Non- Corrigé
Uncorrectecf
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THE HAGUE LA HAYE
YEAR 1994
Public sitting
held on Tuesday 8 March 1994, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case concerning Mari time Delimi ta tion and Terri torial Questions
Between Qatar and Bahrain
(Qatar v. Bahrain)
VERBATIM RECORD
ANNEE 1994
Audience publique
tenue le mardi 8 mars 1994, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
en l'affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales
entre le Qatar et ~ahreïn
(Qatar c. Bahreïn)
COMPTE RENDUPr-= President Bedjaoui
vice-President Schwebel
Judges Oda
Ag0
Sir Robert Jennings
Judges Tarassov
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ran jeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Judges ad hoc Valticos
Ruda
Registrar Valencia-Ospinaçents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
MM. Oda
Ag0
sir Robert Jennings
MM. Tarassov
Gui11aume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma, juges
MM. Valticos,
Ruda, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, GreffierThe Goverment of Qatar is be represented by:
H.E. Dr. Najeeb Al-Nauimi, Minister LegalAdviser,
as Agent and Counsel;
Mr. Adel Sherbini, Legal Expert,
as Legal Adviser;
Mr. Sami Abushaikha, Legal Expert,
as Legal Adviser;
Mr. Jean-Pierre Quéneudec, Professor of International Lawat the
University of Paris 1,
Mr. Jean Salmon, Professor at the Université libre de Bruxelles,
Mr. R. K. P. Shankardass, Senior Advocate, Supreme Court of India,
Former Presidentof the InternationalBar Association,
Sir Ian Sinclair, K.C.M.G., Q.C., Barrister at Law, Member of the
Institute of InternationalLaw,
Sir Francis Vallat, G.B.E., K.C.M.G., Q.C., Professor emeritusof
InternationalLaw at the University of London,
as Counsel and Advocates;
Mr. Richard Meese, Advocate, partner in Frere Cholmeley, Paris,
Miss Nanette E. Pilkington, Advocate, Frere Cholmeley, Paris,
Mr. David S. Sellers, Solicitor,Frere Cholmeley, Paris.
The Goverment of Bahrain is represented by:
H.E. Dr. Husain Mohammed Al Baharna, Minister of State for Legal
Affairs, Barrister at Law, Member of the InternationalLaw
Commission of the United Nations,
as Agent and Counsel ;
Mr. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., Whewell Professor emeritus
in the University of Cambridge,
Mr. Keith Highet, Member of the Bars of the District of Columbia and
New York,Le Gouvernement du Qatar est représenté par :
S. Exc. M. Najeeb Al-Nauimi, ministre conseiller juridique,
comme agent et conseil;
M. Adel Sherbini, expert juridique,
comme conseiller juridique;
M. Sami Abushaikha.,expert juridique,
comme conseiller-juridique;
M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur de droit international à
l'université de Paris 1,
M. Jean Salmon, professeur à l'Université libre de Bruxelles,
M. R. K. P. Shankardass, Senior Advocate à la Cour suprême
de l'Inde, ancien président de l'International Bar Association,
Sir Ian Sinclair, K.C.M.G.,Q.C., Barrister at Law, membre de
1 ' Institut de droit international,
Sir Francis Vallat:,G.B.E.,K.C.M.G., Q.C., professeur émérite de
droit international à l'université de Londres,
comme conseils et avocats;
M. Richard Meese, avocat, associé du cabinet Frere Cholmeley à Paris,
Mlle Nanette E. Pilkington, avocat, du cabinet Frere Cholmeley à
Paris,
M. David S. Sellers, Solicitor, du cabinet Frere Cholmeley à Paris
Le Gouvernement de Bahreïn est représenté par :
S. Exc. M. Husain Mohammed Al Baharna, ministre d'Etat chargé des
affaires juridiques, Barrister at Law, membre de la Commission du
droit international de l'organisation des Nations Unies,
comme agent et conseil ;
M. Derek W. Bowett, C.B.E., Q.C., F.B.A., professeur émérite, ancien
titulaire de la chaire Whewell à l'université de Cambridge,
M. Keith Highet, membre des barreaux du district de Columbia et de
New York,Mr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Professor of InternationalLaw at
the Law School, Catholic University, Montevideo,Uruguay,
Mr. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., Honorary Professorof
InternationalLaw and Director of the Research Centre for
InternationalLaw, University of Cambridge; Member of the Institut
de droit international, *
Mr. Prosper Weil, Professor emeritusat the Université de droit,
d'économie et de sciences sociales de Paris,
as Counsel and Advocates;
Mr. Donald W. Jones, Solicitor, Trowers & Hamlins, London,
Mr. John H. A. McHugo, Solicitor, Trowers & Hamlins, London,
Mr. David Biggerstaff, Solicitor,Trowers & Hamlins, London,
as CounselM. Eduardo Jiménez de Aréchaga, professeur de droit international à
la faculté de droit de l'Universitécatholique de Montevideo,
Uruguay,
M. Elihu Lauterpacht, C.B.E., Q.C., professeur honorairede droit
internationalet directeur du Research Centrefor InternationalLaw
de l'Universitéde Cambridge;membre de l'Institut de droit
international,
M. Prosper Weil, professeur émérite à l'universitéde droit,
d'économie et de sciences socialesde Paris,
comme conseils et avocats;
M. Donald W. Jones, Solicitor, du cabinet Trowers et Hamlins à
Londres,
M. John H. A. McHugo, Solicitor, du cabinet Trowers et Hamlins à
Londres,
M. David Biggerstaff, Solicitor,du cabinet Trowers et Hamlins à
Londres,
comme consei 1s. -8-
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La Cour reprend ses audiences
ce matin pour continuerd'entendre les représentants de Bahrein enleurs
plaidoiries et jlappelle pour cela à la barre le professeur Prosper Weil.
M. WEIL : Merci, Monsieur le Président. Monsieurle Président,
Messieurs les juges, jlai essayé de démontrer hier quela question de la
saisine est une question de compétenceet non pas, comme nos adversaires
le prétendent, une simple question de procédure. J'avoue que j'ai
quelques scrupules à importuner la Cour par la démonstration de cequi
peut paraître une véritéd'évidence. Mais les thèses multiformesde la
Partie adverse ne me laissaient guère d'autre choix.
Monsieur le Président, puisque le consentement à la saisine
unilatérale constitueune composante à part entière du principe de la
juridiction consensuelle, il est soumis aux mêmes conditionset modalités
que le consentement au règlement judiciaireet le consentement à l'objet
et à la portée des différends. Les uraffinementsl' et "concepts"décrits
par sir Ian Sinclair (CR 94/1, p. 35 et suiv.) s'appliquent ici comme là.
Négligeant des aspects qui ne sont pas contestés et qui ne posent
pas problème ici, telle llimpossibilitéde revenir sur le consentement
une fois donné, je ne retiendrai que trois points.
Je noterai tout d'abord, encore qu'il s'agisse là encore d'une
évidence, que lorsqu'on se réfère au consentement - qu'il s'agisse du
consentement à la saisine comme à tout autre aspect du consentement -
c'est bien entendu la volonté des deux parties qui est exigée. Selon la
formule de 1'arrêt El Salvador/Honduras,
«c'est seulement de la rencontre des volontés (meeting of
minds) sur ce point que naît la compétence» (C.1.J. Recueil
1992, p. 585, par. 378). -9-
Aussi la Chambrea-t-elle estimé dans cetteaffaire qu'à supposer même
établie l'intentionde l'une des parties, le Honduras, de voir la Chambre
aller au-delà de la déterminationde la situation juridique des eaux
litigieuses pour procéder à leur délimitation, cette intention n'aurait
pas suffi à pallier l'absence de volonté concordante de l'autre partie,
El Salvador. Seule une «intention commune,, la Chambre y insiste (op.
cit., p. 583, par. 373), aurait pu fonder la compétence de la Cour, et
cette intention communefaisait défaut. L'affaire du Plateau continental
de la mer Egée se situait déjà dans cette perspective : quelle qu'ait pu
être la volonté ou l'intentionou le consentement de la Grèce, l'absence
de consentement de la Turquie a suffi, aux yeux de la Cour, à empêcher la
rencontre des volontés.
En un mot, il faut être deux pour établir la compétence de la Cour;
et en cas de discordanceentre la volonté de l'une des parties et celle
de l'autre, c'est tout naturellement, commela jurisprudence relative aux
déclarations optionnelles del'article 36, paragraphe 2, l'a abondamment
illustré, la volonté exprimant leplus petit commun dénominateurqui
l'emporte,puisque c'est seulement à concurrence de la volonté la plus
étroite qu'il existe une volonté commune
En conséquence,dès lors qu'il apparaît avec une clarté aveuglante
que Bahreïn, pour sa part, non seulement n'a jamais envisagé que la Cour
puisse avoir compétence autrement quesur la base d'une saisine
conjointe, mais qu'il s'est formellementopposé, à Doha, à une
proposition tendant à permettre la saisine unilatérale, qu'il a amendé
cette proposition de manière à écarter la saisine unilatéraleet que
c'est cette proposition ainsi amendée par Bahreïn que le Qatar a
acceptée, la constatation s'impose : il n'y a pas eu à Doha de «rencontre - 10 -
des volontés», de «meeting of minds», sur la saisine de la Cour par l'une
des Parties agissantseule. Le conseil du Qatar a déclaré il y a
quelques jours :
«Le changement de rédaction opéré à l'initiativede
Bahrein, et qui a consisté à substituer la formule <<les
Parties» ... à l'expression «l'une ou l'autre des
Parties» ... n'a pas été contesté par le Qatar.» (CR 94/3,
p. 20.)
Cette concordance des Parties surla manière dont s'est déroulée la
rencontre de Doha sur ce point crucialsuffit, me semble-t-il, à
condamner la tentative du Qatar de plaiderle consentement implicitedes
deux Parties, de Bahreïn comme duQatar, à la saisine unilatérale. Un
anons explicite ne peut pas être compris comme un <oui, implicite.
Le second point surlequel je souhaiterais insister, c'est que le
libéralisme de la jurisprudencesur la forme dans laquellepeut
s'exprimer le consentement s'accompagned'une exigence rigoureusesur le
fond. La Cour aura observé que si les plaidoiries du Qatar ontinsisté
sur la «flexibilité» (c'estle mot qui a été employé) quant à la forme
(CR 94/1, p. 35), elles ont totalement passé sous silence les exigences
quant au fond.
Oui, il est vrai que, selon la jurisprudence, l'acceptationde la
juridiction de la Cour n'est pas «soumise à l'observationde certaines
formes, comme par exemple, llétablissementd'un compromis formel
préalable* (Certainsdroits de minoritésen Haute-Silésie (écoles
minoritaires), C.P.J.I. série A no 15, p. 23; cf. Détroit de Corfou,
C.I.J. Recueil 1947-1948,p. 27). Cette acceptation peut être donnée
sous n'importe quelle forme et dans un instrumentumde n'importe quelle
nature, fût-ce dans une simple lettre. Elle peut mêmerésulter de
simples <actes concluants»,tel le fait de défendreau fond sans faire - 11 -
aucune réserve sur la compétence (Certainsdroits de minoritésen Haute-
Silésie (écolesminoritaires) , précité, p. 24). Seule compte, selon la
formule de la Cour permanente (Usine de Chorz6w, C.P.J.I. série A no 9,
p. 32) reprise récemment par la Cour internationale (Actionsarmées
frontalièreset transfrontalières (Nicaraguac. Honduras) , C.1.J. Recueil
1988, p. 76, par. 16), la <<volonté des Parties deconférer juridiction [à
la Cour1 ».
Mais il est tout aussi vraiqu'aussi peu exigeante qu'elle soit sur
la forme, la jurisprudence requiertsur le fond un consentement certain
et fermement établi. Au fil des arrêts, la jurisprudencea parlé d'une
«manifestationnon équivoque» (Certainsdroits de minorités en
Haute-Silésie (écoles minoritaires),précité, p. 24), de la volonté
d'accepter de manière wolontaire, indiscutable»la compétence de la Cour
(Détroitde Corfou, exception préliminaire, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 27), d'une «manifestationclaire et sans réserve du consentement des
Parties» (Délimitationdu plateau continental entre la France et le
Royaume-Uni,Recueil des sentencesarbitrales, vol. XVIII, p. 152,
par. 20), de la mention «spécifique»d'une question (Différend
frontalier, terrestre, insulaireet maritime (El Salvador/Honduras),
C.I.J. Recueil 1992, p. 586, par. 380), et j'en passe. Certaines de ces
expressionsviennent d'être reprises par la Cour dans la seconde de ses
ordonnances de 1993 relatives aux mesures conservatoires dansl'affaire
relative à l'Applicationde la conventionpour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovinec . Yougoslavie
(Serbieet Monténégro)), C. 1.J. Recueil 1993, p. 342, par. 34) . Le
consentement doit être établi «sans aucun doute raisonnable» (beyond
reasonable doubt), écrivait déjàsir Hersch Lauterpacht (opinion - 12 -
individuelle, Emprunts norvégiens, C.I.J. Recueil 1957, p. 58); et la
même expression se retrouve sous la plume de sir Gerald Fitzmaurice (op.
cit., vol. II, p. 437). Plus récemment, dans son opinion jointe à la
seconde ordonnanceen l'affaire de la Bosnie-Herzégovine, un membre de la
Cour a mis l'accent sur «l'exigenceabsolue d'une preuve claire du
consentement» (the overriding requirement of cl ear proof of consent)
(opinion individuelle, Shahabuddeen, C.I.J. Recueil 1993, p. 355).
C'est dire que si le consentement doitêtre interprété d'une manière
qui lui permette de «déployer [ses] effets utiles» (Zones franches de la
Haute-Savoie et du Pays de Gex, C.P. J.I. série A no 22, p. 131, et si la
jurisprudencea refusé ce qu'un arrêt a appelé «le doute destructifde la
compétence» (Usine de Chorzow, C.P.J.I. série A no 9, p. 321, à
l'inverse, l'interprétation ne doit jamais «dépasser l'expressionde la
volonté des Etatsqui l'ont souscrite» (Phosphates du Maroc, C.P.J.I.
série A/B no 74, p. 24).
Il ne saurait donc être question d'accepter la vue du Qatar selon
laquelle, en matière d'interprétationdu consentement,«la balance des
intérêts penche en faveur du demandeur» («the balance of interests shifts
in favour of the applicant»; mémoire du Qatar, par. 4.18). Il n'existe
pas de présomption de compétence en faveur du demandeur : le titre de
juridiction doit, dans chaque affaire, être établi de manière «non
équivoque* et «indiscutable».
Troisième point, enfin, sur lequel je voudrais m'arrêter un instant :
la compétence de la Cour «ne saurait subsister endehors des limites dans
lesquelles [le] consentementa été donné» (Concessions Mavrommatis en
Palestine, C.P.J.I. série A no 2, p. 16); elle «n'existe que dans les
termes où elle a été acceptée» (Phosphates du Maroc, C.P. J.I. série A/B - 13 -
no 74, p. 23). Enoncé sous des formes différentespar d'innombrables
arrêts de la Cour (voirpar exemple Délimitation de la frontière maritime
dans la région du golfe du Maine, C.I.J. Recueil 1984, p. 266, par. 23;
Demande en revision et en interprétationde 1'arrêtdu 24 février 1982 en
l'affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriyaarabe libyenne)
(~unisie/Jamahiriya arabe libyenne), C.I.J. Recueil 1985, p. 216,
par. 43; Sentence arbit:raledu 31 juillet 1989 (Guinée-Bissauc.
Sénégal), C.I.J. Recueil 1991, p. 70, par. 49) , ce principe, qui permet
aux parties de moduler l'étendue de leur consentement,présente un
intérêt toutparticulier en ce qui concerne le mode de saisine. Donner
son consentementau règlement judiciaired'un différend sans le donneren
même temps à la requête unilatéraleest une possibilité; donner son
consentement au règlement judiciaire d'un différend et le donner aussi à
la requête unilatérale en est une autre.
Si, dans l'affaire du Plateau continentalde la mer Egée, la Cour n'a
pas regardé le communiqué de Bruxelles comme un titre de juridiction
capable de constituer un «fondement valable à sa compétence pour
connaître de la requête déposéepar la Grèce» (C.I.J. Recueil 1978,
p. 44, par. 107), ce n'est pas tellement,me semble-t-il,parce que ce
communiqué de Bruxellesne lui seraitpas apparu comme ayant le caractère
d'un traité international. C'est surtout, comme le met en lumière
l'analysepénétrante de M. Thirlway («TheLaw and Procedure of the
InternationalCourt of Justice 1960-1989»,British Year Book of
InternationalLaw, 1991, p. 14-15), parce que ce communiqué cn'avait pas
pour objet et n'a pas eu pour effet de constituer ... un engagement
immédiat ... d'accepter inconditionnellement quele ... différend soit
soumis à la Cour par requêteunilatérale» (op. cit ., p. 44, par. 107) . - 14 -
Dans la récente affaire relative auxmesures conservatoiresentre la
Bosnie-Herzégovineet la Yougoslavie, la Cour s'en souvient, une lettre
du président de la Yougoslavie au président de la commission d'arbitrage
de la conférence internationalepour la paix exprimant la vue que les
différends entre la nouvelle Yougoslavie et les républiques issuesde
l'ancienneYougoslavie devraient êtresoumis au règlement de la Cour n'a
pas été regardée par la Cour comme un titre de compétence prima facie.
Pourquoi ? Parce que la Cour s'est déclarée dans llimpossibilité, à ce
stade de la procédure, de déterminer «si le but de la lettre ... était de
constituer ... un «engagement immédiat», ayant force obligatoirepour la
Yougoslavie, d'accepterinconditionnellement que soient soumis à la Cour,
par requête unilatérale, une grande diversité de différendsjuridiques»;
ou si le but de la lettre était seulement de s'engager à soumettre à la
Cour certains différends; «ou si son but n'était rien d'autre que
d'énoncer une politique généralevisant à favoriser le règlement
judiciaire, sans offre ni engagement» (C.I.J. Recueil 1993, p. 18,
par. 31).
C'est, on le voit, l'intentiondes deux gouvernements intéressésqui
non seulementdéfinit l'étenduede la compétence de la Cour mais qui
détermine en même temps lesconditions et modalités dans lesquelles cette
compétence peut s'exercer. Contrairement à ce que soutient le Qatar, la
saisine est partie intégrantede la compétence. Le principe volontariste
gouverne le mode de saisine tout comme il gouverne les autres aspects de
la juridiction. - 15 -
Le consentement à la saisine unilatérale ne se présume pas
D'où il résulte que si les parties n'ont pas spécifié expressément le
mode de saisine au moment de décider de recourir au règlement judiciaire
ou au moment de déterminer l'objet et la portée des différends à
soumettre à la Cour, la question de savoirsi l'une ou l'autre peut
saisir la Cour par voie de requête ne saurait,-contrai-rement à ce que
prétendent nos adversai.res, être résolue en recourant à une soi-disant
liberté de choix. C'est par une interprétation concrètede la volonté
réelle des parties quece problème devra être résolu dans chaque cas.
L'opinion dissidente collectivedans l'affaire de l'incident aérien du
27 juillet 1955 (Israël c. Bulgarie) faisait étatdéjà du «principe non
contesté ... d'après lequel [le] consentementne saurait se présumer,
(C.I.J.Recueil 1959, p. 187). Cela est vraidu consentement à la
saisine unilatéraletout autant quedu consentementaux autres aspectsde
la compétence. Si l'interprétationde la volonté réelle des parties ne
permet pas de conduireavec certitude à un tel consentement,seule sera
alors possible une saisine conjointe.
C'est ainsi que la clause figurant avecdes rédactions diversesdans
certaines catégoriesde traités, aux termes de laquelle«Tout différend
relatif à l'interprétationet à l'applicationdu présent traité sera
porté devant la Courinternationalede Justice sauf si les Parties
conviennent d'un autre mode de règlement», a été analysée par la
jurisprudence commeexprimant la volontéréelle des Parties d'admettre la
requête unilatérale. Dans 1 'affaire du Personnel diplomatiqueet
consulaire des Etats-Unis à Téhéran, la Cour a déclaré à propos d'une
clause de ce genre : «Cet article ne prévoit certes pas en termes exprès que
l'une ou l'autre des parties peut saisir la Cour par requête
unilatérale, mais il est évident que ... c'est bien ainsi que
les parties l'entendaient» (C.I.J.Recueil 1980, p. 27,
par. 521,
et la Cour se réfère à la pratique habituelle dece genre de traités
Les Etats-Unis avaient montré dans leur mémoire qu'il s'agissait là d'une
clause standard traditionnellement interprétée à la fois par eux-mêmes et
par les autres parties comme autorisant la saisine unilatérale (C.I.J.
Mémoires, p. 153), et le conseil des ~tats-Unis avait fait remarquer
qu'une position similaireavait été adoptée par la Cour permanente à
propos d'une clause du même genre (plaidoirie de M. Schwebel, op. cit.,
La même analyse a été reprise par la Cour dansl'affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaraguac. Etats-Unis d'Amérique) (C.I.J. Recueil 1984, p. 427,
par. 81)
La Cour, on le constate, ne se fonde jamais sur une présomption, mais
se fonde toujours sur l'intentionétablie et indiscutable desparties
pour estimer que leur silencevaut, dans certains cas, acceptation du
droit de saisine unilatérale :«il est évident ..., dit-elle, je viens de
le voir, que c'est bien ainsi que les parties l'entendaient». Soutenir,
comme le fait M. Quéneudec, que la «saisine unilatérale apparaîtcomme le
corollaire inéluctablede la compétence obligatoire»et que, «Pour qu'une
telle saisine soit possible ..., il suffit que cette possibiliténe soit
pas expressémentou implicitementexclue» (CR 94/2, p. 64), me paraît
contraire à la jurisprudence de la Cour.
L'affaire de la Mer Egée, que j'ai évoquée il y a un instant, fournit
en quelque sorte la contre-épreuvede l'affaire du Personnel diplomatique - 17 -
et consulaire des Etats-Unis à Téhéran et constitue en même temps un
précédent remarquablepour notre affaire. Comme dans notre affaire, les
Gouvernementsgrec et turc avaient décidé que les problèmes concernant le
plateau continental de lamer Egée «doivent être résolus ... par la Cour
internationalede Justice de La Haye». Comme le faitaujourd'hui le
Qatar, la Grèce soutenait devant laCour que cette décision<ouvr[ait]
aux parties la voie de la requête comme celle du compromis»
(C.I.J. Recueil 1978, p. 40, par. 98). Comme le fait aujourd'hui
Bahreïn, la Turquie objectaitque l'intentiondes deux gouvernements
n'était pas d'autoriser une requête unilatérale mais seulementde prévoir
des négociations envue d'un compromis; et comme Bahreïn le fait
aujourd'hui,la Turquie ajoutait que«les efforts déployés ultérieurement
par le Gouvernement de la Grèce pour qu'un tel compromis soit négocié
confirment le bien-fondé» de cette interprétation(op. cit., p. 41,
par. 99).
Après avoir examiné detrès près la conduite des partiesavant comme
après le communiqué conjoint, la Cour en a tiré la conclusion quepour
l'une d'elles en tout cas, la Turquie, «il s'agissait de soumettre
conjointement le différend à la Cour par voie d'accords : les mots
«conjointement»et «par voie d'accord» sont en italiques dans le texte
publié de l'arrêt (op.cit.,p. 42, par. 102). Dans le comportementdes
deux gouvernements, lit.-on dans l'arrêt, la Cour «ne voit rien ... qui
donne à penser que laTurquie était ... disposée à envisager non pas une
soumission conjointe dudifférend à la Cour, mais une acceptation
générale de sa compétence pour en connaître» (op. cit., p. 43, par. 104).
Le Gouvernement grec lui-même, précise l'arrêt, ne paraissait pas avoir
jamais dans le passé invoqué le communiqué conjoint«comme constituant - le -
d'ores et déjà un titre de compétence direct et complet» (op. cit. p. 44,
par. 106). La Cour ne peut donc voirdans le communiqué conjoint, écrit-
elle, «un engagement immédiat ... d'accepter inconditionnellementque le
... différend soit soumis à la Cour par requête unilatérale=;en
conséquence, ce communiqué, déclare la Cour, «n'offre pas de fondement
valable à sa compétence pour connaître de la requête déposéepar la
Grèce, (op. cit. p. 44, par. 107).
L'opinion jointe à l'arrêt par M. Lachs n'est pas moins éclairante :
«ce qu'envisageaitle communiqué c'était une saisine conjointe
de la Cour sur la base d'un compromis à établir par les deux
Etats ... [Lle communiqué de Bruxelles n'était pas en soi un
titre suffisant pourporter le différend devant la Cour, car
les Parties étaient convenues de saisir conjointemenl ta Cour,
et l'on ne peut pas dire que leGouvernement de la Turquie ait
accepté une autreprocédure; il restait par conséquent à
arrêter d'un commun accord les modalités de la saisines (op.
cit., p. 50-51; les italiques sont de nous).
«Il est absolument impossible dedresser un quelconque parallèle
entre l'affaire de la Mer Egée et la présente affaire», a déclaré contre
toute vraisemblanceil y a quelques jours le Qatar (CR 94/3, p.23). Pour
reprendre l'image d'un conseil, aujourd'huimembre de la Cour, on
comprend que nos adversaires aient préféré glisser sur l'affaire de la
Mer Egée «comme chat sur braise».
Me voici parvenu, Monsieur le Président, à la conclusion de la
première partie de monexposé.
Comme l'a écrit sir Gerald Fitzmaurice dans un passage cité par nos
adversaires, dans la plupart des affaires la question n'est pas de savoir
si le consentement existe, mais plutôt à quoi il a été donné : uwhat and
how much is covered by the consent given» (mémoiredu Qatar, par. 4.14).
Qu'en est-il dans notre affaire ? Le constat est des plus simples. - 19 -
Des trois aspects du consentementque le Qatar a déclarés lui-même
«essentiels»,le premier, le consentementau règlement judiciaire,est
demeuré imparfait, inchoate. Le second, le consentement à l'objet et à
la portée des différends, n'a été donné que dans la perspective de la
conclusion d'un comprom.is.Quant au troisième aspect, le consentement à
la saisine unilatérale, ce consentement, loindlavoir.étédonné de
manière «non équivoque» et «indiscutable»comme l'exige la jurisprudence,
a été formellementet explicitement refusé par Bahrein à Doha.
En conséquence, la requête du Qatarne satisfait pas aux exigencesdu
principe général de la juridiction consensuelle.
Monsieur le Président,Messieurs les juges, en présence d'un pareil
constat, j'auraispu - peut-être estirnerez-vous que j'aurais dû - arrêter
là mes explications. Désireuxcependant de ne rien laisser dans l'ombre,
je souhaiterais poursuivrequelque peu l'examen critique de la requête du
Qatar au regard du principe de la juridiction consensuelle encherchant à
identifier, à cerner le titre de juridiction sur lequel le Qatar prétend
s'appuyer. Sur ce prokllèrnn eos adversaires ontdéployé des efforts qui
méritent d'être examinés à la loupe. Mais les données juridiquessont
telles que l'échec était irrémédiablementau bout de la route. C'est
cette chronique d'un échec juridique annoncé queje voudrais relater dans
la seconde partie de mon exposé.
II - L'ABSENCE DE TITRE DE JURIDICTION
Le "schéma du règlement judiciaire internationalnselon la Cour
Selon l'analyse rigoureuse qu'en a fait la Chambre dansl'affaire du
Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime entre El Salvador
et le Honduras, «[lie règlement judiciaireinternationalprévu au Statut
obéit ... au schéma (pattern) suivant : deux Etats, ou
davantage, conviennent que la Cour connaîtra d'un différend
particulier; leur consentementpeut être donné sur une base ad
hoc, par voie de compromis ou autrement, ou résulter de
l'invocation,en présence de ce différend particulier, d'une
clause juridictionnelled'un traité ou du mécanisme de
l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour» (C.I.J.
Recueil 1990, p. 133, par. 95).
Sir Gerald Fitzmaurice a montré, de son côté, que le consentement
peut être donné de troismanières (op. cit., vol. II, p. 496 et suiv.) :
- ante hoc, par l'acceptationde la clause optionnelle de
l'article 36, paragraphe 2, ou par une clause compromissoireinscrite
dans un traité;
- ad hoc, par un compromis ou par un accord des parties envisageant
que le différend puisse être porté à la Cour par la requête de l'une
d'elles, l'autre acceptant d'avance de répondre à cette requête;
- post hoc, enfin, par forum prorogatum.
Au regard du paragraphe premierde l'article 36 du Statut, aux termes
duquel cLa compétence de la Cour s'étend à toutes les affaires que les
parties lui soumettront,ainsi qu'à tous les cas spécialementprévus ...
dans les traités et conventions en vigueur», on s'accorde généralement à
regarder le consentementad hoc, par voie de compromis ou autrement,et
le consentementpost hoc, par forum prorogatum, comme relevant du premier
concept : *toutes les affaires que les parties lui soumettront,. Le
consentement ante hoc, par clause compromissoire inscrite dansun traité,
relèverait, quant à lui, du concept : «tous les cas spécialement
prévus ... dans les traités et conventions en vigueur». L'article
mécanisme de la clause optionnelle del'article 36,
paragraphe 2, serait
un autre exemple de consentement ante hoc. Comme l'a dit à juste titre
sir Ian Sinclair (CR 94/2, p. 38-39), la célèbre dispositionde - 21 -
l'article 36, paragraphe 1, n'a jamais été interprétée de manière
littérale. C'est la réalité du consentementplus que son véhicule formel
qui est déterminante.
La question se pose dès lors, Monsieur le Président, de savoir où,
dans ce schéma - qui peut être décritde manière différentemais qui
finalement se recoupe - s'insère, trouve place, la requête déposéepar le
Qatar. Si aucune place ne peut lui être trouvée, la conclusion sera
inéluctable : il n'y a pas de titre de juridiction,et la Cour est donc
sans compétencepour statuer sur cette requête.
La thèse du Qatar : quasi-compromis et quasi-clause compromissoire
Pas de clause optionnellede l'article 36, paragraphe 2, du Statut,
cela est évident. Pas de forum prorogatum, cela est tout aussi évident.
Le Qatar l'a formellement reconnu (CR 94/1, p. 33 et 36).
Il ne restait alors au Qatar que deux possibilités, et deux seules :
ou bien se fonder sur un consentementad hoc, donné «par voie de
compromis ou autrement» selon l'expressionde la Chambre dans l'affaire
du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime entre
El Salvador et le Honduras; ou bien se fonder sur un consentement ante
hoc, donné par une clause compromissoire inséréd eans un traité dont il
aurait demandél'application à un ou des différends particuliers.
Alors le Qatar a choisi de ne pas choisir et s'est engagé
concomitammentdans les deux directions.
De la conjonction du consentementqu'il prétend avoir été donné au
règlement judiciaire et du consentementqu'il prétend avoir été donné à
l'objet et à la portée desdifférends, le Qatar a inféré l'existencetout
à la fois, et indifféremment,d'un compromis et d'une clause - 22 -
compromissoire : «Que la formule [bahreïnite] , écrit-il dans un passage
capital, soit insérée dans un compromis ou dans un accord constituantla
base de requêtes unilatéralesne fait aucune différence.Dans l'un et
l'autre cas, la Cour peut exercer sa compétence sur la base de l'accord
intervenu entre les Partiesau sujet de la portée et de l'objet des
I1Whether the [Bahraini]formula is inserted in a special
agreement or in an agreement which is the basis ofunilateral
applications makesno difference. In both cases the Court can
exercise its jurisdictionon the basis of the agreement of the
parties on the scope and subject of the disputes.» (Mémoiredu
Qatar, par. 5.74.)
A la manière d'un Janus bifrons, le procès-verbalde Doha,
incorporant la formule bahreïnite, aurait ainsi, à en croire nos
adversaires, deux visages différents : celui, sinon d'un compromis
véritable, du moins d'une espèce de compromis que le Qatar aurait en
quelque sorte notifiépar sa requête à la Cour, et celui, sinon d'une
clause compromissoirevéritable, du moins d'une espèce de clause
compromissoire définissantles différends parmi lesquels chacunedes
Parties aurait pu choisir ceuxqu'elle entend soumettre à la Cour.
Imagination de ma part, non pas Monsieur le Président. «La différence
entre l'accord de Doha et un compromis ou une clause compromissoireest
... mince», écrit le Qatar :
«The difference betweenthe Doha Agreement anda special
agreement or a compromissoryclause is ... s1ight.s (Mémoiredu
Qatar, par. 5.68.)
Et dans la suite, tantôt c'est à un compromis qui n'aurait pas dit son
nom que les écritures du Qatarcomparent lesoi-disant accord de Doha
(op. cit., par. 4-84], tantôt c'est à un accord ad hoc contenant une - 23 -
clause compromissoire quele procès-verbal de Doha est assimilé par le
Qatar (requêtedu Qatar, par. 4.84).
Nos adversairesn'ignoraientpas, cependant, que les deux titres - le
compromis et la clause compromissoire -ne sont ni équivalentsni
interchangeableset qu'ils ne peuvent pas seprévaloir indifféremmentde
l'un ou de l'autre, et moins encore cumulativement de l'un et de l'autre
Ils étaient tropconscients également desobjections dévastatrices
auxquelles se heurtait la théorie du pseudo-compromisconstitué par la
formule bahreïnite incorporéedans le soi-disant accord de Doha pour en
faire un exposé structuréet systématique.Aussi ont-ils laissé cette
thèse en filigrane, en demi-teinte en quelque sorte, et se sont-ils
contentés de procéderpar touches impressionnistes.Je me dois de
dénoncer cette approche protéiforme qui demeureen toile de fond de la
thèse de nos adversaires, ne serait-ce que sous la forme de ce que le
professeur Salmon appelleraitun «argument d'ambiance» (CR 94/3, p. 41).
A. La thèse du quasi-compromis
Commençons, si vous le permettez, pour y voir un peu plus clair, par
la théorie du quasi-compromis,et relisons ce qu'a écrit le Qatar :
«The Doha Agreement incorporatesthe Bahraini formula in
the same way as if it had been included ina special
agreement." (Mémoiredu Qatar, par. 5.69.)
Ainsi, à en croire la Partie adverse, l'acceptationpar le Qatar de
la formule bahreïnite à Doha aurait engendré une situation assimilable à
celle d'un compromis. C'est ce que j'appelle la thèse du compromisde
facto ou du quasi-compromis.Ces termes, je m'empresse de le préciser,
n'ont pas été employés par nos adversaires, maisj'espère ne pas trahir
leur pensée en les utilisant par souci de raccourci. - 24 -
L'image que le Qatar cherche à imposer par cette approche me paraît
fort simple. Elle relève à la fois de ce que le Qatar prétend être le bon
sens et de ce qu'il prétend être le droit.
Le bon sens, d'abord. Puisque les Parties sont d'accord sur
l'essentiel,nous laisse-t-ilentendre, c'est-à-diresur le principe
d'aller à la Cour et sur l'objet et la portée desdifférends à lui
soumettre, le choix de la méthode procédurale de saisinen'avait plus
grande importance,et Bahreïn se montre bien mesquin lorsqu'il insiste
pour que la Cour soit saisie par voie de compromis plutôt quepar voie de
requête ! Le Qatar s'attribue ainsi l'image d'un plaideur ouvert,
respectueux de la Cour, et voudrait faire passer Bahreïn, par contraste,
pour un plaideur procédurieret craintif, qui cherche à se dérober au
jugement de la Cour en s'abritant derrière des «barrières formalistes»
(CR 94/3, p. 47) - le mot a été employé.
Après le soi-disant bon sens, le soi-disant droit. Les Parties
étaient tombées d'accord à Doha, nous dit-on, sur l'objet et la portée
des différends sur lesquelsla Cour allait être invitée à se prononcer.
Chaque Partie, a-t-il été convenu, exprimerait sespropres vues à ce
sujet. Il ne restait donc plus à chaque Partie, soutient leQatar, qu'à
définir effectivement sesdemandes; et cet objectif comment l'atteindre,
cet objectif ne pouvait êtreatteint, conclut-il,que par le dépôt par
chacune d'elles d'une requête :
«By virtue of their agreement on the Bahraini formula, the
Parties have agreed upon the subject and scope of the disputes
to be referred to the Court. What is left to be determined ...
is the formulationby each Party of its own claims. Such claims
cannot be formulated except by a unilateral presentationby
each Party.» (Mémoiredu Qatar, par. 5.69.) - 25 -
Juridiquement, le Qatar assimileainsi le procès-verbal de Doha à un
compromis dans lequel les Parties se seraient misesd'accord pour laisser
à chacune d'elles le soin de poser à la Cour ses propres questionspar
une requête unilatérale.Bien mieux : à en croire le Qatar, le dépôt de
deux requêtes unilatérales définissant l'une les demandes du Qatar et
l'autre les demandes de Bahreïn ne serait pas seulement autorisé par le
procès-verbal de Doha, il serait exigépar lui. Le Qatar glisse ainsi
d'une conception permissive, selon laquellele soi-disant compromis de
Doha aurait juridiquement rendu possiblela requête unilatérale duQatar,
à une conceptionprescriptive, selon laquelle lesoi-disant compromis de
Doha aurait exigéque le Qatar, mais aussi Bahreïn, déposent chacunune
requête devant la Cour. En déposant sa proprerequête le 8 juillet 1991,
le Qatar, laisse-t-onentendre, n'a fait qulexécuter sa part de ce que
prévoyait lequasi-compromisde Doha; il ne reste plus à Bahreïn, ou il
ne restait plus à Bahreïn, qu'à exécuter la sienne, là encore «en
conformité avec l'accord de Doha» (pursuantto the Doha Agreement)
(requête du Qatar, par. 3.78). Simple faculté ou véritableobligation,
droit ou devoir, les deux conceptions sont inextricablementmêlées dans
la thèse adverse.
Je sais bien, Monsi.eurle Président, que, puisque la jurisprudencese
montre peu exigeante sur la forme, le compromis stricto sensu n'est pas
la seule manière par laquelle un consentementad hoc peut s'exprimer.
Comme l'énonce l'arrêt El Salvador/Honduras,que j'ai déjà cité, le
<<consentement peut être donnésur une base ad hoc, par voie de compromis
ou autrement*,(or othêrwise),cet "autremento1 se rapportant,pour
reprendre l'explicationde Sir Gerald Fitzmaurice, à un accord des
Parties envisageant quele différend puisseêtre porté à la Cour par la - 26 -
requête de l'une d'elles, l'autre acceptant d'avance de répondre à cette
requête. Or, à en croire le Qatar, ce serait dans une situation de ce
genre que nous nous trouverions dans la présente affaire, puisque, selon
lui, l'accord de 1987, confirmé et complété par le procès-verbal de Doha,
exprimerait le consentement ad hoc des Parties à une dualité de requêtes
unilatérales à la manière des accords passés entre les parties dans les
affaires du Droit d'asile et de la Sentence arbitraledu roi d'Espagne
sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.
L'idée d'une situation où aucun compromis formeln'aurait été conclu
mais qui présenterait un caractère similaire à celui d'un compromis n'a
donc en elle-même, je m'empresse de le souligner, rien de scandaleux ni
d'inacceptable.Encore convient-il de ne pas se livrer à des
assimilations fantaisistes, à des comparaisons imaginaires.Or c'est ce
qu'a fait le Qatar pour accréditersa thèse d'une situation de quasi-
compromis de ou autrement.
Ce sont ces confusions que je voudrais à présent mettre à nu.
Le Qatar a déposé une requête, il n'a pas notifié un compromis
La première est d'ordre procédural. Ce qui caractérise une procédure
de saisine par compromis, c'est que la juridiction est conférée à la
Cour, et que la Cour se trouve saisie du litige, par la notification de
ce compromis. En l'absence de ces deux traits, souligne le Dr. Rosenne,
on n'est pas en présence d'un compromis (The Law and Practice of the
International Court, 2e ed., 1985, p. 333) .
Dans notre affaire, la seconde de ces deux conditionsn'est à
l'évidencepas remplie. La Cour n'a pas été saisie de la présente affaire
sur la base de l'article 39 de son Règlement relatif à la saisine par - 27 -
voie de compromis,mais sur cellede l'article 38 relatif à la saisine
par voie de requête :cela a été confirmé par l'agent du Qatar (CR 94/1,
p. 14).
Si le Qatar avait eu foi dans sa théoriede l'assimilation de
l'accord de Doha à un compromis,pourquoi n'a-t-il pas saisi la Cour en
lui notifiant ce soi-disant compromis sur la basede l'article 39 ? C'eût
été extrêmementsimple. Il ne l'a pas fait parce qu'il aurait fait
éclater au grand jour l'impossibilitéde présenter le procès-verbal de
Doha comme quelque chose qui aurait ressemblé, même de loin, à ce que
l'on a l'habitude d'appelerun compromis.
Comment, en effet, lmaginer un seul instant que la Cour aurait pu
accepter de voir un compromis, au sens de son Statut et de son Règlement,
dans un texte - celui du procès-verbalde Doha - si on le lui avait
notifié commeun compromis, qui renvoie à une question,laquelle se
trouve définie dansun document, la formule bahreïnite, qui nefait pas
partie de ce procès-verbalet qui n'y est même pas annexé ? Comment
imaginer un seul instact que la Cour aurait pu accepterde voir un
compromis, au sens de son Statut et de son Règlement, dans un texte -
celui du procès-verbal de Doha - si on le lui avait notifié commeun
compromis qui ne comporte aucunedes dispositions caractéristiques d'un
compromis,par exemple celles relativesau nombre et à l'ordre de
présentation des piècesde procédure conformément à l'article 46 du
Règlement de la Cour ? Et s'il avait voulu notifier à la Cour le pseudo-
compromis de Doha incorporant laformule bahreïnite, ou en y annexant
lui-même la formule bahreïnite,comment le Qataraurait-il pu satisfaire,
sans le concours de Bahreïn, à l'exigence du paragraphe 2 de l'article 39
du Règlement aux termes duquel «la notification [du compromis] indique - 28 -
l'objet précis du différend ..., pour autant que celane résulte pas déjà
clairement du compromis» ? Un simple coup d'oeil sur le procès-verbalde
Doha suffit pour montrer que ce n'est vraiment pas là un document qui
aurait été susceptibled'être notifié à la Cour en tant que compromis en
application de l'article 39 du Règlement de la Cour !
En procédant, comme il l'a fait, par voie de requête sur la base de
l'article 38, le Qatar a apporté lui-même à sa thèse du compromisle
démenti le plus cinglant, détruisant de ses propres mains, bien mieux que
je n'ai pu le faire par mes raisonnements,sa thèse du quasi-compromis.
Les deux voies de la requête et du compromisne coïncident pas, et le
Qatar ne peut pas justifier son choix de l'une, celle de la requête, en
laissant entendrequ'il n'est pas loin d'avoir recouru à l'autre, ou
qu'il aurait pu recourir à l'autre, celle de la notification du
compromis.
Le dépôt d'une requête n'est pas équivalent à la
notification unilatérale d'un compromis
Deuxième erreur du Qatar, plus grave encore : une confusion
systématiquement entretenue entrele dépôt d'une requête unilatérale et
la notification unilatéraled'un compromis. Le conseil du Qatar n'a-t-il
pas parlé, je le cite, de la «£alse distinction betweenjoint and
unilateral seisin~ (CR 94/1, p. 53) ?
La Partie adverse s'appuie à cet égard sur le fait qu'aux termes de
l'article 39 du Règlement de la Cour
«Lorsqutune instance est introduite devantla Cour par la
notification d'un compromis ..., cette notification peut être
effectuée conjointement parles parties ou par une ou plusieurs
d'entre elles.» - 29 -
Alors, suggère le Qatar, puisque le Règlement permet à l'une des
parties de saisir la Cour en lui notifiant le compromis, pourquoi donc
s'opposerait-onau dépôt d'une requête par l'une des parties ? Entre les
deux procédures, laisse entendrele Qatar, la différence n'est-elle pas
mince comme un papier de soie (voirpar exemple mémoiredu Qatar,
par. 4.57 et 4.59; requête du Qatar, par. 4.98; CR 94/3, p. 75) ?
La confusion, là encore, saute aux yeux. Le dépôt d'une requête
n'est pas l'équivalent,mais pas du tout, de la notification d'un
compromis par l'une des parties. Que la notification soit faite
conjointementou séparément par l'une des parties, comme le permet
l'article 39, n'a pas d'incidence sur la déterminationdes différends sur
lesquels la Cour est appelée à statuer. Par contre, lorsque l'affaire
est portée devant la Cour par une requête, c'est cette requête qui
définit l'objet et la portée du différend. La ligne de clivage ne passe
pas entre notification conjointeet notification unilatéraled'un
compromis,mais entre notification - unilatérale ou conjointe d'un
compromis,peu importe - et dépôt d'une requête.
Les précédents jurisprudentiels invoqués par le Qatar
Troisième confusion du Qatar : pour donner une apparence de
justification juridique à leur thèse du quasi-compromisde Doha
autorisant, voire même exigeant, une saisine unilatérale, nos adversaires
se sont abrités dans leurs écritures derrièredes précédents
jurisprudentielsqui leur paraissaient évocateurs dela situation
actuelle. L'examen de ces précédentsmet au contraire en lumière, en
lumière très vive, par contraste en quelque sorte, que nous ne nous - 30 -
trouvons pas, dans notre affaire, dans une situation de <compromis ou
autrement» .
Dans l'affaire du Statut juridique du territoire du Groënland
oriental, nous explique-t-onpar exemple (mémoire duQatar, par. 5.70),
où deux requêtes unilatéralesayant exactement le même objet avaient été
déposées le même jour par la Norvège et par le Danemark, la Cour déclara
que «la situation devant laquelle [elle]se trouve se rapproche
sensiblement, au point de vue de la procédure, de celle qui existerait si
elle se trouvait saisiepar ... un compromis contenant, avec l'indication
de l'objet du différend, les demandes divergentesdes Parties»; la Cour
décida en conséquencede joindre les deux requêtes (C.P.J.I. série A/B
no 48, p. 270). N'est-ce pas la preuve, suggère le Qatar, que compromis
et requête sont tout à fait compatibles, et que nous nous trouvonsici
également dans une situationqui se rapproche sensiblement, au point de
vue de la procédure, de celle qui existerait sila Cour était saisie par
un compromis ?
Où donc, je le demande, est la similitude entre cette affaire et la
nôtre ? Dans 1'affaire du Statut juridique du territoire du Groenland
oriental, c'est pour pouvoir joindre procéduralement les deux affaires,
bien qu'à cette époque aucune disposition du Règlementn'autorisât la
jonction des instances, que la Cour a fait état d'une comparaison avec
une situation de compromis. Aujourd'huila jonction des instancesest
expressément prévuepar l'article 47 du Règlement, et le détour d'une
comparaison avec une situationde compromis ne serait plus nécessaire
pour la prononcer. De toute manière, et cela suffit à régler le sort de
cette comparaison,dans notre affaire, la Cour n'est pas saisie de deux
requêtes unilatérales du Qataret de Bahreïn, toute comparaison avec - 31 -
1'affairedu Statut juridique du territoiredu Groënland oriental est
inappropriée.
L'affaire du Droit d'asile,plus sérieusement encore appelée à l'aide
par nos adversaires (mémoiredu Qatar, par. 5.71) ? Dans cette affaire,
on s'en souvient, la Colombie et le Pérou avaient conclu un accord dit
acte de Lima par lequel ils avaient prévu que
«vu llimpossibilitépour les plénipotentiairesdu Pérou et de
la Colombie de parvenir à un accord sur les termes dans
lesquels ils pourraient soumettreconjointement à la Cour
internationalede Justice le cas en discussion, ils conviennent
que la procédure devant la juridiction reconnuede la Cour
pourra être engagée à la demande de l'une quelconque des deux
Parties» (C.I.J.Recueil 1950, p. 268).
En application de cet accord, la Colombie avait déposéune requête
accompagnée de l'Acte de Lima, et le même jour le Pérou avait déposélui
aussi l'Acte de Lima devantla Cour. Le Gouvernementpéruvien déclara
ensuite expressément voirdans l'Acte de Lima un compromis (C.I.J.
Mémoires, vol. II, p. 202-203; cf. S. Rosenne, Op. cit., vol. II,
p. 524), et la Cour se considéra en conséquence comme saisie parun
compromis (Guyomar,Conimentaire du Règl ernentde la Cour internationalede
Justice, Paris, Pedone, 1983, p. 256).
Où est donc, je pose à nouveau la question, la similitude entre cette
affaire et la nôtre ? Le procès-verbalde Doha prévoit-il, comme le
faisait l'Acte de Lima, qu'en raison de l'impossibilitédans laquelle les
deux gouvernements s'étaienttrouvés de rédiger un compromisils sont
convenus que la procéduredevant la Cour pourra être engagée à la demande
de l'une quelconque des Parties ? Le procès-verbalde Doha prévoit-il
cela ? Non, Monsieur le Président, le procès-verbal de Doha ne comporte
aucune clausede ce genre. Et Bahreïn a-t-il,comme l'a fait le Pérou
dans l'affaire du Drolt d'asile, déposé le procès-verbalde Doha auprès - 32 -
de la Cour et déclaré voir dans ce procès-verbal un compromis ? Bien sûr
que non, Monsieur le Président, Bahreïn n'a rien fait de semblable.
Contrairement à l'affaire du Droit d'asile, il n'y a eu ici aucun accord
des Parties prévoyant la saisine unilatérale de la Cour que l'autre
Partie aurait acceptéed'avance. Décidément, le procès-verbal de Doha
n'est pas un second Acte de Lima !
Et que dire de 1'affairede la Sentence arbitrale du roi d'Espagne,
également invoquée par le Qatar (mémoire du Qatar, par. 5.72) ? Dans
cette affaire, le Honduras et le Nicaragua avaient conclu un accord, dit
accord de Washington, par lequel ils s'engageaient à soumettre à la Cour
leur différend au sujet de la sentence arbitrale renduepar le roi
d'Espagne en 1906 et dans lequel ils avaient ajouté la précision
suivante :
«étant entendu que chaque Gouvernement présentera ... l'aspect
du différend qu'il jugera approprié».
A cet accord de Washingtonétaient annexées deux déclarations, l'une du
Honduras prévoyant que le Honduras déposera une requête avec certaines
conclusions, et l'autre du Nicaragua prévoyant que leNicaragua
s'opposera sur le fond à cette requêteet fera valoir ses propres
conclusions (C.I.J. Recueil 1960, p. 203-204).
A nouveau je me demande en quoi ce précédent peut venir conforter
l'analyse que le Qatar fait de notre affaire.
Si, dans notre affaire, le procès-verbal de Doha avait énoncé que les
Parties conviennentque le Qatar déposerait une requête avecses
conclusions et que Bahreïn s'opposerait à cette requêtesur le fond en
présentant ses propres conclusions, alors, oui, l'affaire de la Sentence
arbitrale du roi d'Espagne pourrait êtreregardée comme un précédent de - 33 -
quelque intérêt. Mais le procès-verbalde Doha ne dit rien de tel. Pas
plus qu'il n'est un second Acte de Lima, le procès-verbal de Doha nlest
un second accord de Washington ! Au demeurant, je le note au passage,
dans l'affaire de la Sentence arbitrale du roi d'Espagne la Cour ne
paraît pas s'être considérée comme saisiepar un compromis (Guyomar,loc.
cit.) .
Quoi qu'il en soit, dans toutes ces affaires dans lesquellesle Qatar
voudrait voir un précédent de la situation d'un quasi-compromis,les
parties avaient mis sur pied, d'un commun accord, un scénario détailléde
la saisine de la Cour. Dans toutes ces affaires, le défendeur avait
donné son accord, ex ante ou ex post, à ce que la Cour soit saisiepar
une requête, et il avait soit défenduau fond sans soulever d'objections
soit déposé de son côté sa propre requête. Ici, au contraire, il n'y a
eu aucune coordination entreles Parties au sujet du dépôt d'une ou de
deux requêtesunilatérales. Au dépôt de la requête du Qatar Bahreïnn'a
donné aucun consentement,ni a priori à Doha ni a posteriori par sa
conduite : le seul fait que Bahreïn a fait objection à la requête du
Qatar exclut toute comparaisonavec les affaires citées, où toute
démarche unilatéralede l'une avait requ à un moment donné du processus
l'assentimentde l'autre.
Pas davantage, et j'en terminerai ainsiavec cette revue des
précédents invoquéspar nos adversaires, le Qatar ne peut-il espérer
trouver un secours dans la récente affaire du Différend territorial
(Libye/Tchad) (mémoiredu Qatar, par. 4.61-4.62). Dans cette affaire, la
Libye avait notifié à la Cour un accord-cadre entre la Libye et le Tchad
par lequel les partiess'engageaient, <<àdéfaut d'un règlement
politique ... à soumettre le différend au jugementde la Cour - 34 -
internationalede Justice». Le lendemain, le Tchad avait déposé devant
la Cour une requête fondée sur cemême accord-cadre. Un peu plus tard,
le Tchad avait fait savoir à la Cour qu'il constatait que sa demande
coïncidait avec celle contenue dansla notification libyenneet qu'il
considérait que «ces deux notifications concernent une affaire unique,
dont la Cour est saisie en application del'accord d'Alger, qui constitue
le compromis». Après quoi, «au cours d'une réunion entre le Président de
la Cour et les représentantsdes Parties ..., les agents des Parties sont
convenus qu'en l'espèce l'instanceavait en fait été introduite par deux
notifications successivesdu compromis que constitue l'accord-cadre ...
et que la procédure enl'espèce devait être déterminée par la Coursur
cette bases (C.I.J. Recueil 1990, p. 151; cf. C.I.J. Recueil 1994,
par. 5.8).
Comment le Qatar peut-il voir là un appui à sa théorie selon
laquelle, à partir du moment où lesparties sont d'accord pour saisir la
Cour de certains différends, chacune d'elles peut agir unilatéralement ?
Contrairement à ce qui s'était produit dans l'affaire Libye/Tchad, les
Parties ne sont pas d'accorddu tout dans notre affairepour voir dans le
procès-verbal de Doha un compromis susceptible de notification. Le
procès-verbal de Doha n'a vraiment rien à voir avec l'accord-cadrede
1 affaire Libye/Tchad.
La dénaturation de la formule bahreïnite
Dernière erreur, enfin,de la Partie adverse, et non la moindre : la
dénaturation complète du senset de la portée de la formule bahreïnite,
sur laquelle je me suis déjà expliqué. - 35 -
Même si nos adversairesreconnaissent,je l'ai indiqué, que la
formule bahreïnite était destinée à être insérée dans lecompromis en
cours de négociation, ils prétendent qu'à Doha cette formule a été élevée
au rang d'un accord distinct, autonome, indépendant :
«what was achieved by the Doha Agreement is an independent
agreement to allow the seisin of the Court on the basis of that
text» (mémoiredu (Qatar,par. 5.68).
Tant et si bien, n'hésitent-ilspas à affirmer et à répéter, qu'à
présent, depuis Doha, la formulebahreïnite «se suffit à elle-même>)
(standson its own) (répliquedu Qatar, par. 3.76 et 4.78; CR 94/2,
Si l'on comprend bien, la formule proposée par Bahreïnen 1988 en
tant que l'une des dispositions,parmi d'autres, du compromis en voie de
discussion se serait transformée à Doha, par la magie de l'assentimentdu
Qatar, en une clause se suffisant à elle-même,par laquelle les Parties
auraient défini les différends à soumettre à la Cour indépendammentde
tout compromi S.
Cette analyse, je regrette de devoir le dire, Monsieur le Président,
défie le bon sens. La formule bahreïnite, on ne saurait trop y insister,
était destinée à être :L'unedes dispositions du compromis parmid'autres,
rien de plus. Jamais il n'a été envisagé un seul instantque la
disposition définissantla mission de la Cour pourrait se suffire à
elle-même, qu'elle pourrait, en un mot, devenir à elle seule le
compromis. Même une fois obtenu l'assentimentdu Qatar à la formule
bahreïnite, on n'a pas atteint le bout de la route. L'opposition
persistante du Qatar à la formule de l'article V du projet de compromis
témoigne, s'il en est besoin, des difficultés qui restent à surmonter. - 36 -
Le Qatar a-t-il réalisé la portée et les conséquences de sa thèse ?
Si cette thèse était exacte, cela signifieraitque lorsque deux
gouvernements décident d'un commun accord de porter un différend devant
la Cour, qu'ils entament des négociations envue de la rédaction d'un
compromis et qu'ils tombent d'accord sur le texte de l'article
définissant la mission de la Cour, la question à lui poser, le compromis
serait immédiatement tenu pourconclu, et le lien juridictionnelpour
établi. Tant et si bien que l'une des parties pourrait sur-le-champ
saisir la Cour soit en lui notifiant ce compromisin statu nascendi soit
même en déposant une requête. La Cour admettra-t-ellepareille
distorsion de son Statut et de son Règlement ? De manière plus générale,
ne mettrait-on pas en péril tout processus de négociation si l'on
admettait que l'accord sur un article - accord nécessairement provisoire
et partiel, et qui ne peut prendre effet qu'une fois adopté le traité
tout entier - puisse se transformeren traité distinctqui «stands on its
om», qui se suifit à lui-même ?
Malgré son acceptation par le Qatar - dont Bahreïn se félicite - , la
formule bahreïniten'est à l'heure actuelle encore rien d'autre qu'un
projet; elle n'est pas un texte contractuelen vigueur capable de donner
naissance à des droits et obligations au profit ou à la charge des
Parties; elle ne peut pas constituer un titre de juridiction.
O
B. La thèse de la quasi-clause compromissoire
Monsieur le Président, Messieurs les Juges, plus encore quesur un
compromis de facto ou sur une situationde compromis, le Qatar s'appuie,
pour légitimer sa requête, sur la base de ce qu'il a défini lui-même un
«consentementad hoc» qui aurait donné naissance à une clausecompromissoire (mémoiredu Qatar, par. 4.11; requête du Qatar, par. 4.84
et 4.96; cf. CR 94/1, p. 34). Relisons trèsattentivementce qu'écrit le
Qatar dans sa réplique :
«l'accord conclu à Doha en 1990 est apparu commejouant le rôle
d'un accord ad hoc assorti d'une clause compromissoirequi
pennettai t à chacune des Partiesde soumettre une requête à la
Cour pour présenter ses propres revendica tiens» les italiques
sont de nous) .
«the Agreement reached atDoha in 1990 emerged as having the
function of an ad hoc agreement containinga compromissory
clause making it possible for each Party to submit an
application to the Court presenting its own claims» (requêtedu
Qatar, par. 4.84) ; (emphasis added) .
Relisons également, sivous le permettez, ce que le Qatar vient de
déclarer dans ses plaidoiries :
«the 1987 Agreement, as confirmed andsupplementedby the Doha
Minutes, constitutes a «treaty» or «convention» within the
meaning of Article 36, paragraph 1, of the Statute so as to
afford the necessary basis for the exerciseof jurisdictionby
the Court» (CR 94/2, p. 49).
Première remarque :en mariant les concepts de consentement adhoc et
de clause compromissoirecomme il l'a faic dans ses textes, le Qatar
procède, si vous voulez bienme permettre cette expression, à un
accouplement contre nature. Il y a consentement adhoc lorsque, «par voie
de compromis ou autrement», les parties décident de soumettre au
règlement judiciaire undifférend déjàné, alors que par une clause
compromissoire insérée dans untraité ou convention en vigueur les
parties déterminent les différends futurs et éventuels qu'ils s'engagent
d'avance à soumettre au règlement judiciaire.Aussi - j'y reviendrai dans
un instant - la jurisprudenceet la doctrine voient-elles dans la clause
compromissoireinsérée dansun traité l'exempletype d'un consentement
ante hoc. Le consentement prétendument donné à Doha ne peut pas être
défini d'unmême trait,de plume comme un consentementad hoc et comme une - 38 -
clause compromissoireante hoc insérée dans un traité ou convention en
vigueur. C'est l'un ou l'autre, mais pas les deux à la fois.
Pas de consentement ad hoc
Qu'il n'y a pas eu, dans notre affaire, de consentement ad hoc, qar
voie de compromisou autrement», je viens de le montrer. Seule la
conclusion d'un compromis formel ou bien un accord des deux Parties
prévoyant que le différend pourrait êtreporté à la Cour par la requête
de l'une d'elles, l'autre s'engageantd'avance à y défendre, aurait pu
être regardé comme constituant untitre de juridiction exprimant un
consentement ad hoc. Rien de tel n'existe ici, nous l'avons vu.
Pas de clause compromissoire ante hoc insérée dans un traité ou
convention en vigueur
Pas davantagen'existe-t-ildans notre affaire declause
compromissoireante hoc. Ainsi qu'il ressort du Dictionnaire de la
terminologiedu droit international,le célèbre Dictionnaire Basdevant
déjà souvent cité ici (Paris,Sirey, 1960, p. 116), deux traits majeurs
caractérisentla clause compromissoire.Primo, c'est une disposition
insérée dans un traité. Secundo, c'est une disposition quidéfinit à
l'avance les différends ou catégories de différends que les parties ont
décidé de soumettre au règlement judiciaire.Ce peut être une disposition
prévoyant le règlement judiciaire des différends nés de l'interprétation
ou de l'applicationdu traité dans lequel cette clauseest insérée.Ce
peut être aussi une disposition insérée dans un traité dont l'unique
objet est d'organiser le règlement des différends - dans un traité
d'arbitrage ou un traité de règlement judiciaire, par exemple -, et
prévoyant le règlement judiciaire de tous les différends, ou de certaines - 39 -
catégories de différends,susceptiblesde surgir à l'avance entre les
parties. Dans le premier cas, précise le Dictionnaire Basdevanc, on
parlera de clause compromissoirespéciale; dans le second, on parlera de
clause compromissoiregénérale.
Sir Gerald Fitzmaurice parle à ce sujet d'une «treaty jurisdiction~,
pour bien montrer qu'il s'agit d'une clause insérée dans un traité et il
range cette « treaty jurisdiction~aux côtés de la «optional clause
jurisdictionsde l'article 36, paragraphe 2, dans la catégorie du
consentementdonné ante hoc (op. cit., vol. II, p. 499-500).
De façon similaire, l'arrêt El Salvador/Hondurasoppose au compromis,
où le consentementest donné ad hoc, «l'invocation,en présence [d'un]
di£férend particulier,d'une clause juridictionnelled'un traité [c'est
la treaty jurisdictionlou du mécanisme de l'article 36, paragraphe 2, du
Statut de la Cour». Comme Sir Gerald Fitzmaurice, la Chambre considère
donc la clause compromissoirecomme un exemple de consentement ante hoc
donné dans un traité.
Comment alors ne pas voir que, dans notre affaire, il n'y a rien,
absolument rien, qui ressemble à ce que la jurisprudenceet la doctrine
appellent une clause compromissoire ? La formule bahreïnitene définit
pas à l'avance des différendsou catégoriesde différends parmi lesquels
tel ou tel différend susceptiblede surgir à l'avenir devrait faire
l'objet d'un règlement par la Cour. L'essencemême du système de
règlement mis au point depuis les principes pourun cadre de règlement,
les principes de la médiation, - système dont la formule bahreïnite est
un élément - consiste à organiser un règlement global et unique de tous
les aspects d'un différend non pas futur, mais d'un différend déjà né et - 40 -
cristallisé,et exclut, le professeur Jiménezde Aréchaga l'a montré,
tout pick and choose. Le Qatar, Monsieur le Président, fonde sa requête
sur une clause compromissoiremythique et inexistante.
Pas de clause compromissoire rendant possible une requête unilatérale
Mais le Qatar ne parle pas, à vrai dire, d'une clause compromissoire
tout court. Sa thèse est plus subtile. Il parle, dans le passage que
jlai cité, d'une clause compromissoirequi permettait à chaque Partie de
soumettre à la Cour une requête présentant ses propres réclamations - «a
compromissory clause making it possible for each Partyto submit an
application to the Court presentingits own claims» (requête du Qatar,
par. 4.84).
Que veut dire leQatar par là. Si le Qatar veut dire par là qu'il
est de la nature d'une clause compromissoirede permettre à l'une ou
l'autre partie de saisir la Cour par voie de requête, autrement dit que
le droit de saisine unilatéraleest inhérent à la clause comprornissoire,
alors il se trompe. Clause compromissoireet saisine unilatéralene vont
pas forcément depair.
Il existe certes des clauses compromissoires qui prévoient
explicitement la saisine de la Cour à la demande de l'une ou l'autre
partie. Dans l'affaire de la Compétence en matière de pêcheries, la Cour
s'en souvient, l'Islande avait accepté, aux termes de longues
négociations, d'insérerdans le texte d'un échange de notes avec le
Royaume-Uni les mots <<àla demande de l'une ou l'autre partie, (at the
request of either party) que le Royaume-Uni la pressait d'y introduire
«pour bien faire ressortir [expliquel'arrêt] que la juridiction de la
Cour pourrait être miseen oeuvre au moyen d'une requête unilatérale et - 41 -
n'exigeraitpas une démarche communedes deux parties» (C.I.J.Recueil
1973, p. 11, par. 19). «Dans ces conditions [ajoutel'arrêt] la clause
compromissoireformulée dans l'échangede notes ... pourrait être définie
comme un accord prévoyantde soumettre à la Cour, sur requête unilatérale
de l'une ou l'autre des parties, un genre particulierde différend
envisagé et prévu par celles-ci>>(op. cit., p. 15, par. 28).
Mais il existe aussi des clauses compromissoires qui prévoient
explicitement la saisinede la Cour par la notification d'un compromis
- clause compromissoireet compromis n'ont rien d'incompatible. Le
traité général de paix conclu en 1990 entre El Salvador et le Honduras
fournit un exemple de cette pratique. Aux termesde ce traité,les
parties étaient convenues que si, à l'expirationd'un délai déterminé,
elles ne parvenaient pas à régler entièrement leursdifférends
terrestres, insulaireset maritimes, «dans les six mois qui suivent elles
négocieront et signeront un compromis afin de soumettre conjointementle
ou les différends à la Cour Internationale de Justice».
C'est le compromis qui aété conclu en applicationde cette clause
compromissoirequi a a constituéle titre de juridiction sur la base
duquel la Chambre a été appelée à statuer dans l'affaire du Différend
fronta1ier terrestre,1.nsulaire et maritime (El Salvador/Honduras)
(C.I.J. Recueil 1992, p. 384, par. 37 et p. 385, par. 38).
Et il existe enfin,comme l'illustrent les affairesdu Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran et des Activités
mili taires et paramilitaires au Nicaragua et contre ce1ui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis),déjà cltées, des clauses compromissoires quise bornent à
prévoir la compétence de la Cour en restant muettessur le mode de
saisine. - 4- -
Bref, il y a clause compromissoireet clause compromissoire;et seule
une pétition de principe permettraitau Qatar de prétendre que toute
clause compromissoire incorpore nécessairement la possibilité d'une
saisine par voie de requête - alors pourtant que, nous l'avons vu, le
consentement à la saisine unilatéralene se présume pas et qu'il doit,
comme les autres aspectsdu consentement,être établi de manière
«indiscutable».
Mais le Qatar se trompe tout autants'il veut laisser entendre, non
pas que toute clause compromissoire autorise par définitiom nême une
saisine unilatérale, mais que dans notre cas concret on est en présence
d'une clause compromissoire dutype de celles qui autorisent une telle
saisine. Car de toute manière, et quelle que soit lafaçon dont il
faille entendre l'affirmationdu Qatar, sa thèse se heurte à un obstacle
simple mais décisif : la formule bahreïnite se réfère à un différend déjà
né et non pas à un différend futur et éventuel. La notion de clause
compromissoire,quelle que soit la manièredont le Qatar l'entende, est
totalement étrangère à notre affaire.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, j'en arrive à ma
conclusion. J'ai posé une question : où le Qatar situe-t-il le titre de
juridiction qui permettrait à la Cour de se prononcer sur sa requête ?
Ce titre, Monsieur le Président, je ne suis pas parvenu à l'identifier.
Le Qatar s'est engagé dans deux voies : le compromis et la clause
compromissoire. L'une et l'autre se sont révélées être des impasses.
Le compromis ? Les Parties ne sont malheureusement pasparvenues
encore à en conclure. Qu'à cela ne tienne, dit le Qatar : puisque, à
l'en croire, les Parties sont d'accord pour aller devant la Couret
d'accord aussi sur les différends à lui soumettre,n'est-ce pas comme si - 43 -
un compromis existait d'oreset déjà ? Et puisque le Règlement permet à
une Partie de saisir la Cour en lui notifiant un compromis,n'est-ce pas
comme si, par sa requête, le Qatar avait notifié ce pseudo-compromis à la
Cour ?
Et si ce n'est pas un compromis,poursuit le Qatar, pourquoi ne
serait-cepas une clause compromissoire ? Sans doute le Qatar
reconnaît-ilque les Partiesn'ont pas prévu expressément la possibilité
d'une saisine unilatérale,mais à nouveau qu'à cela ne tienne : en
s'accordantsur la formule bahreïnite, n'est-ce pas comme si les Parties
étaient convenues de laisser chacune d'elles libre de saisir la Cour par
voie unilatérale ?
La thèse du Qatar accumule fictionsur fiction. Et derrière ces
fictions il n'y a rien :ni compromis,ni clause compromissoire,ni rien
qui leur ressemble. Ni consentementante hoc, par la clause
juridictionnelled'un traité ou la clause optionnelle de l'article 36,
paragraphe 2; ni consentement adhoc, «par voie de compromis ou
autrement*;ni consentementpost hoc, par forumproroyatum. Le titre de
juridiction qui aurait légitimé larequête du Qatar est tout simplement
introuvable.
Pour cette raison également,la requête du Qatar ne répond pas aux
exigences du principe général de la juridiction consensuelle. La Cour
n'est pas compétentepour se prononcer sur cette requête.
Monsieur le Président, Messieurs les juges, comme l'ont fait
remarquer de nombreux auteurs,la question de la compétencede la Cour
présente parfois une importance politique aussi grande que les questions
de fond. C'est la seule excuse que je puisseinvoquer et espérer à la
longueur de mon propos. Je vous remercie, Monsieur le Président, - 44 -
Messieurs les juges, de votre indulgenceet de votre attention, et je
vous prie, Monsieur le Président, de bien vouloir donnerla parole à
M. Highet, à moins que vous ne préfériez faire le coffee break
auparavant. Je vous remercie, Monsieur le Président.
Le PRESIDENT :Merci beaucoup, M. Weil. Je crois que la Cour pourra
reprendre ses audiences après unbreak de quinze minutes.
L'audience est suspendue de 11 h 15 à 11 h 30.
The PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. 1 give the floor to
Professor Keith Highet.
Mr. HIGHET: Mr. President, Members of the Court. It 1.5 a great
honour for me to appear before you today on behalf of the State of
Bahrain. My task is to explain to the Court, as briefly as 1 can, what
Bahrain means by saying that it would be "disadvantaged"in the case
brought by Qatar by being madea respondent in a case brought by
unilateral application.
Introduction
My colleague ProfessorWeil has dealt in detail with the juridical
differences between unilateraland joint seisin. What 1 will consider
are the practical differences betweenthem - differences that would make
it inconceivablethat Bahrain would ever have considered unilateral
seisin as an alternative to joint seisin.
1 will divide my argument into four parts. First, 1 will deal with
the differences in general betweenbeing a respondent in a case brought
by application, and a CO-party in a case brought by special agreement. - 45 -
Next, 1 shall consider Zubarah. 1 will then discuss the question of
Article V, and finally, Mr. President, 1 will deal with the question of
Bahrain1s constitutional requirements.
Before 1 go further, however, two preliminary points need to be
clarified. The first is as follows. Bahrain says that there are
significant differences between application casesand specially agreed
cases, and that there are differences between the roleof a respondent in
the former and a CO-claimantor a CO-party in the latter. Bahrain also
says that there aresignificant disadvantages to Bahrain in being madea
respondent, and in its not being a CO-party in the kind of agreed case
that Bahrain contemplatedby its proposed draft specialagreements.
Bahrain has not said, however, that these differences, or disadvantages,
amount to llinequali ties:.l1
Yet that is how Professor Salmonhas characterizedthis point; he in
fact repeatedit three times. He even addedthat it was "un affront à la
Cour, à l'impartialitéet à la peine que la Cour se donne a cet
égard ...Il (CR 94/3, 2 March 1994, p 42). To refute this, it is only
necessary to cite Our Rejoinder:
"Bahrainlspoint is not that the Court will be unable to
maintain the fonnal equality of the Parties - of course it will
- but rather that there remains a substantial difference of
tone between a case started by unilateral application and one
begun by notification of a joint agreement." (RejB,p. 76,
para. 7.23; emphasis added.)
What we do Say, therefore, is that thereis a number of natural
differences between thecontext and atmosphere of the one kind of case
and those of the other, and that - in the context of these particular
proceedings - those natural differenceswork to Bahrainls disadvantage in
very specific ways. It is the full equality of the positions of the - 46 -
parties - not the equality of theparties themselves - that is missing
£rom the case that has been brought by Qatar.
This kind of case was not one to which Bahrain ever consented. And
that is at the heart of Bahrainls argument. Bahrainhas agreed in
principle to placing this dispute before this Court, but only in a joint
marner, by way of a special agreementthat would havepermitted each side
to have been on a complete footingof equivalence with the other. This
would have extended to every aspect of thecase: the framing and
identificationof the issues before the Court, the time-limits and other
procedures to be followed, and any special limitationson either Party's
ability to use evidence from negotiations.Not one of these elements is
present in the case brought by Qatar.
The second preliminarypoint of clarification, Mr. President, is
this. The Agent of Qatar said that
"Bahrain has alleged in its pleadings that it is an insult and
a dishonour for a State to be brought to the Court by another
State and placed in the situation of a defendant." (CR 94/1, 28
February 1994, p. 15; emphasis added.)
Professor Salmon also repeatedthis (CR 94/3, 2 March 1994, p. 42).
Mr. President, when we said that the "Arabo-Islamictraditionu can, at
the least, be held to signify "that one Arab State cannot dishonour
another1I we were not referring to any "dishonour"by reason of being a
respondent. No, to the contrary, the asserted dishonour arose from
Qatar's "launching,suddenly and without warning to Bahrain, proceedings
of a kind quite different to those that had been under discussion for
some years" (CMB, para. 9.1, p. 115; emphasis added). - 47 -
The Disadvantages in Generaï
1 turn now to the general disadvantagesto Bahrain of being made a
respondent. Qatar has sought to alleviate some of the concerns expressed
Its Agent has said that Qatar would agree to simultaneous
by Bahrain.
pleadings Ilinthe next phase of the proceedings", and added further that
Qatar would have no objectionto joinder if Bahrain were to file a
separate application (CR 94/1, 28 February 1994, p. 29). Although he was
careful to Say that the concessionswere being made "in order to avoid
any ... alleged disadvantageu (ibid.; emphasis added), the fact of the
matter is that these steps - meaningful or not - had not been taken
before. They had hardly been suggested at the time of the Doha Minutes,
since a unilateral applicationwas not under consideration. Theydid not
accompany the Qatari Application in June 1991. So the fact that they
emerge now concedes the point we are trying to make: - that, in the
context of this case, there are differences betweena respondent and a
co-party, and significant differences betweena special agreement and an
application.
More than that, they show that Qatar wants to have it both ways: it
seeks the advantage of a unilateral action - and at thesame time
attempts to draw the s~ing of its unexpected behaviour by appearing to
concede to Bahrain some of the elements of an action brought jointly.
That was not the bargain between the two sides and the Court should not
allow itself to be used in thisway.
To return to rnymain theme, of course there are obvious differences
between the two types of case. Why else have States used special
agreements when they couldreadily have started a case under an optional
clause or a treaty compromissoryclause? One thinks of special agreement - 46 -
cases such as Minquiers and Ecrehos, FrontierLand or the Gulf of Maine
case - al1 between friendly governmentswith valid optional clauses, al1
involving questionsof territory. The answer is relatively simple. It
is not a question of avoiding "inequality",as Professor Salmonwould
have it, and surely not one of avoiding "insult and ... dishonour", as
the Agent of Qatar put it. It is a recognition of the obvious,
practical, differences betweena case brought unilaterally and an
llapproach[to] the Court on an identical basis of a common interest in a
harmoniously conducted litigation",that is from Our Counter-Memorial (p.
113, para. 8.15; emphasis added) .
Mr. President, there is always a clear advantage to a party who can
frame the issues, as it sees fit, £rom the outset. As is the case here,
the applicantls submissions are contained in itsapplication,and they do
not await the filingof memorials as they would in a special agreement
case. Where pleadings are simultaneous,of course, there is an immediate
equivalence, or counterbalance,of submission and assertion; the case is
fully symmetrical. Indeed, by undertakingto agree to simultaneous
pleadings, Qatar has in part now acknowledged the problem. Qatar has not
been able to compensatefully, however, since its submissionshave
already been before the Court for two-and-a-halfyears. Had this case
been filed jointly by special agreement, the submissionsof both Parties
would have been filed simultaneously; would have beenkept confidential
until the opening of oral proceedings; and would ingeneral have
balanced each other for the duration of the case.
There is also an imbalance - not an "ineq~ality~~ - but there is an
imbalance in the fact thatQatar's printed Application and Annexes have
been circulatedworld-wide for more than 30 months. 1 noted yesterday in - 49 -
Court that the students attendingour hearing had copies. Had this case
been filed harmoniously by the two Parties acting together, al-tarafan,
the only publicity givenwould have beento the special agreementitself,
and that would haveconsisted in no more than an enumeration of the
questions to be placed before theCourt: no claims; no arguments; no
historical justifications.
One of the main differences then between a case formulatedby an
applicant and a case formulatedby two CO-claimantsis, of course, the
neutrality with whichthe issues are placed beforethe Court. Had this
case been lodged by a special agreement, one would expect, for example,
that the maritime delimitation question would have been framed ina
neutral marner. It certainly would not have been formulatedas it was in
Qatar's Submission II: that the Court should draw the single maritime
boundary "with due regard to the line dividing the seabed of the
two States as describec in the British decision of 23 December 1947". It
would have been in a form substantially similarto paragraph 1 of
Article IIof the proposed Special Agreement offered by Bahrain in
June 1992 and that can be found at No. 10 in the Hearing Book.
My colleagues Dr. Jiménez de Aréchaga and Professor Weil have also
noted this point, and they remarked as well that in Qatar's first
submission theremay be an element of prejudgment in the description of
Dibal and Qitlat Jaradah as being "shoals". Bahrain is disadvantagedby
having these issues framed in a self-serving way. Neither of these
subtle biases in the formulationof the questions could have occurred in
a case brought by specialagreement. They are however almost inevitable
in a case brought by application, because in that kind of case it is the
applicant that starts the bal1 rolling, and the applicant who £rames the - 50 -
issues. As we said in Our Rejoinder: "the focus of a contentious case
cornrnenceb dy application is largely set by the applicantu (p. 76,
para. 7.23; emphasis added) .
Nor does it help Qatar to Say here that it was the Bahraini formula
that "framedV the issues. It did not "£rameu them: it was in fact only
an open-ended formula that looked to a special agreement.. The issues
would have been for the Parties to£rame - neutrally and briefly - in a
special agreement similar tothe Special Agreement proposedby Bahrain in
June 1992. The submissionsof the Parties addressed tothose issues, of
course, are a wholly different matter.
That is the kind of case that Bahrain would have wanted. Bahrain
would have wished to havebeen a "CO-party",a "CO-claimant",a joint
applicant to the Court, on terms of absolute equality, on the basis of a
special agreement settingforth neutrally the framework of, or range
within which, the questions were to be asked of the Court (and also
containing procedural provisionssuch as Article V). This would have
been along the lines of the special agreements proposedin 1988 and 1992
by Bahrain. Indeed, a special agreement in a matter of this kind, a
territorialmatter, would have been the normalexpectation. Of the
13 cases brought by special agreementsince 1948, nine were disputes
concerning territory: Minquiers and Ecrehos, Frontier Land, the North
Sea Continental Shelf cases, Tunisia/Libya, the Gulf of Maine,
Libya/Mal ta, Burkina Faso/Mal i, El Sa1 vador/Honduras, and most recently
Libya and Chad. Only a few territorial cases have ever come to the Court
by optional clause or treaty, doubtless because, as our Agent has noted,
cases involving territorial and boundary issuesare, for reasons of
national sensitivity, much better dealtwith by special agreement - where - 51 -
they can be decided with the benefit of full equivalence of the cases of
both sides, and based on the complete and specific post hoc consent of
each. Nor are disputes about ratification likelyto arise in those
cases.
In spite of the importantgeneral distinction betweenthe two types
of case - those brought by application and those brought by special
agreement - Qatar still implies that there is not much difference between
them as my colleague ProfessorWeil noted just before the break. This
leads Qatar to be able to conclude that, in the midst of careful
negotiations about the detailed wordingof a special agreement, both
Qatar and Bahrain were somehowin full agreement that, if they were
unable to work out the details of that special agreement, either side
could just go ahead and bring a general case by application without
regard to those,details.
As Professor Weil has pointed out, one need hardlyspeculate about
the effects of such a proposition on the conduct of future negotiations
of special agreements. It would be dangerous, and it would be absurd, if
comments and proposals made in the course of negotiations could suddenly
be "upgraded"into separate, stand-alone"pseudo-treaties",containing
"quasi-compromissoryclauses"capable of conferring jurisdictionon the
Court - and effecting seisin, as it were, under an imaginary
Article w38+$1of the Rules.
What Qatar is saying is, in substance,that the December 1990 Minutes
constituted an undertaking that, if there were no agreement on a specific
special agreement, a hidden "compromissory clauseu would suddenlytake
over. The content of that ~compromissoryclause" is construed by Qatar
as being the Bahraini formula, somehow amplified orenabled by the 1990 - 52 -
Minutes. And yet, as we have seen, there are surely enough difierences
between special agreementcases and application cases so that access to
the Court under one type of seisin could hardly be mistaken for the
other. An "upgrade" to an effective compromissory clause£rom a failed
or uncompleted special agreement cannot be presumed, certainly not
without some credible evidencethat such a metamorphosis - or "upgraden -
was intended by both Parties, and consented to by each.
That evidence would have to be clear and unambiguous. There is none
here - none whatever.
It is also ironic, Mr. President, that it was Qatar, not Bahrain,
that was reluctant toaccept certain elementsin the case andthat it has
been just this reluctance that has led to the inability of the Parties to
conclude their negotiations. What Qatar seeks to do is to convert
uncompleted negotiations for a special agreement into the "equivalentuof
successful negotiacions for a cornprornissorc ylause. Qatar has seized
upon the 1990 Doha meeting as an opportunity to bring Bahrain to the
Court with an Application containing onlythe issues that Qatar wanted in
the case. Perhaps Qatar feltthat it had nothing to lose by trying;
for - if it were to succeed - it would have achieved in court the
objectives that it could not achieve in negotiations: to bring a case
about the Hawars and the delimitation,but without Article V, and without
Zubarah .
Zubarah
This brings me, Mr. President to the vexing question of Zubarah. In
the absence of a special agreement, how could Bahrain get the Zubarah
issue before the Court? There is surely no common understandinghere - 53 -
such as existed between Norway and Denmark in the South-EasternGreenland
cases, or between Colornbiaand Peru in the Asylum case. Yet the route
suggested by Qatar is for the Parties to proceed by two separate
applications - a sort of "South-EasternAsylum" solution. But even if
this route werefeasible, it would still be disadvantageousto Bahrain
compared with a special agreement: joinderof two.separateapplications
is always within the Court's discretion, not that of theparties; the
admissibilityof Zubarah would inevitably be contested; and Article V
could not readily be brought intothe proceedings.
Although Professor Salmonhas said that, if a separate application
were filed by Bahrain, jurisdictionof the Court could extend to the
Zubarah issue (CR 94/3, 2 March 1994, p. 46), he still cannot give up on
admissibility. He offered more than a dozen examples of how questions of
admissibilitycould arise (CR 94/3, 2 March 1994, pp. 49-50), and he
stated unequivocally that Qatar could never abandon its right to object
to the admissibilityof Zubarah, even in a wholly separate proceeding:
"Cette liste ... suffit ... pour faire apparaîtreque ce
que demande Bahreinne peut raisonnablement être accepté. Le
Qatar ne peut s'engager, à 1'avance, à renoncer à sou1ever des
exceptions éventuelles relatives à la recevabilité des demandes
de son adversaire,avant d'en connaître le premier mot."
(Id.,p. 50; emphasis added.)
Bahrain has certainly made Qatar aware of more than "the first word" of
its claims to Zubarah, and the Court must assume that Qatar would find
attractive at least several of the admissibility objectionsso helpfully
suggested by Professor Salmon
The fact that Qatar will not agree to Zubarah being admissible is
another decisive disadvantage to Bahrain of this hypothetical way of
proceeding. But how many of Professor Salmonls dozen objections could - 54 -
have been brought to bear, Mr. President, if the two Parties had placed
Zubarah before the Court in a special agreement? None - none at all.
The parties to special agreementcases - the CO-claimants - agree to ask
the Court to decide certain questionsof internationallaw, and questions
of admissibility are far behind them. But this was not the attitude of
Qatar either in December 1990 or last week. Qatar persists in rejecting
the inclusion of Zubarah, saying in effect: "You can bring Zubarah in,
but we reserve the right to knock it outm. This is hardly the same as
saying, "Yeu can bring Zubarah in; we will contest it with you; and we
will try to defeatyou on the merits."
Article V
1 now turn to the question of Article V. Mr. President, its text is
reproduced as part of the 1988 Bahraini draft specialagreement to be
found at No. 3 in Our Hearing Book. It expresses the long-standingrule
enunciated in the Factory at Chorzow case, that "the Court cannot take
into account declarations,admissions or proposals which the Parties may
have made during direct negotiations between themselves, whensuch
negotiations havenot led to a complete agreement" (P.C.I.J., Series A,
No. 17, at p. 51; cited in Bahrain's Rejoinder, p. 69, para. 7.09). Why
did Bahrain feel that it was necessary to specify this rule as part of a
special agreement?
The first reasonis that Qatar has put Bahrain on notice £rom a very
early stage that Qatar would have no scruple about trying to ignore the
Chorzow rule. Qatar said that it was entitled to reveal details of
negotiations and proposals for settlement,and that it intended to do so.
Here 1 would refer the Court to the Qatari memorandum of 27 March 1988,commenting on Bahrain's draft special agreement of March 1988 - it is
reproduced (inQatar's own translation)as Annex 1.2, at pages 87-93 of
Bahrainos Rejoinder. The language at pages 91-92 is particularly
dramatic. If 1 may be permitted to quote it directly:
" (c) There is nothing in the principles of international law
that warrants one of the Parties to an internationaldispute
to prohibit the other party to submit to the Competent Court
the documents, memos and papers ingeneral which were
exchanged between them during the negotiations or contacts
that took place before submittingthe dispute to the Court,
and which are relevant to the dispute. The only exception
are [sicl unsigned papers which are, consequently,not
binding on anyone.
"The State of Qatar, for the reasons already shown, does
not at al1 agree to excluding such references which are
undoubtedly highlyimportant since they clarify the origin of
the dispute, its developments,the stages through which it
passed, and the contacts, proposals and positions that took
place during those stages, particularly those related to the
stage of the Saudi mediation."
Mr. President, this memorandumspeaks for itself
The second reason for Article V is that the background of this case
makes it particularly important thatneither party can even attempt to
violate the Chorzow rule by trying to introduce improper evidence. This
is not to Say that the Court will notknow how to deal with such evidence
when it is actually produced; of course it will. But once evidencehas
been put in, it is in; and the mere presenceof inadmissible evidencein
the record - even though it is to be eventually disregardedby the
Court -may still inhibit and distort the arguments. Having given notice
that it believes that this evidence ought to be before the Court in spite
of the Chorzow rule, Qatar must thereforebe deterred from making any
attempt to introduce it:
Qatar has tried to prove that Article V is excessive and unworkable.
Thus Professor Salmon hasfancifully enlargedthe object and purpose of - 56 -
Article V, so that it can even be read as covering "une proposition
concrétisée par un accordn (CR 94/3, 2 March 1994, p. 52), thus going
beyond the Chorz6w rule. But Article V is by its terms limited to use of
uproposals directed to a settlement" - surely implying thatit would have
no relevance to situations wherea settlement had actually alreadybeen
reached. Professor Salmon also complainedthat ~rticle V would exclude
proposals of procedure made during mediation (ibid.) . This again
appears to be fanciful, with respect, as Article V is addressed in terms
to uproposalsdirected to a settlement of the issuesu - i.e., the
substance of the dispute.
Professor Salmon's most fundamental complaintabout Article V,
however, was that it would exclude settlement proposals without
limitation as to date, so long as they were "undertakenprior to the date
of this Agreementu. But, surely, the Chorzow rule does not evaporate, or
become weaker, over time? What policy reason could therebe for evidence
from the 1950s being admissible, but evidence from the 1980s not being
admissible? Moreover, the fact that, in Professor Salmon's words, Qatar
would be deprived of its ability to use a "vaste documentation" (CR 94/3,
2 March 1994, p. 54) implies only that negotiations have beengoing on
for a long time - not that evidence about proposals made during that time
should now be made admissible. Moreover, the fact that some of this
documentationmight be otherwise availablein archives is of no
relevance. Whether it is publicly accessible to a researcher has no
bearing on whether it is proper for Qatar to introduce it as evidence.
One can think of much information, which, although quite public, would
nonetheless be impermissibleor prejudicial in a court of law such as
evidence of prior convictions in municipal law. - 57 -
It was also said that the reasonablenessof Bahrain's proposa1 is
betrayed by the fact th.atBahrain itself has invokedthe texts of the
Saudi Mediation in the :presentproceedings (CR 94/3, 2 March 1994,
p. 56.) This may be a Freudian slip. Article V has nothing to do with
the present case on jurisdiction; its prohibition is addressed only to
"the nature or content of proposals directed to a settlement of the
issues referred to in Article II of this Agreement". This means
proposals actually attemptingto settle the substantive issueson the
merits, not proposals directed to the methods by which they mightbe
settled.
At the end of the day, Mr. President, the important thing about
Article V is that Bahrain insisted that it be in, and Qatar insisted that
it be out. Although we Say that it was in no way unreasonable for
Bahrain to insist that it be in, that is not the issue. The Court is not
now being invitedto apply Article V. What we are considering now is
whether Bahrain ever gave its consent to a proceeding that couldbe
brought without ArticleV. Well, the answer is simply that it did not.
Unless Article V is brought inby a special agreement, it is of
course unworkable. There has been no discussion between the Parties of
the scope and content of Article V; and, unless the Parties can work out
agreed limits and guidelines for admissibilityof evidence, in a special
agreement, Article V or its equivalent could never realisticallybe
brought into a case. Even (as suggestedby Qatar) were the Courtto be
seised by two parallel applications,one of which requested evidentiary
protection such as Article V, the Court wouldhave then had to make the
decision as to whether (and how) to apply ArticleV to the case, or part
of the case, if it were to order joinder. There could therefore be no - 58 -
solution similar to the South-East Greenland or the Asylum cases, upon
which Qatar has so heavily relied.
Bahrain's Constitution
Finally, Mr. President, 1 turn to the question of Bahrain's
constitutional requirements. What Bahrain seeks is a proper
characterizationof the Doha Minutes, as described by my colleague
Professor Lauterpacht. Article 37 of Bahrain's Constitution is in the
Hearing Book as No. 21 and the relevantportion States simply that "A
treaty shall have the force of a law after it has been signed, ratified
and published in the officia1 Gazette." As pointed out in Our written
pleadings, this provision was well-known to Qatar - it even formed part
of the 1988 Bahraini draft special agreement, and Qatar knows it full
well, as Professor Bowett has demonstrated.
Now an actual agreement togo to Court, such as a real special
agreement (ora real treaty with a real compromissory clausein it),
would clearly have required ratificationand publication under Bahrain's
Constitution. Qatarknew this, then and today! Proof of this is
Article VI11 of Bahrain's draft special agreement of 19 March 1988. It
is on page 4 of that document, at No. 3 of the Hearing Book. The text is
as plain as can be. This language is exactly the same as Article VI1 of
the draft special agreementproposed by Bahrain again on 20 June 1992,
which is set forth at No. 10 in the Hearing Book.
Now what Qatar has done by filing its unilateral Applicationis to
try to accelerate the processof judicial settlement by converting the
1987 Agreement and the 1990 Minutes - neither of which required
ratificationunder Bahrain's Constitution - into an undertaking or - 59 -
agreement that most certainly would have required ratification by
Bahrain. The result is an ellipsis, or circumvention,of the very
processes of Bahraints Constitutionof which Qatar had been explicitly
aware since at least March of 1988. To make matters worse, Qatar says
that the problem of ratification is Bahrainls problem - of putting its
own constitutional processesin order --rather than Qatar's problem - of
waiting for theappropriate consent to be given and the appropriate
approval or ratification tobe received before commencinga case.
Mr. President, it is Bahrain's view that an agreement to ask the
Court to determine sovereigntyto Bahrain territory, such as the Hawar
Islands, is so important that it clearly requires not merely a fully
negotiated special agreement, but also complete ratification and
publication under Bahrain's Constitution. The idea that the Doha Minutes
could have somehow been put up for ratification is patently absurd.
Moreover, it is difficult to imagine any case brought by a real
special agreement where a ratification issue of this sort wouldoccur.
The parties would naturally have corneto a genuine understandingabout
their commitment to go to Court, and would of course have taken the
necessary steps tosee things along in good order. A mere glance, for
example, at Minquiers and Ecrehos (I.C. J. Reports 1953, p. 49) will
illustrate how parties in the real world will go about concluding special
agreements and exchanging instruments of ratification.
Moreover, it is equally hard to imagine any application,under a real
compromissoryclause, that would run afoul of an assertion that the
respondent had failed to ratify the treaty in question. Presumablythe
applicant would have examined this issue well in advance of bringing the
case. But here Qatar was seekingto create a "quasi-compromissory - 6C -
clause", and Qatar was impatient. The fact that Bahrain has been placed,
even temporarily, in the position of an unsuspecting potential respondent
is therefore surelya "disadvantage"to Bahrain. No constitutional
difficulty would ever have existed if matters had taken their normal and
expected course - a course openly contemplatedby Bahrain and its draft
special agreementas early as 1988.
Conclusion
Mr. President, 1 now conclude. What Bahrain has said about these
difficulties and differences is that they "suggest that it is simply not
credible that the parties could have intendedto equate the two types of
procedure" (Counter-Memorialof Bahrain, p. 114, para. 8.17; emphasis
added) . Moreover, reflection on this one point explains why Qatar has
brought this case in the way it has. The inferencebecomes unavoidable
that Qatar wanted to have the Court establish a maritime boundary with
Bahrain consistent with the 1947 British decision, without having the
Court deal with Zubarah, and with the freedom to introduce prejudicial
evidence of earlier negotiations. On Qatar's theory of the Doha Minutes,
the opportunity to try to achieve this objective had finally appeared in
1990 to 1991.
The July 1991 Application by Qatar speaks eloquently for itself.
There is no evidence, of any kind, in the record that Bahrain had
abandoned its wish to see that Zubarah would be dealt with,
unequivocally,in one proceeding together with the other issues. Nor is
there a shred of evidence that Bahrain had in any way altered its
position that Article V had to be part of the proceeding. Finally, there
is no evidence whateverthat Bahrain had changed its constitutional - 61 -
requirement that an agreement to come to Court needed ratification. The
only possible conclusion, Mr. President, is that Bahrain never agreed to
this present kind of case - a case that proceeds without Zubarah, without
Article V, and without ratification.
These conclusions are confirmed byinferences to be drawn from the
draft special agreementproposed by Bahrain in 1992. Now, that draft
special agreement has barely been mentioned - if at al1 - by Qatar in
these oral proceedings. What reason can Qatar give us as to why it did
not accept that? If Qatar had accepted it, we would not be here today.
However, the very fact that Qatar did not accept it only confirms
Bahrain's case on the absence of common consent to jurisdiction.
Qatar's Application is far, far removed fromcreating a joint,
neutral, comprehensive,balanced, agreed procedure. For Bahrainto be
the Respondent in Qatar's case is obviously very different from its being
an equal CO-party in a case brought jointly by Bahrain and Qatar - as it
had anticipated and hoped for. It is obviously a significant
disadvantage for Bahrain tobe placed in its present position - one to
which it has never consented. Bahrain respectfullyrequests the Court to
recognize that lack of consent, to remedy that disadvantage and to
eliminate that position.
Mr. President,Members of the Court, 1 thank you for your patient
attention. Mr. President, might 1 now invite you, Sir, to cal1 upon the
Agent of Bahrain, Dr. Husain Al Baharna, to conclude Bahrainus first
round of oralpleadings? Thank you, Sir.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Highet. Now 1 give the floor to
His Excellency Mr. Al Baharna. - 62 -
Mr. AL BAHARNA: Mr. President, Members of the Court, as Agent for
the State of Bahrain it falls to me now to conclude Bahrain's first round
of arguments.
As the Court willnow be aware, Qatar has sought to show that Bahrain
has consented to the jurisdiction in this case. But it is clear that
Qatar has consistentlywithheld its own consent to essential elementsof
any agreement to come before this Court. The picture which Qatar seeks
to paint of itself as an eager and willingApplicant, and of Bahrain as
an unwilling and procrastinating adversaryis entirely without
foundation.
Of the many questions raised by Qatar's arguments, we have identified
seven which are particularly important. We invite Qatar to provide clear
answers to them. They are as follows.
First, in the course of the work of the Tripartite Committee, where
does it appear that either Party contemplated that there should be two
separate cases, one brought by Qatar, and one brought byBahrain - as
opposed to the expression of two separate claims within the framework of
a single case? Where is the evidence that Bahrain at any time agreed to
two separate cases as a means of resolving the disagreement over the
content of the question to be put to the Court? It is no good for
Mr. Shankardassand the Agent for Qatar, in claiming that this is what
Bahrain agreed, to quote out-of-contextstatements made by me in the 6th
Tripartite Committeemeeting of legal experts in December 1988. As the
Court will recall, the Agent, as well as counsel for Qatar, alleged that
in such statements 1 interpreted the Bahraini formula as allowing each
Party to present its claims to the Court by means of a separate
application. As Professor Bowett, in his oralpleadings on last Friday, - 63 -
correctly stated, Mr Shankardass "has misread Dr. Al Baharnals
statements". And 1 wish to emphasize again today that an objective
reading of my statements is consistent only with an interpretationwhich
requires that claims be brought within the framework of a joint
submission and be based on a special agreement. My words in
December 1988 were an explanation of the meaning of the wide neutral
formula which we cal1 the Bahraini formula, proposed in October 1988, to
replace the question that had previously appearedin paragraph 1 of
Article II of Bahrain's March 1988 draft Agreement.
As 1 said in December 1988 - and as clearly appears £rom the record
(CMB, vol. II, Annex 1.17, p. 1061, the general nature of the Bahraini
formula would easilyallow each side to specify its own claims within the
framework of the formula for submissionto the Court as part of a single
case pursuant to a special agreement. It would then be for the Court to
decide, on the basis of the written and oral pleadings, the content of
the questions that it would have to resolve.
Counsel for Qatar are distortingthe 1988 record when theyuse my
statements, as there recorded, to support an interpretationthat the
Bahraini formula would permit eachParty to submit a separate
application, resulting intwo cases before the Court. The whole thrust
of the discussion in the Committee, including my own contribution,is
quite to the contrary.
Second, what does Qatar imaginewas the purpose of Bahrainls
amendment to the original Omani draft at Doha? 1 ask this question
because Qatar's latest answer - that the amendments made no difference
and therefore Qatar accepted them - has been shown to be totally
unsatisfactory. - 64 -
Third, if, as Qatar argues, al1 that was needed to complete the 1987
commitment to go to the Court was agreementon the subject matter of this
dispute, and if this missing elementwas provided by Qatar's acceptance
of the Bahraini formula, then why did Qatar not accept eitherthe draft
of a Special Agreement submittedby Saudi Arabia in September 1991 (CMB,
Vol. II, p. 143) or the offer made by Bahrain of a Special Agreement on
20 June 1992 (RejB,Annex 1.3)? Both contained the Bahraini formula.
Fourth, if the reason was Zubarah, can it still be said that Qatar's
acceptance of the Bahraini formula is genuine? 1 Say this because the
Bahraini formula refers to "any matter" and Qatar knows the formula was
designed by Bahrain so as to cover the inclusion of Zubarah. However,
Qatar's Application does not include Zubarahand Qatar is thus subjecting
its acceptance of the Bahraini formula to a reservation excluding
Zubarah. Bahrain does not accept that reservationon the scope of the
Bahraini formula. So in fact we have no true implementationof the
agreement regardingthe subject-matterof the dispute in this case,
namely, the requirements of the Bahraini formula. It is no answer for
Qatar to Say "Try your luck by bringing anothercaseu!
Fifth, what is Qatar afraid of? If there is no substance to
Bahrainls claims concerningZubarah, why does Qatar not simply contest
them on the merits - without raisingany issue of admissibility? Why
seek to prevent the Court adjudicating on those claims? Conversely,if
there is substance to Bahrainos claims, why should Qatar expect Bahrain
to agree to place the Hawars in issue - islands long controlled by
Bahrain, and never by Qatar - when Qatar is unwilling to accept a
comparable commitmentin respect of Zubarah? - 65 -
Sixth, if it is Article V of Bahrain's draft special agreement that
deters Qatar, will Qatar explain why it objects to a provision the sole
purpose of which is to prevent proposals for settlement, or offers of
compromise, from being used in this litigation to prejudice the legal
position of either Party?
By insisting on a freedom to introduce settlementproposals, Qatar
necessarily gives the impression that it has never made proposals by
which it could be embarrassed. Does Qatar really wish to givethe
impression that in al1 the discussions that have taken place between the
two sides for the settlement of the substantive dispute, Bahrain is the
only Party that might have made any proposa1 that truly contained any
element of compromise?
Seventh, if Qatar's reasons for not participating in a joint
submission lie outside the scope of the questions posedabove, will it
explain what its realreasons are?
1 hope Qatar will feel ableto respond clearlyand fully to these
questions. Its answers will, 1 am sure, be of great assistanceto the
Court in resolving the questions before it. They will also enable the
Court to judge for itself which Party has been placingunreasonable
obstacles in the way of an agreed reference to this Court.
Mr. President, Members of the Court, Bahrain has the same right as
Qatar to formulate the questions on which it seeks a decision. Bahrain
has the same right as Qatar to specify the conditions on which it is
prepared to come before the Court. Bahrain has the same right as Qatar
to defend its own interests in the best way it deems appropriate.
Bahrain has the same right as Qatar to insist on its position which is
entirely fair and reasonable. There is no reason why Qatar's preferences - 66 -
should be permitted to prevail. There is no basis on which acceptanceof
Qatar's position can be construed as a reflection of the common consent
of the two Parties and that is why, Mr. Presidentand Members of the
Court, 1 respectfully submit that Qatar's unilateral Application must be
rejected as being quite outside any sustainable viewof consent on the
part of Bahrain.
1 shall reserve the presentation of Bahrain's forma1 submissions
until the close of the second round of argument.
Mr. President, Members of the Court, that concludes my statement and
Bahrain's presentation in this first Round.
The PRESIDENT; Thank you, Your Excellency. Comme les deux Parties
le savent, les Membres de la Cour ont lapossibilité, au cours des
débats, de poser toutes questionsqu'ils souhaitent à l'une ou à l'autre
ou aux deux Parties «al-tarafan»et cela conformémentau Règlement de la
Cour en ses articles 61 et 72. Mais avant de donner la parole au
Vice-Président, M. Schwebel, qui souhaiteraitposer ses questions aux
deux Parties, je voudrais vous dire premièrement,qu'il vous sera
peut-être difficile de prendre, même à vitesse de dictée, la note
complète des textesdes questions. Celles-ci vous seront distribuées
tout à l'heure, après qu'elles auront été formulées par le
Vice-Président. Deuxièmement,qu'il appartient à chacune des deux
délégations de choisirla méthode orale ou écrite pour répondre à ces
questions. Troisièmement,que s'il s'agit de répondre oralement, bien
entendu, la possibilité en est offerte aux deux Partiesou à celle
d'entre elles qui le souhaite lors de notre prochain secondtour de
plaidoiries. S'il s'agit d'un choix de réponses par écrit, la Cour prie - 67 -
les Parties de bien vouloir lui tenir leursréponses dans un délai
raisonnable. Cela dit, je donne la parole auVice-présidentpour les
questions qu'il entend :poser
The VICE-PRESIDENT: Thank you, Mr. President. The first question is
this :
1. The Doha Minutes (in the UN translation) specifythat "The good
d? *
offices" of the King of Saudi Arabia"in addressing the dispute between
the two countries" shall continue until May 1991;
"Once that period haselapsed, the two parties may submit
the case to the InternationalCourt of Justice, in accordance
with the Bahraini formula accepted by the State of Qatar and
the arrangements relatingthereto."
Does this provision indicatethat (a) in the period of continuationof
Saudi good offices, Saudi Arabia would endeavour to bring about a
settlement of the substance of the dispute; (b) during that period, the
two Parties may not submit the case to the Court; and (c) once that
period has elapsed, the two Parties may submit the case to the Court?
I address this question to both Parties and the subsequent questions
as well. -And as for these subsequent questions 1 appreciate that expert
opinions before the Court have addressed themat any rate in some measure
but 1 should be interested inany observationsof counsel nevertheless.
And the second question is this:
2. In paragraph 2 of the Doha Minutes (in the UN translation), it is
specified that "the two parties may submit the caseu to the Court,
whereas paragraph 3 provides that, thereafter, "If a fraternal agreement
acceptable to both parties is atta%edll, the case shall be withdrawn.
Does the pertinent phrase or do the pertinent phrases in the Arabic text
from which these passages have beentranslated, in their references to - 68 -
"the two parties" and to "both parties", differ in paragraphs 2 and 3, or
is it or are they the same?
The third question is this:
3. The translation of the draft of minutes on Saudi Arabian Foreign
Ministry note paperof 24 December 1990 provided that:
"These consultationshave concludedwith the agreement of
the two parties on the formulation of the question which will
be presented to the International Courtof Justice by each of
them, which is as follows: - as specified in the Bahraini
memorandum .
The two parties requestthe Court to decide ..."
Did the original Arabic of which the foregoing is a translation,when
it specified "by each of them" and "The two parties" request,use the
same terms or different terms forthese two phrases?
Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Le premier tour de parole de Bahreïn
vient de s'achever. La Cour siégera à nouveau après-demain jeudi 10 mars
à 10 heures du matin pour le second tourde plaidoiries. Elle entendra
les représentants du Qatard'abord. La séance est levée
L'audience est levée à 12 h 40.
Public sitting held on Tuesday 8 March 1994, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding