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CR 2017/13
CR 2017/13
Lundi 10 juillet 2017 à 10 heures
Monday 10 July 2017 at 10 a.m.
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The PRESIDENT: Please be seated. L’audience est ouverte. La Cour est réunie ce matin pour entendre le Costa Rica en son second tour de plaidoiries. Je donne à présent la parole à Mme Kate Parlett.
Mme PARLETT :
LES ASPECTS PERTINENTS DU DROIT APPLICABLE
A. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi que d’ouvrir le second tour de plaidoiries du Costa Rica. Nos exposés vous seront présentés dans le même ordre, globalement, qu’au premier tour. Je commencerai la réplique du Costa Rica en examinant les aspects pertinents du droit applicable à la délimitation des frontières maritimes dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifique.
2. Lundi dernier, j’ai évoqué trois questions de droit sur lesquelles les parties sont en désaccord1. J’y reviendrai aujourd’hui, afin de répondre aux arguments que le Nicaragua a avancés la semaine dernière à propos du droit applicable.
B. Primauté du principe de l’équidistance aux fins de la délimitation de la mer territoriale
3. La première question est celle de la primauté du principe de l’équidistance pour délimiter la mer territoriale. La Cour se souviendra que le Costa Rica propose de délimiter les eaux territoriales, tant dans la mer des Caraïbes que dans l’océan Pacifique, selon une ligne d’équidistance stricte, alors que le Nicaragua cherche à faire ajuster cette ligne en sa faveur, des deux côtés.
4. [Projection] J’ai rappelé lundi dernier que l’article 15 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM) constituait, en la présente espèce, le droit applicable entre les
1 CR 2017/7, p. 38, par. 8 (Parlett).
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Parties pour délimiter la mer territoriale2, et qu’aux fins de cette délimitation il donnait la primauté au principe de l’équidistance3. MM. Lowe et Reichler ont tous deux achoppé sur ce terme de «primauté»4, mais ce n’est pas moi qui l’ai choisi, c’est le terme employé par le tribunal en l’arbitrage Guyana/Suriname pour décrire les effets de l’article 155. Ce terme est approprié car l’article 15 préconise en effet la méthode de l’équidistance en l’absence de titre historique ou de circonstances spéciales, contrairement aux articles relatifs à la délimitation de la zone économique exclusive (ZEE) et du plateau continental. Ainsi que l’a relevé la Cour dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, «[l]es méthodes régissant la délimitation des mers territoriales ont … été définies plus clairement en droit international que celles qui sont utilisées pour les autres espaces maritimes, plus fonctionnels»6 [fin de la projection].
5. J’ai également expliqué la semaine dernière que les termes spécifiques de l’article 15, et le fait qu’ils soient différents de ceux des articles 74 et 83, procédaient d’un choix délibéré des rédacteurs de la convention, qui n’ont pas voulu renoncer à cette distinction lorsqu’il a été proposé de trouver une solution équitable pour la délimitation de tous les espaces maritimes7. Le Nicaragua passe sous silence cet élément des travaux préparatoires et voudrait nous faire croire que ce qui distingue l’article 15 des articles 74 et 83 est une simple «divergence de présentation»8. Selon M. Lowe, les rédacteurs de la convention de 1982 ont pu transposer quasiment tel quel le texte de la convention de 1958 sur la mer territoriale, alors que pour la ZEE il leur a fallu élaborer de
2 CR 2017/7, p. 38, par. 10 (Parlett), renvoyant au contre-mémoire du Nicaragua (CMN), par. 2.42, et au mémoire du Costa Rica (MCR), par. 2.43, en l’affaire relative à la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après «Délimitation maritime»).
3 CR 2017/7, p. 38, par. 8 a) (Parlett).
4 CR 2017/11, p. 10, par. 4 (Lowe) ; voir également p. 50, par. 14 (Reichler).
5 Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, 17 septembre 2007, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXX, partie 1, par. 296 («L’article 15 de la Convention donne primauté à la ligne médiane comme ligne de délimitation de la mer territoriale entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font face») [traduction du Greffe].
6 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 740, par. 269 ; voir aussi p. 740, par. 267-289.
7 CR 2017/7, p. 39-40, par. 15 (Parlett), citant Documents officiels de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, vol. XII (comptes rendus analytiques des séances, séances plénières, bureau, Première et Troisième Commissions, et documents de la neuvième session), A/CONF.62/SR.126, 126e séance plénière (1980), déclarations du Venezuela, par. 137 ; voir également déclarations de l’Argentine, ibid., par. 88 ; voir aussi S. N. Nandan et S. Rosenne, United Nations Convention on the Law of the Sea 1982: A Commentary, Volume II (1985), p. 141, par. 15.10.
8 CR 2017/11, p. 10, par. 3 (Lowe).
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nouvelles dispositions et les aligner en outre sur celles qui régissent la délimitation du plateau continental9.
6. Tout comme la convention de 1958 sur la mer territoriale, la convention de 1958 sur le plateau continental prévoyait qu’en l’absence de circonstances spéciales, le plateau continental était délimité au moyen d’une ligne d’équidistance10. A la troisième conférence, les Etats ont délibérément choisi de ne pas conserver la règle «équidistance-circonstances spéciales» pour la délimitation du plateau continental, et de ne pas non plus la reprendre pour la délimitation de la ZEE ; ils ont décidé de la remplacer par une «solution équitable», à présent traduite dans les articles 74 et 8311. Si ces dispositions sont toutes identiques, comme le prétend maintenant le Nicaragua, pourquoi, s’agissant de la mer territoriale, les Etats n’ont-ils pas écarté la règle «équidistance-circonstances spéciales» au profit d’une «solution équitable», comme ils l’ont fait pour le plateau continental ?
7. Il est intéressant de relever que la Cour a statué dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (ci-après «les affaires du Plateau continental») en 1969, avant que la troisième conférence n’examine la question de la méthode à définir pour la délimitation de la ZEE et du plateau continental. Dans ces affaires, la Cour a considéré que la règle «équidistance-circonstances spéciales» énoncée à l’article 6 de la convention sur le plateau continental ne consacrait pas une règle de droit international coutumier12, concluant que la délimitation devait s’opérer selon des principes équitables et compte tenu des circonstances pertinentes13. Cette approche de la «solution équitable» a par la suite été transposée dans les articles 74 et 83, mais pas dans l’article 15. Cette différence de traitement ne saurait être écartée sans autre forme de procès comme étant une simple «divergence de présentation». Elle est délibérée. Et elle s’explique par le fait que dans la mer territoriale, ainsi que l’a relevé la Cour dans les affaires du Plateau continental, les effets de déviation produits sur la ligne d’équidistance par certaines configurations côtières sont relativement
9 CR 2017/11, p. 10-11, par. 6-8 (Lowe).
10 Convention sur le plateau continental, signée à Genève le 29 avril 1958 (entrée en vigueur le 10 juin 1964), Nations Unies, Recueil des traités, vol. 499, p. 311, article 6.
11 Voir Y. Tanaka, «Article 83» in Proelss, UNCLOS, 1e éd. (2017), p. 654-655, par. 2-3.
12 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/ Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 41, par. 69, et p. 45-46, par. 81-82.
13 Ibid., p. 53, par. 101, point C 1) du dispositif.
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faibles14 ; par conséquent, la règle «équidistance-circonstances spéciales» permet tout à fait d’obtenir une délimitation équitable dans la mer territoriale.
8. MM. Lowe et Reichler ont aussi tous deux répété que la méthode fondée sur la règle «équidistance-circonstances spéciales» était similaire à celle suivie pour la délimitation de la ZEE et du plateau continental, laissant entendre qu’en réalité l’application de l’une ou de l’autre ne changeait rien en pratique15. Or, deux raisons très pratiques expliquent leur dissimilitude : deux raisons qui ont été soulevées par le Costa Rica lors de son premier tour de plaidoiries, et dont le Nicaragua n’a pas fait le moindre cas.
a) La première raison tient au facteur expliqué par la Cour dans les affaires du Plateau continental, dont je viens de vous parler : le fait que, dans les limites de la mer territoriale, les effets de déviation produits par une formation géographique, quelle qu’elle soit, ont toutes chances d’être insignifiants. C’est pourquoi, dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) a donné à l’île de Saint-Martin plein effet aux fins de la délimitation de la mer territoriale16, et aucun effet aux fins de la délimitation de la ZEE et du plateau continental17. Il a fait observer que «l’effet accordé aux îles dans une délimitation p[ouvait] différer, selon que la délimitation concern[ait] la mer territoriale ou d’autres zones maritimes au-delà de celle-ci»18». Le raisonnement suivi par la Cour dans les affaires du Plateau continental a également guidé l’arbitrage Bangladesh/Inde, où le tribunal a refusé d’ajuster la ligne d’équidistance dans la mer territoriale pour tenir compte de la concavité formée par les côtes de trois Etats, comme le lui demandait le Bangladesh19, alors qu’il l’a ajustée au-delà en raison de cette même circonstance20. C’est, en partie, une question
14 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/ Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 37, par. 59 ; voir également p. 17, par. 8 ; et Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 318.
15 CR 2017/11, p. 12, par. 14 (Lowe) ; p. 50, par. 14 (Reichler).
16 Tribunal international du droit de la mer (ci-après «TIDM»), Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 152.
17 TIDM, Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 318-319.
18 Ibid., par. 148.
19 Tribunal constitué en vertu de l’annexe VII de la CNUDM, Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Inde), sentence, 7 juillet 2014, par. 272.
20 Ibid., par. 406-421.
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d’incidence, et le fait est que cette incidence est insignifiante à proximité du littoral, dans les limites de la mer territoriale.
b) Il convient d’apprécier l’incidence produite dans chaque contexte donné, et donc de garder à l’esprit que tout ajustement d’une ligne d’équidistance dans la mer territoriale emportera l’amputation des eaux territoriales d’un Etat au profit de la ZEE de l’autre Etat. Ainsi que l’a fait observer le TIDM dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, cela «reviendrait à accorder davantage de poids aux droits souverains et à la juridiction [d’un Etat] dans sa zone économique exclusive et sur son plateau continental qu’à la souveraineté [d’un autre Etat] sur sa mer territoriale»21. C’est là un facteur important, dont le Nicaragua ne tient aucun compte. La règle énoncée à l’article 15 consacre le fait qu’aux fins de la délimitation de la mer territoriale, en l’absence de circonstances spéciales, le tracé d’une ligne d’équidistance constitue une solution équitable qui permet aux deux Etats concernés de jouir pleinement et sur un pied d’égalité de leurs droits souverains dans les eaux territoriales. Il n’est pas question ici «d’imposer de manière dogmatique une ligne d’équidistance»22, mais seulement de dire que la méthode de l’équidistance est un moyen équitable de partager la mer territoriale.
9. Quant à la similitude entre les «circonstances spéciales» et les «circonstances pertinentes», le Nicaragua n’a pas ménagé ses efforts pour essayer de vous en convaincre vendredi, s’appuyant sur les dicta de l’arbitrage Guyana/Suriname pour montrer que «la notion de circonstances spéciales fait en général appel à des considérations d’équité»23. Cette même sentence, comme je l’ai déjà dit, a mis en avant la «primauté» du principe de l’équidistance lorsqu’il s’agit de délimiter la mer territoriale24, ce qui semble vouloir dire qu’il ne faut pas assimiler la délimitation de la mer territoriale à celle des autres espaces maritimes. Mais laissons de côté les dicta de l’arbitrage Guyana/Suriname et rappelons plutôt qu’il n’existe à ce jour que trois affaires dans lesquelles la Cour de céans ou une autre juridiction ont décidé de ne pas retenir, au vu de circonstances spéciales, la ligne d’équidistance stricte dans la mer territoriale. M. Lathrop vous ayant déjà parlé
21 TIDM, Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 169.
22 CR 2017/11, p. 13, par. 21 (Lowe).
23 CR 2017/11, p. 15-16, par. 33 (Lowe) ; voir aussi p. 16, par. 32 ; p. 11-12, par. 12 et 15 (Lowe).
24 Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, 17 septembre 2007 (RSA), vol. XXX, partie 1, par. 296.
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de ces affaires la semaine dernière25, je n’y reviendrai pas. Le nombre restreint de «circonstances spéciales» qui y entraient en jeu, comparé aux «circonstances pertinentes» dont il a fallu tenir compte dans des délimitations de ZEE et de plateau continental, semble bel et bien témoigner d’une différence dans la pratique. En outre, qu’un même élément ait pu n’être pas retenu comme «circonstance spéciale» aux fins de la délimitation de la mer territoriale mais retenu comme «circonstance pertinente» aux fins de la délimitation d’espaces maritimes plus fonctionnels confirme qu’il existe une différence.
10. Le Nicaragua s’est également appuyé sur une observation faite en 2001 par M. le président Guillaume qui, se référant à l’affaire Jan Mayen, avait rappelé la nécessité de rechercher un résultat équitable «[q]u’il s’agisse de mer territoriale, de plateau continental ou de zone de pêche»26. Cette observation très générale, de même que la décision rendue en l’affaire Jan Mayen, est antérieure à l’adoption, par la Cour, d’une méthode en trois étapes pour la délimitation de la ZEE et du plateau continental, ainsi qu’au prononcé de l’arrêt rendu en l’affaire Nicaragua c. Honduras, dans lequel la Cour a dit, faisant écho aux dispositions de la CNUDM, que les méthodes régissant la délimitation des mers territoriales se distinguaient de celles qui régissent la ZEE et le plateau continental27.
11. En ce qui concerne la primauté du principe de l’équidistance lorsqu’il s’agit de délimiter la mer territoriale, quatre autres points, brefs mais importants, méritent d’être relevés.
12. Premier point : lundi dernier, j’ai fait observer que le Nicaragua ne revendiquait pas l’ajustement de la ligne d’équidistance délimitant la mer territoriale sur la seule base des formations géographiques ayant une incidence sur cette ligne, mais parce qu’il estimait que le point terminal de celle-ci n’était pas un emplacement satisfaisant pour commencer la délimitation de la ZEE et du plateau continental28. M. Lowe a repris cet argument vendredi, précisant que, dans le cas de la mer des Caraïbes, l’ajustement de la ligne d’équidistance de la mer territoriale «permet d’obtenir une
25 CR 2017/9, p. 36-37, par. 10 (Lathrop).
26 Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1993, p. 9.
27 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 740, par. 269 ; voir aussi par. 267-289.
28 CR 2017/7, p. 38-39, par. 10 (Parlett), renvoyant au CMN, par. 2.44 et 2.49-2.50, en l’affaire relative à la Délimitation maritime.
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ligne qui peut être prolongée vers le large de manière à obtenir une délimitation équitable de la ZEE et du plateau continental, et d’assurer l’application harmonieuse des articles 15, 73 et 84 de la CNUDM»29. L’application harmonieuse est un point nouveau qui donne l’impression que le Nicaragua n’interprète pas la convention à la lumière de son objet et de son but30. Là non plus, cependant, aucune source du droit n’est citée à l’appui. Et surtout, le Nicaragua n’explique pas pourquoi cette «application harmonieuse» consisterait à ce que la Cour tienne compte du prolongement des lignes d’équidistance vers le large lors de la délimitation de la mer territoriale.
13. Deuxième point : M. Lowe vous a dit qu’il était souhaitable que la ligne de délimitation soit «rectiligne»31. Selon lui, pour procéder à la délimitation de la mer territoriale il serait préférable de «simplifier encore davantage la ligne, avec un seul point d’infléchissement au niveau de la limite des 12 milles marins»32. Il ajoute que la ligne proposée par le Nicaragua «produit des résultats qui paraissent «justes»»33. Ces observations n’ont peut-être l’air de rien, mais elles soulèvent un point important. On ne procède pas à une délimitation maritime en appréciant simplement «à vue d’oeil» une solution qui paraît «juste» au regard de critères inévitablement très subjectifs. Les méthodes convenues par les Etats dans la CNUDM et développées par la Cour dans sa jurisprudence sont des méthodes qui s’appuient sur la géographie côtière, et l’on ne saurait les méconnaître au profit de quelques rares points d’infléchissement, par exemple. La Cour a dit que, pour délimiter les frontières maritimes, elle prenait en considération «les circonstances de l’espèce», «la jurisprudence et la pratique des Etats» ainsi que la nécessité «de la cohérence et d’une certaine prévisibilité»34. Comme on pouvait s’y attendre, elle entend par là l’application d’un principe et non le fait de suivre les suggestions des conseils d’une partie, selon qui une ligne ajustée d’une certaine manière paraît meilleure ou plus «juste» qu’une ligne non ajustée.
29 CR 2017/11, p. 46, par. 18 (Lowe).
30 CR 2017/7, p. 39-40, par. 13-16 (Parlett), renvoyant au CMN, par. 2.44, en l’affaire relative à la Délimitation maritime.
31 CR 2017/11, p. 13, par. 21 (Lowe).
32 CR 2017/11, p. 17, par. 42 (Lowe).
33 CR 2017/11, p. 20, par. 59 (Lowe).
34 Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen, arrêt, C.I.J. Recueil 1993, p. 64, par. 58 ; cité dans Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, sentence, 17 septembre 2007 (RSA), vol. XXX, partie I, par. 303.
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14. Troisième point : lorsqu’il vous a parlé de la délimitation de la mer territoriale dans la mer des Caraïbes, le conseil du Nicaragua a déclaré que «nul ne conteste que l’effet d’amputation résultant d’une certaine configuration côtière peut commander l’ajustement de la ligne d’équidistance provisoire»35. La Cour constatera sans peine qu’il s’agit là d’une déclaration tout à fait générale qui ne peut nullement l’aider à statuer sur la présente affaire. Elle n’a jamais, pour délimiter la mer territoriale, renoncé au principe de la ligne d’équidistance à cause d’une prétendue amputation et il n’y a aucune raison qu’elle le fasse en l’espèce, que ce soit dans l’océan Pacifique ou dans la mer des Caraïbes.
15. Quatrième et dernier point : le Nicaragua dit qu’il n’existe pas de «différence pratique» entre la délimitation de la mer territoriale et celle de la ZEE et du plateau continental36. Il n’aura pas échappé à la Cour qu’il a adopté exactement l’approche qu’elle applique dans sa pratique en matière de délimitation, parlant tout d’abord de la délimitation de la mer territoriale (par la voix de M. Lowe) avant de passer à celle de la ZEE et du plateau continental (par celle de M. Reichler). La même approche a été utilisée dans ses écritures et présente l’intérêt d’être conforme à celle de la Cour.
C. Recours à une projection radiale pour déterminer la zone pertinente
16. Je passerai maintenant au recours à une projection radiale pour déterminer la zone pertinente. J’épargnerai à la Cour la question de la détermination des côtes pertinentes sur laquelle les Parties sont dans une large mesure d’accord, le seul point de dissentiment étant les zones côtières susceptibles d’être prises en compte en cas de recours à une projection radiale, et exclues en cas de recours à une projection frontale unidirectionnelle.
17. Lorsqu’il a exposé la position du Nicaragua sur la projection frontale, M. Oude Elferink a mis l’accent sur l’opinion émise par la Cour en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire sur le fondement des affaires du Plateau continental, à savoir que, selon un principe de base, ««la terre domine la mer» de telle manière que les projections des côtes vers le large sont
35 CR 2017/11, p. 16, par. 34 (Lowe).
36 CR 2017/11, p. 12, par. 14 (Lowe).
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sources de prétentions maritimes»37. Sans citer la moindre source du droit à l’appui, il a affirmé que l’expression «vers le large» était synonyme de projection frontale38. Or, lorsqu’elle avait énoncé, en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer du Nord, le principe que la terre domine la mer, la Cour avait relevé que «la terre est la source juridique du pouvoir qu’un Etat peut exercer dans les prolongements maritimes»39. Il s’ensuit que le principe de base rattache expressément les «prolongements maritimes» au prolongement de la juridiction de l’Etat sur les espaces maritimes. Et cette juridiction se définit non pas à l’aide d’une projection frontale, mais à l’aide d’une projection radiale40.
18. Le recours à une projection frontale méconnaîtrait en substance la réalité qui veut que les côtes se projettent radialement et le fait que les limites extérieures se mesurent radialement. Le Nicaragua convient que la zone pertinente est celle où se chevauchent les projections des deux Etats41, mais il dit ensuite que «la détermination des limites extérieures des espaces maritimes et leur délimitation bilatérale sont des questions distinctes régies par des dispositions différentes de la [CNUDM]»42. J’évoquerai brièvement deux points à cet égard.
a) Premièrement, si la CNUDM n’indique pas comment mesurer la zone pertinente, elle explique bel et bien comment doivent être mesurées les limites extérieures43. Il n’y a aucune raison convaincante de méconnaître les dispositions de la convention qui permettent de déterminer les limites de l’espace maritime auquel un Etat a droit lorsque l’on détermine celles des droits de deux Etats qui se chevauchent.
b) Deuxièmement, le Nicaragua prétend s’appuyer sur l’approche adoptée par la Cour. Or, cette approche a été appliquée le plus récemment par la Cour dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire Nicaragua c. Colombie, où elle a inclus dans la zone pertinente une projection radiale des côtes
37 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 96-97, par. 99 ; cité dans CR 2017/10, p. 25, par. 21 (Oude Elferink).
38 CR 2017/10, p. 26, par. 21 (Oude Elferink).
39 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 51, par. 96.
40 CR 2017/7, p. 45-46, par. 28-30 (Parlett) et références y figurant. Voir aussi P. Weil, The Law of Maritime Delimitation  Reflections (1989), p. 63.
41 Délimitation maritime, CMN, par. 2.15 et MCR, par. 3.3.
42 CR 2017/10, p. 26, par. 22 (Oude Elferink).
43 CNUDM, art. 4.
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des îles de San Andrés et Providencia, rejetant la position contraire du Nicaragua44. Les conseils de celui-ci ont évité d’en faire état, préférant mettre l’accent sur l’exclusion d’une portion de la côte des îles Andaman par le tribunal saisi de l’affaire Bangladesh/Inde45. Or il est difficile de concilier cette solution avec celle adoptée par la Cour en l’affaire Nicaragua c. Colombie, comme je l’ai dit la semaine dernière46. Le Nicaragua méconnaît le traitement réservé par la Cour aux îles colombiennes, mais veut en même temps s’appuyer sur la manière dont elle a traité les côtes orientales de ses îles pour prouver qu’elle a eu recours à une projection frontale47. Cela ne lui est cependant d’aucune utilité. La Cour n’a pas tenu compte des côtes orientales des îles faisant face à la côte continentale du Nicaragua ou parallèles à celle-ci. Ayant déjà retenu toute la côte continentale du Nicaragua comme côte pertinente48, elle aurait fait un double comptage si elle y avait inclus les îles. Loin de conforter la thèse de la projection frontale, cela montre tout simplement que la Cour a recouru à une approche raisonnable, dans les limites de la marge d’appréciation dont elle disposait, pour définir la côte pertinente.
19. Le lundi 3 juillet, j’ai exposé à la Cour divers scénarios hypothétiques démontrant qu’en cas de projection frontale, il ne peut y avoir de zone pertinente que si les côtes d’Etats adjacents sont concaves. Il en ressortait que la méthode de la projection frontale prônée par le Nicaragua était absurde49. M. Oude Elferink vous a dit que vous n’aviez pas à vous intéresser à ces cas hypothétiques, au motif qu’une zone pertinente pouvait être trouvée en l’espèce à l’aide de projections frontales50. Il n’a cependant pas pris la peine de répondre sur la question de principe ; or le principe est important, parce que le droit de la délimitation maritime doit être cohérent et prévisible.
44 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 679-680, par. 151.
45 CR 2017/10, p. 27-28, par. 26 (Oude Elferink).
46 CR 2017/7, p. 49, par. 36 (Parlett).
47 CR 2017/10, p. 30, par. 33 (Oude Elferink).
48 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 678, par. 145.
49 CR 2017/7, p. 46-47, par. 31-32 (Parlett), et dossier de plaidoiries du Costa Rica, onglet no 18.
50 CR 2017/10, p. 26, par. 23 (Oude Elferink).
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20. Comme le Nicaragua a martelé qu’il n’était «nullement difficile»51 de régler la situation en l’espèce par la méthode de la projection frontale qu’il prône, celle-ci mérite d’être examinée un peu plus minutieusement.
a) Vous voyez à l’écran la figure Ib-4 du Nicaragua montrant sa côte et sa zone pertinentes dans l’océan Pacifique. Sa côte pertinente est assez droite, ce qui, selon lui, engendre une projection frontale dans une configuration rectangulaire unique. Les segments côtiers que trace le Nicaragua pour définir la côte pertinente du Costa Rica ne se projettent pas dans une seule direction, trois d’entre eux s’orientant en réalité vers des directions légèrement différentes. Nous avons ajouté ces projections en bleu foncé. Si l’on recherche les zones de chevauchement, on aboutit en fait à des éléments disparates qui comprendraient, selon le Nicaragua, la zone pertinente. Ces éléments n’ont aucun rapport avec la zone réelle de chevauchement des droits des deux Etats.
b) Le même problème se pose pour le Nicaragua dans la mer des Caraïbes. Si l’on prend la conception de la zone pertinente qu’il a représentée à la figure IIc-5 et que l’on applique des projections frontales unidirectionnelles à ce qu’il considère comme des segments de la côte pertinente des deux Etats, la zone de chevauchement qui en résultera ressemblera à la zone qui s’affiche à présent à l’écran. Celle-ci n’a pas non plus de rapport avec la zone réelle de chevauchement des droits des deux Etats. C’est absurde.
21. Enfin, M. Oude Elferink a considéré que mon exposé concernant l’exclusion de segments de côte appartenant à un même Etat et qui se font face, qui font face à la côte d’un Etat tiers ou qui font complètement face à une zone opposée à la zone de chevauchement52, l’autorisait à conclure à l’opportunité de la projection frontale, au motif que «[l]e verbe «faire face» dénot[ait] une relation frontale»53. Il a dit qu’il faisait face à la Cour dans une relation frontale. Soit, mais à supposer que l’on y voie une analogie utile, force est de constater que, si M. Oude Elferink ne s’était projeté que frontalement, de la même manière dont le Nicaragua traite la zone pertinente, il n’aurait fait face qu’au seul président, et éventuellement au vice-président et à M. le juge Owada ; seule une
51 CR 2017/10, p. 26, par. 23 (Oude Elferink).
52 CR 2017/7, p. 50-51, par. 41-43 (Parlett).
53 CR 2017/10, p. 29, par. 29 (Oude Elferink).
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projection radiale lui aurait en effet permis d’embrasser du regard l’ensemble de la Cour et de voir en particulier MM. Les juges Al-Khasawneh et Simma ainsi que le greffier. Il s’agit ici de l’expression «faire face», mais il convient de relever que la détermination de la zone et de la côte pertinentes est une opération dans laquelle la Cour jouit d’une certaine «marge d’appréciation»54. Rien de surprenant à ce qu’il y ait un certain degré de discrétion et de souplesse, puisque cela concourt à la vérification de la présence d’une disproportion flagrante, à la troisième étape de la délimitation. Néanmoins, ce pouvoir discrétionnaire ne doit pas échapper à toute règle : il peut être appliqué d’une manière cohérente et prévisible, et il peut rendre compte de la réalité qui veut que les Etats recourent à des projections radiales pour déterminer les espaces maritimes auxquels ils ont droit.
D. Circonstance pertinente tirée de la concavité formée par les côtes de trois Etats
22. Enfin, je ferai quelques observations sur la circonstance pertinente tirée de la concavité formée par les côtes de trois Etats.
23. J’ai expliqué la semaine dernière que la notion d’amputation résultant de la concavité des côtes telle qu’énoncée dans les affaires du Plateau continental continuait de guider les décisions de la Cour de céans et des tribunaux internationaux. Trois éléments avaient permis de conclure dans ces affaires que la concavité commandait de procéder à un ajustement : la concavité, l’équidistance et la présence d’un Etat tiers. Ces trois éléments étaient réunis dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord, dans l’arbitrage Bangladesh/Myanmar et dans l’arbitrage Bangladesh/Inde, et leur association créait un effet d’amputation suffisamment important pour être considéré comme une circonstance pertinente au regard de l’Etat situé au fond de la concavité et commandant un ajustement de la ligne d’équidistance provisoire en faveur de celui-ci55. La «situation géographique particulière de trois Etats dont les territoires se touchent et qui sont situés sur une côte concave» qui faisait l’objet des affaires du Plateau continental de la mer du Nord a été
54 Tribunal constitué en vertu de l’annexe VII de la CNUDM, Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale (Bangladesh/Inde), sentence, 7 juillet 2014, par. 302. Voir aussi Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 747, par. 289 ; voir en outre CR 2017/7, p. 45, par. 27 (Parlett).
55 CR 2017/7, p. 53-56, par. 50-54 (Parlett).
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commentée en l’affaire de la Délimitation du plateau continental entre la France et le Royaume-Uni56.
24. M. Reichler s’élève contre l’application de ce principe par le Costa Rica dans la mer des Caraïbes, au motif que la délimitation de la frontière séparant le Costa Rica et le Panama est hypothétique57. MM. Kohen et Lathrop traiteront de la situation particulière de la mer des Caraïbes dans le courant de la matinée. Pour l’instant, je me contenterai de relever qu’en l’affaire Bangladesh/Myanmar, le TIDM n’a pas hésité à ajuster la ligne d’équidistance pour tenir compte de la concavité formée par les côtes de trois Etats invoquée par le Bangladesh, même si sa frontière avec l’Inde n’avait pas encore été délimitée à l’époque58.
25. En ce qui concerne les sources du droit relatives à l’amputation résultant de la concavité formée par les côtes de trois Etats, le Nicaragua demande à les appliquer pour opérer un ajustement sur la base de ce qu’il appelle son amputation résultant de l’empiètement de la ligne d’équidistance sur ses côtes ou de la déviation de la ligne vers celles-ci59. Il y a deux points à traiter à cet égard.
26. Premièrement, pour soutenir qu’il convenait d’ajuster la ligne d’équidistance dans la mer territoriale, M. Lowe s’est fondé sur les décisions rendues en les affaires du Plateau continental de la mer du Nord, en l’affaire Bangladesh/Myanmar et en l’affaire Bangladesh/Inde60. Or aucune de ces décisions ne constitue un précédent jurisprudentiel permettant d’ajuster la délimitation de la mer territoriale pour remédier à l’amputation subie par un Etat, puisqu’elles portaient toutes sur l’ajustement de la ligne d’équidistance dans des espaces maritimes situés au-delà. Invité à opérer un ajustement dans la mer territoriale pour cause de concavité, le tribunal saisi de l’affaire Bangladesh/Inde a rejeté cette demande61, bien qu’il y ait fait droit pour la ZEE et le plateau continental62. Comme je l’ai déjà expliqué à la lumière de la règle spéciale énoncée à l’article 15 de
56 Affaire de la Délimitation du plateau continental entre Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du nord et République française (RSA), vol. XVIII, p. 57, par. 99.
57 CR 2017/11, p. 24, par. 12 (Reichler).
58 TIDM, Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 292 et 297.
59 CR 2017/11, p. 45, par. 15 (Lowe) et p. 49, par. 11 (Reichler).
60 CR 2017/11, p. 45, par. 15 (Lowe).
61 Tribunal constitué en vertu de l’annexe VII de la CNUDM, Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime du golfe du Bengale (Bangladesh/Inde), sentence, 7 juillet 2014, par. 272.
62 Ibid., par. 406-421.
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la CNUDM, cette différenciation découle de la primauté accordée à l’équidistance pour délimiter la mer territoriale, ainsi que du fait que la concavité n’y produit pas d’effet important.
27. Deuxièmement, les précédents invoqués par le Nicaragua admettent seulement qu’un Etat enserré entre deux autres dans une situation de concavité formée par les côtes des trois Etats peut avoir droit à un ajustement, et certainement pas qu’un Etat se considérant comme amputé par une ligne d’équidistance unique tracée entre lui et un de ses voisins ou estimant que cette ligne empiète sur son territoire ait droit à un quelconque ajustement.
28. La semaine dernière, je vous ai montré les croquis figurant dans l’arrêt rendu par la Cour en les affaires du Plateau continental pour mettre en évidence les cas d’amputation commandant un ajustement63. [Projection de la figure 1-01] Un croquis similaire mais simplifié montrant la même situation est à présent à l’écran64. Ici, l’Allemagne serait l’Etat B, au fond de la concavité formée par les côtes de trois Etats, les deux lignes d’équidistance tracées entre lui et les Etats A et C engendrant une situation unique du fait qu’elles se rencontrent «à une distance relativement faible de la côte» et, de fait, ««ampute[nt]» l’Etat riverain des zones de plateau continental situées en dehors du triangle»65. [Projection de la figure 2-01] Vous voyez maintenant à l’écran le même croquis après rotation de 90 degrés66. Voilà l’amputation qui commandait de procéder à un ajustement en faveur de l’Etat B dans les affaires du Plateau continental.
29. [Projection de la figure 3-01] Et voici à présent le même croquis après suppression d’une des lignes d’équidistance67. Le Nicaragua vous dirait qu’il correspond à l’Etat B ici et qu’il est victime de l’empiètement de la ligne d’équidistance tracée entre lui et l’Etat C, le Costa Rica, sur la mer des Caraïbes. Il vous dirait qu’il est également victime d’empiètement sur l’océan Pacifique, dans une situation similaire. Or il n’y a pas ici d’amputation semblable à celle des affaires du Plateau continental. Dans le cas du Nicaragua, il n’existe pas d’Etat tiers. Il n’y a pas deux lignes
63 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, croquis figurant à la page 16 de l’arrêt ; reproduit dans le dossier de plaidoiries du Costa Rica à l’onglet no 28.
64 Reproduit dans le dossier de plaidoiries du Costa Rica à l’onglet no 175.
65 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 17, par. 8.
66 Reproduit dans le dossier de plaidoiries du Costa Rica à l’onglet no 175.
67 Ibid.
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d’équidistance qui l’amputent d’espaces situés au-delà d’un triangle ; il n’y a d’ailleurs pas de triangle du tout. Il ne s’agit pas d’un cas d’amputation. C’est la frontière équitable qui résulte de la géographie. [Projection de figure] Et c’est ce qui apparaît si l’on tient compte de la solution équitable à laquelle est parvenue la Cour en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire68, où la géographie côtière roumaine a donné lieu à une ligne de délimitation suivant la ligne d’équidistance à partir du point 2. Cette ligne s’avançait dans la mer en face de l’Ukraine, puis s’infléchissait brusquement vers le sud. Elle avait plus d’un point d’inflexion et faisait un coude marqué. Je ne me prononcerai pas sur le point de savoir si elle «paraît juste», mais c’est une ligne d’équidistance et c’était la solution équitable trouvée par une application cohérente et prévisible du droit en vigueur à la géographie côtière. Comme mes confrères vont l’expliquer, c’est là la base des délimitations revendiquées par le Costa Rica en l’espèce.
30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achèvent mes remarques. Je vous prie de bien vouloir donner la parole à M. Wordsworth qui vous parlera de la délimitation de la frontière maritime dans l’océan Pacifique.
Le PRESIDENT : Thank you. I now give the floor to Mr. Wordsworth.
M. WORDSWORTH :
DÉLIMITATION DANS L’OCÉAN PACIFIQUE
A. Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je commencerai par évoquer trois points pour resituer la position des Parties après le premier tour de plaidoiries en ce qui concerne la délimitation de la frontière maritime dans l’océan Pacifique.
2. Premièrement, comme il l’a dit dans son mémoire et l’a expliqué dans ses plaidoiries lundi dernier, le Costa Rica préconise que la délimitation dans les espaces maritimes de l’océan Pacifique dont la Cour est saisie suive la ligne d’équidistance.
68 Reproduite dans le dossier de plaidoiries du Costa Rica à l’onglet no 175.
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3. Deuxièmement, le Nicaragua a, dans une large mesure, supprimé de ses moyens l’argument selon lequel la péninsule de Nicoya serait une «protubérance côtière prononcée»69, une «[légère] déformation»70, etc., tout comme il a supprimé Nicoya des cartes figurant dans son contre-mémoire [projection de la figure n° Id-5] ; dans ses plaidoiries, il a presque entièrement fondé sa position relative à la délimitation de la ZEE et du plateau continental sur les prétendus effets produits par Santa Elena71. Il n’a pas répondu aux arguments avancés d’entrée de jeu par le Costa Rica — arguments que vous retrouverez aux pages 65 à 69 du compte rendu de l’audience de lundi dernier dans la matinée et que je ne répéterai pas —, lesquels démontrent que sa tentative tendant à ce que soit accordé demi-effet à Nicoya est contraire aux principes en la matière72. Reste donc le cas de Santa Elena [projection de la diapositive no 43 du Nicaragua], qui a été présentée à l’audience et dans de nouvelles illustrations comme étant isolée de tout ce qui l’entoure. Cela m’amène à mon troisième point.
4. Santa Elena est devenue une sorte de témoin que les conseils du Nicaragua se passent et se repassent, soutenant à tour de rôle que la présence de cette zone de 286 kilomètres carrés située sur la côte continentale du Costa Rica justifie le déplacement de la ligne d’équidistance au motif qu’elle produirait un effet de distorsion dans la mer territoriale, et qu’elle justifie un autre déplacement de cette ligne dans la ZEE et le plateau continental jusqu’à 120 milles marins.
a) Les conclusions exposées par mon éminent confrère M. Lowe au sujet de la mer territoriale étaient marquées par leur concision et ce dernier a très délibérément choisi de mettre l’accent sur Punta Blanca, située à l’extrémité nord-ouest de Santa Elena, dont il a indiqué qu’elle était orientée dans une direction différente de Santa Elena elle-même, ajoutant que «[l]e Nicaragua considère que la présence de Punta Blanca, formation relativement petite située à Santa Elena, constitue un bon exemple de l’existence d’une circonstance spéciale nécessitant l’ajustement de
69 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après, «Délimitation maritime»), CMN, par. 2.65.
70 Délimitation maritime, CMN, par. 2.67, où il est fait référence à l’affaire du Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 49, par. 89.
71 CR 2017/11, p. 47, par. 5, puis p. 48-51, par. 8-19 (Reichler).
72 CR 2017/7, p. 65-69, par. 32-43 (Wordsworth).
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la ligne stricte d’équidistance»73. Il s’ensuit que, s’il a formellement maintenu les moyens qu’il avait invoqués dans son contre-mémoire, c’est en pratique désormais sur la formation de Punta Blanca que le Nicaragua fait porter son argumentation, et nous ne pouvons que souhaiter que sa position à cet égard soit moins extrême.
b) Lorsqu’il a été question de la ZEE et du plateau continental, mon bon ami M. Reichler a, là encore, mis l’accent sur Punta Blanca, la qualifiant de «projection rattachée à une autre»74 et présentant le second point de base de Santa Elena situé à Cabo Santa Elena comme un «promontoire sis à l’extrémité occidentale de la péninsule», puis comme «l’extrémité d’une zone convexe rattachée à celle d’une autre zone convexe»75. C’est comme si le très chevronné conseil du Nicaragua souhaitait communiquer à la Cour le message suivant : «Nous savons que le Nicaragua ne peut s’attendre à ce que vous écartiez une partie importante et peuplée de la côte continentale du Costa Rica, mais peut-être pourriez-vous juste raboter un peu les petits promontoires situés à l’extrémité de Santa Elena où sont situés les points de base actuels pour permettre au Nicaragua de déplacer très légèrement la ligne d’équidistance, au moins jusqu’à la distance de 120 milles marins qui est à notre avis le niveau où les points de base de Santa Elena cessent de produire leur effet.» [Fin de la projection]
5. Eh bien, si telle est la nouvelle position du Nicaragua, exprimée sotto voce, elle doit également être rejetée. Et j’en viens maintenant aux détails de l’argumentation présentée vendredi dernier, ce qui me permettra de démontrer le bien-fondé de la prétention du Costa Rica quant à l’utilisation de l’équidistance, et ce, quelle que soit la manière dont le Nicaragua pourrait vouloir modérer les siennes.
B. Délimitation de la mer territoriale
6. Pour répondre aux arguments du Nicaragua au sujet de la mer territoriale, je formulerai quatre observations.
73 CR 2017/11, p. 44, par. 9 (Lowe).
74 CR 2017/11, p. 49, par. 12 (Reichler).
75 CR 2017/11, p. 49, par. 13 (Reichler).
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7. Premièrement, si M. Lowe a invoqué l’affaire Guyana/Suriname76, il l’a fait au sujet des positions des parties et de leurs autres déclarations concernant la géographie côtière pertinente dans cette affaire. Comme l’a expliqué Mme Parlett, le Costa Rica, quant à lui, s’attache à énoncer un point de droit, manifestement exact, selon lequel l’article 15 de la CNUDM accorde la primauté à l’équidistance77. Il incombe donc au Nicaragua d’établir l’existence de circonstances spéciales pour faire tomber cette primauté. Il ne suffit pas, à cet effet, de parler en termes généraux de la présence d’une «ligne [qui] présente un «décrochement»»78 ou, là encore en termes généraux, de cas de non-empiètement79.
8. Deuxièmement, le point essentiel des conclusions de M. Lowe  et d’ailleurs aussi de M. Reichler  est qu’il existe une déviation ou une distorsion qui «tient à la présence d’un segment relativement court de la côte Pacifique du Costa Rica où [selon les conseils du défendeur] elle s’écarte notablement de sa direction générale»80. Santa Elena vous est ainsi présentée comme une «anomalie»81. Eh bien, cela dépend de la version à laquelle on souhaite ajouter foi parmi les descriptions de la géographie côtière faites par le Nicaragua.
a) Dans le contre-mémoire [projection de la figure no Id-5], Santa Elena apparaît non pas dans un splendide isolement, mais elle est décrite comme une portion de la péninsule de Nicoya. Elle peut être vue  et c’est ainsi qu’elle est présentée  comme une partie d’une côte continentale importante orientée vers le nord et le nord-ouest qui, à Cabo Velas, s’avance d’environ 60 kilomètres dans l’océan, selon la mesure obtenue à partir de ce que le Nicaragua appelle la «ligne de base effective faisant abstraction de la péninsule de Nicoya». La portion de cette côte continentale orientée vers le nord et le nord-ouest mesure environ 150 kilomètres [projection de la figure no Id-5, avec mise en lumière]. Là encore, la position du Nicaragua concernant la direction générale ne peut tenir qu’en faisant fi de grands segments de la côte continentale du Costa Rica qui ne s’y prêteraient pas.
76 CR 2017/11, p. 44, par. 12 (Lowe).
77 Voir, par exemple, Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, sentence du 17 septembre 2007, RSA, vol. XXX, partie I, p. 93, par. 296.
78 CR 2017/11, p. 43, par. 3 (Lowe).
79 CR 2017/11, p. 45, par. 15 (Lowe).
80 CR 2017/11, p. 43, par. 5 (Lowe).
81 CR 2017/11, p. 45, par. 17 (Lowe).
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b) Ce croquis nicaraguayen représentant l’ancienne «ligne proposée»82 par le défendeur montre, de par les mentions dont il est assorti, que ce dernier, dans son contre-mémoire, considérait Santa Elena et Nicoya comme des parties d’une même formation générale. Je vous renvoie ainsi au titre du croquis, à l’évocation de la «[l]igne d’équidistance sans la péninsule de Nicoya» et à la ligne proposée en pointillés bleus portant la mention «Ligne donnant demi-effet à la péninsule de Nicoya». Cette même description est faite au paragraphe 2.60 du contre-mémoire, notamment, où le Nicaragua affirme que «[le] Costa Rica n’en a retenu que trois [trois points de base], qui se trouvent tous sur des formations  Santa Elena pour les deux premiers et Cabo Velas pour le troisième  situées aux extrémités septentrionales de la péninsule de Nicoya».
c) Or, Santa Elena est désormais décrite comme une formation tout à fait indépendante, que le Nicaragua tente en outre de présenter comme une anomalie sur des lignes côtières pour le reste parfaitement adjacentes et orientées dans la même direction. A cet égard, MM. Lowe et Reichler ont attaché une grande importance à une étude de Peter Beazley datant de 1994, dans laquelle il est indiqué ceci :
«Dans le cas de côtes adjacentes, la présence d’assez petits promontoires côtiers situés à proximité du point terminal de la frontière terrestre, ou encore de formations insulaires, peut provoquer des déviations prononcées de la ligne d’équidistance.»83 [Traduction du Greffe]
Nous ne pouvons que prendre acte des vues formulées par cet auteur il y a déjà un certain nombre d’années, mais à supposer que l’importance qui y est accordée soit justifiée, se poserait évidemment la question de savoir si, par l’expression «assez petits promontoires côtiers», M. Beazley avait à l’esprit une zone ayant une superficie d’environ 286 kilomètres carrés comme Santa Elena et une position géographique comparable à la sienne. Evidemment non. A cet égard, il est utile de se reporter à la figure à laquelle M. Beazley se référait dans le passage invoqué par les conseils du Nicaragua, à savoir sa figure no 5, qui s’affiche maintenant sur vos écrans. Eh bien, elle ne ressemble en rien à la géographie côtière sur laquelle la Cour est amenée à se pencher en l’espèce.
82 Voir CMN, par. 2.74.
83 CR 2017/11, p. 44, par. 11 (Lowe), et p. 54, par. 27 (Reichler). Peut être consulté sur le site Internet :
https://www.dur.ac.uk/ibru/publications/download/?id=225, p. 11.
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d) Le Nicaragua a déployé bien des efforts pour vous persuader du contraire, tant il est vrai que nous sommes là au coeur même de sa position sur la délimitation dans l’océan Pacifique. Il vous a ainsi montré une série de schémas sur l’effet de distorsion produit par des péninsules : celui-ci [projection de la deuxième diapositive de l’onglet no 44], puis celui-là [projection de la troisième diapositive de l’onglet no 44], et encore un autre [projection d’une autre diapositive de l’onglet no 44], comme si chacun d’entre eux pouvait être une illustration pertinente aux fins de la présente affaire ; dans le même temps, Santa Elena vous était présentée comme ceci [projection de la diapositive de l’onglet no 43], c’est-à-dire comme une projection isolée sur des côtes alignées dans l’ensemble, représentée en rouge vif comme pour signaler qu’elle constitue un dangereux péril menaçant le monde de la délimitation équitable. Tout cela est bien beau, mais si l’on regarde Santa Elena comme elle est en réalité [projection du croquis no 3.5], la zone représentée sur ce croquis s’étendant en ligne droite sur une distance d’environ 100 kilomètres à partir du point de départ dans la direction de la côte de chacune des Parties, il apparaît clairement que la Cour n’a pas affaire à la situation que M. Beazley avait à l’esprit. Si la figure no 5 de cet auteur [projection] avait quoi que ce soit à voir avec la configuration géographique de la zone à l’examen en l’espèce, on comprendrait mieux l’invocation répétée de cette étude réalisée en 1994. Mais tel n’est pas le cas.
9. J’en viens à présent à mon troisième point. M. Lowe s’est appuyé sur une série particulièrement réduite d’autres documents juridiques pour étayer la tentative du Nicaragua tendant à ce que Santa Elena soit considérée comme un petit promontoire côtier et, partant, une circonstance spéciale84.
a) Il a commencé par mentionner la manière dont les Parties, ainsi qu’un expert indépendant, avaient décrit la géographie de la ligne côtière à l’examen dans l’affaire Guyana/Suriname85, ainsi que le fait — peu surprenant — que le tribunal saisi de cette affaire ait ensuite vérifié lui-même que les formations présentées comme absentes l’étaient effectivement. Cela ne fait guère avancer les choses.
84 CR 2017/11, p. 44, par. 12 (Lowe).
85 Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, sentence du 17 septembre 2007, RSA, vol. XXX, partie I, par. 375-376.
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b) La seule autre affaire évoquée par M. Lowe est l’affaire Croatie/Slovénie, dans laquelle il nous a dit que le tribunal avait conclu à la présence d’une formation de ce type, à savoir une grande péninsule ou un grand saillant partant d’une des lignes côtières qui modifiait considérablement le tracé de la ligne d’équidistance, faisant donc effectivement dévier cette dernière. La Cour connaît sans doute bien cette affaire, ainsi que la géographie côtière radicalement différente qui y était examinée. Le tribunal saisi était soucieux de ne pas aggraver le caractère «encastré» de la Slovénie et vous pouvez le voir sur sa carte no V qui s’affiche maintenant sur vos écrans. C’est pour cette raison qu’il a corrigé l’effet du promontoire croate de Cap Savudrija. [Projection de la carte no VI du tribunal] Il convient toutefois de relever que même cette situation exceptionnelle et tout à fait différente de celle de la présente espèce n’a donné lieu qu’à un déplacement assez léger de la ligne d’équidistance, et que la Slovénie n’a pas obtenu de mer territoriale bien au sud du point T4 comme elle le voulait. Il s’ensuit que cette affaire n’étaye en rien les arguments que le Nicaragua avance aujourd’hui.
10. Quatrième point : M. Lowe est ensuite passé, en conclusion, à l’argument nicaraguayen de l’amputation. Il a dit :
«A environ 6 milles marins de la côte du Nicaragua, cette ligne [la ligne de stricte équidistance] s’infléchit pour prendre une direction qui n’est pas très loin d’être parallèle à la direction générale de ladite côte, dont elle ne s’écarte que d’une vingtaine de degrés.»
a) Projetant la figure no Id-4 du Nicaragua sur vos écrans, il a déclaré que l’empiètement était évident86. C’était presque comme si M. Lowe avait oublié qu’il parlait de la mer territoriale et que, sans que l’on sache comment, le fait d’invoquer un empiètement au-delà de 12 milles marins pouvait suffire.
b) Malheureusement pour lui, il a dû ensuite se référer à la figure no Ic-2 du Nicaragua, qui s’affiche maintenant sur vos écrans, pour montrer ce que celui-ci revendique en réalité dans la mer territoriale87. Commençons donc par rechercher la preuve que la ligne d’équidistance suit un tracé qui n’est pas très loin d’être parallèle à la côte nicaraguayenne. Cela ne saute guère aux yeux. Ce qui est notable, en revanche, c’est que la ligne revendiquée par le Nicaragua (en vert)
86 CR 2017/11, p. 45, par. 14 (Lowe).
87 CR 2017/11, par. 16 (Lowe).
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est parallèle à la côte du Costa Rica, produisant, pour le coup, une amputation tout à fait manifeste. M. Lowe a estimé que cette amputation n’avait pas d’importance car elle avait un «effet mineur et localisé résultant de l’orientation anormale de la ligne côtière de Santa Elena»88. Or, cela ne répond nullement à notre argument selon lequel ce que le Nicaragua cherche en réalité, c’est à faire primer sa prétention à une ZEE et à un plateau continental sur la mer territoriale du Costa Rica, et ce, de manière tout à fait illicite. Vous pouvez le voir sur la diapositive no 48 que j’ai projetée lundi dernier dans la matinée89. Aucune réponse n’a été donnée sur ce point. M. Lowe n’a pas davantage expliqué comment Santa Elena pouvait être désormais considérée comme une anomalie isolée, et non plus comme une partie des «extrémités septentrionales de la péninsule de Nicoya», ainsi qu’elle avait été présentée avec bien plus d’exactitude dans le contre-mémoire du Nicaragua.
C. La délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental
11. J’en viens maintenant à l’argumentation relative à la ZEE et au plateau continental avancée par M. Reichler, à partir de laquelle on vous demande en réalité de travailler à rebours pour justifier la thèse du Nicaragua concernant la mer territoriale90 — une approche erronée du droit que Mme Parlett a déjà traitée.
12. Cinq observations s’imposent à cet égard.
13. Premièrement, M. Reichler a mis l’accent sur Santa Elena par opposition à Nicoya91. Il a ainsi déclaré que «la plus grande partie du préjudice subi par le Nicaragua [était] causée par la péninsule de Santa Elena»92, et consacré l’essentiel de son intervention au prétendu effet de distorsion produit par cette dernière et à son incidence disproportionnée jusqu’à une distance de 120 milles93. La péninsule de Nicoya en tant que telle a, en revanche, largement été passée sous silence.
88 CR 2017/11, par. 17 (Lowe).
89 Voir TIDM, Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 169.
90 CR 2017/11, p. 46, par. 18 (Reichler).
91 CR 2017/11, p. 47, par. 5 (Reichler).
92 CR 2017/11, p. 51, par. 19 (Reichler).
93 CR 2017/11, p. 49, par. 10 (Reichler).
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14. Deuxièmement, à l’instar de M. Lowe, M. Reichler a fondé ses arguments sur une description inexacte du rapport entre Santa Elena et d’autres parties de la côte continentale du Costa Rica94. Comme vous vous en souviendrez sans doute, et ainsi que je viens de vous l’exposer, différentes diapositives ont été projetées sur vos écrans pour vous donner l’impression que Santa Elena est effectivement une projection isolée. De plus, en répétant maintes fois les mots «péninsule», «promontoire», «saillie», «projection» et «convexité», le Nicaragua espérait que la Cour commencerait à croire que, pour une raison ou pour une autre, cette formation devrait effectivement être traitée comme étant mineure et anormale. Tout ceci a conduit à la diapositive PR2-7 du Nicaragua, qui s’affiche maintenant à l’écran, sur laquelle M. Reichler a montré à quoi ressemblerait la ligne d’équidistance en l’absence de ce qu’il a appelé la «configuration ... particulièrement allongée» de Santa Elena95.
a) On voit ainsi sur cette diapositive, et je cite, l’«effet de distorsion produit par la péninsule de Santa Elena», à l’appui de la position de M. Reichler selon laquelle les deux points de base qui s’y trouvent «commande[raient] la ligne d’équidistance jusqu’à une distance de 120 milles marins» et auraient un «effet très exagéré» et «disproportionné»96.
b) Il convient toutefois d’examiner d’un peu plus près ce qui se passe ici. Si l’on place un point à l’endroit où la ligne d’équidistance provisoire et ce que le défendeur appelle la «ligne d’équidistance faisant abstraction de Santa Elena» divergent, l’on constate sans surprise que Santa Elena a un effet déterminant, tout comme les points de base qui se trouvent sur la côte du Nicaragua. Nous en avons ensuite placé un autre au premier point d’infléchissement de la ligne et, si l’on s’intéresse à l’effet qu’il produit sur l’équidistance, l’on s’aperçoit que ce ne sont pas seulement les points de base situés sur Santa Elena qui sont écartés, mais aussi d’autres points éventuels sur la côte septentrionale de Nicoya, ce qui est plutôt singulier.
c) Nous avons ensuite ajouté trois nouveaux points à la ligne, l’un au point d’infléchissement suivant, l’un à mi-chemin entre ces deux points et un dernier à l’extrémité de cette ligne, censée
94 CR 2017/11, p. 48 et 49, par. 8 et 9 (Reichler).
95 CR 2017/11, p. 48, par. 10 (Reichler).
96 CR 2017/11, p. 49, par. 10 (Reichler).
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représenter l’«équidistance faisant abstraction de Santa Elena». L’on commence alors à se demander ce qui se passe vraiment.
d) Deux questions se posent.
i) Premièrement, selon le Nicaragua, à quoi ressemble réellement, dans l’optique de son argumentation relative à l’effet de distorsion, une ligne d’équidistance jusqu’à une distance de 120 milles en faisant abstraction de Santa Elena — et uniquement de Santa Elena ? Peut-être le montrera-t-il à la Cour jeudi, mais le Costa Rica n’aurait alors malheureusement plus la possibilité de répondre à la version rectifiée de cette argumentation.
ii) Deuxièmement, comment cette position pourrait-elle être défendable pour le Nicaragua ? Celui-ci n’a pas répondu à l’argument du Costa Rica sur le fait qu’il est manifestement contraire à la jurisprudence et aux principes fondamentaux de chercher à attribuer un demi-effet à la péninsule de Nicoya97, si ce n’est en réaffirmant brièvement qu’il y aurait une amputation, point sur lequel je reviendrai dans un instant. Au lieu de cela, le Nicaragua a avancé cette thèse en ce qui concerne Santa Elena et son prétendu effet de distorsion jusqu’à la distance de 120 milles. Et pourtant, il ne nous a pas été précisé en quoi cette distorsion — cette prétendue distorsion — consisterait au juste. En réalité, il vous est donc toujours demandé d’écarter les 7500 kilomètres carrés de Nicoya, y compris dans la zone qui s’étend jusqu’à la distance de 120 milles, et l’on veut toujours vous faire accroire que cette péninsule devrait, d’une certaine manière, être assimilée aux îles Sorlingues98, à l’île des Serpents99, à l’île de Saint-Martin100 ou encore à Fasht al Jarim101. Le Nicaragua n’a en tout état de cause pas dit mot du caractère tout à fait déraisonnable de ces comparaisons, qu’il ne saurait décrire comme valant uniquement pour la zone
97 CR 2017/7, p. 65-69, par. 32-43 (Wordsworth).
98 Plateau continental (France/Royaume-Uni), RSA, vol. XVIII, p. 114, par. 249-251.
99 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 110, par. 149.
100 TIDM, Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, 14 mars 2012, par. 292 et 297.
101 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 114 et 115, par. 247 et 248.
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comprise entre 120 et 200 milles marins en cherchant à montrer que la distorsion jusqu’à 120 milles ne serait en réalité imputable qu’à Santa Elena.
15. J’en arrive à ma troisième observation, laquelle porte sur ce qui a été dit au sujet de l’amputation dans le seul but de vous projeter ce graphique — il s’agit de la diapositive PR2-10B du Nicaragua —, puis d’en critiquer deux autres que vous a montrés le Costa Rica.
a) Notre diapositive no 54 de lundi matin [projection] a été qualifiée de «fâcheuse manipulation», et il nous a été reproché «d’induire en erreur par la présentation d’une image visant à démontrer l’inexistence de l’amputation»102. Eh bien, cela me semble pour le moins fâcheux, puisque ce n’était pas là l’argument avancé. Ce que nous avions fait valoir, c’était que «toute délimitation maritime, quelle que [fût] la méthode employée, amput[ait] partiellement la projection d’une côte donnée», et que le «tracé d’une ligne d’équidistance [était] un moyen d’effectuer pareille amputation de manière équilibrée et équitable»103. Ce graphique visait, ainsi que je l’avais précisé lors de sa projection, à montrer qu’«une ligne d’équidistance provisoire n’empêch[ait] en aucune façon le Nicaragua d’atteindre la limite des 200 milles marins»104. Il le montre effectivement, et il est remarquable que le Nicaragua n’ait rien eu à dire au fond sur l’argument réellement avancé, qui n’était pourtant pas sans importance.
b) Notre diapositive no 51 [projection] a fait l’objet de critiques similaires ; il a été dit que les flèches devraient être tracées de manière perpendiculaire à la côte costa-ricienne afin d’en refléter fidèlement la projection vers le large105. Or, comme dans le cas de la figure précédente, la question est de savoir si l’on considère que les côtes génèrent seulement une projection frontale ou qu’elles génèrent au contraire une projection radiale. Cette observation de M. Reichler n’a donc aucune valeur et, là encore, il convient de noter que celui-ci n’a pas répondu au fond à l’argument réellement avancé, à savoir que l’on peut tracer des flèches représentant une amputation supposée jusqu’à une ligne d’équidistance — comme le Nicaragua l’a fait dans son contre-mémoire et, de nouveau, vendredi dernier106 — dans pratiquement tous
102 CR 2017/11, p. 52, par. 20 (Reichler).
103 CR 2017/7, p. 66, par. 35 (Wordsworth).
104 Voir CR 2017/7, p. 67, par. 40 (Wordsworth).
105 CR 2017/11, p. 56, par. 33 (Reichler).
106 Contre-mémoire, figure Id-3 du Nicaragua, et dossier de plaidoiries du Nicaragua, 7 juillet 2017, onglet no 48.
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les cas, puisqu’il s’agit de la nature même d’une répartition effectuée selon le principe de l’équidistance107. L’observation de M. Reichler aurait été nettement plus intéressante si celui-ci avait bien voulu traiter les croquis relatifs aux délimitations effectuées dans les affaires Roumanie c. Ukraine108 et Guyane/Suriname109 auxquelles je vous avais renvoyés et qui, si on leur appliquait le traitement préconisé par le Nicaragua, paraîtraient soudain inacceptables. Or, il n’en a rien fait.
16. Quatrième observation : M. Reichler a tenté de justifier l’incohérence du traitement réservé par le Nicaragua aux formations situées côté Caraïbes, notamment aux îles du Maïs, en affirmant que ce qui importait, c’étaient l’emplacement et le contexte géographique précis, et non la taille110. Il serait donc acceptable de donner plein effet aux îles du Maïs, qui font 12,6 kilomètres carrés, et de ne donner qu’un demi-effet à Santa Elena, dont la superficie est de 286 kilomètres carrés, au motif que cette péninsule est plus proche du point de départ, ainsi que de la ligne d’équidistance, et aurait donc, paraît-il, un effet exagéré111.
a) Mais il y a ici une méprise fondamentale. Les îles du Maïs sont de petites formations maritimes isolées au large, un peu comme Abu Musa, à laquelle il a également été fait référence vendredi dernier112. Elles relèvent donc du régime approprié prévu par le droit international. Santa Elena, en revanche, fait partie de la côte continentale, et est située, comme la péninsule de Nicoya, dans un vaste secteur du territoire côtier faisant face au nord et au nord–ouest. Le fait qu’elles soient bien plus grandes a évidemment de l’importance, tout comme leur emplacement, et ces deux facteurs contredisent les vues du Nicaragua sur ce qui est curieusement jugé inéquitable côté Pacifique, mais équitable dans les Caraïbes.
b) S’agissant des propos de M. Reichler concernant «l’effet exagéré» de Santa Elena, qui peut dire quels sont réellement les arguments avancés par le Nicaragua à cet égard ? Là aussi, peut-être le défendeur montrera-t-il jeudi à la Cour ce à quoi ressemble vraiment la ligne d’équidistance
107 Dossier de plaidoiries du Costa Rica, 3 juillet 2017, onglets nos 52 et 53.
108 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 133, croquis no 9.
109 Sentence arbitrale relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Guyana et le Suriname, sentence du 17 septembre 2007, RSA, vol. XXX, partie 1, p. 130, carte no 3.
110 CR 2017/11, p. 50-51, par. 15-17 (Reichler).
111 CR 2017/11, p. 50-51, par. 17 (Reichler).
112 CR 2017/11, p. 51, par. 18 (Reichler).
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faisant abstraction de Santa Elena seulement — et non de l’ensemble des parties gênantes de Nicoya —, et nous pourrons ainsi voir de quoi ce prétendu effet exagéré a l’air.
17. Je relèverai en passant que, dans ce contexte, M. Reichler a également cherché à s’appuyer sur le traitement qui a été réservé à l’île de Saint-Martin113. Comme on pouvait s’y attendre, le TIDM a considéré cette formation comme une île située devant la côte continentale du Myanmar. Tel n’étant pas le cas de Santa Elena, on ne voit pas bien ce que le Nicaragua pensait que cela pouvait lui apporter.
18. Enfin, je voudrais dire quelques mots au sujet des affaires et autres éléments que M. Reichler a invoqués.
19. Vous vous rappellerez qu’une grande importance a été attachée à la décision rendue dans l’affaire du Plateau continental (France/Royaume-Uni) de ne pas donner plein effet aux îles Scilly114.
a) Selon le tribunal  et cela ressort d’un examen attentif du croquis du Nicaragua que nous avons remis à l’écran [PR2-12a] , la situation géographique dans l’Atlantique mettait en présence deux côtes se trouvant dans un rapport latéral et bordant le même plateau continental, lequel s’étendait à partir de ces côtes sur une grande distance vers le large115. Le tribunal a dû ensuite s’intéresser à une caractéristique particulière, à savoir que, devant les projections pertinentes de leurs côtes continentales respectives étaient situées des îles appartenant aux deux Etats, de taille relativement modeste mais habitées, Ouessant à seulement 10 milles marins, les îles Scilly à 21 milles.
b) Le tribunal a tenu compte de ce que l’extrémité occidentale de la côte continentale anglaise se projetait déjà elle-même plus avant dans l’Atlantique. Dès lors, il n’est guère surprenant qu’il ait considéré que, compte tenu du fait «qu’à d’autres égards les deux Etats bordent le même plateau continental avec des côtes qui ne sont pas très différentes quant à leur étendue et qui sont d’une manière générale semblables quant à leur rapport avec ce plateau continental», les
113 CR 2017/11, p. 51, par. 18 (Reichler).
114 Plateau continental (France/Royaume-Uni), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, p. 114, par. 249-251.
115 Ibid., p. 114, par. 241.
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îles Scilly ne devaient pas se voir accorder plein effet116. En l’occurrence, le tribunal a fini par donner demi-effet aux îles Scilly, se fondant notamment sur le fait que la distance qui, en raison de la présence desdites îles, prolonge le littoral de la masse terrestre du Royaume-Uni à l’ouest vers le plateau continental de l’Atlantique était près de deux fois la distance qui, du fait d’Ouessant, prolonge vers l’ouest le littoral de la masse terrestre française117.
c) Mais rien de tout cela n’a d’intérêt autre qu’académique, sauf pour constater que la masse terrestre anglaise n’a aucunement été méconnue. Or, il n’y a pas, en la présente espèce, d’îles concurrentes, dont l’une aurait un effet inéquitable essentiellement parce qu’elle se trouve être deux fois plus éloignée en mer.
d) M. Reichler a tenté de s’appuyer sur le fait que l’arbitrage du plateau continental avait été cité en l’affaire Qatar c. Bahreïn118. Il a dit ceci : «Pour reprendre [l]es termes [de la Cour], ce qu’il convient d’éviter, c’est une situation dans laquelle «un saillant de la côte ..., s’il lui était reconnu un plein effet, «[ferait] dévier la limite et produir[ait] des effets disproportionnés»». Si l’on veut. Mais la Cour était en réalité en train de décrire «Fasht al Jarim … comme un saillant de la côte de Bahreïn s’avançant loin dans le Golfe, … qui, s’il lui était reconnu un plein effet, «[ferait] dévier la limite et produir[ait] des effets disproportionnés»», et elle a ajouté qu’«une telle déviation, due à une formation maritime située très au large et dont, au plus, une partie infime serait découverte à marée haute, n’aboutirait pas à une solution équitable»119. M. Reichler a conclu la partie de son exposé portant sur cette affaire en affirmant : «Tel est le cas en l’espèce.»120 Or, au vu du raisonnement de la Cour dans son intégralité, c’est clairement faux. Selon le Costa Rica, il est évidemment important d’examiner ce que la Cour ou d’autres juridictions ont dit en se référant à la configuration géographique particulière qu’elles analysaient.
116 Plateau continental (France/Royaume-Uni), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XVIII, p. 114, par. 244.
117 Ibid., par. 251.
118 CR 2017/11, p. 53, par. 25 (Reichler).
119 Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 14-115, par. 247-248.
120 CR 2017/11, p. 53, par. 25 (Reichler).
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20. M. Reichler a ensuite fait référence à l’ouvrage de Prosper Weil datant de 1988, dans lequel il est indiqué que «le juge s’attachera à vérifier si un accident géographique mineur, excentrique par rapport à la configuration générale de la côte, n’a pas pour effet d’imprimer à la ligne d’équidistance … une déviation hors de proportion»121. Eh bien, on se demande où se trouve ici l’«accident géographique mineur, excentrique par rapport à la configuration générale de la côte» ? Il ne s’agit pas de Santa Elena, ni de la péninsule de Nicoya. En tout état de cause, qu’avait à l’esprit M. Weil ? Il a précisé que «ce n’est pas tout accident géographique qui sera[it] pris en compte pour corriger la ligne d’équidistance de départ, mais seulement celui qui constitue une particularité spéciale, inhabituelle, non essentielle, non significative». Or, ni Santa Elena ni la péninsule de Nicoya n’ont ces caractéristiques. M. Weil s’est ensuite intéressé à la question de savoir quel type de distorsion devrait être corrigé au motif qu’elle entraîne une iniquité, précisant que le modeste objectif consistait à «gommer les iniquités les plus criantes, les plus manifestes»122. Là encore, rien de tout cela n’étaye la thèse du Nicaragua.
21. M. Reichler a également mentionné l’extrait de l’étude publiée en 1994 par M. Beazley qu’avait invoqué M. Lowe. Mais j’ai déjà examiné ce point.
22. Enfin, M. Reichler s’est intéressé à la récente sentence rendue dans l’affaire Croatie c. Slovénie, en ne citant cependant que des passages portant exclusivement sur la mer territoriale. Curieusement, il a estimé que les conclusions énoncées par le tribunal au sujet de la configuration très particulière qui lui était soumise et de la nécessité de ne pas exagérer le caractère encastré de la mer territoriale de la Slovénie, constituaient «précisément … la solution préconisée par le Nicaragua»123. Apparemment, si un tribunal conclut qu’il n’y a pas lieu de donner plein effet à un certain cap en Croatie en ce qui concerne la mer territoriale, et ce, pour ne pas amplifier un effet d’enfermement exceptionnel dans une enclave déjà bien encombrée au nord de la mer Adriatique, cela fournit «précisément la solution» aux irrégularités que constitueraient Santa Elena et Nicoya aux fins de la délimitation de la ZEE et du plateau continental dans les grands espaces du Pacifique. Eh bien, ce n’est pas ainsi que nous voyons les choses. Et il est frappant que M. Lowe, qui connaît
121 CR 2017/11, p. 53, par. 26 (Reichler).
122 Prosper Weil, Perspectives du droit de la délimitation maritime (1988), p. 241.
123 CR 2017/11, p. 54, par. 28 et suiv. (Reichler).
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plutôt bien la sentence en question, et qui n’a pas pour habitude d’avancer des arguments peu convaincants, n’ait pas été plus inspiré.
23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je formulerai une brève remarque en guise de conclusion. Le Costa Rica demande l’équidistance, et rien de plus, car c’est selon lui ce qui résulte de l’application des principes pertinents à la configuration géographique des côtes en l’espèce. Son argumentation est raisonnable et modérée. Le Nicaragua, quant à lui, a décidé d’opter pour une approche différente et peut-être, pourrait-on dire, un peu plus traditionnelle, consistant à avancer une position extrême, apparemment dans l’espoir que la Cour en vienne à se prononcer pour une solution intermédiaire — même si le juste milieu, reste, en l’occurrence à définir. Le Costa Rica estime toutefois que les temps ont changé et qu’une telle approche sous-estime la rigueur avec laquelle la Cour s’attelle à toute opération de délimitation qui lui est confiée. C’est pourquoi les prétentions du Nicaragua dans l’océan Pacifique devraient être catégoriquement rejetées, et ce, quels que soient les nouveaux efforts de présentation et déclarations sotto voce ou autres que vous pourriez entendre jeudi.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre attention et vous prie de bien vouloir donner la parole à M. Kohen, qui va continuer d’exposer la réponse du Costa Rica, en commençant par les questions relatives à la frontière terrestre qui demeurent en suspens. A moins, bien sûr, Monsieur le président, que vous ne préfériez faire une pause dès à présent.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Wordsworth. Je vais maintenant donner la parole à M. Kohen pour sa plaidoirie. M. Kohen, vous avez la parole.
Mr. KOHEN:
WHAT THE CASE CONCERNING ISLA PORTILLOS IS REALLY ABOUT
A. Introduction
1. Mr. President, Members of the Court, if further proof were needed of Nicaragua’s determination to reopen a case which you have already settled, our opponents certainly provided plenty of it in the first round. To justify repeating their claim to the beach of Isla Portillos, they
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rolled out the same arguments with which you must be so familiar by now. But unlike at the theatre, encores have no place in the Great Hall of Justice of the Peace Palace.
2. This feeling of déjà vu is heightened by the fact that, just as happened in the case decided in 2015, Nicaragua is once again changing its position during the proceedings. Its Counter-Memorial of 18 April 2017 stated that the boundary ran along a channel connecting the river to the lagoon. This pleading was even drafted after the Parties had accompanied the experts on their site visit. Since this channel does not exist, the Respondent has fallen back on other arguments. The idea now is that the channel “has not completely disappeared” and that the boundary should more or less follow what was supposedly the southern bank of the former channel124.
3. The fact is that the channel has gradually disappeared completely, as a result of natural forces. For our present purposes, a channel is a waterway connecting two places. I will not be drawn into discussing whether or not the small lagoons on the beach are the remnants of a channel. We made the experts aware that in our view these lagoons are not the remnants of Alexander’s “first channel met”. In their observations on our comments, the experts did not discuss this view, unlike other points raised in our comments125. Whether or not these lagoons are the remnants of a channel, they are no longer a channel connecting the San Juan to Los Portillos Lagoon. There is nothing in the applicable law which would allow them to be attributed to Nicaragua.
4. The weakness of this new argument that the land boundary should follow the former channel is demonstrated by the fact that it was put together at the last minute. If it were true that alleged sovereignty over the beach  which Nicaragua is claiming for the second time before this Court  does not depend on the existence of the channel connecting the lagoon to the river, why did it suddenly come up with this argument barely three months ago? The answer is obvious: because Nicaragua knows that the only real possibility of invoking its sovereignty under the existing boundary régime is if there is a waterway that pushes Costa Rica over to its right bank.
124 CR 2017/10, p. 17, para. 27 (Argüello); CR 2017/12, p. 31, para. 53 (Martin).
125 Costa Rica’s written observations on the experts’ report, concerning paragraph 106; experts’ response to Costa Rica’s written observations, comment 4 concerning paragraph 106.
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5.This new argument for what is, in essence, a “dry” boundary flouts the letter and spirit of the boundary régime developed on the basis of the 1858 Treaty. The régime is clear and includes two fundamental points: first, everything that lies right of the river from its mouth to a point three miles from Castillo Viejo is Costa Rican. Second, a channel connecting Los Portillos Lagoon to the mouth of the river must be navigable for the boundary to follow its right bank. You have already declared these to be two fundamental points of the régime in your 2015 Judgment, so there is no need for me to go over them again126.
6. Now that it is becoming clear that Nicaragua’s position based on a channel connecting the river and the lagoon is untenable, Nicaragua has come up with the idea that the “area” of Los Portillos Lagoon was an important part of the “river system” and that it should consequently be Nicaraguan127. I do hope that this reference to an area is not a fresh attempt to claim the whole of the northern part of Isla Portillos. The lagoon used to be where the river flowed into the sea. No one today disputes that that is no longer the case. [Slide 1] Moreover, we need only compare the brown of the San Juan, as a river carrying a lot of sediment, with the green of Los Portillos Lagoon to see that these two bodies of water are separate and distinct today. The satellite photograph you can see on screen speaks for itself on this point, so no further comment is needed. [End of slide 1] There is no justification for claiming, as the Respondent does today, that there is a “dry” connection between them, in other words purely a land-based one, establishing sovereignty. Nicaragua’s past attempts to establish a connection artificially, by means of watercourses, were defeated by your binding decisions in the case concerning Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area.
7. I would like to point out a contradiction in Nicaragua’s arguments concerning the disappearance of watercourses and the impact on the boundary issues. I am referring to the statements made by Nicaragua’s Agent about the Bay of San Juan del Norte. Ambassador Argüello considered that this bay had disappeared and referred to the Counter-Memorial in the case
126 Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua) and Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Judgment, I C.J. Reports 2015 (II), p. 700, para. 76.
127 CR 2017/10, p. 17, para. 29 (Argüello).
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concerning Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area128. In that case, Nicaragua sought, by means of a counter-claim, to claim exclusive sovereignty over the Bay of San Juan del Norte, contrary to Article IV of the 1858 Treaty, according to which that bay and Salinas Bay “shall be common to both Republics”. In order to justify its claim for exclusive sovereignty, Nicaragua said this: “the former Bay of San Juan del Norte lying west of the boundary between the two Parties has disappeared and, hence, Costa Rica’s claims over that area have been extinguished”129. [Slide 2: INETER 2011 map] I would point out that, unlike the channel connecting the river to Los Portillos Lagoon, the Bay of San Juan del Norte has not disappeared. You can see on the screen the official INETER map of 2011 showing Nicaragua’s boundary claim along the caño constructed shortly beforehand130. [Zoom in on the Bay of San Juan del Norte] We can clearly see that the Bay of San Juan del Norte still exists  even for Nicaragua  though of course no longer where it was in 1858. The many satellite images in the file also show this area of water. [End of slide 2]
8. Let us put to one side the incorrect statement about the disappearance of the Bay of San Juan del Norte, and concentrate on the legal arguments. If, as Nicaragua claims, “the Bay of San Juan del Norte has disappeared and, hence, Costa Rica’s claims have been extinguished”, Nicaragua should also acknowledge that the “first channel met” or any channel connecting the San Juan to the lagoon has also “disappeared and [that] [Nicaragua’s] claims have been extinguished”. It would appear that the legal perception of the impact of the disappearance of areas of water varies for Nicaragua depending on whether or not it helps to extend its sovereignty.
9. Members of the Court, I will not try your patience with maps. Leaving aside the limited value ascribed to maps in your jurisprudence131, those presented by Nicaragua do not justify its present claim: as well as being out of date, none of the maps  not one of them  shows the “sand spit separating Isla Portillos from the Caribbean Sea” (to use the Respondent’s euphemism to refer
128 CR 2017/10, p. 19, para. 33 (Argüello).
129 Certain Activities, CMN, para. 9.34.
130 Certain Activities, MCR, Vol. 5, Ann. 196.
131 Frontier Dispute (Burkina Faso v. Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 582, para. 54; Kasikili/Sedudu Island (Botswana v. Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1098, para. 84; Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia v. Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 667, para. 88.
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to the beach)132 as forming a unit with the mainland and being attributed to Nicaragua. Still less do they show any line constituting a land boundary in the strict sense, in other words on “dry land”, as opposed to a river or lake boundary, on the bank, as established by the 1858 Treaty in this area.
10. I will also not spend long on the protracted and tricky exercise undertaken by Mr. Martin in trying to show that the beach of Isla Portillos is made up of territories that previously belonged to Nicaragua133. This is, in actual fact, the same argument that Ambassador Argüello put forward unsuccessfully in 2015 to justify Nicaragua’s alleged sovereignty over the northern part of Isla Portillos134. As well as being wholly questionable from a factual standpoint, this line of argument is also incorrect and legally dangerous. Incorrect, because it does not take account of the physical changes that have occurred on the ground and the fact that the boundary follows these changes, as both Parties have endlessly repeated before the Court. But it is also dangerous, because it is tantamount to inviting one side or the other to analyse whether each patch of land that is now on one side of the river or the other was, in the past, Costa Rican or Nicaraguan. For instance, although the Bay of San Juan del Norte is now completely surrounded by Nicaraguan territory, that was not the case when the 1858 Treaty was concluded, when one part of the bay was bordered by Costa Rican territory. If we went along with Nicaragua’s interpretation, it would pave the way for endless conflicts and would annihilate the principle of the stability of boundaries, which also applies to boundaries prone to physical change.
11. Mr. President, in accordance with your instructions last Friday, I will examine just two points. The first relates to Nicaragua’s difficulties with the reading of paragraph 69 of your 2015 Judgment. The second, which follows on from the first, concerns our submissions on the undermining of the principle of res judicata by Nicaragua.
Mr. President, I think this would be a suitable point for a break, if you agree.
The PRESIDENT: You may continue, Mr. Kohen.
132 CR 2017/12, p. 13, para. 11 (Samson).
133 CR 2017/12, p. 28, para. 40, and pp. 31-32, paras. 54-59 (Martin).
134 CR 2015/15, p. 15, para. 26, p. 16, para. 31 (a), and pp. 23-24, para. 60, point 3 (Argüello); MCR, p. 25, para. 2.26.
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B. Nicaragua’s difficulties with the reading of paragraph 69 of the 2015 Judgment
12. Thank you, Mr. President. I will begin with paragraph 69. Nicaragua claims that the Court’s definition of the disputed territory is “incomplete”. In reaching that conclusion, Mr. Samson stated that it had not specified the limits of the geographical features referred to, that is: the right bank of the disputed caño, the right bank of the river up to its mouth, and Harbor Head/Los Portillos Lagoon135. The Court’s Orders and Judgment themselves talk about “the definition of the ‘disputed territory’”. As the Court maintained in the case concerning Libya v. Chad, “[t]o ‘define’ a territory is to define its frontiers”136. If we are to believe Mr. Samson, any definition of a territory which does not specify the precise course or location of the geographical features mentioned is incomplete. This is a dangerous way of interpreting things and is again problematic as regards the principle of stable and definitive boundaries. You referred to three geographical features; wherever they run or are connected is where the territory is defined. This is surely not difficult to grasp.
13. I will move on now to what is a fundamental and insoluble problem for Nicaragua. It cannot explain why it was found to have violated Costa Rica’s territorial sovereignty by positioning a military camp on the beach of Isla Portillos. [Slide 3] I quote Mr. Samson:
“Costa Rica also makes much of the Nicaraguan military camp mentioned in the last sentence of paragraph 69. The Court did indeed consider this camp to be situated on the disputed territory. Does this mean that the entire sand spit is also on that territory? Certainly not! Paragraph 69 says no such thing. It refers to the military camp, but not the sand spit”137.
14. Let us pause for a second to consider this unusual reading of the Judgment. Nicaragua cannot deny  in fact, it has no choice but to accept  that a Nicaraguan military encampment “located on the beach and close to the line of vegetation”, near one of the caños dredged in 2013, was situated “in the disputed territory as defined by the Court in its Order of 8 March 2011”138. According to Nicaragua, that does not mean that “the entire sand spit”  in other words, what the
135 CR 2017/12, p. 17, para. 28 (Samson).
136 Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahirya v. Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 26, para. 52.
137 CR 2017/12, pp. 17-18, para. 30 (Samson).
138 Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua) and Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Judgment, I C.J. Reports 2015 (II), p. 696, para. 69.
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Court refers to as “the beach”  was also located there. This is rather strange reasoning, Mr. President.
15. Apparently, if we are to believe Mr. Samson, for somewhat obscure reasons, only the few square metres of the beach where the military camp was located formed part of the disputed territory, but not the rest of the beach. Where is the logic in this reasoning? Paragraph 70 does not provide an explanation: it makes no distinction, quite simply because paragraph 70 did not exclude the beach from the disputed territory, as we explained last week139. “The beach . . . close to the line of vegetation” is what is stated in the Order of 22 November 2013 and the Judgment of 16 December 2015. Is there supposed to be a difference between the section of the beach on which the military camp was situated in 2013 and the rest of “the beach . . . close to the line of vegetation” of Isla Portillos? There is nothing to indicate this and there is no reason to make any such distinction. [End of slide 3]
16. It is useful to consider in a little more detail the position of this military encampment, as the Court called it in its decisions, and which Nicaragua is now calling an “observation post”140. [Slide 4] Members of the Court, this camp was positioned close to one of the lagoons that existed in the area. You can see it on the screen in the satellite image of 5 October 2013141. Mr. President, the Court did not make any distinction according to whether or not there were lagoons present in order to rule that “the beach”, “close to the line of vegetation”, formed part of the disputed territory. And that it therefore belongs to Costa Rica. [End of slide 4]
C. Nicaragua’s claim is contrary to the principle of res judicata
17. [Slide 5] Mr. Samson showed you a satellite image from 17 January 2017 in which Nicaragua depicts in pink what it thinks is “the disputed zone”142. Here it is again on the screen. [End of slide 5] [Slide 6] Let me show you once again the photo of the military camp in its position on 5 September 2013, which the Court considered to be a violation of Costa Rica’s territorial sovereignty. [End slide 6] [Slide 7] Now, let us place this military camp as it was in
139 CR 2017/8, pp. 16-18, paras. 21-27 (Kohen).
140 CR 2017/10, p. 20, para. 39 (Argüello); CR 2017/12, p. 11, paras. 7-8 (Samson).
141 Certain Activities, Request for new provisional measures, tab 2 in your folders (16 October 2013).
142 Nicaragua, tab 4 in your folders (6 July 2017).
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September 2013 on the satellite image used by Nicaragua to present its current claim. [Zoom] We can see the eastern caño from 2013 has dried out, we can see the lagoon at the end of this caño, and we can see that the position of the military camp is in the territory which Nicaragua is now asking the Court to say is Nicaraguan. In other words, Nicaragua is now asking the Court to adopt a position which flagrantly contradicts what was decided in 2015. [End of slide 7]
18. According to the Respondent, the Court was apparently mistaken in finding that it had violated Costa Rica’s territorial sovereignty by installing the military camp on the beach of Isla Portillos. But you were not mistaken, Members of the Court. Of course, I would not want you to think that I am making a clumsy attempt at flattery. I am not saying that the Court is infallible. I will simply repeat what Judge Robert H. Jackson said when he was a Member of the Supreme Court in the United States: “We are not final because we are infallible, but we are infallible only because we are final”143. What is final, Members of the Court, is final and must not be reopened, otherwise we risk transforming international justice into a never-ending cycle of perpetual disputes. Res judicata pro veritate habetur144.
19. Nicaragua’s position is unacceptable in more than one respect. Not just because Costa Rica is entitled to expect the Court’s Judgment to be complied with and applied, but also because it undermines your authority, Members of the Court. The “sanctity” of res judicata, as it was termed in the famous arbitral award in the Trail Smelter case145, extends beyond even the Parties and the Court. It concerns the very foundations of international law and the peaceful settlement of disputes. A dispute must have an end. It is not possible to go on and on arguing against a binding decision that is not open to appeal. What is at stake is the very concept of international justice and the security and stability of international relations.
D. The task of the Court
20. In the present case, therefore, the question is not to whom the beach of Isla Portillos belongs: the Court decided that it is Costa Rican. Your task in this case is to determine the 143 Brown v. Allen, 344 U.S. 443, 540.
144 Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 93, para. 120.
145 Trail Smelter case, Award of 11 March 1941, Reports of International Arbitral Awards (RIAA), Vol. III, p. 1950.
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boundary in the region, taking account of the fact that the beach of Isla Portillos is Costa Rican. There is one point on which Mr. Samson is right. He said that “[t]he [2015] Judgment gives neither the location of the river mouth, nor the limits of the lagoon and its sandbar”146. What we are asking the Court to establish are the points marking the limits of the sandbar which encloses or semi-encloses Los Portillos Lagoon. This is how the boundary in the region should be established. Apart from this enclave, the territory on the right bank of the San Juan River is Costa Rican. That was already clearly established in the 1858 Treaty, as interpreted by the Cleveland and Alexander Awards and by your 2015 Judgment. [Slide 8]
21. The Court’s experts gave you precise information about the two extremities of the beach: the mouth of the San Juan River and the most north-westerly point of the Los Portillos Lagoon, recognized as a Nicaraguan enclave  or exclave if Mr. Martin prefers  in Costa Rican territory. The same applies to the point at the other end of the lagoon, separating it from the rest of the Costa Rican territory. These are points A, B and C which you can see on the screen. There is no need for the Court to define point A: whatever the position of the river mouth, the whole of the right bank from its source is Costa Rican.
22. Nicaragua maintains that the existence of these three boundary points is contrary to the existing boundary régime, which only provided for one single starting-point147. The 1858 Treaty, the Cleveland and Alexander Awards and the 2015 Judgment undoubtedly defined a single starting-point for the boundary. It is still at the mouth of the San Juan River. If there are now three boundary points in the region, it is because of the natural changes that have occurred, which have led to the enclavement of Los Portillos Lagoon. The other two points in question here mark the start and end of this enclave or exclave, connected by the outline of the lagoon.
23. I will not dwell on Mr. Martin’s considerations concerning the alleged “unreasonableness” and “absurdity” of this situation. It is not Costa Rica’s fault if Los Portillos Lagoon, now enclaved, is no longer where the San Juan enters the sea and is no longer connected to the river. We are simply taking the geographical situation as it stands and applying to that situation the boundary régime which is binding on the Parties. Counsel for Nicaragua talks about the
146 CR 2017/12, pp. 18-19, para. 33 (Samson).
147 CR 2017/10, pp. 61-65, paras. 44-56 (Argüello); CR 2017/12, p. 22, para. 6, and p. 24, para. 16 (Martin).
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practical and administrative difficulties and the “complications” of this boundary148. Perhaps he might ask what it would mean, in terms of what is “reasonable” and possible tensions, if a “dry” boundary were introduced along the line of the vegetation, as he proposes, connecting the existing lagoons by an invisible line separating the two States.
24. Mr. Martin also gave us yet another long and tortuous interpretation of the First Alexander Award, claiming that even if the lagoon is no longer connected to the San Juan, it does not really matter; the beach of Isla Portillos has to be Nicaraguan149. For the umpteenth time, the opposing Party obstinately forgets that the lagoon and the river mouth used to be a unit and that Alexander’s aim was to give Costa Rica an uninterrupted outlet to the sea. Members of the Court, Mr. Martin asks you to review your 2015 Judgment and to change your minds about your interpretation of the 1858 Treaty and the Cleveland and Alexander Awards150. I will not be going back over this point either. [End of slide 8]
25. Nicaragua does not dispute the position of the three points I mentioned [slide 9], as the graphic of the alleged disputed area presented on Friday shows151. It is claiming all the territory from point A to point C, undermining the principle of res judicata in respect of the beach between A and B, as we have already explained. Costa Rica asks the Court to give a verbal description of points B and C, as Mr. Wordsworth explained last week. We would respectfully refer you to his explanation152. [End slide 9]
Submissions
26. In conclusion, Members of the Court, if the principle of res judicata is to be respected, Nicaragua’s claim in the present case must be declared inadmissible. Following paragraph 70 of the 2015 Judgment, Costa Rica requests the Court to define the boundary in this area, which has witnessed a number of unlawful actions by Nicaragua, in the hope that Nicaragua will once and for
148 CR 2017/12, p. 24, para. 17, p. 25, paras. 23-25 (Martin).
149 CR 2017/12, pp. 28-30, paras. 41-48 (Martin).
150 Cf. CR 2017/12, p. 30, paras. 48-50 (Martin) and Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua) and Construction of a Road in Costa Rica along the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), Judgment, I.C.J. Reports 2015, I.C.J. Reports 2015, p. 700, para. 76.
151 Nicaragua, judges’ folder, 7 July 2017, tab 4.
152 CR 2017/8, p. 29, para. 31 (Wordsworth).
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all comply with the boundary arising from the 1858 Treaty, which forms the cornerstone of relations between the two countries.
27. Members of the Court, thank you for your attention. Mr. President, this time I will ask you  probably after the break  to give the floor to Ambassador Sergio Ugalde.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Kohen. This is the moment for a 15-minute break. The hearing is suspended.
The Court adjourned from 11.35 to 11.50.
The PRESIDENT: Please be seated. I now give the floor to H.E. Mr. Sergio Ugalde. Your Excellency, you have the floor.
M. UGALDE :
L’ORIGINE DU PRÉSENT DIFFÉREND ET LA VIOLATION DE LA SOUVERAINETÉ TERRITORIALE DU COSTA RICA
A. Introduction
1. Merci, Monsieur le président. Mesdames et Messieurs de la Cour, il m’incombe aujourd’hui de répondre aux arguments avancés par le Nicaragua lors du premier tour des plaidoiries au sujet de l’origine du différend relatif à la Frontière terrestre et de la violation de la souveraineté territoriale du Costa Rica. Je répondrai tout d’abord à ce qu’a déclaré l’agent du Nicaragua quant à la soumission à la Cour du présent différend, et je traiterai ensuite de l’installation par le Nicaragua d’un campement militaire sur la plage d’Isla Portillos.
2. Si vous le permettez, je vais pour commencer m’intéresser à un graphique que vous a présenté jeudi M. Argüello, et qui figure sous l’onglet no 42 du dossier de plaidoiries du Nicaragua ; ce graphique est supposé montrer que le Costa Rica revendique maintenant une ligne de délimitation territoriale qui est celle qu’il avait initialement proposée au général Alexander en 1897153. Il est assez surprenant que le distingué ambassadeur, malgré toute son expérience, ait présenté cette image, vu qu’il est évident qu’il n’existe aucun rapport direct entre ce qui était
153 CR 2017/10, p. 68, par. 72 (Argüello).
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revendiqué en 1897 et ce que la Cour, par son arrêt de 2015, a dit être un territoire appartenant au Costa Rica. Il est manifeste que le Costa Rica ne revendique pas la ligne de 1897.
B. L’origine du présent différend
3. M. Argüello s’en est pris aux raisons qui ont conduit le Costa Rica, le 16 janvier 2017, à déposer la requête introductive d’instance marquant le début de l’affaire relative à la Frontière terrestre. Or, suivant pour contester ces raisons une démarche qui peut paraître étrange, il a invoqué une rencontre des deux agents et du président de la Cour remontant au 28 janvier 2016154.
4. Dès janvier 2016, le Costa Rica s’était rendu compte que les observations formulées par la Cour au paragraphe 70 de son arrêt de 2015 en l’affaire relative à Certaines activités semblaient laisser certaines questions en suspens. En effet, après avoir dit que le «territoire litigieux» appartenait au Costa Rica, la Cour notait dans son arrêt que les Parties ne lui avaient «ni l’une ni l’autre demandé ... de préciser le tracé de la frontière par rapport à la côte» (entendant par-là la côte caraïbe) et qu’elle «s’abstien[drait] donc de le faire155. Le Costa Rica craignait que le statut du banc de sable séparant la lagune de Los Portillos/Harbor Head de la mer des Caraïbes restant indéterminé, la Cour ne puisse pas procéder à une délimitation maritime complète du côté caraïbe.
5. Le Costa Rica souhaitait  et souhaite toujours  que soient réglées toutes les questions en litige l’opposant au Nicaragua devant la Cour. Par souci d’économie de procédure, il a estimé qu’il fallait permettre à la Cour de vider ces questions non résolues dans le cadre de l’affaire relative à la Délimitation maritime. C’est pourquoi, le 28 janvier 2016, il a proposé au Nicaragua de s’entendre avec lui pour que les questions que le paragraphe 70 de l’arrêt de 2015 avait laissées en suspens soient réglées dans le cadre de ladite affaire ; il l’a fait lors de la rencontre avec le président de la Cour, qui a eu lieu en présence du greffier, de fonctionnaires du Greffe et de délégués des deux pays. Le Nicaragua était opposé à cette proposition, et c’est de son fait qu’elle a été rejetée. Elle n’a donc nullement été écartée par la Cour, comme M. Argüello l’a affirmé à tort156.
154 CR 2017/10, p. 11, par. 7 (Argüello).
155 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 697, par. 70.
156 CR 2017/10, p. 11, par. 7 (Argüello).
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6. Moins de dix mois après que cette question eut été abordée lors de la rencontre avec le président de la Cour, le Costa Rica a découvert que le Nicaragua avait déplacé son campement militaire157, précédemment établi sur le banc de sable séparant la lagune d’Isla Portillos/Harbor Head de la mer des Caraïbes, pour l’installer sur la plage d’Isla Portillos. Il s’agissait-là d’une action militaire, délibérément ordonnée par le Nicaragua alors qu’il savait que les questions concernant cette zone allaient être examinées par la Cour dans le cadre de l’affaire relative à la Délimitation maritime.
7. S’il voit, comme il ressort de ses propos, un inconvénient à l’introduction devant la Cour de la présente instance, le Nicaragua ne peut s’en prendre qu’à lui-même. En effet, les questions soulevées par la Cour au paragraphe 70 de son arrêt de 2015 auraient fort bien pu être réglées dans le cadre de l’affaire relative à la Délimitation maritime si le Nicaragua y avait consenti. Au lieu de cela, il a décidé une action militaire consistant à déplacer un campement pour l’établir sur un territoire qu’il a ensuite, en novembre 2016, déclaré lui appartenir.
8. Je note au passage que la date critique à retenir pour déterminer quand le présent différend a pris naissance est celle de la réponse du Nicaragua à la lettre de protestation du Costa Rica158, soit le 17 novembre 2016159. C’est à ce moment que s’est cristallisé le différend concernant la plage d’Isla Portillos, même s’il s’agit là d’une question que le Costa Rica considérait  et considère toujours  comme ayant été réglée par l’arrêt de 2015. La date critique n’est donc pas le 16 janvier 2017, comme l’a laissé entendre à tort M. Martin160.
C. La violation de la souveraineté territoriale du Costa Rica
9. J’en viens maintenant aux arguments avancés par le Nicaragua lors du premier tour de plaidoiries au sujet de la violation de la souveraineté territoriale du Costa Rica. La Cour aura relevé que ni M. Samson, ni M. Martin n’ont répondu à ce qu’avait dit Mme Del Mar au sujet du campement militaire que le Nicaragua, dans son contre-mémoire, prétendait avoir établi sur la
157 Frontière terrestre, MCR, annexe 56 (lettre DM AM 584-16 en date du 14 novembre 2016 adressée au Nicaragua par le Costa Rica).
158 Ibid.
159 Frontière terrestre, MCR, annexe 57 (lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016 adressée au Costa Rica par le Nicaragua).
160 CR 2017/12, p. 34, par. 74 (Martin).
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plage d’Isla Portillos dès 2010161. M. Samson a mentionné en passant les photographies de 2010162, mais n’a rien dit des arguments de Mme Del Mar concernant ces photographies ou la figure 4.22 du contre-mémoire163. Ce choix de ne pas réfuter les arguments de Mme Del Mar met en évidence le fait que le Nicaragua, en 2010, n’avait en réalité aucune présence militaire sur la plage d’Isla Portillos.
10. Le seul élément de preuve fourni par le Nicaragua à l’appui de son allégation selon laquelle il aurait établi un campement militaire sur la plage d’Isla Portillos en 2010 est un document dont la date est postérieure à celle de la seconde des ordonnances par lesquelles la Cour a indiqué des mesures conservatoires164. M. Samson a dit que si le Costa Rica considérait que ce campement avait été transféré sur son territoire, il aurait dû protester contre son déplacement alors que cette ordonnance était en vigueur et l’affaire relative à Certaines activités encore sub judice165.
11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il est tout à fait absurde de prétendre que le Costa Rica aurait dû continuer d’adresser au Nicaragua des lettres de protestation sur ce point. A l’époque, le Nicaragua ne se bornait pas à nier la présence de son personnel dans la partie nord d’Isla Portillos166, et communiquait des informations fausses sur cette question. Permettez-moi de rappeler quelle était alors la situation :
a) Premièrement, le Costa Rica, à la suite d’une violation de sa souveraineté territoriale commise par le Nicaragua en 2010, avait dû consacrer d’importants moyens à l’introduction devant la Cour de l’instance relative à Certaines activités et à la procédure qui avait suivi ;
b) Deuxièmement, cette procédure l’avait amené à former en 2011 une première demande en indication de mesures conservatoires, suivie en 2013 d’une seconde, soumise en réponse à la
161 Frontière terrestre, CMN, par. 4.33-4.34.
162 CR 2017/12, p. 11, par. 8 (Samson).
163 Frontière terrestre, CMN, p. 38, figure 4.21, «Le campement militaire en 2010», et p. 39, figure 4.22, «Déplacement du campement militaire en 2010». Voir CR 2017/8, p. 30-34, par. 10-17 (Del Mar).
164 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires, ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013.
165 CR 2017/12, p. 12, par. 10 (Samson).
166 Demande en indication de mesures conservatoires présenté par le Costa Rica, 24 septembre 2013, pièce jointe PM-5, note diplomatique en date du 18 septembre 2013 adressée à M. Enrique Castillo Barrantes, ministre costa-ricien des affaires étrangères et des cultes, par M. Samuel Santos López, ministre nicaraguayen des affaires étrangères.
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violation flagrante de la première, violation qui, je le rappelle en passant, résultait de l’installation et du déplacement de personnel militaire nicaraguayen dans le «territoire litigieux», y compris la plage. La Cour se souviendra que le Nicaragua s’est refusé à fournir promptement de franches explications au Costa Rica dans le contexte de la demande en indication de mesures conservatoires déposée en 2013, et que sur les instances du Costa Rica167, il a fini par répondre qu’il n’avait pas déployé de personnel sur le territoire litigieux168, alors qu’en réalité, il l’avait fait. Cela a conduit le Costa Rica à présenter une seconde demande en indication de mesures conservatoires, à laquelle la Cour a fait droit169.
c) Dans son ordonnance de 2013, la Cour avait conclu qu’un campement militaire nicaraguayen était établi sur la plage d’Isla Portillos, et se trouvait donc sur le «territoire litigieux» en cause dans l’affaire170.
d) Enfin, le Costa Rica ne doutait pas que la Cour, par son arrêt sur le fond en l’affaire relative à Certaines activités, mettrait fin aux agissements du Nicaragua dans la zone considérée.
12. Telle était donc la situation à l’époque. Nul ne saurait aujourd’hui affirmer sérieusement que le Costa Rica, sans se lasser de ne jamais recevoir du Nicaragua des réponses raisonnables à ses notes diplomatiques, aurait dû, à grands frais, continuer de demander de nouvelles mesures conservatoires. La Cour était sur le point de rendre son arrêt sur le fond, et le Costa Rica espérait qu’il réglerait la question une fois pour toutes.
13. La manière dont le Nicaragua a réagi à l’arrêt de la Cour sur le fond en l’affaire relative à Certaines activités est révélatrice. La Cour ayant décidé que le territoire en cause appartenait bien au Costa Rica, le Nicaragua s’est abstenu d’établir un campement militaire sur la plage d’Isla Portillos, mais en a installé un sur le banc de sable qui sépare la lagune de Harbor Head de la
167 Demande en indication de mesures conservatoires présenté par le Costa Rica, 24 septembre 2013, pièce jointe PM-1, note diplomatique DM-AM-536-13 en date du 16 septembre 2013 adressée à M. Samuel Santos López, ministre nicaraguayen des affaires étrangères, par M. Enrique Castillo Barrantes, ministre costa-ricien des affaires étrangères et des cultes.
168 Ibid., pièce jointe PM-5, note diplomatique en date du 18 septembre 2013 adressée à M. Enrique Castillo Barrantes, ministre costa-ricien des affaires étrangères et des cultes, par M. Samuel Santos López, ministre nicaraguayen des affaires étrangères.
169 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires, ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013.
170 Ibid., p. 365, par. 46.
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mer des Caraïbes. Mme Del Mar a consacré une partie de sa plaidoirie à montrer à la Cour des images satellitaires et des photographies aériennes prouvant qu’il y avait effectivement sur le banc de sable un campement militaire nicaraguayen durant la période qui a suivi le prononcé de l’arrêt rendu par la Cour en 2015171. M. Samson et M. Martin ont l’un et l’autre préféré rester muets sur ce changement de comportement du Nicaragua.
14. Mme Del Mar a également montré à la Cour que le Nicaragua, le 4 août 2016 ou à une date voisine, avait délibérément transféré son campement d’un lieu situé sur le banc de sable entre les points B et C à un emplacement se trouvant sur la plage d’Isla Portillos, au nord-ouest du point B. Pour réfuter ce qu’avait montré Mme Del Mar, M. Samson et M. Martin nous ont dit que le rivage en question n’appartenait pas dans sa totalité au Costa Rica172. Cela, bien entendu, n’est pas une réponse. L’argumentation du Nicaragua est entachée de plusieurs contradictions sérieuses.
15. Premièrement, le Nicaragua est forcé d’admettre qu’il avait établi un campement sur une plage de la partie nord d’Isla Portillos, «territoire litigieux» en l’affaire relative à Certaines activités. M. Samson l’a fait en des termes aussi neutres que possible, notant que la Cour avait ordonné en 2013 au Nicaragua de retirer son campement militaire du «territoire litigieux»173, mais il a bien entendu oublié de préciser qu’il s’agissait de retirer ce campement de la plage, pour reprendre le terme employé par la Cour174. Telle était la position adoptée par la Cour dans son ordonnance du 22 novembre 2013, position qu’elle a réaffirmée dans son arrêt sur le fond en l’affaire relative à Certaines activités175. Le Nicaragua revendique maintenant «l’intégralité de la plage» de la partie nord d’Isla Portillos176. Cette revendication est en complète contradiction avec ladite ordonnance et l’arrêt sur le fond, comme l’a expliqué M. Kohen.
171 Frontière terrestre, onglets nos 94 à 96 du dossier de plaidoiries du Costa Rica pour le premier tour.
172 CR 2017/12, p. 13, par. 11 (Samson) ; CR 2017/12, p. 34, par. 72 (Martin).
173 CR 2017/12, p. 12, par. 10 (Samson).
174 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires, ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 365, par. 46.
175 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 696-697, par. 69.
176 CR 2017/12, p. 34, par. 72 (Martin) ; CR 2017/12, p. 35, par. 81 (Martin).
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16. Deuxièmement, M. Samson admet que depuis qu’il a été déplacé, le campement militaire nicaraguayen se trouve au nord-ouest du banc de sable qui sépare la lagune de Los Portillos/Harbor Head de la mer des Caraïbes. Voici l’image qu’il vous a montrée. [Onglet no 3 du dossier de plaidoiries du Nicaragua] L’emplacement du banc de sable y est figuré en vert. Cela ressort clairement de sa plaidoirie, dans laquelle il a dit que ce secteur était «le banc de sable de la lagune»177. Le campement militaire est situé ici, manifestement au nord-ouest du banc de sable, à un endroit que M. Samson qualifie de «prétendue plage d’Isla Portillos»178. Vous pouvez voir ici l’emplacement du marqueur géoréférencé179 correspondant selon les experts désignés par la Cour à l’extrémité ouest de la lagune, avec indication des coordonnées relevées par le Nicaragua en décembre 2016 et mars 2017, qui ont été portées en surimpression sur l’image satellitaire annotée du 17 janvier 2017 présentée par M. Samson. Cet emplacement correspond au point B du Costa Rica. Le campement nicaraguayen est situé nettement en dehors de la zone figurée en vert que M. Samson, au nom du Nicaragua, admet représenter le banc de sable qui sépare la lagune de la mer des Caraïbes.
17. Je vais maintenant dire quelques mots de l’argument de M. Martin selon lequel le campement militaire nicaraguayen a forcément été établi sur le territoire du Nicaragua180. M. Martin a repris l’argument principal et contradictoire du Nicaragua selon lequel «l’intégralité de la plage appart[ient] au Nicaragua»181. Il a ensuite, et on comprend facilement pourquoi, présenté l’argument subsidiaire du Nicaragua, à savoir que le campement militaire serait situé sur le banc de sable, et non la plage182. D’après le Nicaragua, ce qui permet d’identifier le banc de sable est la présence derrière un segment de la plage, à la suite de l’ouragan Otto qui s’est produit fin 2016, d’un chenal qui draine la lagune et, plus généralement, les eaux provenant de la zone humide, et se jette dans la mer des Caraïbes183. Je précise que le Nicaragua s’est gardé de dire que les eaux de la
177 CR 2017/12, p. 15, par. 20 (Samson).
178 CR 2017/12, p. 15, par. 20 (Samson).
179 Rapport d’experts, 30 avril 2017, p. 43.
180 CR 2017/12, p. 34-35, par. 73-78 (Martin).
181 CR 2017/12, p. 34, par. 72 (Martin).
182 CR 2017/12, p. 34, par. 73 (Martin).
183 CR 2017/12, p. 34-35, par. 74-78 (Martin).
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lagune couraient derrière le campement militaire. Le faire aurait été en contradiction flagrante avec l’avis des experts désignés par la Cour184. M. Martin a admis seulement qu’il y avait un chenal de drainage derrière le campement militaire. Cependant, cette tentative de définir l’emplacement du banc de sable en fonction de la présence d’un écoulement d’eau consécutif à un ouragan ne mène à rien. Elle revient à dire que pour déterminer l’existence du banc de sable, il faudrait attendre qu’un ouragan s’abatte sur la région. En mars 2017, selon les experts, «le chenal qui drainait les eaux de la lagune lors de la première visite était fermé par un dépôt de sable provenant de la plage»185. Si l’on suit l’argument du Nicaragua jusqu’à sa conclusion logique, le banc de sable n’existe plus depuis mars 2017 là où le Nicaragua affirme qu’il se trouvait quelques mois auparavant.
18. Il est évident que le campement militaire n’a pas été installé sur le banc de sable, défini par le Nicaragua lui-même, dans sa lettre du 17 novembre 2016, comme «le banc de sable qui sépare la lagune de Harbor Head de la mer des Caraïbes»186. M. Samson a déjà montré que le camp ne se trouvait pas dans la zone figurée en vert pour indiquer le banc de sable répondant à la définition donnée par le Nicaragua lui-même. Quant à la formule avancée par M. Martin pour définir le banc de sable, elle est carrément inapplicable, et même absurde, si je puis me permettre de le dire, car il en résulterait que le banc pourrait selon les jours se trouver soit sur le territoire du Costa Rica, soit sur celui du Nicaragua, au gré des fortes pluies accompagnant les ouragans et des voies d’écoulement vers la mer des Caraïbes des eaux provenant des zones inondées.
D. La demande de déclaration du Costa Rica
19. Monsieur le président, le Costa Rica prie la Cour de déclarer que le Nicaragua a violé sa souveraineté et contrevenu à l’interdiction de l’emploi de la force, et une telle déclaration serait parfaitement justifiée. M. Martin n’est pas allé jusqu’à prétendre que le Nicaragua s’était mépris dans le choix du lieu de transfert de son campement militaire, et il est vrai qu’il ne pouvait pas aller si loin. Cependant, il a pris le ton des excuses pour expliquer à la Cour les changements de la configuration géographique constatés sur le terrain, comme si ces changements pouvaient justifier
184 Rapport d’experts, 30 avril 2017, p. 5, par. 19, et p. 28, par. 101.
185 Ibid., p. 28, par. 101.
186 Frontière terrestre, MCR, annexe 57 (lettre MRE/DMC/250/11/16 en date du 17 novembre 2016, adressée au Costa Rica par le Nicaragua).
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le comportement du Nicaragua. Son explication affaiblit évidemment la revendication par le Nicaragua de la souveraineté sur la plage d’Isla Portillos. Pour les raisons qu’il a déjà exposées, le Costa Rica considère que cette revendication est totalement dénuée de fondement. Il reste, Monsieur le président, que le Nicaragua n’a nullement agi par erreur. Le campement dont il s’agit est certes de taille modeste, mais son implantation, bien qu’elle n’ait pas constitué une incursion profonde, n’en est pas moins une action militaire délibérément ordonnée.
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable attention. Monsieur le président, je vous saurais gré de bien vouloir donner la parole à M. Brenes, qui traitera du point de départ de la délimitation maritime.
Le PRESIDENT : Thank you, Your Excellency. I now give the floor to Mr. Brenes.
M. BRENES :
LE POINT DE DÉPART DE LA DÉLIMITATION MARITIME
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il m’incombe aujourd’hui de traiter de l’emplacement du point de départ de la délimitation maritime dans la mer des Caraïbes.
2. Je reviendrai sur la position du Nicaragua quant au point de départ, avant d’expliquer pourquoi la borne no 1, telle qu’établie par le général Alexander, ne saurait marquer celui de la délimitation maritime, et de présenter quelques brèves observations sur le point SP-C que le Costa Rica propose de retenir pour marquer le début de cette délimitation.
3. Auparavant, toutefois, il me paraît nécessaire, au regard du premier tour de plaidoiries du Nicaragua, de m’arrêter un instant sur «Punta de Castilla» et sur l’évolution de son emplacement au fil des années.
A. Emplacement de Punta de Castilla
4. Le Nicaragua a tenté de vous faire accroire que, si Punta de Castilla a certes reculé sous l’effet de l’érosion côtière, elle a toujours été située à l’emplacement qu’il lui prête aujourd’hui187. Il est vrai que, depuis le prononcé de la première sentence Alexander, le point situé à l’est de la
187 CR 2017/10, p. 58, par. 31 (Argüello) ; CR 2017/12, p. 31, par. 54-55 (Martin).
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lagune de Harbor Head a souvent été désigné sous ce toponyme. Toutefois, le site de «Punta de Castilla» a bel et bien changé.
5. Dans ce contexte, il est nécessaire de rectifier une erreur qui trouve son origine dans une note de bas de page figurant dans la version écrite de la plaidoirie de l’ambassadeur Argüello. A propos de la partie septentrionale d’Isla Portillos, celui-ci a affirmé à l’audience «qu’au XIXe siècle, le Costa Rica considérait que cette zone s’appelait Punta de Castilla»188. Cette affirmation est incontestable, en tant que telle.
6. Ce qui, en revanche, est contestable, du point de vue tant du fond que de la forme, c’est que, dans la note en question, le Nicaragua faisait référence aux écritures que le Costa Rica a soumises au général Alexander avant que celui-ci ne rende sa première sentence, et développait à cet égard une ligne d’argumentation nouvelle, et totalement distincte.
7. D’après cette note de bas de page, que vous voyez à présent reproduite à l’écran [onglet no 206], le Costa Rica aurait soutenu à l’intention du général Alexander que «(Punta de) Castilla» se trouvait «à l’est de la lagune aujourd’hui appelée Harbor Head». Et le Nicaragua d’ajouter, toujours dans cette même note : «Etant donné que le territoire litigieux se trouve à l’ouest de Punta de Castilla (que le Costa Rica appelle Isla Portillos), il n’a jamais fait partie de Punta Castilla ni d’Isla Portillos.»189
8. Or, c’est là une représentation erronée de la position défendue par le Costa Rica devant le général Alexander. Vous voyez maintenant à l’écran ce qui figurait alors réellement dans son exposé écrit [projection de l’onglet no 207] ; mention y était faite de trois choses distinctes : 1) Castilla, 2) Punta de Castilla et 3) l’extrémité de Punta de Castilla. Dans la traduction anglaise qui est maintenant projetée [projection de l’onglet no 207], le passage cité en note de bas de page par l’ambassadeur Argüello apparaît dans une autre couleur. Comme vous pouvez le constater, les mots «Punta de» qu’il a reproduits entre parenthèses en sont tout simplement absents ; il n’est question que de «Castilla». Et, comme vous pouvez le voir, «Punta de Castilla» était, d’après le Costa Rica, «la langue de terre, ou plutôt de sable, qui, en tant qu’appendice ou par atterrissement à Castilla, s’est formée au fil des ans entre la mer et les eaux du port de San Juan del Norte».
188 CR 2017/10, p. 58, par. 31 (Argüello).
189 CR 2017/10, p. 58, note de bas de page 157 (Argüello).
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9. La carte actuellement projetée à l’écran  et qui figure à l’onglet no 208 de vos dossiers de plaidoiries  le montre très clairement : elle a apparemment été établie à partir de la même source que la carte de 1840 que vous a présentée M. Martin vendredi dernier, mais elle a été mise à jour en 1848. Je note en passant que cette carte n’avait de toute évidence pas été soumise au général Alexander.
10. L’île ou la flèche de sable qui se trouve devant la ville de San Juan, sur cette carte, est appelée «Isla de Castilla». Et, comme vous pouvez le constater, l’extrémité de cette flèche, à l’ouest, est appelée «Punta de Castilla».
11. Revoyons aussi la carte de 1840 présentée par le Nicaragua pour illustrer l’emplacement de Punta de Castilla [projection de l’onglet no 209]. D’après la légende ajoutée par M. Martin, «Punta de Castilla» serait située sur la côte à l’extrémité est de la lagune de Harbor Head. M. Martin a eu soin de préciser que le point qu’il avait ajouté était «Punta de Castillo, tel que défini par le général Alexander»190. [Fin de la projection]
12. La présence de cette légende appelle trois remarques.
a) Premièrement, le général Alexander n’a pas, dans sa sentence, désigné le point qu’il tenait pour le point de départ de la frontière terrestre sous la dénomination «Punta Castilla», ni même «Punta de Castillo» ;
b) Deuxièmement, il n’est pas juste de représenter, sur une carte datant de 1840, «Punta Castilla» à cet endroit de la côte, fût-ce pour figurer l’emplacement que le général Alexander tenait pour celui, probable, occupé par Punta de Castillo quelque cinquante-huit ans plus tard ;
c) Troisièmement, et en conséquence, cette figure risque d’induire en erreur dans la mesure où on pourrait en déduire que Punta de Castilla a toujours été située sur la rive est de la lagune de Harbor Head, et ce, a fortiori, si l’on s’en tient également à la note de bas de page de l’ambassadeur Argüello et à sa présentation erronée de la position qu’a défendue le Costa Rica, dans les exposés qu’il a soumis au général Alexander, quant à l’étendue de Punta de Castilla.
190 CR 2017/12, p. 31, par. 54 (Martin), et dossier de plaidoiries du Nicaragua, 7 juillet 2017, 15 heures, onglet n° 24 (LM1-19).
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B. Les arguments du Nicaragua relatifs au point de départ
13. L’ambassadeur Argüello a exposé les arguments du Nicaragua quant au point de départ de la frontière maritime. Le premier de ces arguments a consisté à affirmer que le général Alexander «ne cherchait pas l’embouchure du fleuve mais l’emplacement de Punta Castilla»191.
14. Or, cette position va directement à l’encontre de la logique et du libellé clairs de la sentence Alexander, telle que vous l’avez interprétée dans votre arrêt de 2015 en l’affaire relative à Certaines activités, auquel M. Wordsworth a fait référence la semaine dernière, et en particulier de la conclusion du général Alexander selon laquelle la frontière était censée, dans l’esprit des auteurs du traité, suivre le fleuve «de manière ininterrompue jusqu’à la mer»192, et de votre propre conclusion selon laquelle la frontière s’étend jusqu’à l’embouchure du fleuve193.
15. L’ambassadeur Argüello a simplement affirmé que, bien au contraire, le général Alexander avait «pris grand soin d’identifier l’emplacement de cette punta»194. M. Martin s’est lui aussi focalisé sur la recherche par le général Alexander de l’emplacement initial de Punta Castilla en 1858, sans faire la moindre mention des autres passages pertinents de votre arrêt de 2015 ou des sentences qui avaient été invoqués195. Si bien que l’on nous pardonnera, en définitive, de penser que le Nicaragua a tout simplement oublié l’existence de votre arrêt de 2015.
16. A une exception près : dans le contexte de la frontière terrestre, M. Martin a en effet affirmé que c’était au Costa Rica qu’était due l’idée que le premier chenal rencontré devait être navigable et offrir un «débouché pour le commerce»196. Mais M. Martin peut bien tenter d’escamoter le sens des passages pertinents de la première sentence Alexander, il achoppe toujours
191 CR 2017/10, p. 53, par. 15 (Argüello) ; voir aussi p. 53, par. 16-18 ; CR 2017/12, p. 22, par. 6 (Martin).
192 Première sentence arbitrale rendue par le surarbitre ingénieur, en vertu de la convention entre le Costa Rica et le Nicaragua du 8 avril 1896 pour la démarcation de la frontière entre les deux Républiques, décision du 30 septembre 1987, RSA, vol. XXVII, p. 215-221 («première sentence Alexander») (également reproduite dans Frontière terrestre, MCR, annexe 48, et CMN, annexe 2), p. 217 ; voir aussi CR 2017/8, p. 23-24, par. 13-15 (Wordsworth).
193 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 700, par. 76 ; CR 2017/8, p. 25-26, par. 18-19 (Wordsworth).
194 CR 2017/10, p. 53, par. 15 (Argüello).
195 CR 2017/12, p. 23, par. 12-13 (Martin).
196 CR 2017/12, p. 30, par. 49 (Martin).
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sur ce problème fondamental qu’il ne s’agit pas seulement ici de l’interprétation du Costa Rica, mais également de celle qu’a livrée la Cour dans l’affaire relative à Certaines activités197.
17. Le deuxième argument du Nicaragua consiste, dans le prolongement du premier, à affirmer que le général Alexander entendait définir un point fixe ; l’ambassadeur Argüello a ainsi soutenu qu’Alexander avait donné raison au Costa Rica en concluant «que le point de départ était fixe [et] a[vait] procédé à sa localisation sur le terrain»198. J’aurai deux remarques à faire à cet égard :
a) premièrement, si l’élément décisif aux fins de définir la frontière était que l’embouchure du fleuve constituât un «débouché pour le commerce», comme l’a dit le général Alexander et comme vous l’avez-vous-même confirmé dans l’affaire relative à Certaines activités, il s’ensuit nécessairement qu’Alexander considérait que le tracé de la frontière, y compris son point terminal, était susceptible d’évoluer en cas de déplacement de l’embouchure du fleuve ;
b) deuxièmement, et cela va de soi, la position défendue par le Costa Rica (comme, du reste, celle développée par le Nicaragua) dans les écritures soumises avant le prononcé de la première sentence Alexander n’a guère de pertinence ; ce qui en revêt, c’est ce qu’a fait et dit le général Alexander. Or, celui-ci n’a pas dit que la frontière ou le point de départ étaient fixes.
18. L’ambassadeur Argüello a également fait grand cas de la nécessité invoquée par le général Alexander d’une «défini[tion] plus … précis[e,] afin que l[a] ligne puisse être exactement localisée et marquée de façon permanente»199. Or, cet argument ne le mène nulle part ; premièrement, c’est à la «ligne» que faisait référence Alexander ; deuxièmement, le fait de «localis[er] exactement» et de «marqu[er] de façon permanente» une frontière n’implique pas que celle-ci sera fixée à tout jamais, indépendamment de toute évolution de la géographie  et ce, a fortiori s’il a été expressément reconnu que ladite frontière était sujette à modification. Le fait est que le général Alexander ne cherchait pas à établir de point ou points qui fussent inaltérables. C’est ce qui ressort clairement de sa première sentence.
197 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 700, par. 76.
198 CR 2017/10, p. 52, par. 13 (Argüello).
199 CR 2017/10, p. 53, par. 16 (Argüello).
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19. Et c’est ce qui ressort non moins clairement de ses deuxième et troisième sentences. Il est tout à fait significatif que l’ambassadeur Argüello ne soit pas revenu sur ces deux sentences, alors qu’il avait menacé de le faire au second tour200 ; il s’est contenté d’affirmer que le Costa Rica en avait interprété à mauvais escient les termes, et qu’elles ne contemplaient la possibilité de changements que du tracé de la frontière et non de l’emplacement du point de départ201.
20. M. Martin, de même, n’a pas analysé très en détail la deuxième sentence, quoique, assez curieusement, il en ait cité le passage reproduit par la Cour en l’affaire relative à Certaines activités anticipant de «radicale[s] modifi[cations]» des chenaux du fleuve202, et qu’il ait expressément reconnu que, d’après le général Alexander, les conséquences des changements que le fleuve San Juan pourrait connaître seraient à déterminer en fonction des circonstances particulières à chaque cas203. Il n’a pas répondu à notre argument selon lequel la deuxième sentence montre clairement qu’Alexander considérait la démarcation comme utile, sans plus, et ne cherchait en aucun cas à établir de points fixes immuables204. Le seul argument substantiel de M. Martin à cet égard a semblé consister à dire que le Costa Rica n’avait fait aucune référence aux principes de droit international applicables205.
21. Or le Costa Rica n’avait aucune raison d’y faire référence, dans des circonstances qui, à l’évidence, se caractérisent essentiellement par l’érosion et la disparition de l’ancien territoire du Nicaragua (et, bien sûr, l’érosion, maintenant, du territoire costa-ricien)206. Et l’on aura relevé que M. Martin s’est bien gardé d’évoquer le moins du monde les principes applicables en matière d’accrétion ; à n’en pas douter, s’ils avaient de quelque manière servi sa cause, le Nicaragua y aurait consacré le temps qui lui restait  en abondance  vendredi dernier.
200 CR 2017/10, p. 61, par. 40 (Argüello).
201 CR 2017/10, p. 61, par. 40 (Argüello).
202 CR 2017/12, p. 27, par. 35 (Martin), citant Deuxième sentence arbitrale rendue par le surarbitre ingénieur, en vertu de la Convention entre le Costa Rica et le Nicaragua du 8 avril 1896 pour la démarcation de la frontière entre les deux Républiques, décision du 20 décembre 1897, RSA, vol. XXVII, p. 223-225 («deuxième sentence Alexander») (également reproduite dans Frontière terrestre ; MCR, annexe 49 et CMN, annexe 2), p. 224).
203 CR 2017/12, p. 32, par. 60-61 (Martin).
204 CR 2017/8, p. 25, par. 16-17 (Wordsworth).
205 CR 2017/12, p. 32, par. 61 (Martin).
206 CR 2017/8, p. 34, par. 44-45 (Wordsworth), Rapport d’experts, 30 avril 2017, p. 34-35, figures 39 et 40.
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22. De même, M. Martin n’a fait référence qu’en passant à la troisième sentence, se contentant d’affirmer qu’elle n’étayait pas la thèse à l’appui de laquelle M. Wordsworth en avait tiré argument207. Mais, une fois de plus, il n’a pas mentionné le passage qui avait effectivement été invoqué, à savoir celui de l’arrêt rendu en l’affaire relative à Certaines activités dans laquelle vous citiez la troisième sentence208. Et il n’en a en aucune façon analysé la substance.
23. L’ambassadeur Argüello a également soutenu que, selon les Parties, la première sentence Alexander avait fixé «un point spécifique et immuable comme point de départ de la frontière»209. Son récit des mesures prises par la commission de démarcation pour placer la borne no 1210, et des doutes du commissaire costa-ricien quant à la possibilité d’utiliser comme repère la borné érigée au centre de Plaza Victoria211, n’appelle guère de commentaires : le général Alexander ayant retenu ce point de départ, il était bien sûr naturel que les Parties aient souhaité en marquer l’emplacement et, la borne initiale ayant disparu, qu’elles aient souhaité le préserver à l’avenir.
24. Pour autant, il n’y a pas lieu de conclure que le Costa Rica considérait le point de départ de la frontière comme fixé à tout jamais. Eu égard à la deuxième sentence, qui date du 20 décembre 1897 et qui est donc antérieure à tous les faits — sauf un — invoqués par l’ambassadeur Argüello, il ne pouvait y avoir de doute que, pour reprendre les termes employés dans ce cadre par le général Alexander, le «seul effet» du «mesurage et [de la] démarcation» fût «de permettre de déterminer plus aisément la nature et l’ampleur des modifications futures»212.
25. M. Kohen a déjà brièvement évoqué les cartes que vous a présentées l’ambassadeur Argüello213 ; l’élément essentiel, aux fins qui nous occupent ici, est qu’elles représentent la configuration de la côte telle qu’elle existait autrefois. Cette configuration, toutefois, a indubitablement changé. Il est significatif que le Nicaragua n’ait pas répondu aux observations de M. Wordsworth fondées sur la carte de 1988 et l’image satellite de 2013,
207 CR 2017/12, p. 32, par. 62 (Martin).
208 CR 2017/8, p. 24, par. 17 (Wordsworth), citant Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 700, par. 75.
209 CR 2017/10, p. 54, par. 19 (Argüello).
210 CR 2017/10, p. 54-55, par. 20-23 (Argüello).
211 CR 2017/10, p. 56-57, par. 25-26 (Argüello).
212 Deuxième sentence Alexander, p. 224.
213 CR 2017/10, p. 66, par. 63, et p. 67-68, par. 70 (Argüello).
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reproduites aux figures 2.8 et 2.9 du mémoire du Costa Rica, attestant la disparition du banc de sable qui, auparavant, s’étendait devant le territoire costa-ricien214.
26. Il convient également de noter que la position du Nicaragua contredit directement celle qu’il avait adoptée devant vous, en 2015, dans le cadre de l’affaire relative à Certaines activités. M. Pellet avait en effet clairement indiqué que le Nicaragua estimait alors que, «dans l’esprit d’Alexander, c’[était] d’une frontière mobile qu’il s’agi[ssait], appelée à changer en fonction des fluctuations à long terme du fleuve et de ses chenaux»215.
27. Ayant expressément fait référence à cet égard au passage de la deuxième sentence cité par la Cour en 2015216, M. Pellet avait ensuite non moins explicitement affirmé que le but d’Alexander n’était pas «de définir la frontière ne varietur»217. Et d’ajouter :
«En d’autres termes, la sentence du 30 septembre 1897 établit les principes et la méthode de détermination de la frontière mais l’emplacement précis de celle-ci dépend de la situation sur le terrain au moment où le problème surgit.»218
28. Pour finir, je voudrais dire un mot de l’affirmation de l’ambassadeur Argüello selon laquelle établir le point de départ de la délimitation en un point autre que celui qu’a adopté le général Alexander «reviendrait, de fait, à déclarer nulle et non avenue — ou à tout le moins, dénuée de pertinence — cette décision»219. Cette proposition repose bien sûr sur l’argument, erroné, voulant que le point de départ de la frontière ait été fixé une fois pour toutes. Or, puisque, comme l’expliquait M. Pellet en 2015, ce que le général Alexander a établi, dans sa sentence, ce sont «les principes et la méthode de détermination de la frontière»220, cet argument est dénué de tout fondement.
214 CR 2017/8, p. 34, par. 43 (Wordsworth) ; dossier de plaidoiries du Costa Rica, 3 juillet 2017, 15 heures, onglets nos 91 et 92 (Frontière terrestre ; MCR, figures 2.8 et 2.9).
215 CR 2015/5, p. 24, par. 9 ; voir également p. 25, par. 13 (Pellet).
216 CR 2015/5, p. 24, par. 9 (Pellet).
217 CR 2015/5, p. 25, par. 13 (Pellet).
218 CR 2015/5, p. 25, par. 13 (Pellet).
219 CR 2017/10, p. 62, par. 48 (Argüello).
220 CR 2015/5, p. 25, par. 13 (Pellet).
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C. La borne no 1 ne saurait être retenue comme point de départ de la délimitation
29. J’en viens maintenant au caractère inapproprié du choix de la borne no 1 comme point de départ de la délimitation. Outre que cette borne ne saurait être considérée comme un point fixe, son emplacement historique est, de toute évidence, sans rapport aucun avec le point de départ actuel de la frontière terrestre. Elle est moins pertinente encore aux fins de la délimitation maritime, même si M. Lowe l’a, à cet effet, rebaptisée «point Alexander»221.
30. Tout d’abord, rien ne donne à penser (et pour cause) que les Parties, en concluant le traité de limites de 1858, entendaient faire autre chose que déterminer le point de départ d’une frontière délimitant leurs territoires terrestres respectifs. Il s’ensuit que, dans les sentences qu’ils ont respectivement rendues sur cette question, le président Cleveland et le général Alexander ne s’intéressaient qu’au point terminal/point de départ de la frontière terrestre sur la côte caraïbe, à l’embouchure du fleuve San Juan.
31. Si, dans sa première sentence, le général Alexander a parlé de l’«extrémité» de la frontière, c’est qu’il abordait la question, en quelque sorte, d’amont en aval ; mais c’est bien de la frontière terrestre qu’il se préoccupait, et il n’a pas été au-delà, en direction de la mer.
32. De surcroît, la justification fournie par l’ambassadeur Argüello s’agissant de l’utilisation de l’emplacement de la borne no 1 se résume, en fin de compte, à affirmer que le «point de départ de la délimitation se trouvait en mer, et non sur la terre ferme» ; et M. Argüello d’en déduire que «l’emplacement en mer de ce point» fait de celui-ci «le point fixe incontestable pour le début de la frontière maritime»222.
33. Or, le simple fait que, en 1899, la borne no 1 avait été engloutie par les eaux de la mer des Caraïbes n’en change pas la nature. Cela ne saurait, en particulier, la transformer, on ne sait trop comment, de repère d’une frontière terrestre en point de départ d’une délimitation maritime.
34. Par ailleurs, l’utilisation de la borne no 1 comme point de départ d’une délimitation maritime n’est justifiée ni en théorie ni au regard de la pratique. Faire débuter une délimitation maritime au large, en se référant à un point supposément fixe issu d’une ancienne délimitation de la frontière terrestre, et en un lieu qui ne fait même plus partie de la terre ferme, est contraire à tout
221 CR 2017/11, p. 18, par. 49 (Lowe).
222 CR 2017/10, p. 57, par. 28 ; voir également p. 60, par. 37 (Argüello).
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principe du droit international. L’on ne sera donc guère surpris que la Partie adverse n’ait pas été en mesure de citer le moindre précédent dans lequel une solution similaire aurait été adoptée par deux Etats ou retenue par une juridiction internationale.
35. Il est quelque peu surréaliste d’affirmer, comme l’a fait M. Lowe, que «[l]e point Alexander est le seul point fixé de façon incontestable et permanente sur la côte caraïbe en l’espèce»223. Le fait est, justement, que la borne no 1 n’est plus sur la côte caraïbe, et qu’elle a cessé d’y être juste après y avoir été placée en 1898.
36. Ainsi, ayant soutenu que la frontière maritime devait débuter en mer au niveau de la borne no 1, le conseil du Nicaragua a tenté de montrer qu’elle avait lieu d’être reliée à la prétendue frontière terrestre. Sans aucun doute, la proposition de M. Lowe, consistant à tracer une ligne droite entre la borne no 1 et la frontière terrestre224, est simple et des plus pragmatique. Mais cette ligne ne suit pas la frontière terrestre supposément fixée de façon permanente par le général Alexander. De plus, elle n’est, là encore, justifiée au regard ni de la pratique ni de la théorie, et la Partie adverse n’a d’ailleurs que timidement tenté de soutenir le contraire.
37. Le Nicaragua a cherché à renforcer sa position en laissant entendre que l’utilisation de la borne no 1 comme point de départ de la délimitation maritime avait fait l’objet d’un accord entre les deux Etats. Dans le contre-mémoire, cet argument se résumait à une seule phrase, faisant référence au document non signé présenté comme un procès-verbal de la quatrième réunion technique de la sous-commission des limites et de la cartographie225. Jeudi dernier, l’ambassadeur Argüello a exclu toute invocation de ce document non signé, la position du Nicaragua consistant désormais à ne se fonder que sur les procès-verbaux annexés au mémoire du Costa Rica226. Or, tout ce que montrent ces procès-verbaux  et les passages qu’en cite l’ambassadeur Argüello , c’est que les Parties étaient convenues de tenter de déterminer l’emplacement de la borne no 1 établie par le général Alexander.
223 CR 2017/11, p. 18, par. 50 (Lowe) ; les italiques sont de nous.
224 CR 2017/11, p. 19, par. 53 (Lowe).
225 Délimitation maritime, CMN, par. 3.51.
226 CR 2017/10, p. 66, par. 65 (Argüello).
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38. Pareille démarche était, de toute évidence, sensée, et elle s’expliquait aisément par le fait que, pour entamer les discussions sur la délimitation maritime, il était nécessaire de vérifier quel était alors l’état de la frontière terrestre.
39. S’agissant de la proposition du Nicaragua consistant à placer le point de départ de cette frontière à l’est de la lagune, l’ambassadeur Argüello  ainsi que M. Lowe, renvoyant aux propos de ce dernier  a estimé que le seul point de la côte qui n’était pas soumis à de «fréquentes transformations» se trouvait sur la portion de terre ferme située au niveau du promontoire appelé «Punta de Castilla»227. L’expression «fréquentes transformations» est tirée de la description qu’ont faite les experts de la flèche littorale228 ; ni l’ambassadeur Argüello ni M. Lowe n’ont toutefois été en mesure de citer le moindre élément, dans le rapport d’experts, permettant de conclure que le promontoire lui-même était stable.
40. S’il est possible que le prétendu «promontoire» situé à l’est de la lagune de Harbor Head ne subisse pas les effets de la mer dans les mêmes proportions que le banc de sable qui ferme la lagune de Los Portillos, il est cependant lui aussi soumis au phénomène de recul qui frappe de manière générale la côte dans cette zone, tel que constaté par les experts229. De fait [projection de l’onglet no 210], comme le montre l’image satellite géoréférencée qui apparaît à l’écran  elle est datée du 18 mars 2016 , même le point de départ situé dans le coin est de la lagune de Harbor Head que revendiquait le Nicaragua dans son contre-mémoire daté du 8 décembre 2015 (représenté ici par ce point rouge) se trouvait dans la mer à peine trois mois plus tard.
D. Le point de départ préconisé par le Costa Rica
41. Le Nicaragua n’est pas revenu en détail sur la question spécifique du point de départ que le Costa Rica propose de fixer au point SP-C, se contentant de quelques observations générales quant à l’incidence que pourrait avoir sur l’emplacement futur de l’embouchure du fleuve le recul persistant de la côte230. Eu égard, toutefois, aux sentences d’Alexander, telles que vous les avez
227 CR 2017/10, p. 63, par. 51 (Argüello) ; CR 2017/11, p. 19, par. 52 (Lowe).
228 Rapport d’experts, 30 avril 2017, par. 184.
229 Ibid., par. 192-193.
230 CR 2017/10, p. 58-59, par. 33-35 (Argüello) ; CR 2017/12, p. 26, par. 29-31 (Martin).
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interprétées dans l’affaire relative à Certaines activités, le point de départ proposé par le Costa Rica est le seul qui cadre avec les dispositions des instruments juridiques pertinents.
42. Le conseil du Nicaragua n’a pas du tout répondu à l’affirmation selon laquelle une frontière maritime doit, en principe, être établie en fonction de la situation existant sur le terrain au moment de la délimitation231. Il n’a pas davantage réellement défendu l’idée que la côte aux environs de l’embouchure du fleuve serait si peu stable qu’il ne pourrait y être retenu de points de base sur le fondement desquels calculer la ligne d’équidistance provisoire aux fins de la délimitation232. La situation est donc clairement distincte de celle dans laquelle vous vous trouviez en l’affaire Nicaragua c. Honduras233.
43. Le Costa Rica continue de soutenir que, nonobstant la possibilité que la côte continue de reculer, la démarche qu’il convient de retenir  et qui serait conforme aux principes applicables et à la pratique établie  consiste à construire une ligne d’équidistance provisoire partant du point SP-C, qui correspond au point Pv, à l’endroit où commence la flèche littorale d’Isla Portillos, à l’embouchure du fleuve. Le Costa Rica maintient qu’il s’agit du point le plus stable aux alentours de cette dernière.
44. A titre subsidiaire, si la Cour décidait de faire partir la frontière maritime d’un point situé en mer à une certaine distance de la côte, pour tenir compte de l’instabilité de celle-ci, le Costa Rica maintient qu’il conviendrait de retenir comme point de départ le point FP-1, sur la ligne d’équidistance provisoire calculée à partir des points de base pertinents de la côte, à quelque 3 milles marins au large, et de relier ce point à l’embouchure du fleuve, telle qu’elle se présentera au moment considéré, par un segment de ligne mobile. Cette proposition est motivée par le fait que, en vertu du traité de 1858, l’embouchure du fleuve marque le point de départ de la frontière terrestre entre les deux pays234, ainsi que par la nécessité de donner effet au droit qu’a le Costa Rica de naviguer sur le San Juan à des fins de commerce235. Il convient également de rappeler que le traité envisageait que, au point de départ de la frontière terrestre, à l’embouchure du fleuve, dans la
231 CR 2017/9, p. 39, par. 17 (Lathrop).
232 CR 2017/9, p. 39, par. 17 (Lathrop).
233 CR 2017/8, p. 53-54, par. 36-37 (Brenes).
234 Traité de limites de 1858, article II ; Délimitation maritime, MCR, annexe 1.
235 Traité de limites de 1858, article VI ; Délimitation maritime, MCR, annexe 1.
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baie de San Juan del Norte, les eaux seraient communes aux deux Parties, comme elles le sont dans le Pacifique236.
45. Bien que la baie de San Juan del Norte soit désormais enclavée en territoire nicaraguayen près de la côte, ces dispositions prévues par le traité de 1858 militent en faveur d’une décision de ne pas retenir un point de départ de la délimitation maritime ailleurs qu’à l’embouchure du fleuve.
46. Enfin, je relèverai que, dans le contexte d’une ligne reliant le point dit Alexander à la côte, le Nicaragua s’est déclaré ouvert à la possibilité de délimiter par une ligne mobile le dernier segment237. Le Costa Rica partage à tout le moins avec lui l’idée qu’il est désirable de délimiter la frontière dans son intégralité, afin de minorer les risques de conflits futurs.
47. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, voilà qui met fin à mon exposé. Je vous remercie de votre aimable attention. Monsieur le président, je vous prierai d’appeler maintenant à la barre M. Kohen.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Brenes. Je donne la parole à M. Kohen pour la dernière plaidoirie de la matinée. Monsieur Kohen, vous avez la parole.
Mr. KOHEN:
NICARAGUA’S VAIN ATTEMPTS TO BRING INTO PLAY TREATIES CONCLUDED BY THIRD STATES
1. Mr. President, Members of the Court, I will now turn to the attempts — the vain attempts — made by Nicaragua to turn treaties concluded by third States to its advantage in this case. My friend and colleague, Antonio Remiro Brotóns, attempted to breathe life and force into the unratified 1977 Treaty by relying on the 1980 Treaty between Costa Rica and Panama. My equally good friend Mr. Paul Reichler believed that he could invoke the 1977 Treaty as a relevant circumstance to be taken into account in the second step of the delimitation process in the Caribbean Sea. He was also under the impression that he could use the 1976 Treaty between Colombia and Panama to counter Costa Rica’s position with regard to that sea. Both have indulged
236 Traité de limites de 1858, article IV ; Délimitation maritime, MCR, annexe 1.
237 CR 2017/11, p. 19, par. 54 (Lowe).
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in sensational speculation about the rights of Columbia and Panama resulting from those agreements.
2. I must even confess that at one point I wondered if I was at the hearings in this case, or those in another case involving other States. It was comical to see one of Nicaragua’s counsel mount a passionate defence of what he understands Colombia’s position to be. He spoke of Costa Rica’s “tenacity” in “shirking its obligations to Colombia”238, as if we were faced with a treaty in force, and as if he were the advocate and counsel for a party other than his own in this case. I will set to one side the ulterior motives and other baseless and even contradictory accusations. Nevertheless, I do wonder whether the respect due to the other Party, and to non-party States, does not call for a degree of restraint.
A. Nicaragua has not produced a shred of evidence to show that Costa Rica has waived its maritime entitlements
3. I will begin my presentation by replying to the observations made about the 1977 Treaty. Mr. President, Members of the Court, Nicaragua acknowledges that the 1977 Treaty is not in force, that it is res inter alios acta for Nicaragua, and, therefore, that it creates neither rights nor obligations for it239. It has not disputed that this treaty does not delimit a Nicaraguan territory and Costa Rican territory. Nicaragua alleges that, by its conduct, Costa Rica has waived its entitlement to the maritime areas situated beyond the treaty line. In Mr. Reichler’s words, “Costa Rica is precluded from claiming maritime areas beyond the limits established in that treaty”240. Notwithstanding its lengthy, occasionally amusing, but completely irrelevant analysis, Nicaragua has failed to provide any evidence of Costa Rica’s alleged waiver of its maritime entitlements vis-à-vis Nicaragua. In fact, it has not replied to the arguments put forward by Costa Rica in the first round, which remain entirely valid.
4. It addressed Costa Rica’s Note to Colombia dated 27 February 2013241. That Note describes the 1977 Treaty as impracticable and ineffective, and invites Colombia to negotiate a new
238 CR 2017/10, p. 42, para. 25 (Remiro Brotóns).
239 CR 2017/10, p. 36, para. 2 (Remiro Brotóns).
240 CR 2017/11, p. 40, para. 62 (Reichler).
241 CR 2017/10, p. 43, paras. 29-31 (Remiro Brotóns).
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treaty, this time limited to maritime co-operation. Counsel for the opposing Party expressed doubts about the purpose of the Note in question. What can it tell us, other than that the 1977 Treaty would not be ratified? In the Note, Costa Rica invites Colombia to conclude a new maritime co-operation treaty. The proposed content makes no mention of any new delimitation whatsoever. The possibility of joint patrolling is raised. Is there anything wrong with that? Common maritime boundaries are not a prerequisite for joint patrols, as those conducted by several States in different regions of the world demonstrate. Yet counsel for Nicaragua suggests that “Costa Rica is in fact attempting to continue to be a direct neighbour of Columbia”242. Members of the Court, that is completely untrue. A quick glance at the delimitation sought by Costa Rica shows that the line concerned stops short of the delimitation effected between Nicaragua and Colombia by the Court’s 2012 Judgment. Thus, adopting the line claimed by Costa Rica in this case would remove any possibility of a shared maritime boundary between Colombia and Costa Rica.
5. The Note to Colombia of 27 February 2013, that is to say, three months after the 2012 Judgment, puts in writing what Costa Rica had announced to both Colombia and Nicaragua: that it would wait for the dispute between those two States to be settled before making any decision about the delimitation of maritime areas in the Caribbean Sea243. Regardless of Colombia and Nicaragua’s positions during the intervention proceedings, by which counsel for Nicaragua set great store, Costa Rica has asserted its rights and has not budged an inch with regard to its entitlements to maritime areas in the region, including areas situated beyond the 1977 Treaty line244.
6. There is no need for me to reply to the unfounded speculation, to the positions  real or imagined  of other States, or to the completely inappropriate observations on the non-invocation of invalidity, error, a fundamental change of circumstances or the impossibility of performing a treaty which has never entered into force. I confess, Mr. President, that I find surprising, to say the least, the claim that the announcement that it does not intend to ratify the treaty has come “too late”
242 CR 2017/10, p. 44, para. 34 (Remiro Brotóns).
243 CMN, Ann. 21, p. 295, Diplomatic Note No. 071-96-DVM dated 1 March 1996 from the Costa Rican Minister for Foreign Affairs to the Nicaraguan Minister for Foreign Affairs.
244 Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 364, para. 55.
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and that it “cannot produce the desired effect”245. In my first class on public international law I was taught that a treaty subject to a ratification procedure has to be ratified in order to enter into force. As far as I am aware, the non-ratification of a treaty for a prolonged period of time does not have the effect of transforming that non-ratification into an implicit ratification.
7. Admittedly, Nicaragua argues that the effects of the treaty (in this instance, an impossible maritime delimitation) “[have] already been brought into being by other means”246, allegedly by Costa Rica’s conduct. I have nothing to add to what I said a week ago, which has not been refuted. Whichever article of the Vienna Convention is relevant, respecting an unratified treaty so as not to deprive it of its object and purpose, or even applying it provisionally, is not equivalent to transforming the rights and obligations arising from the treaty into rights and obligations which exist independently of it. What is more, with regard to the delimitation of the continental shelf and the EEZ, Articles 74 and 83 of the Montego Bay Convention refer explicitly to “provisional arrangements of a practical nature and, during this transitional period, not to jeopardize or hamper the reaching of the final agreement. Such arrangements shall be without prejudice to the final delimitation.” A treaty which is subject to ratification is not a final arrangement unless and until it is ratified. Are we expected to believe that if a State applies provisional arrangements for a certain  albeit prolonged  period of time, the provisional delimitation which has been observed will become binding? In any event, as I stated last week without being challenged, even if the treaty were in force, it would not produce the effects desired by Nicaragua247.
8. Members of the Court, it is surprising to see so many references to Costa Rica’s conduct, yet no tangible evidence of that conduct, with the exception of the positions adopted by Costa Rica in its diplomatic Notes. If there is one fundamental aspect of Costa Rica’s conduct which is to be taken into account, in the almost 40 years which have elapsed since the 1977 Treaty was signed, it is precisely its failure to ratify the treaty. Whenever it was questioned by either Colombia or Nicaragua, its attitude was the same: to hammer home that the treaty had yet to go through the constitutional process of ratification.
245 CR 2017/10, p. 44, para. 37 (Remiro Brotóns).
246 CR 2017/10, p. 44, para. 37 (Remiro Brotóns).
247 CR 2017/9, pp. 14-18, paras. 11-22 (Kohen).
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9. There is no justification for Mr. Reichler’s thinly veiled reference to estoppel  he said that Costa Rica “is precluded from claiming maritime areas” beyond the 1977 Treaty line. Not a single argument was put forward to explain the alleged situation of estoppel. Similarly, his comparison of the 1977 Treaty with the Court’s analysis of a de facto line in the Tunisia/Libya case is irrelevant.
10. The de facto line in the Court’s 1982 Judgment corresponded to the shared boundaries of oil concession blocks granted by the two parties over a period of ten years, and also to a historical line expressing a modus vivendi established between France and Italy, the powers responsible for the external relations of Tunisia and Libya before independence248. None of that is relevant to our case. First, the conduct in question in the Tunisia/Libya case is between the parties themselves or between their predecessor States. Here, it is a question of an unratified treaty between a State which is a Party to the case and a State which is not. Second, no practical activity, be it fishing, exploration or exploitation of the continental shelf’s resources, has been recorded on either side of the 1977 Treaty line.
11. To sum up, Members of the Court, despite Nicaragua’s efforts to take advantage of an unratified treaty to which it is not a party, none of its arguments can be upheld. The 1977 Treaty has no role to play in the present case.
B. The Costa Rica/Panama and Colombia/Panama treaties
12. Mr. President, there is no need for me to repeat what I have said about the scope of the 1980 Treaty between Costa Rica and Panama249. I would simply point out that the question of the delimitation between the two States beyond the line established by that treaty is a matter for the two parties concerned, and certainly does not fall within the purview of this case. Nothing in Costa Rica’s claim can affect Panama’s rights.
13. For his part, Mr. Paul Reichler pursued a dubious line of reasoning to claim that the 1976 Treaty between Colombia and Panama would suffice to remedy the cut-off effect suffered by Costa Rica as a result of its central position at the base of the concave coastline of Central America.
248 Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1982, pp. 84-85, para. 119.
249 CR 2017/9, p. 18, paras. 23-24 (Kohen).
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He also expressed a view on his version of Panama’s position with regard to Nicaragua, following the Court’s 2012 Judgment, beyond the delimitation line agreed with Colombia. Regardless of its present status, that treaty cannot affect the rights of the Parties to the present proceedings. Any speculation by Nicaragua about Panama’s position is mere guesswork, and is of no value in this case. For example, Nicaragua highlighted a letter from 2013 sent by Panama to the Secretary-General of the United Nations250. That letter was not addressed to Colombia or to either of the Parties to the present proceedings. Nevertheless, that did not stop Mr. Reichler declaring that Panama “considers itself precluded, from claiming any areas beyond its agreed boundary with Colombia”251. Such an assertion cannot be made solely on the basis of that communication. Panama’s current position on the extent of its maritime areas in the Caribbean Sea remains unknown, and cannot in any event be deduced from a letter drafted almost four years ago to protest against Nicaragua’s claim, before the Commission on the Limits of the Continental Shelf, for an extended continental shelf, infringing on Panama’s maritime areas.
14. I will respond to Mr. Reichler’s interpretation of the significance of the Panama/Colombia agreement for the cut-off effect resulting from the concavity of the Costa Rican coastline and, in so doing, I will take the liberty of referring to a previous case.
15. In Bangladesh v. India, India invoked in its favour the delimitation line established in 2012 between Bangladesh and Myanmar by the International Tribunal for the Law of the Sea, arguing that, to the extent that Bangladesh was cut off by the concavity of the Bay of Bengal, that situation had already been rectified and remedied by the 2012 Bangladesh/Myanmar line. India therefore considered that there was no need to adjust the equidistance line that it shared with Bangladesh in the latter’s favour252.
16. In its 2014 Award, the Arbitral Tribunal rejected India’s argument as follows: [Slide 1]
“More fundamentally, the Tribunal wishes to emphasize that the case before the International Tribunal for the Law of the Sea between Myanmar and Bangladesh and the present arbitration are independent of each other. They involve different Parties, separate proceedings, and different fora. Accordingly, the Tribunal must consider the Judgment of the International Tribunal for the Law of the Sea as res inter alios acta.
250 Nicaragua, judges’ folder, 7 July 2017, tab 14.
251 CR 2017/11, p. 25, para. 15 (Reichler).
252 Bangladesh v. India, Award of 7 July 2014, PCA, p. 114, para. 391.
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This Tribunal will, therefore, base its decision solely on consideration of the relationship between Bangladesh and India and their respective coastlines. This decision is in line with the award in the case of Barbados/Trinidad and Tobago, where the arbitral tribunal refused to take into consideration a delimitation agreement between Trinidad and Tobago and Venezuela. The Tribunal will, however, take into consideration any compensation Bangladesh claims it is entitled to due to any inequity it suffers in its relation to India as a result of its concave coast and its location in the middle of two other States, sitting on top of the concavity of the Bay of Bengal.”253
[End of slide 1]
17. Members of the Court, if a delimitation line established by a court and involving one of the parties to a dispute is not taken into account, and does not change the assessment of the cut-off effect generated by the concavity of a three-State coastline, surely the same treatment should be given to the 1976 Treaty between Panama and Colombia in the present proceedings. The argument is all the more compelling given that this treaty concerns two States which are not parties to these proceedings, and that the Court’s 2012 Judgment may have implications for that treaty.
C. The jurisprudence is consistent on the bilateral nature of treaties and court decisions concerning maritime delimitation
18. I submit that all of this is in line with remarkably consistent jurisprudence. This Court and other international tribunals have systematically refused to take account of treaties concluded with or by third States when determining the course of a delimitation line. That was true of the Iceland/Norway treaties of 1980 and 1981 invoked by Denmark in the Jan Mayen case (Denmark v. Norway)254, the 1990 Trinidad and Tobago/Venezuela and 1987 France/Dominica treaties invoked by Trinidad and Tobago in the Barbados/Trinidad and Tobago case255, the 1986 Honduras/Colombia and 1993 Jamaica/Colombia treaties invoked by Honduras in the Nicaragua v. Honduras case256, the 1978 Turkey/USSR and 1997 Turkey/Bulgaria treaties invoked by Romania in the Romania v. Ukraine case257, and finally the 1977 Colombia/Costa Rica,
253 Bangladesh v. India, Award of 7 July 2014, PCA, p. 121, para. 411.
254 Maritime Delimitation in the Area between Greenland and Jan Mayen (Denmark v. Norway), Judgment, I.C.J. Reports 1993, pp. 76-77, para. 86.
255 Barbados/Trinidad and Tobago, Award of 11 Apr. 2006, RIAA, Vol. XXVII, pp. 238-239, paras. 344-348.
256 Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 732-733, para. 246, p. 734, para. 251, p. 736, para. 255.
257 Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine), Judgment, I.C.J. Reports 2009, pp. 119-120, paras. 174-176.
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1976 Colombia/Panama and 1993 Colombia/Jamaica treaties invoked by Colombia in the “NICOL 1” case258.
19. Given the particular relevance of that last case, I should like to quote from the Court’s 2012 Judgment: [Slide 2]
“The Court notes that, while the agreements between Colombia, on the one hand, and Costa Rica, Jamaica and Panama, on the other, concern the legal relations between the parties to each of those agreements, they are res inter alios acta so far as Nicaragua is concerned. Accordingly, none of those agreements can affect the rights and obligations of Nicaragua vis-à-vis Costa Rica, Jamaica or Panama; nor can they impose obligations, or confer rights, upon Costa Rica, Jamaica or Panama vis-à-vis Nicaragua. It follows that, when it effects the delimitation between Colombia and Nicaragua, the Court is not purporting to define or to affect the rights and obligations which might exist as between Nicaragua and any of these three States.”259
[End of slide 2]
20. This jurisprudence demonstrates, to use the Court’s own terms, that a delimitation between two States remains exclusively bilateral, and that it can have no impact, either positive or negative, on the rights of a third State. This is also confirmed by the treatment in the jurisprudence of delimitations established with a third State through the courts. Mr. President, I will only be another two or three minutes, so, with your permission, I will continue — and I promise that Costa Rica will not use all of its time this afternoon.
21. That said, the jurisprudence is also very clear about the possible role of treaties concluded with third States in a region where a maritime delimitation has to be effected. Their role is twofold. First, such agreements can be used to fix the outer limits of the relevant area, which corresponds to the area in which the claims overlap260. Second, they can influence the location of the endpoint of the delimitation line, since that point must be drawn in such a way that it does not affect the interests of third States261. Costa Rica took account of these considerations in its delimitation exercise: it used the agreement concluded in 1980 with Panama to fix the southern
258 Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 707, para. 227.
259 Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 685, para. 162.
260 Barbados/Trinidad and Tobago, Award of 11 Apr. 2006, RIAA, Vol. [XXVII], p. [239], para. 349; Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), pp. 685-686, para. 163.
261 Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 120, para. 177 and p. 129, para. 209.
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limit of the relevant area, and it placed the endpoint of its claimed line (point 14) on the hypothetical equidistance line between Panama, on the one hand, and Costa Rica and Nicaragua, on the other, so as not to affect Panama’s interests in the area262.
Conclusion
22. Members of the Court, to conclude on the question of the effects of treaties signed with or by States which are not parties to the present case, I would invite you to do what Nicaragua itself invited you to do (and what you subsequently did) in the Nicaragua v. Honduras case. Allow me to cite Nicaragua’s Memorial: [Slide 3]
“In the present case, the maritime boundary between the two States remains undetermined and has not been the subject of any agreement between them; nevertheless, a number of bilateral agreements between the Parties are of some relevance to the present dispute . . . Conversely, the bilateral treaties concluded between one Party and a third State, including the Colombia/Honduras Treaty of 2 August 1986, are res inter alios acta and should not to be taken into consideration by the Court in resolving the dispute before it.”263
[End of slide 3]
23. Members of the Court, thank you once again for your patience and attention. Mr. President, I would ask you to give the floor this afternoon to my colleague, Coalter Lathrop.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Kohen. La Cour se réunira de nouveau cet après-midi, à 15 heures, pour entendre la fin du second tour de plaidoiries du Costa Rica. A l’issue de cette audience, le Costa Rica présentera ses conclusions finales.
Je vous remercie. The Court is adjourned.
L’audience est levée à 13 h 5.
___________
262 Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 686, para. 165 (on the use of hypothetical equidistance lines).
263 Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), MN, p. 63, para. 3; emphasis added.
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