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CR 2012/30 (traduction)

CR 2012/30 (translation)

Jeudi 6 décembre 2012 à 15 heures

Thursday 6 December 2012 at 3 p.m. - 2 -

Le PRESIDENT: Bonjour. Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour
12

entendra cet après-midi le début du premier tour de plaidoiries du Chili. Je note que

S. Exc. M. Alfredo Moreno, ministre des relations extérieures du Chili, est aujourd’hui présent à

l’audience. J’appelle à la barre S. Exc. M. Van Klaveren Stork, agent du Chili. Monsieur l’Agent,

Vous avez la parole.

M. van KLAVEREN STORK :

1. Introduction

1.1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un grand

honneur de prendre la parole devant cette éminente juridiction au nom du Chili, pays épris de paix

qui attache la plus haute importance à la coopérati on et à la primauté du droit dans les relations

internationales.

1.2. Le Chili et le Pérou entretiennent des re lations pacifiques depuis 130 ans. Nous avons,

en d’innombrables occasions, travaillé ensemble pour renforcer l’intégration économique, favoriser

le développement et améliorer le so rt de nos peuples respectifs. La bonne foi, le respect mutuel et

l’observation des accords internationaux sont les principes qui guident nos relations avec le Pérou.

1.3. Toutes les questions frontalières qui se posai ent entre le Chili et le Pérou ont été réglées

il y a bien des décennies. Nous avons fixé notre frontière terrestre par voie d’accord en1929 et

1
avons procédé à sa démarcation et à son abornement en 1929 et 1930 . Notre frontière maritime a

été établie en 1952 par un traité trila téral conclu par le Pérou, l’Equa teur et le Chili, connu sous le

nom de déclaration sur la zone maritime ou déclarat ion de Santiago, dans lequel les trois Etats ont

déclaré revendiquer chacun une zone maritime de 200milles . Deuxans seulement plus tard,

en1954, les Parties ont conclu un accord relatif à une zone frontière maritime spéciale, et ont

expressément convenu que cet accord ferait partie intégrante de la déclaration de Santiago 3. En

décidant d’un commun accord en1968 et1969 de faire construire des phares d’alignement pour

1MP, vol. II, annexes 45, 54 et 55.
2
Ibid., annexe 47.
3Ibid., annexe 50. - 3 -

signaler le parallèle constitu ant la frontière maritime 4, nous avons, conjointement, donné

matériellement effet à la frontière, et ce de façon permanente.

1.4. L’existence de ces accords suffit à établir le bien-fondé de la cause du Chili. Cependant,

celle-ci ne repose pas seulement su r des accords. Elle est fondée également sur soixante ans de

pratique confirmant l’existence d’une frontière ma ritime à vocation générale intégralement définie.
13

Le Chili a fourni à la Cour de multiples éléments de preuve attestant de ce qui a été convenu entre

les Parties. Le Pérou n’a pas agi aussi franchement. Il n’a produit aucun moyen de preuve

montrant que cette frontière maritime à vocation gé nérale ne serait en fait qu’une limite provisoire

établie selon un arrangement concernant la pêche.

1.5. Or, cet argument est l’un de ceux avan cés par le Pérou pour demander à la Cour de

revoir la frontière convenue. Il s’agit d’un ar gument nouveau que les éléments historiques ne

viennent nullement étayer. Durant des dizaines d’années, le Chili et le Pérou ont rempli de bonne

foi leurs obligations conventionnelles. Pourtant, en introduisant la présente instance, le Pérou est

allé jusqu’à nier l’existence de la frontière maritime, assertion pour le moins étonnante alors que

nous célébrons le soixantième anniversaire de la déclaration de Santiago.

1.6. En1998, le Pérou et l’ Equateur ont conclu un accord sur leur frontière terrestre, et

en 1999, le Chili et le Pérou ont signé un mémora ndum de mise en Œuvre accordant au Pérou des

facilités portuaires à Arica. Toujours en 1999, la commission des affaires étrangères du Parlement

péruvien a ensuite déclaré que la signature de ce s instruments «met[tait] fin à tout différend qui

[pouvait] subsister» [traduction du Greffe] avec les voisins du Pérou 5. Le ministre péruvien des

relations extérieures a par ailleurs réaffirmé cette déclaration lors de la signature avec le Chili du

mémorandum de mise en Œuvre de1999 6. On voit mal comment, si la frontière maritime était

encore contestée ou n’existait pas, le ministre pér uvien des relations extérieures et le Parlement

péruvien auraient pu l’ignorer.

1.7. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, la présente affaire porte sur

l’interprétation et l’application des traités exista nts. Le fait est qu’aucun des espaces maritimes

4Ibid., annexe 59 ; MP, vol. III, annexes 74 et 75 ; CMC, vol. II, annexe 6.
5
CMC, vol. IV, annexe 183.
6Ibid., annexe 182. - 4 -

considérés ne reste à délimiter. Il incombe à la Cour de faire respecter le principe pacta sunt

servanda et d’assurer ainsi la stabilité d’une frontière maritime déjà établie.

1.8. Je vais maintenant résumer simplement l’hi storique et le contexte de la conclusion par

les Parties d’un traité de délimitation maritime, puis de divers accords de mise en Œuvre de celui-ci.

2. L’accord de délimitation maritime conclu entre les Parties

et les traités d’application ultérieure

2.1. En1947, le Chili et le Pérou ont émis des proclamations unila térales concordantes par

lesquelles ils revendiquaient la souveraineté et la juridiction ⎯je répète, la souveraineté et la

14 juridiction ⎯ sur une zone maritime s’étendant jusqu’ à 200 milles marins au moins de leurs côtes

respectives . Le Pérou a défini sa zone maritime comme s’étendant vers le large jusqu’à une

distance «calculée suivant la li gne des parallèles géographiques» 8. Cette formule s’appliquait aux

limites latérales séparant le domaine maritime du Pérou de ceux tant du Chili que de l’Equateur.

Comme la commission des relations extérieures du Parlement péruvien l’a expliqué par la suite, les

9
proclamations de 1947 constituaient un «précédent indispensable» à la déclaration de Santiago et à

l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale.

2.2. Le 18 août 1952, le Chili, l’Equateur et le Pérou ont signé la déclaration de Santiago. Le

professeurDupuy analysera cet instrument un peu plus tard. Je me bornerai pour l’instant à

souligner que cette déclaration est et a toujours été un traité, conforme à la définition figurant dans

la convention de Vienne sur le droit des traités.

2.3. La déclaration de Santiago, en son article IV, fixe la frontière entre les zones maritimes

respectives des Parties. La ligne frontière convenue par les Parties à ce traité était et reste «le

10
parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cause» .

2.4. Comme le professeur Crawford l’expliquera cet après-midi, le procès-verbal des travaux

de la commission des affaires juridiques chargée de la rédaction de la décl aration de Santiago (le

procès-verbal de 1952) confirma que l’article IV fi xait une frontière maritime à vocation générale.

7MP, vol. II, annexe 27 ; ibid., annexe 6.
8
Ibid., art. 3.
9
DC, vol. III, annexe 78, p. 1.
10MP, vol. II, annexe 47, point IV. - 5 -

Ce procès-verbal donne acte de ce que les trois Etats signataires considéraient d’un commun accord

que la déclaration de Santiago «pos[ait] en princi pe que la ligne frontière délimitant le domaine

maritime de chacun des pays correspond[ait] au pa rallèle passant par le point où aboutit en mer la

11
frontière terrestre le séparant des autres» .

2.5. Deux ans plus tard, les Parties ont e xpressément réaffirmé qu’elles interprétaient la

déclaration de Santiago comme fixant les frontières maritimes entre le Pérou et ses voisins, comme

en témoignent le procès-verbal de la confér ence tripartite de1954 (le procès-verbal de1954) 12et

les termes de l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale. Les Parties ont conclu cet

accord sur la base de leur frontière maritime exista nte, comme cela ressort du titre de celui-ci, de

ses attendus et du premier article de son dispositif.

15 2.6. Enfin, en1968 et 1969, les Parties ont signé des accords prévoy ant la signalisation du

parallèle constituant la frontière maritime.

2.7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, l’Equateur et le Chili partagent

depuis 1952 la même interprétation de la déclaration de Santiago, à savoir que celle-ci constitue un

accord de délimitation maritime entre le Chili et le Pérou et entre le Pérou et l’Equateur. Comme le

professeur Dupuy l’expliquera demain, l’échange de notes de 2011 entre le Pérou et l’Equateur n’a

fait que confirmer cette interprétati on historique de la déclaration de 1952. En faisant référence à

cet échange de notes remarquablement récent, le Pé rou cherche à renforcer sa position vis-à-vis du

Chili en la présente instance. Il prétend que l’éch ange de notes a, pour la première fois, établi une

frontière maritime entre le Pérou et l’Equateur. Or, la frontière dont il s’agit n’est nullement une

nouvelle frontière. Le pa rallèle spécifié en2011 coïncide ex actement avec la frontière maritime

convenue en vertu de la déclaration de Santiago et de l’accord relatif à une zone frontière maritime

spéciale.

3. Pratique ultérieure et effet donné à la frontière maritime

3.1. Monsieur le président, le Pérou et le Chili exercent depuis soixante ans une possession

paisible de part et d’autre du parallèle frontière convenu.

11
Ibid., annexe 56, p. 2.
12CMC, vol. II, annexe 38. - 6 -

3.2. Le Chili a soumis à la Cour de nombre ux éléments de preuve qui montrent que le

parallèle frontière a servi et a été respecté à de multiples fins, dont la pose de câbles sous-marins, le

contrôle du respect de la réglementation des pêcheri es et le contrôle de l’espace aérien. Le Pérou

aurait pu en maintes occasions élev er des protestations contre le s actes du Chili donnant effet à la

frontière. Or, il ne l’a jamais fait. Bien lo in de là, il a pour sa part défendu vigoureusement ses

13
droits souverains, en se référant maintes fois à sa frontière maritime .

3.3. Le Pérou soutient que, s’il s’est abste nu durant soixante ans d’élever des objections aux

incursions dans la zone dont il prétend qu’elle est en litige, c’est parce qu’agir ainsi «constituait la

solution la moins controversable» 14et qu’il voulait «éviter…toute confrontation avec les Etats

voisins» 15. Ces arguments ne font que confirmer le peu de solidité de la cause du Pérou. Son

comportement a certainement été fort différent de celui d’un Etat qui aurait considéré que ses

ressources étaient exploitées par son voisin !

o
16 3.4. Sur le plan interne, le décret présidentiel n 23 du 12 janvier 1955 indiquait que la zone

maritime du Pérou était «limitée en mer par une ligne parallèle à la côte péruvienne» 16 et que cette

limite externe «ne [pouvait] dépasser le parallèle pass ant par le point où aboutit en mer la frontière

17
terrestre du Pérou» . Ce décret faisait expressément référence à l’articleIV de la déclaration de

Santiago, ce qui montrait clairement que le Pér ou reconnaissait la déclaration de Santiago comme

définissant l’une et l’autre de ses frontières maritimes.

3.5. Les accords que j’ai mentionnés précéd emment, intervenus en1968 et1969 entre le

Chili et le Pérou aux fins de la signalisation du tracé exact de leur frontière maritime, sont

particulièrement importants en tant qu’ils ma nifestent expressément la reconnaissance de la

frontière maritime. Dans les accords conclus au x fins de cette signalisation, les deux Etats

o
désignaient la première borne matérialisant leur frontière terrestre ⎯la borne, ou «Hito» n 1 ⎯

comme étant le point de référence du parallèle cons tituant leur frontière maritime. Ils chargèrent

13Voir CMC, par. 3.90-3.92, 4.33-4.37 ; DC, par. 1.31-1.35, 1.44, 3.51-3.55.
14
RP, par. 4.44.
15
Ibid.
16MP, vol. II, annexe 9, premier paragraphe du dispositif.

17Ibid., second paragraphe du dispositif. - 7 -

une commission mixte de «donner matériellement effet [materializar] au parallèle passant

o 18
par … [la] borne frontière n 1», «afin de signaler la frontière maritime» .

3.6. L’existence d’une frontière clairement définie et stable entre le Chili et le Pérou a permis

aux deux Etats de développer leur économie et de vivre en paix l’un avec l’autre durant

soixante ans. L’industrie péruvienne de la pêche est l’une des plus importantes au monde. Le Chili

et le Pérou ont coopéré sur de nombreuses questions , dont la mise sur pied d’activités présentant

des avantages pour l’un et l’autre, qui ont pu être entreprises parce qu’il n’y avait entre eux aucun

différend quant à leurs frontières maritimes. Les deux Etats, durant un demi-siècle, ont traité cette

frontière comme allant de soi. Et les habitants d’Arica, qui ne se trouve qu’à quelques kilomètres

de la frontière commune, ont fait de même.

4. Reconnaissance internationale de la frontière convenue

4.1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les frontières convenues entre

eux par les Etats parties à la déclaration de Santiago ont été reconnues par la communauté

internationale. Cette reconnaissance a maintes fo is été manifestée par des Etats tiers et des

organisations internationales dans leurs publications officielles, ainsi que par des Etats qui se sont

présentés devant la Cour. Le Pérou n’a élevé aucune objection aux positio ns ainsi exprimées par

des tiers.

17 4.2. Il est bien connu que pour les Etats de la côteouest de l’Amérique du Sud, faire

coïncider une frontière maritime avec un parallèle tracé vers le large est pratique courante. Le

Chili, l’Equateur, le Pérou et la Colombie ont ainsi retenu des parallèles pour délimiter

intégralement la zone de 200 milles marins à la quelle chacun d’eux a droit dans l’océan Pacifique,

comme vous pouvez le voir en consultant le diagramme affiché sur votre écran.

4.3. Un ancien président de la Cour, S.Ex c. M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, a expliqué

dans une étude détaillée sur les frontières ma ritimes des Etats d’Amérique du Sud que la

déclaration de Santiago constitue un accord de délim itation entre les trois Etats parties. Dans une

série d’articles sur les frontières maritimes publiés par l’American Society of International Law, il a

écrit ce qui suit :

18
CMC, par. 1.36. Voir également CMC, vol. II, annexe 6. - 8 -

«En1952, les Etats signataires de la déclaration tripartite ont innové

radicalement en matière de droit de la me r en déclarant revendiquer chacun une zone
maritime de 200milles marins. Comme il n’ y avait à l’époque ni principe connu, ni
règle convenue de délimitation, ils ont re tenu la formule du parallèle passant par le
19
point où la frontière terrestre aboutit en mer» [Traduction du Greffe.]

5. L’insatisfaction du Pérou quant à la frontière maritime existante

5.1. Il est manifeste que le Pérou est maintena nt insatisfait de la frontière maritime dont il a

convenu en1952 avec le Chili. Toutefois, cette insatisfaction ne saurait légitimer la remise en

cause d’une frontière maritime, particulièrement lors que l’existence de celle-c i a, pendant 60ans,

été un facteur de paix et de croissance économique dans les espaces maritimes situés de part et

d’autre. En1986, le Pérou a cherché à entamer des pourparlers avec le Chili, en dépêchant à

Santiago l’ambassadeur Bákula, parce que, selon lui, l’adoption de la convention des Nations Unies

20
sur le droit de la mer (CNUDM) rendait nécessaire la revision à brève échéance de la frontière .

5.2. L’invocation par le Pérou de la CNUDM était surprenante à l’époque et le reste

aujourd’hui. En effet, les dispositions de la déclaration de Santiago s’accordent avec le droit

moderne de la mer, qui trouve son expression dans la convention. Le Chili a ratifié la CNUDM et

a aligné sur elle son droit interne. Le Pérou, en re vanche, n’a rien fait de tel. Alors qu’il se refuse

à ratifier la CNUDM, il prétend que l’existence de celle-ci justifie la renégociation et la

modification d’une frontière maritime convenue.

18 5.3. La réponse du Chili à l’invitation que lui a adressée l’ambassadeurBákula a été fort

21
simple : il s’est borné à accuser poliment réception de la note du Pérou . Le Pérou n’a pas donné

suite à cette démarche. Ultérieurement, ni le Chili, ni le Pérou ne se sont abstenus de prendre des

mesures visant à assurer le respect de la frontière maritime. Rien n’a changé en1986 ou après.

Comme je l’ai déjà dit, en1999 encore, le mini stre péruvien des relations extérieures et le

Parlement péruvien déclaraient qu’il n’y avait plus aucun différend potentiel entre le Pérou et ses

voisins.

19CMC, vol. V, annexe 279, p. 285-286.
20
MP, vol. III, annexe 76.
21MP, vol. III, annexe 109, par. 2. - 9 -

5.4. Face à cette réalité, le Pérou a recours à des arguments dénués de pertinence pour tenter

de remettre en cause la frontière maritime convenue . Il a consacré 55 pages de sa réplique et une

bonne partie de ses exposés oraux à affabuler un différend sur l’emplacement du point où aboutit la

frontière terrestre, afin de détourner l’attention de la Cour de la matière véritable de la présente

affaire. Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet, mais je me bornerai à formuler trois observations,

pour en finir avec cet aspect :

⎯ premièrement, la frontière terrestre a été intégralement définie et abornée par voie d’accords

o
conclus en1929 et1930, et la borne frontière («Hito») n 1 en est le point matérialisé le plus

proche de la mer ;

o
⎯ deuxièmement, la borne frontière n 1 est le point de référenc e convenu pour le parallèle

constituant la frontière maritime ;

⎯ troisièmement, le Pérou ne peut saisir la Cour de questions relatives à la définition ou

l’abornement de la frontière terrestre, ces questions ayant été «déjà réglées au moyen d’une

entente entre les Parties», pour reprendre les termes de l’article VI du pacte de Bogotá. Toutes

les questions pendantes relatives à la frontière terrestre ont été réglées en1929, lorsque le

Pérou et le Chili ont conclu le traité de Lima. Ce traité reste pleinement en vigueur et de plein

effet.

6. Frontière maritime à vocation générale : la demande subsidiaire du Pérou

6.1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, outre sa demande de

délimitation maritime, le Pérou adresse à la Cour une seconde demande, la pria nt de dire et juger

«que, au-delà du point terminal de la frontière maritime commune, le Pérou peut prétendre à

l’exercice de droits souverains exclusifs sur un espace maritime s’étendant sur 200milles marins

depuis ses lignes de base» 2. Le Pérou dénomme cette zone le «triangle extérieur»; le Chili

l’appelle «alta mar».

19 6.2. Selon le Pérou, les deux chefs de conclu sions se caractérisent «par leur indépendance et

23
leur complémentarité» . La Cour ne manquera pas de rele ver que le second chef de conclusions

22
MP, p. 275.
23RP, par. 6.6. - 10 -

est en fait une demande subsidiaire, comme le Péro u l’a d’ailleurs admis mardi. Cette demande ne

vaut en effet que dans l’hypothèse où la Cour confirmerait la frontière convenue de 200milles

marins coïncidant avec le parallèle.

6.3. Le Pérou soutient qu’il peut prétendre à des droits souverains exclusifs sur la zone en

question, que le Chili, le Pérou lui-même et la communauté internationale ont toujours considérée

comme relevant de la haute mer. Comme M. Colson l’expliquera dema in, la déclaration de

Santiago a établi intégralement et exhaustivement la frontière maritime. Aucune zone ne reste à

délimiter. Aucune revendication n’est en suspens. Les Parties ont convenu que le Chili ne pouvait

pas étendre sa juridiction au nord du parallèle c onstituant la frontière, et que le Pérou ne pouvait

pas étendre la sienne au sud du même parallèle. Les Parties sont liées par la déclaration de

Santiago.

7. Conclusions

7.1. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, je conclurai en résumant

ainsi la position du Chili :

1. les zones maritimes respectives du Chili et du Pé rou ont été intégralement délimitées par voie

d’accord ;

2. la frontière maritime entre le Chili et le Pérou est «le parallèle passant par le point où aboutit en

mer la frontière terrestre des Etats en cause» ;

3. ce parallèle est celui passant par la borne frontière n o1, dont les coordonnées sont 18° 21' 00" S

selon le système de référence WGS84 ;

4. le Pérou ne peut prétendre à aucun droit su r une zone maritime quelconque située au sud dudit

parallèle.

7.2. Monsieur le président, le prochain e xposé qui sera fait aujourd’hui au nom du Chili est

celui de M.Dupuy, qui traitera du caractère juri dique de la déclaration de Santiago. Ensuite,

M. Colson clarifiera la description quelque peu confuse que le Pér ou a faite de la méthode du tracé

parallèle. Enfin, M.Crawford expliquera les principaux accords établissant et confirmant la

frontière maritime. - 11 -

7.3. Mr. President, Members of the Court, thank you for your attention. Mr. President, I

would now ask you to give the floor to Professor Dupuy.

20 The PRESIDENT: Thank you, Ambassador van Klaveren Stork. I give the floor to

Professor Dupuy. You have the floor, Sir.

DUrP.UY:

THE LEGAL STATUS OF THE S ANTIAGO D ECLARATION

1. Mr.President, Members of the Court, it ialways an honour to address this Court, and I

am particularly grateful to the Republic of Chile for allowing me to do so today on its behalf.

2. Peru’s first round of argument provided confirmation, if any were needed, of the abundant

talent of its counsel and advocates, and their outstanding ability to smooth the rough edges of the

difficult case they were asked to defend. Withou t bringing anything really new to the arguments

upheld in the Peruvian written pleadings, thirst round has nevertheless produced its share of

small and big surprises, be it only relatively speaking. It could be deemed surprising, for example,

that Mr.Bundy emphasized the non-existence of maritime boundaries, despite having taken great

care to note their importance in the excellent wo rk entitled “Maritime Boundaries”, in the chapter

which bears the title “State Practice in Maritime Delimitation”.

[Slide]

3. This reference work not only mentions the boundaries but provides a cartographic

depiction of them, clearly stating that they were delimited by agreement between Chile and Peru, as

well as between Peru and Ecuador.

[Slide]

4. However, this example, selected from among many others, might appear almost anecdotal

in relation to the pronounced accentuation of a tendency previously expressed much more

cautiously in the Peruvian documents, which consis ts of ceasing, without compunction, to put up

any real challenge to the fact that the Santiago Declaration is indeed a treaty containing genuinely

normative provisions, some of which are also clea rly concerned with the delimitation of maritime

boundaries. It is true that both Peru’s Memorial and its Reply had already given us a taste of the - 12 -

uneasiness clearly felt by Peru wh en it broached what is nevertheless the key question of the

21 inherent legal status of the Santiago Declaration. We had thus seen gradual shifts in the vocabulary

used by Peru, a list of which ⎯ albeit an incomplete one ⎯ is to be found at tab 31 of your folders.

Let me provide just a few examples. At the begi nning of its Memorial, the tone is still radical:

“The Declaration was conceived... not as a treaty but as a proclamation of the international

maritime policy of the three States”. 24

5. Very quickly, however, Peru introduces the idea that the non-treaty nature of the text

evolved over time. Again in its Memorial, it goes on to say of the same Declaration that it had

been “initially conceived as a soft law instrument” 25, which “acquired the status of a treaty” 26. On

second thoughts, in its Reply, as if it had immediately become aware of the potential jeopardy to its

own arguments entailed by such recognition, Peru returned in the first in stance to the original

argument that the Declaration was no more than a “provisional declarative instrument” 27or again

28
“a purely political instrument” , although it nevertheless admits that it came to be “treated as

though it were a treaty” 2!

6. Peru continued this hesitation waltz at th e beginning of the week, but drastically slowed

the rhythm of its steps, to the point where it no longer really challenged the fact that the

Declaration is indeed a treaty, so much so that I was obliged to amend the text of the address that I

had myself prepared, which, I must confess, Mr. President, is always distressing for a litigant!

7. It is true that the words of my distin guished colleague, ProfessorVaughanLowe, reflect

the much more temperate prudence of the first days . He told us on Tuesday that the Declaration

30
was at best “an initial step, a manifesto. It is not a self-executing agreement” , although this was

already a way of admitting ⎯ albeit involuntarily ⎯ that it was indeed “an agreement”.

24MP, para. 4.70.
25
Ibid., para. 4.81.
26
Ibid., para. 4.70; emphasis added.
27RP, para. 6.

28Ibid., para. 3.144.

29Ibid.
30
CR 2012/28, p. 24, para. 57 (Lowe). - 13 -

22 8. Very soon, however, our distinguished opp onents could not do otherwise than rely on the

Santiago Declaration, precisely in order to de fend their conception of the rights which they

recognize as having their basis in that same instrument. This, in particular, is what happened to my

friend, Professor Pellet, when on Tuesday afternoon he was obliged to venture into the high seas of

the “outer triangle”! Thus, relying on the text of the Declaration, he told you that “Peru is entitled

to claim the exercise of its jurisdiction and its sovereign rights over the outer triangle both by virtue

of point II of the Declaration itself and independently of the latter”.1 This is the same point II of

32
which he said a little later that it “grants the same rights to the three partners” . ProfessorPellet

also relied on point IV in order to observe that it refers to “the parallel at the point at which the land

33
frontier of the States concerned reaches the sea” .

9. In the circumstances, Members of the Court, is it still necessary for me to draw attention

to all the evidence of the treaty character, that is, the legally binding character of the provisions

contained in the Santiago Declaration?

10. I am inclined to reply in the affirmativ e, notwithstanding the marked softening of the

Peruvian arguments on this point: because Peru, desp ite beating a cautious tactical retreat, has not

totally dispelled the duality of its arguments regarding the Declaration, which on some occasions is

treated as a political proclamation, on others used as a legal basis for its claims; and also because

the discussion of the legal nature of the Declaration is more often conducted by Peru in the context

of an analysis of its subject-matter, which Peruvian counsel have pe rsistently described as having

nothing to do with maritime delimitation. Be that as it may, I shall confine myself to the essentials,

by reminding you first of all that the intention of the three States parties was in fact to make the

Declaration a treaty, and their subsequent conduct fully confirmed that initial intention.

23 I.T HE S ANTIAGO D ECLARATION HAS ALWAYS BEEN A TREATY CONTAINING

PROVISIONS RELATING TO DELIMITATION

11. The Court has been extremely consistent in its case law concerned with determining

whether or not a legal instrument has the characte r of a treaty. Its practice can be described in

31CR 2012/29, p. 51, para. 19 (Pellet).
32
Ibid., p. 53, para. 24 (Pellet).
33Ibid., p. 53, para. 23 (Pellet). - 14 -

terms of two principles which are, moreover, well known: first, the form and, in particular, the title

of the instrument have no bearing on its legal status; secondly, what is, however, of decisive

importance is the Parties’ intent, as expressed by the text and the context of the instrument in

question.

A. The irrelevance of the title and form of the Santiago Declaration from

the standpoint of international law

12. I shall be brief on this point, Members of the Court, given that it now seems to be

accepted by the other Party. In international law, the title selected by the Parties for an instrument

makes no difference at all to the way in which it is characterized. As the Court held in the

South-West Africa case, in particular, when considering the preliminary objections:

“Terminology is not a determinant factor as to the character of an international
agreement or undertaking. In the practice of States and of international organizations
and in the jurisprudence of international cour ts, there exists a great variety of usage.”

(South-West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v. South Africa), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J Reports 1962, p. 331.)

This axiom is a constant feature of the interna tional jurisprudence inspired by your distinguished

Court.34

13. Moreover, there are many examples of instruments entitled “declarations”, whose

“treaty” status is nevertheless beyond doubt. This was, moreover, recognized by the Permanent

Court of International Justice, as far back as 1931, in its Advisory Opinion on the Customs Régime

between Germany and Austria, when it stated: “From the standpoi nt of the obligatory character of

international engagements, it is well known that su ch engagements may be taken in the form of

treaties, conventions, declarations, agreemen ts, protocols, or exchanges of notes.” ( Customs

Régime between Germany and Austria, Advisory Opinion, 1931, P.C.I.J., Series A/B, No.41 ,

p. 47.)

24 14. More recently, in the case concerning the Land and Maritime Boundary between

Cameroon and Nigeria , your distinguished Court had similarl y stated in relation to delimitation

agreements:

34
See Dispute “Concerning Delimitation of the Maritime Boundary between Bangladesh and Myanmar in the Bay
of Bengal (Bangladesh/Myanmar), ITLOS, Judgment of 14 March 2012, para. 89: “In the view of the Tribunal, what is
important is not the form or designation of an instrument but its legal nature and content”. - 15 -

“The Court considers that the Maroua Declaration constitutes an international
agreement concluded between States in written form and tracing a boundary; it is thus
governed by international law and constitut es a treaty in the sense of the Vienna
35
Convention on the Law of Treaties.” ( Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening),
Judgment, I.C.J. Reports 2002, para. 263).

36
15. This is, moreover, what Peru itsel f is forced to acknowledge in its Reply . Be that as it

may, the dismissive remarks made about the te xt of the Declaration on Tuesday morning by

ProfessorLowe, when he still felt able to rely on the fact that the Declaration does not contain

articles as such 37, lead me to lay emphasis here on the similarities that exist between the

aforementioned Maroua Declaration and the Santiago Declaration. In each of the two Declarations,

the signatories are not formally described as “parties”: what is more, neither the various provisions

of the Maroua Declaration, nor those of the Santiago Declaration, are preceded by the word

38
“article” followed by a number .

16. Many other examples could be cited of agreements which concern maritime delimitation

but nevertheless bear the title “Declaration”, such as the “Franco-Monegasque Declaration

concerning the limits of the territorial waters of the Principality of Monaco”, which was concluded

and entered into force on 20April1967, and which was subsequently registered by the

39
Secretary-General, and published in the United Nations Treaty Series .

17. As far as delimitation treaties are concerned, there are no particular requirements as to

form, as long as the instrument clearly reflects the intention of the parties to determine the course

of the boundary. It matters little whether or not the characteristics which, according to Peru, are

40
25 generally found in delimitation treaties, are absent from the Santiago Declaration . Thus, in its

Judgment in the Libya/Chad case, the Court declared:

“The Parties could have indicated th e frontiers by speci fying in words the

course of the boundary, or by indicating it on a map, by way of illustration or
otherwise; or they could have done both. They chose to proceed in a different manner

3This is also the argument expounded in the legal wr itings and jurisprudence cited by Peru: A. AModern
Treaty Law and Practice, p.17 (cited in RP, para.3.153) and Maritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain (Quatar v. Bahrain), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 120, para. 23.

3RP, para. 3.153 and footnote 291.

3CR 2012/28, p. 23, para. 52 (Lowe).
38
RC, Vol. II, Ann. 5.
3United Nations, Treaty Series, Vol. 1516, p. 131.

4MP, para. 4.81. - 16 -

and to establish, by agreement, the list of international instruments from which the
frontiers resulted, but the course for which they elected presents no difficulties of

interpretation . . . The text of Article 3 cl early conveys the intention of the Parties to
reach a definitive settlement of the qu estion of their common frontiers.” ( Territorial
Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Ch ad), Judgment, I.C.J. Reports 1994 , p.25,

para. 51.)

18. In the Temple of Preah Vihear case, the Court had previously acknowledged that a

general reference was sufficient to demonstrate th e common intention of the Parties to delimit a

frontier: “The indication of the line of the waters hed in Article I of the 1904 Treaty was itself no

more than an obvious and convenient way of de scribing a frontier line objectively, though in

general terms.” 41

B. The circumstances surrounding the adoption of the Santiago Declaration confirmed

the intention of the Parties to conclude a treaty governed by international law

19. If we now look at the circumstances surrounding the adoption of the Santiago

Declaration, we find confirmation of the Parties’ intention to conclude a treaty governed by

international law. The main purpose of the San tiago Declaration was to affirm both politically and

legally, vis-à-vis other States, the fact of the extension by the three signatory States of their

“sovereignty and jurisdiction”, to use the terms employed in Article II, to a distance of 200 nautical

miles from their respective coasts. Peru made much of this point in its recent pleadings, but did so

quite unnecessarily as this has never been disputed by Chile. Be that as it may, the countries’ firm

trilateral stance, designed primarily to safeguard their natural resources ⎯ and the two States

parties also agree on this point ⎯ constituted a novelty, an innovation at that time. That innovation

was sufficient to justify the sole mn use of the term “Declaration” addressed to the rest of the

international community. However, this coll ective approach immediately presupposed another

one, for which preparation had already been ma de in the domestic order by the unilateral

26 proclamations adopted in 1947 by Chile and Peru : that of establishing between them and with

regard to third parties the lateral limits of thei r respective maritime boundaries, so that each of the

three countries concerned should know the extent of the space within which it would thus be called

upon to exercise its jurisdiction in order to contribute to the achievement of a common objective.

41
Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 35. - 17 -

20. As they were all to reaffirm two years later, at the Lima Conference leading to the

conclusion of the Agreement relating to a Special Maritime Frontier Zone, the intention of Chile,

Ecuador and Peru, from 1952, had indeed been to c onclude a treaty (and a maritime delimitation

treaty) governed by international law and imposing obligations on each of the parties.

21. The fact that the declaration negotiated by three delegations comprising their respective

legal advisers was intended to establish rights a nd obligations, as was eventually acknowledged on

Tuesday afternoon by my friend Alain Pellet, is clearly brought out by the text of that instrument.

Thus, as you will find at tab 32 of your folders, th e invitation to the 1952 Conference extended by

Chile to Ecuador describes one of the objectives of the conference in the following terms (you will

find the French and English translations of the Sp anish text one after the other: [slide] “1.Mar

Territorial. Legalización de las declaraciones de los Presidentes de Chile y Perú, en cuanto a la

soberanía sobre 200 millas de aguas continentales.” 42

22. The use of the term “Legalización” clearly indicates the wish to create a new set of legal

obligations between the Parties, which, in the inte rnational order, is done by treaty. Similarly,

according to point or ArticleII of the Declaration, the Parties undertake, as mentioned above, to

extend their maritime zone to 200 nautical miles. I consider it nevertheless superfluous to lay too

much stress on the deliberately normative characte r of the provisions of the Declaration, following

the recognition given to this aspect by Peru in its pleadings of Monday and Tuesday last,

particularly as regards points II and IV, as I have al ready mentioned. It may merely be noted that

the wording of point III also leaves no room for doubt as to the Parties’ intention to establish

legally binding obligations in this instrument. Thus, ArticleIII, which appears at tab5 of your

27 folders, provides [slide]: “The exclusive jurisdiction and sovereignty over this maritime zone shall

also encompass exclusive sovereignty and jurisdiction over the seabed and the subsoil thereof.”

23. This wording, Mr. President, Members of the Court, is precise; it is sufficient unto itself;

it creates rights and obligations incumbent on each of the Parties. And once again, when it finds

itself called upon to do so, Peru itself acknowledges the binding nature of at least one, but not only

43
one of its provisions, and in particular ArticleIV . It is true that, in connection with the

42
CMC, Vol. III, Ann. 59, p. 487.
43
See RP, paras. 3.71 and 3.81. - 18 -

delimitation effected by Article IV, Mr. Bundy told us that it had been established not in 1952, but

by the exchange of Notes of 2 May 2011 44. We do not have the time at this stage to dwell on the

incoherence of these conflicting arguments.

24. With all due respect to a sovereign State and its counsel, we venture to observe that Peru

should finally decide which line of argument it is defending! It cannot say, at one and the same

time, that the Declaration is not a treaty but that it does create bilateral obligations between Peru

and Chile, when it is a matter of the “outer tria ngle”, or between Peru and Ecuador, when it is a

matter of the course of the line of maritime delimitation! And if it was to be believed, the Santiago

Declaration would be some sort of strange hybr id, with no binding legal scope but potentially

comprising a treaty dimension. A sort of many-faced chimera, or rather an instrument of variable

legal scope, which Peru could invoke , according to its needs, as either a Declaration or a treaty.

But it must choose between the two!

25. That said, the binding character of the provisions of the Santiago Declaration does not by

any means apply solely to the articles that we have already cited.

26. Mention could be made, for example, of point VI, which sets out in clear terms a classic

45
obligatio de contrahendo applicable to the conclusion of agreements aimed at defining the régime

28 to protect hunting and fishing, as well as the exploitation of natural resources within the maritime

zones established in the Declaration. This ob ligation was, moreover, scrupulously observed by the

Parties from 1954 onwards 46. Thus, we find that the criterion of intent, as defined by your

jurisprudence for the purpose of id entifying the conventional nature of a multilateral instrument, is

fully satisfied.

27. It will also be observed that, in the preamble to the 1954 Convention, which itself—

need I stress — is characterized as complementary, the three States took care to recall that they had

44CR 2012/29, p. 13, para. 55 (Bundy).

45“Los Gobiernos de Chile, Ecuador y Perú expresan su propósito de suscribir acuerdos o convenciones para la
aplicación de los principios indicados en esta Declaración en los cuales se establecerán normas generales destinadas a
reglamentar y proteger la caza y la pesca dentro de zona marítima que les corresponde, y a regular y coordinar la
explotación y aprovechamiento de cualquier otro género de productor o riquezas naturales existentes en dichas aguas y

que sean de interés común.”
46See, for example, MP, Vol. II, Ann. 51, p. 282. - 19 -

already proclaimed their sovereignty over the seas along their coasts up to a distance of

200 nautical miles.

28. In fact, there was no doubt for either Peru or Chile and Ecuador that this proclamation

was indeed the outcome of a treaty, the Santia go Declaration; since both the Complementary

Convention and the Agreement Relating to a Special Maritime Frontier Zone refer specifically, in

their wording, to “los acuerdos de Santiago”, chie f among which is precisely the Declaration. It

was in application of that initial agreement that the agreements in question themselves were

concluded. Moreover, and this brings me to the second point of my statement, the subsequent

practice of the Parties to this treaty does no more th an confirm that the three States were convinced

that they had concluded an agreement with the D eclaration, which was upheld as the founding text

of their undertakings.

II. The subsequent practice of the States parties to the Santiago Declaration confirms

that it has always been a treaty

29. The subsequent actions of the States parties to the Declaration confirm that the Parties

have always regarded it as an international treaty ab initio, that is to say ever since the adoption of

that instrument in August 1952, in accordance with the criterion established by the Court in the
47
case concerning the Aegean Sea Continental Shelf .

30. On Tuesday morning, Professor Lowe s uggested that there was no contemporaneous

document which could indicate that the States had concluded a delimitation agreement. This is

29 incorrect, and the subsequent practice is attested, in particular, by three series of concordant events.

They are, respectively, the initiatives taken by each of the three States, in their domestic systems, to

ratify the set of instruments adopted on 18August 1952, the first and most solemn of which is

precisely the Santiago Declaration; the second indication that the three co-signatory countries were

convinced that the Declaration was a conventional in strument is the registration of the Declaration

with the United Nations. Finally, the respective pronouncements made by the three countries — to

which I and my colleagues will have occasion to retu rn in due course— clearly confirm, if this

47
Aegean Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports 1978, para. 106. - 20 -

were necessary, that each of them, including Peru for more than 50years, regarded the Santiago

Declaration as a treaty.

A. The procedures for ratifying the declaration which were adopted in their

domestic systems by each of the three States

[Slide]

31. You will find them at tab33. It is Peru which, dare I say it, was in the vanguard: the

first of the three was adopted by Peru on 11 April 1953, that is less than a year after the adoption of

the Declaration, as a “supreme resolution”, si gned by the President of the Republic, which

explicitly stated that it “approve[d]” [“ aprueba”] the Declaration on the Maritime Zone signed in

Santiago de Chile on 18August 1952, an instrument which it was careful at the outset to indicate

included “provisions and commitme nts which fall within the cap acity of the Executive Power,

48
pursuant to paragraph eight of article154 of the Constitution of the State” . This

acknowledgement of the conventional character of the Declaration thus preceded its reiteration by

the “Supreme Resolution” of 12 January 1955, adopted by the Ministry of Foreign Affairs of Peru,

in which the existence of geographic parallel lines was specifically mentioned as constituting

49
maritime boundaries between the three countries and on which the commentary of Mr.García

Sayán, the then Minister of Foreign Affairs, provides some extremely useful information 5. Later,

30 “Legislative Resolution” No. 12305, adopted by th e Congress, would take note of the approval of

the Santiago agreements previously effected by the President of the Republic under the

51
Constitution .

[Slide]

32. Next, at tab 34, there is “Supreme Decr ee” No. 432 of 23 Septembe r 1954, adopted this

time by the President of the Republic of Chile and approving, its title tells us, the “declarations and

conventions between Chile, Peru and Ecuador agreed at the First Conference on Exploitation and

48
“Tratándose de una Declaración que comprende disposiciones y compromisos que se encuentran dentro de las
atribuciones que corresponden al Poder Ejecutivo, conforme al inciso oc tavo del artículo154 de la Constitución del
Estado”, CMC, vol. IV, Ann. 161, p. 974.
49
Ibid., Ann. 170, p. 1024.
50
Ibid., vol. V, Ann. 266, p. 1585.
51MP, vol. II, Ann. 10, p. 42. - 21 -

Conservation of the Marine Resources of the South Pacific” 52. This decree came at the end of a

traditional procedure of ratification of those various conventional instruments; its final paragraph

specifically indicates that they had been “ aprobados por el Congreso Nacional ”, that is to say

approved by the Congress.

[Slide]

33. Third comes Ecuador. In its case it was by Decree No. 275 of 7 February 1955 that the

President of the Republic of Ecua dor ratified, and I quote the exact terms of Article 1, “[t]he […]

International Instruments signed in Santiago on 18 August 1952”. You have it before you now.

34. It is therefore very striking, Mr. Presiden t, to note that the ratification procedures in the

three States, which were concluded by the adopti on of a presidential decree, refer in every case to

all the instruments which were adopted on the same day in Santiago, the most important of which is

always the “Declaration on the Maritime Zone”, which has gone down in history as the “Santiago

Declaration” and, like the other legal acts concerned, is thus regarded as an international treaty.

31
B. The procedure by which the Santiago Declaration was registered with the
United Nations confirms that the Declaration is a treaty

35. Chile, Peru and Ecuador jointly submitted the Declaration for registration by a letter

53
which was sent to the United Nations on 3December 1973 . It is true that this registration is

rather awkward for Peru. It states in its Reply:

“[P]rimary reason for registration may well have been a desire further to enhance the
political weight of the Declaration in the c ontext of the hard-fought negotiations on the 200-
nautical-mile maritime zone at UNCLOS III” 5.

36. Nevertheless, apart from the fact that this awkward interpretation sits uneasily with the

account which Professor Treves gave us the other day of Peru’s attitude at the third conference, it is

hard to see why a political declaration would be su bject to a procedure which is reserved for the

registration of treaties! The fact remains that this request for registration concerned a total of

twelve instruments which had been adopted under the auspices of the Permanent Commission of

the South Pacific between 1952 and 1967 and, in response to the request made by the United

52
“aprueba las declaraciones y convenios entre Chili, Perú y Ecuador, concertados en la primera conferencia
sobre explotación y conservación de las riquezas marítimas del Pacífico Sur”, MP, vol. II, Ann. 30, p. 146.
53
CMC, vol. III, Ann. 83, p. 597.
54RP, para. 3.168. - 22 -

Nations Secretary-General for more informati on about some of the treaties which had been

submitted for registration, an official declaration was issued by each of the three States parties to

these instruments: in a declaration addressed to the United Nations, Chile confirmed in 1971 that

55
the Santiago Declaration entered into force on the day of its signature . As for Peru, through its

Permanent Representative to the United Nations, in a letter sent to the Secretary-General of the

56
United Nations in 1976 — that is to say, in the midst of the Third United Nations Conference on

the Law of the Sea (1977)— it declared that the three States concerned had agreed, at the XIIIth

ordinary meeting of the aforementioned Commission, to register these tripartite agreements with

the United Nations. This cannot be understo od in any other way than as an implicit

acknowledgement of the conventional status of the Declaration.

[Slide]

37. Consequently, the Secretary-General pro ceeded to register the Declaration as a treaty

within the meaning of Article102 of the Charter. Moreover, the United Nations Treaty Series

32 specifically states that this instrument entered into force on the day of its signature 57. In the light of

all this, it is quite astonishing to note that th e Applicant in the present case did not make any

protest, before the commencement of the proceedi ngs, against that registration or the reference

added by the Secretary-General of the United Nati ons, and has not done so since. We shall not

return here to Peru’s questioning of the effectiveness of that registration based on the date on which

it took place. Is there any need to recall your jurisprudence on this point, according to which late

registration “does not have any consequence fo r the actual validity of the agreement, which

remains no less binding upon the parties” ( Maritime Delimitation and Territorial Questions

between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,

I.C.J. Reports 1994, p. 122, para. 29)?

5RC, vol. II, Ann. 52, p. 307.
56
Ibid., Ann. 29, p. 157.
5MP, vol. II, Ann. 47, p. 261. - 23 -

B. In the statements made by Peru and Chile the Santiago Declaration is portrayed
as giving rise to obligations ever since its adoption

1. Statements by Peru and Chile

38. In the context of the ratification by the Pe ruvian Parliament of the Santiago Declaration,

Mr. Peña Prado, one of the members of the Fore ign Affairs Committee of the Peruvian Parliament,

described the purposes of the 1952 and 1954 conferen ces as being “[to] establish[…] the maritime

58
boundaries between the signatory countries” . This clearly demonstrates that the Peruvian Foreign

Affairs Committee considered that the Santiago De claration was a treaty and that it had delimited

the maritime boundaries 59.

39. In 1958, in his statement of 13 March at the first United Nations Conference on the Law

of the Sea, Mr.Enrique García Sayán, the same former Minister of Foreign Affairs of Peru,

speaking on behalf of his delegation, referred to the Santiago Declaration as an instrument of

“positive law”: “The instruments of positive law which stated Peru’s position were the decree of

1August 1947 and the pact with Chile and Ecuador, referred to as the Santiago Declaration,

signed in 1952” 60.

33 40. The transcript of this intervention which appeared in the Peruvian journal Revista

Peruana de Derecho Internacional is along entirely the same lines; it confirms that the Santiago

Declaration is an “international treaty and is binding upon the parties” 61.

41. In the same way, Chile’s statements immediately after the adoption of the Declaration

confirm the identical interpretation of its status by the three countries: thus, at the inaugural

session of the 1954CPPSmeeting, the Chilean Mini ster of Foreign Affairs made the following

statement which, as we shall see, would prove to be prophetic:

“We strongly believe that, little by little, the lega l statement that has been formulated by our

countries into the 1952 Agreement will find its place in International Law until it is accepted by all
Governments that wish to preserve, for mankind, resources that today are ruthlessly destroyed by
the unregulated exercise of exploitative activities …” 62.

5CMC, vol. IV, Ann. 246, p. 1469.

5RC, paras. 2.74 et seq.
60
MP, vol. III, Ann. 101, p. 602 (emphasis added).
6RC, vol. II, Ann. 14, p. 81.

6CMC, vol. II, Ann. 35, p. 302 (emphasis added). - 24 -

2.The Santiago Declaration was invoked by Chile, Ecuador and Peru during their
negotiations with the United States

42. The three States parties to the Declaration invoked it in the context of their dispute with

the United States over the maritime claims of the countries of the South Pacific. It is plain from

their statements that the three States regarded themselves as bound by the Santiago Declaration.

For example, in 1963, when the United States prot ested against Peru’s seizure of vessels flying the

United States flag, Peru invoked its internationa l obligations under the Santiago Declaration:

“Furthermore, [Peru is] bound by its international obligations under [the] 1952 Santiago

Declaration and other acts undertaken with Chile and Ecuador” 63.

43. How then, when it has previously invoked the Santiago Declaration as a treaty giving rise

to international obligations, coul d Peru now legitimately deny the conventional nature of the

Declaration since its adoption? That is one of the numerous questions which need to be asked here.

However, it is not the only one!

44. Answers could also be requested to other qu estions: for example, if Peru alleges in its

Memorial that the Santiago Declaration was not, on the day that it was concluded, a treaty

governed by international law, how can it claim elsewhere that the Declaration subsequently

64
34 became a “treaty” ? By ratification, Peru tells us. Ratif ication? Really? But how can a purely

domestic legislative act, which is recognized as such by the Applicant in the present case 6,

transform the original legal character of an inst rument which was apparently not conceived by its

co-signatories as a treaty, except by acknowledgi ng, precisely, that it marks the end of the

procedure which is intended to effect, in the inte rnational order, the entry into force of that

conventional instrument 66?

45. In this regard it has to be said, as I have already emphasized, that Peru is very hesitant. It

asserts that the Declaration has not become a “treaty” under interna tional law, but – it tells us – a

treaty “in domestic political terms”. This is all very novel and imaginative!

63RC, vol. II, Ann. 18, p. 100 (emphasis added).
64
MP, para. 4.70.
65RP, para.3.161: “the three participating States suitted the Declaration to their respective Congresses for

domestic ratification” (emphasis added).
66CMC, para. 2.63. - 25 -

“‘Ratification’ by Congress may have given the Declaration of Santiago ‘the status of a

treaty in domestic political terms’. But such domest ic approval did not, in and of itself, directly
affect the status of the instrument as a matter of international law.” 67

46. In support of such a strange proposition, Peru does not moreover venture to cite any

jurisprudence or any practice. If the Santiago D eclaration is indeed a treaty “in domestic political

terms”, why then does it appear in the United Nations Treaty Series? Peru replies— as we have

68
seen — that the Declaration “came to be treated […] as […] a treaty” , which is certainly not very

rigorous, since if it was treated as a treaty, that is quite simply because it was one! Finally,

although Peru alleges that the Santiago Declara tion does not comply with any of the formal

requirements that it believes to be necessary, it nonetheless acknowledges that “the form of an

69
instrument is not in itself conclusive” .

47. Quite honestly, Mr.President, I have asked myself whether there is now some kind of

surrealist school of international law, occupied by treaties of domestic but not international law,

just as there are soft watches in the paintings of Salvador Dali. That final question will conclude

35 my speech. I should like to thank you for your pa tience and your attention, and I would request,

Mr. President, that you kindly give the floor to Mr. David Colson.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Dupuy. Je donne à present la parole à

M. David Colson. Vous avez la parole, Monsieur.

M. COLSON : Je vous remercie Monsieur le pr ésident, Mesdames et Messieurs de la Cour.

C’est un honneur que de plaider aujourd’hui devant la Cour au nom de la République du Chili.

1. La technique du tracé parallèle

1.1. A plusieurs reprises cette semaine, en particulier lors des exposés de M.Lowe et de

sir Michael Wood, la méthode utilisée pour déterminer la limite extérieure d’un espace maritime en

fonction de critères de distance, et son rapport à la limite latérale de cet espace, a été décrite d’une

manière que je qualifierai charitablement d’inco mplète. Avant que le Chili ne vous demande

d’appeler à la barre M.Crawford afin qu’il nous parle plus en détail de l’accord de délimitation

67RP, para. 3.161.
68
Ibid., para. 3.144.
69Ibid., para. 3.153 and footnote 291. - 26 -

entre les Parties, il semble important de clar ifier deux points concerna nt la méthode du tracé

parallèle : 1) en quoi consiste cette méthode ; et 2) pourquoi il importe de bien la comprendre en la

présente espèce. Je reviendrai demain sur l’ar gumentation développée par le Pérou concernant la

méthode des arcs de cercle. Pour l’heure, si vous le permettez, nous nous contenterons de faire une

présentation sommaire de la méthode du tracé parallèle . Nous avons pour la Cour le plus grand

respect et n’avons nulle intention de lui infliger un cours magistral sur le sujet.

1.2. Le Chili a examiné cette question en détail dans un appendice annexé à sa duplique 70,

71
une description que sirMichaelWood a qualifiée de «savante» tout en précisant qu’elle était

néanmoins partielle, parce qu’elle n’aurait pas tra ité des événements postérieurs à 1952. Or cet

appendice n’avait d’autre objet que d’analyser la qu estion telle qu’elle se présentait à la date de la

déclaration de Santiago.

1.3. Apparaît à l’écran le tracé d’une côte toute simple. Imaginez que l’Etat côtier

revendique un espace de 200milles marins et u tilise la technique du tracé parallèle pour en

déterminer la limite extérieure. Cette limite ex térieure est représentée par la ligne bleue, qui

reproduit exactement tous les contours de la côte —dans le cas présent à une distance de

200 milles marins de celle-ci.

36 1.4. Outre qu’elle donne une limite suivant le tracé de la côte, il faut ajouter une chose à

propos de la technique du tracé parallèle. Sur ce cr oquis, on voit que la côte est orientée selon un

axe vertical et que la limite extérieure des 200 milles marins est exactemen t parallèle à la ligne

côtière et est orientée selon le même axe vertical. Cela semble évident mais il y une chose

importante qui n’a pas été dite. Pour dessiner cette limite extérieure de manière qu’elle suive un

tracé parallèle à la côte, il faut utiliser des lignes de référence ou, comme les a appelées

72
sir Michael Wood, des «lignes de construction géométrique» , que vous voyez à présent à l’écran.

Sur ce croquis, les lignes de référence — ou, pour reprendre l’expression de sir Michael, «les lignes

de construction géométrique»— sont des lign es horizontales ou, si vous préférez, des lignes

perpendiculaires à l’axe vertical de la côte repr ésentée sur le croquis. Cependant, si ces lignes de

70Voir DC, appendice A.
71
CR 2012/27, p. 66, par. 33 (Wood).
72CR 2012/27, p. 64, par. 27 (Wood). - 27 -

construction géométrique avaient une base géométrique différente et s’infléchissaient de 15° vers le

sud par rapport à l’horizontale, la limite extérieu re reproduirait toujours très exactement le contour

de la côte et resterait parallèle à celle-ci, mais serait décalée de 15° vers le sud par rapport à la ligne

côtière. Ce que je veux démontrer, c’est que l’ orientation des lignes de construction géométrique

par rapport à la côte est absolument déterminante dans la technique du tracé parallèle.

1.5. Que se passerait-il si deux Etats A et B partageant la même côte, comme on le voit sur le

croquis, utilisaient tous deux la méthode du tracé para llèle pour déterminer cette limite extérieure

en retenant des lignes de construction géométrique horizontales ? La projection côtière de l’Etat A

apparaît en mauve et celle de l’Etat B en vert. Les deux espaces maritimes ne se chevauchent pas

et sont divisés par une ligne, qui part du point où la frontière terrestre aboutit à la côte, représentée

en rouge. Les limites extérieures de ces deux espaces calculées en employant la technique du tracé

parallèle coïncident parfaitement. Et si l’Etat A devait étendre la portée de sa revendication, son

espace maritime s’étendrait plus loin vers le la rge et n’empiéterait pas sur les espaces maritimes

que pourrait revendiquer l’Etat B en direction du large.

1.6. Mais que se passerait-il si ces mêmes EtatsA et B utilisaient tous deux la méthode du

tracé parallèle mais des lignes de construction géométrique différentes? Imaginez que l’EtatA

utilise des lignes de construction géométrique infléchies de 15° vers le sud par rapport à

l’horizontale et que l’EtatB utilise des lignes de construction géométrique horizontales. La

projection côtière de l’EtatA est représentée à l’écran. Il y aurait manifestement un

chevauchement entre les espaces maritimes des deux Etats. La taille de la zone de chevauchement

serait proportionnelle à la portée des revendications. La Cour peut imaginer les conséquences qui

37 pourraient en découler. Nous pouvons donc en c onclure que si deuxEtats voisins utilisent les

mêmes lignes de construction géom étrique lorsqu’ils appliquent la même méthode du tracé

parallèle, et que la largeur de leurs espaces maritimes est la même, il n’y aura aucun problème. Par

contre, s’ils utilisent des lignes de constructio n géométrique différentes, les difficultés ne

73
manqueront pas de survenir .

73
Cette démonstration est illustrée sous l’onglet n° 38 du dossier de plaidoiries. - 28 -

2. L’utilisation du tracé parallèle par le Pérou et le Chili

2.1. Le Pérou admet aux paragraphes3.31 et suivants de sa réplique que, en 1947, il avait

employé la méthode du tracé parallèle pour établir les limites extérieures de sa revendication — ce

74 75
que M.Lowe et sirMichaelWood ont eux-mêmes confirmé cette semaine— et qu’il avait

utilisé des parallèles géographiques comme lignes de construction géométrique. Le fait que les

deux Etats limitrophes, le Chili et le Pérou, ont pr océdé de la même mani ère et utilisé les mêmes

lignes de construction géométrique —c’est-à-dir e les parallèles de latitude— lorsqu’ils ont

appliqué la technique du tracé parallèle pour déterminer la lim ite extérieure de leurs espaces

respectifs a eu quatre conséquences :

i) premièrement, les espaces de 200 milles marins du Chili et du Pérou tels que revendiqués

à l’époque ne pouvaient absolument pas se chevaucher ;

ii) deuxièmement, les espaces maritimes respectifs des deux Etats formaient deux espaces

contigus le long du parallèle de latitude passan t par le point terminal de la frontière

terrestre — autrement dit, la limite géographique entre les espaces maritimes de 200 milles

marins du Chili et du Pérou était constituée par la latitude du point terminal de la frontière

terrestre ;

iii) troisièmement, les limites extérieures des espaces ma ritimes du Chili et du Pérou étaient

alignées et se rejoignaient en mer, à une di stance de 200milles marins du point terminal

de la frontière terrestre, à la hauteur du parallèle passant par ce point ;

iv) quatrièmement, cela signifiait aussi que si le Chili, le Pérou, ou les deux, décidaient

d’étendre leur espace maritime au-delà de 200milles marins, comme ils s’étaient réservé

le droit de le faire dans leurs proclamations de 1947, ces espaces s’étendraient en direction

du large, sans empiéter sur la zone située de l’autre côté du parallèle passant par le point

terminal de la frontière terrestre.

Je vous remercie de votre aimable attention M onsieur le président, Mesdames et Messieurs

de la Cour. Je vous prie de bien vouloir donner à présent la parole à M. Crawford.

74
Voir CR 2012/28, p. 13, par. 6 (Lowe).
75Voir CR 2012/27, p. 64, par. 27 (Wood). - 29 -

38 Le PRESIDENT: Je vous remercie M.Colson. Je crois que les membres de la Cour et les

représentants des Parties seraient heureux de faire une pause. Je déclare une pause de quinze

minutes. L’audience est suspendue.

L’audience est suspendue de 16 h 20 à 16 h 35.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’ audience reprend et j’appelle à la barre

M. Crawford. Vous avez la parole, Monsieur.

M. CRAWFORD :

1. Introduction

1.1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un honneur pour moi de

plaider devant vous au nom de la République du Chili. En introduisant la présente instance, le

Pérou a prié la Cour de délimiter sa frontière maritime avec le Chili. Cette demande pose

cependant un problème, étant donné qu’il existe déjà une frontière maritime entre le Pérou et le

Chili. Ceux-ci l’ont délimitée conventionnellement da ns la déclaration de Santiago, ce qu’ils ont

par la suite, et à diverses reprises, conjointement reconnu avoir fait.

1.2. Comme nous l’avons vu, la thèse péruvi enne, selon laquelle la déclaration de Santiago

n’a rien d’un traité, a largement été laissée de cô té et, cette semaine, le Pérou a concentré ses

efforts sur son deuxième axe d’attaque, à savoir que cette déclaration n’a pas opéré de délimitation

maritime. Comme l’a dit M. Lowe mardi, «[n]ulle part dans la déclaration il n’est fait mention de

frontières maritimes» 7. Absolument nulle part. Lorsque quelqu’un, dans l’é quipe péruvienne,

trouvait le courage de faire référence à l’accord de1954 relatif à une zone frontière maritime

spéciale, dont le titre est plutôt explicite, c’était pour le réduire à «un arrangement pratique, de

nature technique et de portée géographique limitée» 77. Limitée, certes, à la zone frontière .

Pourtant, selon le Pérou, il n’y a pas de zone fron tière, vu qu’il n’y a pas de frontière. Voilà toute

l’importance qu’il accorde au titre et à la teneur des traités !

76
CR 2012/28, p. 23, par. 53 (Lowe).
77
Ibid., p. 29, par. 11 (Wood). - 30 -

1.3. Je remarque en passant que, dans ses éc ritures, le Pérou avait également donné un

troisième volet à son argumentation, à savoir que, si une délimitation avait été convenue en 1952,

39 seuls lui et l’Equateur auraient été concernés. Nous n’en avons plus entendu parler, et vous

comprendrez aisément pourquoi lorsque je passer ai en revue les accords-clés. Sur les trois

arguments avancés, il n’en reste donc plus qu’un.

1.4. J’aimerais simplement faire observer ici qu’un accord de délimitation a effectivement

été conclu en1952, et qu’il convient de le resp ecter, comme les Parties en avaient l’intention à

l’époque et conformément aux règles actuelles du droit inte rnational coutumier 78tdel

convention de 1982.

1.5. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je crains de devoir me livrer

à une tâche assez répétitive et laborieuse, en examin ant les traités et procès-verbaux dans l’ordre

chronologique, si tant est que l’on puisse parler d’«ordre» pour désigner ce type d’épluchage. Je ne

peux que vous présenter mes excuses anticipées pour ce tte approche pesante des textes et tenter de

vous guider de mon mieux et de manière méthodique à travers la documentation. Vous trouverez

dans le classeur qui vous a été remis les principaux textes, que je vous présenterai dans l’ordre, car,

contrairement au Pérou, nous n’in terprétons pas l’histoire à rebour s. J’ai volontairement demandé

à avoir une traduction complète des documents-clé s devant vous être présentés, étant donné que

cette affaire repose sur l’examen attentif d’un nomb re restreint de documents, et que la projection

ostentatoire d’une série de brefs extraits à l’écr an ne serait pas d’une grande utilité à la Cour.

Avez-vous vos dossiers devant vous ?

2. Les proclamations de 1947

2.1. Je commencerai par vous donner quelques éléments d’information importants

concernant les proclamations unilatérales de 1947.

2.2. La première d’entre elles a été faite en juin 1947 par le président du Chili. La deuxième

l’a été un mois plus tard, conjointement, par le président et le ministre des affaires étrangères du

Pérou. Chacune de ces proclamations affirmait la «souveraineté» de l’Etat concerné sur les eaux et

le plateau continental, sur une distance de 200 milles marins.

78
Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt du 19 novembre 2012, par. 137-139. - 31 -

o
2.3. La proclamation chilienne de1947 figure à l’ongletn 1 de vos dossiers. Je ferai

référence aux numéros ajoutés en caractères gras au bas des pages des documents originaux.

40 2.4. Vous verrez, dans les passages surlignés à la page6, que le Chili y «proclame [s]a

79
souveraineté nationale sur tout le plateau continental» . A l’article2, il «proclame [s]a

80
souveraineté nationale sur les mers contiguës à ses côtes» .

2.5. Le Chili s’est réservé le droit de modifier à l’avenir l’espace sur lequel cette

proclamation devait avoir effet. Cela dit, à l’artic le3, il a déclaré que faisaient «d’ores et déjà»

partie de son espace maritime «l’ensemble des eaux se trouvant à l’intérieur du périmètre formé par

la côte et une parallèle ma thématique projetée en mer à 200milles marins du continent» 81. Le

contexte montre clairement que le terme «par allèle mathématique» était synonyme de «tracé

parallèle» et que le Chili concevait son espace mar itime comme s’inscrivant dans un «périmètre»,

comme il sied à un espace dans lequel s’exerce la souveraineté.

2.6. Lundi, sirMichaelWood s’est employé à analyser la nature juridique interne de la

déclaration chilienne de 1947 82. Nul besoin de s’attarder sur ce point puisque, tout ce qui compte,

c’est qu’elle constituait un e revendication internationale avec ef fet immédiat et qu’elle avait été

perçue en tant que telle par la communauté in ternationale. L’ambassadeur du Chili à Lima a donc

informé le ministre des affaires étrangères du Pér ou, M.GarcíaSayán, de cette déclaration du

83
Chili .

2.7. A peine une semaine plus tard, le Pérou faisait lui aussi une proclamation unilatérale et

accusait réception de la déclaration du Chili 8.

o
2.8. Passons à présent à l’ongletn 2 de vos classeurs, où vous trouverez la déclaration du

Pérou de 1947. Comme le Chili venait de le faire, le Pérou a affirmé «[s]a souveraineté et [s]a

juridiction nationales» 85 sur le plateau continental. A l’ar ticle2, le Pérou proclamait que «[s]a

79MP, vol. II, annexe 27, p. 136, art. 1.
80
Ibid., art. 2.
81
Ibid., art. 3.
82CR 2012/27, p. 62, par. 16 (Wood).

83CMC, vol. III, annexe 52.

84Ibid., annexe 54.
85
MP, vol. II, annexe 6, p. 26, art. 1. - 32 -

souveraineté et [s]a juridiction nationales s’exer[çai]ent également sur la mer contiguë aux côtes du

86
territoire national» . Là aussi, emboîtant le pas au Chili, le Pérou a précisé, à l’article3, que les

limites revendiquées pourraient à l’avenir subir des m odifications. Dans le même temps, le Pérou

revendiquait effectivement ⎯le passage correspondant est surligné en haut de la page5 ⎯ «une

zone comprise entre cette côte et une ligne imag inaire parallèle à celle-ci et tracée en mer à une

distance de deux cents (200m ) illes marins, calculée suivant la ligne des parallèles

géographiques» 87. Ce sont les sept derniers mots qui s ont particulièrement importants: «calculée
41

suivant la ligne des parallèles géographiques».

2.9. La méthode de projection que le Pérou déclare avoir suivie aurait ainsi permis de

déterminer à la fois la limite extérieure et les li mites latérales de son espace maritime. En fait, les

Parties se sont mises d’accord sur la manière dont cette méthode de projection devrait fonctionner.

Dans son mémoire, le Pérou explique que :

«à chaque point de la côte, une ligne de 200milles marins de long serait tracée au

large le long du parallèle géographique, de manière à obtenir une ligne de côte
parallèle «reflétant» la ligne de côte réelle ⎯ cette dernière serait en fait transposée à
200milles marins au large et constituerait la limite extérieure de la zone des
88
200 milles marins» .

2.10. Le décret présidentiel du Pérou a proclamé la souveraineté de ce dernier sur la zone

«comprise entre» la côte et cette ligne imaginaire. Le Pérou a précisé de quelle manière la ligne

imaginaire était projetée depuis la côte: chaque point était lui-même projeté à 200milles vers le

large, le long du parallèle géographique correspondant.

2.11. Le point le plus au sud sur la côte péruvienne est manifestement celui où aboutit en mer

sa frontière terrestre avec le Chili. Selon la mét hode de projection utilisée dans le décret péruvien

de1947, le parallèle passant pa r ce point et s’étendant sur 200milles marins vers le large

constituait la limite méridionale de la projection maritime du Pérou.

2.12. Comme vous pouvez le constater dans sa dernière ligne, le décret présidentiel péruvien

de1947 a été pris par le présidentBustamante yRivero, homme bien connu de la Cour, dont il a

86Ibid., art. 2.
87
MP, vol. II, annexe 6, p. 27, art. 3.
88Ibid., par. 4.58. - 33 -

autrefois assuré la présidence, et par le ministre des relations extérieures du Pérou,

M.GarcíaSayán, qui, une semaine auparavant , avait reçu notification de la proclamation

équivalente du Chili.

2.13. C’est sur la base de cette méthode de projection clairement définie ⎯ «calculée suivant

la ligne des parallèles géographiques» ⎯ que l’ambassadeur du Pérou au Chili a communiqué le

décret présidentiel au ministre chilien des affaires étrangères. Le Chili en a accusé réception 89.

2.14. Le Pérou n’a élevé aucune protestati on concernant la proclamation faite par le

président du Chili, et celui-ci n’a pas contesté la méthode de projection suivie par le Pérou ni

quelque autre aspect de son décret.

42 2.15. M.Wood a soulevé, lundi, la questi on de savoir si les proclamations unilatérales

90
avaient créé des obligations internationales . Là n’est pas la question. Ces proclamations sont

pertinentes car elles constituent des revendications de portée internationale.

2.16. Grâce à la méthode de projection maritime utilisée par les deux Etats en1947, les

espaces maritimes revendiqués de part et d’autre étaient parfaitement contigus, sans le moindre

chevauchement. Ils étaient séparés par le parallè le passant par le point où aboutissait en mer leur

frontière terrestre. C’est ce que vous pouvez voir maintenant à l’écran.

a) Ce premier encadré représente la côte péruvienne ainsi que l es parallèles qui la coupent aux

points situés à l’extrême nord et à l’extrême sud de celle-ci.

b) Le croquis suivant figure tous les points de la côte péruvienne, ce qui donne, sans surprise, cette

ligne bleue continue longeant la côte.

c) Sur la carte suivante, chaque point de la côte est projeté à 200milles marins vers le large, le

long du parallèle correspondant, la limite extérieure étant la «ligne parallèle imaginaire» visée à

l’article 3 du décret présidentiel du Pérou.

d) L’encadré suivant montre que la méthode de projection utilisée pour établir les limites

extérieures a également permis de tracer les limites latérales, au nord et au sud, de cet espace. Il

s’agit des lignes apparaissant ici en rouge.

89
CMC, vol. III, annexe 55.
90
CR 2012/27, p. 59-60, par. 11 (Wood). - 34 -

o
e) Sur le dernier croquis, figurant sous l’onglet n 40, a été ajouté le tracé parallèle de la côte du

Chili, méthode que ce dernier a également appliquée à l’article 3 de sa déclaration pour tracer la

limite extérieure de son espace maritime.

2.17. M. Wood a insisté, lundi, sur le fait que ce décret présidentiel péruvien n’avait pas créé

91
de frontière maritime . Certes, mais là encore, cela impor te peu. La méthode de projection

utilisée dans le décret présidentiel impliquait que le Pérou n’avait tout simplement aucune

revendication maritime au sud du pa rallèle passant par le point où aboutissait en mer sa frontière

terrestre.

2.18. Du fait des proclamations unilatérales de1947, la délimitation frontalière entre les

deux Etats ne suscitait, en 1952, aucune controver se. On ne pourrait imaginer cas de figure moins

controversé que celui où les espaces maritime s revendiqués par deux Etats adjacents sont

parfaitement contigus, sans le moindre chevauchem ent, cas de figure que la Cour souhaiterait sans

doute voir plus souvent.

43 2.19. La situation était également tout à fait claire à l’extrémité septentrionale de l’espace

maritime du Pérou, à sa jonction avec celui de l’ Equateur. Vous trouverez, sous l’onglet n o 20, un

mémorandum diplomatique de1969 par lequel l’Argentine demandait à l’Equateur de l’informer

des «raisons qui avaient amené les pays du Pacifi que Sud à utiliser les parallèles géographiques en

92
tant que frontières dans le cadre de la démarcation de leurs mers territoriales respectives» .

2.20. La réponse adressée par le ministère équa torien des relations extérieures, figurant sous

o
l’onglet n 21, faisait référence à la proclamation unilatérale péruvienne de 1947 comme étant l’une

des «raisons» ayant déterminé le tracé des frontièr es dans la région. L’Equateur rappelait que la

proclamation du Pérou avait fixé une limite extérieure «sui vant la ligne des parallèles

géographiques». Au sujet de l’utilisation des para llèles, il expliquait ce qui suit : «à chaque point

de la côte, en commençant par celui où aboutissait en mer la frontière septentrionale du Pérou et en

finissant par celui où aboutissait en mer sa frontiè re méridionale, en correspond un autre situé par

93
la même latitude à deuxcentsmilles marins de la côte» . C’est précisément ce qu’illustrent les

91
Ibid., par exemple, p. 64, par. 27 (Wood).
92
DC, vol. II, annexe 21, p. 113.
93 Ibid., annexe 22, p. 117. - 35 -

94
croquis que vous avez vus, et ce qu’a e xpliqué le Pérou dans son mémoire . Le Pérou, le Chili et

l’Equateur s’accordaient sur la manière d’appliquer cette méthode, et rien de ce qu’a dit le Pérou

cette semaine ne vient contredire ce constat.

2.21. Dans sa réponse à l’Argentine, l’Equateur déclarait avoir «exprimé son consentement à

95
l’adoption [dans les conventions du Pacifique Sud] de ce critère» . Les «conventions du Pacifique

Sud» auxquelles il faisait référence sont la d éclaration de Santiago et les accords de1954,

notamment l’accord relatif à une zone frontière ma ritime spéciale. Cette méthode de délimitation

établissait, selon l’Equateur, «la limite maritime ex térieure et la frontière maritime internationale

[sous forme de] lignes qu’il [était] aisé et simple de reconnaître» 96. Malgré cela, le

professeurLowe croit pouvoir affirmer que «nulle pa rt dans [ces traités] il n’est fait mention de

frontières maritimes» 97.

2.22. Le Pérou prétend aujourd’hui que le parallèle n’a été utilisé que pour délimiter des

zones de pêche, et encore, uniquement à proximité du littoral, parce qu’une telle ligne de

44 délimitation pouvait aisément être repérée par les pe tits navires de pêche di sposant d’équipements

de navigation limités. Or, il est évident que, en 1947, l’utilisation des parallèles pour délimiter les

espaces maritimes n’était nullement destinée à faciliter la navigati on des petits bateaux de pêche

sillonnant la zone, mais concerna it plutôt la souveraineté jusqu’à la limite des 200millesmarins

établie par projection le long des parallèles.

2.23. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la C our, les revendications

unilatérales de souveraineté qu’ont faites le Chili et le Pérou en 1947 concordaient. Les deux Etats

se sont mutuellement communiqué leurs prétentions, sans qu’aucune objection ne soit formulée par

l’un ou par l’autre. Ces revendications unilatéra les de souveraineté ont ensuite été entérinées et

leur périmètre a été défini dans la déclaration de Santiago de 1952.

3. La déclaration de Santiago de 1952

o
3.1. Vous trouverez la déclaration de Santiago sous l’onglet n 5.

94 MP, par. 4.58.
95
DC, vol. II, annexe 22, p. 117.
96 DC, vol. II, annexe 22, p. 117 et 119.

97 CR 2012/28, p. 23, par. 53 (Lowe). - 36 -

3.2. Première disposition importante, son artic leII, en page5, consacre l’accord intervenu

entre les trois Etats, selon lequel chacun d’eux détient «la souveraineté et la juridiction

exclusives…sur la mer qui baigne les côtes de son pays jusqu’à 200millesmarins au moins à

98
partir desdites côtes» . Ainsi, les trois Etats s’accordaient sur le fait que chacun d’eux avait la

souveraineté exclusive sur ces espaces.

3.3. L’articleIII énonce que «[l]a juridicti on et la souveraineté exclusives sur la zone

maritime indiquée entraînent également souverainet é et juridiction exclusives sur le sol et le

99
sous-sol de ladite zone» , disposition que l’on ne s’attendrait pas à trouver dans un accord portant

sur les zones de pêche. Les parties sont donc convenues entre elles et ont proclamé au reste du

monde l’intégralité et l’exclusivité de leurs droits en mer.

3.4. Le caractère global de ces revendications démontre très clairement à quel point est

infondé l’argument selon lequel les Parties n’auraient établi qu’une ligne temporaire et informelle,

voire hésitante et provisoire, et ce, à des fins fonctionnelles limitées. En réalité, les trois Etats

étaient parfaitement conscients de la portée de le urs actes et de l’opposition qu’ils ne manqueraient

pas de susciter, et il était donc d’autant plus important pour eux de présenter un front uni. Aux

articlesII etIII de la déclaration, les Parties ont pleinement revendiqué leur souveraineté et leur

juridiction jusqu’à la limite des 200millesmarins ca lculée à partir de leurs côtes respectives. Et

ces revendications étaient sérieuses, comme en témo igne l’interception, en1954, de plusieurs

100
navires de la flotte baleinière Onassis à 110 milles marins des côtes . Il s’agissait pour les parties

d’une occasion unique de protéger leurs pêcheries hauturières ainsi que leurs «baleineries»

45
⎯ j’emploie ici, semble-t-il, un néologisme qu’on voudra bien me pardonner ⎯ du regain d’intérêt

suscité, dans la période d’après- guerre, par la pêche en haute mer auprès de certains intervenants

puissants. Et c’est ce qu’elles ont fait, non pas au moyen de timides démarches diplomatiques

comme le soutient M.Treves, mais en définissan t des zones de souveraineté exclusive ainsi que

leur périmètre.

98MP, vol. II, annexe 47, p. 261, art. II.
99
Ibid., art. III.
100CR 2012/28, p. 35, par. 38 (Wood) ; CMC, vol. IV, annexe 163, p. 983. - 37 -

3.5. J’ajouterai que les efforts de M.Lowe tendant à minimiser l’importance de la

déclaration sont contredits non seulement par l’objet de ce dernier et les événements de l’époque,

mais également par la manière dont les trois Et ats voyaient eux-mêmes ces questions, comme en

témoigne notamment leur déclaration conjointe, établie à l’issue de la troisième conférence sur le

101
droit de la mer, sur laquelle M. Treves a très justement appelé votre attention mardi . Les Parties

ont, dans cette déclaration, affirmé leur volonté, et je cite, de

«rappeler que la reconnaissance uni verselle de la souveraineté et de la juridiction de

l’Etat côtier dans la limite de 200mill es consacrée par le projet de convention
représente un acquis essentiel des pays membres de la Commission permanente du
Pacifique Sud, conformément aux objectifs fondamentaux énoncés dans la déclaration
102
de Santiago de 1952» .

Dans un autre passage qui n’a pas été cité, il est en suite affirmé que la commission permanente «a

le mérite d’avoir été la première à dénoncer le s pratiques injustes qui existent dans les espaces

maritimes et d’avoir proposé des solutions juridiques appropriées, contribuant ainsi au

103
développement du nouveau droit de la mer» . Il se peut bien que, aux yeux de M.Lowe, la

conférence de1952 n’ait eu qu’un obje t «limité au domaine scientifique» 104, mais les Etats

participants ne voyaient toutefois pas les choses ainsi.

3.6. Le Chili est parfaitement d’accord sur le fa it que le produit de la pêche et de la chasse à

la baleine constituait, à l’époque de la déclarati on, la ressource économique la plus importante.

C’est d’ailleurs toujours le cas de la pêche aujourd’hui. Toutefois, le contrôle que les trois Etats

exerçaient sur ces ressources n’était que l’un des aspects de la souveraineté qu’ils revendiquaient,

et ce, sur une distance de 200 milles marins.

3.7. Lundi, le Pérou a invoqué sa loi sur le pétrole de mars1952 pour affirmer que, à

l’époque de la déclaration de Santiago, il appli quait une méthode de projection maritime différente

de celle qu’il avait utilisée en 1947 105. David Colson reviendra sur ce point en temps voulu, mais

j’observerai simplement que, par cette loi, le Pérou exerçait son autorité sur l’ensemble des

46 hydrocarbures du plateau continental, sur une distan ce de 200 milles marins à partir de la côte. Or

10CR 2012/28, p. 47, par. 9 (Treves).

10MP, vol. III, annexe 108, p. 632.
103
Ibid.
10CR 2012/28, p. 18, par. 32 (Lowe).

10CR 2012/27, pp. 65-67, par. 30-34 (Wood). - 38 -

il demande aujourd’hui à la Cour de juger que , cinqmois plus tard, sa revendication maritime

internationale portait «uniquement» sur les ressources baleinières et halieutiques.

3.8. En bref, aux articles II et III de la déclaration, les parties sont convenues d’accorder une

valeur multilatérale aux revendications maritim es globales qu’elles avaient chacune déjà faites

unilatéralement en 1947.

3.9. A l’articleIV de la déclaration, les Pa rties ont défini les limites de ces revendications

globales. Bien sûr, vous avez entendu à maintes re prises cette semaine, de la part du chŒur des

conseils de la Partie adverse, que l’articleIV ne concernait que les îles. Mais, correctement

interprété, un accord sur la frontière y a été conc lu, frontière qui, comme vous l’indique le dernier

passage surligné à la page5 de l’onglet n o5, correspondait au «parallèle passant par le point où

aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cau se». Le professeur Lowe a lu l’article IV et je

ne vais donc pas le lire de nouveau, mais je vais l’analyser 10.

3.10. A l’articleIV, l’espace maritime géné ré par la projection frontale de la côte

continentale d’un Etat est appelé sa «zone ma ritime générale». Il s’agit d’une zone de

souveraineté, non d’une constructi on géométrique imaginaire, et cette zone a un périmètre.

Comme cela ressort de l’échange de proclamati ons unilatérales, les «zones maritimes générales»

résultant de la projection frontale des côtes con tinentales du Chili et du Pérou ne se chevauchent

pas.

3.11. Dans la première phrase de l’articleIV , les trois Etats sont convenus que toutes leurs

îles jouissaient d’une projection radiale de 200m illes marins, ce qui entraînait un chevauchement

entre la «zone maritime générale» résultant de la projection frontale de la côte continentale et la

projection radiale de toute île appartenant à un Etat limitrophe se trouvant à moins de

200 milles marins de cette zone maritime générale.

3.12. Cela nous amène à la seconde phrase de l’ articleIV, qui imposa it aux Parties de se

donner les moyens de déterminer si une île «se tr ouv[ait] à moins de 200 milles marins de la zone

maritime générale qui se trouve sous la juridiction d’un autre [de ces pays]».

106
MP, vol. II, annexe 47, art. IV, p. 261. - 39 -

3.13. La position actuelle du Pérou, à savoir que les zones maritimes générales n’ont jamais

47 été définies, priverait la seconde phrase de l’article IV de tout sens ou effet. Mardi, M.Lowe a

reconnu que l’article IV s’appliquait aux îles qui «s e trouv[aient] à moins de 200 milles marins de

107
la zone maritime géné rale» d’un autre Etat , ajoutant que, «[d]ans pareille situation», la zone

insulaire serait limitée par le parallèle 10. Mais, si les zones générales n’étaient pas définies, il

serait impossible de savoir si l’on se trouve «[d]ans pareille situation». Il serait aussi impossible de

savoir si une île se situe à moins de 200milles mari ns de la zone maritime générale d’un Etat

voisin.

3.14. Selon l’interprétation qu’en donne le Pérou, l’articleIV ne s’appliquerait par

conséquent à aucune île. Mais bien entendu, il convient de donner effe t aux dispositions des

traités. Cela fait partie du principe de l’effet utile que vous avez énoncé en l’affaire Libye/Tchad 109.

Puisque le sens proposé par le Pérou priverait la se conde phrase de l’article IV de tout effet, le

principe de l’effet utile exclut pareille interprétation.

3.15. Le sens ordinaire de l’articleIV, in terprété de bonne foi et compte tenu de son

contexte, lui confère un effet réel. Il était eff ectivement possible de savoir si une île se trouvait à

moins de 200millesmarins de la zone maritime générale d’un Etat limitrophe car les zones

maritimes générales de chaque paire d’Etats limitrophes étaient délimitées par «le parallèle passant

par le point où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cause».

3.16. La manière dont les problèmes de chev auchement entre zones ma ritimes insulaires et

générales des Etat limitrophes ont été résolus est simple. Les Parties se sont entendues sur la

délimitation latérale de leurs zone s maritimes générales. La réalisation d’un tel accord avait, du

moins en ce qui concerne le Chili et le Pérou, été facilitée par les événements de1947. La

délimitation opérée en1952 selon «le parallèle pass ant par le point où aboutit en mer la frontière

terrestre des Etats en cause» ne dépendait pas de la présence d’îles. Si ces mots figurent à la fin du

texte de l’articleIV, la frontière maritime qu’ils créaient venait, d’un point de vue logique, en

premier.

107CR 2012/28, p. 14, par. 13 (Lowe).
108
Ibid.
109Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt, C.I.J. Recueil 1994, p. 23-24, par. 47. - 40 -

3.17. L’île qui ne se trouvait pas à moins de 200milles marins de la frontière maritime

bénéficierait d’une projection radiale de 200milles ma rins complète. C’est l’effet de la première

48 phrase de l’articleIV. Si elle se trouvait à moin s de 200milles marins de la frontière maritime

générale, sa projection radiale était amputée par cette frontière. Tel est l’effet de la seconde phrase

de l’article IV.

3.18. Il était nécessaire que soit portée une atte ntion particulière aux projections insulaires,

car elles seules étaient source de chevauchement. Il en est résulté qu’elles allaient être amputées

par la frontière maritime dont les Parties avaient convenu pour délimiter leurs zones maritimes

générales. Rétrospectivement, il est certain que le texte aurait pu être mieux formulé, mais

l’intention des Parties est claire, et c’est là l’essentiel.

3.19. Illustrons le fonctionnement de ce dispositif à l’aide des îles qui se trouvent

effectivement à moins de 200 milles marins de la frontière maritime péruvo-chilienne.

a) Le premier encadré est notre tableau ; il représente la frontière maritime.

b) Isla Blanca est une île péruvienne, et non un rocher, comme le professeur Lowe aime à la

qualifier de façon anachronique 110. Elle a une superficie de 15 hectares et se trouve à moins de

200 milles marins de la frontière maritime qui sépare le Pérou du Chili.

c) Si elle jouissait d’une projection radiale de 200millesmarins complète, son espace maritime

ressemblerait à ceci.

d) Par l’effet de la seconde phrase de l’article IV, la zone maritime insulaire est amputée de ce qui

se trouve au-delà de la frontière maritime ⎯ qui, paraît-il, n’existe pas ⎯- si bien qu’en fait elle

ressemble à cela.

e) Il en va de même pour l’île chilienne d’Alacrán, d’une superficie de 8 hectares et située au large

de la côte d’Arica, à moins de 8 milles marins de la frontière maritime.

f) En vertu de la première phrase de l’article IV, elle jouirait d’une projection radiale comme

celle-ci.

g) Bien entendu, cela est impensable. Dès lors , par application de la seconde phrase de

l’articleIV, cette zone se trouve amputée par la frontière maritime ⎯dont le Pérou prétend

110
CR 2012/28, p. 21-22, par. 47 (Lowe). - 41 -

qu’elle n’existe pas ⎯ comme ceci. De nos jours, Alacrán est reliée à la ville d’Arica par une

route surélevée, mais celle-ci n’existait pas en 1952, ni en1968, lorsque le Pérou a décrit

Alacrán comme une île sur la carte marine o fficielle dont vous pouvez voir un détail sur cette

diapositive. Le «I» est l’abréviation de Isla et il n’y a pas de «F» pour Formation, comme le

111
professeurLowe voudrait nous le faire croire . Le nom que le Pérou a inscrit sur cette carte

est Isla Alacrán.

112
49 3.20. Le Pérou a déclaré lundi , comme il l’a fait dans ses écritures, que l’articleIV ne

s’appliquait qu’entre lui et l’Equateur, en raison de la présence d’îles. Mais, comme vous l’avez

vu, il existe également des îles à proximité de la fron tière maritime entre le Chili et le Pérou. Elles

figurent sur d’anciennes cartes péruviennes. Pour tant, le Pérou n’en reconnaît l’existence dans

aucune de ses écritures.

3.21. Quoi qu’il en soit, la présence d’îles n’est pas le point essentiel. Ce qui importe, c’est

que toutes les zones maritimes, qu’elles soient générales ou insulaires, sont délimitées par le

parallèle passant par le point où ab outit en mer la frontière terrestre. Tel est le véritable sens de la

seconde phrase de l’article IV.

3.22. Dans la section de l’ouvrage de référence de Charney et Alexander, International

Maritime Boundaries, consacrée à la frontière maritime entre le Chili et le Pérou qu’il a rédigée, le

président Jiménez de Aréchaga, figure éminente du dr oit international, a examiné la déclaration de

o
Santiago (onglet n 25). Il a ainsi résumé les effets de l’article IV ⎯ ce passage est reproduit sous

l’onglet n o 25 : «leurs zones maritimes générales respectives sont délimitées par le parallèle passant

113
par le point où aboutit en mer la frontière terrestre entre ces pays» .

3.23. A propos des articles II et III, il a qualifié la frontière établie à l’article IV de «limite à

vocation générale» 114.

3.24. Certes, il a ensuite fait observer que, du fait qu’elle était centrée sur les zones

maritimes insulaires, «[l]a formulation de l’artic leIV…[était] quelque peu ambiguë», mais il a

111Ibid., par. 48 et 49 (Lowe).
112
CR 2012/27, p. 19, par. 11 (Wagner).
113CMC, vol. V, annexe 280, p. 1654.

114Ibid. - 42 -

conclu en ces termes : «Les Parties ont confirmé [j’ai bien dit «confirmé»] dans un accord signé le

4décembre1954 que la frontière maritime était effectivement constituée par un parallèle à partir

115
du continent.» Je reviendrai prochainement sur cet accord de 1954.

3.25. A la page suivante, vous pouvez voir que le président Jiménez de Aréchaga a établi un

lien entre la délimitation maritime définie selon le parallèle et la méthode de la projection maritime

utilisée par les Etats en cause. Cela figure à la page 3. Cette méthode était le corollaire logique de

«la projection directe et linéaire [des] territoires et frontières terrestres [des Etats parties à la

déclaration] dans les mers adjacentes». 116

50 3.26. Le sens ordinaire de l’articleIV qui se dégage de cette analyse est confirmé par le

procès-verbal de la commission qui a rédigé celui-ci. Dans le cadre de la conférence interétatique

tenue à Santiago en 1952, une commission des affa ires juridiques avait été constituée pour rédiger

la déclaration. La première ébauche a été présentée par M.CruzOcampo 11, directeur du bureau

des affaires juridique du ministère chilien des relations extérieures.

3.27. La commission s’est réunie deux fois, l es11 et 12août 1952. Le procès-verbal ( acta

dans le texte original en espagnol) ne fait pas seulement partie des travaux préparatoires auxquels il

peut être fait référence aux termes de l’article 32 de la convention de Vienne. Il consigne les points

d’accord se rapportant à l’interprétation de la déclaration de Santiago et intervenus dans le cadre de

son élaboration. Sa prise en compte en tant qu’élément contextuel est obligatoire selon

l’alinéa 32 2) a) de la convention de Vienne.

o
3.28. Le procès-verbal de la premiè re journée se trouve sous l’onglet n 3. Voilà le texte de

la déclaration initialement proposée.

3.29. Il comportait trois phrases, formant alors l’article III.

3.30. La première reprenait la méthode du tracé parallèle, utilisée par les deux Etats en 1947,

pour définir la limite des projections maritimes :

115
Ibid. (les italiques sont de nous).
116
Ibid., p. 1655.
117MP, vol. II, annexe 56, p. 318. - 43 -

«La zone indiquée comprend l’ensemble des eaux se trouvant à l’intérieur du

périmètre formé par la côte de chacun des pays et une parallèle mathématique projetée
en mer à 200 milles marins du continent, le long de la frange côtière.» 118

J’attire votre attention sur le terme «parallèle mathématique».

3.31. La seconde phrase est restée inchangée pour devenir la première phrase de l’article IV :

«S’agissant d’un territoire insulaire, la zone de 200millesmarins s’étendra
autour de l’île ou du groupe d’îles.»

3.32. La troisième phrase a servi de point de départ à ce qui est devenu ensuite, dans la

version définitive, la deuxième phrase de l’article IV :

«Si une île ou un groupe d’îles apparten ant à l’un des pays signataires de la
présente Déclaration se trouve à moins de 200milles marins de la zone maritime
générale qui se trouve, en conformité avec le premier paragraphe du présent article,

sous la juridiction d’un autre d’entre eux, la zone maritime de l’île ou du groupe d’îles
51 en question sera limitée, dans la portion en cause, à la distance qui la sépare de la zone
maritime de l’autre Etat ou pays.»

3.33. Sans être un modèle de clarté, cette version, à l’exemple du texte définitif, posait

néanmoins en principe que les limites que la zone maritime générale de chacun des pays en cause

étaient connues, et que la projection radiale de tout e île appartenant à l’Etat voisin devait s’arrêter

lorsqu’elle atteignait cet espace continental.

3.34. Le délégué équatorien avait alors laissé entendre ⎯ ses paroles sont en surbrillance sur

la page suivante— «qu’il serait souhaitable de cl arifier l’article3, afin d’éviter toute erreur

119
d’interprétation concernant la zone de chevauchement en présence d’îles» .

3.35. M.Lowe s’est exprimé ainsi: «La réd action du pointIV a été remaniée dans le but

«d’éviter toute erreur d’interpré tation concernant la zone de chevauchement en présence d’îles».

Un point c’est tout.» 120 En réalité, la ponctuation est importante et il ne s’agit pas d’un point, mais

bien d’une virgule. Et après cette virgule vient un passage essentiel, celui où M.Fernandez

«propos[e] que la déclaration pose en principe que la ligne frontière délimitant le domaine maritime

de chacun des pays corresponde au parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière

terrestre le séparant des autres» 121. Tout un point, en effet !

118Ibid.

119MP, vol. II, annexe 56, p. 320.
120
CR 2012/28, p. 20, par. 40 (Lowe).
121MP, vol. II, annexe 56, p. 320 (les italiques sont de nous). - 44 -

3.36. La traduction soumise par le Pérou à l’annexe 56 du mémo ire ne fait pas mention de la

suite, mais celle-ci figure en surbrillance dans le texte original en espagnol et fait partie de la

nouvelle traduction se trouvant sous l’ongletn o3: «Tous les délégués se sont dits d’accord avec

122
cette proposition.»

3.37. Ainsi, les trois Etats étaient d’accord po ur que «la déclaration pose en principe que la

ligne frontière délimitant le domaine maritime de chacun des pays corresponde au parallèle passant

123
par le point où aboutit en mer la frontière terrestre le séparant des autres» . Pour ma part, j’ai du

mal à comprendre la conclusion qu’en tire M.Lowe: «[c]e discours ne laisse pas transparaître le

moindre intérêt pour les frontières maritimes internationales» 124.

52 3.38. Le procès-verbal précise en outre que le Chili et le Pérou se sont dits d’accord avec la

proposition de l’Equateur, et que le président de la commission de s affaires juridiques, délégué du

Pérou, s’est attribué la tâche, en collabora tion avec M.CruzOcampo du Chili, de revoir la

125
rédaction de l’article .

3.39. Passons maintenant au procès-verbal du jour suivant, qui se trouve sous l’onglet n o4 :

vous voyez sur la page 5 le passage qui a été ajout é à la dernière phrase de la disposition devenue

l’articleIV: «le parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en

cause» 126.

3.40. Voilà ce qui, selon l’entente intervenue la veille entre les trois Etats parties et constatée

par le procès-verbal, constituait «la ligne frontiè re délimitant le domaine maritime de chacun des

pays» 127, «principe» 128qui devait guider la rédaction de la déclaration.

3.41. C’est dans ce contexte que les trois Etats, agissant en plénière, signèrent la déclaration.

Le procès-verbal confirme que l’ajout susmenti onné donnait suite à leur intention commune de

délimiter les frontières maritimes de la manière indiquée.

122Ibid., p. 319.
123
Ibid., p. 320.
124
CR 2012/28, p. 19, par. 35 (Lowe).
125MP, vol. II, annexe 56, p. 319.

126CMC, vol. II, annexe 34, p. 293.

127MP, vol. II, annexe 56, p. 320.
128
Ibid. - 45 -

3.42. Tout au long de la procédure écrite, le Pérou n’a fait aucun cas de l’accord intervenu

entre les Parties et constaté pa r le procès-verbal de 1952, optant pour la stratégie du silence en ce

qui concerne cet élément de preuve contemporai n de l’entente sous-jacente à la rédaction de

l’articleIV. Il a poursuivi dans la même veine cette semaine et j’invite la Cour à se reporter à

l’onglet n 29 du deuxième dossier de plaidoiries, où le passage en question brille également par

son absence dans la traduction.

3.43. Ce dont le Pérou a beaucoup parlé mardi matin, en revanche, c’est l’invitation et le

programme afférents à la conférence de 1952. J’ai cinq brèves remarques à faire à ce sujet.

3.44. Premièrement, l’invitation adressée par le Chili au Pérou précisait que chaque pays

participant était encouragé à faire en sorte que sa délégation compte un expert en droit

international, étant donné les répercussions que les accords à conclure lors de la conférence étaient

susceptibles d’avoir sur différentes questions de l’ordre de celles visées par les déclarations

129
de 1947 . C’est donc dire que la présence d’experts en droit international avait été jugée

nécessaire.

3.45. Deuxièmement, selon l’invitation adressée au Pérou par le Chili, les thèmes de la

conférence étaient censés être la défense de l’industr ie halieutique et la régulation internationale de

la chasse à la baleine. Mais les participants ne se réunissaient pas uniquement pour discuter de

53 poissons et de baleines. Il s’agissait plutôt d’«examiner les mesures qui devraient être

130
adoptées» , d’où l’importance de la présence de spécialis tes du droit international. Nous avions

donc un rôle à jouer.

3.46. Troisièmement, le Pérou a tenté mardi d’arguer de ce que l’invitation adressée au Pérou

était différente de celle qu’aurait reçue l’Equa teur. Mais ce dernier n’avait pas pris de

proclamation unilatérale en1947, et c’est sans doute ce qui explique que l’invitation qui lui a été

adressée était plus détaillée. Ainsi, l’un des points de l’ordre du jour était la «mer territoriale». Il y

était fait référence à la «légalisation des déclarations des présidents du Chili et du Pérou concernant

la souveraineté sur les eaux continentales jusqu’à une distance de 200milles marins» 131.

129MP, vol. III, annexe 64, p. 382.
130
Ibid.
131CMC, vol. III, annexe 59, p. 487 (les italiques sont de nous). - 46 -

L’Equateur était ainsi invité à se joindre au Pérou et au Chili afin de donner une valeur

multilatérale aux revendications déjà formulées unilatéralement par le Chili et le Pérou, non pas sur

le plan moral ou diplomatique, mais par la lé galisation de ces revendications. Et l’invitation

adressée à l’Equateur précisait que «la détermination des eaux territoriales fai[sai]t partie des points

132
inscrits à l’ordre du jour provisoire joint à la présente» . Or qui dit détermination, dit

délimitation. Le terme avait bien été utilisé par le Chili et le Pérou, par exemple, à l’article3 du

133
traité de Lima, par lequel ils avaient délimité leur frontière terrestre .

3.47. Quatrièmement, les invitations et les programmes sont au demeurant d’une pertinence

très limitée. Ce qui importe est que, lorsqu’ils se sont réunis, les Etats se sont mis d’accord sur la

délimitation de frontières. La Cour se souviendra sans aucun dout e de l’avis consultatif rendu par

sa devancière au sujet de la convention concernant le travail de nuit des femmes 134, que je n’ai

malheureusement pas le temps d’an alyser ici, mais dont on trouvera la référence dans le compte

rendu. Bien plus que ce que disait ou non l’invitation, c’est ce qui s’est passé après la conférence

qui importe, y compris le fait que, postérieurement à la signature par les délégués des trois Etats, la

déclaration a été ratifiée par le Parlement de chacun de ces derniers, ce qui paraîtrait assez

inattendu s’il s’était agi d’un congrès purement scientifique.

3.48. Dans le cadre d’une ar gumentation connexe, le Pérou sou tient que, il y a soixante ans,

les Parties «naviguaient à vue dans des eaux troubles et inexplorées...» 135 : de nouveau, l’hésitation.

54 De ce que nous avons entendu au début de la semai ne, il ressort principalement que la partie

péruvienne ne songeait même pas aux frontières maritimes et que, dans ces conditions, elle n’aurait

pu convenir de leur délimitation. Il s’ag it là d’une manŒuvre qui vise à faire croire

rétrospectivement à l’ignorance de personnes qui savaient très bien ce qu’elles faisaient, et qui va à

l’encontre non seulement du texte de la déclarati on et des procès-verbaux, mais aussi des autres

circonstances de l’époque.

132
Ibid., p. 484 et 485.
133MP, vol. II, annexe 45, p. 228 et 236.

134Interprétation de la convention de 1919 concernant le travail de nuit des femmes, avis consultatif, 1932,
C.P.J.I. sérieA/B n o50, p.369, 376; voir aussi l’opinion dissi dente du baron Rolin-Jaequemyns, du comte
Rostworowski et des juges Fromageot et Schüking, ibid., p. 382.

135RP, par. 4.7. - 47 -

3.49. Premièrement, il avait déjà été dit dans la proclamationTruman que, en cas de

chevauchement des droits des Etats-Unis sur le plateau continental avec ceux d’un Etat adjacent, la

frontière serait déterminée par accord entre les deux Etats 13.

137
3.50. Il convient de signaler que la procla mationTruman a été citée tant par le Chili que

par le Pérou 138dans leurs proclamations respectives de 1947. Il est donc permis de supposer qu’ils

en connaissaient la teneur.

3.51. A l’époque de la déclaration de San tiago, la Commission du droit international (CDI)

avait déjà entrepris ses travaux sur le droit de la mer, y compris la délimitation. En1950, le

juge Hudson de la Commission s’était dit d’avis qu’il fallait «écarter» toute tentative de trouver une

solution d’application générale pour régler les situations de chevauchement, car «[l]a coutume et la

doctrine ne contiennent rien à ce sujet», avant de faire observer que «les Etats intéressés doivent

139
s’entendre» .

3.52. En1951, la CDI rapporta à l’Assemblé e générale que les frontières devraient «être

fixées par accord entre les Etats intéressés. Il n’ est pas possible de poser de règle générale que les

140
Etats devraient suivre.» Bien entendu, la position a évolué pa r la suite, mais tel était l’état des

choses en 1952. De fait, prenant la parole à la qua trième conférence internationale de la profession

juridique, tenue à Madrid en juillet1952 —il y avait des conférences sur la profession juridique

en 1952 —, Gilbert Gidel exprima l’avis suivant :

«La difficulté de poser par avance l es règles adéquates susceptibles de répondre

à l’extrême diversité des situations de fait justifie la solution adoptée par la
[Commission du droit international].» 141

Voilà ce qu’en pensait M. Gidel.

55 3.53. M.Wood vous a rappelé lundi que le co mité d’experts de la CDI ne s’était réuni

142
qu’en 1953 . C’est alors qu’il a expliqué la méthode de l’équidistance. Il faut bien se garder

136MP, vol. III, annexe 88.

137Ibid., vol. II, annexe 27, p. 136, premier considérant.
138
Ibid., annexe 6, p. 26, cinquième considérant.
139
CMC, vol. IV, annexe 229. p. 1361, par. 39 et 42.
140Ibid., annexe 230, p. 1365.

141G. Gidel, Le plateau continental, La Haye, Martinus Nijhoff, 1952, p. 17.

142CR 2012/27, p. 67, par. 34 (Wood). - 48 -

d’interpréter cette histoire à rebours. A Santia go, en 1952, les délégués ne pouvaient pas compter

sur le comité ni sur les conseils actuels du Pérou pour leur faire prendre conscience

de leur ignorance. Ils ne disposaient pas non pl us de l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire

Roumanie c. Ukraine. La seule règle connue en1952 éta it celle qui voulait que les frontières

maritimes soient délimitées par accord.

3.54. En réalité, Monsieur le président, M esdames et Messieurs de la Cour, cette règle

demeure la règle première: les soluti ons équitables ne font pas partie du jus cogens et, selon la

situation dans laquelle ils se trouvent, les Etats peuvent avoir des vues divergentes sur ce qui est

équitable, comme la Cour a récemment eu l’o ccasion de l’observer. Une fois qu’une frontière

maritime a été établie par accord, son respect devien t «une question de grande importance». Il ne

saurait être question de remonter plus de soixante ans dans le temps pour remettre en question la

motivation des délégués par rapport aux priorités qui étaient les leurs à l’époque.

3.55. Ayant à l’esprit la proclamationTruman et les travaux de la CDI concernant la

délimitation conventionnelle des fr ontières maritimes, c’ est précisément ce qu’ont fait le Chili, le

Pérou et l’Equateur dans la déclar ation de Santiago, et cela ne saur ait être écarté du revers de la

main !

4. La convention complémentaire de 1954

4.1. Aux termes de l’articleVI de la déclar ation de Santiago, les Parties étaient convenues

qu’elles signeraient de nouveaux accords pour établir des normes générales de réglementation et de

protection au sein de «leurs propres zones maritimes».

4.2. Au mois d’octobre 1954, elles ont ains i tenu une réunion de la commission permanente

du Pacifique Sud afin de préparer la conférence su r l’exploitation et la conservation des ressources

maritimes dans cette région, avec l’objectif de renforcer la position commune qu’elles avaient

adoptée dans la déclaration de Santiago.

4.3. Cette position commune avait effectivement besoin d’être renforcée. Les prétentions sur

des zones maritimes étendues formulées par les trois Etats dans la déclaration de Santiago avaient

en effet suscité des protestations de la part de certaines puissances maritimes 143, parmi lesquelles le

143
MP, vol. III, annexe 98, p. 580. - 49 -

Royaume-Uni 144, les Etats-Unis d’Amérique 145, la Norvège 146, la Suède 147, le Danemark 148et les

149
Pays-Bas .

56 4.4. Un mois après la réunion préparatoire de la commission permanente du PacifiqueSud

mentionnée ci-dessus, la flotte baleinière d’On assis a annoncé qu’elle ne tiendrait aucun compte

des revendications de souveraineté formulées dans la déclaration de Santiago ; cette annonce n’a

pas tardé à être suivie d’effet, et ce, de manière tout à fait publique.

4.5. La marine péruvienne a ainsi employ é la force pour intercepter plusieurs navires

d’Onassis à 110milles marins au large des côtes, le capitaine du port de Paita les condamnant à

verser une amende de troismillions de dollars des Etats-Unis 15. Même s’il ne représente plus

grand chose aujourd’hui, ce montant était élevé pour l’époque, et il est difficile de le considérer

comme «expérimental». Les navires en question ont été condamnés pour être «entrés sans permis

151
dans les eaux juridictionnelles péruviennes» , le capitaine du port de Paita ayant fondé sa décision

sur la déclaration de Santia go et le décret présidentiel 152. Ce n’est certainement pas pour avoir

violé des lignes de construction que la flotte d’Onassis a été interceptée !

4.6. Au début du mois suivant, en décembre 1954, les trois Etats se sont réunis comme prévu

dans le cadre de leur conférence interétatique à Lima afin de renforcer leur position commune et de

se mettre d’accord sur la poursuite de leur coopératio n. Tels étaient les objectifs de la convention

o
complémentaire de1954, dont le te xte est reproduit sous l’onglet n 9 du dossier de plaidoiries.

Son titre complet est «convention complémentaire à la déclaration de souv eraineté sur la zone

maritime de 200 milles marins».

4.7. Dans le premier considérant de cet in strument, qui commence en bas de la page4

⎯sous l’onglet n o 9, donc ⎯, il était rappelé que les trois Etats avaient déjà «proclamé leur

144CMC, vol. III, annexes 60 et 68.

145Ibid., annexe 62.
146
Ibid., annexe 63.
147
Ibid., annexe 64.
148
Ibid., annexe 65.
149Ibid., annexe 66.

150Ibid., vol. IV, annexe 163, p. 986.

151Ibid., p. 987.
152
Ibid. - 50 -

souveraineté sur la mer bordant les côtes de leurs pays respectifs, jusqu’à une distance d’au moins

200 milles marins à partir de ces côtes, y compris le sol et le sous-sol correspondants de ladite zone

153
maritime» . Trois éléments importants étaient ainsi énoncés.

a) Premièrement, et c’est le point le plus év ident, il était rappelé dans la convention

complémentaire que les trois Etats avaient déjà proclamé leur souveraineté sur leurs zones

maritimes.

b) Deuxièmement, cette revendication était globale. Elle n’était ni limitée dans le temps ni limitée

aux pêcheries ; elle englobait la mer, le sol et le sous-sol.

c) Troisièmement, elle s’appliquait aux côtes «r espectives» des trois pays, chacun d’entre eux

revendiquant sa propre zone maritime de souveraineté.

57 d) Quatrièmement, aux termes de l’article5 de la convention co mplémentaire, il était «entendu

que l’ensemble des dispositions de la … conventio n f[aisaient] partie intégrante des résolutions

154
et accords adoptés à … Santiago [et] leur [étaient] complémentaires et conformes» .

4.8. Les procès-verbaux relatifs à la convention complémentaire sont eux aussi importants,

puisqu’y sont consignées les raisons pour l esquelles il a été décidé, en 1954, de ne pas aborder la

question de la délimitation frontalière. Il s’ag it des documents que SirMichael a évoqués mardi,

critiquant vivement le Chili pour avoir prétendu «avec beaucoup d’audace» ⎯il aurait pu dire

«avec beaucoup d’imagination» ⎯ qu’ils montraient que les délégués de la commissionI avaient

estimé qu’une frontière maritime internationale à vocation générale avait été établie par l’article IV

155
de la déclaration de Santiago .

4.9. Le procès-verbal du 2 décembre1954 figure sous l’ongletn o6 de notre dossier de

plaidoiries. Il y est consigné que le délégué de l’Equateur à la conférence de1954, M.Salvador

Lara, souhaitait inclure dans la convention complémentaire une disposition qui aurait répété ce qui

avait d’ores et déjà été convenu deux ans auparavant à Santiago au sujet de la délimitation maritime

⎯nous sommes à la page10 de l’ongletn o6. M.Lara a ainsi «[p]ropos[é] d’inclure dans cette

153
MP, vol. II, annexe 51, p. 282-283, premier considérant.
154
MP, vol. II, annexe 51, p. 283-284, article 5.
155CR 2012/28, p. 33, par. 29 (Wood). - 51 -

convention un article précisant la notion de ligne de délimitation des eaux juridictionnelles, déjà

expliquée à la conférence de Santiago, mais qu’il n’[était] pas inutile de répéter ici» 156.

4.10. Dans ce même procès-verbal est cons ignée la réponse commune des délégués péruvien

et chilien.

4.11. Selon eux, «l’articleIV de la déclara tion de Santiago [était] suffisamment clair et ne

nécessit[ait], dès lors, nul éclaircissement» 157.

4.12. Le délégué chilien en question était, co mme à Santiago, M.Cruz Ocampo. C’est lui

qui avait, avec son collègue péruvien, rédigé l’article IV.

4.13. Le délégué de l’Equateur à la conférence de1954 — qui n’avait pas été présent à

Santiago — a cependant insisté. La suite du procès-verbal se lit comme suit :

«Puisque le délégué de l’Equateur insiste pour que soit insérée une déclaration à
cet effet et que l’article IV de la déclarat ion de Santiago visait précisément à établir le
principe de délimitation des eaux autour des îles, le président demande au délégué de

58 l’Equateur s’il accepterait, en lieu et place d’un n158el article, qu’une transcription
intégrale de ses propos soit jointe aux minutes.» [Il s’agit là du réflexe habituel
d’un président de séance : «nous allons consi gner vos propos dans le procès-verbal et

quelqu’un les lira bien un jour».]

4.14. Mais le délégué de l’Eq uateur, qui ne l’entendait pas du tout ainsi, a fait une réponse

détaillée :

«Le représentant de l’Equateur déclare que, si les autres pays estiment qu’une
mention expresse n’est pas nécessaire dans la convention, il est d’accord pour que soit
consigné au procès-verbal que les trois pays considèrent que la question de la ligne de

délimitation des eaux juridictionnelles est réglée et que cette ligne est constituée par le
parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière te rrestre des deuxpays
159
concernés.»

4.15. Aussitôt après cette déclaration du dé légué de l’Equateur, celui du Pérou, le

commandant de marine Llosa, a «approuv[é] ce tte approche, mais précis[é] que cet accord avait

déjà été établi à la conférence de Santiago, et consigné dans le procès-verbal pertinent à la

160
demande du représentant de l’Equateur, M.Gonzalez» . En fait, le délégué de l’Equateur à

156CMC, vol. II, annexe 38, p. 341.

157Ibid.
158
CMC, vol. II, annexe 38, p. 341.
159Ibid.

160Ibid., p. 342, les italiques sont de moi. - 52 -

Santiago, en1952, était M.Fernández, et non M.Gonzalez;c’est lui qui avait demandé un

éclaircissement au sujet ce qui allait devenir l’article IV.

4.16. En 1954, le commandant Llosa, qui s’exprimait au nom du Pérou, s’est donc référé non

seulement à la déclaration de Santiago, mais aussi à l’accord inclus dans le procès-verbal de 1952.

Dans ce document était en effet consignée la proposition de M.Fernández tendant à ce que

l’articleIV soit rédigé de telle sorte «que la li gne frontière délimitant le domaine maritime de

chacun des pays corresponde au parallèle passant pa r le point où aboutit en mer la frontière le

séparant des autres» 161.

4.17. Vous vous rappellerez ég alement que, dans le procès-verb al de 1952, il était précisé

aussitôt après que «[t]ous les délégués souscriv[ai]ent à cette proposition» 16.

4.18. Le Pérou s’est donc, en 1954, spécifique ment fondé sur le procès-verbal de 1952 pour

s’opposer à la demande de l’Equateur tendant à ce que ce point soit répété.

4.19. Le Pérou a jugé qu’il serait inutile d’aj outer à la convention complémentaire un article

qui répéterait, comme l’Equateur en avait exprimé le souhait, que «le parallèle passant par le point

où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cause 16» constituait la ligne de délimitation des

59 eaux juridictionnelles. Les choses en étaient là le 2 décembre, au moment où les parties ont levé la

séance pour aller dîner.

4.20. Le procès-verbal correspondant à la journée suivante, celui du 3 décembre 1954, figure

sous l’ongletn o7 de notre dossier de plaidoiries. La séance a débuté par une lecture du

procès-verbal de la veille. De toute évidence, le délégué équatorien n’était pas satisfait de ce qu’il

entendait; aussi a-t-il campé sur sa position, comme en témoigne son intervention, qui figure en

page 10 :

«A la suite de la lecture des minutes, le délégué de l’Equateur,
M. Salvador Lara, demande une clarification de la déclaration du président au sujet du
concept de ligne de délimitation, puisque le président n’avait pas proposé d’enregistrer

dans les minutes la déclaration faite par le délégué de l’Equa teur, mais que les
troispays s’étaient mis d’accord sur la notion de ligne de délimitation des eaux
juridictionnelles.» 164

161MP, Vol. II, annexe 56, p. 320.
162
Ibid., p. 319
163
Ibid., annexe 47, p. 261, art. 4
164CMC, Vol. II, annexe 39, p. 354. - 53 -

Il ne s’agissait donc pas de consigner une simple déclaration, mais de consigner un accord.

4.21. Autrement dit, le délégué équatorien in sistait pour que ne soit pas seulement consignée

l’observation qu’il avait faite; il insistait pour que soit inscrit au procès-verbal l’accord entre les

trois Etats.

4.22. Le procès-verbal se poursuit par la men tion suivante: «Avec cette clarification, le

président déclare les minutes de la première séance approuvées» 16.

4.23. La clarification apportée est que «les troi s pays s’étaient mis d’accord sur la notion de

ligne de délimitation des eaux juridictionnelles» 16.

4.24. Monsieur le président, Mesdames et messieurs de la Cour, cette partie du procès-verbal

de 1954 figure deux fois le dossier de l’affaire, en tant qu’annexe57 du mémoire du Pérou, et en

tant qu’annexe39 du c ontre-mémoire du Chili. Permettez-mo i de préciser que vous devriez vous

fonder uniquement sur cette dernière ; et je vais vous montrer pourquoi à l’écran.

a) la première projection correspond à la première page du procès-verbal de 1954 tel que présentée

par le Pérou ;

b) à droite, vous voyez maintenant la première page de ce même document, telle présentée par le

Chili. Le sceau qui apparaît en haut à gauche est celui du ministère péruvien des relations

extérieures, et celui qui apparaît en haut à dro ite, celui de l’ambassade du Chili au Pérou. Or,

ces deux sceaux officiels ne figurent pas dans l’annexe présentée par le Pérou.

60 c) Autre différence, plus notable encore, la partie inférieure de la page ne figure pas sur la

reproduction du Pérou. Vous vo yez maintenant apparaître sur vos écrans une ligne rouge en

surimpression. Au-dessus de cette ligne, le contenu des deux annexes est le même, hormis les

sceaux officiels susmentionnés et certaines erre urs typographiques cont enues dans l’annexe

péruvienne; il s’agit manifestement là d’un docu ment à l’état de projet. En revanche, tout ce

qui apparaît en dessous de la ligne rouge ne figure pas dans l’annexe que le Pérou a présentée à

la Cour.

d) Vous voyez à présent surlignés les deux para graphes pertinents qui figurent dans le

procès-verbal authentique, mais pas dans l’annexe du Pérou.

165
Ibid.
166
Ibid. - 54 -

c) Nous les avons traduits à l’a nnexe39 du contre-mémoire, et ils figurent sur cette dernière

projection.

4.25. Le procès-verbal tel qu’approuvé comprend le texte sur lequel j’ai insisté, et qui figure

o
sous l’onglet n 42 : «les trois pays s’étaient mis d’accord sur la notion de ligne de délimitation des

eaux juridictionnelles».

4.26. Ce fait juridique ne saurait être modifi é, quel que soit l’entrain mis à cliquer sur la

touche «supprimer» d’un ordinateur.

4.27. Dans les extraits des procès-verbaux de 1954 que nous venons de voir sont consignées

les discussions qui ont conduit à la convention complémentaire, mais ce qui est pertinent aux fins

du présent différend, c’est le passage qui constitue un accord entre les Parties sur l’interprétation de

la déclaration de Santiago, signée deux ans aupa ravant. A cet égard, les procès-verbaux de1954

ont bel et bien consigné un «accord ultérieur intervenu entre les Parties au sujet de l’interprétation»

de la déclaration de Santiago, dont il «ser a» tenu compte, conformément à l’alinéa a) du

paragraphe 3 de l’article 31 de la convention de Vienne.

4.28. J’en viens maintenant à une autre conve ntion signée le même jour que la convention

complémentaire. Il s’agit de l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale, qui figure sous

o
l’onglet n 10 de notre dossier de plaidoiries.

5. L’accord de 1954 relatif à une zone frontière maritime spéciale

5.1. Le premier élément qu’il convient de relever au sujet de cet accord est son titre. Dans

ses écritures, le Pérou l’a abrégé en «accord sur la zone spéciale» 16. M. Lowe en a fait de même,

168
61 mais il m’a bien semblé le voir rougir . C’est qu’en effet, cette abréviation omet deux mots

importants : «frontière maritime». Là encore, le Pérou préfère c liquer sur «supprimer», plutôt que

d’exposer des arguments.

5.2. Je me référerai à la traduction anglaise de cet accord, qui commence en page4 du

o
document reproduit sous l’onglet n 10 de notre dossier de plaidoiries. Y apparaissent certaines

corrections certifiées conformes à l’original qui ont été apportées au texte figurant dans le Recueil

167
MP, par. 2.6., RP, par. 2.81.
168CR 2012/29, p. 21, par. 20 (Lowe). - 55 -

des traités des NationsUnies . Dans le premier considérant de cet accord, il est indiqué que «la

frontière maritime entre des Etats adjacents était fréquemment violée» 169. Il n’est pas question ici

du bord extérieur de la zone, mais de la frontière latérale.

5.3. Cet accord a été conclu dans le but de créer une zone de tolérance pour les navires de

petite taille dont les capitaines avaient quelque diff iculté à se repérer. Il ressort d’ailleurs du

dossier que les bateaux de ce type n’ont, depuis lors, guère réalisé de progrès en matière de

navigation. Ces navires avaient déjà violé ⎯ et c’est là que figurent les mots importants contenus

dans ce considérant ⎯ «la frontière maritime entre des Etats adjacents».

5.4. Mardi, sirMichael a dit de ce traité que «[s]on objectif limité était de mettre fin aux

170
accrochages entre les petits bateaux de pêche s’ adonnant à la pêche artisanale près des côtes» , et

qu’il s’agissait d’un traité «sans aucune incidence politique» 171.

5.5. La véritable nature de cet instrume nt est pourtant énoncée dans l’avant-dernier

considérant. Le fait de créer une zone de tolérance à l’intention des navires de petite taille visait en

effet à empêcher les «frictions entre les pays intéressés, ce qui p[ouvai]t nuire à l’esprit de

coopération et d’unité qui devrait en tout temps ré gner entre les pays sign ataires des accords de

Santiago» 172. Ces frictions étaient donc considérées comme un problème interétatique, et non

comme un problème ayant trait à des pêcheurs itinérants. Encore ne s’agissait-il pas que de cela.

5.6. Les trois Etats craignaient que ne surviennent des «frictions entre les pays», causées par

des violations de la frontière commises par des pêcheurs. Conformément aux buts de la convention

complémentaire, ils ont souhaité éliminer tout obs tacle à leur pleine et entière coopération en

matière de défense de leurs prétentions maritimes. Prétentions maritimes qui étaient alors sans

précédent. Or, les violations des frontières maritimes latérales constituaient pareil obstacle.

5.7. J’en viens maintenant à l’articlepremier de cet accord, que M.Lowe s’est efforcé de

passer sous silence. Cet article se lit comme suit :

169MP, Vol. II, annexe 50, p. 276, premier considérant.
170
CR 2012/28, p. 28, par. 9 (Wood).
171Ibid., p. 29, par. 11 (Wood).

172MP, Vol. II, ann. 50, p. 276, deuxième considérant. - 56 -

62 «Une zone spéciale est créée par le présent Accord à une distance de 12 milles
marins de la côte et avec une largeur de 10 milles marins de part et d’autre du parallèle
173
qui constitue la frontière maritime entre les deux Pays.»

5.8. Cette phrase est exprimée au présent. Il y est fait référence à une frontière maritime déjà

existante. Dans le premier considérant, il est pr écisé que ce sont des viola tions de cette frontière

existante qui ont donné lieu à l’Accord. On voit mal comment les choses pourraient être plus

claires. Sir Michael a tenté d’escamoter cet article, mais il n’y est tout simplement pas parvenu.

5.9. La zone frontière maritime spéciale ins tituée entre le Chili et le Pérou a été représentée

dans Limits in the Seas, publication du département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique. Le

document actuellement projeté à l’écran —qui figure sous l’onglet n o43 du dossier de

plaidoiries — correspond à l’édition de 1979 de cette publication.

a) Le titre qui figure dans l’encadré en haut à dr oite est le suivant: «Frontière maritime:

Chili-Pérou».

b) La ligne continue de couleu r rouge allant du point où la fr ontière terrestre aboutit en mer

jusqu’au point P correspond à cette frontière maritime.

c) Le pointC est le point de la frontière où le droit du Chili à une zone maritime de 200milles

s’arrête.

d) La ligne reliant le pointC au pointP est la pa rtie de la frontière maritime qui fait échec à la

prétention du Pérou sur la zone de haute mer, alta mar, ou triangleextérieur. M.Colson vous

exposera ce point plus en détail demain.

e) Ce qui est pertinent aux fins présentes, ce sont les zones hachurées en rouge de part et d’autre

de la frontière maritime. Leur légende i ndique qu’elles constituen t des «zones frontières

maritimes d’une largeur de 10 milles marins». Il s’agit des zones instituées par l’article premier

de l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale.

f) L’une de ces zones est située du côté chilien, pour les navires péruviens égarés.

g) Il en existe une autre du côté péruvien, pour les navires chiliens égarés.

h) La partie de la frontière située à proximité du littoral où n’existe pas pareille zone de tolérance

correspond à la zone située à l’intérieur de la limite des 12milles marins. Dans cette zone,

même les bateaux de pêche artisanaux étaient censés être en mesure de respecter la frontière

173
MP, Vol. II, annexe 50, p. 276, art. 1. - 57 -

maritime, sans qu’il soit besoin de créer de zone de tolérance à leur intention. Cette attente

s’étant révélée quelque peu optimiste, le Chili et le Pérou ont conclu des accords formels afin de

signaler leur frontière maritime, point sur lequel je reviendrai dans un moment.

63 5.10. Le croquis actuellement projeté à l’écran est l’équivalent du précédent, tiré cette fois

d’une publication du State Oceanic Administrati on Policy Research Office de la République
o
Populaire de Chine ; il figure sous l’onglet n 44 du dossier de plaidoiries. La publication dont ce

croquis est extrait a pour titre Recueil des tra ités internationaux de délimitation maritime

[Collection of International Maritime Delimitation Treaties], et elle date de 1989.

a) Nous avons traduit la lé gende qui apparaît dans le coin, en ha ut à droite : «Frontière maritime

Pérou-Chili».

b) Le titre, qui figure en haut de la page, fait mention du traité de délimitation qui est à l’origine de

la frontière, c’est-à-dire la déclaration de Santiago.

c) Au centre du croquis, vous pouvez voir le para llèle de latitude qui constitue la frontière

maritime ainsi que les zones frontières maritimes spéciales, de part et d’autre de celle-ci.

5.11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les Parties n’auraient pas pu

établir ces zones frontières si elles n’avaient pas di sposé d’une frontière maritime. Cette frontière

maritime correspond exactement à la représentation qui en est faite depuis 33 ans dans Limits in the

Seas et, depuis 23 ans, dans le Recueil chinois d es traités internationaux de délimitation maritime,

et ce, sans que cela n’ait suscité le moindre murmure de protestation ou la plus timide demande de

correction de la part du Pérou.

5.12. Certes, ces publications sont assorties de l’avertissement habituel, suivant lequel elles

ne constituent pas une reconnaissance officielle de s frontières maritimes qui y sont représentées.

Elles sont néanmoins fort utiles en ce qu’elles illu strent les zones frontières maritimes spéciales et

témoignent de la manière dont la déclaration de Santiago et l’accord relatif à la zone frontière

maritime spéciale étaient considérés sur le plan international, sans contestation ni interrogation de

la part du Pérou.

5.13. Cette semaine, le Pérou a tenté de tirer des conséquences juridiques de légères

différences terminologiques. Vous vous souviendr ez que, dans les procès-verbaux de1952, il est - 58 -

question de la «ligne frontière délimitant le domaine maritime de chacun des pays» 17. Dans le

passage pertinent des procès-verbaux de1954, il est fait mention de la «ligne de délimitation des

eaux juridictionnelles» 17. Il s’agit là de différences terminologiques auxquelles les Parties n’ont

pas attaché d’importance juridique.

5.14. Ce qui importe, c’est que, en 1952 et 1954, les Parties ont formulé, puis confirmé, des

revendications de souveraineté et de juridicti on globales et exclusives, et que ce sont ces

revendications qui ont fait l’objet d’un accord de délimitation entre elles.

64 5.15. Quand bien même la terminologie serait importante, l’accord relatif à une zone

frontière maritime spéciale clôt le débat. Dans son article1 sont en effet employés les termes

«frontière maritime», « límite marítimo » en espagnol. Il s’agit de la «frontière maritime» qui

correspond au parallèle de latitude. Le titre de l’accord, quant à lui, renvoie à une «zone frontière

maritime» ou « zona fronteriza marítima ». Enfin, le premier considérant emploie simplement

l’expression «frontière maritime» ou «frontera marítima ». Que ce soit en bon anglais ou en

mauvais espagnol, ce que les Parties avaient à l’esprit ne pourrait être plus clair.

5.16. Conscient de ce que l’article1 de l’accord de1954 ne peut être interprété autrement

que comme la reconnaissance d’une frontière mari time existante, le Pérou a affirmé dans ses

écritures que, cette disposition faisant mention d’une frontière maritime entre «les deux pays», il

s’agissait de l’Equateur et de lui-même. Bien que le Pérou semble avoir renoncé à cet

argument ⎯ comme à tant d’autres choses, d’ailleurs, depuis le début de la semaine ⎯, ce qui n’est

guère surprenant, celui-ci conserve néanmoins un certain intérêt scientifique en ce qu’il montre à la

Cour que le Pérou a bien voulu, à un moment donné, reconnaître que la dé claration de 1952 avait

bel et bien établi une frontière maritime, mais uniquement avec l’Equateur. Et qu’en est-il

aujourd’hui ? Eh bien, aujourd’hui, on nous dit qu’il n’en est rien. Absolument rien.

5.17. Pour faire bonne mesure, j’ajouterai que, dans ses écritures, le Pérou ne présente aucun

élément plausible expliquant pourquoi les Parties auraient limité l’effet entier de l’accord de 1954 à

deux Etats, en quoi il ressortirait du libellé de cet accord qu’il s’agit du Pérou et de l’Equateur, ni

174
MP, vol. II, annexe 56, p. 320.
175
CMC, vol. II, annexe 38, p. 341. - 59 -

pourquoi le Chili aurait été partie à cet instrument si les dispositions de celui-ci ne le concernaient

en rien.

5.18. L’autre difficulté pour le Pérou, s’ag issant de l’accord de1954 relatif à une zone

frontière maritime spéciale, est que cet instrument n’a nullement trait à la question des îles, alors

qu’il renvoie expressément au «parallèle qui constitue la limite maritime entre les deux pays». Pas

une seule île n’est mentionnée, et pour cause, puis que l’accord de 1954 visait à établir une zone de

tolérance entre des Etats adjacents ; mais peut-être aurait-il été préférable de mentionner les îles,

peut-être que les pêcheurs s’éc houeront sur des îles. Voilà donc pour l’argument selon lequel

l’article IV doit être interprété comme étant limité aux seules îles.

5.19. Histoire de vous donner une idée de ce que deviendrait l’article premier de l’accord

relatif à une zone frontière maritime spéciale si les arguments avancés par le Pérou pour

l’interpréter étaient retenus, en voici projetée une version remaniée.

5.20. Le vrai libellé apparaît en noir. Nous avons rayé les termes que le Pérou vous demande

de supprimer. Voici ce que cela donne :

65 «Une zone spéciale est créée par le présent accord à une distance de 12 milles

marins de la côte et avec une largeur de 10 milles marins de part et d’autre du
parallèle qui constitue la frontière maritime une ligne informelle et temporaire utilisée
uniquement aux fins de la compétence en matière de pêcheries à proximité des côtes
entre les deux pays l’Equateur et le Pérou.»

Cela revient, non pas à interpréter cette disposition, mais à la récrire.

5.21. La conclusion que la Cour a formulée en l’affaire du Différend territorial entre la

Libye et le Tchad, dans laquelle le traité de 1955 ne prêtait nulleme nt à ambiguïté, vaut tout à fait

pour l’accord de1954 en l’espèce. A l’époque, la Cour avait jugé que «les Parties [avaient]

reconnu l’existence d’une frontière déterminée et [avaient] agi en conséquence» et qu’un accord

conclu ultérieurement entre elles «se référ[ait] à la frontière … sans laisser entendre qu’il exist[ait]

la moindre incertitude à son sujet» (Différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt,

C.I.J. Recueil 1994, p.35, par.66), ni, ajouterai-je, la moindre hésitation ou le moindre flou

diplomatique.

5.22. Le sens ordinaire de l’accord de 1954 est tellement clair qu’il n’est pas nécessaire de se

référer à l’histoire rédactionnelle de cet instru ment, telle qu’elle figure dans les procès-verbaux

de 1954. Mais, bien entendu, comme il se doit pour tout bon avocat, immédiatement après avoir dit - 60 -

que cela n’était pas nécessaire, je vais le fair e quand même. Mais je ne le fais que par souci

o
d’exhaustivité. Les procès-verbaux en question figurent sous l’onglet n 7.

5.23. Nous avons déjà vu que , lors de la conférence de 1954, le délégué équatorien,

M. Salvador Lara ⎯dont on ne peut qu’admirer la persévérance ⎯, avait déployé beaucoup

d’efforts pour que soit réitéré l’accord de délimita tion maritime conclu par les Parties en1952.

Lors de l’examen de la convention complémentaire, il a accepté que soit consigné au procès-verbal

le simple fait que les trois Etats avaient déjà délimité leurs frontières maritimes. Lorsque l’accord

relatif à une zone frontière maritime spéciale a ét é examiné, il a cependant proposé que soit incluse

une référence à l’accord de 1952. Et, cette fois, il a obtenu gain de cause.

o
5.24. Je vous invite à consulter l’onglet n 75 du dossier de plaidoiries, à la page 15 :

«Sur la proposition de M.SalvadorLa ra, le principe déjà adopté à Santiago,

selon lequel le parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière terrestre
entre les pays signataires c onstitue la frontière maritime entre ces pays, est incorporé
dans cet article.»176

5.25. L’«article» dont il est fait mention est l’ar ticle 1 de l’accord relatif à une zone frontière

maritime spéciale. Cette disposition a été délibérément rédigée de manière à incorporer la

66 «frontière maritime» qui avait déjà «été adopté[e] à Santiago». Cette frontière maritime concernait

clairement tous les «pays signataires», et pas seulement deux d’entre eux.

5.26. Le paragraphe suivant du procès-verbal montre que le projet initial d’article1 a été

modifié de sorte qu’il y soit fait référence à la fr ontière maritime ; ce paragraphe énonce le libellé

exact de ce qui allait devenir le premier article du tr aité. Je citerai une nouvelle fois cet article, car

je pense que cela s’impose.

«Une zone spéciale est créée par le présent accord à une distance de 12milles
marins de la côte et avec une largeur de 10 milles marins de part et d'autre du parallèle
qui constitue la frontière maritime (límite marítimo) entre les deux pays» 177

5.27. Les procès-verbaux de1952 et de1954 consignent donc officiellement les points

d’accord trouvés à l’époque par les trois Etats quant à l’interprétation de l’articleIV. Ce fait est

implacable.

176
CMC, vol.II, annexe 39, p. 356.
177RP, vol. II, appendice A, p. 15. - 61 -

5.28. Le Pérou a omis de traduire un passag e essentiel du procès-verbal de1952. Il a

totalement omis un passage essentiel de celui de 1954. En revanche, il a présenté à la Cour la

déclaration faite par un national péruvien, M. Cris tobal Rosas, en août 2010, soit cinquante-six ans

après Santiago et six mois après le dépôt du contre-mémoire.

5.29. Comme on l’a vu, la déclaration de Santia go a été rédigée lors de la première session

de la commission des affaires juridiques à San tiago. Les débats sont consignés dans le

procès-verbal de 1952. Or, M. Rosas ne figure pas parmi les participants ; il n’y était pas.

5.30. Cela n’a pas empêché M.Rosas, dans sa déposition d’août2010, d’indiquer ce qui

suit: «en tant que témoin des discussions, je peux donc affirmer que durant la conférence de

Santiago de1952, la question de l’établissement de frontières entre les zones maritimes des pays

178
n’a pas été abordée» . L’argument selon lequel «pas un mot» n’aurait été dit des frontières est

désormais bien connu de la Cour. «Pas un mot» . Or, cet argument est manifestement erroné,

puisqu’il ressort du procès-verbal de 1952 que les trois Etats étaient convenus que la déclaration de

Santiago serait rédigée en partant du principe que la frontière entre leurs zones maritimes

respectives devait être le parallèle.

5.31. J’ajouterai que, selon le procès-verbal de 1954, M.Rosas a bel et bien assisté aux

sessions pertinentes de la conférence interé tatique. Pourtant, dans sa déposition établie

cinquante-six ans plus tard, il ne dit pas un mot des nombreuses interventions et nombreux points

d’accord concernant la délimitation maritime qui ont été consignés dans ce procès-verbal.

67 5.32. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, M. Rosas peut être félicité

pour sa longévité mais pas pour sa bonne mémoire.

6. L’Aclaración de 1954

6.1. L’acte final de la conférence de1954 comprend une aclaración (éclaircissement)

o
adoptée par les parties. Vous la trouverez sous l’onglet n 8 du dossier de plaidoiries. Dans cet

«éclaircissement» était consignée l’interprétation authentique, selon les Parties, des traités auxquels

il s’appliquait. La partie du document qui nous intéresse est celle qui se rapporte à l’accord relatif

à une zone frontière maritime spéciale ; elle se trouve à la page 13 de l’onglet n o8.

178
RP, vol. II, annexe A, p. 15. - 62 -

6.2. La zone de tolérance établie par ce tr aité ne valait que dans les cas de «présence

accidentelle» d’un navire du mauvais côté de la frontière maritime. Dans l’ aclaración, les parties

sont convenues que le caractère «accidentel[]» ou non de la présence d’un navire au sens de

l’article 2 serait «laissée à l’entière appréciation des autorités du pays dont la limite de juridiction

maritime aurait été franchie» 179; il n’y est pas question du franchissement d’une ligne de

construction, mais bien de celui de la limite de juridiction maritime.

C6ette aclaración a été approuvée par les plénipotentiaires des trois Etats.

6.4. Elle atteste elle aussi clairement que les trois Etats ⎯tous les trois ⎯ considéraient à

l’époque qu’ils avaient procédé à la délimitati on de leurs zones maritime s et qu’une «limite de

juridiction maritime» avait été établie. Sir Michael a tenté, mardi, d’escamoter ces termes, mais, là

encore, il n’y est pas parvenu.

7. L’interprétation authentique de la déclaration de Santiago

7.1 Les parties aux accords de 1952 et de 1954 ont traité expressément du lien étroit entre

ces deux séries d’actes. A la page 5 de l’onglet n o 10 du dossier de plaidoiries, vous verrez que, à

l’article 4 de l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale, elles sont convenues que toutes

ces dispositions «[étaie]nt réputées faire partie inté grante et complémentaire des résolutions et

180
déclarations adoptées» à la conférence de Santiago .

68 7.2. Le premier de ces accords était la déclaration de Santiago, le traité fondateur dans lequel

les Etats ont reconnu le caractère souverain de leurs revendications et procédé à leur délimitation.

7.3. Dans la convention complémentaire, ils ont renforcé leurs revendications et sont

convenus de coopérer en vue de les défendre.

7.4. Dans une série de cinq autre accords c onclus le même jour, ils se sont entendus sur

diverses questions relatives à la mise en Œuvre desdites revendications :

a) premièrement, les sanctions applicables aux vi olations des zones maritimes de chacun des

181
Etats ;

b) deuxièmement, la surveillance et le contrôle de ces zones 182;

179CMC, vol. II, annexe 40, p. 369.
180
MP, vol. II, annexe 50, p. 277, art. 4.
181RP, vol. II, annexe 34. - 63 -

c) troisièmement, la délivrance de permis, par chaque Etat, pour l’exploitation des ressources

contenues dans sa zone, ces permis concernant toutes les ressources et pas uniquement celles

issues de la pêche 183;

184
d) quatrièmement, la fixation de quotas pour la chasse au cachalot ; enfin, ce qui est le plus

important aux fins présentes,

e) l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale.

7.5. Chacun des six traités se terminait pa r un même article précisan t que ses dispositions

étaient réputées faire partie intégrante et complé mentaire des résolutions et décisions adoptées à

Santiago.

7.6. Les trois Etats ont indiqué expressément que les multiples accords qu’ils avaient signés

en 1952 et 1954 devaient être considérés comme constituant un système cohérent.

7.7. Les points suivants de l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale sont donc

réputés faire partie intégrante et complémentaire de la déclaration de Santiago :

i) la référence à la «zone frontière maritime» qui figure dans le titre ;

ii) le renvoi, contenu dans le pr emier considérant, au fait que «la frontière maritime entre des

Etats adjacents était fréquemment violée» ; et

69 iii) la référence au «parallèle qui constitue la frontière maritime entre les deux pays», qui

figure à l’article 1.

7.8. Aucune de ces références expresses à la frontière maritime existante n’avait un

quelconque rapport avec des îles. La frontière mar itime que les Parties ont mentionnée à plusieurs

reprises dans l’accord de 1954 est celle dont elles étaient convenues en 1952.

8. Approbation interne

8.1. La déclaration de Santiago et les tr aités connexes de décembre1954 ont été soumis

ensemble au Parlement péruvien pour approbatio n en mai 1955. Celui-ci les a dûment approuvés,

mais seulement après que sa commission des relations extérieures les eut examinés et eut rédigé un

rapport à leur sujet.

182Ibid., annexe 35.
183
Ibid., annexe 36, en particulier l’article 1.
184Ibid., annexe 37. - 64 -

8.2. Ce rapport fait partie des documents qui ont été versés plusieurs fois au dossier de

l’affaire mais, encore une fois, il convient de se référer à la bonne version. Le rapport

parlementaire contient onzepages et vous le trouve rez, en tant qu’annexe78 de la duplique, sous

l’onglet n 12 du dossier de plaidoiries 185.

8.3. J’appelle votre attention sur le passage tr aduit au troisième paragr aphe de la page14,

sous l’ongletn 12. Concernant l’accord de1954, l es auteurs du rapport faisaient état de

«violations … des frontières maritimes» ⎯notons l’emploi du pluriel, «frontières» ⎯ «entre les

Etats voisins» 18.

8.4. Le Pérou a soumis trois pages de ce rappor t dans son mémoire, mais celle-ci n’en fait

pas partie. Dans sa réplique, il a présenté la totalité du rapport, mais ce passage n’est pas traduit.

Et voici ce qu’il affirme dans cette même pi èce: «il est frappant de constater que…le

«rapport» … ne faisai[]t [aucune] référence aux frontières maritimes» 187. Eh bien, c’est tout

simplement faux, et cela révèle la tendance du Pér ou à passer sous silence les éléments de preuve

ou à les modifier.

8.5. L’un des auteurs du rapport parlementair e était le députéPeñaPrado. Celui-ci a

prononcé une allocution devant le Parlement le 5 mai 1955, soit la veille de l’approbation en bloc,

par celui-ci, de la déclaration de Santiago et des traités de 1954.

8.6. Les Parties ne s’entendent pas sur la fiabilité de l’unique procès-verbal encore

disponible de l’allocution de M.Prado 188. Lorsque nous avons posé la question à la bibliothèque

70 du Parlement du Pérou, les bibliothécaires nous ont fait savoir que les procès-verbaux du Parlement

pour la période allant de1947 à1955 étaient introu vables. Ils sont, pour ainsi dire, inédits. A

moins que, là encore, quelqu’un ait, appuyé sur la touche «supprimer» !

8.7. Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas be soin des procès-verbaux du Parlement, puisque

vous disposez du compte rendu de l’allocution de M. Prado, telle qu’elle a été publiée dans un

journal péruvien deux jours après qu’il l’eu t prononcée. Ce compte rendu figure sous

185DC, par. 2.80.
186
DC, vol. III, annexe 78, p. 472.
187
RP, par. 3.163.
188Voir DC, par. 2.74-2.81. - 65 -

o
l’onglet n 13 du dossier de plaidoiries. M.Prado a expliqué au Parlement péruvien quels étaient

les buts de la conférence de Santiago de 1952. Voici, en page 7 de l’onglet, ce qu’il a déclaré :

«Ces conférences, tenues à Santiago du Chili, avaient pour but la proclamation

de la zone maritime, la conclusion d’accords pour établir le contrôle et la surveillance
de nos espaces maritimes, fixer les frontières maritimes entre les pays signataires et
déterminer les sanctions applicables, la délivrance de permis et l’organisation, chaque
189
année, de la réunion de la commission permanente.»

8.8. Le lendemain, le Parlem ent approuvait la déclaration de Santiago et les traités de1954

qui sont réputés en faire partie intégrante et complémentaire.

9. Le protocole d’adhésion à la déclaration de Santiago daté de 1955

9.1. En octobre 1955, le Chili, l’Equateur et le Pérou ont signé un protocole à la déclaration

190
de Santiago par lequel ils ouvraient celle-ci à l’adhésion d’autres Etats de la région . Ils y

précisaient que «chaque Etat pourra[it], au moment où il adhère[rait] à la déclaration, déterminer

191
l’extension et la méthode de délimitation de sa propre zone» . J’insiste sur le terme

«délimitation» et je rappellerai que le conseil du Pérou a déjà tenté de laisser entendre, cette

semaine, qu’il s’agissait d’une notion largement in connue dans les années 1950, et que les Etats ne

se préoccupaient que de l’extension au large de le urs zones maritimes sans s’intéresser aux limites

latérales.

9.2. S’agissant du protocole, le Pérou et le Chili ont expliqué, dans les memoranda qu’ils ont

rédigés à la même époque, que la méthode de déli mitation frontalière adoptée par les trois Etats

parties initiaux à la déclaration de Santiago ne s’appliquerait pas nécessairement aux Etats y

o
adhérant par la suite. Sous l’ongletn 14 du dossier de plaidoiries figure un mémorandum rédigé

en juin1955 par l’ambassade du Pérou en Equate ur. Le Pérou y expliquait que, pour les Etats

adhérents, il était «enclin à supprimer» l’articleIV de la déclaration de Santiago. Le passage qui

nous intéresse se trouve en page 3 et on peut y lire qu e l’article IV avait pour effet «l’établissement

des frontières entre les pays ⎯ le[]quel[ article] n’étai[]t pas applicable[] ailleurs» 19.

189
CMC, vol. IV, annexe 246, p. 1469.
190
MP, vol. II, annexe 52.
191Ibid., p. 291.

192CMC, vol. III, annexe 70, p. 537. - 66 -

o
71 9.3. Le Chili en est convenu. Son mémorandum figure sous l’onglet n 15. En page 3, il y

fait observer qu’il était

«indispensable que la possibilité de form uler des réserves aux principes de
délimitation de la frontière maritime so it prévue dans le protocole, étant donné

notamment que le principe du parallèle énon cé dans la déclaration de Santiago [étai]t
en pratique inapplicable aux frontières d’autres pays» 193.

9.4. Le Chili et le Pérou ont donc jugé que la méthode qu’ils avaient employée pour

délimiter leur propre frontière maritime ne pouvait peut-être pas s’appliquer ailleurs. Ce faisant, ils

ont reconnu que :

a) premièrement, ils avaient délimité leur propre frontière maritime à l’article IV ;

b) et, deuxièmement, ils avaient employé une méthode qu’ils jugeaient appropriée.

10. Les accords de signalisation de 1968 et 1969

10.1. J’examinerai à présent les accords de signalisation de 1968 et 1969. Il s’agit d’accords

bilatéraux qui ne concernaient que le Chili et le Pérou. Par ces accords, les deux Etats ont donné

matériellement effet à leur frontière maritime et l’ont signalée.

10.2. En avril 1968, les représentants des deux Etats se sont réunis sur leur frontière terrestre

à proximité de la mer. Ils ont consigné conjoi ntement leur mission dans le document qui se trouve

o
sous l’onglet n 17. En page 4, on peut lire que cette mission consistait à conduire «une étude sur

site en vue de l’installation de marques d’alignement visibles de puis la mer pour matérialiser le

parallèle constituant la frontière maritime à partir de la borne frontière numéro un (n o 1)» 19.

10.3. L’année suivante, les deuxEtats ont constitué une commission mixte. Son

procès-verbal, ou minute, du 22août1969 figure sous l’ongletn o 22. Voici quel était son intitulé

exact: «Décision de la commission mixte Chili-Pé rou chargée de vérifier l’emplacement de la

borne-frontière n o1 et de signaler la frontière maritime» 19.

10.4. En page 3, les membres de la commission mixte ont consigné l’objet de leur mission en

des termes très explicites. Il s’agissait de

193
Ibid., annexe 71, p. 541.
194MP, vol. II, annexe 59, p. 336.

195CMC, vol. II, annexe 6, p. 33. - 67 -

«vérifier la position géographique d’orig ine de la borne en béton numéroun (n o 1)

marquant la frontière commune aux deux pa ys et de déterminer l’emplacement des
marques d’alignement que les deux Etats [ava ie]nt convenu de placer afin de signaler
la frontière maritime et de donner matérielle ment effet au parallèle passant par ladite
o 196
borne frontière n 1» .

72 C’est dans cette intention qu’une commission mixte a été constituée.

10.5. Il n’est guère surprenant que, mardi matin, le Pérou se soit attardé le moins possible sur

les accords de1968 et1969. Aussi, pour veiller à ce que la Cour soit correctement informée sur

cette série d’accords importants ⎯importants à la fois pour ce qu’ils ont permis d’accomplir et

pour ce qu’ils signifient ⎯, M. Paulsson les examinera de manière plus détaillée demain.

10.6. Le point essentiel, à ce stade, est que des Etats ne sauraient convenir de donner effet,

matériellement ou non, à des frontières maritimes qui n’existent pas.

11. Conclusion

11.1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Pérou a déclaré mardi que

le Chili invoquait «divers événements» pour renforcer sa position 197. Je conclurai par dix brèves

remarques sur une chronologie qui se caractérise non par sa diversité mais par sa cohérence.

a) Premièrement, en1947, le Chili et le Pér ou ont publié des proclamations unilatérales

concordantes dans lesquelles ils revendiquaient la souveraineté sur des espaces, parfaitement

contigus et ne se chevauchant pas, qui s’étendaient vers le large sur 200 milles marins.

b) Deuxièmement, en août1952, les Parties ont conc lu la déclaration de Santiago. Elles sont

convenues que chacune d’elles était souveraine sur sa propre zone maritime exclusive de

200millesmarins. Elles ont délimité leur frontière maritime par le «parallèle passant par le

point où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cause».

c) Troisièmement, en décembre 1954, les Part ies à la convention complémentaire ont

officiellement consigné, dans des procès-verbaux, leur entente sur le fait qu’elles avaient déjà

délimité les frontières maritimes en 1952. Elles sont convenues que la frontière était constituée

par le parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière terrestre des Etats en cause.

Dès lors, elles ont considéré qu’il n’était pas nécessai re de réitérer l’effet de l’article IV dans la

convention complémentaire.

196
Ibid., p. 35.
197CR 2012/28, p. 26, par. 1 (Wood). - 68 -

d) Quatrièmement, lors de cette même conférence interétatique de décembre 1954, les Parties ont

signé l’accord relatif à une zone frontière ma ritime spéciale à titre de complément à la

déclaration de Santiago. Cet accord créait des zone s de tolérance de chaque côté de la frontière

73 maritime préexistante et conten ait de nombreuses références à la dite frontière. Celles-ci font

partie intégrante et complémentaire de la déclaration de Santiago.

e) Cinquièmement, en janvier1955, le président du Pé rou et le ministre péruvien des relations

extérieures ont pris un décret présidentiel concernant la représentation exacte de la zone

maritime péruvienne aux fins de travaux cartographiques et géodésiques. M.DavidColson

vous en parlera plus en détail demain. Voic i ce qu’indiquait ce décret: «Conformément à la

clause IV de la déclaration de Santiago», la lim ite extérieure de l’espace maritime péruvien «ne

peut dépasser le parallèle passant par le point où aboutit en mer la frontière terrestre du
198
Pérou» .

f) Sixièmement, le 4mai1955, le Parlement pé ruvien s’est vu présenter le rapport de sa

commission des relations extérieures, dans le quel il était fait référence aux «frontières

maritimes» péruviennes, au pluriel.

g) Septièmement, le 5 mai1955, M.PeñaPrado s’est exprimé sur ce rapport devant le Parlement

du Pérou, précisant que la conférence de Santia go avait notamment pour objet «d’établir les

frontières maritimes entre les pays signataires» 199.

h) Huitièmement, sur ce fondement, le Parlement du Pérou a approuvé la déclaration de Santiago,

la convention complémentaire et l’accord relatif à une zone frontière maritime spéciale 200.

i) Neuvièmement, lorsque les parties à la déclarati on de Santiago ont ouvert celle-ci à l’adhésion

d’autres Etats, elles ont confirmé que, à l’articleIV, elles avaient délimité leurs frontières

maritimes à l’aide de parallèles. Elles ont expressément exclu que de cette méthode soit

appliquée aux Etats adhérents.

j) Dixièmement, en 1968 et en 1969, le Chili et le Pérou sont convenus de donner matériellement

effet à leur frontière maritime en construisant deux phares pour la signaler. Ce faisant, ils ont

198MP, vol. II, annexe 9, p. 39, art. 2.
199
CMC, vol. IV, annexe 246, p. 1469.
200MP, vol. II, annexe 10. - 69 -

expressément confirmé l’existence de leur fr ontière maritime conventionnelle, laquelle est

constituée par le parallèle de latitude passant par la première borne de leur frontière terrestre.

11.2. Monsieur le président, Mesdames et Mess ieurs de la Cour, l’histoire, comme la vie,

201
«n’est qu’une suite d’événements implacables» .

74 11.3. Or, la vie de cette frontière est ponc tuée d’accords, à commencer par celui de1952

portant délimitation. L’histoi re ultérieure se résume à des confirmations successives de cette

délimitation, en 1954, en 1955, en 1968 et en 1969, ainsi qu’à de nombreuses autres reprises.

11.4. Le Pérou a laissé de côté la plupart de ces éléments et tenté de combler les lacunes de

son argumentation par l’incantation répétée des te rmes que la Cour a employés dans l’affaire

Nicaragua c.Honduras : «[l]’établissement d’une frontière maritime permanente est une question

de grande importance, et un accord ne doit pas être présumé facilement» (affaire de la Délimitation

maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras),

arrêt, C.I.J. Recueil2007(II), p.735, par.253). Or, en l’affaire Nicaragua c. Honduras , celui-ci

n’avait conclu aucun accord écrit. Il affirma it qu’une frontière existait sur la base d’un accord

tacite. Tel n’est pas le cas en la présente espèce. Les accords existent bel et bien, et la tâche de la

Cour, comme elle l’a expressément indiqué dans l’affaire Roumanie c. Ukraine , consiste à les

interpréter.

11.5. Le temps me manque pour donner lecture du passage qui nous intéresse, mais je vous

renvoie au paragraphe68 de l’arrêt fort avisé que vous avez rendu en l’affaire Roumanie

c. Ukraine, dans lequel vous avez établi une distinc tion selon qu’un argument est fondé sur une

frontière implicite ou sur l’interprétation d’un véritable accord.

11.6. La tâche de la Cour consiste donc à interpréter les accords conclus entre les Parties. Le

Pérou se méprend en mettant ainsi l’accent sur la charge de la preuve; ce faisant, il est

manifestement sur la défensive.

11.7. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs de la Cour, le Pérou a reconnu lundi

après-midi, comme le lui imposent les règles élémen taires du droit international, que le principal

202
moyen pour délimiter une frontière ma ritime consistait à conclure un accord . Nul ne conteste

201
«Life is just one damn thing after another», E. Hubbard, The Philistine, vol. 30, décembre 1909, p. 32.
202
CR 2012/27, p. 34, par. 2 (Bundy). - 70 -

que, si les Parties ont délimité leur frontière par voie d’accord en1952 ou en1954, cela est

déterminant aux fins de la présente affaire. Or, j’ai démontré qu’un tel accord existait en 1952, et

qu’il avait été confirmé en1954. CQFD. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la

Cour, je vous remercie.

75 Le PRESIDENT: Merci, MonsieurCrawford. Ceci conclut les exposés d’aujourd’hui. La

Cour se réunira de nouveau demain, vendredi 7dé cembre à 10heures, pour entendre la suite du

premier tour de plaidoiries du Chili.

Je vous remercie, l’audience est levée.

L’audience est levée à 18 heures.

___________

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