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Uncorrected Translation
CR 2013/25 (traduction)
CR 2013/25 (translation)
Mardi 15 octobre 2013 à 10 heures
Tuesday 15 October 2013 at 10 a.m. - 2 -
8 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit ce matin
pour entendre le premier tour d’observations orales du Nicaragua concernant la demande en
indication de mesures conservatoires présentée par le Costa Rica. Avant de donner la parole à
l’agent, je souhaiterais préciser que M. le juge Abraham ne sera malheureusement pas en mesure
d’assister aux audiences cette semaine et ne participera pas à l’examen de la demande.
Pour ce qui concerne le second tour de plaidoiries, nous procéderons ainsi que M. le greffier
l’a indiqué dans sa lettre : le Costa Rica présentera ses arguments demain matin entre 10 heures et
11 h 30, et le Nicaragua aura, à son tour, l’occasion de s’adresser à la Cour jeudi, de 10 heures à
11 h 30.
J’appelle maintenant S. Exc. M. Carlos Argüello Gómez, agent du Nicaragua. Votre
Excellence, vous avez la parole.
M. ARGUELLO : Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, Messieurs les
juges ad hoc, c’est toujours un honneur pour moi de me présenter devant vous au nom de mon
pays.
1. Deux affaires opposant le Nicaragua et le Costa Rica sont pendantes devant la Cour. La
première est celle relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua). Elle porte sur le droit du Nicaragua de draguer le San Juan, et sur un
désaccord quant à l’emplacement exact de l’embouchure du fleuve, lequel soulève une question de
souveraineté sur une zone marécageuse couvrant environ 250 hectares. Cette affaire est dénommée
ci-après Costa Rica c. Nicaragua. La seconde, relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), concerne une route de 160 km de
long que le Costa Rica construit actuellement, pour une large part sur la rive droite du fleuve et à
très grande proximité de celui-ci. Nous l’appellerons l’affaire Nicaragua c. Costa Rica.
1
2. La Cour a joint les deux instances par ordonnance du 17 avril 2013 .
3. Dans la première affaire, Costa Rica c. Nicaragua, la Cour a indiqué, par ordonnance
rendue le 8 mars 2011, trois mesures conservatoires qui sont pertinentes aux fins de la présente
1 Affaires relatives à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua), et à la Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica), ayant fait l’objet d’une jonction d’instances le 17 avril 2013. - 3 -
9 procédure. Les deux premières mesures concernaient le territoire en litige situé à l’embouchure du
fleuve, la première ordonnant à «[c]haque Partie [de] s’abst[enir] d’envoyer ou de maintenir sur le
2
territoire litigieux, y compris le caño, des agents, qu’ils soient civils, de police ou de sécurité» ;
la seconde disposait comme suit :
«Nonobstant le point 1) ci-dessus, le Costa Rica pourra envoyer sur le territoire
litigieux, y compris le caño, des agents civils chargés de la protection de
l’environnement dans la stricte mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé à la partie de la zone humide où ce territoire est
situé ; le Costa Rica devra consulter le Secrétariat de la convention de Ramsar au sujet
de ces activités, informer préalablement le Nicaragua de celles-ci et faire de son mieux
3
pour rechercher avec ce dernier des solutions communes à cet égard.»
4. Il convient de rappeler que cette affaire ne se limite pas au différend portant sur les
250 hectares de marécages situés à l’embouchure du San Juan, mais concerne également, et surtout,
le droit du Nicaragua, que lui conteste le Costa Rica, de nettoyer et de draguer ce fleuve afin d’en
rétablir le débit au niveau de 1858, date de la conclusion du traité «Jerez-Cañas».
5. La troisième mesure conservatoire de l’ordonnance du 8 mars 2011 ne concernait pas
spécifiquement le territoire litigieux, prescrivant, plus généralement, à «[c]haque Partie [de]
s’abst[enir] de tout acte qui risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend dont la Cour [était]
4
saisie ou d’en rendre la solution plus difficile» .
6. Ce que l’on tente de nous faire oublier dans la présente instance, c’est que, outre les
violations répétées que constituent les survols de la zone litigieuse et les visites sur place effectués
au mépris des prescriptions de l’ordonnance de la Cour, le Costa Rica a, de surcroît, commis une
autre violation flagrante de l’ordonnance et ce, très ouvertement et sur les instructions de ses plus
hautes autorités .5
7. Je veux parler de la construction de la route qui longe la frontière entre le Nicaragua et le
Costa Rica sur 160 km, et suit, en grande partie, le cours du fleuve San Juan. La Cour n’est pas
2
Ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 6.
3Ibid.
4
Ibid.
5Voir contre-mémoire du Nicaragua (CMN), déposé le 6 août 2012 en l’affaire relative à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), chapitre 9, p. 415 ; voir également
mémoire du Nicaragua (MN), déposé le 19 décembre 2012 en l’affaire relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), chap. 5, p. 149. - 4 -
10 sans savoir que ce chantier a été mené sans qu’aucune évaluation de l’impact sur l’environnement
n’ait été réalisée et sans que le Nicaragua n’en ait été préalablement informé . 6
8. S’il existe des motifs d’inquiétude, étayés scientifiquement, quant à un éventuel impact
sur le fleuve San Juan et son environnement, les activités d’aménagement du territoire conduites
par le Costa Rica en amont devraient à l’évidence retenir l’attention en priorité.
9. Les effets prétendument causés par le caño sur le territoire litigieux sont insignifiants, si
l’on envisage l’ensemble des dommages subis par le fleuve San Juan de Nicaragua (en ce compris
le territoire litigieux), notamment du fait de l’érosion qu’ont entraînée un aménagement des sols
désastreux et les travaux de construction dommageables menés au Costa Rica. La construction de
la route 1856 sur la rive costa-ricienne du San Juan a en effet causé de graves phénomènes
d’érosion sur plus de 100 km de terres exposées, essentiellement des terrains escarpés très fragiles,
et, partant, une sédimentation accrue dans le fleuve.
10. Dans ce contexte de destruction écologique à grande échelle causée par les pratiques
irresponsables de construction de la route 1856 sur un tracé de plus de 160 km le long de la rive sud
du fleuve, ainsi que par un aménagement des sols désastreux qui a dévasté des milliers d’hectares
dans les bassins des affluents costa-riciens, il est totalement déplacé d’alléguer, comme le
Costa Rica l’a fait dans sa demande, que les caños auraient causé un «préjudice irréversible à
l’environnement et aux écosystèmes».
11. Les effets potentiels de ces caños peuvent être replacés dans la perspective du fleuve
o
dans son ensemble. La carte qui s’affiche à l’écran et qui est reproduite sous l’onglet n 1 du
dossier des juges fait partie des éléments soumis en annexe du mémoire du Nicaragua dans
7
l’affaire Nicaragua c. Costa Rica . L’encadré jaune représente un segment d’à peine 41,6 km, soit
une petite portion du chantier pharaonique que le Costa Rica a mis en œuvre et entend poursuivre
le long de la rive droite du San Juan de Nicaragua, contrairement à ses déclarations dans le cadre de
la procédure Costa Rica c. Nicaragua.
6Voir contre-mémoire du Nicaragua (CMN), déposé le 6 août 2012 en l’affaire relative à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), chapitre 9, p. 415 ; voir également
mémoire du Nicaragua (MN), déposé le 19 décembre 2012 en l’affaire relative à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), chap. 5, p. 149.
7
Voir G. Mathias Kondolf, Danny Hagans, Bill Weaver et Eileen Weppner, «Environmental Impacts of
Juan Rafael Mora Porras Route 1856, Costa Rica, on the Río San Juan», Nicaragua, décembre 2012 (MN, vol. I,
annexe 1). - 5 -
12. L’agrandissement de l’embouchure du fleuve montre le territoire litigieux, soit une zone
d’environ 250 hectares. Un agrandissement supplémentaire serait nécessaire pour faire apparaître
la zone invoquée par le Costa Rica dans sa demande. Cette zone plus réduite couvre à peine
11 35 hectares, et le fossé qui fait l’objet de la présente procédure orale mesure environ 150 mètres de
long et 25 de large, soit une superficie de moins de 4000 mètres carrés.
13. Telle est la réalité de la zone en question. Plus largement, dans le contexte du fleuve
dans son ensemble, la question qui se pose est de savoir ce qui cause réellement un préjudice
irréparable au territoire litigieux, aux zones protégées par les conventions internationales, et au
droit de procéder aux opérations nécessaires de nettoyage et de dragage du fleuve. Est-ce la route
de 160 km ou bien est-ce le fossé de 150 m, l’objet de la demande du Costa Rica dans la présente
procédure ?
14. Si la construction de cette route ne constitue pas une aggravation considérable du
différend pendant devant la Cour, l’on est en droit de se demander quel événement constituerait
pareille aggravation.
15. Tous les représentants du Costa Rica ont, d’une manière ou d’une autre, indiqué hier
matin que les nouvelles mesures sollicitées avaient pour seul objet de rétablir le statu quo ante.
Comment le Costa Rica compte-t-il accomplir cette prouesse avec les 160 km de route qu’il a
construits et continue de construire le long du San Juan ?
16. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Nicaragua estime que, le
territoire en litige faisant partie de son territoire incontestable, il exerce sur celui-ci sa souveraineté
et dispose du droit de nettoyer et draguer le San Juan, ainsi que l’ont confirmé un traité et plusieurs
sentences arbitrales. La dégradation des conditions de navigation sur le fleuve et l’envasement de
certains de ses bras ne sont nullement dus à des phénomènes naturels. Selon un rapport de la
Banque mondiale, entre 74 et 85 % des sédiments accumulés dans le San Juan proviennent de la
8
rive costa-ricienne .
17. Si le Nicaragua accepte de ne pas pénétrer sur le territoire que la Cour a défini comme le
territoire en litige et de ne pas y faire de travaux, c’est uniquement en raison des mesures
8 «Political and Investment Priorities to reduce the environmental degradation of the Lake Nicaragua (Cocibolca)
Basin, Main Environmental Challenges», p. 47, tableau III.3, accessible à l’adresse https://openknowledge.
worldbank.org/bitstream/handle/10986/13041/674970v20REVIS0ENGLISH0June2902010.pdf?sequence=1. - 6 -
conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 8 mars. Voilà pourquoi, dès qu’il a eu confirmation
d’une entrée non-autorisée dans la zone, le Gouvernement du Nicaragua a ordonné le retrait
immédiat de l’ensemble des agents et du matériel qui s’y trouvaient.
18. Cette réaction immédiate des plus hautes autorités nicaraguayennes rend superflue
l’indication de nouvelles mesures. Les mesures, soi-disant nouvelles, sollicitées par le Costa Rica
12 dans la présente instance figurent déjà parmi celles qui ont été indiquées par l’ordonnance du
8 mars 2011, ou ne sont qu’une réédition de la demande tendant à la modification de cette
ordonnance, que le Costa Rica a présentée le 23 mai dernier, et à laquelle la Cour a répondu en
estimant, dans son ordonnance du 16 juillet 2013, que les circonstances «n[’étaient] pas de nature à
exiger l’exercice de son pouvoir de modifier les mesures indiquées dans l’ordonnance du
9
8 mars 2011» .
19. Le Costa Rica l’a lui-même reconnu dans sa nouvelle demande en indication de mesures
conservatoires et je le cite :
«[l]es droits du Costa Rica visés par la présente demande en indication de nouvelles
mesures conservatoires sont ceux-là mêmes qui ont fait l’objet des mesures
conservatoires indiquées par la Cour dans son ordonnance du 8 mars 2011, à savoir
ses droits à la souveraineté, à l’intégrité territoriale et à10a non-ingérence dans ses
terres et dans ses zones dont l’environnement est protégé» .
20. En réalité, ce que demande maintenant le Costa Rica, c’est que la disposition de
l’ordonnance du 8 mars 2011 interdisant l’entrée d’agents dans la zone litigieuse soit étendue à tout
type d’individus. Or, tel est précisément l’objet de la demande qu’il avait présentée le 23 mai et à
laquelle la Cour n’a pas souhaité faire droit dans son ordonnance du 16 juillet. Pourquoi donc tenir
des audiences sur la même question trois mois après cette décision ? Si une violation de
l’ordonnance a été commise en tout état de cause, sans que les hautes autorités du
Gouvernement nicaraguayen n’en aient eu connaissance ni ne l’aient autorisée , celle-ci a déjà
été prise en compte, et la question de savoir si un préjudice a été causé relève de l’examen au fond ;
9Ordonnance du 16 juillet 2013, par. 40.
10
Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires dans les affaires relatives à Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), et à la Construction d’une route au
Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa,lesquelles ont fait l’objet d’une jonction d’instances le
17 avril 2013, p. 12, par. 21, 23 septembre 2013. - 7 -
si une décision de la Cour lui enjoint de réparer un tel préjudice, le Nicaragua s’y conformera,
comme il l’a toujours fait.
21. La demande du Costa Rica comporte toutefois une autre nouveauté par rapport à
l’ordonnance du 8 mars 2011. Est à présent sollicitée «l’autorisation, pour le Costa Rica,
d’effectuer dans le territoire litigieux tous travaux de remise en état», c’est-à-dire, sans consulter le
secrétariat de la convention de Ramsar et sans prendre en considération les intérêts du Nicaragua
sur le territoire litigieux. En réalité, le Costa Rica prie la Cour d’autoriser une présence illimitée et
non réglementée d’agents costa-riciens sur le territoire litigieux, étant rappelé que son expert,
13 M. Thorne, reconnaît lui-même que la cessation des travaux conduits sur le territoire litigieux
permettrait d’y éviter des dommages irréparables . 11
Guardabarranco
22. Au cours des plaidoiries d’hier, tous les représentants du Costa Rica ont commenté la
présence de jeunes, membres d’un groupe de défense de l’environnement appelé Guardabarranco.
Le conseil du Costa Rica affirme que 10 000 d’entre eux se sont rendus sur le territoire litigieux.
Cela est totalement faux. Le Nicaragua a souligné que ce chiffre se référait aux membres de ce
groupe qui ont étudié l’environnement et travaillé à sa préservation dans toute la zone du fleuve
San Juan. Quiconque regarde les photos de la région où se trouvent ces jeunes comprend
immédiatement qu’il est physiquement impossible qu’un si grand nombre d’entre eux ait été
présent dans la zone litigieuse. D’après les informations dont nous disposons, de petits groupes
d’entre eux se rendent sur place pendant une courte période. Ils n’ont rien à voir avec le caño qui
est l’objet de l’ordonnance de la Cour. Les documents que le Costa Rica a présentés à la Cour à ce
jour ne font état d’aucun dégât causé par ces jeunes sur le territoire litigieux .
23. La question de la présence de membres du groupe Guardabarranco a été mentionnée par
les deux Parties dans le cadre de la demande du Costa Rica tendant à la modification des mesures
conservatoires indiquées dans l’ordonnance du 8 mars. La première modification demandée visait
11 Voir M. Colin Thorne, rapport sur l’impact de la construction de deux nouveaux caños sur Isla Portillos,
10 octobre 2013, p. 8, par. 5.1 f).
12Voir observations écrites du Nicaragua sur la demande du Costa Rica tendant à la modification de l’ordonnance
rendue par la Cour le 8 mars 2011 dans l’affaire concernant Certaines activités menées par le Nicaragua dans la zone
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), 14 juin 2013. - 8 -
à ce que la Cour ordonne que «1) tous les ressortissants nicaraguayens … se retire[nt] de manière
immédiate et inconditionnelle de la zone définie par la Cour dans son ordonnance en indication de
mesures conservatoires du 8 mars 2011» . En vérité, dans son ordonnance du 16 juillet 2013, la
Cour a dit que «les circonstances, telles qu’elles se présent[ai]ent actuellement à elle, n’[étaient]
pas de nature à exiger l’exercice de son pouvoir de modifier les mesures indiquées dans
14
14 l’ordonnance du 8 mars 2011» . Autrement dit, la Cour a jugé que la présence de ces jeunes ne
pouvait pas servir de base à une modification des mesures conservatoires en vigueur.
24. Trois mois plus tard, le Costa Rica présente de nouveau la même demande à la Cour sous
prétexte que M. Pastora effectue des travaux non autorisés dans le territoire litigieux. Le
Costa Rica demande donc une deuxième mesure, à savoir que le Nicaragua «retire immédiatement
du territoire litigieux tous agents, installations (y compris les tentes de campement) et matériels
(notamment de dragage) qui y ont été introduits par lui-même ou par toute personne relevant de sa
juridiction ou venant de son territoire» . 15
25. L’ajout des mots «ou par toute personne relevant de sa juridiction ou venant de son
territoire» ne vise pas la nouvelle situation dénoncée par le Costa Rica pour motiver sa demande
puisque le conseil du Costa Rica tient à souligner les fonctions officielles de M. Pastora, et donc
que les agents au travail étaient de nationalité nicaraguayenne. L’ordonnance du 8 mars s’applique
clairement à la présence de ces personnes dans la zone litigieuse, sinon, ces audiences n’auraient
pas lieu.
26. A plusieurs reprises, le président Ortega a invité le Costa Rica à coopérer à la
préservation de toute la région du fleuve San Juan de Nicaragua, y compris la zone litigieuse. Il a
appelé avec insistance à la présence de «brigades écologiques» des deux Etats «de manière à ce que
nous puissions tous protéger cette région … et la développer ensemble» puisqu’elle fait partie «des
biens communs de l’humanité» . Dans le droit fil de l’offre du président Ortega, le ministre des
13Demande tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011
dans l’affaire concernant Certaines activités menées par le Nicaragua dans la zone frontalière (Costa Rica
c. Nicaragua), 23 mai 2013, p. 8.
14Ordonnance du 16 juillet 2013, par. 40 1).
15
Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, 23 septembre 2013, p. 15, par. 27 2).
16 Discours du président Daniel Ortega, 19 juillet 2011, peut être consulté sur le site :
http://www.presidencia.gob.ni/index.php?option=com_content&view=article…-
fsln&catid=87:julio-2011&Itemid=54&showall=1. - 9 -
affaires étrangères du Nicaragua a réitéré cette offre par écrit et informé le Costa Rica que le
mouvement écologique avait «travaillé tout le long de la rive du fleuve» et, appuyant l’offre du
président Ortega au Costa Rica, il a indiqué que le Nicaragua «vo[yait] avec grand plaisir des
citoyens nicaraguayens et des citoyens costa-riciens prendre des initiatives pour protéger
l’environnement dans la région et ne considér[ait] pas que la plantation d’arbres nuira[it] aux
intérêts costa-riciens» .
15 Accès à la zone située dans le territoire litigieux près du fleuve San Juan
27. Le Costa Rica demande une troisième mesure, à savoir «l’autorisation [pour lui]
d’effectuer dans le territoire litigieux tous travaux de remise en état sur les deux nouveaux caños
artificiels et les zones environnantes qui se révéleront nécessaires pour empêcher qu’un préjudice
irréparable soit causé audit territoire» .
28. Cette mesure aurait pour conséquence de placer le territoire litigieux sous la juridiction
du Costa Rica en attendant l’arrêt au fond. Le Costa Rica pourrait décider proprio motu, en toute
liberté, le type de matériel et d’agents nécessaires dans la région, ainsi que le calendrier
d’exécution des travaux proposés. M. McCaffrey vous dira plus tard pourquoi il n’est pas
nécessaire de faire droit à cette demande.
29. S’il y était fait droit autrement dit, si le Costa Rica pouvait en toute liberté occuper la
zone sans consulter qui que ce soit le conseil du Costa Rica a fait observer «presqu’en passant»
que l’accès à la zone où M. Pastora avait pénétré étant extrêmement difficile sauf si l’on arrivait par
le fleuve, il faudrait ordonner au Nicaragua d’autoriser le transport des agents et du matériel
19
costa-riciens par cette voie .
30. La question de la navigation d’agents costa-riciens sur le fleuve San Juan a fait l’objet
d’une affaire et d’un arrêt distincts de la Cour, en l’affaire du Différend relatif à des droits de
navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt dans lequel la Cour a déterminé
que le Costa Rica possédait un droit de navigation sur le fleuve exclusivement «aux fins du
17
Voir note diplomatique du 5 mars 2013 annexée au rapport du Costa Rica à la Cour du 15 mars 2013.
18Demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, 23 septembre 2013, p. 15, par. 27 3).
19CR 2013/24, p. 57, par. 32 (Kohen). - 10 -
commerce» , notion qui ne peut être élargie au transport d’agents costa-riciens dans l’exercice de
leurs fonctions.
31. Le conseil du Costa Rica a ajouté que le Nicaragua devait enlever ses installations dans
21
la zone . Le Gouvernement nicaraguayen n’a pas d’installations sur le territoire litigieux. Le
conseil du Costa Rica doit penser aux installations mises en place sur le banc de sable le long de la
plage face à la lagune de Harbor Head et à la zone côtière du territoire litigieux. Cette zone n’a
jamais été litigieuse.
16 32. M. Reichler traitera de cette nouvelle revendication du Costa Rica sur un territoire qui,
jusqu’à la présentation du mémoire du Costa Rica dans la présente procédure et y compris dans ce
mémoire, a été reconnu comme faisant indiscutablement partie du territoire nicaraguayen.
33. Le conseil du Costa Rica a balayé, la qualifiant d’ignorance inexcusable, l’affirmation du
Nicaragua selon laquelle le président ne possédait pas d’informations sur ce que M. Pastora faisait
22
exactement , et il y a vu une preuve que le Nicaragua n’était pas en mesure de surveiller le
territoire litigieux et de le contrôler.
34. En parlant d’ignorance inexcusable, le conseil du Costa Rica ferait bien de se tourner
vers son propre client. La présidente du Costa Rica, Mme Chinchilla, interrogée au sujet de la
route et des dégâts qu’elle causait à l’environnement, a réagi vivement pendant une interview :
«je n’étais pas aux côtés des techniciens … disons qu’ils ne demandent pas où utiliser le matériel,
ils ne demandent pas quel arbre abattre ou quoi que ce soit, il est impossible de se préoccuper de
détails pareils qui relèvent toujours des techniciens chargés des travaux» . 23
35. Pour les conseils du Costa Rica, il semble peu plausible que le contingent des forces
armées stationné près du territoire litigieux ne soit pas au courant des activités en cours dans la
24
région . M. Pastora, ne l’oublions pas, est une personnalité connue au Nicaragua comme au
20 Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 2009, par. 156.
21CR 2013/24, p. 57, par. 30 (Kohen).
22
Ibid., p. 59, par. 35 (Kohen).
23La Prensa, Nicaragua (extrait de La Nacion, Costa Rica), Mme Chinchilla s’en prend à des fonctionnaires,
26 mai 2012, peut être consulté sur le site : http://www.laprensa.com.ni/2012/05/26/ambito/102748-chinchilla-culpa-a-
funcionarios.
24CR 2013/24, p. 42, par. 27 (Crawford). - 11 -
Costa Rica. Il aurait été assez surprenant qu’un jeune lieutenant responsable de zones proches
mette en cause son travail.
36. Le Costa Rica soutient qu’il doit bénéficier d’un droit d’inspection et de visite plus
important dans le territoire litigieux. Il a pourtant déclaré publiquement qu’il construisait à
grands frais financièrement et écologiquement la route qui suivait le fleuve afin d’accélérer le
transport et d’améliorer la surveillance dans ce territoire. De même, ses forces de sécurité sont
stationnées le long du côté costa-ricien dudit territoire et il a construit des tours de guet dans la
zone en question qui lui permettent aussi d’écouter ce qui s’y passe. De plus, le Costa Rica
17 bénéficie du droit que la Cour lui a accordé dans son ordonnance du 8 mars de se rendre dans ce
territoire dans des conditions spéciales qui ne préjugent pas son statut de territoire litigieux.
37. Le conseil du Costa Rica a dit avec insistance qu’on ne pouvait faire confiance au
Nicaragua car ce dernier n’acceptait pas la responsabilité des actes de M. Pastora. Il travestit la
situation. Dans les lettres qu’il a adressées à la Cour les 10 et 11 octobre dernier, le Nicaragua a
indiqué que dès que le président du Nicaragua avait eu confirmation de la présence d’agents
nicaraguayens dans la zone en litige, il en avait ordonné l’évacuation immédiate, y compris celle de
tout matériel qui y avait été introduit. Cette déclaration montre bien que ces agents nicaraguayens
relèvent du gouvernement central qui est donc responsable de leurs actes. Tout préjudice
éventuellement subi par le Costa Rica sera déterminé lors de l’examen au fond et, comme nous
l’avons déjà dit, le Nicaragua respectera bien évidemment tout arrêt de la Cour sur la question.
38. Il serait bon à ce stade de rappeler le comportement exemplaire du Nicaragua dans ce
domaine. Il a eu recours à la Cour à maintes reprises et a toujours respecté ses arrêts et
ordonnances.
39. Les conseils du Costa Rica ont énuméré toute une série de raisons pour lesquelles les
assurances données par le Nicaragua qu’il respecterait l’ordonnance de la Cour n’étaient pas
25
acceptables, ce qui signifiait en d’autres termes qu’on ne pouvait lui faire confiance . La première
raison donnée était que le Nicaragua n’avait pas reconnu les faits. Cette déclaration est d’autant
25CR 2013/24, p. 43-45, par. 30-35 (Crawford). - 12 -
plus surprenante que le Nicaragua reconnaît qu’il a ordonné l’évacuation du personnel qui s’était
introduit sur le territoire litigieux. Quelle autre forme de reconnaissance faut-il ?
40. Le conseil du Costa Rica a ajouté qu’on ne pouvait faire confiance au Nicaragua car il
s’en était déjà montré indigne. Quand cela s’est-il produit ? S’il fait allusion au caño dégagé
en 2010, le Nicaragua a procédé à ces travaux avant que la Cour rende une ordonnance interdisant
cette activité. S’il fait allusion aux installations situées le long du banc de sable qui sépare la
lagune de Harbor Head de la mer, celles-ci se trouvent dans une zone que le Costa Rica a toujours
reconnue comme étant nicaraguayenne.
18 41. En outre, des soldats nicaraguayens seraient stationnés sur le territoire litigieux, ce qui
est faux. Il n’y avait aucun militaire parmi les agents travaillant sous les ordres de M. Pastora ou
dans la région où se situe le caño de 2010.
42. Le conseil du Costa Rica et c’est très étrange a dit à la Cour que si elle n’ordonnait
pas les nouvelles mesures demandées, son autorité en serait bafouée et en quelque sorte
compromise .26 Si l’on ne peut plus faire confiance au Nicaragua pour qu’il respecte ses
obligations, alors que faisons-nous ici ? Si le Nicaragua n’est pas digne de confiance, pourquoi
demander de nouvelles mesures ?
Monsieur le président, les exposés s’enchaîneront comme suit : M. Reichler parlera de la
question des éléments de preuve et des faits, en général, et de l’absence d’urgence concernant
l’indication de mesures conservatoires. M. McCaffrey traitera du préjudice irréparable allégué par
le Costa Rica et qui n’existe pas ainsi que des raisons pour lesquelles la troisième mesure
conservatoire demandée ne devrait pas être indiquée. Quant à M. Pellet, il récapitulera les
questions juridiques que pose cette demande.
Je vous remercie, Monsieur le président. Puis-je vous demander de donner la parole à
M. Reichler.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur l’ambassadeur, de cet exposé liminaire, et je
donne maintenant la parole à M. Reichler. Vous avez la parole, Monsieur.
26CR 2013/24, p. 44, par. 33 (Crawford). - 13 -
M. REICHLER :
L ES FAITS
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est toujours un honneur pour
moi de me présenter devant vous et un privilège renouvelé de prendre la parole au nom de la
République du Nicaragua.
2. Monsieur le président, vous le savez peut-être : il était écrit depuis longtemps que je me
présenterais devant vous ce jour même, à cette heure. En effet, au début de l’année, la Cour avait
fixé au mardi 15 octobre au matin le premier jour du second tour des plaidoiries de l’Equateur
contre la Colombie dans l’affaire relative à des Epandages aériens d’herbicides, et je devais plaider
au nom de l’Equateur. Toutefois, comme vous le savez, quelques jours avant la date fixée pour le
début des audiences, l’Equateur s’est désisté de l’instance, après que la Colombie a accédé à toutes
19 ses demandes et qu’il a considéré que, ayant obtenu entière satisfaction, il était inutile de s’imposer
à la Cour pour obtenir une décision exigeant de la Colombie qu’elle fasse ce qu’elle avait déjà
accepté de faire.
3. Monsieur le président, cela aurait pu se passer de la même façon en l’espèce. Dans la
demande en indication de nouvelles mesures conservatoires qu’il a déposée le 23 septembre, le
Costa Rica a prié la Cour d’ordonner au Nicaragua de suspendre immédiatement tous travaux dans
le territoire litigieux et, en particulier, de cesser «dans ce territoire [] tous travaux sur les deux
nouveaux caños artificiels». Comme le montrent les éléments de preuve qui vous ont été soumis,
le Nicaragua a mis fin à ces activités. En réalité, il y avait déjà mis fin avant que le Costa Rica ne
dépose sa demande, ce que celui-ci n’a nullement contesté hier. En effet, le Costa Rica n’a
présenté aucun élément démontrant une quelconque activité dans le territoire litigieux après le
18 septembre.
4. Le Costa Rica a également demandé que le Nicaragua soit tenu «de retirer … du territoire
litigieux tous agents, installations … et matériel … qui y ont été introduits par lui-même ou par
toute personne relevant de sa juridiction». Encore une fois, les éléments de preuve montrent que
tous les agents, les installations et le matériel ont été retirés du territoire litigieux et que, d’ailleurs,
cela était déjà le cas lorsque le Costa Rica a déposé sa demande. Et, je le répète, le Costa Rica n’a - 14 -
présenté hier aucun élément de preuve pour contester ce point. Il s’est contenté de dire qu’il
ignorait si des agents, des installations ou du matériel se trouvaient sur le territoire litigieux après le
18 septembre.
5. Cependant, si tel était le cas, la Cour en aurait certainement entendu parler hier. Le
Costa Rica a démontré qu’il était parfaitement capable, à l’aide de photographies satellite et
aériennes, de rendre compte de ce qui se passait dans le territoire litigieux ; or il n’a présenté
aucune photographie satellite ou aérienne du territoire litigieux pour l’un quelconque des 26 jours
qui se sont écoulés entre le 18 septembre et sa présentation d’hier.
6. Ce que montrent les éléments de preuve, c’est non seulement l’absence d’activités,
d’agents ou de matériel dans le territoire litigieux au moment où le Costa Rica a soumis sa
demande à la Cour, mais aussi que, le 21 septembre, soit deux jours avant le dépôt de celle-ci, le
président du Nicaragua a donné l’ordre au commandant des forces armées nicaraguayennes
d’effectuer des patrouilles régulières le long du secteur du San Juan adjacent à la zone en litige
pour s’assurer qu’aucun représentant ou employé du Gouvernement nicaraguayen, y compris
M. Pastora, n’y retourne et que l’ordonnance de la Cour datée du 8 mars 2011 soit strictement
exécutée.
20 7. Sur la base de ces faits, qui sont tous bien étayés, le Nicaragua a écrit à la Cour, le
10 octobre, que les mesures demandées par le Costa Rica étaient «superflues». D’ailleurs, rien de
ce que le Costa Rica a présenté hier comme élément de preuve ne dément aucun de ces faits.
8. Pourtant, le Costa Rica persiste à demander à la Cour d’indiquer au Nicaragua de faire ce
qu’il a déjà fait, sans compter ce que celui-ci reconnaît avoir déjà l’obligation de faire au titre de
l’ordonnance de la Cour du 8 mars 2011. Et, à la différence de l’Equateur, le Costa Rica refuse
d’accepter une réponse positive et insiste pour obtenir une ordonnance, une autre ordonnance, de la
Cour.
9. Comme M. Crawford l’a précisé hier, l’argumentation présentée par le Costa Rica à
l’appui de sa demande en indication de mesures conservatoires n’est pas fondée sur les activités
présentes ou continues du Nicaragua. Cette demande n’est pas non plus fondée sur la nécessité
d’accroître la protection accordée par la Cour dans sa précédente ordonnance. Le Costa Rica
reconnaît que les deux premières mesures qu’il demande ont déjà été indiquées dans le cadre de - 15 -
l’ordonnance du 8 mars 2011 ; et les deux Parties conviennent que les activités dont se plaint le
Costa Rica sont déjà couvertes par cette ordonnance.
10. Dans ces circonstances, Monsieur le président, comme M. Crawford l’a expliqué très
clairement hier, la demande du Costa Rica visant l’indication de nouvelles mesures conservatoires
est à présent fondée sur une seule proposition, qui consiste à dire qu’il est impossible de se fier au
Nicaragua. Plus précisément, il serait impossible d’ajouter foi aux assurances qu’a données le
Nicaragua selon lesquelles il a cessé toute activité dans la zone litigieuse et retiré les agents et le
matériel correspondant, même si ces assurances sont étayées par des éléments de preuve
documentaires actuels. Il serait également impossible de faire confiance au Nicaragua pour
respecter les obligations qui lui incombent au titre de l’ordonnance rendue par la Cour
le 8 mars 2011, laquelle, comme le reconnaît le Costa Rica, interdit déjà les activités qui font
l’objet de sa présente demande.
11. Il s’agit donc d’une demande fort particulière. Ne nous méprenons pas sur ce que le
Costa Rica demande à présent à la Cour de faire. Bien que le Nicaragua ne déploie actuellement
aucune activité menaçant les droits du Costa Rica et bien que celui-ci le reconnaisse, le Costa Rica
ne demande rien de moins à la Cour que de conclure qu’il est impossible de faire confiance au
Nicaragua pour s’abstenir à l’avenir d’exercer des activités interdites et, sur la base de cette
conclusion, d’indiquer les mesures conservatoires qu’il demande.
12. Je reviendrai plus tard sur l’attaque lancée par le Costa Rica contre l’honneur et la bonne
foi du Nicaragua et expliquerai pourquoi elle est injustifiée et ne constitue pas une base
suffisamment solide pour établir la nécessité d’indiquer des mesures conservatoires.
21 13. Je démontrerai tout d’abord pourquoi les mesures demandées par le Costa Rica sont
inutiles et superflues et pourquoi sa demande du 23 septembre n’a plus de raison d’être.
J’examinerai les éléments de preuve qui montrent que les activités menées dans la zone litigieuse
ont cessé, que les agents, les installations et le matériel ont été retirés, que, par conséquent, les
droits revendiqués par le Costa Rica ne sont pas menacés actuellement et que l’indication de
mesures conservatoires n’est ainsi nullement justifiée. - 16 -
Ce qui ressort des pièces versées au dossier
14. Avec votre permission, Monsieur le président, je vais vous exposer la chronologie des
événements telle qu’elle ressort des éléments soumis à la Cour avant l’ouverture des audiences.
M. Crawford en a passé certains en revue hier, mais en a opportunément omis d’autres, et non des
moindres.
15. C’est dans sa note diplomatique du 16 septembre que le Costa Rica s’est, pour la
première fois, plaint auprès du Nicaragua des travaux de dégagement menés dans la zone litigieuse.
Les éléments de preuve montrent que, jusque-là, le Gouvernement nicaraguayen ignorait
totalement que de tels travaux étaient menés dans ce secteur. Il n’a jamais autorisé M. Pastora, ni
qui que ce soit d’autre, à mener des travaux de dégagement de la végétation, ni aucune autre sorte
d’activité, dans le territoire visé par l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011. Or, le
17 septembre, soit le lendemain même, le président Ortega, donnant suite à la note du Costa Rica, a
demandé au président exécutif de l’autorité portuaire nationale, responsable des travaux de
dégagement et de dragage visant à préserver et améliorer la navigabilité du San Juan et à en
maîtriser les crues, de lui remettre un rapport sur les travaux en cours à l’embouchure du fleuve
«destiné à faire le point sur ces travaux de nettoyage eu égard aux protestations de la République
du Costa Rica» [onglet n 2].
16. Le matin suivant, celui du 18 septembre, le ministre des affaires étrangères du Nicaragua
a répondu à la note diplomatique du Costa Rica datée du 16 septembre, assurant au Costa Rica
qu’aucune sorte de travaux n’avait été autorisée par le Nicaragua dans la zone litigieuse 28 [ceci
figure sous l’onglet n 3 du dossier de plaidoiries]. Il en ressort, rétrospectivement, que le
ministère des affaires étrangères aurait mieux fait d’attendre les résultats de l’enquête menée à la
demande du président Ortega, ou au moins jusqu’au lendemain. Pourtant, ce que le ministre des
affaires étrangères a déclaré le 18 septembre est vrai. Le Nicaragua n’a autorisé personne à
22 pénétrer dans le territoire litigieux, et encore moins à y mener des travaux interdits par
l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011.
27Lettre en date du 11 octobre 2013 adressée à la Cour par le Nicaragua, annexe 1.
28Demande en indication de mesures conservatoires du Costa Rica datée du 23 septembre 2013, annexe 5. - 17 -
17. C’est plus tard au cours de cette même journée, alors que le Nicaragua avait envoyé sa
note, que M. Pastora a été interviewé dans le cadre d’une émission d’actualités télévisées et qu’il a
indiqué, sur une carte, les endroits précis où il avait fait procéder à des activités de dégagement ou
à la construction de caños. Bien que M. Pastora ait déclaré que les activités auxquelles il s’était
livré à l’embouchure du San Juan avaient été menées dans des zones non visées par l’ordonnance
de la Cour, il avait tort. Il était évident, pour le Nicaragua, que, compte tenu des endroits indiqués
par M. Pastora, les travaux avaient été effectués à l’intérieur du territoire litigieux tel que défini
dans l’ordonnance.
18. Cela n’avait pas semblé aussi évident au ministère des affaires étrangères du Nicaragua
avant l’interview donnée par M. Pastora. Hier, les conseils du Costa Rica ont tourné en dérision le
ministère des affaires étrangères du Nicaragua pour avoir nié ce qu’ils ont qualifié de preuves
incontestables, à savoir les images satellite jointes à la note du Costa Rica datée du 16 septembre,
et avoir laissé entendre que l’apparition des nouveaux caños pouvait résulter de causes naturelles, y
compris de fortes pluies. Mais les images satellite jointes à la note costa-ricienne n’étaient pas les
mêmes que celles que les conseils vous ont montrées hier. Voici les trois photographies que le
Costa Rica a envoyées au Nicaragua le 16 septembre [onglet n 4]. o
19. Monsieur le président, pour le ministre des affaires étrangères, il était loin d’être évident,
sur la base de ces photographies, que des caños artificiels étaient en cours de construction dans la
zone litigieuse, ou que d’autres activités similaires y étaient menées. En revanche, voici les
photographies que M. Ugalde vous a montrées hier, celles datées des 5 et 14 septembre, qui
auraient pu être envoyées au Nicaragua le 16 septembre mais qui ne l’ont pas été [onglet n °5].
On aurait pu croire hier qu’il s’agissait des photographies adressées au Nicaragua le 16 septembre.
Pas du tout. En fait, le Nicaragua ne les avait pas vues, ni aucune autre de celles déposées par le
Costa Rica, avant qu’elles n’aient été annexées par celui-ci à sa demande du 23 septembre.
20. Si la note du Costa Rica n’a pas convaincu le ministre des affaires étrangères, c’est parce
que celui-ci savait que le Gouvernement nicaraguayen n’avait autorisé aucune sorte de travaux de
dragage ou de dégagement de caño dans la zone litigieuse, que le Nicaragua s’était toujours
29Demande en indication de mesures conservatoires du Costa Rica datée du 23 septembre 2013, annexe 1.
30 os
Costa Rica, dossier de plaidoiries, onglets n 6 et 12. - 18 -
strictement et pleinement conformé à l’ordonnance rendue par la Cour le 8 mars 2011, et qu’il avait
veillé à n’engager aucune sorte d’autres travaux dans ce secteur. M. Pastora lui-même savait que
telle était la ligne adoptée par le Nicaragua. Comme le montre la transcription de l’interview
23 télévisée déposée par le Costa Rica, il a affirmé plusieurs fois au cours de celle-ci avoir agi
conformément à l’ordonnance de la Cour, telle qu’il la comprenait.
21. Il est bien entendu qu’il avait tort ; et cela ne dispense pas le Nicaragua d’assumer la
responsabilité d’un tel comportement. Le Nicaragua n’a jamais dit le contraire. Cela illustre bien
ce qui s’est passé. Le Nicaragua n’a jamais ourdi aucun plan diabolique en vue d’enfreindre ou de
contourner l’ordonnance de la Cour. Il n’avait nullement l’intention de changer le cours naturel du
San Juan. Ce qui s’est passé, c’est que M. Pastora a outrepassé son mandat et a engagé des travaux
dans le secteur litigieux, ayant interprété l’ordonnance de la Cour — notamment quant à la
définition de la zone litigieuse — d’une manière différente de son gouvernement, situation dont ce
dernier n’a été informé que le 18 septembre. Depuis cette date à laquelle il a eu connaissance des
activités engagées, le Nicaragua n’en a nié ni l’existence ni la non-conformité à l’ordonnance de la
Cour. Au contraire, ce que le Nicaragua dit, ce qu’il a toujours dit, c’est qu’il n’a pas donné pour
instruction à M. Pastora de mener des activités dans la zone litigieuse, ni attendu de celui-ci qu’il
en entreprenne. Celles-ci sont la conséquence d’un malentendu et non d’un complot.
22. Le Nicaragua est-il immédiatement intervenu pour mettre fin aux activités menées par
M. Pastora et écarter celui-ci de la zone en litige lorsqu’il a en eu connaissance ? Oui ! Le
Nicaragua a-t-il clairement enjoint à M. Pastora de rester à l’écart de la zone, et pris des mesures
(notamment la mise en place de patrouilles militaires) pour prévenir toute nouvelle activité non
autorisée ? Là encore, la réponse est oui. Les éléments de preuve documentaires sont
incontestables.
23. M. Crawford se posait la question suivante : «Où sont [l]es instructions précédentes [de
31
M. Pastora] ? Le Nicaragua les a ; vous ne les avez pas.» Il a laissé entendre que le Nicaragua
cachait quelque chose à la Cour. C’est une accusation que l’on ne saurait formuler à la légère,
surtout devant cette Cour, notamment lorsque qu’elle est totalement dénuée de fondement, comme
31CR 2013/24, p. 43, par. 30 (Crawford). - 19 -
c’est le cas ici. En réalité, les documents fournis à la Cour montrent quelles étaient les instructions
initialement données par M. Pastora. Elles figurent dans le rapport de l’autorité portuaire
nicaraguayenne que M. Crawford a omis de mentionner :
«Au cours de la deuxième quinzaine du mois de juillet dernier, des pluies
torrentielles, des crues et l’afflux d’importantes quantités de sédiments provenant des
affluents du fleuve San Juan … ont provoqué l’obstruction des débouchés naturels du
fleuve San Juan constituant son delta. En vue d’éviter de nouvelles inondations de la
zone, ceux-ci ont dû faire l’objet d’un nettoyage, ainsi que de travaux d’évacuation de
24 l’excès de sédiments, susceptible d’affecter les zones humides, en particulier par 32
l’inondation des habitations situées le long des rives du fleuve et de l’aéroport.»
Il est ici fait référence aux travaux réalisés sur la rive nicaraguayenne du fleuve, car dans ce
secteur, la population riveraine et l’aéroport que vous pouvez voir tout en bas, à gauche, sur la
o
photo satellite figurant sous l’onglet n °6 du dossier de plaidoiries se trouvent du côté
nicaraguayen exclusivement. Le rapport poursuit en ces termes : «Pour ces raisons, des travaux de
nettoyage ont commencé au mois d’août afin d’assurer l’écoulement naturel du fleuve San Juan
vers le delta situé à son embouchure. Ces travaux sont notamment effectués à l’aide d’une drague
33
suceuse» .
24. Alors qu’il effectuait ces travaux dans le secteur, M. Pastora a pris l’initiative d’étendre
ses activités au territoire litigieux. Les éléments de preuve l’attestent : dès que le Nicaragua s’est
rendu compte que M. Pastora menait ces activités dans la zone qu’il savait être en litige, il a
immédiatement pris les mesures nécessaires pour y mettre fin.
25. Lorsque M. Ortega a reçu le rapport de l’autorité portuaire, le 21 septembre, M. Pastora
était déjà passé à la télévision et avait rendu le malentendu public. M. Ortega a donc demandé ce
qui suit au président exécutif de l’autorité portuaire :
«Afin d’éviter tout risque de confusion, les travaux de nettoyage menés dans la
zone du delta et susceptibles d’affecter le territoire litigieux doivent cesser
immédiatement. De même, il doit être procédé sans délai au retrait du personnel et du
matériel présents dans ladite zone. Je vous prie de noter qu’instruction a été donnée à
l’armée nicaraguayenne de s’assurer qu’aucun personnel ou matériel ne subsiste dans
la zone litigieuse. Les travaux de nettoyage du fleuve San Juan doivent se poursuivre
uniquement dans les zones ne faisant pas partie de ce que la Cour internationale de
Justice a désigné comme «territoire litigieux», afin de préserver le bien-être de la
32
Lettre en date du 11 octobre 2013 adressée au greffier par le Nicaragua, annexe 3.
33Ibid. - 20 -
population et l’environnement et d’éviter tout dommage à l’aéroport.» 34 [Ce
document se trouve sous l’onglet n °7 du dossier de plaidoiries.]
26. Le président Ortega a donné ces instructions deux jours avant que le Costa Rica ne
présente sa demande en indication de nouvelles mesures conservatoires, le 23 septembre.
27. Le 22 septembre, veille de la date à laquelle le Costa Rica a présenté sa demande, le
président exécutif de l’autorité portuaire nicaraguayenne a adressé à M. Pastora la lettre suivante :
«je vous communique par la présente les instructions données par le président de la
République, M. Daniel Ortega Saavedra, aux fins d’exécution :
«Afin d’éviter tout risque de confusion, tous les travaux de nettoyage menés
dans la zone du delta et susceptibles d’affecter le territoire litigieux doivent cesser
immédiatement. De même, il doit être procédé sans délai au retrait du personnel et du
matériel présents dans ladite zone. De même, je vous prie de noter qu’instruction a été
25 donnée à l’armée nicaraguayenne de s’assurer qu’aucun personnel ou matériel ne
subsiste dans la zone litigieuse.»35 [Ce document se trouve sous l’onglet n °8.]
28. Le même jour, le 22 septembre, le président Ortega écrivait au commandant en chef de
l’armée nicaraguayenne, le général Julio Cesar Aviles Castillo :
«Eu égard aux protestations de la République du Costa Rica concernant les
activités menées dans la zone litigieuse … procéder aux mesures suivantes :
1) Assurer une surveillance et veiller à ce qu’aucun représentant ou agent du
Gouvernement du Nicaragua ne pénètre dans la zone litigieuse, telle qu’elle a été
précisément ét36lie par la Cour internationale de Justice daos son ordonnance du
8 mars 2011» . [Ce document se trouve sous l’onglet n 9.]
29. Conformément à ces instructions émanant directement du président de la République,
M. Pastora a rapidement quitté la zone en litige, avec son personnel et son matériel. Comme je l’ai
indiqué, bien qu’il dispose des techniques de photographie aérienne et satellite, le Costa Rica n’a
fourni aucune photographie postérieure au 18 septembre. Quels enseignements peut-on en tirer ?
S’il est vrai qu’une image vaut mille mots, ici, l’absence d’image est tout aussi éloquente.
30. Le 24 septembre, avant que le Nicaragua n’ait pu informer le Costa Rica qu’il avait pris
ces mesures et que le problème porté à sa connaissance le 16 septembre avait été résolu, la Cour l’a
avisé que le Costa Rica avait présenté, la veille, une demande en indication de nouvelles mesures
conservatoires. Le Costa Rica se demande pourquoi le Nicaragua a attendu le 10 octobre pour les
prévenir, la Cour et lui, qu’il avait mis un terme aux activités menées dans la zone en litige et retiré
34Lettre en date du 11 octobre 2013 adressée au greffier par le Nicaragua, annexe 6.
35Ibid., annexe 8.
36
Ibid., annexe 9. - 21 -
tout son personnel et matériel. Il est aisé de répondre à cette question. Tout d’abord, après que le
Costa Rica a saisi la Cour de sa plainte, le Nicaragua a jugé préférable de donner sa réponse dans
cette enceinte, plutôt qu’au Costa Rica directement. Ensuite, le Nicaragua a eu besoin d’un certain
temps pour mettre sur pied une équipe juridique, analyser les faits et préparer l’argumentaire qu’il
soumettrait à la Cour, notamment pour rassembler et faire traduire les preuves documentaires
pertinentes, que le Nicaragua s’est hâté de soumettre à la Cour avant le début des présentes
audiences.
31. Monsieur le président, il m’incombe aujourd’hui de présenter les faits se rapportant à la
demande en indication de nouvelles mesures conservatoires. Mon éminent collègue et ami,
M. Pellet, examinera les aspects juridiques. Il soulignera notamment que la Cour n’a pas pour
habitude d’indiquer des mesures conservatoires inutiles, ou rendues sans objet de par le
comportement des parties, comme c’est précisément le cas ici.
26 32. L’indication de mesures conservatoires ne vise pas à sanctionner ni à gêner un Etat, mais
à empêcher qu’un préjudice imminent et irréparable ne soit causé à un droit en litige. Ici, le
préjudice, s’il existe, résulte, selon le Costa Rica, d’activités qui ont cessé, et que le Nicaragua s’est
engagé à ne pas reprendre. En un mot comme en cent, aucune menace ne pèse actuellement sur un
quelconque droit revendiqué par le Costa Rica, encore moins une menace imminente. Les mesures
conservatoires qu’il sollicite sont inutiles, et sa demande est sans objet.
Les attaques portées contre la bonne foi du Nicaragua
33. Je vais à présent répondre à l’argument avancé par M. Crawford, selon lequel les
mesures conservatoires seraient justifiées même si les activités menées dans la zone en litige ont
cessé et que le personnel et le matériel ont été retirés, et alors même que l’ordonnance rendue par la
Cour le 8 mars 2011 interdit déjà ces activités parce que, selon lui, on ne saurait faire confiance
au Nicaragua pour s’abstenir d’entreprendre à l’avenir des activités interdites, ni pour respecter les
engagements qu’il a solennellement pris devant la Cour ou les obligations lui incombant aux termes
de l’ordonnance précédemment rendue par celle-ci.
34. M. Crawford a avancé un argument de droit, et s’est abondamment exprimé sur les faits.
Du point de vue du droit, mon grand ami a sans doute raison, comme souvent. Mais il se fourvoie - 22 -
complètement pour ce qui concerne les faits. S’agissant du droit, il a souligné que le Nicaragua
était responsable du comportement de M. Pastora. Selon lui, il est ridicule que le Nicaragua essaie
de faire valoir le contraire. Eh bien, il n’avait pas besoin de tant insister : le Nicaragua reconnaît
qu’il est responsable du comportement de M. Pastora, il ne le conteste pas. C’est pour cela que les
autorités nicaraguayennes ont mis un terme aux activités menées par ce dernier dès qu’elles en ont
eu connaissance.
35. C’est à l’égard des faits que M. Crawford force le trait, particulièrement des faits qui ont
trait au comportement du Nicaragua et à sa bonne foi. La stratégie judiciaire est claire : il s’agit de
détourner l’attention de la Cour de ce qui devrait constituer la question centrale des présentes
audiences celle de savoir si le Nicaragua mène actuellement des activités présentant un risque de
préjudice imminent et irréparable aux droits du Costa Rica et de l’amener à penser que le
Nicaragua a un comportement indigne et ne mérite pas la moindre confiance. Pour ce faire, les
faits sont systématiquement déformés pour que le Nicaragua joue le rôle du méchant. Mais si la
Cour examine les éléments de preuve rationnellement, en faisant abstraction de la vertueuse
indignation de M. Crawford, elle se rendra compte que ce dernier a présenté les éléments de preuve
de façon partiale.
27 36. Prenons la toute première affirmation que M. Crawford a faite, selon laquelle le
Nicaragua «a déclaré s’être retiré du territoire litigieux, sans toutefois admettre qu’il s’y soit jamais
37
trouvé» . Cela le conduit à affirmer que, avant de mériter la confiance de la Cour, le Nicaragua
doit d’abord admettre la vérité , ce qu’il refuse de faire, selon lui . Pourtant, c’est bien ce qu’a
fait le Nicaragua : il a reconnu que M. Pastora et son équipe réalisaient des travaux de dégagement
dans la zone en litige. Or, le Nicaragua n’aurait pas pu leur demander de partir s’il n’avait pas su
qu’ils se trouvaient là. M. Crawford prétend que la dernière fois que le Nicaragua s’est exprimé sur
le sujet, c’est dans sa note diplomatique du 18 septembre, dans laquelle il était précisément dit
qu’aucune activité n’avait été autorisée dans la zone en litige. Il ressort du dossier qu’à ce
moment-là, le ministre des affaires étrangères ignorait où M. Pastora menait ses activités. Le
37
CR 2013/24, p. 34, par. 1 (Crawford).
38Ibid., p. 35, par. 2.
39Ibid. - 23 -
gouvernement nicaraguayen l’a découvert lorsque celui-ci l’a annoncé à la télévision. Par la suite,
jamais le Nicaragua n’a nié que M. Pastora avait mené ses activités à cet endroit.
37. M. Crawford accuse injustement le Nicaragua d’hésiter entre trois positions différentes
40
qui seraient, selon lui, «désespéramment incohérentes» . Or, ce n’est pas le cas. La première
déclaration du Nicaragua, dans la note diplomatique du 18 septembre, a été faite avant que les
autorités nicaraguayennes ne sachent où se trouvait M. Pastora. Dans la deuxième déclaration,
faite par M. Pastora lui-même, celui-ci précisait l’endroit exact où il menait ses activités. Il n’y a
pas eu de troisième déclaration. Le Nicaragua n’a jamais contesté les déclarations de M. Pastora
précisant l’endroit où il réalisait les travaux.
38. Ces accusations ne sont ni justes ni objectives. C’est une pratique courante chez les
avocats que de détourner les éléments de preuve pour faire apparaître la partie adverse sous un
mauvais jour.
39. En voici un autre exemple, Monsieur le président : M. Crawford a dit que le Nicaragua
avait pris trois engagements devant la Cour, et que «ces engagements étaient faux ou se sont
révélés absolument vains, du moins pour deux d’entre eux et à moitié pour le troisième» . En 41
réalité, Monsieur le président, si vous regardez les éléments de preuve et les conclusions rendues
par la Cour elle-même, vous verrez que le Nicaragua a fidèlement respecté les engagements qu’il
avait pris.
40. Tout d’abord, comme l’a exposé M. Crawford, le Nicaragua a assuré à la Cour,
en janvier 2011, que les activités relatives au premier caño, qui faisait l’objet de l’ordonnance
28 rendue par la Cour le 8 mars 2011, avaient pris fin. Le Nicaragua a dit la vérité. Or, M. Crawford
a dit autre chose à la Cour : que les travaux réalisés dans ce caño «s[’étaient] poursuivis, entre
autres, grâce à plus de 10 000 membres de la jeunesse sandiniste, amenés dans la région
précisément pour mettre en œuvre les politiques du Nicaragua» . Manifestement, cette singulière
déclaration n’est étayée par aucun élément de preuve, comme vous pouvez le vérifier dans le
compte rendu.
40
CR 2013/24, p. 38, par. 11 (Crawford).
41Ibid., p. 35-36, par. 6-7.
42
Ibid., p. 36, par. 7. - 24 -
Aucune citation ni aucun autre élément n’est fourni à l’appui de cette hypothèse. Il n’y a
absolument rien qui indique que les travaux réalisés dans le premier caño aient repris, encore moins
grâce aux jeunes gens qui se sont rendus sur place. Le Costa Rica a formulé cette allégation
infondée dans sa demande tendant à la modification de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires de mars 2011. M. Crawford s’est contenté de la répéter, sans fournir davantage de
preuves. Il peut être utile de rappeler que la Cour a conclu, dans son ordonnance du 16 juillet 2013,
ce qui suit :
«Les faits avancés par [le Costa Rica], que ce soit la présence de ressortissants
nicaraguayens ou les activités qu’ils mènent sur le territoire litigieux, n’apparaissent
pas, dans les circonstances actuelles, telles qu’elles sont connues de la Cour, de nature
à porter une atteinte irréparable…» 43
J’ignore qui a concocté les faits que mon ami a présentés, mais ce n’était sûrement pas
Paul Bocuse.
41. La deuxième assurance donnée par le Nicaragua, toujours en janvier 2011, était la
44
suivante : «aucun élément de ses forces armées n’[est] stationné à Isla Portillos» . Quels sont les
éléments corroborant les prétendus mensonges du Nicaragua ? Rien d’autre qu’une photographie
que M. Ugalde a montrée hier à une autre fin. Elle représente un minuscule camp militaire
nicaraguayen situé le long du fleuve, dans la zone en litige, et porte la date du 19 janvier 2011. Ce
camp a été définitivement fermé quelques jours plus tard et n’a jamais été réoccupé depuis. Le
Nicaragua n’a pas non plus installé d’autres campements dans la zone en litige, et le Costa Rica n’a
d’ailleurs présenté aucun élément en ce sens.
42. La troisième assurance donnée par le Nicaragua, toujours en janvier 2011, était «qu’il
n’avait nullement l’intention d’envoyer des troupes ou d’autres agents dans la région ni d’y établir
de poste militaire à l’avenir» . Cette assurance était bien réelle, et le reste. M. Crawford soutient
29 que le Nicaragua a rompu cet engagement parce que «les agents nicaraguayens se trouvaient encore
dans le territoire litigieux au 18 septembre 2013» . J’ai déjà longuement traité cette question. Les
éléments de preuve montrent que le Nicaragua n’a ni «envoyé» ni eu l’intention d’envoyer
43
Ordonnance du 16 juillet 2013, par. 35.
44CR 2013/24, p. 35, par. 6 (Crawford).
45Ibid.
46
Ibid., p. 36, par. 7. - 25 -
M. Pastora dans la zone en litige. Le Gouvernement nicaraguayen l’a envoyé pour nettoyer le
fleuve et les canaux dans des eaux incontestablement nicaraguayennes. Il assume la responsabilité
des activités non autorisées réalisées à tort par celui-ci dans la zone en litige, et a pris des mesures
concrètes pour que cela ne se reproduise plus. Il n’a pas abusé de la confiance de la Cour.
43. Le Nicaragua n’a pas non plus envoyé de troupes dans la zone litigieuse. Tout ce que
M. Crawford a pu dire à ce sujet, c’est qu’«il sembl[ait] y avoir des campements militaires
nicaraguayens dans le territoire litigieux», mais qu’il n’avait pas été possible de le confirmer».
Même les photographies aériennes et satellite, qui permettraient pourtant aisément de couvrir cette
zone de dimension réduite, n’ont pas fourni cette confirmation. Et pour cause : aucun camp
militaire n’est installé à cet endroit.
44. M. Ugalde a présenté cette image satellite montrant le campement (tout en haut de
l’écran) d’un détachement militaire [ce cliché est reproduit sous l’onglet n 10]. Or, il s’agit ici
d’un campement installé sur la plage bordant la mer des Caraïbes. Nous sommes donc en dehors
de la zone litigieuse, sur un territoire que le Costa Rica a toujours reconnu au moins jusqu’à ce
jour comme appartenant au Nicaragua. Que ce soit dans sa requête introductive d’instance
déposée en 2010, lors des audiences concernant sa demande en indication de mesures
conservatoires en janvier 2011, ou dans son mémoire déposé en décembre 2011, le Costa Rica a
toujours été d’accord sur le fait que ce cordon littoral situé entre ce qu’il appelle Isla Portillos et la
mer appartenait au Nicaragua.
45. Il n’y a vraiment pas lieu que je retienne l’attention de la Cour trop longtemps sur ce
point le plus simple est de nous reporter aux cartes que le Costa Rica a lui-même soumises en
annexe de son mémoire dans le cadre de l’examen au fond de la présente affaire. Trois de ces
cartes sont reproduites sous l’onglet n 11. La première, qui est projetée à l’instant même à l’écran,
correspond à la figure 2.8 du mémoire du Costa Rica. Il s’agit d’une reproduction de ce que le
Costa Rica décrit lui-même comme une «carte officielle» de 1988 établie par son institut
géographique national. Ainsi que la Cour le constatera aisément, le cordon littoral situé au-delà de
47Costa Rica, dossier des juges, onglet n 2. - 26 -
la zone humide et à l’ouest de Punta Castilla y est clairement représenté comme appartenant au
Nicaragua.
46. [Onglet n 11.] Vous voyez à présent s’afficher à l’écran la figure 4.6 du mémoire du
30
Costa Rica (soit dit en passant, cette même carte était invoquée à l’appui de son argumentation
dans l’affaire relative aux Droits de navigation). Elle révèle la même réalité, puisque là encore, le
cordon littoral est représenté, sans aucune équivoque, comme relevant du territoire souverain du
Nicaragua.
47. Une dernière carte suffira, me semble-t-il, pour conclure mes observations sur cette
question [onglet n 11]. Cette carte, qui s’affiche maintenant à l’écran, est la figure 4.10 du
mémoire du Costa Rica. Elle montre l’étendue et l’emplacement du site costaricien
Caribe Noreste, classé zone protégée au titre de la convention de Ramsar. Un simple coup d’œil à
l’extrémité septentrionale de cette zone révèle la même évidence, à savoir que le Costa Rica
reconnaît que le cordon littoral appartient au Nicaragua. L’on ne saurait donc contester à ce dernier
le droit d’y faire stationner des contingents militaires ou d’y placer d’autres personnes.
48
48. Voici une photographie satellite que nous a présentée M. Ugalde hier , et qui est
o
reproduite sous l’onglet n 12 du dossier des juges. Que sommes-nous censés retirer de ce cliché ?
S’agit-il d’une nouvelle revendication territoriale, que nous présenterait pour la première fois le
Costa Rica ? Ou peut-être M. Ugalde est-il en proie aux mêmes doutes, à propos des limites de la
zone litigieuse, que ceux dans lesquels M. Pastora se voit ou, devrais-je dire, s’est
vu plongé ?
49. Les efforts déployés par le Costa Rica pour contester l’honnêteté et la crédibilité des
assurances données par le Nicaragua et faire croire qu’il a délibérément ignoré l’ordonnance et
l’autorité de la Cour sont vains. Une analyse posée, objective et dépassionnée des éléments de
preuve nous conduit en réalité à une conclusion toute autre.
50. En avocat chevronné qu’il est, M. Crawford a conclu son exposé de manière
particulièrement théâtrale, résumant en six points les raisons pour lesquelles la Cour ne doit pas
48Costa Rica, dossier des juges, onglet n 4. - 27 -
accepter les assurances données par le Nicaragua dans cette affaire. Aucun de ces points ne résiste
cependant à une analyse juste et impartiale.
51. En premier lieu, nous dit-on, «[l]e Nicaragua n’a pas reconnu les faits» et «n’a pas
49
accepté la vérité» puisqu’il décline toute responsabilité à l’égard des actes de M. Pastora . Cela
n’est pas, j’en ai peur, le Nicaragua qui refuse ici de reconnaître la réalité. Comme la Cour a pu le
constater, le Nicaragua ne conteste pas le fait que des opérations de dragage et d’autres activités
dans la zone litigieuse ont été entreprises par M. Pastora. Selon M. Crawford, ce dernier devrait
être démis de ses fonctions. Le Nicaragua a, pour sa part, estimé suffisant de lui ordonner de
quitter la zone en retirant son personnel et son matériel, de lui interdire d’y retourner et de donner
pour instruction à l’armée d’effectuer des patrouilles pour s’assurer que ni lui ni aucun autre
représentant ou agent du gouvernement ne pénètre dans la zone. Le Nicaragua a donc bel et bien
reconnu les faits, les a fidèlement rapportés, et a agi en toute bonne foi.
31 52. Le deuxième argument invoqué consiste à dire que le Nicaragua a déjà bafoué ses
50
propres engagements, et qu’il recommencera. Le Nicaragua serait «un récidiviste» , selon les
termes fâcheux, empruntés au répertoire pénal, qu’a cru devoir employer M. Crawford. Là encore,
ses propos sont inexacts. Nous avons déjà abordé les trois cas ou deux cas et demi où le
Nicaragua avait prétendument manqué à sa parole, et avons démontré que les allégations de
M. Crawford étaient contredites par les éléments versés au dossier. Le Nicaragua n’a pas manqué
une seule fois à ses engagements. A plus forte raison ne l’a-t-il pas fait de manière répétée.
53. Troisièmement, nous dit M. Crawford, «[n]ul ne peut faire confiance aux assurances
données par le Nicaragua au Costa Rica en ce qui concerne le San Juan» . Or, il apparaît que ces
trois engagements sont très précisément ceux que le Nicaragua avait pris devant la Cour en
janvier 2011, et dont il est prouvé qu’il s’y est conformé.
54. Au quatrième point, il est exposé à la Cour que «[s]i [celle-ci] ne di[t] rien maintenant,
[son] autorité aura été bafouée, et sera perçue comme telle … la confiance dans la Cour et l’autorité
49
CR 2013/24, p. 43, par. 30 (Crawford).
50Ibid., par. 31.
51
Ibid., p. 44, par. 32. - 28 -
52
de [ses] décisions en seraient érodées» . Monsieur le président, M. Crawford commence par dire à
la Cour, si tant est que cela soit nécessaire, qu’elle n’est pas «née de la dernière pluie», pour lui
parler ensuite comme s’il pensait précisément le contraire. Il lui dit que si elle ne fait pas droit aux
mesures conservatoires sollicitées par le Costa Rica, sa crédibilité et son autorité s’en trouveront
amoindries. Comme il est commode que les intérêts de son client cadrent si parfaitement avec ceux
de la Cour… Nous connaissons tous ce vieux truc de cours de récréation, consistant à humilier un
camarade en l’obligeant à faire quelque chose qu’il sait ne pas devoir faire. J’entends encore ces
mots, «Si tu avais vraiment du cran, tu irais frapper untel». M. Crawford emploie d’autres termes,
mais le principe est le même.
55. J’ai deux choses à dire à ce sujet. Premièrement, accuser le Nicaragua de bafouer
l’autorité de la Cour est tout simplement absurde. Il n’a rien fait de tel et les éléments de preuve
n’étayent nullement cette accusation. D’ailleurs, aucun Etat ne tient la Cour en si haute estime que
le Nicaragua. En effet, il s’est présenté devant la Cour dans douze affaires. Il a introduit sept
d’entre elles, dont certaines concernaient ses intérêts nationaux les plus vitaux. Il est actuellement
partie à trois affaires pendantes devant la Cour, y compris les deux qui nous intéressent ici. Il a
toujours respecté les arrêts qu’elle a rendus. Il est lui-même victime du refus, affiché ouvertement
32 et publiquement par un Etat, absent ici, d’appliquer un arrêt de la Cour. Le Nicaragua est donc le
dernier Etat susceptible de bafouer les ordonnances de la Cour.
56. Deuxièmement, la Cour n’a nullement besoin de faire ses preuves à l’égard de qui que ce
soit. Il s’agit de la Cour internationale de Justice et cela suffit.
57. J’en viens maintenant au cinquième point : les mesures conservatoires sont demandées
d’urgence pour empêcher un préjudice irréparable . Cet argument fait également long feu. En
effet, il est à présent incontesté que le Nicaragua a mis fin aux activités dont le Costa Rica prétend
qu’elles menacent ses droits. Si les activités prétendument préjudiciables ont cessé, il en va de
même de la menace qui pèserait sur les droits du Costa Rica. En tout état de cause, celui-ci n’a
présenté aucun élément de preuve qui étaye son argument relatif au préjudice irréparable. Les
rapports de M. Thorne et de l’Université du Costa Rica démontrent en fait le contraire, à savoir
52
CR 2013/24, p. 44, par. 33 (Crawford).
53Ibid., par. 34. - 29 -
qu’il n’existe aucune menace d’un tel préjudice. Cette question sera examinée en détail par
M. McCaffrey.
58. Sixième point, enfin : «Si l’on prend le Nicaragua au mot, les mesures conservatoires que
nous demandons n’auront guère d’impact pour lui.» 54 M. Crawford n’aurait peut-être pas présenté
cet argument s’il s’était exprimé après M. Kohen et non avant lui. En effet, la plaidoirie de
M. Kohen a été pour nous une véritable révélation. Il a expliqué ce que le Costa Rica entendait
réellement obtenir. Selon M. Kohen, les deux premières mesures ne visent pas seulement à
demander que le Nicaragua cesse tous les travaux sur les deux caños définis dans la demande du
Costa Rica et retire tous ses agents et tout le matériel liés à ces activités, mais également à imposer
au Nicaragua qu’il empêche tout individu entièrement indépendant de son gouvernement de
pénétrer dans la zone et l’en expulse le cas échéant. En d’autres termes, il s’agit, de la part du
Costa Rica, d’une tentative à peine déguisée pour reprendre sa demande tendant à la modification
de l’ordonnance de la Cour du 8 mars 2011, demande que celle-ci a rejetée le 16 juillet. Ni
M. Kohen ni aucun autre conseil du Costa Rica n’a, depuis lors, introduit de nouvelles preuves ou
présenté de nouveaux éléments qui justifieraient de rouvrir la question.
59. M. Kohen a également révélé, en ce qui concerne la troisième mesure demandée, que le
Costa Rica entendait obtenir bien davantage que la protection que lui a accordée la Cour au second
point du dispositif de son ordonnance du 8 mars 2011. En effet, il veut pouvoir pénétrer sans
restriction dans le territoire litigieux et remédier au préjudice irréparable qu’aurait causé le
33 Nicaragua. Selon M. Kohen, cela implique de gros travaux, nécessitant d’introduire dans ce
territoire de nombreuses personnes et beaucoup de matériel. Et tout cela pour remédier à un
préjudice irréparable qui n’existe pas. Ce point sera également examiné par M. McCaffrey
60. Ce qui est clair, c’est que, contrairement à ce que pense M. Crawford, M. Kohen a, pour
le territoire litigieux, de grands projets qui auraient une incidence considérable sur le Nicaragua si
les mesures conservatoires demandées étaient indiquées. M. Crawford reproche au Nicaragua
d’avoir refusé la proposition formulée par le Costa Rica à la veille des présentes audiences et qui
l’invitait à consentir à l’ordonnance qu’il avait demandée. Le Nicaragua «n’est pas sérieux», a-t-il
54CR 2013/24, p. 45, par. 35 (Crawford). - 30 -
dit, sinon il aurait accepté le projet d’ordonnance. M. le président, je crains que ce ne soit là tout
simplement qu’une nouvelle attaque peu aimable et injustifiée contre la bonne foi du Nicaragua.
Le Nicaragua aurait été naïf d’accepter le projet d’ordonnance sans savoir comment le Costa Rica
entendait l’interpréter. Maintenant qu’il le sait, il estime qu’il a eu raison de refuser.
61. M. le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je résumerai très brièvement ma
plaidoirie. Les activités qui ont poussé le Costa Rica à déposer sa demande en indication de
nouvelles mesures conservatoires ont cessé, et le Nicaragua a pris des mesures concrètes pour
garantir qu’elles ne reprendront pas. En conséquence, aucun des droits allégués par le Costa Rica
n’est actuellement soumis à une menace, encore moins à une menace imminente ou à une menace
susceptible d’aboutir à un préjudice irréparable. La demande du Costa Rica est sans fondement.
Celui-ci n’a qu’un seul argument, à savoir qu’il est impossible de faire confiance au Nicaragua
pour s’abstenir de reprendre les activités qui ont été à l’origine de la demande. Il prie la Cour de
juger que le Nicaragua n’est pas fiable et de fonder une ordonnance sur cette conclusion, laquelle,
M. le président, n’est en rien étayée par les éléments de preuve.
62. M. le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre patience et
de votre aimable attention. M. le président, je vous prierais de bien vouloir appeler M. McCaffrey
à la barre, peut-être après la pause.
Le PRESIDENT : Je vous remercie Monsieur Reichler. M. McCaffrey aura la possibilité de
plaider devant la Cour après la pause-café. La Cour fait une pause de 15 minutes. L’audience est
suspendue.
L’audience est suspendue de 11 h 25 à 11 h 50.
34 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience reprend et j’invite M. McCaffrey à la
barre. Vous avez la parole, Monsieur.
M. McCAFFREY :
1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs
de la Cour, je suis à la fois très heureux et très honoré de me présenter une nouvelle fois devant
vous au nom de la République du Nicaragua. La tâche qui m’incombe aujourd’hui est double : - 31 -
démontrer d’abord que le préjudice allégué par le Costa Rica ne revêt pas, en fait, un caractère
irréparable caractère irréparable auquel la Cour subordonne l’indication de mesures
conservatoires ; exposer ensuite pourquoi la troisième mesure conservatoire sollicitée par le
Costa Rica n’a pas davantage lieu d’être indiquée que les deux premières, lesquelles, ainsi que mon
collègue et ami M. Reichler vient de le démontrer, sont devenues sans objet.
1. Absence de tout risque de préjudice irréparable
2. Monsieur le président, mon premier point est le suivant : il n’existe aucun risque imminent
de préjudice irréparable. Quand bien même le Costa Rica pourrait apporter la preuve qu’un risque
imminent de préjudice pèse sur l’un des droits qu’il revendique et le Nicaragua a montré qu’il
ne le pouvait pas, mais soit —, quand bien même il le pourrait, cela ne suffirait pas. Pour obtenir
l’indication de mesures conservatoires, le Costa Rica doit également établir le caractère irréparable
du préjudice auquel il se prétend exposé. Il ne le peut pas. Tout d’abord, le Nicaragua nie que les
droits du Costa Rica soient exposés à un quelconque risque, et encore moins à un risque imminent
de préjudice irréparable. S’il n’existe aucun risque de préjudice, parce que l’activité prétendument
dommageable a cessé, il n’existe par définition aucun risque de préjudice revêtant un caractère
irréparable. Mais ce n’est pas la seule raison pour laquelle le Costa Rica ne peut démontrer
l’existence d’un risque de préjudice irréparable. L’absence de tout risque imminent de préjudice
irréparable ressort en fait des rapports des propres experts du Costa Rica.
3. Les éléments de preuve produits par le Costa Rica démontrent que celui-ci fonde son
argumentation relative au risque de préjudice sur des actes futurs, des actes qui n’ont pas encore eu
lieu — des actes qui, comme M. Reichler vient de l’exposer, n’auront pas lieu. La position du
Costa Rica revient à plaider ceci : si le Nicaragua continuait de draguer les deux canaux et s’il les
reliait à la mer ; si, en conséquence de ces travaux, les caños devaient capter une plus grande
quantité d’eau du fleuve San Juan ; et si finalement le cours de ce fleuve devait s’en trouver
modifié, alors un préjudice irréparable serait causé. Monsieur le président, il s’agit assurément là
35 d’une probabilité bien trop lointaine pour constituer le risque imminent de préjudice irréparable
dont l’existence est requise pour que la Cour puisse indiquer des mesures conservatoires. - 32 -
4. Le Costa Rica a produit deux rapports techniques dont les auteurs supposent que le risque
de préjudice allégué par lui pourrait se concrétiser si les canaux en chantier étaient terminés ; il
s’agit d’un rapport du département du génie civil de l’Université du Costa Rica et d’un rapport de
M. Colin Thorne, l’expert technique du Costa Rica dans cette affaire. Ces deux rapports indiquent
clairement que la survenance du préjudice allégué par le Costa Rica est fondée sur le postulat que
le Nicaragua se livrera à d’autres activités dans l’avenir, et non sur les travaux auxquels il a déjà été
mis fin. En résumé, le Costa Rica n’a pas prétendu que les activités menées jusqu’ici par le
Nicaragua auraient fait naître un risque imminent de préjudice irréparable, et les éléments de
preuve qu’il a produits ne permettent pas davantage de l’affirmer.
5. Monsieur le président, si vous le voulez bien, je vais maintenant examiner le premier
rapport établi par M. Thorne. M. Thorne s’est borné à évaluer le risque de préjudice irréparable
associé à ce qu’il appelle le «caño oriental», car «[l]a construction du caño occidental est moins
55
avancée, ce qui rend encore plus difficile l’appréhension de son objectif» . De fait, dans ses
conclusions, il ne dit rien sur le préjudice irréparable ou irréversible susceptible d’être causé par le
caño occidental. S’agissant du «caño oriental», il nous fait savoir que, «à supposer que [celui-ci]
56
modifie le cours du San Juan, les dommages seraient sans doute irréversibles» , précisant toutefois
que, pour que cela se produise, les caños
«doivent être ouverts sur la mer des Caraïbes en aval. En ce qui concerne le caño
oriental, la tranchée qui traverse déjà une partie de la plage pourrait être terminée sans
grande difficulté. Une fois cette tranchée complétée, le ruissellement plus
important caractéristique de la saison des pluies qui serait capté par le San Juan
provoquerait une élévation de la surface des eaux … créant ainsi le gradient qui
permettrait de faire couler le flot avec suffisamment de force dans le chenal pour
57
affouiller le lit de celui-ci et élargir la brèche traversant la plage.»
M. Thorne admet néanmoins que, «[a]u 18 septembre 2013, cette tranchée n’atteignait pas la
mer» . Il poursuit en ces termes :
«En raison de ce qui précède, le risque de dommage irréversible augmenterait
sensiblement si les travaux d’excavation ou de dragage se poursuivaient sur
Isla Portillos. [Il ajoute :] Pour pallier ce danger, toutes les activités liées à
55
Voir Colin Thorne, rapport sur l’impact de la construction de deux nouveaux caños sur Isla Portillos,
10 octobre 2013, p. 5, par. 4.4.
56Ibid., par. 4.6.
57Ibid., p. 6, par. 4.7.
58
Ibid., p. 8, par. 5.1. d). - 33 -
l’élargissement des caños existants … devraient immédiatement cesser à titre
59
définitif.»
36 Monsieur le président, toutes les activités liées à l’élargissement des caños ayant cessé, de manière
immédiate et définitive, le risque de préjudice irréparable a été évité, selon M. Thorne lui-même.
6. Je précise à toutes fins utiles, Monsieur le président, que je ne sors pas les propos de
M. Thorne de leur contexte. Mon ami M. Wordsworth a beaucoup cité hier le rapport de
M. Thorne mais il a passé sous silence les phrases cruciales qui venaient nuancer les déclarations
de cet expert. Ainsi, lorsqu’il a cité le paragraphe 4.7 du rapport Thorne, M. Wordsworth a omis la
première phrase, qui se lit comme suit : «Pour qu’un débit important emprunte l’un ou l’autre des
caños de 2013, ces chenaux doivent être ouverts sur la mer des Caraïbes en aval.» Or M. Thorne
admet que les chenaux en question ne sont pas ouverts sur la mer des Caraïbes en aval. Pour avoir
une vision d’ensemble, examinons dans leur intégralité les trois derniers paragraphes des
conclusions de M. Thorne, qui apparaissent maintenant à l’écran et qui sont reproduits sous
l’onglet n° 13 de votre dossier. Je vais vous lire ces paragraphes assez rapidement — ce dont je
m’excuse auprès des interprètes — car vous pouvez en voir le texte à la fois à l’écran et dans votre
dossier, mais je pense qu’ils méritent d’être lus en entier car leurs termes sont importants
[projection] :
«e) Une fois le caño [oriental] ouvert sur la mer, il constituerait un raccourci pour les
eaux charriées par le San Juan. Au fil du temps, le caño transporterait une partie
croissante de ses eaux, ce qui, en aval, réduirait le débit du cours naturel du
San Juan. Il existe un risque réel de voir le San Juan cesser complètement de
suivre son cours naturel actuel en aval du caño pendant la prochaine saison des
pluies et celles qui suivront.
f) Sur la base de mon évaluation des travaux effectués dans cette zone humide
reculée et sensible, j’estime réel le risque au cas où les travaux se
poursuivraient et où le caño oriental capterait la totalité ou la plus grande partie
des eaux du fleuve de ne plus pouvoir réparer les conséquences de cette
initiative et restaurer le cours naturel du fleuve. Par conséquent, au cas où ledit
caño modifierait effectivement le cours du San Juan, les dommages seraient
probablement irréversibles.
g) Le risque d’un endommagement irréversible augmenterait sensiblement si les
travaux d’excavation et de dragage se poursuivaient sur Isla Portillos ; pour parer
ce risque, toutes les activités visant à élargir les caños de 2013 ou à construire
d’autres caños devraient immédiatement cesser à titre définitif.» [Fin de la
projection.]
59Voir Colin Thorne, rapport sur l’impact de la construction de deux nouveaux caños sur Isla Portillos,
10 octobre 2013, p. 6, par. 4.9. - 34 -
7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’avis de cet expert révèle deux
choses de manière très claire. Premièrement, le risque de préjudice irréparable découle du
raccordement éventuel du caño oriental à la mer des Caraïbes, un raccordement qui n’a pas eu lieu
et qui n’aura pas lieu puisque toutes les activités menées dans le territoire litigieux ont cessé et ne
reprendront pas. Ensuite, le risque de préjudice irréversible peut être et a effectivement été évité du
fait de la cessation immédiate et définitive de toutes les activités destinées à construire ou à élargir
des caños, qu’il s’agisse de ceux de 2013 ou d’autres.
37 8. Monsieur le président, j’en viens à présent au rapport établi par deux ingénieurs
costa-riciens de l’université du Costa Rica. Ce rapport est tout aussi discutable et ne parvient pas
non plus à établir l’existence d’une menace imminente de préjudice irréparable. Les auteurs du
rapport reconnaissent que «la plage … obstrue [le chenal oriental] à son débouché dans la mer des
Caraïbes» et que ce chenal «n’était pas encore terminé le 18 septembre» . Ils précisent que «[l]a
présence de ces obstructions empêche pour le moment une bonne partie du débit du fleuve San Juan
61
d’emprunter le chenal» . En conséquence, il n’y aura un risque majeur que lorsque «[la drague]
aura achevé sa tâche et que les obstacles auront été dégagés» . Or, comme mon collègue et ami
M. Reichler l’a montré, cela ne se produira pas.
9. S’agissant du caño occidental, tout comme M. Thorne, les ingénieurs costa-riciens n’ont
pas grand-chose à dire sur le préjudice éventuel que ce chenal pourrait causer. En effet, la raison
pour laquelle ils concentrent leur analyse «uniquement sur [le chenal oriental]» est révélatrice : ils 63
ne s’intéressent pas au chenal occidental précisément parce que la probabilité qu’il modifie le cours
du San Juan est infime . D’après le rapport du Costa Rica, c’est seulement si le Nicaragua devait
65
élargir le chenal à l’avenir qu’un préjudice pourrait éventuellement être causé . Nous savons
désormais pertinemment que cela n’arrivera pas.
60
Eléments de preuve supplémentaires relatifs à la demande en indication de nouvelles mesures conservatoires
présentée par la République du Costa Rica, 9 octobre 2013, annexe 19, p. 14 (ci-après l’«annexe 19»).
61Annexe 19, p. 10.
62Ibid.
63
Ibid.
64
Ibid.
65Ibid. - 35 -
10. Monsieur le président, la Cour a dit à maintes reprises que «la simple possibilité
d’une … atteinte à des droits en litige devant la Cour ne suffi[sait] pas à justifier l’exercice du
pouvoir exceptionnel d’indiquer des mesures conservatoires que la Cour tient de l’article 41 du
Statut» . Si la simple possibilité d’un préjudice ne suffit pas pour justifier le recours à ces
pouvoirs exceptionnels, il en va a fortiori de même pour l’absence de toute possibilité de préjudice.
11. De plus, les prédictions costa-riciennes quant à un éventuel préjudice futur ne sont que
des assertions non étayées, dépourvues de tout fondement scientifique. M. Thorne reconnaît qu’en
38 réalité il ne peut prédire les conséquences qu’auraient des opérations de dragage supplémentaires
sur le cours du fleuve San Juan (ou sur sa morphologie) : «Les conséquences morphologiques à
long terme de la construction des caños sont difficiles à prédire sur la base des informations
disponibles» .67 Ainsi, même l’expert en morphologie fluviale du Costa Rica, ainsi que
M. Wordsworth l’a présenté hier, ne parvient pas à rendre une conclusion définitive sur l’impact
qu’auront les caños de 2013, alors que cela relève de son domaine d’expertise. C’est pourtant
manifestement ce que le Costa Rica attend de la Cour. M. Thorne ne parvient pas non plus à
évaluer l’impact éventuel sur l’environnement : «Il est difficile de prédire l’impact précis sur
l’écosystème en se fondant sur les informations limitées dont nous disposons.» 68
12. Les éléments de preuve présentés à l’appui du rapport de l’université du Costa Rica ne
sont pas plus convaincants. Les auteurs expliquent que la question de savoir si l’élargissement du
chenal pourrait causer au fleuve San Juan les dommages irréparables allégués par le Costa Rica
dépend de la force de traction. Cette force détermine la quantité de sédiments que les eaux du
chenal peuvent entraîner et charrier. Les auteurs du rapport admettent ouvertement qu’
«il est impossible de déterminer avec une certitude absolue si l’un ou l’autre des deux
nouveaux canaux possède(nt) un différentiel de force de traction (par rapport à celle
du fleuve San Juan) suffisant pour provoquer un affouillement de nature à les élargir
et, par conséquent, à modifier le cours emprunté par le San Juan pour se jeter dans la
mer des Caraïbes» . 69
66
Ordonnance du 11 septembre 1976, Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), C.I.J. Recueil
1976, p. 11, par. 32 ; voir aussi l’ordonnance du 24 octobre 1957, Interhandel, C.I.J. Recueil 1957, p. 112 ; ou celle du
29 juillet 1991, Passage par le Grand-Belt (Finlande c. Danemark), C.I.J. Recueil 1991, p. 18, par. 27.
67 Colin Thorne, Rapport sur l’impact de la construction de deux nouveaux caños sur Isla Portillos,
10 octobre 2013, p. 6, par. 4.8.
68Ibid., p. 7, par. 4.11.
69
Annexe 19, p. 10. - 36 -
En d’autres termes, ils ne savent absolument pas si le préjudice irréparable allégué serait même
susceptible de se produire. Ce qu’il nous disent en fait, c’est que si la force de traction est
relativement faible, cela entraîne «généralement la fermeture du chenal pilote en raison de la
capacité insuffisante de ce dernier à charrier les sédiments» .
2. La troisième mesure conservatoire sollicitée par le Costa Rica
devrait être rejetée
13. J’en arrive à mon deuxième point, Monsieur le président : l’inutilité manifeste de la
troisième mesure conservatoire sollicitée, par laquelle le Costa Rica serait autorisé à effectuer des
travaux de remise en état dans les deux caños. Le Nicaragua estime, pour plusieurs raisons
décisives, que cette demande extraordinaire devrait être rejetée.
39 14. Tout d’abord, Monsieur le président, ce volet de la demande du Costa Rica est victime de
ses propres contradictions. Le Costa Rica demande l’autorisation «d’effectuer dans le territoire
litigieux tous travaux de remise en état sur les deux nouveaux caños artificiels et les zones
environnantes qui se révéleront nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit
causé…». Or, ainsi que je l’ai longuement expliqué, il n’y a plus aucun risque qu’un préjudice
irréparable soit causé à la zone en litige. Comme je l’ai montré, toutes les demandes du Costa Rica
ayant trait à un préjudice irréparable reposent sur l’hypothèse que les travaux menés dans les caños
pourraient se poursuivre et occasionner la rupture du cordon littoral séparant le caño oriental de la
mer des Caraïbes. Cette hypothèse est bien évidemment fausse. Dès que le Nicaragua a eu
connaissance des faits, il a mis un terme aux travaux, et la prétendue menace de préjudice
irréparable a été, de fait, écartée. Par conséquent, aucune opération de remise en état n’est, pour
reprendre la formulation du Costa Rica, «nécessaire pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit
causé» et, la troisième mesure conservatoire sollicitée par le Costa Rica s’effondre.
15. La deuxième raison pour laquelle ce volet de la demande du Costa Rica n’est pas justifié
est que les éléments les plus importants qu’il contient sont déjà couverts, en substance, par
l’ordonnance du 8 mars 2011. La Cour a dit, au deuxième paragraphe du dispositif de cette
ordonnance : «le Costa Rica pourra envoyer sur le territoire litigieux … des agents civils chargés de
70Annexe 19, p. 10. - 37 -
la protection de l’environnement dans la stricte mesure où un tel envoi serait nécessaire pour éviter
qu’un préjudice irréparable soit causé…». Le Costa Rica est donc bien autorisé à envoyer des
agents civils chargés de la protection de l’environnement dans la zone en litige qui inclut les
deux caños en cause aujourd’hui pour prévenir tout risque de préjudice irréparable, à condition
qu’il en informe le Nicaragua et qu’il cherche avec celui-ci des solutions communes. Dans ces
conditions, étant donné que le Nicaragua a immédiatement pris des mesures pour remédier à la
situation et qu’il n’existe pas de risque permanent de préjudice irréparable, rien ne justifie
véritablement de faire droit à cette nouvelle demande du Costa Rica.
16. Cela dit, il existe une différence considérable les mesures indiquées dans l’ordonnance
rendue précédemment par la Cour et celle que sollicite à présent le Costa Rica, différence qui ne
fait en réalité que souligner le caractère injustifié de la nouvelle mesure demandée.
17. Alors que l’ordonnance précédente prévoyait une surveillance limitée assurée en
collaboration avec le Nicaragua, le Costa Rica demande désormais à la Cour de lui octroyer le droit
40 unilatéral de mettre en œuvre, manifestement de manière discrétionnaire, les mesures de réparation
qu’il estimerait nécessaires, sans qu’il soit tenu de consulter le Nicaragua ou de coordonner son
action avec lui. En réalité, c’est un chèque en blanc que demande le Costa Rica. Je n’exagère pas.
Même aujourd’hui, le Costa Rica n’est pas en mesure de préciser le type de mesures de réparation
qui seraient nécessaires. Ses experts non plus, d’ailleurs. A la page 6 de son rapport, par exemple,
M. Thorne le dit expressément : «Je ne suis pas qualifié pour déterminer les travaux spécifiques de
génie civil qu’il faudrait exécuter pour remédier à la situation actuelle.» Dans la même veine, à la
page 16 du rapport de l’université du Costa Rica, on lit ceci :
«En notre qualité d’ingénieurs civils, nous estimons que des mesures correctives
consistant à fermer l’embouchure du nouveau canal paraissent nécessaires pour éviter
le risque d’une modification du cours du San Juan. Néanmoins, il nous est impossible
de fournir une réponse détaillée concernant les activités requises pour parvenir à
fermer les canaux…».
18. En dépit de ces aveux d’incertitude, M. Kohen n’a pas hésité, hier, à annoncer clairement
le montant que le Costa Rica entend inscrire sur le chèque en blanc qu’il souhaite obtenir. En
décrivant les travaux de remise en état encore indéterminés, il a dit : «Cela requiert davantage que
l’envoi de personnel en charge de l’environnement. Cela requiert la réalisation de travaux d’une
certaine importance afin de remédier à la situation, avec ce que cela nécessite en termes de - 38 -
71
main-d’œuvre et d’équipements.» Cela nécessite également, a-t-il ajouté, que le Nicaragua
72
permette au Costa Rica d’accéder librement à la zone en litige par le fleuve San Juan , quelles que
soient les dispositions prévues dans le traité de 1858, la sentence Alexander et l’arrêt rendu par la
Cour en l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes sans
oublier la sentence Cleveland. Monsieur le président, ce sont là des exigences stupéfiantes. Les
propres experts du Costa Rica reconnaissent être incapables de dire en quoi pourraient consister les
mesures de réparation appropriées. Qu’importe ! Le Costa Rica sait déjà qu’il devra envoyer de
nombreux hommes et du matériel par le fleuve San Juan pour mettre en œuvre ces mesures.
19. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Nicaragua considère
qu’accorder au Costa Rica un tel blanc-seing serait dangereux, et que les faits ne le justifient pas.
Malheureusement, les relations entre les deux Parties sont tendues, particulièrement pour ce qui
41 concerne les questions relatives au fleuve. Accorder au Costa Rica des droits souverains de
navigation sur le fleuve, dont l’étendue serait déterminée par ce seul Etat, ne ferait de toute
évidence qu’exacerber encore davantage les tensions.
20. Enfin, autoriser le Costa Rica à mettre unilatéralement en œuvre toute mesure de
réparation qu’il estime appropriée reviendrait en réalité à trancher de manière inacceptable la
question de la souveraineté contestée. Le Nicaragua comprend ce qui a conduit la Cour à adopter
le deuxième paragraphe du dispositif de l’ordonnance du 8 mars 2011, qui permet aux agents civils
chargés de la protection de l’environnement de continuer à se rendre dans la zone en litige. En
adoptant ce paragraphe, la Cour a trouvé un juste équilibre entre la nécessité de protéger la zone et
celle d’éviter de trancher le différend au fond.
21. Pourtant, de l’avis du Nicaragua, donner encore davantage de pouvoir au Costa Rica, et
lui conférer le droit exclusif non seulement de mettre en œuvre les mesures de réparation, mais
aussi de déterminer, sans aucun contrôle ni restriction, quelles devraient être ces dernières,
reviendrait à trancher provisoirement, de manière inacceptable, l’affaire au fond. De l’aveu même
du Costa Rica, Isla Portillos doit être considérée comme une zone en litige. Dans ces conditions,
aucune des Parties ne devrait être habilitée à mettre en œuvre des mesures à l’exclusion de l’autre.
71
CR 2013/24, p. 57, par. 31 (Kohen).
72Ibid., par. 32 (Kohen). - 39 -
22. Pour toutes ces raisons parce qu’elle est inutile, parce qu’elle est excessive et parce
qu’elle est dangereuse , la troisième demande du Costa Rica devrait être rejetée.
Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé. Je
vous remercie pour votre attention. Monsieur le président, je vous prie d’appeler à la barre mon
collègue et ami, M. Alain Pellet.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur McCaffrey. I now give the floor to
Professor Alain Pellet. You have the floor, Sir.
Mr. PELLET:
T HE C OURT CANNOT RULE ON C OSTA R ICA’S REQUESTS
1. Mr. President, there are numerous reasons why the Court cannot rule on Costa Rica’s
requests. They may be grouped in four series of distinct grounds:
42 (1) Costa Rica’s requests do not satisfy the conditions required by your jurisprudence: they are not
urgent and the alleged prejudicial effectswhich in any event are minor even if proved,
would in no way be irreparable (by contrast with those of which Nicaragua is justified in
complaining as a result of the botched construction of Route 185a matter to which, as I am
given to understand, we will have the opportunity to return in the near future);
(2) these prejudicial effects if they are such are the result of actions which the highest
Nicaraguan authorities disavowed as soon as they became aware of them, and to which they
have immediately put a stop;
(3) the measures today requested by Costa Rica are a pointless “variant” of those indicated by the
Court in 2011, which Nicaragua fully accepts and undertakes to continue to respect; so that
(4) these requests are superfluous and serve no useful purposethey are “moot”; and the Court
would thus be going outside the limits of its strictly judicial functions if it were to grant Costa
Rica’s requests.
2. With your permission Mr. President, I propose to revisit each of these four points, which
will at the same time give me the opportunity to summarize Nicaragua’s legal position. - 40 -
1. Costa Rica’s requests do not satisfy the necessary conditions
3. In the first place, then: Costa Rica’s requests do not satisfy the necessary conditions as
clearly and firmly established by your jurisprudence. This aspect will not detain me for very long:
those conditions are well known and it seems to me that, thanks to the eloquent presentations of
Mr. Reichler and Professor McCaffrey, the facts speak for themselves. Simply, then, “by way of
reminder”:
4. Under paragraph 1 of Article 41 of its Statute: “The Court shall have the power to
indicate, if it considers that circumstances so require, any provisional measures which ought to be
taken to preserve the respective rights of either party.” The Court has interpreted this provision as
meaning that it can only indicate provisional measures if two essential conditions which you
43 explained very clearly in the Pulp Mills case are satisfied:
“[T]he power of the Court to indicate provisional measures can be exercised
only if there is an urgent necessity [that is the first condition] to prevent irreparable
prejudice to such rights, before the Court has given its final decision.” 73
and that is the second condition. Neither is satisfied here.
5. The conditions are, moreover, indissociable:
“[T]he power of the Court to indicate provisional measures [as you said in your
Order of 2011] will be exercised only if there is urgency, in the sense that there is a
real and imminent risk that irreparable prejudice may be caused to the rights in
74
dispute before the Court has given its final decision.” (Emphasis added.)
The risk of irreparable prejudice must thus be real and imminent. That invoked by Costa Rica
presents none of these three “characteristics”, which would alone, taken together, be capable of
justifying provisional measures: the prejudice is neither “real”, nor “irreparable”, nor “imminent”.
73Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 11, para 32. See also Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional
Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 17, para 23; Vienna Convention on Consular Relations
(Paraguay v. United States of America), Provisional Measures, Order of 9 April 1998, I.C.J. Reports 1998, p. 257,
para. 37; Certain Criminal Proceedings in France (Republic of the Congo v. France), Provisional Measures, Order of
17 June 2003, I.C.J. Reports 2003, p. 107, para. 22;Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay),
Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006, p. 131, para. 70; Request for Interpretation of the
Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of
America) (Mexico v. United States of America), Provisional Measures, Order of 16 July 2008, I.C.J. Reports 2008,
p. 330, para. 72.
74Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), pp. 21-22, para. 64See also Pulp Mills on the River
Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 13,
para. 42; Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional Measures,
Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, pp. 152-153, para. 62; Request for Interpretation of the Judgment of
15 June 1962 in the Case concerning the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand),
Provisional Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J. Reports 2011 (II), p. 548, para. 47. - 41 -
6. Moreover as Stephen McCaffrey recalled, in the conclusion to his report, Costa Rica’s
expert himself considers that any irreparable damage will be avoided if the works on the caño are
stopped and not resumed:
“The risk of irreversible damage will increase significantly if the digging and
dredging in Isla Portillos continues; to avoid this risk, all activities to enlarge the
2013 caños or to construct further caños should be stopped immediately and
permanently.”
44 These works have been stopped, and Nicaragua, which intends to comply fully with the measures
indicated in 2011, has no intention whatever of resuming them and has now provided itself with the
means to prevent any initiative in that regard.
7. On the admission of Costa Rica’s own expert, there is thus no risk of irreparable
prejudice in particular in view of the fact that the damage to the environment about which
Costa Rica makes such a hullabaloo is at worst minor, and vegetation regrowth will be rapid, as
75
was the case for the “2010 caño” . Indeed, as the same expert had observed in the report annexed
by Costa Rica to its Memorial:
“being unnatural, they [the caño and the secondary channel connecting it] began
deteriorating through siltation and vegetation regrowth as soon as they had been
created” ;6
Or, as the same expert further noted:
“by April 2011 the width and depth of the caño [which are of such concern to
77
Sam Wordsw78th ] had already been reduced from their December [2010]
maxima” .
8. However, the existence of irreparable prejudice is a condition sine qua non for the
79
adoption of provisional measures, as is firmly established by your jurisprudence . You again
7CR 2013/24, p. 18, para. 5 (Ugalde).
7C. Thorne, “Assessment of the physical impact of works carried out by Nicaragua since October 2010 on the
geomorphology, hydrology and sediment dynamics of the San Juan River and the environmental impacts on Costa Rican
territory”, p. I-59, para. I.5.2 (MCR, Vol. I, p. 383). See also p. I-55, para. I.4.13 and p. I-56, para. I.4.14.
77
CR 2013/24, pp. 29-31, para. 10 (Wordsworth).
78
MCR, Vol. I, p. I-59, para. I.5.3. - 42 -
restated this in your Order of 8 March 2011, citing by way of example the first Order rendered in
the Genocide case : 80
“the Court, pursuant to Article 41 of its Statute, has the power to indicate provisional
measures when irreparable pr81udice could be caused to rights which are the subject of
the judicial proceedings” .
45 The measures requested must thus be “justified to prevent irreparable prejudice to the rights which
82
are the subject of the dispute” , and they are only indicated by the Court if, and to the extent that,
“any such violations would not be capable of being remedied at the merits stage of the
proceedings” . 83
9. The absence of any irreparable prejudice likewise renders moot Costa Rica’s third
provisional request, whereby it seeks authorization to carry out remedial works, without any form
of supervision, on the pretext of preventing irreparable prejudice which does not exist.
[Slide 1: Cleveland Award (22 March 1988), para. 3.6]
10. And I would remind you , moreover, that even if Costa Rica were able to show, when
the merits of the case are considered, that the disputed works had genuinely caused prejudice
which is highly unlikely then, under the terms of the Cleveland Award, the sole form of redress
which it would be entitled to claim would be compensation. However, in accordance with a line of
decisions dating back to the Permanent Court, prejudice which is capable of compensation cannot
7See, inter alia, Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Interim Protection, Order of
11 September 1976, I.C.J. Reports 1976, p. 12, para. 33; LaGrand (Germany v. United States of America), Provisional
Measures, Order of 3 March 1999, I.C.J. Reports 1999 (I), p. 15, para. 22; Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J. Reports 2006, p. 129, para. 61; Request for
Interpretation of the Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v.
United States of America) (Mexico v. United States of America), Provisional Measures, Order of 16 July 2008, I.C.J.
Reports 2008, p. 328, para. 65; Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial
Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008,
p. 392, para. 128, or Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the Temple of
Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand), Provisional Measures, Order of 18 July 2011, I.C.J.
Reports 2011 (II), p. 548, para. 46. See also Legal Status of the South-Eastern Territory of Greenland, Order of
11 May 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 48, p. 284.
8Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional Measures, Order of 8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 19, para. 34.
8Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Provisional
Measures, Order of 8 March 2011, I.C.J. Report 2011 (I), p. 21, para. 63.
8Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 11, para. 31. See also Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional
Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J. Reports 1991, p. 16, para. 16.
8Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006,
I.C.J. Reports 2006, p. 131, para. 70.
8CR 2011/12, p. 61, para. 24 (Pellet). - 43 -
85
be regarded as “irreparable” at the provisional measures stage . The present Court has confirmed
it, in particular in the Aegean Sea Continental Shelf case. In its Order of 11 September 1976, the
Court held that, since the alleged internationally wrongful act might, if it were proved, “be capable
of reparation by appropriate means”, the Court was “unable to find in that alleged breach of
86
Greece’s rights such a risk of irreparable prejudice to rights in issue before the Court” . The same
applies in our case: if you were to find, Members of the Court, at the merits stage, that, by
46 wrongful conduct attributable to it, Nicaragua had caused prejudice to Costa Rica, that highly
hypothetical prejudice could be made good (and could only be made good in accordance with the
Cleveland Award) by compensation.
[End of slide 1]
11. The alleged prejudice is not real and, a fortiori, not irreparable; and nor does it present
the “imminent risk” that would make it urgent to indicate provisional measures.
12. According to Costa Rica, the urgency of the measures which it calls upon the Court to
pronounce is based on the fact that:
“Nicaraguan presence in the disputed territory includes members of Nicaragua’s armed
forces” . The Agent of Nicaragua has stated in writing 88 and repeated it just now: that is
untrue; no member of the Nicaraguan military has taken part in the contested activities;
nor is it true that “Nicaragua is currently engaged in detrimental activity to the environment,
89
including dumping of material” , or, as the Agent of Costa Rica told us yesterday,
“Nicaragua’s works . . . are currently ongoing” . Our Agent likewise stated it in writing and
has repeated it at these hearings: no Nicaraguan “personnel” are present in the disputed
territory; and it cannot therefore be claimed that Nicaragua is inflicting “continued damage . . .
8See Denunciation of the Treaty of 2 November 1865 between China and Belgium, Orders of 8 January,
15 February and 1 June 1927, P.C.I.J., Series A, No. 8, p. 7; Factory at Chorzów, Order of 21 November 1927, P.C.I.J.,
Series A, No. 12, p. 6.
8Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Interim Protection, Order of 11 September 1976, I.C.J.
Reports 1976, p. 12, para. 33.
8Request for the indication of provisional measures, para. 23.
88
Letter from Nicaragua to the International Court of Justice dated 10 October 2013 (HOL-EMB-193).
8Request for the indication of provisional measures, para. 23.
9CR 2013/24, p. 15, para. 5 (Álvarez). - 44 -
91
on Costa Rican territory which is the subject of the present dispute” (and I would comment in
passing that, in using the expression “Costa Rican territory”, Costa Rica is asserting something
that will be for it to prove);
92
neither is it true that “the work in both new caños is incomplete and ongoing” ; incomplete,
certainly, but “ongoing” is here again untrue: all of the persons who had entered the disputed
territory in order to engage in those works have departed from it on the instructions of the
Nicaraguan Government, which has seen to it that the provisional measures indicated by the
Court in 2011 are scrupulously complied with. I shall be returning to this;
it is thus equally untrue that “the new artificial caño to the east . . . is continuing to be
47
constructed” , just as it is untrue to speak of “Nicaragua’s continued activities in the disputed
94 95
area” , or to say that “Nicaragua has organized, directed and sponsored their presence there” .
Admittedly, the activities in question have occurred but on the sole initiative of Mr. Pastora,
and as soon as the Head of State got wind of them, he condemned them and ordered their
cessation.
13. Mr. President, the Court, according to its own formulation, will only exercise its power
to indicate provisional measures “if there is urgency in the sense that there is a real risk that action
prejudicial to the rights of either party might be taken before the Court has given its final
96
decision” . That is not the case here: the urgency invoked by Costa Rica is based at best on a
misunderstanding of the true situation as it is today on the ground, following the firm intervention
91CR 2013/24, p. 15, para 5 (Álvarez).
92
Ibid., para. 25.
93Ibid., para. 24.
94Ibid., para. 25.
95CR 2013/24, p. 19, para. 8 (Ugalde).
96
Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Provisional Measures, Order of 15 October 2008, I.C.J. Reports 2008, p. 392,
para. 129. See also Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional
Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 22, para. 35; LaGrand (Germany v. United States of
America), Provisional Measures, Order of 3 March 1999, I.C.J. Reports 1999 (I), p. 15, para. 22; Arrest Warrant of
11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v. Belgium), Provisional Measures, Order of 8 December 2000, I.C.J.
Reports 2000, p. 201, para. 69; Certain Criminal Proceedings in France (Republic of the Congo v. France), Provisional
Measures, Order of 17 June 2003, I.C.J. Reports 2003, p. 107, para. 22; Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v.
Uruguay), Provisional Measures, Order of 23 January 2007, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 11, para. 32, or Request for
Interpretation of the Judgment of 31 March 2004 in the Case concerning Avena and Other Mexican Nationals (Mexico v.
United States of America) (Mexico v. United States of America), Provisional Measures, Order of 16 July 2008,
I.C.J. Reports 2008, pp. 328-329, para. 66. - 45 -
of the competent Nicaraguan authorities at the highest State and military level; at worst,
Costa Rica’s invocation of urgency is motivated by its wish to create a diversion in order that we
should forget about the serious threat that Costa Rica’s conduct continues to pose to the San Juan
River and its environment.
2. The condemnation of Nicaragua’s contested activities
14. Mr. President, secondly, I need to return, more specifically, to the consequences of the
condemnation of Nicaragua’s contested activities in relation to each of the measures requested by
Costa Rica.
[Slide 2: The third and fourth measures requested by Costa Rica]
48 15. We can leave aside the fourth request, concerning the obligation to inform the Court:
this is an ancillary request, which would only be relevant if the Court were to grant any of
Costa Rica’s other requests and which, moreover, duplicates the fourth measure indicated by the
Court in its Order of 2011. As to Costa Rica’s third request, the absence of any risk of irreparable
prejudice suffices to dismiss it, since its exclusive stated aim is to prevent such prejudice. For the
rest, I would refer you, Members of the Court, to what my colleague and friend Steve McCaffrey
had to say about it. This leaves the first two requests, the text of which is currently on your
screens.
[End of slide 2; slide 3: The first and second measures requested by Costa Rica]
16. These relate, first, to the suspension of any work by way of dredging or otherwise in the
disputed territory, and specifically to the cessation of the activities ill-advisedly undertaken by
Mr. Pastora, without authorization from the higher Nicaraguan authorities, in the two small caños
to which Costa Rica has drawn attention; and, secondly, to the withdrawal from that same territory
of the Nicaraguan nationals introduced there in those circumstances.
17. However, as the Agent of Nicaragua stated in his letter to the Registrar of 10 October,
the text of which is reproduced at tab 17 of your folders:
“As Nicaragua advised Costa Rica by Diplomatic Note on 18 September, it ‘has
not authorized any type of work in the disputed area and has not sent personnel there’.
Nicaragua formally reiterates this statement. Costa Rica’s allegation, unsupported by
proof or even citation, that ‘Nicaraguan presence in the disputed area includes
members of Nicaragua’s armed forces’ is false. There are not, and have not been, any - 46 -
members of Nicaragua’s armed forces, in the area that is described in Costa Rica’s
Request. Nor has Nicaragua authorized Mr. Pastora or any other individual to perform
any kind of activity in the disputed area.
Nicaragua had no knowledge of Mr. Pastora’s alleged activities inside an area
Nicaraguan security forces are not allowed to patrol until, following Costa Rica’s
public statements, he gave interviews to various Central American news media on
18 September. In response, Mr. Pastora was instructed to withdraw himself, his
employees and his equipment from the disputed area, and to remain outside it.
Nicaragua has confirmed his compliance with this instruction.”
And even more:
“Further, the Army of Nicaragua has been instructed to conduct regular patrols
along the San Juan River adjacent to the disputed area to assure that no Nicaraguan
government officials, employees, contractors or other personnel enters it, and that the
Court’s Order of 8 March 2011 is strictly complied with.”
49 This is a long quotation, Mr. President, but it seemed to me necessary to remind you of these
essential facts, which have been provided by the highest authorized representative of the Republic
of Nicaragua before the Court: its Agent.
18. Already, in your Order of 8 March 2011, you refused to indicate certain of the
provisional measures requested by Costa Rica after noting that Nicaragua had provided information
on the cessation of the actions referred to. I quote paragraph 74 of that decision:
“Whereas Nicaragua’s written responses set out above . . . indicate that the
work in the area of the caño has come to an end; whereas the Court takes note of that;
whereas the Court therefore concludes that, in the circumstances of the case as they
now stand, there is no need to indicate the measures numbered (2), (3) and (4) as set
out in paragraph 73 above.” 97
19. That is in line with the position that you have taken on other occasions. To give just
three recent examples:
in your Order of 17 June 2003, you took note of the statements by the Agent and counsel of
France and dismissed the request for provisional measures by the Republic of the Congo in the
case concerning Certain Criminal Proceedings in France ; 98
similarly, in your Order of 13 July 2006 in the Pulp Mills case, you held that, since the Agent
of Uruguay had,
97Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Order of
8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 24, paras. 73-74.
98Provisional Measures, Order of 17 June 2003, I.C.J. Reports 2003, pp. 109-110, paras. 3See also
Passage through the Great Belt (Finland v. Denmark), Provisional Measures, Order of 29 July 1991, I.C.J.
Reports 1991, p. 18, para. 27. - 47 -
“inter alia, reiterated at the conclusion of the hearings the ‘intention [of Uruguay] to
comply in full with the 1975 Statute of the River Uruguay and its Application’”;
and,
“taking note, in particular, of these commitments affirmed before the Court by
Uruguay, the Court does not consider that there are grounds for it to indicate the
99
remaining provisional measures requested by Argentina” ;
likewise again, in your Order of 28 May 2009 in the Hissène Habré case, you took note of “the
50 assurances given by Senegal [and found] that the risk of irreparable prejudice to the rights
claimed by Belgium [was] not apparent on the date of [that] Order” . 100
20. Our opponents’ attitude yesterday morning was not, to tell you the truth, a particularly
friendly one: in an attempt to rescue their request for the indication of provisional measures
which is clearly superfluous, not to say abusive they produced the ultimate insult of the
floundering advocate, and claimed that Nicaragua was acting in bad faith:
“Nicaragua has undertaken a consistent and long-standing campaign to flout its international
obligations to Costa Rica, making a mockery of the principle of good faith” , thundered the
Agent of Costa Rica;
Messrs. Ugalde, Wordsworth and Kohen quite openly accused us of lying ; while, 102
for his part, Professor Crawford, taking a particularly virulent line, denounced Nicaragua’s bad
faith , and cast doubt on the good faith of its Agent and counsel: “the legal representatives of
104
a country have a distinct obligation of good faith” . My opponent and nonetheless my
friend for whom nothing appears to be too extreme, and doubtless forgetting that counsel
representing a State before the Court have a duty of restraint and moderation, even went so far,
as Mr. Reichler reminded us just now, to describe Nicaragua as a “repeat offender and
99Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006,
I.C.J. Reports 2006, p. 134, paras. 83-84.
100Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Provisional Measures,
Order of 28 May 2009, I.C.J. Reports 2009, p. 155, para. 72.
101CR 2013/24, p. 16, para. 8 (Álvarez).
102
Ibid., p. 25, para. 26 (Ugalde), p. 34, para. 24 (Wordsworth), p. 52, para. 15 (Kohen).
103
Ibid., pp. 36-47 (Crawford).
104Ibid., p. 38, para. 10 (Crawford). - 48 -
recidivist!” . Insults, Mr. President, do not strike me as the best way for an advocate to
106
indicate his respect for the authority of the Court which he boasts of upholding .
21. Mr. President, bad faith is not to be presumed 107 and, in immediately recognizing acts
that it had neither desired nor encouraged, and putting a stop to them in accordance with your
51 Order of 2011, Nicaragua has in any case more than adequately demonstrated its good faith, and
shown that the lack of trust implicit in a pointless reprimand would be misplaced. And I would add
that one of Costa Rica’s most touted arguments 108 rebounds against itself: the fact that Nicaragua
did not reply immediately to the Costa Rican Foreign Minister’s Note of 17 September, but
immediately instituted an inquiry, is proof of his good faith: the President and the highest
national military authorities had no idea that the 2011 Order could have been violated, despite the
binding nature of the measures indicated, which Nicaragua in no way challenges.
22. As to the question of whether Nicaragua is responsible for the ultra vires actions of
Mr. Pastora , that is possible under the excellent ILC Articles on State Responsibility, but this is
not the point at issue today before the Court. Except in terms of one specific aspect: in invoking
Article 7 of those Articles, Costa Rica implicitly accepts that the higher authorities of Nicaragua
were not aware of Mr. Pastora’s actions; that is indeed the case, but how then can our opponents
accuse Nicaragua of bad faith? Responsible, perhaps, but certainly not in any event at fault or
culpable, notwithstanding the insults hurled at us by Professor Crawford!
[End of slide 3]
3. It would serve no purpose to restate the measures indicated in 2011
[Slide 4: Comparative table of the measures requested by Costa Rica and those indicated by the
Court in 2011]
105CR 2013/24, pp. 44-45, para. 31 (Crawford).
106See ibid., p. 45, para. 33.
107
Lac Lanoux Case, Arbitral Award of 16 Nov. 1957, United Nations, Reports of International Arbitral Awards
(RIAA), Vol. XII, p. 305. See also the Tacna Arica Question (Chile/Peru), Arbitral Award of 4 March 1925, RIAA,
Vol. II, pp. 929-930; Mavrommatis Jerusalem Concessions, Judgment No. 5, 1925, P.C.I.J., Series A, No. 5, p. 43;
Certain German Interests in Polish Upper Silesia, Merits, Judgment No. 7, 1926, P.C.I.J., Series A, No. 7, p. 30.
108
See in particular CR 2013/24, p. 24, para. 25 (Ugalde) and p. 40, paras. 18-20, and p. 44, para. 30 (Crawford).
109CR 2003/24, pp. 24-25, para. 25 (Ugalde) and pp. 42-43, paras. 24-28 and p. 44, para. 30 (Crawford). - 49 -
23. Mr. President, it is not without interest to compare side by side the measures that the
Court indicated in its Order of 8 March 2011 and those requested by Costa Rica on
24 September 2013. This is my third point. The table which is being shown at the moment and
which you can find at tab 18 of your folders provides that comparison.
24. In its request for the indication of provisional measures, Costa Rica stated:
“For the avoidance of doubt, this is not a request for modification of the Court's
Order on provisional measures of 8 March 2011. It is an independent request based on
52 new facts. This Request concerns two distinct and new artificial channels, or caños . . .
[T]hese two new artificial caños are located in the ‘disputed territory’ which is the
110
subject of the Court's Order of 8 March 2011.”
25. Even if the unauthorized work carried out by Mr. Pastora had caused damage — which,
as I have pointed out, is not the case — it is difficult to see what the indication of the first two
measures requested by Costa Rica could add to the first provisional measure indicated by the Court
in 2011: “Each Party shall refrain from sending to, or maintaining in the disputed territory,
111
including the caño, any personnel, whether civilian, police or security.” What is at issue is
neither a modification of that measure, nor, contrary to what Costa Rica contends , a new 112
measure, but merely a reiteration of that measure: the measure indicated in 2011 — which
Nicaragua in no way disputes — covered — and covers — all the “disputed territory”, including of
course the territory where the work that is contested by Costa Rica and condemned by Nicaragua
has taken place . That is clear, and it is difficult to see how “the circumstances, as they now
114
present themselves” are “such as to require a more specific indication of measures” : the Court
declined such a request in 1993 in the Genocide case, and it would be rather surprising for it to
agree to do so in the present case — I shall come back to this in a moment.
26. It is true that in the Genocide case, your distinguished Court considered it appropriate to
115
“reaffirm” provisional measures that it had already indicated in a previous Order . It found that
110
Request for the indication of provisional measures, para. 4.
111Certain Activities carried out by Nicaragua in the Border Area (Costa Rica v. Nicaragua), Order of
8 March 2011, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 27, para. 86, point (1) of the operative clause.
112Request for the indication of provisional measures, para. 4.
113
CR 2013/24, p. 18, para. 5, and p. 24, para. 23 (Ugalde).
114Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 13 September 1993, I.C.J.
Reports 1993, p. 347, para. 46.
115Ibid., pp. 349-350, para. 61. - 50 -
the situation at the time demanded “not an indication of provisional measures additional to those
indicated by the Court’s [previous] Order, . . . but immediate and effective implementation of
116
those measures” . I am sure that you will agree with me, Members of the Court, that the
53 circumstances were not comparable: at the time there was “a grave risk of acts of genocide being
committed” , a crime which, as the Court recalled, “shocks the conscience of mankind, results in
great losses to humanity . . . and is contrary to moral law and to the spirit and aims of the United
Nations” . I venture to say that, compared to that human tragedy, the circumstances of the
present case are of minimal significance and, however unfortunate it may be, the “blunder” which
Costa Rica has brought before you does not warrant the solemn reaffirmation of measures to which
Nicaragua has confirmed its attachment.
27. The third measure requested by Costa Rica raises some quite specific problems in this
regard. If we compare it with the second measure indicated by the Court in its Order of 2011,
which was already highly skewed in favour of the Applicant, it appears to be nothing more than, let
us say . . . a slimmed-down version. Costa Rica’s request in fact asks the Court to give it carte
blanche to undertake “remediation” works in the zones encircling what it calls “the surrounding
areas” of the two caños. I shall not go back over the fact that, in the absence of any risk of
irreparable prejudice, there is no basis for this request. But I would further note that Costa Rica
would like you to remove from its decision of 2011 all the safeguards that you put in place
surrounding the possibility granted by the Court to Costa Rica to
“dispatch civilian personnel charged with the protection of the environment to the
disputed territory, including the caño, but only in so far as it is necessary to avoid
irreparable prejudice being caused to the part of the wetland where that territory is
situated”.
And there is a specific provision to that end:
“Costa Rica shall consult with the Secretariat of the Ramsar Convention in regard to
these actions, give Nicaragua prior notice of them and use its best endeavours to find
common solutions with Nicaragua in this respect”.
11Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of 13 September 1993, I.C.J.
Reports 1993, p. 349, para. 59 (emphasis added).
11Ibid., p. 347, para. 49; see also Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime
of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of
8 April 1993, I.C.J. Reports 1993, p. 22, para. 45.
118
Ibid., p. 348, para. 51. - 51 -
28. The day before the expedition of 18 September, Costa Rica informed Nicaragua of its
intention, but it refrained from endeavouring “to find common solutions with Nicaragua” as it was
obliged to do — which doubtless would have avoided the need for us to be here today to discuss
measures which are already in place on the ground.
54 29. In any event, there can be no doubt that Costa Rica is seeking to use this regrettable
episode associated with Mr. Pastora’s unfortunate initiatives to free itself from any constraints:
no further reference to the restriction on the dispatch of civilian personnel; apparently, the
Applicant would not be unhappy to send there elements of what serves as its army;
whereas the Order of 2011 uses the expression “only in so far as it is necessary”, the wording
that Costa Rica would like you to adopt is more permissive: “to the extent necessary”; and
above all,
Costa Rica is asking you to exempt it from any restrictions, be it the obligation to consult with
the Secretariat of the Ramsar Convention in regard to its actions, to give Nicaragua prior notice
or to find common solutions with the latter.
Mr. President, Nicaragua reaffirms its commitment to comply with the provisional measures
indicated in 2011; it would like Costa Rica to do the same.
30. What is more, if you were to give Costa Rica satisfaction in that regard, you would be
prejudging the merits of the case, because Costa Rica’s request
“cannot be regarded as relating to the indication of measures of interim protection, but
as designed to obtain an interim judgment in favour of a part of the claim formulated
in the Application above mentioned; . . . consequently, the request under consideration
is not covered by the terms of the provisions of the Statute and Rules cited therein” .119
This citation, taken from the Order of the Permanent Court of International Justice on provisional
measures in the Factory at Chorzów case, applies in all respects to the present case: by making its
requests in particular the third Costa Rica is seeking to have the Court recognize that the
119Factory at Chorzów, Order of 21 November 1927, P.C.I.J., Series A, No. 12, p.10. - 52 -
territory where the disputed facts took place belongs to it. However, the Court cannot prejudge the
120
merits of the case at the provisional measures stage .
55 4. The measures requested by Costa Rica would have no effect and represent a threat
to the integrity of the Court’s judicial function
31. I turn to my fourth and final point, Mr. President: the inevitable lack of effect of the
measures requested by Costa Rica. There are two possibilities: either Costa Rica confines itself to
requesting the Court to reaffirm the measures of 2011 and that is a complete waste of time:
Nicaragua in no way disputes that those measures are still in force and continue to apply to both
Parties or else it requests new measures and, as I have shown, the conditions for their indication
have not been met. What is more, the steps taken by the President of the Republic of Nicaragua as
soon as he was informed of the situation not only render the adoption of new measures superfluous,
but they also mean that those measures could have no concrete effect.
32. This situation is the result of a combination of the two elements to which I have just
referred:
first, it is understandable that Costa Rica did not welcome Mr. Pastora’s initiatives and that
those initiatives may even have been seen as official decisions of Nicaragua; but such
confusion is no longer possible today: as soon as it was informed, the Nicaraguan Government
took the necessary measures to bring about a cessation of that conduct, which was unlawful
and in breach of the Order of 8 March 2011; and
second, the action taken by Nicaragua responds in all respects to Costa Rica’s declared wishes;
and that is why the Agent of Nicaragua, by the letters of 10 and 11 October 2013 that he sent to
the Registrar of the Court, renewed his country’s commitment to comply fully with those
wishes:
“As indicated by the internal correspondence I am attaching to this letter, upon
learning of Mr. Pastora’s public statements about his activities in the area of the mouth
of the river, President Daniel Ortega immediately requested that the Executive
President of the National Port Authority, which is responsible, inter alia, for dredging
activities in the River, promptly investigate the situation and report back to him. After
120Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Provisional Measures, Order of 10 January 1986, I.C.J.
Reports, p. 11, para. 29; Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of
America), Provisional Measures, Order of 10 May 1984, p. 182, para. 31; Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures, Order of 15 March 1996, I.C.J. Reports 1996 (I),
p. 22, para. 40. - 53 -
receiving the report from the National Port Authority the following day,
President Ortega issued an instruction that required Mr. Pastora to withdraw himself,
his crew and his equipment from the disputed area, and that prohibited the entry into
the area by any government official or employee, as well as by any private contractor
engaged by the government. President Ortega then ordered the Army of Nicaragua to
increase its vigilance along the River to assure that there would be no unauthorized
entry into the disputed area by any such persons, and that the Court’s Order of
8 March 2011 would be scrupulously complied with. Nicaragua has confirmed that
President Ortega’s instruction and order, both of which were issued before Costa Rica
56 filed its Request for the Indication of Provisional Measures were fully complied
with.” 121
33. I have difficulty, Mr. President, in seeing what any new measures the Court might
indicate could add to those provisions and what further protection they would provide. As the
Agent of Nicaragua wrote, “Costa Rica’s Request is, in a word, moot” . 122
34. Members of the Court, you can only refuse to grant such a request:
“The function of the Court is to state the law, but it may pronounce judgment
only in connection with concrete cases where there exists at the time of the
adjudication an actual controversy involving a conflict of legal interests between the
parties. The Court’s judgment must have some practical consequence in the sense that
it can affect existing legal rights or obligations of the parties, thus removing
uncertainty from their legal relations. No judgment123 the merits in this case could
satisfy these essentials of the judicial function.”
That is what you stated in 1963 in the Northern Cameroons case. What is valid for judgments is
equally valid for orders indicating provisional measures. “[T]he Court can exercise its jurisdiction
124
in contentious proceedings only when a dispute genuinely exists between the parties.” When a
request is or becomes devoid of purpose, “any adjudication [becomes] devoid of purpose” . 125
That is the case with the decision which Costa Rica is asking you to take.
35. Mr. President, please accept my apologies for addressing you from a somewhat unusual
position. I am very grateful to the Registry for its assistance and to the Court for its understanding.
Mr. President, Members of the Court, that concludes the first round of oral argument of Nicaragua.
121
Letter dated 11 October 2013 sent to the International Court of Justice by Nicaragua.
122
Letter dated 10 October 2013 sent to the International Court of Justice by Nicaragua (HOL-EMB-193).
12Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963,
pp. 33-34.
124
Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 477, para. 60. See also Nuclear
Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 271, para. 57.
125
Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963,
p. 38; also cited in the Nuclear Tests cases (see previous footnote). - 54 -
On behalf of our entire team, I should like to thank you for listening with your customary patience
and consideration.
57 THE PRESIDENT: Thank you, Mr. Pellet. That ends the first round of oral observations of
Nicaragua. The Court will meet again tomorrow morning at 10 a.m. to hear the second round of
oral observations of Costa Rica. The sitting is closed.
The Court rose at 1 p.m.
___________
Translation