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CR 2012/3 (traduction)

CR 2012/3 (translation)

mardi 13 mars 2012 à 10 h

Mardi 13 March 2012 at 10 a.m. - 2 -

8 The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear the

continuation of the first round presentation of the Kingdom of Belgium. J’appelle maintenant à la

barre sir Michael Wood. Vous avez la parole, Monsieur.

M. WOOD : Merci beaucoup, Monsieur le président.

6. V IOLATION PAR LE SÉNÉGAL DE SES OBLIGATIONS AU TITRE DE
LA CONVENTION CONTRE LA TORTURE

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ce matin, M. David et moi nous

emploierons à décrire les violations de la convention contre la torture et d’autres règles de droit

international qui sont reprochées au Sénégal. Je me concentrerai sur les violations de la convention

contre la torture, tandis que M.David traitera de la violation, par le Sénégal, d’autres règles du

droit international. M. Müller exposera ensuite certains aspects du droit en matière d’immunité de

l’Etat, afin de démontrer que le Sénégal ne peut en l’occurrence se prévaloir d’aucune circonstance

ayant pour effet d’exclure l’illicéité. Pour conclu re ce premier tour de plaidoiries, l’agent de la

Belgique, M.Rietjens, abordera les conséquences qui découlent de ces violations du point de vue

de la responsabilité de l’Etat et expliquera les réparations recherchées par la Belgique.

2. Monsieur le président, le Sénégal est par tie à la convention depuis l’entrée en vigueur de

celle-ci le 26juin1987. La Belgique et le Sénégal sont liés par la convention depuis

le 25 juillet 1999, c’est-à-dire quelques années après la chute de M. Hissène Habré. Mais cela, bien

entendu, est sans effet sur l’application de la convention en l’espèce, pour des raisons qui sont

essentiellement les mêmes que celles qui sous-tendent l’arrêt rendu récemment par la Cour dans

l’affaire relative aux Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne cI.tal; Grèce

(intervenant), arrêt du 3 février 2012, par. 44). Le Sénégal affirme dans son contre-mémoire que la
1
Belgique «n’hésite pas à fa ire rétroagir la convention» . Or il n’en est rien. Ce n’est pas d’une

situation ou de faits antérieurs à l’adhésion des Parties à la convention que la Belgique fait grief au

Sénégal, mais bien de son inaction à l’égard de la question du jugement de Hissène Habré.

1
CMS, par. 230. - 3 -

9 3. Monsieur le président, la convention contre la torture est l’un des traités les plus

importants en matière de droits de l’homme et 150 Etats y sont aujourd’hui parties. L’interdiction

de la torture est acceptée et reconnue en tant que règle de jus cogens et figure comme telle dans les

commentaires de la Commission du droit intern ational afférents tant aux articles sur la

2
responsabilité de l’Etat qu’à ceux sur la re sponsabilité des organisa tions internationales .

L’importance que l’ensemble de la communauté internationale attache à l’élimination de la torture

est donc évidente.

4. La convention contre la torture impose aux Etats parties une gamme d’obligations qui, aux

termes de son préambule, ont pour but «d’accroître l’efficacité de la lutte contre la torture et les

autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants dans le monde entier». Et comme

l’ont fait remarquer dans leurs commentaires deux éminents auteurs, Burgers et Danelius, «l’un

[des] objectifs principaux [de la convention] était de faire en sorte qu’aucun tortionnaire ne puisse

échapper aux conséquences de ses actes en fuyant à l’étranger» 3. La convention se caractérise

4
aussi par l’attention particulière qu’elle porte aux victimes de la torture .

5. Les obligations découlant de la convention qui sont en jeu sont celles qui visent à enrayer

l’impunité pour le crime de torture et les dispositions qui les énoncent sont au cŒur même de la

convention. Leur facture n’a rien d’inconnu, puisqu’elles sont inspirées de multiples autres

conventions internationales adoptées au cours des de rnières années, dont les conventions contre le

terrorisme et le trafic de stupéfiants, et certain es conventions touchant les droits de l’homme.

L’Etat où se trouve l’auteur présumé d’une infraction a l’obligation de saisir les autorités internes

compétentes pour l’exercice de l’action pénale, à moin s d’extrader l’intéressé à cette fin. Bien que

la formulation varie, cette obligation, ainsi que les obligations connexes qui en rendent l’exécution

possible en pratique, est au cŒur même de ces conventions.

2Paragraphe 5) du commentaire relatif à l’article26, et paragraphes 4) et 5) du commentaire relatif à l’article 40
des articles sur la res ponsabilité des Etats, Annuaire de la Commission du droit international , 2001, vol.II (deuxième
partie), p.90-91 et 120-121; paragraphe2) du commentaire relatif à l’article2des articles sur la responsabilité des
o
organisations internationales, Documents officiels de l’A ssemblée générale, soixante-s ixième session, Supplémentn
(A/66/10), p. 124.
3J. H. Burgers et H. Danelius, Handbook on the Convention against Torture, 1988, p. 131.

4MB, par. 4.06. - 4 -

6. Dans le cadre d’une étude menée en20 10 pour le compte de la Commission du droit

international, la Division de la codification du Secrétariat de l’Organisation des NationsUnies a

procédé à un recensement que je considère remarquable des dispositions des conventions

5
10 internationales mettant en Œuvre la règle aut dedere aut judicare . Cette étude est citée dans notre

mémoire 6, et ses conclusions sont reproduites sous l’onglet n 11 du dossier de plaidoiries. Mais

l’ensemble de l’étude mérite l’attention. La Di vision de la codification y a recensé 61 conventions

multilatérales «dont les dispositions prévoient l’alternative extrader ou poursuivre comme moyen

de punir les délinquants» 8. Ces conventions sont réparties da ns quatre catégories : premièrement,

la convention internationale pour la répres sion du faux monnayage de1929 et les autres

conventions conçues sur son modè le; deuxièmement, les conventi ons de Genève de1949 et le

protocole additionnel de 1977 (protocole I;) troisièmement, les conventions régionales

d’extradition; et quatrièmement, les nombreuses conventions conçues sur le modèle de la

convention de La Haye pour la répression de la capture illicite d’aéronefs de 1970 9. La convention

contre la torture de1984 fait partie de la quatrième catégorie et sa disposition principale, figurant

au premier paragraphe de l’ar ticle7, reprend ce qu’il est c onvenu d’appeler la «formule de

La Haye».

7. Nous avons reproduit dans notre mémoir e le texte complet des dispositions de la

convention contre la torture qui intéressent l’espèce 10. Nous y avons également exposé les raisons

pour lesquelles nous estimons que le Sénégal a violé les obligations qui lui incombaient au titre de

11
la convention . Je me bornerai ce matin à dégager les points saillants. Je commencerai par

examiner les dispositions de la convention qui sont au cŒur du litige (I). Ensuite, je résumerai les

5
Examen des conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission du
droit international sur le sujet intitulé «L’obligation d’extrader ou de pours(aut dedere aut judicare) », Etude du
Secrétariat, Nations Unies, doc. A/CN.4/630.
6
MB, note 225.
7
Examen des conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission du
droit international sur le sujet intitulé «L’obligation d’extrader ou de pours(aut dedere aut judicare) », Etude du
Secrétariat, Nations Unies, doc. A/CN.4/630, par. 125-153.
8
Ibid., par. 4.
9Ibid., par. 7-8.

10MB, par. 4.09.

11Ibid., par. 4.28-4.59. - 5 -

raisons pour lesquelles le Royaume de Belgique s outient que le Sénégal a violé quelques-unes de

ses dispositions essentielles et, sous des rapports importants, continue de le faire (II).

I. Les dispositions en jeu de la convention contre la torture

8. Comme je l’ai indiqué hier, le texte de la convention se trouve sous l’onglet n 2 de votre

dossier. Prenons tout d’abord l’article4. Cet article, combiné à l’articlepremier, expose les

infractions auxquelles s’appliquent les obligations aut dedere aut judicare . Aux termes de

l’article 4, chaque Etat partie doit veiller à ce que tous les actes de torture visés à l’article premier

11 «constituent des infractions au regard de son droit pénal». Ces infractions doivent être «passibles

de peines appropriées qui prennent en considération leur gravité».

9. L’article5 prescrit en outre à tout Etat partie à la convention, dans trois cas précis

énumérés au paragraphe1, de «prend[re] les mesures nécessaires pour établir sa compétence» à

l’égard des infractions visées à l’article 4.

10. En son paragraphe2, l’ar ticle5 énonce une obligation cruc iale aux fins de la présente

instance. Je cite :

«Tout Etat partie prend également les mesures nécessaires pour établir sa
compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas où l’auteur présumé
de celles-ci se trouve sur tout territoire sous sa juridiction et où ledit Etat ne l’extrade

pas conformément à l’article8 vers l’un des Etats visés au paragraphe1 du présent
article.»

Monsieur le président, cette obligation doit être ex écutée en temps utile. Certes, si la législation

nécessaire n’est pas en place lorsque la convention prend effet, l’Etat risque d’emblée d’être

incapable de se conformer à ses obligations. Ains i cette disposition impose-t-elle à tout le moins

aux Etats de légiférer dans un «délai raisonnable», comme le Comité contre la torture l’a déclaré

dans l’affaire Guengueng 12.

11. J’en viens maintenant à l’article6. Cet ar ticle dispose, en son pa ragraphe1, que l’Etat

sur le territoire duquel se trouve une personne soupç onnée d’avoir pratiqué la torture «assure la

détention de cette personne ou prend toutes autres mesures juri diques nécessaires pour assurer sa

présence». C’est évidemment là un préalable indispensable pour pouvoir mettre en Œuvre

12 Suleymane Guengueng et autres c.négal , communicationn 181/2001, Nations Unies,
doc. CAT/C/36/D/181/2001, par. 9.5 ; MB, vol. II, annexe E.2. - 6 -

l’obligation de poursuivre ou, à défaut, d’extrader lorsqu’une demande à cet effet a été formulée.

L’obligation d’assurer la présence du suspect sur le territoire de l’Etat partie «relève du bon sens et

peut en principe être appliquée dans le cadre de toute instruction pénale» 13— je cite ici un extrait

de l’ouvrage de M. Nowak et Mme McArthur ; il s’agit là d’un préalable incontournable.

12. Le paragraphe2 de l’article6 prescrit en suite à l’Etat sur le territoire duquel se trouve

l’auteur présumé de «proc[éder] immédiatement à une enquête prél iminaire en vue d’établir les

faits». La raison de cette obligation est évidente . L’Etat concerné doit disposer d’informations

12 aussi complètes que possible pour décider s’il y a lie u de saisir le ministère public ou, si possible,

d’extrader le suspect. L’obligation prévue au pa ragraphe2 de l’article6 suppose de prendre des

14
«mesures effectives pour obtenir des preuves» ⎯je cite là encore MN. owak et

Mme McArthur —, au besoin par le jeu de l’entraide judiciaire. Dès lors que l’Etat a placé l’auteur

présumé d’actes de torture en détention sur son territoire ou qu’il a assuré sa présence d’une autre

façon, il ne peut se contenter d’attendre sans rien faire. Pourtant, c’est bien ce que le Sénégal a fait.

13. Cette violation du paragraphe 2 de l’article6 est étroitement liée au fait que le Sénégal

n’a pas satisfait à l’obligation, prévue au paragr aphe4 du même article, d’aviser immédiatement

certains Etats de la détention d’HissèneHabré et des circonstances qui la justifiaient. De plus,

faute d’avoir procédé à l’enquête préliminaire exigée au paragraphe2, le Sénégal n’a pas

communiqué ses conclusions aux autres Etats, rapide ment ou non, pas plus qu’il ne leur a fait

savoir s’il entendait exercer sa compétence.

14. Monsieur le président, ces obligations prévues à l’article6 ne sont pas de pure forme.

Elles constituent des rouages importants du système mis en place dans la convention. Dans son

étude, le Secrétariat de l’Organisation des Na tionsUnies fait observer que «[c]es mesures

préliminaires [y compris les mesures législa tives à prendre pour assurer l’exécution de la

convention] sont indispensables au bon fonctio nnement du mécanisme prévu…pour punir les

15
auteurs» . A l’évidence, l’Etat ne peut décider de saisir le ministère public ou, à défaut, d’extrader

le suspect qu’après s’être dûment acquitté des oblig ations énoncées au paragraphe 2 de l’article 6,

13M. Nowak, E.McArthur, The United Nations Convention A gainst Torture, A Commentary, Oxford University
Press, 2008, p. 338, par. 29.
14
Ibid., p. 340, par. 33.
15Etude du Secrétariat, par. 144. - 7 -

en procédant immédiatement à une enquête préliminaire. En outre, les autres Etats doivent

absolument être informés en bonne et due form e, conformément au paragraphe4, pour pouvoir

décider en connaissance de cause s’il y a lieu de demander l’extradition.

15. Monsieur le président, j’en viens à présent au paragraphe1 de l’article7. Il s’agit bien

évidemment de celui qui renferme l’obligation centrale de poursuivre ou d’extrader, que le Sénégal

a bafouée de manière si flagrante. Je cite :

«L’Etat partie sur le territoire sous la juridiction duquel l’auteur présumé d’une
infraction visée à l’article4 est découvert, s’il n’extrade pas ce dernier, soumet
l’affaire, dans les cas visés à l’article 5, à ses autorités compétentes pour l’exercice de

l’action pénale.»

13 16. J’ai au moins deux choses importantes à dire sur cette disposition. Tout d’abord, bien

qu’elle soit souvent assimilée au principe aut dedere aut judicare (ou, parfois, aut dedere aut

persequi 16), l’obligation première imposée à l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’auteur

présumé de l’infraction consiste à «soumet[tre ] l’affaire…à ses autorités compétentes pour

l’exercice de l’action pénale». Ce n’est que si , pour une raison ou une autre, l’Etat concerné

n’engage pas de poursuites, et qu’une demande d’ex tradition lui a été adressée, qu’il doit procéder

à l’extradition pour ne pas manquer à l’obligation ce ntrale dictée par la convention. En fait, il

s’agit davantage d’une obligation aut judicare vel dedere, pour continuer en latin.

17. Ma seconde observation générale sur l’artic le7 est la suivante. Selon cet article,

c’est-à-dire la «formule de LaHaye» —par opposition à certaines autres expressions du principe

aut dedere aut judicare —, l’obligation de soumettre l’affaire aux autorités compétentes aux fins de

l’action pénale naît de la seule présence de l’aute ur présumé de l’infraction sur le territoire de

l’Etat. Elle ne tient pas à la présentation d’une dema nde d’extradition. Le Comité contre la torture

s’est exprimé très clairement sur ce point dans sa décision de 2006 en l’affaire Guengueng, dont le

texte se trouve sous l’onglet n o 10 de votre dossier. Au paragraphe 9.7 de sa décision, en effet, le

comité a fait remarquer «que l’obligation de poursu ivre l’auteur présumé d’actes de torture ne

dépend[ait] pas de l’existence préalable d’une dema nde d’extradition à son encontre». Il a ensuite

ajouté :

16
G. Guillaume, cité dans l’étude du Secrétariat, note 163. - 8 -

«Cette alternative qui est offerte à l’Etat partie en vertu de l’article7 de la

Convention n’existe que lorsqu’une telle demande d’extradition a effectivement été
formulée et place dès lors l’Etat partie dans la position de choisir entre a) procéder à
ladite extradition ou b) soumettre l’affaire à ses propres autorités judiciaires pour le

commencement de l’action pénale, le but de la disposition étant d’éviter l’impunité
pour tout acte de torture.» 17

J’insiste : «le but de la disposition étant d’éviter l’ impunité pour tout acte de torture». Le point de

vue exprimé par le comité à cet égard est largement partagé, par exemple dans l’étude du

18
Secrétariat à laquelle j’ai fait référence plus tôt.

18. Monsieur le président, l’article8 sur l’extr adition et l’article9 sur l’entraide judiciaire

constituent eux aussi des rouages importants du mécanisme prévu dans la convention pour servir de

14 rempart contre l’impunité. Je ne mentionne ces dispositions que par s ouci d’exhaustivité, sans

vouloir laisser entendre que le Sénégal y a contreve nu. L’article8 facilite l’extradition, qui est

l’une des deux branches de l’alternative aut dedere aut judicare , en garantissant l’application des

arrangements existant entre les Etats parties en matière d’extradition aux actes de torture visés à

l’article 4 de la convention. L’article 9 prescrit aux Etats parties de

«s’accorde[r] l’entraide judiciaire la plus large possible dans toute procédure pénale
relative aux infractions visées à l’article4, y compris en ce qui concerne la

communication de tous les éléments de preuve dont ils disposent et qui sont
nécessaires aux fins de la procédure».

Je rappelle que, ainsi que l’a expliqué hier M. Dive, c’est précisément ce que la Belgique a tenté de

faire: aider le Sénégal à poursuivre un suspect en mettant à sa disposition la grande quantité

d’éléments de preuve et d’informations que la justice belge avait recueillis entre2001 et2005.

Comme vous le savez, le Sénégal n’a jamais acce pté l’assistance offerte au titre de l’entraide

judiciaire par la Belgique, bien que celle-ci eût proposé d’assumer les frais liés à l’exécution des

commissions rogatoires.

19. Ces dispositions de la convention — les articles4 à 9— constituent un arsenal

d’obligations organisé avec soin pour faire en sorte que toute personne soupçonnée d’avoir pratiqué

la torture soit traduite en justice. Il ne doit exis ter aucune échappatoire. Pourtant, malgré tous ces

17 Suleymane Guengueng et autresScé.négal , communicationn o181/2001, Nations Unies,
doc. CAT/C/36/D/181/2001 ; MB, vol. II, annexe E.2, par. 9.7.

18Examen des conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission
du droit international sur le sujet intitulé «L’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) », étude du
Secrétariat, 2010, Nations Unies, doc. A/CN.4/630, par. 130. - 9 -

garde-fous, Hissène Habré est jusqu’ici passé entre les mailles du filet. Il s’agit d’une affaire très

grave : il y va de la crédibilité et de l’efficacité de la convention contre la torture et de nombreuses

autres conventions renfermant des dispositions similaires 19. Si la convention contre la torture ne

peut atteindre son but dans une affaire aussi importante que celle -ci, un coup très grave aura été

porté à la lutte contre l’impunité non seulement dans les affaires de torture mais aussi de manière

plus générale.

II. Les violations commises par le Sénégal à l’encontre de la convention

20. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, après avoir rappelé à votre

attention les dispositions pertinent es de la convention contre la torture, j’aborderai à présent les

violations commises par le Sénégal à l’encontre de ces dispositions. Si la convention a été jusqu’à

présent privée d’effet dans cette affaire, c’est parce que le Sénégal s’est, depuis de nombreuses

années, montré inapte ou peu disposé à exécuter les obligations qui lui incombaient sous son

régime ⎯et parfois simplement à les reconnaître. Je me référerai ici tout particulièrement à ses

obligations au titre du paragraphe2 de l’article5, du paragraphe 2 de l’article6 et du premier

paragraphe de l’article 7.

15 21. Je commencerai par deux remarques générales sur l’attitude adoptée par le Sénégal quant

aux obligations que lui impose la convention.

22. En premier lieu, le Sénégal semble admettre aujourd’hui, au moins dans son

20
contre-mémoire , qu’il est lié par l’obligation de poursuivre ou, à défaut, d’extrader sous le régime

de la convention de1984. Même si le discours politique au Sénégal s’est focalisé ⎯ et c’est,

semble-t-il, toujours le cas, dans une certaine mesure ⎯ sur le mandat, donné à ce pays par l’Union

africaine, de juger HissèneHabré, il est indubitable que l’obligation internationale applicable de

poursuivre ce dernier ou, si cela n’était pas réali sable ou opportun, de l’extr ader existe depuis le

moment même où Hissène Habré a trouvé refuge au Sénégal.

19 o
Suleymane Guengueng et autres S.énégal, communication n 181/2001, Nations Unies,
doc. CAT/C/36/D/181/2001 ; MB, vol. II, annexe E.2.
20CMS, par. 225. - 10 -

23. Malgré l’affirmation du Sénégal qu’il n’ex iste entre les Parties aucun différend sur le

21
sens et l’étendue de cette obligation essentielle , son contre-mémoire, ainsi que ses actes ⎯ ou

plutôt son inaction ⎯ montrent en réalité que des divergences majeures subsistent entre elles quant

à l’interprétation et à la compréhension de cette obligation. C’est précisément parce que le Sénégal

fait une interprétation erronée de ses obligations au titre de la convention contre la torture que ce

différend est né et oppose aujourd’hui encore les Parties, et ce, malgré la volonté affichée par le

Sénégal de juger HissèneHabré et malgré ce qu’il présente, dans son contre-mémoire, comme un

««commencement d’exécution» de l’obligation de « poursuite» déduite de la convention contre la

torture».

i) Article 5, paragraphe 2) : le manquement du Sénégal à l’obligation de prendre, en temps
opportun, les mesures nécessaires pour établir sa compétence aux fins de connaître des
infractions de torture lorsque l’auteur présumé se trouvait sur son territoire

24. Concernant le paragraphe 2) de l’article 5, le manquement du Sénégal à l’obligation qui

lui incombait de prendre les mesures nécessaires ⎯à savoir, en pratique, d’adopter la législation

voulue ⎯ en temps opportun a été le point de départ de tout ce qui a suivi. Je serai assez bref,

puisque les faits sont clairs. Le Sénégal a a ttendu jusqu’en2007 pour légiférer, méconnaissant

ainsi pendant vingtans l’obligation que lui imposait le paragraphe2) de l’article5. Bien que ce

16 manquement ait été corrigé, ce dont nous nous félicitons, il l’a été de manière bien trop tardive. Le

mal était déjà fait, notamment aux victimes.

25. La convention contre la torture, à l’instar d’autres textes établissant l’obligation de

22
poursuivre ou d’extrader , oblige expressément les Etats parties à «prend[re] les mesures

nécessaires pour établir [leur] compétence aux fins de connaître desdites infractions dans le cas où

l’auteur présumé de celles-ci se trouve sur tout terr itoire sous [leur] juridiction». Cette disposition

témoigne de l’importance accordée à une application effective et efficace du principe aut dedere

aut judicare. L’Etat qui n’est pas en mesure de pour suivre une personne accusée d’actes de torture

21CMS, par. 166.

22Voir notamment l’article4 de la convention pour la répression de la capture illicite d’aéronefs, signée à
LaHaye le 16décembre1970, et d’autres textes sur le même modèle (pour une liste complète, voir Examen des
conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission du droit international sur
le sujet intitulé «L’obligation d’extrader ou de poursui(aut dedere aut judicare) », Etude du Secrétariat, 2010,
A/CN.4/630, par. 108). - 11 -

est à l’évidence privé de la faculté de le faire. S’il n’a pas pris les mesures législatives qui

s’imposaient, cet Etat ne peut poursuivre et est donc nécessairement tenu d’extrader, pour peu

qu’une demande à cet effet lui soit adressée. T oute autre interprétation conduirait inévitablement à

l’impunité.

26. Le Sénégal a manqué à son obligation de légi férer en dépit des appels répétés qui lui ont

été adressés en ce sens, notamment par le Comité contre la torture.

27. Dès 1990, lors de l’examen de son rapport initial au titre de l’article 19 de la convention,

23
le Sénégal s’est engagé à modifier sa législation . Le comité a rappelé son obligation au Sénégal

six ans plus tard, en 1996 24. C’est en juillet 2000 que se sont révélées, dans toute leur gravité, les

conséquences du manquement du Sénégal à son ob ligation de légiférer en exécution de la

convention, lorsque la chambre d’accusation de la cour d’appel de Dakar a mis un terme à la

première tentative en vue de juger HissèneHabré, au motif que le droit sénégalais ne comportait

aucune disposition prévoyant une compétence extrat erritoriale pour connaître des faits de torture

commis dans l’affaire le concernant 25. Cette décision a conduit MM.Cumaraswamy et Rodley,

rapporteurs spéciaux des NationsUnies respectivemen t chargés de l’indépendance des juges et de

la torture, à rappeler au Sénégal, dès le mois d’août 2000, les obligations lui incombant en vertu de

la convention contre la torture 26. Comme il a été évoqué hier, cette décision de la cour d’appel de

17 Dakar a été confirmée en mars 2001 par la Cour de cassation, qui a souligné qu’il n’existait aucun

texte de loi sénégalais conférant aux juridictions nationales la compétence requise à l’article 5 2) de

la convention contre la torture 27.

28 o
28. Dans une décision rendue en2006 en l’affaire Guengueng [onglet n 10], le comité

contre la torture a constaté, de manière non équivoque, que le Séné gal avait manqué aux

dispositions du paragraphe2) de l’article5 29. Le Sénégal avait alors avancé l’argument, assez

23
MB, par. 4.30.
24
Ibid., par. 4.30
25Ibid., par. 4.32.

26Communiqué de presse du 2août2000, cité à la note2 de la décision en l’affairSuleymane Guengueng et
autres c. Sénégal, Communication n 181/2001, CAT/C/36/181/2001 ; MB, vol. II, annexe E.2.

27MB, par. 4.33.

28Ibid., par. 4.35.
29 o
Suleymane Guengueng et autres c.Sénégal, Communication n 181/2001, CAT/C/36/181/2001, par. 9.1-9.6 ;
MB, vol. II, annexe E.2. - 12 -

surprenant au vu des faits de l’espèce, que, «dans le cadre de la conve ntion, un Etat partie n’[était]

30
pas obligé de satisfaire à ses engagements dans un délai précis» . Le comité a rejeté

catégoriquement cet argument et conclu à la violation du paragraphe 2) de l’article 5, arguant, pour

fonder sa décision, que «le délai raisonnable dans lequel l’Etat partie aurait dû remplir cette

obligation [était] largement dépassé» 31. Je me contenterai de signaler à cet égard que, en parlant de

«délai raisonnable», le comité a peut-être fait pr euve d’une bienveillance excessive. L’Etat qui ne

dispose pas de la législation voulue sur la compétence extraterritoriale dès l’entrée en vigueur de la

convention risque d’être incapable de remplir son obligation de poursuivre. En tout état de cause,

la législation adoptée en2007 était bien trop tard ive, comme l’a montré l’incapacité du Sénégal à

poursuivre Hissène Habré depuis 2000.

29. Monsieur le président, c’est cette violation de la convention ⎯ l’omission de légiférer en

temps opportun ⎯ qui a déclenché l’ensemble des événements qui ont suivi. Toutes les difficultés

causées par la décision de la Cour de justice de la CEDEAO (notamment le risque que la législation

soit invalidée en raison de son effet rétroactif) ont découlé du manquement initial du Sénégal aux

obligations découlant de la convention. Par conséquent, le Séné gal ne saurait prétendre que les

conclusions de la Belgique concerna nt la violation de l’article 5 de la convention contre la torture

«se rapport[e]nt à un état de droit dépassé et dont la description n’est sans doute que d’une maigre

utilité pour la Cour» 3. De notre point de vue, c’est également à la lumière de l’omission, de la part

du Sénégal, de se confor mer en temps voulu au paragraphe 2) de l’article 5 que doit s’apprécier la

violation de l’article 7 de la convention.

18 ii) Article 6, paragraphe 2) : le manquement du Sénégal à l’ob ligation de procéder
immédiatement à une enquête préliminaire en vue d’établir les faits

30. Monsieur le président, Mesdames et M essieurs de la Cour, je passerai à présent au

paragraphe2) de l’article6. Outre l’obligation de légiférer, il incombe à l’Etat sur le territoire

duquel est trouvé l’auteur présumé d’actes de tortur e de prendre dans chaque cas, c’est-à-dire à

l’égard de chaque fait de torture et de son au teur, des mesures processuelles concrètes en vue

30 o
Suleymane Guengueng et autres c. Sénégal, Communication n 181/2001, CAT/C/36/181/2001, par. 7.12 ; MB,
vol. II, annexe E.2.
31
Ibid., par. 9.5.
32CMS, par. 218. - 13 -

d’assurer l’exécution de l’obligation de poursuivre ou d’extrader. Dans la convention contre la

torture, ces mesures sont prévues à l’article6. Le Sénégal en a très peu parlé dans son

contre-mémoire, alors même que la Belgique avait expressément prié la Cour de constater que le

défendeur s’était rendu coupable de violation des obligations découlant du paragraphe2) de

l’article 63.

31. L’embarras du Sénégal est sans doute compréhe nsible. Il n’a non seulement pris aucune

mesure visant à soumettre l’affaire aux autorit és internes compétentes pour l’exercice de l’action

pénale, comme l’exige l’article7, mais n’a pas non plus mis en Œuvre les mesures préalables

requises au paragraphe2) de l’article6, à savoir procéder immédiatement à une enquête

préliminaire pour constater les faits, dès lors qu’il avait été informé de la présence, sur son

territoire, d’une personne soupçonnée de crimes de to rture. Comme je viens de l’expliquer, cette

obligation de conduire une enquête préliminaire est une disposition-clef du système établi par la

convention contre la torture. La violation de cette disposition par le Sénégal est au centre de son

manquement général aux obligations fixées par la convention.

32. Ce manquement est d’autant plus grav e que, comme l’a expliqué hier M.Dive, la

Belgique a offert à maintes reprises aux autorités sénégalaises sa coopération sur le plan judiciaire

au moyen d’une commission rogatoire. Elle a pa r ailleurs exprimé son intention de prendre en

charge tous les frais nécessaires à l’exécution de celle-ci. Mais, pour une raison ou une autre, le

Sénégal n’a pas donné suite à cette proposition 34 et n’a délivré, à ce jour, aucune commission

rogatoire. S’il l’avait fait, il aurait eu accès à l’ abondante quantité de preuves rassemblées par le

juge d’instruction belge.

iii)Article 7, paragraphe1: le manquement du Sénégal à l’obligation de poursuivre ou

d’extrader Hissène Habré

33. Enfin, Monsieur le président, j’en viens à la violation du paragr aphe1 de l’article7

commise par le Sénégal. Le Sénégal a manqué et continue de manquer à l’obligation qu’il a de

«soumet[tre] l’affaire…à ses autorités compétentes pour l’exercice de l’action pénale», à moins

19 d’extrader Hissène Habré vers la Belgique, Etat qui a demandé l’extradition de celui-ci.

33
MB, par. 4.52-4.57 et par. 1 b) des conclusions de la Belgique.
34
Ibid., vol. II, annexe 14. - 14 -

34. L’obligation que l’on pourrait qualifier de pr incipale au sein de l’article7 consiste à

soumettre l’affaire aux autorités compétentes pour l’ exercice de l’action pénale et cette obligation,

nous l’avons vu, s’applique i ndépendamment de toute demande d’extradition. Le Sénégal

méconnaît cette obligation depuis l’année2000 au moins, lorsque son ministère public a été saisi

des premières plaintes.

35. La tentative manquée de poursuivre His sèneHabré en2000 ne peut être considérée

comme une exécution de cette obligation, étant do nné que cette poursuite n’était clairement pas

fondée en droit au stade où elle a été engagée. Et nous pouvons reconnaître à nos amis du Sénégal

le mérite de ne pas avoir laissé entendre le contraire.

36. L’obligation de «soumet[tre] l’affaire… à ses autorités compéten tes pour l’exercice de

l’action pénale» implique que le ministère public so it formellement saisi de l’affaire. Tel n’est

toujours pas le cas à notre connaissance, même si, depuis 2007, le Sénégal dispose de la législation

nécessaire pour juger les crimes de torture qui au raient été commis au Tchad, et bien que, en

septembre2008, quatorzevictimes aient déposé une nouvelle plainte. La seule mesure qui ait été

prise, avons-nous appris, a été la désignation par le ministère de la justice de quatre magistrats «aux

fins de conduire l’information contre Monsieur Ha bré». Mais jusqu’à présent, aucune décision n’a

été prise au sujet de l’ouverture d’une enquête ou d’une information judiciaire.

37. Le Sénégal ne cesse de répéter dans son contre-mémoi re qu’il va s’acquitter de

l’obligation de poursuivre et que, par conséquent, il n’est pas en contravention à la convention

contre la torture. Il a maintenu cette position invariablement depuis2006 au moins, lorsqu’il a

accepté de juger Hissène Habré sous l’égide de l’ Union africaine, qui lui avait donné mandat de le

faire.

38. Il est vrai que l’article7 de la conv ention de1984 ne donne pas d’indication expresse

quant au délai dans lequel l’Etat du for est tenu de «soumet[tre] l’affaire…à ses autorités

compétentes pour l’exercice de l’action pénale». On ne trouve aucune expression telle que «sans

retard injustifié»35 dans le libellé cette disposition, qui, comme je l’ai dit, s’in spire très largement

de celui de l’article 7 de la c onvention de La Haye de 1970. Cela ne signifie pas pour autant que

35Voir les propositions faites par les Etats-Unis dérique (E/CN.4/1314, par. 79) et par la Suisse (ibid. ,

par. 82). - 15 -

l’Etat sur le territoire duquel se trouve l’au teur présumé d’une infraction jouit d’un pouvoir

20 discrétionnaire absolu sur la question et peut choisi r de surseoir indéfiniment à saisir les autorités

internes compétentes. L’Etat concerné ne jou it pas d’un pouvoir discrétionnaire illimité quant à la

planification de ses actions, et, dans tous les cas, tout délai pouvant être considéré comme

raisonnable en l’espèce est expiré depuis longtemps. Autre point que j’aimerais souligner : comme

je viens de le démontrer, il est clair que l’exécution de l’obligation de poursuivre ne dépend pas de

l’existence d’une de mande d’extradition 36. En d’autres termes, l’Etat partie est, de toute façon,

tenu d’engager des poursuites et ne peut s’abstenir d’agir sous prétexte qu’une tierce partie pourrait

présenter une demande d’extradition. Mais ai-je be soin de rappeler ici qu’une telle demande a été

présentée dès 2005 ? Monsieur le président, puisqu ’il est question des modalités de temps, qui me

semblent très importantes en l’espèce, j’aimerais rappeler qu’en vertu de l’article6, auquel

l’article 7 est étroitement lié, les Etats parties doi vent s’acquitter de leurs obligations procédurales

spécifiques dans un délai très court. Le paragraphe 2 de l’article6 requiert en effet que l’Etat du

for procède «immédiatement» à une enquête prélim inaire en vue d’établir les faits. Le même

adverbe est employé au paragraphe 4 de l’article 6 pour ce qui est de l’obligation d’aviser les Etats

qui pourraient être concernés.

39. Bien entendu, Monsieur le président, loin de nous l’idée de suggérer que l’Etat est aussi

tenu de soumettre immédiatement l’affaire aux au torités internes compét entes pour l’exercice de

l’action pénale. Cela ne serait pas opportun étant donné que l’Etat doit commencer par mener une

enquête en vue d’établir les faits, avant d’être en mesure de prendre une décision. Toutefois, même

si le délai d’exécution de l’obligation de poursuiv re dépend des circonstances de chaque affaire et

en particulier de la quantité d’éléments de pre uve accumulés, l’Etat du for ne peut retarder

indéfiniment l’exécution de l’obligation qui lui incombe de saisir les autorités compétentes. De tels

atermoiements risqueraient de porter atteinte au droit de l’accusé à un traitement équitable, comme

le rappelle le paragraphe 3 de l’article 7. Il va donc sans dire que la procédure pénale devrait être

engagée dans les meilleurs délais et il revient à l’Et at concerné d’agir avec la célérité qui s’impose.

36 Suleymane Guengueng et autres c.Sénégal, communication n 181/2001, décision du 17mai2006,
CAT/C/36/D/181/2001, par.9.7, MB, vol. II, annexeE.2. Voir également Examen des conventions multilatérales qui
pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission du droit international sur le sujet intitulé «L’obligation
d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)». Etude du secrétariat, 2010, A/CN.4/630, par. 127. - 16 -

En tout état de cause, comme je l’ai déjà dit, on ne saurait prétendre que le retard pris dans la

présente affaire, qui s’étend sur de nombreuses a nnées au cours desquelles aucune enquête n’a été

ouverte et aucune mesure n’a été prise en vue d’engager des poursuites, reste conforme à l’article 7,

21 compte tenu de l’objet et du but de la convention, et ce, bien que l’Etat concerné n’ait cessé de

répéter qu’il entendait s’acquitter de ses obligations.

40. Pour ce qui est de l’autre solution qui s’offre au Sénégal, à savoir l’extradition, M. Dive a

décrit hier comment les juridictions sénégalaises se sont à trois reprises abstenues de donner suite

aux demandes d’extradition formulées par la Belg ique: en novembre2005, en août2011 et en

janvier 2012. Elles ont agi pour des raisons obscures qui, sous certains aspects, sont révélatrices de

graves manquements de la part des autorités sénég alaises, qui ont omis de prêter aux demandes

répétées de la Belgique l’attention qu’elles méritaient.

41. Compte tenu de l’incapacité de poursuivre en l’absence du fo ndement législatif

nécessaire à l’exercice de la compétence voulue, incapacité qui ne faisait aucun doute à partir du

prononcé de l’arrêt de la Cour de cassation de mars2001, le choix de poursuivre ne s’offrait

simplement pas au Sénégal lors que, en septembre 2005, il a reçu la demande d’extradition que lui

avait adressée la Belgique. Or, en novembre2005, la cour d’appel de Dakar est parvenue à la

conclusion surprenante que, en sa qualité d’ancien chef d’Etat, HissèneHabré jouissait de

l’immunité, et qu’elle ne pouvait do nc statuer sur la demande d’extr adition. Et elle a pris cette

décision, vous vous souviendrez, après que le Tchad eût levé l’immunité en question. En décidant

de ne pas extrader Hissène Habré, mais plutôt d’en saisir l’Union africaine, le Sénégal s’est mis en

situation de violation manifeste de ses obligations au titre de l’article 7 de la convention contre la

torture.

42. Nous sommes impatients d’entendre ce que les conseils du Sénégal auront à dire plus

tard dans la semaine au sujet de la quatrième demande d’extradition présentée par la Belgique.

Mais une chose est claire: le fait que la Belg ique ait présenté, en janvier2012, une quatrième

demande qui, à notre connaissance, n’a toujours pas été examinée ne permet pas au Sénégal de

prétendre qu’il est en passe de s’acquitter de ses oblig ations au titre du paragraphe 1 de l’article 7.

Compte tenu du contexte que nous avons exposé, de l’inaction systématique des autorités

sénégalaises devant les trois demandes précédentes, le Sénégal ne saurait soutenir ici qu’il est sur le - 17 -

point de se conformer à l’obligation de poursuivre ou d’extrader qu’il tient de la convention et que,

pour cette raison, aucune violation ne peut lui être reprochée.

43. Monsieur le président, avant de conclure j’ aimerais revenir sur une chose. Monsieur le

président, Mesdames et Messieurs de la Cour, un Etat ne peut s’acquitter de ses obligations au titre

de la convention contre la torture en se contentant d’affirmer qu’il va poursuivre et non extrader. A

l’instar de nombreux autres textes interna tionaux importants qui énoncent des obligations

22 similaires, la convention contre la torture re quiert que soit établi ce que le Secrétariat des

Nations Unies appelle un «mécanisme tr ès élaboré de punition des délinquants» 37. C’est pourquoi

elle prescrit les mesures concrèt es que l’Etat, sur le territoire duque l est présent l’auteur présumé

d’une infraction, doit prendre ⎯effectivement et non éventuellement ⎯ pour s’acquitter de son

obligation de poursuivre ou, à titre subsidiaire, d’extrader, dans la poursuite du but ultime de la

convention, soit la prévention de l’impunité.

44. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, voilà ce que j’avais à dire à ce

stade de la procédure sur les manquements du défendeur aux obligations que lui impose la

convention contre la torture. Je vous remercie de votre attention, et vous prie de bien vouloir

appeler M. Eric David à la barre. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: je vous remercie sirMichael. Vous pouvez reprendre votre place, je

donne à présent la parole à M. Eric David. You have the floor, Professor.

Mr. DAVID:

7. SENEGAL HAS BREACHED ITS OBLIGATIONS UNDER
GENERAL INTERNATIONAL LAW

1. Mr. President, Members of the Court, it falls to me to present Belgium’s position on

Senegal’s obligation under genera l international law to prosecute or, failing that, to extradite

HissèneHabré. However, before I begin my analysis, I should make it clear from the outset that

Belgium is not asking the Court to recognize the exis tence of a general, abstract customary rule to

prosecute or extradite. More simply, Belgium is asking Senegal to prosecute HissèneHabré if it

37Examen des conventions multilatérales qui pourraient présenter un intérêt pour les travaux de la Commission
du droit international sur le sujet intitulé «L’obligation d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare)»». Etude du

secrétariat (2010), A/CN.4/630, par. 92. - 18 -

does not extradite him, not only to answer for the cr ime of torture, but also, according to the arrest

warrant issued against him in 2005, to answer fo r war crimes, crimes against humanity and crimes

of genocide. My analysis will be confined to this framework.

2. My presentation will be divided into three se ctions. I shall begin by describing the basis

for Senegal’s obligation to prosecute Mr.Habré, failing extradition, for the crimes of which he

stands accused (I); after that we will see how this obligation is incumbent upon the State where the

alleged perpetrator of these crimes is located, rega rdless of where the crimes were committed (II).

23 I shall conclude my analysis by showing that in practice, Senegal is not fulfilling its obligation to

prosecute or, failing that, to extradite Mr.Habré, even though Senegal a ppears to recognize that

obligation (III).

3. I must point out, first of all, that Senegal has not said a word about the obligation to

prosecute this alleged perpetrator of war crimes, crimes against humanity and crimes of genocide,

38
yet Belgium’s Memorial went into this issue in detail, devoting more than a dozen pages to it . At

the very most, Senegal writes that “it regards th e 1984 Convention against Torture as the sole legal

39
basis for all the measures it has taken with a view to putting Mr. Habré on trial” .

4. Belgium nevertheless maintains that the Convention against Torture is not the only source

of the obligation to prosecute Hissène Habré failing his extradition: the classification of his acts as

crimes in the arrest warrant issued against Mr .Habré in 2005 also requires compliance with the

obligation to prosecute the offender if he is not extradited, in accordance with conventional and

customary international law. This is an ar gument which Belgium put forward in its written

40
Memorial , and which I will briefly summarize for you now.

5. The first section of my reasoning will thus focus on the basis for the obligation to

prosecute HissèneHabré, failing his extradition, for the war crimes, crimes against humanity and

crimes of genocide of which he stands accused.

38Memorial of Belgium (MB), paras. 4.60-4.89.
39
Counter-Memorial of Senegal (CMS), para. 225.
40MB, paras. 4.60-4.89. - 19 -

I. The bases for the obligation to prosecute Hissène Habré,
failing his extradition

6. The obligation to prosecute Hissène Habré, fa iling his extradition, is based, firstly, on the

general obligation to combat impunity (A) and, secondly, on the rules governing the punishment of

the crimes of which he is specifically accused (B).

A. The obligation to prosecute or extradit e HissèneHabré resulting from the general
obligation to combat impunity

7. As early as 1946, following the end of the Second World War, the United Nations General

Assembly asked States to arrest war criminals and to send them back to the countries where they

41
24 had committed their crimes so that they could be prosecuted . Subsequently, the United Nations

General Assembly repeated this request, expressly referring to “war crimes” and “crimes against

42 43
humanity” in resolutions adopted in 1971 and 1973 , among others.

8. That background is reflected today in the expression “combating impunity”, a term which

became popular in the 1990s. The obligation to combat impunity has become a leitmotiv in

Security Council resolutions over the last 15 years or more. As far as I am aware, one of the first

times the expression appeared in the Security Co uncil’s records was in 1995, following the unrest

in Burundi after the assassination of the count ry’s President, when the Council declared, in

resolution1012, that it was “[d]eeply concerned that impunity creates contempt for law and leads

to violations of international humanitarian law” 44. The Council then requested the

Secretary-General of the United Nations to establish an international commission of enquiry, one of

whose tasks was to “recommend measures... with regard to the bringing to justice of those

45
responsible for [massacres and other related serious acts of violence] to eradicate impunity” .

Since then, the obligation to combat impunity has regularly featured in Security Council

resolutions. In its written Memorial, Belgium highlighted over 70Security Council resolutions

46
affirming this obligation . The most recent, at the time wh en Belgium filed its Memorial on

41A/RES/3 (I), 13 Feb. 1946.

42A/RES/2840 (XXVI), paras 1 and 4.
43
A/RES/3074 (XXVIII), para. 1.
44
S/RES/1012, 28 Aug. 1995, preamble, eighth para..
45Ibid., para. 1 (b).

46MB, para. 4.69. - 20 -

1July2010, dated back to 28May2010. Toda y Belgium can add to this list almost 30other

25 resolutions reaffirming the obligation to combat impunity 47. I collect these resolutions, rather like

a stamp-collector collects stamps, because I feel they are so very significant.

9. As I said in the introduction to this presenta tion, this is not a general, abstract obligation

which applies to any criminal offence: it very cl early concerns crimes of the type alleged against

HissèneHabré, since the Security Council associated the obligati on from the very beginning, in

resolution 1012 which I have just cited, with “violations of humanitarian law”, a broad term which

covers the triad of war crimes, crimes against hum anity and crimes of genocide referred to in the

arrest warrant 48.

10. This customary rule is borne out by the draft Code of Crimes against the Peace and

Security of Mankind, adopted by the International Law Commission(ILC) in 1996, as well as by

the Statute of the International Criminal Court(ICC) of 1998. Article9 of the draft Code ⎯ the

draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind ⎯ provides that a State party in

the territory of which an individual alleged to have committed a war crime, crime against humanity

or crime of genocide is found “shall extradite or pr osecute that individual”. As for the Statute of

the ICC, ratified by 120 countries to date, recitals 4-6 of the preamble affirm that the States are

“[d]etermined to put an end to impunity for the perpetrators of the most serious crimes”, namely

those referred to in Article5 of the Statute, which lists, inter alia, the crime of genocide, crimes

against humanity and war crimes, in other words th ree of the crimes set out in the arrest warrant

issued against Hissène Habré.

47
Côte d’Ivoire, S/RES/1933, 30June2010, preamble, ninth para., and paras13, 16(e) and 22; S/RES/1946,
15October2010, preamble, sixth para.; S/RES/1962, 20Dec.2010, para.9; S/RES/1975, 30March2011, preamble,
eleventh para. et seq., and para.4; S/RES/1980, 28April2011, pream ble, eighth para.; S/RES/2000, 27July2011,
preamble, fifteenth pa ra., and para.10; DRC, S/RE S/1952, 29Nov.2010, preamble, ninth para., and para.12;
S/RES/1991, 28June2011, paras18-19; S/RES/2021, 29 Nov.2011, preamble, eleven th para., and paras.14 et seq.;
Somalia, S/RES/1950, 23 Nov. 2010, paras. 11 et seq.; S/RES/2002, 29 July 2011, preamble, twelfth para.; S/RES/2010,
30 Sept. 2011, para. 23; S/RES/2015, 24 Oct. 2011, paras. 7 et seq .; Central African Republic, S/RES/2031,

21 Dec. 2011, para. 20; Nepal, S/RES/1939, 15Sept.2010, preamble, fifteen th para.; Libya, S/RES/1970,
26February2011, preamble, eleventh para.; S/RES/2009, 16Sept.2011, para. 7; S/RES/2016, para.4; Sudan,
S/RES/1996, 8 July 2011, para. 13; Liberia, S/RES/2008, 16 Sept. 2011, para. 13; Yemen, S/RES/2014,
21 October 2011, preamble, seventh para., and para. 2; ICT, S/RES/1966, 22 Dec. 2010, preamble, fifth para.; terrorism,
S/RES/1963, 20 Dec. 2010, preamble, tenth para.; statement by the Pres ident of the Security Council, 2May2011,
S/PRST/2011/9; S/RES/2004, 30August 2011, para.5; attacks against peacekeeping operations, S/RES/1967,
19 January 2011, preamble, fifth para.; crimes committed against children, S/RES/1998, 12 July 2011, preamble, eighth
para., and para.11; against civilians , S/RES/1967, 19Jan.2011, preamble, fift h para.; against women, S/RES/1960,
16 Dec. 2010, preamble, fifth, sixth and eleventh paras.

4See ref. in MB para. 4.69 and ref. above. - 21 -

26 11. The ILC Working Group on the ob ligation to extradite or prosecute ⎯ which, as you

know, is one of the areas which the ILC is currently working to codify ⎯ emphasized that “the

49
fight against impunity seemed to form the basis” of this obligation . In its 2010 Report, the ILC

took note of the oral report presented by the temporary Chairman of the Working Group 50.

12. It is true that some members of the IL C appeared hesitant to link “the obligation to

extradite or prosecute” with the fight against im punity because, they said, the phrase “fight against

51
impunity” was imprecise, even though it had the advantage of being simple . The expression is,

admittedly, imprecise, but it does not raise any particular problems in the case of the crimes

referred to in the arrest warrant: the United Nations General Assembly resolutions which I

mentioned earlier, the factual context of the hundr ed or so Security Council resolutions and the

specific rules on the punishment of the crimes in question leave us in no doubt that the term “fight

against impunity” applies to the crimes alleged against Hissène Habré, as we will go on to see now,

when we examine the rules that apply to each category of crime.

13. Incidentally, this is a point on which Sene gal agrees with Belgium, since it writes in its

Counter-Memorial that prosecuting or extraditing HissèneHabré “is a way of expressing the

52
general obligation to combat impunity” ⎯ an obligation which also happens to be one of the

principles proclaimed in the Constitutive Act of the African Union (Art. 4 (o)).

14. Senegal is thus clearly under an oblig ation to prosecute HissèneHabré in accordance

with this principle of combating impunity.

15. This brings me on to my second point: the obligation to prosecute Hissène Habré, failing

extradition, resulting not from a ge neral requirement to combat impunity, as I have just described,

but because of the specific obligation, today, to punish war crimes, crimes against humanity and

crimes of genocide.

49
ILC, doc. A/CN.4/SR.3071, p.6 [translation by the Registry] ; see also Galicki, Z., Fourth report on the
obligation to extradite or prosecute (aut dedere aut judicare), United Nations, doc. A/CN.4/648, 31 May 2011, paras 13,
15, 20, 29 and 39.
50
ILC, 2010 Report, paras. 336 et seq.
51
ILC, 2011 Report, paras. 310 et seq.
52CMS, para. 242. - 22 -

27 B. The obligation to prosecute Hissène Habré, failing extradition, resulting from the specific

obligation to punish war crimes, crimes against humanity and crimes of genocide

1. War crimes

16. The first source of the obligation to pro secute alleged war criminals lies in treaty law,

since it is included in an article which is comm on to the four 1949 Geneva Conventions, but has a

different number in each: common Article 49/50/129/146. These provisions raise two questions of

law: is there an obligation to prosecute and, faili ng that, to extradite alleged war criminals and, if

so, secondly, does that obligation apply to the situation in Chad during the Habré era from1982

to 1990?

17. First of all, then, does the obligation to punish war crimes include the obligation to

prosecute in the absence of extradition? On the one hand, the text of the common Article I

mentioned a moment ago requires every State to search for and prosecute perpetrators of grave

breaches of the Conventions. On the other, the text adds that a High Contracting Party “may also,

if it prefers,... hand such persons over for trial” to any State with an interest in prosecution. It

clearly follows from the commentary on Article88, concerning mutual assistance in criminal

matters, of Additional ProtocolI of 1977 ⎯ an additional protocol to the 1949Geneva

Conventions ⎯ that where the forum State does not prosecute an alleged war criminal, it must

extradite him to a State willing to prosecute him:

“ As long as the penal repression of grave breaches is ensured , the right of each

Contracting Party to choose between prosecuting a person in its power or to hand him
over to another Party interested in prosecuting him therefore remains absolute, subject
to the legislation of the Party to which the request is addressed, and to any other
53
treaties applicable in the case in question.” (Emphasis added.)

Later on the same commentary says: “we should stress the absolute need to punish those guilty of

grave breaches, with or without extradition” 54(emphasis added).

28 The commentary on Rule 161 in the study on international humanitarian law produced by the

ICRC’s lawyers in 2005 confines itself to setting apar t obstacles to extradition which are inherent

in the domestic law of each State (traditionally, obstacles such as the non-extradition of nationals,

or the absence of a treaty, where the requested State’s domestic law requires such a treaty in order

53
Commentary on the Additional Protocols, ed. Y. Sandoz et al., Geneva, ICRC, Nijhoff, 1987, para. 3577.
54
Ibid., para. 3580. - 23 -

55
to grant extradition) . The authors of the commentary state th at, if extradition is not granted, the

requested State must then try the suspect itself:

“This practice [concerning extradition] appears to show that cooperation in
prosecuting suspected war criminals should include extradition when requested, but

potentially subject to conditions . . . If extradition is refused, then, in the case of grave
breaches or other crimes where multilateral treat ies provide for an obligation to try or
extradite on the basis of universal jurisdiction, the requested State is required to try the
56
alleged criminal itself.”

There is therefore no doubt that the spirit of a rule which requires the prosecution of a war

criminal also requires his extradition to a State willing to prosecute him, if the State detaining that

criminal does not prosecute him itself. In othe r words, the rule presupposes that, in order to

comply with the obligation to prosecute, the State must extradite if it does not itself prosecute.

18. Now for the second question: do the acts committed during the HissèneHabré era

deserve to be classified as “w ar crimes”? Without going into the background to the acts in

question, which is a matter for the criminal courts, Belgium would observe that in order to justify

such a classification of the acts alleged against Mr. Habré, it must be shown that the situation in

Chad at the time when he was the country’s leader was indeed equivalent to a situation of armed

conflict and that the crimes committed in that context were associated with an armed conflict.

In the present case, we can see that the acts alleged against Mr. Habré and cited in the arrest

warrant occurred between 1983 and 1989 57, mainly in the context of a non-international armed

conflict between Mr.Habré’s government forces an d other Chadian forces (in particular those of

58
29 the Chadian Government of National Unity, known as GUNT for short) . The international arrest

warrant issued by the Belgian investigating judge states that Mr.Habré persecuted “in particular

the Sara and other ethnic groups in the south in 1984, the Hadjerai in 1987 and the Zaghawa in

1989” 59.

5Henckaerts and Doswald-Beck, Customary International Humanitarian Law , Vol.I: Rules, Brussels,
ICRC/Cambridge University Press, 2009, p. 618.
56
Ibid., p. 620.
57
Arrest warrant, paras. 1.3.1 et seq., in Annex 3 to the Application instituting proceedings of Belgium.
5Keesing’s Contemporary Archives , 1983, p.32591; id., 1984, p.33007; id., 1985, p.33834; id. , 1986,
p. 34208; id., 1987, p. 34914; id., 1988, p. 35876; id., 1989, p. 36581.

5Arrest warrant, para. 1.3, loc. cit. - 24 -

60 61
Furthermore, the press at the time talked very specifically about civil war , rebel attacks ,

guerrilla attacks and clashes between the Chadia n national armed forces and anti-government

62
forces .

It is therefore accurate to conclude that between 1982 and 1990, when Hissène Habré was in

power in Chad, a situation of armed conflict existed in the country.

19. It may be that foreign intervention at the time tended to internationalize certain parts of

the conflict (Libya’s intervention, for example 63), but there is no point in going down that route and

trying to decide whether or not the conflict had become international, since whether it was national

or international, the acts in question remained war crimes and their perpetrator must be prosecuted,

however the conflict is classified.

20. If an armed conflict is international, common Article49/50/129/146 of the four

1949 Geneva Conventions requires the States parties to prosecute the alleged perpetrators.

If an armed conflict is not international, the serious violations of international humanitarian

law committed in that conflict constitute offences under customary international law as set out,

inter alia, in the following sources:

⎯ Article 4 of the Statute of the International Cr iminal Tribunal for Rwanda (ICTR), adopted by

the Security Council in 1994, expressly criminal izes violations of Article3 common to the

Geneva Conventions and of Additional Protocol II to those Conventions (texts which apply

only to non-international armed conflicts);

30 ⎯ the Tadić judgment of the Appeals Chamber of the International Criminal Tribunal for the

former Yugoslavia of 2October1995 affirms the ICTY’s jurisdiction over offences alleged

against the defendant “regardless of whether they occurred within an internal or an

64
international armed conflict” ;

60
Keesing’s, 1983, p. 5291; id., 1987, p. 34914.
61
Id., 1984, p. 33007.
6Id., 1985, p. 33834; id., 1986, p. 34208; id., 1988, p. 35876; id., 1989, p. 36581.

6Id., 1983, p.32591; id., 1984, p.33008; id., 1985, p.33834; id., 1986, p.34208; id., 1987, p.34914; id..,
1988, p. 35876.

6ICTY, Case No. IT-94-1-AR72, para. 137. - 25 -

⎯ in Article20 (f) of its draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind, the

International Law Commission includes in a lis t of war crimes seven crimes committed in

65
armed conflict not of an international character ;

⎯ Article 8 (2) (c) and (e) of the Statute of the International Criminal Court classifies 19acts

committed in an armed conflict not of an international character as “war crimes”;

⎯ finally, of the rules of customary internationa l humanitarian law established by the lawyers of

the International Committee of the Red Cross in 2005, Rules 156 et seq. on the punishment of

war crimes also apply to armed conflicts not of an international character 66.

Mr. President, Members of the Court, these rules, in conjunction with the statutes of the

international criminal courts set up to punish crimes committed in non-international armed

conflicts, confirm and reinforce the criminal nature of violations of international humanitarian law

committed in such situations 67. A war crime committed in a non-international armed conflict must

therefore not be punished any less than in a situation of international armed conflict.

21. Mr. President, Members of the Court, in view of the time I have been allocated I will not

go into these sources in detail, but they confirm that the obligation to punish crimes of international

humanitarian law committed in a non-international armed conflict already existed in 1982-1990.

31 2. Crimes against humanity

22. The obligation to prosecute and, failing th at, to extradite the perpetrator of a crime

against humanity is customary. Today it is of course enshrined in a convention, the Statute of the

International Criminal Court, but it is above all as an expression of opinio juris that the Statute of

the International Criminal Court applies the oblig ation to punish to crim es against humanity, in

Article 7 of the Statute. It is also to this effect that the sixth recital of the preamble to the Statute of

the Criminal Court “ Recall[s] that it is the duty of every State to exercise its criminal jurisdiction

over those responsible for internati onal crimes.” The international crimes referred to are those set

65
ILC, 1996 Report, p. 53 and commentary, pp. 54-56.
6J.-M. Henckaerts and L. Doswald-Beck, op. cit., p. 568.

6Statute of the ICTR, preamble, sixth to eighth paras. and Art. 4; S/Res. 1315, 14 August 2000, preamble, fifth
para. et seq., and para.3, and Statute of the SCSL, Art. 3; Stute of the ICC, preamble, fourth to sixth paras. and
Art. 8 (2) (c)-(f). - 26 -

out in Articles 6 to 8 of the Statute, namely, in respect of these proceedings, the crime of genocide,

crimes against humanity and war crimes.

23. The obligation is customary in so far as the substantive law of the Statute has been taken

68
as “an authoritative expression of the legal views of a great number of States” . That wording

comes from ICTY case law; I shall spare you the references. Similarly, in Article9 of the

International Law Commission’s draft Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind,

it is provided that: “the State Party in the terri tory of which an individual alleged to have

committed a crime set out in Article 17, 18, 19 or 20 is found shall extradite or prosecute that

individual.” In its commentary, the International Law Commission states that if the custodial State

did not receive a request for extradition, then that State would have

“no choice but to submit the case to its national authorities for prosecution. This

residual obligation is intended to ensure that alleged offenders will be prosecuted by a
competent jurisdiction, that is to say, the custodial State, in the absence of an
alternative national or international jurisdiction.” 69

It is basically what Sir Michael recalled earlier on in a quote from the decision taken by the

Committee against Torture in the Hissène Habré case. The commentary on Article9 of the draft

Code of Crimes against the Peace and Security of Mankind shows that the obligation to prosecute

is grounded in the serious nature of the crime and not in a prior request for extradition, which, if it

did exist, would simply reinforce the obligation to prosecute should the request for extradition be

refused. I shall turn now to the crime of genocide.

32 3. The crime of genocide

24. Rest assured Mr. President, Members of the Court, I shall be brief, since everything that I

have just said in respect of the obligation to pr osecute the alleged perpetrator of crimes against

humanity can be transposed mutatis mutandis to the alleged perpetrator of the crime of genocide:

this obligation is, of course, a conventional one under the 1948Convention on the Punishment of

the Crime of Genocide, to which Senegal and Belgium have respectively been party since 1983 and

1951. However, Belgium does not rely on that Convention in requesting Senegal to punish the

68
ICTY, caseIT-95-17/1-T, Furundzija, 10Dec.1998, para.227; similarly, id., caseIT-94-1-A, Tadić,
15 July 1999, para. 223.
6ILC, Report 1996, p. 72. - 27 -

crimes of genocide listed in the arrest warrant issued in 2005 against Mr.Habré. As the Court

recalled in its Judgment of 27February2007 in the Bosnia-Herzegovina v. Serbia case, only the

State in whose territory the crime of genocide was committed is expressly obliged under the

Convention to prosecute the perpetrators ( Application of the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro,

Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p.226 and 227, para.442). It is therefore custom, as derived

from the Statute of the International Criminal Cour t, the draft Code of Crimes against the Peace

and Security of Mankind and the obligation to combat impunity, which provides the legal basis to

conclude that Senegal’s failure to pr osecute Hissène Habré for this crime ⎯ the crime of

genocide ⎯ is in breach of international law.

In its Advisory Opinion on Reservations to the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide , the Court clearly recognized that the universal and

customary nature of the classification of these act s as criminal offences entailed as a consequence

an obligation to co-operate so that they may be dealt with as such. The Court stated:

“The origins of the Convention show that it was the intention of the United

Nations to condemn and punish genocide as ‘a crime under international law’
involving a denial of the right of existence of entire human groups, a denial which
shocks the conscience of mankind and results in great losses to humanity, and which is
contrary to moral law and to the sp irit and aims of the United Nations

(resolution 96 (I) of the General Assembly, December 11th 1946). The first
consequence arising from this concepti on is that the principles underlying the
Convention are principles which are recognized by civilized nations as binding on
States, even without any conventional obl igation. A second consequence is the

universal character both of the condemnation of genocide and of the co-operation
required ‘in order to liberate mankind from such an odious scourge’ (Preamble to the
Convention). The Genocide Convention w as therefore intended by the General
Assembly and by the contracting parties to be definitely universal in scope.”

33 25. The crime of genocide is one of the crimes provided for in the Rome Statute (Art. 6) and

in the draft Code of Crimes against the Peace a nd Security of Mankind (Art. 17), and of course the

punishment of that crime is one of the main objec tives of the texts calling for an end to impunity.

Just like crimes against humanity, the crime of geno cide should therefore give rise to prosecution

or, failing that, extradition; there is no point in re peating what has just been said regarding crimes

against humanity. - 28 -

26. In the Nulyarimma case ⎯ an Australian case ⎯, Judge Wilcox of the Federal Court of

Australia considered that the customary rule compelling States to prosecute or extradite the

perpetrator of a crime of genocide found in their territory was “a non-derogatable obligation” 70.

27. In brief, there is thus a convergence of views among States on the existence of an

obligation under customary international law, a nd in a number of conventions, to prosecute the

alleged perpetrator of one of these three crimes: war crimes, crimes against humanity and crimes

of genocide. This is all the more true if the perpetrator is accused of all three crimes, and if those

three crimes were committed on as vast a scale as those attributed to Hissène Habré.

Mr. President, Members of the Court, while it is clear that international law compels States

to punish the crimes attributed to Hissène Habré, it remains to be seen whether international law

also compels Senegal to punish them when tho se crimes were committed outside its territory, and

that will be the second part of these arguments.

II. Hissène Habré must be prosecuted or extradited, even if the acts alleged
against him were not committed in Senegal

28. Belgium requests the Court to find that Senegal has violated its obligation to prosecute

Mr.Habré or, failing that, to extradite him to Belg ium, to answer for the tens of thousands of

crimes for which he appears to be responsible. For Senegal, it is not so much a question of

exercising universal jurisdiction as one of performing its obligations to prosecute or, failing that, to

extradite (judicare vel dedere) . During the recent debates in the Sixth Committee of the United

Nations General Assembly, a number of States (Chile (on behalf of the Rio Group), Australia (on

34 behalf of Canada, Australia and New Zealand), Switzerland, Colombia, Cuba, Venezuela, Malaysia

71
and Argentina) all underlined the distinction: the obligation to try or extradite and universal

jurisdiction should not be confused.

29. Universal jurisdiction is not to be fear ed, however; it is a jurisdiction imposed by

international law when the perpetrator of a crime under international humanitarian law ⎯ I use

humanitarian law here in the broad sense of th e term to cover the three crimes cited above,

70
Australian Federal Court., 1Sept.1999, ILM, 2000, per Judge Wilcox, para.18, p.21; see also per
Judge Merkel, para. 141, pp. 49 and 50.
7United Nations, doc. A/C.6/66/SR.12, 12 Oct. 2011, paras. 4, 7, 18, 27, 34, 59, 62, 72. - 29 -

genocide, crimes against humanity and war crimes ⎯ is present in the territory of the forum State

72
and when that rule is combined with the obligation to prosecute or extradite .

Furthermore, at the session of the Sixth Committee held on 12October2011 on universal

jurisdiction, Senegal asserted that it was

“vital to reach a common understanding of universal jurisdiction by clearly defining
its essence, scope, application and limits and setting guidelines for its application with
a view to ending impunity for the perpetrators of serious crimes” (emphasis added) . 73

30. War crimes, crimes against humanity and crimes of genocide are precisely the acts for

which Belgium is asking Senegal to prosecute or, failing that, to extradite Hissène Habré.

Therefore, it matters little how we characterize the jurisdiction that Belgium is asking Senegal to

exercise: what matters is that it exercises that ju risdiction. And exercising that jurisdiction is an

obligation imposed on States by international law, a nd that is, as I have just said, the obligation to

prosecute or, failing that, to extradite the alleged perpetrator ⎯ I apologize for repeating myself ⎯

of a war crime, a crime against humanity and a crime of genocide. Senegal seems to accept that it

is bound by the customary obligation to prosecute or extradite, but it does not actually match its

deeds to its words. This brings me to the third and final point in this presentation: Senegal remains

in default of that obligation to prosecute or, failing that, to extradite.

35 III. In law, Senegal remains in default of its obligation to
prosecute or, failing that, to extradite

31. Mr. President, Members of the Court, th e fact that in its Counter-Memorial Senegal

74
insists that there is no dispute with Belgium would seem to indicate that Senegal has confined its

arguments to the applicability of its international obligations rather than their application. A

distinction should be made between the two, however, as the Court did in the Mazilu case, in its

Advisory Opinion of 1988 (Applicability of the Obligation to Arbitrate under Section21 of the

United Nations Headquarters Agreement of 26 June 1947, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1988 ,

p.191, para. 38). In its Counter-Memorial, Senegal deals only with the applicability of the

72MB, para. 4.78.
73
United Nations, doc A/C.6/66/SR.12, para. 67.
74CMS, paras. 138-162. - 30 -

Convention against Torture, but the same question arises in respect of the application of the

international rules punishing war crimes, crimes agai nst humanity and crimes of genocide. In this

case, it is not only the acts of torture attributed to Mr. Habré that are at the centre of the dispute,

there are also all these serious crimes under international humanitarian law which are attributed to

him and regarding which Senegal’s Counter-Memorial remains silent.

32. With regard to applicability, Senegal seems to share the same philosophy as Belgium, as

the following facts show:

⎯ in the Sixth Committee, Senegal asserted the need to combat impunity;

⎯ in ratifying the Rome Statute ⎯ and Senegal was, moreover, the first State to do so, something

it can rightly be proud of ⎯ Senegal adheres to the commitments in the preamble that I

previously recalled, that is, the commitments where the preamble affirms the determination of

the States parties “to put an end to impunity for the perpetrators of these [most serious]

crimes”;

⎯ finally, the explanatory memorandum to the fa mous Senegalese law wh ich criminalizes war

crimes, crimes against humanity and crimes of genocide explains that the aim of the law is to

adapt Senegalese law to the Statute of the International Criminal Court and that “the

implementation of the Rome Statute is an oppor tunity to integrate international rules of

conventional and customary law” (emphasis added) 75.

36 These facts demonstrate that Senegal seems to recognize the rules of international law which

compel it to punish war crimes, crimes against humanity and crimes of genocide. But the essence

of the dispute does not lie there. As Belgium’s agents and counsel have said, the dispute lies in

Senegal’s differing interpretation a nd in its failure to comply with the international obligations by

which it is bound.

33. Belgium therefore maintains, and respec tfully asks the Court to find, that by not

instituting proceedings against Hissène Habré, and by not extraditing him to Belgium, Senegal is in

breach of both the Convention against Torture ⎯ as Sir Michael ably demonstrated ⎯ and general

international law relating to the punishment of th e threefold crimes: war crimes, crimes against

75
Law No.2007-02 of 12 Feb. 2007 amending the Penal Code, Journal officiel of the Republic of Senegal,
10 March 2007, p. 2377, MB, Ann. D.6. - 31 -

humanity and crimes of genocide. In Belgium’s view, this is a legal truth. A judgment confirming

that will make it a judicial truth.

Mr. President, Members of the Court, thank you for your patient attention to a presentation

that was at times technical due to the constraints of the subject-matter, and I now ask you to give

the floor to Mr. Daniel Müller, but perhaps the President may prefer to call a short coffee break.

The PRESIDENT: Thank you, Professor. I sh all give the floor to Mr.Müller after the

coffee break.

The Court adjourned from 11.30 to 11.50 a.m.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’ audience reprend. Je donne la parole à

M. Müller. Monsieur Müller, vous avez la parole.

M. MÜLLER :

8. A SPECTS PERTINENTS DU DROIT DE LA RESPONSABILITÉ DES E TATS

1. Merci, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour,

c’est un grand honneur pour moi que de me présente r devant vous, et de le faire au nom de la

Belgique. MM. Wood et David viennent de démont rer que le Sénégal ava it manqué et continuait

de manquer aux obligations internationales qui lui incombent aux termes de la convention contre la

torture de1984 et du droit international général. Le Sénégal lui-même a reconnu, dans son

contre-mémoire, qu’il n’avait pas encore engagé de poursuites contre HissèneHabré ni extradé
37
76
celui-ci, mais qu’il avait, tout au plus, fait part de son intention d’organiser un procès

2. Il pourrait sembler évident que le Séné gal est responsable des violations du droit

international qu’il commet. L’article premier des articles sur la responsabilité de l’Etat adoptés par

la Commission du droit international en 2001 dispose ainsi sans équivoque que «[t]out fait

internationalement illicite de l’Etat engage sa responsabilité internationale».

76
Voir par. 5 ci-dessous. - 32 -

77
Aux termes de l’article 2, comme nous le verrons , cela inclut un comportement consistant en une

action ou une omission. Ce nonobstant, le Séné gal a fait valoir que sa responsabilité n’était

nullement engagée au regard des règles pertinentes de la responsabilité des Etats. C’est sur cette

allégation que je me pencherai ce matin, laquelle est erronée ta nt du point de vue factuel que

juridique.

3. Monsieur le président, je développerai deux points :

⎯ premièrement, le Sénégal a commis et commet encore un fait internationalement illicite ayant

un caractère continu, malgré son intention déclarée d’engager des poursuites contre M.Habré

(A) ; et

⎯ deuxièmement, le Sénégal ne peut invoquer des difficultés financières et juridiques pour

justifier le fait qu’il persiste à ne pas engager des poursuites contre Hissène Habré ou extrader

celui-ci. Ces difficultés ne sauraient exclure l’illicéité des omissions du Sénégal (B).

4. Je ne reviendrai pas sur les questions re latives à l’interprétati on ou à l’application des

obligations de fond incombant au Sénégal, qui ont déjà été traitées par MM. Wood et David. Je me

concentrerai sur les arguments avancés par le Séné gal au sujet des questions découlant des règles

de la responsabilité des Etats, qui font partie des règles secondaires du droit international.

A. Les manquements du Sénégal aux obligations qui lui incombent existent
indépendamment de son intention déclarée d’engager
des poursuites contre M. Habré

5. Je commence par le premier point, Monsieur le président. Le Séné gal ne ménage pas ses

efforts pour persuader la Cour qu’il ne peut y a voir manquement à ses obligations internationales

puisqu’il a toujours déclaré vouloir engager des poursu ites contre Hissène Habré. A cet égard, les

termes employés par le Sénégal dans son contre-m émoire sont assez révélateurs. Ainsi ne dit-il

38 jamais clairement qu’il a engagé des poursuites pénales contre M. Habré sur son territoire, pour la

bonne raison qu’il ne l’a pas fait. Il reconnaît d’ailleurs, et je cite, qu’«il n’y a…pas ouverture

78
d’une information judiciaire ». Le Sénégal s’appuie exclusivement ⎯ et abondamment ⎯ sur sa

prétendue «volonté 79», son «intention 80», sa «ferme volonté 81» ou encore son «engagement

77
Voir par. 9 ci-dessous.
78
CMS, par. 175. Voir aussi par. 100.
79Ibid., par. 166. Voir aussi par. 113 et 165. - 33 -

82
politique sans équivoque » de juger HissèneHabré et de respect er les obligations internationales

qui lui incombent. Ce sont là des mots qu’il em ploie dans son contre-mémoire, et ce, alors même

que plusieurs épisodes significatifs ont suscité de sérieux doutes à ce sujet, à commencer par la

décision soudaine, annoncée au mois de juillet dernier, de renvoyer M. Habré au Tchad 83.

6. A cet égard, le Sénégal semble formuler de ux arguments, lesquels sont étroitement liés.

D’une part, il soutient que sa responsabilité ne sau rait être engagée au motif qu’il n’a jamais refusé

de respecter ses obligations internationales (1). D’autre part, il semble sous-entendre que, du fait

de son engagement à poursuivre M. Habré, le probl ème est réglé, et que, partant, aucune question

de responsabilité ne se pose et il n’existe aucun di fférend entre les Parties (2). Même si ce dernier

point est surtout présenté comme une question ayant trait à la compétence (ou peut-être à la

recevabilité), et a déjà été analysé comme tel hi er par M.Wood, il n’est cependant pas dénué

d’importance en ce qui concerne la question de la responsabilité.

1. L’existence d’un manquement à une obligatio n internationale n’est pas conditionnée par
un refus catégorique de respecter cette obligation

7. S’agissant du premier point, Monsieurle président, le Sénégal fait une interprétation

erronée de ce qui constitue un fait internati onalement illicite engageant la responsabilité

internationale d’un Etat. Dans son contre-mémoire, il écrit ainsi la chose suivante : «Dans l’affaire

qui est soumise à la Cour, la question posée est donc la suivante: la République du Sénégal

84
refuse-t-elle de s’acquitter de ses obligations ? »

8. Le Sénégal parvient à cette conclusion en se référant aux articles 2 et 12 des articles de la

Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat 85. Pourtant, aucune de ces

39 dispositions ne requiert un refus de remplir ses obligations. L’article2 définit un fait

internationalement illicite comme toute action ou omission ⎯omission, Monsieurle président, et

non pas refus d’agir ⎯, toute action ou omission, donc, attribuable à l’Etat et qui constitue une

80CMS, par. 106. Voir aussi par. 113.

81Ibid., par. 91. Voir aussi par. 171.

82Ibid., par. 39.
83
Voir CR 2012/2, 12 mars 2012 (Dive).
84CMS, par. 262 (les italiques sont de nous).

85Ibid., par. 261-271. - 34 -

violation d’une obligation internationale. L’artic le12 précise ce qu’il faut entendre par violation

d’une obligation internationale. Il est ainsi libellé : «Il y a violation d’une obligation internationale

par un Etat lorsqu’un fait dudit Etat n’est pas confor me à ce qui est requis de lui en vertu de cette

obligation, quelle que soit l’origine ou la nature de celle-ci.»

9. Au vu de ces dispositions, les omissions pe uvent donc tout à fait constituer des faits

internationalement illicites, au même titre que des actions. Dans son commentaire relatif à

l’article2 des articles sur la responsabilité de l’Etat, la Commission du droit international précise

d’ailleurs que :

«Le comportement attribuable à l’Etat peut consister en une action ou une

omission. Les cas dans lesquels la res ponsabilité internationale d’un Etat a été
invoquée sur la base d’une omission sont au moins aussi nombreux que ceux qui sont
fondés sur des faits positifs, et il n’existe en principe aucune différence entre les
86
deux .»

10. Contrairement à ce que le Sénégal semble laisser entendre dans son contre-mémoire, il

n’est nullement question de refus d’agir ni d’intention de manquer à ses obligations

internationales; pareille condition n’est nullement énoncée. Et la Belgique n’a jamais dit le

contraire. Aux termes de l’article12, il suffit amplement qu’un fait d’un Etat, c’est-à-dire une

action ou une omission attribuable à cet Etat, ne so it pas conforme à «ce qui est requis de lui en

vertu de cette obligation». Or, ce qui est requis du Sénégal en vertu de l’obligation internationale

de poursuivre est très simple: il doit soumettre l’ affaire concernant la personne suspectée d’avoir

commis des crimes de torture ⎯pour prendre l’exemple le plus évident ⎯ à ses autorités

compétentes pour l’exercice de l’action pénale, ou, à défaut, extrader l’intéressé vers un Etat qui en

a fait la demande. Le simple fait que le Sénégal n’a pas agi en ce sens après tout ce temps suffit à

constituer une violation de ses oblig ations internationales, et ce , indépendamment de sa prétendue

intention. Pour reprendre les termes employés par la Commission du droit international dans ses

commentaires relatifs aux articles sur la responsabilité de l’Etat, «seul importe le fait de l’Etat,

indépendamment de toute intention 87». C’est une question de fait, pas d’intention. Le fait

générateur de la responsabilité de l’ Etat n’est pas, contrairement à ce que soutient le Sénégal, «[l]a

86
Annuaire de la Commission du droit international, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 34, par. 4 du commentaire
relatif à l’article 2 du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat.
87Ibid., p. 36, par. 10 du commentaire relatif à l’article 2 du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat. - 35 -

40 réticence ou le refus à se conformer à une obligation 88»; c’est le fait internationalement illicite

lui-même, considéré d’un point de vue purement objectif.

11. Au regard du droit de la responsabilité des Etats, il importe donc peu que le Sénégal ait

eu l’intention de manquer aux obligations qui lui in combent aux termes de la convention contre la

torture ou d’autres règles pertinentes du droit intern ational. Ce qui importe, c’est que le Sénégal a

bel et bien manqué et qu’il continue de manquer à ces obligations dans les faits, comme

MM.Wood et David l’ont montré ce matin, et ce, alors même qu’il déclare avoir l’intention de

respecter ses obligations internationales.

2. Une simple intention d’agir ne suffit pas pour se conformer à une obligation internationale

12. Voilà, Monsieur le président, qui m’am ène au second argument du Sénégal, selon lequel

le simple fait qu’il ait l’intention de se conf ormer à ses obligations internationales règle le

problème (que cette intention soit considérée isol ément ou conjointement avec ce que le Sénégal

qualifie de «commencement d’exécution» de ses obligations). Au paragraphe165 de son

contre-mémoire, le Sénégal fait ai nsi valoir que: «L’exécution d’une obligation a été exigée, le

destinataire de cette sollicitation a solennellement affirmé sa volonté d’assumer cette obligation,

l’affaire aurait pu en rester là, le reste étant une affaire de confiance réciproque et de bonne foi 89.»

Et, au paragraphe 251, il indique ceci :

«Dès lors, en effet, que le Sénégal a solennellement déclaré, notamment devant
la Cour au cours des audiences relatives à la demande en indication de mesures
conservatoires, qu’il s’engageait à tout mettr e en Œuvre pour la tenue d’un procès de

M.Habré, il prenait un engagement public qui, dans la tradition des relations
internationales autant que dans celle de la jurisprudence de la Cour elle-même, devrait
suffire ou, à tout le moins, relativiser la dimension contentieuse du débat 90.»

13. Monsieurleprésident, Mesdames et Messieu rs de la Cour, la Belgique a effectivement

pris bonne note de la détermin ation du Sénégal à engager des poursuites contre M.Habré au

Sénégal. Elle a aussi, et surtout, activement participé aux efforts de la communauté internationale

pour collecter les fonds nécessaires à cette entreprise , et offert son assistance judiciaire à maintes

88CMS, par. 271 ; les italiques sont dans l’original.
89
Ibid., par. 165.
90Ibid., par. 251. - 36 -

reprises. Cependant, le fait que le Sénégal promet te de respecter ses obligations est une chose,

mais c’en est une autre qu’il les exécute. Le simp le engagement qu’il a pris de se conformer à ses

obligations internationales (s’il en était besoin) ne suffit certainem ent pas à garantir l’exécution de

41 l’obligation en cause. Pour reprendre une fois encore les termes employés à l’article 12 des articles

sur la responsabilité de l’Etat, tel n’est pas «ce qui est requis [du Sénégal] en vertu de [ses]

obligation[s]» aux termes de la c onvention contre la torture et du droit international général. Ce

qui est requis, ce sont des actions concrètes: mene r une enquête préliminaire en vue d’établir les

faits, et, sur cette base, soumettre l’affaire de M. Habré aux autorités sénégalaises compétentes pour

l’exercice de l’action pénale, ou, à défaut, extrader l’intéressé vers la Belgique.

14. Le prétendu «commencement d’exécution» par le Sénégal n’y change rien. Ce

commencement, quelle que soit l’importance qu’il revête aux yeux du Sénégal, ne correspond pas à

ce qui est réellement requis de celui-ci en vertu des obligations internationales qu’il a contractées et

auxquelles il doit se conformer. Certes, l’adoption de mesures législatives assez importantes visant

à pouvoir poursuivre HissèneHabré est conforme a ux obligations énoncées au paragraphe2) de

l’article5 de la convention contre la torture de 1984; il est cependant difficile de voir dans

l’adoption de ces mesures autre chose que le resp ect tardif d’une obligation que le Sénégal a

contractée lorsqu’il est devenu partie à la convention.

15. De surcroît, malgré l’engagement de poursu ivre M. Habré, il ne s’est rien passé. Aucun

acte d’instruction ou d’enquête n’a été effectué et l’affaire Habré n’a toujours pas été soumise aux

autorités sénégalaises compétentes pour l’exercice de l’action pénale 91. Les seules choses qui se

soient réellement produites, ce sont les déclarati ons faites par les plus hautes autorités sénégalaises

pour «se débarrasser» de l’affaire et même une tent ative d’expulsion de M. Habré vers le Tchad en

92
juillet 2011 . Dès lors, il est assez étonnant de voir le Sénégal se prévaloir autant du principe de

bonne foi dans son contre-mémoire 93.

16. En tout état de cause, le Sénégal semble perdre de vue un point essentiel, à savoir que la

responsabilité de l’Etat n’est pas conditionnée par la volonté ou l’intenti on d’un Etat, même si

91CMS, vol. II, annexe 2 (par. 18 de l’arrêt). Voir aussi par. 100 et 175.
92
Voir CR 2012/2, 12 mars 2012 (Dive).
93CMS, par. 165, 197 et 249-258. - 37 -

celui-ci les a déclarées publiquement ou solennellement. La simple intention ou promesse de

respecter une obligation n’exclut pas la possibilité d’un manquement. Il est vrai que, comme le

Sénégal l’a reconnu lui-même, si «un Etat exprime ou promet une conduite déterminée [il] crée une

42 attente qu’il s’agit toujours de respecter 94». Cela ne signifie cependant pas ―et ne saurait

signifier ― que cette attente est toujours satisfaite. Dans les affaires des Essais nucléaires, sur

lesquelles s’appuie abondamment le Sénégal, c’est précisément cela que la C our avait à l’esprit.

Elle a certes indiqué qu’une fois qu’elle «a cons taté qu’un Etat a pris un engagement quant à son

comportement futur, il n’entre pas dans sa fonction d’envisager que cet Etat ne le respecte pas»

(Essais nucléaires (Australie c.France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p. 272, par. 60 ; Essais

nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recuei
l 1974, p. 477, par. 63).

Cependant, la Cour n’a pas exclu la possibilité d’un recours de la Nouv elle-Zélande et de

l’Australie, au cas où la France ne respecterait pas son engagement de ne plus effectuer d’essais

atmosphériques. Elle a ainsi fait observer que, «si le fondement du présent arrêt était remis en

cause [c’est-à-dire si la France ne respectait pas ses engagements], le requérant pourrait demander

un examen de la situation conforméme nt aux dispositions du Statut…» ( Essais nucléaires

(Australie c.rance), arrêt, C.I.J. Recueil 1974 , p.72, par.; Essais nucléaires

(Nouvelle-Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 477, par. 63).

17. A ce jour, le Sénégal n’a respecté ni ses ob ligations internationales ni ses engagements.

Rien n’a été fait. Et rien ne saurait exonérer le Sénégal de sa responsabilité à cet égard, ni excuser,

d’une quelconque manière, son inaction.

B. Les difficultés financières et juridiques auxquelles fait face le Sénégal
ne sauraient exclure l’illicéité de ses manquements

18. J’en arrive ainsi, Monsieur le président , à la seconde partie de mon exposé. Comme je

l’ai déjà dit, le Sénégal ne saurait être exoné ré de ses obligations, et donc de sa responsabilité

internationale, par des difficultés financières ou juridiques.

94
CMS, par. 257. - 38 -

1. La question des difficultés financières

19. Vous vous souviendrez que le Sénégal a toujours fait valoir qu’il n’était pas en mesure de

supporter seul les conséquences financières d’un procès organisé sur son territoire. Voici d’ailleurs

ce que le coagent du Sénégal a affirmé en 2009 deva nt la Cour : «Le seul obstacle … à l’ouverture

du procès de M.HissèneHabré au Sénégal est d’ordre financier. Le Sénégal a accepté de juger

43 M. Habré non sans dire devant l’Union africaine, dès le départ, qu’il ne pouvait pas, à lui tout seul,
95
supporter le coût du procès.»

20. Il n’est pas nécessaire d’examiner en détail le bien-fondé de cet argument. En effet, le

Sénégal lui-même a admis qu’il «ne saurait se prévaloir d’une quelconque exception tirée d’un

manque de moyens financiers pour ne pas mettre en Œuvre ses obligations» et qu’il «n’a[vait] pas

96
envisagé une telle possibilité» . Dans son contre-mémoire, il a de nouveau affirmé qu’il n’avait

jamais eu l’intention d’invoquer ses difficultés fina ncières comme circonstance excluant l’illicéité

97
de ses omissions . Et pour cause, Monsieur le président , puisque des difficultés financières ne

sauraient justifier l’acte illicite du Sénégal. E lles ne constituent pas des circonstances excluant

l’illicéité au sens du chapitreV de la première pa rtie des articles sur la responsabilité de l’Etat,

étant donné qu’elles ne satisfont pas aux condition s permettant d’établir le consentement, la

légitime défense, les contre-mesures, la force majeure, la détresse ou l’état de nécessité.

21. Le Sénégal a toutefois indiqué que l’or ganisation du procès de M.HissèneHabré était,

d’une certaine manière, exceptionnelle et exiger ait effectivement la mobilisation de moyens

financiers et logistiques importants. Ce point n’ a jamais été contesté par la Belgique et celle-ci a

conscience des conséquences d’une telle entreprise. Ce que la Belgique ne peut en revanche

accepter, c’est que le Sénégal n’a pris aucune mesure en l’affaire Habré depuis2006 au motif,

avant tout, qu’il voulait être sûr de pouvoir di sposer de l’intégralité des fonds nécessaires à

l’organisation d’un procès. Il est même allé ju squ’à dire que, s’il devait exécuter ses obligations

internationales, il lui fallait nécessairement disposer par avance de l’intégralité du budget.

22. Monsieur le président, permettez-moi de faire quelques brèves observations au sujet de

cet argument. Premièrement, le fait de ne pas disposer des moyens financiers nécessaires ne saurait

95CR 2009/9, 6 avril 2009, p. 29, par. 47 (Kandji).
96
MB, vol. II, annexe D.9, p. 6.
97CMS, par. 227. - 39 -

excuser l’inexécution par un Etat de ses obligations internationales, ni même justifier que cette

exécution soit retardée, surtout lorsque le retard est très important, comme c’est le cas en l’espèce.

Ainsi que le tribunal arbitral l’a précisé dans l’affaire du Rainbow Warrior, «une circonstance

rendant plus difficile ou encombrante l’exécution d’une obligation ne constitue pas un cas de force

44 majeure» 98. La sentence rendue dans l’affaire de l’Indemnité russe 99 allait dans le même sens. Le

simple fait que l’exécution de l’obligation de pour suivre aurait été plus difficile en l’absence de

toute aide financière ne saurait justifier le ma nquement à l’obligation de poursuivre ou, à défaut,

d’extrader. D’ailleurs, compte tenu des obligations que lui impose la convention contre la torture

et le droit international général, le Sénégal av ait certainement tout à fait conscience qu’il pourrait

être amené à exercer son pouvoir de juridiction sur des actes de torture, ains i que sur des crimes de

guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide commis en dehors de son territoire,

et, partant, des conséquences financières qui en résulteraient.

23. En outre, Monsieur le président, Mesdam es et Messieurs de la Cour, la raison pour

laquelle le Sénégal, s’il n’était pas en mesure de juger M.HissèneHabré pour des raisons

financières, a, semble-t-il, choisi précisément cette solution demeure un mystère. Depuis qu’il a

reçu la demande d’extraditi on de la Belgique en2005 ⎯c’est-à-dire il y a presque septans ⎯, il

aurait en effet fort bien pu s’acquitter de ses obligations internationales en extradant

M. Hissène Habré vers ce pays. Le Sénégal ne peut p as avoir le beurre et l’argent du beurre. Soit

il est en mesure d’exécuter son obligation de poursuivre ⎯ ce qui, à l’en croire, n’est pas le cas ⎯

soit il doit extrader M. Habré. Il est à tout le moins illogique que le Sénégal ait, en connaissance de

cause, opté pour la solution que, selon ses dires, il ne pouvait mettre en Œuvre dans un délai

raisonnable pour des raisons financières.

24. De surcroît, l’«excuse» de l’insuffisan ce des moyens financiers ne peut expliquer

pourquoi le Sénégal ne s’est pas acquitté de s on obligation de procéder à une enquête en vue

d’établir les faits. Il n’a même fait aucun effo rt pour prendre connaissance des nombreux éléments

de preuve que le juge d’instruction belge avait réunis, et ce, malgré l’offre de la Belgique de payer

98
Sentence arbitrale du 30 avril 1990 (Nouvelle-Zélande c. France), RGDIP, t.XCIV, 1990, p. 853, par. 77.
99Affaire de l’ Indemnité russe (Russie, Turquie) , sentence arbitrale duovembre 1912, Nations Unies,
Recueil des sentences arbitrales, vol. XI, p. 421-447. - 40 -

les frais engendrés par l’entraide judiciaire. La Belgique ne conteste pas que même ces enquêtes

préliminaires nécessiteraient effectivement des efforts pécunaires. La question des besoins

financiers pouvait néanmoins être réglée une fois les poursuites engagées. A cet égard, le Comité

contre la torture, dont la mission en vertu de l’ar ticle 22 de la convention de 1984 s’est déroulée au

Sénégal en août 2009, a souligné ceci :

«La mission a constaté qu’au moins du poi nt de vue de l’appareil judiciaire
[c’est-à-dire des autorités judiciaires sénéga laises] plus rien ne faisait obstacle au

procès et elle était convaincue que les ques tions financières pourraient être réglées au
fur et à mesure du procès. Toutefois, l’appareil exécutif était résolument d’avis que la
question financière devait être réglée avant de donner des instructions en vue de
45 100
l’inculpation de M. Habré.»

Autrement dit, en2009, c’est-à-dire il y a deuxan s et demi, les autorités judiciaires sénégalaises

estimaient qu’elles pouvaient effectivement entamer les poursuites. Or, il ne s’est rien passé.

25. Enfin, Monsieur le président, si la questi on des moyens financiers était le seul obstacle à

l’exécution par le Sénégal de son ob ligation de poursuivre, alors il a été levé au plus tard en 2010.

En effet, comme l’a indiqué le Sénégal dans son contre-mémoire, le financement intégral du budget

nécessaire à l’organisation du procès de M.Hissèn eHabré au Sénégal a été apporté pendant la

101
table ronde des donateurs qui s’est tenue à Dakar le 24 novembre 2010 , et M. David a abordé ce

point hier. Toutefois, même fort de ces garanties financières, le Sénégal ne s’est pas senti tenu de

prendre des mesures pour s’acquitter de ses obligations internationales et respecter ses

engagements solennels. Rien n’a été fait.

26. En conclusion, les difficultés financières ne sauraient justifier que le Sénégal ait, à ce

jour, manqué à ses obligations internationales. Il n’a pas exécuté son obligation de poursuivre et

continue de ne pas se conformer auxdites obliga tions. Sa responsabilité internationale est donc

engagée à raison de ses omissions.

2. La question des difficultés d’ordre juridique

27. Quant aux difficultés d’ordre juridique que le Sénégal aurait rencontrées dans l’exécution

des obligations qui lui incombent aux termes de la convention contre la torture et du droit

100 o
NationsUnies, Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-si xièmesession, Supplément 44,
doc. A/66/44, p. 197.
101CMS, par. 81. - 41 -

international général, elles n’excusent pas non plus les faits intern ationalement illicites qui lui sont

attribuables et constituent encore moins une circonstance excluant l’illicéité desdits faits.

28. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’incapacité de juger M.Habré dans

laquelle le Sénégal se serait trouvé en raison des lacunes de son droit interne. Le fait qu’un Etat ne

saurait invoquer son droit interne pour se soustrai re à sa responsabilité internationale est un

principe fondamental du droit de la responsabilité des Etats 102, tel que reflété par les articles 3 et 32

du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat. Comme le précise la Commission du droit

international dans son commentaire relatif à l’article 3,

«[l]e fait d’un Etat doit être qualifié d’ internationalement illicite dès lors qu’il

constitue une violation d’une obligation inte rnationale, même au cas où ledit fait ne
46 contreviendrait pas au droit interne de cet Et at — et même au cas où, d’après [le droit
103
et] ce droit [le droit interne], l’Etat se trouverait en réalité tenu à ce comportement» .

Le Comité contre la torture a pour sa part expressément reconnu, dans une décision qui est

o
reproduite sous l’onglet n 10 de notre dossier de plaidoiries, que «l’Etat partie [en l’occurrence le

Sénégal] ne p[ouvait] invoquer la complexité de sa procédure judiciaire ou d’autres raisons

dérivées de son droit interne pour justifier le manque de respect à ses obligations en vertu de la

Convention» 104. De plus, comme l’a expliqué M.Wood tout à l’heure, le Sénégal est lui-même

responsable de cette situation ⎯à savoir les lacunes de son droit interne ⎯ car il a, ce qui est

105
illicite, omis d’exécuter en temps utile le paragraphe 2 de l’article 5 de la convention de 1984 .

29. Dans son contre-mémoire, le Sénégal semble également tr ouver dans la décision de la

Cour de justice de la CEDEAO une justification à l’inobservation de ses obligations

internationales. Voici ce qu’il écrit :

«La décision rendue le 18 novembre 2010 par la Cour de justice de la CEDEAO
a introduit une donnée nouvelle et extérieure à la procédure pendante devant la Cour

qui [a] pour finalité d’entraver la mise en Œuvre adéquate de la volonté encore
particulièrement ferme du Sé négal de juger. Elle crée proprement un conflit entre

102
MB, par. 5.03-5.05.
103Annuaire de la CDI, 2001, vol. II, deuxième partie, p. 36, par. 1 du commentaire.

104Suleymane Guengueng et consorts c. Sénégal, communication n o181/2001, décision du 17mai2006,
Nations Unies, doc. CAT/C/36/D/181/2001, par.9.8, Documents officiels de l’Assemblée générale, soixante-et-unième
session, Supplément n 44 (A/61/44), p. 172 (MB, vol. II, annexe E.2).

105Voir également MB, par. 5.06. - 42 -

deux obligations internationales que la Cour pourrait constater et apprécier dans sa
106
portée.»

30. Là encore, on ne peut cependant que ré pondre que, quand bien même la décision de la

Cour de justice de la CEDEAO aurait rendu plus difficile, voire impossible ⎯ce qui, soit dit en

passant, n’est pas le cas ⎯ l’exécution de l’obligation de poursuivre, le Sénégal ne saurait opposer

ce fait à la Belgique. En ce qui concerne cette dernière, l’arrêt rendu par cette juridiction en

novembre 2010 est res inter alios acta ; il ne crée aucune obligation à sa charge et ne saurait être

invoqué à son encontre. Mais, plus important encore, la situation créée par cette décision résulte

des omissions du Sénégal lui-même au regard de la convention contre la torture de 1984. S’il avait

exécuté en temps utile le paragraphe2 de l’article5 de cet instrument, il n’aurait en effet pas été

confronté à la question de l’application rétroactive du droit pénal. En outre, il convient de rappeler

que c’est le Sénégal lui-même qui a refusé de poursuivre sa collaboration av ec l’Union africaine en

47 vue de trouver une solution acceptable lorsqu’il a mis fin, en mai2011, aux discussions visant à

établir un tribunal international ad hoc. A cet égard, le Sénégal soutient de nouveau qu’il y aura

pour lui ⎯et je cite le contre-mémoire ⎯«une difficulté de taille…[à] respecter son obligation

de juger, par lui même et par ses propres tribunaux, M. Hissène Habré [si le procès doit avoir lieu

dans] le Tribunal pénal international ad hoc dont la mise en place a été préconisée» 107. Ainsi, une

fois encore, le Sénégal refuse de s’acquitter de ses obligations internationales, au simple motif que

cela est difficile pour des raisons liées au droit interne. Pareil argument n’est pas recevable.

31. En tout état de cause, l’arrêt de la C our de justice de la CEDEAO ne constitue pas un

obstacle à l’exécution, par le Sénégal, de ses obligations. Le Sénégal a en effet toujours la

possibilité d’extrader M. Hissène Habré vers la Belgique.

32. Monsieur le président, en résumé, le Séné gal a engagé sa responsabilité internationale en

n’exécutant pas les obligations internationales qui lui incombent aux termes de la convention

contre la torture et d’autres règles de droit in ternational pertinentes. Sa volonté affichée de

respecter ses obligations ne saurait se substituer au respect effectif de celles-ci, pas plus qu’un

quelconque «commencement d’exécution» ne saurait exclure l’existence d’un manquement

106
CMS, par. 241.
107
CMS, par. 93. - 43 -

auxdites obligations. Quant aux difficultés d’ordre financier et juridique du Sénégal, elles ne

constituent pas des circonstances excluant l’illicéité de ses omissions.

33. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, je vous remercie de votre

attention. Monsieur le président , puis-je vous prier d’appeler mainte nant à la barre l’agent de la

Belgique, M. Paul Rietjens ?

Le PRESIDENT: Merci, MonsieurMüller. Je passe la parole à l’agent du Royaume de

Belgique, M. Paul Rietjens. Vous avez la parole, Monsieur.

RMIE. JENS:

9.T HE CONTENT OF S ENEGAL ’S INTERNATIONAL RESPONSIBILITY :
B ELGIUM S CLAIMS

1. Mr.President, Members of the Court, coun sel for Belgium have shown that Senegal has

incurred international responsibility by violating the Convention against Torture and other rules of

48 international law. The question that remains unresolved ⎯ and to which I shall attempt to furnish a

reply in this final oral pleading of Belgium’s first round⎯ is the following: what consequences

flowing from Senegal’s responsibility justify the claims made by Belgium in this case?

2. In its Memorial, Belgium explained the obligations deriving from Senegal’s international

108
responsibility . In its Counter-Memorial, Senegal did not deem it necessary to respond. Indeed,

Senegal simply denies having committed an internat ionally wrongful act which would engage its

international responsibility. This is reflected in its submissions. Thus, Senegal requests the Court

to adjudge and declare that:

“Senegal has not breached any of the provisions of the 1984Convention against
Torture, in particular those prescribing the ob ligation to ‘extradite or try’ (Article6,
paragraph 2, and Article 7, paragraph1, of the Convention), or, more generally, any
109
rule of customary international law” .

3. I should like also to emphasize, Mr. President, that Senegal’s submissions Nos. 3 and 4 do

not constitute “submissions” as such. In Belgiu m’s opinion, and to borrow the language of your

Court’s Judgment in the Fisheries case, they “appear to be a set of propositions which, in the form

108
MB, paras. 5.19-5.27.
10CMS, p. 77 (submission No. 2). - 44 -

of definitions, principles or rules, purport to ju stify certain contentions and do not constitute a

precise and direct statement of a claim” ( Fisheries (United Kingdom v. Norway), Judgment,

I.C.J. Reports 1951, p. 126). In other words, these are not arguments which could be examined by

the Court on their merits in the substantive part of its future judgment. In Belgium’s opinion, these

arguments, and the conclusion that Senegal appears to wish to draw from them, are erroneous in

fact and in law.

4. In its Memorial, Belgium put forward two sorts of submissions. It requested the Court, on

the one hand, to find violations of international law committed by Senegal and, on the other hand,

to declare that Senegal is required to cease these violations by promptly, that is, immediately,

submitting the HissèneHabré case file to its competent authorities for prosecution, or by

extraditing him without further delay to Belgium. Permit me, Mr. President, to go back over each

of the submissions in turn.

49 5. First of all, Belgium thus requests the Court, for the reasons that have been set forth this

morning, to find that Senegal has violated its inte rnational obligations. The Court is well qualified

to determine the lawfulness of Senegal’s conduct and to draw the necessary conclusions. It has,

moreover, expressly recognized, in the Judgment given in the Corfu Channel case, that “to ensure

respect for international law, of which it is the organ, [it] must declare that [the action of the British

Navy] constituted a violation of Albanian sovereignty” ( Corfu Channel (United Kingdom v.

Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 35), that is, a violation of international law.

6. Quite recently again, the Court recalled that this type of declaration forms part of its

110
judicial function . Such a judgment, even if it is purely declaratory, is intended “to ensure

recognition of a situation at law, once and for all an d with binding force as between the Parties; so

that the legal position thus established cannot again be called in question in so far as the legal

effects ensuing therefrom are concerned” ( Interpretation of Judgments Nos.7 and 8 (Factory at

Chorzów), Judgment No.11, 1927, P.C.I.J., SeriesA, No.13 , p.20). For this reason, any future

judgment of the Court will have “some practical consequence in the sense that it [may] affect

existing legal rights or obligations of the parties, thus removing uncertainty from their legal

110
Application of the Interim Accord of 13 September 1995 (the former Yugoslav Republic of Macedoniv.
Greece), Judgment of 5December 2011, para.59 and Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy; Greece
intervening), Judgment of 3 February 2012, para. 134. - 45 -

relations” ( Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom), Preliminary Objections,

Judgment, I.C.J. Reports 1963, p. 34).

7. In addition, a declaration by the Court recognizing Senegal’s violations of its international

obligations would have the effect not only of rem oving any uncertainty with regard to the content

and conditions of implementation of, on the one hand, the obligation aut dedere aut judicare under

the Convention against Torture and, on the other hand, obligations deriving from other pertinent

rules of international law. As Belgium indicated in its Memorial, such a declaration would also

111
contribute to the reparation owed by Senegal to Belgium in its capacity as the injured State . As

the responsible State, Senegal is under an obligation to “make full reparation for the injury caused

50 by the internationally wrongful act 112”. Without interfering with the rights of the victims of

Hissène Habré to obtain reparation for the injury caused by the prolonged and continued violations,

by Senegal, of its obligations, Belgium consider s that a declaration by the Court concerning the

wrongfulness of the acts and omissions of Senegal would constitute appropriate satisfaction, in

accordance with the relevant jurisprudence 113 and Article37, paragraph2, of the Articles on

Responsibility of States 114.

8. Belgium is of the view, however, that a finding of the wrongfulness of the acts and, in

particular, the omissions of Senegal, is not enough in the present circumstances. This is the case in

particular in view of the fact that Senegal is still violating its interna tional obligations and will

continue to do so as long as it has not taken the necessary measures. In fact, according to

Article 30 (a) of the Articles on Responsibility of States, Senegal is obliged to cease the wrongful

111
MB, para. 5.27.
11Article31, paragraph1, of the Articles on Responsib ility of States for Internationally Wrongful ActILC
Yearbook, 2001, Vol.II, PartTwo, p.91. See also United Natio ns, General Assembly, resolu tion 56/83, 12 Dec. 2001,

Ann.
11Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 35. See also LaGrand
(Germany v. United States of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 508, para. 116; Land and Maritime Boundary

between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria; Equatorial Guinea intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002,
p. 452, para. 319; Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2007 , p.234, para.463; Certain
Questions of Mutual Assistanc e in Criminal Matters (Djibouti v. France), Judgment, I.C.J. Reports 2008 , p.245,
para. 204; Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment of 20 April 2010, para. 269; Application
of the Interim Accord of 13September1995 (the former Yugoslav Republic of Macedonia v. Greece), Judgment of
5 December 2011, para. 169.

11Op. cit., p. 105. - 46 -

act immediately 115. Thus, the International Law Commission emphasizes in its commentary to

Article30 that: “Cessation of conduct in breach of an international obligation is the first

requirement in eliminating the consequences of wrongful conduct.” 116 And the Commission adds:

“The function of cessation is to put an end to a violation of international law

and to safeguard the continuing validity an d effectiveness of the underlying primary
rule. The responsible State’s obligation of cessation thus protects both the interests of
the injured State or States and the interests of the international community as a whole
117
in the preservation of, and reliance on, the rule of law.”

9. In its Judgment in the case concerning the Dispute regarding Navigational and Related

Rights (Costa Rica v. Nicaragua), the Court, for its part, noted that:

51 “[W]hen the Court has found that the conduct of a State is of a wrongful nature,
and in the event that this conduct persists on the date of the judgment, the State

concerned is obliged to cease it immediat ely. This obligation to cease wrongful
conduct derives both from the general obligation of each State to conduct itself in
accordance with international law and from the specific obligation upon States parties

to disputes before the Court to comply with its judgments, pursuant to Article 59 of its
Statute.” ( Dispute regarding Navigational and Related Rights (CostaRica v.
Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 267, para. 148.)

In the Judgment delivered last February in the case between Germany and Italy, the Court recalled

this obligation, which is incumbent on the responsible State, to cease the violations of international

118
law .

10. Accordingly, since Senegal continues to vi olate its international obligations, as we have

shown this morning and in our Memorial, it must most certainly put an end to this state of affairs

immediately.

11. Belgium is, of course, familiar with the Court’s case law concerning the Belgian request

that it order Senegal, on the one hand, to cease its internationally wrongful act and, on the other

hand, to discharge its international obl igations. Indeed, Belgium acknowledges ⎯ and I would

refer here to your Judgment in the case between Costa Rica and Nicaragua ⎯ that

“[i]t is not necessary, and it serves no useful purpose as a general rule, for the Court to
recall the existence of this obligation in the operative paragraphs of the judgments it

renders: the obligation incumbent on the State concerned to cease such conduct
derives by operation of law from the very fact that the Court establishes the existence

11Op. cit., p. 88.
116
Op. cit., p. 89, para. (4) of the commentary.
117
Op. cit., p. 89, para. (5) of the commentary.
11Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy; Greece intervening) , Judgment of 3February 2012,
para. 137. - 47 -

of a violation of a continuing character”( Dispute regarding Navigational and Related

Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009, p. 267, para. 148).

That being so, “[t]he Court may consider it approp riate, in special circumstances, to mention that

obligation expressly in the operative part of its judgment” (ibid. ). And so it did in its Judgment of

119
3 February 2012, in the case between Germany and Italy .

12. Belgium is of the opinion that such special circumstances exist in the present case, and

that the Court should state explicitly, in the operative part of its judgment, that Senegal is required

to take one of the measures requested by Belgium without any further delay. While it is true that

52 one can hardly ignore Senegal’s assurances and guarant ees to this Court, the African Union or the

Committee against Torture concerning the perform ance of its international obligations, it

nevertheless has to be noted that these assuranc es and guarantees have unf ortunately yielded no

concrete results up to now. On the contrary, the Senegalese authorities, on numerous occasions,

have called these commitments into question, as was shown yesterday by the Co-Agent of the

Belgian Government, Mr.Dive. This is un acceptable and raises serious doubts about the

willingness and intention of Senegal to fulfil its obligations at some point in time. In this

connection, the present case differs from that of the Dispute regarding Navigational and Related

120
Rights between Costa Rica and Nicaragua, or the decision taken recently in the case concerning

Application of the Interim Accord of 13 September 1995 121.

13. Consequently, Belgium is regrettably obliged to emphasize that a finding by the Court of

the wrongfulness of Senegal’s action could not by itself suffice to make reparation for the injury

sustained. The Court should therefore additiona lly take appropriate measures to ensure that

Senegal will genuinely comply with its international obligations. To that end, Belgium requests the

Court to order Senegal either to submit without further delay, that is, immediately, the

Hissène Habré case file to its competent authoriti es for prosecution, or to extradite Hissène Habré

forthwith to Belgium. Belgium is justified in requesting this action; the international community is

entitled to it; and the victims are awaiting it impatiently!

11Jurisdictional Immunities of the State (Germany v. Italy); Greece intervening), Judgment of 3 February 2012,
para. 139 (4).
120
I.C.J. Reports 2009, p. 267, para. 150.
12Judgment of 5 December 2011, para. 168. - 48 -

14. Mr.President, Members of the Court, this presentation concludes the first round of

Belgium’s oral argument. Thank you for your kind attention.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Rietjens. The Court will meet on Thursday 15 March at

10 a.m. to hear the first round of oral argument of the Republic of Senegal. The sitting is closed.

The Court rose at 12.35 p.m.

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