Public sitting held on Monday 30 January 1995, at 10.35 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding

Document Number
084-19950130-ORA-01-00-BI
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Number (Press Release, Order, etc)
1995/2
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CR 95/2
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNEE 1995
Audience publique
tenue le lundi 30 janvier 1995, à 10 h 35, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Bedjaoui, Président
en l'affaire relative au Timor oriental
(Portugal c. Australie)
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COMPTE RENDU
____________
YEAR 1995
Public sitting
held on Monday 30 January 1995, at 10.35 a.m., at the Peace Palace,
President Bedjaoui presiding
in the case concerning East Timor
(Portugal v. Australia)
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VERBATIM RECORD
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Présents : M. Bedjaoui, Président
M. Schwebel, Vice-Président
M. Oda
Sir Robert Jennings
MM. Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma, juges
Sir Ninian Stephen
M. Skubiszewski, juges ad hoc
M. Valencia-Ospina, Greffier
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Present: President Bedjaoui
Vice-President Schwebel
Judge Oda
Sir Robert Jennings
Guillaume
Shahabuddeen
Aguilar Mawdsley
Weeramantry
Ranjeva
Herczegh
Shi
Fleischhauer
Koroma
Judges ad hoc Sir Ninian Stephen
Skubiszewski
Registrar Valencia-Ospina
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Le Gouvernement de la République portugaise est représenté par :
S. Exc. M. António Cascais, ambassadeur de la République portugaise
auprès du Gouvernement de S. M. la Reine des Pays-Bas,
comme agent;
M. José Manuel Servulo Correia, professeur à la faculté de droit de
l'Université de Lisbonne et avocat au barreau du Portugal,
M. Miguel Galvão Teles, avocat au barreau du Portugal,
comme coagents, conseils et avocats;
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l'Université Panthéon-Assas
(Paris II) et directeur de l'Institut des hautes études
internationales de Paris,
Mme Rosalyn Higgins, Q.C., professeur de droit international à
l'Université de Londres,
comme conseils et avocats;
M. Rui Quartin Santos, ministre plénipotentiaire, ministère des
affaires étrangères,
M. Francisco Ribeiro Telles, premier secrétaire d'ambassade,
ministère des affaires étrangères,
comme conseillers;
M. Richard Meese, avocat, associé du cabinet Frere Cholmeley, Paris,
M. Paulo Canelas de Castro, assistant à la faculté de droit de
l'Université de Coimbra,
Mme Luisa Duarte, assistante à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Paulo Otero, assistant à la faculté de droit de l'Université de
Lisbonne,
M. Iain Scobbie, Lecturer in Law à la faculté de droit de
l'Université de Dundee, Ecosse,
Mlle Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
comme conseils;
M. Fernando Figueirinhas, premier secrétaire de l'ambassade de la
République portugaise à La Haye,
comme secrétaire.
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The Government of the Portuguese Republic is represented by:
H. E. António Cascais, Ambassador of the Portuguese Republic to the
Government of H.M. The Queen of the Netherlands,
as Agent;
Mr. José Manuel Servulo Correia, Professor in the Faculty of Law of
the University of Lisbon and Member of the Portuguese Bar,
Mr. Miguel Galvão Teles, Member of the Portuguese Bar,
as Co-Agents, Counsel and Advocates;
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the University of Paris II
(Panthéon-Assas) and Director of the Institut des hautes études
internationales of Paris,
Mrs. Rosalyn Higgins, Q.C., Professor of International Law at the
University of London,
as Counsel and Advocates;
Mr. Rui Quartin Santos, Minister Plenipotentiary, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. Francisco Ribeiro Telles, First Embassy Secretary, Ministry of
Foreign Affairs,
as Advisers;
Mr. Paulo Canelas de Castro, Assistant in the Faculty of Law of the
University of Coimbra,
Mrs. Luisa Duarte, Assistant in the Faculty of Law of the University
of Lisbon,
Mr. Paulo Otero, Assistant in the Faculty of Law of the University of
Lisbon,
Mr. Iain Scobbie, Lecturer in Law in the Faculty of Law of the
University of Dundee, Scotland,
Miss Sasha Stepan, Squire, Sanders & Dempsey, Counsellors at Law,
Prague,
as Counsel;
Mr. Fernando Figueirinhas, First Secretary of the Portuguese Embassy in The Hague,
as Secretary.
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Le Gouvernement du Commonwealth d'Australie est représenté par :
M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General d'Australie,
comme agent et conseil;
S. Exc. M. Michael Tate, ambassadeur d'Australie aux Pays-Bas et
ancien ministre de la justice,
M. Henry Burmester, conseiller principal en droit international,
bureau du droit international, services de l'Attorney-General
d'Australie,
comme coagents et conseils;
M. Derek W. Bowett, Q.C., professeur émérite, ancien titulaire de la
chaire Whewell à l'Université de Cambridge,
M. James Crawford, titulaire de la chaire Whewell de droit
international à l'Université de Cambridge,
M. Alain Pellet, professeur de droit international à l'Université de
Paris X-Nanterre et à l'Institut d'études politiques de Paris,
M. Christopher Staker, conseiller auprès du Solicitor-General
d'Australie,
comme conseils;
M. Christopher Lamb, conseiller juridique au département des affaires
étrangères et du commerce extérieur d'Australie,
Mme Cate Steains, deuxième secrétaire à l'ambassade d'Australie aux
Pays-Bas,
M. Jean-Marc Thouvenin, maître de conférences à l'Université du Maine
et à l'Institut d'études politiques de Paris,
comme conseillers.
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The Government of Australia is represented by:
Mr. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General of Australia,
as Agent and Counsel;
H.E. Mr. Michael Tate, Ambassador of Australia to the Netherlands and
former Minister of Justice,
Mr. Henry Burmester, Principal International Law Counsel, Office of
International Law, Attorney-General's Department,
as Co-Agents and Counsel;
Mr. Derek W. Bowett, Q.C., Whewell Professor emeritus, University of
Cambridge,
Mr. James Crawford, Whewell Professor of International Law,
University of Cambridge,
Mr. Alain Pellet, Professor of International Law, University of Paris X-Nanterre
and Institute of Political Studies, Paris,
Mr. Christopher Staker, Counsel assisting the Solicitor-General of
Australia,
as Counsel;
Mr. Christopher Lamb, Legal Adviser, Australian Department of Foreign
Affairs and Trade,
Ms. Cate Steains, Second Secretary, Australian Embassy in the
Netherlands
Mr. Jean-Marc Thouvenin, Head Lecturer, University of Maine and
Institute of Political Studies, Paris,
as Advisers.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L'audience est ouverte.
La Cour est à présent réunie, en application des dispositions des articles 43 à 47 de son Statut,
pour entendre les Parties en leurs plaidoiries dans l'affaire relative au Timor oriental (Portugal
c. Australie).
Le juge Roberto Ago, souffrant, n'est pas sur le siège parmi nous aujourd'hui. Il en éprouve
un vif regret qu'il m'a renouvelé ces trois derniers jours, mais il se promet de nous rejoindre le plut
tôt possible au cours de la présente procédure orale.
Avant de résumer brièvement, comme il est d'usage, les principales étapes de la procédure en
cette affaire, je voudrais indiquer qu'à compter du 26 janvier dernier, M. Vladlen Vereshchetin est
devenu membre de la Cour après avoir été élu le même jour par l'Assemblée générale et le Conseil de
sécurité des Nations Unies au siège devenu vacant à la suite du décès de M. Tarassov.
M. Vereshchetin, qui participera pleinement à cette affaire, ne pourra malheureusement pas assister à
l'audience de ce jour, ni à celle de demain. Il nous rejoindra sur le siège dès mercredi et ce sera à
cette occasion qu'il prendra l'engagement solennel prévu à l'article 20 du Statut de la Cour.
Comme je l'ai déjà dit lors de la séance précédente, l'article 20 du Statut est également
applicable aux juges ad hoc. En la présente affaire, la Cour ne comptant sur le siège aucun juge de
la nationalité des Parties, chacune d'elles a fait usage du droit que lui confère le paragraphe 3 de
l'article 31 du Statut de désigner un juge ad hoc. Le Portugal a d'abord désigné M. Antonio
de Arruda Ferrer-Correia, ancien recteur de l'Université de Coï mbra; celui-ci n'étant plus en mesure
de siéger, il a désigné, pour le remplacer, M. Krzysztof Skubiszewski. L'Australie, pour sa part, a
désigné sir Ninian Stephen. Il est heureux pour la Cour que le choix des Parties se soit porté sur
d'aussi éminentes personnalités.
Sir Ninian Stephen, de nationalité australienne, a étudié au Royaume-Uni, en Suisse et en
Australie. Il a exercé diverses hautes fonctions publiques, notamment dans le domaine judiciaire. Il
a été juge à la High Court of Australia, qu'il a quittée comme senior puisne justice. Il a également
prêté serment comme membre du Privy Council du Royaume-Uni et a siégé en qualité de membre du
Judicial Committee de ce conseil. Après avoir été gouverneur général de l'Australie, il en a été le
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premier ambassadeur pour les questions d'environnement. Il est aussi le président de plusieurs
organes gouvernementaux australiens. Sir Ninian est en outre, depuis 1993, membre du Tribunal
chargé de connaître des crimes commis dans l'ex-Yougoslavie.
M. Skubiszewski, de nationalité polonaise, est bien connu des internationalistes. Il a accompli
une longue et brillante carrière consacrée à l'enseignement du droit international dans diverses
universités de son pays et à l'étranger. M. Skubiszewski, qui est l'auteur de nombreuses publications
dans le domaine du droit international, est membre de l'Académie polonaise et de l'Institut de droit
international. Il fut ministre des affaires étrangères de Pologne de 1989 à 1993 et se trouve
actuellement Président du Tribunal des réclamations Etats-Unis/Iran.
J'invite maintenant chacun des juges ad hoc à prendre l'engagement solennel prescrit par le
Statut et je prie l'assistance de bien vouloir se lever.
Le PRESIDENT : Monsieur Skubiszewsky.
M. SKUBISZEWSKI : «Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai
mes attributions de juge en tout honneur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute
conscience.»
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte de la déclaration
solennelle faite par M. Skubiszewski. Je vous prie de vous lever à nouveau pour entendre la
déclaration solennelle de sir Ninian.
Sir Ninian STEPHEN : «I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my
powers as Judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.»
Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte de la déclaration
solennelle que vient de faire sir Ninian. Je déclare en conséquence M. Skubiszewski et sir Ninian
dûment installés comme juges ad hoc en l'affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie).
L'instance a été introduite le 22 février 1991 par le dépôt au Greffe d'une requête du
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Gouvernement de la République portugaise contre le Commonwealth d'Australie au sujet d'un
différend concernant «certains agissements de l'Australie se rapportant au Timor oriental». Dans sa
requête, le Portugal soutient que l'Australie, en négociant avec l'Indonésie un «Accord d'exploration
et d'exploitation du plateau continental dans la zone du «Timor Gap»» (signé le 11 décembre 1989),
en ratifiant cet accord et en commençant à l'exécuter, ainsi qu'en négociant la délimitation de ce
plateau et en excluant toute négociation sur les mêmes objets avec le Portugal, a porté au peuple du
Timor oriental et au Portugal, en tant que puissance administrante, un préjudice juridique et moral
grave qui deviendra aussi matériel si l'exploitation des ressources pétrolières commence.
Par ordonnance du 3 mai 1991, des délais ont été fixés pour le dépôt d'un mémoire du
Portugal et d'un contre-mémoire de l'Australie; ces pièces ont été dûment déposées dans les délais
ainsi fixés. Par ordonnance du 19 juin 1992, des délais ont été prescrits pour le dépôt d'une réplique
du Portugal et d'une duplique de l'Australie; la réplique a été dûment déposée dans le délai ainsi fixé
et la duplique dans le délai prorogé tel que fixé par ordonnance du 19 mai 1993.
Après s'être renseignée auprès des Parties, la Cour a décidé, conformément aux dispositions
du paragraphe 2 de l'article 53 du Règlement, que des exemplaires de ces pièces de procédure et des
documents y annexés seraient rendus accessibles au public.
Je constate la présence à l'audience des agents et conseils des deux Parties. La Cour entendra
d'abord les représentants du Portugal, Etat demandeur. En raison de l'heure avancée, et pour ne pas
indûment amputer le temps de parole réservé au Portugal, les plaidoiries pourront
exceptionnellement se poursuivre, selon que de besoin, jusqu'à 13 h 30. Monsieur l'agent du
Portugal, vous avez la parole.
M. CASCAIS : Monsieur le Président, Messierus de la Cour,
1. J'ai l'honneur de comparaître devant vous en qualité d'agent de la République portugaise
dans l´'affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie). Cette affaire a été portée devant la
Cour internationale de Justice par requête introductive d'instance déposée le 22 février 1991 contre le
Commonwealth d'Australie, au sujet d'un différend d'ordre juridique entre les deux Etats, résultant de
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certains agissements de l'Australie se rapportant au Timor oriental, territoire non autonome dont le
Portugal est la puissance administrante.
2. Qu'il me soit permis de présenter les sincères respects et félicitations de mon gouvernement,
à vous, Monsieur le Président Mohammed Bedjaoui, et à vous, Monsieur le Vice-Président
Stephen Schwebel, pour votre élection à ces hautes fonctions de cet éminent organe des Nations
Unies qu'est la Cour internationale de Justice. Je voudrais également saisir cette occasion pour
féliciter MM. Shi Jiuyong, Carl-August Fleischhauer, Abdul Koroma et Vladlen Vereshchetin à
l'occasion de leur récente élection comme Membres de la Cour; et saluer aussi MM. les juges ad hoc,
sir Ninian Stephen et M. Krysztof Skubiszewski. Et je ne saurais taire la peine que nous ressentons
du fait de la disparition du juge Nikolai Tarassov et de la perte ainsi subie par la communauté
juridique internationale, comme vous venez de les évoquer, Monsieur le Président, il y a quelques
instants.
La République portugaise s'estime fondée en droit pour joindre à l'adresse faite à la Cour
internationale de Justice à l'occasion de l'audience de ce jour - et avec une émotion toute particulière
que les Membres de la Cour comprendront certainement - le peuple du Timor oriental.
Je transmets aussi, par l'intermédiaire de M. Gavan Griffith, au Gouvernement et au peuple du
Commonwealth d'Australie, les amitiés les plus sincères de mon gouvernement, du peuple portugais
et du peuple du Timor oriental en les priant de se rapporter à la «Déclaration de Manille sur le
règlement pacifique des différends internationaux» approuvée par la résolution 37/10 adoptée le
15 novembre 1982 par l'Assemblée générale des Nations Unies, qui proclame en son point II.5 que :
«Le recours à un règlement judiciaire des différends juridiques, particulièrement
le renvoi à la Cour internationale de Justice, ne devait pas être considéré comme un acte
d'inimitié entre Etats.»
3. D'autant plus que ce n'est pas la première fois que l'Australie est devant la Cour; le
Portugal non plus d'ailleurs, qui en est à sa seconde demande. Pour sa part, le Portugal a manifesté
sa confiance dans le règlement judiciaire, comme moyen de règlement pacifique des différends entre
Etats énuméré à l'article 33 de la Charte des Nations Unies, dès 1955 en soumettant à la Cour une
requête introductive d'instance contre l'Inde. Après cette affaire relative au Droit de passage sur
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territoire indien, le Portugal a manifesté en 1991 le renouvellement de sa confiance par la
soumission à Cour de la présente affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Australie).
Bien que ces deux affaires soient très éloignées l'une de l'autre, par leurs fondements et par
leurs buts, et séparées aussi par la révolution démocratique de 1974 qui a été l'instauratrice du
renouveau du Portugal, elles témoignent de sa conviction continue que la Cour est par excellence le
moyen pacifique de règlement des différends.
Si les deux Etats, le Portugal en qualité de puissance administrante du Timor oriental, et
l'Australie, sont aujourd'hui devant vous au stade des plaidoiries après deux tours de pièces écrites,
c'est parce qu'ils sont Parties au Statut de la Cour internationale de Justice et ont déclaré reconnaître
comme obligatoire de plein droit et sans convention spéciale la juridiction de la Cour conformément
au paragraphe 2 de l'article 36 de son Statut. L'Australie a fait une déclaration le 6 février 1954 qui
a été remplacée par une déclaration du 13 mars 1975; quant au Portugal, sa déclaration est datée du
19 décembre 1955. Le Portugal l'indiquait dans sa requête : «Ces deux déclarations ne contiennent
aucune réserve pertinente au regard de la requête de la République portugaise.» Par la suite,
l'Australie ne soulèvera aucune exception à la compétence de la Cour.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
4. L'affaire que le Portugal soumet à votre haute considération repose sur les droits éminents
d'un peuple : son droit à disposer de lui-même, son droit à l'intégrité territoriale, sa souveraineté
permanente sur ses richesses et ressources naturelles. Cette affaire s'inscrit dans un cadre juridique
que la Cour a puissamment aidé à édifier, notamment par ses avis consultatifs sur la Namibie,
en 1971, et sur le Sahara occidental en 1975.
L'émergence et la reconnaissance généralisée des droits des peuples coloniaux à disposer
d'eux-mêmes ne se firent pas sans difficultés ni obstacles, parmi lesquels ne furent pas des moindres
l'obstination du Portugal d'avant la révolution démocratique de 1974. La décolonisation ira de pair
avec la révolution. L'adhésion inconditionnelle de mon pays, depuis 1974, au principe de
l'autodétermination des peuples a levé ainsi une des barrières faisant obstacle à la continuation d'un
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processus qui avait été mis en mouvement au lendemain de la seconde guerre mondiale et qui déjà
était irréversible.
Je ne peux pas vous cacher, Monsieur le Président, combien nous avons été désagréablement
surpris du ton que l'Australie a employé pour mentionner dans sa duplique le passé colonial du
Portugal.
C'est un fait historique malheureux que le peuple portugais - comme d'ailleurs ceux de ses
anciennes colonies - a subi une longue dictature et que les gouvernements de cette époque ont défié la
communauté internationale. Mais, dès le rétablissement de la démocratie en 1974, le Portugal a
lui-même été le premier à dénoncer l'ancienne politique et à promouvoir immédiatement et
inconditionnellement la décolonisation des peuples qui lui étaient soumis. Nul Etat n'est à l'abri de
reproches. Même les Etats qui n'ont jamais eu à subir de dictature n'ont pas toujours réussi à
assurer, aux peuples pour lesquels ils sont responsables, la plénitude de leurs droits. La situation
des peuples aborigènes de l'Australie peut être une illustration de mon propos.
Aujourd'hui, le droit des peuples coloniaux à disposer d'eux-mêmes, sur la base duquel fut en
grande mesure construit le monde contemporain, est devenu un acquis, que, sur le plan des principes,
personne ne conteste vraiment plus, quel que soit le cadre idéologique ou géographique dans lequel il
se place.
Toutefois, malgré l'étape fondamentale que constitua l'indépendance de la Namibie - en
conformité, il convient de le rappeler, avec l'avis consultatif de la Cour - le processus n'est pas
encore achevé.
Des situations subsistent où un peuple colonial n'a pas été encore à même d'exercer son droit à
choisir son destin et au regard desquelles, dans le cadre des Nations Unies, les moyens de rendre
possible l'exercice de ce droit sont toujours recherchés. C'est précisément le cas du peuple du Timor
oriental. Le fait que ces situations soient, pourrait-on dire, en marge de l'époque, à contre-courant de
l'histoire et en contradiction avec les règles de droit international désormais consolidées, ne leur
enlève pas d'importance. Bien au contraire : il s'agit d'anormalités juridiques - accompagnées parfois
de terribles souffrances humaines - que l'on ne peut ni accepter ni tolérer.
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5. La décolonisation tardive des territoires qui étaient, en 1974, sous administration portugaise
s'est effectuée dans un cadre où les difficultés étaient énormes et où coexistaient, au Portugal, des
tensions profondes et une situation d'instabilité critique dans laquelle étaient impliquées aussi les
forces armées. Ces conditions ont été décrites de façon sommaire (mémoire du Portugal, par. 1.10 à
1.14). En dépit de cela, toutes les colonies portugaises, sauf le Timor oriental, ont pu accéder à
l'indépendance au plus tard en novembre 1975 (mémoire du Portugal, par. 1.15 à 1.20).
Les événements qui n'ont pas permis de conclure le processus de décolonisation du Timor
oriental et l'exercice, par son peuple, de son droit à disposer de lui-même ont été, eux aussi, décrits
dans le mémoire du Portugal (par. 1.21 à 1.36), auquel je me permets de renvoyer. A ce stade, je ne
soulignerai que le fait que, le jour même de l'invasion indonésienne, le 7 décembre 1975, le Portugal
a saisi le Conseil de sécurité, qui se prononça par sa résolution 384 (1975) du 20 décembre 1975, à
la suite de la résolution de l'Assemblée générale 3485 (XXX) du 12 décembre 1975. Ces deux
résolutions, confirmées par d'autres dont nos conseils vous parleront en détail, ont réaffirmé sans
aucune réserve, tant le droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même et à son intégrité
territoriale, que la qualité du Portugal comme puissance administrante du Territoire. Le Comité
des 24 continue toujours d'être saisi de la question du territoire non autonome du Timor oriental et le
Portugal continue toujours d'être qualifié comme sa puissance administrante.
6. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
Les pièces écrites vous montrent les efforts du Portugal pour accomplir son devoir de défendre
les droits du peuple du Timor oriental. Comme le Portugal a déjà pu le dire, c'est dans la pureté
stricte de la conception de la puissance administrante du territoire non autonome du Timor oriental,
dans l'accomplissement d'une «mission sacrée», que le Portugal vient devant la Cour internationale
de Justice.
Il invoque la qualité de puissance administrante, non contre le peuple du Timor oriental, mais
en tout premier lieu, en défense de ses droits. Il ne veut rétablir aucune domination, il veut
simplement que les droits du peuple du Timor oriental soient respectés et que celui-ci puisse un jour
décider de son avenir. Il ne veut exploiter une quelconque de ses ressources, il demande qu'elles
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soient conservées pour le peuple auquel elles appartiennent.
7. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
Vous aurez remarqué, dans les pièces écrites, jusqu'à quel point les devoirs du Portugal à
l'égard du Timor oriental constituent un pôle de rassemblement et une question de conscience du
peuple portugais, en quelque sorte, si je puis dire, une cause nationale. Si des débats existent, ils
portent sur le passé et sur les moyens, non sur l'objectif à atteindre.
J'ai déjà dit que la requête du Portugal ne signifie pas un acte inamical à l'égard du peuple
australien. Permettez-moi d'adresser un mot de remerciements à tous ceux, si nombreux en
Australie, qui, par des mouvements de solidarité, au Parlement, à l'intérieur des partis politiques, ou
ailleurs encore, n'oublient pas le peuple du Timor oriental et lui apportent leur appui.
Au peuple du Timor oriental, je dirai simplement, et en un seul mot, de tout coeur, que nous
sommes avec lui.
8. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
La présente affaire ne porte pas sur la question du Timor oriental dans toutes les dimensions
qu'elle est susceptible de comporter, ni sur tous les différends qu'elle a générés. Bien sûr, le
jugement de la Cour ne pourra avoir qu'une résonance positive sur la question plus vaste du Timor
oriental. Mais il nous faut être très clairs, ce qui est devant la Cour c'est un différend particulier,
celui qui s'établit entre le Portugal et l'Australie, seuls.
Elle concerne, tout d'abord, l'opposabilité à l'Australie, que celle-ci a mise en cause, d'une part
des droits du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même, à l'intégrité et à l'unité de son territoire
et à sa souveraineté permanente sur ses richesses et ressources naturelles, et d'autre part des devoirs,
des compétences et des droits du Portugal en tant que puissance administrante du territoire non
autonome du Timor oriental.
Elle concerne ensuite certains actes illicites que le Portugal estime avoir été (et être toujours)
pratiqués par l'Australie, notamment la négociation, la conclusion et l'exécution, par le
Commonwealth d'Australie, de l'Accord de 1989 relatif à l'exploration et à l'exploitation des
ressources pétrolières dans le plateau continental situé entre le Timor oriental et le territoire
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australien.
Elle concerne, enfin, les conséquences de ces illicéités.
On ne saurait ici se contenter d'un rappel des principes, fussent-ils fondamentaux. Le respect
du droit des peuples a été concrètement bafoué par l'Australie et il est nécessaire d'en tirer les
conséquences de droit appropriées au cas considéré. L'action du Portugal est une action contentieuse
en responsabilité internationale. L'application du principe du respect des droits des peuples y prend
dès lors un relief d'autant plus considérable qu'il constitue la base des obligations méconnues par le
défendeur dans toute cette affaire.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
9. Dans la présente affaire, le fond et la recevabilité de la requête portugaise sont étroitement
liés. Le Portugal fera donc valoir son argumentation sur les objections australiennes ainsi que son
argumentation sur le fond même du différend qui l'oppose à l'Australie. Le premier tour des
plaidoiries traitera d'abord du fond du différend puis la recevabilité de la requête portugaise, comme
d'ailleurs nous l'avons déjà fait aux pièces écrites. Il sera évidemment impossible, par manque de
temps, de répondre à tous les détails soulevés par l'argumentation australienne. Aussi ne faudra-t-il
pas voir un accord dans notre absence de réaction sur un point quelconque.
Ceci m'amène tout naturellement à indiquer comment et dans quel ordre les conseils de la
République portugaise vont traiter des différentes questions au cours de cette procédure.
Dans une partie préliminaire, M. José Manuel Servulo Correia indiquera les raisons de
l'introduction de cette instance par le Portugal et les objectifs qu'il poursuit.
M. Miguel Galvao Teles fera une présentation générale de la requête de la République portugaise.
Nous aborderons alors mardi le fond du différend. M. Pierre-Marie Dupuy examinera le droit
applicable et les obligations de l'Australie, découlant du droit international général et du droit des
Nations Unies, à l'égard du peuple du Timor oriental et de sa puissance administrante, le Portugal. Il
sera suivi par M. Servulo Correia qui démontrera que le Timor oriental est toujours un territoire non
autonome au sens de la Charte des Nations Unies, et que le Portugal est toujours aujourd'hui la
puissance administrante. Sur ce dernier point, il montrera que les Nations Unies ont le pouvoir
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d'identifier la puissance administrante. M. Galvao Teles exposera ensuite l'assise territoriale des
droits du peuple du Timor oriental, c'est-à-dire les droits respectifs du Timor oriental et de l'Australie
sur le plateau continental dans la zone du «Timor Gap».
Mercredi matin, M. Servulo Correia conclura le cadre juridique de l'affaire en exposant les
pouvoirs d'une puissance administrante. Mme Rosalyn Higgins traitera ensuite des résolutions des
Nations Unies et leurs conséquences sur la conduite que le Portugal reproche à l'Australie.
M. Galvao Teles viendra à la barre pour démontrer que les conduites de l'Australie constituent
des violations de ses obligations. Jeudi, Mme Rosalyn Higgins interviendra à nouveau pour montrer
que les effectivités ou le passage du temps ne peuvent pas, et n'ont pas pu changer la qualité du
Timor oriental en tant que territoire non autonome, le droit du peuple du Timor oriental à disposer de
lui-même, et la qualité du Portugal en tant que puissance administrante ou encore justifier la conduite
de l'Australie. M. Pierre-Marie Dupuy tirera alors les conséquences de la violation par l'Australie de
ses obligations et en indiquera les remèdes.
Puis nous nous tournerons vers la recevabilité de la requête portugaise et les objections
soulevées par l'Australie, et le Portugal indiquera à la Cour les raisons pour lesquelles ces objections
ne peuvent l'empêcher de faire droit aux conclusions du Portugal.
M. Miguel Galvao Teles démontrera que les Parties à la présente instance sont les Parties
suffisantes et que la Cour n'a pas besoin de la présence d'un autre Etat ici pour accepter que le
territoire du Timor oriental est un territoire non autonome et que le Portugal en est la puissance
administrante. De même la présence d'un autre Etat n'est pas nécessaire pour que la Cour puisse
déclarer l'opposabilité de ces qualités à l'Australie.
M. Dupuy poursuivra et plaidera que la Cour peut se prononcer sur la responsabilité
internationale de l'Australie sans avoir à se prononcer sur la responsabilité de l'Indonésie, tout
d'abord du fait de son occupation et ensuite du fait d'être partie à l'accord de 1989. M. Galvao Teles
conclura ce point en argumentant que la Cour n'est pas empêchée de faire droit à certaines
conclusions du Portugal parce que la Cour n'est pas appelée à se prononcer sur la validité de l'accord
de 1989 ou à résoudre un quelconque conflit d'obligations.
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M. Servulo Correia reviendra pour indiquer la qualité à agir du Portugal dans la présente
instance. M. Dupuy puis Mme Higgins termineront le premier tour de plaidoiries de la République
portugaise en concluant que l'objet de la demande portugaise visant à établir la responsabilité de
l'Australie est légitime et que les moyens indiqués à l'appui de cette responsabilité sont appropriés,
l'objet de la requête pouvant être satisfait par le jugement de la Cour.
Avec votre autorisation, nous ne donnerons pas au cours de ces débats les références de nos
citations mais ces références seront communiquées au Greffe et nous lui serions reconnaissants de
bien vouloir les insérer dans le texte de la transcription.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
Je tiens à vous remercier de l'attention que vous avez prêtée à mon exposé. Je vous serais
reconnaissant, Monsieur le Président, de bien vouloir appeler M. Servulo Correia à la barre. Merci.
Mr. CORREIA: Mr. President, Members of this honourable Court.
This is the first time I have appeared before this Court. May I say how much of an honour it
is to do so. A great honour to be heard by the principal judicial organ of the United Nations as
Co-Agent, counsel and advocate on behalf of the Portuguese Republic. But simultaneously a heavy
honour in pleading for the rights of the brave people of East Timor, who, after 19 years of
oppression and martyrdom, continue to fight for the preservation of their own identity and for the
exercise of their own right to determine their future political status by their own freely expressed
will. An honour I assume with the fear that, due to my personal shortcomings, the voice of a far-off
people may not attain in my pleadings sufficient resonance. A voice smothered by the earth of so
many unmarked graves, by the walls of so many prisons, by the soldiers of the invader who guard
over the smallest villages, and watch over mountains and forests where the armed struggle continues.
1. It falls to me now to address the Court on the motives and purpose of the legal action
brought by the Portuguese Republic against the Commonwealth of Australia.
The broad scope of the reasons that dictated the decision of Portugal to resort to judicial
settlement prevents me, in this my first address, to forget my capacity as Co-Agent. In the following
addresses, I shall, on the contrary, leave it latent, to the benefit of the strictly judicial approach to the
- 19 -
matters under consideration. I thus most respectfully ask the Court that, on this first occasion, it
accepts to hearing me in a mixed capacity as Co-Agent and counsel.
The Activities of Australia
Mr. President, Members of the Court.
2. The existence of a dispute between Portugal and Indonesia, since 1975, is notorious. This
dispute has its origin in the military invasion of the non-self-governing territory of East Timor, and
was exacerbated by the pretension of the invader to annex a territory conquered by it manu militari.
A pretension the Security Council and the General Assembly of the United Nations reject and that
Portugal, which is still the Administering Authority of the self-determination territory, repudiates.
That the dispute between Portugal and Indonesia and the dispute between Portugal and
Australia are connected by common factual background is also evident. However, notwithstanding
that connection, the two disputes are distinct. And the allegation of Australia, according to which
¨the true object and purpose¨ of the Portuguese claim relates to Portugal's legal position vis-à-vis
Indonesia, not Australia, is inexact. The dispute Portugal asks the Court to settle is only the dispute
between Portugal and Australia.
Australia infringed and is infringing its obligation not to disregard the rights of the people of
East Timor to self-determination, to territorial integrity and unity, and to permanent sovereignty over
its wealth and natural resources. At the same time and by the same deeds, Australia infringed and is
infringing its obligation not to disregard the duties, powers and rights of Portugal as the
Administering Authority of the territory of East Timor.
The infringement of such obligations and of the corresponding rights and powers of the people
of East Timor and of Portugal, arises from Australia's own activities. The contravention of Security
Council resolutions 384 and 389 and of the obligation to co-operate in good faith with the
United Nations, issues from Australia's own attitudes.
3. From General Assembly resolution 1542 (XV) of 15 December 1960 onwards, East Timor
has been classed by the United Nations as a non-self-governing territory, its people having the right
to self-determination.
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After the Democratic Revolution of 25 April 1974, in Portugal, my country abandoned the
claim of the deposed authoritarian régime to the full integration of the non-European territories in an
unitary Portugal and recognized, by constitutional law 7-74, of 27 July 1974, the right to
self-determination of its overseas territories, including the acceptance of their independence (PM,
Ann. II.6, Vol. II, p. 33).
On 3 August 1974, the new democratic Portuguese Government addressed a memorandum to
the United Nations Secretary-General reaffirming its obligations with regard to Chapter XI of the
United Nations Charter and in conformity with General Assembly resolution 1514 (XV) and
pledging full co-operation to the United Nations in the implementation of the provisions of the
Charter, the Declaration of the Granting of Independence to Colonial Territories and Peoples, and
the relevant resolutions in respect of territories under Portuguese administration (PM, Ann. II.7,
Vol. II, p. 40).
In Timor, a decree by the Governor, dated 13 May 1974, set up a "Commission for the
Self-Determination of Timor", one of whose aims was to set up the development of civic bodies
aimed at polarizing the various trends and currents of opinions. Portugal sought, as a guideline, to
establish an agreement on the self-determination process with the three political associations which
had meanwhile been formally established: UDT (Democratic Union of Timor), FRETILIN
(Revolutionary Front for an Independent East Timor) and APODETI (Timorese Democratic People's
Union). The first one supported the granting of independence after a period of association with
Portugal; the second one advocated immediate independence and the third one favoured integration
with Indonesia. All efforts to seat the three parties at the same table having failed, at the Macau
Meeting of 26-28 June 1975, this was transformed into a separate consultation with UDT and
APODETI on the draft of an agreement. The Portuguese Government then decided to convert it into
a drat of law. This became constitutional law 7-75 of 17 July 1975. Article 1 of this law reaffirms
"the right of the people of Timor to self-determination, with all that implies, including
the acceptance of its independence ..., in conformity with the relevant resolutions of the
United Nations Organization, and scrupulously safeguarding the principle of respect for
the will of the people of Timor" (PM, Ann. II.13, Vol. II, p. 88).
This constitutional law entrusted the decision on the political future of the territory to a
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popular assembly having to be constituted by universal, secret and direct suffrage. The principle of
equality of treatment and chances of all candidatures would be respected. The election was to take
place on the third Sunday of October 1976. The Popular Assembly was thus free to choose the
solution desired by the people of East Timor, namely, independence, integration in another State or
association with Portugal. During the transitional period, a Portuguese High Commissioner would
be assisted by a consultative Council of Government composed of two members elected by each
Regional Council and of four members appointed by each of the political movements which wished
to exercise this right.
Meanwhile, elections to the local administration bodies had taken place, and a counting of the
votes indicated victory for FRETILIN, followed by UDT, with APODETI achieving only a poor
showing (James Dunn, Timor: A People Betrayed, The Jacaranda Press, Milton et al.m 1983,
p. 100).
4. Thus, it cannot be denied that the process for the decolonization of East Timor was set in
motion according to the International Law of Decolonization, after the revolutionary change of
power in Portugal in April 1974.
Confronted with this process, Australia was obligated to respect the right of the people of
East Timor to self-determination and to facilitate and promote the realization of that right.
However - and notwithstanding pious public statements to the contrary - the real intention of
Australia was, from the beginning, to impede a free and genuine expression of the will of the people
of East Timor concerning their future political status. Australia wished and continues to wish the
integration of the territory into Indonesia, even if this integration represents a solution not desired by
the vast majority of the East Timorese.
5. In September 1974, Portugal had already informed the United Nations of its intention to
decolonize East Timor and the Portuguese authorities had already taken, in the territory, the first
steps of the process of decolonization. The situation was perfectly calm and under control.
However, that was the very moment when the then Australian Prime Minister, Mr. Gough Whitlam,
discussing, in Java, the future of the territory with President Suharto of Indonesia, confidentially
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declared Australia's support to the Indonesian policy of integration.
In the Reply, Portugal had already quoted the book by Alan Renouf, who was in 1974 the
Secretary of the Ministry of Foreign Affairs of Australia, where this episode is told:
"I directed that Australia's policy should be self-determination. This was
approved by Foreign Minister Don Willesee.
Prime Minister Whitlam had talks in Jogjakarta with Suharto on
6 September 1974. The departmental brief upon East Timor ... said that Australia's
policy was self-determination ... In his talks with Suharto, Whitlam changed the
policy" (PR, para. 3.62, Alan Renouf, "The Frightened Country", the Macmillan
Company of Australia, 1975, pp. 442-443).
This testimony recently received an important confirmation, in the form of the authorized
biography of General Benny Moerdani, published in 1993, in Jakarta. General Moerdani is one of
the main figures of the Indonesian régime and bears, with others, the main responsibility for the
invasion of East Timor. Now, in that book it is stated that, at the time when civil war having broken
out in the territory, the Portuguese authorities moved (for operational and security reasons) to the
island of Atauro, 23 kilometres from the capital of the territory:
"the Australian Prime Minister, Hon. Gough Whitlam, Q.C., commented: 'Indonesia
may be the only one power capable to restore order'. This statement was not surprising
as this probability was raised in private talks between Whitlam and President Suharto
at Wonosobo, Central Java, in September 1974, when Whitlam signalled his agreement
to Indonesia's plans over Timor." (See Julius Pour, 'Benny Moerdani - Profile of a
Soldier Statesman', translated by Tim Scott, The Yayasan Kejuangan Panglima Besar
Sudirman, Jakarta, 1993, p. 332.)
In short, the fate of East Timor had been sealed with the amen of Australia months before agitation
had become endemic to the territory. An agitation due in considerable part to Indonesian activities of
infiltration and counter-information, with the clear intention of aborting the process of
self-determination of the territory, being carried out by Portugal within the institutional framework
of the United Nations.
Thus one should not be surprised at Australia's systematically unco-operative position, from
April 1974 to December 1975) paras. 3.59 to 3.75). Australia refused to re-open its consulate in
Dili, demonstrating, vis-à-vis the Indonesians, its lack of interest in monitoring the situation in the
territory. It rejected requests for aid in economic and educational areas. It refused to take part in a
multi-national military force intended to contribute towards the end of the civil war between
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Timorese parties. It initially refused the requests of the Portuguese authorities stationed on the
island of Ataúro, to allow Portugal to organize talks in Australia between the parties in armed
conflict. It refused permission for the re-supplying of the Portuguese corvette which gave protection
to the Portuguese authorities on the island of Ataúro, and ensured the wireless communications with
Portugal, Australia and Indonesia as with the Timorese parties themselves, which those authorities
kept trying to draw to a process of peaceful negotiation.
6. After the massive Indonesian invasion took place as from 7 December 1975, a strong armed
Timorese resistance broke out. A resistance so intense and courageous that only in December 1978,
after successive campaigns of encirclement and annihilation directed against the bases of popular
resistance, did the invading army gain effective control over the civilian population in general, and
was able to deploy detachments in all villages. Impartial estimates, including some of Indonesian
origin, allow us to conclude that, during that period, from 100,000-200,000 human beings perished
in East Timor, thanks to the indiscriminate Indonesian bombings, to famine and to disease.
The onset of the invasion was immediately characterized by indescribable scenes of massacre, rape
and looting in the town of Dili, the capital of the territory. The Timorese community in Australia
then tried to organize humanitarian aid, but the Australian authorities banned all communication by
radio, flights, and communications by ship, strongly contributing to the territory's isolation in the
eyes of the world. This was an isolation desired by the Indonesians in order to carry out with no
great international inconvenience a genocidal policy against the East Timorese people with total and
systematic disregard of the most elementary human rights. Since 1974, the actions of Australia in
relation to the decolonization process of East Timor have shown no correspondence with the pious
declarations of Australian rulers in favour of the free exercise of the right to self-determination by
the people of this territory.
The consistency of the actions of Australia, always in contradiction with this right, and the
sheer irrelevance of the "pro forma" statements by its Prime Ministers, Ministers for Foreign Affairs,
and other representatives, in favour of such right, became clear in 1976. Australia had still voted in
favour of resolution 3485 (XXX) of 12 December 1975 of the General Assembly, whose
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paragraph 1 of the operative part called upon all States to respect the inalienable right of the people
of East Timor to self-determination, freedom and independence and to determine their future political
status in accordance with the principles of the Charter of the United Nations and the Declaration on
the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples. However, Australia was already to
abstain in the voting of resolution 31/53 of 1 December 1976 whose paragraph 1 of the operative
part reaffirmed the inalienable right of the People of East Timor to self-determination and
independence and the legitimacy of their struggle to achieve their right. The "struggle" referred to in
this passage was the resistance shown by the people of East Timor to the Indonesian invasion.
Fierce fighting took place all over the Territory. Most of the civilian population had abandoned the
villages and towns, and roamed through forests and mountains to escape the violence of the invading
forces. This was the moment the Australian Government thought appropriate to abstain from a
resolution which affirmed the inalienable right of the East Timor people to self-determination. And
the position of Australia became, if possible, even less equivocal when, as from 1978 inclusively, it
voted against all other resolutions by which the General Assembly of the United Nations reaffirmed
the rights of the people of East Timor to self-determination and independence.
7. Australia thus voted against resolution 33/39 of 13 December 1978, through which the
General Assembly of the United Nations reaffirmed the inalienable right of the people of East Timor
to self-determination and independence and the legitimacy of their struggle to achieve that right.
Indeed, since January of that same year, the Australian Minister for Foreign Affairs had announced
that his Government had decided to recognize de facto East Timor as part of Indonesia. And the de
jure recognition would follow soon, that is, in February 1979, in the same moment when the Timor
Gap negotiations were started.
This contradiction in which Australia involved itself might at first sight appear strange: on the
one hand, the official statements, throughout 1974 and 1975, in favour of the free exercise by the
people of East Timor of their right to self-determination and independence. On the other hand, the
systematic lack of co-operation if not obstruction as regards Portugal's well-intentioned attempts to
carry out the decolonization of the territory, the barely concealed countenancing of an Indonesian
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armed invasion, the prompt support of an annexation, yet to be consolidated, against a people rising
en masse against the aggressor.
I leave the Court the appreciation of Australia's conduct. I cannot however avoid adding that,
glancing backwards upon the succession of events, I can only find one logical explanation for such a
great difference between what the Government of Australia publicly stated and what in reality it did:
the real motivation for Australia's conduct was the desire to profit from the invader's political
weakness with a view to deriving unjustified material benefit, to the detriment of the sovereignty of
the people of East Timor over its natural resources. The benefit consisted in the access of Australia
to zones of the continental shelf considerably to the North of those which resulted to Australia from
the delimitation agreed to in 1972 by Australia and Indonesia, west and east of the Timor Gap: in
the "Timor Gap" Agreement, Australia gained access to zones over which it has no entitlement
opposable to East Timor.
Such benefit was clearly the fruit of Indonesia's negotiating weakness, due to the illegal
character of an annexation which the United Nations do not recognize. But even this did not exempt
Australia from paying a heavy price: that price was the recognition of East Timor as part of
Indonesia.
This strategy was outlined in very frank terms in the famous secret communication of
17 August 1975 addressed by Ambassador Woolcott, in Jakarta, to his superiors. After observing
that "we are dealing with a settled Indonesian policy to incorporate Timor" he then considered
ill-advised any message or statement from the Australian Government warning the Indonesians
against the use of force in Timor, and recommended:
"From here I would suggest that our policies should be based on disengaging
ourselves as far as possible from the Timor question; getting Australians presently
there out of Timor; leave events to take their course; and if and when Indonesia does
intervene act in a way which would be designed to minimise the public impact in
Australia and show privately understanding to Indonesia of their problems."
And further on the Australian Ambassador added:
"We are all aware of the Australian defence interest in the Portuguese Timor
situation but I wonder whether the Department has ascertained the interest of the
Minister or the Department of Minerals and Energy in the Timor situation.
It would seem to me that this Department might well have an interest in closing
- 26 -
the present gap in the agreed sea border and this could be much more readily
negotiated with Indonesia by closing the present gap than with Portugal or
independent Portuguese Timor.
I know I am recommending a pragmatic rather than a principled stand but that is
what national interest and foreign policy is all about, as even those countries with
ideological basis for their foreign policies, like China and the Soviet Union, have
acknowledged" (PM, Vol. V, Ann. III, 4, pp. 67-70; emphasis added).
Distorting the position of Portugal - as it has frequently done in this dispute - Australia states
that "Portugal itself acknowledges that this statement did not correspond to official policy" (ARej.,
para. 39). This is inexact. What Portugal declared and repeats is that, if one considers not what
Australia states is its official policy, but Australian conduct, one immediately becomes aware that,
since 1974-75 until the present day, the programme for action proposed by the Australian
Government by its Ambassador in Jakarta, was followed to the letter.
This policy is undeniably demonstrated by the candid statement of Mr. Gareth Evans - the
present Foreign Minister for Australia that "... Australia's de jure recognition of Indonesian
sovereignty (over East Timor) had taken effect in February 1979 when negotiations were opened
with Indonesia on the sea-bed boundary in the Timor Gap" (PM, Vol V, Ann. III, 38, p. 246).
It would not be possible to produce a more conclusive confession that the infringement by
Australia of the right of the People of East Timor to self-determination, and of the right of Portugal
to fulfil its responsibilities as the Administering Authority of the territory of East Timor, represented
the presupposition of the violation by Australia, for its own profit, of the permanent sovereignty of
the People of Est Timor over its natural wealth and resources.
Ambassador Woolcott was certainly right as to one point: in a negotiation, Portugal would
not have opened to Australia the area located between the outer limit of the territorial sea of East
Timor and the 200-mile line measured from Australia.
Before April 1974, Portugal had maintained - and still asserts - that the exercise of rights of
East Timor and Australia should be delimited on the continental shelf by a line of equidistance. It
would have been practically impossible to discover an objective reason, in the interests of the people
of the territory, to open up to exploitation by Australia an area over which East Timor has exclusive
rights. And all the more so when all available data lead one to believe that in that area is
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concentrated a very substantial part of the petroleum resources under consideration.
The wrongfulness (illiceité) of Australia's acts
Mr. President, Members of the Court.
8. The negotiations concerning the Timor Gap, initiated with the "de jure" recognition by
Australia of the annexation of East Timor by Indonesia, are not yet totally concluded: they continue,
having as an object the delimitation of the continental shelf in the area. But they already had as their
high point the signature and initial execution of a treaty dated 11 December 1989, to which the
parties gave the following title: "Treaty between Australia and the Republic of Indonesia on the
Zone of Co-operation in an area between the Indonesian Province of East Timor and Northern
Australia".
I emphasize the expression "Indonesian Province of East Timor".
As was expounded in more developed form in the Memorial and in the Reply, Portugal
considers as wrongful all and each one in itself of the following acts of Australia: (a) the
negotiation, conclusion and execution of the Treaty; (b) the passing by Australia of legislation
having as an object to enable Australia to fulfil its obligations under the same Treaty; (c) the
ongoing negotiation with a third State concerning the delimitation of the continental shelf in the area
of the Timor Gap; (d) the exclusion of any type of negotiation with the Power administering the
territory of East Timor on the matter of the exploration and exploitation of the continental shelf in
the same area; (e) the fact that Australia is exploring and proposes to exploit the marine subsoil in
the Timor Gap on the basis of a plurilateral title to which the Administering Authority of the
territory of East Timor is not a party.
The wrongfulness of such acts derives, in the first place, from Australia's failure to respect the
right of the people of East Timor to self-determination and the quality of Portugal as the
Administering Authority of the territory.
9. In the Rejoinder, Australia comes forth with the extraordinary statements that "Australia
has never asserted that East Timor does not continue to have the status of a non-self-governing
territory" and that
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"recognition of Indonesian sovereignty over East Timor does not 'par nécéssité logique
absolue' signify that Australia no longer recognizes East Timor as a non-self-governing
territory or its people as having a right to self-determination" (ARej., paras. 263 and
264).
Such assertions are totally inconsistent with the basic position sustained by Australia in the
present action.
Thus, for instance, Australia wrote in the Counter-Memorial:
"In December 1978, the Australian Government announced that negotiations
would commence with Indonesia in relation to the Timor Gap. Negotiations
commenced in February 1979 ... The Australian view, as expressed by its Foreign
Minister, was that the start of negotiations would imply de jure recognition of
Indonesian incorporation of East Timor" (ACM, para. 69).
For the Court, no reasonable doubt can thus remain: the Treaty was negotiated and signed
and has been executed, based on a fundamental premise, that the territory of East Timor is a part of
the territory of the Indonesian Republic and that the natives of East Timor are a part of the
Indonesian people. The repeated statements of the Australian Government to this effect throughout
the years, since 1978, allow no doubt as to this matter, just as no doubt is allowed as to the purpose
and meaning of Australia's vote on the General Assembly's resolutions 32/34 of 28 November 1977,
33/39 of 13 December 1978, 34/40 of 21 November 1979, 35/72 of 11 November 1980, 36/50 of
24 November 1981 and 37/30 of 23 November 1982, on the question of East Timor.
Were any doubts still to persist after this, these would be overcome by reading the text of the
Treaty.
The Treaty has as a title - a title repeated ipsis verbis by the Australian legislation - "Treaty
between Australia and the Republic of Indonesia on the Zone of Co-operation in an area between the
Indonesian Province of East Timor and Northern Australia". And Section 1 of its Article 2
designates a "Zone of Co-operation" in an area between the Indonesian Province of East Timor and
Northern Australia" (emphasis added).
After the use of this expression no one in good faith could deny that Australia entered the
Treaty under the basic assumption that East Timor is "the 27th province of Indonesia". And the
expression of its desire to further this purpose is expressed with full clarity in the preamble of the
Treaty:
- 29 -
"Desiring to enable the exploration for and exploitation of the petroleum
resources of the continental shelf of the area between the Indonesian Province of East
Timor and Northern Australia yet to be the subject of permanent continental shelf
delimitation between the Contracting States" (emphasis added).
And, further on, the Parties assure themselves: "Determined to co-operate further to the mutual
benefit of their peoples in the development of the area ...".
As East Timor is, indeed, for contracting Australia, a "province of Indonesia", its people have
dissolved themselves, in Australia's eyes, into the 180 million individuals who make up the people of
Indonesia, Australia only considers the interests of its own people and the interests of the people of
Indonesia. The people of East Timor have become, for contracting Australia, a very convenient
nonentity.
10. Recognition of East Timor's status as a province of Indonesia, de jure recognition of
incorporation of that Territory into Indonesia, signified, of course, "par nécéssité logique absolue",
that Australia does not recognize East Timor as a non-self-governing territory or its people as having
a right to self-determination.
Does Australia wish to correct this error and this historic injustice before the Court? It should
then very clearly state that, for Australia, today, East Timor is a self-determination unit and that its
people are considered by Australia as having the inalienable right, not yet exercised, to
self-determination and independence, in accordance with Chapter XI of the Charter of the
United Nations and the Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries and
Peoples.
It would appear obvious that Australia deludes itself while intending to delude others. When
engaged in activities in relation to the exploration for and exploitation of petroleum resources
effectively calling into question East Timor's rights, Australia cannot abstain from a clear position as
to the titularity of such rights. The need to give these activities a juridical structure compels
Australia to choose between an attitude of respect or of disrespect for the status of separateness and
distinctiveness of the territory and for the capacity of its people as a subject of international law.
A dispute between Portugal and Australia
- 30 -
Mr. President, Members of the Court.
11. Throughout the Timor Gap affair, the Australian Government has lacked in the frankness
which one must recognize in the military who rule Indonesia. The latter have no feelings of guilt or
shame in declaring their indifference for human rights, for international law, for the resolutions of the
competent organs of the United Nations. The exercise of armed violence is, for them, title enough
for the annexation of the territory of East Timor and for the exploitation of its wealth and natural
resources. The Australian Government also wishes to take part in the plunder of that wealth and of
these natural resources, without however assuming before the international community and before its
own public opinion the hatefulness of such a position, which it would wish to have 100 per cent
ascribed to the Indonesians. As Portugal, in its capacity as Administering Authority of East Timor,
is not disposed to consent to the violation by Australia of the rights of the people of East Timor, and
in the plunder by the Canberra Government of the petroleum resources under the sovereignty of that
people, Australia wishes at all costs to deal with Portugal over the question of East Timor.
The closing of the Australian Embassy in Lisbon, in 1992, is a sort of Freudian confession of
the wish of the Australian Government that Portugal might not disturb it with its uncomfortable
existence.
And doubtlessly due to the same profound logic, are the curious allegation that there is no real
dispute between Portugal and Australia, and the assertion that Portugal does not possess a legal
status which might enable it to bring the present suit against Australia.
These two assertions are in fact contradictory. How can there be no dispute if Australia
disregards and even denies the duties, powers and rights of Portugal as the Administering Authority
of East Timor? But beyond that, Australia cannot pretend to hide behind Indonesia to avoid the
international responsibility deriving from Australia's own wrongful acts. These acts followed later
and are not to be confused with the military invasion and the supposed annexation of the territory by
Indonesia. From such acts by Indonesia comes a dispute which Portugal has been discussing with
that country by what means are available. However, by its own acts since 1978, Australia has
brought into existence new and different violations of rights of the people of East Timor and of
- 31 -
duties, powers and rights of Portugal. The disregard by Australia of the legal positions of the people
of East Timor and of Portugal did not necessarily have to follow upon the invasion or the pretended
so-called annexation. These acts of Indonesia did not confer upon Australia or any other State the
right to plunder natural resources whose sovereignty is vested in the people of East Timor.
The belief of Portugal in the reversibility
of East Timor's present situation
Mr. President, Members of the Court.
12. Portugal firmly believes in the reversibility of the present de facto situation of East Timor.
As for Australia, instead of saying it does not believe in the end of the present situation as a
result of the restoration of international legality, it might be more accurate to consider that it would
rather not believe. The statement of the Minister of Foreign Affairs and Trade Senator Gareth Evans
on 26 November 1991, commenting in the Parliament on the brutal massacre by Indonesian military
of peaceful demonstrators in the cemetary of Santa Cruz on the 12th of the same month, is a clear
sign to this purpose:
"Some people will say the only thing that could possibly meet the needs and
aspirations of the East Timorese people would be the independence of East Timor
following a UN-supervised act of self-determination and, presumably, a vote to that
effect. That is probably too narrow a view of the situation. . . .
We believe - and Australian policy has been firmly embedded in this particular
course since 1979 - that the only realistic future for the East Timorese people does lie
with their acceptance of Indonesian sovereignty." (AR, Vol. II, Ann. II.4, p. 167.)
This position reflects a total disregard for the International Law of Decolonization. But it is
also based on a highly questionable prediction. While pretending to conform to the ¨need to take
account of realities¨, Australia loses credibility by dismissing too many aspects of reality.
The first of these aspects is the institutional one. The persistence of the East Timor question
on the United Nations agenda, and Portugal's acting in the capacity of Administering Authority,
show for themselves that this is not a foregone conclusion at the level of the realities of international
affairs.
Second, comes the growing mobilization of worldwide public opinion around the struggle of
- 32 -
the people of East Timor, in favour of their dignity and their future. The opaque wall of silence
which, during the first years surrounded the genocide of the Timorese, was definitely broken. In the
1990s, the situation of this people became a common topic of the most influential world mass media,
and all suggests it will not be forgotten again. Pressure has been exerted on many governments by
concerned citizens and by non-governmental organizations, who have taken up the cause of East
Timor, and this is, today, no longer a minor factor.
I ask the Court to allow me to give a recent example to the point. At its plenary meeting on
17 November 1994, the European Parliament approved a long resolution on the situation in East
Timor. I would very much like to read out the entire document, but time compels me to restrict
myself to reading its operative paragraphs 1, 2 and 4:
"1. Condemns once again the behaviour of the Indonesian armed forces and
security services and expresses its concern at the atmosphere obtaining in East Timor,
with the manifest and continuing refusal of the population to accept occupation by
Indonesia;
2. Expresses its support for the people of East Timor and calls for the
recognition of its right to self-determination and independence, as well as for the release
of Xanana Gusmão and all political prisoners;
...
4. Urges the Council of the European Union, under the CFPS, to take firm and
immediate measures to help solve the problem based on negotiations, under the aegis of
the United Nations, including representatives of the East Timor resistance movement
and by means of a free and fair referendum, and calls on it to inform Parliament on its
actions; ..." (European Parliament, Doc. B4-0372, 0379, 0391, 0403 and 0414/94.)
This is indeed a most impressive testimony to the state of public opinion in Europe as
concerns the right to self-determination of the people of East Timor.
This phenomenon can be observed in Australia itself. We must here show our deepest respect
for the members of the Australian Parliament, members of the clergy and religious activists, union
leaders, journalists, international lawyers and other academics and intellectuals, and many other
Australian citizens who, over the last 20 years, have consistently called for the realignment of the
East Timorese policy of the Canberra Government with the principles of international law and with
the most elementary dictates of justice. These people have understood that the East Timorese oil,
tainted with so much blood, salted with so many tears, will be a disturbing sign of contradiction in
- 33 -
the heart of Australian democracy. These people are saving the honour of Australia in this sad
affair.
An objective examination of the possible recuperation by the people of East Timor, of the
factual exercise of its sovereignty, cannot ignore the outlook for evolution in the internal situation of
Indonesia. Today, this country is governed by a dictatorship based on a régime of terror. It is
shored up by oppression, the usurpation of freedoms, violence and corruption. Numerous
experiences in this century tells us that this type of régime does not last forever, and that their fall
sets loose many repressed energies. As observed by Xanana Gusmão (the leader of the Timorese
resistance, serving a 20-year prison sentence in the Cipinang prison, in Java) in a message addressed
to "Indonesian Solidarity" on 28 November 1993, "our brothers, the Indonesian people, will not
enjoy full democracy while the people of East Timor are denied the fundamental right to
self-determination and national independence". That is indeed so: we Portuguese have the historical
experience that a people cannot be freed of tyranny if at the same time it does not free other peoples
it has subjugated.
But what Australia likes to present as realism fails, above all, because it ignores a factor of
which world public opinion is increasingly aware: the unbreakable will of the East Timorese to
survive as a people and to decide for themselves their own fate. Peoples such as those of Vietnam,
the Baltic States, Guinea-Bissau, Eastern Germany and Eritrea, have in this century shown how a
disproportion of numbers and military resources does not count in medium- or long-term when a
people subjected to alien domination does not lose its will to fight. And armed and civilian resistance
have never ceased in East Timor, they have merely adjusted to changing circumstances.
The blue and white flag of the FALINTIL (Forças Armadas da Libertação Nacional de Timor
Leste - Armed Forces of the National Liberation of East Timor) still flies over the mountains and the
forests of the territory. And in the occupied villages and towns, new forms of political and cultural
resistance multiply and develop with the growing participation of a new generation brought up under
foreign occupation.
13. Australia pretends to justify the violation of international law and of the rights of the
- 34 -
people of East Timor with "political realism". But as Xanana Gusmão (whom many today rightly
call the Timorese Mandela) has answered from his jail,
"political realism is a concept which only gives the great and the strong the right to act
according to their own interests, while denying to the small and defenceless the capacity
of acting against" (Xanana Gusmão, Timor Leste - um Povo, uma Pátria, Lisboa,
1994, p. 308).
Portugal answers Australia that political realism ordains that, in the light of 19 years of
experience, it should recognize that the people of East Timor shall never submit.
Australia justifies also its acts relative to the Timor Gap with its interventions with the
Government of Djakarta in favour of the improvement of human rights in the territory. Portugal
points out to Australia that, if Australia wishes to be realistic, it should recognize that, without
solving the question of self-determination, the climate in the territory can logically be no other than
the climate of violence and terror under which the East Timorese have lived for almost 20 years.
The duty of Portugal to defend the rights
of the people of East Timor
Mr. President, Members of the Court,
14. In another of the several contradictions in which it finds itself, Australia as easily accuses
Portugal of neglect and inaction in the exercise of its duties as Administering Authority, as it
criticizes it for being in an excessively protagonistic role. There is no sense in reproaching Portugal
at once for doing too little and for doing too much as concerns the implementation of East Timorese
self-determination.
Portugal considers that, by bringing this case against Australia, it is doing neither too little nor
too much, but merely carrying out its strict duty to defend the rights of the people of East Timor.
And Portugal considers this defence as an indispensable element for the promotion of the
self-determination of that people.
15. The Portugal which emerged from the revolution of 25 April 1974 recognized, by a
constitutional law of July of that same year, the right to self-determination and independence of
colonial peoples under Portuguese administration. In resolution 3294 (XXXIX) of
- 35 -
13 December 1974, the General Assembly of the United Nations welcomed with satisfaction:
"the acceptance by the new Government of Portugal of the sacred principles of
self-determination and independence and its unqualified applicability to all peoples
under Portuguese colonial domination"
and noted "with particular satisfaction" the progress achieved towards the decolonization of these
peoples. Symbolically, in June 1975, the Committee of Twenty-Four met in Lisbon. During 1975,
all the former Portuguese colonies with the exception of East Timor became independent States. All
these States of official Portuguese language - and also Brazil - have been, in the United Nations,
supporting Portugal's efforts to promote the exercise, by the people of East Timor, of its right to
self-determination and independence.
The Constitution of the Portuguese Republic, approved in 1976 by a democratically elected
constituent assembly, includes in its Article 7 (1), among the principles by which Portugal is ruled in
international relations, the principle of the right of peoples to self-determination and independence.
And Section 3 of the same Article 7 declares that
"Portugal recognizes the right of peoples to rise up against all forms of
oppression, namely against colonialism and imperialism".
16. The Constitution of the Portuguese Republic also establishes one of the premises of
Portugal's present position in relation to East Timor when it states in Article 293 (1):
"Portugal shall continue to be bound by its responsibility, in accordance with the
international law, to promote and safeguard the right to self-determination and
independence of East Timor."
This responsibility of Portugal in accordance with international law is, in the first place, that
which derives from its quality of Administering Authority. This capacity engenders in the
international legal sphere of Portugal the duty - accompanied by the inherent powers and rights - to
safeguard the "status separate and distinct" of the territory and the wealth that might appertain to
that territory as resources subject to the permanent sovereignty of its people. Australia acted, and
proposes to continue to act in concrete circumstances, as if that status had been extinguished and as
if the sovereignty over such resources might pertain to another people other than the people of
East Timor. This attitude of Australia - which Portugal's repeated protests were powerless to
- 36 -
change - confronts Portugal with the imperative duty, towards the people of East Timor and towards
the international community, to seek judicial redress for the violations of Australia's international
obligations.
The need of the defence by Portugal of the rights
of the people of East Timor
Mr. President, Members of the Court,
17. The Australian allegation according to which the acts complained of by Portugal concern
only Australia's failure to respect what Portugal claims to be its powers and rights and not the rights
of the people of East Timor, is totally divorced from palpable reality. One of the essential reasons
for bringing the present proceedings is to impede Australia from treating East Timor as a province -
that is, an integral part - of the territory of a third State. And Portugal does this also to prevent
Australia from disposing of petroleum resources which might be subject to East Timorese permanent
sovereignty, without the interests of the people of the territory concerning the manner of the
exploration for and exploitation of such wealth and the revenues originating therefrom being assured
in the frame of the mechanisms of international control provided by Article 73 of the Charter of the
United Nations and further precepts of the international law of non-self-governing territories.
It should be stressed that, by the 1989 Timor Gap Treaty, Australia expressly recognized that
the development of the resources of the continental shelf of the area between Australia and
East Timor would be for the mutual benefit of the peoples of Australia and Indonesia.
And it must be remembered that Australia did not introduce into that Treaty any clause
safeguarding the specific interests of the people of East Timor. This people is, whether one
considers the letter or the spirit of that Treaty, a pure non-entity.
On its side, Portugal has repeatedly declared through its Presidents, Prime Ministers,
Ministers for Foreign Affairs, and other authorized representatives in international fora, and shall do
so again before the Court, that it does not entertain any other interest in relation to East Timor than
that of extinguishing its historical entitlement over the territory, in a way that will ensure the
promotion, in the frame of the United Nations, of the free choice by its people of their future
international status. Portugal will accept any result of a free and democratic consultation,
- 37 -
internationally controlled under the auspices of the United Nations.
Until that day of consultation arrives, Portugal will not renounce its powers and rights as
Administering Authority, because these are instrumental to the carrying out of its duties towards
East Timor and, at the same time, means of some juridical and political weight for the effectuation of
East Timor's self-determination. The process of this self-determination, initiated by Portugal, was
interrupted by a combination of internal and external factors which Portugal was unable to overcome
on its own in that fateful second half of the year 1975. But those who are aware of Portuguese
reality know that the Portuguese have not given up and will never give up seeing the dawn of
freedom for a people which for four centuries has travelled with them in brotherhood. As the
Portuguese poetess Sophia Andersen wrote:
"Timor, Dever que não foi cumprido e que por isso dói" ("Timor, An unfulfilled
duty which therefore hurts").
Reasons for referring the case to the
International Court of Justice
Mr. President, Members of the Court,
18. On bringing this action against Australia, the purpose of Portugal is to submit a quite
specific juridical dispute for adjudication by that, among the principal organs of the United Nations,
which Judge Lachs so aptly called "the guardian of legality for the international community as a
whole, both within and without the United Nations" (case concerning Questions of Interpretation
and Application of the 1971 Montreal Convention Arising from the Aerial Incident at Lockerbie,
I.C.J. Reports 1992, p. 138).
19. The dispute is eminently juridical because its subject-matter is composed of the rights of
the East Timorese people and of the rights, duties and powers of Portugal and of the obligations of
Australia vis-à-vis those legal positions.
The nature of the controverted questions also strongly recommends - according to the
respectful understanding of Portugal - that the case be entrusted to the judicial decision of this Court.
Portugal bears in mind the important contribution of jurisprudence of the International Court of
Justice for the development of a corpus of law about self-determination. Considered in all of its
- 38 -
many aspects, the question of East Timor belongs in the classic concept of self-determination as a
right vested in the peoples of territories which were colonies in 1945. It is a question whose juridical
aspects have points in common with those of Namibia and of the Western Sahara. The
particularities of the dispute between Portugal and Australia allow the Court, if it would so please to
do it, to join some additional authoritative pronouncements upon the current state of the colonial
territories self-determination law. Among others, it is the case of the content of the obligation not to
disregard but to respect the right to self-determination of the peoples to whom Article 73 of the
Charter of the United Nations applies. And also the case of the legal effects of resolutions of the
Security Council and of the General Assembly, which classify a territory as non-self-governing,
formally record the fact that its people has not yet been able freely to exercise its right to
self-determination or designate a certain country as the Administering Authority. And it is still the
case of the essential contents of the status of Administering Authority, in particular as regards its
powers for the purpose of defending the rights of the people of the administered territory against
third States.
These are - possibly along with others - aspects of the legal régime of the principle of
self-determination and of its application which the judgment sought in the present case may clarify,
thus enriching the already very considerable jurisprudence of the Court in these matters.
20. The specific character of the dispute submitted to the Court vis-à-vis the wider problem of
the self-determination of East Timor must also be emphasized.
It is not to be excluded - neither does this appear to be undesirable - that there may be some
complementarity between the judgment of the Portuguese-Australian dispute by the Court and the
resolutions about the East Timor question already approved by the Security Council and the General
Assembly. In any case, in the event of its confirmation, such complementarity will be relative
because the question generated by East Timor's invasion and occupation and the question arisen
from Australia's activities in relation with the "Timor Gap" have only some connections, without any
real overlap.
The wrongful acts of Australia debated in the present case occurred much later than the acts
- 39 -
of Indonesia under consideration by the Security Council in resolutions 384 (1975) of
22 December 1975 and 389 (1976) of 22 April 1976. These resolutions, adopted by the Council in
the exercise of its political discretion, as well as the important resolutions on the General Assembly
on the East Timor question, are, it is true, relevant to the present case. In effect, according to these
resolutions, the right of the people of East Timor to self-determination and the status of Portugal as
Administering Authority of that territory constitute, to quote an expression used by the court, "a
basic assumption", provided the Court judges that - as Portugal sustains - those resolutions
formulate, with determinative effect, legal situations (Western Sahara, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1975, p. 36). However, the resolutions of the Security Council and of the General
Assembly deal with the status of East Timor and of its Administering Authority as such, faced by an
armed invasion by a third country. The ongoing consultations on the situation in East Timor
between Portugal and the Secretary-General, in the framework of paragraph 1 of General Assembly
resolution 37/30 of 23 November 1982, have as a purpose to explore avenues for achieving a
comprehensive settlement of the problem.
None of the above authorizes Australia to infringe the rights of the people of East Timor and
of Portugal. And the present dispute deals only with such infringement by Australia and its legal
consequences.
21. To conclude, I wish to stress that, by initiating the present proceedings, Portugal
demonstrated with its own acts its deep conviction that, when essentially juridical disputes show
themselves unsusceptible to negotiated solution, it must fall upon the Court to lay down international
legality.
I would venture to predict that this case will enter the history of international jurisprudence,
because here is outlined in a very clear fashion the question of knowing whether what a State
perceives as its national interests in a given de facto situation allows it to disregard the inalienable
rights of peoples.
Portugal considers that, in such situations, the role of the principal judicial organ of the United
Nations becomes of even greater fundamental importance for the future of mankind. In cases like the
- 40 -
present one, international legal norms would mean almost nothing if, at least, their applicability
could not be adjudged and declared by
"an organ which, in that capacity, acts only on the basis of the law, independently of all
outside influence or intervention whatsoever, in the exercise of the judicial function
entrusted to it alone by the Charter and its Statute" (Legal Consequences for States of
the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa)
notwithstanding Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1971, p. 23)
By asking the International Court of Justice to judge this dispute, Portugal has expressed in
the best possible manner a vote of confidence in international law.
Thank you, Mr. President.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Avant d'entendre l'orateur suivant, la Cour observera
une pause d'une dizaine de minutes. Nous nous retrouverons tout à l'heure par conséquent.
L'audience est suspendue de 12 h 15 à 12 h 25.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Maître Galvao Teles, vous avez la parole.
M. GALVAO TELES : Merci, Monsieur le Président. Monsieur le Président, Messieurs de la
Cour,
C'est toujours un honneur tout particulier, pour un juriste, de plaider davant la Cour
internationale de Justice. En ce jour, l'honneur qui me revient se mêle au sentiment d'une énorme
responsabilité. Je plaide au nom de mon pays, vieil Etat chargé d'histoire, avec beaucoup de fierté
par le fait qu'il ait décidé de vous saisir pour une bonne et, si j'ose dire, grande cause. Mais mon
coeur sera loin, avec un peuple qui, pour sa plus grande partie, ne sera peut-être même pas autorisé à
prendre connaissance de notre présence ici. Tôt ou tard, il le saura.
Je voudrais vous saluer très respectueusement, vous, Monsieur le Président, Mohammed
Bedjaoui, vous, Monsieur le Vice-Président, Stephen Schwebel, vous tous, Messieurs les juges.
J'adresse aussi mes compliments à l'agent du Commonwealth de l'Australie, le procureur-général
Gavan Griffith, à Messieurs les coagents et à tous les conseils.
A. LA STRUCTURE DE LA REQUETE DU PORTUGAL
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1. Il m'appartient, aujourd'hui, de procéder à la présentation générale de la requête portugaise.
La Cour aura sans doute remarqué l'insistance australienne à refaire la demande du Portugal.
Nous l'avions déjà signalée dans la réplique. L'Australie réitère dans sa duplique. Elle s'attache à y
énoncer, tout d'abord, des propositions que le Portugal aurait formulées de manière négative, comme
si une requête était faite de négations. Il semble que l'Australie voudrait être à la fois demandeur et
défendeur, de sorte à pouvoir façonner une demande à la mesure des besoins de sa défense.
Permettez-moi de revendiquer pour le Portugal le droit de présenter lui-même son cas.
Celui-ci, contrairement à la défense australienne, n'a pas changé depuis le début.
2. Réénonçons, donc - c'est l'Australie qui nous y force - les propositions principales -
positives, évidemment - qui fondent et constituent les demandes du Portugal.
Première proposition :
Le Timor oriental est toujours un territoire non autonome, au sens de la Charte, qualifié
comme tel par les organes compétents des Nations Unies.
Deuxième proposition :
Le peuple du Timor oriental jouit donc, conformément à la Charte des Nations Unies, aux
Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme et au droit international coutumier, des
droits inhérents à un peuple d'un territoire non autonome, notamment du droit à disposer de luimême,
du droit à l'intégrité et à l'unité de son territoire et du droit à sa souveraineté permanente
sur ses richesses et ressources naturelles.
Troisième proposition :
Le Portugal est toujours la puissance administrante du territoire non autonome du Timor
oriental, qualifié comme telle par les Nations Unies.
Quatrième proposition :
Le Portugal est donc titulaire, de jure, des devoirs, des compétences et des droits propres
d'une puissance administrante d'un territoire non autonome et il est tout particulièrement investi
du pouvoir et du devoir de défendre les droits du peuple du Timor oriental.
Cinquième proposition :
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La qualité du Timor oriental comme territoire non autonome et les droits de son peuple
inhérents à cette qualité sont opposables à l'Australie, laquelle est tenue de ne pas les méconnaître
et de les respecter.
Sixième proposition :
La qualité du Portugal comme puissance administrante du territoire du Timor oriental et les
devoirs, les compétences et les droits du Portugal inhérents à cette qualité sont opposables à
l'Australie, laquelle est tenue de ne pas les méconnaître et de les respecter.
Septième proposition :
De par
a) la négociation, la conclusion et l'exécution de l'Accord de 1989,
b) les mesures internes prises,
c) les négociations entreprises, dès 1979, pour la délimitation permanente du plateau continental
dans la zone du «Timor gap»,
(chacun de ces faits étant à lui seul suffisant), et en traitant le Timor oriental comme autre
chose qu'un territoire non autonome, l'Australie a méconnu cette qualité, ainsi que les droits du
peuple du Timor oriental qui lui sont inhérents, et a donc violé les obligations internationales cidessus
mentionnées (cinquième proposition), tout en violant, en même temps, les résolutions
pertinentes des Nations Unies, ainsi que les devoirs de favoriser l'exercice, par le peuple du Timor
oriental, du droit à disposer de lui-même, et de coopérer, de bonne foi, avec l'Organisation.
Huitième proposition :
De par les mêmes faits (chacun étant, ici encore, à lui seul suffisant), l'Autralie a méconnu
la qualité du Portugal comme puissance administrante du territoire non autonome du Timor
oriental et les devoirs, les compétences et les droits qui lui sont inhérents et a donc violé les
obligations internationales ci-dessus mentionnées (sixième proposition), tout en violant, en même
temps, les résolutions pertinentes des Nations Unies, ainsi que le devoir de coopérer, de bonne foi,
avec l'Organisation.
Neuvième proposition :
- 43 -
En explorant et en se proposant d'exploiter le plateau continental dans un espace sur lequel
le peuple du Timor oriental a des titres et même, sur une partie de cet espace, des titres exclusifs;
en prétendant même exercer non seulement ses droits mais aussi ceux revenant au Timor oriental,
sans le consentement du Portugal et en excluant toute négociation avec celui-ci, l'Australie viole, à
nouveau, la souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur ses richesses et ressources
naturelles, méconnaît, à nouveau, la qualité du Portugal et enfreint son devoir de négocier pour
harmoniser les droits respectifs en cas de concours de droits ou de prétentions.
Dixième proposition :
De par chacun des faits susmentionnés et de par la violation de chaque obligation
internationale indiquée, l'Australie a engagé sa responsabilité internationale vis-à-vis du peuple
du Timor oriental et vis-à-vis du Portugal.
Onzième proposition :
L'Australie a donc le devoir, vis-à-vis du peuple du Timor oriental et du Portugal, de
réparer, ainsi que de cesser les illicéités et de ne pas les répéter.
Les quatre premières propositions constituent l'assise des demandes portugaises. Les sept
autres - même si certaines d'entre elles fonctionnent aussi comme des fondements d'autres
propositions - expriment, pour l'essentiel, les demandes du Portugal.
Evidemment, quelques-unes des propositions pourraient être subdivisées. Ici et là, des
développements et des précisions seraient nécessaires ou utiles. Certaines propositions
intermédiaires ont été omises dans l'énonciation précédente. Il n'est, pour le moment, question que
d'une présentation générale, et donc très sommaire, de la requête en enchaînant les énoncés
fondamentaux.
3. La Cour aura remarqué que le point de départ de la requête portugaise est une situation de
droit : le Timor oriental est de jure un territoire non autonome; le Portugal en est de jure la
puissance administrante. Cette situation de droit a été déclarée par les organes compétents des
Nations Unies : le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale.
Certes, personne n'ignore que l'Indonésie a occupé le territoire, qu'elle prétend l'avoir
- 44 -
incorporé, et que, de facto, le peuple du Timor oriental est pour le moment dans l'impossibilité
d'exercer son droit à l'autodétermination, de même que, de facto, le Portugal est empêché d'exercer,
in loco, son autorité de puissance administrante. Toutefois, les Nations Unies ont refusé d'accepter
que la situation de fait ait modifié la situation de droit et ont toujours réaffirmé cette dernière. Les
résolutions de l'Assemblée générale 31/53 du 1er décembre 1976 et 32/34 du 28 novembre 1977 ont
explicitement rejeté
«l'allégation selon laquelle le Timor oriental a été intégré à l'Indonésie, dans la mesure
où la population du territoire n'a pas été à même d'exercer librement son droit à
l'autodétermination et à l'indépendance».
Le Timor oriental a, dès la résolution de l'Assemblée générale 1542, du 15 décembre 1960
(mémoire du Portugal, annexe II.4, vol. II, p. 29), toujours été qualifié comme territoire non
autonome et le «Comité spécial chargé d'étudier la situation en ce qui concerne l'application de la
déclaration sur l'octroi de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux», dit Comité des
Vingt-Quatre, est toujours saisi de la question du Timor oriental. La qualité de puissance
administrante du Portugal est, elle aussi, toujours reconnue et déclarée.
Le Portugal estime que les résolutions pertinentes des Nations Unies - non seulement celles du
Conseil de sécurité, mais aussi celles de l'Assemblée générale, puisqu'elles se placent dans le
domaine de la décolonisation - sont obligatoires pour tous les Etats Membres. L'Australie, d'ailleurs,
reconnaît explicitement l'autorité particulière des Nations Unies en ce qui concerne l'identification
des peuples ayant droit à disposer d'eux mêmes (contre-mémoire, par. 322). Cette autorité
particulière doit aussi être reconnue en ce qui concerne l'identification de la puissance administrante,
tout du moins quand le maintien par un Etat de cette qualité est considéré, par les Nations Unies,
comme une garantie du droit du peuple concerné à disposer de lui-même. Ce fut le cas de la
Rhodésie; c'est celui du Timor oriental. Le Portugal n'a pas voulu, et ne veut pas, se libérer de ses
devoirs à l'égard du peuple du Timor oriental, bien au contraire. Les Nations Unies ne le veulent pas
non plus. C'est, d'ailleurs en exerçant un droit et en accomplissant, en même temps, une obligation,
que le Portugal a saisi la Cour.
4. La République portugaise précisera, au cours des plaidoiries, le sens et la portée des
- 45 -
résolutions pertinentes des Nations Unies. Pour le moment, je voudrais seulement souligner que, de
l'avis du Portugal, il n'est pas nécessaire que la Cour juge ex novo si le peuple du Timor oriental
conserve toujours le droit à disposer de lui-même et si le Portugal est toujours la puissance
administrante du territoire. Bien sûr, si l'on devait juger de novo, les réponses ne pourraient être
qu'affirmatives. Le peuple du Timor oriental est un peuple qui, jouissant du droit à disposer de
lui-même en tant que peuple colonisé, ne l'a jamais exercé. Par ailleurs, l'occupation d'un territoire
n'est pas un moyen d'acquisition de celui-ci. Et il ne serait même pas nécessaire d'établir le caractère
illicite de l'occupation indonésienne du Timor oriental - bien que, de toute évidence, elle soit illicite et
ait été considérée comme telle par les Nations Unies. Ainsi qu'il a été remarqué avec lucidité,
l'occupation licite, elle aussi, ne constitue pas, en droit international, un mode d'acquisition
territoriale, et je me permets de citer sir Robert Jennings, The Acquisition of Territory in
International Law, 1963, p. 54-56; et M. Derek Bowett, «International Law Relating to Occupied
Territory, A Rejoinder», The Law Quarterly Review, vol. 87, p. 473-475.
Les questions de savoir si le Timor oriental est toujours un territoire non autonome et si le
Portugal en est toujours la puissance administrante ont été tranchées par les organes compétents des
Nations Unies. La Cour n'a pas à y revenir, il lui suffit d'en prendre acte. C'est pourquoi le Portugal
soumet que, dans la présente affaire, la qualité du Timor oriental comme territoire non autonome
ainsi que celle du Portugal comme sa puissance administrante constituent des données, des «given»
(mémoire du Portugal, par. 3.02, réplique, par. 2.22-2.23).
5. Le Portugal estime qu'avant tout l'Australie a violé un devoir de respecter, d'une part, la
qualité et les droits du peuple du Timor oriental, et, d'autre part, la qualité et les droits du Portugal.
Ce devoir découle de plusieurs sources : la Charte des Nations Unies elle-même, l'article 1er
commun aux deux Pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme, auxquels l'Australie et le
Portugal sont parties, et, enfin, le droit international général. Mais il découle aussi des résolutions
des Nations Unies concernant le Timor oriental. Quel sens y aurait-il à ce que les Nations Unies
qualifient le Timor oriental comme un territoire non autonome et le Portugal comme sa puissance
administrante, si ce n'était pas pour que ces qualités soient respectées ? Par ailleurs, les résolutions
- 46 -
du Conseil de sécurité 384 et 389 demandent explicitement
«à tous les Etats de respecter l'intégrité territoriale du Timor oriental ainsi que le droit
inaliénable de son peuple à l'autodétermination, conformément à la résolution 1514
(XV) de l'Assemblée générale».
L'un des éléments de ce devoir de respect est ce que l'on peut appeler le devoir de
non-méconnaissance, c'est-à-dire, d'une part, le devoir de ne pas traiter le territoire du Timor oriental
comme s'il n'était pas un territoire non autonome et, d'autre part, le devoir de ne pas traiter le
Portugal comme s'il n'était pas la puissance administrante du territoire. Dans un passage de sa
duplique (par. 5), l'Australie traduit méconnaître par «misrecognise» et je crains que cette traduction
puisse être source d'un malentendu. Le Greffe (et l'Australie, elle-même, à d'autres endroits) l'ont
traduit par «disregard» et il nous semble que ce terme exprime mieux l'idée de méconnaissance.
Méconnaître ne signifie pas reconnaître ceci au lieu de cela, méconnaître signifie plutôt agir en ne
tenant pas compte de qualités ou droits que l'on devrait respecter, en somme, comme si ces qualités
et ces droits n'existaient pas. La méconnaissance peut avoir à sa base une non-reconnaissance
formelle : elle exprime alors la concrétisation par des faits de cette non-reconnaissance. C'est ce qui
s'est passé avec l'Australie à l'égard du Timor oriental. En 1979, elle a reconnu de jure
l'incorporation du Timor oriental à l'Indonésie. Et, comme son ministre des affaires étrangères l'a
explicitement déclaré (mémoire du Portugal, par. 2.22, et annexe II.37, vol. V, p. 24), cette
reconnaissance de jure a découlé du commencement même des négociations concernant le «Timor
gap». La reconnaissance de jure d'une incorporation à un Etat implique, par nécessité logique
absolue, la non-reconnaissance par l'Australie de la qualité de territoire non autonome au Timor
oriental. Les négociations mentionnées et la conclusion de l'accord se sont établies sur la base de
cette non-reconnaissance formelle de la qualité du Timor oriental et du Portugal, et correspondent à
sa concrétisation par des faits.
6. Il y a encore un point qu'il convient bien de mettre en évidence. En voulant toujours
refaçonner la requête portugaise, l'Australie prétend faire croire que la méconnaissance alléguée par
la République du Portugal serait, en dernière analyse, seulement celle de la qualité du Portugal
comme puissance administrante. Ce n'est pas vrai. Il y a deux méconnaissances que le Portugal
- 47 -
invoque : celle de la qualité de territoire non autonome du Timor oriental et des droits de son peuple
et celle de la qualité du Portugal et de ses droits - la première étant évidemment proéminente.
Indépendamment du non-respect des droits du Portugal, l'Australie a méconnu ceux du peuple du
Timor oriental, en traitant son territoire comme autre chose qu'un territoire non autonome. Même si,
arguendo - et seulement arguendo -, on admettait qu'un traité comme celui qui a été conclu aurait pu
l'être avec quelqu'un d'autre que le Portugal ou indépendamment de son intervention, ceci ne
dispenserait pas l'Australie de son devoir de respecter la qualité du Timor oriental en tant que
territoire non autonome et celle de son peuple, et de respecter les intérêts spécifiques et les droits de
celui-ci.
7. Evidemment, toute proposition positive implique logiquement une négation - mais cette
négation couvre tout ce qui est contraire à ce que l'on affirme. Si l'on dit - si les Nations Unies
disent - que le Timor oriental est toujours un territoire non autonome, cela implique qu'il ne soit rien
d'autre qu'un territoire non autonome, qu'il ne soit ni un Etat indépendant, ni la partie d'un Etat
quelconque, ni un territoire nullius ou quoi que ce soit d'autre qu'un territoire non autonome. Si l'on
dit
- si les Nations Unies disent - que le Portugal est la puissance administrante du Timor oriental, ceci
implique qu'il n'y ait pas, quant à ce territoire, d'autre autorité de jure que celle du Portugal, sauf,
bien entendu, celle du peuple du Timor oriental lui-même.
C'est cependant sur les propositions positives du Portugal que la Cour est appelée à se
prononcer.
8. Les propositions que l'Australie prétend, au début de sa duplique (par. 5), attribuer au
Portugal ont une nature différente de celles que l'on vient de mentionner. Celles-ci sont des
propositions substantives. Celles auxquelles l'Australie fait référence n'auraient, en général, qu'une
portée strictement procédurale. Il s'agirait de propositions concernant ce sur quoi la Cour ne serait
pas appelée à se prononcer. Elles supposeraient, évidemment, des propositions positives concernant
ce que la Cour est priée de décider, que le Portugal a effectivement présentées (il s'agit de ses
conclusions mêmes), mais que l'Australie oublie, de même qu'elle oublie que les propositions
- 48 -
négatives - celles du Portugal, non celles que l'Australie lui attribue - ont correspondu au besoin de
dissiper la confusion que l'Australie a voulu, et veut toujours, instaurer.
En formulant ce que seraient les prétendues propositions négatives du Portugal, l'Australie
procède à de nombreuses déformations et inférences détournées. Les titres qu'elle utilise ont
fréquemment l'intention ou le résultat de suggérer ce qui n'est pas dit, ni ne peut être dit. L'examen
de chacune de ces propositions deviendrait vite fastidieux. Le Portugal ne répond que de ce qu'il dit,
non de ce que l'Australie veut lui faire dire.
9. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, vous avez devant vous une affaire en
opposabilité et en responsabilité internationale : opposabilité à l'Australie des qualités du Timor
oriental et du Portugal, ainsi que des droits qui leurs sont inhérents; responsabilité internationale de
l'Australie pour avoir méconnu ces droits.
Ce que le Portugal demande à la Cour c'est (1ère conclusion) qu'elle dise que les droits du
peuple du Timor oriental et ceux du Portugal sont opposables à l'Australie - ce que cette dernière a
mis en cause; c'est (2e
et 3e
conclusions) qu'elle déclare l'illicéité des faits de l'Australie; c'est enfin
(4e
et 5e
conclusions) qu'elle statue sur la responsabilité internationale de l'Australie, en disant quels
devoirs l'Australie a vis-à-vis du peuple du Timor oriental et du Portugal, découlant des faits illicites
qu'elle a commis. Le Portugal ne demande ni moins, ni plus. Notamment, il ne prie pas la Cour de
déclarer l'invalidité de l'accord de 1989, ni de résoudre un quelconque conflit d'obligations que
l'Australie se serait créé.
Comme il sera démontré le moment venu par le Portugal, il ne résulte pas du fait que
l'Indonésie ne soit pas partie à l'instance ni n'ait consenti à la juridiction de la Cour que celle-ci ne
puisse pas se prononcer sur les conclusions du Portugal, adressées à l'encontre de l'Australie et d'elle
seule; il ne résulte pas du fait que la Cour ne soit pas appelée à se prononcer sur la validité de
l'accord qu'elle ne puisse pas se prononcer sur l'illicéité des conduites australiennes et sur la
responsabilité internationale qui en est la conséquence; il ne résulte pas du fait qu'il n'y ait pas de
délimitation du plateau continental que la souveraineté permanente du peuple du Timor oriental sur
ses richesses et ressources naturelles, préalable à toute délimitation, ne soit pas en jeu.
- 49 -
B. LE DIFFEREND AVEC L'AUSTRALIE
10. Monsieur le Président, Messieur les Juges,
Tout au début de sa duplique (par. 2), l'Australie affirme que "Ce à quoi vise réellement le
Portugal c'est à un règlement de la question plus vaste de l'avenir du Timor oriental."
L'Australie (comme d'ailleurs les Nations Unies) utilise le mot juste ici : il s'agit d'une
question qui peut conduire à des différends, mais qui, en elle-même, n'en constitue pas un. Il s'agit
d'une question vitale, non seulement - bien que tout d'abord - pour le peuple du Timor oriental luimême;
non seulement pour le Portugal, qui tient à accomplir les devoirs qui lui incombent; non
seulement pour les Nations Unies qui ont une tâche à remplir; mais encore pour tous les Etats, qui,
eux aussi, ont des devoirs à cet égard.
Evidemment, le but ultime du Portugal est que le peuple du Timor oriental soit un jour à même
d'exercer son droit de libre disposition. Pourrait-on le lui reprocher ?
Mais, entretemps, il faut sauvegarder les droits du peuple du Timor oriental, contre
l'oppression, bien sûr, mais aussi contre la convoitise. Et là surgissent, ou peuvent surgir, des
différends. Il y a sans doute un différend entre le Portugal et l'Indonésie, concernant l'occupation
illicite du territoire du Timor oriental par cette dernière. Mais il y a aussi un différend entre le
Portugal et l'Australie, en raison des actes de celle-ci quant au territoire et qui sont indiqués dans la
requête introductive d'instance. Et il n'existe pas de rapport entre les deux différends qui, de l'avis du
Portugal, empêche la Cour de régler le différend qui lui est soumis, et celui-là seul.
11. L'autonomie suffisante du différend entre le Portugal et l'Australie par rapport à tout autre
différend découle notamment de ce que les qualités du Timor oriental et du Portugal et les droits de
l'un et de l'autre ont une portée erga omnes. Ceci signifie que ces qualités et ces droits sont
opposables à tous ceux qui sont liés par la règle de droit et à chacun d'entre eux et que tous et chacun
d'entre eux ont, pour le moins, le devoir de les respecter. Les obligations à l'égard de ces droits sont
des obligations omnium. Celui qui les viole est individuellement responsable de cette violation.
12. Ainsi que le Portugal l'a noté dans ses écritures et comme il le montrera à nouveau par la
suite, la question de l'opposabilité à l'Australie des qualités et droits du peuple du Timor oriental et
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de ceux du Portugal est au coeur-même du différend qui s'est formé sur le plan diplomatique.
La première conclusion du Portugal s'y rapporte et il s'agit réellement d'une conclusion, non
d'un simple motif. Jamais il n'a été exclu qu'une conclusion puisse être, à la fois, le fondement d'une
ou d'autres conclusions. En tout cas, dans la mesure où le prononcé sur une question peut avoir une
portée plus large que celle de servir de fondement à des prononcés subséquents, il est justifié que la
question soit traitée comme l'objet d'une vraie conclusion, et, donc, qu'elle soit tranchée dans le
dispositif de l'arrêt, ce dernier bénéficiant de l'autorité de chose jugée. Il existera, en ce cas, un
intérêt légitime du demandeur à une décision ayant une telle autorité.
C'est ce qui se passe en l'espèce. Si la Cour dit et juge que,
«d'une part, les droits du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même, à l'intégrité et
à l'unité de son territoire et à sa souveraineté permanente sur ses richesses et ressources
naturelles et, d'autre part, les devoirs, les compétences et les droits du Portugal en tant
que puissance administrante du territoire du Timor oriental sont opposables à
l'Australie, laquelle est tenue de ne pas les méconnaître et de les respecter»,
ce prononcé impliquera que l'Australie, en toutes ses conduites relatives au Timor oriental, devra
respecter ces droits. La situation est bien différente de celle que l'on trouve dans les affaires des
Pêcheries (C.I.J. Recueil 1951, p. 116), des Minquiers et Ecréhous (C.I.J. Recueil 1953, p. 47) et
Nottebohm (C.I.J. Recueil 1955, p. 4), où ce qui était présenté, du point de vue formel, comme des
conclusions ne pouvait avoir que la nature de simples motifs.
13. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.
Au chapitre II de son mémoire, le Portugal a décrit en détail l'origine et l'évolution du
différend avec l'Australie, jusqu'à ce moment-là. Un développement ultérieur a été cependant apporté
par l'Australie dans sa duplique. Ceci me force, d'abord, à un court rappel des origines du différend.
14. Le Portugal a instamment protesté auprès de l'Australie contre les négociations qu'elle
poursuivait avec l'Indonésie portant sur le plateau continental dans la zone du «Timor Gap» et,
ensuite, contre la signature de l'accord et sa mise en oeuvre. Les textes des protestations portugaises
ont été joints à la requête introductive d'instance et au mémoire (annexes III.17-III.24, vol. V, p. 194
et suiv.).
Par deux fois l'Australie a répondu aux protestations portugaises : d'abord par une note du
- 51 -
2 novembre 1988 ensuite par une note de 18 et 24 janvier 1990 (annexes III.25 et III.26, vol. V,
p. 210-217). La première note reproduisait des extraits d'une déclaration faite, le 20 mars 1986,
devant le Parlement australien, au nom du gouvernement (c'est la note même qui le dit), par celui qui
était alors ministre pour les ressources et l'énergie. Elle renvoyait aussi à une déclaration du premier
ministre australien du 1er novembre 1988, dont le texte était joint à la note. Le texte complet des
déclarations du ministre Gareth Evans se trouve comme annexe au mémoire du Portugal
(annexe III.28, vol. V, p. 221-222).
Que dit l'Australie au Portugal dans ces deux notes ? Que ce soit directement ou par renvoi à
d'autres déclarations ?
Essentiellement, trois choses :
1) L'Australie a, dès 1979, reconnu la souveraineté indonésienne sur le Timor oriental (note du
2 novembre 1988, annexe III.25) ou l'incorporation du Timor oriental à l'Indonésie («the
incorporation of East Timor in Indonesia», note du 18-24 janvier 1990, annexe III.26).
2) Cette reconnaissance ne signifie pas l'approbation des moyens par lesquels le territoire a été
acquis et ne cautionne en aucune manière l'utilisation de la force par l'Indonésie.
3) Nonobstant, permettez-moi de le dire en anglais :
«It is the sovereign right of each State to determine what dealings it will have
with States acquiring, by whatever means, new territory and to determine whether or
not to recognise sovereignty over such a territory.»
La position australienne était donc, de toute évidence, que les droits du peuple du Timor
oriental et ceux du Portugal, même s'ils existaient, ne lui étaient pas opposables, parce qu'elle
reconnaissait que le Timor oriental avait été intégré dans un Etat tiers.
C. LA RECONNAISSANCE DE JURE, PAR L'AUSTRALIE, DE L'INTEGRATION DU TIMOR
ORIENTAL A UN ETAT TIERS
La Cour se souvient qu'en 1978 l'Australie avait reconnu de facto «que le Timor oriental fait
partie de l'Indonésie» («that East Timor is part of Indonesia»; mémoire, par. 2.20). En décembre de
cette même année, le ministre des affaires étrangères australien annonçait que :«The negociations,
when they start, will signify de jure recognition by Australia of the Indonesian incorporation of
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East Timor.» (Mémoire, par. 2.22.) Ces négociations étaient celles concernant le plateau
continental dans le «Timor Gap». Elles ont débuté en février 1979. C'est à cette date et à la
reconnaissance de jure qui eut alors lieu, que se rapportent toutes les déclarations australiennes
postérieures.
16. Au regard de la présente espèce, plus que ce que l'Australie reconnaît, ce qui importe c'est
ce qu'elle ne reconnaît pas. Dans la requête introductive d'instance même ont peut lire :
«Le Portugal soutient..., tant sur la base du droit de l'Organisation des
Nations Unies que sur celle du droit international général, que toutes ces situations
juridiques valent erga omnes, et nommément vis-à-vis de l'Australie, toute non
reconnaissance de la part de l'Australie étant non seulement sans pertinence, mais aussi
illicite, dans la mesure où elle se convertit en méconnaissance...» (Par. 27.)
Dans le mémoire, le Portugal disait, par exemple :
«Ce qui compte, ce n'est pas tant ce que l'Australie reconnaît, ce qu'elle ne
reconnaît pas, c'est-à-dire la qualité du territoire du Timor oriental comme non
autonome...» (Par. 8.25.)
Dans sa réplique, le Portugal soulignait que «reconnaître de jure l'annexion d'un territoire non
autonome par un Etat signifie, par nécessité logique absolue, ne plus reconnaître ce territoire comme
un territoire non autonome» (par. 6.11 et par. 6.15).
17. Que dit l'Australie, à cet égard, dans sa duplique ?
Et bien, quelque chose de nouveau (chapitre 3 de la partie II).
D'abord, «l'Australie n'a jamais soutenu que le Timor oriental ne continue pas d'avoir le statut
de territoire non autonome» (par. 263).
Ensuite, «Contrairement à ce que soutient le Portugal, la reconnaissance de la souveraineté
indonésienne sur le Timor oriental ne signifie pas «par nécessité logique absolue» que l'Australie ne
reconnaît plus au Timor oriental le statut de territoire non autonome ni à son peuple le droit à
l'autodétermination» (par. 264).
L'Australie s'explique longuement sur les concepts d'administration et de souveraineté
appliqués aux territoires non autonomes; elle soutient que, même si, conformément à la résolution de
l'Assemblée générale 2625 (XXV), on pouvait parler de principe d'individualité ou de principe
d'altérité des territoires non autonomes, ceci ne signifie pas que l'on ne puisse pas aussi parler de
- 53 -
souveraineté étatique sur ces territoires; elle invoque que
«le Gouvernement australien a clairement indiqué qu'il ne faisait que reconnaître une
situation de fait effective et n'exprimait aucune approbation des moyens par lesquels la
situation actuelle avait été créée» (par. 267).
Finalement, elle conclut (permettez-moi de le rapporter en anglais) :
«recognition of Indonesian sovereignty of East Timor does not involve any denial of
its status as a non-self-governing territory. Statements of the Australian Government
concerning the «incorporation» of East Timor into Indonesia must be understood in
this context» (par. 267).
Ici, l'Australie met le mot incorporation entre guillemets.
Bref, l'Australie aurait toujours reconnu et continuerait de reconnaître le Timor oriental
comme un territoire non autonome. L'Indonésie n'aurait été reconnue que comme, dirait-on, une
puissance administrante de fait de ce territoire non autonome.
18. Ces déclarations australiennes suscitent des commentaires sur différents plans.
Admettons, pour un instant et pour les stricts besoins du raisonnement, que ce que l'Australie affirme
soit vrai, c'est-à-dire, que la reconnaissance n'aurait porté que sur l'effectivité du contrôle indonésien
sur le Territoire. Encore faudrait-il que l'Australie explique comment et pourquoi elle a accordé une
reconnaissance de jure. La partie australienne peut toujours essayer de dévaluer la distinction entre
reconnaissance de facto et reconnaissance de jure. Toutefois, dans le cas d'espèce, c'est elle-même
qui a établi cette distinction, en passant d'une reconnaissance de facto, en 1978, à une reconnaissance
de jure, en 1979. Ce fut aussi son ministre des affaires étrangères qui a dit : «As will be well known
there are essentially 3 stages: Firstly, informal relations on a non-recognition basis, distinct from
de facto recognition; secondly de facto recognition and thirdly, de jure recognition.» (Mémoire du
Portugal, par. 2.19 et annexe III.31, vol. V, p. 232.) La reconnaissance de jure a donc eu, dans la
situation d'espèce, une portée nécessairement différente de celle de la reconnaissance de facto, ne
pouvant pas exprimer une simple reddition devant une situation de fait.
Par ailleurs, l'Australie a toujours fait état de sa position critique face aux moyens employés
par l'Indonésie pour occuper le Timor oriental. La requête portugaise ne se fonde pas sur la
violation par l'Australie du devoir de ne pas reconnaître les situations découlant de l'utilisation de la
force. Nonobstant, si l'Australie veut opposer sa reconnaissance, il faut bien qu'elle la justifie en
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droit. Et, sur ce point, le Portugal se demande si le Gouvernement australien maintient toujours la
position qu'il a exprimée le 20 mars 1986 :
«It is our understanding that there is no binding international legal obligation not to
recognise the acquisition of territory that was acquired by force.» (Mémoire, p. 63,
par. 2.15, et annexe III.28, vol. V, p. 221.)
19. Venons-en maintenant à la reconnaissance ou non-reconnaissance du Timor oriental
comme territoire non autonome.
Il faut distinguer deux stades : avant et après la duplique de l'Australie.
En ce qui concerne le passé, les allégations australiennes que l'on trouve à la duplique sont tout
simplement inexactes.
Sans doute trouve-t-on telle ou telle déclaration australienne mentionnant la reconnaissance de
la souveraineté indonésienne sur le Timor oriental. Néanmoins, la plupart des déclarations de
l'Australie disent qu'elle reconnaît «the incorporation of East Timor in Indonesia». Et le mot
incorporation n'y est pas mis entre guillemets, comme il l'est maintenant dans sa duplique.
Ainsi la reconnaissance de jure de l'incorporation du Timor oriental à l'Indonésie (Indonesia's
incorporation of East Timor) que le Gouvernement australien a annoncé en décembre 1978. Ou
encore la reconnaissance de cette incorporation (the incorporation of East Timor in Indonesia) que
la note du Gouvernement australien du 13 décembre 1988 a opposé au Portugal.
Et quand le premier ministre australien, dans les déclarations jointes à cette note, a parlé,
devant son parlement, des négociations avec l'Indonésie concernant le plateau continental dans le
«Timor gap», il a clairement affirmé :
«He (the honourable member) will observe that we have conducted our negotiations
with the Indonesians on the basis and the assumption that we are the two sovereign
powers and nations with rights in this area to be determined.» (Mémoire, par. 2.14 et
annexe III.25, vol. V, p. 215; c'est moi qui souligne.)
Messieurs les juges : il n'est pas fait référence seulement aux pouvoirs, mais aussi aux nations
qui seraient les titulaires de droits dans cette zone. Le peuple du Timor oriental n'existerait donc
plus. Il n'est plus, selon l'Australie, qu'une partie de la nation indonésienne.
Je vous prie encore, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, de prêter votre attention à la
déclaration du ministre des affaires étrangères du Commonwealth d'Australie, reproduite au
- 55 -
paragraphe 2.23 du mémoire du Portugal et émise le 23 avril 1980, concernant la résolution de
l'Assemblée générale 34/40 du 21 novembre 1979 :
«Australia voted against the draft resolution on East Timor at the 34th General
Assembly of the United Nations. In Australia's view the resolution was unrealistic
and impractical. Its main trust was directed towards the pursuit of what Australia
sees as a pointless goals in the area of decolonisation. Indeed, Australia has
recognised that East Timor has been integrated into Indonesia».
On ne peut être plus clair : l'Australie reconnaît que le Timor oriental a été intégré à
l'Indonésie. Le but de l'autodétermination du peuple du Timor oriental est devenu «pointless»...
Comment peut-on alors prétendre maintenant que l'Australie reconnaissait que le Timor
oriental était toujours un territoire non autonome ?
Comment alors le Senate Standing Committee on Foreign Affairs and Defense aurait pu
recommander, en 1983,
"that in developping its policy towards East Timor the Australian Governement should
make formal recognition of the incorporation of East Timor into the Republic of
Indonesia conditional on the holding of an internationally recognised act of selfdetermination
which indicates that integration does in fact represent the will of the
majority of the people of East Timor ?" (Mémoire, par. 2.24, et annexe III.42, vol. V,
p. 252; c'est moi qui souligne.)
De même, la déclaration que le Ministre des affaires étrangères de l'Australie a fait, encore en
1983, devant l'Assemblée générale des Nations Unies, qui est reproduite au paragraphe 2.24 du
Mémoire du Portugal (annexe III.44, vol. V, p. 269) et que l'Australie invoque maintenant, ne peut
avoir qu'un sens - pour l'Australie, le Timor oriental n'était plus un territoire non autonome :
"Au début de cette année, j'ai fait remarquer, au nom du Gouvernement
australien, que l'Indonésie avait incorporé le Timor oriental et, en même temps, j'ai dit
que nous étions préoccupés de voir qu'un acte d'autodétermination internationalement
contrôlé et accepté n'avait pas eu lieu."
Le Gouvernement australien avoue ici que ce qu'il a reconnu - l'incorporation du Timor
oriental dans l'Indonésie - aurait dû découler d'un acte d'autodétermination, qui cependant n'a pas eu
lieu. Ce que l'Australie avoue, en fin de compte, c'est qu'elle a méconnu le droit du peuple du Timor
oriental à disposer de lui-même, en reconnaissant un résultat qui n'aurait pu découler, en droit, que
d'un acte de libre disposition, alors que celui-ci n'avait pas eu lieu.
Monsieur le Président, comme l'a remarqué le professeur Ian Brownlie, en matière de
- 56 -
reconnaissance "the principal matter of fact in nearly always: what does the entity concerned
purport or claim to be in the first place?" ("Recognition in Theory and Practice", BYIL, 1982, LIII,
p. 202).
Ce que l'Indonésie prétend, on le sait très bien. C'est l'Australie elle-même qui le dit au
paragraphe 54 de son contre-mémoire. Elle prétend qu'à la suite d'une pétition approuvée le
31 mai 1976, par une soi-disant assemblée populaire du Timor oriental, une loi du mois de juin du
Parlement indonésien aurait incorporé le Timor oriental à l'Indonésie, que celle-ci, "décrit comme sa
vingt-septième province et qu'elle administre comme une partie intégrante de l'Indonésie" (contremémoire
australien).
Les Nations Unies - de même, d'ailleurs, que l'Australie et la presque totalité des Etats - ont
décliné l'invitation de l'Indonésie à assister à la réunion de la soi-disant assemblée populaire (contremémoire
australien, par. 54). Par la suite, le Président du Conseil de sécurité a décliné l'invitation
indonésienne du 10 juin 1976 de rendre visite au Timor oriental, en en expliquant les motifs (annexes
à la Requête introductive d'instance, p. 7). Les résolutions de l'Assemblée générale 31/53 et 32/34
ont, je l'ai déjà rappelé, rejeté
"l'allégation selon laquelle le Timor oriental a été intégré à l'Indonésie, dans la mesure
où sa population n'a pas été à même d'exercer librement son droit à l'autodétermination
et à l'indépendance",
en refusant, donc, à ladite réunion la valeur d'un acte d'autodétermination. Depuis 1976, cependant,
chaque année l'Indonésie essaie, sans succès, de rayer de l'ordre du jour du Comité des
Vingt-Quatre la question du Timor oriental, en prétendant qu'il n'est plus un territoire non autonome
et qu'il fait partie de l'Indonésie (voir Réplique du Portugal, par. 4.15 et annexes I.10 à I.21, vol. II,
p. 70 et suiv.).
Quel autre sens pourrait avoir une reconnaissance de jure de l'incorportation du Timor
oriental à l'Indonésie, distincte d'une reconnaissance de facto antérieure, si ce n'est celui de
reconnaître un résultat - l'intégration à l'Indonésie - qui ne pourrait découler que d'un acte
d'autodétermination, malgré que celui-ci n'ait pas eu lieu ?
Ce ne fut pas une reconnaissance d'une quelconque autorité de fait que l'Australie a octroyée
- 57 -
dès 1979. En réalité, elle a procédé à la reconnaissance de jure d'une intégration, par laquelle un
territoire non autonome cesse de l'être et devient partie d'un Etat. D'ailleurs, dans l'accord de 1989,
l'Australie a traité le Timor oriental comme la 27e province d'Indonésie.
On ne peut pas cacher l'évidence. On peut mettre à présent le mot incorporation, mais pas
l'histoire entre guillemets. Quoi qu'elle dise maintenant, depuis 1979, l'Australie ne reconnaissait
plus le Timor oriental comme un territoire non autonome. Pour elle, celui-ci serait devenu la partie
d'un Etat. Et c'est sur cette base que l'Australie a négocié avec l'Indonésie, qu'elle a conclu l'accord
et qu'elle a pratiqué les illicéités dont le Portugal l'accuse.
20. Mais il y a aussi l'après-duplique.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ce que l'Australie affirme dans sa duplique
revient à révoquer, devant le Portugal et devant vous, le principal organe judiciaire des
Nations Unies, la reconnaissance de jure qu'elle avait accordée à l'incorporation du Timor oriental à
l'Indonésie. Désormais, l'Australie reconnaît que le Timor oriental est toujours un territoire non
autonome et qu'il n'est pas devenu de droit une partie de l'Indonésie.
Malheureusement, c'est peu. Il faudrait que des actes fassent suite aux déclarations et que
l'Australie se mette entièrement en conformité avec la situation de droit définie par les Nations Unies.
Ce serait surtout regrettable qu'il ne s'agisse que de mots de circonstance et d'opportunité, que l'on
révoquera à nouveau et à loisir le jour suivant. L'honneur demande qu'on reste lié par sa parole,
exprimée devant la Cour.
Monsieur le Président, permettez-moi de prendre, pour un instant, ma qualité de coagent du
Portugal. Et, en cette qualité, de demander officiellement à l'Australie de dire maintenant à la Cour et
au monde si elle s'engage à continuer à reconnaître que le Timor oriental est un territoire non
autonome vis-à-vis de tous les Etats, que le Timor oriental n'a pas été intégré à l'Indonésie et n'en est
pas devenu une de ses provinces à l'égal de toute autre, et que le peuple du Timor oriental a le droit à
disposer de lui-même jusqu'au jour où il pourra l'exercer dans les conditions fixées et approuvées par
les Nations Unies.
Merci, Monsieur le Président.
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Le PRESIDENT : Je vous remercie. La Cour reprendra ses travaux dans le cadre de ces audiences
demain matin à 10 heures.
L'audience est levée à 13 h 25.

Document Long Title

Public sitting held on Monday 30 January 1995, at 10.35 a.m., at the Peace Palace, President Bedjaoui presiding

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