Barcelona Traction. Mais je me borne
à signaler à la Cour que le recours d'opposition contre cette20rdonnance
rendue par le juge spécialle 4 février1949fut immédiatement introduit
et qu'il fut tenu en suspens par une deuxième ordonnance du 25 mars
-
79La Cour se souviendra que ce refus de donner acte de sa constitution
à la Kational Trust est un de ceux que, à tort ou à raison, le Gouver-
nement belge a considéré commemanifestement grossièrement entaché
de partialité. Tous les recours furent exercéscontre la décisionde rejet;
ces recours n'aboutirent pas. se prolongèrent et demeurèrent en suspens
jusqu'à une décisionnégativequi a étérendue en 1963.
Il y a aussi une autre objection qu'on a faite: c'est l'objection de tar-
diveté. Cette thèse suivant laquelle l'écoulement prétendu du délai
d'opposition s'opposait àl'introduction d'un déclinatoirede compétence,
notons qu'eue ne fut mêmepas mentionnée dans l'ordonnance du 4 fé-
nier Iq4q qui déclarait National Trust non recevable. Elle n'a même

si la thèse du Gouvernement espagnol était retenue. elle aurait pour
. ..
~~ori~é~~u~ <i'~]CInoui ;i\.oiis iiidiqu; dail-. iioi ot>-cr\.:irii,iii II,
p3gc r-1:j~rirn~rq~lic 2fi3, .sx\.oir(III<ICclicliii.itoir<:Ihr..r lui-111i.nir.
IIIIfut intruduir Ic 30 iu:m rq?S cr <~iit'si la cause(1,<:<tt<iii-liriisi8iii
de procédure qui se continua; se prolongea jusqu'en 1963, ce dé-
clinatoire lui-même devrait être considéré comme tardif (voir II,
P. 29').
Alors, Messieurs, surprise! Ayant dit cela dans nos observations, le
Gouvernement espagnol, ayant réfléchi, s'estdit eil n'y a effectivement
pas moyen d'en sortir autrement »,et dans l'exposéoral que nous avons
entendu de la part de son conseil, n'a pas hésité à vous dire qu'effective-
ment le déclinatoirede Boter lui-mêmeétait, lui aussi, tardif le 30 mars.
Ce serait donc un déclinatoire tardif qui aurait, malgré sa tardiveté,
réussi à tenir en suspens toutes les procédures d'opposition et autres y. PLAIDOIRIE DE il[. ROLlS 637
compris les demandes des sociétésauxiliaires qui avaient été introduites
dèsle début.
C'est une chose vraiment assez énorme, eUe est. encore une fois,
d'autant plus singulière qu'en réalitéce déclinatoireBoter a étédéclaré
recevable par le juge de Reus, le 31mars 1948. Or c'est le même juge
de Reus qui avait, quelques jours auparavant. déclarédans une ordon-
nance, spontanément, que le recours d'opposition contre le jugement
déclaratif de faillite était expiré et qu'il décernait l'autorité de chose
jugée à sa propre décision.Il décernel'autoritéde chose jugée;il accepte
néanmoinsun déclinatoirede comuétence.c'est donc en toute évidence
qti'il coniidr'rait quc Ic d4cliiiatoi;c tlc conilietii'Ct;iipas atteint
p:ir I't~\l~iriit.ui\,ilnt lui, du dL:liiid'o1~pojilioii.
111.a ulis fort: en eiielc JCcliii:ttoirc I3oter a (!téreietc narune ds-
cision dû juge spécial le 12 février 1949, décision qui's dÙ reste été
frappée d'appel,ce qui a permis à la suspension de reprendre son cour-
on n'a d'ailleurs jamais statué sur cet appel si ce n'est en 196.e juge-
ment du 12 février1949 qui rejette le déclinatoireBoter n'a pas non plus
déclaréque ce déclinatoire n'était pas recevable et c'est pour de
tout autres motifs qu'il a étérejeté.
Enfin. Messieurs, mêmedans l'arrêtde la cour d'appel de Barcelone
du Ij mai 1963qui a affirméla compétencedu juge de Reus, en I'ab-
sence du reste de Boter et des intéressésde l'affaire et en l'absence
aussi de la Barcelona Traction et de la National Trnst, qui ne partici-
paient plus à la procédure pour les raisons que vous pouvez deviner,
nous nous trouvons devant une nouvelle découverte du Gouvernement
eipaciiol. 11va (lesoique. poiir3iit:intqui. de besoin le Coiiverncmçnt
hrlgr jc rcscrvc dc fili1; ~rciive<IIrnrn$.ti.rniariifestement f;illazicus
de cettt. tliCie sui\,;~ritIn<iuellela coiiteiraiioii <lecomp6tcnze ne serait
plus recevable à partir de'l'expiration du délaid'oppo$tion.
Quant à la dénégationde compétence qui avait étéfaite d&s le
18juin 1948 par Barcelona Traction dans son opposition. elle se heurte,
bien entendu, de la part du Gouvernement espagnol à la mêmecritique,
à sa\-oir qu'elle se serait manifestée postérieurement. suivant lui. à
l'expiration du délai d'opposition et que cela la rendrait non recevable,
elle se heurte de plus à un moyen supplémentaire, déjàformule par le
groupe Rlarch au cours des procédures:c'est que la Barcelona Traction
n'aurait pas étérecevable à dénierla compétenceune fois que dans le
mêmeécrit d'opposition du 18juin, où elle demandait acte qu'elle
déniait formellement la compétence, elle avait également abordé le
fond.
Sur ce point aussi, Messieurs,je crois vraiment devoir ne pas me livrer
aujourd'hui à de longs développements juridiques. Le Gouvernement
belgeseréservede démoiitrer,lorsque lemoment seravenu.que ladécision
qui a étérendue en ce sens est contrairà la doctrine eà la jurispmdence
espagnoles.
Je \-oudrais encore signaler qu'en réalitéles intéressés, à.l'époque,
ne se sont pas bornés àattaquer le jugement déclaratif de faillite, con-
trairement à ce qui a étéaffirmé,par tous les moyens que je vous ai
exposés, mais que, ne parvenant pas à obtenir que I'on statue sur !es
griefsà raison de lsuspension, ilsont essayéde mettre finà la suspension
par tous les moyens qui sont relatésdans le mémoireet dans les obser-
vations et, immédiatement aprèsl'opposition, constatant qu'ils n'obtien-
draient pas que I'on statue à son sujet, ils ont déposéle 5 juin 1948,638 BARCELONA TRACTION

et développéle 31 juillet, une demande incidente de nullité.Mon estimé
contradicteur a bien voulu reprendre cette question de demande inci-
dente de nullité et y a opposédeux raisons pour l'écarter: la première
c'est [dit-il] que «l'incident ne pouvait êtreutilisépour mettre en dis-
cussion le fond de l'affaire»; il ne pouvait asaper ni le fondement objec-
tif de la déclaration de faillite, c'est-à-dire la cessation de paiement,
ni son fondement subjectif, c'est-à-dire la qualité des sujets intéressés»
(voCette première observation, Messieurs, est exacte, mais elle perd de
vue que l'incident de nullités'attaquait à d'autres dispositions du juge-
ment de faillite constitutivesde lavaliditéde la procédureau sens formel.
Le but de l'incident de nullitéc'est effectivement cela. et sil'incident de
nullité aboutissait, il avait beau ne pas s'êtreattaqué à la question de
la qualitédes créanciersni à la question de la réalitéde la cessation de
~aiëments. l'annulation du iuzement de faillite nour des raisons formelles
aurait nat'urellement entiècement soulagéles iitéressés.
La deuxième raison invoquéepar le Gouvernement espagnol est que,
suivant la jurisprudence du tribunal suprême,l'incident de nullité ne
peut être invoquéqu'a rès épuisementpréalabledes recours ordinaires.
Encore une fois, le 2 ouvernement espagnol a, sur ce point, raison en
droit mais tort en fait. Le groupe de la Barcelona Traction était en
droit de faire valoir, en effet, que le recours direct qui avait étéexercé,
à savoir l'opposition au jugement déclaratif de faillite, se trouvait
paralysépar le fait d'une suspension dont on ne pouvait prévoir la durée
et qui effectivement se prolongea pendant quinze ans. 11pouvait faire
valoir que les sociétésdu groupe, à savoir les sociétés filiales,étaient
intervenues dès le lendemain de la publication irrégulièredu jugement
de faillite et de l'exécutionqui lui avait étédonnéeet que leurs recours
aussi se trouvaient paralysés. En sorte qu'en bonne justice les \oies
de recours devaient êtreconsidéréescommeépuisées; l'inciden dte nullité
avait du reste comme objet essentiel d'essayer de s'engager dans une
voie nouvelle qui ne serait pas considbréepar le tribunal comme devant
faire l'objet d'une suspension. Mais cet espoir fut déçuet l'incident de
nullité se trouva automatiquement, en quelque sorte mécaiiiquement,
irrémédiablementatteint du même refusde statuer jusqu'en 1963.
Je crois donc avoir démontréainsi que toute l'activité déployéepar
les sociétésdu groupe de la Barcelona Traction avait bien nécessaire-
déclaratif de faillite ou de lui enlever tous ses effets nuisibles. 11n'a pas
tenu au groupe de la Barcelona Tractionque cesdivers recours n'aboutis-
sent pas à des décisions-favorables ou défavorables avant le dépôt de
la requêteet, dans ces conditions, aucun reproche ne peut lui êtrefait et
il ne peut pas êtreprivé de la protection que le Gouvernement belge
exerce en intentant la présenteaction.
Monsieur le Président. avant terminé ainsi l'examen des recours aui
unt ;trdirigi.5par le group; il,I;iI<arcc-lunal'nlction ~.untrc1,luqeiiic'iit
clr:claratif dc faillite, Ic f:imt.iix fair gcii6r~teur qui nous<t< iiiili(1uC
1x11la l';~rticr<J\.cr~idois rt iicuntrcr ciicorc iinc de ul>ji.ctioiiiqii'rlle
iioiiafait quant ii d'aiitrcs recours qiiz Ir griiiipr dv In 13~rccloii;i'l'r,iition
;iur,iitdi!.suiva111cllc. tcsrrcer contre le riiFiiiejugenicnt rl;ilarnrif <Ic
faillite, et qui ne l'ont pas été.
D'après [es exceptions préliminaires, il s'agirait en l'espècedu recours
en appel accordéau défaillant (exceptionspréliminaires. II, p. 253. par. PLAIDOIRIE DE 31.ROLIX 639

23).du recours de ou en revisiou (p. 253.255,par. 24et 25).du recours en
plainte, du recours en responsabilité civile et de diverses actions de
caractère pénal. Tous les cinq sont repris à l'annexe 89 du volume
d'annexes aux excevtions vréliminaires. encore oue dan. un~o~~~~-~t ~~
pnrlois sous des appellations <Iiift?reiits.1.eGoiivcrnrni~~ntI,<:lnziiiiliiliii)
icla ailx p:iges246 àzjo d~.ies obscr\.ations(I) et il:rGpunduavec pr<ci-
siun aux allcgatioric coiite~~u?~ relati\,ement i chacun de ct,i rvcoilri.
II ioiiitate que Ic buu\.crncnient esp;ignul ne revirnt ,tir In qiii?itioii
en i~laidoiriequ'en ct ~iiiconcrrne l'action rn rz\.iîi~ii11 croit donc
poÛvoir considérer que'la réponse faite dans les observations quant
aux autres recours a étéjugéeconvaincante et en tout cas, en l'absence
d'une critique nouvelle sur ce point dans l'exposé oral, le Gouvernement
belge estimequ'il a le droit, et sans doute mêmele devoir, de son côté,
de ne pas infliger à la Cour une répétitionde l'argumentation qui est

contenue dans ses écrits.
C'est sur l'action en revision que la Partie adverse concentre ses
efforts. Elleen souligne l'importance, vu. est-il dit (voirII, p.94et suiv.).
"l'objetdu différendqui l'oppose an Gouvernement belge,,. Il s'agit en
effet - je cite toujours:
((d'un moven extraordinairedestiné à faire valoir des accusations
de cornipiion, violencc oii toiitr :uitre rnacliiiiati~~~firaudiil~~ii~tr
rapport 3 une dccisioii jiidici:iirc ayant ;ii<luii forde <:lio..ij.ii,,.

Le Gouvernement belge ne conteste pas l'existence de ce recours
dans la loi espagnole et il n'ignore pas qu'il en a étéfait diverses appli-
cations, notamment dans les arrétsqui ont étécitéspar la Partie adverse.
Mais la thèse belge est que, ni en droit ni en fait, ce recours n'était
accessible au eTouvede la Barcelona Traction et de nature à lui avvorter
une satisfactiGn q;elconque et notamment à lui permettre, par ce moyen-
là. d'obtenir l'annulation du iuaement de faillite, qu'il a vainement
cherché à obtenir par les m~veis-~ue je vous ai exposks.
En droit, que répond leGouvernement belge au paragraphe 274 de
ses observations (1,p. 247 et 248)?
Il s'appuie sur deux dispositions du code de procédure espagnol:
l'article1796,qui ne prévoit le recours que contre une sentence défini-
tive. ce qui est confirmépar l'article 1797,lequel détache cette disposi-
tion de l'article 1796pour en faire l'objet d'un article indépendant :,uLc
recours en revision ne sera admis que s'il concerne une sentence defini-
tive » (ce qu'en espagnol on appelle sentencia firme).
A diverses reprises, le tribunal suprêmeafait application de ceprincipe.
iiotamment dans trois arrêtsdu 25 juin 1932, du 17 juin 1940 et du
3 juin 1959,qui se trouvent citésen extraits à la note 2 de la page 248
des observations (1).
Le Gouvernement espagnol, dans l'exposé oralque la Cour a entendu,
ne s'&l&ve pas contre l'invocation qui est faite du texte de ces disposi-
tions, mais ils'efforcede surnionter la difficultéen attribuant au juge-
ment de faillite qui, par sa nature, est un auto, la qualitéde chose Jugée
matériellequi, dit-il, est le propre de la senlenciafirme. De sorte que,le
iu~ement de faillite coulé enforce de chose iuiréedevrait étre assimilé
à ia senlenciafirme et que les dispositions relitiGes à l'action en revision
devraient lui étreétendues.
Messieurs, cette tentative de démonstration avait déià étéfaitedans
lesexceptions préliminaires(I), à lapage 253,note 3.~lleie retrouve dans640 BARCELOSA TRACTION

la plaidoirie que la Coura entendue à l'audience du z avril,à la pags
298, II, du compte rendu.
Suivant le Gouvernement belge, ce raisonnement est inacceptable
pour deux raisons.
La première, c'est que l'assimilation d'linauto à une sentencia n'est
pas admissible, étant donné qu'il s'agitlà de catégories différentesde
autosisont des décisionsqui tranchent des questions incidentes ayantes
traità la qualité des parties pour comparaître, à la compétence ou à
la récusation, qui statuent sur le rejet d'iine demande, la recevabilité
d'exceptions, de demandes reconventionnelles ou de moyens de preuve,
ou qui peuvent causer un préjudice irréparable aux parties (annexes,
mémoire belge, vol. II, no 53,p.. 273).
Les sentenciassont des decisions qui tranchent définitivement des
auestioos en ~rocès. statuent sur un recours extraordinaire ou sur un

et la[orme que revêt'ladécisionest toute différentesuivant la catégorie
dans laquelle elle a étérangée.
En l'espèce,s'agissant d'une déclaration de faillite, le juge de Reus
n'avait pas le choix: la loi lui imposait de rendre auto, et c'est aussi
ce qu'il a fait.
Ainsi, Messieurs, l'assimilation qui vous est proposéese heurteà une
première objection tirée du sens propre de ces diverses appellations.
La deuxième objection est relative au caractère de la chose jugéeque
le Gouvernement espagnol attache au jugement de faillite, à supposer
toujours que le délaid'opposition ait étéexpiré;comme nous le savons,
en réalitéle délai d'opposition n'était pas expiré, de sorte que tout le
raisonnement du Gouvernement espagnol est déjàbasésurune hypothèse
irréelle.
Mon estimécontradicteur a distingué entre la chose jugéematérielle
et la chose jugéeformelle, distinction dans laquelle j'ai eu quelque peine
à le suivre, car c'est une distinction qui est proprà certains systèmes
juridiques, mais qui n'est pas connue de celui avec lequel je suis familia-
risComme le disait mon estimé contradicteur, une décision judiciaire
est dite passéeen force de chose jugéeau sens formel, en droit espagnol,
lorsqu'elle n'est lus susceptible de recours, soit que la loi n'en prévoie
aucun, soit que gesrecours existent mais n'aient pas étéexercéspendant
le délai légal, soit qu'ils aient étéexercés et qu'ils aient définitive-
ment échoué. Malheureusement, mon estimé contradicteur ayant
définilachose jugéeau sens formel, n'a pas définila chose jugéeau sens
matériel.
Tandis que la chose jugée au sens formel fait obstacle à l'exercice
d'un recours, la chose jugée au sens matériel fait obstacle de façon
absolue à toute modification ultérieure du contenu de la décision,
autrement que par un recours en revision.
D'après l'article~zjr,ze alinéa, du code civil espagnol, cette chose
jugéematérielle a la propriétéde créerune présomption de véritéqui
ne peut être détruite que par le recours en revision. Est-ce qu'un juge-
ment déclaratif de faillite après l'expiration des recours a une telle
propriété?Non, car il peut en droit espagnol êtremis à néant par une PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 641

décisionultérieure, notamment lorsque le failli a désintéressé ses créan-
ciers ou que la liquidation de la faillite aboutit à ce résultat.
Il y a un autre argument qui empêchede reconnaître la chose jugée
matérielle au iueement déclaratif de faillite: c'est aue l'article~12--- du
code civil pré;& expressément que la chose jugé; matérielle suppose
l'existence, dans l'affaire, de parties en litige, d'unbiet et d'une action
judiciaire intentée par une partie. Or, au moment où'est rendu le juge-

ment déclaratif de faillite, le juge n'a en face de lui que les requérants,
et mon estimé contradicteur a eu raison de dire à deux reprises que le
failli n'est pas partie à la procédure. L'article 1325 de la loi de procédure
civile est du reste formel à ce sujet. Le jugement de faillite n'est que le
premier pas d'nu procès d'exécution. Mais dèslors, il ne peut être ques-
tion de reconnaître au jugement déclaratif de faillitela vertu de posséder
la force de chose jugéematérielle.
Au surplus, comme il a déjà étérappelé dans les observations, la
Rarcelona Traction et les autres associésse sont plusieurs fois adressés
au tribunal suprême,non pas contre des décisionsrelatives au jugement
déclaratif de faillite, mais contre des décisions ultérieures de la procé-

dure de faillit-~ Et chaoue fois. le tribu~ ~ ~ ~rêmeleur a réuoAd~~-~~~1
les pourvois n'étaient pas recevables, parce que l'on ne se trouvait pas
devant une décision finale, la décision finale ne pouvant intervenirau'à
la fin de toute la orocédure de faillite.
S'il en estainscde ces décisions,notamment de celle relative àla vente,
à fortiori en est-il ainsi de la toute première décision qui est celle aui
prononce la déclaration de faillite.
Messieurs, la preuve que cette interprétation des textes qui peut, à
première vue, embarrasser la Cour, est bien celle que je donne, c'est que
ie crois ouv voir mettre au défi mon estimé contradicteur de nroduire
;ne seul; décisiondu tribunal suprêmequi aurait statué sur une &ion

en revision contre un jugement déclaratif de faillite. Et, ivIessieurs, s'il
avait quelque espoir à & sujet, je lui dirais tout de suite: renoncez à
cette illusion, car le tribunal suprêmes'est prononcé de la façon la plus
nette, à une époque toute récente, sur la question que je discute en ce
moment. Dans un arrêt du 22 mars 1061. reoroduit au réoertoire de
jurisprudence ~ranzadi no 1808, on pe;t lire ce qui suit: in ne peut
pas qualifier sentencia firme le iuyement déclaratif de faillite qui, comme
tel, est invoqué par i'auteu; dÜ recours, en premier lieu parce qu'il
n'a mêmepas le caractère d'une sentencia et, en deuxième lieu, parce
qu'une telle décisionn'est pas non plus firme dans le sens où la loi l'entend
aux fins de l'article 1695, puisqu'elle est susceptible de modification à

n'importe quel stade du procès collectif d'exécution où l'on impose son
élimination; ce qui est aussi le cas de la sentence de qualification de la
faillite à laquelle se réfèrel'article 1386 de la loi de procédure civile
quand il iie s'agit pas de faillite frauduleuse, ainsi que le proclame
l'article gzr du code de commerce.

[Audience pz~bliquedu 22 auri11964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, comme j'espère terminer
cet après-midi la réponse du Gouvernement belge à la quatrième excep-
tion préliminaire, tout au moins en ce qui concerne nos conclusions

principales, je vais me permettre, encore une fois, de faire très rapide-
ment le point.642 BARCELOSA TRACTION

J'ai achevé ce matin l'examen des voies de recours qui ont étéeffec-
tivement utilisées par le groupe de la Barcelona Traction contre le
jugement déclaratif de faillite. J'avais exposéantérieurement que quatre
jours après le prononcé du jugement, trois jours après la saisie dont ils
avaient eux-mêmesfait l'objet, les dirigeants d'Ebro et de la Barcelonesa
avaient exercéleur recours.
Secundo, j'ai montré que lorsque ce recours eut étébloqué par une
sirie de décisions pour des motifs variés et finalement en raison des
manceuvres dont ils étaient victimes de la part des nouveaux administra-
teurs des sociétésauxilidires quiavaient prisleur place et qui révoquaient
leurs avoués, la Barcelona Traction fitelle-mêmeopposition le 18 juin
1948 ,t ]'ai montré qu'elle était encore dans les délais.
Troisièmement, j'ai montré qu'à cette occasion, ayant déjAquelques

soupçons quant à la sincéritéde M. Boter qui déniait la compétence des
juges espagnols et spécialement du juge de Reus, la Barcelona Traction
dans son premier écrit formula elle-mêmeune dénégation formelle de la
compétence des juges espagnols.
Quarto, j'ai montré que, lorsqu'elle dut constater quelques jours après
le depôt de son opposition que l'examen de son opposition était bloqué
par la suspension résultant du déclinatoire de compétence dont elle
n'était pas l'auteur, elle tenta de surmonter ce blocage en introduisant
une demande incidente de nullité.
Quinto, j'ai montré que lorsqu'elle constata que l'examen de la com-
~étence mêmeétait bloaué Dar d'autres incidents oui ont étérelatés
dans nos observations et dan; le mémoire belge, elle eSpéraqu'une déné-
~atioii de compétence indépendante de la sienne et émanant deNational
Trust aboutirait à une déckion sur la compétence.
Sixièmement, j'ai exposé à la Cour ou rappelé à la Cour, car je n'ai
pas pu le faire dans le détail, que toutes les décisions de suspension
aui emuêchaient le rrouue de la Barcelona Traction d'obtenir une

;éponse'des tribunan; à-l'une quelconque des questions de principe
qu'elle avait poséespour dénierla régularitédu traitement qui lAi avait
[té imposé, firent l'objet, en vain, dérecours incessants.
Ainsi, il n'y a pas eu de négligence, mais l'on peut dire au contraire
que l'activité, les recours exercés par le groupement de la Uarcelona
Traction atteienurent un volume absolument excevtionnel.,a.e c'est
avec une ardeur, une dépense de moyens iuvraisembfables que le groupe
de la Barcelona Traction essaya de se défendre, allant bien au-delà de
ce que l'on pourrait attendre d'un homme normal, disposant de moyens
normaux. Dans ces co~iditions, il me paraît tomber sous le sens que
l'on se trouve devant un cas type. .épuisement des voies de recours
interne.
J'ai cependant, après avoir vu quelle était la conduite effective du
groupe de la Barcelona Traction en ce qui concerne le jugement déclara-
tif de faillite. examiné le recours dont on faisait mention comme n'avant
pas étéutilisé et comme ayant étésusceptible de conduire à un résultat

satisfaisant, s'il l'avait été,c'était le fameux recours en revision - et
je vous rappelle que j'ai terminé l'examen de ce matin en citant un arrêt
du tribunal suprême,tout récent, de 1963, qui, de la façon la plus nette,
indique qu'un recours en revision n'est pas concevable en ce qui concerne
un jugement déclaratif de faillite. Donc, il était inaccessible. Je voudrais
surabondamment montrer à la Cour qu'il était de mêmesans pertinence
et vouéà l'inefficacité,et cela pour des raisons de fait. PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 643
Premier motif:la base d'une demande de revision est que le deman-

deur doit faire la preuve qu'une décision judiciaire qu'il attaque a été
obtenue Dar subornation. violence ou toute autre manŒuvre frauduleuse.
Or, le auv verne beigenna pas articulé dans sa requete ni son mé-
moire que le jugement déclaratifde faillite a étkobtenu par subornation,
violencêou ioüte autre manteuvre frauduleuse. II est Üarticulièrement
c'toiiii:~iitque I:IP.irtie sdverje ait cru troiivcr <I.însIi?sgriefs dii c;oiivcr-
ncnIt:iit I~~,lgc,ccqu'elle ;ipprliincuriiiplc pnrticiiliCrt!ment ir;ippaiit
di: in i,iitt.ntion. d'iiris vrc:tcritI.iiiutllc Ics incr'rt..ij<:,;iiirnicnt Jii
clierc6er à obtenir remgde par la voie 'de la demande de revision. Je
cite d'après la page 296, II,cet exemple particulièrement frappant d'un
enef nui suivant notre adversaire. à suDDoserQue la chose fût ~ossible.
Gût p; êtreredressé par la voie déla déGande de revision, c'esi: ncelui
des manŒuvres frauduleuses du demandeur [à la faillite] visant à dissi-
muler le domicile réel du défendeur afin d'em~êchersa comvarution
dans le procès, en temps utile ».
Je regrette, Messieurs, mais mon estimé contradicteur a ététrahi
var sa mémoire - au'il me Dermette de la lui rafraîchir. Le Gouverne-
ment belge n'a aucÙnement soutenu que les demandeurs à la faillite
avaient dissimulé le domicile réel du défendeur. C'était tout à fait
inexact. Les demandeurs à la faillite sans doute n'ont pas indiqué dans
le corps de la requête quel était le domicile du défendeur. 11sse sont

bornés à signaler que la société BarcelonaTraction n'avait pas de siège
social en Espagne ni d'établissement commercial. Je renvoie à la page
43. paragraphe 80du mémoire,et cela était exact, elle n'avait en Espagne
ni siège social ni établissement commercial. Mais au surplus, ils avaient
joint à leur requéte des annexes qui indiquaient le domicile, le siège
social de la sociétéfaillie. Ils n'ont donc rien dissimulé du tout. C'est le
juge de Reus qui avec une rare audace a affirmé dans son jugement
que le siège social de la sociétéétait inconnu et il s'est servi de cette
contre-vérité flagrante pour motiver une publication dans deux journaux
officielsespagnols de province.
Messieurs, c'est notamment ce considérant inadmissible que l'on a
quelque peine à attribuer i de la légèretéou de 1%distractioii ou de la
paresse, que les sociétésauxiliaires ont dénoncédans leur recours de
récusation du juge de Reus at qui a bien entendu subi le sort de tous
les autres recours.
Et c'est de mémeà charge du juge de Reus et pas à charge des deman-
deurs à la faillite que le Gouvernement belge a exposé qu'il y avait
une fausse mention de siège social inconnu qui avait étéfaite manifeste-
ment dans l'unique but de motiver la substitution d'une publicité en
Espagne à la publicité qui aurait dû se faire à Toronto.
Du moment aue c'est le iuee de Reus nui Dorte seul la resvonsabilité
de cette dissimdation du dimycile réel, onne ;oit pas comment le groupe
de la Barcelona Traction aurait pu intoduire une demande de revision

sur la base de subornation. violênceou machination frauduleuse de la
part des demandeurs à la faillite.
Donc l'exemple si frappant est un exemplA qu- est dû à l'inadvertance
de mon estimécontradkieur.
Le second motif pour lequel il n'était pas concevable que nous puis-
sions introduire une demande de revision, c'est que, même si la loi
avait étéétablie autrement et avait admis qu'indépendamment de
manŒuvres de tiers l'on puisse attaquer un jugement comme manifeste-644 B;\RCELOSA TRACTIOS

inent partial, les chances d'obtenir une décisionde revision contre une
dhcision prise isolément étaient, étant donnéque la récusatioii du juge
de Reus avait échoué, assurémentnulles.
II en va de mêmepour chacune de ces noinbreuses décisionsqui ont
étéretenues par le Gouvernement belge comme constituaiit par leur
série le dénide justice. C'est là un point essentiel, c'est l'explication
de la portée réelledu grief d'ensemble formulé par le Gouvernement
belge contre les décisions judiciaires,et je pense qu'il n'est pas mauvais
qu'à l'occasion de la demande de revision je donne de pleines explica-
tioLes explications que je désiredonner à la Cour quant à la nature et
à la base du jugement porté par le Gouvernement belge sur la plupart
des décisions judiciaires intervenues dans le cadre de la procédure de
faillite sont empmntées à un document remarquable publié dans les
annexes au mémoire belge.II s'agit du texte d'une plaidoirie prononcée
le zr septembre 1953 par un des avocats du groupe de la Barcelona
Traction, llleRamOn Serrano Sufier, devant la cour d'appel de Barcelone
réunieen assemblée plénièreet saisie de sa demande de récusation des
magistrats de la première chambre de la cour d'appel, dont faisait
partie du reste le conseiller Osorio qui avait fait fonction de juge spécial,
ce qui ne l'empêchaitpas de siégerdans les audiences où la cour était
saisie des appels interjetés contre ses propres décisions.
La plaidoirie de Me RamOn Serrano Sufier se trouve à l'annexe 227,
pages 855 et suivantes, du quatrième volume des annexes. La Cour,
certainement. sera sensible à l'évidente noblesse de son inspiration en
mêmetemps qu'à la vigueur de l'exposéet à l'élévationdu style. En
relisant ce texte, on voudra bien néanmoins nepas perdre de vue qu'il
s'agit d'une plaidoirie prononcée en Espagne, ce qui imposait à son
auteur, spécialement à l'égarddu gouvernement, une prudence, des prh-
cautions et des concessions au sujet desquelles le gouvernemeiit deman-
deur au présent procès doit formuler nécessairement ses réserves.
La demande de récusation était fondée sur l'inimitiémanifestée par
les membres de ladite chambre à l'égard de la Barcelona Traction.
L'avocat précisait que ce qu'il reprochait aux magistrats, ce n'était pas
une inimitié subiective contre la sociétéfaillie. car les maeistrats avaient
déclaréeux-mêmes, saisisde sa demande de' récusation: qu'ils,iie con-
iiaissaient pas la société faillie,qu'ils ne connaissaient pas ses.dirigeants
ni ses actionnaires.
L'avocat de la Barcelona Traction disait que ce qu'il qualifiait d'ini-
initié, c'était une aversion objective formelle dont il déclarait ne pas
vouloir sonder les mobiles d';ne manière précise. L'aversion pou; la
cause objective de la Barcelona Traction pouvait n'ttre que la contre-
partie de l'attachement à la cause de Juan Jlarch. Je lis à la page 864:

n... que cette aversion ... ii'est siirement motivée par rien qui soit
louche ou personnellement intéressé.Au contraire [disait le conseil
de la Barcelona Traction], je suis disposéà admettre quechez tous
les récusés,ou chez la plupart, cette aversion objective pour la
cause de ma cliente s'inspire de motifs nobles et élevés ... Parmi
ccs motifs, il se peut que le premier soit le désirde servir une cause
que l'on estime erronément patriotique. On a fait, en ce sens, une
prise économique étrangère;yanceantipathienaàil'endroit de finances PLAIDOIRIE DE 33. ROLIK 645

étrangères; xénophobie qu'inspire une conception des relations
humaines non dépouilléede ressentiments et de conceptions ~éri-
mées ...Un autre motif de cette aversion pour la cause di la «Barce-
lona Traction » est peut-étre la croyance erronée que le Gouverne-
ment n'est pas indifférent à la prétention de I'une des parties. ,>

Et comme la loi fait à la partie qui récuseson juge l'obligation d'établir
que son inimitié est manifeste, M. Serrano Suîier expose, page 867,
qu'il entend faire cette preuve par présomption et qu'il entend établir
les trois ordres de fait que voici:
x I.La façon réitéréedont la Chambre, suivant une ligne cons-
tante, a rejeté toutes lei demandes de procédure qui ont étéfor-
mulées par la barc ce louaTraction in,systématiquement, implaca-
blement, passant même par-dessus le criteire que la Chambre elle-

mémeavait soutenu dans d'autres cas ...
2. La céléritéinsolite, allant jusqu'à heurter la loi, avec laquelle
la Chambre a procédédans une affaire aussi grave - alors méme
qu'elle était déjà récusi~ - pour accorder des demandes aussi
décisivementfavorables à la partie adverse que firéjudiciablesà la
oBarcelona Traction ».
3. L'acrimonie, l'âpreté de langage, impropre à sa fonction, par
quoi le juge a donné dans nombre de ses décisions le témoignage
qu'il manquait de pondération et ne se tenait pas, effectivement,

à équidistance entre les parties.n
L'avocat Serrano Sufier donne ensuite le détail des différents faits
relevés à cliarge des magistrats récusés.II examine une sériede décisions
dont la succession lui paraît véritablement incompréhensible (p. 867 à
880 [il y en a vingt-trois pages] du vol. IV des annexes).
Après quoi il rencontre (p. 880) la critique qui pourrait lui êtrefaite
qu'on ne peut identifier les concepts de «décisions défavorables » et le

concept de <<partialitiu.Et il répond en exposant qu'il n'entend nulle-
ment établir un principe abstrait général,universel, mais que la déduc-
tion est permise en l'espèce - je cite:
<<Envertu d'un cumul de circonstances, car ce cumul de circons-
tances ne peut avoir d'autre explication que le manque d'impar-
tialité engendré par une amitié-inimitié et par un intérêt.La réité-
ration de la conduite en cause constitue ou signifie une activité
conséquented ,irigée,dotéed'un sens,imprégnéed'un animus, teintée
d'une sympathie ou d'une antipathie. r

Si je me suis permis cette citation un peu longue, c'est, blessieurs,
qu'elle éclaireutilement la portée du grief formulépar le Gouvernement
belge contre la plupart des décisionsintervenues dans le cas de la Barce-
lona Traction. Et ceci nous permet aussi de répondre au reproche adressé
au groupe de la Barcelona Traction d'avoir omis d'exercer le recours
en revision. Le grief de déni de justice, à supposer qu'il fût recevable,
n'avait pas Ia moindre chance d'êtreaccueilli s'il était formulé à l'égard

du jugement de faillite ou de l'une quelconque des décisionsultérieures
prises isolément: c'est seulement la répétition des mêmessymptômes
inquiétants dans la série des décisions qui se sont suivies de 1948 à
1956 et mêmeultérieurement qui devra, suivant le Gouvernement belge,
convaincre la Cour du bien-fondé de l'accusation de dénide justice qui646 BARCELOXA TRACTIOK
est à la base de la requête,mais, il n:y avait à toute évidence, dans
le système procédural espagnol, ni action en revision, ni aucune autre
voie de recours qui eussent pu permettre au Gouvernement belge de
faire valoir ledit grief contre l'ensemble des décisions.
J'ai ainsi, AIessieurs,terminéI'examen des recours qui ont étéexercés
et de ceux qui, suivant le Gouvernement, espagnol, auraient dû être
exercésrelativement au jugement déclaratif de faillite.
Le Gouvernement belge n'avait pas seulement critiqué, dans sa
requêteet son mémoire, le jugement déclaratif de faillite. Les griefs
qu'il a formulés,comme je viens de le rappeler, visaient toute une série
de décision:judiciaires qui s'échelonnententre 1948 et 1956.
Quant à ses actes et décisions judiciaires qui sont postérieurs au
jugement déclaratif de faillite, la position adoptéepar le Gouvernement
espagnol est, peut-on dire, inverse de celle, qu'il adopte relativement
au jugement déclaratif de faillite. Cette fois 11ne nie pas que les recours
appropriés aient étéexercés et il ne nie même pas qu'ils aient été
épuisés.Mais, dit-il, la Cour doit les écarter parce qu'ils n'ont pas eu
d'incidence réellesur le dépouillement dont se plaint la Barcelona Trac-
tion. Cette vente des titres des sociétésauxiliaires se trouvait déjà
inscrite, de façon ineffaçable, dans le jugement déclaratif de faillite.
Cejugement déclaratifde faillite est la vraie et seule cause du dommage.
A partir du moment où par la négligencede la Barcelona Traction et de
son groupe il a acquis forcede chosejugée,ledommage devient inkvitable,
les voies de recours interne n'ont pas étéutiliséeset, dans ces condi-
tions, l'exception doit êtreaccueillie.
Messieurs, c'est le theme du fait générateur qui a étéabondamment
développépar mon éminent contradicteur d'abord au débiit de sa
plaidoirie et puis à la fin de celle-ci; on peut dire que c'est le leitmotiv
de l'exposéque vous avez entendu. Je me réfère notaminerit à la page
306, II, en ce qui concerne la dernière partie.
Il me serait ais&.,e &ense.de faire saisir Dar la Cour le rice de raison-
nement qui entache cette argumentation. fout d'abord résumons-la en
emplo~ant les termes mêmesdont s'est servi l'avocat du Gouvernement
espagnol:

«La déclaration de faillite est le fait générateurde toute la procé-
dure subséquente. Le défaut d'opposi60n a pour conséquenie que
la déclaration de faillite acquiert la force de la chose jugée.D'après
le droit espagnol, jamais cette force de chose jugéenaurait pu être
écartéedans la procédure conduisant à la liquidation du patrimoine
du failli. Ce résultat final ne pouvait êtreévité.. .r (p. 307, II.)
Et voici la considération complémentaire qui découle,suivant l'avocat
du Gouvernement espagnol, de la première -je cite (ibid :.)

rL'appréciation du non-épuisement des voies internes doit se
faire en l'espècesur la base de la décisiondéclarative de la faillite,
fait générateur de la série des événementssuccessifs. Il s'ensuit
que l'on ne doit pas prendre en considération les circonstances
d'espècequi ont entouré les recours visant certains élémentsde la
sériedes événementssuccessifs. ,i
\lesjiiiirs, ïcrrcur qiil tnia8:tic se r.iisonn~rnt:nt iik piait dbul>li..
Tout <l'abord il :I,bi<:nt?ntçndu, ;IIdlp:irt I'idic<lur:Ic]iigcm,-iitd;$.l:i-
r:~tifdv Iif.iillit;,\;li:~cquisforcc de ~lioîr jiig;.,., 1, ni.iti.,iith.iniii- PLAIDOIRIE DE 11.ROLlN 647

meut évertué à démontrer à la Cour qu'il n'y avait pas force de chose
jugée puisqu'il n'y avait pas eu de publication régulièredu jugement
quieùtétélepoint dedépart d'aprèsl'article 1028du code de commerce;
dans ces conditions, le fait générateur pouvait êtreremis en question
par les innombrables recours qui étaient dirigéscontre lui, et la base
mêmedu raisonnement vient à faire défaut.
Messieurs, il y a naturellement un autre argument qui me parait
ne l'aient pas déjà remarqué. Naturellement, dans un certain sens onur
peut qualifier le 'ugement déclaratif de faillite de fait générateuren ce
sens qu'aucune des décisionsultérieures survenues dans le cadre de la
faillite, aucun des abus que nous avons ,dénoncésdans la requéte et le
mémoire comme entachant lesdites décisions, ne seraient concevables
s'il n'y avait pas eu d'abord un jugement déclaratif de faillite. Je veux
bien admettre que le jugement déclaratif de faillite soit un peu plus
qu'un anneau parmi d'autres anneaux. II en va de mérriede toutes les
décisions successivesqui se sont succédédepuis la déclaration de faillite
jusqu'à la vente des biens, et il n'y aurait pas de réunion des créanciers
s'il n'y avait pas eu jugement déclaratif de faillite; il n'y aurait pas eu
nomination des syndics, etc. Chacun de ces actes suppose un acte anté-
rieur puisque tous ces actes se suivent, conformément au code de procé-
dure.
Mais la question est de voir si chacune de ces décisionsdevait iuter-
venir telle qu'ellc est intervenue avec les vices qui l'entachaient. La
question est de voir, et nous allons l'examiner plus en détail dans un
instniit. si cli:tcunc tlc ces dixisions, en r;tisoicc5c\.iccin'vat p?;
f:~iissce:III-dcli (11:ce quc contenait le jugement ilcclaratif 11,.Inilliit:.
En sorte qu'uii jugeiiient <lr:clar;idel faillite exCciitGconforiiiiiiiciit
au code. mêmesur la base de ce iuaement absurde qui avait étérendu
par lejuge de Reus, meme un pa;eiï jugement ne poÙvait pas normale-
ment conduire au résultat auquel la Barcelona Traction a été acciilée.
Je lis:
«Convocation de l'assemblée descréanciers, nomination de syn-
dics. autorisation de vendre. estimation de biens. formation du
cahier des charges, \:ente aux enchères, exécution de la vente,
tout cela ne constitue en réalitéque l'ensemble des étapesnaturelles
et juridiquement consécutives à cine déclaration de faillite passée
en force de chose jugéen
D'accord, Messieurs, mais pas de la maniere où cela a étéréaliséet
qui fait l'objet d'autant de critiques distinctes dans les écritsdu Gou-
x.emement belge et qui ont fait l'objet d'autant de recours internes
distincts. Spécialement en cc: qui concerne l'assembléedes créanciers,
mon estimé contradicteur indique qu'en s'y opposant la Barcelona
Traction ne pouvait - je cite: ciempécherfinalement la nomination
de syndics pour parvenir à la liquidation des biens du failli, liquidation
qui est la conséquence nécessaired'une déclaration de failliten.
Je veux bien, Messieurs, mais mon estimé contradicteur oublie que
ce dont la Barcelona Traction se plaint, ce n'est pasd'une liquidation;
ce n'est pas une liquidation qiii l'adépouilléede ses biens; ses biens n'ont
pas étévendus à l'occasion d'une liquidation: ses biens ont étévendus
comme denrées périssables à titre de mesure conservatoire, dans des
conditions qui étaient singulièrementsuspectes, mesure qui n'était cil6+8 BARCELOXA TRACTIOS
rien contenue dans le jugement déclaratif de faillite, qui très légitime-
ment a fait l'objet de recours de la part de la Barcelona Traction et
qui se trouve encore aujourd'hui dénoncéepar le Gouvernement belge.
Est-ce que la Cour peut vraiment nous interdire de développer ce
grief alors que manifestement les voies de recours ont étéexercées et
que cette \.ente, à titre conservatoire, devait êtresous le contrble des
tribunaus qui L'ontautorisée dans des conditions que nous considérons
comme inadmissibles?
iV1onsieiirle Président, je me propose de passer brihvement en revue
les divers points qui ont éterappeléspar la Partie adverse dans le passage
de la plaidoirie dont j'ai donnélecture en dernier lieu, et de montrer,
en les esaminant un par un, combien est inesacte l'affirmationque les
abus que nous avons dénoncésseraient la conséquencedirecte du juge-
ment déclaratif de faillite.
Je considere d'abord la décisionde convoquer l'assemblée générale.
Eue fut demandéepar une sociétédu groupe Ilarch le 3janvier 1949.Et,
Messieurs.choseexceptionnelle, remarquable, que nouspouvons, marquer
d'un caillou blanc. elle se heurta d'abord au refus du juge spécial (un
juge spécialqui avait étédésignépour remplacer le juge de Reus - un
juge spécial quiétaitje crois conseillerà la cour d'appel de Barcelone -;
ily eut trois juges spéciaux successivement et ils ne furent pas tous de
mêmevaleur). Ce premier juge spécial,constatant la suspension de la
procédurequi résultait du décltnatoirede compétciice,estima que cette
suspension faisait nécessairementobstacle au déroulementdes opérations
de faillite tant que les objections qui avaient étéélevéescontre le juge-
ment déclaratif de faillite, notamment par l'opposition de Barcelona
Traction qui remontait au mois de juin 1948, n'auraient pas étéexami-
néeset tranchéespar les juridictions compétentes.
Le mémoirebelge(1) a relaté.aux pages 78 à 60, dans quelles conditions
cette décisionfut rapportée.
Le Gouvernement espaanol veut sans doute soutenir qu'à condition
<111<I'oppojition fit réj;:th! oii dc'clartk,noii recc\,ablele jup:inent dt-
f:iillit&\ait iit~cessaircnient c-onduirtlin jour ;i la coii\~oc<itinndri
<.rCancii.rs>lais ildoit rrconnaitrv ~IIIsi le lugeiiientde faillire avait
étéannulé,il n'y aurait plus eu de rgunion de.c$anciers.
&lais,hfessieurs, l'anomalie, c'est que cette convocation de l'assemblée
des créanciers ait eu lieu avant qu'on ait statué sur le bien-fondé de
I'opposition. C'est celaque le groupe de la Barcelona Traction dénonça
dans une sériede recours; c'est cela qu'à son tour le Gouvernement belge
dénonce comme ungrief contre la sériedes décisionsqui ont conduit au
dénouillem~ ~ ~e Barcelona Traction et de ses actionnaires. Messieurs.
1e;recours ayant étéépuisés contre cette décision,je ne vois pas comment
I'onpourrait déclarerque le mief ne peut pas étre soumis à la iuridiction
inteinationale. - -
De même,la nomination des syndics par l'assembléegénéralequi fut
convoquée résentait, suivant Barcelona Traction, une série d'illégalités
qui furent !énoncéesau juge spécialle 13 octobre 1949. Ce recours fut
rejeté et la cour d'appel de Barcelone confirma le jugement dans un
arrèt du 27 janvier 1951, où I'on retrouve notamment la considération
suivante qui, à juste titre, suscita i'indignation de MC Serrano Sufier:

,,qu'il s'agit d'une faillite exceptionnelle qui revêt une certaine
nuance de caractère international puisque la société failliea son PLAIDOIRIE DE 11. ROLIN 649

siègeprincipal à Toronto (Canada) et a des créanciersrépandusdans
plusieurs pays européens; qu'en conséquenceil se pose évidemment
des auesti;onscornuieses aÜidoivent étierésoluesLuivant une inter-
prétation rationnêlledes 'principes légauxauxquels on doit donner
une certaine élasticité, car actuellement il serait purement et
simplement impossible de poursuivre la procédure de cette faillite
à cause des dificultés insurmontables qui pourraient se présenter 1,.

L'élasticitéaue la cour d'avi~elde Barcelone a donnéeàI'internrétation
et à l'application des légaux, sans laquelle la liquidation
l'acheminement de cette faillite eût été,d'après sa propre dgclaration.
impossible, nous ne pouvions pas la voir dans le jigëment déclaratif
de faillite du 12 février 1948. Il est donc tout à fait raisonnable
que le Gouvernement belge, après le groupe de la Barcelona Trac-
ce grief est recevable et mûr pour étre examiné par la juridictionées,
internationale.
Ily a alors l'autorisation de vendre, que je vous ai signaléetantiit.
qui n'était pas une liquidation, et qui était motivée, le le rappelle à
la Cour, par la considérationétonnante que des titres de sociétsont. par
leur nature. une denrée ~érissable.On devait alors. à titre de mesure
conservatoire, demander 'une autorisation spéciale Pour vendre, avant
toute liquidation, les titres de la société,ce qui fait que la mesure conser-
vatoire ayant étéexécutée.les syndics qui-sont demeurésen fonctions
pendant dix ans n'avaient plus rien à liquider.
Voilà ce quel'on consid6re comme une exécution normale, irréversible,
d'un iueement. à suvvoser au'il fût devenu définitif.Et. hlessieurs. nous
rappélois pour autant qu'ilést besoin, que la périssabiiitéde ces valeurs
était considérée comme renforcéepar les syndics qui demandaient à
e ou voir les vendre. var les déclaiations menacantës du ministre de

Ce aui conduit alors les svndics à cette chose étonnante: au lieu de
conser;rer une provisioii sp&cialeet d'imposer à celui qui va acquérir
les titres de prendre la responsabilité de satisfaireoutes les demandes
aui uourront éventuellemint êtrefaites var le fisc esnaenol à charee de

svndic ësuaenol et de l'idiudiiataire auauel il àururacédéles titres.
& contraiÎe,on va faire dispiraître tout ceque l'ona invoqui:en ISspagne
comme représentant l'avoir de Uarcelona Traction, en sorte que si
jamais, paÏ aventure, cc qui n'est pas arrivé, Barceloiia Traction-n'est
plus propriétaire, on cesse de prétendre qu'elle doit étre contribuable;
il n'y a pas eu d'amende fiscale contre Bracelona Traction. Et dans ces
conditions, la vente des titres était évidemment tout a fait sans intérét
et inexcusable.
II y a alors la quatrième mesure que l'on cite: Barcelona Traction
avait dénoncé lamanière insidieusedontétait établile cahier des charges.
Cela a étéexposédans les observations, je ne veux pas le rappeler à la
mesure de la Fecsa qui était le candidat adjudicataire). On avait insérér
là une sériede clauses qui étaient des clauses aisément exécutablespar la
Fecsa et par personne d'autre. I'our ce cahier en lui-nréme,ilfallait Etre650 BARCELOSA TRACTIOS

siir de la bienveillance de l'Institut espagnol de monnaies étrangères,
sans quoi il était toutà fait impossible de donner satisfaction et d'assurer
le alem me ent devises étrandres de tous les oblieataires: et le cahier
;i;.rC#:onCude cette faqoii; I~:irceloii~'fractio:LLiionci ses griel: contre
1; a1iii.r <ICcharges. Cela :1>r; rcp~>iijséune prciiiiérefuis par Ic jii~e
.~)<:d:~lL.alurs quc d'nl>r& 13.loi ~ip3gnolï Iï cahicmdcs clirirges d'uiic
..djiidicrition piibli<luc <:st jouniii au coiitr>lc dcs tnbuiiaiis i:t doit
;tri: .îppruu\.C par Icj triburi;iiLi.cour d'appel de Ij;ircclone a cii cet
;itteiioii iiicro\~able<iiic.cri r,'.ilitc'.cSGt:iitId lin acle dt: sin~nlçroutiiic
procéduralerilevant'du pouvoir discrétionnairedes syndics (Lémoire, 1,
1'."JO et 101).
:\iiisi. .\Iessieiiil\, a dans la loi espagnole une garantie précise
pour assurer l'tioiiiiéteiéd'iinc nd]udic,?tion publiqiie: c'estle conrrhle
dcs trlbiin~u~. On saisit ICtribunal d'une séried'anomalies de ce catiier
des charges, et le tribunal ne l'examine pas et vous répond: le cahier des
charges, cela ne m'intéressepas du tout; c'est une question de routine.
Est-ce qu'il était inscrit. par le juge de Reus, que le contrhle du cahier
des charees devait êtreconsidérécomme une Dure formalitésans intérêt
quelcon<;e, et à laquelle les tribunaux pou;aient se dérober? Ou bien
est-ce que ie suis en droit de plaider qu'en réalitéle cahier des charges
a étéun cahier des charges graGement fendancieux et de nature à fausser
I'adjudication publique, et l'ayant plaidé,et ayant -$puis& tous les recours
pour le faire recoiiiiaître par la justice espagnole, qui s'est simplement
bouché les oreilles,est-ce que le Gouvernement belge est en droit de
prendre à son tour le grief en main et de s'adresser à la justice intema-
tionale? Je le pense.
Où mon éminentcontradicteur se surpasse, c'est tout d'abord lorsqu'il
déclare quela même chosepeut être ditedesgriefs élevés contre l'adjudi-
cation. C'est à croire, Messieurs,que pour lui. il était indifférentpour les
actionnaires de Barcelona Traction que I'adjudication des biens vendus
à titre conservatoire se fità vil prix ou qu'elle se fit, au contraire, pour
une somme considérable.
A supposer que cela ait rapporté xoo ou 150 millions de dollars, il n'y
aurait probablement pas eu de procès international. Ce n'est pas tant,
malgré leur irrégularité, la vente des titres qui cause le dommage, ce
sont les conditions de la vente des titres. c'est le ~rix dérisoirequi fait
rli~'iln'y a ricn citliitout polir les 3ctioiinairej LI<Uarcclona 'fr.ictioii.
l.'I]~iliatirc ripa!.i) ro niillinri;.clcp<-::LUX>yndicieii 1952 - voii.~
bar les synd:cs pour se rémunérepet pour pourvoirétc'ahoàdleurs frais. Pour.i.
les actionnaires, au jour de la liquidation, à supposer qu'elle ait eu lieu
ou qu'elle doive avoir lieu incessamment, il n'y aura rien. On prétend
nous dire que I'adjudication dans les conditions où eue a lieu et dont
l'irrégularitéa étédénoncéepar une sériede recours, est elle aussi la
conséquenceinévitable et irreversible d'un iurrement de faillite que Dar
hypothèse nous aurions commis l'erreur de nepas attaquer. *
Vous vous rendez bien compte que cela est tout à fait inexact et que
nous nous trouvons là devant une cause nouvelle, indépendante de la
~remière et oui. en réalité. acontribué d'une nianière essentielle à la
EréationdUdb&ge dont ie n ou verne belgeent réparation.
Il v a un dernier oint où vraiment nous touchons à un comble. c'est
lorsque nous entend'onsou que nous lisons à la page 304, II, du compte
rendu du 2 avril: PLAlDOlRlE DE JI. ROLlN
65 1
u ...mêmela substitutiondes actions dessociétés filiales[entendez par
là l'impressiondes faux titres] ...n'étaitque la conséquencejuridique
de la saisie médiate et civilissime de ces actions de sociétésfiliales
qui appartenaient dans leur totalité à la Barcelona Traction. saisie
prononcéepar le juge de Reus dans la décisiondéclarative de la
faillite dont la force de chose jugéevous a étémontrée à maintes
reprises 1).

Hous avons là la répétition d'uneinexactitude dans l'interprétation
mêmedu jugement de faillite.J'ai déjà montré à la Cour qu'il n'yavait
pas,-.et qu'il ne pouvait pas y avoir de saisie des titres des sociétés
auxiliaires qui setrouvaient à Toronto. Il y avait eu une saisie des avoirs
des sociétés auxiliairesreprésentéspar les titres des sociétés auxiliaires.
C'étaitla seule saisie réelle.efficace.matérielle.Et puis. il v avait eu un
dire pour droit assez puérilqui en <Ihluiiait uric possession ni>di;itr: ttt
~ivilis~iiiiedes titres se troii\,aàtToronto, ~~ojscssioiiiiiédiateet civi-
lissime dans le chef des organes de la faillite-du séquestre ~rovisoire au
dcbut t,t des syndics de la'iaillite lorsqu'ils eurent Giédésigiiés.
1-st-cc que vrnirnerit, .\lessiciirI:iI1;trtieail\,cric csp6re riiairiteii:~i.t
ou ulus tard obtenir de la Cour oii'rllc considércau'cfiectivernerit c c'r
ui~t:'cons;~iicns~n:aturelle et ]~iri<ii<iirc.~rrr sin6;iliéreconstriictioii 11,.
pnsscssioii iii6diate et ci\~iliisiii<III'lei org~iic'çiie 1;~f:iillite pui;;cnt
excrccr di.; droit; ~l';ictioiinairt.safi>rant idci titr,qii'iliic<I?tcii.~i~nt
pas, qui n'étaient pas inscrits à leur nom à Toronto, ni pour leur compte
ni au nom de quelque nominee?
Est-ce qu'il y a quelqu'un qui, à la lecture du jugement déclaratif
de faillite, pouvait imaginer àpropos de cestitres qu'ilsne détenaientpas,
dont ils ne songeaient pas à s'emparer, pour lesquels ils n'avaient pas
introduit de commission rogatoire, que ces syndics allaient trouver dans
le jugement déclaratifde faillite le pouvoir d'annuler les titres véritables
dont ils n'avaient pu s'emparer, et aprk les avoir annulés, de faire im-
primer des fac-similéset aprésavoir imprimédes fac-similés,de lesconsi-
dérer comme étant seuls valables et d'en faire l'objet de l'adjudication
au public?
Le Gouvernement belge ne le croit as et il ne DenseD. .ue le succ&s
(le la tenr:itivt: di: présemer cel;i cornin<ii.ic<ii;tt,niiilans Ir jiigriiit.iit
d6clarntif dc faillite:liclesclianzes rie rGii+ir. Celnritl'objet des yrorci-
t;itioni les pliis iniligi16esdlii11iir<le,i~itir~.~j,;i;c~lRifiut I'oI>j<:(tlu
grief lc plus grave ûisuréniciit qu'a forniiil; le Gouvcrricnieiil l~clgc
contre I'cns~rnbledecette proei.J~ire. 1x5 int6ressi:sje sont ;<bondaiiiiiiriit
d>fciidus contre cc qu'ils conîidéraieiit coiiinic le conihlc de I'aiidncc
de ce groupe Marchet de ceux qui facilitaient ses entreprises et des
magistrats qui considéraient qu'ils ne pouvaient pas s'y opposer.
Messieurs, la Cour n'a pas à se prononcer maintenant sur le caractère
de ces agissements. Je lui demande simplement de constater que ces
agissements ont fait I'objet, au temps où il le faiiait, des recours de la
part des intéresséset que ces recours ont étéexercésen vain, qu'il y a
épuisement des voies de recours interne et que le grief peut donc être
accueilli.
Monsieur le Président, Messieursde la Cour, me voici au terme de mon
exposéde nosconclusionsprincipales relatives à l'exception no4. J'espère
avoir convainEu la Cour que, contrairement à ce qui avait étéaffirmé,
le jugement de faillite a fait l'objet en temps utile d'une multitude de PLAIDOIRIE DE .M. ROLIS 653

.La jurispmdence de la Cour paraît donc bien s'inspirer du
principe que le défendeur, lorsqu'il soulève au moment requis une
question à titre d'exception préliminaire et s'abstient de répondre
le fond d'une affaire avant qu'il ne soitusétablqu'il est vraiment
obligé,en l'espèce,d'assumer une telle charge.

L)';,~)rc<la donc~:LS<leyoziil)ilitGJ'iniyojcr iiinc ~~:i:e 11lai(l,:r:III
foiii-la\.ant ~ii'uiicdéciîii>iitic soir iiir~ric.iiiit~t:onsr:ir:iiir 11ct>iiil)ctenz,:
de la Cour ei la recevabilité de la demande.
La deuxième proposition est la suivante (voirII,p. 266):
«Pour se rendre compte du caractèreabsolument exceptionnel que
doit revêtir la possibilitéde joindre au fond une exception prélimi-
naire dans la procédure international..»

Messieurs, tâchons de voir les choses objectivement et pour cela
retraçons les principales étapes qui ont conduit à la disposition du
Règlement que nous connaissons aujourd'hui et qui constitue le para-
graphe 5 de l'article 62 du Règlement de la Cour internationale repris
lui-même à l'article 62 du K"element de142- de la Cour permanente de
Justice internationale.
L'exposéde M. le professeur Ago va considérablement m'aider. Dans
cette analvse ie ~uis dire ou'il m'a montré la voie. mais i'ai redacé les
faits qu'il méntlonnésdan; leiir ordre chronologique; et CelaleÙrdonne
une couleur et une portée tout àfait différentes, celamodifie totalement
le coefficient d'imp'ortance qu'on peut leur accorder quantà l'interpré-
tation de la dis osition actuelle de'article 62, paragraphe 5.
Le premier Kèg~ementadopté par la Cour permanente de Justice
internationale, en I 22, ne contenait, comme il a étésignalé, aucune
disposition quant à 9a procédure à suivre en cas de formulation d'une
exception préliminaire par 1'Etat défendeur.
C'était sans doute une lacune mais ce n'était pas une, omission.
M.Rosenne, dans son excellent traité sur la Cour, expose les raisons de ce
de vue que, déjà antérieurement, des arbitres avaient reconnu I'oppoy-
tunitéde seprononcer sur lesdénégationsde compétenceou de recevabili-
tésoulevéespar un Etat défendeur,puisqu'en cas d'admission de i'excep-
tion il ne subsistait pas de litige sur lequel ilsàase prononcer. Mais
la Cour permanente hésitait sur l'utilité qu'il pouvait y avoirà régle-
menter la présentation des exceptions età limiter les conditions de cette
~résentation en ouvrant ainsi une voie plus large- à l'--plication du
jorz~rnprorognlum.
Après d'assez longsdébats sur cette question précisedu traitement à
faire aux exceptions préliminaires, sans que l'on ait soufflémot de la
jonction au fond à cette époque,la Cour préféraattendre les résultats de
l'expérience. Et, Messieurs, elle fut très rapidement placéedevant la
question, car dans une de ses toutes premières affaires, dans l'affaire
Mavrommalis, la Grande-Bretagne, qui était I'Etat défendeur. marqua
le désirde seborner provisoirement &contester la compétencede la Cour.
La Cour, spontanément, en l'absence de toute disposition complémen-
taire, autorisa la Grande-Bretagne à limiter sou premier écritque i'on
appelait nmémoire inson premier mémoireou contre-mémoire, à l'exposé
de son exception, en invitant I'Etat demandeur à y répondre; ce qui6% BARCELONA TRACTIOS

était en realitéla procédurequi fut adoptée dans la suite et qui fut donc
initiéepar la voie prétorienne(arrêtdu 30 août 1924.C.P.J.I. sérieAno 2).
C'était. Messieurs, déjà de la part de la Grande-Bretagne une mani-
festation de ce désirdont il a beaucoup étéquestion dans les exposés
de la Partie adverse et oui a éténotamment soulienéDar AI. Anzilotti
et par M. ~ammarskjold dans les textes que l'Zn <ous a rappelés,
l'intérêett le désirque peut avoir un Etat défendeurd'évitersi possible
la discussion devani laACoursur le fond d'un probleme et de népas se
conteiiter de voir la Cour donner dans sa délibérationla priorité aux
moyens soulevés par voie d'exception, mais de permettre à la partie
elle-mêmed'éviterle débat.
La Cour permanente, l'année suivante, se trouva placée devant la
mêmesituation dans l'affaire des Intérétsallemands en Haute-Silésie.
Dans cette affaire aussi 1'Etat défendeurex~rima le désirde se limiter à
coiitcjter coiiipiténcect reccvabilitc';et la Courcnilitiiiarr& le 25 aoiit
1925,qui rigure ;iircciit.il. Ic no6 (1,la sSric:\et qui, ;iprèsiltic Ici
dchats et I:ii)rocCdureCcriteeurent ét& Iiniirc3.1'ex:iineride I'esce~tion
se prononçaSur celle-ci.Alors, aprèscette double expérience,la CO& mit
à profit cette expérience et introduisit dans son Règlement de rgz6.
un article 38, suivant lequel, dans les affairesintroduites par requête,
tout dépBtpar 1'Etat défendeurd'une exception préliminaireentraînerait
l'arrêtprovisoire de la procéduresur le fond.
Ce fut la ~remièreréforme: et il fallut attendre dix ans avant aue
la seconde sÔit rCalis6e.3.savok la pos3ibilitéJe la jonction au fond. '
Jusqu'en 1936.le IiFglzmeiit plsç;ut la Cour saisie <I'eceptions pr&-
liminaires devarit Ia seule altt:rnatii.c. soit d';idtnettrc 1'cszci)tlori.
soit de la rejeter. mêmesi en ce faisant elle s'exposait à trancher Crovi-
soirement sous l'angle de l'exception des questions qu'elle retrouverait
éventuellement dans l'examen du fond.
Le systkme adopté par la Cour permanente en 1926 pouvait placer
la Cour dans des situations embarrassantes et devait. dans certains cas.
présenter des inconvénients manifestes. La possibilité de ces incon-
vénientsétait, 3.vrai dire, déjàapparuedans l'affaire de Certainsintérêts
allemandsen Haute-SilLsie$olonaise (compétence)(C.P.J.I. sérieA no6.
p. 15 et suiv.) dans laquelle la Cour permanente avait indiqué, comme
le rappelait le professeur Ago, la nécessitéoù elle se trouvait d'aborder
l'examen de l'exception préliminaire dont elle était saisie - je cite -
iiquand mêmecet examen devrait l'amener à effleurerdes sujets appar-
tenant au fond de l'affaire)).
En réalité,ce qu'elle entrevoyait c'était beaucoup plus qu'effleurer
des sujets appartenant au fond del'affaire puisqu'elle sentait la nécessité,
dans le mêmearrêt, de réserver - je cite - .une compléte liberté
d'appréciation lors des débats sur le fond des arguments apportés
éventuellement de part et d'autre o sur des sujets déjà touchésaux fins
d'une décisionau stade d'une exception préliminaire.
Vous vous rendez compte, hlessieurs, la Cour entrevoyait déjà la
possibilitéd'avoir à répondre différemment et en sens inverse sur une
question qu'elle avait résoluedans les exceptions préliminaires le jour
où elle la rencontrerait après la procédure au fond et le débat au fond.
Cette contradiction, la Cour espérait en supurimer les inconvénients
jiiridiques eii aiiiionytirit qiiç la 'prcrniérerbp&nsequ'elle aurait donnée
ila questlon nc coiiîtituer:iitpas cliosejugce. Elle se rbservait expres3é-
ment de la sonjidirer comme pro\.isoire et de reprendre la qiiestioii PLAIDOIRIE DE 31. ROLIS 655

pour que, aprèsplus ample informé,ellepuisse éventuellement lui donner
une réponsedifférente.
Xos adversaires attachent une grande importance à cet arrêt de
192j uisque c'est, je crois. le seul arrétque cite le professeur hIalintoppi
à la ln de sa plaidoirie du 3 avril. Est-ce qu'il est nécessaire que je
souligne à la Cour que du moment qu'il s'agit d'un arrêtde 1925, anté-
rieur de onze ans a l'introduction dans le règlement d'une disposition
sur la jonction au fond, il n'est vraiment pas raisonnable de le retenir
actne/lcmeiit, sous l'empire du règlement actuel, la Cour internationalet
de Justice doit examiner le traitement qu'elle doit adopter en ce qui
conCerneles exceptions prélimiiiaires.
L'inconvénient évidentque je signalais d'exposer la Cour au risque
de se contredire, ce qui incontestablement devait nuire à son crédit,
apparut vraisemblablement lors des délibérations en1933 sur l'affaire
de l'Administration du prince de Pless. A ce moment la Cour crut pouvoir
inaugurer par la voie prétorienne une nouvelle procédure sans que la
chose lui eût étédemandée; placéedevant une exception préliminaire
dont, relevait-t-elle, l'appréciation n'était possible que sur la base d'une
connaissance complète des faits alléguéspar le demandeur, telle que
seule la procédure sur le fond pouvait fournir, la Cour ordonna la jonc-
tion au fond. Au lieu de rendre un arrêt, elle rendit une ordonnance
(C.P.J.I. sérieAIB no 52).
L'ordonnance n'indique pas à quelle majorité la Cour prit cette déci-
sion. On peut supposer que l'innovation rencontra des oppositions puis-
ue rien ne pouvait faire prévoiraux Parties - et spécialement à 1'Etat
jéfendeur - la solution qui allait êtredonnée et la dérogation qui
allait êtreapportée à l'article 38 tel qu'il existait dans le Règlement.
IIétait normal dès lors que la Cour, au moment ou elle allait à nouveau
reviser son Règlement, y consacre une solution dont la nécessité lui
était apparue lors de l'examen de l'affaire de l'Administration des biens
du prince de Pless.
Et c'est de là que sortit le nouveau Règlement de 1936 repris tel quel
par la Cour internationale en 1946et qui, bien entendu, apporte d'autres
modifications encore extrémement intéressantes. mais qui sont hors du
débat aujourd'hui, a l'article relatif aux exceptions préliminaires.
sous forme d'exceptions préliminaires, des questions comportant nonanché,
sans doute des points de fait (car iv a bien des exceptions préliminaires
qui comportent des points de fait et qui ne doivent en aucune façon
Stre joints au fond), mais des points qui devront êtreexaminés lorsdu
débat au foiid. Elle n'a plus jugésuffisantde s'abriter derrière la réserve
qu'elle avait formulée en 1925 suivant laquelle les réponses qu'elle
donnerait à ces questions seraient dépourvues du caractère de chose
jugée; elle s'est rendu compte qu'une pareille attitude l'exposait au
re~roclie de Dréiueerde la solution finale sans oue la ~rocédureait été
~&~lètemerit engagéesur ladite question.~~oréiavant'. la Cour perma-
nente et la Cour internationale de Justice. lorsqu'elles se sont trouvées
devant une telle situation. ont eu i~~ossibilité.ët en ont la-gement usé.
dc joindrc I't:st:el,tiun:>ufond. I~lhiit:laidc in2inr:- iloiis I.crrurii
:iprL\- lorsq UCIR iliigsI~:ii~)~ir~issnittilc d:ini I'intérctd'und bonnc
iustice ;if1tic reiueillirlc coiiii>l;iii~iitd'information <iuciiuli\.nir leur
donner la jonction au fond et Iâpoursuite de la procéd;re. '6j6 BARCELOSA TRACTION

Bien entendu, dans le systkme actuel, la liberté de 1'Etat déterideur
de limiter provisoirement sa défense à la présentation d'une exception
préliminaire et de ne pas répondre au fond, demeure entière. Elle est
même plus largeque ce que lui reconnaît le professeur Ago. L'Etat
défendeurpeut présenter, i titre d'exception préliminaire,n'importe quel
moyen, fût-il dépourvu de pertinence ou fût-il directement emprunté
au fond mêmede l'affaire s'iljuge opportun de le disjoindre de l'examen
du fond. Le Président de la Cour qui resoit de 1'Etat défendeur un écrit
qualifiéd'exception préliminairene peut pas, suivant l'article 62, exercer
de contrble sur la nature du moyen. D'après l'article 62, paragraphe 3,
il fixe nécessairementle délaidans lequel 1'Etat demandeur peut présen-
teAinsi le Règlement de 1936, repris en 1946, continue à donner à
1'Etat défendeur, assignépar requête,une large satisfaction s'il désire
ne pas s'expliquer sur le fond du différendavant d'avoir préalablement
tenté d'obtenir un arrêt qui écarterait la demande comme sortant de
la compétencede la Cour ou comme étant irrecevable. Mais là s'arrête
la satisfaction garantie à 1'Etat défendeur par le nouveau Règlement;
le contrble que le Président de la Cour n'a pas pu exercer, l'article 62
du Règlement le confère à la Cour elle-mêmequi décidesouverainement
s'il convient de statuer sur l'exception ou de la joindre au fond.
II serait donc certainement excessif de reconnaître, comme le propo-
sait le professeur Ago, un droit à I'Etat défendeur de s'opposer à la
jonction puisque, en toute évidence,la Cour, maîtresse de sa procédure.
a pu valablement se réserverune possibilitéde ne pas statuer sur I'excep-
tion'sans avoir repris la procédureau fond et entendu les Parties; ainsi,
Messieurs,le droit d'obtenir une décisionsur l'exception, avant de s'op-
poser au fond, est un droit que le Rkglement ne reconnaît pas.
L'exercice de cette faculté que le nouveau Règlement donnait à la
Cour permanente de joindre au fond l'exception préliminaire dont elle
était saisie a-t-il étéabsolument exceptionnel comme la Partie adverse
l'asoutenu? Je crois que mon estimécontradicteur a perdu de vue la date
à laquelle cette faculté aété introduite dans le Règlement et la durée
de la périodependant laquelle la Cour permanente de Justice interna-
tionale a étéen mesure d'user de cette faculté. Le Règlement de 1936
a étéadopté,je le souligne, le II mars 1936. Selon l'article S6 du Règle-
ment, il est entre en vigueur le même jour. La Cour permanente de
Justice internationale n'a pu siéger effectivement que pendant les trois
annéesqui ont suivi l'adoption de la rédaction nouvelle de l'article 62.
Or, pendant ce court laps de temps, elle a quatre fois joint au fond tout
ou partie des exceptions dont elle était saisie, soit dans les affairess.
Csaky, Esterhazy(C.P.J.I. sérieAIB no66) -et cette affaire était déjà
pendante devant eue au moment où elle adoptait le nouveau Iiéglement
- dans l'affaire Losinger 6. Cm,S.A. (C.P.J.I. sérieAIR no 67) dans
l'affaire du Chemin de fer Panevezys-Saldt<tiskis (C.P.J.I. série AIR
no 75). Compagnie d'électricité de Sofia et de Bulgarie (C.P.J.I. série
..,- ..r///'
Inutile de dire que ces décisions,dont les trois premières furent des
ordonnances et la quatrième un arrêt,sont pour la question qui nous
occupe d'une tout autre importance que l'arrêtde 1925relatif à Certains
intérêts allemands en Haute-Silésie polonaiasrer,êtno 6. 1925 (C.P.J.I.
sérieA 7%'6) avec lequel elle marque une différenced'attitude totale. PLAIDOIRIE DE 11.ROLIS 657

Boriions-nous à citer cet extrait de l'ordonnance rendue dans l'affaire
Losinfer E Ci', S.A. (C.P.J.I. sérieAIB no 67) qui constitue le contre-
pied de l'arrêt dont seprévalent mes estiméscontradicteurs:
nIl n'appartient pas [dit la Cour permanente] d'empiéter de
façon quelconque sut le lond d'une affaire à elle soumise par voie
de requéte...avant que les parties usent du droit que leur réservent
le Statut et le Règleinent de déposerchacune deux pièces écrites
ainsi que de présenterdes exposésoraux sur le fond. u

Et, Xessieurs, si je ne craignais d'abuser des instants de la Cour, il
me serait aiséde détacher des autres arrêts que j'ai citésde la Cour
perinailente de Justice internationale des considérantssemblables.
La Coiir internationale de Justice, comme on le sait, eut elle aussi
l'occasion de joindre au fond les exceptions préliminaires et ce, à deux
reprises. Dans l'affaire du Droit de passage sur territoire indien où elle
releva notamment comme un [les motifs de sa décision:

ttoute appréciation de ces éléments[c'est-à-dire des élémentsqui
lui étaient soumis] bien que limitée en ce qui concerne I'exceptioii
préliminaire, impliquerait le risque de préjuger certains points
étroitement libs au fond)) (arrêtdu 26 novembre 1957).
Vous vous souvenez, Messieurs, dans l'affaire de 1925,la Cour disait:
*Peu importe d'effleurer le fond, il est bien entendu que je réserve
entière la possibilitéd'appréciation aprèsla procédureau fond. a Actuel-
lement, la Cour interiiationale de Justice déclare que toute appréciation
de ces éléments doitêtreexclue et relève notamment comme un des
motifs de sa décision,que toute appréciation de ces élémentsau stade
de l'exception préliminaireimpliquerait le risque de préjuger; or même
si ce n'est pas par une décisionayant autorité de chose jugée,la Cour
n'entend pas préjuger.
Peu auparavant. dans l'affaire de Certains emprzrntsnorvégiens,ordon-
nrance du z8 septembre rqj6, C.I.]. Recueil r9j6,elle avait joint au
fond par ordonnance du 28 septembre, une exception de non-épuise-
ment des voies de recours interne. Cette fois elle le faisait de l'accord
des Parties.
Et, >lessieiirs, les auteurs ne se sont pas trompés sur ce prétendu
caractère exceptionnel de la jonction au fond. Ils émettent un avis
opposé. Sir Humphrey Waldock. dans son étude intitulée The plea of
domesticjitrisdiction beloreInternational Tribunals, parue dans le British
Yearbookof International Law, 1954,remarque dans un chapitre intitulé
<iLa pratique de la Cour à l'égarddes exceptions préliminaires u(p. 115):

n En 1936, le IZèglementfut modifiépour prévoir expressément
que les exceptions préliminaires peuvent bien faire 'objet d'une
décisionfinaleimmédiate ou êtrejointes au fond. Depuis ce change-
ment dans le Règlement, la Cour a toujours ajourné jusqu'au
débat au fond toute exception préliminaire qu'elle considérait trop
étroitement liéeau fond du différendpour êtretranchée sans exa-
men au fond. ,i

Et sir Hersch Lauter~a.ht. dans son ouvraee i.,itulé Deuelofiment O/
latpr11iiiir~t/.Iai" 1>tve ~>atlrnution.C/ourt partieii 19.j~.rémar~~iinit
i 13pi~ge173: <cUIIeseriipl<:iiistructii~lt: l'attdeuprudcn<:t:cil111atii)re6j8 BARCELOSA TRr\CTIOS
de compétenceest fourni par le fréquencede la jonction à la procédure
sur le fond.n
Nous sommes loin du caractère absolument exceptionnel attribué à
cette disposition.
Bien entendu, que la jonction au fond doive êtreconsidéréecomme
la règle et que ce ne soit qu'exceptionnellement que la Cour statuerait
sur l'exception préliminaire est aux antipodes de ma penséeet je n'ai
jamais songé à défendrepareille thèsedevant la Cour. Une telle affirma-
tion génçrale méconnaîtrait de la façon la plus flagrante les raisons
pratiques qui ont conduit la Cour en 1926 à admettre comme une règle
de bon sens conforme A la pratique des juridictions de droit interne,
qu'ily a lieu dans la mesure du possible de ne pas statuer sur le fond
lorsque la compétence du juge ou la recevabilité de la demande sont
contestées.
La question, Llessieurs, de l'opportunité d'une jonction au fond se
posera nécessairement de façon tout à fait différentesuivant la nature
de l'exception et l'existence ou l'inexistence d'un lien de connexité
entre l'exception et la nature de la demande au fond et de l'examen
quJe ne peux doncen aucune façon souscrire àl'opinion qui aétéexprimée
en daidoine. lorsaue mon éminent contradicteur. nartant de la cons-
tatition exacte clGeles exceptions préliminaires sont de nature extrê-
mement diverse et qu'il est très difficilede tenter de les classer en caté-
gories. a cru pouvoi; constater (voir II, p. 264):

"l'on n'a établi aucune différence,quant aux effets de l'exception
sur la procédure, selon que la question qui est soulevée à titre
d'exception préliminaire est une question ... de fond ... mais elle
reste séparéeet distincte de la question de fond soulevée par la
réclamation ».

A mon avis, il y a là une équivoque. Il est vrai qu'au point de vue
de l'effet immédiat sur le cours de la procédure, il n'y a pas, comme je
l'ai exposé,de différencede traitement entre les divers moyens que le
Gouvernement défendeur aura pu présenter à titre d'exception pré-
liminaire. Le Président. dans tous les cas. ordonnera la susnension de
la procédure au fond. ais il est certainement inexact de'considérer
comme indifférent, pour la décisionde la Cour, que I'exccption nécessite
ou non l'examen -le ne dis vas bien entendu de certainsiaits étraneers
au fondde la récla&ation, ca; elle peut soulever des questions de fai-
mais des faits mêmes visésdans la demande - ou bien qu'elle exige
ou n'exi~e pas une décisionsur certains oints relevant du bien-fondé
de la demande, ou encore que les expl&ations qui seront fournies à
l'occasion de la dbfenseau fond peuvent ou non êtreutilespour l'examen
de l'exception préliminaire.
exception préliminaire se pose nécessairement plusieurs questions succes-
sivement, àsavoir:

Premièrement, le moyen proposé a-t-il vraiment le caracthe d'une
exception préliminaire?
Deuxièmement, dans l'affirmative, peut-il être statué au sujet de
cette exception préliminaire sans préjuger du fond? PLAIDOIRIE DE Y. ROLIN 659

Et troisièmement. si la rénonseaux deux ouestions est ~ositive. est-ce
~IIC3""s I~~'c~~I~c" 1p"tigl'du foii(1,l'esamen deI:i~iit,jti11,touche
1):~Ut<:lpotnr nus f;iitviî6s dlns 1:r2clamation qiie <l:iiisI'intl'rCtd une
bonne justice il est préférableque la Cour ne se pkononce pas sans avoir
recueilli le complémeritd'inforniations que doit lui procurer l'échange
complet des quatre écrits prévuspar le Reglement pour l'instruction
du fond? A noter que mêmel'examen de la première question, c'est-à-
dire le point de savoir si le moyen proposéa vraiment le caractère d'une
exception préliminaire, a étéparfois joint au fond en vue de recueillir
dans la procédure au fond des renseignements complémentairesjugés
désirables,même pourstatuer sur ce tout premier point.
En pareil cas, la délibérationqui suivra l'explication au fond inter-
venant après la clôture de la procédure et le renvoi, va nécessairemeiit
porter en premier lieu sur le caractère d'exception préliminaire qui
peut ou doit être attribué au moyen soulevé par 1'Etat défendeur.
Monsieur le Président, trois arrêts qui s'ajoutent à l'ordonnance déjà
citée rendue par la Cour permanente dans l'affaire Losinger 6 C",
S.A. (C.P.J.I. sérieAIB no67) et à l'arrêt rendu par la Cour internatio-
nale de Justice dans l'affaire du Droit de passage sur territoire indien
vont me permettre, je pense, de bien me faire comprendre. L'un est
celui rendu par la Cour permanente dans l'affaire du Chemin de fer
Panevezys-Satdutiskis (C.P.J.Z. sdrieAIB na75). La Cour a joint au fond
deux exceptions dont le caractère préliminaire était douteux en «con-
sidérant que dans la phase actuelle de la procédure, une décisionne
pouvait pas être prise sur le caractèrepréliminaire des exceptions, ni
sur le bien-fondéde ces mêmesexceptions u.
Le deuxième arrêtémaneencore de la Cour permanente: c'est l'arrêt
rendu dans l'affaire de la Con~pagnied'électricité de Sofia et de Bulgarie
(C.1'.1.1.sérieA/B no 77). On lit, page 78:

iiL'argument rationemuteriaeainsi développéet produit à l'appui
de l'exception préliminaire d'incompétence forme une partie du
fond mêmedu différend.La Cour ne peut, par conséquent, recon-
naître à ce moyen le caractère d'une exception préliminaireau sens
de l'articl62 de son Règlement. »
On notera, Messieurs, que, ayant fait cette constatation, sans avoir
joint l'exception au fond, la Cour n'ordonne pas cette jonction et déclare
que les parties seront libres d'en reprendre le développement à titre
de moyen; puisqu'il appartient d'office au fond et qu'il en fait partie,
aucune jonction ne doit êtreordonnée.
En d'autres mots, on peut déduire de la pratique de la Cour que la
jonction au fond est ordonnée dans trois cas, à savoir lorsque I'ouver-
ture de la procédure sur le fond parait nécessaire pour vérifier si le
moyen a le caractère d'exception préliminaire; lorsque la jonction au
fond paraît nécessairepour éviterle risque d'une contradiction ou d'un
préjugéavec les décisionsqui devront intervenir sur le fond; et enfin
lorsque la reprise de la procédure au fond paraît indispensable pour
éclairer complètement la question de telle façon que la Cour puisse se
prononcer sur l'exception en meiileure connaissance de cause.
Une illustration de cette deuxieme éventualité,celle où I'esception
préliminaire peut avoir son caractère tout en étant en mêmetemps une
question qui relève du fond, se trouve dans l'affaire Nottebohm.C'est
le dernier arrêtque je voudrais rappeler et si je le fais c'est parce qu'il660 BARCELONA TRACTION

II, a dit ceci: croisà tort -par le professeur Ago qui, àlapagez65,

iiCe n'est qu'en raison de sa propre attitude que le défendeur
[qui était le Guatemala] ne pouvait plus éviter de discuter le fond
de l'affaire en mêmetemps que l'exception soulevéetardivement. ,i
Messieurs, je connais bien cette affaire puisque j'étais un des conseils
du Guatemala. Que mon éminent contradicteur me permette de lui
faire observer qu'il perd de vue que si mêmel'inopposabilité de la
naturalisation de M. Nottebohm par le Liechtenstein avait étéopposée
comme exception préliminaire par le Guatemala, il n'eût pas étéau
pouvoir du Guatemala de plaider l'exception sans plaider simultané-
ment le fond, ou si vous voulez, après avoir plaidé l'exception il aurait
dû tout de mêmeplaider le fond; car il n'y a pas le moindre doute que
la Cour eùt joint l'exception au fond.
Que la Cour veuille bien se souvenir: il s'agissait d'une réclamation
du Gouvernement du Liechtenstein qui se plaignait qu'un de ses ressor-
tissants, ancien suiet allemand mais aui avait été naturalisé à l'ouver-
ture des hostilités,'avait ététraité, a; cours de la seconde guerre mon-
diale, par les autorités du Guatemala, comme suiet ennemi.
Le Gouvernement du Guatemala o~~osait à-cette demande aue la
naturnlii.îrioii qui a\.;iit ~ccordie k '.IlKortcbolim dms lcsci;cons.
tiiiicçs trés p:irtiiiiliért-i d'ui.tol)rne lui &tait~.ISul~pos:~hle.Et
IIcritii.acettr do~il>lconcluiioii <iuc1,:(;ou\~erri,:incnrdu Licchteiistcin
ne pouvait êtreconsidérécomme intervenant en faveur d'un de ses
ressortissants, et que sa demande n'était donc pas recevable, et aussi,
quant au fond, qu'aucun reproche ne pouvait lui être adresséparce que
c'està bon droit qu'il avait considéréque 1\1.Nottebohm n'était pas un
sujet du Liechtenstein, mais était un suiet allemand, donc un sujet
ennemi.
Ainsi, Messieurs, c'était exactement la mêmequestion, intégralement
fond.mIl était impossiblelàçla Cour de rejeter l'exception préliminairele
du Guatemala sans que, automatiquement, ce rejet entraîne, sous peine
de contradiction, le gain du prods par le Liechtenstein.
Ce qui fait, Messieurs, que le Guatemala s'est abstenu pour ce motif
de présenter cette question de nationalité à titre d'exce tion prélimi-
naire. Quel eût étéle résultat? Sans aucun doute. le résutat c'est qu'il
aurait plaidé une première fois cette question, que l'affaire eût été
iointe au fond et au'on eût recommencéles mêmesdébats a~rès une
procédure écrite aurait étéassurément plus complète. Il était, sans
aucun doute, indispensable que l'affaire soit, dès le début, considérée
comme ne pouvant-étre dissoLiéedu fond. Il n'y a donc pas eu d'excep-
tion préliminaire. Mais, ceci est intéressant, bien que le moyen n'ait pas
étéprésentécomme exception préliminaire, bien qu'il ait étéprésenté
comme exception dans un débat qui portait nécessairement à la fois
sur le fond et sur l'exception, la Cour a reconnu le caractère d'exception
qui s'attachait à la question et c'est en accueillant l'exception dans
son arrêtfinal au'elle a accueilli la nrétention du Guatemala. au'eile a
déclaréla demande non recevable. Ên sorte que nous pouvo~ç'retenir
qu'une décisionde jonction au fond d'une exception préliminairen'enlève
pas du tout à cettë exception son caractère2 ne Jispensc, du moment
que le caractère d'exception préliminaire a étéreconnu, pas du tout la PLAIDOIRIE DE U. ROLIS 661

Cour du devoir de se prononcer d'abord quant à l'exception, avant de
se prononcer sur le fond.
Et Messieurs, une dernière constatation importante me parait devoir
êtredéduite de ce bref rappel de jurisprudence des deux Cours,à savoir
que les exceptions sontparfois- je dirais mêmesouvent - complexes.
Dans l'affaire de la Com9agnie d'électricitéde Sofia et de Bulgarie
(C.P.J.I. sérieAIH no 75) que j'ai rappelée tantht, la Bulgarie, en ap-
parence, n'avait formé qu'urie exception qu'elle appelait l'exce tion
d'irrecevabilité. Elleoridait cette excention d'irrecevabilité sur &vers
moyens: il y avait une exception rationetemporis,ily avait une exception
ralioite materiae et bien qu'en apparence formellement la Cour perma-
nente ne fût saisie que d'uneseuiëexception, elle examina sépaiément
les moyens et prit une décision différentesur chacun des moyens.
parM11.iRosenneesà la page 356 de son ouvrage classique. II dit:récédent

nSi plus d'un moyen (more than one+leu) est contenu dans l'ex-
ceptioh, la Cour aura, au moment voulu, a assigner & chacun son
rang de priorité et à déterminer les caractéristiques précises de
chacun. En particulier, elle détemiinera lesauels-de ces movens
sont en réalité- Je cas écht'an- des moyens de défenseau Fond
dont elleajournera la prise en considération.Enfin, elle déterminera
quels sont~les moyenssur lesquels elle peut statuer après une pro-
cédure interlocutoire et quels sont ceux qui doivent êtreexaminés
en mémetemps que le fond avant décision finale. Cela dépendra
moins de la nature des moyens que des arguments avancés à leur
appui. Ayant procédé à cet examen, la Cour sera en mesure de
prendre une décision.u
Je pense, Messieurs, que les ex lications que ]'ai donnéesconstituent
un commentaire valable de l'articE 62 de votre Règlement et je souhaite
que, si telle est également votre opinion, vous l'ayez présentà l'esprit
lorsque vous examinerez les questions soulevéespar l'examen des troi-
sièmeet quatrième exceptions préliminaires.
La dernière observation que j'ai faite relativement au caractère
complexe que peuvent présenter parfois les exceptions et à la nécessité
pou la Cour de décomposerl'exception, afid ne voir quels sont les points
qu'il lui est possible et opportun de retenir pour les résoudre, et quels
sont ceux au contraire dont la jonction au fond s'impose, me paraît, je
crois, nue bonne transition et une bonne introduction à l'application
que je vais faire des principes que j'ai développés à la matière de la
troisième exception préliminaire.
En effet, il me paraît certain, et j'ajoute qu'ilme parait non contesté
par la Partie adverse, que cette troisième exception est le type même
de l'exception complexe qui groupe une sériede moyens et de questions
dont les unes peuvent aisément être résoluespar la Cour sans empiète-
ment sur le fond et sans nécessitéd'explications complémentaires,
taJe vais prendre comme base de tout mon raisonnement su la troi-
sieme exception, l'exégèseque le professeur Ago en a lui-mêmedonné
au cours de l'audience du 1- avril, lorsqu'il a énuméréde façon très
claire les divers points que le Gouvernement espagnol considère comme
compris dans l'exception espagnole relative au défaut de qualité du
Gouvernement belge et sur lesquels il demande àla Courde seprononcer. 662 BARCELONA TRACTIO~.

J'emprunte cette énumération à la page 270. II. Voici comment il
commence:

«Le désaccord entre les Parties porte avant tout sur le point de
savoir si l'on doit ou non admettre la tentative belge de changer
aujourd'hui sa demande en la présentant non plus au titre de la
protection de la sociétécanadienne Rarcelona Traction, mais au
titre de la protection de la sociétébelge Sidro, prétendue action-
naire de la première. ,,

Arrêtons-nous un instant. Est-ce que cette première question est
mûre pour êtretranchée par la Cour sans jonction au fond?
La réponse affirmative ne me paraît pas douteuse. Mes collègues, le
professeur Lauterpacht et le professeur Sauser-Hall, ont soutenu avec
vigueur, qu'une fois admis le droit de la Belgique de représenter sa
demande après le désistement de la première instance, on ne voit pas
en vertu de quelle règle il lui serait interdit de présenter sa nouvelle
requêteen des termes qui lui paraissent de nature à éviter des équivo-
ques et des objections. Le Gouvernement espagnol a soutenu avec

vigueur une thèse opposée. L'examen de cette contestation, telle qu'elle
est libellée,ne comporte sans aucun doute aucun préjugéquelconque
sur la décisionau fond. La question est mûre. Il n'y a aucune nécessité
d'attendre des éclaircissements supplémentaires d'un débat au fond qui
ne pourrait les fournir.
Je continue la citation de l'exposéoral:

iIl [le désaccord] porte également sur la question de savoir si la
nouvelle demande a vraiment pour objet la protection d'action-
naires de la Barcelona Traction, et non pas la protection de cette
sociétéen tant que telle. r,

Cette fois encore, je marque volontiers mon accord avec mon éminent
contradicteur. Une telle auestion est mûre Dour être tranchée. Sans
~OL~Z eit-cc ctttc 111suii point de fit: il .t<itdc I'ii~ttq~r~tatit~(1,:1.1
I I 1 II n~nr Il I I 1 l Guii\.i.rii~inrnt esp;igiiol yr.-
triid fair<-dire autre clin;e oiit cc ciuc Ic (;ou\,rrrii.iilitI)t12, d<clniv
avoir voulu y exprimer et qui bien résulter des term'ésqu'il a
employés. Mais de toute façon, Messieurs, la réponse à donner à la
question posée par le professeur Ago est absolument indépendante de
la réalité oudu bien-fondédes griefs qui ont étéarticulés contre certains
actes des autorités espagnoles. Et on ne voit pas comment la Cour pour-

rait refuser de statuer hic et nunc sur une question semblable.
Vient maintenant la troisième question:
tLes vuesdes Parties s'opposent aussi quant à la possibilitéde con-
sidérer des personnes qui ne sont pas inscrites au registre officiel
d'une société comme des iactionnaires a au sens propre du terme
aux fins d'une protection diplomatique par leur Etat national. »

Encore une fois, Messieurs, cette troisième question, je la considère
non seulement comme mûre pour êtretranchée, mais je constate aussi
qu'elle n'empiète pas sur le fond, qu'elle constitue bien une exception
préliminaire; la demande du Gouvernement belge n'est en effet recevable

qu'en faveur de ses ressortissants. Parmi ceux-ci il a cité lui-mêmecom-
me la plus importante la société Sidro.Il a donc le devoir de faire la
preuve de la nationalité belge des personnes physiques et morales dont PLAIDOIRIE DE hl. ROLIX 663

il déclarevouloir assumer la protection. Et non seulement il doit faire
la preuve de leurnationalité, mais la contestation soulevéepar le Gouver-
nement espagnol, à savoir si Sidro peut bénéficierde la protection
diplomatique ou judiciaire de la Belgique pour une lésionqu'elle aurait
subie dans ses intérêtsd'actionnaires alors qu'elle n'est pas inscrite au
registre officieldes actionnaires de la Barcelona Traction mais qu'elle y
figure seulement comme nontinee.une telle question, cela me paraît
sauter aux yeux, ne comporte aucun préjugé quelconquedes questions
de forid; et, d'autre part, on ne peut attendre, sur cette question de
modalités d'iriscription, des droits, de la nature des droits que Sidro
possède sur ces actions, des compétences respectives du nominee et du
Deneficialozoner,aucune explication supplérrientaire S celles qui ont été
données des deux côtés de la barre. Cette question-là est encore une
fois parfaitement mûre pour êtreappréciéepar la Cour.
hlorisieur le Président, me voici arrivéau dernier point ue le profes-
seur Ago entend inclure dans sa contestation du jt~ssion]; du Gouver-
nement belge, un point qui a du reste étéabondamment développé
dans les exceptions préliminaires ainsi que dans l'exposé oral.
Le professeur Ago le définit comme suit:
sLe contraste d'ouinion le ulus mar~uétouche ensuite au uoint
Oc s:ivoir si uiié(Ittmniidcpri,sentécau titre de la ~~n~tcztio<iiil>lo-
m:iriqiic d':iztiuiiiiaires ;tr.iiigers d'une aocic'tése pl:~ign:iiitd'un
jlrilli~iice c;~iic piiliI:tat rtcrj poiirrair érrccullsrdriréecomme
I$itiin< en dCpit <IIIdroit revciiaiàt1'Et:it n.rrioiialJe I:i5oriCLtc'
etfrctivemc.iir cz,.rrC p;ir cet Et31 et cei:iscila Iiimi(.rrdes priri-
cines rCn.r;iiix du huit internntioii:il soiiccrn:int la <:ondirion(lei
é&an@rset à la protection diplomatique, soit en vertu d'une pré-
tendue règle coutumière dont Ic Gouvernement belge affirme et
dont le Gouvernement espagnol nie résolument I'exisience.»

N'oiiblions pas, Messieurs, que la question de droit telle qu'elle est
posée par mon éminent contradicteur devrait être libellée de façon
tout à fait différente, suivant le Gouvernement belge. Suivant ce der-
nier, son droit de protection de ressortissants dont la nationalité belge
est établie est en principe illimitéet pour que ce droit puisse êtreécarté
dms le cas où les particuliers belges auraient subi une lésionen tant
qu'actionnaires d'une sociétéétrangère, il faudrait établir l'existence,
suivant les principes générauxdu droit international concernant la
condition des étrangers et la protection diplomatique ou. en vertu d'une
prétendue règle coutumière, d'une regle de droit international qui for-
mulerait une prohibition.
Mais quoi qu'il en soit de ce libelléde la question, que la réglede
droit intcrnational en discussion soit une regle permissive ou une régle
prohibitive, la question telle qu'elle est libelléepar le professeur Ag-
la Cour le constatera - est une question purement théorique d'appli-
cation générale, libellSeen termes abstraits.
J'admets, Messieurs, que si la Cour accepte cette position de la ques-
tion, que ce soit sous la fornie espagnole ou sous la fonne belge, si la
Cour est disposée à se prononcer de façon absolue et généralesur le
droit d'un Etat de protéger ses ressortissants en tant qu'actionnaires
d'une société ayant un statut national diffétent, eh bien! la Cour pour
résoudre cette question de droit abstrait n'aura aucunement besoin de664 BARCELONA TRACTION
s'en référerau fond; elle ne courra aucun risque de préjuger au fond;
elleoourra statuer.
1.2Cour s~r-1-t-elledisposCeiripoii(lrc ptir oiii oiip:ir iioi iiiic ,lur.
tioit aiitsi lihcllr1.a Cour va-r-i.llf.formuler une rt'glegiii6r:~l~siiivaiit

I:tiiiirile cllc rcconnaitra Ic droit III. i>rotcction ilc 1'F:tat r~ - ~~~~~
actionnaires d'exercer toujours ce droit de protection ou de ne l'exercer
jamais?
Quelle que soit la conviction avec laquelle le professeur Sauser-Hall
a défendula thèse du réalismeet de la nécessitélorsqu'il s'agit de pro-
tection internationale de soulever le voile de la personne morale pour
prendre en considération les intérêtsréels qu'il recouvre; quelle que
soit la vigueur avec laquelle cette thèse a étécombattue par la Partie
adverse, la Cour a trop souvent marqué sa répugnancetotale à formuler
des conclusions en termes générauxpour que je puisse écarter l'hypo-
th&seoù le j~s stand; du Gouvernement belge ne serait appréciéque
dans les circonstances de la cause et en fonction de certaines circonstan-
ces qui, sans épuiser le fond,font partie du fond ou en tout cas touchent
le fond et nécessitent un éclaircissement complémentaire. Les circons-
tances qui pourraient êtreprises en considération sont naturellement
entièrement dans la libre appréciation de la Cour se penchant sur un cas
d'espèce. Mais j'imagine qu'elles pourraient notamment comprendre
l'examen de la nature des lésionset de l'étendue deslésions subiespar
les ressortissants belges, actionnaires de la Barcelona Traction dont le
Gouvernement belge prétend assumer la protection.

Cette question a ététraitée dans les observations (1) au paragraphe
175, page 181.Elle a étéreprise dans l'exposédu professeur Sauser-Hall.
C'estincontestablement une question qui relèvedu fond puisque l'action
en responsabilité, entreprise par le Gouvernement belge pour des dom-
mages attribués à un acte illicite et subi par ses ressortissants, comporte
la preuve de trois éléments:la faute, le dommage et le lien de causalité
entrela faute et le dommage.
D'autre art. le Gouvernement es~aeno. u relevé lui-même.dans
scscsceptii;nsl~rr'li 1rniage 2i21e -n ,uulignniit en it3lique et cn
s'appuya~it cl,ili\.rrsci rGfbrenccsque
1 principc de la protection diploniatiqiit de jociitairci polir
doniiiiasci c;iiisià la soci;té n'a jamltir il; admis pbzir /es cirrio>i-
nuiris d'riii? cociili anolrynir. du moins tant que lu suciil; c:l,iil
elle-même en existence 1,.

Le Gouvernement espagnol a donc admis que dans I'hypothèse où la
société victimed'un acte illicite a cesséd'exister, le droit de protection
oeut êtreexercéDar l'Etat national des actionnaires.
Or, la jurisprudence à laquelle le Gouvernement espagnol se référait,
assimile, comme il a étémontré, au cas de dissolution de la société les
cas où la sociétéest pratiquement défunte et l'un des auteurs que le
Gouvernement espagnol cite volontiers, le professeur Paul De Visscher,
enseigne

cque le juge international peut admettrela protection diplomatique
des actionnairesdès l'instant où il constate en fait que le dommage
causé à la personne morale a eu pour effet de paralyser ou de stéri-
liser l'effet utile que la technique de la personnalité morale devait
normalement produire au profit des actionnaires» (Recueil des
cours de L'Académie de droit international, 1961, tome I, p. 477). PLAIDOIRIE DE M. ROLIN 665

le caractère trop restrictif de l'exception admise en faveur de 1'Etat
national des actionnaires, mais en mêmetemps il a soutenu avec force
aux pages rgz et 193de ses observations (1),et M. le professeur Sauser-
Hall a à nouveau démontré,comme je l'ai fait moi-même à propos de
la quatrième exception, que laBarcelona Traction avait ététrès exacte-
ment vidée de sa substance sociale, privée de ses moyens d'action,
stériliséeet paralysée - pour employer les expressions du professeur
De Visscher - et qu'elle devait donc bénéficierdu régimed'exception
que le Gouvernement espagnol lui-mêmeparaissait admettre en pareille
hypothése.
Mais si c'estlà un point de vue auquel la Cour est, en principe, dis-
posée à se ralliersielle est disposée& avoir égard & une circonstance
de cette nature, il me paraît probable, sinon inévitable, que malgré les
explications que nous lui avons données à ce sujet, elle estime ne pou-
voir se vrononcer sur les effets réelsdes mesures vrises ou autoriséesDar
lfadmin;stration et les tribunaux espagnols, avoir recueilli'les
éclaircissements complémentaires que-pou-rait lui donner la reprise
de la procédureau fond.

[Audience publique du 23 avril 1964,aprks-midi]
Monsieur le Président. Messieurs de la Cour, j'espère avoir fait com-
prendre à la Cour pour quel motif et comment, sans se contredire, le
Gouvernement bellre a vu conclure en ordre ~rincioal au reiet de l'ex-
ception prélimii~nicnu :3et en ordre suh~idiahc à ;a joncriin au fond.
II n'y:i évideinment pas 13, contrairenient & ce qu'a supposé mon
ehtirné contradicteur & la fin dc w nlaidoirie une S... tzntîti\,edit
Goii\,ernemcnt bclgc de rc.t:irder encor; In d6cisioii [tentatà\laquclle
Ic Gouvcrn<;mentespagnol aurait] le droit dc s'op-.ser trCs fcrmenient
aujourd'hui.. .N(voii II, p. 271).
La jonction au fond relève du pouvoir discrétionnaire de la Cour et
nous n'aurions pas pris de conclusion subsidiaire sur ce point que la
Cour se trouverait exactement dans la mêmesituation.
La Cour prendra sa décisionsuivant qu'elle retiendra ou ne retiendra
pas, pour Etre résolues,l'unt: ou l'autre des questions qui lui ont été
posées. Suivant l'attitude qu'elle adoptera, notamment à l'égard du
problème de droit que lui a soumis le Gouvernement demandeur, elle
aux circonstances spécialesde la cause qui reléventdo fond, sansstatuerd
sur une question de fond ou préjuger d'une question qui reléve de
l'examen du fond ou sans attendre les informations complémentaires
que pourraient lui fournir la reprise de la procédureau fond et les débats
au fond. Telle est la leçon qu'il m'a paru possible de tirer de I'examen
de la genèse de l'article 62, 5".de votre Khglement ainsi que de l'ap-
plication qui a étédonnéepar la Cour permanente et par la Cour.
Et j'en aurais ainsi fini avec la troisième exception si je n'avais omis
de trouver un dernier argument auquel le professeur Ago. mon ami
émdit, comme on dit en langue anglaise, a paru attacher une grande
im~ortance alors o.e...ersonnellement. ie n'v attache aucune. à savoir
18&gument tiré du texte d'un projet décompromis que le Gouverne-
ment belge avait proposéau Gouvernement espagnol dans sa note du666 BARCELOSA TRACTION

Mon éminent contradicteur a parléde la note du IOjuin 1957 - c'est
une erreur matérielleque je crois devoir rectifier en passant - la note
figure il'annexe 26j du mémoirebelge, p. 1033.
C'est un fait, I\.Iessieurs,que le Gouvernement belge a. à l'époque.
proposéau Gouvernement espagnol d'insérerque
n...la Cour auraà seprononcer ...sur la finde non-recevoir espagnole
mentionnée ci-dessus [il s'agit effectivement de cclle relative au
jus standz]... ainsi que sur les autres exceptions préliminaires qui
seraient présentéespar le Gouvernement espagnol et dont la Cour
ne décideraitpas de joindre l'examen au fond r.(P. 269,II.)

31aréponsetient en peu de phrases: il est exact que grammaticale-
nent les mots «et dont la Cotir ne déciderait pas de joiridre I'exanien
au fond ase rapportent aux autres exceptions prélimiiiaires quiseraient
présentéespar le Gouvernemeut espagnol, c'est-à-dire aus exceptions
préliminaires autres que le jzrs staizdiMais je ne crois pas que l'on
puisse sérieusementsoutenir qu'il serait entrédans la enséedu Gouver-
nement belge de proposer au Gouvernement espagno fqu'ensemble, par
voie de compromis, ils soumettent à la Cour le différend relatif à la
Barcelona Tractionen retirant A la Cour une facultéqu'elle s'est réservée
par son Règlement de joindre au fond, si elle l'estime nécessairepour
l'une des raisons que j'ai fait valoir, n'importe laquelle des exceptions
jus standi.r le Gouvernement espagnol, y compris celle relative au
Dès lors, de deux choses l'une: si on écarte cette pensée,ou bien il
faut com~rendre aue contrairement à la construction mammaticale.
la réserve'dela faculté de jonction au fond s'applique à pensemble des
exceptions, y compris cellevisant lejus standiou bien il faut comprendre
que ie GouGernement belge a eu en vue de proposer au Gouvefnement
espagnol, s'il le désirait, de limiter le compromisà un différendqui ne
porterait que sur le jus standi en le faisant suivre éventiiellement et
ultérieurement d'un autre compromis qui porterait sur les autres excep-
tions et sur le fond:
A supposer, Ilfessieurs, qu'on puisse interpréter en ce sens la pro-
position de compromis du Gouvernement belge, je relève que cette
proposition n'a pas un instant étéretenue comme satisfaisante par le
Gouvernement espagnol et que dans ces conditions il ne peut pas étrc
question d'en tirer un effet juridique quelconque qui serait de naturc
à lier soit le Gouvernemeiit belge, soit la Cour.
Monsieur le Président, c'est dans un esprit semblable d'objectivité
et dans le mêmeétatd'âme empreint d'une parfaite sérénité que j'aborde
l'examen de l'éventualitéd'une jonction au fond de la quatrikme excep-
tion préliminaire.
Cette fois encore nous n'avons conclu en ce sens qu'à titre subsidiaire.
Kous n'aurions pas formulécette demande subsidiaire que la position
de la Cour n'en aurait pas étéaffectée,puisque, je le répèteencore une
fois, I'article.62 du Règlement lui donne toute liberté d'apprécier la
nécessitéou l'utilité de joindre une exception au fo~~d,méme molrs
proprio.
Si nous avons cru néanmoins devoir prendre l'initiative d'examiner
cette solution devant la Cour, c'est parce qu'il nous paraissait utile. pour
la quatrième comme pour la troisième exception, d'exposer clairement
àla Cour les questions qui pourraient se poser à elleà l'occasion de son PLAIDOIRIE DE al. ROLIN 667

t.~:ciii,.i IVl:,dirVXLC~II~UI~, di indiqiixit c,:lIcj qui p..r~~iss:~i~.l,~,tii~oir
f,iirc;,ii;.iii,iit. 1;s :'i pr/.viit, I'ckjctiii:irr;.t tic rc1c.trlc I'csii p~i<~ii
CI r<-lli.ioù litjon;ti~11 LIUfond pourrait ;lu conti.,ir<. p.li:iitir.iii;vit.iLIi:
ou tout au moins utile si elles étaient retenues.
Car, à vrai dire, l'examen $rima facie des faits de la cause doit, à
mon avis, conduire non pas à unesimple impression quant au mal-fondé
de l'exception, mais à une coriviction que les voies de recours interne,
pour faire obstacle aux mesures successives qui devaient conduire à

la destruction du patrimoine de Barcelona Traction, ont étéutilisées
par le groupe jusqu'à épuisement.
J'ai indiqué à la Cour, dans mon exposé, quels sont les principaux
griefs formulés par le Gouvernement belge et quels furent les recours
exercés. Il semble dès lors qu'il doive êtrepossible et qu'il doive suffire,
sans se prononcer dans le détail sur la régularité ou la pertinence ou
l'épuisement de chacun des recours, de constater que dans l'ensemb!e
ces recours apparaissent comine ayant étéexercésde façon tout à fait
régulière,avec une efficacité potentielle et jusqu'à épuisement.
11en va notamment ainsi, semble-t-il, de ceux qui ont étéexercés

pour rompre le jeu maléfique de la suspension qui était calculéede telle
manière qu'elle s'appliquait seulement à l'examen des questions de
principe soulevéespar le groupe de Barcelona Traction, tandis que les
mesures de déroulement de la faillite postulées par les requérants agissant
pour compte de Narch, continuaient à se dérouler implacablement.
Pour prendre un autre exemple, plus simple encore, comment la Cour
ne reconnaîtrait-elle pas que les actions entreprises par Ebro et Barce-
lonesa dans les iours aui suivirent la déclaration de la faillite consti-
tuaient un moyen adkquat pour redresser le vice du jugement de
faillite étendant la saisie aux biens des sociétés filiales?
Et de même,je ne peux croire que la Cour ait des doutes sur la régula-

rité de l'opposition formulée par Barcelona Traction en juin 1945 lors-
qu'elle eut constaté que les recours des sociétés auxiliaires, qui étaient
tellement essentiels, se trouvaient définitivement paralysés. La régularité
de ces recours en présence des termes formels de l'article 1044 fixant
les conditions auxquelles doit répondre la publication du jugement de
faillite pour être le point de départ de la prescription, paraît d'une
telle simplicité que l'on ne voit vraiment pas quels renseignements
complémentaires la Cour devrait encore souhaiter; et ce, spécialement
en rése en c ee l'attitude et de l'embarras témoi~néspar le Gouverne-
ni<& e^~xigiiuIiIt~\~~iiI..t.I.,rtcl?cc 1, XI<, :CIpuirir <IIIVd.,~islt,t XCCII-

riuii Iiiiiinnirr., cl,. I I 1. r p pi~~irt;i.iyi.r <Ic~ii~tili~~r
I:i iiul~lii:iri~(11iiiziin~nt <IV f:iillitLjtc <l:,iiIri i,ri,\iiicîd'Es~>.i:.n~..
on's'est appuyé &;le texte de l'article 1044 du code de commeke-qui
était altéré. Et lorsque cette altération est apparue, alors que n?us
avions l'intention de la signaler dans les observations qui avaient ete
rédigées,le mème article 1044 disparaît brusquement des exceptions
préliminaires de 1963. On coritinue à affirmer que la publication a éte
régulière, mais on n'ose plus indiquer à quelle prescription elle aurait
dû êtreconforme. Et il semble que, naïvement, le Gouvernement espa-
gnol à ce moment, ait espéréréaliser cetteopération qu'en néerlandais
on appelle dood zwijgelz, ce qui signifie tuer une chose en la taisant.

On ne parlait plus de l'article 1044 et on espérait dans ces conditions
qu'il n'en serait plus tenu compte. Et c'est en présence de nos réponses
qui ont représenté avec insistance cette évidence des termes de l'article668 BARCELONA TRACTION

1044, que l'on a alors eu recours à cette interprétation faisant croire
que les mots mdomicile du failli iallaient avoir un autre sens suivant
que le failli était un étranger ou un Espagnol. Et l'on a &téplus loin;
pour essayer de donner tout de mêmeune certaine application à l'article
1044 dans le cas.où il s'agissait d'un failli étranger, on a imaginécette
construction que Barcelona Traction pourrait avoir en Espagne un
centre d'activité commercial où l'on pourrait éventuellement réaliserla
publication, sans préciser s'ils'agissait de Reus ou de Barcelone, et en
oubliant que, mêmesous l'angle fiscal,le fisc espagnol avait renoncé à
considérer que le holding canadien Barcelona Traction exerçait une
activité en Espagne. Donc, voilà encore une question: l'opposition de
Barcelona Traction, citée par le Gouvernement espagnol lui-même
comme étant le recours type, qui a étérégulièrement intenté, qui a
étéparalysépar les agissements du groupe March, autoriséset consacrés
et validéspar les décisionsjudiciaires incriminéespar le Gouvernement
belge.
Voilàpourquoi enordre principal nous avons conclu au rejet de l'excep-
tion. Mai$ ceci dit, je ne peux pas perdre de vue que mon estimécon-
tradicteur, le professeur Malintoppi, a persévéréa , continué à soutenir
que, soit Bdéfaut de régularité, soit à défaut de pertinence, les recours
intentés contre le jugement déclaratif de faillite ne pouvaient pas être
considéréscomme suffisants. Et de même ila estimé que la succession
des décisionsjudiciaires ultérieures, qui ont conduit à cette vente des
titres de manière conservatoire dans des conditions telles que Juan
hfarch devait réaliser des avantages inouïs, que tout cela devait être
considérécomme dérivant nécessairement du fait générateurdu juge-
ment déclaratif de faillite et comme n'ayant pas eu de conséquences
dommageables propres. Et pour justifier sa manière de voir, il s'est, à
diverses reprises, appuyé sur certaines décisionsrendues en l'espècepar
le juge de Reus ou par le juge spécialou parla cour d'appel de Barcelone,
perdant de vue que ces décisionseiles-mémesétaient précisémentde
celles que le Gouvernement belge considérait comme constitutives de
dénide justice, ce qui est le principal objet au cŒur même dela con-
testation au fond.
Si la Cour croit devoir rencontrer cette argumentation du Gouver-
nement espagnol, alors elle sera nécessairement embarquée dans un
examen qui va manifestement anticiper sur celui que comportera la
discussion du fond de la demande. Et sans doute pourrait-elle, en ce
cas. s'ins~irant du urécédentde l'affaire des Intérêts allemands eH naute-
Silésieq;'on lui a Pecommandé,affirmer que la décisionqu'elle prendra
sur ce point, sur des questions tranchées par des décisionsjudiciaires
eîp;ip16lr~ ~onrcjrl:cs. ne cuiiiportrr;~dc,.i;i111rr<iii;un ~~rCliigrl11cl-
(:unquc,quant i I'.tl)l~r;ciarion<lu'cllcstra .ippilià<;inr?ttrzlc jour ou
ellr :iiir:Ise ])rononcrr îiir I:Ir>dlit$ dii déndl.iu-ricc <irti~iiIpar 1,:
Gouvernement belce
Mais j'ai moi-muême reconnu qu'une telle décision constituerait un
préjugépeu conforme à l'article 62 actuel du Règlement et à la pratique
suivie depuis 1936.
' Que conclure, Messieurs? Mes préférencesvont sans aucun doute
au rejet pur et simple de l'exception no 4. Mais ceci dit, je reconnais
que je ne me battrai pas pour que vous me donniez satisfaction d'emblée
ou que vous joigniez la question au fond puisque de toute façon nous
serons amenés à rediscuter les mêmesquestions à l'occasion du débat PLAIDOIRIE DE 81.ROLIN 669
au fond et que la différencepratique ne serait guère sensible. C'est
pourquoi je m'en remets à lasagesse de la Cour sur ce point, puisque
aussi bien c'est à elle seule que même d'officela décisionappartient.
Monsieur le Président, j'ai ainsi terminéla tâche qui m'était assignée.
Je remercie la Cour non seulement de l'attention qu'elle a bien voulu
m'accorder, mais de lapatience et du courage avec lesquels eUe m'a
suivi dans ce labyrinthe de la procédure espagnole où je reconnais
parfois qu'il n'était pas très aiséde se retrouver.
Monsieur le Président, je vous remercie personnellement aussi d'avoir
bien voulu accéder à mon souhait de commencer l'audience aujourd'hui

la paroleàel'agent du Gouvernement belge si vous estimez qu'il importener

vŒu dela Cour, de façononàlpouvoir de toute façon êtredéposées.' au

Voir ci-après 1023 QUESTIONS
BY JUDGES SIR GERALDFITZMAURICE AND JESSUP

[Public hearing of 27 April1964, morning]

Sir Gerald FITZMAljRICE: Mr. President, a written version of these
questions has, 1 think, already heen given to the Parties and, as the note
at the head of that written version States, 1 am asking the questions
purely for purposes of information and clarification and they are not
to be taken as indicating even a provisional conclusion on my part.
My first two questions relate to the first Preliminary Objection and
they are as follows.
First, it has been suggested that if the Respondent State had not
taken the discontinuance to be final and definitive it would not have
accepted it. 1 should be glad to have a more precise indication of why
the Respondent State would not have done so, and of euactly what
prejudice was sustained through the acceptance, having regard to the
fact that the Respondent State's preliminary objections remained fully
availahle to it if the negotiations should fail and new proceedings should
be started.

Second question. It has been contended that the bringing of fresh
proceedings was incompatible with the general economy and spirit of
the Hispano-Bclgian Treaty of 1927, because this Treaty required a
preliminary process of attempts to negotiate, agree on a compromise,
etc., which had already been gone through in relation to the original
proceedings and which (so it was said) would be manifestly unreal and
futile in relation to new proceedings on the same subject-matter.
This being so, it would be helpful to me if the Parties would deal
with the following point, even though it is technically hypothetical.
Suppose that, in giving notice of discontinuance, the Applicant State
had specifically reserved the right to bring fresh proceedings in the
event of negotiations not succeeding, what view would the Parties
respectively take as to the necessity in that event for going through
the treaty processes again, in relation to any such new proceedings?
1 come now to two questions relating to the second Preliminary
Objection. The first is-as follows:
1 should like the Parties to consider from their respective standpoints,
and give their views, as to what would have been the position with
reference to achieving the apparent objects of Article 37 of the Statute
if, at the time of the dissolution of the Permanent Court, only the
minimum number of ratifications necessav to hring the Charter and
Statute into force had been received. and a laree number were received
only snbsequently. Although thisquestion is alyo, strictly, hypothetical,
1 think an answer to it would assist in clarif~ing the respective positions
of the Parties. . -
Second question. Do the Parties respectively consider that the term
"in force" in the phrase "a treaty or convention in force" in Article
37 of the Statute, can or should be understood in any different sense from that of the term "in force" in the phrase"Declar:itions ...still
in force" in the English text of Article 36, paragraph j? If not, hoiv
should the term be interpreted in the light of the fact that the corre-
sponding phrase in the French text of Article 36, paragraph j, is "Les
déclarations faites ... pour une durée qui n'est pas encore expirée".
My final question relates to the third Preliminary Objection aiid 1
should like to state that tliis question was drafted before I Liad seen
the text of the Belgian Conclusions which. in parts :it any rate, cover
my question. Nevertheless 1 think it is useful to maiiitain it. The ques-
tion is as follows:
The Respondent State contends that, in principle, international law
denies ail right to a Government to make a diplomatic claim oii behalf

of its national shareholders /n a foreign Company (even where these
hold a majority or controlling interest), except possibly in certain
exceptional circumstances which, however, are claimed by the Respon-
dent not to exist in the present case.
In reply, the Applicant State has, at different stages of its argument,
taken up a position wliich seems to be compounded of the following
elements (inter alia):

(i) Special circunistances do exist in the present case \\.hich, if
they do not bring it within the particular exception possibly admit-
ted by the Respondent State, suffice to take it out of the ordinary

rule, even supposing that rule to be as stated by the latter-in
short there are additional exceptions to the nile, besides anygranted
by the Respondent State, and the present case comes within one
or more of them.
fiil There is no sinele fundamental rule of international law
gobirning the mattcr, or if there is, its content is uncertain or not
clear. In these circumstances the Court should enunciate the ruie
or clarifv its content. takine into account eauitable considerations
and theugood and ckvenieEce of the international commuiiity, or
alternatively shoiild apply considerations of this order to the

determination of the rule.
liiil Neeativelv-tliere is no rule of international lan. which
prohibits a gove;nment from protecting the interests of its iiational
shareholders iii a foreigri companv. Co-sequentlv the Applicant -.
State is entitled to do so.
(iv) Positively-tliere is a definite rule of international law
activelyapermitting sucli an exercise of protection by a governinent.

Since these various formulations inav not in al1 respects be entirelv
corn~i.iril~liiirli onc anoflier, I .,li<,i,ldbe ;.lif.in sui:ir:i5 tlitni:arrt;r
i-.riotfilIlc:o$,erc<Ilnitj C<,n~.lii.<ioni.lie:\pplii:iiit Statc \vollli<~i~:itt:
on vhich of these foriiiulntions it i,riiiciyallv rt:lit:s.or :iltern:tti~i:lIli
which order of orefer~i~.~ ~t woul'd "laie hem and whether it \<ould
wish to fo&ula;e them differentG.~
Judge JESSUP: Mr. President, 1 have two questioiis, botli of which
are addressed to hoth the Parties. 1believe that the replies to these two
questions will assist the Coiirt in understanding certain aspects of the
positions of the Parties on yuestions which are hefore the Court.

My first question is this. Both Parties have referred to various acts672 BARCELONA TRACTION

of private persons; for which, if any, of those acts is it contended that
a State is responsible? If such responsibility is asserted, to which of
the Preliminary Objections, or of the replies thereto, is that responsibility
relevant, and in what way?
My second question is this. Having in mind item 38 of Annex 170
of Volume III of the Annexes to the Spanish Preliminary Objections
of 1960, and also paragraph IO of Anuex 13 of the "Nouveau Docu-
ment" of the Observations and Submissions of the Belgian Government,
deposited with the Court on 26 February 1964, can either of the Parties
supply the Court with information concerning the attitude of the
Canadian Government subsequent to the dates of those two cornrnunica-
tions, relative to diplomatic representations on behalf of Barcelona
TrThank gou Mr. President. RÉPLIQUE DE M. CASTRO-RIAL
AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audience Publiquedu 27 avril 1964, matin]
Monsieur le Président. Messieursde la Cour. le Gouvernement es~aanol
nviiit pris acte a\.r.csatisfndcil'affinnatioii dc .II l'agent dii ~bu;,cr-
ri~mieiitht:lgc (voir II. p 313). attirmatiun sui\.ant laquelle léCoiivernç-
ment belce n'entend ~iullenieritcntioucr d;iris son rn;emblc le foncrioii-
nçnicnt ifes tribunaux ct de l'admi~istration de I'Etnt espagnol, rii.ii;
seulemeiit certains actes de cette ;idrninistr;itioii et de ces trihiinaux.
Nais il s'était fait des illusions; certes, sous certains aspects et en ap-
parence, le ton a changé depuis la procédure écrite. Ce endant, les
explications données à la page 315. II, ainsi qu'à la pagtq qi-dessus
d'intenTionfàdun si grand'nombre de personnes q;e toute la magistiature
ainsi que la haute administration espagnoles sont visées.
Qu'on ne vienne vas nous dire iG le Gouvernement es~aanol ait
toulc~ursIl6 iiijciiîililc i toute rii;iii;ic,i.iiion cl,:riiodt:r~tii)iipro\.cn:iiit
<luGouvcrnemcnt belge. iiiais ilut:l'on comprciiiiébicn que le Guii\.t:riit:-
inerit t:spncnul ne ;ollicitc de lui luciiiir iiidulccncc. II QU: vles
représeitants du Gouvernement belge se pr&entent parfois sous les
traitS.des anges de la miséricorde: s'ilsmontrent au prétendu pécheurle
chemin de l'enfer, ils lui rappellent qu'un bref passage dans un purga-
toire, dont un autre sera appelàpayer la rançon, mettra tout en ordre.
Mais il n'y a cela qu'un obstacle, c'est que I'Etat espagnol rejette
toutes les accusations dont ila étél'objet, et au surplus ne reconnaît
à I'Etat belge aucun droità les formuler, en généralet particulièrement
devant la Cour.
Par ailleurs, le Gouvernement espagnol n'entend nullement contester
au Gouvernement belge le droit de conduire avec une liberté souveraine
la défense des intérêtsqu'il entend protéger. Mais le Gouvernement
espagnol estime cependant qu'il n'est pas indifférent pour la dignité
mesure.ustice internationale de garder dans son vocabulaire une certaine
Certains conseils du Gouvernement belge se sont livrés, envers un
homme qui n'est plus de ce monde, à des accusations dictées par la
passion et dont le moins qu'on puisse dire est qu'elles n'ont aucun
fondement et sont sans rapport avec les questions en discussion devant
votre haute juridiction. J'ajoute que certaines comparaisoiis quon a
cru pouvoir faire et cà,plus d'une reprise. ne font vraiment pas honneur
à ceux qui les ont faites. En1947 es dirigeants de la BarceIona Trac-
tion n'ont-ils pas accepté le principe d'une association permanente de
la gestion de leurs entreprises avec celui-là mêmedont ils voudraient
aujourd'hui, en le couvrant d'injures, ternir la mémoire?
On a aussi cité à ce m&mepropos des publications où il est questiop
de cette personne. Nous pourrions, si nous ne pensions que cela n'inte-
resse nullement le procès actuel, en citer bien d'autres qui vont en sens
contraire. Le fait estqu'il s'agissait d'une forte personnalité, dont la674 BARCELONA TRACTIOS
vie a étéfaite de luttes, ce ~ui entraîne nécessairement des amitiés et

ayant des buts scientifiques et humanitacres dont l'importance dépasse
celle d'institutions analogues dans d'autres pays.
D'autres personnalités espagnoles, qui ont étémembres du Gouverne-
ment ou chargés de fonctions officielles, ont aussi fait l'objet d'accusa-
tions, aussi gratuites que dépourvues de fondement. Le Gouvernement
espagnol rejette avec la plus grande fermeté toutes ces accusations.
Monsieur le Présidcnt, hlessieurs les juges, la discussion des excep-
tions préliminaires donnait une occasio~ifacile à nos adversaires d'abor-
der les problèmes de fond, et ils ne s'en sont pas privés, en multipliant
dans toutes les directions de violentes attaques personnelles. Nous ne
les sui\~rons pas sur ce terrain car, si le Gouvernement espagnol devait
relever l'ensemble des inexactitudes et des allégations tendancieuses
qui ont étéproféréespar certains conseils belges, les débats deviendraient
interminables. Le Gouvernement espagiiol considère ces accusations
comme iiifondées.
Nous feronssimplement remarquer qu'une sociétéqui a, à la veille de
sa faillite43 millions de dollars canadiens de dettes (exceptions pré-
liminaires, 1,p48) n'a pas le droit de refuser à un Etat dont elle sollicite
des faveurs des informations complètes et abondantes sur l'origine et la
nature de ses investissements; l'innocente prospérité n'a rien YIcacher.

Certes, l'Espagne connaît actuellement un certain développement
économiaue, mais on lui rappelle avec condescendance (voir 1I.i. 7141

groupe ont constitué de véritables modèles pour les pays ouverts aux
capitaux étrangers.
Monsieur le Président, je pense que la Cour appréciera que personne
ne prolonge devant elle des controverses qui ont étéépuiséespar l'exposé
complet des thèses en présence. Tout en maintenant les diverses thèses,
arguments et points de vue exposés par le Gouvernement espagnol,
et en chargeant certains conseils du soin de reprendre l'examen de cer-
tains points particuliers. je me borneraià présenter deux observations,
l'une très brève, l'autre un peu plus longue, relatives à des points évo-
quésdans la correspondance diplomatique.
M. l'agent du Gouvernement belge, dans un passage de sa plaidoirie
(voir II, p. 324) qui appellera l'attention d'autres conseils, décrit la
mission de l'éminent avocat américain M. Dean, dans des termes qui
pourraient laisser croire queM. Dean avait étéreçu par le Gouvernement
espagnol sur présentation du Gouvernement belge et au titre de repré-
sentant de la Sidro. Or, d'une part, c'est l'ambassadeur du Canada qui

a, en fait, présenté M. Dean au cours d'une visite au ministère des
Affaires étrangères en 1954: cette visite est relatée dans la notecana-
dienne du zr mars 1935 (exceptions préliminaires 1960. annexes. volIII,
P. 224).
D'autrz part, on peut constater que dans cette note, M. Dean fut
présenté comme s'intéressant à la Barcelona Traction et non pas à la
Sidro. et au'à cette occassion10%. leGouvernement canadien a réaffirmé
expressément qu'il iicontinue, n%urellement, à êtreprofondément inté-
resséaux affaires de la Barcelona Traction ».Le Gouvernement canadien
tenait également à souligner dans cette note que tout en favorisant
les démarches de M. Dean, il réaffirmait son désirque dans un arrange- ment privé éventuel, les droits du receiver canadien et du National

Trust soient toujours sauvegardés.
La présentation que le Gouvernement belge faisait de son cOtéde
M. Dean en tant qu'avocat dt: la Sidro intervint postérieurement et ne
reçut aucune suite du Gouverriement espagnol.
Le Gouvernement belge n'est donc pas fondé à dire que le Gouverne-
ment espagnol aurait reçu M. Dean au titre d'avocat de la Sidro et
sur l'iiiitiative du Gouvernement belge. Il est encore moins fondé à en
tirer des conclusions quelconques.
Mon autre observation portera sur la commission d'experts de rggo.
Cette commission semble avoir causé auelaue embarras au Gouver-
nement belge, car il a multiplié lesexplication's et les attaques de toute
nature, sans se soucier du fait qu'elles étaient parfois en contradiction
les unes avec les autres.
Le Gouvernement belge a tout d'abord tenté de di~niiiuer l'autorité
de la commission en tentant de discréditer l'un des membres espagnols
de la commission par des considérations d'ordres divers. Le Gouverne-

ment espagnol repousse complètement les allégations du Gouvernement
belge. 11se bornera à remarquer que la commission comprenait plusieurs
membres espagnols et que l'opinion exprimée en ce qui concerne les
informations fournies au sujet des demandes de devises a étéexprimée
au nom de l'ensemble des membres de la commission.
Ensuite, le Gouvernement belge suggère que la commissioii n'a pas
reçu toutes les informations utiles, et méme que celles qu'elle a reçues
n'avriient pas une origine régiilière.Ce sont là des attaques toutes gra-
tuites; le Gouvernement belge affecte de croire qu'il s'agit d'un organis-
me de droit interne, alors qu'il s'agit d'un organisme créé selon les
procédures et grâce aux instriiments propres de L'ordrejuridique inter-
national. aeissant suivant les modes DroDresau droit international. En

par d'autres firmes du mêmegenre; les experts anglais et canadiens
ainsi que les espagnols ont assumé leur tâche en prenant toutes les ini-

tiatives aue la conscience de leur fonction leur suerérait: ils ont recu
toutes le6 indications utiles et notamment l'ensembie de la correspoR
dance avec les autorités monétaires espagnoles. D'ailleurs, et c'est pent-
être la remarque la plus importante; le Gouvernement belge n'a pas
oséprotester en temps voulu contre la désignation des experts ou les
fonctioiis qui leur étaient confiéespendant toute la durée des travaux
de la commission; il n'a pas oséprotester ni à ce moment ni une fois
coiinus les travaux de la comrnission. A en croire nos adversaires mêmes,
il aurait essayé d'obtenir du Gouvernement canadien qu'il propose la
participation d'un expert belge à ces travaux, mais il aurait essuyé
un refus. Maintenant, devant la Cour, M. L'agent du Gouvernement
belge revendique pour la Belgique le droit d'adopter, à propos des
resultats atteints par la comniission, une attitude <,nuancéeet souple il,
aréaliste et pragmatique. (voir II, p.318). Ayant fait son choix. le
Gouvernement belge est lie par lui. C'était peut-êtreune attitude réaliste
de prendre la commission telle qu'elle était et d'accepter son travail,
mais il ii'est pas possible de dire ensuite qu'elle était mal composée

et qu'elle a mal travaillé parce que les résultats de soi1activité ne con-
vieniicnt pas.676 BARCELONA TRACTION
Le Gouvernement belge n'a pu que s'effacer devant la situation qui
revenait au Canada; il ne pouvait faire mieux. Mais il est difficile de
faire croire qu'il y ait dans cette attitude un exercice réelde la protec-
tion diplomatique. On nous dit, la page 318, II:
cLe Gouvernement belee. à la sueeestion des intéressés.avait
assigné à son action un but très précis: amener le Gouvernement
espwnol à accepter la constitution d'une Commission internationale
d'és;>ertsindé6endants désienésDar les Gouvernements esoaenol.
canadien et beige. » " ." .

Mais jamais le Gouvernement belge ne s'est adressé à cet effet au
Gouvernement espagnol et c'est ce point qui est important. Tout au
contraire, les explications de M. l'agent du Gouvernement belge prou-
vent comme le texte du mémoire lui-mêmeque le Gouvernement belge
avait simplement l'intention d'appuyer une initiative éventuelle du
Gouvernement canadien. On notera d'ailleurs que les intérêtsprivés
que le Gouvernement belge voudrait protéger ont toujours analysé la
situation diplomatique d'une manière très claire: un manager de la
compa--ie par-ait, le 24 février1950,.~e la façon suivante:
<Selon dernières informations démarche canadienne appuyée par
trois autres gouvernements serait sur point d'êtredélivréedonc
nfgociations ne conviennent pas. ii(Nouveau document déposépar
la Belg-q-e, ap--ndice 8.)
-uant à la com~osition de la commission. la urésence d'un expert
hritaiiniqiic qui, î+iuii le Gou\~eriicniciitlizlgc,nnr se ]iistili:i;L :iiii:uii
titre,)(voir II. 112rr1, npiicll,:dv I,iilart dii Gouvtritenii~nt t-si,:.ciiiilles
observàtions sÛivantes. -. * -
Tout d'abord, c'est le Gouvernement espagnol qui avait pris l'initia-
tive de l'offre. Il était donc parfaitement libre d'adresser une invitation
à tels Etats au'il iueerait oDDortund'inviter. Or. c'est le Gouvernement
I~ritaiiiiiqi<]II;tait toiijours iiitcrv~iiu auprisdes niitorit& eipijinolïi
pour le coniptc dii C':in:id:i.IIciit donc 616tout ,Afait iiijii.iitic ritp:i.
tenir coiiii~rcdr. Id iio,itiuiitris ii.~rriciili~i.i. 1.1(;raiitlu-13rct;i?nc et
de l'esc1u;e de la commission, et Ced'autant plus que l'invitation >dres-
séeau Gouvernement canadien devait êtretransmise précisémentpar
le canal de la Grande-Bretagne,
Au surplus, le problème des devises n'avait pas à êtresoulevéavant
que le Gouvernement canadien ne le soulève lui-même.Celui-ci, dans sa
note no 548 du 21 juillet 1949, le faisait au paragraphe 5 (esceptions
préliminaires 1960, annexes. vol. III, p. 203).Le Gouvernement espagnol
répondit donc danssa note no 619 du 26 septembre 1949 en relevant le
refus du groupe de fournir les justifications suffisantes (exceptions pré-
liminaires 1960.annexes, vol. III, p. 206). Et c'est ce point qui provoque
la constitution de la commission d'experts (note du 16mars 1950).
A cet égard, la présence d'un représentant britannique était néces-
saire du fait que les transferts de devises étaient opérés en livres sterling
et supposaient le consentement de la Grande-Bretagne. Le Gouverne-
ment espagnol se permet de rappeler que la Grande-Bretagne portait eii
ce domaine une responsabilité propre qu'elle se devait d'éclaircir car
elle avait, elle aussi, marqué son hésitation à approuver le plan de com-
promis et l'avait finalement repoussé '.

'Voir exceptions preliminairesrgbo, C.I.J. .llJnzoir8s, BarceIonaTracfion, Light
nxd Power Company, Limifed. p. 284. RÉPLIQUE DE M. CASTRO-RIAL 677
Par ailleurs, on a prétendu attaquer du côté belge la réserve faite
par la commission d'experts en ce qui concerne les renseignements
fournis par les intéresses aux demandes présentéespar les autorités
espagnoles (voir II, p. 369): très loyalement les experts ont réservé
la possibilité de l'existence de pièces qu'ils viendraient à ignorer. Le
Gouvernement belge a eu, dans le présent procès,une belle occasion

d'apporter des pièces sensationnelles. Celles qu'il apporte le sont si
peu qu'il n'a mêmepas estimé nécessaire de les publier toutes, telle
la lettre du 5 novembre 194cidont il fait grand cas (voir II, p. 367)
et que le Gouvernement espagnol tient A la dis osition de la Cour si
elle le désire. Les lettres antérieures au plan 2 e'compromis ne con-
tiennent que des renseignements dérisoires; quant aux demandes adres-
sées au cours de la discussion du plan de compromis, la Barcelona
Traction s'est toujours refusée à leur répondre plus de deux ans même
avant la faillite (lettre du 18 décembre1945, annexes au mémoire belge,
vo~. -. ~ ~ ~ ~ ~" . &108,,
Le professeur Rolin a préteridu (voir II, p. 370) que les représentants
britanniaues et canadiens ont commis une erreur lorsau'ils ont reconnu
que le Gouvernement espagnol était npieinement jûstifié » à ne pas
concéder les devises demandées. C'étaient cependant les gouvernements
légitimement habilités à se prononcer sur ce point. Cette attaque contre
des Etats tiers ne fait que souligner l'importance de cette question des
devises qui, comme le reconnaissait le Gouvernement belge dans sa note
du 16 décembre 1951, est à la base de l'édificede la faillite.
On a fait observer du côtébelge que dès sa note du 27 mars 1948 le
Gouvernement belge avait indiquéque le refus des devisespar l'adminis-
tration espagnole constituait icun cas de force majeurex et que lors
de sa réponsedu 2 juillet 1948. le Gouvernement espagnol n'avait pas
contesté ce fait et que par conséquent «le Gouvernement espagnol
avait accepté avec satisfaction cette admission qu'il y avait pénurie de
devises ii.(Voir II, p: 370.)
La Cour voudra bien avoir la bontéde se reporter à la note espagnole
du 2 juillet 1948 et elle constatera que cette note ne répond aucune
des alléeations de la note belge. La soi-disant Dénuriede devises a été
iiiipr;rctc. ili. l13;trceluii;i'l'rnctioiipouril< p:t?rcmplir SC:$obligations
liriaiici;rrs.L)'iiiIIc~iii la niCrne 6p?quc,, Ic (;ou\.ernririenr rsp:ignul
icrnrtlait <Ir> dcvicj ii <I':iiitreîsoci;r;s itriiic.Frr; nui ;~vaicnriiiititi;..
~~
' légalement et loyalement, les raisons de leurs demandes.
Le Gouvernement espagnol n'a jamais voulu intervenir d'une manière
quelconque dans les rapports entre le groupe de la Barcelona Traction
et ses créanciers. Quand la faillite est intervenue, le Gouvernemet?t
espagnol a eu comme souci de laisser la justice suivre son cours, et II
s'élèveavec fermeté contre l'allégationqu'il aurait influencé le déroule-
ment de la procédure enfonctiondes travaux de la commission d'experts.
Le mémoire belge relate lui-mêmeles divers actes de procédure posés
à cette périodepar le groupe de la Barcelona Traction. Ce n'est qu'en
1949, devant l'accusation que la cause de la faillite était due au refus
de devises, qu'il répondit sur ce point par sa note du 26 septembre 1949
(exceutions o.éliminaires 1060. annexes. vol. III. D. . 2054, au Gouver-
ncm,:;ir ~:iii;l<iitit par ;;iiLti dc ~;iiiiiii,. ;,u i;ouveriieint.iit tielgc
\,<IIIICXC:ILImCtiioire,\,id l\', :IIIIICX2<,.3, 112); le Go~~\~erii~tii~h~etiltgt.
laissa cette note sans réponse.Mais une campagne se développa,accusant
le Gouvernement espagnol d'êtrela source de tout le mal par son refus678 RARCELONA TRACTIOS

de devises, et c'est dans ces conditions que LeGouvernement espagnol
prit la décision de proposer la réunion de la commission d'experts. 11
s'est expliqué SUT tous ces pints dans sa note du 16mars 1950 au Canada
(exceptions préliminaires 1960, annexes, vol. III, p. 208), en déclarant
pour conclure qu'il désirait iifixer une fois pour toutes, d'une façon claire
et nette, le fondement de son refus d'autoriser un quelconque transfert
de devisesn. Dans cette ilote. il visait itoute une série de faits d'une
~ 1 1 u rit , ri.:it:i pir iiiirapport d'e\l8erti, 11 3'a~i~;~llt
<I'uiir.ipport Crnl>lii.n d:it<<III31 ;,oiii r<,qi)au coiir~,il'iiii<.~)ru~C.Iiii~:
~riiiiiiir.:itI'iiii~.rvciitiuiidii iiliiiistirc uuhli:. isiir trui; csik:rt.:.
Le Gouvernement belge n'a adresséaucune prôtestation nlà l'encontre
du rapport de la commission d'experts, ni à l'encontre de l'acte juridique
international de juillet1951; il a tenu à l'époqueà indiquer qu'il lavait
le Gouvernement espagnol de tout reproche. N'allait-il pas jusqu'à lui
écrire, à propos de l'émission des nouveaux titres de l'Ebro (annexes
au mémoirebelge. vol. IV, annexe 254 ,. 1):

iJe ne doute pas que le Gouvernement espagnol soit en dehors
de la décision intervenue, les syndics en étant les responsables ..»

Une attitude anuancée et souple n,irréalisteet pragmatique » peut-elle
légitimer de pareilles volte-face?
Monsieur le Président, si j'ai tenu à rappeler avec quelque détail ces
faits relatifs à l'importante initiative que, sur le plari iriternational,
l'Espagne a promptement prise pour démontrer que ses organes ad-
ministratifs n'ont aucune responsabilité dans la faillite de la Sarcelona
Traction, ce n'est certes pas que je voulais traiter ici, d'une manière
déguisée,de certains aspects du fond de la présente affaire. Rien n'est
plus loin de mes intentions et de mes intérêts.
Ce que j'ai voulu, c'est montrer combien le Gouvernemeiit espagriol
se sent sûr de lui lorsqu'il vous déclare, en toute conscience, que les
accusations que le Gouvernement belge se permet de formuler contre
l'action de ses organes administratifs et judiciaires sont dépourvues
de tout fondement.

Lorsque le Gouvernement espagnol a soulevé des exceptions préli-
minaires contre l'instance introduite par la Belgique devant la Cour,
ce n'est certes as qu'il ait éprouvé lamoindre crainte à l'égard d'un
examen du fon ! de l'affaire.11 a soulevéces exceptions parce qu'il n'ad-
met pas qu'un gouvernement n'ayant absolument aucun titre à inter-
venir dans une affaire qui ne saurait se rattacher qu'à ses rapports :
internationaux avec un Etat tiers, puisse intervenir auprès de lui,
Gouvernement espagnol, comme s'il avait qualité pour le faire, et ce.
parallèlement à l'action du seul gouvernement dote du jus stnlzdi en
l'espèce. Le Gouvernement espagnol n'admet pas non plus que le
gouvernement qui est ainsi intervenu puisse seulement essayer de se
prévaloir, à tort, d'un lien juridictionnel dont on a démontrél'inexis-
tence, pour contraindre l'Espagne à comparaître devant la Cour, non
pas une seule fois mais deux fois, à propos d'une question ou, au surplus,
les particuliers intéressés ont méconnu de la façon la plus évidente les
moyens de recours que l'ordre juridique espagnol mettait à leur disposi-
tion.

Si le Gouvernement espagnol avait permis tout cela sans réagir, si
cédant à la première impulsion, il avait accepté de venir devant la Cour
réfuter les accusations injurieuses et dépourvues de fondement qu'on RÉPLIQUE DE ai. CASTRO-RIAL 679
lui avait adressées,ilaurait pris unelourde responsabilitédans ledomaine
des relations interétatiqiies. Il aurait permis que se crée, siIr le plan
international, un précédent terriblement dangereux et que se produise
ainsi une violation mailifeste du droit et de la justice.
Je vous remercie, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, de

votre patiente attention. REPLIQU DEE M. REUTER
COSSEIL DU GOUVERKEMENT ESPAGNOI

[Audience Pnbliquedu 27 avril 1964, matin]

.\loii;ieur le k'r&ident, \lessieur; les jucnîrkporise:Iiiotre émineiit
i<~nrradicteur,.Il. I'rofcs~c~iI~liii.nuuj prCici-rroiisd':ib~>1;1purt;>e
dt:I'r.si)os>introductif uiie rioiis :i\.oiii ~r;;:i1;iCuiir au nom du
questions de fait.nol~nous traiterons énsuitebrièvement de quelques
1-e Gouvernement espagnol a présenté à la Cour quatre exceptions
préliminairesdans un strict cadre technique. Plutôt quede recommencer
à propos de chacune d'entre elles un exposédes faits et des structures.
il a estiméplus convenable et plus économiquede faire précéderI'ensem-
ble des exceptions d'un développement qui donnerait une idée globale
d-..'sffai-.
Par ailleurs, ce développement constituerait un fond commun dans
lequel chacun des conseils ferait - au besoin et au grédes nécessités
de l'argumentation - emprunt des élémentsnécessaires.Bien entendu,
ces nécessitésdevaient apparaitre au fur et à mesure du déroulement
des plaidoiries, et notamment après avoir entendu l'exposé oral des
thèses belges. 11 devait donc contenir une réserve de données dont
seulement quelques-unes ou mêmeaucune ne seraient utilisées.
Le problème bien précisqui se pose à nous maintenant est de montrer
comment ces données pouvaient ou doivent encore trouver leur place
au regard des exceptions préliminaires.
Pour cela, il faut distinguer d'une part, une question de droit. celle
dite des cleanIiands,et les questions de fait; la première et les secondes
ont en efiet trouvé leur place dans l'exposéintroductif.
Considéronsd'abord la question dedroit; c'est celledite des clealthands.
Il est d'abord bien clair que l'Espagne ne soulèvepas une cinquième
exception preliminaire relative au principe des cleanhands. En revanche,
en déclarant que le problème était posédeuantla Cour, mais non à @
Cour, le Gouvernement espagnol a laissé entendre que le principe dit
des clean hands constituait un argument qui serait à la disposition de
ses conseilsà propos de l'une quelconque des exceptions.
Cette prise de position appelle les précisionsivaiites.
Il n'est pas douteux que le Gouvernement espagnol a hésité à faire
du principe des clean handsune exception préliminaire; le texte même
des exceptions préliminaires de 1960le prouve bien. Pour quelles raisons
a-t-il hésité?
La possibilité de soulever une exception préliminaire relative aux
clean hands peut étre discutée, mais elle n'est pas si vaine, puisque
notre éminent contradicteur a cru utile de la réfuter à l'avance assez
longuement (voir II, p. 336). Mais quand on étudie les précédentset la
une substance assez riche, mais un peu hétérogèneet désordonnée.n hands On rassemble sous une image évocatrice mais inutilement désobli-
geante, des élémentscomplexes un peu confus et peut-être disparates;
la théorie des cleanhandsreste àfaire.
On peut se demander d'ailleurs si on pourrait faire entrer dans un
svstéme unique tous les cas et toutes les hv~othèses aue la doctrine et
1; pratique ;angent sous ce titre. certains cas sont étroitement liés
à la théorie géneralede la responsabilité, et le Gouvernement espagnol
se réserve,au cas où cela s'aGéreraitnécessaire,d'invoquer sur ce plan
largement le principe dit des cleanhands.D'autres cas évoquent davan-
tage les principes que l'on met en Angleterre à la base de la théoriede
l'esloppel,et notamment celui que I'on appelle en castillan, le principe
des aclosproprios.
U~iepossibilitéétait donc ouverte d'utiliser, à propos de l'une ou de
l'autre exception, et charge d'en établir le bien-fondé, des éléments
utiles qui pourraient êtretrouvés dans la matière que l'on rattache
au principe des cleanhands.
En fait, le Gouvernement espagnol, étant donné les positions déjà
assez complexes prises par le (;ouvernement belge, ne le fera pas, et se
contentera de garder à ses théses leur ligne la plus simple et la plus
directe. Mais nous alions nous borner à énoncer,sous forme d'hypothèse
générale,une question qui fournit un exemple de ceque I'onvient de dire.
Dans quelle mesure des intérêtspourraient-ils invoquer la protection
diplomatique d'un pays A contre un pays B si les circuits sociétaires
et financiers sur lesquels se greffent ces intérêtssont restés,totalement
ou en partie, secrets au regard de 1'Etat B, notamment si ce secret
recouvre des actes illicites?
Monsieur le Président, Messieurs les juges, laissons de c8té la théorie
dite des clean hands pour considérer maintenant les faits relatés dans
l'exposéintroductif.
Le Gouvernement espagnol estime inutile de chercher à établir les
(crelations de groupe» avouéesou inavouéesqui existent entre l'exposé
introductif et les quatre exceptions préliminaires. Mais il pense que, à
titre d'exemple, il n'est peut-être pas inutile de se consacrer à un
point particulier qui nous mène au seuil mêmede la quatrième escep-
tion. Ce point porte sur les indications que l'on a déjà pu recueillir
dans notre Diaidoine Drécédenteen ce aui concerne les recours ouverts
contre les réfus de devises.
On sait que le Gouvernement bel~e a défini le délit international
qu'il reproche au Gouvernement espagnol en déclarant que le jugement
de faillite du 12 février 1948 en était le premier anneau. Néannioins,
il projette en quelquesorte l'ombre de ce délitdans le passéet ilincorpore
ainsi au délit toutes les attitudes ou décisionsdes autorités esoaenoles
qui sont relatives au aplan de compromis B. Nous n'entendonsp& dis-
cuter ici cette prise de position. Cependant, il est bien évident que cette
extension ne Üeut être-invoouéeÛour rom~re totalement la continuité
des événemen'ts et intr~duire'une'sé~aratioh absolue entre les attitudes
antérieures de l'administration et celles qui sont relatives au uplan de
compromis ii.
L; Gouvernement belge fait donc grief au Gou\~ernemeut espagnol
d'un certain nombre de décisionsde refus de devises ou de décisions
administratives du meme ordre intervenuesen 1945 OU en 1946àpropos
du aplan de compromis>,. et la question se pose des recours ouverts
contre ces décisions.6Sz BARCELOTA TRACTIOS

C'est là une question qui a pris dans les plaidoiries belges une impor-
tance \-raiment considérable; les pages 603 à 605 et 605 à 617 ci-dessus
lui sont consacrées. Xotre éminent contradicteur y met notamment en
relief que la quatrihme exception ne peut êtreinvoquéeque si sont ou-
vertsdes recours sérieuxayant des chances réellesde succes, notamment
en fonction des griefs qui peuvent êtreinvoqués. En ce qui concerne
l'aspect particulier des griefs, ce que nous avons exposé dans notre
précédenteplaidoirie a une certaine importance; en effet, la motivation
desrefusde devises antérieurs à1945 éclairetout a fait la base des refus
postérieurs; on peut ainsi avoir déjà une idéetrès nette, et des griefs
décisionscritiquées, et des chances de succés pu pvima facie àdes recours
ouverts. Cette remarque est si imuortante aue noils allons en faire la
I,.iscjiil)st.inticllc LICI''t-\l'<lt-f:iits, sir le(liiel iioiis demaiidoni
ciiiorc iiiriiiiren:I:i~>erniiisiona In Cuiir de pr;.;ciitrr (III~Ibrévrs
obser\-ations. . .
En ce qui conceriie la discussion des faits soulevéspar notre plaidoirie
et la réponsequi lui a étédonnéepar notre éminentcontradicteur, une
option s'ouvrait au Gouvernement espagnol. Il pouvait tout d'abord se
placer sur le terrain dii droit de réponseet réfuter ou tenter de réfuter
toutes les allégatioiis qui ont étéprésentéesdu côté belge. Toutes les
raisons, si l'on se réfhàela plaidoirie de M.leprofesseur Rolin, rendaient
plus que légitime unample recours au droit de réponse.
Le Gouvernement espagnol se bornera cependant à maintenir ferme-
ment et sans exception ce qu'il a avancé.Et, par ailleurs. il s'élèveavec
énergiecontre toiites les thèses qui ont étéprésentéesdu côtébelge en
ce qui concerne les questions de fond.
Mais, ceci dit, notre exposéva se placer dails uiie perspective toute
différente,et ceci pour deus raisons d'ordre juridique.
La première raison, qui nous semble peut-ètre avoir étéun peu oubliée
du côtébelge, c'est que, (levant la Cour, il ne s'agit nullement de recons-
tituer des procés réelset encore moins des procès imaginaires concer-
naiit des particuliers; il n'y a ici qu'un acciisé, c'est 1'Etat espa-
gnol, ses tribunaux, son administration, ses ministres. Ce qui importe
donc avant tout, c'est, moins que d'établir l'attitude des particu-
liers, de définirquelle a étél'attitude des autorités espagnoles, et de
l'expliquer.
La deusieme raison juridique est toute simple: c'est que nous sommes
confrontés avec des exceptions préliminaires et qu'il est nécessaire de
s'en tenir d'une maniére assez stricte à ce qui concerne les exceptions
préliminaires. C'est la quatrième exception qui va donc êtreévoquée a
propos de tout ce que nous allons encore dire h la Cour; et pour cela,
nous allons l'établir immédiatement, il faut accepter de se placer dans
la perspective mêmedu Gouvernement belge, par hypothèse, bien enten-
du, et sans abandonner pour cela tout ce que nous avons dit dans notre
première plaidoirie.
Cela veut dire que. par hyypotlzisenous allons poser désormaisI'inno-
cence complète, totale. du groupe de la Barcelona Traction. Par consé-
les lois. II a réponducomplètement, incomplétement ou pas dutout, auxes
dema?idesd'iiiformation de l'administration espagnole mais, ce faisant,
il agissait toujoiirs selon le droit. Nous allons donc raisonner sur la
'base des coiicliisions de notre éminent contradicteur: le groupe de laBarcelona Traction, dans les raisonnements que nous allons suivre,
sera considéré commeblanc comme la neige.
Il se pose alors tout de même un problèmeque le Gouvernement
belge a sommairement évoquéen présentant les fonctionnaires espa-
gnols comme des personnes soupçonneuses, rapaces, intéressées à sauve-
garder les deniers publics et les leurs propres. Mais nous allons essayer
de reconstmire un peu les événementsen fonction de cette hypothèse:
nous serons alors en présence de deux propositions.
Selon la première, I'administration des finances en Espagne a soiip-
çonné à tort le groupe de la Barcelona Traction de diverses fraudes et
ces soupçons ne peuvent être dusqu'à des concours de circonstances.
La deuxième proposition sera la suivante: ces erreurs de I'adminis-
tration ont entraîné les refusde devises, y compris d'ailleurs les refus
du uplan de compromis in.
Et l'on passe alors sans peine à la conclusion qui s'en dégage:c'est
que, ainsi motivéessur la base d'erreurs, les décisionsde refus de devises
pouvaient prima facie êtrel'objet de recours sérieux et dignes d'étre
intentés.
Nous aiions donc, dans cette perspective, présenter à la Cour quel-
ques éclaircissements,à la fois sur les concours de circonstances qui ont
pu induire l'administration dans cette erreur poséecomme hypothese:
nous nous permettrons ensuite, brièvement aussi, de bien montrer à
la Cour que c'est sur la base de ces erreurs hypothétiques de I'admi-
nistration que les devises ont &térefusées.
fait-il que l'administration espagnole en soit venues. Càmces soupçonse
erronéspar hypothèse? Eh bieri! 11suffira évidemment de se reporter à
notre première plaidoirie pour trouver de nombreuses raisons. Mais,
pour ap,porter tout de mêmequelques petits compléments à ce que nous
avons dit, nous voudrions exposer au moins trois raisons decetteerreur »
de l'administration espagnole.
La première raison sera exposéesous le titre les rayons et les ombres.
la deuxième sous le titre les énigmes,et la troisième sous le titre les
gétiéralisationsexcessives.
1.Les rayons et les ombres. Cela veut dire que sur les questions les
plus importantes, l'administration espagnole a été partagéeentre les
rayons et les ombres, entre la lumière et le secret, et c'est précisénierit
cela qui l'a, par hypothese, coiiduàtsoupçonner ou à alléguerdes choses
qui ne sont pas. C'est la contradiction entre la lumière et l'ombre qui
fait travailler l'imagination.

[Andience publique du 27 avril 1964, après-midi]

Alonsieur le Président, Messieurs les juges, ce jeu des rayons et des
ombres que nous évoquions ce matin joue à peu près dans tous les
domaines. Nous nous limiteroiis simplement à quelques brèves obser-
vations concernant le point essentiel, c'est-à-dire que les sociétésdu
groupe Rarcelona Traction, Ebro,International Utilities sont dessociétés
bortafideindépendantes, ce que nous supposons par hypothèse acquis.
Ceci implique d'abord et avant tout que les sociétéssont géréesd'une
manière indépendante Lesunes des autres, c'est-à-dire exactement dans
les mémesconditions où elles le seraient si elles relevaient réellement684 BARCELO~A TRACTIOS

de personnes indépendantes. C'est cette notion qui commande tout.
C'est en raison de cette notion d'une gestion 6ona (ideindépendante
de la Barcelona Traction, mais bénéficiede tous les privilèges attachés
à l'idéede filiale.
Eh bien! comme nous l'avons déjà dit, quand l'administration se
trouve en présence de ce problème, si elle désire éclairersa religion,
elle rencontre un obstacle. Cet obstacle est tout simplement le fait que
les donnéesfondamentales qui permettent d'établir cette gestion indé-
pendante dépendent d'actes, de documents, de comptabilité qui se
trouvent dans un pays étranger. Et alors l'administration. bien à tort,
par hypothèse, va s'imaginer que tous ces actes et documents, puisqu'ils
échappent i son emprise, redent ou cachent des opérations qu'elle
aurait le droit de critiquer.
Ou nous a dit: mais c'est trèssimple, quel'administration serenseigne:
eue peut tres bien trouver dans des documents canadiens toutes sortes
d'informations. Et on a tout à fait raison. Cependant, il nous a semblé
sentir dans la salle, sur plusieurs bancs et jusqu'au sein de la délégation
bel-e un ~etit frémissement d'inauiétude. ~.r la collecte svstématiaue
;iI'6trniigcr dr.5 inforiiiations i.ruiionii~etifinanciéresn'eit II:I~ IIII~:
cliose que ICdroit international sdnicr sans discussion.
En fait l'administration es~aenole n'a Das ~rocédé à cette collecte
d'une manière systématique,'elÏe s'est so;ve& contentée de l'attente
sou~cons~'ex~1iaueit fort bien:as obtenus. et son inquiétude puis ses
 côtéde &tté gestion indépendante, il y a la possession des actions
d'Ebro par la Barcelona Traction. Certes, la Barcelona Traction n'a
pas pu ni voulu cacher cette possession. Pourquoi donc l'aurait-elle
fait? Et notamment quand la Barcelona Traction émet des emprunts,
il est tout à fait normal qu'elle fasse état vis-à-vis des obligataires
qu'elle vient solliciter de l'importance des participations qu'elle contrôle.
Quand elle s'adresse au public de France, qui est peut-être - on ne s'en
est pas toujours aperçu - plus exigeant que les autres, elle va même
jusqu'à dire qu'elle exploite des entreprises en Espagne. Quand elle
s'adresse au public espagnol, elle déclare qu'elle a lapossession de toutes
les actions d'Ebro. Et notre éminentcontradicteur a citéun prospectus
de 1914. Nous en avons cherché et trouvé jusqu'eii 1921 et il y en a
peut-être ultérieurement (exceptions préliminaires 1960, p. 257, annexe
16, et p. 1036).
Cependant par une sorte de timidité la Barcelona Traction s'exprime
dans certains cas avec plus de ménagements. Par exemple, dans un
papier destiné aux autorités espagnoles, en 1925, on mentionne simple-
ment un heavy itilereslde Barcelona Traction dans Ebro (exceptions
tration va poser des questions sur ces actionsplud'Ebro, elle a reçu, on-
ne sait pas pourquoi. mais c'était parhypothke le droit de la Barcelona
Traction de se montrer plus discrète des réponsesun peu moins précises
(exceptions préliminaires 1963,annexe 64, doc. no 6,p. 432; exceptions
préliminaires 1960, vol. II, annexe 75, p. 810). L'administration espa-
gnole s'est demandée alors la cause de cette espèce de pudeur et cela l'a
entraînée à des soupçons.
En ce qui concerne la possession des obligations d'Ebro, le rapport
de l'inspection des finances de 1932 mentionne que la Barceloiia Trac- REPLIQUE DE nr.REUTER 6%

tioii a rrçu drs obligations d't'bro. \l:iis, [>tirla suite. usant d'un-droit
c'est trks Ir'giriniepar liypotlié-e la U:ircelori:iTractioii fait cncaisscr
Ics cou~~oiispar des ban<~iies.par d'autrrs personnes. Elle fait mLme
protestir le non-paiemeni des coupons dans les mains d'Ebro (excep-
tions préliminaires 1960, vol. II, annexe 87, p. 863-881). Et en 1936,
tout léeitime:meànce moment-là se concluent des accords de clearinp,de
paiement entre l'Espagne, 1'Arigleterreet le Canada. Et ou voit aors
Ebro ne pas insister pour que les paiements des coupons de ces obliga-
tions soient renris dans lei accords de clearineDarce aue. évidemmënt.
ta& du côté espagnol que du côté anglais ef cana&", on demandé
beaucoup d'explications, et Ebro préfère, sans doute légitimement,
bénéficierdu secret des titres au .
Selon un document de 1960 (volume auxiliaire. annexe 8, doc. 18,
p. 68) on voit que c'est une pratique dans la sociétéde ne pas rendre
apparent que la Barcelona Traction possède l'ensemble des obligations
d'Ebro.
Ce sont toutes ces petites choses qui évidemment vont être à l'origine
de toutes sortes d'idéesque nous considérons comme fausses par hypo-
thèse. Il en est de même, bienentendu, en ce qui concerne International
Utilities.
II. Mais venons-en maintenant à ce que nous avions appelé les énig-
mes. Il y en a beaucoup dans cette affaire, dans tous les domaines. Je
ne veux pas abuser de la patience de la Cour, elle a tellement de problé-
mes A résoudre. no.r lui ra~~el.. différentes énigmes. Cependant les
énignicsdoiveiit gcrmcr presqiie spontanCment. par& que notre éminent
contradicteur n Iiii-mciiie donné Urieexplisÿtionrri.5inttressante (voir
II, p. 382). mais qui. du moins à notre avis, se termine un peu par une
énigme.Peut-êtrequ'en l'exposant à la Cour on aura une bonne idéede
la manière dont les énigmesapparaissent.
Il s'agit d'une question dont l'exposé asans doute lasséla Cour. II
s'agit de la création d'International Utilities en relation avec l'arrêt.de
1934. Notre éminent contradicteur nous déclareen parlant de la création
d'International Utilities:
uLe but était fiscal. C'était de ne pas induire en tentation le
fisc de taxation, de ne pas lui donner de mauvaises pensées. ii
On ne précisepas le but fiscal. Un peu plus loin, nous le lisons:

uJe n'ai pas besoin de vous dire qu'il n'y a pas de fraude fiscale
lorsqu'on se dérobe à une exigence du fisc qui, ultérieurement, est
reconnue non fondée. ii
On ne précisepas l'objet de la dérobade. Mais nous ne pensons pas
trahir l'explication de notre éminentcontradicteur en disant que, somme
toute, la dérobadeest suspendue; elle attend, puis survient au bout d'un
certain temps un arrêtd'une cour de justice et cet arrêt,rétroactivement,
transformera la dérobade en un acte parfaitement licite ou en un acte
illicite.
Ici, il l'a transformée, nous dit-on, en un acte licite parce que cela
a étél'effet de l'arrêtdu z? mai xa,-.du tribunal suprême.
C'cst ici alors qiie pour nous iy a une r'nigme SAS Kiminescertains
~UC ccitfr Gnigmc pourra êtredissipée niais, p,:rsoniiellcmcnt, nuiis nc.
I'a\.onj pls dissipée. Ef fi ,erésiilt;itiioussc.mblctou;ifait impossible.686 BARCELONA TRACTION
La création d'International Utilities ne pouvait avoir pour but que
d'éviter une imposition qui pouvait frapper les versements d'intéréts
entre Ebro et Barcelona Traction. II fallait que, si un arrêt du tribunal
avait soumis à l'impôt le versement desintérètsentre Ebroet Barcelona
Traction, le m&mearrêtne pîit pas frapper d'impiit le versement des
intérêtsentre Ebro et International Utilities. Or, l'arrêtest si simple
que la conclusion s'impose.Sil'arrêtavait, cequ'iln'a pasfait, condamné
au ~ersement de l'impiit Ebro sur les intérêtsverséspar Ebroà Barcelona
Traction, à coup sûr il aurait aussi condamnéau versement de l'impôt
les intérêtsverses par Ebro à International Utilities. Pourquoi donc?
Xlaisparce que les deux situationssont tout à fait parallèles: le débiteur
dans les deus cas est identique. C'est la sociétéEbro. Le créancierdans
les deux cas est absolument analogue. 11s'agit de deux sociétéscana-
diennes: Barcelona Traction et Iiiternational Utilities, toutes les deus
domiciliéesau Canada, toutes les deux réputées nonexploitantes en
Espagne.
De sorte que l'énigmedemeure et la dérobade est toujours suspendue
et sera encore suspenduejusqu'à ce qu'intervienne un arrêt qui tranchera
la question.
11est bien évident qu'ilest aiséde comprendre que si cette explication
est donnée à un fonctionnaire des finaiices, à un homme modeste,
méthodique, qui n'est pas toujours ouvert ni sensible à l'humour, il
va s'imaginer beaucoup de choses qui, par hypothèse, ne sontpas vraies.
III. Disons maintenant quelques mots sur les généralisationsexces-
sives. Le Gouvernement espagnol, surtout dans les écritures d'ailleurs,
a beaucoup insisté sur ce qu'on pourrait appeler l'histoire extérieure
de la Barcelona Traction, ses réorganisations. ses relations avec ses
obligataires. Sur le plan qui nous intéresse maintenant, cela n'a plus
aucun intérêt.Cela prouve simplement que toutes ces transformations
financières peuvent évidemment ameiier une administration à se poser
ment dans ce domaine. D'ailleurs, pour ne pas l'oublier, nous voudrions
rectifier un peu, sur le seul exemple que nous avons donné,des précisions
matérielles en fonction de ce qu'a déclaréiiotre éminent contradicteur
(voirII,p. 347).La Cour sesouviendra peut-étre: il s'agit d'une opération
financièrequi est effectuée au débutdu mois de juillet 1964. ou du moins
que l'on tente d'effectuerà cette date. II ne s'agit pas d'une émission.
mais d'une vente. 11ne s'agit pas d'une vente par la Barcelona Trac-
tion, mais d'une vente par ses fondateurs.
L'exemple n'est pas inédit.Ce point a déjàététraité par le Gouverne-
ment espagnol (exceptions prélimiiiairesde 1960, par. 36 et exceptions
préliminaires de 1963, par. 47).Il a fait l'objet de publication de docu-
ments (exceptionspréliminaires,annexe 1963,p. 368,au volume auxiliaire,
p. 481, 624, 639, 642). 11iie s'agit pas de la mauvaise situation financière
de la Barcelona Traction au mois de septembre, il s'agit de la mauvaise
situation financièrede la Barcelona Traction avant le 30 juin.
Ceci dit, et pour justifier le titre iiles généralisatioiisabusivesi,,
donnons-en immédiatement deux exemples: l'une qui a étéfaite, si nous
pouvons dire, à nos dépens,et une autre qui a étéfaite, ou qui aurait
pu l'être,aux dépensde la Barcelona Traction.
La généralisationexcessive résulte de ce que s'emparant de certains
mots que nous avions employés, on a présenté une démonstrationqui
pourrait donner lieu à croire h un lecteur superficiel qu'un conseil de RÉPLIQUE DE ar.REUTER 687

l'Espagne, professeur de droit, souffre d'une allergie complèteà l'égard
detout ce qui dérivede la pyramide et qu'il tient des propos qui tendent
àcompromettre des sociétésparfaitement honorables. C'est une pente
naturelle de l'esprit humain de géiiéraliserd'une maiiière extrême.
Nous avions parlé, il est vrai, deila belle époque ,et du rcontinent
américain ».Nous avions quelque chose de présent à l'esprit et nous
allons le dirà la Cour ct peut-étre que ce que nous allons dire a aussi
étél'occasiond'une gétiéralisntionexcessivede la part de l'administration
espagnole.
A partir de 1931,les autoritésdes Etats-Unis d'Amériqueont entrepris
de grandes enquétes sur les sociétés,la faillite, et notamment sur les
holdings enmatière de public utilities et on a pubàl'époquedes recueils
portant sur tous ces points (Hearing on iuuestigationof Bankrtrptcy and
Keceivership proceedings iitU.S. Couds 1934)~et surtout un ouvrage
officiel(Utility Corporationsrg3j).
diatement appliquéeaux Etats-Unisabus àtréprimer eteàfrendre impossibles
tous ces abus. II y a eu notamment une loi spéciale. Public Utility
Holding Company Act (1935). Mais dès qu'il avait étéau courant des
premiers résultats de I'eiiquêtede la Federal Trade Commission, le
président des Etats-Unis, Franklin Roosevelt, avait exprimé son
indignation sur les holdings de public wtilities dans des termes qui
dépassent manifestement sa penséeet que, vu les usages reçus devant
la Cour, nous ne voudrioiis pas lire ici (Looking Forward, 1933).
II y a eu aussi sur le continent américain, s'il l'on cherchait bien,
d'autres exemples. On parle facilement à tort et à travers de tout cela,
on généraliseet, alors que ceci n'a rienà voir avec le groupe de la Bar-
celona Tractiqn, on peut imaginer qu'une administration qui a été
informéede ces situations s'imagine des choses qui ne sont pas exactes.
Les motifs ne manquent donc pas, non pas pour excuser,mais simpleinent
pour expliquer cette attitude singulièrede l'administration espagnole.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, il ne nous reste plus. pour
terminer, qu'à donner quelques indications et à apporter quelques
précisions pour bien établir le poids dont ont pesé cessoupçons, ces
inquiétudes, dans les refus de devises.
Nous noils sommes déjàexpliqués,dans laplaidoirie, sur tout ce qui
s'était passéà partir de 1931 jusqu'à 1940. Consultons par exemplc la
première demande, semble-t-il, qu8Ebro a adressée aux autorites es
pagnoles en 1940(exceptionspréliminaires1960,vol.II, annexe go,p. 890).
Ebro faitla récapitulation de toutes les demandes de devises iion satis-
faites. Imaginons le fonctionnaire qui a eu sous ses yeux ce tableau
que la Cour peut consulter; oii y voit immédiatement une chose extrême-
ment frappante, c'est que depuis 1931, c'est-à-dire depuis la première
décisionimportante prise par l'administration espagnole pour enquêter
sur Ebro, aucune devise n'a étSappliquéeau paiement des intérêtsdtt
compte d'lnteriiational Utilities. En 1932,la Cour se souviendra, devant
d'instantes pressions britanniques, l'administration espagnolea accorde
certaines devises sur la base d'un forfait; aucune n'a étéappliquéeaux
intérêts d'International Utilities. Donc, depuis 1931, sur ce point la
position de l'administration scmble certaine, ses soupçons, faux par
hypothèse, l'ont conduite à une attitude tout à fait rigoureuse.
Si nous consultons niaintenant les versements de devises qui ont été
effectuéspour les intérêts desobligations, nous faisons aussi des re-658 BARCELONA TRACTION

marques - oh! elles ne sont pas concluantes - mais eues troublent un
peu l'esprit: on constate par exemple que pour certaine émissionque
l'administration espagnole a suspectée,il n'y a pas eu de versement de
versement n'a pas étédemandé, est-ce qu'il a étérefusé? Nous n'enque le
savons rien. Et on constate alors que, également pour d'autres années
- 1931-, il n'y a pas de versement de devises. Cependant, la demande
de 1940 précised'une façon tout à fait claire qu'on demande des devises
parce que les obligations ucirculent» à l'étranger. Evidemment on peut
comprendre qu'une administration soupçonneuse trouve singulier que
les obligations qui circulent, dont les coupons sont présentés par des
banques, puissent présenter ainsi des lacunes extraordinaires dans le
service de leurs interêts.
Mais arrivons à la phase de 1940 proprement dite. Nous ne sommes
pas sur ce point en accord avec notre éminent contradicteur. Pour com-
prendre la situation, il faut bien garder présenà l'esprit que des devises
peuvent être refusées pour deux motifs très differents: le premier,
purement économique,résidetout simplement dans la eénurie; le second
est qu'une demande déterminée pour recevoir satisfaction doit présenter
au fond certaines justifications.
Ce ne sont pas nécessairement les mêmes organesqui procèdent à
l'examen de ces deux conditions différentes. et cela se comprend facile-
ment.
En Espagne en 1940,pour les affairesqui nous intéressent, l'apprécia-
tion économiqueest faite par l'Institut de la monnaie étrangère.Mais
l'appréciation sur le fond, c'est-à-dire sur la question de savoir si la
dette, la créance,satisfaià certaines conditions de certitude, de réalité,
l'appréciation est portée par la Commission pour l'étude des comptes
titulaires étrangers immobilisés (exceptions préliminaires 1960,
annexe 120, p. 895) ainsi que, dans les cas les plus importants, par la
Direction généraledu contentieux de l'Etat.
Les demandes d'Ebro pour ses paiements financiers en livres sterling
ont étéportées devant ces organes; les intéresses - Ebro - ont été
prévenus de ce fait (exceptions préliminaires 1960, vol. II, annexe 93.
n. 806) et on leur a ind.aué Aue l'o-eanisme comuétent examinerait leur
'deCeci dit, nous demandons respectueusement à la. Cour la permission
de relire lalettre du 13 avril943 (exceptionspréliminaires 1960,annexe
99, vol. II, p. 907). C'est l'institut de la monnaie étrangère qui écrit
à Ebro:

rrNous venons de recevoir un communiqué de la Commission
pour l'étudedes comptes titulaires étrangers bloqués, laquelle la
requêtede cette sociétéfut soumise; nous regrettons de devoir vous
informer que, d'accord avec lerapport émispar ladite Commission,il
nous est impossible pour le moment d'autoriser le versement en
monnaie étrangèrede ces intérêts. 8

Nous sommes donc en présence d'une décision motivée au fond et
l'expression «pour le moment »veut dire ici d'une façon tout à fait
claire, que tant que la situation ne serapaç réglée à l'égardde la com-
mission qui a étéconsultée,l'Institut dela monnaie étrangèrene changera
pas son attitude. &PLIQUE DE nr .EUTER 689

Et nous ne crovons pas nécessairede revenir bien Ionmement sur les
autres c~rres~ondancec Eiies ont étéexposéesdevant laCour en ce qui
concernait notamment les obligations en pesetas. On connaît les deman-
des de renseimements Quel'administration ré~ètecomme un leitmotiv
tant pour le<obtig;ition> en p<:setu qiie puur'les obligatioiis en li~~es:
i\'eiiillcz r'cliiircir1,:srelatioiis qui existerit eiitre vuus et Icsdeus ei1titi.s
Ihrceluna Tractioii et Intcrnatiuii.ù Ctilities, ailiai <lueI:iriru\.eiiance du
solclerlCbiteiirde cc d~rnicr cuinyte»
IIii'rst p.ri besoin (le 1):trlcrIongiiemcnt putir comprcndrci qiie \.eut
ilire la juit1ni;rtiori si13.pro!~cnancedu soldc ii<>bitcurd'un coniptc:
i'ejt I'<~sl>licatiiie toute I:vie dc I'entrcprise, le solde dil>it~.iird'uri
ioiiiptt: courant, c'est I'~'splic:~tio~e toute I'tiijtuire de I'ciitreprisc;
les deinan<lejd'éclairciîsemcnts oortent dotic sur dts relations extrcine-
ment éteridues;on dirait I)resqué.ii entcntlrc cette phme et I'iii;ijt;ince
de I'administratioii, que celle-ci agit en fonction d'un sttntiment plus
moche de sentiments humains propre à des ra~~orts d'une autre natire:
Ôn(lirait un propos arraclic à li jaiousie. \'rai<i;iit I'adriiinistration ne se
s;itisf;iit de rien, ni des quelques indiwtions somiiiaires qui se troii\,cnt
dans la Lettredu 4no\'emhre 1040 (exceptions nrCliminaires1060.vol. II.
annese rus. p. g~i) ,i dc ccllc'ciu5iio\~cmbreiil4o que l(iouvrrntinent
belge n'a pas pulnliie ni le <~ouverrieiiierite7pagicarclle a csactcmcrit
le mêmeEonfenu que celle du 4 novembre. Et notre éminent contra-
dicteur abonde dans notre sens quand il demontre que l'obstination de
l'administration à refuser de reconnaître le compte Ebro-International
Utilities en dollars va apparemment à l'encontre des iiitérêtsde celle-ci
(voir II, p. 367). en effet. l'opposition de l'administration ne peut que
s'expliquer par des soupçons très graves et par hypothèse injustifiés.
A la veille du ciplan de compromis,,, l'Espagne n'est pas privée de
devises puisqu'au titre de la formuleinitiale du plan on va lui demander
deux millions de livres sterling. Mais depuis treize ans l'administration
définit sa position en matière d'allocation de devises sur la base de ce
que M.le professeur Rolin a appelédes uerreurs grossièresu,d'uabsolues
contre-vérités n;elle va continuer à se fonder sur les mêmes raisonspour
les décisions prisesà propos du plan de compromis.
Mais alors, le groupe de la BarceIona Traction a donc prima facie
des griefs très solides puisque tous ces soupçons sont sans valeur; les
recours sont donc prima facie tres sérieux; c'est ce que hl.le professeur
Rolin, en nous répondant. a pris lui-mêmela peine de démontrer A la
Cour.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, nous vous remercions de
votre bienveillante attention. REPLYOF SIR HUMPHREYWALDOCK'
COUNSEL FOR THE GOVERNAIENT OF SP;\IN

MI. President and Members of the Court, in my speech on 16. 17 and
18March 1 rested the case of the Spanish Government on the first
Objection essentiallv on the acts and the statements of the trvo Govern-
ments and on the procedural position before the Coiirt when the dis-
continuance took place.
On the otlier hand, 1 reserved the right of the Spanish Government
to invoke an\, of the otlier ~a~ ~ ~~ ~hlished bv the evidence in the
written @ead;ngs and any of the contentions whiih the Spanish Govern-
ment had hased upon those facts, sa far as might be necessary in the
light of our O ponents' arguments. In our Preliminary Objections, we
equally restezour case essentially on the acts and statements of the
two Governments and on the procedural position before the Court when
the Belgian Government notified its discontinuance. That is very clear

from the formulation of our conclusions on pages 261 ta 263 of our
pleading(I1). In addition, as the Court knows. weshowedhow the Spanish
Government had been confirmed in its understanding of the final
character of the discoiitinuance by the information which it received
from the Count de Alotrico concerning the outcome of the private
disciissions-the discussions. that is, that preceded the visit of the
Belgian Ambassador to the Spanish ivlinister for Foreign Affairs on
22 ivlarch1961.
Xow, our learned opponents have expressed their surprise a! my
not hai~ing further dei~eloped our contentions regarding the private
discussions and at my not having dealt with the new documents. They
said that they were tempted to see in my silence a proof that we had
been impresscd by the account given of tliese matters in the lelgtan
Government's Observations and Conclusions. That was not the case at
ail. Mr. President. 13utwe did feel that. havinc reear..to the divergent .,
intc~rpretationstlint wcrv no\v Lieiiig~I\.~IIOsome ;ispi.cri t,fflicpri\.:irc
ilivii,iuiis I>ythosç \iho ]i:~rricil>:~t~idii ttiem, the Coiirt \voiil<lprvfi.~
to hast: itsclf i>riinarilviinüii tlic traiiiactions tnetiicen the rwo Goveril-
ments. hlore&er, \ve'al;o felt that, quite independeiitly of the facts
relating to the private discussions, we had strong grounds for asking
the Court to hold the Belgian Government's discontiiiuance to constitute
a bar to the reintroduction of its claim.
As to the new memorandum and documents of M. Frere which were
filedshortly after the opening of the oral hearings, those contained some
puzzling features, wliicli seemed ta us to make it desirable to await the
explanations of Our opponents before discussing them. Moreover, none
of these documents, some of which go back a number of years. were
official papers in the archives of the Spanish State. In the case of the REPLY OF SIR HUllPHREY WALDOCK 691

Sussbaumer correspondence we were able to obtain some clarifying
documents from M. March's advisers which we submitted to the Court
shortly before the opening of the oral hearings. In the case of the Arthur
Dean documents, if 1 may so refer to them, the Count de Motrico was
ultimately able to find amongst his papers at his home in Madrid certain
letters exchanged between him and Mr. Dean relating to the documents
produced by M.Frère. As two of these letters provided a sharp corrective
to M.Frère's presentation of the Arthur Dean documents, we put them
deal with the various documents in their proper place, Mr. President.ll
At the moment 1 must content myself with those brief explanations
of the position that confronted us in regard to the new documents. and
1 believe that when 1 have finished my observations to the Court, the
Court wili appreciate my reasons for not dealing with those documents
at that time.
Now, our opponents have insisted upon the relevance of the private
discussions to the Court's appreciation of the discontinuance. They
have also insisted that the negotiations between M. Frère and M. March
subsequent to the discontinuaiice, though purely private in character.
may berelevant in so far as they may serve to throwlight on the previous
discussions. And Maître Van Ryn in his speech on 7, 8 and 9 A ri1
dealt at some length with what he represented to be the facts regarJng
not onlv the discussions but the neeotiations between the rivat te
interest;. Naturally, MI. President andkembers of the Court, wêmake
no complaint about that, since we ourselves recognized in our pleadings
that the private discussions have a certain relevance for appreciatiig
the circumstances in which the discontinuance took place. However.
we have the strongest objections both as to the terms and the accuracy
of the presentation of the facts of theprivate discussions. It therefore
becomes necessary for me respectfuliy to ask the Court to bear with me
whilst 1 examine the somewhat extraordinary story which Our learned
opponents have now made of the private discussions.
k1eVan Ryn began his tale with a character sketch of M. Frère.
Here, he said, was a man who had had an exceptionally brilliant career
in banking, who had been, amongst other thiugs, Govemor of the
National Bank of Belgium, President of the Bank of International
Settlements, Governor of the International Monetary Fund. The eminent
role played by M. Er+re and the anthority which he acquired in these
higb posts were due, explained Me Van Ryn, without any doubt to bis
intelligence, to his balanced judgment and to his lofty sense of inter-
national CO-operation.In short, Mr. President, you were asked to under-
stand that on one side was this paragon of a man and on the other a
man whom Me Van Ryn was pleased to refer to as a bandit.
Then, Mr. President and Members of the Court, Me Van Ryn dealt
witb the very delicate and very puzzling question of how it was that
this paragon of intelligence, balanced judgment and loftysense of inter-
national CO-operationcame to make overtures to the bandit-to the
man who, according tri MVan liyn, was known to M. Iirèreas apowerfiil
most crafty and dangerous of men. ThelityBarcelona Traction affair. wcthe
are told, had been dragging ou siuce 1948, The Uelgian Government
had brought it before the Court in 1958 but two years later, in 1960.
the case appeared to M. Frère to be likely to go on for a long time as REPLV 01: SII< HUMPHREY \VALDOCK 693

Reuter, could possibly detect in. it the smallest stirring of even the
lightestzephyr of conciliation defies understanding.
In any case. Mr. President and Members of the Court, if one accepts
the explanation of M. Frére that he believed the Chade settlement to
be a sign of a new wind of conciliation, his overtures to M. March only
became the more difficult to reconcile with the actions of a man of
"intelligence" and "balanced judgment", that Inan whom Me Van Ryn
has depicted for us. W1i:lt 11adstruck M. Frère about the Chade scttle-
Gowermnentand the fact that agreement had been reached in the teeththof
persistent opposition of M. March. Yet what did M. Frère do? Did he
follow the wind of coiiciliation and approach the Government? No,
hfr. President, he made overtures to M. March-to the "bandit", to the
man who had done battle with the Barcelona Traction group in the
Spanish Courts for 12 years and had recently shown himself decidedly
obstinate in the Chade negotiations. Itas not as if any feelershad been
put out by 31. hlarch himself. Quite the contrary. According to M.
Frkre, the idea of making overtures to M. hlarch came entirely from the
Belgian side-from himself prompted by some of his shareholders.
Verily, the workings of the mind of a man of intelligence and balaiiced
judgment are not altogether easy to follow-unless, of course, he was
rather worried about the outcome of Spain's Preliminary Objections.
Today, Mr. President and Members of the Court, you are in a better
position thaii anyone to judge the kind of impression that the Spanish
Preliminary Objections might have made on M. Frère and the Belgian
Government in 1960. I will only say this. The three Preliminary Ob-
jections which confronted hl. Frèreand his Government in 1960were not
of the light-weight kind that you sometimes see in proceedings before
the Court. They were substantialObjections such as must give anyone
who considered them serious food for thought. Certaiiily. the Belgian
Government has not dealt with them lightly in the written pleadings
or in the speeches of Coiinselhere. The Court will make its own apprecia-
tion ofiM .rère'sovertures to hl.Alarchin October. Here it is my purpose
simply to underline three brief points for the Court's attention:
Firstly, tlia't the initiative came exclusively from the Belgian side.
a point that is undisputed.
Secondly,'that the explanations of his initiative offered hy M. Frère
and the Relgian Govcriiment before the'court are really scarcely to bc
considered rational.
Thirdly, that if it is assumed that the Spanish Preliminary Objections
of hlay 1960 engendered certain apprehensions or doubts in the minas
of hl. Frèie and his advisers, his overtures to M. lllarch and al1 his
subsequent acts begiii to fall into'place.
Jlr. President, 1 shall norv pass to Af. Frère's choice of the Connt
de Notrico as his intermediary for making contact witli hl. March. Ive
are told that M..Frere felt that he Iiad need ofa person of distinction
to give the necessary toile and atmosphere to the negotiations and tl~at
in the Count de Blotrico there was at hand the ideal intermediary:
diplomat of distinction; close friend o31.Hernandez, former Director-
General of the Sodec group in Argientina; friend of hl.Marchaman with
legal training; a businessinan of distinction; a man naturally disposed
to conciliation; and, morcover, a man well-acquainted with the Barcelona REPLY OF SIR HU3IPHREY \VALDOCK 695

and II. Brosens, principal representative of Sofina in Argentina. The
Barcelona Traction dispute came up in discussion from time to time and
it appears from the documents that the Count de Alotrico addressed
an inquiry to the Spanish Government as to whether they would author-
ize him to act as an intermediary between M. March and the Sofina
group. It also appears that he sounded M.March who was not unwilling
to negotiate. l'hese documents do not begin quite at the beginning of
the story and do not show the actual enesis of the initiatives taken by
the Count. But they certainly show tf at he was ready to facilitate an
arrangement between the Sofiiia group and M. March, ifhe could. On
Govemment declined to give him permission to mediate in any official
capacity and that he expressly infomed the Sofinaofficiaisthat he could
only act "à titre strictement personnel".
The remaining telegrams of this series show that on two occasions in
1950a ,lter he had given up his post in Argentina. the Count de Motrico
again mentioned his suggestion for discussionsbetween the two groups-
oncein a talk with an Argentine banker, one in a talk with M.Hernandez.
1think it was in Spain.The telegrams do not show that it was the Count
who broached the subject of the Barcelona Traction dispute in the
discussions, though they certainly show again that he was interesting
himself in finding a basis for its settlement. Equally, Appendix NII
shows that he made it very plain to M. Hernandez that he was not
prepared to act in any negotiations as the emissary of M. March.
If at that time 12 years ago the Count de hlotrico manifested an
interest in furthering negotiations between the Sofina group and hl.
March, it had no outcome. When the Sofina group learned that the
Count would neither act officially nor be the emissary of M. March,
they lost interest. Some two years later, hlr. President, negotiations
did indeed take place between M. March and the Sofina group on 16,
17and 18March (1think it was) 1953; but M. Brosens of Sofina and
M. March met alone in Paris at an hotel, and these negotiations were
abortive.

[Publi hearingO/ 2sApril 1964,morning]
Alr. President, yesterday1 concluded by having just introduced the
question of the reasons whv hl.Frère chose the Count de Motrico to
6e his intermediary and 1 had dealt with the earlier period during the
Count's embassy in the Argentine.
However. the documents on which MeVan Rvn ~iaced most emphasis
were those in Appendices 13to 15emanatingdfrÔm hfr. Arthur Dean.
member of the American law firm of Sullivan and Cromwell. Mr. Dean,
as the Court knows, had been briefed by the Sofina group in 1954to
go to Spain and to make representations to the Govemment with a
view to persuading it to promote negotiations between the private
interests under the supervisiori of both Governments.M. Frhre stated
in his first memorandum that the Count de Motrico at that time
sador in Washington, "s'adressa spontanément & l'avocat américain
Arthur H. Dean." The Count having challenged this statement and
having asserted that the initiative'had corne from Mr. Dean. M. Frère
furnished the Belgian Agent with three documents, the first of which-696 BAR CE LOS. T^RACTIOS
Appendis 134s an airletter from 111.Dean in New York to hlr. \Vilmers
of Sofina in Brussels. At the saine time, hl. Frère explained that the

relevant part of this document begins at point 4 of the letter, wliicli
opens witli tlie startling mords: "Suite à sa demande écrite et télégra-
phique ai vu iiouvel Ambassadeur de pays en question"-that is, of
course, tlie Couiit de Motrico. and there follows an account of the
interview between hfr. Dean and the Count to which 1 will return later.
As the Court is aware, the opening words of point 4 of that airletter
are misleading. The Count de hlotrico, though he naturally could tiot
have a conv of the airletter or of the later airletter in Amendix rd.
was able io find related correspondence in Iiis private paiers. ~he&
events took place nine vears aco and if the Count had destroved this
corresponde&e we shodd not Lave heen in a good position ti correct
the impression given in point 4. hlr. Dean's letter-which we have
produced to the Court, hlr. President, a letter ofI Febmary, followed
by a reply of the Count de hlotrico on g February-reveals that it
was not the Count who asked for the interview and who brought up
the question of the Barcelona Traction case as between Mr. Dean and
himdf.
Rle Van liyn explained that the two lettcrs had been overlooked
by M. Frère wlien he drew up his mernorandum; in short, it was a
momentary slip on the part of the paragon. The word "overlooked"
indicates that the missing letters were amongst the papers available
but there !vas a failure to notice thern. It does indeed appear that the
letters were available in the file of correspondence, wliich must have

been present in the files of 11. Frère, because if one turns to the last of
the three documents presented in Appendix 15, that is a letter of 22
Tulv from the Count to hlr. Dean. not a letter from Rlr. Dean to hlr.
<f7i'ijmesut a letter from the Count to hlr. Dean. NOWone might have
expected that, seeking to establish ivhether the first move was made
bf hlr. Dean or by thé Count, one would have begun at the beginning
of the file. But lrere we begin in the middle of a letter in the middle
". --- .-..~
Me Vari Ryn conceded that there was an crror of detail which re-
quired a correction in M. Frère's memorandiim. That said, our learncd
opponent seemed to us to interpret rather freely the language of tlic
documents. hlr. .Dean, in his opeiiing letter of I February 1955, the
first he had ever written to the Count de Rlotrico, naturally addressed
him as hlr. Ambassador. He recaued their meeting at a public diniier
some six weeks previously and he then wrote: "In addition to pour
ambassadorial duties, 1 know that .?ou are a buiinessman of distinctioii
and 1 am therefore taking this opportunity of calling to your attention
the current situation involving Barcelona Traction."
Then he went on to refer to the state of electricity production, the
climate of foreign investment in Spaiii and to mention that he hoped
to return to Madrid at the beginning of March. What is clear from tliis
letter, says hICVan Ryn, is that Mr. Dean was approaching the Ambas-
sador as sucli, as a ,diplo.mat witli considcrable business experience,

and no! as a private individual. \\'ell, it may be so, &Ir. Presidetit,
though anybody reading the letter as a whole, and especially the passage
which 1 have quoted, might well be at a loss to say exactlyon what
basis Mr. Dean was addressing the Amhassador. It is, if 1 may sa? so,
a somewhat oblique letter. But thc point is really of very little im- REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK 697

portance because, as soon as they met-on 15 Februnry-the Count
de Motrico made it plain tli:~t he was only prepared to discuss the
Barcelona Traction situation on a erso on alnd non-oficial basis-that
is in the document.
The Count de hlotrico wrote a straightforward reply to Afr. Dean's
letter. He expressed interest; said he would like to discuss the matter
personally with >Ir. Dean eitlier.in \Vashington or New York which-
ever was more convenient;gave Mr. Dean his plans during the remainder
arrange to meet.asked about the latter's plans in order that they might
This brings me to the first of the three documents produced by M.
Frére, Appendis 13, a long airletter which contains, amongst other
things, &Ir.Dean's report of his meeting with the Count de Motrico.
Me Van Kyn refers to this document as a telegram and it was certainly
prepared as such. But, as blr. Dean explained in his covering note,
he decided to despatch it as an airletter. The document therefore reads
as it was written and sent by Mr. Dean, and there is no question of
words having become altered in transmission. Even so, the letter is
cast in the form of a telegram and as Me Van Ryn said, with justice,
it is not very easy to read. So, he dispensed himself-from dealing with
the document as a whole and merely pinpointed the two conclusions
which he said had been drawn by Mr. Dean from the interview. These
were: firstly, the Count de hfotrico was positive that the Spanish Govem-
ment would in no way wish to intervene between ,the private groups,
but would strongly welcome an attempt at a settlement; secondly, the
Ambassador seemed to speak with a great deal of autliority and had
such a detailed knowledge of the various conversations that he must
be in close communication.
These two conclusions are taken by hieVan Ryn not from point 4,
which contains the information given to Mr. Dean by the Count at
the interview, but in points 7 and 9 of the letter. Oddly enough, &Cr.
President, points 7 and g do not, on their face, refer to the Count but
to another character, the emissary, and this is whereMe Van Ryn was
so right in saying that the telegram is a little difficult to read. You
see, MI. President, the telegram covers interviews with three different
perçons and does not observe a very strict sequence in reportiug them.
the emissary sent by blr. Wilmers of Sofina to Mr. Dean, the only is,
character amongst the drumatis fiersanuein the new documents whom
M. Frère has not identified for us. Point 3 moves on to an interview
uith Elizalde, who is a oiie-time Philippine Ambassador to the United
States. Points 4, 5 and 6 cover the interview with the Coiint de Motrico.
Points 7, 8 and 9, from which 110Van Ryn drew his conclusions, then
appear on their face to go back to the emissary, while poiII similarly
goes back to Eiizalde, the es-Philippine Ambassador. As 1 said, the
document is in the form in which it was w'ritten and sent by Mr. Dean
and, 1 simply Say as a fact, it is the word "emissary" which appears
in points 7 and 9.
Even if it be assumed that tliere was a mistake and that-and 1
frankly confess, MI. President, tha1 think it is likely-Mr. Dean twice
put "emissarv" when lie meant "Ambassador", it is still necessary,
Mr. Presideni, to read Iiis letter in its context and as a whole. The
contest was this. Mr.Dean had already been to Spain in 1954.s Sofina's698 BARCELONA TRACTIOK

counsel, to urge the Government to promote negotiations between the
private groups under the supervision of the two Governments. The
Count de hlotrico, after resigning his Amhassadorship in Argentina.
had returned to private life in Spain and resumed his business activities.
friends in official circles and, naturally, Mr. Dean's recent visit made
developments in the Barcelona Traction dispute a topic of active con-
versation. In consequence, the Count waswell-enough informed.concem-
ing the points of view of hl. March and of the Government at that
date. He did not meet Mr. Dean in Spain and had nothing to do with
Mr. Dean's discussions with members of the Government in 1954. Nor
were Mr. Dean's discussions with memhers of the Government in any
way-except quite incidentally-within the Count de Motrico's pro-
vince in Washington. The discussions were heing handled at the Madrid
end and the Count had no instructions to speak on behalf of the Govern-
ment on the substance of the matter to Mr. Dean who was in Madrid
as counsel for the Sofina-Sidro group.
If 1 may, Mr. President, 1 should now like to take the Court rapidly
through points 4, 5 and 6 of Mr. Dean's letter from the examination
of which our leamed opponent, as 1 said, dispensed himself on the
plea of sparing the Court the pain of their telegraphic language. Hap-
pily, that language is clear enough and there are one or two points
which seem to us to have a certain interest for later events.
Point 4 repeats the information furnished to Mr. Dean by the Count
and MI. Dean at once says: "he gave me the following information on
what he termed fiersonai and not oficial basis". In the circumstances
which 1 have described that was, of course, the most that the Count
could do.
Next, Mr. Dean repeats that the Count was "absolutely positive
his Government would not he interested on any basis in having anyone
to supervise negotiations between ourselves and opponent". As the
ning had been that it must refrain from intervening in the disputen-
hetween the private groups while the matter was still pending before
the Spanish courts.
After mentioning the Count's comments upon his memorandum hIr.
Dean says that the Count strongly urged him to "get authority to nego-
tiate and see opponent directly and on strictly business basis work
out terms of settlement and then advise Government".Seeing that he
believed the Government to he extremely reluctant to intervene betweeu
the private interests, was it not entirely natural, hlr. President, for the
Count to recommend that course? Having regard to the theory which
Me Van Ryn has constructed-it is not supported hy the evidence-
that in 1960-1961 the Spanish Government must have heen fully cog-
nizant of al1that transpired in the private discussions almost frorn the
beginning, the Court may think that this statement in Mr. Dean's
letter is not without its significance. The Count, it is clear, strongly
urged Mr. Dean to work out an agreement first with M.March privately
and only then inform the Government, which did not wish to involve
itself in the dispute hetween the private groups. 1s that not entirely
consistent with what the Connt de Motrico says happened in 1960-1961
in regard to the désistement.but what MeVan Ryn denies?
Next the Count de Motrico is reported as saying that if Mr. Dean REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK
699
adopted that method of proceeding, he could be most helpful on a
personal basis in arrangirig a meeting and in ensuring that M. March
would reaUy negotiate. Here again, MI. President, you have the Count
underlining that whatever he might do would be on a personal basis.
After sa ing that the 1953 negotiations between M. Brosens and AI.
March hadi not been realistic and that the Sofina-Sidro group were
only doing themselves harm with the Government by retaining arelative
of the Head of State as their counsel in Madrid, the Count apparently
again urged Mr. Dean to obtain authority for direct negotiations with
M. March and to advise the Count if MI. Dean wished him to arrange a
meeting.
proposed that he should write to the Count thanking Iiim for his great
interest and suggesting that MI. Dean should communicate with the
Count again after hlr. Dean had returned to Spain. This proposal does
not seem to have been followedup.
In point 6 Mr. Dean remarks that the Count de Motrico had insisted
that he was in no way connected with M. March in business, thongh
some of his companies had business arrangements with M. March. He
had also insisted that, whatever else the Sofina group might think,
hf. hlarch was extremely proud and sensitive and strongly resented
their contemptuous treatment of him. 1 ask the Court particularly to
note this last statement, because 1 shall want to return to it when 1
discuss the real motives of M. March-as distinct from those attributed
to him hy Ale Van Ryn-in insisting upon the retrait ddfinitil de la
demande as a condition sine qua non for the beginning of negotiations
with a!. Frère.
That, 111. President, completes the passages in the air-letter which
unmistakably refer to the Count de hlotrico. But 1 will now deal briefly
with points 7, 8 and g on the assumption, which 1 think is probably
well-founded, that they were intended to refer to the Count de hlotrico.
In point 7, Mr. Dean reports that the "emissary" (ambassador, if
you like) thought that he could get the Sofina group off on a very good
basis if they were willing to negotiate on strictly business lines without
name-calling, without allusions to alleged reprehensible conduct and
without attempting to correct the court proceedings; and that the
emissary (ambassador) was "ver categorical that the Government
would not in any way interfere o&cially, but would strongly welcome
attempt at settlement". It is this last statement which Me Van Ryn
to draw from this document. So be it, Mr. President. That always hasd
been the attitude of the Government. It declined to interveneitself; but
if the parties could a ree amongst themselves, it wonld be glad to hear
tliat the matter \vas !isposed of.
111point 8 the same person is reported as having discussed the cancel-
lation of the bonds, the substantial profit expected by M. March and
to have advised against making any plans for bringing in other interests
until an agreement with M. March had been achieved.
In point g Mr. Dean comments that the "emissary" (ambassador)
seemed to be "speaking with a great deal of authority" and to have
such a "detailed knowledee of the various conversations that he must
be in close communicatio~'.
If one assumes that these points in the airletter al1 equally refer to700 BARCELOSA TR.ACTIOS
the Count, what do they show? They show that he had a detailed
knowledge of XI.hlarcli's views at that time and that he was fully amare
of the long-standing policy of the Government of iion-intervention in
the private dispute. They also show that he had thought about the
matter liimself arid was ready enough to offer.advice to MI. Dean when
approaclied hy the latter. In the context in which this interview took
place, as 1 have already explained, there is nothing very surprising in
the fact tliat the Count liad that detailed knowledge at that date-or
that, on a strictly persona1 basis, he offered that advice to hlr. Dean
recommending that the Sofina group should first negotiate directly
with hl. Rlarch and auuroach the Government onlv when the terms of
the settlement had b&n worked out.
The third and the last of the Arthur Dean documents presented by
JI. Frère-hppendix 154s brief but not without interest. It is the letter
of 22 July 1955 from the Count to bfr. Dean nhich 1mentioned earlier.
In his letter of 22 July the Count de hlotrico. after acknowledging a
previous letter of hlr. Dean's, sent a few days before, wrote:
"1 am planning to go to Spain in the first days of August and
stay there four or six weeks and 1 intend to bring up the subject
in my conversations with the Minister for Foreign Affairs. 1 shall
let you know my inipressions when 1 get back."

Clearly, Mr. Président, the intention in presenting this letter must
have been to suggest that the Count usas in close contact ivith his
hlinister regarding Mr. Dean's attempts to get the Government to
intervene betweeii the private groups. And this seems to be borne out
by Alel'an Ryn's comment upon the letter:

"1s it going toofar to think [he said] that what \vas true in 19jj
still remained tnié in October 1960 and \vas possibly even more so
since in the interval the dispute had become yet more acute, pro-
ceedings having been instituted with tlie Iiiternational Court of
Justicë?"

As 1 have already pointed out, AleVan Ryn's theory that the Spanish
Governinent was being kept fully informed of the désistement dis-
cussions by the Count right from the beginning-right Irom October
1960-is his own construction and has no basis in the evidence. 1 will
deal with that in good time. 1 am here concerned only with what
M. Frère and hle Vaii Ryn suggest may have happened in Igj5.
If, Mr. l'resident, one looks at the terms of the letter itself does it
really bear out that is wliat is suggested? AUthat tlie Count de Rlotrico
States is that he will be back in Spain during August; that he intends
to bring up the subject of Barcelona Traction in tlie course of his con-
versations with his Minister and niIl let Mr. Dean know his impressions
when he gets back. On the face of it, this does not seem to meaii any
more than that the Count proposed to sound his Minister as to the
latest position in regard to Xlr. Dean's attempt to persuade him to pro-
let hlr. Dean have his impressions. In other words, Mr. President, whatto
this letter seems to show more clearly than anything else is that the
Count de Motrico was not in close communication with his Minister REPLY OF SIR HU3lPHREV WALDOCK
701
coiicerning the Dean conversatioiis but hoped to get up-to-date during
his stay-his summer holiday-in Spaiii.
This little letter o22 July presented by M. Frère leaves you to your
imaginations asto what may have followed.But in tmth, Mr. President,
the démarches by &Ir.Dean in hladrid for the purpose of trying to argue
the Government into promoting discussions between the private groups
iinder governmental siipervision were already beginning to go cold.
Mr. Dean made a further attempt later in the year to persuade the
Government tliat a respectable legal basis forthe action proposed existed
uiider Spanish law, and sent papers in that connection to the Count
de Motrico for information, and liad one or two further contacts with
to nothing. AndGo1 may add that the Sofina group showed no disposition
to follow up the Count's own suggestion that they should approach
II. $Jarch diiectly with a view to purely private negotiations for which,
of course, theCount had offered his good offices.
In conclusion, $Ir. President and Members of the Court, 1 should like
to underline that the position in 19jj \vas quite different from that in
1960-1961. In 1955 the preliminary conversations conceming possible
negotiations between the private groups were conducted entirely in
Madrid and with a view to negotiations under the supervision of the
respective Governments. There were not "preliminary conversations"
in that sense in \\'ashington between the Count and &Ir.Dean. What
happened, as the documents show, was that Mr. Dean made use of his
contact with the Ambassador and his personal prestige to obtain back-
ground information, perfectly properly, to help him in his task. In
1960-1961the preliminary convcrsations were initiated and conducted
entirely in Paris with a view to negotiations of an erclusively private
character.
hlr. President, if have dealt with the Dean-Motrico documents at
a little length, it is solely because of the, what we think, inadmissible
conclusions which Me Van Ryn sou~ht to draw from them in regard
to the participation of the Spanish Government in the private discus-
sions prior to the discontinuance.\\'e accept the fact that, anpersonal
basis, the Count had shown a considerable interest in the Barcelona
Traction question and that he was ready to lend his good offices for
the settlement of the dispute by negotiating between the private groups.
\\'e therefore reach this point of agreement with onr opponents that
BI. Frère selected the Count de hlotrico to be his intermediary with
Hernandez and BI.March but also because he believed Iiim to be likely
to CO-operatewholeheartedly in any attempt to find a solution throiigh
private negotiations.
This equally means, kir. President, that it is an established point in
flie case that it was the Belgian private interests alone who, of ,their
own accord and on their own responsibility, chose the Count de Motrico
to be their intermediary withM.hlarch.
It is also an established point in the case that when, on 18 October
1960, 31. Hernandez asked the Count de Motnco in Paris whether,he
would be prepared to act as iritermediary for the purposes of yutting
$1. Frère in contact with hl. March, the Count at once made it plain
that he could only do so on a personal basis and in a purely private
capacity. The Count himself states this in paragraph 4 of his report.702 BARCELONA TRACTION

M. Frère has never denied it. On the contrary, in a letter of 3 October
N.61Frère said: "sans doute n'ai-je jamais considkréque le comte deions,
Motrico intervenait en sa qualité d'ambassadeur du Gouvernement
espagnol". That reference, hfr. President, is in Appendix 26 to Annes 6
of the Observations and Conclusions. The Belgian Government itself, in
1,paragraph 289of the Mernorial, conceded that the Count had made
it plain that he would only act in a private capacity, though it souglit
at the same time to minimize the significance of that fact.
On the basis, therefore, of the undisputed facts we have this situation
in October 1960: M. Frère and the private interests for whom he acted
had instigated the Belgian Government to bring the Barcelona Traction
case before the Court and in the process to launch the gravest attacks
against the Spaiiish authorities. But M. Frbe was now confronted with
the three formidable-looking Preliminary Objections. \Vithout a word
to his Government, as 1 said last night, RI. Frère started-well, under-
ground conversations, through the Count de Motrico, with the private
individual who was the particular target of the most viriilent attacb
by his Government. True, he did so through the Count de Rlotrico who
was at that time, and still is, Spanish Arnbassador in Paris. But lie ad-
dressed himself to the Count as a mutual friend of both the private
groups and he knew that the Count had consented to be their iiiter-
mediary only in a strictly private capacity.
In short, hlr. President and Members of the Court, in October 1960
AI.Frère and his group decided, entirely on their own initiative and on
their own responsibility, to start underground. if 1may say so, guerilla
discussions with their old enemy, M.hlarch, quite outside the proceedings
in Court between the two Governments. \\le do notaccept foroneinoment
the account of those discussions which has been given to the Court by
MCVan Ryn. But we feel justified in asking at the outset why the
Spanish Government. which was never consulted in October 1960 and
never even informed until17 March1961,shouldbeconsidered to be in any
of M.Frèrethat may have occurred in the course of his guerilla activities.
With your permission, Mr. President, 1 will now deal with the private
discussions prior to the discontinuance. In doing so, 1shall limit myself
to what appear to be the salient facts-though 1 am afraid they are
numerous-in order to Save the time of the Court and if 1.do not deal
with every assertion that has been made by our opponents on this part
of the case, the Court willwell understand this does not mean that the
Spanish Governmentaccepts them.
MeVan Ryn, having described M.Fr&reas a paragon of al1the virtucs
and talents, and having explained why Al.Frère fixed on the Count de
Alotrico as his intermediary, introduced the other participant-Al.
Alarch-to the Court. The Court will certainly remember it and iny
distinguished friend, the Spanish Agent, has already recalled it.hl' \'an
Ryn, as though washing his hands of so distasteful a subject, said he
D~ODOS~~ to leave it to us to trace the career of M. March. if we wished.
And he then threatened us that, if we did so, he reserve'd the right to
return to the matter in the Reioinder. After that, ofcourse, hlr. President.
he proceeded to do exactly Ghat he said that he was not going to do.
He gave the Court by insinuation and by reference his owii thumbnail
sketch of If.hlarch. REPLY OF SIRHU.\IPHREY WALDOCIi 7O3

The Spanish Government is no more responsible for the acts of hl.
Afarch with respect to the discontinuance than it is for the acts of M.
Frère. 1 am not, therefore, going to folloAleVan Ryn into the by-way
into which he invited me. lt is true that he used language concerning
BI.Rlarch ushichwe on this side of the Bar considered to be unnecessary
and entirely out of place. But there is no occasion for me in the present
connection to add anything to the brief observation of the Spanisli
Agent on that point. In trutli, &Ir.President, the lund portrait pain-
ted by Me Van Ryn of RI. March, distorted though it was, is far from
causing us any embarrassment, for it makes the account of the dés-
istement discussions which he has sought to put before the Court simply
incredible.
Powerful and formidable man whose power rested essentially upon
any course of conduct was good as long as it served to increase his
immeasurable wealth; a man whom nothing, neither law nor morality
nor feeling, everestrained from the use he was able to make of irresistible
financial power. Those, Mr. President. are some of the conrteous exprcs-
sions which MeVan Ryn licensed himself to use before the Court about
this man, who is now dead. hid he took care to emphasize that al1this
was well known beyond the frontiers of Spain and had indeed been
published in books and biographies in the 1930s.
And alter this exordium, MeVan Ryn went straight on to Say: "ljut
at the time of those overtures in October 1960Juan March's plans were
shrouded in mystery. The psychological motives which prompt humaii
action, are often only revealed later when the man shows his hand."
.4nd again a little later: "Juan hlarch probably saw in the overture
which M. Frere was making to him in al1 good faith and simplicity
a sign of weakness."
Are you then to think, Mr. President, that JI. Frère. the great inter-
national banker and man of affairs. the representative of the group which
had done battle with hl. March in the Spanish courts for 12 years, was
the only man in Christendom wlio was quite unaware of MeVan Ryn's
lurid portrait? No, hfr. President, that is not what MeVan Ryn is asking
yon to think; for he told you expressly tliat M. FrPre knew hl. Narch
to be reputed to be one ofthe most crafty and dangerous of men.
So it seems to us, Mr. President, that Me Van Ryn has put you in
this dilemma: either you must conclude that M. Frère, that paragon
of intelligence and good judgment behaved with ntter folly in October
1960. or you must conclude tliatMe Van Ryn himself, in painting that
lurid portrait. allowed his imagination to run away with Iiim. Certainly,
as 1 have already pointed out, if M. Frère in October 1960 believed
one-tenth of what Me Van Ryii suggested to the Court about M. March,
his overtures to the latter are scarcely explicable, except on the basis
of his anxiety concerniiig the outcome of the Preliminary Objections.
But really, no one can snpposï that he could have been quite so foolish
as is suggested.
That, Mr. President, is only the beginning of the tale toldy MeVan
Ryn of the big bad bandit who laid a trap for the President of Sidro
in al1his simplicity:

"hl. hlarch [you are informed] probably saw in the overture
which hl.Frère was making to hini in al1good faith and simplicity7O4 BARCELOSA TRACTIOK
a sign of iveakness. At the same time he saw a chance for laying
a trap. By holding out the prospects of a friendly scttlement, he
might be able to bringabout the abandonment of the proceedings...
for this \vas his first concern. Those proceedings displeased him;
more thaii that they made him uneasy."

Me Van Ryn ran on in the same vein, suggesting that M. March
was terrified of the disclosure before the Court of his alleged "judicial
tricks" and that "only one thing mattered to him-to get the pro-
ceedings stopped". And with that little preamble-the Court will find
it on pages 392 and 393. II-Me Van Ryn introduced M. March's
famous Arate de Base-regarded apparently by Our opponent as the
first step inXI.blarcli's grand design for trapping M. Frère in al1 his
simplicity.

One can only admire the audacity of our opponent's argument. By
October 1960 the case had already been before the Court for two years,
and during those two years not a move had been made, not a sign of
uneasiness had been shown by hf. March. Yet it is he who is said to
liave been unable to tolerate the continuance of the proceedings, not
hl. Frère ivho, faced with the preliminary objections, camrunnipg cap
in hand to M. March, the "bandit". The Court will know what to make
of that argument.
As to the alleged trap, Mr. President, neitherthe crystal-clear terms
of the Arotede Basenor any of the rest of the evidence in any way
suggests that M. March's intention in drawing up his Note de Base
was to lay a trap for M. Frère. This will become clear as 1 examine
each principal stage in the désistementdiscussions and not least in the
Note de Base itself, -to whi1hshall now turn.
Here again, Mr. President, we have one of the established points
in the case. M. March, having been told by the Count de Motrico at
luncheon on 19October of M. Frère's overtures, at once stated the three
conditions on which he was prepared to begin tlie negotiations. A brief
note was drawn up there and then çetting out the conditions and was
sent bv the Count de Motrico to M. Hernandez the followine dav.

to the Court, but it is necessary for me to say a word about each con-
dition.
The first condition reads: "D'un point de vue moral, le retrait définitif
de la demande est une condition préalable à l'ouverture de la négocia-
tion." The words "D'un point de vue moral" give M. March's own
explaiiation of hiç motive for making the "retrait définitif de la deman-
de", a silzequa *confor the opening of negotiations and there is not
the slightest reason for doubting its genuineness. In paragraph 5 of
liis report theCount de Rlotrico records how M. March said that the
grave accusations levelled against him and the Spanish authorities
made it impossible for him morally to enter upon any discussions with
tlie other side unless there was first "un retrait préalable et définitif de
la demande du Gouvernement belge". M. Frère Iiimself, iri paraqaph
II of his first memorandum, States that athis meeting with M. March
on 12January 1961, the latter-

"répéta quepour une raison d'ordre moral, il ne pourrait accepter
d'entrer en négociation avec les représentants de Sidro tant que REPLi' OF SIR HUIIPHREY \VALDOCI<
705
subsisterait un procès international où des imputations graves et
injurieuses étaient faites contre le Gouvernement espagnol et contre

Furthermore, the genuineness of hf. March's feelings on this point
receives confirmation from that passage in the airletter of Mr. Dean of
15 February 1955 to which 1drew the Court's attention. It isthepassage
in point 6, where the Count is reported as saying that whatever else
Sidro might think, M. March was "extremely proud and sensitive and
strongly resented theircontemptnous treatrnent of him". The Belgian
Government itself, first in paragraph 289 of its hlemorial and then in
paragraph 38 of its Observations and Conclusions, did not question the
strength of M. Marcb's feelings concerning the Belgian accusations
against him. lndeed, in the latter document it spoke of "31. hlarch's
tremendous concem for prestige and the touchiness he displayed with
regard to the accusations about ,him in the Belgian Memorial". Yet
Van Kyn, totally disregarding the evidence and statements of his
own side. apparently felt himself ,at liberty to suggest to the Court
on 8 April that theNote de Rase was nothiiig but a "trap" and a "piece
of play-acting".
,This hrings me, Mr. President, to the meaning of the words le retrait

définitifde la demande-la retirada definitiva de la demanda-found in
M. hlarch's condition sine qua non for opening the negotiations. Oiic
would hardly have thought that there could be any real doubt as to
what it was that M. i\larch mas demanding as an essential condition
of the negotiations. M. March's first condition was inspired, as the
Belgian Government has itself recognized, by this tremendous concern
for prestige and touchiness concerning the accusations about him in
the Belgian hlemorial. How, as a matter of simple common sense.
could the Belgian side ossibly imagine for one moment that, in asking
for le retrait définitif e la demandeAI. March only meant the \cith-
drawal of the proceedings immediately in progrcss and not the total
withdrawal from the Court of the Belrian acciisations? What a peculiar
sense of prestige, wliat a peculiar touthiness about the accusati6ns that
would have beeii forM. March to demand the withdrawal only of the
proceedings actually in progress and leave his traducers completely at
liberty to reintroduce the Application and to repeat al1their accusatioiis
before the Court. One would have thought, illr. President and hfembers
of the Court, that retrait définitifde la dentata\vas a pretty pointed
and unequivocal statement of AI.Alarch's condition which. wlien intro-
duced bj: the words "D'un point de vue moral", left nothing to the
imagination. Our learned opponents, however, have sought to interpret
it away almost to nothing by using their ingeniiity, firston the word
demande and, secondly, on the word définitif.
Our opponents have assiduoiisly translated the Spanish word dematada
as requêtewith the idea of showing that hf. hfarch never had in minci
anything but the witlidrawal of the particul;rr <locumentof the particular
proceedings bcfore the Court. And then hfe Vnn Ryn in hisspeech said:
"The word demanda is the proper nord in Spinish terminology for
designating the document instituting proceedings in a case. This appears:
in particular, from Article 524 of the Spanisli Civil Procedure Act.
And he complained that in Our Preliminary Objection we spoke of the
"definitive withdrawal of the Xelgian claim", "the definitive withdra~val706 BARCELONA TRACTION

of the case forl1time once and for all". In point of fact, Mr. President,
it is a little misleading to equate the Spanish termdemanda with the
French word requête in its narrower sense of the document intvoductif
de L'instance.For in ordinary cases, as Article 524 of the Law of Civil
Procedure itself provides, the act instituting theproceedings and the
act setting out the claim are a single act. There is no separation between
requêteand demande; they are the same document. Thus, Article 524
provides:

"1-'actionordinaire sera introduite par une demande dans laquelle,
une fois exposéssuccinctement et énumérés les faits et les fonde-
ments de droit, seront déterminés avec clarté et précision l'objet
de la demande et la personne contre laquelle celle-ci est dirigée."
In other words, the S~anish term demanda covers both the French
tems requêta end demandeand includes the detailed formulation of the
claim. Consequently, it is correct enough to treat the term demanda
as denoting the cl& presented to thé Court. It is, in consequence,
natural and only to be expected from the use of language that the
Spanish word demanda, like the French word demande, is frequently
used by lawyers as well as laymen to indicate a "claim", in other words,
the substance of the matter presented to the Court and not simply
the piece of paper institutingthe proceedings, or simply the proceedings
as such. Furthemore, Mr. President. even the French term requêteis
~iotinfrequently used to denote the claim presented to the Court and
not simply the document introductif de l'instance, or the proceedings
simply as such. Thus, Capitant's VocabulaireJuridique defines vequête
ayant pouvoir de décision";and then gives its more technical procedural
meanings. ilnd, if one looks at the definition of demande on page185,
one sees at its first meaning fait de s'adressàrun tribunal pour faire
reconizaitrel'existenced'un droit. Perhaps the term requêtehas a more
technical flavour. But it also is not infrequently used to denote the
claim comprised in the procedural act.
But we are Iiere concerned, Mr. President, with a statement drawn
up to express M.March's absolute refusa1to enter into any negotiations
with those who had levelled the gravest charges against him in proceed-
ings before the Court until they had withdrawn from the Court the
demanda in which they had defamed him. In other words, we have the
case of a layman in particular circumstances using these phrases, and
we are content to leave to the Court the question in what sense M.
XIarch used the term demanda in his Note de Base, and more especially
when he there spoke of the retiradadefinitivade la demanda.
As to the phrase retirada definitiva, it really has taxed the ingenuity
of my learned opponent to get rid of the word definitiva. You will find
this argument, Mr. President and Members of the Court, page 408. at II,
and really we feel a little flattered, because the authority on whicli
he there relied to support his argument is one of our own statements:
"Quant àl'adjectif definitiva[saMe Van Ryn], le Gouvernement
espagnol lui-même nousen explique le sens lorsqu'il préciseque
ce mot devait simplement faire entendre que March ne demandait
pas seulement la suspension ou i'intemption momentanée de la REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK 7O7

procédure pendante: il voulait plus que cela; il voulait que le
Gouvernement belge fît un pas de plus et retira1 la reqicétequ'il
avait inlroduite."
Happily, MI. President, Me Van Ryu gave you the reference for the
passage on which he relied. or we might not have recognized it. The
reference which he gave is paragraph I page 115at 1.-of our Prelimi-
nary Objections and there you wil? hrid soniething ratlier different.
\\'bat we actually wrote was:

"Du côtébelge, ou a parfaitement compris que ce que demandait
le ressortissant espagnol n'était pas simplement la suspension ou
l'interruption momentanée de la procédure pendante devant la
Cour, mais bien le retrait définitifde l'afaire de la BarcelonaTractioii
Company."

\Vhen onr opponents go to such lengths of interpretation to explain
is the explanation which they have given of the phrase, wehardly think
that it is necessary to cary the argument much further. So crystal clear
is the meaning of the words retrait définitif-retirada definiciva-that
in their written pleadings oiir opponents felt it wiser not to embark
on a dissection; now what is offered to tlie Court was this attribution
to us of words we did not use. In truth. Mr. President, we should have
been content to leave the meaniug of the words retrait définitif-retirada
definitiva-to the appreciatioii of the Court without any argument. But
after hearing our opponents' argument we had the curiosity to turn up
the word ddfinilif in the dictionary Larousse dir XXe sikle and there
on page 726 of Volume II we found: "Qui termine une chose, ce sur
.quoi on ne peut revenir".
In short, having regard to the terms of the first condition and to
the circumstances in which it \vas formulated, we submit that the only
rational interpretation of the condition is that M. March \vas insisting
upon the withdrawal once and for al1 of the Barcelona Traction case
from the Court-as the sine qua non for the opening of negotiations.
The second condition needs only a brief comment. Mr. President, it
reads: "Une fois cette condition remplie, l'autre partie prend l'engage-
ment d'entreprendre en toute bonne foi une négociation immédiate
pour essayer de trouver une solution qui fixerait une indemnité destinée
aux actionnaires." Mv comment relates onlv to the words "~our
essayer de trouver iiie solution. etc;" These Gords. as M. ~erna'ndez
at once appreciated and i\lVan Ryn emphasized, did not contain an
express undertaking to compensate-the shareholders but only to seek
a solution which woiild fix compensation for the shareholders. As he
made very plain at his first meeting with M. Frkre on 12 January,
M. March had no intention of negotiating on the hasis that the charges
in the Belgian Mernorial were weli founded and that he was under an
obligation towards the shareholders; he was. however. willing to discuss
with 31. Frère ways and means of putting an end tothe intenninabledis-
putes between the two groups and to negotiate a sum to be paid to the
shareholders for the sake of settling the dispute. of buying peace,
before he died.
The third condition simply insisted on complete secrecy being ob-
served until a final agreement-acuerdo definitiwo-had been reached.70~ BARCELOSA TRACTIOS
Retirada defiizitivain the first condition, Mr. President, actrerdodefirzitivo
in the third. We wonder what M. Frère thought hl. hfarch meailt by
an acuerdo definitivo if not. in the words of Larousse. "un accord sur
quoi on ne peut revenir".
13efore1 pass on to my iiext point, Mr. President, 1 should like to
return for a moment to MeVan Kvn's little storv of the bie bad bandit
and the trap he set to disarm the fiesident of ~idro in ail hyssimplicity.
It is not easy to imagine how M. March could have devised anything
more likely to frighten away hl. Frère than the fortliright. uncompro-
mising conditions of his iVote de Base. If AI. March had really been
the crafty man temfied of the outcome of the proceedings before the
Court wliom hfe I7an Ryn depicts, is it conceivable that he would have
replied to M. Frère in that blunt "take it or leaireit" fahion? Certainly
not.
Indeed, Me Van Ryn emphasized how upset M. Hernandez and hl.
Frère were at this uncompromising cliaracter of the votede b'asd.He
first pointed to the letter of M. Hernandez written only a few days later
on 22 October, to the Count de Motrico. This is the letter wliich is
printed on page 88 of Volume 1 of tlie Annexes to the Observations and
Conclusions and which our opponents in their Observations were cour-
teous enough to suggest that we had deliberately suppressed. The
trutli is that we did not know of its existence when \ve prepared our
Objection and that, if wehad, wewould most certainly have produced it.
MCVan Ryn touched on this letter at II, page 394, quoting first one
passage from the accompanyingmemorandum, the memorandum acconi-
panying the letter, as evidence of M. Hernandez's surprise at the stiff
terms of M.hlarch's conditiori siirequa Iton.According to Me Van Ryn,
hlr. Hernandez commented to the Count de Motrico: "On demande
doncun fait: le retrait d'une requéte(demanda). On propose, criéchange,
une intention: 'essayer de trouver une solution'. Le manque d'équilibre
est évident." 1 say "according to Me Van Ryn", because this is one
of the instances-there are three otliers in this same mernorandum-
where oiir opponents have translated the word demanda by requéte-
for such advantage as it gives-a word which, a^;1 have mentioned.
they ask you to interpret asindicating simply the piece of paper insti-
tuting the proceedings or the proceedings assuch. The confidence with
which our opponents do this in the present document is particularly
interesting, because, if the Court will be good enough to look at para-
ua~hs 2. i~and i of the Meniorandum. it will find that three times
AI.'Hernindez us& quite other hrases. '
sentine to the Count that the retirada definitiva de la demaida reouired
uiiderilie first condition was not consistent with the complete sêcrecv
required under the thirù condition until a final agreement had been
reached. In this context lie wrote: "El desistimiento de la accibii judi-
cial no puede mantenerse secreto", that is, "le désistement de l'action
judiciaire ne peut êtremaintenu secret". nie Court will also note that
again at the end of paragraph 4 hl. Hernandez spoke oftheneed to have
"base adéquate d'entente permettant de demander, avec fondement.
le retrait de l'action judiciaire". Our opponents, as the Court knows.
dra!v the sharpest of distinctions between désistementd'aclior~and
désistemeritd'instance both in municipal and international la\\.. Yet,
when they find one of their own cliampions-the man who received REI'LY OP SIR HUAIPHREY \VALDOCK 709

the Xote de Base from the Count de Notrico-equating la retirada de
la demanda with désistenzentd'actionand retrait de l'action judiciaire,
it troubles them not at all. On the contrary they go on religiously trans-
lating demanda as reqz~éteverywhere else in the same document.
Me Van Ryn, as 1 have mentioned, cited the letter of hf. Hernandez
for thepurpose of showing the surprise of the latter at the stiff conditions
laid down by M. Maich. Me VanrRyn went on to emphasizc the hesita-
tion of M.Frère to go oii with the matter in face of RI.M:irch'sdemands;
and here he referred to M. Frère's memorandu~n and to a personal
letter written by hl. Frère to M. Hernandez on z Ilecember 1960. At
dinner on zg November the Count de hlotrico had insisted upon the
his injured feelings and upon the advantage of M. Frère's meetingpon
hl. llarch face to face. M. Frère stated that finally he agreed to the
meeting, if only to.try and convince RI.Rlarch that it \!.as not possible
to stop the proceediiigs until an agreement had been reached, at aiiy
rate in principle, on the amount of the sum and the conditions of pay-
ment.
The reluctance of hl.Frère to go on with the matter is, of course, ail
essential feature of iMe Van Ryn's dramatic story of the "trap". In
fact, it only confirms wliat 1 have already said about the estreme
unlikeliness of his tlicsis, that the blunt uncoinpromising terms of the
Note de Base could conceal a trap. Xor does the evidence suggcst that
the Count de hfotrico Iiad qnite so much difficulty as MO Van Ryn
implies in persuading M. I'rère to see BI. March so as to form liis own
opinion as to the latter's inteiitions.
hle \;an Ryn passed over :in earlier letter of IO Novcmber from hl.
Hernandez to the Couiit de Motrico-it is in Appendis 3 to Anne* 6
of the Belgian Observations-which strongly suggests that the Uelgian
side at any rate already had in mind to see RI. Afarch before RI. Frère
\vent to dine with tlie Count de Rlotrico. In the first paragraph, M.
Hernandez says that he had been giving much thonght "au sujet des
deus nouveaus entretiens convenus le jour de mon départ". The
next t\vo paragraphs indicate that the first meeting is to be ofa pre-
liminary character to prepare the ground for the second; and that
M. Hernandez was of tlie view that the second meeting ought only
to be held if it seemed likely Io produce positive results. Serisibleadvice.
Giving his reasons for this view,M. Hernandez said:
"Suivant notre commune opinion, ce résultat ne peut s'obtenir
par des affirmations de l'une des parties et des faits de l'autre.
Ton élannaturel et ton optimisme t'ont donnéla conviction que,ce
fait qui nous manque dans Yune des parties, naîtra de l'entretien
mêmeentre nos deux protagonistes. Nais, crois-le, plus j'y pense,
plus je suis convaincu que sil'on ne s'y prépare pas et. par contre,
ce qui s'est passéavec Don Antonio se réitère, nous aurons alors
gité une opportunité unique."

He then adds: "On ne peut demander un désistement-fait positif-
qu'en &changed'un autre fait ..." "Giter une opportunité unique."
That does not sueeest. Mr. President. that the Beleia" side were so
ver). unwilling tor&t M. hIarch a littÏëfurther.
As to the Count de Rlotrico himself, he does indeed confirm in para-
grapli 8 of his report thatM. Frère again esplained Iiis aniieties, and71° BARCELOXA TRACTIOS

that he, the Count, suggested a personal meeting in order that Y.
Frère might hear for himself what M. hlarch had to Say about the pro-
posai for "une négociation de bonne foi". He also confirms that he
spoke of his own conviction of M. hfarch's "bonne volonté". But of
M. Frère's reaction ta the idea of a ersonal meeting to explore AI.
March's "bonne volonté" for himselfP the Count simply says: "M.
Frère approuva mon idée". Andin para aph 9 of his report he states
that at the time the expressed motive oyilf. Frère in agreeing ta a per-
sonal meeting was to "connaître personnellement son futur interlocu-
teur, ainsi que pour sonder les conditions de la négociation et obtenir
une impression pouvant le tranquilliser quant aux perspectives de
succès de la négociation même"-in other words, very much what
!vassaid by M.Hemandez in his letter of IO November. That the Count's
account of this matter is the correct one also appears to receive strong
confirmation from the first three paragraphs of M.Frhre's omn letter
of 23 February 1961t, he first of the exchange of letters, which is printed
as Appendix 6 ta his first memorandum and ta which 1shall come later.
No douht, Mr. President, M. Frère intended to see what he could do
to induce M. hlarch to relax his demands, but it does seeni clear that
the object of the meeting which ultimately took place on 12 January
was the more general one of exploring the position and tlie "bonne
volonté" of M.March.

[I'ublic hearing of 28 Aprilrg64, aflernoon]

hfr. President, this morning 1 was dealing with the evidencc prelimi-
nary ta the meeting of 12 January. If 1 have spent a little time on this
evidence it is because of the light which it throws on the first meeting
between hl. Frhre and M.hlarch on 12 January 1961,and on the origins
of what our opponents like to cal1 the formal assurances contained in
later.xchange of letters of 23 and 24 Febmary, to which 1 \vil1come

The meeting of 12 January took place at lunch in tlie Count de
IItof M. Frere's first memorandum, Annex 6 to the Observations andagraph

agree onrapnumber of points and that of the Count de Motrico is rather
more full. Both accounts state that M. March repeated that lie could
not agree to open negotiations so long as there existed zcizprocès inter-
national. This is the phrase used by M. Frère in which grave and defam-
atory accusations were made against him. Both accounts also record
that M.March asserted that in his eyes the Belgian procès-the Count
de hfotrico wrote la demande-before the International Court \vas
worthiess and that he dilated upon the misconduct of the fariner direc-
tors of Barcelona Traction. On this point M. Frère's account goes into
greater detail and reports M. hfarch as having said:

"qu'à ses yeux le procès à La Haye n'avait aucune valeur, qu'il
se termineraità la confusion du Gouvernement belgecar lui. Bfarch,
avait gardé en réserve toute une sériede documents particulière-
ment comuromettants Dour les anciens dirieeants de la Barcelona
Traction, documents qÛisusciteraient un sca~dalelorsqu'ils seraient
produits devant la Cour de La Haye". RPPLY OF SIR HUNPHREY WALDOCK 711

very like that. But we could hardly believe our ears when we liear 8
ale Van Ryn cite this assage and say that Juan hlarch's words appear,
as it were, prophetic. es, and go on to Say:
',
Ainsi, Messieurs, vous le voyez, la tentative de diversion qui
a fait l'objet au d&butde ces débats, de la tr&slongue plaidoirie de
Monsieur le Professeur Reuter, était une tentative préméditéepar
àla confusion du Gouverriement belge."ourner le procèsde La Ha)-c

Mr. President, did Me Van Ryn forget that, wlien the lunch of
12 January took place, the Spanish Government had already-many
months earlier--deposited three fat volumes of documents, which are
the documents u on which my distinguished colleaye, Professor
Reuter. so ably $ew in his speech at these hearings?
Going on with his story of the meeting, Me \'an liyn said that 31.
March's invective against the former directors was a threat that was
no doubt intended to intimidate M. Frère but which did not produce
dition of the withdrawal of the proceedings constitiitetl a seriousobstacle
to any possible negotiations: and that ut once M. March passed from
blustering to amiability, assuring M. Frère that. once the condition
had been fulfilledhe would make a proposa1that would be so rea>onable
that it ivould secure the imniediate agreement of the representatives
of Sidro. Then Me Van Ryn came to his climax: "Cette assurance,
Messieurs, ébranla M. Frère. Et comme il l'écrivit plus tard, le
23 février au Comte de Motrico. March avait réussi à le convaincre
de sa bonne volonté."
Our opponeut's picture of M. March at the meeting of rz January
as a blustering bandit frightened into amiability by hl. Frèreiiids no
support in hl. Frére'smemorandum; it is just a question of the sequcnce
of events. M. Frère'sown account of the meeting is that after the out-
burst about the former directors of Barcelona Traction. M. March
insisted that in the negotiations "pour chercher une solution au litige"
there should be no allusion to the past, and that the negotiations should
be held in complete secrecy. And M. Frère goes on:
"Je lui marquai immédiatement mon accord sur ces deux der-
niers points, mais ne lui cachai pas que la condition prbalable du
retrait de la rocédureintroduite par le Gouvernement belge cons-
tituait un &eux obstacle à une éventuelle négociation. Je lui
promis cependant de rendre compte à mon conseil d'administra-
tion et de m'efforcer de rechercher une formule permettant de lui
donner la satisfaction d'ordre moral qu'il semblait désireux d'ob-
tenir."
Only then, according to M. Frère, did hf. March make his statemeiit
regarding the reasonableness of the proposals which he \vas prepared
to make when his condition had been fulfilled. In other words, M.
Frère promised to consult his Board of Directors and to try and find
a formula enabline him to satisfv M. March's demand on the moral
point before he was given the asiurance which. according to Mc Van
Ryn "ébranla" M. Frère.
The Count de Motrico in bis report states that M. Fréreat first sought712 B.4RCELONA TRACTIOX

ta persuade M. Afarch to modify his conditions but, finding M. hfarch
adamant, appeared disposed to accept. And the report goes on:
"Néanmoins, il [that is AI. Frère] fit remarquer qu'il existait un
Comité de neuf membres désignéspar les banques et il lui fallait
leur autorisation.Une fois celle-ci obtenue, ils prendraient la décision
de demander au Gouvernement belge de retirer la demande, pour
donner à M. hlarch la satisfaction d'ordre moralqu'il désirait...".

Thus there is here a difference in the accounts. According ta hoth,
M. Frère agreed to consult his Board. But according ta iII. Frère, his
promise was to "rechercher une formule", while according ta the
Count, M. Frère promised, subject to the authorization of his Board,
to take a decision to ask the Belgian Government to "retirer la deman-
de". As this was by no means the end of the preliminary conversations,
the Court may not find it necessary to try and resolve this difference
in the evidence. It may also feel that if M. Frère in fact used words like
"rechercher une forinule permettant de lui donner la satisiaction d'ordre
moral qu'il semblait désireux d'obtenir", it ~vould not be surprising
if the Count de Motrico, and M. March himself, understood M. Frère
to be speaking of the "retirada de la demanda" upon which M. March
Iiad been strongly insisting not only in his Note de Base but also at the

meeting itself.
Before 1 leavethe meeting of 12 January, Mr. President, 1 must
sav a word about the "assurance" bv which the President of Sidro.

and we have iot his version of the matter. But according ta paragraph
II ofM. Frère's memorandum, hf. hlarch declared that, once his con-
dition precedent had been complied with,
"les ~arties n'auraient aucune difficulté à se mettre d'accord sur

Traction: proposition qui serait fondée sur une méthode de calcul

telle qu'elle rallierait immédiatement l'accord des représentants
de Sidro".
\Ve do not, as 1 have said, haveM. March's version. But we fully accept
that, afterhf. Frère had promised to consult bis Board and to try and
fiiid a formula for meeting hf.March's condition, the Iatter did express
Iiimself in forthcoming and hopeful terms about the possibilities of
arriving at an agreement upon a sum to be. paid ta the shareholders.
\Ve also accept that this statement, together with the general impres-
sion ofSI. March's personality and intentions formed by hf. Frère at

the meeting, may have exercised a certain influence on the opinion of
AI. Frère as to the prospects of the negotiation, just as may also have
the conviction of the Couot de Motrico that M. hlarch wanted to settle
the long-standing disputes between the two groups before he died and
had a real desire to negotiate with A1:Frère a basis for such a settlement.
\Vliat we do not accept, Mr. President, is that the President of Sidro,
ex-Governor of the National Bank, etc., was "ébranlé" and tricked
by the declaration of a man whom he had never met before, whom he
knew to be a crafty and dangerous bandit and whom he had been REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK 7I3
extremely reluctant to meet .at dl. That version of the meeting of
12 January is,-in our submission, simply absurd. Its object, as 1 have
said, was to enable M. Frère to form his own impressions both as to

the personality of M. Marcli and the prospects of negotiating an agree-
ment with him. Despite M. March's initial and somewhat discouraging
outburst, M. Frère's inipressions ivere favourable, as clearly appears
irom paragraph 9 of the Coiint de Motrico's report where, amongst
other things, he says:
"L'entretien dura un peu plus d'une heure et prit fin dans une
atmosphère de franche cordialité. M. Frère me remercia de l'occa-
' sion que je lui avait offerte d'avoir ce contact direct, au cours
duquel il avait pu apprécier plus nettement les véritables perspec-
1. tives de la négociation."

Then, Mr. President, if youturn to the exchange of letters of 23 February
printed as Appendix 6 of M. Frère's memorandum, you will find this
fully confirined by M. Frère himself. After thanking the Count for
arranging the meetings with representatives of Fecsa, he mites:

"Ces entretiens, qui se sont déroulésd'une manière si cordiale,
ont permis de créerentre nous l'atmosphère de confiance indispen-
sable à tout arranremcnt amiable du différend aui s'est élevédans
le. asséentre le @oupe Iiecsa et celui de Sidr;
[es échanges de vues qui ont eu lieu permettent de considérer
au'il existe de art et d'autre une volonté formelle d'arriver en
t'oute bonne fol à un règlement équitable et librement négocié
du litige relatif à la Barcelona Traction."

Me Van Ryn would have you believe that al1 this was playacting
and double dealing. But, having regard to the history of the matter,
and his own heavy responsibility in regard to the step ivhich he was
contemplating, we may be sui-e, Mr. President. that M. Frère went to
the meeting of 12 January with al1 his senses alert, al1 bis antennae
out, al1 those famous faculties of intelligence, and balanced judgment
fully deployed. Yet his com:lusioiis were definitely favourable and
he was accompanied by M. Hernandez who, we are told by hleVan
Ryn, had been equally dubious about going on with the matter and
equally reluctant to go to the meeting at al], though as 1 pointed out
this morning, this reluctance may not have been quite so great as he
indicated.
M. Frère duly consulted his board, Mr. Prcsident, and the first result
was a proposal from M. Frère for an exchange of letters between hf.
Hernandez, representing M. Frère, and the Count de Motrico. authorized

by M. March, the text of which the Court will find in Appendix 5 to
M. Frère's Memorandum. The draft letter set out what it said to be
the principles of theA'otede Bass, duly adapted to take account of the
views of Sidro, the first of which read "retrait définitif et préalable de
l'action entreprise par le Gouvernement belge contre le Gouvernement
espagnol devant la Cour de 1.a Haye". Later, on the other hand, it
recited the decision of the Sidro group to ask the Belgian Governmeut
to "mettre fin à la procédure actuellement engagée 21La Haye". The
draft also referred to a procès-verbalwhich was to be attached to it
and which woiild set out agreed procedural conditions for ensuring
the speedy conclusion of a settlement. 1need not dwell on this document,7I4 BARCELONA TRACTION

Mr. President, because it was at once rejected by hl. March. The docu
ment would have required him to enter into an agreement with the
group which had defamed him before the charges which they bad levelled
against hirn before the International Court had been withdrawn. It
would, indeed, have represented the withdrawal of those charges as the
qzcid$YO quo for the payment of compensation to those alleged to be
his victims. In consequence, it did not meet his condition sinqua non
and was wholly unacceptable to him.
of the exchanges whicb had taken place and of the condition laid down
by M. March. According to XI.Frère, the Government lawyers said that
they would prefer the negotiations to be deferred until after the Obser-
1-ations and Conclusions had been filed; but realized that this might
prejudice the possibilities of the negotiation. And the upshot was that
the Belgian Minister of Commerce authorized M. Frère to propose to
M. March a suspension of the proceedings or an extension of the time-
limit for the filing of the Belgian Observations. Here began, Mr. Presi-
dent, an exceedingly bizarre situation in which the Belgian Government,
as it has frankly admitted, was making proposals directly to M. March,
the alleged "bandit", through the Frère-Motrico channel concerning the
suspension and withdrawal of proceedings which it had launched against
the Spanish Government. And, although it knew that the Count de
hlotrico expressly stated that it was only on a strictly private and
persona1basis that he could act as intermediary, the Belgian Government
neither said any word to the Spanish Government nor inquired as to
whether it was aware of what was being discussed. In short, it simply
joined M.Frère in his underground guerilla campaign.
The Relgian proposa1 was rejected immediately by M. March, which
leads M. Frère in paragraph 15 of his memorandum to make the fol-
lowing strange comment: "L'attitude de celui-ci risquait évidemment
de mener les pourparlers dans une impasse." And Me Van Ryn gave
us another piece of melodrama:
"That [the Belgian proposal] was logical and perfectly normal.
But that did not suit Juan March. For neither the suspension of
the proceedings nor the extension of the time lim... would enable
him to carry out his plan."
Jl'hat can one Say, Mr. President, about such statements? M. March
had not asked for the negotiations. He had at once made it crystal-clear
that he was not prepared to enter into any negotiations with those
who had defamed him until the "demanda" containing the accusations
Iiad been finallv withdrawn. He had re~eated this in no uncertain terms
on rz ~anuarfand had now rljected the pro oçed exchange of letters
with M.Hernandezon the verv mound that it d?d not meet his condition;
lie was not prepared to discuis'any aspect of the negotiations until the
Belgian "demanda" had been finally withdrawn from the Court. M.
Frère, who knew al1 this better than anyone, explained the situation
personally to the Government, and he came back with the perfectly
ludicrous proposal for a suspension of the proceedings or extension of
the time-limit for the filing of the Belgian pleading. Instead of with-
drawing the accusations, the Belgian Government proposed that M.
hlarch should agree to negotiate while those accusations were still
pending before the Court and under threat of their being pressed if the REPLY OF SIR HUbfPHREY WALDOCK
7'5
negotiations failed; and, further, those negotiations were to concern
ment had alleged before the Court to be victims of a denial of justice
plotted between M. hlarch and the Spanish judicial and administrative
authorities. In other words, the Belgian proposal was that M. March
should agree to compromise both his own moral position and the legal
and moral position of the Spanish Government before the Court. Yet
Me Van Ryn dared to suggest to the Court that there was something
exWho, one begins to wonder, was setting a trap for whom?levant proposal.
No doubt, Mr. President and Members of the Court, the Belgian
Government and M. Frere would have been happy enough to see RI.
March negotiate under the pressure of a resumption of the proceedings.
They would have risked nothing and, if the negotiations failed. they
recognized Belgium's locus slnndi to exercise diplomatic protection and
even that it hadimplicitly admitted the justice of the Belgian claim.
Nor is this an idle speculation. Even as it waç, the Belgian Government
sought inparagraph 2of its Note of 5 December 1961-Annex 270 of the
Belgian Memorial-to deduce from M. March's negotiations with direc-
tors of Sidro oroof of the ~reoonderance of the Beleian interests il1
hcsitatr to si~fifiest.if in slightly \.teilcdtirriiî, tliat th,: Spnniiti Go\.crn-
mcnt cuulrl iio loiiccr coiitcst the cl~iniof thcsc allcccd l3clcian interciti
to compensation.- - -
And what are we to make, Mr. President, of the explanation of its
proposals given by the Belgian Government in paragraph 289 of the
hlemonal? There it States in al1 solemnity that this proposal, which
head. was put forward nbecause,it interpreted "l'esigence du groupeis
March comme inspirée par le souci de ne pas négociersous la pression
d'une procédureinternationale en cours".
At any rate, M. March rejected the proposal and, as the Belgian
Government recognizes in itsMemorial, "déclara s'en tenir à son esi-
again-fortthe fourtli time-insistedable". In other words, lie once
demanda" as a condition precedent to his engaging in any negotiations.
And he was now confronted not with M. Frère alone, but with the
Belgian Government itself.
At this point, Mr. President, MeVan Ryn's story gathered Pace and
he adopted an even more sinister tone. The passage is on page 398, II:
"March comprenait cependant qu'il failait tout de meme donner
à M. Frère et au Gouvernement belge un minimum de garanties,
car sans cela la condition insolite et exorbitante qu'il aurait posée
aurait vraiment trop manifestement révéléqu'il s'agissait d'une
du erie
se garda bien d'écrire oude signer quoi que ce soit lui-même.
C'est le comte de Motrico qui va parlerà sa place. Comme
l'explique très clairementM. Frère dans son mémorandum les
garanties refusées parM. March allaient êtreremplacées par un
échangede lettres entre l'ambassadeur eM. Frère."71~ BARCELOXA TRACTION
In short, we are to understand that M. March put the Cbunt de
Motrico up in his place to give guaranties to M. Frère for the purpose
of enticing the latter into hisdésisteme trtp. What exactly Me Van
Ryn means with regard to the Count de Motrico he refrains from stating
too precisely.
Once again, Mr. President and Members of the Court, Our opponents
have given the needs of the story preference over the facts. If you
will he good enough to turn to paragraph 15 of M.Frère's own memo-
randum you will seeclearly enough that M.hlarch had nothingwhatever
to do with the genesis of. the exchange of letters. After M. March's
rejection of the. ~roposalfor a suspension of the proceedings, M. Frère
and M. ~ernandez went on their own initiati tvesee the Count de
Motrico on 14 February to explain their position to him. There is no
evidence that hl.March made any move whatever after rejecting the
Belgian Government's proposal nor is there any vestige of evidence tliat
the idea oïthe so-called written guarantees came from M. March. Quite
convince him at their meetine onIArFebruarv of the wisdom of accentinp
a direct settlement of the &spute under tke conditions laid do& by
M. March, having regard to the sincerity of the latter's intentions.M.
Frère having said that he could not do so "sans assurances précises
quant à l'issue de la négociation", the Count de Motrico replied that
"connaissant les cartes des deux côtés, il donnait sa parole d'arriver
à un chiffre satisfaisant dans un délaitrès court, une fois le désiste-
ment effectué". The Count added that, in his opinion, one week or
two, to allow for eventualities, should suffice for the negotiations and
that he was prepared to put in writing what he had just said.
That is the account of the matter given by M. Frère, who then com-
ments in paragraph 16: "Ainsi naquit l'idéed'un échange de lettres
où les~aranties refuséesDarhl. March seraient rem~lacéesDar la ~arole
du coke de Motrico qu;connaissait les cartes desdeux cô'tés."
The Count, though he questions M. Frère's account of the meeting
on one or two poinïs, does not deny that some such conversation tooE
place on 14 February and that this was the genesis of the exchange of
letters that took place on 23 and 24 February. 1 wiii deal with these
points of difference very soon in discussing the exchange of letters. For
the moment 1am concerned only to point out thatMe Van Ryn's colour-
ful narrative is in conflict with the evidence of both M. Frère and the
Count de Motrico. The proposal that the Count de Motrico should put
in writing to M. Frère his conviction as to the sincerity of M. March's
wiiiingness to negotiate was mooted, discussed and agreed at the meeting
of 14 February without M. hlarch having any knowledge of the matter
at all.
1shall now tum to the exchange ofletters itself. The Count de Motrico
in paragraphs IO to 12 of his report expresses his disagreement with
M. Frère's tliesis that the exchange of letters of 23-24 February was
concei\.ed of with the idea of replacing the written guarantees refused
by M. March by written yarantees given by himself. He maintains
that h5. Frère was obsessed with the responsibility he felt in asking
for a discontinuance and that the purpose of the letters was rather
to put on paper what had transpired in the discussions up to date in
order to provide M.Frèrewith a record to refer to should the negotiations
fail and his conduct come under criticism. He points to the clear differ- REPLY OF SIR HUMPHREY \\'ALDOCK
7'7
ence that'there is between the form of the abortive Hernandez drafts
of 24January, which were intended to constitute an agreement between
the parties. and tliat of the letters of 23-24 February. That there is
this difference is clear, as is the fact that the letters of 23-24 February
take the form of a confirmation by the Coiint de Rlotrico of a recital
of the salient facts of the negotiations. Tt is further the fact that in
l,:~r;il;r:i],Ii25 of l111II~~,~:~II;IU3I1Il:r;rc cniph~si,.~;.iii;i,iiiiic:ti<,n
wirl. rlic clraftiiig orli~I~tcr ~ii(I,iiiiilir cscli:ii~g(:of Icritiil\I;,rcl..
rlir Ii1:<\,vsense of re;~>i>n.,il)il,hicli11,feltiiiaskiri. Iii:(;~vtriiiiii:iit
forthe d;iscontinuancë.
The Count de hlotrico also insists that his phrase "je connais les
cartes des deus côtés", whichhe recognizes as having been used by
him on some occasion, and that his assurances related only to his know-
ledge of the minds, and his conviction of the "bonnes intentions" of
M. Frère and M. hiarch. He was confident-as events turned out,
over-confident-that, once the discontinuance had been effected, M.
Frère and M. March, whom he was convinced wanted to settle the
various lawsuits concerning Barcelona Traction before he died, would
quickly find a hasis for a settlement. This is his :rccount of the matter
in paragraph II of his report and it is an accourit which 1ssupported
by two later statements of M.Frère. Thus, in his speech at the general
meeting of Sotina on 27 April 1961-it is in Appendis 19to M.Frère's
memorandum-he spoke of the assurances given to him by the Count,
who spoke of a personality "en ce qui concerne les intentions de mes
interlocuteurs". And in his letter to the Count de hlotrico of 30 June
1961-this isAppendis 17to the Belgian Government's NewDocument-
he wrote:. , .
. >
"Si nous avons fini par consentir à demander au Gouvernement
belge de se désister de cette instance, c'est uniquement parce que
hi. Juan Rlarch en avait fait une condition sitie qua +ion ,de la
négociation et parce que. les, assurances qu'il m'avait donnees et
,, que vous avez bien voulu me confirmer, m'avaient convaincu qu'il
était décidé à terminer ce litige par iiiie transaction accordant une
indemnité équitable à nos actionnaires."

These two documents appear to.show quite clearly that M. Frère
regarded the assurances given to him by.the Coiint de hiotrico, verhally
and in the exchange of letters, ;rçessentially confirmatory of the sincerity
of If. hIarch's intention to riegotiate a settlement, not as indepen-
dent guarantees of the outcome of the negotiations by the Count
himself.
The Count de Motrico further insists in paragraph II of his report
that it was hecause M. Frère asked him at the meeting of 14 February
to confirm his conviction.regarding the chances of success in the nego-
tiations that he restated his assurances as to the intentions of hl. hfarch
and agreed to put them in writing. This seenls to be supported by the
fact that, as appears from paragraph 15 of M. Frère'smemorandum, it
\vas the latter who raised the questioii of the nced for assurances $ré-
cises at that meeting.
Another point made by the Count de Motrico-it is towards the end

of paragraph 12 of his report-is that If. Frkre stated that he would
keep. the letter in his archives and undertook not to make. use of, it718 LIARCELOSA TRACTIOS

escept by mutual agreement. M. Frère has not disputed this. And it
is thefact that, lealring aside the second exchange of letters20fMarch
1961,there does not appear to be any reference to the exchange of letters
of 23-24 February in any of the documents put before the Court by
either side prior to the Belgian Note of g October 1961, where there
is an evident reference to it-the place, Mr. President. is Annex 268
to the Belgian Memorial, on page 2. At the general meeting of Sofina
on 27 April 1961 M.Frère spoke of the "assurances which had been
given to me" (Appendix 19 of his memorandum); in his letter to M.
March at Biarritz on g September 1961. he wrote of the assurances
/ormeIles with which he had been furnished by the Count; and in his
later letter of 3 October after the final breakdown he wrote of the
"assurances qu'il m'avait données à maintes reprises et qui avaient
exercéune influence déterminante sur mon action dans cette affaire".
But neither A!.Frère nor the Count mentioned or pointed to the ex-
change of letters of 23-24 February as the basis of these assurances
or referred to them in any connection. In particular. when M. Frère
produced his draft of an aide-mémoire on 2 March by which the Belgian
Government proposed to ask for certain assurances from the Spanish
Government regarding the désistement ,he draft made no mention of
the existence of these letters. In other words. in that aide-mémoireit
\vas not proposed to bring the exchange of letters to the notice of the
knew of them. Not a word was said about these letters or about thent
assurances they contained by the Count de Motrico to his Minister on
the telephone on 17March nor in his letter of 18March, which is printed
in Annex 73 of the Preliminary Objections. Nor is there any trace of
them in the llinister's reply to the Count de hlotrico, which appears
in Annex 75. Not a word \vas said about them by the Belgian Ambassa-
dor either on 22 March when he called to notify his Govemment's
intention to effect a discontinuance, nor on 4 April when he called to
request the consent of Spain to the discontinuance. Al1 these silences
would be inexplicable if bolh Govemments had been aware of the ex-
change of letters of 23-24 Febmary. But the simple fact is that the
Spanish Government knew nothing of these letters until long after the
event when the Belgian Govemment (as 1 have already mentioned)
made a pointed reference to them in its Note of g October 1961and the
Spanish Government then began to make enquiries.
As to the other private party, M. March, 1 Iiave already pointed
out that he had nothing to do with the genesis of the exchange of letters.
The letters themselves contain no indication whatever that they have
been shown to M. March. As we shall see in a moment, what our oppo-
nents think was a significant change was made by the Count de Motrico
at the last moment in a talk with M. Hernandez. M. Frère in his memo-
randum nowhere savs or im~lies that If. March kneiv anvthina of the
existence of these létters. Firthermore, as 1have alreadfpoinred out,
there is no mention of the existence of the exchan~e of letters in any
of the later documents, apart from the second &change of letters.
\men it is remembered in what specific terms the assurances given
by the Count de Motrico as to the bonnesintentions of M. March are
expressed in the letters. the failure of M.Fr6re to recall those terms
to M. March in his letters ofg September and 3 October is only expli-
cable on the basis that the exchange of letters was, as the Count deMotrico States, a confidential "gentleman's agreement". Those letters,
Mr. President, are in Appendices zz and 26 to M. Frère's first memo-
randum. In the letter of g September he was protestiiig against heirig
asked at Biarritz to sign a statement regardiiig the private character
of the Count de Motrico's role. In that of 8 October he was replying
to a strong letter from M. March after the final hreakdown of the
negotiations. It is not, of course, in any spirit of criticism that we
mention the failure of M.Frére to mention the exchanrre of letters in
thc "~eiitleniaiiagreement".OrIr also conlirms tliat the idca bçliind tlie
exchcnee of letterswas to draw UD a record of the conversation UD-to-
date incorporating the Count de ~otrico's declarations as to the bonnes
intentions of M. March, bath for the future protection of hl. Frère and
to give him a firm basis upo~iwhich to mike his decision to ask his
Government for a discontinuarice. And the reason is plain why this had
to take the form of a "gentleman's agreement". M.March had absolutely
refused ta contemplate any kind of agreement with the Belgian side until
his condition had been fulfilled.After the meeting of14February, M.Frére
\vas prepared to go ahead on the hasis of the Count de Motrico's assur-
ances alone, provided that he had them in writing. But this could only
be done in a confidential "gentleman's agreement" in view of the strong
objections of M. March ta any arrangement with the other side until
their charges had heen withdrawn. As hl. Frère himself says in para-
graph 16 of bis memorandum, the idea of the excharige of letters was
that "les garanties refuséespar M. March seraient remplacées par la
parole du Comte de Motrico 'qui connaissait les cartes des deux côtés"'.
in other w-ords,as the assurances were to relate only to the convictions
of the Count de Motrico as to the sincerity of the intentions of
hl. hfarch. it was decided that they could and should be embodied in
a confidential exchange hetween the Count and M. Frère.
MI. President and Members of the Court, 1 have made these intro-
ductory observations regarding the genesis of the exchange of letters
and the nature ofthe assurances given by the Count de Motrico because
they appeared to be necessary in order to place the exchange of letters
of 23-24 Fehmary in its proper context. No douht our opponents will
tance of the assurances as an element in the Belgian Government'simpor-
decision to proceed with the <liscontinuance. This is not the case. But
Belgium is not the only party whose interests were at stake in the
underground conversations wliich the Belgian Government elected ta
carry on through M. Frère for the settlement of the Barcelona Traction
case out of Court. And we are entitled to insist that the exchange of
letters should be viewed in its proper context. Within that contex!,
we do not dispute that the exchange of letters exercised a certain
influence on M. Frère's decision to ask his Government to discontinue
the case in order that private negotiations might take place. If the
purpose of the letters was to establish a record of the conversations
for the protection ofM. Frère, it also seems clear that M.Frère regarde&
the endorsement of that record by the Count de hlotnco as a necessary
preliminary to M. Frère's asking the Belgian Government for a dis-
continuance.
Unfortunately. Mr. President, before 1 pass to the contents of the
letters, 1 must take up your time with another preliminary point-another sinister observation by OUI opponents aimed, this time. at the
Count de hlotrico. Thc lctter signed by him yas a brief one and the
correct version of it is reproduced in Appendix 6 to M. Frere's memo-
randum. We ourselves, however, printed at Annex 69 to our Prelimi-
nary Objections a different and even more abbreviatcd version. We
did so iii good faith ûs it was the text reproduced to us by thc Count de
hfotrico. The Spanish Government having been acciised of sharp prac-
tice in1,paragraph zr (c) ofthe Observations and Coiiclusions,the Couiit
de ivlotricoesplaincd in paragraph 12 of bis report how the mistake bad
come about. He had typed a brief reply on his own typemiter which
simply stated tliat Pl. Frère's letter reflected what had happened in
the negotiations, when hl.Hernandez arrived to take delivery of the
letter. hf. Hernandez read it and suggested two or three additions. The
Count did not think that these additions were material and accepted
the new text. It \vas by accident that he gave the unamended tert
to the Spanish Agent.
Ale Van Ryn, questioned whether this \vas an accident and said
"The Court will appreciate this". Then he went on:
"The niistake was a senous one, for whatever the Count de
hfotrico may say in hisreport, the differences between thc two
letters are far from insignificant, as the Court will easily see if it
compares the two documents."

No doubt we might reply to Our learned opponent in the same vein.
We might point out to you what a sinister thing it is that the Count
was not left to write his owii letter but hf. Frère must needs send M.
Hernandez, the Count's fnend, to catch him off his guard and get those
sirnificant additions inserted in his letter. .But it seems better to look
arthe documents.
The correct document-the one that mewere accused of suppressing-
makes the Count say that "Af. Frère's letter has caused him sincere
satisfaction becaiise it faithfuily reflects", whereas the other would
simply have said that in his letter "PI. Frère reflects". One can admit
that the additions were intended to strengthen the.ncknowledgement.
But when you have said that a letter "reflects" the facts, do you really
add very much more by saying "faithfully"?~Even if the adverb is not
there, you put your signature to the record. ."Sincere satisfaction"
certainly warms up the tone of the letter, but does it add anything to
the substance?
As to the other addition, the correct document ,malies thecount
refer to the obiect of the neeotiations as "~our fixer de bonne foi et
tlc coniiiiuii ~ciord I'iiitlcinniiatirRUIX ~iiionii:t~rCsde I:i I3nrcclsiin
'Ir;iction"; \\.hcréasthe rc?jectcdoiie siiiipl.SI)-s':irri\.rfi iiinccoi.<l
(1.1ii1':iif;iircI<nrcclona'l'rnctii,ii". :\t tirsi claiiit:, tlierc niiclit in~lc.c~l
seem to be a significant difference between {lie two letters. But, apart
from the words de commzrn accord,the whole substance of this phrase
is already in paragraph g of hf. Frère'sletter which the Count lias any-
how endorsed, and it \\.as there in a stronger form. Accordingly, the
Count woiild seem to have been right in thinking tliat it was not of
ail that consequence whether or not he accepted the addition to his
letter.
But at any rate. Nr. President, we gladly leave the matter in the
hands of the Court. REPLY OF SIR HUMPHREY \VALDOCK 72'

1 need not dwell very long on the letters themselves as the Court
will certainlyesamine them. 1 have already said al1 1 need to say on
the Count de hlotrico's letter, the correct version of which is in Appendix
6 to M. Fr6re's memorandum. M. Frkre's letter-the principal letter-
is in the same Appendix. The first three paragraphs, 1have previously
mentioned, are of interest in that they confirm tlie general accuracy
of the Count de hlotrico's account of tlie first meeting between hI.
Frère and M. hfarch on 12 January, as against that of Me \'an Kyn.
The fourth paragraph purports to record M. hIarch's condition sine
qua noirin tlie following terms:
"les représentants du groupe espagnol tiennent absolument à ce
qu'aucuite négociation nesoit entaméeavant que le Gouvernement
belge se soit désistéde l'instance introduite par lui contre le Gou-
vernement espagnol devant la Cour de 1.a Haye".
Paragraphs 5, 6 and 7 deal with matters which 1have already covered.
Paragraph 8 speaks of the Count having again insisted that M. Frère
should try to obtain ':le retrait pur et simple de l'instarice introduite
devant la Cour, afin de réaliserla condition considérée commepréalable
à la négociationproprement dite".
The next two paragraphs deal with the assurances and 1 will return
to them. Then the last paragraph States M. Frkre's intention to make
a furtlier effort to persuade his Government to "retirer purement et
simplement l'instance actuellement en cours". As we said, in paragraphs
21 and 22 of our Preliminary Objections, if these phrases were intended
to denote something less than le retrait définitifde la demande,they did
not faithfully reflect tlie condition laid down by hl. hfarch in the Note
de Base and tenaciously repeated by him on every subsequent occasion.
On the other hand, the conjunction in paragraph 8 of the phrase "le
retrait pur et simple de l'instance introduite devant la Cour", with the
words "afin de réaliser la condition considérée commepréalable à la
négociation proprement dite" made it very likely that the Count de
Motrico would understand M. Frère to be referring to the retrait définilif
de la demandethat was insistecl upon by M. hlarch.
Finally, Mr. l'resident, 1 come to the assurances. They relate, as 1
have said, to the convictions of the Count de Motrico as to the possi-
bilities of reaching a settlement and as to the sinccrity of the intentioiis
of M.hfarch. Admittedly, they are decidedly hopeful:
"Vous êtesconvaincu qu'une base existe pour fixer d'une manière
équitable et de bonne foi l'indemnité à payer aux actionnaires de
la Barcelonn-Traction."

And then:
"Votre conviction que dans les quinze jours qui suivront. une
soliition satisfaisante pour les deux parties sera trouvée."

That these coiivictions were sincerely held and that the Count de
Motrico sincerely dcsired to see thedispute settled is, we submit, clear
from the whole record before the Court frorn 1949 on\vards, and not
least from the note sent by him to M. Hernandez on g April 1961which
is in Appendix 16 to M. Frère's new document. 13ut in the conditions
which prevailed at the opening of the negotiations they certainly now
appear to have been too confident.722 BARCELONA TRACTION

Now, we have no wish, as 1 have said, to depreciate the importance
a désistement,but we insist that they must beon seen in the context of
the whole circumstances in which the private negotiations took place.
l'art of that context 1 have aiready explained and 1 shall complete
it in the next part of my speech.1 do not, therefore, think it necessary
for me to analyse now the assurances in detail and 1will only make a
few brief observations on the Count de Motrice's statement that he
was convinced that a fortnight-quinze jours-should be sufficient to
enable the artirs to arrive at a satisfactory agreement. The Count
de Motrico Kimself seems aftemards to have Ielt that this might per-
haps be a little tm strong, because, when it was reproduced in the drait
aide-mémoire (which 1 shall come to) of2 Mzrch-Appendix S to hl.
Frère's memorandum-he amended the words "in one or two \veeks"
to "dans un bref délai". And hl.Frere seems also to have appreciated
that the words quinze jours perhaps could not be taken too literally,
becanse in explaining at the general meeting of Sofina on 27 April
why he was not yet in a position to report the conclusion of an agree-
ment, he said to his shareholders:

"Vous comprendrez, j'en suis convaincu, qu'un litige de la nature
quinze ans, rie peut trouver sa solution en quelques jours." de

That having been said, Mr. President, simply to put the matter in
perspective, frankness compels me to add that it does not affect the
broad substance of the statement made by the Count regarding the
prospects of the private parties reaching an agreement.

[Publi hearing of 29 Afiril 1964, morizing]

Yesterday evening, Mr. President, 1 was dealing with the first ex-
change of letters and1 pointed out that they had been treated by the
Count de Motrico as strictly confidential and had not been communi-
cated to M. March. We do not, of course, mean it to be understood
that M. March was wholly unaware that the Count de Motrico had
assured M. Frère of the sincerity of his intentions to negotiate. The
position was rather that at the meeting of 12 January and no doubt
on occasions aftenvards, the Count de Motrico reassured both parties
as to the sincerity of the intentions of each other to negotiate a friendly
settlement.
And 1 now corne, Mr. President, to the consequences of the first ex-
change of letters. it appears from paragraph 17 oAl.Frère'smernoran-
dum that he showed the letters to the Belgian Minister for Commerce
on 9 March and that the latter expressed himself as ready to consider
a discontinuance; but that his consent was made subject to the con-
dition that the Belgian Govemment obtained assurances from the
Spanish Govemment on two points through the diplomatic chan ne!^.
The Spanish Government must undertake not to consent to the dis-
continuance until informed of the successful conclusion of the negotia-
tions. Secondly, it must agree not to make any difficulty about the
payment of the compensation in freely convertible currency. Me Van REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK 723

Ryn did not deal with this development but left you to follow~it in
paragraphs 17 to 26 of M.Frère's memorandum. The Count de hfotrico
found himself in disagreement with hl. Frkre's account on certain points
and 1 respectfully ask the Court to refer to paragraphs 13 ta 23 of the
Connt's report for his account of this development. .4t the same time,
1 feel that it may be useful, if 1 draw the attention of the Court to cer-
taThe Court will find at AppendixdocSmof M. Frère's first memorandum
a draft aide-mémoire wliich was prepared on the Belgian side in con-
nection with ibis development, and to which 1 have already referred.
It will be observed that this draft,hich must have taken a little time
to produce, is dated 2 March, that is, the day before M. Frère saw the
Minister; so that one wonders whether hl. Frère himself was placing
such complete reliance on the con\.ictions of the Count. Be that as it
may, he informed the Count of the Minister's decision immediately,
oii 3 March, and left him a copy of the draft aide-mémoire. According
to M. Frere, tlie Count found the Belgian proposa1 reasonable. But
the Count himself states that he warned hf. l'rère that it wns unlikely
to be acceptable taM. March ivho had alivays insisted that the Spanish
Government must not be in ariy way associated with the negotiations.
And so it proved. The Count de Motrico. as he states in paragraph
14 of his report, transmitted a resuméof the roposal to hl.Zuloaga.
who passed it to M. March in 3Iadrid by telepkone. The latter at once
rejected it on the ground that it made the withdrawal of the case a
matter of agreement between the two Governments, which \vas in
contradiction with his Note de Base.
If Members of the Court would be good enough to turn ta page 3
of Annex 7 of the Observations and Conclusions they will see a photo-
copy of the original Spanish text of the resumé that was sent by the
Connt de Motrico to hl. Zuloaga and a French translation on the previons
two pages. U'e used tliis contemporary record as the basis for our ac-
connt ofthis incident in the negotiations in paragraph 25 of our Prelimi-
nary Objections, but we felt that the document was perhaps tao defaced
to put before the Court. Challenged to produce the document, we did sa,
whereupon our O ponents lauriched a bit of a tirade against iis abolit
the state of the &cnmerit and the fact that it was not datcd or signed.
The trouble was, hfr. President, that the very condition of this docu-
ment rather saeaks for its eenuineness and onr oononents were not
altogethcr ha<py about its &utes;. At the top lef<of the document
it does identify itself as emanatin~ from tlie Count and its contents
~nakeit clear &at it is a resuméofthe Belgian proposal. As ta its date,
the Count de Motrico gives it as 4 March. The Count was informed of
the proposal by M. Fréreon 3 March and M. hfarch, u.ho was in Madrid,
is certainly the one used for tlie purpose of obtaining M. March's reac-
tion to the proposal.
\mat our opponents dislike abont the document is the light wliich
it throws on the Count de AIotrico's understanding, at this compara-
tively late date in the story, of the nature of the désistemeirtcontem-
plated by the Belgian Govemment. As the Court will see, paragraph 3
of the resumh speaks of "la terminaison dkfinitive du Litige". Tlien,
after referring to the risk of speculation if the désistementbecame known
hefore the agreement was reached, he goes on:724 BARCELOFA TRACTION

"C'est pourquoi le Gouvernement belge suggère au Gouverne-
ment espagnol que. bien que lui (le Gouvernement belge) présen-
tera le retrait définitifdevant la Cour de La Haye à un titre irré-
\-ocable,le Gouvernement espagnol ne communique la Cour. . ."

The document then concludes:

sujet du retrait totaluAlitigedu côte espagnol."-

Although they are of no consequence, 1 should perhaps add that the
annotation at the bottorn of the document, like the deletion higher
up, was made by hl. Zuloaga and not the Count de Motrico.
Tbat resumé, drawn up by the Count immediately after being in-
formed of the new proposa1 by M. Frère, certainly appcars to indicate,
ivitbout the possibility of doubt, that the Count was still under the
impression that the discontinuance being discussed was one designed
to comply with Rf.March's condition sine qua ttoiin terms of the final
withdra\val of the Belgian case from the Court.
M.Frèrestates that, infaceof what hecalled this"intransigent attitude"
of M. hlarch, he informed the Count de Motrico on the telephone of
his intention to break off the discussions. 1 may say in passing that
what \vas called intransigence nas only the insistence upon compliance
with the condition which M. Frère kiiew had been laid down at the out-
set as the sille qua non.However, M. Frère alleges that in the face of
this threat the Count promised to try and obtain the parantees desired
by the Relgian Goirernment, and to go to Madrid to see the Minister
and AI.hIarch for that purpose. Aforeover,he adds that on 7 March he
was telephoned by the Count to say that things seemed to be working
out al1 right, that M. Frère would get the desired yarantees, though
probably in a different form, and that the hlinister had agreed in prin-
ciple to give thein.
At this point, Rfr. President and Members of the Court, there begins
to be a sliarp difference between the accounts of M. Frère and the Count
in regard to these contacts between the latter and his Minister and it
may be there inust be some misunderstanding. Our oppoiients have
strongly insisted that the Count must have been keeping his hfinister
fully informed. hle Van Ryn, as the Court will recall, constmcted his
argument largely on the basis of deductions from the Dean-hlotrico
eschanges and suppositions of what he would expect an Ambassador
to do. He did not deal with the actual statements to which 1 have
just referred or ask you to look at what the documents show. As there
is this differencein the evidence and in the contentions of the Parties
on the question, it may perhaps, 1 believe, help to shorten my discussion
if 1 have aireadv mentioned that the situation was an entirelv different
one in 19j5. ~he conversations wvitha view to a friendly &lement
were taking place in Madrid and the Count was merely furnishing
informationon a persona1 basis. Even so, the documents do not show,
as I have said, frequent contact between the Count and his Minister
on the Barcelona Traction problem. Moreover, as1 pointed out to the726 BARCELOSA TRACTIOS
passages, the Count did indeed indicate on the draft wholesale excisions
designed to remove al1trace of guarantees.
The draft aide-mémoire, already so annotated, was returned to M.
Frère when he called on the Count de Motrico next day, that is, 8 hlarch.
According to the Count, hf. Fr&reinformed him he had a new idea for
overcoming the difficulty about the guarantees. The Belgian Govern-
ment wonld address a Note to the Spanish Government mentioning
the reasons for the proposal to discontinue but making no auusion to
guarantees. Instead, the Belgian Ambassador would ask verbally that
the Spanish Government should not make any reply to the Court till
the time-limit fixed by the Court had expired. That, Mr. President, is
paragraph 16 of his report. He goes on to state that he informed M.
Zuloaga aiid that the latter theu passed the information on to M.March.
He further States in paragraph 17 that on the following day, that is. g
March, M. Frère supplied the new text of the aide-mknioire and that
he, the Count, then passed it on to hf. Zuloaga who intnrn transmitted
it tohl, March.
We mentioned this stage in the conversations brieflyin our Preliminary
Objections and Our opponents asked, through the Registrar, for the
documents on which our account was based. In response to tliis request,
we transmitted to the Registrar three inter-connected documents which
the Belgian Government afterwards printed in Annex 6 of its Observa-
tions and Conclusions. The first-on page I of the Annex-was rtnote
made bv M. Zuloarra of a communication made to him bv the Coulit
by tele6hone on 8 &rch describing a new Belgian proposaion the lines
of that set out by the Count in his report 1 iust described. The second
was a contempoiary note of M. Zuliaga's ielephone message assing
texts of this note are printed on pages 5 and 6 of the Annex. The third
\vas a similar note of a further telephone message from hf.Zuloaga to
hl. hlarch later the same day saying that he had forgotten to mention
that the Count de ivlotrico had added that hl.Frère had also spoken
of the difficulty about fixing the applicable rate of exchange and certain
other matters. The texts of this note appear at pages 7 aiid 8 of the
Annex. The Court \vil1also observe that the notes of the earlier telephone
conversations state that a new draft of the revised aide-mémoire will
be forthcoming "tomorrow", in other words, 9 March. The text of this
draft appears at page 3 of the same Belgian Annex. And if this document
is compared with hl.Frère'soriginal draft, it willbe seen thatit is clearly
a much shortened version of the original which takes acconnt of al1the
excisions that had beeii suggested by the Count de Motrico. Tliis docu-
meut again is defaced by deletions and annotations by M. Zuloaga,
and we hesitated to put it and the notes of the telephone conversations
before the Court. Our opponents again having asked for and received
these documents, do not like their contents and have sought in para-
graph zrof their Observations to sweep them ali away by referring
to the first document as "an apparently apocryphal report in French
of a telephone call". These documents, Mr. President, like the one in
the previous Belgian Annex to which 1 have already referred, are of
a kind which speak of their genuineness. They link up not only with
each other but with thedraft aide-mémoireput in bythe Belgian Govern-
ment; and they are also consistent with the facts which existed on the
dates in question. They were, of course, placed by us in front of the REPLY OF SIR HUhIPHREY WALDOCK 727
Court before anything was known of the account which M. Fr&rewould
give in the memorandum.
What, then, MI. President, do we say is the significance of these
documents? First, that they confirm the acconnt given in ou. Prelimi-
nary Objections and by the Count de Motrico of M. Frère'snew proposal
on S hlarch. Secondlv. this new move was the first amearance of the
plan. or appears to hi\:e been the fi& appearance of th; i>laii.ultimately
followed by Belgiiim of asking terbally for an undertaking with regard
to the dcferrinr! of the Soanish renlv: and thc documents seem to show
that the initia5ve came ?rom that'Bhgian side.
hl. Frère, though mentionirig the return of the draft aide-mémoire
on 8 March, deals only with the genesisof the second exchange of letters.
He writes that the Count de Motrico "me proposa de procéder à un
nouvel &changede lettres entre nous plutôt que par voie de note diplo-
matique"; and that it was nnderstood that a new draft would be
submitted by hl. Fr&re next day. This indeed he did, and the text is
printed at Appendix g. The Count de Motrico. in paragraph 18 of his
report, contests this account of the matter. He States that as in the case
of the earlier exchange of letters, the proposa1 was that of M. Frere
and the reason given by the latter was the same, namely his protection
against possible criticism, and the idea was to establish a complete
record of the course of negotiations by continuing the earlier letters
and bringing the record up to date. And on the question whether the
initiative was his or that of M. Frère, the Count says thitissomewhat
significant that M.Frere had the new drafts in his hand next day.
document-Appendixnbers9oto M. Frère's memorandum-theygh tawill see that
it is indeed a little surprising that they were produced to the Count
within so little a time as abo24 hours. Many of the paragraphs contain
specific statements of the Belgian Government's intentions and plans
for proceeding with the discontinuance, while according to M. Frere,
he himself, only three days eariier, had made up his mind to break off
the conversatioiis. The document also seems not to bear much relation
to tlie proposa1 which M. Frère said was made to him by tlie Count
on 8 March-to proceed to a new exchange of letters rather than to
use the diplornatic channel; for the Court will see that paragraph 5
envisages in the most precise terms the use of the diplomatic channel
for seeking the "desired guarantees". The Court may also think, as we
do. that there is not much evidence in this document of the verv reluc-
tant M. Frère, whom our opponents have so ably presented to Üs. This
document has a further history, hlr. President, to which 1 shall have
to referlater.
The next document, a letter of IO March written by hl. Frère to
the Connt de Motrico, seems ta us to be both revealing and significant.
We printed it as Annex 72 to Our Preiiminary Objections but the Court
may prefer to look at the photocopy of the original shown on pages
42-45 of the Count de Motrice's report. On that day M. Frere again
went to see the Connt to give him the revised text of the exchange of
letters. According to M. Frère the Count said that there were difficulties
guarantees and that he must go to Madrid, for which he was leavingen
that evening to try and find a solution. The Count de Motrico, in para-
graph 18of his report, points out that this is not strictly correct,as728 BARCELONA TRACTION

he was going to Madrid anyhow to attend the wedding of a friend.
Interpreting hl. Frère's remark as implying that he would go to see
his hlinister in oider to try and find a solution, he denies it. He says
the difficulty about mritten guarantees came from M. March and it was
his intention to see hl. hlarch about the revised aide-mémoire sent to
him the previous day by M. Zuloaga and to obtain bis reactions as to
the verbal guararitees. Oiily ifM. March proved amenable on this point,
didHowever, M. Frère made a further cal1 on the Count de Motricoster.
shortly before the latter left Paris, and he brought with him the little
letter now in question in circumstances which he himself describes in
paragraph 21 of his memorandum. He had just had a telephone cd1
from his lawyer in Brussels, informing him that the Belgian Minister
for Foreign Affairs considered it indispensable that the exchange of
views between the Uelgian Ambassador and the Spanish Foreign alin-
ister envisaged in the draft exchange of letters-that is, of course, the
guarantees-should be recorded in writing.
May 1 pause there, hlr. President, to point out that this message
seems ta reveal, incidentally but clearly, that the question of verbal
guarantees had bcen under discussion between M. Frère and the Count
during their talks on the previous days. In other words, it seems to
be another little piece of evidence confirming the correctness of the
Count's account of those meetings and the authenticity of our Notes
of the telephone conversations regarding the Belgian new proposal.
Confronted with the insistence of the Belgian Foreign Minister upon
written guarantees, what did hl. Frère do? In paragraph 21 of his
memorandum. M. Frère States in his letter that he was called to the
telephone by a highly placed officia1in the Rlinistry for Foreign Affairs
\ho suggested that :
"les choses pourraient s'arranger de la manière suivante:

I. Nous procéderions à l'échangede lettres que nous avions en-
visa"é.
2. Stgtre ambassadeur aurut un entretien n\.cz votre iriiiii;tre des
:\lfnires Ltrnng?res ail coiir;diiqiiilprockdernient i uii ;cli:iiige
de lettres riiaiiiiscritej rhlaiila i>rocCdurc(lu retrait rlc I'ini-
tance - les lettres ne seraTent wmmuniquées à personne; elles
resteraient mêmeignorkes de la personne que j'ai rencontrée
chez vous.
3. Une fois la négociation terminée ces lettres s ou raientêtresoit
restituées soit-détruites. Leur existence ne-serait connue que
de nous deux, de votre ministre et de notre ambassadeur.
Sur la base de cet échange de lettres, le Gouvernement belge
prendrait la responsabilité du retrait mais il considère que c'est
un minimum indispensable".

The Court will not wish me to dweil upon the terms of the suggestion.
It 1senough for me to Say that, on its face, it was a suggestion from the
discontinuance should be overcome by a secret agreement concludedr the
behind his back, that is, without his knowledge. hl. Frère, no doubt
simply because he was anxious ta bring about the private negotiations.
passed the suggestion on with the foilowing comment. REPLY OF SIR HUhIPHREY WALDOCK 729

"J'ai voulu vous donner cette indication avant votre départ.
Peut-être constitue-t-elle la solution de ilos difficultés.
Bonne chance! Bon voyage! Je suis très anxieux d'avoir de vos
nouvelles. J'attends votre coup de téléphone à Venise mercredi.
Je vous verrai en tout casà Pans jeudi prochain."

hly task, Ilr. President, is to indicate to you the conclusions which
we The iirst is that the letter is hardly consistent with the picture we
have been given of the reluctant M.Frère, persuaded altogether against
his ivill to go on with the désislement.Every line of this letter shows
eagerness to find ameans of opening the way to the private negotiations,
despite the oft-repeated. uncnmpromising "no" returned by M. hlarch
to any deviation from his condition sine qua non.
Secondly. we submit tliat the letter throws a new light on the repeated
stateinents of our opponents tliat it was always the Count who took
every initiative and who thonght up every new expedient to try and
clear the way to the opening of the discussions. In particular. we ask
you to note this document and the proof that it contains of the source
from which at any rate one proposal for a secret exchange of letters
emanated.
M. Frère's suggestion did not commend itself to the Count, who,
not unnaturaiiy, regarded it as a little surprising to put to an inter-
mediary who was the friend of both parties. It was one thing to have
a confidential exchange ofletters recording the convictions of the Count
as to the sincerity of M. March's intentions; it was rather different to
have a secret agreement concerning the guarantees which M. Mach
was rejecting on what he coiisidered to be an essential point of prin-
ciple. At any rate, as he relates in paragraphs 18and 19 of the memo-
randum, he duly went to Madrid and discussed with hf. March and
M. Zuloaga next day, that is, II hlarch, the revised aide-mémoireand
BI.1:rère'sproposal for verbal guarantees regarding the deferring of
the Spanish reply. BI.March maintained his objectioii to any fom, of
guarantees as a departure from the condition sine qua non. That being
M.March'sreaction,and haviiig his own time taken up with the wedding
and other private affairs, the Count returnecl to Paris without having
discussed the new Uelgian proposal with his Minister.
The accounts given By M.Frère and the Count of the events of the
next 12 days are in conflict on a number of points. The account given
by the Count in paragraphs 20 to 29 of his report contains detailed and
circumstantiai criticisnis of the version of M. Frire; and it is to be
noted that, although iii the Belgian new document hl. Frère offered
observations and formulated cnticisms of other parts of the Count's
reports, he did not make any comments on these paragraphs, though
of course he reserved his position. The Court will not wish me to go
iropose to deal, first, with the alleged promises of guarantees by thefore
Rinister and the information given to him by the Count concerning
the private negotiations and, secondly, with the preparation of the
notice of discontinuance.
As the Court \vil1appreciate, the question of the aileged promises
of guarantees through the diplomatic channel is not of interest in itself.
becauce it is common ground that the Belgian Amhassador's request73O BARCELOSA TRACTION

for guarantees on 22 hfarch \vas refused and the Belgian Government
only in connection with the repeated statements of Me Van Ryn that interest
the hfinister was being kept inforrned of every step in the private nego-
tiations by the Count de Motnco. 1 have already emphasized, Mr.
President, that there is no trace of any contact between the Count
and his Minister in any of the documents or statements before the
Court prior to the statement of M. Frère that the Minister had agreed
to give the desired yarantees (that was the statement on 7 March).
If the Court will be good eiiough to look again at the draft of the second
exchange of letters produced by M. Frère two days later-that is in
Appendix g of his memormdum-it will see that there is no reference
to the Minister's promises. Paragraph 5 recites the importance attached
by the Govemment to obtaining an assurance as to the withholding
of the Spanish reply until the pnvate interests had reached agreement.
But there is no statement of any agreement in principle to give the
assurance, although much later-on 18March-M. Frére did try, \\+th-
out success, to introduce sucha statement into the final version of this
letter. Nor, Mr. President, is there any such statement to be seen in
the revised text of the letter signed and handed by M.Frère to the Count
(le \lo~rico.
grqit~ 22tofIiiirncrnorandum. 1:irsi. hrs:,ystliat un rz \larccliciount-
CIL .lorrico tele~lioned hini at W~slt to inforni hini thar iiiaticrr were
sorting themseltes out-with the implication that the Count had been
seeing his Minister. The Count himself declares that this is incorrect,
as he bad notseen the Minister and the new plan for the verbal guarantees
had not gone down wetl with M. March. And he states-what would
certainly seem quite natural-that in fact he impressed on M. Frhe
that M.March was not likely to yield on tbis question of the guarantees.
The second statement in that paragraph is that at a meetin of
16March, the Count de hlotrico told hf. Frère in the presence ofhis
lawyer, that the Spanish Foreign Minister was agreed in rinciple to
give an assurance about withholding the Spanish reply unti '?the expiry
of the time-iimit. He adds that his lawyer explained how under the
Rules of Court the mere expiring of the time-limit would be equivalent
to acceptance of the discontinuance; and that the Couiit de Motnco
then insisted that they must not propose too legalistic formulas or the
Minister would consult his legal department which would infallibly
make difficulties. The Count, in paragraphs zo and 21 of his report
meeting. Accordin to him, M. Frère's lawyer only came in at the endt the
of the meeting an f talked essentially on the procedural point. M. Frère
had come to tell him that the Belgian Government seemed to have
made up its mind to file a simple notice of discontinuance; and to ask
the Court to keep it confidential until Spain had given its consent, to
askfor aslong a time-iimit as possible; and to make a verbal request
to the Spanish Foreign Minister to delay the Spanish reply until the
private interestshad reached agreement. This, of course, was very close
to the plan actually followed. Again, the Count denies that he said,
or could have said, that this Minister had agreed in principle to give
the parantees, because, he says, it was not until next day that he got
in touch with his Minister; and he dissents from the statement that REPLY OF SIR HUMPHREY WUDOCK 73I
he advised against doing anything which might cause his &finister to
consult his leealde~artment ~n~a matter reeardine a case before
the ~nternatioh ~o;rt. - .,
Well, paragraph 24 of M. Frère's memorandum contains two further
statements concerning the alleqed guarantees. It is said that on the
same date, 16 March, M. Frères lawyer discussed with the Count the
concrete form which the guarantees should take and that the Count
promised to telephone the Minister on this question. It is then said
that the next morning the Coiint summoned M. Frère'slawyer urgently
to tell him that the Minister had agreed to give an assurance and that
the Spanish Government would make no notification to the Court
before the expiry of the time-limit; but that he was not disposed to
go any further, and if agreement had not been reached within the time-
presented as having added that the more limited guarantee could prob-
ibly be obtained in writing.
Here again, Mr. President, the Count's account on pages 16 and 17
is in contradiction with that of M. Fr&re. As to the meeting on 16
March, he says that in reality the lawyer told him of the Government's
decision to notify the Spanish Foreign Minister through its Ambassador
in Madrid of its intention to withdraw the case and had outlined the
proposals which the Belgian Govemment had in mind to submit to
the Foreign Minister. He further says that as the lawyer represented
that the Ambassador would be making his démarchein the near future,
he stated that in that case he ivouldinform the Ministerof the possibility
of the Belgian démarche.He adds that there was no question of his
In this connection, Mr. President, 1 may perhaps point out that thesal.
evidence shows very clearly that the Belgian Government itself always
recognized that its approach to the Spanish Government conceming
the discontinuance must be made through the normal diplomatic chan-
ne1 of the Belgian Ambassador in Madrid. As to the further meeting
next day, the Count is equally hm in denying that he informed the
lawyer of the Minister's agreement to give the assurance requested
by the Belgian Govemment. What actualiy happened according to his
recollection is that, as M. Frère was already in contact with the Belgian
Ambassador in Madrid concerning the intended démarcheh, e summoned
M. Frère's lawyer ta get the latest information in order that he could
be sure of giving his Minister an up-to-date picture of the position
regarding the discontiniiance. He adds that the lawyer, in giving him
this information, told him that, in order to take account of M. M~ch's
attitude, the Bel ian Government would file a simple notice of discon-
tinuance on the %ri of shat used bv the United Kinedom in discon-
tinuing its proceedings against Bulg&ia. And he says ihat he did not
express any opinion as to the possibilities of his hfinister's giving the
guiwanteeydeiired by the Belgian Govemment.
Mr. President and Alembers of the Court, we have now reached the
point where the Count de Motrico did inform his Minister and where
the evidence of the private negotiations begins to link up with the case
which 1 had the honour to put before you in my first intervention.
On 17 March, the Count de Motrico telephoned bis Minister to inform
him for the first time of the discussions which had been taking place732 BARCELONA TRACTION
between the private interests: of the Belgian intention to give notice
ofle retrait de saréclamation;of the expected démarcheby the Belgian
Ambassador for that purpose, and of the Belgian intention to ask for
the withholding of the Spanish reply until the expiry of the time-limit.
That is how the Count de bIotrico, in paragra22of his report, summa-
rizes his first communication to his Minister. Our opponents, exclaiming
that at any rate the Count de Motrico informed his hlinister about the
private discussions on 17 hIarch, ask ou to imagine that he must then
devices of the Belgian side when confronted witM. March's insistence
on his conditionsine qua nox. As the Court knows only too well, that
story was by then quite a saga and the Count, who had not been con-
ducting a diplornatic negotiation, was concemed essentially to put the
hlinister in the picture conceming the outcome of the private negotia-
tions and the Belgian proposal which was imminent. It is therefore
rather unreasonable to siippose that on 17 March the Connt mould or
could givebis Alinister anythingbut what he conceived to be the salient
condition sine quanon, the Belgian decision to discontinue, the Belgian
Govemment's desire for guarantees, and the form that the démarche
appcarcd likely to take.
The following day, 18 hlarch, the Count despatched a confirmatory
letter to the Foreign hlinister which stated the Count's understanding
of the form which the Belgiaii démarchewould take. The test of this
letter in the original Spanish is in Annex 73 to our Preliminary Objec-
tions, wlule a French text is printed in full on page 104. The letter
refers to what the Count has already reported to his Minister "lors de
himself in paragraphi22"of his report that the letter was written in
confirmation of "ce que je lui avais dit verbalement la veille", Me
Van Kyn seized upon the word entretiento suggest that this wordcon-
cealed someting more than a telephone conversation. But, as the original
Spanish reads verbalmente,we doubt whether a contribution from us
to a linguistic debate on the meaning of etitretieiz would assist the
Court.
At this stage in the proceedings, &Ir.President, there is no need for
me to examine the letter iii detail and 1 shall only ask the Court to note
three quite hrief points:
First, the Count informed liis Ilinister that the Belgian Government
had decided to ask the Court for la retirada defiiiitivli de la dematida;
in other words, in that letter he notified his Minister of the Belgian
proposa1 to discontinue in the terms of M. hlarcli's condition sitze qua
?ton.And was it not natural, and \vas he not fully justified in doing so?
Again and again, hl. hlarch Iiad replied to every new Belgian proposal
by saying that he adhered strictly to the condition sine qua uoii in
its désistementproposa1 as a compliance with that condition. In thed
first exchange of letters, it was represented to be "afin de réaliser la
condition considbrée comme préalable"; inthe second, it wassaid that
the Belgian Alinister had been informed that "le retrait de l'instance
constituait en dbfinitive la condition sine qua non". If their proposals
had been formulated in terms of a désistement del'instance, they never REPLY OF SIR HUBIPHREY \\'ALDOCK 733
explained that this, in their minds, meant something less than a defini-
tive withdrawal from the Court. We know from the résumé in Annex
7 of the Belgian Observations that the Count de ivlotrico understood
the Belgian side to be putting forward "le retrait définitif devant la
Cour de La Haye à un titre irrévocable", and the same state of mind
of tlie Count is confirmed in his own report.

Secosd, there is not a trace in this letter of any promise of assur-ces
having been previously given by the Illinister-a somewhat surprising
omission if this question had been so actively discussed between the
Count and his Minister during thepast ten days and with special urgency
during the previous two days.

Third, the Count de Motnco reported that azrr dires de M. Frère.
the Belgian Government would draft its notice in terms similar to those
used in the United Kingdom-Bulgaria case. And the Count de Motrico
says in paragraph 21 of his report that this did not convey much to
him but that lie understood it to mean that the notice would be a simple
one without containing a reference to any agreement either between
the private interests or between the Governments.
1must iiow return, Mr. President, to the secoiid eschange of letters
and complete my argument on the verbal yuantees. Here again there
is a coiiflict between tlie account of M. Frère and that of the Count.
1 have already referred to the difference between M. Frère and the
Count as to tlie gcnesis of the proposals in the two exchanges of letters
and of the relevance of hl.Frère'sletter of IO klarch in that connection.
In aragraphs 25 and 26 of his memorandum, AI. Frère States that on
18 Rarch. in comDan2,with his lawver. ,e met the Count. winted out
the Ixec&iuiis clinracter uf r1.e guaranrccî ivliicli Iiis ~o\~t?~iiiiieii\t\.as
r1>celvlllg;ind the Iieavv sen% of resl>oiiiibility ivliicli lie frit in sikiilg
for :n<Iij;oiiiiiiuance iiiirtlirir c<>iirlition. \nd hc i-;ys in efir.;t that
tliti'ouiit dc .\loirico repc;itcd Iiis coii\~içtioiiscuiiclriliiig ilic sincerit).
of ?I \larcli's iiitci~tioiiivitttr~c:ird tu tliciicgati~ti,>ns. 'l'lieCoutit
de Rlotrico's account of this parf of thc meeting is in paragaph 24
of his report and does not conflict with that of M. Frère. However.
he also insists in that paragraph that tbis exchange ofletters was effected
as a "gentlemen's agreement" on precisely the same basis as the earlier
one and not to be used except by mutual agreement. As 1 pointed out
in couiiection with the earlier exchange, there is in fact no reference
to either of the exchanges of letters in any of the documents until the
Belgiaii Government's diplomatic Xote of g October 1961-that, is
except, 1 should Say, for this reference to the eschange of letters whch
is contained in that letter of M. Frère's of IO March, which is other
on the same basis as the exchanges of letters themselves. 1 think 1
had overlooked that vesterday but clearly it is a case where there was
a reference.
\Vell, Mr. President, the heavy sense of responsibility felt by M.
Frère, to wliich both hc and the Count de Motrico have referred. 1s
so very understandable, if-to borrow £rom our op uent's colourful
metaphors-he thought he was giving up his sworp~ut if he was
merely sheathing it and providing himself with an opportunity ,to
sharpen it up in the event of a renewal of the fray-why the obsessive
load of responsibility?734 BARCELONA TRACTION
Thenext devlopement is the meeting of 18March, which also wncerns
the second exchange of lettersthe same meeting, you have the second
stage of it-and there M. Frère states that his secretary arrived with
revised drafts of the proposed letters and that the Count de Motrico
then proposed essentially two amendments: The first concerned the
phrase "ou avant que le représentant du groupe majoritaire de Sidro
et le représentant du groupe majoritaire de Fecsa aient pu l'informer
conjointement de la couclusion d'un accord" contained in a paragraph
formulating the guarantees desired by the Belgian Government. And
M. Frère asserts that the reason given by the Count for this deletion
was that liis Minister did not contemplate giving any other undertaking
than to reirain from notification until the expiry of the time-limit. The
Count, in paragraph 23 of his report, denies that he gave any such
reason; he says that the reason which he actually gave \vas the objec-
tion voiced several times already by hf. March to any agreement of
..-..--..-.
The second deletion concerned a new paragraph of one sentence that
had been added by M. Frere and it reads as follows: "Vous avez bien
voulu me dire que le Gouvernement espagnol est d'accord eu principe
pour donner une telle assurance". hf. Frère alleges that the Count
asked that le Gouvernementespagnol should be changed to Ministre
des Affaires étrungères d'Espagne on the ground that it was only the
Minister with whom he had been speaking. He goes on to state that
each made the corrections on their own copies and that the Count
then said that the draft could be taken as agreed. He then states that
on 20 March the Count telephoned to Bmssels to ask for the deletion
ofthe whole sentence, explaining that, although it was strictly speaking
tme, he did not want to appear to commit his hlinister in a personal
letter. According to him (that is according to hl. Frere) he only then
made the deletion and the signed text was taken that dayto the Count.
M. Frère attached to his memorandnm at Appendix IO a photocopy of
his text of the draft amended in the manner he described. The Count
de hlotrico, however, says that it is not correct that he asked for the
"Government" to be changed to "the Foreign Minister" or that he
amended his text of the draft in that manner. Moreover, he produced
his own text of the draft-and it is clearly a twin of the other-and
this text shows the whole sentence deleted without the words iWnistre
des Affaires étrangèred s'Espagnewritten on the text at all. And, at the
bottom of page 18 of his report, he explains how it occurred and tliat
the deletion \vas asked for and made by him at the time and not later.
IVeli, the final outcome, Mr. President, on the question of the govern-
mental assurances, we know. The Belgian Ambassador, when notifying
the intended discontinuance on 22 March, asked for a formal assurance
that the Spanish reply would be withheld until the expiry of the time-
limit. He received an immediate refusal and the Belgian Government
(without expressing surprise that it should not receive what, according
to hI. Frère, had been promised by the hlinister himself not once but
several times) went straight ahead with the discontinuance. Yet, ac
cording to hf. Frère's letter of IO March. the Relgian Government
regarded the obtaining of guarantees concerning the deferring of the
Spanish reply as an indispensable minimum. If these promises had been
made and the Minister's assurances on this important point were clear,
and were expected on 22 March, it is difficult to understand the total REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCK 735
absence of any reference to these promises elsewhere in the documents.
Thereis no trace of them in the Connt de hfotrico's letter to the Minister
on 18 March, the very day he is said to have been williiig to write them
into the exdiange of letters. There isnoreference to them in the Minister's
telegram of 21 March to which 1shall comelater, to the Count de Motrico
explaining to him the importance of avoiding any undertaking with
regard to the deferring of the Spanish reply, in order not to comproniise
the Spanish Governmeiit's long-standing attitude on the question of
the Belgian Governmeiit's jzts standiin the Barcelona Traction question.
That document, Mr. President, is Annes 75 of the Spanish Preliminary
Objections. There is also no reference to the hfinister's promises in any
of the Belgian diplomatic notes or in its Memorial or in any of AIIF.rère's
subsequent letters to the Count de hlotrico.
As 1 said, Mr. President, it is common ground that no assurances
were given on 22 March by the Spanish Government and there, perhaps,
1 can leave the matter.
NI. President, the second exchange of letters is, however, also relied
upon by our opponents as a confirmation of the Count de Motrico's
assurances to M. Frèr~ ~ ~his moral co~~ictions concernin~ hf. March's
sincere intention to negotiate. It refers, this second eschange, expressly
to the previous one and. subiect to the reservations which 1made about
the châracter and context ind the limitations of these assurances, we
accept, as does the Count de klotrico, that he reaffirmed his convictions
on thispoint in the second exchange of letters. Me Van Ityn-at II,page

4for Commerce was at that date so confident of the speedy success ofer
the negotiations that in asking for guarantees he had no other concem

convinced that the period of the time-limit would suffice for the nego-lly

certain guarantees, w"with a view to avoiding the withdrawal of thee for

proceedings becoming public before the conclusion of an agreement
between the parties, ivhich might give nse to speculations that are to
be avoided at al1 costs, his reqnest for gnarantees had no reference
whatever to the substance of the matter-the negotiations.
As 1 have said, we have no wish to rninimize the significaiice of the
Count de Motrico'sassurance regarding the prospects of the negotiatioiis
-within its proper context and within its proper limits. But this surely,
Mr. President, is shoer inflation, if 1 may use a term appropriate to the
thoughts passing through the Minister's mind. The first exchange of
he had been taiking of "indispensable guarantees". And M. March had

been regularly turning down every proposa1 made to him for modifying
his position; so much so that a ijttle earlier hl. Frère was calling him
intransigent and, so his version mns, threatening to break off the dis-
cussions. And what about M. Frsre's lotade responsabilitéon 18March
because the guarantees that the Belgian Govemment were receiving
were bien précaires.There is iio suggestion, even in M. I'rère'smemo-
randum, that the second exchange of letters was anything more than
a confirmation of the previously expressed assurances. There \vas no
new element.
Our opponents also relied on a phrase in the exchange of Notes which
reads: "le Ministre, soucieux avant tout d'une efficace protection des736 BARCELOKA TRACTIOS

intérêtsbelges en cause". They represented that this phrase; must
have hrought home to the Count de Motrico that the Belgian Govern-
ment was not discontinuing the case in any spirit of defeatism, and
must have made it clear to him that they had no intention of giving
up their right to protect the Belgian interests before the Court without
the least. assurance of any compensation whatever. Me Van Ryn did
not pause to Say how the agile mind of the Count de Motrico was to
absorb his two propositions conceming the intentions of the Belgian
Minister of Commerce at the same time-the Minister's ahsolute con-
fidence in the immediate success of the negotiations and his absolute
that difficulty aside, have we not here again, Xr. President, another
case ofwhat the Minister might cal1run-away inflation of the language?
\Vhy should the Count de hfotrico read into the phrase anything more
than that the Belgian Government had decided that, in the circum-
stances, it wasin the best interests ofits nationals totake the opportunity
offered of negotiations fora friendly settlement which would give them
the compensation to whicli they believed themselves to be entitled?
Indeed, an unkind commentator might even Say that the words "sou-
cieux avant tout d'une efficaceprotection des intérètsbelges" suggested
that the Minister felt more confident of the prospects offered by the
negotiations than of the litigation before the Court.
In connection with these two propositions, Mr. President, Me Van
Kyn returned to his thesis of what the Count de Motrico, as a conscien-
tious hmbassador, must have said to the Spanish Foreign Minister
about the discontinuance. He implies that he must have informed him
not only of the wliole saga but of all the thoughts passing through the
mind of the Belgian Minister-a somewhat difficult exercise even for
a very astute diplomat. This kind of argument, in our submission,
reaily defeats itself by its hyperbole. And 1 have already dealt with
the question of the information that was in fact transmitted by the
Count de hfotrico to his hfinister on 17 and 18 March. As to the exchange
of letters itself1 pointed out earlier in my speech that in actual fact
the hliiiister had no knowledge, of either of the exchanges of letters
until long after the event.
But in Our submission, even if one reads the exchanges of letters in
the light of the Note de Base and the circumstances existing at the
time, they are calculated to confirm the impression of anyone standing
be such as would correspond to the hl.gIilarch's conditionwsine qua non
"la retirada definitiva de la demanda".

[Public hearingof 29 Afiril1964, afternoott]

1 now pass, Mr. President, to the Minute submitted to the Spanish
Foreign Minister by the Legal Department of his Ministry on 21 March,
which 1 presented to the Court during my first intervention at II! page
106. hle Van Ryn commented on this Minute at some length in his
speech at II, pages 415 to 417. 1 do not propose to reply tothat part
of his comments which constituted not much more than abuse of the
document and its writer. The document, as 1 indicated in my earlier
speech, is, in Our view, an important one, being the legal advice that REPLY OF SIR HUMPHREI' IVALDOCK
737
was given to the Minister on the eve of the Ambassador's visit. And
1may perhaps add that anyone who has examined the Spanish Govem-
ment's diplomatic Notes attentively can see that tlie Minute of the
Legal Department follows the same consistent line of legal policy as
that which ap ears in those Notes.
1 propose tfereforc to deal briefly with four points made by hieVan
Ryn. The first is thnt since in one or two places the Minute-in its
French translation-speaks of the withdrawal of tlie requêtet,he author
clearly understood the question to be simply one of withdrawing the
Appiication-a mere discontinuance of the proceedings pending. 1have
already covered this linguistic point earlier in my speech when 1observed
that, by a natural use of language, reqirêlelikedemande is not infre-
quently used to denote the claim, not merely the procedural act. Here,
1 only propose to Say that mv leamed oppoiient's linguistic argument
seems to us to be completely out of place when the conteiits of the docu-
ment so clearly indicate the undentanding of its author that the
withdrawal of the Barcelona Traction case oiice and for al1 \iras in
question.
Secondly, Me Van Ryn remarks uyon the fact that the Minute ad-
vised against acceding to the Belgian Government's request for assur-
ances on the grounds that it appeared to be seeking a guarantee of the
snccessfi~loutcome of the negotiations; and that to accede would give
the appearance of covering the privatc negotiations and compromise
in the matter.hieoVan Ryn then insists that this is proof of the Spanishi
Govemment's ansiety to safeguard its position against the eventuality
of further proceedings. The Spanish Government has already explained
to the Court that it\vas not a simple reintroduction of the case against
which it was anxious to protect itself. It fcared-and with justice-
that the Uelgian Government might seek to interpret any assurance
given by it as an agreement to promote and supervise the private
negotiations uiitil therc ivas a settlement, and to mnintain then that
itsjus standi had been recognized. The Court will recall Iiowthis distrust
of Belgian cfforts to implicate it in the privnte negotiations appears
consistently in the diplomatic Notes-almost to the extent of an ob-
session.
Thirdly, Mr. President, 1must refer to one of the little shafts of abuse
which my leamed opponent threw at the document, if only for the iight
which it throws on the paucity of the arguments for attacking the
document. Layiiig down the law about the proper conduct of diplomatic
officials, he suggests to the Court that the author of the Minute lacked
the necessary factual information for \witing a sound legal opinion.
Thus he said :

"II est normal, d'ailleurs, que les informations que le ministre
tenaitde l'ambassadeur, comte de Motnco,n'aient pas étécommuni-
quéesau service suhordoniié."

So therc UT have, Mr. President, the latest haiiclbook of diplomatic
practice. Model anibassadors are to recount sagas of private discussions
to busy ministers, and mode1 ministers are to withhold from the legal
advisers the information necessary for giving a useful legal opinion on
a matter wncerning litigation hefore the International Court.738 BARCELOSA TRACTIOS

Fourthly, 1 must refer to the last sentence of the Minute because
later in his argument our learned opponent ingeniously sought to use
it for the purpose of disposing of that statement in the Spanish Foreign
Minister's Note of 22 March. The sentence is:
"En conséquence,le Gouvernement espagnol ne doit contracter
aucun engagement au sujet du délai,pour que le désistement ne
se trouvepas êtreconditionné."

MCVan Ryn-it's at II,page 419-referred to the final sentence of the
Legal Department's Minute, which reads:
"Ce refus [that is, of the assurance] serait. en outre, pleinement
justifie, car l'article 69 du Règlement de la Cour internationale
de Justice ne se prête pasà donner satisfactionà lademande belge,
puisque conformément au Règlement le désistement doit êtrefor-
mulépurement et simplement, sans êtresoumis &aucune condition
ou modalité."

Me Van Ryn pointed out that Article 69 does not in terms Say that
a discontinuance may not be subordinated to any condition. And he
Minute seemed to be erroneous, itenprovided the clue to the statement
in the Foreign Minister's Note. In short, that statement, according to
him, does not have the substantive content which we attribute to it
but was inspired by a procedural misconception in the Legal Department.
If the precise thought contained in the final sentence of that Minute
may not be entirely clear, 1 cannot agree with our learned opponent's
suggestion tliat here is to he found the explanation of the Foreign
hlinister's statement-a statement which. as1 pointed out in my first
intervention. was of considerable significance. That explanation is to
be found, kir. President, first, in the Minister's Note itself and, secondly,
in the Blinister's telegram 21 March to the Count de Motrico, which is
the next document with which 1 will deal.
This telegram, which is printed at Annes Xo. 7jof our Preliminary
Objections, was sent by the Minister to the Count de Motrico to inform
him of the view taken by the Govemment of the Belgian request for
au assurance regarding the withholding of the Spanish reply. 1 have
already pointed out that it contains no references to any promises by
the Minister.
MeVan Ryn approved of the hlinister's views and said that, although
the Minister accepted the Legal Department's advice, he was very
careful not to repeat the alleged errors of judgment by which Me Van
Ryn considered that advice to be vitiated. \+'hile we entirely share
Me Van Kyn's approval of the telegram, Mr. President, me are unable
to go along with him in his interesting dissection of the mind of the
hfinister. The telegram is an important document, like the Minute
upon which it is based.Me Van Ryn claims to see significant differences
between the two documents, but we believe that the Court will have
no difficultyin concluding that the telegram follows very closely the
reasoning of the Legal hlinute and the main difference-and this is
the point which meets with so much approval from Me Van Ryn-is
that in two phrases towards the bottom of this quite long telegram
the Minister mentions that the Govemment will be happy to see the
private interests arrive at an agreement. By lifting the motif of these REPLY OF SIR HUhIPHREY WALDOCK 739

two phrases into the sentence at the top of the telegram, he succeeds
in constmctina an artistic arament but not. we think. a convincina -
interpretation%f the telegram.
Now the telegram begins:

"Je signale à Votre Excellence que l'attitude constamment suivie
par le Gouvernement espagnol a étéde nejamais accepter que le Gou-
vernement belge pot avoir un droit quelconque de protection de
attenant, attitude maintenue dans son mémoirenduà la Coiir lorsqu'il
a formuléles trois exceptions: incompétence de juridiction, manque
de nationalité de la rbclamation et épuisement préalablede la voie
interne. L'éventuel désistementdu Gouvernement belge ne signifie
pas que le Gouvernement espagnol soit obligédu point de vue de
la procédure de répondre à la Cour, excepté pour s'y opposer,
hypothèse inconcevable pour des raisons évidentes."

Itis this final plir:iseuf tlic passage whicli is import:int, and important
as furtlier çvidcnce of thc belicf of tlie Spanisli Go~eriimcnt. sinctarel!r
Iielil, tlint in the thcil csistinri stnrlic~leadinr! beforç the Court a
désistemetrtmnst amount to 'an abandonmint of The Belgian defence
to the Preliminary Objections. 1 Say further evidence, because it con-
firms-and at the same time does so at the higliest level-the even
more poiuted passage in the Legal Department's Minute, to which 1
drew the Court'sattention in my first intervention, that isat II, page 107.
1 there cited only the most salient phrase of that passage but having
regard to hl' Van Ryn's treatment of it 1 feel that I should read the
whole sentence to the Court:

"II serait inconcevable que le Gouvernement espagnol piit s'op-
poser à un désistement belge qui viendrait confirmer le bien-fondé
des exceptions préliminaires espagnoles, ce qui reviendrait Q due
que le Gouvernement espagnol a intérêt à ce que la Cour intema-
l'objection de l'incompétencede juridiction." laquelle il a opposé

\Ve were simple minded enough, Mr. President, to believe it to be
fairly self-evident that when the Minister in his telegram on zr March
nsed the words "excepté pour s'y opposer. hypothèse inconcevable pour
des raisons évidentes", he w,as merely repeating in the terse language
of the telegram what he had read and approved in hisLegal Department's
Minute submitted to him the previous day. In other words, he also
thought that a discontinuance by Belgium would amount to conhrma-
tion of "le bien-fondé des exceptions préliminaires espagnoles", and
that it would be absurd for the S~anish Government to ask the Court
"à connaître dfune,affaireà laquelle il a opposé l'objectionde I'incompé-
tence de juridiction".
hle Van Ryn's argument is a brilliantly conceived attempt to try and
get rid of both embarrassing phrases at one blow-to kill the two pro-
verbial buds. Having regard to the two statements much lower down
in the telegram, that the Spanish Government would be glad enough
to see the private interests settle their dispute, he psychoanalyses the
mind ofthe Minister as follows:74O BARCELONA TRACT103

"Or les raisons du ministre aui lui oermettaient de dire oue
13h$othèse que le Gouvernement espa'gnol puisse s'opposer 'au
désistement est inconcevable. ces raisons, Messieurs, ne pouvaient
pasêireles mêmesque cellestout à fait erronées-et jel'aimontré-
dégagent, si je puis dire, du contexte. Le Gouvernement espagnols se
est heureux de voir qu'un accord entre les groupes privés va se
conclure; le ministre le ditilse dit heureux; il le répète deuxfois.
Il sait d'autre part que la condition préalable mise par Juan Rlarch
aux négociationsest le retrait de la requéte."

That, Rtr. President, is the position taken by our opponents on this
telegram.
The Court will no doubt have noticed in the last sentence a delicate
iittle interpretationof the information given by the Count de Motrico
to the Minister in his letter of 18 March: "le retrait de la requête"for
"la retirada definitiva de la demanda". But at the moment we are
interested rather in the thought-read'ing of the Minister's mind. The
Minister, we are told, did not accept the erroneous reasons given by
the Legal Department. Why? Because Me Van Ryn has demonstrated
their erroneous character-"je l'ai montré". Sonaturally we turn back
to remind ourselves of this demonstration. There it is, Mr. President,
at II, page 416:
"S'étant persuadé, tout gratuitement, que le désistement du
Gouvernement belge constituera une reconnaissance du bien-fondé
des exceptions préliminaires du Gouvernement espagnol."

And what else? Nothing. So the Minister in 1961 had nothing upon
which to base his rejection of the advice of the Legal Department except
what we are bold enough to think is an ;$sedi& in 1964.
We douht whether our opponent's ingenious piece of tliought-reading
manifest even on the face of the telegram itself,and beyond any possi-lly
biiity of doubt when the two documents are read together, that the
Minister considered it inconceivable for Spain to oppose the Belgian
discontinuance because he believed that it amounted to an abandon-
ment of Belgium's defence to the Preliminary Objections. Whether he
was right or wrong in taking this view is a matter, of course, for this
Court to appreciate. But the Minister's telegram of which our opponent
so much approves, and the Legal Department's Minute are, we submit,
irrefutable evidence that on 21 March 1961 it was the sincerely held
belief ofthe Spanish Government that the Belgian discontinuance would
effect the finalwithdrawal of the Belgian case from the Court once and
for all.
There is a iurther passage in the telegram, Mr. President, to which
1 would like particularly to cal1the attention of the Court, for it does
provide the clue to the statement in the Foreign Rlinister's Xote of
22 March, which our opponents, as 1said, are seekiog to contend was
simply derived from an error in the Legal Department's Minute; and
it ais0 ~rovides the answer to the re~eated contention of our ODDonents KEPLV OF SIR HUMPHREY WALDOCK
7q1
shows that tlie Spanish Government realiy believed that the désistement
would not affect a final withdrawal of the case from the Court. Having
explained the mere expiry of the time-limit would suffice to make the
discontiiiuance effective, the Minister proceeded to say:
"Pour cette raison, je répètequ'aucun engagement sur le délai
n'est justifié puisqu'il présente l'inconvénient pour le Gouverne-
ment espagnol ù'abandonner la ferme position juridique qui résulte
du fait qu'il n'a reconnu en aucune circonstance la capacité du
Gouvernement belge d'agir au nom de la Barcelona Traction ou
du groupe financier qui y est attaché; position que le Gouverne-
ment ne peut abandonner sans s'exposer à des conséquencesdé-
favorables. Le Gouvernement espagnol verra avec satisfaction que
les groupes intéressésarriventà un accord. Mais ilne peut accepter
de se \.air mêlém, émeindirectement, à ces négociations, ca~il n'a
rien à voir avec le ~roblème rivé. même si le rét tenduconflit
interétatique qui en hérive, sulcité par la Relgiquéet posépar sa
requête unilatérale devant la Cour internationale de Justice, est
clos par le désistement de celle-là."

My first point-the chie to the Minister's Note-concerus the words
des coiiséquences défavorables".'p1umerely want to underline that the à
words des co?iséqtrencedséfavorablesclearly refer to the possible effect
of entering into any undertaking with respect to the discontinuance
upon Spanish recognition of a Relgian loczrstandi; because these words
reappear in the Note of 22 hlarch to which 1 am coming shortly.
hly second point is the clear evidence in the last sentence of that
passage that the Govemment's anïiety not to allow itself to be impli-
cated in any way iii the negotiations was quite independent of the
questioii whether or not the case was to be fiiially witlidrawn from the
Court. It would be glad to see the private interests settle their dispute.
But it was not going to allow itself to be implicated in the private nego-
tiatioiis because it had no concern with the problem of the dispute
between the private interests, "mêmesi le prétendu conflit interétatique
qui en dé~ive.suscité... est clos par le désistement de celle-là". And in
the word clos, hlr. President, you again have evidence that the Spanish
Government was expecting a discontinuance that would withdraw the
Belgian case from the Court once and for all.
1 must now say a srord, Mr. President, abolit the preparation of the
text of the Notice of discontinuance, because Our opponents have
referred to it.le Van liyn said-at II, page 418:
"C'est encore le comte de Motrica, en pleine connaissance de
cause, qui va indiquer finalement le projet qui lui paraît préférable,
en ce qui concerne la déclaration. C'est ce que signale M. FrAre
dans son mémorandum au paragraphe 28:aucune contestation sur
ce point dans le rapport de l'ambassadeur espagiiol."

The Count de Motrico's version of the matter in paragraph 28is in
fact aIittle different from that of M.Frère. It may aLo be recalled that,
when the Belgian Ambassador vïsited the Foreign Minister on 22 March,
he first proposed a rather different draft and then he feu back on the
draft actually used when the first one had been refused. Furthermore.
the draft actually used. aM. Frère himself states-and it isnot without742 BARCELOKA TRACTION
its importance-in paragraph 27 of his memorandum, was one ta \\.hich
M. Iflarch had taken exception. saying that he would prefer a text
containing no motivation at aü.
1 now pas ta the visit of the Belgian Ambassador to the Foreign
Minister on 22 March. 1 have already dealt with that, Mr. President,
in my first intervention and 1 respectfully refer the Court to II, pages
107 ta 108 for my coritentions generally with regard to what transpired
at that meeting. We see no reason for modifying these contentions in any
way and the only point with which 1wish to deal is the one that 1 have
',ready mentioned to the Court. This is the interpretation of the phrase
ne se trouve pas êtreconditionné" in the second paragraph of the
Foreign Minister's Note explaining his refusal to give an assurance. The
paragraph reads:
"En conséquerice. le Gouvernement espagnol ne doit contracter
aucun engagement au sujet du délai, pour que le désistement ne
se trouve pas êtreconditionné. Et telle est la portée qu'aurait le
fait d'acceder à la demande du demandeur, savoir que l'on ne
communique pas la non-opposition au désistement, jusqu'à ce que
le délai vienne Aexpiration."
Our upponciits. as 1 rnentionrd. iiow seek to say-aiid it is quitc an
iiigviiiousaryriiciit-tliat the \i.orJ ro~~dirio~iirlobscure and iî siiiipl!'
a rcilectioii of an alle~ed crrtoin tlic 1.ec;iI)cusrtnic.nt'; \Iii:utr con-
cerning the impossibi'jity of making a notice 'of discontinuance con-
ditional.
Weli, the Minister's Note, admittedly brief, naturdy lias to be inter-
preted in the context in which it was drawn up at the meeting of 22
JIarch. And that context is clearly set out in paragraph 48 of our Pre-
liminary Objections, where it appears that the Minister esplained that
the Government could not enter into any kind of undertaking whatever
even on such a secondary question as the time-limit. And the reason
he gave was the one now familiar ta the Court, the Government's refusal
to alloiv itself to be implicated in the dispute between the private
interests, and ta recognize in any way the right of the Belgian Govern-
ment to intervene. That account of what the Minister said at the meeting,
Mr. F'resident, has not been challenged by our opponents, and,after all,
it merely refects what you have seen in the Minister's telegram in the
Legal Department's Minute. Accordingly, the Belgian Ambassador. in
Our Submission, could not fail ta see in the words "pour que le désis-
tement ne se trouve pas êtreconditionné" a refusal on the part of the
Spanish Government to have any fom of conditional discontinuance
because of the prejudicial effect that this would have upon Spain's
position with regard ta her implication in the private dispute and the
implied recognition of the Belgian locus standi ta intervene. hforeover,
the Court will find at the end of the Minister's Note the aords "éludant
ainsi tout engagement au sujet du délaipour 6viter les conséquences
défavorablesqui ont étécommentéesplus haut". Well, we know what
the hIinister meant when he spoke of conse'quencesd~?/auorableson 21
March-in that passage in the telegram ta which 1 drew the Court's
attention: the abandonment of Spain's finn legal position concerning
the absence of any Belgian locus standi. Accordingly, we submit that
the evidence establishes beyond ali doubt that on 22 March the Minister
did without doubt refuse to contemplate any form of conditional dis- REPLY OF SIR HUMPHREY WALDOCR
743
continuance, and conditional :rs to its substance, and that the Belgian
Ambassador was fully aware of the fact.
There is one further matter, Mr. President; it is a link in the chain
hoth of the private negotiations and of the intergovernmental acts.
It isa matter which 1mentioned but did not deal with in my pre\rious
intervention, namely the leak in the Press-the fuite-which occurred.
Me Van Ryn, repeating what had already been insinuated in the ~vritten
pleadings, attributed the fuite to M. Alarch:

"Eue entrait tout a fait dans le jeu joue par March et il est,
vous le savez, un vieil adage isfecicui prodesl."

The text of the Agence Presse despatch is reproduced in Annes 279
of the Belgian Memorial and we commented upon it in paragraphs 57
and 58 of our Preliminary Objections, and 1 111ouldrespectfully ask
the Court to refer to those comments. If the Court turns to the text of
the despatch, it is scarcely the kind of fuite that would be likely to be
contemplated by the man whose tremendous concem for prestige and
touchiness with regard to the accusations about him in the Mernorial
that the BelgianGovernment spoke ofinitsObservations and Conclusions,
would be very likely to contemplate. The second paragaph sets out
the Belgian accusations regarding the alleged spoliation of Barcelona
they were ail established facts. There is no indication anywhere of any
answer from the Spanish side nor even of the existence of Preiiminary
Objections and the document reads almost iike something out of plea-
dings, but not from the Spanish side. Well. the Court wu form its own
opinion of the character of the despatch and whatever relevance it may
have in these proceedings.
1 will now pass to the meeting of 4 April when the Belgian Govern-
ment, as we Say, requested the Spanish Government to notify the
Court that it did not oppose the discontinuance. hiel'an Ryn has reit-
erated the Belgian contention that there \vas no "re uest" but merely
a statement that there aas no longer any need to ta 1 e acconnt of the
previously ex ressed wish of the Belgian Goverriment. He also inter-
prets the Ivi$ngness of the Spanish Government to give its consent
to the discontinuance exclusively as a manifestation of its desire to
see the private interests reacli a settlement. 1 explained to the Court
at II, pages 113 to 115. first, that the Spanish Government's view was
that the Belgian Ambassador had given a clear indication that his
Government desired the Spanish Government to notify the Court as
soon as possible of its consent to the discontinuance and, secondly,
how both the evidence and the circumstances strongly suggest the
probability that the Ambassador would give such an indication. \Ve
so stated the matter in paragraph IO of onr diplomatic Note of 5 March
1962-it is Annex 271 to the Relgian Memorial and the passage is on
page 3,where we said it was by request-and also ae so stated it in
our Preliminary Objections. Need 1 add, Mr. President, that even if
content to see the private interests amve at a settlement, his telegam
to the Count de Motrico of21Marchand his Xote to the Relgian Ambassa-
dor show clearly that he tliought he was giving his consent to an un-
conditional withdrawal of the Belgian claim which would put a final
closure upon the Barcelona Traction case before this Court.744 BARCELOSA TRACTIOX

1must now touch, blr. President, on two diplomatic Xotes subsequent
to the discontinuance on which Our oppone<ts have relied as evidence
that the Spanish Government had never understood the discontinuance
to be a finil withdrawal of the case.
The first is the Belgian Ambassador's despatch of 14 July 1961,
with which 1 dealt in my previous intervention at II, pages IIGto 117.
The despatch concerns the alleged use by hl. Castiella of the words:

"J'ai compris. Je sais ce qui peut étre eiivisagé mais mieux
vaut pas de menace, il faut que les négociations continuent."

We explained that M. Castiella had every reservation as to the actual
words used by him and as to the nuances with which they were used.
\Ire also pointed out that it was difficult to suppose that the thoughts
attributed to the bfinister by the Belgian Ambassador could have been
thoughts in the mind of the man who wrote that Xote of 22 March to
the Belgian Ainbassador and approved the circula despatch to missions
abroad and, 1 would add, sent the telegram of 21 March to the Count

de Motrico. Well, we wish to reaffirin tbat the interpretatioii now put
uoon his words does not eo~re~ ~v ref,ec~ ~ ~ views of ~ ~ ~Castie~la~a~ ~
tiiit meeting of 14 JUI~.
Xow, the other Note is the Spanish Note to the Belgian Government
of 9 October 1961replying to a Belgian Note of the same date, stating
it was proposing "à assurer à nouveau de façon active la protection
diplomatique des intérêtsbelges en cause.. ."
Our opponents maintain that Spain's failure to protest against the
expressed intention of the Belgian Government to introduce a new
Application concerning the Barcelona Traction case is again evidence
that the S~anisli Government had never considered the discontinuance
to he final.'\~ell, the explanation, lfr. President, is what 1have referred
to as almost the obsessioii of the Spanish Government with regard to
Belgian attempts to achieve a locus slandi in the Barceloiia Traction
affair and to iiiiplicate the Spanish Government in the dispute between
the private interests. This attitude ruus al1 through the diplomatic
Kotes and, as 1 have shown in deaiing with the Legal Department's
Minute and the Mioister's telegram of 21 Marcb, dominated the legal
policy of the Spanish Government with regard to and at the time of
the discontinuance. As 1 have also shown, the Spanish Government
had the strongest apprehensions thatthe Kelgianrequest for an assurance
was designed to implicate it in the rivate discussions and to achieve
an impiied recogiiition of Belgium's 8cus standi. Well, if the Court will

he good enough to turn to the Belgian Xote of g October 1961-it is
Annex 268 of the Belgian &lemorial-it wiü see that in the bottom
paragaph of the first page the Spanish Government saw its apprehen-
sions as it thouglit, realized:

"Avant toutefois de porter à nouveau l'affaire devant la Cour
internationale de ~ustiêele Gouvernement belge charge son am-
bassade de demander au Gouvernement espagnol si les circonstances
oui ont entouré les néeociationsentre lesz5rlnclz5aux intéressé s esont
$as de nature d 1'anÏe~ier à modifier sa'posit;on antérieureau suiet
des réparationsdemandées enfaveur des ressortissantsbelges." REPLY OF SIR HUMPHREY \VALDOCK 745

In other ivords a direct siiggestion that ivhat had happened with regard
to the discontinuance of the private negotiations might have affected
the position.
Now, the Spanish Government was also confrontecl in the previous
paragraph by wliat appeared to be a general claim to reassert the right
someip13mayears. Now, whcthcr rightly or wrongly, the Spanisli Goveru-
ment conceived that in order to protect its basic positioii on the question
of the absence of anyBelgiaii locusstandi, its first act must be, in effect,
to refuse to entertain the Uelgian dérnarc/iat al]. Tliat this was in
fact the positiontaken up by the Spanish Government clearly appears
in two ways from the terms of the text of the Spanish Xote, iirhich is
printed at Annex 269 of the Belgian Memonal. In the first place, the
S anish Government's reaction was immediate, its reply being sent on
tf e same date as that on wliich it received the Belgian Note. And
secondly, having re-stated its objections to the Belgian clair11to a
loczisstaff&, the Spaiiish Government said:
"Pour cette raison, si par courtoise déférence,le ministre des
Affaires extérieures ne se refuse pas à inscrire dans ses rcgistres
d'entrée la note verbale aiii fait l'obiet de ce bro mernoria.il veut.
poiw évite7toute éYuiuo&e,rnanifes'ter immkdiatement que cec~
n'entraîne aucune modification de son attitude permanente de ne
reconnaitre au Gouvernenient belge aucune capacitb pour assumer
la protection de la Barcelona Traction et des intérets qui y sont
intégrés,pour la raison que le Gouvernement belge n'a pu légitimer
en aucun inoment son action sur le plan international eii faveur de
ces intérêts."
ln other mords, 3fr. President, the Spanish Government considered
that, in order to protect itself against any attempt to fix it with having
implicitly recognized the Belgian locus standi, its first act must, as it
were, be to refuse to knoiv the Belgian Government at al1with respect
to the Barcelona Traction Company question. Having done that, it
had made its positioii clear and, when the Belgian Government later
gave formal notice to put into effect the procedure of the 1927Treaty,
and the matter is now obviously coming to the Court, Spain contested
its right torc-introduce the case in a well-considered eight-page Note
Verbale.
Mr. President, that concludej my examination of the evidciicc relatiiig
to the preliminary disciissions pnor to the discontinuaiice, and to the
uance.ctions between the Governments with respect to thc discontin-
Here, perhaps, 1 may be permitted to summarize. at this point in
the argument, our geiieral position in regard to the evidence so far
examined and the salient facts resulting from it-bj~salientfacts 1mean
those which we consider particularly relevant to the general facts of
the discontinuance.
First, we base our case essentiaüy on the intergovemmental transac-
tions and the legal circumstances in which the discontinuarice took
place. And second, Ourcase, founded upon the intergovernmental trans-
actions, inOur submission is entitled to succeed independently of any-
thing that may have transpin:d, either in the preliminary private dis-
cussions or in the subsequent negotiations between the private parties.746 BARCELONA TRACTION
Third, the Legal Department's Minute of 20 March. the Foreign Minister's
telegram of zr March to the Count de hfotrico and the Minister's Note
to the Belgian Government of zz March estahlish, we think, conclusively
that (a) at the time the notice of discontinuance was filed, the Spanish
Government firmly beiieved that, as a matter of law, Belgium's discon-
tinuance would amount to an abandonment of Belgium's defence to
Spain's Preliminary Objections and uouid effect the final withdrawal
of the Barcelona Traction case from the Court; (b) the Spanish Govern-
ment did in fact consent to the discontinuance on that understanding
of the law and its position.
Fourth, the Minister for Foreign Affairs made it plain to the Belgian
Ambassador, and the Belgian Ambassad'or must have understood, that
Spain was not prepared to contemplate any form of conditional discon-
tinuance. Fifth. the evidence and the circumstances relatine to the
Uelgian Ambas;ador's visit to the Spanish Foreign Minister inUoursub-
mission estabiish that it was at the request of the Belaian Government
that the s~anish Government eave itç consent t~~th: discontinuance.
Then sixth', tlir evidence estahCslies tlixt the Relgian Go\~erniiicntdid
not at iinv rime explaiii or indicatc tlic liiiiited nature of its discontinuance
IO tlie Snanisli Governrnent. or that it rcser\,r<lrhc riclito rciiitrodiice
the case: And seventh, the evidence relating to the pGvate negotiations
establishes that (a) the discontinuance had its origin in the request of
M. Frère to the Count de hlotrico to approach hl. March with a view to
negotiations for the settlement out of Court; and (b) the Count de
hlotrico made it plain that he would and could only act in a strictly
personai and private capacity; and (c) M. March laid down as a sine
qua izoizfor the opening of the negotiations the final withdrawai of the
case-la retirada defiitlinde la demanda; and (d) after prolonged uego-
tiations between the private interests in which the Belgian Government
joined, the Belgian Government proceeded to effect a discontinuance
purporting to comply with M. March's condition sine qua non; and (e)
the Count de Motrico, in consequence of the circumstances in those
subparagraphs (a) to (à), did inform the Spanish Minister for Foreign
Affairs on 17March that the Belgian Government intended to effect
a relirada definitiva de la demanda. The Spanish Government, prior to
17 Xlarch 1961 , as not informed of or in any way associated with the
preliminary private discussions. And then (g) such assurances as were
given by the Count de Motrico to hl. Frere concerning the prospects
of the negotiations between him and M. March related to the sincerity
of the intentions of M. March with respect to the negotiations.
Those. Mr. President.~.re. as 1 sav. simulv the salient facts. and when
\vcput it thxt \\..,of course wedo no; mein to IX iindcr,tood astliinking
tliat tliert :ire not otlicr fi~ctsjvhich nin) Iia\.c been cstablishcd upori
which, if necessary, we should rely and any contentions which we have
made in respect of other facts we would certainly wish to sustain,
except in so far as we may have modified them.
What remains for me to do is to reply to the arguments of my distin-
guished opponent, Professor Sereni, upon the law, and in the course
of doing so 1 should, uith your permission, wish to submit to the Court

put to the Parties by Members of the Court in so far as they affecten
the first Objection on which 1have addressed you. In addition, 1 propose REPLY OF SIR HUSIPHREY WALDOCK 747

to examine as briefly as 1 can one or two points in the private negotia-
tions subject to the discontinuauce, not because we think that these
points are material for your decisiou upon th'is Preiimiuary Objection,
but because of the way in which our opponents have sought to ask you
to treat them as material; but that is the task which remains for me.
MI. President, and for the moment 1 intempt.

[Public hearingof4 May 1964,morning]

When the Court rose, *Ir. President, 1had juçt completed Ouraccount
of the ~relimiiiarv conversations and the intergovemmental acts. The
negotiaiinns bct\&eii th< yri\.i~tcinreresrs suhs~~~liieiru tliçJiscoritiii-
u;incc ;trc, in our\.icii\r.ithi,iit relt.\.ancc to tlie case prciciited b! the
Sri.rniti i;overiinicnt. bnied, ai ir is. up~ii tlie inter~o\~crnniciitnl acri
and the legal circumstances of the diicontinuance. Slaving re ard to
the nature of the discussions which led to the negotiations, the Epanish
Gorernmeut submits that it can have no respousibility for the mis-
carriage of the negotiations. Furthermore. as stated in paragraph 22
of the Spanish Xote of 5March 1962-Annex 271oftheBelgian hIemorial
-the Foreign Minister expressly drew the Belgian Ambassador's ,at-
tention to the private character of the Count de hfotrico's intervention.
strongly insisted on the private character of the negotiations. We there-
fore propose only to place before the Court certain points for considera-
tion.
M. Frère's account of the negotiations begins at paragraph 37 of his
memorandurn, the Count de hlotrico's comments on aspects of the nego-
tiations are in paragraphs 32 to 46 of his report, and then hl. March's
comments on the breakdown of the negotiations are in his letter of
18 September 1961and in paragraphs 44 to jz of his letter of 25 October,
and these are printed as Appendices zj and 27 to M. Frère's mcmo-
randum.
Now, when the private negotiations opened on 8 April, it was alrnost
three months since the meeting in January had ended in an atmosphere
of franchecordialité.In the interval, proposal after proposa1 had been
put to 31. March requiring him to negotiate before the accusations
against him had bcen finally withdrawn and in some degree appearing
to implicate the Spanish Goveniment in the propnsed negotiations.
This had continued until the very end. Meanwhile, from January on-
wards, the shares of Barcelona Traction had been rising on the Bourse
in Bmsseis, and in addition to these factors, an obvious consideration
from the point of view of BI. March in approaching the negotiations
was the need to negotiate upon a basis which would not carry any
implication that he recognized that there wns substance in the accusa-
tions against him. M. March's proposais were contained in a long memo-
randum which echoed some of the observations made by him at the
meeting in January, referred to the Chade settlement as a precedent
and proposed to compensate the shareholders by reference to the valua-
tion of their shares on the Bourse either in 1948 oi 1952. Given his
situation, the principle proposed by him-the valuation of the shares-
was understandable, but the dates proposed, that of the bankm tcy
and of the sale of the assets, gave very low valuations which M. &&re
considered wholly iuadequate.74s BARCELOSA TRACTIOS

This, hfr. President, was the occasion of the personal letter of the
Count de Alotrico ta M. Hernandez when he advised against producing
a counter-blast of the same order and recommended that M. Frère
should rather press for more favourable valuation dates-that is Appen-
dix 16 to M.Frère'sneiv documents. M. Frère'sside, howcver, countered
with a proposal founded on a quite different principle, that of the
view wouldofclearly carry the risk of being interpreted as an admission
by him that the Company had been spoliated by him. Thus in a hrief
note handed to the Count de AIotrico on 12 April-it is Appendix 15
ta Al. Frère's memorandum-M. hfarch referred to the portéeand sig-
?rificationof paying compensation of the order demanded by M. Frère.
M. Frère then produced a memorandum giving the course of prices
of BarceIona Traction shares on the Brussels Stock Exchange from 1920
to 1936, which gave an average figure of approximately $23. M. Frère's
figure was arrived at only by taking into account the years prior ta
the reduction in value of the shares which followed the difficulties
to wliicli Professor Reuter has referred, and eveii in the period chosen
hy M. Frère, the average price of the shares during the last five years
of the period was under $15 and the price had dropped further, even
before the outbreak of the Civil War. Confronted with tliis proposal,
M. AIarchmaintained his original proposal.
It is stated inparagraph 36 of 3%F . rère's memorandum that at this
point the Count de Motrico said to hf. Hernindez that he had told hl.
hlarch that if he maintained his attitude Sidro \i.ould inevitably be
driven to ask the Belgian Government to start a new case. This does
not accord with our information, but even if somethiiig of that kind
had been said in a moment of exasperation, it would still remain true
that throughout the preliminary discussions the discontinuance had
been viewed both by M. March and the Count de Motrico as requiring
the final withdrawal of the case from the Court. This appcars from
paragraphs 7 and 27 of the Count de Motrico's report and from certain
of the documents which have been presented to the Court.
The nest important stage in the negotiations was a meeting hetween
$1.Frère and the Count de Motrice on 15 July. hl. Frère had previously
other before October.hedMeanwhile, the Count de Motrico had had ahe
strong letter from M. hlarch. the text of which is printed as Appendix
27 to M. Frère's memorandum. The cause of this letter apparently
was that M. March had gained the impression that Sidro were seeking
to represent the Count de hfotrico's participation in the meetings as
something other than private, and that they were doing this with a
view to instituting a new case. M. Frère and the Count de Motrico
differ in their accounts of the discussion of thistter at their meeting,
but the upshot was that it was ultimately agreed hetween al1concemed
that a further meeting should be held towards the end of August.
Moreover, on offering to withdraw from the negotiations the Count de
Motrico was asked by both arties to continue.
The meeting finaliy too!! place on 6 September, when M. March
opened the discussion by proposing that al1present should sign a decla-
ration ahing that throughout the preliminary discussions and the
negotiations the Count de Motrico had acted in a strictly private role,
not in any relation to the Government. He also proposed that the REPLY OF SIR HUIlPHREi' WALDOCK 749

existing documents of the negotiations should be signed, and also any
future ones. M. FrAre said that after six months from the opening of
the negotiations he could not admit that their continuance should be
suhordinated to a new preliminary condition, and he also explained
that he could not sign the paper in any event as he had always attached
importance tothe character of the Count de Motricoas Spanish Ambassa-
documents. He further said that he would be satisfied with any formf
ofletter acknowledging the private character of the Count de iilotrico's
intervention and would then be ready to have a secret meeting with
hl.Frère, accompanied only by hl.Hernandez and hl.Zuloaga as inter-
preters, at which each of the two principal parties would reveal the
figures that they were disposed to accept. M. FrAre did not adopt this
proposal and the negotiations terminated, without him having ascer-
tained the higher offers that M. March appeared prepared to make.
In this connection, Yr. President, 1should like respectfully to add one
point to my discussion last Wednesday-it is onpp. 724.735and more
especially on p. 735 supra-the discussion of tlie contacts between the
Count de hlotrico and his Minister prior to tlie statement on 7 March
in M. Frère's mernorandum. In his letter of g Soptember 1961 to M.
March at Biarritz concerning his refusal to sigii the proposed note,
M. Frère made a statement to ~vhichit is only right that 1 should draw
the Court's attention, and to which 1 should have referred last Wednes-
day. It is in Appendix 22,and it reads:
"En outre, les contacts que cette mêmequalitélui permit d'avoir
à diverses reprises avec leministre des Affaires Ctrangèresd'Espagne
notamment au cours des pourpariers préliminaires, me donnèrent
la certitude que le Gouvernement espagnol, au courant de la ten-
tative de négociation dont j'avais pris l'initiative, la voyait avec
faveur et ne ferait rien pour en empêcherla poursuite ni pour
entraver i'exécutiond'un accord éventuel."

Certainly, the Count de Motrico, as the Arthur Dean correspondence
itself in theprivate dispute, was well disposecl towards an attempt to
settle it by negotiations between the private interests. Indeed, after
he made contact with his Minister on 17 March, the Minister hunself
confirmed in his teleg~arnof zr Alarch that this was the attitude of his
Government. This was, no doubt, reflected in the kind of views expressed
by the Count de Motrico to M. Frère but, as the Court knows, the
Count de Motrico, whilehe certainly discujsed with hl.Frère the assur-
ances desired hy the Belgian Government, denies that he asked for or
received any promises from his Minister with regard to these assurances
or that he mentioned them to him prior to 17 March. The Court wiil
appreciate that at this stage of the case the Spanish Government has
considered it its duty to be as brief as possible, and in consequence
there remain some points in regard to the negotiations subsequent to
the discontinuance with which we have thought we ought not at this
stage to trouble the Court, but we are bound to make the reservation
that this does not in any way mean that we necessarily accept the other
point of view on such points of controversy as may remain.
With your permission, Mr. I'resident, 1 noiv propose to turn to the
legal aspects of the discontinuance.7j0 BARCELONA TRACTION

The one point of common ground between us and our opponents is
that we recognize that Articles 68 and 69 in themselves deal only with
the procedure for effecting a discontinuance. Beyond that we differ.
Our o~vonents sav the act of discontinuance. beinc vrocedural. the
riglit Ôf'action i.inot touchcd b)' the diicuiitiniixiic~ trth'tliat something
rnore, indicating nii iiitentioiIO ri.iinuncetlie rifilitof tic~ion,,isrieededto
I~ririr.t~outth2 extiiicuishint.nt of ihat rielii. \\'c s.rv tli~t it iscsîeiitiallv
a qÙéstionof the lai;. of procedure appkable iii the Court and of thé
appreciation of the circumstances of the case in the ligbt of that law.
We further say that a party discontinuing proceedings under either
Article 68 or 69 is barred from reintroducing the case unless it appears
either from the terms or the circumstances of the discontinuance tbat it
indicated to the other party at the time of the discontinuance its inten-
tion to retain the right to do so. And, secondly, in any event, a State
which discontinues proceedings when in the position of a defendaut to
preliminary objections, is barred from reintroducing the case unless it
indicated to the other party that it reserved the right to do so and the
other party consented.
Our opponents have drawn heavily on an alleged analogy from munici-
pal law, claiming that the distinction between désistementd'instance
and reno~zciationd l'action is a generai principle of law and that the
effect of discoiitintiance under your Rules must be determined in the
light of that general principle of law. Replyiiig to our Objections to
their attempt to import this supposed generai principle into Articles
68 and 60. I'rofessor Sereni said tbat we had not denied that the dis-
tinctioii );;NIbeen acceptcd in Uc,lginnand S~>niiistI inir, kn0ii.n III
linglisli aiid i\nit.ricxn l:i\i,;thnt \i.eha<lnr,t dcnied that iiiider the jurij-
pnideiice of tlie French Conseil d'Et;it it is possible to Iiavt n desisle-
meut d'iiista~rcewithoiit nt the snme tiiiic a re>zoncialion iil"~c1ion. If
I insv iiitérjectci\vord liere. Slr. Presid~.iit.\vh.i\vépoiiited out iithat
the procedural In\v of tlie French Coriseil d'f:tat in priiiciplc excludeî
aiiy riglit to rcintroduce niid thlit if its jurisprudence no\v arlmiti tlie
~)os~il>ilitof reintroduction it is onlv wlieri tlie rixlit to do so1i.ubeen
expressly reserved at the time of discontinuance. -
Professor Sereiii then observed that 1 had referred to the niles in
force in the Swiss Federal Tribunal, according to which abandonment
of the proceedings automatically involves the abandonment of the claim,
but 1 had iiot mentioned either the fact that the niles of procedure
before the courts of the cantons are different or the fact that the
federal tribunal is an au~ellate iurisdiction where the termination of
the proceedings give the'force of the chosejugéeto the judgment of the
court below and he maintained that it is for this reason that the temi-
nation of the proceedings before the federal court also extinguisbed
the clairn. That is not our understanding of the matter, MI. President.
The SxvissFederal Court is certainly a court with appellate jurisdiction
but it is equally a court of first instance for certain cases. Furthemore,
the rdes of procedure forthe Court as an appellate tribunal, the law of
federal judicial organization, 1943, does not contain any provisions
concerning discontinuance but leaves it to be regulated by the law
applicable to its instance jurisdiction, which is the law of federal civil
]unsdictiou which provides in Article 73 that "la transaction passée

entre les Parties devant le juge ou remise au juge pour etre consignée REPLY OF SIR HUDIPHREY WALDOCK 7s
au proc&s-verbal, de mêmeque le désistement d'une Partie, mettent
fin au ~rocks".
~nd'then, in another provision: "La transaction judiciaire et le désiste-
ment ont la force exécutoire d'un ingement."
Nor. Mr. President. does oiir information concerning the ~rocedure
for diicontinuing in the courts of the various canto; coin'cide with
what Professor Sereni states regard in^it. According to our information
there is some diversitv in the-cantonal svstems of nrocedure. a fact
which gives further sGpport to our geneFal contention that the legal
effect of a discontinuance depends essentialiy upon the Rules of Proce-
dure applicable in the particular court concemed. Moreover, contrary
to what our learned opponent seems to Say, we think that the procedure
of some of the cantonal courts treats a discontinuance as effecting a
final withdrawal of the case. But erhaps 1 may be allowed to cite a
passage from the book on Smiss ?am of Civil Proc~dureby Guldener,
a writer of authoritv who savs:
"la recoiiii;iij2;iiictde la deni<:t1,:r1:tr:iit<lecellc-cicoristitiitnt
iiurrnnl~~msiiiuric affaire iuridiciJe droit substantiel.Celui qui
reconnaît la demande veurfaire iiennes les oblications sur lesauelles
cette demande porte et leur attribuer un fogdement juridique.si
elles ne l'ont pas encore. C'est la raison pour laquelle la reconnais-
sance de la demande entraîne en eénéialune-reconnaissance de
droit substantiel.Il en va normalement de mêmeen ce qui concer-
ne le retrait de la demande. Celui qui retire une demande renonce
à la créance réclamée et la rend juridiquement caduque si elle a
vraiment eu une existence rbelle."
Professor Sereni concludes liiç comments npon the municipa! law
systems by further stating that we do not mention the fact that in al1
the legislative systems of procedure-which he says are iiot iiumerous-
that do not admit any right of reintroduction, the need has been felt
to have recourse to a special ~rovision: or that those svstenis whch
do not preclude the institution of fresh' roceedings havé not felt the
need for saving so expresslv. Here again, Kr. President, we feelthat our
learned opponënt's pÏemisës may përhaps be open to question because
those systems which preclude the nght of reintroduction are for the
most part, we think, inspired by roman law, and the pu ose of legis-
lative provisions, it may be suspected, was to codify and c arify perhaps
an existing principle rather than to legislate de legelata.
But wc think, in any event, kir.President, that our opponents have
of procedural law. There are numbers of systems where the distinctione
is not yet applied in the procedure applicable to the ddsistemertt.Be
that as it may, we consider that there is a much more fundamental
obiection and that is an obiection that this distinction should be im-
p/;ted automaticaUy into iiternational law. U%le we can agree with
our opponent that the international law of iudicial procedure has in
certaina~heres drawn many of its concepts from muniupal law,syste,ms,
it is beyond dispute that this is not the case in the sphere of jurisdiction.
In this sphere the principle that jurisdiction depends u on consent
means that the foundations of the two systems are esseutiaiy different;
and the effects of this difference on the procedure of the Court weTe
more than once recognized by the judges of the Permanent Court in752 BARCELOSA TRACTION

drafting the Kules of Procedure. For this reason, we helieve that our
opponent's thesis that the effects of the désistementd'instance under
Articles 68 and 69 are to he determined necessarily in the light of the
distinction between désistement d'instanceand renonciation ri l'actio~t
found in sorne national systems is based on a false premise; for it takes
no account of the different hasis of jurisdiction in internatioiial law.
.4nd we tliink that the same is true of the discussions of this prohlem
hy some writers, by Scemi and Suy, who assume the relevance of the
presumption against a renunciation of a right in this context, \vithout
really entering into the question of the other State's consent ta juris-
diction.
Our learned opponent said that the institution of a désistemeidd'ins-
tance which leaves a right to reintroduce could not be adopted hy
international practice until there were permanent or semi-permanent
tribunals; and he invoked the fact that the distinction between désiste-
ment d'instance and renonciatioiia l'action\\.as admitted in the proce-
dura1 riiles of some of these tribunals. In my previous intervention-
it is at II, pages 94 ta 95-1 pointed out the diversity of the rules found
in these Rlixed Arbitral Trihunals. Since our opponeiits have invoked
those examples which admit tlicir distinction, 1 may perhaps be allowed
to make two observations regarding thern. First, their jurisdiction \vas
sornewliat special, since much ofthe litigation was conducted directly hy
individuals as parties subject only ta an ultirnate control hy their States,
and the decisions turned largely on points of private Lawand the iiiter-
pretation of the peace treaties. Accordingly it is not surprising that in
drawing up the rules of procedure a number of States incorporated
~rovisionsconcerninedé<,stementbased uDontheir nationallaw. Secondlv.
ti:iving regard in m! leariicd opponciit's coiitentiuii tli:iIII! argiiiiieiit
cuiic,:rniiig tli;ili;viiiul ~>rcscril~ctiilnic-liniitj for I~riiigiiig1,iuit,~.dingj
in intvr~i~tioii~lla\\,15 nitl~~iit ;,ity r~l~v~.~~~i~i;;, crlf:~psilnt \vitInt,ut
iiitcrçt tli;~ttlic riil<.iof yrocediirc uf ;,IItlicst: tril>iiii:ilj~nnt:Itricts
riine-liiiiirj for tlic Liringiiigof prucct.rliiig<.\lorcovcr !hi: rulcjuf pro-
cediirc ;ido~tcd II! Ikl"iu.i hcrjclf for th? tritiuiialsIII\vliiclisli~3rli-
cipated dealt exGessly with the relation between a désistementand the
operation of the time-limits; Article 69 of the German-Belgian Kules
regardingdiscontinuance provided: "Le délaideprésentation desrequêtes
court comme si la requêten'avait pas étéprésentée."
The Rules of Procedure in this Court, we know, deal only with the
mechanics of bringing the proceedings to an end. The present case,,as
1 have iiidicated in my first intervention. is the very first one in which
thc general question of the legal effects of a discontinuance upon the
nght to institute fresh proceedings and the relation of that question
ta the State's consent to jurisdiction have come under consideration.
For the reasons which 1 have already given, we subinit that the Court.
systeiu". We also submit that the principle that jurisdiction dependsn

upon cthe other considerations whichof this 1omentioned in my speech on
17 hlarch-at ii,pages 97 to 99-point ta a system under which dis-
continuance of proceedings by a plaintiff terminates the right ta pursue
the clairn before this Court, unless it appears cither from the terms
or the circumstances of the discontinuance that at the time the plaintiff REPLY OF SIR HUDIPHREY WALIIOCK 753
State indicated to the other that it reserved the right to do so.
But in making these suhmissions, we are encouraged by our learned
opponent's concurrence in our observations concerning the effect of a
désistementin cases where the Court is seised of the proceedings under
a compromisor upon the principle of forum puorogatum.At the hearing

of IO April-at II, page 451. our learned opponcnt said with reference
to my argument concerning the case of a compromis:
"Il remarque aussi qu'il serait difficile qu'une partie pût saisir
la Cour par voie de requête unilatérale. apres désistement d'ins-
tance, si la juridiction de la Cour se fondait sur un compromis.
Un nouveau coinpromis, c'est-à-dire un nouvel accord entre les
parties, serait nécessaire afinque la Cour pût &tre à nouveau saisie.
Jusqu'à ce point, on pourrait êtremêmed'accord."

Well, now, the Court may remember that 1 liad pointed out that a
compromis sometimes atithorizes the seising of the Court by unilateral
application. Earlier in his speech-at II, page 451-Professor Sereni
conceded that discontinuaiice of ~roceedines founded uDon torz<mbroro-
g,t11o111~11t~;icn~idaltogztlic.rto iiie jiiris(1icrion.sn!.intli~rit13 n special
case becau>.: ttic#csvori~:lciitiubinits onli to tlic proct.cdingj iiipro&qesi.
And then he continied: .

"But when two States, by means of a treaty of arbitration, have
submitted themselvcs, in respect of al1 disputes that might arise
hetween them, to the jurisdictioii of an international tribunal
which provides in its rules for the possihility of a pure and simple
discoiitinuance of ~roceedines. one cannot see whv a discontinuance
should be interpLted in cdifferent way on the ground that it
took place in international proceedings."

%'hatever may he said about the linlits of the consent given in cases
of forzrnz~rorogatum,we do not see upon what basis he differentiates
between proceedings started under a comprontis and under a general

treatr of arbitration. The onlv difference bet~veen a combromis and a
ge~icr.tItrt~:,i!.;iisri;s:c ii is.in tic. r.~>~;of t1.cdiîpiitc;'to \i.hicli the
;lcc~])t:i~icof~]~iri;~ii~ti~~rila1~.3-~iiI.~r ;ijin;Ic dispute iln~~~ L rllll-
~YGIUIS or nxr~~t-~i\:c ~artccnrlv; oi ~Ii~~ut~o sr :,idi>piitc.;uii~lcr :i\vider
ireaty. the quality 2nd depth if the consent io the Court's juris-
diction is, we think, perhaps the same under either instrument. The
parties in either case by agreement submit the given dispute to the
adjudication of the Court under the Rules of Court. In the one case,
the dispute is isolated and identified in the compromis; in the other
it is indicated in general terms in the treaty and only becomes isolated
and iden~~~~-~ ~t a later date when it is suhmitted to the Court hv
compromis or application. 13ut with respect to the concrete case, th!
intention of the parties is the same-to submit it to the Court's adludi-
cation. So if, under Article 69, the discontinuance of proceedings begun
on the basis of a compromis terminates the jurisdiction of the Court
with respect to that dispute, why does it not do so under the 1927
Treaty? What difference can it make that the 1927 Treaty also enables
other and quite different disputes to be submitted to the Court on other
occasions? Our leamed opponent seems to assume that, irom the ppjnt
of view of discontinuance, a general treaty confers a greater durahility754 BARCELOSA TRACTION

on the consent to adjudication than in the case of a com@omis. If so,
that assumption seems to usto be questionable.
the 1927 Treaty from proceedings under a compromis?He observed- under
it is again at II, page 451:

"Ce rapprochement est tout à fait faux et arbitraire. Bien au
contraire, le traité de927 a voulu éviter le danger que la Cour ne
pût pas être saisie lorsqu'une partie, comme l'a fait d'ailleurs
l'Espagne, se refuseà signer un comproniis. C'est pour cette raison
que le traité donne à chacune des deux parties le droit de saisir
la Cour par voie de requête unilatérale et c'est de ce droit que le
Gouvernement belge s'est prévalu tant à l'occasion de sa première
que de sa nouvelle requête."
Here, Mr. President, a new vista seems to open before us. If under the
procedures laid down in the Treaty, Spain agreed to the case coming
before the Court by compromis,would the discontinuance have termin-
ated the jurisdiction of the Court with respect to the dispute-but not
if shehad refused the compromisand let the case come before the Court
by unilateral application? In our submission, it is this that would be
a false and arbitrary distinction.
It seems to us significant, hlr. President, that in the original version
of the Rules of Procedure no provision was made for unilateral discon-
tinuance. It is no less signifiant that in the discussion on the revision
of the Rules in 1935and 1936,1think 1 am right in saying no Memher
of the Court mentioned the ~ossibilitv of the reintroduction of the case
as sucli, or the distinction 6ctn.eeri the with<lrau.nlof tl~eprozccdings
:ind tlic rcnouncin~:of the :iztioii.The three GISCS-settlenicnt. dé~slemrnl
by agreement. diiisirnrenf uiiil~trr~ll!.-werc regarded simply as wscs
of abandonment of the procccdings. As to Judge froriiagcot's dctinition
ol znsiance.to \vliicti oiir lenrned ouuoiieiit rcferrctl. thii does no[ seem
to carry the matter any further Ge way or another. The interesting
debate regarding the desirability of allowing the abandonment of the
proceedings at any moment right up to the delivery of the judgment
or only up to the end of the hearings. The very fact that,the Court
admitted the possibility of allowing discontinuance. including a uni-
latcral désistcnzcndt'insta?tce,right up to the very moment of the handing
down of the judgment suggests that it was not in their mind that the
plaintiff would institute fresh proceedings. 1 may add that in an earlier
discussion in 1933 concerning the introduction of a rule allowing uni-
lateral discontinuance, Sir Cecil Hurst spoke of discontinuance in terms
of the termination of the Court's jurisdiction both in the case of with-
drawal by agreement and in the case of a unilateral application. That
is in Series D, 3rd Addendum to No. z, the footnote to page 319.
In short, Mr. President, we maintain our contention that when pro-
ceedings are instituted in this Court, whether under a conzpromisor
under a general treaty, the plaintiff takes up, and at the same time
exhausts its right to invoke the consent of the other State to submit
the particular dispute to the Court. We do not think that a general
agreement to submit a wide range of disputes, any more than a compro-
mis, can be interpreted as implying a consent to submit to the jurisdic-
tion of the Court witli respect to a particular dispute more than once REPLY OF SIR HUhlPHREY WALDOCR 755

at the behest of the other party. Accordingly, if a plaintiff State invokes
its right to bring the other State before the Court with respect to a,
dispute, aiid the defendant complies with its obligation by submitting
exhausts its rights under the Treaty. The defendant has performed its,
obligation by submitting to jurisdiction. Then, if the plaintiff State
discontinues the proceedings of its own volition, without any reservation,
it cannot, we think, cal1upon the other State to perform its obligation
a second time. Only if the discontinuance is made conditional upon
the reservation of a right to institute fresh proceedings and that dis-
continuance, with its condition, is consented to by the other party do
we think that the plaintiff can bring the defendant before the Court
a second time.
A fortiori, do we think this to be the position when the Treaty, as
in the case of the19'7 Treaty, provides for a graduatecl series of proce-
dures to which each dispute is to be submitted, the final procedure
being submission of the dispute to the Court. In our view. the carefully
controlled use of the orocedures insisted uoon iii the Treatv. which
requires the exhaustio; of one means befo; another, is incompatible
with an interpretation of the Treatv which would permit a double use
of itsprocedires with respect to thésame dispute. *
Nor do we tliink that the fact that Article 69 deals only with the
discontinuance of proceediilgs in progress in any aray affects the matter.
Just as the Rules of Procedure provide the machinery for the institution
of proceedings. so also theyrovide the machinery for their termination.
The question whether a termination of proceedings under the Rules
exhausts the rights and obligations of the parties under the jurisdictional
agreement is not, we think, a matter which depends upon Article 69,
since this Article, we are al1 agreed, relates only to the machinery for
terminating the proceedings in progress. Tt is, we think, amatter which
depends ori the intentions of the parties in concluding the jurisdictional
instmment.
Our opponents, Mr. President, Say that since the discontinuance
under Article 69relates only to the proceedings in progress, the defend-
ant's obligation to accept jurisàiction with respect to the particular
dispute continues unless there is proof, either in the notice itself or
outside it, that when discontinuing the plaintiff intended to give up
its right of action; and in support of their position they emphasize the
unilateral character of a discontinuance under Article 69. And in this
connection Professor Sereni cited the dictum of the Coiirt in the Anglo-
Iranian declaration. We on this side could not help wondering whatof the
to make of this citation in the present connection because we recalled
how Me Van Ryn insisted upon the part played by the Count de &Iotrico
in amending the Belgian notice of discontinuance, but we can only
assume that our opponents take the view, entirely correct in itself,
that ivhen he did that the Count de Motnco was acting purely in liis
private capacity as intermediary.
In tmth, hlr. President, we are not sure where the principle in the
An&-banian Oil Company case is supposed to lead us, because the
Court in that case, it is true, interpreted the Iranian declaration as a
unilateral instrument,but it did so, not on the basis of purely subjective
statements of Iran after the event, but of a published contemporary756 BARCELONA TRACTION
statement in the Iranian Parliament and more particularly the circum-
stances in which the declaration was made. In other words it is a prece-
dent which rather supports the principle of determining the effects of
a unilateral instrument by reference to the objective circumstances in
which it \\.adrawn up.
In the present case the opening words of the notice, in the second
and third paragraphs, in themselves contain objective indications that
the discontinuance is being effected in particular circumstances. The
moment that one penetrates behind the notice to the objective evidence,
as distinct from tlic Belgian Governmeiit's subsequent statements, con-
cerning the circumstances in wliich the discontinuance \vas effected,
one firids that the proceedings were discontinued to comply with the
condition sine qua non, namely Irrelirada definfinitdae la demanda. The
Snanish Government \vas not in nossession of this evidence~~.ut it
\\.as iiifùrnicdiiigciicr.il t<:riiiiof rhc ~irciii~ist.iiicesof th<:diiwiitiii-
iiaiic~,.ci1tli:<tilic iiioriv~for \\..It~ fuliiililcon<litionsriicqua truir.
Suk.\i>l.tii:ition-ivcr*:offrrc-dh\. tlic Uclci.iiii;~\~riii[Othc Si~aiiisli
GoveAment wliich might havé served 70 modify the coriclusionSas to
the iinal character of the discontinuance which would naturally be
drawn from an appreciation of the objective circumstances surrounding
it. The Belgian Government's subjective esplanations of its intentions
\i'ereonly given to the Spanish Govcrnment after the eveiit.
Furthermore. &Ir. President. the exclusion of the obiective circum-
stances from consideration in appreciating the effect; of Belgium's
unilateral act scems to be inadmissible when that act was accomplished
after represeiitatioris to the Spanisli Govemment more specialiy with
regard to the timing of its response to the act.
As to our opponents' general argument regarding the unilateral
character of their discontinuance, we adhere to the position which 1
took on this question at the hearing on rG March-it is atII, page 85.
A discontinuance under Article 69. paragraph z.aims at the termination
not only of the plaintiff's interest in the proceedings but also that of the
defendant. The express or implied concurrence of the latter in the
discontinuance is therefore necessary before the Court will order the
removal ofthe case from the list. In short. we think thaa discontinuance
under paragraph 2, when completed, ha; a certain consensual, bilateral
clement. Professor Sereni questioned this view and, citin~ Scerni in his
favour, \vas careful to speâk of non-opposition ratlier thaR a consent to
the discontinuance. Tlie Belgian Govemment in paragraph 291 of its
Alemorial (1) was less sensitive on the point, speaking bluntly of the
Spanish Government's acceptation du désistement. Aloreo\~er, at the
discussion of the Rules of Court in 1933to xvhich1have already referred,
IIembers ofthe Court hadno hesitation in speaking in termsof "consent"
or even "agreement" of theother party. That again, is in the footnotes to
pagOur leamed opponent reviewed the precedents of discontinuance
before this Court and its predecessor, just as 1 had donc at the hearing of
17 llarch. The conclusion which we draw from them is the complete
absence of any rigid formalism in the procedures used for terminating
proceedings and of any rigid technicality in the use of terms. Our
opponents rely on the fact that in most cases the communications to the
Court indicate either that a settlement has been reached or that a discon-
tinuing State isabandoning its right to proceed. That may be true, because REPLV OF SIR HUIIPHREY \VALDOCK 757
withdrawal from the proceedings will normally occur in such circum-
stances that the States concerried will normall)~fecl jt necessary for rea-

sons of policy to motivate their withdrawal. But it does not follow that
a State which abandons the proceedings without any motivation, or
with a formula such as tliat contained in the Belgian notice, is to be
considered as having sufficiently indicated to the otlier party that its
n~ ~ ~ of withdrawal is conditional uDon ils reservation of a neht to -
institute fresh proceedings.
1 shall now pass, Mr. President, to the argument which me base upon
the s~ecial leeal circumstances in which the discontinuance took vlace.
It 15tlit. i:,ct t1i:it tl<tlp:,ii(;ovc.rniiicnt \i..:il t1.itiiii~~I~lc.nrl.~nii
rlic iirïliiiiiii:ir\. 1>rnccedi;iiit~:iIIcd iiliuiid rcl'l!. to .jp;iiii'suLj~~~tioiis
to tlie Courr', iurisdicrioii :giiitr, II.,:iiliiii;;il)ilitv of tlic Iii.lci:iii cl:iiiii.
My learned oiponent contends that this argum&t breaks a0 the most
elementary principles of procedural law, and that once the proceedings

have been begun the position of tlie parties is fixed. He States that for a
party to be in the position of a claimant, it must present a claim on the
merits Iiaving an,object of its own, and he insists that a preliminary
objection has no Iife of its own, and that a defendant raising one merely
places an obstacle in the way of the plaintiff and does iiot itself become
a plaintiff.
Again, llr. President, we believe tliat our opponcnts underestimate
the differences in the procedural law of international and municipal
tribunals which arise from this principle tbat the jurisdictioii of inter-
national tribunals depends upon the consent of the parties and also from
mles affecting the distribution of competences aniongst States, such as
those concerning the nationality of the claim and the exhaustion of local
remedies. àIy distinguislied colleagiic, Professor Ago, in his speech on

I April regardiiig the joinder of preliminary objections to the merits, has
already submittcd to the Court our observations on the essentially
preliminary and special character of tlic issue raised by preliminary
objections. The Court mil1find those observations at II, pages 263 to 271.
It will also find the matter fully discussed in Chapter III of \\'itenberg's
excellent book L'organisationjr~diciaire. If 1 may, Mr. Presiùent, 1 shoul(l
like to read to the Court a brief passage from that book, becanse it
contains two statementsby Nembers of the Court made during the 1926
revision of the Kules to which 1 should like to draw particular attention
in the present connection. The passage, on page 402, runs as follows:

"M. Anzilotti. dont J'ovinion rallia. soiis o.el<i,es réserves,
I't~n:~iiimitCdc:; iii~.iiihrcs(ILIn Cour. soiili~ii.i 1,:sijiiuii* jiiiiiliqiic.
vt Iofii<lii,.111 iiiitiri~iiI't.~;iiiieii~x;:~l.~hdc. ilit.crscj cxic[,tii,iis.
ct si~;ci<ilcniciiiclc ct:ll<:il'inconi~itcncc (:t ri'csr<.ii'.ii>riioliitidn
~Ic ;L.S~xceptinns que ILICour ah, dit-il, niitorit; pour r>l>ligcrIcs
~mrtics ;i(IL:vclol>livIr<;iirs:irfiiimcnr1.:idr'cidcr:iutrcriicnt pcirrcr:iit
ntrcintc à la ~c>u\crainetCdcs Etnt3 Lz IJri.,ide~irro11clr11 Pv~ rpr
s'ex$liqzrantsur la qzrestionde compétence'quel'examen indépendant
et firéulable ail fond ...étai1commandéfiarles firincifiesfondamentat~z
dzidroit international.' "

'l'lie ;t!p:ir;ic~l~~ir~~~o ~ftrrtlw~~reIiiiiiii:~r~r~o:~~:(liii&sis r~~~(~gnizc~1
in \our ],r;iitice, .\Ir. I'r, ;id,:as, is tcititicd II!111%lolloiiiiig (leciiioiiii
ilicf fittiLiln~C;I>L.on tlie ;ir,iilic:<tionof Xrti<l13 oi tlic Stature, rcixntcd
at page 131 of the Anni<ai;E 1'962.1963, one of Cheprocedural deckions:753 BARCELONA TRACTION
"La procéduresur les exceptions est considérée commeune phase
distincte de l'affaire, la phase suivante n'ayant par conséquent pas
êtretraitée par la Cour dans la même compositionet sous la même
présidence."

of the procedure on the merits, says "une manière de procès nouveau vaion
s'instaurer".
As to the respective positions of the parties, it is well recognized that
the objector is the claimaut in the preliminary proceedings. Indeed, the
Belgian Agent virtually opened the present proceedings by intervening
with the observation: "Now, since the Spanish Government is the claim-
ant witli regard to the objections ..."
Here, Mr. President, 1 should like ta clear iip a misunderstanding
concerning the relation betiveen preliminary objections and counter-
claims \\,hich has arisen hetween me and my learned opponent. Dealing
with the Spanish Government's secondary argument based on the
particular character of the 1927Treaty, 1said that in regard ta the
exhaustion of local remedies Spain was asserting her own substantive
right of jurisdiction as well as raising a jurisdictional plea. 1 used the
word "counter-claim" in this connection and then, realizing that this
might lead to confusion with the technical terin, spoke afterwards of
"couiiter-contention". hfy leamed opponent with justice complained of
this confusion, and he seems to have feared that we were trying to find
shelter for Our argument under the shadow of counter-claims which, in
his words, have an independent object and do not oppose the principal
claim. \\'e can relieve him of this fear, hecause we quite agree that coun-
teOur contention is rather that when a State discontinues proceedings in
the face of preliminary objections, it must be considered to have aban-
doned its defencesagainst preliminary objections; and the reasou is that
the very object of preliminary objections is ta stop the proceedings in
Iimine litis, as was emphasized hy Judge Anzilotti niore than once duriiig
the debates conceming the revision of the Rules. Similarly, Judges
De Visscher and Count Rostworowski said in the Paiteveszys-Saldzttiskiç
Railway case:

"11est clair, que si aux termes de cet article [that is, Article 621
l'exception suspeiid la procéduresur le fond, c'est parce qu'elle tend
à empêcherin limine litis tout examen au fond."
Itis because a discontinuance does put an end to the proceedings and
brings about the very state ofaffairs ta which the objections weredirected
that the Legal Department and the Spanish Foreign Rlinister considered
it inconceivahle that Spain should think of opposing the Belgian discon-
tinuance. Having regard ta the object of the Preliminary Objections
and the effectofthe discontinuance, they believed that the discontinuance
would necessaniy involve the abandonment of Belgium's defenceagainst
the Preliminary Objections and the final withdrawal of the casefrom the
Court. And in the particular case of an objection to jurisdiction, there is,
as the 1-egalDepartment observed, something almost ahsurd in the idea
of a State, which is contesting the Court's jurisdiction in a case, asking
the withdrawal of the case.ction when the other party hasquietly requested760 BARCELONA TRACTION
One reason why the Spanish Government would not and could not
have accepted the discontinuance is the important moral one given in
paragraph 3 of its communication to the Court of 7 July 1962':

"1.c Gouverncni~nt tap:igiiol :<ur<iitccrtaiiieiiient fait olilio,itiun
1ii dc~ijtviiiciit,'ilii'a\,aiIXIWC" I:icxtitud~ quc ict :,ite ciitr.,ii.:,ir
p:.r Iiii-iiiiinr la retionciiitio,i (I:iIlart du Gou~crii~m~ntbclgc, i
ilt~~nrcuationsaussi diffaiiiatuircs rlu'iiijustes i 1'6gsrdtIcjaiitorit6s
jur1ict;iires.:idmini5trati\.,:t:t~ou\~~~rricitit.iir;dc I'lXtatcq>:i~ri~~l."
In short, the Spanish Government could not knowingly have agreed
to a temporary discontinuance ofthe proceedings without compromising
its moral position. This reason, we respectfully submit, is decisive in
itself. Legaily, there was also the risk that by consenting to a temporary
discontinuance the Spanisli Govemment might equally find it had
compromised its firm position ou the absencc of a Belgian jus standi in
the case. And thirdly, the Spanish Government had the conviction that
its position in the pleadings as they stood was exceedinglyfirm. Accord-

ingly, if confrontedwith a discontinuance which she believed not to be
final, she would have had to give the most serious consideration to the
question whether to continue the case in its then existing state.
As to the prejudice actualiy suffered, Spain has been brought before
the Court again on the same grave charges, these charges being automa-
ticaliy circulated to ail hlembers of the United Nations. Secondly, her
opponent has had the opportnnity of reconsidering its presentation of
its whole case on the Preliminary Objectionsin the light of her argument;
and has in fact sought to remodel its defence to one of the Objections.
Thirdly, she has had the hcavy administrative burden of presenting the
case a second time to the Court.
&Ir. President, as our Agent wiü shortly be submitting to you the
Spanish Government's conclusions, 1 do not propose to take up your
time by summarizing Our arguments on this Objection. In general, as 1
havealready indicated, werest Ourcaseon the intergovernmental acts and
legal circumstances of the discontinuance in the manner in which 1
subinitted it to the Court in the first intervention. In addition. we sav
that ifrecoiirse ij11:idto tlie gelteral cir;iiiiistance; ol thc discontinusnc6.
it ijfoiind tli~t it \vasctfectcd to fullila coiidition fur 1.retirtidude/ïniiii..r
de Ici</inruordaa .nd tli~t tliiiuntlitioii clc~rl!. rel:itcd tr, the tinnl\i.itli-
drawal of the case from thc Court.
And with that, Mr. President, 1 would like to thank the Court for its
great patience in listening to my argument.

' See X, Correspondence. REPLIQU DEE M. GUGGENHEIM
COKSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Azcdiencepubliqz~edu 4 mai 1964, après-midi]

Xlonsieur le Président, AlessieursIcs juges, la tâche qui m'incombe à
présent est de présenter le point de vue du Gouvernement espagnol en
réponse àla plaidoirie consacrée, lorsdes audiencesdes vendredi IO,lundi
13 et mardi 14avril, par Mm' Bastid à la deuxième exception principale
et subsidiaire.
Avant d'entrer encore une fois,la dernière fois, dans la discussion sur
le fondementde la compétence dela Cour pour connaîtrc dc la présente
affaire, je tiensdire tout le plaisir que j'ai àuentendre ùIme Bastid et
combien j'ai appréciéla profonde honnêtetéintellectuelle qui a carac-
tériséson exposé.Aussi ai-je ététrès sensible au fait que le Gouverne-
ment belge ait choisi, pour êtremon contradicteur. Mme lJastid quiest, si
je ne me trompe, la première fcrnme qui se soit présentéecomme conseil
plaidant devant votre haute juridiction.
Jlonsieur le Président, je n'ai pas l'intention de revenir sur certaines
idées généraleset généreusesamplement développéespar 3lme Bastid.
De même,je ne répondrai pas non plus à l'exposéde mon honorable
contradicteur concernant les principes relatifsà la juridiction obligatoire
et à la tecliiiiquc dcs traités de rEglement pacifique des différendsinter-
natioiiaus en général.Ces questions ne font pas l'objet de la controverse
hispano-belge en ce qui concerne l'applicabilité de L'article37 du Statut
de la Cour. Je n'ai pas non plus l'intention de reprendre en détailcertaines
affirmationsqui ne font que répéterce que le Gouvernement belge a déjà
exposédans ses observations et conclusions; nous pensons y avoir donné
déjà une réponsepertinente dans notre premier exposédevant la Cour.
Tel est, par exemple, le cas pour la démonstration de la soi-disant
différence fondamentale entre le svstème consensuel des déclarations
unil:itir:ilcs dc jiiriilir~ion ol~liitir~>r<vuv: l'rtil ?h, par;#-
grnphc ?.dii 5r;itiiCIVI;i(:oiirct IcscI:iiisvjuri liitioiiiielles ic,iireiiucs
d311sç~rt:iiiisiriilti:II‘cristI<l';articl37 du Stilt111deI:iCour.
Nous nous sommes longuement expliqÜ& à ce sujet dans notre exposé
du 19 mars (voir II, p. 142et suiv.) et pensons en avoir dit l'essentiel.
Nous n'avons donc presque rien à ajouter aux observations, très peu
convaincantes d'aiiieurs, de la Partie adverse qui se trouvent aux pages
464 à 46j, II.
L'argument principal tendant à faire une distinction fondamentale
entre les clauses juridictionnelles, d'une part, et les conséquencesde la
coïncidence des déclarations unilatérales, d'autre part, est un raisonne-
ment qui ne résistepas à la réflexion.L'accord de volontéentre les deux
Parties est le mêmedans les deux situations. La coïncidence des décla-
rations prévuespar l'article 36. paragraphe z,correspond à la coïncidence
des volontésexpriméesdans les clauses juridictionnelles des traités, visés762 BARCELONA TRACTION

par l'article 37 et cela mémeavant que la requêtesoit introduite devant
la Cour.
Dans les deux cas l'engagement réciproque existe à partir du moment
où il peutEtre constaté, soit par la remise des déclarations de reconnais-
sance de la juridiction obligatoire au Secrétariat des Nations Unies dans
toute la mesure où elles ont un contenu identique (art. 36. par. 2). soit
par la conclusion d'un traité formel.
Dans les deux situations les Etats ne savent pas toujours à l'avance
A l'égardde quels autres Etats et dans quelles limites exactes ils se sont
engagés.En effet, le traité contenant la clause juridictionnelle peut être
un traité multilatéral, comme par exemple, l'Acte généralde 1928relatif
au règlement pacifique des différends internationaux, dont il a été
longuement question dans cette procédure. Lorsque interviennent plus
de réserve,a pour conséquence de modifiernon seulement le nombre desn
Etats auxquels la clause juridictionnelle est applicable, mais encore
le contenu mêmede l'obligation, de la mêmemanière que pour les
déclarations unilatérales de reconnaissance de juridiction.
hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, on ne voit vraiment pas
comment il pourrait y avoir une différencesubstantielle entre les deux
modalités de reconnaissance de la juridiction obligatoire qui toutes
deux - c'est ce que nos honorables contradicteurs oublient de dire -
tendent au mêmebut, c'est-à-dire à l'acceptation et à la mise en Œuvre
de la juridiction obligatoire.
Ainsi donc, comme nous l'avons déjà dit dans notre première inter-
vention, l'article36, paragraphe 5, et l'article 37 du Statut de la Cour
poursuivent des objectifs identiques. Ils ont pour but tous deus de
transférer i la nouvelle Cour la reconnaissance de la juridiction obliga-
toire de l'ancienne Cour (voir II,p. 147 et suiv.). S'il m'est permis de
me référerdans ce contexte à mon traité de droit international public,
invoqué contre moi par klme Bastid, je ferais la remarque que je n'ai pas
exprimé autre chose à la page 136 du deuxième volume de l'éditionde
1954,en particulier, je ne me suis pas exprimésur le domaine de validité
ratiolie teml>oride l'article 36, paragraphe 5, et de l'article 37du Statut
de la Cour.
En ce qui concerne le fondement de la validité de l'obligation à la
charge des Etats en question, ilest le mêmedans le cas des clauses
juridictionnelles et dans celui des déclarations unilatéralesde reconnais-
sance de juridiction obligatoire: c'est la règle coutumière l>acta sunt
seruanda. Ce n'est que par le jeu combiné de deux manifestations de
volonté autonomes que l'obligation de soumission obligatoire à la Cour
se réalise, aussi bien pour les déclarations unilatérales que pour les
clauses juridictionnelles:il s'agit donc, dans les deux cas, du consen-
tement mutuel des parties. Ce qui distingue les deux hypothèses c'est
donc uniquement la procédure de mise en Œuvre. C'est bien peu de
chose.
hlonsieur le Président, la principale thèse que le Gouvernement belge
oppose au Gouvernement espagnol, dans le cadre de la seconde exception
principale part de l'idéeque l'article 17, paragraphe 4, du traité hispano-
belge de 1927, c'est-à-dire la disposition qui prhvoit le recourà la Cour
permanente de Justice internationale, doit êtreconsidérécomme une
clause valable à l'époquede l'introduction de la requete belge à la Cour
internationale de Justice. Selon cette manièrede voir,les effetsde l'article17, parqr;,phe 4.n':iiir;ii~nt iré qiie pro\.isoircniciit siis~~cndusdii fait
dl: ILdissolution de InCour pfxniaiientc jusqu'i 1adniission dti1Espagne
iointne .\lcml>redes Nations Ciiizset coiiime r)artie nu Statut deIJCour
internationale de Justice.
La Partie adverse conteste que - comme nous l'affirmons - la clause
de juridiction obligatoire permettant le recours à la Cour permanente
aurait pu êtredisjointe du reste du traité hispano-belge de 1927d .e telle
manière que cette clause serait devenue caduque àl'époquede la dissolu-
tion de la Cour vermanente, tandis aue le reste du traité conservait sa
validité.
Tout en acceptant la divisitiilitédes traités, le Gouvernement belge
se prononce cependant en faveur d'une limitation ,de ce principe, qui
entraine certaines conséquencesau su'et de la divisibilitéou de la non-
divisibilité du traité hispano-belge de 1927. D'abord, selon l'opinion
exprimée par notre éminent contradicteur, la divisibilité ne serait
possible que si une ou plusieurs dispositions d'un traité forment par
ne serait détachable que lorsque, eu égardme.Eà l'intention des parties et
à la nature de l'acte, la condition en question ne constitue patm élément
essentieldudit acte conventionnel.
En conséquence, une règle contenue dans un traité ne pourrait pas
étre déclaréedétachable si ladite règleconstituait une partie essentielle
du traité. Par ailleurs, il serait indispensable que les dispositions consi-
déréescomme détachables forment Dar elles-mêmesun tout se suffisant
à Iiii-même.
hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, nous ne pensons pas
devoir nous prononcer pour le moment sur ces affirmations de notre
honorable contradicteur. Ceci pour une raison très simple: ni l'un ni
l'autre des principes suggéréspar hfme Bastid n'est pertinent lorsqu'on
cherche à répondre à la question de savoir pourquoi la clause juridic-
tionnelle prévue à l'article 17 du traité hispano-belge est caduque et
entraîne ainsi une divisioii du texte du traitéhispano-belge endispositions
valables et en dispositioiiscaduques. C'est pour cette raison également
que nous n'avons pas besoin de nous préoccuperde la question de savoir
si, dans le cas où le traité contient une clause de dénonciation,lasépara-
bilitéest admissible ou si au contraire il faut choisirla voie de la dénoncia-
tion. L'état de fait, c'est-à-dire la caducité de la clause jundiction-
nelle du traité hispano-belge, ne se rapporte pas à cette situation.
Ce n'est pas sur une dénonciation de quelques dispositions de ce traité
que se fonde la caducité de ladite clause, mais sur un événemenetx-
térieur,la suppression de la Cour permanente dont l'existence est une
condition irremplaçable pour la mise en application de la clause juri-
dictionnelle du traité hispano-belge, aussi bien pour celle prévue
l'article17,alinéa4, que pour celle de l'article 23 du traité. Le passage
du Law of îreaties de lord AlcNair. aue Mme Bastid a rap..lé (voir II,
11.462. n'envis:ige pn; I'liypotliéseilui nous occupe dans le prcscnt
nellc.luitr;iirS hisuano-t)e.lueexamiriie dansleîeiil coiitt:ute<lece irait;.ctinn-
est une caducité définitiveet non une caducité temporaire, comme le
pense notre éminent contradicteur. C'est une caducité provoquée par
nn élémentextérieur: la dissolution de la Cour permanente. Dans ces
conditions, on ne voit pas comment la dénonciation du traite hispano-
belge aurait pu changer la situation.764 BARCELONA TRACTIOK
En faveur de la thèse soutenue par le Gouvernement belge, qui
cherche
à limiter I'applicabilitédu principe de la séparabilitédes traités
rapport sur le droit des traités de la Commission du droit international,

qu'un intérêt trèslimité pour répondre à la pala question présentementnt
examinéedevant la Cour, sans êtred'ailleurs, il s'en faut de beaucoup.
comme nous le verrons plus tard, défavorable pour la thèse que soutient
le Gouvernement espagnol.
Toutefois, Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, la véritable
question qui doit nous occuper et nous préoccuper est tout autre. 11
s'agit d'abord de savoir si cette disposition,c'est-à-dire la clause juridic-
tionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge, est encore st~scefitible
d'exécutionaprès la dissolution de la Cour permanente. Si tel n'est pas
le cas - comme nous le pensons, et comme nous l'avons démontré à
différentesreprises au cours de cette procédure - il n'y a plus de pro-
blème se rapportant, strictement parlant, à In divisibilité du traité
hispano-belge. Une seule question reste à résoudre: l'impossibilité défi-
nitive d'esécuter la clause juridictionnelle entraîne-t-eue oui ou noii
la caducité des autres dispositions du traité hispano-belge?
Il s'agit donc d'examiner les conséquencesde l'impossibilitéd'esécu-
tion d'une clatise d'un traité, impossibilité résultant de la disparition
d'un élémentextrinsèque essentiel auquel ladite clause renvoyait. La
Commission du droit international a également examiné ce problème
sous le titre«Survenanced'une situation rendant l'exécution iinpossible >i
(voir rapport de la Commission du droit international sur les travaux
desa quinzièmesession.6 mai-IZjuillet 1963,Ass.gén.,D.O.,dix-huitieme
session, suppl. no g (A/gjog)), et Mme Uastid l'a mentionné dans un
autre contexte. Toutefois, elle s'est bien gardée de mentionner les pas-
sages essentiels du rapport de la Commission du droit international
(voir II,p. 466). C'est à l'article 43 de son projet sur le droit des traités
que la Commission du droit international étudie d'abord, en général,
le problème de l'impossibilité d'exécuter uii traité lorsque cette im-
possibilitérésulte de la disparition de l'objet mêmedu traité. Le com-
mentaire officiel de la Commission doiine comme exemple de la dis-
parition de l'objet du traité les dispositions qui se rapportent à l'iristitu-
tion des ca~itulations (D. 201. L'abolition des ca~itulations reiid saiis
u0ji.t ct <.'conséqut.iiiec:iiiii<liiIcs di.ipo.iirioris'<rr.iitqui SC r;i11-
portcnt & cette institutiori. 1.t. commentaire uilicicl iuiiclur [inr tint!
phrase très révélatrice - et je cite:

"Une situation rendant I'esécution impossible,en tant que motif
pour mettre fin au traité ...est le résultat d'événementsqui surgis-
sent en dehors du traité; et il est parfois dit qu'un traité prend fin
par l'effet de la règle de droit indépendamment de tout acte des
parties.,,

Les travaux de la Commission du droit international ne s'arrêtent
cependant pas là. Ils portent aussi sur laquestion de savoir s'ilest possible
d'invoquer la caducité d'une règle particulière contenue dans un traité
lorsque les autres droits et obligatioris contenus dans le mêmetraité
continuent à êtreen vigueur. L'article 43, alinéa3, du projet de la Com-
mission dispose à ce sujet - je cite: &PLIQUE DE II. GUGGEXHEIII 765

<iDans les conditions stipulées à l'article 46, si l'impossibiliténe
porte qiie sur certaines clauses du traité, elle peut êtreinvoquée
comme motif pour mettre fin seulement à ces clauses ou en sus-
pendre l'application.»
Et le commentaire officielajoute:

«Le paragraphe 3 applique le principe de la séparabilité des
dispositions d'un traité au cas d'impossibilitéd'exécution.Lorsque
l'impossibilitéest seulement partielle, la Commission a estiméqu'il
serait toutà fait juste et désirablede séparerdu restant du traité
les parties du traité dont l'exécution a 6té rendue impossible, si
les conditions de séparabilité desdispositions d'un traité énoncées
à l'article 46 existaient en l'occurrence.
L'artide 46 du projet de la Commission du droit intematioiial (p. 26)
précisealors que la disposition de l'article 43 s'applique «si ces clauses
sont nettement sé arables du reste du traité en ce qui concerne leur
exCcution in. ou te l es, explicitement stipulé que l'extiytion par-
tielle du traitéà la suite de I'inexécutabilitéde certaines dispositions
ne doit pas entrainer la disparition des autres dispositions. Si l'on appli-
que, Monsieiirle Président, cesprincipes au cas d'espèce,et en particulier
à la clause juridictionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge, les
conclusions suivantes s'imposent.
Le recours juridictionnel prévu à l'article 17 étant devenu inopérant
du fait de la dissolution de la Cour permanente, l'article 17 dii traité
hispano-belge doit êtredéclarécaduc à partir du 19 avril 1946. Dans
ces conditions, nous avons aussi répondu à la question soulevhepar notre
honorable contradicteur en ce qui concerne ce qu'on a appelé,de l'autre
côté de la barre, la cause de la caducité (voir II, p. 463). La caducité
résulte tout simplement de l'impossibilitéd'exécuter la clause, consé-
querice d'iiii événementextérieur, c'est-à-dire, en l'espèce,de la sup-
pression de la Cour permanente. Et nous pouvons aussi non dispenser
de discuter plus longuement le reproche fait par la Partie adverse qui
nous fait grief de n'avoir pas inuoqtrl'impossibilitéd'exécution,comme
le prévoit le dernier projet de la Commission [lu droit international. Or,
cette impossibilité a étéinvoquée par l'Espagne aussi bien dans la
correspondancediplomatique que dans les exceptions préliminaires.dans
la discussion orale et, last but not Ieast,dans nos différentesconcliisions.
Elle le sera également dans nos conclusions finales.
Dans ces conditions, la seule question qui se pose encore dans ce
autres dispositions du traité Iiispano-belge qui ne se rapportent pns làs
la juridiction de la Cour permanente. doivent &treégalement considérées
comme caduques ou si elles siibsistent malgréla caducité de la clause
juridictionnelle de l'article 17 dudit traité. Dans le cadre de la procé-
duredevant la Cour, ce prohlème n'a qu'un intérêtthéorique. Sa solu-
tion dépend effectivement de la réponse qu'on donne à la question
posée,justement, par la Commission du droit international et qu; se
résume clans les termes suivants: les clauses restantes sont-elles sepa-
rables du traité de telle manière qu'elles peuvent continuer à êtreexé-
cutées? La réponse ne donne lieu à aucun doute. En effet, le traité
hispano-belge prévoitet règle iincertain nombre de procéduresde règle-
ment pacifique dans les relations entre la Belgique et l'Espagne. Il766 BARCELONA TRACTION
s'agit de In procCdure diplomatique, de 1;il>rocL:Jurcde concili;ition. de
I;procC:durCd'arbitrage. <lela procédure de juridiition. Il est certairi
<lue la disjoluiion de12 Cuiir Derm;ineirteet ]'im~u;sibiiit&di1 rïcuiirs
jiidiciaire prevui l'articl17 hc s;iur;tic.ntavoir pour corijt!qucncr: que
lcj aiitres proc6dur~j i,rganid<s par Ic trait; liispano-belge ric puriicnr
plus êtreinvoquéespar les partiës. En conséquence,la s6parabilité des
différentsdroits et obligations stipulésdans le traité hispano-belge peut
se faire sans aucune difficulté.Toutes les procédures organisées dans
ce traité sont susceptibles d'exécutionà la seule exceution des disposi-
rioris pr;voyant13proccdiirc juridictioiinelle devaldi'oiir perinnné~ite,
dr,pusitioiis d~veriues in<:x?ciit;iliIesct ~:îduj.lasuitc dc 13 disio.
lution de l'ancienne Cour.
Dans ces conditions, Monsieur le Président, nous ne comprenons pas
de cecbtéde la barre le reproche qui nous est fait de n'avoir ucherché
à déterminer avec précisionce qui est définitivement lettre morte dans
le système ui est présentéil.Notre manière de voir a d'ailleurs égale-
ment été almise par le Gouvernement belge lui-méme. Il a toujours
considéréle traité hispano-belse comme un traité valable et il a mème
deniand6 ~splicitçinent iplusi<uri rcprijej. dans ses iiotcj dipluiir.itiqiies
adreiGcs i 1'13spignc. Is recoiir; aux procédures de coniili.itiiiii et
d'arbitrage prévues-et organiséespar ce fiaité, ceci mèmeà une époque
antérieure à l'admission de l'Espagne comme Membre des Nations Unies
et comme partie au Statut de la Cour internationale de Justice. Ces
initiatives du Gouvernement belge se situent donc & une époque où
non seulement une application de la clause juridictionnelle de l'art17le
du traité n'était pas possible, selon le propre aveu du Gouvernement
bilité qu'elle devienne partie au Statut de la Cour, constituaient des
événementsfuturs tout à fait incertains. Dans ce contexte, je me per-
mets en particiilier de mentionner la note belge du 31 décembre 19j1
déjàcitéedans ma premihre intervention (voir II, p. 162) qui considère
que le différend belgo-espagnolest susceptible d'êtresoumis àl'une des
procéduresde règlement pacifique prévuesdansletraité hispano-belge de
1927. Les procédures envisagéesn'étaient et ne pouvaient êtreque les
procéduresde conciliation et d'arbitrage prévuespar ledit traité.
II résulte de ce que nous venons de dire que la Belgique a reconnu
la survivance du traité hispano-belge malgré la caducité de la clause
juridictionnelle de l'artic17,caducité due à l'impossibilitéd'exécution
qui résultait directement de la dissolution de la Cour permanente. En
conséquence, le traité se trouvait divisé en dispositions valables et
dispositions caduques et cette situation prenait un caractère définitàf
partir de la dissolution de l'ancienne Cour.
Monsieur le Président, aprésavoir démontréle caractère définitif de
la caducité de la clause juridictionnelle du traité hispano-belge1327.
nous en arrivons ruaintenantà examiner la question essentielle, centrale,
de la discussion, celle de l'incidence de l'article Statut de la Cour
sur la clause juridictionnelle de l'articl17 du traité hispano-belge.
MmeBastid a traité cette question dans l'aprhs-midi du 13 avril (\-oir
II, p.473 et suiv.).
Comme nous l'avons déjàdit au cours de notre plaidoirie du IS mars
1964 (voir II, p. 131)la question essentielle qui se pose dans le cadre
de la deuxiéme exception préliminaire principale est celle de savoir si
la clause juridictionnelle de l'arti17edu traité hispano-belge de1327. H~PLIQUE DE M. GUGGENHEIII 767
inapplicable et dont les dispositions ne pouvaient pas être exécutées
à partir de 1946, à la suite de la dissolution de la Cour permanente,
a étéremise en vigueur en 1955 en vertu de l'article 37 du Statut de la
Cour, lors de l'admission de l'Espagne aux Nations Unies et comme
pqie,du Statut de la Cour. Xous avons donné dans notre première
plaidoirie les raisons pour lesquelles nous ne croyons pas qu'une pareille
remise en vigueur, accompagnéed'une modification de la clause juridic-
tionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge, ait pu avoir lieu en 1gj5,
époquede l'admission de l'Espagne aux Nations Unies et de sa partici-
pation au Statut de la Cour. Mon éminent contradicteur traite notre
exuosé d'obscur et dit aue notre effort a - ie cite: utendu, sous
$texte d'interpréter l'aiticle 37,à le réécrire»:Dans ces conditions,
Monsieur le Président, nous sommes, à notre très pand regret, obligé
d'y revenir encore une fois, avec quelques détails sur l'application ët
l'interprétation de l'article 37 ainsi que sur ses effets, et de solliciter la
patiente attention de la Cour à ce sujet. Toutefois, nous n'avons pas
l'intention de réexaminer l'article 37 du Statut de l'ancienne Cour
permanente de Justice internationale, Le long exposé,aux pages 476
et 478. II, de la Partie adverse à ce sujet, demanderait peut-être une
mise au point. Elle ne nous paraît cependant pas nécessaire pour les
besoins denotre cause. Nous nepensons non plus devoir suivre!im' Bastid
dans sa tentative intéressante de retracer la genèsedu premier texte de
l'article 37 de 1919.Cette préhistoireest sans pertinence pour la solution
de la divergence de vues entre l'Espagne et la Belgique. Les auteurs du
Statut de la Cour permanente n'ayant pas pu introduire la juridiction
obligatoire entre Etats membres au Statut, il aparu raisonnable, en 1919
et en 1920, d'établir une clause en vue d'attribuer à l'ancienne Cour le
pouvoir de bénéficierdes clauses de jutidiction obligatoire renvoyaiit -
je cite: ccàla juridiction instituée par la Sociétédes Nations». Il n'est
cependant pas certain que cet objectif ait été atteint. Des doutes sont
exprimés à ce sujet avec beaucoup de pertinence par Xanlcy Hudson.
Je renvoie 1i la page 123, II,où j'ai reproduit ses réflexionspénétrantes
sur ce point.
Dans ce contexte, je n'ai pas non plus l'intention de réexaminer
en détail les travaux préparatoires du nouvel article 37, celui qu! est
actuellement en vigueur. Le seul point à retenu à propos de la deuxième
exception préliminaire me paraît êtrele suivant.
Certains traités multilatéraux, conclus antérieurement eiitre des Etats
dont certains étaient devenus Membres des Nations Unies et d'autres
qui ne l'étaient pas et contenant des clauses juridictionnelles, étaient
susceptibles en 1946 de voir transférer les effets de ces clausesh la Cour
internationalede Justice. Toutefois! ily avait cette limitation importante
que l'extension de la clause juridictionnelle ne visait que - jc cite:
iiles parties au présent Statutu, ce qui est d'ailleurs, entre parentlièses,
un très bel exeinde en faveur de la divisibilité destraités multilatéraux.
Seloii la ri.dacti<ii origiii;ilt!<IIIprojet dc l'article 37. les cl3,~sssjiiridic-
tioiiiirllrs rciivoyni3tI:Cour permanente étaient corisi(li.rcesçnduques
désaiir cles Etnts non arti ici au Statut 6tlucnt >r:alenient vartics 3<ci
traités multilatéraux. '?outefois. la nouvelle rédaction admet pour les
traités multilatéraux un double systkrne de clauses juridictionnelles;
Dour les ~arties au Statut c'est la Cour internationale de Tustice qui
;iicc&dr i'I:ICoiir prrriinnentr, ;ilors (lue pn~ir1,:sEtats nni; p1rtic.i iiu
~ i t aucuiit: cl.iiis*:juridictit~iincllcn'cçt :id. cttc ilrrnir'rc situa-76S BARCELOSA TRACTIOS
tion est aussi celle qui règle lesrelations entre Etats parties au Statut
et Etats non parties au Statut. Xous devons donc faire une recherche
complémentaire pour savoir quels traités sont au bénéficede la dispo-
sition de l'article 37 qui assure le transfert du bénéde la juridiction
de l'ancienneà la nouvelle Cour.
Le traité (ou I:Lconvention) visépar l'article 37 du Statut de la Cour
doit êtreun traité ou une convention en vigueur. Le traité ou la conven-
tion en vigueur quicontient la clause juridictionnelle prévoyant lerecours
à la Cour permanente doit êtreen vigueur à l'époquede l'introduction
de la requêtedevant la Cour. En outre, la clause juridictionnelle insérée
dans le traité ou dans la convention en vigueur doit êtreune clause
valable. Cette manière de voir correspond non seulement à la décision
de la Cour dails l'affairA'ottebohm,première phase, où cette dernière
mentionne la nécessitéde la régularité de la saisine, expression qui
vise nettement la validité de la clause juridictionnelle (voir C.I.J.
Recz~eil1gj3,p. 122 et suiv.); mais cette inani&rede voir correspond
aussi à uiie interprétation littérale de l'article 37. En effet, l'article 37
la con\rentioii soit en vigueur, mais égalementque le traité ou la conven-
tion en vigueur contienne une clause renvoyant i la juridiction de la
Cour permanente, à laquelle la Cour internationale de Justice serait en
mesure de se substituer.
Daiis cesconditions, iln'est peut-êtrepas inutile. MonsieurIcPrésident,
de résumer encore une fois sommairement les deux situations suscep-
tibles d'êtrerégléespar l'article 37 du Statut de la Cour dans le cadre
de son domaine de validité ratione temporis.
Le premier cas est celui qui vise le transfert du bénédes clauses de
juridiction valables contenues dans un traité ou uiie convention en
vigueur conclu entre les Etats qui étaient Membres des Xations Unies
avant la dissolution de laCour permanente le 19 avril 1946 . e cas se
réalise dans les conditioiisui\zantes.
A partir de l'entrée envigueur du Statut de la Cour e1945 ,t jusqu'à
l'époquede la dissolution de la Cour en avril 1946 ,es Etats Membres
des i\'ntioris Uniesont étéincontestablement soumis à la juridiction
de la Cozu perma~iente en vertu des clauses juridictioniielles des traités
ou des coiiveutions en vigueurà cette époqueprévoyant le recours obli-
gatoire à cette Cour. Simultanément, pendant cette pbriode transitoire
et conformément ?Il'article 37 du Statut de la nouvelle Cour, ces Etats
ont étéégalement soumis à la juridiction obligatoire de la Cour inter-
nationale de Justice. Le problémede concurrence de traités. c'est-à-dire
concurrence entre les dispositions du Statut de l'ancienne Cour et celles
du Statut de la nouvelle Cour, doit êtrerésolu enfaveur de la priorité
de la nouvelle Cour, en vertu de l'article 103 de la Charte qui dispose

cqu'en cas de confit entre les obligationsdes Membres des Xations
Unies en vertu de la présente Charte et leurs obligations en vertu
de tout autre accord international, les premières prévaudronD.
Le 19 avril1946 a Cour permanente est dissoute. Le problème de la
concurrence des traités, c'est-à-dire de la concurrence entre le Statut
de la Cour permanente et le Statut de la Cour internationale de Justice,
disparait donc à cette époque. Seull'article 37 du Statut de la nouvelle
Cour sera désormais applicabledans les relations entre les Etats devenus Membres des Kations Unies avant la dissolution de la Cour permanente.
Dans le cas que nous venons d'esaminer, l'article 37 du Statut de la
nouvelle Cour entraine donc sans aucune réserve et définitivement le
transfert de l'ancienne à la nouvelle Cour du bénéficede la clause de
juridiction contenue dans la convention en vigueur.
hfonsieur le Président. ra~r~elonsmaintenant la deuxième situation
où l'application ratione tem&ris de l'article 37 du Statut de la Cour
doit êtreconsidérée.Elle se présente de la manière suivante.
11s'agit de clauses jwidfctionnelles en vigueur contenues dans des
traités ou conventions conclus entre Etats Membres originaires des
Nations Unies et Etats qui ont accédéaus Xations Unies et à la Cour
internationale de Justice aprèsla date critiquedu 19 avril 7946. date à
laquelle la Cour permanente a étédissoute. La situation est la meme
pour les clauses juridictionnelles contenues dans des traités conclus
entre Etats non membres qui sont devenus parties au Statut de la Cour
internationale de Justice aprils le 19 avril 1946. En ce qui concerne
cette situation, il y a lieu d'observer que, jusqu'à l'époquee la disso-
lution de la Cour permanente de Justice internationale, les ckiiises
juridictionnelles prévoyant le recours à la Cour permanente contenues
dans les traités ou conventions en vigueur conclus entre ces Etats ont
étévalables et ont déployéleurs effets normaux. Ajoutons que, dans les
relations entre ces Etats, auciin problème de concurrence entre la juri-
diction de la Cour permanente et la juridiction de la Cour internationale
de Justice n'a pu se poser, ces Etats n'étant pas soumis dans la période
transitoire de 1g4j à 1946 simultanément à la juridiction de la Cour
permanente et de la Cour internationale de Justice. Pour ces Etats,
après leIO avril 1046. les claiises iuridictionnelles renvovaàt la Cour

définitivement caduaues
Monsieur le président, dans ces conditions, nous devons encore ilne
fois examiner les arguments du Gouveriiemeiit belge avancéspar notre
éminent contradicteür (et aussi par d'autres éminentsjuristes) En faveur
de la thèse d'après laquelle les clauses juridictionnelles ne sont pas
caduqiies, inais continuent à déployercertains effets.
Le premier argument du Goiivernement belge que nous devons rapide-
ment rappeler est le suivant: l'article 37 du Statut de la Coiir permet-
trait d'admettre la validité illimitéedu domaine d'application rntione
Iefi~fiorzse l'article 17du traité hispario-belge, en tant qu'il s'agirait de
iiparties ail StatuD.L'article 37 serapporterait doncsans aucuiic restric-
tion à toutes les pafties au Statut de la Cour internationale de Jiistice
qui ont recoiiriu a juridiction de la Cour permanente dans le cadre de
clauses juridictionnelles prévoyant le recours à cette Cour, donc iiidé-
pendamment de la date de leur admission aux Kations Unies et de la
date A laquelle elles sont devenues parties au Statut de la Coiir iiitcrn;l-
tionale de Jiistice. Nous croyons avoir réfuté à l'audience du 18 inus
1964 cette thèse (voir II,p. 131 et suiv.) qui se prévaut du sens littéral
et ordinaire de laformule irpnrties au présent Statut » employéedans
d'autres dispositions du Statut de la Cour. Nous n'avons pas l'intention
d'y reveiiir. Cette thèse n'a d'ailleurs pas étéreprise dans l'exposéde
Mme Bastid. En effet, il faut interpréter l'expression ilparties au stanut
en tenant compte du contexte dans lequel elle se trouve.77" BARCELOSA TRACTIOS
Une autre thèse en faveur de la non-caducité de la clause juridiction-
nelle de l'article 17 du traité hispano-belge a étéavancée le 13 amil
par Mme Bastid. En effet, notre honorable contradicteur a affirmé(voir
11,P. 470) que
a...sià partir de la dissolution de la Cour permanente, l'article 17,
paragraphe 4. ne peut plus ètre appliqué suivant la lettre de
cette disposition, l'obligation de juridiction obligatoire ne disparaît
pas définitivement et subsiste dans les rapports entre les deux
Etats et ces circonstances vont justifier la suspensioii de l'exécu-
tion du Gouvernement espagnol ..»

Cette thèse. Monsieur le Président, Messieurs les juges, paraît être
méme\.alable sans qu'on ait besoin d'avoir recours à l'article 37 pour
justifier la non-caducité de la clause juridictionnelle de l'article 17 du
traité hispano-belge. Si on suivait la penséede notre éminent contradic-
teur, on aboutirait à la conclusion que les Etats acceptant un engage-
ment de juridiction obligatoire seraient soumis à cette obligation d'une
manière abstraite. L'organe ayantla charge de mettre en Œuvre la clause
juridictioniielle serait remplaçable par un autre organe dès qu'il ne
serait plus en mesure de remplir ses fonctions. Si cette singulière thèse
était traduite dans la réalité,elle découragerait certainement les gou-
veriiemeiits disposés à accepter les engagements résultant de la recon-
naissance de la juridiction obligatoire. Jamais ils n'admettront que
cette reconnaissaiice est une obligation abstraite, indépendante de
l'organe judiciaire auquel le recours doit étre adressé en vertu de la
clause iuridictionnelle.
sans' aucune pertinence non plus est un autre argument présenté
par Mme Uastid dans le mêmecontexte. Elle prétend aue le traité avant
leuse en soniiiieil. Elle aurait 61;.toutefois su.iceptibled'Cirede noii\,cair-
ressuscitée. II n'est pas ~ossibie de suivre le Gouvernement belae dans
cetri: tlitlsequi se trou\,e reyrodiiitI:ip;ifie473.11. IIy est dit en efftbt:
r I'articlc 37..\YI:#\.oitp~urdict dé toucher. claffecter cette jitu.ition. .
particulièieii. Toutefois: si une clause est non valable avant la tacite
teconduction d'un traité, ce n'est certes pas cette dernière qui est en
mesure de participer à un titre quelconque à la renaissance de la clause
caduque. -
Notre honorable contradicteur a invoqué à l'appui de sa thèse,relative
à la suspension de l'article 17, paragraphe 4, du traité hispano-belge,
l'article43, paragraphe z,du projet sur le droit des traités de la Com-
mission du droit internationald'après lequel si l'impossibilitéd'exécution
d'un traité n'est pas permanente, alors elle ne peut êtreinvoquée que
- et je cite- u comme motif pour suspendre l'application du traité n.
Cet argument n'est sûrement pas valable. En effet l'impossibilitéd'exé-
cuter l'article 17, paragraphe 4, du traité découlede la dissolr~lionde la
Cour permanente de Justice internationale et nul ne saurait douter que
cette dissolution ne fut définitive.Pour que l'article 43, paragraphe z, du
projet de la Corninissionpuisse s'appliquer dans notre cas il faudrait que
l'impossibilité pourla Cour permanente de fonctionner soit temporaire.
L'article 37 ne change rien l'affaire, car la Commissionde droit interna-
tional en rédigeant le projet d'article en question n'a sûrement pas visé
la substitution d'un organe par un autre organe commeun casd'impossi-
bilité d'exécution temporaire d'un traité, cela.constituerait en effet un RÉPLIQUE DE AI.GUGGENHEIM 771

iiouvel engagement. L'exemple donné par la Commission dans son
commentaire en ce qui concerne les capitulations montre bien que
lorsque l'organe visépar le traité ou par certaines de ses clauses vient
à disparaître ily a caducitédu traité ou de certaines clauses de ce traité.
Dans l'affaire qui nous occupe, la disparition de la Cour permanente a
eu pour conséquence la caducité de la clause juridictionnelle de l'ar-
ticle 17, paragraphe 4, qui se référaità cette Cour.
Xonsieur le Président, le Gouvernement espagnol doit enfin examiner
dans ce contexte un troisième argument qui vient à l'appui de la thèse
belge, mais qui, à vrai dire, n'a pas étéinvoqué explicitement par nos
honorables contradicteursquiont toujours interprétél'application rati~ze
teniporis de l'article 37 d'une manière extensive. En effet, si nous les
comprenons bien, I'article 37 ciréféraià toutes les parties au Statut à
quelque moment que ce soit o.Une opinion plus nuancée a &téexprimée,
toujours en ce qui concerne le domaine de validité ratione temporis, par
lestroisdistinguésjuges qui ont:rédigé l'opinion dissidente collectivedans
l'affaire de l'l~zcidentaérieit.Vous me permettrez, Moiisieur le Président,
d'examiner cette thèse qui a étésoutenue, il est vrai, dans un autre
contexte. Toutefois, comme votre haute juridiction ne se limite pas tou-
jours dans l'exposé desmotifs de ses décisionset avis à prendre en consi-
dération des moyens produits par les parties, nous pensons opportun
de dire quelques mots au sujet de cette construction aussi ingénieuse
qu'audacieuse.
distinguésjiiristes, auteurs de ladite opinion dissidente, acceptent l'idée
géukralementadmise quel'article 36, paragraphe j,du Statut de la Cour
- et lemêmeraisonnement s';ippliqne évidemment pour l'interprétation
de l'article 37- donc que I'article 36, paragraphe 5, est destiné à être
une disposition transitoire même pourles Etats qui ne sont pas origi-
nairenient parties au Statut de la nouvelle Cour, mais qui y ont adhéré
apres une période,plusou moins longue. A ce sujet les auteurs de l'opinion
dissidente collective reconnaissent - et je cite - isans aucun douteo
que Nla notion mrme de transition contient une idéede limitation dans
le tenips8.Cefaisant, ilsacccptent que leseffetsdel'article 36,paragraphe
j. et de I'article 37 soient limités ratione temporis. Les savants jug.
complèterit cette manière de voir par la phrase suivante: =Ainsi, il
serait déraisonnable de prétendre que la périodede transition entre la
Cour permanente et la Cour internationale doive durer cinquante ans. a
Mais ils ajoutent:irLa Cour n'a pas à connaître d'une situation se présen-
tant en rggj. a
A la page 189, ils s'expriment plus en détail quant à la limitatjon
du domaine de validitérationetemporisde la clause transitoire en question
- je cite:

.Si un Etat invoque une disposition entièrement fondée sur
le traité douze ans apres la date de son adoption, il est contraire
au véritable critere du caractère raisonnable de rejeter sa demande
pour le motif qu'il serait tout à fait déraisonnable que cet Etat
invoquât le traité cinquante ou cent ans après. Si la manière dont
un Etat invoque un traité dans un cas donnéest raisonnable, il est
déraisonnable de suggérer que l'interprétation sur laquelle il se
fonde poiirrait, dans deshypotheses extrêmes,aboutir àdes résultats
déraisonnables. r La thèse avancéepar les auteurs de l'opinion dissidente collective,
relative à la validité ratione temporis de l'article 37, part donc de l'idée
que les clauses juridictionnelles inapplicables en 1946 ont été à cette
époquedéjà potentiellement enuiga~eurC . esmêmes clausescontiiiueraient
durant une certaine époque à rester potentiellement en vigueur. Pendant
cette période elles seraient en mesure de s'actualiser. Toutefois, si la
périodede suspension se prolongeait au-dela d'une certaine période,les
clauses ~otentiellement en virueur et non actualisées ou confirméesau
cours décette périodedeviendraient alors inapplicables.
C'est cette thèse, Alonsieur le Président. Messieurs les juges, que b
Gouvernement espagnol devra maintenant examiner.

[Audience pzrbliqziedzcj mai 1964, matin]

Moiisieur le Président. Messieurs de la Cour, dans l'audieiicc d'hier
après-midi, nous avons dit que In question essentielle qui se pose dans
le cadre de la deuxihme exceptioii préliminaire est celle de savoir si la
clause juridictionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge de 1927,
inapplicable et dont les dispositions ne pouvaient pas êtreexécutées à
partir de 1946, à la suite de la dissoliition de la Cour permanente, a été
remise en vigueur en 1955.en vertu de l'article 37 du Statut de la Cour
nouvelle, lors de l'admission de l'Espagne aux Nations Unies. .Après
avoir examiné et rejetéles arguments du Gouvernement belge en ce qui
concerne cette question, nous avons enfin commencé à étudier tiiiautre
argument qui vient à l'appui de la thèse belge mais qui, a \.r:ii dire, n'a
pas étéexplicitement invoquépar noshonorables contradicteiirs. IIs'agit
de la thèse avancéepar les auteurs de l'opinion dissidente collective,
dans l'affaire de l'Incident aériendu 27 inillet ~gjj (Israël c. Rzrlgnrie),
relative à la validité rationetemporisde l'article 36 (5)et donc également
de l'article37. Cette thèse part de l'idée queles clauses juridictionnelles
inapplicables en 1946ou à partir du 19 avril 1946plus exactement, ont
étédéi,~o.entiellement en vieue-r à cette A .aue.Eiies auraient étéen
mesure, au moins pendant un certain temps, de s'actualiser. C'est cette
thèse que le Gouvernement espagnol devra maintenant examiner.
Le Gouvernement espagnol ne peut pas admettre la thèse qui affirme
la validité potentielle de l'article 37 i partir de 1946 à la charge des
Etats non membres des Nations Unies et non parties au Statut de la
Cour cette é.oa.e.Nous ne trouvons, de ce côtéde la barre. ni dans le
~CXIC de I'aitiil~ 37iii ~1;iiia trnvniix pr;pnr.ttoirc.;. ni dans Ic c:trlre
d'iinc iiitcryrCtotiuidc cette dispoîitiuii intcrpr;t;iti,,ii <.ui~feI!droit
(]CSgciis, L~i~rz~f!Ic~iii~~nit p~~~rr,.C.ir<ii~<~qii~cii fxvtir<IL1.1tIic<c
$1,:lit \:iIi~l11orentirlIt. I.'i~~~pli~iextriisiw que I'O~)IIIIOOis~i~lviit~
collective - dan; I':ifi:,ircdc Incirl~.,'itrrc~- vt iit <I<oiiiir I'.iiticlc
36 (5), et donc également à l'article 37, repose, comme ses bniinents
auteurs l'admettent eux-mêmes,sur une pure fiction. Voici comment
ils se sont exprimésà ce sujet tout en seréférantnaturellement à l'article
3d ailleurs encore, aussi pour l'article 37:,commenouslemontrerons

cLe texte d'une laree nortée...rdonc c'est le texte de l'article 16.
par. 51rend inutile t&tê spécula&onsur la nature exacte de ce7te
obligation continue et dont l'application restait eii suspens taiit que REPLIQU EE Y. GUGGESHEIBI 773
I'Etat déclarant ne devenait pas partie au Statut. Il se peut que
l'expressioii«fiction juridique» soit utile ou non à cet égard, il en

sommeil. Les termes et le but du paragraphe 5 reiident inutile toute
subtile spéculation à ce sujet.1(G.I.J. Recueil 1959p ,. 174.)

Afinquecette fictioii prenne corps, il serait, de l'avis du Gouvernement
espagnol, essentiel que l'article 37 déclare ex$licitement que la clause
juridictionnelle caduque par la dissolution de la Cour permanente est en
mesure d'être - et je cite: ciraniméei,.En outre, cet article devrait
mentionner que cette clause reste au moins potentiellement en 1.g'1 ueur
jusqu'à l'époqueoù elle déploiera à nouveau ses pleins effets. De plus,
il faudrait prouver que l'article 36, paragraphe 5, et aussi l'article 37,
impliqueraieiit l'idéede la suspension de la clause depuis 1946 jusqu'à
une date indéterminée, mais pas démesurément prolongée. Enfin, si
l'admission aux Nations Unies et comme partie au Statut de la Cour
des Etats soumis potentielleinent à la clause juridictionnelle n'intervient
pas dans un délai raisonnable, la clause en suspension ou en sommeil
deviendrait caduque. Qu'une telle accumulatiori de conditions, Monsieur
le Prbsident, Messieurs de la Cour, dont la réalisationdépend d'éléments
futurs iiicert:iins et qui repose effectivement sur un assentiment réel
des Etats qui deviennent memhres des Nations Unies ouparties duStatut
de la Cour, qu'une telle accumulation de conditions trouve sa substance
dans l'article 37 est plus qu'improbable. Un tel assentiment ne trouve
pas noii plus une confirmation dans l'attitude de la Belgique à l'époque
de l'adniission de l'Espagne aux Nations Unies et comme partie au Statut
de la Cour en ~gjg.En effet,il est de notoriété publiqueque la Belgique
n'a pas Totéen laveur de I'admission de l'Espagne aux Nations Unies,
aussi bien dans le cadre de la recommandatioii préalable du Conseil de
sécuritéque lors du vote définitif de l'Assembléegénérale. Comment
peut-on, dans ces conditions, présumer la fiction que la Belgique ait
désire iiranimer » les droits et obligations de la clause juridictionnelle
du traité hispano-belge, caduque en 1946,mais présuméeêtreen sommeil
ou eri susperis, ou potentiellement en vigueur entre 1946et 1955?
llonsieiir le Président,Messieurs de la Cour, dans ces conditions, nous
ne po~\~oiisque souscrire aux observations pertinentes que le professeur
l'erzijl a oppos6es à la thèse de l'opinion dissidente collective dans un
article publiédans la revue néerlandaise de droit international: Neder-
lnnds Tijd~drijt voor Interizationanl Reclit en 1960. Il s'exprime la
page 9 de la maniere suivante:

<(L'onne pourrait, par conséquent, guère reconnaître de force
convaincante à I'iiiter~rétationdonnée... Darla minorité dissidente
.~IIronsidCr:iit pluti~t'ccttc disposition tr:;nsito(IISt;irut comniç
!iiic <Ii;po;itil>rif,~iida~n~i,:r diirable, destinc<ii'iiiipojer dnnî
l'avenii, en quelque sorte par sa propre force d'inertce, à tout
nouveau membre des Kations Unies, que ce soit un Etat précédem-
nient neutre ou précédemmentennemi, et ce pendant une durée
dc temps indéfinie - si ce n'est pour la duréeaabsurde iid'un demi-
siècle,du rnoins peut-êtrepour un quart de siècleet, en tout cas, pour
une duréetout à lait arbitrairen

L'objectif de la clause transitoire de l'article 36, paragraphe 5, et
donc aussi de l'article 37, duStatut de la Cour est définipar le professeurVerzijl,à la mémepage, dans la même revue.d'une manière très exacte
et de la façon suivante -je cite:

«Ellc avait [c'est-à-dire la clause traiisitoire] pour but de faciliter
la transition entre, d'une part, la situation juridique résultant de
l'existencedelaCourpermanente, dont ladissolution étaitimminente,
et d'autre part, la situation nouvelle; et l'on peut supposer qu'il n'en
était ainsi aue Dour les Etats déclarants aui menaient part à la
Conférencede <an Francisco et, tout au $us,'pour les Êtats qui
pourraient encore devenir Membres des Nations Unies araiit la
dissolution de l'ancienne Cour. n

Xlonsieur le Président, hiessieurs les juges, après avoir ainsi examiné
et mis en lumièreles différentsproblèmesd'ordre juridique qui se rappor-
tent à l'interprétation du domaine de validitératione temporis de l'article
37 du Statut de la Cour, nous devons enfin encore prendre position à
l'épardd'un areument cd'atmos~hèren. d'un areument ..i n'a rien de
]ii~~di<~ue ~,n;,i<~uin 616, ,.oin& jc riie 1':ittendais d'~i'l1eurs.;tvaiic;.
p:ir mon éniinciitcuiitr;idictt iiI'nctfct.11"'"13:istid;i;ittir&\.otre Ii:,~ite
.~ttt:iition, !sIo~i;ilt.Pr.>sidt.iit,kins lx stance dii IA ;i~riljvdr II.
p. 490) sur la portéeconsidérablequ'aura votre décisionSurledèstiiides
clauses juridictionnelles prévoyant le recours à la Cour permanente et
qui ont étéconclues entre les Etats non membres des Nations Unies
avant la dissolution de la Cour permanente, ou entre Etats originaires
et Etats Meinbres non originaires des Nations Unies qui sont de\.enus
Membres de cette Organisation et parties au Statutde la Cour aprèscette
dissolution. Certes, si l'interprétation de l'artic37, telle qu'elle 1-ousest
elle entraînerait la nécessitéd'adapter certains traités. contenant des
clauses juridictionnelles visant la juridictioii de la Cour permanente, à
la situation qui a étécrééepar l'établissement de la Cour internationale
de Justice. Mais de deux choses l'une: si les Etats. se trouvant dans la
nécessitéde cette adaptatioii, sont effectivement désireuxde inainteiiir
le recours à la juridiction obligatoire, la substitution de la Cour per-
manente par la Cour internationale de Justice dans la clause juridic-
tionnelle des traités en question ne fera aucune difficulté. Elle sera
une pure formalité et constituera une nouvelle expression de la foi dans
la juridiction obligatoire. En revanche, si ce désir d'adaptation fait
défaut, nous pensons, de ce côtéde la barre, quela clause juridictionnelle
prévoyant le recours à la Cour permanenteest mêmesans valeur politiqiie
et morale. Les Etats qui se trouveront dans cette situation saisiront
la ~~roctiajnoccasion pour ~li.iiuiiceruneobligation rli1;llihtropon(rciise.
KI1)eiit-étreiroiit.ils plus loiii. II: résilierontiiletr:jit; dr )iiri~liciion,
d'arbitrage et deconcili:~tionliii-mCnie,coiitcnnnt la~:Iausci.uridi~tiuiiiiell~~
caduque,-en portant ainsi un coup dur non seulement ai principe de la
juridiction obligatoire, mais aussi à celui de l'arbitrage et de la concilia-
tion. D'autre part, l'adaptation au nouveau régimesurtout des clauses
iuridictionnelles multilatérales a déià étélareement réalisée.Non seule-
ment I'An+iuairede la Cour internitionale de ~ustice en est un témoin
éloquent, mais certains exemples intéressants à ce suiet ont étémention-
nés-depart et d'autre au couÏs de cette procédure.C'est avec raison que
mon éminent contradicteur a dit qu'il est généralement considéré
comme un bénéficepourun Etat que de pouvoir seprévaloir d'une claiise de juridiction. Il y a donc lieu d'espérerque l'adaptation envisagée se
réalisera dans le cadre d'échangesde notes diplomatiques ou de proto-
coles conformément aux dispositions constitutionnelles des Etats en
question en matière de traités internationaux. J'ajoute enfin que la
décisionque prononcera la Cour en vertu de l'article 59 de son Statut
n'aura force obligatoire qu'entre les parties au litige.
Alonsieur le Président, aprb avoir ainsi discuté les arguments du
Gouvernement belge et aussi ceux des auteurs de l'opinion dissidente
collective ~uaiit au caractère plus ou moins illiniitédu domaine d'a~~ii-
cation ratdtte lentporisde l'ariicle 37 du Statut de la Cour, nous devÔns
dore cette partie denotre exposé.ar un- observation d'un caractèreplus
général. -
Selon l'opinion de nos honorables contradicteurs il serait possible
d'appliquer l'article 37 dans le cadre d'une interprétation littérale et en
faisant abstraction d'un élémentextrinsèaue. d'ailleurs ra~~eiédans la
disposition mêrnede l'article 37, c'est-à-diie dé la poçsibilitk'dutransfert
effectif du bénéficede la inridiction de la Cour permanente à la Cour
internationale de Tustice. '
Eii l'abicnci: dc 13 preiivt iielle (Iii rnaiiitiéii dr la cltiiisr. daiis la
p6rindc critique entre 13.1O et 1955n ,os lionoralles contr~~dictt.uispr+sii-
niciit donc qiie I:Iclnuie ]uridit:tionnclle de 1':irticle I; dii trait? Iiispniio-
belfil:ét:ii;i;,:ttc Cpo~liictiisoiniiieil.Ctnit siiîp~it,liie.n'ét:iirqtic putcii-
tjcllcrnt.iit cn vigiiciir ct qu'elle.,;IL'rniiiiiiCey;ir I'ciitrl!cde 1'Esl~:igiii:
ci1'O.S.C t.t par son :idiiiiisi~>n :,IIStatut (le la Coiir. 1-11conscqucii~c
I'interl~r;t:,tion bclg,:de I'~rtiil~37 ne se lniider;iit p;<j,~xcliisiv~.incnsttir
IL.5ei.î 1ittt;raIet ordiiiairctirl'article 37 :\ cette soiiclusiort correspond
aiiîsi Icfait qiiéniht si "11désireiiitcrpréter 1';trticli:37daits le c:idre (111
sens l)riiill:~i011du Sens111t1'~r1 ~'l.ntzr~,r&t:itioniifgCr6cp:lr le çoiiycr-
iit:riicnt belge n'est p:isI:iseiilr poj,il>leen ce <luicoiiccrne la détcriniii:~.
tion du doiitniiie <I':iiiiilicntiotirario~ieternboris de In Jisnnsition. Soiis
nous permettons de Îénvoyer à ce sujet à'qce ue nous àvoris esposé à
l'audience du mercredi 18 mars (voir II, p. 130 et suiv.). et de rappeler
ue l'objectif de la disposition &ait certainement de maintenir dans
?immédiatles clauses jiiridictionnelles prévoyant le recours à la Cour
permanente de Justice internationale.
La thèse belce de I'intemrétation de l'article 17 du Statut de la Cour
iiecorr*jpon<l&si ybj iii:~:~ssnircmcrii t 13 volont6 cnmmiinc des p;irtics.
telle qu'cllc r<iiiiItc<I Le1ir.ini3nifcst:iti01lsdir~'ctrj. L:i ilinniire dc voir
de nos honorables contradicteurs ne ~eut Das non ~lus être rattachée
diinr ;iiitrc mi:tli<,ded'interpr;t:ttinn t.;viled~ .echer~.tii,r--ct je cite -
*cc.qiit' IV, p:irties ;iv:iiciit en rc.ilit6 dnns I'csyritj..puiir rqiréiidre le,
tcriii<; cniploy;~ par la Cotir (1.iiiîson :ivi; du 3 iiinrs i.,i~ siir1:iCovip2-
tdiicz1,.l'.Arcrotlidd;Pni:r.(l~>oi~ 1',1dntiis1~1< /trt/:/.I~rix .Yo/ionr L.?itrr.
D;iiii ii.5conditioiiî, \loiisiciir IiPrési<lCnt Irirtii.>cI~elg,:est doiii Las&.
sur des considérations qui vont au-delà des limites qui sont imposées
à l'interprétation juridique.
Alonsieur le Président, après avoir démontré que la clause juridic-
tionnelle de l'article 17 du traité hispano-belge est une clause caduque
et après avoir prouve - nous l'espérons à la satisfaction de la Cour .-
ue le domained'application rationetemfiorisde la disposition transitoire

je l'article 17 du Statut de la Cour ne valait Quedans l'immédiat. nous
devons examiner encore quelques autres moyer;s, à vrai dire secondaires,
que le Gouvernement belge fait valoir.776 BARCELOSA TRACTIOS

La première question que nous devons examiner dans ce contexte se
rapporte à celle de savoir si effectivement le Gouvernement espagnol
aurait reconnu, dans le cadre de la correspondance diplomatique, que
le différendqui oppose la Belgique à l'Espagne devait êtresoumis à la
Cour internationalede Justice dansle cadre juridictionnel de l'article 17
du traité hispano-belge. Rime Rastid s'est prononcéeh ce sujet de la
manière suivante, le 14 avril (voir II, p. 494: N...le Gouvernement
espagnol n'a jamais contestéLjusqu'àilne époque récente]les obligations
de règlement pacifiqiie qui lui incombaient eii vertu du traité liispano-
belge de 1927 ».Hien plus, le Gouvernement espagnol aurait pris isur lui
...l'existence de la juridiction internationale obligatoire dans les rapports
entre les deux pays u.II ne s'agirait donc pas, si nous comprenons bien
l'argument de nos honorables contradicteurs, de la reconnaissance de la
juridiction de la Cour sur la base d'un nouvel accord, sur la base d'un
/orz&m proro:altcm dam le cadre de la correspondance diplomatique,
mais leGouvernement espagnol aurait reconnul'existenced'obligations par
rapport à la Bclgique et au regard de la juridiction dela Cour àcesujet.
Le Gouvernement belge soutient sa prétention en se fondant, comme

d'ailleurs déjà dans la procédure écrite, sur deux notes diplomatiques.
La première est celle du IO juin 1957, dans laquelle le Gouveriiement
espagnol prend acte du désirdu Gouvernement belge de soumettre ule
différend supposé à une instance internationale ».
Ilonsieur le Président, je ne vois vraiment pas comment il est possible
de déduire de ce membre de phrase que le Gouvernement espagnol
aurait acceptéde soumettre le différend à la procédure prévue par la
clause de juridiction de l'article 17 du traité hispano-belge de 1927.
Cette clause n'a mêmepas étémentionnéedans la iiote du IO juin 1957.
Bien plus, la possibilitéd'examiner la réclamation belge dans le cadre
d'une discussion diplomatique - il n'en est donc pas particulièrement
question da&sla riote de la Cour internationale de Justice - c'est-à-dire
la possibilité d'examiner la réclamation dans le cadre d'une discussion
diplomatique est subordonnée àune entente sur le jus sfandi de la Belgi-
que, c'est-à-dire à une ententesur son droit à protégerdiplomatiquement
les intérètsbelges dans la Rarcelona Traction. En oiitre, la note espagnole
du IO juin 1957prend acte du irdésir »du Gouvernemeiit belge de soumet-
tre le litige& une instance internationale. Enfin le différendest qualifié
de différend asupposé ».La tentative du Gouvernement belgedeprétendre
que le Gouvernement espagnol ait acquiescé à solimettre le différend
de la Barcelona Traction à la Cour internatioiiale de Justice est donc
vouée & un échectotal.

L'observation belge relative à la note espagnole du 30 septembre 1957
n'est pas plus digne d'êtreretenue. Cette note s'occupe également de la
question de savoir si le Gouvernement belge fait la preuve de son droit
de u.otéeu~~la Barcel~~a Traction su~~le~ ~an international. Dans les
coii~~liisiotiisle cctie iiote, le tioiivi:rriomeni espagnol prc,ii<lpo;ititàii
I'Sgard <leIn prupojitioii du Zou\.ernani:nt Ixlgc de soumctrrc Iï diilC-
rerirli 1;Ctitirinternntioiiale dr"lii~ ~~.. conforiii6inrr;ila (1~in;~ii~lti.ii
avait étéadressée à l'Espagne par la note belge du Sjuillet 1957. tes
conclusions ne désignent aucun organe international qui serait, le cas
échéant.reconnu Darl'L'Esnaene en vue detrancher ledifférend.LeGouver-
nement'e~~agnol'refuse de"discuter~1e fond du litige de la Rarcelona
Traction. La note du 30 septembre 1957 - il est vra- fait la constata- RÉPLIQUE DE Y. GUGGESHEIH 777
tion explicite qu'aucune juridiction obligatoire n'existait entre la Belgi-
que et l'Espagne jusqu'à la date de l'entrée de l'Espagne aux Nations
Unies. Alaiscette constatation ri'impliquenullement qu'à partir de cette
date une telle juridiction serait reconnz~epar l'Espagne dans ses relations
avec la Belgique et surtout au sujet de la Uarcelona Traction.
La phrase cri question et qui se rapporte au lien de juridiction entre la
Belgique et l'Espagne ne peut être comprise qu'en rapport avec la iiote
belge di131 décembre 1956.La note belge du 31 décembre1956 avait eii
effet affirméque la Belgique avait maintenant la possibilité de porter
unilatéralement le différend devant une 'uridiction iiiteriiationale
(an"ex~s a: mémoire belge, vol. IV, p. 100~1.La phrase relative à la
,u~ ~ ~tion internationale. aui se retrouve dans la note esoaenolc du îo
septembre 1~5 ré pond simplement à la prétention belg; ef affirme be
nouveau que 1;~ soumission du différend à une juridiction internationale
ne peut pas êtreprise en considérationpar l'Espagne avant que le jus
standi de ln Belgique soit étalé.
Pour le reste, hfonsieur le Président, je n'ai qu'à me référerAma pre-
mière intervention (voir II, p. 164et 165)et particulièrement k In iiote
espagiiolc du 5 mars 1962, donc à une déclaration adressée à la Belgique
avant que cette dernière ait adressésa requêtedans la présente affaire à
I:iCoiir.Le Guii\,t:rnenieiit r;p:i~iiol iiic;i\.lc gr.iii<lc~.i.vuir rsciiiiiiii
I:i~iiridictioii ilc I:i Coiir irit~~i.ii.iri<luJiisti~.c <I;~ns1'3fi:iii.Ic J2
13:~rceloii.'tI'~:~crit,iic,t!ci~I':iill,-~ir:sit~rAIII~IIII~CS~daris le c:~drc
dc la ~remière~~.céduredevant ln Cour. la mémeattitude en onuosa.. ~ ~
lin,:~~siïl>iir~nr~lriiiiii:iirrrcl;jii\la con11>éreni c.,1:iCi,iir.i.sicptiuii
qui correspund 1I:iiiuiir tréi I:irgt:incsure{iI':iciucllv.
3lon.iiciir IL.I'r;~;i~I~iitc.lans le iiCOII~UXIS, rn<>iIiionor:fil~eontra-
dicteur fait grand état d'une publication de la Direction généraledes
affaires consulaires en Espagne. Il s'agit de l'ouvrage intitulé ï'ratados
Gonsnlures'leEs$nEu publié à Madrid en 1958. En effet, le titre de cet
ouvrage précise qu'il s'agit d'une collection de traités consulaires cn
vigueur le lei janvier 1958. Il est exact que la publication contient uii
recueil de traités en vigueur et il est également exact que certaines
clauses juridictionnelles ;les traités publié'smentionnés ne'sont pas eii
mesure d'être executées et sont en conséquence caduques depuis la
dissolution de la Cour vermanente
Toutefois, affirmer - comme paraissent le faire nos honorables contrü-
dictcurs - que le fait d'avoir publié ces traités contenant des clauses
inexécutables, sans avoir mentionné leur inexécutabilité,corresponde à
une reconnaissance de la validité de ces clauses dont nous invoquons la
caducité est une prétention sans aucun fondement. Et ceci poiir les
raisons suivantes.
II n'appartcnait ce~tainement pas i l'auteur du recueil et non plus
à In Direction généraledes affaires consulaires de se prononcer sur la
questiori de savoir si les traités en vimeur oubliés ou dont il est fait
nicitrion coiili~;iiiicit.i.cl;ii~srcadiiq~çs. liA d':i~itrr.sfiniiis. il n'était
iiidaiis lcs ;itrril~iitions de I'aiiteiir ni dans cïlldv la Direction gFn;-
rale dc,s;iffnirt:;consii1;~si <l'iriterpr6ter :~utlieiiri<liii~menIti!s ir:iitt!s et
converitions ri8'~ls.oubliai~~~ dan: cc recueil.~~i mission dc l'auteur
et clcla 1)irectioiigl:nvr~lid,,i:ifInirescoiijul:iircs cii I'sp:igiit!lie poii\.ait
ctrc quc plus modvstc. 11s'agissait dc piihlicr iiii,c~ll~~ctionilc.traitbs
en vigueiir. sans qiic I'aiirciii.tI:iIlii~~ctioiigi:iii!ri1i.s.aff:tiresconsci-778 BARCELOSA TRACTIOS
laires aient à se préoccuper de la validité ou de la non-validité de
certaines de leurs dispositions.
A cette réflexion.Monsieur le Président,s'en ajoute une autre. L'appli-
cation et l'interprétation des traités ne dépendent pas unilatéralement
d'un seul Etat cocontractant. Les traités sont consacrésdans des instru-
ments dont l'interprétation et la modification dépendent de toiis les
cocontractants, et cela mêmesi un Etat invoque la caducité d'une de
ses dispositions. Que dirait dans ces conditions le Gouvernement belge
si un recueil officielou officieux de traités d'un autre pays, avait omis
une disposition conventionnelle dont la caducité est invoquée par le
est catégoriquement niéepar le Gouvernement belge? Que dirait-il ené
outre si ladite publication avait paru avant que la caducité ait été
reconnue soit sur le plan diplomatique soit en vertu d'une décision
iudiciaire ou arbitrale?
Ajoutons peut-être sans attacher une importance quelconque - au
point de vue juridique - à cet argument le fait que la publication du
recueil des traités consulaires espagnols en vigueur a eu lieu en 1958,
donc à une époqueoh la validité ou la caducite de la clause juridiction-
nelle du traité hispano-belge n'avait pas encore fait l'objet de discus-
sions approfondies.
Le recueil des traités consulaires est d'ailleurs un ouvrage publib
sous la responsabilité de son auteur, ce qui ressort nettement de sa
préface. Les commentaires se rapportant aux traités consulaires n'ont
donc pas un caractere officielet n'engagent certainement pas le Gouver-
nement espagnol. L'ouvrage contient mêmecertaines erreurs évidentes.
Ainsi, à la page 611 mentionnée par mon éminent contradicteur (voir
II, p. 497) il est question d'un @Tribunal de Justice internationalu
(TribunaldeJusticia I~tternacional).Or, cette dénominationne correspond
à aucune institution judiciaire internationale existante.La dénomina-
tion espagnole de la Cour internationale de Justice est Tribunal inter-
national de Justice (Tribunal internacional de Justicia).
Monsieur le Président, il me reste à mentionner très sommairement
encore auelaues a oints ~articuliers sienalés ~3r mon éminent contrn-
dicteur, points de cécôtéde la b&e, nout ne voudrions pas omettre
de meiitionner pour ne pas donner la fausse impression d'un acqu-esce-
ment tacite au; thkses i'nvoquéespar le Gouvernement belge.
établis sous les auspices des Nations Unies, et qui avaient pour objectif
de transférer à cette oreanisation des oouvoirs et fonctions uni étaient
corili6sidesorganes irij;;ruéspar la ~oclétkdes Sations unt un <;iractC.rz
constitiitif. Certes, Ics ;imendcnients niix coriveniions collecti\.es ne
visent Dasexclusivement le transfert de la iuridiction de la Cour Derma-
nente 2 la Cour internationale de ~ustice.'~es attributions de certains
autres organes institués sous les auspices de la Sociétédes Nations sont
transférées à de nouveaux oreanes iaisant ~artie des nouvelies institu-
tions. Toutefois, le fait que:es protocoles'disposent le transfert a la
Cour internationale de Justice du bénéficedes clauses iuridictionnelles
~révovant le recours à'la Cour Dermanente de Tusticéinternationale
irou;e cependant que ce transfek n'avait pas ~ÏIcaractère purement
technique, mais qu'il devait êtreopéréen vue d'étendre le bénéficede
ces clabses entre autres aux Etats ion membres originaires des Nations
Unies et parties au Statut de la Cour. L'article 37 n'opérait donc pas RÉPLIQUE DE DI. GUGGESHEl>I 779

automatiouement le transfert à ces Etats. Le fait aue d'autres dis~osi-
tions relaiives au transfert decertaines att~ibutions à des organgs de
la Sociétédes Nations ont étéégalement modifiéesdans le cadre de
cette procédurene diminue donc pas la valeur de notre raisonnement.
d'une réale commecelle de l'article p37 du Statut de la Cour. Le trans-re
fert e?tpi~citciles nttritiiitions qui né'se r~pportaient pas aux clauscs
juritlictionne1lcss'ni ;mrs)aicrni.nt yoiir toiis Ivs Etats. vii qu'air-
cune disposition transitoire ayant un caractère obligatoire, comme
c'est le cas dans la règlede transition de l'article 37, ne prévoyait le
transfert de ces attributions de la Sociétédes Nations aux nouveaux
organes spécialisés.
Dans ces conditions, le fait qu'on a prévu le bénéficedu transfert
des clauses juridictionnelles malgré l'existence de l'article 37 du Statut
de la Cour démontrait à l'évidence que ce transfert ne s'opérait pas
automatiquernent pour tous les Etats pnrties au Statut.
Xous ajoutons qu'une opinion diffbrente ne résulte pas non plus du
rapport de la Commission du droit international sur les travaux de la
quinzième session qui a étémentionné par SIm' Bastid (voir II, p.485).
La Commission du droit international rappelle simplement les efforts des
Nations Unies en vue de transférer les fonctions et pouvoirs esercés
auparavant par In Sociétéde3 Nations à des organes instituk par la
iiouvelle orgaiiisatiori politique.
L'acte générala étéamendé pour les mêmesmotifs que les protocoles
de transfert que je viens de mentionner. L'article 37 du Statut de la
Cour avait bien opéré letransfert du bénéficede la juridiction de la
Cour permanente à la Cour internationale de Justice pour les 13*tats en
mesure de profiter de cette disposition, mais il ii'a pas automatiquement
transféréle bénéficede la juridiction obligatoire de l'ancienne à la
nouvelle Cour pour les Etats non originaires des Xations Unies, qui
valable seulement dans l'immédiat, comme iious l'avons si souventansitoire,
répété.
La recommandation adootéele ?I octobre ro<I oar la seutièmcsession
dc la conf~:reiii:e<1.;)H;iyc nitntioiin6c par ilion hinent coiitrldicteiir
le 14 ;i\'ril (\.tir1) 48s) in\'irc les Etats menibreiJr cette coiifëri:iict:
à sigiicr un protoculc pour reconn;iitre la conip&ierircde ln juriJictiun
intcrnntion:iIc. II ne st. piunonce ccpciid.iiit p;is ..ur le cIuni;~iiicd'appli-
c:itioii ri1110l6nrporis <leI'articlc 37 du Statut de IJ Coiir. Les auteurs
de ce ~)r~focolcoiit d'ailleurs pri, soin de riepas prc'jirali~nelenrporis
la portCede Inrr.sunnni:slnce <Irlajuridi~troriint~rnnti<~r~.lii.ftct~icepzir
la >ipi~tnrv diidit proto,:oliCi.iirutiicolc <Iéclnr:il eiiet eu~~liiiteriicrit
aue la reconnaissaice de la com~&tencede la Cour se fait «conformément
& Statut de 1;iCour ».11ne se prononce donc pas sur les conditi?ris qui
doivent êtreréaliséespour assurer la compétenceratione tentporzsde la
Cour internationale di Justice.
La décision du tribunal arbitral franco-espagnol dans le différend
relatif au lac Lanous est fondéesur l'article z du traité franco-espagnol
de 1929. Le tribunal arbitral constitué sur la base d'un compromis daté
du 19 novembre 1956 a dù mentionner le fondement de sa compeence
dans la décisionarbitrale, comme c'est l'usage en matière judiciaire et
arbitrale, non seulement en droit international, mais aussi en dro?t
interne. II n'avait cependant pas à examiner la validité ratione temporzsde la clause juridictionnelle contenue dans le m6me article 2 qui pré-
voyait, à côté de la juridiction judiciaire, également la juridiction arbi-
trale, procédure qui a étéadoptée en l'espècedélibérémenp tar les deux
parties au différenden vue de sa solution. C'est la partie de l'article z
relative à l'arbitrage qui a fait l'objet d'une application dans le com-
promis d'arbitrage et a étémentionnée par le tribunal arbitral en vue
de statuersur sa cornpétenceraiionemateriae,et non la partie seréférant
à la clause juridictionnelle. Au surplus, le Gouvernement espagnol et le
Gouvernement fran~ais en établissant le compromis arbitral n'ont pas
reproduit et n'ont pas mentionné l'article 2; ils sesont limitésàmention-
ner d'une manière généralele traité de rgzg et ils ont déclaré qu'ils sont
convenus "par application de la convention du IO juillet ~gzg,decons-
tituer un tribunal arbitral appelé à trancher le différendet ont défini
ainsi qu'il suit sa mission, sa composition et sa procéduren (Recueildes
sentencesarbitrales,vol. XII, p. 285).
Ainsi, nous crovons avoir ré~onduaux points ~rincinaux du ~remier
exposéoral de notre éminent c6ntradicteuÎ quaiif à ladeuxiémêexcep-
tion préliminaire.
Toutefois, Monsieur le Président. ie me permets de faire dans ce
coiitexte encore deux observations d'in caraGère plus général.
Voicima première observation: à deux reprises la Cour internationale
de Justice a admis que l'article 36, paragraphe j, de son Statut ne
s'est pas appliqué indistinctement à tous les Etats ayant accepté la
juridiction obligatoire de l'ancienne Cour permaiiente, qui pouvaient
ensuite, à n'importe quel moment, devenir parties au Statut depuis
l'origine. La Cour a rappelé eii particulier dans l'affaire du Temple de
IlréahVahéar(Cambodge c. Thaïlande) (C.I.J. Kecneil 1961, p. 25) que

ule 19 avril 1946, date de la dissolution de l'ancienne Cow perma-
nente, toutes les déclarations d'acceptation de la juridiction obli-
gatoire de la Cour permanente qui ne s'étaient pas déjà ctransfor-
mées»en vertu de l'article 36, paragraphe 5. en acceptation de la
juridiction obligatoire de la Cour actuelle étaient devenuescaduques
et avaient cesséd'êtreen vigueur, car elles seraient dès lors appli-
quées à un tribunal -l'ancienne Cour permanente - qui n'existait
plus 1).

Le mêmeraisonnement a étéappliqué en une autre occasion, cette
fois-ciau sujet de l'application de l'article 37 du Statut de la Cour inter-
nationale de Justice. Ce fut dans l'arrêtrelatif aux Affaires du Sud-
Onestafricain, du 21 décembre 1962 (C.I.J. Kecucil 1962, p. 334). Dans
cette situation, nous n'imaginons vraiment pas, de ce côtéde la barre,
que la Cour puisse modifier sa jurisprudence en ce qui concerne l'inter-
prétation des articles 36, paragraphe 5, et 37, qui a étéainsi consacrée
en deux nouvelles occasions.
Et ma seconde observation généralesera la suivante: on ne peut pas
dissocier l'interprétation de l'article 36, paragraphe j,de celle de l'ar-
ticle 37duStatut de la Cour, comme nous le démontrerons dans un mo-
Fitzmaurice, au'il a poséeau suiet de l'exception oréliminairenoGe2.Mieux
eiicore 11ui pilr IIIICd~:~iioiist~atioiii~bstraitc. c'l-jt 1x11un t~xtiiiple
coiicrct quï iious dkirons <liiii<iiitrtr I'intiiiie coiinïsdc.; ~LIIX
dispositions quant ; leur application et i leur interpr5tntioii. En cifet, la Bulgarie n'a pas seulement sigiiéla déclaration unilatérale de recon-
naissance de la juridiction obligatoire prévue à l'article 36, para-
graphe 2, du Statut de la Cour permanente, mais la Bulgarie a aussi
conclu avec d'autres Etats des traités de conciliation, de règlement
judiciaire et d'arbitrage du mémetype que le traité hispano-belge de
1927. Entre autres un traité de ce genre arec l'Espagne, datant du
26 juin 1931, enregistré à la Sociétédes Nations le 13 mars 1936
(voir Recireil des traitésde la Sociétédes i\'ations, 1936. vol. 166, p. 342
et suiv.); si nies informations sont exactes, ce traité est toujours en
vi-eur. L'article 17 de ce traité contient la clause iuridictionnelle ré-
voyant le recours ;nilatéral auprès de la Cour p&manente dans'les
mêmesconditions et presque dans les mêmestermes que l'article 17
du traité hispano-belgé.
Admettons, hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, pour un
moment, par hypothèse, que l'Espagne ait une reven<lication du même
genre contre la Bulgarie que celle d'Israël - demande d'indemiiitépour
le dommage causépar un incident aérien. En suivant la thèsedu Gouver-
nemeiit belge, la demande espagnole serait recevable, l'article 37 du
nouveau Statut avant transféréle bénéficede la clause iuridictionnelle
dc I'ancicnnc Cour itl;iiioiivvllc Cour;ij)ri>1'~dnii:jioii'~lI:iUiilgirie
cr<Il l'i~q);igiiiuiiiiiic \18iiihrdcs S:itions l'nivsvt <:oiiiiiitpnrti,.. :ni
St~tut clcla Cour. Ici1rc!.ancli~.,je1011.1 ~l<ci>iocltv~jtrcl~~uteiuritlic-
tion, tel n'a bas étéle cas pour ïaffaire d'Israël contre la Bu~~ariéfondée
sur l'article 36, paragraphe j,du Statutde la Cour. En effet, votre Cour
s'est déclaréeincompétente pour statuer sur le différend bulgaro-
israélienporté devant eue.
Monsieur le Président, n'y aurait-il pas quelque chose de choquant,
d'injuste,et je me permetsd'ajouter, en empruntant le terme au Common
Law, de unreasorzable,voire de contradictoire, à appliquer h deux situa-
tions identiques une solution différente, même opposbe, sans qu'on
puisse affirmer que le but poursuivi et l'engagement fondé sur l'article
36, paragraphe j, du Statut de la Cour soient différents du but poursuivi
par l'article et de l'engagement fondésur l'article 37 du Statut?
hlonsieur le Président, avant d'aborder la deuxième exception pré-
espagnol aux questions qui ont étéposéesau sujet de la deuxième excep-
tion préliminaire principale par hf.le juge sir Gerald Fitzmaurice.
Je réponds & la première demande de renseignements de la manière
suivante.
L'article IIO de la Charte des Nations Unies a prévu l'entrée en
vigueur de la Charteaprès le dCpôtdes ratifications par les cinq grandes
puissances et par la majorité dcs autres Etats signataires. En ce qui con-
cerne les autres Etats signataires qui déposeraient leurs instruments
de ratification après l'entrée en vigueur de la Charte, il était admis
qu'ils deviendraient Nembres originaires des Nations Unies à la date
de ce dépôt. L'entréeen vigueur de la Charte date du 24 octobre I94j.
Dans ces conditions, l'article 37 du Statut de la Cour admet explicite-
ment et sans réserve le transfert de la juridiction de l'ancienne Cour
àla nouvelle pour les Etats qui ont ratifiéla Charte avant son entréeen
vigueur. En outre, le transfert était aussi valable pour les Etats qui
auraient accédéaux Nations Uiiies et au Statut de la Cour, après la
mise en vigueur de la Charte et du Statut de la Cour, mais avant que
la Cour permanente ait étédissoute le 19 avril 1946.782 BARCELONA TRACTION
Dans ces conditions. si par hypothèse au moment de la dissolution
de la Cour permanente seul un nombre minimum de ratifications re-
quises pour l'entrée en vigueur de la Charte et du Statut avaient été
réalisées,il aurait étépossible de reporterà une époquepostérieure au
rg avril 1946la dissolution de la Cour permanente en vue d'augmenter
le nombre des clauses juridictionnelles profitant de la clause transitoire
de l'article 37. Cela n'aurait donnélieu à aucune difficultésur le plan
moral, technique ou même juridique, le Statut de la Cour permanente
ayant toujours étéautonome, indépendant du Pacte de la Sociétédes
Nations. On aurait donc pu dissoudre la SociétédesKations et maintenir
provisoirement la Cour permanente de Justice internationale jusqu'à
l'époque à laquelle le nombre des ratifications aurait étéconsidéré
suffisantpour que s'effectue le transfert du bénéficedes clauses juridic-
tionnelles de la Cour permanente à la Cour internationale de Justice.
Je réponds à la deuxième question, poséepar sir Gerald Fitzmaurice,
de la manière suivante.
Le membre de phrase de l'article 37 du Statut de la Cour: uUn traité
ou une convention en vigueur ..» se rapporte, comme nous avops eu
l'occasion de le dire, un traité ou une conveiitioii en vigueur qui con-
tient une clause juridictionnelle prévoyant le recoursà la Cour perma-
nente de Justice internationale.
Ce traité ou cette convention peut être:

a) une clause juridictionnelle indépendante, dans le cadre d'un traité ou
d'une convention de juridiction, qui prévoit exclusivement le recours
Bla Cour permanente de Justice internationale;
b) un traité ou une convention de règlement pacifique en vigueur,
contenant une clause juridictionnelle, prévoyant le recoursà la Cour
permanente, mais auisi le recours à d'autres organes, par exemple
des organes de conciliation et d'arbitrage;

c) un traité ou une convention en vigueur ne se rapportant pas à ,la
procédurede règlement pacifique, mais contenant une clause juridic-
tionnelle de recours à la Cour permanente en cas de divergence
d'application, d'interprétation ou d'exécution du traité qui peut
étre par esemple un traité d'amitié, un traité consulaire, un traité
de navigation ou tout autre traité.

Les trois catégories de traités ou de conventions que je viens de
mentionner doivent, comme nous venons de le dire, êtreen vigueur,
in force, au moment de la saisine de la Cour permanente de Justice
internationale ou de la Cour internationale de Justice, à partir du
moment où cette dernière est substituée à la première cn vertu de
l'article 37 du Statut de la Cour.
La différence, d'une part entre la catkgorie a) et d'autre part les
catégoriesb) et c),est la suivante.
Dans le cas où le traité se réduità la seule clause de juridiction: la
condition exprimée par les mots in force se réfèreau traité tout entier.
La condition est que ce traité soit en vigueur selon les regles de droit
inDans le cas toutefois où le traité contient d'autres clauses que ceUe
prévoyant la juridiction de la Cour, la condition exprimée par !es mots
in force devient double. II ne sufit pas, pour qu'elle soit réahsee. queIc rr:iitC,clsnr-son ciiscinble soit en \.igueur.ilfaut ciicore <~IIcd:,ansle
c;idrc dii trnit,), suien vigueur I'cngagcnient particiilier qui ioiiceriie Ic
ri.cleniei~tiuii~ciairei1cidiil;rcnds. Car Ictrsitr: ~cutCtr, rejr1.1vieiiziir.
algrs que ia clause de juridiction, par contre, peut avoir cesséde'i'être:
Sidonc, l'un ou l'autre des deux élémentsque nous venons de mention-
ner fait défaut, le traité ou In convention ne peut pas êtreconsidéré
comme un traité ou une convention en vigueur, in force, au sens de
I'article 37 du Statut de la Cour. Le fait que le traité lui-mêmesoit
in force mais que ne le soit plus la clause juridictionnelle prévoyant
le recours à la Cour permanente de Justice internationale n'eçt évidem-
ment pas suffisant pour considérer comme remplie la condition prévue
Dar l'article ", du Statut. C'est la situation dans laauelle se trouve le
irairc liispano-brljicde 192; qiii est en soi v;ihhle, cii \~igiiciiiirforce.
in;iis qui contient la clause caduque <leI'article 17, paragraplie 4. yré-
\,uy:iiit le recuiirs iuridicrionnelà la Cour nerrnanciirc. Soiis croyons
avoir démontré cette situation est conforme aux règles du droit
international général,qui admet le pnncipe de la divisibilitédes clauses
des traités.
Inie~ir Iï I'rCiiilcnr. en cc qui roncenie la formule ~lcclur.rlto>is
slill inforrdprévu,.ilniis 1':irricle36. p~r.i<r.aphe5,il11Sttitiidc ki Cour,
il s'agit di: <I;zI:iriitioni ~iiiil:~~d~~!reci>iirsde juridiction obligatoire
qui peu\,eiit étrc aîiiniilc'es çoriiin~.nvui ;a\.ons \.u dans lin* trk large
ine.<iireaiis cl:iiiicj luridizrionncllci d'uri traité ou d'une coiiveiition
en vigueur prévoyant e~clusi\~ementle recours à la Cour permanente
de Justice internationale. Dans ces conditions, les déclarations still in
force sont, ou bien en vigueur. ou caduques en vertu du droit interna-
tional général, exactement comme les traités auxquels je me réfhre,
c'est-à-dire les traités dc juridiction exclusive. Les termes in force
prévus dans l'article 37 et dans l'article 36, pa.agra.-e 5, o~t donc le
mêmesens.
Toutefois, si on applique la formule française de l'article 36, para-
graphe 5: aune déclaration faite ..:pour une durée pas encore expi-
rée i,il esiste peut-être une distinction entre la formule de I'article 36,
paragraphe 5,et ceUede l'article 37.
En effet, on peut prétendre que le texte franqais de I'article 36, para-
graphe 5, se rCfèreuniquement à l'échéancedu terme de la déclaration
unilatérale de juridiction obligatoire et non à l'expiration possiblede
la déclaration par suite d'un autre motif prévupar le droit international
général,et en particulier d'un Cvénement extérietirtel que la dissolution
de la Cotir permanente. Mais le contraire vaut pour le texte anglais de
l'article 36, paragraphe 5, et de l'article 37 du Statut de la Cour, où
il est question en général destraités ou conventions in force,en vigueur,
et des déclarations slillin force.déclarations encore en vieueur. et l'on
ne distingue pas les causes pour lesquelles l'engagement peGt avoir cess6
d'êtreen vigueur. Toutefois, I'interpr4tation DIUSétroite de l'article 16,
paragraphe,, éventuellement conforme au iexte français quant Lux
motifs de la caducité d'une déclaration unilatérale de reconnaissance
de juridiction obligatoire, n'a pas étéadmise par la décisionde la Cour
dans l'affaire de l'Incident adrieen.La Cour s'est expriméede la manière
suivante à ce sujet (C.I.]. Recueil 1559. p. 144) - je cite: nl'article
36, parqraphe 5, n'énonceet n'implique aucune référence à une date
fixe qui serait la datede la signature de la Charte ou du Statut ou celle
de leur entrée en vigueur initiale. xî84 BARCELOSA TRACTIOS
Nous avons indiqué le 19 mars (voir II, p. 147) qu'une interprétation
quichercherait,en cequi concernel'article 36. paragraphe 5.à déterminer
la validité d'une clause juridictionnelle dans le temps d'après la durée
restant à courir dans le cadre des traités dont elle fait partie n'entre pas
en ligne de compte pour l'interprétation de l'article 37. Le texte de
l'article 37 comme celui de l'article 36, paragraphe 5, dans son teste
anglais exige impérativement que la clause juridictionnelle prévuedans
des traités internationaux et dans des déclarations unilatérales de re-
connaissance de juridiction obligatoire soit effectivementen vigueur en
vertu des rèplesde droit international à I'éuooueoù 1'Etat soumis à la
juridictionobligatoire devient partie au Siatût de la Cour et naturel-
lement aussi à l'époqueoù la requête unilatérale estadressée à la Cour
internationale de justice.
Je crois ainsi avoir répondu aux questions de M. le juge sir Gerald
Fitzrnaurice.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, l'arrive maintenant à la
deuxiCme exception subsidiaire. Ainsi que nous l'avons exposé au
cours de la séancedu zo mars 1964, le différendrelatif à la Karcelona
Traction est néavant le 14 décembre1955. Or. selon la thèse que nous
avons soutenue, par hypothèse, dans notre deuxième exception préli-
minaire subsidiaire, l'article 37 du Statut de la Cour est devenu applicable
précisément à cette date,au 14décembre1955, dans lesrelations hispano-
belges et a permis ainsi à l'article 17,paragraphe 4, du traité hispano-
belpe revisé, c'est-à-diràla nouvelle clause iuridictionnelle, de -.ployer
sesëffets.
La nouvelle clause est donc entrée en vigueurà l'époqueoù l'Espagne
est devenue Membre des Nations Unies et partie au Statut de la Cour.
Le fondement de la validité de cette clause repose sur l'applicabilité
de l'article 37 du Statut de la Cour. Iléjàde 19à51946,avant la dissolu-
tion de l'ancienne Cour, cette disposition a eu le pouvoir d'effectuer
le transfert du bénéficde certaines clauses juridictionnelles, c'est-à-dire
des clauses juridictionnelles conclues entre Membres des Nations Unies
qui sont devenus parties au Statut de la nouvelle Cour avant la disso-
lution de la Cour permanente.
Il n'y aurait donc eu aucune difficultà maintenir en vigueiir l'ancien
article 17 du traité hispano-belge, si l'Espagne était devenue Membre
des Nations Unies avant la dissolution de l'ancienne Cour. En effet,
l'article 37 du Statut assurait la continuité des droits et obligations
contenus dans l'article 17, sans aucun vacuum, sans aucune interruption
et, pour la mêmeraison, le domaine d'application ratiom temporis de
l'article17 du traité hispano-belge demeurait inchangé.Grâce à l'appli-
cation de l'article 37 du Statut, la Cour internationale de Justice se
substituait immédiatement à la Cour permanente dissoute, sans que le
contenu des droits et obligations prévusdans l'article 17 en soit affecté,
le seul changement résidant précisémentdans le fait que la Cour perma-
nente était remplacée par la Cour internationale de Justice. Dans ces
conditions lesdispositions du traité hispano-belge relativeàla rétroacti-
vité de la clause juridictionnelle ne subissaient, elles aussi, aucune
modification. La continuité de la clause juridictionnelle était assurée.
Toute différente par contre a été lasituation en 1955, à I'époque
de la Cour. Mêmesi l'on admet, avec les savants auteurs de l'opiniont
dissidente collective dans l'affaire de l'Incident aérien,que l'article 37 RÉFLIQUE DE Al. GUGGESHE131 785

pouvait ~ranimern la clause juridictionnelle de l'article 17 du traité
hispano-l~elge,inapplicable entre 1946 et 1955. ce n'est qu'à partir de
l'époqueoù l'Espagne est devenue partie au Statut de la Cour que la
renaissance et le rétablissemerit de la clause juridictionnelle ont pu se
produire. Ce n'est que par la double adhésion de l'Espagne et de la
Belgique à la Charte et au Statut de la Cour, donc en vertu de deux
actes unilatéraux parallèles, que pouvait intervenir l'accord tendant à
remettre en vigueur l'article 17du traité hispano-belge modifiédans son
contenu et rétabli à la lumièrede l'article 37 du Statut. Nous ne sommes
pas seuls à soutenir cette thèse: I'opinion dissidente collective s'est
expriméed'une manière très claire dans ce mêmesens.
En effet, nous lisons dans le Recueil~gjgde la Cour, à la page 171
- et je cite:

nLa validitéet le caractère obligatoire de la Charte et de chacune
de ses dispositions ne résultent pas de la décisionde la Conférence
de San Francisco, mais de la volontémême desEtats qui ont volon-
tairement adhéré à ses obligations en 1945 et au cours des années
suivantes ... la Bulgarie a, en y adhérant de son plein gré, accepté
les obligations de la Charte, y compris celles de l'article 36, para-
graphe j, du Statut. u
Et y compris, ajouterons-iious. celles de l'article 37. Et l'opinion dissi-
dente collective poursuit:

ICefaisant, elle[la Bulgarie] a fourni ce lieii consensuel... Comme
toute autre disposition du Stcitut, l'article 36, paragraphe 5, est une
dis~osition d'un caractkre consensuel... Dans un autre domaine
[c'est toujours I'opinioii (lissidente qui parle] l'article 37 fournit
le lien coiisensuel pour la succession de la Cour internationale de
Justice à la juridiciion de la Cour permanente ... >i

AllneTjastid a donc tort lorsque, dans son intervention du 14 avril
(voir II, p. joo et suiv.), elle nie qu'un nouvel accord hispano-belge
soit necessaire pour mettre en vigueur la clause juridictionnelle revisée
de l'article 17 du trait6 Iiispano-belge. L'article 37 n'a pu, à lui seul,
ranimer la clause juridictionnelle de l'article 17du traitéhispano-belge. Il
fallaitaorès 10,6.en lus de l'anoli..tion de l'article ..,du Statut de la
Cour. le;:üiisr-iirc~iiiciirt,:,iidc.Injiistnpoirion dis:~js~ntimr.iir-.brlgc
et espagiiol loi; il,I':iilinii;it>nsiicc~.ii\.c dr. I,i I>.~~ti3ci1E.lingnc
~uiiiiii~.\lcnil,it.; di; S;itioiis Ciiiet ,.uiniiit. i~:,it:%IStnti~t dc 1.1
Cour. Le conseiitemcnt ne résulte doncpas d'un accord donné à la même
époqueet dans un niénieinstrument. La juxtaposition d'assentiments,
souGent formulés à de loncs intervalles. n'est ndlemeiit contraire aux
rt'g1e.idii droit intenintioii:;i touclinnt lacun~liijioii des traités.
Si~iisI'avon5iI;nioi~tr&dans notre ~ireini&rrinter\.eniion, nous ii':isons
pas l'intention d'y revenir.

[Audience pzrblique1Zu 5 nui 1964, après-midi]

\li>ii>icur1,:Pr;!>idcnt, \Ic;sit:ideila Cour, i l:ifiirlc ci.tti. rn~tiiii.+.
1'31 ~~initicncr::,rxpnsri liilcuxiiii~ccxc~l~lii~~ iihiiilinirc en rCpliquc.
Nous soiiiinri parri- de I'hypothést: clii1';iiticl.7 du Statiit de In Lwir786 BARCELONA TRACTIOX

est devenu applicable précisément le14 décembre1955dans les relations
hispano-belges et a permis à l'article 17, paragraphe 4, revisé du traité
hispano-belge, c'est-à-dire à la nouvelle clause juridictionnelle, de
déployerses effets. Ce n'est que par la double adhésion de l'Espagne et
de la Belgique à la Charte et au Statut de la Cour que la renaissance et le
rétablissement de la clause iuridictionnelle ont pu se produire. Et c'est
par In justapojition d':issentinicnts bclg~.;<,t<il>agn61sque I':.rticlv:<7
û 616 ci! jii~siirc de ranimer p:ir hypothCic Iû cl:iiije jiiridictionnellc
revisCe<leI'articlc 17 du trait; liis~>nno-bclgc
Toutefois, ilsepose une questioniupplémëntaire dans cecontexte, celle
de savoir si la nouvelle clause juridictionnelle hispano-belge. celle qui
déploie ses effetsà partir du 14 décembre1955, a son propre domaine de
validité ratime temporis, commençant A courir à l'époquede sa mise en
vigueur. Ou est-il juste de dire, comme le pense notre éminent contra-
dicteur, que l'application ratione temporis de la nouvelle clause juridic-
tionnelle doit êtrerétroactive en exécutiondes clauses surla compétence
rationetemporiset en prenant comme point de départl'époquedc l'entrée
en vigueur dutraité bispano-belge lui-mêmeet non le 14 décembre1955,
époque à laquelle la clausejuridictionnelle reviséecommençait àdéployer
ses effets?
Je pense, Monsieur le Président, que c'est un principe généraldu droit
reconnu par les nations civiliséesque les clauses relativesà l'application
ralione temporis sont indissolubles de la règlede fond ou que ce sont des
clauses accessoires de cette dernikre. Le domaine d'application ratione
temburis a normalement Dour oint de dé~art le début de l'a~~lication
de h régiede fond. On ni: pciiipris prc'sumer.i:aiien cas de cii;position
r6tro:ictive. le iiwnt,rni~.der:ii>i>rlrniii ceiuiltt3\te la cL:I;fùrniulerlité
de l'article ;du ~6de civil français:iLa loi ne dispose que pour l'avenir;
elle n'a,pas d'effets rétroactifsriSel est particulièrement le cas lorsque
le traite lui-mêmedont la norme fait pürtie se prononce explicitement
contre la rétroactivité de la validité de la disposition de fond comme
c'est Iccas pour le traité hispano-belge de 1927.Si on admettait l'opinion
contraire, on arriverait à des conclusions inadmissibles. La iiouvelle
clausejuridictionnelle produirait ses effetsàpartir du 14décembre 1955
mais, contrairement aux clauses du préambule, de l'article premier et de
l'article2,elle s'appliqueraità des situations litigieuses qui n'existaient
pas à l'époquede la naissance de la clause juridictionnelle, c'est-à-direà
des conflits se rattachant an passé. Onpourrait peut-être soutenir en
faveur de cette thèse que le trait6 hispano-belge n'a pas voulu empêcher
l'examen des litiges nésaprès son entréeen vigueur, et qu'il s'étendrait
au contraire à permettre l'examen de tous les différendspostérieurs à
son entrée en <peur, malgréla caducité de la clause jukidictionnelle
entre 1946 et 1955.
Toutefois, ce serait admettre une dualitéen ce qui concerne le domaine
d'a~~iication ratione temboris du traité. Les dis~ositions relatives à des
cla;Ses juridictionnelles,' c'est-à-dire le recours à la Cour
internationale de Justice, auraient un autre domaine d'application
ralimie temporis que les dispositions relativesà des clauses arbitrales et
de conciliation. Pour les unes on admettrait un domaine d'application
rétroactive, tandis que ce ne serait pas le cas pour les autres. Cette
contradiction dans la détermination du domaine d'application ralione
temporis dans le cadre du mêmetrait6 ne satisfait ni la logique juridique, RÉPLIQUE DE ar.GUGGBNHEI~I 787

ni la justice, ni l'équité.Cettc situation n'est pas non plus compatible
belge et des travaux préparatoires de cette convention. traité liispano-
En effet, lorsqu'on examine le traité hispano-belge, on constate que la
plupart des violations antérieures à l'applicabilité de la clause juridic-
tionnelle de l'article 17 revisédu traité hispano-belge ne sont pas suscep
tibles d'êtreexaminées.Cecirésultede l'interprétation du préambule,de
I'article premier, de l'articleetdu protocole final du traitéIiispano-bel e
dont nous avons donnélecture au cours de l'audience du zo mars 19 4%
(yoir II, p. 117) L'iuapplicabilité au cas d'espsce de la clause juridic-
tionnelle de l'article 17 revisérésulte d'ailleurs aussi d'un principe plus
général.d'après lequel il n'y a pas lieu de présumer la rétroactivité
des clauses juridictionnelles lorsque le traité de juridiction lui-mêmese
prononce sur l'étendueet les limites de la rétroactivité desclauses jnri-
dictionneues on'il institue. Nous avons démontréaue tel est le cas Dour
ICSclauses juridictionncllcs, arbitr:ilcj ct de co!icili:itiondu trxiti: Iiisp:ino-
bclge. 1.asituation sçr:iit diff;rciitr. si 1,:triiitc ne coiitt:nait p.ti de dispo-
bitioris oarticuliL'rrî riil3ti\.13 l~~i~itatio.~(IOIIteuloorrs C'rst :ilors
et alors'seulement que la règlede l'arrét de la Cour permanente dans
l'affaire des ConcessionsMavrommatis en Palestine, série A no 2,p. 35.
serait valable, règle selon laquelle en cas de doute, une juridiction
crééesur la base d'un accord international s'étend à tous les différends
qui lui sont soumis après son établissement. C'est à cette situation, et
non à celle prévue par le traité bispano-belge que se rapporte aussi le
passage dans mon traité, volume 1, page III,invoquépar mon éminent
contradicteur en faveur de la thèse qu'elle soutient.
La thèseque nous avons dévelo pée est encore singulièrement renforcée
par le protocole final du traité gispano-belge relatif à la rétroactivité
de l'application de la clause juridictionnelle. La formule employL'e,
d'anrès laauelle l'a~..ication rétroactive du traité hispano-belge -'est
p;iienvisag6e, cmtrc lc.5p:lrties111 \.ait p:is dire quc pnreillc CvcnrualitL:
eiitraincrait 1applicatioii du principe dc la rétro~crivitl.pour I<jcontes-
tations fondéeCiur le droit coutumier.
Une telle affirmation serait d'ailleurs contraire ?I toute la pratique
conventionnelle de la Belgique et de l'Espagne en matière de clause
juridictionnelle. Cette pratique, nous l'avons mentionnéaux notes r et 2
de nos exceptions préliminaires, 1,page 170. exclut l'applicatioii rétroac-
tive des traités de juridiction aux différends nésantérieurement à la
création de ces derniers. Ce ri'est donc qu'a cause de l'inexistence de
tr:iit& hispino.belgr., cn 1927, <lu! la Hc4gi(liieet 1'liip:lgneIIont pasi.i
~~splicitciiieiitexclii dans Icdit rr:iitéIc principc de l'ÿp~ilicarioiirctru:lc-
tiic des cl~usc.sji~ridictionnellcs ct arbitr:ilzs. Cette rii.iriié\,airest
aussi conhrnii,: p:ir les trn\.aux prCpar.,toir~s du trait(. Iiijpa~ii,-belgr..
C'cst à I;idcm;indc <ItIii13clci<1u v conforiii~riiciiti jnpratique coiis-
tante que je viens de citer,-pratique aussi confirméepir sei propres
déclarationsde reconnaissance dejuridiction obligatoire jusqu'à une date
récente - que les parties sont tombées d'accord de prévoir dans le
protocole finalles deux règlessuivantes relatives à la rétroactivité.
Tout d'abord, elles ont convenu d'exclure toute formule qui avait
permis de porter rétroactivement un différenddevant un organe institué
par le traité. Vu que la question n'avait aucune portée pratique dans les
relations belgo-espagnoles à l'époquedela conclusion du traité,la formule788 BARCELOSA TRACTIOS

définitivement employéese contente de constate! cette absence de
ditlérendsnésantérieurement à la conclusion du traité.
Cette reconnaissance de la non-rétroactivité n'im~.ia.ait ceuendant
:,ucuticiiicnr que 11 coiisidcr;iit cunimc app~itc.tiaii1 au p:i& clcs
coiiflits ~cpo;.#iir,ur I'inrerprctntion iIc lraitis :~iiiiciiscl1 toiit c:is
;xiitr'ri<:.iI:,rlniiî~ du iuridiztion. C',Ii:~rnit,~Iicliu-il;iiisui7 nnrj
1927 qui a fait l'objet d'un protocole designature, qÜia servi d'exemple
pour la rédaction du protocole final du traité hispano-belge. En effet,
le ~rotocole de sienature beleo-danois contenait la ~hrase suivante aue
no& retrouvons Zgaiement Sous une forme un peu différenteet surtOut
plus succincte dans le protocole final du traité hispano-belge:
(iToutefois ne seront pas exceptéesles contestations portant sur
l'iriterprétation de tout traité antérieur encore applicable dont,
après les ratifications du présent traitéde conciliation, de règlement
judiciaire et d'arbitrage, il serait fait par l'une des Parties une
application que l'autre Partie jugerait non conforme à ses droits. Il
en serait ainsi. si l'application incriminéeavait commencédèsavant
la mise en vigueur du présent trait,: et se poursuivait après la mise en
vigueur, étant bien entendu que les conciliateurs,'les juges et les
arbitres n'auront à examiner que les faits postérieurs. »

La cliiuse juridictionnelle contenue dans le traité hispano-belge ne
dit pas autre chose. D'après ses termes mémeselle est applicable

(aux contestations ort tantsur l'intemrétation de tout traitéanté-
nc:iirt.11curcn \.iguc'urdonr, al>r;:iI:Iilgiiariirï du prr'scnt rr;i. .
11sein f.titp:~rI'iiiides I'arties iiiie nppli,.:itiun qiie I'aiitre I'iirtir,
,1-~cr;iitoil ~:c,~~fur~iic cdruirj.Il en serait tellcureainji1'~u~Ii-
cation incriminéeavait commencédèsavantla signature du pr6&nt
traité et se poursuivait après ladite signature. »
C'est la conception belge qui a donc recueilli l'assentiment du Gouver-
iienient espagnol. En tout cas, l'affirmation de notre honorable contra-
dicteur selon laquelle le mécanismeprévu xmanifeste la volonté de ne
laisser échapper aucun litige au systkme de règlement qui est prévu n
et seloti laquelle «les parties ont \-oulu couvrir le plus largement possible
les éventualitésdu litige» (voirII, p. 503). je dis que cette conception
ne trouve aucune confirmation dans les travaux préparatoires du traité.
C'est le désirde la Belgique qu'aucun conflit se rattachant au passé
ne puisse êtreporté devant les organes institués par le traité hispano-
belge de 1927 qui a obtenu dans ces circonstances consécration.
hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, après ces quelques remar-
ques préliminairessur leproblèmede la rétroactivitéet son application en
l'espèce, nous devons encore une fois nous pencher sur la question de
savoir quelle est la date de naissance du différend hispano-belge. En ce
qui concerne le critère pour la date de la naissance d'un différend,nous
renvoyons tout simplement à deux décisionsde la Cour permanente de
Justice internationale: l'affaire de la Comfiagnied'électriciled 'e Sofia et
de Bulgarie,exception préliminaire(C.F.J.I. sérieA/B no77.p. 82) d.'une
part, et d'autre part la décisionde la Cour permanente dansl'affaire des
ConcessionsiMavrommatisenFalesline (C.P J.I. sérieA no 2,p. 12). Nous
nous référonségalement à la très utile précisionqui a étédonnée à la
notion de «différend i,qui commande celle de irdifférendné»faite parM. le ju e illorelli dans son opinion personnelle dans 1:idernière affaire
du ~ud-&est africain (C.I.]. Recueil ~962, p. 567).
La Barcelona Traction a étédéclaréeen faillite le 12 février10.,,.s.r
rcquitc dat& du c)f~;vrier194s. L'csCcutiuiia eii Iieiiclans Ic-.xniaincs
qiii oiit siiivi<.t:ttdlcisiuii du 12 fcvrier 1948et I'ndjiidiiation des bie?s
de Hnrcelun:~I'iacrion ;iI:iFecs:~s'rit tcniiin;,e nu i>lustard le 17 iiiin
1952. Le Gouvernement belge n'a pas attendu la vinte des bienide la
Barcelona Traction pour faire valoir auprès du Gouvernement espagnol
l'existence d'actes considéréspar lui comme contraires au droit inter-
national. Dès le 27 mars 1948, une première note belge demandait au
Gouvernement espagnol de faire cesser le prétendu di-ni de justice dont
les ressortissants belges étaient victimes (mémoire belge, 1, p. 125).
Le 2 juillet 1948, le Gouvernement espagnol répondait par une fin de
non-recevoir fondéesur l'impossibilité où il était d'intervenir du fait de
l'indépendancedu pouvoir judiciaire en Espagne, conséquencedu principe
de la séparation des pouvoirs. Cette opposition de point de vue s'est
encore accentuée dans la note belge du 22 juillet 1949 et dans la note
espagnole du 26 septembre 1949. Les points sur lesqiiels portait le dCs-

accord entre les deux gouvernements ont encore étéprécisésdans des
notes postérieures, mais de telle manière qu'aucoii nouvel élément
relatif au fond du différend ri'a été a..ortéDar les notes Dostérieures
i I;inote cs~i:igr~uldcii 3 ]nni,ier igy: (:<riiizs,:110?tir :tu m;iiioirc hclgc).
].ci proc6dures intertics se rapl>ort;irit nii pr2tendii dCni rlc jii~ticc
espagnol ii'ont p;ii nuil [)III,niu<lifir I:içitustion. En effet. le (;niiverne-
nient I)elgc n cun>i(lir&le d6iii CILj.ustiic, coinmt: :iy;,iit Eic coiisoininc
iiincCpuqiie;irit4ricurc L ICpoqiircritiiliic :iIarliiellcIncl.iiijrjiiiiliirion-
ii~llcrcvike rl,:l'nrtiilc 17(Iiitr:,itCIiis11;111o-b~:nligrait ~~vr.i~tiiclIe~iient
pii dCpluyer :ci e(tc.t:c c>i-:~-clir:i iiii,:1io.l~~:.nti:rieiirc :ii14 <L&cini-
brq 195j. dnt~ dc I';i.liiii~sioiidg:I ILpn~nt: :iiix S:itioiis I.rii'i
c.f:ttc m;)iiiCr,rlc voir cst cs~ilicit~in~iitct iiiil>liiitenienr :icIiiiii~p:ir
nos I~oiiorablesiontr:e(lictt:iirs ].es r>t;;;rv3tions et coiicliisi<iiiicl$clarciit
ellci-iiiéniesqiic (1, p.qy) .i<lel>iiiyq6 le Gou\~i:riicmeiirhelgc :iv:iitsaisi
Ic Goui~crncriirnt f:;~aenol dc r~~cliirn:itii~iin soiir <ICni(Ir iiiitice nii
détriment des intérêt;6elges n.
Significatif est égalementle passage qui figure h la page 260 des obser-
vations et conclusions, 1, où le Gouvernement belge s'exprime de la
manière suivante:

«On se souviendra à cet égard que dans l'exposé juridique cette
efficacité[il s'agit de l'efficacité possible des recoursen suspens] a
étédéfinie commeconsistant dans l'arrétde l'action dommageable
encours. ou dans l'effaceinentde seseffets,ou dans la fourniture aux
\.ictiiiies (l'un? r6p:ir;ition t;iliiitab.A.cet &rd, iiiie date s'iriipose
cominc d'imluirtnnce capitnl~, c'est crlle dii .+ janvier igs?, (Inte
<ILI.';id~iidii:ntio<i I'ccj:,,IciI~iziiidr 1.1l<arcclon:il'r:ictioii :\ citte
date sésitue la dernikre mesure judiciaire qui marque l'aboutisse-
ment de la procédurepar le dépouillement total de la sociétéfail!ie
Acettedateil n'est pasqu(:stion d&slorsde pouvoirempêchercelui-c1.u

En conséquence, le Gouvernement belge admet implicitement et
mêmeexplicitement que ce délit a étédéfinitivement consommétrois
ans avant que L'Espagne soit devenue llembre des Nations Unies et
partie au Statut de la Cour internationale de Justice.790 BARCELOSA TRACTIOS

Après que l'Espagne a étéadmise aux Nations Unies et qu'elle est
devenue partie au Statut de la Cour internationale de Justice en 1955,
aucun fait nouveau n'est venu modifier les manifestations de volontéde
la Belgique et de l'Espagne au sujet des revendications belges et du refus
de l'Espagne de les reconnaître, telles qu'elles iitaient fixéesau plus
tarden 1952.Ilen résultequeledifférend est donc nkavantla date critique
traité hispano-belge entréen vigueur le 14 décembre1955.ionnelle reviséedu
Monsieur le Président, hfessieurs de la Cour, en ce qui concerne le
titre juridique sur lequel repose la requêtebelge, il s'agit, comme nous
l'avoris déjàdit à l'audience du 20 mars 1964, d'un titre de droit coutu-
mier et non de droit conventionnel. Cela résulte clairement de la con-
clusion no I du mémoiredu Gouvernement belge (1,p. 191) où le titre
iuridiaue est déterminéen affirmant aue le différendporte asur les me-
&iires,ictes. dr'cisioii:oniission.i<lr.s'organesde ~'Etit esl>.igii...coii-
Iraires au droit desjic.1t.ce qu~entr~iiie iIncharge de I'Espagiie en\.ers
la Uelciqlic I'ol)lid:~tion.de réparer le oreiudice oui en ri,sulte polir Ics
ressorfissants belges,n. . ,
En outre, il résulte du mémoire belge (1,.p. 163) que la demande est
fondéeseulement sur des actes illicites qui, comme le déni de justice,
sont régispar les règlescoutumières du droit des gens. Le Gouvernement
belgecited'ailleurs à l'appui desa thèseexclusivement dela jurisprudence.
Il mentionne en outre comme règle violée par l'Espagne le principe
coutumier du standard minimum en faveur des justiciables étrangers.
Cette mûni6re de voir n'a pas étécontestee sérieusementpar la Partie
adverse, qui a elle-même reconnuque le présent différend aconcerne
sans doute une affaire de responsabilité pour déni de justice dont le
règlement doit faire appel au droit coutumier n (voir II. p. 504).
Il est vrai qiie mon éminent contradicteur et ami affirme - à notre
avis à tort - que le différendde la Barcelona Traction implique égale-
ment l'application de l'article 3 du traité hispano-belge de 1927 relatif
aux contestations dont l'objet relève, d'aprks la législation interne de
l'une des Parties, de la compétence destribunaux nationaux. Cettedispo-
sition permet i1'Etat défendeurde soulever certains moyens de procédure
en vue de s'opposer à l'examen du fond de l'affaire par les organes
judiciaires arbitraux et de conciliation prévus par le traité, mais ne
modifie ni l'époque à laquelle le différendest néni le titre juridiquesur
lequel repose la revendication du Gouvernement belge qui, comme nous
venons de le dire, est un titre de droit coutumier.
Monsieur le Président, Ilessieurs les juges,à l'issue de cette plaidoirie
je vous prie de bien vouloir accueillir la deuxième exception préliminaire
principale. Dans le cas où, toutefois.la Cour n'accepterait pas la demande
priiicipale, et dans cette hypothèse seulement, je vous prie d'accueillir
la deuxième exception préliminaire subsidiaire.
Les conclusions finales du Gouvernement espagnol relatives à ces
deux exceptions seront présentées à la Cour en mêmetemps que celles
sions formant un tout.xceptions préliminaires, l'ensemblede ces conclu-
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre
patiente attention. RÉPLIQUE DE M. MALINTOPPI
CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Audiencepubliqtie du5 mai 1964, aprls-midi]

hlonsieur le Président. Messieurs de la Cour. ce n'est nue dans un but
de simplification que nous avons procédé,avécvotre pérmission. à une
inversion de l'ordre de présentation entre la troisième et la quatrième
exception préliminaire.-Puisque le Gouvernement belge a demandé
aussi. à titre subsidiaire. la jonction au fond de ces deux exceptions,
et puisqu'il appartient à mon éminent collègue. le professeur Ago, de
traiter cette question d'une façon unitaire, noiis avons jugéplus oppor-
tun de répondred'abord sur Ics points qui touchent la quatrieme exccp-
tion préliminaire, afin que le professeur Aga puisse traiter sans solution
de continuité la troisième exc~'tion et l~ 'roblème os-~ .ar lademande
de jonction au fond.
Conformément à l'esprit qui régit l'exercicedu droit de réponsedans
le cadre des discussions orales. ie me borneraià ne toucher aue les ooints
Irspliisessentiels des i&iime&c]iie mon honorécontr;idict&r a débelop-
péi,lvic tout le talent quc:nous lui ~.onn~ijsons.A propos dc ces divers
rioints. ie rkifiirila~rcser\.c d&ii foriiiiilriiidbbut IIC riia ~rciiii&rr.
intervéi;tion touchant le mairitiLn de tous les autres é~éments'dkga~és
auparavant, et je formule une réserve analogue par rapport aux autres
;eu1 fait que je n'en parle pas.auxaue> . certes. ., ne me rallie as du
En mémetemps, ilm'incombe de donner une précisiond'ordre général
au suiet de nombreuses inexactitudes et ailéeations erronéesaue nous
avons'relevéesdans l'exposéoral de la partieuadverse, particul~èrement
en ce qui concerne la iurisprudence des tribunaux espagnols. C'est
seulement ~oiir ne Das abusei du tem~s de la Cour aue ie me bornerai
sigiinler le~oliiI)Lrtincntes.pourI;ic;ii:itriénicc..xc~.l~n, cïs iiiex:ic-
titudes ct nllég.itions~rroii6ts. II nous aur:iit étéiniposil>le de ne pas
nous éleverde facon e6nCrale et ~réala1)lecontre cette iittitiide r4it;rCe
de la Partie adverse. "
Je dois d'abord, Monsieur le Président, une réponse à laPartie adverse
en ce oui concerne la nuestion deç recours administratifs contre les
décisionsde Iïnstitut eç'pagnolde la monnaie étranghre, dkcisions qui
auraient constitué Ia prémisse de la faillite de la Barcelona Traction.
Le non-épuisement iles recours administratifs ouverts contre le refus
d'niitorisçr i'cuccutioii du plan dc coinproinis n'e~tqu'iii! nutrexemple
de la haute coiisid6ration qiiç la Rarzclonx 'l'rltctioiiavait du respect de
1:isouverainet6 es~a-mole. I.:, Rarcelona Trnctioii nc s'est ni6me PM
donne la peine de ÎeGurir contre le refus d'autorisation; un tel recoirs,
selon la Barcelona Traction, aurait été bienmoins efficacequ'une inter-
vention diplomatique.
Le Gouiernemênt belge soutient que les recours administratifs, à
savoir, le recours hiérarchique et le recours contentieux administratif,7g2 UAKCELONATRACTION

n'étaient pas ouverts à la Barcelona Traction. Au surplus, le recours
hiérarchique, même s'ilétait ouvert, aurait étéinefficace. Telle est. eu
quelques -mots, la thèse du Gouvernement belge. Examinons-la en
commençant par le recours hiérarchique.
Le Gouvernement espagnol avait soumis à la Cour une sériede déci-
sions où l'on relèvequ'il a toujours étépossible d'en appeler au ministre
recours hiérarchique.'Institut des monnaies étrangères,par la voie du
Le professeur Rolin nie le fait mêmeque les décisions citéespar le
Gouvernement espagnol soient en faveur de l'admissibilitéd'un recours
hiérarchique. Pour notre part, il nous suffira de remarquer à cet égard
que toutes les décisionsdu tribunal supréme que nous avons citées,
ont déclarélesrequêtesrecevables, mêniesilesdélaisde recours, calculés à
partir de la date des actes de l'Institut des monnaies, étaient écoulés. Si
le tribunal su~rêmea déclaréces recours recevables. c'est au'en I'es~éce
les délais avGent étésuspendus justement par l'exercice )réalablé du
recours hiérarchique. Dans ces affaires, il avait donc eu incontestable-
ment des recours hiérarchiques préalablis. Rappelons encore une fois
les décisionsde la Cour suprémc qui forment cette jurisprudence: elles
portent les dates des 24 octobre 1957, zr mars 1959, 5 novembre 1959,
ler décembre1961 et 6 avril 1962. Il y a aussi d'autres décisionsdans le
même sens, maiselles ne nous intéressent pas parce qu'elles ont été
prises sur la base d'un texte qui a explicitement régléla question. Voilà
les référencesdes décisionsque j'ai citées:on les trouve dans le répertoire
Aranzadi, respectivement aux numéros 1280, 1402. 4292, 4026 et 1649.
aux années respectives. J'ai inclus aussi parmi ces décisioiiscelle du
5 novembre 1959, si critiquée par mon estimé contradicteur. L'arrêt,
comme on l'a dit, ne nous intércssepas quant à son fond: ce qui importe,
c'est que ledit arrêta confirméla nécessité,et par conséquent la possi-
bilité,du recours hiérarchique préalable.
Le Gouvernement belge veut tirer des arguments d'un arrêt isolé
de 1943. où il est dit qu'il n'y a pas d'appel possible au ministre contre
les actes desor-anisations or tu air es.
Or. \lt:i:iciirs. coinnicnt ét:il)li:iii;ilia<~iiclcoiiiliiiciitrc. d'un~.
pnrr. Ic cas d'un org:iriisiiic portuaire dont au surpliisI:igestiori cst
l'Institut des monnaies qui est un organisme rélevant dél'a'dministra-sJe
tion centrale, créépour remplir une tâche d'intérêtnational? II y a là
vraiment, une fois de plus, un exemple des tentatives de la Partie ad-
verse pour échapper d'une façon quelconque aux conséquences d'une
omission que l'on ne saurait justifier.
Pour nier la possibilitéd'un recours hiérarchique contre les actes de
l'Institut des monnaies, le professeur Rolin a donnéencore trois raisons.
II dit d'abord que, sur la base du règlement de 1935, il n'y avait pas
de recours, parce qu'il s'agissait de pouvoirs délégués par le ministre.
Or. les pouvoirs de l'institut, loin d'êtredéléguéss,ont établis d'une
façon autonome par l'article 7 de la loi constitutive et par l'article 5
du statut de l'institut. Tout ce que le ministre aurait, en effet, délégué,
ce serait la présidence du conseil d'administration de l'Institut à son
sous-secrétaire d'Etat. Et l'on ne saurait affirmer raisonnablement que
les actes de l'institut ne ~ouvaient former l'obiet d'un recours parce
que la prbsidence du con&il d'administration akit étéexercéepar le
sous-secrétaire.Au surplus, dans le cas d9esp&cel,e refus de l'autorisation RÉPLIQUE DE hl. IIALIEITOPPI 793
dont il s'agit, relevait non pas de la compétencedu conseil d'administra-
tion, mais de la compétence du directeur général. Cela est établi à
l'article 6 du statut de l'institut et se trouve d'ailleurs confirmédans
la demaiide d'autorisation adresséepar M.Speciael justement au direc-
teur de l'iiistitut (exceptions préliminaires de 1963, volume auxiliaire,
annexe 64, p. 848).
Des considérations analogues doivent aussi être invoquées A l'en-
contre du deuxièmeargument invoquépar la Partie adverse. Le ministre,
nous dit-on, avait présidéle conseil d'administration et, de ce fait,
on ne pouvait vraisemblablement s'attendre à ce qu'il change la décision
de l'institut. Pour notre part. nous précisons encore une fois à cet
égard que la décisionrelevait de la compétencedu directeur général;et
nous ajoiitons que, même sila décisionavait relevéde la compétencedu
conseil d'administration. elle aurait étéprise Dar le conseil et non pas
par soi1président.
Mais admettons, par hypotlièse, que l'appel ail ministre était mani-
festement inefficace. La règle de l'é~uisement préalable des voies de
recours doit s'appliquer même,'parceque i'épuisementdu recours
hiérarchique, efficace ou noil, constitue en droit espagnol, là où il est
prévu, une condition pour que le recours contenticus administratif
soit recevable. On n'a pas mis en doute l'efficacitéde ce dernier recours,
c'est-A-diredu recours contentieux administratif. On peut donc appliquer
a fortiori dans ce cas ce que disait la sentence arbitrale rendue dans
l'affaire Anibatielos:

«It would be wrong to hold that a party who, by failure to ex-
haust his opportunities in the Court of first instance, has caused
in order to rid himself of the rule of exhaustion of local remedies. r
(IiiternationalLaw Reports, 1956, p. 339.)

Le troisième argument de la Partie adverse est tiré du fait que la
notification du refus était irrégulière,parce qu'une loi de 1589 et le
règlemeiit de I93j exigent que fignre, dans l'acte mêmede notification,
l'indication des recours ouverts à l'intéressé.Le professeur Rolin ne
dit toutefois Das ce oui arrive dans le cas où l'indication des recours
fait dcfniit. Cnc h!.yo;li~,c lvsreillr:ecertesconscv:il>lc.iii:iis Ic d6fnur
d'indiciition d.,i recoiir; ii'iiiililitluc~:isnicess:~irciii~ciiIriiiesistcii~~dei
recours. Loisqu'ils existent,comme c'est le cas en l'cspèce, la consé-
quence du défaut d'indication est fort simple. Ou bien l'on demande
la notification régulièreet Ics délais pour les recours commencent au
jour où la notification régulière estfaite, ou bien on s'abstient de deman-
der la notification de l'acte avec l'indication des recours, et alors les
délaisrestent ouverts. Je me bornerai à citerà ce sujet deux arrêtsdu
tribunal suprêmede 1935 (l'un du 23 févrieret l'autre du 4 mars). En
fait, ces delais ont étéclos par la suite en avril 1959 par l'effet de 1:ar-
ticle 79, paragraphe 4.de la Loide 1958 sur la procédureadministrative.
Alonsieur Ir: Président, la conclusion qu'ily avait la possibilité d'en
appeler au ministre contre les actes de l'Institut des monnaies n'est
pas, du reste, surprenante. L'article 4 de la loi constitutive, qui date du
25 août 1939, dit textuellement: «El Institut0 depetideri directamente
del Ministerio de industria y comercio. r>(L'Institut relèvera directement
du ministérede l'Industrie et du Commerce.)794 B.4RCELONA TRACTION
Si, par hypothèse, je dis bien par hypothèse,le recours hiérarchique
n'avait pas étéouvert, il aurait étépossible de former immédiatement
un recours de contentieux administratif. Un fait demeure donc: le non-
épuisementdu recours contentieux administratif.
-La Partie adverse a naturellement affirméaue le recours contentieux
administratif ne serait pas applicable en'espèce,et cela parce que l'acte
de i'institut relévedu pouvoir discrétionnaire. Mais c'est oublier que
la iurisnrudence es~aenole. ainsi aue la iuris~nldence de la ~lu~art iles
pa$s, a reconnu deph longem~s que'dis&étionnaire ne Signifie pas
arbitraire, que discrétionilaire ne si~nifie pas manque d'obiectivité ni
appréciation erronéedes motifs et d& faits:
Il nous suffità cet égardde renvoyer à l'attitude de la jurisprudence
relativeà la loi de 1894 qui régissaià l'époquele recours contentieux
administratif; cette jurisprudence est analysée d'une faqon détaillke
dans l'étude du professeur Alartln-Retortillo sur l'excèsde pouvoir en
tant que vice de l'acte administratif, parue au volume 23 de la Revista
de administraci& piblica, pages 83 et suivantes.
Ainsi que l'a dit mon éminent collkgue le professeur Reuter. à la fin
de sa réplique du 30 avril, selon les vues du Gouvernement belge, les
griefs contre la décisionde l'Institut des monnaies seraient prima facie
très solides. Dans ces conditions, les recours dont il s'agit auraient été
épuisés.i +.ima facie très sérieux. Il est de fait qu'ils n'ont pas été
Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, j'en viens maintenant
à l'aspect central de la quatrième exception préliminaire, celui qui
vise le non-épuisement des recours internes contre le jugement déclara-
tif de la faillitede la Barcelona Traction.
Au cours de la procédure orale on a cherché à nouveau, de l'autre
côté de la barre. à dédacer le centre de eravité d'un ~roblème oui.
\.u par coiitre dak lto;tique qui lui est propre, s'avkre d%iie sin@il;$rc
simplicité.1.3 Partie adverse n'a pas contesté, la possihilitéque, dans
un i>a\.sauelconoue. l'on ~uisie déclareren faillite une sociAt&&trancérc.
Pour ma part, jé voudrafis seulement ajouter à cette ~onstatatioh~ue
la déclaration en Espagne de la faillite de la Barcelona Traction visait
une sociétédont les biens. par l'intermédiaire d'une chaîne de sociétés
filiales, se trouvaient tous, étrange hasard, situés en Espagne.
Mais la Partie adverse s'élèvecontre cette déclaration de faillite,
telle qu'elle a étéeffectuéepar le juge de Reus dans un acte qu'die a
méme qualifiéde monstrueux. Et puisque cette déclaration de faiiiite
est àla base même dela présenteaffaire, il faut se placer nécessai~ment
dans l'optique qui est propre à la quatrième exception préliminaire.
Quelle est, au fond, l'optique du problème qui nous intéresse?
La Cour se souviendra qu'au début de sa plaidoirie mon honoré
contradicteur a bien voulu résumer lepoint essentiel de mes arguments,
à savoir que, dans l'ensemble des événements concernant la faillite de
la Barcelona Traction. il y a un fait générateur,le jugement déclaratif
de la faillite, que la négligencede la Barcelona Traction elle-mêmea
rendu irréversible. La Cour se souviendra aussi, peut-être,du ton quel-
que peu dramatique avec lequel mon distingué contradicteur l'a priée
de retenir ces deux mots clés: négligenceet fait générateur qui, dans
sa pensée, devaient êtreanéantis par la suite de sa plaidoirie. De ce
côtéde la barre, nous avons attendu avec une légitime curiositépour
voir dans quelle mesure l'on aurait pu débarrasser le terrain de ces deux &PLIQUE DE M. MALINTOPPI 795

mots si gênantspour la Partie adverse, mais notre curiosité a étédéçue.
En effet, là où nous avons établila négligencede la Barcelona Traction
du fait qu'elle n'a pas attaqué en temps utile le jugement déclaratif
de la faillite par le moyen spécifiquede l'opposition, la Partie adverse
s'est bornée, encore une fois,à présenter comme non tardif un recours
formé au-delà de tout délai utile et à invoquer comme moyens utiles
des recours forméspar les sociétésfiliales, qui ne sont certes pas le failli.
Quant à la valeur de la déclaration de faillite comme fait générateurde
la suite des événements ultérieurs,la Partie adverse s'est retranchée
d'abord derrihe cette thèse, si singnliére, de la ustérilisationn de la
réelle.Et, ensuite, la Partie adverse a entièrement ougliéle rBle de ce
fait générateurdans le cadre de la règle internationale de l'épuisement
préalable des recours internes.
Alon éminent contradicteur a bien voulu nous reprocher l'insistance
avec laquelle le Gouvernement espagnol a toujours soutenu la nécessité
de vérifier,des l'abord, si le jugement déclaratif de la faillite a étéou
non attaqué par le failli au moyen de la voie de recours spécifiquede
l'opposition. Pour ma part, je ne vois pas comment, en présenced'une
déclaration de faillite, l'on peut négligerd'examiner titre essentiel si
le moyen le plus spécifiquea étéou non utilisépar le failli.
Le sim~le bon sens. au. mon estimé contradicteur aime à invoauer
>i soii\.cni, indiqi;ilui seul que, pour appréciersi des rccoiirs ont
oii noii Lorriii.scontre une dkision dCilrirative de faùiitc. c'est bien le
rccours en opposition ouvert :IIIfailli qu'il f:iut prendre en coiisidiration,
3.titre 3.la fois prcalable et détemiinnnt. VoiliiI'iiiiportarice de I'rippré-
ciation de 13conduite du failli. Et une négligenci:qiirlronqucà cet égard
a une valeur fondamentale. car aucune-situation ne saurait êtreÜlus
surprenante que celle-ci: en présence d'une déclaration de faillit;. le
failli ne s'oppose pas.
Quel est le régime de cette opposition? Nous l'avons dénommée
@pascion par commodité, mais en réalitéelle consiste dans la requête
du failli visant à la révocation de l'acte déclaratif de la faillite (voir
mes précisions à cet égard au cours de ma première intervention, II,
p. 284). Elle est régiepar les articles 1028 et suivants du Code de com-
la voie spécifiqueouverteau fazlli. Ce recours doit êtreformédans lestue
huit jours qui suivent la publication de la déclaration de faillite.
Ce sptème est tout à fait semblable à celui de la plupart des pays
de droit continental, dans lesquels le jugement déclaratif de faillite est
prononcé sur la base de situation objective de la cessation des paiements,
sans l'intervention du débiteur. Et la défense du failli débiteur est
assurée justement par la faculté, qui lui est octroyée,de former opposi-
tion immédiatement apres la déclaration de faillite.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, il n'est pas contesté entre
les Parties au présent différend que la Barcelona Traction n'a exercé
aucun recours contre la décision déclarative de faillite dans le délai
indiqué. JIais mon estimécontradicteur a préciséan cours de l'audience
du zr avril -je cite:

«que la Barcelona Traction avait, à bon droit, différésa propre
intervention parce que les tribunaux espagnols se trouvaient saisis
d'un recours suffisant et parce qu'elle-mêmepouvait garder en réser-7g6 BARCELONA TRACTIOK

ve sa propre opposition éventuelle, vu que le délai d'opposition
n'avait pas commencé à courir..» (Voir ci-dessus, p. 627.)
Ce recours suffisant serait le recours des sociétés filialesque je laisse
de côtépour le moment.
Je prie la Cour de constater dèsl'abord que, de l'aveu du porte-parole
du Gouvernement belge lui-même,la Barcelona Traction pouvnitformer
opposition dans la huitaine à dater du prononcé de la déclaration de
faillite et que c'est donc desa profirevolontéqu'eue a différésa propre
intervention. Pour le moment, toutefois, puisque pour notre part nous
continuons à êtrefermement convaincus qu'il appartient au failli de
demander la révocation du jugement déclaratif de la faillite visé à
l'article 1028, je laisse de &té, comme je viens de le dire. les actions
intentéespar lessociétésfilialesJ.e me concentrerai encore une iois sur la
conduite de la Barcelona Traction, qui de l'aveu du porte-parole du
Gouvernement belge, a différéson entrée en lice, et ce, prétend-on,
parce que le dklai prévu à l'article précitén'aurait pas commencé B
courir.
Au cours de ma première intervention, j'ai montré que le point de
départ du délai est fixépar l'article 1044 du Code de commerce par
rapport à la datede la publication du jugement déclaratif de la faillite.
J'ai remarqué que d'après l'alinéa5 dudit article. la publication doit se
faire -je cite:
ri..Dar annonce dans la localité du domicile du failli et dans les
autrès lieux où il aurait des établissements commerciaux, et son
insertion dans le journal de la place ou de la province, s'il eii B.t

Mais j'ai montré aussi, au cours de mon intervention du 2 avril (voir
II, p. 287 à 290) que l'ensemble des dispositions de l'article Io44 a
un domaine d'application territorial dans le sens que toutes les niesures
qui y sont viséessont à exécuter en Espagne et en Espagne sertlement.
II s'ensuit qu'au cas d'une sociétéayant son siègestatutaire àl'étranger,
la publication doit se faire au centre de ses activités commerciales en
domicile connu en Espagne, c'esthèseàdce lieu qu'il faut se référersur la
base des articles 65 et 66 de la loi de procédure civile.
Je constate qu'aucun argument d'ordre juridique n'a étéopposé à
la thèse développéeau cours de ma première intervention.
Mon estimé contradicteur nous a fait le reproche, tout d'abord,
d'avoir avancélà une thèse différentede celle très sommaire indiquée à
la page 398 des exceptions préliminaires de 1960' et d'avoir ététrop
laconique dans les exceptions préliminairesde 1963au sujet du problème
de la publication du jugement déclaratif de la faillite. Xotre réponse
à ces arguments, auxquels la Partie adverse semble attacher grand prix
mais qui n'ont pas la moindre valeur juridique, est la suivante.
En ce qui concerne les exceptions prbliminaires de 1960, la référence
au contenu des dispositions touchant cette matière contenait. nous le
reconnaissons volontiers, une erreur, de laquelle d'ailleurs aucilne con-
clusion essentielle n'était tirée. Cela étant, le Gouvernement espagnol
rejette de la fa~on la plus nette l'insinuation d'une caltération » des
textes de sa propre loi, que le porte-parole du Gouvernement belge
s'est permis defaireà maintes reprises devant la Cour. Le Gouvernement
espagnol n'a jamais eu connaissance des observations rédigéespar le

' C.I.J. Mdmoiras. Bot.celorioTradion, LandlPotuer Caipnny, Litnited. RÉPLIQUE DE DI. DIALINTOPPI 797

Gouvernement belge en 1960 mais qui n'ont pas étéprésentées à la
Cour à cause du désistement. C'étaitdonc tout à fait spontanément que
le Gouvernement espagnol a veillé lui-même à éliminerl'erreur dam ses
exceptions préliminaires de 1963.
Dans sesexceptionspréliminaires de 1963.1,page 248.le Gouvernement
espagnol s'est borné à déclarerque la publication du jugement déclara-
tif de la faillite avait étéréaliséeconformément à ses ropres lois. II
n'appartenait pas au Gouvernement espagnol d'entrer cfans les détails
à ce stade de la procédure. Lorsque le Gouvernement belge a contesté
dans ses observations, pour la première fois au cours de la procédure,la
régularitéde la publication sur la base de l'article 1044.je me suis efforcé,
en réponse, de démontrer dans ma plaidoirie, avec lozls les détails,la
régularitéde ladite publication, et ma thèse n'a pas étérencontréepar
des arguments d'ordre juridique.
Ayant ainsi débarrassé le terrain de cet argument, qui ne touche
en aucune manière au bien-fondé de la thèse exposéeau cours de ma
premièreintervention, je relèvemaintenant que mon estimécontradicteur
a cru pouvoir opposer à ma constatation du caractère territorial de l'ar-
ticle 1044 l'argument que, de ce fait, les sociétésétrangères enEspagne
pourraient se trouver dans une situation difficile. II me suffit de lui
répondre Bcet égardque, dans tous lcs pays du mondç, il y a des règles
ayant un domaine d'application strictement territorial, sans qu'un
pareil fait engendre la paralysie del'activité detoutes sociétéétrangères;
et qu'el! Espagne, d'après l'article 15 du Code de coinmerce de rSSj,
l'actirite des sociétésétrangèresest régiepar la législation espagnoleen
ce qui concerne leurs opérations commerciales ainsi que la soumission
à la compétence des tribunaux espagnols. Ce dernier argument a été
développépar moi au cours de l'audience du 2 avril (voir II,p. 288 et
suiv.) et n'a nullement été contré.
Le deuxiènie argument déveio~~éDar la partie :idverse n'a Das.
lui non pliis, un Gracthe juridiike. ilon distingué contradicteu;, 1;
professeur lioliii, s'est borné i faire la déclaration assez étonnante que
ie cite: iieri fait. ce centre des activités commerciales de Barcelona
Traction est inexistant en Espagne i,(voir ci-dessus, p. 632).
&laisla Cour se souviendra qu'au cours des procédures oralesla Partie
adverse a égrenétout un chapclet de déclarations tendant à établir
que la Barcelona Traction avait tous ses biens en Espagnc. II. Ro.1,
pour sa part, aimerait faire croire que la Barcelona Traction n'avait,
au contraire. ciue des châteaux en Eiaaene. 1.a Cour me ~ermettra, en

tion en l?spagnêdes affairesde la k&celona ~ract[on.
La Partie adversea aussi -et c'est là sondernier argument - prétendu
contester la valeur ou'il convient d'attribuer à la confirmation de la
p.;rf;titc rr'giil;uitc:dc'la publicntioii dii jii~i.~n,ritd6dc;iI;i f:iillitti.
coiiiiriiiatioii coiiteiii.~.d:inj 1'[lerlx (:our<I':i1)1Ie Hxrceloiic rlu
15 mai 1963. (Xouveau document, mars 1964, ze piitie. p. 8.) La Partie
adverse reproche en effet à la Cour d'appel de ne pas avoir motivé
son considérant quant au fait que - je cite: iiledit jugement fut
l'objet de la publicité prévue par la loi de procédure civile à travers
sa publication dans les bulletins officiels des provinces respectives ..»
Or, il est certain que l'arrèt de la Cour d'appel ne concernait pas directe798 BARCELONA TRACTION
ment la régularitéde la publication du jugement déclaratif de la faillite.
Il visait le déclinatoire de wmuétence iuridictionnelle aui fut reieté en
tous points. La Cour n'était dÔnc pas'tenue de motivêren déhl son
aftrmation incidente touchant la régulaxitéde la publication. Mais
cela n'em~êchenas de rendre acte aue la réeul-ritéde la publication
a birii el: conn;mée.~'i du reste, enkre iiiie fois. la tt.r'se siir lac,u~llc
s'appuic la rt'gularitéde la pul)licatioii. sur la base du doinaine ~l'..pl>li-
cafion temtonal de l'articlë 1044. est tellement simple et fondée,-que
la Partie adverse n'a pas même essayéde la combattre par de véritables
arguments d'ordre juridique.

[Audience publiquedu 6 mai 1964, matin]

Dlonsieur le Président, hIessieurs de la Cour, on se souviendra qu'an
cours de l'audience de l'aprés-midi,je vous ai montré que la régularitéde
la publication du jugement déclaratif de la faillite de la, Barcelona
Traction a étéconfirmée àl'issue du premier tour de discussions orales.
Puisque le délai pour demander la révocation a en tout cas comme
point de départ la date de la ublication de la décisiondéclarative de
la faillite, comme il a étécon mépar l'arrêtdu tribunal suprêmedu
5 juillet 1957citédans ma plaidoirie du z avril (voir II, p. 287), je suis
secoiidaire de se pencher sur la question du défaut de notification de
l'acte de faillità la Barcelona Traction. En effet. la notification des
jujiemcnts déclaratilde faillite n'est nullcmci~trequise par In loi esp3-
pnolc. m:riî elle relévedu pou\.oir di.>cr2tionnaircdu iu1.3Cour sera
heureuse de constater auril n'v a Das de désaccord-essentiel entre les
Parties à ce sujet (voir ci-dessis, 632-633).
Dans ces conditions, nous avons toutefois jugé utile d'attirer votre
attention sur ce point,à un double titre. D'aboÏd, pour rencontrer cer-
taines observations suggérées, bienque d'une façon trés pmdente, au
paragraphe 247 des obse~ations belges. Ensuite. pour une deuxiéme
raison. qui doit êtrerecherchéedans le fait que cette idéede la notifica-
tion du jugement déclaratif de la faillite est justement h labase de l'acte
de compamtion introduit par la Barcelona Traction le 18 luin 1948,
acte dans lequel la Partie adverse prétend finalement voir la véritable
contre le jugement déclarant sa faillite.ite par la Uarceloiia Traction
C'est justement en se rattachant à la question de la.notification que
la Barcelona Traction a essayé, dans les procédures internes. par un
effort désespéréd,'éviter que ses demandes fussent considéréespar les
juges comme présentées hors délai.Cet acte du 18 juin est en effet
d'un intérêtexceptionnel pour montrer que la Barcelona Traction était
tout à fait consciente du caractere tardif de sa prétendue opposition.
Je demande donc àla Cour de se pencher sur cet acte du 18juin 19-18,
dont la traduction française figure à l'annexe 125 au mémoire belge
de 1962.
La demande de la Barcelona Traction débute par la déclaration
suivante :
.Qu'il a étéporté à la connaissance de la société queje repré-
sente qu'une procédurede faillite la concernant se déroulait devant
ce Tribunal et que, bien que ma mandante n'ait encore requ notifi- cation d'aucune déclaration judiciaire en ce seiis et pour le cas
où cette information serait vraie, je comparais danscette procédure
pour demander que me soit signifié le jugement (auto) en vertu
duquel a étédéclaréeladite faillite.u

Déjà, dans cette prémisse, on peut donc admirer le jeu tendant à
faire état d'une prétendue connaissance tout ifait fortuite d'une prccé-
dure qui était de notoriétépublique, qui avait abouti au début à la
saisie des biens des sociétés filialeset qui, d'ailleurs, était connue par
la Barcelona Traction dèsle 13février,ainsi que l'aadmis, le13 décembre
1948, M. Duncan, dans son rapport à l'assemblée des actionnaires
(annexe 47au mémoirebel~ede 1962p ,. 246in fine).
Mais la artie la plus interessante de l'acte du 18juin est celle concer-
nant les feux demandes formulbes dans la même piècede procédure.
c'est-à-dire la demande principale et la demande additionnelle. Dans
la principale, la Barcelona Traction demande à êtreconsidérée«comme
ayant compam.. . ,iet qu'il lui iisoit notifiéle jugement de déclaration
de failliteN.
II ne s'agit certes pas jusqu'ici d'une opposition au sens formel,
mais tout simplement d'une compamtion et d'une demande de noti-
fication qui, ilfaut le répéter,n'était point justifiée dans un systéme
qui prévoit une forme de publicité tout A fait diffbrente, à savoir la
publication. Mais en l'esp&ce,cette demande de la Barcelona Traction
était manifestement faite poix les besoins de la cause, comme on le
verra sous peu.
La demande additionnelle visait à faire remarquer, pour sa part. que
(dèsmaintenant et pour le moment opportun ...ila société,sur la base
des dispositions visant justement la voie de recours ordinaire de I'oppo-
sitionademandera la reconsidération [re$osicibn] de ladite déclaration
de faillite sous réserve que cette demande ne pourra jamais êtreinter-
prétéecomme une soumission aux juges et tribunaux espagnolsu.
Te réserve Dour le moment la ouestion de la soumission tacite aux
tribunaux espagnols. Je souligne ;ci que, de toute évidence, une telle
demande ne constitue pas une véritable opposition au sens formel. Il
s'agit tout simplement âe ce que l'on pourrd peut-ètre appeler l'ns!ionce
d'une opposition. Contrairemerit à ce que le Gouvernement belge pretend
au paragraphe 242de ses observations, les articles 1326et 1327de la
loi de procédure civile n'admettent paç pareille piece de procédure.
Lesdits articles, dont la tradiiction française figure à l'annexe 32 des
observations belges, page 443. prévoient tout autre chose, c'est-à-dire
l'amplification des fondements de l'opposition (la ampliacidn de la
oposicibn). Et l'amplification de l'opposition est une chose tout à fait
différente d'une O position récédép ear son pur et simple préavis.
En effet, ~'am~ffication &s fondements d'une opposition présuppose
une opposition au sens formel. Mais le contenu quelque peu iiiiisit6
de la demandc contenue dans l'acte de comparution du 18juin répond
à une technique qui n'est pas difficile à expliquer. Les conseils de la
Barcelona Traction savaient très bien que la demande venait d'étrc
formulée trop tard. C'est justement pour éviter que l'opposition ne
fût considéréetardive qu'ils demandaient au préalable la notification
de la décisiondéclarativede la faiüite. Car ils es éraientpouvoir présen-
ter l'opposition formelleseulement après la notilcation de la déclaration
de faillite, afin de rattacher cette opposition un délai créé artificielle-600 BAHCELOSA TRACTIOS

ment, ayant cette fois pour point de départ la notification ainsi obtenue.
Voilà donc l'expédient assez ingénieux que l'on a tenté de mettre
en Œuvre le 18 juin 1948.Et voilà donc espliqués les termes si sibyllins
de l'acte en question, dorit le caractère est confirmépar la coiiclusion
finale, où l'on prie le tribunal de <i... bien tenir dèsà présent comme
faite eii temps et forme mon opposition au jugement de déclaration de
faillite de la société..Mais, en méinetemps, I'on a eu soin de préciser
que la demande doit s'entendre. bien entendu, idans les termes et avec
le caractère exposés n, c'est-à-dire avec les réservesquc I'oii vient d'ex-
poser. !.compris évidemmentcellede considérerque la sociétédzisandera
la recorisidération de la décisioiide faillite aprèssa notification, et que
la société «... le moment venu ...fonderaen substance son oppositioii >i
sur quatre raisons sommairemeiit indiquées.
Vraiment, Messieurs, il serait d'un certain intérêt, aupoint de vue
académique, de chercher à étahlir en détail la portée véritable d'un
documeiit assorti de telles nuances et de telles subtilités. Mais au point
de vile qui iious intéresse, son sens ne saurait étre plus clair. Evidem-
nient, la Barcelona Traction ne pouvait formuler uri acte d'opposition
clair et iiet, sans que sa demande puisse êtreconsidéréetardive. Le fait
même d'avoir.assorti cet acte de la demande ~réaiabiede iiotification
de 13 décision déclarative de la faillite, qui n'était nullement requise
d'après la loi, montre la préoccupation de s'assurer, artificiellement,
un ;louveau délai; mais il montre-aussi le caractère assurément tardif
de la procédure ainsi entamée.
C'est dans ces conditions, je le répète, que la Partie adverse en arrive
à nous présenter aujourd'hui comme n'étant pas tardive une prétendue
opposition introduite le IS juin, alors que la faillite datait d12 février
et que le recours en oppositioii aurait dû être formédans un délaide
Iiuit jours. La Partie adverse aurait-elle vraiment eu besoin de soutenir
une tliese aussi Iiardie si elle n'était.DasAlein ne mentconsci~ ~e de la
faiblesse de sa position?
J'ai pleine conscience, l\lessicurs, quantà moi, de vous :ivoir montré
en tous points que le jugement déclaratif de la faillite de la 13arcelona
l'raction n'a pas étévalablement attaqué par le failli. Coiitrairement
aus vaines prétentions de la Partie adverse, la négligencede la Barcelona
Traction est doiic ici pleineiiieiit acquise. Dans le cadre d'une série
d'évéiiementsqui a comme point de départ un jugemeiit déclaratif de
faillite, ce point est acquis que le failli n'a pas essayéd'obtenir la révo-
cation de ce jugement, bien que la voie pour le faire ait été Q sa dis-
position. Et aujourd'hui I'onprétend exercer la protection diplomatique
en faveur de ce failli,lorsqu'il aurait pu, d'un cou?, saper à la base le
fait générateurd'une série d'évéiieiiieiitse,t lorsqu il a oniis de le faire!
Est-ce que, dans ces conditioiis, si l'on admettait quc 1'011puisse
faire abstraction d'une circonstance aussi incontestable, la règle de
l'épuisement préalabledesrecours internes garderait un sensquelconque?
La Partie adverse soutient toutefois que l'opposition prévue à l'article
1028du Code de commerce de 1829 aurait étéexercéepar deus sociétés
filirrlesdans le délaide huit jours. ce qui est d'ailleurs une façon de con-
firmer encore une fois que la Barcelona Traction, si elle l'avait seulement
o ou luaurait effectivement dit former son opposition dans ce même
délai.
En réalité,Ehro et Rarceloiiesa, sociétés filiales,avaient introduit le
IG fivrier une demande de reconsidération de la partie du jugeineiit defaillite qui les concernait. On reviendra plus tard sur cette tentative
de cstérilisation »,pour employer l'expression de la Partie adverse, du
jugement de faillite. Il suffit ici de faire constater qu'il ne s'agissait pas,
en tout cas, du moyen prévu par l'article 1028, lequel ne vise que la
révocation du jugement déclaratif d'une faillite en tant que tel, c'est-à-
due eu tant que jugement visant h mettre un commerçant en état de
faillite. Mais la Partie adverse soutient que le 23 févriercette demande
aurait ététransformée par les intéressés enl'opposition visée à l'article
1028. Xous ne crovons nas. .ur notre nart à la réalité d'unetelle trans-
forin.itioii.\,illcs'nuaiic<-S.iiiccrtitli<l~i er ni&iiit.citiitrndicti<loiit
1':i~idi1 2.3févriercst assorti. h1diI'i~ii IICae~pencher. pour iiiiius >'en
tii,r:rit:\.o<Ititre d'exi:iiit>lsur Ic iirr,,aeesuivaiii d<:I'nctc ifr.:a:it<:
qui figure l'annexe 33 au: ibservatiins bglges, vol. II, page 45'2:

«Nous utilisons le recours de reconsidération (reposicip darce
que comme la société,ma mandante [c'est-à-dire I'Ebro], n'a pas
étédéclaréeen faillite, nous n'avons pour le moment pas d'autre
moyen valable pour recourir contre la partie de ladite décision
qui nous affecte. B
Cette demiere affirmation est inexacte, nous le verrons sous peu.
On demande la IIreconsidkration D nous dit-on, parce que l'Ebro n'a pas
étédéclaréeen faillite. Mais, et voilà la contradiction, la reconsidération
viséepar l'opposition prévue à l'article 1028 est un moyen que cet
article réserve expressémentau failli, et Ebro n'a jamais étédéclarée
en faillite. Ebro le reconnaît elle-même, parceque cette sociétéveut
bien admettre que, n'ayant pas étédéclaréeen faillite, elle ne peut
faire usage des voies de recours qui présupposent justement que le
demandeur ait étédéclaré enfaillite. Mais il y a plus; mêmedans l'acte
du 23 février, Ebro continue à demander la reconsidératioii pnrtielle
du jugement de faillite. Elle préciseformellement, dans sa conclusion:
irEn raison de ce qui a étéexposé

Je prie le Tribunal, dormant acte de la présentation de cet écrit
avec la procuration annexéepour êtrejointe au dossier de la manière
mentionnbe. de bien vouloir coiisidBrerqu'a étéinterposé eii temps
opportun et dans les formes requises un recours de reconsidération
contre le jugement du douze courant déclarant la faillite de la
Barcelona Traction, en la partie qui affecte Riegos y 1'uerz.adel
Ebro, S.A.. le déclarer recevable, y donner suite conformément au
droit et en temps opportun statuer àson sujet en y faisant droit, dic-
tant enconséquenceuneautre décisionpar laquelle, réformant la déci-
sion entreprise en sa partie mentionnée, seront rapportéestoutes les
mesures décidkesen relation avec la saisie (ocupacid dne)l'actif de
la société. mamandante. et les autres mesures contenues dans ledit
jugemenIqui peuvent affecter le patrimoine et l'administration de
cette société, encondamnant aux frais de ce recours les parties qui
s'y opposeraient.
En conséquence, réitérant la partie dispositive du recours de
reconsidération transcrit ci-avant:

Je demandc au Tribunal que, mêmeen estimant que Riegos y
Fuerza del Ebro n'est en rien affectéepar le délaide huit joufs que
la loi accorde nu failli pour attaquer le jugement de déclaration de802 BARCELOSA TRACTIOS

failliie, compte dcpiiis qrOl laiet<dirmciit notifié. qui\.cuille bien
,l~ctcr. aprk In procédure ;idt;qli;itc.iin jugement iICci<lantque
soient laissées sans effet toutes les mesu~es adoptées en ce qui
concerne la saisie des biens et livres de la sociétéc,i- 2sv Fuerza del
Ebro, S.A.,ainsi que les autres mesures contenues dans ce jugement
qui peuvent affecter le patrimoine et l'administration de cette
société, encondamnant aux frais de cet incident la partie ou les
parties qui pourraient s'opposer à la juste dernande qui y est for-
mulée. ii

Je pense pouvoir m'arrêter ici. Il y a urie demande additionnelle
qui n'ajoute rien à ce que je viens de dire.
Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour. si la Partie adverse
prétend que la demande contenue dans l'acte du 23 février est une
véritable opposition au sens de l'article 1028, peu nous importe. Sans
pour autant rien admettre, supposons, ar pure hypothèse, que la pré-
tention de la Partie adverse soit exacte8 ans ce cas, Ebro et Barcelonesa
n'avaient aucun titre pour se prévaloir de i'article 1028 pour la raison
à la fois simple et déterminante que ladite dis osition ne vise que l'oppo-
sition formée par le failli lui-même.Il su t de relire le texte dudit
article:
iiLe commercant déclaréen état de faillite sans l'avoir ~réalabie-
ment demandk sera admis solliciter la reconsidératioi de cette
déclaration dans les huit jours suivant sa publication ..»

effet. II s'agit donc d'une disposition d'application strictedont la portke
ne saurait être élargie.Et je préviensla Partie adverse, pour l'hypothèse
où elle prétendrait m'opposer cet argument subsidiaire, que le droit
espagnol autorise les créanciersà former opposition contre le jugement
declaratif de la faillite, mais ce non pas sur la base de l'article 10~8.
mais sur la base de l'article 1170de la Loi de procédurecivile qui admet
les créanciersàs'opposer àla décision judiciaire contenant ladeclaracidn
de concurso.Le coltcursode acreedoresest une procédure qui est analogue
à la faillite, mais qui affecte les débiteurs n'ayant pas la qualité de
commerçant; c'est une procédure analogue à ce que l'on appelait dans
le temps la n faillite civin.
Les dispositions visant cette procédure sont applicables la faillite
à titre supplétif, en vertu du renvoi contenu dans l'article 1319 de la
mêmeloi de procédurecivile. Or, hlessieurs, le fait mêmeque les créan-
ciers soient admis à former opposition contre le jugement de faillite
sur la base de l'application conjointe des articles 1170 et 1319 de la
loi vient à l'appui de ma thèse, car cette possibilité est reconnue sur
la base d'une disposition "expressen, alors que, pour d'autres sujets,
il n'y a aucune disposition à cet effet. Au surplus, l'opposition ouverte
aux créanciersn'est pas une opposition régiepar l'article 1028 du Code
de commerce sinon, commeon l'a vu, par l'article 1170de la Loi de pioce-
dure civile, ce qui confirme que l'opposition dont il est questàol'article
1028 du Code de commerce ne fieut êtreutiliséeque par le failli
Qu'il me soit permis de faire remarquer à ce propos - entre paren-
thèses - que c est justement un tel recours au titre de créancier s~
la base de l'article 1170 que Sidro aurait pu utiliser, mais qu'en fait RÉPLIQUIEDE M. MALINTOPPI 803

elle n'a jamais utilisé, en tant qu'obligataire Prior Lien de la Barcelona
Traction.
Mon estimé contradicteur a toutefois essayé de trouver un appui
pour l'acrobatie juridiqueà laquelle il s'est livrédans l'opinion exprimee
par M. Ramirez dans un livre sur la faillite publié en Es agne en 1 59
Je me réfèreau assage cité par le professeur Kolinà a page 628ci:
dessus. La thèse %eM.Ramirez, d'après laquelle tout intéressépourrait
former opposition contre un jugement déclaratif de faillite prononcésur
Elle constitue, en outre, une véritable et assez curieuse erreur, vu les
dispositions très claires de la loi espagnole. La thèse de. Ramirez se
fonde sur l'opinion d'auteurs qui ne sont pas espagnols. M. Rolin a
affirméque al'auteur cite constamment des juristes espagnols». Cette
affirmation est toutà fait inexacte par rapport au point qui nous occupe
maintenant.
La Cour se souviendra du membre de phrase suivant. qui est contenu
dans le passage de l'ouvrage de AI.Ramirez, lu par le professeur Rolin
et concernant la faillite sur requête: .Ainsi que nous l'avons exposé
lorsque nous avons étudiéla faillite sur aveu...
Or, 11. Ramirez soutient en effet la meme thke par ra port à la
faiUite sur aveu, c'est-à-dire la faillite pronoàcl'instance& débiteur
lui-même,ce qui constitue aussi une erreur certaine. Mais le point n'est
pas là. Ce qui importe, c'est de déterminer l'origine de cette erreur.
Or, l'origine de cette erreur est dans le fait que les auteurs cités par
M. Ramirez à cet égard,et qui sont donc àretenir aussi dans l'hypothèse
eni.isag?r ail pnüagt citépitrIc profcsjciir Holin, sont tous des buteurs
italiens. Satla Savanini. Uonclli. Brunztti. Si:nio.l'rovinciali. rizzolina.
le nie rcjouii ~~ersoiiiiellernentde I'lionneufut ajnsi par 11.#amirez
i mes distingds compatriotes (p. 732, note zz de soi livre que nous
mettons à la disposition de la Cour), mais je me permets de faire remar-
quer que l'opinion expriméepar ces auteurs s'est naturellement formée
sur la base de la loi italienne et certes pas sur celle de la loi espagnole.
estimés compatriotes est toutfaiàefait exacte car l'artici 18 de la loi
italienne sur la faillite, édictéelII mars 1942 mais identique sur ce
pyint à l'article 693 de l'ancien Code de commerce italien de 1882,
s exprime de la façon suivante:

,<Ledébiteur et toutepersonneintéressde peuvent faire O position
contre le jugement déclaratif de la faillite dans le déla8 quinze
jours à dater de l'affichage de la décisionI)
Telle est la loi italienne. Mais la loi-e~ ~enole estàtfait différente.
Elle s'exprime d'une façon bien plus restrictive à l'article 1028, que je
citeà nouveau: aLe cornmerCantdéclaré enétat de faillite ...sera admis
à solliciter la reconsidération de cette déclaration.n.
Voilà, Messieurs, l'erreur dans laquelle M. Ramirez est tombé, en
invoquant des auteurs italiens dont la loi a une portée bien plus large
que celle de la loi espagnole. II suffit de comparer les textes pour s'en
apercevoir.
La Partie adverse a bien voulu invoquer, au cours des exposésoraux,
un armment suvulémentaire oui est dévourvu de tout fondement.
MO; honorabiê contradicteùr a cru'pouvoir soutenir, au cours de
l'audience du 22 avril (voir ci-dessus, p. 633) qa...mêmesi Barcelona804 BARCELOSA TRACTIOS

Traction avait agi dans la huitaine ... du prononcédu jugement ...le
cours des événements n'aurait pas étémodifié»et cela en raisoii des
suspensions de la rocédwe causéespar les deux déclinatoires qui se
sont succédédans es procésinternes. Or, il est certain qu'aucune oppo-
sition contre le jugement déclaratif de la faillite n'a été z'alablenzent
forméepar le failli lui-même.
Mais il est également certain que si i'opposition.avait étédiiment
n'aurait pu acquérir force de chose jugée.Et il est de toute évidenceillite
que si le jugement déclaratif de la faillite n'avait pas acquis force de
chose jugée, la procédure de faillite n'aurait pu continuer. Contraire-
ment à la prétention de la Partie adverse, le cours des événeineiits
aurait donc étémodifié.
J'en viens maintenant, hlonsieur le Président, Xessieurs de ia Cour.
à la question du prétendu défaut de compétence juridictionnelle des
juges espagnols pour déclarer la faillite de la 13arcelona Traction. Je
me suis proposéde ne pas aborder d'une façon quelconque le fond de
l'affaire et, partant,je m'abstiendrai d'entamer une démonstratioii,
qui serait d'ailleurs très facilà faire, visantà établir l'incontestable
compétence des juges espagnols en la matiere. Au point de vue de la
quatrième esception préliminaire, la seule question à apprécier est celle
de voir si la compétence juridictioniielle espagnole a étéou ilon valable-
ment attaauée.
En ce q;i concerne les effets de l'adhésionde la Barcelona Traction
au déclinatoire Boter, i'ai soutenu au cours de ina première intervention
que:
Primo, le déclinatoire Boter avait étéiiitroduit lorsque le jugement
déclaratif dela faillite avait acquis force de chose jugéeet il était donc
lui-mêmetardif.

Secundo, en tout cas, même à supposer par pure hypothkse que le
déclinatoire Boter ait étéforméen temps utile, la Barcelona Traction
ne pouvait aucunenient s'en prévaloir, parce que cette sociétéCtnit
demeurée tacitement soumise à la juridiction espagnole par l'effet de
son acte de comparution du 18 juin 1948et en l'absence d'une dénéga-
(voir II, pzgo ài293).lablement soulevéepar la voie formelle d'incident

La Partie adverse a opposé à mon premier point deux arguments tout
à fait formalistes et, au surplus, non fondésen droit. Mais, chose vrai-
ment singulière, mon distingué contradicteur, immédiatement après,
s'est limitéà deux réserves, sans ajouter aucun argument au sujet de
mon premier point et sans formuler aucun argument à propos de mon
deuxième point.
Examinons d'abord le premier des arguments invoqués. A propos
de ma thèse du caractère tardif du déclinatoire Boter, en raisoii de !a
force de cliose jugéeacquise par l'acte de Reus, mon estimécoiitradic-
teur trouve singulier que le déclinatoire Boter, introduit le 30 mars,
ait étédCclarérecevable par ordonnance du 31 mars. Mon estimé
contradicteur oublie toutefois la valeur des ordonnances de recevabilité
véritablede ces ordonnances est clairement préciséepar le Gouverilementur
belge lui-mêmeila note I,page 44 de son mémoirede 1962(1) - et je
cite: RÉPLIQUE DE hl. MALINTOPPI 805

R11est de règle en ~rocédure espacnole qu'un iuee saisi d'une

véritable prononcé sur la recevabilité de l'action, car cë n'est que
daiis les cas d'irrecevabilité manifeste que le juge refuse d'admettre
la demande a tramite. ii

Il s'agit donc, comme le Gouvernement belge a bien voulu le préciser,
d'une appréciation de recevabilité tout à fait formelle et provisoire, qui
ne préjuge d'aucune maiiière la vérification ultérieure du caractère
tardif de la demande.

Quant au deuxième argument de la partie adverse, il se rattache au
fait que les décisions rcndues sur le déclinatoire Boter ne se sont pas
bornées à une Dureet sirn~ledéclaration d'irrecevabilité.Maisle svstème
ci~vagiiùl:i c<1';g;~rdest Celui pr;vii p.si I.:irticli:359 <leII<I.oi d; pruce-
diiri: ci\.ilc, lprès Ic~]IIL.lIejiip a I'ol)lig.itiuii 1st.prononcer cn
détail >tiriuiiiIcii)uiiitliticicu~. L'nrrCt<IL 1'COIII d'i~i)i)le 11arieloiie
du xj mai 1963 Gous en dbe un exemple frappant.'Au cours de ma
première interventioii, je vous ai montré en effet que la cour d'appel
de Barcelone a fait état de la force de chose jugéedu jugement déclaratif

de la faillite, et que par cette affirmation elle a dit tout ce qui étaitnéccs-
saire de dire pour établirdans sa substance le caractere tardif du déclina-
toire Roter (voir II, p. 291).
Mais à ce stade, inon estimé contradicteur s'est borné à formuler
une réserve très généraletouchant l'ensemble de nia thèse principale
sur le caractère tardif du déclinatoire Boter; il s'est exprimé de la
façon suivante:

<Il va de soi que, pour autant que de besoin, le Gouvernement
belee se réserve de faire la Dreuve du~~aractèr~ ~ ~ifes~ement
fall&ieux de cette thèse suivait laquelle la contestation de compé-
tence ne serait plus recevable à partir de l'ex~iration du délai
d'opposition. » (Viir ci-dessus, p. 637.)

La Cour comprendra que je ne puisse pas voir, dans une pareille
réservc, un argument quelconque contre rua thèse. Si, en formulant
ladite réserve,la Partie adverse prétend que la question touche au fond
de l'affaire, elle se trompe de la façon la plus nette. Car ma thèse se
rattache à la forclusion découlant des articles 76 et 408 de la Loi de procé-
dure civile (voir II, p. zgo). et il suffira donà la Cour, pour en apprécier
le bien-fondé. de se ~enclier sur ces deux articles sans mêmeavoir à

se borne ir~~iqziemenàt uiie Péserveanalogue en'ce qui concerne ma
thèse subsidiaire, c'est-à-dire la thèse d'aprèslaquelle, méme à supposer
le déclinatoire Roter introduit en temps utile, la Barcelona Traction
est demeurée tacitement sournise aux juges cspagiiols du fait d'avoir,
dans son premier acte de procédure, abordé le fond sans avoir soulevé

la question de juridiction par voie formelle d'«incident », seul moyen
utile Dour le faire. Le Drofesjeur Rolin rét tendrattacher ma thèse à
l'affi&ation tout à fait Conformecontenu< dans I'arrêtde la cour d'appel
de Barcelone du 15mai 1963, et il ajoute: "Le Gouvernement belge se
réservc de démontrer, lois<ue le moment sera venu, que la décision806 BARCELONA TRACTION

qui a étérendue en ce sens est contraireà la doctrine età la jurisprudence
espagnoles. n
Encore une fois. une réserve de ce genre n'est pas un argument, et
la Cour n'a aucun besoin d'empiétersur le fond de l'affairepour trancher
cette question. Encore une fois, la Cour n'a qu'à apprécier la portée des
articles de la Loi de procédure civile, sur lesquels ma thèse s'appuie,
mêmeen faisant totalement abstraction de l'arrêt de la cour d'appel
de Barcelone, bien qu'elle se soit prononcée dans le mêmesens. II me
suffit donc de renvoyer sur ce point à ma première intervention (voir
II, p. zgrà 2 3)et àfaire remarquer qu'il y a lieu de retenir, en l'esp&ce,
les articles 5:. 75 et 79 de la Loi de procédure civile, aussi bien que la
jurisprudence bien établie du tribunal suprême enla matière, indiquée
aux exceptions préliminaires de 1963, annexe 69, page 725.
C'est dans ces conditions que l'on doit examiner la situation de la
Barcelona Traction par rapport à sa soumission A la juridiction espa-
gnole dans la procédure de faillite. Et pour appréciercette question, il
nefaut jamais oublier qu'il s'agit icide vérifierla situation de laBarcelona
Traction au moment de sa comparution. c'est-à-dire à la date du 18
juin 1948. A ce point de vue, il nfy a par conséquentpas lieu de prendre
en considération le déclinatoire du National Trust qui, en fait. ne fut
introduit que le27 novembre 1948, donc longtemps après.
Bien entendu. nous continuons à soutenir que le déclinatoire du
National Trust était tardif - et cela pour les raisons applicables au
déclinatoire Boter - et que le National Trust n'avait pas, en droit
espagnol. qualité pour introduire un déclinatoire d'autant que la Partie
adverse prétend invoquer, pour contrer cet argument, le même passage
de hl.Ramirez dont je viens de vous montrer l'erreur manifeste.
Mais en tout cas, je le répète, laBarcelona Traction ne saurait faire
croire qu'elle a légitimement différésa propre intervention jusqu'au
18 juin 1948 et que cette intervention ne serait pas tardive du fait que,
cinq mois aprds, un autre sujet, le National Trust, aurait introduit un
déclinatoire de compétence juridictionnelle. Les vertus prophétiques ne
sont certes pas un argument en cette matière.
Ayant ainsi répliqué ?Ila Partie adverse en ce qui concerne la ques-
tion du prétendu défaut de compétence juridictionnelle, il me reste
à ajouter que le jugement déclaratif de la faillite n'aurait pas non plus
pu être attaquépar l'incident de nullift ormépar la Barcelona Traction
le 5 juillet 1946.
-4insi que je l'ai préciséau cours de ma premihre intervention (voir
II, p. 302) et ainsi que la Partie adverse l'a reconnu (voir ci-dessus.
de faillite. Mais j'avais préciséau surplus que, suivant la jurispru-
dence bien 6tablie du tribunal suprême, un tel moyen pr6suppose à
son tour l'épuisement préalable des recours ordinaires. La Partie adverse

de soutenir ou'en fait la Barcelona Traction avait formé o~oositionsayé
contre le jugément déclaratif de la faillite et que cette oppo'&ion se
trouvait paralysée, en sorte que, d'après mon estimé contradicteur
i... en bonne-iustice. les voies de reiours devaient être considérées
somme épuisécj».Ilais en fait, cornmc on 1':~vii nup:ar;ivnnt. la fiaiceIona
'lraction n'a pas valnblcment formé opposition contre le jugeiiient
déclaratif defaillite, par conséquent. la coiiditioii ~>r&ilàe l'introdiic- RÉPLIQUE DE hl.AIALINTOPPI 807

tion de l'incident de nullité n'était pas remplie et l'argument de la
Partie adverse tombe sous le coup d'une pétition de principe.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ayant ainsi confirmé,en
face des arguments développéspar la Partie adverse, que le jugement
déclaratif de la faillite n'a pas étéattaqué par le moyen le plus spécifique
que l'on puisse imaginer, I'OPPOSITION, avec dix capitales, ma répli-
que pourrait bien se terminer ici même.La règlede l'épuisementpréalable
des recours internes est fermement établie dans le sens qu'elle n'est
pas respectée lorsque, à un moment décisif, sur un point décisif,on
n'a pas fait usage d'un moyen qui aurait d'un seul coup détruit la base
mêmedu prétendu grief international. Personne n'oserait nier que la
rétractation du jugement déclaratif de la faillite, résultat final visépar
l'opposition, aurait eu cet effet.
Je ,pense VOUS avoir montré à nouveau que ce moyen n'a pas été
valab ement utilisé.
Dans ces conditions, c'est surabondamment que je me propose de
contr:~tlictcur. afiJcàprkijrr <)ii,-'iiorrepo~irioilCtl:en riennnffz~t;lr:,
et tlç ielcvcr ccrt;iineï iiiexaçririidc; que nuiis cititinenp:~spou\.oir
passer sous silence. Bien entendu, le choix de certains points ne préjuge
en rien notre position quant aux autres, telle qu'elle résultede la procé-
dure écriteet de ma première intervention. Si je me vois contraint de
renouveler cette réserve. c'est en raison de la tendance de l'autre côté
de la barre à voir un s&e de faiblesse ou un acquiescement tacite la
où, pour notre part, nous nous efforçons tout simplement de n'élucider
que les points essentiels du litige.
Ceci dit, Messieurs, je vais examiner les arguments développéspar
mon estimé adversaire pour accréditer son ahurissante a théoriegénérale
de la stérilisation des jugements de faillite
La Cour se souviendra que le jugement déclaratif de la faillite de la
Rarcelona Traction a ordonné, dans son dispositif, la saisie des biens,
actions. droits et documents de tout genre qui sont la propriétéde ln
Barcelonn Traction.
Ensuite, le même dispositifordonne la saisie des biens des sociétés
filiales dont les actions étaient. concurrence de IOO%,la propriétéde
la Barcelona Traction. A ce propos, on préciseque la saisie des actions
des sociétésfiliaies qui étaient la propriétéde la société mèreavait le
caractére d'une occupation metliatay civilisima. Certes, il est rare qrie
les décisionsdes juridictions de premiere instance soient des exemples
de style fleuri, mais si la Cour veut bien se pencher sur le texte du
dispositif de l'acte de Reus et surtout sur le passage concernant la
saisie des biens de la Compafila Barcelonesa de Electricidad, elle poiir-
ra aisément se rendre compte que, contrairement i la prétention de la
Partie adverse, l'occupation inediata y civilisima, la saisie des actions
des sociétbs filiales, dont la société mèreétait la seule propriétaire,
n'était pas une conséquence de la saisie des biens des sociétésfiliales.
C'est à propos de la saisie des biens des sociétés filialesque l'acte de
Reus précise le caractére de la saisie des actions par le fait qu'eues
étaient la propriétéde la Barcelona Traction. Et cela est tout à fait
clair au point de vue logique car ce caractère de la saisie a conféréaux
organes de la faillite qualitépour exercer les droitsinhérents aux actions
des filiales qui&aient la propriété dela Barcelona Traction et, de ce808 BARCELONA TRACTIO'I

fait, pour exercer le contrôle des sociétés filialesqui étaient elles-mêmes
la propriétéde la société mère.
Ayant donné cette précision, je n'entends nullement discuter ici le
bien-fondé de l'acte de Reus. Pour notre part, nous considérons que
cet acte est entièrement conforme à la loi espagnole et parfaitement
justifié du point de vue logique. Mais nous estimons aussi que, pour
trancher la quatrième exception préliminaire, la Cour n'a aucuiie~nent
besoin d'examiner le bien-fondé du jugement déclaratif de la faillite
de la Barcelona Traction. La Cour peut fort bien se borner, dans son
appréciation souveraine, à constater qu'il n'a pas étévalablement
attaqué, et à constater aussi que la Barcelona Traction n'a pas exercé
les voies de recours adéquates pour éliminer ce premier anneau de la
sérieet l'empêcherd'engendrer toute la série desévénementssuccessifs.
Mon estimé contradicteur prétend toutefois alléguer que les sociétés
filialesont vainement essayéde provoquer au moins laparalysie partielle
du jugement déclaratif de la faillite en attaquant la partie de ce juge-
ment visant la saisie de leurs biens. De cette façon, nous dit-il à maintes
reprises, et de maintes façons, le jugement déclaratif de la failliteserait
devenu iilettre morte in«inoffensifin,oplatonique 11;il aurait été«purgé ii,

iémasculé »,ustériliséIIPar l'ensemble de ces termes, on a voulu peut-
être indiquer que la Partie adverse aurait bien aiméconsidérer le juge-
ment de faillite comme un véritable rchiffon de papier )>.
Il est bien vrai que, dès le début, la Barcelona Traction a commis
l'erreur de mépriserce chiffon de papier. Il semble, d'aprèsmon estimé
contradicteur, que la partie de l'acte de Reus visant la qualité mediata
y civilisima de la saisie des actions des sociétés filialesqui étaient la
propriétéde la Barcelona Traction avait suscité, auprès des conseils
de la Barcelona Traction, une «douce hilarité». On peut se réjouir de
cette réaction, qui au fond est fort salutaire. Il est toujours sain de rire,
mémesi après on doit se désolerde sa propre légèreté.Légèreté telle
que le failli ne prend pas mêmela peine de former son opposition en
temps utile. La Barcelona Traction s'estimait à l'abri de toute procé-
dure de faillite. Pendant de longues années, elle avait mis sur pied cet
extraordinaire réseau de sociétés males, que mon estimé collègue, le
professeur Reuter, vous a décrit dans ses détails. Grâce à ce système,
la Barcelona Traction estimait donc pouvoir obtenir, le cas échéant,
par l'intermédiaire de la chaîne des filiales, la stérilisati~'un jugement
déclaratif de faillite, sa réduction à l'état de chiffon de papier, alors
que tous les biens de la sociétéétaient en Espagne.
Il me serait très aisé, Messieurs,de m'élevercontre une telle préten-
tion et de montrer que, si pareil système devait être admis, on aurait
trouvé la formule magique pour braver toute possibilité de faillite et
ce précisémentdans le pavs où tous les biens d'une sociétésont situés,
et pour se soustraire de'lasorte au paiement des dettes. Quelle aubaine
pour certaines sociétés!
Mais ie préfère me borner aux données du cas d'esuèce pour faire
ressorti; ¶;'ici ce jeu ne pouvait pas réussir. Il ne poukit pas réussir
pour la raison à la fois simple et déterminante que le failli n'avait pas
valablement formé son opposition contre le jugement déclarant sa
faillite. Et, de ce fait, les sociétés filialesqui constituaient le patrimoine
du failli devaient nécessairement en supporter les conséquences. Les
recours des sociétés filialesn'étaient pas iifrappésde malédiction »; ils
&taient frappéspar la loi et mêmepar la logique. &PLIQUE DE M. JIALIKTOPPI 809

L'exemple d'Ebro est significatif à cet égard. Ebro essaya d'abord,
le 13février,d'obtenir une reconsidération du jugement déclaratif de la
faillite pour la partie qui l'intéressait (stérilisation).Nous estimons que
les sociétés filialn'avaient pas qualitépour ce faire. Mon estimécontra-
dicteur s'élève,très indigné, contre notre déclaration d'après laquelle
les sociétés filialn'avaient point d'intérêten la matière. Il est pourtant
exact qu'endroit ellesn'avaient pas d'intérête ,n cesens qu'ellesn'avaient
pas de titre à demander la reconsidération, mêmepartielle, du jugement
déclaratif de la faillite. AIais,contrairementà ce que mon estimécontra-
dicteur prétend faire croire, cela n'implique pas qu'un tiers, dont les
biens sont saisis au cours de la procédure visant la faillite d'un autre
sujet, soit dépourvu de toute protection judiciaire. Bieii au contraire,
l'articl1532 de la Loi de procédure civile prévoit une action spécifique
à ce sujet. II s'agit de la terceriade dominio, action revendicatoire ten-
dant ?Iséparer du patrimoine du failli les biens qui sont la propriété
d'un tiers. Un tiers, un tiers véritable, qui n'est pas liéau failli par un
lien établi par le failli lui-mêmcpour les besoins de la cause, ne peut
donc jamais être frappé,en Espagiic. par une faillite qui ne le concerne
pas.
En fait, ni le 13 février, ni le 23 février, les sociétésfiliales n'ont
prétendu exercer cette terceriade dominio. Mais, en fait aussi bien qu'en
droit, les sociétésiüiales ne pouvaient ne pas supporter Ics conséquences
de la négligencede la Barcelona Traction, qui avait omis de demander
elle-même,en tant que failli, la reconsidération du jugement déclaratif
de la faillite. Car toutes les actions des sociétésfiliales appartenaient à
la Barcelona Traction, et donc au failli. Le défaut d'opposition de la
Barcelona Traction contre un jugement déclaratif de faillite, qui avait
conféréaux organes pr4pos6s à la faillite l'exercice des droits décou-
lant de la propriété des actions constituant le patrimoine de la Bar-
celona Traction, ne pouvait pas manquer d'affecter le sort dcs sociétés
filiales.
Alessieurs, la situation était en effet très simplc, bien plus simple
que ce que mon estimé coiitradicteur aimerait faire croire. D'une part,
les organes préposés ?Ila faillite s'efforçaient de retenir les biens des
sociétés filialedans le uatrimoiiie du failli. Dourla raison. oui ne saurait
i aiicun titre ètre ;oiiicst:c que les :ictiori;dvs sr,i:12t&fili;ilé:q>p;ir-
tcn:~ienr<I:III1c.iirtot:,Iit5 I:IsociLti,iiièrt,,~Iilrncnc(Ii.cl:=II!f.iillitt~.
Ik 1':ii~treCOI;,,l:, ~acii;~.I~~C II';LV:LIv;tjvalat~lc~i~e~f~otrnlc OIIUU~I-
tio~i contre le 'jugement déclarantdsa fki~ite, toiit effort des sà&étés
filiales pour se soustraireà leur destin était voué à I'éclieç,parce que le
défaut d'opposition du failli avait rendu inattaquables les pouvoirs
octroyés aux organes préposés à la faillite. Et,à un moment donné,
les organes préposés à la faillite ont remplacé,dans l'exercice des droits
dkoulant des actions saisies, les organes des sociétésfiliales.
Aii cours de l'audience du 21 avril, mon estimé contradicteur, en
examinant l'acte de Reus, a fait une déclaration qui r6sume. avec la
clarté qui lui est habituelle, le véritable point essentiel du problème
des recours des sociétés filiale(contrele jugement déclaratif de la faillite.
Et je cite:

i... il saute aux yeux que le seul effet pratique immédiat du juge-
ment déclaratif de faillite, léseul trouble réel apporté au groupe
de la Barcelona Traction, c'est le fait qu'elle a perdu [et MeRolin810 BARCELOXA TRACTION

veut bien reconnaître que nce n'est pas sans importance»] le con-
trôle des sociétésauxiliairesa
Donc, la Barcelona Traction a perdu le contrôle des sociétésauxiliaires1
Et c'est dans ces conditions que la Barcelona Traction a estimé
opportun de ne pas s'opposer au jugement dbclaratif de la faillite et de
susciter plutôt les actions judiciaires des filiales dont elle savait avoir
perdu le contrôle!

[Audience publiquedu 6 mai 1964, après-midi]

.4vant de continuer ma réplique. je voudrais donner, si vous le per-
mettez, Monsieur le Président, une courte précisionau suiet de la juris-
prudence espagnole en matière de recours administratif contre les &tes
du pouvoir discrétionnaire, que j'ai traités au cours de l'après-midi
d'hier. Je me réfère plus spécialement l'article de M. Martin Ketortillo
se trouvent aux notes 43,r44,108 et 124 de cette étude. Une analyse dere
la même jurisprudence se trouve aussi dans un autre article,du même
auteur paru dans le volume XXII de la Revista de Admznzstrandn
Pdblica. Bien entendu,cette revue aussi nous la gardons ila disposition
de la Cour.
Monsieur le Président, Messieurs, la Cour se souviendra que je me
suis livrécematin àl'examen de tentatives visant engendrer la paralysie
partielle du jugement declaratif de la faillite. J'espère vous avoir montré
avec succès que cette prétendue xstérilisation»du jugement déclaratif
de la faillite n'était pas réalisableen l'espèce. Elle nepouvait aboutir,
en raison justement de la négligencede la sociétédéclarée en faillite.
Même àcet égard donc, le jugement de la faiUite montre en tous points
sa valeur de fait générateur de la série des événementssuccessifs.
J'ai ainsi terminé l'examen de ce point mais qu'il me soit permis,
Ilonsieur le Président, d'ouvrir à présent une courte parenthèse à
propos de la conclusion finale de cette procédure de faillite.
En effet, la Partie adverse s'est tellement élevéecontre la conclusion
de cette procédure et tout particulierement contre la vente des biens
de la Rarcelona Traction que nous nous voyons contraints de faire une
tres courte mise au pointà cet égard.Il me suffira donc de préciserque
les conditions prévues pour l'adjudication des biens coinprenaieiit la
faculté, pour le failli, de présenteà son tour dans un délai de neuf
jours un autre enchérisseur qui se substituerait à l'adjudicataire dans
des conditions identiques, et pour l'adjudicataire, de céderles biens
un tiers. Et c'est 'ustement en seprévalant de cette dernière disposition
que Fecsa, adjudicataire des biens, a fait savoir A Çidro qu'elle était
disposée,en raison de la campagne publicitaire déclenchéesur l'affaire,
à céder aux mêmesconditions les biens ainsi adjugés.
Cette communication figure A l'annexe 214. page 822 du volume IV
des annexes au mémoire belgede 1962.
La réponse de Sidro ne nous intéresse pas. Ce qu'il nous importe
d'observer, c'est qu'en acceptant la condition très simple de payer les
dettes de la Barcelona Traction, la sociétéaurait pu, par la voie de cette
option, conserver la propriété desbiens.
Monsieurle Président,hlessieurs de la Cour, de l'avis du Gouvernement
espagnol la négligence dela Barcelona Traction, bien qu'en tous points REPLIQU DEE:nr.MALINTOPPI 811
établiepar rapport au moyen Icplus spécifiquepourattaquer lejugement
déclaratif de lafaillite et suffisant doncà démontrer que la règle de
l'épuisement des recours internes n'a pas étérespectée,se ré\.èleaussi
dans la non-utilisation incontestée de certains moyens extraordinaires.
Au cours de ma premihre intervention, tout en retenant les divers
éléments déjà dégagésau coursde la procédureécrite, jeme suis toutefois
borné à prendre en considérationle plus pertinent de ces mo ens extra-
ordinaires, eu égardau grief formulépar le Gouvernement beke. Encore
une fois, la Partie adverse a cru voir un signe de faiblesse dans ces efforts
de simplification et elle a voulu considérer commesatisfaisante la riposte
qu'elle a essayéde donner àcet égarddans ses observations écrites. Pour
notre part, nous estimons que les arguments dégagésdans les exceptions
préliminaires de 1963, annexe 89, gardent toute leur valeur, mais à ce
stade de la procédurenous ne demandons qu'à en laisser, le cas échéant,
l'appréciation àla Cour, sans y ajouter les autres élémentsqui pourraient
êtredé~~ " ~ ~ G
En ce qui concerne toutefois le recours en revision, j'estime opportun
de répondrede facon sphcifiaue à mon savant contradicteur. étant donné
oue ce rnoven touche d'un; facou directe au contenu de la demande
ihernationale etétant donnéqu'il n'est pas contestablequesoiiutilisation
aurait DU écarter, le cas échéaiit,l'ensemble du grief.
La Partie adverse estime, par contre, que Ce moyen n'aurait pas
constitué, en l'espèce,une voie utile, ni en droit ni en fait. J'aborderai
shparémentces deux affirmations, l'une et l'autre non fondées.
Au cours de ma première intervention je vous ai montré, blonsieur le
Résident, que le recours en revision, bien que prévu par In lettre de la
loi pour attaquer les jugements dénomméssentencias,peut valablement
êtreutilisé pour attaqucr tout jugement, y compris les autos, lorsqu'ils
ont acquis force de chose jugéeau sens matériel. Un jugement ,déclaratif
de faillite non attaqué en temps utile par le moyen de l'opposition tombe
donc à toutes fins utiles sous le coup de cette définition (voII,p. 29s
et suiv.).
hlon estimé contradicteur s'est efforcéde réfuter mon raisonnement
DOUrdeux raisons. La Drcmièrec'est aue: il'assimilation d'un autoà uiie
Sentencian'est pas admissible, étant donné qu'il s'agit là de catégories
diffbrentes de décisionsiudiciaires~. (Voir ci-dessusp. 640.)
Or, cet argument non.seulement n'est pas fondémais iiest au surplus
en contradiction formelle avec des précisions donnéespar le Gouveme-
ment belge lui-mêmequant à la portée desexpressions employéespar la
Loi de procédurecivile espagnole. En effet, l'annexe 53 au mémoiredu
Gouvernement belge de 1962contient une note sur la définitiondes diver-
ses catégoriesde jugements en Espagne. Or, cette note indique que:
iules décisionsdes cours et tribunaux en Espagne se divisent eu
trois catégoriesprincipales: lesrouidencias(terme qui est conven-
tionnellement traduit dans le ré sentmémoireDar «ordonnance 4.
les ktos et les sente?tcias(cesdeux termes sonttraduits indifférem:
ment dans le présent mhmoire par u. .ement »)."

Donc, le Gouvernement belge admet dès le début qu'un mêmeterme
les deux sont bien des jugemerits. Mais il yaeplus. La note précitéeduque
Gouvernement belge poursuit en paraphrasant l'article 369 de la Loi de
procédurecivile qui donne justement la définition des diverses catégories812 BARCELOSA TRACTIOS
de décisionsiudiciaires. Il ressort dudit article que les autos sont des
décisions qui.tranchent des questions incidentes Ôu des points litigieux
déterminés.Mais il est évident qu'ils'agit là d'une définitiond'ordre très
général,qui ne touche pas à lavéritable nature de certains autos ayant
par contre un caractère spécial.Et assurément la nature de l'autodécla-
ratif de la faillite est spécialecar celui-àidéfautd'opposition, loin de se
borner à trancher une question incidente ou un point déterininé, touche
directement et d'une façon définitive aux droits du sujet déclaré en
faillite.
Alaisla portée générique desdéfinitionsdécoulant de l'article 369 de la
Loi de procédure civile est expressément reconnue dans la note belge
précitéequi termine, sans le moindre commentaire, avec la précisioii
suivante:

«La doctrine constate cependant que la Loi de procédurecivile
elle-niêmene s'entient pas strictement à ces définitions,dans l'usage
qu'elle a fait ultérieurement des trois termes en question. ,i
Quelle est la portéede cette constatation de la doctrine dont le Gouver-
nement belge a bien voulu donner acte? Elle vient tout à fait à l'appui
de la thèse développéepar le Gouvernement espagnol devant cette Cour.
La véritablenature de toute décision judiciaire ne découlepas du terme
utilisé pourla désigner maisde sa portée etde ses effetsréels. Ladécision
déclarative d'une faillite est dénommée autoparce qu'il s'agit d'une pro-

suite de l'opposition. Aiais la véritable nature de la décision n'est pas la

celle d'un auto, eu égard à la possibilitéque, à défaut d'opposition, elle
acquière force de chose jugéeau sens matériel.Et c'est bien cettenature
de la décisionen question qui ouvre la voie à l'utilisation en l'espécedu
recours en revision.
Le deuxième argument invoquépar mon estimécontradicteur vise à
établir que le jugement déclaratifd'une faillite ne posséderaitpas la force
de chose jugéeau sens matériel. Le professeur Rolin affirme à ce propos
qu'un jugement déclaratif est mis à néant par une décisionultérieure
lorsque le faillia désintéressé ses créanciero su que la liquidation de la
faillite aboutità ce résultat. Cette affirmation n'est toutefois Dasexacte.
1.a proccdiirc de f;iillitc prciid :issiirci~ienttin lurlélfailli:idiiiii-
t6ressG ici crC:iiiçier~ou(IIII:Lliquidation iIv1.1faillite cst :iclic\~\l.iii
cc13n'eiitritinci~üi In rCtr:icratioii dii iiiccnienr dccl:ir;itif de InfaT.:ite.
décisiondu jugéau stade final déclaieTout simplement la clôture de la
procédure.
Le professeur Rolin a ensuite invoqué l'article 1252 du code civil pour
en déduireque la chosejugée au sensmatérielprésuppose l'existencedans
l'affaire de parties en litige, d'un objet et d'une action judiciaire intentée
par une partie, alors que le failli n'est pas partiàla procédure.Cet argu-
ment est tout à fait formaliste, car l'artic1252 du code civil parle d'une
façon génériquede «parties »au pluriel, afin de cou\rrir dans un seul mem-
bre de Dhrase toute hv~othése Dossible. En admettant l'interorétation
de mon'estimécontraditeur, il faudrait en déduireaussi qu'un jugenient
prononcépar défaut ne saurait iamais acquérir force de chose iucée,.e-
jui, je pense, doit être bienloin-de sa pensée.
Mais le grand rempart de la Partie adverse c'est cet arrêtdu 22 mars
1963,dont le professeur Rolin a fait tant de cas. Monestimécontradicteur
a cru voir dans cet arrêtdeux élémentsqui viendraient à l'appui de sa RÉPLIQUE DE DI.MALINTOPPI 913

thèse. Il a toutefois oubliéd'indiquer les donnéesdu cas d'espèce.Il me
suffiraen effet de combler cette lacune pour vider son argument de tout
contenu. Nous gardons à la disposition de la Cour un exemplaire du
répertoire de jurisprudence Aranzadi où cette décision est reproduite.
Le point touché par le professeur Rolin figure à l'avant-dernier consi-
dérant, qui est ainsi libellé:
«Considérantque l'on ne saurait qualifier de sentencia ejecutoria
[il ne s'agit pas de sentencia firme] le jugement déclaratif de failiite
que le requérant iiivoque eii tant que telle, en premier lieu parce que
cen'est pas mêmeune sentenciaet, en second lieu parce qu'une telle
décision n'estpas non plus exécutoireau sens où l'entend la loi aux
fins de l'article 1695, étant donné qu'elle est susceptible de modifi-
cation à n'importe quel stade de la procédured'exbcution collective
où serait décidéela révocation [reposicidn], comnie l'est aussi le
jugement portant qualification de la faillite auquel fait référencear-
ticle 1386dela Loi de procédurecivile, lorsqu'il ne s';igit pas d'une
faillite frauduleuse, comme le prescrit l'article gzr du Code de
commerce. ij

Alon estimé contradicteur a oublié en effet de vous dire que, dans
l'affaire tranchée par cet arrêt,le jugement déclaratif de faillite avait été
dûment attaqzréparlemoyendel'oppositionet que l'opposition étaitencore
en cours au moment de l'introduction de la demande sur laquelle le tribu-
nal suprême a étéappelé à statuer. Or, la Cour se souviendra que nous
force jugéelorsqu'il n'est pas attaqué, tandis qu'en cas d'opposition, la
c'est en effet la décisionrendue à I'issiiede l'opposition qui possède la
force de chose jugée.L'arrêtcitépar la Partie adverse a fait donc juste-
ment remarquer que le jugement déclaratif de faillite peut êtremodifié
lorsque sa révocation [reposicidn] a étédemandée. Encore une fois, il
suffitde faire remarquer qu'à l'inverse, lejugement déclaratifde la faillite
de la Barceloua Traction n'a pas étédûment attaqué.
Quant à l'autre élémeritque le professeur Rolin prétend dégager du
mêmearrêt, ils'agit toujours dela qualification de l'acte de déclarationde
faillite comme un an10et non pas comme une serztenn'a.
M.Rolin nous a donné unetraduction tout afait erronéedu passageen
question. D'après lui (voir ci-dessus, p. 641). l'arrêtprécitéaurait décidé
que i...on ne peut pas qualifier sentenciafirme lejugement déclaratifde
faillite.D. Par contre, comme on l'a lu, I'arrêtdu tribunal suprêmedit
que le jugement déclaratif de faillite ne peut êtrequalifiéde sentencia
ejecutoriadans le seul sens que ce jugernent n'est pas un acte susceptible
de donner lieu à un pourvoi en cassation sur la base de l'article 1695.
Cet article vise le pourvoi encassatioil dans certains cas qui peuvent se
produire au cours d'une procédureesécutoire. Et c'est bien à cet égard
que l'arrêtprécitéfait remarquer que le jugement déclaratif de faillite
est susceptible de modification lorsqu'il a étéfait opposition et qu'il ne
peut donc, dans ces conditions, donner lieu à un pourvoi en cassation.
Voilà donc, Messieurs,pourquoi l'arrêtdu zz mars 1963ne saurait être
invoqué à un titre quelconque dans la présente affaire, une fois rétabli
dans son texte exact et épurédes erreurs detraduction faites par la Partie
adverse.
Mon estimécontradicteur a cru:pouvoir terminer sur ce point en me
mettant au défide produire une décisiondu tribunal suprêmequi aurait BARCELONA TRACTION
814
statué sur un recours en revision contre un jugement déc!arat,ifde faillite.
Pour ma part, j'avais déjà préciséau cours de ma première intervention
qu'il n'ya pas d'arrêtspécifiqueen la matière (voir II, p. 300 et suiv.).
II s'ensuit que je pourraisà mon tour mettre au défimon estimé con-
tradicteur de produire une décision du tribunal suprême déclarant
irrecevable unrecours en revision contre un jugement déclaratifde faillite.
hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, puisque nos positions
respectives demeurent tout à fait opposéeset en l'absence de décisions
spécifiques desjuridictions espagnoles en la matière, qu'il me soit permis
d'attirer l'attention de la Cour sur l'attitude adoptéepar les juges inter-
nationaux dans des conditions semblables. Je me bornerai à une très
courte référence àla doctrine énoncéepar la Cour permanente de Justice
internationale dans l'affaire du Chemin de fer Panevezys-Saldutiskis.
sérieA/B no76,page 19 et à la confirmation de cette doctrine qui ressort
de la décisionde la Commission européenne desdroits de l'homme du
16 décembre 1961 dans l'affaire Retimag S.A. c. République fédérale
d'Allemagne.Cette décisions'exprime textuellement de la façonsuivante
- je cite:
n...s'il existe un doute quantà la question de savoir si une voie de
recours déterminéepeut être ou non de nature à offrir une chance
réellede succès,c'estlà un poirit qui doit étresoumis aux t+bu;taux
intentes etin-mémes,avant tout appel au tribunal international... o

possibilité pour la Barcelona Traction d'attaquer l'acte de Reus par un
recours en revision. et celaàun double titre.
II s'est pencliéd'abord sur l'exemple que j'avais soumisàla Cour lors
de l'audience du 2 avril (voir II,p. 295 à 298). touchant les manŒu-
vres frauduleuses du demandeur visant à dissimuler le domicile du
défendeur. Leprofesseur Rolin a pris mon expression au pied de la lettre
et s'est empresséde répondre qu'en l'espèce lesdemandeurs à la faillite
n'avaient pas dissimulé le domicileréelde la Barcelona Traction, puis-
qu'ils s'étaientbornésà signaler que la sociétén'avait pas de siègesocial
eii Espagne. La Cour voudra bien, toutefois, appyécierà la lumière de la
jurisprudence rappelée au cours de ma première intervention, qu'à
supposer que, comme la Partie adverse le prétend,la publication de l'acte
de Reus ait dû se faire au lieu du siègestatutairà l'étranger,la formule
employéepar les demandeurs étaitbien de nature à fourvoyer lejuge sur
une voie détournée.C'est bien là la notion de manŒuvres frauduleuses
selon la loi espagnole.
Au cours de ma premièreintervention, j'avais posé à la Partie adverse,
Monsieur le Président. une alternative très nette. Le recours en revision
est ouvert, d'après l'article 1796,alinéa4, de la Loi de procédurecivile,
et je citea ..lorsque le jugement définitifaura été obtenu indûment par
subornation. violence ou toute autre machination frauduleuse >,
Vu la si large de cet article, j'avais préque le Gouvernement
belge ne peut écarter l'obstacle du défaut d'utilisation du recours en
revision au'à la condition ud'avouer d'une façon très nette que les allé-
gations q;i'iprctend prou\.er devant la Cour ne constituent pi,. <:ilaucun
cas. des riinchin;itioiis fr:iiidulcuscs telles que celles susceptiblej d'ouvrir,
selon le droit espagnol, le recours enevisionin.
Je voudrais aussi souligner qu'il s'agit d'un recours qui se déroule
devant le tribunal suprême. Salis prendre une position claire à l'égardde cette alternative, mon
estimé contradicteur s'est livré à une longue diversion pour établir la
portée du grief de dénide justice formulé par le Gouvernement belge.
Pour ma Dart. ie m'abstiens d'aborder le fond de la rése ente af-~~re. Ma~ -
ene peux pas manquer de faire ressortir le carackre si fuyant que la
'Partie adverse a dû attribuer à son erief. afin d'échapper aux fourches
c~~ ~nes de la non-utilisation du recoirs en revision. ~i~a~ ~ur veut bien ~ ~~-
se pencher sur l'exposési ingénieux de mon estimé contradicteur, elle
Dourra aisémentconstater quelle serait la portéeréelledu prétendu déni

àe justice qui risque de se rlduire à un manque de délica-
tesse de la part des juges.
Alonsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'aborde maintenant la
derniere partie de ma réplique,qui concerne toute l'activitédéployéeen
Espagne, apres le prononcéde la faillite, par la Barcelona Traction aussi
bien quepar d'autres sujets. La position du Gouvernement espagnol à cet
égard,telle qu'elle découlede ma première intervention, peut se résumer
en trois points.
Primo, en fait aussi bien qu'en droit, le jugement déclaratif de la
faillite est le faitgénérateurdela procédurede faillite. Le jugement décla-
ratif de la faillite ayant acquis forcedechose jugéepardéfautd'opposition,
la faillite devait nécessairement se dérouler iusqu'i la liquidation des
biens. . .

Secundo, en fait, aussi bien qu'en droit, la Barcelona Traction devait
attaquer le jugement déclaratif de la faillite. Une omission déterminante
de la part du sujet privéest donc acquise.
Tertio, en droit, la réglede l'kpuisement préalabledes recours internes
n'est pas respectée lorsque le particulier, dont on prétend assurer la
protection diplomatique, aurait dû attaquer, par des moyens existants
et adéquats, le premier anneau d'une séried'événementsdans lesquels
on prétend voir les élémentsd'un grief d'ensemble de déni de justice.
Dans ces conditions, nous avons conclu que, pour trancher la quatrierne
exception préliminaire, la Cour n'a à examiner que ces trois points, sans
prendre à aucun titre en consi<lérationles actions judiciaires entamées
en Espagne qui ne visaient pas le jugement déclaratif de la faillite.

Eii établissalit cette conclusioni nous n'avoris pas admis. et nous
n'admettons pas, que les recours internes aient étéépuisésvis-&vis d'un
élénientauelconaue de la ~rocédureaiii s'est déroulée à la suite de la
déclsrnti&i <lefn;llite. SO& avoris toi;t siniplcment demandé i 1:1 Cour
de constater quc. si l'omissionde la part de la Hnrcelo~inl'raction i propos
du i)remier :innïnii 4,: Is chaine fit 4tablie. eue est clCterniinantz et elle
su& àdéinontrer <lac Iaréglcde ~'é~uisciiienptréalnbledesrecoursiiiternes
n'a p:is CI; r<~sl~ccté cc I'espécc.
hion estiméiontradicteufa bien admis, pour sa part, que

i...dans un certain sens on peut qualifier le jugement déclaratif
de faillite de fait générateur,en ce sens u'aucune des décisions
ultérieures survenues dans le cadre de lalaiIlite, aucun des abus
que nous avons dénoncésdans la requêteet le mémoire comme en-
tachant lesdites décisions, neseraient concevables s'il n'y avait pas
eud'abordun jugement déclaratif de faillite II(voir ci-dessus, p. 647).

Mais il s'est empresséaussitat d'ajouter que N...la question est de voir
si chacune de ces décisionsdevait intervenir telle qu'elle est intervenue
avec les \ricesqui l'entachaient o (voir ci-dessus, p. 647).816 BARCELONA TRACTION

L'erreur qui entache ce raisonnement est triple.
En ce qui concerne d'abord le fait générateur,la Partie adverse oublie
entièrement que ce fait générateurn'est pas constitué en l'espècepar
n'importe quel jugement. Il s'agit, en l'espèce,d'un jugement déclaratif
de faillite nonattaqué en temps utile par les moyens appropriés. C'estun
fait générateuroui devient irréversibleà la suite d'uneomission de la nart
de celui qui avah titre pour l'attaquer, et dont on prétend assurer ici la
protection diplomatique.Cette omission, on le verra sous peu, ne pouvait
manouer d'exercer un rôle déterminant et nécessairesur fa nrocébureul-
térieure.
En deuxième lieu, la Partie adverse oublie que son prétendu grief
international est un grief d'ensemble. A l'occasion de la partie de sa
plaidoirie consacrée au non-épuisement du recours en revisioii, mon
estimécontradicteur nous a donnédes précisionsquant à la portée réelle
du grief du Gouvernement belge. Ila justement parlé àcet égardde grief
d'~ensembIeii, et il a ajouté-je cite:

R Le grief de dénide justice, à supposer qu'il fût recevable [dans
le proces interne, bien sûr], n'avait pas la moindre chance d'être
accueilli s'ilétaitformuléàl'égarddu jugement de faillite ou de l'une
auelconaue des décisionsultcricures nrises isolément:c'est seulement
1; r;pctifiuii des miriies syniptrjm& iiiil~iiEr;~ndan, IL,:rit dei
décisions(lui se surit sui\.ics (rgqS i 1<)6 er nifnic ultc'iii.iireiii~:nr
qui devra,-suivant le Gouvernement bdge, convaincre la Cour du
bien-fondéde l'accusation de dénide justice qui est à la base de la
requête...»(voir ci-dessus, p. 645).

Le grief d'ensemble, alessieurs, loin de laisser de côté le jugement
déclaratif de la faillite, prend ce jugement comme point de départ. Le
iueement déclaratif de la faillite. d'après la Partie adverse. n'est Das
Seulement, lui aussi, vicié, ilest Carrénient~~monstrueuxn.Donc, tÔute
la procédure de faillite, toute la chaine des événements, relevaitd'un
~rémier anneau «monstrueux ». oue la Barcelona Traction n'avait Das
bris la peine d'attaquer d'une fatoi valable. Et le grief, que le ~ouvc;ne-
ment belce prétend formuler.est un a~ef d'ensemble u qui vise toute la
~rocédurë. mais oui est en mêmetem~s fraoné DaA.la.néelieencede la
Êarcelona~ractikn à l'égardde ce qui Anstitue la racine mgme de la pro-
cédure. Au point de vue de l'application de la rè~leinternationale sur
I'énuisement des recours inter&. l'idéemêmedÜ uerief d'ensemble II
d&rait amener la Cour à reteni; que la Barcelona Traction avait la
possibilitéd'arracher la racine de la procédurede faillite et que la société
omis de s'en prévaloir.
Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, j'en viens finalement au
troisihe vice qui entache le raisonnement de la Partie adverse. La
Partie adverse oublie que toutela procédurede faillite qui s'est déroulée
avait acquis force de chose jugée.Or, un point est certain deàRcet é6ard:
si la Barcelona Traction avait dûment forméopposition dans la,huitaine
suivant le jugement déclaratifde la faillite, ce jugement n'aurait jamais
pu acquérirforcede chose jugée. C'estbien sur la base de la force de chose
jugéeacquise par l'acte de Reus du seul fait de l'échhancedes dblais sans
qu'il aitétéforméopposition par le faiili, que la procédure ultérieures'est
déroulée. La prétendue suspension des recours n'a pas empêché la poursuite de
la procédurede faillite, pour cette même raisonqu'il existait un jugement
assorti de la force dc chose jugée.Donc, si la 13arcelonaTraction avait
dûment formé son opposition, il n'y aurait pas eu de chose jugée et la
situation aurait ététout à fait différente.Et c'est bien là la raison pour
laquelle l'omission de la Barcelona Traction a, par elle-même,une valeiir
déterminante. Si la Barcelona Traction une fois déclaréeen faillite s'était
comportée comme un plaideur normal, comme un failli normal, elle
aurait dùse prévaloirdu moyen le plus spécifiquequi était à ce moment-
là à sa disposition. De l'aveu mêmede la Partie adverse, il n'a pas été
impossible à la Uarcelona Traction d'utiliser ce moyen. Elle a cru, nous
dit-on, pouvoir différer son intervention. Le défaut d'opposition de la
part de la Barcelona Traction ne résulte doncque de sa volontédélibiirée.
Dans ces conditions, on ne saurait vraiment admettre la Partie adverse
à invoquer des actions judiciaires entaméescontre certains anneaux de la
procédure defaillite, alors que le fait générateurde cette procédure,que
l'on prétend ail surplus lui aussi entaché des vices les plus grossiers, a
fait l'objet d'une omission délibéréd ee la part de laHarcelona Traction.
Nous estimons qu'une telle omission a un caractère défiiiitifpour toutes
les raisons que je viens de dégager.
Une telle conclusion se rattache au surplus au sens véritablede la regle
iiiternationale qui exige I'bpuisement préalable des recours internes. Un
revision, auraient pu arracher d'un seul couptrlabase du grief formuléenpar
le Gouvernenieiit belge. Si la non-utilisation d'un dc ces moyens est
établie, la regle de l'épuisementpréalable des recours internes, joue son
rBlede règlestricte, qui doit, en conséquence,s'appliquer. Ceprincipe est
énoncédans ses termes les plus clairs par la Commission européenne des
droitsde l'homme dans sa décisionprécitéedans l'affaire RetimagS.A. c.
la Répnbliqzrelédiraled'Allemagne;la Commissions'est expriméedans les
termes suivants:

«La règlede l'épuisementdesvoies de recours internes est stricte
et doit s'iiiterpréter en conséquence; ... il suffit donc, pour qu'un
requérant n'ait pas épuisé les voies de recours internes, qü'il ait omis
d'user sur un point déterminé d'une des voies de recours qui Ii!i
étaient ouvertes. à supposer qu'en soulevant cepoint devant lesluri-
dictions internes, ileût eu quelquechance de faire aboutir l'ensemble
de sa demande critiquant une seule et même mesure. 1, (Annuazre
de In Convention ezrropéenne des droits de l'homme, vol. IV, 1961,
P. 407.)
Vraiment, Messieurs.on ne srlurait imaginer un exemple plus typique
d'application dudit principe, que l'affaire dont la Cour est actuellement
saisie. Il est hors de doute que, soit en exerçant le recours ordinaire de
l'opposition, soit en formaiit le recours extraordinaire eii revision, la
Barcelona Traction aurait pu anéantir la décision déclarative de s2,
faillite. La Barcelona Traction a donc eu deux chances au moins, pas :nt
seule, de supprimer de la façon la plus radicale la base mêmedu gr!ef,
qu'elle prétend aujourd'hui porter sur le plan international par les soins
du Gourernement belge. Deux chances au moins, je le répète,là où une
seule aurait suffià atteindre le but essentiel.
Monsieur le Président. Messieurs de la Cour, en face de la nkgligence
de l'intéressé,la règle de I'6puisement des recours internes joue donc818 BARCELOSA TRACTIOS

son rôle de reale d'interprétation stricte. Le particulier pue l'on prétend
protbger a eu'ioi~tesaciiance de faire valoirjon grief de façon compléte
clans lecadre des procbdurc$ internes. Dans notre espècils'est absrenii
quent êiredéclaréedkfinitivement irrecevable.t belce-cloit Dar conse-
Je remercie encore une fois la Cour pour sa patience et pour sa bien-
veillante attention. RÉPLIQUE DE M. AG0
COSSEIL DU GOUVERSEMENT ESPAGNOL

[Audiencepz~blique du 6 mai 1964.après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, au cours de la première
plaidoirie consacréeà la troisième exception préliminaire, nous nous
sommes efforcésurtout de rktablir dans leur réalitéles données du
problème et de ramener quelque clartédans les débats.
Xotre effort a-t-il porté? C'eàtla Cour de l'appréciercar,à écouter
nos honorables contradicteurs~.nous avons eu souvent l'imoression
d'avoir parlé en vain.
Sans se soucier le moins du monde du risque d'aboutir à des contra-
dictions manifestes ou de nier l'évidence,la Partie adverse a persisté,
en premier lieu,à affirmer comme des véritésabsolues ses thèses inad-
missibles concernant la nature et la portéede la demande belge, dernière
édition,etA répétersa version actuelle de l'historique de cette demande.
Prétendant donc s'en tenir au terrain qu'ils ont choisà présent, dans
I'üiusion qu'il leur serait moins défavorablepour construire le prétendu
jus staizdide la Belgique, nos contradicteurs ont cm pouvoir avant tout
se débarrasser, par des raisonnements ingénieux,certes, mais très peu
percutants, des conséquences du fait que le pnncipnl .actiorinaire»
belge qui serait l'objet de la protection de sou gouvernement en l'espèce,
n'a nullement la qualité juridique d'ciactionnaurde la sociétépreten-
dument lésée.Cette opération réalisée, ilsont eu recours, une fois de
plus. à DroDosde la soi-disant ~rotection des actionnaires. aux mêmes
$roposit'ionS. qui vontà l'encontre des principes essentiels du droit
international en matière de condition des étrangers, de responsabilite
e! de protection diplomatique, aux mêmesinterprétations forcéesdes
resultats de l'analyse de la pratique, aux mêmesfaux rapprochements
entre des situations dépourvues du moindre rapport entre elles, aux
mêmesefforts pour utiliser à leurs propres fins des notions qui ne s'y
prêtentnullement et, finalement, aux mêmestentatives. vraiment naïves.
de renverser les r6ies quanà la charge de la preuve.
La Partie adverse ne s'est mêmepas inquiétéede devoirfaire violence
à,renoncer aux intentions qu'elle avait elle-meme manifestéesde demon-r
trer l'existence d'une règle coiitumière spécialequi, en dérogation aux-
dits principes, serait venuà l'aide de ses thèses. Cette preuve s'étant
révélée impossible, onn'a pas hésité,de l'autredtéde la barre, àpro-
clamer comme un postiilat l'existence d'une prétendue règle générale
établissant, en toute hypothèse, la légitimitéde la protection des action-
naires& la suite de préjudices causéà la société. Aprèsquoi, on a,m
pouvoir nous déclarer, tout simplement, qu'il nous appartiendrait i
nous de dbmontrer l'existence et I'applicabilité en l'espèce d'une !es-
triction icette règlà,savoir d'une autre regle particulière qui prolube-820 BARCELOSA TRACTIOS

rait exceptionnellement ce qui, autrement, serait tout à fait normal.
Puis(1uetelie est l'attitude de la Partie adverse, nous pensons surtout
devoir prier la Cour de bien vouloir se reporter à l'argumeiitation déjà
développéeau cours de notre précédenteplaidoirie. Si nous sommes
néaninoins forcésde réagir coiitre les assertions inadmissibles de la
I'artie adverse, si nous sommes parfois amenés à reprendre et à pour-
suivre notre tâche de clarification des données essentielles du problème
et des notions dont il faut tenir compte, nous nous efforcerons de le
faire, aussi brièvement que nous le pourrons. Nous nous efforcerons
d'éviter,autant que possible, les répétitions,conscients que nous sommes
de l'ennui que doit représenter pour la Cour l'énoncéréitéréd'idées
qui n'ont pas même, liélas, l'agrément de la nouveauté. Si, parfois,
nous n'y arrivions pas, iious nous en excusons d'avance auprès de la
Cour.
Le point de départ de toute cette affaire - on ne l'a que trop dit -
est re~résentéDar certaiiis actes. certains «ak5sissements»r.éelsou uré-
tendu;, d20rgarks de I'Etüt espagnol. Ces agi&ements -certaiiis &tes
administratifs et certaines dkisions iudiciaires, selon les précisions
apportées par AI.Devadder le 15 avril (p. 314. II) - auraient causé,
seloti l'accusation adresséeà l'Espagne, un préjudiceinternationalement
illiciteà une société commercialede nationalité canadienne. En effet.
le Gouvernement national de cette sociétéavait prétendu voir dans ces
actes, lorsqu'ils s'étaient produits, la violation d'obligations .inter-
natioiiales de I'Etat espagnol envers I'Etat canadien, un fait ilhcite
international consistant en un dénide justice et engendrant, à ce titre,
à la charge de l'Espagne,une responsabilitéinternationale et une obliga-
tion de réparation envers le Canada.
Le Goiivernement canadien aui. ,.~uis .011. d,te de la foiidatioii
(ILI:i~OCIG III<III.tim I':iv:i1I0j:ienfui~rA<IVSI lirotrction cuiiitaiit<:.
cst doiii: pruiliprcni<:iit iiiicr~~it a fait \.aluiib<i r;cldin;itioiis par
IIIIC:,ctivit> ~Ii~~loii~:.t~i~r~nicm~~1 i11tcii:. Ii~cr.-i~CL i)roIoi~~!~.t:.
Qu'il me soit permis dedire à ce propos que nou'scomprenons &al l'insis-
tance avec laquelle nos honorables contradicteurs s'efforcent de dissi-
muler à leurs propres yeux une réalitéaussi incontestable. Quelleutjlité
peut-il y avoir à dire (p. 575-576 ci-dessus) que l'action diplomatique
du Canada se serait dérouléependant un peu plus de trois ans (ce qui
d'ailleurs ne serait pas négligeable),alors que cette action s'étenddu
mois de mars 1948au mois de mars ~gjg? Et comment ose-t-on dire que
l'intervention du Canada n'a jamais eu pour but une protection efficace
des intérêtsdes actionnaires de la Barcelona Traction, ni mEntede la
sociifé comme telle alors que les interventions canadiennes ont été,
pendant plusieurs années, bien plus nombreuses et plus pressailtes que
celles du Gouvernement belge et que, pour laglupart, lcs notes belges
n'étaient que le double de celles que l'ambassa e britannique présentait
sirnultanément pour le compte du Canada? Comment concevoird'ailleurs
qu'un gouvernement puisse se donner tant de peine, pendant taiit d'an-
nées.sans avoir pour objectif une action efficace? II suffit de relire les
notes canadiennes pour se rendre compte de l'insistance avec laquelle
ce gouvernement soulignait que sa protection concernait non seulement
les sociétéscanadiennes touchées par la faillite, mais aussi les intérêts
qui y étaient groupés.
J'ai déjàdit, au cours de mon premier exposéoral, que le Gouverne-
ment espagnol a fait face à. cette action du gouvernement national de la soci;t6 ~IIco~it<.~~aiidte 1.1in:tni&rcliil>l~ii\ig~tirvi~icIci :t.ii.rti<iih
(lu t;cu\.erncmcnt c,tii..~li~~;rtiu sujct clesl>r;.tr.iiilii~.\i.iolûtions d'uLlig;,.
tioiii ~nt~rii:ition:.lcil:idCfciidiiIcj iu>tïi i,rLrozativcs dc >o uri...iiri
judiciaires; il a fourni les élémentslés plu; détzllés pour convzncre
le Gouvernement canadien de l'inconsistance. quant au fond, des griefs
au'il lui adressait: il a même ris des initiatives auxauelles il n'était
n'ullementtenii. po'urque certaiAesdes mesures qui lui étaientreprochées
se trouvent justifiéesde la manière la plus sûre et la ~lus incoritestable.
Nais le Goiveritement espagnol ii'a pas songéuii seul moment, pour
abréger le dialogue, à mettre en doute la qualité [lu Gouvernement
canadien à intervenir au titre <lela protection diplomatique de la société
aui se ~réteiidait léséeDar les actes ou omissions d'orzancs-de l'Etat
&pagn&l. II savait par<aitem<:iit que, la sociétéêtant canadienne, et
faute d'élémentspermettant (le contester le caractère effectif de cette
nationalité. il ne-pouvait pas nier qu'en droit international c'est au
Gouvernement canadien que revenait le titre à laprotection diplomatique
de la société.
JI ne 1':doricjaiii31~ P.it,mGnrelursq~ic, ,:I~I~CCIIII) I~~I, le (:.tnad:t
a.forniulL:sa propusitioii. r;it;rCe cil iqjz. <IV rrcr,iirir!il';irt~itr.tg<:;
t;iridis tqii'nu~<~ittrnil.a ti~iiii~:~li:ititi~8:oiir~itt:r:i\.cc In .Icrni;re
énergie,-la qualité du Gouveriiement belge lorsque, à la mêmeépoque,
celui-ci aussi a pensépouvoir parler d'arbitrage. II y a là la nieilleure
et la plus dbcisive des réponses à la question toute gratuite que
hf. Lauterpacht a cru pouvoir poser (voir II, p. 542) afin de savoir
si l'Espagne se serait abstenue de soulever une exception de non-receva-
bilité baséesur l'absence d'un lien effectif entre la Barcelona Traction
et le Canada, au cas où le Cariada aurait eu la possibilité de saisir la
Cour d'une requête dirigée contre l'Espagne.
Le professeiir Sauser-Hall, quant à lui, n'a certes pas poséde telles
questions. Toutefois (voir ci-dessus, p. 561) il a prétendu qu'en signalant
certains élémentsqui montrent l'intérêtnécessairedu Canada à l'égard
de la Barcelona Traction ct de ses filiales, également canadiennes -
élémentsqui, à mon avis, empêchent même l'Espagne,seule habilitée
à le faire, de nier le caractèreeffectif du lien de nationalité (lecessociétés
avec le Canada - je n'aurais insistéque sur la présenceau Canada du
National Trust représentant les intérêts desobligataires ct des créan-
ciers; je serais par contre passé, comme chat sur braise, tant sur la
participation actionnaire canadienne dans la société,que sur la pré-
sence du siège social à Toronto. S'il veut bien se donner la peine de
relire les pngcs 523 et 524 ci-dessus, il pourra constater qu'il se trompe
entièrement à cesujet. Et ilverra que, mêmeavant le fait du sifge social
à Toronto, j'ai mentionnéun autre fait, plus important pour la loi cana-
dienne et, en général,pour les lois d'origine anglo-saxonne et pour de
nombreuses autres: celui de l'enregistrement, de I'incorfioration.L'in-
cor~oralio~r ieprésente, beaucoup plus que le siège,le lien fondamental
d'une personne morale avec un pays donné,la raison de son allégeance
envers ce pays: c'est l'acte par lequel la personne morale, qui autrement
n'existerait pas, est crééesur la base de l'ordre juridique d'un Etat;
c'est l'acte par lequel un Etat fait qu'elle puisse naître et exister comme
une entité distincte, qui désormaisvivra jusqu'à sa mort en vertu des
lois du pays créateur et sous la tutelle de ces lois, et qui ne pourra cesser
d'exister qu'eii vertu d'autres actes accomplis eus aussi dans le cadre
du mêmesystème juridique. .822 BARCELONA TRACTIOS

ques autres éléments.Le Gouvernement belge et nos honorables contra-
dicteurs ont insistéà plusieurs reprises sur l'importance des adminis-
trateurs d'une sociétéet de la composition des organes qui en déter-
minent l'action, en nous laissant presque entendre que, danice domaine,
tout aurait étébelge. Mêmeles partisans de la soi-disant théorie du
wntrble attribuent à juste titre une importance décisive à ce facteur.
M. Sauser-Hall lui-mêmel'a fait, au moment oh, dans sa plaidoirie du
17 avril (voir ci-dessus, p. 573). il a voulu faire une prétendue application
de la théorie du contrale, non pas pour en tirer les conclusions que nor-
malement ses auteurs en tirent quant à la nationalité de la société
et à la protection diplomatique de lasociété,mais pour y appuyer d'une
manière toute personnelle et, disons-le, contradictoire avec l'essence
mémede la theorie. son idee du disregard pour la personnalité morale
et de la protection des actionnaires.
aL'intéréteffectif dans une société [nousa-t-il dit], pourra aussi
résulter de la composition du conseil d'administration, de la com-
positioii de la direction, lorsque, en majeure partie, il comprendra
des étrangers qui exerceront une influence décisivesur la société.a

Le professeur Koliii le dernier, dans sa plaidoirie du 21 avril (voir
ci-dessus, p. 621) a lui aussi insisté particulièrement sur l'importance
des iicerveaux~. II nous a dit aussi que la Uarcelona Traction et ses
filiales c'était bonnet blanc et blanc boiinet; que c'étaient les mêmes
hommes qui agissaient et qui avaient quelque chose en commun: la
cocarde belge. Or, hlessieurs, quelle était la composition des conseils
d'administration de la Harcelona Traction et de ses filiales canadiennes
au moment de la declaratiou defaillite? La Barcelona Traction avait eue-
mêmeun conseil de quinze membres. Quatre de ses membres étaient
canadiens, deux britanniques, deux américains, deux espagnols: les
diens; un seul, le président, était belge. En ce qui concerne i'Ebro, si-
mes informations sont exactes, les canadiens étaient sept. les espagnols
cinq, les belges avaient en tout deux vice-présidents et un conseiller.
Dans la Catalonian Laiid, tout était canadien.
Cette situation n'était-elle Das auelaue oeu insuffisante Dour oue
l'on p~iissc corisidcrcr coniiiiL.J;cisiic. I'irifl~ienccdcs adniiiii.rrntcurs
Lclgcj surItj 5o~iGtCcjt nC~li~~:iblcelle des adiiiinijtratcurs c.in:irlicnjl
Rous espéronsqu'étant donné cette situation, notre éminent contra-
dicteur, le professeur Sauser-Hall, ne voudra plus insister sur les insinua-
tions qu'il a cm pouvoir énoncer quant au prétendu manque d'intérêt
du Canada A propos de la Barcelona Traction et quant au fait qu'en
intervenant en faveur de cette société lesouciu Gouvernement canadien
n'aurait pas été desauvegarder les intérêtsde la Barcelona Traction
et ceux de I'Ebro. Le contenu des notes canadiennes donne, d'ailleurs,
un démenti tellement formel à de telles prétentions. qu'on ne voit pas
comment on a pu avoir l'idéede les avancer.

[Audience publiqlte du 7 mai1964, matin]

En ce qui concerne la protection diplomatique de la Barcelona Trac-
tion exercéepar le Canada, toutefois, il y a encore quelques aspects
qui méritent d'êtresoulignés: et je prie la Cour de me pardonner si je retiens ici son attention pendant quelques moments encore, afin de
pouvoir donner en mêmetemps, par ce que je dirai, une réponse à la
question qui a étéposée à ce propos par M. le juge Jessup.
Il a fallu au Gouvernement espagnol une longue et patiente action
diulomatiaue pour amener finalement le Gouvernement canadien à
c6nipmndie soi ioirit d~ viic et cesser de faire valoir des rbclainations
]uridiqiies dont /'~s~agi;e ni pouvait pu :«lmettre le fondemerit, pour
contrnir son action eii favcur <lela Uarci,loiia Traction danIcsliiiiites
d'un appui apporté à des arrangements privés. Et si l'on a obtenu ce
résultat, cen est pas à cause du défaut d'intérêtdu Gouvernement
canadien, intérêtréaffirméune foi'sde plus au cours de la visite faite par
l'ambassadeur du Canada au ministre espagnol des Affaires étrangères
en juillet Igj4, et, plus tard, dans la note du mêmeambassadeur du
21 mars 1955.
Quant au contenu de cette note, il est intéressant de l'examiner par
rapport à la suggestion faite par 3f. Dean dans son loiig télégramme
du 15 ICvricr 1%. reprrduit coinnie aiincsc 13 nu riouviau dicument
des obser\.ations et conclusionsbelges. sugg<-stiond'obtenir des :riitoritcs
canadicnncs i1ii'ellt.sje joipient aux autoritGs I~<dails uric dl'rnarche
commune. Il est évident, que, si cette suggestionde se joindre au Gou-
vernement belge en ce qui concerne la protection de la Barcelona Trac-
tion a été faiteau Gouvernement canadien, ce dernier ne l'a pas suivie.
il a tenu, au contraire, à agir d'une manihe complètement indépen-
dante et sans prendre en considération, dans sa démarche,ni une action
éventuelle des autorités belges, ni les liens éventuels de M. Dean avec
la Sidro, ou, mieux, avec la Sofina. Le Gouvernement canadien a tenu,
lui aussi, dans la note du 21 mars 1955 , souligner en particulier son
souci que, dans les arrangements visés, soient respectésles droits non
seulement du National Tmst, mais aussi et avant tout du receiver de
la Barc~ ~~a Tract~~~. nom~é var le tribunal de l'Ontario et aeis-ant
sous ion coiitr;,lc conime uii fL.iittionn:iiredc cc rribiin:il. recfivdr
<I;uiIrs in:iins <luilu~lsr rruiivaient réunistouj les pouvoirs de dirrctioii
et d'arliiiinistratioii de lx sociCtC.ainsi que la possesietnle contr6le
dc tous ses I1it:iis.Sli.Gouvernement ~inadicii jugcait une tellc pri'-
cautiori iic'ccjsairc.c'est que ~rnisemblabl~~riirilnourrissait des pr&-
occiil~dtions touchaiit I'intcntioii des groupes, des intércts dc,j<l~~:l~
XI.IJean s'occu~~;iit,de re.;pecter les druitj (lreceirzrde la societ&
canadienne qui dtait confiéé à ses soins, et des tiers dont sa présence
repQuelques mois plus tard, comme il ressort de la lettre du juillet

&rit àdnouveau au secrétaired'Etat canadien pour les Affairesétrangères,
H. Pearson, pour suggérerune démarche vigoureuse auprès du Gouver-
nement espagnol de la part de différents ambassadeurs. améncain,
canadien, belge. Il évoque aussi, quoique avec scepticisme. l'éventualité
d'obtenir l'accord de l'Espagne à un arbitrage sur la base du traité
hispano-canadien ou, éventuellement, du traité hispano-belge. Nous ne
connaissons Dasle texte de la révonseenvovéevar M.Pearson à M.Dean
le 12 juillet:mais dans la lettr;! postérieu;e dû 19juillet, produite par
le Gouvernement belge, on ne fait aucune mention d'actions éventuelles
de lauart du Gouverfiemeut belee ou américainet l'onseborne àrappeler
I'actiÔn que le Gouvernement Canadien a déjàexercée en vue d'&b?enir
les bons officesdu Gouvernement espagnol. On indique au surplus que824 BARCELOKA TRACTION
la conviztioii acqiiisc pnr IGi;ou\.~rncmc.iitcxnxlien 1:st(lu uii rCglenifnt
jntisf~is;iiit (lu diifCrend cuiixriinnt 1;iBnrce1uii;i l'rnctiun doit i.tri:
recherché dans des conversations privées entre les intéressés,et que le
Gouvernement canadien n'entend pas indiquer au Gouvernement
espagnol les mesures qu'il devrait prendre.
Quant à la forme dans laquelle se manifestait à ce moment l'intérêt
du Canada Dour l'avenir de la Barcelona Traction. on se deniande
vraiment à Queltitre le Gouvernement belge pense le minimiser
en remarquant, comme il le fait à la Pace xoqdes observations (I.,.~uA la
note canadienne du 21 mars 1955'«6e concernait que l'introduction
d'un intermédiaire envoyépar la Sidro auprès des autorités espagnoles
et faisait appel aux bons officesde ces dernières en vue d'arrivcr à un
arrane-ment satisfaisant ii.La liel<.a.e. au mêmemoment. ne faisait
prij autre stiose (lut~leiii.iiid~relle aussi, de soi1ci,t6. au Çouveriienient
c.j~ragnnI.de reçc\,oir.\I.1)caii et d';idopter iiiie attitude susceptible dc
fnvorijer des arraiigcriienrs prives Elle nc.fera riçii du tout, d':,ill~urj,
apr;k la lettrr du 21 m:tr; 19jj. jusqii'nu muinviit où. en rlécc.mbre ii)ii>.
Ir3groupes iiitCrcs,i.slui aiiront signal6 le~ntrouvaille )qiiaiit"1" ~>u;si.
bilitL'd'exnloitçr l'cntrc'dc 1'lisi):icnc«us Sstioiis Uiiies ooiir rci>rLiidrc
l'affaire et amener l'Espagne de;ait la Cour internationaie de ~;stice.
Il y a, à ce propos, à la page 561 ci-dessus, une phrase du professeur
Sauser-Hall qui est fort révélatrice,celle où il indique que le Canada
aurait finalement renoncé, en fait, h poursuivre son intervention,
«n'ayant avec l'Espagne aucun lien juridictionnel qui lui permettait de
lui im~oser une solution arbitrale ou judiciaire du différend n. Ce n'est
donc 1;:~sle Gou\~~.rneriieiitanadien, qiii, aux dires in;incs de no, .itl\.s.r-
;aires. riuii monienr doiint:.a crss; d'avoirdç I'iiitir2t pouI:iI<nrcclona
Traction: ce sont les~articuliers intéressésoui ont troüvk oue la Drotec-
tion canadienne, les avait si bien sekis pendant tant d'années,
n'était plus intéressante, parce que le Canada ne disposait pas d'un
traité avec l'Espagne pouvant se prêter aux spéculations qu'ils espé-
raient échafaudersur le traité hispano-belge de 1927, à la snite de l'entrée
de l'Espagne aux Nations Unies. C'est au moment de cet événement
que cessent les pressions des intéresséssur le Gou\,ernement canadien
pour qu'il intervienne encore en leur faveur, car, au contraire, ses titres
à la protection diplomatique de la Barcelona Traction sont devenus
gênantspour l'opération qu'onenvisage d'entreprendre. On a désormais
intérêt à ce que le Canada s'efface de la sche pour mieux établir la
position de la Belgique. Et, à cet égard.je voudrais rappeler encore un
fait à propos duquel nous ne connaissons paç directement la véritéet
que nous ne pouvons qu'assumer, toute réserve faite, dans la version
qui nous en est fournie par nos honorables contradicteurs (voir p. 561
ci-dessus), à savoir le fait que- ce sont les mots dont ils se servent:

n... le Canada n'a réagi en aucune façon lorsque la Belgique l'a
informéde son intention de Dorter l'affairede la Barcelona Traction
devant la Cour internationale de Justice, en lui communiquant le
texte desa premièrerequêtedu 15 septembre 1958 n.
En fait, le Canada semblait avoir fixé,désormais, son attitude à
l'égardde l'affaire de la Barcelona Traction à la suite, soit de l'étude
et de l'approbation des résultats de la commission internationale d'ex-
perts, soit des explications ultérieures abondamment fournies par le
Gouvernement espagnol au cours d'années de correspondance diploma- tique et d'entrevues verbales. Four sa part, il n'avait vraisemblablement
pas l'intention de revenir sur l'attitude adoptée d&s 1954 ,onsistant à
conteiiir désormais sonactioii en faveur de la Barcclona Traction dans
lesliiiiites d'un simple appui ides arrangements privés,et ce, à la condi-
tion qu'ils ne soient réalisésau détriment d'aucun de ceux qui avaient
des droits àfaire valoir.
En méme temDs. le Canada avait laissécom~rendre auels étaient ses
sentiments à prip'os de certaines avances dn'Gouveri;ement belge en
vue de s'insérer plusofficiellement dans l'affaire, au moment où il avait
opposéun refus-aux pressions faites par ce Gouvernement pour qu'un
13elgefiit inclus dans la commission internationale d'experts et, plus
tard, ail moment où ilavait déclinéla suggestion de s'associerau Gouver-
ciationsdelXI a.ean.ns d'une démarche commune en faveur des néeo- LZ
' Maintenant, si ce que l'on rious dit est vrai, à savoir que le Gouver-
nement canadien n'a même D:ISiucéoDDortunde maiiifester une réac-
tioii qii~.lcoiiqiielde3la cùriiiiiuiiication p;I:13clgiqucdc son irittii-
tion rl'iiitru~liiirc,rlle, uiic rcqucte de1.iCour ii pruyoi <leI;iIhrcc-
lona Traction. ie trouve aue.ce silence le inde diénitAmontre mieux
ue toute rcyui;ir qiicllc &;ait la \.Grital>ic16it~tioCL'gou\.enieriiciit.
3 ont I'inti.ri~<:iitioiaii.tGsoll~i:it~:~::ciitd'insistance liisqii'nlorj~r
qu'à présenton laissait de côté parcequ'on trouvait plus utile de mettre
en avant quelqu'un d'autre.
Monsieur le Président, Messieurs, en passant maintenant à l'action
exercéepar le Gouvernement belge, je me référerai aufait que M.l'agent
du Gouvernement belge. dans sa réponse du 3 avril dernier (p. 317,
II). a tenu à nier catégoriquement que la Belgique (contrairement
à l'impression que le Gouvern~:mentespagnol avait logiquement euelors
des premières démarches) ait jamais eu l'intention d'appuyer une
démarche canadienne qui, dit-il, iin'étaitmêmepas mentionnée dans la
note belge D.id. Devadder a tenu àaffirmer quel'intentionde son gouver-
nement était, dèsle début.d'accomplir un I acte caractériséde protection
diplomatique». Puisqu'il le dit, nous ne voulons pas engager une discus-
sion sur ce point, mais nous voudrions faire remarquer à notre honorable
contradicteur qu'il enlèvepar là aux démarchesbelges la seule justifica-
tion qu'elles auraient pti avoir.
hl. l'agent du Gouvernemerit belge a tenu à nous dire aussi que ce
de la Barcelona Traction, et qn'cn 1936déji, quelque chose de semblableos
Ctait arrivé.En effet, le document qu'il produit montre que, le17 septem-
bre 1936, le consul généralde Belgique à Barcelone avait écritau prési-
dent du conseil de la Généralitéde Catalogne pour protester contre la
destitution et le remplacement, par les syndicats des travailleurs, du
personnel de direction et du personnel technique dela Barcelona Traction;
et, pour justifier sa lettre, le consul généralalléguait les intérêts quela
Sidro avait alors dans la Barcelona Traction.
A cette époque,toutefois, le Gouvernement belge ne pensait justement
pas intervenir d'une maniere indépendante et sans tenir compte des
droits de 1'Etat national de la société.Au contraire, il indiquait qu'il se
joignait à l'intervention des gouvernements de S.M.britannique auprès
du ministre d'Etat à Madrid. Et, chose également digne de mention,
le président di1conseilde laGénéralité de Catalogne répondait justement
au consul généralde Belgique qu'il était déjà en rapport, au sujet de826 BARCELONA TRACTION

l'affaire mentionnée dans la lettre, avec le consul généralde Grande-
Bretagne. Par auoi l'auteur de la ré~onse.aui vraisemblablement n'était
pas un technich du droit internahonal; pourtant bien su faire com-
prendre à son interlocuteur que le Gouvernement belge n'avait pas de
titre autonome à intervenir en la matière. La démarcheresta donc sans
effets.
Par contre, les interventions de l'ambassadeur britannique à Madrid
Dourle comDtedu Canada et celledu consulat gé.,rad le Grande-Bretagne
a ~arcelone'fureritâ l'ordre du jour pendant toute cette prériodeet <dut
I'ainl>ajjiidcbritaririique qui ;issista 1'Ebro pour la remise en possessiriii
de ses biens etIL-iblo~iuaee de ses corniltes bancaires 3.la fin de InEuerre
civile. Monéminentco6tradicteur. le prÔfesseurSauser-Hali, est done mal
informélorsqu'il prétend (ci-dessus,p. 561) qu'il n'y aurait eu, de la part
du Canada, avant lelitige actuel,que de simples appuisamicaux pour des
questions de tarifs ou d'autorisations de devises. Et il se trompe plus
encore lorsqu'il voudrait présenter l'action belge de 1936comme la seule
(ivéritable interventioniidiplomatique faite à une occasion où les droits
des actionnaires de la Barcelona Traction étaient menacés de façon
particulièrement grave.
On hkite quclque peu à en croire ses yeiix, d'autrc part, lorsquc,
à la pgc. 31%Il, on lit qu'au moment où le Gouvernement belge trou-
vait nl)rcféral>c de tlaisser l'initiative aii Çouv,:rneniencanadien o
aux fins de la constitution d'une commission internationale d'esuerts. le
rnCnieGoii\,ernemrnt belge ii'aurait up:<sSong6iin instant, en a;loptarit
cette prochdure, iresonn:iitre au Canada un droit prcfërentiel quelconqiie
à exercer In protectioii tliploniatique dans çettc aifar.e
Extraordinnircs auzrtiurii' l'oiit d'abord, lsinitiati\~ede la cre:itioii de
la coniiiiiision interriatioiialc d'~.spnrc:t; prise p:ir l'Espagne et non
pas par d'autres. En deuxième lieu, les gouCernements quipouvaient
prendre une teile initiative étaient soit celui de l'Espagne, soit celui du
Canada, et le Gouvernement belge n'avait rien à prendre et n'avait rien
à laisser. nià l'un nià l'autre. En troisième lieu. en ce qui concerne la
protectiori diplomatiqu~. le Gou\.crnement r:in:iilicn n';i~:;it pas lin droit
pri/irrnltel en la matii?re: il éleseidâ avoir un druit. etil1';ivnitinrlC-
uendamment de toute macieuse reconnaissance de la art de la Bel~aue.
kt l'on 3\'II OUCprécis~mentAcette occasion, leGoii;ernemerir caiÏadien
a bien su se faire compreiidre lorsque lei pressions belges se sont f:iitr's
trop insistantes.
Nais, pour ne pas abuser de la patience de la Cour par des coiisidéra-
tions trop longues sur ces points, je me bornerai A dire que l'agent du
Gouvernement belge, et à sa suite leprofesseurSauser-Hall, sont vraiment
mal fondés à vouloir accréditer aujourd'hui l'idéeque le Gouvernement
espagnol aurait eu le tort d'engager le dialogue avec le Gouvernement
belge et derester plus de trois anssans contester lejz~sstandidu Gouverne-
ment belge dans i'affaire de la Barcelona Traction. L'opposition du
Gouvernement espagnol a étéétablie immédiatement, dèsqu'il a pu se
rendre compte que, contre toute vraisemblance, le Gouvernement belge
rét tendaitvraiment avoir un irisstandi lui.
Le Gouvernement espagnol a rbagi de la manièrela plus nette dèsqu'il
a constaté que la Belgique avait sérieusement l'intention d'intervenir
pour son compieejqu'elle avait l'intention d'invoquer les viola-
tions du droitinternational qu'elleprétendait voir dans lea agissements »
espagnols, comme s'il s'était agi de violations d'obligations internatio- nnlcs de 1Ejyrignc cilvers 1:iRclgiquc; de prçrendre, eii conséquence.
a\.oir ellc-nieriicJe; droit3 5 iairc \.dIuirsjrl;iinternational à prollos
dii traitemeiit fait cn Espagnehuiie suciCtécanadiennc. S'ily a eu jamais
une attitude ferme. clairé et constante. c'est celle du Gouvernement
espagnol a cet egarJ; et personne ne le sait mieiix que le (;ou\.ernemtnt
belge qui. au inornerit m;lmt:où ilallait déposer sa requêtenuprésde la
CoÜr, iznait i rassurer le Goii\.erneiiient &pagnol qii'il aurait pu faire
esaiiiiiier et trancher par In Cour la question csseiitieUe dii dékiiit de
qii:ilitL:du Gou\~cniciii~~itel-c. a\ .iiit toiitu discussion sur le fond de
]?affaire.
Je ne crois pas avoir à ajouter d'autres commentaires à ce sujet.
Monsieur le Président, Messieurs, après ces quelques considérations en
réponse aux allégations de la Partie adverse touchant la protection
diplomatique exercéepar le Canada en faveur de la Barcelona Traction
et l'attitude adoptée par le Gouvernement espagnol face cette protec-
tion et face aux prétentions du Gouvernement belge d'intervenir dans
l'affaire, je me propose maintenait de répliquersuccessivement aux diffé-
rentes thèsesquiont étéavancéesdu cbtébelge sur les points fondamen-
taux en discussion entre les Parties.
Jc prendrai donc en considération les arguments développéspar nos
honorables contradicteurs, touchant en premier lieu la question du sens
et de la portée véritablesde la demande belge actuelle: en deuxitme lieu
la possibilitéde considérerune certaine personne morale de nationalité
belge comme uactionnairea de la Barcelona Traction; et, en troisième
lieu, l'admissibilité en droit internationald'une protection diplomatique
d'actionnaires à la suite d'un préjudice causépar un Etat à une société
.....O-'-'
1-:IIce qiii cuncernc la premiéreqiicstioii, je rcp6tcr:ii :ivïiit toirt qii'elle
cst trei clniir: et qii'cllc coiisiàtsavoir si 1'01doit coilîidcrerOU non
coinrneadmijsiblc la iioiivtlle \,crjiorisouteiiiie par la l'artie demandercssc:
la version qui voudrait maintenant présentercommeobjet desaprotection
non plus la société commercialecanadienne Barcelona Traction et ses
filiales également canadiennes. mais la sociétébelge Sidro et quelques
autres ressortissants belaes au'on dit être actionnaires de la Barcelona
Traction. Les développe&ent'sque j'ai eu l'occasion de consacrer à cette
question au cours de mon intervention du 23 mars (voir II, pIgq 204).
avaient pour but de déniontrer:
I) que la prétention de présenter cette nouvelle version était elle-même
inadmissible, compte tenu de Ladéfinitionde l'affaire donnéepaf la
première instance introduite à son égardet, bien avant cette première
instance, par la correspondance diplomatique qui l'a précédée;
2) que de toute manière la nouvelle version qu'on voudrait présenter
n'est pas véridique,la demande belge ayant conservé,même aulour-
d'hui, le sens et la portée d'une demande foiidéesur la protection de
la société BarcelonaTraction en tant que telle.

A propos de ces questions, nous avons dS constater, dans les réponses
de nos différentscontradicteurs, lesdivergences devues lesplusmarquées.
Le point de vue le plusextrêmea étécelui de M.Lauterpacht au début
desa plaidoirie du 15 avril (voirII, p. 506). Pour lui, la présente action
est juridiquement tout à fait distincte de la précédenteet aucune ré-
férence à la procédure instaurée en 1358 et ayant fait I'ob'et du désis-
tement en 1961 ne saurait altérer le caractère de l'action dont ii s'agit828 BARCELOXA TRACTION

auiourd'hui. riLa présente affaire)) donc, selon les dires de M. Lauter-
pacht, ciconcerne ia protection de ressortissants belges» et prétendre
autre chose ce serait combattre des moulins à vent. Il s'agit là d'une
position -n'en déplaise à mon savant ami - quelque peu facile. 11ne
suffit pas de donner à ses affirmations un ton apodictique pour qu'elles
deviennent vraies; et il ne suffit pas non plus de se trouver du cbtéopposé
an pays de Cervantes pour pouvoir affirmer que ses contradicteurs com-
battent des moulins à vent, surtout quand il s'agit d'une question qui
donne des sueurs froides à ses propres confrères.
A l'extrêmeopposése situe le professeur \'an Ryn qui, de son côté,
voit à d'autres effets tout le danger de dire que nous nous trouverions
aujourd'hui devant une nouvelle affaire, distincte de la précédente.Il
s'empresse donc de précisertout de suite et derépéter àmaintes reprises
qu'il s'agit toujours de la même affaireet que la nouvelle requête,noii
seulement est relativeà la mêmeaffaire, mais aussi aux mêmesfaits que
la première. Il croit nécessairededire même,sansse soucier de la contfa-
diction avec l'admission en sens contraire quiavait éteouvertement faite
à la page 104des observations (1), que le Gouvernement belge n'a nulle-
ment profitédu désistement ,pour introduire une nouvelle requêteplus
solidementprésentéeau point devue juridique u.Cesdifférentesailégations
figurent notamment aux pages 423 et 424. II.
Le professeur Sauser-Hall, finalement, s'est engagédans une troisième
voie plus complexe: je me réfèreaux considérations qui figurent aux
pages 546 à 557 ci-dessus. Evidemment conscient de la grave contradic-
tion dans laquelle se débat le Gouvernement belge, il a cru pouvoir la
réduire et finalement la résoudre en attribuant simplement son origine
à une oterminologie impropre 11qui se serait glisséedans certaines notes
belges et sans doute aussi dans les conclusions de la première requête.
Maintenant, dans sa deuxième requête,le Gouvernement belge aurait
pourvu à corriger ces erreurs.à supprimer certaines conclusions, à en
amender, compléter, voire réformer complètement certaines autres
-hl. \'an Ryn a dû frémir.Et à présent,tout serait devenu clair comme
l'eau de roche: les conclusions actuelles seraient fondées exclusivement
sur la protection d'actionnaires belges, et la protection de la société com-
me telle n'entrerait plus d'aucune manièredaiis les intentionsde la Partie
demanderesse. Mais, mieux encore, la barté, la lumere acquise grâce à
ces opérations heureuses se refléterait rétrospectivement sur toute
I'liistoire du différend;de sorte qu'il n'y aurait et qu'il n'y aurait jamais
eu, tout au long de ce dernier, qu'une question relative à la qualité du
Gouvernement belge pour protéger des ressortissants belges. 1.eDr Pang-
loss aurait tiré de ce raisonnement les conclusions les plus reconfortaiites.
Je ne veux pas abuser devotretemps, Xlonsieurle Président, Messieurs,
en vous imposant une nièmelecture des notes diplomatiques. Je me réfk-
rerai donc au contenu bien connu de ces notes et je relèverai qu'il nous
amène à faire, et cela d'une manière Tue noits croyons irréfrllable,les
constatations suivantes.
I.Le Gouvernement belge - je l'ai affirmédans inon premier exposé
oral et je tiensà le réaffirmeraujourd'hui - invoque dès ses premières
notes la prétendue présence d'intérêtsbelges prépondérants dans la
Barcelona Traction. mais il le fait afin de iustifier Dar ce motif ses iuter-
ventions en faveur de la sociétéprétendunient lésée.Jamais il ne pyse
uréciserque ses interventions auraient en vue la protection diplomatique
d'actionn'aires de la société. 2. Le Gouvernement espagnol réagit nettement en contestant à la
Belgique la qualité pour intervenir en l'affaire, dès qu'il doit constater
que le Gouvernement belge entend finalement agir sur le plan des préten-
tions juridiques et non pas seulement au titre d'une manifestation
coilatéraledestinée à marquer sa sollicitude pour l'intérêq tue portent ses
ressortissants au sort d'une sociétéqui, sur le plan du droit,est protégée
par son propre Etat national. Et le Gouvernement espagnol jndique de
la manière la plus claire au Gouvernement belge que le droit qu'il lui
contesteest celui de protégersur leplan international la société Barcelona
Traction; que cequ'il ne peut pas admettre c'est quela Belgique tire pré-
teste des soi-disant intérêtsbelges pour se substituer au Canada pour la
protection de cette société, comme sielle était de nationalité belge.
3. A la suite de cette contestation de sa part, le Gouvernement espa-
gnol est placédevant une simple réitérationdes prétentions belges et de-
vant un projet de compromis en vue du recours à la Cour, dans lequel la
Belgique allegue le fait que le capitalde la 13arcelonaTractionappartien-
drait eii majorité àdes ressortissants belges comme motif devant justifier
sa demande tendant à faire valoir la prétendue responsabilitéinternatio-
nale de l'Espagne pour le traitement fait à la Barcelona Tractioii et àses
filiales.

4. Le Gouvernement espagnol répètealors, et d'une manière encore
plus claire, quele Gouvernement belge n'a pas le droit de se substituer,
pour la protection diplomatique de la Barcelona Traction, au Gouverne-
ment du pays dont relève la sociétéprétendument lésée.Il lui signale
- notre honorable contradicteur a loi-mémecité certains passages per-
tinentsde la note du 30septembre 1957,qui figurent à la page 550ci-dessus
- il lui signale que:
xlc désirde couvrir la Barcelona Traction avec le statut national
de quelques associés belges, à l'effet d'nssurer la protection inter-
iiationale de cette société,constitue [Messieurs, j'attire là-dessus
votre attention] le $oint crucialqui prime toute autre appréciation II.

Il appelle l'attention du Gouvernement belge sur le fait que le transfert
d'uii vavs à l'autre de la ~rotection internationale de la Barcelona
~ract<oii est impossible, toit comme il est impossible de changer la
nationalité de cette société,et comme il est impossible d'aller che~her
dans le droit conventionnel liarit l'Espagne à la Belgique, pour l'appliquer
au cas de la Barcelona Traction, un prétendu lien juridictionnel qu'on ne
peut pas trouver dans le droit conventionnel liant l'Espagne au Canada.
5. C'est faceà cette prise de position claire, nette, répétée, irrévocable
du C.ouvernernent espagnol, c'est face i l'objection selon laquelle le
Gouvernemerit belge nn'aurait pas encore apportéla preuve de son habi-
litation àassumer la protection de la Barcelona Traction »,que le Gouver-
nement belge donne finalemerit sa réponse bien connue. 11<souligne à
nouveau 11au moment où il annonce l'introduction de sa requête, qu'ila
(I?s s:prenv6re note du -7 ninrj 19-{S.jiistifi; joii iiitcr\~entiuii en
i3!.~11rd'une jocitit; Je Jroir cni1:ldic.np:ir d.5 iridic;~tionsd2taill;,e.i
qiiaiit iII'iml~<>rtan ccs iiit6rets bclgesengag& dans Indite sociEtC 1,.

lliniisieur le I>r<:iideiii,~lc;si~iirs,iiiçileniaiidc ionimcnt on pciij
:i\.oir cii I'idio de nicr I'C\.ideiice(le faits aiissi cltiiri, ;iiii.:iii>Si.
int:unrsitnlilcs. ct <I':,\.tli<<.rI'hisroiI:ipr2tcn(liic:irripr;~cisionde ter-830 BARCELONA TRACTION
minologie à propos d'une note qui répondait d'une manière tellement
préciseet sans équivoque à des contestations non moins préciseset sans
équivoque!
Si les intentions d'alors du Gouvernement belge avaient étételles que
M.Devadder et le professeur Sauser-Hall voudraient nous le faire croire
aujourd'hui, le Gouvernement belge aurait certes pu, il aurait mêmedù.
veiller immédiatement à dissiper l'équivoque.Face Ala position si claire-
ment prise par le Gouvernement espagnol, il aurait dù répondre à ce
gouvernement qu'il se trompait, que les intentions belges étaient d'inter-
venir au titre de la protection diplomatique d'actionnaires belges de la
Barcelona Traction, et que rien n'étaitplus loin desesintentionsque i'idée
de vouloir protégercette sociétéen tant que teiie. Au contraire, il répond
enmettant noir sur blanc qu'il secroit autorisé. en raison de l'importance
des intérêtsbel$= dans la société,à protégerla société elle-mêmA e.yant
fait une telle declaration, et l'ayant faiàetitre de réponsefinaleà une
prise de position aussi ferme et aussi claire que celle du ministère des
Affairesétrangères d'Espagne, le Gouvernement belge est forclos àvenir
maintenant chercher àaccréditer des versions qui font tout siinplement
violence aux faits.
De fait, le Gouvernement belge est dans l'impossibilité de nier que
son intention étaitde protéger lasociétBarcelona Traction, soit lorsqu'il
formulait pour la première fois ses réclamations sur un plan juridique
dans ses notes au Gouvernement espagnol, soit lorsqu'il soumettait son
projet de compromis en vue du recours à la Cour, soit lorsqu'il précisait
définitivement sa position à la veille de l'introduction de sa requête
unilatérale du 15 septembre 1958,soit lorsqu'il rédigeait les conclusions
de cette requêteet celles du mémoirequi suivait. Ces conclusions, elles
aussi trop connues pour que j'ose les relire devant vous, auraient-elles
étéexplicables si l'intention du Gouvernement belge avait été deprendre
elle-même?use pour quelqu'un d'autre que la société BarcelonaTraction
La réalitéest que, jusqu'au moment de la réintroduction de l'affaire
après le désistement, le Gouvernement belge a manifestement cru pou-
voir baser ses réclamations en faveur de la Barcelona Traction sur une
application de la soi-disant théorie du contrôle. Ses affirmations réitérées
à propos de la présence d'importants intérêtsbelges dans la société
avaient précisément pourbut de créer l'impressionque la sociétéétait
sous contrôle belge et d'ouvrir par là une voie au dessein du Gouverne-
ment belge de se substituerau Gouvernement national de la sociétédans
la protection diplomatique et judiciaire de cette dernière.
C'est lorsque la Partie demanderesse a pu voir les objections soulevées
à ce propos par le Gouvernement espagnol dans ses exceptions prélimi-
naires de1960qu'elies'estrenducompte que sespositions ne tenaient pas,
que le critère du contrôle n'avait reçu aucune consécrationen droit inter-
national général,et, au surplus, était en contradiction flagrante avec les
critères suivis en droit belge en matière de nationalité et de protection
diplomatique des sociétés.Le Gouvernement belge conçut alors l'idée
d'essayer de sortir des eaux peu sûres de la théorie du contrôle comme
critère pour la protection de sociétéset de se diriger vers celles, consi-
dérées,à tort d'ailleurs, plus tranquilles, de la protection d'actioiiiiaires.
On décidadonc de renier le critère du contrôle, eilfaut donner acteà la
Partie demanderesse que la décisionen question fut adoptéeouvertement,
quitte toutefois d'ailleurà.faire appelà nouveau et largemeiit àla doc- trine ainsi reniéeau cas où elle se révéleraitde nouveau utile par la suite
à d'autres effets. On lira. en effet. aux vaEes 176-177des observations (1)
la remarque suivante avec laquelle nôusnous trouvons essentiellemèni
d'accord:

<<Dansl'état actuel du droit international. cette ~rotection de
la sociétéest impossible par I'Etat dont la sociétén'âpas le statut
national; le droit international ne reconnaît pas à cet Etat la com-
~étenced'intervenir en faveur de la société commetelle. la théorie
Lu coritrùle, dont Ir rble Jans I'C\~olutiiu droit des gens iiioderiit:
a déji ;té esposédans le mcnioirl: belge et daiii les presentcs ohscr-
\ratiuns. n'étaiit g&nc'rnlement1x1scomprise commc impliilu:ir~t
l'attribution dc In ri;itionalitéde l'Et:~t contrôlanrà la socikté et
ii'n\'antq~i'(.~~~~tio~~neIlemtn r:ttrctt-iiii<.coinme base du rlruit dc

L'occasion pour réaliser le changement de position envisagé, on la
trouva dans le désistement. Lors de l'introduction de la nouvelle requkte,
on opéra dans les conclusions belges les corrections, les amodifications
considérables ». dont a parle le professeur Sauser-HaU (voir ci-dessus,
P. 551 a 553).
Notre éminentcontradicteur a dit que .ces modifications ont eu le don
défendeurn'a faitque réagir très calmement et très fer6ement contreent
une manŒuvre aussi inadmissible, alors que, pour la couvrir, on croyait
bon, par-dessus le marché,de l'accuser d'avoir mal compris et déformé,
lui. le sens des réclamations belees antérieures. C'est vlutôt dans la voix
du'cher maître et ami qui parlas que nous avons entendu des accents de
colère au moment où il aurait dû contester le bien-fondéde notre argu-
mentation à ce suiet. Nous n'avons DU nous emvêcher. à ce momënt,
il nous pardonnerade le lui dire,de peiser à 1'hist;ire de ce grand avocat
plein d'expérience qui, instruisant son ieune disciple, lui disait: .Si tu
;ais avoir paison.varie osém men :si tu acdes doutes ~arle vlus fort: si tu
sais avoir tort,él&ve la'voix et frappe du poing.i,~t i'occaiionà laquelle
je me réfère n'estpas la seule où le professeur Sauser-HaU ait élevla voix
au cours de sa savante plaidoirie. -
Nous ne nions pas du tout que la Partie demanderesse soit maîtresse
de décideren faveur de qui elle veut intervenir. Mais nous maintenons
qu'une fois qu'elle a pris une telle décisionet une fois qu'elle est aUée
jusqu'à présenter une requête à la Cour sur la base de cette,décision, elle
doit s'y tenir. Ce que nous contestons, c'est qu'elle puisse dire interventr
pour quelqu'uii au commencement d'une affaire et, pendant que cette
affaire continue, dire que, réflexion faite, elle préfèreintervenir pour
quelqu'un d'autre.
La Partie demanderesse et ses conseils, à une exception près, se sont
em~~e!sésd'assurer, soit dans les écritures, soit dans les exceptions
pr iminaires, que l'affaire actuellement pendante devant la Cour est
la mêmequecelle qui avait étéintroduite par la requêtede 1958. Kous
voulons bien les suivre, car nous ne voudrions mémepas suggérer l'idee
que le Gouvernement belge ait pu abuser de la procédure - et pas
seulement la procédure - au point d'essayer de faire passer pour la
simple réintroduction d'une affaire précédentece qui serait en réalité
l'introduction d'une affaire nouvelle et différente. Tout d'abord cela832 BARCELOSA TRACTIOS
représenterait une tentative absolument illicite de se soustraire à l'obli-
cation de remplir les conditions établies Dar le droit international soit
général.soit ioii\.entioiinel, pour qu'un; affaire puisse former l'objet
d'un recours judiciaire. Mais, à part cela, il est uri fait que, dans sa note
di1g octobre 1961.le Gouvernement belge s'est référé à l'affaire relative
à la BarcelonaTraction, Light and Power Company, Ltd., objet de sa
requêtedu 15 septembre 1958, et a manifesté son intention «de porter
à nociveaul'afaireii devant la Cour internationale de Justice. Et il est
un fait ou'en exécution de cette intention le~ ~~iv~riiement belee a
introduit 'auprès dc la Cour une <inouvelle requête: 1962 n relative à
l'affaire de la Barcclona Traction. Mêmes'il le voulait, il lui serait donc
strictement interdit de rét tendreauiourd'hui ou'il s'a-it d'une affaire
différente.~\'e~.>pztest &aire cotztrfkdzrm p7op;itztn.
Mais si l'affaire qui forme l'objet de deux requêtessuccessives est
la même affaire.des conséquences bien certaines s'imposent. Il est
impossible que les sujets pour lesquels I'Etat requérant prend fait et
cause dans les deus requêtessoient différents. Le demandeur est cer-
tainement autorisé à modifier et à perfectionner. eii cours d'instance,
certaines de ses coiiclusions. Il est autoriséà ce faire, soit qu'il veuille
comprendre daiis les conclusions les submission es ~motifsii sur les-
quelsla Partie entend se fonder et souhaite voir la Coirrfonder sa décision,
soit qu'oiivcuille y comprendreseulement ce qu'il est demandé à la Cour
de dire et juger, c'est-à-dire les conclusions proprement dites, selon
la distinction finement établie par le président Basdevant dans ses
oQuelques mots sur les rconclusions II eii procédure internationale n,
Scritti ifz otiore di Tomaso I'erassi, volume 1, hlilan. 1957, p. 178-179.
Alais changer cil cours d'instance les personnes pour la protection des-
quelles le recours a étéprésenté,ce n'est pas changer ses conclusions:
c'est passer d'une affaire à une autre affaire, d'un différend à un autre
différend,ce qui n'est certes pas consenti.
Dans le cas d'esphce, on l'a montré de la manière la plus irréfutable,
il a toujours étéquestion, soit dans la correspondance diplomatique,
soit dans la requête de1958et dans toutela premièrephase de la procé-
dure devant la Cour, d'une affaire concernant un difitirend relatif à
la Barcelona Traction et à la protection de la Barcelona Traction. Ce
qu'oii a roiilu imputer à l'Espagne comme un fait illicite iiiternational,
c'est lerkjudice prétendument causé à cette société;ce qu'ona demandé,
c'est qu'or1cffacc ou qu'on indemnise un tel préjudice; ce qu'on a discuté
de la maniére la ulus acharnée et certainement sans é~iiivooire.c'est
le titre de la ~clgiqueà prendre fait et cause pour la sociéiéeri buestion.
On ne peut donc pas admettre qu'il en soit autrement dans la deuxième
requête, quelles que soient les-«corrections i,qu'ori a voulu apporter
dans les conclusions, et quels que soient les buts qu'on s'est proposé
d'atteindre par ces soi-disant n correctionsn. Corrections ou pas cor-
rectioiis, l'affaire ne peut qu'êtrerestée celle qu'elle a toujours été:
le sujet qu'il s'agit de protégerne peut être.aujourd'hui comme hier, que
la société coinmerciale BarcelonaTraction.
Alonsieur le Président, Messieurs, au cours de mon exposéoral précé-
dent, je pense avoir montré d'autre part, que nieme sans tenir compte
de l'ideiitité nécessaire de l'affaire considéréedans les deux requêtes
successives, la demande belge actuelle, envisagée eii elle-mème dans
soi1propre contenu. a le sens et la portée d'uiie demande avancéeau
titre de la protectioii diplomatique de la Barcelona Traction. On peut fort bien affubler un chat d'une crinière, on n'en fait pas
Dour autant un lion. Les corrections au'on a a~~ortéesaux conclusions
n'ont pas eu et ne pouvaient ainsi pas avoir pour effet de changer i'es-

sence mêmede la demande. Pour réaliserun chansement aussi radical,
il aurait fallu bien plus que ces petits camouflages, bien plus que le
sacrifice d'une concliision alternative, il aurait fallu substituer à la
vieifle demande, une demande entièrement différente, car ce dont peut
se plaindre et ce que peut demander un actionnaire est entièrement
différent de cc dont peut se plaindre et de ce que peut demander la
société,du moins tant que ceiie-ci n'a pas étéliquidéeet que les action-
naires ne lui ont pas succédédans ses droits.
On aura remarqué que notre éminent contradicteur s'est empressé
de passer à uii autre sujet au moment où il se serait agi de répondre
aux arguments que nous avions développéspour montrer le sens et la
portée véritablesde la demande belge, tels qu'ils ressortent du contenu
mêmedes coiiclusioiis du Gouvernement belge. Le sol doit lui être
ap am bien brûlant.
gr, quels sont les arguments que nous avions produits pour moiitrer
que la demande belge actuelle est une demande qui ne peut êtreavancee
que par un Etat intervenant pour la protection de la I3arcelona Trac-
tion et ayant, iiaturellement, titre pour cefaire? J'essaierai de lesrésumer
d'une manière svnthétique afin surtout de confirmer leur validité tout
en apportant, la où la-nécessité s'en manifeste, quelques développe-
ments supplémentaires par rapport à ceux qui figurent déjà aux pages
199 à 204, II. Les argumentssont les ~ui\~imts.
Primo, les actesadminislratijs et judiciaires d'organes de 1'Etat espa-
gnol, qui sont à l'origine de la présente affaire,sont des actes accomplis
à l'égardde la sociétéBarcelona Traction et de ses filiales. Aucun acte,
aucune décision,aucune mesure n'a étéprise à l'égard de la Sidro ou
d'autres prétendus actionnaires belges de la Uarcelona Traction.

Secundo, au cas où les actes en question constitueraient un déni de
jzcstice,ce que le Gouvernement espagnol conteste de la manière la plus
ferme, ce prétendu dkni de justice aurait étéper Ltrécontre la Barce!ona
Traction et ses filiales et contre nul autre. 8e~simples répercussiqns
éventiielles,qued'autres personnes auraient pu ressentir à la suite desdits
actes, ne peuvent certes pas êtrereprésentées,en elles-mêmes,coinme,un
déni de justice, ni comme une violation quelconque d'une obligation
internationale envers 1'Etat national des personnes ayant ressenti les-
dites répercussions.
Tertio, les droits que les actes en question auraient prétendument
lésésne peuvent êtreque ceux de la sociétéBarceIona Traction et de
ses filiales.I est simplement impossible, et nous l'avons montréen détail.
que ces actes aieiit porté une atteinte directe à l'un quelconque des
idroits i,propres d'un actionnaire, soit belge, soit autre. Je remartlue
d'ailleurs que. dans la plaidoirie de mon éminent contradicteur, l'idée.
auparavani avancéedais les observations, d'une ~atteintc directe 1,aux
Cdroits > ,es actionnaires par l'action imputée aux autorités espagnoles
a complètement disparu

i l In rip8fratfurr<(ut-1.i I'lrtic rc.qu2rantc poursilit dcliis 5cï
cuiiciulionj cst ri.]ir~~sc.nic'tr le ritüblijscment oii l'iii~i~~iiiiiijatdcl
.iitiiatioiis oii de droitqui sont iiidisciirnl>leiiienrcles situntioii.i oii cles
droits propres de la soci;été et non pas de certains de ses actionnaires.834 BARCELOSA TR.4CTIOS

Ce point, d'importance essentielle, mérite qu'on y consacre quelques
considérations supplémentaires.
En premier lieu, la restitutio iit irztegrumde l'entrepràsréaliserau
moyen d'une annulation par voie administrative du jugement de faillite
et des actes judiciaires ou autres qui en ont découlé,constitue une
prétention que l'on ne peut avancer que pour le compte de la société
en tant que telle, et non pas pour le compte d'actionnaires. Un argument
comme celui qui figure à la page 555 ci-dessus selon lequel rrles action-
naires, en toute preniière ligne, ont droàtce que leur situation d'action-
naires soit rétablie autant que possible telle qu'elle l'était avant que les
actes illicites aient étécommisn, ne peut, je m'excuse de le dire, être
considéré commeun argument sérieux. La «situation d'actionnairen
des actionnaires belges de la Uarcelona Traction,à supposer qu'ils exis-
Gouvernement espagnolt pàsl'égardde la société.ctes accomplis par le

En deuxièmelieu, la suppression de la demande alternatived'indemni-
sation complète du préjudice subi par la société,qui figurait parmi les
conclusions de la première requete, ne représente que la suppression
d'un maillon dans l'enchaînement logique des conclusions belges. Car
on ne voit pas pourquoi un Etat, qui secroit autorisé demander rien de
moins que l'annulation des actes qui ont frappéune société,ne devrait
pas se croire égalementautoriséàdemander, à titre alternatif, i'iiidemni-
sation totale du préjudiceprétendument causé à la sociétépar les actes
en question.
En troisièmelieu, la réductiondu 12% sur cette prétention ne change
en rien la nature et la raison d'êtrede l'indemnisation elle-même, ne
transforme pas son caractère de celui d'une réparation du préjudice
prétendument subi par la société à celui de la réparation d'un préjudice
prétendument subi par les actionnaires en tant que tels. Une chose est
une portion grande ou petite d'un préjudice subi par un sujet; autre
chose est un préjudice subi par un sujet différent. L'actuelle demande
belge d'indemnisation à 88% reste exactement ce que notre savant
ctionncontestableinde la théorie du contrôle.OO%, àsavoir une applica-
La Partie demanderesse reconnaît aujourd'hui l'inapplicabilité de la
théorie du contrôle et manifeste ses préférences our la soi-disant
théorie de la protectiondes actionnaires. Mais les $eux théories,entre
lesquelles elle voudrait entretenir une utile confusion, réponden- ne
lui en déplaise- à des ordres d'idéesentièrement différents. Dans le
cadre de la «protection des actionilairea le sujet pour lequel on prend
fait et cause est l'actionnaire, non pas la société;par conséquent, le
préjudice qu'on fait valoir et dont on poursuit la réparation est celui
qui aurait étéinfligé à l'actionnaire et non pas celui qu'aurait subi
la société.
En quatrièmelieu, le firijudice dont peut se plaindre l'actionnaire ne
peut s'identifier nin tout ni en partie avec le préjudice subi par la
société.carla situation et les droits res~ectifs dela sociétéet de l'action-
naire sont nettement distincts. Je sui; d'accord avec l'affirmation faite
par le professeur Sauser-Hall au cours de son exposéfort intéressant de
ia théorie des personnes morales (voir ci-dessu;, p. 562 et sujv.), que
l'êtrecollectif n'absorbe jamais complètement les personnes qui le com-
posent. Je pense seulement, me séparant peut-être de lui sur ce point, que le processus d'absorption est beaucoup plus poussédans une société
de Dersonnesaue dans une sociétéanonvme. Ce aui me semble. Dar c.n.
tre: Ctrci:iin;ûquc caraci6risti<luc dc ~Rsocictéinonsniv, ia raijon pour
Iaqiielle celle-ci 11vutCtre coiisiJ;r;ç coiiiriic Ic point d'aboutisscmcnt
d'ün processus di développement, c'est la séparation nette entre l'entité
collective d'un côté, et l'individu actionnaire de l'autre. L'actionnaire
n'engage dans la sociéténi sa personnalité, ni sa responsabilité, ni ses
biens et leur sort. mais seulement une fraction de son ca~ital. II a un
tel soin de limiter sa participation qu'il la couvre par l'anoiynat.
On aura l'occasionde revenir par la suitesur ce point. Qu'ilme suffise
de dire ici que, dans la sociétkanonyme en paÎticuliS, la personne
morale et l'actionnaire ne se confondent nullement, ni en droit ni en
fait, que chacun vit sa propre vie entièrement distincte, que les droits
de la sociétésont nettement différenciésdes droits de l'actionnaire.
que la sociétéet l'actionnaire peuvent faire valoir en cas de violation
de leurs droits respectifs.

En cittqz<ièinleieu, il eàtnoter à ce propos que pas un seul système
de droit au monde ne confère a l'actionnaire un droit ou une prétention
quelconque sur le patrimoine de la sociétéou sur une paÏtie, même
minime et proportionnelle, de ce patrimoine.
Le juge \Vendeil Holmes, dans sa décision Klein v. Board of Taz
Supervisors of Jefferson Couiity, reproduite au volume 75, page 143du
Supre?neCozrrtReporter,s'est exprimé, à ce sujet, de la manièresuivante:
.The cornoration is a Derson.and its ownershi~ is anon-conductw
tlial fnakes>t impossible20 aitrjbtrte an iliterest ii its property to ils
members. The stockholders in some circumstances can cal1on the
corporations to account, but that is a very diffnenl thing /rom
Iiauing aizintnest in the property by means of which the corporation
is enahled to settle the account.i,

ce droit. Ce n'est qu'après la dissolution de la sociétéque l'actionnaire
succède à la sociétéqui n'a plus un droit sur cette partie du patrimoine
social qui représente sa quote-part du résidu d'actif, s'il y en a: Si
partant, iiiEtat réclame,sur le plan international, une indemnisation
qui représente unepartie du patrimoine de la société,mêmeproportion-
nelle à la participation que ses ressortissants prétendent avoir dans le
capital-action, et même épuréd ee la dette sociale, l'Etat en question
réclame quelque chose sur quoi la société seulea un droit et à propos
de quoi la société seulepeut avoir subi un préjudice.
II est donc indéniable que I'Etat réclaniant ne peut agir qu'au titre
de la protection diplomatique de la sociétéet à condition d'avoir droit
pour ce faire.

EII siv~dnrzIreir, le faidc deniander. en qualit; d'Etat nntioiial de
pour la leur distrihiicr. unï partic du p;itrimoine 1:isoci6téne reprbsen-ibiier.
tcr:<itriçii demoins ~UL. I:pr6tcntion de faire rénlist:rsur leylnn interna-
tioiial et a\.ec In co1l:iboration de la Courla dissolution de la sociétb.
Or. cette dissolution ne ~eut avoir lieu oue dans le cadre et en au~lica-
tion des règles du çystè'mejuridique interne qui a donné naissâhce à
la sociétéet dont dépend la possibilité de sa continuation comme de836 BARCELOSA TRACTION
son extinction. La décision relative à la dissolution de la Barcelona
Traction est du ressort exclusif des organes préposéspar les tribunaux
il'administration de la société.
Si les soi-disant actionnaires belges devaient recevoirà la suite d'une
décisionde la Cour, ce qu'ils prétendent être la partie du patrimoine de
la sociétéqui devrait finalement leur revenir lors de la dissolution, les
droits et les prérogativesde l'Etat canadien et de sesorganes, sans comp-
ter ceux des tiers, s'en trouveraient violésd'une manière flagrante. 011
voit à quelles absurdités peut mener l'idéede vouloir faire valoir, par
I'Etat national des actionnaires. des réclamations qui peuvent unique-
ment êtreavancéesau titre de la protection de la sociétéet par I'Etat
ayant qualitépour le faire.
Je veux espérer qu'à propos des différentes considtrations que je
viens d'énoncer, on ne viendra pas me dire que je fais appel à des
Icoiistmctions plus ou moins techniques et artificielles du droit iriterne~,
à des technical considerationsof nzunicipal lav to obscurethe essential
idenlity of the interest which cal1for protection, selon les expressions
dans lesquelles semblent se complaire mon éminent coiitradicteur et
son jeune collègue(voir II,p. 530 et suiv. et p. 590).
Les principes qui osent la distinctiori entre les droits dc la société
techniaues utni des Rfictions iuridioue3):ce sont les ~rinci~es essentiels
qui rr'&sseiitIivie coriiiiicrc;alede'toiij les p;'%i. eus: ilII'!.;tiirnit
pas dr. possibilir? que des jociCt6s se formçnt et agissciir coniiiic rcllcs
dans la \.ie socialr. liieii siir. ce sont dcs i>riiirii)csd~.druit iiitrriie. ~iinis
ce n'est que dans le droit interne que les <ociét&privéeset les sociétaires
existent en tant que sujets de droit. Je souscris entièrement. pour ma
part, à la vieille maxime de la Cour selon laquelle le droit interne est un
fait aux yeux du droit internatioiial. Mais c'est un fait aiiquel lc droit
interiiational est bien tenu de se référeret qu'il doit respecter.

[Audience pzcbliqueilu 7 nzai1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs, l'espère vous avoir fourni, par, les
considkrations que vous avez eu la bontéd'écouter,la preiise do bien-
fondé de la these du Gouvernement espagnol lorsqu'il maintient que.
contrairement aux dénégations presque assionnéesde la Partie reque-
rante, le sens et la portée de la deman 2e belge, meme dans sa version
1962, sont ceux d'une demande fondée sur la protection de la société
canadienne Barcelona Tractiori elle-mêmeet de ses filiales également
canadiennes, et non pas de ses prétendus actionnaires belges.
Je n'ajouterai à ce que je viens de dire à ce propos qii'~inecitation.
Ce sera celle d'un passage de la plaidoirie du professeur Kolin du 21
avril, figurantà la page 624 ci-dessus:
(La seule chose que je demande à la Cour de bien vouloir recon-
naître [a-t-il dit], c'est que le grief que le Gouvernement belge
articule est le méme,exactementle méme,que celui que firent valoir
les sociétésauxiliaires devant le juge de Reus et ultkrieurement
devant la cour d'appel de Barcelone. »

Je rends hommage à cette manifestation d'honnêtefranchise. alais
quelle confirmation plus siire devrais-je demander du fondement de la RÉPLIQUE DE M. AGO 837

tliéseque je vous ai exposée? Sile Gouvernement belge peut maintenir
aujourd'hui que le grief qu'il fait valoir devant la Cour internationale
dc Justice est celui de l'Ebro, est le mêmeque celui que l'Ebro faisait
valoir, comment peut-il d'autre part - le Goilvernement belge - venir
nullement prendre fait et cause pour des sociétéscanadiennes? n'entend
Monsieur le Président, Messieurs, le sens et la portée de la réclama-
tion avancée par le Gouvernement belge oiit toujours étéet restent
nécessairement le sens et la portée d'une réclamation avancée au titre
de la protection diplomatique et judiciaire de la société Rarcelona
Traction et de ses filiales. Comme ces sociétésont la nationalité cana-
dienne et n'ont pas la nationalité belge, il en découleque la réclamation
en question est irreccvablc pour défaut de qualité du Gouvernemcnt
bel&.
Monsieur le Président, Messieurs, je quitte maintenant l'examen du
premier des points fondamentaux qui sont en cliscussiointreles Parties
et aui concernent le sens et la ~ortéevéritables de la demande bekc.
et jépasse à l'examen du second: Je crois pouvoir le libeller comme sGt:
Au cas où l'on devrait admettre que, contrairement à ce que le Gou-
\.ernement es~aenol maintient. la demande belge actuelle devrait s'en-
tendre commêprenant fait et cause, non pas p&r la sociétécanadienne
Uarcelona Traction, mais pour des ressortissants belges («actionnairesu
de cette société.~ourraitlon considérer comme reniolie la condition
essentielle que les*ressortissants en question aient &dé, aux dates
critiques, la qualitéjuridique d'«actionnairesde la 8arcelona Traction,
et pourrait-oÏi considérer-conime acquise la preuve que le demaiideur
devrait fournir à cct égard?
Au cours de ma précédente intervention, j'avais consacré quelques
développements à cette question (voir II, p223 à 228),mais je n'avais
pas cru nécessairede m'y étendrelongtemps, étant donnéque le Goiiver-
neinent espagnol avait déjàlonguement traité cepoint dans sesécritures.
Toutefois. II. Lauter~acht. qui a~~réciela concision. a consacré à ce
mêmepoint, le 15 rivr'il,des d&~elÔ~~ementspresque cinq fois plus loiigs
(voir II,p. 506 à 525~. ce qui montre qu'évidemment il y attache une
très rraiideim~ortnncc. "e-ine vois donc obli-.d'v revenir à nouveau
poui--luir~~ondre.
Avant de commencer, je voudrais toutefois prier mon savant anii
de vouloir prendre acte une fois pour toutes d'une chose. S'il nous
arrive, au coiirs de nos exposés,de ne pas touclier, ou de toucher trEs
brièvemeiit à l'une ouà l'autre des innombrables allégationsde la Partie
requérante, cela ne signifie nuliement que l'on puisse voir dans ce,fait
ni un acquiescement à un point de vue développépar nos adversaires,
suffisamment établie pour ii'avoir pasoàsla renforcer par d'autres argu-
ments. Cela ne légitime surtout pas que l'on prétende faire usage de
110ssilences ou de la briheté de nos réponses comme d'un substitut
vraiiiient trop commode pour une preuve que le demandeur aurait dû
fouri~iret qu'il n'a pas fournie.
L'un des points auxquels je n'avais pas cru nécessairede m'arrcter
loiigtemps, car je considérais plus que suffisants et convaincants les
arguments développésdans les. Ccritures du Gouvernement espagnol.
était la question des actions au porteur de la Rarcelona Traction dont
on aurait dù prouver l'appartenance à des ressortissants belges aux538 BARCELONA TRACTIOS

deux dates critiaues de la déclaration de faillite et de l'introduction
de l'in~t~anze..\'As persistons à coniidL'rcrcc point cominc.secondaire
par rapport à celui des actions nominatives, qui ïjt plus important et
se dace sur un terrain ~lus ferme. liais nuisauc 11.1.aiitemacht a voulu
m'iperonner en formuimt des sztbmissi&s, je me vois fo;cé de mettre
certains points sur les i.
Il y avait en circulation, 12 février1948,718 408 actions au porteur
de la Barcelona Traction. De ces actions, la Partie requérante prétend
que 349 905auraient appartenu à la Sidro. Afaisl'uniquedocument qu'elle
peut produire à l'appui est une lettre adresséeà la Sidro par une firme.
certes honorable, dexperts-comptables, mais qui ne fait que relater à
ce propos des données fournies par la comptabilité de la Sidro elle-
même;des données qu'un tribunal interne considérerait comme ayant
une valeur probante contre le commerçant lui-même, maiscertes pas
comme opposables àdes tiers.
En mêmetemps, la Partie requérante a affirmé(p. g du mémoire, 1)
que les différentes sources d'informations auxquelles elle se réfère.
doivent êtreconsidérées commese complétant et se confirinant l'une
l'autre. -.. M. Lautemacht a beau dire oue le certificat de l'Institut
hélgo-luxembourgeois Ju clian~c du 19 fcvrier 1gj9 n'a ét; produit par
la I3elgi(luc(lue pour prouv~.rla propriét; d'actiorii ail porteur mvcnxnt
:i desactioniiaires belces autres uuc la Sidri~.Lc f~irrcsic uiic ce dueu-
ment n'indique qu'ui chiffre gfobal de 244886 actions 'au porteur
comme représentant la totalité de celles dont l'organe officiel pouvait
attester qu'elles appartenaient à des ressortissants belges à l'epoque;
et sur ce chiffre, on nous dit que seulement 54 actions appartenaient à
la Sidro. Je sais bien que la Partie requérante, dans ses écritures, fait de
véritables acrobaties pour trouver des explications destinées à détmire
la portée négative de ce document en ce qui concerne les prétentions
de la Sidro.
Mais. abstraction faite du caractère tr&s difficile à conlurendre de
ces explications, il n'empêcheque, même sil'on devait accêpterde ne
pas tenir compte du certificat en question comme preuve négative par
autant, transformer ledit certificat enurune preuve positive, en cette
preuve officielle qui aurait dû confirmer les données fournies par la

comptabilité de la Sidro et non pas les contredire. En ce qui concerne la
la preuve de la propriétébelge de 24886donc coactions au porteur de la
Barcelona Traction. au~artenant à des actionnaires autres que la Sidro.
lious ne pouvons par contre que coiisid;rcr coiiliilcl~nsliffisI;I[)re!~\.c
fo~iriliCII ce qui conceriie Ics aetioiis au poriiiir iloiit 1.1~>roprieré
:i 1;rnhc date est rt<v~.ndiqiié~ ~ar II Si<lro.et ce la SCUI~ Cs'iC>l>tlOn
de 54 d'entre elles. A A
Voyons maintenant la situation au moment de l'introduction de
l'instance.A cette date il v aurait eu en circulation 726 544 actions
au porteur de la ~arcelona Traction; et le demandeur-affiÏme que la
Sidro eu aurait possédé 31 228. Cependant,une fois de plus, la prétendue
preuve n'est constituéeque par une autre lettre des experts-comptables
basée, commetoujours, sur les donnéesfourniespar la comptabilité de
la Sidro elle-mî.me.
Mais c'est à propos des prétendus actionnaires belges autres que la
Sidro que la témérité dela Partie demanderesse est à son coinble. Ce REPLIQUE DE hi. AG0 S39

qu'elle aiiègue comme toute preuve d'une prétendue estimation de
zoo ooo actions qui seraient la propriétéde Belges, ce sont desIconsidé-
rationsn faites par elle-même! Onlit non sans intérêtles spéculations
contenues dans l'annexe 14 au mémoire belge; ces spéculations sont
fondéessur des attestations selon lesqueiies, dans les pays autres que la
Belgique où sont cotéesles actions Barcelona Traction, les transactions
intéressant les actions au porteur en général seraientrares; et I'on veut
tirer de ces attestations la conclusion que la majorité des actions Barce-
lona Traction au porteur devrait donc se trouver en Belgique, ce qui est
entièrement gratuit et ne signifierait d'ailleurs nullement qu'elles
seraient la propriété deBelges.
Face à cette situatiori, BI. Lauterpacht ne trouve rien de mieux à
faire que de repérerla preuve de la . .oriétébeig- de toutes ces actions
da113Ic 1311que rious ii'niirioII;IS SC~ICUSC~CIIconteati:Icinll6g;itioii.:
du deiii;irideiàce suict. CLii't:stpas qiie nous nIc:ay;ons pas sériciise-
ment contestées: à vrai dire nous ne lei avons pas prises trésau sérieux.
puissent êtreprises au sérieux, entant que preuves sur lesquellesun Etat
devrait pouvoir fonder rien moins qu'une réclamation internationale à
présenterà la Cour.
Par rapport à ladate del'introduction de son instance, la Partie requé-
rante a, partant, totalement manqué la preuve de la propriétébelge
des actions au porteur de la Barcelona Traction, dont le Gouvernement
belge prétend qu'elles appartiennent à des actionnaires autres que
la Sidro.
Comme, d'autre part, en ce qui concerne les actions en question, la
preuve qu'elles se trouvent en des mains belges devrait êtrefaite à la
fois la datedu 12 février1948et à celle du 19juin 1962,il s'ensuit que la
Bel~..ue n'est finalement nas du tout en mesure de fonder des réclama-
rions sirr 1'c.visrencede pr<'trrirliiiacrionn?lori autres quela Siilfi,.
ji<Lii'est pouICSqu~l<liirsiictions ~ioininati\,ciiiisc:IInom d'nctioii-
n;iircbclcci d:iiislesrrfistrcsilcIn 13:~rieloii:iTrxtioii.
En ce Gi concerne lapropriété de la Sidro sur des actions au porteur
de la Barcelona Traction, le problème ne.se pose au total que pour31 228
actions dont, une fois de plus, la propriété n'est pas prouvée d'une
manière suffisante et qui, de toute manière, ne sauraient entrer en ligne
de compte aux fins ici considéréesparce qu'elles ont étéachetées, pour
la plupart, à une date postérieure au 12 février1948.
Reste par contre le problème desautres actions Barcelona Traction qui.
selon le demandeur, auraient étédes actions au porteur appartenant à la
Sidro en rad8 et aui en 1062 auraient ététransformées en nominatives
et inscrite<& nom de man and Co. A l'égard deces actions, on a
vu qu'en raison déiàde l'insuffisancede la preuve fournie, il étaitinterdit
de urendre en considkration leur orétenduë aooartenance à la Sidro au
12 février1948, et ce fait serait siffisaàtluiyeul pour qu'il n'y ait pas
lieu d'en tenir compte.
Mais mêmesi I'on voulait êtrepeu exigeants et si I'on voulait faire
crédit aux allégations du demandeur qui nous assure que ces actions
seraient celles-là mêmes quisont alléesplus tard augmenter le nombre
d'actions inscrites au nom de Xewman and Co..ilresterait encore àrésou-
due 14 juin 1q62 \I;iis :iloCP l~robl;rncSCrconfondrait;avc:icclui(liisec
pose ?I I'Lig:1des nutrîs actioiia noiiiinati\.es inscrites i celte date :ui840 BARCELOSA TRACTION
même nom.Et celui-là n'est pas un problème de comptabilité, c'est un
problémede droit.
La question juridique qui se pose à propos des actions nominatives de
la Barcelona Traction, question que j'ai traitée déjàdans mon précédent
exposéoral, est, en premier lieu, celle de savoir qui doit êtreconsidéré
comme iil'actionnaire Iau sens spécifiquedece terme dans un cas particu-
lier: le cas où les actions sont inscritûs au nom d'une personne qui. en
vertu d'un contrat passéavec une autre, est devenue le izominee di cette

derniere. Le problème est aussi et surtout de savoir quelles peuvent être
les conséquencesde l'existence de ce ra..ort i,ridiqü.. .ur ie plan d'une
Cve~ituclleprotectiuii diploniatiquï ilticI>ILIm~iendu, nous ii'riivi~~igeons
iciqu'ii titre p~ireiiientI~!~potl~<ti<lt~e.
1.a tlic\seque je in'ét;iispermis d'eiposçr :L laCour ;IIIiii]~rd<:cc PJC:
iiiicr puint est que In personne qiii ,-,,~iscritcsur IL.tgi,trc (lela iix-ii.tc
1)eiitseiilc Ctrc coiisldérfiecotnm~.(actionn~ire ,:IIselisprq)rc du ttrnw
Sur le d~usiéiiici)oinr. nia tl,i.s<:;:tait (iuele lail d'iiiscrir,:des titrt.5 sur le
registre de la soc;étéau nom d'un nomi;tee apour conséquencede ne laisser
à celui qui procèdede la sorte que la seule beneficialownershipet de trans-
férer au nominee la legal ownership. 11s'ensuit que le titulaire de la
beiteficialownershipséparéede ce fait du legaltitle perd le droit d'invoquer
la qnalitéd'actionnaire et perd, par conséquent,le droit d'êtrelui-même
protégésur le plan international, en tant qu'actionnaire.
A propos du premier point, mon ami Lauterpaclit a bien voulu recon-
naître qu'il y avait du vrai dans ceque j'ai dit. Il a toutefois prétendu que
je n'avais racontél'histoire qu'à demi et que j'aurais négligéde signaler
la moitié la plus importante. Pour le prouver, il a fait un exposéfort
intéressant du système juridique en vigueur dans 1'Etat de New York ou
dans la Province de l'Ontario, en décrivant la place respective des Rules
of Law et des Rules of Equity. Xon sans générositéi,l s'est déclaréprêt à
l'indulgence envers ses collèguesétrangersqui, en butte à des difficultés,
risquent de se perdre dans les méandresdesparticularitésde ComntonLaw
et de 1'Eqaity. II s'est toutefois montré moins disposéau pardon envers
qui, tel celui qui a l'honneur de vous parler, serait coupable de n'avoir
pas cherché à fonder son information, en ces matieres délicates,sur les in-
dications, seloii lui débordantes de clarté et de précision,résultant des
consultatioiis doniiéespar des avocats-conseils américainsou canadiens.
Je trouve que iiion savant ami a tort de ni'adresser pareil reproche.
Je n'ai certes pas négligé de lire la lettre deM.Mockridge,que le Gouver-
nement belge a produite à.l'annexe 12 aux observntio~iset co~iclusions,
volume II, page zr4. Il l'a fait sous la forme d'une traduction française,
s'inspirant sans doute ainsi de l'intention généreusede faciliter aux
pauvres juristes étrangers la compréhensiondu système anglo-saxon. A
vrai dire, j'ai étéfort satisfait de constater que $1. blockridge, loin de
jeter sur la question que j'avais abordée une lumière différentede celle
qui sereflétait dans mes remarques, les confirme au contraire pleinement.
J'ai lu, en elïet, danscettelettre, que le fait de placer des actions au nom
d'un nomineeii'entraîne aucun changement de la «propriétébénéficiaire »,
ce qui signifie, logiquement, que ce fait entraîne i~nchangement du point
de vue de la legal ownership.J'y ai lu kgalement que le noniineedevient
« l'actioniiaire enregistré»,terme que je suppose êtrelatraduction deregis-
tered holder.
Toutefois, désireux de parfaire mes connaissances en puisant à des
sources plus généralement connues et peut-être plus autorisées, j'ai RÉPLIQUE DE ar. AGO 541

aussi consulté des ouvrages tels que, par exemple, les Principles of
!ModernCompany Law, publiéspar Gower à Londres en 1954 . 'auteur
y décrit le systenie juridique britannique qui est aussi en vigueur dans
cette ville de Toronto où la Barcelona Traction a son siègeet où se trouve
le registre de ses actionnaires. J'ai lu,à la page 389, que l'on ne devient
iia member or a shareholder >id'une comPuny (membre ou actionnaire
d'une société) que lorsquel'on a fait enregistrer le transfert desactions
en soli propre nom, lorsque «the transfer is registered in« Moreover in,
a'oute l'éminentauteur britannique, iit is a policy of our Company Law
tAat the Company shall not be concerneù with the beneficial ownership,
but shall be bound or entitled to recognize the person whose name is on
the register..n
En faisant cette citation, je n'entends certes pas - et je n'ai jamais
entendu - déprécierla position du beneficialowner dans ses rapports
avec le legalowner,ni nier lesobligations qui incombent au second envers
le premier, ni affirmer que le legul owncr serait le «propri&taire» des
actioris, au sens propre et au sens plein du terme. J'ai seulement dit, et je
maintiens, que la qualitéjuridique id'actionnaire 1,revient au legalozvner
et non pas aii beneficialowner.Quant à la propriété,je reconnais volontiers
qu'el!e se trouve divisée, dans les conceptions propres aux systèmes
juridiques envisagés,entre les deux sujets. Mais ce que précisémentil im-
porte de voir, ce sont les conséquences de cette division au moinent
critique, c'est-à-dire au moment ou peut se poser un problème de protec-
tion diplomatique.
Ne trouvant Dasdans la iurijnrudence internationale - et ce. à notre
avis, pour de tks bonnes ;aiso;s - des précédentsoii il soit <luestion
d'une qualité à l'exercice de la protection diplomatique soit en faveur
d'actionnaires inscrits sur les reektres et oui soient dei nominees.soit en
faveur des l>ei~e,+ciaolmers co~responda~ts, Lauterpacht étendu
ses reclierches à d'autres affaires, tranchées, pour la plupart, par des
organes de droit interne. Il prétend que l'on se trouverait, dniis ces
affaires, en présencede situationspouvant êtrerapprochéesde celle d'un
nominee. Toutefois, le fait qu'il puisse y avoir, dans certains de ces cas,
des legal owners et des beneficinlowners ne permet nullement d'établir
des analogies trop faciles entre des situations radicalement différentes. Il
est intéressant de vérifierau moins certains des cas envisagés, pour voir
de quoi il s'agissait en vérité. , .
Voyonsl'affaire BinderHaas à laquelle notre contradicteur attache iiiie
importance toute particulière car, nous dit-il, c'est le seul cas où ils'agisse
d'actions eiireeistrées au nom d'un nominee. II traite cette affaire aux
pages 515-516y11.La ~nited~tates ~nternatgnal Claims Commission,
qui a tranché cette affaire, était une commission américaine instituée
Dour examiner les réclamation^ rése entéeD sar des ressortissants améri-
cains, entre lesquels elle devait répartir =une somme globale femise
par la Yougoslavie à titre d'indemnité forfaitairepour la nationalisation
de biens ai..rtenant à des ressortissants américains. Remarauons que
la coi~iiiiisii~ii8;t;iiriiilli.iii~iiteii prkensc dc caiieprorcct'ionJil;lq-
matirllic tt qtit:, coiitrnircn~cnthccqot:peiisr.11 l.aiiterpnq:lit. elle :ippli-
<1u311 13 loi Interne 1111. ii';~i.à.rfaire r6féreiice:IIdroit intcrrinrioiial
qu'en, tant que cette loi elle-mémese référait aiix clauses du traité
américano-yougoslave.
Au surplus, la commission n'était pasen présenced'une réclamation
présentéepar M. Binder dans la situation qui eût étéla sienne si, tout84~ BARCELOXA TRACTION

en étant un nominee, il avait été malgrétout l'eactionnaire iiinscrit au
registre d'actions nominatives: M. Binder ne se trouvait pas non plus
dans la situation qui eût étéla sienne s'il avait eu, à d'autres titres, le
legal title sur les actions en question. M. Binder n'apparaissait qu'en
qualité d'ostensible mner de certaines actions au porteur dont les real
owners, ainsi qu'il ressortait du document produit comme preuve de la
propriété, étaient quatre autres personnes, dont l'une de nationalité
étrangère. Partant, la commission dénia expressément à M. Binder la
qualit4 de juridical lrustee qu'il voulait se voir reconnaître.
La commission considéra donc la réclamation comme présentéeau
nom des vrais propriétaires et elle rejeta la réclamation qui concernait
celui des propriétaires d'actions qui était de nationalité étrangère.
L'existence du rapport juridique qui aurait entraîne la division de la
propriétéet qui aurait attribué le legal titlà X. Binder ne fut donc pas
admise en l'espèceet c'est uourquoi la commission conclut aile 51. Binder
ne pouvait pis présenter ie clatm en son propre nom, on 1;s own behalf.
(Voir International Law Re@orts,vol. zo, p. 238.)Il est doncévident que,
si cette décisionpeut prouver quelque chose, c'est exactement le contriire
de ce que M. Lauterpacht voudrait pouvoir en tirer.
D'autres affaires citéespar M. Lauterpacht concernent des situations
beaucoup plus éloignéee sncore de l'hypothèseoù il s'agit d'un actionnaire
officiellement inscrit au reeistre des actions nominatives d'une sociétéet
lié à d'autres personnes ;ar un contrat interne de nominee. Il s'agit
généralementde cas intéressant la situation d'exécuteurstestamentaires
considérés commeles trustees des héritiers.Dans ces cas. le ran..rt entre
le trusleect12belleficialowircrn'a aucun caractère d'anonymat, Q l'inverse
du cas du tio~sitree;en outre, ce rapport n'a pas étLi;:t:ihli en vertu d'un
acte de \,oionti, auqiiel1~1e?iefic~,ollilter :turait étépartie. Le beneficirrd
ouliern'aaiiciin intérCtidisparnitreaux yciixdes tiers et Aftiireapp.iraitre
l'eu&cuteurtcsr:iriiciitaire comnii:le propri&taire.itoutes iinsextcrieiires.
\lais il ï plus. Qiicl cst le prohl+inzquiicpoic norninlenient dans ces
cas? Celiiide \.i.riti1;coi~itntrilLduc:iractL'reiintional dI;ir6cl.iiiiation
afin de uouvoir reconnaître un droit à indemnité. A cet égard. ce qui
frappe tÔut particuli&rement, cen'est pas du tout le caractèrëstrictemênt
alégal ,ide la situation de l'exécuteur testamentaire, c'est son caractere
purement provisoire, la legd ownership &tant manifestement destinée à
tion de la succession. Or, que dit IaForeignClaimsSettlement Commission-
desEtats-Unis à propos de 1'AmericanSecurity andTrnst Company Claim
(p. 322, vol. 26, International Law Reports)? Elle dit que:

cto secure continuous American nationality of a claim, it is not
sufficient that this claim was ~American-owned »at the tinie it was
presented but that - so to speak -the redress to be awarded must
also be and remain RAmerican-owned ».

L'expression employéepar la commission mérite d'êtrerelevée: La
commission considère donc le claim comme étant American-owned,
comme étant de nationalité américaineau moment où il est présentépar
l'exécuteur testamentaire de nationalitk américaine, mais elle ne con-
sidère pas que cet élément soit suffisant, car eue estime nécessairede
vérifier aussi si le claim sera encore American-mned plus tard, quand
l'indemnitéaura finalement étéremise à l'héritier. Finalement, en examinant d'autres cas panni ceux qu'a mentionnés
hl. Lauterpacht, on peut vraiment se demander quel rapport il y a vu
avec les aiuestions aui nous occupent. Il en est ainsi Üir exem~le de
I:iffairH~II)',(lui niure a11volittnb 1S dii Riciteil des s&lz>rccs<trlifr<r/zs
des Nations I,'nie.~pxjici 125 et jui\.aiitejct Alaquelle 31. 1-:iuterpaiht
se réfkre à la page 517, II. Dans cette affaire, le-rapport qui s'eit ins-
tauré entre hl. Heny d'une part et, d'autre part, les membres de la
famille Benitz, n'est pas du tout l'un des ces rapportsqui caractérisent les
svstemes iuridiaues analo-saxons. où se trouve réaliséela division de la
propriétéénle& title ët belteficialownership. Le contrat passéentre ces
personnes est, au contraire, typiquement de droit romain. C'est un
contrat d'antichrèse. en vertu duouel un bien immobilier. qui demeure
I't:riti6rc.propriCti dii dhiteurest nanti :,IIcrcaricier, lequel a le droit
d'~nperiI;\,oirIcjfriii..Coiiiitil'ilitidiqu; I'arbitr(:I1:p. 126du
iiia IS dii Reciteil'ils seIllencesnrl~itrdlc~clesNatieits Utiicsl Ifinv neier
becamethe real owner, Heny n'est jamais devenu le véritablepropRétaire
des biens immobiliers qui lui avaient étéremis. Et si, malgré cela, sa
réclamation a étéaccueillie, ce n'est pas du tout parce qu'il aurait eu,
comme le prétend M. Lauterpacht, la qualité de beneficial owner ni
d'ailleurs de legalowner,mais en vertu de ses droits propres découlant du
contrat d'antichrèse et en raison des dommagessubis par lui du fait de
l'atteinte portéeà ses droits de jouissance sur les biens.
Monsieur le Président, hlessieurs, ayant ainsi pu constater le poids et
la portée véritablesdes clenrestprecedentssi patiemment rassembléspar
mon savant ami, je pense qu'il est temps de mettre fin Q ces randannées
et de revenir à notre véritable sujet.
Il est temps de poser In question dans les termes où elle doit &ireposée
et qui sont les suivants.
Devrait-il être possibled'opposer à un Etat tiers, au moment où cela
devient profitable, que le nom de l'actionnaire que l'on a, jusque-là,
fait figurer au registre officiel n'est que celui du nominee d'une autre
personne? Devrait-il être possible, partant, de prétendre que I'Etat
national de cette autre personne pourrait presenter une réclamation
internationale en sa faveur en lien et place ou, pourquoi pas, à c8téet en
plus de la réclamatioiique pourrait présenterl'Etat national de l'action-
naire enregistré? Pour mieux saisir l'essence du problème, revenons à
l'origine de l'opération. Un propriétaire d'actions nominatives décide,
à un moment donné, de ne plus figurer comme actionnaire et d'inscrire
ses actions sur le registre de la sociétéau nom d'une autre personne.
S'ils ont tous deux la m&menationalité, la perte de la legal ownership
qu'entraîne cette opération sera sans conséquence: la protection diplo-
matique - toujours dans l'hypothèse où l'on,pourrait envisager la
protection diplomatique d'actionnaires - continuera à pouvoir être
exercéepar 1'Etat qui est i la fois 1'Etat national du beneficialowneret
celui du legalownn.
Maissi, pour des raisons que nous n'avons pas à rechercher - et je prie
mon ami Lauterpacht de bien vouloir croire que je n'ai absolument rien
a objecter, ni ouvertement ni secrètement, à l'institution du nominee -
si donc celui qui est, à un moment donné, le propriétaire des actions
préfkreles inscrire pour l'avenir au nom d'un nomzneed'une autre natio-
;inlit&;ilorsla situation je trouvc rndi~alcrn~.titniodifiée.Le rapport entre
le norni~feeet12 be~tefirialoi~~ierreste un rapport strictetnent internedeS44 BARCELOKA TRACTIOS
mémeque demeurent sur un plan strictement interne les conséquences
de la division entre leRnlownersl~ize ît beneficcialwinershib.
Pour tous effets extierieursle nimiltee est l'actionnaireét une présomp-
tion absolue veut qu'il soit considéré, mêmp ear la société, ainsique le
souligne Gower, comme le seul et exclusif propriétaire des actions. 11
s'ensuit que le droit d'intervenir éventuellement sur le plan international
reviendra à 1'Etat national du nominee. Soulignons qu'il n'y a là rien
d'étrangeni de préjudiciable àqui que ce soit. Le propriétaire des actions
aura vraisemblablement réfléchiaux conséquences qu'entraîne le fait
d'avoir envoyéses actions à l'étrangeret d'avoir choisi comme nontinee
un étranger. II aura probablement voulu cette conséquence; et laissez-
moi dire que c'est vraiment ce qui s'est produit dans notre espèce, où
le cliois a étéfait à deux reprises et, sans aucun doute, en pleine con-
naissance de cause.
L'Etat contre lequel la réclamation est dirigéepar 1'Etat national du
nomineepourra-t-il op oser à cette réclamation une objection fondéesur
le caractére partiel, caractére strictement lepl de la propriétédu
nomincclui-mêmesur les actions? L'hypothèseparait plutôt difficilement
réalisable, en raison précisémentdu caract2re purement interne du
rapport iuridiclue entre nomineeet be?telici~tolwne; A sumoser toutefois
puisse Se produire, pourrait-onalors s'opposer a la réclamation
formiiléeen faveur du ?zomi?zee en faisant valoir le défaut d'effectivité
de la . .priétédes actions?
Ouvraiit :Icg:[)rol)oiuiir.1)rCv: ;ireiitliesc.je voiidraij dCI11 I.:iutcr-
p3clit. qui parnit hrnuini~p niini:r Icj raisuiiii~mciirsl1:irIi\puthi.ie, que
je n'ai pasentendu sans un certain amusement sa question, poséeà-la
page 524, II, au sujet d'une hypothétique procédure que pourraient
introduire devant la Cour les Etats-Unis. en se fondantsur la nationalité
américaine des purtnerships Gordon et Kewman. Je lui répondrai deus
choses seulement.
Ayant sans aucun doute lu le teste entier du traité,XI.Lauterpaclit se
sera reiidu compte de la difficultéévidenteou'il v aurait à faire admettre
la coinpétence &ela Cour dans une telle affiire.'
Secundo, cette liypothèse n'est pas seulement théorique, elle est aussi
contraire aux faits: car le Gouvefiement américain afouiours ouverte-
nicnt ~CLUIIIIIle droit CS;IU~I\Ilu Canii<lx.enr:til<Iii'~tit'n.~tiona~dc le
I3:ii~t-luii:~'l'r:ic?tescrivr Inprurcctioii<li~iluiii;~tiqiirdn~iscctte;lire.
II II;Ip3s jiii\.I't:seriipl,~(ILI(;ouvernenicnt bclgecr il:itr+i jiiiteiiient
sonrcnii ses iiitervcntions d:iiiIL.;itIr. 'ui:III)I:tppnrt nus dL:marcl~çs
cniiailicnnes, toiil eii iii:iiiif,~stniition iiit6r5i (Inils(les tcrmt.i i~iiicorrcs-
pondent bien au nombre d'actions inscrites sur le registre au nom d'un
ressortissant américain.
Mais revenons à la question poséeavant d'ouvrir cette parenthèse.
L'hv~othèseenvisa~ée.d'une obiection fondéesur le fait aue le nominee
iie p6ssèdequ'une lëgal ownershi5,a un caractère éminemment spéculatif.
Adinettons-la toutefois: admettons quarid mêmele rapprochement -je
dois dire évocateur et intéressant - que M. Lauterpacht a voulu faire
avec l'hypotlièse de la nationalité dépourvue d'effectivité et avec Ics
principes énoncésdans l'arrêt Nottebohm. Celaétant, pourrait-on imaginer
qu'une juridiction éventneliement saisie d'une réclamation en faveur
d'un actionnaire dont il serait prouvé qu'il n'est que le legal owner des
actions, fût tenue de rejeter la demande au motif qu'eue serait fondée
sur une propriété non effective? Ce serait le pendant de la situationrelative à 13nationalité non effective. Cependaiit. si un pur lecal litle,
fuiiti; coiiiritvi iiiiiiliicnicnr siIC /nü, d,;\.ait 5trc ioiiiidi.r; c&iiiir: ne
< uiistitu;iii1):~.1111titre ;uffis;~iit, II est incontestable~U'UII~ iituririon
ausi :\.idemiiicnt ~li.pour\.iie<letitre jiiriiliqiie qiie cellc dii bC~rirfici~il
mirer, foiidlc si11 1:t>eule cyatly. pourrait d'autant moiiis. j. ïIle sciilc.
CrrccoiisidCré,c -oniiiii.,-oiistitii;Jcitplcirdroit Inpropritit; ~t. piirtaiit.
comme étant un titre susceptible de Servir de fondement à une action
ii:rn:itiol:t I:tiç13 de m;mc qu'un Etnt nc sni1r:iltjamais in\~oquer
un siiiiplclien rcc! coniiii,:ci>iistirii:iiiiiIiiide ii;itioii:ilit&prul,rcin~.nt
<lir.et conirnc li#irir~~aiinind iirieiiit~.r\.ciitinit titr,:8.1ln ~rot~,ctioii
diplomatique, aÜssi longtemps qu'à ce lien réeléventuel ne correspond
pas un lien juridique.
La Partie demanderesse a une tendance singulièrement marquée à
tomber dans les mémeserrements. ou'il s'aeisse de la nationalité effec-
tive ou de la propriété effective.'& que nos adversaires semblent ne
pas vouloir admettre, c'est que dans certains cas particuliers le défaut
de lien réelpeut vicier le lien juridique en le rendant insuffisant, mais
que l'existence du lien réel nepeut jamais remplacer celle du lien juri-
dique. De mêmele défaut de beneficialozwnershippeut, dans certains
cas ~articuliers. vicier le leeal title en le rendant insuffisant. mais la

benezcial owner et nomi?ieene.peut pas étre opposable auGAtierstarit
que le beneficialownern'a pas obtenu, grâce au transfert à son nom des
titres sur le registre de In société,que le legal tille vienne s'ajouter à
sa situation iibénéficiaire II.I)e mème. en droit international. I'litat
national du beneficzalownerne peut pas opposer à uii Etat tiers, coinme
fondement d'une réclamation eri faveur d un «actionnaire». une situa-
tion qui ne deviendra celle d'actionnaire que le jour où elle aura été
complétéepar un titre juridique.
&Ionsieurle Président. Messieurs, me voici au terme de mes dévelop-
pements sur ce point. La conclusion très nette que je tiens à confirmer
à cet égard est la suivante: le principal des prétendus «actionnaires
belges de la Barcelona Traction a n'a aucun titre à se qualifier juridique-
ment actionnaire de cette société. &lémedans une hypothkse où il
pourrait êtrequestion de la protection diplomatique d'actionnaires, la
Belgique ne saurait étre admise à prendre fait et cause pour la Sidro
en tant qu'actionnaire de la Barcelona Traction.
Monsieur le Président, hfessieurs, je vais maintenant aborder la
troisième des questions fondamentales qui sont en discussion entre les
Parties: la auestion relative à la rét tendueadmissibilité. en droit inter-
national. d';ne prut,-ctioii diplui~ati<liiï <l'actionn:tirci :iI;iiiiite d'un
pr6judice ciiish h unc soci6tl: l'trangérspar l'action d'lin Etat.
1Snrc'alit6,iine trlle qiicjtion nt:delmit m;mc pas üI>ordcedans
la prkcnte alïnirc.poiir lidoublt: rnotifque IL .ulet qu'il s':igitdc prot<'ger
cii I'v>l,&ceest. en fait,I;iwciit: ianaclit:riii~Harcelo~i:~Traction et rion
pas un ensemble de ressortissants belges actionnaires de cette société
et que, au surplus, le principal de ces ressortissants belges ne possède
mêmepas la qualité juridique d'actionnaire de la Barcelona Traction
et ne ~ourrait donc Dasêtre~rotéeé à cetitre.
C'est doric st!ule~cnt iiriire <l~il>lt~in~:iIiitv~>otlii.ti<liirr,ioiis tenons
Q le répéter.qiie nous acc~ptons de trluter une foisde plus ccttr question
polir répliquer A la Partie ad!,ersc: c,cttr <liit.jtionqiie I;r I'.irtie adverse846 BARCELONA TRACTlOS
a introduite artificiellement dans le débat, après avoir constaté qu'il
lui était impossible de faire acce ter les thèses qu'elle avait avancées
à l'origine, quant à la possibilit pour la Belgique de prendre fait et
cause ~our la Uarcelona Traction elle-même.
SO& avonsmontré <Inrisles 6critures et l'ai indiquç dans riiapremiPre
plaidoirie que I'exaineii $leIn question <lela protcztion ~1~:asctionnairïs
com~orte. son tour. deux as~ëcts: le nremie; concerne les cons6auences
qui h~coulent, i propos d? cetic quéstioii psrticuliere, des p;incipes
ct dcs rcgles essentiels (lu droit intcrn:itioiial gL:niralrriicnt applicables
à la inatiCre; le second ininliuuI:i\,&rificationde l'existence Cientiielle
d'une rkgle spéciale relat;veAà la question particulière dont il s'agit,
règle qui comporterait une dérogation par rapport auxdits principes et
auxdites règles générales.
A ce stade du débat, c'est le premier aspect qui semble avoir pris
plus d'importance. En effet, c'est sur les principes générauxdu droit
international et non pas sur une prétendue règledérogatoire de forma-
tion récente, dont ils ont d'ailleurs complBtement manquéla démonstra-
tion, que nos honorables contradicteurs semblent vouloir se fonder pour
trouver la justification du irrstandi de la Belgique. C'est ce que nous
a affirméi'éminent professeur Sauser-Hall à la fin de sa plaidoirie du
20 avril (voir ci-dessus, p. 591).
adverse nous a habitubs, particulièrement dans ce domaine, aux change-rtie
i~ieuts de position les plus extraordinaires. Il n'est pas exclu qu'en ré-
pondant aux questions poséespar M. le juge sir Gerald Fitzmaurice
et tout particulièrement à l'invitation contenue dans le paragraphe
final de ces questions, la Partie adverse ne soit tentée d'exécuter un
revirement de vlus. Tetiens àdire. Monsieur le Président. au'en pareille
éventualitéje 'poudis me voir c&itraint de vous demandér l'autorisa-
tion de donner très rapidement les précisionsqui pourraient s'imposer.
..'e.vèretoutefois aueCela ne sera bas nécessa'ireët aue les considéra-
tions qiic jc \'ai5coAsacrcila qucst'iondans son C~FC~I;LcIoInitituernnt
une rifiit:,tioii surfijante <lystlii..-i:~de la 1';~riicad~er~c,quelle clucsoit
la position qu'elle choisira finalement d'adopter.
A propos des principes et des règles fondamentales du droit inter-
national qui peuvent entrer en ligne de compte et des conclusions que
l'on peut en tirer par rapport à la question considérée ici,les réponses
de nos honorables contradicteurs nous ont causé quelque surprise et
aussi quelque déception. Nous avions cm comprendre que, dans une
certaine mesure, les thèses des Parties s'étaient rapprochéessur certains
aspects essentiels du droit international général,comme l'a dit le profes-
espérions doncll vouvoir vrocéder désormais ci-àeun dialorne ordonné,
rcpoiniit sur des bnsej au Aioinsrekitivement sùres.SOUS ne rious atten-
<lionspu. par consCqucnt. ii rlcvuir entendre de la p:xt de nos contra-
dicifurs clesaffirmntioris ~iui;i singuliL:rcsqiic ceIl,-i sclvii lesqiielles. en
cc qur c,)i~ccriiclesr<\gleigCnCralcsdu droit internatioetleur iiicidciicc
sur notre quertion. Ic problime serait de rc.clicr~.ji,parmi ces r;.glcs.
ilv cri aiir:iit iine interdisniit excc~tionnellej.la I3clri<1ucet accks
aÜ prétoire qui devrait normale&nt lui êtrereconnu ehfâveur de ses
ressortissants. Sous ne nous attendions pas à nous entendre dire main-
tenant que ceserait à nous de découvriret de prouver cette règled'excep-
tion, la Belgique, quant à elle, ayant prétendument rempli toutes ses RÉPLIQUE DE M. AGO 847

tâches en ce qui concerne la preuve de sa qualité pour agir, des lors ,
qu.'elleaurait établi la nationalité belge de certains prétendus action-
iiaires de la Barcelona Traction.
Pourtant, ce sont bien ces thèses qu'invoquent aussi bien hl. Lauter-
pacht et le professeur Sauser-Hall lui-même,le premier, le 15 avril
(voirII,p. j24 et suiv.), le deuxième, le 16 avril (voir ci-dessus. p. 556).
Monsieur le Président, ivIessieurs,je m'en voudrais de prendre votre
temps pour indiquer une fois de plus les principes essentiels sur lesquels
nous nous fondons et sur l'essence desquels la Partie demanderesse
déclare d'ailleurs setrouver, en principe, d'accord. Je me bornerai donc,
àce propos, si vous le permettez, à confirmer une fois de plus ce qui a
étédit aux pages 184 à 187des exceptions préliminaires (1).ainsi qu'au
cours des exposésoraux des23 et zq mars (voir II, p. 210-213 et p. 214-
216).Je me permettrai, par contre, de montrer une.fois de plus à nos
ciations et qui estàtl'origine de la manière par trop extravagante dont
ilsroierit pouvoir poser la question essentielle.
Disons donc tout d'abord une chose élémentaire,mais, que nos con-
tradicteurs semblent aussi parfois oublier: lorsqu'il s'agit de prouver
qu'un Etat a qualitépour intervenir au titre delaprotection diplomatique
ou judiciaire d'une personne dans une situation donnée,il ne suffit pas
d'établir que cette personne a la nationalité de l'Etat en,question. La
possibilité d'intervenir au titre de la protection diplomatique - nous
l'avons rappelé plusieurs fois et la Partie demanderesse a marqué son
accord - n'est reconnue gar l'ordre, juridique international à 1'Etat
que comme garantie des O ligations internationales incombant envers
lui B d'autres Etats. eii ce aiii concerne le traitement accordé à ses
ressortiss:iiit$, personliI>liy;i<liiou persoi~nfi rnur:ili:3. II s'ciiiiiit
donc qiic la qualit; pour esprzcr la prorectioii d~ploni~tiqilc d'une
prrionne donner ri'cit itablie que lorsquc trois conditions sont rlunicj:

S.la personne en faveur de laquelle un Etat veut intervenir doit avoir
la nationalité de cet Etat;

z. 1'Etat qui veut intervenir doit être à mêmed'alléguer, commemotif
de son intervention, un cornportement adopté par YEtat étranger
envers la personne en question:
3. 1'Etat qui veut intervenir doit êtreà même d'allégueq rue le compor-
tement de 1'Etat étranger l'égardde son ressortissant constitue la
violation d'une obligation internationale incombant au second Etat
envers le premier.

Pour prévenir d'éventuelles tentatives d'objection, disons tout de
suite que i'on ne saurait rétendre qu'il y aitlà des conditions conce:-
nant le fond de l'affaire p utôt que la qualité pour agir. Ce qui pourrait
intéresser le fond de l'affaire, ce serait de savoir si le comportement
dont on se plaint a, oui ou non, effectivementexisté; s'il a ou non les
aspects qu'on lui reproche: s'il était ou non justifié en raison d'autres
facteurs; s'ila ou non étéréeuexnent préjudiciable la personne à
l'égardde laquelle il a étéadopté et ce dans queue mesure.
Mais si moi, Etat, je dPclare intervenir en faveur d'unepersonneet
si j'iiivoque comme motif de mon intervention l'action accomplie par
I'Etat aupres duquel j'interviens à I'égardd'u~zeautre personne,c'ests4s BARCELONA TRACTION

ma qualité pour agir qui est en cause. Il n'est que trop évident que si
moi, Etat, j'avance pour justifier mon intervention le nom de moi1res-
sortissant, c'est uniquement parce que je ne peux pas avancer le nom de
celui contre lequel l'acte incriminéa étédirigé.
De méme,et plus évidemment encore, ce sera une questioii de fond
de déterminer si l'obligation internationale dont moi, Etat, j'iiivoque
la violation, était ou non existante; si la règledont elle devrait découler
était ou non en vigueur lorsque l'action a étéaccomplie; si la violation
de l'obligation a, oui ou non, étéconcrètement réalisée.Mais, une fois
de plus, si je dis intervenir en faveur d'une personne, tout en alléguant
comme base de mon intervention une obligation internationale que .
1'Etat auprès duquel j'interviens ne peut avoir qu'à l'égardde I'Etat
national d'une autre personne, c'est de nouveau ma qualité pour agir
qui est en cause, et pour la mémeraison.

[Audieizce publique du 8 mai 1964, matin]
Monsieur le Président, Messieurs, j'ai abordé hier soir le troisième
et dernier point de la question qui est en discussion entre les Parties,
celui qui concerne le problème dit de la protection des actionnaires et
j'ai rapidement résuméles thèses du Gouvernement espagnol.
Voyons à présent ce que dit la Partie adverse A propos de notre
question. Le professeur Sauser-Hall a formuléce qu'il croit êtrele point
crucial dans ce litige, le matin du 17 avril (voir ci-dessus, p. j59).11
l'a fait par deux fois: la première de façon abstraite, la seconde de façon
concrète. Considéronstout d'abord la formule abstraite qui est la sui-
vante:

cc..il s'agit de savoir s'il existe ou non, en droit international
public général, unerègle qui s'oppose à ce que 1'Etat national des
actionnaires puisse accorder sa protection diplomatique à ces der-
niers et introduire en leur faveur une instance arbitrale ou judiciaire
devant une juridiction internationale lorsqu'ils sont lésésdans
leurs biens, droits et intérétspar [et ici viennent les teràretenir
tout particulièrement] suite d'actes illicites selon le droit des gens.
commis par un autre Etat, contre la sociétédont font partie ces
sociétairesn.
Dans quelles conditions auraient lieu les interventions que le profes-
seur Sauser-Haü préconiseen faveur d'actionnaires, à propos desquels
la qualité pour agir de leur Etat national devrait apparaître tellement
certaine à la lumière des principes du droit international généralque.
our la contester, il ne faudrait rien moins que la démonstration de
Fexistence d'une regle s'y opposant expressément? L'Etat national de
ces actionnaires, une fois qu'il aurait prouvéqu'ilssont sesressortissants,
fera-t-il valoir des actes commis contre la personne des actionnaires en
question our lesquels il voudrait prendre fait et cause? Evidemment
non. M. tauser-Hall le dit et le souligne lui-meme. Les actes allégués
comme raisons de l'intervention sont des actes commis contre une autre
personne, contre la sociétédont ils possèdent les actions.
La deuxième des conditions absolument nécessaire pour que le droit
international reconnaisse une qualité pour agir fait, partant, manifeste-
ment défaut. RÉPLIQUE DE i~.AGO 849

Eii serait-il autrement pour la troisième? Les actes dont on se plaint
et que l'on qualifie de façon vague d'actes cillicites selon le droit des
5.s » seraient des actes illicites envers qui? II ne peuty avoir d'acte
illicite international sans qu'il y ait un Etat en violation des droits
duquel cet acte a étécommis. Les actes prétendument illicites qu'allé-
d'une obligation internationale incombantrepàésL'Etat préteiidument cou-on
pable envers ce mèmeEtat, ou envers un autre Etat? C'est une question
que nous avons poséetant de fois à la Partie adverse et que celle-ci a
toujours eu grand soin d'esquiver! Maisil y atoirtde même Iile poiitt
cruciaP l.isqu'il ne peut s'agir que de la violation d'une obligation
internationale en matière de traitement de ressortissants étrangers,
cette obligation ne peut étrequ'uiie obligation internatioiiale iiiconibant
à I'Etat auteur des actes incriminésenvers i'Etat dont relével'étranger
contre lequel l'acte a étédirigé.II est donc évident que non seulement
L'uncmais deus des conditions cssentielles requises pour que L'onpuisse
avoir qualité pour agir font défaut à 1'Etat qui voudrait escrccr une
protection diplomatique en faveur d'actionnaires dans les conditions
préconiséespar mon éminent contradicteur.
Considérons maintenant la question sou son aspect concret, tel
qu'elle se présente dans notre affaire. La formulatioii concrète donnée
par hl. Sauser-Hall est la suivante:

uEsiste-t-il un précepte de droit international qui refuse la
Sidro, sociétéenregistrée en Belgique, y ayant son siège, et dontla
les iiitérêtséconomiques sont belges, sociétéqui est actionnaire
principale de la Uarcelona Traction, laquelle est unc sociétécana-
dienne, incorporée au Caii:ida, mais dans laquelle des personnes
physiques et des personnes juridiques ont également fait des in-
\'estissements importants? Esiste-t-il une règle de droit des gens,
dans les circonstances de fait que je viens d'indiquer, aux fins
qui puissent s'opposer à ce que la Belgique demande, par la voie
judiciaire internationale,à l'Espagne [et ici de nouveau vient le
passape à retenir1 qu'elle considère comme l'auteur d'un déni de
jusiicc, :<<tiiitt~rii:<tiuiialc~illicitt~,n:li.ir.iiion <leIn pcrtc corn-
pl>tc de 1.5 ~~:irti~.ipa~iOUs iii\.cstisscnicnts bclgcs caiiiC,: par In
faillite en Ilipaciit: (I'unc socictcliiii'a (luiini la n:itiondlitL'
belge ni la naiioialité espagnole?»

Les remarques qu'appelle cette formulation concrète sont exactement
les mèines que celles qu'appelait la formulation abstraite.
L'acte que le Gouvernement belge allègue commemotif de son inter-
ventiori en faveur de la Sidro, sociétébelge, est-il une declaration de
faillite prononcéeen Espagne contre la Sidro? Evidemment non. C'est
une dkision, on nous le dit en toutes lettres, adoptée à L'égardde la
dienne.na Traction, sociétéqui n'est ni belge ni espagnole, mais cana-
Et comment se présenterait-elle. cette décision, du point de vue
international? Comme un dénide justice, nous répond-on. Le prhtendu
dénide justice, qui serait constitué par uiie déclaration de faillite pro-
noncbc par un tribunal espagnol à i'égard d'une sociétécanadienne,
serait-il la violation d'une obligation internationale incombant à l'Es-
pagneenverslaBelgique?L'Espagne serait-elle obligéeenversla Belgique850 BARCELOSA TRACTIOS

d'assurer un traitement déterminé dans le domaine de l'administration
de la justice des personnes physique ou morales canadiennes? r\ssuré-
ment non. Je me suis déjà abondamment étendu sur ce point dans mon
exposédu 23 mars (voir II, p. 202-204): si une obligation internationale
dans ce domaine avait étéviolée, ç'eût étéune obligation envers le
Canada.
Et, si je tire de là la conséquenceincontestable qu'une telle violation
aurait pu êtrela source d'un adroit propreu du Canada faire valoir
la responsabilité qui en découlait, et non pas d'un droit propre d'un
autre Etat, comment peut-ou venir me dire que cette proposition
contient une pétition de principe? C'est pourtant ce que prétend le
prToujours Sàuscet égard, j'ai aussi dit que d'éventuelles répercussions
économiques négatives subies par les prétendus act:onnaires belges
comme contrecoup d'une action wmmise envers la societé nepourraient
être représentéesni comme une action dirigée contre ces soi-disant
actionnaires ni,à plus forte raison, comme la violation d'une obligation
internationale de l'Espagne envers la Belgique. Les obligations imposées
à 1'Etat en la matièrepar le droit international généralsonttrès limitées.
Elles l'obligent, envers'Etat national d'un étranger,à ne pas commettre
un déni de justice envers cet étranger. Mais elles ne l'obligent certes
pas A assurer que le ressortissant de l'Etat étranger,ne subira pas de
ré~ercussionsindirectes en raison d'une action commise à I'éeardd'un
reSsortisiant d'un Etat tiers, action qui ne peut avoir uncaractère
internationalement illicite qu'envers cet Etat tiers. Mon tres éminent
contradicteur a d'ailleurs, lui aussi, reconnu dans sa plaidoirie du 17 avril
(voir ci-dessus, p. 569)qu'un dénide justice ne pourrait

cidonner lieuà une protection internationale pour n'importe quelle
atteinte qui pourrait en résulter,Ilointaine fîit-elle, pour un étran-
ger, comme Ün gros pavéjetédans une mare provoque des remous
et des vagues boueuses qui se propagent jusque sur les rivesn.
Mais pourquoi cette constatation devrait-elle perdre sa valeur, lorsque
l'eau dans laquelle on a jeté le pavéest une société,et lorsque les rives
auxquelles parviennent les vagues sont des actionnaires?
Ainsi il est évident que, contrairement à ce que prétendent nos hono-
rables contradicteurs, il n'est vraiment pas besoin d'aller chercher dans
le droit international généralune prétendue règle prohibitive spéciale
qui viserait négativement la situation des actionnaires. Ce sont les
principes générauxdu droit international eux-mêmes,ce sont les rkgles
fondamentales établissant les obligations essentielles en matière de
coridition des Ctrxnuigerd,e rcspoiis~bilitéintcrnationdli: de l'131atpour
la violationde ces obligiitions et de (1iial:our (aire valoir cette rt.jpoii-
sal~ilitéuui fouriiisseiila rCponse. Ce SOIIIces ré~lesessenriellcs (lui
excluent 4u'un Etat puisse avÔuqualitépour agir au 6tre de la protection
diplomatique d'actionnaires d'une sociétéétranglre qui aurait été
victime d'actes accomplis contre elie par un autre Etat en violation
d'une obligation internationale qui lui incomberait envers 1'Etat national
de la société.
Pour pouvoir arriver à une conclusion différente,,c'est donc bien
l'existence d'une regle spéciale qu'il faudrait ouvoir prouver: une
général enla matière. Et c'est bien la partie qui voudrait essayeral RÉPLIQUE DE ar.AGO 851

d'esquiver les conséquences de l'application des règlesfondainentales
dominant cette matière aui devrait fournir la Dreuve de l'existence
dc cettc L'trangerr\glediri>iatuirc. cette r6gléqui pk\.oir:iit la pos;ii,ililt,
d'iiitc.r\~~nirsur Ic plan international. eii tquï protecteur Li'rlct~oii-
naires d'une sociét6ayant une autre nationalitk, alors que le prétendu
commise contre la sociétéet en violation d'une obligation internationale
de l'Etat prétendument coupable envers I'Etat national de la société.
Ici, permettez-moi, hlonsiei~r le Président, Messieiirs, d'ajouter une
précisionqui me semble très nécessaire.Les conséquencesqui decoulent,
dans la matière qui nous occupe, des règles essentielles du droit inter-
national au sujet des obligations de 1'Etat en matière de traitement des
étrangers et de mise en cause de la responsabilitéinternationale résultant
d'une violation de cette obligation, ont une portée absolue. Elles
empêchent. à notre avis, que l'on puisse prendre en considération l'idée
mêmed'une éventuelle qualité pour agir d'un Etat, au titre de la
protection diplomatique de ressortissants actionnaires d'une sociétéqui
aurait été,eue, victime d'un acte accompli par un Etat étrangeren viola-
tion d'une obligation lui incombant envers YEtat national de la société.
Je tiens à souligner que nous n'admettons et ne concevons pas que
l'on puisse reconnaître à cet égardune exception quclconquc. La Partie
adverse s'efforce,à tout moment, d'insinuer que nous admettrions une
exception au principe dont nous affirmons l'existence (voir ci-dessus,
p. 560 et 567) et que cette exception ouvrirait une brèche dans les
principes, une ibrèche énorme u que rien ne pourrait colmater. Et cela
pourquoi? Parce que nous reconnaissons que dans certaines conditions
auxqueues nos honorables contradicteurs n'ont peut-&tre pas suffisam-
ment réfléchi,un Etat peut intervenir au titre de la protection diploma-
tique de sociétaires,là où la sociéti:elle-mêmen'est pas étrangère,mais
où elle est nationale de'Etat contre lequel on intervient.
J'aimerais demander à mes honorables contradicteurs comment l'on
pourrait qualifier d'exception à la règle selon laquelle l'Etat national
de la sociétépeut seul intervenir, au titre de la protection diplomatique.
pour faire valoir la responsabilité internationale d'un Etat qui a commis
un acte internationalement illicite contre une sociétéétrangère,ce qui
se produit dans une situation où il n'y a pas de sociétéétrangèreet où,
par conséquent, il ne peut pas êtrequestion d'un acte internationale-
ment illicite commis envers elle?
Qu'il me suffise ici de réaîlirmer nettement qu'il n'y a là, à notre
avis, aucune exception, aucune dérogation aux principes, qui puisse
permettre à nos adversaires de dire que, puisque l'on en admet une,
on peut en admettre deux oii plusieurs. S'ils voulaient se donner la
peine de relire les écritures,ils verraient qu'à ce propos je n'ai vraiment
pas changéde position, contrairement à ce qu'ils prétendent.
Avec cette mise au point, je pense avoir achevé l'examen de, la
du droit international quioucrégissent l'ensemble de la matière. Il est
3 nos yeux certain:
Premièremeiit, que les régles généralesdu droit international qui
entrent en ligrie de compte n'admettent, en cas d'action commise
contre une sociétéétrangèree,n violation d'une obligation internationale
de 1'Etat auteur de l'acte, que l'intervention de l'Etat envers lequel
cette obligation existeà savoir 1'Etat national de la société.8jz BARCELOXA TRACTIOY
Deuxièmement, qu'en pareil cas, une intervention de la part d'un
Etat différentau titre de la protection diplomatique d'actionnaires de
la sociétéétant en contradictioii avec les principes fondameiitaux qui
répissen,tla matière, cette interveiition ne saurait être admise que si
elle était imposéepar une règle spécialedérogatoire aux principes en
question.
Troisièmement, que la preuve de l'existence de cette prétendue règle
spéciale,d'ailleurs invraisemblable, incomberait incontestablement à la
Partie qui prétend avoir qualité pour agir en contradiction avec les
principes les plus évidentsdu droit international en la matière.
N'ayant évidemment pu dissimuler à leurs propres yeus le fait qu'en
dépitde leurs propres assertions. aussi pleinesd'assurance que dépourvues
de fondement et non démontrees, il leur était impossible de trouver
pour leurs thèses relatives i la protection des actionnaires un appui
sérieuxdans les principes fondamentaux du droit des gens dolit il faut
tenir compte en la matière, nos honorables contradicteurs se sont alors
toiirnés vers le droit interne. Pour écarter l'obstacle représentêpar les
r&glesdu droit international, ils ont tenté de s'en prendre surtoutà une
notion du droit interne sur laquelle le droit international doit nécessaire-
ment se fonder, afin d'y appüyer ses propres notions en matière de con-
dition des étrangerset de protection diplomatique des personnes niorales:
la iiotion mèmede personnalit6 morale.
Avant d'abandonner ce chapitre, je serai doiic obligé de consacrer
quelques considérations encore deus points: la personnalité rno-
rale elle-mtme et le soi-disant percement du voile de la personnalité
morale.
hloiisieur le Président, Messieurs, en entendant hl.Lauterpacht, le
16 avril dernier (voir II, p. 530). présenter comme une contribution
constructive de l'équitéla proposition que la Cour ne devrait pas per-
mettre iique des considératioris techniques de droit interne viennent
obscurcir la nature essentielle des intérêtsqui doivent être protégésii,
j'ni étéintrigué par le caractère quelque peu mystérieux de cette allé-
gation.&la réaction s'est muéeen surprise en entendant le professeur
Sauser-Hall, le 17 avril (voir ci-dessus, p. 564 et 570). dire que <(la
persoiinalité juridique des sociétés commercialesreste un mécanisme
de droit privé uet «qu'une sociétén'est que la formetechnique. I'instru-
ment juridique du droit interne qui couvre un groupeinent d'iridividus ».
j'ai lu, dans les conclusions mêmesdu Gouvernement belge, que l'on
ne pourrait faire obstacleà ses thèses sur la qualité pour protéger des
actionnaires, en invoquant ndes objections reposant sur des construc-
tions purement techniques de droit interne telles qiie la personnalité
juridique distincte attribube à des sociétéscommercialesn. Je me
demande comment le gouvernement d'un pays aux traditions juridiques
illustres, d'un pays qui a conclu avec d'autres Etats un réseauiniposant
de traités en ayant soin d'assurer une situation particulière à des
entitéscollectives dont le caractère de ressortissants belges est justement
fondésur leur personnalité juridique distincte, d'un pays, au surplus,
qui voudrait se présenter en l'espècecomme le protecteur d'une de ces
entités collectives, je me demande vraiment comment ce gouvernement
a pu avoir l'idée nonpas d'avancer dans la chaleur d'un exposéoral,
mais d'inscrire formellement dans ses conclusions dans l'affaire, l'idée
que la personnalitéiuridiqziedistifzctede l'entitécollectivene serait qu'une construction purement technique, une coustructioii dorit le droit inter-
national ne devrait pratiquement teiiir aucun compte.
31onsieur le Président, Messieurs, je ne compte certainement pas
faire ici la théorie de la ~ersonnalité morale. ni entrer en ~olémioue

s'ocialesous tous &S aspects et de la vie économique'étcommerciale en
particulier.
Je me bornerai à dire que la personnalité juridique distincte attribuée
à la sociétéen tant que telle est loiii d'étre de pure forine, d'êtreun
simple artifice technique: elle est fonction de l'existence réelle d'une
entité collective, possédant des caractères qui la distinguent iiettement,
en tant que telle, des individus qui participent à sa créatioii et à son
existence, soit avec leur personne, soit avec une partie de leurs moyens.
Il y a un intérétcollectif, une volonté collective, un orga~iisme doté
de ses propres règles, de son propre but, de son propre patrimoine;
un organisme qui exerce une activité qui lui est propre, activité qui,
non seulement ne se confond pas avec celle des sociétaires, mais peut
même s'y opposer.
Il y a ce qui est définidaris lacliarte d'incorporation de la Barcelana
Traction. un bodvcorborate and bolitical: un centre autonome d'intériits
tu, riit 1 L U 1. ir;c:ir:icrirï rl'.aiiton<iiiiiciii~rCricSCv.
voit itri~rr, sr l ln II do iiri*.c:ip.~iitt?lutonomv <I'i.~i<:
ti1iil:iirede <Iroict d'ol)lix:,fionsIIn'\.3 \.r:iiiiic~i,;iI:iiii,coiisrrii;.
tion purement technique qÜ'oripuisse mettre de ciité'dèsqu'on le trouve
utile.
Il est, au surplus, absolumentinexact et équivoquedeparler, générique-
ment, de npersonnalité juridique distincte attribuée à des sociétés com-
merciales iu.Le professeur Sniiser-Hall lui-même,dans son iiitéressant
exposéthéorique auquel j'ai déjàeu l'occasion de me référer, aesquissé
une distinctioii entre ce qu'il considère commeles gradations successives
d'un mêmeet unique phénomène defusion progressive des intérêts,
depuis les sociétés simples,en passant par les sociétésen nom collectif,
pouraboutir aux sociétésàresponsabilitélimitéeetaux sociétésanonymes.
En réalité,je me permets de le dire avec tout le respect pour la
science si connue di1 maître qui est mon contradicteur, je ne pense
pas - et j'y ai déjà fait allusion- que la distinction entre les diverses
formes de sociétéscommerciales soit caractériséecomme il le dit (voir
ci-dessus, p. 563) par une «gradirtion IIdifférente rdi1processus de syn-
thèsedes personnes juridiques ou plutbt des individus groupésen person-
nes juridiques, en un sujet unique». La distinction essentielle, à mon
avis, est celle qui sépare, d'un cbté. les sociétésde personnes et les
sociétésde capitaux, de l'autre, les parlnerships et les corporations, à
mi-chemin entre lesquelles se situent les sociétésen commandite, les
limiled parlnerships. Dans une socihtéde personnes, les associésparti-
cipent à la sociétéavec leur personnalitétout entière; ilssont responsables
d'une manière illimitée: tous, s'il s'agit d'une sociétéen nom collectif,
d'une partnership; certains seulement s'il s'agit d'une commandite.
C'est dans ce dernier cas que, parfois, la participation de ceux des socié-
taires qui ont une responsabilité limitée peut étre repr6sentée par des
actions: c'est le cas des commandites par actions et des lintited partner-
ships.%4 BARCELOSA TRACTIOX
Dans toutes ces hypothèses, toutefois, un élément commun est
toujours présent, en tout ou en partie: c'est la participation en tant
que personnes, soit de tous les sociétaires, soit de certains d'entre eus:
les gérants d'une commandite, les generalpartners. Ces sociétairesfont
partie intégrante de la sociétéqui doit porter leur nom; ils ne peuvent

pas agir en concurrenceavec la société;ils répondent par tous leurs biens
des obligations de la sociétéqui n'est jamais un centre patrimonial
autonome par rapport à eux.
Tout autre est la situation dans la sociétéde capitaux, dans une
corporatia. Ici, la sociétéest vraiment distincte, elle est une entité
distincte, elle a une personnalité distincte de celle des sociétaires qui
n'y participent pas avec leur personne, mais seulement avec une partie
de leur capital. Ici il y a donc un centre patrimonial autonome. C'est
en raison de cela que la sociétéest anonyme, qu'elle ne s'identifie pas
avec le nom des sociétaires: ces derniers Deuvent changer con"inuelle- ~ ~ ~~~ ~ ~
ment et mêmetotalement, et la substitution d'un sociétaire à un autre
n'a aucune iiicidence sur la vie de la société.Ils peuvent êtresociétaires
d'autres sociétés.aeir directement ou indirectéme~ ~ ~ c~nciirrence ~~-.-- .
avec la premi&rei il; ne sont nullement responsables des obligations de
la sociétéqui a sa propre responsabilité patrimoniale, ils n'ont aucun
droit sur le~patrimoi;nede la &ciété.
Or, hlonsieur le Président, hlessieurs, c'est i ce dernier type de société
qu'appartient la Barcelona Traction, sociétéanonyme enregistréeselon
les lois du Canada, ayant son siégeau Canada, administrée par un

conseil d'administration où des Canadiens ont une majorité relative,
et chef de file.en tant que société definancement. d'un mouDede sociétés
également canadienneS. Ses actionnaires sont .nombÏeus; et souvent
iriconnus, an point que la Partie demanderesse se livre aux spéculations
que l'on a vues pour essayer de présumer la nationalité de certains
d'entre eus. Ils appartiennent & des nationalités très différentes: ils
changent avec chaque transaction en bourse et ce, dans une large
mesure.
M. Frère. dans son memorandum re~roduit aux annexes aux observa-
tions belges, volume 1, page Gg,a déclaré qu'enrgGola Sidro fut amenée
à vendre sa participation dans la Mexican Lirht. La mêmeSidro aurait
pu, avec uni égale-facilité,êtreamenée à veidre sa prétendue partici-
pation bénéficiaire dans la Barcelona Traction. Dans ce cas, nous aurions
probablement vu apparaître un ni&meEtat comme protecteur possible
de la société.
Un phénomènede cette nature n'a vraiment rien de commun, si ce
n'est le nom Rtechnique » de «sociétécommercialeu, avec des partner-
ships, ou mêmeavec des sociétés parfois formellement qualifiéesd'anony-
mes, qui ne sont en réalitéque des sociétéscomprenant une seule, deux
ou trois personnes. La Barcelona Traction est une vraie corporatio?tou
public cornpany ou body corporate and political, bien distincte de la

persoiinalité des actionnaires sur le plan de la réalitééconomique et
sociale avant de l'êtresur le plan du droit, lequel ne fait que traduire
dans ses formules et dans ses prescriptions la réalitéelle-même.
Avant de conclure sur ce point, laissez-moi dire encore que ce qui
importe avant tout c'est d'êtrecohérent avec soi-même. Onpeut s'en
prendre au phénomhe de la personnalité morale, on peut ne vouloir
voir dans la personnalité juridique distincte des sociétéscommerciales
qu'un artifice technique du droit interne dont on se refuse de tenir comnA~-sur le nlan du droit internatio~ ~ ~ ~ ~ ~ ~rs il fautse décider
àabandonnerhttement iipriiidpe de la protection de la personne morale
en tant aue telle. Pourtant.M.Lauter~acht et le professeur Sauser-Hall
tiennentLpar contre à le ricoiinaître& à le réaffiimerexpressément. Il
accepter toutes les conséauencesdu fait aueal'on veut considérerl'action
apparemment commise contre la société;contre cette afiction »comme
comprenant en réalitéun faisceau d'actions distinctes commises contre
les sociétaires ou les actionnaires; et il ne faut considérer commetels,
évidemment, que des personnes physiques. Il faut alors renoncer aussi
à l'idée deprotéger des entités fictives telles que la Sidro et la Sofina
et aller rechercher, qui sait jusqu'où, les réalités humainesqui se cachent
derrière l'écrande ces «technicités».
11faut alors que seuls les Etats nationaux des différentsactionnaires
ou groupes d'actionnaires, et non pas 1'Etat national de la société,
puissent intervenirpour faire valoir la responsabilité internationale de
l'Etat coupable de l'action incriminée. Cela comportera probablement
des difficultés considérables:pour n'en donner qu'un exemple, il suffit
de rappeler que la matière dela condition des étrangersest trèslargement
réglementéepar des traités et que, normalement, ces traités prévoient
l'obligation réciproqued'assurer un traitement déterminéaux person-
nes morales ayant la nationalité des Etats contractants. Mais on
ne voit pas comment l'Etat tiers intervenant en faveur d'actionnaires
pourrait invoquer le bénéficed'un traité auquel il n'est pas partie.
En fin de coinpte, il faudrait changer le texte de tous les traités de
ce genre.
En tout état de cause, ce que l'on ne peut pas faire, c'est considérer
à la fois la personnalité morale comme une réalitéet comme une fiction
technique; c'est vouloir se servirà la fois, lorsque cela paraît plus utile,
ficier de la protection de 1'Etat national de cette dernière, soit, de la
négation de cette imputation unitaire afin d'utiliser la protection de
1'Etat ou des Etats nationaux des actionnaires. Et tout cela avec les
conséquences que l'on peut imaginer pour le déroulement ordonnédes
relations internationales.
Passons maintenant un moment à cette idéedu aercement du voile
de la persorinalitémorale dont nos honorables contiadicteurs font un
usage qui aurait certes rempli de stupéfaction cet excellent ChiefJustice
Marshall qui eut le premier l'idée,en 18og, de parler de disregard of
legal entity.
L'idée du ercement du voile de la personnalitémorale part de la
conception se o"n laquelle la possibilité de créerdes personnes morales
constitue en quelque sorte un privilege pour les individus qui donnent
vie àl'entitécollective et qui, grâàeelle,peuvent poursuivre des finalités
et des résultatsqu'individuellement ilsne pourraient mêmepas envisager.
La possibilitétu pierce and look behindthe veil of penonality, de percer
le voile de la personnalité et de regarder au-delà et, par conséquent,
todisregard the legal entity, de ne pas tenir compte de l'entitéjuridique
constitue donc une sauvegarde pour les tiers (créanciers et surtout
Etat) et fait contrepoids au privilège. Le tiers intéressédoit, en cer-
taines circonstances, pouvoir pénétrer derrière cetécran pour voir -
surtout dans le cas de sociétésanonymes -la réalitéqui veut se dissi-
muler. Selon la formule très connue du juge Sanborn dans l'affaire856 BARCELOXA TRACTION

United States v. Milwaukee Refrigerator Transit Co. de 19oj. 142
Federalz55,

uWhen the notion of legal entity is used to defeat public con-
venience, justify wrong, protect fraud, or defend crime, tlie law
will regard the corporation as an association of personsID,
(~Lorsqu'il est fait usage de la notion de personne morale pour
faire écliecà l'intérêtgéiiéral,justifier l'illicite, protéger la fraude
ou défendre le crime, le droit considérera la société comme une
association d'individusu),

ce qui veut dire considérer ces personnes comme responsables d'une
nianiéreillimitée.
Plus tard, la même idée a étéappliquée en temps de guerre, toujours
afin de permettre à d'autres, et notamment à 1'Etat impliqué dans un
conflit armé, de s'assurer que derrière le voile d'une personne morale
nationale ou neutre ne se caChepas une réalitéenuemie.~L'essencemême
de I'idte est donc celle d'une sauvegarde des tiers contre les avaiitages
indus que se procureraient sans cela les sociétairesen restant commodé-
ment l'abri derrièrele rideau de l'entitécollective.
En matière de protection diplomatique, la même notiona aussi eu
son application, mais toujours en respectant sa signification et son but
essentiel qui, répétons-le,est de protégerles tiers contre un usage abusif
des avantages que comporte le phénomènecorporatif. C'est dans cet
esprit sans doute qu'on a fait application de la notion de nationalité
effective à une personne morale dans le cas bien connu de l'l'm alone.
Et c'est encore dans ce mêmeesprit que, dans les nombreux traités
d'indemnisation dont la Partie demanderesse, fauted'un meilleur appui,
semble encore faire grand cas, le pays qui se soumet au principe de
l'indemnisation prétend regarder au-delà de l'écrande la personnalité
morale pour seprémunir contre le danger que le pays réclamant prétende
recevoir une indemnisation devant finalement revenir à des personnes
qui ne sont pas des ressortissants de 1'Etat auquel l'indemnisation est
accordée.
Ou'est-ce aue la Partie demanderesse voudrait faire d'une telle notion?
Quelque choSe d'éminemment contraire à son essence: un principe qui
voudrait non pas limiter I'avanta~e que les sociétaires trouvent à se
couvrir volontàirement du manteau de la personne morale mais qui,
au contraire, élargirait encore la portée de cet avantage; un principe
qui permettrait aux sociétaireseus-mêmesde se dévêtir dece manteau
au moment où ilne leur conviendrait plus d'en êtrecouverts. Il ne
s'agirait plus de percer le voile de l'extérieur, maisde le déchirer de
l'intérieur. La signification, le but qu'on voudrait assigner au principe
seraient exactement le contraire de ceux pour lesquels il a eté formulé
et pour lesquels il peut êtreutilisélorsqu'on prétend le présenter, comme
l'a fait le professeur Sauser-Hall l20 avril (voir ci-dessus, p5g1), en
affirmant comme un postulat, aussi absolu d'ailleurs qu'indkmontrable,
que I'Etat
«a le droit, en vertu du droit des gens, précisément de lever le
voile de la sociétéétrangérepour mettre en évidence les intérets
de ses propres ressortissants et établir ainsi sa qualit6 pour agir,
son droit de les protéger,son jus standi1,. RÉPLIQUE DE M. AGO 857

Les mots mêmesde «mettre en évidenceu n'ont plus de sens dans ce
contexte car il n'y a absolument rien à mettre en évidence,rien à dé-
couvrir, les personnes intéresséess'étant empressées de se découvrir
et de se mettre en évidenced'elles-mêmes.
Les principes ghnéraux du droit international relatifs à la matiere
envisagée ne laissant percer aucune lueur d'espoir pour les thèses du
Gouvernement belge, nos honorables contradicteurs renonceront-ils
finalement à l'idée absurde, reflétéed'ailleurs dans leurs conclusions
finales, de vouloir précisémentfonder sur ces principes la preuve du
prétendu droit de prendre fait et cause pour des actionnaires en cas
de préjudice subi par une sociétédu fait d'un Etat étranger? Aban-
donneront-ils la prétention, par trop candide, d'exiger de nous la preuve
de l'existence d'une règle qui limiterait exceptionnellement ce droit?
En reviendront-ils à la recherche, aujourd'hui abandonnée et même
reniéeavec vigueur, d'une règle positive qui admettrait dans certains
cas une dérogation à la conclusion négative qui, contrairement à leurs
allégations,sedégage d'une manièresiclaire desprincipes fondamentaux?
Réussiront-ils surtout à prouver l'existence de cette règle spéciale
d'une teneur tellement invraisemblable à cause de la contradiction
(lii'ellr.conipurtc :I;Ir,tiioini.i{IV,[iriiii.iqui r6~issciirln m;~iir'rc?
P.irvill~.tiitri.prise iic sciiibli: \.r.,rrrit-ntp.1, I.tcr!eriiçntrkLlisal,lc;ilir&
(lirrio; 1ioiior.iblr.scontrnili~tcurh. partis .r\-tw tniit il'nisiirniri:~il:,n.i
lëurs écritures en quête d'unepreuve qu'il existe rien de moins qu'une
règle coutumière, fondée sur un ensemble imposant de précédents
impressionnants et toujours plus nombreux, ont dù revenrr de leur
expéditionles mains vides.
Un retour en arrière paraît fort improbable après la déclaration,
qui équivaut à un aveu fait par le professeur Sauser-Hall le zo avril
vers la fin de sa plaidoirie (voir ci-dessus, p. 596) lorsqu'il a constaté
qu'un fait restait certain:
cla Cour ne se trouve en orésenced'aucun ~récédentcaractéristiaue.
.spécinlt?nierrtniiciiii priccfdcnt r~sulrJens:i ~>ropre,jurisprud~nce
oii de la jurisprirdri~~rde I:LCUUIyenii;rricntr:(Ir Justice internatiu-
ririlcuiii ,';rn.liuu~ ~ ~ a(l~oii:~t~rit I'CSU~.C airr CS^ actuelle-
ment devant vois D!

De tous cesbraves soldats que le généralaurait voulu pouvoir jeter dans
la bataille, aucun n'rivait-il donc répondu à l'appel?
Dès le moment où, ayant résolud'essayer de fonder sa position non
plus sur la protection dc la sociétécomme telle mais sur celle de ses
prétendus actionnaires, I;iPartie demander!sse s:est mise la recherche
de précédentsdans ce domaine; son espoir était d'en trouver un, un
seul, pouvant êtreprésentécomme un cas ,où i'on aurait :~dmisune
protection indépendanted'actionnaires àla suite d'un préjudicecausépar
un Etat à une sociétéétrangère. Elle avait espéréd'abord en trouver
un dans l'affairede I'Orinoco,mais cela avait étéplutôt une mésaventure.
Dans un dernier effort, elle a espéré pouvoirprésenter comme étant un
précédent à cet effet. comme étant leprécédent,l'affaire de la Delagoa
Bay.
Blonsieur le Président, Bfessieurs,je tiens à vous assurer que ce sera
la seule affaire aue ie mentionnerai au cours de cette répliaue. Pour
trop étendus que nous avons eu l'occasion de consacrerelopperienl'analyse858 BARCELONA TRACTION
de la jurisprudence arbitrale et à la pratique des Etats. aux phases
précédentesde cette procédure. Et cela d'autant que mon honorable
contradicteur, malgré toutes ses patientes recherches, n'a pu contester
le bien-fondéd'aucune des constatations que j'ai pu faire précédemment
à propos de chaque affaire.

Mais, pour l'affaire de la Delagoa Bay, quelques considérations me
sont imposéespar la nouvelle tentative du professeur Sauser-Hall, qui
voudrait attribuer à ce précédent une portéetout particulièrement
favorable pour les thèses belges.
Voussavez bien, Messieurs,quecette affaire a étélongue et quecertains
auteurs ont considérésa première phase comme la plus intéressante, la
deuxieme s'étant dérouléesur la base d'un compromis. Ce compromis
fixait en effet, de maniere à n'y plus revenir, le principe de l'indemnité
à verser aux réclamants. Dans cette premièrephase, comme je l'avais mis
cil lumic%rcl,es deux goui~rrnernciiriiaii aloirir~specrivenicnr (ICILY
griefs eiitihren~ent diifënriti: celui Jcs Etars-ilnis, la lcsion cles droits
rl8:ihCririers <IIIrt:ii<?rtissat1t;imLriciiin h!:ic!Jiirdo,3. la suite ds 13
révocationd'un contrat de concession relatif à la construction d'un che-
~i~ de fer. contrat conclu D.rMa~ ~rdoavec le Gouve~~ement ort t<. ais
et qui c~ii;~ortait 1'oblig:itioiide constituer iiiic sociért!portugiise dans
laquells. toiirefoisil:ivait gardé uni: rrspoiisabiliré ~)crsoiiiicllt;celuide
la Graricle-llrctarri~:. I'csnrouriatiori du chemiii dr fcr construit Dar la
sociétébritanni6e ~ela~oa'Bay, qui avait étéconstituée pour fiAancer
la sociétéportugaise créée par MacMurdo et qui prétendait être elle-
mêmepropriétaire du chemin de fer. Aucun des deux gouvernements ne
parlait alors d'actionnaires. II est,au surplus,évident -et nousdevons le
souligner à nouveau - qu'aucun des deux gouvernements, mêmecelui
de la Grande-Bretagne qui, en réalité, prenait fait et cause pour une
sociétébritannique possédant Ia totalité des actions de la sociétéportu-
gaise, ne faisait valoir les droits d'actionnaire d'une sociétén'ayant pas
la nationalité de i'Etat contre leauel la réclamation était dirieée.
\ïiitcnjuirc. le coriiproiiiiset lr.I>rutocolcarbitral du 13]~iin~i~1,dont
la conclusion f~trctardéc :iuuse de diilicult;-. iriter\~ciiiirsciir1c.deus

gouvernements r4clamants. à propos de la ré artition de i'indemnitéqu'il
appartiendrait au tribunal de fixer. Une fois principe de l'indemnisation
établi par l'accord intervenu entre les parties intéressées,la question à
débattre devant les arbitres n'était finalement aue celle de savoir si le
Gouvernement britannique aurait touché seul 1; totalité de l'indemnité
revenant à la société anglaiseDelacoa Bay, afin d'en remettre ensuite une
~artie aux avants droifou si. au contraue. le Gouvernement américain
aurait pli rekvoir dir,.ctciiient comiiie ilpk&tcndaitle fairc le iiiontant
tlcstiiic:Iéirsremis i I';i!.:idroit aniéricain de la iociL:t&anglaise. \lue
Jlac\liirilu. C'cstde c,:lnCI surroiit LI,:cerrlins :trcumcnts coiitenus Jans
la réplique américaine,&e l'on devrait donc tirer une conclusion
favorable à la thèse belge: ce récédent viendrait appuyer la reconnais-
sance du principe tant recherckéconsacrant la possibilitéde protéger des
actionnaires d'une société appartenant à un Etat tiers et non pas à l'Etat
auteur de la mesure préjudiciable.
Toutefois. les arbitres appelés à statuer conformément au compromis
étaient des juristes et la Partie adverse a eu raison de nous le rappeler
dans ses observations. Ainsi donc, à présent, le professeur Sauser-Hall
m'ayant reprochéde ne pas vouloir lever le voile qui couvre cettevieille
dame, je répondrai à son désiret je leverai le voile. Si le spectaclen'est RÉPLIQUE DE DI. AG0 859

pas de nature à satisfaire mon honorable contradicteur. la faute n'en
Sera pas à moi. Lisons donc le texte mêmede la sentence'arbitrale dans
son point X: Attribution et ré~artitionde l'indemnité:
iill a déjà étérelevéque la seule personne qui, en droit strict,
aurait qualitépour seporter demanderessevis-à-vis du Gouvernement
portugais est la Compagnie concessionnaire du chemin de fer; car
c'est elle seule qui était in relations contractueiles avec l'Etat
défendeur,et c'est elle qui a étédépossédép ear la rescisionr

Attention donc: les éminents arbitres tiennent à nous préciseravant
toute chose - et pourtant nous sommes dans une hwothè,. de lésion
causéeiune sociCtCpar son propre Etat national - qiic c'est uniquement
rii vrriii di1coniprumis et par dérogationau droit strict qu'ils açcepteiit
de ~rcndre en considératioiila<iiiaLtér)oiir-wir~l. .iiel~iun'autre<iuela
soGétéportugaise elle-même. '
Et les arguments qu'ils invoquent sont aussi fort intéressants: <<C'est
ellc [la société portugaise] quia étédépossédép ear la rescisionD Rem-
plaçons le mot <irescisioi,par le mot ufailliten. Une analogie frappante
ne vient-elle pas à l'esprit?
Mais poursuivons notre lecture:

c 1.e gouvernement défendeuravant, cependant, déclarélui-même
ne ioder aucune exception sur ie fait qÜe la personne réellement
doit prendre acte de ce que les parties ont convenu d'un communitral
accord, de lui substituer la Delagoa Bay Company. 11

«Substituer n:c'est aussiun mot qui est revenu maintes fois dans notre
procks. Contiiiuons encore:

iAu reste, celle-ci [la Delogoa Bay Company] avait, de fait,
assum6 la tâche incombant à la Compagnie portugaise, demeurée
concessionnaire en la forme, et était devenue propriétaire de la
presque totalité de ses actions, propriété grevée,il est vrai, d'un
droit de gage en faveur de ses crbanciers obligataires. Aussi bien,
le montant allouépar le présent jugement ne peut-il être attribué
à la Compagnie anglaise qu'à la condition que celle-ci l'affecte au
lieu.selon leur rang. Ces créanciers n'étant pas représentés directe-
ment dans ce procèset n'ayant par conséquentpas eu l'occasionde
formulerleurs moyens et conclusions, leTribunal n'est pas en mesure
d'opérer lui-même cette répartition, mais doit abandonner ce soin
àqui dedroit, en se bornant à ordonner, en principe, qu'il soit dressé
un état de distribution.n

u Doit abandonner ce soin àqui dedroit D:par associationd'idées,n'est-
on pas tenté de enser au receiuerde la Barcelona Traction nommé par
le tribunal de~Bntario?
La sentence continue:

((C'est dans cet état de distribution aue la ~artie américaine,
comme tout autre créancier, devra faire valoir'ses droits. Il est
impossible de lui reconnaître un droit direct contre le Portugal, en
concurrence avec 1aComprgnieanglaise et aumêmetitre quecelle-ci. u660 BARCELONA TRACTION
Ne trouvez-vous pas, hfessieurs, que cela devient fort intéressant?

«L'héritière de feu Machfurdo est intervenue dans ce procès à
titre de propriétaire d'actions et d'obligations de la Compagnie
anglaise, acquises en échanged'actions de la Compagnie portugaise
et, de plus, en qualité de titulaire du Idroit de contrale 1,qu'elle
estimeégalementêtreenmesured'exercer danslaCompagnieaiiglaise.
Or, aucun de cestitres ne saurait luiconférerune action directe contre
le Portugal; elle ne possede, de ces différentschefs, que des préten-
tions à faire valoir contre la Compagnie anglaise. ii

"e ne crois D.s avoir besoin d'aiouter des commentaires. L'éloauence
dt.s arbitres ~st I>ieiisupcrieiir,::ice que poiirrnir Ctrc la iiiit:iirié.Et I~iir
décisioiis'achemine niaiiitt:naiit vcrj sa coiiclusion:
.Ce sont là des questions de ménageintérieurqu'il est matérielle-
ment iiiipossible de trancher dans un procèsliéentre la Compagnie

anglaise,-d'unepart, comme ayant droct de la Compagnie concëss'on-
naire, et le Gouvernement du Portugal, d'autre part. »
011 nc s:iiir.tit 1niaginc.riloiic iinc contcstntion plus iiettc du jrcsst.or.ii
rlc la ixirric lini;ric;iiiic: iiialcr; lc cumi>rnnii.iIi~i-iiiCnieliirrc.~:i>ii~i:~it
commêpartie au procès que la parti; britannique et le Gouvernement
portugais!

iiOn chercherait vainement un motif plausible qui permît juridi-
quement de faire une situation spéciale à Mme klacMurdo, en sa
qualité d'actionnaire la plus forte de la Compagnie anglaise et de
porteuse d'obligations de celle-ci.et de la traiter, en cette qualité,sur
un autre pied que n'importe quel autre actionnaireou obligataire de
la Compagnie anglaise. Tout ce qu'il est au pouvoir du Tribunal de
faire à cet égard pour tenir compte de lasituation spécialeconcédée
à Mine lllaclllurdo par le compromis arbitral, c'est d'ordonner que
la somme qui lui reviendra suivant I'étatde distribution à dresser
sera verséedirectement au Gouvernement des Etats-Unis ... 1,

Je me demande, hlessieurs, si, après cette lecture, mon très éminent
contradicteur sera encore tellement désireux de lever des voiles. Teme
dcinaiide siirtout si, trpri, crttc le~xurc I:il'artic :id\.crsc pcn:cr:i encoie
pouvoir dirr. que IIUU~ SOIII~I~CSinz~p~l~lcscid'invoquer un se111 i;isiiuii
uii tribuiidl arliitral sr.serat prurio1ic6roiilreleilroitdts <rc~io~r~riir rt~srz
prrs t>r ro>rsiiiirr>ltosur 11,pl;iii interii:itioii:iI 11.'h!.potti;..roù la o-
ciL:t<aitrait une ri.ition;<lit<;'iutrr. que celle I'f:r;<:<iiicurdu <lori~ninge.

[Audience publique di18 niai 1964, après-midi]

Monsieur le Président, Messieurs, en ce qui concerne les résultats
essentiels de l'analyse des précédents,je n'ai vraiment pas besoin de
m'étendreencore. Je peux confirmer àpropos de la jurisprudence arbitrale
les conclusions que j ai établies à la fin de mon intervention du 24 niars
(voir II, p. 238-240); et à propos de la pratique des Etats, ce que j'ai
dit le matin du 25 mars (voir II, p. 240-246). Je ne ferai donc qu'énoncer
ici, en guise de synthèse, les propositions suivantes:
1. l:n us de pr>judice c:,iisépar un Iltar i iine snciCtG~~rr.iiigi.rïcri
violation d'unç ohlijiation intcrnatioiinlc, le droit iiitcrnational gCiicra1 REPLIQU EE nt.AGO 861
n'adniet aucune dérocutionpar rapport au principe qui découlede tout
le système des r6gles du droit international régissant la matière.La
qualité pour intervenir au titre de la protection diplomatique n'appar-
tient qu'à 1'Etat envers leqiiel l'obligation internationale a pu être
enfreinte:à savoir 1'Etat national de la société.
2. On rencontre dans la pratique quelques cas dans lesquels on a
admis qu'un Etat prenne fait et cause pour des ressortissants sociétaires
dans uiie sociétéayant un statut national différent,mais cela exclusiue-
ment dans des hypothèses où, par rapport à l'Etat auteur du préjudice,la
sociétén'étaitpas elle-mêmeétrangère,mais nationale. 11est évidentque
dans ces hgpotlièses il ne peut êtrequestion que le préjudiceinfligà la
sociétéen tant que telle ait représenté la violation d'une obligation
internationale; 1'Etat n'est pas internationalement obligé envers lui-
même à assurer un traitement quelconque à ses propres ressortissants.

3. La possibilitéreconnue à un Etat dans les hypothèses ainsidécrites,
d'intervenir au titre de la protection diplomatique de ressortissants
actioiiiiaires d'une sociétérelevant de l'Etat auteur de la mesure préjudi-
ciable, iie coiistituait évidemme,ntpas une exception par rapport au
principe énoncéen premier lieu, où l'action commise àl'égardde la société
est supposéeconstituer la violation d'une obligation internationale envers
1'Etat national de la société.
4. La raisoii pour laquelle, toujours dans les h.ypothèse envisagées,
une interveiition au titre de la protection diplomatique de sociétaires
a pu être envisagée, réside exclusivementdans le fait que, ou bien la
possibilité de la protection était admise par un accord particulier, ou
bien c'était toujours la situation propre des sociétaires eux-mêmesqui
était eii question dans le cas concret. Cela pour l'uiie quelconque des
raisoiis suivantes:

a) la lbsion avait étéinfigée directement à la personne du sociétaire;
Lj 1:~1C.sioiivai(1; c:,~ii>Ct.I,insl'l~~~~~otl'~ncefi1rli1~rsl1~Iuiitl:t
~~~rsoiiii;ilitL:~l cellciisiatsocI>sest c,)nt<,,t;c par plusieurs
;I~ICF j~lriiliqlicsct. lit où elle est rtdniise. pcut vr;iiinerÏt appmairre
coniiiie uii~r.ch>iicult.:personne du sociitairert crlle de la sociétt!
i'idciitifi:ànroiire iin pratiqiie;
c) la sociétéavait étédissoute, et par conséquent les sociétairesavaient
succédé à la sociétédans certains de ses droits et de ses prétentions.

Ailxpropoiitiun5 .iini>iir,iii:Ccsje n'aurai qu'i :i]uiiicr de brefs tom-
nlclitnires qlii ticrii1i:i[Iciticptir,.,ej.
En premier lieu, comptetenu des coiistatations faites daiis les ropo-
sitioiis qiie je viens d'énoncer,il est évident qu'il serait absurde f'invo-
quer ulie prétendue analogie pour faire accepter la possibilité de la
protection d'actionnaires par leur Etat national dans une quelconque
hypothèse où le préjudice causé à la sociétéconstituerait en lui-même
la violation d'une obligation internationale envers un autre Etat, la
sociétéétant une sociétéétrangere par rapport à 1'Etat auteur de la
mesure reprochée. Tout rapport logique fait défaut entre. d'une part,
le cas d'un préjudice causéà une sociéténationale sans, partant, que ce
préjudice puissereprésenter la violation d'une obligation internationale
envers 1'Etat national de la socibtéet, d'autre part, le cas d'un préjudice
causéà iiriesociétéétrangère,lorsque ce préjudicelèseun droit subjectif862 BARCELONA TRACTION

attribué par ledroit internationaà l'Etat dont la sociétérelèvet lorsque
par consequent c'est cet Etatet cet Etat seul qui a titre faire valoir la
responsabilité qui découlede la lésionainsi causée.
Même abstraction faite de cette impossibilité logique,ilest àajouter que
le seul fait de vouloir rapprocher le casespece d'une de ces hypotlièses
exceptionnelles où l'Etat national d'une personne physique ou morale
refuse d'en assumer la protection diplomatique, ou s'abstient en
fait de le faire à cause du caractère non effectif de la nationalité de
la personne en question, est sans qualification possible étant donné
l'attitude plusieurs fois décrite du Gouvernement canadien au cours
de l'affaire.
En deuxième lieu, nous ne voyons pas l'utilité desefforts qu'ont faits
nos honorables contradicteurs pour résenter la société Barcelona
coquille vide, selon l'expression imagéeque l'on retrouve dans les con-e
clusions du Gouvernement belge. Et cela alors que l'on sait fort bien que
la jurisprudence a clairement indiqué, à propos de notre problkme, que
la faillite ne comporte nullement la dissolution de la société; alorsque
l'on sait que la prémisse indispensablepour que l'on puisse parvenira la
dissolution d'une sociétéest que soit ouverte, selon les formes légales,la
procédurede liquidation. 11n'a jamais étéquestion de l'ouverture d'une
procédurede cegenre par l'organe officielcanadien qua enmain l'adrninis-
tration de la sociét. u'ilme soit permis d'ajouter qu'il est pour le moins
étrange de parler de la Barcelona Traction dans les termes que mon ami
Lauterpacht a employésle 16avril (voir Ii, p. 534-535).alors que la cote
en bourse des actions de la sociétéest actuellement, dans les principales
bourses du monde, plus élevéequ'avant la faillite et qu'il en est ainsi
depuis bien avant qu'on ait pu seulement envisager l'idéedu présent
procès.
Abstraction faitede ces donnéesde fait, je ne vois pas non plus i'utilité
des efforts de nos honorables contradicteurs à ce sujet, étant donné
que de toute manière. le fait qu'une sociétéait été dissoute n'a été
considéré commeune raison pouvant justifier une protection diploma-
tique d'actionnaires que dans le cadre de ce qui est, nous le répéterons
encore à titre de conclusion sur ce point, la seule hypothese où cette
protection peut êtreenvisagée: celled'un préjudice causépar lin Etat à
une sociéténationale.
Monsieur le Président, hlessieurs. la conclusion des considératioiisque
nous avons exposéesen réfutation de la longue argumentation développée
par lesconseils du Gouvernement belgeausujet dela prétendueprotection
des actionnaires, est ferme et irréfutable: si un Etat causà une société
obligation internationalequi le liàtcet autre Etat. c'est ce dernier et lui
seul qui peut intervenir au titre de la protection diplomatique pour faire
valoir la responsabilité internationale que I'Etat auteur de la Ikion a
encourue. Il a encouru cette responsabilitépar le fait, et par le setil fait,
qu'il a enfreint une obligation internationale envers I'Etat national
de la société.
Les principes fondamentaux du droit international dans toute la
matière n'admettent pas d'autre réponse à cette question: la troisième
et dernière, je me permets de le rappeler, de celles quisont en discussion
entre les Parties au présent différend.D'autre part, l'analyse objective
des précédentsmontre qu'il n'y a, ni dans la jurisprudence ni dans la pratiqiic des litnts. 1s plii; petite t!b:iuclie,infiIrpliis pctit iiidict dr.
forniari~ii d'une r2glviliii:rrnti;, qiii d6rogcrnit nux principes fuiiilamcn-
taux: d'uiie règledorit :i la siriiple r4He?tir,n.on pcrce\f;iit d'ailleurs le
caractère ~ro~?ement absurde. -car elle reviendrct à autoriser un Etat
sous Ir co;ve;t de la soi-disant protectioii des r~s;~rtis~ant;act~oi~iiaire;
d'unesociét&étrangi.ri~. :Ifaire valoir aiiprèsd'iinautreEtat iincrçjponsn-
bilitt! vuur \,iolatioii d'une ob-ication internationale de cet Etat eiiver,
un Etât tiers.
Quand la partie qui invoque un droit manquelapreuve de l'existence
des règles juridiques en vigueur SUI lesquelies elle pourrait établir sa
prétention, il estfréquent que la partie en question en vienne à critiquer
des règlesdu droit existant. Il est fréquent qu'elle essaiede présenterson
cas comme un unicuni auquel ces règless'appliqueraient mal, et qu'elle
essaie d'esquiver les conséquencesd'une telle application par des appels
plus ou moins variés à l'équité,à la justice, à des considérations de lege
ferenda,etc. C'est exactement ce qui se passe dans notre affaire, où les
appels de la Partie demanderesse à une soi-disant équité sefont de plus
en plus pressants et la description des caractères exceptionnels du cas
d'espècedevient deplusen plus pathétique et imagée, à mesure qu'avance
la procédure,ce qui reflete évidemmentlesdoutesdeplusenplusmarqués
surla solidite de la osition juridique défendue.
Le total défaut ae ~ertinence de ce ce-re à'arcum-nts Dar ramort ..
aux questioiis que voii! avez à tranchc.r est si évidviitqiic jIII,perriiii-
tnti, atiii de nc.pas al,iiicr de votre teinps et de votre patience, de nc pas
rCpondre en dctail aux ri.ft!reiicesdoctrinales ii sou\,cnt dt'pour\.ues de
prrrincnce ttaus citatioiis de préteiidusprt.ci.dtnrs dont laI'artie advrrs:
nous n combl6s. Cela rii;ine hielle a oubli; pufois. psr exeniple dans Ic
as aiiiitCrvssant de l'arbitrage rel:itif aiCuynga Indta~rs.d'indiiliier
cRtt! dc loilgs p;issagvs qu'elle n reprodiiits,LCS <l~ieI<l~iII'I<:L~~itltc:.
rieur q rit nitr r clrnir~it I I 1: tril~~il fùiicl:tiSn
décision exclusivement sur le pouvoir, expressément conférépar le
traité d'arbitrage, de décider en&quit&et non pas du tout sur un pré-
tendu cipouvoir inhérent à la mission de tout juge de trancherertdroit >,.
Puisque ici nous sommes devant la Cour et non pas devant une juri-
diction autorisée expressis verbis à appliquer les priirciples of eqirilyà
côtéde ceux du droit international, je me permettrai de ne faire qu'une
seule citation, à propos de l'étrange invitation que M. Lauterpacht a
adressée à la Cour pour qu'elle envisage (voir II, p. 533) le problème
qui lui est soumis «comme l'a fait le tribunal arbitral américano-bfitan-
nique »dans l'affaire des Cayuga Indians. Je citerai le passage qui clôt
le volume 1 des Principes généraux du droit internationalpublrc, publié
par Charles Rousseau en 1944Se référantaux observations du juge
Kellogg 2 l'ordonnance de la Cour permanente dans l'affaire des Zones
franches de la Haute-Sauoie d du Pays de Gex, II. Rousseau commente,
à la page 950:

«En~définitive. si c'est aux Parties. c'est-à-dire à la volontédes
Iitatî. i~ii'inpp~rticnt di: fixer les r;,glcj :ipplic:iblcs <I:insleuri
rnlq~ort; réciproqii~,cvtrr volont6 liepeut déplo!,crses effetsrlii'îus
ioriditit~ii>iis;cD;II le st~tiit dt I'oruanz interl:t:itiuiic évciituïll~.-
ment compétent.kt cette observationpermet de me&irer à sa juste
valeur l'apport nécessairement limité que l'équité estappelée à
fournir en droit des gens. n864 BARCELOSA TRACTIOS

Mais puisque la I'artie adverse nous a amenés à quitter le domaine
de la recherche du droit en vimeur nour considérer la conformité de ce
droit aiix besoins de la société?ntercationale et aux exigences de la vie
moderne. je voudrais dire encore un mot, avant de conclure sur ce point
aussi. en défense de ce droit et en ~articulier des rèe,,s ou.il contient
po~ir Li ~11~1ectiu1 dcs iii\~estisii.iiiri~ priv;i Cir;iiigcr.i.
I.cs ini.~stis.~iiieiiti rliit: (1c.iCrrangcr> iuiit clans uii I>.L!..(IOIIII~,cri
cliu~s~~~:i!(.i'opLrcrtlcins le c:~drr <I'IIILSOLILI Cilc .LU;SICtrangCrc par

r.lpp(8rl ail p.ip~~'lll~c~ti~~~:l1lt~,nlllront lu111l~ali~rc~ienl~~ llt li[lro-
tictiuiirq~rcscliléc i 13lois pctrI'czi,ieiic<~de; oblig;iriuii.;iii~t.r~i;~ti«ii;ilcs
<IV<.t(1,riiierus\. cnvcrs I'llt;it cli<giiicoiiinic I<t:it national 1.soiirrc:
et par la poss;biiité, pour cet Etat, d'intervenir en cas de violation de ces
obligatioiis. Le choix de 1'Etat national est délibéré: personnen'oblige
normalement les créateurs d'une société.et moins aue auiconaue les
créateurs d'une grande société financièreinternation'ale. 'à chofsir un
endroit plutet qu'un autre pour eiirenistrer la société, y établir son siène
et r installer ses oreanes duecteurs. ils ne devront se Dlaindrc nu'à eus-
niêiness'ils ont choLi. pour des raisons que nous n'avok pasirechercher,
de donner à leur sociétéune nationalité peu effective, qui n'entraînerait
pas, le cas écliéaiit,un exercice efficace de la protectioii diplomatique,

hypothèse d'ailleurs plus théorique que réelle,et cri tout cas proprement
absurde si 1'011se réfère au cas d'espèce. De méme, personne n'oblige
les investisseurs à placer leurs fonds dans une sociétédotéed'une natio-
nalité en laqiielle ils n'ont pas confiance.
Tout le problbmc qu'on agite ne se pose, une fois de plus, mênied'un
point de vue de lege fnetldu, que lorsqu'il s'agit d'investissements faits
par des ktrangers clansdes sociétésqui ont la nationalité du pays d'inves-
tissement et qui sont souvent obligéespar la législation localeà prendre
cette nationalité. C'est à ce cas que se réfèrejustement la préoccupation
exprimée par le professeur Reuter dans son Droil inlernulio~~aP l t~blic,
Paris, 1gj8, au passage de la page 164, qui avait étécitéavec une appro-
bation si marquée par la Partie demanderesse à la page Ir5 des obser-
vations (1) :

iiDeus traits notamment ~ ~~-ve~t rester '~~-~nts ~ I'esorit: le
caractère vraiment international, en fait, de beaucoup de skiétés,
qui réunissent descapitaux auDartenant à des Davs différents. I'obli-
gation imposée par de nomGeux pays aux Capitaux étrangers de
prendre la forme juridique de la loi locale, bien que les capitaux
soient tous étrangers. »

C'est iustement Ki où une telle oblieatioii existe ou. Aeuv ven t'exnli-
quer ceitaines préoccupations des milkux intéressés, compte tenu déla
conjoncture mondiale actuelle et de la nécessitéd'une participation
accrue des ressources financières des pays les mieux pourvui au dévelop-
pement des pays qui n'ont pas encore atteint un niveau économique
suffisant. C'est par rapport à une telle hypothèse que peut se justifier le

souci de i>our\.oir des earanties nronres au droit international certains
placemenis Ctraiigers <Ge la ~é~i'slat'ioln ocale voudrait justement voir
dénuésde telles garanties.
Mais lorsque, par contre, la sociétéest étrangèrepar rapport i 1'Etat
où elle exerce, directement ou indirectement, son activité, et dont elle
peut, partant, craindre d'éventuels préjudices, 1;isociétéjouit de tous
les privilèges et se trouve munie de toutes les sîuvegardei que le droitinternational prévoitdans sesrèglesrelatives à la condition des personnes
physiques et morales étrangères et à leur garantie contre des atteintes
indues. Il n'y a aucune raison valable de déroger à ces règles, aucune
excuse, en particulier, à vouloir faire échecà celle qui confère et réserve
à 1'Etat national d'une personne morale le droit d'exiger des Etats
étrangers qu'lin certain traitement soit fait à cette pcrsonne et d'iii-
tervenir pour la protéger au cas où le traitement prévu ne serait pas
asjur;.

îcttc rcg1~c.st ~oniiii:iiitl;1;fois par I:ilogiiliicdi: tout ICs-t(.(liic.
pr:\.uit eii Ici niatihre I'urclre juridiliiiiitcriinli~~iict p:ir I'~-ist.iiit.
nisiiii. du pli6iioméiicoue les Iioiiiincsunt cr~:L~:n ur&\.o\,ILLi~u~jibili~~
de poursuivre en commun certaines finalitésparie truChemeni d'entités
collectives. Une personne morale opérant à l'étranger doit pouvoir
jouir entierement des avantages que le droit international attache à
sa propre nationalité. Mais elle ne peut prétendre cumuler i la fois les
avantages qui lui viennent de la nationalité qui lui est propre et ceux
qui pourraient provenir de la nationalité de ses mémbres. Elle ne peut
prétendre se créer une situation internationale privilégiéequi lui per-
mettrait de jouer sur la protection de deux ou mêmede plusieurs Etats,
en choisissant selon l'opportunité du moment celle qui parait plus
profitable.
Pour conclure, Monsieur le Président, Messieurs, permettez-moi de
vous lire trois passages d'un article très récent, paru dans le Nederlands

îijdschrift uoor IntevnrztionaalRecht, volume VIII, I~GI ,age 237
et suivantes:

(iLorsque 1'011cherche la réponse il faut se souvenir d$ ce qu'est
une société. Saiis nous lancer dans une discussion théorique sur la
fiction ou la réalité, qu'il nous suffise de dire qu'en devenant
membres d'une société, les actionnaires ont dans une certaine
mesure Limitéleurs droits individuels en ce sens qu'ils ont accepté
qu'en règle générale leurs droits doivent êtreexercés en leur iiom
oar les administrateurs de la société. Les actionnaires se sunt
iiés eux-mêmesen devenant membres d'une entité collective ...Or
cette analyse est utile aussi dans le domaine du droit international.
Lorsqu'ils'se groupent pour créer une sociétéorganisfe conformé-
ment aux lois de 1'Etat A, les actionnaires se sont tournés vers
cet Etat pour qu'il leur ticcorde la protcction internationale dont
ils ont besoiii. Ils se soiit groupés afin d'agir comme une uiiitédails
leurs rapports avec les tiers, ce qui devrait s'appliquer aussi aux

rapports diplomatiques avec des pays tiers. Dans le cas coiitraire,
la situation serait la suivante, s'agissant d'une grande société
internationale qui perçoit des fonds sur différents marchés de
capitaux, une demi-douzaine de pa1.s auraient le droit d'intervenir
en soi1 nom. Pareille soliition n'est pas juridiquement impossible
et l'on peut dire que dans le domaine égalemeiit de la protection
diplomatique, l'unité d'action est souhaitable. Cette unité d'action
n'est possible que si, en règle générale,le droit d'intervenir est
réservéau pays où In sociétéest incorporée. La réservequi découle
des mots <en règle générale i,signifie que dans des circonstances
exceptionnelles. la règle est écartéeet un autre pays a droit d'agir.
L'une de ces exceptions est le cas où il faut protéger contre le pays
oii la société est incorporée.Y a-t-il d'autres exceptions? II faut866 BARCELOSA TRACTIOS
envisager lecas où lepays où la société est incorporéeserait considéré
comme n'ayant pas qualité pour agir locrrs standi en raison du

caractère fictif de la nationalité de la société ...Un autre cas envisagé
est celui où le pays où la sociétéest enregistrée refuse d'accorder
sa protection diplomatique parce qu'il estime qu'aucun intérêt
national n'est en jeu. Pareille attitude est facilement concevable
lorsqu'il n'existe aucun lien véritable entre la sociétéet le -paysoù
celle-ci est incornorée.En arei ilcas, il se peut fort bien que l'inter-
i,t.ntion:tu num;lçs actiui<n:iiresrie soit I~i~ricw\.:il~lc1.3 situation
~liflicilc(lei ;ictioriri~ir~;ri'csi (luIscoriii.i~iiciiccde I;ir+glc selon
I:,~iii<.l1:. Diottction dinlonintique re1c'i.cdu pouvoir diicr;tiun-
iraire et neconstitue un drôit. C'est le risque que l'on prend
quand on inscrit une sociétédans un pays avec lequel elle n'a pas
de lien véritable. Si ce risque devait jouer le rôle de frein pour
empêcherla prolifération de iiRenos n à l'usage des sociétés, iln'y
a pas là de quoi éprouver de regrets. ii

L'article, comme je l'ai dit, contient aussi d'autres passages dont je
me permets de recommander la lecture. J'ai oubliéd'indiquer le nom de
l'auteur. C'est un savant juriste belge, le professeur van Hecke de
~'U-~.~ .~.~~--- Lo~ivain
Le titre est h'ationality of Contganies Analysed.
Nonsieur le Président, Messieurs, la dernière tâche qui m'incombe
avant de terminer ma répliqueest de traiter la question de la demande
subsidiaire de la Partie adverse t~ndant à lajonction au fond de la troi-
sième et de la quatrième exception préliminaire. A ce propos, je tiens
à remercier mon confrère le piofesseur Antonio hfalintoppi d'avoir
voulu que je traite moi-mêmecette question de manière conjointe pour
la troisièmeet la auatrième exce~tion: ie le remercie en mêmetemDs des
utiles :liiiit.iits i~c'ré~~onscii'ij bien voulii me foiirriir.

1.e~i&t>n;t,utOur dc ceil,: <Iiii:.;tions'cst Jcroiilé.,u coiiri dei prciniCrej
i~l:ii<loirir(I'iiiim;iniéreonrticulic'rcniciit ncrhble, cn t:irit iiot;iii>riir:iit
iln pt:riiiisdc ci,ri>t:ite; qiie siir diffcrentg poiiitj Irs <.iici(les llartics
itaietit :ijic/ rnpprocli6cs. <.tce sur le plnii de5 concc.}~tionstti~ori<liiej
d'nboril. ri enîuitc aussi dc leur avvlic:ition nu cas J'esi)Ccc II cxistc
toutefois une divergence d'opinioii'Sur certains points e'ssentielset ce
sera surtout sur ces points que portera ma réplique.
hlon éminent contradicteur s'est trouvé d'accord avec moi pour
reconnaitre, sur la base des opinions doctrinales et jurispmdentieiles
les plus autorisées, que la notion d'exception préliminaire est plus vaste
en droit international que ne l'est la notion correspondante dans le
cadre de la plupart des ordres juridiques internes, qu'elle comprend
aussi bien des questions de pure procédure que des questions de fait,
questions qui ne doivent toutefois en aucune façon être considérées
comme ayant à faireavec le fondde l'affaire puisqu'elles restent séparées
et distinctes de la question de fond soulevee par la réclamation (voir
respectivement II, p. 264, et 655 ci-dessus). Le professeur Rolin et moi
nous nous sommes trouves-~ ~~- ~ ~ ~ ~ - - ~ment d'accord sur le fait
que lei divers types d'exceptions prc5Ïiiinaires s'inspirent tous du
mêmesouci: éviter à 1'Etat défendeur d'avoir à répondre sur le fond
lorsqu'il soulève une exception; nous nous sommei trouvés d:accord
également sur l'importance, pour une meilleure compréhension du
système prévu à l'article 62, paragraphe 5, du Statut de la Cour, d'un RÉPLIQUE DE hl. AGû s67

examen approfondi des travaux préparatoires qui ont amenéfinalement
à l'adoption de cette disposition.
Toutefois, au sujet des principales étapes de ces travaux prépara-
toires et au sujet de l'interprétation de ceprocessus évolutif.une première
desedeux réformes du Règlement qui ont eu lieu respectivement enutour
1926 et en 1936.
Selon le professeur Rolin, l'article 38 du Règlement de 1926, qui
avait traduit en une formule positive le principe de l'examen séparé
de la question soulevée à titre d'exception préliminaire - principe
déjà appliqué dans la pratique lors, de l'affaire Mavrommatis - avait
représentéune réforme tres nette mais peut-êtretrop rigide. Eiie n'aurait
laissé en effet que l'alternative, soit d'admettre l'exception, soit de
la repousser, avec la conséquenced'exposer parfois la Cour àla nécessité
de trancher provisoirement sous l'angle de I'exception des questions
qu'elle retrouverait éveiituellement dans l'examen du fond. Sur la base
de cette procédure rigide,la Cour aurait adoptél'attitude quicaractérisait
la décisiondans l'affaire relativeàCertains intérttsallenta,iden Haute-
Silésiepolonaise (compétence),attitude qui se résumait en deux points:
d'un cbté,examen de I'exception préliminaire skparéde celui du fond,
mais avec la possibilité d'effleurer des sujets appartenant au fond de
l'affaire; de l'autre côté,réserved'une totale liberté d'appréciation des
argL'inconvénient représentépar le risque d'avoirbaàsrépondre différem-
ment et en sens inverse sur une mêmequestion lors de la décisionsur
l'exception préliminaire et lors de la décisionsur le fondaurait donc-
dit le professeur Rolin- amenéla Cour, en 1936, àapporter une correc-
tion qui représentait une sorte de pas en arriere dictépar la pvdence:
le nouveau texte de la disposition, devenue entre-temps l'article 62,
aurait prévu la possibilité de renvoyer la décisionsur l'exception pré-
liminaire au moment de la décisionsur le fond.
Une telle description de l'histoire législative de l'article 62 actuel
permet aussi au professeur Rolin de dénier toute im ortance, en tant
que préci.dent, B I'arrét de rgzg sur la aut te-S fii&oreeisqui
serait fondé sur un texte réglementaire aujourd'hui remplacé par un
autre.
L'argiimentation de mon éminent contradicteur me paraît toutefois
fondéesur une idéeerronée: l'idéeque les dispositions du Règlement
de 1926 auraient eu un caractère rigide qu'en réalitéelles n'avaient pas,
et qu'elles ont entendu exclure la possibilitéde la jonction au fond, alors
que le contraire résulte de l'examen des travaux préparatoires.
Règlemeiit permettent, en effet, de constater que, loin d'êtreexclue,du
la possibilité dejonction au fond a étéévoquéeplusieurs fois dans les
débats. Elle est ouvertement considéréecomine admise, dans les dis-
cussions, par les jugesAnzilotti, lord Finlay, Nyholm, Weiss, Altamira
et par le présidentHuber (voir C.PJ.I. sérieiladd. au no z, p. S3à 92).
L'article 38di1Réglementde 1926fut donc adoptésans aucune intention
d'exclure la ~ossibilitéde ioindre les exce~tions rél liminaireau fond,
m.gis .,Icoiitraire cn consi;llr:iiir st:ttc po&ibilitéconiine iniyli~:itcniziit
adniise I.'ordonn:~ns< :Ir1033 rclativc 5 1':~ffadc I'.~ldniinisrraldt+
firirice von Pless, qui a o<dGinéla jonction au fond d'une exception
préliminaire, ne représente donc pas une dérogation à l'articl3886s BARCELOSA TRACTIOS

i~ ~e-rée rDar la voie ~rétorienneii. mais sim~lement l'exercice d'une
faiultL:qui Citaitinil,liciÎcment adri~isi:dtii~siet srticle.
1.eItéglcmcnt de iyjijne litalvrs iluc rcii<lri:cslilicitc, i 1';62,iilc
la racultécil ouestion. I<icii(1:iiisles ~lijiusiions oiii oiit aniciiCiI't:lribo-
ration du Ri.giemeit de 1936ne montre d'ailleursi'intentiou d'introduire,
dans la procédure relative aux exceptions préliminaires, une possibilité
nouvelle. Cela enlèvetoute valeur àl'idéedu prétendu retour en arrière,
de la prétendue limitation du principe de I'esamen séparédes excep-
tions préliminaires que le nouvel article 62 aurait représenté,selon la
théorie duprofesseur Rolin. L'esprit du Règlementde la Cour, après 1926,
n'a pas changéen fait sur le point en question.
Quant à l'usage pratique fait par la Cour de la possibilitéde joindre
au fond une exception préliminaire, aprésI'ordonnance dans la question
du Prince volt I'less. où l'on se rappellera que l'exception jointe au fond
était une exception soulevée proprio motu par la Cour, une jonction
au fond n'a étédécidéepar la Cour permanente de Justice internationale
que dans trois cas. La Partie adverse avait cru auparavant voir aussi
un cas de jonction au fond dans l'affaire de la Compagnie d'électricité
de Sofia el de Bulgarie; mais, ainsi que mon honorable contradicteur
l'a lui-même reconnudans sa plaidoirie (voir ci-dessus, p. 6j9), iln'y a
eu en réalitédans cette affaire aucune jonction au fond parce que le
point litigieux, d'un intérêtsecondaire, constituait effectivement une
partie du fond, et la Cour s'est bornée à permettre aux parties d'en
trois cas, j'ai déjà indiqué, dans inori exposéoral précédentdeà apropos
de I'ordonnance dans l'affaire du Chemircde fer Pnneriezys-Saldirfiskis,
que la raison de la décisionadoptée par la Cour se trou\-ait dans le
désaccord entre les parties quant au caractère préliminaire di1 point
eii discussion, qui constituait un motif de fond plutOt qu'une esception
préliminaire. J'ai aussi indiqué que, dans l'ordonnance dans I'affaire
Pajzs, Csdky, Esterhazy, la jonction au fond n'avait étédue qu'à la
conduite du défendeur qui avait devancé la décision de la Cour, en
rkpondant au fond au moment où il soulevait l'exception.
Si, maintenant, I'on se réfère à la jurisprudence de la Cour iiiter-
nationale de Justice, il est frappant de remarquer qu'en dix-huit ans
d'activité la nouvelle Cour n'a ordonné la jonction au fond que dans
deux seuls cas. Le premier de ces cas est l'affaire relative à Certnilis
emprunts norvégiens,où il n'y a mêmepas eu de procédure orale sur les
exceptions préliminaires, étant donn6 l'accord des parlies sur I'oppor-
tunit6 de renvoyer l'examen desdites exceptions à la discussion du fond
de l'affaire.e sorte que le seul cas oiià proprement parler, la jonction
au fond a étéréellement décidép ear la Cour est celui de l'affaire du Droit
de passnge sur territoire indien, où la Cour a estimé ne pouvoir juger
sans un examen des questions de fait concernant une pratique qui
s'étendait sur plus de deux si&cles.
Par contre, la Cour a statué dix fois sur des questions préliminaires
sans les joindre au fond, et cela même lorsquela jonction au fond a
étédemandée expressément et avec insistance par 1'Etat demaiideur.
Finalement, j'indiquerai que mon éminent contradicteur nous a
rappelé ce qui s'est passé lors de la discussion du fond de l'affaire
h'ottebohm.La Cour se souviendra que trois fins de non-recevoir avaient
étésoulevéespar le Guatemala après le rejet de l'exception préliminaire
d'incompétence.En tant que conseil de ce Gouvernement, le professeur Rolin a soutenu d'abord à cette occasion ce qui, d'après l'article 62

du Règlement, paraît évident, à savoir que ces fins de non-recevoir
pouvaient être opposées sans soulever formellement des exceptions
préliminaires. hfais le professeur Rolin avait soutenu aussi que lesdites
fins de lion-recevoir, parmi lesquelles figurait le défaut de jus stand;,
se présentaient en l'espèce de telle sorte que leur jonction au fond
aurait été u probable, sinon certaine * (affaire Nottebohm,C.I.J. Reczieil
19j5, roi. II, p. 163). C'est pour cette raison que le Guatemala n'avait
soulevéde telles fins de iion-recevoir Que lors de la ~rocédureau fond.

justement par rapport à la question de jtisstand;: «... que ce-moyen
d'irrecevabilitéa une importance prilnordialeet qu'il convient, en cousé-
quence, de l'examiner tout d'abord i,(C.I.J. Reczreil1955. p. 12).
Bien que la Cour eiit pu faire autrement parce qu'elle se trouvait
déjAau stade de la procédure sur le fond, eue traita donc la question
du jzrs stamii comme s'il s'était.agi d'une exception prélimiiiaire, à
savoir d'une matière tout à fait indépendante par rapport ai1 fond,
qui ne fut mênie pasabordé.
La jurisprudence de la Cour - comme aussi celle des tribunaux
arbitraux - confirme donc très nettement et trés clairement les con-
cliii~ii- :iiix~~i1~11 'C:t:ii.pnrv~iiii î ce siij~t loi; dc in:) précidciire
pk.iit\s~i~~VI ccrt:tiiivs ~I~~~~~i~ r~oil~~~~iiicnt.:tjiitr:irii:teur st:rnl~le
~l'.iiliir;<.tic~l':ic;oi.<iii:~iiiii"IL roi; pol~vnirIV.r6~111iicdriliis lei
quelques propositions suivantes :
r. Le critère fondamental qu'il faut tenir présent à l'esprit à propos
de la question qui nous occupe est celui d'une nette distinctioii cntre
juridiction interne et juridiction internationale et, partant, de la
nécessite des'abstenir, en toute circonstance, d'appliquer ?Ila seconde
des solutions qui ne peuvent valoir que pour la première. 1.a source
di1 uouvoir du iuee international de connaître du fond d'une affaire,
co&e XI.~nziioci l'a si clairement rappelé h ce propos, est exclusive^
ment le conscntemcnt des parties et non pas In volontédu législateur..
2. En conséquencede ce critère, il faut éviter, autant que possible.
qu'un Etat soit obligéde subir un procès au fond avant qu'il ait été
statué au préalable sur l'exception soulevée.En décidant de joindre
l'examen de l'exception préliminaire ailfond de l'affaire, on peut risquer

de contraiiidre le défendeur à discuter tout le fond d'une réclamation
pour en arriver, finalement, à reconnaître que la réclamation était
irrecevable et que le défendeur n'était pas tenu d'assumer une telle
chareu
3. Aucune distinction n'est à faire entre différentes catégoriesd'excep-
tionç préliininaires.d'incompétence.d'irrecevabilitéet autrcs exceptions,
en cc nui concerne~ ~ ~ eiamen et. en ~articulier. la décision-auant
;II problème d'une éventuelle joncti'on a; fond. L; droit international
n'a pas repris dans la matière certaines distinctioiis et classifications du
dro& intepne et s'inspire de criteres beaucoup plus souples.
4. La jonction au fond d'une question soulevée par le défendeur à
titre d'exception préliminairene saurait êtredécidéequ'exceptionnelle-
ment; la règle étant que, chaque fois que cela est possible, l'examen
des questions préliminairesse faitau préalabledans le cadre de la procé-
dure appropriée. Abstraction faite des cas oii le consentement du défen-870 B.4RCELOIIA TRACTIOX

deur est acquis explicitement ou implicitement, la jonction au fond
ne se justifie que dans des cas oh apparaît une impossibilité réelleet
manifeste de statuer sur l'exception indépendamment de l'examen et
de la connaissance du fond de l'affaire.
Passant maintenant à considérer les aspects que prend la question
dans la présente affaire, je vais me référer d'abord'exception relative
auA cet égard,je suis heureux de constater qu'à ce stade de la procédure
les deux Parties sont désormaisd'accord pour indiquer à la Cour qu'un
certain nombre de questions sont mûres pour êtretranchées et que,
partant, aucune demande en vue d'une jonction au fond ne subsiste
à l'égardde ces questions.
11. Kolin, dans sa plaidoirie finale d23 avril (voir ci-dessus, p. 661
et suiv.) s'est courtoisement référé A l'énoiicéque j'avais fait moi-
mêmede certains oints sur lesouels Dorte le désaccorddans le différend
actuel. Et il a indrquécertaineç'des questions comprises dans ces points
comme étant miires pour être tranchées par la Cour sans ionction
au fond.
II s'ensuit donc qu'une pleine concordance de vues existe entre les
Parties pour indiquer que,à leur avis, il n'anullement lieu de joindre
au fond les questions soulevéespar les thèses espagnoles quant au sens
et à la portée véritables de la demande belge actuelle, soit du point
de vue de son oricine. soit du point de vue de son contenu et par consé-
quent, quant au &faut de pour agir du Gouvernemen't belge au
titre de la protection diplomatique de la sociétécanadienne Rarcelona
Traction.
De même, lesdeux gouvernements sont d'accord pour considérer
mûre pour êtretranchée la question posée par la thése espagnole au
sujet du défaut de qualité du Gouvernement belge pour exercer la pro-
tection diplomatique de la sociétéSidro, en tant qu'actionnaire de la
Barcelona Traction. cette sociétén'étant pas inscrite au registre des
acLes deux gouvernements sont encore d'accord pour considérer comme
mûre pour êtretranchée la question de l'admissibilité eii droit inter-
national d'une protection diplomatique d'actionnaires ressortissaiits d'un
Etat tiers en cas de préjudice prétendument infli éà une sociétépar
un Etat étranger. Ici, toutefois, l'accord se limifeune regle énoncée
de façon généraleet abstraite. Pour ce qui est des conséquence5qui
doivent découler de l'application de cetterégle, en ce qui concerne le
défautdequalitédu Gouvernement belgepour agir en l'espèce,leGouver-
nement belge prétend que son jus standi ne saurait êtreapprécié qu'en
fonction de certaines circonstances faisant partie du fond et nécessitant
un éclaircissementcomplémentaire.
Le Gouvernement espagnol s'élèvecontre cette prétentioii avec la
plus grande fermeté. IL considère en premier lieu comme simplement
inconcevable que la Cour puisse prendre sa décision à propos de la
troisihme exception autrement qu'en appliquant à la question concrète
une règle généralede droit international définiepar la Cour elle-même
dans sa teneur et dans sa portée exactes. La définition de la règle
précède logiquement et nécessairement la prise en considération des
aspects concrets de l'espèce A.laquelle elle doit êtreajpliquée: et 11
est simplement inconcevable de demander à la Cour etablir avant
de définir la rhgle à appliquer certains aspects matériels de l'espèce qui peuvent s'avérer tout à fait sans pertinence lorsque le contenu
de laregle aura étédéterminé.
Vérifiersi les actionnaires de la Barcelona Traction auraient subi
des dommages et lesquels, à la suite du préjudice prétendument causé
à la société,serait une initiative dépourvue de sens, dès lors que la
détermination de la aualité Dour a-ir en faveur d'actionnaires. en cas
de 1)réjudicecaiist i un< wci;tC par un Etnt étranger, (sr uiie qiicjtioii
ciiticrement iridcpendnnt~de l'existence ou de I'inzistvnce (11doinin:i~cî
s'étant révercutes sur les actionnaires. II n'v a Das non ~lus de senià
vouloir rechercher si la société Barcelona~;act[on est O; non dissoute,
avant d'avoir établisi la&le de droit international régissantla matière
confere une im~ortance aÜëlconane à une telle circorïstance nour Der-
rilettre13 prot~itioii d'altionn:i;res en (lehori <Ila içiilc l;ypoti~=~e
où elle a ct? pris211con>id&r:iriondans I;ipr;itiqueà j;i\.oir celle d'une
soLe se;l fait que nitre éminent ~Ontradicteur 'ait'eu recourst naàidesil.
indications aussi peu valables à l'égard des prétendues circonstances
aui demanderaient à êtrevérifiéesdans un examen au fond de l'affaire.
Prouve combien nous avons d'attirer Fittention de la Cour su;
l'aspect inadmissible de cette tentative Dartrop a~varente du Gouverne-
ment belge de retarder encore la décisionà prÔp&'d'une question que le
Gouvernement espagnol considére depuis le début comme étant le
point crucial de l'affaire. II pense avoir finalement quelque titre à
recevoir cette réponse satisfaisante que, pendant des années, il a en
vain attendue du Gouvernement belge à propos de cette question.
Le Gouvernement espagnol a pleine confiance dans le bien-fondé de
ses thèses sur les points que le Gouvernement belge considère comme
mûrs pour êtredécidéset à propos desquels, partant, aucune question
de ionction au fond ne peut même seposer. Mais le Gouvernement espa-
gnol maintient très fermement que tous les aspects de l'exception con-
cernant le défaut de qualité pour agir du Gouvernement belge, et non
pas seulement certains d'entre eux, peuvent êtretranchés aujourd'hui,
et qu'un examen du fond de l'affaire n'est pas susceptible d'apporter
le moindre élémentsupplémentaire utile pour que cette question puisse
&tretranchée en pleine connaissance de cause.
En ce qui concerne la question du défaut d'utilisation des recours
internes, le professeurAlalintoppi a déjàeu l'occasion de préciserqu'un
tel défaut peut parfaitement ètre constaté sans qu'il soit nullement
nécessaired'examiner le bien-fondé des décisionsdes juges espagnols
et que le Gouvernement belge prétend entachkes de vice.
La quatrième exception préliminaire comporte surtout deus aspects.
11s'agit d'abord de savoir si oui ou non le jugement déclaratif de la
faillite a été dûmentattaqué eii temps utile par le failli lui-même.Pour
appréciercette question, la Cour n'a qu'à se pencher sur les articles des
lois espagnoles. Elle pourra certes tenir compte de l'interprétation de la
loi donnée par les juges espagnols, mais elle n'a nullement besoin de
retenir àcet effet les décisionsjudiciaires qui se rattacheraient de façon
spécifiqueaux proch entamés à propos de la faillite de la Barcelona
Traction. 11s'ensuit à la fois que la Cour n'aura pas même à effleurer le
fond du litige et que, par conséquent, un débat éventuel sur le fond du
litige ne saurait apporter des élémentsnouveaux sur ce point.
Il s'agit, en second lieu, d'appréciersi, des lors qu'il est constatéque le
failli n'a pas dûment attaqué l'acte déclaratif de sa faillite, une telle872 BARCELOSA TRACTIOS
omission suffit par elle-même à démontrer que la règle du non-épuise-
ment des recours internes n'a pas étérespectéeen l'espèce.Vu les pré-
cisions que le porte-parole du Gouvernement belge a données à la Cour
surla portéevéritabledu grief international, il est certain que l'ensemble
des actes et omissions que l'on prétend attribuer au Gouvernement
espagiiol se rattache de la façonla plus directàun mêmefait générateur,
constituépar le jugement déclaratifde la faillite.II est égalementcertain
que le non-épuisement des recours internes à cet égard a permis au
jugement déclaratif de la faillite d'acquérir force de chose jugée. Sile
jugement déclaratif de la faillite n'avait pas acquis force de chose jugée,
la suite des événementsaurait évidemment changé.De quelle façon et
p;yocèsd'intention et qui se traduirait par un procèsd'intention mèmee
s il advenait que la Cour nous demande de discuter le fondde l'affaire.
II s'agit donc plutôt de voir quelle est la portée d'une telle omission
déterminante de la part du particulier dans le cadre de l'application de
la règle internationale de l'épuisement préalabledes recours internes.
Mais un tel problèmeest, lui aussi, éloignéde toute question relevant du
fond de la présente affaire, puisque ce n'est que sur le sens et la portée
de la règle internationale elle-mêmeque la décisionpourra se fonder.
L'attention de la Cour a étédéià attirée à ~lusieiirs renrises sur la iuris-

sion est ~. .auétouiours a~oel6e à . .Drononcer sur l'a..lication de la
ri#lt:d<.I61~iiiit:ment~ir~~littilisecou;? iiltiriies. tcllc qli't:llecst con,;ii?
p,ir Ic droit iiirernatiùnal ciiiCral.I;o~.oinniissiù:iCIL:to~ijt)i~>son
aise Dour trancher cette auestion oréliminaire en tant aue télle.même
lor><iiicbon al>prCcintioiit:iigendrnit I'csnmen des lois i~tcriics coi~\.ciit
coiiiplt.s<~,tdi:procédurcî rniiltiplcs.1.acuinmijsioil. en s'iiispirnr~tcles
iioinbrcus ~rciccdeilts ~urisvri~cle~iti. ferriieinïnt Ctabli le i:irnctkri.
d'interprétation strict; qui'est propre à la règleinternationale en ques-
tion. Dans ces conditions, on comprend pourquoi il suffit d'établir
l'existence d'une omission déterminante pour décider en mêmetemps
que la règledu non-épuisementdes recours internes n'a pas étéobservée.
Nonsieur le Président, hlessieurs, je vous ai ainsi indiqué,en réponse
Gouvernement espagnol vous demande instamment de vouloir rejetersquelles le
la demande subsidiaire présentéepar le Gouvernement belge en vue de la
jonction au fond des deux exceptions concernant le défaut de qualité
pour agir du Gouvernement belge et le défaut d'utilisation des voies de
recours interne.
En vous indiquant cette conclusion, Alonsieur le Président, hlessieurs,
je suis en état de vous donner aussi la nouvelle que vous avez certaine-
ment attendue avec impatience, à savoir que mon deuxième exposéest
terminé.
Je vous remercie une fois de plus de l'attention patiente et bien-
veillante que vous avez bien voulu m'accorder pendant ces deus jour-
nées. DÉCLARATION DE M. CASTRO-RIAL

AGEST DU GOUVERNEMEXT ESPAGNOL

[Audiencepubliquedzi8 mai 1964,après-midi]

\IOII~IVII IVl'r<<idt!i.t,\I~css~ciirsl-:l;C'uur,jr 1111rL12rc t~iit <I':il~ord
.i Lirlucjrioii poiCc lur 11.IC juge JLSSIIPsur I:Lv.11turj~iridiq~ie ~I;IIIle
ca, l~ri.s,:ii~ltj cliver.; act~,s de pcrsoiincs l,ii\.;ei. I.,: (;i~iivt:rnciii<-irt
c.il~:i~nola f:iit Ct:it daii,I;i procCclurï Ccritr.et 1.1pri,cCdiirc or-ilc clcs
tlifl;rcntj tictes ,le pcrsorines privccs cuiiiiiii. cc. fut d'ailleurs le cas
égxlemcnt du i;ouv~riieineiit I>clge.I.zs ricrci pri\.ts qui ont CtE iiizn-
tionnés p;ir le (;ouvrri~enient cspgi1~1 éni:in:tient soit dc ~~ersoiiiit:s
i,ri\-&:s.soit [le rnrsonncs :t\.:irit des fonctioris ofii:ielles nini3 ii'n2i:innt
pas dans le cadie de ces fofictions.
Le Gouvernement espagnol a toujours considéréque ces actes ont un
caractère strictement privé et personnel et n'ont pas étéen mesure
d'engager la responsabilité du Gouvernement espagnol. Cette manière
de voir est confirméepar l'attitude que le Gouvernement espagnol a
prise dans la correspondance diplomatique, tout particulièrement .
d~~s sa note verbale adressée le 5 mars 1062 au Gouvernement belge.
;iin;i que iittns ses csc~~r~tioii;pr>iiniinairli dr 1963. 1~;irngr;il~lit r>.j.
Ic iii?iiicpriiicil)~.seiiiblr avoir ité p;irt.ic> par le Goui~eriieiiitb~lee,
au paragraphe 292 de son mémoirede 196;. . -
Je tiens maintenant, Monsieur le Président, à faire la déclaration
suivante: la Partie adverse a déposécertains documents au cours de

notre ré~lioiie.Le Gouvernement esuacnol..-ans le.souci dc faciliter en
tous poiXtsia tâche de la Cour, ne s'opposepas en principe à laproduction
de ces documents. Cependant la Cour appréciera que lesdits documents
ne sauraient êtreopposésaux argumenfs~formuléspar ceus des conseils
du Gouvernement espagnol qui ont répliquéavant d'avoir pu prendre
connaissance du contenu des documents en question.
Finalement, je mets à la disposition de la Cour Ies documents concer-
nantla structurede laBarcelonaTraction ctla composition de son conseil
d'administration.
Monsieur le Président, je suis à votrc disposition pour lire à la Cour,
ou déposerau Greffe les conclusions finales de mon goiivernement '.

1 Voir ci-aprhs p.1032 DUPLIQUEDE M. DEVADDER

AGENT DU GOUVERKEMENT BELGE

[Attdience publiquedu rr mai 1964 , alin]

&Ionsieurle Président, Ilessieurs les juges, je crois répondre au rceu
de la Cour et à I'esprit de son Rkglement en vous assurant du souci de
inon Gouvernement de ulacer les ulaidoiries aui seront urononcées en
duplique par ses conseil; sous le signe de la c&cision et de la synthese.
Pour ma part, je ne demanderai à la Cour que quelques minutes pour
lui urésentër d'abord une remaraue d'ordre eknéral et commenter
ensu'itequelques-unes des déclarations faitesen Gplique par mon estimé
collèguel'agent du Gouvernement espagnol.
Je me suis efforcé,dans l'exposéque j'ai eu l'honneur de faire le
3 avril, de montrer àla Cour que le présentproces est I'aboutissement de
quelque 16 annéesd'efforts, aussi variésqueconstants du Gouvernement
belge pour protéger les droits et intérêtsde ses ressortissants léséspar
le traitement infligéà la Barcelona Traction en Espagne.
Dans cette imperturbable détermination, que de multiples difficultés
n'ont pu infléchir,le bon sens peut trouver une preuve tangible que mon
gouvernement est conscient d'agir pour la défensed'intér&tsnationaux,
légitimeset importants. D'ailleurs, les chiffres que la Cour a devant elle
parlent par eux-mêmes;sur I 800 ooo actions de la Barcelona Traction,
200 ooo sont en main du public belge et I350 ooo en main de la société
belge Sidro, à laquelle sont intéressésà leur tour, directement ou par
l'intermédiaire de la Sofina.des dizaines de milliers de oorteurs bel-es.
Le préjudicede l'épargne'belgese chiffre par milliards'de francs.
Voilà la réalitéeconomique indéniable qui est l'objet de l'inlassable
combat mené Darmon Goubernement au süiet de cettéaffaire
IJ;i>i;iii1; ri;pli<lucde mon clistinguécolligiie. le rcliverÿi J';~bord
qu'il nolis reproche ,voir ci-dc.ssus,p. 673)d'avoir, dniis Ics rsplirntinns
oiie iiouj nvoris <loniiérii i~l:iiilonii5111edtu cricf dc d;nidc IUS~ICC.
Giséen fait toute la magktrature ainsi hue la-liaute administration
espagnoles et ce, en dépit de l'affirmation très nette que j'avais faite
dans mon premier exposéquant A la portée limitéedes allégations que
nous entendions formuler devant la Cour.
C'estlà une critique dont je tienà montrer,une foisde plus àla Cour,
l'absence de fondement. L'affaire de la Barcelona Traction, telle qu'elle
dirieécontre l'ensemble de la magistrature et de l'administration espa-
gnolcs: ce n'rsr niér~iepas le I>roct!s(lu quclques org:~nt~si,rollt:ctils~ou
individuclj, qiii sont eflcctivemcnt intervciiiis dans cctteaffnire. L3Cotir.
si ellc ndiiiet somme noiis I'espc'roI:rcce\~abilitéde I:tleman<lcl~i:I~e.
n'aura Das i a~urécierle com~ortement de fonctionnaires ou de ma&-
tratç, ;aisà &fier si les actésou omissionsqui sont intervenus dansles
circonstances exposéesdans le mémoire constituent des violations du DUPLIQUE DE M. DEVADDER 875

droit des gens et entraînent la responsabilitéde i'Etat espagnol à l'égard
de la Belgique.
En outre, j'ai tenu à souligner dans ma première intervention le
caractére exceptionnel de l'affaire de la Barcelona Traction. Lorsqu'elle
examinera le fond du litige, la Courn'aura aucune peine à.s'enconvaincre.
Les conseils du Gouvernement belge ont d'ailleurs étéamenés, soit
par les besoins de la réponse aux ex~osésintroductifs de i'aeent du
~oiivcrnement,es~>;t~iiolet dii Pr~fessei;rIlcii~~r,soit pa13pr&s&t;itioii
des faits relatifsd cerinines csccptions prCliminairej. j.se réi6rer eii
passant au concours très particulier de facteurs et de forces qui sont
entrésen action dans cette affaire.
A cet bgard, mon distingué contradicteur a cm pouvoir reprocher
aux conseils du Gouveniement belee d'a-oir profité de l'occasion
quï leur fournias:ti~iit les t:xceptions prr'liniinaircs polir tibordtr des
probl$nics dç furid cii iiiiiltiplinnt d:in.i toutes les dirccrlctiolciitci
attaques personnelles. Ce <ont les termes qu'il emploie i la page 674
ci-dessus.
J'estime pour ma part que ce reproche n'est pas fondé.Les coiiseilsde
mon Gouvernement n'ont uas d6~asséla mesure Queleur dictait la limita-
tion du prCsr.iitd4b.i~au; questions soulevt'esp:ir 1i.iescep~iuiis prCli-
minnirei oii pnr lei exposcs prr'sent;:;icette orc.icion par les çonseils du
gouvernenient (Ir'fcndeiir.Ils n'ontIJ:Inon pliis,lorsqu'ilsontCt& smcnr's
i mettre en iaiiii: des personiics dont le rolc avait Et6 <lCtcrrnin:iiit.
dans les f:iits qu'ils de\.niciit espos3rI:iCoiir, manilu6 ila nioclération
oue leur imposait le respect dû & votre haute iuridiciion
IIsonvi~.iitque irfnssï une bicve d>clar;xtioii~uiircrri:iiitle prciiiii:rdcs
docuiiii:iits dr'pos:r Irar le Coii\.c:i-iit elgeIr.5 ni;ii 1964. M. 1':igt:iit
du Goii\.ern~rn~.iitrsri.i~iion (IciclarCcila hn dc I':iiidiïiiilii3 niai.
que ce dernier ne s'oip&e pas h la production de ces pièces.
La Cour aura constaté qu'un bref passage de ladite lettre adressee le
rer juillet 1955 par hl.Dean à X. Pearson, à l'époquesecrétaire d'Etat
pour les Affairesétrangères du Canada, n'a pas étéreproduit et a été
remplacépar la mention «Le passage supprimé fait allusion à descircons-
tances d'ordre familial.D
se déposeail (;reife. poiir Ctre mis<:LI:i di;poiition de In Cour. copie
du texte iiitcgral dii (loriiriient. c'est-à-dire copie dii texte compren:int
les oiiel<iuesliaiic; dorir la nliblication s? hciirtcr:iit ides obiectioiis aue
sans'doûte la cour comprendra.
CedépBta lieu en accord avec mon estimécollèguel'agent du Gouver-
nement espagnol, qui a reçu coinmunication de ladite piece.
Je voudrais encore dire un mot des deux observations que mon
distingub collèguea présentéesau sujet de deux points évoquésdans la
correspondance diplomatique et dont il avait étéquestion au cours des
débats.
La première est relative à ce que je vous ai dit (voir II, p. 324-325)
au sujet de la mission entreprise en Espagne en 1954-1955par l'avocat
américainArthur Dean, comme représentant de la Sidro.
M. Dean aurait été,suivant l'agent du Gouvernement espagnol, pré-
senté au ministre des Affaires étrangères d'Espagne par l'ambassadeur
du Canada à Madrid, et mon honorable contradicteiir en voit la preuve
dans la lettre de l'ambassadeiir du Canada au ministre des Affaires
étrangères d'Espagne du 21 mars 1955 (vol. III des annexes aux excep-
tions préliminaires 1960,p. 244). 876 BARCELOSA TRACTIOS

La Cour pourra voir que cettelettre nedit rien d'une telle présentation.
La réalitéest que l'ambassadeur du Canada, au cours d'une visite à
laquelle M. Dean n'était pas présent, rappela officieusement au ministre
l'intérêtque son gouvernement portait à l'affaire de la Barcelona
Traction et exprima l'espoir que le Gouvernement espagnol profiterait
de la venue de M. Dean pour prêterses bons offices à une négociation
entre les parties privées intéressées.
avaient, aucbmêmemoment, reçu instruction de leurs gouvernementsMadrid
respectifs de prêtertout leur appui à M. Dean.
Toujours d'après mon estimé collègue, le Gouvernement espagnol
n'aurait pas rcçii RI.Dean au titre d'avocat de la Sidro. C'est là une
autre erreur que l'agent du Gouvernement espagnol eût pu facilement
éviteren seréférantauxdocumentsfigurant dans lesarchives du ministère
des Affairesétrangèresd'Espagne. Il y aurait trouvéune note durz juillet
19jq envoyéepar hl. Dean au ministre des Affaires étrangèressusnt son
premier entretien avec ce dernier, note qui cominençait par les mots:

«&Ir.Arthur Dean, in the name and on behalf of Sidro, a Belgian
Company holding a majority in the share capital of the Canadian
Company Unrcelona Traction, Light and Power Company, Limited,
and on behalf of Sidro'sshareholders, has requestcd an audience for
the purpose of greeting him in the nainc of his principals and
suhmitting to him the following.x

La qualité en laquelle M. Dean agissait et fut reçu par les autorités
espagnolesa étédu reste clairementindiquée danstous les documents que
l'éminent avocat remit aux autorités espagnoles, et notamment dans la
notequi fut remise au chef du protocoleà l'issuede l'audience au cours de
laauelleAI.Dean eut I'honneiird'étrerecu. en como.e-ie de l'administra-
teUr délégué de la Sidro, par le chef de'l'État espagnol,21ejuillet 1954,
ainsi que dans celle remise au ministre des Affaires étra-geres l4 avril
1955.
La Cour se souviendra des raisons pour lesquelles mon gouvernement
n'a pas jugé iiécessairede produire les piècesrelatives à la mission de
M. Dean (voir II, p. 326), tout en se déclarant d'avance d'accord pour
que le Gouvernement espagnol les produise s'il le jugeait opportun.
Il se fait toutefois que la lettre adresséevar M. Dean au ministre des
Affaires étrang&resd'Espagne le 22 juin 195'5à laquelle je me suis référé
parce qu'elle constitue une annexetàol'un des documents que nous avons
étéamenés à produire lej mai comme suite à la question de hl.le juge
Jessiip relativeà l'attitude du Gouvernement canadien. La Cour pourra
noter quecettelettre fait allusion la note précitéede M.Dean du 12 juil-
let Igj4, ainsi qu'a la qualité d'administrateur délégde Sidroreconnue
à AI.\Vilmers, qui avait étéreçu par le ministre en mêmetemps que
JI. Dean, le 14 juillet 1954. D'autre part, laphrase figurant au deuxième
paragraphe de la page 4 de ce même document ithe equity interests mil1
welcome any other method of conducting negotiations » confirme encore
la qualité en laquelle l'auteur écrivaitau ministre. Comme on le sait. le
terme equity iiterests est l'expression courante du langage financier
anglais pour désigner lesactionnaires.Equity est ici synonyme de shara DUPLIQUE DE M. DEVADDER 877

La deuxième observation présentéepar mon éminentcollèguea trait
à la composition et aux rapports de la commission d'experts, à la décla-
ration conjointe des gouvernements et à i'incidence que celle-ci a eue
sur le déroulement ultérieurde la ,procédureen Espagne. Elle n'est pas
de nature à modifier la positioii ferme que, comme je l'ai rappelédans
ma précédenteintervention à laquelle je me permets de renvoyer, mon
gouvernement a adoptée depuis pres de treize ans sur ces questions
qui relèvent d'ailleurs du fond du litige.
11 n'est pas exact que le Gouvernement belge ait accepté, fùt-ce
tacitement, la constitution on la composition de la commission d'experts
réunis par le Gouvernement espagnol, les rapports des experts, ou les
conclusions qui en ont ététirkes dans la déclaration des Gouvernements
canadien, britannique et espagnol du II juin igjr. 11s'agit là de faits
auxquels la Belgique est denieurée étrangère, qu'elle n'avait ni à
accepter ni à refuser et contre lesquels elle a proteste énergiquement
auprès du Gouvernement espagrioldèsdécenibrerggr. Le Gouvernement
belge est donc parfaitement recevable à retenir dans la présente affaire
comme griefs à l'égard du Gouvernement espagnol la dcsignation par
celui-ci en 1950 d'un expert ne présentant pas les conditions voulues
d'impartialité, la participation du Gouvernement espagnol à la décla-
ration du II juin 1951, et l'utilisation indue qui fut faite en Espagne de
cette déclaration nour hâter les mesures iudiciaires de li~uidütion des
in Il: I r ' t cc soiil 1';il<fii.tdi. :ict~i;~iiJe 1':ivij
du I;ouvern~.iiicnt bel.~.,ont coiirribii6 ila rC;ilrsîtidu p~~~ii<l,iiiil,~
par ses ressortissants.
Ilonsieur le Président, Jlessieurs les juges, pour conclirre, je voudrais
me référer à ladéclarationpar laquelle l'agent du Gouvernement espagnol
a terminé sa réplique (voir ci-dessus, p. 678). hion estimé collègue a
entendu justifier l'attitude du Gouvernement espagnol qui invoque des
exceptions préliminaires, par les considérationssuivantes:
nSi le Gouvernement espagnol ...avait accepté de venir dcvaiit
la Cour réfuter les accusations injurieuses et dépourvues de fonde-
ment qu'on lui avait adressées, ilaurait pris une lourde respon-
sabilitédans le domaine des relations interétatiques. II aurait per-
mis que se crée, sur le plan international, un précédent terri-
blement dangereux et que se produise ainsi une violation manifeste
du droit et de la justice.»

De son cBté,le Gouvernemerit belge se plaît à exprimer l'espoir que
la Cour déciderade connaître du fondde l'affaire et sera ainsi en mesure
d'empêclier,par sa décisionsouveraine, que le traitement subi par la
Barcelona Traction ne ir..crée,sur le plan international, un précédent
terriblement dangereux et que se produise ainsi une violation manifeste
du droit et de la justiceii. DUPLIQUEDE M. SERENI
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

[Audience publique du II mai 1964, matin]

Alonsieur le Président, Messieurs les juges, je répondrai brièvement
aux arguments en droit concernant l'exception préliminaireno I,énoncés
par hf. le professeur M'aldock dans sa rédiaue. Ma tâche ne sera Das
fourde car iotre éminent contradicteur n'k piesque rien dit de nouvéau
en réponse aux thèses et aux ar~um-nts développésd..s ma première
plaidoirie.
Les thèses en droit que nous avons énoncéesle 9 avril, page 427, II,
sont bien simples.
Première thèse: une déclaration de désistement rédigéedans les
termes de l'article 69 du Règlement de la Cour est une renonciation à
tiveri~ht); celle-ci reste intacte.clamation (doesnot affectthesubstan-
Deuxième thèse: pour prouver que le réclamant a en outre définitive-
ment renoncé à sa réclamation, il faut autre chose que cette simple
déclaration: il faut au'il v ait aussi soit une manifestation de volonté
explicite,soitun occoid mir<:lespnrtics, soit un enscinhlc dc iiiconjtÿnçes
déiiioiitrnntIIIItellx3 hien 216ln \idont6 du dc~l;ir,int.
'l'roisic'itli+sé:I:i:l.:irrtlc cette 1>1ct1iiconil)~tvideiil~~i~nt.s1;Ion
un principe généralde droit, à tel; qui se prévaut de la
renonciation à la réclamation; car une renonciation ne se présume pas.
Quatrième thèse: la déclaration par laquelle le Gouvernement belge
s'est désistéde l'instance est un acte unilatéral, qui doit êtreinterprété
sur la base des termes employéset des intentions de son auteur - le
Gouvernement belge - sans tenir compte de ce que le Gouvernement
espagnol a pu croire ou prétend avoir cru.
Cinquième thèse: Ic Gouvernement espagnol n'a pas démontréqu'il
résulte. soit des termes em~lovésdans la déclaration belee. soit des
circonstances, que le ~ouvérn&nent belge a entendu faire une telle
renonciation. Rien au contraire, et surabondamment, les circonstances
qui ont précédéet accompagné l'abandon de la .premiére procédure
démontrent péremptoirement le contraire.
Notre éminent contradicteur, pour sa part, a soutenu en substance
(voir II, p. 100) que la partie qui se désiste aux termes des articles
68 et 69 du Règlement, n'est pas fondée à introduire une nouvelle
procédure devant la Cour, à moins qu'il ne résulte soit des termes,
soit des circonstances du désistement qu'elle a indiqué à l'autre partie,
au moment du désistement, son intention de conserver le droit de le
faire, et la preuve qu'il en est ainsi incomberait à celui qui se désiste.
II est de toute évidence - et nous l'avons déji signalé le IO avril,
page 453. II - que le Gouvernement espagnol essaie, en substance.
par ce système, d'ajouter au Règlement une disposition qui n'y figure
pas. ni à l'article 68, nà l'article 69, ni dans aucune autre disposition. DUPLIQUE DE M. SERENI 879

(voir ci-dessus, p.751)nàlsconstruire son propre systkmevn,à lcompléter
le Règlement par une disposition jurispmdentielle, à proclamer par voie
d'arrêt l'existence d'une véritable brésombtio en vertu de laauelle le
désistement d'instance, acte irocédural, impliquer& pour
la partie qui se désiste l'abandon de la réclamation, A moins qu'il ne
resiorte soit des termes du désistement, soit des circonstancës dans
lesquelles il a eu lieu, qu'à l'époque1'Etat demandeur avait indiqué
l'autre qu'il se réservait le droit de le faire.
Cette ~résoni~tion. nous l'avons montré. irait à l'encontre d'un
principe g'énéradl'interprétation, universellem~nt admis en tout système
de droit et spbcialement en droit 'international, selon lequel les renon-
ciations ne sêprésument pas et, dans le doute, les tribunaux considére-
ront que la renonciation n'a pas eu lieu.
Il faudrait donc une raison bien forte et bien décisivepour convaincre
votre Cour d'entrer dans la voie . .~oséeDar l'honorable conseil du
(;ou\.cri~t!ineiitcspn~iiol, et d'iiitroduire. paiiarrFde principe. une
d;.ronation c;ii;:raàecettr r-ulcd'iiiteri)rGtation. cxç de d<sisteiiicnt
d'instance.
Cette raison, notre adversaire ne la cherche pas dans le Règlement
lui-même, convaincusans doute, et àjuste titre, qu'il lui serait impossible
Etats, qu'il rejette, ni dans la doctrine, qu'il ignore. pratique des
Pour tenter de justifier l'adoption du système de son invention,
notre contradicteur, dans sa première plaidoirie (voirII, p. 96 et suiv.)
avait invoquéquatre raisons pour lesquelles, à son avis. un désistement
d'instancese préteraitàuneinterprétation particulière, lorsqu'ilalieudans
une procédureinternationale. Nous avonsdémontrédans notre plaidoirie
du g avril (voir II, p. 431 et suiv.). que ces raisons étaient sans con-
sistance.
Dans sa répliqiie, notre adversaire, sans rencontrer notre réfutation,
concentre sesefforts sur l'argument selon lequel en matièreinternationale
la juridiction dépenddu consentement des parties.
Et il déclare (p. 753 ci-dessus) qu'il a étéencouragéà le faire par le
prétendu accord que nous aurions marqué sur les effets du désistement
d'instance. dans le cas où un tribunal international a étésaisi par un
compromis indépendant, c'est-à-dire un compromis qui ne se fonde pas
sur un traité antérieur de règlement judiciaire. Dans sa répliquedu 4 mai
(voir ci-dessus, p. 753) notreniinent contradicteur voudrait nous faire
dire que dans le cas d'une procédure introduite devant la Cour sur la
base d'un compromis indépendant, le désistement unilatéral met fin
s'appliquer lorsque l'instance a étéintroduite sur la base d'un compromis
on d'une requêteunilatérale qiu se fondait sur le traité hispano-belge
de 1927.
L'argument de notre adversaire consiste donc à dire qu'il ne voit
pas de raison de distinguer entre des procédures introduites en vertu
d'un compromis indépendant et celles qui le seraient en vertu d'un traité
de règlement judiciaire. Notre adversaire essaie ainsi de créer
une équivoque. Cette équivoque réside dans le sens tout à fait arbi-
traire qu'il donne au terme «compromis»,qui n'est pas le sens nor-
mal dans lequel le terme est employéen droit international et dans notre
plaidoirie.880 BARCELOY.A TRACTIOS

En effet, on entend normalement par ~compromisu - et c'est dans
ce sens que nous avons employéce terme dans notre plaidoirie - on
entend par ~icompromis » l'acte par lequel deux parties saisissent con-
jointementun tribunal internatioiial: le compromis est lui-mêmel'acte
introductif d'instance. Xotre contradicteur prétend au contraire qu'en
vertu d'un compromis une partie peut saisir la Cour par requéte uni-
latérale; ce faisant, il emploie le terme«compromis »dans uri sens qui
n'est pas son sens normal, et il identifie le compromjs avec un traité
de rbglemeiit judiciaire conclu en vue d'un différend particulier, qui
par acte unilatéral.e des deux parties, si ellele désire,de saisir le tribunal
C'est seulement sur la base de sa terminologie arbitraire que notre

d'un désistement fait eii vertu de l'article 69 du Règlement dans une754)
procédure introduite sur la base d'un compromis, alors que cet article
s'applique expressPrnent seulement aux procédures introduites par voie
de requête.
Dans le cas envisagé par notre contradicteur, le comproinis étant
en réalitéun traité de rèelement iudiciaire. n'est Das l'acte introductif
de 1'iiist;~n;v:cellc-crt iritro<liiir<:par I:Ir8qu;te iiiiil;it&ralc;er :iluri.
ci.idcinnirrit, si le tril>uii~lsaisi <:srle ~Ltrz, on pourrait :i\uir selon le
Ilcclriiienr de la Cour un dcsisr~meiit iinilatir:il t.t I'introiliiiilk-
rieÜred'une nouvelle instance en vertu de l'article 69.
Une fois levée cette équivoque, la prétendue analogie, crééepar
l'adversaire par l'emploi d'une terminologie arbitraire, disparaît. Si la
Cour a la patience de relire ma plaidoirie du IO awil (aux pages 4jo
et suiv., II), elle constatera que, sans prendre position sur les effets d'un
désistementdans une procédure engagéepar compromis iiidépeiidant-
nu sens normaldu terme, bien entendu - j'ai dit que dans ce cns-là on
pourrait êtremême d'accordque le désistement mettrait fin à la juri-
diction de la Cour.C'estune question que l'on ne peut pas résoudred'une
manière généraleet sans tenir compte des termes du comproniis.
Mais dans notre cas, comme je l'ai déjà fait observer. nous nous
trouvons en présencede deux Etats - l'Espagne et la Belgique - qui
ont donnéleur consentement à la juridiction de la Cour par lin traité
d'arbitrage par lequelil sesoumettent pour fousleslitiges à sajuridiction
et ils se trouvent soumis, sans dérogation aucune, aux termes de son
reglement qui prévoit et organise la faculté de se désister de I'instance.
On ne voit pas pour quelle raison, sous l'empire de ce traité. 1'Etat
demandeur, après s'êtredésistéde l'instance, serait désormais privé
du droit de porter à nouveau, en cas de nécessité, le même litigd eevant
la juridiction convenue.
La considération essentielleest que le litige subsiste.
Le simple désistement de I'instance n'a pas mis fin au litige: sur ce
point, nous sommes, je pense, d'accord.
Etant donné que l'Espagne s'est engagée par le traité de 1927 à
soumettre tout litige avec la Belgique, quel qu'il soit, à la juridiction
de la Cour, son engagement persiste, précisémentparce qu'il a un
caractère généralet permanent.
en matière de désistement est donc le suivant: si l'instance avait été
introduite sur la base d'un compromis entre la Belgique et l'Espagne,
compromis fondésur le traité. le désistement aurait dû êtrebilatéral, DUPLIQUE DE 11. SERENI 881

car le Règlement de la Cour (art. 69) admet le désistement unilatéral
seulement dans le cas où la Cour a étésaisie originairement par requête.
La Belgique a pu se désister unilatéralement parce que la Cour avait
étésaisiepar requête.Mais memesila Couravait étésaisiepar la Belgique
et l'Espagne par un compromis fondésur le traité de 1927, la Belgique,
à la suite d'un désisteinent bikrtéral,aurait pu introduire une nouvelle
instance; eii cas de refus de l'Espagne de le faire par un nouveau com-
promis. l'introduction aurait pu avoir lieu par voie de requête.conformé-
ment à l'article 17, alinéa4, du traité hispano-belge de 1927.
Le Gouvernement espagnol ne semble pas d'ailleurs avoir une bien
gde réfuter encore une fois.mière thèse juridique que nous venons
On Ie com~rend d'autant mieux aue son seul cfiet uratiaue serait

ment ou les circonstances d&s lesquelles il a;ait lieu, avaient indiqué
àl'Espagne, au moment où le désistement se réalisait,que le Gouverne-
ment belge n'abandonnait que l'instance, et non pas son droit de saisir
la Cour d'une action internationale relative à l'affaire de la Barcelona
Traction.
Cette preuve, nous estimons qu'elle ne nous incombe pas en droit.
Mais sur le plan des faits elle rie nous gênenullement et, à titre
surabondant, nion Cminent collèguele professeur Van Ryn i'a fournie
d'une manière complète par le rappel - avec pièces à l'appui - des
circonstances qui ont prbcbdéet accompagiiéle dfsistement.
Le Gouvernement espagnol en est parfaitement conscient, et c'est
sans doute pour cette raison qu'il porte son effort sur une position de
repli que son honorable conseildécritcomme suit (voir ci-dessus. p. 750):

<iDe toute façon [il entend dire: en ordre subsidiaire], un Etat
qui se désiste alors qu'il est dans la situation du défendeur à des
exceptions rélimiriaircs, ne peut réintroduire l'instance,à moins
qu'il aitind$ué à l'autre partie qu'il se réservele droit de le faire
et que l'autre partie y ait donné sonconseiitement. »

Cette thèse, qui ellenoii plus rietrouveaucun appui dans le Règlement
de la Cour ni dans la pratiqua: des Etats, iious paraît complètement
inadmissible pour deux raisons.
La première, c'est qu'elle repose, à notre avis, sur une conception
tout à fait inexacte du rôle des exceptions préliminaires.
Sans doute ces exceptions suspendent-elles la procédure sur le fond
en vertu de l'article62. paragraphe 3, du R6glement. Sans doute aussi
1'Etat défendeur doit-il justifier le bien-fondé des exceptions qu'il
invoque, et c'est dans ce sens que l'on doit entendre l'adage: Reus in
exccifiieirfitaclor.
Mais il serait toutà fait absurde d'en tirer la coiiclusion aue les rôles
daiis leprocès se trouveraient renversés - comme en cas de demande
reconveiitionnelle - et que le défendeur se trouverait désormaisdans
la position d'un demandeur.
Le Gouvernement espagnol croit habile de recourir à ce subterfuge
pour tenir le raisonnement suivant: la Belgique. étant défenderesse
au point de vue des exceptions préliminaires, doit être considérée, 882 BARCELOSA TRACTlOS
lorsqu'elle se désiste, comme renonçant à se défendre contre elles,
c'est-à-dire y renonçant. Ce n'est là qu'un jeu de mots.
Si les exceptions préliminaires donnent lieu à une procédure spéciale
destinée h permettre à la Cour de statuer sur leur mériteou éventuelle-
ment de les joindre au fond, il tombe sous le sens que cette procédure
n'a que le caractère d'une procédure incidente, accessoire, par rapport
au litige véritable, qui porte évidemment sur le fond.
Lorsque 1'Etat demandeur déclare renoncer à poursuivre la procédure
- dans les termes de l'article 69-cette déclarationconcerne nécessaire-
ment la procédure engagéepar lui sur le fond. Et l'abandon de celle-ci
rend sans objet la procédure accessoire relative aux exceptions préli-
minaires, mais aucune conséquence nepeut être tiréede la déclaration
de désistement quant à l'attitude du demandeur à l'égarddes exceptions
préliminaires.
La deuxième raison qui doit entraîner le rejet de la thkse espagnole
c'est que, même lorsqu'une exception préliminaire est soiilevée par
1'Etat défendeur, l'Etat demandeur peut avoir, pour se dtsister, des
raisons très diverses - qui n'auront peut-être aucun rapport avec le
bien ou le mal-fondé de l'exception: des considérations d'opportunité
par exemple.
En réalité,le Gouvernement espagnol essaie, une fois de plus, d'insti-
tuer une présomption purement arbitraire selon laquelle lc désistement
d'instance, intervenant quaiid une exception préliminaire a étésoulevée,
ferait résumer l'intention de renoncer au droit d'action. Ce serait.
encore'une fois, une présomption de renonciation, et nous avons déjà
démontré(voir II, p. 444 et sui\..) qu'elle est démentiepar la pratique des
Etats.
prétation quens,rien ne saurait justifier. Mais en le rejetant, la Cour
constatera en mêmetemDs aue le service iuridiaue du ministère des
t\ffaircs itriingcres ccpn,liol a commis iiiie crrvur dc droit certaine
lorsqu'il;isrilpouvoir aflirrner Jsiii sn iiott:(20 m:irs rg61ail ministre
que nle dcsistemcnt belge recoiinaitrait inilili~itriiiciit Ic bien-fonde des
exceptions pr~~lirriiiinir~ssp;igiiolu.Cettc altirniarion n'est d'ailleiir;
appu\.cc d'aiicuiic justific:itionet toutefois c'est la seule sur laquelle
lë Seivice iuridiaue-base toute son areumentation.
J'en vieRs mahtenant à la de mes thèses en droit. c'est-à-
dire au caractère unilatéral du désistement d'instance belce.
. Dans sa réplique,notre adversaire répète, sans en donner la démons-
tration (voir ci-dessus, p. 756). que dans un désistement unilatéral
fait en vertu de l'article 69 du Règlement, il y a, dit-il, "un certain
élémentconsensuel, bilattraln. Or, nous avons démontré que cette
thèse est fausse et l'adversaire ne nous paraît pas avoir sérieusement
réfuté notredémonstration. Il s'est borné à des observations de détail
sur lesquelles il nous paraît superflu de revenir en termes de répliquo.
Notre adversaire feint d'êtresurpris par notre référencedu IO avril
(voir II, p. 437) aux maximes énoncéespar la Cour dans l'affaire de
1'Anglo-Iranran Oil Co. Ces maximes ne sont pas, comme il le prétend,
de simples dicfa. Ellesénoncentlesprincipes fondamentauxqui président,
selon la Cour, A l'interprétation des actes unilatéraux. Ils sont les sui-
vants: un texte qui a étérédigéunilatéralement doit être interprété
sur la base des mots employéset de l'intention de celui dont il émane:il
ne doit pas êtreinterprété surla base de ce quepeut avoir cm la partie à DUPLIQUE DE 31. SERENI S83

laquelle il est adressé.Commele désistementfait sur la base del'article 69
du Rèelement est un acte nnilat6ral. ces ~rinci~es s'an~L Au.nt aussi
ason Lterprétation. Le désistement d'instânce dû Gouvernement belge
doit donc être interprétésur la base des mots employéset de l'intention
du Gouvernement belee. Son contenu ne Deut fiaS.êtremodifiésur la
base de ce que le ouG Ger ne empagnol pu Eroire on rétend avoir
cm. Xos arguments d'ailleurs sont surabondants car le &o 'uvernement
espagnol, comme l'adémontrémon collègue le professeur Van Ryn,
ne pouvait as ignorer, et en effet étaitau courant du fait que le Gouver-
nement bege n'avait aucune intention de renoncer & la réclamation.
Monsieurle Président, Messieiirsles juges, il ne me reste qu'à répondre
à la deuxième question qui a étéposéepar M. le juge sir Gerald Fitz-
maurice. Mon éminent collèwe, le professeur Van Rvn. répondra à la
première de ses questions et à la 'première des quëstionsAposées par
il. le juge Jessup
,Avant tout. le tiens à déclarer encore une fois que. de l'avis du
Gouvernement belge. une réserveexpresse, dans l'acte belge de désiste-
ment, au sujet du droit d'introduire une nouvelle instance aurait été
superffue (1 lhink il would have been surplusage). Par conséquent, la
ouestion se Dosedans les mêmestermes. soit au'i> v 9it eu ou non une
réCela dit, la réponsedu Gouvernement belge est la suivante.
Le traité de raz7 nrévoit une sériede ~rocéduressuccessivesDouvant
&er jusqu'à la saisine de la Cour voie de requêteunLatérale.
Les procédures prévues par le traité sont ouvertes lorsqu'il esiste un
différendentre les parties. Le désistement a mis finà i'instance devant
la Cour, mais ily a litige entre les parties. Comme la nouvelle instance
constitue un nouveau recours au traité, 1'Etat demandeur, mêmedans
le cas où il s'est expressément réservé ledroit d'introduire une nouvelle
instance, doit refaire les démarches prévuespar le traité, qu'il ne peut
pas présumer &trefutiles ou inutiles.
Ma duplique est terminée.Je remercie la Cour de sa patience. DUPLIQUEDE M. VAN RYN
COSSEIL DU GOUVEHSE>IEST BELGE

[Audience Publiquedu II mai 1964, matin]

Monsieur le Prbident, Messieurs les juges, à ce stade des débats,
une réplique ne peut avoir d'utilité pour la Cour, me semble-t-il, que
si elle met en évidence les points essentiels qui émergent en quelque
sorte après les longues explications développéesde part et d'autre
précédemment.
C'est ce que je vais principalement m'efforcer de faire.
Lors de mon premier exposé, j'avais cru pouvoir exprimer la surprise
que nous avions éprouvheen constatant que dans sa plaidoirie l'honorable
conseil du Gouvernement espagnol n'avait pas fait la moindre allusion
aux circonstances qui se trouvaient à l'origine du désistement du Gou-
vernement belge, circonstances dont la connaissance était cependant
à notre avis iiécessairepour comprendre la décision et les intentions
de ce gouvernement.
Aujourd'hui cette lacune est combléepuisque mon adversaire, dans
sa réplique, s'est étendu sur ces circonstances plus longuement m&me
que ne l'avait fait le gouvernement demancleiir.
Xous ne iious attendions certes pas lui voir même consacrertant
de temps à l'examen de tous les échangesde rues préalables, de tous
les rojets successivement ébauchéset abandonnés au cours des pour-
par ers engagéspar hl. Frère avec le comte de Alotrico.
Je n'ai pas l'intention, quant à moi, de suivre l'honorable conseil du
Gouveriiement espagnol dans la voie quelque peu fastidieuse où il
s'est engagé.
Le Gouvernement belee ne croit nas. en effet. Au'il lui faille réfuter
point par point tout ce $ a étédit au nom du Gouvernement espagnol
eu termes de réplique.Si nous entreprenions de le faire, il nous faudrait
reprendre presque-une par une ciîacune des pages que comporte la
réplique espagnole sur le plan des faits. Car l'exposéde l'honorable
conseil du Gouvernement espagnol a pour point de départ, presque
constamment, une défiguration difficilemeiit admissible de ce que le
Gouvernement belge a plaidé.
Toutefois, je puis rassurer la Cour, la défense de la cause du Gouver-
nement belge ne requiert pas qu'il soit procédéau redressement détaillé
de cette déformation,qui prend parfois un caractère un peu systématique
.. .-..t....
Aussi pourrai-je épargner à la Cour les développements qu'exigerait
pareil redressement. Je me bornerai cependant à prier respectueusement
la Cour de bien vouloir, au cours de son délibéré,sereporteraux positions
et aux argumentations du Gouvernement belge, teiles qu'elles sont
développéesdans les plaidoiries des coiiseils de ce gouvernement et
non pas telles qu'elles sont relevées dans la réplique de l'honorable DUPLIQUE DE Y. VAS RYN 885

conseil du Gouvemement es~aenAU^oui n'An donne tron souv~.t au'une .
image infidèle.
Avant d'aborder mon exposéproprement dit, je désireencore.Monsieur
le I)résident. Messieurs de la Co~~. .io,~er une dernière obser~ ~ ~ ~
Liminaireque je crois malheureusement indispensable.
,M. l'agent du Gouvernement espagnol et, a rès lui, l'honorable
parce que dans ma plaidoirie je me serais livré, envers un homme quibation
n'est plus de ce monde, à des accusations qu'ils oiit jugéesdéplacées
et inutiles. Je me permettrai de poser à ce propos iine question fort
simple: nous ii'avons pas perdu le souvenir d'un réquisitoireviolent,
injuste, quc 1,: Gou\.rrncnieiii cspagriol a cliargt! l'lin de sri coii;cils
dt. diriger.<iritrr <Irriinl~lcdiicrsiuii csin5 ;iucuiic nl:ccssitl:,1,encl:iiit
plusicuri aiidicricri. i<ii<litiioiiil,r~iilirsi>iiii<<,.II:siisii ilCc;~l;,ri.
Et alors la auestion la voici: Amèscela, est-ce que vraiment lesreprésen-
taiits ct le~conseils de ce goüvernement soi~t'~ualifi<spour pr6tendre
donner ainsi à leurs adversaires des leçons de modkration ou de correc-
tion? Je suis certes aussi sensible. que mes lionorables contradicteurs
aux exi-ences de la courtoisie. Ils voudront bien.,,e l'e.vèr,.reconnaître
cependant avec moi que nous sommes ici avant tout pour servir la
véritéet pour aider la Cour à connaitre lavérité. Assurémenc tonvient-il,
dans I'a&om~lissement de notre tâche. de ne aas ieter indûment le
discrédit sur i'une ou l'autre personne. ifais quakd il's'agit d'expliquer
à la Cour les intentions et la conduite d'un homme dont l'ombre domine
tout ceprocès,d'un homme qui a jouéun riile capital daiis lespourparlers
qui conduisirent au désistcmeiit du Gouvernement belge, d un homme
dont il faut interpréter les déclarations et les écrits, il nous a paru
impossible de laisser votre Cour daiis l'ignorance complète<lela persori-
nalité et du caractère de celui qui fut l'inspirateur de toute l'affaire
de la Barcelona Traction, de l'homme qui a étél'uiiique béiiéficiaue
de la spoliation des actionnaires belges. II eût étéimpossible de n'en
dire que du bien ou de n'en oint parler. Il aurait fallu sans cela renoncer
à plaider. Aucune régle bienséance ne pourrait donc ici préva-
loir. Tout ce qui eût étécertainement dit si Juan blarch était encore
mort.e devait donc étre dit. au service de la vérité,méme après sa
La question soulevée par la première exception préliminaire du
Gouvernement espagnol se pose, vous le savez, Monsieur le Président,
hlessieurs, en des termes relativement simples.
Pour établir le bien-fond& de cette excention. le Gouvernement
espagnol tlt:\.r;iit ~Ivmontrerque ledéiiitriiit:iii'd'insrit<III(;ou\crn~,-
inïnt bclge s'nçcoriipngiiait <ILc.irconit:iiici,s r;\.;lniit salis adoute
~ossiblc l'iiiteiiti~n du Gouvcriiciiieiit 1)elnede rcnonccr désoriiia:i,ri
griefs contre l'Espagne, de renoncer en particulier à protéger désormais
par la voie d'une action judiciaire devant la Cour ses ressortissants
gravement lésés l'occasion de l'affaire de la Barcelona Traction.
Le Gouvernement espagnol soutient, il est vrai, que ce serait au
contraire le Gouvemement belge qui devrait démontrer qu'il avait
manifesté l'intention de se réserver ce droit, qui devrait démontrer
que le Gouvemement espagnol avait connaissance de cette iiitentiou du
Gouvernement belge, sinon même - et c'estlà la thèse la plus extrême
du Gouvernement espagnol - le Gouvernement belge devrait démontrer
que le Gouvernement espagnol avait marquéson accord sur cette réserve.886 BARCELONA TRACTION

Mon savant collègue,le professeur Sereni vient, Monsieur le Président,
Messieurs de la Cour, de réfuter d'une manière qui nous paraît tout à
fait décisive les arguments juridiques invoqués par le Gouvernement
espagnol en termes de réplique àl'appui de son systéme.
Sur le plan des faits et à notre point de vue, à titre surabondant -
nous n'avons aucune peine à établir que les deux gouvernements ont
parfaitement compris et admis l'un à l'égarddel'autre que ledésistement
d'instance fait par le Gouvernement belge ne devait avoir aucune autre
conséquenceau-delà de ceile qui s'attache normalement à cet acte de
pure procédure, à savoir l'abandonde la procédureengagéeet rien deplus.
Dès lors, ce désistement ne peut évidemment faire obstacle à l'intro-
duction d'une nouvelle requête à propos de l'affaire de la Barcelona
Traction, contrairement à ce que soutient le Gouvernement es~amol.
L:iCuiirayant à présciit. aux plaidoiricj f:i~resde part et d'aiutre,
uiie coiiiiais;an~c coniplètc~Irscircunjtaiicïj <fsitct de I'inteq)r6tatiori
qtii leti~jt clonnie ,l'un cOt6coiiiriit:di: l'autric ~n'effiirztraide nrr'.
<enter, si la Cour le veut bien. d'une manière synthétique en queique
sorte lesdifférentséléments defait d'oùsedéduit à nosyeux cette parfaite
concordance entre les iiiteiitionsmanifestées par les deux gouvernements,
et ce au moment où fut notifiée à votre Cour ladéclarationde désistement
du 23 mars 1961.
J'esaminerai de cette manière en premier lieu la situation du Gouver-
nement belge et ensuite celle du Gouvernement espagnol.
Les intentions et l'attitude du Gouveriiement belge ont étédécrites,
Monsieur le Président. Messieurs de la Cour. vous vous en souviendrez,
avec la plus grande précisionpar M.l'agent du Gouvernement belge dans
son exposé introductif ,2l'audience du 3 avril dernier (voir II, p. 328
et 329).
Je me permettrai simplement de rappeler à la Cour que, sollicitépar les
représeritants de la Sidro de se désister de l'instance alors pendante
devant la Cour ah de réaliserainsi la condition préalable aux négocia-
tions exigéespar Juan hlarch, le Gouvernement belge s'y était d'abord
refusé et avait proposé diverses formules alternatives qui, toutes, lui
auraient permis de poursuivre éventuellement laprocédure déjàengagée
devant la Cour, au cas où les négociations privées4choueraient. Parmi
ces formules, les unes prévoyaient une simplesuspension de laprocédure,
les autres un désistement en auelaue sorte conditionnel aui n'aurait
acquis un caractère irré~ocable'~u'~~r&la conclusion éverhuelle d'un
accord entre les groupes privés.
Mais la Cour s'en souvient également, c'est le refus persistant de la
Partie espagnole d'accepter l'une ou l'autre de cesformules. C'est cerefus
qui a finalement amené le Gouvernement belge. pour ne pas empêcher
une négociationquis'annonçait sous des auspices favorables, à considérer
à nouveau l'éventualitéd'un désistement d'instance san~~condition.
d6.;istenitiit auqu4 il a finalement coiisenri auvu des assuranui. écrites
donnces par lecomte de Uotrico à .\ll:r&re.a11\uégalementdes rapports
que JI. I'rcre fit, de multiples n.priirs. au Gouvcmemeiit helgt siir les
entJetsuis sp~~ciiilci~ieatutori~CI,Jlonsieur le I'rCsidriit. Jlessieiirs de la

Cour. à confirmer. une fois de dus. oue iamais le Gouvernement belee
désistcriitnrn>'ilui avait étéindiquéou s'ilavait pu croire que;i1.1condi-

tionpr;.nlablr de Juan hlarch coniportnit 11renonciation par la Helgiqiie DUPLIQUE DE M. VAN RYN
887
à son droit d'assurer, notamment par la voie d'une action internationale
portée devant votre Cour, la protection des ressortissants belges lésés
dans l'affaire de la Barcelona Iraction en cas d'échecdes négociations
qui étaient projetées à ce moment, c'est-à-dire, précisbmentdans l'éven-
tualité où sa protection redeviendrait indispensable.
Une telle prétention aurait été a la fois exorbitante et absurde, puis-
qu'elle aurait étéémisesans aucune contrepartie certaine et appréciable.
Elle n'aurait - je ne puis asscz y insiste- pas eu la moindre chance
d'être acceptke par le Gouvernement belge, et celui-ci n'a d'ailleurs
jamais eu aucune raison de croire qu'elle avait été formuléepar Juan
March.
U';,iitrc part.iln'y :rpas uii mot. dans les d?clanitions du Gou\.criie-
rnerit bclge. ni daiis le.; lcttres ou le>l'c(~iit.xpriiiicnt les intentions
de ce g.,vernement. Das un mot de nature a fairecroire aue ce eouver-
neintiit n'iitirait jaii;Ss ciiten<lu abandonner son droit dé prot<Lb:crses
rcsiortisj:<nts par une action iiiternationalc. :i\.aiit que ses rcs~ortissants
aient étédùment indemnisés.
Rien au contrairç, tant IcGou\~crncmentbclgzque 11.I:rc\r- lorsrlti'il
a fait connnitrc les intentions de scii gou\.crriclncnr au conite dc Xlotrico
-, tous deux ont constamment ~6cisé aue ce aue le eouvernement
envisageait c'btait de se désisterdei'inslanc~Ils n'oit jamak dit, ikn'ont
jamais laisséentendre qu'il s'agissait de quelque chose de plus. En re-
vanche - et contrairement à ceau'a ~IaidPinotte adversaire Sur ce oint
-nileGoitvernement belgeni M.bréfen'avaient aucune raison ni a;cune
oblication de préciser que ces termes clairs - désistement de l'instance
- s:gnifiaient: et ici je-fais une citation «quelque chose de moins qu'un
definitivemithdrawal /rom theCoarrt ocomme l'a dit l'honorable conseil du
Gouvernement espagnol à l'audience du zg avril (voir ci-dessus, p. 733).
Il n'y avait aucune raison ni aucune obligation de dire quoi que ce soit
de semblable pour le motif très simple que Juan Mach en formulant
sou exigence préalable ne s'était nullement exprimé dans les termes
employés ainsi par l'honorable conseil du Gouvernement espagnol.
Lelitige international entrela Belgique et l'Espagne nepouvait prendre
fin que si les ressortissants belges lésésparvenaient à un accord avec le
groupe Juan March. Et comme conskquence de cet accord, cette obser-
vation de simple bon sens avaitétéfaite des l'origine en termes trhs clairs
par hl.Frere avant le désistement, dans cette lettre du zo mars 1961
adressée~ar lui au comte de Motrico. lettre aue i.ai ,éià analvséeau
cours dc hi [)l;iidoirir:.Cette Iettrc d6biit;iit par le p:issl16.csuivant qui
est toiit ;i fait cnractCri.~ti<)iie:
«Depuis l'échangede lettres qui a eu lieu entre nous les 23 et 24
févrierdernier [écritM. Frhre], j'ai repris contact avec le Gouver-
nement belge pour préparer la négociationque nous avons envisagée
en vue de mettre fin au différendentre Fecsa et Sidro et, par voie
de conséquence[dit Af.Fr&re],entre l'Espagne et la Belgiquean sujet
de la Barcelona Traction. n
Ainsi le désistement d'instance du Gouvernement belge ne devait
êtreet n'a kt6 rien d'autre qu'un acte préparatoire de l'accord éventuel
entre les groupes privés. Jamais le moindre doute n'a pu exister au
sujet des intentions du Gouvernement belge sur ce point.
Je devrais à présent, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
examiner comment, de son côté,le Gouvernement espagnol a interprété886 BARCELONA TRACTION
l'attitude du Gouvernement belge, mais cet examen et la discussion
qu'il entraînerait risqueraient de me prendre encore un certain temps
et je crois qu'il ne serait pas souhaitable de l'interrompre. C'est la raison
pour laquelle je demande respectueusement à Monsieur le l'résident
d'arrêterprovisoirement ici mon exposé.

[Audience pztbliqîtddu II mai 1964,ap/ès-midij

hlonsieur le Président, Nessieurs les membres de la Cour, ainsi que je
m'étais permisde l'annoncer à la Cour à la finde l'audience de ce matin,
je me piopose d'examiner à présent comment, de son cbté, le Gouver-
nement espagnol a interprétél'attitude du Gouvernement belge.
L'honorable conseil du Gouvernement espagnol, si nous l'avons bien
comnris. laide à neu ~rèsce oui suit.
1l'impÔrte peu bue ie ~ouvérnement belge ait eu, ou non, la volonté
de ne faire qu'un désistement d'instance, car il n'a fourni au Gouverne-
ment espagnol aucune indication propre à informer celui-ci qu'il se
réservait d'introduire éventuellement une nouvelle requête; le Gouver-
nement espagnol était au contraire persuadé, en droit et en fait, que le
désistement du Gouvernement belge signifiait que ce gouvernement
renonçait à se défendre contre les exceptions préliminaires opposées à
sa première requêtepar le Gouvernement espagnol et, en conséquence,
que le Gouvernement belge abandonnait ses prétentions une fois pour
toutes.
Je crois, hlonsieur le Président, Messieursles membres de la Cour, que
c'est le Gouvernement es~aenol lui-mêmeaui va nous fournir la Dreuve
que cette thèse ne correSp&d aucunemeni à ce que le ~ouveriement
ménfavait lieu.t. à ce qu'il crovait réellement à l'-po-ueoù le désiste-
Cette preuve, nous la trouvons dans la note espagnole du g octobre
1961, qui figure parmi les annexes à notre mémoire, volume IV,
no 269. Au moment où cette note a étéenvoyée - le g octobre 1961 -
cinq mois se sont écoulésdepuis le désistement; les négociations entre
les groupes privés viennent d'échoueret le Gouvernement belge a alors
adressé lui-mêmeau Gouvernement espagnol une note verbale pour
informer leGouvernement espagnol decet échec.Cette note du Gouverne-
ment belge figure également parmi les annexes de notre mémoire au
volume 11'(c'estledocument nO266.n... 104.,, Dans cettenote. le Gouver-
nement I><:Igrcappelle lei circoristaiicésqui ont iluiiiiClicu au dCsiitement
d'iiistniic[ciii;~lieiicei ti.rii1e.ipa1;iiote) etilaniioncc que I'c'cliec
des nérrociat;ions- ie cite textuillement, la'note: «amène ie Gouver-
nemen; belge à assurirà nouveau de façon'active la protection diploma-
tique des intérêtsbelges en cause i,.
Et la note poursuivait -je continue à citer textuellement:

((Avant toutefois de porter à nouveau l'affaire devant la Cour
internationale de Justice, le Gouvernement belge charge son
ambassade de demander au Gouvernement espagnol si les circons-
tances qui ont entouré les négociations entre les principaux inté-
ressés ne sont pas de nature à l'amener à modifier sa position
antérieure au sujet des réparations demandéesen faveur des ressor-
tissants belges., DUPLIQUE DE M. VAN RYN 889
Et après un rappel de ces circonstances - rappel assez développé -
la note se terminait par les mots suivants:

ciTels sont les faits sur lesquels l'attention du Gouvernement
espagnol est attirée. Si, malgré eux, il estimait devoir maintenir
intégralement l'attitude négative qu'il a opposée jusqu'ici aux
demandes belces. le Gouvernement belge serait nécessairement
amené, comme ii a étéindiqué plus hait, à soumettre le litige
à la procédurede règlement judiciaire prévueau traité du ~qj. .let
~gzjconclu entre la-13elgiqueet l'Espagne. u
Si ce que plaide aujourd'hui le Gouvernement espagnol était exact,
quelle devait être sa réaction (:n recevant cette note? Elle est évidente:
en tout premier lieu, le Gouvernement espagnol devait opposer l'obstacle
de la prétendue renonciation dbfinitive nu droit de saisir la Cour d'une
action internationale contre l'Espagne. Ce devait être,en quelque sorte,
une répliquespontanee, un réflexeimmédiat.
Or, dans la note en réponse du Gouvernement espagnol, datée elle
aussi du 9 octobre, il n'espas zrnsecilinstant questiotide celL'unique
passage, dans cette note espagnole, qui se rapporte à la nouvelle procé-
dure annoncéepar le Gouvernement belge. est conçu comme suit - je
cite textuellement:
nla décisionde revenir sur le désistementde l'action intentéedevant
le Tribunal international de Justice ne moclifie donc en rien la si-
tuation de base et ne constitue que la manifestation d'une nouv,e,lle
velléitéen ce qui concerne la prétention de protéger une societé
canadienne et les intérêtsprivésqu'elle groupe II.
Il n'est pas question dans cette note d'une forclusion quelconque. II
n'y sera fait allusion, à cette forclusion, pour la première fois. que
beaucoup plus tard - cinq mois plus tard - dans une nouvelle note
espagnole du 5 mars 1962, qui répondra, apres trois mois de méditation
et de consultations,à une nouvelle note belge adresséeau Gouvernement
espagnol dans l'intervalle, le5décembre1961.
Cette absence de réaction immédiate est véritablement incompré-
hensible si, comme il le plaide aujourd'hui, le Gouvernement espagnol
avait la conviction que la déclaration de désistement du Gouvernement
belge impliquait une renonciation définitive, à tout jamais, an droit de
saisir encore votre Cour d'un différendinternational relatàfl'affairede la
Barcelona Traction.
Ou'a ré~ondu à cela l'honorable conseil du Gouvernement espagnol?
SaTépon& est reproduite aux pages 744 et 745 ci-dessus - ef jë cite
textuellement la traduction française:
irl'explication de ce fait se trouve dans cette quasiabsession du
Gouvernement espagnol que j'ai décrite, quant aux tentatives de
la Belgique d'obtenir un locus standi dans l'affaire de la Barcelona
Traction et d'entraîner leGouvernement espagnol dans le différend
entre des groupes d'intérêtsprivés.ii

Et plus loin, i'honorable conseil du Gouvernement espagnol dit encore:
i <iAtort ou à raison, le Gouvernement espagnol a jugé que s'il
voulait s'en tenirà sa position fondamentale sur l'absence de locus
staiidbelge, il était tenu tout d'abord, en fait, de refuser d'accepter
la démarchebelge. nSgO BARCELONA TRACTION
Sous ne pensons pas que ces explications quelque peu embarrassées
puissent satisfaire votre Cour.
L'idéetout d'abord qu'une obsession aurait en auelaue sorte subite-
ment aveugléleministrêespagnol desAffaires étranièreçet sesconseillers
juridiques ne paraît vraiment pas sérieuse.
D'autre part, sur le plan des réalités objectives, et quoi qu'en dise
aujourd'hui l'honorable conseil du Gouvernement espagnol, ce gouver-
nement, si sa thése actuelle était exacte, aurait immédiatement
opposé la forclusion. Cette réponse péremptoue suffisait à clore la
discussion. Et ainsi.à la fois la loeioue. le bon sens et l'in~-~êt évident
du Gouvernement espagnol imposaient une telle réponse.
La contestation du locusstand; de la Belgique ne pouvait plus avoir,
dans cette optique, qu'une importance théorique (le procès était fini!)

et Maisc'est notre adversaire lui-même,Monsieur le Président, Messieurs

est bien ainsi, puisqu'il avait soulignétout au débutde sa plaidoirie-enet

peut-être la Cour s'en souviendra-t-elle - que la première exception
opposéepar le Gouvemement espagnol à la présente requête,était en
quelque sorte, suivant ses propres termes, une exception «pré-préli-
minaire » (c'est l'expression qu'il a employée à l'audience du 16 mars;
voir II, p. 78).Eh bien! c'est cette exception «pré-préliminaire n que le
Gouvernement espagnol aurait normalement dii penser à invoquer
en premier Lieu.La réponse catégorique, décisived ,evait être:vous êtes
forclos. vous avez renoncé.,e~ ~ affaire est finie. il n' ueut.DIU en être
question. 1.eGouvernenient espagnol n'a pas eu ce mouveineiit spontnnc.
et alors. quelle en est I'eh-~)licntiII n'y a,a notre scns. <~ii'uneexpli-
cation riossibleet raisonnable icette étranw anatliie: c'rst ouc leZoiiver-
nemeni espagnol savait parfaitement, etvle kouverneme& belge le lui
rappelait d'ailleurs dans sa note, tout d'abord que le Gouvernement
belge, loin de renoncer à ses griefs contre l'Espagne, n'avait rien
abandonné, si ce n'est l'instance engagéedont il s'étaitexpressément
désisté;et ensuite que ce désistement d'instance ne faisait nullement
obstacle à l'introduction d'une instance nouvelle à raison des mêmes
faits. Cela n'a d'ailleurs rien d'étonnant. En effet, les élémentsd'apprh-
ciation dont le Gouvernement espagnol avait déjà disposé au moment
même du ddsistementn'avaient pas pu lui faire croire autre chose. Je me
permets de rappeler à la Cour en quoi coiisistaient ces élémentsd'appré-
ciation.
En premier lieu, les renseignements qui lui avaient étéfournis par le
comte de Motnco.
Ensuite, les explications données au ministre espagnol des .Maires
étrangerespar l'ambassadeur de Belgique lors de sa visite du 22 mars.
Et enfin le texte mêmede la déclaration de désistement du 23 mars.
Aucune de ces trois sources de renseignements n'avait a porté au
Gouvernement espagnol la moindre raison de croire ni que le th uverne-
ment belge aurait renoncé à se défendre contre les exceptions prélimi-
naires, nz qu'il aurait décidéde renoncer définitivement à son droit de
porter devant votre Cour une action internationale contre l'Espagne eii
raison de l'affaire de la Barcelona Traction, ni, en cons6queiice. que le
désistementauquel le Gouveniement belge dait procéder le priverait
du droit d'introduire en cas de besoin une nouvelle requête. DUPLIQUE DE M. VAN RYN
8g1
Il ne peut y avoirà cet égardaucun doute en ce qui concerneles expli-
cations donnéespar l'ambassadeur de Belgique. 11n'y a pas dedoute non
plus en ce qui concerne la déclarationde désistement elle-mêmequi était
claire, et il ne peut surtout pas y avoir de doute en ce qui concerne les
informations donnéesau ministre espagnol par le comte de Motrico. Il
s'agit là d'un point essentiel sur lequel je crois devoir m'étendre quelque
peu.
Dans ma premiere plaidoirie, j'avais cm devoir, Monsieurle Président,
hlessieurs de la Cour. oarler lo~imiementdu comte de Motrico. Darceau.
c'çst parIiipilcis6ment que IcGouvc.riiciiientespagnol a etc principalc-
mriit iiiforriiénon seulr.iiiriit di1~li.sijteinr.iitlui-niCrne.maetsur-ii
tout des circonstances qui en étaient l'origine.
A cet égard, la réplique de l'honorable conseil du Gouvernement
espagnol a considérablement simplifiéles choses, et je m'en réjouis.
La position actuelle du Gouvernement espagnol est fort différente de
celle qu'il avait adoptéedans les exceptions pr6liminaires et encore dans
lapremiPre plaidoirie de son conseil.
espagnol soutenait que le comte de Motnco s'était contenté, en tout et
pour tout, d'une communication tBléphonique à son ministre, le 17mars
1a61. oour lui donner simulement «un bref aoercu du contenu orobable
dé1; 'proposition belgen,àperçu qui avait Jté confirmédans ta lettre
écritepar l'ambassadeur à son ministre le lendemain et qui fimre aux

E; d'au&es termes, &va2 cette thkse, l'ambassadeur, au cours de
cet entretien téléphonique unique,n'aurait donné à son ministre aucune
explication, ni sÜr l'origineni sur les circonstances, ni sur le but du
désistement envisagé.
La position adoptée par le Gouvernement espagnol en plaidoirie était
plus siirprenante encore, plus radicale en quelque sorte: l'honorable
conseil du Gouvernement espagnol en effet n'avait pas soufflémot, ni de
la communication téléphoniquedu 17 mars ni de la lettre de l'ambassa-
deur au ministre du 18mm. Dans sa memiere plaidoirie. ilavait raisonné
cornine ci ICilou\.~rncmeiit tsplgnoîn':i\~ait icCu zuiun rcnseigiiement
:LUiujtt ilil d&ji,tcment <III(;ouvr.rtit.int bc:tdiitle22 mars (jour dc
la visitedi:I'siiibassadcur de Relrrioue,. Et cela lui ~emiettait de renro-
cher au Gouvernement belge de n'avoir, à ce momént - le 22 ma6 -
rien dit au Gouvernement espagnol et pas davantage le jour mêmedu
désistement. le 23 mars, rien dit pour détromper le Gouvernement
espagnol, lequel, suivant la plaidoirie de mon adversaire, était à ce
moment convaincu, pour les raisons de droit développéesdans la note
de son service juridique, que le Gouvernement belge avait décidé
d'abandonner sa défensecontre les exceptions préliminaires.
C'est ce qui fut plaidé par l'honorable conseil du Gouvernement
es agnol à l'audience du 17 mars (voir II, p. 106).
%ais après nous avoir entendus, il semble que l'honorable conseil du
Gouvernement espagnol ait dù se rendre à l'évidenceet abandonner
ce sj~stèmeintenable, car il ne l'a pas maintenu dans sa réplique. II
suffit de consulter à cet égard la page 736 ci-dessus pour s'en rendre
compte.
'Notre adversaire a dû concéder, dans sa réplique, que le comte de
hlotnco, lorsqu'il s'est entretenu avec son ministre le 17 mars, n'a pas pu
raisonnablement se borner à lui donner connaissance - comme le892 BARCELONA TRACTIOS

disaient les exceptions préliminaires - du ricontenu probable de la
proposition n qu'allait faire quelques jours plus tard l'ambassadeur de
Belgique.
Notre adversaire a dû reconnaître qu'au cours de cet entretien, l'am-
bassadeur a étéinévitablement et tout naturellement amené à donner
au ministre des indications sur ce que notre adversaire a appelé dans sa
réplique«les faits essentiels IIqu'il a prétendu, on ne sait tro. .ourquoi.
limiter à cinq, pas un de plus. '
Notre adversaire ne peut donc plus maintenir aujourd'hui que le
Gouvernement espagnol n'avait reçu aucune information sur les inten-
tions du Gouvernement belge avant le zz mars, ainsi qu'il l'avait cepen-
dant plaidé.
Le Gouvernement espagnol reconnaît par sa bouche que le comte de
hlotrico. au cours de sa conversation avec le ministre le 17 mars. a donné
su iiiiiiistre dPscc niomcnt descsylic~tions ÇI<lu<:p.~rconic<luziit,comriie
JI l'a\.ais 11laidc moi1cGtC.IL.iiiiiii;trc ,.>pagnul, lor~qii'ila re;u cin<l
iours 18IiitorJ I;ivisite de I'nriihajsn~lriir I{c-ciuuc.<t;.itd;2.:rixr-
iaiten;ent informé.
Cela étant, hlonsieur le Président, Messieurs les membres de la Cour,
nos oints de vue se sont certainement ra~urochés. Mais ce qui nous
s&a;e encore, c'est le contenu des informations et des expiications
dondes au ministre par le comte de Motrico.
Rien ne permet d'âffinner à notre avis que ces explications se seraient
bornéesaux cinq points délimités d'unefaçon tout à fait arbitraire dans
sa répliquepar l'honorable conseil du Gouvernement espagnol.
Pour notre part, nouscroyonsraisonnablede supposer, aucontraire, que
les explications de l'ambassadeur ont été,comme il se devait. suffisam-
ment complètes pour que le ministre soit bien informé de la situation
réelle.
Et nous faisons crédit au comte de Motrico en présumant qu'il a
dit à son ministre, à cette occasion, la vérité tellequ'il la connaissait
lui-même.
La vérité,au sujet des intentions du Gouvernement belge, nul n'était
mieux placéque le comte de Motrico pour la connaître, puisque la Cour
le sait,ilen avait ététenu informé,depuis deux mois,par l'intermediaire
de M. Frère, lequel, sans être évidemment le porte-parole officiel du
Gouvernement belge, avait cependant étéautorisé par celui-ci à donner
au comte de Motrico des renseignements sur les intentions du Gouverne-
ment belge.
De son côté, le ministre espagnol a considérécomme suffisants et
satisfaisants les renseignements que lui avait rapportés le comte de
Motrico. puisqu'il n'a pas jugéutile de demander d'autres informations
i l'ambassadeur de Belgique, ni le 17 mars ni les jours suivants. Et je
crois pouvoir opportunément, à cet endroit de mon exposé, faire con-
naître notre réponse à la première question posée aux Parties par
hl. le jugeJessnp.
Tout d'abord, le Gouvernement belge reconnaît que ses intentions
au comte de Motrico par désM.tFrère au moyen des déclarations suivantes,

qui sont donc opposables au Gouvernement belge: la lettre du 23 février
aux observations belges); projet d'aide-mémoiredu no 62dmars 1961 (appen-
dice no 7 de I'annexe 6 aux observations belges); et enfin, la lettre du DUPLIQUE DE M. VAN RYN 893

20 mars 1961 de hl. Frère au comte de hfotnco (appendice no II de
l'annexe 6 aux observations belges).
Üc.usi&inciiieiit,ces i~itcritioiiS;ij,aiit CtZcommuniyuL:cspar 1';imbns-
s.idcur aii Gouvernciiiciit t:sp.,gnol, elles soiit oppus:il~lc:icc gouverne-
inciir qui, ~1';iiIIeurjj.'cst ~ontt:ntCdes inforrn.itiuris qiii lui ct~iéntainsi
rl<pportcc.sp:ir juii prol>wainliajs;ideur.
'l'roi~ii.nieni~nt,iiuiii n';i\,oiii :iiiLiinc rnijoii dc croire que le coiilte
de alotrico n'aurait pas dit la véritéou aurait commis une erreur en
faisant part au miiistre espagnol des intentions du Gouvernement,
belge. Alaissi d'aventure il en était autrement, encore le Gouvernement
espaenol ne uourrait-il d'aucune facon s'en prévaloir à l'encontre du
~AuGernemeiit belge, puisque l'on doit pré&mer que l'ambassadeur
d'Espagne jouissait de la confiance de son gouvernement comme ilen
jouit eiicore à présent.
L'absence de toute observation du comte de Motrico à M. Frère,
après son entretien avec le ministre espagnol, confirme à notre avis
au'à ce moment. les vues des deux aouvernements, au suiet du désiste-

antérie;irs, qui pour nitre pari nous continuons à croire très vr.d'sem.
blable tout d'abord qu'aucun accord n'était encore conclu entre les
groupes privés, de sorte que lt«affairen de la Barcelona Traction, au
sens large de l'expression, n'étaitnullement une affaire régléeu , ne affaire
terminée; ensuite, le ministre espagnol a dii savoir par les explications
du comte de hlotrico aue le Gouvernement belge avait proposé successi-
venicnt ili\.erses forniules permettant dc repÏendrc t5;.eiiiiicllemcnt la
procdiire eii Jours en c:is d'cilice dcs n;.gocintioiis. '1'roisi~iii~iiit.iitc.es
,:~i~iic~ltioi:t\.;iiciit diIiir;i.;lcr oiie bile i;oiivc.rncniciit hclc<:nv.iit
tiii~ilrmtnt ioiiîeriti iiri~l<:s~st~:~~it:iit'~I'ii~1~iirc.1simple. ce n'Ct:iit
p35 l,.ircc ~IIICl':ii~airc<tait t~riiiiii& ~~b~iiido~~iiti~ig~is,~ioiq~~eriieiir
i,i,iir u<:rn>cttr.:I'uui,crtii(lenéacz.iatiuri,cii~UL. d'un aiinrd ~VC~IUVI.
cornpie tenu des chances sérieusesde succèsde ces négociationssuivant
la con\.iction affirmée à plusieurs reprises par le comte de hlotrico
lui-méme.
Le ministre, ainsi éclairépar l'ambassadeur d'Espagne sur ces faits
qui sont tous essentiels, avait dû,savoir du mêmecoup et d'une manière
non moins certaine que ce n'était pas le Gouvemement belge qui avait
pris l'initiative de se désisterde l'instance, l'initiativeen ce qui concerne
1'éventu;ilitéd'un désistement.venait de Juan hfarch. II devait savoir
aussi que le Gouvemement belge n'avait nullement entendu reconnaître
en fait le bien-fondéde l'une ou de l'autre des trois exceptions prélimi-

naires espagnoles. II devait savoir enfin que le Gouvernement belge
n'avait nullement manifestél'intention, cn cas d'échecdes négociations
envisagées, d'abandonner dans l'avenir la protection diplomatique de
ses ressortissants, notamment par la voie d'une action judiciaire inter-
nationale.
En résumé, râce aus explications que l'on reconnaît aujourd'hui
enhnavoir été egectivement donnéesau ministre par lecomte de AIotrico,
le ministre espagnol était, au plus tard le 17 mars, bien au courant du
climat dans leauel allait se réaliser le désistement de l'instance et il
2t:iirI>:irfaircniéri:iu f;iit loiil~~c1'ninh:issnilt~irc l<clgique lui rendit
vi5irei ccsiij~tlé -2 iiinrs 11i:i\..tit p~lrtinciniii(111~.c.itllipr<>cridurc 894 BARCELONA TRACTION
alors en cours serait abandonnée, il savait pourquoi, il savait qu'il n'y
avait rien de plus.
Et lorsqu'il a pris connaissance de la déclaration de désistement,
tout naturellement cette lecture n'a suscité chez lui ni surprise ni
hésitation: il s'agissait bien du retrait, sans condition, de la procédure
alors en cours. Pasplus que le comte de Motrico. le Gouvernement
espagnol n'a vu la moindre discordance entre la condition qu'il savait
avoir étéposéepar March et la déclaration de désistement.
L'attitude adoutée Dar le Gouvernement es~aenol à l'éeard du
Gouvernement hêlge, à l'époque du déiiitemei;t,-;i Ct; pl&ncmcnt
conforme iI'rtat d'esprit qui devait CtreI'ctat d'esprit du (;ouverneinciit
es~aenol tel .ue >e <ens de le décrire.A aucun moment et sous aucune
fÔÎë, le Gouvernement espagnol n'a donné à penser au Gouvernement
belge qu'il aurait prêté à ce gouvernement l'intention de consentir
jehors de la décision de ne pas poursuivre l'instance alors en cours.
liappelons à ce propos que le point de vue du Gouvernement espagnol,
avant le désistement, n'a étécommuniqué au Gouvernement belge
que sous l'unique forme d'une brèvenote remise par le ministre espagnol
à l'ambassadeur de Belgique le 22 mars 1961 (cettenote figure en annexe
à notre mémoire,volume IV, document no 276, p. 1070). Or, dans cette
note qui, je le repète, est le seul document adressé au Gouvernement
belge et où il soit question du point de vue du Gouvernement espagnol,
il n'est pas fait mention d'aucune façon d'une renonciation par la
Belgique à ses griefs contre l'Espagne, ni de la reconnaissance directe
ou indirecte du bien-fondé des exceptions préliminaires.
La note du service juridique du miiiist&reespagnol des Affaires étran-
gères et les autres piècesou papiers invoquéspar notre adversaire sont
des documents purement internes, dont le Gouvernement belge n'a
jamais eu connaissance et n'a jamais pu avoir connaissance avant
l'instruction de la présente affaire. Ce sont donc des documents qui
ne peuvent, évidemment, lui êtreopposés.La note du service juridique
est d'ailleurs viciée par une erreur de droit comme l'a démontréce
matin mon savant coll&gue,le professeur Sereni. D'autre part et sous
les réservesque je viens de faire en ce qui concerne l'opposabilité au
Gouvernement belee de ces documents Durement internes. ie crois
utile d'attirer resp&tueusement l'attention de la Cour sur le'caractère
inexact de la traduction française de la note du service iuridique qui
figure aux annexes des except[ons préliminaires. Nousavons cru-devoir
déposerau Greffe de la Cour le texte de la traduction qui iious parait
relevé une erreur importante également dans la traduction françaises
du télégrammedu ministre au comte de Motrico, traduction imprimée
dans les annexes aux exceptions préliminaires, page 647..
A supposer donc que la Cour estime nécessaired'examiner ces docu-
ments qui ne sont pas, nous paraît-il, opposables au Gouvernement
belge, encore serait-il indispensable que la Cour veuille bien se rcporter
aux textes originaux en langue espagnole.
Lorsque le ministre des Affairesétrangères d'Espagne, quelques jours
plus tard - le 5 avril- va faire déclarer à la Cour que l'Espagne ne
s'oppose pas au désisteiiient. ce iie peiit donc p:15Ctre~dniis1~ntintion
de rendre dL:finitiflin :icquiesceiiient aiix e\-rrptions prélimiiinirï; doiit
le ministre savait qu'il n':i\.:iit ja6ttseïprimk par le Gou\.criieni~:nt DUPLIQUE DE M.VAN RYN 895

belge. Le but de cette dbclaration était infiniment plus simple, plus
limité, comme je l'ai déjà souligné dans ma plaidoirie: Juan hlarch
ayant refuséde négocieraussi longtemps que le désistement d'instance
du Gouvernement belge n'aurait pas acquis un,caractère irdéfinitif ».
le Gouvernement espagnol, qui savait cela et qui souhaitait, il l'a dit,
le succes des négociations, a donc fait le geste nécessairepour que, sur
ce point aussi, la condition préalable posée par llarch se trouvât
réaliséeet, comme la Cour le sait, l'ambassadeur de Belgique, au cours
de sa visite ail ministre le 4 avril, avait attiré l'attention du ministre
sur le fait ou'il était désormais~référableaue les né~ociationsne soient
pas tenuesAplus longtemps en 'suspens et 'que l'Espagne prît attitude
immédiatement, afin de ne plus retarder l'ouverture de ces négociations.
A cet endroit de mon ëxposé, je suis en mesure de présënter à la
Cour le point de vue du Gouvernement belge au sujet de la première
question poséepar M.le juge sir Gerald Fitzmaurice.
La ré~onsedonnée à cette auestion Dar l'honorable conseil du Gou-
vernetnént csl>ngiiolne nous p;rÿit gu6re ar.iept;<ble. i0Uïi:r-
Toiit d'abord, en ce qiii coiiccrne Ics raison, pour les(luïll~sIcC
explication& Que je viens de donner moi-mêmemontreil: clairement, I.c,
nous paraît-il, que le Gouvernement espagnol qui souhaitait ,- il l'a
dit à maintes reprises - l'oiiverture des négociations, aurait rendu
précisément ces négociationsimpossibles en s'opposa* au désistement,
puisqu'alors, par son propre fait, il empêchait1%féalisation de la con-
dition préalable posée par Juan March, condition qu'il connaissait
parfaitement.
Une opposition de sa part n'aurait donc pas étécompatib!e avec
sa propre ligne de conduite qui était de favoriser !es négociations en
vue d'arriver, si possible,à un réglementde ce conflit, entre les intérêts
privés.
Quant au préjudice qu'a pu, ou qu'aurait pu entraîner 1';icceptation
du désistement, s'il s'agissait d'un désistement d'instance seulement,
nous croyons pouvoir interpréter la question qui a étéposée,comme
concernant essentiellement le préjudice éventuellement porté par
l'acceptation du désistement à la position juridique de l'Espagne dans
le litige.
Or à ce point de vue, il n'est pas un instant douteux que le Gouver-
nement espagnol conservait la possibilitéde fairevaloir en cas de nouvelle
instance les exceptions préliminairesqu'il avait opposéesdans la premiére
instance. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait.
Le Gouvernement espagnol se plaint du fait que le Gouvernement
belge ait, de son ceté, eu ainsi l'occasion de iireconsidérer indit-il, la
présentation de sa demande eri tenant compte du libellédes premières
exceptions préliminaires.Mais il est non moins certain que le Gouveme-
ment espagnol a disposéd'un avantage du mêmeordrepour la rédaction
et pour la présentation des exceptions.
Mes honorés collègues chargés d'exposer la thèse du Gouvernement
belge sur ces différentes exceptions auront l'occasion de donner à cet
é..rd à la Coiir toutes explications utiles.
Qii:,ii{i I., <:lii<r:dhiii~is~rativeréiultiiiit~'IIIIicconde iiistaiiie
dcs..intla Coiir, ICSdeux goii\.ernenients se troiii,ent, li aussi, dani la
mCnicsitu:ition: le (;ou\.irnement belce eri sr désiirnnt. leGoii\,ernt-meiit
espagnol en déclarant qu'il ne s'opposait pas au désistement, rendaient896 BARCELOSA TRACTIOS

ainsi posjiblei <leinCgnciarioiisquIcjJeux goii\,,.rncmcnt, >uuliaitaicnt.
LL. siiiiéi Gvciituedi:cci ncgociatiuiij ICIIIntir:~itCp;irg;itous deux
Icj fri~iirélnti\.cniciir iniporrantj de la poiiri~iitcJC I'in~t:~ii~.t\.l.ais, eii
cuiitrcpartic. leur Cclici reiidait uni: noiivt:llc injtiiiicc int!\.itablc eiirre
lei deiis Et:ita, a\.cc <cIi:irg~,i:t~liiiiniitr3tivci {liii<I<.\,.ii,.iiiti;ci.s?;,irc-
ment eii résulter pour I;un comme vour l'autre
Arrivé à ce de mon expÔsé,je crois, Monsieur le Président,
hlessieurs de la Cour, que nous pouvons considérer comme acquises les
deus constatations suiGantes. -
Preinièrement, le Gouvernement belge a consenti à se désister de
l'instance engagéepar sa requête, parce qu'il luiavait étédéclaréque
telle était la condition préalable poséepar Juan hlarch pour se prêter
à l'ouverture de négociations qui se présentaient sous des auspices
favorables.
Deuxième constatation, le Gouvernement espagnol a su que telle
était l'uiiique raison de la décisionprise par le Gouvernement belge,
comte de Xlotrico, du résultat final desnfvour~arlers vrivés.r le
Et dès lors, il semble qu'une seule question 5epose êncore:est-ce que,
soit le comte de Motrico, soit le Gouvernement espagnol ont cru,
ou ont pu raisonnablement croire que la condition-pféalable posée
par Juaii ùlarch avait une portée plus étendueque le simple désis-
tement d'instaiice auquel le Gouvernement belge avait consenti à
procéder?
Le comte de Motrico, le Gouvernement espagnol ont-ils pu supposer,
partant de là, que le Gouvernement belge avait consenti, non seulement
à se désister de la procédure. mais à abandonner défiiiitivement ses
griefs contre l'Espagne?
L'attitude adoptée par l'ambassadeur lui-même d'octobre 1960
jusqu'en avril 1961. l'attitude du Gouvernement espagnol surtout, au
moment du désistement et plus tard, commandent une réponseentière-
ment négative à ces questions. Si, pourtant, je dois encore m'y attarder,
c'est parce que le Gouvernement espagnol n'hésite pas à soutenir,
encore aujourd'hui, que la condition préalable, stipuléepar Juan Illarch,
c'était l'abandon pur et simple, une fois pour toutes, du droit d'agir
devant la Cour pour la protection de ses ressortissants, en se fondant
sur des griefs que la Belgique avait à faire valoir contre l'Espagne.
C'est cette prétention qu'il me faudra maintenant examiner.
La thèse du Gouvernement espagnol consiste donc à soutenir, au
point de départ, qu'en réalitéJuan March avait stipulé quelque chose
de coiisidérable: il avait tout simplement stipulé comme condition
préalableavant l'ouverture des négociationsla capitulation du Gouverne-
ment belge. Et c'était cela qui se dissimulait en quelque sorte derrière
les i~iots:«le retrait définitifde la requêtedu Gouveriiement belge n.
Partant de cette interprétation de l'exigence de Juan March, le
Goiiverncment espagnol poursuit en disant qu'en acceptant de se prêter
à cette exigence, le Gouvernement belge a nécessairement renonci:
toute noiivelle procédure, mêmeaprès l'échec des négociations,ou,
tout au moins - dit-on- il a crél'apparence que telleétait son intentioii.
Cette thèse, Ilonsieur le Président, Messieurs de la Cour, appapît
d'emblée commecontraire au plus élémentairebonsens sil'on se souvient
que, de son côté, Juan hfarch, dans sa petite note de base, ne prenait
qu'un engagement des plus vagues: entamer une négociation de bonne DUPLIQUE DE 31.VAN RYh'
$97
foi pour essayer de trouver une solution qui fixe iiiie iiidemnisation
aux actionnaires.
D'autre part, nous avons vu que la thèse actuelle du Gouvernement
espagnol est complètement démentie par l'attitude de ce gouvernement
lui-même: il n'a certainement pas interprété en ce sens la condition
préalable posée par Juan March, puisqu'il n'a mêmepas songé à se
ré valo dircet abandon des droits du Gouvernement belge lorsqu'il
a étéinforméde la décisionde ce g-uvernement d'introduire une nouvelle
requête.
Cela étant, il est véritablement étonnant, incompréhensible. que
l'honorable conseil du Gouvernement espagnol puisse encore s'écrier
comme il l'a fait à plusieurs reprises lis cinq mots employéspar
Juan March étaient clairs cornme le cristal (crystal c!eur), et en con-
séquence que la thèse actuelle du Gouvernement espagnol est une
thèse évidente.C'est ce qu'il a dit en diverses circonstances au cours
de sa réplique, et je me réfère à deus passages des pages 704 et 706
ci-dessus.
A vrai dire, pour démontrer cette évidenceil n'a pas fallu à mon ad-
versaire moins de plusieurs pages de développement qui occupent
longuement le compte rendu de i'audience du 26 avril. NOUSsommes
en complet désaccord avec lui sur l'interprétation amplifiante, eri
quelque sorte, que le Gouvernc:ment espagnol se plaît i donner aujour-
d'hui aux mots très simples employésdans cette note.
Nous sommes également en complet désaccord avec l'honorable
conseil du Goiivernement espagnol au sujet de son analyse de ces mots
sur le plan linguistique. Ce qui nous paraît, quant i nous, clair comme
le cristal. c'est l'intention de Juan March, tout au moins l'intention
exprimée, car il y avait aussi des arrière-pensées,sur lesquelles je me
suis expliqué et que M. Frère n'a connues que plus tard, lorsqu'il a
constaté, à sa premièrerenconti-eavec Juan March aprèsIcdésistement -
le 8 avril- que les négociationspromises n'étaient qu'une sinistre farce.
Mais reportons-nous au mois d'octobre 1960. Quand le comte de
hlotrico demande àJuan March s'il envisagerait de négocierun règlement
transactionnel de l'affaire de la Barcelona Traction, Juan Marc11répond:
«Je veux d'abord que l'on fasse tcn gesfe; la requêtesoumise à la Cour
internationale de Tustice doit êtred'abord retirée ~urement et sim~le-
ment. Cela fait, aFoute-t-il, je serai disposéà «entamer une négociaiion
de bonne foi Dour essaver de trollver une solution qui fixe une indemni-

satII présentait son exigence préalable comme indispensable d'un point

de vue moral. 11ne peut moralement accepter une négociationquelconque
tant que sont pendantes dev;int la Cour internationale de La Haye
les accusations graves et qu'il juge mal fondées contre sa personne,
accusations que contenait la requête (la dentanda) du Gouvernement
belge.
En d'autres termes, il faut retirer cette requêtejugée par lui diffa-
matoire; il faut la retirer purement et simplement et non pas d'une
manière conditionnelle.
En d'autres niots, il ne faut pas présenter le retrait de la requête
comme la contrepartie d'un accord éventuel.
L'objet de la note sur ce premier point c'est donc uniquement le
retrait de la reguétequ'il juge offensante pour lui: telle est l'exigence
prPalable qui doit êtresatisfaite.purement et simplement, sanscondition:8gS BARCELOSA TRACTIOS

le retrait de la requêtedoit êtreaccompli,définitif,avant que ne s'ouvrent
les négociations.
L'honorable conseil du Gouvernement espagnol a précisélui-même
doit être considérécomme un nprofanequanin;eh bien! alors, nous pouvonsl
penser que ce profane n'a pas envisagéautre chose que ce qu'il a dit,
et dans les termes où il l'a dit.
Il a indiquéun préalable à la négociation.
Il a promis de s'engager de bonne foi dans une négociation.
Nais il n'a rien dit pour le cas où la négociation n'aboutirait pas,
hypothèse que d'ailleurs ses affirmations réitéréesde bonne foi et de
bonne volonté avaient précisémentpour but de rendre apparemment
imorobable.
Ôr, c'est évidemment en cas d'échecdes négociations - et dans ce
cas seulement - que l'éventualitéd'une nouvelle requête duGouverne-
ment belge devait-êtreenvisagée.
Maisrien n'a étéstipulépar Juan March en vue de cette hypothèse-là.
Si les négociations échouent, le Gouvernement belge aura perdu
sans contrepartie le bénéficede trois années de procédure. Que l'on
ne vienne pas nous dire, comme on l'a fait, .que ce n'est r!en, puisque
le Gouvernement espagnol lui-méme, à l'audience du 4 mai, répondant
i l'une des questions posées par l'un des membres de la Cour, s'est
plaint de la lourde charge administrative que représente l'obligation
d'instruire cette affaire devant votre Cour pour la deuxième fois.
D'autre part, dans cette mêmehypothèse d'échecdes négociations,
les ressortissants belges lésés,qui attendent en vain depuis douze
ans déià. devront demeurer dans l'attente encore quelque. an.ées
de ?lui
illais il est impossi-le sans forcer les mots et leur sens manifest-
de découvrir dans la note de Juan hlarch cette prétention extravagante
d'imposer comme préalable une tentative de négociations l'abandon
par le Gouvernement belge de son droit de présenter une nouvelle
requêteen cas d'échecde ces négociations.
envisagéedans la note de Juan March. cette hypothèse de l'échecn'est pas
11est donc à priori exclu que l'on puisse découvrir dans cette note
ce que le Gouvernement espagnol cherche en vain à eii faire sortir
aujourd'hui: ce que Juan March a exigé, c'est le retrait d'un acte et
non pas une reno?zcia6ioitldes droits. Les termes employks par lui
suffisent h le démontrer.
Pour soutenir sa prétention, le Gouvernement espagnol en est réduit
h prétendre que ce que March entendait ce n'était pas le retrait de la
requête déposéepar le Gouvernement belge, mais «the total with-
drawal from the Court of the Bel ian accusations». Nous ne pouvons
voir là que l'expression par le touvernement espagnol de ce qu'il
voudrait trouver dans la note de Juan hfarch. mais de ce qu'on cherche
en vain à y découvrir. A en croire l'honorable conseil du Gouvernement
espagnol, ce sont les mots magiques «d'un point de vue moral» qui
devraient produire ce miracle: au lieu du retrait définitifde la requête,
il faudrait lire nretrait complet des accusations belges. (encore le mot
total, que je traduis par acompletn, est-il un adjectif ambigu qui aurait
encore dû faire l'objet d'une exégésesupplémentaire qui ne nous a
pas étédonnée). DUPLIQUE DE M. VAN RYN 899

Est-ce que ces explications, Monsieur le Président, Messieurs de La
Cour, ne relèvent pas de l'art de la prestidigitation plutôt que de l'inter-
prétation raisonnable?
Mais nous ne vouvons vas davantaee nous déclarerd'accord avec les
commentaires d'ordre linguistique reproduits aux pages 705 à 707
ci-dessus de l'audience du 28 avril.
Le mot dentanda em~lovévar Tuan March a. en esoaenol. - un sens
be:iucoup plus mati,ritl' t.<cu;icr,?i'que le iiiot ademanhen eii frariqais.
1'1nous niain~eiionsque cc mot dcsigne habituellenierit et iiormalemtnr
en I.:ii>acncI'actc inrru(liictif d'~iiieiiistance iudicidire. \l;me Dour lei
profanesudu droit, le mot demandaa un sens &ncret: c'est le d8cument
officielqui est remis au tribunal pour le saisir d'une action.
Xous en trouvons la preuve danscette disposition légaleque je m'étais
déjàpermisde citer dans ma plaidoirie, l'article j24 du Codede procédure
civile espagnol, qui a précisémentpour objet d'organiser l'introduction
des procéduresjudiciaires. Que Juan Marcb ait employéce mot dans son
sens ordinaire, nous en trouvons la confirmation dans l'emploi du mot
retivada. Ce mot confirme qu'il s'agit &en du uretrait u d'un document
concret, et non pas d'une <irenonciation» à un droit, ni de l'abandon
d'un droit. Le mot retirada, comme le mot retirar, a lui-mêmeun
sens concret, matériel en quclquc sorte, qu'il oppose aux verbes qui
expriment an contraire une intention abstraite comme «renoncer>i ou
nrétracter ,I.
Notre adversaire a néanmoinscm pouvoir soutenir que, dans l'article
524 du code espagnol, le mot demandaserait employétour à tour dans
deux acceptions correspondant l'une au mot français nrequêteu et
l'autre au mot français ndemande oou au terme anglo-saxon claim.Et il
voudrait en déduire oue Tuan hlarch a tres bien DU I'emvlover dans ce
dernier sens Ici je ne pcui tout de mimé pas m'ab;teiiir dLii6 remarque:
certc ;.ffirni;iiioiide notre cstiiiii. coiitr~~lict~iircontredit I'aiirrt:ntlirma-
tion suivant laauelle les termes emvlovésétaientcrvstalclear.vuisaue l'un
n'est pas esact; il ne pouvaitsupas yiavoir de doute. Et si notre estimb
contradicteur a DU émettre un avcs àifiérent à DroDosde l'article 5zA
du Code de procgdure civile espagnol, ce ne peut gtrêqu'à la suite d'in;
erreur de traduction manifeste, csarl'honorable conseildu Gouvernement
espagnol a raisoniiésur la base d'une traduction française qui ne corres-
pond pas au teste espagnol d<:cet article. La Cour voudra bien trouver
la traduction française correcte de cette disposition lhgale aux observa-
tioiiirlii Gaiiv~rncm~ntb~1gc(I),p3g~~~, 'II;loiri.1.cniutile~n.inucl:ini
1':irticljz) dc~ignc ri>riyitz~iic,rl.~c/us!e?me>,rl'acte dc procédure11:s
ltcquels'introduit (nuniru l'action. comine l'a dit notr~.adversaire) iiiais
le-rurocès ordinaire D.-L'article orkcise oue la demanda doit contenir
lSind>cationde l'objet de la prétéritio dn demandeur. et c'est ici que
notre estiinécontradicteur doit retrouver un armment en disant: cette
fois, on emploie le mot dans le sens de claim ou idemandeo. C'est là son
erreur: le mot demanda n'est pas employédeux fois dans cet article;
il n'est employé qu'une fois pour désigner l'acte de procédure et la
seconde fois, lorsou'il s'a& d'indiauer aue cet acte doit mentionner ce
que le demande& entena obtenir.'c'est:à-dire l'objet de la prétention;
les mots espqnols employéssont 10quese aida et non pas la demanda.
Par conséaüent. toute-cette areumentatioi iineuistiouëreDose sur une
pure et siGple erreur de traducson. "goO BARCELOSA TRACTION
II est d'ailleurs caractéristique que le comte de Motrico et le Gouverne-
ment espagnol lui-m&meont, à de multiples reprises et sans hésiter,
traduit le motdemandapar le mot françaisarequète ».C'est notamment
ce que nous voyons dans la traduction de la lettre de l'ambassadeur au
ministre du 18 mars 1961, telle qu'elle a étéimpriméedails les annexes
auQuant au mot definitivadont notre estimécontradicteur a tant parlé,
nous avons, je l'avoue, étéun peu surpris de voir l'honorable coiiseil du
Gouvernement espagnol chercher la traduction d'un mot espagnol dans
un dictionnaire français: le Larousse du XXe silcle. II nous paraît plus
judicieux- si nous devons pter notre-fférend, commeil paraît nous
y inviter, sur le plan de la iiguistique de coiisulter uii dictionnaire
espagnol. Le mot definilivo, d'après le Dictionnaire de L'Académie
espagnole (éditionde 1925). se di- je traduis la phrase espagnole-
ude ce qui décide,résout ou concluo.
C'est dans ce sens queJuan lfarch l'a employé:cequ'ilvoulait, c'était
procédure enecours. Ce qu'il voulait, c'était un retrait non subordonné
à une condition - en particulier non subordonné à la condition de la
conclusion d'un accord- car, sans cela, son exigence aurait cesséd'rtre
un vrai ogeste préalabl»,comme il l'entendait.
D'ailleurs. la définitiondu mot francais corres~ondant. tqueenotre
adversaire~'apuiséedans le Larousse- uce sur Quoion ne peut'reveniu
- est parfaitement compatible avec cette interprétation: hlarch ne
voulait Üas que le Gouvcrnement belge pùt seréserverde revenir sur son
désisteknt êtdereprendre, au pointlù êlleen était,laprocédureengagée.
répliquede mon estimécontradicteur m'a vraiment contraintux-Tesi l'on
prend en considération les mots employés, mais sans les remplacer par
d'autres, et sans en ajouter qui ne s'y trouvent pas, si on rapproche ces
termes des circonstances dans lesauelles la noaeétérédieéeet du but
de cette note, la seule interprétation raisonnable est qÜe hlarch, ne
voulant pas négocier, pourdes raisons d'ordre moral, tant quesont pen-
dantes devant la Couides accusations uortéescontre lui. posait comme
condition pr;.nlnble au iil:jiociationsle kstraii piir et s11iv~.)~<,:/z
d4posi.r par le Gouvernemciii belge, rc,~u>tedniis laquellc ccs :~cci~~~rioni
setrouvaient formulées: rien de Ülus.
devait tout normalement se traduire par un cidésistementd'instancerptée,
au sens le plus exact de l'expression.
C'est ainsi, vous le savez Messieurs, que les deux gouvernements l'ont
compris à ce moment, sans qu'ils aient d'ailleurs dù se donner l'unà
l'autre des es~lications ~articulières sur ce noint: la déclaration de
désistement di ouv ver né bmelenéttait cl&, elle ne faisait et ne
pouvait faire aucune allusioàun urhglement 18de l'affaire; le Gou\.erne-
ment espagnol n'a pas pu s'y tromper et ne s'y est d'ailleurs pas trompé,
ainsi que son attitude ultérieure le démontreclairement.

[Audience publiquedu 12 mai 1964, nialin]
hlonsieur le Président, Messieurs les membres de la Courà la fin de
de l'audience d'hier après-midi.i'ai rencontréla thèseétonnante dévelop-
péelonguement aux iépliques'par l'honorable conseil du ~ouveriiement DUPLIQUE DE h1. VAN RYN gor
espagnol, thèsefondéetout entiere sur un commentaire de la note de base
de Juanhlarch. La Cour aura compris, sans nul doute, que la réfutation
de cette thèseétaiten réalité presque superAueaprèsles certitudes qui se
dégagent,nous semble-t-il, des déclarations faites par les deux gouverne-
ments et des attitudes adoptéespar les deux gouvernements eux-mêmes,
tant à l'époquedu désisteme~itqu'aprhs l'échecdes ncgociations. C'est

donc uniquement dans le souci d'êtrecomplet que j'ai cru devoir m'expli-
quer ensuite au sujet de cette thèse soutenue par l'honorable conseil du
Gouvernement espagnol.
Pour la réfuter j'ai dû naturellement suivre mon adversaire sur le
terrain trés spfcial où il avait choisi de placer la discussion. celui de
l'exégèsed'un texte.
Pour en terminer avec cette réfutation,il me reste à dire quelques mots
de l'affirmation la plus surprenante que nous avons relevée dans la
répliquede notre adversaire. Cette affirmation c'est ceUesuivant laquelle
le comte de hlotrico lui-mêmeaurait interprétéla condition préalable
poséepar Juan March dans ce sens extraordinairement extensif que le
Gouvernement espa~nol.vo.*rait v donner auiourd'hui. Affirmation
siiq>r~ii;iiit.car cniin. 5 ilcn t.t:ii:iiii>icr~iiiiiienrl';iiiiblss;idcur aurdit-
il 1'1ie J1'clarvr cl:ICCUI <ICUIIIIII il.IJ kcit -;J'r<,...Lniciiett par <<rit.
I:,Cuiir >'<II:oii\,iendr:r- iiir IV,l~trrei clut..il. rbre 111~(I~css; :II sujet
11, .+; propr~; iiitiiitiuii r.tOcccll<.s di1 (;ouvcrnt,rrii:i~tbrlge, inrr,nri~iiis
~IIIISV Iin~~t:ii~~r~ris cl~ir~:r~i~~!iUII cvvntiicl ~l~:..istci~i~net I'iiisr:~nce?
D'autre part. si vraiment le comte de Motrico avait penséque toute
nouvelle requêteadressée à la Cour par le Gouvernement beige serait
exclue, commeiit aurait-il pu lui-même,le 17avril rg61, quelques jours
après l'ouverture des négociations privéeset alors qii'elles étaient déjà
dans l'impasse, comment aurait-il pu lui-mêmerappeler à ce moment
à Juan March que l'intransigeance de ce dernier finirait par contraindre
le groupe représentépar M. Frère à demander au Gouvernement belge
d'introduire un~~-~uvelle --~--~e?
Cet a\-ertissement donné par l'ambassadeur, le 17 avril, est rappelé
oar M. Frèredanssa lettre du 26féwier1064 (c'estlenouveau document
iliyuC p:arIf.<;oii~erriciiientbelge) et kini , -.aréplique: noirc :i<l\.ers:iirz
n'cn .rp;tsi;rir iiseiiiciitcoiirestiIl rislit6 Rim aii contraire il3 rrconiili
que quelque chose de semblable avait pu êtredit ~à;ins un moment
d'exaspér at1011 n.
Peu importe! L'essentiel c'est que le comte de Motrico n'aurait jamais

ou tenir ce lanrr.ge-mêmedans un moment d'exasoération. s'il avait eu
I;rcuiivi~:r~r~qiiiic Ic (;ouveriien~riit espgnol Iiipr&retoiit gKdt~iiteniciiL
:it~jour~I'l~~pi~,,iilc!~h.?uini (1,::a c;iui,:.
i:'<.ii(I'nilleuri, \!onsicur Ic I'rCaident. \lessieuri dc la Cotir, dan un
~lociliiit.lt~it.n5iiigiiliçrlui ~iisîi qiic le (;ou\,trneiiienr eipagriol prAicnii
troii\tr I;i preuvt- <le cerre surpreniinte pr;tention. prCtciition aii~ii
contraire à la vraisemblance.
11 s'aeit d'un document demeuré inconnu du Gouvernement belge
lui-mêmijusqu'aprbs le dépôtdesexceptions préliminairesdu ~ouvernë-
ment e~pa~riol.Cette pièce,c'estcelleque l'onpeut appeler le udocument
Zuloaeai~ïre~roduit in annexe aux observat~o~-~bêléesv ..~. . ol.1. annexe
no 7, P. 1s6. Ln photocopie).
II s'agit d'iine feuille dactylographiée, non datée,non signée,portant
des mentions manuscrites, écrites de Ia main de plusieurs personnes et
qiii serait, parait-il, le résuméfait à l'intention de Juan March, d'ungo2 BARCELONA TRACTION

projet d'aide-mémoireresté sans suite d'ailleurs, datédu g mars, et qui
avait ététransmis par M.Frère à l'ambassadeur, avec l'accord du Gouver-
nement belge. Ce prétend11résuméaurait étérédigépar l'ambassadeur
et remis par lui ce M. Zuloaga, lequel, par un cumul d'occupations
singulièrement éloauent. se trouve étre simultanément attaché au
scr\icc de 1'arnbais;dc d'Espagne à.Parii et le rcyri~~ntanuirpersüiiiirl dc
Juaii hlnrcli d:rns la menie ville.
Ce Jocunit:nt, cxtrait dci arclii\,cs luan .\luch. an..llr. di I;vsrt
du Gou\~criiciiicntI>rlgc, 11.réicrv<:sle, plii>cuprcjscsct cegou\.rrnctknr
coniid&rc$qu'untcl docuiii~iit nc pcut pas lui Ctre \alabl~nwilt 01)1)3=6.
Mais en-prenant mêmeles exilications espagnoles pour vraiec- ce
qui serait déjà une bien large concession et ce que nous n'entendons
admettre qu'à titre de pure hypothèse - encore chercherait-on vaine-
ment dans cet écrit lapreuve que le Gouvernement espagnol prétend y
trouver.
Il tombe sous le sens que lorsque l'auteur du document, qui est rédigé
en des termes Den. .éciset Deu rieoureu- india&e.au'à ce stade des
]~ourparlersle (;oiiverncniciit bi lx,:se propose dc présriittr - 1% .te -
L le rctrait dcliiiitif Je\.aiit IRCUUdc La Hn\c a\.ec uii cusct;rc irr<,\.o-
cable P.il entend marauer ~ar là. comme la suite du document i'indiaue
d'ailleurs, que c'est 'du Gouvernement espagnol seul qu'il dépendra
désormaisde donner un caractère définitifau désistementen cas de succès
des néaociations. Et lorsaue dans le mêmedocument il est indiaué
ensuiteque le GouvernemeÎnt espagnol, suivant le projet alors envisagé,
aura toujours o en main »,comme dit le document, la décisionde commu-
niauer àla Cour son accord au suiet du retrait total du litige du côté
cspagiiol. c'cst sinsi qii'oii s'crpriiiie dniiCG.<locumc~nt1.riitctir faisnit
siniplciiieiit xllii:ion ila d;~clar.îtiunJc non-oppositioiiliGuii\rriiciiient
rsuarnol, tt,liqllc I'i~uteur1ui-nl;iii~vicnt de la uraaCrisrr d;.clrirntioii
pourrait, effectivement, donner à tout moment au désistement un
caractère définitif.
Ainsi examinéd'un peu près,l'argument de texte que notre adversaire
a complaisamment et longuement développédans sa réplique se révèle
d'une minceur telle qu'il ne peut sérieusement êtremis en balance avec
les élémentsde conviction décisifs, ceux-là que fournit, par ailleiirs,
l'attitude de l'ambassadeur lui-même,et surtout l'attitude des deux
gouvernements tant avant qu'après la remise de ce projet d'aide-
mémoire.
Ilans la drriii(.rc plrii< di-iiiurieupojL',jc voudrais iii'arr;t,.r qurli(uei
iiiit:ints ]>oufetre coinl~l~t:iiiiriticlucs qui ont Cr; Jirigccj, ~vdrfoiasiir
un ton quelque peu accrht: d\illçuri, par l'honor~lilccuiisi.ildu Gr,ii\.t>r-
iierneiit ispngiiol contr,. ci. IIIW ~'~vi~is cru pout.i,ir :ippcli:r le rcut
Iiistonrliic du J~iistt~iii~iit.tel qijcI'av.tisexpo,; au cour: dc iiia ylai-
<101r1c.
Pur i l cc ri a ou 'II oii~lra t jc iii';taii
fi,iid; cssciitielleirirnt, chaque fris (li:';r:tpo=sible.sur dss Jocuni<nrs
dont l'exactitude avait été-reconnuë à l'époque.
J'ai constatéavecsatisfactionque mon adversaire lui-mêmea confirmé
mon propre récit, au moins sur deux points essentiels.
Premier point, j'avais dit que Juan hlarch n'avait probablement vu
dans la démarche faite auprès de lui par M. Frère à l'intervention du
comte de Motrico qu'un signe de faiblesse, qu'il fallait tàcher d'esploi-
ter, d'exploiter en profitant de l'occasionpour obtenir que prenne fin la DUPLIQUE DE M. VAS RYN 903
procédure en cours à La Haye, grâce à l'appât que constituerait la
promesse d'une négociation.
L'honorable conseil du Gouvernement espagnol nous a confirmé,sous
une forme brutale même,que Juan March n'avait effectivement vu dans
la démarche de M. Frére qu un signe de faiblesse. Je fais allusion à
l'évocation de cette image de M. Frére courant vers Juan March la
casauette à la main.
~biis rcb~ç~to~~~s)rofoiid;nicnt. Uonjiriir IL-J'r>sident, ~lesji~~iil*:la
(:oiir, cette niilnibii. \~Crit;il,lernentblc~s~ntc dc carir~turer I'initiativ,.
d'un liornmc uiii, iidélç d 1'idi:ild,:motlGr:itioiiet <leiusiice auiiiirlil

s'étaitconsacre pendant toute sa carrière au service d'institution; d'in-
térêtpublic, cherchait à mettre fin à ce litige d'un caractère exception-
nel, sorti du domaine des intérhts privés, et qui se doublait d'un pro-
cès international, lequel paraissait devoir se prolonger encore plusieurs
amiées.
Mais jeretiens de cette image bmtale laconfirmationqu'effectivement,
c'est bien comme je l'avais dit que Juan Alarch avait interprété la
démarchede M. Frère.
Deuxiémepoint sur lequel j'ai étéheureux de trouver dans l'exposé
de mon estimé contradicteur une confirmation. i vrai dire tacite cette
fois. 11s'agit de la m:inaui,rc imligiii>cp;ir ,luin Much a" nioyeit dc sa
.norç dt.hs\e .>Je ni'itais ciforci de niontrrr 1la Cour<~iicette II~~IICCU-
vre s'était clairément manifestée auand s'étaient oubertes les néeo-
ciations privées: M. Iirére ayant e; immédiatement l'impression qÜ'il
avait étéioué,puisqueMarch, une fois le désistement accompli, n'offrait
qu'une somme ÎidicÎulement basse et refusait toute discussconou toute
concession.
Or,sur ce dernier point essentiel, l'honorable conseil du Gouvernement
espagnol n'a soulevéaucune contestation sérieuseet quand on sait la
minutie qu'à juste titre il a apportée dans son exposé,cette absence de
contestation sérieuse n'enprend que plus de relief.
.\s'tri tciiiRIIX~>i~lici<t;onqs& 1'l;onorablrcoii~eil <IICou\,eriienieiit
c..y<igriola iloiinc'cs.si Jiian h1;trclin'a pasvoulu en3:isagcr I'estimatinn
de I'iiidcniriii<:d'<ivresla i.al~.urrles bidc, la U;ircelona. Traci~oii, cc
n'est pas parce qu6 cette méthodene luisemblait pas raisonnable, comme
elle doit le paraître, semble-t-il, aux yeux de tout homme de bon sens,
mais parce que cette méthodeaurait exposéJuan March au risque que ce
mode de calcul fût intemrétécomme une reconn~-~sance. Da~ ~ui.rde la
Goliation de la société. '
Cette étonnante explication est véritablement absurde. puisque, dés
l'instant où Tuan March accentait en ~rinci~e. c.mme ill'a fait à ce
rnomrrit. d'ii;clcmiiiser tous l& :ictionn<iues dc: la 1~;irccloiiaTraction.
ilrcconn:iissait nécessairementle tort qii'il Icur avait causC.quel que fut
lc mo<lradouté Dour le calciil de 1'iiiilt:iiinitC.
II me resté à ;résent A examiner l'explication personnelle que l'hono-
rable conseil du Gouvernement espagnola cru pouvoir, desoncôté,donner
des motifs qui ont amené M. Frère, en octobre 1960. à prendre contact
avec le comte de Motrico.
L'honorable conseil du Gouvernement espagnol a commencé par
déclarer ninvraisemblables IIlesraisons aue M.Frère lui-mémea estJosées
daris ?on mCrnorandum pour eupliqucr'l;i di'inarchc qu'il a. fniic. .~otrt:
;<ri.\~rri3i:içnsuite soiitcnii oiit s11. L.'ri.rdavait fait cettc d&mnrclit.
c'était pour l'unique raison qu'il était en quelque sorte «terrorisé »parg04 BARCELOSA TRACTIOX
les exceptions préliminaires opposéespar le Gouvernement espagnol à la
requêtedu Gouvernement belge.
M. Frère aurait étécom~lètement démoralisépar ces formidables
1110y41j<ledE.lcnsc.jiigcs 1,ilr Iii:iliiuluiiicnt insiiriiiuiit;~l>ilssurait
coiiji<l;rI:la caiise coninii.~>erduectc'estçiiqiicl<liicsort< plc?iiid';insi&ti:
uii il;.iirnit nlors couru cII,:~l.ecointe de \lutrico iiolisui-->lir.re faire
des ouvertures à Juan March.
Le défaitisme de M. Frère aurait gagné ensuite, par une sorte de
contagion, le Gouvernement belee. eu c'est ainsi que le Gouvernement
belgeu- coiirairiçu ison tour. j.eii croire riorri ad\:crsaire. que le procL1-i
Ctait pcrdu (1'av;inçe - se serait <Ic'ci(i. nli~iidoriiierd2linitiveiii<:ntcr
sans Ïetonr ses griefs contre leGouvernement espagnol, à renoncer à cette
lutte qu'il poursuivait sans se lasser depuis douze ans; et tout cela en
échangede cette vague promesse de Juan Match d'essayer d'engager des
négociations pour tâcher de trouver une solution qui procurerait une
indemnité aux actionnaires.
Tout cela, Messieurs, vous le comprenez immédiatement aprèsce que
i'rii eu l'honneur de vous exposer hier, tout cela n'est à toute cvidence
"11pur roinnii.,.tIC m'en ;.ùii<lrni;de &:i;pill?ile trnipj de la Cour ~.ii
in'). artnrdant. \Ilus 1% roudrriis c~peiidant jouligiier 1:1facon siiiguliére
doiit I'hniiornhlï con;cil di1 Goii\,erncmcnt r~pa- -ol csxe (Ir?iustincr
cette nouvelle ~résentation des faits.
IIfori(l~~priiicipslemei~ta verjion,iion p:<jjiir dt,s pi6ccj. mus sur icttc
ideequ'iin lionnrte tiommcii'eng~~cuns di. ri&~oci:itioiisavec uriLnndit.
Ici: ie voudrais me vermettre d'ouvrir une Üarenthèse car il faut tou-
jours'kiidre à chacun 'cequi lui revient. Or, ce'n'est pas moi quiai appli-
quéi Tuan March le mot abandit o.comme l'a fait de son côtétrente ou
Quarante fois l'honorable conseil du Gouvernement espagnol. Ce mot
ne figure pas dans le texte auquel s'est référé moa ndversaire à l'audience
du 28 avril (voir ci-dessus, p. 703). Il est aiséde le vérifieren se reportant
hl'audience du 8avril, pages 393et 394.11.J'ai employéle mot «bandit n,
la Cour s'en souviendra peut-être,dans un tout autre passage, au cours
d'une autre audience d'ailleurs, et seulement pour souligner que c'était
le Gouvernement espagnol lui-mêmequi prêtait tout gratuitement à
Juan Alarch des intentions dignes d'un bandit.
Voilà. alonsieur le Président. 8fessieurs de la Cour, uii échantillon
- et c'est le seul que je me de mettre en évidence - de ces
dbforinations inadmissibles contre lesquelles i'ai cm devoir protester au
début de mon exposé.
Si désormais dans ces débats le mot banditdemeure associéau nom de
March, c'est uniquement à sir Humph-.y Waldock qu'il le devra. Sur
quoi, je ferme cette parenthèse.
Uii honnêtehomme, dit notre adversaire, n'engage pas de négociations
avec un bandit. Mais je vous le demande, Messieurs, a-t-on la possibilité
de choisi son adversaire? C'est bien parce qu'il connaissait March de
réputation que M. Frère n'a traité avec lui que moyennant la caution
morale, en quelque sorte, du comte de hlotrico, ambassadeur d'l<spagne
à Paris.
Du fait que M. Frère a engagédes pourparlers avec un adversaire qu'il
n'avait évidemmentpas choisi, qu'il n'avait évidemmentpas ,buchoisir,
et qui passait pour un homme redoutable et retors, on ne peut évidem-
ment pas raisonnablement conclure que M. Frère était prêt à tous les
abandons! DUPLIQUE DE hl. VAN RY'I
gOj
L'hoiiorable conseil du Gouvernement espagnol, pour déclarer invrai-
semblables les explications de M: Frère, insiste aussi sur le fait que
le moment était mal clioisi pour tenter des approches auprès dc ~Ûnn
.----..
C'est là une pure question d'appréciation, au sujet de laquelle 'e m'en
voudrais vraiment de rouvrir une discussion tout à fait superdue à ce
stade des débats. Il est possible que l'opinion du Gouvernement espagnol
ne corresponde pas à l'opinion de M.Frère au sujet du moment le plus
favorable pour tenter une négociation. Mais ce n'est certes pas là une
raison valable pour déclarer invraisemblables les motifs an contraire
trks compréhensibleset trèsnormaux par lesquels,dansson mémorandum,
M. Frère explique sa décision.
Parmi ces motifs, il en est un qui a tout particulièrement excité la
verve caustique de notre estimécoutradictcur. Et je crois utile de m'y
arrêter quelque peu, car les critiques qu'il a d ailleurs longuement
développées à ce propos vont me donner, de mon côté, l'occasionde
formuler quelques observatioris d'ordre général quinous paraissent
importantes, et par lesquelles je me propose de terminer mon exposé.
Dans son mémorandum, hf. Frère explique qu'en octobre 1960 le
aclimat u semblait plus favorable en Espagne: et ilen donne, la Cour
s'en souviendra. comme preuve le règlement qui venait d'avoir lieu
d'un ancien litige entre la société Chadeet le Gouvernement espagnol,
règlement négociéavec ce gouvernement dans un esprit de compré-
hension réciproque. Et le succbs de ces négociations était d'autant plus
frappant, disait M. Frère, que l'accord finalement réaliséne l'avait été
qu'en dépit d'une opposition persistante de Juan March.
bf.Frère concluait alors par ces mots que mon estimécontradicteur
a cités lui-même: iIl soufflait ainsi un vent de conciliation qu'il n'était
pas dans ma nature ni dans l'intérêtde ma sociétéd'ignorer. »
Et aussitôt l'honorable conseil du Gouvernement espagnol de relever
ce qu'il croit êtreune inconsé<{uence dans l'explication de hl. Frère -
et je cite textuellement ses paroles:

iiEn tout état de cause [a-t-il dit], si l'on accepte l'explicat'ion
Chade comme le symptôme d'un nouveau vent de conciliation, sese de la
démarches auprès de M. March n'en deviennent que plus difficiles
à concilier avec la conduite d'un homme aussi iintelligent» et aussi
ipoudéréuque nous l'a dépeint Me Van Ryn. Ce qui avait frappé
M. Frère [poursuit notre adversaire] dans ce règlement du litige
de la Chade, c'était l'esprit de compréhension dont avait fait
preuve le Gorrvernementespagnol et le fait que l'accord avait été
réaliséen dépitde l'oppositionpersistante de di. iWarch. ii

Et notre adversaire de souligner que ce n'est cependantpas auprès du
Gouvernement espagnol que M.Frère a tentéune approche, mais auprès
de IIarch lui-même, qui venait de montrer encore son obstination.
Eh bien! Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, n'en déplaise
à notre adversaire, le succès d'une négociation avec le Gouvernement
espagnol, malgré l'oppositionde Juan llarch, était un fait dont i'impor-
tance capitale sautait aux yeux, et qui pouvait légitimement donner
à penser qu'une tentative de négociation avec llarch lui-mêmevalait
la peine d'être faite.go6 BARCELOSA TRACTIOS

Ce fait nouveau permettait de croire que Juan March n'avait plus
aupr&s du Gouvernement espagnol le mêmecrédit, la mêmeinfluence,
qu'auparavant. Tel était le point important. Car Juan March était
une puissance en Espagne et les dirigeants de la Sidro, en particulier,
avaient eu l'occasion de s'en apercevoir une fois de plus au cours de
l'étéde 1955.
avec Juan March et son groupe pour tenter un règlement de l'affaire
sur le plan privé.Il a déjàétéplusieurs fois question au cours des débats
de cette tentative. Si j'y reviens encore aujourd'hui, c'est parce que
précisément c'estelle qui a étél'occasion d'une espèce d'épreuve de
force entre le Gouvemement espagnol et Juan March - et dans cette
épreuve, ce n'est pas le Gouvernement espagnol qui l'a emporté,j'en
doniierai la preuve dans quelques instants. Mais la Cour comprend
immkdiatement combien, par contraste, M. Frère avait dîi être frappé
en constatant qu'en 1960, à l'occasion du règlement relatif à l'affaire
de la Chade, le Gouvernement espagnol avait au contraire cette fois
passéoutre à l'opposition de Juan March.
M. Frère pouvait espérer, en présencede ce fait nouveau, que Juan
March lui-même,sans doute conscient de ce qui paraissait être une
diminution de son influence. se prêterait moins difficilement à une
négoiintion ct sernit plus accominodant. Voiihce que I'lionorlble conseil
du C,ouvernemcnt esp:ignul. stmble-t-il, n'avait p;ti coriipri;.
.\laiievoiidrnis demander I'autonsntiuia I:Cour de revenir uiieloua
instant; à cette épreuve de force de1955 que j'ai evoquée,car'je Crois
vraiment qu'il vaut la peine qu'on s'y arrête.
Dans la réalité deschoses et en dé~itdes déclarations officiellesré~é-
tées du Gouvemement espagnol, ceLgouvernement s'est très souvênt,
dans la coulisse,mêléaux négociationsavec Tuanhlarch en . -renant une
part active.
Nous en trouvons la preuve dans un document, que j'avais déjà
auquel je voudrais revenir brièvement. de l'avocat Dean àél'administra-
teur délégué de la Sofina, daté duIO juin 1955, et que la Cour trouvera
en appendice no 14 à la lettre de M. Frère du 26 février 1964, nouveau
document belge, p. 30 à 33.
Ce télégrammeest le deuxihe des trois documents que l'honorable
conseil du Gouvemement espagnol a mentionnés et commentésdans sa
réplique à l'audience du 28 avril (voir ci-dessus, p. 697 et suiv.). Et.
chose remarquable, notre adversaire a très longuement commenté,
comme je l'avais fait moi-meme d'ailleurs, le premier de ces trois docu-
ments. Mais il est ensuite passédirectement au troisieme,A la page 700
ci-dessus, en sautant, si je puis dàpieds joints par-dessus le deuxième.
Et c'est ce dernier que je me propose de commenter rapidement
devant vous, Messieurs. La Cour comprendra aisément pourquoi notre
adversaire le trouvait redoutable et en a en quelque sorte éludéle
commentaire.
Dans ce télégramme, &f. Dean rapporte les nouvelles qire vient de
lui donner une fois de plus le comte de RIotnco, avec lequel, une fois
de plus, il a déjeuné.
De son c6tél'ambassadeur vient précisémentde parler le matin même
par téléphone à son chef - c'est-à-dire le ministre des Affaires étran-
géresd'Espagne, qui était à l'époqueM.Artajo. DUPLIQUE DE Ai. VAK RYX 907
Les paroles de ce dernier ministre. telles qu'elles sont relatées par
l'ambassadeur, et ensuite par DI. Dean, sont du plus grand intérêt.
Le ministre a déclaré à l'ambassadeur que certaines conversations
étaient à ce moment en cours à Madrid. Et iln'y a pas lemoindre doute
qu'il s'agit de conversations entre leGouvernement espagnol et Juan
bfarch au sujet de l'affaire de la Barcelona Traction. La Cour s'en
convaincra par la lecture d'une des dernières piècesque le Gouverne-
ment belge a étéamené à déposeril y a quelques jours; je fais allusion
à la lettre adresséele juillet1955 par M. Dean au sujet de l'affaire
de la Barcelona Traction à II. Lester Pearson, sous-secrétaire d'Etat
des Affaires étrangères du Canada. Lettre dans laquelle nous lisons:
ilHe [c'est-à-dire le comte de Motrico] said certain negotiations aere
going on between the Spanisli Government and March wh/ch might
be important. iEt le ministre avait ajouté que ces conversations entre
lui et March pourraient en amver à un point tel qu'il serait souhaitable
que DI.Dean fùt en Espagne, au début de juillet - moment où l'am-
bassadeur lui-mêmeserait à Madrid et pourrait, avait-il dit, prêter
ses bons offices pour des conférencesavec hfarch. Conférences à trois:
le ministre espagnol, l'ambassadeur de Motrico et 3f. Dean. Voilà se
compromettre!
L'ambassadeur a ensuite, toujours d'après le télégramme, questionné
hf. Dean sur les idées des dirigeants du groupe privé belge au sujet
d'un règlement amiable, vraiiemblablement pour que l'ambassadeur
puisse ensuite transmettre ses informations à son ministre. 3f. Dean
ielate les indications qu'ila données pour répondre à la demande de
l'ambassadeur. II a précisé,dit-il, que le groupe belge n'était pas disposé
à partager la direction de l'eiitreprise avec March, mais qu'il voulait
developper l'entreprise, la Barcelona Traction, à ce moment défunte
mais qu'on envisageait de remettre en vie, si c'était possible, qu'il
voulait développer l'entreprise dans le meilleur intérêtdu pays. Il a
ajouté encore que le groupe consiaérait Narch comme un simple spécu-
lateur et non comme un industriel véritable. Il a assuré l'ambassadeur
que le groupe belge serait disposé à s'associer éventuellement avec les
principaux industriels et avec des banques d'Espagne.
L'ambassadeur, de son côté, a fait connaître à If. Dean les désirs
du ministre en ce qui concerne un règlement éventuel: le ministre sou-
haitait qu'on lui fit une proposition qui ne comporterait ni la levée
de la faillite, ni une déclaration selon laquelle les tribunaux s'étaient
trompés, ni une action oficielle par le Gouvernement. En d'autres te!-
mes, ce qu'il voulait c'étaitune proposition de règlement quissauverait
la face».
L'ambassadeur avait conclu en disant que la meilleure attitude
était d'attendre le résultat des conversations en cours à Madrid entre
March et le niinistre des Affaires étrangères et de se trouver la-bas
avec lui, avec l'ambassadeur, au mois de juillet. Il précisait qu'à son
avis des progrès constructifs pourraient alors êtrefaits.
Trousvoyez que, Messieurs,duits la réalitédes choses,le Gouvernement
espagnol considérait la Barcelona Traction comme une affa;re dEbl.
Lesconversations du ministre avec Juan hlarch ne pouvaient évidemment
avoir d'autre objet que d'obtenir éventuellement de Juan Alarch qu'il
fît certaines concessions, qu'il se prêtâtun accommodement avec le
groupe belge.
Or, ce fut un échectotal.go8 BARCELONA TRACTIOS
Juan Xarch s'est montré completement insensible à toutes les consi-
dérations d'intérétgénéralque le ministre n'a pas manqué d'itivoquer
auprès de lui, ainsi que c'était son rôle, et son devoir, à lui, ministre.
Telle était la puissance de cet homme, capable d'infléchirla volonté
des autorités publiques.
N'est-il pas naturel que M. Frère. constatant, en 1960, qu'un accord
avec le Gouvernement espagnol avait pu à ce moment-là se conclure
en dépit de l'opposition de Juan March, en ait déduit que quelque
chose avait sans doute changéen Espagne depuis 1955 et que cet hoinme
redoutable n'avait peut-êtrc plus la même puissancequ'auparavant?
Que dès lors, cet Iiomme lui-mêmese montrerait peut-être cette fois
,l~~-~ ~n,éhensif?
C',-tait iii;illiïi~reuscinriit iiiie <:rrciir.I'ç\-li;rit,iice l'a dCniontrl
\laisIVr;iiioiiiiciiifairpal.11. I;ri:reri'eiiétait uni nioins, cil octobre
1960. tout à fait plausible.
Je crois avoir ainsi montré, Alonsieur le Président, Alessieurs de la
Cour, que la surprise manifestée par notre adversaire était bien peu
justifiée,mais je suis heureux qu'en m'obligeant à donner sur ce point
des explications quelque peu détaillées,il m'ait fourni l'occasion de
jeter sur les relations de Juaii Narch avec les autorités espagnoles une
lumière qui nous parait suggestive.
J'ai ainsi terminé, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, la
dernière partie de ma réplique consacrée à la critique des considérat'ions
développéespar mon adversaire au sujet de l'historique du désistement.
L'essentiel, pour nous, rtside dans les intentions manifestées par les
deux gouvernements, telles que ces deux gouvernements les ont expri-
mées ou confirmées par leur attitude. Ces intentions ne font aucun
doute: le gouvertiement belge s'est purement et simplement désistéde
la procédure, le gouvernement espagnol n'en a jamais douté lui-même.
Ce désistement ne saurait dès lors, ni eu droit, ni en fait, empêcher
l'introduction par le Gouvernement belge d'une nouvelle requête et
c'est dès lors avec la olus entiére confiance aue nous demandons à la
Cour de rejeter la prer;iiéreexception prélirniiaire opposéepar le Gou-
vernement espagnol.
Il me reste, Monsieur le Président. Messieurs de la Cour. i formuler
l'espoir de ne pas avoir abuséde votre patience et à vous remercier de
l'attention que vous avez bien \,oulu m'accorder une fois de plus. DUPLIQUEDE Mm"BASTID
COXSEIL DU GOUVERNEXEST BELGE

[Audience publique du 12 mai 1964, matin]

Monsieur le Prbsident, Messieurs les juges, la savante réplique de
mon éminent contradicteur a présenté à l'appui de l'exception prélimi-
naire no 2 une argumentation ingénieuse et subtile. J'ai étésensible
aux propos que le professeur Guggenheim a tenus à mon endroit. Me
permettra-t-il de lui signaler qu'il n'a pas eu le privilèged'avoir répliqué
à une ccpremière » - pour utiliser le langage des alpinistes - puisqu'il
y a treize ans, klmc Flora Diaz Parrado, en qualitéd'agent du Gouveme-
ment de Cuba, a présentédevant la Courun exposé relatif à la Convention
de La Havane de 1928.
Je voudrais commencer par une observation générale.Ln Cour n'aura
pas manquéd'observer que la Partie adverse n'a pas chercliéà apporter
sa contribution à la solution d'une question juridique qui se pose pour
la première fois devant la Cour en fournissant des élémentsempruntés
à la ~ratiaue internationale et relatifs à la ~ortée de l'article ...du
St;ttiii. 0ii';iiirnit pii ;ittenclrt. notnninieiit de koii s:t\.anr ~.ontradictcur
qu'i( noii; reiijeignc sur In pratialuc si~ivie.piiis~liSiiisie cit <Ir.\.çitite
y,irtic :iii Statut de In Cotir ~>mtCri~urciiieiri1;d~solurioii dc 11Cour
pin~i:tnerirt:de Justic.,: iiitt~rii;itiuii;ilcniil~IuiitcIL<S~iri,~~~i~~iiltc~
~niinïitti%luici,ii~cillcncc gou~~crnetiiciitoiit di1consir1;rcr 1:iportcdi'
l'article 3jdu Statut.
Le professeur Guggenheim n'a pas jugé utile de compléter ce qui a
étédit sur ce point au nom du Gouvernement belge (voir 11,p. 488).
II n'est pas revenu, non plus, sur les accords passés par la Finlande
avant son admission aux Nations Unies et dont l'iinportance a été
signalée (je renvoie à la p. 487. II).
Pour ce qui est de la recommandation du 31 octobre 1951 faite par
la septième session de la Conférence deLa Haye de droit international
privé (voir II, p. 488), il suffit de lire le texte qui est reproduit dans les
Actes de la Conférence(v. 401) Dour constater aue l'intervrétation qu'en
donne mon savant conFradicté& (voir ci-dessuS. p. 779) ;l'est pas accep-
table. Le protocole en question, qui a étésigné le 27 mars 1931,reconnaît
la com~étencede la CoÜrpermaiiente pour intemréter les conventions de
droit ifiternational privé.b
Or, la conférencede 1951 recommande aux parties à ces conventions
de sjgner le protocole, ce protocole qui vise la Cour permanente de
Justice internationale, et de «reconnaître, le cas échéant. lacompétence
de la Cour conformément aux dispositions de son Statut ininais elle
constate par ailleurs que les Etats signataires du protocole, mais non
parties au Statut de la Cour internationale de Justice, peuvent a recon-
naître la compétencede la Cour, conformément aux dispositions de son
Statut [et, entre parenthèses, sont cités](art. 35 et 37) ».(Ira BARCELONA TRACTIOS
La mention expresse de l'article 37, comme les transformations
successives de la rédaction de cette recommandation (Actes de la
Conférence,p. 306, 3x1 et 401). montrent bien que les participants à
cette conférence ontla conviction que par l'effet de l'article 37 la compé-
tente de la Cour internationale de Justice peut être établie s'agissant
d'un traité en vigueur qui renvoie,& la Cour permanente de Justice
internationale. Il est clair qu'une interprétation de ce texte qui est
voté en 1951 et qui limiterait les effets aux Membres originaires des
Nations Unies n'a pas pu êtreenvisagée.
Quant à la reproduction dans la sentence du Lac Lanow, qui date
dii - 8 n~ ~~bre 10~7. $un texte oui. s.iv.nt la thèse actuelle du
Gouvernement espago1, serait pour une large part caduc, je n'ai pas
trouvé dans la réponse de Al.Gu~genheim, qui pouvait d'ailleurs sur
ce point interroger certains conseai du Gouvërnëment espagnol, je n'y
ai pas trouvé d'explication bien satisfaisante et je pense que le tribunal
arbitral a tout naturellement songé que l'article z du traité franco-
espagnol faisait encore intégralement droit dans les rapports entre les
deux pays, ce qui est conforme à la thèse belge sur l'article 37.
Mon éminent adversaire est revenu, une fois encore, sur les protocoles
de transfert établis par les Nations Unies (voir ci-dessus, p. 776) mais
les considérations qu'ii a présentéesn'apportent rien en faveur de sa
these. II convient de rappeler qu'au moment où ces protocoles ont étB
rédigés, plusieursEtats parties aux traités qui renvoyaient à la Cour
permanente de Justice internationale n'étaient pas parties au Statut
de la Cour. Donc, à leur égard, pour remettre les choses en état, un
accord spécial était nécessaire pour prévoir la juridiction de la Cour.
En outre. pour tous les Etats parties aux traités, il fallait prévoir le
transfert de compétences concernant les organes des Nations Unies.
On comprend que ces protocoles n'aient pas étéinutilement compliqués
par des distinctions; que l'on ait prévu-je dirai en bloc - le transfert
de compétences à la Cour internationale de Justice sans distinguer
entre lesEtats parties aux traités, qiii étaient parties originaires au Statut
de la Cour internationale de Justice et pour lesquels, suivant la thèse
belge comme suivant la thèse espagnole, une disposition formelle,
nouvelle de transfert n'était pas nécessaire; sans distinguer entre ces
Etats-là, les Etats parties non originaires au Statut pour lesquels suivant
la thèseespagnole il fallait une disposition de transfert, alors que suivant
la thèse belge cette disposition n'est pas nécessaire; et enfin, les Etats
qui n'étaient pas parties au Statut et pour lesquels la Belgique, comme
l'Espagne, admet qu'une clause spéciale était requise.
On comprend que la distinction n'ait pas étéfaite. Ni dans les débats
sur ces protocoles ni lorsque la Commission du droit international y a
fait allusion au cours des travaux de sa quinzième session (rappo~t
A/5509, p. 34, par. 26),il n'a étéindiquéqu'il étaitnécessaire de prévoir,
par un accord spécial, le transfert à la Cour internationale de Justice
des compétences reconnues à la Cour permanente pour des Etats non
membres oriei"aires du Statut. ce nui est au fond la seule auestion
sur laquelle porte, à l'heure actuelle, ia discussion.
Ainsi, hlonsieur le Président, le Gouvernement espagnol n'a apporté
aucun orécédent tiré de la oratiaue des Etats ou des or~anisatlons
internaiionales concernant l'articlé 37. Les critiques qu'il a-présentées
aux précédentsqu'a fournis le Gouvernement belge n'ont aucune perti- DUPLIQUE DE DIme BASTID gr*

nence et son silence sur plusieurs de ces exemples est hautement révéla-
teur.
La Partie adverse, peu soucieuse de la pratique concernant l'article
37, s'est par contre attachée à créer une certaine atmosphère autour
dé cette ëxceution. Son but est visiblement de mettre en-eard- contre
les ris(lue, qii? prisenterüitI:irecoiiri:risi.incc ilnns l:, présente ~ii;,irï
de la ~i~ridi~tiniI11 Cour en insistant sur IcjinCrit~sd1.1tliés~.~~i:igriulc
qui, restreint la portée de l'article 37 et qui restreint en conséqÜeGela
juridiction obligatoire de la Cour.
Je voudrais m'expliquer tout d'abord sur ce point avant d'aborder
le fond du problème et l'argumentation proprement dite de la Partie
adverse.
Monsieur le Président, moii éminent contradicteur a été attentif à
colorer son exposéde considérations qui tendent à donner l'impression
que le rejet de la demande du Gouvernement belge, une décisionen
faveurde l'incompétencede la Cour, correspondrait à une bonne justice.
Pour lui. écarter I'auulication de l'article 17 dans l'esuke. ce serait
admettre une solutioR'raisonnable, une solu~on éqnitabfe, une solution
tout à la fois conforme à l'intention des Etats en présence.
Ce serait, tout d'abord, une solution raisonnabie. Avec un certain
dkdain, la Partie adverse a évoqué - je cite: iiles idéesgénéraleset
généreuses inainsi que .les priiicipes relatifà la juridiction obligatoire
et à la technique des traités de règlement pacifiquen qui auraient été
dkveloppés au nom du Gouvernement belge (voir ci-dessus, p. 761).
Elle a, par ailleurs, exposé que si la Cour écartait l'application de I'ar-
ticle 37 du Statut dans le cas de traités en vigueur auxquels sont parties
des Etats devenus parties au Statut de la Cour internationale de Justice
postérieurement à la dissolution de la Cour permanente, si la thèse
donc du Gouvernement espagnol triomphait, la conséquenceserait sans
doute la nécessitéd'adapter certains traités contenant des clauses
juridictionnelles visant la juridiction de la Cour permaneiite. $lais,
pour leprof~~iiciirG~iggcnlieim,cctte ad.il~t;itiicraitune pure form:dit&.
elle sc fcr;iit sniij difficiiltépour le; IStatj ayifoi dans In juridiction
ubligat(,irc , l?ir coiitre, a-1-11ajout;ccsdt'sird'adnptntion fait d6faut.
la clause juridictionnelle est in tout cas - et je Cite: usans valeur
politique et morale u.Si la Cour se prononce en faveur de sa juridiction
dans cette affaire, on verra, a dit le professeur Guggenheim, les Etats
saisir laroch haine occasion de dénoncerune obliaation <iualifiéede trou
onéreuse,et du mêmecoup, dénonçant le traité lG-rnêmLils atteindrait
des engagements qui se trouveiit dans ce traité qui concerne l'arbitrage
et la conciliation (voir ci-dessus. p. 774). La soiution préconiséeparle
Gouvernement espagnol serait donc une solution raisonnable et ainsi,
pour ménager les progrès de l'arbitrage et de la conciliation, la Cour
devrait. suivant mon éminent contradicteur, se déclarer incompétente
dans la présente instance.
soumettrestàpala juridiction internationale et àéla juridiction obligatoire
de la Cour. il en rksnlte des difficultés~ratiaues. nuels aue soient ses
t:iiS;tgenien~i.Mais :tiicune rr'gled'intenjrétntion n'autoriieA présumer
I'iiitcntioii d'lin Etnt de nc 113sSC conformer à iin engagement pour
arri\i.rriidrnit 3 1:iconcl~i~iunque cet ,,iigagenienr ne Iclie pas.Je iiic
bornerai i r3ppt-Icr In plirnse si preciic du compte rçiidu de la s4:tnce
di114 juin 1tj15du ComitéI\'/I de I:ConfCrcnce <IcS:in Francisco lorsqu~.grz BARCELOSA TRACTIOS

ce comité a décidéde la rédaction définitivede l'article 37. phrase qui
concerne évidemment les parties au Statut de la Cour: cLa négociation
d'un nouveau traité pour le renvoi d'une question à la Cour sera donc
internationale, tome XIII, p. 462.)des Nations Unies sur l'organisation
C'est précisémentce que les rédacteurs de l'article 37 ont voulu
éviter que réclame aujourd'hui la Partie adverse. II faut d'ailleurs
ajouter que, pour se borner aux traités d'arbitrage. de règlement judi-
ciaire et de conciliation, ceux-ci sont normalement coiiclus pour une
durée limitée: c'estnotamment le cas du traité his~ano-belre. Ainsi.
Ic c,:iécliCnnt,cli:i<lucErnt estcn ,ituütiuri,qiicllc q;r. witI:iiolution
doririrt11311:Cotir.de sed;g;!gt.rrlroblip~tions du traitri et de proxoqucr
<lesnC>roci:itionsur les iiroc:ciliirejd~.-czl~niciII;IC~. .Umr IC~IIIICIIV~
il accepte de continuer à:êtrelié.
Au demeurant, le Gouvernement belge a montré que le renvoi à la
Cour permanente est, dans le traité hispano-belge comine d'ailleurs
dans la plupart des traités de ce type, une pièceessentielle d'un ensemble
organisé,et la disparition de l'obligation touchant le recours à la Cour
de Justice affecterait l'équilibre fondamental. On ne peut vraiment
pas croire que, si la Cour devait reconnaître que la clause de juridiction
obligatoire ne lie plus les parties, celles-ci continueraient à accepter
que, suivant l'article18 du traité hispano-belge, les différendspolitiques
soient soumis à l'obligation de reglement par une décisioriobligatoire
d'un tribunal ayant les pouvoirs d'amiable compositeur.
Donc, la Cour ne compromettra pas par une décisionen faveur de la
thèsebelge le sort de la conciliation et de l'arbitrage. Par contre, par une
décisionqui réduirait aux Membres originaires des Nations Unies ou à
un groupeéquivalent laportéede l'article 37,par une telle décisionserait
remise en question une interprétation de ce texte qui n'a pas étécontesté
en fait jusqu'aux exceptions préliminaires présentéespar le Gonverne-
ment espagnol en mai 1960, une interprétation de l'article 37 qui n'a été
mise en cause ni par la Cour ni mêmepar les Parties lors de l'affaire de
l'l?zciùentaérien.Bien plus, c'est cette interprétation de l'article 37 qui
présentéedans l'affaire de l'Incident aérien ar sir Hersch Lauterpacht,
M. Wellington Koo et sir Percy Spender 6.1. R~ecueil 1959, p. 163,
178. 180. 181, etc.).
';\insi si la tliCsc(lu Gou\,erncmciit çsp:igiiol;tait aclopccc11'i.ipas
uiiv suI~~ticiiaisnnnal~l(111jer.?it xli~iisc,maiILIIsitii;~tiuiiiusqu'alors
non contestEe serait remise en question, ce qui, inévitablement,provo-
qnerait trouble et confusion.
Cependant mon éminent adversaire paraît trouver à cette thèse un
autre mérite: il serait logique et mêmeéquitable d'écarterl'application
de l'article 37 aux membres non originaires du Statutde la Cour puisque
l'article36, -arag~.phe 5, ne leur est pas app--cable suivant l'arrêtdu
26 mai ~gjg.
Xous reviendrons bientôt sur l'analogie juridique que la Partie espa-
gnoletiredeces deux dispositions du Statut, mais la Cour aura remarqué
l'ingéniositéde inon savant contradicteur en imaginant ici la situation
aui se ~roduirait si I'Es~ame citait la Bulearie devant la Cour. sur la
6ase d; traité d'arbitraie,-de reglement judiciaire et de conciliation de
I~?,I.Comment admettre. dit-il, s'a~issant de la Bul~arie, la compétence
obïigatoire fondéesur l'article 37 dustatut et sur la Fiause de juridiction DUPLIQUE DE Mme B.4STID 9'3
du traité hispano-bulgare de 1931d ,èslors que la compétenceobligatoire
a étéécartéesur la base de l'article 36, paragraphe 5. Ne serait-ce pas
choquarit, injuste, contradictoire? (voir ci-dessus, p. 825).
Monsieur le l'rfsident, ilme paraît impossible de suivre la Partie adver..
se sur ceterrain. Laquestion en discussion concerne les rapports entre la
Belgique et l'Espagne. C'est eii fonction des termes du traité hispano-
belge, mais aussi en fonction des conditions dans lesquelles il a été
appliquéet iiiterprétépar lesparties que le Gouvernement belgeinvoque
l'article7, paragraphe4, et l'article 37 du Statutde la Cour pour fonder
la compétence de la Cour dans cette affaire. L'attitude hypothétique
d'un gouvernement tiers au sujet d'un autre traité pour un différend
imaginaire n'a vraiment aucune pertinence dails la présente affaire.
Sous un troisi6me aspect, mon savant contradicteur a mené son

attaque contre la thèse du Gouvernement belge. Evoqiiant l'attitude
de celui-ci lors de l'admission de I'Es~aene aux Nations Unies. il a osé
la question de I'aassentiment réel a donne par lesdeux Etats à l'irticlé37.
Il l'a fait dans les termes suivants - et ie cite encore (voir ci-dessus.

% 1.11tel ~~sciitirii~iitne trouve pas noii l>liiii<uiifiriiiniiond:ini
l':ittiru<lc Je Id litlgi<liici I'ilii><li(Ic l'a<liiii+ionde l'Espagne
:,ii.s S:LIIO~Ii'r~ie><:t\:oinnir nxrtie :.IStat~it <lela CUII~ <,IIIQ?<
En effet, il cst de notoriétép;bliqiie que la Belgique n'a pas
en faveur de l'admission de 1Espagne aux Nations Unies, aussi bien
dans le cadre de la recommandation préalahle du Conseil de
sécuritéque lors du rote définitifde l'Assembléegénérale. Comment
peut-on, dès lors. présumer la fiction que la Belgique ait désiré
.ranimer » les droits et obIigations de la clause juridictionnelle du
traité hispano-belge ..)I

Ainsi, suivant le Gouvernement espagnol, un Etat qui, conime la
Belgique, s'est abstenu lors de l'admission d'un nouveau Membre aux
Nations Unies ne pourrait pas se prévaloir dans les rapports avec ce
nouveau Membre d'une disposition du Statut de la Cour qui fait partie
intégrante de laCharte.
C'est là une thèse vraiment iiouvelle; elle transformerait, si elle était
admise, en rapports bilatéraux qui ne seraient instituésqu'au cas de vote
affirmatif, les dispositions de la Charte et du Statut de la Cour. Lc vote,
on le sait,au moment d'une admission, est déterminépardes motifs poli-
tiques et non pas par la volonté d'accepter oude ne pas accepter telle ou
telle règle conventionnelle dans les rapports avec le nouveau Membre.
Je ne crois pas nécessairede discuter plus longuement cette thèse. La
Belgique, comme Menibre originaire des Nations Unies, est tenue à des
obligations résultant de la Charte et du Statut et peut se prévaloir des
droits qui en résultent. C'est, d'autre part, la décisionde l'Assemblée
généralequi a investi l'Espagne de la condition juridique de Membre de
l'organisation. Par uii instmment déposéauprès du Secrétaire général,
le 26 septembre 1955c ,lle a acceptéles obligations de la Charte et celles
du Statut de la Cour. Sous rét textede tenir com~te de l'intention des
Parties cn pr~~~iicek , al>arriFailverie rnèconn:iitscite si~iiationjiiridiquc
si ti\,i<lciireqijz dois rn'cscuwr dc la rappeler. riiaii jciiépouv:iis passer
sou; sil,118.u\.Ionsieur le l'rL..irlc.nt.cet effort iiltinic du C;oii\.crnemcnt
espagnol pour tenter d'entourer sa thèse d'une atmosphère favorable.9'4 BARCELOSA TRACTlOS
Je voudrais maintenant, Monsieur le Président, aborder le problème
sur le plan proprement juridique, en insistant toutà la fois sur les bases
essentielles de la demande du Gouvernement belge et sur l'absence de
pertinence des ar"iments de la ré~l. .eet des concluions es~aen."es.
je coiiimenzcrai en montrant poiirquoi l'Espagne n'est p:rs cn druit
d'opposer l'csception prfiliminairri"r.

[Audiencepzrbliqziedu 12 mai 1964, aprks-midi]

hlonsieur le l'résident. j'ai quelque scrupuiere\,enir sur II question
de savoir si1'Espagiicest en droit (I'ollpoer I'rsçcption pr~liminairi2.
Ues dC\~eloi~vementitrés lunes oiit Gtc déii conj:rcrcs h cette <iucstion
intervention devant la Cour.uvemement'bel~e et dans ma prernihe
Cependant. mon savant contradicteur s'est attaché à rechercher si
-je cite:

cieffectivement le Gouvernement espagnol aurait reconnu. dans le
cadre de la correspondance diplomatique, que le différend qui
oppose la Belgique à l'Espagne devait êtresoumis A la Cour inter-
traité hispano-belgea(voir ci-dessus, p776).onnel de l'article7du

Pour laPartie adverse, les notes diplomatiques citéespar le Gouverne-
ment belgene comportent aucun acquiescement desoumettre cediffkrend.
Le Gouvernement espagnol seserait bomé à dire, dans la note du 30 sep-
tembre 1957 ,ue ula soumission du différend à une juridiction interna-
tionale ne peut pas être rise en considérationavant que le jus standi de
la Belgique soit établo Fa iirdessus, p.777).
que la Partie adverse ait consentiàsoumettrelgà la Cour leprésent litige;
il reconnaît que la Partie adverse a toujours fait des objections à la
recevabilité, objections tirées du jus standi, du défaut de négociations
diplomatiques. etc. &lais,par contre, leGouvernement belge constate que
le Gouvernement espagnol n'a jamais contesté, jusqu'aus exceptions
préliminairesde 1960.c'est-à-dire postérieuiement àla saisine de la Cour
par la Belgique, que le traité de 1927 fasse droit dans ses rapports avec
la Belgique; iln'a jamais opposéla caducité des dispositions relatives à
la juridiction obligatoire, qui étaient expressément invoquées par la
Belgique; ila de lui-mêmeadmis qu'ilexistait depuisl'entrée de l'Espagne
aux Kations Unies (rune iuridiction oblieatoire Dour les deus Davsii
(notedu3osepteinbre ~~~~:arine.xesaumé~ioircbeige, tome 11:.1).;040).
Lorsque InBelgique a pris I'iiiiriati\~c.le 16niai 1957,de sgi$qiirllr
date le trait6 r~oii\,aitvenirexniratioil s'ilétait dénorirar iinc action
unilatérale dkne des arties, ie Gouvernement espagn81. pleinement
internationale de Tustice(note dui16maie 1057.annexes au mémoirebelce.our
tome IV, p. 1026j. n'a réagi:iln'a pG'dénoncéle traité, il n'a pas
déclaréque pour lui les clauses que la Bemque invoquait étaient d'ores
et déià.iaduaues. ils'est com~oÏtécomme-un Etat aui discute lescondi-
tions'<l'appli~ation d'un trait'édansiiiicas concmt,'sans prétendrc. cn
aucune iiiaiii~re.coiitest<:rI'r:xicteiicem6nic evaliditéactiiellc de tc,llr.
ou telle disposition du trait6 rt tout particuli~rement celles sur les- DUPLIQUE DE Mme BASTID 9'5

quelles se fondait, de toute évidence,I'Etat demandeur. Permettez-moi,
Monsieur le Président, de rappeler les étapesessentielles,à cet égard,de
la négociation.
Dèsla note belge du 6 décembre1951 (annexes, tome IV, p. 1000) le
Gouvernement belge demande l'arbitrage sur la base du traité de 1927.
Le Gouvernement espagnol répond le zz décembre enalléguant diverses
raisons pour affirmerqu'il n'y a pas entre lesdeux Etats différend- et je
cite: cprovoquant le litige international susceptible d'êtrerésolu con-
formément & la procedure réglementéepar le traité précité). Mais le
Gouvernement espagnol ne conteste pas que le traité soit m vigueur: ilse
contente de discuter les conditions d'application de l'article zz relatif aux
obli ations des parties pendant le déroulement de la procédure. Le
31 1é cembre, la Belgique, dans une nouvelle note, maintient qu'elle a
formél'acte introductif de la procédure d'arbitrage. Le 3 janvier 1952,
le Gouvernement espagnol confirme lui aussi sa position, affirme que la
Belgique recourt hors de propos àla procédured arbitrage prévue par le
traité et, le premier, il va expressément faire allusion A la procédure
judiciaire(prévue par le traité (art.2) o.
La préoccupation de l'Espagne est alors de rappeler à quelles
conditions le traité serait, selon elle, applicable.n dans son attitude
ne peut faire soupçonner qu'elle le considere comme partiellement
caduc. Cependant, le refus du Gouvernement espagnol de se prêter à
i'arbitrage va laisser le Gouvernement belge sans moyen d'action immé-
diat.
Lorsque l'Espagne devient Membre des Nations Unies, le Gouverne-
ment belge estime que <la situation n'est plus la m&me u et il va le dire
clairement en évoquant l'époqueoù il se trouvait rdans l'impossibilité
de soumettre unilatéralement le désaccord à une juridiction interna-
tionale ayant compétence obligatoire à l'égarddes deux parties». Ce
sont là les termes mêmesde la note belge du 31 décembre 1956qui
demande à 1'Etat espa no1de reconnaître sa responsabilité. .
Le 16 mai 14~ ie Couvemement belee «se voit amené à demander
au ~ouvememént espagnol de consengr au rkglement judiciaire du
litipe et il annonce son intention de lui soumettre un proiet de compro-
mi< La note se réfèreaux vrocédnres ~rkvues au triité.de 1,,,..sans
doute.ct. Irpuint aétérele\.4par mori6niiiiciitcontr;iJictcur,nc \,isc-t-elle
pas cn ternies cxprésla C~uriiit~rnationale de Justice, inaii la pCrip11rase
cmo...~r'c . I'..nanc,iudicinire .u~rémrde I:~~oinmunaut~~intriiialionale
ne put \.rainie:iit doiiiier liiu6i~uivoque.
1.3rii~mnscespagiiole du 10 juin 1357(p. 1027du tomc I\' <Icsannexes
au mémoirebelr<c.n i e soiilé\.eaucune ol)iection concernanle trait;: clle
est tout entikreGnsacrée à contester le droit de protection diplomatique
dont la BeMque entend se prévaloir.
Lorsoue ïeGouvernemeit es~aenol varle du edésir de soumettre le
différen'dsupposé à une instânce internationale... » il est clair qu'il
conteste l'existencedu différend mais non pas la portée du traité, et le
terme d'~iustance internationale uque le piofesseur Guggenheim trouve
obscur est parfaitement clair sil'on rapproche cette note de la note belge
à laquelle la note espagnole répond.
Donc, le Gouvernement belge n'a pas prétendu que l'Espagne ait
iacquiescb à soumettre ule différendà la Cour, comme le dit le professeur
Guggenheim (voir ci-dessus, p. 776). Le Gouvernement belge constate
seulement que le Gouvernement espagnol n'a pas contesté que les dis-gr6 BARCELOSA TRACTIOS

positions du traitéde 1927,renvoyant à la juridiction obligatoire, fassent
droit entre les deux pavs.
La note belge du 3 juillet 1957 met alors en oeuvre la procédure du
traité de 1027; elle propose un compromis pour saisir la Cour et elle
annonce le iecours évenGel à la voiede la requête,en citant les termes
de l'article 17du traite, et euprécisant qu'ils'agit dila Courpermanente
de Justice internationale (aujourd'hui Cour internationale de Justice) ».
Monsieur le l'rcsiderit, la Cour ne manquera pas de prendre connais-
sance du texte de la réponse espagnoledu 30 septembre 1957 (annexes,
tome IV, p. 1035). Une lecture attentive de ce document aurait dû
conduire le Gouvernement espagnol A éviter cette deuxieme exception
nréliminaire.
A 11en résulte en effet, premièrement, que le Gouvernement espagnol
ne conteste à aucun moment que le traite de 1027 fasse droit dans les
rapports hispano-belges. 11déclare seulement qui, pour lui. le traité
n'est upas susceptible d'étreùivoquépour la solution d'un litige qui n'a
pu surgir pour les raisons signalées u (conclusion no 6 à la note) et c'est
évidemmentce motif qui rend inacceptable pour le Gouvernement belge
la proposition de compromis (conclusion no 7 de la mêmenote).
Deuxièmement, il résulte de cette note du 30 septembre 1957 que
l'existence de lajuridiction obligatoire entre les deux pays est rattachée
par le Gouvernemeiit espagnol à l'entréede L'Espagne à l'Organisation
des Xations Uiiics. Ce qui implique nécessairement que c'est i'article 37
du Statut de la Cour qui en est la base juridique.
L'attitude du Gouvernement espagnol dans ses rapports avec le
Gouvernement belge correspond donc exactement à l'opinion des rédac-
teurs du re~~eil Tratado~ c~nsulares de EsbaFia. o~inion émiseDour les
traites ilu'il>piil~li;ii<:iqui cuiicernc Ics clauses rcnvuy:int ;iI;iCour
~~rrin;inviitede Justice intrrnatiorialeCt!s:iutaurs ri'oiit visibleiiieiit pas

Unies, et s'ils l'ont faii, en tant que fonctionnaire; dÜ ministère des:itiuiis

Affairesétrangères. collaborant à un ouvrage publié officiellement par
ce ministère. c'est évidemmentDarceaue c'étaitI'odnion communément
adiiiii,: p:ir les lonctionn:iirei dé1'EtYtcspagiiol q;ii s'occupriidet crs
<luc$troiii011 irecoiiipr,:ii(lr:1):ic~iisuit citép;ir eus coiiiiii~:&tanien
Smeur je ~rotocole -du 27 mirs Ï~I oui coicerne exclusivement le
reGours à lakour permaneite de ~us&e internationale, si la thèse actuel-
lement exposéeau nom du Gouvernement espagnol avait étéacceptée.
Cette ~ùblication montre aue le contenu-dis notes esuarrnole; qui
viennentAd'êtrerappelées co&es nd à l'opinion généraleto'uchant ieç
conséquencesde i'admission de 'Es"pagne aux Xations Unies, en ce qui
touche les traités en vigueur souscÎit<par elle et renvoyant à la C&
permanente de Justice internationale.
En conclusion. RIonsieur le Président, le Gouvernement belge ne
prétendpas que leGouvernement espagnol ait acceptéque lepréselitdiffé-
rend, tel qu'il se présentait au cours des négociationsdiplomatiques, soit
soumis à la Cour internationale de Justice, mais le Gouvernement belge
soutient aue la Partie adverse n'a iamais contesté.au cours des néao..a-
iioii..dil>lbm;itiqucs.que le ":lit6 (1;1927suit ob1ig:it"irrpour hi Hclgique
et pour I'l-p:ifiiic dans toutcj ses di;positioiis. 1.c Gouvernc~mzntL~clgc
ioutit~irt~8:iic~uit quel,: Guuveriiciii~iiteipagiiol ncxplicircnient :i<liiiii
'IIIdepuis l'eiitréede 1'Esp~giieaux S:itions Unies il~.x~st:uti.iitrt: les
(I~~irxgi~u\~cr~iciiiciIIIICjirri<liction compltcnte qiii iic peur Lrrc (1;s DUPLIQUE DE Mme BASTID 9'7

lors que la Cour internationale de Justice, ce qui impliqtie nécessairement
que 1'Es~ame a admis au cours de sesnéeociationsque l'article -. faisait
droit à ionCgard.
Cette position, prise au cours des négociationsdil>lomatiques avec la
13elgique.ne peut êtreabandonnéedevant la Cour par le Gouverncmeiit
espagnol, et c'est pourquoi le Gouvernement belge considèreque I'excep-
tion préliminaireno 2 est irrecevable.
lllonsieur le Président, je vais consacrer la troisiéme partie de cet
exposé à l'examen de l'argument espagnol suivant lequel la Cour doit
assurer, dans ce domaine, la continuité de sa jurispriidence. La Cour
constatera que le Gouvernement espagnol a, dans ses derniéresconclu-

sions, largement citélesdeux arrêtsdu 26 mai 1959et du 26 mai 1961qui
concernent l'article 36,paragraphe 5. duStatut. De plus, dans les conclti-
sions finales no 9, le Gouvernement espagnol déclare que la nature de
I'eiigagement et le but principal poursuivi par l'article 36, paragraphe j,
du Statut de la Cour internationale de Justice est le mêmeque la nature
de l'engagement et le but poursuivi par l'article 37, c'est-&dire celui
de créer un accordentre parties au Statut de la Cour en vue de transférer
la juridiction obligatoire de la Cour permanente deJustice internationale
à la Cour internationale de Justice dans certaines limites.
Puis suit un attendu no IO qui est tout à fait étonnant:
«Arr~s~u que par conséquent l'application et l'interprétation
de l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale est ré'udiciel pour l'application et I'inter-
prétation de l'article 37 8 Statut de la Cour internationale de
Justice. »

le rii'crnpr~sîcdi. dirc(III'1' ti~tt.niigl:ii: tX+It>c;iucuu~iiuiriirrr.ii.gt:.
C&pendaiit.j'ai<luelqiié r:iisc,iide pc.ii$crque le text*:fr;iii(ni:itIori:iii:,l
et Je (loisdirv iIiirI~.~lii:ilific:itif- je I:ii~it.riecbtébi1.ntcn~iiiIcj f:iiitci
de frappe qui se ioiit glissét!sdans ct:1>3r;igr:iphr- le (1uali1ic:itnfpr;-
jii<licicu appliqii> H I'a~~~>lic;~tirotni I'iiiterpr6tatioii d'uii rcxtr. pour
I'applicatioii <-tI'inicrprCtatioii d'un aiitre reste cst :IImoiiis iriliabituel
et l'on ne voit pu trcs bien qiiellc signitiz:ition In Partie ad\.erse yr<tvn<l
eii tirer J'ni coiisiiltéle dictionn:iire I.i~lrnii niot t prCludicicl n .\';L\,II:

aTerme de jurispmdence. Questioftpréjudicielle:question qui doit
êtrejugéeavantla contestation principale. Action préjzcdiciell ecelle
qui doit êtrejugéeen premier lieu. Moyens préjudiciels:moyens par
lesquels on soutient la question préjudicielle. u
Mais, à vrai dire, ces explications tirées du Littrén'éclairent pas la
~ortéede cette conclusion et ie suis inca~abie de dire ce qu'elle sienifie.
Ji: rie vuis p;r, ce <]ii'r;apl)o;tc &in, les'rnpports entre <Iciixtextes.

JC me bornew doiic a examiner cc qui a Et<:ditdans La ré~iliquc.
1);iiiIcirî!r~li~riii,io~is:~v:intcoiitr:idictci~ra fait valoir (voir ci-de.;jiij,
II.780) la ii~cé~sitc dr IIC pz niodiner uric jurijpni<leiicc 6tal)lie cuiiwr-
naiit I'intrrjir;t;itiunilqi;irticlzs 36.p;ir:igraplie5.et 37. ~iirispriideric~q.ui
se serait atlirmr'c clans 1':iffaire(lu ï'e~nl>le d~ I'rAih I'ihé~irct tI:tiile.;
aNaires (lu Sad-Oaesi ulrrrnin (Clj h'tctiei1$6-, 11.:33~).
1.eGouvt riieiiiriit bclgt. rcl,?vetout (l'abord quc I':irrCtrt.iidu clsiiiles
sffaires <IliSitd-(Jars1airrrlili roni:vrnc sini iluiilt:1':irtici. . 1ii;ii13
Cour n'a pas eu à se prononcer sur le cas d'un Etat dev!:nu partie au
Statut après la dissolution de la Cour permanente de Justice internatio-918 BARCELOSA TRACTIOS
nale. Danscette affaire, le mandat qui contenait la clause de juridiction
obligatoire, commed'ailleurs laclauseelle-même,concernaitexpressément
la SociétedesNations et ceci explique que, dans l'arrêt,la Cour ait mis en
lumière le fait que les Parties en litige étaient devenues Membres des
Nations Unies alors que la Sociétédes Nations et la Cour permanente
existaient encore(C.I.J. Recueil 1962, p. 335 et 338), le point a déjà été
examinédans les observations du Gouvernement belge,paragraphe IOO.
Ainsi, en ce qui touche l'article 37,iln'est pas demandeà la Cour. par le
Gouvernement belge, de procéder à un revirement de jurispmdence.
la question en litige dans la présente affaire n'a jamais étejugée.
Pow ce qui touche les deux autres arrêts.l'arrêtde l'Incident aérien
et l'arrêtdu TempLedePréahVihéar,exceptionspréliminaires, le Gouver-
nement belge a longuement exposéque l'article 36, paragraphe 5, et
l'article 37 du Statut rbglent deux situations différentes, bien que ces
deuxsituations soient issues l'une et l'autre de la décisionprise en IQ45
de créerune nouvelle Cour de Justice. JL.renvoie iiotarnnicrit aux piri-
gr~phes 03 et iiiv~nts des ob.ier\.ations du Couvcrncment belge (1).Je
chercherai cçi~cnJant. .\Ionsieur le I>ri.sidciit.eii ranni.lant que les arrh
en question ne disent rien sur I'article 37à prése&& quelques observa-
tions au nom du Gouvernement belge à cet égard.
Monsieur le Président, le Gouvernement belge considkre que I'inter-
prétation donnée ar la Cour de l'article 36, paragraphe 5. de son Statut.
ne peut êtreéten g ue à la situation viséepar l'article 37 du mêmestatut.
Et ie ferai Acet ..ardles observations suivantes:
I.1.e Gouvernement belge reconnait que la rédactiondonnbe en rgqj
à l'article 37. conirne l'introduction dani, le Statut de la Cour de l'article
36, paragraphe j. correspondent ci13 ]~r+occiipatiunde transférer h la
Cour internationale de Justice des engagements de jiiri<liztionobligatoire
concrrniint la Cour permaneiitc de Justice iiiteriintionalc.
2.Je constatequeles conditionsde ce transfertont étéréglées par deux
dispositions distinctes et que l'élaboration de ces deux dispositions a été
menée séparément. Lors de la conférence de San Francisco, le sous-
comitéDdu ComitéIV11qui a discutéle principe de la juridiction obliga-
toire de la Cour a élaboréle texte de l'article 36, paragraphe 5 (Docn-
mentsdela ConférencedeN s ations Unies, tome XIII, p. 562). tandis que
l'article 37 a étéconfi6 au sous-comitéA chargé de ala question du
maintien de la Cour internationale de Justice et des problkmes qui s'y
rapportent o(ibid., p.532).
Ce dernier comité. dans son rapport, donc le comitk chargéde l'ar-
ticle 37, a déclaré- je cite:
"un autre oint concerne le sort'des sienatures données à la clause
i:iculi~tiv<:'qiii, niiturcllcmcisc.rapborte à.l'ancienne Cour. Lc
Coiiiit&a diîcutiI;i<lueitioiimais coninie cc1lc.ist c.1rapport :ivcc
celle deIs iiiridiction ob-icntoir~ (ar-.ililn'a as étéi.c-néces-
saire d'en iraiter ic».
Le rapport du ComitéIV/I (qui se trouve àla p. 419)traite successive-
ment des deux textesdans les termes suivants:

au) il est stipulé à l'article 37 du projet de Statut que seront
considéréese .ntre Membresde I'Or~anisation. commes'appliquan.
à la Cour nouvelle les disfiositio& des traitésou conventzonsen
vigueur qui prhvoient le renvoi de difiérends à l'ancienne Cour; DUPLIQUE DE hlme BASTID g19

b) ilest stipulé à.l'alinéa4 [quideviendra ç]del'article36 du même
projet de Statut que les déclarations, encore en vigueur, faites
sous l'empire de l'article 36 de i'ancien Statut seront considkées,
entre parties au nouveau Statut, comme s'appliquant conformé-
ment à leurs .termes à la compétence obligatoire de la nouvelle
Cour W.
Ilest clair que dans un cas il s'agit d'assurer l'efficacitépratiqued'une
disposition d'un instmment, d'un traité pleinement valide et que dans
l'autre il s'agit de faire survivre un engagement de juridiction obligatoire
fondésur un instrument - le Statut de la Cour permanente - qui est
appelé à disparaître.
3. S'agissant de l'article 36, paragraphe 5,la déclaration d'acceptation
de juridiction obligatoire estun acte zcnilatéral.C'est ce qu'a déclaréla
Cour permanente de Justice internationale dans l'affaire des Phosphates
du Maroc. Et c'est eu s'attachant à cette déclaration acte unilatéral a
que dans cette affaire, notamment. la Cour l'ainterprétée (C.P J.I. série
AIB no 74, p. 23-25) C'est aussien se fondant sur les termes de ladécla-
ration bulgare et sur la situation propre de la seule Bulgarie par rapport
aux Nations Unies que, dans l'affaire de l'Incident aérien,la Cour a
appréciél'obligation incombant à la Bulgarie.
Lorsque, par contre, l'article 37 est en cause, la survie du traité et
même lesort de la clause de juridiction obligatoire dépendent del'appli-
cation du droit des traités dans les rapports entre les parties au traité
qui ont arrêtéde concert les termes de cet instrument qui les lie dans
leurs rapports mutuels.
4. L; Partie adverse a fait allusion au fait que dans le cadre de cer-
tains traités multilatéraux les Etats ne savent pas à l'avance à l'égard
de qui et dans quelles limites ils s'engagent ët qu'ainsi la situation
juridique n'est pas différentede celle qui résultedes déclarationsprévues
àl'article 36 (voir ci-dessus, p. 761).Cette ingénieuseobservation néglige
le fait que l'adhésion à un traite multilatéral fait participer l'Etat à
un système conventionnel qui comporte un ensemble de regles déhies
dans le traite tandis qu'il n'y a pas de rédaction d'ensemble des engage-
ments résultant de l'article 36, paragraphez.Sansdoute leur coïncidence
permet de les invoquer pour saisir,la Cour, maispour en définirla portée
elles sont toujours énoncéeset considéréesséparément. C'est ainsi
qu'elles sont reproduites dans les annuaires dela Cour par exemple.
L'acte générald'arbitrage, pour reprendre l'exemple cité par le
professeur Guggenheim, se présente comme un document ayant une
unité. Mais les déclarations d'acceptation de la juridiction de la Cour
se présentent comme une série d'actes unilatéraux paralleles et qui
peuvent naturellement quand ils coïncident faire naître la. juridiction
obligatoire.

5. Le professeur Guggenheim, tout en insistant sur l'objectif analogue
des déclarations et des clauses conventionnelles de juridiction obligatoire,
reconnaît cependant que la uprocédure de mise en Œuvre upour l'ohh-
uation de soumission à la Cour diffhr, .ans l'un et l'autre cas, mais.
ajoute-t-il, ce serait npeu de chose in.
Si l'on veut prendre une comparaison dans le droit interne, une
vente et une donation aboutissent également ànu transfert de propriété,
mais cela ne veut pas dire que le régime juridique soit identique ou
même analogue.gZ0 BARCELONA TRACTION

6. Sur la question essentielle des Etats qui peuvent se prévaloir
respectivement de I'article 36, paragraphe 5, et de I'article 37, la Partie
adverse qui paraît prête à suivre les arrêtsque j'ai citéstout à l'heure
abandonne en fait le systkme de ces arrêts.Dans la conclusion g elle
fait allusionà ce que I'article 36, paragraphe 5, et I'article 37 auraient
pour but de créerun accord entre parties au Statut de la Cour en vue
de transférer la juridiction obligatoire. Dans les conclusions no11 et 12,
eile se réfère à des passages de l'arrêt Israël c. Bulgarie visant eles
signataires du Statut n (C.I.J. Recueil 1959. p. 141). Ou encore, citant
l'affaire du Temple de Préah Vihéay,exceptions prkliminaires, C.I.J.
Recueil 1961, page 25,il est fait mention des Etats - et je cite- cqui
étaient parties au Statut depuis l'origineo.i\Iais ayant fait ces citations,
la Partie adverse. dans les mêmescouclusious. exclut les Etats - et ie
cire- u qui sont devenus yarties au Statut de InCour apr& 1;idijsolutidn
de la Cour pernianente de Jiiitice iiiternationalt.. (conclujion no 6)
Et c'est en ce sens que mon savant contradicteur a exposé sa thèse
sur l'effetralione lemparis de l'article 37 (voirci-dessus, p. 769).Il emploie
d'ailleurs aussi quelquefois une autre formule - et je cite-: uEtats
qui ont accédéaux Nations Unies et à la Cour internationale de Justice
après la date critique du 19 avril 1946 » pour exclure ces Etats de la
participation de l'application de l'article7.
Cesdiversesformulesdésignent enfait les mêmesEtats, mais inridique-
ment elles n'ont pas une portée équivalente et nc correspondent pas
à la même conceptionde la situation en droit. Il faut d'ailleurs observer
que mêmela dernière formule du professeur Guggenheim, qui est sans
doute la plus précise, soulèveau moins deux objections (je rappelle
cette formule: «exclure les Etats qui ont accédéaux Nations Unies et
à la Cour internationale de Justice après la date critique du 19 avril
1946 n).Dans son syst&mequi tend à rapprocher l'article 37de I'article 36,
paragraphe 5, il abandonne ainsi l'idéequi se trouve dans l'arrêtde
l'Incident aérienque I'article 36, paragraphe 5, ne concernerait que les
Etats représentés à la Conférencede San Francisco, que ce serait un
accord inter se. La formule la plus précisedu professeur Guggenheim
abandonne cette idée, idée expriméedans I'arret de l'lncideizl aérien
(C.I.J. Recueil1959 .. 136-141).
Donc, M. Guggenheim se sépare ici de la jurisprudence qu'il prétend
suivre. Mais il faut au surplus noter que les choses sont plus compliquées
qu'il ne paraît le supposer. En effet, ou peut se demander comment
il appliquerait son système dans l'hypoth6se où l'Assembléegénérale
aurait fait droità la demande d'admission d'un Etat avant le 19 avril
1946, donc avant la date critique, alors que cet Etat n'aurait présenté
son instrument d'adhésionqu'après le 19 avril. A cette époque,le règle-
ment intérieur provisoire de l'Assemblée générald eisposait que c'était
à cette dernière date que l'on devenait Membre de l'Organisation.
Je n'insisterai pas. Ceci montre bien à la fois les contradictions qui
apparaissent dans le désirde suivre la jurisprudence antérieures'agissant
de l'article 37 et les difficultéspratiques d'appliquer les formules qui
paraissent les plus rigoureuses.
Je voudrais, Monsieur le Président, faire sur ce point une septième
et dernière observation.
7. Il faut constater que la dissolution de la Cour permanente affecte
une déclaration fondéesur l'article 36, paragraphe 2, pour un double DUPLIQUE DE DImeBASTID gzr

motif: l'organe auquel la déclaration permettait d'avoir recours dis-
paraît, d'autre part le support juridique que cette acceptation trouvait
dans une disposition du Statut de la Cour disparaît egalement après
la disparitionde ce Statut.
Tandis que lorsqu'un traité un vigueur renvoieà la Cour permanente,
la disparitioii de celle-ci laisse subsister le support juridique del'engage-
ment de juridiction obligatoire et le seul problème qui se pose est celui
desEn conclusion. hionsieur le l'résident. le ra~~rochement aue la Partie.
adverse veut établir entre l'article 36, paAgraphe 5, et' l'article 37
quant aux Etats auxquels ces disvositions s'appliqueraient n'est nuile-
ment fondé,
L'assimilation ne peut se fonder ni surla natureridiqiie dessituations
régiespar ces textes, ni sur les termes des arrêts qui visent exclusive-
ment l'article 36.
Poiir reprendre la formule, dont je vous ai avoué que je ne l'avais
pas très bien comprise, je dirai que la thèse du «préjudiciel» n'est
certainement pas fondée.
Je voudrais maintenant, Monsieur le Président, dans une quatrième
et dernière partie, touchant cetteexception préliminaire no z,examiner
les motifs donnéspar le Gouvernement espagnol pour écarter I'applica-
tion de l'article 37, c'est-&-direessentiellement la théorie de la caducité
de la clause de juridiction obligatoire contenue dans le traite de1927.

[Audience publique du 13 mai 1964. matin]

Monsieur le Président, j'en suis arrivéeà la dernière partie de mon
argumentation en réponse au professeur Guggenheim, et je constate
que pour exclure l'application de l'article 37 dans la présente affaire,
le Gouvernement espagnol, s'inspirant toujours du modèle de l'arrêt
dans l'affaire de l'Incident adrien, invoque deux arguments.
Premièrement, l'article 37 n'est pas applicable aux clauses juridic-
tionnelles contenues dans les traités en vigueur entre Etats qui sont
devenus parties an Statut de la Cour internationale de Justice après
laDeuxième argument: la clause juridictionnelle de l'article 17 du
traité hispano-belge est devenue caduque en conséquencede l'impoçsi-
bilitéd'exécution due à la dissolution de la Cour pcrmanente de Justice
internationale à dater du I)avril 1946.
Le premier argument est présenté quelquefoisisolément,
en conséquencede la deuxième thèsedu deuxièmeargument Pu Gouver-
nement espagnol (voir ci-dessus, p. 769).
La conclusion no 6 du Gouvernement espagnol paraît formuler ce
premier argument comme une règle distincte: ATTENDU que l'article 37
du Statut de la Cour internationale de Justice n'est pas applicable
aux clauses juridictionnelles contenues dans les traités et conventions
en vigueur entre Etats qui sont devenus parties au Statut de la Cour
après la dissolution de la Cour permanente de Justice internationale».
Sous cette forme, l'argument est totalement inadmissible. Sans doute
la Partie adverse a-t-elle cru tirer argument de ce qui est dit dans
i'arrét dans l'affaire de l'Incident ad7ien qui limite le transfert prévu
& l'article 36, paragraphe 5, aux usignataires du Statun;mais la Partie922 BARCELONA TRACTIOX
adverse, s'agissant du domaine propre de l'article 37, n'a pas étéen
mesure d'apporter des arguments comparables à ceux qui se trouvent
dans l'arrêtdu 26 mai 1959, s'agissant de l'article 36, paragraphe 5
(C.I.J. Recueil 1959. p. 136 à 141). On doit noter, par exemple, que,
lorsque les documents de la Conférencede San Francisco envisagent le
transfert de compétence pour les traités, il est question des - je cite:
u nombreux traités n (rapport du sous-comité IV/I/A, Documents de la
conférence. tome XIII, p. 531). une telle formule n'évoque pas l'idée
d'une limitation de la portéede ce texte à certains Etats. Il faut relever,
par ailleurs, que l'emploi dans le texte français de I'article 37 de l'arti-
cle défini «les» devant cparties au présent Statut » indique que ce ne
sont pas certaines parties. mais toutes les parties au Statut qui se
trouvent dans une situation définie dans le texte qui peuvent s'en
prévaloir.
Ilais. en réalité,Monsieur le Président, la conclusion no 6 du Gouver-
nement espagnol n'a de sens qu'en liaison avec le deuxième argument
fondamental de la Partie adverse, l'argument tiré de la caducité de
la clause de juridiction obligatoire intervenue le 19 avril 1946 Cette
caducité aurait pour conséquenceque le traité hispano-belge de 1927
ne peut plus êtreconsidéré comme untraité en vigueur prévoyant le
ditions prévuesuràpl'article 37 ne seraient plus remplies, l'article 37 ne
serait plus applicable. Ainsi la caducité des clauses de juridiction ren-
voyant à la Cour permanente concernerait tous les Etats qui ne sont
pas parties au Statut au 18 avril 1946.Et, en conséquence,l'article 37
n'aurait pas d'effet leur égard.Ainsi, l'Espagne, lors de son admission
aux Nations Unies en 1955.n'est plus liéepar aucune clause de juridiction
renvoyant à la Cour permanente depuis le 18 avril 1946.A son égard,
l'article37 ne peut produire aucun effet. Ainsi, en fait, l'article 37 ne
produirait effet qu'à l'égard desmembres originaires ou. plus précisé-
ment, ne produirait effet qu'à l'égarddes Etats devenus parties avant
le19avril 1946.Donc, mêmepour le premier argument énoncé isolément
dans la conclusion no6, le point essentiel dans la thèse du Gouvernement
espagnol, c'est la caducité de l'article 17, paragraphe 4, du traité de
1927.C'est le point que je vais maintenant examiner.
Dans sa réplique, Monsieur le Président, notre savant contradicteur
a tenté d'établir par référenceau droit des traités la caducité définitive
de l'article 1.. ~ara-.a~he 4. Suivant la Partie adverse. la caducité
se fuiide sur iiié\.éneriitnt~.xtt5riciI:isiil>pres;ionde1.1Cour permn-
ncnte q~iircnd I'exC.cutiondc13 CI~IUSim possible(\.airci-dcsus, p.7bj)
et In Partie nd\.ersr invooiic Ir coinineritaire dc la Commiîsion du droit
international, sur le droit' des traités, qui cite comme exemple de dis-
parition de l'objet d'un traité les dispositions qui se rapporteàl'insti-
tution des capitulations. Analogie un peu surprenante sans doute,
cependant partant de ces observations assez sommaires, le professeur
Guggenheim est allétout de suite aux extrêmes: il juge l'impossibilité
d'exécution permanente; il admet qu'il puisse y avoir divisibilité du
traité, le reste de ses dispositions, hors l'articleragraphe 4, restant
en vigueur.
Une fois de plus, le Gouvernement belge conteste cette prétention
maleré l'effort de la Partie adverse ~our ~réciserla cause de caducité.
Le Gouvernement belge considèreen.effetAquelorsque les capitulations,
mentionnéespar la Commission du droit international, ont étéabrogées, DUPLIQUE DE hlmeBASTID 923
personne n'a imaginé un système de remplacement qui en reprenne
les orinci~es. Par contre. s'ae-ssant de la Cour Permanente de lustice
int&uati;nale, oii ne peut in:<nquer de citer Iç'rapport du priiesseur
13ailcy..îu moinent oii etnit décidée I;<li~solurioii e la Cour pcrm:inerite,
rapport au riurnde 12 1" conimission &\.an[ la 21~ session de I'Aisenil>l<c
g6nCrxlc - jrc:itc:u 1.3prcinièreCommi.~;ioritimt ~.ep,:nd;.nt :isouliqner
.. I:continiiitC étroitc (lui oxii1er:i ciitI:iCour pcrinanente çt I;Cour
iiit~.rnation;il: c Iusticc .~.il,tiout;ii- il: <:iIIt'eut-CtrcICS hommcs
conscients du faitquSils sont. somme tout;, mortels, penseront en enten-
dant le mot ~dissolutionn que la Cour permanente est morte. C'est
le contraire qui est vrai. ii(21' session de l'Assembléede la Sociétédes
Nations, S.d.N.,J.O., suppl. spéc.no194, p. 55.)
Quant à la résolutionvotéepar l'Assembléede la Société des Nations,
elle disposait -je cite -:

.Considérant que l'article gz de la Charte des Nations Unies
prévoit la création d'une Cour internationale de Justice ... qui
sera accessible aux Etats non membres de cette organisation dans
les conditions qu'elle déterminera. ii
Il ne peut être sérieusement contesté, Monsieur le Président. qu'à
cette date du 18avril 1946c ,eux qui décidaient de la dissolution de la
Cour permanente étaient bien persuadésde l'idée formulée par le prési-
dent Guerrero à cette même occasion - et je cite: iL'institution n'a
fait que changer de nom. D
Dans ces conditions, peut-on parler d'une disparition de l'obligation
résultant du traité hispano-belge telle que la clause. mentionnant la
Cour permanente de Justice internationale, pourrait être caduque,
c'est-à-dire définitivement éteinte? S'aeit-il en réalitéde I'obiet de
?obligation ou plutBt de l'institution ;etmettant d'atteindre l'objet
de l'oblieation? Constatons en effet que la Partie adverse reconnaît
expressé&ent. dans sa cinquihe co~clusion, que le traité de 1927
contient toujours - et je cite ~l'obligation généralede recours à la
juridiction obligatoire uà la charge de l'Espagne.

Constatons aussi que le Statut de la Cour internationale de Justice,
coinme d'ailleurs le Statut de In Cour permanente de Justice intematio-
nale, contient dans I'article 35, paragraphe z,une disposition prévoyant
l'accès à la Cotir d'Etats non parties au Statut -je cite:
nLes conditions auxquelles elle [la Cour] est ouverte aux autres
Etats sont, sous réserve des dispositions particuli6res des traités
en vigueur, régléespar le Conseil de Sécurité,et dans tous les cas
sans qu'il puisse en résulter pour les parties aucune inégalité. i,

Je \~oudrais, Monsieur le Priisident, considérer brièvement la portée
de ce texte. On peut noter ce sujet que le rapporteur du Comitéde
juristes de IVashington de 1945 a indiquéque le Conseil devrait prendre
en considération les traités existants et ne pourrait empêcher l'accès
à la Cour quand un Etat est partie à un traité prévoyantla juridiclion
obligatoire. (Docrrmenlsde la Conférence desNations Unies, tome XIV,
P 144.)
En fait, la résolution du Conseil de sécuritéqui est intervenue pour
appliquer l'article 35,paragraphe z,la résolution du 15octobre 1946
a défini desconditions identiques pour tous les Etats: comme le Gouver-
nement belge l'a rappelédans ses observations et conclusions (par. 95). g24 BARCELOXA TRACTION

la volonté d'accorder les plus grandes facilités d'accès à la Cour aus
Etats non parties au Statut s'est expressément manifestée (Conseil
de sécurité,76e séance). Le Gouvernement espagnol n'a pas contesté
ce point.
Ainsi, après la dissolution de la Cour vermanente. le Gouvernement
espagnol aurait pu faire la déclaration ainsi prévue soit pour une affaire
donnée, soit en vue de l'application généraledu traité, et il était ainsi
en situation de conduire à la mise en Œuvre de l'engagement de la
Belgique résultant du traité.
la disparition de l'organe prévu dails l'engagement de juridic.tion obli-
gatoire, il ne paraît pas possible d'admettre que la disparition de la
Cour permanente ait frappé d'une caducitédéfinitiveI'article 17, para-
graphe 4, du traité hispaiio-belge. Ce texte est sans doute inapplicable
dans ses termes mêmes,ce teste est donc frappéd'une certaine paralysie,
mais il ne peut êtreconsidéré commecaduc et il en est ainsi à la fois
à raison des conditions dans lesquelles disparait l'institution viséepar
l'article 17, paragraphe 4, qui devait permettre la mise en prati-
que de l'obligation généralede recours à la juridiction, il eii est ainsi
également pour une autre considération. à cause de I'indii-isibilité
du traité en question; je reviendrai, Nonsieur le Président, sur cette
indivisibilité.
Monsieur le Président, je pense qu'il n'est pas utile d'esaminer dans
le cadre de laprésenteaffaire ce qu'auraient étéexactementles conditions
d'application de l'article 17, paragraphe 4, du traité hispano-belge si
l'Espagne avait fait la déclaration prévue à l'article 35, paragraphe2,
du Statut. Je vaisdonc maintenant examiner leproblèmede ladivisibilité
du traité.
Le Gouvernement belge a déjà insistésur l'idéeque le traité de 1927
aurait dû êtreconsidérécommedivisiblepourque son maintien en vigueur
puisse s'accommoder de la caducité d'une clause.Et dans mon précédent
exposé, j'ai montré que la clause de l'article 17, paragraphe 4, étant
une condition essentielle dans le système de ce traité, la divisibilité
devait êtreexclue.
hlon savant contradicteur a, dans la réplique, tenté une nouvelle
argumentation. II ap. en principe ue l'article 17 était caduque et
<,entraîne ainsi une vision du texte %u traité hispano-belge ..1)(voir
demander si la prétendue impossibilité définitive d'exécuter la clausese
juridictionnelle entraînait ou non la caducité des autres dispositions du
traite. Constatant qu'en fait le Gouvernement belge s'était prévalu
de laclause d'arbitrage, la Partie adverse est amvée à la conclusion
que <la séparabilité ...pouvait se faire sails aucune difficulté» (voir
ci-dessus, p. 766).
En présence de cette ingénieuse présentation, et sans revenir sur
les observations précédemment présentées, nous nousboriierons à
rappeler le commentaire du projet sur le droit des traités qui a été
préparépar l'université Harvard à propos de l'article 20. II y est dit:

«Généralementles traités bilatéraux sont homogènes et n'ont
qu'un objet unique, bien qu'il y ait des exceptions. En conséquence,
leurs dispositions sont vraisernblablemeiit interdépendantes ou si
étroitement liées que la fin d'une disposition entraîne avec elle DUPLIQUE DE hlme BASTlD 9%

la fin des autres.» (American Jozrrnai of International Law, 1935.
supplément, p. 1138.)

Nous avons montré les lieiis intimes existant entre les articles du
traité de 1927. Le fait que les deux Parties reconnaissent que le traité
est en vigueur leur interdit de soutenir la caducité d'une disposition,
mêmesi pendant un certain temps la non-exécutionde cette disposition
ne devait pas entraîner de responsabilité juridique pour les Etats..S'il
n'est pas contestable que jusqu'à l'admission de l'Espagne aux Nations
Unies le recours à la Cour internationale de Justice était subordonné
à des conditions spéciales, notamment à la déclaration prevue par
l'articlej. alinéa2, du Statut de la Cour, lorsque l'Espagne a étéadmise
aux Xations Unies, l'article 37 du Statut a donnécompétence à la Cour
internationale de Justice dans les termes du traité de 1927 qui avit
étémaintenu en vigueur par le jeu de la tacite reconduction.
Le Gouvernement belge ne prétend pas, comme semble le dire le
professeur Guggenheim, que l'article 37 ait produit effet à l'égard de
l'Espagne avant son entrée aux Nations Unies. L'existence de cette
disposition, l'existence de l'article 37 n'a pas, jusqu'h l'entrée de 1'Es-
pagne aux Xations Unies, affecté &rectement le sort de I'article 17,
paragraphe 4.
Ce n'est pas, si l'on veut, l'article 37 qui a maintenu l'article 17,
paragraphe 4. Le fait qu'il y ait eu pour cette derniére disposition sus-
pension de ses effets, sans qu'il y ait caducité,a été le résultat de l'en-
semble des circonstances qui ont accompagné la disparition de la Cour
permanente de Justice internationale et la reconstitution simultanée
ou la création simultanéede la Cour internationale de Justice fondee
sur les mêmes principes. Cette suspension des effets sans qu'il y ait
caducité a étéégalement la conséquencede la nature propre du trayté
lui-même. De plus,les parties au traité ont accepté le jeu de la tacite
reconduction. Par conséquent, lorsqu'en 1955 l'article 37 du Statut
a fait droit à l'égardde l'Espagne, cet article a pu alors produire ses
effetsoar ramort au traité de Iaz? ,t,entraîner la comdtence de La
Cour iiternaii'onale de Justice.
Je ?:entreprendrai pas, lllonsieur le Président, de discuter en détail
les critiques formuléespar mon éminentcontradicteur contre la notion
mêmede suspension des effets d'une clause d'un traité et contre l'appli-
cation qu'il ya lieu de fairede cette notion à la présente affaire.
II y a consacréavec beaucoup de méthode des développements assez
longs (voir ci-dessus, p. 764).sur lesquels je me borneraà faire les obser-
vations suivantes.
Premièrement, le Gouvernement belge considère que l'article 37 fait
droit à l'égard de toutes les parties au Statut, mais que l'article 37
n'entraîne la compétenceobligatoire de la Cour internationale de Justice
que dans la mesure où un traité en vigueur prévoit la compétence
obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale.
Deuxième observation: la Partie adverse reconnaît que le traité de
1927 contient <<unengagement générad le recours à la juridictionobliga-
toire indépendamment des clauses spécialesrenvoyant à la Cour per-
manente de Justice internationale P.
Le Gouvernement belge estime que cet engagement générad loit être
pris en considération lorsqu'il s'agit de déterminer le sort de la clause
spéciale de juridiction apres la disparition de la Cour permanente.gZ6 BARCELOKA TRACTIOX

C'est en vertu d'un nou\,eau trait,;, le Statut de la Cour internationale
de Justice. :iii~]uela coriîenti l'Espagne que la juridiction de la Cour
intirnation;ile de Justice est devçniir ol>lijiatoireicet Cgard.Juj<lii'alori.
un< siiiiplc f;iciiltC&tait ouvcrre au Gouvcrnçin~:iitespagnol de recourir
a In Cour çri utilisant l'article 3aliiic;2.du Statut. .\lais le (;ouvertic-
iiicnt ccpagnol ;tait ;iiiisi eii droit d'agir aleprc'tciidrcà son profit,
svus cert:iiiici conditions.;iI'a~i~ilicatiiu tr~it;.
'l'roisi6nicubservation: Intacite rccoiiJuitioii n'a pas eu, comme parait
le croire mon éminent contradicteur, pour effet de faire revivrë une
clause caduque, mais de maintenir l'ensemble du traité dans les rapports
entre les parties, dans l'état où se trouvait ce traité. Ainsi, par le jeu
de la clause de tacite reconduction, la disposition de l'article 17,para-
graphe 4, a subsist6. inapplicable sans doute jusqu'en 1gj5dans ses
propres termes, mais non pas dépourvue de tout effet. Et il en a été
ainsi jusqu'à ce qu'en 1955l'article 37puisse être invoqué dans les
rapports entre les deux parties.
Quatrième observation: l'opinion dissidente collective, dans l'affaire
de l'Incident aérien(C.I.J. Recueil 1959, p. 188et suiv.). pour définir
les limites raisonnables de i'application ralione temporis, a examine
exclusivement le cas de l'article 36,paragraphe j,du Statut de la Cour
opinion avaient directement en vue la déclaration de la Bulgarie faitee
sans limitation de durée. Dans le cas présent, le traité est conclu pour
une duréerelativement brève: dix ans; ce n'est que parce que les parties,
et notamment l'Espagne, n'ont pas jugédevoir le dhnoncer lorsqu'eiles
en avaient la faculté, notamment dix-huit mois après la disparition
de la Cour permanente de Justice internationale,que l'article 37a, lors
de l'admission de l'Espagne aux Nations Unies en 1955. produit effet
à son égard.
Il n'y a donc pas lieu de discuter les hypothèses théoriques qui ont
étéprésentéespar notre savant contradicteur.
En conclusion, Monsieur le Président, suivant le Gouvernement belge,
l'article 37qui ne distingue pas entre les parties au Statut, s'applique
dans les rapports hispano-belges car le traité de 1927t, raitéen vigueur,
renvoie à la Cour permanente de Justice internationale, La Cour inter-
nationale de Justice est donc compétente pour les cas prévus dans ce
traité. Le sort de la clause de l'article17,.'arae-.~he ,.s'ex~liaue de
1946 i 1955t. out à kafois par It:î conditions de crGation de ILnoii\.ellc
Cuiir et pdr la nature mcine du trait;. LÏ Gou\~crricnieritbclgc. .\loiiîicur
1~Président,concliit donc :iu rrlrt de I'esception préliminaireprincipal<!
-- -.
hfonsieur le Président, je répondrai maintenant aux questions posées
par sir Gerald Fitzmaurice.
Sir Gerald Fitzmaurice a demandé aux Parties de donner leur opinion
sur ce qui en eût étéde la réalisation des buts apparents de l'article 37
du Statut si. au moment de la dissolution de la Cour permanente, la
Charte et le Statut avaient uniquement reçu le nombre minimum de
ratifications requis pour leur entrée en vigueur, et si un grand nombre
de ratifications n'avait étédonné qu'ultérieurement.
De l'avis du Gouvernement belge, les effets de l'article 37 s'appliquent
chaque fois qu'un Etat partie au Statut peut se prbvaloir d'un traité
en Gigueur renvoyant à ia Cour permanente de JÜstice internationale.
Si un grand nombre de ratifications avait étédonné postérieurement à DUPLIQUE DE n~meBASTID 927
la dissolution de la Cour permanente, l'article 37 aurait produit effet
à l'égard de chaque signataire à la date du dépôt de la ratification.
conformément à l'article110, paragraphe 4, de la Charte. Les buts
apparents de l'article 37 auraient étéatteints en fonction de la volonté
des Etats de se lier définitivement par la Charte et le Statut.
La réponse donnéepar mon éminent adversaire ne prend pas en consi-
dération qu'au nombre des motifs de dissolution de la Cour permanente

a étéinvoquée la dispazition des organes de la Sociétédes Kations
susceptibles d'élire les juges. Si on avait cherché, ainsi que l'envisage
la Partie adverse, à retarder la décisionde dissolution delaCour perma-
nente pour permettre le jeu de l'article 37, il n'est pas douteux que cette
considération aurait soulevécertaines difficultésparticulières.
J'en arrive maintenant à la deuxième question poséepar sir Gerald
Fitzmaurice, qui est la suivaiite: Chacune des Parties considère-t-elle
que les mots «en vigueuri) (zn force) dans le membre de phr%e de
l'article37 du Statut rrun traité ou une convention en vigueur ipuissent
ou doivent être entendus dans un autre sens que les mots in force dans
le membre de phrase <ideclarations still iforcew du texte anglais de
I'article36, paragraphe 5? Dans le cas contraire, comment faut-il
interpréter ces mots, compte tenu de ce que le membre de phrase cor-
respondant du texte fran~ais de l'article 36, paragraphe j, est ,(déclara-
tions faites pour une durée qui n'est pas encore expirée II?
Le Gouvernement belge estime que les mots IIen vigueur » (in force)
dans l'article 37 comme dans l'article 36, paragraphe 5, concernent
l'instrument même qui est en question: le traité, dans le cas de
l'article 37, la déclaration, dans le cas de l'article 36, paragraphe 5.
S'agissant de l'article 37, ces mots renvoient à l'ensemble du droit
des traités qui permet de déterminer si le traité en cause est ou n'est
pas nen vigueur ».Ceci comprend notamment, mais non exclusivement,
les clauses contenues dans le traité et relatives à sa validité ralione
temporis.
S'agissant de l'article 36, paragraphe 5, l'emploi du terme in force
peut êtreconsidéré commeexprimant une idéeanalogue, mais comme
il s'agit d'une déclaration unilatérale fondéesur le Statut de la Cour.
les règles applicables pour déterminer si la déclaration est ou non, in
force peuvent ne pas être les mêmesque dans l'hypothèse d'un traité.
Cependant, le faitque dans le texte français de l'article 36, paragra-
phe j, se trouve l'expression .les déclarations faites pour une duréequi
n'est pas encore expirée n,traduisant la formule anglaise slzll in force;
le fait également qu'une autre allusion à la dzrréese trouve dans cette
disposition pourraient amener à la conclusion que l'article 36, paragra-
phe 5, n'a entendu viser que la duréeprévue à la déclaration pour déter-
miiier si, conformément aux termes de cet article, la Cour internationale
de Justice reçoit compétence.
Sans doute, le fait de la durée qui n'est pas expiréea une importance
considérablepour apprécier si, pour un traité donné,l'article 37 est OU
non applicable. Maisle Gouvernement belge admet qued'autres éléments
pourraient entrer en ligne de compte pour déterminer si. au sens de
l'article 37un traité est en viapeur à la date ou est forméela requete
à la Cour. II ne peut admettre toutefoisque l'on doive en mêmetemps
exiger que soit lien vigueur » la clause juridictionnelle, en donnant à
ce terme un sens tel que I'article 37 aurait dû êtreapplicable à l'Etat
en cause avanl la dissolution de la Cour permanentegzS BARCELOSA TRICTIOS

J'examinerai maintenant, Rlonsieur le Président, la deuxième excep-
tion préliminairesubsidiaire.
ofonsieur le Président. ie me bornerai à de très brèves exnlications.
Dans l'argunientation à'l'appui de l'exception préliminairesubsidiaire
no 2, la Partie adverse a, en fait, dans la répliaue. abandonné l'idée
qu'eue avait soutenue antérieurement d'un accord entre les parties qui
fixerait le domaine d'ap lication ratione temporis de la clause de juri-
diction obligatoire appeie par hypothèse à déployer ses effets après
dans la rtplique l'idéede la dualité du doniaine d'application ratione
temporis que le Goilvernement belge avait critiquée (voir II, p. 501 et
<OZ\.
hiais, cette dernière conception a étéreprise dans les conclusions,
notamnient dans la deuxième conclusion sur cette exception subsidiaire.
La thése actuelle du Gouvernement espagnol consiste à dire que le
traité de 1927 lui-niêmeexclut en principe la rétroactivité, et qu'il
n'y a pas lieu de présumer la rétroactivitédes clauses juridictionnelles
lorsqiie le traité se prononce sur l'étendueet les limites de la rétroactivité
comme c'est effectivement le.cas. Il va jusqu'à dire que l'affirmation
de la rétroacti\,ité serait contrairà la pratique conveiitionnelle dela
Belgique et de l'lcspagne. Aprèsquoi, se penchant sur la date du diffé-
rend hispano-belge, la l'artie adverse estime que le déni de justice a
étéconsommé h une date antérieure à l'époquecritique à laquelle la
clause juridictionnclle reviséeaurait pu déployer ses effets du fait de
l'article 37;c'est-h-direà partir de l'entrée de l'Espagne aux Nations
TTnirc
Monsieur le Président, ce nouvel effort pour construire une limitation
ralionc ieniporis des effets de l'article 37 et, par voie de conséquence,
de la clause contenue dans le traité de 1927,est totalement vain. L'arti-
cle 37 du Statut a pour effet d'assurer l'application complèted'un traité
en vigueur et non pas de provoquer l'apparition d'une clause juridic-
tionnelle nouvelle dont le point de départ serait la date de l'admission
de 1'Etat eii cause aux Nations Unies. Les disnositions ratione temaoris
du traité ne sont pas affectéesde ce fait eti~notamment, il n'y a pas
de déterminatioii deseffets du traitéen partant de cette date d'admission.
Il faut constater par ailleurs que leraitéde 1927 prévoit une gamme
de procédts, de règlements pacifiques, pour aboutir, en cas d'échecde
ces divers procédés, à la requêteunilatérale devant la Cour. Quand le
il était certainement en droit de le faire ratione temporis et 1'1Sspagne
ne l'a pas contesté. II demandait alors l'arbitrage. II n'est pas possible
de considérer qu'ultkrieurement la survenance d'une restriction ratione
temporisne lui aurait plus permis de continuera se prévaloir desdisposi-
tions de ce mcine traité. L)u moment qu'au départ la Belgique pouvait
ratiolietemporis se prévaloirdu traité de 1927. si dans le développement
du litige uiie voie prévue par le traité et qui était jusqu'alors impossible,
la voie de la requste unilatérale devant la Cour, s'ouvre à la Uelgique
du fait de l'application de l'article 37 du Statut. à l'Es agne comme
à la Belgique, cette sitii~tion ne peut pas avoir pour e fet de poser à
nouveau la question du domaine de validité ratioite temporis du traité
de 1927.
La demande d'arbitrage formuléepar la Belgique le 6 décembre 19j1
était certainemeiit conforme aux dispositions ratione temporis du traité DUPLIQUE.DE Ilme BASTID 929

de 102s. La reauéte à In Cour n'a étéou'uoe nhase nouvelle de la ~rocé-
dur/p;érue un seul traité s'agissaht d'un même différend.
Il faut d'ailleurs rappeler les dispositions de l'arti24.-parag-.phe 3,
de ce traité de 1927:' '

iSi lors de l'expiration du présent traité une procédurede conci-
liation de règlement judiciaire ou d'arbitrage se trouve pendante,
elle suivra son cours jusqu'à son achèvement, conforménient aux
stipulations du présent traité. 1)

Voilà encore une de ces dispositions qui marquent la \~oloutédes parties
d'assurer l'application la plus complète de ce traité ratioize temporis.
Dans ces conditions. il n'est as nécessaire de discuter la date à
laquelle le différenda naître.
Je ne veux pas non plus discuter, Alonsieur le Président, la manière
dont la Partie adverse. Dartant de cette hv~othèse ori'il v a des rèeles
ratioxe temporis datant 'de l'entrée en vigeur du Statit de la C~UI
par rapport à l'Espagne, je ne veux pas discuter la manière dont la
Partie adverse constmit son système de déterminatioii de compétence
rationetemporis. On le trouve à la page 786 ci-dessus.
C'est une combinaison trhs complexe de principes générauxd'une
part, des termes du protocole final du traité hispano-belge, un appel
enfin à une prétenduertiquc conventionnelle de la IJclgique et de
l'Espagne. Saiis reprcn re les indications qui se trouvent dans le tout
récent rapport de sir Humplirey Waldock du 3 mars 1964 relatif aux
effets des traités et qui traite de l'effet rétroactif dcs clauses de juridic-
tion dans un traité de juridiction (Commission du droit international,
Troisième rapport sur les efels des traités,p. 18). je désire cependant
relever que l'affirmation de la Partie adverse qu'il y aurait eu accord
en 1927 pour exclure toute formule ratione temporis qui aurait permis
de norter rétroactivement un différend devant un oreane institué par
Cr ir:~iti. n'cst nccompagiiCc<I';~iiciiiercuvt,. 1.2 I'nrrie adverse tittirmc
~UC 1i.di IIXydrtics n'ont pas \'oiiliique clcsdifiércndsd21.iiiri p~ii-~i:iii
itrc cou\ert; ixir ct:trait;. 'l'oucc ciiil'on \.oit. dansIc fameux nrr,to-
cole, c'est qLune clause rétroactivé n'est pas 'nécessaire.qu'il &n'ya
pas de différend entre les deux pays. Mais on ne sait pas ce que cette
clause sur la rétroactivitéaurait pu contenir.
En tout cas, ce qu'il faut noter, c'est que Ir traité liispano-belge ne
contient pas la restriction obligeant les juges à se limiter à l'examen
des faits postérieursautraité, dans l'hypothèse où ily a lieu de considérer
un différend fondésur un traité en vigueur. Cette restriction se trouve
dans le texte d'un autre traité citépar la Partie advcrse. le traité helgo-

danois (voir ci-dessus, p. 788). Cette restriction n'existe pas dans le
traité entre la Belgique et l'Espagne; donc on pourrait en conclure
que les Etats ont eu le souci de donner à ce traité une portée rntione
temporis plus étendue.
En somme. le Gouvernement es~aenol se borne à de Duresaffirniations
touchant les' travaux préparatoGec Pour sa part, fe Gouvernement
belge estime que le texte du traité conclu en 1qz7 est parfaitement clair
s'agissant de ia compétence rntione temporis & conceine incontestahle-
ment le présent différendpuisque c'est ce traité doiit l'article 37 du
Statut de la Cour permet l'application. Or, comme je viens de le dire.
ce traité marque une claire volontéde viser tous les différends.93O BARCELOSA TRACTIOS
En conclusion. Monsieur le Président, le Gouvernement belge demande
à la Cour de rejeter l'exception préliminaire subsidiaire2.o
En terminant, je tiensà remercier la Cour, Alonsieur le Président, de
sa bienveillante attention. REJOINDEROF MR.LAUTERPACHT
COUNSEL FOR THE GOVERNMENT OF BELClUJI

[Public hearing O/13 May 1964,morning]

Mr. President and Members of the Court, it falls to me to present
the main part of the rejoinder of the Belgian Govemment to Professor
Ago's reply in connection with the third Preliminary Objection. Profes-
sor Sauser-Hall will, however, reply to the questions which have been
put by Sir Gerald Fitzmaurice, and Professor Xolin will deal. as before.
witli the question of the joinder of the thiid Preliminary Objection to
the merits.
cussion of three substantive questions. an introduction and a dis-
The first question was, as he put it, one of "the meaning and scope
of the present action"; the second question was one of the Bel ian
identity of the shareholders in Barcelona Traction, includ'ig thefefct
ofthe reaistration in the names of nominees of Sidro'sshares in Barcelona
Traction: and the third question was that of the admissibility in inter-
national law of the diplomatic protection of shareholders. There are
a number of points in connection with each of these questions which
cal1for some rejoinder, and 1 shall, in general, though not always, deal
with them in the order in which Professor Ago raised them.
MI. President, 1 shall therefoie tum iüst to Professor Ago'sintro-
ductory statement. This was several pages in length. It was, he said,
made in reply to the allegations made by the Government of Belgium
regarding firstly the diplomatic protection given by Canada to Barcelona
Traction and the attitude adopted thereto hy the Spanish Government,
and secondly the claims of the Belgian Govemment to intervene in
the case.
1 venture to doubt whether at this stage of the case too much signi-
Spain to any specific legal submissions. At the same time 1 can well
understand that after so much discussion of the Canadian intervention
the Court may find it helpful to have some indication of the point to
which it can al1be said to lead, and to which. in the submission of the
Government of Belgium, it does in due course lead.
The question here is really this: what is the effect on Belgium's
jus statzdi of the various diplomatic steps taken by the Canadian
Govemment in the period from 1948to 1952,and again in 1954 and 1955?
The Spanish Government appears to have taken the position that the
attitude of Canada has ruled out any possibility of recognizing any
right of intervention on the part of Belgium for the protection of the
Belgian shareholders.
Xow, as to this idea. the Govemment of Belpium has taken the
position that, as a matter of intemational law,-Belgium enjoys an
independent legal right to protect the Belgian shareholders in Barcelona932 BARCELOSA TRACTIOS

Traction. Accordingly, the attitude of the Canadian Governmeiit in
negative effect upon thisright of Belgium. As regards Belgium, relations
between Canada and Spain are, on this basis, rasinter ulios uctn. 1 use
the words "on this basis" advisedly. The basis is that Belgium undoubt-
edly enjoys the independent legal right which she claims. But to the
extent that tliere can be any doubt on this question, and that is the
doubt which Spain has so assiduously sought to foster in this case; to
the extent that tliere can be any doubt, then it is permissible. proper-
indeed. necessary, to look more closely at Canada's relations with Spain.
The object of such an examination is to determine whether Canada's
attitude, express or tacit,can in any way have strengthened Belgium's
claim to act. It is my suhmission that the answer to this question i%
emphatically "yes".
As the Court will appreciate. the remarks which 1 am now making
are duected both to meeting Professor Ago's introductory obsemalioiis
and, to the extent that 1 am able to do so, to ansxveringJudge Jessup's
secoiid question.
The Court has before it, in order to supplement the evidence already
filed, a number ofnem documents produced by the Belgian Government.
These may help the Court to ascertain the true nature of the Canadian
intervention as well as the reason why such intervention stopped in
April 1952, subject only to a hrief revival in the period 1954-~gjj.
1 do not think that it is necessary fome to attempt a fresh analysis
of the notes exchanged between the Canadian and Spanish Govern-
ments. 1 can onlv houe that al1 the relevant evidence is iiow hefore
the Court. ~ccordin~li, 1 shall restrict myself to some comments on
what the Govemment of Beleium considers as the main asuects of the
CanFust, it is of couraerecognized fact that Canada intervened zis-à-vis
the Spanish Government in relation to the Barcelona Tractioii affair
from Alarch 1948 to April 1952. But what was the essential basis of
this intervention? The intervention was based on the fact that both
Barcelona Traction and Ebro were, to use the words of the firstanadian
Note of 27 March 1948, "incorporated in Canada" and were "Canadian
nationals": the Note will he found in the Preliniinary Objections of
1960, Annexes, Vol. III. p. 195. But the same Note went oii to point
out that a third Canadian company was "vitally affected" by the
proceedings going on in Spain-the National Trust Company. Trustee
for the holders ofthe sterling bonds of Barcelona Traction-a company
which, in a manner perhaps not without significance, the Note described
as a "purely Canadian company".
In this connection 1 sliould refer to Professor Ago's observation on
p. 820 supra relating to-
"the insistence with which that Government (the Canadian Govern-
ment) emphasized that its protection con'cerned not only the
Canadian companies affected by the bankruptcy, but also the
interests groupedtherein"

In fact, 1 could not find any such expression as "the interests grouped
therein" in the Canadian Notes. It is possible that my learned friend's
error here is due to the fact that he attributed to Canada the references
to the interests of the shareholders and the bondholders which the REJOINDER OF hlR. LAUTERPACHT 933

Cnitcrl liingduiii oncc or t\vice included in its inrcn.~iitioii \rhicli it
niade joiiitl! iiith [lieGui~c~rnrircio itf C:inaila.:\s dir Cowt lins no iloiibt
iioticed coiifusion ul tliij kiiid i:in c:~lil\,arise hrîauic tlic Caiiadim
and the British Xotes are reproduced together in the same Annex of
tlie Spanish Objections, and some of the notes were presented by the
United Kingdom on behalf of the Canadian Government.
Secondly, it may he observed that another important aspect of the
Cnriadian interventioii is that from July 1949 onwards, Canada repeat-
cdly invoked and laid empliasis upon the Treaty of Comnierce and
Navigation beiween the Unitcd Kingdom and Spain of 31 October 1g22
and the Agreement regarding the Treatmcnt of Companies of 27 June
1,24..both of which had been adhered tobv Canada in 1428. In that con-
iieitiuii tlir:t:aii:i~li.irit;o\~crninei~tp<jintcdto rnc:<ures 11kcthe scizurcul
1:bru'i :taset, iii diircg:~ril 01 tlic ;cpxrdtc <:orpor;irt.~xrsonalities of
1Jl)ru:tiidI{;iriclonnTr:irtioii. ro tlici>sii:iriseiii5ri.ririof tlie riea. sliares
of the Canadian subsidiaries, and tothe purported alteration ofthe status
of the Canadian campailies when Spain sought to transform them into
Spanish cornpanies. The important point here is that Canada could not
accept the treatment thus metcd out in Spain to companies incorporated
in Caiiada in violation of the provisions 01a treaty. Canada had in that
respect a special right as against Spain, and it is on that basis that Canada
proposed arbitration to the Spanish Government in the Canadian Note
of 22 December 19j1-perhaps the Court will permit me to read the
short estract from that Note:

"The Government of Canaila would be grateful ifthe Government
of Spain would inform the Governnient of Canada if in its opinion
tliipiovi*ioii; of rli~I.rï.ir!.uf 1922prui.idiiig for tiltez,.rcijc if tllicir
iiglit. I,v th? corpur;itioii; oi onc cuiintry in th,. rcrritoric; of tlie
otlit:r I.:.vc hccn ioiitr.i\~cnedb\ flic :tctiont ~ktitiii ~I~III~C [>tIliIcir?
Canadian Companies. In tlie évent that the Government of Spain
is unable to agree that the events referred to do contravenc the
provisions of the Treaty the Government ofCanada wouldbegrateful
if the Go\-ernment of Spain would propose some method whereby
this difierence of interpretation might be resolved and would agree
to take the matter to arbitratioii. if necessary."

The Spanish Government ignored the proposal when it replied by its
Note of 3 January 1952, which is printed in the Spanish Objections of
1960,Volume III, at pages 241-243. Instead that SpanishNote concluded
with tlie following words:

"Hence this Departmeiit is of opinion that the 1922 Treaty has
not been infringed ancl thnt there exists no obstacle prcventing
Canadian companies in Spain from frccly exercising their rights in
accordance with the terms of the Treatv. If the Canadian Govern-
iui-iiii,.rc af1irni;itio.,;jin tlic Sot<:tn tvliicliIr<.are iio\v rcpl)iiig,iif:d

but ~liuiil(llit-ïu~porrcil hi. adc(iu:it,:i~ri~iisn tli;itliii I)~:partmeiit
mai be able to 6dge of it"sttrue'valuê."
It is true that Spain did not raise the question of the Canadian jus
stand;, but the Canadian Government met ulth esactly the same kind
of ansiver as Belgium receiiredon the very same day: it had first to prove934 BARCELOSA TRACTIOS
its case to the satisfaction of the Spanish Government before the latter
would even consider submitting the question ta arbitration.
The Spanish Note of 3 January 1952 is the last one which has been
produced by the Spanish Govemment. Wbat happened aftenvards?
The document produced by the Belgian Government in order ta reply
to Judge Jessup's second question provides at least part of the answer.
On 12 February 1952. the Prince de Ligne, the Belgian Ambassador in
Madrid, reported after an interview with the Spanisb Foreign hfinister
that the last Canadian Note of 22December 1,"1 had caused a strone .,
rcmctionfrorntliespanish Governincnt. :lpparciitly a protest \i.:n~adi:in
Ottaivn througlr tlic Spanisli Consul thcrc. In the course 01th<:iritcrview
I>ct\r.eenthe Swriisli Consiil and tlie Canadian 3liiiistcr oi Estrrnal
Affairs, the-latier seemed to have tned to play down the incident by
sa>ing that Canadian interests in the Company were so small that the
case interested Canada but little. The final comment on this episode
made by the Spanish hlinister of Foreign Affairs to the Belgian Ambas-
sador and as reported by tlie Belgian Ambassador in the same Xote is
worth quoting: "Les intérêtsbelges ont étélivrés à eux-mêmes.La
Belgique en est en somme la victime."
The Belgian interests have been left out in the cold and after al1
Belgium is really the victim. And this statement by the Spanish Foreign
Minister may be compared with the fact that only a month before Spain
had denied to the Belgiaii Government any jus stand;to bring the case to
arbitration, among other reasons, because the existence of Belgian
interests had not been sufficiently established.
Nevertheless, the Canadian Govemment did make a further, and for
the moment final, effort. It delivered a Note to the Spanish Government
on zr April 1952-a copy of this note was discovered by the Belgian
Govemment when looking up its files to prepare the answer to Judge.
Jessup's second question.
Asthe Court will note from that Xote, its tone is one of disappointment
and discouragement. Far from being convinced, as Professor Ago
suggested, by the Spanish argument about rectitude of the decision
taken by the Spanish courts regarding the bankruptcy of Barcelona
Traction the Canadian Government, on the contrary, adhered to its
oriWhy then did the Canadian Note limit itself, in its conclusion, to
expressing a wish for an amicable solution? The reasons for such an
attitude can onlv be inferred. but thev can he readilv inferred.
The ~nii;itli:in'~ovcrnn~ l~ittitI:idwiio ch>rice oi yersuadiiig
the S~>anishGoi.crnrncnr ro do soinrrlriiig poiiriie inttiiirn:ittcr.It
11adII(iiienni. for esamnle. of ionint-llinir tlic Go\,érnriieiit01 Sr1,-3i
accept arbitration. ~he'canadian inter& involved were insÛfficient
to justify, for example, measures of retortion which would in any event
have been harmful to other Canadian interests. &Ioreover,in the mean-
time, Canadian interests had been very much reduced by the fact that
the bonds for ivhich the National Trust Company {vastrustee had been
paid off as a result of the sale of the assets in Spain. So, in effect quite
understandably, the Canadian Government gave the matter up for the
time being. And to that Note of the Canadian Government it appears
that the Spanish Government made no reply, or at any rate the Belgian
Government has not been able to find a copy of any such reply iti its
files. REJOINDER OF hfR. LAUTERPACHT 935

l'et Caiia(ladid not drup entirzly out of the pictiirc. T\vo yi.nrs1;iter.in
19j4t.lic Canadian Çr,\~cn~riieiit\vas rcquestcd 1)).Jlr. ilrthur Ilcaii ivlio
\$,astlic :\meriian la\\.\,cractiiic for rhr Sidro intcresrs. ro lcnd it.~stui)oi
toMr. Dean's mission in spaiR. A mission wliich, as the Agent fo'r'the
Government of Belgiurn has already told the Court, wasundertaken inthe
name and on behalf of Sidro. The Canadian Ambassador in Madrid paid
a visit to the Minister of Foreign Affairs of Spain for the purpose of
informally acquainting him with the Canadian Government's interest
in the future of Barcelona Traction. The Ambassador exoressed the houe
that the Spanish Government would lend its good officesLonthe occasion
oi hlr. Dean's visit to facilitate the reachin~ of a settlement between the
interested uarties. And the interested ~artiës. it mav be noted. were not
1larcclori;i'~rnctioiitiiid .\1 \Iarih, l>iitA~i;;rid .\~.'.\lnL\l,,car Iatcr.
in icjjg. the Can~idiani\inb:tss.idor oii the occasion ol 111.L)cnn'sreturn
io Jlndrid \r,rotcn letrer ro tlic Snanish .\linister of I:oreiEn AH:iirstell
him that the Canadian Government was still deeply iiterested in the
lend its good officestoaMr.Dean and expressed the hope that a settlement
would respect the rights of the receiver and of the National Trust
Company. Again, tliis is easy to understand: no provision had been made
in the conditions of sale of the assets of Barcelona Traction in Soain to
cher the administrative expenses of National Trust and the réceiver.
These were larce sums and both of these organizations remained creditors
of Barcelona Traction. -
This, notwithstanding. when a few months later, on I Jnly 1955. Xr.
Dean wrote again to the Canadian Minister of Foreign Affairs, &Ir.
Pearson. to ask him to cause a vigorous enquiry to be made in Aladrid
together with the American and Belgian Governments, he received the
answer contained in Mr. Pearson's letter of rg July 1955,to the folloaing
effect: "the Canadian Government has not heen prepared actually to
intervene in this matter or to make representations to the Spanish
Government as to the measures which ought to he taken towards a
settlement", which quotation may be found in the New Document filed
by the Belgian Government.
And since that letter more than nine years have passed. The BeIgian
Government has no evidence of any subsequent Canadian representation
to Spain on the matter.
In view of the fact that the representativcs of Spain realiy made no
espress reply to Judge Jessup's second question it is prohably correct, to
assume that they have no record of any such Canadian representation
and indeed that no such reply has taken place.
In consequence, the Court isin fact confronted by the followiiig
situation: despite the not merely preferential but the exclusire cla?m
to protect Barcelona Traction and the interest group therein which
Canada issaid by Spain to possess,Canada, despite that, in fullcognizance
of the Belgian interest and the Belgian activity in this affair has expressed
no concern, no reaction, no opposition whatsoever at the subsequent
Belgian conduct. No concern ofthe diplomatic correspondence,noconcern
of the institution ofproceedings in 1958,no concern at the discontinuance
of those proceedings, no concern at the institution of these present
proceedings. If this attitude of Canada can be treated as a reflection of
State practice in this fieldand in my submission clearly can he so treated
and ought to be so treated, surely it provides the clearest evidence of the REJOISDER OF'AIR. L.<UTfiRPACHT 937

three main parts-where he contends that no action may be brought
on behalf of shareholders because no international wrong is done to
them. Accordingly, 1 proposc to limit my present remarks ou Professor
Ago's first main point to the submission in his first sub-section; and to
return to his second sub-section towards the close of my speech.
Now the burden of my learned friend's subinission in this first sub-
section is that from beginning to end, that is from 12 February 1948
to the present day, al1that has occurred in relation to BarcelonaTraction
and in connection ivith Uarcelona Traction constitutes a single "case"
and that that unity has the legal consequence of excluding any develop-
ment or modification by Belgium of its legal position. The proposition
seems a bit far-fetched, as much in its intefpretation of the facts as in its
doctrine of la\\,. But as descriptive adjectives do not win cases-and 1
sav so, Mr. President, witli al1 resuect to Professor Ago's rich vocabu-
laiy-1 ought perhaps to esaniine'the argument morcclosely.
As 1 understand it, Iiis proposition involves three assertions:
- -
First, that the Court is here faced by a situation that can properly be
called one case;
Second, that Uelgium has in the course of that case changed its
position; and
Third, that that change is inadmissible.

In my submission, each of these assertions is wrong: and Professor Ago
onlv has a noint if he can establish that al1of them are richt~,
1:irstof :IIIr,t~ilicivl~ul~jir~~,~tioiIIII~~~~II t~I12II:cl~r~~;irv,14 lx
(lcjiribcd ;is'oiic case'' (for e~drrc,? 'l'linns1tz:r(1tipc.rirl;on irlit is
inc:int I,\111~\i.oril "~.iis'r ":iil.lirc"Tt iiclear ttititliis \\.orclc:iii lx
used in at least two senses. In one sense-the wider one-it refers to the
whole factual sitiiation leading up to and including judicial proceedings.
In another sense-the narrower one-it refers to pafiicular judicial
proceedings instituted by application and terminated by judgment or
other appropriate order.
Now, Professor Ago is putting fonvard an argument which, to put it
mildly, is one of some technicnlity; and 1would assurnc therefore, that
the word "case" would posscssits technical meaning, in the narrow sense.
In that event, the Coiirt is not faced here by a singlc case, but by two
cases. But if for some reason the wider interpretation of the word is
adopted, then 1an1quite ready to admit that the Court ishere confrotited
with a single case.
There is, 1 should Say in passing, no capital to be made by Professor
Ago-which he sought to do at pages 827-828st<prn-out of any alleged
inconsistency between Counsel for Belgium in this connection.
When, in my first speech, 1indicated that the present case was entirely
differentfrom the earlier one commenced by the 1958Application, 1did
not in fact use the word "case" at ail. 1spoke of an action. In other words.
1 was referring to "case" in its narrow sense. Used in tliat way, what 1
said was, 1believe, undoubtedly right. To the extent that Professor Van
Ryn acknowledged that the present case was the same as the old case,,he
was using the term in its widersense. Noone hasany interest in pretending
that the facts \\,hich gave rise to the 1gj8 proceedings differ from those
which gave rise to the 1962proceedings. The acts constituting the injury
are the same, and the persons suffering from the injury are ultima-
tely the same. The only difïerence is that the 1962Application has been938 BARCELOSA TRACTION

framedin terms narrower than those in which the 1958Application was
filed.
Secondly, Professor Ago must show tliat Belgium has changed its
held itself out as protecting Barcelona Traction, a Canadian Company,y
and later it held itself out as protecting the shareholders. Now, what
is the truth of the matter? It is that Belgium al1along made it plain to
Spain that the protection of the Belgian shareholders in Barcelona
Traction was the exclusive ohject of the Belgian intervention. 1may refer
the Court here to the review of the correspondence in the speech of my
learned colleague, Professor Sauser-Hall, which may be iound at pages
547-550supra. About thisthere could not he any doubt to anyone. It was
not the duty of the Belgian Government to teach the Spanish Govern-
ment international law. If the Spanish Government chose to put on
blinkers and to see the only possibility of international protection as
being one for the Company rather than for the shareholders, tben that
does not fix the Belgian Government with a position expressed in
those terms.
Thirdly, even if it were possible to establish that Belgiiim changed its
position in any meaningful way, would that establish the third element
iii Professor Ago's argument-that such a change was inadmissible?
Let us forthis purpose consider the situation in relation to each of the
two alternative meanings of the word "case". First, let us take it in its
wider meaning. \\'bat authority is there for the proposition that in a
discussion that may continue for several years States may not develop,
amplify or even change their arguments? It is not enough for Professor
Ago to utter the maxim Nemo protestuenirecontrafactum proprium. His
case, if anything, is one of estoppel, and in such a case it is necessary to
reliance upon or pursuant to the representation-actionther pleading to the
detriment of that party. Rut what exactly is the representation which
is alleged to have heen made and to have been changed? What is the
reliance placed upon itby Spain?What is the detriment which Spain has
suffered? None of these questions have been answered hy Professor Ago.
They have not been even raised by him-and understandably, for what
satisfactory answer could he have given? However, even if the Anglo-
Saxonconcept ofestoppel isstripped ot its technicalities-if the require-
ments which 1have just spelled out can be so descnbed-and even if it
is replaced bv the much looser idea of aood faith. I am at a loss to see
wheie there Las been any absence of goGdfaith, or how the development
of the Belgian position over the years can be said to faIl short of the
requirements of this concept in such a manner as to render the Belaian -
coidnct inadmissible.
Indeed, theabsurdity of the argument for Spain on this point is demon-
strated if one pauses to consider the position upon the foilowingassump-
tions: that the 1958proceedings had been brought simply in respect of
the claim of Barcelona Traction; that those proceedings had continued;
that the Preliminary Objections had been concluded and that the Court
had uoheld the s~anish contention that Relaium c..ld not orotect a
Caii3dilii coiiil~;in~,hniiiig its 11iJgrnçnton tlic groiiitli:i:;.ornl,:,ri\.
:issucli cm bc protccted only by tlie Sttitc of incorporation. On tlioj~ ;is-
siinii)iioiis. would Uclciiim then have bccn eiititlcd to brinn iic\r.actioii
for the purpose of pTotecting the Belgian shareholders :s such? The REJOINDER OF IlR. LAUTERPACHT 939

answer, 1 submit, is undoubtedly "yes". In most municipal systems of
law the penalty for choosing the wrong form of action is that one loses
And there is no reason to ithink that the position in international law is
different.
It remains for me to say a word about the position if the word "case"
in Professor A-O'S ..o~ositionisconstrned narrowlv. As to this. the Dosi-
tion iitliatifthe narrosr. conitructiuii is ;idopted,*his nrguiiieiit ciinnot
proceed nt al1 'fliere is rio suggestion rhat Belgiuin iliangitspositioii
in rel:ition to tlie 1058 or tli1,62 .)TOCCC~I~-S durit"c tlie ctirrencof
either of those procéëdings.
Mr. President, 1 submit accordingly that this analysis disposes of the
first section of Professor Ago's first main point and witli the second
section ofhis first main point 1shall, as 1indicated earlier, dealaamuch
later stage.
Rlr. President, 1pass now to deal with the second of the main parts of
Professor Ago'sspeech, the one in ivhich he denies to Sidro the quality of
heads. In the first place, he challenges the evidence relatiog to the owner-
ship by Sidro of bearer shares in Barcelona Traction; and in the second
place, he challenges the proposition that so far as Sidro's registered
shareç in Barcelona Traction are concerned, the fact that they are
registered in the names of American nominees does not affect their
Belgian character. 1 will deal with each item in turn.
First, a word about the bearer shares. As to them, my learned friend's
first objections related to the position at the date of the bankruptcy.
He contended, in the first place, that the only document produced to
support the Belgian claim that Sidro owned at that date 349.905
bearer shares is a letter from a firm of chartered accountants which is
based only on particulars fumished by Sidro'sown accountants. Accord-
ing to Professor Ago, Sidro is a trader and, in Beigian law, the accounts
of a trader can be regarded as having prohibitive value only against, but
not in favour of. the trader. Qnite apart from anything else, that is a
one thing, the rule is not a universal one. It is, for example, not part of
the English law of evidence. For another, surely in an international
tribunal, it could go only to the weight and not to the admissibility of the
evidence.
Hoivever. weak though I submit that Professor Ago'slegal point may
be, the basis in fact of his statementis even weaker. The fact is that the
letter from Deloitte, Plender, Griffith and Co. (which is Annex 4 of the
hlemorial) establishing Sidro's ownership of such shares was not based
exclusively on Sidro's accounts. It is based also on written statements
bv third ~arties with whom the shares were then deoosited. to the effect
that thei held such shares for Sidro.
Further confirmation of Sidro's holding of Barcelona Traction shares
(both registered and bearer) can be found in the officialstatement filed
in compliance with Belgian post-wsr regulations, a statement whichte,
appears as Annex 16to the Belgian Observations. And the date 12 March
1946, it may be noted, is a date long before the events giving nse to the
present proceedings and therefore that statement of fact cannot be said
in any way to be directed towards establishing the point now before the 94O BARCELOSA TRACTlOS
Court. 1 have not espressed that very happily: it establishes the point
now before the Court. It cannot be said to have establislied it speciaily
for the purposes of the present proceedings. It is not aself-serving piece
of evidence.
This statement refers to 351,926 hearer shares of Barcelona Traction.
Sidro sold, before 12 Febrnary 1948, z,ozr of those shares and thus
remained with 349,905 and this can be found referred to iii the Belgian
Observations at 1,page 204, paragraph 198. That is the figure which is
eventually given in the Uelgian Mernorial.
Further proof of Sidro's ownership of those shares may also be found
in Annes 13to the Belgian Observations. That isa letter from the Depart-
ment of the Canadian Secretary of State (Custodian's Office) dated
29 April 1947. giving notice of the unblocking of 1,364,614 shares in
Barcelona Traction wvliichwere blocked during the war as property of
Sidro. If from that fi ure one deducts the number of registered shares,
that is to Say, 1,012.% SS. one is left wnth the figure of 351,926 bearer
shares.
The second objection raised by Professor Ago is that the certificate
from Deloitte, I'lender and Griffiths, to wliich 1 have referred, is in
contradiction with the letter of the Belgian Foreign Eschange Institute
of 19 February 1959, which is Annex 7 to the Belgian Memorial. This
letter gives only a total figure of 244,886 bearer shares as representing
al1the shares which tlic Institute could certify as belonging to Belgian
natThis point is, in fact, one with which the Government of Belgium
dealt twice in its pleadings-first in the Memorial at 1, page II, para-
graph 8, and secondly in the Observations, at 1,page 204. paragraph 197.
1 really do not think that 1 need do more than ask the Court to look
back at those passages in the Belgian pleadings. It will there find an
answer to Professor Ago's contention and mil1observe that the 244,586
shares mentioned by the Institute comprised only 54 bearer shares be-
longing to Sidro. A full explanation is also given in the pleadings as to
why the certificate of the Institute does not refer to the remaining hearer
shares in Barcelona Traction owned by Sidro.
As re..rds the ~osition at the date of the commencement of these
~>row.'iiigs. tlic thdence of Siilrosi o~i.iicr~liiof 31,zSS sliarci of
Ij.îrccluiin'l'r;actioiiiiii~itflici:.riic ~riticisinon tlie part of I'rof~,.~<or
,\CO. iinrnc.Itli:lt tlic 1)cloirrt.ci.rtiijL.isxioiil\.on 5iclro'i;ic;oiiiits.
also isincorrcct and for the same reasons as 1.have already stated.
This the Court can vcrify.by .xaminiug Annex 12 of the Uelgian Memo-
rial.
As far as the shares held by Belgian nationals other than Sidro are
concemed Professor Ago told the Court that here "the audacity of
the Applicant Party goes farthest". IVhat seems to have caused this
strong reaction on my learned friend's part is probably the fact that
the figure of 200,ooo bearer shares is. as 1 explained in my fust speech,
an estimate. As the Court wiii appreciate, it is extremely difficult to
provide strict proof of the ownership of hearer shares widely held by
the public, especially when no dividends are paid. However, the Belgian
post-war regulations prowrided a unique opportunity to accumulate
virtuallv irrefutable evidence of the ownershi~ of shares hv Beleian
nationds other than Sidro in 1948; and this ekidenie has bien placed
before the Court. Starting from the 1948figure, the Belgian Govemment REJOINDER OF hlR.LAUTERPACHT 94I

explained in its blemorial (a1,p. 14,para. 17,and in Annex 14)the rea-
sons why a figure of zoo.ooo may be regarded as a conservative estimate
of the number of shares in the hands of the Belgian public at the time
of the Belgian Application. Inmy submission, the basis for this estimate
was a reasonable one and the iact that it \vas not challenged by Spain,
either in the Preliminary Objections or in Professor Ago's first speech,
makes the present attack look very much like a last-minute attempt
to clutch at straws.
1 do not thi~ik that 1 need Say more about the matter-though 1
do feel obliged to take some issue with Professor Ago on one smaU
point of practice which arose in this connection. My learned friend
suggested that, at least so far as he was concerned. 1 was iii error in
treating his silence on the estent of the Belgians' shareholding as an
indication ofhis assent to the Belgian case on this point1 amnot reaily
this case, a pointas raised by the Government of Spain in the Prelirni-n
nary Objections and was then exhaustively answered by the Government
of Belgium in its Observations, the Belgian Government and. indeed.
the Court, are entitled to expect the Governinent of Spain to adopt
some attitude to these explanations. The issue cannot sirnply be left
up in the air. If the Government of Spain chooses not to react to the
Belgian explanations, this must be either because the explanations are
acceptable or because the Government of Spain does not attach suffi-
cient significance to the point to keep it in iss,ue.But Counsel for Spain
cannot, in my submission, simply enter a general caveat in relation to
aUmatters on which he keeps his silence. The Court is eiititled to attach
significance asmuch to the omissions of Counsel as to their statements.
The question of how much sigriificanceto attach is, of course. a matter
for the Court, but Counsel cannot, as 1 said earlier, simply by saying
nothing preclnde the Court from assessing the position.
This being so, 1would further submit that the manner in wliich Profes-
sor Ago has approached this question of the ownership of bearer shares,
even in his latest speech, is not such as to require me to modify the con-
clusions which 1 tendered to the Court in this connection in my first
speech.
Mr. President and Members of the Court, 1 turn now to the second
section of the second part of Professor Ago's speech: the question of
nominee shareholdings. The issue here is a simple one. It rests, of course,
on the assumption, which Professor Ago does not admit. that a State
is entitled to protect its nationals who are shareholders in a foreign
Company. On this basis, is that right of protection extinguished because
the shareholder's shares are registered in the names of nominees of a
different nationality? Or, to put the question in other terrns, does the
fact that the beneficial o\\rner's interest is registered in the name of
some other person of difierent iiationality deprive the beneficial owner's
interest of the quality suficient to entitle it to protection by his national
State?
In my previous argument, 1 sought to analyse the municipal law
relationships between the nominee and the tme owner. 1 showed that
for every purpose, save one: connected with the ownership of shares,
the true owner. not the nominee, was regarded as owner. The exception,
significance which it does not bear in municipal law, the exception is942 BARCELONA TRACTION

tliat so far as the company is concemed in its formal relationship with
the owner of shares, it has regard only to the registered and not to the
beDly basic proposition to the Court, when 1 last spoke on this subject,
was that ownership in common-law systems is a bundle of rights which
can be divided between a legal and an equitable owner. In the case
of nominee relationships, 1 explained that the main and essential part
of these rights was vested in the beneficial owner. 1 also said that the
rights of the beneficialowner, or owner inequity, were as much protected
by the legal system of the State as would be any legal right, despite
the fact that they were called equitable.
Now, how has Professor Ago met these explanations? He has not,
it may be noted, denied them. Instead, he has resorted to an argument
which is largely verbal in character. In effect it is this: the starting
point is that in so far as international law is concemed with the protec-
tion of shareholders, the only individuab who may be protected are
those who are considered as shareholders by the company, that is, the
nominees. Therefore, Professor Ago concludes, only the nominee may
be protected. Neither of the two stepsin this argument is, in my submis-
sion, correct.
First, it is not right to assume, in the way that my learned friend
dIntemational law has never used that word as a term of art. It has".
used it as a description of the person who owns, enjoys 1should say,
who owns or enjoys through shares an interest in a company. The
interest is of an identifiable character, and the national State of the
real owner-beneficial owner-is entitled to reg-rd it as somethine "
calling for protection.
Itisquitefalseto Say,as my leamed friend does on page 845supra that:

owner,urooted in equity alone, could still less be considered by itselfal
as constituting ownership ipso jure and as consequently being a
title capable of serving as a basis for an international action".

If the munici al legal system recognizes that the beneficial owner
enjoys the sutstantial rights of ownership, there is no reason why
the national State of the beneficial owner should not protect those
rights-indeed, there iç every reason why it should. Wonld Professor
Ago argue that becanse the national law of a State makes no express
kationals, therefore'such cornPanies can never in interkational law be
treated as nationals? If that were Professor Ago's argument-and it is
essentiallv the same as the one whichhe has iusf~reseBied tothe Court-
there wohd be no such things as cornPanies kith British or Belgian
or American nationality because. in the laws of those particnlar States,
there is no specific provision that says a Company eaablished in, Say.
the United Kingdom, shall be a British national. The fact is that there
does not have to be a complete identity between municipal law concepts
and international law concepts which bear the same name. What does
matter is that there should he some foundation in municipal law for
the assertion of ownership on which the international right of piutection
rests. And this, in the case of beneficial ownersliip of shares, there
undoubtedly is. REJOINDER OF NR. LAUTERPACHT 943

Again, Professor Ago is wrong in the second element of his contention
when, in effect, he argues that so far as the company is concerned
only the nominee is shareholder. The wordç he uses may be correct,
in the forma1 relationship between the com any and the shareholder.ted
This is quite irrelevant. Our object is to i entify the real interest in
the shares. It is quite wrong to Say,as my learned friend does at page 845
supra, that :

"the relationship between the beneficial owner and the nominee
cannot be set up against a third party for so long as the beneficial
owner has not, by means of a transfer in the company's register
of the securities into his own name, had the legal title added to
his position as beneficiary".

The relationship between the nominee and the beneficiary is a matter
of constant concem to third parties, without there being any question
of a modification of the entry in the register. The whole point oi the
~ ~inee svstem is that the beneficial owner is. for everv . >ractical
purpose, the owner of the shares.
The same fundamental error taints the statement which Professor
Ago makes at page 852 supra when he says:

"For al1 external purposes'the nominee is the shareholder and
there is an absolute presumption requiring him to be considered,
even by the company, as Gower underlines, as the sole and exclusive
owner of the shares."

There is not a shred of support for the proposition that "for al1external
purposes the nominee is the shareholder". Quite the reverse is true, as
my statement of the legal position of a beneficial shareholder atII,pages
511-518 shows. Whence comes the "absolute presumption" of which
by the company" as the sole and exclusive owner of the shares? "Evenen
by the company" suggests that there are others who are absolntely
bound to regard the nominee as the shareholder. But there are not.
1 mention the point, MI. President, only to emphasize the extent to
which my leamed friend's use of lanyage can suggest wrong conclusions.
MI. President and Members of the Court, 1 am sorry to have to go
on so at such length about nominees. However, the.point is clearly
one of importance, and in dealing with it Professor Ago has used a
series of phrases which though superficially consistent and in some
measure correct, effectively distort the whole position. 1 hope wliat 1
have so far said may help set the matter right.
But 1 cannot leave the question without saying something also about
the relevant cases. Professor Ago suggested that the analogy which
1drew between nominees and other cases of division between legal and
beneficial owners was over facile. With respect to my learned friend.
1do not think that this charge wiüstick. The relationship boxeen no-
minee and beneficiary is in law a trust relationship. The nominee is the
trustee; the beneficiary is thecesliiquetrust.
There is, therefore, no question of my using an over-facile analogy.
when 1 refer the Court to other cases raising this same legal problem.944 BARCELONA TRACTION

such as cases oi executors and legatees. The situation is not one of
analogy, it is one of identity. The only difference between the various
situations lies in the facts which give rise to them. That is the çeneral
justification for my reference to the eight cases which 1 used in this
connection.
Rut what about the propriety of my use of the three particular
authorities upon which Professor Ago has made some comment. With
the leave of the Court, 1 would propose to refer to each of them in turn.
Jly learned friend first referred to the Binder-Huas Claim decided
by the United States International Claims Commission and reported
in the International Law Reports, Volume 20, at page 238. The Court
that 1 stated thatse1vhad been able to find only one case which dealt515.
directly with the question of the status of shares registered in thename
of a uominee and that this was the Binder-Haas case. For that reason
1 referred to it first among the authorities which 1 cited to the Court.
To state, as Professor Ago now does, that 1 attached quite special
importance to the case is, however, to exaggerate what 1 said-but
smaU matter. 1 imagine that Professor Ago's statement was made with
a view to increasing the significance of the two blows which he was
about to deal. His first blow was to indicate that the case did not involve
registered shares and therefore did uot bear out my proposition that it
illustrated the position of nominees. If Professor Ago had confined him-
self to the first impact of this blow, his point would have been well
made. It is trne that 1 made an error, and 1 must apologize to the Court.
1 am satisfied on re-reading the case that the shares whicli had been
transferred to Binder to hold as ostensible owner were bearer shares,
not registered shares. But this does not deprive the decision of anything
more than a fraction of its value. It is still a eood authoritv for the uro-
position that the national character of shargs must be détermine&by
the nationalit~ not of their titular or forma1owner but by the nationality
of their beneficial owner.
Professor Ago's second blow lay in his suggestion: "if the decision
can prove anything, it is exactly the contrary of what Mr. Lauterpacht
would like to deduce from it" (see p. 842 szlpra). 1 must confess that 1
am completely at a loss to see how the case can possibly lead Professor
Ago to this conclusion, though 1 suspect that some of the language
there used mav be resoonsible for a misunderstandinr. The Statute
oii which rhr cl& wu Ü.;isedallo\r.c<lclaiiii?bcinad;. Kotliby naturd
and ]uri.liç;il persoiis. ln rhc ca811a juridiznl person. tlte requircm~i~t
tlint the cl;riiii~iit ihould b;i(JnircJ 5tat~-i n~tioiinl\vas Jcciiizd to
be satisfied if 20 per cent. or more of the securities in the juridical
person were owned by United States nationals. Now the four bene-
ficialowners of the claim appreciate that if Binder were regarded simply
as being a tmtee for each of them separately, the claim would succeed
only in respect of the interest of the three claimants who were United
States nationals. This in fact is what was eventually decided by the
Commission. So to avoid the situation-they were unsuccessful, but
to avoid it-the claimantsadvanced atheory that in the special circum-
stances of the case Binder should be regarded as a juridical-person
in whom more than zo per cent. of the securities were vested in United
States nationals. On that basis they hoped that his clai might succeed
on behalf of al1of them. It was this somewhat far-fetched aspect of the REJOIXDER OF AIR.LAUTERPACHT 945

claim which was rejected by the Commission. This wvaswhat was meant
when the Commission rejected the argument that Binder was a juridical
trustee. The Commission did not deny to him the quality of a trustee;
the Commission decided only that he was not a juridical person. In
short. the phrase juridical trusteein the case must be rend as meaning
a trustee who is a juridical person and not the natural person who is
juridically a trustee. The Biniler-HaasClaim thus stands, in my submis-
sion, as a helpful authority.
My leamed friend theri commented upon the American Security
ad îrirst Compaizy Claim re rted at page 322 of Volume 26 of the
International Law X6ports. 8 e referred to this case when. suggesting
that tribunals were only interested in the nationality of the beneficial
owner for the purpose of determining whether the rule of continuity
he said \vas the decision of the Commission and wliich, it is true. did
refer to the question of coiitiiiuity. But here he appeared to misread
the case. First of all, the passage which he cites as representing the
viem of the Commission is itself a quotation by the Commission from
an earlier award of another body, the United States-German Mixed
Claims Commission. The passage is quoted hy the Foreign Claims Settle-
ment Commission not in coriiiei:tion with continuity of iiationality, but
to show that "if the beneliciary of the award is not an Americaii national
but a foreigner, the claini woiild not, in my opinion, be within the
jurisd~ction of tlie Comniissioii". The words wliich 1 Iiave cluoted are
in italics, andiiithe report of the decision of the United States Foreign
Claims Settlement Commission it is there indicated that the emphasis
\vas supplied by the Foreign Claims Settlement Commission. In short,
that body was not concerned at al1 with the question of continuity of
nationality of claims, but only with the basic principles in connection
with which 1 cited the decision.
Xest, Professor Ago referred to the Heny case, reported in the
U.N.H.I.A.A., Volume g, page 125. This was a case which 1 had referred
to because of the statement by Umpire Barge that the beneficial owner
actually "owned" the claim. Professor Ago asked what connection
there could be between cases such as this and tlie questions now before
the Court, and 1would refer to page 843 supra. He said that the relation-
shi~ between the Henv aiid the Benitz familv "is not at al1one of those
rcl.>tiun;liiptlint;ir~.~~Iiar;i<tcricf .\iigln-S.ison lcg:.l s!.si~iiii.iindcr
ii.hiclipropcrry isdi\,iclednI~t:t~\~~1~~g.i1l~:<nt1I,~:iiçiicl\iiit:rsIiip".
I'rufcssor .\CO tltci\vl:iion: "1'11~~~~ritrnctco~iclu~lcdb,:t\ïcen thcse
persons is the contrary typically a Roman Law contract. It is an
antichresis contract under which the real estate, whicli remains in the
full ownership of the debtor, is given as security to the creditor who
has the right to reap the fruits thereof. As the umpire said Heny never
became the real owner of the real estate which had been pledged to
him" (U.A1.R.I.A.A., Vol. IS, p. 126).
Having aiready made one mistake in connection with the Binder-
Huas Claim, 1 was naturally anxious lest 1 might have made auothe~.
So 1 checked. Professor.Ago's reference to page 126. Al1was as he said
it was. There was the quoted sentence in its proper place and on the
next page is the statement that the contract is in substance that known
to the civil law as antichresis. But the point which Professor Ago
overlooked is that the place in which the sentence appears is not the946 BARCELONA TRACTION
award of the umpire but is the opinion of one of the national commis-
sioners, Mr. Bainbridge. The award of the umpire, Mr. Barge, follows
some pages later, and in particular, at page 134the umpire stated that
the contract lacks the characteristic stipulations of an antichresis and
cannot properly be connected to that species of contracts to which in
substance it seems to bear most resemhlance. And the umpire then went
on to make the point about Mr. Heny's "ownership" of the claim which
was the reason why 1 originally cited the award.
Need 1 Say more, Mr. President? 1 cited eight mes in connection
with the status of nominees. Of these Professor Ago chose to attack
three witha view, ashe utit, to noting "the tmeweight andsignificance"
of the cases which 1hazcited as the clearest precedents. Tme, he showed
that my reading of the Binder-Huas case as one relating to registered
instead ofbearer shares was partially wrong. Though that didnot de rive
Ago's attack failed and indeed in each of these three cases his ownssor
reading ofa material detail has been shown to be in error. Theimportant
point here is that the principle for which my eight cases were basi-
cally quoted, namely that international law is concerned with bene-
ficial, not legal, interests has come through Professor Ago's attack
unscathed.
While dealing with the cases, Mr. President, 1 should also refer to
the manner in which Professor Ago makes use of the Nottebohm case in
this connection. The Court will recaii that 1referred to that decision
as authority for the proposition that international law would be con-
cerned with protecting the substantial interest possessed by the bene-
ficial owner and not the nominal interest possessed by the nominee.
1 still tbink that that submission is right. But Professor Ago tries to
use the case in his favour in an unexpected and, in my view, rather
right of protection can exist where despite the existence of a factual
Link between the individual and the State there is no corresponding
legal link. 1 do not in fact accept this suggestion, but for the purposes
of the present argument 1 am prepared to treat it as valid.
Professor Ago then goes on to Say that the beneficial owner may have
a real factual interest in the shares but has no legal interest in them,
and therefore by parity of reasoning cannot be protected. Now, Mr.
President, this is simply a play upon words. Professor Ago is pretending
that the use of the words "legal owner" or "legal link in the two
contexts have the same meaning, whereas, in fact, they have not. When
in relation to the Nottebohm principle one speaks of a legal connection,
one means that the individual must be recognized as a national under
the law of the protecting State. On the other hand, when one distin-
guishes hetween the equitable interests of the beneficial owner and the
legal interest of the nominal owner, one is not distinguishmg between
protected by lail,, the equitable interest being the one with which thes
law is primarily concerned and the legal interest the one with which
the law is secondarily concerned.
The legal rights of the beneficial owner are not less rights recognized
by law than are the legal rights asa British national of the person who
in the ordinary way holds a British passport.
There remain two further observations on the question of nominees REJOIKDER OF MU. LAUTERPACHT 947

with your leave, Mr. President,d 1imay make rapid reference.and to whicli,
The first is that it is somewhat surprising to find that the Spanish
Govemment should seek to rest a legal point on the question ofnominees,
when all along the interests of M. hlarch and the Spanish Government
itself have recognized that Sidro is the party which has been effcctively
injured. M. hIarch spoke of the indernnification ofthe shareholders at the
time of the sale to Fesca, the latter addressed themselves to Sidro not to
the nominees. The Head of the Spanish State received Mr. Dean as the
representative of Sidro, not of Newman and Co., and even the Spanish
lawyers who advised the March group recognized the effective association
between Sidro and Barcelona Traction. 1 may refer to the work entitled
La Quiebra de Barcelona Traction by Antonio Polo and Manuel Balbé,
published at Barcelona in 1951. It 1sdescribed as a dictamen. Since it
was not written for the Barcelona Traction interests, it must presumably
have been written for and on behalf of the other party and on their
instructions. It is interesting to note that there, at page 91, the authors
referred to the Belgian law on bankruptcy, saying that it was certainly
not unknown to the directors of Barcelona Traction since this company
was only an afiliar of another company having Belgian nationality.
The second point involves me in asking the Court to penise again, at
its convenience, the diplomatic correspondence exchanged between
Spain and the United States on the subject of Barcelona Traction. This is
printed in Volume III of the Annexes to the Spanish Preliminary Ohjec-
tions of 1960. pages 24~-z~z.Does this correspondence, 1 would venture
to ask, suggest that the United States in any way regarded itself as
entitled to put forward, in respect of the block of Barcelona Traction
shares which Newman and Co. held for Sidro, a claim for the substantive
loss suffered hy the shareholders? The answer is clearly no. The Court
will no doubt recall paragraph 2 in Mr. Dean's draft telegram to Mr.
Wilmers, dated 15Febniary 1955,and which appearson page 2 of Appen-
dix 13 in the Belg-a. New Document 1964, .nd.1 quote it:
"Have received request frorn our Department [which means the
United States Department of State] suggesting they have never
considered operathg company in queifion Amencan and have
treated this matter not as a protection case but on more general
grounds of principle regarding treatment and encouragement of
international investment and would appreciate extent to which
U.S. capital now participating in company."

For anyone ro go on and suggest tliat an orner of sliares wtto permits
shares Iof1rlic n:itional qualitj. of thcir 11enefici;iloivncr. in effezt tl~usse
1e:iviritIi0~6shnres inr~~rii:ition:~ynprotccied, is sirnply to igiior~.tlie
basic r,-xlities of international I)usiiiessopcrations and tofliin the face
of the needs of those branches of the inteinaiional communsy who gene-
rate and export capital for foreign development.

[Public hearing of 14 May 1964,morning]

Mr. President and Members of the Court, 1 come now to the subject-
mntter of the third of the three main parts of Professor Ago's reply-9qS BARCELOSA TRACTIOS
the part in which lie de& with the question of wliether there exists
in international law any right for aState to protect its nationals who are
sliareholders in foreign companies. The main part of Professor Ago's
considerations iii this connection are grouped together in a section of
16pages, beginning at page 846 and continning iiiitil page 862 supra. In
addition, it is necessary to reler back to the second section of the first
part of Professor Ago's speechat pages 832ta 836sz~pra,where he alleges
that the present clairn lias alwavs been and still reinains one for the
protection of 13arcelona Traction and not for the protection of the
shareholders thercin.
It can, 1thiiik, fairlv be said, &Ir.President. that aa result of the oral
exchanges whicli havé so far taken place, the essential identity of the
issue inizolized in the third Preliminary Objection has been clearly
revealed. On the one hand, the Govemment of Belgium has pointed ta
the real and undoubted interests which a shareholder posscsses in the
activities of a company. Even my leamed friend, Professor Ago, has been
prepared to contemplatethe possibility, as he puts it, that the share-
holder may suffer indirect or unfavourable economic repercussions.
Tlie Goveriiment ol13elgiuinhas said, very reasonably, that theseinterests
of the shareholders are of a kind which international law protects and
urhicl>the Government of Belgium is entitled to assert on behalf of its
Governmcnt ofd thSpain to show some reason why the gericral right of a
State to protect the iiitcrests of its nationals should be excluded in those
cases where the national is a shareholder in a foreign compaiiy and his
interest takes tlie form of a shareholdine in such coniuanv.
On the other hand, the Govemment tf Spain take; thé position that
States are not entitled to protect their nationals who are shareholders iii
foreign companies and who siiffer injury as a result of a wrong directed
against the company. This for the reason, sa the Government of Spain
contends, that the only internationally recognizable injury done is that
which is done to the national State of the company. Expressed in other
terms. the Spanisli argument is that the wrongdoing State owes its
international duties only to the national State of the company and not to
the national State of the shareholders. The Government of Spain
excludes the possibility that tliere may exist parallel interests of company
and shareholder; excludes also the possibility that there may exist an
opportunityto present claims by the national Statcs of both the company
and the shareholder. In short, if a shareholder suffers damage as a result
of wrong done to the Company, the case, in the view of the Government
of Spain, sa far as the shareholder is concerned, is one of damnt~msine
injtrriu
The Spanish Government recognizes only one case in which a share-
holder's interest may be protected-and that is where the injury is
done to the company by the very State in which the company is estab-
lished. Even here, so argues Counsel for Spain, the Court is not faced
bv an exception to the rule excludina the ~rotection of shareholders. One
Iiii Iwrc s; lie sii~g~st;,;1sit~i;i~ioi~~uit~oiitsidtlic scopc of tliat riilc.
'l'hciitu:itioii, ni!. lmriied lrieiid continu15orir iii \\.hic11[lie [>rotection
:iHorrlcdto the ili:irtiliolder floivs(rum tlie f;ict tliunL.w:iv or :inorlicr
it can be said tliat the damage has been inflicted upon tlie shareholder
aisubmission to make ta the Court.bout which 1shall in due course have REJOISDER OF )IR. LAUTERPACHT 9-10

However, there in a nutshell are the respective contentions ofthe two
oarties: and the task of the Court is to decidebetween them. In ~articuiar.
ihe question hcforc the Coiirr 15\r.lic:tliit is correct to sa!.,ni in ,.iicvt
rlic i;o\~t:riiiii~?ri SI':,I<l.iii tIi:ir interiinfiun;il I:<I<I~ .ot rccugnizd
or ixotect flic intl:rt:stoi.Iili~rt:I~oI~III i<.jT>c<~.t\vri,1"~f1n1itidii~~~:t~<I
tocvards the Company.
Now, with the leave of the Court, 1 believe that within the proper
limits of a rejoinder, 1 might hest be able to assist the Court if 1 divide
the rest of my speech irito two parts. In the first part 1 should like to
examine more closely the manner in which Professor Ago developed his
argument in reply. In the second part, 1 should like briefly to pass in
review the case which Professor Ago had to meet. This approach will,
I.hope, indicate that Professor Ago's argument suffers from tivo critical
defects: first, it does not really cover the whole ground which a reply
to the Belgian case should cover. It largely avoids the main issue.
And second, in so far as Professor Ago'sargument doescover the ground,
it is my submission that it is riot!sound.
May 1 then turn to my learned friend's development of his case.
His main point, though much .repeated aiitl presented in different
~stterns. is essentiallv a simule one. He arcues that a State cannot
ixutclt oiic uf irsii;~ti&iinl\r.l;o1. ;sl..,rihol~l<~irn:Iforcign c~iii~i:iiiIII
r<.+pt3cotf wroiigs ~lirtcted tt~.~i~lstt~ccomp:~ril. IIC~~III~ 11.s:~!.:, tliC:
\rronlidoinc Srntc u\r.ctl ;iiiiiit~:rnatioii;l iit\, onl\. tilif:national 5t:ir<:
of the com?any and not at al1to the natioRai s&te of the shareholder.
Implicit in this approach is the proposition that the normal result .of
a wroneful act of a State is that onlv one other subiect of international
In\\ij injurcd. In sonit:<lui,iiçc.if ii-;ti<iivitlint the iiational St;trc of flic
conipan), is injurecl. tlint t.s~.liidrsthe yosjibilit\. tli:~ttlic ii;itir>iinlSt:ite
of the sharehdder could also Le iniurëd.
Now, Professor Ago appears to'consider that the mere assertion of
this proposition establishes its validity. Howevcr, it is, in my submission,
esseiitid to appreciate that the proposition is not valid. -
Tbere is no reason, whether as a matter of geiieral jurisprudence or as
a matter of international law iri particular, why an act by a State should
not be attended by multiple legal consequences, in the sense tliat the
act may justify action by more than one State or international person.
To refer, asmy learned friend does in this connection. to the absence of
any intention of the State to injure more than one party, is quite
irrelevant. Direct intention to injure the person actuallyinjured is not an
essential element in the establishment of international responsibility.
This, 1 submit, is inherent in the Judgment of this Court in the Corfii
Channel,fiferits case. To the extent that intention is relevant, it bears
upon the intent to do the act rvhich was done not the intent to achieve
the result ivhich followed. \Vhat matters in each case, is whether the act
in questioii violates anyduty of the wrongdoing State. The existence of a
duty in its turn depends upon whether there exists an internationally
recognized legxl right in the other party. If the legal right exists, thcn
there is a dut upon Statesnot to violate it. If in fact a State acts in a'
manner whicK violates the right, tben the intention of the State to
violate or not to violate the right is irrelevant. The State is responsible
for what it has done. Perhaps 1may put my point in terms of the present
case, in terms parallel to those usedby Professor Agoat page 850 sufra. It
is no argument to assert in the form of a rhetorical question that a950 BARCELOSA TRACTIOS

denial of justice consisting in a declaration of bankruptcy pronounced
by a Spanish court against the Canadian Company does not infringe any
international obligation upon Spain towards Belgium. It is true that the
person immediately affected by the Spanish conduct was Barcelona
Traction. Equally, it is true tliat the international person immediately
injured by the denial ofjustice was Canada. Rut to assert that, or to admit
that, is not to exclude the possibility that the same conduct may have
injured a shareholder in Barcelona Traction, and may have occasioned
international responsihility of Spain towards the shareholder's national
State, in this case, Belgium. If Belgian nationals or shareholders have
in international law a right entitled to protection. the assertion that
Spain did not intend to violate that right neither invalidates the right of
protection nor validates the Spanish action. It remains necessary there-
exist. 1 shall in due course indicate the positive considerations whichs
compel an affirmative answer to this question. But for the moment,
1 want to do nomore than rebut a negative consideration. 1shalltherefore
deal only with the point on which the Spanish case rests, namely their
proposition that any given act by a State can occasion liability in respect
of that act only towards one other subject of international law.
Now, in relation to this problem, 1 can immediately pray in aid
the cogent support of a decision of this very Court on exactly that point.
Mr. President, the case which 1 have in mind is the Advisory Opinion
of this Court of II April 1949 on Refinrationfor Injuries Sufferedin the
Semice O/ tke United Nations. The reference is I.C.J. Reports 1949,
page 174. ASthe case is of such material importance, 1 ought to remind
the Court first of the question which was submitted to it by the General
Assembly.

"1. In the event of an Agent of the United Nations in the per-
formance of his duties suffering injury in circumstances involving
the responsibility of a State, has the United Nations, as an Organiz-
responsiblecdeajure or de factogovernment with a view to obtaining
the reparation due in respect of the damage caused (a) to the
United Nations, (b) to the victim or to persons entitledthrough him?
II. In the event of an affirmative reply on point 1 (b), how
is action by the United Nations to be reconciled with such rights as
may he possessed by the State of which the victim is a national?"

Those were the two questions which were put by the Assembly to this
Court.
Now, 1will not take the Court's time by refemng to those parts of the
Ouinion in which the conclusion was reached that the United Nations
I>oijciSesinternational cnpniit). tu rilakc a clniin irirespect of damxge
done to the United Satiuii5 1 i\.igo immediatcly to that put of the
O~iriionin \i.hich the Cuiirt Iield tliat ttie.cai>,?cit\.of the United Nations
caiiszd to thc individuiil. No\v, the point to observ: hcre itli~tthe Court
expressly held that-

"the Organization has the capacity to claim adequate reparation,
and that in assessing this reparation it [the Organization] is author-
ized to include the damage suffered by the victim or by persons
entitled through him". (I.C.]. Reports r~g,p. 184.) REJOINDER OF MR. LAUTERPACHT 951

The principal basis for this conclusion was, as the Court will recall, that
the Court considered that members of the United Nations staff should
enjoy the security arising out of the knowledge that the Organization
would he able to intervene to claim damages on their behalf in respect of
injuries suffered hy those officiaisin connection with their international
activities-even thongh the possibility existed that a parallel claim
might be brought by the State of which the officialwas a national.
We are thus confronted by a situation in which a State, whether or
not a Member of the United Nations, injuring a particular. individual
might find, if that individual happened to be an officialof the United
Xations, that in respect of the injury done to that individual, claims
could he presented against the wrong-doing State, hoth by the individ-
independent rights of action. At the same time, the Court recognized
that a payment of damages to the claimant State would extinguish
liability of the United Nations in respect of theame head of injury, and
vice versa, that a payment to the United Nations would extinguish the
liability to the State of the injured person in respect of the same head
ofinjury.
The relevant passages are at pages 185to 186 of the Court's Opinion
and a hrief reference has already heeu made to them by Professor
Sauser-Hall.
Now, while 1 do not Say that the situation in the Re9aration for
Injuries case is identical with that in the present case, 1 do submit that
it is sufficiently similar to justify the application of the same principles.
The Opinion recognizes the possibility that a single illegal act can give
rise to independent causes of action at the instance of separate interna-
tional persons, but in relation to the injury suffered by the same individ-
ual. The Court completely disavowed the doctrine that there was
anything "exclusive" in aState's right to exercise diplomatic protection.
At page 185the Court said:

"In such a case [that is, where both the national State and the
United Nations have a right to protect the individual], there is no
rule of law which assigns priority to the one or to the other, or which
compels either theState orthe Organization to refrain frombringing
an international claim."

"here faced with a new situation". And the Court tackled it, and 1Sayrds)
so with great respect, boldly. The Court certainly did not tie itself
down to any rigid concepts of the exclusive character of the right of
protection enjoyed by the national State of the individual, and in so
doing, 1submit that the Court illuminated the path which 1would invite
it to follow in this case-the path of recognizing that there can co-
exist in the national State of the Company and in the national State of
the shareholder, independent rights of action which, if successfully
pursued by the one, extinguish the claim of the other.
Indeed, it is in many ways easier to contemplate this possibility in
relation to companies. which so obviously bring together more than one
interest.than it is in relation to natural persons. Yet, in the Reparatton
for Injuries case the Court was prepared to acknowledge the CO-existence
of claims in relation even to a natural person.99 BARCELONA TRACTION
The point which 1 am making here, 1 hasten to add, was impiicit not
only in ProfessorSauser-Hail's argument generaiiy, but more particularly
in that section in ivhich he dealt ivith what may be called the problem
of double claims. Bly distinguished leader thought it right to deal with
the question, which so clearly anses, of whether the fact that a State
might incur liability to two or more other States or international persons
in respect of the same wrong, could give rise to any risk that the wrong-
doing State might have to pay damages twice over. In explaining that
there reaily was no suc11risk, ProfessorSauser-Hailreferred to the Advi-
sory Opinion on Reparation for Injuries. The Court may perhaps see
some significance in the fact that Professor Ago made no mention of this
problem in his reply. The reason for this omission, 1 would venture to
suggest, is that if Professor Ago had attempted to comment on this part
of Professor Sauser-Hall's argument, Professor Ago would have been
obliged to deal with the Opinion on Repnrationfor Injuries. And his
dificulty, as 1 sec it, is that there is really no way of escaping from the
lesson of that Advisorv ,uin.on. Tliat lesson is that the Court has recoe-
niïctl 1I.epossihilitytli:tiiiiiiitrrii;ttioiinl wron; csii givuisIO ~<:~;ir:iï~
cktiiiiî I,\ t\vo iiitcriiatioiiiil pcrsiir~.il)vctof thclsiiiglc iiijury. lhnt
coiiclusioiiii in Rat coritr:~distionof I'rolciior Ac-'s h;isis tticiiiiiitliij
part of his case.
At this point, 1might perhaps add, almost parenthetically, that in the
present case the facts are such that it is virtuaiiy impossible now to
Belgium in respect of the damage done to the Belgian shareholders in
Barceloua Traction. This conclusion is inherent in the observations
which 1 made yesterday on the nature and limited extent of Canadian
concern with this case since 1952.
hlr. President, there is, 1 should add, nothing.intemall inconsistent
with the position which the Belgian Government has agpted in this
connection. 1 have in mind here the point which Professor Ago made at
pages 855 to 856 supra. Hethere suggested that if one overrides the con-
cept of corporate personaiity for the purpose of protecting- shareholders
one must decide "to abandon definitely the principle of the luristic person
as such". The case of the Belgian Govemment is tliat it is perfectly
possible for two international claims to CO-exist;and the question of
which State shall assert the claim is one to he considered in each case
having regard to al1the surrounding circumstances. There may, indeed,
be cases where the degree of connection between the company and the
State of incorporation isso small as to exclude the existence of a "genuine
link" and, therefore, to exclude the possihility of protection. Equaily,
there maybe caseswhere the interest of the shareholder issoiittle affected
that he ought not to be permitted to claim-as, for euample, where the
wrong done to the company is trifling and the shares owned by the
particular shareholder are few in number. In short, the Belgian position
is that there is room, and need, for flexibility in the application of the
rules relating to protection in relation as much to corporations as to
shareholders.
So to argue does not give rise to "the considerable difficulties" ivhich
Professor Ago advances at page 855 supra. In fact, he gives only one ex-
ample, which may be presumed to he the best at his disposal. Hesays that
if international law is to iift the corporate veil, what is to happen to
treaties relating to the treatment of foreigners and which extend to REJOIXDER OF MR. LAUTERPACHT 953

juristic pcrsons? "It is hard", Professor Ago said, "to see how a tliird
State intervening ou behalf of shareholders could claim the benefit of a
treaty to which it is not a Party." Two answers may begiven to thispoint.
The first is that the present case does not involve an attempt by a tliird
part!. to seek the enforcement of treaty standards. There are judicial
observations by various i\Ieml>ersof this Court, as 1 indicated iii my
earlier speech, which makeit plain that the fact that a reasonable propo-
sition may be pushed to unreasonable extremes does not iuvalidate the
proposition in its original reasonable form. Secondly, it should be noted
that States have bccome increasingly aware of the problem of defining
compaiiies in treaties, and now frequently indicate clearly the extent
to which, if at all, the corporate veil is to be lifted in connection with the
treaty. 1 ma- mention, for esample, the provisions relating to "sub-
stantial ownership" which are inserted to qualify the definition of
national companies in the various air transit agreements. And, again, 1
can refer the Court once more to the provisions in the draft convention
erepared by the Organisation for Economic Co-operation and Develop-
ment on the protection of foreign investment, and again, to the more
recent convention prepared by the International Bank relating to the
settlemeiit of investment displites; both these conventions grapple with
this problem of penetrating corporate structure.
IVhen Professor Aeo moved from the la ne of international laiv to
gcnernliticjiof:Ikiiid littlc relntcd to the esigenciei uf ino<l~riicorpor;ite
lilt.. Therc is iiiorc than n niensuie of ;irtifici:ilirv in tlie strictiiess of the
concept of corporate personality which ~rofe<sor Ago developed, and
this appeared particularly in tlie section where he dealt with the lifting
of the corporate veil. There he suggested th:it the right to lift tlie
corporate veil constitutes a safeguard for third parties and serves as a
counter-weight to the privilege of incorporation. The idea must he recog-
nized-as ingenious, even if ill-founded. There is in the work of Professor
Gower on Modern Company Law, to which Professor Ago in his turn
referred, a chapter entitled"Liiting the Veil", wliich1mouldrespectfully
commend to the Court. Professor Gower there points out, and 1 refer to
page 186of the second edition, 1957 hat-

"the most striking limitation imposed by the Companies Act [that
is, the English Companies Act] in the recognition of the separate
personality of each individual company is, however, in connection
with associated companies within the same group enterprise. This
of group or consolidated accounts wvhencompanies are owned byuction
orle another in the form of a hain",

-in other words, the accounts disregard entirely the separate legal
personalities of the companies constituting the b~oup. But on the next
page Professor Gower indicatcs that the person wlio really benefits
from the requirement that group companies shall produce consolidated
accounts is the individual shareholder. 1 suppose that Professor ,Ag0
might contend that in those circumstances even a shareholder in a
group company waç the third person for whose henefit he suggests that
the lifting of the veil is permitted, but the fact remains that the policy
behind the lifting of the veil in relation to group companies is not at
al1 consistent with the late iiineteenth-century and early twentieth- REJOINDER OF MR. LAUTERPACHT
955
national was a shareliolder in s'British company which owned shares
in the Portuguese company. This is made quite clear in the passage
from the Award which quotes the United States Submissions. and
which was cited by Professor Sauser-Hall at page 583 supra. And the
principalinterest of the episode lies in the fact that both the British
and the Portuguese Governments acknowledged the right of the United
States Government to intervene on hehalf of Mr. McMurdo's heirs-
the right of the United States to intervene, in other words, in respect
of a United States interest through a shareholding in a British company,
the injury of course having been done by Portugal to a Portuguese
company.
Now, after the intervention of the United States and British Govern-
rnents we come to the second part of the episode, the arbitral part.
to decide whether the British Govemment would by itself have toreceived,
al1 the compensation payable to the Britisli company-not at al].
Rather it wasand this is stated in the opening page of the hal Award
of the tribunal-it wasthe only part of the first page ofthe Award which
deals with this question of what the tribunal was asked to do; the
tribunal concentrated al1its emphasis on this part which 1 now quote-
its functiou was-

"to assess as it deems most just the amount of the compensation
due from Portugal to the persons entitled [les ayant droits] of
the two other countries as a consequence of the rescission of the
sion of this railway by the Portuguese Government".taking posses-

The task of the commission was to assess the amount of compensation
due from Portugal to "les ayant droits".
Professor Ago went on to read to the Court the whole of Chapter X
of that part of the Award which is entitled "The Law". Chapter X is
headed "Allocation and Division of the Compensation". Certainly that
chapter says what Professor Ago said it said. With that 1do not quarrel.
But 1 do take issue with the significance which has to be attached to
those passages. Read without a full appreciation of the law governing
the arbitration, on their face they look like a pronouncement by an
international tribunal auestionina the locus standi of the American
shareholders in the Briiish com<any. In fact, this is not their tme
cliaracter. The Delagoa Bay arhitration was an intergovemmental
arbitration in fonn onlv. Insubstance. it was an arbitraion between
the Portugnese Goveriment. on the one hand, and the Portuguese
the quantum of compensation due in respect of the termination ofng
the concession. This in fact is already indicated by the wording of the
comproniis, "the amount ... due to 'the ayant droits"', not to the
Government. In addition, it is important in this connection to observe
the content of Chapter II of that part of the Award which is headed
"The Law", because Chapter II is a section entitled "Le Droit appli-
cable"-the proper law-and thisis a section to which Professor Ago
madc no reference whatsoever. In that section, at page 155.the tribunal,
having observed that in name the Portuguese company remained the
essential party to the litigation, concluded that "c'est donc aussi le
droit portugais qui fait loi dans le présent litige": it is thus Portuguese956 BARCELONA TRACTIOS

law which is the proper law in the present case. There was not a word
said about public international law-indeed, the Court will recognize
from looking at the names of the arbitrators-none of them were public
international lawyers. And no reference to public international law
can be speiied out of the final paragraph of the section. though 1 feel
that 1 sliould read that final paragraph to you:
"But this question [of the proper law] which it was iiecessary
to consider at the outset has only a theoretical significancc. In
fact, Portuguese law on the decisive and relevant points coiitains
no particular rule which detracts from the general principles of
law common to modern States."
1read that sentence, hlr. President, as simply akming the a plicability
of the rules of municipal 1awto the question in issue before tRe tribunal,
not rules of international law. liead in that light there is nothing either
surprising or Iiannful to the Belgian case in the passages cited by ~ny
learned friend Professor Ago. It is perfectly understandable tliat in
terins of municipal law the tribunal was not prepared to acknowledge
a direct claim on behalf of the heirs of McMurdo, having regard to the
fact that they were only shareholders in the British Company.
The other authority mentioned by Professor Ago and which calls
for a passing observation is the article by Professor Van Hecke. Profes-
sor Ago ivaç good enough to recomrnend that other passages in the
article additional to those which he read should be esamined, and 1
have follo\ved his advice. 1 feel it right to draw the attention of the
Court to the passage which was omitted from the last paragraph quoted
by Professor Ago, and which is indicated by the second group of dots
on page 866 swa. The paragraph begins-and this sentence is quoted
by Professor Ag-as follows: 'The case must be considered where
the country of incorporation wvouldbe held to have no loct~sstandi
because of the fictitious character of the company's nationality." Then
come the dots. Now, 1should read straight on, the sentence runsstraight
on, but in order to make it clear 1 must just repeat a bit of it:
"The case must be considered where the country of incorporation
would be held to have no loct~sstandi because of the tictitious
character of the company's nationality in the way Nottebohm's
Liechtenstein citizenship was held to be fictitious by the Inter-
national Court of Justice. \\'ould there not [1 am continuiiig now
with the quotation from I'rofcssor Van Hecke] in such a case be
room for intervention by another country on belialf of the share-
holders? There would seein to be grounds for such substituted
protection because otherwise it would here again result nisituation
wliere no protection at al1 could be given. Therefore, oiice inter-
vention by the country of the company's nationality has hceri held
not admissible, intervention hy another country .\voiild hecome
possible. But which country is that to be? It is obviously not
shareholder. Borchard's proposal leads to the proposition tliat the
country representing more than 50 per cent. of the shareholders
would be qualified. But this is virgin field and there is absolutely
no certainty thatsuch intervention will be held admissible",

and that is the end of the quotation of the passage which was omitted. REJOIXDER OF MR. LAUTERPACHT 957

hlr. Prcsident, while 1 do not attach any special significance to the
passage wliich 1 have just read, it does, 1 believe, serve to show that
Professor van Hecke's article is not so one-sided as might othenvise
appear to be the case. For one thing, it shows clearly that Professor
van Hccke certainly did not consider thatthe protection of shareholders
was by any means so clearly excluded aç Counsel for Spain would
suggest is the case.
If iii fact, Rfr. Presidcnt, there is still room for the further citation
of authority, 1 would beg to recommend to the Court a little-known,
but nevertheless penetrating and perceptive short study of the problem,
which is ta he found in the lectures given in 1960at the Hague Academy
by Professor Hakan Nial, the Kector of the University of Stockholm,
deceptive. In fact, the fourth lecture consists of an admirable essayhtly
entitled "A Contribution to the Question of the Protection of Companies
in International Law", and the reference is the Recueil des coursof the
Academy, ~gGo,Volumc III, Volume IOI of the series. page259. and the
particular lecture begins at page 311. 1 will uot cite any passages from
that lecture but, Mr. President, 1adopt the bulk of the reasoning there
presented.
Mr. President, that concludes the first part of my consideration of
the third part of Professor Ago's speech in which 1 have examiiied
certain aspects of the positive elements in that speech. 1 shaUthcrefore
turn now in the second part of my s eech to the negative elements in
Professor Ago's speech. 1 will consi2er what it is that Professor Ago
has not said which he ought to have said, and why it is that signitîwnce
should be attached to his oniissions.
For the purpose, Mr. President, of considering wliat Professor Ago
omitted may 1invite the Coiirt to consider the case whichhe had to meet.
1 leave aside as not immediately essential Belgium's starting proposition
that ljelgium has an undoubted right to protect Belgian nationals.
Instead, 1 go straight to the issue on which Professor Ago h~ chosen
to fight his battle-the question of the existence or non-existence of
an i~iternatioiially recognizable interest of the shareholder. Put into
its bluntest fom. if Ç.ain can satisfvthe Court that in no circumstances
rluc. ciistr,iil:ir\ inr~.rnatioiinl I:IU rcco$ni/c th,: csistofica sIi:~rc-
lioI<lt.r'sint~:rin:Lforcign COIII]),LIrlitnSpam 13ciititl~IO ju~1~11ic11t.
Uur if I<~.Igiiiim i.~tisf! tli~.1:ourttlint<:vi:iIIIsoiii~.circiiiiii;uic~s
intr~:tioi~l 1 rc~ogiiizcs 11i;ithe sh~rcliol(lcr II:,<n protcctnlile
iiitcrt-îr. tlieii. fr~rrt..isoiis Ihsliall ~)rzs~ntl\.tIc\.r.lop. Ijclgiiini is
entitled to judgment.
At the outset, the point on which 1 must lay emphasis is that the
questioii arises in tems of international lawv.not municipal law. The
problem is not whether municipal law recognizes that a shareholder
has an interest in the propcrty of the Company prior to its dissolution.
The question is whethcr inti:rnational law acknowledges an, interest
sufficicntly certain and identifiable ta be capable of recognition as a
right in tcrins of international law. This is onc of tlie basic points in
the case and it is a point which Professor Ago'sreply entirel1 'g I nores.
His approach to the problem is couched exclusively in terms of muni-
cipal law. It is coupledwith the assumption that if a right does not exist
in municipal law it cannot esist in international law. 1 do not iieed to
do more than merely remind the Court that 1 cited to it in the course
of my earlier argument a number of authorities for the purpose of REJOINDER OF MR. LAUTERPACHT 959
to question, nor did he comment upon, the references to the probative
value of the treaties referred to by the Belgian Government. Not a
word was there about the effect of the compensation treaties whicli
lifted the veil, excepa passing reference ta the fact that the veil had
been lifted there because the State paying the compensation wanted ta
protect itself from the possibility of double claims, but no attempt to
grapple with the substance of my observations on that point. Not a
word was there about the very interesting evidence to be found in the
Rfexican Claims Conventions of the 1920s to one of which Spain was a
party and which contained, if one examines their terms, such a clear
indication of the real interest, the direct interest, of the shareholder.
Nor was anything further heard about the Convention established by
the Organisation for European Economic Co-operation and Develop-
ment. Again, no mention was made of the International Bank Conven-
later on in my learned friend's speech he had certain general obser-
vations-unsupported by any evidence of curent ractice to offer
upon investment techniques. N'hy was he so silent. Did he perhaps
recali a sentence which ap ears in Professor Van Hecke's article just
before the passage which Koiessor Ago cited to the Court and which
reads as follows, and1 quote from Professor Van Hecke: "lri order to
complete the picture recent treaty provisions must also be considered,
for indeed a consistent treaty practice points to the formation of a
rule of customary law." Or d'idProfessor Aga think that the attraction
of his argument would be such as ta render its hearers forgetful of the
detailed and serious considerations of law and practice which RO-ern
this case?
It is at this point-in connection with the treatment of the direct
evidence-that 1ought to say a word about Professor Ago'sexplanation
that international law permits the State of a shareholder to intervenee
for his protection. That is the case where the company is injured by
the very State in which it is incorporated. 1 am trying ta put L'roiessor
Ago'spoint as fairly as1can. That is why 1have not called thissituation
"an exception" to the rule excluding protection of shareholders. Profes-
sor Ago did not wish it to be called an exception. It was, so 1 under-
stood him to Say, simply another ap iication of the ordinary riile gov-
erning the liability of the State. A tate. he said, cannot be fiable to
itself, so that when a wrong is done to a company incorporated in a
State's own territory, the wrong must be treated as having been done
to the foreign shareholder. That is Professor Ago's explanation of why
the wrong-doing State is liable in that situation to the shareholder.
But really this ia very difficultargumenttofollow. HowdoesProfessor
Agojump over the fundamental barrier whiclihe has himself constmcted?
have no independelit rights. Surely, if this thesis is correct, it mustn
lead to the admission that when a State injures one of its own companies,
no less than when a State injures a foreign company, the individual
shareholder suffers no intemationally recognizable damage and is not
entitled to any international protection. Yet. this is the admission which
I'rofessor Ago does not make. To Say, as he does, that the distinction
between the case where the shareholder may be protected and the
case where he may not be protected lies in the fact that a State cannot REJOINDER OF XR. LAUTERPACHT g61

Govemment of Uelgium in support of its proposition that interri;itional
law recognizes.tlic right of a shareholder to protection. This cviclcnce is
indirect in the sense that it isnot directly concerned with thc protection
of shareholders as such. Instead, it relates to the connection between the
nati~ii-il stntus of :1corpor.itioii and th,: iiiition;ilir!~o1t.i.;Ii.irchnlclcri.

'l'lieeviilçiiic cuniists of iiistdci~in \vItich:ic~rpori~tioii113shr?<:ncl~:iiic:il
the national status which it would uormallv hear hv reason of its incor-

Now it is not. 1 belicve. necesiarv for me to eo over this evidciice arain.
There really is no dispute betweén the Parties as to its existence ad no
dispute indeed even that its effect is to dwy protection to the corporatioii
in the stated circuinstances. But what l'rofessor Ago says about this
evidence is that it is nothing more than a reflection of the proposition
tliat in international law legal links, if they are to be recognized as valid,

must be based uDon factual links.
;\i 1set:it, tlic k:i\..iIiiof the sa-inllcd indirect tviclenic.. tlic ci.iilL'nce
of the c;iscj in \vliicprotection has hçeri deiiied to a coiiip;iii)' l>\.rc:tsuii
of tliç ii:stiunnl cliar.,ctçr of tlic sIiar~liol.lir~giii it. is IIslio\\.s thai
iiiteriintioiial l;in\\illiiiand alilc tt, lift th,: veilnf c<irporit~.pcrsoii;ility.
Ir dcni~ii,trntcs rli:irin situatioiii of f:ict ivliich :ire peciilisr to iri1i:r-
national relations. that is. in situations which cannot anse in thc sphere

tlie indirect evidence. It is neither helpiul nor accurate to attempt to

esplain away this evidence in tems-as Professor Ago does-that
it is the equivalent in international law of the lifting of the veil in
municipal law for the protection of third parties First of all. as 1 have
already indicated, the most important aspect of the lifting of the veil in
municipal law is not related to the protection of third parties. But quitc
apart from tliis, a very cogent reason for dcnying the transposition into
international law of this third-party doctrine is that it just won't work.
Who in the international field is the third party for whose bencfit tlie
corporate veil is to be raised? 1s there any reason why the national State
of the shareholders should be any the less a third party vis-à-vis the
injured company tlian is the wrongdoing State? And, in that case, why

should the State of the shareholders not benefit from the lifting of the
1-eil?These questions cannot be answered in a sense favourable to the
position of the Spanish Government. The fact is, that Professor Ago's
third-party doctrine cannot serve as a satisfactory or full explanation of
the lifting of the veil in cases where protection is denied to a company.
The full and the satisfactory explanation of tbat process is that it rnarks
the concern of international law ta get to the bottom of things, to see
justice done, regardless of the identity of the beneficiary.
1 am moving now, Mr. President and Members of the Court, to\i,ards
the conclusion of my examination of the case which Counsel for Spain

had to meet and of the inadequacy of Iiis response to it. It remains for me
only to refer to some of the additional considerations which must clearly
influence the Court in the conclusion which it mav reach. For exam~le.
in the course bfmy speech; 1 brought together,'under the heading of
"equitable considerations" a number of points which international
practice suggested woiild be of assistance ta the Court in the performance962 BARCELOSA TRACTIOS

ofits task. As 1 was at pains to explain, these considerations of equity
were not introduced aspart of a plea to the Court to change the law. 1
was not asserting, though Professor Ago has suggested tliat 1 was, that
the present state of the law was unsatisfactory. 1 was not in truth
exposing the Belgian case to the charge that it could only stand if the
present situation were regarded as a unique one. What 1was doingwas to
submit to the Court a variety of considerations which appeared to me
to be pertinent in terms of existing law to the solution of the problem
before the Court. And what reply has Professor Ago made to the sub-
stantive content of the various considerations which 1 brought together
under this heading of the equitable approach to the problem? The answer
suggest that 1had not given a sufficiently full indication to the Court of
the basis upon which the tribunal in the case of the Cayuga Indians
had reached its decision. He said, in general terms, that if 1had cited to
the Court passages appearing a few pages later than those which in fact
1 did cite, it would have been clear that that tribunal was basing its
decision exclusively upon the ability to decide in equity expressly
conferred upon it hy the treaty of arbitration.
MI. President and Memhers of the Court, this representation hardly
does justice either to what 1 said or to what the tribunal said. In my
original speech, atII, pages 532 to 534. 1 dealt expressly with the ques-
tion of the law applied by the tribunal. 1 anticipated in terms the point
which my learned friend made; but 1 explained that properly read the
award of the tribunal was based upon law. It was not a decision ez aequo
el bortoand the tribunal in effect regarded equity as distinguished from
ex aequoet bonoas part of international law. 1do not read anything in the
Inter pages as altering that position. 1 think it worth comment, hlr.
President, that Professor Ago, when seeking to overturn my argument
by references to pages in the award subsequent to those which 1 read,
nevertheless did not provide the Court with any specific indication of
the passages which he had in mind as confirming his reading of the
award. And it could not have been any desire for brevity which led him
to this omission since he then went on to read a auotation from awork bv
Professor Rousseau which could at best have oily marginal relevance tb
the point in issue.
Auart from this point, Professor AEOwent on to deal brieflv with some
of ri!. referencci iu tlie ciirrciit neè;li of the international Commiinit).
In thiicoririe~tioii.he referred tu tlit: freedoiii of companies to chooar
their plicc of incur~iur:ition.Ije madttizfollo\i.inaiissertion. whicli iiiav
be foünd at page 866 supra:
"Nobody compelsthe founders ofa company,still lessthe founders
of a big, international financial corporation, to choose one place
rather than another for the incorporation of the company, or to
establish its head office and its managing organs in that country.
They have only themselves to thank if, for reasons which we are not
called upon to investigate, they choose to give that company an
ineffective nationality,such as would, in a particular case, fail to
secure the effective exercise of diplomatic protection."

Now, with al1 respect to Professor Ago, 1 am bound to suggest that
observations of this kind simply do not reflect the law, the spirit or the REJOINDER OF MR. LAUTERPACHT g63
facts underlying business and financial activity, which crosses State
frontiers. One important fact to keep in mind, as 1 sought to suggest
in my first speech, is that the choice of a place of incorporation of a
company is less and less a matter of free selection and more and more the
result of a variety of unchangeable and objective factors. These include
the character of legislation, relating to employment or tasation; the

local conditions relating to thc carrying on of business; the availability
of credit, and so on. Rforeover,one must bear in mind that in Continental
systems of law the legal status of a company is not a matter for com-
pletely free choice but is necessarily closely bound to the place where
the principal establishment of the business is situated; that is, closely
bound, as it has been put in this case, to the "brains" of the enter-
prise.
1 should at this point just digress for a moment to refer to something
which Professor Ago said mucli earlier on in the introductory part of his
speech, when he then spoke about the brains of Barcelona Traction.
This \vas a reference which he made for the purpose of suggesting that
it {vasawng tosay that the influence ofBelgian directors on the company
was decisive and that the influence of Canadian directors was negligible.
He observed, for example, that of the 15 board members of Barcelona
Traction four were Canadian, two British, two American, two Spanish
and only five Belgian. But what he did not observe-or at any rate did
not state-was that two of the Americans were nominees of Sidro and
that one was hlr. Heinemann, the President of Sofina: that one of the
British members had been on the board since a date prior to the acqui-
sition by Sidro of its holding in Barcelona Traction and that the other was
Jlr. \\'ilmers, a director of Sofina and Sidro: that one of the Spaniards
\vas a director of Sidro and that of the four Canadians one had been on
the board since 1922, another \vas the Assistant Secretary, and the
other two mere members of the legal finns acting for Barcelona Traction
and Ebro. \\%en one goes into detail in this way, Mr. President and
RIembersof the Court, one sees that nothing really affects the fundamen-
ta1 fact that Harcelona Traction w7as a company virtually owned by and
definitely controlled by Belgian interests or their non-Belgian represen-
t~ ~ïe~
.\ii<iio\r. to rctiirito the f:iitors nfiectiiig tlic1,l;iceof incorporation
of ;cuiiil~.inyOftcii. \rlierc3 gruup of cntvrpr1sc.suidifierent ii:itionnlirici
;igr<.c10 10-o1)er:ttcto iiirtlizr deïclol>nicnt iia iiiinibcr of coiintrics.it
1.;iinl>o.;ible to eit.itilislt tlic nc\v <:~iiiip:iii!tiinctlie nntion:il Stnté
of ;iri\one uf tlic cc,iitributinr conipnnies or c\.cn IIIth^.iiiiti~nâlSt~te
of théventure receiving the investment. And it then becomes necessary
to choose some otlier State.
hlr. President and hIembers of the Court, perhaps the Court willpermit
me briefly to illustrate this point about the objective elements affecting
the choice of the place of incorporation of a company-to illustrate it
by reference to a description wh'ichappeared in the London Times as
recently as this past Saturday, 9 May, of a new zoo million dollar inter-
national investment company. TheTimes report stated:

"Adela, the Atlantic Community Development Croup for Latin
America, is to set up a $ZOOmillion (about f71 million) multi-
national private investment company to provide a mechanism to
help in creating and expanding medium-sized enterprises in Latin964 BARCELOXA TRACTION

America. It is to be incorporated in Luxembourg, a report by the
esecutive directors says, andthe owners willbe leading finaiicial and
industrial companies of Europe, North America and Japan.
Each wiU make an equity subscription of up to $5oo,ooo. It is
espected that, with perhaps ~oocompanies taking part. there will
be a total capital of some $40 million,and it is hoped that a similar
support at least $120 million of loans and short-term credit in the
project companies. or an ovcr-ali capital inobilisation ofabout $200
inillion.
111addition, when Adela operates mainly as a promoter, or enters
a venture as one among several partners, it will help activate still
other funds. The compaiiy will have operatiiig officesin Europe and
the United States. Control ivill be in the hands of a governing board
of senior execntives of perhaps 15 participant companies."

Now, clearly in relation to snch a company as this, a variety ofobjective
considerations have led to the decision to estabkh it in Luxembourg
rather than elsewhere. Thus, the choice of a place of incorporation is
deliberate, but itis certainly not1 would venture to snggest, dominated
by considerations of international diplomatic protection.
Another factor which tends to separate the national status of a
company from any intentions which its founders might have had, is, of
course, the temporal element-the effect of the passage of years. This
is an important point and can makc nonsense of Professor Ago'ssugges-
tion that the founders of a Company are free to give it an effective
nationality as by establishing it in a country wliere the bulk of its
shareholders are resideut. For esample, at a time when a Company is
established in the territory of State A. it is quite possible that al1 the
individuals iiiterested in it are also nationals of Stat.ut in the course
of years the national character of the shareholding in thecompaiiy may
pass into the hands of nationals of State 33or StateoC.Onlysharfew years
ago aii the shares in the Ford Alotor Company of England, which had
hitherto been a British-owned company, were bought by the Ford Alotor
Company of the United States in one of the largest take-o\.er bids ever
made in England, thns strikingly altering the character of the English
company.
The same is truc. indecd. even of Barcelona Traction. Tlie dominant
I3elgianparticipation \vas only achieved in the early 1930s\\'batstarted
as a Canadian-British company ùecame effectively Belgiaii. One could
not expect the Company to be wonnd up in Canada and to have its seat
transferred to Brussels. That would have been artificial, unnecessary and,
indeed. very dimcnlt to do.
Finally, in this order of ideas, 1 mnst advert once again to the coiise-
quences which would follow if the Court were to uphold the third
Preliminary Objection. The Court would, in effect, be lending support
to a formalistic and rigid approach to the question of diplomatic protec-
tion, an approacli which is alien both to the Court's own jurisprudence
andt O the needs of the limes.
There is no reason of law, nor any consideration of coiivenience,
which requires the denial of the right of a State to protect its iiationals
aho are shareholders in foreign companies. Nor does it add anything REJOIXDER OF MR. LAUTERPACHT 965

ta the argument ta suggest, as Professor Ago does at page 86j supra,
that there is no excuse for, as he puts it,
"seeking to ohstruct the rule which confers upon and reserves ta
tlie national State of a legal entity the right to demand of foreign
States that a certain treatment be accorded to that entity and the
right ta intervene for its protection in case tliat treatrnent is not
eiisured to it".

The Governinent of Belgium does not seek ta obstruct the right of the
State of incorporation of a company to act for its protection, though
the Government of Belgium certainly does deny the exclusive character
of th;it riglit of action-at least if the effect of that exclusivity is ta
dçprive the rcal interests in the coinpany of any hope of diplornatic
protection. The Government of Uelgium is not asking the Court to
make a iieiv rule of law in this connection, but rather to recognize an
existin rule-a rule which acknowledges the parallel right of protection
of the !tate of incorporation and the State of tlie shareholder.
Of course, the problem must be faced: how far does tlie right of action
ofthe shareliolder's Statego? More particularly, first one must ask, can
an action be maintained for oneshareholder owning only an insignificant
quantity of stock? And second, one must ask, can it be maintained in
respect of any type of injury which may be inflicted upon the company?
In theor!., the answer to the first question is "yes", but in practice it is
"no". It is in this connection that one may rely upon the good sense of
States ta refuse to protect nationals whose injuries are insubstantial. In
the present case though, no problem of tliis kind anses because, of
course, the Belgian interests in Barcelona Traction constitute 88 per
cent. ofthe shares.
As to the second question, namely can the claim be maintained in
respect of any type of injury suffered by the Company, the answer is,
again in theory, that any darnage done to the company damages the
591erwUpr11 B.ut, again, it is a rnatter for the discretion of the protecting
State in each case to decide whether the auantitv of damaee done to the
conip:~ii!,iiiiiclia.;tu \Y~ii.aiiiiiitervciitiAn oii heliollrlicilinr~li~ldcr.
I o I II iin 117yiid nitli 311iuiifi~l~?iicc-andtliiiis III<ilistiiimuisli-
ine mark of al1 the relevant mecedents-that the neht of ~rotëction
ceYrtainl!'esists where the iniury done to the comp~y strices at the
fiinclameiitals of its being, either by wrongfully depriving it of aii, or
virtually al1of its property, or by revoking a concession \vliichforms the
basis of al1 its activities. Practice has not giveii any indication yet of
what lesser degrees of injnry would warrant intervention; probably
because States have not considered it necessary or desirahle to intervene
on behalf of their shareholders in such circumstances. Rut, in my sub-
mission, it is not necessary for the Court to probe tliis aspect of the
problein since, in the present case, it is clear that the wrong which has
heeii doiie to Barcelona Traction has effectively deprived it of al1 its
nssets.
Now, Professor Aga has not really grappled witli this aspect of the
inntter. Perhaps, from the point of vicw whicli he adopted, it was not
iiecessa-. for him to do so. In passing, liowever, he espressed surprise
that 1 should have spoken of Barcelona Traction as having lost al1 its
property, and its raisond'être ,t a time when theshares ofthe company966 BARCELONA TRACTION

still stand at a higherprice in the principal stock exchanges than they did
before the bankruvtcv. With resvect to Professor Aao. 1cannot see the
inconsistency betwee; the truthÔf my proposition and the character of
his. The fact is that Barcelona Traction bas lost the wholeof its property
and nothine can change that. In these circumstances.if share ric cesmust
be broughfinto the discussion, it can be seen that the sha;e price, at
whatever level it may be that is higher than nil, cannot truly reflect the
value of the assets. Ail that remains is the hope that the present pro-
ceedings before this Court may succeed. On that basis, and that basis
alone, there is a small and narrow market in Barcelona Tractioii shares
boue,, essentiallv for s~eculative Durn.se..Themarket is so small that
tliL.prie? 15niaini3iii<.~l'l~a!~feu tr:iii.>;ictioii,;,ntli~ciirr,.iir pri,.c rhii.
rzi>rcseiitsttiv vntirtl\. :irbitrar\ iijjcjsnic:iit 01thr\.;~IIIoi III< prcsc~it
claim. an assessment-made bv-a few ~eo~leof.whaA a share mieht be
worth in the event of success.~
An important factor in this market price is that Sidro, which after
al1holds the bulk of the shares. has not sold anv ofitsBarcelonaTraction
shares. If Sidro were to seek to put any substintial part of its shares on
the market there would be no buyers and the price would tumble to
rock bottom in no time at all.
Mr. President and Members of the Court, 1 doubt if 1 need say more
to show that, so far as the important question of the protection of the
shareholders' interest is concerned, the main line of Professor Ago's
speech has not really been àirected to the principal arguments advanced
on behalf of the Government of Belgium; and, in my submission, he
Government that it is entitled to intervene on behalf of the Belgian

shaHowever. there remains one matter in Professor Aeo's s~eech which
1 Iiavc.<Ieferrrdrxnmining iintil non. L>cc;iiisc it .rtiiird ICIiiit:tli;iit
crotililIicir be coniidcrcd afrcr tlic .;ubst:iiirivc Ca:fur I3elçiiiiiiIildlivvn
put.
Tli~:Cuiirt \riIl rcc:tlltlilt rlic iir,ttofiI'iofesiur \go'; ;lir.ct.oii tlic
icopc.and iiitniiing of rlic {ireseiitaction. \y:!,di\,idcd inro t\it,>c.rioni.
\Vit11tlie firit av~tiun.in \i\.i~li hc sii~lmitrrd tliar the F<cldi3iil;u\.crii-
ment was precluded frkm instituting the present proceedings, with that 1
have already dealt. But 1have not touched upon the second section, in
which my learned friend contended that the present action must still be
regarded as one for the protection of Barcelona Traction rather than
as one for the protection of the shareholders. The legal function of this
argument, 1 must admit, escapes my nnderstanding. However, the gist
of the content of the argument would seem to be, as stated by Profes-
sor Ago at page 832 supra, that the present claim could be put forward
onlv bv a State which was intervenine for the ~rotection of Barcelona
~rictik. My substantive reason for de&rring coGsideration of this point
is that it only has me an in ^f oneaccepts my learned friend's basic con-
tentions: firsi. that a statëwhich iniuÏes a Fom~anv can never iniure
the shareholdérs therein and, seconi, that the siiareholder lias no pro-
tectable interest of his own. But once these contentions have been
rejected, as 1 have tried to show should be the case, then Professor
Ago's argument on this point can be seen in its true light-as notliing
more, really, than a statement of the obvious, a statement lrhich is
quite unattended by any specificlegal consequences. REJOIXDER OF IlR. LAUTERPACHT 967

In this connection, may 1 refer the Court to Professor Ago's proposi-
tions which appear at pages 833 to 836supra.Asto hisfirstpoint, ofcourse
it is tme that the acts of the organs of the Spanish State which lie at the
ongin of the present case were acts perfonned in relation to Barcelona
Traction and its subsidiaries. But that does not esclude the possibility
(the Belgian Government would Say, the fact) that, at the same time,
they were acts which caused injury to Sidro and the other Belgian
shareholders.
Tlic Saniecomment rii;i!be rnad~.in relatioii to I'rofvsjorAga'sjccond
~>uirit-th:it ttiç dcrii:il ol justice w;iscoitiniittcJ only :ig;iinst H;ir:c.lon;i
'i'ra~tior;indits siibjidinri?~. Triic-but in I:iiiiilitn ;iiint~riiation:tll\.
unlawful act is committed against a company in siich a manner as
effectively to deprive the company of al1its assets, the wrong-whether
it be a denial of justice or an expropriation-is equally done to the
sharehoIders.
Professor Ago's third point is largely the same as the first two, and 1
need not comment exaresslv uo2. it.
Hii fciurtti poirit a&lirs tlit: sariic conceptstu tlir: ri;itiire of tlic rcp:t-
r;itic,n which thc Govrriirnent of Uelgiuin secks on bch:ilf ui tlie sli;irc-
Iioldcrj XI!.Icarric.rlfriend sttited. ;it page 633 .\ltprs tlint:

"the reparation which the Applicant Party claims in its Submissions
is represented by the restoration of or compensation for situations
or rights which are unquestionably situations and rights pertaining
to the company and not to some of its shareholders".

AProfessor Ago's denial of the independent right of the shareholders-a
denial which 1 have contended is not justified. The six comments which

same way, and, with one exception, 1 shall not deal with them.1 be met in the

The exception relates to thesecond comment, whichappears onpage 834
supra and in which, after referring to the fact that Belgium has sought
the reslitulio in integrtcmof the undertaking, my learned friend suggests
that there is something wrong in the failure of the Belgian Government
to maintain asan alternative clairn one for the full lossessuffered by tlie
company.
"It ishard to see [he says] why a State which thinks itsell authorized
to ask for nothing less than the annulment of the acts which affected
a company, should not feel itself equally authorized to ask, as an
alternative, for full compensation for the losses allegedly caused
to the conipany by the acts in question".

The answer to this statement is simple: the obligation of a wrongdoing
State is to make reparation for its wrong. There is the authority of the
Permanent Court of International Justice, expressed in the Chrzdw
Factory case, for the proposition that basically reparation must take the
fom of reslitutio in in.feg7um.Belgium is boimd to seek this solution
first for its nationals. The fact that this may incidentally benefit other
shareholders, non-Belgians, does not matter. But that is quite different
from the Belgian Government actually asking for damages in respect of
injury to non-nationals. Should the clairn for reslitulio fail, then Belgium
isentitled to claim only for the damage actually done to her nationals,9653 BARCELOSA TRACTIOS

and to her nationals onlv. There is, thus, no-logical inconsistencv in the
Belgian position.
speeçli in reply to Professor Ago.1uhope thathr1nmay have succeededf my
in demonstrating two things: firstthat my learned friend's speech did
not really meet the casewhich had been made out against Spain, indeed
it largely avoided the arguments which had been advanced on behalf
of the Government of Belgium; secondly, 1may hope that 1 have shown
that his speech was inerror in a number of important respects.
This concludes the ~resentation of this part of the case on behalf
of the Government of'Uelgium, with the êxceptionof the answers to
the questions put by Judge Sir Gerald Fitzmaurice. 1 would therefore
ask you, Mr. President, to be good enough to cal1upon my distinguished
colleague Professor Sauser-Hall to present these ansrvers.
However, may 1 first, hlr. President and hfembers of the Court, sa?
once again how greatly 1appreciate the patience with which the Court
has listened to these remarks of mine.1 can only hope tbat the Court
mil1not feel that 1 have taken longer to perform mv task thau was
strict]? necessary. DUPLIQUEDE M. SAUSER-HALL

CONSEIL DU GOUVERNEMEXT BELGE

[Audience publiyr<edu 14 niai 1964, après-midi]

\fonjiciir Ic:I'rc'~.si<l>tl,t.s?iciirsI:iCuiir, inuri ;.iiiiiic.ntcollégiic.
le]xofrseiir I.;,iirpaclit.3 hicii\.i,iise clilrgerclila rizliil<prl'scnter
i IL Cour notre riiiun:~ c<,iuniunc i ki r&i)iiuuc~icI'llso;iciic. II s'en
est acquitté avec 1; talent que vous avez fi Lonstater et'je tiens à lui
exprimer mes remerciements. Après son exposé, ilne nous reste plus
qu'à répondre h la question de M. le juge Gerald Fitzmaurice. Ce sera
l'objet principal de mon intervention. Mais la Cour comprendra sans
doute que je saisisse cette occasion pour lui exposer une dernière fois,
dans des termes aussi concis et aussi clairs oue wssible, auelle est la
position du Gouvernement belge relativemeni aÛx point's de droit sur
lesquels les Parties se trouvent diviséeset quel est l'essentiel de notre
argumentation.
La question poséepar sir Gerald Fitzmaurice concernant la troisième
exception est complexe. Après avoir rappelé succinctement la thèse
espagnole, elle énumère quatre propositions qui ont étéformulées à
belge. Constatant que les quatre propositions qu'il vient d'énoncer ne
sont peut-être pas à tous égards entièrement compatibles les unes avec
les autres, M. le juge Fitzmaiirice <met le vŒu que le Gouvernement
belge indique sur laquelle des tlièses énoncéesil se fonde ou subsidiairc-
ment dans ouel ordre de oréférenceil les ranee et s'il art-férerai tu'elles
soient formÙléesd'une agtre façon. -
Je voudrais profiter de l'honneur qui m'est échude répondre à ses
questions pour présenter à la Cour ce que je voudrais êtreune synthèse
de la position belge en l'opposant à certains aspects au moins rle la
position espagnole.
Et tout d'abord il convient quc j'indique clairement la Cour que
le Gouvernement belge range les thèses formuléespar DI. le juge Fitz-
maurice dans l'ordre suivant, que mon bref commentaire n'aura pas
de peine à justifier. Nous placerons en tête la thèse énoncée sous le
no IV; puis viendra celle formulée,sousle no III. Elles seront suivies des
thèses portant les noS 1 et II.
I'remièrement, j'aborde donc mon premier point en rappelant les
terines de la thèse reprise sous le chiffre IV dans la question de M. !e
juge Fitzmaurice. II y est dit: «Positivement une règledéfiniede droit
international permet à un gouvernement d'exercer activement une
telle protection.a «Une telle protection »,cela signifie la protection des
intérêtsdeses ressortissants actionnaires d'une sociétéétrangère.
A ce sujet, le Gouvernement belge part du principe fondamental
que tout Etat, en vertu du droit des gens, a le droit de protéger ceux
de ses ressortissants lésésdans leurs biens, droits et intérêts parun acte
intemationalement illicite d'un Etat étranger, sans qu'aucuiie discrimi-970 BARCELOSA TRACTION

nation ne puisse êtreopéréeentre ses ressortissants suivant la nature
de ces biens, droits ou iiitérêts, d&sl'instant ou leur nationalité est
établie.
Au nombre de ces biens, droits et intérêts peuventfigurer ceux qui
s'attaciient àla qualité d'actionnaire d'une sociétéétrangère.
En conséquence, leGouvernement belge ne voit pas ce qui pourrait
lui enlever le droit d'assumer la protection de ses ressortissants qui
sont lésésdans les biens, droits et intérêtsqu'ils possèdent en tant
internationalement illicite.éétrangère qui a étévictime d'un acte
Le Gouvernement belge a signalé,tant dans ses écrits que dans ses
plaidoiries, que ce principe généralde droit international en matière
de ~rotection a éte reconnu et a~~liaué en faveur de ressortissants
3cti'onnair~sde soci~tés6tr;ingéresTani pliisiriirs [>récé~lena trbitraux.
dans la pr.iriqiic,des gou\.emements et dans de iioriil~rciis traités dc
nature viriéeconclus entre les Etats au cours des quelque cinquante
dernières années.
Le Gouvernement belge soutient donc que le droit des gens reconnaît
à un Etat le droit de protéger ses ressortissants actionnaires, et qu'il
ne s'agit pas la d'une règleparticulière dérogeantaux principes généraux,
mais au contraire d'une appl..ation des principes gén6raux i un cas
particulier.
Pour le Gouvernement belge, la situation est donc simple. II estime
avoir prouvé à satisfaction de droit, nonobstant les contestations soule-
véessur ce point par la Partie adverse, que les actions de la Barcelona
Traction a~..rtiennent. dans leur écrasantemaiorité.ides ressortissants
I>clges,persoiiiir~pli!..iqucs ou mordes; ilall@c ;tu foiid que des actes
iiiteriiationnlemrrit illicites cles aut0riti.s adi~iinijtr~ti\.es et iudiciaires
de l'Espagne leur ont causé, en tant qu'actionnaires de cetie société,
des dommages considérables et qu'un lien de causalité existe entre les
actes et omissions de ces autorités et le dommage subi. Dès lors, le
Gouvernement belge estime avoir le droit de les protéger par la voie
dipDeuxièmement, le Gouvernement belge estime en deuxième lieu qu'à
supposer - pure hypothèse de notre part - que les conséquences
déduites ci-avant des principes généraux n'aientpas trouvé jusqu'ici
de confirmation formelle dans la doctrine, dans la jurisprudence, dans
la pratique des gouvernements. dans les traités, L'examen du droit
international conduit au minimum à la conclusion décritepar sir Gerald
Fitzmaurice comme négative et qu'il a libelléecomme suit:

cNégativement - aucune règle de droit international n'interdit
actionnaires d'une sociétéétrangère; 1'Etat demandeur est donc
fondé à le faire»

En sens contraire, le Gouvernement espagnol soutient qu'enprincipe
le droit international refuse à tout gouvernement le droit de présenter
une réclamation en faveur de ses ressortissants qui sont actionnaires
d'une sociétéétrangère mêmes'ils y détiennent une majorité ou p
occuwnt une ~osition de contr6le.
tlÔur arrive; i cette coriciiisiunleG,,u\.erncmcnt dçfendeur préteiid
se fonder sur le; principes g2ncraus du druit international en niatiére
de protection diplomatique. Ln actc illicitt- iriternational nc peut. DUPLIQUE DE M. SAUSER-HALL 97'

suivant le Gouvernement espagnol, faire naître un droit de protection
aui a étédirectement viséeou atteintee ailed dintctë.ysique ou morale
' 1.e Gouvcriicnierit belge conteste f~rnielleiiic:iitcctti. iiitr.rpr?tatiun
des priricipc; g6iiCraiix <lu droit international ci p3rticuli?rcinçnt
l'appiicatiôn quon prétend en faire au cas du dommage causé une
sociétécommerciale, ce qui équivaudrait à reconnaitreune règle générale
prohibitive du droit de protection des actionnaires.
Le Gouvernement belge a développé à l'appui de sa contestation
les arguments suivants:

I.un mêmeacte illicite international peut constituer une violation
du droit international simultanément à l'égardde plusieurs Etats;
z. l'Etat national de la personne contre laquelle l'acte illicite a été
au premier chef commis, n'a pas un droit exclusif ni mêmepréféren-
tiel à la protection diplomatique de tous les intércts qui auraient
étélésés par ledit acte;
3. ilen est particiilièrement ainsi quand l'acte illicite frappe une société
commerciale dont les actionnaires n'ont pas la nationalité, le droit
international permettant pour les besoins de la protection diplorna-
tique la recherche, demère le voile de la personnalité juridique,
des personnes qui sont effectivement lésées;
4. 1'Etat défendeura étéincapable d'invoquer un seul précédent carac-
téristique dans lequel un Etat se serait vu refuser le droit de protéger
ses ressortissants actionnaires d'une sociétéétrangère;
5. du moment que 1'Etat défendeur admet qu'un droit de protection
existe au profit de l'Etat national des actionnaires lorsque la société
léséea la nationalité de 1'Etat auteur du dommage, ilreconnaît par
là nécessairement que son affirmation première est mal fondée et
qu'un acte illicite commis à l'égardd'une sociétépeut faire n?ître
un droit de protection en fave<r de 1'Etat national des actionnaires.

En conclusion sur ce point, le Gouvernement belge estime avoir
demontré que l'Espagne ne peut pas invoquer les principes généraux
du droit international pour ré tend render une règle prohibitive
généraleexcluant le droit de protection des actionnaires. A défautde
pouvoir le faire, l'Espagne devrait donc, pour refuser le jrcs stands à
la Belgique, démontrer l'existence d'une règle prohibitive particulière
ce qu'elle n'a pas éfsen mesure de faire. la protection diplomatique,

[Audience publiquedu 15 mai1964,matin]

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je vous ai donc exposé
hier la première these belge qui est donc basée sur le principe genéral
de la protection nationale des nationaux belges sans discrimination,de
leurs biens, droits et intérêts,lesquels comprennent aussi leurs droits,
biens et intérêts dansune sociétéanonyme étrangère.
Je vous ai exposéausi la deuxième thèse belge en relevant que si
ce point ne pouvait êtreretenu par la Cour, il faudrait reconnaître au
moins qu'aucune regle de droit international n'interdit la protection97' BARCELOSA TRACTIOS
des actionnaires par leur Etat national, lorsqu'ils sont léséspar les
atteintes au droit d'une sociétéétrangère.
Troisièmement. j'aborde ainsi la troisième partie de ma plaidoirie
qui concerne la thèse exposée sous lechiffre 1, dans la question de sir
Gerald Fitzmaurice. Avant de la répéterpour la facilité de la Cour
dans les termes dans lestluels elle a étéformulée,il convient de rappeler
qu'elle était précédéed'uiie phrase introductive. Celle-ci évoquait le
systkme de 1Etat défendeur qui nie le droit de protection de I'Etat
national des actionnaircs, mais elle contenait l'adjonction, la mention
suivante - je cite:

«sauf peut-être dans certaines circonstances exceptionnelles, dont
le défendeur prétend toutefois qu'elles ne sont pas réaliséesen
l'espèce1).
Voici maintenant les termes de l'exposéfait sous le chiffre 1:

a11 y a dans la présente es &cedes circonstances spéciales qui,
si elles ne laont pas relever cefl'exception éventuellement adniise
par l'Etat défendeur, suffisent cependant à la faire échapper la
règleordinaire, àsupposer que cette règlesoit bien celle que formule
1'Etat défendeur - bref, ily a d'autres exceptions à la régleque
relève d'une ou de plusieurs d'entre elles.i) et la présente espèce

Comme l'indique clairement la phrase introductive qui précèdecet
exposé, c'est 1'Etat dkfendeur, I'Etat espagnol, qui prétend que la
protection des actionnaires par leur Etat national n'est possible que
dans certaines circonstances spiiciales, c'est-à-dire, en d'autres termes,
qu'elle n'est admise qu'en vertu d'une règle spéciale dérogeant à ce
que l'Espagne considère comme le principe généralqui est donc pour
elle la protection par 1'Etat national de la société.L'existence d'une
telle règle spécialeest admise par 1'Etat espagnol, notamment dans
les cas où se trouvent réunies les deux conditions suivantes auxquelles
elle attribue un caractère cumulatif:
I. la société lésé aela nationalité de 1'Etat auteur du dommage:
2. la sociétélésée se trouve dissoute et liquidée.

L'Espagne soutient en outre que la protection des actionnaires serait
actionnaires.issible en cas d'atteinte directe aux droits propres des
C'est sous la réserve essentielledes thèses eénéralesaue i'ai ex~osées
au début de la présente plaidoirie hier, queYle ~ouvekement hdge a
abordél'examen des prétendues circonstances spécialesdans cet exposé,
circonstances dont liréunion serait nécessairesuivant le Gouvernement
défendeur pour donner ouverture au droit de protection de i'Etat des
actionnaires.
En ce qui concerne la double condition dont la réalisation simultanée
est posée en règle par i'Espagne, ces deux conditions étant, je vous
le rappelle, que la sociétéait la nationalité de l'Etat auteur du dommage
et au'elle se trouve en outre dissoute et iiauidée. nous avons montré
que'le caractere cumulatif que nos adverssres voudraient vous faire
admettre ne trouve aucun appui. aucun fondement dans les précédents
qui ont étéanalysésdevant <6us. DUPLIQUE DE JI. SAUSER-HALL 973

Quuiit 1 I:i prciiiii.rï coitilitiuii, prisi~<il;iit~rt1%G : OUVF~III.III~II~
I~elgccroit voiii ;i\,oir ,l;,niontrti quc Ju iiiunicnt qu'on arlmcr Id protcc-
tioii dts açtionii:iir~~.(ilanle:<:;isoù In soci~t<:I&ie a Ic statut ii;ition:il
dr I'Etst auteur dii iloiiima~e. on est aiiitnk, par identit; (le rnotifi.
par Icj riiccssitcsd~.la lopi<lue.~i~rlesysthme mtme :i<loptCpar I'l-jp.iyné,
et en ouelune sorte a lorti~wr.:tI'adiiirttre i-calrriicrit daiis Iccas oit1.1
societé'alestatut d'un Etat tiers.
Quant à la condition suivant laquelle la sociétédevrait se trouver
dissoute et liquidée, nousavons soulignéque si elle se trouvait réalisée
dans certains cas analysésdevant vous, elle ne pouvait cependant être
cette condition érigéeen règlede droit des gens, tout au moins dans la
forme stricte fondée sur des conceptions de droit interne en matière
- -lioAidat~~-~~e soci~~ ~ ~ommerciales.
Pour justifier laprotection des actionnaires par leur protecteur naturel,
c'est-à-dire le gouvernement de l'Etat dont ils sont ressortissants. il
suffirait, de touie évidence,que la sociétésetrou\~ât paralysée ou prati-
quement défuiite. Or, si tel était le système qui devrait avoir les pré-
férencesde la Cour, elle n'aurait. comme nous l'avons montré. aucune
peine, en examinant les circonstances de l'espèce, à coiisidérerqu'une
telle condition serait réaliséedans le cas de la Barcelona Traction.
En ce qui concerne la troisièinc condition, celle relative à l'exigence
d'un dommage direct causé au droit propre des actionnaires, la Cour
constatera encore une fois que les précédentsqui lui ont étéexposés ne
~ermettent Das d'établir l'existence en droit international d'une règle
;.n ce scris,fcrapp~:lleraien ouric ~IIC nuus svoiii iiioiitréà la Coiir Jsiij
nos oi1içrv;itioiis~:tioilciusioni (1, 11.rSr-rS2l <:o111111c ~illltI't:jllI:L
riiaiiiérr.dont 1;iJCiiossr.~ciorie la I<~rceIona1'r:i~tio11i~\.:iiet<:rcaliilic
avait Iiieii, siriiiilianémcnt. du m;me coiip. atteint dircctemciit Ivs

sociaux.airés belg~sdc 1.iIl.irceloiia Traction dans lcurs rlroitj et iiirzrtts

II est vniorv, iI:in.1c.icoiiclusioiij du Goiivcrneniviit déiciidcur, uii~.
iIcriiiFre rcstriction i~udroit de protcctioii di: I'litar des Iictionii.~ir<;:
c',.;t cellc atu est rcl~itiiçl'attitude adoptCc cn kiit par I'litat iiatioii,il
de la socié{é quant à la protection de ce&-ci.
Dans la mesure où la Cour serait disposée à admettre que la règle
de la protectioii des actionnaires, se justifie par le souci qu'aurait le.
droit international d'assurer que des intérêtslégitimes Mséspar des
actes contraires au droit des gens ne puissent se trouver dé ourws
de toute protection, vous pourriez, Monsieur le Président et dssieurs
de la Cour, êtreamenés à considfrer que vous devez, pour arriver à
une décisiondans la présente affaire, examiner quelle a étél'attitude
du Gouvernement canadien.
Ici, je me permettrai de me référer l'exposéde mou collègue et
ami, M. le professeur Lauterpacht, tel qu'il vous l'a fait au début de
sa réplique. Je pense qu'il vous aura convaincus qu'en l'espèce,si le
Gouvernement belge n'était pas intervenu, les actionnaires belges de
la Barcelona Traction se seraient trouvés ulivrés à eux-mêmes»pour
reprendre l'expression si suggestive du ministre des Affaires étrangères
d'Espagne, rapportée par l'ambassadeur de Belgique. Or, les dangers
d'une abstentioii totale de protection diplomatique sont incomparable-
ment plus grands que les inconvénients pouvant résulter d'une double
protection diplomatique.974 BARCELOSA TRACT103

J'aborde maintenant la question des autres exceptions a la règle
invoquées ar l'Etat défendeur, pour reprendre les termes utilisés par
sir Gerald fl'itziuaurice, exceptions dont le Gouvernement belge préten-
drait qu'elles se trouvent réaliséesdans la présente es èce
Le Gouvernement belge a en effet indiqué à la E>our'quesi, à son
avis, le droit de protection qu'il invoque dans la présente affaire se
fonde sur les principes générauxde la protection diplomatique, il était
concevable que la Cour n'estime pas possible de formuler la règle dans
I'Etat des actionnaires, dans tous les cas, quelles que soient les circons-
tances.
A cet égard, nous avons notamment fait valoir qu'on concevrait
mal qu'un Etat protège un de ses ressortissants, actionnaire d'une
sociétéétrangère, alorsque celui-ci n'aurait dans la sociétéqu'un intérêt
insignifiant. De méme,il peut paraître excessif de permettre A l'Etat
national des actionnaires d'intervenir quelles que soient la nature et
l'étenduedu dommage qui a étécausé àla société.Ce sont là des limita-
tions possibles du droit de protection des actionnaires qui ne se fondent
pas sur des considérations juridiques bien strictes, mais plutôt sur le
bon sens, sur la nécessitéd'éviter,dans l'intérêtesrelations entre Etats,
des multiplications des interventions diplomatiques qui seraient insuffi-
samment justifiées. Elles résulteront d'aiüeurs, le lus souvent, de
l'attitude des Etats eux-mêmes,qui s'abstiendront 8 e prendre fait et
cause pour leurs ressortissants quand ils estimeront que cela n'en vaut
pas la peine.
Ne pouvant exclure, cependant,que la Cour estime ne devoir admettre
le droit de protection de l'Etat national des actionnaires qu'avec cer-
taines restrictions, limitationset nuances, le Gouvernement belge a
désiré rappeler à la Cour les circonstances propres à l'affaire dont elle
est saisie et qui semblent au Gouvernement belge exclure la possibilité
que le jus standi de la Belgique se trouve écarté par l'application d'une
règle restrictive que la Cour énoncerait. A cet égard, il s'est réferé
notamment à l'importance considérable de la participation belge, au
fait qu'un ressortissant belge possédait à lui seul un nombre d'actions
tel qu'il exerçait un contrôle absolu sur la Barcelona Traction, à la
circonstance aussi que les mesures prises à l'égard de la Barcelona
ses moyens d'action, tandis que du jour au lendemain les titres desede
actionnaires ne représentaient plu que le néant.
Quatrièmement, il me reste. Monsieur le Président et hlessieurs de la
Cour, à traiter dans cette quatrième partie de ma plaidoirie la thèse
exposée sousle chiffre II par M. le juge Fitzmaurice. J'en rappelle les
termes:

<La auestion n'est DasrégieDarune seulerèel- essentielle dedroit
int~rnati011n1.0~1'.jlen a iinej:t~ricurc,t iiicertnine ou peu claire.
Dnns ces~.oiidition>.InCourdoit ii~oncerla riglr od iclaisaitençur.
en tentiiit cciiipte de consid6rstioiis d'Gqiiitéet du biendet 1'111-
tbrçt de la coninlunâutC internationale: ou subsidiairement elle doit
appliquer des considérations de et ordre A la déterriiinntioii dla

Tout en invoquant A l'appui de sa thèse les principes générauxdu
droit, le Gouvernement belge est parfaitement conscient, et ill'aindiqué DUPLIQUE DE M. SAUSER-HALL 975

à la Cour, que les conditions dans lesquelles ces principes généraux
doivent s'appliquer à la protection des actionnaires n'ont pas encore
étésuffisaminent préciséesou uniformiséesdans la jurisprudence et la
pratique des Etats. La Cour elle-mêmen'a pas encore eu l'occasion de
se prononcer à cet égard. La Cour sera nécessairement amenéedans la
rése enteaffaire à devoir réaffirmer les vrincives oui gouvernent la
matière et à les appliquer àl'espècedont elfeest ;aisie.'le Gouvernement
belce ne sug~èreaucunement que la Cour se prononce en équité,au sens
de 'éxaeuuo-2 bono. mais seuleÏÏient que dans sa formulati6n des r&cles
du droitinternational et dans leur application à la présente affaire ëlle
tienne compte, dans toute la mesure où le droit des gens et son propre
statut le lui permettent, des considérationsd'équitéau nombre desquelles
figurent notamment les exigences actuelles de la communautéintematio-
nale.
Parmi ces exie-nces il faut mentionner la nécessitéde garantir les
in\,estisseménts interri:itiun;tuu en tcnnnr compte de l'cstr~ilnedi\,ersité
que peuvent préseiitzr. d'une part, la détermination (le I;inationnlir6
dcs ,ociCtr:sdans les cr:tii<ljcomvlescs finaiiciçrsctiiidiiitriel~ tic notre
temps et, d'autre les difficiltés résultant de la recherche du degré
de l'appartenance effective à leurs Etats respectifs de sociétés à grand
r~v.~ d'action international et dont les établissements dans des Etats
(liiers suiit fr~qucnimeiit irnl>riqu;s les uiis dans Ics iiunitypoint que
1'Et;itnynrit le droit de leur accortlci:i~~rotectiondii~lomatiquene iltut
pas êtredéterminépar des règlesrigide<
Il appartient aux juges soit de formuler une règle généraleassez
souple pour pouvoir êtreappliquéedans les cas méritant protection, soit
de tenir compte des particularités propres à chaque cas qui lui serait
soumis.
En d'autres termes, si l'application des règlesde la protection au cas
particulier de la Barcelona Traction semble ne pas préseiiterde difficultés
sérieuses,la Cour sera certainement attentive à ne pas énoncerles règles
applicables d'une manière qui risquerait d'êtretrop étroite.
J'ai répondu, Monsieur le Priisident, aux questions poséespar M. le
juge.Fitzmaurice, j'en ai profité pour vous résumer la position de la
Belgique. J'espere ne pas avoir abusé de la patience de la Cour, avoir
réussi à être coriciset surtout à être clair,car si la clarté, comme le dit
Vauvenargues .est la bonne foi des philosophes>relle est aussi la bonne
foi du jurisconsulte.
Je vous remercie respectueusement de l'attention que vous avez bien
voulu m'accorder. DUPLIQUEDE M. ROLIN
CONSEIL DU GOUVERNEMEXT BELGE

[Audience publique du rg mui 1964, malin]

Ilonsieur le Président, Xlessieursde la Cour, après le doyen d'ige de
l'équipedes défenseurs de la thèse belge, dont vous aurez sans aucun
doute admiréla vigueur, il appartient au vice-doyen d'âge deprendre la
parole le dernier, et vous ne serez sans aucun doute pas les seulsàvous
réjouir que ce soit, sauf imprévu,le dernier orateur dans ces débats qui
ont sans aucun doute dépasséde loin, je crois, la durée des affaires
antérieures.
Au moment de répondre à la réplique de mon éminent collègue le
professeur Malintoppi, j'éprouve, je l'avoue, un certain embarras car
si mon estimécoiitradicteur a multipliéàmon égardlesmarques d'estime,
ce à quoi je suis naturellement très sensible, il a d'autre part traité
uniformément tous et chacun de mes arguments avec un égal mépris.
Un tel contraste n'est pas en soi surprenant. Ce qui m'a étonné,c'est
l'uniformité de l'attitude adoptée par la Partie adverse à l'égard des
idéesquej'avais l'honneur d'exposer. J'ai sans aucun doute pu commettre
des erreurs; mon adversaire les a soulignées,les a proclamées, les a
claironnées, en a gonflédans la mesure du possible l'importance; tout
cela était de bonne guerre. liais ce qui m'a davantage surpris, c'était
qu'il faisait montre de la mêmecertitude et qu'il adoptait le mêmeton
doctoral dans l'exposé d'arguments valables, l'exposé d'arguments
douteux, mêmedans l'exposéde thèses qui manifestement étaient en
contradiction avec les données du dossier. au point même parfois
d'êtrecontraires au bon sens.
N'a-t-il pas poussé le zèle jusqu'à exprimer, à propos du jugement
déclaratif de faillite, après nous avoir dit qu'il n'entendait.nullement en
discuter le bien-fondé (voir ci-dessus,p. 608).quecette décisionétonnante
était «entièrement conforme à la loi espagnole et parfaitement justifiée
au point de vue logique o.
Je nesuis pasconvaincuque detellesexagérationsaugmentent l'autorité
d'un plaideur et servent la cause qu'il défend; je croispefsonnellement
au contraire qu'on a plus de chance de se faire entendre si l'on s'efforce
de comprendre l'adversaire et de le faire comprendre, pour ensuite tâcher
de distinguer dans ses exuosésla uart d'erreur et la part de vérité.C'est
en tout &s dans cet esl>;it que jt. ioiiipte aborder poiir la dcrniérefois
les tliCjcs dé\,elu11pCi:sar It C;uii\t~rncm~ntespagiiol& l':il~piiidi:i
quatrième excepG6n préliminaire. - ~

devoir rencontrer, en réplique, les brèves observations que j'avais for-

muléessur la théorie du droit relatifà l'épuisement des voiesde recours
interne en ce qui concerne les limites êtles conditions qui, en droit
international, viennent qualifier l'obligation d'&puiserles voiesde recours DUPLIQUE DE M. ROLIK 977

interne qui est faite aux individus soucieux d'obtenir la protection
judiciaire de leur Etat national. II va de soi que, dans ces conditions, je
~ ~ ~is Dasnon olus v revenir.. ,ame borne à es~rimer le veu oue la Cour
aura p&seuts àia mhoire ces quelques rappeis que j'ai cru pouvoir lui
faire, lorsque dans son délibéréelle va examinerla valeur des recours qui
ont étéeffèctivement utilisés Darles intéresséset oui a étécontestée.-et
d'autrepart le manque de pertinence deceuxque,sui;ant le~ouveriiement
es~aanol, les intéresses avaient à leur disposition et qu'ils n'ont pas

~~~ .
homme noimal, de ce bonus)ate~/unziliasq&; de mon temps, comme une
figure sympatliique et rassurarite, tenait compagnie ailx étudiants en
droit dans le début de leurs études.
Cela dit, j'aborde sans autre préambulel'application que le Gouverne-
ment espagnol a prétendu faire de la règle d'épuisement des voies de
recours interne à la présente affaire; et je vais, conformément à ce qui
fut fait de part et d'autre dans les précédentesplaidoiries ue la Cour
a entendues. m'occuper tout d'abord de la question à l'égar% des gr@
formuléscontre les décisions ou omissionsreprochées àcertaines autontés
administratives, avant de m'occuper des griefs relatifs aux décisions
judiciaires.
Pour les unes comme pour les autres, ilme paraît utile de vérifier
d'abord quels sont, actuellement, lesgriefs formuléspar le Gouvernement
belge, afin de voir ceux d'entre eux qui auraient éventuellement dii
fairel'objet des recours dont I'existeiiceet l'efficacitéseraient démont~ées.
Ainsi que je l'ai indiqué déjàdans ma plaidoirie du 21 avril (voir ci-
dessus, p. 610). les actes des autorités administratives dénoncésdans
la requêteet le mémoire belgescomme entachés de discrimination et
comme ayant convergé avec l'action des autorités judiciaires, sont au
nombre de quatre.
Nous indiquions comme tels les refus d'autorisation opposés aux
modalités d'esécution du plan d'arrangement convenu entre la société
et ses obligataires; le réquisitoire injuste prononcéaux Cortèscontre la
société BarcelonaTraction, en décembre1946, par leministre de l'lndus-
trie et du Commerce, LI.Suanzes; la désignationen 1950.comme membre
d'une commission internationale d'experts, d'un homme connu pour être
à la solde de hl. hlarch (il s'agit en l'espècede l'expert Andany); le
traitement de faveur accordé A Fecsa pour l'exécution du cahier des
charges afféreiità l'adjudication qui lui avait été octroyée(en contraste
avec la rieueur du traitement inflieédans cette matière au eUAuDe de la
~arceloni Traction)
J'ai montré à la Cour, lors de mon intervention précédente,que pour
les trois derniers eriefs laestion de l'éventualitéd'unrecoursne oouvait
mêmepas se ~ommécette démonstration nes'est heurtée,d&lapart
de la Partie adverse, à aucun essai de réfutation, mêmepas à une déné-
-ation..,e crois ouv voirconsidéreraue la chose est admise. La auestion
se limite donc de savoirçi, en ce qui. concerne les d'écisions
administrativcs refusant à Barcelona Traction ou AEbro les autorisations
iiCce;;.iiic; 1111irI'~~x<:i:tcles l>l:ins.I';innngcmcnt con!.cnus tntrc
13arccluii;il'rnction ctstsol~ligatiiires,lz gruiilir dv H:~cçlun;i Trn~tlon
a n(.gligciI'iitiliser Icsremcdes t,fficnsesqiie lui aurait offerts 13législation978 BARCELONA TRACTION

espagnole, ce qui rendrait le Gouvernement belgeirrecevable à arguer de
ces griefs devant la Cour.
Avant de démontrer une nouvelle fois à la Cour la parfaite légitimité
de l'attitude du groupe de la Barcelona Traction en l'occurrence, qu'il
me soit permis de relever l'extraordinaire explication que le Gouverne-
ment espagnol a cru pouvoir donner de cette prétendue nérlieence. --
Jc lis (vbif ci-dessus,p. 791) :
«La Barcelona Traction ne s'est mêmeDas donné la veine de
recourir contre le refus d'autorisation; un tel recours, 'selon la
BarcelonaTraction, aurait été bienmoinsefficacequ'une intervention
diplomatique. i>

Voussavez, hfessieurs.au'en cequi concerne aussi lesrecours iudiciaires
le gouvernement s'efforce'derépan'drela légendeque ~arcelona Traction
aurait négligéles recours judiciaires pour se fier exclusivemerit à des
recours &oiomatiaues au;. effectivement. sont intervenus aussitbt.
sans retard mais cbncurÎemment. Mais en'ce qui concerne la question
des décisionsadministratives,il n'y a mêmepasun semblant d'exactitude
dans l'observation qui nous est fde, puisqu7iln'y a pas eu d'intervention
diplomatique, ni belge, ni canadienne,en cequi concernelerefus opposé à
l'exécutiondes plans d'arrangement.
Monsieur le Président, en préparant l'exposéque je comptais faire
à la Cour sur la question des refus d'autorisation en matiere d'exécution
du plan d'arrangement, j'ai eu, je ne le cache pas, le vif désirde pouvoir
rencontrer l'argumentation développéeau seuil de ces répliques, par
mon distingué collègue. le professeur Reuter. C'était eneffet cette fois
non plus sous forme d'une cinquième exception nouvelle aui n'osaitoas
dirc 5011nom. m:iii c'6t;iitespr&scmcnt au Cliarde la quatri&mce\-cel>&uii
prclimin:iire1111'Ic professeur Reuter :iccrocli:iit son pçtit fourgon qui
contciinit les objer\.atioii-. :irlilitioniicllei ciir 1,:s<liiestionsasscz mvste-
rieuses. fiscales et autres. au'il avait traitées au-début d~ ~ ~-~~bats.
Je n'ai évidemmentpas la prétention de suivre mon éminentcollègue
dans les très séduisantes variations poétiquesdont il a accom~aanéson
ex~osé:mais la sim~le. .litessem'imvosâit de rencontrer les ~$s ~ ~ au'il
ex'posait, tout au moins dans la meiure où je pouvais leur décoLvrir
quelque pertinence avec la quatrième exception. Cela n'a étémalheu-
Ïcus&ient quç riirenieiit lecas. Je note. en cHet. que la pliis grande partie
de I'esposéqiir In Cour a entendu le 27 a\.riI a Gt; consacréei l'examen
des décisionsrel;iti\.~snon pu aux plniii d'arraiir(eiiiciit. mais nux refus
de devises auxau.ls. à diverimoments. leer-.ve de la Baice~ ~ ~~~action
s'estIieiirt6dans les annéesig~o-I')~+ et mime 11it.nant~rieiirement L'n
exiiiicn de 13 dociim~nt:itiuii re1:itii.v.2ccttt: ptAriodz:i:iiiien6mon vstinir.
contradicteur à la conclusion aue l'administrâtion es~aenole manifesta à
cet égard une attitude de en plus hostile à l2ég;rdde la Barcelona
Traction, raison des soupcons de plus en plus craves aue faisaient
naître les renseignements Ïécueillis,ët davantage encore lis réticences
- les prétendues réticences - du groupe de la Barcelona Traction.
Or cette argumentation fourmille d'erreurs de fait qui m'ont été
montrées noir sur blanc par d'anciens dirigeants belges du groupe de
la Barcelona Traction, grsce auxquels j'ai pu me retrouver dans ce
fatras de documents, dispersés entre les nombreux volumes d'annexes
aux exceptions préliminaires de 1960 et de 1963. Et les conclusions
auxquelles je suis amvé sont que M.Reuter, qui n'avait évidemmentpas DUPLI()UE DE M. ROLIN 979
à sa disposition la mêmeassistance que celle dont je bénéficiais,a versé
dans des erreurs certaines. Illais, je le demande,à la Coiir, serait-il raison-
nable, arrivé à ce stade des débats.que je sollicite la permission de consa-
crer à mon tour une couple d'heures supplémentaires qui me seraient
nécessairespour procéder à la réfutation détailléed'une argumentatioii
dont. sans aucun doute. la Cour ne pourra pas s'occuper lorsqu'elle

il6libcrer;i siir In qiintriCme uccptioii? je nr Ic<:roispas. '
\lonsieiir le t'résid,~rit\,lraijit:urs de la Cotir.eul apport :ipparcnt du
~rnfesseiir Reuter :tIn qiicsrioii des rïcoiiri, iioii ri:tscontre les <li.rijions
Pelatives aux devises, mais contre les décisionsadministratives relatives
au plan d'arrangement doit, nie semble-t-il, êtrerecherchédans l'exposé
qu'il nous a fait, selon lequel il y aurait en matière de devises et donc,
vr~ ~~ ~~~~~~~~-~~aussi dans sa ~ensée.en matière de décisionrelative
à notre plan d'arrangement, un partage de compétences à l'intérieurde
l'administration. tout au moins dans les années1940-1946.. l'e-croire.
il y aurait eu trois instances compétentes.
Primo. l'Institut espagnol de monnaie étrangère, auquel imcomberait
l'appréciation économique; c'estcelui que j'appelle en abrégél'I.E.hI.E.
Secundo, la Commission pour l'étude des comptes des titulaires
étrangers immobilisés, qui serait chargée, dit-il, de l'appréciation sur
le fond, c'est-à-dire sur la question de savoir si la dette, la créance,
satisfait à certaines conditions de certitude, de réalité.
Tertio, et dans les cas les plus importants, la mêmecompétence
appartiendrait à la direction généraledu contentieux de 1'Etat.
Le professeur Reuter relèveque dans une lettre adresséepar 1'I.E.Il1.E.
à 1'Ebrole 13 avril 1943, un refus de devises s'accompagna de la motiva-
tion suivante:

cSous verions(le reic\.oir un comiiiuniqu? de InCuniinission pour
I'ttiide dcs coriipt~:i titiiltiires Gtraiigtrj blo~iiCî, i 1;iqiiclle I:i
icqiikte [leccttc sucir't; fut soiiriiise; ii(>ii-r.rxrt:ttuns de devoir vous
informer quc d :iriord :ivec le rlpporr émispar ladite Coinrnisjion.
ilnous est im~ossihl~~ polir le moment d'aiitoriser le verssrnerit t:ii
monnaie étra&re. » A

La conclusion que X. Reuter en tire (voir ci-dessus, p. 688) c'est que
1'I.E.hf.E. ne changerait pas d'attitude tant que - je cite: ala
-~tuation ne ~er~ Dasréelé~. à l'é-ardde la Commission a.
Ce qui sans do;ite, dnni 53 pensée,sigriilic utarit qiie des inforrn;itions
coinl>l;rncnr:iirr.îii':iuroiit [):asét; donnécspar Icgroupe dt: I:iI3;~rccloii;i
Traction i ccttc conimisiion Doiir l'&tilded<.i iornr>tus des tituliiirei
étrangers immobilisés 1,
A mon grand regret, je dois constater que cette partie de l'exposéde
mon estimécontradicteur est à nouveau erronée.Sans doute existait-il,
à côtéde 1'I.E.Af.E..une commission pour l'étudedes comptes des titu-
laires étrangers immobilisés; mais il s'agit là d'un organe purement
consultatif. interieur à l'administration es.aa..le. avec leauel les tiers
n'ont pas de rïpport. Qti;aiit i I:idirection gcncrnle du co~tcntieiix de
I'Etat, dont Inmissioiie;scniielle est d :issiircr Ind;fcnse de 1'Etat dwnnt
le, trit~tinaux, ÇIICcon>prend, il est exact, uiic section cli;irg6cde dunntr
iles avi; aux orgnncîdc I'nrlniiiiistr;itiuii(Ic 1'Jt:it qui les lui demandent;
mais ces avis sont Cgalenient puremerit coiisiiltiitifs et cette direcriun
généraledu contentiëux n'est pas davantage en rapport avec les tiers.
Dans quelle mesure, en l'esphce,il a pu y avoir, et sur quels points, une960 BARCELOSA TRACTION
consultation de la commission consultative ou de la direction générale,
nous l'ignorons, et cette question parait vraiment dépourvue de
pertinence.
Puis-je ajouter qu'il n'est pas exact que l'attitude del'administration
ait étémotivée par l'insuffisance des informations que lui donnait le
groupe? J'ai montré. dans ma toute première plaidoirie répondant à
Al.Reuter, qu'au contraire 1'I.E.KE. s'était montré satisfait, en 1943,
des réponsesqui lui avaient étédonnées,notamment en ce qui concerne la
fameuse sociétéauxiliaire International Utilities et les comptes qu'elle
avait à 1'Ebro.
Quant au inotif véritable du refus par 1'I.E.hI.E. de marquer son
accord pour les mesures d'exécution du plan d'arrangement, iliious
est révélé daris uii document que la Rnrceloiin Traction ne connaissait
pas avant ce procès, à savoir le rapport adressépar l'I.E.M.E.au ministre
qui est son président, le 3 juillet 1946. Ce document figure à l'annexe
no 1j4, p. 95 et suivantes du volume III des arinexes aux exceptions
préliminaires de 1960, et on y lit ce qui suit - je prie la Cour d'être
attentive à cette indication, car eue jette vraiment une lumière particu-
lièrement révélatrice. peut-on dire,sur l'ensemble de ce procès:

.Tenant compte de ce qui est exposéantérieurement, cet Institut
considère que la proposition qui est faite maintenant, ne doit pas
&ireacceptéepour les raisons suivantes:
10 [c'est le primo surtout qui m'intéresse]Parce qu'il ne s'agit
pas dc la nationalisation d'une entreprise aujourd'hui étrangére
[et le mot cinationalisation » doit être compris dans le sens de
«naturalisation »; il ne s'agit pas bien entendu de faire ,passer
l'entreprise aux mains de la communauté espagnole, mnis aux

mains de ressortissants espagnols] et dont les affaires reviendraient
à l'Espagne mais uniquement on obtiendrait le retrait d'obligations
émisespar une sociétéétrangère à l'étranger,et il faudrait faire un
important sacrifice en devises que les circonstances actuelles ne
conseillent pas et uour leauel il n'v a uas de ~récédent.étant donné
qii,., liizlii'i l~t<scotit ;i'si:iilc.taitdes ~l~?rnrioi~;'quricpréscn-
tait-i~tIRn~itroiixl~-.:~tin~Ji~~IcIILU' tut:il<:<I'inilustri;!ilsmsiiis
d'étrangers
1" 1';irceqiie Ic traiislcrt i I'Ctrang~r ilcs~)ri,rluitaotitcniis<IL.
I'rsl~loit:itioclc.:iff:iirrt iii~lustricscii1Ssp~gnepar ~lescompngnics
t;tr;irigii<ic.olri rst Ir cnzicia .iciilemt-nlivi:ictii~~lcinïivii\.çrtii
d'accords officiels avec les pays respectifs, accord qui n'existe pas
avec le Canada, dont 1'Ebro a la nationalité. et qui est la socikté
opérant en Espagne et dont les arrangements financiers avec
B.T.L.P. Co. ne nous regardent pas. II

Sans doute, Messieurs, dira-t-on que ces indications relèvent du fond
mémede l'affaire. La chose n'est pas douteuse, mais la Cour voudra bien
reconnaître que ces indications sont utiles pour comprendre la relation
exacte dans laquelle I'1.E.M.E. se trouvait à l'égarddu ministre. dont il
suivait manifestement les directives et pour constater la vanité certaine
de toute tentative qui eût étéfaite pour obtenir une modification des
décisions intervenues, à supposer qu'un recours hiérarchique existât.
Le professeur Malintoppi, au surplus, n'a pas repris dans son exposé
les indications du professeur Reuter quant au rblejouépar la coinmissionconsultative ou par la direction généraledu contentieux, mais il a cru
devoir relever dans les statuts de 1'I.E.hf.E. des indications le portant à
sroirc, ou plus pr(cisCincnt ilaflimicr, a.:irmon disring116cuiitiadi~ti:iir
ii'est 1ani:iij long i fraiicliIcdistance t:ritrï I'ti\~~otliet 1';iffirniatioii.
qu'nu sein dt,I'1.I-\11' il\ :i:i ~«tirlu prfsideiit dii iunseil il'adiniiii,tr;i-
don et du conseil d'adniinistration lui-mêine. des compétences réservées
nu directeiir gs',n;r:il,cc qiii vjt exacr, parmi Ics<luh&!r~rnieiitprGcis2-
ineiit Ics d?ci.ii~iii iii~riniiii:.iiir 1,.Ciot~\~~rneiii~.tv.g~c.c <(tivit
contesté.
Nous \roilàloin (voirci-dessus, p. 792)de la thèse qui avait étésoutenue
dans les exceptions préliminairessuivaiit laquelle c'étaitI'l.E.>I.E. tout
entier qui, en raison de son importance, devait étreassimilé à une direc-
tion généralede ministéreet, dèslors, se voir appliquer le règlement de
1935qui prévoit le recours hiérarchique.
L'argumentation espagnole n'est pas plus fondéesoussanouvelle forme.
LaCour, si eiie désireapprofondir cette question, trouvera le teste du
statut de i'1.E.Al.E. dans le Kectceildes lois administratives d'Espagne
de Medina y Maraiion, édition 1957, tome 1, livre IV, p. 499, dont un
exemplaire a étédéposéau Greffepour étre à la disposition des membres
de la Cour. Aux termes de l'article 6, il existe en dehors du directeur
généralet du conseil d'administration que présidele ministre, un organe
spécial qui est le président del'institut. Le président del'institut, c'est
aussi le ministre. Celui-ci possède, au titre de président, la direction
supreme et la surveillance en matière de devises et il peut exercer tous
les pouvoirs «qu'il se réserve spécifiquementet ceux qui par leur impor-
tance ou intérêtdoivent êtresoumis à la décisionministérielle » (je cite
textuellement le texte de l'article 6). Le directeur général a sans doute
dans sa compétence, comme l'a dit le professeur Malintoppi. les auto-
risations des demandes de devises formuléespar des particuliers, mais
mon estimécontradicteur omet de dire que. d'après le texte, il ne peut
lesexercer <~u~~~onforiiiirnc:nltux rfigleit.qiie la .$lrpprrortJ[c't.st-à-(lire
le ministr~] peut Iiidonncr ,..
S'nrisi,iiit (l'uni dcin;iii<lcd'ntirorii~tioii qiiivi>.iir11lii;,I'~~bti.ii-
tion 8e devises, mais touchait un problèmétout particülier, et ,d'une
importance considérable,il n'y a pas de doute que le cas tombait directe-
ment dans les attributions du ministre, soit que celui-ci agît qualitcitequa,
soit qu'il agît comme président de l'institut. J'ai à ce sujet donné, lors
de ma premihre plaidoirie, de nombreuses indications d'après les docu-
ments montrant la part personnelle considérable que le ministre avait
prise à toutes ces négociations. Il n'en aurait été autrement que s'il y
a\.ait eu délégation, maisdans cette hypothèse aussi, à supposer que le
règlement de 1935 pût s'appliqiier, il n'y avait plus place pour un recours
hiérarcliique.Xous rappelons à ce sujet le deuxième alinéade l'article 26
omis dans les exceptions préliminaires, soulignédans nos observations et
qui exclut formellement du recours hiérarchique les décisionslorsqu'elles
sont prises en vertu de délégations.
Au surplus, et ceci mettra le point final à cette partie dema plaidojrie,
nous avons produit, lors dema premièreintervention, un arrét du tribu-
nal suprême du 14 juin 1943.qui, de la façon la plus nette, exclut du
recours hiérarchique les décisionsdes organismes autarchiques. La Cour
notera que c'est le seul arrêtrelatif à la matière qui soit produit de l'un
oii l'autre côtéde la barre pour.la période de1945.1946où se situent les
décisions critiquées.982 BARCELOSA TRACTIOX
1.e professeur Malintoppi a, il est vrai, cru pouvoir écarter cette
décisionen disant qu'elle visait un organisme portuaire dont la gestion,
dit-il, est confiée à des représentants d'intérêtslocaux, alors que
l'I.E.DI.E. .est un organe relevant de l'administration centrale créépour
remplir une tâche d'intérêtnational 1).
Cette observation, Messieurs, est tout à fait exacte, mais elle est
dépourvuede toute pertinence, car la nature juridique de cette organisa-
tion est identique. C'est ainsi que le professeur Koyo Vilanova, actuelle-
ment recteur de l'université de Aladrid, dans ses Eléments de droit
administrat pubfiés à Valladolid en décembre 1952, tome 1, page 320,
établissant une classification des organismes autarchiques, cite en tout
premier lieu -je cite:

cles assembléesd'ouvrages portuaires, l'assembléedu canal d'Ara-
gon, le canal d'Isabelle II, etc., comme des exemples typiques de
services décentralisés, c'est-A-dire d'organismes dotés de person-
nalité juridique et de patrimoine propre ».

Le principe formulé par l'arrêt de 1943 Q propos des assemblées
d'ouvrages portuaires est donc un principe général applicable à tous les
organismes autonomes, ainsi que l'arrêtle constate du resteexpressément,
en sorte qu'il y a lieu d'admettre comme établi qu'en 1945-1946, pour
tous les organismes autarchiqucs dont l'I.E.M.E, lesrecourshiérarchiques
contre les décisionsétaient sans le moindre doute inexistants.
C'est donc à tort que mon estimécontradicteur a cru pouvoir dénoncer
notre attitude comme - je cite: .un exemple, une fois de plus, des
tentatives de la Partie adverse pour échapper d'une façon quelconque
aux conséquencesd'une omission que l'on ne saurait justifier r.
Il est vrai qu'à notre arrêtde 1943il a opposéune longue séried'autres
arrêtsdont le moins récent est du 24 octobre 1957, les autres étant du
21 mars 1959. 5 novembre 1959, xer décembre 1961,6 avril 1962. Ai-je
besoin de dire que, par leurs dates seules qui se situent 12 ans ou plus
après l'époqueoù le groupe de la Barcelona Traction se trouvait devant
les décisionsde refus d'autorisatio- 1945-1946-ces arrêtsne peuvent
en rien prévaloir contre l'arrêtde 1943 pour la détermination de ce
qui devait être admispar le groupe de la Barcelona Traction comme la
jurisprudence de I'époque. Encore poumons-nous ajouter que, dans
aucune des especes citées, le recours hiérarchique qui avait étéexercé
n'avait trait à des espècescomparables à celle qui nous occuDe et aue
l'arrêt du 5 novembÎe 1959, reproduit dans nos observations, exdut
formellementl'application à l'I.E.M.E. du règlement de 19~5qu-.prévoit
le recours hiérarchique.
Quant à l'argument que nous avons tiré de l'absence, dans les noti-
fications des décisions qui furent faites A l'époqueaux intéressés,de
l'existence d'un recours quelconque contre lesdites décisions, et ce
contrairement aux prescriptions formelles de la loi dans l'hypothèse
où de tels recours auraient existé,mon estimécontradicteur s'est mépris
sur sa portée. Il ne s'agit, bien entendu, pas du tout dans notre pensée
de dire que, de ce fait, la décisionde l'administration espagnole aurait
éténulle ou que le recours aurait encore étéouvert contre une telle
décision.Ce que nous entendions constater, c'est que si l'administration
espagnole elle-même, à cette époque. ne signalait pas l'existence de
recours. c'est que, Ason avis, pareils recours n'existaient pas; dans ces DUPLIQUE DE M. ROLIN g83

conditions, nous pouvons nous étonner que le Gouvernement espagnol
adopte aujourd'hui une attitude contraire.
Monsieur le Président, hlessieurs de la Cour, une conclusion identique
s'impose en ce qui concerne le recours de contentieux administratif
devant le tribunal su~rême.
1.e i;oii\.crneriient 'bclgcntr:lit rrlz\.;: <I.~nssu obseri,ations que la loi
dii contentieux administratif de 1594 cxcluüit expresj6iiicrit di1 rccours
ds cuntciiti~.ux:uiliniiiistr:~tiftsçuqui rcle\,;iit du pouvoir diicrétiori-
naire dc I'ndiiiii.i;tr.ition. I.L.Çou\~eriiriiieiit ~sp:iI>icn\.oulii eii
çoi.\.enir cn pl3iduii-ic ctà rioii~~~auin rL'pli-iic.rii:iij rriuri estin12
contradicteurme reproche d'oublier - je cite!

N que la 'urisprudence espagnole, ainsi que la jurisprudence de la
plupart d espaysont reconnu depuislongtemps que « discrétionnairei,
ne signifie pas aarbitraireP. nio manque d'objectivité n,ni «appré-
ciation erronée des motifs et des faitsn.

J'aurais des réserves à faire en ce qui concerne cette définition du
détournement de pouvoir mxis je pourrais surtout demander à mon
éminent contradicteur - et ce sont des raisons pour lesquellesje regrette
son absence tout en l'excusant pleinement - s'il pourrait nous citer
une seule décisiondu tribunal suprêmequi aurait annulépour détourne-
ment de ouv voirune décisiond'une autorité administrative - l'ex~res-
sion «depuis longtemps u est vbritablement trop vague - et je n'in ai
pas trouvé, si ce n'est dans les derniers tem. .aprb qu'une loi formelle
eut donnéce pouvoir.
Messieurs, ou ne trouvera notamment pas de décision. d'arrêt du
tribunal suprêmeannulant une décisionadministrative dans les deux
études du professeur hlartin Retortillo, parues aux volumes zz et 23 de
la Revista de Administracidn pziblicaauxquelles mon estimécontradicteur
a renvoyé. On ne trouve mêmepas dans cette note qu'il a pris soin de
signaler à l'attention de la Cour au début de l'audience du 5 mai après-
midi (voir ci-dessus, p. 783). C'est que précisémentle leitmotiv du
professeur alartin Retortillo est au contraire de critiquer la jurisprudence
parce qu'elle n'a pas fait ce que, d'aprèslui, elle devait et pouvait faire:
la censure du détournement de pouvoir. Et puisque mon estimécontra-
dicteur a pris soin de signaler une petite note qui contient effectivement
des références à une jurisprudence s'efforçant derestreindre quelque peu
les notions de compétence, afin de pouvoir indirectement procéder à
l'annulation sans jamais recourirà la notion du détournement de pouvoir,
pouvons-nous à notre tour signaler à la Cour, si elle consultait ces deux
revues, les pages133 à 136où l'auteur exprimetrès clairement la synthèse
de ses conclusions.
Au surplus, je vais demander au Gouvernement espagnol de bien
vouloir s'en référersur ce poiiità un auteur dont il ne contestera, sans
aucun doute, pas la compétence puisqu'il a fait appel notamment à lui
pour l'inscrire sur la liste de ses conseils. II s'agit de AI.Eduardo Garcia
de Enterria, professeur à la 1:acultéde droit de Madrid et maître des
requêtesau Conseil d'Etat. Uans un numéro plus récent de la même
de Enterria décritla censure des actes discrétionnaires détournés dubut
en vue duquel un pouvoir a étéoctroyéet il écrittextuellement ce qui
suit -je cite: g84 BARCELONA TRACTION

uUn apport technique qui provient du droit français, où il
existe déjà depuis plus d'un siède et qui a étéadmis tardivement
effet introduit pour la première fois la technique du contrôle des
pouvoirs discrétionnaires pour détournement de pouvoir, qui de
cette façon s'est curieusement introduite dans notre droit par la voie
légaleet non par la voie jurisprudentiellea

C'est donc exactement le contraire de ce ani a étéDiaidéDar le conseil
du Gouvernement espagnol. J'ajoute que, suivant mon information, il ne
s'agit pas là d'une opinion propre au professeur de Enterria mais d'une
chcse qui est unanimement-reèonnue par la doctrine espagnole.
Il ya une dernière circonstance dont il n'a pas étéfaitétat jusqu'ici
mais que je dois signaler i la Cour pour lui montrer que même si le
recourshierarchique ou le recours de contentieux administratif avaient
été à la portée du groupe de la Barcelona Traction. celle-ci aurait été
dispensée d'y recourir parce qu'elle ne pouvait en attendre aucun
résultat utile.
En effet, hlessieurs, cette circonstance décisive, la voici: il s'agit
d'une demande d'autorisation pour l'exécutiondu plan de compromis.
Ce plan de compromis c'était un accord entre la Barcelona Traction et
des obligataires. La Barcelona Traction, se heurtantà des objections de
l'administration espagnole, a cherclié par toute espèce de moyens
détournés à exécuter le plan de compromis dans les termes convenus
avec les obligataires mais d'une façon qui présentait moins de difficultés
pour l'administration espagnole.
président de la Barcelona Traction écritt dà 1'I.E.M.E. (et la pièce se
trouve aux annexes aux exceptions préliminaires de 1963,page 527) le
7 décembre 1946que la durée de validité du plan de compromis expire
le 14 décembre 1946. La lettre de refus de 1'I.E.hI.E. est datée du
14 décembre 1946. A cette date, hlessieurs, le plan d'arrangement, la
convention conclue avec les obligataires arrivait à expiration, elle ne
pouvait plus êtreexécutée à moins d'une prorogation du délai et la
Barcelona Traction n'avait pas de chance d'obtenir des obligataires une
nouvelle prolongation du délai, vu que dans l'intervalle Juan March
était devenu le possesseur d'un grand nombre d'obligations. Ainsi, le
14 décembre 1946, au moment où le refus intervient, même si onavait
pu revenir sur ce refus, cela n'aurait plus pu servir le plan d'arrangement.
II n'y avait plus aucun intérêtà exercer un recours même sice recours
avait existé.
Et, AIessieurs,c'est ma dernière observation. C'estce qui vous explique
que, dans les exceptions préliminaires de 1960, il n'ya pas un mot de
reproche au groupe de la Barcelona Traction de ne pas avoir exercé
de recours en matière de décisionsadministratives. C'est exclusivement
çn ce qui concerne IVSJ1:iiaiuiis jiidiciairci qiiz I'eccptiori nous était
oppos;e. Je ne puis que regretter quc IL.Coi~vcrnemcnt espagnol ne s'çii
soit r)n>tziiiià cettc tr&î saceattitude. cela m'aurait dis~end dc I;L
part& la plus fastidieuse de ;on exposé.'

[Audience publique, 1d5mai1964a ,près-midi]
hlonsieur le Président, Messieurs de la Cour, pour la seconde foi% je
dois demander à la Cour qu'avant de procéder à l'examen des recours DUPLIQUE DE M. ROLIN g85
relatifs aux décisions judiciairesqui ont étéincriminéespar le Gouverne-
ment belge, à la fois des recours qui ont étéexercéset des recours que le
Gouvernement espagnol nous reproche de ne pas avoir exercés,la Cour
veuille bien se remettre en mémoire quels sont les griefs qui ont été
formulésdans la présente requêteet le mémoirepar le Gouvernement
belge, puisque c'est en fonction de ces griefs qu'il y a lieu pour elle de
vérifiersi les voies de recours ont bien étéexercéeset épuisées.
Pour gagner du temps, je ine bornerai à rappeler à la Cour que cette
question du fondement de la demande belge a étéexposéeaux pages 163
à 174 du mémoire belge (1) dans trois sections qui portent les titres
suivants, suffisamment indicatifs de leur contenu:
- Usurpation de compétence;

- Dénide justice formel par refus d'audience, violation des droits de
la défense,paralysie des recours;
- Caractère injuste et discriminatoire des actes des autorités judi-
ciaires d'Espagne.
Pour la seconde fois égalemont,je souligne que la question de l'épuise-
ment se nrésente à la Cour. daris cette affaire. sous des as~ects aue. à
ma conniissance, elle n'a j&n;ijs revêtus dans niicune affairé
dont ont pu connaître soit les tribunaux d'arbitra~e, soit la Cour perma-
nente ou-la Cour internationale. soit cet oreanëmi-iuridictionnel mi-
consultatif dont il a abondammint étéfait kat de i'autre côté de la
barre et qui est la Commission européennedes droits de l'homme. Cette
circonstance tout à fait exce~tionnëue et nouvelle. c'est l'extraordinaire
accumulation des recours furent effectivement et en vain exercés
antérieurement au dépôtde la requêtebelgepar legroupe despréjudiciés.
Je signale à nouveau à la Cour que la liste en a étédresséepar le Gouver-
nement belge et figure au volume II des annexes à ses observations,
pages 399 à 439.
Ces recours ont un trait commun, c'est leur inspiration belge. Quelle
que soit l'entité juridique qui s'est présentéeaux tribunaux espagnols
comme demandeur, Barcelona Traction, Ebro, Rarcelonesa, les autres
sociétésfiliales..le .ersonnel~d~rieeant ~ ~ ~-~t ~ltérieurement Sidro et
d'autres :ictionnxircs bcljics. c'est es.îentit.llziiiciit pour I;iprotcction
des actioriii;iir'j bclgcj e:iI'initintivc des dirig<:aiitsdi1principnl d'entre
L.US. Sidro, qui: le iurnl~dta Cr; livrà I<eus. à L{arceluiit.t nitlnit.[~arfuij
- .l-~~rid
Tout au plus peut-on faire une réserveau sujet de la National Trust,
qui avait, la Cour s'en souviendra,la charge des intérêts desobligataires.
Encore faut-il constater qu'elle n'a pu agir que parce que Sidro,inettait
zi sa disposition les fonds qui lui étaient indispensables pour intenter
les procédures en Esuaen..,,ncore faut-il signaler ou'elle a ~0ntlii~é
i ;ipr ni6iiii.:il1r?fi11l<j rlrrei dont cll,:i~\.a;IIg:~r;Ir:<:iIrelitAL:mis
en i'inte Jans dci con,litii,ii; qiijc r:l[>polIer:i:lllLlninstilllt. da115dt:s
conditions oiii d4jinti.rt,sinit-ni les oblicatiiir:>IIIintl:r&tsdcsqucls ellt:
devait veillêr,en sorte que la h'ationaï~rust n'avait pratiquement plus
d'intérêt.Elle a néanmoins continué jusqu'en 1956 à introduire des
actions à la demande et avec l'aide de la sociétéSidro.
Une telle accumulation de recours crée.incontestablement une pré-
somption, non seulement, soit dit en passant, que les intérêts.belges
dans cette affaire ont une plus grande réalitéque celleque veut bien leur
reconnaître le Gouvernement (:spagnol, mais également que le Gouver- BARCELOSA TRACTION
966
nement espagnol défend une thèse à tout le moins peu vraisemblable
lorsqu'il soutient qu'il n'a pas étésatisfaità la règlede l'épuisementdes
voies de recours interne.
Pour réussir dans cette entreprise, le Gouvernement espagnol a
essentiellement soutenu les trois thèsessuivantes.
Primo, à l'origine des malheurs du groupe de la Barcelona Traction,
ily a un fait générateurde toutes les autres mesures dknoncées comme
irrégulières;ce fait générateur c'estle jugement déclaratif de'faillite;
il étaitdès lorsindispensable d'en poursuivre l'annulation, tons les autres
recours devant être rkputéssecondaires et sans pertinence réeile.
Deuxième affirmation, le moyen spécifiqued'obtenir l'annulation du
jugement de faillite était l'opposition; en admettant qu'elle ait été
exercéeDar Barcelona Traction le 18iuin 1048.,. à cette date le délaiétait
expirt!; i'oppojition ktait tardi\.e, coRinic lc fiirent les contcstntioiis de
comp6teiicédont ;i\,:iret npréscéttcdntc 13 juridiction c.;p.gnolr ;i\,;~it
étésaisie.
Troisièmethèse, le groupe de la Barcelona Traction avait encore à sa
disposition un moyen extraordinaire qui lui permettait d'espérerobtenir
su; base des ariefs que le Gouvernëment belee formule actuellement
l'annulation dÜ jugement de faillite, à savoir 1; recours en revision; et
celui-là aussi, le groupe de la Barcelona Traction l'a négligé.
T'esdre que mon adversaire voudra bien reconnaître 6ue i'ai fidèle-
mënt Fepioduit son argumentation. Je vais maintenant laiencontrer et,
pour la facilitéde la Cour, je diviserai ma plaidoirie en trois parties en
suivant l'ordre des thèses qÜeje viens d'exposer.
D'après mon éminent contradicteur, le jugement de faillite était -
c'est sa premièrethèse - le fait générateurdetoutes les étapesultérieures
qui ont marqué la marche au supplice du groupe des actionnaires de la
Barcelona Traction. Au commencement fut le jugement déclaratif de
faillite et tout était en lui. Tant que ce jugement subsistait, il devait
fatalement conduire à la liquidation des avoirs du failli. Quelles qu'aient
pu êtreles irrégularitésqui ont entaché ces étapes intermédiaires, les
recours qui ont été esercés par le groupe de la Barcelona Traction
contre ces diverses mesures pouvaient tout au plus espérer les comger,
les retarder, mais ils ne pouvaient pas empêcher ledénouement fatal,
c'est-à-dire la liquidation de l'avoir de Barcelona Traction et, simultané-
ment, le dépouillement des actionnaires dont se plaint le Gouvernement
belge, en sorte que seuls peuvent entrer en ligne de compte pour la
réalisation de la condition mise à I'exercice de la protection du Gouver-
nement belge les recours tendant à l'annulation du jugement déclaratif
d. -~~-~-~~-
M. le professeur Malintoppi a exposécette thèse avec un grand lyrisme
dans sa première ~laidoirie. Il l'a reprise dans sa r. .iaueavec, m'a-t-il
paru, uienthousiisme légèrement refroidi.
A cette thhe, j'avais en première plaidoirie opposédeux objections.
D'une part, j'avais soulignéle rôle capital qu'avaient joué dans le
-dépouillement des actionnaires de la Barcelona Traction les décisions
judiciaires intermédiaires entre le jugement déclaratif et la vente du
4 janvier 1952. Et, d'autre part, j'avais montré que, à supposer que le
>u"ement déclaratif de faillite eût à lui seul cette vertu nocive au'on lui
attribuait, point n'était nécessaire d'en obtenir I'aniiulation; que l'on
pouvait parfaitement concevoir qu'il soit débarrasséde ses effets nocifs;
ët que lis recours intentés par les filiales avaient cet objet DUPLIQUE DE M. ROLIN 937

Je voudrais un instant revenir sur un point essentiel sur lequel il a
paru que nous étions d'accord. C'est l'unitédu fait dommageable - je
ne dis pas des actes, mais du dommage -, le moment critique où
véritablement le dommage a étécauséirrémédiablement à la fois à la
Barcelona Traction et à ses actionnaires: c'est la vente publique du
4 janvier 1952.
Mais diverses questions se posent au sujet de cette vente: Primo,
à quel moment de la procédurede faillite se pose-t-elle? Secundo, pour-
quoi a-t-on vendu? Tertio, qu'a-t-on mis en vente? Quarto, comment
a-t-on vendu? Quinto, qu'est-ce qui s'est passéaprès cette vente?
Je voudrais les prendre l'une après Vautre, trks clairement, afin de
voir comment se place l'éventualité desrecours qu'à divers moments
exercèrent les membres du groupe de la Barcelona Traction. A quel
moment de la procédure de faillite? 4 janvier 1952, à un moment où
toutes les questions de principe poséespar le Gouvernement belge ont
étéposéesdevant les tribunaux espagnols. sans recevoir de solution.
On a discuté l'étendue des saisies; les sociétés filialesont introduit
leurs recours. On a contesté la compétence; Boter a commencédès le
mois de mars 1948.Il y a eu un jugement en février1949,mais ce juge-
ment a étéfrappéd'appel et les divers hommes de paille qui manceuvrent
à lademande de March ont réussi àempêcherqu'une décisionintervienne,
de mêmequ'aucune decision n'est intervenue en cequi concerne l'étendue
de la saisie. l'extension aux biens des sociétés filiales.
:\ iin moni<:ritou Barcclona Traction J.introdiiit son oppo-,i'on, :I
formulé i:itlcniniide incidente de nulliti, on nous dit cettc opl)usitio~i
et cettc deniandc <:tnicnttnrciivcs011nr l'a\:iiois <littitA ianvier roi;..
Mais les procéduresétaient toujours pendantes: elles étaieit suspend;es
par la contestation de compétence qui, elle-même,n'avait pas reçu de
solution et ce n'est qu'en 1963 que l'opposition et l'incident de nullité
seront rejetés.
Le 4 janvier 1952. tous les actes intermédiaires depuis le jugement
déclaratif de faillite ont, eux aussi, fait l'objet d'innombrables recours.
Ou bien ces recours ont échoué,ou bien ils ont été tenus en suspens.
Senus en suspens en mêmetemps que l'opposition contre le jugement
déclaratif de faillite. Ainsi, toutes les questions de principe sont tenues
en suspens et, par un phénomknedont je n'ai jamais vu l'analogue dans
la juridiction de mon pays, toutes ces questions de principe relatives
à la faillite étant tenues en suspens, la faillite suit son cours inexorable
vers l'exécution,vers la liquidation.
Mais pourquoi a-t-on vendu? Et là, contrairement à ce que vous a
exposé hl. hIalintoppi, on n'a pas vendu au titre de liquidation. La
failliten'est pas arrivée à son terme. A notre connaissance, à l'heure
actuelle encore, il n'y a pas de liquidation de la faillite de la Barcelona
Traction. Le q janvier 1952, on,vend tous les biens de la Barcelona
Traction, par une amère ironie, à titre conservatoire. On les vend à
titre conservatoire parce qu'on déclareque ce sont des denréespérissables
et on déclare que ce sont des denrées périssables parce qu'il y a une
grosse menace fiscale qui pèsesur cet avoir, menace qui ne se réalisera
jamais une fois que les avoirs auront passéaux mains de la Fecsa.
Et alors, hlessieurs, qu'a-t-on vendu? Là, c'est le phénomknele plus
extraordinaire. Je vous ai dit que l'avoir de la Barcelona Traction était
essentiellement composé de titres qui se trouvaient à Toronto. Est-ce
qu'on les a enlevés? Est-ce qu'il y a eu un hold-up pour arracher ces98s BARCELOKA TRACTIOS
titres au coffre-fort de la Barcelona Traction ou de la Kational Trust?
En aucune façon; les titres y sont encore. Et pourtant ils ont étévendus.
Ils ont étévendus Darceau'oii a commencéDar les annuler et. les avant
niinulGspar des cs$ics di rayons mort~.ls a gr:iiidc dist;iiice tra\.crj;Liit
I'l\tlrintirliie, on les a riiiipln~.~~ydr (letitr~.que 1'011 :Iimprinigs çn
EI I . On ridcslnr? riut.cc5 titre;;.t~iciijciiliv;~l;ililr:oiiiiiic t'tic.i
rebéientritifs des socié(ésfiliales et on a mis en vente ces faus titres.
Et comment a-t-on vendu? Eh bien! Messieurs, on a vendu aux
conditions du cahier des charges qui ont étédécrites dans le niémoire
(1, p. 97,par. 215 et suiv.). Le cahier des charges est reproduit à l'annexe
zor à notre mémoire.Le cahier des charges prévoyait le remboursement
des oblieataires. c'est-à-dire. .our une laree mesure. de hfarch lui-
miinc cI;idoiiii:iit cilii's~rr:titcl,;:Lpochecl'un cijtt:pviir 1':rcmrtin:
dririj sa voclie de l'autre. Ilr, :part ce qii'uii doiinnit aux ublig:itaircs,
il y avaTt un versement de ~onuUions-de pesetas qui représëntaient
approximativement les frais de la faiilite et les hoiioraires des syndics
et séquestres provisoires, les frais judiciaires, etc. En sorte que pour
les actionnaires de la Barcelona Traction, il ne restait as une peseta.
Le professeur Malintoppi a cru pouvoir rassurer la 8our à CF sujet
en disant que I'ecsa avait poussé la générositéet l'élégaiicelusqu'à
offrir à Sidro de se substituer à elle aux mêmes conditions. La chose
est exacte. Ce que mon estimé contradicteur n'a pas dit, c'est que,
bien entendu, les mEmes conditions étaient les conditions décrites au
cahier des charges. Un cahier des charges qui avait étéfait sur mesure,
sous la dictée des demandeurs à la faillite. Un cahier des charges qui
était rédigéde telle manière - nous l'avons démontré,je crois, irré-
futahlement dans le memoire - qu'il n'était exécutable que par Juan
March, notamment parce qu'il supposait une série d'autorisations de
change et que, je vous l'ai montrépar l'extrait donne ce matin, il était
simplement hors de question qu'un autre soumissionnaire que Juan
hlarch ou tout au moins qu'une firme espagiiole obtînt L'autorisation
de change nécessaire pour l'exécution du cahier des charges. En sorte
aue le beau ceste. cette extraordinaire clause du cahier des charges
qui y figiirait, c'étaià nouveau le faux-scnibl~iit ct la poudre ails !ciix
que .\I:uiliavait iin:igin;.i.;\ faire prr~crire dans le cahier (les cli.irgr.i
<lu?I'ad]iiJ~cat:tircdevrait Ctrcpr;t 5c;dcr dhns les iiciifjour, I'i:ii;?nililt:
dc soi] adju<licition ;iiisiiiiiiie~conditionç à tout autre sutiiiii~.ioiii~.~ir~
qui :iurait Cr; cl;5igii>p:ilaI3~rcc.un.iTraction, il~;i\~aitqii'iiicriiquait
ririi (:'(t;iit iiiiechose irrï:ilis:il,le et cc1.1iie fnisîit riue soul~ciic.rdav.iii-
tage la rouerie de toute l'opération.
Et, dernière question: que se passa-t-il apr&s?On continua, RIeisie~s,
à se batailler pendant cinq ans. Le groupe de la Barcelona Traction
multiplia les actions, essayant vainement d'ohteiiir une décision soit
sur la compétence, soit sur L'opposition,soit sur les autres recours qui
avait été introduits,et tout cela sans le moindre succès.
Bien entendu, le Gouvernement espagnol ne peut pas ètre tenu
responsable des astiices méphistophéliquesdes demandeurs à la faillite.
Mais la responsabilité qui lui est imputée est celle qui résulte du fait
qu'il s'est trouvé des tribunaux en Espagne pour permettre et pour
couvrir ces actes. Dans ces suites de décisions, lejugement déclaratif
de faiilite est le premier et sans doute le plus critiquable, mais il était
tout à fait impuissant à conduire au résultat désirépar hlarcli si les
luges spéciaux,ou la plupart d'entre eux, si la cour d'appel de Barcelone, DUPLIQUE DE AI.ROLIX g89
ou du moins les chambres qui furent saisies et la majoritédes magistrats,
composant ces chambres, n'avaient pas permis la suite des abus. Et dès
lors, méme si le groupe de 1:arcelona Traction n'avait pas attaqué le
jugement déclaratif de faillite, il ne serait pas concevable qu'on prétende
interdire au Gouvernement belge de soumettre à la Cour cesirrégularités
qui entachent toute la longue série d'actes qui s'est accomplie entre
le12 février 1948 et le 4 janvier 1952, alors que les recours ont été
pleinement exercéset qu'ils l'ont étéen vain.
Alonsieurle Président, hlessieurs de la Cour, j'avais fait cette démons-
tration au cours de ma première plaidoirie. Il m'a étérépondu en
réplique par un argument captieux tiré d'une phrase détachéede ma
plaidoirie et détournéede son sens. Je me réfère à une citation qui
figure à la page 816 ci-dessus.
La phrase qui est citéeest la suivante:

u1.i grivf de d6ni dc justic,*. :Isupposer qii'il fit rcc~\~nhle.
ii'.i\.ait pns la moiiidre chance d'Ftre :rccu~illis'il était funnàl2
l'cc:~rcl(lu iiiceniciit de faillite ou (Ir.I'unc quelcon<lucdcs dccisions
[jüdiciaires] Ültérieures»..

Ce passage de ma plaidoirie, Rfessieurs, se référaitexpressément à
l'action en revision aiiisi que 1:indique la réserve iià supposer qu'il
fût recevable ». J'exposais que, en l'absence d'élémentsétablissant la
machination des demaiideurs ou d'élémentsde preuve autres que le
contenu des décisions judiciaires établissant le mobile de partialité des
magistrats, à supposer que pareille base de recours fût recevable, on ne
pouvait espérer obtenir du tribunal suprême l'annulation d'une des
décisions judiciaires prises isolément, puisquede toute façon il n'était
pas question de pouvoir déférerau tribunal suprême un groupe de
décisionsjudiciaires. illais, si on se place au point de vue de la procédure
internationale et si on se souvient que c'est la chaine des décisions incri-
minéesqui conduisit à la vente publique du 4 janvier 1952et quechacune
de ces décisions contribua par son irrégularitégrave à conduire à ce
résultat. on s'aperçoit qu'il aurait suffi qu'aboutissent les recours dirigés
contre l'un d'entre eux pour empêcherla vente d'avoir lieu dans les
conditions que l'on connaît. En sorte que, si contre un seul de ces juge-
ments, l'exercice des recours avait étéomis par les intéressésdu groupe
de la Rarcelona Traction, le Gouvernement espagnol serait en droit
aujourd'hui d'exiger que nous biffions ce jugement de la liste de nos
griefs; tandis que, sià l'égard d'unseul d'entre eux les recours ont été
épuisésen vain, le Goiivernement belge est en droit de demander à
la Cour de retenir ledit grief comme échappant à l'exception. Tout
cela est dit du resteà titre de simple hypothèse, puisqiie, en fait, il n'y
eut pas de lacune dans le système de défense missur pied ar le groupe
de la Barcelona Traction et que, quant au jugement &claratif lui-
méme, son annulation fut, coinme nous le démontrerons à nouveau
dans un instant, poursuivie de façon tout à fait régulière.
Mais avant cela j'entends établir encore qu'il est faux de considérer
que seule l'annulation du jugement déclaratif de faillite pouvait mettre
un terme à ses effets nocifs età cet engendrement de malheurs que la
Partie adverse a décrit de fai;on si imagéeen qualifiant le jugement
déclaratif de faillite de agbnérateurn. Il suffisait d'en extirper le germe
malfaisant et pour cela une réformation eût étépleinement efficace. 990 BARCELOSA TRACTIOS
Cette comparaison du afait générateurn empmntée à la biologie
~'~ ~~t. vous vous en souvenez. conduit à rechercher ouel était ~lus
e:ictcmcnt, dari.; Ic Jia]ioiitif du jugciiicnr di,cl:ir:itif dc faillite. I'6lil-
ment qiii Ctiliti IB~uurci:de ccrtaiiis iibiij iiltérieiirs. Et noiii I1a\,o11i
trou\.&salis cliificii~ans la s:iisicdcs bien.:<lestilialcs Ebro ct I3;ircclu-
~- ~ ~~
nesa contre laquelle, la Cour s'en souviendra, ces deux sociétésintro-
duisirent un recours judiciaire désle quatrième jour quisuivit leprononcé
du 'ugement, suivies du reste bientôt par les autres sociétés filiales
au 1ur et à mesure que de nouveaux jugements étaient pris en ce qui
les concernait.
Je rappelle brièvement à la Cour l'essentiel des explications que j'ai
donnees à ce sujet sur base du texte du jugement dans ma plaidoirie
du zr avril (voir ci-dessus, p. 615à 623).
J'aj montré comment l'ordre de saisie des actions appartenant en
propriété à la Barcelona Traction était en soi inexécutable et. comme
je l'ai signalétant&, était demeuré inexécuté.J'ai en vue ces actions
représentatives des avoirs de YEbro, de la Barcelonesa et des autres
sociétés filialesqui se trouvaient au Canada et donc hors d'atteinte du
séquestre provisoire espagnol. Le juge de Reus, à la suggestion de M.
March, a audacieusement tournéla difficultéen ordonnant, bizarrement,
la saisie de l'actif de ces sociétés filiales,c'est-à-dire des bâtiments. des
machines, des digues, des terrains, des avoirs en banque. de l'ensemble
de l'actif, saisie qui était naturellement pleinement réalisable puisqu'il
s'agissait de biens matériels qui étaient situés en Espagne. Et puis il
. a ajouté cette observation, singulière autant par les termes employés
que par l'apparente absence de toute portée pratique, que la saisie
des biensde1'Ebrociimpliquerait la possession médiateet civilissimepour
ce qui concerne les actions de 1'Ebro qui seraient en possession de
Barcelona Traction n.
A la faveur de cette excroissance du jugement - car ce n'était,pas
un nouvel ordre de saisie: il ne pouvait pas deux fois ordonner la saisie,
il ordonnait la saisie de façon irréalisable et puis, en cc qui concerne
cette possession médiate et civilissime, il l'indiquait comme devant
êtrela conséquence,j'ai dit tantôt le reflet, de ce qui était la saisie maté-
rielle des biens de I'Ebro -, les organes de la faillite ont prétendu se
considérerultérieurement comme les détenteurs matériels de ces titres
sur lesquels il n'avaient qu'une possession médiateet civilissime. Etant
les détenteurs fictifs, ils se sont conduits en actionnaires, ils ont nommé
de nouveaux administrateurs. ils ont ultérieurement annulé les titres
dont ils tenaient leurs droits et puis, après coup, ils ont mis en vente
les faux titres.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'ai relu la réponseque
m'a faite sur ce point mon estimécontradicteur (voir ci-dessus, p. 807
et sui!..). J'ai constaté qu'il n'avait rien contesté dans la définition
que j'avais donnéesur base des auteurs espagnols de la notion de posses-
sion médiate, de la notion de possession civilissime, qui n'avait aucun
rapport avec la portée qui leur était attribuée par le juge de Reus.
II s'est borné à me répondre, d'un air amusé, qu'il est rare que des
décisionsde juridictions de premiere instance soient des exemples de
style fleuri. II n'avait pas l'air de prendre très au sérieux lamétaphore
du juge de Reus. Quelque opinion qu'il ait eue à leur sujet, ce que je
peux difficilement comprendre c'est que, mis en présencedes termes du
jugement, il ait continué à nier que la possession médiateet civilissiine DUPLIQUE DE M. ROLlK 99I

des actions des sociétésfiliales - cette possession symbolique dont oii
avait tiré des effets si inattendus - était une conséqueiicede la saisie
des biens des füiales. De toute évidence,lorsqu'il me dit «mais les titres
étaient saisi»- les titres qui se trouvaientà Toronto -, le professeur
Plalintoppi confond deux choses: l'ordre de saisie et son exécution,
c'est-à-dire la préhension des biens qui font l'objet de l'ordre. Il est
vrai que l'ordre de saisie des actions de i'Ebro et des autres sociétés
filiales appartenant B la Uarcelona Traction n'était en rieil une consé-
quence de la saisie des biens de 1'Ebro mais, comme je viens de le dire.
cet ordre étant inexécutable, il n'y eut jamais de préhension matérielle
des actions de 1'Ebro se trouvant à Toronto; ce que le jugement a fait,
c'est de substituer à la possession des titres qui serait résultéed'une
préhension matérielle,indispensable pour que les organes de la faillite
puissent se servir des droits afférents aux titres et ultérieurement les
vendre, une possession fictive qui a étéprésentée commele reflet de
cette détention matérielle de l'actif de I'Ebro.
Je regrette une nouvelle fois l'absence de mon estimé contradicteur.
le professeur hlalintoppi, car s'il avait étéprésent j'aurais suggéré
à la Cour de lui poser la siniple question suivante: Pourquoi le juge
de Reus a-t-il ordonné la saisie des biens de 1'Ebroet des autres sociétés
filialessi la simple mise en faillite de la Barcelona Traction et l'ordre
de saisie des titres se trouvant à Toronto suffisaient ailx organes de la
faillite pour se considérer commeactionnaires et pour mettre ces titres
en vente? La saisie des biens matériels en ce cas était sans le moindre
intérêt.Je lis, il est vraià la séancedu 26 avril que, si ma thèse était
admise, elle conduirait à réduire le jugement déclaratif de faillite à
l'état de chiffon de ~' 2er.,alors aue tous les biens de la Uarcelona
'l'r~ction6tait:nt en Espagiit: et tluL jr les;iiirnijnioi-mCme Cb~cii;,..
J'~\.oIIcne 1'33s:i\'oiB t,ucoiilest f~ir nlliision. Je n'ai p.îj le sou\.eiiir
<l'avoirpu dirc rlli'1,avait uiie s&riedt:biens Je I:Ilkircelona l'r:~itiuii
en Ii1):igne. taiit est profonde nia con\,iction, ma ccrtitii(lc. que In
I3arcelon:1'I'ractio11'3(I'itutre :i\.o~UC CC -~rtefeuille qui se trouvait
à Toronto, étant par sa nature un holding.
Mais si vraiment le Gouvernement espagnol croit aujourd'hui pouvoir
expliquer et justifier le jugement de Reus par le fait que tous les biens
des filiales qui se trouvent en Espagne devaient être considérés comme
étant la propriétéde la Barcelona Traction, qui possède tous les titres
de ces filiales, et que ces filiales devaient êtreréputées fictives,alors je
suis amené à suggérer à la Cour une autre question: Pourquoi en ce
cas le juge de Reus et les organes de la faillite se sont-ils souciésdes
actions de 1'Ebro et de la Barcelonesa et des autres filiales qui se trou-
vaient à Toronto? Si ces sociétésétaient fictives, il fallait tout simple-
ment se borner à saisir les biens. Donc, ma questioii est inverse de la
première. II fallait se désintéresserdes titres et, bien entendu, saisissant
les biens, il fallait saisir I'actif et le passif des filiales; en d'autres mots,il
fallait étendre la faillite aux filiales et déclarer les filiales en faillite,
ce qu'on n'a pas fait. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait? On ne l'a pas fait,
filessieurs, parce que toutes ces filiales étaient fort prospères; parce
que, si on avait saisi les biens des filiales et qu'on les avait réalisés pour
payer le passif, on payait le passif avec les seules liquiditésdes filiales.
Toutes ces filiales étaient extr6mement pros ères puisqu'elles tenaient
en réserve toutes les sommes qui, depuis xes années, s'accumulaient
sans pouvoir Gtre envoyées i la Barcelona Traction qui les attendait.En sorte qu'une extension de la faillite aux filiales, ayant du reste
également pour conséquence que le passif de toutes les sociétésmises
en faillite devait étre converti en pesetas et pouvait être liquidé en
pesetas, entraînait au bout de quelques jours la levée de la saisie par
désintéressement des créanciers,pour le plus grand bien et le plus grand
profit de la Barcelona Traction qui se serait grandement réjouie de voir
enfin aboutir une solutioii, de nature à la débarrasser de ses soucis du
plan de compromis. Si on a saisi les biens des filiales pour ensuite vendre

les titres quisetrouvaient à Toronto - ou plus exactement les diiplicata
de ces titres . c'est donc bien nécessairement parce que la détention
des biens des filiales ttait indispensable pour servir de base à la cons-
truction inédite conférant aux organes de la faillite la possession niédiate
et ciailissime de ces titres. En sorte que, lorsque les sociétésfiliales se
sont attaquées à cette partie du dispositif du jugement de faillite qui
permettait la saisie de leurs avoirs, elles ont véritablement touché le
jugement de faillite au cceur mème de ses dispositions. à ce qui allait
êtrela base de la construction ultérieure de Juan March.
Quant au sort des recours des filiales, ce serait, Messieurs, une bien
longue histoire et qui m'entraînerait, je crois, dans le domaine du fond,
puisque toutes les décisions auxquelles je fais ailusion font l'objet
précisémentde critiques de la part du Gouvernement belge. r\ un certain
moment, ces filiales ont été déclarées non recevables parce qu'elles
n'étaient pas la société faillie;à un autre moment, le mêmejuge les
a déclarées non recevables parce que, au contraire, la concentration
eii une seule main de leurs titres équivalait à supprimer leur personnalité
juridique; et puis, à un autre moment, on les a déclaréesnonrecevables
parce que le reiiikde de leur action, leur demande d'opposition, n'était
pas fondé et qu'elles auraient dû recourir à la terceria, la revendication
de biens émanant donc d'un propriétaire étranger à la faillite.
Et puis finalement on constate, lorsque l'on voit les procédures,
qu'elles ont essayé tout, y compris la terceria, mais que l'on a trouvé
un moyen beaucoup plus radical pour les étouffer: c'est en recourant
à cette possession médiate et civilissime des titres qui se trouvaient à
Toronto. Les nouveaux administrateurs nommés par les organes de la
faillite en tant ou'assemblée généraledes actionnaires ont désavoué
les anciens admiiistrateurs qu'yls avaient révoqués.On a donc révoqué

les avoués qui avaient étéconstitués par les administrateurs Iézitimes.
Et on s'est aésistéau fur et i mesure-aue de nouveaux recours-étaient
introduits par les anciens admiiiistrateuis des sociétésfiliales: ces recours
étaient immédiatement annulés, abandonnés, par les actes des avoués
nomméspar les nouveaux conseils d'administrâtion.
Tout cela, Messieurs, fait partie des griefs, du déni de justice et du
refus d'audience. Je pense que ce sont des griefs sérieux. La question
ne se pose pas actuellement à la Cour, mais la Cour doit simplement
apprécier aujourd'hui, et je pense l'en avoir convaincue, qu'en réalité
ce n'était pas sans intérêt,comme on nous l'avait dit à un moment
donné, ce n'était pas sans objet c'était au contraire de façon tout
à fait essentielle et ultrapertinente que les filiales avaient, dès le
16 fé\.rier, commencé leur action de défense qu'elles ont poursuivie en
vain pendant de nombreuses années.
Je crois avoir ainsi achevé la réfutation des conclusions tirées du
caractère générateur attribué au jugement déclaratif de faillite, qui ne
présente au surplus d'intérêtdans le système mème du Gou\pernement DUPLIQUE DE M. ROLIN 993

espagnol que si on admet qu'il n'y a pas eu d'opposition régulière.
J:a.i hâte de montrer de nou\.eau à la Cour que cela ne peut pas être
seMonsieur le Président, Messieurs de la Cour, la vérification de la
régularitéde l'opposition présentéepar la Barcelona Traction le 18
juin 1948 pourrait tenir en quelques lignes. En effet, les Parties sont
d'accord pour considérer que le délai d'opposition est de huit jours
ouvrables àdater de la publication du jugement, àcondition que celle-ci
ait eu lieu suivant les formes légales.Et nous sommes également d'accord
pour considérer qu'ilest ainsi renvoyé à i'article 104du Code de com-
merce, suivant lequel la publication doit avoir lieu par annonces, c'est-
à-dire par affiches. dans la localité du domicile du failli et dans les
autres lieux où il a des établissements commerciaux et par insertion
dans le journal de ladite place, ou de la province s'il ne paraît pas de
journal officiàlla place où le commerçant a son domicile ou un établis-
sement commercial.
Or, la Barcelona Traction a Son siège socialà Toronto où. dèslors,
de toute façon, la ublication devait avoir lieu. Elle n'a pas d'établisse-
ment commercial ?iors de Toronto; notamment, elle n'a d'ctablissement
commercial ni dans la provirice de Tarragone ni dans la province de
Barcelone. Dès lors les piiblications faites dans cesux lieux ne pou-
vaient en aucun cas étresuffisantes; elles apparaissent comme superflues
ce raisonnement tres simple, qui tient en quelques mots, il n'avait été,
'usqu'au mois dernier, donné aucune réponse. Il est vrai que le juge de
keus, dans deux ordonnances rendues le 2 mars et le 17 mars 1948,
décrétaitque son jugement du 12 févrieravait qualité de chose jugée.
Il s'était bien gardé de donner aux publications ordonnées ar ledit
jugement une autre justification que celle qui était mani estement
mensongère, celle qui figurait dans le jugement du 12 février.à savoir
que le siège social dela Rarcelona Traction était inconnu. Depuis lors,
il y a eu un arrêtdu 15 mai 1963 où il est répété,dans I'historiqiie que
l'on fait de la procédure, que le jugement a acquis force de chose jugée
ou s'est vu déclarer tel. II est fait allusion aux publications dans les
provinces respectives, sans qu'on sache ce que signifie le qualificatif
((respectiu; niais, quantà une justification du fait que ceftepublication
pourrait êtreconsidérée commele point de départ du délaid'opposition,
il n'y en a pas trace.
Dans les exceptions préliminaires de 1963, il nous est affirméque
l'opposition étaittardive, parce qu'elle se situe plus de huit jours après
la publication régulière: mais pourquoi cette publication était-elle
régulière?On n'en disait rien, bien que,dans notre mémoire, nousayons
mentionné que les publications en Espagne étaient évidemment irré-
avait prétendu justifier sur base de l'article 1044 les publicatioiis qui
avaient eu lieu en Espagne et voir en elles le point de départ du délai
d'opposition. Mais on ne l'avait fait qu'au prix d'une double mutil t'
du texte de l'article 1044, puisqu'on lui faisait dire que le juge pouvait
ordonner la publication, soit au lieu où la faillite a étédéclaré- ce
dont iln'est pas question dans l'article 104- soit ;rii lieu où le failli
aurait des établissements de commerce, avec omission totale du lieu
de domicile.
II y a un mois, nous avons eu enfin une tentative d'explication com-994 BARCELONA TRACTIOX

poséed'Plémentsentièrement contradictoires et en contradiction avec
tout ce qui avait été ditantérieurement.
Le Gouyernement espagnol, en réplique, l'a développée à nouveau.
D'après lui, l'article1044, paragraphe 5, devrait recevoir une inter-
prétation qui s'éloignerait considérablementdu texte chaque fois qu'il
s'agit d'une sociétéétrangère.Comme je n'ai pas souscrit à cette auda-
cieusetentative, je suis accuséd'avoir opposé desarguments quin'étaient
pas d'ordre juridique. Je vais, cette fois, tâcher d'êtreplus précis et
de satisfaire aux exigences juridiques de la Partie adverse.
Je constate tout d'abord que la thèse nouvelle, suivant laquelle
l'article 1044, paragraphe 5, dans le cas d'un failli étranger, devrait
de cet article, n'est appuyée ni sur une citation d'auteur, ni sur une
décision judiciaire suivant lesquelles une sociétéétrangère pourrait
êtremise en faillite en Espagne, sur requête d'un créancier, par voie
d'assignation et que l'opposition qu'elle pourrait faire serait déclarée
irrecevable si elle se situait plus de huit jourç après la publication en
Espagne du jugement déclaratif. Je ne sais pas si mon adversaire consi-
dère que cette absence d'autorité doctrinale et jurisprudentielle est
de caractère juridique, mais de toute façon, je crois pouvoir lui dire
que, pour tout praticien du droit, l'observation n'est pas sans valeur.
Voyons de plus près les arguments théoriques qui sont proposés
à la Cour. On prétend voir dans la construction que l'on va développer
un simple corollaire de la territorialité de la procédure de faillite. Ce
principe de la territorialité de la procédure de faillite, je l'admets volon-
tiers, est conforme au principe de territorialité de toutes les lois de
procédurequ'un des membres de la Cour, M. Morelli, a particulièrement
mis en lumièredans son ouvrage sur ledroit procéduralcivilintemational,
page II de l'édition de 1938, et dont l'application à la faillite a été
spécialement dégagée par un autre auteur italien, le professeur Giuliano,
dans son ouvrage sur la faillite en droit procédural civil international,
Mais nous nous trouvons ici devant une déformationassezgrossièrede
ce principe qui, évidemment, ne fait pas du tout obstacle à ce que les
actes intéressant des justiciables domiciliàsl'étrangeret devant d'une
façon ou d'une autreêtreportés à leur connaissance leur soient communi-
quéspar voie de commission rogatoire. Ce qui, du reste, est aussi prévu
dans la Loi de procédureespagnole à l'article 300.
Mais,nous dit le professeur Malintoppi, les diverses opérationsprévues
à l'article 1044 du Code de commerce de 1829 ont toutes cette particu-
larité de ne pouvoir être effectuéesqu'en Espagne; il cite l'arrestation
du failli et la saisie des biens et il conclut qu'il doit en aller dès lors de
mêmede la publication du jugement. J'avoue ne pas bien comprendre
son raisonnement. Je reconnais volontiers que l'arrestation du failli n'est
possible que si le failli se trouve en Espagne, que la saisie des biens
n'est possible que si les biens sont en Espagne; mais, à première vue,
la logiqie de ce raisonnement devrait le conduireà reconnaître que, si le
faillz son domicileà l'étranger,la publication en Espagne est également
impossible et, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de procédàrla mise
en faillite d'un étranger.
Et voici maintenant comment la Partie adverse va essayer de trans-
former l'article044 à l'usage des faillisétrangers. Cetour de passe-passe,
on prétend le réaliserà l'aide des articles 65 et 66 de la Loi de procédure
civile; mais à aucun moment on n'a cru devoir soumettre à la Cour le DUPLIQUE DE AI.ROLIX 995

teste de ces articles. Je vais combler cette lacune. L'article 65 est libellé
comine suit:

iiLe domicile légaldes commerçants pour tout ce qui concerne des
actes ou contrats commerciaux et leurs conséquencessera le lieu où
ils auraient le centre de leurs opérations commerciales.
Ceux qui auraient des établissements commerciaux dans dif-
férentes circonscriptions judiciaires pourront êtreassignéspar des
actions personnelles au lieu où ils auraient leur principal établisse-
ment ou à celui où ils auraient contracté l'obligation, au chois
du demandeur. n

L'article 66:

iiLe domicile des sociétésciviles et commerciales sera le lieu qui
est indiqué commetel daris l'acte de fondation ou dans les statuts
qui les régissent. Si cette circonstance n'est pas connue, on s'en
tiendra à ce qui est dit polir le commerçant.»

Ces dispositions, Messieurs, me paraissent d'une limpidité parfaite.
L'article65 pas plus que I'article 66 ne peuvent s'appliquer àla faillite.
L'article 65 parle de l'assignation pour des actions personnelles. La
requêtedéposéecontre un failli n'a ni le caractère d'une assignation
ni le caractère d'une action personnelle. Quant à I'article 66. la chose
est plus flagrante encore: on ne fait application aux sociétés civileset
commerciales de I'article 65 que si on ne connaît pas le domicile des
sociétésciviles et commerciales, c'est-à-dire le lieu indiqué comme tel
dans l'acte de fondation ou dans les statuts qui les régissent.
Messieurs, c'est la raison pour laquelle le juge de Reus, qui invoquait
déjà en passant les articles 65 et 66 de la Loi de procédurecivile sans
les rattacher directement à la question de la publication, avait sans
aucun doute cru devoir justifier leur application au cas de la Barcelona
Traction par la mention, qui était inexacte de façon flagrante, que le
siège socialde la Barcelona Traction était inconnu.
Et voici donc que le Gouvernement espagnol reprend, après quinze
ans. I'areument du iuee de Reus faisant aoolication de l'article 66. mais
il n'osefis reprodukeule support matériel;anifestement mensonger sans
lequel il ne peut pas êtrequestion de l'article6.
IT'esdre iue. fette fois: on voudra bien acceoter ma démonstration
commésuffisamment juridique.
Et sans doute notre interprétation de I'article 1044 du Code de coni-
merce conduit-elle à cette conclusion décevante pour le professeur
Malintoppi que les dispositions légalesespagnoles relatives à la faillite
s:adaptaieiit mal, dans ce cas, à I'liypothèse d'un failli domicilié à
l'étranger.Alais,Messieurs, c'est là une constatation qui n'est pas propre
'l'Espagne, qui est commune, notamment, à tous les pays qui professent
l'universalité de la faillite, cornme la Belgique. Jamais en Belgique on
ne prononcera la mise en faillite d'un commerçant qui n'a pas son
domicile, soit officiel.soit effectif,en Belgique, et jamais on n'accordera
I'exeqiraluà une décisionde faillite rendue à l'étranger qui n'aurait pas
été rendue dans le pays où le commerçant a son domicile. Si la Barcelona
Traction ax~aitétémise en faillite au Canada, il n'y aurait eu aucune
difficulté,si elle avait eu des avoirs en Belgique,saisir ces avoirs. Mais99(' BARCELOSA TRACTIOS

il ne pouvait évidemment pas étrequestion de saisir des avoirs apparte-
nant à une sociétécanadienne mise en faillite en Espagne.
hIessieurs, en ce qui concerne l'Espagne, il en va exactement de
même.Voici ce qu'on lit dans un ouvrage de M. Nanuel de la Plaza,
ancien procureur généraldu tribunal suprème, puis président de la
première chambre de cette haute juridiction, déjà cité à la page 165
de notre mkmoire (1)II écritdans son ouvrage sur le droit espagnol de la
procédure:

<Pour des raisons évidentes, il est impossible de justifier l'hypo-
thèse absurde de la déclaration de faillited'une personne ou entité
étranghre qui n'aurait absolument aucun siège ou aucun I~ieiiau
lieu où la déclaration est faite: et ce. non uas cette fois auuli-

absolument aucune raison en pareil cas pour déclencherune procé-
dure de faillite qui obéit toujourà une cause, inconcevable dans
cettehypotlièse.»

Je crois, Monsieur le Président, Messieursde la Cour, pouvoir conclure
cette partie de ma plaidoirie en constatant que le délai d'opposition
n'était manifestement pas expiré lorsque, le 18juin 1948. la Barcelona
Traction se décida à exercer ce recours qui était donc parfaitement
régulier.
Nais, peut-être, certains membres de la Cour vont-ils, à la réflexion,
se demander pourquoi, sans étretenue d'intervenir plus tôt, la Barcelona
Traction, qui avait assurément la facultéde le faire, n'est pas intervenue
plus rapidement et si elle n'aurait pas obtenu ainsi un résultat meilleiir.
A ceux qui m'interrogeraient sur ce point, je n'aurais pas de peine à
répondre qu'il n'en est rien, et ce pour trois motifs.
son opposition, aucune étape nouvelle n'avait étéfranchie dans laàfaire
procédure d'exécutionde la faillite. L'écrit de la Barcelona Traction
est du 18juin 1948et c'est le 3 janvier 1949seulement qu'une société
du groupe Juan l\larch demande la convocation de l'assemblée des
créancierspour provoquer la nomination des syndics de la faillite.
Deuxièmement, la Barcelona Traction sait que dans l'intervalle,
depuis le jour de la déclaration de faillite, les sociétés filialesont, sans
perdre un jour, introduit des recours pour obtenir la réformation du
jugement par la libération de leurs biens, ce qui devait normalement
mettre fin à la possession médiate et civilissime des actions des filiales
par les organes de la faillite et ainsi rendre la Barcelona Traction le
contrôle de ses filiales.
Troisièmement, ce n'est pas la prétendue tardiveté qui ri emptché
l'opposition de la Barcelona Traction de produire ses fruits. puisqii'un
jugement n'est intervenu sur le méritede cette opposition que le 7 juin
1963. L'opposition fut arrêtéedès le 26 juin 1948, quelques jours après
son dépôt. par la suspension de la procédure y relative résultant des
déclinatoires de compbtence. Comme le premier de ces déclinatoires est
du 13février 1948, soit du lendemain de la déclaration de la faillite
(c'est undéclinatoired'un homme de paille), lejour mêmeoù fut effectuée
la saisie des biens'Ebro et de la Barcelonesa (voir p57 du mémoire, 1,
par. 112).toute opposition dela Barcelona Traction, eût-elle étéprésentée DUPLIQUE DE M. ROLIN 997

le 14 février 1948, se serait inexorablement heurtée au mécanisme des
suspensions que manmuvraient les hommes de paille de Juan Illarcli.

[Audiencepubliquedu rg mai 1960, mutin]
?Sonsieur le Président. Messieurs de la Cour. au cours de l'audience
de \.enciredidcriiiej :iiiioiitrtiune nou~~~.Ieis 13 COLIIT'innccessil>ili~t!
<lesrccoiirs IiiL:rnrilii(liicsuii <Ircoriteiitit~ix:idministr~tif qiie IcGoii\er-
nement espagnol reprochait au groupe de la Barcelona Traction de ne
pas avoir exercés contre les décisionsqui avaient refuséles autorisations
pour l'exécutiondes plans d'arrangement.
Abordant ensuite les décisions judiciaires j'ai, dans une première
partie, combattu et, j'espère, réfutéIn thèse du Gouvernement espagnol
selon laquelle l'opposition présentéepar la Barcelona Traction le 18 juin
1948l'a\-ait ététardivementet,d'autre part, suivant laquelle lejugement
de faillite était le fait générateur de toute la mésaventure qu'avait
connue la Barcelona Traction et que seule son annulation par la voie
d'opposition était de nature à constituer un remède efficace.
ER ce qui concerne plus spécialement la question de l'opposition qui
constituait la deuxième partie de,mon argumentation, i'ai montré que
cette opposition avait éiéformke en temps utile et acant de quitter
cet ordre d'idées il mereste à répondre i deux observations qui ont été
faites par mon estimb contradicteur au sujet de cet acte du 18juin 1948,
Prenaiit acte des termes dont s'était servie la Barcelona Traction
dans son écritdu 18juin dans lequel elle indiquait les motifs sur lesquels
elle fonderait son opposition, la Partie adverse prétend que cet écrit
du 18juin ne constitüe pas une opposition poprement dite,mais simple-
ment l'annonce d'une opposition. A quoi il me sufira d'opposer le
dispositif de l'écritdu 18 juin. Les premières lignes de ce dispositif sont
libelléescomme suit:

En vertu de ce qui précède
Je demande au Tribunalque,dans les termes et avec le caractère
exposés, il veuille bien tenirdès à présent comme faite en temps
et forme mon opposition au jugement de déclaration de faillite de
la sociétéma cliente.»
II s'agit donc bien incontestablement d'une opposition effective et non
pas d'une simple annonce d'opposition.
En procédant en deux temps et eii annonçant un écrit ultérieurpour
le développcrnent de ses moyens, la Barcelona Traction ne faisait que
se conformer iil'article 1326 de la Loi de procedure civile. Au surplus,
je constate que cette opposition fut réitérée pourautant que de besoin
le 3 septembre 1948 (je renvoie à ce qui est dit à la p.74 du mkmoire
belge, par. 154). ce qui achève d'enlever tout intérêt à 13 première
objection du Gouvernement espagnol.
La deuxième objection est, à premiere vue, plus troiiblante: on relève
que. dans l'écritdu 18juin 1948, la Barcelona Traction se plaint de ne
pas avoir reçu notification du jugement déclaratifde faillite et demande
que ce jugement lui soit signifiéet le professeur Malintoppi voit li une
tentative de la Barcelona Traction pour créerde toutes pièces, cartifi-
ciellement »dit-il, un point de départ au délai d'opposition qui ne soit
pas le point de départ de l'article1044 du Code de commerce.9g8 BARCELOSA TRACTIOX

Il n'y a eu bien entendu dans l'esprit des dirigeants de la Barcelona
Traction, au mois de juin 1948, aucun calcul de ce genre. Ils demandent
notification du jugement parce qu'ils n'ont pas le texte de ce jugement.
Qu'on ne nous dise pas qu'il a étédonné lecture de ce jugement à
hl. Menschaert, quiétait aussi administrateur à la fois dg 1'Ebroet de la
Barcelona Traction lorsqu'on a opéréla saisie le 14 février 1948; en
réalité,on lui a donné lecture mais on ne lui a pas laisséla copie du
jugement. Dans les journaux des provinces de Tarragone et de Barcelone,
on n'a pas publié le texte intégral du jugement, on a inséré unavis
mentionnant la mise en faillite de la Rarcelona Traction. Il est donc
tout à fait légitime, et j'ajoute- je l'ai démontrédans ma première
plaidoirie ou dans les observations - il est tout à fait lécal <lue ln
Barcelona Traction demande le texte, la signification du tesfe du'juge-
ment déclaratif de faillite.
Messieurs, cela dit, je reconnais qu'à l'époqueles dirigealits de la
Barcelona Traction, tout en étant coiivaincus que de quelque façoii
que l'on fixât le point de départ du délai d'opposition, ce delai d'op-
position ne pouvait pas avoir couru puisqu'il n'y avait pas ev de publica-
tion régulière,les dirigeants de la Rarcelona Traction et leurs conseils
étaient de l'avis, à cette époque, que le point de départ ne doit pas
Stre cherché dans l'article 1044 du Code de commerce de 1829 mais
qu'il doit l'êtreen réalité,dans la notification. Et comment raisonnent-
ils? Ils raisonnent de la façon suivante: c'est que, Messieurs, la Loi de
procédure civile qui est postérieure de beaucoup au Code de commerce
de 1829renvoie, par sonarticle 1326, à l'articl1028 du Codede commerce
en ce qui concerne la duréedu délai.Comme il n'y renvoie pasen ce qiii
concerne le point de départ du délai, une bonne partie de la doctrine
et de la jurisprudence en 1948 était d'avis que, en réalité,le point de
départ du délaidevait êtrefixé commeil est fixéen matière de coactrrso
(pour la faillite civile) par l'article 1162 la Loi de procédure civile.
c est-à-dire au lendemain de la notification du jugement, ce qui est
également conforme au droit commun (je me réfèreaux articles 260 et
303 de la Loi de procédurecivile).
hlais, Messieurs, cela dit, il est exact que depuis lors un arrct du
tribunal suprêmede 1957a battu en breche cette croyance assez géiiérale
qu'en réalitéc'était le jour de notification, très généraleineritordonné
par le juge de la faillite, qui devait êtreconsidéré commele point de
départ et nous avons considéréqu'il était plus simple d'accepter que
votre Cour se base exclusivement sur les articles 1028 et 1044, SO,du
Code de commerce de 1829 pour vérifiersi, oui ou non, suivant la these
Le Gouvernement belge, je crois l'avoir suffisamment démontr6. n'ant.
aucunecrainte que vous conclurez à l'inéluctablenécessitéd'une inserti011
du jugement de faillite dans un journal de Toronto et, en l'absence de
pareille publication, au non-écoulement du délai d'opposition.
Voilà, Messieurs, en ce qui concerne l'opposition. Mais il n'y a pas
eu que l'opposition au jugement déclaratif de faillite; il y a eu aussi les
oppositions de 1'Ebro et de la Barcelonesa du 23 février194s; il y a eu
la demande incidente de nullité présentéepar la Barcelona Traction
le 5 juillet 1948 et complétéele 30 juillet; il y a eu les contestations
de la compétence ou plus exactement de la juridiction des trihunaus
espagnols, d'une part par la Barcelona Traction dans son écritdu 18juin
1948 complétéle II avril 1953 par une déclaration formelle d'adhésion DUPLIQUE DE JI.ROLIS
999
au déclinatoire Boter, d'autre part par la National Trust dans son
déclinatoire d'incompétencedu 27 novembre 194s.
Je croisdevoir rappelerà la Cour, de la façon la plus rapide, quelle a été
la position des parties i l'égard de ces divers recours dont les deus
premiers me prendront seulement quelques instants.
En ce qui concerne 1'Ebro ct la Barcelonesa. la Cour se souviendra
qu'elles ne se sont pas contentées de demander la reconsidération du
jugement déclaratif de faillite le 16 févriermais que, sept jours plus tard,
elles ont demandé aue l'on considère leur écrit comme une o~~..ition
rGg~ilit!r~%~.i~i~l~i'on~~~r ustilir~laa~:I;sIde kurs bicm p:(r irli~:
;issiiiiilation des sociLifili;ilc~I\.CI:iSOC~C;~~mérc, il leur parai.isnit
tout à fait normal qu'elles puissent exercer une opposition au même
titre que la société mère.
La Partie adverse nous répond que l'écritdu 23 février ne tendrait
pas, pas plus qiie celuidu16février.à l'annulation du jugement déclaratif
de faillite mais seulement à sa réformation. C'est exact, 3lessieurs. mais
je crois avoir suffisamment expliqué à la Cour tout d'abord qu'une
opposition à un jugement peut parfaitement tendre à la réformation
plutôt qu'a l'annulation, ce qui ne lui enlève, en aucune façon, son
caractère d'opposition et d'autre part que la réformation. telle qu'elle
était demandée. c'est-&dire la levéede la saisie de l'actif des sociétés
filiales, était de natureà mettre un terme aux conséquencesles plus
redoutables qu'ultérieurement les orEanes de la faillite tircirent de cette
saisie, notamment à la faveur de la possession médiateet civilissime des
titres.
Mon estimé contradicteur a cru pouvoir ajouter à cette première
objection une autre objection tirée du fait que, suivant lui.1'Ebroet la
Barcelonesa n'avaient aucun titre pour se prévaloir del'article 1028 du
Code de commerce, vu que celui-ci n'accorde le droit d'opposition qu'aux
seuls faillis.1a bien voulu ajouter, il est vrai, que la disposition a été
complétéepar un article 1170 de la Loi de procédure civile relatif à ce
qu'on appelle «la faillite civI,,disposition qui fait partie d'une procé-
dure déclaréeapplicable àtitre supplétifàla faillite commerciale en vertu
du renvoi contenu dans l'article 1319 de la mêmeloi. Mais i cela se
limite, selon lui, l'extension apportée l'ancienne disposition du Code de
1820<,t le ~rofesseur Maiinto..is'élève contre la thfse de 31.Ramirez -
un auteur éspagnol - suivant laquelle le droit d'opposition devrait être
reconnu àtout intéressé.IIv aurait là,suivant mou estimécontradicteur,
la Cour s'en souviendra. urie rerreur certaine» ex~licahle Dar le fait aue
M.,Ramirez se serait appuyéexclusivement sur 1;s écrits'desis auteÙrs
uniformément italiens, dont les noms vous ont étérappelés,sans s'aper-
cevoir aue I'o~inionde ces auteurs italiens était naiürellement formée
d'aprèsies di~positions de la loi italienne sula faillite, laquelle accorde
expressément ledroit d'op.o.ition à toute personne intéresséeet non pas
seulement au créancier.
Messieurs, j'ai vérifiéde trcis près les observations de mon distingué
contradicteur; je ne nie pas qu'elles présentent un certain intérêtmais
eues sont dans une large mesure inexactes. II n'est en effet pas exact
que hl. Ramirez se soit appuyé uniquement sur des auteurs italiens.
La consultation de son ouvrage permet au contraire de constater qu'à
la note 24, figuraiità la page ,734. qui est relative à l'opinion dont le
Gouvernement belge avait fait état, l'auteur cite cfiec'ivement des
auteurs italiens, qui sont, non pas au nombre de six mais au nombfc1000 BARCELONA TRACTION
<IV qii.<tr~, 111:lqu'LcVtC. d'ciix ilcitt, ,-iirurc iieiii :ititeiirs Iraii<;ii;
{I.yon.C~ci~ ct I~cI~~uIL l, no11:~1~'1i,k~allc\';iInl,.\I~III/.vI3t~d~iridc,
o11, Icr~vnr<l-\'cvriércs.ll:t;ii.tt iin .~iiteiir :irg(iiriii ~l<.iiniiiiirlo

Or, ces dernières références nese prêtent pas à la mêmeobjection
que celle relative aux auteurs italiens. En effet, le décret-loi français
du 14 juin 1938 institue le droit de former opposition aux jugements
rendus en matière de faillite sans préciserpar qui l'opposition peut être
faite, et c'est la jurisprudence française, notamment un arrêtde la Cour
de Bordeaux du 25 septembre 1940 qui, approuvée par la doctrine,
admet que, conformément à la législationantérieure, l'opposition puisse
émanerde tout intéréssé autre que le failli, le répertoire Dalloz ajoutant
du reste à son no 69 de l'édition 1948que, bien que cette dernière voie de
recours constitue en réalité une tierce opposition, la loi la soumet à une
réglementation unique avec l'opposition du failli en raison de l'effet
absolu du jugement déclaratif de faillite.
Plus instructive encore est l'invocation de l'auteur argentin car la
loi argentine sur la faillite, à savoir celle du 27 septembre 1933, et
l'article1447 du Code de commerce argentin ne prévoient expressément
que l'opposition du failli, ce qui donne à l'opinion de Fernandez une
valeur toute particulière. Puis-je ajouter, en me plaçant sur le terrain
du droit espagnol, que celui-ci a, à maintes reprises, consacré dans les
termes les plus générauxle principe que tous ceux qui allèguent un
intérêtlégitimedans une question en litige doivent êtreadmis au procès
(arrêtsdu tribunal suprêmedes 17 octobre 1949 et 7 février 1951 -
Aranzadi, 1949, no 1233 et 1951. no 589), de sorte que l'opinion de
M. Ramirez n'est que l'application à la matière de la faiUite de ces
principes générauxde droit espagnol.
Quant à l'incident de nullité formépar la Barcelona Traction le
5 juillet 1948 et complété le 31 juillet,j'ai montré dans ma plaidoirie
du 22 avril (voir ci-dessus. D. 6281comment. tout en s'attaauant seule-
iiiriir ails violntii,iis Jc Inlui.coiiti.iiii~..idai12 jiifieni..id;clai:itif
<li.f:iillitcc rcioiirs Ctait p:jri:iitcniriir iii-irptihIIcn provuqurr I:i
nullit; ct coiiiintnt. rl';,iitrc mrt. I'oun~,~itiunr;~iili~ierii~iit iiitruùuitc
se trouvant paralySéecontre'la ;ol&é de la Bircelona Traction par
l'effet des suspensions indéfinimentprolongées accordéespar le tribunal
aux déclinatoires de compétence introduits par des hommes de paille
de Juan March, la Barcelona Traction avait légitimementcherché,par la
voie de l'incident de nullité,à contourner cet obstacle sans attendre qu'il
ait étédéfinitivement statué sur son opposition.
A quoi la Partie adverse s'est bornée à me répondre-je cite - que
mon argument otombait sous le coup d'une pétition de principe puisque
la Barcelona Traction n'a pas valablement formé opposition contre le
jugement déclaratif de faillite >nIl me serait aisé,hlessieurs, de répondre
à cette thèse que mon adversaire a lui-même commisune pétition de
principe puisque la Barcelona Traction a bien valablement fait opposition
et nous pourrions ainsi continuer à nous opposer une thèse réciproque
sans que la discussion progresse d'un pas. Je n'en ferai rien. La Cour
a entendu les arguments présentésde part et d'autre quant au point
de départ du délai d'opposition et elle est donc en mesure d'apprécier
si, comme j'en ai la conviction, l'opposition de la Barcelona Traction
est bien régulière. C'est évidemment parce que les dirigeants de la
Barcelona Traction considéraient cette opposition commerégulière qu'ils DUPLIQUE DE hl.ROLI'I 1001

ont, au mois de juillet 1948,tentéde tourner l'obstacle de la suspension
qui la paralysait prir I'ouvertiire d'un incident de niillité et cette ap-
préciation nous parait, encore aujourd'hui, avoir étépleinement fondée.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'en arrive ainsi aux
contestations qui furent soulevéespar le groupe de la Barcelona Traction,
relatives à la com~étencedes tribunaux es~aen.lu. Tesouhaiterais aue laA ~-
Cour en mesure b>entoute l'iniportance.
Le succès de ces recours qui tendaient à obtenir que la juridiction
espagnole se dessaisisse de la-faillite en reconnaissant jue cela relevait
de la compétencede tribunaux étrangers, aurait eu normalement pour
résultat de mettre un terne A toute I:rprocédurede faillitecn Espagne, de
faire obstacle h ce qu'un acte quelconque soit encore accoinpli par un
juge espagnol ou par les orgaries de la faillite en Espagne. Cela aurait
donc empêché la vente du 4 jarivier 1952et aurait sauvéles actionnaires
de la Barcelona Traction bien entendu. à condition d'uiie nart au'il soit
st;iru;: dans 111délaLri;~i;oiiiiril>siir ccs coiitesraiionsde ioinl~C,tt.nsc.
taiidii qu'clles furciit cnf:iiiii<lc:fiiiiiiiciirtcrarilic.i pendaiii pluclis
nits 11nrl'attitii~le ~xtr;iur<liiiaircdu I'ar<]u1IcI<2rielone,d'sutrc part
que I:i pr&;eiit:itioii dc cc+~xcc~itioii:.ilCIIpour cffct dc sii,l~t.n<liiI:r
niarclit:d'cs~cutioii dc 1:.fnillit,.,(Ir iii2iiicqii'txllciiisyI:proc;<liire
d'opposition et toutes les autres procédureisimilairis.
La Cour se souviendra que la question de compétencea étésoulevée
une première fois le 13 février 1948 à l'égarddu juge de Reus par Garcia
del Cid et après qu'il s'enfut désisté,le 30 mars 1948,par AI. Boter qui
présenta cette fois un déclinatoire qui n'était plus une contestation
ratione locide la compétencedu juge de Reus, mais une contestation de la
juridiction de tous les tribunaux espagnols demandant que le juge de
Reus sedessaisisseau profitdes tribunaux de Londres. Lasuite desévéne-
ments a montré que, bien entendu, M. Uoter comme M. Garcia del Cid
étaient de mècheavec les demarideurs i la faillite, et que leur initiative
n'avait d'autre but que de provoquer la suspension de l'examen des
recours contre la régularitédes décisions prises,étant bien entendu que
simulta~~émentils se proposaient d'obtenir que la poursuite de l'exécu-
tion fût ordonnéejusques et y compris la vente des bieiis.
Après hl. Roter, la juridiction des tribunaux espagnols fut contestée
par la Barcelona Traction dans son écrit du 18 juin 1948,et puis une
nouvelle fois par National Trust dans son écrit du 27 novembre 1948,
et une dernière fois le rr awil 1953par la Barcelona Traction dans un
écritd'adhésionau déclinatoire Roter. La Barcelona Traction et National
Trust demandaient le dessaisissement au profit des tribuiinux canadiens,
plus précisémentde la Cour supreme d'Ontario qui avait nomme un
ieceiver.
En 14plique. comme en première plaidoirie, le professeur hlalintoppi
a prétendu écarterl'ensemble des recours, y compris le recours Boter, en
disant qu'ils étaient tardifs. 11a de plus opposéau recours de la Barcelona
Traction uiie irrecevabilité résiiltant du fait qu'il serait intervenu alors
que la IJarcelona Traction avait déjà présenté desmotifs d'opposition
visant le fond; et il a contestéla recevabilitédu déclinatoirede National
Trust pour les raisons développéespar les tribunaux espagnols, en lui
contestant la qualité de créancier.
Le premier moyen, celui de tardiveté, j'avoue que je iiel'avais pas pris
au sérieuxet c'est la raison pour laquelle je ne m'y suis pas attardé en
première plaidoirie. Sansdoute mon estimécontradicteur a-t-il eu raison1002 BARCELOSA TRACTION

de dire que le fait que le 31 mars 1948 le déclinatoire Boter avait été
reçu alramitepar le juge de Reus n'impliquait pas à lui seulune reconnais-
sance de la recevabilité de ce déclinatoire. Et pourquoi n'a-t-il pas dit
un mot du jugement rendu par le juge spécial, le 12 février 1949,cité
aux observations belges. 1,page 242, paragraphe 261, reproduit dans
les annexes au mémoire.par lequel le déclinatoire Boter avait étérejeté
et non pas déclarétardif et irrecevable? Le jugement du juge spécial
admettait donc nécessairement que le déclinatoire Boter avait été
régulièrementprésenté,bien qu'il fût postérieur à des ordonnances par
lesquelles le juge de Reus avait prétendu donner un caractère de chose
jugée à son jugement déclaratif de faillite.
Quant à l'arrêt dela cour d'appel de Barcelone qui a étérendu le
15 mai 1963 et dont le texte à été produit dans la deuxikme sériede
nouveaux documents du Gouvernement espagnol déposésau mois de
mars dernier. c'est à tort que mon estimécontradicteur a relevédans un
considérant qu'il y était fait état de la force de chosejugéedu jugement
déclaratif de faillite. D'après lui, la Cour en relevant cette circonstance
<<adit tout ce qu'il étaitnécessairede dire pour établir danssa substance
le cara~t~re tardif du déclinatoireRoter u.C'est. Messieurs.inexact. Car
s'il est vrai que cette circonstance est relatéedans le troisième consi-
dérant, c'est tout simplement dans le récit qui est fait de tous les actes
de procédurequi se sint succédé,mais dans ie considérant suivant, où il
est traité du déclinatoireBoter,aucune fin de non-recevoir n'est tirée du
caractère de chose jugée du jugement déclaratif de faillite et la Cour
conclut àla confirmation du jugement de rejet du déclinatoire Boter et
non pas du tout à sa réformationpar une déclaration de non-recevabilité,
Puisque mon estimécontradicteur est revenu en réplique àson affir-
mation que Boter, comme la Barcelona Traction et la Xational Tmst, ne
pouvaient plus contester la compétencede la juridiction espagnole dans
la procédure de faillite de la Barcelona Traction par suite du prétendu
écoulementdu délaid'opposition, et puisque reproche m'a étéfaitde ne
pas avoir rencontré cette argumentation, force m'est bien d'y revenir.
Je ne le fais cependant qu'à titre toutà fait subsidiaire,puisque le point
dedépart de cette argumentationest à mon avis erroné,latardivetérésul-
tant du fait que le délaid'opposition aurait étéécoulé,alors que, c'est
d'opposition ait étéécouléau moment où Boter, le 30 mars 1948, la délai
13arcelonaTraction, le 18juin, et la National Trust,au moisdenovembre.
formulaient leurs contestations de compétence.
Mais je suppose, à titre d'hypothhse, que le délai d'opposition aurait
étéeffectivement expiré. J'cntends démontrer que, mémeen ce cas, le
raisonnement du professeur Malintoppi serait certainement noil fondé.
Mon estimé contradicteur a ris comme voint de déoart les articles
76 et 408 de la Loi de procédurécivile.
Je passe sur l'article 408 qui établit seulement le principe de la chose
iuaéerésultant de l'écoulementdes délais de recours.Mais.me rapportant
Al'art~cl~.6.jeliscczi:iiIl ne ruaI,X~poj;it,l< <le~)romoiivoirou proposer
des questions dc coinpétcnccdans Irs nfiiiir?iit,l~ci~irqui sont termi-
nées.var aziloou senlëncia firme.>,Ce aui a conduit mon estimécontra-
dictek àaffirmer ce que je iià la page'z90:. Tout déclinatoiresoulevant
une question de compétence ou juridictionnelle ne peut intervenir
qu'avant que la décisiondu juge soit passéeen force de chose jugée. »
Entre letextedelaloi et la proposition du Gouvernement espagnol il).a DUPLIQUE DE 31.ROLIS 1003

une différenceoui va vicier la suite du raisonnement: Dour o.~~~- ~écli-
natoire de comiétence devienne impossible, il faut qu'une affaire judi-
ciaire soitermindepar I'acitoou la sentenciafirme.Nous verrons ~lusloin.
àl'occasion de l'examen des recours en revision, que le jugement decla-
ratif de faillite ne peut pas êtrequalifiéde serztenciafirme.Pour l'instant,
nous nous contenterons d'une constatation plus simple, à savoir que le
jugement déclaratif de faillite ne termine pas l'affaire de la faillite. II en
est le commencement. II est d'autant plus extraordinaire de voir le
Gouvernement espagnol perdre de vue cette circonstance qu'il a lui-
méme développéavec force et exagération le thème que le jugement
sairement conduirereàila liquidation.rocédured'exécutiondevant néces-
Lorsoue le Gouvernement es~aenol~iaidela tardiveté descontestations
de comi;tencc, ilconfond m&iifestehciit dans jori raisoririeiiicnt deux
ctioas: Ir jiigcniciit et le juge. Si I'exyiratid6l;tiJ'oppojition met le
iucement déclaratifde failliteà 1':ibride tour rcsoiirs rixr voie de décli-
natoire de corn étence,elle ne met pas fin aux fonctions du juge. Nous
avons montré $ ans une annexe à notre mémoire - je crois en avoir
parlé dans ma première plaidoirie - que la procédure de la faillite
comprend cinq parties et c'est le même jugequi est compétent depuis
le premier jour du jugement déclaratif jusqu'au dernier. Et ce juge. a
chaque fois qu'il est saisi d'un nouvel incident, pourra se voir contes-
ter, éventuellement par une nouvelle partie intervenant à la faillite. sa
compétence.Il y aurait du reste, de la part de la Partie adverse, une
véritable contradiction à soutenir d'une part que le jugement de fail-
lite, une fois épuisésles recours ou écoulle délaid'opposition, termine
l'affaire et, d'autre part,que les phases ultérieures de la procedure en
seraient la suite inévitable.
Je tiensà ce sujetà rectifier une déclaration peut-êtreinsuffisamment
préciseou trop généraleque j'ai faite à la séancedu 22 avril 1964 (vo/r
ci-dessus, p. 634). selon laquelle le déclinatoire de compétence oaurait
dû sufie à aboutir à l'annulation du jugement de failiiten. Cela n'est
à proprement parler exact que dans les cas où. comme dans l'espèce,
il s'agit non d'un déclinatoiredt: compétenceentre juges espagnols, mais
d'un déclinatoirede juridiction des tribunaux espagnols.
Lorsqu'il s'agit d'un déclinatoire de compétence dont l'objet et le
résultat sont d'obtenir le renvoi d'une affaire d'un juge espagnol à un
termes de l'article 1x5 de la Loi de procédure civile, tous les actes de
procédure accomplis avant le jugement d'incompétence demeurent
valables, sansqu'il soit besoin de ratification devant le juge ou le tribunal
qui sera déclaré incompétent.
Ainsi. au cas où le iuee de Reus aurait étédéclaréincomoétent au
profit d'unt: autre jur;diGtion eipagiiole. çonformCment à ;ta11
demaridc par 11.Garcia del Cid. Ic jugcmznt di.clÿr:itifde faillite n'aur:iit
oas itC vour autarit aiinulé.>lais le d6cli~intoireRoter. coiniiila 212
rndiqué 'à diverses reprises, avait pour objet de dessaisir le juge de
Reus non paç au profit d'un autre juge espagnol, mais au profit des
tribunaux de Londres, tandis que la National Trust et la Barcelona
Traction plaidaient que la compétence devait appartenir à la Cour
suprême d'Ontario.
En supposant qu'une clécisiorisoit intervenue dans ce sens et que les
tribunaux espagnols se soient déclarésincompétents, ilest clair, Messieurs, 1004 BARCELOSA TRACTIOS

que la juridiction britannique ou la juridiction canadienne ne pouvaietit
en rien se déclarerliéespar le jugement déclaratif de faillite d12février
1948, car, mêmedans les cas les plus favorables, mêmelorsqu'il existe
entre deux pays un traité réglant la question de la compétence de leurs
tribunaux et de l'exécution des jugements, la premiere conditioii pour
que la juridiction d'un pays puisse se considérer comme liéepar uiie
décisionrendue par une juridiction de l'autre pays, est que cette derniere
décisionait étérendue par un tribunal compétent. Du moment qu'une
juridiction espagnole se reconnaissait incompétente, elle signait par la
mêmel'arrét de mort du jugement déclaratif de faillite. Et l'affaire
revenant,par hypothèse, devant un tnbunal britannique ou un tribunal
canadien - car il ne pouvait êtrequestion d'un simple renvoi - il
était impensable que cette juridiction puisse se considérer comme liée
par le jugement du 12février1948qui, ainsi, du mêmecoup, serait tombé
dans le néant.
Vovons maintenant, Messieurs. ra~idement, les fins de non-recevoir

En ce qui concerne la première, la Partie adverse revient en réplique
sur ce qu'elleavait déjàdévelop é enpremièreplaidoirie et à quoi elleme
reproche de ne pas avoir réPo&, c'est-à-dire que la Barcelona Traction
n'était plus recevable à plaider l'incompétenceparce que dans son écrit
du 16 juin 1948 elle avait- je cite: <<abordéle fond sans avoir soulevé
la question de juridiction par voie formelled'incidentii.
Sur ce point, j'avais cm ne rien devoir ajouter à ce qui avait été dit
par tious à ce siijet dans nos observations, mais puisque le professeur
Alalintoppi m'adresse à cet égard un rcproche, force m'est bien d'y
revenir un instant.
Je rappelle donc que la Barcelona Traction, dans son écritdu 18juin
1948. reproduit à la paRe 441 du volume II des annexes à son mémoire.
cite, comme premièrë raison de son opposition
nl'incompétence des tribunaux espagnols pour déclarer la faillite
d'une sociétéconstituée conformément aux lois canadiennes, qui
a son domicile légalà Toronto, province d'Ontario, et qui est inscrite
sur les registres du Département d'Etat dudit pays,,.

C'est donc bien avant tout moyen au fond que l'exception d'incompé-
tence est formuléedans l'opposition de la Barcelona Traction et il est ini-
maginable que la cour d'appel de Barcelone ait manqué à la foi due aux
textes au point de proclamer la forclusion de la Barcelona Traction.
LeGouvernement espagnol reproche &galement à la Barcelona Traction
d'avoir présentésa contestation par voie d'exception et non par voie de
déclinatoire,conformémentaux articles 72 et 79 de la Loi de procédure
civile, relatifs aux inhibitoires et déclinatoires de compétence. Mais il
perd de vue que l'utilisation de ces procéduresn'est concevable que dans
le cadre de l'organisation judiciaire espagnole. Ainsi, le déclinatoire de
compétenceest défini à l'article 72 comme le recours où al'on demande
aux juges qu'ils se dessaisissent de connaître de l'affaire et remettent le
dossier aux juges considérés commecompétents n.
Or, on ne peut imaginer, tout.au moins en l'absence d'un traité qui le
prévoirait, qu'un dossier puisse êtretransmis par un tribunal espagnol
à un tribunal étranger. C'est du reste ce qui amène un auteur espagnol,
Goldschmidt, dans son ouvrage Sistema y filosafiadederechointernacional DUPLIQUE DE M. ROLIN 1005

firivado, vol. II, Barcelone, 1949. page 354, et dans Cuestionesvarias de
derechointernacional firivado, Madrid, 1949, page 98, à exposer qu'en
réalitéles articles 72 et 79 sontsans applicatioiien dehors des juridictions
espagnoles. La Barcelona Traction était donc pleinement recevable à
contester la iuridictiou des tribunaux esoaenols Dar voie d'exceotion
comme elle 1'; fait. .
Quant à la Xational Tmst, sur ce point mon estimé contradicteur
s'est borné à maintenir qu'indkpendamment de sa prétendue tardiveté

ledéclinatoirede la National Tnist étaitirrecevable par défautde qualité.
De mon côté,Messieurs,je renvoie à ce q. .i'ai dità ce sujet à l'audience
du 22 :i\nl, (l;tim:i pieiiiiCrcpl.ii~loirie.~>,igc35, etni,?Ijornciral>l~çlcr
1'inciiii~pr~I diffiri.ict~vltrsircniciitiliii;iycu dciiioi.;dcrlijt:iiic<t,
fiitf:iitLU coiiiit6 dci ol)lin.~t;~ir~Ii>rioI.icirloiiiiii; par .\I:ucli et i1.~
Barcelona Traction. Le fut reçu comme partFe à la procédure
par ordonnance du 20 septembre 1946 (publiée à i'annexe 137, vol. II,
annexe au mémoire, p.510); la seconde fut repousséepar ordonnance du
4 février1949 (annexe 141, vol. III, p. 536).
Ainsi, Messieurs, les fins de non-recevoir spéciales opposées à la Barce-
lona Traction et à la Xational Tmst étaient égalementsans fondement,
en sorte que les contestations de juridiction des tribunaux espagnols
devaient ètreconsidbréescommepleinemeiit recevables; d'autre part, elles
étaient susceptibles, en cas de succès, comme je l'ai montré, de faire
..-ta~ ~~~u~ ~esures dén~n~ ~ ~ ~
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'en arrive ainsi à la troi-
sièmeet dernière thèsedu Gouvernement espagnol que j'ai à rencontrer,
la seule qui soit relative à un recours non exercé par le gtou e de la
13arcelonaTraction et ce sera aussi la dernière partie de ma p aidoirie, ...
elle serabrt?ve.
Il s'agit du recours en revision - j'ai longuement traité de la question
au cours de ma première plaidoirie. J'ai indiquéqu'un tel recours n'eût
pas étérecevable, parce que II: recours en revision n'est admis qu'à
l'bgard des sentencias ayant acquis force de chose jugée matérielle.
J'ai fait état à cet @rd de la jurisprudence la plus récentedu tribunal
suprême, à savoir d'un arrêtdu 22 mars 1963. Enfin j'ai montré qu'en
tout étatde cause, il n'y avait pas place pour un recours en revision parce

que la Barcelona Traction eût étéhors d'état d'établirles manŒuvres
frauduleuses des demandeurs à la faillite. tout spécialementrelativement
au domicile du défendeur. au'ils avaient très exactement décrit comme
n'ayant en Espagne ni siè'g&socian l i établissement commercial.
Chacun de ces arguments a étécombattu par la Partie adverse. Je
dois donc y revenir:
Voyons tout d'abord où en est le désaccord entre les Parties quant
à la recevabilité du recours. La controverse tourne autour du point de
savoir s'il est possible au jugenient dbclaratif de faillite d'échapper à
l'exclusion inscrite à l'article 1797de la Loi de procédurecivile cité à la
page 248 des observations belges (I),paragraphe 274. suivant lequel «le
recours en revision ne sera admis que s'il concerne une sentenciafirme u,
ce que les Parties sont d'accord pour interpréter comme excluant les
décisions qui n'ont pas acquis force de chose jugée matérielle. Fien
entendu la reconnaissance d'une telle force de chose iu~ée.mat,n..le
inipli<liie~lu'iiii<d!écisiu;riaciliiii :iii;1:iforce de ch052jiigce foriiielle
pr8i ui. àI'articl~:40~dr:la I.oidc proc:d,irc civile pu Itrcji:t dr.i recours
oit I'écoulrinrnrdes ciElais 11,recoiir;. Et coniiiie. sui\.aiiIr Goiiverne-1006 BARCELOSA TRACTIOS

ment belge, tel ne fut pas le cas pour la Barcelona Traction avant l'arrèt
derejet du mois de juin 1963,la question de ranger le jugement déclaratif
de faillite parmi lessefilenciasfirmene peut, à notre avis, pas se poser.
C'estdonc à titre touà fait subsidiaire que nous examinons siàsupposer
que les délaisaient étéexpiréset que le jugement déclaratif de faillite
eût acquis force de chose jugée formelle, il avait aussi cette force de
chose jugéematérielle indispensable pour qu'il pût y avoir recours en
revision.
La définition, filessieurs, de cette notion de force de chose jugée
matérielledoit êtrecherchbe, nous sommes d'accord sur ce point, dans
l'article252 de la Loi de procédurecivile qui est libelié commesuit:
rPour que la présomption de chose jugéeproduise effetdans un
autre procés,ilest nécessairequ'entre le cas décidépar la sentence
et un autre cas où la sentence est invoquéeexiste l'identitéla plus
profonde entre les choses, les causes et la personne des parties au
litige(litigantes)y compris la qualité en laquelle elles ont agi. u

J'ai conclu de ces termes qu'à toute évidence, pour qu'une décision
judiciaire puisse acquérir force de chose jugéematérielle,il faut qu'elle
mette fin à un litige entre des parties, c'est-à-dire entre un demandeur
et un défendeurrégulièrement appelés àcomparaître, ce qui ne se produit
pas dans le cas d'un jugement déclaratif de faillite, puisque celui-ci est
prononcésur requête.
Je ne crois vraiment pas qu'il soit sérieux de m'avoir objecté qu'en
ce cas les jugements rendus par défaut ne seraient pas susceptibles
d'acquérirforcede chose jugéematérielle.
Maisplut& que d'inviter la Cour à départager le professeur Malintoppi
et moi sur un point de droit espagnol, sur des bases théoriques. il me
paraît plus simple de lui proposer de se référer à la jurispmdence du
tribunal suprêmequi,sur ce point-là, me paraît tout à fait bien établie.
J'avais cità cet égardcequi. à ma connnaissance, étaitledernier arrêt
rendu par le tribunal suprême. à savoir l'arrêt du 22 mars 1963
reproduit au ReczredlAranradi sous leno 1808 qui refuse au jugement
de faillite la qualité deeitlencia ejecutorparce qu'il est susceptible de
modification à n'importe quel stade du procès collectif d'exécution.
A mon invocation de cet arrêt,le professeur Malintoppi a fait deux
objections: il m'a tout d'abord reprochéd'avoir, dans ma citation d'un
considérant de l'arrêt,remplacél'expression seiitencia ejecutoriqui est
effectivement celle du tribunalsuprème, par l'expression sentenciafirme.
Ma réponse,Messieurs. sur ce point est simple. C'est par une négligence
de langage que le tribunal suprême a parlé de sentencia ejecutoria,
l'article 369 de la Loi de procédure civile définit ejecutoriacomme le
document public et solennel dans lequel est consignéeune sentenciafirme,
et le commentateur qui fait le plus autorité quant àla Loi de procédure
civile, Manresa, dans son commentaire de cette loi, 5e édition, tome II,
Madrid, 1929 page 139,écrit:cl'ondonne aujourd'hui lenom de sentencia
firmeAce que I'on appelait autrefois lasentencia ejecutorianJe n'ai donc
commis aucun abus qiielconque en employant cette équivalence.
Mon estimé contradicteur me reproche d'autre part d'avoir, en ce
qui concerne I'arrètdont j'ai citéun extrait -je cite:

{ioubliéde vous dire [donc de dire à la Cour] que dans l'affaire
tranchée par cet arrêt,le jugement déclaratif de faillite avait été DUPLIQUE DE hl. ROLlS 1007

diiment attaqué par le moyen de I'opposition et que l'opposition
était encore en cours au moment de l'introduction de la demande
sur laquelle le tribunal suprême aétéappelé à statuer».

J'ai étéassez sensible à ce reproclie, Monsieur le Président, Messieurs de
laCour; je crois pouvoir montrer à la Cour qu'il est totalement immérité.
En effet, i'existence d'une opposition au jugement de faillite qui aurait
étéen cours au moment de l'introduction de la demande sur laquelle le
tribunal suprêmefut appelé à statuer ne résulted'aucun desconsidérants
publiés par Aranzadi. Non seulement il n'en résulte pas, mais il paraît
implicitement écartépar ces considérants. Et le professeur Malintoppi
lui-méme,lorsqu'il plaidait le 6 mai 1964.ne tenait son informationque
d'une attestation delivréela veille, 5 mai 1964,par le greffierdu tribunal
de Barcelone et dont il devait :rvoir eu communication télbphoniquc ou
télégraphique.
Comment aurai-je pu, moi, ètre au courant de cette attestation qui
vient maintenant d'être déposéeau Greffe de la Cour, ce qui m'a été
signalévendredi soir, le 15mai, apres que j'avais terminé ma plaidoirie?
Je crois donc pouvoir dire que, tout au moins, le reproche qui m'était
fait n'était pas fondé,et dans ces conditions, il est assez difficilement
ex~licable.
l'ajoute, Messieurs, que je regrette que cette communication soit
survenue à un moment aussi tardif où il nous était extraordinairement
difficil- vous vous en rendez compte - de nous rendre comDte avec
prCcijion de la valcur rle cette ;ittesiation. Si::iiinioin;, nous a;.f.ut
prozc:deriIlarcçlone et i.\Ia<lriiIausv~riiicatioiisn;cei.;siresIcrr'sultat
est intéressant.
L'attestation qui est produitr: n'est pas inexacte, mais elle est incom-
?lete. Il est vrai qu'une opposition a été introduiteau jugement déclara-
tif de faillite, avant l'introduction par les syndics de la faillite de la
terceriadont le tribunal suprêrnea eu à connaître dans l'arrêtdu 22
mars 1963. Cette opposition a étérejetée comme le dit l'attestation
par jugement du 24 novembre 1954, soit dix-huit mois avant l'intro-
ductionde la terceriamais ni devant la cour d'appel ni devant le tribunal
suprême, aucune des parties n'a fait mention du fait que ce jugement,
qui était bien antérieur à l'introduction de l'affaire dont le tribunal
suprême avait à connaître, avait étéfrappé d'appel, appel qui fut
du reste rejeté après l'introduction de la terceriamais bien avant que
le tribunal suprêmeou que la cour d'appel eussent à statuer. Et la
circonstance que le tribunal suprêine,comme la cour d'appel, ont dû
croire, sur la base de ce qui leur était signalé,que le jugement déclaratif
de faillite était couléen force de chose jugéeau moment où était intro-
duite la tercerin,conserve toute la valeur que nous avons attribuée à
i'arr&tdu 22 mars 1963.
Cela dit, je suis heureux de pouvoir consolider l'argument que nous
avons tiré de cet arrêtdu 22 niars 1963 par la référence à deux arrêts
plus anciens, des 8 et 17 octobre 1949, publiés au Recueil Aranzadi
sous les nos 1122 et 1234 et tellement connus qu'ils en sont classiques;
ils sont cités dans l'édition des lois civiles espagnoles de Medina ';
Marafion, tome II, 1958, dans une note qui figure au pied de l'article
1331du Code de procédurecivile.
Il s'agit cette fois de deux arrêtsrendus dans des procéduresd'oppo-
sition de faillite: i'opposition ayant étérejetéepar le juge de la faillite,1008 BARCELOXA TRACTION
l'avait étéensuite par la cou d'appel et les faillis s'étaient pourvus
en cassation devant le tribunal suprême;et le tribunal suprémerejette
ces recours en les déclarant non recevables pour le motif que le caractère
de jugement dtfinitif au sens de l'article 1690,IO, de la Loi de procédure
civile -je cite:

cidevait êtrerefusé à la sentencia qui rejette l'opposition du failli
contre la déclaration de faillite puisque, selon la doctriiie cons-
tante du présent tribunal (doctrina reiterada) elle ne met pas fin
au procèsen en rendant impossible la contiiiuation».

Et dès lors ma démonstration peut tenir en trois lignes: puisque le
tribunal supréme refuse de connaître des recours en cassation dirigés
contre les décisionsde rejet des oppositions au jugement déclaratif de
faillite, ces décisions ne peuvent jamais acquérir l'autorité de chose
jugéematérielle prévue à l'article1252 de la Loi de procédure civile
qui suppose la terminaison du litige, et dès lors le recours en revision
est toujours irrecevable.

Et enfin, Rlessieurs,quant au troisième argument que j'avais invoqué,
à savoir l'absence de base juridique pour un recours en revision à sup-
poser qu'il eût étéaccessible aux intéressés,je comprends mal que la
Partie adverse ait cru devoir attribuer àune manŒuvre des demandeurs
à la faillite qui aurait pu donner ouverture à un recours eu revision,
la mention contenue dans le jugement déclaratif que le siègesocial de
la Barcelona Traction était inconnu: les demandeurs à la faillite avaient
déclaréque la sociétén'avait pas de siège social en Espagne. II n'y a
manifestement aucun rapport entre la fausse constatation du juge et
I'indicati~n ~ ~c~ ~ ~s demandeurs.
Ces deux constatations avaient des effets juridiques totalement diffé-
rents et la Barcelona Traction n'eût eu aucune chance de faire admettre
par le tribunal suprême, à supposer qu'elle fût recevable, un recours
en revision suivant lequel le juge de Reus aurait étéfourvoyésur une
voie détournéepar la formule employée par les demandeurs et que
c'était là la manŒuvre frauduleuse à laquelle. suivant la loi espagnole,
la demande en revision pouvait porter remède.

[Audience publigue dzcrg mai 1964, afirès-midi]

&Ionsieur le Président, Messieurs de la Cour, amvé ainsi au bout
de ma plaidoirie relative la quatrième exception, j'espère avoir con-
vaincu la Cour qu'à l'égardd'aucun des griefs formuléspar le Gouver-
nement belge, ni d'aucune des décisions judiciaires incriminéespar lui,
l'exception de non-épuisement des voies de recours internes ne peut
êtreconsidéréecomme fondée.
Il résulteen effet de ce que j'ai exposéqu'à aucun moment le groupe
de la Barcelona Traction n'a manifesté à l'égard desrecours judiciaires
internes l'indifférence,ou fait preuve de la négligence,que le Gouverne-
ment espagnol lui a attribuée dans ses écrits et dans les plaidoiries de
ses conseils.
Il n'est pas vrai quc le jugement déclaratif de faillite du 12 février
1948 ait étéattaqué tardivement. Il l'a étédès le 16 févrierpar 1'Ebro
et la Barcelonesa dans des conditions parfaitement valables et qui DUPLIQUE DE >I. ROLIS 1009

eussent dû suffire à rendre cette décisioninoffensive; il l'a étéle 18 juin
par la Barcelona Traction elle-mêmede façon tout A fait régulière,
par la voie de l'opposition, avant de l'êtreles 5 et 30 juillet par celle
de l'incident de nullité.
II n'est pas vrai que, rlsupposer mémeque le jugement de faillite
n'eût pas fait l'objet du recours régulier, il devait nécessairement con-
duire à la liquidation, car cette absence de recours contre le jugement
déclaratif ii'aurait pu mettre le juge de la faillità l'abri de la contesta-
tion ultérieure dc compétenceet à fortiori de la contestation de juridic-
tion des tribunaux espagnols, qui furent présentéessuccessivement par
Boter, la Barceloiin Traction et la National Trust et demeurèrent
pendantes jusqii'en 1963.Le succèsd'une tellc contestation eût provoqué
1'~croulementde toutes les mesures ordonnéespar le juge de la faillite.
II n'est pas vrai que la Barcelona Traction eût pu et dès lors dû
recourir à l'action en revision du jugement déclaratif. Un tel recours
avant que soit terminée toute la procédure de l'exécution. II pouvaitlite
d'autant nioins eii étre question en l'espèceque le jugement déclaratif
était frappé d'une opposition par la Barcelona Traction sur laquelle
il n'avait pas &téstatué (cela ne:le fut qu'en 1963).
II n'est pas vrai enfin que les recours exercés postérieurement au
mois de mars 1048 aient manaué de ~ertinence. car ils eussent dû
norninl~:riii.iitcniyCclier I;I iii':~s~~i~iioiidcs i~oiiil>reuic~~l~i~iions
1rr111 L I c111111rit i 1 nt i tir c-~r~r i I;ccsn
le iianvier i0w des titres émisen EsDacne en rem~lacement de ceux
qui se trouvaieiit au Canada. A -
Ainsi, alonsieur le Président, Messieursde la Cour. l'examen minutieux
des actes incriminéset des recours nous ont permis de vérifierune fois
de plus ce que le bon sens faisait apercevoir dès le premier coup d'aeil,
à savoir que, dans une affaire où, dès le lendemain du premier coup
porté aux intérêtsdes actionnaires de la Barcelona Traction par le
jugement dii 12 février 1948, bien au-delh de la date fatidique du
4 janvier rg5z. les recours avaient été introduits et s'étaient multipliés
à une cadence vertigineiise, l'hypothèse de non-épuisement des voies
de recours interne était dépourvue de toute vraisemblance.
Je sais bien que mon collèguele professeur Malintoppi m'a quelque
peu railléde faire trop fréquemnient appel au bori sens. Je crois pourtant
qu'il n'est pas pour lin juge, spécialement,pour un juge international,
de meilleur conseiller - mêmesi on y fait entrer et le sens juridique
et cette notion d'eyuity que le professeur Lauterpacht vous a décrite
comme étant la prise de conscience de l'évolution de situations aus-
quelles le droit doit faire face et auxquelles il doit s'adapter.
Au surplus. si je me remémorel'argumentation développéepar mes
collègues les autres conseils du Gouvernement belge l'encontre $s
première, deuxième et troisième exceptions préliminaires, ce que 1 en
retiens avant tout et qui plus encore que leurs savantes constructions
juridiques me donne confiance dans la décision finalede la Cour, ce
sont encore, je le reconnais, des considérations debon sens.
Je ne peux croire.eii. effet.qn:on,puisse rcco~inaitre,comme plausible
la thèse qui consisteà soutenir que la déclantion par laquelle le Gouver-
nement belge se désista le 23 mars 1961 de la procédure introduite
devant la Cour aurait comportéde sa part, ou aurait étéaccompagnée
d'une renonciation définitive toute protection ultérieure des ressortis-1010 BARCELOSA TRACTION

sants belges actionnaires de la Barcelona Traction, c'est-à-dire d'un
abandon de leurs droits au bon plaisir de la partie privéeavec laquelle
ils allaient négocier.Les efforts qui furent tentés de façon répétépar
le Gouvernement belge porir évitermême leseul désistement d'instance
ou pour ne pas le rendre définitif avant qu'on ne soit fixésur l'issue
des négociations privéesdevaient suffire du reste A écarter I'liypothèse
d'une telle reddition sans conditions.
Je ne puis croire davantage que la Cour reconnaisse à l'Espagne le
droit de refuser aujourd'huià la Cour internationale de Justice compé-
tence pour conuaitre du différend existant entre les deux Etats, alors
que l'Espagne admet que le traité hispano-belge de 1927est toujours
en vigueur, alors que par ce traité l'Espagne a accepté l'engagement
de soumettre les différendsaux procéduresqui y sont prévueset iiotam-
ment à la voie judiciaire et qu'en outre,au cours des négociations diplo-
matiques, l'Espagne a reconnu l'existence d'un lien de juridiction entre
elle et la Belgique devant la Cour internationale de Justice, à dater
de son admission dans l'organisation des Nations Unies.
réalitéde l'existence des intérêtsbelges, ni quantavànl'admissibilité de

une affaire où avant, pendant etaprèsla procédurede faillite le Gouver-
nement espagnol plus que juan hfarch n'ont aucun moment
i~norél'identité et la nationalité de ceux qui se considéraient comme
menacés, puisatteints, par cette procédureët pour lesquels une répara-
tion équitable était et est aujourd'hui réclamée.
La Cour en aurait ainsi définitivement fini avec les plaidoiries de
l'affaire de la Barcelona Traction si, en ce aui concerne les troisième
et quatrième exceptions préliminaires, il ne-me restait à répondre à
la plaidoirie du professeur Ago relativeà nos conclusions subsidiaires
tendant à la jonction au fond.
hfonsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'aborde ainsi la toute
dernière partie de ma plaidoirie, celle qui, j'ai tout lieu de le croire,
va mettre le point finalà ces trop longs débats.
Je dois répondre aux observations présentéespar M. le professeur
Ago à l'audience du 8 mai (voir ci-dessus, p. 86à 872).
Peut-êtrene serai-je pas le seulàpenser que, de toutes les questions
nombreuses qui ont étéagitéesau cours de ces quarante-trois audiences,
celle-ci est. sinon la plus intéressante, du moins peut-être celle où il
aura étépermis aux conseils des deux Parties d'apporter une contri-
bution utile à la compréhension d'une disposition de votre Règlement
dont l'application est fréquemment envisagée dans les affaires dont
la Cour est saisie.
Dans ma première plaidoirie, je m'étaisefforcéde montrer à la Cour
la nécessitéd'examiner la jurisprudence de la Cour permanente et la
sienne en plaçant les décisionsdans un ordre chronologique et j'avais
souligné à cette occasion les modifications qui avaient été apportées
au Règlement initial de la Cour permanente avant que l'article 62
reçût la rédaction que nous lui connaissons aujourd'hui, laquelle recon-
naît sans restriction la Cour la facultéde joindre au fond les exceptions
préliminairesqui lui sont présentées.
Le professeur Ago a apporté à l'exposéque j'ai fait un correctif dont
je ne méconnaispas l'importance. Il a signaléque, bien que les auteurs
du Règlement de 1926qui inaugura l'interruption de la procédure au DUPLIQUE DE hl. ROLIX 1011

fond en cas de présentation d'une exception préliminaire n'aient pas
expressément prévu la possibilitéd'une jonction au fond, ils n'avaient
en aucune façon entendu 1'exr:lureet que cette éventualitéavait, au
contraire, étéenvisagéepar divers juges comme une faculté à laquelle
la Cour pourrait recourir sans qu'il soit nécessairede le stipuler.
L'observation est exacte, mais il n'en reste pas moins que, lors de
la revision du R&glementde 1536, l'utilitéfut reconnue de rendre cette
faculté explicite, sans doute à la suite de l'application qui en avait
été faitedans I'affaire du Prince von Pless; d'autre part, la question
fut agitéeà la Cour, àl'initiative de M.Fromageot, de savoir si, lorsque
la Cour était saisie d'une exception préliminaire, elle ne devait pas
interroger les Parties sur le moment auquel elles souhaitaient qu'elle
statuât sur l'exceution.
Il s'agissait en l'espèce d'interpréter les mots du Règlement iles
parties une fois entendues». Le Président de la Cour mit aux voix cette
question, à laquelle la Cour répondit négativement par 7 vois contre I
et z abstentions. L'opposant &tait le comte Kostworowski, les deus
abstenants M. Anzilotti et M. van Eysinga. Je me réfèreaux indica-
tions contenues dans le volume de la série D de la Cour permanente,
3e addendum au no z,page 645.
Cet incident me paraît interdire que soit un instant retenue la sug-
gestion faite par M. Ago, au cours de sa première plaidoirie, suivant
laquelle une jonction au fond ne pourrait avoir lieu sans raccord de
I'Etat défendeur.
Mais, puisqu'un rappel a été fait aux travaux préparatoires du
Règlement de 1936, qu'il me soit permis d'attirer encore l'attention
de la Cour sur le fait que cette revision eut comme base le rapport d'un
comitéconstitué en 1933 OU avant, rapport qui fut présentépar le juge
britannique sir Cecil Hurst. Cet éminent jurisconsulte constate dans
son rapport qu'il résulte d'une étude des réserves faites par les Pnis-
sances dans leur acceptation de la clause facultative qu'une exception
d'incompétencepeut êtreformulée <qui n'a aucune réferencequelconque
avec les faits de la cause » (wkich has no referencewhaleuerto the facts
of the case) et il lui parait déraisonnable dans de tels cas de priver le
défendeur de la possibilitéde faire valoir ses exceptions in limine litis
sans attendre le mémoire de I'Etat demandeur. Je vois cela dans le
même volume,3e addendum au no z,,page 767.
La Cour retiendra des termes restrictifs employéspar sir Cecil Hurst
1526, où la Cour permanente avait admis qu'eue pourrait effleurer le,de
fond de l'affaire et mêmese prononcer à l'occasion d'une exception
préliminaire, à titre provisoire, sur des questions de fond.
Je crois donc que c'est à tort que mon estimécontradicteur a voulu
considérer cet arrêtde 1926 comme caractéristique de la jurisprudence
de la Cour permanente. de préférence à l'arr&t rendu dans l'affaire
Losinger.
Surquelques autres points encore, lesremarques faitespar le professeur
Ago me paraissent nécessiter des rectifications.
Traitant de I'affaire Pajzs, Csdky, Esterhdzy,il déclareque la jonction
au fond n'a été duequ'à la conduite du défendeur qui avait devancé
la décisionde la Cour en répondant au fond au moment où il soulevait
l'exception. Il me parait y avoir là une erreur flagrante. Peu importe
que le Gouvernement yougoslave ait, à titre subsidiaire, conclu sur leIO12 BARCELOPIA TRACTION

fond, du moment qu'il avait présenté des exceptions préliminaires et
qu'il demandait formellement qu'il soit statué à leur sujet.
Ces conclusions au fond n'avaient pas empêchéla procédure écrite
d'ètre interrom~ue et nul doute aue la Cour Dermanente eût statué
par un arrêtséparésur les exceptiÔns prélimina&essi la chose lui avait
paru raisoiinable, mais elleconstate dans son arrêtérieA/B n"66,p. g) :

<<Considérantqu'il existe entre les questions soulevées par la
en appel formulée par les conclusions au fond du Gouvernementemande
liongrois [il s'agissait d'un appel contre trois sentences du Tribunal
arbitral mixte hungaro-yougoslave] .des rapports trop étroits et

unes et éviter de se prononcer sur les autresasse statuer sur les

Et quant àla deuxième exception:

iConsidérant que le développement de la procédure sur le fond
en permettant à la Cour de bien saisir la relation à établir entre
la demande en appel en vertu de l'article X de l'accord II, et la
demande en inter~rétation des accords II et III en vertu des
articles 17et 22 desdits accords, ainsi que le sens et la portée à
donner aux conclusions présentées«subsidiairement ou cumulative-
ment selon le iugemeni de la Cour.. mettra la Cour à mêmede
statuer en meiileüre connaissance de cause sur la deuxieme escep-
tion du Gouvernement yougoslave. »

Je crois aussi que c'est à tort que le professeur Ago croit pouvoir
écarter comme sans intérêtla jonction au fond ordonnéedans l'affaire
des Emerunts norvégiens,parce qu'elle aurait étéordonnée de l'accord
des Parties. Personnellement, j'y vois au contraire la confirmation que
la jonction au fond véritablement, dans certains cas, est une solution
raisonnable.
Je considèrede même-et cette foisje puis me prononcer en connais-
sance de cause personnelle - que le commentaire donné par mon
éminent contradicteur de I'arrét Nollebohmcontinue à êtreerroné.Mon
éminent contradicteur s'élèvecontre ma déclaration que, dans ladite
affaire. une exception préliminaire du Guatemala touchant le défaut de
jus standi du Liechtenstein eût étéprobablement, sinon certainement
jointe au fond. II y oppose que, malgré cette déclaration que j'avais
faite en plaidoirie. la Cour a estimé «que ce moven d'irrecevabilité a
une importance primordiale et qu'il convient en Conséquencede l'exa-
miner tout d'abord P.
Ilois-je répéterune fois de plus que le professeur Ago.confoiid deux
choses: la disionction des dkbnts et la disionction du ~rononcé. La
jonction d'uni exception préliminaire au foid, lorsqu'elléest décidée,
ne fait aucunement obstacle ice que la Cour, dans son délibéré, conserve
au moyen le caractère d'une exception préliminaire et lui donne donc
la priorité dans ses décisions. II en allait nécessairement de même si
la Partie défenderesse avait elle-même joint l'exception au fond, ce
exception au fond, la Cour ri'en retint pas moins lecaractere d'exception
que le Guatemala avait lui-mêmedonné à son moyen et statua d'abord
sur le moyen en qualitéd'exception. DUPLIQUE DE $1.ROLIS 1013

Aloiisieur le Président, Messieurs de la Cour, la dernière rectification
que je crois devoir apporter à l'exposédu professeur Ago vise la compa-
raison qu'il a cru devoir faire entre la pratique de la Cour permanente
de Justice internationale et celle de la Cour internationale de Justice
qui. à l'en croire, se serait montde infiniment moins favorable à In
jonction au fond, puisque en dix-huit ans d'activité la nouvelle Cour
n'a ordonnE la jonction que dans deux cas, bien que, a-t-il dit, elle ait
étéfréquemment demandée.
Une fois de plus, il faut se méfierd'une interpl-étation trop rapide
des statistiques.
Il est vrai que la Cour internationale de Justice n'a ordonné lajonction
au fond que dans deus cas, alors qu'elle avait étésaisie de noinbreuses
fois non pas de demandes de jonction au fond, mais d'exceptions pré-
liminaires. alais ai-je besoin de dire que dans de -très nombreux cas
I'i'ventualitéd'une jonction a11fond ne se pose mêmepas. Qu'il suffise
de prendre les deux premières exceptions préliminaires opposées par
leGouvcrnemeiit espagnol à la demande belge dans laprésente affaire,
celles relatives au désistement et à la compétencede la Cour. Qui donc
songerait3 en proposer la joriction au fond? Cette idée entout cas n'a
pas effleuré le Gouvernement. belge. .
Pour. se fa,ire une idéeexacte de la jurisprudence de la Cour inter-
nationale en matière de jonction au fond, il faut voir l'attitude <lu'elle
a.adoptée en présencedes deinaiides qui lui étaient faites à titre subsi-
diaire en ce sens. 11y a eu cinq,affaires où la jonction a,étédemandée.
Or, sur ces cinq affaires, la jonction au 'fonda étéordonnée dans deiis
cas, dont une fois de l'accord des Parties, à savoir l'affiire du Droit
de passage et l'affaire des EmprUnts norvégiens.Dans deux autres cas
la .jonction au fond n'a. pas étéadmise, mais 'InCour a partiellement
donnésatisfaction au défendeur en accueillant partie de son exception
ou de ses exceptions dont la jonction ail fond avait étédemandée par
lui à titre subsidiaire, tandis qu'elle rejetait ilne autre partie de. ses
exceptionségalement sans les joindre au fond. C'est le cas dans l'affaire
Ambatielos et dans l'affaire de l'lnterhandel. Dans un cas seulement, à
ma connaissance, à savoir dans l'affaire de l'A?zglo-Iranian, la Cour a
accueilli la seule exception proposéesans ordonner la jonction ail fond.
Te remaraue au sumlus aue dans les conclusions aue le orofesseiir
A~O a cru pouvoir tirer.de son examen théorique, il a ét;bcaucÔup moins
catécoriquequedans sa première plaidoirie. II a\.ait dit dans sa deuxième
proposition que la jonct'ionau fond ne pouvait s'imposer sans le conseil-
tement de I'Etat défendeur. 11n'a plus soutenu cela. 11s'est borné à
déclarerqu'il.fallait éviter«autant que possible >iqu'un Etat soit obligé
de subir un procès au fond avant qu'il n'ait étéstatué au préalable.sur
l'exception soulevée. Sous le no 4de ses conclusions, il n'a fait que
répéter,le zo en déclarant que «In jonction au fond ne se justifie que

dans dcs cas où apparait une impossibilitéréelleet manifeste de statuer
sur l'exception indépendamment de l'examen et de .a connaissance du ...
iond de l'affaire u(voir ci-dessus, p. 870). ,
Nous sommes cette fois bien ~r&sde nous entendre. sauf aue ie
me suis efforcéde donner à la ~&r, dansma première Plaidoirié, une
image plus concrète de.ce que couvraient les mots Rautant que possible ii

:\ mon n\.ij. I:ii;.cr.siit~;oii I'opporriinitCde joinnurifvnil unc ~xcep-
tion préliiiiinaire doit s'epl~rïcicr siiivaiit I'e\ist<:na.~'ol incsi.itciice1014 BARCELOXA TRACTIOS
d'un lien entre ladite exception et le fond de la demande et suivant
le degré d'étroitessede ce lien. h cet égard, on pourra se trouver, je
pense, dans une des cinq situations suivantes.

I.Ou bien l'exception préliminaire apparaîtra comme entièrement
étrangère Ala demande au fond et, en ce cas, la jonction au fond serait
kvidemnieiit co~itraireà l'esprit de l'article 62 du Règlement et doit
êtreconsidérée commetotalement exclue. C'est le cas, je viens de le dire,
de la première et de la deuxième exception.
2. Ou bien le moyen présentécomme exception préliminaire se présen-
te exclusivement à l'examen comme un simple moven de fond et n'a
pas le caractère d'exception préliminaire et: en cc cas, le moyeu sera
rejeté en tant qu'exception préliminaire. sans être joint ou renvoyé au
fond, la Partie l'ayant invoqué demeurant libre de l'utiliser lors du débat
au fond. C'est ce qui s'est produit dans l'affaire Borchgraue.
3. Ou bien le caract&re d'exception préliminaire n'est pas douteux,
mais il est impossible d'y répondre sans préjuger la décisionsur le fond
de la demande. En ce cas. nous nous trouvons devant un moyen de
caractPre mixte et alors la jonction au fond s'impose, sauf, après examen
du fond, à donnerd'abord réponse à i'exception préliminaire. C'estce qui
a étéfait dans l'affaire Noltebohm.C'est ce qui a ét6fait égalementdans
l'affairePajzs. Czdky, Esterhazy et votre ropre Cour a pris, pour le
mêmemotif, une décisionsemblable dans raffaire du Drozl de passage.

4. Ou bien il y a doute sur le caractère d'exception préliminaire du
moyen soulevépar 1'Etat défendeur et il paraît dificile de dissiper ce
êtreordonnée. Tellea étéladécisionde la Cour permanente dans l'affairera
du Cheminde fer Panevezys.

5.Et enh il y a un cinquième casoù, le caractère d'exception du
moyen n'étant pas douteux, son examen necomportant aucune crainte
de préjuger ladecision au fond, il apparaît néanmoins que cet examen
porte sur des faits qui seront spécialement examinés aussidans la procé-
dure au fond, qui seront, peut-être plus complètement élucidés, ensorte
que la pmdence peut en ce cas paraître conseillerà la Cour de déciderla
jonction.
II a1111:~rdtut dc suite<IN<:,andis que dans Ics trois prcmierscas I?
<li.cisioA prcnclre par la Cour ne sernhle pas pou\.oir pr;àtilisciiisioii,
dans les deux derniers cas au contraire Clv aune laÏae marge d'appré-
ciarioii qu:int au point dcsa\.nirsjonctio";LUfondesïou iion%plwribne.
Apr2s cette introduction histori<luejc \.ais exanliner successi\~enieiit
l'application qui peut êtrefaite de ces unnciws aux troisième et qua-
tri'eme excepiions préliminaires.
Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, quant à la nécessitéou A
l'opportunité d'une jonction au fond de la troisième exception prélimi-
naire, je n'ai rienà reprendre à ce que j'ai concedédans ma première
plaidoirie à la Partie adverse. Il me parait évident que, pour ad-
mettre ou pour écarter les thèses défendues par le Gouvernement
espagnol quant A l'identitédes personnes ou des intérêts quifont l'objet
de la protection du Gouvernement belge,ou quant à l'admissibilitéde la
protection par le-Gouvernement belge de la Sidro en saqualité de benefi-
cialole8nedres actions de la Barcelona Traction,de préférenceau nominee DUPLIQUE DE M. ROLIN IO15

actionnaire apparent, une jonction an fond ne peut êtred'aucun secours
et que, sur ce point-là, il n'y a donc évidemment pas lieu de l'ordonner.
De même, jéconsois partaitement le voeu expr'imépar mon éminent
contradicteur,à l'audience dti S mai, que la Cour ne prenne pas sa
décisionà propos de la troisième exception
«autrement qu'en appliqunrit A In question coricrite une régle
géiiCralcdc droit interriational dcrinic pnrla Cour elle-menie dans
sa teneur çtdans sa port&: esactes. La définitiond13 rkle préct!de
logiqueinent çtnl'cess:iireiiieiitl;i prise en corisidCratiundcs aspects
concrets de I'espCcc laquelle elle doit Stre appliqin.'t:

Mais, si en tant que vŒu la chose me paraît acceptable, je crois vrai-
ment aue mon estimé contradicteur a dépasséla mesure en ahant aue
le Goivernement espagnol considère ccÔmme sim lement inconcevablle
quela Cour puisse prendre sa décisioà -ro-os de P taoisième exception
autrement P.-
Une telle exigence, qui reflète assezexactement leshabitudes de pensée
desjuristes de formation latine dans le cadre de l'application de leur droit
interne, me paraît vraiment peu raisonnable lorsqu'il s'agit de justice
internationale. Il ne me Darait aucunement obliaatoire ~our la Cour inter-
iiationalt. deJusticede fÔrmulerd'ahord cn terGes absGaits, d'une teneur
et d'iine port&eexactes. la règledont clle va faire ensuite application au
cas <Isesdce aui lui est soumis. Sans duute. si une telle réclcmut ctre
dégagéeavechertitude et que son énoncéest relativement shpfe, l'arrêt
ne manquera pas de la rappeler avant de procéder à son application et il
sera ainsi réwndu au vceudu ~rofesseur Aeo. Maissi la Cour estime dans
un difierend ne pas pouvoir 'se rallierà des conceptions formulées en
termes tout à fait cénérauxpar les deux Parties en présenceet en sens
opposé; si,par exemple, daninotre esphce,en ce qui Concernele droit des
actionnaires à êtreprotégéspar leur Etat national à raison de la lésion
qu'ils ont subie par des actes qui étaient originairement dirigéscontre la
nicàél'exclure de façon générale, j'ai peinàdcroire qu'elle se décidàle
entreprendre dans l'abstrait une énumération exhaustive des cas dans
lesauels.àson avis. iva lieuà titre exce~tionnel d'admettre laprotection
par'lt.ur'Etat riationni des ;iztionn;iircs I&<sp:ir un acte rlirigr'Contre leur
société.ou une L:riumérarrunlimitative des cii, uù au coritrairà.titre
exceptionnel, ily a lieuàson avis d'exclure ladite protection.
Il me paraît certain au contraire qu'en pareille hypothèse la Cour esti-
mera indispensable d'explorer d'abord les circonstances de la cause
susceptibles d'avoir un effet sur jus stand; de l'Etat national et de se
prononcer en fonction de ces circonstances.
Est-il vraiment nécessaireque,dans cet ordre d'idée,je rappelle encore
une fois la Cour certaines des circonstances auà divers moments de
cette affaire ont mis en lumièrel'importance qie le sort de la Barcelona
Traction présentait pour les intéretsdes actionnaires belges? On a vu ces
actionnaiies ou leurs représentants intervenir avant la procédure de
faillite auprès des autorités espagnoles en 1945OU 1946 pour faciliter
l'exécution du plan d'arrangement entre la Barcelona Traction et ses
obligataires. On a vu les actionnaires.belges négocieravec Juan March
en 1947 pour essayer de négocieravec lui la cesswn des actions de la
Barcelona Traction à un prix convenable. On a vu les actionnaires seuls1016 BARCELONA TRACTION

léséspar la vente à laquelle il fut procédé le4 janvier 1952 dans des
conditions qui dévalorisaient totalement leurs actions, tandis que.les
recevaient le plein remboursement de leurs titres. C'estit àala principale ,
actionnaire belge, la sociétéSidro que,dans les jours qui suivent I'adjudi-
cation publique, la sociétéFecsa télégraphiason offre dérisoire que la
sociétébelge se substitue à elle comme adjudicataire des biens de la
Barcelona Traction. C'est par des représentants de la Sidro ou pour le
compte de ces représentantsque des démarches furent faites en 1954 et
1955en vue d'obtenir uneintervention du Gouvernement espagnol aupres
de Juan hlarch ah que celui-ci indemnise.les actionnaires spoliés.
C'est aux actionnaires belges, et non aux dirigeants de la Barcelona
Traction, que Juan March se'déclara disposéen 1958 à accorder une
compensation équitable, ce dont il s'abstint du ,reste dans la suite.
hiais une dernière considération que j'ai déjà signalée à la Cour
m'impressionne davantage encore, sans doute parce que l'ai eu à m'occu-
per personnellement, plus particulierement, de la quatrième exception et
ou'il me ~araît exister un lien trou.ueu au,rcu.entre la troisième et la
<juarrii.mcCXCCI~~~s OiII:raiment on <lcv;iitadmettre avec le Gou\.crne-
TI...tion cr Atrdvcrs elle Ic Canada. comniznt iwurrait-on encore narler~loiin

de l'obligation qu'avaient les intéressésd'ép&er les voies de récours
interne? La Barcelona Traction-mise en faillite fut en fait privéede la
ricfle dcs titrcs rtpréjentarit les tilialcs mais. niCiiieavani 1'1nniilarionde
ces titres p;ir Icsorgarics de la faillite. ils ii'6t;iiiciitplus iiégocinblc.ipiiis-
uue les avoirs cits socit?ti-ifilial«uc ces titres re»r&seritaicntsr:trou-
<aient saisis par lesorganes de la faillite.
La sociétéBarcelona Traction se trouvait donc personnellement sans
moyens. Quelle possibilité pouvait-elle avoir de trouver un crédit
quelconque, dans i'impossibilitéoù elle était de fournirdes garanties? 11
n'y avait qu'une catégoriede personnes qui était en mesure d'excercer
les voies de recours interne, de lui fournir les movens d'exercer les voies
de recours interne: les actionnaires. La sociéts ne pouvait emprunter
qu'aux actionnaires, et c'est ce qu'elle fit. Or, ces actionnaires, c'étaient
des actionnaires belges.
.. Ainsi on aboutit à ce dilemme: lorsqu'une sociétéétrangère est mise
en faillite dans des conditions qui la paralysent et la privent de ses
ressources et si la décisionest discutéesur le plan international comme
entachée.de déni de justice on a le choix ou de déclarer en bloc que
l'exception de non-épuisement des voies de recours interne est non
applicable, ou de considérer qu'il incombe aux actionnaires, seuls
l'effort et les:s~acrifinécessaires;mais, dans ce dernier cas, on ne peut
vraiment sansune injustice criantemettre d'une Dart à leur charpe I'obli-
gation d'excercer.les*voiesde recours interne et d'autre part leur'refuser
la qualité d'intéressés-lorsqu'ils'agit de déterminer I'Etat qui a qualité
pour exercer la'protection. . -
hfonsiew le Président. Messieursde la Co~.. évidemment il a~~a..ien-
dra i 13 Cour d'iyyréçier si ces di\,erses circonstancesà supposer qii'cllc
en reconi1aisscla pertinence, sont suffisaiiiriientétabliespour queI:Coui
puisse'se passer 'dun. complément d'informations à leu; sujet,à savoir,
lecomplément d'informations que'lui fournirait nécessairementla reprise DUPLIQUE DE M. ROLIN 1017

de laprocédureau fond; sielle estimequ'il n'en est pas ainsi, elleestimera
sans doute la jonction opportune.
Je pense que la Cour aboutirait à une conclusion &quivalentesi elle
prenait pour point de départ les constatations du professeur Ago que
j'ai cueillies dans la péroraison de sa plaidoirie prononcée le 7 mai,
avant d'aborder la question de la jonction au fond. Voici ce qu'on peut
lire (voir ci-dessus, p. 848):
uDe même,et plus évidemment encore, ce sera une question de
fond de déterminer si l'obligation internationale dont moi, Etat,
j'invoque la violation était ou non existante; si la regle dont elle
devra découlerétait ou non en vigueur lorsque l'action a étéaccom-
plie: si la violation del'obligations, oui ou non, étéconcrètement
réalisée. Mais,une fois de plus, si je dois intervenir en faveur d'une
personne tout en alléguint comme base de mon intervention une
obligation internationale que I'Etat auprès duquel j'interviens ne
peut avoir qu'A l'égard de 1'Etat national d'une autre personne,
c'est de nouireau ma qualitépour agir qui est en cause et pour la
'mêmeraison. a ,

Nous sommescette foisdans une assez large mesure d'accord, sauf
bien entendu que je ne peux songer un instant à souscrireà cette pétition
de principe qiie l'Etat dont certains organes auraient Iéséles droitsd'un
ressortissant d'un deuxième Etat ne pourrait, du mêmefait, avoir Iésé
les droits du ressortissant d'un troisième Etat et ainsi méconnu une
obligation internationale existante à l'égardde ce troisième Etat.
En l'espèce, la Cour se souviendra (la controverse entre le professeur
Agoet mes collègueslesprotesseurs Sauser-Hall et Lauerpacht a.tourné
précisémentautour de I'afiniation de ces deux derniers) que les actes
dirigéscontre la Barcelona Traction avaient, en,l'espèce,simultanément
atteint les ressortissants belges dont le Gouvernement belge assumait
la protection.
. Certes, Messieurs, j'admets que cette question intéresse le jtrs standi
du Gouvernement belge, ainsi que I!affirme le prûfesseur Aga, mais je
suis bien forcéde constater, toujours en plein accord avec lui, que la
question de savoir si l'Etat es agnol avait une obligation internation.de
à l'égard des ressortissants beges. actionnaires de !a Barcelona Traction
et celle de savoir s'il a contrevenu à cette obligation sont des questions
examiner sous cet aspect leaîtjus standie du Gouvernement belge, eile ne à
>u~s~LIL.fair,: l>r<lj~~go~rr&oudre en iiiCinctciiip, uni:qücsrionûc
fond et qii'vnir <:Iellcsoir coiiduite ii1'ccçsaireincàijoiiidre I'dxc~.l)tion
au fond. ,
,Monsieur le président, Messieurs de la Cour, j'en arrive ainsi tout
naturellement à la toute dernière partie de ma plaidoirie, celle qui est
consacrée à la jonction au fond relative à la quatrième exception.
Pour écarter cette éventualité,la Partie adverse se borne Aprésenter
comme établisles deux moyens qui ont étéle leitniotiv développépare.
à l'appui de sa quatrièmeexception: la Barceloiia Traction aurait commis
une négligencefuneste en omettant .d'attaquer le jugement déclaratif
de faillite par la voie de l'oppcisitiondans les huit jours'de la publication
irréguliérequi en était faite cn ,Espagne et cette omission rendrait le
Gouvernement belge forclos à présenter au nom des actionnaires belges
quelque grief que ce soit contre l'ensemble des mesures administratives1018 BARCELONA TRACTIOS

et judiciaires qui ont conduit à la vente du 4 janvier 1952, sans qu'il y
ait lieuà jonction au fond.
A notre avis. ce raisonnement remse sur une double erreur et. si la
Cuur vi:itthicn ic.ranger à notre avis. IL'r~isoiineiii~nt (lu prof~ssetir
\l;iliiitoppi sc rcrouriier;i conlui;iliemble que rien ne doive ~.mp;cher
déslors laCourd':carter la quatrième excemion Durement et simulc.nicnt.
JIais si. contre mon sttcn'tc.1:Cour a&etrit la tliése(Il~<>iirernc-
nient c.sp;rgnolsuivant laquelle. d:rns le cas d'un~.;uei&t6Ctrangérï,il est
suffisarnineritsatistaià 1';irticle1044jo.du Code <lewmmercï dc 1329
par Inpublication d'un avis de faillite dans dc; journaux espagnols au lieti
ou la sociétkétrangtke a son principxl établi;sement cri Espyne. je
sianalerais A 13 Cour ciu'ellene ~ourrait en conclure au'eri la or&ente
e<@ce ila At6satistait'acette pr~scription de l'article et qué1.0 po-
sition était par suitc tardive que si la Cour avait tranclié au r6aFible
commercial en Espagne, soitla UàrcReus. soittàoBarcelone. Or, la pr&sence
d'un tel établissement de la Barcelona Traction en Espacne a non seule-
ment étéformellement contestée par le Gouvernemin7 belge, mais le
Gouvemement belge s'est appuyé principalement sur l'absence d'un tel
établissement en Espagnepour fonder son grief d'usurpation de compé-
tence. Une telle question est dèslors inséparabledu fond du litige.
Si la Cour entrait dans cette voie d'examiner s'il y a un établissement
commercial de la Barcelona Traction en Espagne, eue serait amenée à
ioindre au fond non seulement la auestion de la tardivetéde I'o~~osition,
mais égalenientl'cris,cml>ldees aut& arguments iiivoquéspar le Gouver-
iiement espagnol .iIappui de la quatrieme exception dans la mesure ou
ils les a fondéssur cette prétendue tardiveté de,l'oppoiition.
Ce n'est doiic que surabondainment et ;ubsidiairement que je crois de-
voir encore prbientrr i la Cour I'ohwr\.ation auivante.
Sila Coitr 5,reporte ails gricfs que lcGouvernenient belse a formulés
dans sa requête étdans sonmémÔire et que j'ai rappelésëu têtede ma
plaidoirie de vendredi dernier aprhs-midi, elle constatera que plusieurs
d'entre eux ont non seulement fait l'objet de voies de recours, mais que
ces recours ont abouti à des décisionsqui ont elles-mêmesétédénoncees
dans les griefs du Gouvemement belge comme grossièrement irrégulières,
discriminatoires et, pou tout dire. partiales et entachées de déni de
justice.
Il en va ainsi notamment des décisionsqui ont au début rejeté. sous
les prétextes les plus divers. les recours intentés par les sociktésfiliales
contre le jugement déclaratif de faillite dèsle mois de février1948.
11en va ainsi des décisionsqui ont admis comme régulierl'arrêtdes
recours des filiales par la substitution aux avoués désignés par leurs
conseils d'administration d'autres avoués désignésDar de nouveaux
coiiseils d':idininistrntiori iioinmé;par le; org;inG de 1; faillitï.
lit jcrappelle pur mémoirelesdécisionsrel.itive; l'admission comme
~artics à la laillitc de la Sarional Tiu~t. celle rel:itivà l'émissiondes
iaux titres, celle relative au cahier des charges, celle relativà la vente
du 4 janvier 1952. etc.
Certes. il me varaltrait naturel aue la Cour reconnaisse aue. pour
l'ensemble de ces'griefs aussi bien di reste que pour ceux diri& contre
certaines autorités administratives espagnoles, aucun reproche de non-
Ppuisement des voies de recours interne & peut êtreadresséau groupe de
la Barcelona Traction et aux cointéressés. DUPLIQUE DE M. ROLIN 1019
Par contre, je ne concevrais pas que la Cour pût déciderque le grief
relatif à ces décisions ne serait Das recevable parce que les recours
utiliîCs auraicii&té eus-iiii.iiio irÎcc~\,ablei oii nbn fundr'sou. pnr leur
nature. coiidainnis à I'iric~ficacit~puisquecc,I:inipliquerait n6ceiiairc-
ment un rejet comme non fondés desgiiefs du Gouvernement belge et
em iéterait ainsi sur le fond en constituant tout au moins un préjugé.
$est la raison pour laquelle le Gouvernement belge a cm devoir, à
titre subsidiaire. conclurà la ionction au fond de la auatrihe excep-
tion préliminaire.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, cette fois c'est bien la fin
de la partie finale de mon exposé. Je m'excused'avoir été, surdivers
points, plus long que mes estimés contradicteurs. Je prie la Cour de bien
vouloir prendre en considérationquela réfutationde certainesaffirmations
sommaires ou le renvoi à des autorités législatives,doctrinales ou iwis-
pmdentielles dont le contenu n'était pas toujours indiqué ont nécéssité
des recherches dont le résultat prenait nécessairement un certain déve-
loppement.
Je me mouvais d'autre part sur un terrain de droit espagnol qui ne
m'était pas plus familier qu'il ne l'est sans douàecertains membres de
la Cour et il me paraissait de mondevoir, surtout en réplique,de m'assu-
rerau fur età mesure que je progressais de la soliditédu terrain sur lequel
je posais les pieds.
J'espère en tout cas avoir ainsi facilitépoy ma part l'étudà laquelle
la Cour va maintenant devoir se livrer et le termine en faisant écho à
mon tour aux remerciements tres sinceres que mes collègues,associésou
adversaires, ont déjà adressés à la Cour pour les encouragements que
les uns et les autres nous avons trouvés en vue de l'accomplissement
de notre tache dans la patience et l'attention avec lesquelles la Cour a
bien voulu noiis écouter.CONCLUSIONS FINALES CONCLUSIOND SU GOUVERNEMENT BELGE

[Déposées attGrefes le 23 avril 19641

Quant à l'exceptionpréliminai~ena I

1. Attendu que la déclaration adresséeau Greffede la Cour, le 23 mars

1961p ,ar le Gouvernement belge porte explicitement que, à la demande
des ressortissants belges dont la protection a motivé l'introduction de
la requête relative à l'affaire de la Barcelona Traction, Licht and Power
Company. 1.imiteri. ce pouvcrnciiieiit, foisant u;:igr ile'iii f;iciiCIII~:
Iiidonnt 1':irriclc (,i(IiiR;glcnieiit d<. I:iCour, r,:iioric<i poiirsiiivre
l'instance introduitepar ladite requête ».
II. En droit:

Attendu que l'abandon d'une instance engagée - c'est-à-dire le
désistement, au sens propre du terme - n'emporte, par lui-même,
en droit international comme dans la plupart des systèmes juridi-
ques de droit interne, aucune renonciation au droit invoqué dans I'ins-
tance abandonnée; qu'il s'agit d'un simple acte de procédure; que cet
acte ne doit donc nullement êtreassorti d'une réservepour que la partie
gui se désiste conserve son droit et, partant, puisse éventuellement
introduire une nouvelle instance en vue de faire valoir ce droit. s'il
persiste à êtreméconnu; qu'ilenest particulièrement ainsi du désistement
organisé par I'article hq du Règlement de la Cour, auquel le Goiiver-
nement bëlge s'est expréssémentréféré;
Attendu que. lorsqu'un litige a surgi entre deux Etats lies l'un à
l'égardde l'autre par des engagements générauxde règlement judiciaire
valables pendant une périodede temps déterminée,lapreuved'une renon-
ciation définitive, par un de ces Etats, à son droit d'agir devant la Cour
incombe à la partie qui invoque cette renonciation; que cette preuve ne
Deut résulter au.. soit d'une manifestation ex~licite de volonté en ce
sens par I'litat au(liicl Inrcnonci:ition est opposée,soit d'iiii :iscord ~.ritrc
lesparties, soit d'un ttnjt:riidclcircorist:inccsill'montiant avec certitii<le
I'iiiteiitioii ile renori<.crrlCiiniti\.vmcnt aii droit d'agir, que s'il aubsistv
iin doute :tu EII~C.de I'ir~tcntiondc 1'Et;it :iuqiicl I;ircnoiicilition csi
opposCc ce doute (luir s'intt rpi6tcr en fni.<:udt:<:riiiinii Ernr, cri vcrtii
dyprincipe d'interprétation unanimement reconnu que les renonciatioiis
ne se~.rés~ ~n-~~~,a~-.
.Atten<liiilur le dcsistziiic~ntiarfi3iiis6pilr I':~rti~lehq d~iliC.glemcnt(lc
I:LCour a touiouri le caractbr.: d'un acte unil:itrr:il: tlur Ir d6fviideur.
lorsqu'il a déj'afait acte de procédureau moment di désistement, peut
seulement, par une opposition éventuelle, paralyser les effets de la
déclaration de désistement du demandeur; que la .non-opposition adu
défendeur est donc~la~ ~ndicio iuri, Dou~.~ .~l'acte de désistemerit
puisse produire ses effets, mais qu'elle ne confère nullement au désiste-
ment faitdans les termes de l'article 6s le caractère d'un « accord conclu
en présencede la Cour »; qu'elle ne $ut pas non plus modifier le con-1024 BAKCELOSA TRACTIOS

tenu et la portéede la déclaration du désistement faite par le demandeur;

111. Enlait:
1" Attendu que le Gouvernement espagnol reste cqmplètement en
défaut de prouver que la Belgique aurait renoncé définitivement à son
droit d'agir devant la Cour pour la protection de ses ressortiss;ints lésés

dans l'affaire de la Barcelona Traction;
Attendu aue les circonstances qui ont précédéet accompagné la
déclaration du 23 mars 1961 établisient au &traire, surabon(i;irÏhent,
<lueiarnais le Gouvernement belge n'a entendu consentir à autre chose
au'al'abandon de l'instance à ce-moment en cours;
Atteiidii qii'cn nntitinnt s;,eclnr~ttioitdc d6si.tt.niL-n~Iii2.3mars rq61,
1 oiivrn~i~~t Oi.lge, iriforinç pnr ici r~iiorti5sliits de Ir1]lositiuri
;i<lol~t&p;ii ,Iii:ii\lnrcli. cnteii(lait :inipleiiicnt r<'iiJrepniitI>I~I1oii\.er-
turq: de iit.gt,:i;ition1.11viii:rl'iiinrraiigciii~~ntcntrs: 1,:sdeiix gruiipri
prii;.. cil dt,iin.iniiiireii 1'czi~r:ii-cpr;.il:il>l<.turiiiiil;<.par Jii:iii .\I:,icIi
bour des raisons <Id'ordre mord in:
:\ti<.ii~IIIII;ette :~igcii<~iic puiii.iitiri~~c,~m~~ri~~.<~~>minc:~v ;itr
uhj<.il';th:.ii,lnn pslr 1I~c:I~!II~dc~;on droit d'a~~~~rclc Lriicur:il';ivt!iiir
aiil rciiortiiiniit-i b",lcciI.jc-. dniis I':iflairc <Icla I<arccluri;i'i'racVILii.
cas de nécessité,sa protection diplomatique, notamment par la Yoie
d'uiie action judiciaire internationale; qu'un tel abandoii, en échange
d'iine simple promesse d'entamer une négociation, eût d'ailleurs étéab-
surde; qu'aucun gouvernement ne s'y serait prété;
Attendu que le Gouvernement belge n'a consenti à se désister de
l'instance que sur la foi de la conviction personnelle exprimée par le

comte de Motrico. 1" - qu'une base existait pour fixer d'une manière
équitable et de bonne.foi l'indemnité à payer aux actioiinaires de la
Rarcclona Traction, et z" - que dans les quinze jours qui suivraient le
désistement, une solution satisfaisante pour les deux parties serait
trouv2e;
Attendu que dans les circonstances où elle a eu lieu - circonstan-
ces que le Gouvernerneiit espagnol ne peut sérieusement pretendre
avoir ignorées, en raison notamment des contacts étroits du comte de
3lotrico a\.ec les autorités espagnoles dès avant le 22 m?rs 1961 - la
déçlaratioii du 23 mars 1961 ne pouvait donc être raisonnablement
entendue ni comme s'accompagnant d'une renonciation au droit d'agir,
iii coinme une reconnaissance dii bien-fondédes exceptions préliininaires;
2' :\ircii<liclcilors. <IIIla <Ic'clnraiion11,.ii,~n-oplii,.itiuii x<Iros<&]e):ir

Ici.oii\~~:in~.nientil~~igii~ilu (;rcfft(1~Id Cour Ic 5 ;i\,ril 196ii':pu 2trt
f;iit,cl;iii.II,.ru!.:,ii;,. q1<:vç,~i~ver~icnl~ntreiidriiit ;iiii-OGf~iiitifiin
I~:;IIIII I I t u rn~~i:ir <~!iri':i\,aii 1);' <:ulicii:
.\ttcn~lii .III<r.elit, rI;cl:tr;itioii, cuiiinic.le tl6:i:tciiicrit Iiii-nièiiic ii':,\.;iir
rl autr~ biii (lue (lc i,c.riii8.ttrc I'uuvcrtiiri. iniiii~cIi,~icII-~~ICI~~II~I~S
entre les groupes privés;
3' Attendu que, de son côté,le Gouvernement belge, dans !es circons-
tances ra~~elées ci-dessus. n'avait aucune raison de croire que le
ouv verne esmpaennot coisidérerajt sondésistement comme impliquant
une renonciation à son droit d'action, ni mème qu'il pût y avoir à ce
suiet ne fût-ce au'un sim~le doute aux veux de cemême~ouirernement;
Attendu qu'iîn'y avait donc pas lieu pour le ~ouvernëment belge de
dissiper par une déclaratioii qiielconque un malentendu ou une eqiiivoque COSCLUSIONS DU GOUVERSEJIEST BELGE 1025

dont l'existence était exclue tant par les termes employésdans le désis-
tement que par les circonstancesconnues des deux parties;
4' Attendu qu'à supposer ~nêmeque le Gouvernement espagnol ait
eu des doutes sur les intentions du Gouvernement belge, il avait la pos-
sibilitéet, partant, le devoir de veiller à les dissiper, au lieu de garder le
silence et de ne les invoquer qu'ultérieurement, lorsque les négociations

privées avaient échouéet quand le Gouvernement belge se préparait à
déposer une nouvelle requête; que le silence qu'il observa à ce sulet en
avril 1961 le rend non recevable à se prévaloir aujourd'hui d'une pré-
tendue équivoque pour prêter au Gouvernement belge des intentionsquc
celui-ci n'a manifestement janiais eues;

IV. Attendu que le Traité de conciliation, de règlement judiciaire et
d'arbitrage. conclu le 19 juillet1927 entre l'Espagne et la Belgique, a
pour but d'assurer le règlement de tous les litigesv entre les Hautes
Parties Contractantes (art.I et 2); qu'aucune disposition de ce Traité
n'interdit à uiie partie qui s'est désistéede mettre i nouveau en mouve-
ment les procédures prévues par ce mêmeTraite, pour faire trancher
un différenddemeuré sans soliition;
Attendu aue les Parties. en se soumettant par le Traité à la iuridic-
tion de la C&r, sesont soumises aussi, nécessiirement, aux dispositions
du Règlement decette dernière et, en particulier, à celles qui concernent

Qua~zt d l'exceptionpréliminaire principaleno 2

1. Attendu que le Gouvernement espagnol a reconnu, au cours des
nérociations di~lomatioues avec le Gouvernement belge, qu'à dater de
l'entréede 1'~sba~nea& Nationsunies un lien de juri&ctiÔri obligatoire
existait devant la Cour internationale de Justice entre la Belgique et
l'Espagne; qu'il est, des lois, irrecevable à-soutenir que l'article 37 du
Statut de la Cour ne fait pas droit à l'égardde l'Espagne dans la présente
affaire et que la Cour internationale de Justice n'aurait pas compétence
pour en connaître;
II. Attendu, au surplus, que le Traité de coiiciliiition, de règlement
judiciaire et d'arbitrage, conclu le 19 juillet1g27 entre l'Espagne et la

Beleiaue. est en vigueur en vertu d'une clause de tacite reconduction
don7 ie Gouvememënt espagnol ne conteste pas les effets;
III. Attendu que l'Espagne ayant étéadmise aux Nations Unies le
14 décembre 1955 ,st devenue ipso facto partie au Statut de la Cour
internationale de Justice; qu'elle est donc tenue, comme la Belgique, de
reconnaître la compétence obligatoire de la Cour par l'effet de l'articl37
de ce Statut:
IV. Attendu qu'en soutenantque l'effet de l'article 37 du Statut de la
Cour internationale de Justice est limité aux cclauses juridictionnelles 1)
en vigueur et,de ce fait, aux clauses souscrites par des Etats devenus
~arties à ce Statut avant la dissolution de la Cour Dermanente de Tustice
~ntcrnatioii;~lc, IL'G<iil\~c:riieii~eiïlstl);ignul preilil ;)ne yusiriori roiitr:tii<.
.AILStcrnics de 1':irticlc 37;,IIbut poiirsiiivi Ixir sçs r6tl;ii:tctiti:iIn

m;~riii.rc<loiiil ;(1,:n[~]iliquld2ni 1;pratique iiit~:rri:itiuiinle;
. .\rtt,iidii qu,I:L1,rI:t~iition rlu C;ou\~erncnieiit éspagiiol .>niv.int
laquelle I'nrticlr: 17, paragraphe4, dti Trait6 dc 1927Ct;tbli+.iiitIr ilruit
CIL reqii6tc iinil:iiér:il<!dev;iiit I:I Cour permnncntc (IL'~ujticv iiitt:rnn-1026 BARCELOSA TRACTIOS

tionale, serait devenu caduc du fait de la dissolution de ladite Cour, est
incompatible avec le fait, admis par les deux Parties, que ledit Traitéest
demeuréen vigueur;
VI. Attendu que la dissolution de la Cour permanente de Justice
internationale avait rendu l'article 17, paragraphe 4, provisoirement
inapplicable et l'avait suspendu dans ses effets;

VII. Attendu que lorsque, du fait de l'admission de l'Espagne aux
Nations Unies, l'article 37 du Statut a fait droit dans ses rapports avec
la Belgique, le Gouvernement belge a pu régulièrement saisir la Cour
internationale de Justice par requêtedu 14 juin 1962 dirigée contre le
Gouvernement espagnol sur la base de l'article 17, paragraphe 4, du
Traité du 19 juillet 1927 qui renvoie à la Cour permanente de Justice
internationale;
V111. Attendu qu'en toute hypothèsel'article 37 du Statut de la Cour
internationale de Justice ayant pour objet d'assurer, sans convention
nouvelle, la pleine application des traités et conventions en vigueur pré-
voyant le recours à la juridiction internationale entre Etats parties au
Statutde la Cour, l'admission de l'Espagne aux Nations Unies permet au
Gouvernement belge de se prévaloirde la clause de juridiction obligatoire
contenue dans le Traité de 1927, pour saisir la Cour internationale de
Justice.

Qziant à l'exceplionpréliminaire subsidiairenoz

1. Attendu aue. Dar l'effetde l'article 77 de son Statut. la Cour inter-
n:itioiinle de Jusricc c-onstituela jundiction entre Ics parties Q ce Statut
dniii le crisoii lin trai<,rivi~usur entre t.llvsprcvoit Icrciivoi 3.InCoiir
vermanente de Tusticeintemitionale:

11. :\tt~ii~luqur: It:rlispoiitions relati\.ci 3 IncompCieiice ?iilio~iIzm-
fioriscoiitcniies dans Ictraitéen vigueur s'nppliquciit telles qu'r.lles soiit
Ccrit<:snuisoiic I:icorni,6tcnce <leI:ICour intcrn.îrioii.tlt: dc Iiistice est.
siiivanil'ar~icle 37, définiepar les termes mêmesdu traité; "
III. Attendu que, dès lors, la prétention subsidiaire du Gouveme-
ment espagnol suivant laquelle l'admission de l'Espagne aux Nations
Uniesemporterait créationd'une clause de juridiction obligatoire revisée,
ayant son propre domaine de validité temporelle, méconnaît la portée
réellede l'article 37 qui est d'assurer la pleine application d'un traité en
''6ueur;
IL'. Attendu oue la ~ortéeratione lemboris de cette prétendue clause
rc\.isrii:t!;t iirbitli~ireintét<:rmini:ep:ir 1,:C;ouvernciiit:nteipngiiol en
iii~~coiiii~~i~i:ioiit;tinirncI:ri>li~nt;cl:~ireiii~nt,..\piimi.c !>:Ir1rspnrtic.s
:LU Trnité cl? 1r,?7d'aiaiirer le réwlcinriitpni iuyemciit (le tous ItsditlL:.
rends pouvant<s;rgir entre elles;- . .-

V. Attendu, au surplus, que mêmesil'on acceptait la thèsedu Gouver-
nement espagnol, les conséquencesrationetemporis qu'il prétenden tirer
seraient contraires au fait que, dans ce domaine, et sauf disposition
expresse, la rétroactivité constitue la règle; par ailleurs, le présent litige
mettant notamment en cause l'interprétation de l'article 3 du Traité du
19 jiiille1927. In cnmp<teiice <lela'Coiir dr\.rait Ctrt.re&iiiiue suivant
I;ipositioii pri;? p:ir Ir.(;oti\crneniciit vsp~gnolIiii-iiiCrnc. COSCLUSIO~S DU GOUVERXEMEKT BELGE 1027

Quanta L'excepLiop nréliminaireno3

.-\rtcii<liique daris 13 pr2;eiitc instrincc le i;oiiveinemcnr 1)rlgeagit
I>OUI la prutcctiuii de sci ressortissants ycrjoniii.s pliy,iijuts et nii>r.tl~.,
:iitionn:iirci de la suiiCtC,le statut c;iiindien 13arcelniiaTraction. I..eh<,
ancl l'o\ver Coml):iii!..I.iniire<l3 raisuii du priludicc qu'ils ont siihi (larii
leiir;hienh,droits et inrCr2tsp;ir suite d'acrescuiitrnirei au clrnitd?s g,~-s
imuutables à 1'Etat esn.a-oi:
Xttenilii qiie le Gou\.<m-ment demandeur rieprotc'gepas la socii,téJe
srdur wnndien 11arcelon3l'r;icriori ct que 1'interl)rctation rri srri; cuii-
irsirv uue Ic (;oiivi:rnern~rit <lifen<lcurvoiitlr:iir doriricr 3 1;id,:m:indi:
belge s;r ce point est inadmissible;
Attendu que le Gouvernement demandeur a établi que ses ressortis-
sants étaient propriétairesd'actions de la Barceloria Traction et que leur
participation dans le capital de cette sociétés'élevait plus de 88 %.
tantau 12 février1948,date de la déclaration de faillite de la Barcelona
Traction, qu'au 14 juin 1962,datede la Requêteintroductive de la pré-
sente instance;
Attendu que le droit international consacre le droit pour un Etat de
prendre fait et cause pour ses ressortissants en raisoii du préjudicequ'ils
ont subi dans leurs biens, droits et intérêtsdu fait d'actes internationale-
ment illicites imputables à un Etat étranger, sans faire aucune distinc-
tion suivant la nature des biens, droits et intérêtsqui sont atteints par
lesAttendu que le Gouvernement belge conteste,enparticulier, l'existence
d'une rèele aui limiterait ce droit. en ~rohibant d'une manikre absolue
I:tprotc~ion'd'<ic/io~~~~~~ ra r ~'CtatLloiit il,ont la natioii:iliti., lor;quc..
comme dail; lecas qui f:iit1'0l)i~tdu 11rtiseiitprocPs.ces iictionnairci ont
enfait subi ~ersonnèllementundommaae écoiomi~uementdéterminable:
Attendu tue vainement le Gouvernement espagnol prétend que c'est
la personnalité juridique de la .ciété qui ferait obstacle, en pareilles
circonstances. à la ~rotection diulomatiaue des actionnaires par 1'Etat
dont ils sont ies resSortissants;
Attendu que cette protection ne peut êtreentravée par des objections
reposant su; des constrnctions purement techniques de droit -interne
telles que la personnalité juridique distincte attribuée à des sociétés com-
..-c.....--,
:lrt,%ii<lque la tliCuri~(le !z pcrsorinnliti, ~iiridiqucdistincte d~î 3ocii.-
1;; cominc.rci:ilcs.éI:iborCcd:in; le double Init dt- protcgcr Ics tiers ct dti
iiiiriisg;ir:iiirir 1,:siiitt:ri:ts dci mcrnlircs du groulkriicrit eux-nii.ni<-s.nc
pourrai?, sans une véritable injustice, êtreretournée contre ces derniers
en vue de lespriver en toutes circonstances de la protection que peut leur
accorderleur Etat national, en vertu des règlesgénéralesdu droit inter-
national public, lorsque leurs biens, droits ou intérêtssont léséspar un
acte internationalement illicite commis par un autre Etat ;
Attendu que le droit d'un Etat de protéger ses ressortissants action-
naires de sociétésétrangères a d'ailleurs étéreconnu dans diverses
affaires soumises à L'arbitrage,qu'il est admis dans la pratique des gou-
vernements et consacrépar de très nombreuses dispositions !ntroduites
dans des traités internationaux conclus depuisprès d'un demi-siècle;
Attendu nue cette ~~connaissance est en le inaccord avec les considé-
i:irioiis d'éq;ité:iuxquell~~l~ a Courest eii droit (l';ivoirc'gard, et notani-
mviit avec Icsesigenc<.;;i<:tuellesde 1;sciiinniiiii;,iitéinrerii;itionalc;1028 BARCELOSA TRACTIOX

Attendu aue 1'Etat défendeurlui-mêmeest oblieéd'admettre l'action
~~rotectrisu de I'Etat nîtioiial des actioiiiiaires ct ;i,scwiéslorsque la
soci2ti a le statiit de I'Etat autuiir du donimagc, mais qii'ilprttcnd 3 tort
\.air là un casexceptionnel, alors qii'ilne s'agit ~n rl'alit;.yu,: ri'iiiieappli-
i::,tioii auxC~S qui SCsont eifrctivenicnt prCst:iitïi (lu princip*.:dr droit
dei gcni cii \.ertii<lu<l~i~lI ]~rot~ctioridiplom:itir~ii~~peul Arc csçrcéc
d:iiis toiii Ici~3% i)Ù1~:sbieii. droits ct int6rCts <leri,uorti;iaiiti d'un
Etat sont léséspar l'acte ou l'omission internationalement illicite d'un
autre Etat;
Attendu qu'il n'y a pas lieu non plus de limiter le droit de protection
des actionnaires par leur Etat national sous le prétexte que certaines
décisionsarbitrales qui admettent ce droit constatent que, eii l'espèce,
la sociétéavait cesséd'exister de droit ou de fait;
Attendu qu'aucun précédentarbitral ou 'udiciaire ne peut d'ailleurs
êtrecitk, dans lequel ledroit d'intervention de 1'Etat national des action-
naires pour les protéger contre un acte intemationalement illicite&
l'égard d'une sociétéaurait étérefusépour le motif que cette société
n'aurait pas eu le statut national de I'Etat auteur du dommage ou
n'aurait uas étédissoute:
i\ttç~id~ail jiirplus rliiju>it:titre. leclroitdi. prutectiùii iliploiii.itiquc
1st refusé i I'Etat natioiial (l'iinvsuci6rbloriqii'i 1;in;,tii)iiûliiCjurirliqlue
clc celle-ci iicsorrcsporid pas UII I~CIeIfiectif siiftisant In r.itt:ichiii~t i
l'litat dont clle;iILs.tatut; (liiepar idi:iitit; <lemotifsil\.:ilicu (lerccon-
naitre le droit de protection p3r IIIEtat de ses rcssurtisi.îiit, :iitioiin:iires
d'uiie sociétéquant ila I;kioiiau'ilj ont subie Dar iuitéd'iiii .ici<% illicite

international dont cette sociétéba été~ictirne;~u'on ne peut par consé-
quent reconnaître, comme le soutient le Gouvernement défendeur, un
droit exclusif de protection à YEtat dont la sociétéa le statut:
:\tten<lu qiie si'lüCour cstiniait ne pouvoir reconnsitrt: Iidroit di: prli-
tvctioii de I'Etat natioii:il des actioni1;iirci (Ir facon g;nc'rale. iiiaii ?eule-
ment en fonction des circonstances propres à I'es@cequi lui est soumise,
elle estimerait sans doute les circonstances suivantes comme détermi-
nantes pour la reconnaissance du jus standi du Gouvernement belge:

1) l'importance et les caractéristiques de la participation belge au capital
de la Barcelona Traction;
2) la nature et l'étenduede la lésionsubie par les actionnaires;
3) le fait que les actes illicites reprochés A 1'Etat espagnol eurent pour
objet et pour effet de dépouillerla Barcelona Traction de la totalité
deses avoirs et de sesmoyens d'action, et la réduisirent à I'ktat d'une
coquille vide, en sorte qu'eue devait êtreconsidérée commepratique-
ment défunte;
4) le fait que le Canada, dont la Barcelona Traction a le statut, a mis un
terme à toute intervention diplomatique effective lorsque l'adjudica-
tion à FESCA du portefeuille de la Barcelona Traction aux conditions
prévuesdans le cahier des charges de la vente eut assuréledésintéres-
sement des obligataires dont le truslee canadien avait la garde, tandis
qu'elle consommait la spoliation totale des actionnaires belges;

Attendu aue l'examen de certaines de ces circonstances ne ~ourrait
êtrefait sani jonction au fond, soit que leur appréciation en re1èt.edirec-
tement, soit que, étant connexes aux faits visésdans la demande, une
bonne administration de la justice rende souhaitable que la Cour ne se COXCLUSIOSS DU GOUVERNE~IEST BELGE 1029
prononce pas à leur sujet sans avoir recueilli le complément d'informa-
tion que les Parties pourraient lui donner dans la procéduresur le fond.

Quant à l'exceptionpr4lirninaireno4
Attendu que l'exception préliminaire tiréed'un prétendu non-épuise-
ment des voies de recours interne est également nonfondée,compte tenu
du fait que la règlede droit international invoquée, reprise à l'article 3
du Traité de conciliation. de réalement iudiciaue et d'arbitrage conclu
~iitic I'1isp;ignecI:i13elgiqiieIL!rq juillc~i927.nL.subordonne le recours
;iiis~>rot:r'(liiiepsrrvues p;ir Ic tr.iit2 qu'A1'utilis:itionprcnl3blc. jiisqu'i
iucciiient ~IEiiiiitif.clcs voies dc recours norni:il. acccjsiblcs, i>rCscntaiit
a& chances sérieuses d'efficacité,et ce uniquement pendmi on délai
raisoiinable;
Attendu. en effet, au'en I'esaèceil a étésatisfait à cette exieence bien
au-delà de ce qu'onp&ut attendre de la moyenne des la Partie
défenderesseévaluant elle-même à 2736 les seules ordonnances rendues
dans la c:iiiscpar les tribuiiaux espagnols ila date du dépôtde la requête
belge, en ce ilon comprise la plus grande partie de celles rendues par le
Tribunal supréme;
Attendu au'ainsi. à ~remièrevue déià.l'allégationdu Gouvernement
espagnol sui;.ant laqueile aucun des inAombrabïcs recours exercéspar le
groupe de la Uarcelona Traction ou des cointéressésn'était de nature .i
porter remède aux griefs dénoncéspar le Gouvernement belge,apparait
comme dénuéede toute vraisemblance;
Que I'esamrn des faits de la cause confirme pleinement son manque de
fondement;

:\tten<lu qiic \.,,iiieinvIct<;i~iii~eriiciiie~~pagiiulpr;tïiiil qiie c'es
;<etc::,ur:,iciir pit di] fnircIohjet dc ~CCOII~S(I'nr~IriInterne qui ii'oiir
vas <:tCcscrci;i:(IIcn r.if,tI'c~;~iiieiitlL.sdi,r)~.:itiori; IC>Eelnti\.ci
aux recours siivant le Gouvernement espainol, auraiefit u conduire
à I'annrilntion de ces actes, démontre clairement que les its recours
n'étaient ni Ié~alemeutaccessibles aux intéressés.ni susceptibles de con-
duire nu redressement de la situation contre laquelle la BarceIona Trac-
tion sedébattait vainement:

II. Qttant azlxdécisions judiciairesrendz~esdans le cadre dela faillite;
Atteiidii qiie le Gouvernement espagnol prétend à tort faire écarte! les
recours iniioinbrables diripéscontre ses décisionsDourle motif fallacieux
i.]iiciilc une oppoiitit~iIICI;iI$nrc+.lonî'fr:ictii.>ijugt niciit ~Ic'cl:irntil
d,: fnilli~c.,f;,itc <l~iIiuitiouri di:sapiil>lic;itioiinus jourii:~iisoffisielj
des,provinces de Tarragone ei Barcelonè,ou un recours énrevision contre
ledit jugement, auraient pu empêcherque celui-ci acquît force de chose
jugée oiila conservit; cette prétendue négligenceaurait,rendu inévitables
les mesures iiltérieuresque le Gouvernement belge critique et contre les-
quelles tous les recours exercéspar les intéressésfurent nécessairement
impuissants;
Attendu que le manque de fondement de cette argumentation résulte
des coiisidérationssuivantes:1030 BARCELONA TRACTIOX
I" dèsle 16 févrieri2 . ..essociétésfiliales Ebro et Barcelonesa. dont
les ai.oiw a\.aic.t!t;s'iisiscrIII~COIIII:I~~S~~flagrante <leleur p&r~~~~-
ri;filjuridique. distincte d,:selle desuciitél:iillie.intru (lurèsireiit
du iuce de Reus un recours cn reconsidér;~tion.sui\,i l22 fë\.ricr d'une
oppo&ion; que cesrecours étaient accessibles à ces sociétiset de nature
à apporter un remede efficace en privant le iu~ement de faillite du seul
effet-nocif véritable au'ilouv va afoir: ouéGurs recours n'avant vas
abouti, ces sociétésfhrent' mises dans i'iApossibilité de les poursu&re
dans des conditions que le Gouvernement belRe considère comme parti-
ciilièrement caractérktiques de dénis de jusiice et contre lesqueis les
sociétésintéresséestentèrent en vain de se défendre;
z0 Aprèsque les recours des sociétés filialesaient été dela sorte stéri-
lisés,le jugement de faillite fit égalementl'objet, l18 juin 1948 ,'une
opposition régulièrede la part de la Barcelona Traction, opposition nulle-
ment tardive puisque aucun affichage ni aucune autre publication du
,u,7mentn'avait eu lieu dansla localitédu sièeesocialde la sociétéfaillie
:i'l'oronro,;iiiisique 1'cxigt::iit1'artit:lerow. 5', <IdeCconinicrcc il<:
i3zq. ct tiuc déslors le ddai d'opriuiitioii i)rCvui1';irio?Scdu inériic
Codén'avait pas commencé àcôirir ;

3' La procédurerelative ladite opposition ayant étésuspenduepour
une duréequi promettait d'êtrelongue. par suite de l'introduction d'un
March, la Barcelona Traction introduisit le 5 juillet1948e une deinande
incidente de nullité, qui fut complétée l31 juillet1948 puis frappée elle
aussi de suspension, ce contre quoi les recours furent multipliésen vain;

4' Apres que dans son acte d'opposition et les deux écrits citésci-
dessus, la Barcelona Traction eut contesté formellement que les tribu-
naux espagnols, et parmi eux le juge de Reus, eussent compétence pour
la déclarer en faillite, un déclinatoire fut également déposéen ce sens
le 27 novembre 1948 par la National Trust, â laquelle les contrats de
trustconfiaient la protection des intérêtsdes obligataires Prior Lienet
First Mortgage; sa comparution fut toutefois déclaréenon recevable par
une décisioncontre laquelle la National Trust s'empressa d'exercer des
recours qui étaient encore pendants lors du dépôtde la requête introduc-
tive de la présente instance; cette fois encore, les voies de recours se
trouvaient épuisées;
5' Il ne pouvait êtrequestion pour la Barcelona Traction d'esercer
un recours de revision contre le jugement de faillite auprès du Tribunal
suprême,non seulement A raison de la nature de pareille décisionqui ne
In rend p:<sbiisceptible d'iiii tcl rccuiirs, ninii eiiccrc par1,groii11e
de la Harcelonn 'frnctiuii n'it:iir ))ni <-nincsuri d't;i;cli:irgr..lc riei-
les iaits dc j~ib0r11;itinn\..io.:trnacliiii:iiioii fr.<ialiileiiivqui ;iiir:>icnt
donnéouverture à pareil recours;
6' Enfin, il est manifestement inexact aue les nombreuses décisions
judiciaires de la procLlduri.de faillitr Iiostr';iriircs au jugrmenrzdf6-
vricr r94r;.et cloiit Ics gra\.cs irrégiil;iritCs<:tC(ICnoncl:eidans I;i
drrnandc belge. aient et6 la suitr iii:ce~sairrct io2vitabl1tdiidit iuxcineiit
prétendume$ irréversible; chacune d'elles a, au contraire, kfligé au
groupe de la Barcelona Traction une nouvelle privation d'une des garan-
ties prévuespar le législateur espagnol et contribuéainsi de façon essen-
tielle au dénouement fatal; CONCLUSIONSDUGOUVERNEMEXTBELGE 1031

Attendu que le Gouvernement espagnol reconnait lui-mêmeque tous
les recours judiciaires appropriésfurent utiliséspar le groupe de la Barce-
lona Traction pour prévenir lesdites décisionsou les faires rapporter:
qu'ainsi,à toute kvidence, il y a lieu d'admettre, relativement à ces
-rief.. aue les voies de recours interne ont étééuuisées:
Par ces motifs, et tous autres dans les observations écrites du Gouver-
nement belge et dans les plaidoiries de ses conseils,
PLAISE A LA COUR

dire et juger que les moyens invoqués par le Gouvernement espagnol
àl'appui de l'exception préliminairena I sont irrecevables dans la mesure
où ce gouvernement se prévaut de prétendues équivoques qu'il n'a pas
dissipées commeil en avait le devoir et la possibilité;
aue ces movens sont. en toute hv..thèse. non fondéset aue le désiste-
m4t de I'init;irice introduite p;1:irequ&e clii15 sçl>trAibrc ii)jS iie
rend entre les Parties subsistant encore aujourd'hui;ioirequCtc. le iliffc-

dire et juger que I'exception préliminaire principale no z est irrece-
vable;
subsidiairement, la déclarer non fondéeet dire et juger que la Cour
est compétente pour connaître et déciderdes demandes formuléespar le
Gouvernement belgepar requêtes'appuyant surl'article 17,paragraphe 4,
du Traité hispano-belge du 19juillet 1927 et l'article 37 du Statut de
la Cour internationale de Justice:
rejeter l'exception préliminaire subsidiaire noz présentéepar le Gou-
vernement espagnol;
dire et juger que la Cour est compétente pour connaitre et déciderdes
demandes formulées ar le Gouvemement belge par requêtefondéesur
l'article 17. paragrapie 4. du Traité hispano-belge du 19 juillet 1927et
Ifarticle 37 du Statut de la Cour internationale de Justice, aucune limi-
tation rutione temporis ne pouvant êtrevalablement opposée à cette
compétence;
écarter comme sans pertinence dans la présente instance I'exception
préliminaire no 3 en tant qu'elle se fonde sur une prétendue protection
par le Gouvemement demandeur de la sociétéde droit canadien Barce-
lona Traction;
rejeter pour le surplus ladite exception en tant qu'elle vise à faire
refuser au Gouvernement demandeur le droit de rendre dans la rése ente
rales, qui sont actionnairesde la Barcelona Traction; physique; et mo-
subsidiairement, joindre la troisième exception au fond:

rejeter l'exception préliminaire no4;
subsidiairement, dans le casoù la Cour estimerait, AI'éccarddecertains
griefs, ne pas pouvoir reconnaître l'usage suffisant des voies de recours
interne les concernant sans examiner le contenu et la valeur des décisions
judiciaires espagnoles par lesc~uellesles recours effectivement intentés
ont étéexécutés,joindre l'exception au fond.
La Haye, le 23 avril 1964.

(Signi) Y. DEYADDER. CONCLUSIOND SU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

[Dé+oséesau Greffesle 8 mai19641

1

I.Attendu que, le 15 septemhre 1958, le Gouvernement belge avait
porté devant la Cour une requéte contre le Gouvernement espagnol au
suiet de l'affaire relativà la Barcelona Traction, Liirht R-Power Co.
et-le 15juin 1959,avait présentéun mémoire;attendu 9ue le 21 mai 1960
le Gouvernement espagnol avait présentédes exceptions préliminaires
contre la requêtedu-Gouvernement belge;
2. Attcndu que, en présence des exceptions préliminaires, le groupe
financier qui avait amené le Gouvernement belge à introduire sa requête
contre l'Espagne a demandé à une personnalité espagnole, en octobre
1960, de l'aider,à titre privéà prendre contact avec le groupe espagnol
intéressé envue d'aboutir à des négociations privées entre les deux
groupes; et attendu que le groupe espagnol avait opposé,comme condi-
tion sine qiranon, à l'ouverture des négociations,le retrait définitifde la
demande du Gouvemement belge;
3. Attendu que, dans les pourparlers qui avaient eu lieu, le Gouver-
iienient belge avait autoriséle groupe qui s'étaitadressé àlui à formuler
des propositions de désistement, par l'intermédiaire de ladite personna-
litéespagnole, au groupe espagnol, en vue de réaliserla condition sine
oua non Que ce e,,uD. avait formulée: et Que..aussi bien cette Der-
.:onn:ilitc' Icgri,iipç ~ilv,g~iolont conipriCIIIVIt~I~~istcinciirI>I.OIIO~L:
dit cAti I~clgt,ii~iiifiait 1,:r<I;finitil dIndt-ni:in<:u (;ouv~:rii.:iiieiit
belge de la-Cour;
espagnole, conformément aux propositions belges, avait fait savoir au
GouGernement es~aenol aue des néeociations-entre les deux groupes
priyésétaient ei<isagées ét que le ~kvemement belge ferait sous ;eu
une démarche auprès du Gouvernement espagnol touchaiit le retrait
définitifde sa demande de la Cour; . .
5. Attendu que, le 22 mars 1961, le Gouvernement belge informa le
miiiistre espagnol des Affaires étrangèresqu'à la demande des ressortis-
sants belges dont la protection avait motivé l'introduction de la requête
relative àl'affairede la Barcelonn Traction Light R-Power Co., et faisant
usage de la faculté que lui donnait l'article69 du Règlement de la Cour,
il renonçaità poursuivre l'instance introduite par sa requEte du 15 sep-
tembre 1958;
6. Attendu que, le Gouvernement belge lui ayant demandéI'assurance
qu'il s'abstiendrait de toute réponseà la Cour jusqu'à expiration du délai
fixéà cette fin, le Gouvemement espagnol a déclaréqu'il .ne doit con-
tracter aucun engagement au sujet du délai, pour que le désistement ne
se trouve pas êtreconditionnéu:
7. Attendu que, le 23 mars 1961. tout en regrettant que le Gouveme-
ment espagnol n'ait pu lui donner l'assurance demandée, le Gouverne- CONCLUSIOSS DU GOU\'ERNEMEST ESPAGNOL ' IO33

ment belge a exprimé l'espoir que le Gouvemement espagnol serait
attentif, en fait,au désir exprimépar le Gouvernement belge pour que le
Gouvernement espagnol retarde sa réponsejusqu'à expiration du délai
fixé ar la Cour; attendu qu'à la mémedate le Gouvernement belge a
notih à la Cour son désistement; et attendu que le Président à fixéun
délaide six semaines pendant lequel l'Espagne pouvait faire oppositio~i
au désistement;
8. Attendu que, le 4 avril 1961, le Gouvemement belge a fait savoir
au Gouvernement espagnol qu'il ne souhaitait plus voir le Gouvernement
espagnol tenir compte du désirprealablement exprimé; qu'il a demandé
au Gouvernement espagnol de faire savoir à la Cour que l'Espagne ne
s'opposait pas au désistement et attendu qu'à la suite de cette demande
le Gouvernement espagnol a fait savoir à la Cour le 5 avril 1961 que
l'Espagne ne s'opposait pas au désistement;
g. Attendu que le désistement du Gouvernement belge ne comportait
aucune réservetouchant un droit de réintroduire la demande oui fiiisait
Iolqer <Ir 53 i~qii>tr du 15 septr.iiihrc 195s; et i~itciidu q11<,.IIéii ~OIII-
inuiiiqunnt :IIIc;oii\.criirnient c~l>:ignol.IL22 Inari ri,ui, ioii iiitciitir~ii
dr sr.~l<ki>rci.ni <I:ii:iucunï ;iiitrc comiiiiiiiic:iiioii.iiitCrie:Ilir:tdi.i-
tioii dc I'nfinir. i1r6léde In(:oiir. iiitervenuc 11,10 ;~vrilI$(,IIi!Coiivçr-
iiciiicnt bclgc n'ciiniliqii? :lu Zoii\,ernenicnt.es-agncilcliicioii <Ii:iistciiiciit
était assorfi de pareilie réserve;
ro. Attendu que 1'Etat qui se désiste d'un procès aux termes de
l'article 69, paragraphe 2 du Rhglement de la Cour, avec le consentement
de I'Etat défendeur, n'est pas en droit de réintroduire l'affaire, à moins
qu'il n'ait fait savoirà 1'Etat défendeurau moment du désistement qu'il
se réservait de réintroduire la demande et, dans ces conditions 1'Etat
défendeur ne s'est pas op~..é à ce désistement;
II. htréiidu. cii toiit in,, qiic l23 in:iriI~UI, ILi;uuvcriienicnt I>clge
sc troiii,:iir. sur ICpl;'JéI:II>III:I:LIu~a.,s iinc sitii:itioii ou. sauf rCscr\,e
exoresse touchant la réintroduction de la réclamation. son désistement
suYposait nécessairement l'ab;indon définitif de son droit à poursuivre
devant la Cour la réclamation qui avait fait l'objet de sa requête du
15 septembre 1958;
12. Attendu que, dans ses exceptions préliminairesdu 21 inai 1960, le
Gouvernement espagnol a contestéla recevabilité de la requéte belge du
15septembre 1958en invoquant divers motifs; et attendu qu'aux termes
du paragraphe 3 de l'article 62 du Reglement de la Cour, laprocéduresur
le fond s'est alors trouvéesuspendue et qu'il appartenait dèslors au Gou-

vernement belge, dans la procédure préliminaire subséquente, de pré-
senter son argumentation en déiense contre les exceptions préliminaires
de l'Espagne;
13.Attendu que le but mémede toute exception préliminaire, qu'elle
vise la compétence de la Cour ou la recevabilité de la réclamatiori, est
d'arreter in limine liti ls procédurequi a étéentamée;
14. Attendu que, en conséquence, le désistement du Gouvernement
belge dans la procédure ouverte par sa requêtedu 15 septembre 1956
sans que ce désistement ait étéassorti d'aucune réserve touchant son
droit de réintroduire la demande qui avait fait l'objet de cette requête,
supposait nécessairement qu'il renonçait à son argumentation en défense
contre les exceptionspréliminairesespagnoles et qu'il acceptait d'arrêter,
inlimine lilis la procédurequ'il avait introduite;
15. Attendu que, en plus. le traité hispano-belge de conciliation, d'ar-Io34 BARCELOPIA TRACTION

bitrage et de règlement judiciaire de 1927ne prévoitpas que L'onpuisse
recourir plus d'une fois aux modes de règlement prévuspar ledit traité;
et qu'uni partie ayant entamé un devant la Ciur en vertu de
I'article 17et s'étant ensuite désistée, aépuisé lesmodes de règlement
prévus par ce traité;
16.Attendu qu'il résuitede ce qui précèdequela réintroduction d'une
demande après un désistement dans une procédureouverte auprès de la
Cour en vertu dudit traité ne pourrait être compatible avec le système
de règlement pacifiqueconsacré par le traité que si un tel droit avait été
réservé expressémentau moment du désistement; et attendu qu'en
l'espèce leGouvernement belge n'a fait aucune réserve en ce sens lors-
bre 19jS;st désistéde l'instance introduite par sa requêtedu 15septem-
17.Attendu que, dans ces conditions, le Gouvernement belge est for-
clos à revenir sur son désistement du 23 mars 1961et qu'il n'est pas en
droit de soumettre encore une lois à la Cour la demande qui avait fait
l'objet de sa requête du 18septembre 1958;

II

A. A titre principal
I.Attendu que le Gouvernement espagnol n'a jamais reconnu, ni
durant les négociationsdiplomatiques, ni dans le cadre de la procédure
judiciaire, ni d'une autre manière,que le différendqui oppose la Belgique
à l'Espagne puisse êtresoumis à la juridiction de la Cour internationale
de Justice;
2. Attendu que la clause juridictionnelle de I'article 17du traité de
conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage, conclu le19juillet
1927 entre l'Espagne et la Belgique n'était pasune clause juridictionnelle
valable à l'époquede l'introduction de la requêtebelge devant la Cour
internationale de Justice;
3. Attendu que la caducitéde la clause juridictionnelle de I'article 17
du traité hispano-belge de 1927est la conséquenced'une impossibilité
d'exécutionde cette clause due à la suppression de la Cour permanente
[le Justice internationale le 19avril 1946;
4. Attendu que la reconduction tacite du traité hispano-belge ne pou-
vait avoir pour conséquence de ranimer la clause juridictionnelle de
l'article 17du traité hispano-belge qui était caduque avant la reconduc-
tion de ce traité;
5. Attendu que la clause juridictionnelle de I'article 17 du traité
hispano-belge étaitcaduque, l'obligation généralede recours à la juridic-
tion obligatoire contenue dans le traité ne pouvait, elle seule. obliger
l'Espagne à reconnaître la compétence obligatoire de la Cour interna-
tionale de Justice à partir de l'époqueà laquelle l'Espagne est devenue
partie au Statut de la Cour internationale de Justice;
6.Attendu que l'article 37 du Statut de la Cour internationale de
les traitést conventions en vigueur entre Etats qui sont devenus partiess
au Statut de la Cour aprèsla dissolution de la Cour permanente de Justice
internationale;
7. Attendu que la thèsebelge qui affirme quela clause juridictionnelle
de I'article 17du traité hispano-belge n'était, du fait de I'article 37du
Statut de la Cour internationale de Justice, que provisoirement inappli- CONCLUSIONS DU GOUVERNEhIEST ESPAGNOL IO35

cable et qu'elle n'était que suspendue dans ses effets, est incompatible
avec le fait quela clausejuridictionnelle de l'article 17dutraité hispano-
belge était définitivement impossible à exécuter, à partir de la suppres-
sion de la Cour permaneiite de Justice internationale;
8. Attendu que l'article 37 du Statut de la Cour internationale de
Justice n'a pas non plus pu «r:mimer »la clause juridictionnelle de I'ar-
ticle 17 du traité hispano-belge ni conférer à cette clause.à dater de la
dissolution de la Cour permanente de Justice internationale, le caractère
d'une disposition potentiellement en vigueur jusqu'à l'époquede l'ad-
mission de l'Espagne comme Membre des Nations Unies et comme partie
au Statut de la Cour internationale de Justice;
9.. Attendu que la nature d<:l'engagement et le but principal pour-
suivi par I'article6, paragraphe 5, du Statut de la Cour internationale
de Justice sont identiques à la nature de l'engagement et au but pour-
suivi par I'article37, c'est-à-dire que ces deux dispositions viseàtcréer
un accord entre parties au Statutde la Cour en vue de transfé~erla juri-
diction obligatoire de la Cour permanente de Justice internationale àla
Cour internationale de Justice dans certaineslimites;
IO. Attendu que par conséquent, l'application et l'interprétation de
l'article36, paragraphe 5, du Statut de la Cour internationale de Justice
doivent commander l'application et l'interprétation de l'article 37 du
Statut de la Cour internationale de Justice;
II. Attendu que la Cour internationale de Justice a déclarédans
l'affaire relativà l'Incident aériendu 17juillet 1955(Israël c. Bulgarie),
exceptions préliminaires, arrêt du 26 mai 1959 (C.I.J. Recueil 1959,
p. 141) rque l'article 36,paragraphe 5, n'a entendu réglerle transfert qui
fait l'objet de cette disposition qu'entre les signataires du Statut, noà
l'égardd'un Etat dans la situation de la Bulgariei,, et qu'à l'époque à
laquelle l'article 36, paragraphe 5, du Statut de la Cour aurait pu pro-
duire effet, c'est-à-direà l'époquede l'admission de la Bulgarie aux
Nations Unies, soit le 14 décembre 1955, la déclaration bulgare n'était
plus en vigueur par l'effet de la dissolution de la Cour permanente de
Justice internationale, intervenue le 19 avril 1946;
12. Attendu que en interprktant I'article 36, paragraphe 5, dans l'af-
faire du Temple de Préah Viltéar(Cambodge c. Thaïlande). exceptions
préliminaires, arrêtdu 26 mai 1961(C.I.J. Recueil1961, p. 25)la Cour a
confirmé iique cette dispositioii ne s'appliquait pas indistinctement à
tous les Etats ayant acceptéla juridiction obligatoire de l'ancienne Cour
permanente qui pourraient ensuite à n'importe quel moment. devenir
parties au Statut de la Cour, inais seulement à ceux de ces Etats qui
étaient parties au Statut depuis l'origine». et que la Cour rappelait en
outre que "le 19 avril 1946, date de la dissolution de l'ancienne Cour
permanente, toutes les déclarations d'acceptation de la juridiction obli-
gatoire de la Cour permanente qui ne s'étaientpas déjà«transformées »
en vertu de I'article 36, paragraphe 5, en acceptation de la juridiction
obligatoire de la Cour actuelle étaient devenues caduques et avaient cessé
d'êtreen vigueur, car elles se seraient dès lors appliquées à un tribunal
- l'ancienne Courpzrmanente -qui n'existait plus».
13. Attendu que le mêmeraisonnement a étéutiliséau sujet de l'ap-
plication de I'article 37 du Statut de la Cour internationale de Justice
dans l'arrêtde la Cour:Afaires du Sud-Ouestafricain (Ethiopie c. Afnque
du Sud; Libéria c. Afrique du Sud). exceptions préliminaires, arrêtdu
21 décembre1962(C.I.J. Recireil1962, p. 334).1036 BARCELONA TRACTION

B. A titre subsidiaire

I. Attendu,que l'article 37 du Statut de la Cour internationale de
Justice est devenu applicable dans les relations hispano-belges et a per-
mis ainsi à la clause juridictionnelle de l'article 17, paragraphe 4, revisé
du trait4 hispano-belge de déployerses effets à partir de l'admission de
l'Espagne à la Chartedes Nations Unies et comme partieau Statut de la
Cour internationale de Justice;
2. Attendu que la clause juridictionnelle de l'article 17,paragraphe 4,
revisé du traité hispano-belge a son propre domaine de validité ratiowe
temporis, et que son point de départest l'époqueoù l'Espagneestdevenue
a-mbI?l*t;"~'tions Unies et partie au Statut de la Cour internationale
...J
3. Attendu qii'iinc.:tl>pli<.:ttriitr03cti\.vde IcI:~u,~jiiridictlonnclle
<Ic:';irticlu17. pnrngr.iphe4, rcvisé<littr;iitéhi,p;ino-belge est iontrnirc
aux tt:rriiesdu prCaiiibulc.,aux arriclcIc:t2.i:t.,u proc&~verb;ilfinnl de
ce traité ainsi 4u'aux travaux préparatoires qui oit précédé sa conclu:
sion ;
4. Attendu que le différendrelatif à la Barcelona Traction Light &
Power Co.est né avant que la clause juridictionnelle de I'article 17.para-
graphe 4, revisédu traité hispano-belge ait déployéses effets et qu'il
n'entre pasdans la catégoriedes differendsrelevant du domaine d'appli-
cation ratione temporis du traité hispano-belge de 1927;
C.
Attendu qu'en raison des conditions mentionnées ci-dessus sous A et
B, la Cour est incompétente pour connaitre ou déciderdes demandes for-
muléespar la requêteet le mémoiredu Gouvernement belge. la clause
juridictionnelle de l'article 17 du traité de conciliation, de règlement
judiciaire et d'arbitrage n'ayant pas crééentre l'Espagne et la Belgique
un lien de juridiction permettant au Gouvernement belge desoumettre le
différendde la Barcelona Traction à la Cour internationale de Justice.

III
I. Attendu que, dans ses conclusions actuelles le Gouvernement belge
demande à la Cour dedire et juger: a)que les mesures, actes, décisionset
omissions des organes de 1'Etat espagnol décritsdans la présenterequête
sont contraires au droit des gens et que 1'Etat espagnol est tenu,à l'égard
de laBela-.ue. de réparer le oréiudiceaui en est résultepour les ressor-
tisi:iiits I>elgcs.I>i.rso;iriespliyiiqiies et mornlcj, actiuiiii;I;iI3.ircc-
Ion? 'l'raction; 6,rlue ccttc rL'p3rnriondtiit, niitniit quc ~~oisible.eilncer
toutes les conséquinces que ces actes contraires au-driit des gens ont
eues pour lesdits ressortissants et que 1'Etat espagnol est tenu, des lors,
d'assurer, si possible, l'annulation du jugement de faillite et des actes
judiciaires et autres qui en ont découlé,en assurant aux ressortissants
belges léséstous les effets juridiques devant résulter pour eux de cette
annulation. en plus des préjudices accessoires; et c)que, au cas où l'ef-
facement des conséaueucesdes actes incriminésse révéleraitimpossible,
1'Etat espagnol sera'tenu de verser à I'Etat belge,à titre d'indemiité, une
somme équivalant à880Ade la valeur nettede l'affaire au rz février1948,
cette indémnitédevant-etre augmentée d'une somme correspondant à
tous les préjudicesaccessoires subis par les ressortissants belges par suite
des actes incriminés; CONCLUSIONS DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL I"37

z. Attendu aue. malerél,,tentative actuelle du Gouvernement belee
<IcprGienicr CLS~011:1iiniuil<i1:.1sV c:~(lrcd'une pr,)iecii<iiidil)loin.~tiq~c
c.r ~ii<li,:i:,iiitcriintionil~: dt,; 1cti~iirinircs I)cl#r,3 <IVIci I(nrct:l(iii:~
Traction, lesdites conclusions iie peuvent se comprëndre que comme une
manifestation d'une protection diplomatique de la sociétéen tant que
telle; et que si ce résultat s'impose manifestement lorsque le Gouverne-
ment belge demande la restitution i~tintegrum en faveur de la société,la
mêmesolution s'impose aussi iorsqn'il limite l'indemnisation demandée
pour le préjudice subi par la sociétéau prorata de la participation belge
dans le cadtal social. étant donné<luele prétendu fait illicite interna-
tional dont cette indemnitédevrait réprésenterla réparation est toujours
constituépar le préteiidiidénide justice qui aurait étécausé à la socikté;
3. Attendu que. comme le Gouverncmënt belge l'a lui-mémereconnu,
ce Gouvernement n'a, à la lumière des principes bien établis du droit
international, confirméspar la jurisprudeiice de la Cour, aucun titre à
mettre en mouvement une action diulomatiaue ou iudiciaire interna-
tion:~lcen Ilveur de 1;i1i;ircclon;iTraction. soci+tCqiii p~jsLldeet 3 ]>OS-
4; <li:id constitutiiDiiiiiiii]urment la natioiinlitC çan;i~lienii~;et que Ic
(;u~ivt.rriiiit:i~::tiiacIicn,cil sa qualit6 (1'I:t:it n:itiuich,lla liarceloi~a
. .tr.on. n escrcL:s;i prutc<'riuii<Iil)lom:itiquecilIî\,iiir(1,I.idite siiii;rc:
à prop,?; di.;iiiïiiicfsits clus Ic (;t,ii\'crii~~iii~nIt,cl#c \'u~tlr:~it:iuli,ur-
d'hui-invoquer, et ce par une séried'interventions qui vont du m6s de
mars 1948 au mois de mars 1955;
4. Attendu que, en faisant siennela réclamation de la Barcelona Trac-
tion, le Gouvei-nement canadien a, suivant la jurisprudence constante de
la Cour, fait valoir son droit propre, à savoir le droit que I'Etat canadien
a de faire respecter, en la personne de son ressortissant, le droit inter-
national; et que si un tel droit revient au Canada, il ne peut pas revenir
à la Bel".aue. de sorte oue toute tentative du Gouvernement belee de -
siibititiicrsa propre pruicctioii diyloinatique à celle du (;ouvcrnernent
cnnadicn doit 6trç consiclert?~ iorniii,: ~~~~~dinis~ihl~.
". Attendu. d'autre .art...oue si les conclusions rése entéedsans la
nou\,clli: rt:qiiCtcdu C;oiiit:riiernciit Iiçlge~1evnic.1n'~rrcciiteiirluci qiic
comme ILniaiiil~:jt,ition ~I'iiiiiiiteiitioii dc protcgcrbiirIc~>I,ii<lip11111;i-
tiqiie et ~ii.lici;~iritcrnxtioiinl (Icsrc.;sorriss.iiitj bclç<:s.persoiiiies pli!.-
sique. et iiior;ilcs((actioiin:,irc;~dc 13 FOCIC~ le Gouverneméiitbelge ile
s:iiir;iit 2tre nilri3ipoiirsuivr,- iiiic telintention. :iiz.iiittout p:irci:qiie
le principal desdits iessortissants belges, quels que soient se; rapports
avec des personnes inscrites au registre des actionnaires de la Uarcelona
Traction. n'a pas lui-mêmela qualité d'«actionnaire B de la société;
étudeobjective des principes essentiels du droit international en matière
d'econdition des étrangers, de responsabilité internationale et de protec-
tion diplomatique qu'à la suite d'un préjudice causépar un Etat à une
sociétéétrangère,seul 1'Etat national de la sociétéa le droit d'intervenir
au titre de la protection diploniatique; que,partant, l'intervention d'un
tiers Etat, au titre de la protection diplomatique de ses ressortissants
actionnaires de la société, à côtéou aux lieu et place de 1'Etat national de
la société,est exclue à la lumièredes principes considérés; .
, 7. Attendu qurune analyse objective de la jurisprudence arbitrale
internationale, de la pratique des Etats et de la doctrine la plus autorisée,
exclut également qu'une règle spécialecoutumière se soit développéeen
dérogation aux principes ci-dessus rappelés; que la protection diploma-1038 BARCELONA TRACTION

tique de sociétairesen casde préjudice causé à une sociétéii'aétéadmise
que dans des cas où la sociétéen question a la nationalité de 1'Etat méme
contre lequel la réclamation est dirigéeet où, partant, le préjudice ne
peut pas avoir étécausé à la sociétéen violation d'une obligation inter-
iiationale;
8. Attendu que, en ce qui concerne en particulier les sociétésanony-
mes, l'éventualitéd'une protection diplomatique distincte des action-
naires pour préjudice causéaux droits de la sociétépar son propre Etat
national n'a été ausurplus envisagéeque pour l'hypothèse où la société
elle-mêmeaurait étéliquidéeet dissoute et où les actionnairesse seraient
par conséquent substitués à celle-ci quant à ses biens et ses droits;
g. Attendu que, partant, dans le cas d'espèce, ne se trouve réalisée
aucune des conditions dont, en droit international, la présence simul-
tanéeest requise pour qu'une protection diplomatique de sociétairespar
leuro Atteiidu que, mCmeen faisant abstraction de cc qui vient d'Ctrc
riieritiuiiiIç.fait qiie le Gouvcriicment c:tn:idien ait excrct!sa protc.ction
diplomatique rii f:~\.riirde I:I 13:irccluri:i'i'r;i.tioii. cn tant que soii6t6.
pour Icj mCmcs iaits qui sont iiivoquéspnr lc (;ouvt:rneriieiit b~.lgc,iic
permr.ttrait de route rnaniere jamais d'ntlniettrz que cesniSmesfaits puis-
stnt donnvr li~,iiA iine (loiible Drotection ~li~lniii;irioiie.d'iinc ),art celle
du Gouvernement canadien la société,it d'aut;e Part ceil; du Gou-
vernement belge pour sesprétendus uactionnaires a;
II. Attendu que la question soulevéepar l'exception préliminaire rela-
tive au défaut de qualité du Gouvernement belge dans l'affaire de la
Barcelona Traction est abcolument mûre pour être tranchée;qu'aucun
élément supplémentaire utile pourstatuersur l'exception ne saurait être
tiréde l'examen du fond de l'affaire; et que, partant, la demande belge
subsidiaire en vue d'une jonction de la présente exception au fond ne
saurait nullement se justifier;

I. Attendu au'une rèe-edu droit international coutumier. incontestée
dans la jurisp;udc.nce comniz dans I:i doctrinï (111droit iiitcrnation:~l.
exige que les voies et rno),ens offerts par l'ordre juridique interne soient
utiliséset ~uuiscs i>arle v~rticulier oui se ~rctencl 1;s; Dar une niesure
contraire aidroit {nternational adoptée àson égard,avant que son Etat
national puisse exercer en sa faveurla protection diAlomatique ou. à plu$
forte raison. saisir une iuridiction intêrnationale:
2. ,\tteii<lli que, dnn Ics rapports Iiijlxtiio-ljelgrs. I';ipplis;~tiI;iIL.
réglecst ait ~iirl)lusconlirnici: !>:IrI';irti,11tr;iitC dc conciliation, de
rL\elemcntiudici:iire ct d'arbitr"icc conclu cntic 1'L;mune et la Kel-i'iit?
le-I~ juiiiei 1927;
3. Attendu que l'exception préliminaire fondée surle défaut d'utilisa-
tion et d'épuisement des voies et moyens offerts par l'ordre juridique
interne est une exception dirigéecontre la recevabilité de la requête;
4. Attendu que l'ordre juridique espagnol prévoit des moyens de
recours contre les décisionsde l'Institut espagnol des blonnaies étran-
geres; qu'aucun de ces recours n'a étéutilisépar la Barcelona Traction;
et que par conséquent à ce titre déjà le non-épuisement des recours
internes est acquis;
5. Attendu que le 12 février1948 la Barcelona Traction fut dûment CO~'CLUSIOSS DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL 1039
déclaréeen faillite par un jugement du juge de premièreinstance deReus,
et que ledit jugement fit l'objet dea publicité prévuepar la loi;
6. Attendu que l'ordre juridique espagnol offre à tout failli le moyen
spécifiquepour demander larévocationdu jugement déclaratifde faillite;
7. Attendu que seule la Barcelona Traction avait titre pour se préva-
loir de ce moyen, mais qu'il n'a nullement étéutilisépar ladite société
dans les délaisprévuspar la loi;
8. Attendu que la compétencejuridictionnelle du juge de Reus n'a pas
été attaquéeen temps utile et qu'en tout cas la Barcelona Traction est
demeuréetacitement soumise à la juridiction espagnole;
'9. Attendu que le jugement déclaratif de la faillite de la Barcelona
Traction, ayant acquis force de chosejugéepar défautd'opposition, cons-
titue nécessairement le fait générateurde la procédure de faillite qui
s'est déroulée Dar la suite:
ro. .-\trend; qu'en :itt;cqunnt léjiigemenr di.$-l:irntifde I;Ifail[,sr:
le mo!.en spécifiqueprc'vu p:ir la loi esp:~gnolc.1:iBarcelon;~Traction
:iiiraiPLI.cn sritiounnt ilne seule et mCmciiiz.jiirc.c'liminerle fa-t K.n<-
rateur âe la procédureultérieure;
II. Attendu que la règleinternationale de l'épuisementpréalable des
voies et moyens internes est stricte et doit s'interpréter en conséquence;
qu'ilsuffitdonc, pour que leparticulier n'ait pas épuilesvoieset moyens
de recours interne qu'il ait omis d'user sur un point déterminé d'une voie
ou d'un moyen spécifiquequi aurait pu éliminer lefait générateurdes
événementsdans l'ensemble desquels l'on prétend voir un fait illicite
international;
12. Attendu que de ce fait l'on n'a donc pas. en la présente affaire,
satisfaità la règlede l'épuisementpréalabledes voies et moyens internes;
13. Attendu qu'au surplus la Barcelona Traction, n'ayant pas fait
aurait néanmoiilspu se prévaloir de moyens extraordinaires de recours,
et qu'elle aurait notamment pu faire valoir, dans un recours en revision,
les griefs relatifsà toute prétendue manŒuvre frauduleuse dont elle
aurait étéla victime, maisqu'elle a négligéde seservir de I'uncomme des
autres de ces moyens de recours;
14.Attendu que, des omissions déterminantes ayant étéacquises par
rapport au jugement déclaratif de la faillite, elles suffisentétablir que
la règle du non-bpuisement des voies et moyens internes n'a pas été
respectée en I'espéce; qu'il n'est alors pas nécessaire d'examiner les
recours forméscontre certaines piècesde la procédure de faillite posté-
rieures au jugement déclaratif de la faillite lui-même,dont la force de
chose jugéeest acquise;
15.Attendu que dans ces conditions l'exception est mûre pour être
tranchée dès à présent en tant que question préliminaire; qu'aucun
élément supplémentaireutile pour statuer sur l'exception préliminaire
ne saurait êtretiré del'examen du fond de l'affaire; et que. partant, la
demande belge subsidiaireen vue d'une jonction de la présente exception
au fond ne saurait nullement se justifier;

PLAISE A LA COUR:
Pour I'un quelconque de ces motifs, et tous autres énoncésdans la
procédure écriteet orale, ou pour tous ces motifs Ala fois.

Premièrement,du fait que toute juridiction de la Cour pour décider1040 BARCELOXA TRACTION

des questions se référant à la réclamation formuléedans la nouvelle
requêtebelge de 1962, quant à la compétence,quant à la recevabilité ou
quant au fond, a pris finàla suite deslettresdes Gouvernements belge et
espagnol, en date, respectivement, du 23 mars et du 5 avril 1961,et dont
la Cour a pris acte dans son ordonnance du IO avril 1961;
Deuxièmement,du fait que la Cour est incompétente pour connaître
de la présente affaire, la clause juridictionnelle de l'article 17 du
traité de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage du 19juillet
tg27 n'ayant pas crééentre l'Espagne et la Belgique un lien de juri-
diction permettant au Gouvernement belge de soumettre le différendde
la Barcelona Traction à la Cour internationale dc Justice;

Troisièmement,du fait que le Gouvernement belge est sansqualité dans
la présente affaire. étant donnéque la sociétéBarcelona Traction, qui
res'tetoujours le destinataire de IaAréclamationsoumise à la Cour, n'a pas
de nationalité belge: et étant donné égalementque l'on ne saurait acl-
mettre en I'es~ècëuiie demande quelconque au titre de la protection de
rcs,i.rti>-~nt.i i)clKr.;,ncrioniia(leId U~~rcelon;T~r:~ctiun'.Ir.princil);il
de ces r~s,ortijs:inrs ii':iyapds I:iqunlitGjuridique ~l';iiriuiiiiacl,:1;i
I-kirirloiia 'Srnsrioii.ledroit internation;tl n':idniçttnnt p:ir.icas (1,:
préjudice causé par un Etat à une sociétéétrangère, une protection
diplomatique d'actionnaires exercée par un Etat autre que 1'Etat national
di la société;
Quatrièmement.du fait que lesvoieset moyens de recours interne n'ont
pas étéutiliséspar la Barcelona Traction, ainsi que l'exige ledroit inter-
national;

DIRE ET JUGER
que la requête introduite par le Gouvernement belge le 14 juin 1962
ainsi que les conclusions finales qu'il a présentéessont définitivement
irrecevables.

(Signé J) M. CASTRO-RIAL.DOCUMENTS PRÉSENTES A LA COUR
APRÈS LA FIN
DE LAPROCEDUR ECRITE LISTE DES DOCUMENTS DÉPOSÉS PAR L'AGENT DU
GOUVERNEMENT BELGE

Lettrede M.Maurice Frère àl'aeent du Gouvernement belee. 26 février
1964 (avecappendices). - -
Lettre de M. Simon, consul généralde Belgique, au président du conseil
de la Généralitéde Catalogne, 17 septembre 1936.
Rapport de M. Simon, 29 septembre 1936 (avec annexe).
Echange de lettres entre M. Arthur H. Dean et M. Lester B. Pearson,
secrétaired'Etat aux Affaires étran-èresdu Canada, r" et 10,i.illet
1955.
Rapport de l'ambassadeur de Belgique à Madrid au ministre du Com-
merce extérieur de Belgique, 12février1952.
Rapport de l'ambassadeur de Belgique au Canada au ministre du
Commerce extérieur de Belgique, 12 mai 1952 (avec annexes).

LISTE DES DOCUMENTS DÉPOSÉS PAR L'AGENT 1)U
GOUVERNEMENT ESPAGNOL

Rapportdu comte de Motrico au sujet des conversations privéesrelatives
à l'affaire de BarceLanaTraction (1960.1961).4 décembre1963 (avec
documents annexés).
Lettres relatives au nouveau document du Gouvernement belge de
février1964.
Arrêtde la cour d'appel de Barcelone du 15 mai 1963 et attestation
relative aux décisionsjudiciaires espagnoles auxquelles se réfèrentles
observations et conclusions du Gouvernement belge (1,p. 258 et 259).
Lettre de M. Arthur Dean au comte de Motrico, I" février 1955. et
accusé deréception, 9 février955.
Lettre de L'Ebro à L'Institut espagnol des monnaies étranghres, 5 no-
vembre 1940.
Attestation du 5 mai 1964 relative à un arrêt du tribunal suprêmedu
22 mars 1963.
Document sur la composition du conseil d'administration de la Barcelona
Service de Toronto.let 1949. publiépar le Financial Post Corporation
Arrétdu tribunal économico-administratif central du2 mai 1933. Thepublications of the INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE may bc
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Document Long Title

Annexes to the Minutes of the Public hearings held at the Peace Palace, The Hague, from 16 April to 19 May 1964, the President sir Percy Spender, presiding (concluded)

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