Public sitting held on Friday 12 October 2012, at 3 p.m., at the Peace Palace, President Tomka presiding, in the case concerning the Frontier Dispute (Burkina Faso/Niger)

Document Number
149-20121012-ORA-02-00-BI
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2012/24
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Uncorrected

CR 2012/24

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2012

Audience publique

tenue le vendredi 12 octobre 2012, à 15 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Tomka, président,

en l’affaire du Différend frontalier
(Burkina Faso/Niger)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2012

Public sitting

held on Friday 12 October 2012, at 3 p.m., at the Peace Palace,

President Tomka presiding,

in the case concerning the Frontier Dispute
(Burkina Faso/Niger)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : M. Tomka,président
Sepúl.vvace-poé,ident

OwMaMa.
Abraham
Keith
Bennouna

Skotnikov
Crnçadoe
Yusuf
Greenwood

XuMe mes
Donoghue
Gaja.
Sebutinede

Bhgn.dari,
MaMhiou.
jDgesdet, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presient ka
Vice-Presipeúnltveda-Amor

Judges Owada
Abraham
Keith
Bennouna

Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood

Xue
Donoghue
Gaja
Sebutinde

Bhandari
Judges ad hoc Mahiou
Daudet

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement du Burkina Faso est représenté par :

S. Exc. M. Jerôme Bougouma, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de
la sécurité,

comme agent ;

S. Exc. Mme Salamata Sawadogo/Tapsoba, ministre de la justice, garde des sceaux,

S. Exc. M. Frédéric Assomption Korsaga, ambassadeur du Burkina Faso auprès du Royaume des
Pays-Bas,

comme coagents ;

S. Exc. M. Alain Edouard Traoré, ministre de la communication, porte-parole du Gouvernement,

comme conseiller spécial ;

Mme Joséphine Kouara Apiou/Kaboré, directrice générale de l’administration du territoire,

M. Claude Obin Tapsoba, directeur général de l’Institut géographique du Burkina Faso,

M. Benoît Kambou, professeur à l’Université de Ouagadougou,

M. Pierre Claver Hien, historien, chercheur au centre national de la recherche scientifique et
technologique,

comme agents adjoints ;

M.MathiasForteau, professeur à l’Université ParisOuest, Nanterre-La Défense, membre de la

Commission du droit international,

M. Alain Pellet, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, ancien président de la
Commission du droit international, membre associé de l’Institut de droit international,

M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Pa ris Ouest, Nanterre-La Défense, directeur du
Centre de droit international de Nanterre, avocat au barreau de Paris (cabinet Sygna Partners),

comme conseils et avocats ;

M. Halidou Nagabila, ingénieur topographe,

M. André Bassolé, expert en géomatique,

M. Dramane Ernest Diarra, administrateur civil,

e
M Benoît Sawadogo, avocat à la Cour,

M Héloïse Bajer-Pellet, avocat au barreau de Paris,

M. Romain Pieri, chercheur en droit international,

M.LudovicLegrand, chercheur au Centre de dr oit international de Nanterre (CEDIN), juriste

(cabinet Sygna Partners),

M. Simplice Honoré Guibila, directeur général des affaires juridiques et consulaires,

M. Daniel Bicaba, ministre conseiller à l’ambassade du Burkina Faso à Bruxelles,

comme conseillers. - 5 -

The Government of Burkina Faso is represented by:

H.E. Mr. Jérôme Bougouma, Minister for Territorial Administration, Decentralization and Security,
Asgent;

H.E. Ms Salamata Sawadogo/Tapsoba, Minister of Justice and Keeper of the Seals,

H.E.Mr. Frédéric Assomption Korsaga, Ambassador of Burkina Faso to the Kingdom of the

Netherlands,
Cso-Agents;

H.E. Mr. Alain Edouard Traoré, Minister of Communication, Government Spokesman,

as Special Adviser;

Ms Joséphine Kouara Apiou/Kabore, Director-General of Territorial Administration,

Mr. Claude Obin Tapsoba, Director-General of the Geographical Institute of Burkina,

Mr. Benoît Kambou, Professor at the University of Ouagadougou,

Mr. Pierre Claver Hien, Historian, Researcher at the National Science and Technology Research
Centre,

Dseputy-Agents;

Mr.Mathias Forteau, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, Member of
the International Law Commission,

Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, former Chairman
of the International Law Commission, associate member of the Institut de droit international,

Mr.Jean-Marc Thouvenin, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
Director of the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), member of the Paris Bar
(Cabinet Sygna partners),

as Counsel and Advocates;

Mr. Halidou Nagabila, Surveying Engineer,

Mr. André Bassolé, Geomatics Expert,

Mr. Dramane Ernest Diarra, Civil Administrator,

Maître Benoît Sawadogo, Avocat à la Cour,

Maître Héloïse Bajer-Pellet, member of the Paris Bar,

Mr. Romain Pieri, International Law Researcher,

Mr. Ludovic Legrand, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Lawyer
(Cabinet Sygna partners),

Mr. Simplice Honoré Guibila, Director-General of Legal and Consular Affairs,

Mr. Daniel Bicaba, Minister-Counsellor, Embassy of Burkina Faso in Brussels,
Asdvisers. - 6 -

Le Gouvernement du Niger est représenté par :

S. Exc. M. Mohamed Bazoum, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la coopération,
de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur, président du comité d’appui aux conseils
du Niger,

comme chef de la délégation et agent ;

S. Exc. M. Abdou Labo, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, de la sécurité publique, de la
décentralisation, et des affaires religieuses,

comme coagent ;

S. Exc. M Karidio Mahamadou, ministre de la défense nationale,

S. Exc. M. Marou Amadou, ministre de la justice, garde des sceaux, porte-parole du gouvernement,

S. Exc. M. Issaka Djibo, ambassadeur de la République du Niger auprès du Royaume des

Pays-Bas,

comme coagents adjoints ;

M.Sadé Elhadji Mahaman, conservateur des archives et bibliothèques, coordonnateur du

secrétariat permanent du comité d’appui aux conseils du Niger,

comme agent adjoint ;

M.JeanSalmon, professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles, membre de l’Institut de
droit international, membre de la Cour permanente d’arbitrage,

comme conseil principal ;

M. Maurice Kamto, professeur agrégé de droit public , avocat au barreau de Paris, ancien doyen de
la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Yaoundé II, ancien président et
membre de la Commission du droit internationa l, membre associé de l’Institut de droit

international,

M.PierreKlein, professeur de droit et directeur adjoint du Centre de droit international de
l’Université libre de Bruxelles,

M.AmadouTankoano, professeur de droit internatio nal, enseignant-chercheur et ancien doyen de
la faculté de sciences économiques et juridiqu es de l’Université AbdouMoumouni de Niamey
du Niger,

comme conseils ;

Mme MartynaFalkowska, chercheuse au Centre de droit international à l’Université libre de
Bruxelles,

comme assistante des conseils ; - 7 -

The Government of Niger is represented by:

H.E.Mr. Mohamed Bazoum, Minister of State for Foreign Affairs, Co-operation, African
Integration and Nigeriens Abroad, Chairman of the Support Committee to Counsel for Niger,

as Head of the Delegation and Agent;

H.E.Mr.Abdou Labo, Minister of State for the Interior, Public Security, Decentralization and
Religious Affairs,

as Co-Agent;

H.E. Mr. Karidio Mahamadou, Minister of National Defence,

H.E. Mr. Marou Amadou, Minister of Justice, Keeper of the Seals, Government Spokesman,

H.E. Mr. Issaka Djibo, Ambassador of Niger to the Kingdom of the Netherlands,

as Deputy Co-Agents;

Mr.Sadé Elhadji Mahaman, Curator of Archives and Libraries, Co-ordinator of the Permanent
Secretariat of the Support Committee to Counsel for Niger,

as Deputy Agent;

Professor Jean Salmon, Professor emeritus of the Université Libre de Bruxelles, Member of the
Institut du droit international, member of the Permanent Court of Arbitration,

as Lead Counsel;

Professor Maurice Kamto, Professor agrégé of public law, member of the Pa ris Bar, former Dean

of the Faculty of Law and Political Science at the University of YaoundéII, former Chairman
and Member of the International Law Commissi on, associate member of the Institut de droit
international,

Professor Pierre Klein, Professor of Law at the Université Libre de Bruxelles, Deputy-Director of
the Centre of International Law,

Professor Amadou Tankoano, Professor of International Law, former Dean of the Faculty of

Economic and Legal Science, Lecturer and Re searcher at Abdou Moumouni University in
Niamey, Niger,

as Counsel;

MsMartyna Falkowska, Researcher at the Centre of International Law, Université Libre de
Bruxelles,

as Assistant; - 8 -

Le général Maïga Mamadou Youssoufa, gouverneur de la région de Tillabéri,

M.AmadouTcheko, directeur général des affaires juridiques et consulaires au ministère des
affaires étrangères, de la coopéra tion, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,
coordinateur adjoint du comité d’appui aux conseils du Niger,

Le colonelMahamaneKoraou, secrétaire permanent de la commission nationale de frontières,
membre du comité d’appui aux conseils du Niger (en retraite),

M. Mahamane Laminou Amadou Maouli, magistrat, rapporteur du comité d’appui aux conseils du

Niger,

M.HassimiAdamou, ingénieur géomètre principa l, directeur général de l’Institut géographique
national du Niger, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,

M.HamadouMounkaila, ingénieur géomètre princi pal à la commission nationale des frontières,
membre du comité d’appui aux conseils du Niger,

M. Mahamane Laminou, ingénieur géomètre principal, expert à l’institut géographique national du

Niger, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,

M. Soumaye Poutia, magistrat, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,

M. Idrissa Yansambou, directeur des archives nationales du Niger, membre du comité d’appui aux
conseils du Niger,

M. Belko Garba, ingénieur géomètre, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,

Le général Yayé Garba, ministère de la défense nationale, membre du comité d’appui aux conseils
du Niger,

M. Seydou Adamou, conseiller technique du ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la

coopération, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,

M. Abdou Abarry, directeur général des relations bilatérales au ministère des affaires étrangères, de
la coopération de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,

Le colonel Harouna Djibo Hamani, directeur de la coopération militaire, des opérations et du
maintien de la paix au ministère des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration
africaine et des Nigériens à l’extérieur,

comme experts ;

M. Ado Elhadji Abou, ministre conseiller à l’ambassade du Niger à Bruxelles,

M. Chitou Boubacar, chargé du protocole à l’ambassade du Niger à Bruxelles,

M. Salissou Mahamane, agent comptable du comité d’appui aux conseils du Niger,

M.AbdoussalamNouri, secrétaire principal au secrétariat permanent du comité d’appui aux
conseils du Niger,

Mme Haoua Ibrahim, secrétaire au secrétariat permanent du comité d’appui aux conseils du Niger,

comme personnel d’appui. - 9 -

General Maïga Mamadou Youssoufa, Governor of the Region of Tillabéri,

Mr.Amadou Tcheko, Director-General of Legal and Consular Affairs at the Ministry of Foreign
Affairs, Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad, Deputy Co-ordinator of the
Support Committee to Counsel for Niger,

Col. (retired) Mahamane Koraou, Permanent Secretary to the National Boundaries Commission,
member of the Support Committee to Counsel for Niger,

Mr.Mahamane Laminou Amadou Maouli, Magistra t, Rapporteur of the Support Committee to

Counsel for Niger,

Mr.Hassimi Adamou, Chief Surveyor, Director-Gen eral of the National Geographical Institute of
Niger (NGIN), member of the Support Committee to Counsel for Niger,

Mr. Hamadou Mounkaila, Chief Surveyor at the National Boundaries Commission, member of the
Support Committee to Counsel for Niger,

Mr.Mahamane Laminou, Chief Surveyor, Expert at the National Geographical Institute of Niger

(NGIN), member of the Support Committee to Counsel for Niger,

Mr. Soumaye Poutia, Magistrat, member of the Support Committee to Counsel for Niger,

Mr.Idrissa Yansambou, Director of the National Archives of Niger, member of the Support
Committee to Counsel for Niger,

Mr. Belko Garba, Surveyor, member of the Support Committee to Counsel for Niger,

General Yayé Garba, Ministry of National Defe nce, member of the Support Committee to Counsel
for Niger,

Mr. Seydou Adamou, Technical Adviser to the Minister of State for Foreign Affairs, Co-operation,

African Integration and Nigeriens Abroad,

Mr.Abdou Abarry, Director-General of Bilatera l Relations, Ministry of Foreign Affairs,
Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad,

Col. Harouna Djibo Hamani, Director of Milita ry Co-operation and Peace-Keeping Operations,
Ministry of Foreign Affairs, Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad,

as Experts;

Mr. Ado Elhadji Abou, Minister-Counsellor, Embassy of Niger in Brussels,

Mr. Chitou Boubacar, Protocol Officer, Embassy of Niger in Brussels,

Mr. Salissou Mahamane, Accountant of the Support Committee to Counsel for Niger,

Mr.Abdoussalam Nouri, Principal Secretary, Perm anent Secretariat of the Support Committee to

Counsel for Niger,

MsHaoua Ibrahim, Secretary, Permanent Secretariat of the Support Committee to Counsel for
Niger,

as Support Staff. - 10 -

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte et j’invite Monsieur le

professeur Salmon à reprendre la parole à la barre. Vous avez la parole, Monsieur.

M. SALMON :

L A LIMITE DANS LE SECTEUR DE T ÉRA

(suite)

7. Monsieur le président, avant la pause de ce midi, je vous annonçais que nous allions vous

expliquer cet après-midi les trois cas où le Niger, tout en acceptant fondamentalement la ligne IGN

sur le secteur considéré, estimait qu’il fallait y apporter des modifications et qu’elles étaient

justifiées. Il s’agissait de Vibourié, de Petelkolé, d’Oussaltan et, je voudrais maintenant envisager

avec vous ces différents cas en suivant la ligne de puis le départ, c’est-à-dire depuis Tong-Tong, en

divisant le secteur en trois tronçons.

a) De Tong-Tong à la borne astronomique de Tao

1
8. De Tong-Tong à la borne astronomique de Tao, les croquis dressés en1927 par Delbos

ainsi que la carte «nouvelle frontière de la Haute-Volta et du Niger» 2, joignent ces deux points par

3
une ligne très légèrement sinueuse. Le croquis dressé en1927 par Prudon , contient, quant à lui,

une ligne droite. Par contre, la ligne IGN de 1960 [projection de l’extrait], que l’on voit en jaune

sur le croquis projeté, adopte une forme très largement incurvée vers l’ouest. Une telle incurvation

est nouvelle, il faut bien le dire et il convient d’examiner si elle est justifiée.

Borne astronomique de Tong-Tong

9. Le point de départ de la limite est i ndiscuté entre les Parties, il s’agit de la borne

astronomique de Tong-Tong. Ses coordonnées sont données comme point de départ du sect
eur

frontalier en litige dans l’article 2 du compromis du 24 février 2009 4.

1MN, annexes D 2 et C 20.
2
MN, annexe D 13.
3MN, annexe D 3.

4Ses coordonnées en sont les suivantes : latitude 14° 25' 04" N ; longitude 0° 12' 47" E. - 11 -

Comme le point de départ indiqué sur la carte IGN est situé plus à l’est, il est donc à écarter

de par la volonté même des Parties.

Borne de Vibourié

10. Le point suivant de la limite que nous a vons pu identifier en faisant des recherches dans

5
les archives est la borne de Vibourié . Cette précision trouve son origine dans un procès-verbal du

13 avril 1935 6, que les membres de la Cour trouveront dans le dossier des juges sous l’onglet n 15. o

Il s’agit d’un accord qui a été conclu par l’admini strateurGarnier (cercle de Dori) et l’adjoint

principal Lichtenberger (subdivision de Téra) à l’ issue du règlement d’une contestation concernant

l’occupation d’un terrain de culture :

Voici un extrait de ce procès-verbal :

«Avons décidé, nous reportant à la délimitation fixée entre Dori et Téra par
l’arrêté du 31août1927 (erratum), de nous rendre sur les lieux-mêmes aux fins de

nous rendre compte de l’emplacement du dit te rrain par rapport à la limite précitée.
Préalablement il avait été établi, d’après plans et devis en notre possession, que ladite
limite passait en oblique direction est-sud-est à 10kilomètres environ à l’est de

Falagountou …

Accessoirement, afin de prévenir tout retour de contestation territoriale

analogue dans ces parages nous avons implanté une borne devant fixer limite entre
DoriTéra: la limite en principe passant sur une droite idéale partant de la borne
astronomique de Tong-Tong et allant à la bor ne astronomique de Ta o. La borne de

Ouiboriels [sur la carte IGN, il est indiqué Vibourié] se trouvant située sur ce
parcours de principe, sur une ligne de cr ête à environ 10kilomètres à l’est de
Falagountou et 2 kilomètres à l’est de Ouiborie ls. Cette fixation de délimitation faite

contradictoirement n’a été l’objet de la part des parties en cause d’aucune
contestation.»

Cet arrangement reçut l’aval du gouverneur du Niger dont les deux cercles relevaient depuis

la suppression de la Haute-Volta. C’est, en réa lité, le seul accord entre cercles, postérieur à 1927,

qui ait fait l’objet d’une approbation expresse par l’autorité supérieure.

11. En revanche, aucun élément ne permet de justifier la lim ite portée plus à l’est sur la

carteIGN. Aussi, à partir de la borne de Vibourié , la ligne frontière rejoint en ligne droite la

ligneIGN à la borne astronomique de Tao. La limite dans ce secteur est donc constituée de

5
Coordonnées géographiques : 14° 21' 44" N ; 0° 16' 25" E.
6
Procès-verbal en date du 13 avril 1935 ; MN, annexe C 56.
7TLO693 AP du 17mai1935, suivant monographie du cer cle de Tillabéry rédigée en1941 par Leca, MN,
annexe C 65. - 12 -

deux segments de droite. [Fin de la projection. ] La Cour aura noté que, par rapport aux demandes

du Burkina Faso, le triangle ⎯ qui est colorié en jaune ⎯ formé entre ces deux segments de droite

et la ligne droite revendiquée par le Burkina doit, aux yeux du Niger, être attribué au Burkina Faso

[projection du croquis]. Donc, autrement dit, nous estimons que cette borne de Vibourié est la

ligne qui est réclamée par le Burkina. Ce triangle devrait être attribué au Burkina.

12. Néanmoins, ce dernier conteste ce point fro ntière sur base de divers arguments. Tout

d’abord du fait que ce point ne serait pas prévu par l’ erratum 8. Cet argument récurrent n’est guère

convaincant car ou bien il s’agit d’affirmer que ser ait dépourvu de fondement tout point non prévu

par l’erratum quel que soit son emplacement, ce qui est un non-sens, ou bien parce que ce point

n’est pas sur la ligne droite que revendique le Burkina Faso, ce qui est une pétition de principe.

Un second argument consiste à soutenir que le Niger affirmerait que l’implantation de cette

borne avait eu pour effet de déplacer la ligne prévue par l’ erratum de 1927 9. Il est évident que le

Niger n’a jamais prétendu que l’implantation de la borne avait eu pour effet de déplacer la ligne

prévue par l’erratum mais, s’il faut suivre ce que dit le te xte, il s’agissait d’une interprétation de

celui-ci 10. Il résulte du texte de l’accord que les deux administrateurs ont placé la borne sur la

limite passant «à 10 km environ à l’est de Falagountou» , limite dont ils connaissaient le tracé «par

plans et devis en [leur] possession».

Le Burkina Faso entraîne alors le lecteur dans un raisonnement surréa liste puisque la limite

devrait passer par la ligne droite que le BurkinaFaso a décrétée, et que si la borne a été placée à

11
Ouiboriels, c’est que les administrateurs ont fait une erreur . Or c’est évidemment l’inverse:

c’est la ligne droite inventée par le Burkina Faso qui ne passe pas par le point limite reconnu et

borné à l’époque par le cercle de Dori.

Enfin, le Burkina Faso tire subsidiairement ar gument de ce que la date de cet accord se situe

entre la disparition de la Haute-Volta(1932) et sa reconstitution(1947) et qu’à ce titre, ce

12
procès-verbal serait «sans effet sur la délimitation» . Le professeur Kamto a exposé ce matin les

8 CMBF par. 3.7 et 3.51. CR 2012/20, p. 23, par. 44 (Forteau).
9
CMBF, par. 3.45.
10
MN, par. 6.20.
11CMBF, par. 3.47.

12CMBF, par. 3.46. CR 2012/20, p. 23, par. 48 (Forteau). - 13 -

raisons pour lesquelles ce raisonnement n’est pas valable. Le Niger voit, en tout état de cause, dans

cet accord une simple interprétation de l’ erratum de1927 par les deux administrateurs de cercles

en cause et au profit du cercle de Dori. Les cercles se faisant face n’ont pas été modifiés de 1927

à 1960.

13. Le statut de point frontière de la borne de Vibourié étant ainsi confirmé, à partir de cette

borne, la ligne frontière rejoint en ligne droite la borne astronomique de Tao.

Passons donc dans le second secteur de la borne astronomique de Tao à Bangaré.

b) De la borne astronomique de Tao à Bangaré

La borne astronomique de Tao

14. Le point de départ du tronçon suivant (de la borne astronomique de Tao à Bangaré) se

13
situe à la borne astronomique de Tao . Dans son contre-mémoire, le BurkinaFaso affirme

péremptoirement que «les coordonnées sont toutefois erronées dans leur version nigérienne» 14. En

réalité, l’erreur vient plutôt du BurkinaFaso qui confond la «borne Tao» (située dans le village

même de Tao) et la «borne astronomique de Ta o» implantée à 5,750 kilomètres du village de Tao

⎯je suis désolé d’ennuyer la Cour avec des dé tails de ce genre, mais il nous faut bien répondre

aux allégations de l’autre Partie. Partant de cette borne frontière, la ligne défendue par le Niger

dans ce tronçon suit la ligneIGN jusqu’à Bangaré, à l’exception de deux localités: Petelkolé et

Oussaltane. Et ici, les choses sont tout de même plus importantes et plus intéressantes d’ailleurs.

Petelkolé

15. Envisageons d’abord Petelkolé. Les données de la carte IGN de 1960 relatives au village

de Petelkolé 15 sont contradictoires . En effet, Petelkolé se trouve être sur deux feuilles de1960.

Sur la feuille Sebba, Petelkolé se trouve sur la li gne frontière, alors que sur la feuille Téra, cette

13
Aux coordonnées suivantes: latitude 14°03'13"N; l ongitude 0°22'53"E. Les coordonnées de cette borne
relevées au GPS par la Partie nigérienne sont : 14° 03' 02.2" N ; 00° 22' 52.1" E.
14
CMBF, par. 0.14.
15
Les coordonnées du village sont 14° 00' 35.7" N ; 00° 24' 52.6".
16 Carte de l’Afrique de l’Ouest à 1/200.000: Républi que du Mali, République du Niger, République de

Haute-Volta, Téra, feuilee ND31 XIII, dessinée et publiée par l’Institut géographique national ⎯ Paris (centre en Afrique
occidentale ⎯ Dakar), 1 éd., juillet 1960, réimpression septembre1969, MN , annexeD23 (feuilleTéra) ou carte de
l’Afrique de l’Ouest au 1/200.000 : République du Niger, République de Haute-Volta, Sebba, feuille ND 31 VII, dessinée
et publiée par le Service géographique à Dakar en 1960, MN, annexe D 24 (feuille Sebba). - 14 -

localité se trouve légèrement à l’ouest de cette ligne. Ce village n’apparaît ni sur le croquis de

Delbos, ni sur celui de Prudon. Néanmoins, la localité de Petelkolé éta it nigérienne à l’époque

coloniale, comme l’attestent les informations administratives de cette période. Ainsi, dans

o
l’accord Roser/Boyer d’avril 1932 ⎯que vous trouverez sous l’ongletn 13, un document qui

pourrait être assez long et dont néanmoins la lecture est particulièrement intéressante car il montre

tout le cheminement complexe que pouvait conna ître les commandants de cercle lorsqu’ils se

trouvaient devant des situations difficiles ⎯ ce texte situe le village de Petelkolé à l’est de la limite,

17
et la mare voltaïque de Fétokarkalé à l’ouest . Donc, il le situe au Niger. Ils estiment d’ailleurs

qu’un rapport inverse qui avait été fait à Dori le 31 mars 1931 et qui lui signalait que «le village de

Petlkalkallé ou Fétokarkalé était lui au Niger et se trouvait lui-même à un kilomètre de la frontière,

18
ce qui, par comparaison, plaçait Petelkolé lui-même au Niger» .

Dans son contre-mémoire, le Burkina pen se pouvoir écarter le rapport Roser, car ce dernier

contenait un passage où son auteur déclarait que «l e bon sens et la réalité des choses exige[aie]nt

«une modification de cette limite» par le biais d’un nouvel «erratum», nouvel erratum qui ne fut

jamais adopté 19. Il est exact que cette phrase se trouve dans le texte mais il ne faut pas la dégager

de son contexte.

lecture ⎯ le raisonnement ⎯ qui a été fait à ce moment là par Roser est le suivant. Il

apparaît du texte que les deux commandants de cer cle interprètent le tracé de la ligne de l’ erratum

non pas en termes lexographiques mais en termes cartographiques selon la carte «nouvelle

frontière» du 6octobre1927 qui fut remise au chef-lieu en Haute-Volta en même temps que

20
l’erratum. Le rapport de Roser la considère comme «la carte officielle» . Cette carte étant

au1/1000000, Roser en a fait un agrandissement au 1/500000. Ce qui incidemment confirme

encore une fois l’autorité reconnue à cette carte par les administrateurs locaux et qu’en tout état de

cause ils ne considèrent donc pas que la limite d’octobre 1927 serait une ligne droite.

17Lettre n 112 et rapport de tournée de l’adjoint des serviccivils Roser, commandant à titre provisoire du
cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta, en date du 10 avril 1932 ; MN, annexe C 45. Le rapport de tournée de

l’administrateur du cercle de Dori du 31 mars 1931 signalait déjà «le village de Petlkalkallé ou Fétokarkalé étant situé sur
la limite de deux cercles et non défini par la délimitation, mais qui demeurera néanmoins à Dori, la frontière passant à
1 kilomètre environ à l’est de ce village» (MN, annexe C 41).
18
MN, annexe C 41.
19CMBF, par. 3.35.

20MN, p. 6. - 15 -

La deuxième constatation est que se fondant su r les critiques faites par Delbos en1927, ils

estiment que la limite, c’est-à-dire telle qu’elle est représentée sur la carte nouvelle frontière à

l’échelle inappropriée, ne représente pas une réa lité absolue tant au point de vue orographique

qu’au point de vue administratif.

Et la troisième constatation c’est qu’ils envisagent deux solutions au problème devant lequel

ils se trouvent. La première, c’est «de considérer les écarts que forme la limite réelle de part et

d’autre de la limite légalement fixée par les arrêtés de 1927 comme négligeables» en disant «[i]l est

impossible qu’une carte au millionième précise tous les accidents d’une ligne frontière» ⎯ ce qui

veut bien donc dire qu’ils considèrent que pour eux la ligne frontière est celle qu’ils voient sur la

carte «nouvelle frontière». Les deux commandements de cercle proposent donc d’interpréter le

texte lacunaire en fonction de la limite qu’ils considèrent comme traditionnelle.

Et la seconde constatation invoquée par le commandant Roser dans son rapport au

gouverneur de la Haute-Volta propose ce qui suit à titre de solution subsidiaire :

«Si cette manière de voir ne pouv ait obtenir votre haute approbation

[c’est-à-dire de considérer la différence comme négligeable], il ne resterait qu’à
envisager la procédure d’un nouvel erratum . La limite devrait alors être définie ainsi
pour la région considérée.»

Donc si on n’acceptait pas une certaine souplesse dans la lecture de la carte, alors il n’y aurait

qu’une autre solution: ce serait de faire un erratum et, selon lui, il faudrait alors l’écrire comme

suit afin de correspondre à la réalité de la ligne réelle entre les cantons. Et il donne sa lecture

«de là [mare de Higa], la ligne tracée sur la carte Delbos, passant par Bangaré (trois
quartiers: un à l’est du marigot de Bengaré et deux à l’ouest dont l’un est formé de
Gourmantchés originaires du village de Doum ba (Téra) et l’autre connu sous le nom

de Mamassirou, à Houssaltane qu’elle lai sse à l’est, à Petelkarkalé qu’elle laisse à
l’ouest, à Petelkolé qu’elle laisse à l’est …Le chef de subdivision de Téra et
moi-même sommes absolume nt d’accord sur son tracé que nous avons arrêté
ensemble, avant de nous séparer.»

Il faut bien comprendre que cette ligne passe pratiquement sur la carte à un centimètre entre les

différents endroits et que tout ce qui est mis à l’est est nigérien et tout ce qui est mis à l’ouest est au

contraire Burkinabè. Il insistait donc sur le fait que «le chef de subdivision de Téra et moi-même

sommes absolument d’accord su r son tracé que nous avons arrê té ensemble, avant de nous

séparer». - 16 -

Ce qui découle de tout ceci, c’est donc que l es deux administrateurs n’ont pas l’intention de

créer une nouvelle limite mais bien de préciser un texte lacunaire. Ils savent pertinemment bien

que ces localités ne sont pas désignées dans l’erratum de 1927 et ils souhaitent ⎯ si un nouvel

erratum est considéré comme indispensable ⎯ qu’afin de refléter la réalité des cantons il soit

précisé par l’indication de points intermédiaires. Il faut donc raison garder. Roser était le

commandant du cercle de Dori et aucun administrateur ne galvaude son territoire. L’un et l’autre

savaient très exactement où passait la limite de fait, au kilomètre près.

Ils décident même de jalonner cette limite et Roser annonce son intention de faire couper le

bois nécessaire à cette fin dans le Yagha, qui dépend du cercle de Dori.

Ceci démontre tant la conviction des deux commandants que l’accord tacite du gouverneur

de la Haute-Volta ⎯ à qui ce rapport fut transmis ⎯ qui ne s’opposa pas à l’interprétation donnée

par les administrateurs.

Vingt ans après, la mê me limite est confirmée dans un ra pport de l’administrateurLacroix,

du cercle de Tillabéry. Rendant compte de la tournée qu’il avait effectuée pour reconnaître la

limite entre les deux colonies dans ce secteur, il écrivait: «[Les] Rimaibés ont créé les hameaux

permanents de Petelkarlalé et Petelkol é entre lesquels passe la délimitation» 21. Donc, autrement

dit, cette limite de fait entre les cantons demeure et est vécue comme telle par les commandants de

cercle, en dépit du texte qui, pour eux, ne représente pas grand-chose puisqu’il est

incompréhensible.

La position de ces administrateurs sera confirm ée ensuite : Petelkolé fait partie du territoire

22
du canton de Diagourou sur le croquis de ce canton dressé en 1954 (qui se trouve au dossier des

juges sous l’ongletn o14) [projection du croquis]. Plus ques tion de jouer ici le refrain de la

disparition de la Haute-Volta. Qu’importe, le Burkina Faso évoque un autre prétexte en relevant

que, sur ce croquis, le nom de ce village n’est pas souligné, ce qui, selon la légende du croquis,

signifie qu’il s’agit d’un village «étranger au cant on». Il en tire néanmoins des conséquences

erronées. Quoique n’étant pas un village relevant administrativement du canton, Petelkolé se

21Rapport d’une tournée effectuée du 16 au 23 novembre 1953 par l’administrateur adjoint (cercle de Tillabéri),

en date du 24 décembre 1953 (MN, annexe C 79).
22Canton de Diagourou : échelle 1/ 250 000, 1954 (MN, annexe D21) (anne xé au rapport du chef de la
subdivision de Téra sur le recensement du canton de Diagourou du 10 août 1954). - 17 -

trouve bien sur le territoire de la subdivision de Téra . Lorsque des localités non soulignées

relèvent d’un autre cercle, cela est indiqué (ainsi Kamanti est indiqué comme «hameau de Dori»).

Les autres localités non soulignées, bien que territorialement situées dans le canton de Diagourou,

relèvent administrativement des autres ca ntons de la subdivision de Téra. Cela s’explique par le

fait que les rattachements s’effectuaient sur une base ethnique. Ainsi le canton de Diagourou est

essentiellement constitué de ce qu’on appelait à l’é poque les Peuls indépendants; Petelkolé est

constitué de Peuls dits Gaobés, rattachés à Bankilaré de la subdivision de Téra. Nos contradicteurs,

enfermés dans leur logique abstraite et artificie lle, ignorent superbement ces distinctions ethniques

fines que les administrateurs de la Haute-Volta, eux, entendaient préserver. Autres temps, autres

mŒurs. On notera enfin que, jusqu’à la présente pr océdure, le BurkinaFaso n’a jamais remis en

cause l’appartenance de Petelkolé au Niger. On en trouve, au surplus, la confirmation dans un

développement récent qui clôt définitivement tout débat.

16. En effet, en tout état de cause, aux a bords de Petelkolé, la ligne frontière s’écarte

légèrement de la ligne IGN vers l’ouest afin d’englober le poste frontière juxtaposé entre le Niger

et le Burkina Faso [projection]. Ce poste est situ é entièrement en territoire nigérien. Ce site fut

choisi par le comité bilatéral (Burkina-Niger) d’ identification du site d’implantation des postes de

contrôle juxtaposés sur la route Ouagadougou-Dori -Téra-Niamey dont la conclusion, en date du

9 juin 2006, fut la suivante (vous trouverez ce document à l’onglet n° 16) :

«Après analyse des éléments sur la base des critères précités, deux sites
remplissent les conditions pour l’implantation des postes de contrôle juxtaposés. Il
s’agit de Petelkolé sur le territoire du Ni ger et Seynotyondi au Burkina tous deux

situés à deux kilomètres environ de part et d’autre de la frontière.

De façon consensuelle et compte tenu de l’importance du village de Petelkolé

relativement à ses infrastructures socio-économiques, les experts des deux Etats
assistés de la commission de l’UEMOA et de l’ALG ont retenu le village de
Petelkolé(Niger) comme site d’implantation des postes de contrôle juxtaposés de la
route Ouagadougou-Dori-Téra-Niamey. En conséquence, ils recommandent aux
23
autorités compétentes des deux Etats d’entériner ce choix.»

23Rapport du comité bilatéral (Burkina-Niger) d’idencation du site d’implantatio n des postes de contrôle
juxtaposés sur la route Ouagadougou-Dori-Téra-Niamey, 9 juin 2006 (CMN, annexe A 24, p. 5). Les sigles utilisés dans
ce document sont les suivants: UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) et ALG (Autorité du

Liptako-Gourma). Il s’agit de deux organisations sous-régionales d’intégration dont les deux pays sont membres. - 18 -

Ce choix n’a pas été remis en cause. Tout cela a été construit. Le point frontière est situé un

peu plus à l’ouest du poste de contrôle juxtaposé, à l’endroit où se termine le tronçon de la nouvelle

route Téra-Dori aménagé par le Niger 24 à deux kilomètres de Petelkolé, comme on vient de

l’indiquer.

La prétention soutenue durant la plaidoirie orale que la décision
en question serait

irrecevable, car seule la commission mixte était compétente en matière de frontière est évidemment

contestable. Le professeur Kamto a fait droit à cette curieuse conception ce matin ; les deux Etats

ayant parfaitement le droit de décider de créer un poste de contrôle juxtaposé et, à cette occasion,

de constater où passait leur frontière respective. Ceci clôt donc le problème en ce qui concerne

Petelkolé, quels qu’aient pu être les doutes qui aient pu exister à l’origine.

17. De ce point, la limite rejoint la ligne IGN 25 laissant la mare de Feto Karkalé au

Burkina Faso ⎯cela a toujours été reconnu depuis l’origine. La limite suit ensuite la ligneIGN

26
jusqu’aux croisillons discontinus à hauteur d’Oussaltane .

Oussaltane ou Ousaltan

[Projection.]

18. La zone d’Ousaltan est située à cheval su r la limite [projection du croquis Delbos] ainsi

27
qu’on le voit sur le croquisDelbos de juin1927 . Le commandantMangant, administrateur du

cercle deDori, note dans son rapport du 7juillet1930 que les membres de certaines tribus

«déclarent que Oussaltane où ils étaient installé s faisait partie de la subdivision deTéra» 28.

L’accordRoser/Boyer dont je vous parlais il y a que lques instants considèr e de même Oussaltan

comme nigérien. Selon ce document, la limite passe «àHoussaltane qu’elle laisse àl’est,

24Coordonnées : 14° 00' 04.2" N ; 00° 24' 16.3" E.

25Coordonnées : 13° 58' 38.9" N ; 00° 26' 03.5" E.
26
Au point de coordonnées 13° 55' 54" N ; 00° 28' 21" E.
27
Croquis établi par l’administrateur Delbos de l’itinéraire suivi par les administrateurs de Dori et Tillabéry lors
d’une mission, en juin 1927, en vue de la délimitation entre les cercles de Dori et Tillabéry (MN, annexe C 14).
28 o
Rapport n 416 du commandant du cercle deDori sur les difficultés créées par la délimitation établie en1927
entre les colonies du Niger et de Haut e-Volta (arrêté du 31août1927) en ce qui concerne les limites entre le cercle
de Dori et le cercle de Tillabéry, en date du 7 juillet 1930 (MN, annexe C 38, p. 11). - 19 -

Petelkarkalé qu’elle laisse à l’ouest et Petelkolé qu’elle laisse à l’est» 29. En 1935,

l’administrateur en charge de la subdivision de Téra confirme que le ca mpement d’Oussaltan «est

sur le territoire de Téra» 30. Oussaltan est signalé comme «lougan des Logomaten KelTimijirt» 31

par le dictionnaire des villages de la subdivision deTéra en1941 32. Le chef de la subdivision

33
deTéra, dans un télégramme-lettre adressé au cercle deTillabéry le 11juillet1951 reprend à

l’identique la formule de l’accordRoser/Boyer d’av ril1932. En dépit de ces nombreux textes, le

Burkina reprend ici les mêmes arguments que ceux utilisés pour Petelkolé : toponyme non souligné

dans la carte du canton, critique de l’accord Roser/Boyer, prétendue non-recevabilité de preuves

établies pendant la période où la Haute-Volta n’ existait plus. Le seul argument nouveau est de

prétendre que la gestion des Logomaten ne relevait pas du Niger 34. Désolé, mais ceci est inexact.

Les Logomaten étaient expressément cités co mme sixième canton de Tillabéry dans le

35
procès-verbal du 2 février 1927 . Ousaltan relevait des Logomaten. La région est d’ailleurs

toujours administrée par le Niger aujourd’hui. Tous ces éléments montrent que l’appartenance

d’Ousaltan au Niger est incontestable. La limite contourne alors le hameau d’Oussaltane et rejoint

la ligneIGN en passant par les points de coor données qui sont indiqués au contre-mémoire du

Niger. Je n’en n’infligerai pas la lecture à la Cour.

Bangaré

19. On arrive ainsi au gros village de Bangaré. Cette localité a toujours été considérée

comme une localité nigérienne depuis la période coloniale. Le croquis établi parDelbos, à

29 o
Lettre n 112 du 10avril1932 et rapport de tournée de l’adjoint des services civilsRoser, commandant à t. p.
du cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta (bureau politique). Copie conforme du 15septembre1943 (MN,
annexe C 45, p. 6).
30 o
Lettre n 161 du chef de subdivision de Téra au cercle de Tillabéry en date du 24 mai 1935 (MN, annexe C 60).
La copie de ce document annexée au mé moire du Niger était peu lisible; il a été reproduit une nouvelle fois sous le
même numéro en annexe au CMN.
31
Voir procès-verbal ⎯qui mentionne les Logomaten comme canton de Tillabéry ⎯ entre MM.Brévié,
gouverneur de la colonie du Niger et Lef illiatre, inspecteur des affaires admi nistratives, délégué du gouverneur de la
Haute-Volta, fait à Térale, 2 février 1927 (MN, annexe C 7).

32 Dictionnaire des villages de la subdivision de Téra, villages de Kel Tamared, Kel Tinijirt, Logomaten Assadek,
Logomaten Allaban, s.d. 1941 (MN, annexe C 64, p. 26).

33 Télégramme-lettre officiel no70 du chef de la subdivision de Téra au cercle de Tillabéri, en date du
11 juillet 1951, incluant reproduction au 1/500 000 d’un croquis de M. Delbos (MN, annexe C 73).

34 CMBF, par. 3.73.
35
MN, annexe C 7. - 20 -

36
l’occasion de sa tournée de 1927, contrairement à ce que soutient le Burkina Faso [projection du

croquisDelbos], plaçait Bangaré juste sur la ligne frontière. Il est vrai, enrevanche, que Prudon

faisait passer la limite juste ausud de ce topon yme. Rien ne permet cependant au Burkina de

soutenir comme il le fait dans son contre-mémoire 37que l’accord DelbosPrudon plaçait cette

o
localité en Haute-Volta et le croquisn 2 inséré dans le contre-mémoire est à cet égard, hélas,

trompeur en ce point comme sur d’autres. Comme l’écrivait le commandant de cercle deDori,

Roser, en1932 ⎯je vous rappelle que Roser est le commandant de cercle de Dori ⎯, «le gros

village de Bangaré a de tout temps appartenu au canton de Téra» 38. Le Burkina Faso croit pouvoir

détruire la pertinence de la pos ition du commandant de cercle de Dori en citant la phrase complète

de son rapport. Celle-ci est en e ffet apparemment inquiétante. La phrase complète de Roser est la

suivante :

«Mais alors si on juge bonne et définiti ve cette limite [c’est-à-dire pour lui la
limite qu’il voit sur son croquis au 1/500 000 de l’agrandissement de la carte de 1927
sur l’erratum], la Haute-Volta doit immédiatement annexer le gros village de Bangaré

qui a de tout temps appartenu au canton deTéra, mais qui se trouve àl’ouest, du
côtéVolta de la fameuse limite [qu’il vo it sur la carte. Non pas celle qu’il imagine
d’après le texte de l’erratum, mais qu’il voit sur un croquis qui, bien qu’il soit encore

un des meilleurs que l’on ait, est néanmoins d’une telle taille qu’il ne permet pas de
donner tous les détails]. Cet exemple montre clairement [ajoute-t-il] que le bon sens
et la réalité des choses exigent une modification de cette limite.»

Et comme je vous l’explique, après il proposera au gouverneur de la Haute-Volta de considérer

qu’il faut lire d’une manière souple la limite de la carte, et uniquement s’il insiste de faire un

erratum, ce qui n’a pas été fait. Si on replace cette phrase dans le contexte exposé ci-dessus, on

constate que Roser et son collègue Boyer s ont perplexes sur la manière dont il convient

d’interpréter la cartenouvelle frontière trans posée au1/500000 sur laquelle ils se fondent pour

concevoir la limite légale. Ce tracé schématique plaçait sans doute Bangaré à l’ouest de la limite,

ce qui ne correspondait pas à la limite de fait. On a vu que c’est pour résoudre des situations

concrètes sur le terrain, c’est cette dernière qu’ils ont l’intention de démarquer.

36
CMBF, par. 3.30 et 3.36.
37CMBF, par. 1.64 et 3.36.

38Lettre n 112 du 10 avril 1932 et rapport de tournée de l’adjoint des services civils Roser, commandant à t. p.
du cercle de Dori, au gouverneur de la Haute-Volta (bureau politi). Copie conforme du 15septembre1943 (MN,
annexe C 45, p. 6). - 21 -

Maintenant en tout état de cause, Bangaré recevra le statut officiel de «village» de la colonie

du Niger en 1954. Il se trouvera sur le croquis de Diagourou (projection du croquis Diagourou). Il

39 40
est cité dans les listes des villages du canton de Diagourou en 1954 et en 1959 . Il est mentionné

sur le croquis du canton dressé en 1954 41. Il est mis en relief dans le rapport sur le recensement du

canton de Diagourou rédigé par le chef de la subdivision de Téra, encore en date du 10 août 1954 42.

43
Il fait l’objet d’une annexe audit rapport . Bangaré apparaît encore sur la liste des villages qui

44
votent auNiger pour l’Assembléenationale en1956 . En ce qui concerne l’ensemble du rapport

en question, qui est un gros rapport de plus de 50 pages, pour le cas où la Cour le souhaiterait, nous

l’avons apporté dans sa totalité et il peut être dépo sé au Greffe. Un tel comportement des autorités

indique que le bon sens que Roser et Boyer appelaient de leurs vŒux a triomphé. Il ne fait aucun

doute que Bangaré appartient au Niger et que le tracé revendiqué par le Niger dans ce

deuxième tronçon est parfaitement justifié.

Alors je vous dirais que, lorsque nous avons écouté et puis lu l’ensemble des remarques

faites par le professeur Thouvenin aux pages 43 et 44 du compte rendu CR 2012/20, nous avons été

perplexes car, pour chacun des ces points, il apparaît qu’il y a de sa part des confusions

malheureuses qui sont faites entre Bangaré et Bankaré ou Bankara, et il accuse alors le Niger de

prendre l’un pour l’autre, alors que ce n’est p as le cas parce que nous savons parfaitement bien

quelles sont les distinctions justement à faire entre ces différents villages, et cela apparaît sur cinq

ou six de ces points. Nous estimons qu’il n’est pas nécessaire d’imposer à la Cour quinze minutes

pour rentrer dans les détails et pour montrer que toutes ces remarques sont inexactes. Si néanmoins

39Liste des villages de la subdivision de Téra au 1rjanvier 1954 ⎯ canton de Diagourou (CMN, annexe C 117)
et liste des villages de la subdivision de Téra au 10 août 1954 (extrait n(CMN, annexe C 118).

40Liste des villages du canton de Diagourou, 17 avril 1959 (CMN, annexe C 125).

41Croquis au 1/250 000 «canton de Diagourou» (MN, annexe D 21) (annexé au rapport du chef de la subdivision
de Téra sur le recensement du canton de Diagourou du 10 août 1954).

42Rapport du chef de la subdivision de Téra sur le r ecensement du canton de Diagourou en date du 10 août 1954
(MN, annexeC84). Mentionné comme su it dans la liste de quatre villages de formation récente: «le quatrième,

Bangaré, a été créé par M. Garrat en 1945».
4«Bangaré» : annexe au rapport du chef de la subdivisi on de Téra sur le recensement du canton de Diagourou en

date du 10 août 1954 (CMN, annexe C 120).
44Arrêté n 2794 fixant le siège et le ressort des bureaux de vote, en vue des élections à l’Assemblée nationale,
o er
Journal officiel du Niger, n304, 1 janvier 1956 (CMN, annexe B 35). - 22 -

cela apparaissait nécessaire, nous serions tout à fa it disposés à remettre à la Cour un résumé de ces

points qui, franchement, sont absolument tous incorrects.

c) Le tronçon de Bangaré à la limite du cercle de Say

20. En ce qui concerne enfin le tronçon de Ba ngaré à la limite du cercle de Say, la frontière

suit la ligneIGN tout au long, jusqu’à l’arriv ée au point qui constituait à l’époque coloniale la

45
limite du cercle de Say (point triple entr e les cercles de Tillabéry, Dori et Say) .

Le professeur Pierre Klein exposera dans quelques instants à la Cour les défectuosités de l’ erratum

en rapport avec ce point d’arrivée.

21. Mon exposé, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, sur ce secteur

serait incomplet si je me bornais à justifier la limite dans ce secteur. Mais il convient néanmoins de

souligner que plusieurs villages qui ont toujours relevé du territoire du Niger passeraient au

Burkina si on devait suivre la théorie de la ligne droite artificielle, c’est-à-dire entre la ligne que

nous vous proposons et la ligne qui est proposée elle-même par le Burkina.

Dans l’ensemble de ce secteur, qui est énorme , il y a toute une série de villages dont il est

tout de même aussi incontesté qu’ils sont nigériens. [Projection du croquis montrant où se trouvent

ces villages entre la ligne Niger et la ligne Burk inabè.] Le contre-mémoire du Niger a exposé les

preuves du caractère nigérien des villages de Beyna, Mamasirou, OuroGaobe ⎯ Ouro Gaobe qui

n’a rien à voir avec ceux qui sont avancés par l’autre Partie ⎯et Yolo. On se bornera à dire ici

que trois d’entre eux figuraient sur la liste des bureaux électoraux pour les élections à l’Assemblée

nationale de 1956.

Ainsi qu’il ressort de ce qui précède, le tr acé frontalier revendiqué par le Niger suit pour

l’essentiel la ligne de l’IGN dans le tronçon qui va de Tao au point triple entre les cercles de Dori,

Tillabéry et Say. Il ne s’écarte de celle-ci que lorsque l’on dispose de documents qui mettent en

évidence le legs colonial et qui pour une raison ou une autre n’ont pas été pris en compte par l’IGN.

22. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi se termine mon exposé

pour ce tour des plaidoiries orales, il me reste à vous remercier pour votre bienveillante attention et

45C’est-à-dire au point de coordonnées 13°29'08"N; 01°01'00"E. Voir CMN , figure 5 : point triple

Dori/Tillabéry/Say (extrait de MN, annexe D 13), p. 32. - 23 -

à vous demander d’appeler le professeurKlein à la barre pour l’exposé relatif à la limite dans le

secteur de Say.

Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le professeur. Je passe la parole à

M. le professeur Klein. Vous avez la parole, Monsieur.

M. KLEIN : Merci, Monsieur le président.

LA LIMITE DANS LE SECTEUR DE S AY

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il me revient donc maintenant

de poursuivre le cheminement entamé par le professeurSalmon, et de vous présenter les

revendications du Niger en ce qui con cerne le tracé de la frontière dans le secteur de Say. Il est

manifeste, à ce stade de la procédure, que les désaccords entre les Parties quant à ce tracé sont

profonds. J’entends donc vous montrer en quoi c’est l’approche du Niger qui repose sur les

fondements les plus solides, et qui devrait de ce fait être retenue.

[Projection du croquis-carte du secteur de Say avec les lignes revendiquées par le Niger.]

Je le ferai en divisant ce secteur en trois parti es, en montrant d’abord que la continuation de

la limite intercoloniale jusqu’à la rivière Sirba à Bossébangou est dépourvue de fondement (A), que

la ligne frontière dans la zone des quatre villa ges mentionnés dans les textes de1927 peut être

identifiée avec précision (B), et enfin que le tracé en deux segments de droite dans la partie de la

région frontalière qui va jusqu’au début de la boucle de Botou est entièrement justifié (C).

[Fin de la projection.]

A. La continuation de la limite intercoloniale jusqu’au village de Bossébangou
est dépourvue de fondement

2. Selon les termes de l’ erratum corrigeant l’arrêté général du 31août1927, la limite

intercoloniale devait, après la borne de Tao, «atteindre la rivière Sirba à Bossébangou» pour ensuite

«remonte[r] presque aussitôt vers le nord-ouest» 46. Le Niger conteste que la description de cette

partie de la limite in tercoloniale opérée dans l’ erratum ⎯ qui la fait donc passer par le village de

Bossébangou ⎯ soit revêtue d’une quelconque autorité et doive être retenue comme base du tracé

46
MN, annexe B. 27. - 24 -

frontalier entre les deux Etats dans ce secteur. Comme le Niger l’a amplement montré dans ses

écritures, il en est tout simplement ainsi parce que l’erratum de 1927 est entaché d’erreur de fait sur

47
ce point . Dès lors, cette partie du texte ne peut être considérée comme faisant partie du

«legscolonial» auquel les deux Etats ont succédé en application du principe de l’uti possidetis.

Permettez-moi de vous rappeler très brièvement les fondements de cette analyse.

3. L’arrêté général du 31août 1927 avait pour but de détermin er le tracé exact de la limite

entre les colonies de la Haute-Volta et du Niger, à la suite du décret présidentiel du

28 décembre 1926 rattachant à cette colonie différents cantons du cercle de Dori et le cercle de Say,

48
à l’exception du canton de Botou . [Projection du croquis ensemble des limites de Say.] Pourtant,

plutôt que de se limiter à décrire la nouvelle limite entre les deux colonies, telle qu’elle résultait de

ce rattachement, l’arrêté d’août 1927 donnait l’ensemble des limites du cercle de Say — tant, donc,

les limites séparant ce cercle de la colonie de la Haute-Volta que celles qui le séparaient de cercles

relevant de la colonie du Niger, c’est-à-dire ce qu’ on peut appeler des limites «internes» et non

intercoloniales. De ce fait, il était manifeste que l’arrêté allait au-delà de son objet, qui était

seulement de définir cette nouvelle limite intercoloni ale. C’est de toute évidence pour cette raison

que les autorités coloniales ont estimé nécessaire de le corriger par l’ erratum du 5octobre1927,

duquel la description des limites du cercle de Say qui ne concernaient pas la Haute-Volta devait

être omise [effacement des limites «internes» de Say, sauf le secteur Bossébangou ]. Ceci a été fait

pour tous les points, sauf un: celui où le texte de l’ erratum fait courir la limite intercoloniale

jusqu’à la rivière Sirba à Bossébangou. L’erreur sur ce point est manifeste. [Fin de la projection.]

4. Selon le Burkina, cette thèse de l’erreur ⎯que, pour reprendre les termes du

49
professeurForteau, le Niger «assume…crânement» ⎯ est dépourvue de fondement. Vous

remarquerez au passage, Monsieur le président, M esdames et Messieurs de la Cour, que lorsqu’il

n’est pas «versatile», ou qu’il ne fait pas «volte-face», le Niger «a ssume crânement» ses positions.

Quelle que soit l’attitude que l’on adopte, il est décidément bien difficile de trouver grâce aux yeux

de nos contradicteurs. Sur le fond, trois raisons sont avancées par la Partie adverse pour repousser

47
MN, p. 105 et suiv. ; CMN, p. 75 et suiv.
48
MN, annexe B 23.
49CR 2012/20, p. 47, par. 7. - 25 -

la thèse de l’erreur: premièrement, celle-ci serait en tout état de cause sans effet; erreur ou pas,

l’erratum «s’appliquerait tout de même en l’espèce» 50. Je cite là la plaidoirie du

professeurForteau. Deuxièmement, cette thèse reposerait sur le postulat erroné selon lequel les

textes de 1927 se borneraient à retranscrire des front ières préexistantes. Enfin, l’erreur supposerait

que l’auteur de l’erratum n’aurait pas mentionné Bossébangou en connaissance de cause, ce qui ne

serait pas le cas 51. Examinons successivement, si vous le voulez bien, ces trois objections.

5. Selon la Partie adverse, tout d’abord, ce que demanderait le Niger à la Cour serait «de se

faire juge de la légalité de l’ erratum, de constater son incompatibilité avec le décret de

décembre1926 et de l’écarter pour cette raison sur la base du droit français» 52. Monsieur

leprésident, Mesdames et Messieurs de la Cour, il faut que les choses soient bien claires à cet

égard. Le Niger ne demande nullement à la Cour de s’instituer en juge administratif, de décider en

l’occurrence que les textes de1927 devraient en t out ou en partie être considérés comme nuls en

raison d’un éventuel excès de pouvoir ou d’une éventuelle erreur de droit. Tout ce qui est en cause

ici, c’est une erreur de fait : le passage de la li mite intercoloniale par un poi nt qui, de l’opinion de

53
tous ⎯ et je me permets sur ce point de renvoyer la Cour aux écritures du Niger ⎯, n’en faisait

pas partie. Rien de moins, rien de plus. Or, qu’a décidé précisément au sujet de l’arrêté général du

31 août 1927 et de son erratum, la Chambre de la Cour dans l’affaire Burkina Faso/République du

Mali? La Chambre a observé, de manière générale ⎯cela vous a été rappelé amplement par le

professeur Kamto ce matin ⎯, qu’«[e]n la présente espèce, l’arrêté et l’ erratum n’ont d’autre

valeur que celle d’un élément de preuve» (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),

arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 592, par. 72). Et surtout, elle poursuit en indiquant que «[s]i l’arrêté

avait été vicié par une erreur de fait, des consé quences auraient pu en découler au niveau de la

validité juridique d’une partie de la limite entre la Haute-Volta et le Niger» (ibid.).

Qu’une telle erreur de fait ait bien été présente en l’espèce ne fait aucun doute, comme on l’a

vu plus tôt. Les conséquences en sont claires su r le plan juridique: ainsi que je l’ai indiqué,

50CR 2012/20, p. 48, par. 8.
51
Ibid.
52Ibid., p. 49, par. 11.

53MN, par. 7.19 et suiv. ; CMN, par. 2.2.25. - 26 -

l’erratum, affecté par cette erreur de fait, ne peut êt re considéré comme faisant partie, sur ce point

précis, du legs colonial. Que les Parties à la présente instance aient par ailleurs renvoyé à l’erratum

par des instruments conventionnels ne change rien à ce constat. Et ce n’est pas pour autant que la

mise à l’écart du texte de l’ erratum sur ce point précis n’aurait aucun effet pratique, en raison du

fait que le tracé qui s’imposerait alors serait celui apparaissant sur la carteIGN de1960, comme

54
l’affirment nos contradicteurs . Nous ne sommes en effet pas ici en présence d’une «simple»

«insuffisance» de l’ erratum, mais bien d’un problème de «valid ité juridique d’une partie de la

limite», pour reprendre les termes de la Chambre dans son arrêt de 1986. Ce n’est donc pas le tracé

de la carte IGN qui fait foi dans ce secteur, mais bi en celui qui apparaît sur la carte établie en 1927

aux fins d’illustrer la «nouvelle fron tière de la Haute-Volta et du Niger» 55, pour des raisons sur

lesquelles je reviendrai dans quelques instants.

6. La deuxième objection avancée par la Partie adverse à l’encontre de la thèse de l’erreur est

fondée sur le fait que le Niger ferait une lecture erronée de l’erratum de 1927, en limitant son rôle à

la retranscription de limites déjà existantes 56. Le Burkina reproche d’a illeurs dans ce contexte au

Niger de ne produire aucun «acte colonial définissant ce qu’il ne cesse d’appeler les «limites

57
traditionnelles» du cercle de Say» . Ceci appelle, une fois encore, quelques mises au point. Le

Niger n’a jamais prétendu qu’un quelconque texte officiel ait énoncé, avant1927, les limites du

cercle de Say. Mais il continue d’affirmer av ec force et conviction que, dès le début de la

colonisation, il a bien existé des limites à ce ce rcle, qui sont graduellement devenues ce que l’on

peut légitimement appeler des «limites traditionnell es», que l’auteur de l’ erratum n’entendait

visiblement nullement ignorer. [Projection du croquisBoutiq de1909.] Ces limites apparaissent

très clairement, sur divers croquis et cartes établis entre1909 et1926 58. Ils vous été présentés ce

matin encore par le professeur Salmon et je ne pense pas utile de les faire projeter une nouvelle fois

devant vous. Nier l’existence de telles limites traditionnelles, et leur influence sur la description de

la limite intercoloniale dans les textes de 1927, c’est tout simplement nier l’évidence.

54CR 2012/20, p. 50, par. 15 (Forteau).
55
MN, annexe D 13.
56
CR 2012/20, p. 50-51, par. 16 et suiv. (Forteau).
57Ibid., p. 52, par. 23.

58MN, annexe D°1. - 27 -

7. En réalité, le document qui montre de la façon la plus éclatante que l’auteur de l’ erratum

d’octobre 1927 s’est mépris en maintenant la description d’une limite intercoloniale passant par le

village de Bossébangou est précisément cette carte, dite «nouvelle frontière». Sa pertinence et son

importance pour le présent litige ont déjà été ampl ement soulignées par le professeur Jean Salmon,

ce matin. Je n’y reviendrai donc pas. Je me cont enterai, à ce stade, d’attirer votre attention,

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, sur la manière dont ce document

représente les limites dans la zone qui nous intére sse. Vous retrouverez cette carte, je vous le

o
rappelle, sous l’onglet n 12 du dossier des juges. On y voit sans difficulté que seule une limite

entre cercles relevant d’une même colonie (celle du Niger) ⎯ limite figurée par une ligne alternant

points et traits ⎯ passe par le village de Bosséb angou. La limite intercoloniale ⎯ représentée par

une ligne alternant signe «+» et traits ⎯ court quant à elle à plus d’ une vingtaine de kilomètres de

cette localité.

8. Face à une telle évidence, la Partie adverse estime visiblement préférable d’ignorer

complètement les enseignements de cette carte. Dans son mémoire, le Burkina Faso en traite

comme d’un simple «croquis», qui ne peut avoi r aucun poids face au titre constitué par les textes

59
de 1927 eux-mêmes . Et dans son contre-mémoire, estimant sans doute que la cause est entendue,
60
il n’en parle tout simplement plus pour ce qui est de ce secteur de la frontière . Ce silence total

s’est d’ailleurs poursuivi au cours du premie r tour des plaidoiries du Burkina, comme le

professeurSalmon n’a pas manqué de vous le signa ler. Nos contradicteurs ignorent ainsi

délibérément le poids que la Chambre a re connu à la carte «nouvelle frontière» dans

l’arrêt BurkinaFaso/République du Mali de1986. Il ne paraît pas inutile de rappeler à ce sujet

qu’aux yeux de la Chambre, cette carte constituait «un élément de preuve non négligeable», du fait

que son auteur «avait acquis ⎯ après avoir lu les textes réglemen taires et éventuellement consulté

les cartes qui lui étaient accessibles ⎯ une compréhension très claire de l’intention sous-jacente

aux textes, ce qui lui avait permis de traduire cette intention sur une carte» ( Différend frontalier

(Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 646, par. 171). Cette analyse est

d’autant plus pertinente que, comme on le sait maintenant, cette carte constituait un document

59
MBF, p. 137-138.
60CMBF, p. 109 et suiv. - 28 -

officiel émanant du gouvernement généra l de l’AOF et avait été envoyée avec l’ erratum aux

autorités des deux colonies concernées 61. Et de fait, ce que la carte traduit, pour le secteur qui nous

intéresse ici, est bien «l’intention sous-jacente» à l’ erratum de 1927. Cette intention consistait en

l’espèce à décrire la nouvelle limite séparant désormais les colonies de la Haute-Volta et du Niger,

et non les contours complets du cercle de Say et ses limites avec les autres cercles relevant de la

seule colonie du Niger. La pe rsistance de l’erreur dans l’ erratum est ainsi mise en évidence

au-delà de tout doute, par un instrument qui fait autorité et qui lui est immédiatement

contemporain.

9. La dernière objection avancée par la Partie a dverse à l’encontre de la thèse de l’erreur ne

nous retiendra guère. Selon cette objection, il ne pourrait être établi que l’auteur de l’erratum

n’aurait pas agi en connaissance de cause en retenant Bossébangou comme point frontière 62. Le

professeur Forteau a exposé à cet égard que l’argument ne serait «recevable que si le texte des deux

actes était identique», ce qui ne serait pas le cas 63. Sa démonstration pouvait apparaître

convaincante sur ce point, puisqu’il mettait en exergue le fait que le point d’arrivée de la limite en

provenance de Tao était situé au sud de Boulkalo selon l’arrêté, et à Bossébangou selon le texte de

l’erratum 64. Mais ce que M.Forteau s’est bien gardé de rappeler, c’est que l’arrêté faisait déjà

mention au titre des «limites entre le cercle de Say et la Haute-Volta», d’une ligne «passant par la

rivière Sirba depuis son embouchure par le village de Bossébangou. A partir de ce point un saillant

comprenant sur la rive gauche de la Sirba» quatre villages, etc. En d’autres termes, tout ce qu’a fait

l’auteur de l’erratum, c’est de déplacer le point d’arrivée de la limite provenant du nord-ouest d’un

lieu situé sur la Sirba à un autre lieu situé sur la Si rba et, si l’on peut dire, de «raccrocher» alors le

tracé ainsi rectifié à celui qui était initialeme nt décrit par l’arrêté. Le problème est que ce

raccrochement a été opéré un tout petit peu trop tôt, au début du saillant et non à sa pointe, où

courait en effet la limite intercoloniale. Pour ce qui nous intéresse ici, s’il s’avère donc bien que le

texte des deux actes n’était pas strictement identi que, il était en tout cas extrêmement proche pour

61CMN, p. 31, par. 1.1.20.
62
CR 2012/20, p. 56, par. 35 (Forteau).
63Ibid., p. 56, par. 36.

64Ibid. - 29 -

ce segment de limite. La dernière objection avancée par nos contradicteurs à l’encontre de la thèse

de l’erreur tombe ainsi elle aussi. Cette thèse se voit de ce fait pleinement confortée, ce qui prive le

tracé revendiqué par le Burkina dans ce secteur de tout fondement juridique.

10. Il en va de même d’ailleurs de la suit e du tracé que revendique le Burkina Faso, après le

passage par cette localité. Pour rappel, le texte de l’ erratum dispose à ce sujet ⎯ vous

commencerez à la connaître par cŒur ⎯ que la limite «remonte [ensu ite] presque aussitôt vers le

nord-ouest». Dans un élan inusité de réalisme , nos contradicteurs paraissent admettre que cet

énoncé est insuffisant pour déterminer le tracé de la frontière dans cette portion précise. Ils se

rabattent donc à cette fin sur le tracé apparaissant sur la carte IGN de 1960 qui, pour une fois aussi,

65
trouve grâce à leurs yeux . Pourtant, s’il est bien un secteur pour lequel le tracé de la carte IGN

doit être écarté, c’est celui-ci. Pourquoi ? Pour la bonne et simple raison qu’il paraît avoir été créé

ex nihilo par les auteurs de la carte et qu’on n’en trouve trace sur aucun autre document de la

période coloniale. Ainsi que les membres de la Cour ont pu le constater plus tôt, sur toutes les

cartes, c’est sous la forme d’un saillant composé de lignes droites que sont représentées les limites

du cercle de Say dans ce secteur, toujours bien sûr pour ce qui est des limites du cercle de Say et

non, à partir de 1927, de la limite intercoloniale.

Sur aucune de ces cartes ⎯ pas plus que sur aucune autre carte de la période coloniale ⎯, il

n’est question d’une limite suivant le cours de la Sirba. La carte IGN de 1960 est ⎯ je le répète ⎯

la seule à suivre ce cheminement, sans aucune base dans les textes de 1927, ni dans une quelconque

pratique ultérieure. Si les auteurs des textes de 1927 avaient entendu que la limite suive le cours de

la Sirba dans cette zone, ils l’auraient évidemment exprimé en ces termes. C’est ce qu’ils ont fait

dans toutes les autres parties de l’arrêté et de l’ erratum où il était question de limites

hydrographiques, en se référant, selon les textes, au cours du fleuve Niger et des rivières Tapoa,

Mékrou et Sirba.

11. Le tracé revendiqué par la Partie adverse dans cette zone s’avère donc dépourvu de

fondement, que ce soit pour ce qui est d’une limite passant par le village de Bossébangou, ou pour

le tracé subséquent suivant le cours de la rivière Sirba. C’est à une vingtaine de kilomètres de cette

65
MN, p. 141, par. 4.105. - 30 -

localité, par l’endroit où se situait le «point trip le» entre les cercles de Dori, Tillabéry et Say

en1927 que passe en réalité la frontière entre le s deux Etats. Plus tôt cette semaine, nos

contradicteurs ont reproché au Niger de ne pas être très au clair quant à la détermination de ce

point. En premier lieu, le professeur Forteau a rele vé que le Niger ne fondait pas ce point «sur des

actes juridiques de délimitation qui auraient existé en 1926» 66. Je dirai simplement à cet égard

qu’il n’y a aucune raison de s’en étonner, dès lors que le Niger n’a jamais prétendu que de tels

actes de délimitation existaient. Mais à titre princi pal, la Partie adverse concentre ses critiques sur

les croquis et cartes qui ont été utilisés par le Niger pour l’identification de ce point. Ceux-ci

seraient soit dépourvus de pertinence car ils re montent à des périodes où seuls deux cercles

67
existaient dans la zone , soit peu fiables car non concordants, en particulier en ce qui concerne la

68
localisation des villages de la zone . Permettez-moi de revenir brièvement sur ces deux

arguments. Il est bien établi ⎯on l’a déjà souligné ⎯ que la forme du cercle de Say est restée

constante au fil des années et des mouvements successifs de ce cercle entre différentes colonies.

En particulier, pour la question qui nous intéresse, la représentation de la pointe de son saillant n’a

pas varié. Dès lors que c’est la localisation de ce point qui nous in téresse pour la détermination de

l’emplacement du point triple entre les anciens cer cles de Say, Dori et Tillabéry, on ne voit donc

guère ce qu’y change l’existence de deux ou de troi s cercles dans ce secteur. Que le point en

question ne soit, certaines années, qu’un «point double » n’y change rien. Sa localisation, en effet,

ne varie pas pour autant. Et tous les matéria ux qui représentent ce point peuvent indubitablement

être mobilisés aux fins d’identifier son emplacement. Quant à l’argument de la fiabilité des croquis

en cause, il nous renvoie une nouvelle fois à des différences d’approche méthodologique entre les

Parties qui paraissent irréconciliables. Nos contradicteurs rejettent une part importante du matériau

cartographique et documentaire de la période coloniale en raison de son impr écision et prétendent

pour l’essentiel ne rendre compte de la situati on prévalant durant cette période qu’au moyen

d’instruments qu’on pourrait qualifier de «modernes». Le Niger ne peut s’empêcher de voir dans

cette approche un réel anachronisme et s’efforce, pour sa part, de privilégier les matériaux

66CR 2012/20, p. 53, par. 28 (Forteau).
67
Ibid., p. 54, par. 29.
68Ibid., p. 55, par. 31-34. - 31 -

contemporains des situations en cause. Que ce ma tériau prête le flanc à la critique en ce qui

concerne sa fiabilité est incontestable. Le Niger ne voit cependant pas là une raison suffisante pour

l’écarter sans autre forme de procès. Il en est d’autant plus ainsi quand les documents en cause font

apparaître des caractéristiques ou accidents géogr aphiques qui possèdent vocation à une certaine

permanence, tels des cours d’eau ou des montagn es. Qui plus est, les approximations susceptibles

de résulter de l’utilisation de tels matériaux s’avèrent fréquemment susceptibles d’être corrigées par

le recours à des matériaux plus fiables. [Projection de la carte «nouvelle frontière».] C’est

précisément le cas pour la question qui nous intére sse ici, à laquelle les éléments de réponse qui

ressortent des croquis qui viennent d’être évoqués peuvent être confirmés par le recours à un

document parfaitement contemporain des textes de 1927, dont la fiabilité gé nérale n’apparaît pas

souffrir de critiques. Il s’agit ⎯ une nouvelle fois ⎯ de la carte «nouvelle frontière» de 1927, que

vous avez sous les yeux. Celle-ci, malgré sa petite échelle, permet en effet d’identifier de façon

suffisamment précise la localisation du point en question. Ce point pe ut d’ailleurs à son tour être

confirmé par des éléments qui résultent de dive rses missions de terrain, dont celle, par exemple,

effectuée en1943 par les administrateurs des cercles de Dori et de Tillabéry. Selon le rapport de

cette mission, le point en question pouvait sans ambiguïté être localisé en un emplacement précis,

en l’occurrence le lieu-dit «plateforme de Fi sso», que le rapport décrit comme «située à

6 kilomètres et demi … au nord-est du hameau de Nabambori, à la naissance d’un des ruisseaux qui

forment le Tiekol Nabambori, affluent de la Sirba» 69. Si certains des croquis critiqués par la Partie

adverse manquaient en effet de précision, tel n’est manifestement pas le cas de cette dernière

description. La Cour pourra ainsi constater que ce ne sont décidément pas les sources qui font

défaut au Niger pour permettre l’identification de l’ emplacement de ce point triple entre les cercles

de Tillabéry, Dori et Say, qui constitue le poi nt de contact entre les deux principaux secteurs

concernés par le présent litige. [Fin de la proj ection.] Il nous est donc maintenant possible de

passer au segment de frontière suivant dans ce secteur, à savoir celui dit des «quatre villages».

69
MN, annexe C 69. - 32 -

B. Le tracé de la frontière dans la zone des quatre villages peut être identifié

avec précision

12. Aux termes de l’erratum du 5 octobre 1927, la limite laisse ensuite «au Niger, sur la rive

gauche de cette rivière [il s’agit de la Sirba] un saillant comprenant les villages de Alfassi, Kouro,

Tokalan, Tankouro». [Projection de l’extrait de la carteIGN, avec insertion de la ligne Burkina,

telle qu’elle figure sur le croquis n o13,MBF,p.152.] Selon le BurkinaFaso, ici aussi, c’est le

tracé figurant sur la carte IGN de 1960 qui tra duit le plus adéquatement les termes de l’erratum qui

décrivent ce segment de limite 7. [Fin de la projection.]

Cette lecture n’est pas partagée par le Niger et je voudrais vous en exposer maintenant

brièvement les raisons. Selon l’ erratum ⎯ qui continue dans un premie r temps, il faut le rappeler,

à décrire les limites «internes» du cercle de Say ⎯ la limite, après être passée par le village de

Bossébangou, dessine un saillant qui laisse au Niger, su r la rive gauche de la rivière Sirba, quatre

villages : Alfassi, Kouro, Tokalan et Tankouro.

[Projection de la carte nouvelle frontière de 1927.]

Il est évident, pour les raisons que j’ai dé taillées tout à l’heure, que le terme de saillant

possède tout son sens dans une description de l’ensemble des limites du cercle de Say, mais pas si

l’on entend se borner à décrire la seule limite in tercoloniale. Une fois encore, cette différence

apparaît très clairement sur la carte «nouve lle frontière» de 1927, sur laquelle la limite

intercoloniale suit dans ce secteur une direction générale nord-est, puis sud-ouest, sans dessiner un

quelconque saillant. [Fin de la projection.]

13. Là, par contre, où il apparaît essentiel de revenir aux termes de l’ erratum de 1927, c’est

lorsqu’il indique que le tracé de la limite doit laisser au Niger les quatre villages que le texte

mentionne. Le problème majeur auquel les Parties ont été confrontées à cet égard ⎯ la chose vous
71
a déjà été exposée par nos contradicteurs ⎯ a résidé dans la difficulté d’identifier la localisation

exacte de ces quatre villages. Cet exercice s’est avéré d’autant plus difficile qu’aucune carte de la

période coloniale ne fait apparaître l’ensemble de ces localités. On en retrouve au mieux trois, le

plus souvent deux, et pas forcément les mêmes. Face à ces difficultés, la méthode retenue par le

Niger est simple. Comme vous en a fait part le professeurThouvenin en début de cette semaine,

70
MBF, p. 152, par. 4.136.
71Voir notamment CR 2012/21, p. 18, par. 32 (Thouvenin). - 33 -

nos contradicteurs l’ont pourtant estimée particulièrement obscure et incohérente 72. Ce sont très

vraisemblablement les explications quelque peu lacunaires données à ce sujet dans les écritures du

Niger qui sont à la base de cette incompréhensi on. Je voudrais donc consacrer maintenant à cette

question toute l’importance qu’elle mérite.

14. La méthode suivie en l’occurrence par le Niger a consisté, dans un premier temps, à

reporter sur la carte Blondel-La Rougery de1926 la localisati on du village de Tankouro, telle

qu’elle ressortait de rares croquis antérieurs [projection du croquisTruchard de1915], en

73
particulier celui du cercle de Say établi par l’administrateurTruchard en 1915 finael

projection ⎯projection du croquis MN, annexeC2] ainsi qu’un croquis non daté au1/500000

74
intitulé «Cercle de Say» . [Fin de la projection ⎯ projection d’un extrait pertinent de la carte

Blondel, CMN, p.89, ainsi que sur le même panneau, cadre du haut de la page90 du CMN.] La

carte Blondel-La Rougery apparaissait comme un fond de carte idéal pour un tel exercice, à la fois

parce qu’elle est parfaiteme nt contemporaine de l’ erratum de 1926 et parce que les trois autres

villages mentionnés dans l’ erratum (Tokalan, Tankouro et Alfassi) y étaient déjà clairement

représentés. Ces reports de la position de Tankour o sur la carte de1926 ont donné des résultats

différents, comme le montrent, d’une part, l’ex trait de la carte reproduit à la page89 du

contre-mémoire du Niger et, d’autre part, l’extrait de la même carte reproduit à la page suivante de

la même pièce. Il est évident que les men tions de Tankouro et les autres surcharges qui

apparaissent sur ces deux cartes, de même que sur les extraits de la carte IGN de 1960 reproduits à

la page90 du contre-mém oire sont le fait du Niger. Et c’est bien parce que la chose paraissait

évidente au Niger qu’il n’a pas j ugé utile d’en faire spécifiquement mention dans ses écritures.

Ceci montre qu’il faut se méfier des évidences et si cette façon de procéder a pu induire en erreur la

Partie adverse ou les membres de la Cour, le Niger ne peut que leur prier d’accepter ses excuses.

[Fin de la projection.]

15. Pour en revenir au cours de mon exposé, c onfronté aux résultats divergents de l’exercice

que je viens de détailler, le Ni ger a retenu la seule position de Tankouro qui s’avérait compatible

72CR 2012/21, p. 18, par. 33 (Thouvenin).
73
MN, annexe D 4.
74MN, annexe C 2. - 34 -

avec le texte de l’ erratum qui, rappelons-le, plaçait cette localité sur la rive gauche de la Sirba.

C’est donc la position apparaissant sur la figur e15 du contre-mémoire du Niger que vous avez à

l’instant sous les yeux qui a en fin de compte été retenue, afin de déterminer le cours de la frontière

dans cette zone en conformité avec les énoncés de l’ erratum. Seul ce tracé permet d’inclure les

quatre villages et, conformément au texte de l’ erratum, de les laisser côté Niger, ce que n’autorise

pas la limite retenue dans cette zone par l’IGN. On aboutit donc ici forcément à un résultat qui

s’écarte sensiblement du tracé de la carte IGN de 1960, dont la justification apparaît, comme dans

le secteur de Bossébangou, difficile à identifier. Le BurkinaFaso n’apporte en tout état de cause

guère d’éléments qui seraient de nature à l’expl iquer et à le justifier, si ce n’est par des

extrapolations prétendument scientifiques à partir du texte de l’erratum. [Fin de la projection.]

16. Les Parties diffèrent encore, en ce qui concerne ce segment de limites, sur une question,

qui est celle de l’identification du point où la frontiè re change de direction pour s’orienter vers le

début de la boucle de Botou. Selon les termes de l’arrêté de 1927, tel que corrigé par l’erratum, ce

changement de direction doit survenir à l’endro it où, «revenant au sud, [la ligne] coupe à nouveau

la Sirba à hauteur du parallèle de Say». De nouveau, c’est par référence à des documents

contemporains à l’adoption des textes de 1927 que le Niger a déterminé le sens de cette expression.

[Projection du croquis Labitte de 1930, CMN, p. 91.]

Il s’agit, d’une part, d’un rapport de tournée de1930, accompagné d’un croquis, qui fait

apparaître la limite intercoloniale dans ce secteur quatrekilomètres au sud de la localité de

Boborgou Saba ⎯et ceci impose manifestement un tracé de limite différent de celui apparaissant

sur la carteIGN et repris à son compte par le BurkinaFaso. La pertinence de ce document a

toutefois été remise en cause par nos contradicteurs au cours de la phase orale. Le

professeur Thouvenin a ainsi relevé des incertitudes quant à la date exacte du croquis, voire quant à

75
l’identité de son auteur . L’argument paraît pourtant bien spécieux. Sauf à mettre en cause

l’authenticité de ce document ⎯ce que nos contradicteurs se sont bien gardés de faire ⎯, aucun

doute ne paraît permis quant à son auteur ⎯ il porte bien le nom de l’adjudant Labitte ⎯ et quant à

la période à laquelle il a été établi ⎯le début des années1930. Le Niger ne voit donc aucun

75
CR 2012/21, p. 20, par. 42-43. - 35 -

élément de nature à remettre en cause la pertinen ce de ce document dans les débats. Et de toute

évidence nos contradicteurs non plus, puisqu’ils n’ont pas indiqué quelles conclusions les

prétendues incertitudes que j’évoquais il y a un inst ant leur inspiraient sur le plan juridique 76.

Quant à l’objection de fond, selon laquelle le rappor t de l’adjudantLabitte plaçait la localité de

Boborgou Saba en Haute-Volta 77, on peut en disposer plus rapidement encore. Il est bien exact que

le rapport mentionne, au titre du village de B oborgouSaba, «24imposables avec 72bovidés,

résidant en Haute-Volta» 78. Mais il est évident que ce sont les imposables en question qui

résidaient à l’époque en Haute-Volta, suivant les pratiques de nomadisme dont il a déjà amplement

été fait état, et non le village dont ils relevaient. L’utilisation des termes n’a pas varié sur ce point

entre la période coloniale et aujourd’hui : en 1930 comme en 2012, un village est situé, ou localisé,

en un endroit ; il n’y «réside» pas. Il n’y a donc rien dans ce texte qui viendrait remettre en cause

l’appartenance de Boborgou Saba à la colonie du Ni ger, et le passage de la limite intercoloniale à

quatre kilomètres au sud-ouest de ce lieu. [Fin de la projection ⎯ projection de l’extrait pertinent

de la carte Blondel-La Rougery.]

17. On peut donc maintenant se tourner vers le deuxième élément sur lequel le Niger

s’appuie pour déterminer le sens de l’expression «à hauteur du parallèle de Say». Il s’agit de la

carte Blondel-La Rougery de 1926, qui illustre bien la représentation du para llèle de Say, tel qu’il

figurait sur les cartes de l’époque. La limite qui y apparaît répond bien aux exigences du texte de

l’erratum, puisqu’elle permet à la fois de laisser les quatre villages du saillant au Niger et de couper

la Sirba «à hauteur du parallèle de Say». Perm ettez-moi d’insister à ce sujet sur les termes utilisés

dans l’erratum, qui laissent indéniablement une marge de flexibilité avec l’expression «à hauteur»

du parallèle de Say. Nos contradicteu rs le nient. Arguant du fait que l’erratum ne faisait plus

mention d’une limite partant «approximativement de la Sirba à hauteur du parallèle de Say pour

aboutir à la Mékrou», comme le fais ait l’arrêté initialement, mais d’une ligne coupant la Sirba «à

hauteur du parallèle de Say», ils concluent sur ce point que son texte «décri[t] ⎯je cite le

76CR 2012/21, p. 21, par. 44.
77
Ibid., p. 21, par. 45.
78Rapport du 5 avril 1930 (MN, annexe C 35). - 36 -

79
professeur Thouvenin ⎯un point frontière précis et non approximatif» . Un point tellement

précis, d’ailleurs, que nos contradicteurs n’hés itent pas à affirmer que le point auquel renvoie

l’erratum «se trouve nécessairement à l’intersection de la rive droite de la Sirba et du parallèle de

Say» 80. La Cour appréciera dans quelle mesure cette affirmation très péremptoire est compatible

avec la foi que la Partie adverse proclame par ailleurs à tout instant pour le respect scrupuleux des

énoncés des termes de l’erratum de 1927 qui, rappelons-le, ne parle ni d’«intersection» ni de «rive

droite de la Sirba». Elle appréciera également dans quelle mesure cette façon de procéder est

conforme avec la méthode privilégi ée par la Chambre dans l’affaire Burkina Faso/République du

Mali, qui suppose avant tout de se replacer dans le contexte et les circonsta nces de l’époque pour

interpréter un texte 81. Le Niger, pour sa part, a tenté de se conformer autant que possible à ce type

d’approche, et a le sentiment de disposer, sur la base du raisonnement évoqué plus tôt, d’une base

fiable pour identifier le point où la frontière change de direction dans ce secteur pour s’orienter vers

le début de la boucle de Botou. [Fin de la projec tion.] C’est vers ce dernier segment de limite que

je vous propose que nous nous tournions maintenant.

C. Le tracé en deux segments de droites dans la partie de la région frontalière qui va jusqu’au
début de la boucle de Botou est pleinement justifié

18. Selon l’ erratum du 5octobre1927, «[d]e ce point [celui, que je viens d’évoquer, où la

limite coupe la rivièreSirba à hauteur du parallèle de Say] la frontière, suivant une direction

est-sud-est se prolonge en ligne droite jusqu’ à un point situé à 1200mètres ouest du village de

Tchenguiliba» ⎯en d’autres termes, jusqu’au début de ce qu’il est convenu d’appeler la «boucle

de Botou». Même si le texte de 1927 est ici très cl air, il ne peut plus être considéré comme faisant

autorité comme source du tracé frontalier dans ce secteur. Ce qui justifie une affirmation aussi

ferme, c’est tout simplement le fait que les autorités des deux colonies, puis des deux Etats, se sont

accordées pour s’écarter du prescrit de l’ erratum. Comme le Niger l’a montré dans ses écritures,

plusieurs documents de la période coloniale mettent très clairement en évidence cette modification.

79
CR 2012/21, p. 17, par. 29.
80Ibid., p. 16, par. 24 (Thouvenin).

81Voir, en particulier, Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 619,
par. 122. - 37 -

C’est le cas, en particulier, de divers documents qui identifient avec précision l’emplacement de la

limite intercoloniale sur la route qui reliait Niamey à Ouagadougou.

[Projection de la carte-croquis avec illustration de la route, des localités citées ci-après et des

distances.] Ainsi, un télégramme-lettre adressé en1954 par le chef de la subdivision de Say au

commandant de cercle de Niamey en vue de fourni r un état descriptif des routes et pistes de la

subdivision donne des indications précieuses en ce qui concerne cet emplacement 82. Cette

correspondance précise en effet que la limite de la Haute-Volta sur la route fédérale est située à

127kilomètres de Niamey et à, respectivement , 14kilomètres de Mossipaga et 17kilomètres de

Kantchari. Ceci correspond au point où la ligne en deux segments de droites change de direction

pour rejoindre le début de la bo ucle de Botou, comme le font par exemple apparaître les travaux

83
préparatoires réalisés par l’IGN en 1958-1959 . La carte de complément dressée à cette occasion

porte très clairement la mention poteau-frontière sur ce point comme les membres de la Cour

pourront le constater en regardant cette carte da ns les annexes déposées par le Niger à ses pièces

écrites. Et il ne fait aucun dout e que l’emplacement de ce point frontière a constitué une constante

tout au long de la période coloniale, comme le confirme entre autres le fait que le croquis que vous

84
voyez projeté devant vous remontait quant à lui à l’année 1933 . [Fin de la projection.]

19. Ces éléments suscitent manifestement un embarras certain dans le chef de nos

contradicteurs puisqu’ils viennent remettre en cause la toute-puissance des textes de1927. On

n’est pas loin du sacrilège. Cet embarras transparaît bien dans le fait que la Partie adverse a gardé

un silence complet sur les documents coloniaux re latifs à la route fédérale Niamey-Ouagadougou,

ycompris au cours du premier tour des plaidoiries. Elle a plutôt concentré ses attaques, à cette

occasion, sur l’affirmation selon laquelle ce point frontière aurait été consacré, après

l’indépendance, par un accord entre les deux Etats. Le Burkina a prétendu mardi, par la voix du

professeurThouvenin, qu’il «ne s’est jamais accord é avec son voisin sur ce point», ce qui serait

confirmé par le fait que le Niger n’a jamais produit «un instrument révélant l’accord des deux Etats

pour déroger non seulement à l’ erratum, mais également à l’accord de 1987 et au compromis de

82
MN, annexe C 82.
83
MN, annexe D 30.
84MN, annexe C 111. - 38 -

saisine de la Cour» 85. De plus, les positions défendues par les représentants du Burkina dans le

cadre de la commission mixte montreraient clairement l’inexistence de tout accord, puisque le tracé

qu’ils défendaient dans cette zone est celui d’une ligne droite, sans égard pour un éventuel point

86
frontière qui imposerait un tracé en deux segments de droite. Avant toute chose, le Niger doit

avouer sa perplexité à l’égard de l’affirmation selon laquelle un accord entre les deux Etats sur ce

point, acquis depuis plusieurs décennies, pourrait av oir pour effet de «déroger» à l’accord de 1987

et, plus encore, au compromis de saisine de la Cour conclu en2009. Sans doute les conseils du

Burkina auront-ils le loisir d’apporter quelques éclaircissements sur ce point lors de leur second

tour de plaidoirie. Quant au fond de l’objection soulevée par la Partie adverse, on peut y apporter

les réponses suivantes. En premier lieu, il est évident que l’accord auquel le Niger se réfère ici

n’est pas un accord formel. Dans ce qu’on pourrait appeler leur passion pour les formes, nos

contradicteurs semblent avoir que lque peu perdu de vue que les ac cords, en droit international,

peuvent aussi être informels. Point d’instrument, donc, le Niger ne l’a d’ailleurs jamais prétendu.

Mais un accord certain. Celui entre les autorités de s deux colonies concernées est bien établi, et

nos contradicteurs ne l’ont à aucun moment remis en cause. Et à aucun moment cet accord de fait

n’a été remis en cause par les deux Etats après leur accession à l’indépendance. Où sont, sinon, les

protestations que les autorités de la Haute-Volta, puis du Burkina, auraient élevées à l’encontre de

cette situation de fait qui leur était bien connue? A quel moment et par quel moyen le Burkina

a-t-il remis en cause ce point frontière au motif qu’il aurait été contraire au prescrit de l’ erratum

de1927? Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, la situation à laquelle vous

êtes confrontés a un nom en droit international, et il est bien connu. Ce qui est en cause ici, c’est

un acquiescement du Burkina à une situation de fait qu’il n’a jamais remise en cause. Et ce ne sont

pas les positions adoptées par ses experts dans le cadre des travaux de la commission mixte

en 1988 qui y changent quelque chose. Faut-il rappe ler, encore une fois, qu’il ne s’agissait là que

d’une enceinte de négociation, et que les participants à ces négociations n’étaient pas habilités à lier

d’une quelconque façon l’Etat qui l es y déléguait ? Accord entre les Parties il y a donc bien, et en

application des principes les mieux établis du contentieux territorial, il ne fait aucun doute que c’est

85
CR 2012/21, p. 10, par. 11 et 10 respectivement.
86Ibid., par. 11. - 39 -

cet accord ultérieur qui doit prédominer sur le texte de l’erratum de 1927. C’est donc bien un tracé

en deux segments de droites que suit la frontière dans ce dernier secteur.

[Projection de la carte avec tracé revendiqué par le Niger dans le secteur de Say.]

20. Le tracé de frontière que revendique le Niger dans le secteur de Say est donc celui qui est

représenté en rouge sur la carte que vous avez mainte nant sous les yeux. Ce tracé s’écarte de celui

de la carte IGN dans le secteur de Bossébangou et des «quatre villages» pour les différentes raisons

que je viens d’exposer. Il s’en rapproche par contre beaucoup plus, voire même se confond avec le

tracé de 1960 pour la partie sud du cercle de Say.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie pour votre

écoute attentive. Ma présentation concluait le premier tour des présentations orales de la

République du Niger dans la présente instance.

Le PRESIDENT: Merci beaucoup, Monsieur le professeur, mais votre présentation ne met

pas encore fin à l’audience d’aujourd’hui. Deux membres de la Cour ont des questions à poser aux

Parties. Je veux à présent donner la parole à cet effet à M. le juge Bennouna. Monsieur le

juge Bennouna, vous avez la parole.

M. le juge BENNOUNA: Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président,

ma question qui s’adresse aux deux Parties est la suivante: «Dans quelle mesure, et sur quelle(s)

portion(s), chacune des Parties accepte-t-elle le recours à la carte IGN de1960 pour le tracé de la

frontière entre elles ?» Je vous remercie, Monsieur le président.

Le PRESIDENT : Merci, MonsieurBennouna. Je donne à présent la parole à

Mme la juge Donoghue. You have the floor, Judge Donoghue.

Judge DONOGHUE: I pose the following question to both Parties : “Are the Parties bound

under International law by the results of the demarcation of the frontier to which the Special

Agreement refers in Article 2, paragraph 2?” Thank you. - 40 -

Le PRESIDENT : Thank you, Judge Donoghue. Le texte de ces questions sera communiqué

aux Parties, sous forme écrite, dès que possible. Les Parties sont invitées à répondre oralement aux

questions lors du second tour de plaidoiries. En ce qui concerne la question posée par

M.Bennouna, si c’est nécessaire, les Parties pe uvent compléter par écrit toute réponse qu’elles

auront fournie oralement. Un tel complé ment devra être communiqué le 24octobre2012

à18heures au plus tard. Des observations écrites sur les réponses de l’autre Partie pourront être

présentées le 31 octobre 2012 à 18 heures au plus tard.

La Cour se réunira de nouveau le lundi 15octobre, à 10heures, pour entendre le

Burkina Faso en son second tour de plaidoiries. A l’issue de l’audience, le Burkina Faso présentera

ses conclusions finales.

La République du Niger prendra, pour sa part, la parole le mercredi 17 octobre, à 15 heures,

pour son second tour de plaidoiries. A la fin de l’audience, le Niger présentera à son tour ses

conclusions finales.

Je rappellerai que, conformément au paragraphe1 de l’article 60 du Règlement de la Cour,

les exposés oraux devront être aussi succincts que possible. J’ajouterai que le second tour de

plaidoiries a pour objet de permettre à chacune des Parties de répondre aux arguments avancés

oralement par l’autre Partie ou aux questions posées par les membres de la Cour. Le second tour

ne doit donc pas constituer une répétition des présentati ons déjà faites par les Parties, qui ne sont,

au demeurant, pas tenues d’utiliser l’intégralité du temps de parole qui leur est alloué. Je vous

remercie.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 16 h 55.

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Document Long Title

Public sitting held on Friday 12 October 2012, at 3 p.m., at the Peace Palace, President Tomka presiding, in the case concerning the Frontier Dispute (Burkina Faso/Niger)

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