Non corrigé Traduction
Uncorrected Translation
CR 2012/16 (traduction)
CR 2012/16 (translation)
Vendredi 4 mai 2012 à 10 heures
Friday 4 May 2012 at 10 a.m. - 2 -
10 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Bonjour. La séance est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui afin de permettre à la Colombie de présenter son second tour de plaidoiries. Je donne
la parole à l’agent du Gouvernement de la Colombie.
M. LONDOÑO PAREDES :
1. L’INDISCUTABLE SOUVERAINETÉ DE LA C OLOMBIE
SUR L ’ARCHIPEL DE S AN A NDRÉS
1. Je vous remercie, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs
de la Cour, l’agent et les conseils du Nicaragua se sont autorisés, lors de leurs plaidoiries de mardi
dernier, à faire des déclarations que la Colombie juge infondées et qui ne sont en rien conformes à
l’attitude que l’on est en droit d’a ttendre de la part de représentants d’un Etat qui se doivent de
respecter leurs contradicteurs.
2. Le Gouvernement du Nicaragua a créé de t outes pièces son argumentation en faisant fi de
l’histoire et en la réécrivant, en écartant un tra ité fondamental, en refaçonnant la géographie et en
déformant les faits. Tentant désespérément, et en se fourvoyant, d’étayer sa position, le Nicaragua
⎯ qui se présente comme un Etat sans défense ⎯ nie et déforme une nouvelle fois la réalité de la
situation dans la zone en question de la mer des Caraïbes.
3. Contrairement à la situation qu’il dépeint, c’est grâce aux efforts considérables que mon
pays a déployés pour lutter contre le trafic illégal de stupéfiants et d’armes que la paix et la stabilité
ont été assurées dans la zone de l’archipel de San Andrés. Le contraste est saisissant avec les
activités auxquelles s’est livrée la Partie adverse, ainsi qu’en atteste un rapport officiel du secrétaire
1
général de l’Organisation des Etats américains établi en 2003 relativement à la fourniture d’armes
par le Nicaragua à des groupes armés clandestins en Colombie.
4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les erreurs figurant dans les
plaidoiries des conseils du Nicaragua nous imposent une nouvelle fois de rétablir la vérité. La
Colombie a, cent-quatre-vingt-onzeannées durant, exercé sa souveraineté et sa juridiction sur
chacune des entités composant l’archipel, y compris sur les cayes de Roncador, Quitasueño,
1 OEA/Ser.G, CP/doc.3687 /03, 29 janvier 2003 ; «Report of the General Secretariat of the Organization of
American States on the Diversion of Nicaraguan Arms to the United Defense Forces of C» en date du
6 janvier 2003, disponible à l’adresse : http://www.oas.org/oaspage/ni-coarmas/ni-coenglish3687.htm. - 3 -
2
11 Serrana, Serranilla, BajoNuevo, Albuquerque et Est-Sud-est . Ainsi que la Colombie l’a
démontré, cet archipel était considéré comme une unité historique, politique et géographique 3.
5. Le Nicaragua, quant à lui, n’a jamais, pas même un seul jour , Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs de la Cour, pas même un seul, eu la moindre présence sur l’une
quelconque des îles ou cayes formant l’archipel qu’il revendique aujourd’hui.
6. Le territoire de l’archipel de San Andrés es t, au plan mondial, l’une des plus importantes
réserves de biosphère marine. Si la Colombie a décidé de le déclarer zone maritime protégée la
plus importante du pays 4, c’est en raison de l’importance que revêt la diversité biologique des
récifs coralliens pour la protection des côtes. Il convient de rappeler que, dans la mer des Caraïbes,
les récifs sont tous liés les uns aux autres, ce qui signifie que la préservation d’une zone dépend de
la préservation des autres.
7. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la côte des Mosquitos et
l’archipel de SanAndrés ont toujours été d es entités géographiques, historiques, sociales et
politiques séparées et distinctes. Par l’ordon nance royale de1803, O’Neille a été nommé
gouverneur des îles de SanAndrés, mais pas de la côte des Mosquitos, cette dernière étant, de
même que les îles, rattachées par la même ordonnance à la vice-royauté de SantaFé
(Nouvelle-Grenade) 5.
8. Quelles ont été les conséquences de cette ordonnance ? Eh bien, en 1810, toute la côte des
Mosquitos, à l’ouest, et toutes les îles de SanAndrés ⎯ainsi qu’étaient appelées les formations
situées à l’est de la côte ⎯ appartenaient à la vice-royauté de Santa Fé (Nouvelle-Grenade). Il n’y
avait, dans cette zone, aucune île ou caye qui ne soit attribuée à la vice-royauté.
9. Dès lors, en1810, ni la côte ni aucune île ou caye située à l’est de ladite côte ne faisait
partie de la capitainerie générale du Guatemala, dont le Nicaragua était une province. Elles
faisaient partie de la vice-royauté de Santa Fé, prédécesseur de l’actuelle Colombie.
2 DC, p. 41-44, par. 2.22.
3
CMC, vol. I, p. 36-74, chap. 2, sect. C.
4
Ibid., p 18, par. 2.8 ; p. 118-121, par. 3.89-3.91.
5 OPC, vol. II, annexe 2. - 4 -
6
10. Ce n’est que dans le traité de 1928/1930 que la Colombie a reconnu la souveraineté du
Nicaragua sur la côte des Mosquitos, l’une des deux entités rattachées à la vice-royauté en 1803, de
12 même que sur les îles du Maïs, que le Nicaragua av ait occupées par la force en 1890, bien qu’elles
aient fait partie de l’archipel de San Andrés.
11. Le Nicaragua a, pour sa part, reconnu que toutes les îles situées à l’est de la côte des
Mosquitos, qui avaient dès cette époque pr is le nom d’«archipel de San Andrés» ⎯ c’est-à-dire
l’autre entité territoriale qui avait ét é rattachée à la vice-royauté en1803 ⎯, appartenaient à la
Colombie. Toutes les autres îles situées au larg e de la côte du Nicaragua demeuraient donc
colombiennes.
12. Le Nicaragua s’est rendu compte que la re connaissance générale de la souveraineté de la
Colombie sur l’archipel pouvait s’interpréter comme valant également pour les cayes des Miskitos,
situées à la même latitude que les cayes de Quitasueño. C’est pourquoi il a demandé que soit
7
ajoutée au traité une clause précisant que la limite occidentale de l’archipel , sur lequel il avait
reconnu la souveraineté pleine et entière de la Colombie, était le 82 eméridien.
13. Contrairement à ce que le Nicaragua a cherché à faire accroire, s’il a été fait mention du
e
82 méridien, ce ne pouvait être pour éviter que les îles du Maïs soient considérées comme faisant
partie de l’archipel, par le tracé d’une ligne le long du méridi en uniquement entre Alburquerque et
Providencia, puisque la Colombie avait expressément reconnu, dans ce même traité, que les îles du
Maïs appartenaient au Nicaragua 8.
14. En cherchant à restreindre la portée de la limite constituée par le méridien, au nord, le
Nicaragua prend le parti d’ignorer l’objet de ce tte référence, objet que révèle non seulement le
processus ayant conduit à son adjonction, comme l’a expliqué la Colombie dans son
contre-mémoire, mais que le Nicaragua a égal ement reconnu dans son mémoire et qu’ont reconnu
de hauts représentants nicaraguayens 9.
6
CMC, vol. II-A, annexe 1.
7 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 867, par. 115.
8CMC, vol. I, p. 247-248, par. 5.13-5.14.
9Ibid., chap. 5, sect. C, p. 261-263, par. 5.43-5.47 ; MN, p. 176, par. 2.251 ; CMC, vol. II-A, p. 731, annexe 197 :
Note n 1316, du chargé d’affaires par intérim des Etats-Unis à Managua au secrétaire d’Etat, 11 février 1930. - 5 -
15. Comme la Colombie l’a démontré la semaine dernière, lorsqu’il a proposé la limite du
82 eméridien, le Nicaragua voulait s’assurer que l es cayes des Miskitos ne seraient pas considérées
comme appartenant à la Colombie, ainsi que l’ont clairement exposé le ministre nicaraguayen des
affaires étrangères en exercice de l’époque et, so ixante-dixans plus tard, un éminent ancien
10
ministre des affaires étrangères, M. Alejandro Montiel Argüello . Mais les conseils du Nicaragua
ont, une nouvelle fois, préféré oublier tout cela.
13 16. L’agent du Nicaragua avait pourtant donné la même explication, comme en atteste la
déclaration qu’il avait faite lors d’une conférence tenue à Managua en 1999 :
«M.CarlosArgüello a déclaré que lorsque le traité avait été présenté au Sénat
nicaraguayen en 1930, un sénateur s’était dit inquiet du fait que, s’il était simplement
indiqué que la Colombie avait souverainet é sur l’archipel de SanAndrés, «avant
même que nous nous en apercevions, elle prétendra que les cayes des Miskitos font
partie de l’archipel».» 11
17. Comme cela a été démontré, en1930, ni le Nicaragua ni la Colombie ne pensaient, ni
même n’imaginaient, que l’une des cayes ou des îles que le Nicaragua revendique aujourd’hui
pouvait lui appartenir.
e
18. Du fait de l’adjonction de la ré férence à la limite marquée par le 82 méridien dans le
protocole d’échange des ratifications de 1930 1, toutes les îles, cayes et bancs situés au large de la
côte des Mosquitos, à l’ouest dudit méridien, entr e le CostaRica au sud et le Honduras au nord,
appartenaient au Nicaragua. Par conséquent, tout es les cayes et îlots situés à l’est dudit méridien,
sans aucune exception, appartenaient à la Colombie.
19. Il est dès lors surprenant d’entendre que le Nicaragua cherche aujourd’hui à prétendre
e
que les cayes situées à l’est du 82 méridien lui appartiennent au motif extravagant que le fait que la
Colombie ait reconnu sa souveraineté sur la côte des Mosquitos les aurait d’une manière ou d’une
autre rattachées à ce territoire, en prime.
20. Monsieur le président, Mesdames et Mess ieurs de la Cour, il y a quelques jours, le
Nicaragua a fait allusion à une note de 1868 dans laquelle il prétend avoir fait valoir ses droits sur
10
CR 2012/11, p. 14, par. 21 (Londoño).
11 El Nuevo Diario (journal nicaraguayen), Managua, 4décembre 1999, p.10. Disponible à l’adresse:
http://archivo.elnuevodiario.com.ni/1999/diciembre/04-diciembre-1999/na….
12CMC, vol. II-A, annexe 1, p. 4. - 6 -
la caye de Serrana. Toutefois, il n’a pas mentionné ce document dans sa requête, non plus que dans
son mémoire ou dans sa réplique et, lorsqu’il a tenté de le verser au dossier de plaidoiries, pas plus
tard que la semaine dernière, la Cour ne l’a pas laissé faire. P ourtant, mardi dernier, M.Brotóns
s’est à nouveau référé à cette note par le biais de sources secondaires.
21. Or, par souci d’exhaustivité, je dois préci ser que M.Brotóns a omis de mentionner le
contexte général qui était évoqué dans l’une des sources qu’il a citées 13, et dans lequel s’inscrit la
note dont le Nicaragua fait état. En effet, elle faisait suite à une autre note que le secrétaire d’Etat
14 avait adressée à la légation ni caraguayenne à Washington pour lu i demander si, de son point de
14
vue, le Nicaragua détenait un quelconque droit sur la caye .
22. C’est ce même secrétaire d’Etat qui, après avoir reçu la réponse à sa question, rejeta les
15
assertions nicaraguayennes comme infondées dans une note du 10 décembre 1868 . Cette année-
là, le Nicaragua ne répondit même pas à cette note. Son trou de mémoire concernant Serrana a
duré cent-quatre ans, très exactement, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il oppose pour la première fois sa
prétention sur cette caye à la Colombie, en 1972.
23. En outre, le Nicaragua a tenté, sans auc une preuve scientifique à l’appui, de discréditer
les deux rapports scientifiques et techniques que la Colombie avait produits sur Quitasueño,
auxquels il s’est efforcé d’ôter toute légitimité 16. Ces rapports —sur lesquels mon confrère
s’arrêtera plus longuement dans l’après-midi — ont été établis de façon méthodique et rigoureuse,
au même titre que tout élément de preuve des tiné à être produit devant la Cour. A supposer
toutefois que la Cour, avant de rendre son arrêt, estime opportun d’exercer les fonctions visées à
l’article66 de son Règlement, Monsieur le président, mon pays serait heureux qu’elle vienne
vérifier sur place, elle-même ou par l’intermédiaire d’une commission mandatée à cet effet, la
véracité des rapports produits par la Colombie.
13 Bureau du conseiller juridique, département d’Etat, Sovereignty over Islands Claimed under the Guano Act and
of the North-western Hawaiian Islands, Midway and Wake, Washington, 1932, p. 104-106.
14
Ibid.
15
Ibid.
16 CR 2012/14, p. 35-41, par. 11-22 (Oude Elferink). - 7 -
24. Quitasueño a été représenté sur des cartes dès la découverte du Nouveau Monde, tout au
long de la période coloniale au XVII e, au XVIII eet au XIX esiècles (notamment sur celle de
17 e
1885 ) et, évidemment, sur celles du XX siècle.
25. L’acquiescement du Nicaragua à ce que la Colombie exerce sa souveraineté et sa
juridiction sur Quitasueño est attesté par, en autres, son silence entre 1854 et 1928, pendant le
différend entre la Colombie et les Etats-Unis — vous avez bien entendu, Monsieur le président, son
silence a duré de1854 à1928. Il est également attesté par son silence à l’égard des échanges
intervenus entre la Colombie et la Grande-Bre tagne, et par sa reconnaissa nce, dans le traité
18
de1928, du fait que Quitasueño faisait l’objet d’ un litige entre la Colombie et les Etats-Unis :
15 pendant toutes ces années, le Nicaragua est resté muet. Force est d’en conclure qu’il n’a jamais
considéré que Quitasueño pouvait lui appartenir, quell es que soient les caractéristiques physiques
de cette formation.
26. De plus, la Colombie se livre à d es activités sur Quitasueño depuis des dizaines
d’années : elle y a construit des phares dont elle assu re l’entretien, mené des recherches sismiques
et des recherche scientifiq ue en mer, réalisé des levés hydrogra phiques, mis à jour des cartes, et
autorisé des Etats tiers à conduire des missions de recherche et à pratiquer la pêche dans les espaces
adjacents. De même, elle s’acquitte de tâches liées à la sécurité dans c es zones, afin de lutter
contre la criminalité transnationale organisée et de réguler les activités de pêche. Elle a également
conclu avec les Etats-Unis des accords prescrivan t des mesures de conservation des ressources
19
biologiques du secteur, qu’elle a ensuite mis en Œuvre .
27. Le Nicaragua ne peut pas revendiquer aujourd’hui cette formation, Monsieur le
président, au mépris de cent cinquanteans d’histoire et d’autorité paisiblement exercée par la
Colombie.
28. Le Nicaragua a beau prétendre le cont raire, ses prétentions font bon marché non
seulement des intérêts, des titres et des droits de la Colombie, mais aussi de ceux d’Etats tiers. La
17
CMC, vol. III, figure 5.1, p. 79.
18 Ibid., vol. I, p. 247-248, par. 5.13-5.14.
19 Ibid., vol. II-A, annexe 172, vol. I, p. 32, par. 2.29, p. 96, par. 3.35, p. 97, par. 3.39, vol. II-B, appendices 5-12,
vol. II-A, annexes 11, 13 et 16. - 8 -
Colombie a conclu avec plusieurs Etats de la région des traités de délimitation maritime 20 qui
constituent depuis des décennies une source de coopé ration, de stabilité et d’harmonie dans la
région.
29. Or, le Nicaragua cherche aujourd’hui à réduire ces traités à néant en avançant des
arguments fallacieux, au mépris des principes du droit international, semant la zizanie et des
tensions comme jamais dans cette partie des Caraïbes.
La Cour est assurément consciente de ce qu’impliquent les prétentions du Nicaragua.
30. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je dois donc me faire devant
vous le porte-parole des 80000habitants de l’archipel de SanAndrés, qui sont soutenus par des
millions de leurs compatriotes, pour vous confier leur détresse devant la tentative du Nicaragua qui
veut non seulement fracturer l’archipel, mais au ssi s’approprier les espaces maritimes qui s’y
rapportent, notamment les eaux reliant les îles et les cayes, qui les font vivre depuis des générations
et leur permettent de gagner leur vie, et dans lesquelles le Nicaragua n’a jamais eu la moindre
présence.
16 31. Quelle ne fut pas leur stupeur lorsqu’ils ont appris que le Nicaragua demandait à la Cour
de les enclaver. Pour comble d’insulte, sitôt so rtis de leur voisinage immédiat pour s’adonner à
leurs activités traditionnelles de pêche dans les eaux et les cayes où ils vivent depuis deux siècles,
ils se heurteraient à un pays hostile qui n’a jamais fréquenté ces eaux.
32. Une telle situation ne respecte pas leur dr oit fondamental au développement, et elle ne
peut être considérée comme un résultat équitable dans une affaire où leurs moyens de subsistance
et leurs activités économiques essentielles sont en jeu.
33. A cet égard, il convient de rappeler la conclusion formulée par le tribunal saisi de
l’affaire Guinée/Guinée-Bissau —je cite: «Les frontières fixé es par l’homme ne devraient pas
avoir pour objet d’augmenter les difficultés des Etats ou de compliquer leur vie économique» 21.
34. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, la Colombie sait que la Cour
ne laissera pas un pays qui veut se faire passer pour vulnérable et respectueux du droit (bien qu’il
20
CMC, vol. II-B, annexes 2-5, 7-10, 12, 14, 15, 17 et 18.
21 Affaire de la délimitation de la frontière mritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau,sentence du
14 février 1985, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales, vol. XIX, p. 194, par. 123. - 9 -
ne soit en fait ni l’un, ni l’autre) détruireélément essentiel de son pa trimoine national en se
servant d’arguments contradictoires.
35. Monsieur le président, Mesdames et Mess ieurs les juges, 43millions de Colombiens
comptent sur vous pour ne pas laisser le Nicaragua s’approprier ainsi les zones maritimes de la
Colombie car celle-ci tient ses droits de la géogra phie, qui ne peut être redessinée; de l’histoire,
qui ne peut être réécrite ; et du droit, qui ne pe ut être violé. En somme, ils comptent sur vous pour
rejeter les prétentions infondées du Nicaragua et donner gain de cause à leur pays.
36. Je vous prie à présent, Monsieur le pr ésident, de bien vouloir donner la parole à
M.Kohen pour continuer la pr ésentation de la Colombie sur la question de la souveraineté
territoriale. Je vous remercie, Monsieur le président.
Le PRESIDENT: Je remercie Monsieur l’ Ambassadeur Julio Londoño Paredes de son
exposé. I will now give the floor to Mr. Marcelo Kohen, counsel and Advocate for Colombia. You
have the floor, Mr. Kohen.
17 KMOr. EN:
2.N ICARAGUA ’S INABILITY TO PROVIDE ANY JUSTIFICATION FOR ITS
ARTIFICIAL CLAIM TO THE CAYS
1. Mr.President, Members of the Court, as we come to the end of these proceedings, one
simple conclusion is unavoidable: Nicaragua ha s been unable to provide even the slightest
justification for its claim to sovereignty over thcays. Faced with that fact, the Applicant has
focused its efforts on vilifying the 1928-1930Tr eaty and, unable to present a genuine “positive”
case in support of its untenable claim, has merely made a “negative” case. In other words,
Nicaragua has ⎯ without success ⎯ devoted its energies solely to asserting that the cays do not
form part of the archipelago. However, that has not advanced its position one iota. For the two
scenarios which are logically possible both result in the same outcome: regardless of whether the
cays form part of the archipelago, they are Colombian. If they do form part of the San Andrés
Archipelago, the 1928-1930Treaty definitively resolves the issue. And even if they do not form
part of the archipelago ⎯ a thesis which we firmly reject ⎯ they are still Colombian by virtue of
the uti possidetis juris and the effectivités. - 10 -
2. In this concluding presentation, I will firs t show that, contrary to Nicaragua’s assertions,
the 1928-1930Treaty was a territorial treaty conclude d in accordance with all relevant standards,
without any prejudice to Nicaragua. I will then show that the Applicant has not articulated any
claim to sovereignty over the cays. Finally, I will show that Nicaragua has been unable to refute
the overwhelming evidence indicating that the 1928-1930 Treaty should be interpreted as meaning
that the cays form part of the San Andrés Archipelago and are therefore Colombian.
A. A treaty declared “null and void” by Nicaragua, which is now purported
to attribute all of the disputed territory to Nicaragua
3. Members of the Court, Nicaragua has sought to present a distorted picture of the
1928-1930Treaty, claiming that it was unjustly stripped of territory. Having heard the opposing
Party’s pleadings, I must confess to being somewhat confused, as Nicaragua is now claiming that,
18 under the 1928-1930 Treaty, it has sovereignty over all of the cays. In other words, it contends that
Colombia, by that Treaty, relinquished all claims to the Mosquito Coast, the Corn Islands and all of
the cays of the archipelago, while at the same ti me claiming that Nicaragua was the victim of a
so-called “unfair” treaty imposed on it against its will!
4. My confusion does not end there, Mr. Presi dent. I note that Nicaragua’s Agent has even
altered the recent history of this dispute. On 1May he twice asserted that Nicaragua had
“denounced” the 1928-1930 Treaty in 1980 22. And yet, Ambassador Argüello is an astute diplomat
with years of experience— to say nothing of the plethora of eminent legal counsel in his team.
They must know that “denouncing” a treaty is quite different from declaring it “null and void”.
5. The truth, Mr. President, is that, when it comes to issues of territory, “null and void” and
“Nicaragua” would appear to go hand in hand. The 1858 Treaty of Limits with CostaRica was
declared null and void by Nicaragua. Not satisfied with the Arbitral Award made by the King of
Spain in 1906 as regards the boundary with Honduras, Nicaragua also declared that null and void.
Finally, after half a century of unchallenged impl ementation, Nicaragua declared null and void its
territorial treaty with Colombia of 1928-1930. So, all of Nicaragua’s neighbours have experienced
this behaviour, where it rejects treaties or arbitr al awards defining the extent of the respective
22
CR 2012/14, p. 11, para. 7, and p. 14, para. 15 (Argüello). - 11 -
parties’ territory. And on each occasion, Nicaragua has failed. President Cleveland’s Arbitral
23
Award ruled that the 1858 Treaty of Limits was valid . This Court ruled that the Arbitral Award
made by the King of Spain was valid 24. And this Court also ruled that the 1928-1930 Treaty was
25
valid .
6. One may assume that this attempt to dis guise as a “denunciation” the declaration made in
1980 to the effect that the Treaty was null and voi d is aimed at rendering Nicaragua’s conduct less
serious. In reality, it changes nothing ⎯ neither the gravity of that conduct, nor the consequences
19
as regards the established territorial régime. A treaty establishing boundaries or a territorial
settlement cannot, by definition, be denounced, and ev en if such a treaty were explicitly to provide
for the possibility of denunciation, the boundary or territorial settlement resulting from it would not
be affected 26.
7. Nicaragua’s description of the situation does not tally with reality. If there is an
expansionist State here, it is Nicaragua. It laid claim to the Mosquito Co ast in 1838, occupied the
Corn Islands by force in 1890 and laid claim to the entire archipelago in 1913. Nicaragua’s counsel
asked why Colombia would have accepted the lo ss of the Mosquito Co ast if it was genuinely
27
entitled to it . As I explained during the first round of oral argument, Spain was never capable of
exercising effective control over the Mosquito Coast 28. Once the Latin American republics had
gained independence, it was the United Kingdom whic h took control of that coastline, establishing
a so-called “protectorate”. For reasons related to the potential construction of a canal linking the
Atlantic and Pacific Oceans, the British Government favoured Nicaragua and transferred control of
the Mosquito Coast to it. As regards the Corn Islands, Nicaragua occupied these by force in 1890,
before leasing them by means of the Bryan-Ch amorroTreaty of 1914 to the United States of
23Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009 ,
p. 230, para. 20.
24Arbitral Award Made by the King of Spain on 23December1906 (Honduras v. Nicaragua), Judgment, I.C.J.
Reports 1960, p. 217.
25Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 859, para. 81.
26Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahi riya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994 , p.37, paras.72-73;
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.Reports2007(II) ,
p. 861, para. 89.
27CR 2012/8, pp. 35-36, para. 15 (Remiro Brotóns).
28
CR 2012/11, pp. 32-33, para. 7 (Kohen). - 12 -
America, which effectively administered them until 1971. As we know, the Loubet Award of 1900
recognized the southern part of the Mosquito Coast as belonging to Costa Rica, a fact which
Colombia had already accepted in the treaties of 1856 and 1865, and the secession of Panama
followed in 1903. In this context, there is nothing surprising about Colombia accepting the award
of the Mosquito Coast and the Corn Islands to Nicaragua in exchange for recognition of its
sovereignty over the San Andrés Archipelago. In practice, the 1928-1930Treaty recognized the
Parties’ sovereignty over the respective territories un der their control at the time of its conclusion.
Consequently, there is nothing which would ju stify relying on any injustice or detriment
supposedly suffered by Nicaragua as a result of that Treaty.
8. The attempt to depict Nicaragua as a State which has seen its arbitration proposals rejected
29
does not reflect reality either . Here is the categorical response, dated 24December1913, given
20
by Nicaragua’s Minister for Foreign Affair s to his Colombian counterpart endorsing his
predecessors’ responses to Colombian arbitration proposals in respect of the Mosquito Coast.
Those predecessors had, the Nicaraguan Minister sai d, “reject[ed] totally the idea of arbitration
proposed by Your Excellency’s Government [Colom bia] since they consider that Nicaragua’s
rights are clear and unquestionable and that therefore there is no territorial dispute between the two
countries” 30.
9. So, Members of the Court, this was the backdrop to the 1928-1930 Treaty. Before I say a
few words regarding the interpretation of the Treaty, let me first briefly show that Nicaragua has
been incapable of making a “positive” case in respect of the territory at issue in these proceedings.
B. Nicaragua has not made a “positive” case in support of its arti
ficial claim
10. Mr.President, in a territorial dispute, th e parties normally indicate when they first laid
claim to the territory at issue a nd seek to show that their conduct has been consistent with that
claim. That is not the case here. The proceedi ngs are coming to a close and we still do not know
Nicaragua’s position as regards the date that it first considered — and acted accordingly — that it
had sovereignty over all of the cays. Given th at the situation as regards the cays was— if the
29
CR 2012/8, pp. 35-36, paras. 12, 13 and 15 (Remiro Brotóns).
3Diplomatic Note dated 24December 1913 from the Nicaraguan Foreign Minister to the Colombian Foreign
Minister, CMC, Vol. II-A, Ann. 36, p. 172. - 13 -
opposing Party is to be believed — entirely detach ed from that of the San Andrés Archipelago —
quod non — two centuries should be enough time to be able to demonstrate some interest in each
of those cays and perform actions of some kind, if only in terms of a claim. As nothing of that kind
happened, Nicaragua has been forced to invent a kind of irrebuttable presumption: in its view,
“whatever is not Colombian is Nicaraguan”. This, it claims, is based on the fact that the cays lie on
the continental shelf, supposedly in proximity to Nicaragua’s coast. As regards the first point, you
will forgive me, Mr.President, if I refrain from commenting on the “avant la lettre” cataclysmic
event referred to by Nicaragua’s in credibly imaginative counsel on Tuesday 31, which supposedly
renders Roncador, Serrana, Serran illa and Bajo Nuevo Nicaraguan territory. On the question of
proximity, I would note that the opposing Party has a very changeable perspective when looking
out towards the open seas, which results in the me aning of the adjectives “distant” and “nearby”
21 changing depending on its interests. Regardless of that fact, allow me to refer, Mr. President, to the
legal considerations which we set out last week in respect of these two issues, to which the
Applicant has failed to respond 32.
11. Unable to provide any evidence whatsoever demonstrating that Nicaragua has, ever since
it became independent, always regarded itself as having sovereignty over the cays, the opposing
Party has devoted its energies to making a “negative” case— i.e., arguing that the cays are not
Colombian. It is absolutely clear that its effo rts have not been successful. Indeed, Nicaragua has
been unable to counter the effective interpreta tion of the 1928-1930Treaty, which shows that the
cays are part of the San Andrés Archipelago.
C. The distances involved do not prevent the cays from forming part
of the San Andrés Archipelago
12. Members of the Court, it falls to you to interpret the meaning of “San Andrés
Archipelago” in the context of the 1928-1930 Treaty. The islands, islets and cays which comprise
it have historically been regarded as a single entit y: the San Andrés Archipelago. According to
counsel for the opposing Party, it is impossible to define the San Andrés Archipelago as an
31
CR 2012/14, p. 30, para. 49 (Remiro Brotóns).
32
CR 2012/8, p. 43, para. 54 (Remiro Brotóns); CR 2012/11, pp. 39-40, para. 27 (Kohen). - 14 -
archipelago in the “geogr aphical sense” of the word 33. For Nicaragua, the distance between the
cays and the main islands is a major obstacle in th is regard. According to one of its counsel, it
would even be “absurd from a geographical point of view” to imagine otherwise 34. Grand words,
Mr.President, cannot obscure the reality of the situation. On the screen you can see the San
Andrés Archipelago, together with the distances between its various constituent parts. Now look at
the 136kilomètres between Mangle Chico (Little Corn Island) and San Andrés. This is
approximately the same as— more than, in the majority of cases— the distances between the
other parts of the archipelago. In that case, Mr. President, how can Nicaragua assert that the Corn
Islands formed part of the archipelago, but that the cays cannot, on account of the distances
involved?
22 13. Everywhere you look, geography shows that it is far from “absurd” for islands to be
relatively far apart, but still regarded as forming part of the same archipelago. Here are a few
examples.
14. Firstly, there is Wallis and Futuna. The we bsite of the French Ministry of the Interior
and Overseas France describes these islands as follows: “The Territo ry of the Wallis and Futuna
Islands is an archipelago with three ma in islands: Wallis, Futuna and Alofi.” 35 The distance
between Wallis and Futuna is 222 kilomètres, more than that between any two parts of the San
Andrés Archipelago.
15. Kiribati, for its part, comprises three arch ipelagos separated by around 1,000 kilomètres
or more. And within each of those archipela gos, the distances between some of the various
constituent parts are significantly greater than those separating the cays of the San Andrés
Archipelago. For example, distances of almost 800kilomètres separate some parts of the Line
Islands archipelago to the east, while Banaba is 438 kilomètres from the rest of the Gilbert Islands
archipelago in the west.
16. In the Svalbard archipelago, Bear Is land is 234kilomètres from the main island of
Spitzberg, a distance greater than that between the various parts of the San Andrés Archipelago.
3CR 2012/8, pp. 40-41, para. 39 (Remiro Brotóns) and p. 51, para. 11 (Pellet).
34
Ibid., p. 55, para. 21 (Pellet).
3http://www.outre-mer.gouv.fr/?presentation-wallis-et-futuna.html. - 15 -
17. Then there are the Seychelles, certain parts of which are almost 400 kilomètres from each
other, three or four times the distance between some parts of the San Andrés Archipelago.
18. These examples — like many others which I could have mentioned, but did not — refute
Nicaragua’s assertion that the distances involved prevent the cays from being regarded as part of
the archipelago. Members of the Court, the issue here is ultimately the question of what the Parties
meant when they referred to the “San Andr és Archipelago” in the 1928Treaty and the
1930 Protocol.
23 D. The Colombian negotiators clearly indicated that the cays form part
of the San Andrés Archipelago
19. Faced with the unambiguous description pr ovided in 1896 by Jorge Holguín, Colombian
36
Minister for Foreign Affairs, as regards the composition of the archipelago , Nicaragua finally
clarified its position on Tuesday. The Applicant a ppears to be relying on the fact that it was
unaware of that stance. In support of its argume nt, it cites the Court’s Judgment on the merits in
Cameroon v. Nigeria, the context of which has nothing to do with the situation in the present
37
case . What we have here is a public declarati on made by the Colombian Minister for Foreign
Affairs in respect of the dispute between Colo mbia and Nicaragua, which was published in the
Journal of Congress in 1896 and in the Diplomatic and Consular Annals of Colombia in 1914. It is
not possible that diplomatic representatives of Nicaragua in Bogotá were unaware of this yearbook,
which was published by the Ministry of Foreign Affairs of the country to which they were
accredited, a country involved in a significant terr itorial dispute with Nicaragua. This was not
private correspondence. On the contrary, it was an official document made available publicly with
the aim of making an authoritative statement on an issue concerning international relations 38.
Moreover, there can be no doubt that this decl aration is testimony to Colombia’s absolute
conviction that the cays formed part of the archipelago — and that at a time when the Colombian
Government was carrying out activities à titre de souverain on those cays.
36
CMC, p. 52, para. 2.59, and Vol. II-A, Ann. 89.
37
CR 2012/14, pp. 25-26, para. 28 (Remiro Brotóns).
3Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Pute h, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 92, para. 261. - 16 -
20. The note of 1927 from Manuel Esguerra — Colombian Minister in Managua and
negotiator of and signatory to the 1928 Treaty — wh ich describes all of the cays as forming part of
the archipelago, also unequivocally demonstrates Colombia’s understanding of what constituted the
San Andrés Archipelago as described in ArticleI of the 1928Treaty 39. This document has not
elicited any comments at all on the part of the Applicant.
21. The evidence to which I have just referred is but a fraction of the reams of
documentation provided by Colombia in its writte n pleadings, which show without a shadow of a
doubt that the San Andrés Archipelago has historically been regarded as a single en
tity 4.
24 E. The second paragraph of Article I of the 1928 Treaty
22. When interpreting the secondparagraph of ArticleI of the 1928Treaty, Nicaragua’s
Agent rightly asserted that “[t]he treaty does not sa y that these keys will not be considered part of
41
the San Andrés Archipelago” . That is logical, since, if they were not considered part of the
archipelago, there would have been no reason to in sert that clause. Under the Treaty, Nicaragua
recognized Colombia’s sovereignty over all of the islands, islets and cays which form part of the
San Andrés Archipelago; and the cays of Roncador, Quitasueño and Serrana fo rm part of it. We
can see from the context that the paragraph in question immediately follows Nicaragua’s
recognition of Colombian sovereignty over the is lands, islets and cays which comprise the San
Andrés Archipelago. The wording of the second paragraph then explains why the Treaty does not
apply to these maritime features: “sovereignty over which is in dispute between Colombia and the
United States of America” 4. Had Colombia and Nicaragua — or even Nicaragua and the United
States — been in dispute over the three cays (whi ch was not the case at all), the implementation of
the Treaty would have put an end to such disputes. However, the travaux préparatoires show that
Nicaragua never made any specific claims in respect of those three cays. In the course of the
parallel negotiations between the Un ited States and Colombia in respect of their dispute over the
39CMC, Vol. II-A, Ann. 112, p. 399.
40
bid., Vol. I, p. 190, paras. 4.81-4.82, and pp. 36-70, paras. 2.32-2.85, Vol. II-A, Ann. 30, 74, 82, 85, 87, 89, 112,
173 and 180.
41
CR 2012/14, p. 15, para. 19 (Argüello).
42CMC, Vol. II-A, Ann. 1. - 17 -
three cays, various options were discussed, including recognition by the United States of
Colombian sovereignty, arbitration, the status quo, and one particular option which was favourable
to the United States, but nevertheless rejected by it. The reasoning invoked by the United States
Government in Washington is revealing. I w ill quote a telegram from the Colombian Minister in
Washington to his Minister for Foreign Affairs expl aining the situation: “Formula [of] cession to
Nicaragua and transfer by the latter to the United States received co ldly because they say
43
Nicaragua has not held rights over the cays.” That is the translation. In fact, the original Spanish
44
is much more categorical: “Nicaragua nunca ha sostenido derecho sobre cayos” ; “Nicaragua has
never claimed any rights over the cays.” “Nunca” — “never”!
25 23. Members of the Court, the wording of the second paragraph is not obscure. On the
contrary, it is devoid of any ambiguity. It is simp ly impossible to interpret it as meaning that not
only Colombia and the United States, but also Nicaragua, claimed sovere ignty over Roncador,
Quitasueño and Serrana.
F. The 82nd meridian constitutes the “limit between the two archipelagos”
24. Mr. President, I will now turn to the interpretation to be given to the limit established by
the 82nd meridian. According to the opposing Party, “[it is] the San Andrés Archipelago, once it
has been defined, [that] determines the northerly and southerly limits of the 82nd meridian as a line
45
establishing sovereignty over the disputed cays” . This is curious reasoning, to say the least. If
Nicaragua is to be believed, rather than the 82nd meridian determining the extent of the San Andrés
Archipelago, the San Andrés Archipelago determines how much of the 82ndmeridian is relevant.
A “back-to-front” approach, it might be said.
25. Our opponents persist in asserting that the purpose of the 82nd meridian is to separate the
San Andrés Archipelago from the Corn Islands 46, thereby depriving it of any useful effect. My
colleagues Alain Pellet and Antonio Remiro Brotóns have insisted over the last two weeks that the
43
CMC, Vol. II-A, Ann. 111.
44
Ibid. Original documents submitted to the Court by Colombia.
45CR 2012/14, p. 27, para. 34 (Remiro Brotóns).
46CR2012/8, p.40, para.39 (Remiro Brotóns), and p.52, para. 15, pp. 54-55, para. 20, p. 60, paras. 30-31, and
pp. 62-63, paras. 38-41 (Pellet). - 18 -
82ndmeridian be cut at parallels corresponding , according to our calculations, to 12°23' and
47
12° 08' . You can see on the screen the lines which they indicated in these sketch-maps. I am
now going to superimpose that line on the real chart to be used in this case: that produced in 1885
by the United States Hydrographic Office.
26. Members of the Court, reading the joint resolution of the Senate and the Chamber of
Deputies of Nicaragua of 6 March 1930 ratifying the 1928 Treaty will help us better to understand
the situation:
“Ratify the Treaty concluded between Nicaragua and the Republic of Colombia
on the 24thof March of 1928, which was approved by the Executive Power on the
27thof that same month and year; Treaty that puts an end to the matter pending
between the two Republics over the archipel ago of San Andrés and Providencia and
26 the Nicaraguan Mosquitia; in the unders tanding that the San Andrés archipelago
mentioned in the first clause of the Treaty does not extend to the West of meridian 82
of Greenwich in the chart published in October 1885 by the Washington Hydrographic
Office unde48the authority of the Secretary of the Navy of the United States of North
America.”
27. A number of comments are called for here. Firstly, the dispute is described as relating to
“the archipelago of San Andrés and Providencia and the Nicaraguan Mo squitia”. It is precisely on
the basis of their purported appurtenance to the “Nicaraguan Mosquitia” that the Applicant justifies
its claim to sovereignty over the cays. It is obvious that, if Nicaragua had considered that the cays
clearly marked on the 1885 chart to the east of the 82nd meridian also belonged to it, it would have
been necessary to use other lines, not the 82nd meri dian. Secondly, the dotted parallels drawn by
my colleagues in the opposing Party have no basis in any text. The parallels are easily identifiable
on this chart. Had Nicaragua wanted to use it, it would not have been difficult to refer to it.
Thirdly, the text states that the San Andrés Archipelago “does not extend to the West of
meridian 82 of Greenwich in the chart published in October 1885”, etc. A quick look at the chart is
sufficient to see that the 82ndmeridian extends th e length of the chart, almost exclusively in
maritime areas, making it appropriate for the delimita tion of insular features. It is also clear that,
had the purpose of the line been as described by my colleague Alain Pellet — i.e., to separate the
47
Nicaragua, tab29 in the judges’ folder, 23April2012 P1-7]; CR2012/8, pp.62-63, paras.38-40 (Pellet).
Nicaragua, tab 18 in the judges’ folder, 1 May 2012 [ARB-3] ; CR 2012/14, p. 27, para. 34 (Remiro Brotóns), pp. 39-40,
para. 14 (Pellet).
4MN, Vol. II, Ann. 19; Preliminary Objections of Colombia (POC), Vol. II, Ann. 10. - 19 -
Corn Islands from the southern part of the Sa n Andrés Archipelago— it would not have been
necessary to use a chart of this size. Fourthly, if the limit established was truly the small section of
the 82ndmeridian described by Nicaragua during these oral proceedings, the reference to the
82ndmeridian would have served no purpose, not only as regards the Corn Islands— which the
1928Treaty had already explicitly recognized as being Nicaraguan— but also because
Nicaragua’s actions were aimed at preventing Co lombia from subsequently laying claim to the
Miskito Cays as forming part of the archipelago.
28. Mr.President, this chart is an expression of Nicaragua’s will in this respect. As the
Court has held:
“[I]n some cases maps may acquire [intrinsic legal force for the purpose of
establishing territorial rights], but where this is so the legal force does not arise solely from
their intrinsic merits: it is because such maps fall into the category of physical expressions
of the will of the State or States concerned. This is the case, for exam49e, when maps are
27 annexed to an official text of which they form an integral part.” ( Frontier Dispute
(Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 582, para. 54.)
29. That is more or less the case here. Th e joint resolution of the two chambers of the
Nicaraguan Congress approving the 1928Treaty and referring explicitly to the 1885 chart states
that “[t]he present decree has to be incl uded in the Instrument of Ratification” 50. An interpretation
of the wording of the 1930 Protocol, in context, in light of its objective and purpose, and bearing in
mind the will of the Parties at the time of its ratification, as well as the travaux préparatoires and
subsequent actions of the Parties, leaves no room for doubt: the cays to the east of the
82nd meridian form part of the San Andrés Archipelago.
G. The cartographic evidence supports the Colombian interpretation of the 1928-1930 Treaty
30. Mr. President, let us continue looking at th e issue of charts. All that Nicaragua has been
able to say on Colombia’s official charts, which show all of the cays as forming part of “the
SanAndrés Archipelago, belonging to the Republic of Colombia”, is that, because the originals
have not been provided to the Court, it is “difficult” to comment on them 51. Mr.President, these
49
See also Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibia), Judgment, I.C.J. Reports 1999 (II), p. 1098, para. 84, and
Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p.667,
para. 88.
50
MN, Vol. II, Ann. 19.
5CR 2012/14, p. 14, para. 14 (Argüello). - 20 -
charts have been provided by Colombia both at th e preliminary objections stage and at the merits
stage 52. As with all of the other annexes, the c opies provided have been certified as such by
Colombia’s Agent, as required by the Rules of the Court. Nicaragua has had three rounds of
written proceedings in which to raise objections or pose questions in this regard. It has not done so.
The matter is therefore clear: Nicaragua is incapable of offering an explanation which differs from
that provided by Colombia — or, to be more conc ise, that which leaps out at you the moment you
look at the “Inset map[s] of the Archipelago of Sa n Andrés” which appear in the official charts of
the Republic of Colombia.
31. The explanation provided by the Applican t’s Agent as regards an official Nicaraguan
chart from 1967 is also revealing. We can see the Nicaraguan mainland, the Corn Islands, the
Miskito Cays and, on the far right, “Islas de Pr ovidencia (Colombia)” and “Islas de San Andrés
28
(Colombia)” 53. According to the Agent, “it must be recalled that it was only until 1980 that
Nicaragua denounced the 1928Treaty. Up to th at moment, Nicaragua only claimed sovereignty
over the cays presently in dispute and not th e islands of San Andrés, Providencia and
Santa Catalina.” 54 In that case, instead of indicating that the islands of Providencia and the islands
of Santa Catalina — and I stress the two plurals — were Colombian, it would have been better for
Nicaragua to indicate that there were also cays to the east which were Nicaraguan. That was not
done, for the very simple reason that in 1967 Nicaragua did not lay claim to any cays. It was not
until after the publication of the White Paper in 1980 that Nicaragua embarked, for the first time,
on the cartographic “annexation” of the San Andrés Archipelago, including all of the cays, as well
as the three main islands — a practice which it continues to this day.
32. Members of the Court, Nicaragua’s sile nce in the face of the cartographic evidence
provided by Colombia is remarkable. Indeed, in its Application, the Applicant refers to an official
55
Colombian chart from 1995 “which was duly protested by Nicaragua” . Why, then, did Nicaragua
5POC, Vol. III; CMC, Vol. III.
53
CMC, Vol. III, Fig. 2.34, p. 67.
54
CR 2012/14, p. 14, para. 15 (Argüello).
5Nicaragua, Application of 6 December 2001, para. 4. - 21 -
not protest against the charts of 1920 or 1931 or any of the subsequent charts showing the
seven cays as forming part of Colombia’s San Andrés Archipelago?
33. The Court’s Judgment on the preliminary ob jections has already considered these same
charts in relation to the legal nature of the 82ndmeridian. The Court has already noted that
Nicaragua did not protest against those charts 56. Now, at the merits stage, it falls to you, Members
of the Court, to determine what these charts prove as regards the seven cays in question when they
describe the San Andrés Archipelago.
34. In conclusion on this point, Mr.President, the cartographic material in the present case
has, returning to the Court’s analysis in Burkina Faso v. Mali, value as corroborative evidence
endorsing a conclusion — here, that derived from the interpretation of the 1928-1930 Treaty — or
29 57
confirming that interpretation , namely that the seven cays form part of the San Andrés
Archipelago.
H. The relationship between titles and effectivités
35. On Tuesday Nicaragua’s counsel embarked on a biased reading not only of the case law
of the Court as regards the general relationship between titles and effectivités in territorial disputes,
but also of the specific circumstances of the present case. Be that as it may, we note, first of all, his
assertion that “Nicaragua has … never sought to compete with Colombia on the issue of
effectivités” 58.
36. Nicaragua’s counsel has gone after the wrong target in examining the role of effectivités
in respect of terrae nullius and the fact that these are incapable of displacing a title 59. The present
case in no way concerns such a situation. However, it is certainly true that effectivités are capable
of confirming a territorial title. As Mr.Bundy sh owed you last week, that is the case here, given
the Colombian effectivités 60. The Applicant forgot to mention another possibility contemplated by
your case law, namely “cases where the legal title is not capable of showing exactly the territorial
56
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 867, para. 113, and p. 868, para. 118.
57
Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 583, para. 56.
58
CR 2012/14, p. 21, para. 6 (Remiro Brotóns).
5Ibid., paras. 4-7 (Remiro Brotóns).
6CR 2012/11, pp. 50-63, paras. 1-45 (Bundy). - 22 -
expanse to which it relates. The effectivités can then play an essential role in showing how the title
is interpreted in practice.” ( Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J.
Reports 1986, p. 587, para. 63.)
37. The two Parties are relying on the interpretation of the 1928-1930Treaty in order to
settle this dispute. Ultimately, the issue can be resolved by determining whether the cays are to be
included in “the Mosquito Coast”, or in “the other islands, islets and cays forming part of the
San Andrés Archipelago” 61.
62
38. The Molina-GuaT l reaty of 1825 “remains in force today” , according to
ProfessorRemiro Brotóns. I note that Nicaragua has not declared it null and void. The
30 1928-1930Treaty was concluded in order to resolv e all outstanding territorial issues between
Colombia and Nicaragua, so the Molina-GualTreaty is purely of historical interest. It would, in
any case, be of no use as regards Nicaragua’s claims. The Royal Decree of 1803 resolved the issue
63
of uti possidetis juris in Colombia’s favour. Contrary to Nicaragua’s assertions on Tuesday , the
Court had good cause to rule on this Royal Decree in its Judgment in Nicaragua v. Honduras 6.
The Court had to consider the question of which of the two former provinces of the
Captaincy-General of Guatemala administered the cays at issue in the territorial dispute. To that
end, the Judgment of the Court had to determin e the time when such administration could have
commenced. It was in this context that the C ourt concluded that the Vice-Royalty of Santa Fe
gained administrative control over the Mosquito Coast by virtue of the Royal Decree of 1803 65.
39. Given the positions of the Parties, an interpretation of the 1928-1930Treaty is
accordingly sufficient to resolve the dispute. N onetheless, let us, for the sake of argument, follow
Nicaragua as it searches for other possibilities. Supposing, indeed, that the Treaty was not
sufficient — quod non — it would then be necessary to turn to the uti possidetis. If Nicaragua’s
counsel is to be believed, the cays “were not attr ibuted to any of the Crown’s territorial entities” 66.
6CR 2012/14, p. 19, para. 32 (Argüello).
62
Ibid., p. 24, para. 22 (Remiro Brotóns).
63
Ibid., p. 28, para. 40 (Remiro Brotóns).
6Territorial and Maritime Dispute between Nica ragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 709, para. 161.
6RC, p. 47, para. 2.29.
6CR 2012/8, p. 42, para. 47 (Remiro Brotóns). - 23 -
We are not of that view, and I would refer you to the relevant part of our exposition on the matter
last week 67 — which has not, moreover, been disputed. But let us follow Nicaragua’s reasoning all
the same. Even if what Nicaragua asserts were true, we would then be in a situation similar to that
seen in Nicaragua v. Honduras, in which, despite the cays in question having been recognized as
appertaining to Spain, uti possidetis juris alone was not sufficient to establish that the cays formed
68
part of a particular Spanish colonial administrative unit . It was under these circumstances that the
69
Court’s Judgment turned to the question of effectivités . So, even in that scenario, the cays would
31 be Colombian, given the effectivités in evidence from the nineteenth century to the present day and
the complete absence of Nicaraguan effectivités.
40. Nicaragua’s final analysis of Colombia’s effectivités as regards the archipelago in
general, and the cays in particular, is riddled with imprecision 70. It would be wearisome to take
each of the documents to which the opposing Party’s counsel referred and demonstrate the distorted
way in which he had interpreted it. I will examine just one of the documents relied upon, leaving it
to the Court to compare Nicaragua’s assertions with the reality of the situation as indicated by that
documentation.
41. The document in question is the note from th e Prefect of Providencia to the Secretary of
71
Government at Cartagena , to which Nicaragua’s counsel referred on two occasions. On the first
occasion, ProfessorRemiro Brotóns said that, “ called upon to provide in formation regarding
activities conducted on Roncador, [the Prefect] stated that he was unable to elaborate on that issue
72
owing to [an] absolute lack of information” . In fact, the Prefect of Providencia indicated that the
province’s authorities only had organized archives going back as far as 1870 and that he had made
efforts to gather documentation. What he says is, ultimately, not trivial or insignificant. For
example, he indicates that, every year, from the mont h of June, the inhabitants of those islands go
to live on Roncador in order to fish for tortoiseshe ll. Roncador? A rock? He also includes details
6CR 2012/11, pp. 32-33, paras. 7-8 (Kohen).
68
Territorial and Maritime Dispute between Nica ragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 710-711, para. 167.
69
Ibid., pp. 721-722, para. 208.
7CR 2012/14, pp. 22-24, paras. 9-19 (Remiro Brotóns).
7CMC, Vol. II-A, Ann. 82.
7CR 2012/14, p. 22, para. 11 (Remiro Brotóns). - 24 -
of exchanges of letters from 1875 concerning the fight against the illicit extraction of guano and
contracts concluded with private individuals, as well as four statements provided under oath by
persons of various nationalities, who had undertaken various activ ities on Roncador and elsewhere
in the region, attesting to Colombia’s soverei gnty over the cay. The second time that Nicaragua’s
counsel cited that document, he asserted that th is was the first Colombian document in which
73
Roncador had been referred to as part of the San Andrés Archipelago . That is not true. Evidence
of that can be seen, for example, in Law No. 25 of 24 April 1871, Article 1 of which authorizes the
Executive Power to order the granting of rights pertaining to the extraction of guano and the
32 collection of coconuts on the islands of Alburquer que, Roncador and Quitasueño, “in the Territory
of San Andrés and San Luis de Providencia” 74. ProfessorPellet rails against these effectivités,
which he describes as being “on paper”, and affects to believe that the granting of such rights was
limited to Quitasueño 75 — where there were certainly no coconut palms (for that, it was necessary
to go to Alburquerque), but there was guano, which remains the case today, as photographs taken
in the course of scientific reports on Quitasueño attest 76.
42. Members of the Court, the granting of such rights by a State and legislation are regarded
77
by the Court as acts à titre de souverain . The criticism by Nicaragua is made all the more
surprising by the fact that it is unable to point to any effectivités at all, not even what it regrettably
terms effectivités “on paper”.
I. Final remarks
43. Members of the Court, Colombia’s pos ition regarding the cays’ appurtenance to the
SanAndrés Archipelago and its sovereignty over the entire archipelago is well documented. For
example, there was the declaration made by Minist er Holguín when Nicaragua began to display an
appetite for insular features, claiming and occupy ing the Corn Islands in 1890, before demanding
73
CR 2012/14, p. 25, para. 25.
74
CMC, Vol. II-A, Ann. 73.
7CR 2012/15, p. 40, para. 14 (Pellet).
7RC, Vol. II, Appendix 1, p. 23.
77
Legal Status of Eastern Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53, p. 48; Minquiers and Ecrehos
(France/United Kingdom), Judgm ent, I.C.J. Reports 1953 , p.65; Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
(Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, pp. 683-686, paras. 142-149. - 25 -
the entire archipelago in 1913. And there was, for example, the note sent by ManuelEsguerra,
Colombian Minister in Managua and negotiator of and signatory to the 1928Treaty. Further,
following the Treaty’s entry into force, there is the cartographic material, the peaceful and public
exercise of its sovereignty, and the latter’s in ternational recognition. For its part, Nicaragua’s
position in terms of its failure to lay claim to the cays and its recognition of Colombian sovereignty
is also clear from:
⎯ its silence prior to 1913;
⎯ the 1928 Treaty;
⎯ the inclusion — at its request — of a reference to the 82nd meridian in the 1928 Protocol;
⎯ the implementation of the 1928-1930 Treaty over a number of decades; and
33 ⎯ its belated claims to sovereignty (which are in capable of altering in any way a situation which
had been accepted for so long):
⎯ in respect of Roncador, Quitasueño and Serrana in 1972;
⎯ and in respect of the other four cays (alb eit still as cays “surrounding” the islands
of San Andrés and Providencia) in 1980;
⎯ as well as the individual claims made in respect of Roncador, Quitasueño, Serrana
and Serranilla in its Application in 2001; and
⎯ the claims made in respect of Alburquerque, East-Southeast and Bajo Nuevo in its
Memorial in 2003.
44. Members of the Court, I would like to conclude my submissions by referring you to the
sketch-map presented by the Applicant and making the point that, following the conclusion of the
1928-1930 Treaty, the only elements of the archipelago which are entitled to be crossed out are the
Corn Islands. Once Alburquerque and East -Southeast— which have been omitted from the
Nicaraguan sketch-map— are added and all of th e 82ndmeridian is indicated (i.e., without any
fanciful amputation of that line), we can see the San Andrés Archipelago as it is, under Colombian
sovereignty, in accordance with the treaty gove rning relations between the two countries and as
internationally recognized.
45. To complete the picture, I will add the pe rimeter line drawn by Nicaragua in its Note to
President Loubet showing the full extent of Nicara gua’s sovereignty over insular features in the
region. The explanation provided by the Applicant on Tuesday — the firs t since these proceedings - 26 -
were instituted— does not stand up to any scrutiny whatsoever. These are, it claims, the
“erroneous assertions of one official”, who, in his ardour to “save the Corn Islands”, supposedly
forgot about the mangroves, to use the opposing counsel’s highly bizarre method of referring to the
cays 7. Without accepting this fanciful interpreta tion— which turns an ambassador’s official
Notes to the State to which he is accredited into documents with no value whatsoever— I would
quite simply note that this alleged error was never rectified. It seems to me, Members of the Court,
that the assertion, more than a century after the event, that this was an error comes a little late in the
day to carry any conviction with you.
46. Thank you for your attention. Mr.Pr esident, would you please give the floor to
Mr. Rodman Bundy — presumably after the break.
34 The PRESIDENT: Thank you, ProfessorKohen. We will take a 15-minute break. The
sitting is suspended.
The Court adjourned from 11.15 to 11.35 a.m.
Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience reprend et j’invite à la barre
M. Rodman Bundy. Monsieur Bundy, vous avez la parole.
M. BUNDY : Je vous remercie, Monsieur le président.
3.L A NOUVELLE DEMANDE DU N ICARAGUA CONCERNANT LE PLATEAU CONTINENTAL
Introduction
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, je vais à présent me pencher
sur la nouvelle demande du Nicaragua concernant le plateau continental et, ce faisant, je répondrai
aux arguments qui ont été avancés mardi dernier par le conseil du Nicaragua.
2. Je commencerai par démontrer que cette nouvelle demande est irrecevable. Le Nicaragua
n’a pas abordé la question de la recevabilité lors du premier tour de plaidoiries, bien que la
Colombie l’ait soulevée dans sa duplique. Ce n’est que mardi dernier en fin de journée que
M.Pellet s’y est intéressé. Je montrerai cependant ici que les moyens avancés par le conseil du
78
CR 2012/14, p. 29, para. 42 (Remiro Brotóns). - 27 -
Nicaragua pour tenter d’établir la recevabilité de la nouvelle demande sont tr ès loin de satisfaire
aux critères constamment retenus par la Cour pour dé terminer la receva bilité d’une demande
introduite à un stade tardif de la procédure.
3. Je réagirai ensuite aux arguments de M.Lowe selon lesquels le Nicaragua pourrait
prétendre à un plateau continental étendu au-delà de 200 milles marins de sa côte qui devrait faire
l’objet d’une délimitation par rapport au plateau c ontinental de la Colombie. Je répondrai par la
même occasion à l’exposé technique que nous a prés enté M. Cleverly ainsi qu’à la question posée
par M. le juge Bennouna.
4. A titre liminaire, je constate que le Nicara gua a une nouvelle fois changé ses conclusions
concernant la demande qu’il adresse à la Cour: en réalité, il l’a fait non pas une mais deux fois
dans le courant de l’après-midi de mardi. J’y reviendrai. Une chose est claire : la conclusion finale
du Nicaragua à propos de ce qui n’est plus qu’une demande de délimitation du plateau continental
est très différente de la demande qu’il avait fo rmulée dans sa réplique, qui était elle-même
35
radicalement différente de celle qu’il avait exposée dans son mémoire et de l’objet du différend tel
qu’il l’avait présenté dans sa requête.
5. Ce n’est là qu’un exemple des revendications lancées tous azimuts (et je le dis presque au
sens propre) par nos contradicteurs. Les demand es ne cessent de changer, les bases juridiques et
factuelles se contredisent entre elles, bref, les règles du jeu changent en permanence. On a
l’impression d’assister à une loterie…sauf que le Nicaragua n’a toujours pas mis la main sur le
ticket gagnant.
La nouvelle demande du Nicaragua est irrecevable
6. J’en viens à présent à la question de la recevabilité.
7. Mardi, dans son intervention, M.Pellet a soutenu que le Nicaragua n’avait pas modifié
l’objet de sa requête et que sa nouvelle demande concernant le plat eau continental, qui n’apparaît
que dans la réplique, n’avait nu llement transformé le différend en un autre dont le caractère ne
79
serait pas le même . Or, ces arguments ne tiennent tout simplement pas.
79
CR 2012/15, p. 36, par. 8 (Pellet). - 28 -
8. Mon confrère a commencé par affirmer que le Nicaragua ne contestait pas la jurisprudence
que j’avais analysée en détail la semaine dernière. Il a cité en particulier l’affaire Diallo, dans
laquelle la Cour a clairement conclu à l’irrecevabilité des demandes add itionnelles formulées en
cours d’instance qui auraient pour effet de modifi er l’objet du différend initialement porté devant
elle selon les termes de la requête, précisant ceci: « A fortiori, une demande formulée
postérieurement au mémoire, comme dans la présente affaire, ne saurait modifier l’objet du
différend tel qu’il est délimité par les termes de la requête» 80.
9. A propos de l’objet du différend que le Nicara gua a porté devant la Cour, M. Pellet a eu le
sentiment que j’avais trop insisté sur le paragraphe 8 de la requête. M. Pellet a soutenu que ce
paragraphe ⎯ qu’il a jugé trop long pour le lire en entier ⎯ devait être interprété à la lumière du
paragraphe 9, dans lequel il est dit que l’objet principal de la requête est d’obtenir une décision en
81
36 matière de titre et de détermination des frontières maritimes . Selon M.Pellet, l’expression
«déterminer le tracé d’une frontière maritime unique », qui apparaît au paragraphe8, ne constitue
pas l’alpha et l’oméga de la demande du Nicaragua 82.
10. Si je puis me permettre, M.Pellet compre nd les choses à rebours, et de travers. Le
paragraphe8 ne devrait pas être lu à la lumière du paragraphe9, c’est le paragraphe 9 qui devrait
être relu ⎯ ou lu à la lumière du paragraphe 8. Je m’explique.
11. Ayant estimé que ce paragraphe était trop long pour être lu, M.Pellet a opportunément
omis de mentionner qu’il contenait la demande formelle du Nicaragua. En effet, le Nicaragua y dit
ceci ⎯ et vous pouvez le voir à l’écran :
«En conséquence, la Cour est priée de dire et juger [voilà les termes que
M. Pellet omis de mentionner, la Cour est priée de dire et juger] :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Deuxièmement, à la lumière des conclusions auxquelles elle sera parvenue
concernant le titre revendiqué ci-dessus, de déterminer le tracé d’une frontière
maritime unique entre les portions de plat eau continental et les zones économiques
exclusives relevant respectivement du Nicaragua et de la Colombie, conformément
80
Voir CR 2012/15, p.35, pa r.5 (Pellet), citant Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c.République
démocratique du Congo), arrêt, C.I.J.Recueil2010 , p. 18, par. 39 ; Différend territorial et maritime entre le Nicaragua
et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 695, par. 108.
81
CR 2012/15, p. 35, par. 6 (Pellet).
82 Ibid., p. 36, par. 8 (Pellet). - 29 -
aux principes équitables et aux circonstan ces pertinentes que le droit international
83
général reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre.»
12. Ainsi, lorsque le paragraphe 9 définit l’ob jet de la requête comme étant la détermination
de frontières maritimes, il s’agit clairement de fi xer une frontière maritime unique, et de le faire
conformément aux principes juridiques applicab les aux frontières maritimes uniques mentionnés
dans la demande formelle du Nicaragua. Il ne s’ agit pas de n’importe quelle frontière maritime, et
certainement pas d’une simple délimitation de plateau continental.
13. Si tant est qu’il ait eu le moindre doute à ce sujet, le mémoire du Nicaragua montrait on
ne peut plus clairement que l’objet du différe nd était la détermination d’une frontière maritime
unique conformément aux principes juridiques applicables à ce régime-là , et non au régime du
plateau continental géologique.
14. Au paragraphe3.3 de son mémoire, dans la partie intitulée «Délimitation demandée et
droit applicable», le Nicaragua reproduisait le paragraphe8, et n on le paragraphe9, de sa requête
⎯dont nous venons de projeter le texte à l’écran. Au paragraphe3.37, il soulignait que ce qu’il
37
considérait comme la «question centrale de la délimitation» demandée était de «déterminer le tracé
d’une frontière maritime unique» entre les pl ateaux continentaux et les zones économiques
exclusives revenant aux Parties. Et dans les conclusions de ce mémoire, il réitérait sa demande
formelle, priant la Cour de fixer non pas une frontiè re maritime en général, mais bien une frontière
maritime unique.
15. Il n’est donc pas surprenant que la Cour ait relevé dans son arrêt sur les exceptions
préliminaires que le Nicaragua avait exposé que ⎯ et je cite l’arrêt ⎯ «l’objet [du différend était]
de déterminer une front ière maritime unique» ( Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 847, par. 35).
16. M.Pellet soutient à présent qu’il convient d’opérer une distinction entre l’ objet du
différend introduit par le Nicaragua dans sa requête et les moyens permettant à la Cour de trancher
ce différend 84.
83
Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), requête de la République du Nicaragua, p. 9.
84
CR 2012/15, p. 36, par. 8 et p. 37, par. 9 (Pellet). - 30 -
17. J’ai déjà démontré que l’objet du différend tel que formulé dans la requête n’était pas la
délimitation de frontières maritimes en général ⎯ ou en tout cas pas la délimitation du seul plateau
continental ⎯mais spécifiquement le tracé d’une fron tière maritime unique. Toutefois, mon
collègue soutient que le tracé d’une ou de plusieurs lignes est un «moyen» pour la Cour de trancher
85
le différend entre les Parties . L’argument implique que la fixation d’une frontière maritime
unique initialement demandée par le Nicaragua pourrait de ce fait se muer en délimitation des
plateaux continentaux des Parties. Pour M.Pelle t, il n’y aurait là qu’un moyen d’effectuer la
délimitation, et non une modification de l’objet du différend.
18. Cet argument, qui ne résiste pas à l’exam en, ne rend pas miraculeusement recevable la
nouvelle demande du Nicaragua concernant un plateau continental. Si le Nicaragua a certes changé
le moyen par lequel il demande à la Cour de fixe r la ligne de délimitation, il a surtout changé
l’objet même du différend.
38 19. Dans la requête, l’ objet du différend était la détermina tion d’une frontière maritime
unique. Dans son mémoire, le Nicaragua propose, comme moyen d’opérer cette délimitation,
l’adoption d’une frontière maritime unique c onstituée par une ligne médiane séparant les deux
masses continentales. Dans sa réplique, en revanche, et dans les conclusions finales présentées
cette semaine par le Nicaragua, l’objet du différend est devenu la délimitation du plateau
continental, y compris des zones situées à plus de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne, ce
qui est tout à fait différent. Les moyens que le Nicaragua estime indiqués aux fins de délimiter ce
plateau continental ont à vrai dire varié: pro céder à une division par parts égales des marges
géologiques des Parties ⎯selon la position formellement exposée dans sa réplique ⎯ ou encore
diviser par parts égales la zone de chevauchemen t des droits des Parties à un plateau continental
⎯ c’est la position qui ressort des conclusions finales du Nicaragua dont il nous a été donné lecture
mardi en fin de journée.
20. Les moyens mis en avant sont ⎯c’est un fait ⎯ clairement différents. Mais ce qu’il
importe de souligner, c’est que l’objet de la délimitation que le Nicaragua demande à présent à la
Cour d’effectuer est fondamentalement différent. En vertu de la jurisprudence constante de la
85
CR 2012/15, p. 37, par. 9. - 31 -
Cour, c’est ce changement d’objet qui rend la nouvelle demande du Nicaragua irrecevable. L’objet
consistant à délimiter un plateau continental, particulièrement lorsqu’elle concerne la revendication
de zones se trouvant à plus de 200milles de la côte de l’une des Parties, ne saurait en rien être
assimilé à celui consistant à délimiter une frontière maritime unique.
21. M. Pellet a laissé entendre que c’était en raison de l’arrêt sur les exceptions préliminaires
rendu par la Cour en 2007 86que le Nicaragua avait changé de position dans sa réplique. Mais
⎯ fait significatif ⎯ il ne parvient pas à expliquer en quoi cet arrêt justifierait de transformer
l’objet du différend en passant d’une revendication de frontière maritime unique à une
revendication de droits à un plateau continenta l étendu et à une délimitation circonscrite aux
marges continentales. Car rien ne saurait le justifier, et le Nicaragua ne le sait que trop bien. Dans
sa réplique, il a franchement rec onnu que l’arrêt de la Cour n’ava it pas «directement affecté [sa]
demande en matière de délimitation maritime» 8. Et cela va de soi : l’arrêt n’a pas affecté l’objet
du différend introduit par le Nicaragua. Il n’a eu aucune incidence: la Cour s’y est simplement
39 déclaré compétente, et le Nicaragua le reconnaît da ns sa réplique. Mais voilà que M. Pellet essaie
de nous convaincre que le Nicaragua a changé de position à cau se de l’arrêt sur les exceptions
préliminaires. Cet argument est indéfendable.
22. Autre point que je souhaiterai relever: au paragraphe8 de la requête, le Nicaragua a
aussi clairement soutenu que la détermination de la frontière maritime unique devait être opérée
«conformément aux principes équitables et aux circ onstances pertinentes que le droit international
88
général reconnaît comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre» .
23. Et il l’a souligné derechef à plusieurs reprises dans son mémoire. Ainsi, il y écrit en
termes très catégoriques que «[l]e droit applicable est constitué des principes de droit international
général applicables à la délimitation d’une frontière maritime unique, et [que] tel est précisément le
89
type de délimitation demandé à la Cour dans la requête du Nicaragua» .
86CR 2012/15, p. 38, par. 11 (Pellet).
87
RN, p. 12, par. 25.
88
RN, par. 8.
89MN, par. 3.49. - 32 -
24. Mardi, M. Pellet a éludé la question de sa voir si l’on peut estimer que la délimitation de
plateaux continentaux au-delà de 200 milles marins de la côte de l’une des Parties est fondée sur les
mêmes principes juridiques que ceux présentés par le Nicaragua comme étant applicables à la
délimitation d’une frontière mar itime unique. Mais la Cour a clairement dit dans l’affaire Diallo
qu’une demande additionnelle n’était pas «imp licitement contenue dans une requête» et ne
découlait pas directement de la question faisant l’objet de cette requête si elle reposait sur des bases
juridiques différentes de celles de la demande initiale. C’est justement parce que la Cour a reconnu
que ce qu’elle appelait les «règles internationa les applicables» se ra pportaient à la nouvelle
demande formulée dans l’affaire Diallo, que ces règles étaient différentes de celles sur lesquelles
reposaient la demande initiale ⎯ c’est justement pour cette raison, donc, que la Cour a conclu que
la nouvelle demande ne pouvait être considérée comme implicitement conte nue dans la demande
90
initiale, et était donc irrecevable .
25. Qu’en est-il en l’espèce? Les bases ju ridiques sur lesquelles se fonde la nouvelle
demande du Nicaragua concernant le plateau continental sont-elles différentes de celles
sous-tendant sa demande concernant une frontière ma ritime unique ? La réponse tient en un mot :
oui.
40 26. Dans sa requête comme dans son mémoire, le Nicaragua insistait sur le fait que des
facteurs tels que la géographie et la sécurité étaient essentiels à la délimitation d’une frontière
maritime unique, et que les facteurs géologiques et géomorphologiques étaient sans pertinence
aucune, que ce soit pour établir un titre ou pour opér er une délimitation. Souvenez-vous de la
citation extraite du mémoire que je vous ai montr ée la semaine dernière : 80 pages consacrées à la
délimitation maritime, une phrase sur la question de la pertinence de la géologie et de la
géomorphologie. Et que dit cette phrase? Que ces facteurs ne sont absolument pas pertinents.
Autre différence: en2007, mon collègue a dit que les règles que la Cour choisirait assurément
d’appliquer, comme elle le faisait désormais sy stématiquement dans chaque cas de délimitation
maritime, prévoyaient un processus en deux étapes ⎯et non en trois étapes comme l’a dit
M. Reichler ⎯, en deux étapes, donc. Il s’agit, premièrement, de tracer la ligne d’équidistance
90
Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée . épublique démocratique du Congo) , arrêt,
C.I.J. Recueil 2010, p. 19, par. 43. - 33 -
provisoire, et, deuxièmement, tenir compte de tout es circonstances spéciales qui pourraient être de
91
nature à justifier un ajustement de cette ligne .
27. Comme je l’ai expliqué lors du premier tour de plaidoiries, les principes juridiques que le
Nicaragua juge à présent applicables sont on ne peut plus éloignés de ceux qu’il tenait pour tels
s’agissant de la délimitation d’une frontière ma ritime unique. La nouvelle demande repose sur la
question de savoir si le Nicaragua a établi des droits à un plateau continental au-delà de 200 milles
marins en vertu de l’article76 de la conventio n, et donc sur principes dont il n’est fait aucune
mention dans les conclusions antérieures du Nicara gua. Elle implique de définir les limites des
droits revendiqués par chacune des Parties à un plateau continental, ce qui suppose de se fonder sur
ce que, précisément, le Nicaragua a présenté comm e étant complètement dénué de pertinence, à
savoir la géologie et la géomorphologie. Et elle suppose l’abandon des règles
«équidistance/circonstances pertinentes» qui, d’ après le Nicaragua, constituaient auparavant les
règles applicables.
28. En conclusion, l’objet du différend n’est pas le seul élément qui ait été transformé par le
Nicaragua dans sa réplique, les principes applicables l’ont été également.
29. Lors du premier tour de plaidoiries, j’ai re levé que la Cour avait elle-même souligné que
les dispositions de l’article40 de son Statut et de l’article38 du Règlement étaient essentielles au
regard de la sécurité juridique et de la bonne administration de la justice 92. Outre les
considérations que je viens d’examiner, je souhaiterais soulever à ce sujet un dernier point.
41 30. Comme la Cour l’a fait observer dans l’affaire Diallo, lorsqu’une nouvelle demande n’est
introduite qu’au stade de la réplique, le défendeur n’est pas en mesure de lui opposer des
exceptions préliminaires, lesquelles ne peuvent être présentées, selon les dispositions de l’article 79
du Règlement, que dans le délai fixé pour le dépôt du contre-mémoire ou, selon les dispositions en
vigueur depuis le 1 erfévrier 2001, dans les trois mois suivan t le dépôt du mémoire. Voilà pour le
délai dans lequel des exceptions préliminaires peuvent être soulevées. Comme l’a dit la Cour dans
l’affaire Diallo, il s’agit d’un «droit procédural fondamental», dont elle a précisé qu’il «est lésé si
91CR 2007/19, p. 20, par. 9 (Pellet).
92 Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. u stralie), exceptions pr éliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p.267, par.69; Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c.République démocratique du
Congo), arrêt, C.I.J. Recueil 2010, p. 18, par. 38. - 34 -
l’Etat requérant présente une demande ma tériellement nouvelle postérieurement au
contre-mémoire, c’est-à-dire à un moment où le défe ndeur peut encore soulever des objections à la
recevabilité ou à la compétence, mais plus des exceptions préliminaires» (Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c.République démocra tique du Congo), arrêt, C.I.J.Recueil2010 , p.19,
par. 44).
31. On peut donc dire à ce sujet que les dro its de la Colombie ont été lésés par la nouvelle
demande du Nicaragua. Nous ne saurons jamais comment la Colombie aurait réagi si des
demandes de plateau continental étendu avaient été formulées dans la requête ou dans le mémoire,
ou ce qu’il serait advenu si elle avait soulevé des exceptions préliminaires à ce sujet, puisque la
possibilité d’en soulever ne lui a jamais été donnée. Ce que nous savons, en revanche, c’est que
l’année où la Cour s’est prononcée sur les ex ceptions préliminaires formulées en l’espèce ⎯ celles
que la Colombie avait été en mesure de soulever ⎯, la Cour a également rendu un arrêt en l’affaire
Nicaragua c. Honduras, dans lequel elle a conclu que la li gne de délimitation ne pouvait en aucun
cas se prolonger à plus de 200milles marins des lignes de base des Parties parce que toute
prétention relative à des droits sur le plateau con tinental au-delà de 200milles marins devait être
conforme à l’article76 convention des NationsUnies sur le droit de la mer et examinée par la
Commission des limites du plateau continental 93.
32. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs de la Cour, la nouvelle demande du
Nicaragua, qui concerne le plateau continental, va bien au-delà des limites de la demande et de
l’objet du différend tels qu’expo sés dans la requête. Cette de mande a transformé l’objet du
différend et la base juridique de celui-ci de sorte que nous sommes en présence d’un différend dont
le caractère n’est fondamentalement pas le même. Elle n’est en aucun cas implicitement contenue
dans la requête et ne découle pas directement de la question qui fait l’objet de celle-ci. La
demande du Nicaragua concernant le plateau continental est donc irrecevable.
93Différend territorial et maritime entre le Nicaraet le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319. - 35 -
Le Nicaragua n’a pas établi qu’il aurait droit à un plateau continental
42
au-delà de 200 milles marins
33. J’en viens maintenant aux arguments présentés par le Nicaragua à l’appui de son
prétendu droit à un plateau continental bien au-delà de 200milles marins de sa côte, et à la
nouvelle demande qui a fait son apparition mardi en fin d’après-midi.
34. M. Lowe a commencé par exposer quatre points de principe pour réfuter notre thèse, en
94
se déclarant convaincu que la Colombie ne les contesterait pas . Je crains de décevoir mon bon
ami, mais ce ne sera certainement pas la première fois ⎯ ni probablement la dernière.
35. Deux des principes avancés par M. Lowe ne prêtaient effectivement pas à controverse:
le plateau continental relève de plein droit de l’Etat côtier, ipso facto et ab initio ; et une
délimitation maritime a pour but de parvenir à un ré sultat équitable. J’aimerais cependant ajouter,
au sujet de ces deux principes, que les droits ipso facto à un plateau continental s’appliquent aussi
aux îles ⎯ comme à tout autre territoire ⎯, et, au sujet du résultat équitable visé, que la Cour a dit
clairement qu’il découlerait de l’application de la règle de l’équidistance et des circonstances
spéciales. C’est un aspect sur lequel M. Crawford reviendra un peu plus tard.
36. Là où les vues de M.Lowe et les miennes divergent, c’est au sujet des deux autres
principes qu’il a mentionnés.
37. M.Lowe a commencé par dire qu’il était communément admis que l’article76 de la
convention sur le droit de la mer reflétait le droit international et qu’il était applicable à la présente
espèce 95 ; et il a fait référence à la page 306 du contre-mémoire qui, selon lui, le confirme.
38. Or, à la page306 du contre -mémoire, la Colombie ne dit pas que, de son point de vue,
l’article76 est le reflet du droit international. Ce qu’elle dit, c’est que les dispositions de la
convention qui sont applicables aux lignes de base, ainsi que les articles74 et83 sur la
délimitation, reflètent le droit international coutumier. Il n’y est nu llement question de l’article 76.
Dans la mesure où la Colombie s’intéressait aux dr oits de l’Etat à des espaces maritimes, elle ne
traitait pas des limites extérieures du plateau continental, qui doivent être fixées conformément aux
paragraphes4 à7 de l’article76. A ce stade de l’instance, lorsque la Colombie a déposé son
contre-mémoire, la demande de plateau continental étendu du Nicaragua n’avait pas encore fait son
94
CR 2012/15, p. 17-18, par. 3-7 (Lowe).
95
Ibid., p. 17, par. 5 (Lowe). - 36 -
apparition. Les droits invoqués par la Colombie reposaient sur la célèbre formule des 200milles
43 applicable à la zone économique exclusive et au plateau continental, les droits à une mer territoriale
de 12milles et à une zone contiguë de 24milles. Telles étaient les questions examinées par les
Parties à ce stade.
39. Si la Colombie convient que le paragraphe1 de l’article76 reflète le droit international
coutumier, le Nicaragua n’est pas parvenu à démo ntrer que les paragraph es4 à7 de l’article76
avaient le même statut. Et, en effet, M.Oude Elferink, a déclaré dans ses publications que les
dispositions très détaillées de l’article 76 ne pouvaient certainement pas être réputées faire partie du
droit international coutumier 9.
Réponse à la question du juge Bennouna
40. Il me semble à présent opportun, avec votre permission, de répondre à la question du
jugeBennouna. Au terme de l’a udience de vendredi, le jugeBennouna a demandé si le régime
juridique du plateau continental était différent pour la portion de celui-ci qui se situe en deçà de la
limite des 200milles marins et pour celle située au-delà de cette lim ite. Je vais vous exposer la
réponse de la Colombie.
41. Bien que le régime juridique applicable à la portion de plateau continental située en deçà
de la limite des 200milles ma rins présente un certain nombre de points communs avec celui qui
s’applique à la portion de plateau continental s ituée au-delà de cette limite, ces deux régimes
diffèrent.
42. En vertu du paragraphe 1 de l’article 76 de la convention, le plateau continental d’un Etat
côtier s’étend jusqu’au re bord externe de la marg e continentale ou jusqu’ à 200milles marins des
lignes de base de l’Etat côtier à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale. Et
selon ce paragraphe, le plateau continental peut aussi, en fonction des circonstances, s’étendre
au-delà de 200 milles marins.
43. Aux termes de l’article 77 de la convention, l’Etat côtier exerce des droits souverains sur
le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles.
96
A. Oude Elferink : «The outer limits of the continental shelf beyond 200 nautical miles under the framework of
Article 76 of UNCLOS» ; http://www.sof.or.jp/en/topics/pdf/aba.pdf, p. 10. - 37 -
44. Ces dispositions s’appliquent aussi bien à la portion de plateau continental qui se situe
endeçà des 200milles marins qu’à celle qui s’étend au-delà. Il y a pourtant une différence. En
vertu de l’article 82 de la convention, l’Etat cô tier est tenu d’acquitter des contributions en espèce
ou en nature auprès de l’Autorité internationale des fonds marins au titre de l’exploitation des
ressources non biologiques du plateau continental au -delà de 200milles marins. Il n’en est pas
ainsi en deçà de cette limite.
45. Les dispositions de l’ article78 de la convention ⎯qui stipule que les droits de l’Etat
côtier sur le plateau continental n’affectent p as le régime juridique des eaux surjacentes ou de
44 l’espace aérien situé au-dessus de ces eaux et que l’ex ercice, par l’Etat côtier, de ses droits sur le
plateau continental ne doit pas porter atteinte à la navigation ou aux droits et libertés reconnus aux
autres Etats par la convention, ni en gêner l’exercice de manière injustifiable ⎯ s’appliquent aussi
en deçà comme au-delà des 200 milles marins.
46. Mais il y a, là aussi, une différence. Selon le paragraphe1 de l’article246 de la
convention, les Etats côtiers, dans l’exercice de leur juridiction, ont le droit de réglementer des
recherches scientifiques marines sur leur plat eau continental conformément aux dispositions
pertinentes de la convention. En vertu du paragraphe 5 a) de l’article 246, les Etats côtiers peuvent
cependant, à leur discrétion, refuser leur consentement à l’exécution d’un projet de recherche
scientifique marine par un autre Etat sur leur plateau continental si, entre autres, le projet a une
incidence directe sur l’exploration et l’expl oitation des ressources naturelles. Endeçà de
200milles marins, l’Etat peut, à sa discrétion, refuser son consentement. Or, en vertu du
paragraphe6 de l’article246, les Etats côtiers ne peuvent pas exercer leur pouvoir discrétionnaire
en ce qui concerne les projets en trepris sur le plateau continental, à plus de 200milles marins de
leurs lignes de base, en dehors de zones spécifique s qu’ils peuvent désigner comme faisant l’objet,
ou devant faire l’objet dans un délai raisonnable, de travaux d’exploitation ou de travaux
d’exploration poussée.
47. Ces dispositions montent que, du moins au regard du droit conventionnel, il y a une
différence entre les régimes juridiques applicables au plateau continental endeçà et au-delà de la
limite des 200 milles. - 38 -
48. Surtout, il y a une différence cruciale en ce qui concerne la manière dont un Etat côtier
établit les limites du plateau continental sur lequel il peut exercer des droits souverains selon que
les espaces dont il s’agit se trouvent en deçà ou au-delà de 200 milles marins de la ligne de base.
49. Jusqu’à 200 milles marins, c’est le critère de la distance qui permet de définir les limites
du plateau continental d’un Etat côtier ⎯ la géographie et la géomorphologie n’ont là aucun rôle à
97
jouer. C’est ce que la Cour a souligné dans l’arrêt quelle a rendu dans l’affaire Libye/Malte , de
toute évidence à juste titre. Au-delà de 200 milles marins, toutefois, le droit d’un Etat à un plateau
continental s’étendant jusqu’au rebord externe de la marge continentale répond à un autre critère :
si cet Etat est partie à la convention, ce s ont les conditions énoncées a ux paragraphes4 à7 de
l’article 76 et au paragraphe 8 de l’article 76 qui doivent être remplies.
45 50. Voilà pourquoi la Colombie soutient que le régime juridique applicable à la portion de
plateau continental qui se situe en deçà de la limite des 200 milles marins, bien qu’ayant un certain
nombre de points communs avec celui régissant la por tion de plateau continental située au-delà de
cette limite, s’en distingue néanmoins.
Lacunes géologiques et géomorphologiques dans l’argumentation du Nicaragua
51. J’en viens à présent à l’autre «point de principe essentiel» que vous a exposé M. Lowe et
que conteste la Colombie.
52. M.Lowe a soutenu que tout en affirmant que le Nicaragua n’avait pas établi qu’il avait
droit à un plateau continental étendu, ni apporté d’éléments concrets perm ettant de définir les
limites précises de la marge qu’il revendiquait, la Colombie ne contestait pas qu’en réalité (d’un
point de vue géologique et géomorphologique), la marge continentale du Nicaragua s’étendait vers
le nord-est à partir de sa côte continentale sur environ 500 milles, jusqu’à chevaucher la zone des
200 milles marins de la Colombie 98.
53. Or, je puis vous assurer, Monsieur le pr ésident, Mesdames et Messieurs de la Cour, que
la Colombie le conteste. Commençons, à cet égard, par rappeler comment le Nicaragua a décrit le
seuil nicaraguayen dans l’affaire qui l’opposait au Honduras. Après tout, le seuil nicaraguayen est
97
Plateau continental (Jamahiriya arabe libyen ne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p.33, par.34, et p.35,
par. 39.
98CR 2012/15, p. 17-18, par. 6 (Lowe). - 39 -
au cŒur de l’argumentation géologique et géomor phologique du Nicaragua en la présente affaire.
La figure qui vous est présentée à l’écran montre co mment le Nicaragua le d écrivait dans le cadre
de son différend avec le Honduras.
54. Dans cette affaire, le Nicaragua écrivait ceci :
«Le massif sous-marin nicaraguayen, ou seuil nicaraguayen, est une large
dorsale triangulaire qui s’étend depuis le tr iangle de masses terrestres continentales
formé par le Honduras et le Nicaragua en passan t par l99le de la Jamaïque jusqu’à l’île
d’Hispaniola (République dominicaine et Haïti).»
55. Et d’ajouter :
«pletcontinental jusqu’à l’isobathe200 s’ élargit notablement en
direction du nord, formant un vaste territo ire submergé, couvert par une mer tropicale
très peu profonde.» 100
56. Avant de conclure :
«Prenant comme limite externe l’isobathe 200, le plateau continental en face du
46
Nicaragua atteint sa largeur maximale dans la région du cap Gracias a Dios, où il se
poursuit le long du seuil sous-marin nicaraguayen selon une direction nord-est.» 101
57. Or, dans l’affaire l’opposant au Honduras, le Nicaragua soutenait que la méthode de la
bissectrice serait équitable notamment parce qu’elle permettrait de diviser le seuil nicaraguayen en
deux parties à peu près égales entre le Nicaragua et le Honduras. Ayant atteint son but dans cette
affaire —dans laquelle le Nicaragua n’avait présenté aucune demande de plateau continental
étendu, affirmant qu’une ligne unique de délimitation constituait et devait constituer la règle
générale 102—, ayant donc obtenu ce qu’il voulait — une division du seuil dans l’affaire l’opposant
au Honduras—, le Nicaragua ne s’en contente pas pour autant. Il voudrait que le plateau
continental fondé correspondant au seuil intègre en outre un immense espace situé plus au sud, à
nettement moins de 200 milles des îles et de la côte continentale colombiennes. Or donc, Monsieur
le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, nous contestons bel et bien que la nouvelle version
de la géologie et de la géomorphologie que nous présente le Nicaragua permette d’établir
99Mémoire du Nicaragua dans l’affaire Honduras, p. 6, par. 5.
100
Ibid., p. 9, par. 12.
101
Ibid., p. 9, par. 13.
102Ibid., p. 94, par. 15. - 40 -
l’existence d’une marge continentale s’étendant loin en mer en direction de la côte continentale
colombienne. Malgré leurs efforts, MM. Cleverly et Lowe ne sont pas parvenus à le démontrer.
58. Dans l’exposé qu’il a présenté au second tour, M.Cleverly a tenté de montrer que la
manière dont le Nicaragua avait calculé le rebord externe de sa marge continentale était fiable
⎯au sens où l’entend M.Cleverly ⎯ à plus ou moins 100mètres près 103. Or, c’est tout
bonnement faux, et l’on ne voit pas en quoi le Nicaragua pourrait invoquer le secours de la
Commission des limites du plateau continental pour justifier ses conclusions.
59. M.Cleverly affirme que la Colombie ne remet pas en question le fait que le plateau
continental du Nicaragua, défini conformément aux prescriptions de l’article 76, chevauche la zone
104
de 200 milles marins adjacente à son territoire continental . Mais le Nicaragua n’a pas défini les
limites extérieures de la marge conformément aux prescriptions de l’article76. Il n’a même pas
soumis de dossier complet à la Commission, ni d’ ailleurs établi la limite ex térieure en se fondant
sur les recommandations de la Commission, qui ne deviennent qu’alors définitives, obligatoires et
opposables à des Etats tiers, comme l’a clairement indiqué le Tribunal du droit de la mer dans
l’affaire Bangladesh/Myanmar. Je reconnais que, pour M.Lowe, de caractère «définitif» et
105
47 «obligatoire» était res inter alios acta en ce qui concerne la Colombie . Mais si le rebord externe
de la marge n’est pas opposable à des Etats qui s ont parties à la convention, comment pourrait-elle
l’être à des Etats qui ne le sont pas ? Cela ne nous a pas été expliqué.
60. M.Lowe a ensuite affirmé que le Nicaragua s’était, en tout état de cause, acquitté des
obligations lui incombant en vertu de l’article76 en déposant des informations préliminaires; et
qu’il l’avait fait dans le déla i imparti. Mais, comme nous l’ avons indiqué, les informations
préliminaires ne sont pas même examinées par la Commission et ne fondent en aucune manière le
droit d’un Etat à un plateau continental s’étendant jusqu’au rebord externe de la marge.
61. M. Cleverly a ensuite fait valoir que si certaines des données contenues dans les
informations préliminaires ne satisferaient pas aux exigences de la Commission, ce n’est pas en
raison de leur teneur ou de leur exactitude ; elles ne pècheraient qu’au regard de ce qu’il a qualifié
103CR 2012/15, p. 16, par. 25 (Cleverly).
104
Ibid., p. 10, par. 2 (Cleverly).
105Ibid., p. 19, par. 13 (Lowe). - 41 -
d’«exigences de forme» fixées par la Commission 106. Avec tout le respect dû à nos contradicteurs,
c’est là une contre-vérité. La Commission ex ige que lui soient soumises des données précises
conformes à ses directives. Ce n’est pas une qu estion de forme; c’est une question de fond.
Aucun des points du pied du talus avancés par le Ni caragua n’est justifié par les données requises.
Soit vous avez les données requises, soit vous ne les avez pas, et le Nicaragua ne les a pas.
62. M.Cleverly affirme que la Commission exige ce qu’il appelle des «données sur les
données» ou «métadonnées» 107. Mais ce terme ne figure nulle part dans les directives de la
Commission, et résulte d’une mauvaise interprétation de la procé dure à suivre pour le dépôt des
demandes. La Commission exige des données à l’ appui des demandes. Les éléments que doit
comporter une demande sont indiqués à la section9.1.3 des directives et exposés en détail aux
o
sections 9.1.4 et 9.1.5. Les «métadonnées» ne sont pas admissibles. Le point n 1 du pied du talus,
o
de l’aveu même du Nicaragua, n’est pas bon. Le point n 5 a été déterminé par la preuve dite du
contraire, qui n’est ni explicitée ni étayée, et les points témoin relevés pour l’établissement du
profil sont parfois séparés de 20kilomètres, ce qui est beaucoup trop pour pouvoir calculer
correctement le profil, et encore moins pour l’anal yser avec des logiciels de pointe. Mon bon ami
M. Cleverly n’a pas fait état de ces insuffisances. Les trois autres points du pied du talus, quant à
eux, ne sont pas non plus étayés par des données qui seraient jugées admissibles par la
Commission.
48 63. Les données bathymétriques soumises par M. Cleverly présentent les mêmes lacunes. Là
encore, les directives de la Commission exigent une «description technique exhaustive de la base
de données bathymétrique». Elle n’a pas été four nie par le Nicaragua. Les données maillées sont
irrecevables au regard des directives de la Commission.
64. M.Cleverly a bien tenté de nous convaincre que moult informations avaient été
communiquées, telles que des précisions sur le navire, la date et l’heure, le matériel
108
d’enregistrement, la vitesse du son utilisée . Mais il manque une chose —une chose
essentielle—: les données. En outre, le Nicaragua ⎯pour calculer l’isobathe de 2500mètres
106CR 2012/15, p. 11, par. 4 (Cleverly).
107
Ibid., par. 5 (Cleverly).
108Ibid., p. 14, par. 15 (Cleverly). - 42 -
utilisé pour construire la ligne déduite des cont raintes [onglet 9]— s’appuie d’abord sur des
données maillées qui seraient jugées irrecevables par la Commission et ensuite sur un unique profil
de sonde — il s’agit de la ligne rouge que M. Cl everly vous a montrée sur l’un des croquis, qui se
prolonge si loin au nord qu’elle ne saurait servir à construire la ligne dé duite des contraintes sur
toute la longueur de la ligne revendiquée par le Nicaragua au sud — ; or, c’est exactement ce que le
Nicaragua tente de faire.
65. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, l’allégation de nos collègues
selon laquelle ils auraient calculé l’emplacement du rebord externe de la marge à une centaine de
mètres près n’est que pure fantaisie.
Défaut de pertinence de la marge externe mise en avant
dans la nouvelle demande du Nicaragua
66. Mais tout cela est désormais hors de pr opos, compte tenu du revi rement opéré par le
Nicaragua dans ses conclusions finales. Permettez-moi à présent de m’arrêter un instant sur le
dernier avatar qu’ont connues les demandes du Nicaragua.
67. Dans sa réplique ⎯ on le sait ⎯, le Nicaragua avait renoncé à revendiquer une frontière
maritime unique entre masses continentales pour r éclamer une division par parts égales de la
prétendue zone de chevauchement entre ce qu’il affirmait être le rebord géologique et
géomorphologique de la marge continentale de la Colombie et le rebord extérieur géologique et
géomorphologique de ce qu’il présentait comme sa propre marge. Dans les conclusions qu’il
formulait dans sa réplique ⎯ il s’agit du troisième chef de conclusions ⎯, le Nicaragua donnait les
coordonnées précises ⎯ les voici ⎯ de cette ligne de division par parts égales 109. C’est cette ligne
qu’il vous priait formellement de sanctionner.
49 68. Or, à cette demande aussi, il a désormais renoncé ! S’agissant de la marge géologique de
la Colombie, M. Cleverly n’a pas même tenté de défendre la position déve loppée par le Nicaragua
dans sa réplique, admettant que «le Nicaragua n’a[vait] pas analysé précisément la marge
110
continentale de la Colombie». Et d’ajouter: «cela n’est pas son rôle» . Monsieur le président,
quelle volte-face ! Car c’est précisément une définition du rebord de la marge colombienne que le
109
RN, p. 239-240, conclusions I (3).
110
CR 2012/15, p. 16, par. 22 (Cleverly). - 43 -
Nicaragua se proposait de vous livrer dans sa réplique. C’éta it l’un des paramètres ⎯ l’un des
deux paramètres ⎯ de l’équation permettant de fixer les coordonnées de la ligne de délimitation du
plateau continental qu’il revendiquait alors. Or, les clichés que le Nicaragua vous a présentés en
début de semaine montraient la z one de 200milles marins à laquelle la masse continentale de la
Colombie ouvre droit ⎯nulle trace de ligne représentant la prétendue marge géologique de la
Colombie. Retournement s’il en est, la marge de la Colombie a disparu. Bien sûr, dans le même
temps, le Nicaragua fait fort opportunément abst raction du droit à un espace de 200 milles marins
généré par les îles de la Colombie. Mais voilà donc pour le premier revirement du Nicaragua. La
marge de la Colombie a désorm ais cessé d’être pertinente. De clef de voûte de la demande
formellement exposée par le Nicaragua dans sa réplique, elle est devenue hors sujet ⎯ ce que, bien
sûr, elle n’aurait jamais dû cesser d’être.
69. Par ailleurs, M.Lowe nous a assuré non p as une mais trois fois que le Nicaragua ne
demandait pas non plus à la Cour de déterminer et de sanctionner les limites extérieures du plateau
continental qu’il prétend posséder au-delà de 200milles marins 11. Mais, là encore, c’est
précisément ce qu’il vous avait prié de faire dans sa réplique, où le rebord externe de la marge du
Nicaragua était le second paramètre de l’équation utilisée pour définir la ligne de division des
marges qu’il revendiquait. Qui plus est, M.Lowe s’est ensuite complète ment contredit puisque,
dans la même plaidoirie, il a soutenu que vous devriez diviser en deux la zone de chevauchement
des plateaux continentaux, suivant une ligne médiane tracée à égale distance de la limite extérieure
112
du plateau continental du Nicaragua et de la limite des 200milles marins de la Colombie . Or
donc, il continue de se fonder sur le rebord externe du plateau.
70. Si, à ce stade, certains membres de la Cour sont quelque peu perplexes, je puis vous
assurer qu’ils ne sont pas les seuls. A l’évidence, le Nicaragua a bien conscience que sa
revendication fondée sur le rebord externe de la marge est indéfendable, nonobstant les vaillants
efforts déployés par M. Cleverly. Cette revendication a donc été abandonnée à son tour.
71. Et comment le Nicaragua a-t-il accompli un tel exploit ? En modifiant ses conclusions,
50
une fois de plus.
111
CR 2012/15, p. 21, par. 24 et p. 22 , par. 27 (Lowe).
112
Ibid., p. 29, par. 70 (Lowe). - 44 -
72. Voici la nouvelle conclusion du Nicara gua, telle que lue mardi dernier en fin
d’après-midi :
«Dans le cadre géographique et juridi que constitué par les côtes continentales
du Nicaragua et de la Colombie, la méthode de délimitation à retenir consiste à tracer
une limite opérant une division par parts ég ales de la zone du plateau continental où
les droits des deux Parties sur celui-ci se chevauchent.»
73. Exit, donc, le rebord externe de la marge con tinentale du Nicaragua ou de la Colombie ;
exeunt les coordonnées de la ligne de revendication du Nicaragua données dans la réplique. En lieu
et place, le Nicaragua dit en substance aux membres de la Cour : débrouillez-vous. Et, au surplus,
mon collègue propose, dans le cas où vous ne pourriez fixer la ligne, d’attendre que la Commission
fasse son travail ⎯ et ce, en dépit du fait qu’il n’a jamais soumis à celle-ci de demande en bonne et
due forme qu’elle eût pu ne serait-ce qu’examiner. La nouvelle conclusion du Nicaragua n’est pas
seulement irrecevable parce qu’elle renvoie toujours à sa nouvelle demande de plateau continental,
elle est en outre abusive, indéfendable et ne permettrait pas de régler le différend.
74. Cela dit, en renonçant au rebord externe de la marge continental, le Nicaragua n’a pas
résolu les problèmes auxquels il se trouvait confront é. M.Lowe a soutenu que la question de
l’existence d’un droit au plateau continental ne devait pas être confondue avec celle des obligations
procédurales découlant de l’exercice de ce droit 113, et que ce n’était pas la ligne définissant le
114
rebord externe de la marge qui générait le droit à une marge continentale .
75. L’argument du Nicaragua semble, en substance, consister à affirmer que celui-ci a droit à
un plateau continental au-delà de 200 milles marins, même s’il n’a pas défini le rebord externe de
la marge de ce plateau. Mais ce n’est pas ce que dit l’article 76.
76. Le paragraphe 1 de l’article 76 prévoit que le plateau continental d’un Etat côtier s’étend
jusqu’au rebord externe de la marge ou jusqu’à 200milles marins. Il s’agit d’une alternative, et
non de deux demi-mesures. En d’autres termes, la convention ne dispose pas que le plateau
continental d’un Etat côtier se prolongerait, au-d elà de 200milles marins, sur 5 ou 10milles, ou
jusqu’à telle ou telle limite en deçà du rebord de la marge : il s’étend bien jusqu’au rebord externe
113
CR 2012/15, p. 19, par. 14 (Lowe).
114Ibid., p. 18, par. 9 (Lowe). - 45 -
51 de la marge. En revanche, un Etat partie à la convention doit définir ce rebord externe en
application des dispositions substantielles et procédurales de l’article 76.
77. Et j’ajouterai que le Tribunal internationa l du droit de la mer l’a très clairement affirmé
dans son arrêt en l’affaire Bangladesh/Myanmar, indiquant au paragraphe 437 :
«Le titre sur le plateau continental au-delà de 200milles marins doit…être
déterminé par référence au rebord externe de la marge continentale, laquelle doit être
établie conformément à l’article76, paragr aphe4. Une autre interprét115on n’est
justifiée ni par le texte de l’artic le76, ni par son but et son objet.» (Les italiques
dont de nous.)
Là encore, il n’est pas de demi-mesure.
78. M.Lowe soutient que cela n’a pas empêché, dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, le
Tribunal de délimiter certaines zones au-delà de 20 0milles marins. Mais la situation dans cette
affaire était entièrement distincte de celle qui nous occupe ici.
D7an.s Bangladesh/Myanmar, les deux Etats en présence étaient parties à la convention
de 1982 ⎯ce qui, en l’espèce, n’est évidemment pas le cas de la Colombie. En outre, le
Bangladesh et le Myanmar avaient tous deux pr ésenté à la Commission, documents à l’appui, une
demande en bonne et due forme de plateau continental étendu. Chaque Partie soutenait qu’il
existait un plateau continental étendu, dont elle affirmait qu’il lui revenait, mais aucune ne
contestait l’existence même d’un plateau continenta l physique dans le golfe du Bengale au-delà de
200 milles marins de sa masse continentale.
80. Ce facteur fut déterminant lorsque le Tri bunal s’interrogea sur l’opportunité d’exercer sa
compétence pour définir la frontière au-delà de 200 milles marins. Le Tribunal a ainsi souligné en
différents passages de son arrêt que «les Parties ne s’oppos[aient] pas sur les aspects scientifiques
des fonds marins et du sous-sol du golfe du Bengale» 116; que les demandes présentées à la
Commission par l’une comme par l’autre contenai ent des données indiquant qu’elles détenaient un
titre sur la marge continentale au-delà de 200milles marins 11; que les preuves scientifiques
118
étaient ⎯pour reprendre l’expression employée ⎯ «non contestées» ; et que le golfe du
115Bangladesh/Myanmar, p. 128, par. 437.
116
Ibid., p. 121, par. 412.
117
Ibid., p. 130, par. 445.
118Ibid., par. 446. - 46 -
Bengale présentait une situation tout à fait particulière en ce qui concerne l’existence d’un plateau
continental étendu, situation qui avait été reconnue dans le cadre des négociations tenues lors de la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer 119.
52 81. En d’autres termes, le Bangladesh et le Myanmar avaient tous deux indubitablement droit
à un plateau continental étendu. Les preuves scien tifiques l’attestant n’ét aient pas contestées.
Autrement ⎯ ou pour reprendre une fois encore les mots employés par le Tribunal dans son arrêt,
«s[i le Tribunal] avait conclu à une incertitude substantielle quant à l’existence d’une marge
continentale dans la zone en question» ⎯, il «aurait hésité à procéder à la délimitation de [cette]
120
zone au-delà de 200 milles marins» .
82. La présente espèce est tout à fait différente.
83. Le Nicaragua n’a pas présenté de demande en bonne et due forme à la Commission.
Aucun autre Etat de la région ne considère qu’il ex iste de zones de plateau continental étendu dans
cette partie des Caraïbes: ni le Nicaragua, ni le CostaRica, ni la Jamaïque, ni le Honduras n’ont
présenté de demande en ce sens, parce que, dans cette région ⎯et à la différence du golfe du
Bengale ⎯ aucun espace maritime ne se trouve à plus de 200 milles marins du territoire terrestre le
plus proche.
84. Comme je l’ai dit la se maine dernière, dans l’affaire Bangladesh/Myanmar, le Tribunal
n’a pas eu à définir les limites extérieures du pl ateau continental ni les droits à un plateau
continental revenant à chacune des Parties, puis qu’il procédait à une délimitation entre Etats dont
les côtes étaient adjacentes. Le Tribuna l, qui avait déjà appliqué la règle
«équidistance/circonstances pertinentes» à la fixation d’une frontiè re maritime unique jusqu’à la
limite des 200milles, s’est contenté de prolonger cette ligne suivant le même azimut et selon la
même méthode. En conséquence, la ligne de dé limitation retenue par le Tribunal dans l’affaire
Bangladesh/Myanmar n’avait, même au-delà de la limite des 200 milles marins, rien à voir avec la
géologie ou la géomorphologie. Une fois de plus, la demande du Nicaragua ⎯ ou plus
précisément, sa nouvelle demande ⎯ est entièrement différente.
119
Bangladesh/Myanmar, p. 129, par. 444.
120
Ibid., p. 129, par. 443. - 47 -
85. J’ai également relevé la semaine passée que la pratique étatique en matière de demandes
de plateau continental étendu respectait, dans l’ écrasante majorité des cas, le principe selon lequel
de telles demandes ne devaient pas empiéter sur les droits à une ZEE et à un plateau continental
générés, sur une distance de 200 milles marins, par le territoire d’un autre Etat. Or cette pratique
n’est pas circonscrite aux droits que génèrent l es côtes continentales sur 200milles marins; il en
est souvent allé de même s’agissant des droits générés par les îles ⎯ et même, parfois, par de très
petites îles. Aucune de ces considérations n’a été réfutée par le Nicaragua en ce second tour de
plaidoiries.
Conclusion
53
86. Monsieur le président, ma plaidoirie touche maintenant à sa fin.
87. Je crois avoir montré en quoi la nouvelle demande de plateau continental du Nicaragua
était irrecevable, et présentait des lacunes tant su r le plan juridique que technique. En dépit des
efforts déployés par le Nicaragua pour priver la Colombie de toute zone économique exclusive,
l’objet de la présente espèce demeure la fixati on d’une frontière maritime unique couvrant la ZEE
et le plateau continental sous-jacent à cette zone conformément aux règles et principes de droit
international bien établis: il s’agit de tracer d’ abord une ligne d’équidistance provisoire entre les
côtes réellement pertinentes, puis de tenir compte des circonstances pertinentes propres à la zone à
délimiter.
88. Je vous remercie, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, de votre
attention, et je vous serais reconnaissant de bien vouloir appeler à la barre M.Crawford. Merci
encore.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, M. Bundy, et j’invite maintenant à la barre M. Crawford.
M. Crawford, vous avez la parole. - 48 -
M. CRAWFORD :
4. LA ZEE REVENDIQUÉE PAR LE N ICARAGUA
(PARTIE 1)
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, dans cet exposé présenté en
réponse aux arguments du Nicaragua, j’examinerai les ZEE revendiquées par les Parties. La
position du Nicaragua est que, bien que l’archipel comprenne au moins trois formations ayant droit
à une ZEE, la ZEE totale que ces formations génèrent est égale à zéro. De surcroît, du fait de cette
ZEE inexistante à l’intérieur de la limite des 20 0milles marins de la côte continentale du
Nicaragua, les îles de l’archipel se voient privées de quelque 70000kilomètrescarrés de ZEE
au-delà de cette limite, espaces auxquels elles seuleont pourtant droit. Selon M.Lowe, cela est
équitable: le fait d’enclaver toutes les îles dla Colombie, a-t-il aimablement reconnu, a pour
résultat que celle-ci se trouve privée de droits sur des espaces maritimes que le Nicaragua lui-même
121
ne pourrait pas faire valoir, et qu ’il ne fait d’ailleurs pas valoir si cela est équitable au-delà
de 200 milles, c’est parce que l’enclavement était cen sé être équitable en deçà de cette limite. Eh
bien, voilà une nouvelle pétition de principe à ajouter à la liste !
54 Reic2l.er ⎯ dont la tâche consistait à défendre le caractère équitable d’une ZEE égale à
zéro attribuée à l’archipel ⎯ s’est, en réalité, totalement désintér essé de cet aspect important de la
question. Ce qui, d’une certaine manière, a d’ailleurs été un soulagement, car le fait de voir encore
un autre conseil du Nicaragua se réjouir avec suffisance de la perte injustifiée d’importants droits
de la Colombie aurait été difficile à supporter.
3. M.Reichler ne vous a pas non plus remontré le croquis qui apparaît à l’écran, croquis
qu’il vous avait montré au premier tour et qui s’était révélé une forme d’aveu. Ou plutôt un
demi-aveu, puisque des ZEE n’y sont attribuées qu’à deux des trois îles représentées, alors que
Serrana et Roncador ne sont pas des rochers et y ont également droit. Nous avons donc modifié la
zone en rose qui montre la ZEE à laquelle seules les îles de l’archipel peuvent prétendre, de sorte
que les ZEE auxquelles Serrana et Roncador ont droit y soient, elles aussi, représentées. La zone
dans laquelle la Colombie se voit privée de se s droits sur la colonne d’eau en raison de
121
CR 2012/15, p. 24-25, par. 41-43 (Lowe). - 49 -
l’enclavement prétendument équitable de ces îles a une superficie totale de 69780kilomètres
carrés.
4. Etant donné que M.Reichler n’a pas jugé bon de le faire, il convient de s’attarder
quelques instants sur ce point en se demandant s’il s’agit d’un résultat équitable. Je prendrai
Roncador comme exemple. Aux fins de ma dém onstration, je vous demanderai d’imaginer que la
seule question de délimitation qui se pose est ce lle de la ZEE entre la côte continentale et
Roncador. Roncador apparaît à l’écran; il ne s’agit clairement pas d’un simple rocher.
Attribuons-lui, comme vous l’avez fait pour les cayes honduriennes équivalentes, une mer
territoriale de 12milles marins. Roncador est situé à 186,7milles du Nicaragua, distance encore
inférieure si l’on considère les îles côtières du Nicaragua. Ces distances apparaissent à l’écran.
Cela signifie que le point situé le plus à l’est de la mer territoriale qui entoure Roncador est à
200,4 milles marins de la côte c ontinentale du Nicaragua ; j’utilise pour ce faire le point de base le
plus à l’est de Roncador. Cela signifie forcément ⎯ immanquablement ⎯ que la côte continentale
est dépourvue de pertinence aux fins d’enclaver R oncador, puisque la limite des 200 milles à partir
de cette côte a été atteinte. Le Nicaragua voudrait donc que vous confériez plein effet à ses cayes
en matière de ZEE afin de n’accorder aucun e ffet à Roncador; il s’agit là d’une solution
manifestement déséquilibrée et inéquitable.
5. En résumé, le Nicaragua veut à tout prix enclaver l’ensemble de nos formations insulaires,
y compris Roncador. Si l’on accorde à celle-ci plein effet en direction de l’est, on comprend mieux
pourquoi le Nicaragua préconise que cet effet soit nul. Dans l’esprit de coopération dont M. Lowe
122
55 s’est tant félicité , il serait donc nécessaire de donner plein effet aux cayes du Nicaragua ⎯ la
portion continentale étant dépourvue de pertinence ⎯ en leur attribuant une mer territoriale de
12milles et une ZEE de 200milles ⎯et aucun effet aux cayes colombiennes; juste 3milles de
mer territoriale et pas de ZEE du tout. Afin d’acco rder au Nicaragua une étroite bande de ZEE de
l’autre côté de Roncador ⎯la Colombie perdant au passage 67780kilomètres carrés de ZEE
autrement incontestés ⎯, il est donc nécessaire d’effectuer une sélection entre les cayes.
D’accorder aux cayes du Nicaragua plein effet, et aux nôtres, aucun. Mesdames et Messieurs de la
122
CR 2012/15, p. 26, par. 53 (Lowe). - 50 -
Cour, vous en avez sans doute assez d’entendre parler de rapports arithmétiques. Permettez-moi
néanmoins de vous en livrer un de plus. La ZEE qu’o btient le Nicaragua si Roncador est enclavée
du fait des cayes nicaraguayennes est de 12030kilo mètres carrés; la ZEE autrement incontestée
dont la Colombie se voit privée si Roncador est enclavée est de 69720kilomètres carrés; on
obtient donc un ratio de 1:5,6. Comme le démontre l’exemple de Roncador, le Nicaragua considère
apparemment qu’il est équitable que la Colombie so it privée de dizaines de milliers de kilomètres
carrés de ZEE auxquels aucun autre Etat ne peut prétendre, et ce, pour qu’il bénéficie, lui, d’une
ZEE bien plus petite à l’extrême limite de sa portée en la matière. Le fait que M. Reichler n’ait pas
examiné le caractère équitable de cet aspect des choses ne m’étonne guère.
6. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, si une délimitation de ZEE
devait être effectuée entre le Nicaragua et la Colombie par rapport à Roncador ⎯je veux dire si
Roncador était isolée ⎯ y-a-t-il le moindre doute que la Cour n’enclaverait pas cette formation
dans un rayon de 12milles? Si Roncador était isolée et ne se tr ouvait pas derrière les trois îles
nommément désignées, peut-être lu i accorderiez-vous un demi-effet vers l’ouest, mais ce serait
bien là le maximum que vous feriez en faveur du Nicaragua à pareille distance. Et il en va de
Serrana comme de Roncador : le fait de priver ces îles ⎯ ces îles, pas ces rochers ⎯ de droits sur
des ZEE à l’est en raison d’un e côte nicaraguayenne extrêmement éloignée ou de cayes
nicaraguayennes qui ne le sont pas moins est inéqu itable. M.Reichler peut crier «amputation,
123 124
amputation» tel le petit garçon qui criait au loup dans la fable d’Esope ⎯j’espère que cette
référence sera assez classique pour lui ⎯ mais le loup, en réalité, c’est bien M. Reichler lui-même.
C’est qu’en effet, l’affaire qui vous est soumise porte précisément sur la délimitation du plateau
continental entre le Nicaragua et la Colombie par rapport à R oncador, Serrana, etc. Les îles
56
colombiennes n’ont pas moins de droits sur des zones maritimes parce qu’elles sont fort
nombreuses.
123CR 2012/14, p. 51, par. 44 ; p. 54-55, par. 57 ; p. 55, par. 58 ; p. 55, par. 60 ; p. 56, par. 68 ; p. 57, par. 73
(Reichler).
124«Il était une fois un petit garçon qui gardait le troupeau d’un village. Constamment, il revenait en criant : «Au
loup, au loup !» Les villageois se préc ipitaient alors, pour se rendre compte qu’aucun loup n’était en vue. Jusqu’au jour
où il y eut effectivement un loup. Ce jour-là, tout le monde resta insens ible aux cris du petit garçon, et le loup dévora le
troupeau tout entier.» - 51 -
La question des droits maritimes
7. Voilà qui m’amène à la question des droits maritimes. Mardi, le Nicaragua n’a pour ainsi
dire pas cherché à réfuter mes propos au sujet des espaces maritimes des îles. Le peu qui en a été
dit l’a été par M. Elferink, qui a prétendu, lorsque j’ai rappelé la définition que le droit international
donne des îles, qu’il n’avait pas «compris ce qu[e] [j’]entendai[s] par là» 125. Voilà qui est plutôt
surprenant; il n’y a pas grand-chose à «entendre» d’une définition. D’autant qu’il s’agit en
l’occurrence d’une définition claire et précise, que M.OudeElferink cherche à obscurcir, à
transformer en une définition exigeant un exer cice d’interprétation, des jugements subjectifs
⎯ voire esthétiques ⎯, et nécessitant de consulter ses amis. Voici ce que M. Elferink a dit :
«Il existe évidemment une énorme di fférence entre une île corallienne et un
morceau de débris corallien. Vous voyez deuxphotographies à l’écran. Pendant le
week-end, j’ai demandé à quelques pe rsonnes de me dire laquelle de ces
photographies représentait à leur sens une île corallienne et, à l’unanimité, c’est la
photographie de gauche qui a été choisie.» 126 [Il est vrai que c’est un endroit où l’on
pourrait envisager de passer ses vacances.]
J’imagine que les personnes en question étaient d es amis de M.OudeElferink; M.Elferink est
évidemment un homme trop délicieux pour avoir des ennemis ; sauf, depuis peu, M. Smith. Quoi
qu’il en soit, M. Elferink n’a pas jugé bon de nous donner le nom de ses amis, ni de nous indiquer
s’ils avaient des connaissances en droit de la mer. Mais peut-être s’agissait-il de membres du
comité de rédaction de la convention deMonte goBay, venus le voir à LaHaye pour lui préciser
tardivement ce que le texte signifie vraiment.
8. La raison pour laquelle la règle bien arrê tée qui est aujourd’hui énoncée à l’article121 a
reçu un accueil aussi favorable ⎯et ce, dès son inclusion dans l’article10 de la convention
de 1958 ⎯ est qu’elle clarifie les choses. Une île n’est pas quelque chose qui prête à
interprétation, même entre amis pendant un long week-end ensoleillé à La Haye. Une île est un fait
géographique. Dès lors qu’une formation est une étendue naturelle de terre entourée d’eau qui
reste découverte à marée haute, c’est une île; si tel n’est pas le cas, il ne s’agit pas d’une île.
M.OudeElferink dit qu’il ne comprend pas ma théorie du pauvre débris corallien 12. Pourtant
125CR 2012/14, p. 40, par. 20 (Oude Elferink).
126
Ibid.
127Ibid., citant Crawford (CR 2012/12, p. 27-30, par. 3-11). - 52 -
c’est sa théorie, une théorie sans fondement aucun en droit international et à laquelle je me suis
contenté de donner un nom, que M. Elferink n’a p as compris non plus. Le fait qu’une île soit une
57 petite formation corallienne n’a aucune espèce d’impo rtance. Ce qui importe, c’est de savoir s’il
s’agit d’une étendue naturelle entourée d’eau qui reste découverte à mar ée haute. Du moment
qu’une formation satisfait à ces critères, la question est réglée. Les amis de M. Oude Elferink n’ont
rien à voir là-dedans.
9. Ce que M. Elferink propose en réalité, c’est que la Cour crée, par l’arrêt qu’elle rendra en
la présente espèce, une nouvelle catégorie, que nous pourrions peut-être appeler celle des îles
in statu nascendi : Seigneur, donnez-nous une île, mais pas tout de suite ⎯car vous pouvez être
sûrs que, si le Nicaragua parvient à mettre la main sur Quitasueño, ce sera une île à ses yeux ⎯, et
la Vérité ⎯ avec un grand V ⎯ nous sera enfin révélée ! Les géographes savent pertinemment que
les îles grandissent. S’agissant des îles cora lliennes, cela se fait par un processus d’accumulation
progressive. DerekBowett, qui a étudié ce phénomène, l’a appelé processus d’«accumulation
128
progressive» ; M. Bowett n’a pas son pareil pour appeler un chat un chat. Beazley l’a établi lui
aussi, lorsqu’il a relevé que, à partir de cora il, «une île peut progressivement se former» 129. Mais
les observations de MM.Bowett et Beazley, dont M.Elferink s’est emparé, n’avaient pas pour
objet de limiter les effets d’îles existantes au regard du droit de la mer. Elles ne visaient pas à
démontrer l’existence d’une nouvelle catégorie juridique. Soit dit en passant, je n’ai pas pu déceler
d’incohérence entre le passage de Bowett que j’ai c ité et le passage précédent, que je n’ai pas cité
par manque de temps.
10. Mais la question n’est pas seulement une question de définition; c’est une question de
droits. Même le Nicaragua reconnaît que les prin cipales îles colombiennes ont droit à une ZEE, ce
qui ne l’empêche pas de ne leur en accorder aucune! Quant au droit du Nicaragua, il est
sacro-saint, de sorte que M.Reichler peut cr ier «amputation, amputation» à 100milles pour
San Andrés, ou à 180 milles pour Roncador. Le droit de la Colombie, en revanche, est illusoire ; il
est égal à zéro. Après quoi, M. Lowe a l’audace d’avancer ⎯ en réponse à notre critique tout à fait
128
D. W. Bowett, The legal regime of islands in international law, Oceana, 1979, p.4-5, cite par MElferink
(CR 2012/14, p. 41, par. 21).
129P.B.Beazley, «Reefs and the 1982 Convention on the law of the Sea» (1991),International Journal of
Estuarine and Coastal Law, vol. 6, p. 285, cite par M. Elferink (CR 2012/14, p. 41, par. 21). - 53 -
justifiée selon laquelle leur revendicati on a changé à trois ou quatre reprises ⎯ que la présente
espèce n’est pas une procédure contradictoire normale 13.
11. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, cette procédure est on ne peut
plus contradictoire. Le Nicaragua a formulé une revendication qui touche la vie et le foyer de
80 000 Colombiens, et ce, sans l’ombre d’un droit. Or, il s’agit de personnes bien réelles qui, on le
comprendra, sont extrêmement préoccupées par cette affaire. Et voici maintenant que le Nicaragua
58 revendique leur espace de vie, leurs zones de pêch e traditionnelles, leurs récifs et cayes, les zones
internationalement reconnues depuis des décennies comme relevant de la compétence de la
Colombie en matière de pêcheries. La Cour peut-elle imaginer qu’il y ait des pêcheries
colombiennes dans la zone de l’archipel au sens la rge si l’avenir y appartient au Nicaragua? Si
cette procédure n’est pas contradictoire, j’espère bi en ne jamais me retrouver face à M. Lowe dans
une procédure qui le serait! Que la Cour ne s’y trompe pas: le fait que nous nous soyons
comportés de manière disciplinée et civilisée en la présente instance ne signifie pas que les enjeux
n’en sont pas considérables, qu’il n’en va pas d’intérêts nationaux d’importance vitale, de la
sécurité des Caraïbes occidentales. Lorsque j’ai dit vendredi que le Nicaragua jetait un pavé dans
les eaux tranquilles, régies par les traités, de la mer des Caraïbes occidentales, j’étais on ne peut
plus sérieux. Et j’avais raison: mardi, vo us avez entendu M.Lowe jeter ces traités aux
131
oubliettes , point sur lequel M. Bundy reviendra tout à l’heure.
12. Mais pour l’heure, c’est la question des droits maritimes que j’examine, et je tiens
simplement à souligner qu’il n’y a rien d’inhabituel , au regard du droit de la mer, à accorder plein
effet à de petites îles. Voici l’île Aves, à laquelle il a été donné plein effet dans les
accords conclus
entre le Venezuela et les Pays-Bas 132, les Etats-Unis d’Amérique 133et la France 134. Et maintenant
vous voyez Bajo Nuevo et Roncador. Peut-être n’y a-t-il pas beaucoup de différence ⎯ mais je ne
sais pas ce que les amis de M. Elferink en penseraient ⎯ entre l’île Aves et Bajo nuevo ou d’autres
130
CR 2012/5, p. 26, par. 53 (Lowe).
131
Ibid., p. 27-28, par. 59-63 (Lowe).
132Netherlands Treaty Series, 1978 N 61, 1979 N 11.
133Maritime Boundary Agreement between the United States and Venezuela, signé le 28mars1978, entré en
vigueur le 24 novembre 1980 (reproduit dans Limits in the Seas, vol. 91).
13417 juillet 1980, United Nations Treaty Series, vol. 19, p. 220. - 54 -
cayes colombiennes. En tout cas, mon jugement s ubjectif est que l’île Aves est plus petite que les
nôtres, mais les goûts et les couleurs…Comme M.Bundy l’a montré, Albuquerque, Serrana,
Roncador et d’autres formations encore ne sont pas de simples rochers au sens du paragraphe 3 de
l’article121. Ce sont des îles et, en tant que te lles, elles ont droit à tout l’éventail des espaces
maritimes. C’est un droit que la Cour doit reconnaître ⎯et je le dis tout à fait
respectueusement ⎯, même si le Nicaragua refuse de le faire.
13. Ceci m’amène à deux autres points : les zones contiguës et Quitasueño.
a) Les zones contiguës dans le cadre d’une délimitation maritime
14. M. Reichler avance que la Colombie n’est pas fondée à représenter la mer territoriale et
les zones contiguës des îles de l’archipel comme se chevauchant et formant donc une zone unique
135
de souveraineté ou d’autorité souveraine colombienne . Pourtant, l’illustration qui apparaît par
59 exemple en figure R-8.3 136est une représentation succincte et précise de la situation géographique,
du droit de la mer tel qu’appliqué à cette situation ainsi que des arrangements en matière de
réglementation. Ces pouvoirs sont bel et bien exer cés, et s’ils le sont, c’ est qu’il y a une raison.
Les espaces qui apparaissent en bleuté et que M.Reichler a contestés sont les zones, pour
paraphraser la Chambre dans l’affaire du Golfe du Maine, «conçues comme soumises à la
souveraineté de 1’Etat riverain…à l’exercice de mesures de contrôle douanier et autres, [et]
destinées à prévenir des violations éventu elles de [l]a souveraineté territoriale» 137de la Colombie.
Les îles de la Colombie qui génèrent les zones en question sont proches les unes des autres d’un
point de vue maritime. Ces zones forment un espace unique et continu. Il ne s’agit pas d’une sorte
de trompe-l’Œil maritime, mais d’une réalité règlem entaire. Tel est le résultat que l’on obtient en
appliquant des règles simples et logiques.
b) Quitasueño
15. Vendredi dernier, j’ai présenté quatre ob servations en réponse à l’offensive lancée par
M. Elferink contre l’approche employée par la Colo mbie en matière de levés et de cartographie de
135
CR 2012/14, p. 55-56, par. 61-63 (Reichler).
136
Fig. R-8.3, DC, p. 307 ; vol. II, p. 127.
137Délimitation de la frontière mar itime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique),
arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 302, par. 120. - 55 -
Quitasueño : les marées hautes, l’utilisation d’un niveau de référence des marées, les cartes marines
colombiennes et, enfin, la théorie des «débris corallie ns», de la déformation de l’île. S’agissant du
troisième point, j’avais annoncé que j’examinerais les cartes plus en détail cette semaine.
16. Comme je l’ai indiqué, les cartes et lev és anciens ne permettent pas d’établir les faits
géographiques actuels : la décision que la Cour a rendue en l’affaire Qatar/Bahreïn est directement
pertinente à cet égard, et cela n’a pas été contesté mardi. Les contraintes technologiques de
l’époque ne permettaient pas de déterminer précisément l’emplacement de petites îles sur un banc
ou de cayes considérées comme un risque pour la navigation.
17. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, permettez-moi de prendre
quelques instants ⎯dans l’attente du déjeuner ⎯ pour examiner la pratique en matière de levés
hydrographiques et le rôle précieux que jouent les hydrographes dans la sécu rité de la navigation
dans le monde entier. Etant donné l’importance que revêt le transport maritime pour le commerce
international de la quasi-totalité des pays, il est important de bien comprendre que l’objectif
essentiel des cartes marines est d’assurer la sécu rité de la navigation, et non d’indiquer
nécessairement l’emplacement du moindre rocher. L’étude hydrographique la plus récente menée
par les services hydrographiques colombiens dans le banc de Quitasueño l’a été en1999. Cette
étude a été réalisée à l’aide d’un échosondeur mono faisceau d’une résolution de 1:50000, ce qui
60
signifie que les lignes hydrographiques étaient séparées de 500mètres 13. Le bateau des services
hydrographiques colombiens a donc effectué des aller-retour entre ces lignes séparées de
500 mètres. Si ce bateau s’était arrêté chaque fois qu’une formation ⎯ du type de celles qui ont été
découvertes lors des études ultérieures de2008 et2009 ⎯ était en vue afin d’étudier la position
géographique de cette formation, l’étude aurait pris des mois. Or, l’étude de 1999 avait pour but de
délimiter le banc en ce qu’il cons tituait un risque pour la navigation, et non d’établir la position de
chaque rocher.
18. Depuis plus de 40 ans, les services hydrographiques de la Colombie produisent des cartes
marines qui permettent d’assurer la sécurité de la navigation dans la mer des Caraïbes et l’océan
Pacifique. La Colombie est membre de l’Organi sation hydrographique internationale depuis 1998.
138
http://www.nauticalcharts.noaa.gov/mcd/learnnc-surveytechniques.html. - 56 -
Les données recueillies par les services hydrographi ques sont intégrées dans les cartes marines de
la région produites par le bureau hydrographique du Royaume-Uni.
19. En 2008 et 2009, les services hydrographiques colombiens sont retournés à Quitasueño, à
la demande du Gouvernement colombien, pour eff ectuer de nouveaux levés, qui visaient cette fois
spécifiquement à confirmer l’existence d’îles sur le banc. S’agissant de l’étude de2009, le
Gouvernement colombien a chargé M.Smith, en ta nt qu’expert indépendant, de confirmer, ou de
contredire, les résultats de l’étude de 2008. M. Smith est parmi nous. Il convient de relever qu’au
moins une formation identifiée dans l’étude de 2008 n’a pas été retrouvée en 2009 par M. Smith, et
n’a donc pas été incluse dans la liste des formations de Quitasueño que celui-ci a établie. Etant
donné les dangers que présente ce banc, ces deux études n’étaient pas sans risque; nous ne
proposerons donc pas que la Cour fasse une descente sur les lieux. Les résultats détaillé
s figurent
dans le rapport de M. Smith, dont vous pourrez prendre connaissance.
20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’intégralité des 54 formations
recensées se trouvent à l’intérieur des lignes qui ont été tracées sur la carte marine COL416
[1:100000] aux fins de signaler les risques pour la navigation. Je me suis laissé dire que, depuis
que les cartes marines de Quitasueño ont été publiées, aucun incident de navigation ne s’est produit
dans la zone ou, du moins, qu’aucun n’a été signalé.
21. J’exposerai à présent 5 erreurs techniques c ontenues dans l’exposé de M. Elferink. Mais
je crains, Monsieur le président, que ne cela so it un peu trop long avant le déjeuner. Peut-être
pourrons-nous y revenir durant notre phase de digestion.
61 Le PRESIDENT : Merci, M. Crawford. Je pe nse que les Parties ont-elles aussi besoin d’une
pause. L’audience est suspendue. Elle reprendra à 15heures pour la suite des exposés de la
Colombie.
L’audience est levée à 12 h 55.
___________
Translation