Reply of the Great Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya

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13629
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COURINTERNATIONEEJUSTICE

AFFAIRE RELATIVEADESQUESTIONS

D'INTERPRETATIO ETD'APPLICATION
DELACONVENTION DEMONTREAL DE1971
RESULTAND TEL'INCIDENT AERIEN

DELOCKERBIE

JAMAHlARABELIBYENNE
ROYAUME-UNI

REPLIQUEDELA
GRANDEJAMAHIRIYAARABELIBYENNE

POPULAIREET SOCIALISTE

29JUIN2000 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIRE RELATIVE A DES QUESTIONS
D'INTERPRETATION ET D'APPLICATION
DE LA CONVENTION DE MONTREAL DE 1971

RESULTANT DE L'INCIDENT AERIEN
DELOCKERBIE

JAMAHIRIYAARABELffiYENNE
CONTRE
ROYAUME-UNI

REPLIQUE DE LA
GRANDE JAMAHIRIY A ARABE LIBYENNE
POPULAIRE ET SOCIALISTE

29 juin 2000 TABLE DES MATIERES

Pages

INTRODUCTION ........................................................................1.....

CHAPITRE 1 • PRINCIPAUX EVENEMENTS DEPUIS LE
MEMOIRE LIBYEN DE 1993 ••..••••.•.....••.•......•••••
.•..4.

Section 1 - Enseignements des arrêts de la Cour du 27 février
1998 sur les exceptions préliminaires ...................... .... 4

Section 2 - L'impact de l'acceptation par les défendeurs de la
solution de la Ligue des Etats arabes et la
comparution volontaire des suspects aux Pays-Bas ..••..•....• 8

A. La résolution1192 (1998) du 28 août 1998 est l'aboutissement
de propositions émanant de la Libye, relayées ensuite par
diverses organisations internationales, en particulier la Ligue
des Etats arabes, avec l'accord deibye ............................9.........

B. Ces propositions furent rejetéesavec méprispar les défendeurs
jusqu'en 1998, époque à laquelle, totalement isolés
politiquement, ils ont, sous couvert d'une initiative de leur part,

enfin acceptéa voie proposéàl'origine par la Libye ...............19......

c. Confonnitéde cette solution à la convention de Montréaldont le
respect étaitdemandépar la Libye..................................22.........

D. Les demandes de déclarationd'illicéitéformulées par la Libye
conservent toute leur utilitérétrospectivesont donc pas
sans objet........................................................23..............
..

Section 3 - La rhétorique des contre-mémoires des défendeurs..•••....••. 24

A. Les présomptionsde mauvaise foi et de culpabilité.................25........

1. Le prétendu défaut de la Libye de se conformer à la
résolution1192 et à ses engagements antérieurs.................25.......

2. La présomptionde culpabilité desaccuséset de la Libye..........27.....

B. Le recours à la force et la coercition économique des Etats-Unis
contre la Libye...................................................31................

CHAPITRE II L'INTERPRETATION DES DISPOSITIONS
PERTINENTES DE LA CONVENTION DE
MONTREAL ...................................................35.............. II

Section 1 ~ L'étendue du différend au regard de la convention de
Montréal.....,...................,.....................,..... .... ......36....

Section 2 ~ L'application . en général de la convention de
Montréal au présent différend •..•......•••.•.••.••••............
37

A. Les défendeurs admettent que la convention de Montréal
s'applique à l'incident de Lockerbie ....................................37......

B. Selon les défendeurs, rien n'empêchaitles Etats parties à la
convention de Montréalà chercher à arrêterles auteurs de faits
visés par celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la
convention ..............................................................39........
.

C. Selon le Royaume-Uni, La Libye n'aurait pas étéfondée à se
prévaloirde la convention de Montréaldès lors qu'elle serait
impliquéedans l'incidentde Lockerbie ..................................41....

D. Selon les Etats-Unis, la question de l'applicabilité de la
convention de Montréaln'avait plus d'intérêp tratique eu égard
aux résolutionsdu Conseil de sécurité ...................................41....

Section 3 ~ L'application de l'art. 7 de la convention de
Montréal au présent différend •• o o ••••••••o •••••••o o00•••••••• 42

A. Selon le Royaume-Uni, l'art. 7 se bornait à obliger la Libye à
poursuivre la personne concernée si elle ne l'extrade pas; il ne
conféraitaucun droit àla Libye ..........................................45......

B. De toute façon, selon les défendeurs, l'art. 7 ne les empêchait
pas de soumettre l'affaireau Conseil de sécurité.........................46...

c. Lu seul ou en combinaison avec d'autres dispositions, l'art. 7,
selon les Etats-Unis, ne conféraitaucune exclusivité à la Libye
dans l'exercice des poursuites...........................................47.....

D. La Libye, selon les Etats-Unis, aurait prétendu que l'art. 7 ne
concernait que l'Etat où se trouvait l'auteur présumé de
l'infraction, non les Etats tiers ......................................48..........

Section 4 ~ L'application de Part. 11 de la convention de
Montréal au présent différend ..... oo ooo....00.. oo........00... 49

A. Selon le Royaume-Uni, la question de l'application de l'art. 11
ne se serait posée qu'après que la Cour aurait reconnu
l'applicationela convention de·Montréal.................................51.

B. Selon les Etats~U a desmande d'assistance judiciaire de la
Libye étaittrop imprécisepour relever de l'art. 11 .....................52.... III

C. Selon les défendeurs, leur droit interne faisait de toute façon
obstacle à ce qu'il fût donnésuite à la demande libyenne................53.

CHAPITRE III - LES RESOLUTIONS 731, 748, 883 ET 1192 .........••.•.. 58

Section 1 - L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et
1192 suivant leur libelléet à la lumière de leur but .......... 59

A. Les résolutions 731, 748, 883 : état de la question avant la
résolution 1192........................................................60.........

1. La résolution731 (1992) .............................................60......

2. Larésolution 748 (1992) ............................................62.......

3. La résolution 883 (1993) ............................................64.......

4. Conclusion ..........................................................65........

B. La résolution 1192 (1998)..............................................66.......

c. Conclusion ............................................................71..........

Section 2 - L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et
1192 au regard des pouvoirs que la Charte des
Nations Unies attribue au Conseil de sécurité .......•.••...... 72

A. Les pouvoirs du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VIT de
la Charte .............................................................72.........
...

B. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et
l'Assemblée générale hors du contexte de l'affaire de
Lockerbie .............................................................76.........
..

1. Les résolutions 1044 (1996), 1054 (1996) et 1070 (1996) ............77

2. Les résolutions 1189 (1998) et 1267 (1999)..........................77...

3. La résolution 1269 (1999) ..........................................78.......

4. Les déclarations de l'Assembléegénérale .............................79...

C. Le pouvoir d'interpréter les résolutions du Conseil de sécurité
en conformitéavec la Charte et, le cas échéant,de vérifier leur
conformitéavec celle-ci.................................................81.......

CHAPITRE IV - LES MENACES DE RECOURS A LA FORCE ET
LA CONVENTION DE MONTREAL ......•...•..••.......•••. 84 IV

Section 1 - Pertinence juridique des menaces de recours à la
force .............................................................85.........
.......

Section 2 - Les affaires relatives à la compétence en matière de
pêcheries.........................................................86

Section 3 - Le type de menace de recours à la force émanant des
Etats défendeurs .................................................89

CONCLUSIONS ..................................................................95 l.

INTRODUCTION

Rappel de la procédure

0.1 Par requêtedu 3 mars 1992, la Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et

socialiste (ci-dessous "la Libye") a introduit deux instances séparées: contre les Etats­
Unis d'une part, et contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

d'autre part, au sujet d'un différend entre la Libye et ces deux Etats "concernant

l'interprétationt l'application de la convention de Montréal"du 23 septembre 1971 pour
la prévention et la répressiond'actes illicites dirigéscontre la sécuritéde l'aviation civile.

Par une ordonnance du 19 juin 1992, la Cour a fixéau 20 décembre 1993 la date
d'expiration du délaipour le dépôt du mémoire de la Libye et au 20 juin 1995 la date

d'expiration du délai pour le dépôtdu contre-mémoire des défendeurs. Le 20 décembre
1993, la Libye a déposéson mémoire: A l'expiration du délaipour le dépôt de leur contre­

mémoire, les défenseurs ont déposédes exceptions préliminaires touchant la compétence

de la Cour et la recevabilitédes requêteslibyennes.

Par ses arrêtsdu 27 février1998, la Cour a statuésur ces exceptions préliminaires.

Par son ordonnance du 30 mars 1998, le président de la Cour avait ftxé au 30

décembre 1998 la dated'expiration du délaipour le dépôtdu contre-mémoire des Etats­
Unis d'Amériqueet du Royaume-Uni. Par son ordonnance du 17 décembre 1998, le juge

doyen, faisant fonction de présidentde la Cour a étendula date d'expiration de ce délaiau

31 mars 1999. A cette date, les deux gouvernements ont déposéleur contre-mémoire.

Par son ordonnance du 29 juin 1999, la Cour a autorisé la présentation d'une
réplique de la Libye et d'une duplique des défendeurs. La dated'expiration du délaipour

le dépôtde la répliquede la Libye a étéfixéeau 29 juin 2000.

La présenterépliqueest déposéeen vertu de cette dernière ordonnance.2.

Plan de la présente réplique

0. 2 On se rappellera que par ses arrêtsdu 27 février 1998 la Cour, a conclu que

l'exception préliminaired'incompétencetiréepar les défendeursde l'absence alléguéede

différend entre les Parties concernant l'interprétationou l'application de la convention de
Montréaldevait êtrerejetéeet qu'elle a compétencepour connaître des différends qui

opposent la Libye au Royaume-Uni et aux Etats-Unis en ce qui concerne l'interprétation
ou l'applicationdes dispositions de cette convention(§ 39 et § 53, 1 b de l'arrêtLibye c.

Royaume-Uni et§ 40 et 53, 1, b de l'arrêtLibye c. Etats-Unis). Elle a, de même,rejeté

l'exception d'irrecevabilitétiréepar les défendeurs des résolutions 748 (1992) et 883
(1993) du Conseil de sécurité(§53, 2, a de l'arrêL t ibye c. Royaume-Uni et§ 53, 2, a de

l'arrêtLibye c. Etats-Unis).

La Cour a en outre tranchétrèsclairement que c'est à la date du dépôtde la requête

de la Libye qu'il fallait se placer pour appréciertant la compétencede la Cour pour en
connaître(§ 38 de l'arrêtLibye c. Royaume-Uni et§ 39 de l'arrêtLibye c. Etats-Unis)

que pour en apprécierla recevabilité(§ 44 de l'arrêtLibye c. Royaume-Uni et § 43 de
l'arrêtLibye c. Etats-Unis). En d'autresmots, les résolutions748 (1992) et 883 (1993) ne

peuvent avoir d'effetrétroactif.

Par ailleurs, en ce qui concerne la recevabilité,elle a estiméque l'exception des

défendeursselon laquelle les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécurité
auraient privéles demandes de la Libye de tout objet, n'avait pas, dans les circonstances

de l'espèce, un caractère exclusivement préliminaire(§ 53, 1 b de l'arrêtLibye c.

Royaume-Uni et § 53 1, b de l'arrêL t ibye c. Etats-Unis).

Les implications pour la suite de la procédurede ces arrêtsseront développéesci­
dessous àla section 1 du chapitre I.

La question qui peut se poser aujourd'hui est celle de savoir si d'autres
événements,qui se sont produits au cours des années1998 et 1999 ne sont pas de nature

à priver les demandes de la Libye de tout objet :à savoir l'acceptation par les défendeurs
de la proposition de la Ligue des Etats arabes qui avait reçu l'appui de l'OUA, de

l'Organisation de la Conférenceislamique et du Mouvement des pays non alignéset qui

s'est concrétiséepar la résolutiondu Conseil de sécurité1192 (1998) et par l'ouverture
d'un procès aux Pays-Bas des deux suspects devant des juges écossais. C'est à cette

question que sera consacréela section 2 du chapitre I. 3.

La troisième section de ce premier chapitre traitera de la rhétorique du contre­
mémoiredes défendeurs.

Le chapitre II sera consacré à l'interprétationdes dispositions pertinentes de la
convention de Montréal.

Le chapitre rn montrera que les résolutions 731, 748, 883 et 1192 ne privent pas

le différendde son objet.

Enfm le chapitre N s'attacheraà montrer l'impact sur la convention de Montréal

des menaces de recours à la force par les défendeurs.

0. 3 Comme elle l'afait pour son mémoireet pour les mêmesraisons - les demandes
de la Libye à l'égarddes deux défendeurssont identiques et les arguments de ces derniers

sont en substance les mêmes- la Libye a estiméplus simple de présenter une réplique

identique répondantaux assertions des deux défendeurs,mais en indiquant chaque fois les
différences qui peuvent exister entre·leurs arguments respectifs. Seules les conclusions

diffèrent par le nom exclusif de chaque défendeur.4.

CHAPITRE 1·PRINCIPAUX EVENEMENTS DEPIDS LE MEMOIRE DE 1993

Section 1 • Enseignements des arrêts de la Cour du 27 février 1998 sur les

exceptions préliminaires

1.1 Dans ses arrêtsdu 27 février 1998 relatifs aux exceptions préliminaires sur la

compétenceet la recevabilité,la Cour a estiménécessairede se prononcer sur une série
de questions qui, sans consister en des prononcéssur le fond, présententcependant un

intérêtdirect pour certaines questions de fond, et en particulier, pour les questions

d'établissementde l'illicéité et les conséquencesen matièrede responsabilité

1.2 Tout en reconnaissant qu'il appartient à la Cour seule d'interpréterelle-même

ses propres prononcés,la Libye estime qu'iln'estpas sans intérêd t'attirer l'attention sur

certains d'entreeux concernant les questions de compétence,de recevabilitéet d'absence
d'objet des demandes libyennes (mootness) dans la premièrephase de la procédure.Aux

yeux du gouvernement libyen, il est appropriéque ces prononcésreçoivent l'attention

qu'ilsméritent àla phase du fond.

1.3 Le premier prononcésignificatif concerne la question de la compétence.Selon

les termes de l'arrêd te la Cour :

"37. Dans l'instance, le Royaume-Uni a cependant affinnéque, quand bien mêmela convention
de Montréal confèreraitàla Libye les droits qu'elle revendique, ceux-ci ne pourraient être
exercésen l'espèce,au motif qu'ils auraient étésupplantéspar les résolutions748 (1992)
883 (1993) du Conseil de sécuritéqui, en vertu des articles 25 et 103 de la Charte des
Nations Unies, prévalentsur tous droits et obligations crééspar la convention de Montréal.
Le défendeur a aussi avancéque, du fait de l'adoption de ces résolutions, le seul différend
qui existerait désormais opposerait la Libye au Conseil de sécurité; il s'agirait là, à
l'évidence,d'un différendqui n'entreraitpas dans les prévisionsdu paragraphe 1 de l'article
14de la convention de Montréalet dont la Cour ne pourrait dèslors connaître.

38. La Cour ne saurait accueillir cette argumentation. Les résolutions748 (1992)83 (1993)
du Conseil de sécuritéont en effet étéadoptéesaprèse dépôtde la requête,le 3 mars 1992.
Or, conformément à une jurisprudence constante, si la Cour étaitcompétàncette date, elle
l'est demeurée; l'intervention ultérieure des résolutions susvisées ne saurait affecter une
compétencedéjàétablie(cf. Nottebohm, exceptions préliminaires,arrêt,CJ.J., Recuei/1953,
p. 122;Droit de passage en territoire indien, exceptions préliminaires,arrêt,CJ.J., Recueil
1957, p. 142). 5.
Chap.I -Principaux événemen dtpuis 1993

39. Au vu de ce qui précède,la Cour conclut que l'exception d'incompétencetiréepar le

Royaume-Uni de l'absencealléguée de différenentre les Parties concernantl'interprétation
ou l'applicationdela conventionde Montréaldoit êtrerejetée,et qu'ellea compétencepour
connaître des différendsqui opposent la Libye au Royaume-Uni en 1e qui concerne
l'interprétatioul'applicationdesdispositionsdecetteconvention."

1.4 Le raisonnement de la Cour dans ce contexteconfirme que, quel que soit l'effet

juridique des résolutions du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VII, cet effet ne
peut êtrerétroactif.

1.5 Le second prononcésignificatif des arrêtsde la Cour concerne la recevabilité.

Les passages clésdes arrêtssont les suivants :

"43.La Libyeappelleenoutrel'attentionde la Coursur le principe selonlequel "la date critique
à retenir pour déterminerla recevabilitéd'unerequêteest celle de son dépôt "(Actions
armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et
recevabilité,arrétC.lJ., Recueil, 1988p. 95§ 66).Elleobserveà cetégardque sa requête
a étéintroduitele 3 mars 1992;que les résolution748 (1992)et 883 (1993) du Conseilde
sécuritéont étéadoptéesles 31 mars 1992et 11novembre 1993respectivement; et que la

résolution731 (1992)du 21janvier 1992n'apas été adoptéeen vertudu chapitre VII de la
Chartedes NationsUnieset neconstituaitqu'unesimplerecommandation.En conséquence,
laLibyesoutientquesarequête est en toutétatdecauserecevable.

44.De l'avisdelaCour, ily alieude retenircettdernièreconclusionde laLibye. La datedu 3
mars 1992 à laquellela Libyea déposé sa requêteest en effet la seule date pertinente aux
fins d'apprécierla recevabilitéde celle-ci. Les résolutions748 (1992) et 883 (1993) du
Conseilde sécuriténe sauraientêtreprisesenconsidérationà cet égarddèslors qu'ellesont
étéadoptées à unedate ultérieure.Quantà larésolution731 (1992)du Conseil de sécurité,
adoptéeavant le dépôtde la requête,elle ne saurait constituer un obstacle juridique à la

recevabilitée celle-ci car il s'agissaitd'unesimplerecommandationsanseffet contraignant,
commele reconnaîtd'ailleurs leRoyaume-Unilui-même .a requêtelibyenne ne sauraitpar
suiteêtredéclaréierrecevablepourcesmotifs.

45. Au vu de ce quiprécède a Cour conclutqu'ily alieu de rejeterl'exceptiond'irrecevabilité
tiréepar leRoyaume-Unidesrésolutions748(1992)et 883 (1993)du Conseilde sécuritée ,t
que larequête dela Libyeestrecevable." 2

1.6 Ces prononcés mettent clairement en perspective l'élémenttemporel de la

présenteaffaire. La première résolutionobligatoire du Conseil de sécurité(S/Rés.748

(1992) ) fut adoptée le 31 mars 1992. Mêmesi cette résolution possède les effets

juridiques que prétendent les défendeurs, elle ne peut affecter la recevabilité des

C.IJ.,Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Royaume-Uni), exceptions préliminairearrêtdu 27 février
1998,Rec. 1998, pp. 23-24,§§ 37,38et 39ouC.IJ., Questions d'interprétationet d'application de la
exceptions préliminairesarrêtdu27février1998, Rec. 1998,pp. 128-129,§§ 36, 37 et 38.
2
C.I.J., Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Royaume-Uni), exceptions préliminairearrêtdu 27 février
1998, Rec. 1998, pp. 25-26,§§. 43,44 et45 ou C.IJ.,Questions d'interprétationet d'application de
la convention de Montréalde 1971 résultantde l'incidentaériende Lockerbie (Libye c. Etats-Unis),
exceptions préliminairesarrêdtu27février1998, Rec. 1998,pp. 130-131,§§ 43,44 et 45.6.
Chap. l-Principaux événements depuis1993

réclamations libyennes durant la périodequi s'étenddu 3 au 31 mars 1992. De plus, la
Cour ne préjuge pas du point de savoir si, aprèsl'adoption des résolutions obligatoires,

les réclamations pourraient êtrerecevables. Pour sa part, comme elle le montrera plus

loin au chapitre lll,la Libye estime qu'elles le sont.

1.7 Le troisième prononcé concerne un autre chef de recevabilité invoqué par les

défendeurs, soit le fait que les résolutions du Conseil auraient rendu les·réclamations
libyennes sans objet. La Cour conclut que cette objection n'avait pas un "caractère
3
exclusivement préliminaire"au sens de l'article79 du règlementde la Cour •

1.8 Ce troisième prononcé est certes sans préjudicedes deux précèdentsprésentés

ci-dessus. En d'autres termes, mêmesi l'objection que la réclamation libyenne est
devenue sans objet à la suite des résolutionsintervenues à partir du 31 mars 1992 devait

êtreretenue par la Cour dans laprésentephase sur le fond, il n'endemeurerait pas moins

que lafenhre temporelleantérieureà l'adoption de la résolution748 (1992) du 31 mars
1992 resterait ouverte. En tout état de cause, la Libye estime que les résolutions

subséquentes du Conseil ne font pas obstacle à ses demandes comme elle le montrera

infra au chapitre rn.

1.9 En conclusion, les questions clés soulevées par la requêtede la Libye sont

recevables, que le cadre temporel couvre la périodequi s'étenddu 3 au 31 mars 1992 ou
du 3 mars 1992 à la date du jugement au fond. Les différentespériodessont pertinentes

en ce qui concerne la demande en réparation.

1.10 Le fondement de la réclamation libyenne repose sur des violations de la

convention de Montréal dont les défendeurs assument la responsabilité. Le mémoire
Libyen a exposé et la présente réplique rappellera les différentes dispositions de la

convention qui ont été violées.

1.11 Ces violations ont pris notamment la forme de menaces conjointes contre la

Libye pour l'empêcherde bénéficierde l'application des dispositions pertinentes de la

convention de Montréal et pour la forcer à renoncer au bénéficedes dispositions
juridictionnelles de la convention de Montréal.

3 C.IJ., Questions d'interprétationet d'application de la convention de Montréalde 1971 résultantde
l'incidentaériende Lockerbie (Libye c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrfévrier
1998,Rec. 1998, pp. 26-29, §§ 46-51 et C.I.J., Questions d'interprétation et d'application de la
convention de Montréalde 1971 résultantde l'incident aériende Lockerbie (Libye c. Etats-Unis).

exceptionspréliminairesarrêdu 27 février998,Rec.1998, pp.131- 135,§§45-51. 7.
Chap. I-Principauévénementsdepuis 1993

Comme la Libye l'adémontré à la Cour au cours des plaidoiries portant sur les

exceptions préliminaires,une grande partie des menaces se sont produites avant le 31
mars 1992, c'est-à-dire, dans la période qui a précédél'adoption de la première

résolutionobligatoire du Conseil de sécuritéT . outefois, certaines menaces opéréesavant
la date de la requête ne peuvent êtreignorées car elles visaient déjà à écarter

l'applicationde la convention.

1.12 Il est important de souligner que cette responsabilitéspécifique résultant de
menaces prend sa source dans la violation de la convention de Montréal et est

indépendantede la violation des principes impératifsde la Charte des Nations Unies et
du droit international généralqui interdisent le recours à la menace de l'emploi de la

force.

1.13 Ultérieurement,les défendeursont tentéd'utiliser leConseil de sécuritéà des
fins de politique personnelle et de substituer aux menaces, les sanctionsdu Conseil. Les

dommages matériels et moraux subis par la Libye à la suite de l'entêtementdes
défendeursà refuser les propositions libyennes tendant à résoudrele différendpar des

voies respectueuses de la souverainetéde la Libye et des droits de l'homme, ont été
considérables. Des annéesde souffrances pour tout un peuple, résultant de sanctions

injustes, auraient étéécartéessi le Royaume-Uni et les Etats-Unis avaient accepté,

comme ils l'ont finalement fait en 1998, les propositions libyennes présentéesdès
l'originepour résoudrele différend.C'estce qui seraexpliquédans la section suivante.

1.14 Il résultede l'analysequi précèdeque la structure temporelle est significative,

pour laraison suivante notamment :

- avant le 31 mars 1992, la violation de la convention de Montréalpar les défendeurs
engage leur responsabilité indépendamment de la portéeet des effets des résolutions

du Conseil de sécurité;

- aprèsle 31 mars 1992, la violation de la convention de Montréalpar les défendeurs
continue d'engager leur responsabilité, au vu de la portéeet des effets qu'ilconvient

d'attribueraux résolutionsdu Conseil de sécurité.

Dans les deux cas, les résolutionsne font pas obstacle aux demandes libyennes, fût­
ce pour des raisons différentes.Mis à part ces questions procéduraleset de constatation8.
Chap. 1-Principaux événementsdepuis 1993

de l'illicitelesdifférentespériodesseront égalementpertinentes en ce qui concerne la

demande en réparation.

Section 2- L'impact de l'acceptation par lesdéfendeursde la solution de la Ligue

des Etats arabes et la comparution volontaire des suspects aux Pays­
Bas

1.15 ll pourrait êtresoutenu que l'adoptionpar le Conseil de sécuritéde la résolution

1192 (1998) du 27 août 1998 et la comparution volontaire des suspects devant une cour
écossaiseaux Pays-Bas met fin au différendpuisque la solution trouvées'écarteraitde la

convention de Montréaldont il n'yaurait plus lieu d'interpréterles dispositions.

Ceci n'estqu'une apparence. Afin de le démontrer,la présenterépliqueexposera:

en premier lieu, comment la résolution 1192 (1998) du 27 .août 1998 est

l'aboutissement de propositions émanantde la Libye ou d'organisations tierces, en

particulierla Ligue des Etats arabes, dûment acceptéespar la Libye;

en deuxième lieu, on rappellera comment ces propositions furent rejetées avec

mépris par les défendeurs jusqu'en 1998, époque à laquelle, totalement isolés
politiquement, ils ont, sous couvert d'uneinitiative de leur part, enfm acceptéla voie

proposéeà l'origine par la Libye;

en troisième lieu, on montrera la conformitéde cette solution à la convention de

Montréaldont le respect étaitdemandépar la Libye;

en'dernier lieu, il sera montré que les conclusions de la Libye ont toujours été
libelléesen termes de demandes de déclarationd'illicéité des actions des deux Etats

en ce que ces actions tendaient à imposer à la Libye des solutions qui contrevenaient

à la convention de Montréal; comme telles ces demandes conservent toute leur
utilitérétrospectiveet ne sont donc pas sans objet. Chap. 1-Principaux événementsdepuis 1993 9.

A. La résolution 1192 (1998) du 28 août 1998 est l'aboutissement de

propositions émanant de la Libye, relayées ensuite par diverses organisations
internationales, en particulier par la Ligue des Etats arabes, avec 1'accord de la

Libye

1.16 Le procès qui s'estouvert aux Pays-Bas et qui devra enfin rendre justice aux

victimes de l'incident tragique de Lockerbie représentepour la Libye, l'aboutissement

d'unprocessus long, trop long, dont il convient de retracer àgrand traits les linéaments.

En effet, ce dénouementest le produit de plusieurs facteurs que la Libye tient àrappeler
afin de dissiper toute équivoquesur les responsables du retard dans le jugement des

deux accusés.Il s'agit d'abordde montrer que la solution d'unjugement dans un pays

tiers des deux ressortissants libyens est une des propositions prônées par la Libye et
certaines organisations internationales depuis l'origine du différend, toutes ayant fait

l'objet d'un refus net et catégoriquepar les défendeurs.Ce rétablissement des faits est

rendu nécessairepar la présentationfallacieuse qui a été faite de l'origine de la solution

adoptéepar la résolution1192(1998).

1.17 Les formules employéesdans la plupart des médiasoccidentaux et par certains

responsables politiques donnent à penser que la Libye a finalement acceptéde livrer les
4
deux accuséslibyens dans le cadre d'uneinitiative angle-américaine •A cet égard,la
formulation du point 2 de la résolution1192 (1998) du 28 août 1998 n'est assurément

pas étrangère à cette interprétation:

"Se félicitde l'initiative tendant à ce que le procèsdes deux personnes accuséesde l'attentat
contre le vol 103 dePan Am ("les deux accusés")ait lieu devant un tribunal écossaissiègeant
aux Pays-Bas, comme le prévoientla lettre datéedu 24 aofit 1998, émanantdes représentants
permanents par interim des Etats-Unis d'Amériqueet du Royaume.:Uni de Grande Bretagne et
d'Irlandedu Nord("l'init etestpivcsqui)ysontjointes[ ...]".

Pourtant, la solution finalement agrééepar toutes les parties ne résulteen aucun

cas d'uneinitiative émanantdes Etats-Unis et/ou du Royaume-Uni. De plus, la Libye n'a

en aucun cas été contrainte d'acceptercette formule par le Conseil, pour la bonne raison

que c'estelle qui en avait pris,n réalitél,'initiative.

4
V. par exLe Monde, 31 août 1998, p. 4, annexe n" 44; les propos de l'ambassadeur P. Burleigh
devant l'Assembléegénérale29 septembre 1998USUN Press Release # 161 (98annexe n" 45.10.
Chap.I- Principaux événementsdepuis 1993

La Libye a déjà eu l'occasion de montrer, tant dans son mémoire du 20
décembre 1993 5 que dans ses observations et conclusions sur les exceptions

préliminaires du 22 décembre 1995 6,et au cours des plaidoiries orales devant cette
7
Cour, le 17octobre 1997 ,qu'ilexistait d'autresvoies pour sortir de l'impasserésultant

de la politique des défendeurs,des voies qu'ellen'avaitcesséde mettre en avant.

Un rappel historique s'imposedonc.

Un procèsimpartial dans un pays tiers(neutre)

1.18 On se rappellera que la premièreaccusation lancéepar le Royaume-Uni et les

Etats-Unis contre des citoyens libyenset la demande de livraison des suspects remontent
au 14 novembre 1991. L'ultimatum des deux, puis des trois Etats, est daté du 27

novembre.

Dèsle 20 novembre 1991, dans une lettre adresséeau Secrétairegénéraldes

Nations Unies, le Secrétaire du Comité populaire de liaison extérieure et de la
coopérationinternationale faisait savoirque :

"La Grande Jamahiriyase déclareentièrementdisposéeà coopéreravec toute instance juridique
8
internationaleimpartiale,car elleseconsidèrlavictimedanscetteaffaire."

Le 21 janvier 1992, au cours de la réuniondu Conseil de sécuritéqui allait

adopter la résolution731 (1992), le Secrétairedes industries stratégiquesde la Libye

rappelait la proposition libyenne de mettre sur pied une commission d'enquête

internationale, voire de créer un comitéd'enquête neutre ou de renvoyer l'affairedevant
la Cour internationale de Justice 9•

Cette proposition de commission d'enquêteinternationale fut soutenue
10 11 12
notamment par la Chine , par le représentantde la Ligue des Etats arabes ,par l'Iran

5
Mémoirelibyen (ci-aprèsML.),§§ 2.41à 2.42.
6
M.L.,§§ 1.47à 1.52.
7 CR. 97/20,§§ 2.14à 2.18.
8
ML., § 2.14, note 52, annexeD036.
9
V. Doc ONUS/PV.3033,21 janvier I992,M.L., § 2.17,note79, annexen° 83 (p. Il).
10 V.ibid.,ML.,§ 2.20,note 108,annexeno83 (pp. 84·85).
Il
V. ibid., ML.,§ 2.20,note 109,annexen°83 (pp. 28-30).
12 V. ibid.ML.,§ 2.20, note 110,annexen°83 (p. 68). 11.
Chap. 1- Principauxévénementsepuis 1993

et par le Soudan 13 Ces deux derniers pays insistèrent sur la nécessité d'un lieu

impartial.

Le 27 février 1992, la Libye propose de recourir à la Cour intemationale de
Justice pour vérifier la validité des accusations portées à l'encontre de deux suspects

libyens et elle offre de les amener tous deux pour interrogatoire au Bureau du PNUD à

Tripoli. La Libye propose que le Secrétaire généraldes Nations Unies mette SUI pied

une commission juridique composée des juges renommés pour leur probité et leur
neutralité afin qu'ils examinent les faits et vérifient le sérieux des accusations portées

contre les deux suspects 1•

Le 3 mars 1992, dans son rapport au Secrétairegénéraldes Nations Unies, son
représentant spécial,aprèsdes rencontres avec le colonel Khadafi, indiqua ce qui suit :

"d) Les autoritéslibyennes ne peuventremettre de forceles suspectà un pays étrangerpour

qu'ilsy soientjugés,maislessuspectseux-mêmes sont libresde se remettrevolontairement
auxautorités,t legouvernemep.ltibyenn'apasl'intentiondelesempêched re lefaire;
e) Lapossibilitéderemettrelessuspectsauxautoritésd'unpaystiersen vued'unprocèspourrait
êtreenvisagé15A ce propos le dirigeant libyen a mentionnéMalte ou un pays arabe
quelconque."

1.19 Le mêmejour, la Libye déposait une requêteintroductive d'instance à la Cour

contre le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Dès cette date, le différendest nouéentre le demandeur et les défendeurs. Le

premier se fonde sur la convention de Montréal pour soutenir son droit de juger les
suspects, par conséquent son droit de ne pas les extrader. Toujours sur la base de la

convention, il demande l'assistance judiciaire des défendeurs. Ces derniers refusent de

se situer sur le plan de la convention de Montréal,demandent la livraison des suspects et

ignorent la demande d'assistance judiciaire de la Libye.

Or on s'aperçoit que, dèsce moment, tout en insistant sur les droits qu'il estime

détenirde la convention de Montréal,le demandeur recherche une solution, dans le droit

fil de l'esprit de coopération dans la lutte contre le terrorisme aérien qui domine la
convention de Montréal. Cette solution devait permettre d'échapper à la contradiction

insoluble dans laquelle on se trouvait déjà.

13 V.ibid., M.L., 2.20,note llO, annexen° 83(p.32).
14
V.Doc. ONUS/23672,3mars1992, M.L., annexen° 104.
15 V.Doc. ONUS/23672,3 mars1992, M.L., §2.22,note116,annexen° 106.12.
Chap. 1-Principauxévénementsdepuis 1993

1.20 L'idéeforce qui revient dans les propositions libyennes est celle d'un procès

impartial dans un pays tiers (neutre).

Le 31 mars 1992, critiquant devant le Conseil de sécuritéle projet qui allait

deve~ iarésolution748 (1992) adoptéesur la base du chapitre VII, le représentantde

la Libye, rappelle que

"Lesautoritéscompétentes de mon pays ont dit qu'elles étaientfavorabàeune nomination d'une
commission d'enquête neutre ou àlasaisine de laCour internationale de Justice"
...
"LaLibye a fait les déclarationssuivantes: premièrement(elle) ne s'opposepas au principe de la
remise des deux suspects au siègede la Mission des Nations Unies à Tripoli afin de faciliter
l'enquêtee,t elle n'apas d'objectionà ce que le Secrétairegénl ette en place une commission
judiciaire composéede juges réputéspour leur neutralitéet leur impartialitépour établirles faits
et s'assurer de la réalitédes accusations portéescontre nos deux concitoyens, y compris une
enquêteapprofondie. Si le Secrétairegénéralconftnnait alors·lebien fondédes accusations, la
Libye ne s'opposerait pas à ce que les deux suspects soient remis, sous sa responsabilité
personnelle, à une tierce partie, à condition que le Secrétairegél'engageà donner toutes les
garanties juridiques et judiciaires en vue d'unprocèséquitableet impartialsoit confonne àla
Déclarationdes droits de l'hommeet aux principes du droit international."

Dans les mois qui vont suivre, la Libye va suggérerinlassablement cette idée

d'un procès équitable et impartial qui soit conforme à la Déclaration universelle des

droits de l'hommeet aux principes du droit international.

Le 29 juin 1992, dans une lettre adresséeau Secrétairegénéraldes Narions

Unies, le représentantpermanent libyen note:

"8) [...] le Congrès généraldu peuple ne s'oppose pasà ce que le Comitédes Sept, créépar la
Ligue des Etats arabes ou l'Organisationdes Nations Unies effectue une enquêteet porte l'affaire
devant un tribunal juste et impartial qui aurchoisi d'uncommun accord" n.

Le 9 décembre 1992, écrivant au Secrétaire généraldes Nations Unies, le

Secrétaire du Comité populaire libyen de liaison extérieure et de la coopération

internationale expose que

"le Bureau du peuple pour les relations extérieureset la coopérationinternationale a saisi de cette
affaireles comitéspopulaires de base (pouvoir législatif),lesquelsont décidéde ne pas s'opposer
à ce que les deux suspects comparaissent devant un tribunal juste et impartial et désignéd'un
commun accord. Cette décisionvous a étéimmédiatementcommuniquée.

Sur la base de ladite décision,mon pays a déclaréque, sans s'opposerà ce que les deux suspects
comparaissent volontairement devant des tribunaux américains ou écossais, ilest disposé à

16 Doc. ONU, S/PV. 3063,31 mars 1992, M.L., § 2.31, note 136,annexe n° 125, pp. 6 et 11.
17
Doc. ONU S/24209, 30juin 1992, M.L., §2.41, note 183, annexe n° 154. 13.
Chap. 1-Principaux événements depuis1993

engager, sous l'égidedu Secrétairegénéralde l'ONU, des négociations avec les pays concernés
pour qu'ils soient jugés dans un pays neutre acceptable pour toutes les parties au différend et
présentant toutes les garanties devant pennettre l'établissementdes faits, objectif qui conàtitue,
notre avis, la raison d'êde la résolution731 (1992) du Conseil de sécurité.
[...

ll s'agit maintenant de détenniner le lieu du procèset non de discuter du principe du procès que
nous acceptons et appelons de tous nos voeux"1•

Le 14 août 1993, en dépitdu maintien des sanctions par le Conseil de sécurité,

la Libye confrrme qu'elle

"convient de la nécessitéde juger les deux personnes mises19n cause et est dispoàédiscuter du
lieu du procès,qui doit êtrechoisi avec équitéet impartialit•"

Desjuges écossais à La Hayeappliquantle droitécossais

1.21 Le 8 novembre 1993, par une lettre adresséeau Secrétairegénéraldes Nations
Unies, le Secrétaire du Comitépopulaire généralpour les relations extérieures et la

coopération internationale mentionne les nouvelles initiatives auxquelles collabore la

Libye avec d'autrespays arabes :

"De même,la Républiquetunisienne soeur, en sa qualitéde présidenteen exercice de lUDion du
Maghreb arabe, a proposé,de concert avec la Jamahiriya, que les deux suspects soient interrogés
et jugés en France, d'autant que ce pays est l'un des auteurs des résolutions 731 (1992), 748
(1992) et 883 (1993) du Conseil de sécuritérelatives au différendopposant la Grande Jamahiriya

aux pays occidentaux en question.

Par ailleurs, la Républiquearabe d'Egypte, de concert avec la Grande Jamahiriya, a proposé au
gouvernement du Royaume-Uni de faire juger les deux suspects par un tribunal écossais selonla
loi en vigueur en Ecosse, le procèslui-mêmedevant avoir lieu dans un pays tiers ou au siègede
la Cour internationale de Justice La Haye, mais nous n'avons reçu aucune réponse àce sujet."
20

Cet élémentest capital : la prétendue"initiative" des défendeursde 1998 a été

pronée par la Libye dès 1993. Elle sera répétée inlassablement et amplifiée par les
soutiens grandissants qu'elle vatrouver dans la communautéinternationale.

Le 26 juillet 1994, le Secrétairedu Comitépopulaire général pour les relations

extérieures et la coopération internationale écrivaitau Secrétairegénéraq lue

"[...] la Jamahiriya arabe libyenne pourrait, en principe, accepter que le procèsait lieu en dehors
de son territoire, à la condition que la procéduresuiàicet effet puisse garantir un procès juste

18 Doc. ONU S/24961, 14décembre1992,M.L. § 2.42, note 186, annexe n° 176.
19
Doc. ONU S/26500, 28 septembre 1993,M.L., § 2.43, note 190, annexe no 189.
20 Lettre du 8 novembre 1993, Doc. ONU S/26859, lOdécembre1993, Obs. L., annexe n° 30.14.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

et équitable aux deux accusés. La Jamahiriya arabe libyenne est d'avis que, pour ce faire, il
faudrait que les parties concernéesacceptent la proposition qui a été avancéepar le secrétariatde
la Ligue des Etats arabes, puis entérinéepar le Conseil de cette mêmeLigue dans sa résolution
5373 datéedu 27 mars 1994, et tendant à ce que les accuséssoient jugés au siège de la Cour
internationale de Justice àLa Haye, par un tribunal écossaisappliquant la loi écossaise.
[...

En conséquence,elle propose que pour traiter les aspects judiciaires du problèmeet pour pouvoir
détenninerles responsabilitésdes deux personnes accuséesd'avoirétéà l'originede l'incident de
Lockerbie, l'onait recours à l'unedes solutions suivantes : ·
[...

3. Le procès se tiendrait au siègede la Cour internationale de Justice à La Haye ou au siège de

tout organisme du systèmedes Nations Unies sis sur le continent européen,étantentendu que les
accusésseraient jugéspar un tribunal écossaisappliquant la loi écossaise. Au cas où les pays
concernés et l'Organisation des Nations Unies accepteraient cette dernière proposition et en
infonneraient officiellement la Jamahiriya arabe libyenne, le gouvernement libyen se déclarerait
prêt à offrir toutes les garanties nécessairespour que la procédurepuisse suivre pleinement son
cours et prendrait toutes les mesures requises à cet effet, en concluant notamment des accords
avec les parties concernées et en prenant tous les engagements voulus auprès de vous ainsi
21
qu'auprèsdu Présidentdu Conseil de sécurité" •

1.22 Ce point de vue s'internationalise lorsque, le 27 mars 1994, par sa résolution

5373 (1994), le Conseil de la Ligue des Etats arabes adopte la position suivante:

"Décide[...]
2. d'appuyer la proposition du Secrétariatgénéraldemandant que les deux suspects soient jugés
équitablementpar des juges écossais, confonnémentà la loi écossaiseet que le procès ait lieu au
siègede la Cour internationale de Justice" 2•

Le Conseil de la Ligue des Etats arabes confirme sa proposition le 15
23
septembre 1994 ; le 7 octobre 1994, la proposition est évoquéeavec approbation par

M. Omar Mustafa Muntasser devant la 49e session de l'Assembléegénéraledes Nations
24
Unies •La Ligue des Etats arabes répétera alors sans cesse sa position.

21
Doc. ONU S/1994/900, 26juillet 1994,Obs.L., annexe n° 34.
22
Doc. ONU S/1994/373, 31 mars 1994, Obs.L., annexe n° 32. Cette proposition reçoit l'appui exprès,
le 26 juillet 1994, de M. Omar Mustafa Muntasser parune lettre adresséeau Secrétairegénéral(Doc.
ONU S/1994/900, 29 juillet 1994, Obs. L., annexe n° 34). Et le 31 juillet 1995 (voy. lettre du
représentantpermanent de la Libye aux NU au SG, Doc. ONU S/1995/633, 1er août 1995, Obs.L.,
annexe n° 54): rappel de l'acceptationde la proposition du Conseil de la Ligue des Etats arabes par la

Libye. Le 21 septembre 1995, le Conseil de la Ligue des Etats arabes répètesa proposition du 27
mars 1994 :Résolution 5506 (10413)du Conseil de laLigue des Etats arabes, Le Caire, 104e session
(Doc. ONU S/1995/834, 4 octobre 1995, Obs.L., annexe n° 57). Et le 3 octobre 1995, M. Omar
Mustafa Muntasser réitèreson appui devant la50e session de l'AGNU(Obs. L., annexe no 56).
23 V. Résolution5431 (1994) du Conseil de la Ligue des Etats arabes (S/1994/1071, 19septembre 1994,

Obs. L., annexe n° 37).
24 V. Doc. ONU S/1994/373, 31 mars 1994,Obs. L., annexe n° 32; GA/8740, 7 october 1994, Obs. L.,

annexe n° 38. 15.
Chap.I -Principaux événemen tepuis 1993

Le 27 avril 1995, c'est au tour des Pays non alignésd'apporter leur soutien à

cette proposition :

"41. [...] Ils expriment leur solidarité avec la Libye et invitent les trois pays occidentaux
intéressésà répondre aux initiatives positives invitant au dialogue et aux négociations et
demandant que les deux suspects soient îggésjustement et honnêtementdans un pays neutre
convenu d'entente entre toutes les parties."

Le 23 juin 1995, l'OUAse rallie à la mêmeposition:

"[...] demande un jugement juste et équitable desdeux suspects dans un pays neutre acceptépar
toutes les parties concernées"6•

Et, le 12 décembre1995,l'Organisation de la Conférenceislamique se joint aux

autres institutions du tiers monde Zl.

1.23 Institutionnellement, la proposition de la Ligue des Etats arabes est renforcée

par une action conjointe avec l'OUA. Ainsi, on notera, le 11 avril 1996, le communiqué

de la réunionconjointe du Comitédes Sept de la Ligue des Etats arabes et le Comitédes

Cinq de l'O.U.A. concernant la crise entre la Libye et certains pays occidentaux:

"4. ont exprimé leur appréciation de la solidarité de la plupart des pays du monde avec la
Jamahiriya arabe libyenne et se sont référé sce propos au paragraphe 163 du document final
publiéà l'issue de laIle session de la Conférence au sommet des Non-Alignés. tenue en
Colombie le 20 octobre 1995.
(..].

6. ontinsistésur lapositivité(sic)de laposition figurant dans la résolutionne 5373 du Conseil de
la Ligue des Etats arabes en date du 27 mars·1994 et demandant de faire juger équitablement

les deux suspects par des juges écossaisconformémentà la loi écossaiseau siègede la Cour
internationalede Justice àLa Haye.

7. ont exhorté le Conseil de sécuritédes Nations Unies de prendre en considération cette
proposition comme base pour résoudrela crise et de revoir ses résolutions731 (1992), 748
(1992) et 883 (1993) et ce qui conduirait à la levéedes mesures de l'embargo imposé à la
Grande Jamahiriya arabe libyenne" 28•

25 Communiquéde la réunionministérielledu Bureau de coordination des Pays non alignés,Bandoeng
25-27 avril 1995 (Doc. ONU S/1995/381, 10 mai 1995, Obs. L., annexe n° 48). Voy. ensuite le 20

octobre 1995, le document final de laIle session du Sommet des non alignés,Colombie, § 163, in
Documents d'actualitéinternationale (ci-après DA./.), ne 5, ler mars 1996, pp. 202/203, annexe
ne 13.Et le 22 novembre 1995, l'interventionau Conseil de sécurité du représentantdu NAM caucus
(annexe n° 10), ainsi que le 21 mars 1996(annexe ne 15) et le 19juillet 1996(annexe ne 22).
26 Résolutiondu Conseil des ministres de l'OUAréunià Addis-Abeba du 21 au 23 juin 1995 (Doc.

Tl ONU S/1995/596, 19juillet 1995, Obs. L., annexe ne51).
V. Doc. ONU NS0/953, 10 mai 1996 comprenant en annexe le communiquéfinal de la Conférence.
islamique des Ministres des affaires étrangères(session dela Paix, de lasolidaritéet de latolérance,
Conakry. 9-12 décembre1995),pp. 22/23. §§ 77- 83,et les résolutionsne 12/23 et ne 13/23, pp. 97

28 à 101, annexe no 19.
Doc. ONU S/1996/369, annexe n° 17.16.
Chap.1- Principaux événemensepuis 1993

La résolutiondu Conseil des ministres de l'OUA,adoptéele 5 juillet 1996 à la

64e session à Yaoundé, Cameroun (1-5 juillet 1996), fait d'ailleurs une référence
29
spécifique au procèsà La Haye par desjuges écossaissuivant laloi écossaise •

Le 1er octobre 1996, dans son exposéà l'Assembléegénéraledes Nations

Unies, le Secrétaire du Comitépopulaire généralpour les relations exténeures et la

coopérationinternationale, M. Omar Mustafa Muntasser,réaffmnece point de vue :JJ.

Le 15janvier 1997, les ministres des Affairesétrangèresde l'Organisation de la

Conférenceislamique adoptent une résolutionrappelant leur solidaritéavec la Libye et

"regrettant que les trois Etats occidentaux n'aienttenu aucun compte des résolutions

adoptées par les organisations régionalesen vue de parvenir à un règlement juste et
équitable dudifférend" 3•

Les trois options

1.24 A partir de 1997, les organisations régionales modifient la forme de leur

proposition. Le 28 février 1997, à l'issue de sa 65e session à Tripoli, en Libye, le

Conseil des ministres de l'OUA adopte une déclarationdont le point 5 propose trois

options:

"le Qlltion : Tenir le procès des deux suspects dans un pays tiers et neutre, à désigner par le
Conseil de sécurité;

2e option : Faire juger les deux suspects au siègede la Cour internationale de Justice (CU) à la
Haye, selon la loi écossaiseet par des juges écossais;

3e option : Mettre sur pied un Tribunal pénalspécialpour juger les deux suspects à la Haye, au
32
siègedela CU" •

Le 31 mars 1997,par sa résolution5639,le Conseil de la Ligue des Etats arabes

adopte, à son tour, les trois options:

29
V. Résolution duConseil des ministres de l'OUA, CM/1652 (LXIV), sur la crise entre la Grande
Jamahiriya arabe libyenne et les Etats-Unis d'Amérique,le Royaume-Uni et la France, 2,int
annexe n"21.
30 V.Doc. ONU N51/PV .17, 1eroctobre 1996, p32, annexe n°24.
31
Résolution 14/24 - P, adoptée par les Ministres des affaires étrangèresdes Etats membres de
l'Organisation de la Conférence islamique, Sommet de Djakarta, 9-13 décembre 1996, point 8,
annexéeau Doc. ONU S/1997(35, 15janvier 1997, annexe n<>26.
32
Déclarationdu Conseil des ministres de l'OUA,CM,!Déc(.LXV) (annexe Il), annexe 28. 17.
Chap.1- Principaux événementsdepuis 1993

"Regrettant que les trois Etats occidentaux n'aient pas donnésuite aux initiatives internationales
et locales et aux efforts déployésvisant à parvenir à un règlement sur la base des principes du

droit internationalt dans le cadre de l'ententemutuelle et d'undialogue constructif[ ...].
2. Demande aux trois pays occidentaux de répondreaux initiatives locales et internationales
[.].
3. Décide de coordonner les travaux du Comité arabe des Sept et du Comité africain des
Cinq en vue de demander au Conseil de sécuritéde tenir une séance privée et de lui
présenter des propositions concrètes afin qu'il adopte une des options suivantes comme

base du règlement de la crise :
- Jugement des deux suspects dans un pays tiers neutre choisi par le Conseil de
sécurité;
- Jugement des deux suspects au siège de la Cour internationale de Justice à La
Haye, conformémentau droit écossais,par des juges écossais;
- Constitution d'uneCour pénalespécialechargéede juger les deux suspects au siège
33
de la Cour internationale de Justice à La Haye" •

La déclaration du 4 juin 1997 adoptée par la 33e session ordinaire de la

Conférence des chefs d'Etat et de gouvernement de l'OUA (Harare, 2-4 juin) est

symptomatique de l'irritationdu tiers monde devant l'intransigeance anglo-américaine

"4. Nous avons étéune fois de plus informés que la Jamahiriya arabe libyenne était prêteà
coopérerpleinement à toute action régionaleou internationale qui viserait à résoudre la crise. A
cet égard, nous prenons note du fait que le gouvernement de la Jamahiriya arabe libyenne a
acceptél'initiative de la Ligue des Etats arabes, qui a reçu l'appui de l'OUA, du Mouvement des
pays non-alignés et de l'Organisation de la Conférence islamique, tendant à faire juger les deux
suspects libyens par des magistrats écossais et conformément au droit écossais au siège de la

Cour internationale de Justice (CU). Nous restons convaincus que cette initiative, si elle est
acceptée, constituerait une solution pratique et devrait garantir un procès équitable au cours
duquel les intérêtsde toutes les parties concernées seraient pris en considération. De fait, la
résolution731 (1992) vise non pas à violer la souverainetéde la Jamahiriya arabe libyenne, mais
de servir la cause de la justice et révélerla vérité.Nous déplorons fermement qu'un pays ou
deux pays concernés aient jusqu'ici traité par l'indifférence les initiatives qui leur ont été

présentéesafin de parvenir à un règlement juste et équitable de la crise. Cette indifférence a
conduit à une impasse et, de ce fait, l'ensemble de la population libyenne non seulement se
trouve prise en otage depuis cinq ans, mais a étévouée à des souffrances collectives en raison
d'accusations dont aucun des deux pays concernés n'apu établirle bien-fondé." 34

1.25 Le 27 juin 1997, l'OUA et la Ligue des Etats arabes annoncent, par une lettre

adressée au président du Conseil de sécurité,les dispositions suivantes qu'elles sont

convenues de prendre :

"Premièrement : demander au Conseil de sécuritéde convoquer une réunion spéciale afin
d'examiner les propositions précisesci-après, dont l'une pourrait êtreretenue comme base pour
une solution:

i) Traduire les deux suspects en justice dans un pays tiers et neutre que choisirait le Conseil;

ü) Faire juger les deux suspects par des magistrats écossaià la Cour internationale de Justice de
La Haye, conformémentau droit écossais;

33 Doc. ONU S/1997/273, 3 avril1997, annexe n° 29.
34
Doc. ONU S/1997/529, 9 juillet 1997, annexe n° 34.18.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

üi) Etablir au siège de la CIJ à La Haye un tribunal pénal spécial qui jugerait les deux
suspects."5

Une réunion du Conseil de sécuritéa lieu le 20 mars 1998. Elle donne

l'occasion à toutes les organisations susdites de soutenir les trois options 36 Le

représentant de la France, souligne, à demi-mot, dans son intervention le caractère

positif de ces propositions

"Pour sortir de l'impasse, nous pensons que toute proposition compatible avec les résolutions et
acceptable par les gouvernements les plus directement concernésmériteexamenY.

Le représentant des Etats-Unis n'en souffle mot; celui de la Grande-Bretagne

les critique (voyez infra§ 1.26).

A cette occasion, le représentantdu Nigeria, aprèsavoir rejetésur le Royaume­

Uni et les Etats-Unis la responsabilité pour le blocage du processus judiciaire devant

conduire au procès des deux suspects, d~cla :re

"[...] ma délégation souhaite rappeler aux membres du Conseil de sécurité leur lourde
responsabilité car ils agissent au nom de l'ensemble des 185 Etats membres de l'Organisation des
Nations Unies. Il n'estque plus juste que chaque décisionprise par le Conseil de sécuritéen ces

temps puisse résister à l'examen scrupuleux de tous les Etats membres, au nom desquels le
Conseil agit. Faute de quoi la légitimitémêmedes décisions du Conseil serait sérieusement
sapée. Tout empressement du Conseil de sécuritéà prendre une décision imposée par une
minorité déterminée, aussi puissante soit-elle, aurait de vastes retombées qui pourraient
endommager la crédibilitéet l'image de notre Organisation avec les conséquences que cela
impliquerait pour la paix et la sécuritéinternationales." ·

35
Doc. ONU S/1997/497, 27 juin 1997, annexe n° 32.
36
V.ONU S/PV.3864, 20 mars 1998, annexe no 37.
37 Ibidem,p.31.
38
Ibid. , 71. 19.
Chap.1-Principauxévénementsdepuis 1993

B. Ces propositions furent rejetées avec mépris par les défendeurs jusqu'en

1998, époque à laquelle, totalement isoléspolitiquement, ils ont, sous couvert d'une
initiative de leur part, enfin acceptéla voie proposéeà l'origine par la Libye

Refus obstiné

1.26 Pendant toute cette période,les défendeursse sont obstinément opposés aux

solutions proposéespar la Libye qui permettaient de sortir de l'impasse par une voie
. respectueuse des droits de l'homme,de l'égalité des Etats et de l'espritde la convention

de Montréal.

On donnera ci-dessous quelques exemplesdes réponsesdu Royaume-Uni et des
Etats-Unis:

le 27 novembre 1992 : la Libye doit se conformer aux résolutions 731 et 748
(1992)));

le 13 août 1993 : idem; une dernière chance est laissée à la Libye avant
l'accroissementdes sanctions 4;

le 5 août 1994, les gouvernements français, britannique et américain déclarent à

l'occasionde la révisiondes sanctions :

"S'agissant de l'affaire de Lockerbie, la Jamahiriya arabe libyenne a présentéplusieurs
propositions,qui toutes sont loin de remplir les conditions poséespar les résolutions.En

particulier,un procèsdansun pays tiers,mêmedevantun tribunalinternationalou unesoi-disant
courécossaise,n'estpasacceptable: les suspectsnesauraientêtreautorisésà choisirle lieu où ils
serontjugés.Les propositionslibyen41s ne sont rien d'autreque des tentatives pour détourner
l'attentiondeleurrefusde s'exécuter;

le22 novembre 1995, dans une intervention au Conseil de sécurité,le représentant

du Royaume-Uni affirme:

"Alternativeproposaifor trialof theLockerbiesuspectsin The Hagueor elsewheredo not meet
42
the SecurityCouncilrequirementsandare unacceptable" ;

39 M.L.,§ 2.44.
40
M.L.,annexen° 188.
41 Doc.ONU N49{299 etS/1994/938,9 août 1994Obs. L,annexen° 36.
42
Annexen°9. TraductionparlaLibye:20.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

à la mêmeréunion,le représentantdes Etats-Unis déclare:

"[...] Libya refuses to comply with its international obligations. Libyan efforts to dilute the
resolutions through offers of compromise must be rejected. There will be no compromise with
the demands of justice. Libya should not believe that it can gain advantage through these
43
propositions or the use of intermediaries" ;

le 21 mars 1996, dans sa déclarationau Conseil de sécurité,l'ambassadeur des Etats­

Unis insiste sur le procèsen Ecosse ou aux Etats-Unis et, à défaut,menace la Libye

de sanctions accrues 44;

le 8 juillet 1997, les représentants de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis

répondent à la lettre conjointe OUA-Ligue des Etats arabes du 27 juin:

"Nous déplorons que la lettre des Secrétaires générauxde l'OUA et de la Ligue des Etats arabes
ne mentionne l'existence d'aucune des résolutions du Conseil de sécuritéconcernant la Libye ni

le fait que celle-ci ne s'y conforme pas. Les Secrétaires générauxse contentent de réitérerdes
propositions antérieures tendant à ce que l'accuséde Lockerbie soit jugé en un lieu extérieur à
l'Ecosse ou aux Etats-Unis, propositions qui ne satisfont pas aux exigences des résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité.Nous ne pensons pas que les décisions du Conseil soient
négotiables;elles doivent êtreappliquéesdans leur intégralité."5

A la réuniondu Conseil de sécuritédu 20 mars 1998, le représentantdes Etats­

Unis s'abstient de tout commentaire sur les trois propositions 46• Le représentant

britarinique les commente comme suit :

"La solution à cette question est entre les mains du gouvernement libyen. Il suffità la Libye de
respecter les résolutions du Conseil de sécuritéet de livrer les deux suspects pour que les

sanctions soient levées.On ne sait pour quelles raisons, la Libye refuse depuis plus de six ans de
lefaire. Elle cherche au contraire à associer d'autres membres de l'ONU àses politiques de non­
exécution, en se fondant sur des mensonges quant au processus judiciaire, quant à l'effet des
sanctions et, plus récemment, quant à la décision préliminaire de la Cour internationale de
Justice. Nous avons le plus grand respect pour l'Organisation de l'Unitéafricaine et la Ligue des
Etatsarabes. Nous comprenons les pressions de la solidarité régionale. Mais nous espèrons que

ces organisations ne seront pas utiliséespour saper les résolutions du Conseil de sécuritéet que

"Des propositions alternatives pour juger les accusésde Lockerbie à La Haye ou ailleurs ne satisfont
pas les exigences du Conseilde sécuritéet sont inacceptables".
43
Déclarationde l'ambassadeur Edward W. Gnehm,Jr, le 22 novembre 1995, USUN Press Release #
211-(95 ), annexe n° 11. Traduction par la Libye :
"La Libye refuse de respecter ses obligations internationales. Les initiatives libyennes visaàtsaper
les résolutionsà travers des offres de compromis doivent êtresrejetées.Il n'y aura pas de compromis

àpropos de l'exigence de justice. La Libye ne devrait pas croire qu'elle peut obtenir des avantages par
le biais de propositions oue l'appel à des intermédiaires".
44 V.la Déclaration de l'ambassadeur Karl F. Inderfurth, 21 mars 1996, USUN Press Release # 37-(96).

45 Annexe n° 14.
Doc. ONU S/1997/524, 8juillet 1997, p. 1. Annexe n° 33.
46
V. Doc. ONU S/PV.3864, 20 mars 1998, p. 14, annexe n° 37. 21.
Chap.1- Principauxévénementdsepuis1993

leur influence fmira par êtreutiliséepour faire accepter par la Libye le droit international et la

justice pour les victimes.
[...
[...] transférer le procès dans un pays tiers serait une mesure sans précédent.Ce serait offrir à
ceux qui cherchent des moyens d'entraver l~rogr et la justice une autre occasion de trouver
des faux-fuyants et de retarder la procédure" .

Mouvement de révolte

1.27 Le représentant britannique faisait ainsi allusion à un mouvement de révolte

qu'appelaient l'intransigeance et l'isolementdu Royaume-Uni et des Etats-Unis.

Depuis quelques mois, un certain nombre d'Etats africains acceptaient la reprise

par la Libye de ses vols internationaux. Plusieurs chefs d'Etat africains se rendaient par
48
ce moyen à Tripoli •

Qui plus est, le 10 juin 1998, lors de sa 34e session, la Conférence des chefs

d'Etat et de gouvernement de l'OUA, réunieà Ouagadougou, annonça en ces termes le

refus d'obéissance à des sanctions injustes :

"2. Décide de ne plus se confonner,à partir de septembre 1998, aux sanctions stipulées par les
résolutions 748 (1991) et 883 (1993) du Conseil de sécurité,au cas où les Etats-Unis et le
Royaume-uni refuseraient. à l'échéancede la date du réexamen des sanctions,à savoir en juillet
1998, de juger les suspects dans un pays tiers neutre et ce, compte tenu du verdict de la Cour
internationale de Justice, du fait que lesdites résolutions sont en violation avec les articles 27,
paragraphe 3, de l'article 33, et de l'article 36 paragraphe 3 de la Charte des Nations Unies et des

graves pertes huma49es et économiques qu'elles ont causéesau peuple libyen eàbon nombre de
peuples africains" •

C'est dans ces conditions d'isolement international que le Royaume-Uni et les

Etats-Unis ont enfin accepté l'option du procès aux Pays-Bas par des juges écossais
selon la loi écossaise j):

47
48 S/PV.3864, 20 mars 1998, p. 31- 32, annexe n° 37.
Voyez 29 janvier 1997 : le Comité populaire du Bureau du Peuple annonce au président du Conseil

de sécuritéla reprise des vols internationaux de la compagnie Libyan Arab Airways (Doc. ONU
S/PV. 3734, 29 janvier 1997, annexe n° 27); 4 avril 1997 : vol de Tripoli à destination de Jeddah
(Doc. ONU S/PV. 3761,4 avril 1997, annexe n° 30); 20 mai 1997: vol de Tripoli à destination du
Niger (Doc. ONU S/PV. 3777,20 mai 1997, annexe n° 31) 31 décembre 1997: Rapport du comité
du Conseil de sécuritépour le suivi des sanctions.(Doc. ONU S/1997/1030, 31 décembre 1997,
annexe n° 36); 31 décembre 1998 : Rapport du comité des sanctions, point C (Doc. ONU

49 S/1998/1237, 31 décembre 1998, annexe n° 47).
Doc AHG/DEC. (XXXIV) du lOjuin, in DA./., n° 19, 1er octobre 1998, pp. 755-756, annexe n° 46.
50
Doc. ONU S/1998!795, 24 août 1998, lettre adresséeau Secrétaire généralpar le représentant du
Royaume Uni et le représentant desEtats-Unis datéedu 24 août 1998 (soulignépar la Libye), annexe
n° 41.22.
Chap. I -Principévénementsdepuis 1993

"Les deux gouvernements ont décidéd'accept'àtitre exceptionnel' que les accusés soient
ttaduits devant un tribunal écossaisqui siégeraitaux Pays-Bas".

A la vérité,les défendeursont étécontraints d'accepter la proposition libyenne,

qu'ils étaient les seuls à ne pas trouver raisonnable, par la conjonction de divers

facteurs: leur déconvenue à la suite des arrêtsde la Cour internationale de Justice sur la
compétence et la recevabilité,le refus historique d'obéissancedes pays tie m~onde à

des sanctions injustes, ce qui allait porter atteinte au créditdu Conseil de sécurité,la

pression des parents des victimes qui souhaitaient l'ouvertured'unprocèsmettant fin aux
incertitudes.

1.28 Mais il est assez piquant de noter que ce que les défendeurs présentaient
quelques mois plus tôt comme une intolérable violation des résolutions du Conseil,

comme un compromis inacceptable avec la légalité,devenait soudain "une initiative"

angle-américaine. De deux choses l'une: ou bien les défendeurs violent à leur tour cette
légalité; ou bien, comme elle l'a toujours soutenu, la Libye n'a jamais violé les

résolutions du Conseil de sécurité,car sa proposition étaitune réponse adéquate aux

demandes contenues dans ces résolutions.

C. Conformité de cette solution à la convention de Montréal dont le respect
étaitdemandé par la Libye

1.29 Sans doute, la solution fmalement adoptéen'est-elleàproprement parler ni une

application de l'extradition, ni un jugement dans le pays où les suspects se trouvaient.

Elle n'en est pas moins conforme à l'obligation des Etats parties à la convention de
Montréal de rechercher de bonne foi, devant l'impasse d'une application littérale du

principe aut dedere aut punire, une interprétation raisonnable de la convention afin

d'assurer la comparution des suspects devant un tribunal pénal. Cette troisième voie,
avancéedèsl'origine du différendpar la Libye, est conforme à l'esprit de la convention

de rechercher une solution respectueuse de l'égalitésouveraine des Etats et des droits

des victimes, par un procès qui respecte les droits des accuséset ne les livre pas à une
procédureoù ils n'auraientpas eu les garanties suffisantes d'une bonne administration de

la justice.

On signalera, au passage, que cette solution n'estpas une extradition déguisée.

C'est de leur plein gréet après avoir reçu l'accord de leurs conseils, que les suspects ont 23.
Chap. 1-Principauévénementsdepuis 1993

accepté de comparaître volontairement devant un tribunal qui se réunissait dans des

conditions leur offrant des garanties d'une bonne administration de la justice.

D. Les demandes de déclaration d'illicéitéformulées par la Libye conservent

toute leur utilité rétrospective et ne sont donc pas sans objet.

1.30 Les conclusions de la Libye ont toujours étélibelléesen termes de demandes de

déclaration d'illicéitédes actions des deux Etats en ce que leurs actions tendaient à
imposer à la Libye des solutions qui contrevenaient à la convention de Montréal. Les

demandes de la Libye se rapportent, dans le temps, à toute la période pour laquelle la

convention étaitpleinement applicable. La violation continue de cette convention - qui
est toujours en vigueur entre les parties - par les deux défendeurs jusqu'à ce qu'ils

acceptent une solution conforme au droit international, constitue un acte illicite dont la

constatation par la Cour conserve toute sa valeur. Si les actes illicites ont désormais
cessé par l'adoption de ce qui étaitdemandé par une large portion de la communauté

internationale, les effets dommageables de ces actes illicites perdurent. La Libye a subi,

du fait de ces violations, des dommages matérielset moraux considérables.

1.31 Une constatation par la Cour des droits de la Libye et des violations corrélatives

de la convention de Montréal par les défendeurs est nécessaire pour fonder une

réclamation ultérieure en réparation. C'est ce qui distingue la présente espèce des
affaires du Camerounseptentrional 51et des Essaisnucléaires 52•

1.32 Les défendeurs eux-mêmes ont reconnu que la violation de la convention

pouvait donner lieu à des réparations.

La note 8 de la page 18 du contre-mémoire britannique est explicite. Le

Royaume-Uni se réservele droit suivant:

"TheUnited Kingdomreserves,however,ail of itsrights in respectof Libya'sresponsibilityfor
violationsof itsobligationsundertheMontrealConvention".

De même,le contre-mémoiredes Etats-Unis contient l'indication suivante :

51 C.IJ ., Camerounc.Royaume-Uni,Recuei/1963,pp.37-38.
52
C.IJ.,AustralieetNouvelle-Zélandce.France,Recuei/1974,p. 272.24.
Chap. 1- Principaux événemensepuis 1993

"5.2 The position of the United States set out in this Counter-Memorial is without prejudice to
the rightf the United States,antappropriate later time, to initiate separate proceedings against
the Libyan Arab Jamahiriya for breach of its obligations to the States under the Montreal
Convention or otherwise."

En tout étatde cause, ce qui est intéressantde relever, c'estque le Royaume­
Uni et les Etats-Unis admettentexplicitementqu'unedemande en jugement déclaratoire

sur les droits respectifs des parties au regard de la convention de Montréaldans les

relations entre les parties au litige, peut êtrecomplétée par une réclamationfondéesur la
responsabilitéinternationaled'unedes parties (par une demande reconventionnelle ou au

cours d'uneinstance distincte).

Section 3 - La rhétorique des contre-mémoiresdes défendeurs

Introduction

1.33 Dans leurs exceptions préliminaires,les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient
déjàconsacréde longs développementsà diverses questions étrangèresau différend

portédevant la Cour. Ces développementsavaient pour point commun de chercher à

convaincre la Cour de diverses affirmations (en particulier que la Libye serait un Etat
terroriste, et que la destruction du vol Pan Am 103 aurait étécauséepar des agents

libyens) tout en insistant sur le fait que la Cour n'avait pas à se prononcer sur leur bien­

fondé.Dans ses observations sur les exceptions préliminaires,la Libye a dénoncécette
tentative de conditionnement idéologique et de manipulation des faits, qui est

incompatible avec les exigences de rationalitéet d'objectivitéqui sont au coeur de la
53
procédurejudiciaire •

Les Etats-Unis et le Royaume-Uni n'ont pas, pour autant, renoncé à cette
approche. Leur contre-mémoiren'estque le reflet de leur politique générale à l'égardde

la Libye. lls cherchent à diaboliser 1'Etat libyen, en recourant à des présomptions de

mauvaise foi et de culpabilité(ci-dessous, A). Loin de se limiter à la rhétorique,cette
politique trouve une expression concrètedans les sanctions économiquesaméricaines,

qui témoignentégalementde la tentative des Etats-Unis de mettre les Etats tiers et le

53
Observations de la Libye sur les exceptions préliminairesdes Etats-(ci-aprèsObs. lib. E.-U.),
Chapitre 1er.observations de la Libye sur les exceptions préliminaires du Royaume-U(ci-après
Obs. lib.R.-U.)Chapitre 1er. 25.
Chap.I -Principauxévénementsdepuis 1993

Conseil de sécuritélui-mêmeau service des intérêtsnationaux des Etats-Unis (ci­

dessous, B).

A. Les présomptionsde mauvaise foiet de culpabilité

1. Le prétendu défaut de la Libye de se conformer à la résolution 1192 et à ses
engagements antérieurs

1.34 La tentative de diaboliser la Libye apparaît dès la première page du contre­
54
mémoire des Etats-Unis. Se présentant - à tort - comme les initiateurs de la
proposition de faire juger les accuséspar un tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas, les

Etats-Unis font valoir qu'au moment du dépôtde leur contre-mémoire, sept mois après

la proposition anglo-américaine,la Libye n'apas encore donnéeffet à cette proposition
55 56
•Le contre-mémoiredu Royaume-Uni est rédigé dans la mêmeoptique •

1.35 Cette présentationdes faits ne correspond nullement à la réalité.Les défendeurs

se sont appropriésla proposition libyenne de tenir le procèsdevant un tribunal écossais

siégeant dans un pays neutre, pour l'organiser au moyen d'un arrangement avec les

Pays-Bas, en l'absence de la Libye et sans la moindre consultation avec celle-ci. Suite à
1'adoption de la résolution 1192 du Conseil de sécurité,la Libye, qui n'étaitpas partie

aux arrangements intervenus entre le Royaume-Uni et les Pays-Bas, a étéamenée à

entamer et à poursuivre des pourparlers par l'entremise du Secrétaire généraldes

Nations Unies afin de régler les aspects pratiques de la solution avalisée par cette

résolution. Ces pourparlers se sont terminésavec succès dèsavant le dépôtdes contre­
mémoiresdu Royaume-Uni, le 30 mars 1999, et des Etats-Unis, le 31 mars 1999. Le 19

mars, le Secrétaire du Comité généraldu Peuple pour les relations extérieures et la

coopérationinternationale de Libye annonçait au Secrétairegénéraldes Nations Unies:

"La Jamahiriya est d'accord pour que les deux accuséscomparaissent devant le Tribunal le 6
avril1999, conformémentaux points qui avaient éconvenus et qui se présententcomme suit:

1.Le tribunal écossaisserendra aux Pays-Bas pourjuger les deux accusésselon le droit écossais,
conformément à ce qu'avait convenu l'équipe juridique, en présence d'observateurs
internationaux désignéspar le Secrétairegénéralde l'Organisation des Nations Unies, et en
consultation avec la Républiqued'Afriquedu sud et le Royaume d'Arabiesaoudite.

54 V. infra,la Ile partie de cette réplique.
55
. Contre-mémoiredes Etats-Unis (ci-aprèC.MA.), pp. 1-2§ 2.
56 Contre-mémoiredu Royaume-Uni (ci-aprèC.M.B.),pp. 3-5,§§ 1.9- 1.13.26.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

2. Les accusés,s'ilssont déclarcoupables, purgeront leur peine en Ecosse, sous la supervision
de l'Organisation des Nations Unies et les auspices du consulat libyen en Ecosse,
confonnément aux dispositions qui ont étéconvenues avec le gouvernement britannique.
[•••]" 57

L'accord réalisépar l'équipejuridique dont il est question au paragraphe 1er

marquait 1'accord de la Libye avec le mécanisme destiné à procéder au jugement des

accusés, suite à ce que diverses garanties supplémentaires aient étéoctroyées aux
accusés, assurant ainsi leur comparution volontaire devant le tribunal écossais siégeant

aux Pays-Bas.

Le mêmejour, le Secrétairegénéraldes Nations Unies a transmis la lettre de la

Libye au Président du Conseil de sécuritépour qu'elle soit distribuée aux membres du
Conseil de sécurité 58• Par la mêmeoccasion, le Secrétaire générala annoncé que le

Secrétariat allait prendre les mesures requises pour procéder au transfert des accusés

vers les Pays-Bas 59•Le 23 mars 1999, suite à des consultations plénières,le Président

du Conseil de sécuritéa fait une déclarationà la presse au nom des membres du Conseil.

Il a notamment déclaréce qui suit:

"Les membres du Conseil de sécuritése sont félicitéde la lettre du 19 mars 1999 adresséeau
Secrétaire généralpar le Ministre des affaires étrangèresde la Jamahiriya arabe libyenne,
indiquant que les deux accusésseraient mis àladisposition du Secrétairegénéraa lfin qu'il en
assure la détentionle6 avril au plus tard.[...]

Les membres du Conseil de sécuritése sont félicitésde la perspective de ce transfert 60

confonnémentaux arrangementspris. [...]

Les membres du Conseil de sécuritéont remercié le Secrétaire généralpour les efforts
inlassables qu'ila faits pour parvenir à un accord ave61la Jamahiriya arabe libyenne concernant
l'applicationdla résolution1192(1998)du Conseil[...)."

Dès avant le dépôt des contre-mémoires du Royaume-Uni et des Etats-Unis,
toutes les modalités pratiques de la mise en oeuvre de la résolution 1192 avaient donc

étéréglées.Une date préciseavait étéfixéepour la comparution volontaire des accusés

devant le tribunal écossais siégeant aux Pays-Bas. La déclaration du Président du

Conseil du 23 mars ne faisait aucune réserveà cet égard.

57
Lettre datéedu 19 mars 1999, adresséeau présidentdu Conseil de sécuritépar le Secrétairegénéral,
S/1999/311,23 mars 1999,p. 2, annexen° 48.
58
59 Ibid.
Ibid.
60
Il s'agiten réalitéd'une comparution volontairedes accusés.
61 Lettre datéedu 23 mars 1999, adresséeau Secrétairegénéralpar le Président du Conseil de sécurité,

S/1999/312,23 mars 1999,annexe: Déclarationfaite à la presse le 23 mars 199p. 2, annexe n° 49. 27.
Chap. 1-Principaévénementdepuis 1993

Le Royaume-Uni et les Etats-Unis auraient donc pu annoncer dans leur contre­

mémoire qu'un accord était intervenu sur le procès des accusés, et que ceux-ci

comparaîtraient à bref délaiau tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas. lls ont toutefois
préféré accuser la Libye de ne pas respecter ses engagements et de ne pas répondre aux

"initiatives" anglo-américaines, pour y voir une preuve de l'implication libyenne dans le

terrorisme international. La suite des événementsconfirme, pour autant que de besoin,

que ces accusations sont dépourvuesde tout fondement.

1.36 Ces accusations injustifiéesdoivent êtrerécuséesavec d'autant plus de vigueur,

qu'elles cherchent à influer sur un aspect essentiel du différendportédevant la Cour. La

Libye a en effet montré dans son mémoire que les résolutions 731, 748 et 883 du

Conseil de sécurité n'exigeaientpas que la Libye livre les accusésaux Etats-Unis ou au
Royaume-Uni, mais rappelait son obligation de coopéreravec ces Etats pour garantir un

procès impartial des accusés afin de contribuer à la répression du terrorisme
62
international • Cette analyse est entièrement confirmée par les événements
63
subséquents, et en particulier par la résolution 1192 •C'est sans doute pourquoi, ne
pouvant plus arguer du refus de la Libye d'extrader les accusésvers les Etats-Unis ou le

Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Royaume-Uni se prévalentdans leur contre-mémoire

du prétendu refus libyen de collaborer avec eux afin de réprimer le terrorisme

international. Cetteargu~enta estincontestablement et définitivement contredite par

les faits.

2. La présomptionde culpabilitédes accuséset de la Libye

64
1.37 La Libye a montré dans son mémoire et dans ses observations sur les
exceptions préliminaires 65que l'action des Etats-Unis est fondée sur une double

présomption, à savoir (1) que l'explosion du vol Pan Am 103 a été causéepar un attentat

commis par les accusés, Abdel Basset et Lamen Fhimah, et (2) que cet acte est

attribuable àl'Etatlibyen.

Le contre-mémoire des Etats-Unis confirme cette analyse puisque les Etats-Unis

y soulignent que

62
ML., IVepartie.
63 Y.aussila Ille partiede la présenteréplique.
64
ML., §§ 5.69et6.82et s.
65 Obs. lib. E.-U., p§§O1.10-1.11.28.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

"there was a reasonable and sufficient basis for believing that the Government of Libya is
implicated in the destruction of Pan Am 103" 66,

et que

"these matters cannot be disregarded, since they arefundamental to the actions of the United
Kingdom, the United States and theSecurity Council" 6• •

De même,le contre-mémoiredu Royaume-Uni fait valoir, entre autres, que la

convention de Montréal

"provides no basis for a supposed right on the part of a StatirnP,licatein the commission of an
68
offence to insist on trying the perpetratorsbefore itsown courts"•

C'estdonc l'allégationde culpabilitédes accuséset de la Libye qui constitue le

fondement des prétentionsdes Etats-Uniset du Royaume-Uni,sans que le bien-fondéde

cette allégation puisse êtrevérifiée,puisqu'ils soulignent aussi que "the guilt or

innocence of the persons accused of thiscrime is not an issue before the Court" (/}et que

"as already explained in its preliminaryobjections, the United Kingdom cannot properly
70
make publicfurther details of the evidence while crinùnal proceedings are pencling" •

1.38 Il sera montréailleurs dans cette répliqueque les Etats-Unis et le Royaume-Uni

ne sont pas en droit d'écarter la convention de Montréalen se prévalant de telles

accusations unilatéraleset non vérifiées 71• Il n'en irait pas autrement du Conseil de

sécurité- dans l'hypothèseoù celui-ci aurait, comme le prétendentles Etats-Unis et le
72
Royaume-Uni, fait siennes les exigences anglo-américaines : le Conseil violerait le

principe de l'égalité souveraineinscritdans l'article 2 (1) de la Charte et la présomption
d'innocence à l'égarddes accusésen accordant, sans justification aucune, plus de foi à

la parole des Etats-Unis qu'à celle de la Libye.

66 CMA.,p.6-7,§ 1.1.
67
CM A.. p. 6, § 1.1.
68
C.M.B., p. 20, §3.9. Soulignépar la Libye.
69 CM A., p.4, § 5.
70
CM.B., p. 12, §2.5.
71
V. la Ile partie de cette réplique.
72 V. infra, la IIIe partie de cette réplique. 29.
Chap.1- Principauxévénementdsepuis1993

1.39 La façon dont les contre-mémoires cherchent à distiller la présomption de

culpabilité de la Libye en ce qui concerne la catastrophe du vol Pan Am 103 mérite
néanmoinsd'êtrerelevée.

Les Etats-Unis reviennent d'abordsur leur proposition d'unprocès écossaisaux

Pays-Bas pour conclure que "to date, those efforts have not been met by Libyan
compliance with the requirements of resolution 1192" 7• Le prétendurefûs de la Libye

de se conformer à la résolution1192 constituerait ainsi une nouvelle preuve du soutien

qu'elle apporterait au terrorisme. Il a déjà étémontréci-dessus que l'arrangement

intervenu le 19 mars 1999, avant mêmele dépôtdes contre-mémoiresdes Etats-Unis et
du Royaume-Uni, et le déplacementsubséquentdes accusésvers les Pays-Bas, excluent

définitivementles insinuations de cet ordre.

Les contre-mémoires invoquent ensuite ce qui est présentécomme "des
indications complémentaires du soutien de la Libye au terrorisme". Divers dossiers

étrangersà la destruction du vol Pan.Am 103sont ainsi évoquésc ,omme s'ilspouvaient

constituer la preuve de l'implicationdes accuséset de la Libye dans la catastrophe de
Lockerbie ou fonder les exigences anglo-américaines y relatives. Les Etats-Unis se

prévalentainsi de ce que dans sa lettre du 14 mai 1992au Secrétairegénéral,la Libye a

déclarérompre ses relations avec toutes les organisations et tous les groupes impliqués
74
dans le terrorisme international , pour en déduireun aveu de l'implication de la Libye
dans le terrorisme international 7• Dans 1'optique des défendeurs,les mouvements de

libération nationale sont d'ailleurs tout simplement assimilés à des groupements

terroristes : le Royaume-Uni déduitainsi de ce que la Libye a indiquéavoir soutenu

"certain liberation organisations" que "Libya has accepted that it has had links with
terrorist organisations" 7• Or, en réalité,la déclarationlibyenne du 14 mai 1992 ne

signifie pas que la Libye a soutenu des activités terroristes. La Libye l'avait déjà
77
soulignélors des plaidoiries surles exceptions préliminaires •

73 C.MA., p. 7-10, citation 10,§ 1.8.
74
Lettre datéedu 14 mai 1992, adresséeau Secrétairegénéralpar le représentantpermanent de la
Jamahiriya arabe libyenne auprès de l'Organisation des Nations Unies,/23917 du 14 mai 1992,
annexe: Déclaration en date du 13 mai 1992 émanantdu Comitépopulaire pour les relations
extérieureset la coopérationinternationaAnnexe n° 5.
75
76 C.MA., p.12, §1.13.
C.M.B.,p. 14-15, § 2.8 et note 11.
77
V. la déclarationde A.H. Elhouderi, Agent de la Grande Jamahiriya, dans CR. 97/20 du 17 octobre
1997, § 1.04.30.
Chap. I- Principaux événementsdepuis 1993

1.40 La politique de diffamation qui sous-tend ce type d'accusations est apparue en

toute clartélors de l'accident du Boeing 747 assurant le vol 800 de la TWA, le 17 juillet
1996. Cette catastrophe a immédiatement étésuivie d'accusations des Etats-Unis à

l'égard des "pays soupçonnés de soutenir le terrorisme", dont la Libye, et a mené à

l'adoption de la loi d'Amato du 5 août 1996 7• Selon le rapport technique préliminaire,
79
le réservoir central du TWA 800 a, en réalité,explosé accidentellement •Le 7 mai

1998, la Federal Aviation Authority a décidéd'exiger certaines inspections sur les B737,

747 et 767 afin d'éviter les explosions des réservoirs d'essence tel celui qui a détruit le
TWA800ro.

Dans ces circonstances, mêmel'affirmation du Royaume-Uni qu'il est "common
81
ground" que la catastrophe de Lockerbie a étécauséepar un attentat terroriste devient

sujette à caution.

1.41 Enfin, lorsque la Libye fait état de sources journalistiques écartant la version

officielle anglo-américaine concernant la destruction du vol Pan Am 103, les Etats-Unis

qualifient ces sources de "wild and unsubstantiated" et dépourvues de valeur probante
82
•Mais les Etats-Unis n'hésitent pas, pour autant, à se prévaloir de la presse lorsque
83
celle-ci suggère qu'Abu Nidal aurait étéprésent en Libye jusqu'en été1998 •Cette

attitude incohérente montre que les "preuves" dont se prévalentles Etats-Unis doivent
faire place à une administration d~ la preuve conforme aux principes de la justice et du

droit international.

La Libye n'est pas seule à soutenir cette exigence. Dans sa résolution 51/210 du

17 décembre 1996, 1'Assembléegénéraledes Nations Unies a demandé

78
Iran and Libya Sanctions Act of 1996,1 L.M.vol.35, 1996,p. 1273et s., annexe n° 23.
79
80 Le Monde, 19juillet 1999,p. 23, annexe n° 51,appendice2.
Statement of Chairman Jim Hall, National Transportation Safety Board, 7 mai 1998,
http://www.ntsb.gov.pressrel/19981980507.htmPar ailleurs, fin 1999, leNational Transportation

Safety Board, qui enquêtesur l'accident du vol TWA 800, a déclaréregretter de ne pas avoir eu
connaissance d'une étude sur les réservoirsdu 747, réaliséeen 1980 par Boeing sur la version
militaire du B747, et qui ferait ressortir des problèmes de surchauffe des réservoirs cent(Lex
Monde, 5 novembre 1999,p. 20, annexe n° 56. V. aussi les documentsofficiels disponibles sur le site
du National Transportation Safety Board: http://www.ntsb.gov. annexe n° 35, et annexe n° 38,
appendices 1 et 2). Selon certaines sources, Boeing aurait connu les risques de sécuritéque posaient
les réservoirs de ses 747, mais aurait refuséd'appliquer les mesures proposées par la Federal
Aviation Administrationpour des raisonsd'économie (Le Monde, 19juillet 1999,p. 23, annexe n° 51,

81 appendice2). Pour plus de détailsvoir annexen° 51.
CM.B., p. 1,§ 1.1.
82
CM A.,p. 13-14,§ 1.15.
83 CM.A., p. 13,§ 1.14. 31.
Chap.1-Principaux événemend tsepuis1993

"à tous les Etats, en vue d'assurer l'application effective des instruments juridiques pertinents,
d'intensifier, selon qu'il conviendra, l'échanged'informations84ur les faits liésau ttoutrisme
en évitantdediffuserdesinformationsinexactesounonvérifiées".

B. Le recours à la force et la coercition économiquedes Etats-Unis contre la

Libye

1.42 Le contre-mémoiredes Etats-Unis passe entièrement sous silence l'historique du

recours à la force des Etats-Unis contre la Libye, tel qu'il a étédétaillédans les

observations libyennes sur les exceptions préliminaires 85•TIsuffira donc de rappeler ici

que la politique coercitive des Etats-Unis confirme entièrement la politique de

diabolisation systématiquesuivie par les Etats-Unis envers la Libye.

Ainsi, lorsqu'en 1989, les Etats-Unis menacent de détruire une prétendue usine

d'armes chimiques située à Rabta, au sud-ouest de Tripoli, la Libye propose à

l'administration américaine de visiter le site litigieux. Les Etats-Unis refusent 86• En

1996, les Etats-Unis menaceront une nouvelle fois de détruireune usine à Tarhunah près

de Tripoli, dont ils soutiennent qu'elle serait destinéeà produire des armes chimiques.
Mais lorsque les autorités égyptiennes et françaises demandent un complément

d'informations aux Etats-Unis avant de prendre position, l'absence d'élémenttangible

mènele présidentMoubarak à conclure que 1'histoireest un mythe 8•

Apparemment, les intérêts des Etats-Unis sont mieux servis par une accusation

non vérifiéeque par un établissementdesfaits en bonne et due forme.

1.43 Les sanctions économiques adoptéespar les Etats-Unis le confirment. Ainsi, la

destruction du vol TWA 800, le 17juillet 1996, a donnélieu à 1'adoption de la loi du 5
88
août 1996 (Iran and Libya Sanctions Act) • Or, rien ne permettait d'affirmer que cette
catastrophe était due à un attentat terroriste. Comme il a étémontré ci-dessus, les

rapports techniques préliminaires ont révélé que le réservoir central du TWA 800 a

84
A/Rés/51(210du 17 décembre1996, § 4, annexe n° 25. Soulignépar la Libye.
85 Obs. lib.E.-U.,pp. 18ets.
86
V./oc. cit.p. 24, § 1.22 et les annexes 10et 1M.L.
'67
V. InternationalHeraldT0ibune, 8 avri11996, p. 6, annexe n° 1etlnternationalHeraldTribune, 31
mai 1996, p. 2, annexD 20.
88 Iran and LibyaSanctionsActof 1996,I.L.M., vol. 35, 1996, pp. 1273 et s., annexe n° 23.32.
Chap. 1- Principaux événemendepuis 1993

explosé accidentellement. Qui plus est, Boeing aurait dissimulédes informations sur les

défaillances techniques de ses appareils 89•

Au regard de ces informations, la politique anti-terroriste des Etats-Unis apparaît
non seulement comme un prétexte à la guerre commerciale que cet Etat mène contre la

Libye depuis que celle-ci a mis fm à la présence militaire américaine sur son territoire,

procédéà la nationalisation des compagnies pétrolièreset menéune politique active à

l'OPEP sc.Elle sert aussi, objectivement, les intérêts de Boeing à un moment où cette
sociétésubit les conséquences financières des accusations de défaillances techniques de

ses appareils 9•

La portéede l'Iran and Libya Sanctions Act de 1996 est à cet égard révélatrice.

Cette loi vise à sanctionner par divers moyens, dont une limitation de 1'accès au marché
des Etats-Unis, les sociétés et individus de pays tiers qui entretiennent certaines relations

économiques avec l'Iran ou la Libye 92• La loi s'applique indépendamment de la

nationalité de ces sociétéset individus,. mais oblige le Présidentdes Etats-Unis à faire

rapport aux comitésappropriésdu Congrès sur les sanctions adoptéespar certains autres
Etats 9,qui sont les principaux concurrents des Etats-Unis sur le plan commercial. C'est

l'économie de ces pays, autant ou plus que celle de l'Iran et de la Libye, que la loi

américainecherche à contrôler. L'Union européennea condamnéla loi comme contraire

au droit international et a pris des mesures législatives pour contrer ses effets extra­

territoriaux ~.

1.44 L'Iran and Libya Sanctions Act témoigneaussi des tentatives des Etats-Unis de

mettre les autres Etats du globe et le Conseil de sécuritédes Nations Unies au pas de la

politique étrangèredes Etats-Unis. Dans la section 2 de la loi, le Congrès détermine
ainsi que

"The failure of the Govemment of Libya to comply with Resolutions 731, 748 and 883 of the
Security Councilof the United Nations, its support of international terrorism, and its efforts to

89 V. ci-dessus, note 80.
ÇK)
V. leObs.. lib. E.-U.pp.15-18, et lObs.. lib. R.-Upp. 18 ss.
91 Quant aux effets des défaillances techniques des Boeing sur les parts de marché respectives de

Boeing et Airbus, V. Le Monde, 4 novembre 1999, p. 38, annexe n° 51, appendice 4 et Le Monde, 5
novembre 1999, p. 20, annexe n° 56.
92 V. les Sections 5 et 6 de la loi, annexe no23.
93
Section 4 (e(1)de la loi, annexe n° 23.
94 Règlement(CE) n° L 2271/96 du Conseildu 22 novembre 1996 portant protection contre les effets de

l'application extraterritoriale d'une législationapartun pays tiers, ainsi que des actions fondées
sur elle ou en découlaJ.O. n° L 309du 29 novembre 1996. 33.
Chap.I-Principaux événements depui1993

acquire weapons of mass destruction constitute a threat to international peace and security that
endangers the national security and foreign policy interests of the United95tates and those
countries with which ît sharescommon strategie andforeign policybjectives" •

La référenceaux prétendus efforts de la Libye d'acquérir des armes de

destruction massive rappelle l'action des Etats-Unis relative aux usines de Raptah et de
95
Tarhunah, en 1989 et 1996, dont il a étéquestion ci-dessus •La loi vise à obliger les
Etats tiers à se conformer à des sanctions américainesfondéessur des accusations non

vérifiées, et que les Etats-Unis refusent de vérifier. Qui plus est, la loi cherche à

attribuer les "constatations" américainesau Conseil de sécurité des Nations Unies. A la

section 3 (b) de la loi, le Congrèsdéclareen effet que

"[...) it is the policy of the United toaseek full compliance by Libya with its obligations under
Resolutions 731, 748, and 883 of the Security Council of the United Nationincluding ending ail
support for acts of international terrorism and efforts to deve/op or acquire weapons of mass
destruction." w

Contrairement à ce que suggèrecette disposition, les résolutions731, 748 et 883

ne visent nullement les prétendues tentatives de la Libye d'acquérir des armes de

destruction massive.

1.45 Enfin, l'Iran and Libya Sanctions Act permet aussi aux Etats-Unis de

multilatéraliserleurs sanctions nationales contre la Libye, contre la volonté du Conseil

de sécurité. La section 8 de la loi prévoitainsi que les sanctions qu'elle édicteprendront

fin, en ce qui concerne la Libye,

"[...) if the President determines that Libya bas fulfilled the requîrements of United Nations
Security Council Resolution 731, adopted January 21, 1992, United Nations Security Council
Resolution 748, adopted March 31, 1992, and United Nations Security Council Resolution 883,
adopted November 11, 1993." 98

95
Section 2 (4) de laloi (soulignépar la Libye), annexe n° 23. Traduction par la Libye:
"Le défautdu gouvernement libyen de se conformer aux résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de
sécuritédes Nations Unies et ses efforts visantà acquérir des armes de destruction massive

constituent une menace à la paix età la sécuritéinternationales qui met en danger la sécurité
nationale et les intérdespolitique extérieuredes Etats·Unis et despays avec lesquels les Etats·Unis
partagent des objectifs stratégiqueset de )X)litiqueextérieurecommuns".
96 Supra,§ 1.42.
rn
Section 3 (b) de la loi (soulignépar la Libye), annexe n° 23. Traduction par la Libye:
"(...) la politique des Etats-Unisderechercher le respect intégrpar laLibye de ses obligations en
vertu des résolutions 731, 748 et 883 du Conseil de sécuritédes Nations Unies, en ce compris la
cessation du soutien aux actes de terrorisme internationalles efforts de développerou d'acquérir

98 des armes de destructionmassive".
Section 8 (b) dla loi, annexe no23. Traduction par la Libye :
"[...] si le Présidentconstate que la Libye a satisfait aux conditions de la résolution731 du Conseil de
sécuritédes Nations Unies, adoptéele 21 janvier 1992, de la résolution748 du Conseil de sécurité34.
Chap. 1- Principaux événementsdepuis 1993

L'octroi de ce pouvoir de constatation au Présidentdes Etats-Unis, plutôt qu'au

Conseil de sécuritédes Nations Unies qui est seul compétent en la matière, n'est pas le

fruit d'une rédaction malencontreuse. Les sanctions édictéespar les résolutions 748 et

883 ont étésuspendues, conformémentà l'engagement pris par le Conseil de sécurité 9i.l,

lors de l'arrivéeaux Pays-Bas des accusésde l'attentat sur le vol Pan Am 103. Or, le
Présidentdes Etats-Unis n'a toujours pas procédéà la constatation requise par la section

8 (b) de la loi, qui reste dèslors en vigueur. Cette tentative des Etats-Unis de maintenir

un embargo multilatéralcontre la Libye est manifestement contraire à la résolution 1192

du Conseil de sécurité.

A l'évidence, le Conseil de sécuritén'est pour les Etats-Unis qu'une couverture

habile pour sa politique nationale à l'égardde la Libye. C'est ainsi qu'à la section 2 (b)

de la loi, les comportements attribuésà la Libye sont qualifiésde

"[...] threat to internationalpeace andsecurithal endangers the national security and foreign
policy interests of the United States and tlwse coumries with which ir shares comnwn strategie
and foreign policy objectives"0•

Il n'y a de vraies valeurs universelles que celles des Etats-Unis.

***

des NationsUnies, adoptéele 31 mars 1992,et larésolution883 du Conseil de sécuritédes Nations
Unies,adoptéele 11novembre1993".
99
S/Rés/1192(1998),27 août 1998,§ 8, annexen°42.
100 Section2 (4) de la loi (soulignépar laLibye),annexeno23.Traductionpar laLibye:

"menaceà lapaixet à la sécuritinternationalequi met en danger la sécuriténationale et les intérêts
de politique extérieuredes Etats-Unis et des pays avec lesquels les Etats-Unis partagent des objectifs
stratégiqueset de politique extérieuremmuns". 35.

CHAPITRE II L'INTERPRETATION DES DISPOSITIONS

PERTINENTES DE LA CONVENTION DE
MONTREAL

Introduction

2 o1 Dans son mémoire,la Libye avait montréque l'incident aériende Lockerbie était

une des infractions viséespar l'art. 1er de la convention de Montréaldu 23 septembre

1971, que cette convention liait les parties et qu'il n'existait pas d'autre convention
particulièreentre les parties portant sur l'objetmêmedu différend. C'étaitdonc au regard

de la convention de Montréalqu'ilfallait considérerles requêteslibyenn1.

La Libye avait ensuite montréque la convention :

l'obligeait à établir sa compétence pour connaître des infractions visées par la
convention (art. 5 § 2);

- l'autorisaià ne pas extrader les suspects dès lors que ceux-ci étaientses nationaux
(art. 8 § 3);

- l'obligeaità déférerceux-ci à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action
pénaledèslors qu'ellene les extradait pas (art. 7);

obligeait les défendeursà accorder à la Libye l'entraidejudiciaire la plus large possible
(art. 11 § 1)•

2 o2 Les défendeurs n'ont pas niédans leur contre-mémoire que la convention de
Montréalliait les parties et ils n'ont plus contestéque l'incident aériende Lockerbie était

une des infractions viséespar l'art. 1er de la convention. Ils ont même explicitementou
implicitement reconnu que la convention s'appliquait à l'incident tout en excluant cette

applicationincasu au profit de celle de la Charte des N. U. Ils observent égalementque

la Cour a décidé,dans son arrêtdu 27 février1998, non que la convention de Montréal

s'appliquait au présent différend, mais qu'un différend opposait les parties sur
l'applicationde la convention, et plus précisémentsur le point de savoir si :

1 M.L., §4.1.
2 M.L., §§4.2- 4.47.36.
Chap. Il -L'interprétationde la convention de Montréal

- la destruction du vol Pan Am 103relevaitde la conventionde Montréal;

- l'art. 7 de la convention (renvoi des suspects devant les.autoritéscompétentespour

l'exercice de l'action pénalesi les suspects n'étaientpas extradés)lu en combinaison
avec les art. 1, 5, 6 et 8 avait éviolé;

- l'art. 11de la convention (droit de la Libye d'obtenir l'entraidejudiciaire la plus large
possible) avait étéviolé;

- les comportements des défendeursviolaientla convention 3.

Partant de cette hypothèse, les défendeursont développédes arguments portant

sur l'étenduedu différend au regard de la convention de Montréal (Sect. 1), sur

l'application en généralde la convention au présent différend (Sect. 2), et sur
l'application des art. 7 (Sect. 3) et 11 (Sect. 4).

Ces arguments concernent, bien entendu, la situation juridique des parties au
regard de la convention de Montréalavant qu'un accord définitifne soit conclu pour

l'organisation du procès des deux suspects à La Haye. Cet accord apparaissant comme

une manière d'appliquer la convention de Montréal (supra § 1.29), les développements
qui vont suivre ne concerne que l'époqueoù les défendeurs refusaient d'appliquer la

convention.

*

Section l - L'étendue du différend au regard de la convention de Montréal

2. 3 Dans son mémoire,la Libye avait montréque les défendeursviolaient l'art 5 §§ 2-
4
3, l'art. 7, l'art. 83 et l'art. 11 de la convention de Montréal •La Libye estime que la
Cour, en sereconnaissant compétentepour trancher le point de savoir si la destruction du

vol Pan Am 103 relevait de la convention de Montréalet si ses art. 7 (lu en combinaison

davec les art. 1, 5, 6 et 8) et1 avaientété violés,n'a pas réduitl'étenduedes questions
soulevéesdans le mémoirelibyen.

3 C.M.A., § 2.2;C.M.B., § 1.17.
4 M.L .. §§4.1 - 4.47. Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal 37.

Le fait que la Cour se réfèreplus explicitement aux art. 7 et 11 de la convention

qu'aux art. 5 §§ 2- 3 et 8 § 3 de la convention ne réduitpas l'étenduedu différenddès
lors que la Cour préciseque l'ar7 doit êtrelu en combinaison avec les art. 1, 5, 6 et 8.

n en résulte que les arguments développéspar la Libye dans son mémoire en ce qui

concerne l'art. 5 §§ 2 - 3 et l'art. 8 § 3 ne sont pas caducs, mais doivent êtrereplacés
dans le cadre de leur combinaison avec l'art. 7, ainsi qu'on le verra plus loin(infra §§

2.15/16).

Section 2 - L'application en général de la convention de Montréal au

présent différend

2 o4 Tout en admettant que la convention de Montréal s'applique à l'incident de
Lockerbie (ci-dessous, A), les défendeursrejettent cette application au présent différend

en raison du fait que :

rien n'empêcherait les Etats parties la convention àchercher à arrêterles auteurs de

faits viséspar la convention en se fondant sur un autre instrument que la convention

(ci-dessous, B);

la Libye ne serait pas fondéeà se prévaloirde la convention de Montréaldès lors

qu'elle serait impliquéedans l'incidentde Lockerbie (ci-dessous, C);

la question de l'applicabilitéde la convention de Montréal n'aurait plus d'intérêt

pratique eu égardaux résolutionsdu Conseil de sécurité(ci-dessous, D).

A o Les défendeurs admettent que la convention de Montréal s'applique
à l'incident de Lockerbie

2 o5 · Les Etats-Unis reconnaissent implicitement que la convention de Montréal

s'applique à 1'incidentde Lockerbie, mais ils font valoirque cela ne les prive pas du droit
de chercher à obtenir la livraison des suspects par d'autres moyens:38.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

"[...] the legal regime of the Montreal Convention not the exclusive source of legal rules

potentially applicable in this situation. The Convention does not bar the United States (or the
United Kingdom) from seeking to exercise jurisdiction over the accused through other legal
avenues."5

Ce moyen sera, quant au fond, rencontréplus loin (§§ 2.8/10), mais on peut

d'ores et déjànoter que si la convention de Montréaln'est pas la seule source de droit

applicable à l'incident de Lockerbie, acontrario,les Etats-Unis reconnaissent qu'elle n'en
reste pas moins une source applicable.

2. 6 Plus clairement encore, le Royaume-Uni admet que la convention de Montréal

peut s'appliquer à un Etat impliquédans un attentat tel que ceux visés à l'art. 1 de la
convention de Montréal:

"[...] whether the Montreal Conventionis applicatoea case in which a State is implicated in
the commission of one or more of the acts to which Article 1 of the Convention refers. The

United Kingdom considers that theConvention isapplicable in such a case." 6

Le Royaume-Uni ajoute toutefoisque laconvention ne s'appliquepas "in the same

way when aState party is implicatedin a grave Convention offence" 7.

Ce point sera aussi évoqué plus loin(§ 2.11), mais il n'en démontrepas moins la

reconnaissance explicite par le Royaume-Uni que la convention de Montréals'applique à

l'incident de Lockerbie.

2. 7 Enfin, les Etats-Unis et le Royaume-Uni reconnaissent encore l'application de la

convention de Montréalau présentdifférenden envisageant une éventuellemise en jeu de

la responsabilitéde la Libye sur la base de la convention de ... Montréalà la suite de

l'incident de Lockerbie ! Tel est le cas lorsque les Etats-Unis déclarent, dans leurs
conclusions, que leur position

"iswithout prejudice to the right of the United States, at an appropriate later time, to initiale
separateproceedings against the Libyan Arab Jamahiriya for breach of its obligations to the
8
United StatesundertheMontreal Convention or otherwise."

De même,le Royaume-Uni

5 C.MA., § 2.11, soulignépar les Etats-Unis; voy. ausC.MA., § 2.17.
6
C.M.B., § 3.1.
7 C.M.B., § 3.2.
8 C.MA.. § 5.2, soulignépar la Libye. 39.
Chap. II - L'interprétationde la convention de Montréal

"reserves, however, all of ils rights in respect of Libya's responsibility for violations of its
obligations under the Montreal Convention." 9

En résetvant leurs droits vis-à-vis de la responsabilité de la Libye pour une
prétendueviolation de la convention de Montréal,violation résultant de la destruction du

vol Pan Am 103, les défendeursreconnaissent ipsojure l'application de la convention de

Montréalà cette affaire.

B. Selon les défendeurs, rien n'empêchait les Etats parties à la

convention de Montréal à chercher à arrêter les auteurs de faits
visés par celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la

convention

2. 8 Cet argument est surtout développépar les Etats-Unis 10 ,plus implicitement par le

Royaume-Uni 11• Selon les Etats-Unis, la Libye aurait prétendu que la convention de

Montréalne reconnaissait qu'àla Libye, et àelleseule, le droit de juger les suspects, alors
que la convention ne prive nullement les défendeurs du droit de chercher eux aussi à

poursuivre les suspects :

"Libya essentially contends that the Montreal Convention assigns to Libya, and to Libya alone,
the sole right to detemiine the disposition of the two persans accused of dAmtro103. Pan
[... ] The Convention does not bar the United States (or the United Kingdom) from seeking to
exercise jurisdiction over the accused through other legal avenues." 12

Le Royaume-Uni estime, quant à lui, ne violer aucune disposition de la
convention en cherchant simplement àjuger les suspects :

"(... ] the objective of procuring the accused for trial before the courts of United Kingdom cannot,
by any stretch the imagination, be alleged to be a 'violation'of the Convention." 13

2. 9 Les Etats-Unis sont évidemmentbien en peine de citer un seul extrait des écritures
libyennes où la Libye aurait soutenu qu'elleétaitle seul Etat à pouvoir juger les suspects.

Et pour cause : la Libye a écrit exactement le contraire de ce que les défendeurs

prétendent. Dans son mémoire, la Libye affirme expressément qu'elle "n'a jamais

9 C.M.B., p. 18,n°8.
10 C.M.A., §§ 2.11 - 2.17.
11 C.M.B., §§ 3.45 - 3.46.
12 C.M.A., § 2.11.
13 C.M.B., § 3.46.40.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

prétenduque l'article 5, alinéa3 conféraitune compétence exclusive à ses tribunaux pour

juger de l'incident de Lockerbie" et qu'elle "n'a jamais contesté que le Royaume-Uni
aussi bien que les Etats-Unis, ont une compétencede principe à cet égard" 14.

Certes, la Libye n'en accuse pas moins les défendeurs de "violation" de la
convention, mais cette accusation est fondée- la Libye regrette de devoir répéterce

qu'elle a déjà écrit 15 - non sur le fait que les défendeurs voulaient exercer leur

juridiction à l'égarddes suspects, mais sur le fait que leur stratégieconduisait à empêcher

la Libye d'exercer sa propre juridiction sur les suspects en vertu de la convention de
Montréal. Les défendeurs allèguent que la Libye voulait les empêcherde poursuivre

pénalementles suspects- quod non - et ils font semblant de ne pas voir que c'est leur

attitude qui a empêchéla Libye d'exercer son droit de les poursuivre également.
Autrement dit, les réponses des défendeursles conduisent à revendiquer un droit qui est

précisémentcelui réclamépar la ... Libye-le droit de poursuivre les suspects - tout en

prétendantempêcherla Libye d'exercerledit droit !

2. 10 Dans ses observations écrites silr les exceptions préliminaires soulevées par les

défendeurs,la Libye avait poursuivi le raisonnement et montréqu'en cherchant à priver la
convention de Montréal de tout effet pratique, les défendeurs violaient le principe de

l'application de bonne foi qui s'attacheà l'application de toute convention (convention de

Vienne sur le droit des traités,art. 26; Déclarationsur les relations amicales, 7e principe,
A/Rés. 2625, 24 oct. 1970) ainsi que les principes de la Lexspecialis et de l'electazma

via. La convention de Montréalayant étéacceptéepar toutes les parties, elle devait être

appliquée de bonne foi à l'instar de tout traité. Chercher à éviter l'application de la

convention en s'adressant au Conseil de sécuritérevenait à ne pas respecter la convention.
Si, en soi, le recours au Conseil de sécuritén'étaitévidemmentpas illicite, ille devenait

lorsque son objet consistait à éviterl'application de la convention conclue précisément
pour réglerla question soumise au Conseil. La convention apparaissant alors tant comme

une lex specialis que comme une eJectavia par rapport à la Charte des N. U.

qu'invoquent les défendeurs, ceux-ci commettaient un abus de droit en "court-circuitant"
1
l'application normale de la convention sans raison décisive 6.

Les défendeurs n'ont toujours pas réponduà ces arguments.

14 M.L., § 3.5; voy. aussi plaidoiriProf.J. Salmon, C.I.J., audience publique du 22 oct 1997, CR
97/24, p. 10 (français).
15 M.L .• §3.5.
16 Obs. lib. Etats-Unis,§§ 2.17- 2.20; Obs. lib. Royaume-Uni,§§ 2.13- 2.18. 41.
Chap. ll - L'interprétationde la convention de Montréal

C. Selon le Royaume-Uni, la Libye n'aurait pas été fondée à se
prévaloir de la convention de Montréal dès lors qu'elle serait

impliquée dans l'incident de Lockerbie

2.11 Exposé longuement par le~oyaume-1 U7,net argument ne mérite pas de

réponse trèslongue dèslors qu'il nllment démontréque la Libye est en quoi que

ce soit impliquéedans la tragédiedelLockerbie. Le Royaume-Uni reconnaît d'ailleurs ce
fait8 mais n'en poursuit pas moin$ une démonstrationqui ne tient que si l'on accepte
1
pour prémisseque la Libye est à l'origine de l'incident de Lockerbie, ce dont la Libye ne

veut mêmepas discuter dès lors1 l'établissementde la preuve en droit international
1
n'est pas encore fondé sur lpr1sompt iminespar une minorité d'Etats, aussi
puissants soient-ils. 1

D. Selon les Etats-Unis, Jalquestion de l'applicabilité de la convention
de Montréal n'avait plus ·d'intérêtpratique eu égard aux résolutions
1
du Conseil de sécurité 1

2.12 Sur ce point exposé par les Etats-U9,sla Libye explique ailleurs dans la
1
présente réplique pourquoirécl~ti oonserve un intérêtpratique eu égard au

dommage grave qu'elle a subi 1e du refus des défendeurs d'appliquer la convention

(supra§§ 1.30/32).

*

2.13 En conclusion, et sans préjudicede ce qui sera dit plus loin à propos de l'effet des
résolutionsu Conseil de séc sur lappliction de la convention de Montréal,

l'argumentation des défendeurs à direqut mêmesi la convention de Montréal

s'applique à l'incident de Lockerbie[ chaque Etat est autoriséà faire duing"
1
et à choisir à volonté le traitéqu'Iii souhaite appliquer au lieu du traité normalement
applicable.a Libye a montré que cet argument se heuràaun certain nombre de

principes générauxdu droittemakona(supra § 2.10) auxquels les défendeurs n'ont

pas répondu. 1

17 C.M.B., §3.104- 3.121.
18 C.M.B., 3.104.
19 C.M.A., §2.52 - 2.54.42.
Chap. II -L'interprétatidela convention de Montréal

Section 3 - L'application de l'art. 7 de la convention de Montréal au

présent différend

Introduction

2.14 Les défendeurs soutiennent que l'art. 7 de la convention ne confère aucun droit

dont la Libye aurait pu se prévaloir.L'art.7 dispose

"L'Etatcontractantsur leterritoireduquel l'auteurprédeml'unedes infractionsest découvert,
s'iln'extradepas ce dernier,soumetl'affaire,sans aucune exceptionet que l'infractionait ou non
étécommise sur son territoire,à ses autoritéscompétentespour l'exercicede l'actionpénale.Ces
autoritésprennent leur décisiondans les mêmesconditions que pour toute infraction de droit
communde caractèregraveconformémena tuxloisdecet Etat"

2.15 La Cour, dans sa décisiondu 27 février1998, a reconnu qu'il existait un différend
sur l'art.7 combiné avec les art. 1, 5, 6 et 8 de la convention 2°.

Dans son mémoire,la Libye avait montréque

la destruction du vol Pan Am 103 étaitun fait visépar l'art. 1 de la convention 2 ;

les personnes accusées d'êtreilnpliquéesdans l'infraction étaientdes ressortissants

libyens se trouvant sur le territoire libyen; les Etats-Unis et le Royaume-Uni avaient
demandé à la Libye de leur livrer ces personnes; il n'existait entre les requérants et la

Libye aucune convention d'extradition en dehors de la convention de Montréal; or,

l'art. 8 § 3 de la convention disposait que l'Etat requis ne devait répondre
favorablement à une demande d'extradition que dans les conditions prévues par son

propre droit; le droit libyen excluant l'extradition des nationaux, la Libye étaitfondée
22
à refuser l'extradition de ses ressortissants vers les Etats-Unis ou le Royaume-Uni ;

l'art.5 § 2 obligeait l'Etatqui n'extradait pas vers un autre Etat partie l'auteurprésumé

d'une infraction à établirsa compétenceaux fins de connaître de l'infraction; le fait

qu'il s'agissait d'une obligation et non d'un droit n'invalidait pas le droit pour la·

20 Arrêtdu 27 février1998, CJJ., Rec. 1998, p. 21§ 29.
21 M.L., §§ 3.2 et 3.4.
22 M.L., §§ 4.14 - 4.31. Chap. il -L'interprétation de la convention de Montréal 43.

Libye que les Etats-Unis et le Royaume-Uni respectassent le souci de la Libye de

remplir son obligation 23;

l'art.6 autorisait l'Etatdu lieu où se trouve l'auteur présuméde l'infraction à prendre

les mesures nécessairespour assurer sa détentionet procéderà l'enquêtepréliminaire
en vue d'établirles faits; la Libye jouissait donc d'undroit que l'action des Etats-Unis

et du Royaume-Uni visait à entraver 24;

l'art.7, en tant qu'expression de la règleautdedereautjudicare, obligeait l'Etat partie

à la convention de Montréalqui n'extradait pas l'auteur d'un fait visé par la

convention à soumettre l'affaire à ses autoritésjudiciaires; autrement dit, il s'agissait
d'assurer une soumission sans faille de l'affaire à la justice tout en respectant le droit

interne de l'Etatrequis 25.

2.16 En limitant le présentdifférendà l'art. 7 combinéaux art. 1, 5, 6 et 8 de la

convention, la Cour n'a nullement suppriméla nécessité de vérifierl'applicabilitéde ces

dispositions au différend. TIs'agissait en effet de savoir si la Libye était fondée à se
prévaloirde la règle autdedereautjudicare, prévueà l'art. 7 qUil'obligeait à soumettre

l'affaireà ses autoritésjudiciaires compte tenu de son droit de ne pas extrader (art. 8 § 3)

l'auteur d'unfait visépar la convention (art. 1); cela impliquait d'une part, que l'Etat eût
conférécompétence à ses autoritésjudiciaires pour connaître du fait (art. 5 § 2), d'autre

part, que l'Etatpût arrêtercette personne (art. 6).

On voit donc que la limitation du différendà l'art. 7 combinéavec les art. 1, 5, 6

et 8 de la convention ne supprimait en rien la nécessitéde vérifierl'applicabilitéde ces

dispositions au différend.Les défendeursont préféré faire l'économiede cet examen et se
sont bornés à l'examen du seul art. 7.

C'estdonc sur cette base qu'illeur sera répondutout en maintenant l'ensemble de
l'argumentation développéedans le mémoirelibyen relative aux art. 1, 5 (§ 2), 6 et 8

(§ 3), et synthétiséeci-dessus.

2.1 7 Dans son mémoire, la Libye avait rappelé les arguments présentéspar les

défendeursà propos de l'art. 7 lors des plaidoiries sur les mesures conservatoires et y
avait répondu, grossomodo, comme suit :

23 M.L., §§ 4.2 - 4.12.
24 M.L., § 3.6.
25 M.L., §§ 4.32 - 4.40.44.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

les défendeursprésentaientles suspects comme des "agents libyens"; la convention de

Montréalne leur serait donc pas applicable : la Libye avait répondu que les employés
des Libyan Air/ines n'étaientpas des agents étatiques;. à supposer mêmequ'ils le

fussent, la convention ne faisait pas de différenceentre particuliers et agents de l'Etat

et restait applicable mêmesi l'infraction étaitle fait d'un agent de l'Etat requis 26; les
défendeurs n'ont plus repris leur argument dans leur contre-mémoire; la· Libye en

prend acte et n'y reviendradonc pas;

selon les défendeurs, la Libye revendiquait l'application d'un droit alors que l'art. 7
énonceune obligation; la Libye avait montrépourquoi onpouvait bel et bien parler de

droit 2 ;le contre-mémoiredes défendeursn'en tient pas compte et répètel'argument

que l'art. 7 ne confèrerait pas de droit particulier à la Libye, mais lui confèrerait
seulement une obligation si elle n'extradaitpas les intéressés(ci-dessous, A);

selon les défendeurs, la Libye n'auraitpas eu à se plaindre d'une violation de l'art. 7

puisqu'elleavait pu soumettre l'affaireà sajustice; la Libye avait réponduque l'action
des défendeurscherèhaità l'empêcherd'appliquer cet article en fait et qu'ils violaient

donc la convention 2 8;dans leur contre-mémoire,les défendeurs, sans véritablement

répondreà l'argument libyen, ont insistésur le fait que l'art.7 ne les empêchaitpas de
soumettre l'affaire au Conseil de sécurité(ci-dessous, B);

selon les défendeurs, la Libye n'avaitpas d'exclusivitédans l'exercice des poursuites;

la Libye avait montréque la convention de Montréaln'en octroyait pas davantage aux
défendeurs 29; cela n'a pas empêchéles défendeurs de répéterdans leur contre­

mémoire, sans tenir compte de ce que la Libye avait dit, que l'art. 7 ne conférait

aucune exclusivité à la Libye dans l'exercicedes poursuites (ci-dessous, C).

Enfm, selon les défendeurs, la Libye aurait prétenduque l'art. 7 ne concernait que

l'Etat où se trouvait l'auteur présuméde l'infraction, non les Etats tiers (ci-dessous, D).

26 M.L., § 4.42.
27 M.L., § 4.43 b.
28 M.L., § 4.43 a.
29 M.L., § 4.43 c. 45.
Chap. II- L'interprétationde la convention de Montréal

A. Selon le Royaume-Uni, l'art. 7 se bornait à obliger la Libye à

poursuivre la personne concernée si elle ne l'extrade pas; il ne

conférait aucun droit à la Libye

2.18 En substance, le Royaume-Uni affirme notamment :

"That Article [Art. 7] does not confer any 'right'upon the State which bas custody of the accused;
it imposes an obligation to prosecute." 30

Cet argument développé par le Royaume-Uni 3lavait déjàétéexposé, ainsi qu'on

l'a dit, lors de la demande en indication de mesures conservatoires par la Libye. Celle-ci

l'avaitalors rencontrétant à ce stade que dans son mémoire2.La Libye avait montréque
l'actiondes défendeursconduisait àvioler un droit de la Libye, et àeun triple titre.

D'abord, l'art. 7 étaitl'expression de la règleclassiautdedere autjudicare, Œ
que reconnaissait le Royaume-Uni ~ui-mê 3m. Aut dedere aut judicare, c'était par

définitionla reconnaissance d'un choix. En conférantaux Etats un choix, l'art. 7 leur

reconnaissait undroit, le droit de choisir entre deux obligations : soit extrader l'auteur

présuméde l'infraction, soit le poursuivre directement Les défendeurs, en cherchant à
obliger la Libye à extrader les suspects, l'avaientnécessairementprivéede ce choix, c'est­

à-dire, de Œ droit d'option figurant à l'art. 7. Dans leurs opinions dissidentes aux

ordonnances du 14 avril1992, les juges Bedjaoui, Ranjeva et Ajibola avaient reconnu Œ
point, lequel n'avait d'ailleurs étédémentini par les ordonnances, ni par aucun autre

juge 34.

Ensuite, l'exercice de l'obligationde poursuite énoncéeà l'art. 7, aussi paradoxal

que cela puisse paraître, étaitaussi, en soi, l'exercice d'un droit : celui "de ne pas être

entravédans l'accomplissementde son devoir international"35. Autrement dit, en voulant
forcer la Libyeàleur livrer les suspects, les défendeursavaient bel et bien privéla Libye

de son droit de remplir son obligation de poursuite.

Enfin, les défendeursconduisaient aussi la Libye à violer ses propres lois : la loi

libyenne faisait obstacle à l'extradition des nationaux; la convention de Montréal,en son

30 C.M.B., § 3.49.
31 C.M.B., §§ 3.47-3.51.

32 M.L., § 4.43.
33 C.M.B., § 3.47.
34 Extraits pertinents in M.L., pp. 108-109.
35 C.l.J., Rec. 1992, op. diss. Bedjaoui, pp. 38-39, 148-149.46.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

art. 8 § 3 reconnaissait que l'extradition ne devait êtreaccordéeque "dans les conditions

prévuespar le droit de l'Etatrequis". L'art.7 qui devait êtrelu en combinaison avec l'art.

8 - ainsi que la Cour l'a admis 36 - , conféraitdonc bien aux Etats parties le droit

d'agirdans les limites prévuespar leur loi interne. En voulant obliger la Libye à leur livrer
les suspects, les défendeursavaient entravélà aussi l'exercice du droit par la Libye de

n'agirque dans les limites de ses lois nationales.

Tous ces arguments ont été longuement développés dans le mémoirelibyen 37. La

Libye doit bien constater que les défendeursn'ontpas vraiment tentéd'y répondre, et que

le Royaume-Uni en particulier se borne à répéterune argumentation déjàprésentéelors

des plaidoiries relatives à la demande d'ordonnance en indication de mesures
conservatoires. La Libye ne peut donc que s'entenir à ce qu'ellea déjàdit et qu'elle vient

de rappeler ci-dessus de manièresynthétique.

2.19 D convient d'ajouter que l'art. 7, en prévoyantque l'Etat partie à la convention,
soumet l'affaire à ses autorités,jouit aussi, implicitement, du droit de choisir le lieu du

procès. A cet égard, le fait de laisser les suspects se rendre à La Haye pour comparaître

devant lajuridiction écossaiseest uneforme d'applicationde la convention de Montréal.

B. De toute façon, selon les défendeurs, l'art. 7 ne les empêchaitpas

de soumettre l'affaire au Conseil de sécurité

2.20 Mêmesi l'art. 7 conféraitun droit à la Libye, les défendeurs estiment qu'ils n'

avaient pas violéce droit en soumettant l'affaire au Conseil de sécuritécar rien dans la
convention n'interdirait à un Etat de soumettre l'affaire au Conseil de sécurité

conformémentà l'art. 35 de la Charte des N. U.3s. Ainsi, pour les Etats-Unis:

"Many- indeed, perhaps most -of the situations on which the Security Council is urged to
actinresponse to threats to peace andsecurity are regulated in sornedegree by treaties or involve
claims of rights by states under treaties. That is part of the reason for including Article 103 in
the Charter. It cannot violate those treaties for one of the states concemed to exercise its right
under the Chartertoappealto the SecurityCouncil.39

Pour le Royaume-Uni,

36 Arrêtdu 27 février 1998, C.l.J., Rec. 199p. 21 §29.
37 M.L., §§ 4.14- 4.31 et 4.43.
38 C.M.A., §§ 2.48- 2.51; C.M.B., §§ 3.52- 3.61.
39 C.M.A., § 2.51. 47.
Chap. II - L'interprétationde la convention de Montréal

"To argue, as Libya does, that a State may violate a bilateral or multilateral treaty merely by

bringing before the Security Council a matter concerning international peace and security, would
introduce a serious and wholly unwarranted obstacle to the exercise by the Council of its primary
responsibility under theted Nations Charter. The act of referring the matter to the Council
cannot, therefore, of itself, be a credible and sufficient foundation for the Libyan allegation that
the United Kingdom acted in such a way as to frustrate the operation of the Montreal
Convention."40

2. 21 L'argument est identique à celui déjà évoquéplus haut, à savoir que rien

n'empêcheraitles Etats parties à la convention de Montréal de s'efforcer· d'arrêterles
auteurs de faits viséspar celle-ci en se fondant sur un autre instrument que la convention

(supra § 2.8). La réponse à cet argument se trouve ici aussi dans les principes de

l'application de bonne foi des traités, de l'interdiction de l'abus de droit, de la lex

specia/is et de l'electa una via (supra §§ 2.9/10). L'argument ne serait acceptable que
s'il étaitdûment prouvé que la Libye avait étéimpliquéedans l'incident de Lockerbie,

preuve qui, faut-ille répéterencore et encore, n'atoujours pas été rapportée.

C. Lu seul ou en combinai~ avenc d'autres dispositions, l'art. 7,

selon les Etats-Unis, ne conférait aucune exclusivité à la Libye dans

1'exercice des poursuites

2.22 Cet argument est présentépar les Etats-Unis 41. Après avoir étudiéles travaux

préparatoiresde la convention de Montréal,ils concluent à propos de déclarations faites

par les Etats lors de la conférencediplomatique :

"As these statements show, there was no agreement to akl any system of priorities to the
Montreal Convention, and none was written into the text. The delegates at Montreal did not give
any of the States authorized to exercise jurisdiction under the convention priority over any other."
42 [... ]
"Thus, none of the additional provisions invoked by Libya [... ]-1, 5, 6 and 8 -[...]
supports Libya'sclaim to have an exclusive right or priority in the investigation and prosecution
of those accused of destroyingAman103."43

2•23 Encore une fois, la Libye ne réclameaucune prioritéde juridiction, et elle lit la
convention et ses travaux préparatoiresde la mêmemanière que les Etats-Unis, à savoir

qu'aucun systèmede prioritéde compétencen'ya étéprévu. Si la Libye rejoint les Etats­

Unis sur ce point, les conclusions qu'elle en tire sont toutefois diamétralement opposées à

celles des Etats-Unis :c'est précisémenp t arce que la convention de Montréalne prévoit

40 C.M.B., § 3.59.

41 C.M.A., §§ 2.21 - 2.34.
42 C.M.A., § 2.29.
43 C.M.A., § 2.34.48.
Chap. II - L'interprétadela convention de Montréal

aucune priorité que l'action des défendeurs, en tendant à leur assurer l'exclusivité des

poursuites - donc une priorité !... -, apparaissait conune une violation de la
convention.

D. La Libye, selon Les Etats-Unis, aurait prétendu que l'art. 7 ne

concernait que l'Etat où se trouvait l'auteur présuméde l'infraction,

non les Etats tiers

2. 2 4 Variation de l'argument précédent,les Etats-Unis soutiennent que la Libye aurait

revendiqué, en tant qu'Etat du lieu de l'arrestation, un droit prioritaire de poursuite 44.
Ainsi, ils écrivent:

"Libya must be contending that Article 7 implicitly gives Libya, where the accused persons
apparent!yarelocated, a right to investigate and perhaps try them that is superior to the right of
any other Convention party. In addition, this implicit right precludes other parties to the
Convention from seeking to exercise jwisdiction if Libya says it intends t45do so."

2. 2 5 L'argument est fondésur une nouvelle déformationde l'argumentation libyenne.
La Libye n'a jamais prétendu jouir d'une quelconque priorité dans l'exercice des

poursuites et, d'ailleurs, il est significatif que les Etats-Unis sont incapables de citer le

moindre extrait du mémoire libyen qui confmnerait les prétentions qu'ils prêtentà la

Libye. Celle-ci dit simplement que, en tant qu'Etat du lieu d'arrestation des suspects, elle
avait le droit et l'obligation de les poursuivre en vertu del'art7 de la convention combiné

avec les art.5 § 2 46 et 8 § 347. Dès lors, ni ce droitni cette obligation ne pouvaient être

mis en périlpar l'action des défendeurs. Lorsqu'une convention multilatéraleconfère des
droits aux Etats parties et que l'un d'eux entend exercer son droit, il ne prétend pas pour

autant jouir d'un droit prioritaire sur celui des autres Etats parties. Tout ce qu'il prétend,

c'est exercer son droit dans les conditions prévues par la convention. Si dans le contexte
propre à cette convention, l'exercice de ce droit implique, de facto, une priorité par

rapport aux autres Etats, c'estparce que la convention l'aadmis et on ne peut reprocher à

l'Etat d'exercer un droit qui découle des termes ou de -l'économie généralede la
convention.

44 C.M.A., §§ 2.19 - 2.20.

45 C.M.A. § 2.20.
46 Obligation pour l'Etatd'établirsa compétenàl'égardde l'auteurprésumd'uneinfraction viséepala
convention si l'auteur se trouve sur le terrdeol'Etat et si celui-ci ne l'extradepas vers un autre
Etatpartie.
47 Obligation pour l'EtatŒ considérelaconvention de Montréalcomme convention d'extraditiondans
les conditions prévuespar le drdecet Etat 49.
Chap. II- L'interprétationde la convention de Montréal

2. 2 6 Dans le cas de la convention de Montréal,c'étaitjustement l'absence de priorité
dans l'exercice des compétencesqui obligeait chaque Etat partie à respecter le droit des

autres Etats de poursuivre l'auteur présumé de l'infraction conformément à ses
compétences. La Libye n'empêchaitpas les défendeurs.de pousuivre les suspects in

abstentia si leur droit les y autorisait alors que les défendeurs cherchaienà empêcherla

Libye d'exercersa compétencepersonnelle active.

*

2. 2 7 En conclusion, on voit qu'aucun des arguments des défendeurs relatifs à

l'impossibilitépour la Libye de se prévaloirà leur encontre de l'art. 7 ne résiste à une

analyse sérieuse. La Libye s'estime fondée à considérer que par leur action visant à
refuser d'appliquer la convention de Montréal, les défendeurs ont violé celle-ci, et

notamment son art. 7. Leur responsabilitéest engagéede ce fait.

*

Section 4 - L'application de l'art. 11 de la convention de Montréal au

présent différend

Introduction

2. 2 8 Pour rappel, l'art. 11 § 1dont la Libye demande l'application, dispose :

"Les Etats contractants s'accordent l'entraidejudiciaire la plus large possible dans toute procédure
pénale relative aux infractions. Dans tous les cas, la loi applicable pour l'exécution d'une
demande d'entraide est celle de l'Etatrequis."

Dans son mémoire, la Libye avait souligné que cet article énonçait une règle
d'entraide judiciaire obligatoire entre les parties avec pour seule limite l'application du

droit de l'Etatrequis48.

2. 29 La Libye avait égalementmontré,en réponseà des arguments développéspar les

défendeurs lors des plaidoiries sur la demande libyenne d'indication de mesures

conservatoires, que :

48 M.L., § 4.44.50.
Chap. II -L'interprétationde la convention de Montréal

rien ne permettait de dire que l'art. 11 étaitune disposition annexe, secondaire ou
accessoire 49; les défendeursn'ontpas contestéce pointdans leur contre-mémoire;

il étaitévident que l'art. 11 ne s'appliquait que si la convention de Montréal

s'appliquait 50; les défendeursont repris cet argument; on y reviendra (infra §§

2.31/32);

l'art. 11§ 1 obligeait l'Etatrequis à apporter sa coopérationjudiciaire à tout Etat qui

veut poursuivre l'auteurprésumé d'un fait visépar laconvention 51; les défendeurs
n'ontpas contestéce pointdans leur contre-mémoire;

la communication des preuves de l'infractionne compliquaitpas l'exercicede l'action
pénalechez les défendeurs 52; les défendeursn'ont pas contestéce point dans leur

contre-mémoire;

l'octroide l'entraide judiciaire ne dépendpas d'un jugement d'opportunitéde la part

de l'Etat requis 53; les défendeurs n'ont pas contestéce point dans leur contre­

mémoire;

le fait que le Royaume-Uni refuse de délivrerles preuves qu'on lui réclamealors
qu'en matière d'extradition et en tant qu'Etat requis, il a pendant longtemps

subordonnél'octroi de l'extraditionà la condition que l'Etat requérantlui apporte un

prima faciecase, tend à montrer que les preuves qu'il possède ne sont peut-êtrepas
aussi solides qu'il le prétend5 ; les défendeursn'ont pas contestéce point dans leur

contre-mémoire.

2.30 Les défendeurs n'ont repris qu'un de ces arguments, et en ont invoqué deux

nouveaux:

la question de l'application de l'art. 11 ne se posera qu'après que la Cour aura

reconnul'applicationde la convention de Montréal(ci-dessous, A);

49 M.L., §4.46 a.
50 M.L., §4.46 b.
51 M.L., §4.46 c.
52 M.L., §4.46 d.
53 M.L., § 4.46e.
54 M.L., § 4.46f. Chap. II-L'interprétatdela convention de Montréal 51.

la demande d'assistance judiciaire de la Libye étaittrop imprécisepour relever de l'art.

11 (ci-dessous, B);

le droit interne des défendeursfait de toute façon obstacle à ce qu'il soit donné suite à

la demande libyenne (ci-dessous, C).

A. Selon le Royaume-Uni, la question de l'application de l'art. 11 ne
se serait posée qu'après que la Cour aurait reconnu l'application de

la convention de Montréal

2. 31 Le Royaume-Uni reprend ici un argument consistant à dire qu'étant donné

l'existence d'un différend entre les parties sur le droitpour la Libye de poursuivre les
accusés au lieu de les transférervers un des défendeurs, la question de l'application de

l'art.11 n'aurait dû se poser qu'à l'issue du règlement du différend55 :

"Wherethere is a dispute over jurisdiction, the obligation in Article 11 cannot arise until such
tirne as that dispute bas been re56lved."

2. 32 n est exact que l'art. 11 de la convention de Montréal ne s'applique que si la

convention elle-mêmes'applique, mais si la Cour reconnaît que la convention s'applique,

l'art.11 apparaît alors comme violé ipsojure et abinitia par l'Etat qui ne s'y est pas
conformé. La Cour peut le reconnaître dans le mêmetemps qu'elle reconnaît l'application

de la convention.

Le raisonnement du Royaume-Uni revient à dire que la reconnaissance de la

violation d'une règle est toujours subordonnée à une première phase procédurale où le

juge devrait se prononcer sur l'applicabilité de la règle avant de pouvoir ouvrir une
seconde phase où il se prononcerait sur son éventuelleviolation. S'il en allait ainsi, il

suffirait à tout défendeur de soulever une exception préliminaired'applicabilitéde la règle
en cause pour ouvrir une procédureen deux étapeset retarder d'autant la décision fmale

du juge. Le droit et la pratique montrent qu'il n'en va pas ainsi en dehors de certaines

procédures spécialement organisées de cette manière comme en matière d'exceptions
préliminaires de compétence et/ou de recevabilitédevant la C.I.J.57

55 C.M.B., §§ 3.86- 3.91.
56 C.M.B., § 3.91.
57 Règlement de la C.I.J., art.79.52.
Chap. II -L'interprétationde la convendeMontréal

B. Selon les Etats-Unis, la demande d'assistance judiciaire de la Libye

était trop imprécise pour relever de l'art. 11

2. 33 Les Etats-Unis estiment que la demande d'entraide judiciaire du juge al-Za.wi

adresséeau présidentdu grand jury fédéral du Districtof Columbia aurait étéimprécise

ou non conforme aux standards usuels pour qu'il y fût donné suite 58. Les Etats-Unis
invoquent deux arguments.

2. 34 La demande étaitimpréciseen ce qu'ellen'invoquaitni la convention de Montréal,

ni afortiori son art.11 :

"A State called upon to provide law enforcement assistance that the requester claims to be legally

requiredsurely is entitled to be told of the requester'sposition andof the legal basis of the
request Judge al-Zawi'srequest did not do either."

L'argument n'exige pas une réponse très approfondie : il est évident que, de

manière générale,l'application d'une regle (convention, loi, règlement ...) n'est pas

subordonnéeà son invocation expresse : nemo /egemcenseturignorare ! De toute façon,
si les autorités judiciaires américaines ignoraient l'existence de la convention de

Montréal(!) au moment où le juge al-Zawi leur adressait sa lettre (27 novembre 1991),

cette ignorance supposéen'étaitplus de mise lorsque le 11 janvier 1992, la Libye fondait

expressémentsa position sur la convention 60.

2. 35 Pour les Etats-Unis, la requêtelibyenne d'entraide judiciaire ne précisaitpas que

l'octroide l'assistance étaitune obligation :

"It did not suggest that there was any obligation to·provide the material sought. Instead, the letter
was framed as a request, in language indicating that compliance by thesseewas voluntary.
(We hope thatyou will make thipossible...'(emphasis added)"61.

L'argument paraît bien formel : la convention de Montréal ne prévoit pas de
condition de forme particulièrepour les demandes d'entraide judiciaire; dans ce domaine,

il existe des usages plutôt que des règlescoutumières sur les formes de cette entraide. En

outre, l'utilisation de formes courtoises n'exclut pas l'existence d'une obligation sous­
jacente.

58 C.M.A., §§ 2.35 - 2.38.
59 C.M.A., § 2.37.
60 M.L., § 2.15.
61 C.M.A., § 2.37. 53.
Chap. il -L'interprétation de la convention de Montréal

2•36 Les Etats-Unis invoquent aussi le fait qu'ils ne devaient pas donner suite à une

demande qui ne correspondait pas à ce que le Conseil de sécuritéexigeait 62. Cepoint est

liéau problème du conflit entre la convention de Montréalet les résolutions du Conseil de

sécurité; il sera traitéplus loin dans ce cadre (infra, chapIII).

C. Selon les défendeurs, leur droit interne faisait de t~ute façon
obstacle à ce qu'il fût donné suite à la demande libyenne

2. 3 7 Les défendeurs observent qu'ils ne devaient donner suite à la demande d'entraide
judiciaire que dans le respect de leur droit, conformément àce que prévoitl'art. 11.

Sur cette base, le Royaume-Uni observe que le droit écossais autorise le refus

d'assistance notamment pour des raisons de sécuritéou d'intérên tational; il aurait dès lors
étécontraire à l'intérêtnational d'accorder l'assistance à la Libye, d'une part, en tant

qu'Etat impliquédans l'infraction, d'a.utrepart dèslors que l'infraction avait étécommise

sur le territoiree l'Etatrequis et qu'uneenquêtey étaitmenée 63. Ainsi, le Royaume-Uni

écritque si

"The Lord advocate has, on the basis of enquiries carried out on his behalf, reason to suspect that
the requesting State is itself implicated in the crime, he woulding in his public duty to
uphold the law if he were to disclose the authorities of that State material which would otherwise
4
be confidential to the Public Prosecutor." 6

De manière analogue, les Etats-Unis affirment qu'il existait "substantial grounds

for believing that alleged operatives of Libyan intelligence had destroyed Pan Am 103" 65

et que

"In these circumstanceit was reasonable for U.S. officiais to conclude that complying with
Libya'srequest would probably resuinthe premature disclosure to the alleged perpetrators of a

terrorist act of the evidence against them prior to their appearance before the court. This would
give those perpetrators a powerful tool to disrupt further investigationsto prevent an
effective trial."

62 C.M.A., § 2.38.

63 C.M.B., §§ 3.92- 3.102; voy. aussi§§3.104- 3.121.
64 C.M.B., § 3.102.
65 C.M.A., § 2.46
66 C.M.A., 2.47.54.
Chap. II -L'interprétatdenla convention de Montréal

Ce type d'argument est fondé sur la présomption récurrente que la Libye est
responsable de l'incident de Lockerbie. Sans preuve, l'argument n'est qu'un slogan sans

valeur juridique (cfr.supra § 2.11).

2. 3 8 Le Royaume-Uni dit aussi que le droit écossais de l'assistance judiciaire

internationale tel qu'il ressort du 1990 Act et des Guidel~ quiesles accompagnent
interdisait aux autorités écossaises d'accorder leur collaboration lorsque des -poursuites

avaient été entreprises devant unejuridiction écossaise:

"[...] under the 1990 Act and the Guidelines, the Scottish authorities are entitled to refuse
assistance in circumstances in which criminal proceedings have already been initiated before a
67
court in Scotland."

Le Royaume-Uni s'abstientsoigneusement de citer le moindre extrait pertinent; et

pour cause: la Libye ne trouve pas dans les documents produits par le Royaume-Uni 68

une disposition qui confmnerait l'interdictionfaite aux autoritésécossaises de délivrerles
élémentsd'un dossier parce qu'il fait l'objet d'une procédure devant une juridiction

écossaise.On lit au contraire dans les GUide/ines que :

"The United Kingdom will renderthe maximum possible assistance, and cases of refusai are
expected to be rare1twill furthennore be the nonnal practice, except in clear-cut cases, to

consult the requesting State before finally concluding that a requesbecexecuted (either
wholly or in part), and to discuss any possibility for overcoming the difficulties preventing
execution." 69

Le moins qu'on puisse dire est que le Royaume-Uni n'a guère abusé de cette
disposition ! Sans doute, le Royaume-Uni a-t-il considérécomme un "clear-cut case" le

fait d'accuserla Libye d'être impliquéedans l'incidentde Lockerbie.

2. 39 Les Etats-Unis prétendentaussi faire échecà l'applicationde l'art. 11 en raison du

fait que larègle6 (e) des FederalRu/esof CriminalProcedure interdit aux membres d'un
grandjury et aux personnes qui font partie de son staff de transmettre toute information

relative à l'exercicede leurs fonctions. Les Etats-Unis écrivent:

"No exception to this rule of secrecy apply to grand jurors or the foreperson. For them, the rule
of non-disclosure is absolute, andany knowing violation 'may be punished as a contempt of
70
court'."

67 C.M.B., § 3.101.
68 Les UK Guide/ines d'août 1991, reproduiin CM.B., annexe 104.

69 Guide/ines,§ 40,in C.M.B., annexe 104, soulignépar la Libye.
70 C.M.A., § 2.43. 55.
Chap. II - L'interprétationde la convention de Montréal

L'argument est vain : d'abord,l'obligation d'entraide énoncéeà l'art. 11 lie l'Etat

américaindans son ensemble, en ce compris un grand jury en tant qu'organe de l'Etat;

ensuite, la règledu secret, si elle s'applique au grand jury, ne lie pas le gouvernement
américainqui reste pour la Libye le premier débiteurde l'obligation; en outre, cette règle

du secret vise essentiellement les membres du jury dans leurs relations avec le public; elle

ne s'applique évidemmentpas aux relations de l'organe judiciaire avec un autre organe
judiciaire dèslorsque celui-ci est aussi liépar une règlede confidentialité; ilest d'ailleurs

imaginable d'assortir d'une condition normale de confidentialité la transmission du

dossier aux autoritéslibyennes; enfin, si la règlede confidentialitédevait faire obstacle à
l'entraide judiciaire, l'obligation énoncéeà l'art. 11 ne pourrait quasiment jamais être

remplie de manièresatisfaisante, et telle n'étaitcertainement pas l'intention des rédacteurs

de cette disposition.

2.40 Le R.-U. prétendaussi que l'obligation énoncée à l'art. 11 § 1 de la convention

de Montréalserait de caractère limité,et illaisse entendre que l'obligation d'assistance

judiciaire prévue à la première phrase du § 1 de l'art. 11 serait subordonnée au droit
interne de l'Etatrequis :

"[...] it is evident from the negotiating [dela Conférencede Montréal]that the second
sentenceof Art. 11(1) was in factintendedtoqualifythe substantivescope of the obligation to
co-operate.t was not intendedsimplyto addressissuesof procedur71"

A l'appui de cette affmnation, le Royaume-Uni cite un extrait des actes de la
Conférencede Montréaloù, répondantau représentantde l'Australie qui s'interrogeait sur

le sens de la 2e phrase de l'art. 11 § 1 (art. 10 § 1dans le projet initial72,le Secrétairede

la Commission plénièreexpliquait que cette disposition s'inspirait de certains instruments
européensd'extradition : si les deux Etats étaientparties à un traitéd'extradition, le droit

interne s'appliquaitconformémentà ce que prévoyaitce traité;si aucun traité de ce genre

ne liait les deux Etats dans leurs relations mutuelles, le droit interne de l'Etat requis
s'appliquait 73.

n semble difficile de voir dans une explication aussi lapidaire un fondement à la
thèse "that the second sentence of Art. 11 (1) was in fact intended to qualify the

substantive scope of the obligation to co-operate".

71 C.M.B., § 3.79.
72 "Danstous lescas laloiapplicablepourunedemanded'entraideest cellede l'Etatrequis."
73 Texte in C.M.B., §3.79.56.
Chap. ll -L'interprétationde la convention de Montréal

En réalité,l'obligation d'entraide énoncée à l'art. 11 § 1 doit êtreremplie de

bonne foi, à l'instar de toute obligation internationale (convention de Vienne sur le droit
des traités, art. 26; Déclarationsur les relations amicales, 7e principe, A/Rés. 2625, 24

oct. 1970), et de manière exhaustive : l'entraide judiciaire que les Etats sont tenus de
s'accorder doit être "la plus large possible" (en anglais, "the greatest measure of

assistance") (art. 11 § 1, le phrase). n s'agit à la fois d'une obligation de résultat -

s'accorder l'entraide judiciaire - et d'une obligation de moyen - le quantum de
l'entraide doit êtrele plus large possible.

Or les défendeurs, en prétendantsubordonner l'obligation d'entraide au droit de
l'Etat requis, déforment complètement le sens de l'art. 11 § 1. Ils confèrent à la deuxième

phrase de cet alinéaune portéequi ne correspond ni à la lettreni à l'esprit du texte. En

appliquant à ce dernier les critèresde l'art.31 § 1 de la convèntion de Vienne sur le droit
des traités- donner aux termes du traité leur "sens ordinaire" en tenant compte du

contexte, de l'objet et du but du traité-, on constate que la deuxième phrase du § 1 de

l'art. 11 se borne à renvoyer aux modalitésd'exécution de l'obligation, mais il ne
subordonne nullement cette exécutionaù droit interne de l'Etat requis. S'il en avait été

autrement, le texte l'aurait indiqué, par exemple en disant, comme pour l'extradition telle

que prévue à l'art. 8, soit, que l'entraide "est subordonnéeaux autres conditions prévues
par le droit de l'Etat requis" (art. 8 § 2; souligné par la Libye), soit que celle-ci est

accordée"dans les conditions prévues par le droit de l'Etat requis" (art. 8 § 3, souligné

par la Libye). L'art. 11 § 1 aurait, par exemple, étérédigécomme suit:

"Les Etats s'accordent, dales conditions prévuespar le droit de l'Etat requil'entraide
judiciaire la plus large possible danprocédurepénalerelative aux infractions." (souligné
par la Libye)

Sous cette forme, la disposition aurait clairement fait dépendre l'exécution de
l'obligation du droit interne de l'Etatrequis. Tel n'estpas le cas de la rédactionactuelle de

l'art. 11 § 1 qui opère une nette distinction entre l'obligation d'une part, ses modalités

d'exécution de l'autre. Le moyen des défendeurs fondé sur les restrictions prétendues de
leur droit interne étaitdonc sans fondement.

* 57.
Chap. ll -L'interprétade la conventdeMontréal

2. 41 En conclusion, aucundes argumentsavancéspar les défendeursne faisait obstacle
à l'applicationde l'art.11 de la convention au présentdifférend.En ne respectant pas

cette disposition, les défendeursont violéici aussi la convention de Montréal. Leur
responsabilitéest engagéede ce fait.

* * *58.

CHAPITRE III - LES RESOLUTIONS 731, 748, 883 et 1192

lntroduction

3.1 TIa étémontrédans le chapitre 1erde la présenterépliqueque le différend n'est pas

privéde son objet par la tenue du procès des deux accusésdevant le tribunal écossais
siégeantaux Pays-Bas. Si la Libye et les défendeursont résoluleur différendquant au lieu

du procès, ceci n'empêcheque les défendeurs ont violéla convention de Montréal de

façon continue entre 1992 et leur acceptation de la tenue du procès aux Pays-Bas. La
constatation de cette violation par la Cour doit permettre à la Libye de demander réparation

pour le préjudicequ'elle a subi.

Ce chapitre montrera que le différend n'est pas non plus privé d'objet par les

résolutions 731, 748, 883 et 1192 du Conseil de sécurité.Plus particulièrement, on verra

que les décisionsdu Conseil de sécurité relatives au procèsdes accusésn'ont pas privé-
ni pu priver- la Libye de ses droits en vertu de la convention de Montréal, tels qu'ils

sont exposésau chapitre ll de cette réplique.Les décisionsdu Conseil ne portent donc pas

atteinte à la constatation que les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont violé laconvention de
Montréal.

La section 1 rappellera d'abord l'interprétationdes textes des résolutions 731,
748 et 883 et des déclarationsy relatives, telle qu'elle a notamment étédéveloppéedans le

mémoire de la Libye, et selon laquelle les résolutions 731, 748 et 883 exigeaient

uniquement que les Etats directement concernésnégocientune solution adéquate. TIsera
répondu aux arguments des défendeurs sur ce point. TI sera montré ensuite que la

résolution 1192 a consacré l'interprétationlibyenne des résolutions antérieures. Cette
1
interprétationa ainsi acquis un caractère que l'on peut qualifier d'authentique , qui a
depuis égalementétéconsacréepar les faits.

A la section 2, il sera montréque cette interprétation s'impose d'autant plus
qu'elle est la seule à pouvoir garantir la conformitédes résolutionsen cause avec la Charte

des Nations Unies. Sur ce plan, la Libye rappellera d'abord son interprétation des

pouvoirs du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VITde la Charte, telle qu'elle a été
développéedans le mémoire.La Libye répondra à la thèsedes Etats-Unis et du Royaume-

1 C.PJ.I.affaire concernant la délimitationde lafrontière polono-tchécos/ovaque (affaire de Jaworzina),
6 décembre1923, avis consultatifs, C.P.J.l .. SérieB n° 8, p. 37. 59.
Chap.rn -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

Uni sur ce point. D sera montré ensuite que, depuis le dépôt du mémoire libyen, le

Conseil de sécurité et l'Assembléegénérale ont adoptédiverses résolutions qui confirment

l'interprétationlibyenne des pouvoirs du Conseil de sécurité.Pour conclure, la Libye
montrera que la Cour a le pouvoir d'interpréterles résolutionsdu Conseil de sécuritéde

façon à garantir leur conformité avecla Charte des Nations Unies.

Le présent chapitre n'approfondira pas la constatation que les résolutions 731,
748, 883 et 1192 ne privent en aucun cas de son objet le différendrelatif à la tentative des

Etats-Unis et du Royaume-Uni de se soustraire à leurs obligations en vertu de la

convention de Montréalen menaçant de recourir à la force contre la Libye. Cet aspect du
différendsera analyséau chapitre IV, où il sera montréque ces menaces constituent une

violation de la convention de Montréalet que les résolutionsdu Conseil de sécuritén'ont

en aucun cas privéd'objet le différendy relatif.

Section 1 - L'interprétation des résolutions731, 748, 883 et 1192 suivant

leur libelléet à la lumièrede leur but

3. 2 D est montréci-aprèsque les résolutions731, 748 et 883 n'exigeaient pas, sans
aucune alternative possible, que la Libye livre ses nationaux aux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni. Ceci ressort de la rédactiondes résolutions731, 748 et 883 (ci-dessous,

A), et est confmné par la résolution 1192 (ci-dessous, B).

En procédantà cette analyse, la Libye souscrit donc à la thèse du Royaume-Uni

qu'en interprétantune résolution, il faut tenir compte de ce que "a given resolution is
2
frequent!y part of a series of resolutions addressing the same subject" •Ceci est au coeur
de l'analyse de la Libye.

Ce faisant, la Libye souscrit égalementà la méthoded'interprétationproposée par
le Royaume-Uni, pour qui une résolutiondoit êtreinterprétée"de bonne foi suivant le

sens ordinaire à attribuer à ses termes dans leur contexte et àla lumièrede son objet et de

son but" 3. La Libye ne peut que regretter que, comme il apparaîtra ci-après, les Etats­

Unis n'aient pas estiménécessairede se conformer à ce principe élémentaire.

2 C.M.B, p. 69,§ 4.12.
3 Ibid., pp. 68-69§§4.10-4.11.60.
Chap. III - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

A. Les résolutions 731, 748 et 883 : état de la question avant la

résolution 1192

1. La résolution731 0992)

3. 3 Dans la résolution731, le Conseil ne reprend pas le contenu des demandes anglo­
américaines et françaises. n ne fait qu'y renvoyer 4• Au deuxième paragraphe du

dispositif, le Conseil reformule ces demandes, en déplorant

"quele Gouvernementlibyenn'ait pasrépondueffectivemenà ce jour aux demandesci-dessuŒ
coopérer pleinement pour l'établissement des responsabilités dans les actes terroristes
susmentionnés [...]" 5.

n s'agit donc, pour la Libye, de coopéreravec le Royaume-Uni et les Etats-Unis,

ce qui implique une relation d'égal à égal. Cette coopération doit viser à établir les

responsabilités dans les actes terroristes. Ceci suppose bien sûr que les accusés soient

jugésde façon indépendanteet impartiale, mais le Conseil ne dit pas que cet objectif doit
êtreatteint par la livraison des accusésalix Etats-Unis ou au Royaume-Uni.

Le troisième paragraphe du dispositif confmne cette analyse. Le Conseil y
demande à la Libye

"d'apporterimmédiatemenutneréponsecomplèteet effectiveà ces demandesafm de contribuer à
l'éliminatiodu terrorismeinternational".

Contrairement aux verbes "satisfaire" et "se conformer", qui impliquent la

soumission à la volontédu demandeur, le verbe "répondre"signifie : "faire connaître en
retour sa pensée à quelqu'un qui s'adresse à vous" 6.En demandant une "réponse" aux

demandes anglo-américaines, le Conseil loin d'exiger que la Libye se soumette à la

volontédu Royaume-Uni et des Etats-Unis, reconnaît implicitement à la Libye le droit de

faire des contre-propositions.

4 Doc.ONUS/R.ésn3t(1992),§ 6 dupréambule:"Profondémentpréoccupépar ce qui résultedes en­
quêtesimpliquant desfonctionnaires du Gouvernement libyen et qui est mentionné dans les
documents du Conseilde sécuritquifontétatdes demandes adresséaux autoritéslibyennesparles
Etats-Unis d'Amérique[...], la France [...] et le Royaume-Unide Grande-Bretagneet d'Irlandedu
Nord [...]". Annexe no1. ·
5
Ibid.,§ 2 du dispositif, soulparla Libye.
6 Selon le Petit Robert"satisfaire"signif"fairpour quelqu'unce qu'il demande";la signification
premièredu verbe "répondre"est en revanche"faireconnaîtreen retour sa penséà quelqu'unqui
s'adresseà vous". Selon le Longman Concise English Dictionarla signification premièrede "to
respond"est: "to writeor speak in reply;makean answer".En revanche,"to comply with" veut dire
: "to confonn or adaptone'sactions to another'swishes orto a rule"; et "to satisfy" signifie: "to
discharge;carry out; tomeet a fmancialobligation;to meettherequirementsof', et ainside suite. 61.
Chap. ill -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

La pertinence de cette distinction entre "donnerune réponse" et "se conformer" est

confmnéepar la pratique ultérieuredu Conseil, qui sera analyséeplus loin 7.

3 .4 Cette analyse est par ailleurs confirmée par les travaux préparatoires de la

résolution731, tels qu'ilsressortent des déclarationsfaites par des membres du Conseil, à

savoir, les déclarationsfaites par la Chine, le Maroc, le Zimbabwe, l'Equateur, le Cap
8
Vert, l'Inde, et le Venezuela, déjàcitéesdans le mémoirelibyen • Ces déclarations font

étatd'un avant-projet de résolutionqui a étéamendéà l'initiative des Pays non alignés,
lors des entrevues précédant la séancepublique du Conseil. Les amendements visaient à

promouvoir le règlementdu différendde commun accord entre les parties, conformément

au droit international, et visaient à faire intervenir le Secrétairegénéral à cette fin. Cette

approche était soutenue par sept membres du Conseil, dont un membre permanent

Indépendamment du droit de veto chinois, ces sept Etats disposaient ensemble d'une
minoritéde blocage ou d'un "veto collectif'. Si ces Etats ont tous émis un vote positif,

c'estque leurs exigences ont étésatisfaites, comme l'ad'ailleurs expressément soulignéle

représentantde la Chine 9.

3. 5 C'est donc à tort que le Royaume-Uni affirme, sans s'en expliquer, que "it is not a
full and effective response to demands that a State does 'x' that it offers to do 'y'

instead"lO.

C'est égalementà tort que les Etats-Unis se prévalentde l'unanimitédes membres
11
du Conseil pour affirmer que celui-ci a fait siennes les demandes anglo-américaines • En

réalité,l'unanimitén'apu êtreobtenue qu'en raison du fait que le Conseil de sécuritén'a
pas repris les demandes anglo-américaines.Le Maroc a ainsi déclaré:

"[...]nous sommes en présence del'application d'un principe dedroit international [...]. Il s'agit
bien sûr du principe d'extraderou de juger.

7 V. Doc. ONU S/Rés/1044 (1996), § 4 (a) et infra,§ 3.24, annexe n° 12. Il s'agit notamment de la
résolution 1044 adoptéesuite à l'attentat contre le Présidentégyptien Moubarak en Ethiopie. Dans
cette résolution, le Conseil cherche à mettre en oeuvre le droit international applicable, puisqu'il
exige du Soudan qu'il extrade les suspects vers l'Ethiopie conformément au traitéd'extradition conclu
en 1964 entre l'Ethiopie et le Soudan. Dans contexte, c'est bien une deman"de se conformer" qui

est adresséeau Soudan.
8 M.L., pp. 159 et s.
9 Doc. ONU S/PV.3033, 21 janvier 1992, p. 86, citédans le M.L., p. 159, annexe n° 83.

10 C.M.B., p. 83, § 4.46. S'agissant de l'argument du Royaume-Uni que "the Council has not
considered Libya's response tbe full and effective" (ibid.), il est renvoyéaux paragraphes 3.11 et ss.
ci-après, où il sera montréque la résolution1192 donne une interprétationauthentique des résolutions,
731,748 et 883, interprétation qui consacre l'interprétationlibyenne.

11 C.M.A, p. 54, § 3.8 : "through Resolution 731, the Security Council unanimously adopted these
demands [contained in documents S/23308, 23306 and S/23309] as his own".62.
Chap. III - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

Dansce cas, le Maroc ne peut en aucuncas estimerque l'adoptidu projetde résolutionqui
nous est soumis aujourd'hui puisse consacrer une exception quelconque à ce principe
incontestabldu droitinternational.[.[LaLibye]doit à tout moment pouvoir faire valoir sa
position,ses droitset sa bonnevolont12"

Les Etats-Unis n'étayentleur interprétationde la résolution731 par aucun autre
argument que celui de l'unanimitédu vote.

2. La résolution748 (1992)

3. 6 La résolution748 confirme entièrementce qui précède 3. Au premier paragraphe

du dispositif, le Conseil, agissantn vertu du Chapitre VII de la Charte,

"DécidequeleGouvernementlibyendoitdésormais appliquersans le moindredélaile paragraphe
3 de larésolution731 (1992) concernantles demandescontenuedansles documentsS/23306,
S/23308et S/23309".

La recommandation de la résolution731 est donc transforméeen décision, mais

son objet reste inchangé:la Libye doit ·"donner une réponsecomplète et effective" aux

demandes anglo-américaines "afin de contribuer à l'élimination du terrorisme

international". La résolution 748 ne fait que confirmer l'obligation de négocier, qui
s'impose à la Libye en vertu du droit international général.Si l'objectif d'établir les

responsabilitésdans l'attentat sur le vol PanAm 103est bien fixé,et d'ailleurs pleinement

soutenu par la Libye, le Conseil de sécuritélaisse aux EtatS directement concernés une

marge de manŒuvrequant au choix du moyen le plus approprié.

Cetteinterprétationest encore confortéepar le deuxièmeparagraphe du dispositif,

où le Conseildécide

"quele Gouvernementlibyen doit s'engageà cessede manièredéfmitivetoute forme d'action
terroristeet touteassistanceauxgroupesterroristes".

Sur ce point, le Conseil ne dit pas que la Libye doit "répondre" aux demandes

anglo-américaineset françaises. TIreprend expressémentles termes de la déclaration
tripartite des gouvernements américains, français et anglais du 31 décembre 1991

concernant le terrorisme. Ceci confirme a contrarioqu'en demandant une "réponse" aux

demandes anglo-américaines concernant la livraison des suspects, le Conseil ne

s'approprie pas ces demandes.

12 Doc. ONUS/PV.3033, 21 janvier 1992,p. 58/60, M.L., p. 160,annexe n° 83.
13 Doc.ONUS/R.ésn48(1992),annexen°3. 63.
Chap. III - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

3. 7 Dans leur contre-mémoire, les Etats-Unis contestent cette interprétation au seul
motif qu'immédiatementaprèsl'adoption de la résolution748, la Libye aurait elle-même

interprétécette résolution comme l'obligeant à livrer les accusés aux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni 1 •Le Royaume-Uni défendla mêmethèse 15.

Cet argument n'est pas fondé.· La première lecture que la Libye a pu faire de la
résolution748 ne peut, à elle seule, en déterminerla portée. C'est seulement l'analyse

rigoureuse du texte, des travaux préparatoires,etc., à laquelle a procédéensuite la Libye

qui permet de déterminercette portée.

Les Etats-Unis n'ont pas procédéà une telle analyse. Ils opposent seulement à
l'interprétationlibyenne une affirmation péremptoirequi semble s'inspirer de la théoriede

l'acte clair connue de certains droits internes. La Libye reviendra sur ce point lors de

l'analyse de la résolution1192 16.

Le Royaume-Uni ne respecte pas d'avantage les principes d'interprétation qu'il
s'est proposéd'appliquer 17•n fait vaioir que

"itisexttaordinary to argue that by expressly endorsing that end [to establish responsibility for
the terrorist acts] the Security Council was somehow turning its back upon the very clear alXl

express statements by the Govemements of France, the United K.ingdom and the United States
about the means by which thatend was tbe achieved"

et que

"even if paragraph 2 of Resolution 731 stood alone, its endorsement of the end would not entail a
rejection of the means by which the three govemments sought to achieve thal18•

Le premier argument est dépourvude pertinence, dès lors que la Libye ne prétend

pas que le Conseil s'est opposéà ce qu'elle livre les accusés au Royaume-Uni ou aux
Etats-Unis. La Libye soutient uniquement que le Conseil ne l'y a pas obligé. Le deuxième

argument ne peut êtreretenu pour la simple raison que 1'on ne peut pas attribuer au

Conseil de sécurité 1'idéeque la finjustifierait les moyens.

14 C.M.A., p. 55,§ 3.10.

15 C.M.B., p. 89, § 4.58.
16 V. infra,§3.16.
17 V. supra§ 3.2

18 C.M.B., p. 81, § 4.43.64.
Chap. III -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

3. La résolution883 (1993)

3. 8 La résolution883 19 confmne encore l'interprétationlibyenne des résolutions731

et 748.

Au quatrième paragraphe du préambule,le Conseil de sécuritése dit "convaincu

que les responsables d'actesde terrorisme doivent êtretraduits en justice".n formule ainsi

le but de son action, sans apporter aucune précisionou restriction quant au lieu du procès.
n a étémontrédans le mémoirelibyen que cette formule très large ne figurait pas dans

l'avant-projet de résolutionrédigé par les Etats-Unis ete Royaume-Uni 2°.

Au septièmeparagraphe du préambule,qui ne figurait pas dans le projet initial 21,

le Conseil prend note de l'intention de la Libye "d'encourager les suspects [...] de se

présenter" volontairement pour jugement en Ecosse. De même,le 16e paragraphe du
dispositif se réfère àl'hypothèseoù la Libye aurait "assuréla comparution des suspects",

alors que l'avant-projet se référaità leur livraison,comme le font les demandes anglo­
2
américaines 2 •Or, si la résolutionobligeaitjuridiquement la Libye à livrer les suspects,
comme le prétendent les Etats-Unis et le Royaume-Uni, il serait absurde qu'elle fasse

référenceà leur comparution volontaire.

Enfm, toujours au 16e paragraphe du dispositif, le Conseil

"se déclaredispoàéprocédeà larévisiondes mesures [...] afm de les suspendre immédiatement
si leSecrétaire généralrend compte au Conseil que le gouvernementlibyen a assuré la
comparution des suspects [...] devant un tribunal américainou britannique compétent [...]".

Ce faisant, le Conseil s'engage à suspendre les mesures si les accusés

comparaissent devant un tribunal écossaisou américain. n ne dit pas que la Libye ne peut

pas remplir les objectifs du Conseil de sécuritéd'une autre façon. Le Conseil formule
seulement une hypothèseprivilégiée, à laquelle il relie une levautomatique des mesures

coercitives.La référence àcette hypothèses'explique d'ailleurs par les efforts de la Libye

pour convaincre les accusésde se présentervolontairement devant les tribunaux écossais
ou américains.ll n'estnullement exclu que les mesures puissent êtrelevéesdans d'autres

hypothèses.

19 Doc ONU S/Rés/883 (1993), 8 novembre 1993, annexe n° 6.

20 M.L., p. 236 et annexe n° 190.
21 Ibid.
22 En anglais: "bas ensured the appearance". 65.
Chap. III -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

3. 9 Le Royaume-Uni ne contredit pas cette interprétationde la résolution 883. n se
borne à affirmer que "the relevant decisions are contained in paragraphs 1 and 2 and refer

back to the decisions taken in Resolution 748 2 • Or, la Libye a montréque la résolution

748 n'exigeait pas la livraison des suspects (supra§ 3.6).

Les Etats-Unis opposent uniquement à l'analyse de la Libye que onze membres du

Conseil ont votéen faveur de ce texte, et que les déclarationsdes Etats-Unis; de la France,

du Royaume-Uni, de la Russie, de l'Espagne et de la Hongrie démontreraient "the

Council's understanding that its resolutions requiredLibya to handover the suspects for
2
triaf' 4.Une fois de plus, cet argument suggèreà tort que tous les membres ayant votéen
faveur de la résolution883 partageraient l'interprétationqu'en donnent les Etats-Unis. Le

Brésil,qui a votéen faveur de la résolution,a déclaré que

"[...] leseffortsfaitspour combattreet empêchelres actde terrorismedoiventreposersur une
coopérationinternationalefermeet efficaceen se fondant sur les principes pertinents du droit
international et sur les conventions internationales existantesvesaux différentsaspectsdu
problèmedu terrorismeinternational.
[..]
Tel que cela est stipulé dans rarticle 24 de la Charte, le Conseil de sécurité,dans

l'accomplissement de ses devoirs,agit conformémenatux buts et principes des Nations Unies.
Celasigilifieaussiquelesdécisionsprisespar leConseil,y compris les décisionsprises au titre
du chapitre VIl, doivent êtreinterprétéesà la lumière de ces raisons, qui, entre autres, exigent le
respect des principes de lajustice et du droit interna5.onar'

Les onze membres du Conseil ayant voté en faveur de la résolution 883 ne

partageaient donc pas tous l'interprétation des Etats-Unis. Dans ces circonstances,

l'affirmation des Etats-Unis que six membres du Conseil auraient déclaréque la Libye

devait livrer les accusés,ne peut pas êtreinvoquéeà l'encontre de l'interprétationdu texte
de ces résolutions,telle qu'elle est exposéepar la Libye et que les Etats-Unis n'ont même

pas cru utile d'aborder.

4. Conclusion

3.10 n ressort donc d'une analyse textuelle des résolutions731, 748 et 883, ainsi que

des travaux préparatoireset des déclarationsdes membres du Conseil, que ces résolutions

n'obligeaient pas la Libye à livrer les accusésaux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, sans
laisser de place à d'autres solutions. Mêmeà supposer qu'undoute puisse subsister sur ce

point, il n'est pas contestable qu'il s'agit au moins d'une interprétationpossible des

résolutionsen cause, puisqu'elleest explicitement soutenue par une partie du Conseil.

23 C.M.B., p. 87,§ 4.54.

24 C.M.A., p. 56, § 3.11.
25 Doc. ONU S/PV.3312, 11 novembre 1993,p. 62,soulignépar la Libye, annexeno 7.66.
Chap. ill - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

ll sera montré ci-après que cette interprétationdes résolutions 731, 748 et 883

s'impose afortiori comme la seule exacte au regard de la résolution1192, et encore, au

regard des pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu de la Charte.

B . La résolution 1192 (1998)

3. 11 La résolution1192 du27 août 1998 se lit comme suit :

''LeConseilde sécurité,

Rap.pelantses résolutions731 (1992) du 21 janvier 1992, 748 (1992) du 31 mars 1992 et 833
(1993)du 11 novembre1993,

Prenantnote du rapportsexpertsindépendantsdésignépsarle Secrétairegénéra(lS/1997/991),

Considérantlateneurde la lettre datéedu 24 août 1998, adresséeau Secrétairegénlar les
Représentantspermanentspar intérides États-Unis d'Amériquet du Royaume-Uni deG~

Bretagneet d'Irlandedu Nordauprèsdèl'OrganisationdesNationsUnies(S/1998n95),

Prenant note égalementà la lumièredes résolutionssusmentionnées,des communicationsŒ
l'Organisationde l'unitéafricaine, de la Ligue des États arabes, du Mouvdesnpays non
alignés et de laConférenceislamique (S/19941373, S/1997/834, S/1997/35, S/1997/273,
S/1997/406, S/1997/497et S/1997/529),telles que mentionnéesdans la lettre du 24 août 1998,

Agissanten vertuduchapitrvn de la Chartedes NationsUnies,

1. Exige une foiencorqeue le Gouvernementlibyeseconformeimmédiatementaux

résolutionsprécitées;

2. Se félicitdel'initiativetendant à ce que le pdeSdeux personnes accuséesde l'attentat
contre le vol103 de laPan Am ("les deux accusés")ait lieu devant un tribunal écossais
siégeantaux Pays-Bas, comme le prévoientla lettrdatéedu 24 août 1998, émanant des
Représentantspermanents par intérim des États-Unis d'Amériqueet du Royaume-Uni Œ
Grande-Bretagneet d'Irlandedu Nord("l'initiative")et lespiècesquiy sontjointes,Œinsique
la volontédu Gouvernementnéerlandaisdecoopérerà la mise enoeuvrede cette initiative,

3. Demand au gouvernement desPays-Baset au gouvernementdu Royaume-Uni de prendreles

mesures nécessairespour assurermiseen oeuvredel'initiative,y comprparla conclusion
d'arrangementsn vue de permettreau tribunal viséau paragraphe2 d'exercersa compétence
conformément à l'accordprévuentrelesdeux gouvernements,joià llettreprécité,atéedl
24 août 1998;

4. ~ que tous les États devrontcoopérerà cette fin, et qu'enparticulier le gouvernement
libyen devra assurerla remises deux accusésaux Pays-Bas aux fins du procèsdevant le
tribunal viséau paragraphe2, et qu'ildevraassurerquetousélése preuve ou témoinsse
trouvant en Libyesoientrapidementisà la dispositiondu tribunal,sur sa demande,aux fins
duprocès;

5. ~ le Secrétairegénéral,après consultation du gouvernement néerlandais,d'assister le
gouvernement libyen en ce qui concerne les dispositions matérielles requises pour le
transfèrementsûrdesdeuxaccusésdirectementdelaLibyeauxPays-Bas; 67.
Chap.ill -Les résolutionsdu Conseil de sécurité

6. Invite le Secrétairegénl désignerdes observateurs internationaux pour assister au procès;

7. Décideen outre que, dès l'arrivéeux accusésaux Pays-Bas, le gouvernement néerlandais

les placera en détentionen attendant leur transfèrement aux fins du procès devant le tribunal
viséau paragraphe 2;

8.~que les mesures prévuesdans ses résolutions 748 (1992) et 883 (1993) demeurent en
vigueur et continuent de lier tous les États Membres et, dans ce contexte, réaffirme les
dispositions du paragraphe Œ6la résolution 883 (1993et~ que les mesures précitées

seront suspendues dèsque le Secrétairegénlura fait savoir au Conseil que Jes deux accusés
sont arrivésaux Pays-Bas aux fiduprocès devan! le tribunal viséau paragraphe 2 ou qu'ils
ont comparu devant un tribunal compétent aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, et que le
Gouvernement libyen aura donné satisfaction aux autorités judiciaires françaises en ce qui
concerne l'attentatperpécontre le vol UTA 772;

9.~ son intention d'envisager l'adoptionde mesures supplémentaires si les deux accusés ne

sont pas arrivésou n'ontpas comparu aux fms du procès, conformément au paragraphe 8;

10. Décidede demeurer saisi de laquesti26."

3. 12 Cette résolutiona été adoptée,à 1'unanimitédes voix, trois jours seulement après

que les Etats-Unis et le Royaume-Uni aient présentéau Conseil leur soit-disante
"initiative" tendantà ce que les deux .accuséssoient traduits devant un tribunal écossais

siégeantaux Pays-Bas. Cette céléritémontre bien que le déblocagedu dossier dépendait

entièrementdes Etats-Unis et du Royaume-Uni. La résolution 1192 confirme surtout le

bien-fondéde la thèselibyenne quant à l'interprétationdes résolutions731, 748 et 883 du

Conseil de sécurité.

3.13 Au premier paragraphe du dispositif de la résolution1192, le Conseil

"exige[ ... ] que le gouvernement libyen se conforme immédiatementaux résolutions [731 (1992),
748 (1992) et 883 (1993)] précitées".

La résolution 1192 ne dérogedonc pas aux résolutions antérieures. Le jugement

des accuséspar un tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas et appliquant le droit écossais,

tel que prévupar la résolution1192, est entièrementcompatible avec les résolutions 731,

748 et 883 du Conseil de sécurité.Ceci a été confirméà diverses reprises. Lors de son

adoption, le représentantdes Etats-Unis a soulignéque les dispositions de la résolution

1192

"se fondent sur les décisionsprparla communauté internationale tel~·ene figurent dans
les résolutions731 (1992), 748 (1992) et 883 (1992) du Conseil de séc•rité"

Le Portugal a déclaré que

26 Doc. ONU S/Rés/1192 (1998), 27 août 1998, annexe no42.

27 Doc. ONU S/PV.3920, 27 août 1998, p. 6, annexe n° 43.68.
Chap. III - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

"toute solution de compromis doit de toute évidenceêtreconforme aux aspects politiques et
jwidiquesconsacrésparlesrésolutionduConseilde sécwité 8.

Aucun des autres membres du Conseil n'a contredit ces déclarations. Le 23 mars

1999, le Présidentdu Conseil a encore déclaréau nom de ses membres:

"Les membres du Conseil de sécwitése sont félicitse la lettre du 19 mars 1999 adresséeau
Secrétairegénéralpar le Ministre des Affaires étrangèrde la Jarnahiriya arabe libyenne,
indiquantque les deuxaccusésseràientmis à la disposition du Secrétairegénélfin qu'ilen
assurela détentionle6 avrilauplustard.

Les membres du Conseil de sécuritont réaffirmque lesrésolutionsexistantes du ConseilŒ
sécuritconstituentla basepourparvenià unrèglementcompletet définitifde la situati29."

La résolution 1192 confirme donc que les résolutions 731, 748 et 883 ne
s'opposaient pas à la solution fmalement retenue d'un jugement des accusés par un

tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas.

3. 14 Plus particulièrement, la résolution1192 confirme que les résolutions antérieures
laissaient aux Etats directement concernésune marge de manŒuvre dans la recherche

d'une solution généralementacceptable et garantissant un procès impartial et équitabledes

accusés.

Les communications de l'OUA, de la Ligue des Etats arabes, du Mouvement des

pays non alignés et de l'Organisationde la Conférenceislamique, auxquelles la résolution

1192 se réfère 30, ne se limitaientpas à proposer le jugement des accuséspar un tribunal

écossaissiégeantà la Haye et suivant le droit écossais.Ellescomportaient une alternative à
trois branches, qui avaient toutes été acceptéespar laLibye, à savoir (1) la tenue d'un

procès des deux suspects dans un pays tiers et neutre à désignerpar le Conseil de sécurité;

(2) faire juger les deux accusésau siègede la Cour internationale de Justice à la Haye

selon la loi écossaise et par des juges écossais;et (3) mettre sur pied un tribunal pénal
spécialpour juger les deux suspects à la Haye au siègede la Cour internationale 31• Lors

de l'adoption de la résolution 1192, douze des quatorze membres du Conseil ayant fait

une déclarationont soulignéque les dites propositions étaient à la base de la résolution

28 Ibid., p. 7.
29 Déclarationfaiteà lapressele 23 mars 1999. annexéà la lettredatéedu 23 mars 1999, adresséeau
Secrétairegénéra lar le Présidendu Conseil de sécurité, oc.ONU S/1999/312, p. 2, annexe
n° 49.

30 § 4 dupréambule.
31 V. supra§§ 1.24- 1.25. 69.
Chap. III - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

1192 32• Les troispropositions étaientdonc compatibles avec les résolutions 731, 748 et

883.

Ceci ne fait que confmner la teneur de débatsqui s'étaienttenus au Conseille 20

mars 1998. Les représentants de plusieurs Etats ont appelé les trois protagonistes à
rechercher un compromis. Ils ont appeléles Etats-Unis et le Royaume-Uni à faire preuve

de souplesse, comme l'avait déjàfait la Libye 33.

L'obligation des Etats directement concernésde rechercher un compromis ressort
enfin de la mise en oeuvre de la résolution1192. Lors de l'adoption de la résolution 1192,

les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont exigéde la Libye qu'elle accepte la proposition

immédiatementet sans condition 34• Les représentants de Bahreïn, du Costa Rica, du

Gabon et de la Chine ont toutefois souligné que diverses questions, notamment
juridiques, restaient à régler,et ont invitéles Etats directement concernés à s'efforcer de

les résoudre 35• De fait, des négociationsont étémenéesentre les Etats concernés, par

l'entremise du Secrétaire général,ce qui a permis à la Libye d'obtenir des garanties

supplémentairessur divers points, tout en faisant des concessions à d'autres égards. Dans

son rapport du 5 avril 1999 conformémentau paragraphe 8 de la résolution 1192, le
Secrétairegénéral a noté:

"Comme il a déjàétésignaléofficieusementaux membres du Conseil de sécurité,étantdonné la
nature complexe et sensible des dispositions préparsla résolution1192 (1998)des questions
d'ordreà lafois politique et juridiqueont étésoulevéespar le gouvernement libyen en ce qui

concerne l'applicatiode larésolution.Ces questions ont dû êtreclarifiéeà la satisfactioŒ
touteslespartiesconcernéea sfind'aboutàrunaccordsurl'applicatiodnelarésolution.
[..]
Je voudrais[ ...] exprimer mareconnaissanceau gouvernemende la Jarnahiriyarabelibyenne et
à toutes les autres parties concernéesqui ont bien voulu faire de lasouplesse requise pour
parvenir à unesolutionmutuellemenatcceptable."36

De même, la déclaration du 23 septembre 1999 des ministres des Affaires

étrangèresdes cinq membres permanents du Conseil de sécurité à la suite d'une réunion
avec le Secrétairegénérad l ispose notamment que

32 V. Doc. ONU S/PV.3920, 27 août 1998, p. 6 (Etats-Unis), p. 7 (Portugal), p. 8 (France), p. 8
(Brésil),p. 9 (Russie), p.0 (Suède),p. 10 (Gambie), p. 11 (Bahrem),p. 12 (Costa Rica), p. 13
(Gabon),p. 13(Chine), p. 14(Slovénie).Le Kenya n'apas fait de déclaration,annexe n° 43.
33 V. Doc. ONU S/PV.3864, 20 mars 1998, p. 16 (Russie), PP. 17-18 (Chine), p. 21 (Kenya), annexe

n° 37.
34 V. aussi, dans le mêmesens,C.M.A., p. 52-53,§§ 3.6-3.7.
35 V. Doc. ONU S/PV.3920, 27 août 1998, p. 11 (Bahreüt),p. 13 (Gabon), p. 13 (Chine), p. 14
(Slovénie),annexe n° 43.

36 Doc. ONU S/19991378,5 avril1999, pp. 2-3, soulignépar la Libye, annexe no 50.70.
Chap. III Les résolutionsdu Conseil de sécurité

"Les ministres se sont félicidesprogrèsconsidérablerséalisésur la voie du règlemende la
questiondes vols Pan Am 103 et UTA 772 ainsi que de /'espride coopérationmanifesté par
touteslesparties concernées31. .

3• 15 Tant le texte de la résolution 1192 que ses travaux préparatoireset sa mise en
oeuvre confirment donc que les résolutions731, 748 et 883 requéraientla recherche d'un

compromis apte à garantir le procès impartial des accusés. Si la solution du tribunal

écossais siégeant à La Haye a étéretenue parmi les propositions de l'OUA, etc., ceci

résulte du choix du Royaume-Uni et des Etats-Unis, et non d'une préférence du Conseil
de sécurité. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont fait ce choix en vertu de la marge de

manŒuvreque les résolutions 731,748et 883leur laissaient,à eux comme à la Libye.

3.16 C'est donc à tort que le Royaume-Uni affirme que la résolution 1192 offre à la
Libye une possibilité qui n'était pas prévue par les résolutions antérieures 38. Cette

interprétationest totalement incompatible avec le paragraphe le du dispositif, où le

Conseil

"exigeune fois encoreque le gouvernèmenltibyen se conformeimmédiatemena tux résolutions
précitée[s731,748et883)".

Elle n'est en rien confortéepar le paragraphe 8 de la résolution, qu'invoque le

Royaume-Uni 39, où le Conseil

"réaffirmeles dispositionsduparagraphe16delarésolutio883(1993).etdécideque les mesures
précitéesserontsuspenduesdèsquele Secrétairegénéraalurafait savoir au Conseil que deux
accuséssont arrivésaux Pays-Basaux fins du procèsdevantle tribunal viséau paragraphe2 ou
qu'ilsontcomparudevantun tribunalcompétentauxÉtats-Unisouau Royaume-Uni[...)".

Le texte mêmede ce paragraphe montre qu'il a la mêmeportéeque le paragraphe

16 de la résolution883, dont il a été montréci-dessus qu'il ne faisait que relier la levée

automatique des sanctions à la réalisationd'une hypothèse spécifique, sans en exclure
d'autres.

C'est également à tort- faut-ille souligner?- que les Etats-Unis se prévalent

de la prétendue "clarté" des résolutionsdu Conseil 40pour défendreune interprétationde

37 Doc.ONU S/1999/996, 23 septembre1999(Annexe n. Déclaratiofaite le 23 septembre1999 par
les Ministresdes affairesétrangèsecinqmembrespermanentsduConseildesécurité à l'issue d'une
réunion avecle Secrétairegénéral,. 10,§31,soulignéparlaLibye,annexen° 52.

38 C.M.B., pp. 163-164, §5.9:"the additionalpossibility, namely thal Libya could comply wilh the
requirementsof the Council by producingthe two accusedfor trial before a Scottish court in the
Netherlands, applied with effect fromhe date of adoption of Resolution 1992". Soulignéparla
Libye.
39 Ibid. 71.
Chap. ill -Les résolutions du Conseil de sécurité

la résolution 1192 qui est l'exact contraire de l'interprétationbritannique, à savoir que la
résolution1192 serait uniquement compatible avec les résolutions antérieuresparce que le

tribunal écossaissiégeantaux Pays-Bas serait toujours un "tribunal du Royaume-Uni ou

des Etats-Unis" 41• La prétendue"clarté"d'un texte telle qu'elle est perçue par le lecteur

est toujours le fruit d'une interprétation.Elle ne peut donc êtreinvoquéepour juguler le

pouvoir du juge d'interpréter le texte au moyen de toutes les données pertinentes,
conformémentaux principes d'interprétationapplicables en la matière. En !'·occurrence,il

en va d'autant plus ainsi que les deux promoteurs de la résolution 1192, qui furent

également parmi les promoteurs des résolutions antérieures, ne parviennent pas à

s'accorder sur leur portée.L'argument que les Etats-Unis prétendent tirerde la "clarté"de

ces textes est, dèslors, fallacieux.

C'est encore à tort que les Etats-Unis se prévalentdu paragraphe 4 de la résolution

1192 pour en déduireque "Libya'sobligation[ ...] is not tomake counter-proposals orto
4
offer to negotiate [...]" 2.Or, dans ce paragraphe, le Conseil

"décide[..] qu'enparticulier le gouvernement libyen devra assurer la remise des deux accusésaux
Pays-Bas aux fms du procèsdevant le tribunal viséau paragraphe 2 [...

Autrement dit, le Conseil consacre une contre-proposition faite antérieurementpar

la Libye pour la tenue d'unprocèsdevant des juges écossaissiégeantaux Pays-Bas. Il n'y

avait, dès lors, aucune raison pour que le Conseil permette à la Libye de faire encore

d'autres contre-propositions. Pour le reste, il étaitparfaitement légitimed'exiger que la

Libye respecte l'engagement unilatéralqu'elleavait pris sur ce point

C. Conclusion

3 •17 ll ressort de ce qui précèdeque les résolutions 731, 748 et 883 exigeaient de la

Libye non qu'elle livre les accusésaux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, mais qu'elle

négocieavec les Etats directement concernés.La résolution1192 le confirme, et donne en

cela une interprétationauthentique des résolutionsantérieures.

40 V. le titre du Chapitre 1er de la troisième partie du contre-mémoire des Etats-Unis: "Libya's
obligations under the resolutions are clearly inconsistent with itSclaims in this case".
41 C.M.A., p. 52,§ 3.5:"Security Council Resolutions 748, 883 and now 1192 requirethe transfer of
the two Libyan suspects for trial in a United Kingdom or United States court, includiproposed
. Scottish court to beconvened in The Netherlands".

42 C.M.A., pp. 52-53,§ 3.7.72.
Chap. III Les résolutionsdu Conseil de sécurité

L'affirmation du Royaume-Uni qu'il doit êtretenu compte de ce que "a given

resolution is frequently part of a series of resolutions addressing the same object" et que
"the interpretation which the Council itself places upon a resolution in its subsequent

practice and, in particular, in its subsequent resolutions, is of utmost importance3, vient

icià point nommé.

Section 2 • L'interprétation des résolutions 731, 748, 883 et 1192 au

regard des pouvoirs que la Charte attribue au Conseil de
sécurité

3.18 Le Conseil de sécuritévioleraitla Chartedes Nations Unies en exigeant de la Libye

qu'elle livre ses nationaux aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. La Libye l'a montré in
44
extenso dans son mémoire , auquel ilest présentementrenvoyé. Dans la présente

section, la Libye commencera par rappeler brièvementcertains élémentsessentiels de cette
analyse, ce qui lui permettra de répondre au contre-mémoire des Etats-Unis et du

Royaume-Uni et de montrer notammentque les Etats-Unis ont totalement déforméla thèse

libyenne (ci-dessous, A). D sera montréensuite que les résolutions adoptées par le
Conseil de sécuritéet 1'Assemblée généraledepuis le dépôt du mémoire et des

observations libyennes sur les exceptions préliminaires, confmnent entièrement

l'interprétationlibyenne des pouvoirs du Conseil de sécurité(ci-dessous, B). Enfin, il
sera montréque la Cour a le pouvoir d'interpréterles résolutionsdu Conseil de sécuritéau

regard de la Charte, de façon à garantirleur conformitéavec celle-ci (ci-dessous, C).

A. Les pouvoirs du Conseil de sécurité en vertu du chapitre VII de la

Charte

3 •19 La Libye a montrédans son mémoire que,dans la mesureoù elles exigeraient de la
Libye qu'elle livre les accusésaux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, les résolutions en

cause violeraient l'article 1er,paragraphe 1erde la Charte des Nations Unies 45• La Libye

a notamment montrépourquoi les termes "conformémentaux principes de la justice et du

43 C.M.B., pp.69-70, § 4.12.
44 M.L., pp.193 et s.
45 M.L., pp.193-206. 73.
Chap. ill - Les résoiutionsdu Conseil de sécurité

droitinternational" n'ont pas trait aux"mesurescollectivesefficaces" viséesau débutde

l'article 1er, paragraphe 1e46.

A la Conférence de San Francisco, le chapitre VIT de la Charte a étéconçu

uniquement pour permettre au Conseil de sécurité de créerles conditions dans lesquelles le

chapitre VI pourrait trouver à s'appliquer. Le chapitre VIT ne permettrait donc pas
d'imposer les termes de règlementd'un différendou l'ajustement d'une s-ituation. Ceci

ferait l'objet de recommandations en vertu du chapitre VI. Les auteurs de la Charte ont

donc jugéinutile de soumettre les mesures collectives aux principes de lajustice et du droit

international, parce que le retour obligatoireau chapitre VI en garantirait l'application. Les
auteurs de la Charte ont d'autre part jugéinopportun de soumettre les mesures collectives

aux principes de la justice et du droit international, en raison de l'urgence qui caractérise

l'actionen vertu du chapitre VII.

ll en résulteque les pouvoirs du Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VII

peuvent êtreconçus de deux façons : si on se réfèreà la volontédes auteurs de la Charte,

le Conseil ne peut pas trancher un·différendcomme celui qui oppose la Libye aux
défendeursen vertu du chapitre vn de la Charte; il doit avoir recours au chapitre VI, et

respecter par conséquentles principes de la justice et du droit international.l'on admet

que le Conseil de sécuritépeut trancher le fond d'un différenden vertu du chapitre VII, il
faut que, ce faisant, le Conseil respecte les principes de la justice et du droit international.

Le texte de l'article1 (1) ne soustrait pas le "chapitreVII" aux principes de la justice et du

droit international, mais uniquement les "mesures coercitives" adoptéesen vertu de celui­
ci. L'urgenceet le caractère provisoire des mesures, qui seuls justifient que ces principes

soient écartés,font défautlorsque le Conseil de sécuritése prononce sur le fond d'un

différend.

3. 20 C'est donc à tort que les Etats-Unis prétendentque la Libye "selective!y tak:esthe

reference to the principles of internationallaw out of the limiting context of Article 1 (1) of

the Charter" 47 et soutiennent que l'article1 (1) fait référaux principes de la justice et
du droit international en ce qui concerne l'ajustement et le règlement des différends et

situations par des moyens pacifiques, mais non en ce qui concerne les mesures collectives

en vertu du chapitre VII de la Charte. La Libye a déjàrencontréce moyen.

46 M.L., p. 197§ 6.71. L'article 1er, paragraphe 1er de la Charte prévoit que l'un des buts des Nations

Unies estŒ "maintenir la paix etsécuritinternationales àtcette finprendredes mesures
collectives efficaces enŒvpréveniret d'écarterles menaces à la paixderéprimer toutacte
d'agi-essionou autre rupture de la paix, et réaliser, par des moyens pacifiques, conformément aux
principes dela justice et du droit international, l'ajustement ou le règlement desdŒfférends ou
situations, de caractère international, susceptibàeune ruptude la paix".
47 C.M.A., p. 59,§ 3.21. 74.
Chap. III -Les résolutionsdu Consede sécurité

C'est également à tort que les Etats-Unis avancent que la Libye prétendrait de

façon généraleque "the Council's power to require Members to carry out its decisions is

lirnited by the requirements of other treaties" 48, alors que, toujours selon les Etats-Unis,

"the power to require measures inconsistent with treaties necessarily flows from articles
103,48 and 25 of the Charter" 49.Cette affirmation, qui rejoint la thèse du Royaume-Uni

·5o,est dépourvuede pertinence.

La Libye ne prétend aucunement que le Conseil devrait respecter le droit

international dans ses décisionsimposant aux Etats membres des Nations Unies d'adopter
des mesures coercitives (des "sanctions"). La Libye affirme uniquement que le Conseil de

sécuritédoit respecter le droit international dans les décisions qu'il prend à l'égard de

l'Etat sanctionnéet qui visent à réglerun différendou une situation.

L'article 103 de la Charte ne contredit pas cette analyse. Cet article prévoitqu"'en

cas de conflit entre les obligations des Membres des Nations Unies en vertu de la présente

Charte et leurs obligations en vertu de tout autre accord international, les premières

prévaudront" 51.

L'existence d'une "obligation [...] en vertu de la [...] Charte" est donc une

condition préalable à l'application de l'article 103. L'existence d'une telle obligation

dépend notamment des pouvoirs attribuésau Conseil de sécurité,qui sont énoncésdans

d'autresarticles de la Chane, notamment dans ses chapitres 1er, VI, VII et VIIT. Dans la
mesure où le Conseil de sécuritéprend une décision obligatoire conformément aux

pouvoirs qui lui sont conféréspar ces chapitres, il en découle une "obligation [...] en

vertu de la [...] Charte", et l'article 103 trouve à s'appliquer, ce qui garantit son effet utile.

Mais si ces chapitres n'octroient pas au Conseil le pouvoir de prendre une décision.
particulière, il n'existe pas d"'obligation des Membres des Nations Unies en vertu de la

[...] Charte", de sorte que l'article 103 ne s'applique pas. Les Etats-Unis et le Royaume­

Uni n'ontpas répondu à cet argument qui avait déjàétédéveloppépar la Libye 52• lis ont

préféréescamoter 1'argumentation libyenne en critiquant diverses interprétations de
1'article 103, sauf celle avancéepar la Libye 53.

48 C.MA.. p. 59,§ 3.19.
49 C.M.A., pp. 62-70.

50 C.M.B., §§ 4.64, 4.65, 4.161, 4.203.
51 Soulignépar la Libye

52 V. notamment Obs.lib. E.-U.,pp. 77-78;Obs. lib. R.-U.pp. 97-98.
53 C.M.A., p. 63, § 3.29. 75.
Chap. III -Les TésoJutionsdu Conseil de sécurité

L'article 48 de la Charte, quant àlui, a uniquement traiaux décisions imposant

aux Etats d'adopter des mesures coercitives (des "sanctions"). n en va de mêmedes

mesures années et non années mentionnées aux articles 41 et 42. De fait, tous les
exemples cités dans les contre-mémoires des Etats-Unis 54 et du Royaume-Uni 55

concernent des décisionspar lesquelles le Conseil impose des sanctions, commerciales ou

autres. La Libye ne conteste pas que de telles décisionspeuvent porter atteinte aux droits
des Etats membres en vertu d'autres traités. Elle affmne, par contre, que les sanctions

édictéesdans de telles décisionsne peuvent avoir pour objectif d'obliger l'Etat sanctionné

à régler un différend en-dehors des règles pertinentes du droit international, et les

défendeursn'ont rien avancépour contredire cette thèse.

3.21 C'estégalement à tort que les Etats-Unis se prévalentde la créationdes tribunaux

pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda 56 et des résolutions 1044,
1054 et 1070 adoptées à l'encontredu Soudan 57,pour affmner que dans ces affaires,

"the Council has detennined which jurisdiction or jurisdictions are, in the particular
circumstancesbest situatedtcarryouta jusandeffectivetrial5 ,

59
Les Etats-Unis, comme le Royaume-Uni , négligent ainsi que les tribunaux
internationaux poursuivent des individus accusés de violation du droit international

humanitaire. Il s'agit donc d'un mécanismed'exécutionforcéedu droit international, qui

est parfaitement conciliable avec l'interprétationlibyenne des pouvoirs du Conseil de

sécurité.De même, les résolutions adoptées à l'encontre du Soudan visent à faire
appliquer un traitéd'extradition entre le Soudan et l'Ethiopie 60• C'est ce traité,et non le

Conseil, qui détermine le tribunal idoine. C'est ce traité, et non le droit interne de

l'Ethiopie, que le Conseil cherche à faire appliquer. Dans la présenteaffaire, par contre,
les Etats-Unis et le Royaume-Uni voulaient non pas faire appliquer le droit international,

mais au contraire écartercelui-ci au profit de leur droit interne. Le chapitre VITn'a pas été

conçu pour servir à l'exécutionforcéedu droit interne et des réclamations unilatéralesde
certains membres permanents du Conseil de sécurité.

3.22 n ressort donc de ce qui précèdeque les exigences posées à la Libye par les
résolutions 731, 748 et 883 devaient êtreformulées conformément aux principes de la

54 C.M.A•• pp. 65-66.
55 C.M.B., §§ 4.804.81.

56 C.M.A., p. 79, §3.63.
57 C.M.A., p. 80, §3.64.
58 C.M.A., p. 80,§ 3.65.

59 C.M.B., p. 148et ss.,§ 4.203 et ss.
60 V. infra,§ 3.24.76.
Chap.lli- Les résolutionsdu Conseil de sécurité

justice et du droit international. Les conséquences concrètes de cette exigence ont été

amplement décritesdans le mémoirede la Libye, ainsi que dans ses observations sur les
exceptions préliminaires,auxquels il est renvoyé.n suffit de rappeler ici que le Royaume­

Uni, les Etats-Unis et la France ne pouvaient participerau vote sur les exigences posées à
61
la Libye ,et que le Conseil ne pourrait exiger de la Libye qu'elle livre les accusés aux
Etats-Unis ou au Royaum~-U nlrs,que la Libye n'aaucune obligation internationale de

ce faire. Pour les raisons rappeléesci-dessus, une résolutionposant une telle exigence

serait contraire la Charte des Nations Unies.

La résolution 1192 ne peut pas êtreinvoquée à l'encontre de cette analyse. Le

jugement des accusés suivant le droit écossais par un tribunal écossais siégeant en

territoire neutre avait épréalablementaccepté- en fait, proposé- parla Libye, aussi
bien que par les accusés.Les aspects pratiques de cette solution ont éréglésde commun

accord entre les Etats directementconcernés.En consacrant cette solution, le Conseil n'a

donc imposéaucune nouvelleobligation à laLibye.

La résolution1192respecte donc·,sans la moindre trace d'ambiguïté,les droits de

la Libye. Qui plus est, elle satisfait entièrement ses intérêts,puisqu'elle avalise
expressément la proposition libyenne susmentionnée.Dans ces circonstances, c'est à tort

que le Royaume-Uni croit pouvoir tirer prétextede ce que lors de l'adoption de la

résolution 1192, la Libye ne s'est plus prévaluedes limites aux pouvoirs du Conseil de
sécurité,ni de l'interdiction pour le Royaume-Uni,les Etats-Unis et la France de participer

au vote 62.La position de la Libye n'estnullement incohérente.

8. Les résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et l'Assemblée

généralehors du contexte de l'affaire de Lockerbie

3.23 Les résolutions731, 748, 883 et 1192doivent aussi êtreinterprétéesau regard des

autres résolutionsdu Conseil et de l'AssembléegénéraleA . cet égard,il a déjàétémontré
que la créationdes tribunauxpénauxinternationaux ne contredit en rien la thèse libyenne,

puisqu'il s'agit dans ce cas de mécanismesinternationaux instauréspar le Conseil pour

l'applicationu droit international63.Les résolutionsanalyséesci-après confinnent cette
conclusion.

61 Obs.lib. R.-U., §§ 4.434.48, et Obs. lib. E.-U., §4.34 à 4.39.
62 C.M.B., § 5.11.
63 V. Supra,§ 3.21. 77.
Chap. Ill Les résolutionsdu Conseil de sécurité

1. Les résolutions 10440996). 10540996) et10700996)

3. 24 A la suite de l'attentat contre le Président égyptien Moubarak en Ethiopie, le

Conseil de sécurité a exigédu Soudan qu'il

"prenne immédiatement des mesures afin d'extrader en Ethiopie [...] les trois suspects ayant
trouvé refuge au Soudan [...], conformément au Traité d'extraditinn conclu· en 1964 entre
l'Ethiopie et le Soud64.

Cette exigence est parfaitement conforme au droit international applicable. Le

représentantde la France l'aclairement constaté:

"[... ]le Soudan esttenu de s'emplàextrader les personnes, si elles se trouvent bien sur son
territoire. Lui demanderplus ne serait pas conforme au droit international de l'extradition, et la
résolutionn'a pas cet obj65.

Par ailleurs, alors qu'il met en oeuvre le droit international conventionnel

applicable, c'est bien une demande ·"de se conformer" que le Conseil adresse ici au

Soudan 66,et non une simple demande de "réponse". La distinction qui a étéfaite entre
ces deux expressions lors de 1'analyse de la résolution
731 est donc pleinement justifiée.

2. Les résolutions 11890998) et 12670999)

3. 25 n en va de mêmedes résolutionsadoptéesà la suite des actes terroristes commis à

l'encontre d'intérêtsaméricains à Nairobi et D;rr-es-Salaam, le 7 août 1998. Dans sa

résolution 1189(1998), du 13 août 1998, le Conseil

"engage tous les Etats à adopter, conformément au droit international, et à titre prioritaire, des
mesures concrèteset efficaces en vue de la coopérationen matière de sécuritéet dela prévention
de tel67actes de terrorisme international et en vue de traduire en justice et châticesles auteurs de
actes" •

Lors de l'adoption de cette résolution, les Etats-Unis ont appelé tous les Etats

membres à soutenir les enquêtesen cours et à appréhenderles coupables au cas où ils
seraient trouvéssur leur territoire,commele requiert la conventionsur la préventionet la

64 Doc. ONU S/Rés/1044 (1996), 30 janvier 1996, § 4.a, soulipar la Libye, annexe n° 12.
65 Doc. ONU S/PV.3660, 26 avril1996, p. 21, soulignépar la Libye, annexe n° 18.

66 Doc. ONU S/Rés/1044(1996), 30 janvier 1996, § 4 (a), annexe n° 12.
67 Doc. ONU S/Rés/1189 (1998), 13 août 1998, § 5 du dispositif, souligpar la Libye, annexe
n° 39.78.
Chap. li - Les résolutionsdu Conseil de sécurité

répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection

internationale 68. Dans sa résolution1267, du 15 octobre 1999, le Conseil,

"R~lant les conventions internationalescontre le terrorisme pertinentes, et en particulier
l'obligationqu'ontlespartiesces instrumentsd'extraderoudepoursuivreles terroristes;
[...
~ qu'Usama bin Laden et ses associéssont poursuivis par la justice des Etats-Unis

d'Amérique,notamment pour les attentats à la bombe commis le 7 août 1998 contre les
ambassadesde cepaysà Nairobi(Kenya)et à Dares-Salaam (fanzanie) et pour complot visant à
tuerdes citoyens américainsse trouvant à l'étranger,et notant égalementque les Etats-Unis
d'Amérique ont demandéaux Talibans deremettreles intéressésajustice (S/1999/1021);

Considérantqu'en se refusant à satisfaire aux exigences formuléesau paragraphe 13 de la
résolution1214(1998),les autoritésdesTalibansfontpesernemenace sur la paix et la sécurité
internationales; []

Agissanten vertuduChapitre vn de laChartedesNationsUnies;

1. ~pour que la faction afghanedénomméT ealiban [...] secondel'actionmenéeen vuŒ
traduireen justicelespersonnesaccuséesdeterrorisme;

2. Exigeque lesTalibansremettentsansplustarder Usama bin Laden aux autoritéscompétentes
soitd'unpays où il a étéinculpé,soitd'unpaysqui le remettraà un pays ila étéinculpé,
~d'un pays oùil sera arrêet effectivementtraduitenjustic69.

Le préambulede cette résolutionrappelle le principe "juger ou extrader" consacré
par les conventions internationales contre le terrorisme pertinentes, sans formuler aucune

réserveà cet égard.Le dispositif n'exige pas que les accuséssoient livrésaux Etats-Unis.

L'alternative de livrer les accusés "aux autorités [...] d'un pays où il sera arrêté et

effectivement traduit en justice" implique qu'ilspeuvent êtreremis aux mains de la justice

afghane. Les exigences du Conseil sont donc parfaitement compatibles avec le droit
international. Significativement, le représentant de l'Afghanistan auprès des Nations

Unies a déclaré que son gouvernement soutenaitle projet de résolution 70.

3. La résolution1269 0999) 71

3.26 Cette pratique du Conseil de sécurité,qui illustre les limites de ses pouvoirs, a

trouvé confirmation dans la résolution 1269 (1999) du Conseil, relative non à une
situation ou un différendparticulier mais au terrorisme en généralL . e Conseil,

"Ayant à l'esprit toutes les résolutionspertinentes de l'Assembléegénérale,y compris la

résolution49/60 du 9 décembre1994, par laquelleelle a adoptéla Déclarationsur les mesures
visantà éliminerle terrorismeinternational;

68 V. Doc. ONU S/PV.3915, 13août 1998,p. 4, annexe n° 40.
69 Doc.ONU S/Rés/1267(1999), 15octobre 1999,soulignépar la Libye,annexe no53.

70 V. Doc.ONU S/PV.4051, 15octobre 1999,p. 2, annexe n° 54.
71 Doc.ONU S/Rés/1269 (1999), 19octobre 1999,annexen° 55. 79.
Chap. ill-Les ré8oiùtionsdu Conseil de sécurité

Soylignantqu'il est nécessaire[...de renforcersous lesauspices de l'OrganisationdesNations
Unies,unecoopérationefficace dansce domaine,fondéesur les principes énoncés dansla Charte
des Nations Unies et les nonnes dy droit international, en particulier le respect du droit
internationalhumanitaireet desdroitde l'homme;

Réaffirmanq t ue l'éliminatides actes deterrorismeinternationaly compris ceux dans lesquels
sont impliqués desEtats, constitue une contributionessentiellan maintien de la paix et dela
sécuritéinternationales;[...]

2. Demandeà tous les Etats d'appliquerintégralementles conventions internationales de lutte

contre le terrorismeuxquellesils sont parties, les encourageà envisagerà titre prioritaire
d'axéderà celles auxquellesils ne sontpas parties, et les encourage égalementà adopter
rapidementles conventionsà l'examen;[...]

4. Demande à tous les Etade prendrenotamment f...les mesuresvouluespour:[ ...]
- Empêchec reux qui organisent,financentou commettent desactes de terrorisme de trouver

asileoù que ce soit,en faisanten sorte qu'ilssoientarrêtétraduiten justiceou extradés;
[.]".

L'insistance sur le respect du droit international est pour le moins frappante. ll en

va de mêmede l'appellancé àtous les Etats d'empêcher les terroristes "de trouver asile où

que ce soit. en faisant en sorte qu'ils.soient arrêtée st traduits en justice ou extradés". Le
Conseil reconnaît ainsi l'efficacitétotale du principe aut dedere aut judicare pour la

répression du terrorisme international, alors que l'interprétation anglo-américaine des

résolutions 731, 748 et 883 est fondée sur la prétendueinefficacitéde ce principe. En

demandant aux "Etats d'appliquer intégralementles conventions internationales de lutte

contre le terrorisme" et de mettre en oeuvre le principe aut dedere aut judicare, le Conseil
de sécurité justifie l'insistancede la Libye à exiger l'application intégralede la convention

de Montréal à l'incidentde Lockerbie.

La déclaration sur la lutte contre le terrorisme international, adoptée par les
ministres des affaires étrangèresdescinq membres permanents le 23 septembre 1999, est

rédigée dans la mêmeoptique du respect du droit, tant international qu'interne 72•

4. Les déclarations de 1'Assemblée &énérnle

3.2 7 Dans leur contre-mémoire,les Etats-Unis soulignent à juste titre que

"in the final analysiitis the memberstates that have the power- and the duty - to ensure
thattheirCharterismaintained andrespected"73.

72 Doc.ONUS/1999/996,23septembre1999(annexe li)annexe D0 52.

73 C.M.A., p. lOI,§ 4.27.80.
Chap. III-Les résolutionsdu Conseil de sécurité

C'est pourquoi les initiatives de l'OUA, de la Ligue des Etats arabes, de
l'Organisation de la Conférence islamique et du Mouvement des pays non alignés, qui

regroupent la grande majoritédes Etats membres de l'ONU, doivent êtreprises en compte

dans l'interprétation des résolutions du Conseil de sécurité 74• C'est aussi pour Œtt:e

raison qu'en interprétant les résolutions du Conseil, la Cour doit tenir compte des

résolutions pertinentes de 1'Assembléegénérale.

3.28 La Déclaration sur les mesures destinées à éliminer le terrorisme international,

annexée à la résolution 49/60 du 9 décembre1994, prévoitque

"5. Les Etats [...] sont instamment priés de prendre des mesmes efficaces et résolues,
conformbnent aux dispositions applicables du droit international et aux normes
internationalesrelativesauxdroits dl'homme, pour éliminerrapidementet défmitivement

le terrorismeinternationaletenparticulier:
[... ] (b) veiller arrêtertraduireen justice ou extraderles auteud'actes deterrorisme,
conformémentaux dispositions pertinentes de leur droit nation15."

Ceci a encore étéprécisédansla Déclaration visant à compléter la Déclaration

précitéede 1994, annexée à la résolution51/210 du 17décembre 1996 :

"5. Les Etats membres de l'Organisationdes Nations Unies réaffirmentqu'il importe d'assurer
entreeux unecoopération efficace,de façonqueceux quiontparticipésà des actes terroristes
[•.•].soient traduits en justice; ils soulignent qu'ils sont résoluconformément aux

dispositions_pertinentes du droit international [..joindre leurs effortspour prévenir
combattreet éliminerle terrorismeet à prendretoutes les mesures voulues,conformémentà
leur législationintern~W' extrader les te"oristes, soit pour les dérux autorités
compétentes aux finsde pomsuitesjudiciaires;
6. Dans ce contexte, et sans remettre en cause le droit souverain des Etats en matière
d'extraditionles Etats sont encouragés,lorsqu'ils concluent ou appliquent des accords
d'extradition,à nepasconsidérerommeinfractionpolitique[...]
7. Les Etats sont aussi encouragés, êmeen l'absencede tout traitéà envisagerde faciliter

l'extraditiondespersonnes soupçonnéesd'avoir76mmis des actes de terrorisme,~
mesure où leur législationnationale le permet;."

A aucun moment, il n'est indiqué que ces principes - le respect du droit

international, le principe aut dedere aut judicare et les droits souverains des Etats en

matièred'extradition- devraient être écartéslorsque les individus soupçonnés d'avoir

commis des actes de terrorisme sont accusés d'avoir agi pour le compte de l'Etat dont ils

ont la nationalitéet sur le territoire duquel ils se trouvent.

4
7 V. supra,§ 3.14.
75 Déclarationsur les mesmes visant à éliminerle terrorismeinternational, amexéeà la résolution
49/60,du9 décembre1994,souligné parla Libye, annexen°8.
76 Déclarationcomplétant la Déclaration de 1994 sur les mesures visant à éliminer le terrorisme

international,annexéeà larésolutiode 1'Assembléegénéral e1/210,du 17 décembre 1996, souligné
par laLibye,annexe n° 25. 81.
Chap. ill Les résolutionsdu Conseil de sécurité

C. Le pouvoir de la Cour d'interpréter les résolutions du Conseil de

sécurité en conformité avec la Charte et, le cas échéant, de vérifier

leur conformité avec celle-ci.

3. 2 9 ll a étémontréci-dessus que le Conseil de sécuriténe pouvait obliger la Libye à

livrer les accusés aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni sans violer la Charte des Nations

Unies. Or, les résolutions du Conseil de sécuritédoivent êtreinterprétéesde façon à

garantir leur conformité avec la Charte. Les résolutions 731, 748 et 883 ne peuvent dès
lors êtreinterprétéescomme exigeant que la Libye livre les accusés aux Etats-Unis ou au

Royaume-Uni.

3. 30 Le pouvoir de la Cour d'interpréter la Charte ou unç résolution de ses organes ne
fait aucun doute. La déclarationsur l'interprétationde la Charte adoptée à la Conférence de

San Francisco prévoitsur ce point que

"si deux Etats-membres ne parviennepas à se mettre d'accord en ce qui concerne l'interprétation
exacte dela Charte, ils ont naturellement toute libdetsoumettre leursdifférendà la Cour
internationale de Justice, comme s'ils'agissaitde tout autre •raité"

La déclarationajoutait que

"les membres ou les organes de l'Organisation pourraient avoir recouàsdivers moyens afin

d'obtenir une interprétationappropràleurs besoins",

de sorte qu'il n'était

"ni nécessaireni opportun de donnerdansla Charte la liste ou la description des· diverses
méthodesutilisables"78.

Les résolutions du Conseil de sécuritédoivent, quant à elles, êtreinterprétéesau

regard de la Charte afin de contrôler leur conformité avec celle-ci. Tout texte de droit

dérivédoit êtreinterprétéau regard des règles de droit sur la base desquelles il a été

adopté. Le Conseil de sécuritétient ses pouvoirs, et ses résolutions tirent leur validité, de
la Charte des Nations Unies. ll est à présumer que le Conseil entend s'y conformer, et

qu'il entend adopter des résolutions valides. n faut donc également présumer que les

résolutions du Conseil sont conformes à la Charte. Ceci explique que ·lajurisprudence de

la Cour confère aux résolutions une présomption - fût-elle juris tantum - de

77 Conférencedes Nations Unies sur l'Organisation internationale, d933, IV(l/42 (2) du 12 juin

1945, Documents, vol.13, p.719.
78 Ibid., p. 720.82.
Chap. III Les résolutions du Conseil de sécurité

constitutionnalité 79.Cette présomptionde constitutionnalité va de pair avec une obligation

pour la Cour de choisir, panni plusieurs interprétations possibles, celle qui garantit la

confonnité d'une résolution avec la Charte.

3. 31 Dans leurs contre-mémoires, les Etats-Unis et le Royaume-Uni reconnaissent

d'ailleurs que la Cour peut interpréterles résolutionsdu Conseil de sécurité 80. lls invitent

mêmela Cour à le faire en faisant valoir que ces résolutions ont rendu le différend sans
objet. On s'étonne,dèslors, de voir les Etats-Unis ajouter à cela que

"the inherent powers of the Court to interpret texts canbetstretched to create a power of
review" 8 •

L'interprétation est une interprétation tant qu'elle se conforme aux principes
applicables en la matière. En réalité,les Etats-Unis cherchent à éviter que la Cour ne

vérifie l'exactitude de leur interprétation des résolutions en cause. Plus encore, ils

demandent à la Cour de confirmer leur interprétationdes résolutions, tout en se prévalant

de leur prétendue "clarté"pour éviter q~e la Cour n'en vérifiele bien-fondé. La Cour ne
peut recevoir une telle demande. Les Etats-Unis ne sont pas la bouche du Conseil. Les

interprétations divergentes qu'en donnent les membres du Conseil, en ce compris les

Etats-Unis et le Royaume-Uni, suffisent à le démontrer.

3. 3 2 En tout étatde cause, les Etats-Unis et le Royaume-Uni font valoir à tort que la

Cour ne pourrait pas se prononcer sur la compatibilité d'une résolution du Conseil de

sécuritéavec la Charte des Nations Unies.

Le Royaume-Uni reconnaît la compétence de la Cour pour vérifier la validité

formelle des résolutions du Conseil, mais nie que la Cour puisse aussi vérifier leur validité

matérielle 82. Or, cette distinction est dépourvue de tout fondement L'article 27.3 de la
Charte, qui interdit aux parties à un différenddeparticiper au vote mais ne prévoit rien de

tel pour les "situations", suffit à montrer que la validitéformelle met en cause le pouvoir

de qualification du Conseil de sécurité,au mêmetitre que la validité matérielle. La règle

coutumière selon laquelle l'abstention d'un membre permanent du Conseil n'empêchepas
l'adoption d'une résolution en vertu du chapitre Vll de la Charte montre par ailleurs, que

la pratique du Conseil (mêmesi celle-ci n'est pas déterminante) joue un rôle en matière

procédurale aussi bien que matérielle.Le pouvoir de contrôle de la validitéformelle que le

79 V. C.I.J. Recuei/1971, p. 22; Libye c. Etats-Unis, C.IJ. Recuei/199§,42.
80 C.MA., p.93, § 4.13; C.M.B.,§§ 4.10 et 4.105.

81 Op. cit., p. 9§,4.13.
82 C.M.B., p.110 et ss. 83.
Chap. IIILes réilolutionsdu desécw:ité

Royaume~ renonnaîtà la Cour, appelle donc nécessairement son pouvoir de vérifier

aussilavaliditématérielledes résolutions.

3
L'exposé des Etats~U qnans au pouvoir de contrôle de la Cour 8 montre
uniquement que la Charte des Nations Unies ne prévoit pas de procédure spécifique

pennettantà la Cour d'annulerune décision du Conseil de sécurité.C'est cela, et cela

seulement, qui ressort des diverses sourceséespar leEtats~U La Dséclaration sur

1'interprétationde la Charte, ci~des ne lis,e planer aucun doute sur ce point. De
même,le Professeur Sohn, qui a étécitépar Etat Usi~84,écrit seulement que la Cour

"did not have the exclusive power to provide an authoritative interpretation of the

Charter", alors que le S Rosenne85affirme uniquement que "since the court is not a

constitutional court for theted Nations system, it has nogeneral power of judicial
review". L'absence d'une procédurparticulièconférantà.la Cour le pouvoid'annuler

les décisions du Conseil de sécuriténe peut pas priver la Cour du droit, et du devoir,

d'exercer pleinement sa fonction judiciaire. LesUnis n'ont pas répondu au mémoire

libyen, oùl a étémontréque cet exercice de la fonction judiciaire requiert, le cas échéant,
que la Cour refuse d'appliquer une décisiondu Conseil de sécuritéqui serait cà laaire

Charte des Nations Unies 86• C'est exactement ce que la Cour a fait dans son avis

consultatif de 1971 surla Namibie, dont l'essence est parfaitement réswnée dans le

contre-mémoire des Etats-Unis:

"Inthese narrowlydefinedcircwnstances,thadclre$ethe validity of the acts of other
organinordertanswerthequestiilwasasked" 8 .

*

3. 33 En conclusion, il ressort de la présentepartie que les résolutions 731, 748 et 883

du Conseil de sécuritén'ontjamais exigéde la Ubye qu'elle livre les accusésde l'attentat
sur le vol Pan Am 103 aux Etats~U ouiau Royaume-Uni. Ces décisions n'ont pas

privé, ni pu priver, la Libye de ses droits en vertu de la convention de Montréal. Elles

n'ont donc pas pu priver le différendde son objet.

* * *

83 C.M.A., p87 et ss.

84 C.M.A., p91, § 4.9.
85 C.M.A., p.94, § 4.15.

86 M.L.,pp.182~193.
87 C.M.A.,p. 98, § 4.20.84.

CHAPITRE IV- LES MENACES DE RECOURS A LA FORCE ET LA
CONVENTION DE MONTREAL

Introduction : l'arrêtde la Cour relatif aux exceptions préliminaires

4.1 ll a déjàétémontré ci-dessus que les arrêtsde la Cour relatifs aux exceptions

préliminaires mettent en exergue trois élémentstemporellement reliés Premièrement, les
résolutions748 (1992) et 883 (1993) du Conseil de sécuritén'empêchentpas l'exercice

d'une compétence baséesur la requêtedéposéele 3 mars 1992. Deuxièmement, la Cour a

également établi que les deux mêmesrésolutions ne pouvaient pas porter atteinte à la
recevabilité de la requêtedéposéele 3 mars 1992.Troisièmement, la Cour a décidéque la

prétention selon laquelle les plaintes étaientsans objet n'avaient pas "un caractère
exclusivement préliminaire".

4 •2 Comme il a étédit, ces affirmations de la Cour mettent clairement en perspective
l'élémenttemporel de la présenteaffaire.

La première résolution contraignante adoptée par le Conseil de sécurité, la
résolution 748 (1992), a étéadoptéele 31 mars 1992.

Dèslors, la recevabilitédes demandes libyennes dans le cadre temporel qui va du

3 mars au 31 mars 1992est totalement indépendantede l'effet des résolutions 748 (1992)

et 883 (1992).

Par ailleurs, le troisième prononcé susmentionné des arrêtsde la Cour sur les
exceptions préliminaires est de toute évidence sans préjudicedes deux premiers prononcés

présentésci-dessus. L'affmnation des défendeurs conune quoi la réclamation libyenne est

devenue sans objet à la suite des résolutions adoptéesà partir du 31 mars 1992 est donc
dépourvue de pertinence pour la fenêtretemporelle antérieure à cette date.Cettefenétre

est,en toutétatde cause,ouverte.

ll ressortira de la section 3 ci-après que cette constation est d'un intérêttout

particuliern ce qui concerne la menace de recoursàla force.

1 Chapitre1,section1decetteréplique. Chap. IV- Les menaces du recours à la force 85.

Section 1 - Pertinence juridique des menaces de recours à la force

4. 3 Dans larequêteoriginale,la Libye formule la demande suivante à la Cour:

"En conséquence,tout en se réservantle droit de compléteret modifiersyia lieu la présente
conclusionen coursdeprocédurel,a Libyeprie la Courdedireetjuger:

a) que la Libyea satisfaitpleinementà toutesses obligationsau regardde la conventŒon
Montréal;

b) que les Etats-Unisont violé,et continuedevioler, leurs obligations juridiquesenvers
la Libye stipuléesaux articles 5, paragraphes2 et 3, 7, paragraphe 2, et 11de la
conventionde Montréal;
c) queles Etats-Unissontjuridiquementtenusde mettrefmet de renoncerimmédiatement à
ces violations àttoute formede recoursà la forceou àla menacecontre la Libye, y
comprisla menacederecourir à la force contre la Libye, ainsi qu'àtoute violatiolade
souverainetéd, el'intégrterritorialeet de l'indépendeolitiquedelaLibye."

4•4 Lors des plaidoiries relatives aux exceptions préliminaires, la Libye a dans ses

conclusions fmales demandé à la Cour de dire que

"leRoyaume-Uniestjuridiquementtenu de respecterledroitde laLibyà ce que cette convention
nesoitpasécarté eardesmoyensquiseraientaudemeuranten contradictionavecles principes Œ
la ChartedesNations Unies et du droitinternationalgénérde caractèreimpératifqui prohibent
l'utilisatide la forceet la violatiode lasouveraineté,de l'intégriterritoriale, de l'égalité
souverainedesEtatset deleurindépendancepolitique.2

4. 5 Les deux Etats défendeurs prétendent que la Cour n'a pas compétence pour
conna.Itredes questions soulevéespar cette requête.En ce qui concerne le Royaume-Uni,

la Cour a rejetécet argument dans les passages suivants :

"35. Le Royaume-Unisoutient qu'iln'appartientpas à laCour, sur la basedu paragraphe1 Œ
l'article 14 de la conventide Montréal,de se prononcer sur la licéitdes actions, au
demeurantconfonnesau droit international,engagéespar le défendeuen vue d'obtenir la

livraisondes deux auteurs présumés de l'infraction. Il en déduitque la Cour n'a pas
compétencepourconnaitredesconclusionsprésentées surcepointparla Libye..

36. La Cour ne sauraitaccueillirl'argumentationainsi formulée.Il lui appartient en eŒfet
juger,sur la basedupamgraphe1de l'article14 dela conventionde Montréal, dela licéité
des actions critiquépar laLibye, dansla mesure où ces actions seraient contraires aux
dispositionsdelaconvention deMontréal."3

4
La Cour s•est expriméede la mêmemanièrepour les Etats-Unis •

2
ML., p. 242,§ 8.1 d.
3 C.IJ., op. cit.p.23.
4
C.IJ., op.cit., p. 128§§ 34-35.86.
Chap. IV -Lemenaces du recours à la force

4 .6 Le fondement de la réclamation de la Libye repose sur des violations de la
convention de Montréaldont les·défendeurs portent la responsabilité. Ces violations ont

notamment pris la forme de menaces conjointes contre la Libye pour l'empêcher de
bénéficierde l'application des dispositions juridictionnelles de la conventionontréal.

4. 7 La responsabilité pour de telles menaces de recours à la force relatives à

l'application dela convention prend sa sourcedans laviolation de la convention et est
indépendante de la violation des principes impératifs du droit international généralqui

interdisent le recours à la menace de l'emploide la force.

4. 8 Comme la Libye l'a démontrélors de la phase orale de la procédure relative aux

exceptioru préliminaires, une grande partie des menaces de recours à la force ont été
formulées au cours de la périodeantérieureau 31 mars 1992, c'est-à-dire au cours de la

période antérieureà l'adoption de la première résolutioncontraignant e ar le Conseil de
sécurité,le 31 mars.

4 •9 Dès 1991, les défendeurs ont recouru à la stratégiede la menace du recours à la
force, ils ont poursuivi cette stratégie-1992,avant que le Conseil de sécuritén'adopte la

résolution731. Ce faisant, les défendeursont violéla convention de Montréal.

Sur le plan de la logique juridique (ordinaire), de telles menaces sont en relation

avec l'exécution,ou de toute autre façon, de la convention de Montréal.Si M. X passe un
contrat avec M. Y et si parlasuite M. X menace de recourir à la force afin d'empêcherM.

Y d'exercer une prérogative que lui confèrele contratil s'agit d'une violation du contrat.
La conduite de M. X peut égalemententraîner sa responsabilité extra-contractuelle, mais

mêmedans cette hypothèse, cette conduite demeure une violation du contrat.

4.1 0 Les menaces d'emploi de la force et leurs effets juridiques quant aux droits du

demandeur concernent de toute évidencel'interprétation et l'application des dispositions
de la convention de Montréal;elles relèventdonc de la compétencede la Cour.

Section 2 ~ Les affaires relatives à la compétence en matière de pêcheries

4 •11 Lajurisprudence de la Cour montre que des actes constitutifsde recours à la force

peuvent entrer dans le cadre d'une demande basée sur une clause compromissoire. La
compétence de la Cour dans l'affaire de la Compétence en matière de pêcheries 87.
Chap. IV -Les menaces du recoàrla force

(Royaume-Uni c. Islande) reposait sur l'échangede notes anglo-islandais du 8 juin
1961 s.

4.12 Au cours de la procédure orale subséquente, concernant la phase au fond, le

Royaume-Uni avait soulevéun certain nombre de questions qui ressortissaient clairement

de la compétenceconférée à la Cour par l'échangede notes. La conclusion du mémoiredu
Royaume Uni relatif à la phase au fond se lisaitcomme suit:

"[...] le gouvernementdu Royaume-Unidemandequ'ilplaiseà laCour dire et juger:

a) que la prétentionde l1slande d'avoirdroit à une zone de compétenceexclusive sur les
pêcheriesjusqu'à50millesmarinsà partides lignesde base tracéesautour de ses côtes est
sansfondementendroitinternationalet n'estpas valable;

b) que, vis-àvis du Royaume-Uni, l'Islanden'est pas en droit d'établirunilatéralementune
zone de compétenceexclusive sur les pêcheriesau-delà des limites convenues dans
l'échangede notesde 1961;

c) quel'Islanden'est pasen droitd'exclureunilatéralementlesnaviresde pêchebritanniŒues
la régionŒ la haute mer situéeau-delàdes limites convenuedansl'échangede notes Œ

1961 ni d'imposerunilatéralementdesrestrictions aux activitésde ces navdans ladite
région;

d} que les actesduGouvernementislandaistels que ceux qui sont évoqudans la cinquième
partiedu présentémoirec ,'est-à-direlesentravesapporté,ar laforce ouparla menace
del'emploidelaforce, aux activitésdesnaviresdepêche britanniquesopérantdans ladite
régionde la haute mer,ontilliciteset que l'Islandea l'obligation d'indemniserde ce chef
le Royaume-Uni (la natureetle montant decette réparationdevant êtreétablis,défaut
d'accordentre lesparties,de lamanièrequela Courpourraindiquer);et

e) que, dans la mesureoù il est fait état,pour des motifs de conservation corpar des

preuves scientifiquesdûment attestées,de la nécessitéd'appliquerdes restrictions aux
activitésdepêche dans ladite partide la haute mer, 11slandeet le Royaume-Uni ont
l'obligationd'examinerensembleetde bonnefoi (soit bilatéralement,soit de concert avec
d'autresEtats intéressst en recourantsoideànouveauxarrangements, soit aux organes
qui existent déjàpourassurerlacollaborationinternatiodans ces domaines, comme la
Commission des pêcheriesde l'Atlantiquedu nord-est), la réalitéet l'étenduede cette
nécessité,ainsique l'obligation<l'engagerdes négociationsen vue d'instaurer pour les
pêcheriesde la régionun régimequi, compte étantdûment tenu des intérêtsdes autres
Etats, garantisseà l'Islande,relativementaux restrictionsqui apparaîtraient nécessaireainsi
qu'ilest dit plus haut, situationprivilégiconformeà sa position d'Etatspécialement

tributaireesdites pêcheries,et qui assure égalementau Royaume-Uni une situation
conforme à ses intérêtraditionnelset à ses droits acquissur lesdites pêcheries,ainsi qu'à
sa situationactuellededépendanceà l'égde cespêcheries."

4•13 ll ressort clairement de cet extrait que pour l'Etat demandeur, la déclaration

unilatéralede l'Islanded'avoirune nouvelle zone de pêcheexclusive jusqu'à 50 milles de

ses côtes, l'exclusion unilatéraledes navires de pêche du Royaume-Uni de cette zone et

5 Voy. C.IJ., Compétenceenmatièredepêcheries(Royaume-Unic. Islande), arrêsur la compétence,
Rec. 1973, p.3.

6 C.I.J., Compétenceen matière depêcherie(sRoyaume-Uni c. Islande). mérrwiresur le fond du
différenprésentéparlegouvernementduRoyaume-Uni deGrande-Bretagne et d1rlandedu Nord, pp.
145-146, § 319, soulignépar la Libye.88.
Chap. IV -Les menaces du recours à la force

les entraves apportées,par la force ou la menace de l'emploi de la force, aux navires de

pêchedu Royaume-Uni couvraient les dispositions de l'échangede notes.

4.14 Lorsque les questions relatives à la clause compromissoire furent soulevées, la

Cour adopta une attitude pragmatique et ouverte. Le passage pertinent de l'arrêtse lit

comme suit:

"47. La clause compromissoire de l'échangede notes de 1%1 donne compétencà la Cour en ce
qui concerne un 'différendr'elàTélargissementde la juridiction sur les pêcheriesautour
de l'Islande'. Le présentdifférendrésulte de l'élargissementunilatéral par l'Islande de sa
juridiction sur les pêcheries.Mais ce serait interpréter la clause compromissoire trop

étroitementque d'enconclure que la Cour n'acompétenceque pour répondrepar oui oupar
non à la question de savoir si l'élargissementde la juridiction sur les pêcheries,telle qu'elle
à étémise en oeuvre par l'Islandele 14 juillet 1972, est conforme au droit international. Si
l'onconsidère les négociations quiont eu lieu entre les Parties en 1960 (paragraphe 25 ci­
dessus) et en 1971-1972 (paragraphesà32 ci-dessus), et pendant lesquelles la question des
mesures de conservation en matièrede pêcheriesdansla régionet la question des droŒts
pêchepréférentielsde l'Islandeont étésoulevéeset discutées, si l'on considère aussi la
procédurequi s'est dérouléedevant la Cour, il semble évidentque le différendentre les

Parties englobe dedésaccordsquant àl'étendueetà la portéede leurs droits respectifs sur
les ressources halieutiques et quant aux mesures propreserver ces ressources. On doit
donc conclure que ces désaccordssont des élémentsdu 'différendr'elatif à 'l'élargŒssement
la juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande'.

48. En outre, le différendportédevant la Cour doit êtreconsisous tous ses aspects. Même
si l'onestimait que la compétencede la Cour est limiàéla question de la conformitŒ
l'élargissementopérépar l'Islandeavec les règlesdu droit international, la Cour n'en devrait

pas moins déterminerdans ce contexte le rôle et la fonction que ces règles résàrlant
notion de droits préférenetàlcelle de conservation des stocks de poissons. Ainsi donc,
quelle que soit la conclusiàn laquelle la Cour parvienne en ce qui concerne les droits
préférentielset les mesureseconservation, elle est tenue d'exanùner ces questionpar
rapport à la présentaffaireEn conséquence,non seulement on ne saurait tirer argument
des termes de la clause compromissoireà l'appui de la restriction suggéréequanà la
compétence de la Cour, mais encore une telle restriction empiéterait indûment sur le
pouvoir qu'ala Cour de prendre en considérationtous les élémentspertinents pour rendre la
justice entre les Parti7s."

4 .15 Dans l'instance "parallèle" opposant la République fédérale d'Allemagne à

l'Islande, la Cour a expressément traitéde la question de sa compétence à l'égarddes

actes d'entravepar la force. La Cour a affirmél'existencede sa compétence.Les passages

pertinents sont les suivants :

"71. Dans la quatrièmeconclusion de son mémoire,maintenue pendant la procédure orale, la
République fédéraled'Allemagnea soulevéla question d'uneréparation pour les acteŒ
harcèlementque les garde-côtesislandais auraient commis contre ses navires de pêche.Sa
conclusion est ainsi formulée:

'Queles actes des gardes-côtes islandais visant à gêner,par la menace ou l'emploi
de la force, les naviresde pêcheimmatriculés dans la République fédérn.le

d'Allemagne ou à entraver leurs opérations de pêchesont contraires au droit
international et que l'Islande dàice titre réparatiànla République fédérn.le
d'Allemagne.'

7 C.I.J.Compétenceen matière de pêcheries(Royaume-Uni c. Islande), Recueil 1974, pp .21 et 22. 89.
Chap. IV-Les menacesdu recourà la force

72. La Cour ne peut admettre qu'elle n'aurait pas compétencepour connaître de cette
conclusion.Le problèmesoulevé à cet éganls'inscritdans la controversequi est survenue
entre les Parties et constitue un différendrelatif à l'élargissementpar l'Isdensa
compétenceen matièredepêcheriesL . a conclusion se fonde sur des faits postérieursau
dépôtde la requêtmaisdécoulandtirectementdelaquestionquifait l'objedecette requête.
A ce titre, elle relèvede la compétdecla Cour telle qu'ellea édéfiniedans la clause
compromissoirede l'échangedenotesdu 19juillet 1961.8

4.16 Le Juge Onyeama se rallia à la majoritésurce point De ses propres mots :

"J'enviensà la quatrièmeconclusionde la Républiquefédérale'Allemagnesuivant laquelleles
actesdesgarde-côtesislandaisvisantà gênrarlamenaceou l'emploide la force, les navireŒ
pêcheimmatriculés dans la Républiquefédéralde'Allemagneou à entraverleurs opérationsŒ
pêchesont contrairesau droit internationalet l'Islandedoit à ce titre réparationà la République
fédérale'Allemagne.J'estimeque la Cour est compétentepour connaître de la demandeainsi
présentéel,es actes incriminéstenantrectementau fait que l'Islandes'est efforcéed'appliquer
l'extensionde sa compétenceen matièrde pêche avant que la Cour ait pu se prononcer sur sa
validitécomme le prévoyaitl'échange de notes de 1961. A mon avis, quand les Parties ont
conférécompétence à la Cour, elles avaientcertainementenvisagéla possibilitéde demandesen

réparatioen casde manquementà l'accordconsacréparl'échangedenotes,etlesactes précisdont
ils'agiten l'espèceme semblentrentrerdans lecadrede ce que l'échangede notes appelle un
'différenrelatifà l'élargissemen9t"'

4.1 7 L'analogie entre la présenteinstance et les affaires de Compétenceen matière de

pêcheriesne fait aucun doute. Dans les affaires relatives aux pêcheries,les mécanismes

des violations des obligations dénoncéespar le Royaume-Uni et la République fédérale

d'Allemagne consistaient dans des formes d'entrave à la circulation, entrave accompagnée
de recours ou de menace de recours à la force. Dans la présenteaffaire, les violations de la

convention de Montréal dontles défendeursportent la responsabilitéont pris la forme de

menaces précisesqui répondaientà une certaine stratégieet visaient à empêcherla Libye

d'exercer les compétences juridictionnelles que lui confèrent les dispositions de la

convention.

Section 3 - Le type de menace de recours à la· force émanant des Etats

défendeurs

4. 18 Les "épisodes"pertinents sont présentéspar ordre chronologique.

8 C.IJ., Compétence en matière de pêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), Recueil
1974, p. 203.
9
C.IJ., op.cit., p. 250.90.
Chap. IV - Les menaces du recours à la force

4.19 Au cours d'un briefing du Départementd'Etat, le 14 novembre 1991 JO M.

Richard Boucher affmna "nous explorons une séried'options"et plus tard :

"A ce stade je crains de pouvoir seulement dire que nous envisagerons toute une gamme
d'options, nous envisageons toute une gamme d'options".

4.20 Lors d'une conférencede presse, le 19 novembre 1991, le présidentBush affirma
clairement que le recours à la force n'étaitpas exclu. En réponse à une question relative

aux options considérées, ilfit (entre autres) les observations suivantes:

"Third, we've notruled out anything, we'venot ruled it in, any option in or out. We must keep

our options open in responding to the incident, but 1 hope you can appreciate the importance of
keeping our options secret as weil. 1don'twant to telegraph what we might do."

M. Bush déclara également:

"So, with respect to your question, 1 hope you will forgive me if 1 don't show my bands, if 1

don'tgo into more detail on what options are available."

Et il poursuit :

'Tm sure you've readabout economie sanctions, and l'rn sure you've readabout retaliation, but
beyond mentioning broadcategories, 1 would simply emphasize that 1 will continue to consult
with our allies, people whose citizens were also killed in this horrible actrorism, and when
we'll make a prudent decision on behalf of United States of America. And l'rn confident that
when that is done, the American people will be supportive of the President in this instance. This
is one that gets beyond any partisan politicsd the ·politics of 92 that 1 talked a little about a
while ago" 11.

4. 21 Le 15 décembre 1991, M. Cheney, Secrétaireà la défense, étaitinterrogé à la

NBC:

"Mr. Secretary, we just have less than a minute. Libya has still not turned over the two alleged
bombers of Pan Am 103, "Is military retaliation against Libya a real option ?"

10 M.L., vol. 1des annexes, annexe n° 11.

11 M.L., vol. II des annexes, annexe n° 33. Traduction par la Libye :
"Troisièmement, nous n'avons rien exclu. Nous n'avons ni exclu ni adoptéaucune option. Pour
répondreà cet incident, nous devons gardernos options ouvertes, mais j'espèreque vous comprendrez
qu'il est important de garder nos optionsecrètesJe n'ai pas envie d'envoyer un télégrammesur ce
que nouspourrions entreprendre."

"Donc en ce qui concerne votre question, j'espèreque vous m'excuserez si je ne montre pas mes
cartes, si je ne vous en dis pas plus sur les options dont nous disposons."
"Vous savez ce qu'ona pu liresur les mesures de représailles, mais je n'entreraidans le détail.Je
voudrais simplement souligner queje continuerai à consulter nos alliés.Ce sont des gens qui ont, eux
aussi, perdu des compatriotes dans cet horribleacteterrorisme. et que nous prendrons une décision
réfléchieau nom des Etats Unis. Et j'aiconfiance dans le fait que lorsque cela se présentera,le peuple
américain supportera son président dans cette affaire. Cette question se situe au-delà de toute

controverse partisane et des politiques de 1992que j'aiévoquéesil y a quelque temps." 91.
Chap. IV -Les menaces durecoursà la force

La réponsede M. Cheney fut la suivante :

"We have never ruled any option in or any option out."

Il poursuivit :

"Obviously we have continued to pursue that. As the President's indicated, we care very much
about bringing to justice those people who were responsible for the bombing of Pan Am
103." 2

4.22 A la Chambre des communes, le 20 janvier 1992, le Ministre d'Etat britannique,

M. Douglas Hogg répondait à une question poséepar M. Dalyell.

La question et la réponseétaientformuléescomme suit :

"Will the Minister answer the question put by Dr. Jim Swire about how one avoids a cycle of
violence being unleashed? If military action is not ruled out and 1 get the impression from
what the minister said thatt is not ruled out -thal does the Minister expect but this for thal?

Should we not recognize that the ~hol eagedy startedwith the bombing of Tripoli, with the
bombing of the civiliansareas of Benghazi and with the shooting down by the Vincennes, now
discovered to have been in Iranian territorial waters, of the Iranian ai13ines ?"

La réponsede M. Hogg fut la suivante :

"1 have never made any reference to tuse of force.1 have said here and elsewhere that weseek
to persuade the Government of Libya to comply with our request that the two people should be

brought to trial before the courts eitherScotland or the United States.We hope that we shall
secure United Nations resolution underpinning that requesi. We hope that the Government of
l.ibya will comply. Clearly, if they do not, we shall have to consider our next step . I've not
suggested force. 1have ruled nothing in and 1rule nothing out."

12 M.L., § 2.8, notes 32 et 33, annexe n° 62. Traduction par la Libye :
"M. le Secrétaireilnous reste moins d'uneminute. La Libye n'apas encore livréles deux suspectsŒ
l'attentat contre le vol 103 de la Pan Am. Des représailles militaires contre la Libye sont-elle
réellementenvisagées ?"

"Nous n'avonsjamais adopténi écartéaucune option."
" Bien entendu, telle est restéenotre politique. Comme le Présidentl'aindiqué,nous tenons beaucoup
à amener devant la justice les gens qui sont responsables de l'attentat contre le vol 103 de la Pan
Am."

13 M.L., § 2.8, note 35; annexe n° 80. Traduction par la Libye:
"Le Ministre peut-il répondrà la question de M. Jim Swire quant aux mesures à prendrepour éviter
de déclencherun cycle de violence. Si une option militaire n'estpas écartée- et ce que le Ministre a
dit me donne l'impression que cette éventualitén'a pas étécartée- le Ministre s'attend-ià autre
chose qu'uneriposte du tacau tac Ne devrions-nous pas reconnaître que toute la tragédiea commencé

lorsque Tripoli a étébombardé,lorsque les quartiers civils de Benghazi ont étébombardéset lorsque le
Vincennes, dont on sait aujourd'hui qu'il se trouvait dans les eaux territoriales iraniennes, a abattu
l'avion iranien?"
14 M.L. § 2.8, note 36; annexe n° 80. Traduction par la Libye:

"Je n'aijamais mentionnéle recours à la force. J'aidit ici et ailleurs que nous essayons deconvaincre
le Gouvernement libyen defaire droit à notre demande tendant' à ce que les deux intéresséssoient
traduits en justice devant les tribunaux écossaisou américains. Nous espérons obtenirdesNations
Unies une résolution entérinantcette demande. Nous espérons que le Gouvernement libyen y feca92.
Chap. IV - Les menaces du recoàrla force

La déclarationdu Ministre d'Etat britannique envisage clairement le recours à la
force comme moyen de mise en oeuvre de ladite requête.ll ne s'agit pas d'une promesse

inconditionnelle de recourir à la force mais d'uneaffirmation que la force peut êtreutilisée

si cela s'avèrenécessaire.

4.23 Le 10 février 1992, le Vice-président des Etats-Unis, M. Dan Quayle, était

interviewédans le cadre de l'émissionde la BBC "Newsnight".

Déclarantque les Etats-Unis n'avaient pas une patience illimitée, M. Quayle

affirma:

"You just have to look at the past to see that we have the political will to make these kinds of
requests happen."1

Selon le gouvernement de la Libye, il s'agit d'une allusion faite de sang-froid aux

bombardements de 1986. ll ne s'agit pas ici d'une simple supposition de l'Etat

demandeur, puisque les médiasont coinpris ces remarques comme une invocation du

recours à la force16,

4.24 Le 18 février à Londres, un porte-parole du Foreign Office a averti que "rien ne

serait exclu". L'emploi d'une formule identique aux précédentesconstitue une étape

supplémentairedans la campagne menéepour obtenir la détentiondes deux suspects.

Un article du correspondant économiquedu London Times, dans son édition du
7
21 mars 1992 1 ,donne une indication de l'impactde ces déclarations répétée :s

"The pound and shares ended the week almost exactly where they started, despite a week of full of
mainly gloomy economie indicators.
After figures that showed annual inflation in February dropping below the German rate for the
ftrst time in almost 25 years sterling yesterday stood at DM2.8919 at the official Bank of
England close, almost half a pfennig up on its Thursday finish. It began the week at DM2.8572.
The week's gyration left the pound at $1.7007 yesterday, down more than a cent from the
previous close. Sterling's trade-weighted index was steady on 89.8 precisely where it started the
week. The dollar's strenght was the main featureoreign exchange markets yesterday.

The American currency moved ahead after reports that President Bush was discussing Iraq with
his chiefs of staff. Fears of military action in the Gulf, or against Libya, drove investors into the
dollar, the traditional safe haven."

droit. Manifestement, si tel n'est pas le cas, nous devons déterminerquelles mesures s'imposent.
n'aipas suggéréla force. Je n'airien choisi et je n'airien exclu."

15 M.L., annexe n° 98. Traduction par la Libye :
"Vous n'avezqu'à regarder dans le passépour vous apercevoir que nous avons la volonté politŒque
faire en sorte que ce type de requêtesoit exécutée".
16 V. Washington Times Reports, in M.L., annexe n° 91.

17 London Times, 21 mars 1992, annexe n° 2. 93.
Chap. IV -Lesmenaces du recours à la·force

Dans son bulletin se référantaux indicateurs économiques de la semaine

précédente,M. Colin Narbrough, journaliste économique,affmne que:

"Fears of military actinthe Gulf, or against Libya, drove investors into the dollar, the
traditionalsafe haven."

4. 25 La lecture de ces extraits révèlede toute évidence l'existence d'lin modèle de

menace, qui se dégagede la phraséologierépétitive et uniforme de hauts responsables
politiques, depuis M. Bush jusqu'au porte-parole du Foreign Office. Ces déclarations

couvrent une périodede trois mois. La premièredéclarationdate du 19 novembre - la

déclarationde M. Bush- et la dernièredéclarationqui apparaît dans la chronologie est

émisepar le porte-parole du Foreign Office le 18 février;il y a de toute évidenceune
stratégieconcertéedans la formulation des menaces d'emploide la force.

4. 26 Ces extraits de citations directesde personnesoccupant des fonctions officielles en

réponseaux questions posées fourni~ saereuve de l'existence d'une telle stratégie.
Les réponses aux questions furent fournies par le Département d'Etat américain, le

PrésidentBush, M. Cheney, Secrétaireà la défense,M. Douglas Hogg, Ministre d'Etat,

FCO, le Vice-présidentQuayle, et le porte parole du Foreign Office.

Les sources dans lesquelles ces personnes de haut rang sont citées sont les

suivantes:

- U.S. Federal News Service;

- Conférencede presse téléviséd eonnéepar le PrésidentBush au Southern Newspaper

Association.;

- Compte rendu d'une interview sur la chaîne de télévisionNBC dans le cadre de

l'émission"Meet the Press";

- Compte rendu officiel des débatsdu Parlement britannique;

- The Middle East Economie Digest;

- The Scotsman newspaper.94.

4•27 n est remarquable que les menaces de recours à la force persistèrentmêmeaprès
l'adoption de la résolution748 (1992), le 31 mars 1992. Le 2 avril, M. Pickering, le

représentantaméricainaux Nations Unies, citédans le Washington Post, répondant à la
question de savoir si une action ultérieureétaitenvisagée,en affmnait qu'"il n'est pas
1
possible pour nous d'adopterni d'écarterune option spécifique" 8.

Autrement dit, le 2 avril 1992, un représentantofficiel américaincontinuait à
employer la formule-type de la menace, qui étaitapparue pour la premièrefois dans les

archives quatre mois plus tôt à la date du 14 novembre1991 à l'occasion du briefing du
Départementd'Etat

* * *

18 Washington Post, 3 avril 1992, p. A24, col.3,annexen°4. 95.

CONCLUSIONS

Par ces motifs, et tout en se réservantle droit de compléteret modifier, s'il y a

lieu, les présentesconclusions en cours de procédure,la Libye prie la Cour

1. de dire et juger :

a) que les requêtesde la Libye sur l'applicationde la convention de Montréal,en ce
compris l'interdiction de la menace du recours à la force, restent recevables à

l'égarddu Royaume-Uni, nonobstant les résolutions 748 (1992), 883 (1993) et
1192 (1998) du Conseil de sécuritéet l'organisation du procès des accusés aux

Pays-Bas;

b) que, le Royaume-Uni a violéses obligations à l'égardde la Libye, obligations

formuléesaux dispositions suivantesde la convention de Montréal:

- l'art.7 pris isolément;

- l'art.7 combiné à l'art.5 §§ 2-3;

- l'art.7 combinéà l'art 8 § 3;

- l'art. 11;

c) que la convention de Montréalcontinue à s'appliquer dans la phase actuelle du

différendentre la Libye et le Royaume-Uni à propos de l'incidentde Lockerbie;

d) que la Libye a pleinement rempli ses obligations au regard de la convention de

Montréal;

e) que le Royaume-Uni étaitjuridiquementtenu de respecter le droit de la Libye à ce
que cette convention ne fût pas écartéepar des menaces de recours à la force qui,

au surplus, violaient les principes impératifsde la Charte des Nations Unies et du

droit international général;

f) que, par conséquent,la responsabilitédu Royaume-Uni est engagéepour les faits

illicitesimputables au défendeur;96.

g) que toute conclusion contraire du Royaume-Uniest rejetée.

II. de réserverle droitde la Libye de demander des réparationspour les faits illicites
imputables au défendeur.

Document Long Title

Reply of the Great Socialist People's Libyan Arab Jamahiriya

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