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150-20110111-ORA-01-01-BI
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CR 2011/1 (traduction)

CR 2011/1 (translation)

Mardi 11 janvier 2011 à 10 heures

Tuesday 11 January 2011 at 10 a.m. - 2 -

8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit

aujourd’hui pour entendre, conformément au paragr aphe3 de l’article74 de son règlement, les

observations des Parties concernant la demande en indication de mesures conservatoires présentée

par la République du Costa Rica en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua

dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua).

Pour des raisons dont il m’a dûment fait part, M. le juge Bennouna est empêché de siéger ce

matin.

Chacune des Parties à la présente affaire, la République du CostaRica et la République du

Nicaragua, a usé de la faculté que lui confère l’ar ticle 31 du Statut de la Cour de désigner un juge

ad hoc. Le Costa Rica a désigné M. John Dugard et le Nicaragua, M. Gilbert Guillaume.

L’article 20 du Statut dispose que «[t]out membre de la Cour doit, avant d’entrer en fonction,

en séance publique, prendre l’engagement solennel d’ exercer ses attributions en pleine impartialité

et en toute conscience». Cette disposition s’applique également aux juges ad hoc en vertu du

paragraphe 6 de l’article 31 du Stat ut. Bien que M. Dugard et M. Guillaume aient tous deux siégé

en qualité de juge ad hoc et fait une déclaration solennelle dans des affaires précédentes, le

paragraphe 3 de l’article 8 du règlement de la Cour requiert qu’ils fassent une nouvelle déclaration

solennelle en la présente affaire.

Avant d’inviter chacun des juges ad hoc à faire sa déclaration sole nnelle, je dirai d’abord,

selon l’usage, quelques mots de leur carrière et de leurs qualifications.

M. Gilbert Guillaume, de nationalité française, est licencié en droit, diplômé de l’Institut

d’études politiques de Paris et ancien élève de l’Ec ole nationale d’administration. Eminent juriste,

il a mené une double carrière de magistrat et de diplomate. Il est membre honoraire du Conseil

d’Etat après avoir été conseiller d’Etat. Il a représenté la France au comité juridique de

l’Organisation de l’aviation civile internationa le (OACI) et a présidé ce comité de 1971 à 1975.

Président de la commission de conciliation de l’ Organisation de coopération et de développement

économique (OCDE), il a pris ensuite la directio n du service juridique de cette organisation.

M. Guillaume a été directeur des affaires juridiques au ministère français des affaires étrangères et, - 3 -

9 en cette qualité, a été agent de la France devant la Cour de Justice des Communautés européennes

et la Cour européenne des droits de l’homme. Membre de la Cour internationale de justice de 1987

à 2005, il en a été président du 6février2000 au 6 février2003. Il a été désigné pour siéger en

qualité de juge ad hoc dans l’affaire relative à Certaines procédures pénales engagées en France

(République du Congo c.France), dans l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et

des droits connexes (CostaRica c.Nicaragua), dans l’affaire relative à Certaines questions

concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), et dans celle du Différend

maritime (Pérou c. Chili). Membre de la Cour permanente d’ arbitrage depuis 1980, M. Guillaume

a siégé en tant qu’arbitre dans un grand nombre d’ affaires. Il est aussi l’auteur de nombreux

ouvrages et articles, et professeur invité dans dive rses institutions académiques. Il est notamment

membre de l’Institut de France et de l’Institut de droit international, dont il a été vice-président.

M.JohnDugard, de nationalité sud-africaine , est professeur émérite de l’Université de

Witwatersrand et professeur honoraire à l’Université de Pretoria et à l’Université de Western Cape

et il était jusqu’à récemment professeu r de droit international public à l’Université de Leyde. Il a

aussi été directeur du Lauterpacht Research Center for International Law de l’Université de

Cambridge, et professeur invité dans de nombreuses universités du monde. M. Dugard a publié des

ouvrages et articles dans divers domaines du droit international. Parallèlement à sa brillante

carrière universitaire, M.Dugard a apporté une importante contribution aux travaux de nombre

d’organes internationaux dans le domaine du droit in ternational et des droits de l’homme. Il est

membre de l’Institut de droit inte rnational et de la Commission du droit international, dont il a été

le rapporteur spécial sur la protection diplomatique. Il a également été rapporteur spécial au

Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. M. Dugard a en outre siégé à la Cour en qualité

de juge ad hoc en l’affaire des Activités armées sur le te rritoire du Congo (République

démocratique du Congo c.Rwanda) et en celle de la Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu

Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour).

M.Dugard a participé aux négociations c onstitutionnelles qui ont conduit à l’établissement

d’une Afrique du Sud démocratique, et il a reçu diverses distinctions et récompenses pour l’Œuvre

qu’il a accomplie au service du développement du droit international des droits de l’homme. - 4 -

10 Conformément à l’ordre de préséance défini au paragraphe 3 de l’article 7 du Règlement de

la Cour, j’inviterai d’abord M.GilbertGuillaume à faire la déclaration solennelle prescrite par le

Statut et je demanderai à toutes les personnes présentes à l’audience de bien vouloir se lever.

M. GUILLAUME: “I solemnly declare that I will perform my duties and exercise my

powers as judge honourably, faithfully, impartially and conscientiously.”

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite maintenant M.JohnDugard à faire la

déclaration solennelle prescrite par le Statut.

M.DUGARD: «Je déclare solennellement que je remplirai mes devoirs et exercerai mes

attributions de juge en tout honne ur et dévouement, en pleine et parfaite impartialité et en toute

conscience.»

Le PRESIDENT : Je vous remercie. Veuillez vous asseoir. Je prends acte des déclarations

solennelles faites par M. Guillaume et M. Dugard, et déclare ceux-ci dûment installés en qualité de

juges ad hoc en l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région

frontalière (Costa Rica c. Nicaragua).

*

* *

La présente instance a été introduite par le dépôt au Greffe de la Cour, le 18 novembre 2010,

d’une requête de la République du CostaRica contre la République du Nicaragua, alléguant

«l’incursion en territoire costa-ricien de l’armée nicaraguayenne, l’occupation et l’utilisation d’une

partie de celui-ci, ainsi que [la] violation … par le Nicaragua d’obl igations lui incombant envers le

Costa Rica» en vertu d’un certain nombre de traités et de conventions internationaux.

Pour fonder la compétence de la Cour, le Costa Rica invoque dans sa requête en premier lieu

l’articleXXXI du traité américain de règlement pacifique du 30avril1948, également dénommé

«Pacte de Bogotá», qui lie les deux Parties, depuis le 6 mai 1949 et le 21 juin 1950 respectivement.

Le Costa Rica invoque en second lieu les déclarations reconnaissant la juridiction obligatoire de la - 5 -

11 Cour, formulées conformément au paragraphe2 de l’article36 du Statut de la Cour, par la

République du Costa Rica le 20févrir973 et par la République du Nicaragua le

24 septembre 1929 (telle que modifiée le 23 octobre 2001).

Dans la requête, il est allégué que le Nicara gua, «à l’occasion de deux incidents distincts, a

occupé le sol costa-ricien dans le cadre de la construction d’un canal à travers le territoire du

Costa Rica, entre le fleuve San Juan et la lagune de los Portillos (également connue sous le nom de

«lagune de Harbor Head»), et de certaines activités connexes de dragage menées dans le San Juan».

Le CostaRica affirme que la première incursi on s’est produite le 18octobre 2010 ou autour de

cette date et que le Nicaragua aurait «abattu d es arbres et déversé des sédiments provenant des

travaux de dragage effectués sur le sol costa-rici en». Il ajoute que, «[a]près un bref retrait, un
er
second contingent de troupes nicaraguayennes est entré en territoire costa-ricien le 1 novembre ou

autour de cette date et y a établi un campement ». Le CostaRica avance que «[d]epuis cette

seconde incursion, [les forces armées nicaraguayennes] occupent de façon continue une partie de

territoire costa-ricien d’une superficie initiale de quelque trois kilomètres carrés, à l’extrémité

nord-est du Costa Rica, du côté de la mer des Cara ïbes». Il affirme en outre que «selon certaines

indications, les forces militaires nicaraguayennes se seraient également enfoncées en territoire

costa-ricien au sud» de la zone susmentionn ée, que le «Nicaragua a…causé des dommages

importants dans la partie de territoire costa-ricien occupée», et que

«[l]es travaux de dragage actuels et pr évus, ainsi que la c onstruction du canal,

altéreront gravement le débit des eaux alimentant le Colorado, cours d’eau
costa-ricien, et causeront d’autres dommages au territoire du CostaRica, notamment
aux zones humides et aux réserves nationales de flore et de faune sauvages de la
région».

Le Costa Rica soutient de surcroît que le Nicaragua compte, en canalisant de manière artificielle le

San Juan, «modifier le cours naturel du fleuve qui … constitue la frontière» entre les Parties.

Je demande maintenant au greffier de donner lect ure de la décision que la Cour est priée de

prendre, telle que formulée dans la requête du Costa Rica :

GRLeFFIER :

«Pour ces motifs, tout en se réservant le droit de compléter, préciser ou modifier
la présente requête, le Costa Rica prie la Cour de dire et juger que le Nicaragua viole

ses obligations internationales mentionnées au paragraphe1 de la présente requête, à - 6 -

raison de son incursion en territoire costa-ri cien et de l’occupation d’une partie de
celui-ci, des graves dommages causés à ses forêts pluviales et zones humides
protégées, des dommages qu’il entend causer au Colorado, à ses zones humides et à

ses écosystèmes protégés, ainsi que des activités de dragage et de creusement d’un
12 canal qu’il mène actuellement dans le SanJuan . En particulier, le CostaRica prie la
Cour de dire et juger que, par son comportement, le Nicaragua a violé :

a) le territoire de la République du Costa Ri ca, tel qu’il a été convenu et délimité par
le traité de limites de1858, la senten ce Cleveland ainsi que les première et
deuxième sentences Alexander ;

b) les principes fondamentaux de l’intégrité territoriale et de l’interdiction de l’emploi
de la force consacrés par la Charte des Nations Unies et la charte de l’Organisation
des Etats américains ;

c) l’obligation faite au Nicaragua par l’arti cleIX du traité de limites de1858 de ne

pas utiliser le San Juan pour perpétrer des actes d’hostilité ;

d) l’obligation de ne pas causer de dommages au territoire costa-ricien ;

e) l’obligation de ne pas dévier artificielleme nt le San Juan de son cours naturel sans
le consentement du Costa Rica ;

f) l’obligation de ne pas interdire la naviga tion de ressortissants costa-riciens sur le

San Juan ;

g) l’obligation de ne pas mener d’opérations de dragage dans le SanJuan si ces
activités ont un effet dommageable pour le territoire costa-ricien (y compris le
Colorado), conformément à la sentence Cleveland de 1888 ;

h) les obligations découlant de la convention de Ramsar sur les zones humides ;

i) l’obligation de ne pas aggraver ou étendre le différend, que ce soit par des actes

visant le CostaRica, et consistant nota mment à étendre la portion de territoire
costa-ricien envahie et occupée, ou par l’adoption de toute autre mesure ou la
conduite d’activités qui porteraient atteinte à l’intégrité territoriale du CostaRica
en violation du droit international.

La Cour est également priée de déterminer les réparations dues par le Nicaragua
à raison, en particulier, de toute mesure du type de celles qui sont mentionnées [plus
haut dans] la requête.»

Le PRESIDENT: Le jour du dépôt de sa requête, le CostaRica a également saisi la Cour

d’une demande en indication de mesures conservatoires, en se référant à l’article 41 du Statut de la

Cour et aux articles73,74 et 75 du Règlement de la Cour. Dans cette demande, le CostaRica

renvoie à la base de compétence de la Cour qu’il a invoquée dans sa requête, ainsi qu’aux faits et

arguments qu’il y a exposés. Il demande à la Cour d’ordonner des mesures conservatoires de ses

droits dans l’attente de l’arrêt de la Cour, en expliquant que, - 7 -

«[m]algré des protestations régulières du Costa Rica et des appels au Nicaragua pour
que celui-ci s’abstienne de draguer le San Ju an jusqu’à ce qu’il puisse être établi que
ses opérations ne causeront aucun dommage au Colorado ou à d’autres parties du

territoire costa-ricien, le Nicaragua a pour suivi ses activités de dragage … et a même
annoncé … qu’il déploierait deux dragues supplémentaires sur le [San Juan]».

Selon le Costa Rica, ceci «démontre … que le Colo rado, fleuve costa-ricien, ainsi que les lagunes,

rivières, prairies marécageuses et zones boisées du Costa Rica risquent de subir des dommages», le

13 dragage représentant «une menace à l’encontre des réserves naturelles de Laguna Maquenque,

Barra del Colorado et Corredor Fronterizo et du parc national Tortuguero». Le Costa Rica affirme

que le Nicaragua a refusé de se conformer aux termes de la résolution978 adoptée le

12novembre2010 par le conseil permanent de l’Or ganisation des Etats américains au sujet de la

situation dans la zone frontalière entre les de ux pays et que «[a]ucun des efforts déployés pour

régler le différend par des négociations diplomatiques n’a abouti».

Je demande maintenant au greffier de donner lecture du passage de la demande du

CostaRica exposant les mesures conservatoires que le gouvernem ent de ce pays prie la Cour

d’indiquer :

GRLeFFIER :

«Compte tenu des éléments de fait et de droit exposés ci-dessus et aux fins
d’empêcher qu’un préjudice irréparable ne soit causé aux droits souverains qu’il tient
de la Charte des NationsUnies et du tra ité de limites de1858, ainsi qu’au vu des

normes internationalement reconnues en matièr e de protection de l’environnement, le
Costa Rica prie respectueusement la Cour, da ns l’attente de la décision qu’elle rendra
sur le fond de l’affaire, d’ordonner d’urgen ce les mesures conservatoires suivantes, de
sorte à remédier à l’atteinte actuellement portée à son intégrité territoriale et à

empêcher que de nouveaux dommages irréparables ne soient causés à son territoire :

1) retrait immédiat et inconditionnel de to utes les forces nicaraguayennes des parties
du territoire costa-ricien envahies et occupées de manière illicite ;

2) cessation immédiate du percement d’un canal en territoire costa-ricien ;

3) cessation immédiate de l’abattage d’arbr es, de l’enlèvement de végétation et des
travaux d’excavation en territoire costa-ricien, notamment dans les zones humides

et les forêts ;

4) cessation immédiate du déversement de sédiments en territoire costa-ricien ;

5) suspension, par le Nicaragua, du progra mme de dragage en cours, mis en Œuvre
par celui-ci en vue d’occuper et d’inonder le territoire costa-ricien et de causer des
dommages à celui-ci ainsi qu’en vue de porter un lourd préjudice à la navigation
sur le Colorado ou de la perturber gravement, suspension requise pour donner plein - 8 -

effet à la sentence Cleveland dans l’attente de la décision sur le fond du présent
différend ;

6) obligation faite au Nicaragua de s’abstenir de toute autre action qui soit de nature à
porter préjudice aux droits du CostaRica ou à aggraver ou étendre le différend
porté devant la Cour.»

Le PRESIDENT: Le 18novembre2010, aussitôt après le dépôt de la requête et de la

demande en indication de mesures conservatoires, le greffier a transmis copie de ces documents au

Gouvernement du Nicaragua confor mément au paragraphe2 de l’ article40 du Statut ainsi qu’au

paragraphe4 de l’article38 et au paragraphe2 de l’article73 du Rè glement de la Cour. Il en a

également informé le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.

14 Aux termes de l’article74 du Règlement de la Cour, la demande en indication de mesures

conservatoires a priorité sur toutes autres affaires. La date de la procédure orale est fixée de

manière à donner aux Parties la possibilité de s’y fa ire représenter. A l’i ssue de consultations, les

Parties ont donc été informées de ce que la da te d’ouverture de la procédure orale visée au

paragraphe3 de l’article74 du Règlement de la Cour, au cour s de laquelle elles pourraient

présenter leurs observations sur la demande en indication de mesures conservatoires, avait été fixée

au 11 janvier 2011, à 10 heures.

Les 4 et 5 janvier 2001, le Costa Rica a fait te nir à la Cour «certains documents sur lesquels

le Costa Rica compte s’appuyer» au cours de la procédure orale relative à la demande en indication

de mesures conservatoires. Copie de ces documents a été envoyée au Nicaragua.

Le 4 janvier 2011, le Nicaragua a également tr ansmis à la Cour certains documents auxquels

il se référera au cours de la présente procédure. Copie de ces documents a été adressée au

CostaRica. Par ailleurs, le Nicaragua a dépo sé au Greffe des exemplaires électroniques d’une

photographie aérienne, d’une image sa tellite et d’un enregistrement vidéo. Par une lettre du

7 janvier, le Nicaragua a indiqué qu’il avait l’in tention de présenter ces documents électroniques, y

compris l’enregistrement vidéo, au cours de la pr océdure orale. Par une lettre datée du même jour,

le CostaRica a fait savoir au greffier qu’il n’av ait «aucune objection» à une telle présentation,

ajoutant qu’il ne comptait pas pour sa part présenter d’enregistrement vidéo à l’audience. La Cour

a décidé d’autoriser la présentation de l’enregistrement vidéo déposé par le Nicaragua. - 9 -

Le 4janvier, le Nicaragua a en outre demandé à la Cour d’inviter le CostaRica, dans

l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conf éré par le paragraphe1 de l’article62 du

Règlement, à produire certains documents suffisammen t à l’avance. Le 7 ja nvier, le Costa Rica a

produit un document en espagnol, dont la traduction certifiée en français a été communiquée le

10janvier. De plus, le 10janvier, le CostaRi ca a fait parvenir à la Cour des exemplaires

électroniques sur CD-ROM d’un atlas nicaraguayen, en précisant que certaines des cartes figurant

dans l’atlas seraient utilisées à l’audience. Ces documents ont été immédiatement transmis au

Nicaragua.

Je note la présence devant la Cour des agents et conseils des deux Parties.

La Cour entendra le CostaRica, qui a dé posé la demande en indication de mesures

conservatoires, ce matin jusqu’à 13heures. Elle entendra le Nicaragua cet après-midi à partir de

15 heures.

15 Aux fins du premier tour d’observations orales, chacune des Parties disposera de 3heures.

Vu la longueur de cet exposé d’ouverture, du temps supplémentaire sera au besoin imparti au

Costa Rica après 13 heures.

Après le premier tour, les Parties auront la possibilité de répondre, si elles le jugent

nécessaire : le Costa Rica demain à 16 h 30 et le Nicaragua après-demain à 16 h 30. Chacune des

Parties disposera d’une heure et demie pour présenter sa réponse.

Avant de donner la parole à SonExc.M. EdgarUgalde, agent de la République du

Costa Rica, j’appelle l’attention des Parties sur l’instruction de procédure XI selon laquelle,

«[d]ans leurs exposés oraux sur les demandes en indication de mesures conservatoires,

les Parties devraient se limiter aux questions touchant aux conditions à remplir aux
fins de l’indication de mesures conservatoir es, telles qu’elles ressortent du Statut, du
Règlement et de la jurisprudence de la Cour . Les Parties ne devraient pas aborder le
fond de l’affaire au-delà de ce qui est strictement nécessaire aux fins de la demande.»

Je donne à présent la parole à S.Exc.MEdgarUgalde, agent de la République du

Costa Rica.

Mr. UGALDE ALVAREZ:

1. Mr. President, distinguished Members of the Court, it is an honour for me to appear before

you once again as Agent of Costa Rica. I am doing so in the presence of my country’s Minister for - 10 -

Foreign Affairs, H.E. Mr.René Castro. His presence bears witness to the importance my

Government attaches to these hearings. The pres sing reasons for Costa Rica’s request to this

honourable Court to indicate provisional measures are Nicaragua’s current occupation, use and

transformation of Costa Rican territory. In fl outing the demarcation of the land boundary with

Costa Rica, a demarcation which has been fully and clearly established for more than a century,

Nicaragua is violating international law, specifi cally the instruments governing relations between

the two countries. Peaceful co-existence in the region is thus being jeopardized.

2. Our two countries’ history reflects our disagreements over the boundary régime. Costa

Rica has however at all times employed diplomatic and judicial means to achieve peaceful and

definitive settlement of these disputes. Unfortunate ly, Nicaragua has constantly chosen to take
16

issue with the terms of the legal framework govern ing our boundary régime. For example, just a

few weeks after the Court handed down its Judgment of 13 July 2009, Nicaragua adopted a decree

laying down exclusive, discriminatory rules gove rning Costa Rican navigation on the San Juan

river in a way out of keeping with the Court’s Judgment. Yet again, Costa Rica has shown patience

and has tried to resolve this matter bilaterally, but no positive outcome has yet been achieved.

3. Costa Rica is reserving its position on that matter for that is not why my country again

stands before the Court. Costa Rica is app earing before you today because of the following

conduct by Nicaragua: occupying and devastating a part of Costa Rica’s territory, and rejecting the

boundary line established in an arbitral award binding on the two States.

4. Mr. President, the occupation by Nicaragua began on or about 18 October last year. Since

then the situation has worsened day by day. Nicaragua is knowingly, deliberately and continuously

trespassing upon Costa Rica’s territorial integrity and s overeignty. Contrary to Nicaragua’s hastily

contrived argument, this is absolutely not about a boundary dispute or a problem of interpreting a

treaty or an arbitral award. No: this dispute is about actions Nicaragua is taking on Costa Rican

territory, and about actions that it is planning to ta ke in that territory or that will have adverse

effects on that territory in the future. I say clearly “in Costa Rican territory” because Nicaragua has

thus far always acknowledged that the territory in question is in fact Costa Rican. Nicaragua is

thus trying to effect a unilateral change in the bound ary with Costa Rica in two ways: legally, by - 11 -

declaring the territory in question to be Nicaraguan, and physically, by changing the area’s

geography.

5. By placing military forces in Costa Rican territory, Nicaragua has in its infringement

caused significant injury to Costa Rica. Moreove r, this conduct is characterized by the use of

armed forces with a view to imposing a situati on on the ground in violation of the internationally

established order between the two States. These acts are all the more serious since Costa Rica has

no armed forces; my country relies solely on forces to maintain law and order. These police forces

17 are without any defensive capability to counter mili tary incursions. As we shall show in these

hearings, Nicaragua’s violation is one not only under the instruments determining the boundaries

between the two States but also under the Charter of the United Nations and the Charter of the

Organization of American States. Thus, not only does Nicaragua’s presence on Costa Rican

territory threaten stability and peace between the tw o brother countries, it also calls into question

the legal order they have undertaken to respect.

6. Mr.President, apart from its unlawful, continuing presence on Costa Rican territory,

Nicaragua is also in the process of carrying out a pl an to transform part of our territory. As the

Court will see today, Nicaragua has already caused significant damage to fragile ecosystems, to

forests and to wetlands which are under both nationa l and international protection. Further pursuit

of these actions will give rise to irreparable harm. Moreover, other parts of Costa Rica’s territory

are endangered by the effect of this devastation. A ll of this is what leads us urgently to request the

indication of provisional measures.

7. In addition to the damage already done in its territory, Costa Rica faces a further threat.

According to statements by officials responsible for dredging the San Juan river, the work will

affect the Colorado river, which lies entirely in Costa Rica. The dredging will also spoil substantial

portions of Costa Rica’s northern coast on the Caribb ean Sea. Costa Rica is of course not opposed

to work to clean up the San Juan river, provi ded however that it does not affect Costa Rica’s

territory, including the Colorado river, or its naviga tion rights on the San Juan river or its rights in

the Bay of San Juan del Norte. Briefly put, we are seeking nothing more or less than compliance

with the Treaty of Limits of 15April1858, the Cleveland Arbitral Award of 22March1888, the

awards handed down by Engineer Alexander a nd this Court’s Judgment of 13July2009. - 12 -

Nicaragua in its current behaviour is flagra ntly infringing rights established by all these

instruments.

8. Members of the Court, even though Nicaragua ’s actions justified referral of the matter to

the United Nations Security Council, Costa Rica, mo tivated by the existence of, and the desire to

comply with, regional mechanisms for safeguarding international peace and security, turned first to

the Organization of American States (OAS). Despite OAS resolutions, Nicaragua persisted in its

18
course of action, even going so far as to repudiate the resolutions. The Nicaraguan Government

has systematically refused to fulf il the obligations arising in the context of the OAS, and has even

denied that the Organization has any role whatsoev er to play in the peacef ul resolution of this

conflict, of which Nicaragua is moreover the cause.

9. Mr. President, Costa Rica cannot remain sile nt in respect of Nicaragua’s comments aimed

at besmirching the long democratic, institutional tradition in Costa Rica, which has been the fruit of

sustained, permanent effort on the part of its peopl e. I invite Members of the Court to read the

white paper put out by the Nicaraguan Government on alleged “truths about the San Juan river”.

This is not how two neighbouring States seeing them selves as brothers should treat each other.

This publication is nothing more than ardent propaganda. The insults levelled by Nicaragua and its

leaders’ assertions that Costa Rica’s decision to de fend its territorial integrity follows from actions

in support of drug trafficking, just like the Nicaraguan President’s statement on 13 November 2010

1
that, I quote, “[t]he drug-traffickers are leading Costa Rican foreign policy” , are part and parcel of

a policy of attacking my country from all angles.

10. Out of respect for this Court, I do not wish to delve into th ese baseless and offensive

claims. They do however clearly illustrate how Ni caragua has decided to act on the international

plane vis-à-vis Costa Rica.

11. Further provocative acts have recently occurred at sea, at the very time the Court is

deliberating on Costa Rica’s App lication to intervene in the Nicaragua v. Colombia case. Despite

constant provocation and aggression by Nicaragua, Costa Rica will not waver from strict

compliance with the principle of p eaceful settlement of international disputes. But nor will Costa

1
Reference to President Ortega’s speech on 13 Oct. 2010. - 13 -

Rica allow itself to be intimidated and it will not accept any attempted imposition of

faits accomplis.

12. Costa Rica will explain the sovereignty ove r the occupied territory, the damage already

done and the imminent and irreparable harm that may follow, as well as the risk of serious

aggravation of the conflict as a result of Nicaragua’sbehaviour. Costa Rica is confident that the
19
Court will find that it is urgent and necessary to indicate the requested provisional measures, for the

sole purpose of safeguarding Costa Rica’s territorial integrity, the area’s plant- and wild-life and

water resources and, of equally great importance, of protecting the lives of Costa Ricans and

Nicaraguans. If we have yet to see any victims of Nicaragua’s military action, it is thanks to the

responsible approach taken by my Government a nd my people, namely that of not meeting force

with force.

13. Mr.President, I shall now respectfully ta ke the liberty of setting out this morning’s

programme. To begin, Mr. Arnoldo Brenes will descr ibe the historical and geographical aspects of

the situation. Mr.SergioUgalde will then expl ain the facts of Nicaragua’s incursion into, and

occupation and use of, Costa Rican territory. Professor Marcelo Kohen will set out the rights Costa

Rica is seeking to preserve through the indication of provisional measures. Lastly,

Professor James Crawford will explain the aspects relating to the object of the provisional measures

requested by Costa Rica and the urgent reasons justifying their indication.

14. Members of the Court, thank you very much for your attention. Mr. President, I ask you

to give the floor to Mr. Arnoldo Brenes.

Le PRESIDENT: Je remercie S.Exc.M.l’ ambassadeurEdgar Ugalde pour cet exposé et

j’invite à présent M. Arnoldo Brenes à prendre la parole.

M. BRENES :

C ONTEXTE GÉOGRAPHIQUE ET HISTORIQUE DE L INCURSION
ET DE L’OCCUPATION NICARAGUAYENNES

1. Monsieur le président, Mesdames et Me ssieurs de la Cour, c’est un grand honneur qui

m’échoit ce matin de prendre la parole devant vous au nom du Costa Rica. - 14 -

2. Monsieur le président, pendant toutes l es années qui se sont écoulées entre 1897 et 2010,

le Nicaragua n’a jamais remis en question la souve raineté du CostaRica sur la partie de territoire

qu’il occupe actuellement et qu’il est en train de dégrader. Jamais durant cette période il n’a

contesté l’emplacement de la ligne de frontière le long du cours inférieur du SanJuan. Jamais

jusqu’ici il n’avait imaginé de telles fables sur des chenaux prétendument perdus traversant le

20 territoire costa-ricien. Ce n’est qu’aujourd’hui et, plus précisément, cet après-midi, que le

Costa Rica et la Cour apprendront sur quoi re pose cette affirmation du Nicaragua. Je me propose

ce matin d’évoquer certains aspects géographiques et historiques du secteur actuellement occupé.

3. Avant de commencer, je voudrais toutefois signaler que toutes les illustrations que nous

présenterons ce matin figurent dans le volume III de votre dossier, qui est donc le seul auquel vous

aurez à vous reporter.

Histoire et géographie de la zone occupée

4. Le territoire occupé par le Nicaragua se s itue à la pointe nord-est du Costa Rica, dans une

zone que la cartographie costa-ricienne désigne par le nom d’IslaPortillos (île de Portillos).

Comme vous pouvez le voir à l’écran, sur cette illu stration qui correspond à l’onglet45 de votre

dossier, cette zone s’inscrit elle-même dans une région plus vaste, communément dénommée

Isla Calero (île Calero), laquelle se divise en de ux parties : l’île Calero à proprement parler, au sud

de ce qui était naguère le Taura, et l’île de Po rtillos, au nord du Taura. Si les faits que nous

évoquerons aujourd’hui se déroulent sur l’île de Por tillos, et plus précisément dans le secteur dit

FincaAragón, il convient de préciser que l’ensemble de la zone est générale ment désigné sous le

nom de Isla Calero et que le se cteur occupé par le Nicaragua a été ainsi appelé, non seulement par

la presse et le grand public, mais également dans la correspondance diplomatique. Le Taura, qui

marquait autrefois la limite entre l’île de Portillos et l’île Calero, est aujourd’hui presque à sec, si

bien que les deux îles ne forment plus qu’une seule masse terrestre.

5. Comme on peut le voir à l’écran, l’îleCa lero et l’île de Portillos sont des zones

continentales situées entre le San Ju an et le Colorado, et sont bordées par la mer des Caraïbes. La

rive costa-ricienne constitue la frontière entre les deux pays et, tandis que les eaux du San Juan sont

nicaraguayennes, le Colorado est entièrement costa-ricien. - 15 -

6. Dans le contexte du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes , la

Cour avait pu constater que le traité de lim ites de 1858 fixait de façon définitive les limites

territoriales entre le Costa Rica et le Nicaragua. Ainsi qu’il ressort de l’article 2 de ce traité,

«[l]a limite entre les deux républiques, à partir de la mer du Nord [la mer des

Caraïbes], partira de l’extrémité de P unta de Castilla, à l’embouchure du fleuve
SanJuan de Nicaragua, puis suivra la rive droite de ce fleuve [c’est-à-dire la rive
droite du San Juan] jusqu’à un point distant de trois milles anglais de
2
Castillo Viejo…» .

21 De là, la ligne de frontière court sur la terre ferm e jusqu’à atteindre la baie de Salinas, sur l’océan

Pacifique, qui est commune aux deux pays.

7. A la suite de l’arbitrage Cleveland de 1888, les deux pays sont convenus de procéder à la

démarcation de la frontière. Ce travail fut conf ié à la commission de démarcation établie par la

convention Pacheco-Matus de 1896 . Les deux pays convinrent de nommer chacun des ingénieurs

4
ou géomètres comme commissaires . La commission ainsi créée devait s’adjoindre un ingénieur

neutre, choisi par le président des Etats-Unis d’Am érique, qui était censé jouer le rôle d’arbitre en

cas de désaccord. Pour reprendr e les termes de l’article2 de la convention Pacheco-Matus:

«L’ingénieur disposera de larges pouvoirs pour tranch er tout type de différend qui pourrait surgir,

5
et sa décision sera définitive en ce qui concerne les opérations en question.» [Traduction du

Greffe.]

8. C’est sur EdwardPorterAlexander que se porta le choix du président des Etats-Unis

d’Amérique. Entre 1897 et 1900, il procéda, en collaboration avec les représentants des deux pays,

à la démarcation de toute la ligne frontière entr e le CostaRica et le Nicaragua. Les actes de la

commission de démarcation, y compris les cinqsentences arbitrales et les 27procès-verbaux

consignant l’intégralité des travaux de la commis sion et les points exacts par lesquels passerait la

ligne frontière, remplissent deux volumes. Aux termes de la convention Pacheco-Matus,

2
Traité de limites entre le CostaRica et le Nicaragua, conclu à SanJosé le 15avril 1858, affaiDifférend
relatif à des droits de navigation et des droits connex(Costa Rica c. Nicaragua) , mémoire du CostaRica, vol.2,
annexe 7 b).
3
Convention pour la démarcation de la ligne de frontiè re entre les républiques du CostaRica et du Nicaragua
(Pacheco-Matus), San Salvador, 27 mars 1896, Consolidated Treaties Series (CTS), vol. 182, p. 359.
4
Ibid., art. 1.
5 Ibid., art. 2. - 16 -

«les procès-verbaux des séances de travail, à conserver en triple exemplaire après que

les commissaires y auront dûment apposé leur signature et leur sceau, [constitueraient]
la preuve de la démarcation définitive de la frontière entre les deuxpays, sans qu’il
soit nécessaire pour les républiques signataires de les approuver ou d’accomplir
6
aucune autre formalité» [traduction du Greffe].

Conformément à l’article9 de la convention, un exemplaire manuscrit des procès-verbaux a été

remis au CostaRica, un autre au Nicaragua et le troisième à l’arbitre. Vous trouverez dans le

volume II de votre dossier une copie certifiée de cet important document.

9. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, à la lecture des actes de la

commission, on ne peut manquer d’être impressi onné par deux choses: premièrement, le soin

méticuleux caractérisant le travail de la co mmission, conjugué au professionnalisme absolu

22 d’Alexander, qui a consacré trois années de sa vie à cette tâche; deuxièmement, l’extrême

précision et clarté de la définition de la ligne frontière qui ⎯sous réserve des cinq sentences

arbitrales rendues par Alexander sur des points litigieux ⎯ résultait de décisions unanimement

approuvées et signées par tous les membres de la commission en de multiples occasions. En outre,

les travaux de la commission n’avaient rien de secret. La première sentence clef, rendue en 1897,

fut publiée en 1898, accompagnée d’une carte, dans la célèbre compilation de sentences arbitrales

7
internationales établie par John Basset Moore .

10. Je ne reviendrai pas à ce stade sur toutes l es conclusions de la commission, ni sur toutes

les sentences rendues par l’arbitr e. Je dois néanmoins évoquer la première sentence Alexander,

puisque celle-ci non seulement fixait Punta Castilla comme point de départ de la ligne frontière,

mais déterminait aussi le tracé de cette ligne dans le secteur aujourd’hui occupé par le Nicaragua.

L’origine de la frontière officielle

11. Le croquis que vous voyez à l’écran est la carte qui accompagnait la première sentence

Alexander, rendue le 30septembre1897. Comme vous le constatez, à partir de PuntaCastilla, la

ligne de frontière suit le rivage de la lagune de Harbor Head, en espagnol «Laguna Los Portillos»,

jusqu’à atteindre «le fleuve proprement dit par le premier chenal rencontré. Remontant ce chenal et

8
le fleuve proprement dit, la ligne se poursuivra comme prescrit dans le traité» . A partir de là, la

6Ibid., art. 8.
7
John Basset Moore, History and Digest of the International Arbitra tions to Which the United States has been a
Party, vol. V, Washington, 1898, Government Printing Office, p. 5074.
8Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), 2007, vol. XXVIII, p. 220. - 17 -

ligne de frontière suit la rive droite du San Juan, jusqu’à un point «distant de trois milles anglais de

CastilloViejo», conformément à l’ar ticle2 du traité de limites de 1858. Il est clair dès lors que

toute portion de terre située sur la rive droite droit du fleuve SanJuan et de la lagune de

HarborHead est costa-ricienne. On constatera qu’Alexander a strictement respecté l’esprit du

traité de limites de 1858 en attribuant les eaux de la lagune de HarborHead au Nicaragua parce

qu’elle était reliée au San Juan, et en reconnaissant comme costa-ricien tout le territoire situé sur la

rive droite du fleuve et de la lagune. Vous trouverez cette carte à l’onglet 46 de vos dossiers.

12. Conformément aux critères fixés dans la première sentence Alexander, la commission de

démarcation entreprit de définir sur les lieux le tr acé exact de la ligne. L’ illustration qui apparaît

maintenant à l’écran se trouve à l’onglet47 de votre dossier; il s’agit de la photographie d’une

o
23 carte jointe au procès-verbal n 10 du 2 mars 1898, qui figure à la page 33 du volume I des actes de

la commission de démarcation. Il est clair que ce croquis représente la manière dont la ligne

frontière a été définie sur le terrain même, à pa rtir des différents repères, coordonnées, angles,

distances et directions mentionnés dans le texte et les tableaux du procès-verbal n o 10. Depuis lors,

il a servi de base à toutes les cartes officielles de la région, du côté costa-ricien comme du côté

nicaraguayen. Si l’on observe la carte de près, on peut même y lire le nom «Hacienda Aragón», ce

qui montre que cette région costa-ricienne exis te depuis au moins 1898, année où la carte a été

tracée.

Les cartes contemporaines démontrent que le secteur occupé est costa-ricien

13. L’illustration qui est à présent à l’écran est une carte officielle à l’échelle 1:50000,

produite par l’Institut géographique national du CostaRica en 1988. Vous la trouverez à

l’onglet48 du dossier. On constate que la li gne qui figure sur cette carte officielle coïncide

remarquablement avec le croquis joint au procès-verbal n o10. Il n’y a là rien de surprenant

puisque la carte officielle a été dressée conformément aux limites établies dans le procès-verbal

no 10, à l’aide de photographies aériennes prises à l’époque où elle a été établie. La morphologie

e
du San Juan inférieur n’a pas subi de changement significatif entre la fin du XIX siècle et le milieu

des années 1980. - 18 -

14. La cartographie officielle nicaraguayenne reflète fidèlement la même limite et la même

topographie. En effet, les cartographies officie lles des deux pays reposent sur les mêmes éléments

de droit, d’histoire et de fait. La carte que vous avez maintenant à l’écran date de 1988: il s’agit

d’une carte officielle à l’échelle 1:50 000, produite par l’Institut nicaraguayen d’études territoriales

(INETER). Je vous renvoie à l’ongl et[50] de votre dossier. Vous voyez que ce qui y figure en

blanc ne fait pas partie du territoire nicaraguayen. Le territoire actuellement occupé est en blanc

sur cette carte. En fait, les deux cartes peuvent être superposées et elles coïncident parfaitement.

15. Cette carte officielle pouvait être facilement téléchargée du site In ternet de l’Institut

nicaraguayen d’études territoriales, jusqu’à très récemment, avant que le Gouvernement

nicaraguayen ne décide de bloquer l’accès à sa cartogr aphie officielle. La Cour trouvera peut-être

intéressant d’apprendre que comme le canal, ce s ite Internet est «actuellement en cours de

9
24 travaux» . Cela étant, les efforts déployés par le Nicaragua pour dissimuler ses propres cartes sont

inutiles, puisque les cartes officielles abondent encore. M. Kohen vous en montrera quelques unes.

16. Toutefois, les cartes officielles nicaraguayennes et costa-riciennes ne sont pas les seules à

reconnaître indubitablement que le secteur de l’île de Portillos est costa-ricien : les cartes officielles

d’autres pays font de même. Celle qui est actuellement projetée sur l’écran est une carte officielle

produite en 1988 par la Defence Mapping Agency de l’Inter American Geodetic Survey, et vous la

trouverez à l’onglet52 du dossier. Elle représ ente exactement la même frontière que les cartes

officielles nicaraguayennes et costa-riciennes.

17. Cette autre carte actuellement à l’écran a été dressée en 1966 par le service de

cartographie du corps des ingénieurs de l’armée des Etats-Unis d’Amérique. Elle figure à

l’onglet54. Une fois de plus, la coïnciden ce avec les cartes officielles nicaraguayennes et

costa-riciennes est parfaite. Il ne fait aucun doute que la ligne frontière entre le CostaRica et le

Nicaragua dans cette région n’a pas changé depui s qu’elle a été définie en1897 par une décision

faisant autorité.

18. Enfin, l’illustration qui figure mainte nant sur l’écran et que vous retrouverez à

l’onglet 55 indique le secteur précis du territoire costa-ricien actuellement occupé par des militaires

9
http://www.ineter.gob.ni/. - 19 -

et du personnel civil nicaraguayens. On y voit le secteur où les arbres ont été abattus et où le canal

artificiel est en cours de construction. Les cartes officielles costa-riciennes désignent ce secteur par

l’appellation Aragón, un nom dont nous avons vu qu’il existait déjà en1898, à l’époque où la

commission de démarcation a dressé et établi la carte jointe au procès-verbal n 10.

19. Il importe de signaler que le secteur occupé de l’île de Portillos appartient à la réserve

naturelle de la frontière costa-ricienne, créée parla loi costa-ricienne en1994. Ce secteur fait

partie d’un important couloir biol ogique reliant plusieurs zones protégées du Costa Rica. Selon la

loi costa-ricienne, ces terres appartiennent à l’Etat , bien que des particuliers puissent y détenir des

droits de possession et d’exploitation compatibles av ec le statut de réserve naturelle. M.Kohen

reviendra sur ce point.

20. Monsieur le président, Mesdames et Mess ieurs de la Cour, la démarcation entre les

deuxpays n’a jamais soulevé de doute et n’en s oulève toujours pas. Entre la première sentence

Alexander rendue en1897 et l’incursion des forces militaires nicaraguayennes en territoire

costa-ricien en octobre2010, le Nicaragua n’ a jamais remis en question la souveraineté du

CostaRica sur ce secteur. Tout ce que pourra en dire le Nicaragua cet après-midi sera jusqu’ici

inédit, non seulement pour vous mais pour le Costa Rica aussi.

25 21. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, je vous remercie de votre

attention. Je vous prie, Monsieur le président , de bien vouloir donner la parole à mon collègue,

M. Sergio Ugalde.

Le PRESIDENT: Je remercie M.Arnoldo Brenes pour cet exposé et j’invite à présent

M. Sergio Ulgade à prendre la parole.

M. UGALDE :

L ES EFFETS DE L INCURSION ET DE L ’OCCUPATION PAR LE NICARAGUA

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est un grand honneur que

d’apparaître devant vous au nom du Costa Rica. - 20 -

2. Je suis chargé aujourd’hui d’exposer les faits relatifs à l’occupation et à l’utilisation — ou

plutôt à la mauvaise utilisation— du territoire co sta-ricien par le Nicaragua, et de décrire les

efforts accomplis par le Costa Rica pour régler ce différend.

L’incursion et l’occupation

Rappel des faits

3. Monsieur le président, s’il est vrai que l es faits qui sont au cŒur du différend et de la

demande en indication de mesures conservatoir es concernent principalement l’occupation et

l’utilisation du territoire costa-ricien par le Nicaragua, il est toutefois nécessaire de rappeler

brièvement ce qui a précédé les activités de dragag e que le Nicaragua mène actuellement dans le

fleuve San Juan.

4. La question de savoir si le Nicaragua pe ut effectuer des travaux d’amélioration sur le

SanJuan et dans quelles conditions il est autori sé à le faire trouve une réponse dans la sentence

Cleveland de1888. Cette question a été brièvement examinée par la Cour dans l’arrêt qu’elle a

10
rendu récemment, le 13juillet2009 . Le Nicaragua avait alors demandé à la Cour de déclarer

qu’il avait le droit «de draguer le San Juan afin de rétablir le débit d’eau qui existait en 1858, même

11
si cela modifie le débit d’autres cours d’eau récepteurs comme le Colorado ».

26 La Cour avait répondu :

«En tout état de cause, il suffit à la Co ur de relever que les deux questions ainsi
soulevées ont été réglées dans le dispositif de la sentence Cleveland. Cette sentence a,
en effet, décidé, dans les points 4 à 6 de la troisième partie, que le Costa Rica n’est pas

tenu de contribuer aux dépenses nécessaires pour améliorer la navigation sur le fleuve
SanJuan, et que le Nicaragua peut exécuter les travaux d’amélioration qu’il estime
convenables, à condition que lesdits travaux ne perturbent pas gravement la navigation

sur les affluents du San Juan appartenant au Costa Rica.

Le Nicaragua n’ayant nullement exp liqué en quoi la sentence précitée ne
suffirait pas à préciser les droits et ob ligations des Parties sur ces questions, sa

demande à cet égard doit être rejetée.» ( Différend relatif à des droits de navigation et
des droits connexes (CostaRica c.Nicaragua), arrêt du 13juillet2009 , p.52,
par. 155).

10
Affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua), arrêt
du 13 juillet 2009, p. 51-52, par. 153 et 155. http://www.icj-cij.org/docket/files/133/15321.pdf.
11
Ibid., p. 52, par. 153. - 21 -

5. Je voudrais à présent renvoyer la Cour à cer taines notes diplomatiques échangées entre le

Costa Rica et le Nicaragua suite à l’annonce par ce dernier de son intention d’effectuer des travaux

d’amélioration sur le SanJuan. La première note avait été envoyée par le ministre des affaires

étrangères du CostaRica de l’époque, M. Roberto Tovar, le 26 janvier 2006 . En réponse à des

communiqués de presse relatifs au dragage du SanJuan par le Nicaragua et en application du

paragraphe6 de l’article3 de la sentence Clev eland de 1888, le ministre avait demandé au

Nicaragua de fournir des renseignements techniques sur les effets éventuels de ces travaux, en

particulier sur le Colorado.

6. Le Nicaragua a répondu le 17février2006 13, rejetant la demande d’informations

techniques. Il a confirmé que des travaux d’infrastructure étaient en cours à proximité du fleuve

San Juan de Nicaragua, sans toutefois fournir la moindre information technique sur ces travaux ou

d’autres.

7. Dans sa réponse du 5mai2006 14, le CostaRica a rappelé que comme prévu par la

sentence Cleveland, les travaux d’amélioration ne devaient causer aucun dommage au territoire du

Costa Rica.

8. Le 8 mai 2006 15le Nicaragua a répondu à son tour, persistant dans son refus de fournir des

informations techniques et se contentant de réa ffirmer ce qu’il avait dit dans sa note antérieure.

Les troisannées suivantes se sont écoulées sans heurts, le Nicaragua n’ayant pas effectué de

travaux sur le fleuve.

27 9. Le 25août2009, le directeur de la comp agnie portuaire du Nicaragua, M.VirgilioSilva,

et le nouveau responsable des travaux de dragage su r le San Juan, M. Edén Pastora, ont annoncé à

12Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet21: note datée du 26janvier2006 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica. (Version originale et traduction

anglaise).
13Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet22: note datée du 17février2006 adressée au ministre des affaires
étrangères et du culte du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua. (Version originale et traduction
anglaise).

14Dossier de plaidoiries, vol. 1, onglet 23 : note datée du 5 mai 2006 adressée au ministre des affaires étrangères
du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica. (Version originale et traduction anglaise).

15Dossier de plaidoiries, vol. 1, onglet 24 : note datée du 8 mai 2006 adressée au ministre des affaires étrangères
et du culte du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua. (Version originale et traduction anglaise). - 22 -

16
deux organes de presse que le Nicaragua projetait d’effect uer des travaux de dragage sur le

SanJuan. Selon eux, le Nicaragua entendait ainsi récupérer un débit de 1700mètrescubes

par seconde 17, qui aurait été perdu au profit du Colorado, dont tout le cours se situe au Costa Rica.

18
10. Le 27 août 2009, préoccupé par les imp lications des propos de MM. Silva et Pastora, le

CostaRica a prié le Nicaragua de préciser ses intentions concernant les travaux comme les

déclarations susmentionnées. Sachant que le débit total du Colorado s’établit entre 1400 et

1700mètrescubes parseconde, son cours se trouve rait complètement dévasté par les travaux

projetés par le Nicaragua. Dans sa note, M. Stagno, le ministre des affaires étrangères a déclaré :

«De toute évidence, les déclara tions publiques des fonctionnaires

susmentionnés ─qui ont annoncé que le Nicaragua avait l’intention de détourner
1700 mètres cubes par seconde du Colorado ─ prouvent indubitablement qu’il existe
une intention de causer un dommage irréparable au territoire costa-ricien. 19»

11. Le ministre a mis en garde contre les graves incidences sur l’environnement que les

travaux envisagés auraient sur le territoire du CostaRica et demandé au Nicaragua de ne pas

entreprendre lesdits travaux, tant qu’il n’était p as scientifiquement prouvé qu’ils n’auraient pas

20
d’effet néfaste sur le territoire du Costa Rica .

12. Récemment, quelques quinzemois après la publication de ses premières déclarations,

M. Silva a semblé, assez curieuseme nt, revenir sur les propos tenus en août 2009. Ce n’est pas le

cas de M.Pastora. Il convient de noter qu’en dépit du revirement de M.Silva 21le Nicaragua n’a

jamais répondu à la lettre du Costa Rica.

28 13. Le 12juillet2010, après avoir appris que le dragage du SanJuan débuterait dans les

semaines qui allaient suivre, le ministre costa-ri cien des affaires étrangères par intérim a demandé

16Dossier de plaidoiries, vol. 3, onglet 77 : traduction anglaise d’un extrait de La Prensa du 25 août 2009 : «They
are going for the flow of the SanJuan River.». La vers ion originale peut être consultée à l’adresse suivante:
http://archivo.laprensa.com.ni/archivo/2009/agosto/25/noticias/nacional…. Voir aussi l’onglet 78 du vol. 3
du dossier de plaidoiries: trad uction anglaise d’extraits de La Nación du 25août2009. «Nicaragua will dredge the

SaJuan to recover earlier flow». La version originale peut être consultée à l’adresse su:vante
http://wvw.nacion.com/ln_ee/2009/agosto/25/pais2069754.html.
17Ibid.

18. Voir l’annexe1 de la demande en indication de mesures conservato ires présentée par la République du
CostaRica le18novembre2010: note diplomatique (n o DM-637-9) en date du 27août2009 adressée au ministre des

affaires étrangères de la République du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica.
19. Ibid.

20. Ibid.
21
Voir doc. 15, déclaration de M. Virg ilio Silva Munguía, directeur de l’autorité portuaire nationale ; documents
soumis par le Nicaragua le 4 janvier 2011. - 23 -

une fois encore au Nicaragua de lui présen ter des rapports d’évaluation d’impact sur

l’environnement 22montrant que le territoire du Costa Rica ne subirait aucun dommage.

23
14. Dans un discours prononcé le 15 juillet , le président du Nicaragua, M. Daniel Ortega, a

réagi à la note susmentionnée en affirmant que c’ét ait «par erreur» que le ministre des affaires

étrangères du CostaRica avait fait savoir à son hom ologue nicaraguayen que le Nicaragua devait

obtenir l’autorisation du Costa Rica avant d’entrepre ndre des travaux sur le San Juan. M. Ortega a

ajouté qu’il avait chargé son ministre des affaires étrangères de donner une réponse «fraternelle» au

Costa Rica. Là encore, il n’y a pas eu de réponse, «fraternelle» ou autre.

15. En réalité, le CostaRica n’avait pas évoqué la question de l’autorisation. Soucieux

d’entretenir des relations de bon voisinage avec le Nicaragua, le nouveau ministre costa-ricien des

affaires étrangères, MR . enéCastro, ava it rendu visite à son homologue nicaraguayen,

M. Samuel Santos, le 21 juillet 2010, pour évoquer, parmi d’autres questions bilatérales, les

préoccupations de son pays quant aux effets des tr avaux de dragage sur le territoire costa-ricien.

Lors de cette rencontre, M.Santos a assuré à M. Castro que le Nicaragua envisageait uniquement

une opération mineure de nettoyage du fleuve et que ce projet ne causerait aucun dommage au

24
territoire costa-ricien. M. Castro accepta ces assurances . Mais en réalité, il s’est avéré que les

activités envisagées étaient bien plus importantes. Le Nicaragua venait en effet d’annoncer son

25
intention de déployer trois dragues supplémentaires sur le San Juan , ce qui en porterait le nombre

total à quatre.

16. Le CostaRica était naturellement très inquiet à l’idée de voir le cours du Colorado

perturbé. Mais la suite des évèn ements allait le prendre au dépourvu, les actes du Nicaragua étant

complètement inattendus.

22
Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet25: note dat ée du 12juillet2010 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre costa-ricien des affaires étrangères et du culte par intérim. (Version originale et
traduction anglaise).
23
Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet16: traduction anglaise d’un extrait du journalEl nuevo Diario du
15 juillet 2010 «Ortega rejects permission reque st to Costa Rica to dredge the San Ju an River» ; la version originale peut
être consultée à l’adresse suivante : http://www.elnuevodiario.com.ni/imprimir/78950.
24
Doc.19, déclaration faite le 8septembre2010 par M.Re neCastroSalazar, ministre costa-ricien des affaires
étrangères et de la culture (sic), devant la commission de l’en vironnement de l’assemblée législative du Costa Rica ;
documents soumis par le Nicaragua le 4 janvier 2011.
25
Dossier de plaidoiries, vol.3, ongle79: traduction anglaise d’un extrait deLa Prensa du 9janvier2011:
«Another three dredges to the [SanJuan] river»; la vers ion originale peut être consultée à l’adresse suivante:
http://www.laprensa.com.ni/2011/01/09/nacionales/48512. - 24 -

L’incursion du Nicaragua : les faits
29

17. Monsieur le président, j’en viens à présent à l’incursion, l’occupation et l’utilisation du

territoire costa-ricien par le Nicaragua.

18. Le 20octobre2010, le ministère costa-ricien de la sécurité publique a procédé à une

inspection de la zone dite de FincaAragón sur l’ île de Portillos, ce qui a permis d’établir que la

drague nicaraguayenne nommée «Soberania» déversa it des sédiments du San Juan sur le territoire

costa-ricien, et plus précisément sur l’île de Por tillos, et qu’une zone considérable de forêt avait

également été abattue. Une photo prise ce jour-là et qui représente les dépôts de sédiments est

projetée à l’écran (et sous l’onglet 57 du dossier de plaidoiries). Le lendemain, le 21 octobre, une

26
note de protestation fut transmise à l’ambassadeur du Nicaragua , qui a par ailleurs été informé

que le Costa Rica enverrait ses forces de police sur le site.

19. Le lendemain, le 22octobre, avant l’insp ection, les forces costa-riciennes de police ont

pénétré dans la zone de FincaAragón sur l’île de Portillos. Une fois sur place, les autorités

costa-riciennes ont hissé le drapeau costa-ricien.

20. Le même jour, des membres des ministères costa-riciens de la sécurité publique, des

affaires étrangères et de l’envi ronnement ont inspecté la zone de l’île de Portillos à bord d’un

hélicoptère de location et ont pu constater que des sédiments avaient été déposés sur le sol

costa-ricien et qu’une surface considérable ava it été déboisée. Le même jour, le bureau du

procureur de la région a inspecté la zone et ouvert une enquête 2. Une deuxième inspection a

également été effectuée par le ministère de l’enviro nnement le 25 octobre. A aucune de ces dates,

les soldats nicaraguayens déployés dans des bateaux le long du SanJuan et sur la drague elle-

même, n’ont réagi à la présence costa-ricienne.

21. Les inspections ont permis d’établir que le Nicaragua déposait de grandes quantités de

sédiments sur le territoire costa-ricien. Le s sédiments déversés représentaient environ

26Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet26: note daée du 21octobre2010 adressée au ministre des affaires

étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte par intérim du Costa Rica. (Version originale
et traduction anglaise).
27Bureau du procureur régional de Guapiles, dossier n °10-004110-485PE. - 25 -

28
1680mètrescubes, soit l’équivalent de 240camions chargés . Les photos des sédiments

apparaissent à l’écran et sont également reproduites sous l’onglet 58 du dossier de plaidoiries.

30 22. L’inspection a également fait apparaître qu’une zone de quelque 16700 mètres carrés de

forêt primaire avait été détruite, et qu’au moin s 197arbres, dont certains étaient bicentenaires,

avaient déjà été abattus. Des photos de la zone déboisée sont à présent projetées à l’écran et

figurent également sous l’onglet59. Par ailleurs, comme on le voit sur les images projetées, (qui

sont également reproduites sous les onglets60 à 62), une zone de quel que 40800 mètres carrés

29
avait été préparée pour abattage .

23. Le 26octobre, le Nicaragua a répondu à la note de protestation que le CostaRica lui

30
avait adressé 21octobre , soulevant notamment une allégati on totalement dénuée de pertinence

selon laquelle deux officiers de la police judiciaire du Costa Rica avaient pénétré sur le territoire du

Nicaragua à quelques 200 kilomètres du site où l’in cursion s’est produite. C’était la première fois

que le Nicaragua essayait de mettre en doute le fa it que la zone de FincaAragón, sur l’île de

Portillos, appartenait au CostaRica. Le Nicar agua a précisé dans sa note qu’il poursuivrait les

31
travaux de «nettoyage» sur le San Juan .

24. Le 31octobre, la police costa-ricienne a effectué un autre vol de reconnaissance

au-dessus de l’île de LosPortillos et constaté que le drapeau costa-ricien avait été enlevé et

remplacé par un drapeau nicaraguayen. Elle a également pu observer que plusieurs campements

er
militaires avaient été installés. Le lendemain, le 1 novembre, un nouveau survol a permis de

déterminer la présence de soldats nicaraguayens armés. Comme vous pouvez le voir sur l’écran, au

passage de l’aéronef de la police costa-ricienne, l es soldats nicaraguayens pointent leurs armes sur

lui, signe de confrontation imminente : la photographie est sous l’onglet 63. Un des soldats semble

muni d’une arme de type antiaérien. On voit plusieurs autres soldats pointer leur AK-47 sur

28
Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet37:MisiónRamsar de Asesoramiento N 69, Humedal de Importancia
Internacional Caribe Noreste, Costa Rica et traduction anglaise («Rapport Ramsar») 17 décembre 2010, p. 25.
29Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet37MisiónRamsar de Asesoramiento No. 69, Humedal de Importancia
Internacional Caribe Noreste, Costa Rica et traduction anglaise («Rapport Ramsar») 17 décembre 2010, p. 25.

30Dossier de plaidoiries, vol.1, onglet27: note daée du 26octobre2010 adressée au ministre des affaires
étrangères et du culte par intérim du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua. (Version originale
et traduction anglaise).

31Ibid. - 26 -

l’aéronef. Etant donné le risque de conflit armé, que le CostaRica veut à tout prix éviter, le

ministère de la sécurité publique a suspendu tous les vols dans la zone les jours suivants.

er
25. Le 1 novembre, le ministre des affaires étrangères a protesté contre cette deuxième

incursion et occupation du territoire costa-ricien à Finca Aragón et exigé le retrait immédiat de tous

31 32
les soldats nicaraguayens présents sur le territoire costa-ricien . Le Nicaragua n’a pas répondu à

cette protestation ni retiré ses soldats du territoire occupé.

26. A la demande du CostaRica et comme prévu par les articles21 et62 de la Charte de

l’Organisation des Etats américains, une session spéciale de l’Organisation a été convoquée

le3novembre2010. A cette réunion, l’ambassad eur du Nicaragua auprès de l’OEA a nié qu’il y

ait eu occupation, fournissant les coordonnées géographiques de l’endroit où étaient menées

certaines activités nicaraguayennes ainsi que de la drague elle-même. Cependant, ces coordonnées

ne correspondaient à aucun des sites où l’armée nicaraguayenne avait établi des campements en

33
territoire costa-ricien .

27. Suite à la première réunion de l’OEA, le secrétaire général de cette organisation a été

invité à se rendre dans les deux pays. La visite s’est déroulée entre le 5 et le 8novembre. Le

secrétaire général a rencontré les deux présidents et survolé la zone occupée. A l’initiative du

secrétaire général, les présidents Ortega et Chinchilla se sont entretenus au téléphone

34
le 8 novembre . L’objet de cette conversation téléphonique était de parvenir à l’accord suivant : le

Nicaragua retirerait ses troupes de la zone occup ée et le CostaRica s’abstiendrait d’envoyer ses

forces de police sur le site, créant ainsi une zone exempte de conflit, préalable nécessaire à la tenue

d’une réunion bilatérale qui devait avoir lie u le 26 novembre et porter sur d’autres points

importants. Or, en dépit de l’impression qu’une entente avait été conclue avec le Nicaragua, les

troupes nicaraguayennes n’ont pas été retirées.

32Onglet 28, vol.I du dossier des juges. Note ad ressée du ministre des affaires étrangères et du culte du
Costa Rica au ministre des affaires étrangères du Nicaragua, original et traduction anglaise, 1 novembre 2010.

33Onglet 4, vol.I du dossier des juges: Extraits du pr ocès-verbal de la réunion du conseil permanent de l’OEA
tenue les 3, 4, 9 et 12 novembre 2010, discours de l’ambassadeur du Nicaragua, Denis Moncada, OEA, 3 novembre 2010,
p.17. L’ambassadeur Moncada a donné les coordonnées suivante s: «10°54'55,9" de latitude nord; et 0,83°40'43,2"
de longitude ouest», et : «10° 54' 77,1" de latitude nord ; et 0,83° 41' 28,3" de longitude ouest».

34Onglet 80, vol. 3 du dossier des juges : extrait au pro cès-verbal de la réunion du conseil permanent de l’OEA,
qui s’est tenue les 3, 4, 9 et 12 novembre2010, amba ssadeur du CostaRica: EnriqueCastillo, 9 novembre2010,
p. 48-49. - 27 -

28. Le 9novembre, le secrétaire général de l’OEA a présenté son rapport au conseil

permanent. On peut voir sur l’écran les quatr e recommandations qu’il a formulées et qui figurent

sous l’onglet 64. De manière générale, les par ties semblaient d’accord sur les recommandations 1,

2 et4 mais non sur la recommandation3, laquelle prévoyait que les parties évitent la présence de

forces militaires ou de sécurité dans la zone de l’île de los Portillos. Le Nicaragua a refusé

d’accepter cette recommandation car elle impli quait le retrait de ses troupes du territoire

costa-ricien occupé. Dans une tentative de parven ir à une solution négociée, la réunion du conseil

permanent a été suspendue pour trois jours. Ce pendant, comme le Nicaragua persistait dans son

refus de retirer ses troupes, toute solution a été impossible. Les recommandations du secrétaire
32

général ont donc été mises aux voix. Le conse il permanent a adopté les quatre recommandations à

35
une majorité de 23 votes, avec 2 voix contre (Nicaragua et Venezuela) et 3 abstentions .

29. Le Nicaragua a immédiatement fait savoir qu’il ne se conformerait pas à la résolution.

36
L’ambassadeur du Nicaragua, Denis Moncada , ainsi que le président du Nicaragua, le

commandant Daniel Ortega 3, ont refusé de donner suite aux recommandations de l’OEA. Le

président Ortega est allé plus loin, accusant le Co staRica, ainsi que d’autres pays américains et

38
l’OEA elle-même, de servir la cause des narcotrafiquants . Ces accusations totalement dénuées de

fondement ont été catégoriquement rejetées par le Costa Rica 39 et les autres pays.

30. Le 18 novembre, face au refus catégor ique du Nicaragua de se conformer aux

recommandations de l’OEA, en particulier celles qui appelaient au retrait de ses troupes, et compte

tenu de l’intensification des travaux de canalisation menés par le Nicaragua, le Costa Rica a décidé

de déposer la requête instituant la présente pro cédure, ainsi que la demande en indication de

mesures conservatoires.

35Résolution du conseil permanent de l’OEA, 12novembre2010, requête de la République du CostaRica,
12 novembre 2010, pièce jointe 7.

36Déclaration de Denis Ronaldo Moncada, ambassadeur du Nicaragua auprès de l’Organisation des Etats
américains, telle que rapportée dans «Call for troop withdrawal in Nicaragua, CoRica dispute»,
CNN Internatinove,, 1esponible su:r le site
http://edition.cnn.com/2010/WORLD/americas/11/12/nicaragua.costa.rica.d…, requête de la République du

Costa Rica, 18 novembre 2010, pièce jointe 8.
37Traduction anglaise fournie par le CostaRica d’un di scours prononcé par le président Ortega à la télévision
nationale le 13 novembre 2010, requête de la République du Costa Rica, 12 novembre 2010, pièce jointe 6.

38Ibid.

39Onglet30, vol.1 du dossier des juges: note adress ée du ministre des affaires étrangères et du culte au
Costa Rica au ministre nicaraguayen des affaires étrangères, original et traduction anglaise, 14 novembre 2010. - 28 -

31. Le même jour, le conseil permanent de l’OEA a adopté une autre résolution, dans

laquelle il convoquait une réunion de consultation des ministres des relations extérieures au siège

40
de l’OEA .

32. Pendant ce temps, le Nicaragua a con tinué de creuser un canal sur le territoire

costa-ricien. Il a également commencé à rec ouper un méandre situé sur son territoire, dans

l’intention de rectifier le cours naturellement in curvé du San Juan, accélérant ainsi le courant dans

cette partie du fleuve, comme on le voit à présen t sur l’écran. Cette photo se trouve sous

33
l’onglet 65. Recouper le méandre permettrait au Nicaragua de détourner plus aisément les eaux du

San Juan au moyen du canal creusé en territoire costa-ricien.

33. La réunion bilatérale prévue pour le 26 novembre a été organisée par le Costa Rica, mais

le Nicaragua n’y a pas assisté et la réunion a dû être annulée. Le même jour, des membres de

l’OEA ont participé à un vol de reconnaissance au-d essus du territoire occupé afin de faire rapport

au secrétaire général de l’OEA sur la question 41.

34. D’autres éléments de preuve sous forme d’images aériennes et satellites montrent que le

Nicaragua a accéléré ses travaux de construction d’un canal artificiel et d’abattage, cette fois plus

près de la lagune de los Portillos. Les images que vous pouvez voir sur l’écran se trouvent sous les

onglets66 et 67. Le 29novembre, le ministre des affaires étrangères par intérim du CostaRica a

adressé une note au Nicaragua pour lui rappeler que :

«le principe fondamental de la bonne foi veut qu’une fois que la Cour internationale
de Justice a été saisie d’une demande en indication de mesures conservatoires, les

parties suspendent toute activité sur le terrain ayant trait à l’objet des mesures, en vue
d’empêcher que la situation ne se détérior e et permettre à la Cour d’entendre les

parties et de statuer sur le bien-fondé de s mesure42demandées, sans que sa décision ne
soit gênée par une situation de fait accompli» .

35. En réponse, le Nicaragua a indiqué que les questions soulevées par le Costa Rica étaient

43
sub judice et a refusé toute solution intérimaire . En fait, il a intensifié et accéléré la construction

40
Résolution du conseil permanent de l’OEA, 18ovembr2e010, disponible sur le sit:e
http://www.oas.org/consejo/resolutions/res979.asp.
41Voir infra, par. 36.

42Onglet 31, vol.1 du dossier des juges: Note du ministre par intérim des affaires étrangères et du culte du
Costa Rica au ministre des affaires étrangères du Nicaragua, original et traduction anglaise, 29 novembre 2010.

43Onglet 32, vol.1 du dossier des juge s: Note du ministre par intérim des affaires étrangères du Nicaragua au
ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica, original et traduction anglaise, 30 novembre 2010. - 29 -

du canal. Le 7décembre, les autorités nicaraguaye nnes ont indiqué que le canal était terminé et

annoncé leur intention de l’élargir 44. Le Nicaragua ne s’est toujours pas retiré du territoire

costa-ricien.

36. Le 7 décembre, la réunion de consultation des ministres des relations extérieures a eu lieu

au siège de l’OEA. Le secrétaire général a présen té un rapport, dans lequel il faisait le point de la

situation dans la zone occupée. Il est intér essant de citer le compte rendu de l’ambassadeur

DanteCaputo, conseiller spécial du secrétaire gé néral [et ex-ministre argentin des affaires

étrangères], qui a déclaré :

«J’ai l’impression que la zone débois ée est plus importante que lors de la
dernière observation; à cet endroit, on voit des tentes de camping, le drapeau

nicaraguayen et on distingue clairement ⎯mieux que lors de notre survol
précédent ⎯ l’entrée du canal dans le fleuve San Juan. J’ai photographié cette zone et

34 ces observations peuvent être vérifiées sur les photos. Je n’ai pas vu d’effectif
militaire sur le terrain. Cela ne veut pas dire forcément qu’il n’y en a pas. En
revanche, la présence militaire à bord d’un dragueur était manifeste. On la voit
45
nettement sur l’une des photos.»

37. Les photographies jointes au rapport en question défilent actuellement sur l’écran. On

les trouvera sous l’onglet 68.

38. Cette réunion a débouché sur l’adoption d’une résolution appelant les parties à mettre en

46
Œuvre sans délai les recommandations adoptées dans la résolution du 12 novembre . La résolution

a été adoptée par vingt-quatre voix pour, avec deux voix contre et cinq abstentions. Le Nicaragua

n’a donné suite à aucune des deux résolutions.

Effets de l’occupation et de l’utilisation du territoire costa-ricien

39. Monsieur le président, depuis le début de l’occupation, Edén Pastora, le commandant des

«Contra» qui est actuellement au service du gouvernem ent sandiniste et est chargé des travaux de

44Onglet 17, vol.1 du dossier des juges: tr aduction anglaise d’un extrait d’un article de La Prensa ,
8 décembre 2010 : «Alexander’s Channel gets cleaned», origin al disponible sur le s:ite

http://www.laprensa.com.ni/2010/12/08/nacionales/45805.
45Onglet 7, vol.1 du dossier des juges: rapport du secrétaire général de l’OEA ré digé conformément à la
résolutionCP/Res.979 (1780/10), présenté à la vingt-sixième réunion de consultation de s ministres de s relations
extérieures, 7 décembre 2010.

46Résolution du conseil permanent de l’OEA, 7écembr2e010, disponible sur le sit:e
http://scm.oas.org/IDMS/Redirectpage.aspx?class=II.26%20RC.26/RES&class…. - 30 -

dragage du San Juan, s’est fait le champi on d’une nouvelle «interprétation» de la

sentence Alexander . 47

40. Il affirme, et cela a de quoi étonner, que le territoire costa-ricien occupé est nicaraguayen

et que le canal artificiel est le chenal auquel l’ arbitre Alexander s’est référé dans sa première

sentence comme reliant la lagune de Harbor Head au San Juan. Cette conclusion renversante va à

l’encontre de plus de 100ans de reconnaissance c onstante et établie par le Nicaragua de ce qui

constitue la véritable frontière entre les deux pays. Qui plus est, cette position n’est étayée que par

une carte incorrecte, dont la source est «Google»; il semblerait que toutes les cartes officielles

nicaraguayennes aient été mises de côté. En fait, M. Pastora a affirmé :

«Il suffit de reviser la sentence Cleveland et les accords frontaliers. Cela a été
décidé le 24juillet1900. Les sédiments se trouvent en territoire nicaraguayen, de
35 même que l’endroit où les arbres ont été ab attus pour mettre au jour le chenal.

Regardez la photo satellite de Google sur laque lle on peut voir la frontière. Sur les
trois derniers kilomètres du cours du San Juan, les deux rives sont nicaraguayennes. A
partir de là jusqu’à El Castillo, la frontière est la rive droite, c’est très clair.»48

41. Alerté, Google a reconnu l’erreur et, malgré les protestations du Nicaragua, a corrigé la

carte en question .49

42. Pour conclure ce rappel des faits, je voudr ais vous montrer des images du creusement du

canal artificiel en territoire costa-ricien ; on peut les trouver sous les onglets 69 à 72.

43. Il convient de noter que, le 20 mars 1996, le Costa Rica a demandé l’inscription de cette

zone sur la liste des zones humides d’importance internationale de la convention Ramsar de 1971.

A cette occasion, le Nicaragua n’ a manifestement pas protesté contre le fait que l’île de Portillos

faisait partie des zones humides costa-riciennes. Le 15novembre2010, le CostaRica a demandé

au secrétariat Ramsar d’envoyer une mission consul tative sur le site pour évaluer les changements

écologiques intervenus dans la zone humide costa-ricienne occupée.

47Onglet18, vol.1 du dossier des juges: traduction anglaise de Confidencial.Com.Ni, 30 novembre 2010 :
«Past:rJa’ai interprété la sentence Alex ander», original disponible sur le s:ite
http://www.confidencial.com.ni/articulo/2522/pastora-1dquo-yo-interpret….

48Onglet19, vol.3 du dossier des juges: traducton anglaise d’un passage d’un article paru danLa Nación,
3novembre2010: «Le dragage est financé par ALBA au Venezuela», original disponible sur le site:
http://www.nacion.com/2010-11-03/ElPais/NotasSecundarias/ElPais2576449….

49Voir onglet 20, vol. 1 du dossier des juges : traduction a nglaise d’un extrait d’une déclaration de Google en la
personne de DanielHelft, re sponsable des politiques publique s de Google, 5novembre2010, original disponible sur le
site : http://googleamericalatinablog.blogspot.com/2010/11/aclaraciones-sobre-…. - 31 -

44. La mission consultative Ramsar a été menée par des experts dans les domaines suivants :

limonologie, hydrologie, hydrogéologie, géologie, écologie aquatique, ressources en eau et gestion

des écosystèmes. L’équipe a reçu un grand nombre de pièces documentaires, y compris des

photographies satellites et aériennes récentes et des informations connexes.

50
45. Le rapport de la missi on Ramsar, daté du17 décembre2010 , fait état d’un préjudice

grave causé à la zone humide protégée.

46. A ce jour, le Nicaragua continue de re nforcer sa présence militaire dans le territoire

occupé. Les images qui sont actuellement proj etées se trouvent sous les onglets73 à76 et

montrent bien que la présence militaire dans le territoire occupé n’a cessé de se renforcer.

47. La présence du Nicaragua dans la zone o ccupée a coïncidé avec de nouveaux incidents,

tels que l’intrusion illégale de navires nicaraguayens dans les eaux territoriales du CostaRica. Je

tiens à souligner que les habitants de la région s ont extrêmement préoccupés et effrayés, car il y a

déjà eu des effets négatifs sur l’économie de Barra del Colorado, qui est fortement tributaire de la
36

pêche et du tourisme, activités qui sont gravement compromises par la situation actuelle.

48. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé.

Je vous remercie de votre aimable attention.

49. Monsieur le président, je vous serais rec onnaissant de bien voul oir donner la parole à

M. Marcelo Kohen.

Le PRESIDENT: Je remercie M.Sergio Ugalde . Avant de donner la parole à M.Kohen,

l’intervenant suivant, je pense que le moment est venu de faire une pause café de dix minutes.

Comme nous avons pris un peu de retard, je vous demanderais d’ être ponctuels. L’audience

reprendra à 11 h 35. Je vous remercie.

L’audience est suspendue de 11 h25 à 11 h 40.

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne ma intenant la parole à M. Kohen. Vous

avez la parole.

50
Onglet 37, vol. 1 du dossier de plaidoiries : rapport Ramsar, 17 décembre 2010. - 32 -

Mr. KOHEN:

T HE C OSTA R ICAN RIGHTS THAT REQUIRE PROTECTION ARE DEMONSTRABLY
PROVEN AND ARE EVEN RECOGNIZED BY N ICARAGUA

1. Mr. President, Members of the Court, it is an honour to appear before you once again to

defend the rights of Costa Rica. I do so with a heavy heart because our presence before you today is

precipitated by very serious acts occurring in Central America these last three months.

Introduction

2. I will set out the rights that Costa Rica requests to be protected pending a judgment on the

merits, in conformity with Article41 of the Stat ute of the Court. According to your consistent

jurisprudence, “the Court must be concerned to preserve by such measures [provisional measures]

the rights which may subsequently be adjudged by th e Court to belong either to the Applicant or to

the Respondent” (Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of

37 Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Provisional Measures, Order of 8April1993,

51
I.C.J. Reports 1993, p.19, para.34) . As we shall see, it is apparent from the facts in this case,

even at this preliminary stage in the proceedings , that fundamental Costa Rican rights have been

violated, that Nicaragua has no right to act in th e manner it does, and that no Nicaraguan right in

connection with this case will be affected by an indication of the provisional measures requested by

Costa Rica.

3. It is not difficult to demonstrate that e rights asserted by Costa Rica are plausible, as

52
your jurisprudence clearly stipulates must be th e case for the indication of provisional measures .

In fact, these rights are much more than plausibl e. They are recognized in treaties and judicial

decisions that are familiar to the Court, and they have been recognized by both parties before you

in the case concerning the Dispute regarding Navigational and Related Rights . These rights also

5Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Provisional Measures,
Order of 15March1996, I.C.J. Reports 1996, p.21, para.35;Application of the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Order of 15 October 2008 , p.388,
para. 118; Questions Relating to the Obligatto Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Request for the
indication of provisional measures, Order of 28 May 2009, para. 56.

5Questions Relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal), Request for the indication
of provisional measures , Order of 28May2009 , para.57. See also the separate opinions of Judges Abraham and
Bennouna, Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J.
Reports 2006, p. 141, paras. 10-11, and pp. 143-144, paras. 5-6. - 33 -

touch upon fundamental principles of internationa l law consecrated in the Charter of the United

Nations and the Charter of the Organization of American States.

4. Mr. President, it is appropriate perhaps that I begin by distinguishing our request for

provisional measures from other requests made in the past. My colleague and friend James

Crawford will also return to this issue later. Unlike the cases of Burkina Faso/Mali and

Cameroon v. Nigeria, the present case does not concern a use of force in the context of a territorial

dispute pending before this Court. No, Mr. President, the present dispute does not concern a

delimitation of boundaries. As I will demonstrate shor tly, Nicaragua is fully aware of this situation

and it has simply attempted to fabricate ex post facto a non-existent territorial dispute as a last ditch

attempt to justify its occupation and unlawful use of Costa Rican territory.

38 5. The present dispute may also be contrasted with Passage through the Great Belt

(Finland v. Denmark) and the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v.

Uruguay), in which the States concerned authorized or constructed works on their own respective

territories. What is most alarming in the present case is the fact that it concerns the devastation of a

Costa Rican forest, and the construction of an artificial canal by a foreign State on Costa Rican

territory without Costa Rica’s consent. With rega rd to the dredging of the San Juan river carried

out by Nicaragua, this is governed by treaty pr ovisions and judicial decisions, including the

Judgment of 13 July 2009 by this Court 5.

6. This present request for provisional measures has elements in common with the case of

Armed Activities on the Territory of th e Congo (Democratic Republic of Congo v. Uganda), but it

must be distinguished from this case. Your Orde r of 1 July 2000 recognized that sovereignty and

territorial integrity were rights at i ssue according to the Congo’s Application 54. One of the

provisional measures indicated by the Court was that both parties must immediately take all

necessary measures to comply with United Nations Security Council resolution1304(2000) 55,

53
Dispute regarding Navigational and Related Rights (CostaRicav. Nicaragua), Judgment of 13 July 2009,
para. 155.
54
Armed Activities on the Territory of th e Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Provisional
Measures, Order of 1 July 2000, I.C.J. Reports 2000, p. 127, para. 40.
55Ibid., p. 129, para. 47. - 34 -

which demanded that Ugandan forces immediat ely and completely withdraw from Kisangani . In 56

the present case, the Security Council has not b een seized, however the Permanent Council and a

Meeting of Consultation of Ministers of Foreig n Affairs of the OAS have adopted resolutions

57
recommending the withdrawal of armed and security forces in the area relevant to the dispute .

7. In this speech, I will first demonstrate that the Costa Rican rights pass the most stringent

test imaginable concerning their plausibility of be ing recognized on an examination of the merits.

Secondly, I will explain that the territorial claim raised ex post facto by an occupying State in order

to create a “territorial dispute” is nothing more than a last-minute fabrication by Nicaragua

designed to justify its unlawful acts, and that such a claim does not prevent the Court from
39

indicating the provisional measures requested by Costa Rica.

A. The right of Costa Rica to exercise its s overeignty over Isla Portillos and to have its
territorial integrity respected, including the non-occupation of its territory

8. I will first address the right of Costa Rica to exercise its sovereignty over Isla Portillos and

to have its territorial integrity respected.

(a) The sovereignty of Costa Rica over Isla Por tillos is incontestable: it is recognized by a

binding arbitral award

9. The issue is a straightforward one. The boundary between Costa Rica and Nicaragua was

established in a treaty, which in turn was in terpreted in an arbitral award of binding res iudicata

force for the parties. In effect, the question of Costa Rican sovereignty over Isla Portillos has been

settled between the parties for more than a century.

10. Mr. Brenes has already referred to ArticleII of the Treaty of Limits of 15 April 1858,

which determines that the boundary commences at “t he end of Punta de Castilla, at the mouth of

58
the San Juan de Nicaragua River, and sha ll run along the right bank of the said river” . The

arbitral award by President Cleveland confirmed the validity of the treaty and it confirmed the

delimitation in the following terms:

56
United Nations Security Council resolution 1304 (2000), 16 June 2000, para.3, reproduced in ibid.,
pp. 124-126, para. 35.
5Resolution 978 (1777/10) of the Permanent Council of the OAS of 12 Nov. 2010, Application instituting

proceedings of the Republic of Costa Rica, Ann. 7; and resolution 1/10 of the OAS Meeting of Consultation of Ministers
of Foreign Affairs of 7 Dec. 2010 (judges’ folders, Vol. I, tab No. 6).
5Treaty of Limits between Costa Rica and Nicaragua concluded on 15 Apr. 1858. - 35 -

“The boundary line between the Republi cs of Costa Rica and Nicaragua, on the
Atlantic side, begins at the extremity of Punta de Castilla at the mouth of the San Juan

de Nicaragua River, as they both existed on the 15th day of April 1858. The
ownership of any accretion to said Punta de Castilla is to be governed by the laws
applicable to that subject.” 59

Mr.Brenes has already referred to the conclusion of the 1896 Pacheco-Matus Convention, which

established a joint commission charged with the demarcation of the boundary 60, and on the same

occasion the parties also requested the President of the United States of America to nominate an

arbitrator to settle with binding force any disput e arising between the commissioners of the two

parties 61.

40 11. The boundary in the area invaded by Nicaragua was delimited with precision in the first

arbitral award rendered by the engineer Alexa nder on 30 September 1897. The award contains the

authoritative interpretation for the parties of Artic leII of the Treaty Cañas-Jeréz and Article3,

paragraph1, of the Cleveland Award. We have produced the Acts of the Costa Rica-Nicaragua

Demarcation Commission 62, comprising the minutes of the Alexander Awards, the list of

coordinates, and a sketch-map drafted by the arbitrator, that now appears on your screens. This

sketch-map forms part of the arbitral award, and it constitutes the visual transcription of the

arbitral decision and the coordinates establis hed by the commissioners and the arbitrator. There

is not a shadow of a doubt about the correct interp retation to be given to the text, or about Costa

Rican sovereignty over the territory currently occupied by Nicaragua.

12. The Alexander Award mentions that a map is annexed to the arbitral award, in which the

63
claims of the parties are set out . Projected on the screen is this map that was reproduced one year

after the arbitral award in the well known book by John Basset Moore 64. It can clearly be seen that

5Award of the President of the United States in regard to the validity of the Treaty of Limits between Costa Rica
and Nicaragua of 15 July 18 58, decision of 22 Mar.1888, Reports of International Arbitral Awards (RIAA) ,
Vol. XXVIII, 189-236, p. 209.

6Costa Rica-Nicaragua Delimita tion Convention (Pacheco-Matus), San Salvador, 27 Mar.1896, 182 CTS 359,
Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Memorial of Costa Rica (MCR), Vol. 2,
Ann. 17, Application instituting proceedings of Costa Rica, 18 Nov. 2010, Ann. 3. Also in RIAA, Vol. XXVIII, pp. 211-

213.
6Art. III of the Pacheco-Matus Convention.

6Acts of the Demarcation Commission (judge s’ folders, Vol.II, tab No.41, Minute X, p.33, of the original
version).

6UN, RIAA, Vol. XXVIII, p. 216 (judges’ folders, Vol. II, tab No. 38).
64
John Basset Moore, History and Digest of the International Arbitra tions to Which the United States has been a
Party, Vol. V, Washington, 1898, Government Printing Office, p. 5074. - 36 -

Nicaragua claimed Isla Portillos, including the area under its occupation today. It is also evident

that the delimitation undertaken by the arbitrator clearly declares that these territories are Costa

Rican. This map was reproduced with th e arbitral award in the United Nations Reports of

65
International Arbitral Awards in 2007 . Naturally, Nicaragua did not raise any objections to its

reproduction.

41 13. Members of the Court, I draw your attenti on to the legal weight of the two maps that I

have shown you. To apply your ju risprudence, these two maps have an “intrinsic legal force for

the purpose of establishing territorial rights” ( Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali),

Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p.582, para.54) 66. According to you, this is the case when maps

“fall into the category of physical expressions of th e will of the State or States concerned. This is

the case, for example, when maps are annexed to an official text of which they form an integral

part” (ibid.). In the present case, these maps form an integral part of the Acts of the Demarcation

Commissions and the decision of the arbitrator, and are of a binding and definitive character.

14. Other relevant maps from this period in time, which are contained in your folders,

including the topographic survey carried out by th e American and British navies and official maps

of Nicaragua and the International Bureau of the American Republics, show that the boundary

begins at the Caribbean Sea as we have shown 67.

65
UN, RIAA, Vol. XXVIII, p. 221 (judges’ folders, Vol. II, tab No. 38).
66See also Kasikili/Sedudu Island (Botswana/Namibi a), Judgment, I.C.J. Reports 1999(II) , p.1098, para.84;
Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (I ndonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p.667,

para. 88.
67See Plano de la Bahía de San Juan del Norte marcando el punt o de partida de la línea divisoria entre Costa
Rica, Nicaragua, levantado por las Comisiones respectivas, 30 Sep. 1897 (judges’ folders, Vol.III, tab No.106);

Greytown Harbor from Survey by Officers of USGB Newport, B.F.Tilley, Com’d’r USN, Commanding, 1898,
reprinted in: Francisco Xavier Aguirre Sacasa, Un atlas histórico de Nicaragua (Managua, Nicaragua: Fundación Vida,
2002) (judges’ folders, Vol. III, tab No. 107); San Juan del Norte or Greytown, Chart, London: Admiralty, 1899 (British
Library Map Collection, Sec.8, 2012) (j udges’ folders, Vol.III, tab No.110); Official Map of Nicaragua, compiled by
order of H.E. the President General Don Jose Santos Ze laya from surveys by Maximiliano Sonnenstern, Government
Civil Engineer, assisted by W illiam P. Colins G.C.E. Revise d to date 1898. Published by H.G.Chalkley, Chicago,
1898), reprinted in: FranciscoXavier Aguirre Sacasa, ibid., 2002 (judges’ folders, Vol.III, tab No.108); Línea
Divisoria Costa Rica y Nicaragua Demarcada según el Trat ado Cañas Jeréz de 1858, de acuerdo con el Laudo de

Mr.Grover Cleveland de 1888 y el Tratado Pacheco-Matus de 1896 , by Lucas Fernandez, Ing, 1900. Source:
Nicaragua, Ministerio de Relaciones Exteriores, Situación Jurídica del Río San Juan (Managua, Nicaragua:
Publicaciones del Ministerio de Relaciones Exteriores 1954 and ibid., 1974); (judges’ folders, Vol.III, tab No.109);
Nicaragua, from official and other sources prepared in the International Bureau of the American Republics,
WilliamWoodville Rockhill, Director, 1903, reproduced in: Francisco Xavier Aguirre Sacasa, op. cit. (judges’ folders,
Vol. III, tab No. 111). - 37 -

15. In its propaganda booklet entitled “San Juan de Nicaragua River. The Truths that Costa

Rica Hides” , Nicaragua presents a photograph on which it purports to show that the boundary

interpreted in the first Alexander Award passes through a “Harbor Head canal” which clearly did

not exist in 1897. This is merely the interpreta tion given to the Alexander Awards by the head of

the Nicaraguan dredging team, Edén Pastora, who is constructing an artificial canal in the middle

of Costa Rican territory, that did not exist before except in his vivid imagination, as is evident from

69
the interview he gave in the Nicaraguan press . Professor Crawford will refer you to the relevant

paragraphs of the interview with Commander Pastora.

42
(b) The official cartography of the two countries systematically recognizes Costa Rican
sovereignty

16. Both parties ⎯ I stress: both parties ⎯ for more than a century have recognized this

boundary delimitation. Every official map produced by one or other party systematically places the

boundary in the exact same position as it was esta blished by the arbitrator Alexander, with

Isla Portillos appearing on Costa Rican territory. Without wishing to exhaust your patience, I will

show you only some maps that are of particular significance. To facilitate your reading of the

maps, I have marked on some of the maps that will appear on your screens the location of the

artificial canal that Nicaragua has unlawfully constructed on Costa Rican territory.

17. Members of the Court, here is an offi cial Nicaraguan map from the San Juan District 70.

The author of this map is the “Government of the Republic of Nicaragua. The Nicaraguan Institute

for Territorial Studies”. It is dated April 2003. It clearly shows that the boundary indicates that the

territory currently occupied by Nicaragua is Costa Rican. But that is not all. Look here. This

phrase is not what is known in English as a “disclaime r”. On the contrary: it is a “claimer”, if you

would allow me to use the neologism. It reads as follows: “Los límites fueron revisados por la

6Rio San Juan de Nicaragua. Las verdades que Costa Rica occulta , Nov. 010, p. and 60,
available on the website of the Presidency of the Republic of Nicaragua
(http://www.presidencia.gob.ni/documentos/activos/descarga/Verdades%20qu…) .
English version available on the website of the Presidency of the Republic of Nicaragua:
http://www.el19digital.com/documentos/TruthsCostaRicaHides_webVersion.p….

6“Pastora: ‘Yo interpreté el laudoAlexander’” (English translation: “Pastora: I interpreted the Alexander
Award’”, Confidencial.Com, 30 Nov. 2010, available at : http://www.confidencial.com .ni/articulo/2522/pastora-ldquo-
yo-interprete-el-laudo-alexander-rdquo (judges’ folders, Vol. I, tab No. 18).

7Gobierno de la República de Nicaragua. Instituto Nicaraguense de Estudios Territoriales, Departamento de Río
San Juan, Apr. 2003 (judges’ folders, Vol. III, tab No. 85). - 38 -

Dirección General de Ordenamiento Territorial INET ER”. I will translate: “The boundaries were

verified by the General Directorate of Territori al Management INETER (Nicaraguan Institute for

Territorial Studies)”.

18. If we accept the declaration of the Dir ector of INETER contained in the documentation

submitted by Nicaragua to the Court last Wednesday, I would say that the Director is not very

familiar with the cartography of his Institute, because he states that the official maps of the region

indicate that they were not verified in the field 7. Here you have one map that indicates the exact

opposite.

19. In the case of Malaysia/Singapore, the Court concluded that the official Malaysian maps

that showed Pedra Branca/Palau Batu Puteh between 1962 and 1975 “tend to confirm that Malaysia

considered that Pedra Branca/Palau Batu Pu teh fell under the sovereignty of Singapore”

(Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge
43
(Malaysia/Singapore), Judgment, I.C.J.Reports2008, p.625, para.272) . The maps in that case

contained “disclaimers” in relation to the boundari es depicted. What then can be said about the

official Nicaraguan maps published for over a century? The answer is right before our eyes. There

is a clear, constant, unambiguous, incontestable r ecognition that the territory of Isla Portillos is

under Costa Rican sovereignty.

20. I will finish this demonstration shortly, Mr. President, because the Court is well aware of

the constant and consistent acceptance of the boundary by both of the parties preceding the

Nicaraguan occupation. In the case concerning the Dispute regarding Navigational and Related

Rights (Costa Rica v. Nicaragua), the maps that both parties furnished concurred with one another.

Sketch-map 5 in the Memorial of Costa Rica plac es the boundary in the area of the mouth of the

San Juan, in the same location as established by th e arbitrator in 1897. In a footnote in its

Counter-Memorial, Nicaragua stated that the boundary as depicted in sketch-map 5 was not correct

and it purported to make a general reservation of its rights in this respect, without providing any

clearer indication of what these might be 7. It is evident that these rights do not relate to

71
Declaration of Executive Director of Nicaragua ’s Institute of Territorial Studies (INETER),
AlejandroRodríguez Alvarado, 16 Dec. 2010. Documentatio n submitted by Nicaragua to the Court on 5 January 2011,
doc. No. 11.
7Counter-Memorial of Nicaragua (CMN), p. 9, footnote 14. - 39 -

sovereignty over Isla Portillos because the maps furnished by Nicaragua in its Counter-Memorial

and Rejoinder systematically and c onsistently show that the territory that is currently occupied by

Nicaragua is Costa Rican. For example, I refer to the following maps:

73
⎯ Nicaragua Sovereignty over the Whole Course of the San Juan de Nicaragua River ;

⎯ The Sarapiqui Route Envisioned before 1858 74;

75
⎯ Costa Rican Tourism Route from 1990s to the Present ;

⎯ The Indio Maiz Biological Reserve (Dark Gr een) and the San Juan River Wildlife Refuge

(Yellow) 7;

77
44 ⎯ Alleged Locations where Costa Rican Public Vessels Navigated .

21. Members of the Court, there is incontrovertible evidence of Costa Rican sovereignty. A

portion of this evidence was furnished by Nicara gua itself and before this Court a little over two

and a half years ago.

(c) The rights of Costa Rica to exercise its sovereign ty, to have its territorial integrity respected,
and not to have part of its territory occupied by a foreign State

22. Mr. President, after 114 years of uninterrupted recognition by both parties of this

boundary, Nicaragua has proceeded first to violate the boundary, and then to object to it. This

chronological sequence of events merits some at tention. Nicaragua first occupied Costa Rican

territory, and only later did it claim sovereignty over this area for the first time on 26 October 2010

in an elusive manner, in response to a Costa Rican note of protest 7. This claim is premised on the

threat or the use of force, in violation of Article2, paragraph4, of the Charter of the United

Nations, and Article 22 of the Charter of the OAS.

23. It is an undisputed fact that Nicaragua deployed its armed forces on the territory in

question. My colleagues have already described the deployment of Nicaraguan troops. In its

73
CMN, p. 265, sketch-map No. 1.
74
Rejoinder of Nicaragua (RN), p. 116, sketch-map No. 1.
7RN, p. 175, sketch-map No. 3.

7RN, p. 181, sketch-map No. 4.

7RN, p. 256, sketch-map No. 8.
78
Note from acting Minister of Foreign Affairs of Nicaragua to the Minister of Foreign Affairs of Costa Rica of
26 October 2010, in response to a note from acting Minister of Foreign Affairs and Worship of Costa Rica to the Minister
of Foreign Affairs of Nicaragua on 21 Oct. 2010 (judges’ folders, Vol. I, tabs No. 27 and 26). - 40 -

79
propaganda booklet , the Nicaraguan Government claims ⎯ and I quote a translation ⎯ “the army

of Nicaragua has carried out its military actions in the zone of Harbor Head and River of the same

name, a sovereign and unquestionable territory of Nicaragua” 80. You see projected on the screen a

81
Nicaraguan map that illustrates this claim in that booklet : the occupied area of Isla Portillos is

2
depicted as “Zone claimed by Costa Rica 3km ” and one can see a “border control post of the

Nicaraguan Army” that never existed prior to th e occupation. Members of the Court, you know

this, because in your Judgment of 13 July 2009 you include a sketch-map that shows the existing
45
82
border control posts . There certainly is one at the Nicaragua n city of San Juan del Norte, not at

Isla Portillos.

24. It is thus in this propaganda booklet that, for the first time, Nicaragua has produced a

map that shows part of Isla Portillos as being under it s sovereignty. However, that is not all. Even

if this map were correct ⎯ quod non ⎯ the canal constructed by Nicaragua is still located on Costa

Rican territory! It is an additional piece of evidence that the Nicaraguan activities are being carried

out on Costa Rican territory, demonstrating also the inconsistency of the Nicaraguan claim.

25. Members of the Court, I leave it to you to consider the statement that the Nicaraguan

Army is carrying out its activities on “sovereign and unquestionable territory of Nicaragua”. It is

clear that Edén Pastora, Commander “Zero”, well known to the Court 83, and the officers of the

Nicaraguan army have not made use of the official Nicaraguan map of 1905 ⎯ a few years after

the Alexander arbitral award ⎯ the title of which is precisely “Map for the Use of Officers of the

Army of Nicaragua” 84and which quite clearly places Isla Portillos on Costa Rican territory!

79
English translation: “The San Juan de Nicaragua River. The Truths that Costa Rica Hides.”
80
Rio San Juan de Nicaragua. Las verdades que Costa Rica occulta , Nov.2010, p.15, available on
the website of the Presidency of the Republic of Nicaragua:
http://www.presidencia.gob.ni/documentos/activos/descarga/Verdades%20qu….
English version available on the website of the Presidency of the Republic of Nicaragua:
http://www.el19digital.com/documentos/TruthsCostaRicaHides_webVersion.p….

8Ibid.
82
Dispute regarding Navigational and Related Rights (CostaRica v. Nicaragua) , sketch-map No.2; MCR,
sketch-map No. 2.
83
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Merits,
Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 54, para. 94.
84
Mapa para uso de los Oficiale s del Ejército de Nicaragua , 1905. Reprinted in: Francisco Xavier Aguirre
Sacasa, Un atlas histórico de Nicaragua, Managua, Nicaragua, 2002 (judges’ folders, Vol. III, tab No. 100). - 41 -

26. Let us turn to the issue of the military o ccupation. It is unquestionable that Nicaragua is

today, through the acts of its army, in possession of territory over which it has never previously

exercised jurisdiction or control. The fact that its troops have not encountered armed resistance is

no obstacle to qualifying this situation as one of o ccupation, in conformity with Article2 of the

85
Fourth Geneva Convention of 1949 . I recall that Costa Rica has no armed forces of its own.

27. The Declaration on Principles of Interna tional Law, contained in General Assembly

resolution 2625 (XXV), provides a clear summary of the actual state of the law on this issue: “The

territory of a State shall not be the object of military occupation resulting from the use of force in

46 contravention of the provisions of the Charter” 86. The Charter of the OAS, for its part, contains an

even more specific right. Article 21 provides as follows : “The territory of a State is inviolable; it

may not be the object, even temporarily, of military occupation or of other measures of force taken

87
by another State, directly or indirectly, on any grounds whatever” . It follows that Costa Rica has

a right that its territory is not occupied, even temporarily. This right would become illusory if

Costa Rica were required to wait until the close of proceedings for the Nicaraguan occupation to

come to an end.

28. Costa Rica also has a right that its territo rial integrity be respected. As your predecessor

observed: “the first and foremost restriction im posed by international law upon a State is that ⎯

failing the existence of a permissive rule to the contrary ⎯ it may not exercise its power in any

form in the territory of another State” ( “Lotus”, Judgment No. 9, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 10 ,

p.18). At this very moment in time Nicaragua continues to disregard this “first and foremost

restriction” and it forgets, as you emphasized more than 60 years ago, that “[b]etween independent

States, respect for territorial sovereignty is an essential foundation of international relations” (Corfu

Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1949, p. 35) 88.

85Geneva Convention relative to the Protection of Civilian Persons in Time of War, Fourth Geneva Convention,

12 Aug. 1949, entered into force on 21 Oct. 1950, 75 UNTS 287.
86Declaration on Principles of International Law concerning Friendly Relations and Co-operation among States in
accordance with the Charter of the United Nations, contained in United Nations General Assembly
resolution 2625 (XXV), Official Records of the General Assembly, Twenty-fifth Session, supplement No. 18, UN

doc. A/8010, p. 123.
87Emphasis added.

88See also Accordance with International Law of the Unilatera l Declaration of Independence by the Provisional
Institutions of Self-Government of Kosovo, Advisory Opinion of 22 July 2010, para. 80. - 42 -

29. Nicaragua clearly has not forgotten these fundamental principles that govern

international relations because you ordered at its behest in 1984 the following provisional measure:

“The right to sovereignty and to political independence possessed by the
Republic of Nicaragua, like any other State of the region or of the world, should be
fully respected and should not in any wa y be jeopardized by any military and
paramilitary activities which are prohibited by the principles of international law, in

particular the principle that States should re frain in their international relations from
the threat or use of force against the terr itorial integrity of the political independence
of any State, and the principle concerning th e duty not to intervene in matters within

the domestic jurisdiction of a State, principles embodied in the United Nations Charter
and the Charter of the Organization of American States.” ( Military and Paramilitary
Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),

Provisional Measures, Order of 10May 1984, I.C.J. Reports 1984 , p. 87,
para. 41 (B) (2).)

47 At that time, Nicaragua argued that the Unite d States was not respecting its sovereignty and

89
territorial integrity through the in strumentality of a mercenary army . In the present case,

Nicaragua has stationed its own armed forces on Costa Rican territory to oversee the devastation of

Costa Rican forests and the attempted deviation of the San Juan river. Costa Rica also has the right

that its sovereignty and territorial integrity are respected.

30. Members of the Court, I draw your attention to another important fact: the State that

exercised jurisdiction over Isla Portillos before th e invasion was indisputably Costa Rica. A clear

and unambiguous demonstration of that jurisdiction are the Costa Rican deeds of possession for the

region in question, inscribed in the Costa Rican cadastre. You can see projected on the screen one

of these deeds, and you have others in your fo lders that correspond to other parts of the area
90
occupied by Nicaragua .

31. As a result of this occupation, and in addition to the significant devastation caused by

Nicaragua on Costa Rican territory, Costa Rica is prevented from exercising its prerogatives of

State authority on this territory.

32. Costa Rica requests the Court to preserve its right to have its territory free from foreign

occupation, to have its territorial integrity respect ed, and to be free to exercise its jurisdiction and

control over its territory that is currently occupied by Nicaragua.

89
Military and Paramilitary Activitiein and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America),
Provisional Measures, Order of 10 May 1984, I.C.J. Reports 1984, p. 180, para. 28.
9Permiso de uso a: José Alberto Alvarez Nuñez, T° 14317, F° 174 , Ann.10 of the documentation submitted on
5Jan.2011 (judges’ folders, Vol.III, tab No.102). See althe other permits of possession in judges’ folders, Vol.I,
tab Nos. 11 to 15. - 43 -

(d) Nicaragua’s claim of sovereignty does not prevent an order indicating provisional measures

33. Mr. President, most likely the representatives of the occupying State will say this

afternoon that Nicaragua has not carried out any act on Costa Rican territory because the territory

in question is Nicaraguan. Alas, this would not be the first time in history that a State fabricates at

all costs a dispute in order to justify an unlawful military intervention or the occupation of a foreign

territory. Each one of us will be able to think of regrettable examples that illustrate my point.

48 34. We believe that we have furnished ample proof of Costa Rican sovereignty. However,

even if in the impossible scenario that there ex ists a shadow of a doubt, this does not prevent the

Court from ordering provisional measures. As I ha ve already indicated, the State that exercised

jurisdiction over the territory under occupation w as Costa Rica. The inte rnationally recognized

boundary was the one that both States presented in the previous case. These facts are fundamental.

Some may invoke that, even if the Nicaraguan cl aim is completely unfounded, it nevertheless

constitutes a claim and as such it can only be examined by the Court at the merits stage. However,

provisional measures do not prejudice rights ⎯ either real or unfounded ones ⎯ raised by one or

other of the parties. The measures requested that concern the rights of Costa Rica to preserve its

sovereignty and territorial integrity aim to re-establish the statu quo ante. If Nicaragua wishes to

formulate a territorial claim the purpose of which is to modify the existing factual situation, nobody

will prevent it from doing so. However, what Nicar agua cannot do is to unilaterally modify the

existing situation by the threat or use of force and to attempt to factually establish its new territorial

claim, even temporarily.

35. Mr. President, Costa Rica wishes to preserve its right to exercise its jurisdiction over the

occupied territory pending the close of proceedi ngs. Should this Court abstain from requesting the

withdrawal of Nicaragua to its previously held pos itions by virtue of the simple fact that it has

made only very recently a territorial claim? The answer is clearly no. It would toll the end of the

prohibition of the use of force, the principle of territorial integrity and the law governing military

occupation if by the mere fact that an occupying St ate claims that the territory it controls is under

its sovereignty, it could claim in turn that th ese rules were no longer applicable without first

determining which State is the sovereign. As Oscar Schachter has noted: “the expression - 44 -

‘territorial integrity’ in Article2(4) refers to the State which actually exercises authority over the

territory, irrespective of disputes as to the legality of that authority” .1

49 36. At the moment of its occupation by Nicaragua, Isla Portillos was under the jurisdiction of

Costa Rica. Nicaragua was under an obligation to respect this situa tion. If Nicaragua wished to

raise a territorial claim, it had peaceful means fo r the settlement of disputes at its disposal, and

particularly numerous means are at the disposal of these two States.

B. The right of Costa Rica to have respected and protected its natural resources and its
environment

37. In its request for provisional measures, Co sta Rica also wishes to preserve its rights for

the respect and protection of its natural resources and its environment. The sources and the content

of these rights are both bilateral and multilateral. I will distinguish on the one hand the Costa

Rican right for the respect and protection of its wetlands ⎯ the territory occupied by Nicaragua is a

wetland ⎯ and the Costa Rican right that the dredging activities carried out on the San Juan river

do not cause damage to Costa Rican territory nor affect navigation on the San Juan river.

(a) The right of Costa Rica to preserve the Ramsar site occupied by Nicaragua

38. The Costa Rican territory under occ upation has been designated as a “Wetland of

International Importance” since 20 March 1996, and it is protected by the regime established by the

92
Ramsar Convention of 1971 . Costa Rica and Nicaragua are both parties to this Convention since

27 April 1992 and 30 November 1997, respectively. The relevant Ramsar site is “Humedal Caribe

93
Noreste” . As you can see on the screen, the territory occupied by Nicaragua is clearly located

within the Ramsar site, and Nicaragua has not form ulated a reservation in this respect. I note in

91Oscar Schachter, “International Law in Theory and Pracice. General Course in Public International Law”.
RCADI, 1982-V, T. 178, p. 143.

92Convention on Wetlands of Internati onal Importance Especially as Wate rfowl Habitat (Ramsar Convention),
2 Feb. 1971, entered into force on 21 December 1975, 996 UNTS 245.

93List of Costa Rican Wetlands of International Importance available on the website
of Ramsar: http://www.ramsar.org /cda/en/ramsar-pubs-annolist-annotated-ramsar-16460/main/ramsar/1-30-
168%5E16460_4000_0__. - 45 -

passing that Nicaragua has not included Isla Portill os on its Ramsar site called “Refugio de Vida

Silvestre Río San Juan” that is located on the exact opposite side of the San Juan . 94

50 39. Costa Rica has a right to preserve its Ramsar site, by exercising the rights and

undertaking the obligations that stem from the 1971 Convention. In particular, it has a right to

95
conserve the wetland included on the Ramsar List and to ensure its wise use .

40. Pursuant to Article3, paragraph 2, of the Convention, Costa Rica immediately notified

changes in the ecological character of the wetl and caused by Nicaragua. As a result, Ramsar

Mission No. 69 was sent by the Secretariat, and it produced a report containing recommendations

that Costa Rica has a right to put into effect 96.

41. Costa Rica also has a right to see that Nicaragua respects its obligation stemming from

Article 5 of the Convention, namely, to be cons ulted about implementing obligations arising from

the Convention, particularly in wetlands situated on a shared water system, as it is the case with the

territory in question. To date, Nicaragua has obs tinately refused to act in conformity with this

obligation and it continues its canal work and its destruction of forests on Costa Rican territory.

42. Members of the Court, as a State Part y to the Ramsar Convention, Nicaragua has

recognized that “wetlands constitute a resour ce of great economic, cultural, scientific, and

97
recreational value, the loss of which would be irreparable” . Its disregard for wetlands and for the

rights and obligations arising from the Ramsar Convention concerning Isla Portillos cannot and

should not continue.

(b) The right of Costa Rica for its territory and its navigation not to be affected by any dredging
activity of the San Juan river

43. I turn now, Mr. President, to the right of Costa Rica for any dredging activity of the San

Juan river not to affect its territory, nor its right to navigate on the San Juan river.

94
List of Nicaraguan Wetlands of International Importance available on the website
of Ramsar: http://www.ramsar.o rg/cda/fr/ramsar-pubs-annolist-annotated-ramsar-16106/main/ramsar/1-30-
168%5E16106_4000_1__.
95
Ramsar Convention, Art. 4, para. 1.
9Report of the Mission Ramsar No. 69, 17 Dec. 2010 (judges’ folders, Vol. I, tab No. 37).

9Ramsar Convention, preamble. - 46 -

51 44. In addition to the use of Costa Rican territo ry in order to artificially deviate the course of

the San Juan, Nicaragua is dredging the river that is causing flooding to Costa Rican territory, and

which may alter the flow of the Colorado River.

45. The conduct of Nicaragua ⎯ which it is pursuing, as I speak ⎯ is in contradiction with

the arbitral award of President Cleveland. Article 6 [of this award] provides in particular that

“The Republic of Costa Rica cannot prevent the Republic of Nicaragua from
executing at her own expense and within her own territory such works of
improvement provided such works of improvement do not result in the occupation or

flooding or damage of Costa Rica territory, or in the destruction or serious impairment
of the navigation of the said River or any of its branches at any point where Costa
Rica is entitled to navigate the same.”98

46. Allow me to repeat once again, Mr. Pr esident, that Costa Rica respects the right of

Nicaragua to dredge the river, provided that it respects the conditions defined by the Cleveland

Award. Nicaragua can undertake these activities only on its own territory and without affecting

Costa Rican rights. To this end, Costa Rica h as the right to request that impact studies are

transmitted to it, something that Nicaragua did not do before the occupation.

47. Article 9 of the Cleveland Award for its part states

“The Republic of Costa Rica can deny to the Republic of Nicaragua the right of

deviating the waters of the River San Juan in case such deviation will result in the
destruction or serious impairment of the navigation of the said River or any of its
branches at any point where Costa Rica is entitled to navigate the same.” 99

48. This means that the possibility for Costa Rica to deny deviations of the river that

Nicaragua may undertake concerns deviations on it s own territory. What then if the deviation

consists in the construction of a canal on Costa Rican territory!

49. Professor James Crawford will present the irreparable prejudice to the rights of Costa

Rica that is being caused by Nicaragua’s conduct and the risk of its continuance.

52 Conclusions

50. Members of the Court, I arrive at my conclusions. We believe that we have amply

demonstrated the more than plausible character of the Costa Rican rights at stake, just as [we have

98
Cleveland Award, Art. 6; original emphasis.
99
Cleveland Award, Art. 9. - 47 -

demonstrated] the “completely implausible” Nicaraguan claim ex post facto concerning a part of

Isla Portillos.

51. What then are the consequences of this demonstration for an order of provisional

measures? That without a shadow of a doubt, there are here fundamental Costa Rican rights to

protect and that the Court, by ordering provisional measures for their preservation, does not put in

danger any Nicaraguan right. Yes, Mr. President, if the requirement of fumus boni iuris must be

applied to the party that requests provisional measur es, it also applies to the alleged rights of the

other party that may be affected by the adoption of provisional measures. Nicaragua cannot invoke

a right to occupy, change, damage and use territo ry that before the occupation indisputably was

under Costa Rican jurisdiction.

52. Members of the Court, it is not for Costa Rica to wait until the end of these proceedings.

It is for Nicaragua, the State that wishes to modify the existing situation and that has not hesitated

to use its army in order to do this, even before ma king public for the first time its alleged territorial

claim. By ordering the re-establishment of the statu quo ante , you preserve not only the Costa

Rican rights that are the object of this dispute, but also the maintenance of peace and international

security.

53. I thank you for your attention, and I ask, Mr. President, that you give the floor to

Professor James Crawford.

Le PRESIDENT: Je remercie le professeur Ma rceloKohen de sa plaidoirie et j’appelle à

présent à la barre le professeur James Crawford.

M. CRAWFORD :

LES CONDITIONS AUX FINS DE L ’INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES
SONT REMPLIES

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour, c’est un honneur

pour moi que de représenter à nouveau le Costa Rica. La demande en indication de mesures

conservatoires présentée aujourd’hui par le CostaRica est motivée par le fait que le Nicaragua a

fait incursion dans une partie du territoire costa-rcien jusqu’alors incontestée, qu’il continue de

l’occuper et qu’il y creuse un canal en menant des opérations de dragage et autres activités - 48 -

53 connexes qui ont des répercussions sur cette région et son environnement. Comme vous l’avez dit,

Monsieur le président, nous ne sommes pas ic i aujourd’hui pour établir la responsabilité du

Nicaragua à raison de ces violations du régime frontalier établi entre les deux Etats. Le Costa Rica

demande simplement que soient prises des mesures propres à sauvegarder ses droits avant que la

Cour ne rende son arrêt définitif.

2. La question posée à ce stade de la procédure est simple: l’EtatA peut-il échapper à des

mesures conservatoires après avoir mené une acti on unilatérale sur un territoire qu’occupe depuis

de nombreuses années, au titre d’un droit revendiqué, l’Etat B ⎯ territoire que n’avait auparavant

jamais revendiqué l’EtatA ⎯ au motif que l’EtatB, si ses prétentions à un titre sont fondées, se

verra finalement restituer son territoire et verser des dommages-intérêts? Je répète la question:

l’Etat A peut-il échapper à des mesures conservato ires après avoir mené une action unilatérale sur

un territoire qu’occupe depuis de nombreuses années, au titre d’un droit revendiqué, l’EtatB

⎯territoire que n’avait auparava nt jamais revendiqué l’EtatA ⎯ au motif que l’EtatB, si ses

prétentions à un titre sont fondées, se verra finalement restituer son territoire et verser des

dommages-intérêts? La réponse à cette ques tion est évidemment non. Toute autre réponse

reviendrait à cautionner la politique du fait accompli et irait à contre-courant du droit international,

qui privilégie nettement le règlement pacifique des différends par rapport à toute action unilatérale.

Et ce d’autant plus lorsque l’Etat A a entrepris d’abattre des arbres, de déverser des sédiments et de

creuser un canal, sans respect pour la nature, au détriment de l’Etat B.

A. Les conditions à remplir aux fins de l’indication de mesures conservatoires

3. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs les Membres de la Cour, les conditions à

remplir aux fins de l’indication de mesures c onservatoires sont solidement établies dans votre

jurisprudence.

4. Elles sont au nombre de quatre :

1) premièrement, il faut que la compétence de la Cour pour statuer sur le différend ait été établie

prima facie ( Anglo-Iranian Oil Co. (Royaume-Uni cI.ran), mesures conservatoires,

ordonnance du 5 juillet 1951, C.I.J. Recueil 1951, p.93; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande

c. France), mesures conservatoires, ordonnance du 22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, par. 14) ; - 49 -

2) deuxièmement, il faut que les mesures sollic itées soient nécessaires «afin qu’un préjudice

irréparable ne soit pas causé aux droits en litige dans [la] procédure judiciaire» ( Application de

la convention internationale sur l’éliminatio n de toutes les formes de discrimination raciale

(Géorgie c.Fédération de Russie), mesures c onservatoires, ordonnance du 15octobre2008,

C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 118) ;

3) troisièmement, il faut que les droits à protéger «apparaissent au moins plausibles» 100; et
54

4) quatrièmement, il faut que «[le pouvoir de la C our d’indiquer des mesures conservatoires] ne

soit exercé que s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un réel risque qu’une action préjudiciable

aux droits de l’une ou de l’autre Partie soit commise avant que la Cour n’ait rendu sa décision

définitive» (Application de la convention international e sur l’élimination de toutes les formes

de discrimination raciale (Géorgie c.Féd ération de Russie), mesures conservatoires,

101
ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 392, par. 129) .

Mon collègue, MarceloKohen, vous a parl é de la troisième de ces conditions. Je vous

parlerai des trois autres.

a) Première condition : compétence prima facie de la Cour

5. En ce qui concerne la compétence prima facie 10, le seuil exigé est relativement peu élevé.

Comme vous l’avez indiqué dans les Essais nucléaires, et par la suite en d’autres occasions, la

question est de savoir si «les dispositions invoquées par le demandeur [se présentent] comme

constituant, prima facie, une base sur laquelle la compétence de la Cour pourrait être fondée»

(Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande cF . r ance), mesures conservatoires, ordonnance du

22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 138, par. 18. C’est nous qui soulignons) 10.

100«Considérant que le pouvoir de la Cour d’indiquer des mesures conservatoires ne devrait être exercé que si les
droits allégués par une partie appa raissent au moins plausibles.» ( Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, par. 57.)

101Voir aussi Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du
11 septembre 1976, C.I.J. Recueil 1976, par. 33.
102
Voir, par exemple, Compétence en matière de pê cheries (République fédérale d’Allemagne c.Islande),
mesures conservatoires, ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 16 ; Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (C ameroun c.Nigéria), mesures conser vatoires, ordonnance du 15mars1996,
C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 21, par. 33 ; sur le forum prorogatum, voir Différend frontalier (Burkina Faso/République du
Mali), mesures conservatoires, ordonnance du 10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 3.

103Voir, tout récemment, Application de la convention internationale su r l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), mesures cons ervatoires, ordonnance du 15octobre2008,
C.I.J. Recueil 2008, p. 377, par. 85. - 50 -

6. En l’espèce, il est clair (et même incontesté, semble-t-il) que la Cour a plus qu’une

compétence prima facie pour connaître du fond de l’affaire. C’ est assurément le cas en vertu du

Pacte de Bogotá. Il est vrai que le Nicaragua a émis une réserve indiquant que sa ratification

n’emportait pas «l’acceptation des décisions arb itrales que le Nicaragua a contestées et dont la

validité n’a pas été établie». Cette réserve appelle toutefois trois commentaires: 1)le Nicaragua

n’a jamais contesté la validité des sentences Alexander; jusqu’à très récemment, il n’avait même

jamais mis en question leur interprétation. Comme vous le savez, le Nicaragua s’est maintes fois

illustré en déclarant unilatéraleme nt invalides des traités et des se ntences arbitrales, mais il ne l’a

pas fait avec les sentences Alexa nder; 2)s’il ne l’a pas fait, c’est pour une excellente raison: la

55 validité de ces sentences est évidente, claire , certaine et ces sentences ont été expressément

acceptées par le Nicaragua à l’époque et depuis lors ; 3) même si le Nicaragua avait eu des raisons

de contester la validité des sentenc es Alexander, et qu’il l’avait fait, la réserve qu’il a formulée à

l’égard du Pacte de Bogotá ne limite pas la juri diction obligatoire de la Cour en vertu de cet

instrument. Il s’agit d’une clause de sauvegarde : la ratification du Pacte de Bogotá ne peut

«détourner le Gouvernement du Nicaragua de la position qu’il a toujours prise en ce

qui concerne les décisions arbitrales dont la validité a été contestée en se basant sur les
principes du droit international. En c onséquence, la délégation du Nicaragua, en
donnant sa signature au Traité [c’est-à-dire au Pacte de Bogotá], formule une réserve
au sujet de l’acceptation des décisions arbitrales que le Nicaragua a contestées et dont

la validité n’a pas été établie.»

Telle qu’elle est formulée, cette réserve se borne à préserver la position du Nicaragua sur des

questions de fond. Elle ne porte pas sur la co mpétence; le Nicaragua se réserve simplement le

droit de continuer à contester certaines décisions arbitrales au fond. Or le CostaRica n’invoque

pas le Pacte de Bogotá pour revendiquer la front ière existante. Nous ne prétendons pas que

l’acceptation du Pacte de Bogotá par le Nicaragua a la moindre incidence sur les sentences

Alexander.

7. Puisque la compétence prima facie a été établie en vertu du Pacte de Bogotá, il n’y a pas

lieu, à proprement parler, d’examiner la compéten ce au titre de la clause facultative. Ce qui

compte ici, c’est la réserve formulée par le Nicaragua, qui déclare qu’il «ne reconnaîtra ni la

juridiction ni la compétence de la Cour interna tionale de Justice à l’égard d’aucune affaire ni

d’aucune requête qui auraient pour origine l’inte rprétation de traités, signés ou ratifiés, ou de - 51 -

sentences arbitrales rendues, avant le 31décembre1901». J’ignore quelle est la position du

Nicaragua quant à l’application de cette réserve en la présente instance. Je me contenterai de

rappeler que les prétentions du Costa Rica se fondent , entre autres, sur la Charte des Nations Unies

et celle de l’OEA, qui protègent son intégrité terr itoriale et interdisent toute occupation, fût-elle

temporaire.

8. Mais, en fait, le Nicaragua a déjà déclaré officiellement qu’il acceptait la juridiction de la

Cour dans sa note diplomatique datée du 30 novembre 2010. Cette note figure sous l’onglet 32 de

votre classeurI, auquel nous vous av ions promis de ne pas nous reporter. En tout cas, vous avez

cette note entre les mains et elle apparaît également à l’écran. Dans cette note, le ministre

nicaraguayen des affaires étrangères en exercice déclare :

«Le Nicaragua estime que les questions soulevées par le Gouvernement
costa-ricien sont en instance devant la Cour internationale de Justice. Il ne juge donc
pas opportun de faire le moindre commentair e en dehors du cadre de la Cour. Le
Nicaragua se réserve le droit de répondre, en temps utile, [à ces] questions devant la

56 Cour internationale de Justice, l’organe judiciaire de l’Organisation des Nations Unies
ayant compétence pour trancher ces questions.» 104 [Traduction du Greffe.]

Les termes employés ne laissent place à aucune ambigüité: la Cour est «l’organe judiciaire de

l’Organisation des Nations Unies ayant compétence pour trancher ces questions», autrement dit les

questions de fond.

b) Deuxième condition: les mesures sollicit ées sont nécessaires afin qu’un préjudice
irréparable ne soit pas causé aux droits en litige dans l’affaire

9. J’en viens maintenant à la deuxième cond ition, à savoir qu’il ne doit pas être causé de

préjudice irréparable aux droits en litige dans l’affair e. Ainsi que la Cour l’a précisé dans sa toute

dernière ordonnance par laquelle e lle a indiqué des mesures conservatoires, celle-ci ont pour objet

«de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant qu’elle rende sa décision, afin qu’un

préjudice irréparable ne soit pas causé aux dro its en litige dans une procédure judiciaire»

(Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de

discrimination raciale (Géorgie c.Fédération de Russie), mesures c onservatoires, ordonnance du

15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 388, par. 118). Tel est le critère exigé.

104
Note en date du 30 novembre 2010 adressée au ministre co sta-ricien des affaires étrangères et du culte par le
ministre nicaraguayen des affaires étrangères en exercice (texte original espagnol et traduction anglaise). - 52 -

10. Dans cette même ordonnance, la Cour a évoqué la nécessité d’établir «un lien…entre

les droits allégués que les mesures conservato ires sollicitées visent à protéger et l’objet de

l’instance pendante devant [elle] sur le fond de l’affaire» (ibid., p. 389, par. 118). Dans la pratique,

afin d’établir l’existence d’un tel lien, la Cour se réfère à la requête. Ainsi, en l’affaire Congo

c. Ouganda, elle a précisé ce qui suit :

«les droits qui, d’après la requête du Congo , constituent l’objet du litige sont

essentiellement ses droits à la souveraineté et à l’intégrité territoriale, à l’intégrité de
ses biens et de ses ressources naturelles,…et…ce sont les droits ainsi revendiqués
qui doivent retenir l’attention de la Cour dans son examen de la présente demande en
indication de mesures conservatoires» ( Activités armées sur le territoire du Congo

(République démocraerque du Congo cO . uganda), mesures conservatoires,
ordonnance du 1 juillet 2000, C.I.J. Recueil 2000, p.127, par.40; les italiques sont
de nous).

11. En l’affaire Congo c.Ouganda , la Cour a indiqué —à l’unanimité— des mesures

conservatoires en vertu desquelles les parties deva ient prévenir et s’abstenir de tout acte qui

risquerait d’aggraver ou d’étendre le différend, et prendre toute mesure nécessaire pour se

conformer à toutes leurs obligations en vertu du dro it international, en particulier en vertu de la
57

Charte.

12. En la présente affaire, les droits menacés de préjudice irréparable sont énoncés dans la

partieD de la demande en indication de mesures conservatoires. M.Kohen les a exposés dans le

détail tout à l’heure. En particulier, le Costa Rica jouit, entre autres, des droits suivants :

1) le droit à la souveraineté et à l’intégrité territoriale ;

2) le droit à la non-occupation ;

3) le droit à ce que son territoire ne soit pas déboisé par une force étrangère ;

4) le droit à ce que son territoire ne soit pas u tilisé pour le déversement de sédiments provenant

d’un dragage ou le creusement non autorisé d’un canal ;

5) les différents droits correspondant à l’obligation qui incombe au Nicaragua de ne pas draguer le

SanJuan si cela affecte ou endommage le territoire du CostaRica, son environnement ou

l’intégrité et le débit du Colorado.

Je pourrais bien entendu continuer, mais cela suffit aux fins qui nous intéressent. - 53 -

13. Le Costa Rica a déposé une requête pour obtenir tant la cessation de ces activités qu’une

réparation au titre des dommages causés. Entre-temps, et en attendant l’arrêt de la Cour, il souhaite

le rétablissement du statu quo ante. Ainsi que la Cour l’a dit en l’affaire des Otages :

«une demande en indication de mesures conservatoires a nécessairement, par sa nature
même, un lien avec la substance de l’affaire…son objet est de protéger le droit de

chacun ; et … en la présente espèce le but de la demande des Etats-Unis ne paraît pas
être d’obtenir un jugement, provisionnel ou définitif, sur le fond des réclamations mais
de protéger pendente lite la substance des droits invoqués» (Personnel diplomatique et

consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c.Iran), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979, C.I.J. Recueil 1979, p. 16, par. 28).

14. La demande du CostaRica visant à préserver le statu quo ante ou, en l’occurrence

⎯comme dans l’affaire des Otages—, à «remédier temporairement à une altération brusque [et]

105
soudaine du statu quo» est tout à fait appropriée [traduction du Greffe] . Ainsi que l’a noté

LawrenceCollins dans le cours qu’il a donné à l’Académie de LaHaye, il n’y a là «rien

106
d’exceptionnel ou de contraire aux principes» [traduction du Greffe] . Tels sont donc les droits

revendiqués.

58 15. Leur portée sera déterminée de manière définitive lors de la phase du fond, mais tels sont

les droits revendiqués et ce, de manière plausible. Ces droits sont menacés de subir un préjudice

irréparable du fait du comportement du Nicaragua 10.

16. La première remarque qui s’impose à cet égard — en ce qui concerne le préjudice — est

que la Cour a affaire à une situation dans laquelle l’occurrence des faits est établie, ceux-ci s’étant

108
déjà produits et se poursuivant. Cela rappelle de nouveau la situation en l’affaire des Otages

dont a été saisie la Cour ou celle de l’affaire de la Dénonciation du traité sino-belge du

2 novembre 1865 dont a connu la Cour permanente 109. Dans chacune de ces affaires, le demandeur

105L.Collins, «Provisional and Protective Measures in International Ligitation»,Recueil des cours 1992-III
(1992), p. 232.

106Ibid.
107
. Essais nucléaires (Australie . rance), me sures conservatoires, ordonnance du 2jui1973,
C.I.J. Recueil 1973, p. 103 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.Fr ance), mesures conser vatoires, ordonnance du
22 juin 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 139 ; Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-Unis
d’Amérique cI.ran), mesures conservatoires, ordonnance du 15déce mbre 1979, C.I.J. Recueil 1979, par. 36 ;
Application de la convention pour la préven tion et la répression du crime de génocidepar. 36 ; LaGrand ; Activités
armées sur le territoire du Congo, par. 39 ; Avena, par. 49 et 55.

108Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (Etats-U nis d’Amérique c.Iran), mesures
conservatoires, ordonnance du 15 décembre 1979.

109Dénonciation du traité sino-belge du 2 novembre 1865, ordonnances des 8 janvier, 15 février et 18 juin 1927,
C.P.J.I. série A n, p. 7. - 54 -

a obtenu l’indication de mesures conservatoires par suite d’événements qui s’étaient déjà produits.

Ici aussi, le préjudice n’est ni hypothétique ni chimérique: le Nicaragua revendique ⎯ si peu

plausible que cela soit — le droit de faire ce qu’il fait et refuse de cesser ses activités.

17. Il convient, à ce stade, de rappeler briève ment à la Cour les actions entreprises par le

Nicaragua qui sont à l’origine d’un préjudice irréparable causé aux droits du Costa Rica. Les faits

se passent toutefois largement de commentaire et les graphiques parlent d’eux-mêmes. .

18. Ainsi que vous l’avez vu, l’île de Portillos, est une petite portion de territoire de quelque

16,8 kilomètres carrés, située entre le fleuve San Juan et la lagune de Los Portillos. C’est là qu’un

contingent de soldats nicaraguayens a établi un campement, occupant une zone d’environ

3 kilomètres carrés, et entrepris des travaux d’excavation et de déversement aux effets destructeurs.

19. Cette partie de l’îledePortillos, cons tituée de forêts pluviales primaires et de zones

humides fragiles, est inscrite, depuis1996, su r la liste des zones humides d’importance

internationale de Ramsar 11. Elle abrite de nombreuses espèces menacées, dont l’unique population

111
locale de lamantins, espèce menacée d’extinction . Les plages permettent en outre à la tortue de
59
112
mer verte et à la tortue luth de s’alimenter et de se reproduire . La lagune de LosPortillos

constitue une escale pour diverses espèces migratoires de poissons, tels le tarpon atlantique et le

requin bouledogue, et un site de reproduction pour quelque vingt-six espèces de poissons. Un tiers

des espèces costa-riciennes menacées d’extinction vivent dans cette région 113.

20. Sous l’onglet9 de votre classeurI ⎯point n’est besoin de vous y reporter, car il n’est

pas nécessaire de le lire maintenant ⎯ figure une étude réalisée sous le contrôle du ministère

costa-ricien de l’environnement, de l’énergie et des télécommunications en décembre2010. Bien

qu’il convienne de garder à l’esprit que les do mmages causés se sont aggravés depuis, ce rapport

fait déjà état de la déforestation d’une zone humide primaire de 1,67 ha ⎯ ce qui représente près de

110
La liste des zones humides d’im portance internationale de Rams ar est disponible à l’adresse:
http://www.ramsar.org/cda/en/ramsar-documents-list/main/ramsar/1-31-218… .
111 o
Misión Ramsar de Asesoramiento n 69, Humedal de Importancia Internacional Caribe Noreste, Costa Rica et
traduction anglaise («Rapport Ramsar») 17 décembre 2010, p. 15.
112Rapport Ramsar, p. 15-16.

113Ibid., p. 25. - 55 -

114 115
200 arbres anciens ⎯ , et de la destruction de quelque 4,8 ha de sous-bois . Ainsi qu’il ressort

de l’onglet 117, qui figure dans le classeur III, un quart des arbres abattus avaient plus de cent ans ;

116
certains d’entre eux étaient même plus âgés encore, ayant plus de deux cents ans . L’importance

des arbres les plus anciens dans cette zone ressort clairement du tableau actuellement projeté à

l’écran.

21. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs les juges, la Cour internationale de

Justice existe depuis soixante-cinqans, ou depuis qu atre-vingt-dixans, si l’on tient compte de sa

devancière. Si elle venait à êt re détruite, le préjudice serait irréparable, quand bien même on

pourrait, avec le temps, la rempla cer. De la même manière, une forêt peut renaître, dans une

certaine mesure tout au moins. Cela ne peut malheureusement se faire à l’échelle d’une vie

humaine. La mise en place d’une cour permanente prend une vie entière. Une forêt ancienne met

des siècles à pousser. Abattre une telle forêt, ou une partie de celle-ci, constitue un préjudice

irréparable aux fins qui nous intéressent.

22. La Cour a devant elle une série de car tes, d’illustrations et de photographies qui lui

permettront de voir ce que le Nicaragua fait et ente nd continuer de faire. La présence de soldats

nicaraguayens sur l’îledeLosPortillos est le pr emier fait indéniable. L’incursion du Nicaragua

dans le territoire dénommé îledeLosPortillos, et l’occupation de celui-ci, sont sans équivoque.

Des soldats nicaraguayens sont présents en territoir e costa-ricien. Figurent sous l’onglet118 de
60
votre dossier quatre photographies prises le1 enovembre2010. On y voit clairement qu’un

campement a été établi. On y voit au moins cinq so ldats, armés, en tenue de camouflage. Sur la

dernière photographie, les soldats nicaraguayens pointent manifestement leurs armes en direction

de l’avion civil à bord duquel voyage la délégati on costa-ricienne. Sous l’onglet119 de votre

dossier figurent deux autres clichés pris le 11 n ovembre 2010. Le campem ent militaire y apparaît

bien établi. Enfin, sous l’onglet120, figurent quatre photographies prises le14novembre2010.

114CostaRica, ministère de l’environnement, de l’énegie et des télécommunications et Sistema Nacional de

Áreas de Conservación Area de Conservacion Tortuguero, «Estimación de edad máxima aproximada de los árboles
cortados en áreas de bosque primario en el sector de Punta Castilla, Colorado, Pococí, Limón, Costa Rica a raíz de la
ocupación de ejercito nicaragüense para el aparente restablecimiento de un canal existente», décembre 2010 («Rapport
SINAC»), p. 1.
115
Rapport SINAC, p. 2.
116Rapport SINAC, p. 10. - 56 -

Celles-ci permettent de voir où se trouve le campem ent par rapport à la zone dans son ensemble et

au canal. Sur les deux premiers clichés, on voit l’emplacement du campement par rapport au canal,

dont la construction est, à ce stade, très avancée. Su r le troisième cliché — pris légèrement plus à

gauche du campement — apparaît le drapeau nicara guayen, planté à l’intersection du fleuve et du

canal. Enfin, nous voyons de nouveau le campeme nt, qui, à ce jour, comprend un certain nombre

de constructions et de tentes, et même une corde à linge. On imagine qu’il y aura aussi, le moment

venu, une blanchisserie !

23. J’en viens maintenant à l’onglet 121 s ous lequel figure un rapport indépendant établi par

le secrétaire général de l’OEA le 7décembre2010 117après un survol de la zone effectué

le 26 novembre 2010. On y lit ce qui suit :

«On voit….le fleuve SanJuan, le canal déjà creusé, les arbres taillés, la zone

déboisée avec des tentes et du linge qui sèche, et si on ne voit pas de soldats, il y a
trois ou quatre hommes en uniforme, et armés, sur le dragueur

[O]n 118t voir le processus de déboisement et l’ouverture d’un canal dans ce
territoire.»

Tel est donc le premier fait.

24. Le deuxième fait qui ne saurait être nié est que les forces armées nicaraguayennes ⎯ ou

des personnes agissant sous leur direction et leur contrôle ⎯ abattent des arbres sur une importante

portion de territoire, qui a la forme d’un canal.

25. Sous l’onglet 122 de votre dossier figure une série de photographies, qui se passent elles

aussi de commentaire. Ces clichés, présentés pa r ordre chronologique, montrent clairement la

progression du préjudice. Sur le premier, qui date de fin octobre2010, on voit la drague, l’état

d’avancement des travaux du canal et l’important dépôt de déchets sédimentaires. Deux hectares
61

de forêt ont déjà été détruits. En suite, le cliché du 11novembre2010 ⎯ sous l’onglet 123 ⎯

permet de voir la progression de la déforestation et du creusement du canal.

26. Sous l’onglet 124 de votre dossier figurent les photographies prises par le représentant de

l’OEA lors du survol de la zone qu’il a effectué le 26 novembre 2010. La construction du canal est

bien avancée, et les eaux du San Juan s’écoulent d’ores et déjà par celui-ci.

117
e Rapport du secrétaire général de l’ OEA rédigé conformément à la résolution CP/Res. 979 (1780/10), présenté
à la 26 réunion de consultation des ministres des relations extérieures, 7 décembre 2010.
118Ibid. - 57 -

27. Sous l’ongle1 t 25 de votre dossier se trouve une image satellite prise le

14décembre2010: à gauche, le SanJuan, qui suit son cours naturel, et, à droite, la lagunede

LosPortillos. Le canal ⎯cerclé de rouge sur l’image ⎯est entre les deux. On ne le voit pas

depuis la lune, je vous l’accorde, mais on le voit de puis un satellite. La zone forestière détruite se

trouve ici et là.

28. Le Nicaragua est tout à fait conscient de l’ incidence que peuvent avoir de telles activités.

Dans la duplique qu’il a déposée en l’affaire relative aux Droits de navigation, il s’est référé à la

réserve naturelle du San Juan, sise de l’autre côté du fleuve, juste en face de l’île de Los Portillos,

et a soutenu que: «outre leur beauté naturelle, ces arbres et d’autres arbres recherchés sont d’une

importance cruciale pour maintenir le délicat équilibre écologique des réserves» (Différend relatif à

des droits de navigation et des droits connexes (Costa Rica c. Nicaragua) , duplique du Nicaragua,

15juillet2008, par.4.52). C’est une citation du Nicaragua. On ne fait désormais plus dans la

dentelle ni dans l’équilibrisme !

29. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Nicaragua ne nie pas qu’il a

entrepris la construction d’un canal sur l’îledeLosPortillos, ni qu ’il abat des arbres en grande

quantité. Il cherche au contraire à justifier sa conduite en s’appuyant sur une interprétation

totalement inédite et franchement fantaisiste du traité de limites et des sentences Alexander.

30. En bref, le projet nicaraguayen de construc tion d’un canal en territoire costa-ricien et de

déviation des eaux du San Juan par ce canal pr ovoque et continuera de provoquer des inondations

et des dégâts sur le territoire costa-ricien, en violation des droits qu’en tant que souverain le

Costa Rica tient du droit international général et pl us précisément de la sentence Cleveland et des

119
sentences Alexander . L’abattage d’arbres, l’arrachage de végétation, l’extraction de terre et la

62 déviation des eaux du SanJuan par le territoir e ainsi dégagé constitu ent non seulement une

violation de l’intégrité territoriale du Costa Rica mais également de son droit à ce que son territoire

ne soit pas «inond[é] ou endommag[é] de quelconque manière que ce soit» 120. De surcroît, comme

je l’ai expliqué, il s’agit là de dé gâts irréparables et le Nicaragua entend bien qu’il en soit ainsi.

Les objectifs que, ce faisant, il poursuit, ne sont pas temporaires.

119
Sentence Cleveland, p. 458.
120
Ibid., p. 458. - 58 -

31. Entre le 27 novembre et le 1 erdécembre 2010, le secrétariat de la convention de Ramsar

dépêcha, à la demande du CostaRica, une mission indépendante chargée d’évaluer les

modifications des caractéristiques écologiques de la partie du site Ramsar constituée par

l’île de Los Portillos. Le rapport complet de la mi ssion figure sous l’onglet 37 du classeur I, et je

vous en recommande la lecture, mais pas immédiatement. Venons-en à l’onglet127 du

classeur III, où l’on peut lire que la mission a conclu ce qui suit :

«dans la zone humide, le défrichement a un impact irréversible sur la couverture
végétale…car dans une zone caractérisée par des taux de précipitation élevés, telle

que celle-ci [l’île de Los Portillos], il entraîne la disparition du sol et des réserves de
semences. Le processus est exacerbé par l’effet de l’érosion fluviale… Le
défrichement et l’inondation de la zone humide pourraient avoir des conséquences sur

la répartition et l’abondance des espèces te rrestres du fait du stress hydrique résultant
de l’excédent d’eau et de l’assèchement ultérieur de la zone humide en cas de rupture
du banc de sable.» [On fait ici référence au banc de sable de la côte.]

«Pour les plantes terrestres, le st ress hydrique se traduit par un taux de
croissance rédui…t un processus qui a boutit à la disparition des espèces
individuelles.» 121

Et, sous l’onglet 128 du même rapport :

«La construction du canal artificiel tran sformera la lagune de LosPortillos et

l’île de la zone humide…d’un écosystème présentant de nombreux habitats…à un
habitat unique, plus vaste, dominé par la c ondition imposée par le fleuve San Juan …
L’inondation partielle de la z one humide liée à la construction du canal artificiel et à
l’arrachage de la végétation entraînerait une modification de la répartition et de

l’abondance des espèces terrestres par la perte d’habitat et par la réduction de
l’alimentation en eau et de la zone humide ; [elle isolerait une partie importante de la
zone humide] du reste des zones humides pr ésentes sur l’île de Los Portillos, la
122
transformant en un obstacle pour la faune terrestre à mobilité réduite.»

32. En d’autres termes, les effets potentiels sur le milieu pourraient être graves et de longue

durée. La Cour a souligné l’importance du respect de l’environnement, et je cite un extrait de

l’avis consultatif :

«l’environnement n’est pas une abstraction, mais bien l’espace où vivent les être
humains et dont dépendent la qualité de leur vie et leur santé, ycompris pour les
générations à venir. L’obligation généra le qu’ont les Etats de veiller à ce que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent

l’environnement dans d’autres Etats ou da ns des zones ne relevant d’aucune
juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit international de
63 l’environnement.» ( Licéité de la menace ou de l’em ploi d’armes nucléaires, avis

consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p2 . 41-242, par. ; voir également Projet
Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), C.I.J. Recueil 1997, p. 78, par. 140.)

121
Rapport Ramsar, p. 29-30.
122
Ibid., p. 30-31. - 59 -

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les circonstances de la présente

affaire donnent à la Cour l’occasion de mettre en Œ uvre cette déclaration générale, d’autant plus

que le Nicaragua n’exerce pas ses activités «dans les limites de [sa] juridiction» mais directement

«sur et contre» le territoire d’un autre Etat, s’il m’est perm is de paraphraser l’intitulé de l’affaire

Nicaragua.

33. La présente affaire n’est pas du tout semblable à celle relative au Passage par le

Grand-Belt, dans laquelle la Finlande s outenait que, en entreprenant la construction d’un pont, le

Danemark cherchait à imposer un fait accompli. Il s’agissait là d’activités que le Danemark

conduisait sur son propre territoire, après en avoi r dûment informé la Finlande et après l’avoir

consultée, et qui n’occasionnaient de problèmes que pour une petite partie des navires transitant par

le Grand-Belt ; de surcroît, la construction ne devait pas être ach evée avant le prononcé de l’arrêt

définitif sur le fond. On peut difficilement imag iner contraste plus saisissant avec les faits de la

présente affaire ⎯ en l’espèce, une occupation militaire, l’absence de consultation, l’absence totale

d’utilisation licite et les conséquences dangereu ses immédiates pour le territoire d’un autre Etat ⎯

une tentative manifeste d’imposer un fait accompli face à une souveraineté territoriale qui n’avait

jusqu’alors jamais été remise en cause.

34. Dans un entretien télévisé, le chef des opérations de dragage, M.EdénPastora, a

confirmé que le canal prévu avait pour objectif de «rétablir le fleuve nicaraguayen qui délimite la

frontière dans son chenal primitif en direction de la mer» et que le traité de limites de 1858 prouvait

que l’île de Los Portillos «appart[enait] au Nicaragua, et non au Costa Rica» 12. Je cite M. Pastora :

«J’ai étudié les sentences et j’en ai fac ilité l’interprétation… J’en ai facilité
l’interprétation car j’ai une connaissance de terrain de la zone, chenal par chenal,

lagune par lagune. Je sais où se trouve Punta Cas tilla. J’ai marché sur la rive droite
d’Harbor Head. J’ai ainsi facilité l’interprétation des sentences … Nous avons débuté
au niveau de ce point…parce que c’est là que se trouve la frontière. Nous avons

commencé à draguer en nous appuyant su r la description des échanges commerciaux 124
d’autrefois … Je connais bien ces questions, inutile d’être un ingénieur.»

123Compte rendu de l’interview accordée par M.Edén Pastora à la chaîne de télévision nicaraguayenne
«100 % Noticias», dans Tim Rogers, «Nicaragua Denies Reports of Intrusion into Costa Rica» [Le Nicaragua nie toute
incursion au CostaRica], Tico Times , 2 novembre 2010. Version anglaise disponible à l’adresse suivante:
http://www.ticotimes.net/News/Daily-News/Nicaragua-Denies-Reports-of-In…-
November-02-2010/, requête, annexe 9.

124Com. confidentielle, 30 novembre 2010 : «Pastora : j’ai interprété la sentence Alexander». Version espagnole
disponible à l’adresse suivante: http://www.confidencial .com.ni/articulo/2522/pastora-ldquo-yo-interprete-el-laudo-
alexander-rdquo, et traduction anglaise sous l’onglet 18. - 60 -

A ce jour, c’est l’explication la plus cohérente dont nous disposions en ce qui concerne les

activités du Nicaragua. Nous verrons si les choses évoluent cet après-midi.

64 Au journaliste, qui lui répondit «mais vous avez parlé de cartes Google, vous avez dit que

vous les aviez utilisées», M. Pastora expliqua que cela était

«dû au fait que Google s’était appuyé sur les sentences Alexander pour tracer la

frontière à cet endroit. Ils disent qu’ils ont commis une erreur, mais chaque chose a sa
raison d’être. Pourquoi ont-ils commis une erreur? Parce qu’i ls ont appliqué les
sentences Cleveland et Alexander. Et maintenant qu’on a demandé au Costa Rica où
il voulait placer les bornes, ils ont rectifié la carte. Qui va se fier à Google sur [les
125
questions de] cartographie, désormais ?»

«Qui va se fier à Google sur les questions de cartographie, désormais ?» Qui, en effet ?

35. D’après cette déclaration et d’autres, il semblerait que le Nicaragua estime que la

frontière internationale se situe le long d’un canal qui n’avait jusqu’à présent pas de nom et qu’il a

récemment baptisé «HarborHead Caño», qui n’apparaît sur aucune des cartes pertinentes et qui

aurait coexisté avec des arbres multiséculaires. En fa it, le canal est un artifice, de création récente,

dont la construction soulève des risques de do mmage à long terme. J’aimerais vous lire deux

extraits du rapport Ramsar ⎯ que vous trouverez sous l’onglet 131 :

«On estime que les modifications du rés eau hydrographique du fleuve San Juan

sont minimes au niveau du bassin du fleuve, mais importantes au niveau de la zone
humide. Relier hydrauliquement le fleuve SanJuan à la lagune de LosPortillos
entraînera une modification de l’écoulement superficiel du réseau … si on procède en

outre au dragage du San Juan en amont du site, son volume d’eau augmentera et l’effet
sera amplifié.

Etant donné le lien hydraulique artificiel entre le fleuve San Juan et la lagune de

LosPortillos, il est évident qu’il y a, et qu’il continuera à y avoir, d’autres
modifications de l’hydrologie de surface locale. Les modifications apparaissent
clairement dans les valeurs de débit et de transport des sédiments du fleuve entre

celui-ci et la lagune. De même, il pourra it en résulter une modification du bilan
hydrique local … l’équilibre hydrodynamique actuel de la zone…sera modifié, avec
pour conséquence une évolution de la qualité de l’eau … le processus et la capacité de
rétention des sédiments et des nutriments dans et autour de la zone humide de l’île

seront modifiés et la maîtrise des crues ai nsi que les flux de sédimentation connaîtront
une évolution drastique.» 126

36. Bien sûr, il est possible que ces éventualités ne se réalisent pas toutes ⎯ il existe toujours

un degré d’incertitude, et cela rend d’autant plus choquant le fait que le Nicaragua n’a réalisé

125
Com. confidentielle, 30 novembre 2010 : «Pastora : j’ai interprété la sentence Alexander». Version espagnole
disponible à l’adresse suivante: http://www.confidencia.com.ni/articulo/2522/pastora-ldquo-yo-interprete…-
alexander-rdquo, et traduction anglaise sous l’onglet 18.
126
Rapport Ramsar, p. 26-27. - 61 -

aucune étude d’impact environnemental concernant le canal. Certains éléments indiquent qu’une

modification géomorphologique est en cours. Je me réfère à un rapport rédigé conjointement par

l’UNITAR et l’UNOSAT, à la demande du CostaRica, dont vous trouverez la version intégrale

sous l’onglet 113 du classeur III et qui est dans le domaine public. Selon ce rapport :

65 «Le nouveau chenal s’est élargi pour atteindre un diamètre moyen de
quinzemètres, soit un accroissement de cinqmètres entre le 19novembre et le
14décembre2010. Cet élargissement du chenal a probablement été causé par
l’érosion résultant du ravinement du so l qu’entraînent les nouveaux écoulements

d’eau. L’élimination de la végétation le long du chenal a contribué à faciliter le
processus d’érosion qui se développe. Ce fort taux d’érosion est en outre facilité par
la grande vélocité de l’eau en provenance du SanJuan. Par conséquent, les rives du

chenal se sont également élargies sous l’effet du processus d’érosion, pour atteindre en
moyenne une largeur de vingt-troismètres. Il est probable qu’à mesure que l’eau
continuera de raviner le sol, les rives existantes continueront de s’élargir à mesure que
127
les sédiments seront rejetés dans la lagune de Los Portillos.»

Ainsi, il ne faut pas sous-estimer la possibilité que «la maîtrise des crues ainsi que les flux de

sédimentation conna[issent] une évolution drastique». Cela porte un préjudice immédiat aux droits

du Costa Rica.

c) Quatrième condition: il est urgent de mettre un terme aux activités du Nicaragua, étant
donné la probabilité que des actes préjudiciabl es soient commis et que le différend s’aggrave
si la présence de l’armée nicaraguayenne sur le territoire occupé se poursuit en attendant

que soit rendu l’arrêt

37. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, la dernière condition à

laquelle il doit être satisfait est celle de l’urge nce. Comme vous l’avez récemment affirmé: «le

pouvoir de la Cour d’indiquer des mesures conserva toires ne sera exercé que s’il existe un réel

risque qu’une action préjudiciabl e aux droits de l’une ou de l’autre Partie ne soit commise avant

que la Cour n’ait rendu sa décision définitive» ( Application de la convention internationale sur

l’élimination de toutes les formes de discrimina tion raciale (Géorgie c.Fédération de Russie),

128
mesures conservatoires, ordonnance du 15 octobre 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 392, par. 129) .

127UNITAR/UNOSAT, «Morphological and Environmental Change Assessment: San Juan River Area (including
Isla Portillos and Calero), Costa Rica» [Evaluation de l’évolution morphologique et environnementale : région du fleuve
San Juan (y compris l’île de Los Portillos et Calero), Costa Rica] (Genève, 2011), p. 2.

128La Cour a ici rappelé la ligne de jurisrudence établissant cette condition, notamment Passage par le
Grand-Belt (Finlande c.Danemark), mesures conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p.17,
par. 23 ; Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesures conservatoires,
ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 107, par. 22 ; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du 23 janvier 2007, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 11, par. 32. - 62 -

38. Dans l’affaire du Différend frontalier, une chambre de la Cour a évalué la possibilité

qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits des parties pendente lite, en tenant compte du fait

«que les actions armées qui [étaient] à l’or igine des demandes en indication de mesures

conservatoires … [avaient] eu lieu à l’intérieur ou à proximité de la zone contestée telle qu’elle est

définie par le compromis» ( Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), mesures

conservatoires, ordonnance du 10janvier1986, C.I.J.Recueil1986, p.9, par.16). La chambre a

conclu que les incidents qui s’étaient produits

«non seulement [étaient] susceptibles d’éte ndre ou d’aggraver le différend, mais

[qu’ils] comport[ai]ent un recours à la force inconciliable avec le principe du
règlement pacifique des différends interna tionaux, le pouvoir et le devoir de la
chambre d’indiquer, le cas échéant, des m esures conservatoires contribuant à assurer
la bonne administration de la justice ne sauraient faire de doute» ( Différend frontalier

66 (Burkina Faso/République du Mali), m esures conservatoires, ordonnance du
10 janvier 1986, C.I.J. Recueil 1986, p. 9, par. 19).

En conséquence, la chambre a unanimement ordonné le retrait des troupes. Dans cette affaire, la

bonne foi était de mise avant la notification du différend territorial, qui avait fait l’objet de

négociations poussées avant la conclusion du compro mis. En l’espèce, nous sommes en présence

d’une revendication nouvelle, à notre sens totalement artificielle, formulée pour la première fois

après l’occupation du territoire costa-ricien. D’ abord on s’empare du territoire, puis on le

revendique. Je relève que tous les témoignages déposés jeudi dernier par le Nicaragua ont été

recueillis après que le Costa Rica ait déposé sa requête.

39. Après avoir étudié la jurisprudence de la Cour en matière de mesures conservatoires

depuis1920, M.Rosenne relève que: «En présence d’un différend territorial, la Cour indique des

mesures conservatoires lorsque des incidents ont eu lieu, notamment des incidents impliquant

l’emploi de la force armée, et qu’il est probable qu’ils se renouvelleront ou qu’ils risquent

129
d’exacerber le différend.»

Cette position doit a fortiori être retenue lorsque ⎯comme c’était le cas en l’espèce ⎯ il

n’existait pas de véritable différend préalable quant à la souveraineté sur le territoire concerné, pas

de revendication particulière, pas de tentative de négociations; juste une opération flagrante, une

initiative individuelle s’appuyant sur des cartes Google.

129 e
ShabtaiRosenne, The Law and Practice of the International Court 1920-2005 , 4 éd., éd. Martinus Nijhoff,
Leiden, 2006, vol. III, p. 1410 ; les italiques sont de nous. - 63 -

40. La Cour s’est également prononcée sur la question de l’urgence dans des affaires

comportant un risque de dommage à l’ environnement. Dans l’affaire des Essais nucléaires, la

Cour a conclu qu’ « il se [pouvait] que la France procède immédiatement à un nouvel essai

nucléaire…dans l[e] Pacifique» ( Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c.France), mesures

conservatoires, ordonnance du 22 juin1973, p.140, par. 26-27 ; les italiques sont de nous) et que

«aux fins de la présente procédure, il suffit de noter que les renseignements soumis à la

Cour … n’excluent pas qu’on puisse démontrer qu[’]un préjudice [est causé] à la

Nouvelle-Zélande» ( ibid., p.141, par.30; les italiques sont de nous). En l’espèce, on peut

substituer dans cette déclaration les mots «l a quasi-certitude» à «il se pouvait…immédiatement»

et «montrent que, de toute évidence, le préjudice actuellement causé au CostaRica continuera de

l’être» à la phrase «n’excluent pas qu’on puisse démontrer qu[’]un préjudice [est causé] à la

Nouvelle-Zélande». La présente affaire ne comporte aucun aléa, nul besoin ici de spéculer, de ne

pas exclure certaines éventualités, de mesurer la dangerosité de minuscules traces de rayonnement

67 ambiant. Pourtant, vous avez intimé à la France d’éviter de procéder à des essais nucléaires qui

entraînaient le dépôt de retombées radioactives sur le territoire de la Nouvelle-Zélande. Là encore,

je répète qu’une telle décision s’impose a fortiori dans la présente affaire.

d) Conclusion

41. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, pour conclure sur la question

générale du respect des critères, les conditions pour indiquer des mesures conservatoires sont

réunies en l’espèce, et pleinement réunies. On peut le constater en comparant les effets respectifs

sur les Parties de mesures conservatoires en la pr ésente instance. Si les mesures demandées par le

CostaRica sont accordées, elles ne porteront en aucune manière préjudice à la détermination

définitive des droits et devoirs respectifs des Parties en ce qui concerne l’objet du différend. Si

l’occupation continue, par le Nicara gua, de la rive droite du SanJu an inférieur était en définitive

jugée licite, le Nicaragua serait lib re de construire des canaux et d’abattre des arbres, pour autant,

bien évidemment, qu’il respectât ses autres obligations internationales. En revanche, la situation du

CostaRica serait tout autre. Cela reviendrait pour la Cour, avec tout le respect que je lui dois, à

ratifier la politique nicaraguayenne du fait accompli. Combien d’arbres seront-ils encore abattus - 64 -

dans cette forêt ancienne avant que votre arrê t ne soit rendu? Combien de dommages les zones

humides subiront-elles encore ? Dans quelle mesure la géomorphologie existante sera-t-elle encore

modifiée par le canal du Nicaragua et quelle quant ité de sédiments seront-ils encore déversés?

Ainsi qu’il est indiqué dans le rapport Ramsar, que vous pourrez trouver sous l’onglet133, si le

Nicaragua continue, sans interruption, de percer le canal :

«[o]n estime que la lagune de Los Portillos di sparaîtra partiellement ou totalement en
l’espace d’un cycle hydrologique (unan)… La barre qui sépare actuellement la
lagune de lamerdesCaraïbes est menacée de destruction par la modification de
l’équilibre hydrodynamique qui le maintient entre le débit du fleuve SanJuan et la

hauteur maximale de la marée. En réunissant hydrauliquement le fleuve San Juan et la
lagune au moyen d’un canal artificiel, tant le débit que le transport de sédiments
augmenteraient et pourraient détruire la barre. Le comportement et la morphologie de
la lagune de LosPortillos, qui est actuelle ment une lagune d’estuaire, pourraient en

être modifiés, transformant celle-ci en baie dont la salinité est plus élevée… Sur l’île
marécageuse, la zone d’inondation pourra it s’étendre, ce qui produirait des
fluctuations de niveaux suivant la dyna mique hydrologique du fleuve SanJuan.

Ceprocessus pourrait accroître la pression de l’eau sur les arbres et les sous-bois du
fait des inondations, donnant lieu à une auréol e de végétation morte de plus en plus
large et à la disparition d’habitats pour la faune terrestre.»30 [Traduction du Greffe.]

68 En résumé, tant le Costa Rica que l’environnement sont exposés au risque réel et non négligeable

d’un préjudice immédiat avant même que vous ne rendiez votre arrêt sur le fond.

B. Les mesures conservatoires demandées par le Costa Rica

42. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, les conditions générales

ouvrant la possibilité de mesures conservatoires sont, pour ces raisons, réunies en l’espèce. Il nous

reste à motiver les mesures particulières que nous demandons. Elles sont au nombre de six.

a) Le retrait immédiat et inconditionnel de tout le personnel nicaraguayen du territoire
costa-ricien

43. Il s’agit, en premier lieu, du retrait i mmédiat et inconditionnel de tout le personnel

nicaraguayen du territoire situé sur la rive dro ite du San Juan. Ces mesures sont nécessaires pour

protéger le droit du CostaRica à ce que son te rritoire ne soit pas occupé, même de manière

temporaire, comme le prévoit l’article21 de la Ch arte de l’OEA. Des réunions et des médiations

programmées, qui devaient se tenir sous les ausp ices de l’OEA, n’ont pu avoir lieu en raison du

130
Rapport Ramsar, p. 32 ; les italiques sont de nous. - 65 -

refus du Nicaragua de retirer ses forces militaires des dernières positions occupées 131. L’OEA a

demandé à plusieurs reprises au Nicaragua de retirer ses soldats, mais celui-ci a rejeté ces appels et

est allé jusqu’à appeler de ses vŒux la disparition de l’organisation 132.

44. J’ai déjà mentionné certaines affaires dans lesquelles le retrait militaire d’une zone en

litige avait été ordonné au moyen de mesures conser vatoires. Une décision en ce sens est — avec

tout le respect que je dois à la Cour — absolument nécessaire en l’espèce.

45. Il est vrai que, dans certaines affaires, l’exigence d’un retour au statu quo ante pose des

difficultés, les parties pouvant être en désaccord sur ce qu’était le statu quo ante, et la Cour peut ne

pas être en mesure de le déterminer à ce stade de la procédure. Telle était la situation dans l’affaire

Cameroun/Nigeria. La Cour a néanmoins ordonné des mesures conservatoires dans les termes

suivants : «Les deux Parties veillent à ce que la pr ésence de toutes forces armées dans la presqu’île

de Bakassi ne s’étende pas au-delà des positions où elles se trouvaient avant le3février1996.»

(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), mesures

69 conservatoires, ordonnance du 15 mars 1996, C.I.J. Recueil 1996 (I) , p. 24, par. 49 3).) Les juges

n’étaient pas unanimes sur ce point, mais cette ab sence d’unanimité ne tenait pas à des doutes

quant au principe du statu quo ante. Elle découlait plutôt du fait que la Cour n’était pas en mesure

—comme elle l’a admis— de définir le statu quo ante , compte tenu des éléments de preuve

contradictoires et du voile de mystère qui entourait la presqu’île de Bakassi. Le

juge Shahabuddeen l’avait fait remarquer dans un passage que je m’abstiendrai de lire, compte tenu

de l’heure, mais que vous trouver ez à la page28 de sa déclaration ( ibid., déclaration du

jugeShahabuddeen citant l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),

mesures conservatoires, ordonnance du 10janvier1986, C.I.J. Recueil 1986, p.10-11, par.27,

133
p. 12, par. 32 1) D) .

46. Aucune difficulté de cette nature en l’espèce, puisque le statu quo ante est parfaitement

bien défini. Il vous a été présenté par le Nicara gua lui-même il y a un peu plus de deux ans, dans

131
Rapport du secrétaire général de l’ OEA, rédigé conformément à la ré solution CP/Res. 979(1780/10), présenté
à la vingt-sixième réunion de consultation des ministres des relations extérieures, 7 décembre 2010.
132Transcription originale en espagnol de l’allocution prononcée le 13nove mbre2010 par le présidentOrtega

(annexe 6 de la requête) et sa traduction française.
133Voir également la déclaration commune des juges Weeramantry, Shi et Vereshchetin, ibid., p. 31 ainsi que la
déclaration du juge Koroma, ibid., p. 30. - 66 -

l’affaire du Différend relatif à des droits de navigation et des droits connexes ; M. Marcelo Kohen

vous a montré leurs cartes. Le statu quo ante consiste dans l’admini stration civile, par le

Costa Rica, du territoire situé sur la rive droite du fleuve San Juan. Le statu quo ante est l’absence,

sur cette rive, de campements de soldats et d’autres personnels nicaraguayens. Le statu quo ante

est que le Nicaragua n’a aucun droit de pénétrer su r le territoire de la rive droite du SanJuan

inférieur, à l’exception des cas prévus dans le Traité des limites et aux fins qui y sont indiquées.

Le statu quo ante est: pas de canal sur ce territoire. A cet égard, le CostaRica se réserve

expressément le droit de boucher le canal. Cha que minute d’existence de ce canal rend plus

manifeste l’occupation nicaraguayenne et l’aggravation des dommages causés à l’environnement.

b) La cessation immédiate du percement du canal en territoire costa-ricien et du détournement
des eaux

47. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, la seconde mesure

conservatoire demandée est un corollaire de la première. Le Nicaragua n’a pas le droit, sans le

consentement du Costa Rica, de dévier le fleuve dont la rive droite constitue la frontière commune

ni de percer un canal de dérivation en territoire costa-ricien. Vous devriez, en conséquence,

ordonner au Nicaragua de s’abstenir de percer et de maintenir un canal dans la zone en question

jusqu’à ce que l’arrêt de la Cour soit rendu.

70
c) La cessation immédiate de l’abattage d’arbres, de l’arrachage de végétation et des travaux
d’excavation en territoire costa-ricien, notamment dans les zones humides et les forêts

48. Un autre corollaire, et il s’agit là de ltroisième demande, consiste en une ordonnance

visant à faire cesser toutes activités de déboisement , d’arrachage de végétation et d’excavation en

territoire costa-ricien, notamment dans les zon es humides et les forêts. Cette demande présente

également un caractère d’urgence. J’ai déjà mentionné le nombre et la valeur écologique des arbres

et vous en avez vu des photos. Cette activité doit cesser immédiatement.

d) La cessation immédiate du déversement de sédiments en territoire costa-ricien

49. Le déversement de sédiments en te rritoire costa-ricien doit également cesser

immédiatement. Le Nicaragua a certes le droit de draguer le San Juan, pour autant qu’il respecte la

sixième condition énoncée dans la sentence Cleveland. Il n’a, en revanche, pas le droit de déverser - 67 -

les sédiments extraits sur le territoire du Costa Rica sans le consentement de celui-ci. Ce faisant, il

cause des dommages au territoire, lesquels, dans une zone humide, sont effectivement irréversibles.

Il faut l’arrêter dès maintenant, grâce à votre ordonnance.

e) La suspension, par le Nicaragua, du programme de dragage visant à occuper et à inonder le

territoire costa-ricien et à causer des dommages à celui-ci ainsi qu’à perturber gravement la
navigation sur le Colorado

50. Cinquièmement, je vais aborder la questi on du programme nicaraguayen de dragage. La

situation en ce qui concerne le dragage du San Juan lui-même est, en principe, différente ; en vertu

du Traité des limites et de la sentence Cleveland, cette activité peut, sur le territoire nicaraguayen et

pour autant que soient respectées les obligations internationales incombant au Nicaragua en vertu

des instruments pertinents, être licite. En outre, bien que le Costa Rica n’ait pas été préalablement

avisé de quelque manière que ce soit de l’incurs ion, la question du dragage du SanJuan par le

Nicaragua a été abordée de manière générale dans la correspondance diplomatique, comme l’a

montré M. Sergio Ugalde.

51. Néanmoins, le dragage fait actuellement partie d’un programme de travaux d’excavation,

de déviation et de destruction du territoire et de l’environnement du Costa Rica et porte atteinte aux

droits que la sentence Cleveland a expressément accordés à celui-ci de ne pas voir le Nicaragua

entreprendre de «travaux d’amélioration» ay ant pour conséquence que «le territoire du

134
Costa Rica … soit … occupé, inondé ou endommagé» . En outre, comme vous l’a indiqué
71
M.SergioUgalde, le Nicaragua a expressément affirmé qu’il entendait dévier la totalité du

135
Colorado . Pour cette raison, le dragage doit, de même, faire l’objet d’une ordonnance de votre

part indiquant des mesures conservatoires.

f) L’obligation faite au Nicaragua de s’abstenir de toute autre action qui soit de nature à porter

préjudice aux droits du CostaRica ou à aggr aver ou étendre le différend porté devant la
Cour

52. Enfin, le Nicaragua devrait s’abstenir de toute autre action qui soit de nature à porter

préjudice aux droits du Costa Rica ou à aggraver ou étendre le différend porté devant la Cour. La

134
Sentence Cleveland (sous l’onglet n° 2), p. 458, par. 6.
135Voir l’annexe PM1, 18novembre2010. Note en da te du 27août2009 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et du culte du Costa Rica (DM-637-9). - 68 -

nature changeante de sa conduite, clandestine, di ssimulée et désinvolte à l’égard des droits du

CostaRica, exige une mesure plus générale, qui lui ordonne de s’abstenir de toute autre action

pouvant porter préjudice aux droits du CostaRica ou encore aggraver ou étendre le différend

soumis à la Cour. Vous avez examiné la questi on dans votre seconde ordonnance en indication de

mesures conservatoires en l’affaire des Usines de pâte à papier :

«Considérant que la Cour a indiqué à plusieurs reprises des mesures
conservatoires ordonnant aux Parties de s’abst enir de tous actes de nature à aggraver
ou étendre le différend ou à en rendre la so lution plus difficile…considérant que,
dans ces affaires, des mesures conservato ires autres que celles ordonnant aux Parties

de s’abstenir de tous actes de nature à a ggraver ou étend136le différend ou à en rendre
la solution plus difficile ont été également indiquées ;»

Il me semble que cela signifie que l’absence d’aggravation au sens générique a peu de chance

d’être indiquée sauf à l’être avec des mesures plus spécifiques. Je ferai cependant deux remarques.

Premièrement, le CostaRica demande en réalité d’autres mesures spécifiques. Deuxièmement, je

rappellerai que le Nicaragua a effectivement a ggravé la situation depuis l’introduction de la

présente instance le 18 novembre 2010.

C. Conclusions

53. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, pour conclure, les mesures

demandées par la République de CostaRica sont les seules qui puissent préserver ses droits et

éviter un fait accompli irrémédiable avant que vous ne vous prononciez sur le fond. Toutes les

conditions sont réunies pour vous permettre de les indiquer.

54. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, cette affaire peut apparaître

comme un léger différend entre deux petits pays bien loin d’ici. J’emploie cette expression qui le

72 fut en son temps par Neville Chamberlain au sujet de la Tchécoslovaquie. Or, ce différend soulève

une question de principe fondamentale qui concerne le respect de la souverain eté territoriale. J’ai

entamé ma plaidoirie ce matin en posant une question et je vais la répéter. Un EtatA peut-il

résister à des mesures conservatoires, après avoir agi de manière unilatérale sur un territoire occupé

pendant de nombreuses années par un Et atB au titre d’un droit revendiqué ⎯territoire à l’égard

duquel l’Etat A n’a jamais émis de prétention auparavant ⎯ au motif que l’Etat B, si sa prétention

136
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Arg entine c.Uruguay), mesure s conservatoires, ordonnance
du 23 janvier 2007, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 16, par. 49. - 69 -

au titre s’avère juste, se verra en définitive restituer son territoire et bénéficiera de surcroît de

dommages et intérêts ? La répon se est, comme je l’ai indiqué, ma nifestement non. Dans le cas

contraire, les Etats A de ce monde auraient le pr ivilège de pouvoir agir de manière unilatérale,

conquérir et garder la mainmise sur un territoire, créer le fait accompli par n’importe quel moyen

matériel et miser sur l’incertit ude de l’évaluation des dommages pour persister dans la voie de

l’unilatéralisme pendant des années.

Monsieur le président, ainsi s’achève le premier tour de la procédure orale du Costa Rica. Je

remercie la Cour pour sa vigilante attention.

Le PRESIDENT : Je remercie M. Crawford de sa présentation. Voilà qui met fin au premier

tour de plaidoiries de la République du Costa Rica. La Cour se réunira de nouveau cet après-midi à

15 heures pour entendre le premier tour de plaidoiries du Nicaragua. L’audience est levée.

L’audience est levée à 13 h 10.

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