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CR 2011/21 (traduction)

CR 2011/21 (translation)

Vendredi 16 septembre 2011 à 14 h 30

Friday 16 September 2011 at 2.30 p.m. - 2 -

10 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre le second tour de plaidoiries de l’Italie ainsi que ses observations sur

l’objet de l’intervention de la Grèce.

Je donne donc à présent la parole à l’agent de l’Italie. M.GiacomoAiello, vous avez la

parole.

M. AIELLO :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, la procédure qui

s’est déroulée en l’espèce a confir mé l’esprit de coopération sincèr e et d’engagement mutuel qui

lient l’Italie et l’Allemagne.

2. Il n’est pas douteux que l’Italie et l’Allemagne partagent un profond respect pour la

dimension humaine des événements tragiques qui ont donné naissance aux réclamations sur

lesquelles la Cour de cassation italienne a dû statuer. Le Gouvernement italien partage aussi

l’objectif consistant à préserver le principe de l’immunité de l’Etat, même si nous nous sommes

efforcés d’expliquer, dans nos écritures et lors de nos plaidoiries, pour quelles raisons, à la lumière

des circonstances exceptionnelles de la présente espè ce, il existe un principe supérieur, une norme

du jus cogens, qui justifie que l’on écarte le traditionnel privilège de l’immunité.

3. Dans le même temps, le Gouvernement italien reconnaît que l’A llemagne s’est reconnue

pleinement responsable des événements terribles qui se sont produits penda nt la deuxième guerre

mondiale, et a pris depuis lors des mesures si gnificatives pour racheter les actes illicites commis

par le défunt régime nazi et en indemniser les victimes.

4. Ces efforts sont dignes d’éloges et constituent pour les nations un modèle de

comportement. Pourtant, ce tableau généralement positif ne doit pas occulter le fait que, pour

certaines victimes des crimes nazis, justice n’a pas été faite. La présente affaire démontre que le

traité de paix de 1947 et les accords subséquents conclus à Bonn en 1961 n’ont pas suffi à remédier

à la situation tragique de toutes les victimes, y comp ris, en particulier, les civils sans armes qui ont

subi des souffrances indicibles et les anciens intern és militaires italiens, réduits en esclavage. Les

uns et les autres ont été victimes des violations les plus graves de règles impératives. - 3 -

5. Le Gouvernement italien réaffirme une nouvelle fois, comme il l’a fait dans son

introduction, que les accords internationaux deme urent l’instrument optimal pour régler des

problèmes tels que ceux qui sont en cause en l’espèce, même si, jusqu’ici, s’agissant de la présente

affaire, aucune solution n’est sortie des négociations bilatérales.

11 6. Dans ses conclusions, l’Allemagne a demandé à la Cour de déclarer que certaines

décisions prises par la Cour de cassation italienne étaient contraires aux obligations de l’Italie au

regard du droit international et devaient en conséquence être privées d’effet.

7. Comme mes collègues l’expliqueront, les décisions prises par les tribunaux italiens n’ont

pas violé le droit international. Cette conclusi on découle d’un raisonnement qui est à l’opposé des

conceptions formalistes et rétrogrades défendues par l’Allemagne en l’espèce. Le Gouvernement

italien a quant à lui prôné, s’agissant des normes cl assiques, une approche qui est plus équilibrée

mais qui évite dans le même temps de porter attein te à l’effet utile de principes fondamentaux, en

particulier ceux d’une importance si primordiale que les conceptions contemporaines du droit les

qualifient de normes du jus cogens : des règles qui sont universellement obligatoires et

intransgressibles. L’obligation de réparer en cas de violation est un corollaire essentiel de ces

règles, et elle contribue à assurer leur mise en Œuvre effective.

8. L’agent de l’Allemagne a fait valoir, et je le cite, que «tous les plaignants avaient la

possibilité de présenter leurs réclamations devant les tribunaux allemands et, en dernier ressort,

devant la Cour européenne des droits de l’homme». Toutefois, en réalité, tous les Italiens ayant

intenté des actions devant les tribunaux allemands ont été systématiquement déboutés. Ils l’ont été

soit au motif qu’en vertu de l’article 5 de la convention de Londres, les procédures engagées sur les

demandes d’indemnisation devaient être suspendues, soit sur la base de l’article7 de la loi du

25 mai 1910 ⎯selon lequel la responsabilité de l’Etat pour les dommages causés à des tiers ne

peut être engagée que lorsque des accords intern ationaux prévoient expressément la réciprocité,

soit, finalement, parce qu’il y avait prescription.

9. M.Dupuy vous parlera de l’affaire Ferrini plus en détail. Je peux néanmoins déjà faire

observer à ce stade que M.Ferrini ⎯avant d’engager une action devant les tribunaux italiens

en 1988 ⎯ avait déjà demandé à être indemnisé en Allemagne pour avoir été détenu au camp de

travail de Kala près de Buchenwald. Mais ce tte demande d’indemnisation a été rejetée le - 4 -

er
1 avril 1998 par le Versurgungsamt. Compte tenu de la futilité des efforts déployés par M. Ferrini

pour qu’il lui soit rendu justice à raison des crimes dont il avait été victime, on peut légitimement

douter que les victimes de guerre avaient un accès adéquat à des remèdes effectifs en vertu du droit

allemand, même pour quelqu’un qui, comme M.Fe rrini, n’a pas été dissu adé, comme d’autres

auraient pu l’être, par ce qu’il en coûte financièrement de former un recours dans un pays étranger.

12 10. L’histoire de M.Ferrini n’est guère différente de celle que conte Kafka dans «Le

procès», lorsque justice et raison demeurent insaisissables et illusoir es. Les faits de la présente

affaire donnent à penser qu’aussi nobles leur s objectifs soient-ils, les institutions créées à

l’initiative de l’Allemagne pour indemniser les vi ctimes des crimes de guerre nazies n’ont pas été

en mesure de les réaliser. Dans ces conditions, M.Ferrini et les autres victimes italiennes de

crimes de guerre n’avaient guère d’autre choix que de se tourner vers les tribunaux italiens.

11. La Cour de cassation italienne n’a pas éludé l’affaire en se réfugiant dans le formalisme

et l’indifférence, et il faut mettre cela à son créd it. En agissant de manière à éviter ce qui, dans le

cadre de la présente procédure, a été à juste titr e qualifié de «déni de justice», la juridiction

italienne a décidé de prendre au sérieux la notion de normes impératives. Nous considérons

respectueusement que la Cour ⎯qui est à l’évidence une cour de Justice ⎯ devrait de même

permettre au droit de se développe r dans des domaines aussi cruciaux que celui-ci, dans lequel le

jus cogens joue un rôle central. Il ne s’agit pas d’ abandonner des principes qui nous sont chers,

mais de reconnaître que certains principes ⎯y compris des principes reposant sur des

considérations de politique ⎯ doivent céder le pas à d’autres, plus impératifs, lorsque des

circonstances graves l’exigent.

12. Avec la permission de la Cour, je vais e xpliquer comment les interventions de l’Italie

vont se succéder aujourd’hui. Premièrement, M. Luigi Condorelli exposera les principaux aspects

de la présente affaire, mettant en lumière tant les points sur lesquels les Parties sont d’accord que

ceux sur lesquels elles demeurent en désaccord. M.Salvatore Zappalà se penchera ensuite sur la

question des réparations. M.Pa oloPalchetti examinera l’affaire Distomo ainsi que l’«exception

délictuelle» à l’immunité de l’Etat. Après M. Palchetti, M.Condorelli interviendra de nouveau,

cette fois pour se pencher sur le droit d es individus de demander des réparations.

M.Pierre-MarieDupuy commentera ensuite cer tains aspects du conflit qui s’est fait jour en - 5 -

l’espèce entre le jus cogens et l’immunité de l’Etat. Enfin, je reprendrai la parole pour présenter à

la Cour les conclusions officielles de l’Italie.

Monsieur le président, je vous prierais main tenant de bien vouloir donner la parole à

M. Condorelli.

Le PRESIDENT: Je remercie M. l’ambassadeur Giacomo Aiello de sa présentation

introductive. Je donne maintenant la parole à M. Luigi Condorelli.

13 CMOr. DORELLI:

O BSERVATIONS ON THE POINTS OF AGREEMENT AND DISAGREEMENT
BETWEEN THE PARTIES

1. Mr. President, Members of the Court, following the introductory remarks of the Agent of

Italy, permit me to take the floor briefly for the first time in this second round of pleadings. The

main aim of my first statement is to put beforeyou some considerations which, I sincerely hope,

you will find helpful, since they reflect the ambition to help your Court define the matters on which

a genuine opposition of views continues to exist between the Parties to this dispute. There are

other matters which appear now to be no longer germane, so to speak, as the discussions on them

have uncovered no real divergence of views, except perhaps solely from the standpoint of principle.

2. That is the case, I think, for the question whether your Court shou⎯ as the Applicant

had claimed in its written pleadings ⎯ embark on what I would call a sort of legal archaeological

expedition to identify the applicable principles of customary international law for the purpose of

deciding whether or not Italy has in recent times violated its international obligations towards

Germany through the decisions of the Corte di Cassazione and other Italian courts which, starting

with the Ferrini judgment of 2004, have refused to grant Germany immunity from jurisdiction in

civil suits based on breaches of international humanitarian law committed by the German Reich

during the Second World War. As you will ha ve noted, the Applicant no longer insists

(understandably!) on the highly debatable idea that the applicable law for assessing the legality or

illegality of conduct attributable to Italy dating from the 2000s is the international law of the 1940s.

3. Mr. President, there is another more important topic concerning which an objection clearly

based solely on principle is now expressed, but which reflects no real divergence. This is the - 6 -

question whether or not it is correct to claim, as we do on our side of the Bar, that your jurisdiction

on the merits of this dispute requires you incidentally to address the matter of reparation, that is to

say, whether or not Germany violated the obligation to offer reparation to the Italian victims of the

14 crimes perpetrated by the Nazi authorities. Othe rwise, how could you decide on the merits of the

central argument made by Italy, to the effect that it is precisely on account of those violations that

the Italian courts are justified in denying jurisdic tional immunity? It is true that the Applicant

insists that this matter “do[es] not fall within the subject-matter of the present dispute” (to quote the

phrase used yesterday by AmbassadorWasum-Rainer) 1. This matter ⎯ she said ⎯ would

therefore fall outside the jurisdiction of your Court, since it concerns facts that occurred before the

date of entry into force of the European Convent ion for the Peaceful Settlement of Disputes. This

argument, however, which was deemed decisive to your Court’s rejection of the admissibility of

the counter-claim submitted previously by Italy, has no relevance to the consideration of whether

or not the seriousness of the crimes committed by th e Third Reich and the pe rsistent violation of

the obligation of reparation for the victims have an y implications for the application in this case of

the principles of State immunity from jurisdiction: even more so since this case concerns the

continuous violation of an ob ligation, which remains unlawful to the present day. Is it not

surprising to hear the Agent of Germany assert agai n at this stage that the question of reparation

“do[es] not form part of the present proceedings”, whereas most of the discussions and the remarks

your Court has heard throughout this week of plea dings have been and continue to be focused on

this topic, and each of the counsel for the opposing Party has in particular made every effort to

demonstrate that no violation of the obligations in question was ever committed?

4. That being said, I think it worthwhile, Mr. Pr esident, to draw the Court’s attention to what

I would call the “dimensions” of the dispute before you, its real “magnitude” or, if you prefer, its

actual scope. How better to do this than by referring to the actual content of the requests set out in

the Application instituting proceedings filed by Germany and repeated without the slightest

modification since then, including in the last statemen t, yesterday, by the Agent of the Applicant.

What the Federal Republic of Germany asks of the Court is that it deal with the acts allegedly

1
CR 2011/20, p. 11, para. 4 (Wasum-Rainer). - 7 -

15 committed by Italy against Germany “by allowing civil claims based on violations of international

humanitarian law by the German Reich during World War II from September 1943 to May 1945”,

and “by declaring Greek judgments based on [similar] occurrences . . . enforceable in Italy”. And

again, what Germany subsequently requests is that the Court direct Italy to take any and all steps to

ensure that in the future Italian courts do not entertain legal actions ag ainst Germany founded yet

again on occurrences of the same type and from the same period.

5. Members of the Court, it is these precise requests, precisely dated and defined, which are

submitted to you by the Applicant. It is to these questions that it requests your response, not to

questions of a general nature relating to the in ternational system as a whole, to the present and

future fate of its principles. Of course, it is your sagacity and discretion which will dictate the

scope of the legal criteria and arguments that you will deploy in your Judgment. It is for you to

decide whether, in adjudicating the narrowly specified requests addressed to you by the Parties, you

will confine yourselves to responding to the very specifi c characteristics of this case, those that are

sub judice in this dispute, or whether you will take upon yourselves the responsibility for blazing a

trail, by means of the grounds of your future J udgment, in the approach to the overall operation of

the principles of international law relating to State immunity and their future evolution.

6. What seems clear to me ⎯ and I am sure that our debates have convinced you of this ⎯ is

that the dispute you are being asked to reso lve relates precisely to situations which ⎯ I repeat ⎯

have highly specific characteristics, making them more or less unique. I will not bore the Court by

going over these questions one by one again, particularly since our honourable colleagues and

friends on the other side of the Bar harshly condemn us by accusing us of constantly repeating the

same refrain. Leaving aside, therefore, the two last parts of that refrain (to which Italian counsel

will return in a few moments in order to respond to the criticisms levelled at us yesterday by

opposing counsel), I shall confine myself to emphasizing that the first two parts at least are not in

any way placed in doubt by the Applicants, quite th e contrary; and I must say that this is highly

16 appreciated by Italy. I am speaking of course, firstly, of the fact that the acts jure imperii of the

Nazi authorities placed at issue before the Italian courts are undoubtedly in all cases criminal acts,

characterizable as war crimes or crimes against humanity; and the second undisputed fact is that

Germany has never denied that it had to assume full international responsibility for the crimes in - 8 -

question. I therefore feel able to say that our German friends have raised no objection to the Court

taking these points to be established for the purpose of its deliberations.

7. One last remark, Mr. President, concerning what I just said about the very specific features

of the cases in which the Italian courts refused to recognize Germany’s immunity from jurisdiction.

With dazzling eloquence, our opponents have painted a truly apocalyptic picture of the devastating

effects which, in their view, your Judgment would have on the international system if, in a fit of

destructive folly, you decided to find in favour of Italy. They really frightened us: the fable

narrated by ProfessorKolb of the house which collapses because stones are removed from the

walls prompted me to gaze anxiously at the vaults and stained glass of this venerable Great Hall of

Justice2. I had great difficulty in imagining what tragic effects would flow from a decision by your

Court acknowledging that the Italian Corte di Cassazione did not violate international law by ruling

that Mr.Ferrini was entitled to reparation for the serious violations of humanitarian law to which

he had been subjected by the Third Reich.

8. If I may, Mr. President, I would ask you now to give the floor to Professor Zappalà.

Le PRESIDENT: Je remercie M. Condorelli de sa présentation. Je donne maintenant la

parole à M. Zappalà.

17 M. ZAPPALÀ :

L’ ABSENCE DE RÈGLEMENT APPROPRIÉ DES RÉPARATIONS DE CRIMES DE GUERRE
COMMIS PAR LE III R EICH CONTRE DES RESSORTISSANTS ITALIENS

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’Allemagne a formulé

plusieurs arguments hier. Toutefois, aucun de ces arguments n’est réellement convaincant. En

essayant de créer un état de désorientation à propos des conséquences de la présente affaire, nos

confrères allemands ont fini par être eux-mêmes désorientés. Au lieu de répondre à la substance

des arguments présentés par l’Italie, les conseils de l’Allemagne ont répondu à leur propre

interprétation erronée de ces arguments. Le rec ours à ce procédé rhétorique et sophistique bien

connu est révélateur, j’en ai bien peur, d’un manque de solides arguments juridiques.

2
CR 2011/17, p. 60, para. 21 (Kolb). - 9 -

2. M.Tomuschat a rappelé à juste titre que les avocats se devaient de faire des distinctions

3
appropriées . Toutefois, les arguments de l’Allemagne étaient un remarquable exemple de «la nuit

où toutes les vaches sont noires». Une grande confusion de thèmes et un chevauchement de

niveaux d’argumentation dominent la position de l’ Allemagne en ce second tour de plaidoiries.

C’est très simple, les conseils de l’Allemagne ont préféré s’attarder sur des visions catastrophiques,

en recourant sans cesse à des métaphores et à des scénarios dignes de contes de fées.

3. Je ne peux suivre nos confrères dans leur exercice théorique qui consiste à gloser les

plaidoiries et les écritures de l’Italie en l’espèce au moyen de subtilités rhétoriques et d’arguments

parfois dénués de toute pertinence au regard du di fférend qui nous intéresse. Je préfère essayer

d’assister la Cour, en consacrant le temps de parole qui m’est imparti à l’approfondissement des

arguments de l’Italie.

1. L’obligation prévue par le droit international de réparer les

violations graves du droit humanitaire

4. Mon analyse portera uniquement sur une qu estion précise. Il s’agit d’un point qui, au

cours des audiences de ces derniers jours, n’a pratiquement pas été contesté. Je veux parler, plus

particulièrement, du fait qu’il n’y a toujours pas, en tre l’Allemagne et l’Italie, de règlement des

réparations pour crimes de guerre (crimes de guerre et non dommages de guerre), à l’exclusion de

celles concernant les victimes de persécution.

18 5. A l’issue de quatre jours d’audiences, la Cour n’a entendu aucun argument convaincant

démontrant que l’Allemagne a raison d’estimer qu’elle n’est pas tenue d’accorder une réparation

appropriée aux victimes italiennes des violations massives du droit international humanitaire

commises par le III eReich. Aucun! Cela explique pourquoi l’Allemagne s’est opposée si

fermement à la demande reconventi onnelle de l’Italie, au lieu de lui emboîter le pas, au nom des

bonnes relations entre les deux pays, et de ne pas co ntester l’exercice de la compétence de la Cour.

Néanmoins, comme M.Condorelli l’a précisé, un ex amen du contexte juridique dans lequel les

juridictions italiennes auraient porté atteinte au droit international relatif à l’immunité des Etats

requiert une analyse détaillée de la question de l’absence de réparation pour crimes de guerre.

3
CR 2011/20, p. 21, par. 13 (Tomuschat). - 10 -

6. Comme nous le savons, l’argumentati on de l’Allemagne repose sur deux points: a) il

n’existe pas d’obligation de réparation et b) quoi qu’il en soit, l’Allemagne a déjà accordé

suffisamment de réparations ex gratia. Comme je vais le démontrer, aucun de ces points n’est

exact, et il ne suffit pas d’affirmer le contraire, il faut encore le prouver.

A. Existe-il une obligation de réparer les crimes de guerre commis par le III eReich contre
des ressortissants italiens ? L’interprétation du paragraphe 4 de l’article 77 du traité de

paix de 1947

i)La clause de renonciation ne s’applique pas aux violations graves du droit

international humanitaire ;

7. L’Allemagne ne s’est jamais acquittée de sa responsabilité pour les crimes de guerre

commis par le III eReich contre des Italiens en Italie. Ni l’Italie ni aucun autre Etat n’a déchargé

l’Allemagne de cette responsabilité ( ce qu’ils n’auraient pas pu faire non plus, et je reviendrai sur

cet aspect dans quelques minutes pour réagir brièvement à quelques observations secondaires faites

par M. Kolb hier).

8. Commençons par la question clé : l’Allema gne ne s’est jamais acquittée de son obligation

de réparation à l’égard des victimes italiennes de cr imes de guerre. Ainsi qu’il a été précisé mardi,

en l’absence d’indemnisation directe des victimes, seul un règlement approprié de cette question

entre les deux Etats concernés aurait pu résoudre le problème des réparations des crimes de guerre,

mais toutefois les deux Etats n’ont pas conclu d’accord à ce sujet. Rien de ce qu’a dit l’Allemagne

hier ne tend à indiquer le contraire.

9. L’Allemagne considère que, sur la base de la clause de renonciation contenue au

paragraphe 4 de l’article 77 du traité de paix de 1947, toutes ses obligations envers l’Italie et envers

les ressortissants italiens ont été annulées (et ce pour les réclamations pendantes ou futures, qu’il

s’agisse d’accidents de la circulation ou de crimes de guerre, tous ces aspects étant amalgamés,

19
sans aucune distinction, dans une stratégie confuse faite de simplifications abusives, de

dénaturation des faits et de scénarios catastrophes). Hier, le conseil de l’Allemagne a réitéré cette

position sans réellement essayer d’en démontrer le bien-fondé, et a souligné quelques points qui ne

font que confirmer l’interprétation italienne de la clause. - 11 -

10. Le point de départ de mon exposé d’aujourd’hui, devra être, une fois de plus, la clause de

renonciation et l’obligation continue de réparati on incombant à l’Allemagne. Pour contredire

l’existence évidente de cette obligation, on s’est contenté, une fois de plus, de recourir à une

interprétation prétendument littérale de la clause de renonciation contenue au paragraphe4 de

l’article 77.

11. «In claris non fit interpretatio», a dit M. Gattini hier. Mais où est cette prétendue clarté ?

L’Allemagne interprète le paragraphe 4 de l’article 77, d’une manière, l’Italie d’une manière tout à

fait opposée. Voilà qui devrait suffire à indiquer, du moins prima facie, ⎯ moi aussi j’ai appris le

latin ! ⎯ qu’il existe une certaine incertitude quant au sens de cette clause. De surcroît, cette

incertitude est confirmée par la pratique des deux Etats, par leurs négociations en vue des accords

de 1961 et par les décisions de certaines juridicti ons tant en Italie qu’en Allemagne, dont certaines

4
ont été mentionnées par M.Gattini lui-même . Enfin, et fait décisif, on peut lire dans le

mémorandum (Denkschrift) soumis par le Gouvernement fé déral allemand aux assemblées

parlementaires le 30mai1962, que l’Italie a déjà cité dans son contre-mémoire, que «des

divergences étaient apparues entre la République fédérale et l’Italie quant à la signification de cette

5
renonciation» . Voilà pour la position de l’Allemagne.

12. Les conseils de l’Allemagne se contentent d’avancer un postulat, qu’ils ne prouvent pas

et qui ne prouve rien. Les arguments très précis et détaillés présentés par l’Italie jeudi ne sont ni

réfutés ni critiqués sérieusement par l’Allemagne. On est tenté de croire que celle-ci ne s’oppose

pas à notre interprétation, ou, du moins, qu’elle n’a pas su trouver d’argument pour le faire.

13. Si la disposition avait été claire, nous ne serions pas là aujourd’hui. L’Allemagne n’a

présenté qu’un seul argument ⎯et il n’est pas nouveau ⎯ c’est que l’Italie a été forcée de

renoncer à toutes ses prétentions et à celles de ses ressortissants, parce qu’elle avait été l’alliée de
20
l’Allemagne au début de la se conde guerre mondiale et que cette renonciation faisait partie de

e
l’ensemble du processus de paix mis en Œuvre après la guerre ; les anciens alliés du III Reich ne

4
Voir par exemple CR 2011/20, p. 40, par. 27 (Gattini).
5 Drucksache des Deutschen Bundestages , IV/433, p.12. Voir aussi le rapport du Comité des finances du
Bundestag allemand sur le projet de «t raité de règlement» du 27novembre1962, Drucksache de s Deutschen
Bundestages, IV/759, p.1: divergences d’opinionssur la portée de la renonciation ontenue dans le traité de paix
de 1947, et particulièrement sur les catégories de demandes couvertes par cette renonciation» [traduction du Greffe]. - 12 -

6
pouvaient être associés aux réparations . Cette thèse, exposée hier par notre éminent collègue

M. Tomuschat 7, souligne l’incapacité de l’A llemagne à bien comprendre la distinction entre les

conséquences de la responsabilité de l’Etat pour violations du jus ad bellum ⎯et la notion de

«sanction imposée délibérément à l’Italie» dont M. Tomuschat a parlé hier s’intègre parfaitement

8
dans ce cadre conceptuel ⎯ et les conséquences de la responsab ilité de l’Etat pour violations du

jus in bello. Il s’agit de deux groupes de violations dis tinctes qui ne sauraient être assimilées dans

une théorie confuse sur un règlement global de tous les différends, de quelque nature qu’ils soient,

aux fins d’instaurer la paix et la sécurité, dans un fouillis complet où il n’est fait aucune distinction.

La réparation pour les dommages de guerre en gé néral doit être clairement distinguée de la

réparation accordée aux victimes de crimes de guerre.

14. Pour tenter d’introduire ici une certaine clarté et procéder à quelques distinctions

pertinentes, je me réfèrerai à quelques points que l’ Italie a déjà soulevés au cours de la procédure

⎯j’essaierai cependant de le faire à la lumière des plaidoiries d’hier ⎯: quelles réclamations

l’Italie abandonna-t-elle par la clause de renonciation ? Nous avons montré que les dispositions du

paragraphe4 de l’article77 ne s’ appliquaient qu’aux réclamations économiques qui n’étaient pas

réglées au 8mai1945. Or l’Allemagne n’a pas dit un seul mot à propos de l’expression

«réclamations non réglées».

15. Ce silence peut signifier que l’argument de l’Italie sur ce point était si persuasif que

l’Allemagne ne pouvait que s’y rendre et je prierai respectueusement la Cour d’en prendre note.

16. Toutefois, l’Allemagne a également présenté d’autres éléments qui viennent étayer notre

interprétation. M. Gattini a «scrupuleusement» rappelé que :

«[l]e Gouvernement italien n’a[vait] insisté que sur [certains] types de réclamations
afin de «parvenir à une solution plus équitable» . La première réclamation concernait

des biens identifiables enlevés illicitement du territoire italien et emportés en
Allemagne ; la deuxième portait sur l’ouvertur e de crédits à la Banque d’Italie en vue
du paiement de l’indemnité d’occupati on que l’Allemagne avait imposée à la

soit-disant République sociale italienne entre octobre 1943 et avril 1945 ; la troisième
réclamation concernait les dettes impayées de l’Allemagne à l’égard des
administrations publiques et des sociétés privées italiennes.»

6RA, par. 14.
7
CR 2011/20, p. 26, par. 22-24 (Tomuschat).
8
Ibid., p. 26, par. 23.
9CR 2011/20, p. 38, par. 20 (Gattini). - 13 -

21 17. Il a ensuite expliqué que les puissances alliées avaient pris en compte la première

10
réclamation de l’Italie et rejeté les deux autres . Ce sont là des indications claires que l’Italie avait

bel et bien présenté des réclamations à l’Allemagne et aux ressortissants allemands, des

réclamations qui n’avaient pas été réglées, et que celles-ci ⎯et celles-ci seules ⎯ étaient

précisément celles qui seraient visées par la clause de renonciation du paragraphe 4 de l’article 77.

Il ne s’agissait pas de n’importe quelle réclama tion, de quelque caractère ou nature que ce soit,

présente, passée et future, comme l’Allemagne l’a dit au début de manière erronée. L’absence

totale d’arguments démontrant le contraire, en ce qui concerne l’expression «réclamations non

réglées», montre que l’Italie a correctement interprété la portée limitée de la clause.

18. Le texte du paragraphe4 de l’article77 du traité de paix de1947 est très clair. Nos

adversaires l’ont jugé si limpide qu’ils n’ont p as estimé nécessaire d’expliquer pourquoi il est clair

ni ce qu’il signifie. M.Gattini s’est contenté de lire le texte de l’article, sans présenter d’autre

argument. Il me semble que l’Italie a fourni quelques raisons de pl us que l’Allemagne pour

expliquer pourquoi le paragraphe 4 de l’article77 ne s’applique pas aux réclamations qui fondent

les affaires à l’origine du présent différend et M. Gattini, s’il a raillé nos efforts en les qualifiant de
11
«finesse herméneutique» , a été totalement incapable de produire un seul argument à l’appui de

l’interprétation de l’Allemagne.

19. En outre, les arguments présentés par M.Tomuschat ⎯la référence générale à

l’organisation de l’Europe d’après-guerre ⎯ ne sont d’aucune utilité pour contester l’interprétation

italienne du paragraphe4 de l’artic le77. L’Italie n’a jamais prétendu que les traités de paix

devaient être considérés comme nuls. Ce n’est que si la théorie de l’Allemagne sur l’interprétation

du paragraphe4 de l’article77 était exacte ⎯ce qu’elle n’est pas ⎯ que ce problème pourrait se

poser. Or, l’Allemagne n’a pas réussi à démontrer que les réclamations concernant de grossières

violations du droit internationa l humanitaire entraient dans les prévisions de la clause de

renonciation. De fait, beaucoup de réclamations sont couvertes par cette clause, mais les demandes

de réparation pour crimes de guerre n’en font pas partie.

10
Ibid.
11
CR 2011/20, p. 37, par. 13 (Gattini). - 14 -

20. L’Italie a expliqué mardi pourquoi elle considère que les réclamations qui n’étaient pas

pendantes au 8mai1945 ne sauraient entrer dans le champ d’application de la clause de

renonciation. Nous avons également montré pour quoi les réclamations relatives aux crimes de

guerre ne relèvent pas du champ d’application du paragraphe4 de l’artic le77 et n’avons entendu

aucun argument démontrant le contraire de la part de l’Allemagne. Nous devons ainsi considérer

comme établi que le paragraphe4 de l’artic le77 se réfère uniqueme nt aux réclamations qui

n’étaient pas réglées au 8 mai 1945 et qu’il ne s’applique pas, ou ne pouvait s’appliquer, et n’aurait

jamais dû être appliqué à des demandes déposées ultérieurement; nous devons en particulier
22

considérer comme établi qu’il ne s’est jamais appliq ué et n’est pas applicable aux réclamations se

rapportant à des violations graves du droit international humanitaire.

21. M.Gattini a cité une décision ⎯qu’il a choisie à son gré dans la jurisprudence

italienne ⎯, que la Cour de Cassation italienne a rendue en1953 dans l’affaire ILVA et dans

laquelle elle reconnaissait la validité de la clausede renonciation. Il s’est cependant abstenu de

dire à la Cour que l’affaire à laquelle il se référait ne présentait aucune pertinence pour le présent

différend, puisqu’elle ne concerna it pas les crimes de guerre. Or, en l’espèce, l’Italie n’a pas

contesté la clause de renonciation d’une manière géné rale, mais uniquement dans la mesure où elle

est interprétée comme étant applicable aux demandes de réparation pour crimes de guerre.

22. Enfin, le demandeur fait étrangement référence à la maxime in dubio mitius ⎯ encore

une expression latine ⎯, que l’Italie n’avait pas mentionnée dans ses arguments. Nous ne

comprenons pas pourquoi ce principe poserait des problèmes intertemporels, comme le laisse

entendre M. Gattini, et nous estimons que, à supposer qu’il soit applicable, ce principe ne ferait que

confirmer l’interprétation de l’Italie, s’il en éta it besoin, car son application à la clause qui nous

intéresse supposerait que l’on donne la préfér ence à l’interprétation la moins onéreuse pour

l’Italie ⎯ d’autant qu’il s’agit d’une clause en faveur d’un Etat tiers.

23. Même ce dernier argument renforce en core la position selon laquelle la clause de

renonciation ne peut être interprétée que d’une seu le manière, à savoir qu’e lle ne s’applique pas

aux demandes de réparation pour crimes de guerre mais uniquement aux réclamations économiques

qui n’étaient pas réglées au 8 mai 1945. - 15 -

ii) La clause de renonciation ne pouvait pas s’appliquer en cas de violations graves du
droit international humanitaire

24. Aux fins du débat, et pour dissiper certains des doutes de M. Kolb, il nous faut également

examiner, fût-ce très brièvement, un point concer nant les raisons pour lesquelles la clause n’aurait

pas pu s’appliquer aux violations graves du droit international humanitaire. Son application n’était

en effet pas permise car — a affirmé l’Italie — nul ne peut se soustraire à sa responsabilité en cas

de violations graves du droit international humanitair e. Notre éminent confrère s’est réclamé d’un

passage du commentaire de Pictet indiquant qu’il s’agissait là d’un «article entièrement nouveau».

Toutefois, cette expression fait référence à la nouveauté d’une telle disposition en droit

conventionnel. Celle-ci n’était que la conséquence logique du fait qu’aucune voie de recours

n’était directement ouverte aux individus pour de mander réparation, ainsi qu’expliqué à l’audience

de mardi 12.

23 25. En outre, si une telle disposition avait été controversée, les Etats parties aux conventions

de Genève ne l’auraient jama is adoptée si rapidement. Quic onque a déjà pris part à des

négociations intergouvernementales sait que les Etats, en particulier lorsqu’il s’agit de leur

responsabilité, ne parviennent quasiment jamais à s’entendre pour prendre le moindre engagement

qui viendrait alourdir leur obligations en la matière et qu’ils se bornent généralement à reprendre ce

qu’ils estiment être les dispositions du droit c outumier, comme pour les articles 51, 52, 131 et 148

des quatre conventions de Genève de1949, respec tivement. Le commentaire de Pictet n’indique

d’aucune façon que ces dispositions ne reflètent pas le droit coutumier.

26. La notion d’obligations intransgressibl es en droit international humanitaire n’avait

absolument rien de nouveau à l’époque de la sec onde guerre mondiale, et elle n’a pas vu le jour

avec les conventions de Genève de 1949. Elle faisait déjà partie intégrante du mécanisme de la

responsabilité pour violation grave des lois de la guerre, et elle se retrouvait certainement à travers

les obligations énoncées dans la convention de Genève de1929 sur les prisonniers de guerre,

laquelle impose de respecter en toutes circonstances (je cite l’article 82) les garanties prévues dans

12
CR 2011/18, p. 29, par. 14 (Zappalà). - 16 -

ses dispositions . D’ailleurs —fait remarquable—, c’est précisément sur cette notion de droit

précurseur du jus cogens que M. Tomuschat faisait fond lorsqu’ il déclarait, dans un avis d’expert,

que les internés militaires italiens devaient être traités comme des «prisonniers de guerre» aux fins

14
du régime d’indemnisation établi dans le cadre de la Fondation .

27. A cet égard, il convient de rappeler le ra isonnement déjà exposé dans le contre-mémoire,

dans lequel l’Italie a démontré que la notion de règles intransgressibles du droit international avait

déjà vu le jour dans les années ayant précédé la seconde guerre mondiale et qu’elle avait largement

pris corps à la fin de la guerre. Quoi qu’il en soit, à supposer — hypothèse purement théorique —

que la clause de renonciation s’applique aux crimes de guerre, l’important n’est pas tant de

connaître l’état du droit d’avant-guerre que la manière dont celui-ci s’est façonné au cours du

conflit et immédiatement après, et son stade de déve loppement en 1947 lorsque le traité de paix fut

conclu. Le caractère intransgressible des princi pes conférant une responsabilité pour les violations

graves des lois de la guerre est au cŒur même de l’héritage des tribunaux de Nuremberg et de

Tokyo. Les obligations suprêmes que le droit international impose aux individus, au-delà des

24 impératifs qui peuvent leur être dictés par leur pr opre Etat, en constituent une affirmation claire : il

est des principes internationaux que les Etats ne pe uvent tout bonnement pas mettre de côté. Ils ne

peuvent y déroger ex ante, pas plus qu’ils ne peuvent échapper à leur responsabilité ex post.

28. En tout état de cause, et je conclurai sur ce point, l’Italie a clairement affirmé dans le

cadre du présent différend que les principes intransgressibles du droit international devaient

manifester leurs effets au stade de l’interprétation ⎯ un exercice effectué aujourd’hui et non dans

les années 1940 — et que, lorsque deux interprétations ou plus étaient possibles — ce qui n’est pas

le cas ici, s’agissant de la clause de renonciation —, les dispositions d’un traité devaient être

interprétées de la seule manière qui les rende co mpatibles avec les règles intransgressibles; dans

notre affaire, cela signifie qu’il faut exclure les violations graves du droit international humanitaire

du champ d’application de la clause de renonciation. Mais même sur ce point, l’Allemagne ne s’est

13Sur ces questions, voir L.Condorelli et L. Boisson de Chazournes, «Quelques remarques à propos de
l’obligation des Etats de «respecter et faire respecterdroit international humanitaire «en toutes circonstances»»,

Ch. Swinarski (dir. publ.), Studies and Essays on International Humanitarian Law and Red Cross Principles in honour of
Jean Pictet, Nijhoff, 1984, p. 17 et suiv.
14CMI, annexe 8. - 17 -

pas montrée très diserte—si ce n’est pour expo ser certaines conceptions du droit international

e
datant du XIX siècle.

29. Comme nous l’avons montré, il ne fait auc un doute que la clause ne vise pas les crimes

de guerre ou les crimes contre l’humanité. Et mê me les quelques observations de l’Allemagne en

confirment la portée restreinte. Interprétée à la lu mière de son texte et de son contexte, de manière

systématique et téléologique, la disposition devient limpide. Tous les éléments militent dans le

même sens. Partant, l’Allemagne demeure tenue d’apporter une réparation appropriée aux victimes

italiennes de crimes de guerre.

2. Les Italiens victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité

ont-ils jamais obtenu réparation ?

30. Venons-en à présent à un autre leitmotiv de l’Allemagne qui, bien que répété à plusieurs

reprises, n’en devient pas plus convaincant pour autant. L’Allemagne a redit lors de ce second tour

15
de plaidoiries qu’elle avait ac quitté des réparations énormes . Toutefois, elle fait toujours ces

déclarations dans des termes très vagues et géné raux, et sans jamais faire spécifiquement mention

des victimes italiennes de crimes de guerre. Au contraire, lorsqu’on examine de plus près les

exposés oraux et écrits de l’Allemagne, c’est une tout autre histoire qui apparaît.

31. Hier, dans le discours d’ouvertur e de l’éminent agent de l’Allemagne,

MmeSusanneWasum-Rainer, ainsi que dans les plaidoiries de MM.Tomuschat et Gattini, cet

argument des réparations acquittées est réapparu une nouvelle fois. L’Italie n’a jamais contesté que
25

l’Allemagne avait fourni d’importantes réparations pour plusieurs viol ations du droit international,

et celle-ci n’avait pas vraiment besoin de le répéter, à moin s qu’elle ne l’ait fait que pour occulter

la réalité.

32. Une réparation a effectivement été accordée à certaines victimes de persécutions qui

avaient formulé des réclamations, mais celles-ci ex cèdent le cadre des affaires qui sous-tendent le

présent différend. De plus, le nombre de victimes italiennes et le montant des réparations, dont

l’Allemagne a donné les chiffres hier, ne sont pas tellement impressionnants, si l’on songe à

l’ampleur des crimes perpétrés par le III eReich en Italie. L’éminen t agent de l’Allemagne nous a

15Voir, d’une manière générale, l’introduction de l’agen t, MmeSusanne Wasum-Rainer, CR2011/20, p.11-13,

par. 5-10. - 18 -

dit que ces mesures de réparation concernaient un peu moins de cinq mille personnes, civils et

internés militaires confondus, le montant global des réparations versées avoisinant les
16
deux millions d’euros (ce qui donne une moyenne de quatre cents euros par personne) .

33. Qui plus est, l’Italie a déjà reconnu que les victimes de persécutions avaient obtenu une

indemnisation par son intermédiaire dans le cadre de l’accord de 1961. Pour en revenir au présent

différend, toutefois, les affaires portées devant la justice italienne ne concernent pas de victimes de

persécutions. Ce sont simplement toutes les autres victimes qui nous occupent ici ! Nous parlons

ici de l’obligation d’accorder réparation à plusieurs milliers d’Italiens victimes de crimes de guerre

qui n’ont reçu de réparation sous aucune forme que ce soit, ce que l’Allemagne a indirectement

reconnu. En particulier, certains d’entre ont été excl us des régimes de réparation mentionnés par

l’Allemagne sur la base d’arguments embarrassants et peut-être même erronés au sujet desquels

celle-ci a préféré, fort opportunément, rester totalement muette dans ses exposés écrits ainsi que

dans ses plaidoiries du premier et du second tours.

34. Il s’agit là de la question —dont j’ai fa it mention mardi— des Italiens dits internés

militaires auxquels l’Allemagne a refusé toute forme de réparation sur la fo i de l’avis d’expert

⎯ évoqué plus haut ⎯ de notre éminent confrère M. Tomuschat, qui a affirmé que, leur statut de

prisonniers de guerre ne souffrant aucune exception, les intéressés devaient être considérés comme

tels aux fins du régime de réparation et n’avaient donc droit à aucune indemnisation, les prisonniers

de guerre étant exclus de ce régime.

35. L’Allemagne n’a jamais apporté réparation en raison de son interprétation de la clause

de renonciation et elle a aussi admis ensu ite que les mesures de réparation accordées ex gratia

en1961, ainsi que les quelques autr es mentionnées hier, n’étaient que partielles. Elle a donc
26
reconnu de manière claire et sans réserve que le reste des victimes—autrement dit, pas les

victimes de persécutions mais toutes les autres, qui représentent une large majorité—n’avaient

nullement obtenu satisfaction.

16
CR 2011/20, p. 12, par. 8 (Wasum-Rainer). - 19 -

3. Quelles conclusions en tirer ?

36. Le fait que les victimes de graves violati ons du droit international humanitaire n’aient

pas obtenu réparation, comme le soutient l’Italie, est la stricte vérité! vérité sur le fondement de

laquelle justice doit être rendue. Répé ter dix fois encore la même chose ⎯ aucune obligation

n’incombe à l’Allemagne, l’Allemagne a versé des indemnités ⎯ n’augmentera ni le montant des

indemnités versées, ni le nombre de victimes indemnisées. La vérité est celle-ci: a)la clause de

renonciation n’a pas exonéré l’Allemagne de l’ obligation qui lui incombait de verser des

indemnités aux victimes italiennes de crimes de guerre ; et b) ces victimes n’ont, dans leur grande

majorité, pas obtenu réparation.

37. Cela ne signifie pas que l’Allemagne ou le peuple allemand doivent en être blâmés ou

punis ; le fait que le conseil de l’Allemagne u tilise de nouveau cet argument démontre qu’il ne fait

preuve d’aucun discernement. Les réparations à raison de crimes de guerre ne doivent pas être

considérées comme des dommages-intérêts punitifs. Les crimes commis ne font l’objet d’aucune

sanction particulière, l’Etat n’est pas stigmatisé (l’expression «crimes d’Etats» ayant été

abandonnée). L’obligation d’accorder une réparation appropriée en cas de crimes de guerre n’est

que l’une des conséquences de la responsabilité de l’Etat à raison de violations massives des règles

du droit international humanitaire ; c’est également une forme de solidarité envers les victimes qui

vise au renforcement du respect de ces règles. Il n’y a, dans ce raisonnement, aucune animosité

envers l’Allemagne, et encore moins envers le peuple allemand, auquel l’Italie est liée par une

profonde amitié.

4. Conclusions

38. Monsieur le président, cela m’amène à mes remarques finales. La Grèce s’est, dans ses

plaidoiries, abondamment référée aux tenda nces nouvelles qui se développent en droit

international, aux notions nouvelles qui donnent corps à la protection de l’être humain par

opposition à la souveraineté de l’Etat, la souveraineté de l’Etat telle qu’on l’entend aujourd’hui,

c’est-à-dire non seulement comme une prérogative, mais aussi comme un devoir incombant aux

Etats de prendre soin des individus placés sous leur juridiction et de les protéger contre les crimes

de guerre, les crimes contre l’humanité et les génocides. La Grèce a expliqué en quoi les droits de - 20 -

27 l’homme et le processus d’humanisation du dro it international étaient pertinents. Nous

comprenons ces arguments et nous associons à nombre d’entre eux. Nous souhaiterions cependant

souligner, aux fins de la présente espèce, que nous avons ici affaire à des notions de droit bien

établies, qui ont déjà été affirmées à la fin de la seconde guerre mondiale par le processus de

stigmatisation de tout un ensemble de violati ons massives des droits de l’homme et du droit

humanitaire. Cet ensemble de droits et de princi pes, dont la responsabilité de l’Etat est le plus

évident, doit être appliqué. La responsabilité de l’Etat à raison de violations graves du droit

e
international humanitaire remonte au début du XX siècle et le fait qu’il ne puisse y être dérogé

d’aucune manière a été codifié dans les années19 40. L’évolution récente confirme l’importance

qu’il y a à assurer une protection humanitaire et jo ue un rôle interprétatif fondamental, mais la

présente affaire a trait à des règles concrètes de droit conventionnel et coutumier existant de longue

date qui doivent simplement être respectées. Cette affaire a trait à l’inobservation prolongée

d’obligations claires de réparation et met en év idence le fait que les Etats doivent régler les

questions passées par le biais d’accords mûrement réfléchis tenant compte des droits des victimes.

e
39. Permettez-moi de conclure en rappelant simplement que: a) le III Reich a violé des

règles fondamentales du droit international humanitaire; b)l’Allemagne en a assumé la

responsabilité ; c) l’Allemagne a reconnu n’avoir que partie llement indemnisé certaines catégories

de victimes. L’Allemagne a refusé ou réduit au minimum les indemnités dues à des milliers de

victimes italiennes, qui ont, en attendant , saisi des juridictions nationales; et d) ces juridictions

nationales ont donc eu à faire face à un dilemme judiciaire sur lequel mon collègue, M.Dupuy,

reviendra plus longuement.

40. Si l’immunité doit être considérée comme un système permettant de régler certaines

questions contentieuses au niveau approprié, par le biais de négociations interétatiques, dans ce cas

particulier qui oppose l’Italie et l’Allemagne, le fait que les tribunaux internes n’aient pas accueilli

l’exception d’immunité a été déterminant pour que cette «question complexe» soit portée au niveau

interétatique approprié. La Cour, organe judiciaire principal de l’Organisation des Nations Unies,

est assurément la juridiction appropriée pour dire aux Parties la manière dont leur différend peut

être réglé. - 21 -

41. Monsieur le président, ainsi s’achève ma plaidoirie au nom de l’Italie. Puis-je

respectueusement vous demander de bien vouloir do nner la parole à mon collègue, M.Palchetti?

Je vous remercie.

28 Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.Salvator eZappalà, pour votre exposé et invite à la

barre M. Paolo Palchetti.

M. PALCHETTI :

L A RECONNAISSANCE DE L ’ARRÊT D ISTOMO ET L EXCEPTION

EN MATIÈRE DE RESPONSABILITÉ DÉLICTUELLE

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges. Au cours de ce second tour de

plaidoiries, j’aborderai deux questions. J’examinerai d’abord la troisième conclusion de

l’Allemagne concernant la reconnaissance de l’arrêt Distomo par les tribunaux italiens. Je

répondrai ensuite à certaines observations de l’Alle magne concernant l’applicabilité de l’exception

en matière de responsabilité délictuelle dans la présente affaire.

1. La reconnaissance de l’arrêt Distomo par les tribunaux italiens

1. La question soulevée par la troisième conc lusion de l’Allemagne est relativement simple.

L’Allemagne demande à la Cour de dire que, en rendant exécutoire en Italie la décision grecque,

l’Italie a commis un fait internationalement illic ite. Pour sa part, l’Italie fait valoir que

l’Allemagne ne peut prétendre à l’immunité à l’égard de la procédure engagée en Italie pour donner

effet à la décision rendue en l’affaire Distomo, car l’Allemagne ne bénéficiait pas de l’immunité à

l’égard de la procédure grecque qui a abouti à cette décision. En fin de compte, la question que

doit résoudre la Cour est de savoir si les tribunaux italiens ont eu raison de considérer que, en vertu

des règles actuelles du droit international, l’Allemagne ne pouvait prétendre à l’immunité

juridictionnelle à l’égard des demandes de ré paration présentées à son encontre devant les

tribunaux grecs par les victimes du massacre de Distomo. Avant d’aborder cette question,

permettez-moi de dire quelques mots sur l’ affirmation de l’Alle magne selon laquelle la

reconnaissance de l’arrêt Distomo ne serait qu’une conséquence de la recherche d’un tribunal

favorable engendrée par la jurisprudence Ferrini. Pour dire les choses simplement: la - 22 -

reconnaissance de l’arrêt grec n’a rien à voir avec le forum shopping . Le droit international

n’exclut pas la possibilité qu’une décision rendue à l’encontre d’un Etat étranger soit jugée

exécutoire par les tribunaux d’un Etat tiers. A cet égard, la reconnaissance de l’arrêt grec est

simplement une conséquence du fait que ⎯pour reprendre les termes de lordMance dans l’arrêt

rendu par la Cour suprême du Royaume-Uni en l’affaire NML v. Argentina ⎯ «aucun principe du

29 droit international n’immunise l’Etat A contre des poursuites intentées dans l’Etat B en vue de faire

exécuter un arrêt prononcé contre lui dans l’Etat C» 17.

2. Après la déclaration écrite du 3 août 2011 et l’intervention orale de la Grèce mercredi, les

éléments de fait et de droit qui caractérisent l’affaire Distomo sont maintenant clairs pour la Cour et

pour les Parties. Cette affaire concernait d es demandes de réparation pour des actes commis par

l’Allemagne nazie entièrement sur le territoire grec. Ces actes constituaient manifestement des

crimes de guerre. Dans ces circonstances, il n’y avait aucune obligation d’accorder l’immunité

juridictionnelle à l’Allemagne puisque, pour les raisons déjà indiquées à propos des crimes commis

en Italie, l’exception délictuelle à l’immunité était applicable. C’est précisément sur cette base que

s’est appuyé l’Areios Pagos grec pour justifier son refus d’accorder l’immunité à l’Allemagne.

3. Dans sa déclaration écrite et sa présenta tion orale, la Grèce a évoqué le fait que les

18
victimes avaient tenté d’obtenir l’exécution de la décision devant les tribunaux allemands . Elle a

également fait observer que la Grèce et l’Allemagne n’avaient pu se mettre d’accord sur la question

19
des réparations .

4. Compte tenu de ces circonstances, l’Ita lie estime qu’il n’y avait aucune obligation

d’accorder l’immunité juridictionnelle à l’Allemagne en ce qui concerne les procédures instituées

par les victimes du massacre de Distomo. Pour cette raison, l’Italie demande à la Cour de rejeter la

troisième conclusion de l’Allemagne.

17
NML Capital Limited (demandeur) v. Republic of Argentina (défendeur), [2011] UKSC31,
http://www.supremecourt.gov.uk/decided-cases/docs/UKSC_2010_0040_Judgem…, par. 91.
18
Déclaration écrite de la République hellénique (DEG), par. 11 ; CR 2011/19, p. 13, par. 15 (Perrakis).
19CR 2011/19, p. 40, par. 113 (Perrakis). - 23 -

2. L’exception en matière de responsabilité délictuelle

5. J’en viens maintenant à l’applicabilité de l’exception délictuelle dans la présente affaire.

S’agissant de l’article12 de la convention de Ne wYork, l’Allemagne entretient bien des doutes

mais n’a qu’une seule position ferme. L’Allemagne doute que l’article12 reflète le droit

coutumier ; elle doute que l’excep tion délictuelle s’applique aux acta jure imperii ; et, comme elle

30 l’a affirmé hier pour la première fois, elle doute également que l’exception délictuelle s’étende aux

20
affaires où le préjudice n’a pas été commis entièrement sur le territoire de l’Etat du for . En ce qui

concerne ce dernier doute, permettez-moi de faire observer simplement que la déportation des

internés militaires italiens du territoire italien était en soi un crime international et que ce crime

s’est produit entièrement en territoire italien. Mais abstraction faite de cela, l’Italie est convaincue

que le renvoi aux travaux de la Commission du droit international et aux élém ents de la pratique

examinés au cours de la présente procédure su ffira à lever les doutes de l’Allemagne. Je me

concentrerai donc sur la seule question sur laquelle l’Allemagne semble avoir une position arrêtée,

soit la question de savoir si l’exception délictuelle s’applique aux préjudices causés dans le cadre

d’un conflit armé.

6. Dans la réponse de l’Allemagne hier, un fait me semble très frappant. Au cours du

premier tour de plaidoiries, j’ai mentionné pas moins de septEtats dont les lois prévoient

l’application de la clause de la responsabilité délictuelle sans aucune exception pour les actes

commis dans le cadre d’un conflit armé. La Partie adverse n’a pas dit un mot ni proféré un

commentaire sur cette pratique importante. L’Allemagne a plutôt préféré s’attacher à démontrer

combien elle trouvait extravagante mon argumen tation de mardi concernant l’importance à

21
accorder à l’article31 de la convention européenne sur l’immunité des Etats . Je n’avais,

sincèrement, aucune intention d’être extravagant. J’ai tout simplement fait valoir que l’article31

est une clause «sans préjudice» et qu’à ce titre, elle ne confère aucune immunité aux Etats

étrangers; son insertion dans la convention s’explique par le fait que la question de l’immunité à

l’égard des activités militaires est habituellement traitée par voie d’accords spéciaux. J’ajouterai

une chose. La Commission du droit international a également examiné la question de l’importance

20
CR 2011/20, p. 31, par. 2-3 (Gattini).
21
Ibid., p. 33, par. 8 et suiv. (Gattini). - 24 -

à accorder aux traités créant des régimes spéciaux d’immunité pour les activités militaires. Comme

je l’ai mentionné mardi, la solution à laquelle la Commission a recouru a été d’insérer à l’article 12

un paragraphe liminaire précisant que l’application de l’exception délictuelle était sous réserve des

accords internationaux existants. L’idée était que, s’il existait un accord prévoyant un régime

spécial d’immunité ⎯ et la Commission avait particulièreme nt à l’esprit les accords concernant le

statut des forces armées ⎯ l’exception délictuelle pouvait ne p as s’appliquer; autrement, elle

s’appliquait.

7. Au cours de la procédure orale aussi bien que dans ses écritures, l’Allemagne a invoqué

un certain nombre de décisions pour étayer sa pos ition selon laquelle l’exception délictuelle ne

s’applique pas aux demandes de réparation pour des actes commis dans le cadre de conflits armés.

Je consacrerai la partie restante de ma plaidoirie à l’examen de ces éléments de la pratique.

J’espère ainsi démontrer que la position de l’Allema gne sur cette question ne s’appuie sur rien de
31

solide. Je ne m’arrêterai qu’aux décisions invoqu ées par l’Allemagne qui peuvent être considérées

comme pertinentes pour déterminer le champ d’ application de l’exception délictuelle. C’est

pourquoi je ne parlerai pas des d écisions, comme celle de l’affaire Jones, qui concernent des

préjudices causés en dehors du territoire de l’Etat du for, ni des décisions comme celle de l’affaire

Bucheron, où la question de l’application de l’exception délictuelle n’a pas été examinée par la

juridiction interne.

8. Lors du premier tour de plaidoiries, l’ Allemagne a mentionné l’arrêt d’une chambre

22
criminelle de la Cour de cassation italienne en l’affaire Lozano . Il ne fait pas de doute que dans

cette affaire l’application de l’ exception délictuelle n’était pas en cause, puisqu’elle concernait la

responsabilité pénale d’un soldat américain pour d es actes commis en Irak. Cette décision a attiré

l’attention de l’Allemagne parce que, sans raison apparente, la chambre a fait observer à un certain

moment que la convention de New York ne s’appliquait pas aux activités des forces armées et que

par conséquent, la question de l’im munité d’un Etat pour les actes de ses forces armées devait être

appréciée exclusivement au regard des règles du dro it international coutumier. Pour les raisons

déjà expliquées, l’Italie est convaincue que cette interprétation concernant le champ d’application

22Cour de cassation italie nne (division criminelle),Lozano c . Italie, arrêt du 24juillet2008, affaire
o
n 31171/2008 ; ILDC 1085 (IT 2008). - 25 -

de la convention de New York est erronée et ne changera certainement pas d’avis en raison de cet

obiter dictum, qui s’écarte à l’évidence de la position de la Cour de cassation italienne sur ce point.

Mais, aux fins de la présente analyse, il suffira de noter que dans l’arrêt Lozano, la Cour ne prend

pas position sur la question de savoir si, au rega rd du droit international coutumier, l’exception

délictuelle est applicable aux demandes présentées à raison d’actes des forces armées.

9. Dans ses écritures, l’Allemagne a également mentionné une autre décision de la Cour de

cassation italienne, rendue en 2000 dans l’affaire Cermis 23. Cette affaire concernait des vols

militaires d’entraînement réalisés par les Etats-Unis en territoire italien. La Cour de cassation a

reconnu l’immunité des Etats-Unis au motif que ces vols militaires d’entraînement étaient des acta

jure imperii et, en tant que tels, couverts par l’imm unité. Cependant, cette décision n’est guère

pertinente en tant que précédent. L’applicabilité de l’exception délictuelle n’était pas en cause dans

32 cette instance ; elle ne pouvait l’être. Les plaignants ne demandaient pas de réparation pécuniaire à

raison de préjudices corporels ou matériels; ils demandaient à la cour d’ ordonner aux Etats-Unis

de cesser les vols d’avions de chasse sur une partie du territoire italien. A l’évidence, l’exception

délictuelle ne s’applique pas à ce type de demande.

10. L’arrêt rendu dans l’affaire McElhinney par la Cour européenne des droits de l’homme

est certainement plus pertinent mais il ne dit pas ce que l’Allemagne voudrait qu’il dise. Nulle part

dans le texte de l’arrêt la Cour européenne des droits de l’ho mme n’affirme que l’Irlande avait

l’obligation d’accorder l’immunité au Royaume-Uni. La Cour européenne a été très prudente. Elle

a dit :

«On ne peut assurément pas dire que l’Irlande soit seule à estimer que

l’immunité s’applique en cas d’action pour des dommages ainsi causés par des acta
jure imperii ou, qu’en accordant cette immunité, elle se démarque de normes
internationales actuellement admises.» 24

Monsieur le président, l’affirmation selon laquelle «l’Irlande n’est pas seule» ne signifie pas que la

reconnaissance de l’immunité dans ce type de situation recueille un large appui; et dire que, en

accordant l’immunité, «l’Irlande ne s’est pas dé marquée de normes internationales actuellement

admises» ne signifie pas que l’Irlande avait l’ obligation d’accorder l’immunité. La seule chose

23
MA, p. 50-51, par. 82. Pour le texte de la décision, voir MA, annexe 33.
24CEDH, McElhinney c. Irlande, n 31253/96, 21 novembre 2001, par. 38. - 26 -

qu’ait affirmée la Cour, c’est qu’en accordant l’immunité au Royaume-Uni, l’Irlande n’agissait pas

à l’encontre du droit international. Mais, je le répète, il n’est pas fait mention d’une obligation

d’accorder l’immunité.

11. L’Allemagne a également tenté d’accorder de l’importance au fait qu’il est difficile de

trouver des décisions de tribunaux internes qui reconnaissent, sur la base de l’exception délictuelle,

l’admissibilité de demandes de réparation découl ant de préjudices causés en période de conflit

25
armé . Cependant, le fait que ce type de demandes ait rarement été présenté par des personnes

devant les tribunaux internes n’est, en soi, d’au cune utilité pour évaluer la portée de l’exception

délictuelle.

12. Dans ses écritures, l’Allemagne a invoqué l’arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis

d’Amérique dans l’affaire République argentine c.Amerada Hess , pour démontrer que dans les

Etats ⎯ comme les Etats-Unis ⎯ où l’exception délictuelle est inscrite dans la loi, cette exception

26
33 n’a jamais été censée s’étendre aux réclamati ons pour préjudices subis pendant un conflit armé .

Cependant, contrairement à ce que l’Allemagne semb le laisser entendre, la Cour suprême, pour

justifier la reconnaissance de l’immunité à l’Argentine, ne s’est pas appuyée sur le fait que les

demandes de réparations qui lui av aient été adressées concernaient un conflit armé. En réalité, la

Cour ne s’est pas fondée sur cet élément, qu’elle n’a même pas mentionné, pour se dire

incompétente à l’égard de l’Etat étranger défe ndeur. La Cour suprême a jugé que l’Argentine

jouissait de l’immunité parce que le préjudice causé au navire des plaignants s’était produit en

27
dehors du territoire des Etats-Unis . Il est révélateur que dans d’autres affaires concernant des

demandes de réparation à raison de faits préjudiciab les commis dans le cadre d’un conflit armé, les

tribunaux américains, même s’ils se sont dits inco mpétents, n’ont jamais argué du fait qu’un Etat a

toujours droit à l’immunité pour les actes de ses forces armées 28.

13. La thèse selon laquelle les législations pr évoyant une exception délictuelle doivent être

interprétées comme ne visant pas les demandes déc oulant de conflits armés semble contredite par

25CR 2011/20, p. 34, par. 9 (Gattini).
26
MA, p. 47, par. 76.
27488 US 428, p. 439.

28Voir, par exemple, Cour d’appel des Etats-Unis, Princz c. République fédérale d’Allemagne (International Law
Report (ILR), vol. 103, p. 594). - 27 -

l’arrêt de la Cour suprêm e du Canada en l’affaire Schreiber c.Canada (procureur général) et

République fédérale d’Allemagne. S’il est vrai que cette affaire ne concernait pas une réclamation

découlant d’un conflit armé, la Cour suprême a évoqué la possibilité que l’exception délictuelle

s’étende aux demandes d’indemnisation pour viola tions graves du droit international humanitaire.

La Cour a, en particulier, rejeté une interprétation de la loi can adienne sur l’immunité des Etats

voulant que l’exception délictuelle ne s’applique pas à l’égard des actes jure imperii, puisqu’elle a

dit qu’une telle interprétation «priverait les vict imes des pires violations des droits fondamentaux

de toute possibilité de réparation devant les tribunaux nationaux». Ce qu’il importe de noter ici est

que pour étayer son interprétation de l’excep tion délictuelle, la Cour suprême a invoqué

«l’évolution récente du droit humanitaire internat ional» qui élargit la possibilité d’obtenir

réparation devant les tribunaux nationaux dans les cas de crimes internationaux. Selon la Cour, une

interprétation restrictive de l’ex ception délictuelle «mettrait en péril, du moins au Canada, un

progrès potentiellement important en matière de protection des droits de la personne» 29.

34 14. Parmi tous les exemples de pratique mentionnés par le demandeur, l’un des rares

précédents qui étaye vraiment la position de l’Alle magne est l’arrêt de la Cour suprême polonaise

30
en l’affaire Natoniewski . Cependant, le texte clair de cet arrêt montre à l’évidence que le point de

vue exprimé par la Cour suprême polonaise su r l’application de l’exception délictuelle aux

situations de conflit armé n’est pas fondé sur une anal yse de la pratique pertinente des Etats. Dans

son arrêt, la Cour suprême renvoie à l’article 31 de la convention de Bâle mais, comme nous

l’avons vu, cette disposition contient seulement une clause «sans préjudice». Elle mentionne

également le fait que, dans son commentaire sur les projets d’articles sur les immunités

juridictionnelles des Etats, la Commission du dr oit international avait exclu l’application de

l’exception délictuelle aux cas de conflit armé. Mais encore une fois, pour les raisons expliquées

dans nos écritures, la pertinence de cet élément est contestable, d’autant plus que la Commission du

droit international elle-même n’a donné aucun exemple de la pratique qui étayerait ce point de vue.

Enfin, la Cour suprême s’est référée à plusieurs arrêts qui peuvent difficilement être considérés

29
Canada, Cour suprême, Schreiber c.Canada (procureur général) et République fédérale d’Allemagne ,
12 septembre 2002, ILDC, 60 (CA 2002), par. 37.
30Observations de l’Allemagne sur la déclaration de la République hellénique du 3 août 2011, annexe 5. - 28 -

comme pertinents étant donné que l’exception délictuelle n’était pas en cause dans les affaires

concernées. Pour finir, afin d’étayer sa c onclusion sur la non-applicabilité de l’exception

délictuelle aux cas de conflit armé, la Cour s uprême polonaise semble s’appuyer essentiellement

sur un postulat ⎯ celui-là même sur lequel repose l’argumentation de l’Allemagne ⎯ à savoir que

les demandes de réparation matérielle résulta nt d’actes de guerre doivent être réglées

exclusivement au niveau interétatique par des traités de paix.

15. Puisque je parle de l’affaire Natoniewski, permettez-moi de faire une observation qui ne

concerne pas strictement la question de la portée de l’exception délictuelle, mais qui met en lumière

une différence importante entre l’affaire dont était saisie la Cour suprême polonaise et les affaires

dont ont connu les juridictions italiennes. Presque à la fin de son arrêt, la Cour suprême polonaise

a fait observer que la reconnaissance de l’immun ité de l’Allemagne ne saurait être considérée

comme une limitation inadmissible du droit à l’accès à la justice, puisque le plaignant avait à sa

disposition d’autres moyens pour protéger ses droits, c’est-à-dire le recours aux tribunaux de l’Etat

fautif31. L’observation du juge polonais est claire : il n’est pas justifié de lever l’immunité lorsqu’il

existe d’autres moyens pour obtenir réparation. On trouve la même observation dans les arrêts

d’autres cours ⎯par exemple, dans l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme en
35
l’affaire McElhinney 32. S’agissant des affaires présentées de vant les cours italiennes, la position

des plaignants était complètement différente. Ils n’avaient à leur disposition aucun autre moyen

d’obtenir réparation des graves violations des règles impératives dont ils avaient été victimes.

16. Monsieur le président, à l’issue de cette analyse des éléments de la pratique des Etats, la

seule indication qui peut en être tirée avec une relative certitude est que l’argument de l’Allemagne

n’est pas étayé par la pratique des Etats. Pour parler simplement, rien n’indique qu’il y ait au sein

des Etats un large consensus sur la non-applicabilité de l’exception délictuelle aux cas de conflit

armé. Bien au contraire, la situation qui émerge de cette analyse présente des contours fort peu

définis. Un nombre important d’Etats reconnaissen t dans leur législation la compétence des juges

nationaux à l’égard d’actes réalisés par un Etat ét ranger sur leur territoire, sans limitation liée aux

conflits armés. D’autre part, quelques arrêts isolés excluent l’appli cabilité de l’exception

31
Ibid., p. 22.
32
Par. 39. - 29 -

délictuelle dans les cas où les de mandes de réparation font suite à des situations de conflit armé.

En général, cependant, la jurisprudence est peu fournie. Bref, il n’y a pas de pratique uniforme des

Etats en cette matière.

17. C’est précisément parce qu’ il n’existe pas de pratique uniforme des Etats qu’il devient

important de ne pas perdre de vue le fait qu’en la présente instance les préjudices en cause ne sont

pas des préjudices ordinaires, mais de graves violations de règles impératives. Dans une opinion

individuelle annexée à l’arrêt de la Cour dans l’affaire Congo c. Rwanda, le juge ad hoc Dugard a

fait observer que face à des principes, une pratique des Etats et des précédents concurrents, la

préférence doit être accordée à la solution qui donne effet à une norme du jus cogens (Activités

armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et

recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, opinion individuelle de M.le juge ad hoc Dugard, p.90,

par. 12). En ce qui concerne la question qui se pose en l’espèce, l’absence d’une pratique uniforme

et cohérente indique qu’au moins dans les cas de graves violations de règles impératives, un Etat

n’est pas tenu d’accorder l’immunité de juridiction à un Etat auteur d’actes illicites commis, en tout

ou en partie, sur son territoire, même si ces ac tes sont liés à un conflit armé. Pour toutes ces

36 raisons, l’argument de l’Allemagne concernant la non-applicabilité de l’exception délictuelle dans

la présente affaire doit être rejeté.

Ceci conclut mon exposé. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la

Cour, je vous remercie de votre aimable attention. Je demande au président de bien vouloir donner

la parole à M. Dupuy, peut-être après la pause.

Le PRESIDENT: Je remercie M. Paolo Palchetti de son exposé. Je pense que le moment est

bien choisi pour observer une pause-café de 15minutes. Nous reprendrons donc l’audience

à 16 h 10. L’audience est suspendue.

L’audience est suspendue de 15 h 50 à 16 h 10.

Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience reprend. Si j’en crois la liste des

intervenants qui m’a été communiquée, le prochain orateur est M. Luigi Condorelli. Sauf erreur de

ma part, je donne à présent la parole à M. Condorelli. - 30 -

CMOr. DORELLI:

THE RIGHT TO REPARATION FOR VICTIMS OF SERIOUS VIOLATIONS
OF INTERNATIONAL HUMANITARIAN LAW

Thank you, Mr.President, for allowing me to come to the podium for the second time this

afternoon.

1. I do so because it seems necessary for the Respondent to react in some way to an objection

which German counsel have consis tently put forward in more or less identical terms, taking up

remarks that appear as a sort of leitmotiv throughout the Applicant’s written pleadings. For

example, yesterday Professor Tomuschat took issue with both my colleague Salvatore Zappalà and

the Agent of Greece, Professor Perrakis, regarding the question of the individual right to reparation

for violations of international humanitarian law.The German argument may be summarized in a

few words: it is acknowledged ⎯ it is moreover beyond dispute ⎯ that international law imposes

an obligation of reparation on States with regard to vi olations of international humanitarian law; it

37 is acknowledged that this obligation is an essentia l element of the “intransgressible” legal régime

established for serious offences. However, it is argue d that this is an inter-State obligation, which

cannot be understood as giving rise to an individual’s right to obtain reparation. In the absence of

such a right to reparation, the individual ⎯ we are told ⎯ would have no legal entitlement under

international law to raise claims before any court whatsoever, including of course the domestic

courts.

2. Members of the Court, this topic has ge nerated a huge amount of literature, an abundance

of both domestic and international jurisprudence, weighty studies by learned societies, and well

known policy statements by international bodies such as the General Assembly of the United

Nations. The Agent of Greece offered a great deal of information on this subject last Wednesday.

It goes without saying that I do not intend here to go back over this theme in any depth. I raise it

only for the sake of some brief comments, with the aim of making clear why the question whether

or not the right to reparation may be defined as an individual right in international law has no

decisive implications for the settlement of the dis pute before you. Let me go on to an aspect that

does deserve to be brought to notice: the question whether or not an individual is the holder of the

right that he or she invokes when appearing before a court is obviously a substantive issue, which - 31 -

can only be resolved by the court seised of the case once it has verified that it is able to exercise

jurisdiction.

3. Last Tuesday, ProfessorZappalà argued th at the crucial question in this case is not

whether one can really speak of an individual right to reparation recognized as such in international

law; what counts is the recognition that serious offences for which Germany indisputably bears

responsibility have actually been committed, and this responsibility entails an obligation to provide

appropriate reparation to the victims. While it is true, as we now well know, that the victims have

not received the reparation due to them in law, it is also true that Germany has breached its

international obligations and it thus appears logical to assume that the individual must be entitled to

use the legal avenues available to him to obtain re paration. Of course, the question arises in this

38 context whether existing domestic legal channels may or may not be used, or whether the principles

of international law relating to the jurisdictional im munity of States form a barrier: but it is clear

that the question of immunity cannot be confused with the question of ownership of the right to

reparation.

4. Allow me to examine this matter in a little more detail, within the short time available to

me. It is worth stressing one essential point. The most firmly established principles of

international law provide that a State’s obligation of reparation, in cases of injury to individuals,

entails where appropriate “the obligation to ma ke reparation for the damage caused to all the

natural or legal persons concerned”; these were the terms used by your Court in the 2004 Opinion

on the Legal Consequences of the Construction of a Wall in the Occupied Palestinian Territory ,

where it also refers to violations of humanitarian law in particular. In so doing, the Court did not at

all affirm a new principle deriving from the most recent trends in international law, as claimed by

Germany 33: this is proved by the fact that the affirmation contained in your Advisory Opinion of

2004 which I just cited is explicitly based on the famous passage in the 1928Judgment by your

predecessor, the Permanent Court of International Justice, in the Factory at Chorzów case 34. A

passage which ⎯ as is well known ⎯ is a veritable locus classicus of international law.

33
RG, para. 43.
34
Factory at Chorzów, Merits, Judgment No. 13, 1928, P.C.I.J. Series A, No. 17, p. 47. - 32 -

5. Can it be affirmed, given the undeniable obligation on States to make reparation for

damage caused to individual victims of violations of humanitarian law, that it is perfectly

conceivable that this ultimately implies recognition that the victim is entitled to obtain the

reparation that international norms require the responsible State to provide ? I shall not venture

further down this path, especially since the reply to this question is not essential to the settlement of

this dispute. However, I should like to make a single comment on this subject. We are all familiar

with two important recent Judgments of your Cour t, in which you emphasized that international

law norms of an utterly conventional nature regard ing consular relations mu st be interpreted as

giving rise not only to inter-State rights and obligations, but also to individual rights. I wonder
39
whether the guidance contained in the Court’s LaGrand and Avena Judgments should not be used

as a basis for highly pertinent suggestions concerning the best way to interpret the significance of

international norms laying down the obligation to make reparation for damage caused by the State

to individual victims of serious violations of the norms of international humanitarian law. I recall,

moreover, that in the two above-mentioned Judgments, the Court recognized the right of the

individual to consular assistance, even though the relevant international norms do not give

individuals any access to international mechanis ms through which to assert their rights at the

international level.

6. It is now time, however, to consider wh ether it is conceivable that the principle of

international law imposing an obligation on St ates responsible for serious offences to offer

reparation to the victims of such breaches may be implemented in domestic law: in the final

analysis, that is the issue, that is what the Italian courts sought to achieve with the Ferrini judgment

of 2004 and subsequently. Can it really be c onsidered that this action by the Italian Corte di

Cassazione was internationally wrongful because the rele vant principle of international law is not

self-executing, as is claimed by a number of expert s and judges (including the European Court of

Human Rights)? However, the Italian courts must apply general international law: this is

stipulated in Article10(1) of the Italian Cons titution. How can it be claimed that it breaches

international law when it only conforms thereto by implementing it? The fact that the norm in

question is not in itself self-executing certainly does not mean that it is not in force and that it is not

binding on those to whom it is directed. By enforcing this norm on the basis of the principles and - 33 -

rules of domestic law which grant the individual concerned the right to demand implementation of

the international norm by the domestic courts, theItalian courts are not bringing the Italian legal

order into conflict with international law but, on the contrary, contributing to the harmonization of

the two systems.

Mr.President, that concludes the comments I wish to make to the Court. I thank you for

your kind attention, Members of the Court, and would ask you, Mr. President, to be good enough to

give the floor to Professor Dupuy.

40 Le PRESIDENT : Je remercie M. Luigi Condor elli de sa présentation. Je donne maintenant

la parole à M. Pierre-Marie Dupuy.

Mr. DUPUY:

T HE “UNDERLYING CONFLICT ” BETWEEN THE NORMS OF APPLICABLE LAW AND THE
QUESTION OF THE LAWFULNESS OF THE APPROACH OF THE DOMESTIC
COURTS UNDER INTERNATIONAL LAW

1. Mr.President, Members of the Court, during the two rounds of argument conducted

before you by our friends on the other side of the Bar, two aspects particularly struck the members

of the Italian delegation. What we see is both an anguished presence and a disturbing absence; the

presence is that of “jus cogens”, concerning which it is no exaggeration to say that its invocation

appeared to us to denote a genuine anxiety, particularly manifest in one of the opposing counsel.

2. The absence, on the other hand, affects all our opponents: not one of them deemed it

necessary to return to a substantive observation of cardinal importance, even though it was made

only a short time ago by a gathering of particularly well-informed experts: that of the proven

existence of an underlying conflict, in positive international law, between the rules on the immunity

from jurisdiction of States, on the one hand, and claims relating to international crimes, on the

other.

3. Before reviewing this second aspect in more detail, I should like to return to the first.

Concerning jus cogens , ProfessorKolb thought it necessary to evoke, and I quote, “the ever - 34 -

threatening and ugly hydra of unilateralism” or the dangers of a “collapse” of the law which could

result from its invocation 35, a catastrophe illustrated by the narration of a children’s fable.

4. He also emphasized the devastating eff ect of invoking human rights given the primacy ⎯

36
he used the word “primary” ⎯ which had inspired the Italian Corte di Cassazione , an approach

likely in his view to sweep away entire swath es of international law, including the sacrosanct

37
principle pacta sunt servanda . This apocalyptic narrative was barely tempered by the oh so

41 furtive evocation of the call of a cuckoo arriving from the neighbouring forest to announce some

38
sort of ill-defined spring .

5. Nevertheless, Members of the Court, you yourselves did not hesitate to invoke the

existence of peremptory law in your Judgment of 2006 concerning Armed Activities on the

39
Territory of the Congo ; jus cogens deserves neither the excessive honours nor the undignified

treatment that Mr. Kolb seeks to bestow on it. Jus cogens is not just positive law, but equally it is

not made in heaven any more than it is raised out of hell. Jus cogens, like other kinds of law, arises

out of the consent of States. To be convinced of this, one need only look at the legendary

Article53 of the Vienna Convention on the Law of Treaties, according to which “a peremptory

norm of general international law is a norm accepted and recognized by the international

community of States as a whole” (emphasis added). And it is precisely its existence which places

an obligation on courts, at least when its invo cation is justified, to draw the appropriate

conclusions.

6. That said, while it is true that the existence of jus cogens played a decisive role in the

establishment of the jurisprudence of the Italian Corte di Cassazione , it is not necessarily the

lynchpin of this case. I have already mentioned this point in connection with the rule contained in

40
Article16 of the ILC Draft Articles on State Responsibility , the application of which does not

depend on the violation of a peremptory norm; the same is true of the existence of an individual

3CR 2011/17, p. 51, paras. 4 and 5 respectively (Kolb).
36
Ibid., para. 5.
37
Ibid.
3CR 2011/17, p. 54, para. 8.

3Armed Activities on the Territory of the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the Congo v.
Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006, p. 64.

4CR 2011/18, p. 57, para. 16. - 35 -

right, as noted in your jurisprudence in the LaGrand and Avena cases. And the same observation

can moreover be made, at least in part, concerni ng specifically the “underlying normative conflict”

to which the German pleadings, as we have already noted, fail to make any reference.

7. However, Mr.President, this omission is so crucial that it must be the subject of further

development in this presentation. For this purpose, I shall take up two aspects in sequence: first

the existence of this conflict, and then the c onsequences resulting therefrom for the domestic court

seised of an application implicating a foreign Stat e. I shall conclude with a few brief remarks on
42

the function of the Court in this case.

1. The proven existence of an underlying conflict

8. Throughout its pleadings, Germany h as made much of the fact that the Corte di

Cassazione allegedly remained in splendid isolation, the only court in the world to have dared raise

the question whether and to what extent recogniti on of the maintenance of jurisdictional immunity

could be reconciled with the need to make repara tion for the effects of international crimes. Our

distinguished opponents have thus untiringly asserted th e primacy of a sort of absolute procedural

rule vis-à-vis any primary norm, even a peremptory one. No conflict, therefore no problem?

9. However, this conflict is in fact shown to exist by the proceedings and the discussions that

took place between 2003 and 2009 between the members of the Institute of International Law, as

well as by the final resolution adopted by a large ma jority, as was very ably described by one of its

41
members, Professor Jean Salmon .

10. One could then, of course, call into question the authority of this learned society; one is

at liberty to condemn it for having dared to conclude that “the removal of immunity from

proceedings in national courts is one way by which effective reparation for the commission of

42
international crimes may be achieved” . One is at liberty to consider that such a declaration marks

out this highly respectable group of experts as an irresponsible outfit handling normative dynamite.

4J. Salmon, “La résolution de Naples de l’Institut de droit international sur les immunités de juridiction de l’Etat
et de ses agents en cas de crimes internationaux” (The Nples resolution of the Institute of International Law on the
immunity from jurisdiction of the State a nd of persons who act on behalf of State in case of international crimes)
(10 September 2009), in Revue belge de droit international, 2009, pp. 316 et seq., spec., pp. 331 et seq.

4Resolution on the Immunity from Jurisdiction of the State and of Persons who Act on Behalf of the State in case
of International Crimes, Rapporteur: Lady Fox, Yearbook of the Institute of International La⎯ Naples session,
Vol. 73, 2009, p. 228. - 36 -

Naturally, if this were the opinion of our Germ an friends, it is understandable that they have

maintained a prudent silence regarding the Napl es resolution during these hearings, as several of

the most eminent members of that subversive group are in fact here among us in this Hall and, in

particular, in your Court!

43 11. Italy, for its part, has no difficulty in a pproving the terms of the resolution adopted in

2009, particularly when it states: “[p]ursuant to treaties and customary international law, States

43
have an obligation to prevent and suppress international crimes” .

12. Equally, one cannot but agree with the view expressed by Mr.vonHoffman in plenary

session that: “the traditional understanding was th at immunity prevailed over human rights, but

that today, a consensus was emerging that in cases of international crimes, the protection of human

rights had to prevail” 44. It was moreover in the wake of that finding 45, shared by the majority of

members, that the original text, pared down to its fundamentals, was moved to the preamble in the

wording approved by the Institute, so as to read: “the underlying conflict between immunity from

46
jurisdiction of States and their agents and claims arising from international crimes” .

13. Mr.President, Italy for its part attaches the highest importance to the observation made

by an institution known worldwide for its expertise, its sagacity and its balanced judgment. It has

to be noted, therefore, that the statement made by the Institute of International Law and the clarity

with which it set about emphasizing the customary ob ligations of States in regard to international

crimes and their effects, its insistence, in par ticular, on the fact that “[i]mmunities should not

constitute an obstacle to the appropriate reparation to which victims . . . are entitled”, confirm that

it is indubitably no longer possible today to adhe re to a theory of absolute immunity from

jurisdiction. However, it is to this outdated thesis that Germany has today reverted.

14. I use the word “reverted” advisedly, Mr.President; for it was in 1999, before the

Committee on legal affairs of the United Nations General Assembly at its Fourty-fourth Session,

43
Resolution on the Immunity from Jurisdiction of the State and of Persons who Act on Behalf of the State in case
of International Crimes, Rapporteur: Lady Fox, Art. II, 2.
4Mr. von Hoffman (PV No. 5).

4MM. Ranjeva, Treves and Pellet (PV No. 5).
46
Resolution on the Immunity from Jurisdiction of the State and of Persons who Act on Behalf of the State in case
of International Crimes, Rapporteur: Lady Fox, Yearbook of the Institute of International Law⎯ Naples session,
Vol. 73, 2009, p. 228. - 37 -

that Mr.Westdickenberg, Legal Adviser to the German Ministry of Foreign Affairs at the time,

declared:

44 “Recent developments in State practice and legislation [have] shown that the
issue of jurisdictional immunity in the case of violations by acts of States of human
rights norms having the character of jus cogens was central to the subject of
47
jurisdictional immunity and deserved further attention.”

15. His successor, on the other hand, Ambassador Wasum-Rainer, declared forcefully at this

podium on 12 September last: “the basis for State immunity is not to be found in the character of

the legal norm which was allegedly violated, but in the character of the act as a State act which can,

48
by its very nature, not be subject to the jurisdiction of another State” . She thus let it be clearly

understood, as she said subsequently, that immunity cannot be subject to any exception: “once

State immunity has been perforated there is no re ason not to extend the exceptions to a range of

other areas” 4.

16. The Court will have noted the difference, not only in tone but in content, between the

two declarations, 12years apart. It has to be observed, therefore, that unlike the Institute of

International Law, which found that the law was developing along the lines that it indicated,

Germany, in the meantime, has decided to reverse ge ar and go back in history to arrive at a theory

of absolute immunity.

17. Consequently, the domestic courts should, according to Germany, automatically rule that

they lack jurisdiction solely on account of the fact that a claim for reparation of crimes against

humanity is directed against a foreign State. It aly can only deplore this change in Germany’s way

of thinking.

18. Be that as it may, let us now look at the consequences for the national courts of the

proven existence of a normative conflict between immunity and reparation for damage caused by

international crimes.

47UN, doc. A/C.6/54/SR.15 of 8 November 1999, meeting of 25 October 1999, p. 6, para. 56.
48
CR 2011/17, p. 17, para. 10.
49Ibid. - 38 -

2. The consequences of the existence of the underlying conflict

19. Although I could mention others, there are three main consequences. The first concerns

the need for the domestic court, once an application for reparation for the consequences of a crime

has been brought before it, to consider whether or not it may have jurisdiction, despite the fact that

the application is directed against a foreign State. By definition, precisely because immunity
45
should not, as the Naples resolution says, constitute an obstacle to reparation, the court must not

stop at the threshold of the case, but should instead consider each of its terms and elements. While

it must not forget that, as a general rule, an action against the consequences of State acts “jure

imperii” is prevented by the effect of sovereign immunity, it must also weigh that principle against

the need to allow victims access to reparation. It will then be prompted to ascertain whether there

are alternative remedies, as the Polish Supreme Court did in the Natoniewski case, and to take into

consideration all the legal and factual elements determining the actual position of those who

suffered the damage in question.

20. There is a second consequence which, at this stage, is actually merely an extension of the

first: the court, taking account of the fact that State practices are not ⎯ as we have just seen ⎯

developing uniformly, must consider the balance of interests involved. As ProfessorCondorelli

pointed out on Tuesday, the cost of immunity for the State required to grant it is considerable, since

it is compelled to accept major limitations on its own sovereignty in the exercise of its judicial

50
function, by denying individuals access to guarantees which protect their rights . In other words,

it would not be presenting the full picture to clai m that any infringement of State immunity is

merely an infringement of sovereignty, since the opposite is equally true: that respecting immunity

also involves the infringement of other sovereign rights, not those of the State protected by

immunity, but those of the State whose courts are prevented from exercising their jurisdiction in

order to safeguard individual victims.

21. It is therefore necessary that a court whose jurisdiction is in question should not be too

quick to choose not to exercise it. It should first consider and then decide.

22. This is the philosophy of the Institute of International Law, but it is a philosophy which

is once again the very opposite of Germany’s positi on, or its most recent one, at least. It is,

50
CR 2011/17, p. 18, para. 6. - 39 -

however, this concern for proportionality which has constantly guided the European Court of

Human Rights in its decisions. This is the third consequence of the existence of the underlying
46

conflict: the search for proportionality. If we retu rn to the case law of the European Court of

Human Rights, we can see th at, for instance, in the Fogarty v. United Kingdom judgment, which

itself refers to the judgment in Waite and Kennedy v. Germany, the Strasbourg Court was careful to

say “Furthermore, a limitation will not be compatible with Article 6§1 if it does not pursue a

legitimate aim and if there is no reasonable re lationship of proportionality between the means

employed and the aim sought to be achieved” 51. This same point was also referred to by the

Al-Adsani judgment itself, as well as the McElhinney judgment, when it states that “In this respect,

the Contracting States enjoy a certain margin of appreciation.” 52

23. In other words, Mr. President, Italy consider s that, in a situation where the law is not yet

uniform, there is nevertheless an approach which th e courts can take on the principle of immunity,

weighing it against the need for reparation. We find the same approach, following the line taken by

the European Court of Human Rights, in the judgmen t of the French Court of Cassation earlier this

year which I cited on Tuesday, when it considers

“that the right of access to a court ensh rined in the European Convention for the
Protection of Human Rights may lawfully be restricted by the principle of the

jurisdictional immunity of foreign States only if that limitation pursues a legitimate
aim and if there is a reasonable relati onship of proportionality between the means
employed and the aim sought to be achieved” 53 [translation by the Registry].

This demonstrates the unifying role of the case la w of the European Court of Human Rights; we

might also cite, as Professor Palchetti did a moment ago, the Natoniewski judgment by the Polish

Supreme Court.

24. By definition, the search for proportionality emphasized by the domestic and

international courts would be im possible if we followed Germany’s radical approach in which, as

51ECHR, Fogarty v. United Kingdom , No. 37112/97, para. 33; Waite and Kennedy v. Germany [GC],

No. 26083/94, ECHR 1999-I, para. 59.
52Ibid., McElhinney v. Ireland, No. 31253/96, para. 34; Al-Adsani v. the United Kingdom , No. 35763/97,
para. 53.

53French Court of Cassation, First Civil Chamber, public hearing of 9 March 2011, appeal No.09-14743,
published in the Bulletin. See the third recital. http://droit-finances.commentcamarche.net/jurisprudence/cour-de-
cassation-1/publies-1/3274771-cour-de-cassation-civile-chambre-civile-1-9-mars-2011-09-14-743-publie-au-bulletin. - 40 -

47 soon as an act attributable to a foreign State is brought before a domestic court, the judge is

forbidden to enter the temple of the law, just as in the Kafka novel.

25. So, Mr. President, Members of the Court, I have rather reluctantly to ask you, who is

isolated here? Is it the Italian Court of Cassati on in its shared desire for proportionality, or

Germany in its pugnacious determination to return to the old days of radical immunity? Let us

briefly examine how the Italian courts approach this sensible search for proportionality, which

never pre-empts the final decision of the court in question.

26. I will not go over what I told you on Tuesday, Mr.President, when I drew the Court’s

attention to the fact that the Italian Court of Cassation had weighed up, on the basis of Article 10 of

the Constitution, both the continuing validity of the principle of immunity and the affirmation

today of the need to prosecute those who comm it crimes and to remedy the effects of those

crimes 54. I will simply remind you how we have all, on this side of the Bar, constantly stressed the

four elements which characterize the Ferrini case as a borderline case, and how their conjunction

led the court to set aside jurisdictional immunity. Do I really need to go through them again?

Applicants who have spent the last 50 years vainly seeking reparation; for the consequences of

war crimes and crimes against humanity ; for which Germany had admitted that it should bear

responsibility; but for which it refused to provide reparation, whether through diplomatic channels

or the courts.

27. I would point out, in passing, that this has nothing to do with rely ing on the theory that

exceptional circumstances may preclude unlawfu lness, which our opponents kept on referring to

yesterday, without actually providing any evidence; on the contrary, it is all about taking into

consideration, in the careful assessment of the balance of interests ⎯ yes, that again ⎯ all the

elements capable of swinging that balance towards immunity or towards setting it aside. States and

their courts have a certain margin of appreciation here, as the Strasbourg court said.

28. At this stage, and still on the subject of analysing the court’s approach in the Ferrini

case, I feel I must briefly return to two points, because our German colleagues have focused on

48 them so insistently: first, whether or not Mr. Ferrini really had exhausted the possibilities offered

54
CR 2011/18, pp. 59-60, paras. 23 and 24. - 41 -

by Germany for obtaining reparation; and second, whether or not the position adop
ted by the Corte

Suprema risked opening up enormous scope for “forum shopping” in future, a sort of huge

universal bazaar where you could pick and choo se your court as you would your shopping, thanks

to which, as Mr. Kolb so movingly lamented, anyone would be able to do absolutely anything.

29. On the first point, to cut a long story short, the statements made by Professor Tomuschat

and MsWasum-Rainer 5, that Mr.Ferrini had not taken his case to the German courts, do not

reflect what actually happened. The actions wh ich he brought in Germany were non-judicial, it is

true, and we will explain why; but they we re brought before the competent administrative

authorities. First of all, in 1996, he was refused on the ground that admission to reparation for war

damage, which he invoked, was not open to foreign nationals; he was refused a second time, by

the “Remembrance, Responsibility and Future” Fou ndation after it was set up, on the ground that

the Kalha concentration camp in which Mr.Ferrini was interned at the age of 18 was not on the

Foundation’s list of camps. When the Foundation finally agreed to consider Mr.Ferrini’s

application following appeals by his lawyer, Mr. Lau, who is here in the chamber today, it offered

him a token sum, and even then only on certain conditions.

30. The Foundation knew that in 1998, havi ng seen more and more judgments from the

German courts all dismissing applications iden tical to his own, Mr.Ferrini had instituted

proceedings before the court in Arezzo. The F oundation offered him this paltry sum on condition

that he dropped his case before the Italian court. The German courts’ decisions which formed the

basis for Mr. Ferrini’s application to the Arezzo c ourt, all of them negative, as I said, are listed in

the 2003 judgment of the German Constitutional Court reproduced in Annex11 to Italy’s

Counter-Memorial. That judgment finally put an end to any hope of reparation for the Italian

victims of forced labour. We can see from this that Mr. Ferrini’s quest for reparation was in vain
49

and that he knew it would remain so, given the German courts’ negative attitude.

31. Finally, the argument put forward on Tuesday by ProfessorKolb that accepting the

lawfulness of the Italian Supreme Court’s decisi on would be opening the floodgates to “forum

56
shopping” is also worth examining, even though Prof essor Palchetti has already touched on this.

55
CR 2011/20, p. 14, para. 11 (Wasum-Rainer); p. 25, para. 21 (Tomuschat).
56
CR 2011/17, pp. 56, 2, para. 14. - 42 -

In actual fact, as I said on Tuesday, the Italian Court of Cassation adopted a very specific, almost

processualist approach, similar to a sort of “princ iple of complementarity”, but here, of course,

between the civil courts of two groups of clearly identified States. And not just any States. First

comes the responsible State, in this case Germany, whose administrative and judicial remedies

must be considered on the basis of the legitimate expectations of access to reparation which they

create. Secondly, if no reparation is obtained, the case may be brought not before the courts of just

any other State ⎯ there is absolutely no analogy with uni versal jurisdiction in criminal matters ⎯

but only before the courts of the State of which the victim is a national, according to the Court of

Cassation.

32. It should be noted that as early as 1983, in an article which appeared in the British

Yearbook of International Law, Professor Crawford, following the Letelier v. Chile case and on the

basis of the finding that State jurisdictional immunity for acts jure imperii was no longer absolute,

highlighted the lawfulness of civil action before the national courts of the victim for damage caused

by an internationally wrongful act of a foreign St ate. He certainly did not make such an initiative

before those courts conditional upon the prior unsuccessful exhaustion of the internal remedies of

57
the responsible State . Are such actions not therefore all the more possible where those remedies

have been pursued, as suggested in this case by th e Italian Supreme Court, it being understood that

there is no need here, any more than in the sep arate context of diplomatic protection, for all

58
remedies to have actually been exhausted if it was obvious that they would not succeed ?

50 33. The fact remains that, in the Ferrini case and those which followed, the court’s approach

was consistent with the overall view that the domestic courts of a State may not consider setting

aside the immunity of another foreign State unless the courts in question, no reparation having been

obtained before the courts of the responsible State, are those of the victim’s national State.

34. This late in the day, Mr.President, there is no time for me to go through all the claims

made by ProfessorKolb in particular in his oral arguments yesterday. I would simply make the

point that Italy is clearly not abandoning any of the arguments it presented to you in its written

57
J. Crawford, “International Law and Foreign Sovereigns: Distinguishing Immune Transactions”, British
Yearbook of International Law, 1983, pp. 75 et seq., spec., pp. 110-112.
58Elettronica Sicula S.p.A. (ELSI) (United States of America v. Italy), Judgment, I.C.J. Reports 1989, paras 62-63. - 43 -

pleadings or the first round of oral argument. That applies particularly to the Italian courts’ view,

following the line taken by the German and Swiss constitutional courts, that they could not become

complicit in perpetuating a wrongful act committed by another State, a view to which no

substantive response has been given by my dis tinguished opponent, who was unable to deny that

the judgments reported had a ratio legis, or that this was well founded.

3. Conclusion

35. The existence, acknowledged by the most experienced internationalists, of an underlying

conflict in positive law between immunity and the need to ensure reparation for the damage caused

by crimes produces certain consequences, which I sh all conclude by describing in so far as they

relate to the role of the Court.

36. Taking into consideration the difficult position of the domestic courts, given that positive

law is in transition and has not yet reached a new phase of stability, the Court is not being asked to

develop its own legislation or, on the contrary, to say that positive law is one single, fixed rule,

when it no longer is.

On Tuesday I described a fundamental trend in which the domestic courts are increasingly

often being asked to assess the international lawfulness of acts of another State, in the present case

a foreign State. Given that there is every indicati on that this trend is likely to be irreversible, the

Court has the opportunity in the present case, precisely in order to avoid the risk of arbitrary

decisions, to hand down a ruling without preventin g the law from developing. It can do so while

51 still respecting sovereign will, by laying down markers and setting the normative and

methodological limits within which those courts must seek to balance the interests involved.

37. Faced with this conflict of interests between rival sovereignties, I hope the Court will not

mind if I urge it once again to return to the soothing banks of the Thames. It was there that

Hersch Lauterpacht ⎯ yes, again ⎯ declared in 1933, still well before the recognition that

subsequently led to his knighthood, and as if he sensed the sound and fury of times to come:

“No doubt it is true to say that intern ational law is made for States, and not

States for international law; but it is true only in th59sense that the State is made for
human beings, and not human beings for the State.”

59
Hersch Lauterpacht, The Function of Law in the International Community, p. 430-31 (1933). - 44 -

Thank you, Mr. President, and I would ask you now to give the floor to the Agent of the

Italian Republic.

Le PRESIDENT: Je remercie M. Pierre-Marie Dupuy de sa présentation. J’invite

maintenant M. l’ambassadeur Aiello, agent de l’Italie, à présenter ses conclusions finales.

M. AIELLO :

1. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs les Membres de la Cour, la République

italienne apprécie beaucoup le travail qu’accomplit la Cour internationale de Justice, principal

organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies. C’est pourquoi l’Italie a accepté sans

hésiter que la présente affaire soit portée devant la Cour. Elle est de plus convaincue que votre

arrêt en l’espèce renforcera encore les bonnes relations entre l’Italie et la République d’Allemagne.

2. Monsieur le président, alors que nous appr ochons de la fin d’une semaine d’audiences, je

souhaite réitérer la demande de l’Italie tendant à ce que, pour les raisons exposées dans nos

écritures et lors de nos plaidoiries, la Cour dise et juge que les demandes de l’Allemagne sont sans

fondement. Il est toutefois entendu, comme je l’ ai dit dans mon introduction lundi, que l’Italie

n’aurait aucune objection à ce que la Cour décide de lui ordonner d’obtenir la mainlevée de

l’hypothèque inscrite sur la Villa Vigoni.

52 3. Avant de conclure, nous souhaitons vous exprimer, Monsieur le président et Mesdames et

Messieurs les Membres de la Cour, nos remerciements sincères pour l’aimable attention et l’écoute

réfléchie que vous avez réservées à nos plaidoiries. Qu’il me soit aussi permis de remercier en

particulier le greffier, ainsi quetout son personnel, d’avoir assu ré le bon déroulement de ces

audiences et l’administration efficiente de toute l’ affaire. Nous remercions aussi traducteurs et

interprètes pour leur travail remarquable.

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs les Membres de la Cour, le Gouvernement

italien conclura en réaffirmant le respect indéfectible que lui inspirent depuis toujours les décisions

de la plus haute juridiction mondiale. Nous sommes convaincus que l’arrêt de la Cour marquera un

tournant positif dans l’évolution de l’immunité juridictionnelle des Etats, un domaine du droit de la

plus haute importance pour toutes les nations. - 45 -

5. Enfin, je tiens à remercier nos amis, l es membres de la délégation allemande, d’avoir

coopéré avec nous tout au long de cette procédure.

Je vous remercie, Monsieur le président.

Le PRESIDENT: Je vous remercie Monsieur l’ambassadeur pour votre exposé, qui vient

clore les observations de l’Italie. La Cour pre nd acte des conclusions finales dont vous venez de

donner lecture au nom de l’Italie, comme elle a pris acte, le jeudi 15septembre, de celles de

l’Allemagne.

Plusieurs juges souhaitent à présent prendre la parole pour poser des questions aux deux

Parties, à l’une d’elles ou à l’Etat intervenant.

J’invite MM.les juges Simma, Bennouna et CançadoTrindade, et M.le juge ad hoc Gaja,

qui ont des questions, à prendre la parole.

Je donne la parole, par ordre de préséance, à M.le juge Simma, qui souhaite poser une

question à l’Italie.

Le juge SIMMA : Je vous remercie Monsieur le président. L’Italie considère que la clause

de renonciation figurant au paragraphe4 de l’article77 du traité de paix de1947 ne couvre pas

⎯ et ne peut pas couvrir ⎯ les graves violations du droit international humanitaire commises par

l’Allemagne contre des Italiens. Selon le défendeur, le droit intern ational faisait en1947 déjà et

fait jusqu’à aujourd’hui obligation à l’Italie de ne pas renoncer à des réclamations visant à engager

53 la responsabilité de l’Allemagne à raison de telles violations. Etant donné la grande importance

attachée par l’Italie à ces réclamations, je souhaiterais poser la question suivante, d’ordre factuel :

Pourriez-vous décrire en détail les tentatives faites par le Gouvernement italien pour amener

l’Allemagne, par la voie diplomatique, à accorder réparation aux victimes italiennes des crimes de

guerre allemands, c’est-à-dire précisément à la catégorie de victimes italiennes prétendument

exclues du bénéfice des mesures de réparation accordées par l’Allemagne pendant la période

comprise entre la conclusion du traité de paix de 1947 et l’affaire Ferrini. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.le j uge Simma. Je donne à présent la parole à

M. le juge Bennouna, qui souhaite poser une question à l’Allemagne. - 46 -

Judge BENNOUNA: Thank you, Mr. President. Indeed, my question is addressed to the

delegation of Germany and is the following: if no other remedy is available for individual victims

of serious violations of human rights or humanitarian law committed on their territory by a foreign

State, would it be admissible for the latter to raise a plea of immunity from jurisdiction jure imperii

before the courts of the forum State? Thank you, Mr. President.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.le j uge Bennouna. Je donne à présent la parole à

M. le juge Cançado Trindade, qui souhaite poser une question aux deux Parties et à la Grèce en sa

qualité d’intervenant.

Judge CANÇADO TRINDADE: Thank you, Mr. President. In order to maintain the

linguistic balance of the Court, I will put my ques tions in the other language of the Court. Three

questions to Germany and Italy and one to Greece.

La première question que j’adresse à l’Allemagne et à l’Italie est la suivante: à la lumière

des arguments que vous avez développés pendant ces audiences publiques et au vu des accords de

règlement conclus en1961 entre l’Allemagne et l’Italie, quelle est la portée exacte des clauses de

renonciation contenues dans ceux-ci et de la clause de renonciation figurant au paragraphe4 de

l’article 77 du traité de paix de 1947 ? La question des réparations peut-elle être considérée comme

totalement close aujourd’hui, ou certains de ses aspects demeurent-ils en suspens ?

La deuxième question que j’adresse à l’Allemagne et à l’Italie est la suivante: l’exception

délictuelle (applicable aux actes préjudiciables commis sur le territoire de l’Etat du for) est-elle

limitée aux actes jure gestionis ? Peut-elle l’être ? Les actes jure imperii connaissent-ils également

54 une telle exception? Comment les crimes de guerre peuvent-ils être considérés comme des actes

jure ⎯ je répète jure ⎯ imperii ?

La troisième question que j’adresse à l’Allemagne et à l’Italie est la suivante: les victimes

italiennes auxquelles le défendeur se réfère spécifiquement ont-elles effectivement été

indemnisées ? Si tel n’est pas le cas, ont-elles droit à une telle réparation et comment peuvent-elles

être effectivement indemnisées, si ce n’est par une procédure de droit interne? Peut-on encore - 47 -

considérer que, lorsque des violations graves des droits de l’homme et du droit international

humanitaire sont en cause, le régime des réparations s’épuise au niv eau interétatique ? Le droit à

réparation est-il lié au droit à l’accès à la justice lato sensu ? Et quelle est la relation entre ce droit

à l’accès à la justice et le jus cogens ?

Et, enfin, la question que j’adresse à la Grèce est la suivante: dans l’ordre juridique grec,

quels sont les effets juridiqu es de la décision du Tribunal supérieur spécial en l’affaireMargellos

sur la décision de la Cour de cassation en l’affaire du Massacre de Distomo ? Cet arrêt de la Cour

de cassation est-il toujours en attente d’exécution da ns l’ordre juridique grec et au-delà ? Je vous

remercie, Monsieur le président.

Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.le juge CançadoTrindade. J’invite à présent

M. le juge ad hoc Gaja à poser sa question, qui s’adresse aux deux Parties.

juLe ad hoc GAJA : Je vous remercie, Monsieur le président. Ma question, qui s’adresse

aux deux Parties, est la suivante : Une renonciation formulée par l’Etat A, également au nom de ses

nationaux, relativement à une catégorie de réclamati ons à l’encontre de l’EtatB, implique-t-elle

que l’EtatB jouit de l’immunité de juridiction si un national de l’EtatA saisit les tribunaux de

celui-ci d’une réclamation entrant dans cette catégorie ? Je vous remercie.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, M. le juge ad hoc Gaja. Le texte de ces questions sera

communiqué aux Parties et à la Grèce dès que possible. Les Parties et la Grèce sont invitées à

fournir leurs réponses par écrit au plus tard le vendredi23septembre à 18heures. Toute

observation que les Parties ou la Grèce souhaitera ient faire sur ces réponses écrites devra être

présentée au plus tard le vendredi 30 septembre à 18 heures.

55 Voilà qui nous mène à la fin des audiences en l’affaire. Je voudrais remercier les agents,

conseils et avocats des deux Parties et de la Grèce pour leurs exposés. Conformément à la pratique,

je prierai les agents de rester à la disposition de la Cour pour tous renseignements complémentaires

dont celle-ci pourrait avoir besoin. - 48 -

Sous cette réserve, je déclare maintenant close la procédure en l’affaire relative aux

Immunités juridictionnelles de l’Etat (Allemagne c. Italie; Grèce (intervenant)) . La Cour va à

présent se retirer pour délibérer. Les agents des Parties et de l’Etat intervenant seront avisés en

temps utile de la date à laquelle la Cour rendra son arrêt.

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 17 h 10.

___________

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