Public sitting held on Friday 19 October 2001, at 9.30 a.m., at the Peace Palace, President Guillaume presiding

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121-20011019-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
2001/10
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CR 2001/10
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNÉE 2001
Audience publique
tenue le vendredi 19 octobre 2001, à 9 h 30, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Guillaume, président,
en l'affaire relative au Mandat d'arrêt du 11 avril 2000
(République démocratique du Congo c. Belgique)
____________
COMPTE RENDU
____________
YEAR 2001
Public sitting
held on Friday 19 October 2001, at 9.30 a.m., at the Peace Palace,
President Guillaume presiding,
in the case concerning the Arrest Warrant of 11 April 2000
(Democratic Republic of the Congo v. Belgium)
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VERBATIM RECORD
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Présents : M. Guillaume, président
M. Shi, vice-président
MM. Oda
Ranjeva
Herczegh
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Mme Higgins
MM. Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal, juges
M. Bula-Bula
Mme Van den Wyngaert, juges ad hoc
M. Couvreur, greffier
¾¾¾¾¾¾
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Present: President Guillaume
Vice-President Shi
Judges Oda
Ranjeva
Herczegh
Fleischhauer
Koroma
Vereshchetin
Higgins
Parra-Aranguren
Kooijmans
Rezek
Al-Khasawneh
Buergenthal
Judges ad hoc Bula-Bula
Van den Wyngaert
Registrar Couvreur
¾¾¾¾¾¾
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Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est représenté par :
S. Exc. M. Jacques Masangu-a-Mwanza, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la
République démocratique du Congo auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent;
S. Exc. Me
Ngele Masudi, ministre de la justice et garde des sceaux,
M
e
Kosisaka Kombe, conseiller juridique à la présidence de la République,
M. François Rigaux, professeur émérite à l’Université catholique de Louvain,
Mme Monique Chemillier-Gendreau, professeur à l’Université de Paris VII (Denis Diderot),
M. Pierre d’Argent, chargé de cours à l’Université catholique de Louvain,
M. Moka N’Golo, bâtonnier,
M. Djeina Wembou, professeur à l’Université d’Abidjan,
comme conseils et avocats;
M. Mazyambo Makengo, conseiller juridique au ministère de la justice,
comme conseiller.
Le Gouvernement du Royaume de Belgique est représenté par :
M. Jan Devadder, directeur général des affaires juridiques du ministère des affaires étrangères,
comme agent;
M. Eric David, professeur de droit international public à l’Université libre de Bruxelles,
M. Daniël Bethlehem, Barrister, membre du barreau d’Angleterre et du pays de Galles, Fellow of
Clare Hall et directeur adjoint du Lauterpacht Research Centre for International Law de
l’Université de Cambridge,
comme conseils et avocats;
S. Exc. le baron Olivier Gillès de Pélichy, représentant permanent du Royaume de Belgique auprès
de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, en charge des relations avec la Cour
internationale de Justice,
M. Claude Debrulle, directeur général de la législation pénale et des droits de l’homme du
ministère de la justice,
M. Pierre Morlet, avocat général auprès de la cour d’appel de Bruxelles,
M. Wouter Detavernier, conseiller adjoint à la direction générale des affaires juridiques du
ministère des affaires étrangères,
M. Rodney Neufeld, Research Associate au Lauterpacht Research Centre for International Law de
l’Université de Cambridge,
M. Tom Vanderhaeghe, assistant à l’Université libre de Bruxelles.
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The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:
H.E. Mr. Jacques Masangu-a-Mwanza, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the
Democratic Republic of the Congo to the Kingdom of the Netherlands,
as Agent;
H.E. Maître Ngele Masudi, Minister of Justice and Keeper of the Seals,
Maître Kosisaka Kombe, Legal Adviser to the Presidency of the Republic,
Mr. François Rigaux, Professor Emeritus at the Catholic University of Louvain,
Ms Monique Chemillier-Gendreau, Professor at the University of Paris VII (Denis Diderot),
Mr. Pierre d’Argent, Chargé de cours, Catholic University of Louvain,
Mr. Moka N’Golo, Bâtonnier,
Mr. Djeina Wembou, Professor at the University of Abidjan,
as Counsel and Advocates;
Mr. Mazyambo Makengo, Legal Adviser to the Ministry of Justice,
as Counsellor.
The Government of the Kingdom of Belgium is represented by:
Mr. Jan Devadder, Director-General, Legal Matters, Ministry of Foreign Affairs,
as Agent;
Mr. Eric David, Professor of Public International Law, Université libre de Bruxelles,
Mr. Daniel Bethlehem, Barrister, Bar of England and Wales, Fellow of Clare Hall and
Deputy-Director of the Lauterpacht Research Centre for International Law, University of
Cambridge,
as Counsel and Advocates;
H.E. Baron Olivier Gillès de Pélichy, Permanent Representative of the Kingdom of Belgium to the
Organization for the Prohibition of Chemical Weapons, responsible for relations with the
International Court of Justice,
Mr. Claude Debrulle, Director-General, Criminal Legislation and Human Rights, Ministry of
Justice,
Mr. Pierre Morlet, Advocate-General, Brussels cour d'Appel,
Mr. Wouter Detavernier, Deputy-Counsellor, Directorate-General Legal Matters, Ministry of
Foreign Affairs,
Mr. Rodney Neufeld, Research Associate, Lauterpacht Research Centre for International Law,
University of Cambridge.
Mr. Tom Vanderhaeghe, Assistant at the Université libre de Bruxelles.
.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séance est ouverte. Nous sommes réunis
aujourd’hui pour entendre le second tour des plaidoiries dans l’affaire opposant la République
démocratique du Congo au Royaume de Belgique et ce matin nous allons entendre les représentants
de la République démocratique du Congo, auquel je vais immédiatement donner la parole. Je
pense que c’est M. le professeur Rigaux qui doit commencer. Monsieur le professeur.
M. RIGAUX : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les membres de la Cour,
Après les deux demi-journées de plaidoiries au nom de la Belgique, les conseils de la
République démocratique du Congo sont à la fois rassurés et déçus. Rassurés parce qu’il semble
que l’on n’ait rien apporté d’autre que la paraphrase du contre-mémoire, et que les arguments, je
crois très pertinents, qui avaient été exprimés par les conseils de la République n’ont pas été
véritablement rencontrés. Mais déçus, déçus intellectuellement, bien sûr, puisque finalement rien
de très significatif n’est sorti de ces deux demi-journées.
Je voudrais soumettre à la Cour les sept points suivants :
I. Dans les plaidoiries, et déjà dans l’exposé initial de l’agent du Gouvernement belge est
apparu, bien mis en relief, un élément qui est un tout petit peu moins apparent en tous cas dans le
contre-mémoire, notamment au point 1.7. A savoir que le Gouvernement belge aurait à plusieurs
reprises invité le Gouvernement congolais à se saisir des poursuites et que dans ce cas, en cas
d’acceptation, le dossier aurait été transmis au Gouvernement congolais. On a peu d’informations
sur les formes de cette proposition, sur le moment auquel elle a été faite et, je l’ai dit dans ma
première intervention, le Gouvernement de la Belgique et ses conseils sont un peu brouillés avec le
temps. C’est évidemment essentiel de savoir quand cette proposition avait été faite. Et on aurait
pu imaginer qu’un juge d’instruction un peu prudent, saisi d’une plainte contre le ministre des
affaires étrangères en exercice d’une puissance amie, s’interroge. Et peut-être s’il a l’idée de
transmettre le dossier aux autorités judiciaires congolaises, qu’il le fasse suivant la voie
hiérarchique : le procureur général, le ministre de la justice, le ministre des affaires étrangères.
Mais la réputation d’électron libre de M. le juge d’instruction Vandermeersch est telle que ce n’est
certainement pas ce qu’il allait faire. Et c’est donc à un moment très tardif que ces propositions
semblent avoir été faites, c’est-à-dire après qu’un mandat d’arrêt a été lancé contre M. Yerodia.
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Faut-il supposer que la Cour était saisie de la demande de la République démocratique du Congo ?
Alors je trouve que cette proposition belge aggrave le cas de la Belgique, car tout apparaît comme
si il y avait une espèce de pression exercée sur les autorités congolaises, via la délivrance d’un
mandat d’arrêt. Et si le Gouvernement congolais avait accepté cette offre, n’était-ce pas en quelque
manière entériner, légitimer la voie de fait commise lors de la délivrance du mandat d’arrêt ?
II. Deuxième observation. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la
Cour, on vous invite de distinguer de l’exercice d’une compétence juridictionnelle l’exercice d’un
pouvoir d’exécution. Et on semble dire en touts cas, seul le pouvoir d’exécution serait couvert par
l’immunité de juridiction. Je voudrais simplement relire, je ne vais pas inviter les membres de la
Cour à chercher dans leurs documents où se trouve la pièce, je vais vous lire la partie dispositive du
mandat d’arrêt, et vous pourrez dire s’il s’agit d’un acte d’exécution ou non :
«Décernons mandat d’arrêt contre l’inculpé,
Mandons et ordonnons à tous huissiers de justice et agents de la force publique
à ce requis de mettre le présent mandat d’arrêt à exécution et de conduire l’inculpé à la
maison d’arrêt de Forest;
Enjoignons au directeur de la prison de recevoir l’inculpé et de le garder dans la
maison d’arrêt en vertu du présent mandat d’arrêt;
Requérons tous dépositaires de la force publique, auxquels le mandat d’arrêt
sera exhibé de prêter main-forte à son exécution;
Fait et muni de notre sceau, à Bruxelles, le 11 avril 2000.»
Et suivent alors la signature et l’apposition du sceau.
Si j’entends bien la position des conseils de la Belgique, il n’y aurait eu exécution que si
l’intéressé avait été effectivement incarcéré à la maison d’arrêt de Forest. Hypothèse d’ailleurs que
le même mandat d’arrêt déclare impossible si le ministre se trouve en visite officielle en Belgique.
Je crois qu’un mandat d’arrêt, par nature, à l’acte d’exécution, et par conséquent la distinction que
s’efforcent d’introduire les conseils de la Belgique marque simplement qu’ils sont assez peu sûrs de
leur position de principe sur l’absence d’immunité.
III. Troisième élément. En développant cet argument, les conseils de la Belgique se placent
eux-mêmes dans une étrange contradiction : ou bien l’immunité des membres d’un gouvernement
étranger se limite aux seules mesures d’exécution, ou bien elle couvre déjà les actes de juridiction.
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La Cour sait que c’est la seconde interprétation qui est généralement adoptée par une doctrine
unanime et c’est encore celle qu’a affirmé la Cour de cassation de France dans l’affaire Kadafi, et
si les conseils de la Belgique adoptent une position de retrait ¾ seuls les actes d’exécution seraient
interdits ¾ c’est aussi parce qu’ils sont conscients de la faiblesse de leur position.
IV. Quatrième point. Il a été parlé à plusieurs reprises au cours de la journée d’hier, de la
procédure intentée par le procureur général à la cour d’appel de Bruxelles devant la chambre des
mises en accusation de cette cour. Pour le bénéfice de membres de la Cour qui ne sont pas belges,
je rappellerai que selon le code d’instruction criminel de la Belgique, le titulaire de l’action
publique est le procureur général, dans le ressort de la cour d’appel, les procureurs du roi n’étant,
en quelque sorte, que des substituts du procureur général exerçant l’action répressive par
délégation. Je voudrais souligner deux points indiquant que l’initiative du procureur général a été
tardive et sélective.
Il est significatif que les quatre affaires qui seraient actuellement pendantes devant la
chambre des mises en accusation concerneraient toutes les quatre des dignitaires étrangers, chefs
d’Etat, chefs de gouvernement, ministres des affaires étrangères qui peuvent se prévaloir d’une
immunité totale de juridiction. Il est cependant significatif, et cela mérite d’être rappelé, que le
procureur général n’a commencé à s’inquiéter de la régularité des mandats d’arrêt ou des mandats
décernés, qu’au moment où le chef du gouvernement de l’Etat d’Israël a lui aussi été mis en cause,
ce qui a suscité une vaste campagne médiatique en Belgique. Et c’est d’abord dans cette affaire là
que le procureur général a saisi la chambre des mises. Et puis par la suite on s’est dit : mais on ne
peut quand même pas laisser tout à fait de côté les dignitaires africains qui sont dans le même cas,
et l’on a donc joint les affaires. Alors, ici, la Cour voudra bien relever que le principe d’égalité
souveraine des Etats n’est pas très respecté. Dans une affaire on trouvait que ça valait la peine de
s’interroger sur la légalité des poursuites et les autres n’ont été jointes que par incident. Premier
indice de sélectivité.
L’autre élément de sélectivité c’est les questions de droit que le procureur général soumet à
la chambre des mises. De quoi s’agit-il d’après les informations qui sont en la possession des
conseils de la République démocratique du Congo ? Il s’agit simplement de trancher un point
d’interprétation de la loi belge, un point d’interprétation qui concerne la compétence universelle,
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c’est-à-dire faut-il ou non que l’inculpé se trouve sur le territoire belge pour que les poursuites
puissent être exercées ? Et l’on trouve sans doute dans les travaux préparatoires de la loi de 1993
 le point n’est plus revenu en 1999  une affirmation selon laquelle les poursuites peuvent être
exercées, dans l’hypothèse des crimes de droit international, même si l’intéressé ne peut pas être
trouvé en Belgique mais on dit ensuite qu’il n’a pas été jugé nécessaire de préciser ce point dans la
loi elle-même. Et c’est donc à propos de cette interprétation, semble-t-il aujourd’hui controversée,
de la loi que l’action est portée devant la chambre des mises en accusation.
Vous noterez que malgré la coïncidence étonnante, ce sont seulement des affaires dans
lesquelles il y a aussi immunité qui ont été portées devant la chambre des mises. La question des
immunités n’est pas soulevée. Or, je l’ai indiqué dans ma première plaidoirie, selon une
jurisprudence constante de la Cour de cassation, les cours et tribunaux en Belgique ont l’obligation
d’appliquer les règles directement applicables du droit international et également de la coutume
internationale. Donc c’est une question qu’il aurait fallu soulever d’office.
Quoi qu’il en soit, vous observerez, Mesdames et Messieurs, qu’il est assez léger de la part
de juges d’instruction d’avoir exercé des actes de poursuites et même d’avoir décerné un mandat
d’arrêt en application d’une loi dont on découvre maintenant que l’interprétation de cette loi est
douteuse, question qui est soumise à la chambre des mises. Vous verrez, d’ailleurs, qu’il y a une
certaine contradiction dans le contre-mémoire, j’invite la Cour à comparer le point 2.67 et le
point 3.2.35, où deux opinions assez divergentes sont données sur la signification de ce fameux
article 12 de la loi de 1978.
V. Quelle est la portée de l’information ainsi donnée à la Cour ? Il serait évidemment
présomptueux de la part du Gouvernement belge d’attendre que la Cour sursoie à statuer jusqu’à ce
que la chambre des mises en accusation ait, le cas échéant, annulé le mandat d’arrêt. Il est annulé
par application de la loi interne belge, et une telle annulation ne donnerait pas du tout satisfaction à
la République démocratique du Congo. Ce qui importe à la République démocratique, c’est que
l’immunité de son ministre des affaires étrangères ait été respectée et que la violation de cette
obligation soit réparée par la reconnaissance de ce caractère illicite du point de vue du droit
international et il est un peu gros, il faut le dire, que le procureur général espère peut-être obtenir
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l’annulation du mandat d’arrêt uniquement en application d’une nouvelle interprétation de la loi
belge.
On retrouve ici l’idée aussi que, du côté de la Belgique, on est brouillé avec le temps. A quel
moment la validité de l’acte doit-elle être appréciée ? Au moment où l’acte est émis, et peu
importe qu’ensuite l’intéressé ait perdu la qualité de ministre des affaires étrangères, et c’est aussi
au moment où l’action est introduite qu’il faut évaluer la compétence de la Cour.
VI. Les conseils de la Belgique persévèrent dans la tentative, qui apparaît déjà dans le
contre-mémoire, de disqualifier l’action judiciaire internationale de la République démocratique du
Congo en une action de protection diplomatique. Cela, bien entendu, en vue de pouvoir invoquer
l’exception de non-épuisement des voies de recours internes.
Il y a, je crois, trois choses à répondre à cet argument :
a) La République démocratique du Congo exerce une action qui lui est propre, c’est son droit qui
a été violé par la violation de l’immunité du diplomate, elle n’agit pas en faveur de ses
ressortissants.
b) On nous dit que l’inculpé  il faut b ien l’appeler de ce nom selon le droit belge  aurait pu
exercer une voie de recours. Je demande quelle voie de recours ? Il n’y a pas de voie de
recours jusqu’au moment où le juge d’instruction communique le dossier au procureur du roi;
celui-ci prend des réquisitions devant la chambre du conseil, et c’est à ce moment là, pour la
première fois, que l’inculpé peut, devant la chambre du conseil demander une ordonnance de
non-lieu. Ne confondons pas, l’action qui a été introduite par le procureur général est une
action que seul le procureur général peut introduire. L’inculpé n’a pas d’action durant le
déroulement de l’instance pénale contre lui, je le répète, de se défendre devant la chambre du
conseil.
c) Et puis enfin, et cette troisième réflexion peut être la plus décisive, que reste-t-il, Monsieur le
président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, de l’immunité, si l’on contraint la
personne qui bénéficie d’une immunité à combattre les actes contraires au droit international
accomplis dans l’ordre interne d’un Etat en s’adressant aux autorités de cet Etat ? Il y a là un
véritable cercle vicieux. Il faudrait donc qu’indirectement la personne qui a le droit de se
prévaloir d’une l’immunité agisse devant des autorités dont on en même temps il prétend
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qu’elles ne sont pas compétentes à cet égard. Donc cette idée m’apparaît tout à fait
inacceptable.
VII. Dernière observation, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la
Cour , l’un des conseils de la Belgique a suggéré hier que la Cour use de ses pouvoirs avec
modération (judicial restraint). Notamment parce que les questions de droit qui sont nécessaires à
l’examen de cette affaire ne seraient pas encore totalement réglées. Il y aurait une certaine
évolution dans les opinions, à cet égard, et cela vaudrait, essentiellement d’ailleurs, pour le
problème de la compétence universelle. Il y aurait actuellement des mouvements, surtout des
mouvements d’opinion qui tendent à élargir la compétence des Etats, notamment à l’égard de
personnes accusées d’avoir commis des crimes de droit international.
On a paru s’étonner que la République démocratique du Congo abandonne le terrain de la
compétence universelle. En réalité, cela ne nous intéresse pas. On l’a évoqué, bien sûr, dans la
requête initiale, mais ce qui intéresse la République démocratique du Congo, c’est qu’on constate le
fait international illicite dont a été victime son ministre des affaires étrangères. Que ce soit
maintenant en exercice d’une compétence universelle excessive paraît à nos yeux un élément tout à
fait secondaire. Cela ne veut pas dire que la Cour ne devra pas rencontrer des problèmes suscités
en droit international par la compétence universelle, mais elle ne le fera pas à la requête de la Partie
demanderesse, elle y est entraînée en quelque sorte par le système de défense de la Partie
défenderesse, parce que la Partie défenderesse semble affirmer non seulement qu’il est licite
d’exercer cette compétence, mais en plus qu’il serait obligatoire de le faire et que, par conséquent,
l’exercice de cette compétence pourrait valablement contrebalancer le respect des immunités. Je
crois donc que la Cour devra se prononcer sur certains aspects, en tout cas, de la compétence
universelle mais j’insiste, ce n’est pas à la requête de la Partie demanderesse que cette question
n’intéresse pas directement. Ce qui nous intéresse, bien entendu, et c’est le point vous le verrez, et
vous le savez déjà, des conclusions qui seront lues tout à l’heure par l’agent de la République
démocratique du Congo, c’est que la Cour constate le caractère illicite au regard du droit
international de la délivrance d’un mandat d’arrêt contre le ministre des affaires étrangères de l’Etat
demandeur. Je vous remercie.
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Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur le professeur et je donne maintenant la parole
à Madame le professeur Chemillier-Gendrau.
Mme CHEMILLIER-GENDREAU : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les
Membres de la Cour.
L’impression que les Parties sont engagées dans un dialogue de sourds est sans doute assez
fréquente lors des seconds tours des plaidoiries que votre juridiction écoute avec tant de patience.
Il est vrai que du côté des représentants de la République démocratique du Congo, après les
plaidoiries de la Belgique, nous éprouvons le sentiment très aigu qu’un certain nombre de choses
que nous avions tenté de dire n’ont pas été entendues.
C’est le cas à propos des deux points sur lesquels j’interviendrai ce matin : la volonté du
Royaume de Belgique de soulever des exceptions préliminaires et la question de la compétence
universelle dont je redirai un mot.
I. S’opposant à la compétence de la Cour et à la recevabilité de la demande congolaise, la
Belgique décline quatre arguments à peine identifiables l’un de l’autre et fondés tous les quatre sur
l’évolution de la situation.
Deux éléments de fait font l’objet de la part de la Belgique d’une interprétation qui fonde la
controverse : la violation de l’immunité se serait désagrégée avec le changement de fonctions de
M. Yerodia et le mandat d’arrêt, décrit comme dépouillé de tout effet dangereux, ne porterait aucun
préjudice à la République démocratique du Congo qui se plaindrait, à tort, que sa souveraineté ait
été violée. L’interprétation qu’en propose la Belgique étant inexacte aux yeux de la République
démocratique du Congo, il faut revenir un instant sur ces deux éléments .
A. Sur la carrière de M. Yerodia, l’interprétation de la Belgique repose sur un raisonnement
temporel erroné. Le mandat d’arrêt est un acte juridique dont l’origine est viciée par la
méconnaissance qu’il impliquait d’une immunité laquelle, dans le contexte, et pour un ministre des
affaires étrangères en exercice, ne pouvait être atténuée par aucune exception. Cette nullité
d’origine est la racine du préjudice. Le changement de fonctions de l’intéressé, intervenu
postérieurement, ne fait pas disparaître le vice juridique. Seul le retrait de l’acte permettrait
d’atteindre cet objectif. C’est le mandat du 11 avril 2000 qui est en jeu ici. Ce n’est pas un autre
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mandat délivré à une autre date. Ce que M. Yerodia est devenu après cette date est sans relation
avec l’affaire portée devant la Cour. Qu’il n’ait plus de fonction ministérielle est sans conséquence
comme le serait le fait qu’il aurait quitté le territoire du Congo, qu’il demeurerait dans un autre
pays, ou encore qu’il aurait changé de nationalité ou même qu’il serait décédé. Le tort causé a eu
lieu et n’a pas été réparé.
La Belgique a ignoré certains arguments soulevés dans nos plaidoiries précédentes. Par
exemple, que si le mandat d’arrêt reconnaît que l’arrestation de M. Yerodia en Belgique engagerait
la responsabilité internationale de la Belgique, c’était là une affirmation incomplète. Cette
arrestation, à l’évidence, engagerait la responsabilité internationale de la Belgique, mais c’est
d’abord l’acte conduisant à cette arrestation, c’est-à-dire le mandat d’arrêt, qui engage la
responsabilité internationale. C’est pour que cette responsabilité internationale soit déclarée par la
Cour que la République démocratique du Congo s’est portée requérante.
La Belgique s’abstient aussi de relever l’argument que nous avions opposé à l’affirmation de
n’avoir poursuivi qu’une personne privée pour des actes commis en dehors de sa fonction. Les
actes incriminés n’ont pas été accomplis, il est vrai, par M. Yerodia ministre, mais par M. Yerodia
directeur de cabinet du président de la République. Mais à ce titre, j’ai relevé que l’inculpation
désigne un homme public et ne pourrait s’adresser à un homme privé puisque lui sont reprochées
des actions et des omissions qui ne sont pas au pouvoir d’un homme privé, notamment le fait
d’entraver les violences. Et alors que l’homme public poursuit sa carrière en devenant ministre des
affaires étrangères, le mandat d’arrêt lancé contre lui est nommément adressé au ministre et en sa
résidence.
B. Sur le fait que le mandat d’arrêt ne porterait aucun préjudice à la République
démocratique du Congo, l’interprétation de la Belgique est tout aussi tendancieuse.
La minimisation constante de la portée du mandat n’est qu’un produit de l’imagination. Les
termes du mandat sont là, allant jusqu’à désigner, comme l’a précisé le professeur Rigaux, la prison
à laquelle serait assigné M. Yerodia. Ils comprennent la formule exécutoire. L’acte attentatoire à
la souveraineté de la République démocratique du Congo est ainsi caractérisé, dans ces quelques
pages qui ne sont pas un texte comme un autre, mais un texte dont le but est d’incarcérer un
ministre en exercice.
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Aussi, rien n’est-il abstrait dans cette affaire. La position de M. Yerodia était bien concrète
et correspondait à la réalité de son pouvoir de ministre des affaires étrangères au sein du
Gouvernement congolais. Par ce mandat, le juge belge décide de son arrestation, bien concrète
aussi. La Belgique considère comme insignifiant dans les relations entre Etats qu’un acte de la
procédure pénale parmi les plus forts soit délivré contre une personne portant tout particulièrement
la représentation de l’Etat. La République démocratique du Congo, atteinte dans ses intérêts les
plus sensibles, confie respectueusement à la Cour le soin de dire si oui ou non il y a là un différend,
et elle est confiante dans la réponse de la Cour sur ce point.
Démontrer qu’il y a bien un différend, c’est répondre au premier des arguments de la
Belgique sur les exceptions préliminaires. Faut-il en outre rappeler que selon une jurisprudence
constante la compétence de la Cour s’apprécie au jour de sa saisine ? Les autres arguments sont
très voisins. A l’appui du second point, visant à faire déclarer l’affaire sans objet, la Belgique
revient sur les deux jurisprudences qu’elle convoque en renfort. Les développements apportés en
plaidoirie ne nous semblent pas de nature à convaincre.
Dans les arrêts du 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires, la Cour souligne
que les demandeurs n’ont pas voulu obtenir un jugement déclaratoire mais qu’ils ont eu «pour
objectif initial et conservent pour objectif ultime la cessation de ces essais». La Belgique établit un
parallèle non fondé et voit dans la démarche de la République démocratique du Congo la recherche
d’un jugement déclaratoire. Mais la France avait rendu publique son intention de cesser de
procéder à des expériences nucléaires. La Belgique a-t-elle rendu publique son intention de faire
annuler le mandat d’arrêt ? La comparaison avec l’affaire des Essais nucléaires ne pourrait
commencer qu’à partir de là.
L’affaire du Cameroun septentrional n’a pas davantage de pertinence en l’espèce. La
compétence de la Cour était alors fondée sur l’article 19 de l’accord de tutelle qui prévoyait cette
compétence en cas de différend sur l’accord. La Cour a d’abord constaté l’existence d’un différend
entre le Cameroun et le Royaume-Uni, elle a vérifié ensuite que la demande avait bien un objet
conformément à l’article 32, paragraphe 2, de son Règlement. Et si, en dépit de ses réponses
positives sur ces deux points elle déclare finalement ne pas pouvoir statuer sur le fond, c’est parce
que la tutelle avait disparu. Cela avait été constaté par l’Assemblée générale des Nations Unies et
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non remis en cause par le Cameroun. Dès lors, la constatation du manquement au droit demandé
par le Cameroun aurait amené la Cour à «reviser» la résolution des Nations Unies. Il n’y a pas le
moindre élément de comparaison entre cette affaire et celle dont nous traitons aujourd’hui et
l’exemple du Cameroun septentrional n’amène rien à l’argumentaire selon lequel l’affaire n’aurait
plus d’objet. La Belgique reconnaît d’ailleurs que la République démocratique du Congo n’a pas
introduit de nouvelle demande. Et un jugement déclarant comme sans fondement en droit un
mandat d’arrêt porté contre un ministre des affaires étrangères en exercice, ce qui est la demande
de la République démocratique du Congo, ne saurait être considéré comme un jugement
déclaratoire.
La Belgique tente de présenter autrement son argument, qui est toujours le même, en
soutenant que l’affaire qui vient aujourd’hui devant la Cour serait différente de celle présentée dans
la requête. Mais que répondre, sans lasser la Cour, si ce n’est que le même mandat, toujours en
vigueur, est au centre d’une demande qui n’a pas changé.
Enfin, la Belgique feint de croire qu’il s’agirait d’une action de protection diplomatique
déguisée. Mais le professeur Rigaux a suffisamment répondu sur ce point.
Cet argumentaire démultiplié ne saurait convaincre face à un différend persistant.
II. J’en viens brièvement maintenant à la crainte exprimée par la Belgique de voir la Cour
statuer ultra petita par rapport à la demande congolaise. Elle cherche par là une sorte de caution à
sa politique et l’assurance qu’il ne serait pas question de mettre en cause la compétence universelle.
La position de la République démocratique du Congo reste centrée sur le respect de l’égale
souveraineté des Etats. La Belgique tente de justifier sa législation et le mandat qui en découle par
d’étranges procédés. Elle confond à plaisir des exemples relevant de juridictions internationales
avec d’autres tirés de la pratique des tribunaux internes, des cas d’anciens chefs d’Etat avec des cas
de chefs d’Etat en exercice, l’obligation générale de se doter d’une compétence universelle avec
l’éventualité de le faire plus précisément lorsque la personne désignée n’est pas sur le territoire. Et
à mon interrogation de mardi dernier sur ce que serait la réaction de la Belgique ou de la France si
un juge congolais lançait un mandat d’arrêt contre un chef de l’Etat en exercice ou un ministre des
affaires étrangères en exercice de la Belgique ou de la France pour des faits commis au Rwanda,
mon ami Eric David répond sans répondre. Il donne l’exemple d’un colonel belge poursuivi en
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Belgique pour des faits commis au Rwanda ou de ministres belges pour lesquels une information
judiciaire est ouverte en Belgique. Mais il n’y a plus ni l’argument de la personne étrangère ni
l’argument de l’absence du territoire, ni pour le colonel celui des immunités les plus élevées. De
telle sorte que rien ne me confirme que la Belgique ou la France accepteraient pour elles-mêmes les
procédés dans lesquels la République démocratique du Congo a vu, à juste titre, une violation de sa
souveraineté.
Le droit pour avancer doit être mieux assuré que cela du fondement de ses règles et de la
précision de leur contenu. Et afin de nous approcher au plus près possible de ce que dit le droit
international, nous pouvons affirmer :
1. Qu’il faut distinguer les règles élaborées à propos des juridictions internationales et celles qui
s’appliquent à l’action devant les juridictions internes. Dans le premier cas, une même
restriction pèse sur la souveraineté de tous les Etats et directement ou indirectement elle a été
acceptée par eux. Dans le second, le respect mutuel des souverainetés doit être intégral. De ce
fait, rien n’autorise à considérer que ce qui a été précisé pour les juridictions pénales
internationales s’étendrait automatiquement aux juridictions internes. Comment le droit pénal
pourrait-il se satisfaire de pareilles approximations ?
2. Que pour ce qui est de l’action pénale internationale des juridictions internes pour des actes
commis par des étrangers à l’étranger, notamment les crimes internationaux, leur compétence
se heurte nécessairement à la souveraineté d’un autre Etat, qu’elle doit donc reposer sur des
fondements conventionnels ou coutumiers les autorisant à agir; que l’on trouve à cet égard une
série de fondements qui ne doivent pas être interprétés extensivement.
3. Que l’extension de cette compétence à l’hypothèse où l’intéressé n’est pas sur le territoire est
actuellement sans fondement juridique confirmé, ce qui est très différent de dire, comme veut
nous le faire dire le professeur David, que nous ne contesterions plus la compétence
universelle par défaut. La poussée dynamique en faveur de la répression des crimes
internationaux joue en faveur de cette extension. Mais la protection de la souveraineté
territoriale des Etats dans leur égalité tend à la limiter. La Belgique souhaiterait à la lumière
de cette affaire que la Cour, en se prononçant en faveur d’une compétence universelle ainsi
étendue, intervienne dans le processus de création du droit et lui donne une reconnaissance du
- 17 -
bien-fondé de sa politique. Mais ce n’est pas le lieu de le lui donner et il n’est pas utile dans
cette affaire que la Cour aille jusque-là.
4. Nous soutenons pour notre part que le point sur lequel il est nécessaire que la Cour se
prononce, relativement à la compétence universelle, comme vient de le dire le
professeur Rigaux, est limité à son usage lorsqu’elle passe outre à une immunité de juridiction
d’un ministre des affaires étrangères en exercice. Et nous lui demandons alors de dire que cet
usage, tel qu’il résulte de l’action de la Belgique, est contraire au droit international.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame le professeur, et je donne maintenant la parole
à M. d’Argent.
M. d’ARGENT : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour.
Ma réplique abordera trois points, qui sont tous relatifs à la question centrale de l’atteinte
portée à l’immunité du ministre des affaires étrangères par le mandat d’arrêt litigieux.
Je reviendrai d’abord sur l’affirmation de la Belgique selon laquelle le mandat d’arrêt n’était
pas de nature à réaliser cette atteinte; j’aborderai ensuite brièvement la prétendue exception à
l’immunité devant les juridictions internes en cas d’accusation de crimes de droit international;
enfin, j’apporterai quelques précisions quant à l’objet de la demande et aux affirmations erronées
de la Belgique à ce sujet.
I. Selon la Belgique, le mandat d’arrêt n’aurait pas porté atteinte à l’immunité du ministre
des affaires étrangères en exercice du Congo, et n’aurait donc pas causé préjudice aux droits
souverains de la République démocratique du Congo. Pour tenter de fonder cette affirmation, la
Belgique avance principalement trois arguments : d’une part, le fait que le mandat d’arrêt fut dirigé
contre le ministre des affaires étrangères de la République démocratique du Congo en exercice
serait «purely incidental», pour reprendre les mots utilisés par Me
Bethlehem hier; d’autre part, le
mandat d’arrêt serait dépourvu d’effet à l’étranger et son effet serait suspendu en Belgique en cas
de visite officielle; enfin, l’atteinte à la souveraineté de la République démocratique du Congo ne
serait pas suffisamment prouvée, ce qui rejoint l’argument relatif à l’absence de réclamation
relative à un préjudice matériel.
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Examinons ces arguments quelques instants si vous le voulez bien.
i) Il est erroné de prétendre que le fait que le mandat fut dirigé contre le ministre des
affaires étrangères en exercice serait une simple coïncidence. Comme j’ai déjà eu
l’occasion de le souligner et comme vient de le rappeler le
professeur Chemillier-Gendreau, la qualité officielle du prévenu, ainsi que le lieu
d’exercice de ses fonctions officielles sont repris dans le mandat. En outre, ce qui
compte, ce n’est pas de prétendre que cette qualité officielle serait purement incidente, ou
constitutive d’une coïncidence, ce qui compte, c’est de constater que le juge d’instruction
était parfaitement conscient de la qualité officielle du prévenu, clairement identifié
comme tel, et qu’il n’en a pas tiré les conséquences qui s’imposaient à lui quant à son
incompétence ratione personae.
ii) Aucune atteinte aux droits souverains du Congo n’existerait car le mandat d’arrêt n’aurait
pas l’effet que le Congo lui prête. Ce mandat serait dénué de toute portée obligatoire
dans les Etats tiers et il ne serait pas exécutoire en Belgique, puisque le juge d’instruction
le lèverait en cas de visite officielle du ministre.
Dépourvu de tout effet juridique, le mandat d’arrêt serait-il un simple caprice du juge
d’instruction, une babiole ? Par toutes ces affirmations, la Belgique n’aggrave-t-elle pas
en réalité, ici encore son cas, car si le mandat est totalement dépourvu d’effet ¾ ce qui
est faux ¾ n’est-il pas encore plus condamnable de poser des actes juridictionnels dont le
seul objectif est alors de jeter le blâme sur un Etat tiers, en le faisant savoir au reste du
monde ?
A propos de l’effet juridique du mandat d’arrêt, Me Bethlehem a affirmé, je cite : «the
warrant arrest is a national warrant arrest» (CR 2001/8, p. 55, par. 131). C’est faux,
sauf à croire que le juge d’instruction ne sait pas lui-même ce qu’il fait : le mandat d’arrêt
du 11 avril 2000 est intitulé : «Mandat d’arrêt international par défaut». Le fait que le
mandat d’arrêt soit prétendument sans effet dans le territoire de la République
démocratique du Congo ou dans les Etats tiers est à cet égard indifférent, en plus de n’être
pas certain. Le débat autour de l’absence de notice rouge Interpol est à cet égard un écran
de fumée. Ce qui compte, ici encore, c’est la prétention que contient le mandat d’arrêt,
- 19 -
celle de soumettre au pouvoir juridictionnel répressif de la Belgique une personne qui, par
ses fonctions, y échappe totalement.
Par ailleurs, faut-il encore une fois rappeler que la Cour de cassation de France a jugé
dans l’affaire Khadafi, que le simple fait d’ouvrir une instruction, à charge et à décharge,
d’un chef d’Etat étranger en exercice suffisait pour constituer une violation de l’immunité
de juridiction des chefs d’Etats étrangers en exercice ? La mise à l’instruction est un acte
préparatoire, antérieur au mandat d’arrêt, acte juridictionnel coercitif bien plus grave.
Je ne m’attarderai pas davantage sur la prétention relative à l’absence d’effet du mandat
en Belgique suite à l’invitation officielle du ministre. Le professeur Rigaux a donné à ce
propos des précisions tout à fait pertinentes et suffisantes. Si nécessaire, pour le surplus,
je vous invite Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, de revenir sur les
passages pertinents du mémoire du Congo. Il faut toutefois souligner que, contrairement
à ce qu’a affirmé MeBethlehem, le juge d’instruction n’est en aucun cas tenu («required»
CR 2001/8, p. 22, par. 28) de lever le mandat d’arrêt, mais qu’il a seulement émis
l’opinion personnelle suivant laquelle, et je le cite, «à notre sens», une «immunité
d’exécution» devrait être accordée en cas de visite officielle. La distinction immunité de
juridiction/immunité d’exécution sur laquelle se fonde cet «avis» du juge d’instruction est
évidemment en l’espèce erronée, comme l’a souligné le professeur Rigaux, en plus d’être
conceptuellement douteuse puisque l’immunité d’exécution est en principe «celle qui
interdit de procéder sur des biens à des mesures d’exécution forcée, notamment pour
donner effet à un jugement» (J. Verhoeven, L’immunité de juridiction et d’exécution des
chefs d’Etats et anciens chefs d’Etats, Institut de droit international, 13e
commission,
p. 55, par. 29). Ce que le juge d’instruction met plus en cause est une question
d’inviolabilité de la personne que d’immunité. En outre, et M. Rigaux l’a relevé
également, on ne peut s’empêcher de soulever cette contradiction flagrante qui existe
dans le mandat sur ce point puisqu’il est affirmé, juste avant les développements relatifs à
la levée du mandat en cas d’invitation officielle, que «Dès lors, la qualité de ministre des
affaires étrangères que possède à l’heure actuelle l’inculpé n’entraîne pas d’immunité de
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juridiction et d’exécution et le tribunal de céans est, par conséquent, compétent pour
prendre la présente décision.» (Mandat d’arrêt, p. 23).
En toute hypothèse, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, et plus
fondamentalement, l’existence d’un fait internationalement illicite ne saurait dépendre de
l’effet juridique interne d’un acte juridictionnel qui constitue ce fait internationalement
illicite. C’est donc détourner l’attention de la Cour sur la réalité du fait
internationalement illicite que de présenter des arguments relatifs à l’effet juridique
interne de l’acte qui réalise la violation du droit international, de l’acte qui est le fait
internationalement illicite.
iii) En outre, et contrairement à ce que soutient la Belgique, l’atteinte à la souveraineté est
établie et réalisée. Contrairement à ce qui a été affirmé, ce n’est pas la crainte d’être
arrêté à l’étranger qui réalise la violation de l’immunité et l’atteinte aux droits souverains
du Congo, c’est l’acte juridique coercitif que constitue le mandat d’arrêt en lui-même qui
réalise cette violation, par la prétention qu’il contient de soumettre à un pouvoir
juridictionnel répressif interne un gouvernant étranger qui lui échappe en principe. Par
ailleurs, il est clair que cette crainte d’être arrêté à l’étranger était fondée, notamment
suite au jeu des différentes conventions d’extradition qui existent, singulièrement dans le
concert européen. Il est tout à fait significatif à cet égard que dès l’émission
internationale du mandat, le ministre Yerodia ne se soit plus jamais rendu dans l’un des
pays membres de l’Union européenne et que son avion faisait ses escales techniques à
Dakar, d’où son père est originaire. Lorsque le ministre Yerodia s’est rendu à New York,
muni d’une invitation des Nations Unies, il s’est bien gardé de s’écarter du siège de
l’Organisation des Nations Unies, et il a emprunté le chemin le plus court entre l’aéroport
et celui-ci. Prétendre que l’atteinte à la souveraineté de la République démocratique du
Congo ne serait pas réalisée par le mandat d’arrêt, qui emporte la négation de l’immunité
de juridiction du ministre des affaires étrangères, c’est évidemment se tromper sur la
réalité des faits et sur leur caractère illicite.
II. S’agissant de la prétendue exception à l’immunité de juridiction des ministres des affaires
étrangères en exercice devant les juridictions internes, je ne pense pas, Monsieur le président,
- 21 -
Mesdames et Messieurs les juges, qu’il faille revenir longuement sur ce point. Il concerne
manifestement une question de droit, fondamentale, que la Cour aura à trancher. La République
démocratique du Congo maintient à cet égard tout ce qu’elle a développé dans ses écritures et lors
des plaidoiries.
Je tiens à souligner toutefois quelques points en rapport avec la plaidoirie du
professeur David. Comme il l’a dit lui-même, il s’est livré à une «analyse interprétative»
(CR 2001/9, p. 19, par. 29) des différentes sources citées par la Belgique à l’appui de sa position.
Je crois qu’il suffit de constater, encore une fois, que cette «analyse interprétative» n’est rien
d’autre que la sollicitation abusive des textes cités, sollicitation qui se nourrit de la confusion
conceptuelle, dénoncée mais toujours entretenue, entre responsabilité pénale personnelle et
immunité, entre compétence des juridictions internationales et compétence des juridictions internes.
Pas un seul précédent cité par le professeur David n’est relatif à la situation qui est la nôtre,
c’est-à-dire, à l’action pénale interne dirigée contre un gouvernant étranger en exercice. On nous
dit cependant : peu importe, ce n’est pas la même chose, mais c’est quand même la même chose !
On nous dit en même temps, certes, il n’y a pas de véritable précédent, mais la règle n’en est pas
moins certaine, et elle serait certaine depuis Nuremberg, voire même depuis le traité de Versailles,
et puis, il faut bien un premier cas d’application ! Permettez-moi toutefois de douter de l’existence
d’une règle, dont l’énoncé n’est pas clair mais résulte de la sollicitation abusive de textes couvrant
d’autres situations, règle qui n’aurait en outre jamais été appliquée depuis près de soixante ans,
voire quatre-vingts ans ! Mais ce n’est pas fini : pour calmer notre étonnement face à une
prétendue règle jamais appliquée depuis plus d’un demi-siècle mais néanmoins certaine, on nous
explique que si la règle n’a jamais été appliquée c’est sans doute parce qu’elle était cachée. Et le
professeur David, qui n’est pas profane, de nous la révéler. Il nous a dit en effet que les statuts des
juridictions internationales qu’il cite à l’appui de la position de la Belgique, «étaient destinés à
couvrir, par un raccourci terminologique commode mais peut-être regrettable pour le profane, les
deux volets du moyen de défense fondé sur la capacité officielle de l’agent» (CR 2001/9, p. 19,
par. 30).
N’est-il pas temps de se réveiller ? Le rêve est peut-être plaisant pour celui qui le fait, il n’en
demeure pas moins un endormissement et il lasse, permettez-moi de vous le dire, celui auquel il est
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conté. On s’interroge en effet sur la raison pour laquelle, sur ces questions de principe si
importantes, on aurait systématiquement utilisé un tel raccourci terminologique, laissant le
«profane» dans l’ignorance de la véritable volonté des auteurs de la norme.
Encore un exemple, tout à fait significatif, de cette méthode d’«analyse interprétative» que je
juge abusive. A propos de l’arrêt Pinochet de la Chambre des lords, le professeur David cite un
extrait de l’opinion de lord Browne-Wilkinson. Tout en concédant que cet extrait est relatif à
l’ancien gouvernant étranger, celui-ci ayant cessé ses fonctions, il n’en affirme pas moins :
«avec de telles prémisses, parfaitement exactes, lord Browne-Wilkinson, l’auteur de
cet extrait, aurait tout aussi bien pu conclure que l’immunité ne pouvait s’appliquer,
pour de tels faits, à des chefs d’Etat en exercice. C’est la logique même de son
raisonnement qui conduit à cette conclusion qu’il n’a pas tirée, je m’empresse de le
reconnaître» (CR 2001/9, p. 24, par. 40).
Quelle est cette logique ? Ne suffit-il pas de constater que lord Browne-Wilkinson n’a pas
tiré la conclusion que le professeur David affirme qu’il aurait pu tirer ? Faire dire à un texte
quelque chose qu’il ne dit pas est d’autant moins convaincant lorsque ce même texte dit
expressément le contraire de ce qu’on prétend qu’il aurait pu dire ! Faut-il en effet rappeler que
dans son opinion à l’appui du jugement du 24 mars 1999 de la House of Lords,
lord Browne-Wilkinson lui-même écrivit ceci à propos du chef d’Etat en exercice, rejoignant le
propos explicite de lord Nicholls sur ce point que j’ai déjà cité :
«This immunity enjoyed by a head of state in power and an ambassador in post
is a complete immunity attached to the person of the head of state or ambassador and
rendering him immune from all actions or prosecutions whether or not they relate to
matters done for the benefit of the state.» (Voir mémoire, p. 41, par. 63.)
III. Je dois encore dire quelques mots au sujet de l’objet de la demande formulée par le
Congo dans ses conclusions, lesquelles seront reprécisées dans un instant par M. l’agent. L’objet
de la demande, bien compris, justifie à lui seul que soient écartées toutes les exceptions
préliminaires développées par la Belgique quant à la compétence et la recevabilité et auxquelles le
professeur Chemillier-Gendreau a déjà répondu. En d’autres termes, si l’on comprend bien quel est
l’objet de la demande, il devient clair que les prétentions de la Belgique suivant lesquelles le
différend n’existerait pas ou serait privé d’objet, ou serait devenu une action en protection
diplomatique, que toutes ces prétentions relatives à l’objet du différend tombent d’elles-mêmes.
- 23 -
Que demande en effet la République démocratique du Congo ? Elle demande la réparation
du dommage causé à ses droits souverains par un fait illicite passé. Cette réparation est sollicitée
sous la combinaison de deux formes : une mesure de satisfaction, visant à réparer le dommage
moral de la République démocratique du Congo, et une mesure de réparation sous forme de
restitution juridique, c’est-à-dire le retrait et l’annulation du mandat d’arrêt litigieux, ainsi que
l’information faite aux Etats auxquels le mandat a été diffusé de son retrait. Ces trois mesures,
satisfaction, restitution juridique en nature, et information des tiers, sont en effet nécessaires pour
réparer le préjudice causé à la République démocratique du Congo, c’est-à-dire pour, «autant que
possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite et rétablir l’état qui aurait
vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été commis», selon la célèbre formule de l’arrêt
dans l’affaire de l’Usine de Chorzów (C.P.J.I. série A n° 17, p. 47, 13 septembre 1928). Quand
bien même le mandat serait-il susceptible d’être annulé par la chambre des mises en accusation de
la Cour d’appel de Bruxelles, il n’en resterait pas moins une mesure de satisfaction à accorder,
comme l’a déjà souligné le professeur Rigaux. La Belgique ne paraît d’ailleurs pas contester cette
demande de satisfaction par déclaration solennelle du caractère illicite du fait passé. Elle conteste
plutôt les troisième et quatrième demandes de la République démocratique du Congo, relatives au
retrait et à la mise à néant du mandat d’arrêt. Plusieurs arguments sont avancés à cet égard. Et
permettez-moi rapidement de les examiner.
Premièrement, le mandat d’arrêt aurait perdu son caractère illicite vu l’absence de fonctions
officielles exercées à ce jour par l’inculpé, de telle manière que les troisième et quatrième
demandes de la République démocratique du Congo viseraient à protéger son ressortissant inculpé.
Deux réponses à cet argument :
1) Le mandat d’arrêt est illicite ab initio, et il ne saurait produire plus aucun effet de droit, ainsi
que le professeur Chemillier-Gendreau l’a déjà dit. Son vice est radical, il doit donc être
retiré. Libre à la Belgique d’en décerner un nouveau à charge de M. Yerodia. Alors se posera,
et alors seulement se posera la question de la protection diplomatique.
2) Le seul impact de la fin des fonctions officielles de M. Yerodia est d’avoir fait perdre au fait
illicite de la Belgique son caractère d’être un fait internationalement illicite continu. La fin
des fonctions officielles n’a nullement eu pour effet d’effacer le fait illicite et le dommage qui
- 24 -
en découle. Ceux-ci demeurent. Seulement, n’étant plus un fait internationalement illicite
continu, la demande du Congo n’est pas une demande relative à la cessation de ce fait, comme
les arguments de la Belgique pourraient erronément le donner à penser. La demande du
Congo est une demande de réparation du dommage causé, la réparation imposant de mettre les
choses dans l’état qui existerait si le fait illicite n’avait pas été commis. Il est clair que le fait
illicite étant un acte juridique interne, seul le retrait de celui-ci, sa mise à néant, peut réaliser la
réparation due, sous forme de restitution en nature d’ordre juridique. Ceci n’a d’ailleurs rien
d’extraordinaire. Comme l’a souligné le professeur Arangio-Ruiz dans son rapport
préliminaire sur la responsabilité internationale de l’Etat à la Commission du droit
international : «En pratique, toute restitution internationale en nature consistera
essentiellement en une restitutio d’ordre juridique en vertu du droit de l’Etat auteur,
accompagnant ou précédant la restitutio matérielle» (ACDI, 1988, vol. II, partie I, p. 27,
par. 80).
Deuxième argument de la Belgique : la demande outrepasserait les pouvoirs de la Cour.
L’argument semble affirmer à la fois que la Cour n’a pas le pouvoir d’annuler un acte interne, et
qu’elle ne peut pas déterminer le moyen par lequel l’Etat doit se conformer à son arrêt. La
jurisprudence de la Cour citée par la Belgique à ce sujet ne vient en réalité en rien affaiblir la
demande de la République démocratique du Congo. Il n’est en effet nullement demandé à la Cour
de déterminer le moyen par lequel la Belgique devra se conformer à son prononcé. La Belgique
demeure parfaitement libre à cet égard. Le retrait et la mise à néant du mandat, par les moyens que
la Belgique estimera les plus appropriés, ne constituent pas des moyens d’exécution de l’arrêt de la
Cour mais la mesure même de réparation-restitution juridique en nature sollicitée. Par ailleurs, il
n’est nullement demandé à la Cour de procéder elle-même au retrait et à la mise à néant du mandat
litigieux : il est demandé à la Cour de dire que la Belgique, au titre de la réparation du dommage
causé aux droits de la République démocratique du Congo, est tenue de procéder, par le moyen de
son choix, à ce retrait et cette mise à néant. Rien, encore une fois, de très extraordinaire. Et je me
permets, pour terminer, de citer à nouveau le professeur Arangio-Ruiz, dans le même rapport à la
Commission du droit international :
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«On peut supposer que tout ce que le droit international ¾ et les organismes
internationaux ¾ peuvent normalement faire ou sont habilités à faire, en ce qui
concerne les actes, dispositions et situations juridiques internes, c’est de les déclarer
contraires aux obligations internationales et, comme tels, sources de responsabilité
internationale, et d’affirmer, en outre, qu’il y a une obligation de réparation, cette
réparation requérant le cas échéant, l’invalidation ou l’annulation d’actes de droit
interne par l’Etat auteur lui-même» (ACDI, 1988, vol. II, partie I, p. 28, par. 84 a)).
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur le professeur. Je donne maintenant la parole à
M. l’agent de la République démocratique du Congo.
M. MASANGU-a-MWANZA : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour.
Permettez-moi, Monsieur le président, avant de conclure, d’exprimer à la Cour au nom de la
délégation congolaise conduite par S. Exc. M. Ngele Masudi, ministre de la justice et garde
des sceaux, et celui du conseil qui nous a assistés, toute notre gratitude la plus déférente pour avoir
suivi avec beaucoup de patience les plaidoiries qui ont été développées au cours des audiences qui
ont duré pendant cinq jours d’affilée. Aussi, saisirais-je cette occasion pour exprimer mes sincères
remerciements à M. le greffier, qui a facilité l’octroi des visas de voyage à notre délégation auprès
du ministère néerlandais des affaires étrangères, car les amis diplomates belges qui sont dans cette
salle savent qu’il n’est pas facile d’obtenir un visa de voyage dans les chancelleries de pays
occidentaux accréditées à Kinshasa. Philippe Cahier, aux termes du droit diplomatique
contemporain, définit la diplomatie comme étant la manière de conduire les affaires extérieures
d’un sujet de droit international à travers les moyens pacifiques. Cela étant, je voudrais ici
remercier les deux conseils de la manière diplomatique dont ils ont voulu conduire leurs plaidoiries
en privilégiant les bonnes relations qui existent ici, heureusement, entre le Royaume de Belgique et
la République démocratique du Congo, mon pays.
CONCLUSIONS FINALES
A la lumière des faits et des arguments exposés au cours de la procédure écrite et orale, le
Gouvernement de la République démocratique du Congo prie la Cour de dire et juger :
1. Qu’en émettant et en diffusant internationalement le mandat d’arrêt du 11 avril 2000 délivré à
charge de M. Abdoulaye Yerodia Ndombasi, la Belgique a violé, à l’encontre de la
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République démocratique du Congo, la règle de droit international coutumier relative à
l’inviolabilité et l’immunité pénale absolues des ministres des affaires étrangères en exercice;
que ce faisant elle a porté atteinte au principe de l’égalité souveraine entre les Etats;
2. Que la constatation solennelle par la Cour du caractère illicite de ce fait constitue une forme
adéquate de satisfaction permettant de réparer le dommage moral qui en découle dans le chef
de la République démocratique du Congo;
3. Que les violations du droit international dont procèdent l’émission et la diffusion
internationale du mandat d’arrêt du 11 avril 2000 interdisent à tout Etat, en ce compris la
Belgique, d’y donner suite;
4. Que la Belgique est tenue de retirer et mettre à néant le mandat d’arrêt du 11 avril 2000 et de
faire savoir aux autorités étrangères auxquelles ledit mandat fut diffusé qu’elle renonce à
solliciter leur coopération pour l’exécution de ce mandat illicite.
Je vous remercie, Monsieur le président.
Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur l’ambassadeur. Ceci met un terme au second
tour de plaidoiries de la République démocratique du Congo. La Cour se réunira cet après-midi à
16 h 30 pour le second tour de plaidoiries du Royaume de Belgique. La séance est levée.
L'audience est levée à 10 h 40.
___________

Document Long Title

Public sitting held on Friday 19 October 2001, at 9.30 a.m., at the Peace Palace, President Guillaume presiding

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