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CR 2013/30 (traduction)

CR 2013/30 (translation)

Jeudi 7 novembre 2013 à 10 heures

Thursday 7 November 2013 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT : Please be seated. Bonjour. L’audience est ouverte. La Cour se réunit ce

matin pour entendre le second tour d’observations orales du Nicaragua concernant la demande en

indication de mesures conservatoires qu’il a présentée. J’appelle à la barre

S. Exc. M. Carlos Argüello Gómez, agent de la République du Nicaragua.

Monsieur Argüello Gómez, vous avez la parole.

M. ARGÜELLO GÓMEZ :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. Au cours de ma

première intervention, j’ai passé en revue les différentes démarches que le Nicaragua avait

entreprises avant de décider d’introduire formellement une demande en indication de mesures

conservatoires, sur la base de l’article 41 du Statut et de l’article 73 du Règlement de la Cour.

2. En fait, les mesures que sollicitait le Nicaragua revenaient simplement à demander au

Costa Rica de se conformer à ses obligations internationales en produisant une évaluation de

l’impact environnemental transfrontière au sujet des travaux de construction de la route, et de

s’abstenir de tous autres travaux ayant pareil impact sans satisfaire auxdites obligations. Il n’y

avait là rien d’extraordinaire ; cela ne causait aucun préjudice aux intérêts du Costa Rica, à qui il

n’était pas demandé de renoncer à exercer un quelconque droit plausible lui appartenant.

3. Dans mon premier exposé, j’ai ainsi expliqué que le Nicaragua avait exploré diverses

voies en vue de préserver ses droits et que, ces tentatives ayant échoué, il avait finalement décidé

de présenter une demande formelle à la Cour. Les conseils du Costa Rica, quant à eux, ont dit que

le Nicaragua avait demandé la même chose à la Cour à cinq reprises, et que cette demande avait été

rejetée à chaque fois.

4. Si tel est le cas, ce n’est pas parce que la demande du Nicaragua serait dépourvue de

fondement, mais parce que la Cour a jugé que la méthode procédurale pour examiner cette

demande n’était pas appropriée. Je n’entrerai pas de nouveau dans le détail de ces différentes

tentatives que j’ai présentées dans mon premier exposé , mais les résumerai en précisant qu’elles

revenaient en réalité à demander à la Cour de faire usage des pouvoirs qu’elle tient de son Statut, et

1CR 2013/28, p. 19-20, par. 35-41 (Argüello). - 3 -

notamment de sa faculté de se prononcer proprio motu sur des mesures conservatoires allant dans

le sens de celles que le Nicaragua sollicitait. Ce n’est que le 11 mars dernier, après plusieurs

9 démarches de ce type, que le greffier a finalement informé le Nicaragua que la Cour n’estimait pas

que les circonstances de l’espèce, telles qu’elles se présentaient alors à elle, étaient de nature à
2
exiger l’exercice des pouvoirs invoqués par le Nicaragua .

5. Peu après l’envoi de cette communication par le Greffier, le Costa Rica a présenté une

3
nouvelle demande tendant à la modification des mesures indiquées par la Cour le 8 mars 2011 . Le

Nicaragua y a vu une nouvelle occasion d’exposer sa position à la Cour sans devoir recourir à des

4
audiences publiques . Dans son ordonnance du 16 juillet dernier, la Cour a cependant jugé que,

«même si la situation invoquée dans l’affaire Nicaragua c. Costa Rica justifiait
l’indication de mesures conservatoires, la voie appropriée pour ce faire ne saurait être
la modification de l’ordonnance rendue [le 8 mars 2011] dans l’affaire
Costa Rica c. Nicaragua» . 5

6. Dans l’intervalle, le Costa Rica avait annoncé que les travaux de construction de la route

reprendraient vers la fin de l’année et, en tout état de cause, avant les élections générales

6
costa-riciennes du mois de février 2014 . Suite à cette annonce, le Nicaragua s’est interrogé sur le

moment opportun pour déposer sa demande formelle en indication de mesures conservatoires.

7. Telle était la situation lorsque le Costa Rica a, en septembre dernier, introduit une

demande en indication de nouvelles mesures conservatoires. L’examen de celle-ci impliquant la

tenue d’audiences publiques, le Nicaragua a considéré que c’était là une bonne occasion pour

présenter sa propre demande, profitant du fait que la Cour siégerait de toute façon et de ce que

l’équipe juridique nicaraguayenne se trouverait également à La Haye, ce qui permettrait de réduire

les frais de procédure et de ne pas accroître inutilement la charge de travail de la Cour.

2
Note du greffier en date du 11 mars 2013, réf. 141600.
3 Demande du Costa Rica tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), 23 mai 2013.

4 Observations écrites du Nicaragua et demande de celui-ci tendant à la modification de l’ordonnance à la lumière
de la jonction des deux instances, 14 juin 2013.
5
Ordonnance du 16 juillet 2013 sur la demande tendant à la modification de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires du 8 mars 2011, par. 28.
6
CR 2013/28, p. 39, par. 9 (Reichler). - 4 -

8. Ce que j’ai précisé dans mon premier exposé, c’est que ce n’est que lorsqu’il est apparu

clairement que les audiences demandées par le Costa Rica auraient bel et bien lieu que le Nicaragua

a décidé de déposer sa propre demande ; cela ne signifie pas que la demande du Costa Rica était la

cause de celle du Nicaragua. L’un des conseils de la Partie adverse a voulu me faire dire que la

seule raison de la demande du Nicaragua était que le Costa Rica en avait déposé une de son côté et
7
10 que le Nicaragua voulait y ajouter la sienne . Eh bien, ce n’est ni ce que j’ai dit, ni ce que j’ai

voulu dire. Choisir le moment approprié pour prendre telle ou telle initiative est une chose,

considérer que pareille initiative est nécessaire en est une autre. Le Nicaragua avait décidé qu’il lui

fallait présenter sa demande de préférence avant que le Costa Rica ne reprenne les travaux de

construction de la route ; lorsque ce dernier a déposé sa propre demande, il a jugé que le moment

était venu de présenter la sienne. Quoi qu’il en soit, il l’aurait fait à un moment ou à un autre, aux

alentours de la même date.

9. Le fait que les conseils du Costa Rica aient qualifié d’abusive la demande en indication de

mesures conservatoires du Nicaragua est lui-même franchement abusif. Cette accusation est

d’ailleurs pour le moins surprenante. En effet, au cours de ces 30 dernières années, le Nicaragua a

été partie à près de dix affaires dont a eu à connaître la Cour, et il n’a demandé que soient indiquées

des mesures conservatoires que dans une seule de ces autres affaires. Autrement dit, il a toujours

veillé à ne pas abuser du temps de la Cour avec pareilles requêtes qui, en raison de leur caractère

d’urgence, perturbent le calendrier de vos travaux ; s’il a agi ainsi, c’est aussi en raison du coût que

représentent ces audiences publiques pour les Parties.

10. Le Costa Rica, en revanche, a abusé du droit de solliciter des mesures conservatoires, et

ce, dès le début des deux affaires dont les instances ont été jointes . Premièrement, il a fait d’un

incident ayant trait à un différend relatif à 250 hectares de marécages inhabités et dépourvus de

toute construction l’axe principal de la politique étrangère d’un pays qui devrait pourtant avoir bien

d’autres choses plus importantes à l’esprit, contraignant sans cesse la Cour à prêter attention à cette

question tout à fait mineure. Ce terme de «marécages» a d’ailleurs été employé par le secrétaire

général de l’organisation des Etats américains (OEA) pour qualifier la zone, lorsqu’il l’a visitée

7
CR 2013/29, p. 43, par. 4 (Kohen).
8Demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Nicaragua le 18 novembre 2010. - 5 -

alors que le différend venait de se faire jour. Cette expression traduisait la surprise que lui inspirait

l’existence d’un différend relatif à une telle zone. Et le secrétaire général de commenter la chose

9
en ces termes : «ceci est un marécage ; dans le langage courant, on appelle ça un marécage» .

11. Insatisfait de l’attention prêtée par la Cour à cette question, le Costa Rica a tenté

d’obtenir de nouvelles mesures conservatoires au moyen d’une demande tendant à la modification
10
11 de celles qui avaient été indiquées le 8 mars 2011 . Fort heureusement, l’examen de cette

demande n’a pas donné lieu à des audiences publiques, mais a néanmoins pris du temps et entraîné

de coûteuses consultations. La grande urgence alléguée au sujet de cette demande tenait à la

présence régulière sur le site d’un groupe de jeunes défenseurs de l’environnement, situation qui,

alors qu’elle perdure depuis plus de deux ans, n’a jamais causé le moindre dommage à la zone, ni

aucune violence d’aucune sorte.

12. Enfin, le Costa Rica a présenté une troisième demande en indication de nouvelles

mesures conservatoires, au motif que des personnels nicaraguayens avaient pénétré dans le

territoire en litige et y menaient des activités contrevenant à l’ordonnance de la Cour . Or — et je

ne m’attarderai pas sur ce point —, le fait est que, dès que le président du Nicaragua a été informé

de la situation, il a aussitôt ordonnée qu’il soit mis fin à ces activités, quelles qu’elles soient. Dès

lors, la poursuite de l’examen de cette demande ainsi que la tenue d’audiences ne se justifiaient

plus d’un point de vue juridique.

13. S’il y a eu abus du droit de demander des mesures conservatoires, c’est donc assurément

de la part du Costa Rica. De toute évidence, trois demandes de ce type dans une seule et même

affaire portant sur une petite parcelle de marécages inhabités constituent un recours abusif à un

mécanisme auquel il ne devrait pas être recouru pour avancer n’importe quelle prétention.

14. Par comparaison avec les intérêts limités qui sont en cause dans cette zone marécageuse

de 250 hectares, le Costa Rica, de son côté, a rasé des forêts, des collines et des montagnes situées

9 Voir annexe 26 («La vérité concernant le fleuve San Juan que cache le Costa Rica») du contre-mémoire de la
République du Nicaragua dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua), 6 août 2012, Jose Miguel Insulza, secrétaire général de l’OEA lors de la séance extraordinaire
de l’assemblée générale du 11 septembre 2010.

10Demande du Costa Rica tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour le 8 mars 2011 en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), 23 mai 2013.
11
Demande du Costa Rica en indication de nouvelles mesures conservatoires, 24 septembre 2013. - 6 -

à proximité immédiate du fleuve San Juan, et ce, sur plus de 100 kilomètres, causant à la zone des

dommages écologiques de tous types, non seulement de par l’envasement et la contamination des

eaux du fleuve, mais aussi de par les changements de l’environnement naturel de la zone qui en ont

résulté. Or, lorsque le Nicaragua tente de trouver des procédures lui permettant de préserver ses

droits sans pour autant que cela donne lieu à des audiences publiques, le Costa Rica l’accuse d’abus

de procédure. Les conseils du Costa Rica me pardonneront de leur emprunter le terme, mais cela

est tout à fait «surréaliste».

15. L’un des conseils de la Partie adverse a indiqué que, «[e]n procédant à la construction de

la route frontalière, le Costa Rica voulait avant tout faciliter la protection de sa frontière», ajoutant

que, compte tenu de la revendication, par le Nicaragua, de droits de navigation sur le fleuve

Colorado, «le Costa Rica avait des motifs très réels et plausibles de craindre que la situation ne

12 dégénère en conflit armé», et que «[s]es préoccupations étaient d’autant plus vives qu’il n’a pas la

capacité militaire de repousser une invasion armée» . 12

16. Cette affirmation appelle quelques commentaires. Le président du Nicaragua a déclaré

qu’il chercherait à obtenir des droits de navigation sur le Colorado tant qu’il n’y aurait pas de

débouché possible dans la mer des Caraïbes par le fleuve San Juan proprement dit, l’essentiel des

eaux se jetant désormais dans la mer par le Colorado, ce qui en fait le seul débouché navigable tout

au long de l’année. A cet égard, un conseil de la Partie adverse a cité une déclaration tirée d’un

article de presse figurant sous l’onglet n 3 du dossier de plaidoiries du Costa Rica d’hier. Cet

article est intitulé «Le Nicaragua demandera devant la CIJ à pouvoir naviguer sur le Colorado».

Depuis quand le fait d’annoncer qu’une question sera soumise à la Cour peut-il être interprété

comme une menace militaire pouvant conduire le Costa Rica à construire une route destructrice

d’un point de vue environnemental, sur la base de l’argument tout a fait fallacieux selon lequel cela

créerait une situation d’urgence nationale ? Le fait de saisir la Cour constitue-t-il une agression ?

17. L’autre prétendue menace proférée par le Nicaragua, et qui a été évoquée par plusieurs

conseil du Costa Rica, est que le président Ortega a déclaré que le Nicaragua pourrait réclamer la

13
restitution de la province de Guanacaste . Cela aussi mérite certains commentaires. Tout d’abord,

12CR 2013/29, p. 12, par. 4 (Brenes).

13Ibid., p. 45, par. 7 (Kohen). - 7 -

le président Ortega a dit, dans son discours, la chose suivante : «nous pourrions envisager de porter

l’affaire [de Guanacaste] devant la Cour internationale de Justice» . Là encore, depuis quand le

fait de saisir la Cour de telle ou telle question doit-il être considéré comme une menace militaire ?

En tout état de cause, le président Ortega a fait cette déclaration plus de deux ans après que le

Costa Rica avait déclaré l’état d’urgence nationale et décidé de construire la route. Invoquer cette

déclaration pour justifier la décision du Costa Rica est donc tout à fait fallacieux.

18. Il est un autre point auquel je me dois de répondre, à savoir la déclaration faite par l’un

des conseils de la Partie adverse selon laquelle la route constitue un moyen de défense pour un pays

comme le Costa Rica qui n’a pas d’armée ou «pas de capacité militaire» pour se défendre. Le

Costa Rica ne perd jamais une occasion d’avancer cet argument, alors même que, depuis bien des

années, cela ne correspond plus à la réalité. Au cours de ces vingt dernières années, ses dépenses

en armement ont en effet été au moins cinq fois supérieures à celles du Nicaragua. Nous l’avons

d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises devant la Cour, et avons présenté à cet égard des données

13 aisément accessibles sur Google ou dans n’importe quelle publication internationale traitant des

dépenses militaires. Le Costa Rica continuant d’affirmer qu’il ne s’agit pas d’un budget militaire,

les dépenses en question sont habituellement qualifiées de budget paramilitaire. En 2010, ce

budget s’est élevé à 215 millions de dollars des Etats-Unis, soit cinq fois plus que celui que le

Nicaragua a consacré à ses propres forces armées au cours de la même année, puisque son budget

s’est élevé à 38 millions de dollars.

19. Cette affirmation sans cesse martelée par le Costa Rica selon laquelle il serait un pays

sans armée va de pair avec une autre, tout aussi récurrente, selon laquelle il serait un exemple en
15
matière de protection de l’environnement. Or, dans sa requête en la présente espèce , le Nicaragua

a précisé que, selon l’Institut des ressources mondiales, le Costa Rica est le pays qui utilise le plus

de pesticides par hectare au monde. Il en utilise 51 kilos, alors que la Colombie, qui arrive en

deuxième position, en utilise 16 kilos. Comme on dit en espagnol, «create fama y echate a

14Onglet n 10 du dossier de plaidoiries du Costa Rica du 6 novembre 2013.

15Requête introductive d’instance présentée par le Nicaragua en l’affaire relative à la Construction d’une route
au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), 22 décembre 2011, par. 38. - 8 -

dormer» fabriquez-vous une réputation, et vous pouvez aller vous coucher , c’est-à-dire, en

l’occurrence, faire le contraire de ce que votre réputation donne à penser.

20. L’un des conseils du Costa Rica a indiqué que les juridictions nationales de ce pays

avaient jugé valide la déclaration de l’état d’urgence pour construire la route sans qu’il soit

nécessaire d’effectuer une évaluation de l’impact environnemental, ajoutant qu’une législation
16
semblable existait au Nicaragua . Cela est vrai au Nicaragua et dans bien d’autres pays, en cas

d’urgence nationale. Cependant, le conseil du Costa Rica semble oublier qu’il ne plaide pas devant

un tribunal interne et qu’aucun décret national ne saurait permettre au Costa Rica de se soustraire à

ses obligations internationales. Ainsi que l’a précisé la Cour permanente de Justice Internationale,

«au regard du droit international et de la Cour qui en est l'organe, les lois nationales sont de simples

faits, manifestations de la volonté et de l'activité des Etats, au même titre que les décisions

judiciaires ou les mesures administratives» . Le Costa Rica ne saurait donc se soustraire à son

obligation de réaliser une évaluation de l’impact environnemental transfrontière en invoquant sa

législation nationale.

21. L’un des conseils du Costa Rica a demandé pourquoi le Nicaragua, s’il était si pressé de

mettre fin aux travaux de construction de la route, avait souhaité que lui soit accordé un délai d’un

14 an pour la préparation de son mémoire . A cet égard, je rappellerai que, lors de la réunion que le

président a tenue avec les agents des Parties afin d’établir le calendrier des audiences en l’espèce,

la question de l’évaluation de l’impact environnemental demandée par le Nicaragua a été évoquée,

et que cela confirme, à tout le moins, l’intérêt et l’inquiétude de ce dernier sur ce point. S’agissant

du délai demandé pour présenter le mémoire, plusieurs facteurs sont entrés en ligne de compte. En

la présente espèce, j’ai ainsi, en tant qu’agent, pris en considération, parmi bien d’autres choses, le

fait que le Nicaragua allait être, dans les mois suivant ladite réunion, occupé à préparer un

contre-mémoire dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la

région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et que se tiendraient des audiences publiques en

l’affaire Nicaragua c. Colombie. Quoi qu’il en soit, si l’article 41 du Statut existe, c’est

16CR 2013/29, p. 15, par. 10 (Brenes).

17Certains intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, fond, arrêt n 7, 1926, C.P.J.I. série A n 7, p. 19.
18
CR 2013/29, p. 39, par. 16 (Ugalde). - 9 -

précisément pour trouver une solution provisoire dans des affaires dans lesquelles il peut être porté

préjudice à certains droits pendente litis.

22. L’un des conseils du Costa Rica a affirmé que la demande en indication de mesures

conservatoires du Nicaragua avait pour seul objet de retarder la décision sur la demande formulée

par le Costa Rica . Voilà qui est quelque peu contradictoire avec le fait que ce n’est pas le

Nicaragua qui a décidé que les présentes audiences ne se tiendraient que cette semaine, puisqu’il

avait tenté de faire examiner sa demande en même temps que celle du Costa Rica. Il est donc

difficile de voir dans la demande du Nicaragua une tentative de retarder cette procédure. Et puis, si

vous le permettez, de combien de temps aurions-nous retardé la décision ? Une semaine,

deux semaines ?

23. Le Costa Rica affirme également que tout ce que veut le Nicaragua c’est l’empêcher
20
d’avoir sa propre route . Cette accusation est sans fondement et tout à fait gratuite. Si la route

costa-ricienne avait été construite dans les règles de l’art, le Nicaragua n’y verrait aucun

inconvénient. Bien au contraire, cela aurait été profitable aux deux pays. Ainsi, en amont du

San Juan, le fleuve est traversé par un pont dont la construction est déjà bien avancée. Lors de

l’inauguration des travaux de ce pont, l’ambassadeur du Japon, en tant que représentant du pays

aidant le Nicaragua à mener à bien ce projet, a estimé que l’ouvrage en question pouvait être un

trait d’union entre le Nicaragua et le Costa Rica. De fait, si la route avait été construite dans les

règles de l’art et conduisait réellement quelque part, elle aurait été la continuation de celle qui mène

du Nicaragua au Costa Rica, et ce, pour le bénéfice des deux pays.

15 24. Selon le Costa Rica, si la reprise du chantier était retardée, cela lui serait fortement

21
préjudiciable . Or, si cela était le cas, les autorités costa-riciennes qui ont arrêté les travaux et

retardé le versement des fonds nécessaire à leur reprise auraient tenté d’éviter qu’il soit ainsi porté

préjudice aux intérêts vitaux du Costa Rica. M. Reichler a d’ailleurs indiqué à la Cour pourquoi les

19
CR 2013/29, p. 53, par. 34 (Kohen).
20Ibid., p. 51, par. 27 (Kohen).
21
Ibid., p. 51, par. 28 (Kohen). - 10 -

travaux avaient été arrêtés, et le financement, retardé ; aucune considération de sécurité nationale et
22
aucun intérêt n’a joué un rôle dans ces décisions .

25. De surcroît, on rappellera que, dans le cadre de l’affaire du Différend relatif à des droits

de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), le Costa Rica avait tenté de

justifier sa demande tendant à obtenir le droit de navigation armée sur le fleuve par la prétendue

nécessité de procéder au «ravitaillement et à la relève de ses postes». Cet argument était déjà

erroné à l’époque, et il l’est encore davantage aujourd’hui, puisque «[d]es routes, dont la

construction a commencé avant 1998, rejoignent maintenant tous les postes frontières et de police

costa-riciens et facilitent le ravitaillement et la relève de leur personnel» . Autrement dit, il n’était

nullement urgent de relier ces communautés par une route qui constitue un désastre écologique,

alors qu’elles l’étaient déjà.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention. L’ordre et le sujet général des interventions à venir est le suivant :

M. Steven McCaffrey traitera du caractère contestable des éléments de preuve présentés par le

Costa Rica concernant l’absence de préjudice ;

M. Paul Reichler traitera du caractère inadéquat de la remise en état et de la nécessité urgente

que soient indiquées des mesures conservatoires ;

M. Alain Pellet traitera de la menace de la reprise de la construction de la route 1856.

Monsieur le président, permettez-moi de vous demander de bien vouloir appeler à la barre

M. McCaffrey.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur l’ambassadeur. J’appelle maintenant à la barre

M. Steven McCaffrey. Monsieur McCaffrey, vous avez la parole.

16 M. McCAFFREY : Merci, Monsieur le président.

22CR 2013/28, p. 40, par. 12 (Reichler).

23Voir la duplique présentée par la République du Nicaragua dans l’affaire du Différend relatif à des droits de
navigation et des droits connexes Costa Rica c. Nicaragua, vol. I, 15 juillet 2008, p. 280, par. 5.98. - 11 -

L’ARGUMENTATION DU C OSTA R ICA SUR L ABSENCE DE PRÉJUDICE
N EMPORTE PAS LA CONVICTION

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour. Il m’incombe ce matin

de vous démontrer en quoi, dans ses plaidoiries d’hier sur le préjudice irréparable, le Costa Rica est

totalement passé à côté de la question, sans réussir à réfuter les arguments avancés par le Nicaragua

en faveur de l’indication de mesures conservatoires.

1. D’abord et surtout, Monsieur le président, les conseils du Costa Rica ont examiné la

mauvaise question. Le critère que la Cour a établi puis réaffirmé dans chacune de ses ordonnances

en indication de mesures conservatoires requiert l’existence d’un risque imminent de préjudice

irréparable pour les droits d’une partie. Au lieu de démontrer l’existence d’un tel risque, le

Costa Rica s’est focalisé sur les faits, apparemment pour tenter de détourner l’attention de la Cour

du préjudice clair qui ne cesse d’être causé aux droits du Nicaragua et qui risque encore de leur être

causé à l’avenir. Ainsi, les conseils du Costa Rica ont essayé de faire croire à la Cour qu’il

s’agissait d’un préjudice mineur en l’encourageant à s’intéresser à des choses telles que des grains

de sable dans le San Juan inférieur.

2. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Costa Rica nous a-t-il

expliqué pourquoi le rejet de sédiments dans le fleuve, en territoire nicaraguayen, n’emporterait pas

violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du Nicaragua ? Mon ami M. Wordsworth

est resté complètement muet à cet égard. Et M. Kohen, lui, a écarté avec un certain dédain

l’argument du Nicaragua sur ce point, se bornant à déclarer que «la souveraineté et l’intégrité

territoriales du Nicaragua ne sont nullement en cause ici» . Tout au plus s’agirait-il, selon lui,

d’une éventuelle violation de l’obligation de ne pas causer de dommages transfrontières

significatifs . Il est difficile de dire si le Costa Rica ne comprend tout simplement pas la notion

d’inviolabilité du territoire souverain d’un Etat — ce dont je doute fort — ou si, conscient de ne

pouvoir les réfuter, il a décidé de ne même pas tenter de répondre aux arguments avancés par le

Nicaragua quant au préjudice irréparable porté à sa souveraineté et à son intégrité territoriale.

3. L’argumentation du Nicaragua sur ce point n’a donc, de fait, toujours pas été réfutée : le

Costa Rica, en construisant la route 1856 d’une manière entraînant chaque année le dépôt de

24CR 2013/29, p. 47, par. 15 (Kohen).

25Ibid. - 12 -

quelque 100 000 mètres cubes en moyenne de sédiments dans le fleuve San Juan, a causé et risque

17 de continuer à causer un préjudice irréparable aux droits du Nicaragua qui font l’objet du différend

porté devant la Cour. Plus fondamentalement, ces droits, qui, je le répète, sont exposés à un risque

de préjudice irréparable, sont les droits du Nicaragua à la souveraineté et à l’intégrité territoriale, à

ne subir aucun dommage transfrontière, et à recevoir une évaluation de l’impact environnemental

transfrontière avant la poursuite de tous travaux sur la route.

4. Même lorsqu’ils se sont concentrés sur les conséquences factuelles du projet de route,

Monsieur le président, les conseils du Costa Rica n’ont pu que se raccrocher à l’analyse de

M. Thorne, qui a commencé par réduire de 90 % la quantité de sédiments déversée dans le fleuve

du fait de ce projet. M. Thorne a ensuite réparti les 10 % restants de manière uniforme — une

hypothèse qui n’est déjà guère plausible en elle-même —, mais soit, il les a répartis de manière

uniforme dans le lit du San Juan inférieur uniquement, pour obtenir une couche sédimentaire d’une

épaisseur équivalant à 1 ou 2 grains de sable. Intéressant. Mais sans aucune pertinence,

Monsieur le président.

5. Ce qui est pertinent, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est le

préjudice que les droits du Nicaragua risquent de continuer à subir, comme je viens de l’indiquer, et

le fait que ce préjudice sera bientôt aggravé par la reprise des travaux de construction routière du

Costa Rica.

6. Or il s’agit là d’un préjudice irréparable. Le conseil du Costa Rica, M. Crawford, l’a

pratiquement reconnu lors des audiences consacrées à la première demande en indication de

mesures conservatoires présentée par le Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités — je

cite :

«Le déversement [par le Nicaragua] de sédiments en territoire costa-ricien doit
également cesser immédiatement. Le Nicaragua a certes le droit de draguer le San
Juan, pour autant qu’il respecte la sixième condition énoncée dans la sentence
Cleveland. Il n’a, en revanche, pas le droit de déverser les sédiments extraits sur le
territoire du Costa Rica sans le consentement de celui-ci. Ce faisant, il cause des
dommages au territoire, lesquels, dans une zone humide, sont effectivement
26
irréversibles. Il faut l’arrêter dès maintenant, grâce à votre ordonnance.»

26CR 2011/1, p. 70, par. 49 (Crawford). - 13 -

7. La conclusion ne saurait être différente ici au seul motif, Monsieur le président, que des

sédiments sont déversés dans le fleuve et non sur terre. Comme je l’ai exposé hier, l’époque où les

fleuves étaient vus comme des dépotoirs fort commodes est révolue. Je ne doute pas que, s’il était

parmi nous, M. Crawford ne dirait pas le contraire.

8. Le Costa Rica claironne également que, d’après M Thorne, «[l]a sédimentation provenant

de l’érosion liée à la route, selon les estimations de M. Kondolf, représente 1 à 2 % de la charge

18 sédimentaire totale charriée par le San Juan, pourcentage à l’évidence trop faible pour avoir un

impact important sur le fleuve» . Mais, Monsieur le président, l’important n’est pas la quantité

relative : c’est la quantité absolue. Et cette quantité doit seulement suffire à franchir le seuil

minimal requis pour constituer une violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriales, et de

l’obligation de ne pas causer de dommages transfrontières. Une quantité de cent mille mètres

cubes par an dépasse largement ce seuil. Il s’agit d’un volume considérable de sédiments.

9. En fait, Monsieur le président, toujours lors des audiences consacrées à la première

demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Costa Rica en l’affaire relative à

Certaines activités, le conseil du Costa Rica, M. Ugalde, avait tiré grief de quantités de sédiments

bien inférieures :

«Les inspections [réalisées par le Costa Rica] ont permis d’établir que le
Nicaragua déposait de grandes quantités de sédiments sur le territoire costa-ricien.

Les sédiments déversés r28résentaient environ 1680 mètres cubes, soit l’équivalent de
240 camions chargés.»

10. Monsieur le président, le Costa Rica estimait alors que l’équivalent de 240 camions

chargés représentait «de grandes quantités de sédiments». Dans le cas présent, la quantité déposée

chaque année sur le sol nicaraguayen est soixante fois supérieure.

11. Ma tentative (quelque peu simpliste, j’en conviens) visant à donner à la Cour une vague

idée de la quantité de sédiments déversée dans le fleuve du fait du projet de route — l’analogie

avec les «5000 camions à benne» — a été rejetée par M. Wordsworth au motif qu’il n’y avait pas

eu de «déversement» ou, pour reprendre ses termes, de «déchargement» . M. Wordsworth joue un

27
CR 2013/29, p. 26 (Wordsworth).
28CR 2011/1, p. 29, par. 21 (Ugalde).
29
CR 2013/29, p. 29, par. 22 (Wordsworth). - 14 -

peu sur les mots, mais même si sa réponse était acceptée comme étant exacte, quod non, le

Costa Rica n’a pas véritablement contesté la moyenne annuelle de 100 000 mètres cubes de

sédiments rejetés dans le fleuve du fait du projet de route, dans des conditions météorologiques

ordinaires (M. Thorne a ergoté mais a ajouté que la question n’avait guère d’importance, estimant

que les quantités en jeu étaient négligeables). Il s’agit d’une quantité énorme de sédiments — qui

suffirait en fait pour recouvrir intégralement la route costa-ricienne, selon les estimations de la

superficie de la route produites par le Costa Rica à l’annexe 4 du document déposé vendredi

dernier .

12. Par ailleurs, Monsieur le président, tout ce que le Costa Rica a pu faire, pour limiter les
19

dégâts causés à sa thèse par le ponceau dérivant dans le fleuve, c’est insinuer que le Nicaragua

avait «traîné» ce ponceau jusque-là . 31 De toute évidence, nos contradicteurs pensent que ce

ponceau leur a porté un coup très dur car, sinon, ils n’auraient pas formulé une accusation aussi peu

plausible. Quoi qu’il en soit, le Nicaragua n’a certainement pas «traîné» le ponceau jusqu’au

fleuve depuis son emplacement initial, ni d’où que ce soit. Des précipitations normales, et une

mauvaise installation, ont suffi à elles-seules à donner ce résultat.

13. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le fait que les violations des

droits du Nicaragua se poursuivent depuis un certain temps ne doit pas être considéré comme

signifiant qu’aucune menace future ne pèse sur ces droits, et ce, pour deux raisons : premièrement,

ce n’est pas parce que l’on se livre à des actions répréhensibles depuis un certain temps, en dépit

des protestations, que ces actions deviennent excusables. Pour le dire plus clairement et de façon

plus terre-à-terre, ce n’est pas parce qu’un patient perd du sang depuis des heures qu’il n’est pas

urgent d’arrêter l’hémorragie le plus rapidement possible. Deuxièmement, la reprise imminente

des travaux de construction de la route, ainsi que le risque d’augmentation de la sédimentation que

cela implique, rend encore plus urgente l’indication de mesures visant à protéger les droits du

Nicaragua relatifs à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à ne pas subir de dommages

transfrontières.

30Lettre en date du 1 novembre 2013 adressée à la Cour par le Costa Rica au sujet de la demande en indication
de mesures conservatoires du Nicaragua, annexe 4, p. 27, première conclusion.

31CR 2013/29, p. 22, par. 3 (Wordsworth). - 15 -

14. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, hier, le conseil du Costa Rica

a minimisé la menace que constituent les tempêtes en montrant une carte représentant la trajectoire
32
des ouragans établie par l’administration océanique et atmosphérique nationale des Etats-Unis .

Alors même qu’il apparaît sur la carte de l’onglet n 22 que nombre de ces trajectoires ont traversé

le Nicaragua, le Costa Rica se fourvoie de nouveau totalement, prenant sans doute ses désirs pour

des réalités. Le conseil du Costa Rica, mon ami M. Wordsworth, a en effet dit qu’«il ne s’agi[ssait]

33
pas d’une région sujette aux ouragans ou aux tempêtes tropicales» .

15. Monsieur le président, au cours de ces 25 dernières années, la région a été frappée par

deux ouragans : Joan, en 1988, et Mitch, en 1998. Voici des extraits d’articles consacrés à ces

ouragans qui ont été publiés sur Internet, et qui illustrent bien leur violence :

«L’ouragan Joan fut un puissant ouragan qui a semé la mort et la désolation
dans une douzaine de pays des Caraïbes et d’Amérique centrale. Cet ouragan, qui a
suivi une direction plein ouest pendant presque deux semaines, en octobre 1988, a
provoqué d’importantes inondations et fait plus de 200 victimes lorsqu’il a frappé

20 l’Amérique centrale. Les terribles souffrances et crises économiques endurées par les
populations locales ont été aggravées par cet ouragan, particulièrement au Nicaragua,
les personnes se trouvant à proximité de sa trajectoire ayant été touchées de plein fouet
34
par les fortes précipitations et les vents violents.»

Et, concernant l’ouragan Mitch, on peut lire ceci :

«En raison de sa lenteur de déplacement entre le 29 octobre et 3 novembre,

l’ouragan Mitch a provoqué des précipitations record au Honduras, au Guatemala et
au Nicaragua, des sources non officielles faisant état de 1900 mm de pluie. Du fait
des inondations catastrophiques qu’il a entraînées, c’est le deuxième ouragan de

l’Atlantique le plus meurtrier de l’histoire… Bien que Mitch n’ait pas directement
frappé le Nicaragua, la circulation des vents, très étendue, a provoqué des pluies
torrentielles, estimées à plus de 1300 mm. En certains endroits, 640 mm de pluie sont
tombés sur les zones côtières… Deux millions de Nicaraguayens ont été directement
35
affectés par cet ouragan.»

16. Pourtant, Monsieur le président, les ouragans ne sont pas les seules causes de glissements

de terrain sur des remblais instables comme ceux que nous avons montrés hier. Ce qui est

préoccupant, ce sont les fortes précipitations qui les accompagnent, ainsi que les autres tempêtes.

Les phénomènes météorologiques de grande ampleur qui ont accompagné l’ouragan Stan, en 2005,

32
Administration océanique et atmosphérique natiooale des Etats-Unis, trajectoires historiques des ouragans,
dossier de plaidoiries du Costa Rica, 6 novembre 2013, onglet n 22.
33CR 2013/29, p. 30, par. 30 (Wordsworth).

34http://en.wikipedia.org/wiki/Hurricane_Joan%E2%80%93Miriam.
35
http://en.wikipedia.org/wiki/Hurricane_Mitch#Nicaragua. - 16 -

ont ainsi causé «des pluies torrentielles atteignant 500 mm, [qui] ont rapidement provoqué de fortes

crues, ainsi que des glissements de terrain, et ont endommagé les cultures … dans certaines régions

du Mexique et d’Amérique centrale, notamment … au Nicaragua … et au Costa Rica» . Enfin, 36

selon un rapport établi par la mission consultative Ramsar, 2500 à 6000 mm de pluie tombent

chaque année sur la région du fleuve San Juan, ce qui constitue l’une des plus fortes pluviométries

de l’hémisphère occidental . Ce sont là vraiment des conditions idéales, si je puis dire, Monsieur

le président, pour que des glissements de terrain se produisent.

17. Ainsi, M. Wordsworth se trompe lorsqu’il affirme qu’«il ne s’agit pas d’une région

38
sujette aux ouragans ou aux tempêtes tropicales» . Comme le fait observer M. Kondolf au sujet

des événements pouvant provoquer des mouvements de masse rocheuse ou des glissements de

terrain,

«pour les géomorphologues, ces événements déclencheurs ne sont pas si rares. Au

cours des dernières décennies, de violentes précipitations, provoquées par deux
ouragans passés à proximité (Juana [ou Joan] en 1988 et Mitch en 1998), se sont
abattues sur le fleuve San Juan. Un ouragan ou une tempête tropicale ne doit pas

nécessairement frapper directement le bassin du fleuve pour causer de fortes pluies.
Avec l’affaiblissement des sols au niveau des talus de déblayage et l’instabilité des
talus de remblayage situés sur le bas-côté de la route, toutes les conditions sont

réunies : lorsque, inéluctablemen39 de fortes pluies tomberont, des glissements de
terrain massifs se produiront.»

21 18. En résumé, Monsieur le président, ce sont les précipitations abondantes, et pas forcément

la tempête elle-même, qui provoquent ces importants mouvements de terrain, et occasionnent donc,

dans le cas présent, un important déversement de sédiments dans le fleuve San Juan.

19. Monsieur le président, je ferai juste une dernière observation. Il est frappant de constater

que le rapport établi en 2013 par MM. Oreamuno et Villalobos, de l’Université du Costa Rica

(intitulé «Report on Systematic Field Monitoring of Erosion and Sediment Yield along

Route 1856»), annoncé en fanfare par le conseil du Costa Rica, ne s’intéresse qu’à une partie du

36http://en.wikipedia.org/wiki/Hurricane_Stan.

37Rapport de la mission consultative Ramsar n 69, annexe 147 du mémoire du Costa Rica dans l’affaire relative
à Certaines activités, p. 111.
38
CR 2013/29, p. 30, par. 30 (Wordsworth).
39 Observations sur les documents déposés par le Costa Rica en novembre 2013, G. Mathias Kondolf,

6 novembre 2013, p. 5. - 17 -

fleuve longue de 15 km, située en amont de la zone la plus fortement affectée par l’érosion. Selon

M. Kondolf,

«il convient de noter que les sites retenus se trouvaient tous sur les 15 premiers
kilomètres de la route 1856 longeant le fleuve… La zone étudiée était donc

extrêmement restreinte par rapport à la partie de la route 1856 qui longe la rive sud du
fleuve San Juan, longue de 106 km (figure 1). La «zone d’étude» ne s’étendait pas en
aval, jusqu’au secteur le plus touché par l’érosion, à savoir le segment de 26 km situé
entre le fleuve Infiernito et le point de confluence avec le
San Carlos… MM. Oreamuno et Villalobos ont donc évité certains des sites les plus

gravement touchés. En se limitant aux endroits situés en amont du fleuve Infiernito,
les auteurs ont exclu les sites les plus marqués par l’érosion en aval, n40amment
ceux … où se trouvent d’imposants remblais qui s’écroulent rapidement.»

Ainsi, Monsieur le président, le fait que les sites retenus dans l’étude de l’Université du Costa Rica

ne soient pas représentatifs et se trouvent sur une petite portion du fleuve située en amont de la

zone la plus durement affectée par l’érosion remet en cause l’utilité de cette étude.

20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon bref

exposé. Je vous remercie de nouveau pour votre attention. Monsieur le président, je vous prierais

de bien vouloir appeler à présent à la barre mon collègue et ami, M. Reichler.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, M. McCaffrey, et je donne la parole à M. Reichler.

M. Reichler, vous avez la parole.

M. REICHLER :

INSUFFISANCE DES TRAVAUX DE REMISE EN ÉTAT ENTREPRIS PAR LE COSTA RICA
ET NÉCESSITÉ URGENTE D ’INDIQUER DES MESURES CONSERVATOIRES

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, bonjour.

22 2. Je répondrai ce matin à deux des arguments développés par le Costa Rica, le premier, sur

l’opportunité des mesures qu’il a prises pour remédier aux problèmes liés à la première étape de la

construction de la route 1856 et le second, relatif au caractère d’urgence que revêtent les mesures

conservatoires demandées par le Nicaragua.

3. Monsieur le président, le Costa Rica est très fier des travaux de remise en état qu’il

prétend avoir réalisés, «de sa propre initiative», pour remédier aux problèmes liés à la construction

40 Observations sur les documents déposés par le Costa Rica en novembre 2013, G. Mathias Kondolf,
6 novembre 2013, p. 3. - 18 -

41
de la route . Or, la deuxième mesure conservatoire demandée par le Nicaragua vise précisément à

résoudre ces problèmes. [Graphique.] Voici le tableau que vous a présenté hier M. Kohen . Pour 42

votre commodité, nous l’avons également inclus dans vos dossiers d’aujourd’hui, sous

l’onglet n 20. M. Kohen nous a expliqué pardon, M. le professeur Kohen, c’est mon ami, et je

m’en voudrais de le priver de son titre , M. le professeur Kohen, donc, nous a expliqué que la

colonne de gauche énumérait les mesures de remise en état demandées par le Nicaragua et celle de

droite, celles que le Costa Rica prétend avoir déjà prises ou entrepris de mettre en œuvre.

4. Or, s’il y a bien une chose dont les Parties conviendront, c’est que cela fait beaucoup de

mesures de remise en état ! Quelle conclusion en tirer quant à la route ? En reconnaissant que tous

ces travaux de remise en état sont nécessaires, le Costa Rica nous offre un magistral aveu une

43
déclaration contraire à ses propres intérêts, telle que définie par la Cour dans sa jurisprudence ,

confirmant ce que le Nicaragua vous a expliqué : la première étape de la construction a été un

désastre. Pourquoi, sinon, tous ces travaux ? Et c’est là une conséquence logique du constat dressé

non seulement par le Nicaragua, mais aussi par le collège des ingénieurs et architectes du

Costa Rica lui-même, dont je cite le rapport : «La construction a été entamée sans qu’ait été établi

le moindre plan indiquant le tracé que la route devait suivre ou ses caractéristiques. Cette situation

est à l’origine d’une augmentation des coûts, de problèmes environnementaux et d’une dégradation

44
rapide du chantier.» Le laboratoire national des matériaux et des modèles structurels de

l’université du Costa Rica n’a pas été moins critique, écrivant : «En l’état actuel, la piste longeant

la frontière présente un risque élevé d’effondrement pendant la saison des pluies, en raison de

l’absence de structures de drainage et de l’instabilité de nombre des talus de remblais et de

45
déblais.»

41
CR 2013/29, p. 11, par. 2.
42 o
Dossier de plaidoiries du 6 novembre 2013 du Costa Rica, onglet n 31.
43 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 42, par. 78 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 41, par. 64.

44Collège des ingénieurs et architectes du Costa Rica, «Report on Inspection of the Border Road, Northern Area
Parallel to the San Juan River CFIA Report», MN, annexe 4, p. 25.

45 Laboratoire national des matériaux et des modèles structurels de l’université du Costa Rica,
«Report INF-PITRA-014-12 : Report from Inspection of Route 1856 Juan Rafael Mora Porras Border Road»,
mai 2012, MN, annexe 3, p. 51. - 19 -

23 5. Le Costa Rica n’a réfuté aucune de ces affirmations hier. Il n’a pas défendu les modalités

de construction de la route. Il n’a pas contesté que celle-ci avait été mal conçue, mal construite, en

faisant montre, à l’égard de l’environnement, d’une désinvolture coupable, et sans tenir compte de

possibles dommages transfrontières, y compris au fleuve San Juan.

6. Admettant l’existence de ces problèmes, M. Brenes a déclaré à la Cour que «le

Costa Rica, de sa propre initiative et avec efficacité, a[vait] d’ores et déjà pris les mesures que le

Nicaragua demand[ait] aujourd’hui à la Cour de lui prescrire» . Voici une nouvelle déclaration

contraire à ses propres intérêts, et de taille ! Le Costa Rica est d’accord pour affirmer que les

mesures que le Nicaragua a prié la Cour d’indiquer sont nécessaires et doivent être mises en œuvre.

Sans cela, pourquoi se targuerait-il de les avoir prises ? Le professeur Kohen n’en est d’ailleurs pas

resté là, affirmant que les mesures correctives du Costa Rica allaient au-delà de ce que le

Nicaragua avait demandé, et suffisaient à remédier aux problèmes liés à la construction de la

route . Mais il se fourvoie, et ce, à deux égards.

7. Premièrement, contrairement aux allégations de M. Brenes et du professeur Kohen, le

Costa Rica n’a pas mis en œuvre les mesures sollicitées par le Nicaragua. M. Kondolf, dans son

48
rapport du 12 octobre , a énoncé les mesures concrètes qui devaient être prises, et celles-ci ont été
os
rappelées aux onglets n 15 à 18 du dossier de plaidoiries du 5 novembre, puis précisées ce même

jour par M. Pellet . Le tableau du professeur Kohen ne fait apparaître que les mesures générales

demandées par le Nicaragua, pas les moyens concrets d’en assurer la mise en œuvre. En comparant

ce que le Costa Rica prétend avoir fait et les mesures concrètes tenues pour nécessaires par

M. Kondolf, la Cour pourra constater que le Costa Rica est loin d’avoir pris les dispositions qui

s’imposent.

8. Deuxièmement, les travaux menés par le Costa Rica ont été insuffisants, à quelque aune

qu’on les mesure. A cet égard, la Cour voudra peut-être se pencher sur le rapport établi par

o
M. Kondolf le 6 novembre, qui figure sous l’onglet n 21 du dossier de plaidoiries de ce jour.

46CR 2013/29, p. 11, par. 2 (Brenes).

47Ibid., p. 50, par. 26 (Kohen).
48
Mathias Kondolf, «Confirmation des mesures urgentes requises pour atténuer l’érosion et le dépôt de sédiments
de la route 1856, Costa Rica, dans le fleuve San Juan, Nicaragua», 12 octobre 2013.
49CR 2013/28, p. 57-60, par. 24-37. - 20 -

M. Kondolf y évalue les travaux de remise en état réalisés par le Costa Rica, sur la base de

l’inspection qu’il a effectuée sur place le mois dernier et des rapports fournis par le Costa Rica dans

le courant de la semaine :

«Nombreux sont les sites pourvus de talus de remblais et de déblais imposants
24
et instables, qui présentent déjà des signes de glissement de terrain et de ravinement,
faisant peser un risque imminent d’effondrement massif, tout particulièrement lors du
prochain épisode d’intenses précipitations.

L’érosion est à l’œuvre sur de nombreux tronçons de la route, et les travaux
entrepris pour la maîtriser grâce à un système de drainage n’ont eu qu’une
importance et une portée limitées, et n’ont pas permis de régler les graves problèmes
d’érosion et de stabilité des talus.» 50

9. Les preuves des tentatives de remise en état auxquelles a procédé par le Costa Rica

figurent essentiellement dans le rapport du conseil national des routes (ou CONAVI selon

l’acronyme espagnol) en date du 25 octobre 2013, que vous trouverez à l’annexe 3 des écritures

qu’il a fournies à l’occasion de cette procédure orale. Ce rapport, intitulé «Programme de

consolidation et d’ajustement de la route 1856», décrit les initiatives prises par le Costa Rica entre

51
février et avril 2013 pour remettre en état un tronçon de route long de 15 kilomètres .

15 kilomètres ! Voilà qui représente moins d’un dixième de la longueur totale de la route. Quid de

la remise en état du reste de celle-ci ? Le Costa Rica n’apporte aucune preuve qu’elle ait été

entreprise. Si tous les travaux évoqués par le professeur Kohen ont été effectués sur ces

15 kilomètres, c’est sans doute une autoroute à huit voies que le Costa Rica y a bâtie ! Mais c’est

une autoroute qui ne mène nulle part ; un tout petit tronçon de route, et qui ne mène nulle part. Le

reste des travaux de réfection du Costa Rica consiste à planter de nouveaux arbres, comme l’a

expliqué sa vice-ministre de l’environnement . 52

10. M. Kondolf mentionne un autre des grands problèmes que posent les travaux de remise

en état du Costa Rica : le fait qu’ils semblent ne

«protéger que la surface de la route, et ne protègent presque pas, voire pas du tout, les
talus de remblais ni le fleuve en aval. En outre, le rapport [du CONAVI] passe sous

50Mathias Kondolf, «Comments on Costa Rican Submissions of November 2013», 6 novembre 2013, p. 15 ;
c’est nous qui soulignons.

51Conseil national des autoroutes (CONAVI), «Programme de consolidation et d’amélioration de la route 1856»,
réf. DIE-02-13-3107, 25 octobre 2013, p. 1 et 3.
52
Rapport en date du 8 octobre 2013 adressé à Enrique Castillo Barrantes, ministre des affaires étrangères du
Costa Rica, par Ana Lorena Guevara Fernández, vice-meristre de l’environnement du Costa Rica, réf. DVM-293-2013,
annexe 5 de la lettre du coagent du Costa Rica en date du 1 novembre 2013. - 21 -

silence le fait, plus général, que ces tentatives de maîtriser l’érosion ont lieu sur des
tronçons de la route qui, s’ils présentent des signes d’érosion, ne sont pas parmi les

plus problématiques. Elles visent à traiter uniquement l’érosion superficielle, et non le
problème de la vulnérabilité fondamentale aux glissements de terrains qui ne
manqueront pas de se produire en période de fortes pluies.» 53

11. Monsieur le président, M. Kondolf n’est pas le seul expert à n’avoir guère été

impressionné par les efforts déployés par le Costa Rica «de sa propre initiative». Voici ce qu’en dit

le propre expert du Costa-Rica, M. Thorne [graphique] : «Selon moi, les mesures adoptées par le

Costa Rica ont limité, et continueront de limiter, le risque de voir un phénomène d’érosion majeur

se produire en période de fortes pluies, comparé aux conditions qui prévalaient immédiatement

25 après la construction de la route» . M. Thorne aurait-il pu placer la barre plus bas ? C’est un bel

exemple de ce que les Britanniques appellent «damning with faint praise», pour citer le grand poète

Alexander Pope, qui savait déjà que l’on peut «condamn[er] avec des louanges … lou[er] poliment

et avec malice, et … en paraissant s’abstenir de la raillerie inspir[er] l’envie de railler» .5

12. Ce sont encore des réserves qu’exprime M. Thorne face aux travaux menés par le

Costa Rica lorsqu’il écrit [graphique] :

«Les mesures que j’ai pu constater en mai 2013 font, à mes yeux, partie des
tentatives faites pour limiter les risques d’érosion résultant de la manière dont la route
a été construite en 2011, et non à fournir une solution permanente aux problèmes
56
d’érosion.»

13. Or, Monsieur le président, telle est précisément la raison pour laquelle le Nicaragua

persiste à prier la Cour d’indiquer la seconde série de mesures conservatoires sollicitées. Les

Parties sont d’accord sur la nécessité de mettre en œuvre d’importantes mesures correctives,

y compris celles demandées par le Nicaragua. Celles recensées par le professeur Kohen, et que le

Costa Rica affirme avoir entrepris de mettre en œuvre, sont à l’évidence insuffisantes, même de

l’avis de son propre expert. En outre, rien ne vient confirmer les affirmations du professeur Kohen

selon lesquelles ces mesures insuffisantes auraient seulement été mises en œuvre, au-delà du

malheureux tronçon de 15 kilomètres dont le CONAVI rapporte avoir entrepris la remise en état.

53
Mathias Kondolf, «Comments on Costa Rican Submissions of November 2013», 6 novembre 2013, p. 7.
54Colin Thorne, «Report on the Risk of Irreversible Harm to the Rio San Juan Relating to the Construction of the
Border Road in Costa Rica», 4 novembre 2013, par. 89 ; c’est nous qui soulignons.

55Oeuvres diverses d’Alexander Pope, vol. I, Epître au Docteur Arbuthnot.
56
Colin Thorne, op. cit., par. 90 ; les italiques sont de nous. - 22 -

14. Monsieur le président, le Nicaragua ne devrait pas être obligé de continuer à subir les

dommages transfrontières liés à la piètre qualité de construction de la route et aux piteux efforts du

Costa Rica pour y remédier, dans l’attente de l’arrêt définitif de la Cour en l’espèce. Il ne devrait

pas non plus dépendre des travaux dont le Costa Rica, «de sa propre initiative», voudra bien juger

qu’ils s’imposent. Le Nicaragua se satisfera de l’assurance que le Costa Rica mettra en œuvre les

mesures correctives jugées urgentes par M. Kondolf, assortie d’un plan de mise en œuvre qu’il

soumettra à la Cour. La Cour, par le passé, a accepté de telles assurances. Dans l’affaire des

Usines de pâte à papier, par exemple, vous avez pris acte de celle donnée par l’Uruguay, selon

laquelle celui-ci s’abstiendrait de mettre la Cour devant un fait accompli, et avez, pour ce motif,

refusé de faire droit à la demande en indication de mesures conservatoires de l’Argentine . Dans7

26 l’ordonnance que vous avez rendue le 28 mai 2009 dans l’affaire Hissène Habré, vous avez de

même pris acte des «assurances données par le Sénégal, [pour constater] que le risque de préjudice

irréparable aux droits revendiqués par la Belgique n’[était] pas apparent à la date [de

58
l’] ordonnance» .

15. Si, demain, le Costa Rica offre des assurances analogues, le Nicaragua les acceptera bien

sûr comme étant de toute bonne foi. A défaut, il maintiendra sa demande tendant à ce que la Cour

indique les mesures jugées nécessaires par M. Kondolf. Fait notable, si M. Thorne est en désaccord

avec M. Kondolf sur l’ampleur des dégâts causés au Nicaragua, il ne conteste, dans son rapport du

4 novembre, aucune des mesures correctives recommandées par celui-ci, et demandées par le

Nicaragua.

16. J’en viens maintenant à la question de l’urgence. Et je serai très bref. Le Costa Rica n’a

pas dit grand-chose, hier, qui appelle une réponse. Surtout, il a admis que la reprise des chantiers

était imminente. [Graphique.] MM. Ugalde et Brenes ont tous deux cité le tableau que j’avais

mentionné lors du premier tour, qui figure dans la présentation PowerPoint du ministre des travaux

publics et des transports en date de mars 2013. M. Ugalde n’a pas contesté que les travaux

reprendraient, comme cela apparaît sur cet échéancier, avant la fin de l’année. Il a simplement

57Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 134, par. 83-84.

58Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires,
ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, p. 155, par. 72. - 23 -

affirmé qu’il ne s’agissait pas là d’un fait nouveau, parce que le Nicaragua en aurait eu

59
connaissance depuis le mois de mars dernier . Le Nicaragua savait peut-être, mais là n’est pas la

question. M. Brenes a admis que les «fonds [destinés à la construction de la route] éta[ie]nt épuisés

60
en décembre 2011» . Depuis cette date, le chantier était à l’arrêt, et sa reprise n’était pas

imminente en mars 2013. Elle l’est aujourd’hui, huit mois plus tard. Voilà le fait nouveau, et voilà

pourquoi la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Nicaragua revêt

aujourd’hui un caractère d’urgence.

17. M. Ugalde semble considérer qu’un fait ou un événement nouveau doit déjà s’être

produit pour que puisse être établie l’existence d’une urgence imposant l’indication de mesures

conservatoires. Il a affirmé que toutes les demandes en indication de mesures conservatoires

61
avaient fait suite «à la survenance de quelque événement ou fait nouveau» . Mais ce n’est pas ce

que nous enseigne la jurisprudence de la Cour. Les mesures conservatoires ne sont pas de nature

rétrospective. Elles ne sont pas indiquées pour remédier à des faits passés, ou à des actes déjà

27 consommés. Elles sont de nature prospective, cherchant à anticiper des faits ou des actes

susceptibles de causer un préjudice irréparable aux droits d’une partie avant le prononcé de l’arrêt

définitif. C’est l’imminence de l’acte futur qui les rend urgentes. Ce critère est ici rempli, puisque,

d’après le propre échéancier du Costa Rica, le chantier reprendra avant la fin de l’année, pour

s’achever avant la fin de l’année prochaine et donc, vraisemblablement, avant que la Cour ait rendu

son arrêt.

18. M. Brenes a donné à entendre que l’échéancier présenté par le ministre des travaux

publics et qui n’a été ni modifié, ni retiré ni remplacé n’était en quelque sorte «plus à jour» et

que la reprise des travaux serait retardée parce que le Costa Rica en était encore au stade de l’appel

d’offres pour la phase de conception . Fait notable, il n’a pas précisé l’ampleur de ce retard, ni la

date de la reprise des travaux, même s’il a affirmé qu’il s’agissait «d’un projet auquel était

assurément accordée la priorité» . L’imminence sera-t-elle moindre en janvier qu’en décembre ?

59
CR 2013/29, p. 39, par. 14 (Ugalde).
60
Ibid., p. 17, par. 17 (Brenes).
61Ibid., p. 35, par. 5 (Ugalde) ; c’est nous qui soulignons.
62
CR 2013/29, p. 18, par. 18.
63
Ibid., p. 18, par. 19. - 24 -

Le Nicaragua devra-t-il saisir une nouvelle fois la Cour et renouveler sa demande en indication de

mesures conservatoires le mois prochain, à l’approche de la date de reprise des travaux, lorsque la

situation sera, d’après la définition de M. Brenes, devenue plus «urgente» ?

19. Il ressort du dossier que le Costa Rica ne ménage aucun effort pour relancer au plus vite

ses chantiers. Pas plus tard que la semaine dernière, le 28 octobre, le ministre des communications

a réaffirmé que l’achèvement de la construction de la route 1856 resterait une priorité du

gouvernement actuel dont le mandat expire en juin prochain et que les travaux se

poursuivraient jusqu’à cette date, n’en déplaise au Nicaragua .

20. Monsieur le président, il est indéniable que la reprise des activités de construction

routière est imminente ce sont de hauts responsables du Costa Rica qui l’ont confirmé. Sinon

aujourd’hui, du moins très bientôt. Car qu’elle ait lieu dans le courant de ce mois, le mois

prochain, ou au début de l’année 2014, elle se produira dans un proche avenir. Sauf si la Cour

indique les mesures conservatoires demandées par le Nicaragua. Voilà pourquoi celles-ci sont

nécessaires de toute urgence. Monsieur le président, je vous prie d’appeler maintenant à la barre

mon ami et collègue, M. le professeur Pellet, qui reviendra plus en détail sur le caractère de

nécessité et le caractère d’urgence que revêtent les première et troisième mesures conservatoires

demandées par le Nicaragua.

28 21. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je tiens à vous remercier une

fois de plus de votre aimable attention.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur Reichler. I now invite Professor Alain Pellet

to take the floor.

Mr. PELLET: Thank you, Mr. President.

T HE THREAT OF THE RESUMPTION OF THE CONSTRUCTION OF R OUTE 1856

1. Mr. President, Members of the Court, the reasons justifying the indication by the Court of

the second provisional measure requested by Nicaragua, which my colleagues Steve McCaffrey

64«Le Costa Rica entend démontrer que la construction de la piste routière n’a pas cause de dommage au fleuve
San Juan», Monumental, 28 octobre 2013, demande en indication de nouvelles mesures conservatoires du Nicaragua,
annexe 14. - 25 -

and Paul Reichler have spoken to you about, also largely explain why you should likewise adopt

the two other measures which are the subject of our request: there must be no recurrence of the

fiasco of the first phase of the works — which implies that from now on the works (whether on the

river itself or on its tributaries) should be carried out in accordance with best practice and after a

reliable impact study (reliable and communicated to the neighbouring State). But there is

obviously a major difference: unlike the first phase, this second proposed phase of works has,

ex hypothesi, not yet been carried out — this is self-evident. Consequently, there is still time to

avoid the irreparable. In other words, the second measure that we are requesting aims to mitigate

the adverse effects of the construction of the road and to prevent their aggravation; the first and

third measures are aimed at preventing such effects from occurring in the course of future work.

2. But I want to be very clear, Mr. President: despite the lyrical discourse on sovereignty by
65
my opponent and friend Marcelo Kohen, at the end of his statement yesterday , there is no

intention on the part of Nicaragua to prevent Costa Rica from constructing all the roads that it

wants on its territory, even if they do not go anywhere! And even if they follow the bank of the

San Juan River: Costa Rica is in its own backyard; the matter is settled. Our Agent could not have

put it any more clearly in his presentation earlier. On the other hand, Nicaragua is committed to

29 upholding its sovereignty over the river and the integrity of the latter — that is the goal both of its

request and of the current proceedings. This means in particular that neither the road construction

works nor the result of those works — namely the road itself — must cause damage to the

Nicaraguan San Juan River: waste material must not be discharged into it; backfill and road

building material must not subside into it; the drainage culverts and other road infrastructure

elements must not collapse into it and obstruct its natural flow, etc. All of this has happened in the

sections that have already been built; this must be prevented from continuing to occur — that is the

object of the second provisional measure; and this must be prevented from recurring as a result of

the new works — and that, Members of the Court, is why Nicaragua is asking you to order that —

with the exception of the mitigation measures, of course — nothing be done from now on without a

conclusive environmental impact assessment being submitted for consideration to Nicaragua and to

65CR 2013/29, pp. 52-53, paras. 30-31 (Kohen). - 26 -

the Court itself; that is the object of the first and third provisional measures requested by the letter

66
of our Agent of 11 October .

3. And, Mr. President, I use the word “object” in the singular because these two measures are

inextricably linked: the construction of the road must not resume until Nicaragua has received —

and has been able to discuss properly — an environmental impact assessment that has been

prepared and communicated in accordance with the international obligation “to undertake an

environmental impact assessment where there is a risk that the proposed industrial activity may

have a significant adverse impact in a transboundary context, in particular, on a shared resource” . 67

4. Mr. President, I have once again cited this passage of the 2010 Judgment of the Court in

the Pulp Mills case because I noted the vehemence with which Professor Kohen — or Mr. Kohen,

professors being gentlemen and ladies — challenges this rule and, in any event, its applicability in

the present case: “Costa Rica argues that in the particular circumstances of the case it has no such

30 obligation.” 69 This a clear plea of inadmissibility! And it calls for two sets of remarks that I

believe to be important.

5. First of all, my opponent has sought to justify that categorical refusal by relying on

Article 19 of the Convention of 21 May 1997 on the Law of the Non-Navigational Uses of

International Watercourses (which can be found at tab 23 of the judges’ folder). It is worth pausing

to consider this provision for a moment. The first paragraph of the Convention states:

“1. In the event that the implementation of planned measures is of the utmost
urgency in order to protect public health, public safety or other equally important

interests, the State planning the measures may, subject to articles 5 and 7, immediately
proceed to implementation…”

Although Ambassador Argüello has shown that the argument of aggression was pitiful, let us

suppose, for the purposes of the discussion, that we accept the fable of the utmost urgency as far as

the hasty and slapdash construction of the first sections of the road is concerned. The fact remains

that:

66
Letter dated 11 Oct. 2013 addressed to the Registrar of the Court by the Agent of Nicaragua,
Ref: HOL-EMB-196.
6Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment, I.C.J. Reports 2010 (I), p. 83, para. 204.

6See CR 2013/28, p. 55, para. 16 (Pellet).
69
CR 2013/29, p. 48, para. 17 (Kohen); see also p. 45, para. 8 (Kohen). - 27 -

(1) we must also read paragraphs 2 and 3 of Article 19:

“2. In such case, a formal declaration of the urgency of the measures shall be
communicated without delay to the other watercourse States referred to in article 12

together with the relevant data and information.”

We must assume that the urgency was utmost in the extreme, Mr. President: Nicaragua did not

receive that communication, even though it is obligatory irrespective of the circumstances, as is

also the notification of “available technical data and information” provided for in Article 12 “in

order to enable the [other watercourse States] to evaluate the possible effects of the planned

measures”. Next, paragraph 3 of Article 19:

“3. The State planning the measures shall, at the request of any of the States
referred to in paragraph 2, promptly enter into consultations and negotiations with it in
the manner indicated in paragraphs 1 and 2 of article 17.”

As Ambassador Argüello has recalled, Costa Rica has not acted upon Nicaragua’s protests and

requests for clarification . (And Costa Rica cannot now claim that the Convention is not in
31

force between the two States: it is Costa Rica who relies on this provision!) And:

(2) even if it were to be conceded that pressing reasons obliged Costa Rica to undertake the

construction of Route 1856 without a prior impact study — quod non, of course! — this pretext

is no longer plausible more than three years after the so-called Nicaraguan “invasion” and more

than one year after the conclusion of the first phase of the works.

6. All that time should have been — and had to be — used to comply with what is not only

an international obligation, but also a clear duty of both common sense and good neighbourliness:

one does not undertake works of this kind and this scale without comprehensive studies and

without discussing them with a neighbouring State whose territory will in all likelihood be affected,

in one way or another, by the works in question. This brings me to my second set of remarks.

7. Costa Rica is aware of the problem and believes that it has found the solution: by

requesting an EIA as a provisional measure, we are allegedly seeking prematurely to obtain “an

7See the exchanges of Notes of 29 Nov. 2011 (diplomatic Note from the Minister for Foreign Affairs of
Nicaragua to the Minister for Foreign Affairs of Costa Rica, Ref. MRE/DVWAJST/500/11/11 (MN, Ann. 14, Vol. II,
p. 395), and diplomatic Note from the Minister for Foreign Affairs and Worship of Costa Rica to the Minister for Foreign
Affairs of Nicaragua, Ref. DM-AM-601-11 (MN, Ann. 15, Vol. II, p. 399)) and of 10 and 20 Dec. 2011 (diplomatic Note
from the Minister for Foreign Affairs of Nicaragua to the Minister for Foreign Affairs of Costa Rica, 10 Dec. 2011,
Ref. MRE/DVS/VJW/0685/12/11 (MN, Ann. 16, Vol. II, pp. 403-404), and diplomatic Note from the Minister for
Foreign Affairs and Worship of Costa Rica to the Minister for Foreign Affairs of Nicaragua, 20 Dec. 2011,
Ref. DVM-AM-286-11 (MN, Ann. 17, Vol. II, pp. 407-408)). - 28 -

interim judgment in favour of a part of the claim formulated in [our] Application”, to adopt the

wording used by the PCIJ in the Order of 21 November 1927 on the provisional measures in the

Factory at Chorzów case . Professor Kohen has misread both our Application and my statement

of Monday morning. Nowhere in the Application do we request the communication of an EIA;

our submission 2 (iv) is more carefully drafted: what we request therein is for your distinguished

Court

“to adjudge and declare that Costa Rica must . . . not . . . continue or undertake any
future development in the area without an appropriate transboundary Environmental

Impact Assessment and that this assessment must be presented in a timely fashion to
Nicaragua for its analysis and reaction”.

As I did my best to explain the day before yesterday — but maybe I did not make myself clear, or

32 counsel for Costa Rica was not paying attention — the EIA is, here as in all the requests that we

have submitted, a necessary prerequisite to any decision and to any action — and we have always

74
made it a provisional measure , which we asked (and still ask) to be granted as a preliminary issue.

8. After all its procrastination, it would be improper for Costa Rica to rely today on the

utmost urgency (save possibly the electoral urgency) of resuming the road construction works (I am

not referring to those which are essential for mitigating the damage caused by the first phase). It is

natural that any resumption of those works should be subject to a reliable impact study, which there

would be no justification for not communicating to us for study and comment prior to any further

work.

9. Mr. President, it is true that, for its part, the third of the provisional measures that we are

asking the Court to indicate overlaps partially with submission 2 (iv) of our Memorial, which I

have just cited. But we are requesting a suspension and not a definitive measure, which here again

is by essence provisional. There are two options:

71Factory at Chorzów, Order of 21 November 1927, P.C.I.J., Series A, No. 12, p. 10 — cited in CR 2013/29,
p. 49, para. 22 (Kohen).

72CR 2013/28, pp. 54-56, paras. 14-18 (Pellet).
73
CR 2013/28, pp. 54-55, para. 16 — see Memorial of Costa Rica in the case concerning Certain Activities
carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), p. 208, para. 5.22.
74See the Application instituting proceedings in the case concerning Construction of a Road in Costa Rica along
the San Juan River (Nicaragua v. Costa Rica), p. 33, para. 55; the letter from Nicaragua to the Court accompanying the
Memorial of Nicaragua, 19 Dec. 2012, Ref. 02-19-12-2012, and the letter dated 11 Oct. 2013 addressed to the Registrar

of the Court by the Agent of Nicaragua, Ref. HOL-EMB-196. - 29 -

either, following your Order, Costa Rica finally prepares the EIA which is required of it and

communicates it to Nicaragua and, in that case, the Parties will be called upon to agree on the

action to be taken on Costa Rica’s project in such a way as to ensure that their respective rights

are upheld (Costa Rica’s right of constructing a road on its territory; Nicaragua’s right that

its — river — territory should not be affected by that construction);

or Costa Rica sticks to its refusal to carry out this essential impact study, and your Order

indicating the need for that study — and its consequence: the impossibility of resuming the

construction works — will apply until your judgment ruling on our submissions.

10. It seems to me that this highlights the great difference between the two requests.

Nicaragua’s third request for provisional measures is intended to last only as long as it is necessary

to safeguard the rights of Nicaragua pending the judgment (furthermore, it is also a means of

33 protecting Costa Rica itself against the consequences of its excessive haste . . .). It will cease to

have effect if the conditions laid down by the Court in its Order are fulfilled, or with the judgment

75
itself . For its part, submission 2 (iv) of Nicaragua’s Memorial has a more definitive and

continuing purpose: if the provisional measure indicated by the Court does not produce its effects,

the resumption of the road construction works will remain subject to the long-awaited EIA for an

indeterminate period.

11. Moreover, in the past the Court has often ordered, as a provisional measure, the

suspension of activities or of certain acts, whose definitive condemnation or cessation was the very

object of the requests contained in the Application or the written submissions of the Respondent.

76 77
This occurred, for instance, in the cases concerning Anglo-Iranian , Nuclear Tests , Nicaragua (I

am referring to the “big case” and to the Order of 10 May 1984 ), Armed Activities 79 and more

75
Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 140, para. 186. See also
Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 649, para. 177.
7Application instituting proceedings of the United Kingdom, 26 May 1951, pp. 18-19, and Anglo-Iranian Oil Co.

(United Kingdom v. Iran), Interim Protection, Order of 5 July 1951, I.C.J. Reports 1951, p. 90 and pp. 93-94.
7Nuclear Tests (Australia v. France), Interim Protection, Order of 22 June 1973, I.C.J. Reports 1973, p. 100,

p. 101, para. 9, p. 104, p.r25-26 and p. 106.
7Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, pp. 170-171, para. 1, pp. 171-172, para. 2, and
pp. 186-187, para. 41. - 30 -

80
recently in Georgia v. Russia . In all these cases, the suspensive effect of the measures ceased

when the Court either found that it had no jurisdiction or adopted its Judgment on the merits . 82

12. Mr. President, is the indication of the first and third measures requested of the Court by

Nicaragua a matter of urgency? Yes, it is: my dear colleague Paul Reichler has just made that

point. There is urgency because Costa Rica has indicated — and did not deny during yesterday’s

hearing — that it is intending to resume the construction work on Route 1856; “that construction

34 of the Borderline Trail will continue to [be] a priority piece of work until termination by the current

83
government” — whose term of office, I would remind you, ends in May 2014. Moreover, as I

indicated on Tuesday , the uncertainty over the exact date of the resumption of the works cannot

be a ground for refusing to indicate the measures requested. And I think that you will quite readily

agree, Members of the Court, that it would be absurd for us to have to return to the Court the day

when the date of the threat has been specified — if indeed we are informed of it because

Costa Rica practises, with, it would seem, a certain relish, the art of suspense and secrecy in this

matter. But this also increases the need for these measures: transparency is one of the conditions

for the validity of these large-scale construction projects with transboundary effects. There is a real

urgency about averting the adverse consequences of the surprise effect that Costa Rica wishes to

keep in store for us.

13. Are the first and third measures requested by Nicaragua capable of preserving

(“conserving”) the rights that that State seeks to assert by seising the Court of the present dispute?

Again the answer is yes, of course! What are we requesting in essence? That Nicaragua’s

sovereign rights over the San Juan River should not be affected; that Costa Rica should not use its

79
Armed Activities on the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Provisional
Measures, Order of 1 July 2000, I.C.J. Reports 2000, pp. 113-114, para. 7, and pp. 115-166, para. 7, pp. 127-128,
paras. 40-43 and p. 129, para. 47.
80
Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, pp. 359-360,
para. 23, pp. 365-367, para. 48, and p. 398, para. 149 (A).
81
Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports 1952, p. 114;
Application of the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v.
Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 140, para. 186.
8Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 272, para. 61. See also Frontier Dispute

(Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 649, para. 177.
8Statement by the Minister of Communication of Costa Rica, Carlos Roverssi, 28 Oct. 2013, (Ann. 14 to the
letter dated 31 Oct. 2013 addressed to the Court by Nicaragua, Ref. HOL-EMB-220).

8CR 2013/28, pp. 64-65, para. 49 (Pellet). - 31 -

own territory to carry out activities prejudicial to those rights. A reliable environmental impact

assessment, capable of allaying any concerns in that regard, carried out according to best practice,

and about which Nicaragua would be duly consulted before the resumption of the works, is clearly

likely to prevent a fait accompli which would call into question the very object of the request.

14. Mr. President, what I have just said, which concerns in particular the first and third

provisional measures requested by Nicaragua; and what Steve McCaffrey and Paul Reichler have

said and which related rather to the very concrete second measure, lead Nicaragua to confirm its

three requests. Save for a last-minute surprise — but we are less skilled in that art than our friends

on the other side of the Bar — this is what the Agent of Nicaragua will now confirm by reading out

35 our submissions, if you would be so kind as to give him the floor, Mr. President. I am very grateful

to you, Members of the Court, for giving me the floor once again.

The PRESIDENT: Thank you very much, Mr. Pellet. J’appelle maintenant à la barre l’agent

du Nicaragua, S. Exc. M. Argüello Gómez. Vous avez la parole, Monsieur Argüello Gómez.

M. ARGÜELLO GÓMEZ : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je

vais à présent donner lecture des conclusions du Nicaragua.

C ONCLUSIONS FINALES

Conformément à l’article 60 du Règlement de la Cour et vu la demande en indication de

mesures conservatoires présentée par la République du Nicaragua ainsi que les plaidoiries de

celle-ci, le Nicaragua prie respectueusement la Cour d’indiquer d’urgence, pour empêcher que

d’autres préjudices soient causés à ses droits, que d’autres dommages soient causés au fleuve et que

soit aggravé le présent différend, les mesures conservatoires ci-après :

1) que le Costa Rica fournisse immédiatement et inconditionnellement au Nicaragua l’évaluation

de l’impact sur l’environnement ainsi que tous les rapports techniques et évaluations concernant

les mesures nécessaires pour atténuer les dommages graves qui pourraient être causés au fleuve

San Juan ;

2) que le Costa Rica prenne immédiatement les mesures d’urgence suivantes :
a) réduire l’ampleur et la fréquence des effondrements et glissements de terrain dus à
l’affaissement du remblai dans les secteurs où la route rencontre les pentes les plus - 32 -

escarpées, et en particulier dans les zones où se sont accumulés ou sont susceptibles de
s’accumuler dans le San Juan les débris de l’érosion ou de l’effondrement des sols ;

b) éliminer ou réduire sensiblement les risques futurs d’érosion et de dépôt de sédiments à
tous les points de passage de cours d’eau le long de la route 1856 ;

c) réduire immédiatement l’érosion du revêtement routier et le dépôt de sédiments en
améliorant la dispersion du ruissellement des eaux provenant de la route, et en augmentant
le nombre et la fréquence des structures de drainage de voirie ; et

d) maîtriser l’érosion superficielle et les dépôts consécutifs de sédiments provenant de sols
nus dans les zones exposées aux activités de dégagement, d’arrachage et de construction

menées depuis plusieurs années ;

36 3) qu’il soit ordonné au Costa Rica de ne reprendre aucune activité de construction de la route tant

que la Cour demeurera saisie de la présente instance.

Telles sont les conclusions du Nicaragua. Monsieur le président, une copie signée du texte

de nos conclusions finales a été communiquée à la Cour. Je tiens à ce stade, pour conclure nos

plaidoiries, à vous exprimer, au nom de la République du Nicaragua et de notre délégation,

Monsieur le président, ainsi qu’à chacun des Membres de la Cour, nos plus vifs remerciements

pour l’attention que vous avez aimablement accordée à nos exposés. Qu’il me soit également

permis de remercier le greffier de la Cour ainsi que son personnel, y compris les interprètes.

J’adresse aussi nos remerciements à la délégation du Costa Rica. Enfin, il me faut remercier

personnellement et publiquement l’équipe nicaraguayenne qui a donné le meilleur d’elle-même. Je

vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur. La Cour prend note des

conclusions dont vous avez donné lecture au nom du Gouvernement de la République du

Nicaragua. Voilà qui met fin au second tour de plaidoiries du Nicaragua. La Cour se réunira de

nouveau demain à 10 heures pour entendre le Costa Rica en son second tour d’observations orales.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 11 h 25.

___________

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