Public sitting held on Monday 6 April 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Owada presiding, in the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v

Document Number
144-20090406-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2009/8
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Non-Corrigé
Uncorrected

CR 2009/8

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THHEGUE

ANNÉE 2009

Audience publique

tenue le lundi 6 avril 2009, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de M. Owada, président,

en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2009

Public sitting

held on Monday 6 April 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Owada presiding,

in the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal)

____________________

VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -

Présents : M. Owada,président
ShiMM.

Koroma
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma

Abraham
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov

TCinçade
Yusuf
Greugesood,
SurMM.

jugissch, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presiewtada
Judges Shi

Koroma
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma

Abraham
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov

Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Judges ad hoc Sur

Kirsch

Registrar Couvreur

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement du Royaume de Belgique est représenté par :

M. Paul Rietjens, directeur général des affaires juridiques du service public fédéral des affaires
étrangères, du commerce extérieur etde la coopération au développement,

comme agent ;

M. Gérard Dive, conseiller, chef du service de droit international humanitaire du service public
fédéral de la justice,

comme coagent ;

M. Eric David, professeur de droit international public à l’Université Libre de Bruxelles,

sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du

droit international,

comme conseils et avocats ;

S. Exc. M. Yves Haesendonck, ambassadeur, re présentant permanent du Royaume de Belgique
auprès des institutions internationales à La Haye,

M. Philippe Meire, magistrat fédéral, parquet fédéral,

M. Alexis Goldman, conseiller, direction du dr oit international public, direction générale des
affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

Mme Valérie Delcroix, attaché, direction du dro it international public, di rection générale des
affaires juridiques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et de
la coopération au développement,

Mme Fanny Fontaine, attaché, service de droit international humanitaire duservice public fédéral de
la justice,

Mme Julie de Hults, attaché, service de droit international humanitaire du service public fédéral de la

justice,

M. Benjamin Goes, attaché, chancellerie du premier ministre,

comme conseillers.

Le Gouvernement de la République du Sénégal est représenté par :

S. Exc. M. Madické Niang, ministre d’Etat, garde des Sceaux, ministre de la justice,

comme chef de délégation ;

S. Exc. M. Cheikh Tidiane Thiam, ambassadeur, di recteur des affaires juridiques et consulaires au

ministère des affaires étrangères,

comme agent ; - 5 -

The Government of the Kingdomof Belgium is represented by:

Mr.PaulRietjens, Director-General of Legal Affa irs, Federal Public Service for Foreign Affairs,
Foreign Trade and Development Co-operation,

As Agent;

Mr. Gérard Dive, Head of the International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

Cso-Agent;

Mr. Eric David, Professor of Public International Law at the Université Libre de Bruxelles,

Sir MichaelWood, K.C.M.G., member of the En glish Bar, member of the International Law

Commission,

As Counsel and Advocates;

H.E. Mr. Yves Haesendonck, Ambassador, Permanent Representative of the Kingdom of Belgium
to the International Organizations in The Hague,

Mr. Philippe Meire, Federal Prosecutor, Federal Prosecutor’s Office,

Mr. Alexis Goldman, Adviser, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal
Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

Ms Valérie Delcroix, Attaché, Public International Law Directorate, Directorate-General of Legal
Affairs, Federal Public Service for Forei gn Affairs, Foreign Trade and Development
Co-operation,

Ms Fanny Fontaine, Attaché, International Humanitarian Law Division, Federal Public Service for
Justice,

MsJulie de Hults, Attaché, International Human itarian Law Division, Federal Public Service for

Justice,

Mr. Benjamin Goes, Attaché, Office of the Prime Minister,

Asdvisers.

The Government of the Republicof Senegal is represented by:

H.E. Mr. Madické Niang, Minister of State, Minister of Justice,

as Head of Delegation;

H.E. Mr. Cheikh Tidiane Thiam, Ambassador, Director of Legal and Consular Affairs, Ministry of

Foreign Affairs,

as Agent; - 6 -

M. Demba Kandji, directeur des affaires criminelles et des grâces au ministère de la justice,

comme coagent ;

M. Serigne Diop, professeur,

M. Ndiaw Diouf, professeur,

M. Alioune Sall, professeur,

M. El Hadji Amadou Sall, ministre,

M. Oumar Gaye, magistrat,

M. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,

M. Richard Meese, avocat à la cour d’appel de Paris et membre du cabinet Winston & Strawn LLP,

M.Hery Frédéric Ranjeva, avocat à la c our d’appel de Paris et membre du cabinet
Winston & Strawn LLP,

MT. homas Bevilacqua, avocat à la cour d’appel de Paris et membre du cabinet
Winston & Strawn LLP,

comme conseils et avocats ;

M. Talla Fall, chargé d’affaires par intérim, ambassade du Sénégal à Bruxelles,

Mme Anna Niang, assistante en communication,

M. Souleymane Ndoye, assistant administratif,

Mme Laurie Dimitrov, juriste,

comme conseillers. - 7 -

Mr. Demba Kandji, Director of Criminal Affairs and Pardons, Ministry of Justice,

as Co-Agent;

Mr. Serigne Diop, Professor,

Mr. Ndiaw Diouf, Professor,

Mr. Alioune Sall, Professor,

Mr. El Hadji Amadou Sall, Minister,

Mr. Oumar Gaye, Prosecutor,

Mr. Abdoulaye Dianko, agent judiciaire de l’Etat,

Mr. Richard Meese, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Winston & Strawn LLP,

Mr. Hery Frédéric Ranjeva, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Winston & Strawn LLP,

Mr. Thomas Bevilacqua, Avocat à la Cour d’appel de Paris, Winston & Strawn LLP,

as Counsel and Advocates;

Mr. Talla Fall, Chargé d’Affaires a.i., Embassy of Senegal in Brussels,

Ms Anna Niang, Information Assistant,

Mr. Souleymane Ndoye, Administrative Assistant,

Ms Laurie Dimitrov, Jurist,

Asdvisers. - 8 -

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre, conformément au para graphe3 de l’article74 de son Règlement, les

observations des Parties au sujet de la demande en indication de mesures conservatoires présentée

par le Royaume de Belgique dans l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de

poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal).

Le vice-président et le juge Keith, pour d es raisons qu’ils ont dûment fait connaître à la

Cour, ne pourront pas siéger dans la présente phase de l’affaire.

Chacune des Parties en la présente affaire, le Royaume de Belgique et la République du

Sénégal, a usé de la faculté qui lui est conférée par l’article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc.

La Belgique a désigné M. Philippe Kirsch et le Sénégal a désigné M. Serge Sur.

L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction,

en séance publique, prendre l’engagement solennel d’ exercer ses attributions en pleine impartialité

et en toute conscience». En vertu du paragraphe6 de l’article31 du Statut, cette disposition

s’applique également aux juges ad hoc. Je dirai d’abord quelques mots de la carrière et des

qualifications des deux juges qui feront ensuite leur déclaration solennelle.

M.SergeSur, de nationalité française, est professeur de droit public à l’Université

Panthéon-Assas (ParisII) et directeur de son centre de recherche en relations internationales, le

Centre Thucydide. Il est également directeur de l’ Annuaire français de relations internationales

depuis1999, membre du comité de rédaction de l’ Annuaire français de droit international et

membre du conseil de la société française pour le droit international. Il a occupé, en tant

qu’enseignant, de nombreux autres postes, notamme nt à l’Université de ParisX-Nanterre, à

l’Université de RennesI, et à l’Institut d’études politiques de Pari s, et il a également enseigné à

l’Académie de droit international de LaHaye. M.Sur a été directeur adjoint de l’Institut des

Nations Unies pour la recherche sur le désarmement à Genève entre 1986 et 1996 et est membre de

la commission nationale pour l’élimination des mi nes anti-personnel depuis décembre 2002. Il est

également consultant juridique auprès du ministèr e français des affaires étrangères et a été conseil

du Gouvernement français dans un arbitrage franco-néerlandais re latif à la pollution du Rhin. - 9 -

M.Sur a publié de nombreux ouvrages et articles dans divers domaines de droit international, du

droit public, des relations internationales et des sciences politiques.

M.PhilippeKirsch, de nationalités belge et canadienne, est membre du barreau de la

province de Québec et a été nommé Queen’s Counsel en1988. C’est un éminent juriste qui a su

allier les carrières de juge et de diplomate. En tre 1983 et 1988, il a été chargé de la direction des

opérations juridiques du ministère des affaires ex térieures du Canada et, par la suite, est devenu

ambassadeur et représentant permanent adjoint du Canada auprès de l’Organisation des

Nations Unies à New York de 1988 à 1992. Il a ensuite été nommé directeur général du bureau des

affaires juridiques du ministère des affaires étrangères et du commerce international du Canada

avant d’en devenir le conseiller juridique. De1999 à2003, M.Kirsch a été ambassadeur du

Canada auprès du Royaume de Suède. Il a été élu, en 2002, juge de la Cour pénale internationale et

en est devenu le premier président, fonction qu’i l exerçait encore récemment. M.Kirsch a été

membre de la Cour permanente d’arbitrage et est également bien connu de la Cour, devant laquelle

il a représenté le Canada en tant qu’agent en l’affaire de la Compétence en matière de pêcheries et

en l’affaire relative à la Licéité de l’emploi de la force.

Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe 3 de l’article 7 du Règlement de

la Cour, j’invite tout d’abord M.Sur à faire la déclaration solennelle prescrite par le Statut et je

demande à toutes les personnes présentes à l’audience de bien vouloir se lever.

M. SUR : Merci, Monsieur le président.

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.»

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite maintenant M.Kirsch à faire la déclaration

solennelle prescrite par le Statut.

M. KIRSCH : Merci, Monsieur le président.

«Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes
attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et
en toute conscience.» - 10 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte des déclarations

solennelles faites par MM.Sur et Kirsch et d éclare ceux-ci dûment installés en qualité de

juges ad hoc en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou

d’extrader (Belgique c. Sénégal).

*

La présente instance a été introduite le 19févr ier2009 par le dépôt au Greffe de la Cour

d’une requête du Royaume de Belgique contre la République du Sénéga l. Dans cette requête, la

Belgique prie la Cour de déclarer que le Sé négal a l’obligation de poursuivre ou d’extrader

M.HissèneHabré, ancien président de la Républiq ue du Tchad, vivant actuellement au Sénégal,

pour des faits qualifiés notamment de crimes de torture et de crimes contre l’humanité.

Pour fonder la compétence de la Cour, la Belgique invoque tout d’abor d dans sa requête les

déclarations unilatérales d’acceptation de la compétence obligatoire de la Cour faites par les Parties

en vertu du paragraphe 2 de l’artic le 36 du Statut de la Cour les 17 juin 1958 (pour la Belgique) et

2 décembre 1985 (pour le Sénégal). La Belgique invoque en outre l’article 30 de la convention des

Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, aux

termes duquel tout différend entre deux Etats parties concernant l’interprétation ou l’application de

la convention qui n’a pu être réglé par voie de négociation ou d’arbitrage peut être soumis à la Cour

internationale de Justice par l’un des Etats. La Belgique indique que le Sé négal est partie à cette

convention depuis le 21 août 1986 et qu’elle l’est elle-même depuis le 25 juin 1999.

Dans sa requête, la Belgique soutient que le Sénégal, où M.Habré vit en exil depuis1990,

n’a pas donné suite à ses demandes répétées pour que l’ancien président tchadien y soit poursuivi, à

défaut d’être extradé vers la Belgique, pour des faits qualifiés notamment de crimes de torture et de

crimes contre l’humanité. La Belgique exp lique que, à la suite d’une plainte déposée le

25janvier2000 par sept personnes physiqu es et une organisation non gouvernementale,

c’est-à-dire l’Association des victimes des crimes et répressions politiques, M. Habré a été inculpé

le 3février2000 à Dakar de complicité de «crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de

barbarie» et assigné à résidence. La Belgique ajoute que la chambre d’accusation de la cour - 11 -

d’appel de Dakar a rejeté cette inculpation le 4juillet2000, au motif que les «crimes contre

l’humanité» ne relevaient pas du droit pénal sénégalais.

La Belgique indique par ailleurs qu’«entre le 30 novembre 2000 et le 11 décembre 2001, un

ressortissant belge d’origine tchadienne et des ressortissants tchadiens» ont déposé des plaintes

similaires devant les tribunaux belges. Elle sou ligne que ses autorités judiciaires compétentes ont,

depuis la fin de l’année2001, adressé de nombreux devoirs d’instruction judi ciaire au Sénégal et

qu’elles ont, en septembre 2005, décerné un mandat d’arrêt international à l’encontre de M. Habré,

auquel les tribunaux sénégalais n’ont pas jugé bon de donner suite. Selon la Belgique, à la fin de

l’année 2005, le Sénégal a transmis le dossier à l’ Union africaine. Elle ajoute que, en février 2007,

le Sénégal a décidé de modifier son code pénal et son code de procédure pénale en y intégrant

«l’incrimination du génocide, des cr imes de guerre et des crimes contre l’humanité»; elle relève

toutefois que le défendeur a fait état de difficult és financières l’empêchant d’organiser le procès de

M. Habré.

La Belgique fait valoir que, au regard du droit international conventionnel,

«l’abstention du Sénégal de poursuivre M. H[issène] Habré à défaut de l’extrader vers
la Belgique pour répondre des faits de tortur e qui lui sont imputés viole la convention
de 1984 contre la torture [du 10 décembre 1984], notamment, l’article 5, paragraphe 2,

l’article 7, paragraphe 1, l’article 8, paragraphe 2, et l’article 9, paragraphe 1»,

ajoutant,

«[a]u regard de la coutume internationale , l’abstention du Sénégal de poursuivre

M. H[issène] Habré ou de l’extrader vers la Belgique pour répondre des crimes contre
l’humanité qui lui sont imputés viole l’oblig ation générale de réprimer les crimes de
droit international humanitaire que l’on trouve dans de nombreux textes de droit
dérivé … et de droit conventionnel».

J’inviterai maintenant le greffier à bien vouloi r donner lecture de la décision demandée à la Cour,

telle que formulée dans la requête de la Belgique :

Le GREFFIER :

«La Belgique prie respectueusement la Cour de dire et juger que :

⎯ la Cour est compétente pour connaître du différend qui oppose le Royaume de
Belgique à la République du Sénégal en ce qui concerne le respect par le Sénégal
de son obligation de poursuivre M.H[is sène]Habré ou de l’extrader vers la

Belgique aux fins de poursuites pénales ;

⎯ la demande belge est recevable ; - 12 -

⎯ la République du Sénégal est ob ligée de poursuivre pénalement
M. H[issène] Habré pour des faits qualifiés notamment de crimes de torture et de

crimes contre l’humanité qui lui sont imputés en tant qu’auteur, coauteur ou
complice ;

⎯ à défaut de poursuivre M.H[issène]Ha bré, la République du Sénégal est obligée

de l’extrader vers le Royaume de Belgique pour qu’il réponde de ces crimes
devant la justice belge.»

Le PRESIDENT: Le 19février2009, après le dé pôt de la requête, la Belgique a présenté

une demande en indication de mesures conservato ires, en invoquant l’article41 du Statut de la

Cour et les articles73, 74 et75 du Règlement. Dans sa demande en indication de mesures

conservatoires, la Belgique renvoie à la base i nvoquée dans sa requête pour fonder la compétence

de la Cour, ainsi qu’aux faits et conclusions exposés dans ce même document. Elle demande à la

Cour d’indiquer, dans l’attente de sa décision, des mesures conservatoires afin de sauvegarder ses

droits. La Belgique fait valoir dans sa demande que, bien que

«M. H[issène] Habré [soit actuellement] en résidence surveillée à Dakar, il

ressort d’un entretien donné par le présid ent sénégalais, [M.]A[bdoulaye]Wade, à
Radio France International, que le Sé négal pourrait mettre fin à cette mise en
résidence surveillée s’il ne trouve pas le budget qu’il estime nécessaire à
l’organisation du procès de M. H[issène] Habré.»

La Belgique souligne que, «[d]ans cette hypothèse, il serait facile pour M.H[issène]Habré de

quitter le Sénégal et de se soustraire à toute po ursuite», ce qui «porterait un préjudice irréparable

aux droits que le droit internati onal confère à la Belgique [et] violerait les obligations que le

Sénégal doit remplir».

J’invite à présent le greffier à bien vouloir donner lecture du passage de la demande dans

lequel sont précisées les mesures conservatoires qu e le Gouvernement de Belgique prie la Cour

d’indiquer.

Le GREFFIER :

«La Belgique prie respectueusement la Cour d’indiquer, en attendant qu’elle

rende un arrêt définitif sur le fond, que le Sénégal doit prendre toutes les mesures en
son pouvoir pour que M. H[issène] Habré reste sous le contrôle et la surveillance des
autorités judiciaires du Sénégal afin que l es règles de droit international dont la
Belgique demande le respect puissent être correctement appliquées.»

Le PRESIDENT: Le 19février2009, immédiatemen t après le dépôt de la requête et de la

demande en indication de mesures conservatoires, le greffier a remis des copies certifiées de - 13 -

celles-ci au Gouvernement du Sénégal, en applica tion du paragraphe2 de l’article40 du Statut

ainsi que du paragraphe4 de l’ar ticle38 et du paragraphe2 de l’ article73 du Règlement. Il a

également informé le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies du dépôt de la requête

et de la demande.

Selon l’article74 du Règlement de la C our, une demande en indication de mesures

conservatoires a priorité sur toute autre affaire, et la date de la procédure orale doit être fixée de

manière à donner aux Parties la possibilité de s’y faire représenter. En conséquence, à l’issue des

consultations, les Parties ont été informées que l’ouverture de la procédure orale, conformément au

paragraphe3 de l’article74 de son Règlement, durant laquelle elles pourraient présenter leurs

observations sur la demande en indication de mesures conservatoires avait été fixée au 6 avril 2009,

à 10 heures.

Je constate la présence devant la Cour des agen ts et conseils des deux Parties. La Cour

entendra ce matin la Belgique, dont émane la de mande en indication de mesures conservatoires,

jusqu’à 13 heures. Elle entendra le Sénégal cet après-midi à 15 heures.

Aux fins de ce premier tour de plaidoiries, chacune des Parties disposera d’une séance

entière de trois heures. Les Parties auront ensuite la possibilité de présenter une réplique orale, si

elles l’estiment nécessaire: la Belgique demain à 16h30 et le Sénégal après-demain, à 16h30.

Chacune des Parties disposera d’un maximum d’une heure et demie pour exposer ses arguments en

réplique.

Avant de donner la parole à M.PaulRietjens, agent de la Belgique, je voudrais appeler

l’attention des Parties sur l’instruction de procédure XI, qui dispose notamment que :

«Dlans eurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures
conservatoires, les parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à
remplir aux fins de l’indication de mesures conservatoires, telles qu’elles ressortent du
Statut, du Règlement et de la jurisprudence de la Cour. Les parties ne devraient pas

aborder le fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la
demande.»

J’appelle maintenant à la barre l’agent de la Belgique. - 14 -

M. RIETJENS :

EXPOSÉ INTRODUCTIF

1. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, c’est un grand honneur de

prendre la parole devant l’organe judiciaire principal de l’Organisation des NationsUnies. La

Belgique a le plus grand respect pour la Cour et le système de justice internationale dans le cadre

duquel elle exerce ses fonctions.

2. La Belgique n’a jusqu’à présent sollicité qu’une seule fois votre haute juridiction en

qualité de demandeur, et si elle le fait aujour d’hui, ce n’est évidemment pas au nom d’une

quelconque inimitié envers le Sénégal : nos deux pays entretiennent depuis longtemps d’excellentes

relations d’amitié et de coopération ; ces relations doivent perdurer. C’est le souhait sincère de la

Belgique.

3. Mais il existe, aujourd’hui, une divergence de vues entre les deux Etats sur la manière

d’interpréter et d’appliquer certaines règles de dr oit international conventionnel et coutumier, et

comme cette divergence n’a malheureusement pas pu se régler à travers de simples négociations ou

une procédure d’arbitrage, la Belgique estime que cette divergence est suffisamment importante

pour être soumise à l’appréciation et au jugement de la Cour.

Cette divergence entre la Belgique et le Sé négal est en effet d’une importance significative

car elle porte sur les obligations respectives des Etats dans le cadre de la lutte contre l’impunité des

auteurs de crimes de droit international (violation des droits de l’homme et violations graves du

droit international humanitaire), préoccupation partagée par toute la communauté internationale.

4. C’est d’ailleurs pour cette raison que la communauté internationale s’est dotée, ces

dernières décennies, de nombreux instruments juri diques visant à réprimer les atteintes les plus

graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire et à tisser une toile de

compétences des juridictions nationales et internationales pour qu’une personne suspectée d’avoir

commis de tels crimes ne puisse trouver refuge nulle part pour échapper à ses responsabilités.

Ces instruments internationaux créent de nombr euses obligations à l’égard des Etats, tenus

notamment d’adapter leur droit national afin de permettre des procédures judiciaires éventuelles, - 15 -

dans le respect des règles du droit à un procès équitable, à l’égard des personnes suspectées d’avoir

commis ces atteintes les plus graves aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.

5. Il ne suffit cependant pas d’adopter ou de modifier le droit interne, encore faut-il

l’appliquer. Presque tous le s Etats s’y sont engagés par voi e de convention ou de coutume

internationale, notamment à travers la règle aut dedere aut judicare qui est à la fois une règle

conventionnelle portée notamment par la conven tion contre la torture de1984 et une règle

coutumière dont l’expression figure, entre autres, dans des textes rédigés depuis plus de dix ans par

la Commission du droit international.

6. La règle aut dedere aut judicare, qualifiée par le rapporteur spécial de la Commission du

droit international, M.Galicki comme «le refl et du nouvel état de droit international et des

préoccupations de la communauté internationale» est, précisément, celle qui se trouve au centre du

différend qui nous occupe aujourd’hui.

C’est avec regret que nous avons dû constate r la poursuite du différend porté aujourd’hui

devant cette Cour.

7. Et nous le regrettons d’autant plus que le Sénégal est un pays avec lequel la Belgique

partage les traditions de démocratie, de liberté, de tolérance et d’état de droit. Depuis de longues

années, nos deux pays Œuvrent ensemble, au sein des organes des NationsUnies, pour faire

avancer la cause des droits de l’ homme, aussi bien sur le plan du développement des normes que

sur celui de la création et du bon fonctionnement des mécanismes et procédures de contrôle.

Tout particulièrement dans la lutte contre la torture, le Sénégal et la Belgique ont coopéré de

manière exemplaire à l’élaboration de la conven tion de1984, laquelle est issue de l’affirmation

claire de l’interdiction de la torture et des pe ines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

par la déclaration universelle de 1948 (art.5) et par le pacte relatif aux droits civils et politiques

de1966 (art.7). La Belgique reconnaît par ailleurs avec humilité que le Sénégal a ratifié cette

convention contre la torture plusieurs années avant elle-même.

Le Sénégal est également un allié de longue date de la Belgique dans la lutte commune pour

le respect du droit international humanitaire et cont re l’impunité de ceux qui le violent gravement.

Le Sénégal est le premier Etat à avoir ratifié le statut de Rome. Nos deux pays ont fait chacun des

efforts considérables pour adapter leur droit inte rne afin de mieux renc ontrer les exigences des - 16 -

instruments internationaux précités. La Belgique se réjouit à cet égard de l’adaptation par le

Sénégal de sa constitution et de son droit péna l afin d’établir sa comp étence en matière de

répression des crimes internationaux définis dans le statut de Rome de la Cour pénale

internationale.

8. Cependant, le manquement jusqu’ici du Sénégal, en ce qui concerne M. Hissène Habré, de

remplir les obligations qui sont les siennes, tant vis-à-vis de la communauté internationale que

vis-à-vis de la Belgique, a conduit la Belgique à saisir la Cour afin de veiller à ce que le droit

international soit correctement interprété et appli qué et à lui demander, simultanément, d’indiquer

des mesures conservatoires afin d’éviter que M.His sène Habré puisse se soustraire à la justice.

Dans le cadre de cette affaire, en effet, nous nous devons de constater que, confronté aux demandes

dont il est l’objet, le Sénégal soit invoque, par la voie des autorités judiciaires, des raisons non

conformes au droit international, soit laisse ente ndre, par la voie de ses autorités politiques, qu’il

n’a pas les moyens de mettre en Œuvre ses oblig ations, et qu’étant donné ce manque de moyens, il

est prêt à laisser M. Hissène Habré quitter le territoire du Sénégal pour aller où il veut.

9. Monsieur le président, Messieurs les Membres de la Cour, je ne serai pas plus long et je

voudrais vous prier de donner la parole aux co nseils de la Belgique, à savoir, d’abord à

M.EricDavid, professeur de droit international à l’Université libre de Bruxelles, qui va rappeler

les faits de la cause et exposer le contenu des droi ts dont la Belgique craint qu’ils puissent être

irrémédiablement violés par la fuite possible de M. Hissène Habré. Ensuite, je serais reconnaissant

à la Cour de donner la parole à sirMichaelW ood qui montrera plus spécialement le fondement

juridique des mesures conservatoires demandées par la Belgique.

Je remercie la Cour de son aimable attention.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Paul Rietjens, pour votre exposé introductif.

J’appelle maintenant à la barre M. le professeur Eric David.

M. DAVID : Merci Monsieur le président.

Monsieur le président, Messieurs de la Cour, les années passent, l’émotion demeure. C’est

toujours un honneur et un moment d’une particuliè re intensité que de s’adresser à la Cour

internationale de Justice, et j’y suis d’autant plus sensible que les qu estions sous-jacentes à la - 17 -

présente affaire concernent non seulement les intérêts de la justice belge et ceux de plusieurs

citoyens belges, mais aussi certaines valeurs fondamentales du droit international telles que la lutte

contre l’impunité des auteurs présumés des crimes les plus graves parmi les plus graves.

Que la Cour se rassure cependant, je ne lui imposerai pas de longs discours emphatiques.

Conformément à l’instruction de procédure XI rappelée il y a quelques minutes par M. le président,

la Cour, le présent exposé ne traitera que des questions relatives aux conditions requises pour

l’indication de mesures conservatoires.

Il importe néanmoins de rappeler, même brièvement, le contexte factuel dans lequel se situe

la présente affaire puisque la Cour n’indique ⎯comme cela a déjà été dit ⎯ des mesures

conservatoires que si un préjudice irréparable peut être causé aux droits d’une des parties (par

exemple, Certaines procédures pénales engagées en France , (République du Congo c.France),

mesure conservatoire, ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 109, par. 30).

Je voudrais dire ici, entre parenthèses, qu’il y a des références à tout ce que je dis. Mais pour

ne pas gaspiller inutilement le temps de la Cour, je me permettrai de renvoyer la Cour au texte écrit

du présent exposé où elle pourra trouver toutes ces références ; mais que je ne vais pas lui faire le

supplice de lui infliger, je dirais, la longue énumération de ces références.

Il faut donc que je commence par rappeler les faits et expliquer comment la Belgique a été

saisie de la question qui est, à présent, déféréela Cour, ce sera ma première partie (I); ensuite,

j’exposerai les raisons juridiques qui ont conduit lBelgique à saisir la Cour de cette affaire, ce

sera ma deuxième partie (II) et dans ma troisièm e partie, ce sera les raisons juridiques qui ont

conduit à demander des mesures conservatoires (II I). Mon estimé confrère, sirMichaelWood,

démontrera ensuite pourquoi la Cour est compétente et devrait indiquer des mesures conservatoires,

mais il le fera de manière plus approfondie que je ne le fais à présent.

I.R APPEL DES FAITS :SAISINE DE LA JUSTICE BELGE DE PLAINTES PÉNALES DIRIGÉES

CONTRE M. H ISSÈNE H ABRÉ

1. L’implication de la Belgique en la présen te affaire trouve son origine dans une plainte

déposée à Bruxelles, avec constitution de partie civile devant un juge d’instruction,

en novembre 2000, par un ressortissant belge d’origine tchadienne. - 18 -

Cette plainte est liée à l’histoire mouvementée du Tchad dans les annéesquatre-vingt,

histoire que je voudrais résumer brièvement pour une bonne information de la Cour.

2. Ancienne colonie française, le Tchad a accédé à l’indépendance en 1960 et il est Membre

des NationsUnies depuis le 20septembre1960. Les débuts de son existence en tant qu’Etat

indépendant sont marqués par des oppositions violentes entre les populations du nord et celles du

sud, puis par son conflit avec la Libye pour le contrô le de la bande d’Aozou, un conflit que la Cour

connaît bien puisqu’elle a largement contribué à son règlement par l’arrêt qu’elle a rendu en mille

neuf cent nonante quatre ⎯vous me permettrez de re vendiquer ici ma belgitude ⎯ ou si vous

préférez en mille neuf cent quatre-vingt quatorze ( Différend territorial (Jamahiriya arabe

libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 6 et suiv.)

Sans entrer dans les détails de cette histoire longue, agitée et compliquée, on retiendra que

M. Hissène Habré entre en scène d ès les années septante ou soixante-dix, d’abord, comme insurgé,

à la tête du Front de libération nationale du Tchad ⎯et nous rappellerons qu’à l’époque, on

appelait ce front le FROLINAT ⎯ puis comme membre du gouvernement central, qu’il rejoint

comme premier ministre, en 1978, puis ministre de la défense en 1979 1, avant de redevenir rebelle

2 3
à ce gouvernement en 1980 . Il est aidé à certaines époques de ce conflit par les forces libyennes ,

il reprend le combat et réussit à reprendre le pouvoir en juin1982 4, mais il ne réussit pas en

revanche à ramener la paix: des affrontements armés se poursuivent entre les forces

gouvernementales à présent de M. Hissène Habré et celles de l’ancien régime, devenues rebelles à

5
leur tour, les unes et les autres ét ant appuyées par des forces étrangères . Fin novembre 1990, les

forces insurgées de M.IdrissDéby défont les forces gouvernementales de M.HissèneHabré qui

prend la fuite et se réfugie au Sénégal.

Le nouveau Gouvernement du Tchad institue alors, en décembre 1990, une commission pour

enquêter sur les crimes commis pendant que M. Hissène Habré était au pouvoir. Cette commission

1
Keesing’s Contemporary Archives, 1979, p. 29397.
2
Ibid.,1981, p. 30694.
3 Ibid., p. 31161-31163.

4 Ibid., 1982, p. 31679.

5 Ibid., 1986, p.34209; ibid., 1987, p.34914 et suiv.;ibid., 1988, p. 35876 et suiv.ibid., 1989, p. 36519 ;
ibid., 1990, p. 37213. - 19 -

identifie et comptabilise 3780personnes qui ont per du la vie après leur arrestation ou après leur

capture à la suite d’hostilités entre les forces gouvernemental es et les groupes insurgés; la

commission estime toutefois que ce chiffre de 3780personnes ne représente que10% du nombre

total de victimes. Elle observe aussi qu’il y a eu 54000 détenus politiques entre1982 et1990 6 .

Selon cette commission, les atteintes à la vie et les tortures infligées aux personnes détenues étaient

imputables à ce qu’on appelait alors la direction de la documentation et de la sécurité (DDS) qui est

présentée, par la commission d’enquête tc hadienne, comme la police politique de

M.HissèneHabré. On a retrouvé dans les archives de la DDS, des centaines de documents qui

informaient régulièrement M. Hissène Habré du sort des victimes 7.

Il ne s’agit évidemment pas ici de faire ⎯vous vous en doutez, Monsieur le président,

Messieurs de la Cour ⎯ le procès de M.HissèneHabré, mais si je rappelle ces événements, c’est

pour expliquer le contexte dans lequel des plaintes ont été déposées contre M.HissèneHabré,

d’abord au Sénégal comme nous allons le voir dans un instant, puis en Belgique.

3. C’est, en effet, non en Belgique, mais au Sénégal en janvier 2000 que des plaintes ont été

déposées pour la première fois contre M.Hi ssèneHabré. Mais sans succès: la chambre

d’accusation de la cour d’appel de Dakar avait annulé le procès-verb al d’inculpation délivré par le

juge d’instruction sénégalais qui inculpait po urtant à l’époque, en2000, M.HissèneHabré pour

complicité de crimes contre l’humanité, d’actes de torture et de barbarie. La chambre d’accusation

fondait l’annulation de cette inculpation sur le fa it que le Sénégal n’avait pas transposé dans son

droit interne la convention de1984 contre la to rture et les autres peines ou traitements cruels,

inhumains ou dégradants (que j’appellerai, pour faire court dans la suite de cet exposé, «convention

de1984») cette convention qui obligeait donc le Sénégal à établir sa compétence pour connaître

des crimes de torture commis à l’étranger (arrêt 135 du 4 juillet 2000) ; et cette annulation de l’acte

d’inculpation va être confirmée par la C our de cassation du Sénégal en2001 (arrêt du

20 mars 2001 8).

6 Dans Les crimes et détournements de l’ex-président Habré et de ses complices, Rapport de la Commission

d’enquête nationale du ministère tchadien de la Justice, Paris, L’Harmattan, 1993, p. 69-70.
7 www.hrw.org/sites/default/files/reports/habre0107frweb.pdf

8 Texte sur www.icrc.org/ hl-nat.nsf/ 39a82e2ca42b52974125673e00508144/90e26efa1bb31189c1256b21005549
b0!OpenDocument. - 20 -

Depluoirs ⎯et la Belgique s’en réjouit ⎯, le Sénégal a modifié sa législation.

Enfévrier2007, le Sénégal a promulgué la loi n o2007-02 qui modifie le code pénal en y

incorporant le crime de génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité 9. Et le

o
même jour, le Sénégal a promul gué une autre loi, la loi n 2007-05 qui modifie le code de

procédure pénale en y introduisant, d’une part, le principe de la compétence universelle pour la

répression des crimes que je viens d’énumérer, d’autre part, l’imprescriptibilité par «nature» de ces

10
crimes , par «nature», une expression que l’on connaît bien dans certains Etats, puisque c’est de

cette manière là que ces crimes ont été également déclarés imprescriptibles.

Enfin, le 7août2008, le Sénégal a prom ulgué la loi qui amendait sa Constitution, en

disposant que le principe de non-rétroactivité des lois pénales qui fi gure dans la Constitution

sénégalaise, que ce principe

«ne s’oppose pas à la poursuite, au jugement et à la condamnation de tout individu en
raison d’actes ou omissions qui, au moment ou ils ont été commis, étaient tenus pour

criminels d’après les règles du droit international, relatives aux faits de génocide,
crimes contre l’humanité, crimes de guerre» . 11

La Cour trouvera le texte de tout es ces lois dans le recueil de documents qui était produit par le

Sénégal pour les besoin de la présente instance.

A la suite de ces lois, de nouvelles plai ntes ont été déposées au Sénégal contre

M.HissèneHabré, assez récemment, le 16septembre2008, mais les autorités sénégalaises ont

laissé entendre que le procès de l’intéressé ne pourrait pas avoir lieu aussi longtemps que le

12
Sénégal ne recevrait pas les fonds nécessaires à l’organisation de ce procès .

4. Si donc, en2000, et je remonte ici dans le temps, si en2000 la loi sénégalaise

n’incriminait pas explicitement les crimes de droit international, il en allait autrement en Belgique

où la loi incriminait des faits tels que ceux imputés à M.HissèneHabré. C’est ainsi qu’en

novembre 2000, un Belge d’origine tchadienne avait déposé plainte devant un juge d’instruction et

s’était constitué partie civile.

9 Loi n 2007-02 du 12février2007 modifiant le code pénal, Journal officiel de la République du Sénégal ,
10 mars 2007, p. 2377 et suiv.

10 Loi n 2007-05 du 12 février 2007 modifiant le code de procédure pénale, ibid., p. 2384 et suiv.

11 Journal officiel de la République du Sénégal, 8 août 2008, p. 754.
12

www.afriquejet.com/afrique-de-l’ouest/senegal/le-senegal-attend-des-fonds-pour-juger-hissene-habre-20081220
18156.html, consulté le 1 avril 2009. - 21 -

Pour l’information de la Cour, j’ouvre ici une parenthèse afin de préciser ce qu’est, en droit

belge, une constitution de partie civ ile devant un juge d’instruction. Il s’agit d’un dépôt de plainte

auprès d’un juge d’instruction par des particuliers , victimes d’infractions pénales. Autrement dit,

ces personnes dénoncent formellement les faits dont e lles ont été victimes à un juge d’instruction.

Ce système, qui est prévu à l’article 63 du code belge d’instruction criminelle 13, met en mouvement

l’action publique ; en outre, il permet au particulier qui s’est constitué partie civile de participer à

l’instance pénale et de demander réparation pour le dommage qu’il a subi. Ce mécanisme n’est pas

propre à la Belgique, il existe sous des formes analogues dans bien d’autres Etats du système

romano-civiliste ou romano-germanique (France, Gr èce, Danemark, Espagne, Finlande, etc.). Je

referme ici cette parenthèse sur le droit procédural belge et j’en reviens aux plaintes qui ont ét
é

déposées en Belgique.

Il convient de souligner qu’au plaignant initia l s’étaient joints, enavril, enmai et en

décembre 2001, vingt autres plaignants, dont encore deux plaignants belges d’origine tchadienne.

5. En ce qui concerne l’objet de ces plaintes, elles imputaient à M.HissèneHabré des

violations graves du droit international humanitair e telles que définies et incriminées par le code

pénal belge (art. 136 bis et suiv.), des crimes de torture visés par la convention de 1984, des crimes

de génocide visés par la convention des Nations Unies du 9 décembre 1948 et des crimes de droit

commun prévus dans le code pénal belge (meurtres, tentatives de meurtres, coups et blessures

volontaires, etc.).

Dans la suite de cet exposé, j’utiliserai l’ expression «crimes de droit international» pour

désigner, de manière générique, les crimes de dr oit international humanitaire ainsi que les crimes

de torture imputés à M. Hissène Habré.

6. A la suite de ces plaintes avec constitution de partie civile, le juge d’instruction belge a

donc ouvert une instruction qui l’a conduit, d’ abord, à accomplir de nombreux devoirs d’enquête

(auditions, analyse de documents, etc.), puis, à envoyer une commission rogatoire au Tchad et au

Sénégal afin d’obtenir le dossier procédural constitué dans ces Etats (notamment, le texte des

auditions des plaignants, au Sénégal notamment, les pièces à conviction qui avaient été recueillies

13Art. 63 : «Toute personne qui se prétendra lésée par un crime ou délit pourra en rendre plainte et se constituer

partie civile devant le juge d’instruction compétent.» - 22 -

sur place, l’organisation de nouvelles auditions, etc.). Ensuite, le juge d’instruction s’est,

lui-même, rendu au Tchad, enfévrier-mars2002, afin d’y effectuer des devoirs d’enquête. A

l’issue de cette instruction approfondie, co mmencée en novembre2000, et qui a permis de

rassembler des milliers de documents qui n’occupe nt pas moins de vingt-sept classeurs dans les

rayons du juge d’instruction, celui-ci a délivré, le 19septembre2005, un mandat d’arrêt

international à charge de M. Hissène Habré (annexe 3 de l’acte introductif d’instance).

Dans ce mandat d’arrêt, le juge constata it que la justice belge était compétente

ratione materiae, ratione personae, ratione loci et ratione temporis pour connaître des plaintes

dirigées contre M.HissèneHabré. Je voudrais faire une petite précision pratique, Monsieur le

président, Messieurs de la Cour, les documents auxque ls je me réfère ici, se trouvent tous dans les

annexes au présent exposé que je suis occupé à vous faire, mais encore une fois, pour ne pas vous

faire perdre du temps, je ne vous fais pas de longs renvois à ces annexes. Je voudrais simplement

dire quelques mots sur les éléments ratione materiae, ratione personae, ratione loci et

ratione temporis, qui fondent la compétence du juge d’instruction, tout ceci, afin d’éclaircir la Cour

sur les droits dont la Belgique demande la protection à travers l’indication de mesures

conservatoires.

7. Ratione materiae, le juge d’instruction estime que les faits portés à sa connaissance par les

plaignants peuvent être qualifiés de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes de

génocide, tous crimes visés par le droit internationa l liant la Belgique et le Sénégal, et d’ailleurs

14
visés dans le code pénal belge .

Indépendamment du fait qu’il s’agit de crimes de droit international, ces faits correspondent,

d’ailleurs, aussi à des crimes de droit commun qui s ont visés par la législatio n pénale de tous les

Etats du monde. On parle d’homicide, de coups et blessures volontaires ou d’autres qualifications

propres au système pénal de tel ou tel Etat. Voilà pour l’élément ratione materiae.

L’é8l.ément ratione personae : toutes ces plaintes sont dirigées, vous le savez, contre une

personne physique, M.HissèneHabré, préside nt du Tchad de 1982 à 1990, qui a été renversé

en 1990 et qui a cherché refuge au Sénégal. Le juge d’instruction a souligné que M. Hissène Habré

14 o
Mandat d’arrêt international, dossier n 2001/002, 19 septembre 2005, par. 2.2 et 2.4.1. - 23 -

ne pouvait se prévaloir d’aucune immunité de juri diction pénale, et ce, pour deux raisons : d’une

part (première raison), se fondant sur l’ arrêt rendu par la Cour dans l’affaire du Mandat d’arrêt du

11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique) (la célèbre affaire Yerodia), le juge

d’instruction avait constaté que M.HissèneHabré n’était plus en fonction et, qu’à l’issue des

fonctions, des faits commis ⎯comme l’avait dit la Cour en2002 ⎯ par un ancien ministre des

affaires étrangères (le raisonnement est appliqué ici à un ancien chef d’Etat) pouvaient donner lieu

à poursuites devant le tribunal national d’un Et at étranger, pour peu que ces faits aient été

15
accomplis à titre privé ; or, des faits de torture ne relèvent évidemment pas des fonctions d’un

chef d’Etat; d’autre part (deuxième raison à l’ex clusion de toute forme d’immunité pénale), les

autorités tchadiennes avaient confirmé, pour au tant que de besoin, que M.HissèneHabré ne

pouvait se prévaloir d’aucune immunité, et ce, en vertu d’une décision d’une conférence nationale

souveraine qui s’était tenue à N’Djamena en ja nvier-avril1993. Et on se souviendra que dans

l’affaire Yerodia, la Cour avait observé qu’un ministre ou un ancien ministre des affaires étrangères

«ne bénéficient plus de l’immunité de juridiction à l’étranger si l’Etat qu’ils représentent ou ont

représenté décide de lever cette immunité» ( Mandat d’arrêt du 11avril2000 (République

démocratique du Congo cB . elgique), arrêt, C.I.J. ecueil002 , p. 25, par. 61) ; c’était

manifestement le cas du Tchad par rapport à M. Hissène Habré.

Co9m. pétence ratione loci : le juge belge était compétent; certes, les faits imputés à

M. Hissène Habré avaient été commis en dehors du te rritoire belge, mais la loi relative aux crimes

de droit international applicable au moment où le mandat d’arrêt du 19 septembre 2005 est émis par

le juge d’instruction en Belgique prévoyait la compétence du juge belge pour des affaires à

l’instruction dont un plaignant au moins était de nationalité belge au moment du dépôt de la

16
plainte . Le juge belge était donc compétent en vert u de notre loi de 2003 relative aux violations

graves du droit international humanitaire (art. 29, par. 3, al. 2). A l’égard de ces plaignants, le juge

appliquait le principe de la compétence personnelle passive. C’était le cas de trois plaignants,

d’origine tchadienne: ils étaient de nationalité belge au moment du dépôt de leur plainte 17et ils

15
Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002,
p. 25, par. 61.
16
Mandat d’arrêt international, loc. cit., par. 2.3.2.
17Ibid., par. 1.3.1 (voir Pro justitia du 23 septembre 2003, annexe 1). - 24 -

résidaient déjà en Belgique à l’époque où M. Hissène Habré était président du Tchad. L’un d’entre

eux, qui était retourné au Tchad, y avait été arrêté en 1989 et torturé par des agents de la DDS ; les

deux autres n’avaient pas subi directement les cr imes imputés à M.HissèneHabré, mais étant

parents proches des victimes directes de ces crimes, ils avaient juridiquement le statut de personne

18
lésée .

Toutefois, comme dix-huitautres plaignants de nationalité tchadie nne se sont constitués

19
parties civiles contre M.HissèneHabré , le juge belge était également compétent pour connaître

de leurs plaintes en vertu des règles de compétence prévues par le code belge de procédure pénale

(titre préliminaire, art.10, 1 bis), et ce, en application, tout simplement, des règles internationales

liant le Sénégal et la Belgique et auxquelles je me référerai brièvement dans quelques instants, mais

sans les développer car ceci relève plus du fond du différend que des mesures conservatoires.

E1nfi.n, ratione temporis : les faits imputés à M. Hissène Habré avaient été commis durant

sa présidence du Tchad entre 1982 et 1990, mais étant donné qu’il s’ agissait de crimes de guerre,

de crimes contre l’humanité et de crimes de génocide, ils étaient réputés imprescriptibles en vertu

20
du droit belge et du droit international . Comme je l’ai rappelé tout à l’heure, cette règle vient

d’ailleurs d’être introduite en droit sénégalais.

11. Après avoir donc observé que ces plaint es étaient recevables au regard des crimes

précités et que ces plaintes n’étaient manifestement pas mal fondées, le juge d’instruction saisi de

l’affaire a conclu qu’il existait des indices attestant de la réalité de ces crimes, et il a décerné,

comme je l’ai déjà dit, un mandat d’arrêt international contre MH . issèneHabré, le

21
19 septembre 2005 .

12. A la suite de l’émission de ce mandat d’a rrêt, la Belgique adresse une note verbale au

Sénégal, le 22 septembre 2005, a ux fins d’obtenir l’extradition de M.Hissène Habré. Un mot sur

le droit sénégalais de l’extradition: la demande d’extradition en droit sénégalais est soumise à la

chambre d’accusation de la cour d’appel qui rend un avis motivé, favorable ou défavorable à

18
H.-D. Bosly, D. Vandermeersch et M.-A. Beernaert, Droit de la procédure pénale , Bruges, La Charte, 2008,
5 eéd., p. 322.
19
Mandat d’arrêt international, loc. cit., par. 1.3.4.
20Ibid., par. 2.5.

21Ibid., in fine. - 25 -

l’extradition. Si l’avis est défavorable, l’extraditio n ne peut être accordée ; si l’avis est favorable,

l’extradition peut être accordée par le Gouvern ement sénégalais qui garde cependant son pouvoir

d’appréciation 22, sous réserve bien sûr, puisqu’il faut le préciser, des règles de droit international

qui lient le Sénégal. C’est au fond un système qui s’inspire tout à fait du système français.

En ce qui concerne la demande d’extradition qui avait donc été adressée par la Belgique au

Sénégal, la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar re nd, le 25 novembre 2005, un avis

qui présente la particularité de n’être ni favorable ni défavorable à l’extradition, mais dans lequel la

chambre d’accusation se déclare incompétente pour se prononcer sur la demande d’extradition. La

chambre d’accusation invoque le fait que la Cons titution du Sénégal prévoyait «une procédure

spéciale … pour tout acte de poursuite à l’encontre du président de la République». Et la chambre

en déduit qu’elle ne pouvait avoir compétence pour des actes d’instruction et de poursuite contre un
23
chef d’Etat . Le 30novembre2005, la Belg ique demande alors au Séné gal quelle était la portée

de cette décision et quelle conséquence le Sé négal comptait en tirer pour ce qui concerne

l’extradition de M. Hissène Habré (document 3).

13. Il s’ensuit alors, entre les deux Etats, un échange de notes verbales que l’on peut

synthétiser comme suit :

⎯ d’un côté, le Sénégal annonce à la Belgique, en 2005, qu’il transmet le dossier à l’Union

africaine, et que cette transmission doit être «considérée comme traduisant la position du

Gouvernement sénégalais suite à l’arrêt de la chambre d’accusation» (note verbale du

23décembre2005, document 5); de ce fait, le Sé négal affirme, d’une part, lutter ainsi contre

l’impunité (note verbale du 7 décembre 2005, document 4), d’autre part, appliquer l’article 7 de

la convention de1984 (note verbale du 9mai2006, document9); il n’en demeure pas moins

que l’Union africaine renvoie le dossier ⎯si je peux dire ⎯ à son expéditeur, le Sénégal,

enjuillt006, et elle demande au Séné gal d’organiser lui-même le procès de

M. Hissène Habré (nous sommes en juillet 2006) ; le Sénégal modifie sa législation pénale à

cet effet en janvier 2007, mais il fait savoir à la Belgique que ce procès aura des implications

22Loi sénégalaise n 71-77 du 28 décembre 1971, art. 16-18.
23
Avis de la cour d’appel de Dakar du 25 novembre 2005
http://www.hrw.org/legacy/french/docs/2005/11/26/chad12091.htm - 26 -

financières qui nécessitent le soutien de l’Union africaine et de la communauté internationale

(notes verbales des 20 et 21 février 2007, documents 11 et 12) ;

Le PRESIDENT : Monsieur David, voudriez-vous parler un peu plus lentement.

M. DAVID : Excusez-moi, Monsieur le président,

⎯ de son côté, la Belgique, se fondant sur la conve ntion de 1984, demande au Sénégal si celui-ci

va extrader M.HissèneHabré vers la Belgique ou le juger directement (notes verbales des

11 janvier et 9 mars 2006, documents 6 et 7) ; en mai 2006, la Belgique constate que les deux

Etats ont des vues divergentes sur la portée de l’ article 7 de la convention de 1984 (cet article

se rapporte à l’obligation de poursuivre ou d’extrader) et la Belgique demande que la procédure

d’arbitrage prévue à l’article 30 de la convention soit mise en mouvement (notes verbales des 4

mai et 20juin2006, documents8 et 10); un an plus tard, en mai2007, la Belgique constate

que sa proposition de soumettre l’affaire à l’arbitrage n’a reçu aucune suite ; elle prend acte des

nouvelles lois adoptées par le Sénégal pour assurer la répression des crimes de droit

international humanitaire, conformément au dro it international, et demande, à nouveau, si des

poursuites vont être menées contre MH . issèneHabré (note verbale du 8mai2007,

document 13) ; la Belgique ne reçoit pas de réponse ;

endécembre2008, la Belgique fait une nouvelle tentative destinée à faciliter les poursuites

contre M. Hissène Habré au Sénégal : elle propose, dans le cadre des règles applicables en

matière de coopération judiciaire internationa le, elle propose au Sénégal, de recevoir les

magistrats instructeurs sénégalais et de leur transmettre le dossier d’instruction relatif à l’inculpé

si le Sénégal veut bien comm uniquer à la Belgique les coordonn ées des magistrats sénégalais

compétents (note verbale du 2décembre2008, document15). Là encore, cette note verbale

reste sans réponse.

En résumé, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, cet échange de notes verbales

traduit une divergence d’interprétation portant prin cipalement sur la portée de l’article7 de la

convention de1984: selon la Belgique, ces dispos itions obligent le Sénégal, soit à extrader

M.HissèneHabré vers la Belgique, soit à le pour suivre pénalement (note verbale du 4mai2006,

document8). Selon le Sénégal, la règle de l’ar ticle7 est respectée si le suspect est renvoyé à - 27 -

l’Union africaine (note verbale du 9 mai 2006, docum ent 9). La Belgique estime que tel n’est pas

le sens de l’article 7 (note verbale du 20 juin 2006, document 10).

Cette obligation alternative de poursuiv re ou d’extrader n’est pas seulement

conventionnelle ; comme je l’exposerai plus loin, elle est aussi coutumière.

Quoi qu’il en soit, n’ayant reçu aucu ne réponse à ses notes verbales de mai2007 et

dedécembre2008 et constatant que le Sénégal, bien qu’ayant changé sa Constitution et sa

législation, n’a pris aucune mesure concrète pour poursuivre M.HissèneHabré ou, à défaut, pour

l’extrader vers la Belgique, celle-ci décide donc, le 19 février de ce tte année, de soumettre l’affaire

à la Cour.

14. Telle est l’origine du différend, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, entre le

Sénégal et la Belgique: la Belgique, faut-il le répéter, voudrait que le Sénégal poursuive et juge

lui-même M. Hissène Habré ⎯ ce que demande aussi, d’ailleurs, l’Union africaine à qui le Sénégal

avait d’abord renvoyé l’affaire ⎯, mais à titre subsidiaire, en quel que sorte, la Belgique demande

que le Sénégal, si celui-ci renonce à poursuivre lui-même, M. Hissène Habré, la Belgique demande

alors au Sénégal qu’il extrade M. Hissène Habré vers la Belgique pour que celui-ci puisse répondre

des faits qui lui sont imputés, comme le prévoient, dans l’un ou l’autre cas, le droit international

conventionnel et le droit international coutumier. Je n’ai pas développé ces points qui sont l’objet

même du différend et je vais me borner simplement ici à expliquer à présent, le fondement de la

demande en indication de mesures conservatoires qui a été déposée simultanément avec la requête

introductive d’instance.

C’est donc ma deuxième partie qui est consacrée au fondement de la demande en indication

de mesures conservatoires sollicitée par la Belgique.

II.FONDEMENT DE LA SAISINE DE LA COUR PAR LA B ELGIQUE

15. Ainsi que je l’ai dit, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, il est exclu à ce stade la

procédure de s’étendre longuement sur le fondement juridique de l’action de la Belgique.

Toutefois, comme la Cour l’a dit à l’occasion de diverses requêtes en indication de mesures

conservatoires, dès lors que la Cour «doit se préoccuper de sauvegarder … les droits» que son arrêt

sur le fond «pourrait éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur» ( Frontière - 28 -

terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), mesures

conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I), p.22, par. 35 ; Avena et

autres ressortissants mexicains (Mexique c.Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires,

ordonnance du 5 février 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 89, par. 48 ; Certaines procédures pénales

engagées en France (République du Congo c. France), mesures conservatoires, ordonnance du

17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p.107, par.22; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay

(Argentine c. Uruguay), ordonnance du 13 juillet 2006 , C.I.J. Recueil 2006, p. 129, par. 61, etc.), il

est logique de présenter le fondement juridique de l’action de la Belgique afin de préciser le

contenu des droits que la Belgique désire préserver.

L’action de la Belgique devant la Cour est fondée, je vous l’ai dit, sur le droit international

conventionnel(A) et sur le droit international coutumier(B) relatif à la répression des crimes de

droit international puisque le mandat d’arrêt international émis par le juge d’instruction belge et la

demande subséquente d’extradition de M. Hissène Habré concernent de tels crimes.

Je commence avec le fondement conventionnel des droits invoqués par la Belgique.

A. Le fondement conventionnel des droits invoqués par la Belgique

16. Pour rappel, les crimes imputés à M. Hissène Habré par le juge d’instruction belge sont

qualifiés dans le mandat d’arrêt in ternational et dans la demand e d’extradition, ces crimes sont

qualifiés de crimes contre l’humanité, crimes de guerre, crimes de torture et crimes de génocide

(annexe3 de l’acte introductif d’instance et docum ent1). Or, il existe des traités qui lient le

Sénégal et la Belgique et qui obligent les parties contractantes à assurer la répression de ces crimes,

soit en poursuivant les personnes suspectées en justice, soit en les extradant vers un Etat qui désire

les poursuivre.

Pour les crimes de torture, la convention de 198 4, qui lie les parties (depuis le 21 août 1986,

en ce qui concerne le Sénégal, et le 25 juin 1999, en ce qui concerne la Belgique) oblige les Etats

parties à poursuivre les auteurs de ces crimes dans les conditions prévues aux articles5 et7, ou à

les extrader vers un autre Etat partie en vertu de l’ article8. Et la règle, cette règle, dans le cas

particulier de M.HissèneHabré, a reçu une éclatante confirmation de la part du Comité contre la

torture, ce Comité que vous connaissez, qui a été institué par la convention de 1984, puisque, dans - 29 -

24
sa décision du 17mai2006 (document16) , le Comité contre la torture avait été saisi d’une

réclamation adressée par des anciennes victimes de M.HissèneHabré, qui avaient vainement

déposé plainte au Sénégal. Et donc, dans cette réclamation que ces victimes avaient introduite

devant le Comité pour l’abstention du Sénégal à po ursuivre M.HissèneHabré, le Comité, je cite,

dans sa décision de2006, le Comité «considère que le Sénégal n’a pas rempli ses obligations en

vertu de l’article 7 de la convention» 25. Je me permets de rappeler que cet article, l’article 7 de la

convention, dispose en substance que «L’Etat partie sur le territoire duquel l’auteur présumé d’un

acte de torture est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier, soumet l’affaire, dans les cas visés à de

l’article 5, à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale.»

Le Comité contre la torture précise d’ailleur s un point important que je souligne, le Comité

dit ceci: «l’obligation de poursuivre l’auteur présumé d’actes de torture ne dépend pas de

26
l’existence préalable d’une demande d’extradition à son encontre» . Afortiori, s’il faut

poursuivre, même s’il n’y a pas de demande d’extradition, à fortiori , il faut évidemment poursuivre

s’il y a une demande d’extradition. Et c’était le cas en l’espèce. C’est donc sans surprise que le

Comité conclut «qu’en refusant de faire suite à cette demande d’extradition [en l’occurrence de la

Belgique], le Sénégal a une nouvelle fois manqué à ses obligations en vertu de l’article7 de la

27
convention» . Le Comité reconnaissait donc ce que la Be lgique demande aujourd’hui à la Cour, à

savoir, l’obligation pour le Sénégal de poursuivre pénalement M. Hissène Habré.

D’autres conventions sont également pertinen tes en la matière. Par exemple, en ce qui

concerne les crimes de guerre, les conventions de Genève de 1949 qui lient également le Sénégal et

la Belgique (depuis, respectivement, le 18 mai1963 et le 3septembre1952), ces conventions

obligent chaque Etat partie à poursuivre les au teurs d’«infractions graves» à ces conventions

(art.commun 49/50/129/146); l’Etat peut tout efois renoncer à les poursuivre, mais à condition

qu’il extrade ces personnes vers tout Etat partie qui souhaite les poursuivre (ibid.).

24Communication n 181/2001, Suleymane Guengueng et autres c. Sénégal, doc. CAT/C/36/D/182/2001.
25
Ibid., par. 9.9.
26Ibid., par. 9.7.

27Ibid., par. 9.10. - 30 -

17. En résumé, tant la convention de 1984 que les conventions de Genève liant le Sénégal à

la Belgique obligeaient le Sénégal, soit à poursu ivre M. Hissène Habré pour les crimes qui étaient

énoncés dans le mandat d’arrêt inte rnational émis par le juge d’instruction belge, soit à extrader

M. Hissène Habré vers la Belgique. La Belgique demande au fond au Sénéga l d’appliquer la règle

classique aut dedere aut judicare qui a déjà été citée plusieurs fois ce matin, règle qui, en l’espèce,

devrait plutôt se traduire par l’expression judicare vel dedere car les instruments cités mettent

l’accent, d’abord, sur l’obligation de poursuite, en suite, sur l’obligation d’extradition si, pour l’une

ou l’autre raison, l’Etat du lieu où se trouve le suspect ne le poursuit pas.

Autrement dit, les droits dont la Belgique demande le respect pour éviter un préjudice

irréparable sont le droit d’obtenir du Sénégal, so it qu’il remplisse son obligation de poursuite, soit

qu’il extrade M. Hissène Habré vers la Belgique.

18. Ces droits ne se trouvent pas seulement dans les instruments conventionnels qui viennent

d’être cités; ils se fondent aussi sur le droit in ternational coutumier ains i que je vais vous le

montrer.

B. Le fondement coutumier des droits invoqués par la Belgique

19. La règle judicare vel dedere est une règle de droit intern ational coutumier exprimée par

l’Assemblée générale des NationsUnies et par la Commission du droit international. Dans sa

résolution3074 (XXVIII), adoptée par l’Assembl ée générale des NationsUnies, sans vote

contraire, le 3 décembre 1973, l’Assemblée déclare :

«1. Les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, où qu’ils aient été
commis et quel que soit le moment où ils ont été commis, doivent faire l’objet d’une

enquête et les individus contre lesquels il existe des preuves établissant qu’ils ont
commis de tels crimes doivent être recherchés, arrêtés, traduits en justice et, s’ils sont
reconnus coupables, châtiés.» (Les italiques sont de nous.)

20. De même, la Commission du droit internati onal, dans son projet de code des crimes

contre la paix et la sécurité de l’humanité adopté en 1996, énonce à de l’article 9 de ce code :

«Sans préjudice de la compétence d’une cour criminelle internationale, l’Etat

partie sur le territoire duquel l’ auteur présumé d’un crime visé à
l’article 17 [génocide], 18 [crimes contre l’humanité], 19 ou 20 [crimes de guerre] est
découvert extrade ou poursuit ce dernier.» (Les italiques sont de nous.) - 31 -

21. Le préambule du statut de la Cour pénale internationale confirme ce qui précède: les

Etats parties au statut (et on l’a déjà dit ce matin, c’est le cas du Sénégal et de la Belgique), ces

Etats, affirment

«que les crimes les plus graves qui touchent l’ensemble de la communauté
internationale ne sauraient rester impunis et que leur répression doit être effectivement
assurée par des mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la
coopération internationale» (4 considérant) ;

ces mêmes Etats se déclarent aussi (toujours dans le préambule) «déterminés à mettre un terme à

l’impunité des auteurs de ces crimes et à concourir ainsi à la prévention de nouveaux crimes»

e
(5 considérant) ;

enfin, les Etats parties au statut rappellent «qu’ il est du devoir de chaque Etat de soumettre à sa

juridiction criminelle les responsables de crimes internationaux» (6 e considérant).

Ces extraits du préambule de la Cour pénale in ternationale sont significatifs : il est clair que,

par l’emphase et la solennité des formules employ ées, les Etats expriment ce qu’ils considèrent

comme l’ opinio juris de la communauté internationale, à savoir l’obligation de poursuivre

pénalement les auteurs présumés de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de crimes de

génocide, tous crimes visés par le statut de la Cour pénale internationale (art. 6-8).

En répétant, trois fois, la même idée ⎯lutter contre l’impunité ⎯, les Etats veulent

simplement exprimer la force et la portée indi scutable de la règle coutumière de poursuivre

pénalement les auteurs présumés des crimes précités.

22. A ces règles s’ajoutent les règles conventionnelles que j’ai énumérées il y a quelques

instants car il ne fait aucun doute que les conventions de Genève de 1949 et la convention de 1984

sur la torture sont autant d’expressions du droit in ternational coutumier. Ce n’est évidemment pas

à la Cour que je dois rappeler, par exemple, qu’ elle a qualifié les conventions de Genève de

«principes intransgressibles du droit international coutumier» ( Licéité de la menace ou de l’emploi

d’armes nucléaires, avis consultatif, C. I.J. Recueil 1996 (I), p. 257, par. 79). Un raisonnement

similaire pourrait être tenu au regard de la c onvention pour la prévention et la répression du crime

de génocide de 1948. D’ailleurs, le Sénégal, comme la Belgique, reconnaît le caractère coutumier

des incriminations du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’ humanité puisque dans

l’exposé des motifs de la loi sénégalaise que je cita is tout à l’heure, qui incorpore ces crimes dans - 32 -

le code pénal sénégalais, il est précisé qu’il s’ agit d’une «intégration de règles internationales

28
d’origine conventionnelle et coutumière» , des règles dont le même e xposé des motifs affirme «le

caractère de jus cogens» 29 (ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’exposé des motifs de la loi

sénégalaise).

23. En bref, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, tout comme le droit international

conventionnel, le droit international coutumier oblige les Etats à poursuivre ou extrader les auteurs

de crimes de droit international précités. Etant donné que cette obligation lie son titulaire envers

tout Etat, la Belgique possède des droits qui sont le corollaire de l’obligation coutumière qui pèse

sur le Sénégal dans le cas de M.HissèneHabré, à savoir, et que la Cour me pardonne si je me

répète une fois de plus, le droit de voir le Sé négal poursuivre directement M. Hissène Habré ou, à

défaut, le droit d’obtenir son extradition.

Ces droits dont la Belgique demande le respect étant établis, il reste à voir pourquoi la

Belgique demande à la Cour d’indiquer des mesu res conservatoires et ce sera mon troisième et

dernier point, Monsieur le président.

III. FONDEMENT DES MESURES CONSERVATOIRES DEMANDÉES PAR LA BELGIQUE

24. La Cour a expliqué à diverses reprises le s raisons qui peuvent la conduire à indiquer des

mesures conservatoires.

Je ne vais traiter ces questions que d’un point de vue factuel, à l’aune de certaines

déclarations du président du Sénégal, M.Abdoulay eWade; les questions de droit seront ensuite

approfondies par mon estimé confère, sir Michael Wood.

25. Les droits dont la Belgique demande le respect ⎯ que le Sénégal juge M. Hissène Habré

ou qu’il l’extrade vers la Belgique ⎯ semblent singulièrement menacés lorsqu’on lit certaines

affirmations récentes du président AbdoulayeWade . Je me permets de relater celles qui nous

paraissent les plus inquiétantes pour les droits de la Belgique dans la présente instance.

28
Loi n° 2007-02 du 12 février 2007 modifiant le Code pénJournal officiel de la République du Sénégal ,
10 mars 2007, p. 2377.
29Ibid. - 33 -

Dans une interview accordée au journal espagnol Publico et reproduite dans un numéro daté

du 14 octobre 2008, on demande au président Wade si «Habré sera un jour devant les juges». Le

président Wade répond :

«J’espère que l’Union africaine, l’Un ion européenne et les ONG vont se

mobiliser parce que je ne vais pas garder indéfiniment Habré au Sénégal. Nous avons
besoin d’argent pour payer les magistrats, les tribunaux, les frais de voyage des juges à
N’Djamena, mais aussi les frais de voyage des témoins au Sénégal. Quelqu’un doit

payer ces dépenses et ce ne sera pas le Sénéga l. C’est le problème que nous avons en
ce moment par rapport à l’affaire Habré.» (Traduction de l’espagnol dans le journal
sénégalais Le Quotidien, daté du 15 octobre 2008 ; document 19 ; les italiques sont de
nous.)

Les réponses aux questions suivantes, dans le mê me journal, sont tout à fait révélatrices de

l’état d’esprit du président Wade quant à sa volon té d’appliquer les règles internationales obligeant

le Sénégal à traduire en justice M. Hissène Habré :

Question du journaliste : «Donc le jugement de Habré peut encore tarder ?»

Réponse du président Wade: «Nous courrons le risque que cela traîne en longueur. Si ça

continue comme ça, je dirai à l’Union africaine de reprendre le

cas.»

Nouvelle question du journalise : «Et Habré ?»

Réponse du président Wade : «Je ferai qu’il abandonne le Sénégal, même si je ne sais pas où il

va aller. J’accepte de le juger mais qu’on me donne les moyens.»

(Les italiques sont de nous.)

Autre exemple significatif reproduit dans le journal français La Croix du 18 décembre 2008 :

on demande au présidentWade: «que répondez-vou s à ceux qui reprochent au Sénégal de mettre

de la mauvaise volonté à juger l’ancien dictateur Hissène Habré?» (Document 20.)

Leprésident ade répond que le Sénégal accepte de juger MH . issènHabré comme

l’Union africaine le lui a demandé, mais que ce procès requiert de l’argent et, dit le président Wade,

«personne ne donne un franc!». Il ajoute, et c’ est cela qui inquiète tout particulièrement la

Belgique à ce stade de la procédure :

«Je vais donc mettre en garde mes homologues lors du prochain sommet de
l’Union africaine en janvier et, si des [décisions] ne sont pas prises, peut-être
renverrai-je Hissène Habré au Tchad. Mais en tout cas, si le procès ne se tient pas, je

ne le garderai pas encore longtemps au Sénégal .» (Les italiques sont de nous.)
(Document 20.) - 34 -

Le 3février2009, dans un entretien accordé à l’Agence France-Presse, le présidentWade

déclare : «Finalement, l’histoire d’Hissène Habré va se retourner contre le Sénégal. Certains nous

accusent de ne pas vouloir le juger, mais qu’ils comprennent que l’on ne nous donne pas les

moyens de le juger.» (Document 21.) Et l’Agen ce France-Presse rapporte la suite de l’entretien

comme suit :

«Interrogé pour savoir ce qu’il compta it faire en l’absence de financements,
M.Wade a évoqué deux options: «ou je le renvoie chez lui» mais dans ce cas, a-t-il
estimé, c’est l’actuel président tchadien IdrissDeby «qui va avoir des problèmes»;

«ou je le renvoie au président de l’Union a fricaine», devenu lundi pour un an le leader
libyen Mouamar Kadhafi.

Le président sénégalais a souligné qu’il y avait «un précédent» avec le cas de

l’ex-président du Liberia Charles Taylor, qui fut «envoyé au Nigeria» dont le chef de
l’Etat de l’époque OlussegunObasanjo assurait la présidence de l’Union Africaine.»
(Document 21.)

26. En bref, Monsieur le président, Messieurs de la Cour, voilà trois interviews récentes

relatives à M.HissèneHabré, et trois déclarations à peu près identiques où le présidentWade dit

que, si le Sénégal ne reçoit pas le financement qu’il estime indispensable au procès de

M.HissèneHabré, le Sénégal se désintéressera de ce dernier. Mieux, le Sénégal se prévaut d’un

cas qui n’a rien de comparable avec celui de M.Hi ssèneHabré: et je me réfère ici au prétendu

renvoi ⎯cité par le présidentWade ⎯ de l’ex-président du Liberia, CharlesTaylor, vers le

Nigeria; en réalité, il ne s’agissait pas d’un renvoi puisque l’ex-président du Liberia,

Charles Taylor, s’était volontairement rendu au Nigeria en 2003 et n’y avait pas été renvoyé par un

Etat tiers; ce n’est donc pas un précédent; ce n’est pas davantage un exemple car il faudra

attendre2006 avant que le Nigeria ne transfère CharlesTaylor au Tribunal spécial pour la

Sierra-Leone. Et à cette occasion, le Conseil de sécurité s’est «félicité» de ce transfèrement et a

exprimé «sa gratitude» au Nigeria. Le Conseil de sécurité a rappelé «qu’il était résolu à mettre fin

à l’impunité, à asseoir l’état de droit, à restaurer et maintenir la paix et la sécurité internationales,

dans le respect du droit international et des buts et principes énoncés dans la Charte» 30.

C’est dire à quel point, Monsieur le prés ident, Messieurs de la Cour, l’affaire Taylor n’est ni

un précédent ni un exemple à suivre puisque le Conseil de sécurité, en exprimant sa gratitude au

Nigeria pour la livraison de CharlesTaylor au Tribunal spécial pour la SierraLeone, et en

30 e
S/Rés. 1688, 16 juin 2006, préambule, 4 al. - 35 -

affirmant sa ferme volonté de lutter contre l’impunité, a clairement laissé entendre son désaccord

avec le fait peut-être que Charles Taylor aurait pu échapper à la justice.

27. Revenons au Sénégal. Alors qu’il s’agit de crimes de droit international à la répression

desquels tous les Etats doivent coopérer, le Sénégal, par la voi x de son président, M.Wade, se

déclare prêt à ne plus surveiller M. Hissène Habré ou à le transférer vers un pays dont on ignore s’il

est prêt à remplir les obligations qui s’imposent pou r l’instant au Sénégal. En toute hypothèse, si

M.HissèneHabré devait quitter le territoire sénégal ais, le Sénégal ne serait plus en mesure

d’appliquer son obligation de poursuivre ou d’extrad er l’intéressé. La Belgique est donc dans la

situation réunissant les critères d’indication de mesures conservatoires, à savoir, que, d’une part, le

Sénégal menace de causer un préjudice irréparable ( Avena et autres ressortissants mexicains

(Mexique c.Etats-Unis d’Amérique), mesu res conservatoires, ordonnance du 5février2003,

C.I.J. Recueil 2003, p. 89, par. 48 ; LaGrand (Allemagne c.Etats-Unis d’Amérique), mesures

conservatoires, ordonnance du 3 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999 (I), p. 15, par. 25 ; Usines de pâte

à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du

13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p.129, par.61) au droit de la Belgique que M.Hissène Habré

soit traduit en justice au Sénégal ou extradé vers la Belgique, et d’autre part, cette menace n’est pas

hypothétique ou lointaine ⎯les extraits que je vous ai cités remontent à la fin de l’année

dernière ⎯ cette menace est donc proche et il y a bel et bien urgence ( Usines de pâte à papier sur

le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesu res conservatoires, ordonnance du 13 juillet 2006,

C.I.J. Recueil 2006, p.129, par.62; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine

c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2007, par. 32-33).

Dans l’affaire qui avait été portée de vant le Comité contre la torture,

l’affaire Suleymane Guengueng et al. c. Sénégal , à laquelle je me référais tout à l’heure, le Comité

avait d’ailleurs, sur la base de son règlement intérieur, demandé, à titre provisoire, au Sénégal,

en avril 2001, «de ne pas expulser Hissène Habré et de prendre toutes les mesures nécessaires pour

empêcher que ce dernier ne quitte le territo ire autrement qu’en vertu d’une procédure

31
d’extradition» .

31 o
Communication n 181/2001, op. cit., par. 1.3. - 36 -

De fait (et de droit), en vertu de l’article 6, paragraphe1, de la convention de1984,

lorsqu’une personne encourant une responsabilité pénale dans des actes de torture se trouve sur le

territoire d’un Etat partie à la convention, cet Etat doit assurer «la détention de cette personne» ou

prendre «toutes autres mesures juridiques nécessaires pour assurer sa présence» (art. 6, par. 1).

SéLneégal ⎯et, à l’époque, en 2001, ce fut tout à son honneur ⎯ avait donné effet à la

demande du Comité. Aujourd’hui, les conditions requises par la Cour pour indiquer des mesures

conservatoires sont également réunies ainsi que va vous le montrer, de manière plus approfondie,

sir Michael Wood dans quelques instants.

28. En conclusion, Monsieur le président, Messi eurs de la Cour, le présent exposé peut être

synthétisé en cinq points très simples :

1) A la suite de plaintes déposées en Belgique pour des faits imputés à M. Hissène Habré, un juge

d’instruction belge a conclu, aux termes d’une enquête minutieuse et approfondie, que ces faits

étaient constitutifs de crimes de droit internationa l (crimes de guerre, crimes contre l’humanité,

crimes de génocide et crimes de torture).

2) Le juge d’instruction a considéré que la jus tice belge pouvait connaître de ces faits sur la base

de la loi du 5août2003 ⎯ la loi belge de 2003 ⎯ relative aux violations graves du droit

international humanitaire, et ce, tant pour les plaignants belges d’origine tchadienne que pour

les plaignants tchadiens.

3)Le juge d’instruction a décerné un mandat d’arrêt international à l’encontre de

MH. issène abré et le Gouvernement be lge a demandé au Sénégal d’extrader

M. Hissène Habré vers la Belgique ou de soumettre aux tribunaux sénégalais les crimes imputés

à M. Hissène Habré.

4) La demande de la Belgique se fonde sur les règl es de droit international liant le Sénégal et la

Belgique; ces règles, de caractère à la fois c onventionnel et coutumier, obligent le Sénégal à

poursuivre M.HissèneHabré pour les faits en cause , ou, à défaut de le poursuivre, à extrader

M.HissèneHabré vers la Belgique pour qu’il réponde de ces faits; les droits ⎯ parce que ce

sont des droits ⎯ dont la Belgique demande la protection ne sont que le corollaire d’obligations

conventionnelles et coutumières à charge du Sénégal vis-à-vis de la Belgique. - 37 -

5) Le Sénégal n’ayant ni poursuivi ni extrad é M.HissèneHabré vers la Belgique, et le

président Wade ayant affirmé au moins à trois reprises qu’il ne garderait pas M. Hissène Habré

sur son territoire s’il ne recevait pas les fonds nécessaires à son procès, les droits de la Belgique

à l’égard du Sénégal risquent de subir, à br ève échéance, un dommage irréparable; c’est pour

cette raison que la Belgique, Monsieur le président, demande à la Cour d’indiquer des mesures

conservatoires.

29. Avec la permission de la Cour, sir Michael Wood va montrer, à présent, que la Cour est

compétente pour connaître de la demande belge et que les conditions requises pour l’indication de

mesures conservatoires sont parfaitement remplies en l’espèce.

Et je remercie infiniment la Cour de la bienveillante attention qu’elle a accordé à mon

exposé, et je vous serais reconnaissant, Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à

sirMichaelWood, soit maintenant, soit à l’issue de la pause que la C our souhaitera peut-être

s’accorder après le long pensum que je lui ai infligé, pensum qui, je l’espère ⎯ je demande

l’indulgence de la Cour ⎯, ne sera pas considéré comme un traitement inhumain et dégradant

incriminé par la convention de 1984. Je vous remercie de votre attention.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, professeur David, de votre exposé. Comme vous l’avez

suggéré, je crois que c’est le mo ment opportun pour une petite pau se café et nous allons continuer

le premier tour d’observations orales de la Belgique après dix minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 35 à 11 h 50.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. J’appelle maintenant à la barre Sir Michael Wood.

Sir Michael WOOD: Thank you, Mr. President.

A PPLICATION OF THE LAW AND PRACTICE ON PROVISIONAL MEASURES
TO THE FACTS OF THE CASE

1. Mr.President, Members of the Court, it is an honour to appear before you, a particular

honour to do so on behalf of Belgium ⎯ and in this important case. As the Agent explained, my

task this morning will be to explain how the law and practice on provisional measures apply in

respect of Belgium’s request. - 38 -

I.INTRODUCTION

2. I should recall, at the outset, the principle al ready recognized by the Permanent Court in

the Electricity Company of Sofia and Bulgaria case, a principle to which, in your LaGrand

Judgment (LaGrand (Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 466,

at p. 503, para. 103), you indicated that you attached importance

“the principle universally accepted by international tribunals and likewise laid down in
many conventions... to the effect that the parties to a case must abstain from any
measure capable of exercising a prejudicial effect in regard to the execution of the
decision to be given, and, in general, not to allow any step of any kind to be taken

which might aggravate or extend the dispute” (Electricity Company of Sofia and
Bulgaria, Order of 5 December 1939, P.C.I.J. Series A/B, No. 79, p.199).

3. Mr. President, I will not repeat Belgiu m’s request for provisional measures which the

Registrar has read out. (Request for the indication of prov isional measures submitted by the

Government of the Kingdom of Belgium, last paragraph (translation).)

4. The precise terms of the measures to be ordered will be a matter for the Court, as is clear

from its practice. But the essence of what we seek is, in the words of the Committee against

Torture, which my colleague, ProfessorDavid cited, that Senegal should be ordered “not to expel

HissèneHabré and to take all necessary measures to prevent him from leaving the territory other

than under an extradition procedure” 32, that is, extradition to face trial in relation to the crimes with

which he is charged.

5. It will be apparent to the Court that the measure we seek is narrow and practical. This is

not a case where the Applicant seeks to achieve, through provisional measures, what in fact is

being sought on the merits. The measure we seek is narrowly drawn, so as to do no more than is

strictly necessary to protect the rights we claim on th e merits. As such, it is an entirely appropriate

measure to be ordered at this stage.

6. ProfessorDavid, has already described th e background to the case, and the rights of

Belgium that are the subject of the dispute submitted to the Court. In short, Belgium’s rights arise

under both conventional and customary international law.

3Committee against Torture, Communication No. 181/2001, Decision of 17 May 2006 [CAT/C/36/D/181/2001],
para.1.3. In the French original, the request read: pas expulser Hissène Habré et de prendre toutes les mesures

nécessaries pour empêcher que ce dernier ne quitte le territoire autrement qu’en vertu d’une procédure d’extradition”. - 39 -

First, Belgium has the right to insist that Senegal fulfils its treaty obligation to ensure that

Mr.Habré is brought to justice in respect of acts which are crimes under the applicable

conventions. In particular, Be lgium has the right, under Article 7 of the Torture Convention 33, to

insist that Senegal ensures that Mr.Habré, bei ng a person present in its territory, is brought to

justice for the acts of torture alleged against him, by submitting the case to its competent authorities

for the purpose of prosecution, if it does not extradite him.

Second, Belgium has a similar right, under customary international law, to require that

Senegal ensures that, either by prosecuting or by extraditing him, Mr. Habré is brought to justice to

answer for the crimes against humanity, genocide, and war crimes of which he stands accused.

II. SENEGAL ’S ACTIONS UPON RECEIPT OF THE EXTRADITION REQUEST

7. Mr. President, Members of the Court, before turning to the legal criteria for the indication

of provisional measures, I shall say a few words about Senegal’s actions (or inaction) since it

received the Belgian extradition request in September 2005.

8. I expect you will hear much from our collea gues this afternoon about current efforts to

mount a trial of Mr. Habré in Senegal; about efforts to secure the necessary funding for that trial;

about the large sums which, according to Senega l’s estimates, will be needed; and about the

failure, on the part of Africa and Europe, to make these large sums available in advance and in full,

as demanded by the President of Senegal: see, for example, his interview of 2 February this year, a

transcription of which is at document No. 2 in the documents submitted by Senegal.

9. But all this, with due respect, is beside the point. Senegal appears now to be saying that it

is willing, in principle, to put Mr. Habré on tria l, but only because the African Union has asked it

to. Yet Senegal has obligations under international law, conventional and customary, obligations

owed to Belgium and others, either to bring Mr. Habré to trial for the crimes of which he stands

accused or to extradite him to Belgium. Senegal has so far failed to acknowledge or to fulfil these

international legal obligations. Indeed, through its President it has even talked of renouncing the

African Union “mandate” and handing the matter b ack to the African Union, or simply letting

Mr.Habré leave Senegalese territory. It is this lack of acknowledgment of its obligations under

3Convention against Torture and Other Cruel, Inhuman or Degrading Treatment or Punishment,

10 December 1984. - 40 -

international law that is at the heart of the dispute between Belgium and Senegal, the dispute now

before the Court.

10. In this context, it is important to appreciate just what has happened and what has not

happened over the last four years, particularly as regards Senegal’s reference of the “Hissène Habré

dossier”, as they call it, to the African Union. At the risk of oversimplification, events fall into

three stages.

11. First, from September to Novemb er 2005, Belgium’s extradition request was considered

within Senegal, but as we heard already, no decision was taken to accede or not to the request.

Second, from December 2005 to July 2006, upon Senegal’s request, the African Union considered

the Hissène Habré dossier, and effectively passed it back to Senegal. Third, from the beginning of

July 2006 to the present day ⎯ that is, for over two and three-quarter years ⎯ Senegal having said

that it accepted the “mandate” to prosecute Mr.Habré “on behalf of Africa”, the Senegalese

prosecuting authorities have, to our knowledge, taken no steps even to begin an investigation.

12. The first stage lasted from 22 Septembe r 2005, when Belgium’s extradition request was

transmitted to Senegal, to 25N ovember2005, some two months later. On that day, the Chambre

d’Accusation of the Court of Appeal of Dakar, on grounds which appear somewhat strange,

decided that it did not have jurisdiction to decide on Belgium’s extradition request. So no decision

was taken on that request.

13. The second stage, which involved the passing of the matter to the African Union, is of

crucial importance. This was not a case where an alleged offender was transferred to the custody

of an international criminal tribunal, such as the International Criminal Court, or an ad hoc tribunal

established by the Security Council, or a “hybrid” court established with the assistance of the

international community, or a regional court with criminal jurisdiction.

14. What Senegal did was very different. Sene gal did not transfer Mr.Habré to anyone to

institute criminal proceedings. Senegal simply handed the “dossier”, the problem, over to the

African Union, for the African Union to do as it saw fit. A communiqué from its Foreign Ministry

was attached to Senegal’s Note to Belgium of 7December2005, which is at tab4 in your

documents ⎯ in fact all the Notes that I will refer to are in the documents in the original French

and also with an unofficial English translation. In this communiqué, Senegal declared “that it is in - 41 -

no way directly involved in the ‘Hissen Habré’ Case”, and it referred to it as “not a Senegalese case

but an African case”. In effect, Senegal decided to rid itself of the matter, and the Minister of the

Interior apparently issued a decree placing Mr. Habré “at the disposal of the Chairman of the

African Union” [“confier M. Habré à la garde du Président de l’Union africain
e”].

15. Senegal informed the Assembly of Heads of State and Government of the African Union

at its sixth session, held in Khartoum on 23-24 January 2006, that the Senegalese Government had

“taken the decision to transmit [the dossier] to th e African Union, so that the Heads of State and

34
Government decide which follow-up will be given to this case” .

16. The Assembly of the African Union, in its Decision103(VI), ⎯ and the decisions are

part of the documents submitted by Senegal to the Court ⎯ the Assembly established a Committee

of Eminent African Jurists to examine, among othe r things, “all the aspects and implications of the

35
Hissène Habré trial” (Senegal, doc.9). That distinguished Committee duly reported to the next

session of the Assembly, held in Banjul on 1-2 July 2006. At that meeting, the Assembly adopted

36
Decision 127(VII) (Senegal, doc.8). In that Decision, the Assembly took note of the Report

37
prepared by the jurists . It then observed that, in accordance with the terms of Articles 3 (h), 4 (h)

and 4 (o) of the Union’s Constitutive Act, “the cr imes of which Hissène Habré is accused fall

38
within the competence of the African Union” . Considering that “the African Union has no legal

39 40
organ competent to try Hissène Habré” , and “considering the [relevant jurisprudence ] of the

International Court of Justice . . . , and the ratification by Senegal of the Torture Convention” 41, the

Assembly took the following decisions:

“(i) Decides to consider the Hissène Habré case as falling within the competence
of the African Union;

34
Assembly/AU/6 (VI) Add. 9.
35
Assembly/AU/Dec. 103 VI), para. 3.
36
Assembly/AU/Dec. 127 (VII).
3Ibid., para.2.

3Ibid., para. 3.

3Ibid., para.4
40
The English version of the Decision actually says “juris diction... in this case”, but the French text has
“jurisprudence pertinente”, which seems clearer.
41
Ibid., para. 5. - 42 -

(ii)Mandates the Republic of Senegal to prosecute and ensure that Hissène
Habré is tried, on behalf of Africa, by a competent Senegalese court with
guarantees for fair trial;

(iii) Further mandates the Chairperson of the Union... to provide Senegal with
the necessary assistance for the effective conduct of the trial;

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

(v)Calls upon the International Community to avail its support to the
42
Government of Senegal.”

17. The third stage began following this Banjul Decision. This is the stage which, as I have

said, has lasted so far, two and three-quarter years, without, so far as we know, any steps being

taken by the Senegalese prosecuting authorities to bring Mr. Habré to trial. Senegal has demanded

that large sums of money be paid up front befo re it will even begin a prosecution. Efforts by

potential donors to establish a coherent budget have proved fruitless. Now, as we heard already

this morning, the President of Senegal threatens to send Mr. Habré out of the country.

18. There were further decisions of the Assemb ly of the African Union, in January 2007, it

43
took note of an Interim Report by Senegal (Senegal Doc.6), and then this year, at its twelfth

session from 1 to 3February2009, in Addis Ababa, the Assembly adopted Decision240(XII) 44

(Senegal, doc. 1). In that decision, the Assembly:

“4. Considers that the final budget of the case should be prepared and adopted
by the African Union, in conjunction with the Government of the Republic of Senegal
and the European Union;

5. Calls on all Member States of the African Union, the European Union and
partner countries and institutions to make contributions to the budget of the case by

paying these contributions directly to the African Union Commission.”

19. But Senegal now threatens to wash its hands of the matter, implying that is has accepted

the “mandate” of the African Union voluntarily, that it can surrender the mandate at will, and that

the whole affair is now Africa’s responsibility, not th at of Senegal. But, in Belgium’s view, it is

Senegal that remains legally boun d, under Article7 of the Torture Convention and other rules of

international law, to prosecute Mr. Habré or to ex tradite him to Belgium. With due respect for the

positive and principled action of the African Union, which has undoubtedly had some positive

42
Ibid., para.5.
43
Assembly/AU/Dec. 157(VIII).
44Assembly/AU/Dec. 240(XII). - 43 -

results, in terms of securing essential changes to Senegal’s domestic law, a State cannot divest

itself of its international obligations by handing a matter over to a regional organization, any more

than it can do so by simply handing someone ove r to another State, unless that is following an

extradition request and specifically in order that the person be put on trial.

III. CRITERIA FOR THE INDICATION OF PROVISIONAL MEASURES

20. Mr. President, Members of the Court, I now turn to the criteria that have to be met before

the Court will indicate provisional measures. In the words of your Practice Direction No. XI, these

are “stipulated in the Statute, Rules and jurisprudence of the Court”. More specifically, the law and

practice on provisional measures is set out in Article41 of the Statute, in Articles73 to 78 of the

Rules of Court, and in the extensive case law of this Court and its predecessor.

21. Thanks in large measure to your case law, the criteria are now clear. It may be

convenient to adopt the language in your most recent provisional measures Order, that of

15 October 2008, in the case between Georgia and the Russian Federation.

22. There are three conditions.

First, prima facie jurisdiction. While, and I quote from the Georgia v. Russian Federation

Order,

“on a request for the indication of provisional measures, the Court need not finally
satisfy itself, before deciding whether or not to indicate such measures, that it has
jurisdiction on the merits of the case, yet it may not indicate them unless the

provisions invoked by the Applicant appear, prima facie, to afford a basis on which
the jurisdiction of the Court might be founded” ( Application of the International
Convention on the Elimination of All Fo rms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, para. 85).

Second, the preservation of rights at issue in the case. Again I quote,

“the power of the Court to indicate provisional measures... has as its object the

preservation of the respective rights of the parties pending the decision of the Court, in
order to ensure that irreparable prejudice shall not be caused to rights which are the
subject of dispute in judicial proceedings;... it follows that the Court must be
concerned to preserve by such measures the rights which may subsequently be

adjudged by the Court to belong either to the Applicant or to the Respondent . . . a link
must therefore be established between the alleged rights the protection of which is the
subject of the provisional measures being sought, and the subject of the proceedings
before the Court on the merits of the case” (ibid., para. 118).

The third criteria, the risk of irreparable prejudice to these rights. I quote, “the power of the

Court to indicate provisional measures... ‘pres upposes that irreparable prejudice shall not be - 44 -

caused to rights which are the subject of a dispute in judicial proceedings’” ( ibid., para. 128). And

the Court added, “the power of the Court to indi cate provisional measures will be exercised only if

there is urgency in the sense that there is a real risk that action prejudicial to the rights of either

party might be taken before the Court has given its final decision” (ibid., para. 129).

23. Mr.President, in summary, Belgium’s submissions are, first, the Court has prima facie

jurisdiction over the dispute, under both Article30 of the Torture Convention and the optional

clause; second, the link between the rights claimed by Belgium in the Application and the rights to

be protected by the provisional measures sought is clear; and, third, without the indication of

provisional measures, there is a real risk of irreparable prejudice to the conventional and customary

rights claimed by Belgium in these proceedings. I shall now address these three propositions in

turn.

IV. P RIMA FACIE JURISDICTION

24. Turning, then, to the question of prima facie jurisdiction. I would note that, in

proceedings on provisional measures, it is not appropriate to enter into questions of jurisdiction in

depth. That will be done, to the extent necessary, at a later stage in the proceedings. At this

provisional measures stage, what Belgium has to establish is that the Court has prima facie

jurisdiction.

25. In the Application, Belgium invoked two heads of jurisdiction: Article 30 of the Torture

Convention, and the declarations of Belgium and Senegal under the optional clause.

26. In our submission, it is clear that the Court has prima facie jurisdiction under both heads.

Article30 of the Torture Convention is, of course, relevant to the dispute in so far as it concerns

Senegal’s obligations under that Convention. In fact, the Convention does apply in respect of

many of the crimes alleged. Jurisdiction under the optional clause, on the other hand, covers the

whole of the dispute at issue in these proceedings.

A. Jurisdiction under Article 30 of the Torture Convention

27. Turning, then, to the Court’s jurisdiction under Article30 of the Convention. Both

Belgium and Senegal are parties to the Conventio n. Senegal ratified on 21August1986, being

among the first to do so. The Convention has theref ore been in force for Senegal since its general - 45 -

entry into force on 26June1987. Belgium ratified on 25June1999. The Convention came into

force for Belgium, and as between Belgium and Sene gal, on 25July1999. Neither Belgium nor

Senegal made any reservation to the Convention. In particular, neither made a declaration under

paragraph 2 of Article 30, by which a State party ma y opt out of paragraph 1 of that Article. Both

Belgium and Senegal are therefore bound by the compromissory clause in Article 30.

28. Paragraph 1 of Article 30 reads as follows:

“Any dispute between two or more States Parties concerning the interpretation

or application of this Convention which cannot be settled through negotiation shall, at
the request of one of them, be submitted to arbitration. If within six months from the
date of the request for arbitration the Parties are unable to agree on the organization of

the arbitration, any one of those Parties may refer the dispute to the International
Court of Justice by request in conformity with the Statute of the Court.” 45

29. I note in passing that Article 30 is a relatively common provision in international

46
conventions. It is the same as Article 14 of the Montreal Convention , which the Court considered

in the Lockerbie cases. And it is virtually the same as Article29 of the Convention on the

Elimination of All Forms of Discrimination against Women 47, which the Court considered in the

Democratic Republic of the Congo v. Rwanda case (Armed Activities on the Territory of the Congo

(New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v.Rwanda), Provisional Measures,

Order of 10 July 2002, I.C.J. Reports 2002, pp. 246-247, paras. 76-79).

30. Four conditions have to be met before a party may submit a dispute to the Court under

Article 30:

First, there has to be a “dispute between two or more States Parties concerning the

interpretation or application of [the] Convention”;

Second, the dispute has to be one which “cannot be settled by negotiation”;

45In French:

“Tout différend entre deux ou plus des Etats parties concernant l'interprétation ou l'application de
la présente Convention qui ne peut pas être réglé par voie de négociation esoumis à l'arbitrage à la
demande de l'un d'entre eux. Si, dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties
ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut
soumettre le différend à la Cour internationale de Justice en déposant une requête conformément au Statut
de la Cour.”

46Convention for the Suppression of Unlawful Acts Against the Safety of Civil Aviation, 23 September 1971.
47
Convention on the Elimination of All Forms of Discrimi nation against Women (CEDAW), Art. 29.1. The only
difference is that CEDAW has “which is not settled by negotiation” where the Torture Convention has “which cannot be
settled by negotiation”; there is no difference of substanfor example, in Rwanda, the Court, speaking of CEDAW
which has “is not” said “n’a pu être réglé” by negotiation (para. 89). - 46 -

Third, one of the parties to the dispute must have requested that it be submitted to arbitration;

and

Fourth, “within six months from the date of the request . . . the Parties are unable to agree on

the organization of the arbitration”.

31. These conditions are cumulative. If they are all met, the dispute may be submitted to the

Court by either party. In our submission, they are all met in this case.

(i) Existence of a dispute

32. There can be no doubt, and ProfessorDavid has explained this this morning, that a

dispute exists between Belgium and Senegal concerning the interpretation or application of the

Torture Convention. I need not recall the classic definitions given by the Permanent Court and

repeated by this Court of what is a dispute ( Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2,

1924, P.C.I.J., SeriesA, No.2, p.11; Armed Activities on the Territory of the Congo (New

Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction, Judgment of

3 February 2006, para. 90 (with references)).

33. There is a dispute between Belgium a nd Senegal over the interpretation as well as the

48
application of the Torture Convention . There is a dispute between Belgium and Senegal

concerning whether the non-prosecution of Mr. Habré fo r acts of torture, if he is not extradited to

Belgium, violates Article7 and other provisions of the Torture Convention. In Belgium’s view,

Senegal has a clear obligation under the Torture C onvention either to prosecute or to extradite

Mr.Habré for the crimes of torture alleged agai nst him, which it has not fulfilled by transmitting

the “Hissène Habré dossier” to the African Union. Senegal, on the other hand, in its responses to

Belgium, as well as by its actions, and by its in action, has clearly shown that it has a different

interpretation of its obligations under the Conve ntion, and has from 2005 on failed to fulfil the

obligations owed to Belgium under the Convention.

34. The existence of this dispute is abundantly clear from the lengthy exchange of diplomatic

Notes between Belgium and Senegal, as well as from other contacts that have taken place through

diplomatic channels.

48
Application, para 8. - 47 -

35. The Notes are in chronological order in your folders at tabs 1 to 15.

36. In these Notes, Belgium rep eatedly stated its interpretation of the relevant provisions of

the Torture Convention, and in due course made plain the existence of a dispute within the meaning

of Article 30 of the Convention. Senegal, for its pa rt, has prevaricated; or has sought to rely on its

transfer of the matter to the African Union, referri ng to the “spirit” of Article 7 of the Convention;

or has simply not responded. The nearest Senegal came to explaining its position was in its Note of

23 December 2005 (tab 5), when it said that: “The decision to submit ‘the Hissène Habré case’ to

the African Union will consequently have to be considered as reflecting the position of Senegal

pursuant to the judgment of the Prosecution Chamber.” That is a reference to the decision of the

Dakar Court of Appeal of 25 November 2005, to which I shall come in a moment.

Senegal now appears to take the position th at it is acting solely and voluntarily under a

“mandate” from the African Union, not because of its obligations under the Torture Convention.

That is a fundamental point of difference between Belgium and Senegal concerning the

interpretation and application of the Convention.

37. I would recall that Belgium transmitted its extradition request to Senegal under cover of

a Note dated 22September2005 (tab1), to which, over three-and-a-half years later, Belgium has

still not received any official reply. In a judgment of 25November2005, as ProfessorDavid

explained, the Chambre d’Accusation of the Court of Appeal in Dakar, basing itself on the

Constitution and the Organic Law on the High Court of Justice, declared itself to be without

jurisdiction. In its view, the request for extradition concerned official acts of Mr. Habré carried out

in his capacity as Head of State of Chad. In reaching this conclusion, the Court appears not to have

considered the point that torture and crimes ag ainst humanity cannot fall within the official

functions of a Head of State, or that the Chadia n authorities had in any event waived any immunity

that might be enjoyed by Mr. Habré.

38. Belgium enquired about this judgment in its Note of 30 November 2005 (tab 3). Senegal

did not respond directly, but in Notes of 7 and 23 December 2005 simply informed Belgium that it

had transferred the “dossier” to the African Union.

39. Senegal’s Note of 7December (tab 4) enclosed the communiqué from its Foreign

Ministry, to which I have already referred. Am ong other things, in its last paragraph, this - 48 -

communiqué declared that “the State of Senegal... will refrain from committing any action that

49
makes it possible for Mr. Hissen Habré not to appear before court” .

40. As I have already said, in its Note of 23December2005 (tab5), Senegal indicated that

the decision to submit the dossier to the African Union would have to be considered as reflecting

its position.

41. Belgium’s Note of 11 January 2006 (tab 6) expressly mentioned Article 30 of the Torture

Convention. The Note explained, with reference to the transmission of the “Hissène Habré case” to

the African Union, that Belgium “interpret[ed] the Convention, and specifically the obligation of

‘aut dedere aut judicare’ contained therein, as only laying obligations on a State, in this case, in the

context of the extradition application of Mr. Hissène Habré, the Republic of Senegal”.

42. Again, in its Note of 4 May 2006 (tab 8), Belgium said that it interpreted Article 7 of the

Torture Convention as requiring “the State on whos e territory the alleged offender is located to

extradite him unless it has judged him”. Belgium poi nted out in this Note that an unresolved

dispute regarding this interpretation would lead to recourse to arbitration provided for in Article 30.

43. In its Note of 9 May 2006 however, Senegal, referring to the interpretation of Article 7 of

the Convention, claimed to be “acting in accordance with ‘the spirit’ of the principle ‘aut dedere

aut punire’” (tab 9).

44. In its Note of 20 June 2006 (tab 10), Belgiu m formally requested the establishment of an

arbitration tribunal in accordance with Article 30.

45. I shall return to this diplomatic corr espondence shortly. But for now, I would simply

invite you to conclude that certainly by 11 January 2006, when Belgium expressed its view on the

continuing obligations of Senegal notwithstanding the transmission of the “Hissène Habré dossier”

to the African Union, certainly by 11January 2006, there was a dispute between Belgium and

Senegal concerning the interpretation or application of the Convention.

(ii) Dispute cannot be settled through negotiation

46. That this dispute could not be settled through negotiation is equally clear.

4In the original French: “l’Etat du Sénégal s’abstiendra de tout ac te qui pourrait permettre à M. Hissen Habré

de ne pas comparaître devant la Justice”. - 49 -

47. I would observe in passing that it is sometimes rather artificial to seek to distinguish two

separate stages: first, the emergence of a dispute; then, the non-settlement of that dispute through

negotiation. In practice, a dispute over the interpretation or application of a rule of international

law is more likely to emerge gradually in the course of negotiation.

48. Negotiation over the dispute between Belg ium and Senegal concerning the interpretation

or application of the Convention effectively be gan with the Belgian No te of 30November2005

(tab 5), in which it sought clarification of th e position as regards its extradition request, following

the judgment of the Dakar Court of Appeal. This was followed by an extensive exchange of Notes

and diplomatic contacts in Dakar and in Brussels. But these exchanges did not, unfortunately, lead

to any result. By June 2006, it was clear that the dispute was not going to be settled by negotiation.

49. I would note in passing that this case is far removed from the situation in the DRC v.

Rwanda (Second Application) case, where “the evidence [had] not satisfied the Court that the DRC

had in fact sought to commence negotiations in respect of the interpretation or application of the

Convention of the CEDAW [that is, the Convention on the Elimination of All Forms of

Discrimination against Women, CEDAW]” ( Armed Activities on the Territory of the Congo (New

Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction of the Court and

Admissibility of the Application , Judgment of 3February2006, para.91). In that case,

JudgeKooijmans and JudgeAl-Khasawneh suggested that the Court’s approach to negotiations

was too restrictive; they suggested that it wa s unrealistic to expect the DRC to have referred

expressly, in multilateral forums, to CEDAW in the context of the wide-ranging dispute between it

and Rwanda. But that is not our case. Here Belgium was very specific. Belgium did refer to the

Torture Convention, and did, indeed, refer to particular provisions of the Convention. In its Note

of 11January2006 Belgium referred expressly to the negotiating procedure in train under

Article30 (tab6). In its Note of 9March2006 (tab7), Belgium again referred to the negotiating

process, and specified that Belgium interpreted “the provisions of Articles 4, 5.1 (c), 5.2, 7.1, 8.1,

8.2, 8.4 and 9.1 of the . . . Convention as requiri ng the State on whose territory the alleged author

of an offence under Article4 of the... Convent ion is located to extradite [him], unless it has

judged him on the basis of the charges covered by the said Article”. This detailed listing of

provisions of the Convention was repeated in the Be lgian Note of 20 June 2006 (tab 10), in which - 50 -

Belgium also observed that the attempt at a negotiation begun inNovember2005 had not

succeeded, and that, in accordance with Article 30 of the Convention, it therefore proposed that the

dispute be submitted to arbitration.

50. At no time did Senegal contest any of this . At no time did Senegal itself initiate or seek

to prolong the negotiating process. The conclusion was clear. This was a dispute that could not be

settled through negotiation.

(iii) Request for arbitration

51. I now turn briefly to the third condition under Article30, the request for arbitration.

Belgium, as we have seen, formally request ed arbitration under Article30 of the Torture

Convention in its Note of 20 June 2006 (tab 10). This read, “Belgium cannot fail to point out that

the attempted negotiation with Senegal, which started in November 2005, has not succeeded and, in

accordance with Article30.1 of the Torture Convention consequently asks Senegal to submit the

dispute to arbitration under conditions to be agreed mutually”.

(iv) Parties unable to agree on the organization of the arbitration within six months

52. Coming to the fourth condition, the request for arbitration was thus made on

20 June 2006. Eleven months later, in a Note of 8 May 2007 (tab 13), Belgium reminded Senegal

of the request, in which again in that Note it listed the specific provisions of the Torture

Convention in dispute.

53. Senegal did not respond to the original requ est for arbitration, except to take note of it,

and it did not respond to the reminder. In short, the request “met with no response”, to use the

Court’s expression in Lockerbie (Questions of Interpretation and Application of the 1971 Montreal

Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United

Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998 , p.17, para.20; Questions of

Interpretation and Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial Incident at

Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United States of America), Preliminary Objections,

Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 122, para. 20). A proposal for arbitration followed by a failure to

respond was, indeed, precisely the situation considered by the Court in the Lockerbie cases, though - 51 -

there, in addition, the United States and the Un ited Kingdom had made clear in the Security

Council that they would not accept arbitration (ibid., p. 17, para 21; p. 122, para. 21).

54. The Court once again expressly contemplated the case where the respondent had given

no answer to a proposal for arbitration in its Judgment in the DRC v. Rwanda case. After saying

that “the lack of agreement between the parties as to the organization of an arbitration cannot be

presumed”, the Court, citing Lockerbie, went on to say that “the existence of such a disagreement

[that is, a disagreement on the organization of the arbitration] can follow only from a proposal for

arbitration by the applicant, to which the respondent has made no answer or which it has expressed

its intention not to accept” ( Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application:

2002) (Democratic Republic of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction of the Court and Admissibility

of the Application, Judgment of 3 February 2006, para. 92; emphasis added).

55. In our case, Belgium made a proposal to go to arbitration, which met with no response.

The Parties have thus not been able to agree on the organization of the arbitration with the

six-month period referred to in Article 30 of the Torture Convention, which has now long passed.

56. All the requirements of Article 30 have been met. It is, we submit, abundantly clear that

the Court has prima facie jurisdiction under Article 30 over that part of the dispute submitted to the

Court that concerns the interpretation or application of the Torture Convention.

B. Jurisdiction under optional clause

57. Mr. President, Members of the Court, I turn next to the question of the Court’s

jurisdiction under Article 36, paragraph 2, of the Statute (the optional clause).

58. Both Belgium and Senegal have declarations in force under the optional clause. You will

find them at tab 17 in your folders.

59. Belgium’s current declaration was deposited with the Unite d Nations Secretary-General

and became effective on 17 June 1958. Under the declaration, Belgium accepts the jurisdiction of

the Court “in all legal disputes arising after 13 July 1948 concerning situations or facts subsequent

to that date” (“tous les différends d’ordre juridique nés après le 13juillet1948 au sujet de

situations ou de faits postérieurs à cette date”). This, of course, is the so-called “Belgian formula”. - 52 -

60. There is only one exception, in addition to this double temporal limitation. The

declaration excludes legal disputes “in regard to which the parties have agreed or may agree to

have recourse to another method of peaceful settlement”.

61. Senegal’s optional clause declaration was deposited and took effect on

2 December 1985. It extends to “all legal disputes arising after 50 the present declaration” (“tous les

différends d’ordre juridique nés posté rieurement à la présente declaration” , in the original

French). Senegal, unlike some other States, did not adopt the Belgium formula. The declaration

continues with the following passage:

“Senegal may waive the competence of th e Court in regard to (“peut renoncer à
la compétence de la Cour au sujet de”):

⎯ disputes concerning which the parties have agreed to have recourse to some
other method of settlement;

⎯ disputes with regard to questions which by international law fall within the
exclusive competence of Senegal.”

62. Applying well-established principles governi ng the reciprocity of such declarations, we

reach the result that, as between Belgium and Sene gal, the Court’s jurisdiction under the optional

clause extends to all legal disputes arising after 2 December 1985, provided that they concern facts

or situations subsequent to 13 July 1948. To this, there are just two exceptions.

(i) Firstly, for disputes with regard to which th e parties have agreed, or may agree, to have

recourse to some other means of dispute settlement.

(ii) Second, for disputes which by internatio nal law fall within the “exclusive competence” of

either party.

63. I shall first identify the “legal dispute” betw een Belgium and Senegal that is the subject

of these proceedings. I shall then consider the temp oral limitation. Then I shall say a very brief

word about the requirement that the Parties have not agreed to settle the dispute by some other

means, and about the exclusive competence, or domestic jurisdiction, limitation.

5In the case of the Senegal declaration, the English tran slation published by the United Nations Secretariat has
translated “nés postérieurement ” litera lly as “born subsequent”, wherethe case of the Belgian declaration the

translation of “nés après” is the more idiomatic “arising after”, which is used in this speech. - 53 -

(i) Existence of a legal dispute

64. I shall not repeat what I have already said about the Court’s definition of “dispute”. In

its Application, Belgium said that “[a] disput e between Senegal and Belg ium [therefore] exists,

relating to the application and interpretation of conventional and customary international

51
obligations regarding the punishment of torture and crimes against humanity” . I have already

described the part of the dispute which concerns whether the failure to prosecute Mr. Habré for acts

of torture, if he is not extradited, violates Article 7 and other provisions of the Torture Convention.

The dispute also concerns the failure to prosecu te Mr.Habré for other crimes against humanity,

crimes of genocide, and war crimes, and whethe r this too violated conventional and customary

rules. In Belgium’s view, Senegal has a clear obligation either to prosecute or to extradite

Mr. Habré for the crimes alleged against him, whic h it did not fulfil by transmitting the dossier to

the African Union. Senegal, on the other hand, by its actions, and by its inaction, including its

failure to respond to repeated requests of Belgiu m, has made it clear that it interprets and is

applying the customary and conventional rules differently.

65. The diplomatic correspondence, to which I have referred in connection with the Torture

Convention, is also relevant to the other crimes of which Mr.Habré stands accused. The request

for extradition covered all these alleged crimes. It is Senegal’s failure to give effect to that request,

or itself to prosecute, which, we say, amounts to a violation of Senegal’s obligations to prosecute or

extradite, to ensure that Mr.Habré does not enjoy impunity. It is clear that a legal dispute exists

between Belgium and Senegal on the whole matter.

(ii) Non-applicability of the temporal limitation

66. I now turn to the double temporal limitation that results from the combined optional

clause declarations. As already explained, the two critical dates are 2December1985 and

13 July 1948.

67. The dispute between Belgium and Senegal concerns Senegal’s obligations, under

conventional and customary international law, to prosecute or extradite Mr.Habré for certain

crimes, and what we say is Senegal’s failure, sin ce 2005, to fulfil these obligations. This dispute

51
Application, para. 9. - 54 -

arose, not, of course, when the crimes are allege d to have been committed, in Chad, between 1982

and 1990, crimes for which Senegal, of course, bears no responsibility whatsoever, but when a

difference arose between Belgium and Senegal over the interpretati on or application of Senegal’s

obligations under the aut dedere aut judicare principle. It is not, in fact, necessary to establish the

precise date when this dispute arose since, on an y view, it was long after 2 December 1985. But,

in any event, it probably dates back to 11Janua ry2006, when Belgium asked whether Senegal

would or would not agree to the extradition request.

68. Nor, obviously, can it be disputed that the subject of this dispute concerns facts or

situations arising after 13July1948. I am th erefore spared entering into your case law on the

“Belgian formula” with some relief. (See, most recently, Certain Property (Liechtenstein v.

Germany), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2005, pp. 19-25, paras. 28-52.)

69. So, in our submission, it is clear that the dispute which is the subject of the present

proceedings is not caught by the double temporal li mitation that arises from the combined effect of

the two declarations.

(iii) No other means of settlement

70. The next exception, for disputes in regard to which the parties have agreed or may agree

to have recourse to some other means of dispute settlement, need not detain us. Belgium and

Senegal have not agreed to have recourse to any other means of settlement in regard to the present

dispute.

(iv) Not within Senegal’s exclusive competence

71. Finally, there is Senegal’s exception for “d isputes with regard to questions which, by

international law, fall within the exclusive comp etence” of either party. That is an “objective”

domestic jurisdiction reservation and, as such, does not give rise to the difficult issues that have so

concerned the Court when faced with a “subjective” reservation.

72. Indeed, it does not give rise to any issue in this case. Since the dispute relates to an

alleged violation of conventional or customary rul es of international law, it cannot be one which,

by international law, falls within the exclusive competence, or domestic jurisdiction, of either

Party. - 55 -

V. L INK BETWEEN THE RIGHTS THE PROTECTION OF WHICH IS THE SUBJECT

OF THE PROVISIONAL MEASURES SOUGHT BY BELGIUM AND THE RIGHTS
WHICH ARE THE SUBJECT OF THE PROCEEDINGS ON THE MERITS

73. Mr.President, Members of the Court, I now turn to the second criterion for provisional

measures. In adopting provisional measures, the Court must be concerned to preserve rights which

may subsequently, at the merits stage, be adjudged by the Court to belong either to Belgium or to

Senegal. In the words of the Court in Georgia v. Russian Federation, a link must be established

between the alleged rights the protection of which is the subject of the provisional measures being

sought, and the subject of the proceedings before the Court on the merits (para. 118).

74. The provisional measure sought by Belgium is designed precisely to protect the rights of

Belgium which are the subject of the proceedings. In the Application, Belgium asks the Court to

adjudge and declare that,

⎯ “the Republic of Senegal is obliged to bring criminal proceedings against

Mr. H. Habré . . . and that

⎯ “failing the prosecution of Mr.H.Habré, the Republic of Senegal is obliged to
52
extradite him . . .” .

75. So, Belgium’s rights at issue in this case are its right to have Senegal fulfil its obligations

under the Torture Convention, and under other rules of international law, to prosecute or extradite

Mr. Habré. It is self-evident that if he were to leave the territory of Senegal, the rights of Belgium

would be prejudiced. The provisional measure sought is thus necessary and proportionate. Indeed,

it would ensure the continuation of the position which has effectively existed since 2000, when

Mr. Habré was first placed under house arrest so as to ensure his availability to face justice before

the Senegalese courts or those of another State. We say that the link between the measure

requested and the rights at issue is clear.

52
Application instituting proceedings, Belgium v. Senegal, para 16, third and fourth alinéas. The original French
reads:
⎯ la République du Sénégal est obligée de poursuivre pénalement M. H. Habré pour des faits qualifiés notamment de

crimes de torture et de crimes contre l’humanité qui lui sont imputés en tant qu’auteur, coauteur ou complice ;
⎯ à défaut de poursuivre M.H.Habré, la République du Sénégal est obligée de l’extrader vers le Royaume de
Belgique pour qu’il réponde de ses crimes devant la justice belge.” - 56 -

VI. R ISK OF IRREPARABLE PREJUDICE TO THE RIGHTS OF BELGIUM

76 Mr.President, the third criterion for provisi onal measures is that there be a risk of

irreparable prejudice to the rights at issue in the proceedings. I have already recalled what the

Court said in Georgia v. Russian Federation (see paragraph. 22 above).

77. The urgency of the present situation is, we submit, obvious. At any moment, the

Senegalese authorities may permit Mr. Habré to leave the territory of Senegal. If Mr. Habré leaves

the territory of Senegal, it will no longer be possible for Senegal to comply with any finding by this

Court that it is under an obligation, owed to Be lgium under the Torture Convention, to prosecute

Mr. Habré for acts of torture, if it does not extradite him. And it will similarly become impossible

for Senegal to comply with any decision of the Court that Senegal is unde r any other conventional

or customary obligation to prosecute or extradite Mr.Habré for war crimes, crimes against

humanity and genocide.

78. It will become impossible, because Sene gal will no longer have jurisdiction over

Mr. Habré. He will instead be within the jurisdiction of some third State. Such third State could be

one not party to the Torture Convention, or one th at does not accept the jurisdiction of this Court,

either under Article30 or under the optional clause. But even if a third State were prepared to

comply with its obligations to prosecute or extr adite, which the Court may consider unlikely since

Mr. Habré would presumably choose his next place of refuge with some care, that would not alter

the fact that his departure from the territory ofSenegal had made the fulfilment by Senegal of its

own obligations impossible.

79. Such an outcome would defeat a central purpose of the Torture Convention, often

recalled for example in the jurisprudence of th e Committee against Torture, “to avoid allowing
53
persons who have committed acts of torture to escape unpunished” . The departure of Mr. Habré

from the territory of Senegal, other than pur suant to the Belgian extradition request, would

constitute an irreparable prejudice to the rights of Belgium at issue in this case.

80. Failure to comply with the obligation to pr osecute or extradite, which is liable to give

rise to impunity, cannot be redressed by other means, and not by monetary compensation alone. It

is not a matter that can be measured in financial terms. The hurt to the victims cannot be remedied

5See, for example, the Committ ee’s Decision of 17 May 2005Guridi v. Spain (CAT/C/34/D/212/2002),

para. 6.7. - 57 -

by payments. They need to see justice done. The same is true for the Belgian State. A State

cannot make full reparation for its failings in the fight against impunity simply through payments to

victims or to States. The fight against impunity is in the interest of the whole of the international

community, as has been made clear by the General Assembly, by the Security Council, and other

international bodies, including the African Union.

81. The obvious need for reparation to go be yond monetary compensation in circumstances

like the present one was demonstrated, in exemplary terms, by the Inter-American Court of Human

54
Rights in its 2004 judgment in the Plan de Sánchez Massacre case on reparations . The

Inter-American Court stressed, among other things, th e need to avoid impunity. It referred to “a

situation of impunity, which cont ravenes the State’s... obligations, harms the victims, and

55
encourages the chronic repetition of the human rights violations in question” . The Court insisted

upon the obligation “to investigate the facts. .. and identify, prosecute and punish those

responsible”. The State must “guarantee that th e domestic proceedings to investigate, prosecute

and punish those responsible will be effective” said the Court 56. The Plan de Sánchez case was, of

course, brought against the State that had itself perpetrated the human rights violations, which is

obviously not our case. But the importance of a voiding impunity, stressed by the Inter-American

Court, is equally applicable in the present circumstances and to these pr oceedings for provisional

measures.

82. Mr.President, Members of the Court, even if there had not been statements from the

highest authorities in Senegal, the condition of ur gency would be present. This is because Senegal

might allow Mr. Habré to leave at any moment; and could do so without warning.

83. But as we have heard, in the present case, th ere is more. Far from reassuring Belgium

that it would continue to prevent Mr. Habré from le aving Senegalese territory, so that Senegal will

remain in a position to comply with the judgment of this Court, the President of Senegal,

Mr.AbdoulayeWade, has on at least three recent occasions made statements to the media, which

my colleague, Professor David, has already read out, to quite the opposite effect.

5Case of the Plan of Sánchez Massacre, judgment of 19 November 2004 (Reparations), paras. 93-99.
55
Ibid., para. 94.
5Ibid., para.99. - 58 -

84. To recap, President Wade has indicated variously that

⎯ he “will ensure [Mr.Habré] leaves Senegal”. That was the Público interview of

15 October 2008 (tab 19 of your folder);

⎯ that “if the trial does not take place, I shall not keep him any longer in Senegal”. That is the

statement in La Croix of 18 December 2008 (tab 20); and

⎯ that “I shall send him back home [that is, to Chad ] or I shall send him [on] to the President of

the African Union”. That is the Agence France Presse report of 3 February 2009 (tab 21).

85. These statements, by the Head of State of Se negal, confirm that there is a real risk that

Senegal might at any time act in such a way as to irreparably prejudice Belgium’s rights at issue in

these proceedings.

86. The suggestion that Mr.Habré might be sent to the President of the African Union,

currently the leader of the Libyan Arab Jamahiriya, seems to be connected with another suggestion

that is now heard, that Senegal will in some way “renounce” the “mandate” given to it by the

African Union. This is a further indication of the risk of irreparable prejudice to Belgium’s rights.

The obligation to prosecute or extradite lies on Senegal, not on “Africa”, not on the African Union.

87. As I have said, Senegal did not, and could not, divest itself of its obligations when it

referred the matter to the African Union. It rema ined bound by all of its obligations under the

Torture Convention and other treaties, and under customary law. Belgium appreciates what the

African Union sought to do once the matter was plac ed on its agenda by Senegal. But for Senegal

to suggest that now it is only considering prosecution because of the African Union “mandate” is

fundamentally to misstate the nature of Senegal’s obligations.

88. Finally, I should draw the Court’s atten tion to another possible risk. Senegal might

conceivably be required to allow Mr.Habré to leav e its territory by the Court of Justice of the

Economic Community of West African States ⎯ the Community Court of Justice ⎯ in

proceedings instituted on behalf of Mr.Habré by an application dated 1 October 2008, which has

57
been reported in the media . No doubt Senegal will inform the Court about the current state of

play in these proceedings, in so far as it is able to do so.

57
Jeune Afrique. - 59 -

VII. CONCLUSION

89. Mr. President, Members of the Court, in conclusion, the appropriateness of the

provisional measures sought by Belgium in this case is confirmed by the Committee against

Torture’s decision in 2001, which ProfessorDavi d already referred to, when it issued interim

measures against Senegal. I recall, the Committe e requested Senegal “not to expel Mr. Habré and

to take all necessary measures to prevent him from leaving the country” 5.

90. To summarize Belgium’s case at this provisional measures stage, it is as follows:

(i) first, the Court has prima facie jurisdiction over the dispute, both under the Torture

Convention and under the optional clause;

(ii) second, there is a clear link between the rights claimed by Belgium in these proceedings

and the rights to be protected by the provisional measure sought by Belgium;

(iii) third, unless a provisional measure, as requested by Belgium, is indicated, there is a real

risk of irreparable prejudice to the rights claimed by Belgium.

91. Mr.President, in the words of the Permanen t Court that I cited at the outset, we invite

you to give effect, by your Order, to the principle “that the parties to a case must abstain from any

measure capable of exercising a prejudicial effect in regard to the execution of the decision to be

given” (Electricity Company of Sofia and Bulgar ia, Order of 5 December 1939, P.C.I.J.,

Series A/B, No. 79, p. 199). For Senegal to allow Mr. Habré to leave its territory, other than to be

tried for the crimes of which he stands accused in Belgium, would contravene this fundamental

principle. We ask you to ensure that that does not happen, by indicating the provisional measure

requested by Belgium.

92. Mr. President, Members of the Court, that concludes Belgium’s first round presentation.

Our formal submissions will be made at the cl ose of the second round presentation and I thank you

for your attention.

5Committee against Torture, Communication No. 181/2001, Decision of 17 May 2006 [CAT/C/36/D/181/2001],

para. 1.3. - 60 -

Le PRESIDENT: Je vous remercie, sir Michael Wood, de votre exposé. Cela met fin au

premier tour d’observations orales de la Belgique. Les audiences reprendront à 15heures cet

après-midi pour le premier tour d’observations orales de Sénégal.

La séance est levée.

L’audience est levée à 13 heures.

___________

Document Long Title

Public sitting held on Monday 6 April 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Owada presiding, in the case concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal)

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