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CR 2017/10
CR 2017/10
Jeudi 6 juillet 2017 à 15 heures
Thursday 6 July 2017 at 3 p.m.
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Le PRESIDENT : Please be seated. L’audience est ouverte. La Cour entendra cet après-midi le début du premier tour de plaidoiries du Nicaragua. Je voudrais indiquer tout d’abord que le vice-président Yusuf n’est pas en mesure de siéger aujourd’hui pour des raisons dont il m’a dûment fait part.
Je donne à présent la parole à S. Exc. M. Argüello Gómez, agent de la République du Nicaragua.
M. ARGÜELLO GÓMEZ : Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est, comme toujours, un honneur et un privilège immenses que de m’adresser à vous au nom de mon pays.
1. Les membres de la Cour connaissent bien le contexte dans lequel s’inscrivent les deux affaires faisant l’objet de la présente instance, et je leur épargnerai donc des observations inutiles sur l’historique de la procédure ainsi que la plupart des observations qui sont d’usage dans l’exposé liminaire d’un agent.
2. De fait, la Cour connaît tellement bien les questions en cause dans la présente espèce qu’elle a pris deux décisions inhabituelles : la première a été de désigner des experts pour l’aider sur les aspects techniques et factuels du dossier, et la seconde de soumettre aux Parties une question sur laquelle celles-ci ont été invitées à exprimer leurs vues lors de leur premier tour de plaidoiries. A cet égard, je précise que c’est à moi que reviendra l’honneur de présenter ultérieurement un exposé détaillé en réponse à la question posée par la Cour.
3. Monsieur le président, en ma qualité d’agent ayant, me semble-t-il, comparu le plus souvent devant la Cour, je me permettrai une remarque personnelle au sujet de ces décisions d’ordre procédural tout à fait inédites. L’originalité dont la Cour a fait preuve sur le plan de la procédure  en nommant des experts que les Parties peuvent interroger et en indiquant les points sur lesquels elle souhaiterait tout particulièrement entendre les vues de ces dernières  permet non seulement d’écourter la procédure orale mais aussi de mieux cibler les exposés oraux. Voilà qui est assurément utile en la présente espèce.
4. Monsieur le président, les deux affaires portées devant la Cour concernent, pour la première, la délimitation de la frontière maritime dans les océans Pacifique et Atlantique, et, pour
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la seconde, la question de la frontière terrestre dans le secteur de la lagune de Harbor Head/Isla Portillos. L’une et l’autre portent sur l’interprétation et l’application de traités et de sentences applicables depuis plus d’un siècle au tracé et à la démarcation de la frontière entre les Parties. L’affaire relative à la délimitation maritime, quant à elle, hormis en ce qu’elle a trait à la question de la détermination du point de départ, concerne également l’interprétation et l’application des règles du droit international contemporain régissant les questions afférentes à la délimitation maritime.
5. Le Costa Rica a déposé sa requête dans l’affaire relative à la Délimitation maritime le 25 février 2014, et celle relative à la Frontière terrestre le 16 janvier 2017, soit près de trois ans après l’introduction de l’instance initiale. Si le Nicaragua ne voit aucune objection à ce que les questions relatives aux deux affaires soient soumises à la Cour, il se doit de faire observer que la procédure suivie par le Costa Rica a inutilement entravé le déroulement de la présente espèce.
6. Lorsqu’il a déposé sa requête dans l’affaire relative à la Délimitation maritime, le Costa Rica savait pertinemment qu’il existait également un différend au sujet de la frontière terrestre. Il s’est employé à faire croire qu’il n’a eu connaissance de ce différend frontalier qu’au moment où le Nicaragua aurait déplacé un petit poste de garde installé sur la langue de sable du secteur de la lagune de Harbor Head1. MM. Samson et Martin examineront ce point de manière plus approfondie ultérieurement, mais force est de constater d’emblée que ce scénario n’est qu’un tissu de mensonges sur lequel le Costa Rica fait fond pour justifier l’introduction d’une nouvelle instance, comme s’il avait été contraint de réagir au pied levé face au comportement du Nicaragua.
7. Il est fort aisé de prouver ce que j’affirme. En effet, lors de la réunion tenue avec le président le 28 janvier 2016, la question du déroulement de l’instance à l’issue du premier tour de procédure écrite a été débattue, le Costa Rica indiquant alors qu’il n’estimait pas nécessaire d’envisager un second tour de procédure écrite en réponse au contre-mémoire du Nicaragua, déposé le 8 décembre 2015. Il en a été ainsi décidé, alors même que les écritures mettaient clairement en exergue l’existence d’un différend au sujet du point de départ de la délimitation maritime. Lors de cette même réunion, le Costa Rica a de surcroît précisé qu’il n’estimait pas
1 MCR, par. 1.1 ; 1.5-1.7 ; 3.5-3.7.
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nécessaire d’envisager un second tour de procédure écrite mais qu’il lui semblait utile que les Parties déposent l’une et l’autre des écritures concernant la question de la frontière terrestre, et plus particulièrement la souveraineté sur la langue de sable et le littoral.
8. La Cour n’a pas tenu compte de cette demande du Costa Rica. Or, si celui-ci était déjà convaincu de la nécessité de débattre la question de la frontière terrestre, pourquoi n’a-t-il pas déposé sa seconde requête début 2016, lorsqu’il a constaté que sa demande n’avait pas été accueillie ?
9. Dans sa requête introductive de l’instance relative à la Frontière terrestre, déposée il y a quelques mois, le Costa Rica affirmait que «[l]a délimitation des espaces maritimes des Parties dans la mer des Caraïbes nécessit[ait] au préalable le règlement du présent différend»2.
10. Or, si la question de la frontière terrestre constituait une priorité, peut-être nos éminents confrères costa-riciens pourraient-ils nous expliquer pourquoi cette affaire a été portée si tard devant la Cour, alors que la procédure écrite sur la délimitation maritime était déjà close ?
I. DÉLIMITATION MARITIME
11. Pour en revenir à la question de la délimitation maritime, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, cette affaire — celle relative à la Délimitation maritime — suppose de déterminer le tracé intégral des frontières maritimes entre l’ensemble des zones appartenant, respectivement, au Nicaragua et au Costa Rica dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifique.
A. Délimitation dans la mer des Caraïbes
12. Outre les questions qui se posent habituellement dans toutes les affaires de délimitation maritime relativement aux circonstances géographiques spéciales et pertinentes, la délimitation dans la mer des Caraïbes soulève deux questions en particulier. L’une a trait à l’emplacement du point de départ, et l’autre à celui du point terminal de la délimitation maritime.
2 Différend relatif à la frontière terrestre dans la partie septentrionale d’Isla Portillos (Costa Rica c. Nicaragua), requête, par. 24.
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i) Point de départ
13. En ce qui concerne le point de départ — sur lequel je reviendrai plus en détail dans un exposé ultérieur —, le Nicaragua montrera que :
 la position du Costa Rica, qui remonte à l’époque des sentences Alexander à la fin du XIXe siècle, a toujours été que le point de départ de toute délimitation (terrestre ou maritime) correspond à l’emplacement de la borne initiale placée par l’arbitre Alexander le 2 mars 1898 ;
 l’arbitre avait prévu, dans sa sentence, que l’emplacement de la borne initiale — même si celle-ci avait été emportée par les eaux — était le point de départ fixe, permanent et immuable de la délimitation ;
 cette décision a été favorablement accueillie et volontiers acceptée par le Costa Rica pendant plus d’un siècle, jusqu’à quelques années avant l’introduction de la présente affaire relative à la Délimitation maritime.
ii) Point terminal de la délimitation dans la mer des Caraïbes
14. En ce qui concerne le point terminal de la délimitation dans la mer des Caraïbes, je rappellerai tout d’abord que le Costa Rica a conclu un accord avec la Colombie sur la délimitation de leurs espaces maritimes dans la mer des Caraïbes ; un traité a été signé le 17 mars 1977.
15. Bien que le Costa Rica n’ait jamais officiellement ratifié ce traité, les dispositions de ce dernier étaient bel et bien en vigueur. En outre, cela permet de mettre en évidence ce que le Costa Rica considérait comme une solution équitable pour ses frontières maritimes à l’est et au nord, et de montrer que celui-ci n’avait aucune prétention sur les zones situées au-delà de celles établies dans le traité de 1977. Pour contester ce fait, M. Kohen a fait référence à l’une des déclarations que j’avais faites en ma qualité d’agent du Nicaragua lors de la phase de l’affaire Nicaragua c. Colombie consacrée à l’intervention du Costa Rica, selon laquelle
«[s]i l’arrêt rendu par la Cour fai[sait] droit aux prétentions du Nicaragua, le seul effet d’une telle décision ser[ait] que le Costa Rica pourr[ait] tenter d’obtenir avec le Nicaragua une délimitation allant au-delà des limites convenues entre lui et la Colombie»3.
3 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), Requête à fin d’intervention du Gouvernement du Costa Rica, CR 2010/13, 13 octobre 2010, p. 16, par. 24 (Argüello). Voir aussi CR 2017/9, par. 4 (Kohen).
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16. De toute évidence, cette déclaration n’était rien d’autre qu’une constatation et ne préjugeait en rien la suite des événements. Il n’y était reconnu aucun droit substantiel au Costa Rica ; elle se contentait d’indiquer que rien ne s’opposait, du point de vue de la compétence, à ce que celui-ci formule à l’avenir des revendications maritimes à l’égard du Nicaragua — comme il est d’ailleurs en train de le faire. Mais M. Kohen m’incite à tenter de faire une vraie prévision : si le Costa Rica se voit octroyer en l’espèce un quelconque espace reconnu comme appartenant à la Colombie en vertu du traité de 1977, ces deux Etats se retrouveraient très bientôt non pas devant la Cour, puisque la Colombie, contrairement au Nicaragua, n’accepte pas la compétence de celle-ci, mais certainement à la table des négociations.
17. Monsieur le président, le traité de 1977 fait partie de cet ensemble d’accords négociés par la Colombie en vue d’affermir ses prétentions sur les espaces maritimes et les îles faisant face à la côte nicaraguayenne. Telle était sa stratégie, notamment en ce qui concerne les traités qu’elle a signés avec le Costa Rica, le Panama et le Honduras, ainsi qu’avec d’autres pays de la région.
18. Comme la majorité des membres de la Cour s’en souviendront, le différend opposant le Nicaragua à la Colombie tournait autour de l’affirmation de cette dernière selon laquelle il existait une frontière maritime entre elle et le Nicaragua depuis 1928 et que le 82e méridien ouest en constituait la ligne de délimitation4. Le Nicaragua soutenait pour sa part — et la Cour lui avait donné raison — que le méridien n’était qu’une indication relative à la souveraineté sur certaines îles5. Lors des audiences qui se sont tenues dans cette affaire, la Colombie avait notamment avancé que plusieurs traités conclus avec des Etats tiers contredisaient la prétention du Nicaragua concernant les espaces situés à l’est du 82e méridien6. L’une des stratégies géopolitiques mises en place par la Colombie pour contrer les revendications du Nicaragua consistait en fait à signer des accords tenant compte des prétentions de ce dernier et du 82e méridien. Dans l’ouvrage bien connu publié sous la direction de Charney et Alexander, on lit par exemple ce qui suit :
«Soucieuse de confirmer la validité juridique du 82e méridien ouest en tant que frontière maritime générale et non comme simple indice de souveraineté découlant de sa reconnaissance par des tiers, la Colombie est parvenue à conclure trois accords avec
4 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 865, par. 105.
5 Ibid., p. 867, par. 115.
6 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), duplique de la Colombie, p. 192-196.
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des Etats tiers, dans le cadre desquels chaque nouvelle frontière maritime a été négociée de manière à s’aligner sur le tracé du 82e méridien ouest.»7
Ce texte a été publié bien avant que l’affaire mettant en cause la Colombie et la présente instance ne soient introduites devant la Cour.
19. Maintenant que le Nicaragua a fait fi de la frontière maritime imposée par la Colombie, le Costa Rica a beau jeu de revendiquer aujourd’hui des espaces à l’égard desquels il n’a eu aucune prétention pendant la plus grande partie de ces quarante dernières années — période pendant laquelle, rappelons-le, les prétentions à des espaces maritimes plus étendus sont devenues pratique courante, y compris de la part du Costa Rica lui-même8. Ces questions seront traitées par M. Remiro, qui reviendra sur les effets du traité cité en référence, et par M. Reichler en ce qu’elles constituent des circonstances pertinentes au regard de la délimitation de la zone économique exclusive.
20. Je tiens à préciser un dernier point au sujet de la délimitation dans la mer des Caraïbes. Il s’agit de la question de l’effet que les îles du Maïs nicaraguayennes pourraient avoir sur la délimitation. Cet aspect sera traité de manière approfondie par M. Reichler, mais puisque M. Kohen a cité, là aussi, une autre des déclarations9 que j’avais faites dans le cadre de la demande d’intervention du Costa Rica dans l’affaire Nicaragua c. Colombie, il me faut l’expliquer, même si son sens et l’intention sous-jacente sont clairs. Dans cette affaire, l’une des principales questions avait trait à l’effet que les îles relativement petites de San Andrés et Providencia devraient avoir sur la délimitation, compte tenu de l’étendue de la côte continentale du Nicaragua. Naturellement, celui-ci cherchait à mettre l’accent sur l’importance de sa vaste côte continentale qui faisait face à certaines formations relativement petites, et la déclaration citée allait dans ce sens. Mais ce qui est surprenant, c’est que le Costa Rica attache plus d’importance, d’un point de vue juridique, à ma déclaration qu’à l’arrêt de la Cour qui n’a pas méconnu ces îles, leur attribuant au contraire des espaces maritimes considérables.
7 Nweihed K., «Middle American and Caribbean Maritime Boundaries», in International Maritime Boundaries, Charney, Alexander (sous la dir. de), p. 274.
8 Le Costa Rica a revendiqué des espaces maritimes situés dans la limite des 200 milles dès 1972, bien avant la conclusion du traité avec la Colombie en 1977.
9 Voir CR 2017/9, p. 30, par. 62-63 (Kohen).
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B. Délimitation dans l’océan Pacifique
21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la question de la délimitation dans l’océan Pacifique devrait, semble-t-il, être réglée plus facilement et de manière un peu plus pacifique que côté Atlantique. Après tout, les principales questions en cause concernent les aspects géographiques habituels que la Cour tranche fort habilement depuis les affaires décisives du Plateau continental de la mer du Nord. Et pourtant, le Costa Rica semble, dans ses prétentions côté Pacifique, ne faire aucun cas des préceptes que la Cour et les tribunaux internationaux observent depuis près de cinquante ans. MM. Reichler et Lowe reviendront sur ces points plus en détail.
22. Mais permettez-moi de formuler un bref commentaire sur le point de départ de la délimitation dans le Pacifique. Aucune des parties ne conteste que ce point se situe dans la baie de Salinas, plus précisément au milieu de la ligne de fermeture de celle-ci10. Toutefois, il importe de rappeler ce que souligne le Nicaragua dans son contre-mémoire11, à savoir que l’utilisation du point central de la ligne de fermeture comme point de départ de la délimitation maritime ne préjuge en rien les autres questions qui pourraient être soulevées concernant les zones situées en deçà de la ligne de fermeture de la baie, notamment celle de la souveraineté sur la petite île de Bolaños.
II. L’AFFAIRE DE LA FRONTIÈRE TERRESTRE ET LE CAMPEMENT MILITAIRE
23. J’en viens à présent à l’affaire de la Frontière terrestre et au campement militaire. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je tiens d’emblée à préciser que le Nicaragua considère que, conformément au droit international, sa frontière avec le Costa Rica a été fixée par le traité de délimitation de 1858, la sentence arbitrale de 1888 du président Cleveland et les cinq sentences arbitrales que le général Alexander a rendues entre 1897 et 1900.
24. Pour sa part, le Costa Rica a récemment adopté la position selon laquelle le traité de limites de 1858 et les sentences qui ont suivi ne seraient plus applicables et devraient être écartées ou, à tout le moins, réinterprétées à la lumière de ce qu’il appelle dans son mémoire «la géographie actuelle autour de l’embouchure du fleuve San Juan»12. A l’audience, le conseil du Costa Rica,
10 CMN, p. 28, par. 2.41.
11 Ibid., note de bas de page no 57.
12 MCR, p. 59, par. 4.14.
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ainsi que ses agent et coagent, ont réitéré que le point de départ devait être, et je cite de nouveau, «déterminé sur la base de la géographie actuelle»13.
25. Même si ces points seront traités plus avant par MM. Samson et Martin, je formulerai quelques observations liminaires et générales, en particulier à la lumière de la question fort intéressante que M. le juge Tomka a posée aux experts. M. le juge Tomka relève que, dans leur rapport, les experts se réfèrent à une série de «lagunes discontinues parallèles» situées à proximité de la côte caraïbe et rappelle en outre que, dans son contre-mémoire, le Nicaragua a affirmé que, je cite, «le chenal reliant le cours inférieur du San Juan à la lagune de Harbor Head exist[ait] encore aujourd’hui». Sur cette base, il demande aux experts si, lorsqu’ils se sont rendus sur place, «ils ont vu, dans les environs immédiats de la côte caraïbe, un quelconque chenal continu reliant le fleuve San Juan et la lagune de Harbor Head».
26. Dans leur réponse, les experts indiquent que, selon leurs observations, ils peuvent affirmer, je cite, qu’«il n’existe pas, à l’heure actuelle, de chenal continu reliant le fleuve San Juan et la lagune de Harbor Head dans les environs immédiats de la côte caraïbe»14. Et d’ajouter que, nouvelle citation, les «cartes topographiques produites par le Costa Rica et le Nicaragua montrent que, dans un passé récent, il existait une passe formant une sorte de chenal entre la langue et la terre ferme, et que la lagune de Los Portillos/Harbor Head était reliée à la mer via le San Juan»15. Ils relèvent enfin la présence, je cite encore, d’«une série de lagunes discontinues parallèles à la côte» qui constituent des «restes de la passe formant une sorte de chenal qui existait, récemment, entre Isla Portillos et la langue de sable qui courait alors le long de la lagune de Los Portillos/Harbor Head»16.
27. Cette réponse des experts atteste a) qu’il existait, dans un passé récent, un chenal reliant Harbor Head au fleuve San Juan, et b) que ce chenal n’a pas totalement disparu, puisque certaines de ses parties  les lagunes  sont toujours présentes.
13 CR 2017/7, p. 30, par. 42 (Ugalde). L’agent du Costa Rica a pour sa part déclaré que «[le] point de départ … devra[it] … être défini sur la base de la situation géographique actuelle». CR 2017/7, p. 17, par. 9 (Ugalde Álvarez).
14 Réponse des experts désignés par la Cour à la question de M. le juge Tomka, transmise par la lettre du greffier en date du 15 juin 2017 (réf. : 148823).
15 Réponse des experts désignés par la Cour à la question de M. le juge Tomka, transmise par la lettre du greffier en date du 15 juin 2017 (réf. : 148823).
16 Ibid.
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28. Outre la réponse technique apportée par les experts à cette question spécifique, il existe une considération d’ordre juridique dont il y a lieu de tenir compte. Je soulignerai que, si la lagune de Harbor Head a récemment été séparée du «fleuve proprement dit»  pour reprendre l’expression que le général Alexander a employée dans sa sentence —, cette séparation ne peut avoir pour effet d’isoler cette partie importante du système du San Juan du reste du fleuve. Le général Alexander, il y a cent vingt ans, et les experts de la Cour, il y a quelques mois, s’accordent à dire que ce système fluvial est en perpétuelle mutation. Selon les experts, nous avons de fortes chances d’assister à des déplacements de l’embouchure actuelle du fleuve proprement dit ; celui-ci pourrait même finir par se jeter dans la lagune de Harbor Head, qui deviendrait ainsi sa nouvelle embouchure17. La situation du fleuve et de la côte ne peut donc être que temporaire.
29. A cet égard, il convient de rappeler que les sentences ayant fixé la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica précisaient aussi quelles activités le premier de ces deux Etats pouvait mener sur le fleuve. La sentence Cleveland confère ainsi au Nicaragua le droit bien spécifique de préserver et d’améliorer, en sa qualité de souverain, la navigation sur le cours du fleuve18. Il est évident que la zone de la lagune de Harbor Head, c’est-à-dire ce qui était alors le port caribéen du San Juan, constituait une partie essentielle de ce système fluvial, ainsi qu’il est clairement précisé dans la première sentence Alexander. Il est également clair qu’il n’avait jamais été envisagé, dans les sentences, qu’une partie importante du système fluvial puisse être isolée de celui-ci et que le Nicaragua n’ait pas le droit souverain de faire face à cette situation en maintenant ouverts les chenaux nécessaires, en particulier, si j’ose dire, le «premier chenal rencontré». Ces instruments prévoyaient au contraire cette éventualité, qui se produit dans tous les systèmes fluviaux en l’absence d’une intervention humaine.
30. Enfin, il y a lieu de rappeler que cette transformation du littoral, tout comme la séparation de la lagune et du fleuve, est très récente. Elle s’est produite alors que le Nicaragua et le Costa Rica se trouvaient déjà devant la Cour. Comme vous le savez bien, ces sept dernières années  en tout état de cause, depuis la naissance du différend ayant conduit à l’introduction de l’affaire
17 Rapport des experts désignés par la Cour (ci-après «rapport d’experts»), p. 84, par. 195.
18 Sentence Cleveland de 1888, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (R.S.A.), vol. XXVIII, p. 209-210, section 3, par. 4-6.
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relative à Certaines activités —, le Costa Rica a surveillé de très près tout ce qui se passait dans la zone qui nous intéresse actuellement. Il n’aurait pas manqué de relever le moindre changement intervenu à Harbor Head et d’en tenir compte dans les demandes qu’il a présentées à l’encontre du Nicaragua. Et pourtant, comme de nombreux membres de la Cour s’en souviendront peut-être, pendant les trois premières années de l’affaire relative à Certaines activités, soit au moins jusqu’au milieu de l’année 2013, le Costa Rica affirmait qu’il existait à proximité du littoral un chenal reliant la lagune au fleuve et que la côte faisait partie du territoire nicaraguayen. M. Martin approfondira cette question demain après-midi. Pour l’instant, je me contenterai de citer le mémoire déposé par le Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités, dans lequel il a reconnu que, pour l’Institut nicaraguayen d’études territoriales (INETER), «le chenal visé dans la première sentence du général Alexander, ingénieur-arbitre, était de toute évidence le chenal parallèle à la côte et aucun autre»1. Je cite là une pièce écrite qui date d’il y a six ans. En outre, lors des audiences sur les mesures conservatoires de 2011, le Costa Rica a rappelé que,
«sur les cartes [pertinentes] de la région de San Juan del Norte/Punta Castilla qui [avaient] été établies et utilisées par les deux pays jusqu’à la fin de l’année dernière [c’est-à-dire 2010], la frontière sui[vait] clairement le cours du véritable premier chenal déterminé par Alexander»
et que ces cartes «ne montr[aient] pas du tout le prétendu nouveau «premier caño» artificiellement créé par le Nicaragua»19.Vous pouvez voir l’image à laquelle se référait le Costa Rica sous l’onglet no 1 de votre dossier.
31. Aujourd’hui, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, moins de cinq ans plus tard, ce chenal s’est en partie asséché et le Costa Rica demande à la Cour de déclarer que la côte n’appartient plus au Nicaragua et qu’elle s’est rattachée au territoire costa-ricien lors de ces trois ou quatre dernières années. S’il était fait droit à cette demande, toute la structure soigneusement mise en place par le traité de 1858 et les sentences serait démantelée, et la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica devrait être souvent réexaminée, ce qui engendrerait une incertitude permanente et de nombreux différends entre les Parties... une situation qui n’est souhaitable pour personne.
19 Observations du Costa Rica sur les réponses écrites du Nicaragua aux questions qui lui ont été posées par MM. les juges Simma, Bennouna et Greenwood, par. 14 (20 janvier 2011).
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32. Monsieur le président, avant de conclure, je souhaite formuler quelques observations très brèves sur certains points que le Costa Rica a mentionnés plus ou moins succinctement lors de son exposé.
33. Premièrement, s’agissant du statut de la baie de San Juan del Norte, M. Kohen a allégué que celle-ci constituait aujourd’hui une enclave (sur le territoire nicaraguayen) commune aux deux Etats conformément à l’article IV du traité de limites20. Le Nicaragua ayant, de manière générale, énoncé sa position sur ce point dans le contre-mémoire21 qu’il a déposé en l’affaire relative à Certaines activités, je me bornerai à rappeler que  comme cela a été confirmé dans la première sentence Alexander , la baie de San Juan del Norte n’existe plus physiquement et que le Costa Rica ne détient aucun droit à l’ouest ou au nord de la ligne tracée par le général Alexander dans ladite sentence. En effet, pendant plus d’un siècle, le Costa Rica n’a pas exercé la moindre activité22, quelle qu’elle fût, dans cette baie. En d’autres termes, il n’existe pas d’«enclave commune»23, contrairement à ce qu’insinue M. Kohen. Au surplus, la comparaison faite par le Costa Rica entre la baie inexistante de San Juan del Norte et la lagune de Harbor Head est impropre, le général Alexander n’ayant jamais eu l’intention d’enclaver cette lagune.
34. S’agissant de la «flèche littorale d’Isla Portillos»24, le Costa Rica lui-même reconnaît que la «longueur et la configuration de cette [formation] sont sujettes à d’importantes modifications résultant de processus naturels»25 et, de fait, les experts ont confirmé son caractère instable dans leur rapport26, cette situation étant totalement différente de celle du cordon littoral qui se trouve devant la lagune de Harbor Head depuis plus d’un siècle. La flèche littorale à laquelle le Costa Rica se réfère fait en réalité partie intégrante de la plage nicaraguayenne qui débute à Punta Castilla.
35. Monsieur le président, voilà qui clôt ma présentation liminaire en tant qu’agent, et j’en viens maintenant aux différents exposés de notre premier tour de plaidoiries.
20 CR 2017/9, p. 26, par. 52 (Kohen).
21 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), contre-mémoire du Nicaragua, par. 6.141-6.182 et 9.34-9.45.
22 Ibid., par. 6.167 et 6.170.
23 CR 2014/9, p. 26, par. 52 (Kohen).
24 CR 2017/8, p. 45, par. 9 (Brenes).
25 Ibid., par. [8].
26 Rapport d’experts, p. 39-40, par. 109-110.
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36. Cet après-midi, M. Oude Elferink commencera par décrire brièvement le cadre géographique, avant de présenter l’argumentation du Nicaragua relativement à la zone et aux côtes pertinentes, tant du côté caraïbe que du côté pacifique. M. Remiro traitera ensuite des délimitations que le Costa Rica a déjà effectuées avec des Etats tiers dans la mer des Caraïbes. Après cela, j’entretiendrai la Cour de la question du point de départ de la délimitation dans les Caraïbes.
37. Demain matin, M. Lowe abordera la délimitation de la mer territoriale dans les Caraïbes, après quoi M. Reichler se penchera sur celle de la zone économique exclusive (ZEE) et du plateau continental.
38. Nos exposés seront ensuite consacrés à la délimitation maritime dans l’océan Pacifique, M. Lowe traitant de la mer territoriale et M. Reichler, de la ZEE et du plateau continental.
39. Demain après-midi, le Nicaragua en viendra aux questions relatives à l’affaire de la Frontière terrestre. M. Samson s’intéressera tout d’abord aux origines et à la portée géographique du différend, puis M. Martin démontrera que le poste d’observation militaire se trouve sur le territoire nicaraguayen et que le cordon littoral qui sépare Isla Portillos de la mer des Caraïbes relève depuis toujours de la souveraineté du Nicaragua.
40. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable attention et vous prie de bien vouloir donner maintenant la parole à M. Oude Elferink.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Excellence. Je donne à présent la parole à M. Oude Elferink.
M. OUDE ELFERINK :
LE CONTEXTE GÉOGRAPHIQUE, LES CÔTES PERTINENTES ET LA ZONE PERTINENTE
1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi de plaider devant vous et un privilège de le faire au nom de la République du Nicaragua.
2. J’aborderai deux sujets aujourd’hui. Dans un premier temps, je vous présenterai le contexte géographique général des délimitations maritimes demandées, dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifique respectivement. Dans un deuxième temps, j’expliquerai quelles sont les
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côtes et zones pertinentes aux fins de ces délimitations. A cet égard, je me pencherai tout d’abord sur les points relatifs au droit applicable soulevés lundi par Mme Parlett, et j’examinerai ensuite les côtes et la zone pertinentes dans la mer des Caraïbes puis dans l’océan Pacifique.
Le contexte géographique des délimitations maritimes
1. La mer des Caraïbes
3. [Projection de la figure AOE-1] Le Nicaragua et le Costa Rica sont des Etats côtiers qui bordent la mer des Caraïbes dans sa partie occidentale. Comme on peut le voir sur la figure qui s’affiche maintenant à l’écran, la côte continentale du Nicaragua court, du nord au sud, de la frontière terrestre avec le Honduras, marquée par le Rio Coco, à la frontière terrestre avec le Costa Rica, à Punta de Castilla. Le Nicaragua a également des relations côtières avec la Jamaïque, la Colombie et le Panama. S’agissant de la mer territoriale, de la zone économique exclusive et du plateau continental jusqu’à 200 milles marins, ses frontières avec le Honduras et la Colombie ont été fixées par des arrêts de la Cour, le 8 octobre 200727 et le 19 novembre 201228, respectivement. Une instance est actuellement pendante devant la Cour pour délimiter le plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins29. Les frontières maritimes du Nicaragua avec la Jamaïque et le Panama n’ont pas encore été délimitées.
4. Compte tenu des vues des Parties sur les côtes et la zone pertinentes, la frontière maritime que le Nicaragua partage avec le Honduras ne présente pas d’intérêt particulier en la présente espèce. En revanche, il convient de se pencher sur sa frontière maritime avec la Colombie, que la Cour a établie dans son arrêt de 2012. Pour parvenir à une solution équitable, la Cour a fixé cette frontière jusqu’à 200 milles marins des côtes nicaraguayennes, donnant ainsi au Nicaragua accès à la zone située en-deçà de cette limite à son plateau continental situé au-delà, au nord et au sud des espaces maritimes attribués à la Colombie. La délimitation proposée par le Costa Rica supprimerait quasiment, au sud, le corridor ainsi créé.
27 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 659.
28 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 624.
29 Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie), requête déposée le 16 septembre 2013.
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5. Quant au Costa Rica, il a délimité sa frontière maritime avec le Panama par traité en 198030. Vu l’insistance avec laquelle il répète que les lignes d’équidistance dans la mer des Caraïbes produisent un résultat qui lui est inéquitable, il est intéressant de souligner que ce dont il a convenu avec le Panama, c’est une frontière qui suit [projection de la figure AOE-2] «[l]a ligne médiane dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des lignes de base d’où la largeur de la mer territoriale de chaque Etat est mesurée»31. [Fin de la projection ; projection de la figure AOPE-2] Il y a en outre lieu de relever que cette ligne d’équidistance ne court que sur quelque 100 milles marins jusqu’au tripoint convenu entre le Costa Rica, le Panama et la Colombie.
6. Le Costa Rica a signé un traité de délimitation maritime avec la Colombie en 197732. Mes confrères, MM. Remiro Brotóns et Reichler, vous en diront plus à ce sujet.
7. Afin de compléter ce contexte géographique, il convient de mentionner que le Panama et la Colombie ont conclu un traité établissant leur frontière maritime dans la mer des Caraïbes en 197633. Ce traité, conjointement avec celui conclu entre le Panama et le Costa Rica, couvre l’ensemble des frontières maritimes du Panama dans la mer des Caraïbes. [Fin de la projection]
8. [Projection de la figure AOE-3] Les façades côtières du Nicaragua et du Costa Rica dans la mer des Caraïbes sont très différentes, par leur longueur comme par leur configuration. La côte continentale du Nicaragua mesure 535 kilomètres  ou 453 kilomètres suivant des lignes droites  auxquels s’ajoutent environ 50 kilomètres de côtes insulaires, tandis que la côte continentale du Costa Rica s’étend sur 226 kilomètres, ou 193 kilomètres suivant des lignes droites.
9. Sur le segment qui va de sa frontière terrestre avec le Nicaragua à sa frontière terrestre avec le Panama, la côte du Costa Rica dans la mer des Caraïbes est orientée vers le sud-est. Elle ne présente pas de rupture ni d’accident particulier. Les seules formations remarquables sont deux
30 Traité concernant la délimitation des zones marines et la coopération maritime entre la République du Costa Rica et la République du Panama, conclu le 2 février 1980 (entré en vigueur le 11 février 1982) (mémoire du Costa Rica (MCR), annexe 2).
31 Ibid., art. Ier, par. 1).
32 Traité sur la délimitation des aires marines et sous-marines et la coopération maritime entre la République de Colombie et la République du Costa Rica, en addition à celui signé à San José le 17 mars 1977 (MCR, annexe 3).
33 Traité relatif à la délimitation des zones marines et sous-marines et à des sujets connexes, conclu le 20 novembre 1976 entre la République du Panama et la République de Colombie, Nations Unies, Recueil des traités, vol. 1074, p. 226.
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petits promontoires : Puerto Limón, à 123 kilomètres du point de départ de la frontière maritime, et Punta Mona, à quelques kilomètres de la frontière panaméenne.
10. La façade côtière du Nicaragua est tournée vers l’est. Un certain nombre d’accidents marqués la jalonnent. Au sud, la ligne côtière forme une courbe concave à partir de l’embouchure du fleuve San Juan et jusqu’à Monkey Point, également appelé Punta del Mono. La distance entre les points d’entrée de cette concavité, mesurée suivant les lignes droites, est d’environ 60 kilomètres. Au large de Punta del Mono se trouvent Paxaro Bovo et les cayes de Palmenta, qui, en raison de leur proximité avec la côte, font partie intégrante de celle-ci. A quelque 160 kilomètres au nord de Punta del Mono se trouve le promontoire Punta de Perlas, tout près des petites îles Cayos de Perlas. Cet archipel jouxte la côte continentale du Nicaragua et, aux fins de la délimitation, fait également partie intégrante de celle-ci. Plus loin de la côte s’étendent les deux îles du Maïs (Corn Islands), dont M. Reichler vous parlera longuement demain.
11. Les Parties conviennent que le segment de la côte continentale situé au nord du promontoire Punta de Perlas n’est pas pertinent aux fins de la délimitation en l’espèce34. [Fin de la projection]
2. L’océan Pacifique
12. Monsieur le président, je vais maintenant décrire brièvement le contexte géographique de la délimitation maritime dans l’océan Pacifique.
13. [Projection de la figure AOE-4] Du côté pacifique, la direction générale du littoral peut être représentée par une ligne droite orientée en direction du sud-est, de Punta Cosigüina au Nicaragua jusqu’à Punta Burica au Costa Rica. Les deux formations géographiques les plus notables de cette côte  ou, puisque l’emploi de ces termes dans le contre-mémoire déplaît au Costa Rica, peut-être devrais-je dire «anomalies»  se trouvent au Costa Rica ; il s’agit de Cabo Santa Elena, à proximité immédiate du point terminal de la frontière terrestre, et de la péninsule de Nicoya.
14. La côte continentale du Nicaragua s’étend de Punta Cosigüina au nord, qui marque l’entrée du golfe de Fonseca, jusqu’à la frontière avec le Costa Rica dans la baie de Salinas au sud.
34 Une description de cette côte se trouve dans le contre-mémoire du Nicaragua (CMN), par. 3.7.
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Le littoral est régulier ; il ne comporte aucune saillie ou échancrure marquée. La direction générale de la façade côtière du Nicaragua peut être représentée par une ligne droite courant du nord-ouest vers le sud-est. La côte nicaraguayenne pacifique a une longueur totale comprise entre 298 kilomètres, si elle est mesurée en ligne droite, et 345 kilomètres, suivant sa configuration générale. Cependant, comme je l’expliquerai tout à l’heure, seule une partie de cette côte est pertinente aux fins de la délimitation avec le Costa Rica.
15. Du côté costa-ricien, la baie de Salinas, où est situé le point terminal de la frontière terrestre entre les Parties, marque un changement d’orientation de la côte. Après Cabo Santa Elena, promontoire s’avançant vers le large selon une direction plein ouest, la côte dessine le golfe de Papagayo et Punta Guiones, avant de s’infléchir et de suivre la péninsule de Nicoya. Elle se dirige ensuite vers le sud-est jusqu’à Punta Burica, point de départ de la frontière terrestre avec le Panama. La longueur totale de la façade côtière du Costa Rica est de 1400 kilomètres environ, mesurée suivant les sinuosités du littoral, ou de 455 kilomètres, mesurée en ligne droite. Comme pour le Nicaragua, seule une partie de cette côte est pertinente aux fins de la présente délimitation. J’y reviendrai ultérieurement.
16. Dans l’océan Pacifique, aucune frontière maritime conventionnelle ou en attente de délimitation avec des Etats tiers n’a d’influence sur la délimitation entre les Parties en l’espèce. [Fin de la projection]
Les côtes et la zone pertinentes
1. Droit applicable
17. Monsieur le Président, permettez-moi de passer à présent à la question des côtes et de la zone pertinentes. Je rappellerai d’abord le droit applicable, avant d’examiner la manière dont doivent être définies les côtes et la zone pertinentes, dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifique respectivement.
18. Lundi dernier, Mme Parlett a dégagé les points d’accord et de désaccord entre les Parties concernant les côtes et la zone pertinentes35. Les Parties s’accordent à dire que les côtes pertinentes
35CR 2017/7, p. 44, par. 25-26.
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sont celles générant des projections qui se chevauchent et que ces projections sont utilisées pour définir la zone pertinente36. Elles sont cependant en désaccord sur deux points, le premier étant le mode de détermination de la zone pertinente37 et le second, le mode de détermination des côtes pertinentes38. Le Nicaragua convient que c’est là le principal sujet de discorde. C’est donc sur ces deux points que j’axerai mon exposé.
19. Il existe un autre point d’accord présentant un intérêt pour la détermination de la zone pertinente, qui n’a pas été traité par Mme Parlett. Celle-ci l’a cependant évoqué dans deux de ses observations liminaires lundi dernier, déclarant que «le Costa Rica a[vait] prié la Cour de déterminer dans son intégralité … le tracé des frontières maritimes entre les deux Etats dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifiquel et que sa demande visait «à ce que soient déterminées les frontières qui délimitent la mer territoriale, la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental dans la limite des 200 milles marins, tant dans l’océan Pacifique que dans les Caraïbes»39. Le Nicaragua prend acte de cette position du Costa Rica qui revient à dire que, pour délimiter la frontière séparant les Parties dans la mer des Caraïbes, il n’est pas nécessaire de tenir compte du plateau continental auquel le Nicaragua a droit au-delà de 200 milles marins et qu’il ne peut être question de délimiter cette zone entre les Parties. Le Nicaragua a communiqué les limites extérieures de son plateau continental à la commission des limites du plateau continental, en exécution des obligations que lui impose la convention des Nations Unies sur le droit de la mer40.
20. Je voudrais à présent aborder le premier point de désaccord. En ce qui concerne la détermination de la zone pertinente, le Nicaragua estime que la jurisprudence fait obligation de s’appuyer principalement sur les projections frontales des côtes pertinentes, alors que le Costa Rica fait valoir qu’il faut considérer les projections radiales de ces côtes.
21. Avant d’examiner le bien-fondé de chacune de ces positions, j’aimerais faire une remarque liminaire. Dans son contre-mémoire, le Nicaragua relève que le Costa Rica, dans son mémoire, a totalement méconnu le fait que la Cour ait établi en l’affaire relative à la Délimitation
36CR 2017/7, p. 44, par. 25.
37Ibid., par. 26.
38Ibid.
39Ibid., p. 35, par. 2.
40Voir aussi CMN, par. 3.70.
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maritime en mer Noire deux principes applicables à la détermination des côtes pertinentes, l’un étant le principe «des projections qui se chevauchent», dont je viens de parler, et l’autre étant que ««la terre domine la mer» de telle manière que les projections des côtes vers le large sont sources de prétentions maritimes»41. Lundi dernier, les conseils du Costa Rica ont à nouveau méconnu ce second principe lorsqu’ils ont évoqué l’arrêt rendu en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire42. Certes, M. Brenes en a fait état mardi, mais il a omis de préciser que les projections sont «vers le large»43. L’oubli n’est probablement pas involontaire. L’expression «vers le large» veut dire «en direction de la mer». Elle ne pourrait désigner une projection radiale partant de la côte. Toute projection radiale ne s’oriente qu’en partie vers le large, prenant pour l’essentiel des directions plus ou moins parallèles à la côte.
22. Qu’a donc dit Mme Parlett pour justifier la thèse du Costa Rica qui veut que la zone pertinente soit déterminée à la lumière des projections radiales des côtes pertinentes ? Elle a commencé par faire valoir qu’il existait deux considérations pratiques qui devraient nous porter à croire que la projection radiale se prête à la détermination de la zone pertinente44. L’une de ces considérations tient en ce que la limite extérieure de la mer territoriale et celle de la zone économique exclusive et du plateau continental jusqu’à 200 milles marins se déterminent à l’aide de mesures omnidirectionnelles des limites en question45. Je n’ai rien à redire sur ce point. Il reste que la détermination des limites extérieures des espaces maritimes et leur délimitation bilatérale sont des questions distinctes régies par des dispositions différentes de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer. La zone pertinente doit être définie à la lumière des articles 15, 74 et 83 de cette convention et de la jurisprudence de la Cour de céans et d’autres juridictions.
23. Mme Parlett a ensuite présenté un certain nombre de scénarios hypothétiques visant à démontrer que les projections frontales pourraient poser des problèmes46. La Cour n’a pas à
41 Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine), arrêt, C.I.J. Recueil 2009, p. 96-97, par. 99.
42 CR 2017/7, p. 44, par. 25.
43 CR 2017/8, p. 43-44, par. 3.
44 CR 2017/7, p. 45, par. 28.
45 Ibid., p. 45-46, par. 29-30.
46 Ibid., p. 46-47, par. 31-32.
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s’intéresser à ces cas hypothétiques. Comme le contre-mémoire le démontre amplement, il n’est nullement difficile de déterminer la zone pertinente dans la mer des Caraïbes et dans l’océan Pacifique à l’aide des projections frontales des côtes pertinentes des Parties47.
24. Ayant battu en brèche ces considérations pratiques censées justifier l’utilisation des projections radiales, je passe aux arguments de droit invoqués par les conseils du Costa Rica. Selon ceux-ci, «[l]e recours à une projection radiale pour définir la zone pertinente est également compatible avec les sources faisant autorité»48. Curieusement, cette assertion était étayée par l’opinion dissidente de Prosper Weil en l’Affaire de la Délimitation des espaces maritimes entre le Canada et la République française (affaire dite Saint-Pierre-et-Miquelon)alors que, comme l’a également reconnu Mme Parlett, la majorité y avait adopté une solution principalement fondée sur la projection frontale49.
25. Les conseils du Costa Rica ont aussi invoqué l’arbitrage Bangladesh/Inde, le présentant comme un exemple récent accréditant le recours aux projections radiales. Il est instructif d’examiner cela de façon plus approfondie. Au dire de Mme Parlett, le tribunal saisi de l’affaire a fait observer que «pour établir la projection générée par la côte d’un Etat», il considérait que «ce qui importe, c’est la question de savoir si [les façades côtières] sont dans leur ensemble contiguës à la zone contestée par une présence radiale ou directionnelle pertinente aux fins de la délimitation»50. Mme Parlett a repris les termes mêmes du tribunal. Mais ce qu’elle n’a pas dit, c’est que celui-ci a ajouté  et je cite sa sentence [projection de la figure AOE-5]  que
«le tribunal est d’avis qu’il existe une certaine marge d’appréciation pour déterminer les projections générées par un segment du littoral et un point à partir duquel une ligne tracée à un angle aigu dans la direction générale de la côte ne peut plus être objectivement considérée comme la projection de cette côte vers le large»51.
[Fin de la projection - Projection de la figure AOE-6]
47 Voir CMN, chap. II.B et III.C.
48 CR 2017/7, p. 47, par. 33.
49 Ibid.
50 Ibid., p. 48, par. 34.
51 Tribunal constitué en application de l’annexe VII de la CNUDM, Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale, sentence, 7 juillet 2014, par. 302. [Traduction du Greffe]
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L’utilisation d’une projection radiale partant de la côte pour déterminer la zone pertinente est tout à fait contraire à cette conclusion selon laquelle toute ligne tracée à un angle aigu, c’est-à-dire de moins de 90 degrés, cesse à un certain point d’être la projection de la côte vers le large. Une projection radiale effectuée le long d’une côte rectiligne produit un angle aigu compris entre 90 et 0 degrés, comme le montre la figure à l’écran.
[Fin de la projection]
26. Mme Parlett a fait valoir ensuite que la solution retenue pour les îles Andaman venait prouver que le tribunal en l’affaire Bangladesh/Inde avait défini la zone pertinente sur la base d’une projection radiale52. [Projection de la figure AOE-7] Regardons à nouveau le croquis no 4 de la sentence. [Projection] La zone pertinente est représentée en rouge et une ligne orange signale la portion des îles Andaman qui a été considérée comme faisant partie de la côte pertinente de l’Inde. Le tribunal a justifié la distinction faite entre les parties septentrionale et méridionale de ces îles comme suit [je cite] : «[les îles Andaman du sud] sont situées trop au sud pour pouvoir être considérées de manière équitable comme générant des projections qui chevauchent celles de la côte du Bangladesh»53. Accommodant à sa façon cette constatation du tribunal, Mme Parlett a précisé  et je cite  que «de fait, elles se trouvent à bien plus de 400 milles marins du point le plus proche de la côte bangladaise»54. Or, c’est impossible. Comme le montre le croquis no 4, les îles Andaman du nord et du sud sont équidistantes de la côte du Bangladesh. C’est vraisemblablement pour un motif différent que le tribunal a procédé à la différentiation. Comme le montre encore le croquis no 4, la projection frontale des îles Andaman du nord pénètre dans la zone pertinente alors qu’il n’en va pas de même pour celle des îles du sud. Nous avons ajouté ces projections frontales au croquis pour illustrer cela. Si, par contre, le tribunal avait eu recours à la projection radiale pour déterminer la zone et les côtes pertinentes, les îles Andaman du nord et du sud auraient toutes valablement fait partie de la côte pertinente de l’Inde. En conclusion, le présent exposé dément la thèse du Costa Rica selon laquelle le tribunal arbitral a eu recours à la projection radiale et
52 CR 2017/7, p. 48, par. 34-35.
53 Tribunal constitué en application de l’annexe VII de la CNUDM, Arbitrage entre le Bangladesh et l’Inde concernant la délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale, sentence, 7 juillet 2014, par. 304. [Traduction du Greffe]
54 CR 2017/7, p. 48, par. 35.
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confirme à nouveau la conclusion dégagée dans le contre-mémoire, à savoir que la sentence en l’affaire Bangladesh/Inde repose sur des projections frontales55. [Fin de la projection]
27. Le dernier volet de l’exposé de Mme Parlett sur le droit applicable à la détermination des côtes et de la zone pertinentes concernait les circonstances permettant d’écarter des segments de côte comme étant non pertinents. Chose intéressante, Mme Parlett a, dans son argumentation, complètement réduit à néant la thèse selon laquelle la Cour de céans et d’autres juridictions auraient régulièrement recours à la projection radiale pour déterminer les côtes et la zone pertinentes. Selon elle, il y a trois cas de figure dans lesquels il est justifié d’exclure des segments de littoral des côtes pertinentes d’une partie56. Le premier est celui où deux segments de côte appartenant à un même Etat se font face57, le deuxième, celui où un segment fait face à la côte d’un Etat tiers58 et le troisième, celui où un segment fait complètement face à une zone opposée à celle où pourraient se chevaucher les droits des parties59.
28. Il n’est pas difficile au Nicaragua de souscrire aux deux premières de ces raisons d’exclusion. En ce qui concerne la troisième, l’analyse que j’ai faite au sujet des îles Andaman porte à croire que le qualificatif «complètement» ne se justifie pas.
29. Une des premières choses à relever à propos de ces cas d’exclusion est que Mme Parlett emploie à trois reprises l’expression «faire face» et non, comme on pourrait s’y attendre en raison de la position du Costa Rica, l’expression «se projeter radialement». Le verbe «faire face» dénote une relation frontale. Lorsque je fais face à la Cour, mes yeux sont fixés sur les juges. Je pense qu’il ne conviendrait pas que je tourne le dos à la Cour pour démontrer les effets d’une vue radiale.
30. Les exemples fournis par Mme Parlett viennent confirmer en tout point que le Costa Rica se fonde en fait sur des projections frontales pour exclure des segments de littoral des côtes pertinentes. En considérant le cas où deux segments de côte appartenant à un même Etat se font face (sa première raison), Mme Parlett évoque la solution retenue par la Cour pour le golfe de
55 Voir CMN, par. 2.33-2.34.
56 CR 2017/7, p. 50, par. 40.
57 Ibid., par. 41.
58 Ibid., par. 42.
59 Ibid., p. 51, par. 43.
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Karkinits’ka en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine)60. [Projection de la figure AOE-8] Cette question a été également examinée dans le contre-mémoire, aux paragraphes 2.28 à 2.30. Regardons cependant la figure qui vous a aussi été présentée lundi dernier. Le golfe de Karkinits’ka se trouve à droite dans la partie supérieure de la figure, ainsi que sur l’agrandissement. La Cour l’a exclu de la côte pertinente de l’Ukraine. En effet, si l’on se fonde sur la projection frontale, représentée par les flèches ajoutées à la figure, les côtes du golfe de Karkinits’ka se font face. Par contre, si elle avait eu recours à la projection radiale, la Cour aurait sans aucun doute conclu que celle-ci chevauchait celle de la côte roumaine. [Fin de la projection]
31. La deuxième raison d’exclure un segment côtier  à savoir le fait pour celui-ci de faire face à la côte d’un Etat tiers  est illustrée par la figure que vous voyez maintenant à l’écran, tirée de l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant))61. [Projection de la figure AOE-9] Dans le cas présent, il n’a pas été nécessaire d’ajouter des flèches marquant la projection frontale de la côte, la Cour l’ayant fait elle-même. Comme on le voit, la portion de la côte du Cameroun qui se projette frontalement vers l’île équato-guinéenne de Bioko a été exclue. Là encore, le recours à la projection radiale aurait inclus cette portion de la côte du Cameroun dans la côte pertinente. La Cour ne l’a pas fait. [Fin de la projection]
32. La dernière raison  à savoir le fait que le segment côtier tourne le dos à la zone de chevauchement des droits  a été illustrée par la manière dont la Cour a défini la côte pertinente du Nicaragua dans l’arrêt rendu en 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) (ci-après «Différend territorial et maritime»)62. [Projection de la figure AOE-10] Comme l’ont fait observer nos contradicteurs, la Cour a exclu la côte de Punta de Perlas orientée vers le sud63, ce qui contredit à nouveau la thèse de la projection radiale soutenue par le Costa Rica. Cette côte orientée vers le sud se projette radialement dans la zone où les droits
60 CR 2017/7, p. 50, par. 41.
61 Ibid., par. 42.
62 Ibid., p. 51, par. 43.
63 Ibid.
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du Nicaragua et de la Colombie se chevauchent, comme le montre la figure à l’écran. [Fin de la projection]
33. Mme Parlett a fait une autre observation au sujet de la manière dont la Cour a défini la côte pertinente du Nicaragua et la zone pertinente dans l’arrêt de 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime. Selon elle, même si  et je cite  «certaines portions de la côte d’un Etat sont écartées pour défaut de pertinence, les eaux situées devant cette dernière peuvent toujours être considérées comme faisant partie de la zone pertinente, car elles sont incluses dans la projection radiale d’autres portions pertinentes de la côte»64. [Projection de la figure AOE-11] Mme Parlett a étayé cet argument par une figure tirée de l’arrêt de 2012 sur laquelle le Costa Rica a ajouté des illustrations. Comme on le voit facilement, la zone qualifiée de «zone pertinente incluse située au sud de Punta de Perlas» se trouve directement devant la côte orientée vers l’est du Nicaragua qui a été jugée pertinente par la Cour. S’il restait le moindre doute quant au fait que celle-ci a fondé sa décision sur une projection frontale, il convient de se référer au paragraphe 145 de l’arrêt, où il est dit que les côtes orientales des îles côtières nicaraguayennes sont parallèles à la masse continentale65. [Fin de la projection]
2. Les côtes pertinentes et la zone pertinente dans la mer des Caraïbes
34. Monsieur le président, ayant déjà tordu le cou à l’idée fausse que la Cour et d’autres juridictions internationales appliquent ordinairement la projection radiale plutôt que la projection frontale pour déterminer les côtes et la zone pertinentes, il n’est pas nécessaire que je m’attarde sur cette question s’agissant de la mer des Caraïbes et de l’océan Pacifique. Les côtes et la zone pertinentes sont examinées en détail dans le contre-mémoire du Nicaragua et il n’est nullement nécessaire de répéter les arguments qui y sont exposés66. Je commencerai par la mer des Caraïbes.
35. Au début de sa présentation, mardi, M. Lathrop vous a brièvement parlé des côtes pertinentes et de la zone pertinente dans la mer des Caraïbes67. Je suis d’accord avec lui pour dire que les Parties s’entendent dans l’ensemble sur la définition des côtes caraïbes pertinentes68.
64 CR 2017/7, par. 44.
65 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 678.
66 Voir CMN, chap. II.B et III.C.
67 CR 2017/9, p. 33-34, par. 4-8.
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36. J’ai cependant quelques observations à faire sur la zone pertinente telle que la conçoit le Costa Rica. La thèse de ce dernier présente en effet deux failles fondamentales.
37. Premièrement, le Costa Rica a étendu artificiellement la zone pertinente à des zones maritimes nicaraguayennes situées au nord de la côte pertinente du Nicaragua dans la mer des Caraïbes. [Projection de la figure AOE-12] Cette zone est indiquée sur la figure projetée à l’écran, qui correspond à la figure IIc-3 du contre-mémoire. Nous avons mis en évidence la côte pertinente du Nicaragua telle que la définit le Costa Rica, et qui est, comme je viens de dire, très similaire à celle que le Nicaragua définit lui-même. [Fin de la projection]
38. Comme M. Lathrop l’a expliqué, l’inclusion de l’espace maritime situé au nord de la côte pertinente du Nicaragua est fondée sur l’hypothèse erronée que la zone pertinente doit être déterminée sur la base de la projection radiale des côtes pertinentes. Si la zone pertinente est définie sur la base des projections vers le large des côtes pertinentes des Parties, l’espace maritime situé au nord de la côte pertinente du Nicaragua se trouve au-delà de la zone pertinente.
39. Même si l’on envisageait d’avoir recours à la projection radiale, la logique de la thèse du Costa Rica m’échappe. [Projection de la figure AOE-13] Je vais vous expliquer pourquoi. Le Costa Rica reconnaît, d’une part, que sa côte pertinente peut se projeter radialement à travers les espaces maritimes de la Colombie. L’idée que les espaces maritimes d’un Etat se projettent au-delà de ceux d’un autre Etat ne pose aucun problème au Nicaragua69. Mais, d’autre part, le Costa Rica refuse d’appliquer ce même traitement au segment septentrional du littoral nicaraguayen. Or vous pouvez voir que cette côte a une projection radiale du nord au sud de la même façon que la côte pertinente du Costa Rica se projette du sud au nord. En d’autres termes, suivant la thèse erronée du Costa Rica qui a recours à la projection radiale pour identifier les côtes et la zone pertinentes, ce segment septentrional du littoral nicaraguayen devrait faire partie de la côte pertinente. [Fin de la projection]
40. Le second problème que pose la zone pertinente définie par le Costa Rica est qu’elle laisse de côté un secteur où, selon la propre position de cet Etat quant au traité de 1977 qu’il a signé avec la Colombie, se chevauchent les projections en mer respectives des côtes pertinentes costa-
68 CR 2017/9, p. 33, par. 4. Voir également CMN, par. 3.59-3.69.
69 Voir également CMN, par. 3.60-3.63.
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ricienne et nicaraguayenne. [Projection de la figure AOE-14] Vous pouvez voir à présent ce secteur surligné sur la figure IIc-3 du contre-mémoire. Il se trouve au-delà de la frontière maritime dont le Costa Rica est convenu avec le Panama. Le Costa Rica l’exclut de sa zone pertinente au motif qu’il peut être revendiqué par un Etat tiers, le Panama. Celui-ci a toutefois délimité intégralement ses frontières maritimes dans la mer des Caraïbes et il ne saurait être question d’une frontière maritime entre le Costa Rica et le Panama au-delà de celles déjà convenues par ce dernier. En conséquence, la zone maritime surlignée ferait partie de celle qui serait attribuée au Costa Rica si la Cour acceptait la position actuelle de cet Etat à l’égard du traité qu’il a signé avec la Colombie en 1977 et faisait droit à sa revendication à l’égard du Nicaragua. [Fin de la projection]
41. Monsieur le président, au début de son exposé, M. Lathrop vous a également présenté la zone pertinente telle que la définit le Nicaragua dans la mer des Caraïbes, mais seulement sous l’angle  et c’est assez naturel  de la position du Costa Rica à l’égard du traité de 1977 avec la Colombie. Manifestement, M. Lathrop n’est pas d’accord avec la thèse du Nicaragua, mais la figure qu’il vous a montrée est une reproduction fidèle de la figure IIc-4 du contre-mémoire70. Pendant la majeure partie de l’exposé, j’ai pensé qu’il ne me serait pas nécessaire de répondre grand-chose à M. Lathrop sur ce point. [Projection de la figure AOE-15] Cependant, sa toute dernière diapositive était intitulée comme suit : «La ligne revendiquée par le Nicaragua, sur la base de la zone pertinente qu’il a lui-même définie selon la figure IIC-4 du contre-mémoire, crée une disproportion». Vous pouvez voir à présent cette figure à l’écran. Elle est censée montrer la même zone que celle qui était représentée sur la diapositive de M. Lathrop dont je viens de parler et dont j’ai dit qu’il s’agissait d’une reproduction fidèle de la figure IIc-4 du contre-mémoire.
42. Malheureusement, la dernière figure présentée par M. Lathrop était de nature à induire en erreur. Je m’explique. Cette figure illustre la manière dont le Nicaragua conçoit sa frontière maritime avec le Costa Rica, considérant que celui-ci ne saurait revendiquer à présent des zones situées au-delà de la frontière convenue dans le traité qu’il a signé avec la Colombie en 1977. Or, la zone pertinente présentée par M. Lathrop est celle qu’utiliserait la Cour si elle acceptait la position du Costa Rica sur le traité de 1977 avec la Colombie. S’il avait voulu vous montrer ce que donne
70 Voir CR 2017/9, p. 34, par. 7 et dossier de plaidoiries, onglet no 148.
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l’application du critère de l’absence de disproportion à la frontière proposée par le Nicaragua, M. Lathrop aurait évidemment dû appliquer ce critère à la zone pertinente telle que définie à la lumière de la position du Nicaragua à l’égard du traité de 1977 entre le Costa Rica et la Colombie. La partie de cette zone qui reviendrait au Nicaragua apparaît à présent sur la figure à l’écran. Lorsque cette zone est correctement représentée, on voit que la proposition du Nicaragua permet une division proportionnée de la zone pertinente. [Fin de la projection]
43. Monsieur le président, je pense qu’il convient de conclure cette partie de mon exposé en présentant brièvement à la Cour la position du Nicaragua sur les côtes pertinentes et la zone pertinente dans la mer des Caraïbes. [Projection de la figure AOE-16] Voici d’abord les côtes pertinentes et la zone pertinente compte tenu de la position actuelle du Costa Rica à l’égard du traité qu’il a signé en 1977 avec la Colombie. Le rapport entre les longueurs de côtes du Nicaragua et du Costa Rica est de 1,11 pour 1, pour des côtes pertinentes de 246 kilomètres et de 221 kilomètres respectivement, mesurées suivant leur configuration naturelle. Ce rapport est de 1,03 pour 1 pour des côtes pertinentes de 298 kilomètres et de 193 kilomètres respectivement, mesurées suivant des segments de ligne droite. La zone pertinente s’étend sur 80 750 kilomètres carrés. [Fin de la projection] [Projection de la figure AOE-17] Nous pouvons voir à présent les côtes pertinentes et la zone pertinente compte tenu de la position du Nicaragua à l’égard du traité de 1977 entre le Costa Rica et la Colombie. Les longueurs de côtes et les rapports entre celles-ci sont les mêmes. La seule différence entre les deux figures est que, dans la seconde, la limite orientale de la zone pertinente est pour l’essentiel constituée par le méridien que suit en partie la frontière maritime définie dans le traité de 1977. La zone pertinente s’étend en conséquence sur 46 700 kilomètres carrés. [Fin de la projection]71
3. Les côtes pertinentes et la zone pertinente dans l’océan Pacifique
44. Monsieur le président, je ne m’attarderai pas sur les côtes pertinentes et la zone pertinente dans l’océan Pacifique. Les divergences entre les Parties sur ce point s’expliquent aisément par leur désaccord quant à la manière appropriée de déterminer les projections vers le
71 Pour une description détaillée de ces côtes et zones pertinentes, voir CMN, par. 3.67-3.69, 3.75 et 3.77-3.79.
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large des côtes pertinentes, à savoir radialement, selon la thèse erronée du Costa Rica, ou frontalement. Avant d’aborder ce point, je ferai une observation préliminaire.
45. Dans son mémoire, le Costa Rica a calculé la longueur des côtes pertinentes des Parties dans l’océan Pacifique en les mesurant à la fois à l’aide d’un certain nombre de lignes droites et en suivant leur configuration naturelle72. Dans son contre-mémoire, le Nicaragua a rappelé que, selon la jurisprudence, il n’était pas approprié de définir une côte pertinente en suivant sa configuration naturelle lorsque la côte de l’une des parties est sinueuse et celle de l’autre, régulière73. Tel est précisément le cas dans l’océan Pacifique. Le littoral nicaraguayen est régulier, tandis que celui du Costa Rica est caractérisé par des sinuosités et des promontoires saillants. Lundi, l’un des conseils du Costa Rica a paru avoir accepté la position du Nicaragua. M. Wordsworth a en effet montré à la Cour un croquis en faisant ce commentaire :
«ce rapport est ramené à 1,4 pour 1 lorsque des lignes droites sont utilisées pour définir approximativement les côtes pertinentes, méthode de prédilection de la Cour et d’autres juridictions internationales ; c’est en me référant à ce croquis que j’exposerai la position du Costa Rica au sujet des côtes pertinentes et, même de la zone pertinente»74.
Compte tenu de cette approbation, il n’est pas nécessaire de répéter les arguments exposés à ce sujet dans le contre-mémoire75.
46. Si vous me le permettez, j’expliquerai brièvement pourquoi l’essentiel de la côte du Costa Rica n’est pas pertinente, contrairement à ce que celui-ci soutient. Comme je l’ai déjà dit, c’est parce qu’il a recours à la projection radiale.
47. Premièrement, la côte nord-est de la péninsule d’Osa ne fait pas face au large  la haute mer —, mais à la côte sud-ouest de la péninsule de Nicoya [projection de la figure AOE-18], de sorte que la projection maritime de la première chevauche celle de la seconde, et non celle de la côte pertinente du Nicaragua, comme l’illustre la figure projetée à l’écran. [Fin de la projection] Les autres segments côtiers que le Costa Rica considère comme pertinents et dont le Nicaragua doute qu’il faille tenir compte sont effectivement orientés vers le large. [Projection de la
72 MCR, par. 3.9-3.10.
73 CMN, par. 2.24.
74 CR 2017/7, p. 57, par. 6.
75 Voir CMN, par. 2.24.
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figure AOE-19] Toutefois, un simple coup d’oeil sur la figure à l’écran suffit pour constater immédiatement que leurs projections maritimes ne chevauchent pas celle de la côte pertinente du Nicaragua. Cela apparaît encore mieux si l’on observe plus attentivement le segment le plus proche de la côte pertinente du Nicaragua, à savoir celui compris entre Punta Guiones et Cabo Blanco, sur la péninsule de Nicoya. La direction générale de cette côte est similaire à celle de la côte pertinente du Nicaragua, ce qui implique que les projections maritimes de ces deux côtes s’étendent elles aussi dans la même direction. Comme le montre la figure Ib-3 du contre-mémoire que vous voyez maintenant à l’écran, les projections du Nicaragua et du Costa Rica ne se chevauchent en aucun endroit, et la distance qui les sépare est d’au moins 100 kilomètres. Cette remarque s’applique a fortiori aux segments de la côte costa-ricienne qui s’étendent plus au sud. Ces segments présentent une orientation générale quasiment identique à celle de la partie du littoral comprise entre Punta Guiones et Cabo Blanco, et leurs projections maritimes sont encore plus éloignées de celle de la côte pertinente du Nicaragua, comme on peut le constater sur la figure Ib-3 à l’écran. [Fin de la projection]
48. Si l’on exclut les segments dont je viens de parler, la côte pertinente du Costa Rica dans l’océan Pacifique est celle qui va de Punta Zacate à Punta Guiones. [Projection] Cette côte peut être représentée par trois lignes droites reliant Punta Zacate à Punta Guiones par Cabo Santa Elena et Cabo Velas, comme vous le voyez sur la figure projetée à l’écran. Ces lignes droites permettent d’éviter les difficultés que soulève la sinuosité du littoral costa-ricien et de faire preuve de cohérence dans le calcul des longueurs de côtes respectives des Parties.
49. [Projection de la figure AOE-20] La longueur de la côte costa-ricienne pertinente, telle que mesurée au moyen des trois lignes droites tracées entre Punta Zacate et Punta Guiones, est de 144 kilomètres. La projection vers le large de ces segments de côte suit approximativement une direction nord-est. Si la projection des côtes du Nicaragua est déterminée de manière analogue, la côte pertinente de ce dernier s’étend, au nord, jusqu’au point défini dans le contre-mémoire comme le point Corinto, situé juste au nord de la ville éponyme76. Mesurée en ligne droite, la côte pertinente du Nicaragua a une longueur de 238 kilomètres. Le rapport entre les côtes pertinentes du
76 CMN, par. 2.18.
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Nicaragua et du Costa Rica aux fins de la délimitation dans l’océan Pacifique est donc de 1,65 pour 1. La zone pertinente s’étend sur 102 770 kilomètres carrés. Pour une description plus précise de cette zone pertinente, je prierai la Cour de bien vouloir se référer au paragraphe 2.39 du contre-mémoire du Nicaragua. [Fin de la projection]
50. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, voilà qui conclut la présentation du Nicaragua sur le contexte géographique, les côtes pertinentes et la zone pertinente. Je vous remercie de votre attention. Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir appeler à la barre M. Remiro Brotóns, à moins que vous ne préfériez faire une pause.
The PRESIDENT: I think that it might make more sense to take a break now, before giving the floor to the next speaker, if you will allow it, Professor. Thank you. The hearing is suspended for 15 minutes.
The Court adjourned from 4.05 p.m. to 4.20 p.m.
The PRESIDENT: Please be seated. The hearing is resumed; Professor Remiro Brotóns has the floor.
Mr. REMIRO BROTONS: Mr. President, Members of the Court, it is said that there are two types of people: those who are bored and those who are boring. I am certainly not among the first category, and I hope not to fall into the second at the end of my presentation.
THE DELIMITATIONS AGREED BY COSTA RICA IN THE CARIBBEAN SEA
I. Introduction
1. Mr. President, Members of the Court, a close examination of the directly relevant Judgments of the Court and of the treaties concluded by Costa Rica on maritime delimitation in the Caribbean Sea provides fertile ground for opposing Costa Rica’s claims against Nicaragua.
2. [Slide 1: CMN, Annex 29, IIa-5, p. 347] To that end, I propose to draw your attention, in particular, to the Treaty of 17 March 1977 between Costa Rica and Colombia and the Treaty of 2 February 1980 between Costa Rica and Panama. Both, of course, are res inter alios acta for
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Nicaragua. That is not in any doubt. However, they do constitute a legal régime and scenario which the Court cannot ignore in determining the relevant maritime area for the delimitation between Nicaragua and Costa Rica, as Professor Alex Oude Elferink has already pointed out. These instruments also play an important role as relevant circumstances in drawing the maritime boundary, as my colleague Paul Reichler will examine in greater depth later [end of slide 1].
3. These questions were debated at length when Costa Rica filed an Application for permission to intervene in the Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Colombia. Debates between the three States focused on whether, and to what extent, any decision by the Court in that case might affect Costa Rica’s legal interests.
4. Nicaragua’s position was very clear, and nothing has changed in that regard. It asserted that Costa Rica’s legal interests depended on the terms of the 1977 Treaty concluded with Colombia77. It stated very clearly that, one, those interests were not affected by the delimitation of the maritime boundary between Colombia and Nicaragua and, two, the status of that treaty would not be altered by any other circumstance whatsoever78.
5. In the present case, Costa Rica has presented its claims against Nicaragua as if the Treaty signed with Colombia did not exist [slide 2: MCR, sketch-map 4.5, p. 58]. The 1977 Treaty, as Costa Rica asserts in its Memorial “est dépourvu de toute pertinence en l’espèce ”79. That is why it has been disposed of in ten lines, ignored in the sketch-maps and omitted from the annexes. In its Counter-Memorial80, Nicaragua made reference to everything that Costa Rica preferred to overlook. I am not going to repeat what has already been said. But what has been said has obliged Costa Rica to explain itself in a little more detail during these oral proceedings81, although the list of reasons offered in support of its assertion is far from convincing [end of slide 2].
6. To the 1980 Treaty with Panama, Costa Rica’s Memorial devotes just 13 words: “Le Costa Rica a délimité par voie conventionnelle sa frontière maritime avec le Panama dans la mer
77CR 2010/13, p. 22, para. 13 (Remiro Brotóns), and pp. 37-38, paras. 28-30 (Reichler).
78Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Written Observations of Nicaragua of 26 May 2010, para. 24.
79Maritime Delimitation, Memorial of Costa Rica (MCR), p. 21, para. 2.36.
80Maritime Delimitation, Counter-Memorial of Nicaragua (CMN), pp. 62-74, paras. 3.8-3.33.
81CR 2017/7, pp. 26-30, paras. 26-28 (Ugalde); CR 2017/9, pp. 10-21, paras. 1-35 (Kohen).
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des Caraïbes”82. That is all. It does not even mention the date. Eighty-three characters. A modest mini-tweet. Costa Rica improved on this during these hearings. It dedicated two minutes to the subject83. Nonetheless, there remains much to be clarified.
7. Mr. President, I propose first to examine the treaty concluded by Costa Rica with Colombia in 1977 (II), and then that signed with Panama three years later, in 1980 (III).
II. The Treaty of 17 March 1977 between Colombia and Costa Rica
A. Compliance with the Treaty and the effects of more than 30 years of application
8. Mr. President, today Costa Rica contends that the Treaty of 17 March 1977 has become impracticable and ineffective as a result of the Court’s Judgment of 19 November 201284. It is therefore necessary to begin by examining the status of that Treaty before the Court’s Judgment.
9. Although the 1977 Treaty has not yet been ratified, Costa Rica, far from rejecting it, has affirmed and reiterated its willingness to comply with its terms in accordance with the obligations codified in Article 18 (a) of the Vienna Convention85.
10. Colombia has also emphasized the fact that Costa Rica is bound above and beyond the obligations arising from signing the treaty.
11. Indeed, during the oral proceedings on Costa Rica’s Application for permission to intervene, Colombia’s Agent and counsel were all most emphatic about the binding force of the 1977 Treaty for Costa Rica86.
12. One counsel for Colombia summarized the situation as follows:
“Costa Rica’s Application seems to consider the 1977 Treaty in terms of an obligation not to defeat its object and purpose pending ratification in accordance with Article 18 of the Vienna Convention, but the practice since 1977 goes well beyond that limited obligation. For it is the Treaty of 1977 as such which has been given effect for more than 30 years, without doubt or difficulty. This is shown by the facts, by the
82MCR, p. 11, para. 2.12.
83CR 2017/9, p. 18, paras. 23-24 (Kohen).
84MCR, p. 11, para. 2.13.
85Application by Costa Rica for permission to intervene of 25 February 2010, para. 12; see also CR 2010/15, pp. 14-15, para. 12 (Lathrop); ibid., para. 9 (Ugalde); written response of Costa Rica to the question put by Judge Bennouna, para. 7.
86CR 2010/14, pp. 12-13, paras. 14-15, 17 (Londoño); pp. 19-21, paras. 21-26 (Bundy), pp. 31, 39-41, paras. 7, 29, 37 (Crawford). This position was in keeping with the statements made in Colombia’s Counter-Memorial of 11 November 2008 (paras. 1.6, 4.155-4.162, 8.41). See also the Written Observations of Colombia on the Application by Costa Rica for permission to intervene and the Rejoinder, paras. 7.52, 7.58, 8.77.
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diplomatic correspondence between the Parties, by the statements of Costa Rica’s highest officials and by the recognition in the Costa Rica-Panama Treaty, of a tripoint. . .”87
13. Colombia left no room for ambiguity and firmly reasserted its position in its comments on Costa Rica’s response to a question put by Judge Bennouna88. Nicaragua was of the same view89, and the Court took note of this in its Judgment of 4 May 201190.
14. Similarly, in the oral proceedings on the merits in the case between Nicaragua and Colombia, Mr. Bundy, counsel for Colombia, repeated:
“Costa Rica has stated on numerous occasions that it has applied the 1977 Treaty in good faith and will continue to do so. Moreover, there is a 1984 agreement between Colombia and Costa Rica dealing with delimitation in the Pacific which was ratified, and it referred to the fact that the maritime boundary between the two States in the Caribbean was ‘established’”91.
15. Mr. President, Costa Rica’s counsel has argued during these hearings that “[t]he provisional application of a treaty that has not entered into force simply involves compliance with the provisions of the law of treaties, as expressed in Article 18 of the Vienna Convention”92. This legal basis does not seem sufficient to justify the treaty’s application, albeit provisional, for more than 30 years. Article 18 of the Vienna Convention only obliges a State to “refrain from acts which would defeat the object and purpose of a treaty . . . until it shall have made its intention clear not to become a party to the treaty”. Refrain from, Mr. President, not apply.
16. For the provisional application of a treaty we must turn to Article 25 of the Convention, which was the subject of reservations by both Costa Rica and Colombia, whose constitutions do not permit such an application93. The basis for the application, the observance, of the treaty is therefore not to be found in Article 18 of the Convention, and still less in Article 25. It lies elsewhere. If
87See CR 2010/14, p. 39, para. 29 (Crawford).
88See CR 2010/17, pp. 26-27; Colombia’s comments on Costa Rica’s written response to the question put by Judge Bennouna, para. 4.
89CR 2010/13, p. 40, paras. 31, 32, 37, 38, 43 (Reichler).
90Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application by Costa Rica for Permission to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 365, para. 59; p. 367, para. 63.
91CR 2012/12, p. 21, para. 52.
92CR 2017/9, p. 20, para. 33 (Kohen).
93For the text of the reservations, see https://treaties.un.org/pages/ViewDetailsIII.aspx?src=TREATY&mtdsg_no =XXIII-1&chapter=23&Temp=mtdsg3&clang=_en.
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Costa Rica’s Legislative Assembly terminated the parliamentary procedure in 2000, one might ask why the Government has continued to apply the treaty to date.
B. The so-called presumptions on which Costa Rica relied in concluding the 1977 Treaty
17. Mr. President, I now have a few words to say about the supposed presumptions which, according to Costa Rica, led it to sign the 1977 Treaty.
18. In its Application for permission to intervene and the subsequent oral proceedings on its admissibility, Costa Rica claimed that the negotiations that resulted in the 1977 line were predicated on the notion that Costa Rica and Colombia had overlapping maritime entitlements, the division of which required agreement.
19. This fundamental notion arose  according to Costa Rica  from two assumptions. First, that an agreed boundary was allegedly in place between Nicaragua and Colombia along the meridian 82° W, leaving to Colombia the waters east of 82° W. Second, that Colombia’s insular features were entitled to full effect in the delimitation. Taken together with Costa Rica’s maritime entitlements, this meant that Colombia was the State with which Costa Rica had a boundary relationship in this part of the Caribbean94.
20. But, alas, according to Costa Rica, the presumptions underlying its signature of the treaty became groundless or were called into question following the Judgment of 13 December 2007 on Colombia’s preliminary objections in the Territorial and Maritime Dispute with Nicaragua95. In its Application for permission to intervene, Costa Rica stated that:
“Based on the decision in the preliminary objections phase of the case between Colombia and Nicaragua, the first of these assumptions appears to be incorrect. The second assumption is now in question in the merits phase of this case. Costa Rica wishes to make clear that it does not take a position here, on the validity of any of these assumptions, but simply notes that the Court’s ruling on the maritime boundary between Nicaragua and Colombia could affect these assumptions and, in practical terms, render the 1977 agreement between Costa Rica and Colombia without purpose.”96
94See Application for permission to intervene, para. 13; CR 2010/12, p. 35, para. 13 (Lathrop).
95Maritime and Territorial Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 832.
96Application for Permission to Intervene, para. 13.
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21. Unfortunately for Costa Rica, these assumptions were rejected, on different grounds, by Nicaragua97 and by Colombia98.
22. Colombia was perfectly clear on this point. In setting out the points of disagreement with Costa Rica, its counsel stated:
“The third point of disagreement concerns Costa Rica’s after-the-fact ‘explanation’ of the so-called twin assumptions underlying the 1977 Treaty . . . One of these assumptions . . . concerned the 82nd degree W meridian, but in fact there is no indication the parties took that into account, and the northerly line of the Colombian/Costa Rica Agreement is not on the 82° line. The second assumption was ‘that Colombia’s insular features were entitled to full effect in any delimitation’. But that was not a given, it was not an objective fact  it was not a mere matter of assumption  it was a question of entitlement. Parties can discuss a delimitation, and the weight to be given to relevant coasts. Colombia and Costa Rica did so, and Costa Rica expressly recognized the San Andrés islands . . . recognizing as Colombian as entitled to full effect. That was not an assumption, it was an agreement.”99
23. So Costa Rica did not invoke these assumptions in an attempt to establish grounds for the invalidation or termination of the treaty. Costa Rica refrained from suggesting an “error” as grounds for invalidity100, or a “fundamental change of circumstances”101 or the “supervening impossibility of performance”102 as grounds for the termination of the treaty.
24. Costa Rica was no doubt perfectly aware that invoking an “error” would have been impossible and unjustified103. And a fundamental change of circumstances could not be invoked as grounds for terminating a treaty that establishes a boundary104. Nor could Costa Rica invoke the impossibility of performing the treaty without acknowledging that it had previously entered into force.
25. Mr. President, one might say that Costa Rica has shown great tenacity in seeking a pretext for shirking its obligations to Colombia while keeping up appearances. In the proceedings
97Written Observations of the Republic of Nicaragua, 26 May 2010, paras. 22-23; see also CR 2010/13 (Agent), paras. 16-17; ibid., (Reichler), paras. 42-43; Annex to Nicaragua’s comments on Costa Rica’s response to the question put by Judge Bennouna (paras. 13-15).
98CR 2010/14, pp. 25-27, paras. 37-42 (Bundy); ibid., pp. 35-36, paras. 14, 20 (Crawford); see also Rejoinder, paras. 7.55, 7.58.
99CR 2010/14, p. 36, para. 20.
100Article 48.1 of the Vienna Convention on the Law of Treaties.
101Article 62 of the Convention.
102Article 61.1 of the Convention.
103Articles 45 and 48.2 of the Convention.
104Article 62.2 (a) of the Convention.
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on the admissibility of its Application for permission to intervene, Costa Rica made itself out to be a victim. Costa Rica wanted, wished, aspired to comply with the 1977 Treaty with Colombia, and nothing would have made it happier than if the Court had approved the delimitation line agreed in Article 1. Unfortunately, there was a risk that the circumstances — circumstances entirely outside its control — might prevent it from doing so105. Ultimately, the 2012 Judgment confirmed the worst.
26. Its mourning was brief, however, and Costa Rica sought  and is seeking  to turn this to advantage, as if the maritime areas recognized as Colombian had become bona vacantia as a result of the Court’s Judgment106.
C. Is the 1977 Treaty impracticable or ineffective as a result of the Judgment of 19 November 2012?
27. Mr. President, this brings us to the fundamental question of whether, as Costa Rica contends, the 1977 Treaty became impracticable and ineffective as a result of the Court’s Judgment of 19 November 2012. But is that really so?
28. Costa Rica has said, and repeated, as we know, that the treaty has not been ratified107. However, it is only now, at these hearings, that a revelation was made: Costa Rica has announced for the first time that the treaty will never be ratified108. A question springs to mind: has Costa Rica shared this news with the other contracting party?
29. The Note sent by Costa Rica to Colombia on 27 February 2013  that being the only reference provided  made no mention of the status of the treaty and focused on it being impracticable and ineffective following the Court’s Judgment109.
30. In this Note, Costa Rica refers to the possible signing of a new Maritime Cooperation Treaty, mentioning a proposal for a Joint Patrolling Agreement, as well as possible agreements to
105CR 2010/15, para. 12 (Lathrop).
106Ibid., pp. 13-16, paras. 9, 11, 12, 14.
107CR 2017/7, p. 18, para. 10 (Ugalde Alvarez), p. 26, para. 26, p. 30, para. 38 (Sergio Ugalde); CR 2017/9, pp. 10-14, paras. 1-3, 5, 10, 12 (Kohen).
108CR 2017/7, pp. 26-27, para. 27, p. 30, para. 38 (Sergio Ugalde); CR 2017/9, p. 11, para. 3 (Kohen).
109MCR, Vol. I, para. 2.13. See also Note (ECRICOL-13-097) of 27 Feb. 2013 from the Ambassador of Costa Rica to the office of the Ministry of Foreign Affairs of Colombia (MCR, Vol. II, Ann. 18).
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be reached at the High-Level Meeting on Security and Justice (GANSJ) which was to be held in San José in May 2013.
31. Are we to understand that this Note implied that Costa Rica was making its intention clear not to become a party to the 1977 Treaty because of its impracticability110? That is highly unlikely. The relatively low institutional level of this diplomatic initiative, which is surely deliberate  a Note from the Costa Rican Ambassador to the Coordinator of ICJ Issues of the Ministry of Foreign Affairs of Colombia  is in stark contrast to the size of the stakes.
32. Mr. President, considering that Costa Rica’s Memorial was filed on 3 February 2015, that is, two years after the above-mentioned Note, Costa Rica could reasonably be expected to present in some detail the most significant events and statements or proposals made to Colombia in this regard. Costa Rica did not do so then, and is not doing so now.
33. Colombia’s views remain largely unknown: has Bogotá responded to statements by Costa Rica that the Treaty is now “impracticable and ineffective”? Has there been any follow-up at all to the new maritime co-operation agreement proposed by Costa Rica? We are entirely in the dark, and Costa Rica is careful not to inform the Court, although the answers to these questions may prove to be particularly relevant.
34. In any event, it should be noted that the mere idea of agreeing on a joint patrol in the Caribbean Sea, as well as on other matters to be covered in a “new” maritime co-operation treaty, suffices to show that, despite assertions that the Court allowing Nicaragua’s claims would, allegedly, destroy the neighbourly relations established by the 1977 Treaty111, Costa Rica is in fact attempting to continue to be a direct neighbour of Colombia.
35. Furthermore, considering Colombia’s other responses to the consequences of the Judgment on the treaty, it seems unlikely that Bogotá could have accepted as self-evident Costa Rica’s arguments that the Court’s decision rendered the treaty “impracticable and ineffective”.
36. In fact, in a Note dated 14 March 2016 from the Ministry of Foreign Affairs to the Registry of the Court, Colombia observed that, in the present case, each of the two Parties had
110CR 2017/7, pp. 26-27, para. 27 (Ugalde).
111CR 2010/12, p. 19, para. 18 (Edgard Ugalde); CR 2010/15, pp. 14-15, para. 12 (Lathrop).
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expressed its position with regard to the status and scope of the treaty and made claims regarding the boundaries in the areas covered by it. Colombia noted that: “in light of the fact that Colombia is not a party to the proceedings, the Court lacks jurisdiction to pronounce on the legal relations between Colombia and Costa Rica, including the status, meaning and scope of their rights and obligations under the 1977 Treaty”112.
37. Of course, the Court cannot pronounce on them, but it cannot disregard them either. Colombia has argued strongly that Costa Rica is bound by the treaty as a result of its own conduct over the course of more than three decades, despite the fact that the treaty has not been ratified. That is why its announcement that it does not intend to ratify the treaty has come too late and cannot produce the desired effects. The obligation impugned has already been brought into being by other means.
38. Furthermore, Costa Rica expressly reserved its position in relation to the matters raised in Colombia’s Note, and it seemed somewhat concerned about the possibility of Colombia making an application for permission to intervene when it hastened to add that, in its opinion, the written phase of the proceedings was closed113.
39. Mr. President, the 1977 Treaty [slide 3] is only impracticable in so far as the Court declines to allocate to Costa Rica maritime areas to the north and east of the delimitation agreed in Article 1 of the treaty. If the areas allocated to Nicaragua vis-à-vis Colombia in the 2012 Judgment were now to be allocated to Costa Rica, it would not be impossible to apply the treaty [end of slide 3].
40. As noted by the Court in that Judgment, “the unratified treaty between Colombia and Costa Rica entails at least potential recognition by Costa Rica of Colombian claims to the area to the north and east of the boundary line which it lays down”114.
41. The consequences of the 2012 Judgment may not be those that Costa Rica imagines pro domo sua. The outcome sought could lead to another dispute, this time between Colombia and
112S-DVAM-16-024745, letter No. 146744 of 16 Mar. 2016 transmitted to Nicaragua by the Registrar.
113Letter of 30 Mar. 2016 (Ref.: ECRPB-017-2016), transmitted to Nicaragua by the Registrar, letter No. 146773 of the same date.
114Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 707, para. 227.
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Costa Rica, on “devolving” to Colombia what it was entitled to under the treaty  and which the Court did not grant to Nicaragua in the maritime delimitation with Costa Rica.
III. The Treaty of 2 February 1980 between Costa Rica and Panama
42. Mr. President, I shall now turn to the Treaty of 2 February 1980 between Costa Rica and Panama. It is not difficult to ascertain why Costa Rica is trying to avoid it. Article 1 of that treaty establishes as a boundary in the Caribbean Sea a straight line from the termination of the land boundary [slide 4] to a point “where the boundaries of Costa Rica, Colombia and Panama intersect”115.
43. This provision, which is of paramount importance, embodies an unequivocal recognition of the existence, and permanence, of a maritime delimitation line between Costa Rica and Colombia in accordance with the 1977 Treaty  with a segment of this line extending to a point at latitude 11° 00' 00" North and longitude 81° 15' 00" West, which is the endpoint of the dividing line between Colombia and Panama [end of slide 4].
44. During the oral proceedings on the admissibility of its Application for permission to intervene in the case between Nicaragua and Colombia, counsel for Costa Rica attempted to water down the provision of Article 1 of the 1980 Treaty by referring to it as a “notional tripoint”116, in other words a hypothetical tripoint. This statement was strongly rebutted by Colombia, which specified that “there was in fact nothing notional about it”117.
45. Colombia was very precise on this point. In the words of Mr. Bundy, “in referring in their Treaty to the boundaries of Costa Rica and Colombia intersecting at this tripoint, both Costa Rica and Panama recognized the existence of a Colombia-Costa Rica boundary”118.
46. Moreover, it will have been no surprise to anyone that, for Colombia, the 1977 Treaty is untouchable in so far as it forms a link of sorts in the harmonious chain of treaties agreed by
115Art. 1 of the Treaty (emphasis added).
116CR 2010/12, para. 10 (Brenes).
117CR 2010/14, para. 46 (Bundy).
118Ibid., para. 47 (Bundy).
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Colombia and Panama (1976) and Costa Rica and Panama (1980). “The three agreements that have been referred to in these proceedings are all carefully linked to each other”119.
47. Costa Rica itself seems to be enamoured of this idea (slide 5: CMN, Annex 29, IIc-3, p. 353]: witness its proposed line for the eastern dividing line of the relevant maritime area, this line being a prolongation of the demarcation line established by the 1980 Treaty in force between Costa Rica and Panama. Everything east of this line corresponds to an area agreed to be Colombian in the 1976 Treaty between Colombia and Panama [end of slide 5]. Mr. President, it is worthwhile noting that, in its Application for permission to intervene in the Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Colombia [slide 6], Costa Rica had incorporated that area into the area in which Costa Rica claims to have an interest of a legal nature which may be affected by the Court’s decision120 [end of slide 6].
48. The tripoint established by Article 1 of the 1980 Treaty remains valid. It is conducive to maritime neighbourly relations with Colombia. It is an inevitable point of interaction. The line proposed by Costa Rica for the eastern boundary of the relevant maritime area merely supports it. Tomorrow, my colleague Paul Reichler will focus on this scenario.
IV. CONCLUSIONS
49. Mr. President, Members of the Court, it would be destabilizing, but also inequitable, to allocate to Costa Rica areas to which the Court had decided Nicaragua was entitled vis-à-vis Colombia in 2012. It would be destabilizing in that it would lead to further disputes [slide 7]. What is to happen between the endpoint of the boundary with Nicaragua that Costa Rica proposes in this case and the endpoint of its boundary with Panama, the famous tripoint where the boundary with Colombia started? It would also be inequitable because Costa Rica has deliberately adopted a strategy designed to weave, not so much a network, but rather a spider’s web, which would confine Nicaragua within the famous 82nd meridian. That strategy was already discredited by the 2012 Judgment [end of slide 7].
119CR 2010/14, para. 16 (Bundy). See also paras. 27, 39, 46-48.
120Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application by Costa Rica for permission to intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 366.
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50. Contrary to what Costa Rica claims121, Mr. President, there is no vacuum in the areas allocated to Colombia under the 1977 Treaty and to Nicaragua by the 2012 Judgment. Nor is it a matter of Nicaragua substituting itself for or succeeding to the alleged treaty rights of Colombia, as was stated last Tuesday122. Nicaragua has always asserted its entitlements vis-à-vis Colombia. Costa Rica was well aware of this. Costa Rica has hitherto supported Colombia and, the Court having rejected Colombia’s claims vis-à-vis Nicaragua, it seems inappropriate for Costa Rica to demand a substantial part of Nicaragua’s acquis.
51. Once the maritime delimitation between Nicaragua and Colombia ruled out Colombian jurisdiction over the areas north and east of the 1977 Treaty line, those areas fell within the scope of Nicaragua’s sovereign rights. This is the only logical approach, in keeping with the principles of certainty, security and equity which the delimitation process demands. Members of the Court, it would be difficult to explain how Costa Rica can now claim a better title over areas to which it previously recognized Colombia as having a better title, and to which the Court considered Colombia could not be entitled vis-à-vis Nicaragua.
52. Thus, Costa Rica’s rights under the 1977 Treaty and Nicaragua’s rights pursuant to the 2012 Judgment, are respected, and, one might even say, those of Panama. Given that Costa Rica recognizes Colombia’s right under the 1977 Treaty and Nicaragua’s title trumps Colombia’s, the only way to avoid an absurd situation is to recognize that the areas currently claimed by Costa Rica belong to Nicaragua. Later during our oral arguments, we will demonstrate, in positive terms, that Nicaragua indisputably is entitled to the maritime areas in question.
53. Irrespective of the status of the 1977 Treaty, it sealed Costa Rica’s legal interests. Those interests were unaffected by the Court’s 2012 Judgment. Costa Rica itself recognized, in answer to a question put by Judge Bennouna, that the 1977 Treaty “does not itself constitute an interest of a legal nature that may be affected by the decision in this case”123. In its Judgment of 4 May 2011, the Court took note of this position and found that there was therefore no need to consider whether, as Costa Rica had previously contended, allowing Nicaragua’s claims would result in “the entire
121CR 2010/15, pp. 15-16, para. 14 (Lathrop).
122CR 2017/9, p. 11, para. 3, p. 14, para. 12, p. 18, para. 25 (Kohen).
123Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application by Costa Rica for permission to intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 369, para. 71.
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basis on which the 1977 line was negotiated [being] eliminated by creating a zone of non-Colombian waters immediately north and east of the 1977 line, thus rendering the agreement between Costa Rica and Colombia without purpose”124. The Court came to the conclusion that there was also no need for it to consider the arguments set forth by Nicaragua and Colombia in response125.
54. Moreover, as Costa Rica argues in its Memorial, it is possible for a State to have no entitlement to a maritime area “because it is beyond a boundary delimited with a neighbouring State”126 [slide 8: MCR, sketch 2.3, p. 10]; in the Caribbean, according to Costa Rica, “there are established maritime boundaries with third States which affect the relevant area: one judicially-determined boundary (between Nicaragua and Colombia) and one agreed boundary (between Costa Rica and Panama)”127.
55. Mr. President, memory can be strangely selective [slide 9]. Costa Rica has forgotten  or prefers to overlook  the existence of another boundary, that agreed with Colombia [end of slides 8-9].
Mr. President, Members of the Court, this concludes my oral argument today. Your attention, for which I thank you, is my reward. I would like to ask you, Mr. President, to call Ambassador Carlos Argüello to the Bar to continue the presentation of Nicaragua’s position.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Remiro Brotóns. I now give the floor to H.E. Ambassador Argüello, the Agent of Nicaragua. Ambassador, you have the floor.
M. ARGÜELLO GOMEZ :
LE POINT DE DÉPART DE LA DÉLIMITATION MARITIME ET LE POINT TERMINAL DE LA FRONTIÈRE TERRESTRE
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, il m’incombe de vous parler maintenant, au nom du Nicaragua, des points de départ de la délimitation maritime et de la frontière
124Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Application by Costa Rica for permission to intervene, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (II), pp. 368-369, paras. 70-71.
125Ibid., p. 369, para. 72.
126Maritime Delimitation (MCR, para. 4.11).
127Maritime Delimitation (MCR, para. 4.12).
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terrestre. Ce faisant, je m’efforcerai d’apporter une première réponse à la question que la Cour a posée aux parties, et M. Lowe y reviendra plus en détail demain matin.
2. Même si l’affaire relative à la frontière maritime a été jointe à celle portant sur la frontière terrestre, il est utile d’examiner ces deux délimitations séparément.
I. Le point de départ de la délimitation
3. La question que je vais traiter au cours de mon exposé est avant tout une question juridique qui exige, si l’on veut y répondre correctement, d’examiner préalablement les textes établissant les limites entre les Parties. En l’espèce, trois documents fondamentaux sont pertinents : le traité de limites du 15 avril 1858, la sentence Cleveland du 22 mars 1888 sur l’interprétation à donner de ce traité, et la première sentence Alexander du 30 septembre 1897, qui établit le point de départ de la frontière. [Projection de la diapositive 1]
L’article II du traité de 1858 se lit comme suit :
«La limite entre les deux républiques, à partir de la mer du Nord, partira de l’extrémité de Punta de Castilla, à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua, puis suivra la rive droite de ce fleuve.»128
4. La sentence Cleveland a réaffirmé cette disposition, en y apportant des précisions. Le point 1 du troisième alinéa du dispositif dit ainsi que : [projection de la diapositive 1]
«La frontière entre la République du Costa Rica et la République du Nicaragua du côté de l’Atlantique commence à l’extrémité de Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua, en leur état respectif au 15 avril 1858. La propriété de tous atterrissements à Punta de Castilla sera régie par le droit applicable en la matière.»129
5. Le président Cleveland a ainsi confirmé les termes du traité qui faisaient partir la frontière de «l’extrémité de Punta de Castilla à l’embouchure du fleuve San Juan de Nicaragua», en précisant qu’il convenait de se référer à ces points «en leur état respectif au 15 avril 1858» [projection de la diapositive 1]. Cet ajout du président Cleveland a été compris différemment par
128 Traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua (Cañas-Jerez), conclu le 15 avril 1858, annexe 1 du mémoire du Costa Rica (MCR) en l’affaire relative à la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua) (ci-après «Délimitation maritime»).
129 Sentence arbitrale du président des Etats-Unis relative à la validité du traité de limites entre le Costa Rica et le Nicaragua du 15 juillet 1858, décision du 22 mars 1888, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVIII, p. 209. [Traduction du Greffe]
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les Parties  ce qui peut même sembler ironique dans les circonstances de l’espèce  ; je vais vous expliquer pourquoi.
6. Le président Cleveland a aussi précisé que «[l]a propriété de tous atterrissements à Punta de Castilla sera[it] régie par le droit applicable en la matière», mais cet ajout-là n’a pas soulevé de controverse parce qu’il n’y a pas eu d’accrétion. Le seul changement qui s’est produit est un phénomène d’avulsion sous l’effet de l’érosion. Le Costa Rica en a convenu130 [fin de la projection].
7. Monsieur le président, quelques années après la sentence Cleveland, le 27 mars 1896, les Parties ont signé une convention par laquelle elles s’engageaient à nommer chacune une commission «afin de définir et marquer de manière appropriée la ligne frontière … conformément aux dispositions du traité du 15 avril 1858 et à la sentence [du] président … M. Grover Cleveland»131. Il était prévu en outre que ces commissions soient «complétées par un ingénieur dont la nomination sera[it] demandée … au président des Etats-Unis d’Amérique et dont la fonction consistera[it] notamment à régler tout différend pouvant voir le jour entre les commissions du Costa Rica et du Nicaragua dans le cadre de leurs opérations»132.
8. La commission conjointe a commencé ses travaux le 15 mai 1897 en présence du général E.P. Alexander, surarbitre ingénieur désigné par le président des Etats-Unis en application de l’article II de la convention de 1896. La minute no II du 5 juin 1897133 nous apprend qu’à la deuxième réunion, il a été décidé que les Parties, puisqu’elles ne s’accordaient pas sur l’interprétation à donner de l’article II du traité de 1858 établissant le point initial de la ligne de démarcation, soumettraient par écrit leurs points de vue respectifs à l’arbitre.
9. Ces exposés ne sont pas seulement intéressants parce qu’ils précisent la position de chacune des Parties, mais aussi, et c’est plus important, parce qu’ils apportent un éclairage sur l’intention et le raisonnement qui sous-tendent la première sentence Alexander.
130 CR 2017/8, p. 53, par. 37 (Brenes).
131 Convention sur la démarcation frontalière conclue entre la République du Costa Rica et la République du Nicaragua, signée au Salvador le 27 mars 1896, art. 1, RSA, vol. XXVIII, p. 211. [Traduction du Greffe]
132 Ibid., art. 2, par. 212.
133 Minutes figurant dans le dossier de plaidoiries du Costa Rica (11 janvier 2011).
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10. Pour le Nicaragua, l’interprétation correcte du traité de 1858 et de la sentence Cleveland voulait que l’on considère le point de départ comme un point non pas fixe mais susceptible de bouger en fonction des changements subis par le fleuve San Juan. Le Costa Rica, quant à lui, considérait le point de départ comme immuable.
11. Les commissaires nicaraguayens ont fait observer ce qui suit au général Alexander [projection de la diapositive 2] :
«De quels termes de l’article II la commission du Costa Rica pourrait-elle inférer que les parties entendaient désigner un point immuable ? Punta Arenas n’est pas immuable, et les rives du fleuve ne peuvent l’être non plus. Et si c’était à Punta Arenas que le traité faisait référence, il est évident que l’intention était de prendre un point variable et non pas fixe.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
«Si, par conséquent, rien n’indique que les parties contractantes aient eu l’intention d’avoir autre chose qu’une frontière naturelle, telle que la rive droite du fleuve qui divise leurs territoires, il s’ensuit que la ligne, et son point de départ, sont sujets aux changements que les frontières de ce type peuvent subir.»134 [Fin de la projection]
12. Selon le Costa Rica, en revanche, s’il y avait une quelconque difficulté à trouver le point de départ, c’était [projection de la diapositive 3]
«une simple difficulté de fait, à savoir : déterminer avec une précision mathématique le point géographique que l’extrémité de Punta de Castilla occupait à la date du 15 avril 1858. Cela fait, toute difficulté disparaît, et l’endroit trouvé sera, indubitablement, le point de départ de la ligne frontière, comme si l’embouchure du fleuve s’y ouvrait aujourd’hui, ou même si le point en question devait se trouver à présent en terrain sec en conséquence des changements subis par les terres et les eaux environnantes au cours des quelque 40 années qui se sont écoulées depuis la signature du traité de limites.»
Et le Costa Rica d’ajouter :
«Que le lieu dit Extrémité de Punta de Castilla, point de départ de la ligne frontière, doit être localisé à l’endroit même qu’il occupait au moment de la signature du traité de limites, c’est-à-dire aux mêmes degrés de longitude et de latitude que la rive droite de l’embouchure du fleuve San Juan à l’époque…
«Que les changements qui se sont produits dans le port de San Juan del Norte, quelle qu’en soit la nature, n’ont pas eu pour effet de modifier l’emplacement de
134 Déclaration faite le 30 juin 1897 par la commission nicaraguayenne en réponse à l’exposé de la commission costa-ricienne en date du 14 juin 1897, archives institutionnelles du ministère des affaires étrangères du Costa Rica, 1898, p. 185, consultable à l’adresse : http://www.asamblea.go.cr/sd/Memoriasgobierno/Memoria%20Ministerio%20 de%20Relaciones%20Exteriores%20y%20Culto%201898-4.pdf. [Traduction du Greffe]
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l’extrémité de Punta de Castilla, point de départ de la ligne frontière, ni de modifier le tracé de celle-ci.»135 [Fin de la projection]
Fin de la citation de l’exposé costa-ricien.
13. Monsieur le président, si le général Alexander n’avait pas pris de décision ou rendu de sentence, c’est sans doute pour leur intérêt historique, plutôt que pour leur valeur juridique, que l’on apprécierait ces déclarations aujourd’hui. A l’instar des individus, les Etats peuvent changer d’avis. Mais le général Alexander a donné raison au Costa Rica en décidant que le point de départ était fixe ; il a procédé à sa localisation sur le terrain, érigé une borne frontière à l’endroit ainsi défini et relié ce point à la place principale de la seule ville à proximité, c’est-à-dire au centre de Plaza Victoria à Greytown, au Nicaragua.
14. Afin de dissiper tout doute à cet égard, j’examinerai dans un premier temps la sentence elle-même, puis les déclarations et les actes des Parties tels qu’ils ressortent des minutes des réunions de la commission tenues avec le général Alexander. Penchons-nous tout d’abord sur la sentence du 30 septembre 1897.
15. La première chose qui apparaît à la lecture de la sentence, c’est que le général Alexander ne cherchait pas l’embouchure du fleuve mais l’emplacement de Punta Castilla. M. Wordsworth essaie de balayer cette évidence en faisant valoir que ce lieu était dépourvu d’importance136. Il tente d’en déduire que sa mention dans le traité ne tirait pas à conséquence, puisque la véritable intention des Parties était que la frontière suive l’embouchure du fleuve. Or, l’arbitre était d’un tout autre avis. Il a pris grand soin d’identifier l’emplacement de cette punta, de chercher ce qu’en disaient les autorités compétentes de l’époque. Il a notamment passé en revue les documents établis par différents auteurs, géomètres et cartographes, qui sont tous énumérés avec précision dans sa sentence137. S’il s’agissait seulement de situer l’embouchure du fleuve, il aurait suffi d’une promenade le long de la plage pour déterminer où celui-ci se jetait dans la mer.
135 Exposé présenté le 14 juin 1897 au général Alexander par la commission costa-ricienne, archives institutionnelles du ministère des affaires étrangères du Costa Rica, 1898, p. 134, consultable à l’adresse : http://www.asamblea.go.cr/sd/Memoriasgobierno/Memoria%20Ministerio%20de…. [Traduction du Greffe]
136 CR 2017/08, p. 23, par. 12 (Wordsworth).
137 Première sentence arbitrale rendue par le surarbitre ingénieur, en vertu de la Convention entre le Costa Rica et le Nicaragua du 8 avril 1896 pour la démarcation de la frontière entre les deux Républiques, décision du 30 septembre 1897, RSA, vol. XXVIII, p. 219-220 (ci-après «première sentence Alexander») [traduction du Greffe].
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16. L’arbitre a conclu que «[l]a côte continentale située à l’est de Harbor Head [avait] été indiquée de manière générale comme l’emplacement du point de départ de la ligne frontière», mais qu’il fallait «maintenant définir ce point avec plus de précision afin que ladite ligne puisse être exactement localisée et marquée de façon permanente»138. Je répète : «que ladite ligne puisse être exactement localisée et marquée de façon permanente». M. Alexander n’aurait pu s’exprimer avec plus de précision ni plus de clarté.
17. Dans sa sentence, le général Alexander n’a pas cherché à identifier «l’emplacement exact où était l’extrémité du promontoire de Punta de Castill[a]»139 à la date du 15 avril 1858, puisque ce point était«depuis longtemps recouvert par la mer des Caraïbes et [qu’]il n’y a[vait] pas assez de convergence dans les cartes anciennes sur le tracé du rivage pour déterminer avec une certitude suffisante sa distance ou son orientation par rapport au promontoire actuel»140. A cet égard, il convient de relever que, s’il ne s’y est pas essayé, ce n’est pas parce que la frontière avait changé ou qu’elle devait suivre le cours fluctuant d’un fleuve, mais parce qu’il n’était pas en mesure de le faire. S’il avait eu des cartes ou des moyens de localiser cet emplacement exact, il l’aurait fait, même si le point se situait en mer. Mais il a constaté que c’était tout simplement impossible. Dans ces conditions, il a conclu que «la meilleure façon de satisfaire aux exigences du traité et de la sentence arbitrale du président Cleveland [était] d’adopter ce qui constitu[ait] en pratique le promontoire aujourd’hui, à savoir l’extrémité nord-ouest de ce qui paraît être la terre ferme, sur la rive est de la lagune de Harbor Head»141.
18. Il ressort de manière encore plus claire du dispositif de la première sentence que le général Alexander ne cherchait pas l’embouchure du fleuve en 1897. Il a en effet déterminé que l’extrémité orientale de la lagune de Harbor Head était Punta de Castilla et que, à partir de là, «la ligne frontière obliquera[it] vers la gauche, en direction du sud-est, et suivra[it] le rivage autour du port jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré»142. Il est donc clair que le point de départ n’est pas situé à l’embouchure du fleuve, puisque la frontière suit le rivage
138 Première sentence Alexander, p. 219.
139 Ibid., p. 220.
140 Ibid.
141 Ibid.
142 Ibid.
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autour de la lagune, puis un chenal (ou caño), jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit, quel que soit l’endroit où se trouve le «fleuve proprement dit». Ce que le Costa Rica demande maintenant, 120 ans plus tard, c’est que la délimitation commence à l’endroit que lui considère comme l’embouchure du «fleuve proprement dit», quel qu’ait pu être l’emplacement de ce point à un autre moment.
19. Par ailleurs, il ressort sans doute possible de leurs réactions et déclarations après le prononcé de la sentence que les Parties avaient bien compris que le général Alexander avait déterminé un point spécifique et immuable comme point de départ de la frontière, ainsi que le Costa Rica l’avait alors demandé.
20. Il est indiqué dans la minute no VI de la réunion de la commission tenue le 2 octobre 1897143 que, après avoir procédé en personne à l’inspection du lieu qu’il avait désigné comme point de départ de la ligne frontière, «l’arbitre a fixé l’emplacement du monument qui servira[it] de borne sur la côte atlantique»144 et a précisé la méthode pour le localiser ainsi que le type de borne à ériger.
21. Il ressort de la minute no X du 2 mars 1898 que la commission a entrepris de «placer le monument déterminant le point initial de la ligne de démarcation sur la côte de la mer des Caraïbes, et de le relier au centre de [Plaza] Victoria à San Juan del Norte» (Greytown)»145. Sont ensuite retranscrites les observations astronomiques réalisées pour effectuer cette connexion entre Plaza Victoria et le point de départ. Il convient de relever que, à ce stade, il s’agissait seulement de placer le monument au sol et que si ce monument a été relié ou connecté au centre de Plaza Victoria c’était uniquement afin de pouvoir en reconstituer la position si celle-ci devait se trouver modifiée. Ingénieur chevronné, le général Alexander avait anticipé d’éventuelles modifications le long du littoral et prévu que, le point de départ étant un point fixe et immuable, il fallait être en mesure de le retrouver en cas de changement146.
143 Délimitation maritime, contre-mémoire du Nicaragua (CMN), annexe 4.
144 Ibid.
145 Ibid., annexe 5.
146 Dans la minute no XV du 23 décembre 1898, il est indiqué qu’une fois les inscriptions requises gravées sur la borne initiale, des points de référence supplémentaires ont été établis à Harbor Head et à Plaza Victoria, CMN, annexe 7.
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22. Le général Alexander a fait preuve de prévoyance en décidant de relier ou connecter l’emplacement de la première borne à Plaza Victoria. Il est indiqué dans la minute no XVI du 13 juin 1899147 que la mer avait fait basculer (volcado) cette première borne et que, tenant à la conserver comme repère marquant le point de départ de la frontière, les deux commissions avaient décidé de procéder à sa reconstruction en un lieu à l’abri des assauts de la mer et de la relier par des données géodésiques à l’endroit où elle se trouvait précédemment. Il était prévu d’expliquer au cours d’une réunion ultérieure la méthode à suivre à cet effet.
23. Ainsi, dans la minute no XX du 19 août 1899, il est déclaré ce qui suit : [projection de la diapositive 4]
«Attendu que la borne initiale, placée près de Punta de Castilla, a été totalement engloutie par les eaux et compte tenu de la nécessité de préserver l’emplacement de ladite Punta de Castilla ainsi que celui de la borne initiale par un moyen permettant de les localiser précisément à tout moment»148,
il a été convenu, à la demande du Costa Rica, d’ériger trois bornes auxiliaires aux endroits visés dans cette même minute. [Fin de la projection]
24. Dans la lettre qu’il a adressée au ministre des affaires étrangères du Costa Rica, le 25 août 1899, soit quelques jours après la décision consignée dans la minute no XX, le commissaire costa-ricien motive ainsi son insistance à faire installer de telles bornes auxiliaires, alors qu’il en existait déjà une reliant l’endroit à Plaza Victoria : [projection de la diapositive 5]
«Afin de prévenir tout problème juridictionnel qui pourrait surgir à l’avenir, et compte tenu de l’importance évidente que revêt la préservation de l’emplacement exact de Punta de Castilla, je [le commissaire] considère comme non seulement pratique mais aussi indispensable que ce point soit fixé de la manière la plus claire et la plus précise possible...»149
25. Le commissaire costa-ricien poursuit en expliquant que, même si de hauts responsables costa-riciens estimaient inutile d’ériger d’autres bornes, puisqu’il en existait déjà une sur Plaza Victoria, son avis à lui différait. Il ajoute qu’«il ressort clairement d’un examen très approfondi [de l’emplacement de la borne située sur Plaza Victoria] que celle-ci ne permettrait de
147 CMN, annexe 8.
148 Ibid., annexe 9.
149 Archives institutionnelles du ministère des affaires étrangères du Costa Rica, 1900, p. 84, consultable à l’adresse : http://www.asamblea.go.cr/sd/Memoriasgobierno/Memoria%20Ministerio%20de…% 20Exteriores%20y%20Culto%201900-2.pdf. [Traduction du Greffe]
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localiser Punta de Castilla que d’une manière approximative et qu’elle devrait donc être conservée pour ne servir de référence qu’en dernier recours»150. Monsieur le président, aujourd’hui, nous nous trouvons justement dans cette situation de dernier recours évoquée par le commissaire costa-ricien voici 120 ans. [Fin de la projection]
26. Cette situation est devenue évidente lorsque les experts désignés par la Cour n’ont pu localiser les bornes auxiliaires érigées à la demande du commissaire costa-ricienle 19 août 1899, et qu’ils ont dû utiliser le centre de Plaza Victoria pour calculer l’emplacement de la borne installée au point de départ de la délimitation établie par le général Alexander. Même s’ils n’ont pas été en mesure de localiser la borne placée au centre de Plaza Victoria, les experts ont pu en déterminer l’emplacement «avec un degré de précision satisfaisant aux fins» de leur mandat151. De fait, le calcul des coordonnées de Punta de Castilla par triangulation à partir de l’emplacement du centre de Plaza Victoria a été effectué avec une «marge d’erreur associée à l’emplacement de ces points [qui] peut être estimée à environ 20 mètres»152.
27. A ce sujet, il y a lieu de relever que, lorsque les bornes auxiliaires ont été installées, la borne initiale avait déjà été emportée par la mer. Dans ces conditions, comment sa position a-t-elle été établie ? C’est naturellement la borne située au centre de Plaza Victoria, dont l’emplacement avait été déterminé lorsque la borne initiale était encore en place, qui a servi de référence., Et c’est cette même référence qu’ont prise aujourd’hui les experts désignés par la Cour, avec une marge d’erreur de seulement 20 mètres.
28. Monsieur le président, compte tenu de ce qui précède, nous pouvons tirer les conclusions suivantes.
 Le point de départ de la délimitation se trouvait en mer, et non sur la terre ferme, et la commission bilatérale (Costa Rica-Nicaragua), assistée de l’arbitre, a déterminé sa position exacte le 19 août 1899153.
150 Archives institutionnelles du ministère des affaires étrangères du Costa Rica, 1900, p. 84, consultable à l’adresse : http://www.asamblea.go.cr/sd/Memoriasgobierno/Memoria%20Ministerio%20de…% 20Exteriores%20y%20Culto%201900-2.pdf. [Traduction du Greffe]
151 Rapport d’experts, par. 174.
152 Ibid., par. 183.
153 Minute no XX, CMN, annexe 9.
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 L’emplacement du point de départ de la délimitation était considéré comme fixe et inaltérable par l’arbitre et les Parties.
 Cet emplacement peut être établi aujourd’hui avec suffisamment de précision aux fins des affaires jointes.
 L’emplacement en mer de ce point fait de celui-ci non seulement le point fixe incontestable pour le début de la frontière maritime, mais aussi le plus approprié compte tenu de l’instabilité de la côte caraïbe.
 L’existence de ce point rend inutile la recherche d’autres solutions en mer et fournit une réponse adéquate à la question de la Cour.
29. Monsieur le président, la réponse du Costa Rica à cette question posée par la Cour a été donnée par M. Brenes, qui a dit que le point de départ devait être situé à terre sur la rive droite de l’embouchure actuelle du fleuve San Juan, et en a précisé les coordonnées154. M. Lathrop, quant à lui, après avoir réaffirmé la position exprimée par M. Brenes, a expliqué que, si la Cour décidait de choisir un point situé en mer, celui-ci devrait être à 3 milles au large en face de l’emplacement actuel de l’embouchure du fleuve San Juan. Il a ajouté que toute modification de l’embouchure du fleuve serait suivie d’un infléchissement de l’orientation de la ligne allant du point fixe en mer à l’embouchure, quel que soit l’emplacement de celle-ci à ce moment donné155.
30. La solution proposée par le Costa Rica va directement à l’encontre des dispositions de la première sentence Alexander qui sont contraignantes pour les Parties. De plus, elle fixe simplement une fois pour toutes un point de départ de la délimitation maritime à partir de l’emplacement actuel de l’embouchure du San Juan. Or, d’après les experts, cette embouchure se déplacera très nettement vers l’est, peut-être jusqu’à la lagune de Harbor Head156. Cela n’a donc guère de sens.
31. Les affaires portées devant la Cour, qui ont été jointes, ont trait, d’une part, à une délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et, d’autre part, au tracé de la frontière terrestre
154 CR 2017/8, p. 52, par. 34 (Brenes).
155 CR 2017/9, p.40-41, par. 21-22 (Lathrop).
156 Rapport d’experts, par. 195.
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dans ce que la Cour a appelé la «partie septentrionale d’Isla Portillos»157. En ce qui concerne ces dénominations, j’ai là une note de bas de page indiquant qu’au XIXe siècle, le Costa Rica considérait que cette zone s’appelait Punta de Castilla, et non Isla Portillos. Cette note explique bien la situation.
32. Monsieur le président, le point de départ s’applique sans conteste tant à la délimitation maritime qu’au tracé de la frontière terrestre. La différence tient à ce que la délimitation maritime, sans avoir à résoudre de problèmes techniques particuliers, devrait partir du point précis déterminé par Alexander dans l’exercice de son mandat d’ingénieur-arbitre. En outre, le point terrestre n’est pas un point fixe puisque le point de départ situé en mer doit être relié à une ligne de côte qui se modifie, c’est-à-dire rapporté à un point sur le littoral actuel.
33. En ce qui concerne précisément le point de départ de la frontière maritime, la réponse donnée par les experts à la quatrième question posée par la Cour est particulièrement éclairante. La Cour a demandé, je cite: «Dans quelle mesure est-il possible ou probable que la zone concernée subisse des modifications physiques importantes à court et à long terme?»158
34. Les experts ont noté que parmi ces modifications pourrait figurer une «réduction de l’étendue de la lagune de Los Portillos/Harbour Head, qui finira par disparaître totalement»159, mais aussi indiqué qu’il pourrait y avoir un «déplacement de l’embouchure du fleuve San Juan d’environ un kilomètre vers l’est»160, et ils estiment possible que «la lagune [devienne] l’embouchure du fleuve»161.
157 Le Nicaragua ne souhaitait pas, au sujet du nom attribué à cette affaire, créer d’incident susceptible de faire perdre à la Cour son temps en discussions sur des questions qui n’ont d’intérêt qu’historique. Mais, étant donné que le Costa Rica tient, ou tient à tort, à appeler « Portillos » la zone en question, la citation ci-après tirée de l’exposé présenté par les commissaires costa-riciens au général Alexander le 14 juin 1897 permet, à des fins historiques, de rétablir la vérité des faits: «Par (Punta de) Castilla on entend, ce qui est confirmé par le traité de limites (art. [V]) la terre ferme à l’est de la lagune aujourd’hui appelée Harbour Head qui est attenante à la mer et s’étend jusqu’au chenal du fleuve San Juan connu sous le nom de Taura.» Etant donné que le territoire litigieux se trouve à l’ouest de Punta de Castilla (que le Costa Rica appelle Isla Portillos), il n’a jamais fait partie de Punta Castilla ni d’Isla Portillos. Archives institutionnelles du ministère des affaires étrangères du Costa Rica, 1898, p. 133, consultable à l’adresse : http://www.asamblea.go.cr/sd/Memoriasgobierno/Memoria%20Ministerio%20de…% 20Culto%201898-4.pdf. [Traduction du Greffe]
158 Rapport d’experts, par. 191.
159 Ibid., par. 193 1).
160 Ibid., par. 193 2).
161 Ibid., par. 195.
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35. La possibilité que des modifications physiques importantes se produisent dans la zone a également été relevée par des experts indépendants plusieurs décennies avant l’introduction de la présente instance. Dans la publication bien connue éditée par Charney et Alexander  International Maritime Boundaries  on lit ce qui suit, dans le premier volume publié en 1993, à la section consacrée à l’analyse des frontières en «Amérique centrale et dans les Caraïbes» :
«Les experts qui ont commencé à réévaluer la géographie de l’isthme au regard des délimitations maritimes susceptibles d’être opérées relèvent à présent l’intensité des modifications physiques à l’embouchure de certains fleuves marquant la frontière (le fleuve Coco entre le Honduras et le Nicaragua et le fleuve San Juan entre le Nicaragua et le Costa Rica…).»162
Donc, à cette époque, ces experts envisageaient les difficultés que posaient la délimitation au nord entre le Nicaragua et le Honduras, au niveau du fleuve Coco, et celle au sud au niveau du fleuve San Juan.
36. Dans l’affaire de la Délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), introduite en décembre 1999, la Cour s’est trouvée face à ce même problème d’un «point terminal de la frontière terrestre … incertain» et a décidé que la ligne de délimitation commencerait à une certaine distance en mer163. Elle a dû, dans cette situation, trouver la meilleure solution et choisir un point de départ situé en mer qui permettrait d’éviter un point terminal terrestre susceptible de changer. Je signale au passage que cette affaire a été tranchée voici presque dix ans exactement, que les zones maritimes et terrestres concernées sont plus étendues que celles actuellement en jeu et que néanmoins les deux pays, le Nicaragua et le Honduras, se sont accommodés de la situation sans le moindre problème et cherchent activement à conclure un accord bilatéral, ce qui est pour ainsi dire chose faite. De fait, lorsqu’il a déclaré que le Costa Rica ne voulait pas parvenir à un résultat similaire avec le Nicaragua, M. Lathrop164 a omis d’indiquer en quoi précisément ce résultat serait peu souhaitable.
162 Nweihed K., «Middle American and Caribbean Maritime Boundaries», in International Maritime Boundaries, Charney et Alexander (éds.), p. 280.
163 «La possibilité qu’une ligne de délimitation commence à une certaine distance en mer a été reconnue dans la pratique judiciaire, dans des affaires où le point terminal de la frontière terrestre était incertain (voir, par exemple, la sentence rendue le 14 février 1985 en l’affaire de la Délimitation maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau).» Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 756, par. 311.
164 CR 2017/9, p. 41, par. 21 (Lathrop).
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37. En l’espèce, nous avons un point terminal de la frontière terrestre à l’évidence instable et, en même temps, un point fixe et inaltérable en mer qui a été fixé comme point de départ de la ligne de délimitation entre le Nicaragua et le Costa Rica par une sentence arbitrale rendue alors que les deux Parties avaient pleinement coopéré et participé à la procédure et en avaientaccepté les résultats, il y a 120 ans.
38. Cette sentence arbitrale ne saurait être méconnue ni remplacée par une autre décision. En outre, dans les circonstances de l’espèce, il ne serait pas approprié qu’une ligne de délimitation maritime permanente parte d’un point terrestre plus ou moins instable qui fluctuera et engendrera inévitablement davantage de litiges inutiles.
39. La seule conclusion logique est que la ligne de délimitation maritime devrait partir exactement du point de départ qui a déjà été déterminé il y a plus d’un siècle. Si la Cour était fondée, dans l’affaire Nicaragua c. Honduras, à choisir un point de départ en mer alors même qu’il n’y avait ni sentence arbitrale ni accord des parties sur ce point, il y a des raisons encore plus impérieuses, dans la présente espèce, de faire commencer la ligne de délimitation en mer, précisément à l’endroit où se trouve le point de départ établi par une sentence arbitrale dont les Parties ont depuis longtemps accepté le caractère contraignant.
40. M. Wordsworth a tenté s’appuyer sur la deuxième sentence Alexander pour établir que le point de départ était un point variable qui suivait les méandres du San Juan165. Cette conclusion n’est pas correcte. La deuxième sentence a été rendue en réponse à la proposition du Costa Rica tendant à ce que l’arbitre, je cite [projection de la diapositive 7] :
«réalis[e] les mesures se rapportant à la ligne qui, à partir du point de départ, suit le rivage de Harbor Head, contourne, le long du rivage, le port jusqu’au moment où elle atteint le fleuve San Juan proprement dit, par le premier chenal rencontré, puis remonte le long de la rive du fleuve jusqu’à un point situé à trois milles en aval de Castillo Viejo, [qu’il] en dress[e] la carte et consign[e] le tout dans le procès-verbal quotidien»166. [Fin de la projection]
La question du point de départ ne se posait pas car celle du point terminal, qui se trouvait à 3 milles en aval de Castillo Viejo, situé à plus de 80 milles du point de départ, ne se posait pas non plus.
165 CR 2017/8, p. 214, par. 16.
166 Deuxième sentence arbitrale rendue par le surarbitre ingénieur, en vertu de la Convention entre le Costa Rica et le Nicaragua du 8 avril 1896 pour la démarcation de la frontière entre les deux Républiques, décision du 20 décembre 1897, RSA, vol. XXVIII, p. 224. [Traduction du Greffe]
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Une borne avait été placée au point de départ, et une autre au point en aval de Castillo Viejo, à plus de 80 milles de là. Aucune borne n’a été placée sur la rive du fleuve précisément parce que celle-ci était sujette à modification, ce qui ressort tout à fait clairement d’une lecture rapide des deuxième et troisième sentences. Si le Costa Rica persiste dans son interprétation erronée de ces sentences, je devrai malheureusement faire perdre son temps à la Cour en lui lisant des extraits plus importants de ces documents au cours du second tour de plaidoiries.
II. La frontière terrestre
41. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la question du point de départ de la frontière terrestre est distincte, mais pas complètement, de celle de la délimitation maritime. Il s’agit non pas d’un emplacement exact fixé par voie de traité ou dans une sentence arbitrale, mais d’un lieu ou d’un point variable sur la terre, qui doit être déterminé précisément par référence au point de départ en mer.
42. C’est sur ce point de départ terrestre que portait la deuxième question que la Cour a posée aux experts. La Cour a demandé, et je cite, «[q]uelles [étaient] les coordonnées géographiques du point terrestre le plus approchant de celui qui avait été défini dans la première sentence Alexander comme étant le point de départ de la frontière terrestre»167.
43. Les experts ont souligné à juste titre qu’il leur fallait, pour répondre à cette question, rappeler certains éléments factuels et historiques168. Une fois ces éléments rappelés, ils ont indiqué que la question pouvait être interprétée  et qu’il pouvait donc y être répondu  de deux manières différentes169.
A. Première possibilité
44. La première possibilité mentionnée par les experts serait de suivre ce qui semble avoir été le raisonnement de l’arbitre, le général Alexander, qui, constatant que le promontoire de Punta de Castilla, tel qu’il se présentait en 1858, était «depuis longtemps recouvert par la mer des
167 Rapport d’experts, par. 119.
168 Ibid., par. 120.
169 Ibid., par. 129.
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Caraïbes»170, a décidé, je cite, «d’adopter ce qui constitu[ait] en pratique le promontoire aujourd’hui, à savoir l’extrémité nord-ouest de ce qui para[issait] être la terre ferme, sur la rive est de la lagune de Harbor Head»171, et a retenu ce point terrestre en 1897. Les experts laissent entendre que l’on pourrait procéder ainsi aujourd’hui aussi, et soulignent que, «[b]ien qu’il ait considérablement reculé du fait de l’érosion côtière … le promontoire de Punta de Castilla demeure un élément géomorphologique et géographique du relief»172. Il serait donc possible, concluent-ils, d’établir l’emplacement de ce point tel qu’il existe aujourd’hui.
45. Il apparaît clairement, au vu de la brièveté de la partie qui lui est consacrée dans le rapport, que les experts n’ont guère prêté attention à cette possibilité. En tout état de cause, il ne s’agit vraiment pas de l’approche adoptée par l’arbitre, ni de ce qui a été décidé dans sa sentence.
46. L’arbitre a effectivement choisi, comme l’indiquent les experts, de retenir comme point de départ un emplacement terrestre alors existant (en 1897), étant donné que Punta de Castilla avait subi des changements importants depuis le traité de 1858. Cependant, comme il a lui-même pris soin de le souligner, il a procédé ainsi parce qu’«il n’y a[vait] pas assez de convergence dans les cartes anciennes sur le tracé du rivage pour déterminer avec une certitude suffisante [l]a distance ou [l’]orientation [de Punta Castilla en 1858] par rapport au promontoire actuel»173. Autrement dit, s’il avait eu suffisamment d’éléments pour déterminer où ce point était situé en 1858, il l’aurait fait.
47. Si l’on devait douter encore que c’est bien là la logique qu’a suivie le général Alexander, ces doutes sont totalement balayés par la manière dont celui-ci a réagi à la disparition de la borne placée par ses soins au point de départ qu’il avait «adopté». Bien que la borne ait été engloutie par la mer, son emplacement a été conservé comme point de départ et il n’a nullement été question de rechercher un autre lieu approprié sur la terre ferme. La seule différence, c’est que si le général Alexander, comme il l’a dit lui-même, n’avait aucun moyen d’établir l’emplacement de Punta Castilla tel qu’il existait en 1858, il pouvait très précisément retrouver celui de la borne qu’il avait
170 Première sentence Alexander, p. 220.
171 Ibid.
172 Rapport d’experts, par. 131.
173 Première sentence Alexander, p. 220.
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érigée le 2 mars 1898 puisqu’il avait pris grand soin de l’établir par rapport au centre de Plaza Victoria.
48. En tout état de cause, établir le point de départ de la délimitation en un point autre que celui adopté par le général Alexander dans sa sentence reviendrait, de fait, à déclarer nulle et non avenue — ou à tout le moins, dénuée de pertinence — cette décision que les Parties appliquent depuis 120 ans sans la contester.
B. Deuxième possibilité
49. Il est donc nécessaire, aux fins de la délimitation de la frontière terrestre, de replacer le point de départ situé en mer sur la terre ferme, sur la côte. Les experts désignés par la Cour ont, dans leur rapport, établi les «points terrestres qui se trouvent le plus près des emplacements estimés de la borne initiale et de Punta de Castilla»174, ajoutant que la «position d[e ces] points terrestres … rest[ait] tributaire des fréquentes transformations subies par le cordon littoral de la lagune de Los Portillos/Harbor Head»175. La question de savoir si le point terrestre doit être le point le plus proche du point de départ situé en mer n’est pas seulement de nature technique, et il convient, pour y répondre, de procéder à une analyse juridique des documents et des faits pertinents.
50. Voici, en tout état de cause, les éléments glanés par les experts lors de leur visite sur les lieux. [Projection de la diapositive 8] Les figures 82 à 85 de leur rapport, qui s’affichent à l’écran, permettent d’apprécier les points terrestres les plus proches du point de départ de la frontière. Elles représentent, en résumé, un triangle formé par le point de départ en mer (la borne initiale, désignée mojón inicial sur les croquis, c’est-à-dire celle placée par l’arbitre Alexander) et deux côtés qui rejoignent la côte, laquelle constitue la base du triangle. L’un des côtés du triangle rencontre la côte à l’extrémité nord-est de la lagune de Harbor Head (point PLE), qui est, comme il est indiqué au paragraphe 131 du rapport, contiguë au promontoire de Punta de Castilla. L’autre côté du triangle atteint la côte en un point situé à l’extrémité nord-ouest de la lagune (point PLW). Entre les deux, les experts tracent une autre ligne reliant le point de départ à un point de la côte situé entre ces deux
174 Rapport d’experts, par. 184.
175 Ibid.
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points terrestres, plus près du côté est (point PLE). Ce troisième point est 10 à 15 % plus proche du point de départ que les deux autres [fin de la projection].
51. Monsieur le président, avant même d’envisager une quelconque réponse fondée sur les documents juridiques afférents à la présente affaire, il nous faut souligner que, dans une situation où l’emplacement du point terrestre le plus proche est «tributaire des fréquentes transformations subies par le cordon littoral de la lagune de Los Portillos/Harbor Head»176, une différence de 100 mètres dans un cas ou dans l’autre devrait être une considération secondaire, si tant est qu’elle en soit une. Les figures présentées par les experts montrent de manière évidente que le seul point qui ne soit pas soumis à de «fréquentes transformations» est celui qui est situé non pas sur le cordon littoral mais près de ce qui constitue aujourd’hui le promontoire de Punta de Castilla177. Il importe, notamment pour des raisons pratiques, de conserver ce point en tant que point de départ de la frontière terrestre. Punta de Castilla a certes reculé sous l’effet de la mer entre 1858 et 1898, et ce phénomène s’est poursuivi jusqu’à nos jours, mais, ainsi que l’ont souligné les experts, elle est toujours reconnaissable. Ainsi, s’il n’existait aucun autre élément à prendre en considération, la solution la plus pratique et la plus durable consisterait à choisir, comme point de départ de la frontière terrestre, le point situé à l’extrémité nord-est de la lagune de Harbor Head, c’est-à-dire le point situé près de ce qui constitue encore aujourd’hui le promontoire de Punta de Castilla.
52. Monsieur le président, indépendamment de l’utilité pratique du choix d’un point situé sur la rive nord-est de la lagune de Harbor Head, il faut tenir compte d’une réalité juridique, le fait que le traité de 1858, la sentence Cleveland de 1888 et la sentence Alexander de 1897 placent tous le point de départ à Punta de Castilla.
53. Choisir la rive ouest ou nord-ouest de la lagune de Harbor Head ou un point situé le long du cordon littoral irait tout simplement à l’encontre des dispositions claires du traité et des sentences.
54. Choisir un point de départ qui ne serait pas situé à l’extrémité nord-est de la lagune de Harbor Head serait en contradiction directe avec la sentence Alexander du 30 septembre 1897, dont le dispositif, souvent cité dans cette grande salle de justice, se lit comme suit :
176 Rapport d’experts, par. 184.
177 Ibid., par. 131.
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«la ligne initiale de la frontière sera la suivante : [Projection de la diapositive 9]
Son orientation sera nord-est sud-ouest, à travers le banc de sable, de la mer des Caraïbes aux eaux de la lagune de Harbor Head. … En atteignant les eaux de la lagune de Harbor Head, la ligne frontière obliquera vers la gauche, en direction du sud-est, et suivra le rivage autour du port jusqu’à atteindre le fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré.»178
55. Ce qu’indique tout d’abord, selon nous, cette description, c’est que la frontière passait à travers le cordon littoral qui existait alors et directement dans la lagune de Harbor Head puisque, comme l’indique par ailleurs la sentence, «[l]a côte continentale située à l’est de Harbor Head [est] l’emplacement du point de départ de la ligne frontière»179. Cette côte continentale située à l’est de Harbor Head correspond précisément à Punta de Castilla.
56. La sentence indique ensuite que, après avoir traversé le cordon littoral, «la ligne frontière [devait] obliqu[er] vers la gauche, en direction du sud-est …»180. Pour que la frontière «obliqu[e] vers la gauche, en direction du sud-est» après avoir atteint le point initial, il fallait nécessairement que ce point soit situé à l’extrémité nord-est de la lagune, dans la partie occidentale de Punta de Castilla. De plus, il ne pouvait être situé sur le cordon littoral tel qu’il se présente aujourd’hui car la frontière n’aurait alors pu obliquer vers la gauche ou «en direction du sud-est», ce qui reviendrait à prendre la direction des eaux de la lagune [fin de la projection].
57. Monsieur le président, nous avons jusqu’à présent examiné les documents juridiques qui déterminaient le point de départ de la ligne de délimitation, ainsi que le comportement et les positions adoptés à l’époque par les Parties sur cette question. Nous avons également étudié les changements physiques qui se sont produits dans la zone en question, notamment ceux dont ont rendu compte les experts désignés par la Cour.
58. Nous nous intéresserons à présent à la position actuelle du Costa Rica, ou plutôt celle qui était la sienne de longue date, jusqu’à ce qu’il opère un revirement radical il y a trois ans. L’ancienneté de sa position antérieure est confirmée par les vues qu’il a présentées dans toutes les instances introduites devant la Cour avant celles qui nous occupent aujourd’hui. Outre celles-ci, le Costa Rica a en effet introduit deux affaires contre le Nicaragua et demandé à intervenir dans une
178 Première sentence Alexander, p. 220.
179 Ibid., p. 219.
180 Ibid., p. 220.
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autre. Les paragraphes suivants présentent, par ordre chronologique, les thèses qu’il a défendues dans ces affaires.
C. Les affaires soumises à la Cour
59. [Projection de la dispositive 10] En l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), dont je rappelle qu’elle a débuté en 2005, le Costa Rica et le Nicaragua considéraient tous deux que la frontière terrestre partait  comme c’est encore le cas aujourd’hui  de l’extrémité nord-est de la lagune de Harbor Head. C’est ce qui ressort clairement de la position que le Costa Rica a adoptée devant la Cour en cette affaire et de la carte qu’il a présentée dans son contre-mémoire, déposé le 26 août 2006 [fin de la projection].
60. C’est ce qui se dégage tout aussi clairement de l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie). En 2011, le Costa Rica a déposé une requête à fin d’intervention dans cette affaire181.
61. Lors des plaidoiries y afférentes, le conseil du Costa Rica a projeté une carte qui «montr[ait] deux lignes très différentes qui part[aient] du point terminal de la frontière terrestre entre le Costa Rica et le Nicaragua, à Punta Castilla»182.
62. Dans son mémoire en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), le Costa Rica a déclaré que
«[l]es deux premières des cinq sentences rendues par le général Alexander revêt[aient] une importance particulière car elles [avaient] non seulement établi que le point de départ de la frontière se situait à Punta Castilla, mais également défini le tracé de la frontière dans la région d’Isla Portillos et de la lagune de Los Portillos»183.
63. [Projection de la diapositive 11] En outre, l’annexe 179 de ce même mémoire en dit long  et il me faut rappeler que celui-ci a été déposé il y a tout juste cinq ans et demi  car l’on y voit clairement l’emplacement de Punta Castilla et l’orientation de la frontière terrestre telle que
181 Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2011, p. 348 et 420.
182 «La ligne au nord représente modestement ce qui constituerait un résultat équitable pour le Costa Rica, ainsi qu’exposé plus tôt. La ligne au sud est la limite méridionale, «ébauchée» par le Nicaragua, de la ZEE sur laquelle celui-ci prétend avoir un titre potentiel.» CR 2010/12, p. 45, par. 44 (Lathrop).
183 Mémoire du Costa Rica en affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), p. 47, par. 2.32.
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l’envisageait le Costa Rica depuis plus d’un siècle. Cette carte apparaît actuellement sur vos écrans et figure également dans le dossier de plaidoiries [fin de la projection].
D. Réunions de la sous-commission binationale des limites et de la cartographie
64. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, d’autres éléments de preuve contemporains viennent illustrer la position du Costa Rica concernant le point de départ. Sont joints en annexe à son mémoire en l’affaire relative à la Délimitation maritime quatre procès-verbaux d’une commission bilatérale et d’une sous-commission des limites et de la cartographie, dont la création remonte à 1997 mais dont les réunions se sont tenues à partir de 2002184. Ces procès-verbaux ne couvrent pas l’ensemble des réunions tenues par ladite sous-commission mais prouveront à suffisance, d’une part, qu’à cette époque  entre 2002 et 2006  les autorités compétentes du Costa Rica considéraient qu’il était nécessaire de localiser l’emplacement de la borne 1 du général Alexander aux fins de la délimitation maritime et, d’autre part, qu’il s’agissait là du seul point alors envisagé sur la côte caraïbe.
65. S’agissant des points en rapport avec les réunions de cette sous-commission, seuls seront évoqués ceux mentionnés dans les procès-verbaux joints en annexe au mémoire du Costa Rica. Ainsi, nul ne pourra en contester la fiabilité, sachant que M. Brenes a souligné dans son exposé que ces procès-verbaux n’avaient pas été signés par les membres de la sous-commission185. Il n’est pas sans intérêt de noter au passage que M. Brenes et M. Ugalde, coagent du Costa Rica, ont tous deux été membres de la sous-commission en question.
66. Le coagent et d’autres membres de la délégation du Costa Rica se sont acharnés à tenter de démontrer que l’emplacement de la borne 1 n’avait fait l’objet d’aucun accord. Or, le Nicaragua n’a jamais contesté ce point et l’insistance du Costa Rica à cet égard vise à escamoter l’essentiel, à savoir le fait que la sous-commission était chargée de localiser le point de départ défini par le général Alexander, que c’était là une condition préalable indispensable à tout débat concernant la délimitation de la frontière maritime. Afin d’illustrer la nature des travaux de la sous-commission, je citerai un extrait du procès-verbal de la réunion du 30 juin 2005 : la sous-commission y indique
184 Délimitation maritime (MCR, annexes 31, 35, 36 et 37). Voir également CMN, annexes 13 à 17.
185 CR, 2017/8, p. 49, par. 23.
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qu’elle «ne doute pas que, une fois qu’elles auront déterminé l’emplacement de la borne 1, les deux parties pourront mener des négociations pour délimiter leur frontière dans la mer des Caraïbes»186.
67. Aucune autre mission préliminaire n’a été confiée à la sous-commission en amont des travaux relatifs à la délimitation maritime dans la mer des Caraïbes. Ce qui importe en l’occurrence, c’est qu’il y a dix ou onze ans, les autorités costa-riciennes compétentes en matière de limites territoriales n’exigeaient nullement que soit déterminé l’emplacement de l’embouchure du fleuve avant de procéder à la délimitation maritime.
68. En tout état de cause, le fait qu’il n’y ait pas eu d’accord concernant l’emplacement exact de la borne 1 est aujourd’hui sans importance puisque l’emplacement en question a été déterminé par les experts désignés par la Cour.
69. Le dossier de plaidoiries contient l’ensemble des extraits des procès-verbaux en rapport avec les questions maritimes dans la mer des Caraïbes.
E. Eléments de preuve cartographiques
70. [Projection de la diapositive 12] Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les éléments de preuve cartographiques recueillis sur plusieurs décennies, tels qu’ils apparaissent à l’écran et dans votre dossier de plaidoiries, montrent que le Costa Rica considérait et reconnaissait que la ligne de délimitation de la frontière terrestre démarrait à Punta de Castilla. Il est évident que ces cartes montrent toutes que la frontière terrestre partait de l’extrémité nord-est de la lagune de Harbor Head et d’aucun autre point situé sur la langue de sable [fin de la projection].
71. Ce n’est que très récemment que le Costa Rica a changé sa position adoptée de longue date. Comme il le précise dans son mémoire en l’affaire relative à la Délimitation maritime, le Costa Rica situe le point de départ de la délimitation maritime entre les Parties en mer des Caraïbes «à l’endroit où commence la langue de sable qui s’étend au nord-ouest d’Isla Portillos, car cette formation éphémère, et de faible élévation, ne peut générer aucun point de base durable»187.
72. De fait, la théorie avancée par le Costa Rica dans les affaires qui nous occupent est pour l’essentiel identique à celle qu’il avait avancée en 1897 et que l’arbitre Alexander avait rejetée
186 MCR, annexe 36.
187 Voir MCR, par. 4.15, p. 50.
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[projection de la diapositive 13]. Le graphique suivant  que vous voyez sur vos écrans  illustre la revendication rejetée du Costa Rica telle que soumise à l’arbitre en 1897 et indiquée sur le croquis joint à la sentence de 1897. Il est superposé sur le croquis représentant la situation à ce jour selon une image de 2017. Compte tenu des modifications physiques qui se sont produites dans la zone  et notamment de l’érosion côtière mise en avant par les experts dans la figure 87 de leur rapport , vous constaterez que le Costa Rica, dans la revendication qu’il fait valoir aujourd’hui, ne cherche pas à interpréter ladite sentence à la lumière de la situation actuelle mais tout simplement à la rendre caduque.
73. La Cour ne doit pas autoriser cela [fin de la projection].
74. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, mon exposé a permis d’établir ce qui suit :
I. Avant et pendant l’arbitrage du général Alexander, le Costa Rica considérait que le point de départ de la délimitation devait être un point fixe et inaltérable, que son emplacement n’était pas établi et qu’il ne dépendait pas des modifications du fleuve.
II. La première sentence arbitrale du général Alexander a déterminé et arrêté que le point inaltérable constituant le point de départ de la frontière était situé à la jonction nord-est de la lagune de Harbor Head et de Punta de Castilla.
III. Durant la procédure d’arbitrage et à l’époque où le général Alexander participait aux travaux de la commission bilatérale, ainsi qu’il ressort des procès-verbaux de ces réunions, les deux parties savaient et reconnaissaient que le point de départ retenu par Alexander était fixe et inaltérable et qu’il était situé à la jonction nord-est de la lagune de Harbor Head et de Punta de Castilla.
IV. Telle était la position des Parties pendant plus d’un siècle, jusqu’à ce que le Costa Rica, il y a trois ans, fasse valoir pour la première fois que le point de départ était situé à l’embouchure actuelle du fleuve San Juan de Nicaragua.
V. Il convient de considérer que le point de départ de la frontière maritime est le point déterminé par les experts désignés par la Cour, à savoir la borne 1 établie par le général Alexander.
VI. Il convient de considérer que le point de départ de la frontière terrestre est le point localisé par les experts désignés par la Cour.
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III. Réponse à la question posée par la Cour
75. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je m’efforcerai d’apporter des éléments de réponse plus précis à la question que vous avez posée. Bien que les exposés présentés jusqu’ici expliquent en détail la position du Nicaragua sur la question du point de départ de la délimitation, y compris la délimitation maritime, je m’emploierai maintenant à répondre brièvement et concrètement à la question que la Cour a soumise aux Parties et sur laquelle celles-ci doivent exprimer leurs vues lors du premier tour de plaidoiries.
76. Le Nicaragua affirme qu’il existe un point fixe et inaltérable, défini par le général Alexander dans la sentence arbitrale qu’il a rendue le 30 septembre 1897 et à laquelle il a donné effet en y installant une borne, l’emplacement de cette dernière étant également relié au centre de Plaza Victoria dans l’éventualité où elle disparaîtrait.
77. La borne indiquant l’emplacement du point de départ a été emportée par la mer peu après que le général Alexander l’eut mise en place. L’endroit exact où elle se trouvait, situé depuis en pleine mer, a été retrouvé par M. Alexander et également localisé par les experts désignés par la Cour.
78. Outre le fait que cet emplacement doit nécessairement constituer le point de départ de toute délimitation, conformément à la sentence qui a valeur de loi pour les Parties, il s’agit d’un emplacement idoine aux fins de la délimitation maritime en tant qu’il est localisé en mer depuis près de cent vingt ans, qu’il n’a pas été modifié ultérieurement par l’instabilité du littoral et que rien ne laisse à penser qu’il le sera dans un avenir proche.
79. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Voilà qui clôt les interventions du Nicaragua pour aujourd’hui. Je vous remercie de votre aimable attention.
Le PRESIDENT : I thank the Agent of Nicaragua. La Cour se réunira à nouveau demain, de 10 heures à 13 heures, pour entendre la suite du premier tour de plaidoiries du Nicaragua.
Je vous remercie. The Court is adjourned.
L’audience est levée à 17 h 50.
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