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153-20180328-ORA-01-01-BI
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153-20180328-ORA-01-00-BI
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CR 2018/11 (traduction)
CR 2018/11 (translation)
Mercredi 28 mars 2018 à 10 heures
Wednesday 28 March 2018 at 10 a.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit ce matin pour entendre le second tour de plaidoiries du Chili. Pour des raisons qu’il m’a fait connaître, M. le juge Robinson n’est pas en mesure de siéger avec nous aujourd’hui. Je donne à présent la parole à M. Koh. Vous avez la parole, Monsieur.
M. KOH :
1. Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que de me présenter de nouveau devant vous au nom du Chili pour entamer notre dernière plaidoirie.
La charge de la preuve incombant à la Bolivie
2. En définitive, qu’en est-il exactement de l’argumentation de la Bolivie ? Les exposés de lundi ont confirmé que le demandeur n’avait aucunement établi l’un quelconque des trois points qu’il lui fallait démontrer, à savoir que le Chili ait jamais été soumis à une obligation contraignante de négocier ; que le Chili ait jamais manqué à une telle obligation ; ou que pareille obligation existe encore aujourd’hui. La Bolivie ne peut obtenir gain de cause que si elle prouve chacun de ces trois éléments1. Comme elle n’en a démontré aucun, il convient de rejeter l’intégralité de sa thèse.
3. L’argumentation de la Bolivie se caractérise par une extraordinaire imprécision sur chacun de ces trois points.
Le moment où l’obligation s’est fait jour, et la teneur et la nature de celle-ci
4. Tout d’abord, les obligations de droit international ont pour effet de limiter la liberté des Etats et n’existent donc qu’à compter du moment où elles prennent naissance. En conséquence, le demandeur doit être à même d’indiquer une date à laquelle l’obligation s’est fait jour, que ce soit expressément ou tacitement, par la voie d’un accord, d’un acte unilatéral, du droit international général ou de quelque autre prise de position pertinente d’un point de vue juridique. Même si la Bolivie fait fond — et ce, abondamment — sur des notions impalpables telles que la «continuité»
1 Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 437, par. 101.
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ou l’«accumulation», le Chili doit avoir accompli quelque acte juridique initial et fondateur, sur lequel pourraient reposer ces «continuité» ou «accumulation» invoquées.
5. Or, lorsque M. le juge Greenwood a demandé à la Bolivie, au stade de l’exception préliminaire, à «quelle date [elle] consid[érait] que les Parties [avaient] conclu un accord aux fins de négocier un accès souverain»2, M. Akhavan a répondu ceci : «Aucun principe de droit international n’exige ... qu’il y ait un unique instant magique où des accords ou ententes apparaissent comme par enchantement.»3 Lundi dernier, il a de nouveau nié la nécessité d’un «instant magique», préférant se référer de manière abstraite aux «nombreuses occasions différentes» en lesquelles le Chili se serait lié4.
6. Le droit international n’est toutefois pas aussi vague ; il est élémentaire que les obligations se font jour à des moments bien précis. L’instant exact de la naissance d’une obligation est souvent inextricablement lié à la source de droit sur laquelle cette obligation est fondée, ce qui pose de graves problèmes à la Bolivie, laquelle s’est référée, de manière imprécise et disparate, à de multiples théories juridiques. Or, même lorsque pareilles obligations découlent d’un comportement global, tel que la création de droit international général, un observateur objectif devrait toujours pouvoir déterminer, au moins rétrospectivement, un moment précis à partir duquel l’on pourrait légitimement conclure que l’obligation en cause s’est fait jour. Près de cinq ans après le début de la présente affaire — et alors qu’elle dispose de plus d’un siècle de recul et d’une volumineuse documentation —, la Bolivie n’est pourtant toujours pas en mesure de répondre à une question simple : à quelle date l’obligation s’est-elle fait jour et sur quel fondement juridique précis repose-elle ?
7. La Bolivie ne peut pas davantage répondre à la question de la teneur : en quoi consistait exactement l’obligation créée ? S’agissait-il d’une obligation qui lui imposait d’accorder une compensation ou d’une obligation qui lui aurait été due unilatéralement ? Et, dans la première hypothèse, quelle était la nature de la compensation qu’elle devait accorder : était-il question d’un échange «terres contre eau» (possibilité envisagée avant que la Bolivie n’empêche l’ouverture des
2 CR 2015/19, p. 60.
3 CR 2015/21, p. 33, par. 9 (Akhavan).
4 CR 2018/10, p. 15, par. 3 (Akhavan).
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négociations en 1950) ou d’un échange «terres contre terres et mer» (possibilité envisagée avant que la Bolivie ne fasse échouer les discussions de Charaña) ? Pour le demandeur, cette question est cruciale, puisqu’il ne peut affirmer que le «comportement continu» du Chili a quelque pertinence juridique que si ce comportement était continu par rapport à une seule et même proposition. Des propositions tout à fait différentes, spécifiques à des événements qui se sont produits à de nombreuses décennies d’intervalle, ne sauraient aider la Bolivie à faire valoir une continuité historique.
8. Cela soulève une autre question relative à la nature de l’obligation ; il convient de savoir non seulement quand celle-ci a pris naissance et en quoi elle consiste, mais aussi à quelle fin elle aurait été contractée. Si une telle obligation existe, s’agit-il d’une simple obligation de négocier quelque solution pratique ou d’une obligation de négocier l’accès souverain de la Bolivie à la mer ?
Le PRESIDENT : M. Koh, je pense que vous aideriez beaucoup les interprètes en parlant un peu plus lentement, pour leur permettre de vous suivre.
M. KOH : Je vais parler moins vite.
Le PRESIDENT : Merci.
M. KOH : Si une telle obligation existe, s’agit-il d’une simple obligation de négocier quelque solution pratique ou d’une obligation de négocier l’accès souverain de la Bolivie à la mer ? Et que signifierait-elle : négocier au sujet de l’accès souverain à la mer proposé par le demandeur ou accorder pareil accès à celui-ci ? Dans votre arrêt sur l’exception préliminaire, vous avez bien précisé que, «[m]ême à supposer, arguendo, que la Cour conclue à l’existence de pareille obligation, il ne lui appartiendrait pas de prédéterminer le résultat de toute négociation qui se tiendrait en conséquence de cette obligation»5. Les changements de position de la Bolivie à cet égard m’ont toutefois donné l’impression d’assister à un match de tennis ; il faut regarder d’abord dans une direction, puis dans l’autre, pour ne rien rater de l’action.
5 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 605, par. 33.
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9. Vous avez entendu les conseils de la Bolivie plaider — au mépris de ce que vous avez clairement indiqué — pour une obligation de résultat ; selon eux, la Cour doit prédéterminer le résultat de toute négociation, à savoir un accès qui ne peut être que souverain, laissant aux juristes le soin d’en mettre au point les détails6. Et pourtant, ils ont battu en retraite dans la foulée, affirmant que la Bolivie ne demandait qu’une obligation de comportement : une obligation «de recevoir, examiner et discuter les communications officielles que lui adresse l’autre Etat à ce sujet, et ce aussi longtemps que persiste le problème grave, afin d’y rechercher une solution tenant compte des intérêts respectifs des deux parties»7. Puis, dans son exposé final de lundi, l’agent de la Bolivie a de nouveau exigé une obligation de résultat. Reprenant ce que la Bolivie avait initialement sollicité dans sa requête, il a ainsi prié la Cour de dire et juger que «le Chili a[vait] l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvenir à un accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique», obligation à laquelle le défendeur ne pourrait satisfaire qu’en «octroyant» au demandeur, de manière prompte et effective, «un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique»8.
10. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ce que la Bolivie ne précise jamais, c’est ce que signifierait, en réalité, octroyer «un accès pleinement souverain». On vous a parlé de l’incidence qu’une telle solution imposée par voie judiciaire aurait sur les «gens qui travaill[aient] en Bolivie dans les usines et dans les champs»9, y compris les populations autochtones10. M. Lowe a posé théâtralement la question suivante : «[L]e droit international, la Cour, ont-ils quelque chose à dire, ou préfèrent-ils se cantonner au rôle d’observateurs impuissants et désorientés ?»11 Mais songez à ceci : si la Cour rendait la décision sollicitée par la Bolivie, cela aurait des conséquences dramatiques pour des milliers de familles chiliennes, y compris des Chiliens autochtones qui, depuis des générations et des générations, vivent sur ces territoires souverains dans la paix et la stabilité. Au nom du droit international, M. Lowe voudrait-il que la
6 CR 2018/10, p. 53, par. 3 (Lowe).
7 Voir, par exemple, CR 2018/10, p. 57, par. 22 (Lowe).
8 Décision sollicitée par la Bolivie : CR 2018/10, p. 70, par. 10 (Rodríguez Veltzé) ; RB, par. 32 a) et c) ; MB, par. 500 a) et c) ; REB, p. 192, par. a) et c) (les italiques sont de nous).
9 CR 2018/10, p. 54, par. 8 (Lowe).
10 Ibid., p. 66, par. 11 et 12 (Llorentty Soliz).
11 CR 2018/10, p. 54, par. 7 (Lowe).
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Cour — de peur de passer pour «impuissante et désorientée» — impose effectivement à ces Chiliens d’être déplacés ou d’abandonner leur foyer à un autre pays ?
Quand le manquement s’est-il produit ?
11. Nous constatons la même alarmante imprécision en ce qui concerne le deuxième aspect de la demande de la Bolivie : à supposer, arguendo, que la prétendue obligation de négocier n’ait pas été respectée, à quel moment précis ce manquement se serait-il produit ? La Bolivie soutient dans son mémoire qu’il se serait matérialisé par une «dégradation des conditions de la négociation», entre 1895 et 1987, et aurait été consommé peu après cette date12. Dans sa réplique, le demandeur est cependant revenu sur cet argument et a affirmé que ledit manquement n’avait pas été commis avant 2011, c’est-à-dire il y a tout juste sept ans13. La semaine dernière, la Bolivie a encore une fois changé son fusil d’épaule, affirmant que le comportement du Chili en 1987 «préfigurait» le manquement ultérieur de 201114. Et lundi, la «partie de tennis» a repris : M. Forteau a soutenu que, depuis 1987, la position du Chili était ambiguë15, et que ce n’est qu’en 2011 que celui-ci a refusé de respecter la prétendue obligation de négocier (même s’il n’a pas été en mesure de dire si ce refus était survenu en février, en mai, ou en novembre 2011)16.
12. Vendredi dernier, M. Juratowitch a souligné qu’il n’y avait rien de neuf dans le comportement adopté par le Chili en 2011 dont la Bolivie tire grief17. Après plus d’un siècle, celle-ci a soudain fait valoir que le manquement était survenu il y a sept ans, et ce, afin de respecter une nouvelle prescription constitutionnelle lui imposant de contester les traités limitant son accès au Pacifique par la voie judiciaire18. M. Juratowitch a alors sommé les conseils de la Bolivie de «n’exposer qu’une seule position, claire et définitive, sur la question de savoir si selon elle, le Chili a, entre 1987 et 2011, manqué ou non à l’obligation qu’elle fait valoir.»19 Mais lundi, en guise de
12 Voir MB, par exemple par. 443, 445-446 et 448.
13 Voir REB, par exemple par. 13 et 472.
14 CR 2018/7, p. 71, par. 41 (Forteau).
15 CR 2018/10, p. 48, par. 30 (Forteau).
16 CR 2018/10, p. 51, par. 43 (Forteau).
17 CR 2018/9, p. 59-60, par. 30-35 (Juratowitch).
18 Constitution de l’Etat plurinational de Bolivie, 7 février 2009, DC, annexe 447, art. 267 1).
19 CR 2018/9, p. 54-55, par. 14 (Juratowitch).
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réponse, le demandeur a de nouveau recouru à des faux-fuyants. Une fois encore, cinq ans après l’introduction de la présente instance, la Bolivie n’a donc aucune réponse à apporter sur un point tout à fait fondamental de son argumentation.
Une quelconque obligation a-t-elle été exécutée ?
13. Troisièmement, si une quelconque obligation s’est jamais fait jour, pourquoi n’a-t-elle pas été exécutée ou ne s’est-elle pas éteinte d’une autre manière ? Il arrive souvent, lors de négociations, que l’une des parties, qui a en toute bonne foi atteint ses limites de sorte que toute poursuite des discussions est devenue inutile, dise que cela suffit, estimant s’être acquittée de toute prétendue obligation de négocier. Cette question s’est très clairement posée lors des débats qui ont suivi la déclaration commune de Charaña. Vendredi dernier, M. Wordsworth a épluché ces discussions historiques et a montré que c’était la Bolivie qui était responsable de leur échec, celle-ci n’étant jamais revenue à la table des négociations pour aborder la question cruciale de l’échange territorial, ayant refusé de négocier sur la base des lignes directrices convenues, et ayant rompu les relations diplomatiques, lesquelles n’ont pas repris depuis. Et pourtant, ignorant ces faits avérés, la Bolivie s’est bornée, lundi, à affirmer de nouveau que le Chili était lié par une obligation de négocier de durée illimitée, et que ces négociations ne s’achèveraient que lorsque les Parties seraient enfin parvenues à un résultat satisfaisant pour elle.
14. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, prier la Cour de déclarer des droits relatifs à un territoire souverain est une affaire très sérieuse. Cela l’est d’autant plus lorsque le demandeur est incapable de répondre à des questions aussi élémentaires que «En quoi consiste l’obligation ?» ; «Quand s’est-elle fait jour ?» ; «Quand et de quelle manière y a-t-il été manqué ?» et «Que faut-il faire pour s’en acquitter» ? Comme vous le savez, en droit international, les mots ont leur importance. Lundi, M. Akhavan les a répétés devant la Cour20, mais pour les ignorer aussitôt. A mesure que la procédure progresse, l’argumentation de la Bolivie, qui n’a cessé de fluctuer, repose sur des bases de plus en plus minces.
15. Au terme des plaidoiries de lundi, cette argumentation se réduisait à trois petits éléments ténus, que mes collègues réfuteront tout à l’heure : premièrement, des affirmations se rapportant à
20 CR 2018/10, p. 20-21, par. 17 (Akhavan).
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la continuité et à l’accumulation ; deuxièmement, des recommandations politiques de l’Assemblée générale de l’OEA ; et, troisièmement, la théorie de la responsabilité «garantie sans preuve ni droit» fondée sur le paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies, qui impose, selon la Bolivie, une «obligation positive» de négocier21. Il ne s’agit pas d’une obligation complexe, affirme M. Lowe, car seuls quatre critères doivent être appréciés par la Cour chaque fois qu’un Etat affirme qu’un autre menace ses intérêts vitaux22. Cela arrive-t-il souvent ? Mais la Bolivie tente d’invoquer cette obligation positive pour étendre le rôle de la Cour bien au-delà de la présente affaire, et même au-delà du cadre des différends juridiques, «pour trouver», et je reprends les termes employés par l’un des conseils du demandeur, «une solution équitable aux situations dans lesquelles une injustice altère les relations internationales»23.
L’argumentation fluctuante de la Bolivie
16. Le décalage est saisissant entre ce programme ambitieux que la Bolivie essaie d’imposer à la Cour et l’incapacité totale des conseils du demandeur ne serait-ce qu’à se mettre d’accord entre eux pour savoir laquelle de leurs nombreuses théories doit effectivement s’appliquer. Il convient de relever que, il y a tout juste deux jours, dans l’exposé de M. Akhavan, la Bolivie s’est permis de modifier encore une fois son argumentation, cette fois en cherchant à établir l’origine de la prétendue obligation de négocier dans le droit international coutumier local, comme dans l’affaire du Droit de passage24. Avec ce nouvel ajout à son fatras d’arguments, la Bolivie a désormais invoqué tous les fondements possibles et imaginables pour donner naissance à une obligation. M. Akhavan l’a d’ailleurs admis en déclarant que, «[q]uelles que soient les circonstances des différents épisodes bien précis décrits dans les écritures et plaidoiries de la Bolivie, et quel que soit le principe de droit international que l’on applique aux faits, le résultat final ne fait pas le moindre doute»25. Autrement dit : essayons tout et n’importe quoi et voyons ce qui marche. Le fait que la
21 CR 2018/6, p. 63 (sous-titre : «L’obligation de régler les différends est une obligation positive») (Lowe).
22 CR 2018/6, p. 59-60, par. 9 (Lowe) ; CR 2018/10, p. 55, par. 14 (Lowe).
23 CR 2018/6, p. 66, par. 38 (Lowe).
24 CR 2018/10, p. 14, par. 2 (Akhavan), faisant référence à l’affaire du Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 6.
25 CR 2018/7, p. 53, par. 35 (Akhavan).
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Bolivie n’ait cessé de modifier son argumentation confirme tant l’absence évidente de fondement juridique de celle-ci que le manque de conviction du demandeur à cet égard.
Judiciariser la diplomatie : confusion entre le droit et la politique
17. Enfin, au terme de ses plaidoiries de lundi, la Bolivie a montré à quel point elle confondait le droit et la politique. Le coagent a en effet dit ce qui suit :
«Tournée vers l’avenir, la Bolivie est disposée à créer les conditions nécessaires pour reprendre les relations diplomatiques avec le Chili. La Bolivie est persuadée qu’il existe à ce problème des solutions pratiques et acceptables par nos deux pays. La Bolivie est prête à se mettre immédiatement au travail avec le Chili afin d’apporter des propositions concrètes à la table des négociations. La Bolivie entend créer une situation avantageuse pour les deux peuples.»26
18. Eh bien, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, si la Bolivie est réellement disposée à adopter cette approche, pourquoi ne l’a-t-elle pas fait avant, sans nous entraîner dans cette procédure judiciaire en mettant l’accent sur son aspiration à obtenir un accès souverain à la mer en territoire chilien ? Le demandeur s’imagine sans doute que pareille action juridique facilite la diplomatie et la recherche d’une coopération bilatérale. Or, comme je l’ai montré dans mon premier exposé, la judiciarisation conflictuelle de la diplomatie à laquelle il se livre ne fait que porter préjudice à la diplomatie, et nuire à l’esprit de coopération.
19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent mes remarques liminaires. Je vous remercie de votre aimable attention. Je vous prie de bien vouloir appeler à la barre M. Thouvenin.
Le PRESIDENT : Je remercie M. Koh et invite M. Thouvenin à la barre. Vous avez la parole.
26 CR 2018/10, p. 68, par. 22-25 (Llorentty Soliz).
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Mr. THOUVENIN:
LEGAL ASPECTS
1. Thank you, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, this morning I shall be addressing four legal problems and questions raised by Bolivia’s arguments at this stage. I shall discuss:
(a) the new dispute concerning the interpretation and application of Article 2, paragraph 3, of the Charter of the United Nations; and then
(b) the theory of accumulation as a source of international obligations; followed by
(c) the content of an obligation to negotiate; and lastly
(d) the termination of an obligation to negotiate.
I. The new dispute concerning the interpretation and application of Article 2, paragraph 3, of the United Nations Charter
2. Mr. President, on Monday, you heard Professor Lowe go back over the obligation to negotiate sovereign access to the sea on the basis of Article 2, paragraph 3, of the United Nations Charter.
3. As the Court will recall, this discussion began last week as follows: [Slide: tab 98] “as Bolivia made clear in its Application and its written pleadings, [the] duty [to negotiate] would have arisen even in the absence of the specific undertakings by Chile”27.
4. Let us look at what Professor Forteau had to say in 2015, on behalf of Bolivia, on precisely this Bolivian claim:
[Slide]
“there can . . . be no doubt as to the subject-matter of Bolivia’s claim: it requests the Court to find that Chile committed itself, through a succession of agreements, declarations and promises made independently of the 1904 Treaty, to negotiate a sovereign access to the sea for Bolivia, and that by its recent repudiation of that commitment Chile has failed to comply with it”28.
The only dispute, that same speaker asserted, “. . . is the commitment to negotiate undertaken by Chile”29; the only “real subject of the dispute”, in the words of Professor Chemillier-Gendreau,
27 CR 2018/6, p. 61, para. 18.
28 CR 2015/19, p. 20, para. 20 (Forteau) (emphasis added).
29 CR 2015/19, p. 18, para. 11 (Forteau) (emphasis added).
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“does indeed relate to the obligations of one State to another”30. “If that obligation does not exist, Chile will not be required to do anything”31.
[Slide]
5. So said Bolivia in 2015, during the preliminary objections phase. Bolivia’s written observations at that time were equally unequivocal32: the only dispute before you concerns the existence and breach of an obligation to negotiate arising solely from alleged promises which Chile is said to have made to Bolivia. Without these promises, it was asserted, Bolivia’s claim would be unfounded.
6. Members of the Court, you were convinced of that. And you wrote as much in your Judgment of 201533. At the hearings this year, however, you have been told the opposite.
7. You are therefore faced with three questions.
8. The first is whether the Court should give credence to what a sovereign State solemnly declares in its written pleadings and here in this very courtroom, or whether a State is allowed to say anything and everything. The answer lies with your Court.
9. The second question is whether it is admissible for a State to modify as it sees fit the legal bases of an Application filed with the World Court.
10. One answer might be to consider that the dispute Bolivia has brought before you concerns an obligation to negotiate — any such obligation — which is said to have been breached.
30 Ibid., p. 26, para. 2 (Chemillier-Gendreau) (emphasis added); ibid., p. 51, para. 3 (Akhavan).
31 CR 2015/21, p. 19, para. 11 (Forteau) (emphasis added); see also CR 2015/21, p. 37, para. 2 (Veltzé).
32 Written Statement of Bolivia on Chile’s Preliminary Objection, p .7, para. 21: “The subject-matter of this dispute is the existence and violation of the obligation to negotiate a sovereign access to the Pacific Ocean agreed upon by Chile” (emphasis added); p. 8, para. 22: “Bolivia claims that this obligation exists on the basis that Chile agreed to negotiate a sovereign access to the Pacific Ocean independently of the 1904 Treaty, and that Chile has breached that obligation. Bolivia’s claim is therefore based on a question of international law (Article XXXI, b) which relates to the existence and breach of an international obligation undertaken by Chile by way of agreements and declarations independent of the 1904 Treaty, to negotiate with Bolivia a sovereign access to the sea (Article XXXI, c), and to the best way to repair this breach (Article XXXI, d)” (emphasis added); p. 9, para. 25: “Bolivia is aware that international law does not permit the revision of a territorial treaty without the agreement of both parties. However, it takes seriously the fact that Chile, on so many occasions has repeated that it will negotiate with Bolivia independently of the 1904 Treaty. That is why Bolivia has brought this claim, requesting that the Court declare that Chile has an obligation to negotiate in good faith which, in accordance with international law, it must perform in good faith” (emphasis added).
33 Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean (Bolivia v. Chile), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 2015, p. 604, para. 31: “In support of the claim that there is an obligation to negotiate sovereign access to the sea, the Application cites ‘agreements, diplomatic practice and a series of declarations attributable to [Chile’s] highest-level representatives’.”
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The Applicant would then be free to re-invent its dispute at each stage of the proceedings, provided that it kept to the general topic of the obligation to negotiate.
11. But were you to follow that path, you would have to forget not only the words that Bolivia solemnly repeated in the preliminary phase, but also the Applicant’s submissions, which leave no room whatsoever for the argument based on a breach of Article 2, paragraph 3, of the Charter. To quote that submission, which has not changed since the beginning: [Slide: tab 99] “(a) Chile has the obligation to negotiate with Bolivia in order to reach an agreement granting Bolivia a fully sovereign access to the Pacific Ocean”.
12. Is it even conceivable that the obligation mentioned here could arise from Article 2, paragraph 3, of the Charter? Not in the least.
13. Another answer might be to find inadmissible the legal dispute concerning Article 2, paragraph 3, which simply did not exist at the time you were seised, and which Chile, like the Court, did not even know existed until last week34.
14. The third question for you to settle is whether the dispute concerning the interpretation and application of Article 2, paragraph 3, of the Charter is admissible, even though Article VI of the Pact of Bogotá deprives the Court of jurisdiction over all matters “settled” or governed by treaties in force, and even though, as the Court is aware, all matters relating to Chilean territory, including Bolivia’s access to the sea, are governed by the 1904 Treaty.
15. For all that, however, I would not wish to sidestep the substantive issue, and, for the sake of completeness, here is why Article 2, paragraph 3, of the Charter does not have the effect you have been told.
16. First, although it has been insisted that Chile turned its back on its neighbour by refusing to discuss its problems, the case file shows that what happened was precisely the opposite. Need it be recalled, moreover, that Bolivia severed diplomatic relations with Chile in 1978?
17. Second, the “dispute” mentioned in Article 2, paragraph 3, does not cover simply any frustrated project. Bolivia believes it can demonstrate otherwise by referring to resolution 40/9 of
34 Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 84-85, para. 30.
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the United Nations General Assembly35. But one need only read its title to see that this resolution is of no help to the Applicant. It appeals to “States in conflict to cease armed action”36. Where there is armed action, there is a dispute. On that, we agree. But that has nothing to do with the question before us now.
18. Third, Bolivia’s argument is contradicted by the text of the United Nations Charter itself.
19. I would recall that, according to this argument, Chile is subject to an obligation under Article 2, paragraph 3, of the Charter, as a result of the fact that it is not prepared to cede to Bolivia the sovereign access to the sea which it is seeking on the basis of its vital interest. It is Chile’s refusal which is said to create the alleged dispute within the meaning of Article 2, paragraph 3. Were there no refusal, it would clearly be impossible to speak of a “dispute”, and Article 2, paragraph 3, therefore would not apply. This argument — it should be recalled — is not based on Chile’s alleged promises; it is presented as an alternative, in case nothing was promised.
20. In this scenario, however, Chile’s conduct would be “essentially within [its] domestic jurisdiction”, that is, its reserved domain.
21. I am well aware, Mr. President, that the scope of States’ “reserved domain” depends on the obligations they undertake. As the Institut de droit international noted in 1954:
“The reserved domain is the domain of State activities in which the jurisdiction of the State is not bound by international law.
The scope of this domain depends on international law and varies according to its development”37.
22. But that is precisely the point — the theory we are examining here postulates that Chile’s conduct with regard to Bolivia’s claim is not governed by international law: what Bolivia is asking of Chile is that it exercise its territorial sovereignty, and of course in a way that suits it, but without being in any way obliged to do so under the law.
23. However, Article 2, paragraph 7, of the Charter specifies that nothing in the Charter — thus including Article 2, paragraph 3 — requires a Member to submit “such matters to settlement under the present Charter”. Article 2, paragraph 3, is therefore irrelevant here. 35 CR 2018/10, p. 55, para. 13 (Lowe), tab 52 of the judges’ folder (Bolivia).
36 http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/40/9&TYPE=….
37 Annuaire de l’Institut de droit international, 1954, Vol. 45-II, p. 292. [Translation by the Registry.]
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24. I would add, Mr. President, that Article V of the Pact of Bogotá suggests that the Court does not have jurisdiction to rule on matters which are essentially within Chile’s domestic jurisdiction38, as is the case with the question of how Chile intends to exercise its sovereignty over its territory, leaving aside any international obligation.
25. Fourth, and lastly, if Bolivia’s argument held good, any State that considered itself a victim of injustice — say, because the geography of its coasts is such that the waters over which it has sovereignty were not very extensive — could seek to have its neighbours satisfy its vital interest in having a fairer distribution of the maritime areas. Were they to refuse, the State could force those neighbours, under Article 2, paragraph 3, to negotiate “sovereign” concessions. That cannot be correct.
II. The theory of accumulation as a source of international law
26. Mr. President, let me turn now to the theory of accumulation as a source of international obligations. In short, the theory that a repeated practice gives rise to a legal obligation by the sole fact of that repetition39.
27. We tried to penetrate the mysteries of this reasoning on Monday. Not without difficulty, as Professor Akhavan overloaded his historical fresco. Rather like a modern painter unhappy with his first attempt, he hurled at his canvas the shapes and colours of unilateral acts, conventional agreements and estoppels. If we understand him correctly, however, his overall picture remains untitled, though I might call it: “practices whose repetition is sufficient to create law”40.
28. Zero plus zero equals more than zero. The hypothesis undermines itself, as confirmed by the most established of jurisprudence which Sir Daniel will set out shortly. Nonetheless, Professor Akhavan sowed confusion by referring to the case concerning Right of Passage over Indian Territory41. Although here too, we had difficulty following him. What that jurisprudence 38 Pact of Bogotá, Art. V: “The aforesaid procedures may not be applied to matters which, by their nature, are within the domestic jurisdiction of the State. If the parties are not in agreement as to whether the controversy concerns a matter of domestic jurisdiction, this preliminary question shall be submitted to decision by the International Court of Justice, at the request of any of the parties”.
39 CR 2018/10, p. 14, para. 2 (Akhavan).
40 Ibid., pp. 14-19 (Akhavan).
41 Ibid., p. 18, para. 12 (Akhavan).
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confirms is the possibility of local custom, based not on repeated practice, but on repeated practice and the opinio juris. In those proceedings, the Court simply observed that it saw:
“no reason why long continued practice between two States accepted by them as regulating their relations should not form the basis of mutual rights and obligations between the two States”42.
29. As artistic as it may be, the fresco of accumulation is not the missing link. If none of the acts that form part of an alleged practice is based on legal conviction, their “plurality” will not have the effect of creating rights or obligations. Accumulation is not the catalyst that transforms lead into gold.
III. The content of an obligation to negotiate
30. I come now to the content of a conventional obligation to negotiate.
31. There is no question of Chile conceding the existence of such an obligation. I shall be very clear: that obligation does not exist. I simply propose, Mr. President, for the sake of completeness, to recall what a conventional obligation to negotiate is, in response to the claims of our colleagues on the other side of the Bar.
A. The difference between a conventional obligation to negotiate and the obligation to negotiate to settle a dispute
32. I shall begin by recalling the nature of the negotiations provided for by a treaty, when not underpinned by the obligation to settle a “dispute”. Contrary to what may have been suggested43, that latter scenario is of no relevance here, as I indicated last week44.
33. One must also dismiss the scenario where the obligation is subordinate to an objective which it is agreed in advance must be achieved. I am well aware that this is the essence of Bolivia’s case. And there is no one here who is unaware that sovereign access to the sea is the objective Bolivia is pursuing. But to claim that this is Chile’s objective is plainly absurd. Chile is obviously in pursuit of a different aim, the satisfaction of its own interests — an element of which
42 Right of Passage over Indian Territory (Portugal v. India), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1960, p. 39; P. Daillier, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public, LGDJ, 8th edition, 2009, p. 361, para. 212 (“the mere repetition of precedents is not sufficient . . . a customary rule only exists if the act taken into consideration is motivated by the awareness of a legal obligation”). [Translation by the Registry.]
43 CR 2018/7, p. 65, para. 31 (Forteau).
44 CR 2018/8, p. 55, para. 70 (Thouvenin).
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Professor Chemillier-Gendreau pretends to be unaware45 — but interests which Chile has reserved its right to determine freely. I will return to this point in a few moments.
34. For now, it is important to note that the implementation of the obligation to negotiate that I have just outlined would not require the Parties to search for a compromise among competing claims, but would lead them to try to cultivate what might be called a “constructive exchange”.
35. The negotiations would not be aimed at sharing assets, for example a maritime space on which both parties have set their sights. I would recall in this regard that Bolivia has no claim to make, only an “aspiration”, which it considers to be a “need”. It is, moreover, why Bolivia’s reference to the North Sea Continental Shelf case betrays a profound misunderstanding of that jurisprudence46.
36. The principle of the negotiations would be to look for a formula of exchange, whereby no party would give up anything that would not be fully compensated by what it received in return. When Bolivia and Chile exchanged views on Bolivia’s aspiration, the sole purpose of that dialogue was to ascertain whether they might each be able to find something that the other Party could offer in exchange for what that Party could expect to receive from it. It was never a question of trying to draw up an inventory of what was potentially tradable and assessing its exchange value. There was no compromise to be found, only things that might be exchanged on a strictly reciprocal basis.
37. It was with reference to this type of negotiation, the negotiation of a trade-off, that I made the observation last week that, for the parties, negotiations entail nothing other than comparing their views freely in order to see if they can find a mutually acceptable agreement, as long as they are convinced that such a solution is possible47. These words were criticized only half-heartedly by counsel for Bolivia as evoking “ultra-minimalist”48 obligations. In truth, however, what is “ultra-minimalist” in this case or, to be more precise, what is “ultra-non-existent”, is the obligation to negotiate. That is why, when one looks, for the sake of argument, at what the
45 CR 2018/10, p. 60, para. 10 (Chemillier-Gendreau).
46 Ibid., p. 61, para. 13 (Chemillier-Gendreau).
47 CR 2018/8, p. 55, para. 69 (Thouvenin).
48 CR 2018/10, p. 52, para. 44 (Forteau).
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hypothetical content of that obligation might be, there is nothing to be found that could possess any great normative weight.
B. Obligation to conclude an agreement and obligation of conduct
38. The arguments I have just presented lead me to recall that the obligation to negotiate which is at issue here would clearly not be an obligation of result. The Parties disagree quite radically on this point, which the Court has already definitively settled, however, in its Judgment on the Preliminary Objection. And there is no need for the Court to return to it, since there is, in any event, no obligation to negotiate.
39. Nonetheless, I will say something about this debate.
40. According to Bolivia, the obligation to negotiate, which it claims is opposable to Chile, is a synthesis, or hybrid, of an obligation to behave in a certain way and an obligation to achieve a certain outcome49. It is to be found, we are told, somewhere between the two, where Reuter placed “fixed obligations”50. However, if we look closely at this argument, we see that, according to Bolivia, what fixes the negotiations is nothing short of an agreement, already concluded, on the result to be achieved. Bolivia speaks of an agreement on an objective to be accomplished, but it means an agreement already concluded on the “result”, namely sovereign access to the sea. Bolivia alleges that the negotiations are a tributary of this already concluded agreement, to which they are subordinate51.
41. This argument can only be rejected, since no obligation of result can be derived from the case file in these proceedings:
(a) Bolivia is not the holder of a “right” of sovereign access to the sea, which would oblige Chile to conclude negotiations giving effect to that right;
(b) there is nothing in Chile’s conduct which could grant such a right to Bolivia; and
(c) Bolivia cannot, in any event, claim such a right before the Court, despite its efforts to circumvent your Judgment on the Preliminary Objection.
49 Ibid., pp. 60-61, para. 12 (Chemillier-Gendreau).
50 Ibid., p. 60, para. 9 (Chemillier-Gendreau).
51 P. Reuter, “De l’obligation de négocier”, in Mélanges Morelli, Paris, 1975, p. 721.
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42. I would add that, with regard to obligations to negotiate that may be characterized as obligations of conduct, and not of result, the only rule that is binding is that they are fulfilled in good faith. Not, moreover, because it is a question of an obligation to negotiate, but because it is a question of an international obligation, a conventional obligation in the hypothetical scenario I am analysing here, and because all conventional obligations must be performed in good faith. The jurisprudence is also unassailable: the absence of good faith cannot be presumed, and must be duly and firmly demonstrated52.
IV. The performance and termination of an obligation to negotiate
43. Finally, I turn to the question of the performance and termination of an obligation to negotiate.
44. Bolivia claims that even when negotiations are held, their failure does not result in the termination of the obligation to negotiate, if the undertaking to negotiate makes no such provision. I invited Professor Forteau to clarify his thinking53, which he did not.
45. However, we understand his reasoning to be as follows: since the Notes of 1950 and the Joint Declaration of Charaña are treaties requiring negotiations to be held, and since the texts of those treaties do not stipulate that the failure of negotiations would result in the termination of the obligations they lay down, then such failure cannot terminate the effects of those obligations54. Professor Forteau refers us back, at least implicitly, to Article 54 of the Vienna Convention on the Law of Treaties.
46. In truth, however, the question has not been put correctly. In the event that the obligation to negotiate, whose bases I have just recalled, does exist, the question of its termination does not depend on whether the negotiations were a success or a failure, which would bring us back to an obligation of result. The question is whether the negotiations were held in accordance with the obligation. Of course, if they fail, it is only reasonable to assume that they were held. But what it is then important to establish is that they were held.
52 Tacna-Arica question (Chile, Peru), 4 March 1925, Reports of International Arbitral Awards (RIAA), Vol. II, pp. 929-930.
53 CR 2018/8, p. 56, para. 75 (Thouvenin).
54 CR 2018/7, p. 64, para. 29 (Forteau).
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47. However, it is indisputable that conventional obligations can end, even in the absence of an express provision to that effect, when their object has been fully performed. Professor Forteau found no trace of this principle in the Vienna Convention on the Law of Treaties, because it is not present there, for reasons which were very clearly spelled out, moreover, by Professor Capotorti in his 1971 course at the Hague Academy of International Law55. There is not the slightest doubt that the performance of certain conventional obligations “automatically leads to their termination”56.
48. And this is precisely the case with conventional obligations to negotiate, which are not obligations of result. It explains why, as found by the Permanent Court of International Justice many years ago, the obligation to negotiate an agreement does not entail an obligation to conclude it. That is because the obligation to negotiate ends with the negotiations, and not with the conclusion of an agreement. It is why the obligation ceases to produce its effects and is terminated even when no agreement has been reached.
49. And in this case, the object of the alleged “treaties” that Bolivia wishes to invoke against Chile is typically that of treaties which contain the “implicit clause”, whereby performance results in termination.
50. Mr. President, Members of the Court, I ended my presentation last week with a sentence written by Paul Reuter in 197557, and our opponents did not dispute its terms. I shall thus recall the content: where “the prospect of success appears to have been definitively ruled out, it is reasonable to accept that the obligation to negotiate has lapsed for want of subject-matter”.
51. Mr. President, Members of the Court, that concludes my presentation this morning. I thank you for listening so attentively and ask that you give the floor to Mr. Wordsworth.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Thouvenin. I give the floor to Mr. Wordsworth. Vous avez la parole.
55 F. Capotorti, “Cours général de droit international public”, Collected Courses of the Hague Academy of International Law (RCADI), Vol. 207, 1994-IV, pp. 526-527.
56 P. Daillier, M. Forteau, A. Pellet, Droit international public, LGDJ, 8th edition, 2009, p. 335, para. 195. [Translation by the Registry.]
57 CR 2018/8, p. 57, para. 76 (Thouvenin).
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M. WORDSWORTH :
LES DOCUMENTS SUR LESQUELS LA BOLIVIE SE FONDE POUR ÉTABLIR UNE «PRATIQUE HISTORIQUE» : DU TRAITÉ DE PAIX DE 1904 AU PROCESSUS DE CHARAÑA DE 1975-1978
1. Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’ai pour mission de présenter la réponse du Chili aux arguments avancés lundi concernant les documents postérieurs au traité de 1904, notamment ceux datant des années 1920, les deux notes diplomatiques de juin 1950 et la déclaration commune de Charaña de 1975.
I. Les documents du début du XXe siècle
2. Pour ce qui est tout d’abord de la période ayant suivi 1904, le premier point  et peut-être le plus évident  qui doit être relevé est le revirement opéré par M. Akhavan, qui a mis en arrière-plan la thèse indéfendable de la Bolivie sur l’existence d’une entente historique au profit d’une nouvelle théorie portant sur la pratique historique, dont M. Thouvenin vous a déjà entretenus.
3. Est d’abord invoqué, concernant les faits postérieurs à 1904, un document de 1910, dans lequel la Bolivie demandait au Chili s’il entendait donner suite à ses propositions58. Le Chili y a répondu en proposant non pas, comme on vous l’a dit lundi, la conduite de négociations ultérieures sur la question de l’accès souverain, mais la mise à disposition d’installations pour le commerce bolivien dans les ports chiliens59, ce à quoi la Bolivie a répondu qu’elle «se fe[rait] un plaisir» de discuter de cette question60. Ce document était donc sans rapport avec l’accès souverain.
4. M. Akhavan vous a ensuite parlé d’un prétendu accord, fondé sur les propositions chiliennes contenues dans le procès-verbal de 1920 et les lettres échangées entre 1923 et 1926, selon lequel le Chili devait céder un port à la Bolivie, en échange de quoi celle-ci lui apporterait son appui dans le cadre du plébiscite. Cela soulève quatre points :
5. Premièrement, dans son exposé, M. Akhavan a répété, pour l’essentiel, les arguments soumis lors du premier tour de plaidoiries de la demanderesse, sans traiter des éléments de preuve
58 Mémorandum bolivien en date du 22 avril 1910, MB, annexe 18, p. 89-91. Voir également lettre en date du 29 avril 1910 adressée au ministre plénipotentiaire du Chili en Bolivie par le ministre des affaires étrangères de Bolivie, DC, annexe 380.
59 Cf. CR 2018/10, p. 16, par. 5 (Akhavan). Voir lettre en date du 14 août 1910 adressée au Gouvernement de la Bolivie par le ministre plénipotentiaire du Chili en Bolivie, DC, annexe 381, p. 77.
60 Voir lettre en date du 29 août 1910 adressée au ministre plénipotentiaire du Chili en Bolivie par le ministre bolivien des affaires étrangères, DC, annexe 382, p. 81.
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que Mme Parlett vous a présentés la semaine dernière. Il a ainsi passé sous silence le refus de la Bolivie d’accepter les propositions chiliennes lorsqu’elles lui ont été soumises en 191961 ; il a tout bonnement ignoré la réserve incluse dans le procès-verbal de 1920, qui privait d’effet juridique les déclarations y figurant62 ; enfin, citant la déclaration par laquelle le Chili, s’exprimant devant l’Assemblée de la Société des Nations en 1921, s’était dit disposé à négocier, il a omis un passage essentiel, soit le fait que les négociations en question devaient concerner «les meilleurs moyens d’aider [au] développement [de la Bolivie]»63, et non l’accès souverain.
6. Deuxièmement, M. Akhavan a cherché à rejouer la carte de l’estoppel déjà brandie par la Bolivie, en se référant au soutien que celle-ci aurait apporté au Chili dans le cadre du plébiscite concernant Tacna et Arica envisagé à l’époque. Il a affirmé qu’une «offre» avait été faite, et qu’elle avait été «accept[ée]»64, mais s’est bien gardé de vous montrer la communication qui a succédé aux mémorandums invoqués, par laquelle la Bolivie est revenue sur l’offre en question65. Vous pouvez consulter l’intégralité de ces échanges sous l’onglet 103.
7. J’en viens à mon troisième point. Le plébiscite n’a jamais été organisé. Voilà un autre fait passé sous silence lundi. M. Akhavan a néanmoins affirmé que la Bolivie avait apporté son appui au Chili dans le cadre de l’acquisition d’Arica66, arguant ensuite que l’offre et son acceptation
61 Note en date du 21 novembre 1919 adressée à l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la Bolivie au Chili par le ministre bolivien des affaires étrangères, DC, annexe 384, p. 97-101. Voir également p. 109-111, répondant au mémorandum chilien en date du 9 septembre 1919, CMC, annexe 117. Cf. CR 2018/10, p. 16, par. 6 (Akhavan).
62 Procès-verbal du 10 janvier 1920, CMC, annexe 118, p. 339. Cf. CR 2018/10, p. 16, par. 6 (Akhavan), dossier de plaidoiries, onglet 101.
63 Déclaration de M. Agustín Edwards, délégué du Chili, au cours de la vingt-deuxième séance plénière de l’Assemblée de la Société des Nations, 28 septembre 1921, CMC, annexe 120, p. 372. Cf. CR 2018/10, p. 16, par. 6 (Akhavan), dossier de plaidoiries, onglet 102.
64 CR 2018/10, p. 20-21, par. 15-17 (Akhavan), faisant référence au mémorandum bolivien du 27 mai 1925, reproduit dans la note no 200 en date du 31 mars 1926 adressée à M. Eduardo Diez de Medina, ministre plénipotentiaire de Bolivie au Chili, par M. Alberto Gutierrez, ministre bolivien des affaires étrangères, REB, annexe 240, p. 77, et mémorandum du 8 mars 1926 reproduit dans la note no 200 en date du 31 mars 1926 adressée à M. Eduardo Diez de Medina, ministre plénipotentiaire de Bolivie au Chili, par M. Alberto Gutierrez, ministre bolivien des affaires étrangères, REB, annexe 240, p. 79.
65 Mémorandum bolivien en date du 29 mars 1926, reproduit dans la note no 200 en date du 31 mars 1926 adressée à M. Eduardo Diez de Medina, ministre plénipotentiaire de Bolivie au Chili, par M. Alberto Gutierrez, ministre bolivien des affaires étrangères, REB, annexe 240, p. 81.
66 CR 2018/10, p. 20, par. 17 (Akhavan). Voir également p. 14, par. 1 (Akhavan) («D’autres encore, tels que les représentations faites par le Chili à la Bolivie entre 1919 et 1929 sur ce qu’elle pouvait attendre si elle le soutenait lors du plébiscite prévu sur le statut de Tacna et Arica peuvent également être considérés comme donnant matière à l’invocation du principe de l’estoppel).
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constituaient, en soi, «la preuve patente que la Bolivie accordait foi aux représentations du Chili»67. Or, comme je viens de le dire, aucune offre n’a été faite ni acceptée, et aucun autre élément n’a été invoqué pour établir l’existence d’un acte de confiance préjudiciable.
8. Quatrièmement, M. Akhavan a mentionné lundi devant la Cour quatre documents. Je vous invite respectueusement à les lire intégralement en vous reportant au compte rendu des exposés de Mme Parlett, qui a traité de trois d’entre eux68  vous noterez à cet égard que pas un seul des points qu’elle a soulevés n’a été examiné. Le quatrième est un document interne des Etats-Unis datant de 1926, dans lequel était avancée l’idée de proposer au Chili et au Pérou la solution d’une cession de Tacna et d’Arica «conformément aux assurances exprimées [par chacun des deux Etats] … quant au fait que les aspirations boliviennes relatives à l’obtention d’un port sur le Pacifique seraient examinées avec bienveillance»69. On voit mal en quoi cela pourrait aider la Bolivie d’une quelconque façon.
9. J’en viens à 1929, date à laquelle le Pérou et le Chili ont conclu le traité de Lima et son protocole complémentaire. La Bolivie vous a dit à maintes reprises que ce protocole confirmait que la province d’Arica serait cédée à la Bolivie70.
10. Deux observations s’imposent.
11. La première, c’est que le protocole ne faisait qu’envisager la possibilité que soit ultérieurement cédé à un Etat tiers tout ou partie du territoire de Tacna par le Pérou, ou d’Arica par le Chili. Il n’indiquait en aucune façon que celui-ci était  ou pourrait être  tenu de céder un quelconque territoire à la Bolivie.
67 CR 2018/10, p. 20, par. 17 (Akhavan).
68 CR 2018/8, p. 64-65, par. 28-29 (Parlett), faisant référence à la note en date du 6 février 1923 adressée à l’envoyé extraordinaire et ministre plénipotentiaire de la Bolivie au Chili par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 125, p. 405 ; CR 2018/8, p. 66, par. 34 (Parlett), faisant référence à la note du ministre plénipotentiaire de la Bolivie en date du 9 février 1923, MB, annexe 49, p. 213, et «Le président Alessandri expose les lignes directrices de la politique étrangère chilienne», El Mercurio (Chili), 4 avril 1923, CMC, annexe 127, p. 423 ; et CR 2018/8, p. 66-67, par. 36-39 (Parlett), faisant référence au mémorandum en date du 4 décembre 1926 sur la question de Tacna et d’Arica remis au secrétaire d’Etat des Etats-Unis d’Amérique par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 129, p. 436.
69 CR 2018/10, p. 17, par. 7 (Akhavan), faisant référence au télégramme no 723.2515/2124 en date du 11 avril 1926 adressé au secrétaire d’Etat américain par l’ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique au Chili, REB, annexe 244, p. 102.
70 CR 2018/10, p. 17, par. 8 (Akhavan), p. 43, par. 10 (Forteau). Voir également CR 2018/6, p. 27, par. 18 (Akhavan) ; et p. 38, par. 25 (Chemillier-Gendreau).
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12. Deuxièmement, ainsi que Mme Parlett l’a exposé la semaine dernière, la Bolivie n’a pas réagi au protocole complémentaire en alléguant que le Chili était soumis à une obligation de négocier71. Sa réponse est reproduite sous l’onglet 104. La Bolivie a revendiqué un «droit de voir sa souveraineté maritime rétablie», sans toutefois mentionner une quelconque obligation de négocier72. Etant donné qu’elle n’allègue pas pareil droit de rétablissement dans la présente instance, ce document ne lui est d’aucune utilité.
II. Les notes de juin 1950
13. J’en viens aux deux notes diplomatiques de juin 1950, à propos desquelles la Bolivie avait quatre observations à faire:
a) la première, quant à la continuité avec ce qui les avait précédées, que M. Forteau a qualifié de «trente années de promesses»73 ;
b) la deuxième, quant au fait que les deux notes constituaient un accord international;
c) la troisième, quant au fait que ces notes avaient été suivies d’une période d’entente pendant laquelle il n’y avait pas eu de négociations en raison de la réaction hostile de l’opinion publique des deux pays;
d) la dernière, quant au fait que la note du Chili en date du 20 juin 1950 avait été « ressuscitée » par ce qu’on a appelé le mémorandum Trucco de 1961.
A. L’invocation injustifiée de la continuité par la Bolivie
14. Si l’on considère ces éléments tour à tour, l’accent mis par la Bolivie sur la continuité ne fait ici que souligner l’absence de tout accord international dans les notes de juin 1950.
a) M. Akhavan, pour tenter d’étayer son argumentation concernant «l’effet juridique par synergie»  quoi qu’il entendît par-là  a renvoyé à une déclaration faite par le ministre des affaires étrangères du Chili le 11 juillet 1950 en indiquant qu’il s’agissait là de la politique habituelle du pays, qui était «disposé à prêter attention, dans le cadre de négociations directes avec la Bolivie,
71 CR 2018/8, p. 68, par. 40 (Parlett), faisant référence au mémorandum n° 327 du ministre bolivien des affaires étrangères en date du 1er août 1929, MB, annexe 23, p. 117.
72 Mémorandum n° 327 du ministre bolivien des affaires étrangères en date du 1er août 1929, MB, annexe 23, p. 114.
73 Cf. CR 2018/10, p. 43, par. 9 (Forteau).
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aux propositions que cette dernière pourrait formuler, dans le but de satisfaire à son aspiration d’obtenir un accès souverain à l’océan Pacifique»74. Il est difficile de concevoir une formule qui entendrait moins exprimer une quelconque intention d’être tenu de négocier. Ou est-il suggéré que, lors, par exemple, de l’élaboration de l’article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, le comité de rédaction s’est demandé s’il allait dire «Chacune des Parties au traité s’engage à poursuivre de bonne foi des négociations», ou plutôt employer l’expression «est disposée à prêter attention»  puisque, après tout, cela revenait exactement au même75 ?
b) M. Forteau76, et bien sûr M. Remiro Brotóns77, ont renvoyé une fois encore à la promesse mentionnée dans la déclaration faite par le ministre des affaires étrangères du Chili le 13 septembre 195078  bien que ni l’un ni l’autre n’ait tenté de répondre au point soulevé vendredi, à savoir que cette déclaration avait pour seul objet de souligner que rien n’avait été formellement convenu avec la Bolivie79. Quant à la promesse tant invoquée, c’était que «le Chili était prêt à écouter les propositions de la Bolivie concernant son aspiration portuaire», rien de plus. Et le Chili était effectivement prêt en 1950. La seule difficulté, c’est que la Bolivie a choisi de ne pas soumettre ses propositions, pour des raisons qu’elle a préféré vous taire80.
c) M. Forteau fait aussi grand cas de ce que la note du Chili en date du 20 juin 1950 renvoie à des documents que la Bolivie avait qualifiés dans sa note d’«antécédents importants»81. En fait, le Chili n’a pas là non plus acquiescé à ce qu’avait dit la Bolivie dans sa note. Par exemple, celle-ci indiquait ce qui suit :
74 Cf. CR 2018/10, p. 15, par. 3 (Akhavan), renvoyant à la note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de la Bolivie au Chili, 11 juillet 1950, CMC, annexe 145, p. 545.
75 Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires signé à Londres, Moscou et Washington le 1er juillet 1968 (entrée en vigueur le 5 mars 1970), Nations Unies, RTNU, vol. 729, p. 161, article VI. Cf. CR 2018/10, p. 15, par. 4, première phrase (Akhavan).
76 Cf. CR 2018/10, p. 43, par. 9 (Forteau).
77 Cf. CR 2018/10, p. 29, par. 26 (Remiro Brotóns).
78 «Ne nous laissons pas diviser par des partis politiques pour régler nos affaires étrangères», El Imparcial (Chili), 13 septembre 1950, REB, annexe 276.
79 CR 2018/9, p. 18, par. 55 (Wordsworth). Cf. CR 2018/10, p. 43, par. 9 (Forteau).
80 CR 2018/9, p. 14 et 15, par. 42-45 (Wordsworth). Cf. CR 2018/10, p. 43, par. 9 (Forteau), dossiers de plaidoiries, onglet 105.
81 Note adressée au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, 1er juin 1950, DC, annexe 398, p. 247.
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«La République du Chili, à différentes occasions et en particulier dans le traité du 18 mai 1895 et dans le protocole d’accord du 10 janvier 1920 conclu avec la Bolivie, même s’ils n’ont pas été ratifiés par les pouvoirs législatifs respectifs [des deux pays], a accepté de céder à mon pays son propre accès à l’océan Pacifique»82.
A l’époque, le Chili n’a en aucune façon souscrit à cette assertion. Le texte à l’écran vous le confirme, qui vous montre que le pays s’est référé à ces documents en des termes très différents et beaucoup plus précis.
15. Et le Chili n’a pas fait référence à un quelconque continuum dans sa note du 20 juin, mais a simplement déclaré  et ces termes sont à présent assez familiers à la Cour  qu’il était «parfaitement disposé à examiner, dans le cadre de négociations directes avec la Bolivie…, la possibilité de répondre au voeu [du] gouvernement [bolivien] et ce, dans le respect des intérêts du Chili»83. Cette formule n’évoque aucune intention d’être lié, que ce soit par le passé ou dans la note du 20 juin 1950.
B. Aucun accord international n’a été conclu
16. Cela m’amène au deuxième argument sur lequel la Bolivie est revenue lundi, remarquablement brièvement dirais-je, à savoir que les deux notes de juin 1950 constituent un accord international. Deux éléments généraux, et très défensifs, ont été avancés : d’une part, le Chili est trop formaliste, et, de l’autre, le langage diplomatique est parfaitement compatible avec l’établissement de relations juridiques84. Aucun ne sert la cause de la Bolivie. Et absolument rien n’a été dit au sujet des points que nous avons soulevés la semaine dernière :
a) Quant au fait que le Chili disait dans sa note du 20 juin qu’il était «disposé à»/«está llano a» entrer dans une négociation, formule qui n’indiquait pas l’acceptation d’une quelconque obligation juridique, ce qui ressortait clairement de l’emploi de cette même formule par la Bolivie à l’époque85 ;
82 Note adressée au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, 1er juin 1950, DC, annexe 398, p. 247 (les italiques sont de nous), dossier de plaidoiries, onglet 106.
83 Note adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre des affaires étrangères du Chili, 20 juin 1950, DC, annexe 399, p. 253 (les italiques sont dans l’original).
84 CR 2018/10, p. 25, par. 7-11 (Remiro Brotóns).
85 CR 2018/8, p. 71-72, par. 15 (Wordsworth).
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b) Quant au fait que le Chili se déclarait dans sa note disposé «à entrer dans une négociation directe» (au singulier), et non à accepter une obligation indéterminée de négocier sans fin pendant des décennies86 ;
c) Quant à ce qu’entendait à l’époque l’ambassadeur bolivien qui a rédigé la note de la Bolivie87.
17. Le seul argument de fond était que quiconque faisait preuve de bon sens ne pouvait manquer d’observer que l’objet de la négociation dans la note de la Bolivie en date du 1er juin 1950 était le même que celui figurant dans la note du Chili en date du 20 juin88.
a) Vous voyez à présent les deux versions que nous avons présentées la semaine dernière et qui figurent à l’onglet 107 du dossier de plaidoiries.
b) Il ne serait guère utile que j’expose encore d’autres conclusions. En bref, la Bolivie a proposé une négociation visant à lui donner satisfaction, tandis que le Chili était disposé à entamer une négociation qui lui permettrait, une fois qu’une formule aurait été trouvée, bien entendu à sa satisfaction, de donner à la Bolivie un accès souverain à l’océan en échange d’une compensation. Les deux Etats entendaient la négociation de manière très différente, le Chili n’était pas disposé à entamer celle proposée par la Bolivie, et c’est probablement la raison pourquoi le ministère bolivien des affaires étrangères a réagi à la note du Chili en bloquant les négociations89. Je reviendrai sur ce point dans un moment.
18. La Bolivie a réaffirmé lundi sa confiance dans la déclaration faite par le président chilien González Videla lors d’une réunion de juillet 194890, mais elle n’a en aucune façon tenté de répondre aux points soulevés la semaine dernière, à savoir que cette déclaration avait pour cadre des pourparlers expressément informels sur lesquels la Bolivie ne saurait se fonder91, ainsi que le fait qu’il ressort clairement de la communication interne de la Bolivie en date du 25 mai 1950 que
86 Ibid., p. 72, par. 16 (Wordsworth).
87 Note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, 25 mai 1950, DC, annexe 397, p. 233.
88 CR 2018/10, p. 25, par. 7-11 (Remiro Brotóns). Voir aussi à la p. 55, par. 11 (Forteau).
89 Note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, 11 juillet 1950, CMC, annexe 145, p. 547. Voir CR 2018/9, p. 14 et 15, par. 42-45 (Wordsworth).
90 CR 2018/10, p. 28, par. 21 (Remiro Brotóns), renvoyant à la note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, n° 648/460, 28 juillet 1948, REB, annexe 259, p. 213. La date du 28 juin 1948 figurant au par. 21 est erronée.
91 Procès-verbal de la réunion entre le président du Chili et l’ambassadeur de la Bolivie au Chili, 1er juin 1948, CMC, annexe 140, p. 507 et 509.
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celle-ci ne s’appuyait sur aucune déclaration antérieure qui avait été faite92. En effet, il suffit de se reporter au compte rendu que l’ambassadeur de Bolivie a fait à cette époque de la réunion de juillet 1948. L’ambassadeur a dit que les déclarations faites par le président González Videla à cette réunion
«confirme[nt] le sentiment pessimiste dont je vous ai fait part, à la fin de ma note no 598/424, en date du 15 courant, quant à la possibilité d’une signature du projet de note ouvrant officiellement des négociations directes «en vue de satisfaire à ce besoin vital que représente pour la Bolivie un accès souverain à l’océan Pacifique»»93.
Et le moment venu, ce pessimisme s’est révélé fondé. Le Chili n’a jamais signé de note indiquant qu’il était disposé à négocier à de telles conditions.
C. Les conséquences des notes de 1950 : la décision inexpliquée de la Bolivie de « paralyser » les négociations
19. J’en viens au troisième élément de la réponse de la Bolivie au sujet des notes de 1950, à savoir qu’elle a admis l’existence d’une réaction hostile à la négociation dans les deux Etats, mais a déclaré qu’il y avait dès lors «entente» de leur part pour différer ce qu’elle appelle la phase d’exécution de l’accord94.
20. Sur ce point, il est certainement exact qu’il y avait cette réaction hostile, y compris à la formule eau contre terre qui était envisagée95, et qui a une importance juridique pour les raisons que j’ai avancées vendredi dernier96 — lesquelles sont demeurées sans réponse.
21. Cela étant, en invoquant un report convenu, la Bolivie passe sous silence le fait avéré que c’est son ministre des affaires étrangères qui a décidé, le 24 juin 1950, de «paralyser» les
92 Note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, 25 mai 1950, DC, annexe 397, p. 233.
93 CR 2018/10, p. 28, par. 21, renvoyant à la note adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, n° 648/460, 28 juillet 1948, REB, annexe 259, bas de la p. 213, dossier de plaidoiries, onglet 108.
94 CR 2018/10, p. 28-29, par. 24 (Remiro Brotóns).
95 Voir par exemple, A. Ostria Gutiérrez, Notes on Port Negotiations with Chile (1998), DC, annexe 440, p. 707.
96 CR 2018/9, p. 14 et 15, par. 42-45 (Wordsworth).
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négociations, pour reprendre le terme qu’elle a elle-même employé dans une communication interne en date du 11 juillet 195097.
22. La Bolivie n’a tenté ni de contester ni d’expliquer cet élément de preuve. Au lieu de cela, elle a décidé de faire comme s’il n’existait pas. Elle n’a pas non plus dit que l’on n’avait pas pu trouver les communications pertinentes, à savoir, ses télégrammes des 24 et 28 juin 1950. Si bien qu’il semblerait qu’elle ait à dessein mis de côté ces documents capitaux, alors même qu’ils vous renseigneraient certainement sur la manière dont elle a compris la note du Chili du 20 juin et y a réagi.
23. Dans ces conditions, on peut déduire avec quelque certitude que ces communications internes sont en contradiction avec l’argumentation actuelle de la Bolivie. On peut à l’évidence en déduire que ce télégramme du ministère des affaires étrangères en date du 24 juin qui n’a pas été versé au dossier montrait que la négociation à laquelle le Chili s’était dit ouvert le 20 juin n’était pas ce que la Bolivie avait demandé et ne constituait pas une base sur laquelle celle-ci souhaitait poursuivre. Mais en tout état de cause, ce qui est sûr c’est que les négociations étaient, pour reprendre les propres termes de l’ambassadeur bolivien, «paralysées par la réponse contenue dans le télégramme n° 91 [du ministère bolivien des affaires étrangères] du 24 juin»98. Pourtant, on impute à présent à autre chose la responsabilité de ce blocage.
24. Le report convenu invoqué lundi par la Bolivie est également important pour son argument relatif à la continuité, puisqu’elle souhaite combler le vide entre 1950 et le document suivant sur lequel elle s’appuie, le mémorandum Trucco du 10 juillet 196199. Mais c’est une décennie qui a débuté par une réaction publique et politique très hostile à la perspective d’une négociation et au cours de laquelle les priorités de la Bolivie ont radicalement évolué et le Chili ne s’est pas dit disposé à écouter les aspirations de cette dernière.
97 Note en date du 11 juillet 1950 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 145, p. 547. Voir également Note no 550/374 en date du 20 juin 1950 adressée à M. Pedro Zilveti Arce, ministre bolivien des affaires étrangères, par M. Alberto Ostria Gutiérrez, ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 264, p. 267 («A la fin de notre réunion, le ministre des affaires étrangères, M. Walker Larraín, et moi-même, sommes convenus que, une fois signée la note en réponse qu’il a aujourd’hui promis de m’adresser, nous entrerions dans une autre phase des négociations relatives au port, et il m’a prié de l’informer, en temps utile, du plan qui serait suivi à cet effet», dossier de plaidoiries, onglet no 109.
98 Note en date du 11 juillet 1950 adressée au ministre des affaires étrangères de la Bolivie par l’ambassadeur de Bolivie au Chili, CMC, annexe 145, p. 547.
99 Mémorandum de l’ambassade du Chili en Bolivie en date du 10 juillet 1961, CMC, annexe 158.
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25. En ce qui concerne l’ampleur de la réaction hostile en Bolivie, M. Remiro Brotóns a déclaré que les gouvernements de chaque Etat avaient subi le harcèlement des partis d’opposition100. Quel doux euphémisme. Voici ce que Victor Paz Estenssoro avait à déclarer le 25 septembre 1950, étant rappelé qu’il est devenu le président de la Bolivie moins de deux ans plus tard :
«Le problème du port ne fait, selon nous, pas partie des questions prioritaires pour la Bolivie. Soutenir, comme on l’entend souvent, que le sous-développement de notre pays est lié à l’absence d’accès à la mer est non seulement puéril, mais également tendancieux, puisque l’on cherche ainsi à détourner l’attention de la population des véritables causes de la stagnation de la Bolivie»101.
26. Nous vous prions de revenir sur l’intégralité de cette déclaration en temps voulu, notamment parce que, une fois encore, rien dans ce texte ne porte à croire qu’il ait été entendu qu’il y avait eu un quelconque accord contraignant de négocier. Dans la ligne de cette déclaration de 1950, une fois le nouveau gouvernement bolivien arrivé au pouvoir, l’aspiration à un port n’était plus la priorité. Le texte reproduit ci-dessous est extrait de l’édition du journal El Mercurio en date du 25 janvier 1953 :
«Interrogé sur le point de savoir s’il allait soulever la question du port dans ses conversations avec M. Olavarría [le ministre chilien des affaires étrangères], le ministre [bolivien des affaires étrangères], M. Guevara, a déclaré que son gouvernement n’en avait pas l’intention, du moment qu’une solution pratique pouvait être trouvée pour mettre en oeuvre le principe du libre transit en faveur de la Bolivie, cet aspect revêtant une importance vitale pour son pays. [Et veuillez noter que la Bolivie et le Chili sont convenus d’une importante déclaration à cet égard au lendemain même de la présente déclaration102.] Il a ajouté qu’il ne faisait pas de doute que tous les Boliviens continuaient d’aspirer au fond à ce que leur pays dispose de son propre port [et l’on relève que rien ne suggère qu’il y aurait un accord contraignant de négocier], mais que, pour l’instant, de nombreux problèmes très importants devaient être réglés…»103.
100 CR 2018/10, p. 28-29, par. 24 (Remiro Brotóns).
101 Lettre en date du 25 septembre 1950 adressée à M. Siles Suazo par M. Víctor Paz Estenssoro, publiée dans El Diario (Bolivie) le 19 juin 1964, CMC, annexe 148, p. 579 et 580 ; dossier de plaidoiries, onglet no 110.
102 Voir déclaration des ministres bolivien et chilien des affaires étrangères, signée à Arica le 25 janvier 1953, CMC, annexe 150. Voir également traité de complémentarité économique de 1955, CMC, annexe 151 ; protocole complémentaire au traité de complémentarité économique relatif aux installations servant à la construction de l’oléoduc, signé à La Paz le 14 octobre 1955, CMC, annexe 153 ; et accord entre la Bolivie et le Chili relatif à l’oléoduc Sica Sica-Arica, signé en 1957, CMC, annexe 155.
103 «La Bolivie n’entend pas soulever le problème du port, mais assurer le libre transit des marchandises jusqu’à La Paz», El Mercurio (Chili), 25 janvier 1953, CMC, annexe 149, p. 589 ; dossier de plaidoiries, onglet no 111.
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27. Pour le Chili, ainsi qu’il l’a déclaré à l’époque, il était entendu «que la Bolivie avait tacitement renoncé à ses prétentions à un port sur la côte chilienne»104, et les déclarations que la Bolivie a faites par la suite n’ont fait que confirmer cette impression105. On ne peut donc pas parler de continuité.
D. Le mémorandum Trucco
28. J’en viens à présent à ce qu’on a appelé le mémorandum Trucco du 10 juillet 1961106.
29. Ainsi que je l’ai expliqué la semaine dernière, la remise à la Bolivie de cette note non signée n’a en rien été un moment d’une grande importance, comme le confirme le compte rendu de la réunion du 10 juillet établi par l’ambassadeur Trucco lui-même107. Lundi, personne n’a contesté mes dires à ce propos. Je relève en revanche que, si la Bolivie avait considéré en juillet 1961 que le mémorandum confirmait ou créait un accord tendant à négocier un accès souverain, elle détiendrait sûrement des documents de l’époque en faisant état. Or, elle n’en a soumis aucun108. Et il ressort clairement du compte rendu que M. Trucco a rédigé de nombreux mois après les faits, lorsque la Bolivie a soudainement prétendu accepter une offre qui aurait figuré dans le mémorandum, que celui-ci, selon l’ambassadeur, était utilisé par la Bolivie à des fins politiques liées au différend relatif à la rivière Lauca109.
30. Quant à ce qui s’est passé ensuite, nous avons expliqué la semaine dernière que, lorsque la Bolivie a prétendu, le 9 février 1962, faire part de son «plein accord» aux négociations en faisant référence au mémorandum, elle l’a fait à ses propres conditions, non sur une base qui aurait été avancée par le Chili110. Et mes propos sur ce point n’ont fait l’objet d’aucun commentaire lundi111.
104 Mémorandum du ministère chilien des affaires étrangères en date du 20 mars 1964, CMC, annexe 169, p. 863.
105 Ibid., p. 865, faisant référence à des propos rapportés dans La Tercera de la Hora en date du 19 août 1955.
106 Mémorandum de l’ambassade du Chili en Bolivie en date du 10 juillet 1961, CMC, annexe 158.
107 Voir Note en date du 15 février 1962 adressée au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassadeur du Chili en Bolivie, CMC, annexe 160, p. 695 et 697.
108 CR 2018/10, p. 30, par. 28 (Remiro Brotóns).
109 Note en date du 15 février 1962 adressée au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassadeur du Chili en Bolivie, CMC, annexe 160, p. 37, 39-40, 45, 47-49 (version intégrale du document déposée au Greffe).
110 Mémorandum du ministère bolivien des affaires étrangères no G.M. 9-62/127 en date du 9 février 1962, CMC, annexe 159, p. 651, par. 4. En ce qui concerne CR 2018/10, p. 30, par. 30 (Remiro Brotóns), faisant référence à l’aide-mémoire du ministre des affaires étrangères du Chili en date du 16 mars 1962 délivré à l’ambassadeur de Bolivie à Santiago, reproduit dans Ministère des affaires étrangères et de la culture de Bolivie, La Desviaciòn del Río Lauca (Antecedentes y Documentos) (La Paz, 1962), p. 127-129, dossier de plaidoiries du Chili pour le 1er tour de plaidoiries, onglet n° 48, voir CR 2018/9, p. 19, par. 60 (Wordsworth).
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31. Il semblerait qu’à présent la Bolivie soutienne que, à la suite de la rupture des relations diplomatiques à son initiative en 1962 au sujet de la rivière Lauca, elle avait fait des négociations sur l’accès souverain la condition de la reprise de ces relations112. Elle n’a cependant pas maintenu cette position113 ; par ailleurs, la réaction du Chili à la rupture des relations diplomatiques par la Bolivie avait été la suivante :
«mon gouvernement déclare clairement et catégoriquement que, lorsque les relations avec la Bolivie reprendront, il ne souhaite pas entamer des pourparlers qui pourraient nuire à sa souveraineté nationale ou impliquer une quelconque cession de territoire. Mon pays considère que les frontières avec la Bolivie ont été établies par des traités internationaux librement consentis, qui sont pleinement en vigueur et définitifs.»114
32. Ainsi que l’a exposé le ministre des affaires étrangères du Chili dans un discours prononcé le 27 mars 1963, le comportement de la Bolivie avait entraîné une telle détérioration des relations que «la bonne disposition dans laquelle se trouvait notre pays en 1961, et auparavant, pour écouter la Bolivie, n’est plus de mise»115. Voilà pour l’argument de l’«engagement continu»116 que la Bolivie a avancé lundi.
33. De fait, il aura fallu encore 12 ans aux deux Etats avant qu’ils ne souhaitent s’asseoir à la table des négociations, et ce, sur une base bien différente de celle envisagée par le Chili dans sa note du 20 juin 1950.
34. La Cour se rappellera également que la nouvelle position de la Bolivie en 1962, consistant à affirmer que les notes de 1950 avaient donné lieu à un engagement de négocier, a été rejetée par le Chili117, notamment dans les termes les plus clairs exprimés de la façon la plus
111 Cf. CR 2018/10, p. 30, par. 29 (Remiro Brotóns).
112 Cf. ibid., par. 30.
113 Voir DC, par. 6.13-6.19.
114 Lettre en date du 4 mars 1963 adressée à l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’OEA par l’ambassadeur du Chili par intérim auprès de l’OEA, CMC, annexe 163, p. 739, «Cinquièmement» ; dossier de plaidoiries, onglet no 112.
115 Discours du ministre chilien des affaires étrangères en date du 27 mars 1963, CMC, annexe 164, p. 775.
116 Cf. par exemple, CR 2018/10, p. 18, par. 10 (Akhavan).
117 Discours du ministre chilien des affaires étrangères en date du 27 mars 1963, CMC, annexe 164, p. 775. Voir également Lettre en date du 4 mars 1963 adressée à l’ambassadeur du Costa Rica auprès de l’OEA par l’ambassadeur du Chili par intérim auprès de l’OEA, CMC, annexe 163, p. 739, «Cinquièmement». Voir également discours du ministre bolivien des affaires étrangères en date du 3 avril 1963, CMC, annexe 165, p. 805 et 807. Voir également lettre en date du 4 novembre 1963 adressée à M. Conrado Ríos Gallardo, ancien ministre chilien des affaires étrangères, par le ministre bolivien des affaires étrangères, CMC, annexe 166 ; et lettre en date du 17 novembre 1963 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par M. Conrado Ríos Gallardo, ancien ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 167, p. 841 ; et lettre en date du 6 février 1964 adressée au ministre bolivien des affaires étrangères par M. Conrado Ríos Gallardo, ancien ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 168, p. 849.
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publique118. Lundi, M. Remiro Brotóns a déclaré qu’il n’y avait pas de raison de répondre au rejet formulé par le Chili en 1967, même s’il était adressé à tous les ministres des affaires étrangères d’Amérique latine119. C’était comme si on pouvait tout simplement passer outre, sans faire le moindre commentaire, au principe bien établi que la Cour a énoncé en l’affaire Preah Vihear120.
III. La déclaration commune de Charaña
35. J’en viens au processus de Charaña. Quatre observations méritent d’être faites en réponse à ce qui a été soutenu lundi par la Bolivie.
A. Discontinuité
36. Premièrement, M. Forteau, qui ne perd jamais de vue la thèse de la continuité avancée par la Bolivie, a cherché à établir un lien entre les notes de 1950 et la déclaration commune de Charaña en se fondant sur les deux formulations différentes que la Bolivie a proposées en 1971 en vue d’un projet de déclaration121.
37. Or, ainsi que je l’ai expliqué la semaine dernière, tout ce que ces documents démontrent, c’est que la Bolivie souhaitait  en 1971  insérer, dans une déclaration commune, un renvoi aux notes de 1950 ou, subsidiairement, à la mise en oeuvre formelle d’«une démarche directe et bilatérale visant à négocier [son] accès souverain à l’océan Pacifique…»122. Le libellé effectivement retenu pour la déclaration de 1975 était complètement différent de la formulation de la note de 1950 du Chili et, de fait, incompatible avec celle-ci, pour toutes les raisons que j’ai évoquées la semaine dernière et auxquelles la Bolivie n’a pas répondu.
118 Lettre en date du 29 mai 1967 adressée à l’ensemble des ministre des affaires étrangères d’Amérique latine par le ministre chilien des affaires étrangères, CMC, annexe 171, p. 913, répondant à la note en date du 8 avril 1967 adressée au président de la République orientale de l’Uruguay par le président bolivien intitulée «Pourquoi la Bolivie n’est-elle pas présente à Punta del Este ?», CMC, annexe 170, p. 875. Voir également, principes directeurs de la CDI applicables aux déclarations unilatérales, 2006, A/61/10, principe 10.
119 CR 2018/10, p. 31, par. 31 (Remiro Brotóns).
120 Cf. affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 23.
121 CR 2018/10, p. 45, par. 21 (Forteau), faisant référence aux minutes d’une réunion tenue entre les ministres bolivien et chilien des affaires étrangères à San José (Costa Rica), rédigées par le sous-secrétaire aux affaires étrangères de la Bolivie, 14 avril 1971, REB, annexe 297 ; voir également projet de déclaration commune remis au ministre des affaires étrangères du Chili par le consul général de Bolivie à Santiago, 13 août 1971, REB, annexe 298 ; onglet no 113 du dossier de plaidoiries.
122 Voir CR 2018/9, p. 25, par. 12 (Wordsworth).
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38. Il s’ensuit que, si les notes de 1950 et le processus de Charaña avaient, d’une quelconque manière, constitué des traités, le plus récent aurait annulé et remplacé le plus ancien, et ce, pour des raisons d’incompatibilité, en application de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 59 de la convention de Vienne, mais aussi au motif que les deux traités auraient porté sur la même matière, en application l’alinéa a) de cette même disposition123.
39. Par ailleurs, toujours sur la question de la continuité, M. Forteau n’a fourni aucun élément prouvant que, en 1975, la Bolivie entendait encore invoquer les notes de 1950 ; et même s’il en était allé différemment, le libellé effectif de la déclaration de 1975 et des lignes directrices indique au contraire une discontinuité dans les démarches124. Pour quelle autre raison la Bolivie avancerait-elle la thèse relative à la dégradation des conditions de la négociation entre 1950 et 1975 ?125 Jouer simultanément la carte de la continuité et celle de la dégradation est, d’une certaine manière, remarquable, mais cela n’est pas cohérent d’un point de vue juridique.
B. L’absence d’obligation juridique
40. La deuxième observation est la suivante : la Bolivie a quasiment renoncé à sa thèse selon laquelle la déclaration commune de 1975 est un traité ayant donné naissance à des obligations contraignantes de négocier ; en outre, elle est demeurée parfaitement silencieuse sur un point évident, le fait que la déclaration est, tout à fait délibérément, rédigée en des termes vagues  «dialogue», «rechercher des formules», «l’enclavement de la Bolivie»  ne faisant aucune mention de la négociation de l’accès souverain126.
41. Lundi, M. Remiro Brotóns n’a avancé que trois arguments :
a) Premièrement, il a dit que «[l]e langage diplomatique ne [pouvait] occulter [l]es effets [de la déclaration commune]»127. Il est assurément exact que celle-ci n’emploie qu’un «langage
123 Voir ibid., p. 38, par. 56-57 (Wordsworth) ; voir convention de Vienne sur le droit des traités, signée à Vienne le 23 mai 1969 (entrée en vigueur le 27 janvier 1980), RTNU, vol. 1155, p. 331, alinéas a) et b) du paragraphe 1 de l’article 59 ; concernant l’alinéa a), voir également comptes rendus analytiques de la quinzième session, annuaire de la Commission du droit international, 1963, vol. I, 709e séance, p. 244 (par. 81) (sir Waldock, rapporteur spécial : «Il y a d’autres cas cependant où les parties, bien qu’elles n’aient pas manifesté en termes exprès leur intention de mettre fin au premier traité, montrent néanmoins clairement qu’en concluant le nouveau traité, elles entendent régler en totalité la matière qui faisait l’objet de l’ancien traité.»)
124 Cf. CR 2018/10, p. 45, par. 21 (Forteau).
125 Cf. ibid., p. 62, par. 17 (Chemillier-Gendreau).
126 CR 2018/9, p. 26 et 27, par. 17-19 (Wordsworth).
127 CR 2018/10, p. 31, par. 32 (Remiro Brotóns).
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diplomatique», et ce qui importe, ce sont les termes employés128 ; à cet égard, la Bolivie n’a pas réellement cherché à démontrer que la déclaration établirait une quelconque obligation juridique  ce qu’elle ne saurait d’ailleurs soutenir.
b) Deuxièmement, il a indiqué que «[l]a ratification n’est pas nécessaire pour établir sa valeur»129 ce qui ne fait que confirmer que la demanderesse n’avait pas ratifié la déclaration commune de Charaña et ne sert donc guère sa cause, étant donné, en particulier, que la constitution bolivienne alors en vigueur exigeait, à l’égard d’un traité, que pareille condition fût remplie130.
c) Troisièmement, il a tenté de minimiser l’importance de la description que M. Guevara Arze, alors ministre des affaires étrangères de la Bolivie, avait faite de la déclaration commune, évoquant  non sans quelque pertinence  ses «phrases vagues et imprécises»131. M. Remiro Brotóns a allégué que les appréciations d’un membre respecté de l’opposition n’avaient pas la même force que celles des représentants de l’Etat132, ce qui est évidemment exact. Cela étant, il n’a nullement traité des déclarations que j’ai également évoquées devant vous vendredi dernier, par lesquelles M. Banzer, président de la Bolivie, et son ministre des affaires étrangères d’alors indiquaient que la Bolivie n’avait pris aucun engagement133.
42. Ainsi, la demanderesse n’entend pas aujourd’hui soutenir sérieusement que la déclaration commune a établi une quelconque obligation juridique ; selon ce que je crois maintenant comprendre de l’importance qu’elle accorde à l’épisode de Charaña, c’est pour servir sa thèse de la
128 Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1978, p. 39, par. 96 et p. 42-53, par. 103 et 104 ; Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 120 et 121, par. 23.
129 CR 2018/10, p. 31, par. 32 (Remiro Brotóns).
130 Voir la constitution de 1967 de la Bolivie, article 59, no 12 ; article 68, no 5 et article 96, no 2, accessible sur http://pdba.georgetown.edu/Constitutions/Bolivia/bolivia1997.html.
131 «La déclaration de Charaña crée de nouveaux problèmes», Los Tiempos (Bolivie), 12 février 1975, dossier de plaidoiries, onglet no 52.
132 CR 2018/10, p. 31, par. 32 (Remiro Brotóns).
133 Voir notamment «Des négociations seront menées avec le Chili sur la base d’une compensation territoriale», Presencia (Bolivie), 29 décembre 1975, CMC, annexe 184, p. 1026 (Général Banzer : «le Chili n’a pas pris, dans l’acte de Charaña, l’engagement catégorique de résoudre le problème d’enclavement de la Bolivie») ; éclaircissements donnés par le ministère bolivien des affaires étrangères, 19 avril 1976, REB, annexe 309, p. 777 (ministre des affaires étrangères de la Bolivie: «Le Gouvernement militaire de la nation n’a pris aucun engagement en la matière sans l’autorisation préalable de son peuple») ; et voir également lettre en date du 21 décembre 1977 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC, annexe 235, p. 1453, (Général Banzer : «avancer vers les buts que nous avons fixés lors de la réunion de Charaña»).
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continuité qu’elle affirme que le défendeur était à tout le moins disposé à négocier sur l’accès souverain. Or, c’est là faire abstraction de deux faits importants, à savoir que,
a) d’une part, le Chili n’était disposé à négocier que selon le principe, expressément et publiquement accepté134, d’un échange de territoires135, et que,
b) d’autre part, c’est la Bolivie qui a finalement refusé de négocier sur la base de ce principe convenu.
43. En ce qui concerne le fait que la Bolivie avait explicitement accepté la condition essentielle de l’échange territorial aux fins de la négociation (dossier de plaidoiries, onglet no 114), M. Forteau vous a indiqué lundi que j’avais omis de traiter des éléments de preuve contraires fournis par la Bolivie dans sa réplique136. Le passage de cette pièce auquel il s’est référé mentionne six annexes ; le fait est que j’ai évoqué quatre d’entre elles devant la Cour la semaine dernière137. Il en reste donc deux, dont aucune n’ajoute quoi que ce soit.
a) Le premier document, datant de 2011, rapporte des propos tenus en janvier 1976 par le général Banzer ; y est formulée l’idée que, en raison des très fortes pressions politiques auxquelles il était soumis, celui-ci évitait d’aborder le sujet de la compensation territoriale. Rien n’y porte toutefois à croire que l’échange territorial n’était pas le principe convenu en vue des négociations. Au contraire138.
134 «Des négociations seront menées avec le Chili sur la base d’une compensation territoriale», Presencia (Bolivie), 29 décembre 1975, CMC, annexe 184, p. 1019-1020.
135 Voir note no 686 en date du 19 décembre 1975 adressée à l’ambassadeur de Bolivie au Chili par le ministre des affaires étrangères du Chili, CMC, annexe 180.
136 CR 2018/10, p. 43, par. 13 (Forteau).
137 Voir CR 2018/9, p. 29, par. 27 (Wordsworth), citant un extrait du message du président Banzer annonçant que la réponse chilienne (19 décembre 1975) constituait une base de négociation globalement acceptable, 21 décembre 1975, CMC, annexe 181, p. 991 (déclarations correspondant à celles contenues dans le message en date du 21 décembre 1975 du président Banzer, dans l’article intitulé ««Dans l’ensemble», le gouvernement accepte la réponse du Chili», Los Tiempos (Bolivie), 22 décembre 1975, CMC, annexe 183) ; CR 2018/9, p. 31 et 32, par. 35 b) (Wordsworth), faisant référence à l’article intitulé ««C’est le peuple qui se prononcera sur l’accord avec le Chili», déclare le général Banzer», Presencia (Bolivie), 30 décembre 1975, CMC, annexe 185, p. 1037 ; CR 2018/10, p. 32, par. 34 b) (Wordsworth), faisant référence à l’article intitulé ««Nous fournirons une compensation qui ne compromet pas notre développement», déclare M. Guzmán Soriano, ministre des affaires étrangères», Presencia (Bolivie), 1er janvier 1976, CMC, annexe 187, p. 1053 (et voir également p. 1047) ; et CR 2018/10, p. 31, par. 34 a), note de bas de page 69 (Wordsworth) traitant de l’article intitulé «La Bolivie n’a pas pris d’engagements définitifs vis-à-vis du Gouvernement chilien», El Diario (Bolivie), 11 mars 1976, CMC, annexe 195 ; de l’article intitulé ««Les négociations concernant le débouché de la Bolivie sur la mer ne se sont pas dégradées», déclare le ministère chilien des affaires étrangères», Presencia (Bolivie), 13 mars 1976, CMC, annexe 196 ; et du télex en date du 11 mars 1976 adressé au ministre des affaires étrangères du Chili par l’ambassade du Chili en Bolivie, CMC, annexe 194.
138 Voir R. Prudencio Lizon, Historique des négociations de Charaña (2011), REB, annexe 366, p. 1499, examiné dans la duplique du Chili, par. 6.32 a) et note de bas de page 433.
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b) Le second document contient les éclaircissements donnés par le ministre des affaires étrangères de la Bolivie le 19 avril 1976139. J’ai bel et bien évoqué, quoique dans un autre contexte140, ce document, qui est utile à la cause du Chili. Pour ce qui concerne l’échange territorial, la Bolivie l’invoque, semble-t-il, parce qu’il y est dit que «[t]ous les aspects de la solution proposée sont négociables» et qu’«aucun accord définitif ou irrévocable n’est encore intervenu»141. Ces termes ne servent guère sa thèse tenant à l’existence d’un accord international et ne sauraient fragiliser la «base fondamentale» de négociation, qu’elle avait acceptée, relative à l’échange territorial. Le document énonce par ailleurs expressément ceci :
«Le processus qui doit conduire rapidement au retour souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique en est actuellement au stade où sont sur la table une proposition officielle de la Bolivie et la réponse non moins officielle du Chili, qui constituent la base générale des négociations futures.»142
C. L’invocation, par la Bolivie, du Pérou
44. J’en arrive au troisième point concernant Charaña, à savoir que, d’une manière ou d’une autre, le fait que le Chili n’ait pas négocié avec le Pérou serait la cause de la rupture.
45. Cette allégation est totalement dépourvue de fondement. Si les négociations ont échoué, c’est à cause de la décision de la Bolivie de revenir sur sa position au sujet de l’échange territorial et, pour faire bonne mesure, de rompre les relations diplomatiques. Même si le Pérou avait adopté une ligne de conduite différente, cela n’aurait eu aucune incidence.
46. M. Forteau a dit à la Cour que la manière dont j’avais traité les réactions respectives des Parties à la proposition faite par le Pérou en novembre 1976 était «expéditive et tronquée»143, ce qui semble être sa façon de décliner cordialement l’invitation du Chili — formulée à deux reprises dans ses pièces de procédure écrite, et réitérée par moi-même — à traiter enfin les éléments de
139 Eclaircissements donnés par le ministère bolivien des affaires étrangères, 19 avril 1976, REB, annexe 309, p. 775.
140 Voir CR 2018/9, p. 23et 24, par. 6 (Wordsworth).
141 Eclaircissements donnés par le ministère bolivien des affaires étrangères, 19 avril 1976, REB, annexe 309, p. 777.
142 Ibid.
143 CR 2018/10, p. 44, par. 15 (Forteau).
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preuve irréfutables démontrant que la Bolivie était d’accord avec le Chili pour rejeter la proposition du Pérou (dossier de plaidoiries, onglet n° 115)144.
47. Il a également été avancé ceci : «le Pérou se montra clairement disposé par la suite à poursuivre les négociations sur sa proposition»145. Les seuls éléments de preuve invoqués à l’appui de cette assertion étaient des déclarations faites par la Bolivie alors qu’elle tentait d’imputer la responsabilité de l’échec des négociations à toute autre chose qu’à son revirement146, ainsi qu’une déclaration, pour le moins ambiguë, faite par le Pérou devant l’Assemblée générale des Nations Unies en 1977. Cet Etat y mettait l’accent sur la nécessité de trouver une «solution complète du problème», ainsi que sur les «intérêts respectifs» des trois Etats147. Il ne laissait nullement entendre qu’il cesserait de défendre ses propres intérêts, c’est-à-dire la création d’une zone de souveraineté partagée qu’il avait qualifiée en novembre 1976 de «condition sine qua non» à son assentiment148.
48. Pour que la Cour ait une meilleure idée de la position du Pérou et du degré de complexité de cette affaire prétendument simple, citons le journal bolivien El Diario du 29 mars 1974. A la question de savoir ce que lui inspirait le fait que la Bolivie se voie octroyer un territoire dans la province d’Arica, le président péruvien avait répondu ceci : «Le Pérou n’acceptera pas que [la Bolivie] se voie accorder des territoires qui ont été «enlevés» [au Pérou] au cours de la guerre du
144 CR 2018/9, p. 33, par. 39 b) ; DC, par. 6.38-6.40 ; CMC, par. 7.31-7.33, où il est fait référence au rapport du ministère des affaires étrangères du Chili concernant les réunions tenues entre M. G. Amunátegui, envoyé spécial du président de la République du Chili, et le général Banzer, président de la République de Bolivie, le 22 novembre 1976, CMC, annexe 209. Voir aussi le rapport présenté par M. Gregorio Amunátegui Prá au président du Chili, octobre 1976, DC, annexe 420, p. 463.
145 CR 2018/10, p. 44, par. 17 (Forteau).
146 Lettre en date du 21 décembre 1977 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC, annexe 235 ; voir CR 2018/10, p. 44, par. 17 (Forteau) ; la note de bas de page faisant incorrectement référence à REB, annexe 235.
147 CR 2018/10, p. 44, par. 17 (Forteau). Voir aussi le compte rendu en date du 29 septembre 1977 de la 13e séance plénière de la trente-deuxième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/32/PV.13, CMC, annexe 230, par. 145 et 147.
148 Voir «Version intégrale des explications fournies par M. José de la Puente, ministre péruvien des affaires étrangères», El Mercurio (Chili), 26 novembre 1976, CMC, annexe 213, p. 1207.
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Pacifique, au siècle dernier», ajoutant que «le Chili «ne saurait lui donner [à la Bolivie] les territoires qui nous ont été enlevés»»149.
49. Nous savons, grâce aux éléments versés au dossier, que ces déclarations continuaient de préoccuper le Chili et la Bolivie en 1977150.
50. Enfin, bien que des réunions se soient tenues en septembre 1977 aux plus hauts niveaux entre les trois Etats, et qu’il ait été alors convenu que chacun désignerait un représentant spécial pour «faciliter un dialogue continu»151, c’est la Bolivie qui a décidé de ne pas nommer pareil représentant152, condamnant ainsi la méthode envisagée.
D. La fin des négociations
51. J’en arrive à mon quatrième et dernier point concernant Charaña. M. Forteau a affirmé que le Chili n’était pas en mesure de concilier sa position, selon laquelle les négociations avaient été poursuivies «autant que possible», avec le fait que celles-ci avaient été «relancées», pour reprendre le terme employé par le conseil, après 1979153. Mais la question n’est pas là.
52. Ce qui s’est passé en réalité, c’est que la Bolivie a mis un terme définitif au processus de Charaña, et a rompu les relations diplomatiques154. S’il avait existé quelque obligation de négocier, qu’elle se soit fait jour au cours du processus de Charaña ou dans les notes de 1950 (ce qui n’était pas le cas), elle aurait été exécutée. Comme je l’ai dit la semaine dernière, que l’on examine la question du point de vue exposé par M. Thouvenin155, c’est-à-dire sous l’angle de l’inutilité,
149 Déclarations faites par le président Juan Velasco Alvarado lors d’une conférence de presse informelle tenue le 28 mars au sujet de l’accès à la mer de la Bolivie, 29 mars 1974, El Diario (Bolivie), reproduit dans L.F. Guarchalla, Bolivia-Chile : The Maritime Negotiation, 1975-1978 (1982), p. 78-79 ; onglet n° 116 du dossier de plaidoiries. Cet ouvrage a été déposé au Greffe dans son intégralité avec le contre-mémoire du Chili, conformément au paragraphe 2 de l’article 50 du Règlement de la Cour, et un extrait a été soumis en tant qu’annexe 306 de la REB.
150 Note no 281/140/77 en date du 7 avril 1977 adressée à M. Oscar Adriazola, ministre bolivien des affaires étrangères et des cultes, par M. Adalberto Violand, ambassadeur de Bolivie au Chili, REB, annexe 314, p. 831 ; lettre no 22 en date du 15 avril 1977 adressée à l’ambassadeur du Chili en Bolivie par le ministre chilien des affaires étrangères CMC, annexe 220, p. 1319.
151 Communiqué de presse conjoint des ministres bolivien, chilien et péruvien des affaires étrangères en date du 29 septembre 1977, consigné dans un aide-mémoire du ministère chilien des affaires étrangères, 1977, CMC, annexe 229, p. 1391.
152 Lettre en date du 21 décembre 1977 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC, annexe 235, p. 1453.
153 CR 2018/10, p. 43, par. 12 (Forteau).
154 Lettre en date du 17 mars 1978 adressée au président du Chili par le président de la Bolivie, CMC, annexe 239.
155 Voir aussi P. Reuter, «De l’obligation de négocier», in Mélanges Morelli, Paris, 1975, p. 729.
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comme cela a été le cas dans des affaires dont la Cour a récemment eu à connaître156, ou sous l’angle de l’affaire du Trafic ferroviaire157, il est clairement satisfait au critère retenu.
53. Quant à ce qu’il s’est passé après Charaña, le Chili a fait savoir plus tard, en 1979, qu’il était toujours disposé à négocier sur la base d’un échange territorial158. Or, comme je l’ai indiqué vendredi — sans que cela ne soit contesté —, la Bolivie n’a pas dit une seule fois qu’elle négocierait sur cette base159. Ce refus catégorique du demandeur de revenir à la «base fondamentale» de la négociation, qu’elle avait un moment acceptée, montre on ne peut plus clairement que les négociations de Charaña ont bel et bien été poursuivies autant que possible.
54. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les déclarations faites par le Chili vous ont été présentées lundi de façon métaphorique, comme vouées à mourir telles des papillons au coucher du soleil160 ; et la Bolivie a soutenu que le Chili avait fait mille promesses, mille fois rompues161.
55. La vérité, c’est que, sans jamais avoir exprimé quelque obligation juridique ni avoir été considéré comme contractant pareille obligation, le Chili a, à différentes époques, été disposé à engager des négociations, en particulier en 1950 et en 1975 ; or, en ces deux occasions, les négociations ont échoué à cause de la Bolivie, celle-ci ayant également rompu les relations diplomatiques au moment qu’elle a jugé opportun.
56. Lundi, M. Lowe a affirmé que la Bolivie ne doutait pas de la possibilité de trouver une solution qui lui assure un accès souverain dans le respect des intérêts vitaux des deux Etats162. Il n’a pas invoqué le moindre élément factuel à l’appui de cette certitude, et il ressort d’ailleurs du dossier qu’il n’en existe aucun ; il n’a pas non plus laissé entendre que les exigences contradictoires que
156 Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 133 ; par. 159 ; voir aussi Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685, par. 132.
157 Trafic ferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne, avis consultatif, 1931, C.P.J.I. série A/B n° 42, p. 116.
158 Compte rendu en date du 30 mai 1978 de la 9e séance plénière de la dixième session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, Nations Unies, doc. A/S-10/PV.9, CMC, annexe 245, p. 1617, par. 287.
159 CR 2018/9, p. 37, par. 51 et 54 (Wordsworth).
160 CR 2018/10, p. 26, par. 14 (Remiro Brotóns).
161 CR 2018/10, p. 66, par. 6 (Llorenty Soliz).
162 CR 2018/10, p. 53, par. 4 (Lowe).
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j’ai mentionnées la semaine dernière163 pouvaient désormais converger d’une manière ou d’une autre, alors que cela s’était révélé impossible en 1950 et dans les années 1970.
57. Le problème qui a été présenté à la Cour comme une simple question de rapprochement de vues est en réalité — et il l’a toujours été — extrêmement complexe et délicat sur le plan politique, en Bolivie comme au Chili. M. Lowe a dit en conclusion que les Etats n’avaient pas le droit de tourner les talons et de refuser d’examiner ce qu’il a qualifié de «problème[s] grave[s]»164 ; mais ce n’est pas ce qui s’est produit en l’espèce. C’est la Bolivie qui, à deux reprises, a quitté la table des négociations ; et elle ne dispose d’aucun élément juridique (ni d’aucun élément quel qu’il soit) lui permettant d’affirmer que les négociations sur l’accès souverain devraient à présent reprendre.
58. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre attention et vous prie de bien vouloir appeler à la barre Mme Pinto, peut-être après la pause.
Le PRESIDENT : Merci. Je remercie M. Wordsworth. Avant d’inviter le prochain intervenant à prendre la parole, la Cour observera une pause de quinze minutes. L’audience est suspendue.
L’audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 45.
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is resumed. I now give the floor to Professor Mónica Pinto. You have the floor, Madam.
Ms PINTO:
THE RESOLUTIONS OF THE OAS AND THE “FRESH APPROACH”
1. Mr. President, Madam Vice-President, Members of the Court, it falls to me to respond this morning to the arguments of Bolivia’s counsel concerning the resolutions of the OAS, their legal effect, the conduct of Chile in respect of them and, finally, the lack of relevance  according to Bolivia  of the organization’s silence over the past 30 years.
2. I shall be addressing five points in turn:
163 Voir CR 2018/9, p. 30, par. 31-32 (Wordsworth).
164 CR 2018/10, p. 57, par. 24 (Lowe).
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(1) the lack of any binding legal effect of the OAS resolutions;
(2) the conduct of Chile in relation to the resolutions of the General Assembly;
(3) the obligation to negotiate in the context of the peaceful settlement of disputes;
(4) the silence of the OAS since 1990; and
(5) the negotiations in connection with the Fresh Approach.
Binding legal effect of the resolutions
3. My first point, Mr. President, concerns the lack of binding legal effect of the resolutions of the OAS General Assembly.
4. On Monday morning, Ms Sander said that it “cannot be right” that resolutions of the supreme organ of the OAS are devoid of any legal effect165. However, Ms Sander attributes remarks to me which I did not make. What I said did not concern the legal effect of the resolutions, which is indisputable, but more precisely their binding legal effect.
5. Here before the Court, Bolivia has tried to establish an international obligation requiring Chile to negotiate sovereign access to the sea for it. For Bolivia, the resolutions of the General Assembly are capable of creating an international obligation of this kind. That position cannot be sustained and, at the risk of repeating myself, Bolivia has taken the same view, at least in its Reply. It recognized at that stage of the proceedings that “the Assembly cannot oblige States to adopt a specific course of conduct”166 and accepted unequivocally that “resolutions of the Assembly of the OAS are not, as such, binding”167.
6. Bolivia had already expressed that view in 1979 and in 1990 before the OAS Assembly and its General Committee168. Other Member States have likewise confirmed the lack of legally binding effect of the General Assembly’s resolutions169. And in 2011, the Department of International Law of the OAS itself concluded in a legal opinion that the resolutions of the Assembly had no binding legal effect: “The practice has been to regard General Assembly
165 CR 2018/10, p. 33, para. 1 (Sander).
166 RB, para. 289.
167 Ibid.
168 CR 2018/9, p. 41, para. 9 (Pinto).
169 Ibid., fn. 111 (Pinto).
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resolutions as expressions of a decision of a political nature that do not, in and of themselves, generate international responsibility for the member States.”170 Professor Jean-Michel Arrighi confirmed this, moreover, in his course at the Hague Academy of International Law in 2012171.
7. That is enough to settle the matter once and for all, Mr. President. There is absolutely no doubt that the Assembly’s resolutions have no legally binding force for the Member States of the organization.
8. Ms Sander, no doubt aware of this weakness in Bolivia’s case, has tried to establish the legally binding effect of the resolutions with the aid of an obligation of good faith provided for, she says, in the OAS Charter172. However, Bolivia is confusing legal effect and binding legal effect. A recommendation is devoid of binding legal effect. The obligation borne by the Member States to consider it in good faith cannot transform its legal force or give rise to an obligation to accept its content. It is one thing to consider in good faith a resolution adopted by the General Assembly  and Bolivia has produced no evidence of Chile failing in that duty. But it is quite another thing to argue that a Member State must comply with the content of the resolution even though it is not designed to be legally binding.
9. In any event, nothing in the text of the General Assembly resolutions allows one to conclude that an obligation to negotiate sovereign access to the sea exists or has been created, as Bolivia would have you believe. In its written pleadings, Chile has examined in detail the terms used by the Assembly173, and I also drew your attention to the texts of the resolutions in my presentation last Friday174, without being contradicted by Bolivia’s counsel.
170 OAS, Permanent Council, Legal Opinion of the Department of International Law Regarding the Value of General Assembly Resolutions and of Documents Arising out of the Summits of the Americas, CAJP/GT/RDI-169/11, 28 Feb. 2011, CMC, Ann. 357, p. 2. See also CMC, para. 8.20.
171 J.-M. Arrighi, “L’Organisation des États américains et le droit international”, RCADI, Vol. 355, 2012, p. 328 (“The Assembly [of the OAS] adopts resolutions that, as is the case in general for all resolutions of similar international organisations, are binding in so far as the bodies of the Organisation are concerned but are only recommendations addressed to its Member States.”).
172 CR 2018/10, p. 34, para. 5 (Sander).
173 CMC, paras. 8.7-8.22; RC, para. 7.7.
174 CR 2018/9, pp. 42-44, paras. 13-14 (Pinto).
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The conduct of Chile in relation to the General Assembly resolutions
10. I come now to my second point.
11. Nor can the lack of any obligation to negotiate sovereign access to the sea for Bolivia be remedied by the conduct of Chile, which Ms Sander dwelt on at such length on Monday morning, relying once again on the Advisory Opinion of the Permanent Court in Railway Traffic between Lithuania and Poland175.
12. The conduct of Chile is of no assistance to Bolivia, for two reasons.
13. First, in the Railway Traffic case, Lithuania and Poland had formally declared their acceptance of the resolution of the Council of the League of Nations prior to its adoption by the Council176.
14. The present case is very different: such acceptance is lacking, both as regards the binding nature of the resolutions and the obligation to negotiate sovereign access.
15. Indeed, quite apart from the objections voiced by the Chilean delegation regarding the competence of the OAS to adopt the resolutions in question, Chile expressed very clearly its disagreement with the OAS resolutions. It did this in at least eight cases. Chile then voted against, or abstained from voting on, the draft resolution submitted to the Assembly, whilst challenging, in a declaration, the competence of the organization and the legally binding effect of a resolution177.
16. Even in 1980, 1981 and 1983, Chile did not vote in favour of the resolutions. It simply did not oppose the consensus, while at the same time expressing its reservations as to the competence of the organization178. If Bolivia is to be believed, the mere fact of not opposing the consensus is enough to turn a non-binding recommendation into an international obligation. That would come as a surprise to a great many permanent representatives to international organizations.
17. On Monday, Ms Sander tried to create the appearance of an acceptance by referring to Chile’s participation in the discussions which enabled the texts of the resolutions adopted in 1981
175 Railway Traffic between Lithuania and Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series A/B, No. 42, p. 116.
176 Ibid. See also the extract from the summary records of the Council of the League of Nations (10 Dec. 1927), reproduced in Railway Traffic between Lithuania and Poland, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series C, No. 54, p. 235.
177 OAS, General Assembly, resolution AG/RES.602 (XII–O/82), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 20 Nov. 1982, CMC, Ann. 259.
178 See in particular CMC, Anns. 252, 253, 255, 264 and 265.
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and 1983 to be established179. But participating in the drafting of a text and accepting a legal obligation embodied in that text are two different things. The reasons for a State deciding to share in the framing of a resolution can vary widely. A State may participate in the drafting and adoption of a text with the sole aim of reducing its importance and scope; but such involvement creates no obligation to act in accordance with its terms. Mr. President, Chile’s participation in the work of the committees of the OAS General Assembly, or in the discussions concerning the formulation of certain resolutions, certainly does not allow those resolutions to be transformed into texts that are legally binding for their authors: the crucial element is lacking, namely the intention to be legally bound.
18. I now come to the second reason why the conduct of Chile is of no relevance here. The resolutions which were adopted by consensus  resolutions 481, 560 and 686 of 1980, 1981 and 1983 respectively  do not mention any obligation to negotiate sovereign access to the sea. In 1980 and 1981, the General Assembly merely called on the States concerned “to initiate a dialogue, through the appropriate channels, to find the most satisfactory solution” to the problem180  the problem of access to the sea. No reference to negotiations, nor to sovereign access to the sea. Even if Bolivia were able to produce evidence of Chile’s acceptance of these two resolutions (which it cannot do, as I have just demonstrated), it would still fall short of proving the existence of an obligation to negotiate sovereign access to the sea.
19. The situation regarding resolution 686 of 1983 is no different. The text of the resolution  established following discussions between Chile, Colombia and Bolivia  does not refer to negotiations on sovereign access to the sea, but concerns (and I would recall, Mr. President, what Mr. Koh said earlier this morning  the terms are important) a “rapprochement” in relations between the States. Bolivia has argued to the contrary, however, claiming that the rapprochement desired by the parties was dependent on sovereign access. There is nothing to bear this argument out. That was within neither the spirit nor the meaning of resolution 686. Chile has explained that “a process of rapprochement must first exist, which hopefully leads to the resumption of bilateral
179 CR 2018/10, p. 36, para. 12 (a) (Sander).
180 OAS, General Assembly, resolution AG/RES.481 (X–O/80), The Bolivian Maritime Problem, 27 Nov. 1980, CMC, Ann. 254; OAS, General Assembly, resolution AG/RES.560 (XI–O/81), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 10 Dec. 1981, CMC, Ann. 257.
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relations, and, subsequently, at a third stage, the existing differences should be addressed, which include any aspects both countries wish to raise”181. The key was therefore rapprochement between the two States. This has been demonstrated by the subsequent exchanges, and it is confirmed by Chile’s declaration before the General Assembly in 1984, to which Ms Sander referred on Monday. However, she neglected to read out the reasons which prompted Chile to join in the consensus of 1983:
“It did so  that is, Chile  to show its spirit and desire for rapprochement with Bolivia, especially bearing in mind the friendly gesture by the distinguished President of Colombia, His Excellency Belisario Betancur, and the predisposition shown by the Government of Bolivia to channel a fruitful dialogue between both countries through a bilateral route.”182
It is difficult to see how Bolivia can continue to claim before the Court that Chile has accepted an obligation to negotiate sovereign access to the sea. That obligation is nowhere to be found in resolution 686.
Obligation to negotiate in the context of the pacific settlement of disputes
20. That brings me to my third point.
21. Bolivia maintains that the obligation to negotiate sovereign access to the sea that is incumbent on Chile today derives from its status as a Member State of the OAS pursuant to the Charter’s provisions on the pacific settlement of disputes.
22. I am not going to repeat Professor Thouvenin’s submissions on the meaning and scope of the obligation to settle disputes by peaceful means. Neither Article 2, paragraph 3, of the Charter of the United Nations, nor Article 3 (i) of the Charter of the OAS can be the source of an obligation for Chile to negotiate with Bolivia on the question of its sovereign access to the sea.
23. On Monday morning, Ms Sander attempted to persuade you that the General Assembly had recognized the existence of a dispute between Bolivia and Chile. That is surprising, to say the least. While it is true that Bolivia’s counsel “cited in detail directly from the numerous
181 Statement by the Undersecretary of Foreign Affairs of Chile, 22 Dec. 1983, CMC, Ann. 270.
182 Minutes of the 3rd Meeting of the General Committee of the OAS General Assembly, [15 Nov. 1984], RC, Ann. 432, p. 372.
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OAS resolutions”183, it never found the term “dispute”, let alone a reference to the relevant provisions of the OAS Charter. And for good reason, since none of the 11 resolutions mentions the existence of a “dispute”. At best, we find, in the words of Ms Sander, “repeated reference . . . to the need to find an ‘equitable solution’ to the ‘maritime problem’ of Bolivia’s ‘landlocked status’”184. A problem, or a pending issue, is not a “dispute”, within the meaning of the Charter at least. A deliberate choice was made not to employ that term in the resolutions, and it cannot now be overturned by the use of translations which are not faithful to the original.
24. This is no accident. Several draft resolutions did in fact refer to the relevant provisions of the OAS Charter on the pacific settlement of disputes185. However — and my opponents continue to overlook this point — those references ultimately disappeared from the texts of the resolutions adopted by the Assembly186.
25. In its oral arguments this week, Bolivia continued to translate the words “diferencias pendientes” as “pending disputes”187. However if, as Professor Remiro Brotóns has suggested188, we keep to the text used by the Parties — that is, the Spanish one — that single reference to the alleged pending disputes immediately disappears, leaving Bolivia with no evidence for its claims. A “differencia” — difference — Mr. President, is not a dispute.
26. Moreover, when the OAS does address the pacific settlement of disputes between its Member States, it uses precise terminology. By way of example, the resolution adopted by the Permanent Council in 2003 on settling the dispute between Belize and Guatemala expressly refers to the notion of dispute resolution189.
27. It follows that the organization considered that there was no dispute between Chile and Bolivia, and thus no obligation to settle that dispute. It was a purely political problem. Bolivia’s
183 CR 2018/10, p. 34, para. 8 (Sander).
184 Ibid., p. 35, para. 8
185 First draft of the resolution on the maritime problem of Bolivia, 1979, RC, Ann. 424, pp. 517-519; Note from the Permanent Representative of Bolivia to the United Nations, Jorge Gumucio Granier, to the Minister for Foreign Affairs of Bolivia, Jose Ortiz Mercado, MRB 58/84, 16 Feb. 1984, RB, Ann. 324, p. 991.
186 CR 2018/9, pp. 44-45, para. 17 (Pinto).
187 See tab 41 of the judges’ folder of Bolivia.
188 CR 2018/6, p. 47, para. 8 (Remiro Brotóns).
189 OAS, Permanent Council, Resolution CP/RES. 836 (1353/03), Support for the peaceful resolution of the territorial differendum between Belize and Guatemala, 12 Feb. 2003.
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interpretation would mean that Article 2, paragraph 3, of the Charter of the United Nations, and Article 3 of the Charter of the OAS, applied not only to disputes as such, but also to any disagreement and any pending issue, but is that really plausible? By no means.
The absence of resolutions since 1990
28. Members of the Court, I now turn to my fourth point: the lack of action taken by the regional organization over the last 30 years. Contrary to my opponents’ assertions, there is no “narrative from 1990 onwards” within the OAS. Rather, there is a clear rupture from 1989 onwards.
29. Ms Sander considers that the simple fact that the issue of access to the sea continued to be placed on the organization’s agenda by Bolivia between 1990 and 2013 is proof of an “express and continuing recognition by the Assembly that there is a pending issue, a dispute between the two Member States”190. That is surprising, to say the least. It was Bolivia itself which placed that subject on the agenda, year after year, in accordance with Article 29 of the Assembly’s Rules of Procedure. However, having unilaterally done so, it tabled no draft resolution, and no resolution has been adopted by the Assembly since 1990. Mr. President, the chapter of the OAS and the organization’s instrumentalization, and of Chile’s political isolation under the Pinochet régime, was closed in 1989.
30. The statements of the OAS Secretary General and a number of Member States confirm that lack of continuity. It is no longer a case of the organization having any involvement, but of bilateral dialogue191. The OAS declined the possibility of “mediating in the process of dialogue”192. Bolivia itself confirmed in 1990, following the final resolution of 1989: “one phase is drawing to a close and making way for another”193.
31. The OAS episode came to an end in 1989. In its final resolution, the General Assembly simply affirmed “the importance of finding a solution to the maritime problem of Bolivia . . .
190 CR 2018/10, p. 38, para. 18 (Sander).
191 “Insulza: It is time to make concrete proposals to Bolivia on a sea outlet”, Cooperativa, 29 Nov. 2010, MB, Ann. 141, p. 527.
192 “The OAS will not mediate on the maritime claim between Bolivia and Chile”, El Diario, 21 Apr. 2006, MB, Ann. 134, p. 511.
193 Minutes of the Second Meeting of the General Committee of the Organization of American States General Assembly, 6 June 1990, CMC, Ann. 307, p. 2121.
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urging the parties to engage in dialogue”194. There is no recognition of the existence of a dispute. There is no longer a recommendation to the Parties to enter into negotiations. There is no longer a reference to a hemispheric interest. And, above all, there is no longer a reference to the sovereign character of the access to the sea, which is incompatible with the new theory of continuity formulated by Bolivia. The discussions held in 1990 no longer related to sovereign access to the sea either, as Dr. Juratowitch explained last week195.
32. The 30 years of silence on the part of the organization confirm the absence of an obligation to negotiate or settle the so-called dispute peacefully. That silence is particularly telling given the fact that the regional organization alone would have been empowered to verify performance of and compliance with a commitment made to it196. Never has the organization  or even Bolivia  accused Chile of failing to perform an obligation of any kind.
The Fresh Approach (1986-1987)
33. That brings me, Mr. President, to my fifth and final point: the “Fresh Approach”.
34. Counsel for Bolivia remained silent about this episode, which, though short, is highly instructive. Professor Forteau simply affirmed that Chile saw fit in its presentation of the facts to “jump straight from 1978 to the period after 1987”197. That is not the case, but I shall refrain from repeating facts which are, I am sure, familiar to the Court, and shall refer to my presentation of last week, which describes the bilateral discussions and negotiations that took place in 1986 on a plethora of topics of mutual interest198, including the question of access to the sea199.
35. Nevertheless, I would like to recall a number of elements which, in our view, characterize the exchanges between Bolivia and Chile in the context of the “Fresh Approach”:
194 OAS, General Assembly, Resolution AG/RES. 989 (XIX-O/89), Report on the Maritime Problem of Bolivia, 18 Nov. 1989, CMC, Ann. 306.
195 CR 2018/9, pp. 57-61, paras. 24-41 (Juratowitch).
196 Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 132, para. 262.
197 CR 2018/10, p. 47, para. 29 (Forteau).
198 CR 2018/9, pp. 49-50, paras. 27-29 (Pinto); Minutes of the Third Meeting of the General Committee of the Organization of American States General Assembly, 12 Nov. 1986, CMC, Ann. 285, p. 1914.
199 CR 2018/9, pp. 50-51, paras. 30-31 (Pinto).
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(a) The Fresh Approach was, as its name suggests (a name which, incidentally, Bolivia itself chose), “fresh”. It was neither the continuation of the failed dialogue of rapprochement of 1983 and 1984, nor a new Charaña process. At the meeting of April 1987, Chile’s Minister for Foreign Affairs welcomed the initiative, characterizing it as a “new atmosphere”200.
(b) Neither Bolivia nor Chile felt obliged to enter into negotiations on the question of access to the sea in 1987. The Bolivian Minister for Foreign Affairs indicated that the presence of the Bolivian delegation “essentially reflect[ed] [the] testimony before Chile and the international community of the desire that assists us to seek solutions to our problems through dialogue, understanding, and fraternity”201. Thus no mention of any obligation assumed by the two States.
(c) Bolivia tabled several proposals regarding access to the sea, all involving the cession of a part of the Chilean territory to Bolivia202. Chile took careful note of those proposals203, and requested clarifications about their content204, after which it undertook internal consultations.
(d) At the conclusion of those consultations, conducted in good faith by Chile, it was clear that the cession of a part of the Chilean territory was not acceptable to the people of Chile205. That is what the Chilean Minister reported to his Bolivian counterpart at the end of the negotiations, while recalling that Chile remained willing to continue the discussions, provided that they did not relate to the question of sovereign access206.
(e) The resolutions adopted by the General Assembly in 1987 and 1988 do not condemn Chile for failing to perform an international obligation of any kind, and do not hold Chile responsible for the breakdown of the negotiations.
(f) Neither Bolivia nor the OAS considered at the time that those negotiations had created a fresh obligation for Chile to negotiate access to the sea for Bolivia.
200 Speech of the Minister for Foreign Affairs of Chile, 21 Apr. 1987, CMC, Ann. 291, p. 1949.
201 Speech of the Minister for Foreign Affairs of Bolivia, 21 Apr. 1987, RC, Ann. 435, p. 647.
202 Bolivian Memorandum No. 1 of 18 Apr. 1987, CMC, Ann. 289; Bolivian Memorandum No. 2 of 18 Apr. 1987, CMC, Ann. 290.
203 Speech of the Minister for Foreign Affairs of Chile, 21 Apr. 1987, CMC, Ann. 291; Statement by the Minister for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296.
204 Questions sent by Chile to Bolivia concerning the Bolivian proposals, 21 Apr. 1987, CMC, Ann. 292.
205 Statement by the Minister for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296.
206 Statement by the Minister for Foreign Affairs of Chile, 9 June 1987, CMC, Ann. 296, para. 3; CR 2018/9, p. 51, para. 32 (Pinto); see also the judges’ folder of Chile, tab 74.
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36. Mr. President, Members of the Court, thank you for your kind attention. Mr. President, please would you call Sir Daniel Bethlehem to the podium.
Le PRESIDENT : Je remercie Mme Pinto et donne à présent la parole à sir Daniel Bethlehem. Vous avez la parole.
Sir Daniel BETHLEHEM :
SYNTHÈSE
Remarques liminaires
1. Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais tenter de rassembler les fils épars, en articulant ma plaidoirie autour de trois points. Je ferai tout d’abord quelques observations d’ordre général sur les arguments que nous a présentés la Bolivie lundi dernier. Ensuite, je reprendrai, sur la question de l’OEA, là où Mme Pinto s’est arrêtée, et traiterai de la tentative de la Bolivie d’établir qu’elle a maintenu sa revendication tout au long des années 1990 et 2000, et jusqu’à l’introduction de la présente espèce, en 2013. Enfin, je conclurai par quelques brèves remarques sur les arguments de la Bolivie relatifs à la continuité et à l’accumulation.
Observations générales
2. Je commencerai donc par certaines observations d’ordre général. En écoutant la Bolivie plaider lundi dernier, une image s’est imposée à moi : celle de fusées-leurres lancées tous azimuts dans l’espoir de détourner l’attention des véritables questions en jeu en l’espèce. Nous avons ainsi entendu M. Akhavan évoquer un nouvel argument, fondé sur la coutume locale et l’affaire du Droit de passage207. La théorie de l’accumulation est enfin apparue au grand jour. M. Lowe s’est, non sans emphase, déclaré indigné de voir le Chili dénier à son voisin la plus élémentaire courtoisie en vigueur dans les relations internationales : à l’en croire, le Chili refuse d’ouvrir les lettres par lesquelles ce dernier, petit pays plongé dans la misère, ne demande rien d’autre qu’un dialogue sur des questions revêtant pour lui un intérêt vital. Mme Chemillier-Gendreau a dressé le portrait d’un
207 Droit de passage sur territoire indien (Portugal c. Inde), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1960, p. 6.
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Chili geôlier du peuple bolivien captif. C’est toute l’imagerie de l’injustice historique qu’ont convoquée nos contradicteurs.
3. Le Chili n’accepte pas la version de l’histoire que présente la Bolivie, non plus que la manière dont elle la projette dans le présent. C’est une vision partiale, tendancieuse, marquée au coin de l’indignation. Aux termes du paragraphe 1 de l’article 38 de son Statut, la Cour a pour mission de régler «conformément au droit international» les différends qui lui sont soumis. La Bolivie a bien cherché à opposer justice et droit. Elle a accusé le Chili de vouloir faire rebaptiser la Cour «Cour internationale du droit»208, comme si le fait d’invoquer le droit à l’appui de son argumentation revenait à se détourner de manière répréhensible de la poursuite d’un objectif supérieur  celui consistant à redresser une «injustice séculaire».
4. Le Chili n’a aucun scrupule à s’appuyer sur le droit. C’est grâce à une décision ancrée dans le droit que justice sera rendue aux Parties en la présente espèce. La Cour est, comme les diverses juridictions de par le monde, sans cesse appelée à écarter les demandes de l’une ou l’autre des parties, parce que ces demandes sont irrecevables, qu’elle-même n’a pas compétence ratione temporis ou ratione materiae, ou qu’elle ne peut en connaître pour toute autre raison, sans faire cas des appels aux bons sentiments et des cris d’injustice.
5. La Bolivie, par la voix de son conseil, passe sous silence l’injonction que fait à la Cour le paragraphe 1 de l’article 38 de son Statut de statuer conformément au droit international et, quoique sans le dire explicitement, ne se prive pas d’emprunter au paragraphe 2 de ce même article. La Cour doit entendre les cris d’injustice, plaide-t-elle. Et M. Lowe d’affirmer que les membres de la Cour seront réduits au rôle d’observateurs impuissants et désorientés s’ils n’optent pas pour la voie de la vertu que montre la Bolivie, voie d’où surgirait une obligation de garantir à celle-ci l’octroi d’une partie de territoire chilien souverain209. Ce que la Bolivie cherche en réalité à obtenir de la Cour, quoique sans le formuler expressément, c’est une décision ex aequo et bono. Mais une solution ex aequo et bono ou  pour être plus fidèle aux termes employés par la Bolivie — une
208 CR 2018/10, p. 62-63, par. 19 (Chemillier-Gendreau)
209 CR 2018/10, p. 54, par. 7 (Lowe).
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solution fondée sur la justice extra legem «n’est, par définition, pas une décision rendue «conformément au droit international»»210.
6. La semaine dernière, j’ai évoqué le changement de la stratégie contentieuse de la Bolivie. Il y en a eu d’autres, lundi dernier. Mes collègues l’ont déjà relevé. J’ai également appelé l’attention de la Cour sur les discordances entre les différentes thèses de la Bolivie avancées par différents conseils, certains mettant en avant une obligation de résultat, d’autres, une obligation de comportement. Or, la Bolivie n’a nullement tenté d’y remédier lundi dernier. Au contraire, elle continue de jouer sur deux tableaux, laissant à une Cour dont elle espère s’être attiré la sympathie le soin de choisir la voie à suivre et de séparer de l’ivraie, dans la masse de ses arguments, le bon grain  une théorie juridique sur laquelle elle pourrait fonder son arrêt. Dans ses conclusions finales, la Bolivie sollicite toutefois de la Cour la même décision que dans ses écritures. Elle continue de la prier de déclarer que le Chili a l’obligation de négocier en vue d’un résultat donné. Or, pareille demande va à l’encontre de votre arrêt de 2015 sur les exceptions préliminaires.
7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Lowe a dit lundi dernier que, selon la Bolivie, «un Etat qui reçoit une lettre officielle d’un autre Etat doit l’ouvrir, la lire, l’analyser et y répondre». Et de s’enquérir, rhétoriquement : «le Chili pense-t-il vraiment qu’il faille, sans l’avoir ouverte, … la jeter à la corbeille» ?211. Son indignation aura été appréciée, j’en suis certain, par l’Etat qu’il représente, mais nous sommes ici dans un prétoire, pas sur une scène de théâtre. En réalité, le Chili a pris la correspondance de la Bolivie très au sérieux, il a ouvert ses lettres et y a répondu. La rengaine de M. Lowe à propos des lettres qui n’auraient pas été ouvertes dénature la réalité du dialogue qu’ont entretenu les Parties au fil des décennies. Dans certains cas, le Chili a évoqué avec la Bolivie la question de l’accès souverain. Mais chaque fois, et pour des raisons différentes, les discussions ont fait long feu. L’heure des négociations était passée. Comme je l’ai relevé la semaine dernière, la Bolivie s’est montrée experte dans l’art de se dérober, experte dans l’art de rompre les relations diplomatiques, experte encore dans l’art de formuler des exigences.
210 H. Thirlway, The Law and Procedure of the International Court of Justice, vol. I, 2013, p. 233, note de bas de page 401 ; les italiques sont de nous.
211 CR 2018/10, p. 56, par 15 (Lowe).
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8. Aujourd’hui, le Chili ne reçoit plus de la Bolivie, sur la question de l’accès souverain, de lettres officielles requérant d’être ouvertes. Il reçoit d’elle des ultimatums exigeant la tenue de négociations assorties de conditions, comme lorsque le président Morales l’a sommé, le 17 février 2011, de soumettre une proposition maritime comme base de négociations avant le 23 mars 2011212. Aujourd’hui, c’est des allégations d’injustice historique de la Bolivie que nous traitons. Aujourd’hui, la Bolivie communique avec le Chili, via les tweets de son président, et ce, en plein déroulement des présentes audiences.
9. A l’ouverture de la procédure orale, nous avions évoqué le dernier tweet présidentiel, mais sans vous le soumettre. Il est maintenant projeté sur vos écrans, et je relèverai en particulier la dernière phrase : «Antofagasta était, est et restera territoire bolivien».
10. On est loin de la main tendue de bonne foi évoquée par M. Lowe. Si, un jour, la Bolivie envoie une lettre requérant d’être lue, méritant d’être examinée et appelant une réponse et si, ce jour-là, le Chili conserve le silence, alors M. Lowe pourra laisser libre cours à son indignation. D’ici là, la Bolivie ferait mieux de s’en tenir au droit.
11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en ce qui concerne l’argument de la Bolivie relatif à une obligation de négocier en général, qui résulte du paragraphe 3 de l’article 2 de la Charte des Nations Unies et du litt. i) de l’article 3 de la charte de l’OEA, M. Thouvenin s’est déjà exprimé à ce sujet, et je me contenterai d’une brève observation.
12. L’argument de la Bolivie à ce sujet comporte deux volets. Le premier consiste à dire que ces deux dispositions créent une obligation de négocier que l’on peut porter en justice en tant que telle, et qui doit être déduite de l’obligation de régler les différends internationaux par des moyens pacifiques. Le second est que ces deux dispositions établissent une obligation liée à la qualité de membre de l’organisation en question, obligation qui doit être prise au sérieux, Mme Sander soutenant en outre que, de cette seconde obligation découle celle de respecter les résolutions par lesquelles l’assemblée générale de l’OEA formule des recommandations.
13. S’agissant de la première de ces allégations, la Bolivie n’a pas cherché à s’expliquer sur le fait que ce qu’elle attend en réalité du Chili, ce n’est pas qu’il discute de bonne foi sans
212 Voir CR 2018/9, p. 64, par. 51 b) i)-iii) (Juratowitch) ; CMC, par. 9.23.
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conditions préalables, mais qu’il s’engage dans un processus obligatoire dont l’issue est prédéterminée. Or, pareille obligation ne figure nulle part dans le paragraphe 3 de l’article 2 ou le litt. i) de l’article 3, pas plus qu’elle ne peut en découler. Ces dispositions ne confèrent pas à un Etat le droit d’en convoquer un autre à la table des négociations sur des bases biaisées, l’issue des négociations étant écrite d’avance. Voilà qui est l’antithèse même de la bonne foi. C’est pourtant ainsi que la Bolivie voudrait vous voir interpréter lesdites dispositions.
14. Un commentaire s’impose également à propos du fait que, dans son zèle à pousser la Cour à ne pas se montrer impuissante et désorientée, et pour conférer à son argument relatif au paragraphe 3) de l’article 2 quelque substance et un caractère d’urgence, M. Lowe a brandi le spectre d’une menace pour la paix et la sécurité internationales. Selon lui, ne pas répondre à l’aspiration de la Bolivie à un accès souverain «ne peut qu’entraîner des tensions susceptibles, à terme, de mettre en danger la paix et la sécurité»213. Voilà qui est tout à fait remarquable ! Cet argument s’accommode lui aussi fort mal de l’exhortation à la bonne foi de la Bolivie.
15. J’en viens à présent à la seconde allégation, à savoir que les obligations liées à la qualité de membre de l’Organisation des Nations Unies et de l’OEA doivent être prises au sérieux. Ainsi que l’a fait observer Mme Pinto au sujet de l’OEA, cette organisation dispose de mécanismes d’intervention. Or, ceux-ci n’ont pas été mis en oeuvre au sujet de la question à l’examen. De fait, depuis 1990, l’OEA n’a apporté aucun soutien à la Bolivie à cet égard. Cela fait maintenant plus de 20 ans que l’assemblée générale de cette organisation est demeurée silencieuse sur la question de la demande bolivienne. L’organe de consultation n’a pas relevé le flambeau214. Le conseil permanent n’a pris aucune des mesures relevant de sa compétence en vertu des articles 84 à 88 de la charte de l’OEA. Les raisons qui ont motivé l’intervention de l’OEA dans les années 1980 n’ont donc plus cet effet aujourd’hui.
16. Il est une autre considération que Mme Pinto a déjà mentionnée, mais sur laquelle j’aimerais revenir. Il s’agit de quelque chose que tout représentant d’un Etat aux réunions plénières de l’assemblée générale, que ce soit de l’Organisation des Nations Unies ou de l’OEA, connaît fort bien. Se joindre au consensus ne signifie pas consentir. Cela indique que l’on est sensible à une
213 CR 2018/10, p. 54, par. 6 (Lowe).
214 Charte de l’OEA, art. 61.
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dynamique et enclin à ne pas s’y opposer. Participer à la rédaction des résolutions, en façonner le contenu, consiste peut-être à affirmer, mais également à reviser et supprimer afin de gommer les divergences. Les résolutions exprimant une exhortation sont importantes. Elles font partie du processus diplomatique. Mais elles ne créent pas d’obligations juridiques. Pour cela, il faut une action institutionnelle, il faut des décisions contraignantes, ou bien alors recourir au droit international coutumier. Or, aucun de ces éléments n’existe en la présente espèce. Quelle que soit la manière dont il convient d’interpréter les résolutions de l’OEA, il y a eu plus de 20 ans de silence depuis que la dernière résolution a été adoptée.
Depuis les années 1990
17. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en viens maintenant à l’argument de la Bolivie en ce qui concerne la période postérieure aux résolutions de l’OEA.
18. Il y a un point primordial sur lequel il convient de s’attarder et qui, j’espère, sera ressorti des exposés qu’ont présentés mes collègues jusqu’à présent. Depuis le début de ces audiences, la Bolivie s’est progressivement détachée du droit. A cet égard, la réponse qu’elle a formulée lundi était tout à fait remarquable. Quelques observations ont été faites sur les années 1920, les années 1950 et Charaña, mais c’est sur d’autre points que l’accent a réellement été mis. Le premier était l’allégation suivant laquelle la Bolivie aurait été victime d’une injustice historique, la présente affaire se résumant alors tout entière à la réparation de ce que le demandeur perçoit comme des torts qui lui auraient été causés au dix-neuvième siècle. Le deuxième point était l’obligation de négocier dont M. Lowe nous a dit qu’elle découlait des chartes des Nations Unies et de l’OEA. Le troisième point était l’OEA. Bien que cela n’ait pas été présenté en ces termes, l’OEA, et le poids qu’il convient d’attribuer à ses résolutions non contraignantes, a pris, nous semble-t-il, une importance à un triple titre : premièrement, cela permet à la prétention de la Bolivie de survivre au processus de Charaña — ce dont le demandeur a besoin pour pouvoir défendre sa thèse ; deuxièmement, le demandeur laisse entendre qu’un arrêt de la Cour en sa faveur serait bénéfique au continent dans son ensemble ; troisièmement, il prétend que le continent, s’exprimant par le biais des résolutions de l’assemblée générale, a considéré les négociations comme étant justifiées et nécessaires.
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19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi que je l’ai dit la semaine dernière, ce qui est frappant dans l’argumentation de la Bolivie, encore et toujours, c’est qu’elle se construit à mesure qu’avance la procédure. Une affaire qui s’annonçait simple est ainsi devenue totalement absconse, la Bolivie disant en substance à la Cour : «Tenez, voici des théories sur la base desquelles vous pourriez éventuellement fonder l’existence d’une obligation de négocier. Merci de compléter l’analyse pour nous, l’injustice historique l’exige.»
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Forteau a déroulé une liste de dates postérieures à 1987 auxquelles, selon lui, la Bolivie s’est prévalue d’une obligation juridique de négocier215. Il a commencé en 1988, citant une déclaration du ministre bolivien des affaires étrangères figurant dans le procès-verbal d’une réunion de l’OEA. Il n’a cependant pas présenté ce document dans son dossier de plaidoiries. Vous le trouverez sous l’onglet no 120 du nôtre. Je ne vous propose pas de le lire maintenant, mais il est à votre disposition et vous pourrez le consulter à votre guise. Voyons ce que le ministre bolivien des affaires étrangères a déclaré, et ce que le représentant du Chili a répondu. C’est instructif.
21. Vous voyez à présent à l’écran un extrait de la déclaration du ministre bolivien des affaires étrangères. Comme cela apparaît clairement — et vous verrez ces propos dans leur contexte lorsque vous prendrez connaissance du document dans son intégralité —, le ministre qualifie à deux reprises le dialogue que les Parties ont eu avant 1987 d’«efforts diplomatiques»216. Et l’on ne trouve nulle part dans ce document de déclaration de sa part selon laquelle ce dialogue aurait été motivé par le sentiment qu’existait une obligation juridique. Je vous invite respectueusement, Mesdames et Messieurs de la Cour, à prendre connaissance de ce texte dans son ensemble.
22. Venons-en maintenant à la déclaration du représentant du Chili. Et que voyons-nous ? Un paragraphe extrait de cette déclaration est projeté à l’écran. Nous voyons ici que le Chili s’enquiert explicitement auprès de la Bolivie des sources de droit qui fondent son «prétendu droit
215 CR 2018/10, p. 41, par. 4 (Forteau).
216 Procès-verbal de la 3e réunion de la commission générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 16 novembre 1988, CMC, annexe 302, p. 2078.
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de réclamer au Chili de bénéficier de son propre accès souverain au Pacifique»217. Le Chili pose directement la question à la Bolivie.
23. Et quelle est la réponse du ministre bolivien des affaires étrangères ? Eh bien, au lieu d’affirmer qu’une obligation juridique de négocier incombe au Chili, la Bolivie — et vous allez voir un extrait de la réponse à l’écran — la Bolivie, donc, fonde sa demande sur des «droits sur les territoires de l’Atacama bordant l’océan Pacifique [qui] remontent à une époque à laquelle nous n’avions même pas encore acquis l’indépendance»218. Autrement dit, selon les propres termes du demandeur, il s’agit d’une revendication d’un titre historique. Aucune déclaration du ministre des affaires étrangères de la Bolivie ne donne toutefois à penser que celle-ci estime que le Chili est soumis à une obligation juridique de négocier.
24. Permettez-moi de prendre un autre exemple parmi la liste de dates de M. Forteau. Celui-ci s’est référé à une déclaration faite en 1992 par le ministre bolivien des affaires étrangères, déclaration qui a également été reprise dans le procès-verbal d’une réunion de l’OEA219. Là encore, il ne vous a pas montré le document, mais a vaguement laissé entendre qu’il y avait, à la page 671, quelque élément — sans doute l’expression «sont convenus» employée par la Bolivie — indiquant que le demandeur affirmait qu’il existait une obligation de négocier. Ce document se trouve sous l’onglet n° 124, mais je préfère de nouveau ne pas vous montrer le texte maintenant. Deux autres onglets — les onglets nos 125220 et 126221 — en contiennent des extraits. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, pour ne pas empiéter sur le temps alloué à l’agent du Chili, je me contenterai d’appeler votre attention sur ces extraits figurant aux onglets nos 125 et 126, et vous invite à les consulter lorsque vous en aurez le loisir.
25. Comme vous le constaterez à la lecture de ces extraits, ainsi que du document dans son intégralité, le souhait de la Bolivie de négocier un accès souverain est évident, mais il n’est affirmé nulle part que le Chili serait lié par une obligation de négocier. Au contraire, il ressort de la teneur
217 Ibid., p. 2084.
218 Ibid., p. 2087.
219 CR 2018/10, p. 41, par. 4 (Forteau) ; CR 2018/7, p. 55 et 56, par. 6 v) (Forteau), citant DC, annexe 437, p. 671.
220 Procès-verbal de la deuxième réunion de la commission générale de l’Assemblée générale de l’OEA, 19 mai 1992, DC, annexe 437, p. 671 ; dossier de plaidoiries, onglet n° 125.
221 Ibid., p. 673 ; dossier de plaidoiries, onglet n° 126.
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même de la déclaration faite par le ministre bolivien des affaires étrangères, dans ces documents, que la Bolivie espérait engager un dialogue diplomatique — et non faire valoir une obligation juridique contraignante.
26. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, s’il y a une constante dans les écritures et plaidoiries de la Bolivie, c’est bien que celle-ci vous renvoie à des documents, mais qu’elle vous en montre rarement le texte. Le demandeur invoque telle ou telle formulation, mais les arguments qu’il en tire ne résistent pas à l’examen du texte proprement dit. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il est un aphorisme, peut-être plus pertinent aujourd’hui qu’au moment où il a été formulé pour la première fois et qui est attribué à M. Daniel Patrick Moynihan, un ancien et éminent représentant permanent des Etats-Unis d’Amérique auprès de l’Organisation des Nations Unies. Cet aphorisme dit ceci : «Chacun a droit à sa propre opinion, mais pas à ses propres faits». Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, en ces temps de tweets présidentiels rédigés au beau milieu d’une procédure judiciaire devant la Cour, cet aphorisme touche au coeur même de l’argumentation de la Bolivie. Le demandeur a droit à sa propre opinion, mais pas à ses propres faits. Il a attrait le Chili devant la Cour. S’il entend fonder son argumentation, il doit s’appuyer sur les éléments de preuve, les faits, et non sur des allégations qui ne résistent pas à un examen des documents en cause.
27. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il vous faudra tenir compte de nombreux autres éléments de preuve qui ont été versés au dossier de la présente affaire. Comme le montrera un examen de ces documents, il n’y pas de continuité entre la période antérieure à 1987 et la période postérieure à cette date. Dans les années 1990, et avec le rétablissement de la démocratie au Chili, les Parties ont adopté une approche plus pragmatique et se sont employées à normaliser leurs relations. A titre d’exemple, on peut citer une déclaration de 1993, qui émane là encore du ministre bolivien des affaires étrangères et figure dans le procès-verbal d’une réunion de l’OEA  un extrait s’affiche maintenant à l’écran —, dans laquelle l’intéressé a mis en exergue «les efforts déployés par la Bolivie et le Chili ces trois dernières années pour traiter les questions à l’ordre du jour de leurs relations bilatérales en adoptant une approche différente»222. Cette nouvelle
222 Procès-verbal de la troisième séance de la commission générale, vingt-troisième session ordinaire de l’Assemblée générale de l’OEA, 9 juin 1993, REB, annexe 338, p. 1143.
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approche empreinte de pragmatisme de la part des deux Etats a marqué une rupture avec ce qui s’était passé auparavant. Il n’y avait donc pas de continuité entre les événements antérieurs et postérieurs à 1990.
28. Comme on peut l’observer dans le cadre de différends de par le monde, lorsque deux Etats, confrontés de longue date à un problème, cherchent à relancer leurs relations, la question épineuse qui les oppose est reléguée à la fin de l’ordre du jour ; elle est décrite en termes techniques et mise en veilleuse lors des échanges. De cette manière, les deux parties peuvent s’en tenir à leur propre thèse, tout en s’entendant sur le fait que, pour aller de l’avant, elles doivent veiller à ne pas souligner leurs divergences.
29. L’inscription d’un point à un ordre du jour ne crée pas une obligation de négocier, et encore moins une obligation de négocier un résultat prédéterminé dont seules les modalités resteraient ouvertes à la discussion. La Bolivie accuse le Chili d’agiter le spectre de l’apocalypse diplomatique en soulignant le caractère systématiquement irréel de ce qu’elle affirme. Cependant, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les propos de la Bolivie ont bel et bien quelque chose d’irréel. Personne ne participe à des négociations en s’estimant juridiquement tenu de négocier ou de parvenir à un résultat précis.
30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, après 2011, la poursuite des négociations était devenue inutile223, non pas parce que le Chili avait rejeté quelque obligation de négocier224, mais parce que le président de la Bolivie s’était manifestement engagé sur une voie différente225. En 2011, les deux Etats avaient «épuisé ... les possibilités de négociations qui
223 Voir Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 134, par. 162 («[L]a Cour ... se penchera sur la question de savoir si la Géorgie ... a poursuivies [ces négociations] autant que possible dans le but de régler le différend. Pour ce faire, elle recherchera si les négociations ont échoué, sont devenues inutiles ou ont abouti à une impasse» ; les italiques sont de nous) ; MB, par. 281 («L’obligation de négocier ne prend fin que lorsque les négociations ont abouti, que toutes les possibilités en la matière ont été correctement et complètement épuisées ou que toute négociation est devenue inutile ; les italiques sont de nous). Voir également Application de l’accord intérimaire du 13 septembre 1995 (ex-République yougoslave de Macédoine c. Grèce), arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (II), p. 685, par. 132 («La Cour fait observer que la notion de négociation aux fins du règlement des différends, ou d’obligation de négocier, a été clarifiée par sa jurisprudence» ; les italiques sont de nous).
224 Ce point est traité par le Chili dans le CR 2018/9, p. 63-65, par. 51 b) (Juratowitch). Voir également DC, par. 8.18-8.32.
225 Voir procès-verbal de la quatrième réunion plénière de l’Assemblée générale de l’OEA, 5 juin 2012, CMC, annexe 363, p. 2969, par. 4-6 ; «La mystérieuse proposition de Piñera à la Bolivie», La Tercera (Chili), 11 janvier 2015, REB, annexe 369.
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s’offraient» à eux226. Le Chili avait indiqué clairement qu’il ne céderait aucun territoire à la Bolivie, laquelle avait indiqué clairement que sa Constitution n’exigeait rien de moins. Il n’y avait donc plus d’issue. Même à supposer, arguendo, que le Chili ait été soumis à une obligation de négocier sur la question d’un accès souverain, cette obligation était alors arrivée à son terme. Les Parties n’avaient plus aucune latitude pour poursuivre des négociations qui aient un sens.
Les arguments de la Bolivie relatifs à la continuité et à l’accumulation
31. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vais maintenant traiter succinctement des arguments de la Bolivie relatifs à la continuité et à l’accumulation. M. Thouvenin ayant déjà abordé ces points, je serai très bref.
32. Comme c’est le cas de nombre d’allégations de la Bolivie, les contours des arguments relatifs à la continuité et à l’accumulation sont flous. S’agissant de la continuité, l’argument semble être le suivant : une obligation de négocier se serait fait jour à un certain moment, bien que la Bolivie ne puisse dire quand, et aurait perduré à la fois pendant des périodes marquées par un certain comportement et pendant des périodes de silence entre les deux Etats. Quant à l’accumulation, l’argument semble reposer sur la théorie d’un agrégat de comportements, le tout étant plus grand que la somme des parties, comme nous l’a expliqué M. Akhavan. La réponse du Chili à ces deux arguments sera brève.
33. En ce qui concerne la continuité, la réponse est simple. La Bolivie a été incapable de déterminer quand et dans quelles circonstances serait apparue la prétendue obligation de négocier. Lundi, dans ses tout derniers exposés, elle a encore une fois remanié sa théorie afin de couvrir la période de cinquante ans allant de 1879 à 1929. Sa réticence à être plus précise est naturellement motivée par le souci de ne pas se lier elle-même à un comportement particulier pour fonder sa demande, ce qui permettrait au Chili et à la Cour de soumettre son analyse à un examen plus rigoureux qui risquerait de lui être fatal.
34. La réponse du Chili à l’argument de la continuité correspond à sa position plus générale. Le Chili n’est pas davantage aujourd’hui qu’hier tenu par une obligation de négocier un accès souverain. Pareille obligation ne s’est jamais fait jour et ne saurait naître du stratagème du
226 Applicabilité de l’obligation d’arbitrage en vertu de la section 21 de l’accord du 26 juin 1947 relatif au siège de l’Organisation des Nations Unies, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1988, p. 33, par. 55.
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demandeur consistant à dissimuler son incapacité à en déterminer l’origine en prétendant que cette obligation a toujours existé et que la Cour n’a pas besoin de chercher plus loin. S’agissant d’une obligation juridique, pareille théorie n’est tout simplement pas crédible.
35. Même si, quod non, une obligation de négocier était effectivement née à un certain moment, dans des circonstances données, le Chili affirme qu’il s’en est acquitté. Ses conseils vous l’ont expliqué en détail à partir d’exemples d’échanges particuliers ayant eu lieu dans des périodes particulières. Il est donc inutile que je m’étende sur le sujet.
36. Je me contenterai d’ajouter un dernier point. La Bolivie prétend qu’il existe un «comportement général» ou une «série d’actes cohérents et continus». Toutefois, pour que pareille allégation soit recevable, il faut en fait que ces actes cohérents et continus soient reliés entre eux par un fil rouge, produisant ainsi un effet cumulatif. C’est là que l’argument de la continuité rejoint celui de l’accumulation. Or, un tel fil rouge n’existe pas. Non pas simplement parce que l’ensemble des échanges entre les Parties sont disparates et ont eu lieu par intermittence au fil du temps. Non pas simplement parce que ces échanges ont été entrecoupés par de longues périodes de silence ou de dialogues pragmatiques d’un tout autre ordre. Non pas simplement parce qu’ils revêtaient tous une forme manifestement différente. Chacun de ces arguments est certes irréfutable en soi et porte un coup fatal à la thèse de la Bolivie, mais le principal argument réside dans l’absence de fil rouge, l’absence de position commune suivant laquelle le comportement en question était obligatoire en droit.
37. Quant à l’accumulation,  et je conclurai sur ce point , M. Akhavan a affirmé que le tout était plus grand que la somme des parties227. Or, comme nous l’avons déjà dit, 0 + 0 + 0 = 0. Et il ne s’agit pas là d’une simple vérité mathématique, mais du droit. Il appert en effet de la jurisprudence constante que la simple répétition ou accumulation de déclarations ou d’actes qui, pris individuellement, ne donnent pas naissance à des obligations juridiques ne suffit pas à conférer à ces déclarations exactes un caractère obligatoire228. Dans nos écritures, nous nous sommes référés
227 CR 2018/10, p. 14, par. 2 (Akhavan).
228 Voir Délimitation de la frontière maritime dans la baie du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, Recueil TIDM 2012, p. 35-36, par. 92-98, ainsi que l’Arbitrage relatif à la mer de Chine méridionale (la République des Philippines c. la République populaire de Chine), affaire CPA no 2013-[19], sentence sur la compétence et la recevabilité, 29 octobre 2015, par. 244.
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à cette jurisprudence constante, et les indications figurant en note de bas de page du compte rendu d’audience vous y renverront. Lorsqu’il s’agit de fonder une obligation juridique, en particulier une obligation qui, quelle que soit la manière dont elle est présentée, tend à un résultat précis, à savoir la cession d’un territoire souverain, le tout n’est pas plus grand que la somme des parties. La Bolivie ne saurait fonder une obligation juridique de négocier sur un comportement général consistant en une série d’échanges ou de déclarations qui, examinés individuellement, n’étayent pas sa thèse.
38. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je vous remercie de votre attention. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir appeler à la barre l’agent du Chili, qui conclura nos plaidoiries.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur. J’invite à présent l’agent de la République du Chili, M. Grossman, à donner lecture des conclusions finales de son pays. Monsieur, vous avez la parole.
Le PRESIDENT : Je remercie Sir Daniel Bethlehem et j’invite à présent à la barre M. Grossman pour qu’il expose les conclusions finales de son pays. Monsieur l’agent, vous avez la parole.
M. GROSSMAN :
1. Monsieur le président, Madame la vice-présidente, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que de me présenter à nouveau devant vous en tant qu’agent du Chili afin de conclure les plaidoiries de celui-ci. Je saisis cette occasion pour exprimer ma gratitude à la délégation de sénateurs et parlementaires chiliens qui nous a rejoints pour le second tour, ainsi qu’à notre ministre des affaires étrangères, S. Exc. M. Roberto Ampuero, qui a été tout au long de ces audiences présent.
2. L’argumentation de la Bolivie a consisté en hyperboles et en informations erronées. Le demandeur a accusé le Chili d’asphyxier la Bolivie, le présentant comme le geôlier du peuple bolivien, comme un Etat allant jusqu’à refuser d’ouvrir une enveloppe émanant d’un Etat voisin229.
229 CR 2018/10, p. 68, par. 28 (Llorentty Soliz), p. 64, par. 26 (Chemillier-Gendreau) et p. 55-56, par. 15 (Lowe).
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Le Chili rejette avec fermeté ces fausses représentations. Il a été, et continue d’être, un voisin coopératif et amical, et il rappelle une fois encore à la Bolivie que c’est elle qui a introduit une instance contre lui devant la Cour internationale de justice, laquelle est chargée par son Statut d’appliquer le droit international pertinent aux demandes boliviennes.
I. L’argumentation du Chili
3. La question soumise à la Cour est celle de savoir si le Chili a l’obligation juridique de négocier avec la Bolivie un accès souverain à la mer. Comme nous l’avons montré tout au long du premier tour de plaidoiries et encore aujourd’hui, il n’existe pas d’obligation juridique imposant au Chili de négocier un accès souverain à la mer pour la Bolivie, qu’il s’agisse d’une obligation de comportement ou d’une obligation de résultat, et il n’en a jamais existé aucune.
4. Les conseils du Chili vous ont présenté en détail les éléments de preuve et les principes juridiques pertinents. Quels que soient les motifs qu’elle a invoqués, la Bolivie n’est tout simplement pas à même de satisfaire au critère juridique applicable à la création d’une obligation.
II. L’argumentation de la Bolivie
5. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, votre arrêt sur l’exception préliminaire230 a établi que la présente affaire ne portait pas sur la question de savoir si la Bolivie possède un droit à un accès à la mer. Il ne s’agit pas d’une affaire ayant trait à un résultat prédéterminé, et il ne s’agit pas non plus d’une affaire concernant le traité de paix et d’amitié de 1904.
6. L’argumentation du demandeur a changé maintes fois en cours d’instance, mais sa conclusion officielle reste la même. La Bolivie prie la Cour de juger que le Chili a l’obligation juridique «de négocier avec [elle] en vue de parvenir à un accord [lui] octroyant … un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique» et que, pour s’acquitter de cette obligation, il doit, de manière prompte et effective, lui «octroyer … un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique»231.
230 Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. recueil 2015, p. 604-605, par. 32-33. Voir également REB, par. 26-27.
231 Conclusions officielles de la Bolivie : RB, par. 32 a) et c) ; MB, par. 500 a) et c) ; REB, p. 192, par. a) et c) ; CR 2018/10, p. 70, par. 10 (Rodríguez Veltzé) ; les italiques sont de nous.
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7. Par cette conclusion, le demandeur entend que soit prononcée une obligation de résultat, laquelle ne s’éteindra pas avant qu’il n’ait décidé qu’il y a été satisfait. Dès lors que sa véritable nature est révélée, pareil argument revient à dire que la Bolivie possède un droit sur un territoire chilien, ce qui remettrait en cause le traité de paix de 1904.
8. Lundi, l’un des conseils de la Bolivie vous a montré une diapositive intitulée «littoral proposé pour la Bolivie». Sur le territoire chilien retenu pour former ce littoral, vivent, travaillent et se déplacent des milliers de familles chiliennes, qui appartiennent notamment au peuple autochtone des Aymaras. [Projection] La carte que vous voyez à présent à l’écran montre les villes situées dans cette zone. Il ne s’agit pas d’une zone frontière déserte et aride. Il s’agit d’une région peuplée, diverse et utile. [Fin de projection]
9. L’argumentation sans cesse fluctuante de la Bolivie démontre la faiblesse de la position du demandeur. Celui-ci n’a cessé de représenter les faits de manière erronée en laissant entendre que tout ce que le Chili avait pu dire ou faire en rapport avec la mer avait créé ou confirmé une obligation de négocier un accès souverain à celle-ci pour la Bolivie.
10. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le droit international a toujours traité avec beaucoup de prudence les questions de souveraineté territoriale. Dans ce domaine, il est bien difficile de procéder par présomptions et le niveau de preuve exigé pour établir l’existence d’obligations touchant à la souveraineté est élevé232.
11. Le Chili est perplexe  et les autres pays d’Amérique le seraient tout autant  d’entendre de la part de la Bolivie qu’il pourrait exister des obligations découlant de la qualité de membre de l’OEA auxquelles il ne se conformerait pas. Contrairement à ce que laisse entendre le demandeur, le Chili respecte la primauté du droit et satisfait aux obligations qui lui incombent au titre de la Charte de l’OEA, de la convention américaine relative aux droits de l’homme et de la Charte démocratique interaméricaine. Le Chili s’acquitte pleinement de ces obligations et respecte les traités internationaux en vigueur.
12. L’OEA s’est intéressée, entre 1979 et 1989, à la question des aspirations de la Bolivie. Ce qui s’est passé alors ne s’est toutefois pas poursuivi pendant les trois décennies qui ont suivi.
232 Voir, par exemple, Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 735, par. 253.
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L’Assemblée générale n’avait adopté aucune résolution sur cette question avant 1979 et n’en a pas plus adoptée après 1989. Contrairement à ce que vous a dit le demandeur, depuis 1989, l’OEA ne considère pas l’aspiration de la Bolivie à un accès souverain à la mer comme étant dans «l’intérêt permanent du continent»233. Si elle considérait encore cette question comme telle, il serait logique que l’OEA ou d’autres acteurs intéressés fassent en sorte que cet intérêt soit exprimé au sein de l’organisation, mais ce n’est pas le cas.
13. La Bolivie n’a pas expliqué pourquoi l’Assemblée générale de l’OEA n’avait adopté aucune résolution concernant cette question depuis 1989. Compte tenu de la passion avec laquelle le demandeur lui a présenté son argumentation, la Cour serait fondée à se demander pourquoi la Bolivie n’a pas porté de nouveau cette question devant l’OEA en se servant des mécanismes de règlement pacifique des différends que celle-ci prévoit234. Eh bien, la réponse est claire : la Bolivie sait qu’elle n’y a aucun soutien.
14. Il importe peu que, comme l’a indiqué Mme Pinto, les aspirations de la Bolivie aient figuré à l’ordre du jour jusqu’à il y a six ans. La seule raison pour laquelle la question figurait à l’ordre du jour était que la Bolivie avait le droit de l’y inscrire unilatéralement. L’OEA dans son ensemble n’a porté aucune appréciation sur l’importance de la question pour l’organisation ou la région, ou sur le fond du problème. Au contraire, le silence de l’Assemblée générale sur ce point depuis 1989 est éloquent. Aucun Secrétaire général de l’OEA depuis 1989 n’a, s’agissant des aspirations de la Bolivie, pris quelque mesure que ce soit dans le cadre du droit d’initiative que lui reconnaît le paragraphe 2 de l’article 110 de la Charte de l’OEA.
III. Les relations de bon voisinage du Chili
15. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Chili poursuit une politique de coopération et d’intégration avec l’ensemble de ses voisins, y compris la Bolivie. Celle-ci est un partenaire incontournable, en raison non seulement de sa proximité, mais aussi de sa taille et de son importance. Plus étendue que le Chili continental d’un tiers235, la Bolivie possède de nombreuses
233 Voir CR 2018/7, p. 33, par. 14, p. 34, par. 17 et 19 et p. 35-36, par. 23 (Sander) ; CR 2018/10, p. 38, par. 19 (Sander).
234 Comme les mécanismes prévus par le Traité interaméricain d’assistance mutuelle de 1947 auxquels la Bolivie a eu recours en 1962 dans le cadre d’un différend avec le Chili concernant le fleuve Lauca.
235 CR 2018/6, p. 19, par. 14 (Rodríguez Veltzé).
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ressources naturelles et a accès à l’océan Pacifique via le Chili et le Pérou, et à l’Atlantique, par les voies d’eau et les ports de ses autres voisins. Elle affiche aujourd’hui l’un des taux de croissance du PIB les plus élevés d’Amérique latine236. Le Chili aspire à entretenir avec elle une relation étroite, fondée sur le respect mutuel, ainsi que sur la promotion et la protection des intérêts communs des deux peuples. Cette relation est néanmoins marquée par une certaine ambivalence, notamment lorsque l’un des deux pays met fallacieusement l’accent sur des questions de politique extérieure afin de détourner l’attention des dysfonctionnements dans son contrôle démocratique national et ses institutions, et d’en rejeter la responsabilité sur d’autres.
16. Malgré leurs divergences et les interruptions répétées des relations diplomatiques,  interruptions dues au mécontentement de la Bolivie, — les deux Etats continuent de coopérer, même en l’absence de cadre diplomatique officiel, sur nombre de questions fondamentales pour leur intégration, notamment l’éducation, la santé, le commerce, les migrations et l’application du droit. A titre d’exemple, ils ont signé en 1993 un accord de complémentarité économique afin de renforcer leurs relations économiques et leurs échanges commerciaux. Cet accord a créé des avantages non réciproques en faveur de la Bolivie, sous la forme d’un accès au marché chilien sans droits de douane pour la plupart des biens boliviens, alors que les marchandises chiliennes vendues en Bolivie n’en sont pas exemptées237.
17. La Bolivie a déclaré que le Chili détenait la clé de son développement238. C’est une contrevérité. En réalité, les deux Etats coopèrent dans le cadre d’un traité vieux d’un siècle qui garantit à la Bolivie un droit perpétuel de libre transit vers la mer. Le transit commercial libre et sans restriction de la Bolivie vers la mer, fondé sur ce traité, continue de croître de manière constante, reflétant cette dynamique bien réelle. [Projection] De fait, ce phénomène perdure depuis 1904 et a pris la forme d’accords successifs et d’un traitement préférentiel, dont les coûts financiers importants sont supportés par le Chili. Au cours de ces dix dernières années, ce dernier a investi plus de 250 millions de dollars des Etats-Unis pour faciliter le libre transit de la Bolivie vers
236 Banque mondiale, croissance du PIB (pourcentage annuel), Bolivie, 2016 https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locatio….
237 Accord de complémentarité économique entre la Bolivie et le Chili, signé à Santa Cruz de la Sierra le 6 avril 1993, EPC, annexe 45-B.
238 CR 2018/10, p. 22, par. 22 (Akhavan).
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l’océan Pacifique, conformément au traité de paix de 1904239. Mais il va aussi au-delà des exigences du traité, offrant notamment à la Bolivie la possibilité d’entreposer à titre gracieux ses marchandises destinées à l’exportation ; à cette même fin, il a également construit des installations de stockage supplémentaires dans les ports chiliens, ainsi que des entrepôts dans le port d’Iquique, lesquels ne sont toujours pas utilisés. Il a en outre construit des complexes frontaliers et rénové les routes pour faciliter le transport terrestre gratuit entre les grandes villes boliviennes et les ports chiliens. [Fin de projection] A l’heure actuelle, plus de 200 000 camions transportent chaque année trois millions de tonnes de marchandises boliviennes vers les ports chiliens du Pacifique240. On ne saurait donc parler d’asphyxie. La Bolivie continue aussi d’exercer, en vertu du traité de paix de 1904, ses pouvoirs douaniers dans les ports chiliens et de percevoir des droits de douane sur les marchandises à destination ou en provenance de son territoire transitant par lesdits ports.
18. Il n’y a pas de mur entre le Chili et la Bolivie. Il n’y a pas de mur entre la Bolivie et l’océan Pacifique. Il n’y a pas de mur entre la Bolivie et ses autres voisins, le Pérou, le Brésil, le Paraguay et l’Argentine, ou encore l’Uruguay. La Bolivie n’est pas emprisonnée. La Bolivie n’est certainement pas emprisonnée par le Chili. Je sais ce qu’est une prison, et ce n’est pas ça. De tels propos nous offensent sur les plans national, professionnel et personnel. Contrairement aux allégations de la Bolivie, la frontière entre les deux pays est ouverte, et on y enregistre des flux constants de personnes et d’activités, dans les deux sens. Le Chili, qui se caractérise par sa diversité, est l’une des sociétés les plus ouvertes d’Amérique latine.
19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le conseil de la Bolivie a mis la Cour au défi de ne pas être impuissante et désorientée241 et de redresser ce qu’elle affirme être une injustice historique. Mais il s’agit d’une cour de justice. La Cour a affirmé à maintes reprises que sa mission était d’appliquer le droit international. Le Chili comparaît devant vous dans l’attente que la présente affaire, qui touche essentiellement à sa souveraineté territoriale, soit réglée conformément au droit international.
239 «L’Etat chilien a investi 215 millions de dollars des Etats-Unis pour faciliter le transit des marchandises boliviennes», El Mercurio (Chili), 8 mars 2018.
240 Ibid.
241 CR 2018/10, p.54, par. 7 (Lowe).
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20. Comme nous l’avons montré, le Chili n’a jamais été soumis à quelque obligation juridique de négocier un accès souverain, et il ne l’est pas davantage aujourd’hui qu’hier.
21. Avant de conclure, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi d’exprimer, au nom du Gouvernement du Chili, ma profonde gratitude envers la Cour pour l’attention dont elle a fait preuve pendant ces audiences. Je tiens à remercier particulièrement le greffier, M. Philippe Couvreur, et tout son personnel, notamment les interprètes et traducteurs, qui ont permis à nos pays de suivre la situation à «La Haya». Enfin, je souhaite témoigner ma plus sincère reconnaissance aux conseils du Chili et à toute l’équipe chilienne qui a travaillé sur cette importante affaire.
22. Pour conclure, permettez-moi de donner lecture de la conclusion officielle de la République du Chili, dont j’ai remis le texte signé à la Cour :
«La République du Chili prie respectueusement la Cour de :
REJETER l’intégralité des demandes de l’Etat plurinational de Bolivie.»
23. Je vous remercie de votre aimable attention.
Le PRESIDENT : Je remercie l’agent du Gouvernement du Chili, M. Grossman. La Cour prend acte des conclusions finales dont vous venez de donner lecture au nom de la République du Chili.
Voilà qui clôt ces audiences consacrées aux plaidoiries orales en l’espèce. Je tiens à adresser mes remerciements aux agents, conseils et avocats pour leurs exposés. Conformément à la pratique, je prierai les deux agents de bien vouloir rester à la disposition de la Cour pour tous renseignements complémentaires dont celle-ci pourrait avoir besoin. Sous cette réserve, je déclare close la procédure orale en l’affaire relative à l’Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie c. Chili).
La Cour va maintenant se retirer pour délibérer. Les agents des Parties seront avisés en temps utile de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt. La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, la séance est levée.
L’audience est levée à 13 heures.
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