CR 95/3
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNEE 1995
Audience publique
tenue le mardi 31 janvier 1995, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
en l'affaire relative au Timor oriental
(Portugal c. Australie)
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COMPTE RENDU
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YEAR 1995
Public sitting
held on Tuesday 31 January 1995, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case concerning East Timor
(Portugal v. Australia)
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VERBATIM RECORD
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Présents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
M. Oda
Sir Robert Jennings
MM. Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma, juges
Sir Ninian Stephen
M. Skubiszewski, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
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Present: President Bedjaoui
Vice-President Schwebel
Judge Oda
Sir Robert Jennings
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Judges ad hoc Sir Ninian Stephen
Skubiszewski
Registrar Valencia-Ospina
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Le Gouvernement de la République portugaise est représenté par :
S. Exc. M. António Cascais, ambassadeur de la République portugaise
auprès du Gouvernement de S. M. la Reine des Pays-Bas,
comme agent;
M. José Manuel Servulo Correia, professeur à la faculté de droit de
l'Université de Lisbonne et avocat au barreau du Portugal,
M. Miguel Galvão Teles, avocat au barreau du Portugal,
comme coagents, conseils et avocats;
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II) et directeur de l'Institut des hautes études
internationales de Paris,
Mme Rosalyn Higgins, Q.C., professeur de droit international à
l'Université de Londres,
comme conseils et avocats;
M. Rui Quartin Santos, ministre plénipotentiaire, ministère des
affaires étrangères,
M. Francisco Ribeiro Telles, premier secrétaire d'ambassade,
ministère des affaires étrangères,
comme conseillers;
M. Richard Meese, avocat, associé du cabinet Frere Cholmeley, Paris,
M. Paulo Canelas de Castro, assistant à la faculté de droit de
l'Université de Coimbra,
Mme Luisa Duarte, assistante à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Paulo Otero, assistant à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Iain Scobbie, Lecturer in Law à la faculté de droit de
l'Université de Dundee, Ecosse,
Mlle Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
comme conseils;
M. Fernando Figueirinhas, premier secrétaire de l'ambassade de la
République portugaise à La Haye,
comme secrétaire.
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The Government of the Portuguese Republic is represented by:
H. E. António Cascais, Ambassador of the Portuguese Republic to the
Government of H.M. The Queen of the Netherlands,
as Agent;
Mr. José Manuel Servulo Correia, Professor in the Faculty of Law of
the University of Lisbon and Member of the Portuguese Bar,
Mr. Miguel Galvão Teles, Member of the Portuguese Bar,
as Co-Agents, Counsel and Advocates;
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the University of Paris II
(Panthéon-Assas) and Director of the Institut des hautes études
internationales of Paris,
Mrs. Rosalyn Higgins, Q.C., Professor of International Law at the
University of London,
as Counsel and Advocates;
Mr. Rui Quartin Santos, Minister Plenipotentiary, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. Francisco Ribeiro Telles, First Embassy Secretary, Ministry of
Foreign Affairs,
as Advisers;
Mr. Paulo Canelas de Castro, Assistant in the Faculty of Law of the
University of Coimbra,
Mrs. Luisa Duarte, Assistant in the Faculty of Law of the University
of Lisbon,
Mr. Paulo Otero, Assistant in the Faculty of Law of the University of
Lisbon,
Mr. Iain Scobbie, Lecturer in Law in the Faculty of Law of the
University of Dundee, Scotland,
Miss Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
as Counsel;
Mr. Fernando Figueirinhas, First Secretary of the Portuguese Embassy in The Hague,
as Secretary.
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Le Gouvernement du Commonwealth d'Australie est représenté par :
M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General d'Australie,
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Michael Tate, ambassadeur d'Australie aux Pays-Bas et
ancien ministre de la justice,
M. Henry Burmester, conseiller principal en droit international,
bureau du droit international, services de l'Attorney-General
d'Australie,
comme coagents et conseils;
M. Derek W. Bowett, Q.C., professeur émérite, ancien titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge,
M. James Crawford, titulaire de la chaire Whewell de droit
international à l'Université de Cambridge,
M. Alain Pellet, professeur de droit international à l'Université de
Paris X-Nanterre et à l'Institut d'études politiques de Paris,
M. Christopher Staker, conseiller auprès du Solicitor-General
d'Australie,
comme conseils;
M. Christopher Lamb, conseiller juridique au département des affaires
étrangères et du commerce extérieur d'Australie,
Mme Cate Steains, deuxième secrétaire à l'ambassade d'Australie aux
Pays-Bas,
M. Jean-Marc Thouvenin, maître de conférences à l'Université du Maine
et à l'Institut d'études politiques de Paris,
comme conseillers.
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The Government of Australia is represented by:
Mr. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General of Australia,
as Agent and Counsel;
H.E. Mr. Michael Tate, Ambassador of Australia to the Netherlands and
former Minister of Justice,
Mr. Henry Burmester, Principal International Law Counsel, Office of
International Law, Attorney-General's Department,
as Co-Agents and Counsel;
Mr. Derek W. Bowett, Q.C., Whewell Professor emeritus, University of
Cambridge,
Mr. James Crawford, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. Alain Pellet, Professor of International Law, University of Paris X-Nanterre
and Institute of Political Studies, Paris,
Mr. Christopher Staker, Counsel assisting the Solicitor-General of
Australia,
as Counsel;
Mr. Christopher Lamb, Legal Adviser, Australian Department of Foreign
Affairs and Trade,
Ms. Cate Steains, Second Secretary, Australian Embassy in the
Netherlands
Mr. Jean-Marc Thouvenin, Head Lecturer, University of Maine and
Institute of Political Studies, Paris,
as Advisers.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L'audience de plaidoirie est reprise et je voudrais
donner la parole au professeur Dupuy.
M. DUPUY :
A. Le droit applicable et les obligations de l'Australie
Monsieur le Président, Messieurs les juges. Je ne voudrais pas manquer de vous exprimer,
comme chaque fois que j'ai pris la parole devant la Cour internationale de Justice, tout l'honneur que
je ressens à plaider devant votre haute juridiction. J'avais déjà eu l'occasion de plaider sous votre
autorité, Monsieur le Président, dans une affaire alors portée devant une chambre de la Cour, et je
tiens à dire que je considère cela comme un privilège.
Je voudrais également marquer ici ma gratitude à la République portugaise pour avoir mis sa
confiance en moi afin de défendre la cause du peuple du Timor oriental et celle du Portugal et je tiens
à lui dire que j'ai, depuis le début de cette affaire, été particulièrement heureux de mettre mes
modestes moyens au service d'une cause dont la noblesse et la générosité n'ont d'égal que le
bien-fondé en droit. M'adressant enfin à la délégation de l'Australie, je saluerai respectueusement son
agent et ses coagents. Et, à ses conseils, avec lesquels j'ai déjà eu à bien des reprises l'occasion de
travailler, je dirai que la force de ma conviction dans la la justesse de la cause du peuple du Timor ne
ternit en rien l'estime et l'amitié personnelle que j'ai pour chacun d'entre eux.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, vous entendrez ce matin quatre plaidoiries. Je
commencerai moi-même par vous parler du droit applicable et des obligations de l'Australie. Puis
mon collègue, le professeur Servulo Correia s'adressera à la question de savoir si le Timor est
toujours un territoire non autonome, puis il examinera la question de savoir si le Portugal est
toujours sa puissance administrante. Enfin, Maître Galvão Teles terminera l'audience de ce matin en
revenant sur l'assise territoriale des droits du Timor oriental, en particulier sur le plateau continental.
Il m'appartient donc d'examiner devant vous le droit applicable et les obligations qui en
découlent pour l'Australie à l'égard du peuple du Timor oriental et du Portugal. Ces obligations, à
vrai dire, sont fondamentalement simples. Elles partent de deux propositions majeures, dont découle
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une série d'implications :
Premièrement, l'Australie doit, en toutes occasions, respecter les droits inhérents du peuple du
Timor oriental, lesquels sont essentiellement, son droit à disposer de lui-même, son droit à l'intégrité
territoriale, et son droit sur ses ressources naturelles.
Deuxièmement, l'Australie doit respecter la qualité et les compétences de l'instrument
privilégié de réalisation de ces droits. Or, dans notre affaire, cet instrument, désigné par le poids de
l'histoire et reconnu par les organes des Nations Unies, c'est bien le Portugal, sa puissance
administrante. Certes, elle n'exerce plus directement sa compétence territoriale sur le Timor oriental,
du fait de l'occupation illégale d'un tiers. Pourtant, elle a toujours à charge la promotion
internationale des droits de son peuple, par tous les moyens qui sont encore à sa disposition, et dont
le droit de requête devant votre haute juridiction constitue précisément l'une des manifestations.
Ainsi, au coeur de la présente affaire, comme ce fut naguère le cas dans le cadre de votre
compétence consultative se retrouve un principe que le Président Manfred Lachs qualifiait comme
«l'un des principes les plus essentiels du droit international contemporain»1
.
C'est celui bien sûr du respect des droits des peuples. Comme l'ensemble des règles dont sont
tirées les obligations primaires qu'il incombe à l'Australie de respecter dans toutes leurs implications,
il émane de différentes sources, toutes également pertinentes.
Deux sont conventionnelles. Il s'agit en premier lieu de la Charte des Nations Unies elle-même;
il s'agit ensuite des deux Pactes des Nations Unies sur les droits de l'homme. La troisième est
coutumière; c'est le droit international général, dont la Cour a rappelé qu'il conserve «une existence
et une application autonomes par rapport à celles du droit international conventionnel lors même que
les deux catégories ont un contenu identique»2
.
Ces différentes sources sont bien connues de tous, et particulièrement de la Cour et cela
devrait presque m'éviter d'avoir à en rappeler le contenu. Une circonstance pourtant m'incite à le
faire, fût-ce brièvement. C'est la conception particulièrement restrictive, pour dire le moins, que
l'Australie se fait non seulement du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes mais aussi de ses
diverses implications.
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J'examinerai donc, en trois temps, mais de la façon la plus ramassée possible, les obligations
de l'Australie émanant tout d'abord du droit des Nations Unies, puis des Pactes sur les droits de
l'homme, enfin, du droit international général.
I. Le droit des Nations Unies
A. La lecture des écritures australiennes laisse une impression générale d'inachèvement. Ou,
plus précisément, on y sent, à tous les stades de la démonstration, un effort considérable pour éviter
de parler ... de l'essentiel. Qu'il s'agisse de s'abriter derrière les agissements d'un tiers pour fuir ses
propres responsabilités ou de tenter la démonstration au demeurant inconfortable de la conformité de
ses agissements aux prescriptions du droit, l'Australie navigue toujours au plus près pour éviter un
écueil fondamental qui est tout simplement ... la Charte des Nations Unies elle-même.
Ainsi, dans les plaidoiries écrites de l'Australie, on trouvera par exemple d'intéressantes
considérations sur le caractère parfaitement discrétionnaire de la reconnaissance en droit
international général; on y rencontrera l'expression résignée des nécessités que le réalisme impose à
l'Australie du fait de sa présence en face des côtes d'Indonésie. On y lira aussi des développements
pétris de philosophie, car pénétrés de la vanité de toutes choses humaines : ceci pour illustrer l'usure
inexorable que le temps ferait subir aux qualifications juridiques, telle, par exemple celle de
«puissance administrante». On y découvre également le caractère irréversible de l'intégration par la
force du Timor dans celui d'un Etat tiers. On y invoque enfin, et avec quelle force, le prétendu
caractère juridiquement non obligatoire des résolutions du Conseil de sécurité ou de l'Assemblée
générale se rapportant au Timor oriental. Mais au-delà de ces considérations variées, rien n'est dit de
la force juridique dont est dotée la Charte par elle-même. Lorsqu'en effet, l'Australie consent à
évoquer les résolutions prises par l'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité, c'est pour laisser
entendre que, du moins à la condition d'être manifestement liantes, elles seraient de toute façon, dans
toute hypothèse, nécessaires à la réactivation des principes de la Charte faute pour eux, de pouvoir
s'appliquer dans une situation donnée.
Mais de ces principes eux-mêmes, ramenés implicitement par elle à l'essence évanescente de
pures virtualités, alors qu'ils sont pourtant posés par la Charte au double titre d'obligations
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conventionnelles et statutaires, c'est-à-dire d'obligations dont les Etats sont à la fois redevables
comme parties à la Charte et comme Membres des Nations Unies, de ces principes, Messieurs les
juges, l'Australie, quant à elle, ne nous parle jamais...
De l'article 1, paragraphe 2; de l'article 55; de l'article 2 alinéas 2 et 5 de la Charte des
Nations Unies, on chercherait vainement la trace dans les quelque trois cent cinquante pages de
plaidoirie consacrées par ce pays, pourtant Membre fondateur des Nations Unies, à la défense et
illustration de son attitude à l'égard du Timor oriental.
Or que disent ces articles ? Des choses très précises, en somme, et qui se suffisent à elles
mêmes pour créer à leurs destinataires des obligations incontournables :
Article 1, paragraphe 2 : [Les buts des Nations Unies sont de] :
«Développer entre les nations des relations amicales fondées sur le respect du
principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes...»
Article 55 : le relèvement des niveaux de vie... (al. a)), la «solution des problèmes
internationaux dans les domaines économiques, social, de la santé publique...» (al. b)), le «respect
universel et effectif des droits de l'homme...» (al. c)) sont indispensables,
«En vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour
assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du
principe de l'égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes.»
Quant à l'article 2, il rappelle que «Les Membres de l'Organisation ... doivent remplir de
bonne foi les obligations qu'ils ont assumées aux termes de la présente Charte»; cependant que son
alinéa 5 précise que
«Les Membres de l'Organisation donnent à celle-ci pleine assistance dans toute
action entreprise par elle conformément aux dispositions de la présente Charte...».
Chacune de ces dispositions parle suffisamment d'elle-même. Carta ipsa loquitur ! Aucune d'entre
elles n'a besoin, pour être applicable et imposer aux Etats Membres des obligations précises, d'être
ranimée par le souffle d'une résolution.
Ma première constatation substantielle, Monsieur le Président, Messieurs les juges, est donc la
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suivante : la Charte elle-même, par la seule vertu de son propre texte, se suffit à elle-même et fait
très précisément obligation aux Etats de respecter les droits des peuples. Elle fait, à elle seule,
obligation aux Membres de donner pleine assistance à l'Organisation lorsque celle-ci (par exemple en
confirmant un Etat dans sa qualité de puissance administrante) indique les voies et moyens de la
promotion des droits d'un peuple déterminé. Enfin, comme tout autre traité, mais d'une façon
d'autant plus solennelle qu'elle prend soin de le réitérer explicitement, elle fait obligation aux Etats
parties d'appliquer ses dispositions de bonne foi. Il s'agit là de devoirs incontournables, auxquels
l'Australie ne peut se soustraire, fût-ce, comme elle le tente pourtant, au prix éloquent de son silence.
Ma constatation seconde sera tout aussi simple : elle tient au fait que la Charte étant un traité
mais aussi une constitution, dont on fête au demeurant cette année les cinquante ans, elle doit être
interprétée compte tenu des interprétations et développements que la pratique de ses organes et celle
de ses Etats Membres en a donné. Le «droit des Nations Unies», c'est précisément cette conjonction
d'un texte fondateur et d'une pratique subséquente, elle-même riche en développements normatifs.
Or, s'il est un principe énoncé dans la Charte qui doit beaucoup à l'histoire de l'organisation qu'elle
établissait, c'est bien celui du respect des droits des peuples, dont le Président Eduardo Jiménez de
Aréchaga disait qu'il constitue probablement : «the most important development which has taken
place with respect to the law of the Charter»3
.
De fait, les quatre dernières décennies sont notamment caractérisées par la contribution
décisive des Nations Unies au processus de décolonisation des territoires non autonomes ou placés
sous tutelle. Cette contribution de l'Organisation, en même temps qu'elle prenait pour base légale les
dispositions précitées de la Charte, étendait et précisait considérablement leur portée, en même temps
qu'elle cernait davantage le contenu des droits des peuples.
Examiner le développement de l'obligation du respect des droits des peuples par la pratique de
l'Organisation, c'est donc justement, et c'est ce que je vais faire à présent, se tourner vers le contenu
de ces droits, à la fois politiques et économiques. Ce contenu de l'obligation de respecter les droits
des peuples, je l'examinerai donc d'abord dans sa dimension politique, c'est-à-dire dans la réalisation
par un Peuple de son droit à l'autodétermination.
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B. Contenu de l'obligation de respecter les droits des peuples1) Droits des peuples et décolonisation
par l'autodétermination
De très nombreuses résolutions ont certes été prises par l'Assemblée générale et, dans une
moindre mesure, par le Conseil de sécurité, en référence au principe de l'égalité de droits des peuples
et de leur droit à disposer d'eux-mêmes établi dans la Charte. De cet ensemble, à certains égards
hétérogène, deux «déclarations» génériques, adoptées par l'Assemblée générale, émergent pourtant
avec une particulière netteté, à la fois par l'importance de leur contenu et par l'ampleur de leurs
conséquences : il s'agit bien sûr d'une part, de la résolution 1514 (XV) intitulée «Déclaration sur
l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux», et, d'autre part, de la
résolution 2625 (XXV), dite «Déclaration relative aux principes du droit international touchant les
relations amicales et la coopération entre Etats, conformément à la Charte des Nations Unies». Elles
ont été à peu près unanimement saluées comme les archétypes de textes dont l'adoption présentait
une signification à la fois juridique et politique, révélée et confirmée par une pratique subséquente
prenant expressément appui sur leurs dispositions.
Et c'est alors ici l'occasion, Messieurs de la Cour, de rappeller l'identité des «peuples» en
cause. Dans le cadre historique qui caractérise les développements normatifs dont nous parlons, les
difficultés sémantiques et notionnelles qui s'attachent parfois à la notion de «peuple» ne se présentent
pas. La pratique de l'Organisation désigne clairement en effet comme telles toutes les populations
soumises à domination coloniale. On a d'ailleurs parfois critiqué cette acception, jugée trop étroite,
et il est sans doute exact qu'à l'heure actuelle, dans d'autres régions du monde que celles alors
concernées, la détermination concrète de «peuples», en tant que titulaires de droits, peut, en certains
cas, susciter de légitimes interrogations.
Mais l'affaire du Timor oriental ne fait pas partie de ces situations-là, parce qu'elle nous vient
des années soixante. Elle présente les caractères classiques, historiquement datés, d'une affaire de
décolonisation. C'est presque, je suis désolé de le dire, une incongruité, en tous cas une survivance
malheureuse, une pénible anomalie, une sorte d'avarie de l'histoire ! Venue d'un âge pour l'essentiel
heureusement révolu, elle n'impose nullement à la Cour d'entrer dans des débats sémantiques sinon
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philosophiques abscons sur la façon de distinguer par exemple un peuple d'une minorité, fût-elle
nationale4
. L'identité comme peuple de la population du Timor oriental, passée sans transition d'une
domination coloniale à une occupation militaire sans possibilité aucune d'exprimer son droit à
l'autodétermination ne saurait en elle-même faire de doute; elle vérifie tous les critères posés par
les Nations Unies pendant la phase historique de la décolonisation. Et c'est si vrai que l'Australie
elle-même ne songe même plus à le nier !
Revenons donc certes brièvement, mais revenons tout de même aux résolutions 1514 et 2625.
a) De la résolution 1514, adoptée lors de la quinzième session de l'Assemblée générale, le
14 décembre 1960, par 89 voix contre zéro et 9 abstentions, Michel Virally a pu dire qu'«il s'agit là
de l'un des quelques textes qui ont marqué un tournant dans l'histoire de l'Organisation des Nations
Unies»5
.
Les promoteurs de cette déclaration solemnelle proclament en effet la nécessité de «mettre
rapidement et inconditionnellement fin au colonialisme sous toutes ses formes». Or la Cour
internationale de Justice elle-même a eu l'occasion de se prononcer sur la valeur et la portée à
accorder à cette déclaration.
Elle le fit d'abord en 1971 dans son avis sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité. Retraçant l'évolution générale qui devait mener de la
«mission sacrée de civilisation» telle qu'elle était comprise à l'époque de la Société des Nations, à
l'émancipation des peuples placés sous domination coloniale, elle déclarait :
«En outre l'évolution ultérieure du droit international à l'égard des territoires non
autonomes, tel qu'il est consacré par la Charte des Nations Unies, a fait de
l'autodétermination un principe applicable à tous ces territoires... Une autre étape
importante de cette évolution a été la déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays
et aux peuples coloniaux (résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale en date
du 14 décembre 1960) applicable à tous les peuples et à tous les territoires «qui n'ont
pas encore accédé à l'indépendance»6
.
Toujours dans le même avis, la Cour poursuivait:
«Dans le domaine auquel se rattache la présente procédure, les cinquante
dernières années ont marqué, comme il est dit plus haut, une évolution importante. Du
fait de cette évolution il n'y a guère de doute que la «mission sacrée de civilisation»
avait pour objectif ultime l'autodétermination et l'indépendance des peuples en cause.
- 15 -
Dans ce domaine comme dans les autres, le corpus juris gentium s'est beaucoup enrichi
et, pour pouvoir s'acquitter fidèlement de ses fonctions, la Cour ne peut l'ignorer.»7
Quelques années plus tard, dans son avis relatif au Sahara occidental, la Cour eut encore
l'occasion de revenir, avec plus de détails, sur la signification du principe de l'égalité de droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes et la contribution décisive qui lui fut apportée par la
résolution 1514. Dans l'avis de 1975, la Cour va d'ail1eurs très explicitement se référer à ses
affirmations dont je viens de donner lecture telles qu'elle les avait énoncées en 1971. Et elle ajoute
en 1975 :
«La résolution 1514 (XV) de l'Assemblée générale a été la base du processus de
décolonisation qui s'est traduit, depuis 1960, par la création de nombreux Etats,
aujourd'hui Membres des Nations Unies»8
.
En effet, si on prend un peu de recul, on constate que la force de la déclaration sur l'octroi de
l'indépendance venait de ce qu'en affectant prioritairement l'application du principe de l'égalité du
droit des peuples à la situation des peuples colonisés, elle désignait avec précision aussi bien les
bénéficiaires de ce droit que la finalité immédiate de son application.
Certes, il résultait déjà de l'article 73 que les territoires non autonomes n'étaient plus
seulement placés sous l'empire exclusif de la puissance coloniale, mais également sous le contrôle
international exercé par l'Organisation des Nations Unies. Pourtant, cette internationalisation sera
accentuée par la résolution 15149
. En effet, dans le prolongement direct de la déclaration,
l'Assemblé générale va procéder à une série d'initiatives de caractère organique en créant notamment
le «Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la déclaration sur
l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux», appelé par la suite «Comité des VingtQuatre»,
en fonction du nombre de ses participants. Ce qui est remarquable c'est de noter que ce
nouveau comité devait rapidement absorber le Comité des renseignements créé antérieurement sous
l'égide de l'article 73, et se doter de moyens appropriés pour recueillir le maximum de renseignements
concrets sur l'évolution de la situation dans les territoires encore placés sous domination coloniale10
.
Cette création achevait donc de placer sous la compétence directe de l'Assemblée générale le contrôle
de la liquidation des situations coloniales, par la réalisation du principe de l'égalité de droits des
peuples.
- 16 -
A l'égard des territoires qui n'étaient pas dans le champ d'application du chapitre XII
(consacré aux territoires sous tutelle) mais dont il décidait qu'ils relevaient désormais de l'application
de la déclaration, le Comité des Vingt-Quatre se dota de toutes les possibilités offertes au Conseil de
tutelle par l'acte constitutif de l'Organisation. Ce dernier fut en quelque sorte son modèle de
référence. Et ce fut le cas pour le Timor oriental et les autres territoires alors sous domination
portugaise. Il devait en résulter notamment ceci : que les actes pris par le Comité des Vingt-Quatre
ou par l'Assemblée générale à propos du contrôle de l'administration des territoires non autonomes
intervenaient, de façon encore plus nette que sous l'empire exclusif de l'article 73, dans le cadre de
l'exercice des compétences propres à l'Organisation; ils n'apparaissaient plus seulement comme de
simples voeux ou invitations sans portée juridique faites aux Etats Membres.
Il convient alors de se tourner ver un autre développement non plus organique, mais
substantiel cette fois, du droit des peuples et qui concerne la détermination des modalités d'exercice
dudit principe. Ainsi que la Cour le releva dans son avis de 1975 sur le Sahara occidental11, c'est, à
cet égard, la résolution 1541 (XV) qui présente le plus d'intérêt12. Elle dispose à son principe VI :
«On peut dire qu'un territoire non autonome a atteint la pleine autonomie :
a) quand il est devenu Etat indépendant et souverain;
b) quand il s'est librement associé à un Etat indépendant; ou
c) quand il s'est intégré à un Etat indépendant.»
Ce principe VI énonce ainsi les critères admis par les Nations Unies pour distinguer les
territoires effectivement décolonisés de ceux qui ne le sont pas. C'est en application de ces critères
que l'ensemble des résolutions consacrées au Timor oriental après 1975 l'ont toujours désigné jusqu'à
aujourd'hui comme un territoire non autonome.
Les principes VII à IX comme l'interprétation qui en fut faite ultérieurement permettent de
constater que l'idée fondamentale qui domine l'exercice du droit à l'autodétermination, et c'est un
truisme pratiquement que de le rappeler, est celle de liberté, au sens où le choix accompli par la
population concernée doit s'être effectué en l'absence de toute contrainte extérieure, notamment
militaire. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il faut voir dans l'ordre où les trois modalités
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d'autodétermination sont énoncées au principe VI non le fruit du hasard, mais l'indication délibérée
d'une hiérarchie : l'expression naturelle et privilégiée de l'autodétermination en effet c'est bien sûr la
création d'un «Etat indépendant et souverain» (al. a)); on peut sinon admettre l'association à un autre
Etat indépendant (al. b)). Mais alors le principe VII, consacré à cette seconde option, précise quant à
lui que «la libre association doit résulter d'un choix libre et volontaire des populations du territoire en
question, exprimé selon des méthodes démocratiques et largement diffusées».
Quant à la troisième option, l'intégration à un Etat indépendant (al. c)) - et la Cour verra
pourquoi j'insiste sur elle -, elle est envisagée par la résolution 1541 d'une manière encore plus
restrictive, puisque deux principes lui sont consacrés (VIII et IX). Cela s'explique par le fait que
l'intégration suppose de la part du peuple qui y consent l'acceptation d'une soumission à une autre
autorité, antérieurement existante. Le principe IX se termine en particulier par la précision
élémentaire selon laquelle:
«b) L'intégration doit résulter du désir librement exprimé des populations du
territoire, pleinement conscientes du changement de leur statut, la consultation se
faisant selon des méthodes démocratiques et largement diffusées».
On comprend, dans ces conditions, qu'à plusieurs reprises, notamment dans ses
résolutions 31/53 du 1er décembre 1976 et 32/34 du 28 novembre 1977, l'Assemblée générale ait
formellement rejeté
«l'allégation selon laquelle le Timor oriental a été intégré à l'Indonésie, dans la mesure
où la population du territoire n'a pas été en mesure d'exercer librement son droit à
l'autodétermination et à l'indépendance»13
.
On reverra d'ailleurs plus loin que l'une des graves incohérences de la position australienne
vient précisément du fait, notamment depuis la duplique, qu'elle prétend à la fois que le Timor n'a
pas encore exercé son droit à l'autodétermination mais qu'il est pourtant légalement - de jure - intégré
au territoire de l'Indonésie. Peut-être que ses plaidoiries de la semaine prochaine pourront nous
expliquer cette contradiction. J'en suis, pour ma part, tout impatient !
b) La résolution 2625
Durant la décennie des années soixante, le Comité des Vingt-Quatre comme l'Assemblée
générale adoptèrent de nombreuses résolutions. Une bomme part d'entre elles permit au Comité
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des Vingt-Quatre d'envoyer des commissions d'enquête sur place ou, d'une façon plus générale,
d'accentuer la pression sur les Etats Membres encore en possession de territoires coloniaux. Les
résultats furent loin d'être négligeables, puisqu'entre 1960 et 1970, la très grande majorité des
nouveaux Etats admis au sein de l'Organisation furent issus d'un processus d'autodétermination mené
à son terme. L'action des organes compétents de l'Organisation y apporta un concours souvent
décisif.
Nous voilà donc parvenus à la fin des années soixante. Alors survient la résolution 2625. Si ce
texte célèbre à bien des égards mérite ici une attention plus particulière, c'est justement parce qu'il ne
concerne pas seulement les droits des peuples mais, plus largement, «les relations amicales et la
coopération entre Etats», et depuis lors, la Cour a eu l'occasion de montrer tout le poids qu'elle
pouvait avoir dans la révélation de la conviction juridique des Etats. Objet d'un effort intense de
négociations pendant six ans, cette déclaration fut l'occasion d'une réaffirmation des principes de la
Charte et d'un réexamen de leurs implications. C'est dans ce contexte, notamment, que l'on retrouve
le principe de l'interdiction de reconnaissance des situations territoriales acquises par la force.
Or parmi les principes ainsi «codifiés» figure évidemment en bonne place celui de l'égalité de
droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes. L'apport de ce texte me paraît double.
En premier lieu, on doit constater l'insistance avec laquelle la déclaration énonce non
seulement les droits des peuples, mais, corrélativement, les «devoirs» de tous les Etats, dont le
premier est de favoriser la liquidation des situations coloniales ou de domination par la force de tout
peuple clairement identifié comme tel. Et ceci est évidemment capital dans la présente affaire.
En second lieu, la déclaration affirme la nécessité de préserver l'intégrité territoriale ou l'unité
politique de tout Etat souverain, à condition, tient-elle du moins à préciser, qu'il s'agisse d'un Etat,
«se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à
disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant
l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance ou
de couleur».
Mais le droit des peuples soumis à domination coloniale n'est pas seulement de recouvrer son
indépendance politique. Il est aussi de pouvoir maîtriser les moyens économiques de cette
indépendance. J'en viens donc naturellement à la seconde composante :
- 19 -
2) Droits des peuples et souveraineté permanente sur les ressources
naturelles
Je ferai grâce à la Cour des origines de l'idée de souveraineté permanente sur les ressources
naturelles. Contentons-nous de noter qu'en fait, dès 1952, cette idée fait son chemin dans les
résolutions de l'Assemblé générale. En 1958, cette dernière créait une commission chargée
d'examiner les implications du concept, après que la Commission des droits de l'homme eut décidé de
l'introduire dans les deux Pactes sur les droits de l'homme, à venir à l'époque [résolution
1314 (XIII)]. Elle anticipait ainsi sur ce qui allait progressivement devenir d'abord le droit du
développement, puis, avec la déclaration du 4 décembre 1986 adoptée par la même Assemblée
(résolution 41/128), le droit au développement.
A cet égard, bien sûr, c'est pourtant la résolution 1803 (XVII) qui constitue le texte de
référence. Votée par 87 voix pour, 2 contre, et 12 abstentions. Acquise deux ans après la 1514, elle
prend une signification particulière : celle de consolider le premier des acquis des droits des peuples,
qui est le droit à la décolonisation. Ainsi le préambule de la résolution note-t-il
«l'exercice et le renforcement de la souveraineté permanente des Etats sur leurs
richesses et ressources naturelles favorisent l'affermissement de leur indépendance
économique».
Elle se place ainsi dans la droit ligne du paragraphe 3 de l'article premier de la Charte14 repris
à l'article 55. Elle réalise une sorte de synthèse entre droits des peuples, droit de l'homme et droit du
développement.
Dans le texte de la résolution, la souveraineté sur les ressources naturelles est à la fois
l'apanage des peuples et de leurs Etats, ce droit devant d'ailleurs s'exercer, aux termes du paragraphe
premier de son dispositif, «dans l'intérêt du développement national et du bien-être de la population
de l'Etat intéressé». Mais, notons-le, si la résolution reconnaît par ailleurs le caractère «inaliénable»
du droit qu'a tout Etat de disposer librement de ses ressources naturelles, on peut néanmoins
considérer que la souveraineté permanente n'est un droit de l'Etat que parce qu'elle est d'abord un
droit du peuple dont cet Etat est l'expression. Ceci, on le reverra, fait directement écho au qualificatif
usité par les deux Pactes sur les droits de l'homme lesquels indiquent le caractère «inhérent» du
«droit de tous les peuples à profiter et à user pleinement et librement de leurs richesses et de leurs
- 20 -
ressources naturelles».
Alors, le Portugal saisit cette occasion, Messieurs les juges, pour rappeler qu'en tant que
puissance administrante du Timor oriental, il n'a aucune visée personnelle sur l'exploitation des
ressources pétrolières dont dispose le plateau continental du Timor. La Cour voudra bien considérer
que l'action qu'il engage devant elle ne dissimule pas une forêt de navires ou de plates-formes de
forage frappés aux armes de Lusitanie et dissimulés derrière la Tour de Belém pour cingler à la
première occasion sur ce site lointain, avide d'en aspirer les richesses englouties. Le temps des
conquistadors, «ivres d'un rêve héroïque et brutal», est aujourd'hui bien révolu.
Aujourd'hui ne comparait devant vous qu'une puissance administrante qui sait mieux que
quiconque ce que le mirage colonial pouvait comporter d'illusions puisque c'est pour se défaire à
jamais d'un si lourd héritage qu'elle accomplit sa révolution. Son autorité est conditionnée, l'exercice
de ses compétences finalisé. Elle doit seulement faire tout ce qui est en son pouvoir, face aux
convoitises des prédateurs, pour conserver au peuple auquel elles appartiennent en propre, ab initio
et ipso facto, l'usage exclusif des ressources que la Nature lui a imparties...
La résolution 1803 constitue sans doute l'un des rares textes voués à une pratique
internationale consécutive particulièrement abondante. Elle servit en effet de base à tous les Etats en
développement, qui entendaient récupérer la maîtrise directe de leurs ressources naturelles et le même
principe, bien entendu, fut à nouveau salué dans la déclaration du 1er mai 1974 concernant
l'instauration d'un nouvel ordre économique international.
La communauté internationale se trouvait ainsi dotée de la base juridique d'un acte
spécifiquement adopté par les Nations Unies pour tenter de sauvegarder les ressources naturelles
d'un territoire illégalement occupé. Je veux ici parler du décret no
1 adopté par le Conseil des
Nations Unies pour la Namibie afin de protéger les ressources naturelles de ce territoire. En se
fondant sur la résolution 1803, il pourra affirmer que la souveraineté permanente sur ses ressources
naturelles appartenait bien au seul peuple namibien; et ceci en dépit de la présence illégale sur son
territoire d'une puissance étrangère; en dépit aussi de l'impossibilité pratique (quoique, on l'a vu,
heureusement momentanée) pour les Nations Unies d'exercer directement, elles-mêmes,
- 21 -
l'administration de ce territoire afin de rendre possible l'exercice par son peuple de son droit à
l'autodétermination.
Rappelons au demeurant que le décret no
1 avait des implications erga omnes, à l'égard de
tous les Etats, et particulièrement, de tous les Etats Membres des Nations Unies, dont aucun n'avait
le droit de traiter avec l'Afrique du Sud comme si elle avait un titre juridique sur les ressources
naturelles namibiennes. Circonstances, on le voit, plus qu'analogiques avec celles de la présente
affaire.
Alors, synthétisons, Monsieur le Président. Le droit des Nations Unies affirme l'existence des
droits des peuples. Il le fait d'abord dans la Charte, et celle-ci se suffit à elle-même. A travers
l'action des organes principaux de l'Organisation, le droit des peuples a connu ensuite des
développements considérables, dans le contexte aujourd'hui certes daté, de la décolonisation, mais
qui demeure d'une totale actualité pour le Timor oriental. Ces droits sont indissociables dans leurs
deux composantes, politique et économique.
Des règles aussi fermes ont évidemment des implications précises pour les Etats Membres de
l'Organisation, auxquelles l'Australie, Membre des Nations Unies, ne saurait se soustraire.
J'examinerai donc maintenant ces implications sans toutefois rappeler celles qui reposent sur la
puissance administrante, puisque je viens déjà de les indiquer.
3) Implications des droits des peuples pour les Etats Membres de l'ONU
Pour ce qui concerne les autres Etats Membres de l'ONU, il y a deux séries d'obligations :
celles «de faire» et celles de «ne pas faire». Parmi les premières, le premier devoir et le plus
général est de coopérer avec l'Organisation dans tous ses efforts en vue de la satisfaction des droits
d'un peuple. Comme le demande notamment, dans tous les domaines, l'article 2, paragraphes 2 et 5,
de la Charte, les Etats Membres doivent, de bonne foi, coopérer avec l'Organisation. Paraît ainsi
contraire à la bonne foi et incompatible avec ce devoir général d'assistance le fait de siéger
concurremment au Comité de décolonisation de l'Assemblée générale («Comité des Vingt-Quatre») et
d'oublier par ailleurs que le territoire du Timor oriental est un territoire non autonome.
L'obligation la plus fondamentale, et qu'encore une fois, dans la plupart des cas, les Etats ont
- 22 -
effectivement respectée, c'est de prendre acte des décisions des organes régulièrement investis de
compétences déterminatives et de la qualification du statut des territoires désignés comme non
autonomes, confiés à la gestion d'une puissance administrante.
Il en découle une seconde série obligations, celles «de ne pas faire». En particulier, dans le
cas du Timor, l'Organisation a convié depuis 1982 toutes les «parties intéressées» dont évidemment
le Portugal, désigné dans cette résolution comme la puissance administrante, à entrer en
consultations avec toute autre partie intéressée sous l'égide du Secrétaire général. Aucune initiative
de l'Australie ne pouvait ainsi être prise, qui, telle la reconnaissance de jure de l'intégration du Timor
à l'Indonésie, soit susceptible d'entraver l'aboutissement des efforts de l'Organisation et de toutes les
parties intéressées.
Cette obligation d'abstention correspond certes à un devoir de patience et de persévérance,
interdisant qu'on se satisfasse trop vite du fait accompli. Faut-il rappeler que, pendant des
décennies, on a du attendre l'exercice des droits du peuple de Namibie, celui du peuple du Sahara
occidental, lequel devrait pourtant s'exercer bientôt, sans même parler de la libre expression de la
majorité de la population en Afrique du Sud ou de l'espoir réel quoiqu'encore chancelant qui s'est
levé depuis quelque temps sur la vieille terre de Palestine.
La résignation devant le fait accompli est d'autant plus interdite à quiconque, que le principal
intéressé, c'est-à-dire le peuple du Timor lui-même, n'est nullement résigné, ainsi que les
développements les plus récents viennent encore de le montrer.
On disait naguère de la révolution qu'elle était une longue patience; mais l'autodétermination
réalise bien souvent, fût-ce par des voies pacifiques, une véritable révolution. Le Portugal en est
convaincu, Messieurs les juges, selon le droit des Nations Unies, il n'y a pas de fait accompli
lorsqu'il est contraire à la satisfaction des droits d'un peuple et s'il est une présomption que je ferai
volontiers mienne, c'est qu'aujourd'hui, il ne saurait légalement y avoir d'«amnésie internationale»...
Il convient au demeurant de préciser qu'aucune de ces obligations «de faire» ou «de ne pas
faire», ne saurait être levée par une procédure libératoire dont le pays qui en aurait pris l'initiative
serait le propre juge de la légalité comme de la portée. Ainsi, aucune reconnaissance opérée par
- 23 -
l'Australie ne saurait la libérer de son devoir de percevoir le Timor oriental comme non autonome.
Quant à l'exercice de la souveraineté sur les ressources naturelles, l'Australie, en tant qu'Etat
Membre de l'ONU ne peut pas à la fois prendre l'initiative de négocier et de conclure un accord
d'exploitation de ces ressources avec une puissance tierce, sans consultation ni considération aucune
des populations intéressées et tenter par ailleurs de se donner bonne conscience en s'en remettant à la
diligence de cet Etat tiers pour respecter cette souveraineté.
Or c'est pourtant l'étrange argument que l'on trouve dans son contre-mémoire.
C'est de même une vision tout à fait déviée d'affirmer que, dans l'avenir, si le peuple du Timor
oriental accédait à l'indépendance, il aurait toujours la liberté de répudier l'«accord» si celui-ci ne lui
convenait pas15. Merci pour lui, mais la réalité de l'obligation propre à l'Australie était d'abord, et
bien en amont, de ne pas prendre l'initiative de négocier puis de conclure cet accord, dont
l'exécution ne pouvait que compliquer la tâche impartie au Secrétaire général de l'Organisation.
Cependant, parmi ce qu'on pourrait appeler la catégorie des «arguments compensatoires»
utilisés par l'Australie pour tenter d'équilibrer l'illicéité des agissements qu'on vient d'évoquer, il y en
a qui touchent aux droits de l'homme. Comme si l'on pouvait dissocier de part et d'autre d'une
cloison étanche droits de l'homme, d'un côté, et droits des peuples, de l'autre.
L'examen de ce point m'amène ainsi naturellement, Monsieur le Président, Messieurs les juges,
à aborder la seconde source formelle des obligations de l'Australie, celle des Pactes des
Nations Unies sur les droits de l'homme auxquels elle est partie.
- 24 -
II. Les deux Pactes des Nations Unies sur les droits de l'homme
Il existe bien sûr une liaison manifeste avec la source qui précède et je ne rappellerai pas ici
celle qui est faite à l'article 55 entre les buts de l'Organisation, les droits de l'homme et les droits des
peuples, ni bien sûr la résolution 1514 à laquelle je viens de m'adresser. L'article premier commun
mérite, je crois, maintenant ou jamais, d'être cité in extenso :
«1. Tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes. En vertu de ce droit,
ils déterminent librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les peuples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles, sans préjudice des obligations qui découlent
de la coopération économique internationale, fondée sur le principe de l'intérêt mutuel,
et du droit international. En aucun cas, un peuple ne pourra être privé de ses propres
moyens de subsistance.
3. Les Etats parties au présent Pacte, y compris ceux qui ont la responsabilité
d'administrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de
faciliter la réalisation du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, et de respecter ce
droit, conformément aux dispositions de la Charte des Nations Unies.»
On voit ici à quel point, et il n'y a évidemment rien d'étonnant à cela, on retrouve la substance
du droit des Nations Unies précédemment évoqué. Bien sûr, on pourrait se livrer à des comparaisons
de caractère académique, dire que les droits de l'homme sont conçus du moins dans la tradition
occidentale dans une perspective plus individuelle, les droits des peuples dans une perspective
collective; mais chacun sait qu'on pourrait également aisément montrer les implications individuelles
du droit des peuples et la dimension collective des droits de l'homme, je ne m'y attarderai donc pas.
Je me contenterai de faire deux brèves observations. C'est que le droit des peuples est à la fois
le préalable et le prolongement de la réalisation des droits de l'homme. Il est le préalable, ainsi que
d'ailleurs beaucoup de délégations nationales ayant participé aux travaux d'élaboration des Pactes
l'ont marqué en le désignant comme la "source"16, le «prerequisite for the enjoyment of all other
human rights»17; «only when that right had been assured would it be possible to hope for the
effective implementation of all other rights guaranted in the Covenant»18
.
La seconde observation c'est qu'il se situe aussi comme un prolongement des droits de l'homme
par le respect des libertés fondamentales des individus qu'il applique, la liberté d'opinion (art. 19 du
Pacte sur les droits civils et politiques), de réunion (art. 21), d'association (art. 22), d'élection du
- 25 -
gouvernement (art. 25), par le libre exercice des droits civils et politiques, et l'on sait bien toute
l'importance que la pratique la plus contemporaine des Nations Unies attache à cette seconde
dimension.
En définitive, ces deux aspects recouvrent deux composantes du principe de l'égalité de droits
des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes. La première, c'est «l'autodétermination externe»;
celle exercée par un peuple pour s'affranchir d'une domination extérieure; la seconde est appelée
parfois «autodétermination interne», c'est celle d'après laquelle le peuple peut librement choisir son
gouvernement, dans le strict respect des libertés fondamentales possédées par chacun des individus
qui le composent.
Mais, surtout, et j'insiste là-dessus, les droits des peuples et les droits de l'homme sont
indissociables. On ne peut pas, comme semble pourtant vouloir le faire l'Australie, prétendre avoir
dû violer les premiers pour mieux promouvoir les seconds19. Il est certes intéressant d'apprendre,
ainsi que nous le dit le contre-mémoire australien, que :
«the Indonesian Government is well aware of the Australian Government's position on
human rights issues and its commitment to doing whatever it reasonably can to assist
the people of East Timor» (Counter-memorial of Australia, p. 138, par. 312).
Mais cette manifestation de bonnes intentions ne peut masquer le fait qu'en méconnaissant elle-même
les droits du peuple du Timor à se déterminer librement sur son avenir politique et quant à
l'exploitation de ses ressources naturelles, c'est l'Australie elle-même, indépendamment de
l'Indonésie, qui a porté atteinte aux droits de l'homme, quelle que puisse être par ailleurs la pureté de
ses intentions.
J'en viens alors, pour conclure, au droit international général tout en précisant que, bien sûr, la
Cour ne doit pas voir dans cet ordre une sorte de hiérarchie d'après laquelle le droit international
général serait moins important que le droit conventionnel. Au contraire, quoique le Portugal
n'éprouve pas nécessairement le besoin d'insister sur le point, il y a de bonnes raisons de penser qu'en
matière de droits des peuples, le droit coutumier pourrait bel et bien se situer au-dessus de toute
obligation conventionnelle.
III. Le droit international général
- 26 -
Dans son arrêt de 1986 sur les Activités militaires et para-militaires au Nicaragua et contre
celui-ci, comme elle l'avait d'ailleurs fait en 1984, la Cour a pris soin d'indiquer :
«Le fait que les principes susmentionnés, et reconnus comme tels, sont codifiés
ou incorporés dans des conventions multilatérales ne veut pas dire qu'ils cessent
d'exister et de s'appliquer en tant que principes de droit coutumier, même à l'égard de
pays qui sont parties auxdites conventions"20
.
A. Fondements
Il est évident que ces considérations s'appliquent parfaitement au principe d'égalité des droits
des peuples et si l'on se livre à la vérification de l'implantation coutumière de ce principe dans la
pratique et dans l'opinio juris des Etats, on ne trouve nul embarras.
1) En ce qui concerne la première, il est inutile de rappeler, je l'ai déjà fait tout à l'heure, que
près de quatre-vingt Etats issus de la décolonisation durant les trente dernières années se réclamèrent
directement d'un tel principe.
2) Du point de vue de l'opinio juris, on sait qu'il n'y a plus aujourd'hui d'expression d'une
objection persistante à l'égard du droit à la décolonisation. Et l'opinio juris est absolument manifeste
même si beaucoup des indépendances ainsi acquises l'ont été au prix de guerres de libération
nationale, par ailleurs reconnues légitimes par la majorité des membres de la communauté
internationale. Bien sûr, pour prendre acte de cet opinio juris, il faut, comme la Cour l'a fait
elle-même, se tourner vers certaines grandes résolutions des Nations Unies, celles-là mêmes que j'ai
examinées tout à l'heure. Or, c'est précisément à propos de l'une d'entre elles, la 2625, que la Cour
remarquait justement :
«L'effet d'un consentement au texte de telles résolutions ne peut être interprété
comme celui d'un simple rappel ou d'une simple spécification de l'engagement
conventionnel pris dans la Charte. Il peut au contraire s'interpréter comme une adhésion
à la valeur de la règle ou de la série de règles déclarées par la résolution et prises en
elles-mêmes.»21
Et par ailleurs, ainsi que le remarquait devant la 13e
commission de l'Institut de droit
international, le rapporteur spécial sur l'élaboration des grandes conventions multilatérales et des
instruments non conventionnels à fonction ou à vocation normative, le fait que la déclaration 2625 en
particulier soit désignée dans certains documents officiels comme contenant des «lignes directrices»
- 27 -
(guidelines), qu'elle constitue un «code de bonne conduite» ou une utile «source d'inspiration» :
«may be true on the plane of politics, but such statements are harmful, for they throw
some doubt on the otherwise unquestionable legal status of the principles involved»22
.
Certes, les règles juridiques auxquelles on peut appliquer sans transposition abusive les observations
de la Cour ou les remarques de cet auteur sont sans doute rares, pour ne pas dire exceptionnelles,
mais je crois inutile de rappeler ici que la 1514, la 1803 ou la 2625 font partie de ce «happy few»
des résolutions démonstratives de l'opinio juris universelle.
C'est donc bien dans le contexte normatif défini par la Cour en 1986 qu'il faut attacher une
importance toute particulière à la disposition de la 2625, selon laquelle :
«Tout Etat a le devoir de favoriser, conjointement avec d'autres Etats ou
séparément, la réalisation du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes, conformément aux dispositions de la Charte, et d'aider
l'Organisation des Nations Unies à s'acquitter des responsabilités que lui a conférées la
Charte en ce qui concerne l'application de ce principe.»
On le voit, les implications qui résultent d'une telle conviction juridique sont exactement pour
l'Australie les mêmes que celles déjà identifiées en application du droit des Nations Unies.
B. Portée
Il résulte à suffisance des développements qui précèdent que le principe d'égalité des droits des
peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes constitue très certainement une coutume générale du
droit international contemporain.
Son caractère universel est totalement avéré. Alors, il reste une dernière question qui pourrait
se poser, et qui est celle savoir si la Cour doit saisir l'occasion de la présente affaire pour déclarer
que le respect du principe des droits des peuples constitue une règle impérative du droit international
général, une règle de jus cogens. Comme on aura l'occasion de le redire, on peut certainement
affirmer que l'obligation de respecter ce principe présente les caractères d'une obligation erga omnes,
au sens du paragraphe 34 de l'arrêt de la Cour dans l'affaire de la Barcelona Traction.
Mais, d'une façon plus générale, il existe sans doute, ainsi que l'affirme un vaste courant
doctrinal, une très forte présomption, sinon pour la plupart de ces auteurs, une certitude quant au
caractère impératif du principe du droit des peuples, du moins dans le cadre de la décolonisation. La
position du Portugal est la suivante : il estime, quant à lui, qu'il existe, en effet, une forte
- 28 -
présomption en ce sens dans le droit international contemporain; et il l'a, quant à lui, prouvé en
intégrant ce principe dans sa propre constitution.
Mais, il considère aussi que la Cour est le meilleur juge de l'opportunité de faire ou non usage
de cette qualification. Et il est, quant à lui, convaincu qu'il suffit de toute façon de s'appuyer sur le
caractère de coutume générale propre aux principes que j'ai examinés devant vous ce matin.
Comment conclure, Messieurs les juges, sans remarquer une toute dernière fois la convergence
impressionnante de toutes les sources de droit applicables en la présente espèce. Toutes désignent,
en parfaite adéquation les unes avec les autres, la majesté du principe de respect du droit des peuples
à disposer d'eux-mêmes et les devoirs qu'il implique pour tous les sujets du droit international,
l'Australie comme les autres.
Peut-être, tout de même, une toute dernière remarque, si vous le permettez, Monsieur le
Président. Comme je le constatais au tout début de cette plaidoirie, de ce droit applicable, l'Australie
n'a pratiquement rien dit dans toutes ses écritures. Si donc, elle devait nous indiquer la semaine
prochaine, par la voie de ses conseils, que tout le rappel auquel je viens de me livrer était bien inutile,
sinon même fastidieux, parce qu'elle ne songeait nullement à contester le caractère incontournable
d'un tel corpus juris, pourquoi, mais alors pourquoi donc, les a-t-elle si dédaigneusement méconnus
dans sa conduite pratique à l'égard du Timor oriental ? Nous attendons quant à nous des
éclaircissements sur cette question, dont, le moins qu'on puisse dire, est qu'elle nous paraît
fondamentale ! Je vous remercie.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Dupuy et je donne la parole à M. Correia.
Mr. CORREIA: Mr. President, Members of the Court.
1. This morning I will address first the present status of the territory of East Timor and,
secondly, the issue of the characterization of Portugal as the Administering Authority of the territory.
Is East Timor still a non-self-governing territory?
2. My colleague Mr. Galvão Telles has already called the attention of the Court to Australia's
- 29 -
volte face in its reply, touching the way it regards the legal nature of the territory of East Timor.
Australia recognized de jure the incorporation of East Timor in the Republic of Indonesia (PM,
Vol. V, Ann. III.26, p. 217). Australia negotiated the Treaty on the Zone of Co-operation under the
formally and repeatedly stated premise that the territory of East Timor is the "Indonesian Province of
East Timor" (PM, Vol. V, Ann. III.6, p. 72; Ann. III.8, p. 80). Australia concluded this treaty, in
which East Timor is designated as "the Indonesian Province of East Timor" and in which it is stated
that this treaty, dealing with the continental shelf of East Timor, is agreed upon for the mutual
benefit of the peoples of Australia and Indonesia. This Treaty does not contain any reference to the
people of East Timor, nor any clause intended to protect the specific rights of this people over its
natural resources and resources derived therefrom.
No doubts can thus remain that Australia made a deal concerning the continental shelf
appertaining to the territory of East Timor as if this territory were a physical manifestation and its
natives were the social manifestation of one sole international law subject: the State of Indonesia. If
there is one thing which surely cannot be seriously denied, it is the former rejection by Australia of
East Timor's status as a separate and distinct entity, that is, as a non-self-governing territory.
But specially in the Rejoinder, Australia now lets it be understood that it continues to
recognize East Timor as a non-self-governing territory. Unfortunately, Australia's statement is not
yet as clear and unequivocal as is desirable. One hopes that, in the oral statements made by
Australia, its agent will eliminate all doubts which may persist, confirming that Australia revokes its
recognition of the incorporation of East Timor into Indonesia, that Australia recognizes the
inalienable right of the people of East Timor to self-determination and independence in accordance
with the principles of the Charter of the United Nations and the Declaration on the Granting of
Independence to Colonial Countries and Peoples, that Australia acknowledges without reservations
that the East Timorese people have yet to exercise freely their right to self-determination and
independence.
Portugal looks for a clear statement from Australia on this matter. It is important, indeed, that
Australia confirms once more before the Court its recognition of East Timor as a non-self-governing
- 30 -
Territory to which Chapter XI of the Charter has never ceased to apply since 7 December 1975.
3. Given the erratic and equivocal conduct of Australia, it is reasonable to retain for the
moment some doubts as to the exact meaning of its position concerning the legal status of East
Timor. Only the persistence of those doubts excuses our taking some of the Court's time to
demonstrate what might appear to be obvious: East Timor is a non-self-governing territory to which
Chapter XI of the Charter of the United Nations and the Declaration on the Granting of
Independence to Colonial Countries and Peoples have never ceased to apply; the people of East
Timor are entitled to freely determine their own future under the auspices of the United Nations.
4. In the present proceedings, Portugal relies upon the jurisprudence of the Court, which
recognizes that, in the domain of self-determination of territories under a colonial régime, the corpus
juris gentium was considerably enriched in the last half century by the development of law through
the Charter of the United Nations and by way of customary law (Legal Consequences for States of
the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding
Security Council resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, p. 24).
This development of law comprised the assumption, by some organs of the United Nations, of
the powers necessary for the application of the right of self-determination of the peoples of non-selfgoverning
territories which are dealt with in Chapter XI of the Charter. The Court has already
specified that:
"The right of self-determination leaves the General Assembly a measure of
discretion with respect to the forms and procedures by which that right is to be
realized." (Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, p. 36).
However, for the United Nations to regulate the process through which the exercise of the
right to self-determination takes place, it is logically necessary that the Organization has previously
exercised the competence of determining which are the territories whose populations are entitled to
such a right. In fact, it was in relation to such determination that the General Assembly first
assumed competences in the domain of the self-determination of colonial peoples.
5. In its very first session, the General Assembly drew up a list of 74 territories to which
Chapter XI of the Charter was to apply (resolution 66 (I) of 14 December 1946). And when, at its
- 31 -
third session, member States ceased to transmit information on 11 territories, the Assembly decided
that the administering authorities concerned should transmit to the Secretary-General precise
information on the constitutional changes introduced which, in their opinion, had relieved them of
their previous obligation (resolution 222 (III) of 3 November 1948). This decision emphasized the
understanding of the General Assembly that it was the only body entitled to strike territories off the
list of non-self-governing territories drawn up by the same Assembly.
Already implicit in this position was another: that the General Assembly was a body invested
with the legal power to decide in general whether a territory is or is not a territory whose people have
not yet attained "a full measure of self-government" for the purpose of application of Article 73 of
the Charter. The Assembly prepared itself for the exercise of this competence approving a "list of
factors" (resolutions 648 (VII) of December 1952 and 742 (VIII) of November 1953) and, later, the
"principles which should guide Members in determining whether or not an obligation exists to
transmit the information called for in Article 73 (e) of the Charter" (resolution 1541 (XV) of
15 December 1960).
6. The Portuguese Government of that time sustained that the territories administered by
Portugal outside the European continent were integral parts of a unified State and did not fall under
the provision of Article 73 of the Charter. By resolution 1542 (XV) of 15 December 1960, the
General Assembly unilaterally classified, in the light of the principles set out in resolution 1541
(XV), several territories then under Portuguese colonial rule as non-self-governing territories. Timor
and its dependencies appeared among the territories thus included, on the authority of the General
Assembly, in the list of non-self-governing territories. Since that date, the territory has always
remained on the list and is still there today.
Those principles, defined in resolution 1541 (XV), apply as much today as in 1960; and as
much today, as in 1975, it is clear that, by reference to these, East Timor remains a non-selfgoverning
territory.
7. By resolutions 3485 (XXX) of 12 December 1975, 31/53 of 1 December 1976, 32/34 of 28
November 1977, 33/39 of 13 December 1978, 34/40 of 21 November 1979, 35/27 of 11 November
- 32 -
1980, 36/50 of 24 November 1981 and 37/30 of 23 November 1982, the General Assembly
exercised again its power to classify the territory of East Timor as a non-self-governing territory.
That is the only understanding which can be extracted from the circumstance that, in these
resolutions, the people of East Timor were referred to as a people having the inalienable right to selfdetermination
and independence in accordance with the principles of the Charter of the United
Nations and the Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples,
contained in resolution 1514 (XV) of 14 December 1960 (PM, paras. 6.13-6.38; PR,
paras. 4.12-4.15).
Considering that, in July 1976, the Indonesian Parliament approved a bill supposedly
incorporating East Timor into Indonesia, it is also important to record that, by paragraph 5 of the
operative part of resolution 31/53 of 1 December 1976, the General Assembly decided the following:
"Rejects the claim that East Timor has been integrated into Indonesia, inasmuch
as the people of the Territory have not been able to exercise freely their right to selfdetermination
and independence".
8. In the Counter-Memorial, Australia agrees that
"The general principles provide guidance, but it is the task of the competent
United Nations organs, and especially the General Assembly, to set the specific policies,
to make the findings of fact, the determinations and the recommendations which are to
govern the particular situation" (p. 143, para. 318).
And still referring to the right to self-determination, Australia also stated in the CounterMemorial
that
"The United Nations has discharged its responsibility in this regard by deciding
such matters as whether or not a territory is a non-self-governing territory to which the
right to self-determination applies, what would constitute a valid exercise of the right in
the particular territory, and what specific action, if any, should be taken by States,
especially by the administering Power or occupying State, to promote the exercise of
the right" (ACM, p. 145, para. 323).
It is thus clear that Australia concurs with Portugal in acknowledging that the General
Assembly, in matters pertaining to the self-determination of peoples under Article 73 of the Charter,
has powers and competences. Powers and competences to make "findings of fact" and
"determinations". Determinations which constitute decisions on, namely, whether a territory is a
non-self-governing territory and upon the manner in which the people thereof may validly exercise
- 33 -
their right to self-determination.
And the resolutions quoted contain precisely the "findings of fact" and "determinations"
sufficient to compel one to consider that the status of East Timor is very clearly established by the
competent body of the United Nations. A fact clearly found was that, in 1976, no free exercise of
the right appertaining to the people of East Timor to self-determination and independence occurred.
It was no less clearly determined by the body of the United Nations empowered to that effect, that
East Timor is a non-self-governing territory whose situation deserves to be kept under the active
consideration of the Special Committee on the Situation with Regard to the Implementation of the
Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples, that is to say, the
Committee of Twenty-Four.
Given this coincidence of points of view between the Applicant and Defendant States on the
nature and extent of the powers of the General Assembly in the matter of self-determination of the
colonial peoples, and it being so evident that these powers to proceed to "findings of fact" and to
"determinations" were, in the case sub judice, exercised by the General Assembly, one cannot
understand the reason which leads Australia, in paragraph 142 of its Counter-Memorial, to refer to
the legal situation of East Timor as an "undetermined status" (p. 62).
The General Assembly formulated the legal situation of Timor in the framework of its
decolonization policy. East Timor has a perfectly well determined status.
9. Moreover, the criteria by which territories were selected as non-self-governing territories
remain valid for determining whether that status has ended. These criteria - in which the test of
whether full self-government has been attained is critical - have been enunciated in resolution 742
(VIII) of the General Assembly. By reference to this resolution too, East Timor remains a non-selfgoverning
territory. Time has not changed the criteria or eroded the determinative status of these
provisions. Resolution 742 rightly recalls that it is the Assembly which has competence in these
matters. It is further clear from paragraph 3 that it is for the Assembly to decide if the status of a
non-self-governing territory has changed. No such finding has been made regarding East Timor. If
the underlying intention has been not to let an administering authority pick and choose which
- 34 -
territories come under Chapter XI, and which remained under the protection of Chapter XI, then
a fortiori it is not for any third member State to deny that status or to insinuate doubts about that
same status.
10. The practice followed until the present day by the United Nations Organization clearly
reflects the premise that the status of East Timor has not changed since resolution 37/30 of 23
November 1982, on the question of East Timor, was adopted by the General Assembly.
In the framework of resolution 37/30, consultations proceed among the Secretary-General and
the administering and the occupying States. In the last of such meetings held in Geneva, on 9
January 1995, it was agreed that the United Nations shall convene and preside over a forum for the
dialogue among East Timorese representatives of all shades of opinion, thus including the
Resistance. Portugal hopes that in this manner it may prove possible to contrive a direct
participation of the Timorese, including the Resistance, in the capacity of "parties directly
concerned" for the purposes of resolution 37/30 without renouncing the strict placing of that
dialogue within the institutional framework of the United Nations.
The Portuguese Government has repeatedly declared that, through its participation in these
efforts within the framework of the United Nations, it seeks to contribute towards a
"comprehensive and internationally acceptable settlement to the question of East Timor,
in accordance with international law including the relevant principles and resolutions of
the United Nations, namely 1514 (XV) and 1541 (XV)" (PM, paras. 1.53-1.58; PR,
paras. 3.05-3.08).
Awaiting the outcome of the initiative decided by paragraph 1 of the operative part of its
resolution 37/30 of 23 November 1982, the General Assembly remains seized of the question of East
Timor. The General Committee of the Assembly has considered the question each year, placing it on
the provisional agenda of the subsequent session. Every year, concerning the item of the provisional
agenda of the General Assembly, the Secretary-General addresses a "progress report" on the question
of East Timor, with the purpose to inform the General Assembly of the continuing exercises of his
good offices aimed at "finding a just, comprehensive and internationally acceptable solution to the
question of East Timor" (the last progress report of the Secretary-General is included in doc.
A/49/391, 28 September 1994).
- 35 -
11. The General Assembly continues also to consider the question of East Timor on the
occasion of the annual assessment of the situation of the territory carried out by its important
subsidiary organ, the Committee of Twenty-Four. The Committee establishes and updates a list of
non-self-governing territories today featuring East Timor.
That list, actualized every year, appears as an annex to the report on transmission of
information under Article 73 (e) of the Charter, addressed by the Secretary-General to the Special
Committee on the Situation with Regard to the Implementation of the Declaration on the Granting of
Independence to Colonial Countries and Peoples (the Committee of Twenty-Four). On that annex,
the column on the left side bears in capital letters the name of each administering authority and,
under it, the name or names of the territory or territories administered by such State.
After NEW ZEALAND and Tokelau, it appears on the said column:
"PORTUGAL", and under Portugal, "East Timor" (A/AC.109/1196 1 July 1994).
The annual protests by the representative of Indonesia against the inclusion in the Committee's
agenda of the question of East Timor have been to no avail (PR, paras. 4.15 and 4.21 and documents
referred to in the footnote 25 to para. 4.15; for the examination of the question of East Timor in the
sessions of the Committee of Twenty-Four in the years 1993 and 1994, see documents
A/AC.109/PV.1240 of 24 August 1993 and A/AC.109/PV.1435 of 13 July 1994, PV.1436 of 13
July 1994 and PV.1437, of 14 July 1994).
The annual appraisal of the situation in East Timor by the Special Committee on the Situation
with Regard to the Implementation of the Declaration on the Granting of Independence to Colonial
Countries and Peoples (Committee of Twenty-Four) has a legal and political meaning which cannot
be minimized.
The Committee of Twenty-Four is an important and prestigious emanation of the General
Assembly of the United Nations. The existence and activity of this Committee is forever linked to
the history of the creation of many independent States. The relevance of the activity of the
Committee of Twenty-Four was certainly made possible to a considerable degree by the
consciousness the great majority of its members had of the scope and extent of the principles of
- 36 -
self-determination and by the profound knowledge they possessed of the situations experienced in
colonial territories. But the Committee of Twenty-Four would not have been able to carry out the
task which gave it permanent fame, were it not itself an emanation of the General Assembly.
By delineating and supervising a policy of decolonization for the world as it existed in the
second half of the 20th century, the General Assembly clearly revealed its nature of a universal
conference of States. The fact that it possesses ample representativeness of the contemporary
community of States, and that it possesses competence to discuss any questions or any matters
within the scope of the Charter, make the General Assembly the most significant world forum
(Simma (ed.), Charta der Vereinten Nationen, Kommentar, Verlag C.H. Beck, München,
1991, p. 175).
Only such a forum could have transformed the political face of the world through such a wide
change as decolonization represented.
Given the complex structure of the General Assembly, debate within it is carried on at several
levels, one of which is the Committee of Twenty-Four. By allowing petitioners to have the floor, the
Committee made of its proceedings an extremely revealing mirror of all angles of international
society, both at the governmental and at the non-governmental angles.
The perusal of the official records of the annual meetings of the Committee of Twenty-Four
from 1975 to 1994 therefore allows one to verify without a shadow of doubt that the question of the
self-determination of East Timor is a question which a majority in the world community always
considered and still considers as not settled; and a question that that majority desires to see settled in
an internationally acceptable manner, that is, in accordance with the right of the population to
determine their future political status by their own freely expressed will.
12. Finally, it cannot be forgotten that the Security Council, by its resolutions 384 (1975) of
22 December 1975 and 389 (1976) of 22 April 1976, also called upon all States to respect the
territorial integrity of East Timor as well as the inalienable right of its people to self-determination in
accordance with General Assembly resolution 1514 (XV).
13. To conclude, it is indisputable that, through organs with due competence, the United
- 37 -
Nations has determined the separate and distinct character of the territory of East Timor, as a
territory to which Chapter XI of the Charter and the Declaration on the Granting of Independence to
Colonial Countries and Peoples apply. And it is undoubtable that those organs have also determined
that the people of East Timor hold title to a not yet exercised right to freely decide on their future
political status under the auspices of the United Nations.
Such determinations by the competent organs of the United Nations produce legal effects. In
an analogous circumstance concerning resolution 2145 (XXI) of the General Assembly, declaring the
termination of the Mandate concerning South West Africa and the inexistence of any other right of
South Africa to administer the territory, the Court considered that the General Assembly had
formulated a legal situation and was not debarred from making such determination by the fact of the
Assembly being in principle vested with recommendatory powers (Legal Consequences for States of
the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding Security
Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 50).
In both cases - that of East Timor and that of Namibia - determinations were made by the
competent organs of the United Nations in the prosecution of the decolonization policy of the
Organization. But whereas in the case of Namibia, the General Assembly and the Security Council
pronounced themselves upon a situation emerging from a legal institution created within the
framework of the Covenant of the League of Nations, in the present case, the determinations were
made in relation to the direct application of a legal category established by the Charter itself: the
category of a territory referred to in Article 73.
If the United Nations, as the supervisory institution competent to pronounce on the termination
of mandate relationships, could, acting through the General Assembly, formulate the legal situation
of termination in a specific case, a fortiori, the United Nations can, acting through the same General
Assembly or the Security Council, formulate the legal situation of a territory as a situation still
corresponding to the Charter legal category of non-self-governing territories.
There is thus all the more reason that the Court may rely upon such determinations by the
General Assembly and the Security Council and that the member States may not feel free to act in
- 38 -
disregard of the determinations of the legal status of the territory of East Timor as a non-selfgoverning
territory and of the legal status of its people as a people entitled to the not yet exercised
right to self-determination. The status of the territory and the status of the people were determined in
a binding manner by the competent organs of the United Nations. Such determinations cannot
remain without consequence.
Monsieur le Président, j'ai maintenant fini la partie de ma plaidoirie sur la qualité juridique du
territoire du Timor oriental. Je me demande si la Cour considère le moment approprié pour faire la
pause.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup Monsieur Correia. Je crois que c'est le moment
approprié, si vous voulez bien. La Cour suspend cette audience pour 15 minutes.
L'audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 50.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. The court resumes its hearings. I give the floor to
Mr. Correia.
Mr. CORREIA: Thank you. Mr. President, Members of the Court.
1. I will now address the question of the present status of the Portuguese Republic in relation
to the non-self-governing territory of East Timor.
Is Portugal Still the Administering Authority of East Timor?
The Colonial History
2. The relationship between East Timor and Portugal is a very old one.
The Portuguese probably arrived in Timor in 1514. After that date, the island was regularly
visited by Portuguese ships, which brought cotton cloth and metal objects from Malacca, which were
exchanged for sandalwood, honey and wax. There are records of regular voyages in the second half
of the 16th century, not only from Malacca but also from Macao, for China was the main
sandalwood market.
In 1556, Portuguese missionaries settled in the territory. Ten or 20 years later, a first fortress
- 39 -
was built, whose captain was appointed by the Portuguese viceroy in India.
The main Portuguese presence in the area was on Flores Island. But the arrival of the Dutch
on scene, circa 1595, led to the reinforcement of the Portuguese military and administrative presence
in Timor. The western part of the island fell into the hands of the Dutch, and the capital of
Portuguese Timor was moved to Lifau, in what is now the enclave of Oé-Cussi, on the north coast of
the western part of the Island. The territory of East Timor also includes this enclave, together with
the island of Atauro and the islet of Jaco. Later, the capital was moved to the town of Dili.
During the 19th century, several treaties between Portugal and the Netherlands defined the
land frontier between East Timor and West Timor.
On becoming independent in 1954, Indonesia became the neighbouring State of the Territory
of East Timor.
3. At the time of the arrival of the Portuguese, Timor was already divided into two great
kingdoms, in their turn divided into a great number of small feudal kingdoms. These two great
kingdoms were those of Servião (to the west) and Belos (on the eastern part of the island). In both
these kingdoms, the influence of Indo-Javanese civilization was barely perceptible. The differences
between these two populations led, however, to a split when the Dutch arrived, with Servião taking
their side, with the exception of the kingdoms of Ocusse and Ambeno in the present enclave of Oé-
Cusse, and Belos taking the side of the Portuguese.
4. Only at the beginning of the 20th century did Portugal set up a system of direct
administration in the interior of the territory. Till then, the régime was that of a sort of protectorate
over the several local kingdoms, effective Portuguese presence being limited to the coastal towns.
While not denying, and much less ignoring, the negative aspects of the colonial situation
created in East Timor - what colonial situation did not have them? - one can say that, in spite of
everything, it was characterized by the respect for local culture and institutions. That is why, apart
from two or three moments of armed confrontation during the 18th and 19th centuries and in the first
years of the 20th century, coexistence between Portuguese and Timorese was peaceful. Portuguese
influence was felt above all on a cultural level, and Portuguese became, along with Tetum, widely
- 40 -
spoken.
Finally, the Portuguese never became a competitive force on the local labour market because
they were always so few, and many of them were eventually integrated by marriage into Timorese
families. Already in 1974, 81 per cent of local civil servants were of Timorese extraction (see Luis
Thomaz, De Ceuta a Timor, Difel, Lisbon, 1994, pp. 590-723).
5. With these words, we do not wish to glorify the Portuguese colonization of East Timor. By
definition, no colonization could have been laudable and Portugal's was certainly far from it. In any
case it should have ended earlier, through a gradual process which might have increased the
likelihood of success of a free choice by the East Timorese as to their own future.
The foregoing remarks have only two purposes.
First, we ask respectfully the Court to allow us to stress that such a long common history has
created deep brotherly ties between the two peoples and, at the same time, legal and moral
responsibilities on the part of Portugal. Responsibilities that Portugal intends to discharge to the full
extent possible until the day when the Timorese people will be allowed freely to exercise the right to
determine without external interference their international status.
But - and this is our second point - the truth is that however good or bad the Portuguese
"colonial record", it is totally irrelevant to the discussion of the present case. There is no question of
prolonging the colonization of East Timor. What Portugal intends is to contribute - within its
responsibilities as Administering Authority - to a speedy implementation of the right to selfdetermination
of the people of East Timor.
For the sake of argument, even if the Portuguese colonization of East Timor had been the
worst imaginable, why, for that reason, which cannot be ascribed to them, should the people be
deprived of their fundamental right to self-determination?
On this point, I quote the words of two of the main leaders of the East Timorese Resistance.
This is what Ramos-Horta wrote:
"Even if one were to compare the two evils, the Timorese would prefer a million
times the backward Portuguese colonial rule, to the daily nightmare and terror of
Indonesian occupation. However, any such comparison misses the point. The
Timorese have been fighting for the past ten years and will be fighting many more years
if necessary, regardless of the style of the oppressors, be they more benevolent than the
- 41 -
Portuguese, or be they more brutal." (See Funu, The Unfinished Saga of East Timor,
The Red Sea Press, Inc., 1987, pp. 81-82.)
And now the words of Xanana Gusmão, taken from the defence the Indonesians did not allow
him to read in the farcical "trial" they organised in Dili, in 1993:
"Just because Portugal did not promote the development of East Timor for four
hundred years, must we the Timorese pay for the errors of one colonialist with the
crimes of another?" (See Xanana Gusmão, "Timor Leste, Um Povo Uma Pátria",
Edições Colibri, Lisboa, 1994, p. 306.)
These reasons speak for themselves. Portugal has nothing to add.
The Arguments of Australia Against the Retention by
Portugal of the Status of Administering Authority
6. Australia contends that the Portuguese Republic has lost the attribute it initially held as the
Administering Authority of East Timor. And it further alleges - as a subsidiary argument - that,
even if Portugal might be qualified at present as Administering Authority, its legal status in such a
capacity would be reduced, and only the tasks with which it might be specifically charged by the
Security Council or by the General Assembly would fall within its scope.
The matter of the scope of the duties, powers and rights of the Portuguese Republic in its
existing capacity of Administering Authority of East Timor, will be dealt with in my next pleadings.
The subject-matter of the present pleadings is the issue of the retention by Portugal of the status of
Administering Authority, which it has held since becoming a member of the United Nations in 1955,
a status initially determined by resolution 1542 (XV) of 15 December 1960 of the
General Assembly. In denying the retention of the status, Australia invokes the following arguments:
(a) loss of control due to an uprising by the local population;
(b) loss of control due to occupation by the third State (ARej., paras. 199-213);
(c) denial that the General Assembly possesses the competence to determine that a particular
State has the status of Administering Authority of a certain non-self-governing territory
(ARej., paras. 183-197).
It is Portugal's respectful understanding that the Court's consideration need not go, in the
present case, beyond the last one of Australia's three arguments. The truth is that the legal question
- 42 -
of Portugal's status is by definition settled if, as Portugal asserts, the General Assembly and the
Security Council have - jointly, and each one for itself - the power to, vis-à-vis a concrete
decolonization situation, render certain and indisputable that a particular State has the status of
administering authority of a given non-self-governing territory. In fact, such a determination,
containing the finding of a legal situation by a United Nations principal organ within its field of
competence, leaves no United Nations member free to subsequently opine differently. And it cannot
be forgotten that the resolutions which expressly qualified Portugal as "Administering Power" were
approved after Portugal lost the factual control of the territory to the armed invasion of Indonesia
and also after the so-called annexation in July 1976.
Although it considers them legally irrelevant, Portugal will now show that the two arguments
advanced by Australia in relation to the loss of physical control of the territory are unfounded.
A. The alleged loss of control due to an uprising by the local population
Mr. President, Members of the Court.
7. In the Counter-Memorial, Australia alleged that Portugal could point to no basis on which
its position could be identified with that of the people of East Timor, because both the proindependence
and the pro-integration movements had rejected Portugal as Administering Authority
(ACM, para. 242).
In the Reply, Portugal recalled that both UDT and FRETILIN parties as well as the
NATIONAL CONVERGENCE OF TIMOR (CNT) - the summit structure which joins those two
most important East Timorese parties in the underground and in exile - still acknowledge Portugal as
having the status and the authority of Administering Authority of East Timor (PR, para. 3.13; PM,
paras. 1.70-1.72 and Vol. IV, Anns. II, 116-II; 118, pp. 312-359).
Confronted with these points, Australia changed its arguments in the Rejoinder. There, it
stated that:
(a) examples such as those of Guinea-Bissau and of Algeria would show that, even before the
General Assembly had recognized that a valid act of self-determination had taken place, the
former colonial power could have lost its status of Administering Authority due to an uprising
- 43 -
by the local population. Australia bases this statement on the circumstance that, when the
General Assembly admitted Algeria to the United Nations and when it welcomed "the recent
accession to independence of the people of Guinea-Bissau" and the creation of "the sovereign
State of the Republic of Guinea-Bissau", these States had already been recognized by a great
number of other States; and
(b) Australia further adds that
"Calls by FRETILIN after 1986 for a solution to the question of East Timor
which would involve the re-establishment of Portuguese control pending selfdetermination
cannot have produced an immediate effect in international law of
conferring such authority on Portugal" (ARej., paras. 199-207).
8. With respect, this argumentation by Australia fails on all points.
First, a correction as to facts and as to the law: Portugal never asserted that it might have
been reinstated by FRETILIN in the capacity of Administering Authority.
The essence of the matter is not that, in 1986, FRETILIN may have conceived a plan - to
which Portugal is not a party - which foresaw the re-establishment of Portuguese control pending
self-determination. The important point is that FRETILIN abandoned the claim of the existence of a
Democratic Republic of East Timor (RDTL) in January 1984, at its 2nd Congress held somewhere
in East Timor (PM, para. 1.67).
On this matter, Xanana Gusmão writes:
"Towards the end of 1980, when we heard on the radio that Portugal claimed its
links with East Timor, I explained to many companions, that this factor might be our
life line!
And, deep inside, I harboured the thought that ... Portugal might yet save our
People.
Within the international community, Portugal is pivotal to our case and we
ourselves cannot ignore it." (See Xanana Gusmão, Timor Leste, Um Povo,
Uma Pátria, Edições Colibri, Lisbon, 1994, pp. 216-217.)
What is important there is that FRETILIN acknowledged, in 1984, that its unilateral
proclamation of independence had not produced the intended effect of international law of the
creation of a new independant State and, also, that Portugal had never lost its status as
Administering Authority.
- 44 -
9. Contrary to one of Australia's other assertions, the cases of Algeria and of Guinea-Bissau
do not serve as precedents allowing us to conclude that Portugal has lost its status as East Timor's
Administering Authority due to the events occurring in the territory between August 1975 and the
Indonesian invasion on 7 December that same year.
It is true that a considerable number of States recognized the new independent States of
Algeria and of Guinea-Bissau at a moment when the General Assembly had not yet terminated the
status of former administering authorities. But there are many differences between the cases of those
two countries and that of East Timor, which do not allow Australia to extract the hasty conclusion
that the events in East Timor had caused the loss by Portugal of its status as Administering
Authority, even prior to Indonesia's invasion.
10. Algeria was at the time governed by a France committed to colonialism. Guinea-Bissau
was governed by the pre-revolutionary Portugal. Both these Administering Authorities were actively
opposing the movement towards self-determination. By contrast, in 1975, Portugal was doing its
best to promote self-determination of the people of East Timor in the framework of the United
Nations.
Also, while there was not in East Timor, in 1975, a national liberation movement recognized
by the United Nations, there were, on the contrary, very important and recognized movements of that
kind in Algeria and in Guinea-Bissau. The dynamics created by such movements rendered
practically certain that the independence declared by each of them upon having acquired effective
possession of a part of the territory would be recognized by the General Assembly as a satisfactory
mode of self-determination. And the anticipated removal of the status of former administering
authority was indeed affirmed by the competent organs of the United Nations after a short period of
time.
11. In the case sub judice, however, none of this happened. In 1975, FRETILIN had not been
recognized as a liberation movement by any regional organization or by the United Nations. It had
not sustained any armed struggle against the colonial Power before April 1974, only having been
constituted after that date. When FRETILIN came into existence, on 20 May 1974, Portugal had
- 45 -
already recognized the right to self-determination and independence of the people of East Timor.
And anyhow, the armed activity of FRETILIN was not launched, in August 1975, against the
Portuguese authorities but against UDT and APODETI, that is to say, against other East Timorese
parties and, later on, against the foreign invader.
Finally, neither the United Nations nor Portugal recognized the unilateral declaration of
independence proclaimed by FRETILIN on 28 November 1975.
12. This being so, there never was on the part of the United Nations a determination - even a
posteriori, as happened in the cases of Algeria and Guinea-Bissau in relation to France and
Portugal - that Portugal had been deprived of its status as Administering Authority of East Timor.
Quite the contrary, the United Nations wished to determine that status once more, both after the
unilateral declaration of independence by FRETILIN and after the bill of incorporation by Indonesia.
The supposed parallel of the case of East Timor with the cases of Algeria and of Guinea
Bissau is thus - in the terms in which Australia sees it - absolutely groundless.
13. But it must also be alleged that, contrary to what Australia asserts, Portugal's loss of
physical control over East Timor only resulted from the Indonesian invasion on 7 December 1975
and not from the events which occurred in the territory prior to that date.
The facts are described in detail in the written pleadings of Portugal (PM, paras. 1.25-1.36;
PR, paras. 3.22-3.29). Following the UDT armed coup on 11 August 1975 (instigated by Indonesia)
and the counter-coup by FRETILIN, military and police personnel, who were almost exclusively
Timorese, took sides and members of the Portuguese cadres were taken hostage. Protected only by
two paratroop platoons, the Governor and his direct assistants withdrew under orders from the
President of the Republic to the island of Atauro, during the night of 26-27 August. This island is an
integral part of the territory of East Timor. It has an area of 144 sq. kms. and is about 23 kms. from
Dili.
This solution was intended to give the Portuguese authorities, protected by a navy corvette, the
indispensable conditions of security and operational capacity. From that part of the East Timorese
territory, Portugal developed intense activity. Mr. Almeida Santos, who had visited the territory the
- 46 -
year before as Minister for Interterritorial Co-ordination, was appointed by the President of the
Republic to preside over a commission charged with the negotiation of a peaceful solution with all
parties involved. He paid a visit to the United Nations Headquarters on 22 to 25 August, when he
had discussions with the Secretary-General and the President of the Committee of Twenty-Four.
The question of sending a United Nations goodwill mission to Timor was discussed but with no
result.
After this, Mr. Almeida Santos travelled to Jakarta, where he rejected the Indonesian proposal
that Portugal should invite Indonesia to intervene in Timor, and suggested the idea of a joint military
force including personnel from Portugal and from other countries in the region, including Australia,
Malaysia, Indonesia and New Zealand.
If hostilities in the territory were to be ended by the use of military force, that would have been
the only way to go about it.
At that time, Portugal was unable to embark upon an initiative of that magnitude on its own,
because its intentions could so easily be misconstrued and misrepresented as the opening of a new
colonial war. Also, the post-revolutionary situation in Portugal would not allow the sending of
troops unless they were clearly integrated in a United Nations mission.
The Australian Government declared itself against its country's participation in the
multinational force, thus rendering the whole idea impracticable.
14. The only resort left was to attempt to resume talks aimed at finding a compromise between
the East Timorese parties involved in the conflict.
It should be stressed that, throughout the second half of 1975, the recommendations Portugal
received from Australia all took the line that peace should be restored to the territory by peaceful
means. As late as 2 December 1975, addressing the Fourth Committee of the General Assembly, the
Australian delegate Mr. Campbell had concluded that the Australian delegation still considered that
talks between Portugal and the political parties of Timor were still the best means to put an end to
the conflict (PM, Ann. Vol. II.22, p. 128).
The Portuguese authorities on the East Timorese island of Atauro applied themselves with
- 47 -
great persistence to attempt to re-establish such talks, and only the interference of Indonesia and
Australia's delay in accepting that these might take place on its territory prevented them from having
taken place in time, that is, before the invasion of the territory by a third State (PR, paras. 3.26-
3.35).
In short, until the moment of the Indonesian invasion, the Portuguese authorities remained in
the territory of East Timor, persisting in their attempt to gather the several parties around a table for
talks, this being the position Australia at that time expressly considered to be desirable.
15. Even if Australia have been right in asserting that, due to events which took place in the
territory between August and December 1975, Portugal had already lost control of the situation
before the invasion by Indonesia - a conclusion which Portugal does not accept - three things would
always be certain.
First, the armed movements which occurred in the territory took the form of a civil war
between East Timorese and not of an uprising against Portugal.
Second, it was Portugal which was, within the scope of international decolonisation law,
attempting to carry out at that moment, in its capacity as Administering Authority, a process of selfdetermination
in harmony with the principle of the free and genuine expression of the will of the
people concerned.
And our third point is that the obstinate lack of co-operation from Australia during that
troubled period between August and December 1975 (and even before) precludes Australia from
"recognizing Portugal as having lost all entitlement to exercise any rights or powers of
administration in relation to East Timor" due to events in the months immediately prior to the
Indonesian occupation (ARej., para. 206).
Australia now says that one has to accept new realities in the region. But Australia has no
legal or moral authority to say so because it is speaking of realities it has so much helped to
generate.
Portugal does not accept realities which are contrary to international law. Portugal is doing,
and will do in the future, everything which will be in conformity with the legal framework to help to
- 48 -
reverse such a shameful reality.
B. The alleged loss of control due to occupation by a third State
Mr. President, Members of the Court.
16. It must now be added that, only on the day following the beginning of the Indonesian
invasion, did the Portuguese authorities retreat from the island of Atauro. The 200 men stationed
there and the Portuguese navy corvette would not have been able to resist for any significant length
of time against an invading force of 10,000 men, supported by 16 warships and many combat
aircraft. And imprisonment, or even the siege, of the Portuguese authorities, would make them
hostages which Indonesia would use to try to obtain from Portugal concessions contrary to the right
to self-determination of the people of the territory.
17. Australia alleges that, even if Portugal had lost control of the territory only due to its
occupation by a third State, that would suffice for the loss of its status of Administering Authority
and, especially, of its capacity to deal with other States in respect of the territory (ARej., paras. 208
and 209).
However, the examples offered by Australia do not corroborate the conformity of its assertion
with the practice of States and of the United Nations. Those cases do not prove that the invasion of
a non-self-governing territory by a third State will be enough to cause the cessation of the status of
the Administering Authority.
18. Australia first refers as a supporting precedent to the loss of the status of Portugal in
relation to Goa. But it must be remembered that the occupation of Goa by force by India took place
13 years before the democratic and anti-colonialist Portuguese revolution of April 1974. The régime
which, in 1961, held power in Portugal by non-democratic means, did not recognize the status of
Goa as a non-self-governing territory under the United Nations Charter and had taken no steps
towards organizing there a process of self-determination. For that reason, Portugal did not oppose,
in 1962, the dropping of the territory from the list of non-self-governing territories by the Committee
of Twenty-Four.
Therefore, when, in 1974, the new democratic Portuguese authorities had to deal with the
- 49 -
problem, they understood that the exclusion of the territory from the said list, 12 years before, which
the State, in legal terms the then Administering Authority, had not discussed in time, should be taken
as a determination, by a competent organ of the United Nations, of the cessation of the former status
of the territory.
19. Australia next refers the circumstance that, in the case concerning Right of Passage over
Indian Territory, the Court had expressly confined itself to determining what rights of passage
Portugal had on the eve of the events which occurred in 1954 (ARej., para. 210).
Since Portugal had not specified in its submissions the point in time in which the Court should
ascertain the right of passage, the Court had to choose the "critical date". The Court considered that
the judicial determination of the disputed right of passage should refer to the moment immediately
prior to that in which India had placed impediments to its exercise:
"It is the eve of the creation of these obstacles that must be selected as the
standpoint from which to ascertain whether or not Portugal possessed such a right."
(Case concerning Right of Passage over Indian Territory (Merits), I.C.J. Reports
1960, p. 29).
The reason for the decision did not therefore bear any relation to the circumstance of Portugal
having lost de facto control over the enclaves of Dadrá and Nagar Aveli.
20. Australia also tries to make the demonstration that the Western Sahara case shows that,
when an administering authority ceases to have physical control over the non-self-governing
territory, it loses its former status in relation to it. But there also exist manifest dissimilarities with
the question of East Timor.
Contrary to Spain's policy vis-à-vis Western Sahara, Portugal never intended to relinquish its
responsibilities and powers as Administering Authority before the people of East Timor had
determined their future political status by their own freely expressed will. Portugal continues to
claim and to exercise these responsibilities and duties, both on a constitutional and an international
level. This circumstance alone would suffice to make the legal situation of each of these two
territories clearly distinct.
Whether Spain did or did not lose the status of Administering Authority could be doubted.
But, if it did lose it, this would have been due to the conjunction of two circumstances. First, Spain
- 50 -
declared before the United Nations that it had ceased, definitively and irrevocably, to be responsible
for or party to the Western Sahara question. Second, the competent organs of the United Nations
apparently ceased to deal with Spain as if Spain had retained the status it had decided to relinquish.
This attitude on the part of the United Nations could be understood as acquiescence of Spain's
renunciation.
In the exercise of its discretion as to the manner in which the process of self-determination of
Western Sahara should be conducted, the competent organs of the United Nations will have
considered that the best way to promote a free choice by the people concerned, was not through the
retention of the status of Administering Authority by a State which refused to maintain and exercise
it. Furthermore, one could imagine that it would be inappropriate to retain as Administering
Authority the power which - it is Australia that claims this (ARej., para. 212) - also exercises in
common with the occupying State activities of exploitation of the natural resources of the territory.
One cannot discern what similarity there might possibly be between this situation and the
question of the status of Portugal in relation to East Timor.
The Legal Effect and the Purpose of the Determination by the
Competent Organs of the United Nations of Portugal as the
Administering Authority of East Timor
Mr. President, Members of the Court.
21. Strictly speaking, there was no need for the counter-argumentation of Portugal dealing
with the legal effects that Australia pretends to obtain from the absence of control of the
non-self-governing territory by the Administering Authority. In effect, in the case sub judice, the
resolutions and the practice of the competent organs of the United Nations are sufficient to render
both certain and indisputable the retention by Portugal of the status of Administering Authority of
East Timor.
Portugal's position on this matter is clear. It submits that only the United Nations has the
authority to identify non-self-governing territories and that such identification, for the most part,
goes hand in hand with the determination of a country as administering authority of such territory.
- 51 -
Portugal also submits that the United Nations still characterizes the territory of East Timor as nonself-governing
and Portugal as its Administering Authority. Portugal finally submits that those
resolutions by the competent organs of the United Nations define concrete legal situations and that
the situations thereby determined acquire a definitive and indisputable character in the framework of
United Nations law and even of general international law.
22. Australia agrees with Portugal on the matter of the legal force of resolutions which
formulate determinations of the non-self-governing nature of territories. But it alleges that the
United Nations have never exercised such determinative power in relation to the identification of
administering authorities.
This is a quite formalistic point of view which ignores the juridical régime of non-selfgoverning
territories as an institution of international law. The right of the people of a non-selfgoverning
territory to self-determination is a right erga omnes opposable to all the member States of
the United Nations and to the Organization itself. But this right of the people of the non-selfgoverning
territory acquires a particular depth when it is addressed towards: the State having or
assuming responsibility for the administration of the territory (Article 73 of the Charter). For its
own part, the State which is the administering authority has particular duties towards the people of
the territory and towards the international community embodied in the United Nations.
Having this legal framework in mind, we can better understand the decades of practice of the
United Nations. Every time the determination of a territory as non-self-governing gave rise to
controversy, that happened because of conflicting positions that were taken on the applicability to a
certain State of the obligations deriving from Chapter XI of the Charter. Therefore, the
determination of a territory as non-self-governing by the competent organs of United Nations always
had as one of its objectives to render indisputable that a certain State was legally the "administering
power" or "administering authority" with all the attendant obligations.
23. It must be stressed that the words used in different historical periods to designate that legal
reality were not always the same. But what counts here is the material contents of the legal status,
- 52 -
much more than the names given to that status.
Admittedly, the expression "administering authority", or "administering power" are not
mentioned in the text of Articles 73 and 74 of the Charter. But the contents of those Articles clearly
contains the role which those terms early came to represent.
The juridical reality was there from the outset. Who are the "Members of the United Nations
which have or assume responsibilities for the administration of territories whose peoples have not yet
attained a full measure of self-government" — to which Article 73 refers? They are, obviously,
those who came to be termed the administering powers or administering authorities. The same
occurs naturally with the Members referred to in Article 74.
The essential logic of Article 73 is to formulate obligations to States administering non-selfgoverning
territories. What sense would it make, then, to speak of obligations when the subject upon
whom they fall would be unknown?
24. The first enumeration of non-self-governing territories was made in General Assembly
resolution 66 (II) of 14 December 1946. Already in this text, not only the territories with regard to
which information under Article 73 (e) was to be submitted were identified, but also the States
administering such territories. Furthermore, the territories were grouped according to the States
which had transmitted or declared their intention to transmit information.
In the following developments, the question of the identification of States as "States assuming
responsibilities for the administration of territories whose peoples have not yet attained a full
measure of self-government" or, as would be said today, of their identification as administering
authorities or administering powers, did not raise, in most cases, any problems. This was because
the identification resulted naturally from the circumstance that the United Nations were dealing with
States that transmitted information.
Practice, however, had to develop also to cover controversial situations in which the General
Assembly has had to determine who was the Administering Authority (and which territory was nonself
governing).
Four types of situations can be characterized where the General Assembly had to make such
- 53 -
determinations.
25. The General Assembly came to adopt in the framework of resolutions 222 (III) of
November 1948 and 742 (VII) of November 1953 several resolutions on concrete cases through
which it determined the irrelevancy of certain alterations introduced to the constitutional régime of
territories for the effect of applicability of Article 73 of the Charter.
This was the case with resolutions 2422 (XXIII) of 18 December 1968 and 2701 (XXV) of 14
December 1970, regarding Antigua, Dominica, Grenada, St. Kitts-Nevis-Anguilla and St. Lucia. By
the second of these resolutions namely, the General Assembly
"Considers that, in the absence of a decision by the General Assembly itself that
the Territories ... have attained a full measure of self-government in terms of Chapter
XI of the Charter, the Government of the United Kingdom ... should continue to
transmit information ..."
A similar decision was taken by resolution 2356 (XXII) of 19 December 1967 relating to
French Somaliland (renamed French Territory of Afars and Issas).
Also, by resolution 1747 (XVI) of 28 June 1962, facing the British contention that since
Southern Rhodesia was a "self-governing colony" in British constitutional law, it did not have the
status of a non-self-governing territory under the Charter, the General Assembly affirmed the
contrary and requested the United Kingdom as the Administering Authority to take specified
constitutional and political measures to implement General Assembly resolution 1514.
By such pronouncements, the General Assembly made determinations having definitive legal
effect. Part of such an effect was to formulate, alongside the nature of the territories, the legal
situation of the United Kingdom and of France as being the Administering Authorities of the
territories mentioned. Those determinations were legally binding in the sense that the status of the
United Kingdom and of France as Administering Authorities then declared could not be disregarded
neither by such States nor by third States.
26. We shall now deal with a second type of cases: determination by the General Assembly of
the legal situation as Administering Authorities of States administering colonial territories and
refusing to accept the applicability of Chapter XI of the Charter.
That was the reason for resolution 1542 (XV), which determined that Portugal had, vis-à-vis
- 54 -
several territories among which East Timor, the status of Administering Authority. This decision
was adopted against the thesis contended by the Portuguese Government of the time that its position
regarding those territories did not involve any legal obligations under Chapter XI of the Charter.
After some controversy over the juridical value of resolution 1542 (XV), an almost universal
consensus was generated in what regards the determinative character. And, in the following years,
the General Assembly acted on the basis that resolution 1542 (XV) contained a binding
determination (see Gowlland-Debbas, Collective Responses to Illegal Acts in International Law -
United Nations Action in the Question of Southern Rhodesia, Nijhoff, Dordrecht/Boston/London,
1990, p. 139).
A General Assembly resolution determined, therefore, prior to April 1974, against an
unwilling colonial regime, the status of Portugal as Administering Authority of East Timor: a status
which included the obligation to decolonize the territory. Now, after the 1974 anti-colonialist
Portuguese revolution, and after the invasion and occupation of East Timor, it would be a cruel irony
that the resolutions which, since 1975, have repeated the determination of Portugal's status, would
lose the ability, which assisted the first one in 1960, to produce a definitive legal effect. A definitive
effect which is designed to safeguard, together with the obligations belonging to the status that
democratic Portugal fully accepted, the powers and rights necessary to the full observance of such
obligations in relation to the East Timorese people.
The disqualification of such resolutions would be incongruous. As a matter of fact,
notwithstanding the deep change in circumstances, the designation of Portugal as the Administering
Authority, made in the resolutions after 1974, obeys, as much as the designation made in earlier
resolutions, to a supreme and final aim: the aim to promote the free exercise of the right to selfdetermination
of the people of East Timor.
27. To the types of resolutions previously mentioned one must also add a third category: that
of resolutions through which the General Assembly made the determination of the cessation of the
status of States as Administering Authorities, sometimes against the will of such States.
One could say that the terms of these resolutions appear usually focused on the change of the
- 55 -
territory's situation due to access to independence, free association with an independent State or
integration with an independent State. And it may also be argued that the above-mentioned
resolutions which did not recognize that certain States, which had previously transmitted
information, had ceased to be Administering Authorities centred, after all, in the continuing status of
the territory as non-self-governing. Or it might even be said that the aim of resolution 1542 (XV)
was to formulate the legal situation of Portuguese colonies as non-self-governing territories.
This is only one part of the truth. Because it is also true that the literal terms of the
resolutions, if construed according to the international law of decolonisation, reveal two parallel
determinations: a determination of the legal situation of the territory and a determination of the legal
situation of a State in relation to that territory.
A non-self-governing territory and an administering authority stand in a symbiotic
relationship. The International Court said in the South West Africa case in 1960 that "If the mandate
lapsed, as the Union Government contends, the latter's authority would equally have elapsed" (p.
133). Conversely, if a mandate - or a non-self-governing territory - continues to exist, so does
authority of the mandatory and Administering Authority - unless the responsible organs specifically
determine otherwise.
28. However, in the case sub judice, the competent organs of the United Nations did not
confine themselves to expressly determine that the territory of East Timor continued to be a non-selfgoverning
territory. Because the loss of de facto control could have made the legal situation of
Portugal more prone to dispute, the competent organs of the United Nations wished to make very
clear that the symbiotic relationship remained unaffected. Therefore, although that much was not
strictly necessary, they specified, in parallel with the maintenance of the status of the territory, the
maintenance of the status of Portugal in relation to the territory.
Let it also be remembered that this was not the first case in which the United Nations resorted
to such a solution.
29. The precedent of Southern Rhodesia shows how, when, in a non-self-governing territory,
physical control is assumed by an entity which then proceeds to disregard the right to self-
- 56 -
determination of the people of the territory and to block the process towards the exercise of such
right, the United Nations may place special emphasis on the preservation of the status of
Administering Authority by the former colonial Power, as it considers it one of the effective means of
facilitating the restoration of international legality through genuine self-determination.
After the Universal Declaration of Independence, in November of 1965, the competent organs
of the United Nations considered that the status of Southern Rhodesia remained that of a non-selfgoverning
territory. It continued to be included in the agenda of the Committee of Twenty-Four.
And up to the formal granting of independence to the Republic of Zimbabwe in April 1980, the
United Kingdom was treated by the United Nations as the legal Administering Authority despite the
fact that it had no control over the factual governance of the territory.
By maintaining its definition of the legal situation of the territory of Southern Rhodesia and by
preserving, in the framework of that definition, the status of the Administering Authority, the United
Nations was able to secure conditions which later proved to be determining for Zimbabwe's
independence in conformity with the international rule of law.
30. And the same can be said regarding the institution by the General Assembly, in 1967, of
the United Nations Council for Namibia, which was given the task of administering Namibia
although South Africa maintained its illegal presence in this territory. In this case, there was a
recognized liberation movement. But, even so, the United Nations decided that the handing over of
the administration to an authority, although deprived of physical control of the territory, could reveal
itself decisive to bring self-determination into effect.
31. In conclusion, neither the events which occurred in the territory of East Timor between
August and December 1975, nor the invasion and military occupation of the territory have the
potential to deprive Portugal of its status as Administering Authority of East Timor.
On the other hand, the resolutions adopted on the question of East Timor by the Security
Council and by the General Assembly which refer to Portugal as Administering Authority are legal
acts which repeat the determinative designation formulated in resolution 1542 (XV). Such
resolutions formulate the legal situation of Portugal as Administering Authority of East Timor,
- 57 -
having the legal consequence of rendering such legal situation both certain and indisputable while
such resolutions are in force.
When it acted in this way, the United Nations certainly had in mind that it was affirming the
legal status of a Portugal which had emerged from the democratic and anti-colonialist revolution of
April 1974, a Portugal which had decolonized all the non-self-governing territories it administered
with the exception of East Timor by the end of 1975, a Portugal which included in its Constitution of
1976 the right of peoples to self-determination.
The competent organs of the United Nations certainly consider that Portugal is, in the
performance of its status as Administering Authority, an essential element in the promotion of the
rights of the people of East Timor and a relevant instrument for the future renewal of the process of
self-determination of the territory.
The bringing of the present proceedings by Portugal confirms that the United Nations was not
mistaken in its judgment.
Thank you Mr. President.
LE PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur Correia. Je donne la parole maintenant à M.
Galvão Teles.
M. GALVÃO TELES : Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
ASSISE TERRITORIALE DES DROITS DU PEUPLE DU TIMOR ORIENTAL
1. Les droits du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même et à la souveraineté
permanente sur ses richesses et ressources naturelles, ainsi que ceux de tout peuple d'un territoire
non autonome, ont une assise territoriale (territorial basis), laquelle est précisément le territoire non
autonome - dans le cas d'espèce le territoire non autonome du Timor oriental. Cette assise
territoriale (territorial basis) comprend aussi bien le territoire terrestre que les espaces maritimes.
Pour préciser les droits du Timor oriental aux fins de la présente affaire, quelques mots s'imposent
quant aux droits respectifs du peuple du Timor oriental et de l'Australie en ce qui concerne le plateau
- 58 -
continental dans la zone du "Timor gap".
2. La Cour se rappellera que quand, par les accords du 18 mai 1971 et du 9 octobre 1972
(annexes III.1 et III.2 au mémoire du Portugal, vol. V, p. 1 et 6), l'Australie et l'Indonésie ont défini
la totalité de la limite du plateau continental entre les deux Etats dans les zones des mers d'Arafura et
de Timor, cette délimitation était interrompue en face des côtes du Timor oriental, identifié dans la
carte annexée au traité de 1972 comme le Timor portugais (mémoire du Portugal, annexe III.2, vol.
V, p. 9). Une ligne, que l'on peut voir venir de l'est, s'arrête au point A16 (9° 28' S et 127° 56' E) et
une autre recommence au point A17 (10° 28' S et 126° E). Les accords de 1971 et 1972
ménageaient donc une sorte d'ouverture, un "gap" entre les deux lignes, qu'on appellera le "Timor
gap". Par la suite, cette appellation a été étendue, comprenant toute la zone maritime entre le Timor
oriental et l'Australie. Ce qu'il importe de retenir, pour le moment, c'est que l'Australie, par l'accord
de 1972, a entendu et reconnu que toute question relative aux droits sur le plateau continental dans la
zone du "Timor gap" concerne, et ne concerne directement que, le seul Timor oriental et la seule
Australie.
3. La côte sud du Timor oriental et la côte nord pertinente de l'Australie sont très nettement
des côtes se faisant face. Par ailleurs, aucun point employé pour tracer les lignes de base
australiennes ne se trouve situé à une distance de plus de 400 milles marins du point le plus proche
de la côte sud du Timor oriental. On vérifie ceci aisément, en jetant un coup d'oeil à la projection
des deux lignes de 200 milles mesurées à compter des lignes de bases servant à déterminer la mer
territoriale, que l'on trouve sur le croquis en regard de la page 200 de la réplique du Portugal (voir,
aussi, duplique de l'Australie, p. 158).
A l'intérieur de la marge continentale, plus proche de l'île du Timor que de la côte australienne,
se trouve le "Timor trough", orienté selon une direction approximative 70°/250°.
4. La position du Portugal - agissant dès 1974 strictement en tant que puissance administrante
du Timor oriental - et celle de l'Australie à l'égard du plateau continental dans le "Timor gap" ont été
déjà décrites dans les écritures (mémoire du Portugal, par. 7.04 à 7.10; contre-mémoire de
l'Australie, par. 382 à 388; réplique du Portugal, par. 6.68 à 6.73; duplique de l'Australie, par. 276 à
- 59 -
283). Je ne lasserai pas la Cour par un exposé détaillé. Permettez-moi de rappeler juste l'essentiel.
5. Depuis au moins l'année soixante-dix, le Portugal soutient que la ligne de délimitation du
plateau continental entre le Timor oriental et l'Australie doit être la ligne médiane. Il ne s'agit là,
soulignons-le, que d'une ligne de délimitation, le titre du Timor oriental s'étendant jusqu'à 200 milles
nautiques à partir de sa côte.
6. L'Australie, de son côté, prétend à présent à des droits sur le plateau continental dans la mer
de Timor s'étendant jusqu'à l'axe bathymétrique de la dépression de Timor.
7. Comme le Portugal, l'Australie a signé mais n'a pas ratifié la convention de 1982, les deux
Etats étant parties à la convention de Genève sur le plateau continental. Par le Maritime Legislation
Amendment Act 1994, certaines dispositions de la convention de Montego Bay ont été incorporées
dans le droit interne australien en substitution de celle de la convention de Genève.
8. A l'instar de ce qui a été fait par la Cour dans les deux affaires de délimitation d'espaces
maritimes entre Etats dont les côtes se font face dont elle a été saisie - c'est-à-dire, dans l'affaire du
Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte) et l'affaire de la Délimitation maritime
dans la région située entre le Groënland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège) - la question de la
délimitation doit être distinguée de celle, préalable, de la validité des titres ou de la détermination de
ce que la Cour a appelé, dans l'affaire de Jan Mayen, les titres potentiels (potential entitlements)
concernant ces espaces.
Comme l'a dit la Cour dans la première des affaires précitées,
«Que les questions de titre et de définition du plateau continental, d'une part, et
de délimitation du plateau, de l'autre, soient non seulement distinctes mais en outre
complémentaires est une vérité d'évidence.» (C.I.J. Recueil 1985, p. 30, par. 27.)
Cette complémentarité est, immédiatement après, précisée par la Cour:
«La base juridique de ce qui est à délimiter et du titre correspondant ne saurait
être sans rapport avec la délimitation.» (Ibid.)
Autrement dit, la détermination des titres constitue un préalable à la délimitation. Celle-ci
doit être établie à l'intérieur de ce que la Cour a désigné, dans son arrêt de 1993, comme la «zone de
chevauchement des titres potentiels» (area of overlapping of potential entitlements). En dehors de
- 60 -
cette zone de chevauchement, les droits sont ab origine exclusifs.
Certes, puisque la délimitation doit être faite au moyen d'un accord, il se peut que deux Etats
fixent une ligne située à un endroit où l'un d'eux aurait un titre exclusif. Tout en laissant de côté les
questions de droit intertemporel qui peuvent surgir, un cas de ce type impliquerait, à la rigueur, un
transfert de droits.
9. La présente affaire n'est pas une affaire de délimitation du plateau continental : le Portugal,
ainsi que l'Australie, l'ont affirmé et répété - voilà enfin une proposition négative commune.
Cette affaire est cependant une affaire en défense, parmi d'autres droits, de la souveraineté
permanente du peuple du Timor oriental sur ses richesses et ressources naturelles. De ce point de
vue, il est alors pertinent de considérer la question de l'étendue des titres potentiels du Timor oriental
sur le plateau continental dans la zone du «Timor gap», opposables à l'Australie, et celle de l'étendue
des titres potentiels de l'Australie, opposables au Timor oriental.
On se trouve ici à un stade logiquement antérieur à toute délimitation.
10. A l'égard de la position ainsi prise par la République portugaise dans ces écritures
l'Australie soulève, dans sa duplique, deux objections.
L'une (par. 276) se rattache au problème général, que l'on examinera plus tard, des parties à
l'instance.
L'autre objection australienne (par. 272) est inspirée d'un dictum de la Sentence du 31 juillet
1989 prononcée par le Tribunal arbitral dans l'affaire de la Détermination de la frontière maritime
(Guinée-Bissau/Sénégal).
Selon le Tribunal arbitral,
«L'application du principe de la souveraineté permanente sur les richesses et
ressources naturelles présuppose que les ressources dont il s'agit se trouvent dans le
territoire de l'Etat qui invoque ce principe.... Avant l'Accord [dont il s'agissait en
l'espèce], les limites maritimes n'étaient pas fixées et, par conséquent, encore aucun des
deux Etats ne pouvait affirmer qu'une fraction determinée de la zone maritime était la
«sienne»» (Par. 39, p. 30.)
Cependant, ainsi qu'il a été remarqué par l'un des arbitres dans son opinion dissidente, à
laquelle, d'ailleurs, l'Australie fait aussi référence:
«Je crains que la sentence ne fasse ici une confusion entre le «droit» de tout Etat
à un domaine maritime et l'«exercice» effectif de ce droit par une opération concrète de
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délimitation de la frontière maritime. La Cour internationale de Justice avait considéré
le droit de chaque Etat sur «son» plateau continental (c'est-à-dire sur les zones du
plateau qui doivent lui revenir) comme un droit «inhérent», et plus tard la Convention
de Montego Bay a consacré elle aussi ce droit dans le même esprit. Le raisonnement du
paragraphe 39 de la sentence perd donc de vue le droit «inhérent» de chaque peuple sur
«son» domaine maritime même si celui-ci n'est pas encore concrètement délimité. L'une
des grandes nouveautés du droit de la mer est qu'il consacre un droit à un territoire
maritime qui existe indépendamment et antérieurement à toute délimitation.» (P. 76-77.)
12. Le Portugal soumet au jugement de la Cour les deux propositions suivantes :
La première : Le Timor oriental possède un titre potentiel sur le plateau continental dans la
zone du «Timor Gap», opposable à l'Australie, qui s'étend jusqu'à 200 milles marins;
La seconde : L'Australie possède, elle aussi, un titre sur le plateau continental, dans cette
zone, opposable au Timor oriental, qui s'étend jusqu'à 200 milles marins, mais elle ne possède pas de
titre, opposable au Timor oriental, au-delà de cette distance.
13. Il ne peut pas être remis en cause que, de par le droit coutumier international, tout Etat a
aujourd'hui un titre potentiel à un plateau continental s'étendant jusqu'à une distance de 200 milles
marins de ses côtes, quelles que soient les caractéristiques géologiques ou géomorphologiques des
fonds marins et de leur sous-sol. La Cour l'a clairement reconnu tant dans l'affaire Libye/Malte que
dans celle de Jan Mayen. Rappelons, à titre d'exemple, le dictum de l'arrêt du 14 juin 1993:
«La côte de Jan Mayen, tout autant que celle du Groënland oriental, génère un
titre potentiel sur les espaces maritimes reconnus par le droit coutumier, c'est-à-dire en
principe jusqu'à la limite des 200 milles à partir de ses lignes de base.» (C.I.J. Recueil
1993, p. 69, par. 70.)
Cet arrêt est d'autant plus significatif que tant le Danemark que la Norvège étaient parties à la
convention de Genève sur le plateau continental et que, contrairement à l'affaire de la Délimitation
de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine, l'application de la convention de Genève
n'était pas écartée par le choix même des parties. Le Timor oriental possède donc, par le droit
international coutumier, un titre sur le plateau continental s'étendant en face de sa côte jusqu'à 200
milles de celle-ci.
14. L'Australie possède aussi un titre potentiel jusqu'à 200 milles marins. Les deux titres se
chevauchent en partie. Elle prétend toutefois à un deuxième titre à un espace plus étendu, qui
arriverait jusqu'à l'axe bathymétrique du «Timor trough». Pour cela, elle invoque l'idée du
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prolongement naturel, introduite par l'arrêt de la Cour dans l'affaire du Plateau continental de la
mer du Nord, et l'article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. De l'arrêt de
1969, il a été dit par la Chambre de la Cour qu'il est
«connu pour avoir donné au lien entre l'institution juridique du plateau continental et le
fait physique du prolongement du territoire une importance plus marquée que celle qui
lui a été accordée par la suite...» (Délimitation maritime dans la région du golfe du
Maine, C.I.J. Recueil 1984, p. 293, par. 91).
La Cour connaît trop bien le thème de l'évolution des concepts juridiques de plateau
continental et de prolongement naturel, des rapports qui existent entre ces deux concepts, aussi bien
qu'avec la notion d'adjacence, ainsi que la question des rapports entre le critère de distance et les
critères physiques (notamment géologiques et géomorphologiques), pour qu'il soit utile qu'on s'y
attarde. Je me limiterai à rappeler que la Cour elle-même a reconnu dans les affaires Lybie/Malte et
Jan Mayen que quand la distance entre les côtes se faisant face est inférieure à 400 milles aucun Etat
ne peut opposer un titre à une distance excédant 200 milles.
Ainsi dans l'arrêt du 3 juin 1985 il a été dit
«Selon la Cour cependant, du moment que l'évolution du droit permet à un Etat
de prétendre que le plateau continental relevant de lui s'étend jusqu'à 200 milles de ses
côtes, quelles que soient les caractéristiques géologiques du sol et du sous-sol
correspondants, il n'existe aucune raison de faire jouer un rôle aux facteurs géologiques
ou géophysiques jusqu'à cette distance, que ce soit au stade de la vérification du titre
juridique des Etats intéressés ou à celui de la délimitation de leurs prétentions. Cela est
d'une particulière évidence en ce qui concerne la vérification de la validité du titre...»
(C.I.J. Recueil 1985, p. 35, par. 39.)
La ressemblance entre les circonstances dans l'affaire Libye-Malte et le cas d'espèce est si
frappante - côtes se faisant face, distance de moins de 400 milles, accident géomorphologique - que
les mots prononcés par la Cour en 1985 peuvent tout simplement être repris pour déterminer la
validité des titres du Timor oriental et de l'Australie à l'égard du plateau continental dans la zone du
«Timor gap».
L'Australie ne peut donc pas opposer au Timor oriental un titre sur le plateau continental qui
dépasse la ligne de 200 milles, mesurés à partir de ses lignes de base.
La deuxième proposition du Portugal est donc, elle aussi, confirmée par les précédents
judiciaires.
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De ces deux propositions il résulte que
a) la zone de chevauchement de titres potentiels est limitée par les deux lignes de 200 milles;
b) sur les zones du plateau continental situées entre chacun des territoires et la ligne de
200 milles la plus proche, les titres de ce territoire sont exclusifs.
19. Si on établit maintenant le rapport entre ce qui vient d'être dit et l'accord de 1989, ainsi
que la situation de fait qu'il a créée (voir mémoire du Portugal, par. 2.06-2.08), on vérifie que :
a) Le titre que possède le Timor oriental couvre toute l'étendue du plateau correspondant à la «zone
de coopération». Parce que sa limite sud coïncide avec la ligne de 200 milles à partir du Timor
oriental.
b) La «zone de coopération», et même son aire A, c'est-à-dire, l'aire d'exploration et d'exploitation
commune, dépassent l'étendue du titre de l'Australie opposable au Timor oriental. Ainsi qu'on
peut le remarquer (voir croquis au regard de la page 200 du mémoire du Portugal), la ligne de
200 milles mesurés à partir de l'Australie se situe partiellement à l'intérieur de l'aire A, qui
s'arrête ici, une partie de celle-ci, de même qu'une partie de l'aire C, se plaçant au-delà de la
limite définie par cette ligne. Ce qui revient à dire qu'une partie de la zone de coopération, et
notamment de l'aire A à laquelle fait référence l'accord de 1989, se trouvent à un endroit où il
n'y a pas de chevauchement de titres potentiels, où donc les titres du Timor oriental sont
exclusifs.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, les conséquences appropriées seront tirées lors de
l'examen des illicéités de l'Australie. Merci, Monsieur le Président. Excusez-moi d'avoir dépassé
deux minutes de temps.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Galvão Teles. La Cour reprendra ses auditions
demain matin à 10 heures.
L'audience est levée 13 h 5.
__________
- 64 -
e of the most essential principles of international law in our day»]. M. Lachs, The Development and General Trends of International Law in our Time, RCADI
0-IV, vol. 169, p. 49).
ire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique), fond, arrêt, (C.I.J. Recueil 1986, p.
179).
ménez de Aréchaga, «International Law in the last Third of a Century», RCADI, p. 101.
ménez de Aréchaga, «international Law in the last Third of a Century», RCADI, P. 101.
Virally, L'organisation mondiale, Paris, Armand Colin, Collection U, 1972, p. 242.
. Recueil 1971, p. 31, par. 52.
, p. 31-32, par. 53.
. Recueil 1975, p. 24, par. 57.
menez de Arechaga, op. cit., p. 100.
lutions 1541 (XV) de 1960, 1654 (XVI) de 1961 et 1810 (XVII) de 1962; voir aussi mémoire du Portugal, chap. V, par. 5.22-5.24.
. Recueil 1975, p. 32-33, par. 57.
lution relative aux «principes qui doivent guider les Etats Membres pour déterminer si l'obligation de communiquer des renseignements, prévue à l'alinéa
article 73 de la Charte, leur est applicable ou non».
moire du Portugal, annexes I.4 et I.5, vol. II, p. 6 et 7.
aliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire en développant et en
urageant le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous...»
re-mémoire de l'Australie, p. 168-169, par. 380.
gne, Nations Unies, doc. A/C.3/SR.310, par. 33 (1950).
aine, ibid., par. 47; Syrie, SR.311, par. 4.
a, Nations Unies, doc. A/C.3/SR.310, par. 15 (1950).
le document autralien reproduit en annexe au mémoire portugais, annexe IV.12, vol. V, p. 332.
. Recueil 1984, p. 424-425, par. 73, repris in C.I.J. Recueil 1986, p. 93, par. 174.
. Recueil 1986, p. 100, par. 188.
sztof Skubiszewski, The elaboration of general multilateral conventions and of non-contractual instruments having a normative function or objective
rteenth Commission) Preliminary Exposé, Annuaire de l'Institut de droit International, vol. 61, t. I, session d'Helsinki 1985, Pedone, p. 47.
Public sitting held on Tuesday 31 January 1995, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding