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CR 2012/11 (traduction)

CR 2012/11 (translation)

Jeudi 26 avril 2012 à 15 heures

Thursday 26 April 2012 at 3 p.m. - 2 -

1 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour va entendre, cet

après-midi, les arguments de la Colombie en son premier tour de plaidoiries, arguments dont elle

poursuivra la présentation demain.

J’appelle à la barre SonExc. M.Julio Londoño Paredes, agent du Gouvernement de la

Colombie. Monsieur Londoño Paredes, vous avez la parole.

M. LONDOÑO :

1. INTRODUCTION DE L ’AGENT

1. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, c’est un grand honneur pour

moi de m’adresser à la Cour en tant qu’agent de la République de Colombie, pendant ces audiences

relatives à l’instance introduite par le Nicaragua contre la Colombie.

2. Dans son arrêt du 13décembre2007, la C our a considéré qu’il ressortait clairement des

termes de l’article premier du traité de 1928 que ce traité avait réglé la question de la souveraineté

sur les îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina 1. Elle poursuivait en faisant observer que

l’article en question ne répondait pas à «la question de savoir quelles étaient, en dehors des îles de

SanAndrés, Providencia et SantaCatalina, les formations maritimes qui faisaient partie de

l’archipel de San Andrés, sur lequel la Colombie a souveraineté » (Différend territorial et maritime

(Nicaragua c.Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil2007(II) , p. 863, par. 97

(les italiques sont de nous)).

3. A propos de la clause relative au 82 e méridien qui figure dans le protocole d’échange de

ratifications de 1930, la Cour estime que les termes employés vont davantage dans le sens de

l’affirmation selon laquelle la disposition énoncée dans le protocole visait à fixer la limite

e 2
occidentale de l’archipel de San Andrés au 82 méridien .

4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, l’archipel de San Andrés n’est

pas un groupe d’îles éparses que personne ne conn aît et auquel personne ne s’intéresse. Non

seulement il s’agit d’une des 32 provinces colombienn es, mais l’archipel, et les eaux qui entourent

1
Différend territorial et maritime entre le Nicaragla Colombie dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie, arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p. 861, par. 88.
2Ibid., p. 867, par. 115. - 3 -

12 les îles, fait partie de l’histoire et de l’identité nationales depuis plus de deux siècles. Il revêt donc

une importance très particulière pour tous les Colombiens.

5. L’archipel se compose des îles de San Andrés, Providencia et Santa Catalina, des cayes de

Roncador, Quitasueño, Serrana, Serranilla, Bajo Nuevo, Albuquerque et Est Sud-Est, ainsi que des

formations annexes. Géographiquement et histor iquement, les îles et cayes de l’archipel ont été

considérées comme formant un tout pendant toute l’ ère coloniale et post-coloniale, et aussi bien

avant la conclusion du traité de 1928/1930 qu’après.

6. Toutes les formations maritimes que le Nicaragua revendique à présent devant la Cour

font partie de l’archipel de San Andrés, sur le quel la Colombie exerce sa souveraineté, de manière

effective, pacifique et ininterrompue depuis deux siècles. Je dis bien sur chacune de ces formations.

7. C’est ce que prouvent les éléments que la Co lombie a présentés dans son contre-mémoire.

Au nombre de ces éléments, on citera des décl arations officielles, de la correspondance

diplomatique, ainsi que des actes administratifs des autorités nationales et locales de l’archipel 3.

On peut également citer la reconnaissance de la souveraineté colombienne par des gouvernements

4
d’Etats tiers . Telle est donc la réalité, malgré tout ce que le Nicaragua fait pour l’ignorer, en

minimiser l’importance ou la déformer.

8. Comme la Colombie l’a expliqué, sa souvera ineté sur l’archipel de San Andrés remonte à

l’ordonnance royale de 1803. Ce texte place l’arch ipel, ainsi que la côte des Mosquitos, sous la

5
juridiction de la vice-royauté de Santa Fe (Nouvelle Grenade) .

9. C’est en 1913 que, pour la première fois, le Nicaragua a essayé de prétendre que l’archipel

lui appartenait. Il l’a fait en réponse à la protestation élevée par la Colombie concernant un traité

conclu par le Nicaragua et les Etats-Unis, dans le quel le premier accordait, entre autres choses, au

second un bail sur les îles du Maïs, qui faisaient aussi partie de l’archipel et que le Nicaragua

6
occupait par la force depuis 1890 .

3
DC, p. 41-44, par. 2.22.
4CMC, vol. II-A, annexes 24, 25, 38, 40, 44, 61, 63-65, 67, 69-100, 103-110, 113-126, 173, 174, 180, 184-187 ;

vol. II-B, appendices 3-8.
5 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua ele Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt du 8 octobre 2007, C.I.J. Recueil 2007 , p. 708-709, par. 161.

6CMC, p. 241-242, par. 5.1-5.2. - 4 -

10. Après quinzeans de négociations, en 1928, le traité Esguerra-Barcenas a été conclu.

Dans son préambule, les deux pays exprimen t leur volonté «de mettre un terme au conflit

13 territorial» qui les oppose. Le Nicaragua y a reconnu la souveraineté de la Colombie sur l’archipel

de San Andrés et la Colombie, la souveraineté du Nicaragua sur la côte des Mosquitos et les îles du

Maïs 7.

11. Par la suite, dans un document publié s ous le nom de «avis officiel du Gouvernement

nicaraguayen concernant la fin du différend avec la Colombie» 8, le Gouvernement nicaraguayen a

indiqué que le traité «avait mis fin à la contr overse qui avait longtemps» opposé le Nicaragua à la

Colombie, ajoutant que, pendant les négociations, le Nicaragua avait eu à cŒur d’assurer sa

souveraineté sur la côte des Mosquitos et les îles du Maïs 9

12. Les cayes de Quitasueño, Roncador et Se rrana ont reçu un traitement différent, non pas

parce qu’elles ne faisaient pas partie de l’archipel, mais parce qu’elles n’étaient en litige qu’entre la

Colombie et les Etats-Unis.

13. Quitasueño, de même que Roncador et Serra na, faisaient l’objet d’un différend entre la

Colombie et les Etats-Unis depuis près d’un siècle et demi 10. De même, entre 1874 et 1927, les

activités de pêche menées par des sujets britanni ques des îles Cayman à Quitasueño ont suscité un

échange de correspondance diplomatique avec la Grande-Bretagne 11. Le Nicaragua n’a jamais fait

le moindre commentaire à ce sujet.

14. Pour en revenir au traité de 1928, le fait est que le Nicaragua a accepté la souveraineté,

oui je dis bien la souveraineté, sur les trois cayes qui étaient en litige uniquement entre la Colombie

et les Etats-Unis et n’a jamais formulé la moindre revendication les concernant.

15. Un mois après la signature du traité av ec le Nicaragua, le Gouvernement et le Congrès

nicaraguayens n’ont soulevé aucune protestation lors que la Colombie les a officiellement informés

de la conclusion d’un accord avec les Etats-Un is, selon lequel les ressortissants colombiens

7
CMC, p. 247-249, par. 5.12-5.14.
8
CMC, vol. II-A, annexe 196, p. 406.
9 Ibid., p. 407.

10 CMC, vol.I, p.99-112, par.3.44- 3.45, 3.47-3.71 et chapitreIV, sectionB; vol.II-A, annexes25, 72-73,
75-77, 79-82, 86, 90, 96-97, 99-100.

11Ibid., p. 200-203, par. 4.103-4.108. - 5 -

continueraient de se livrer à la pêche sur ces trois cayes, tandis que les Etats-Unis continueraient à

assurer l’entretien des aides à la navigation qui y étaient installées 12.

13 16. Mais ce n’est pas ainsi que l’histoire s’achève. Pendant le processus de ratification du

traité de 1928, le Gouvernement et le Congrès ni caraguayens ont estimé qu’il devrait y avoir une

condition sine qua non à la ratification 13: l’adoption du 82 eméridien comme limite, le principal

objectif étant d’obtenir de la Colombie qu’elle reconnaisse qu’outre les îles du Maïs, les formations

situées à l’ouest de ce méridien appartenaient aussi au Nicaragua.

17. Le Gouvernement et le Congrès nicaragua yens auraient-ils demandé l’inclusion d’une

telle clause s’ils avaient pensé, même confusémen t, que le Nicaragua avait des droits quelconques

sur les cayes, îlots et bancs situés à l’est du 82 eméridien? La réponse est non, ce n’est pas

possible.

18. Le Gouvernement colombien a accepté la limite proposée, sans laquelle, selon le ministre

nicaraguayen des affaires étrangères lui-même, «la question n’aurait pas pu être définitivement

réglée» 14. La clause a été insérée dans le protocole d’ échange de ratifications. La limite convenue

ne signifiait pas que les îles et cayes situées à l’est étaient également nicaraguayennes. Si cela avait

été le cas, il n’y aurait pas eu besoin d’une telle limite.

19. Monsieur le président, Mesdames et M essieurs de la Cour, la proposition du Nicaragua

était motivée par la crainte que la Colombie puisse à nouveau revendiquer les cayes situées à

l’ouest du 82 e méridien ⎯ notamment celles dites de Miskito, groupe de 70 îlots situé plus au nord

à quelque 35milles de la côte nicaraguayenne ⎯ comme faisant partie de l’archipel. Cela est

confirmé par différentes sources nicaraguayennes, not amment le mémoire déposé dans la présente

affaire 15.

20. Le processus qui conduisit à la ratificati on du traité de 1928 se mble également apporter

des éléments allant dans le même sens. Ains i, dans une note du 11février1930 adressée au

12
CMC, p. 255-259, par. 5.31-5.38.
13
Ibid., p. 261-262, par. 5.44.
14CMC, vol. II-A, annexe 199, p. 736.

15MN, p. 7, par. 16 ; p. 176, par. 2.251. - 6 -

secrétaire d’Etat des Etats-Unis (dossier de plaidoirie, onglet 6), le chargé d’affaires par intérim des

Etats-Unis au Nicaragua rapporte ce qui suit :

«Le ministre des affaires étrangères faisant fonction m’a fait savoir qu’il existait

un grand nombre de petites îles et cayes san s importance, situées à proximité de la
côte est du Nicaragua, et que l’interprétati on ou la clarification proposée du traité
visait à s’assurer que la propriété sur ces îles ne deviendrait pas, à un moment
16
ultérieur, l’objet d’un autre différend entre le Nicaragua et la Colombie.»

14 21. Soixante-dixans plus tard, la position du Nicaragua n’a pas varié. Dans un entretien

accordé à la presse nicaraguayenne en 2003 (dossier de plaidoirie, ongle 8t),

M.AlejandroMontielArgüello, ancien ministre nicaraguayen des affaires étrangères, déclara que

le 82 eméridien «était destiné à éviter que la Colombie ne puisse prétendre que des îles

17
nicaraguayennes telles que les cayes de Miskito fa isaient partie de l’archipel de SanAndrés»

[traduction du Greffe].

22. Ni le Nicaragua ni la Colombie n’a jamais pensé que la mention de la limite dans le traité

avait pour objet de laisser au Nicaragua la possibilité de revendiquer, lorsqu’il le jugerait opportun,

la propriété de l’une quelconque des îles ou cayes s ituées à l’est de la limite en question. Cet

argument défie la logique et va à l’encontre de l’ ensemble des moyens de preuve et du principe de

bonne foi censé régir les relations conventionnelles.

23. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, dès l’entrée en vigueur du

traité, la Colombie a considéré que le 82 eméridien marquait la limite de sa juridiction à tous effets,

notamment aux fins de réglementer, de contrôler et de superviser la pêche dans cette zone.

24. La population de l’archipel de SanA ndrés pratique la pêche jusqu’à la côte des

Mosquitos depuis le XIX siècle. Après le traité de 1928-1930, ces activités de pê
che

18
traditionnelles se poursuivirent, quoique circonscrites par ledit méridien . Les ressources tirées de

la pêche dans cette zone ont toujours été indispensables aux habitants de l’archipel 19et les en priver

aurait de graves implications pour leur subsistance.

16 o
CMC, vol. II-A, p. 731, annexe 197 : note n 1316 en date du 11 février 1930 adressée au secrétaire d’Etat des
Etats-Unis par le chargé d’affaires par intérim des Etats-Unis à Managua (les italiques sont de nous).
17«La Prensa» (journal nicara guayen), Managua, 28avrl003; numéro23072. Disponible sur

http://archivo.laprensa.com.ni/archivo/2003/abril/28/politica/politica-….
18CMC, p. 371, par. 8.79.

19CMC, vol. II-A, annexe 87. - 7 -

25. Aux fins du tracé d’une frontière maritime uni que délimitant le plateau continental et la

zone économique exclusive de chacun des deux Etats, la zone à prendre en considération est celle

située entre, d’une part, les îles et cayes de l’archipel de SanAndrés et, d’autre part, les parties

pertinentes des côtes nicaraguayennes 20.

26. Les îles de SanAndrés, Providencia et SantaCatalina, qui comptent près de

80 000 habitants au total 21, sont situées en face de la côte nicaraguayenne, à une distance c
omprise

15 entre103 et 120milles. Les autres îles de l’arch ipel se trouvent à des distances comprises entre

106 et 266 milles.

27. La Colombie a montré que, selon les prescrip tions du droit international, la délimitation

doit être effectuée au moyen d’une ligne médiane tra cée entre, d’une part, les îles, îlots et cayes de

l’archipel de SanAndrés, qui ont naturellement droit à des zones maritimes dans toutes les

directions, et, d’autre part, la côte pertinente du Nicaragua 22.

28. Certains des points de base pertinents de la ligne sont situés au niveau de Quitasueño

⎯banc comportant 34formations découvertes en permanence à marée haute et de nombreux

hauts-fonds découvrants, situé à 38 milles au nord des îles de Providencia et Santa Catalina et, par

conséquent, à l’intérieur de la limite des 200 milles de la zone économique exclusive et du plateau

continental de ces îles.

29. La solution de la ligne médiane préconi sée par la Colombie est également compatible

avec les circonstances pertinentes de la zone à délimiter, notamment avec le 82 eméridien qui,

pendant plusieurs dizaines d’années, a servi de délimitation maritime entre les parties. Il est donc

tout à fait logique que la ligne médiane suiv e, à peu de chose près, l’orientation du 82 eméridien et

se situe dans la même zone.

30. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, alors même que nous entrons

dans la dernière phase de la présente affaire, le Nicaragua fait valoir des demandes exorbitantes et

illégitimes, en espérant que la Cour y fera droit un ta nt soit peu, aux dépens de son adversaire. La

Colombie conteste vivement les accusations infondées du Nicaragua selon lesquelles elle aurait fait

20
CMC, chap. 8, sect. B ; DC, chap. 5, sect. B.
21
Exceptions préliminaires de la Colombie, par. 1.10, note 17.
22CMC, chap. 9, sect. C ; DC, chap. 6, sect. D. - 8 -

usage de la force pour lui interdire l’accès à des zo nes qui, bien que ne lui ayant jamais appartenu,

sont aujourd’hui revendiquées par le Nicaragua.

31. Le Nicaragua n’a jamais protesté contre la pêche pratiquée par les navires colombiens à

partir de San Andrés et Providencia , sous la surveillance et le cont rôle des autorités colombiennes,

dans les cayes et zones maritimes situées à l’est du 82 e méridien.

32. Il ne s’est pas non plus élevé contre les activités auxquelles se s ont livrés régulièrement

plus de 700navires américains au titre de permis délivrés par la Colombie en vertu de l’accord

qu’elle a signé en1983 avec les Etats-Unis, con cernant les activités de pêche à Quitasueño ainsi

qu’à Roncador et Serrana. 23

16 33. Il est donc pour le moins surprenant ⎯et inacceptable pour la Colombie ⎯ que le

Nicaragua estime pouvoir revendiquer aujourd’hui qu elque droit que ce soit sur l’une quelconque

des cayes de l’archipel.

34. Tout aussi regrettables sont les incessantes manŒuvres du Nicaragua visant à déformer la

réalité et à dénaturer la position de la Colombie ⎯laquelle non seulement repose sur des faits

historiques, mais est également pleinement conforme aux règles et principes du droit international.

35. La Colombie ne doute pas que la Cour tiendra compte, comme il se doit, des traités de

délimitation maritime conclus avec les autres Etats voisins, des accords de pêche portant sur les

zones adjacentes aux cayes de Roncador, Quitasueño et Serrana, des conventions d’interdiction

maritime portant sur la lutte contre le trafic de stupéfiants et des autres accords relatifs à la

protection de l’environnement 24.

36. La Colombie veut également croire que la Cour mettra un terme au plan imaginé par le

Nicaragua pour se faire remettre sur un plateau d’argent des îlots et cayes sur lesquels la Colombie

exerce une souveraineté exclusive depuis son i ndépendance ainsi que sur des zones maritimes

indispensables aux populations de l’archipel de San Andrés pour leur subsistance.

37. Monsieur le président, l’exposé de la Colombie se poursuivra à présent avec

M. James Crawford, qui donnera un aperçu général de l’affaire, après quoi MM. Marcelo Kohen et

23
CMC, par.4.62-4.68; vol.II-A, annexes8, 147-148 et 156; vol.II-B, appendice6. DC, par.5.35, 8.39 et
8.53.
24CMC, par. 8.33-8.56 ; 9.65-9.70 ; 9.81. DC, chap. 5, sect. B 2). - 9 -

RodmanBundy examineront la ques tion de la souveraineté de la Colombie sur l’archipel et ses

formations et, plus particulièrement, celle des effectivités qui viennent confirmer ce titre de

propriété. M.Crawford abordera la question de Quitasueño puis exposera, avec M.Bundy,

l’argumentation de la Colombie sur la délimitation maritime. Enfin, M. Kohen se penchera sur la

demande de déclaration présentée par le Nicaragua.

38. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs de la Cour, je vous serais maintenant

reconnaissant de donner la parole à M. James Crawford. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Je vous remercie. J’invite M.Crawford à présenter l’aperçu général de

l’affaire pour le compte de la Colombie. Monsieur, vous avez la parole.

17 M. CRAWFORD : Merci, Monsieur le président.

2.A PERÇU GÉNÉRAL

Introduction

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieursles juges, dans sa requête, le Nicaragua a

avancé trois allégations5.

⎯ Premièrement, il a contesté la souveraineté de la Colombie sur l’archipel de SanAndrés, un

territoire qui appartient à ce pays depuis son i ndépendance, sur lequel le Nicaragua n’a jamais

détenu aucun titre, où il n’a jamais exercé la moi ndre présence effective et qu’il avait de toute

façon renoncé à revendiquer dans le cadre du traité de1928, par lequel il reconnaissait la

souveraineté de la Colombie sur l’archipel et toutes ses formations situées à l’est du

e
82 méridien de longitude ouest.

⎯ Deuxièmement, le Nicaragua a affirmé qu’il av ait droit à une frontière maritime unique, qui

couvrait une vaste zone de la mer des Caraïbes comprenant ⎯comme la suite l’a montré ⎯

une «ZEE» s’étendant sur une distance de230 à 280milles marins à partir de sa côte. S’il

s’était agi d’un exercice d’interprétation de laconvention de1982, le Nicaragua aurait déjà

échoué.

25
Requête du Nicaragua, p. 9, par. 8. - 10 -

⎯ Troisièmement, le Nicaragua exige d’être inde mnisé, semble-t-il au titre de l’exercice normal

par la Colombie de ses fonctions régaliennes dans la zone concernée ⎯ le montant de

l’indemnité devant être établi dans une ph ase distincte. Comme vous l’avez entendu, le

Nicaragua n’accorde aucune valeur à nos cayes, mais je pense qu’il en irait autrement,

s’agissant d’établir le montant de l’indemnité, si c’est à lui qu’elles étaient revenues !

2. La Colombie a répondu à chacune de ces tr ois allégations: sur le premier point, en

invoquant ses droits historiques et le titre juridique que lui confère le traité de1928; sur le

deuxième point, en donnant une interprétation exacte du terme technique ⎯ il est vrai difficile ⎯

«200 milles marins» qui figure à l’article 57 ; et, sur le troisième point, en faisant valoir le caractère

inapproprié de la prétention du Nicaragua à des dommages-intérêts pour la période pendant

laquelle un différend territorial ou maritime n’était pas résolu, ce que confirme une remarque que

M. Gaja ⎯ alors juge ad hoc ⎯ a très pertinemment faite à propos de l’arrêt rendu en2007

(déclaration de M.lejuge ad hoc Gaja, Différend territorial et maritime (Nicaragua c.Colombie),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 934).

3. Dans sa réplique, le Nicaragua a donc ét é contraint de modifier sa position. Il se

contentait de revendiquer des fo rmations au motif qu’elles ne faisaient pas partie de l’archipel. Il

revendiquait désormais «seulement» une frontière fondée sur son plateau continental en s’appuyant

18 sur de soi-disant considérations géomorphologiques ⎯ voilà qui est nouveau ⎯, et il abandonnait

sa prétention à une délimitation fondée sur sa ZEE. La ligne qu’il revendiquait se situait entre 487

et 324milles marins de sa côte. Mais, fais ant désormais fi de l’avis de son juge ad hoc, le

Nicaragua a continué de demander réparation.

4. Enfin, cette semaine, nous avons assisté à la troisième mutation. En ce qui concerne les

îles revendiquées, la position du Nicaragua n’est pas claire ⎯a-t-il, par exemple, abandonné sa

prétention sur Alburquerque ⎯comme M.Pellet l’a laissé entendre en reprenant notre

orthographe ⎯ ou bien s’agissait-il simplement d’un oubli ⎯ comme cela semblait être le cas dans

la plaidoirie de M. Reichler ? Quoi qu’il en soit, les prétentions maritimes du Nicaragua ont, elles,

à coup sûr évolué. Certes, on ne savait pas exac tement si les thèses avancées par M.Reichler

constituaient une alternative à celles de M.Lowe, ou si elles en étaient complémentaires. Nous

penchons pour cette dernière hypothèse, et nous voilà ainsi confrontés à cette revendication - 11 -

complexe ⎯une ZEE jusqu’à 200milles marins sous réserve de seulement quelques petites

26
enclaves , et un plateau continental jusqu’à une distance de 335 à 505 milles marins ⎯ cette ligne

étant tracée à mi-chemin entre la limite de 200 milles marins que nous revendiquons et la limite

27
extérieure du plateau continental étendu auquel le Nicaragua prétend . La demande

d’indemnisation s’est quant à elle mu tée en une demande de satisfaction ⎯comme si priver

l’archipel de quasiment toutes ses zones maritimes ne constituait pas une satisfaction suffisante !

5. Dans le célèbre conte pour enfants popularisé par Walt Disney ⎯ Winnie l’ourson ⎯ on

demande à Winnie s’il veut du lait concentré ou du miel sur sa tartine, et il répond en grognant,

«les deux!» 28. Le Winnie nicaraguayen a tout d’abor d voulu une «ZEE» de 250milles marins,

puis un plateau continental de 400 milles marins, et enfin les deux : une ZEE de 200 milles marins

plus un plateau continental qui change de direction pour s’étendre sur plus de 500 milles marins au

niveau de son extrémité septentrionale. Les chiffres ont légèrement évolué, et les revendications se

sont additionnées. Quel appétit !

6. Monsieur le président, Mesdames et Messieurlses juges, troip slaidoiries,

troisargumentaires, troisjeux de revendications différents et contradictoires. L’histoire de la

pratique judiciaire n’a pas connu plaidoyer moins cohérent, moins constant, plus fluctuant et

opportuniste. La Cour comprendra que nous ne so mmes pas en mesure, dans le temps qui nous est

imparti pour le premier tour de plaidoiries, de commenter tous les aspects de la troisième mutation

des arguments du Nicaragua, mais nous ferons de notre mieux.

Les arguments avancés par le Nicaragua à titre subsidiaire au sujet des formations
qui ne feraient pas partie de l’archipel

19 7. Le Nicaragua s’est montré particulièreme nt opportuniste dans la revendication qu’il a

formulée à propos de l’archipel. Pour de nombreuses raisons ⎯dont le libellé explicite du traité

de1928 n’est pas des moindres ⎯ cette revendication n’était pas crédible d’un point de vue

juridique. Cela est a fortiori vrai si l’on tient compte du protocole d’échange des ratifications

de1930 dans le cadre duquel ⎯à l’initiative du Nicaragua ⎯ la limite orientale de la

26CR 2012/10, par. 51-58 (Reichler).
27
CR 2012/9, par. 24-65 (Lowe).
28A. A. Milne, Winnie-the-Pooh, Londres, Mammoth, 1989, p. 23. - 12 -

revendication du Nicaragua et la limite occidentale de celle de la Colombie ont été fixées au

82 eméridien de longitude ouest . Dans votre arrêt du 13 décembre 2007, vous avez expressément

déclaré ⎯ sommairement pourrait-on dire ⎯ que la revendication territoriale du Nicaragua relative

à l’archipel avait été réglée par le traité de 1928, de sorte que nous sommes désormais en présence

d’une revendication encore moins crédible d’un point de vue juridique, qui porte sur des îles qui,

d’après ce qu’en dit maintenant le Nicaragua, ne font pas partie de l’archipel. Une revendication

initiale relative à l’archipel, formulée en 1913, s’est mutée un siècle plus tard en une revendication

relative au non-archipel !

8. Monsieur le président, Mesdames et Messieursles juges, un Etat qui prétend détenir un

titre originaire sur un territoire devrait, pourrait- on croire, avoir une idée claire du territoire sur

lequel porte son titre. Pourtant, le Nicaragua a eu, dans le volet territorial de ses arguments, des

difficultés considérables à dire avec précision où ses prétentions contre la Colombie commençaient

et, de surcroît, où elles s’arrêtaient. C’est en 1913 qu’il est pour la premiè re fois apparu que le

30
Nicaragua avait une revendication relative à l’archipel, et elle portait sur l’archipel tout entier .

Elle a été réglée définitivement en1928. Les choses en sont restées là pendant quaranteans. Ce

n’est qu’en1972 que le Nicaragua a spécifiquement revendiqué trois parties de l’archipel

⎯ Roncador, Serrana et Quitasueño ⎯ au motif que ces formations se trouvaient sur «son» plateau

continental. Bien entendu, il inversait ce faisant la logique du droit de la mer, qui fait découler la

juridiction maritime de l’existen ce d’un territoire terrestre. Mais ⎯si l’on laisse de côté la

confusion du Nicaragua sur ce point ⎯ ce n’est qu’en1980 que le Nicaragua a déclaré, pour la

première fois, que Roncador, Serrana et Quitasueño ne faisaient pas partie de l’archipel 31.

9. Mais ces trois îles n’étaient qu’un début. Dans la requête qu’il a déposée en2001, le

32
Nicaragua a ajouté Serranilla puis, dans son mémoire, Alburquerque, les cayes de l’est-sud-est et

Bajo Nuevo 33.

29
Protocole d’échange des ratifications du 5mai1930 relatif au traité de règlement territorial entre la Colombie
et le Nicaragua, Managua, 24 mars 1928 (Esguerra-Bárcenas) : annexe 1, CMC, vol. II-A, p. 3.
30
Voir annexe 36, CMC, vol. II-A, p. 63-68.
31 MN, vol.II, annexe 73: Minist ère des relations extérieures, Livre blanc (Libro Blanco Sobre el Caso de
San Andrés y Providencia), 4 février 1980.

32 Requête du Nicaragua, 6 décembre 2001, p. 3, par. 2.

33 MN, 2 conclusion, p. 139. - 13 -

20 10. La Colombie a toujours soutenu que le traité de1928 avait totalement réglé l’ensemble

des questions d’ordre territorial entre les deux Etats. Mais le Nicaragua, qui n’avait pendant 50 ans

donné aucun signe de doute quant à la validité du tr aité, a commencé, après 1980, à prétendre qu’il

n’était pas valide. Dans votre arrêt du 13 décemb re 2007, vous avez rejeté cette tactique, de façon

34
catégorique et sommaire .

11. L’autre tactique du Nicaragua consistait à di re que le traité de 1928 n’avait pas résolu la

35
question de la souveraineté . Mais vous avez clairement indiqué qu’il l’avait réglée s’agissant de

l’archipel, ce qui vous a conduit aux deux conclusions suivantes. Premièrement, cela vous

permettait de «considérer comme tranchée la question des trois îles de l’archipel…expressément

nommées au premier paragraphe de l’article premier du traité» ( Différend territorial et maritime

(Nicaragua c. Colombie), exceptions prélim inaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 861, par. 90).

Deuxièmement, le traité avait réglé toutes les quest ions de souveraineté relatives à l’archipel dans

son ensemble ⎯en d’autres termes, toutes «les autres îles, îlots et cayes qui font partie de

l’archipel» relevaient du territoire colombien (ibid., p. 855, par. 66).

12. Malgré cela, le Nicaragua soutient, da ns sa réplique, que «[son] acceptation…des

conditions dans lesquelles la compétence a été reconnue n’implique pas qu’il ait modifié sa

prétention historique…ni qu’il [y] ait renoncé» 36. Voilà qui est surprenant. Comme si, pour

qu’un arrêt ait un effet juridique, il fallait qu’il soit «accepté» par l’une des Parties ! Comme si une

décision judiciaire rendue en bonne et due forme était, non seulement soumise à «l’acceptation»

ultérieure d’une Partie, mais également aux éventu elles réserves qu’elle déciderait de faire! On

serait fondé à penser que le droit des réserves a a ugmenté, augmente et devrait être réduit! Il

semblerait que, pour le Nicaragua, sa revendicati on fourre-tout concernant la souveraineté, que

vous avez expressément rejetée au motif que la questi on de la souveraineté sur l’archipel avait été

tranchée depuis longtemps, n’a d’incidence sur la juridiction de la Cour que «dans le cadre de cette

procédure», et seulement de façon conditionne lle, comme l’a dit M. Remiro Brotóns lundi 3. Pour

34 Différend territorial et maritime (Nicaragu.olombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 859, par. 80-81.
35
MN, par. 2.139-2.253.
36
RN, par. 10.
37 CR 2012/8, p. 33, par. 4 (Remiro Brotóns). - 14 -

le Nicaragua, le principe pacta sunt servanda est dépourvu de toute signification en matière

territoriale !

21 13. En résumé, on peut distinguer deux phases dans la thèse avancée par le Nicaragua sur la

question territoriale: la phase d’expansion et la phase de contraction. Pendant la première,

avant2007, la portée territoriale de la revendication augmentait à mesure que le Nicaragua se

rendait compte qu’il pouvait en demander dava ntage, comme un enfant dans un magasin de

bonbons d’un type un peu particulier. Il est vrai qu’il n’a pas produit de nouvelles preuves à

l’appui de sa revendication, qui était apparemment dépourvue de toute base factuelle. Les conseils

du Nicaragua voyaient ainsi épargnée la fastidie use obligation d’exposer des faits, tout en

échappant à la contradiction puisque les arguments qu’ils auraient présentés à l’appui de leur thèse

expansionniste aurait inévitablement contredit leur thèse «contractionniste». On peut facilement

imaginer les envolées lyriques de M.Pellet sur l’ unité de l’archipel! Mais après2007, nous

sommes entrés dans la phase de contraction et tout a changé (ou presque, les faits étant toujours

absents !) Les deux idées principales de la répli que du Nicaragua sont les suivantes : les îles qu’il

revendique ne font pas partie de l’archipel et les îles ne faisant pas partie de l’archipel lui

appartiennent 38. Voilà qui demande une explication. Si l’ archipel tel que défini par le Nicaragua a

rétréci, la seconde idée donne à penser que le fo ndement implicite des re vendications de celui-ci

n’a pas suivi. Elle semble en effet être dénuée de toute limite extérieure: tout ce qui ne fait pas

partie de l’archipel appartient au Nicaragua. Se lon l’interprétation qu’il donne de la géographie,

cette zone n’a pas de limite septentrionale, méri dionale ou orientale, clairement établie. Comme

dans un rêve, on peut se servir à volonté dans le magasin de bonbons. Il y a donc lieu de se

demander si le Nicaragua ne revendiquerait pas ég alement Cuba, qui, je le reconnais volontiers, ne

fait pas partie de l’archipel.

14. Pour éviter une invasion juridique de Cuba, le Nicaragua doit limiter ses revendications à

l’est du 82e méridien de longitude ouest à des territo ires considérés historiquement comme faisant

partie de l’archipel. Toutefois, celui-ci est historiquement et administrativement associé à la

Colombie. Si une île donnée était administrée par la Colombie et considérée comme faisant partie

38
Voir DC, p. 30, par. 2.3. - 15 -

de l’archipel, il serait impossible de prétendre que, d’une manière ou d’une autre, elle n’en faisait

pas partie. La thèse du Nicaragua relative à la souveraineté s’eff ondre, elle est tout simplement

incohérente.

15. En ce qui concerne la composition de l’ archipel, nous nous fondons sur l’ordonnance

royale de 1803 39. Dans l’arrêt rendu en l’affaire Nicaragua c. Honduras, vous avez déclaré : «en

vertu d’un décret royal [de1803], la partie de la côte des Mosquito située au sud du
22
capGraciasaDios passa sous contrôle de la vice-royauté de SantaFé [le prédécesseur de la

Colombie]» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des

Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 709, par. 161). Nous sommes

entièrement d’accord. Face à l’argumentation de la Colombie, le Nicaragua refuse de donner une

thèse subsidiaire cohérente. S’agissant de l’administration, la Colombie a fourni un nombre

considérable d’éléments prouvant qu’elle avait admi nistré l’archipel en tant qu’unité ainsi que

chacune de ses composantes : notamment correspond ance diplomatique, actes réguliers et continus

de souveraineté exercés par les autorités colo mbiennes, reconnaissance par des Etats voisins,

reconnaissance par des Etats hors de la région, manière constante dont les cartes, y compris celles

du Nicaragua, ont représenté l’archipel 40. J’attire particulièrement votre attention sur le

rapportHolguin de1896, qui à lui seul fait échec à l’idée que l’archipel serait une invention

récente 41.

16. Le traité de1928 couvrait toute question territoriale qui aurait pu se poser entre la

Colombie et le Nicaragua; l’archipel en tant qu’ensemble comprend toutes les îles que le

Nicaragua revendique à présent, et le traité de1928 confirme la souveraineté de la Colombie sur

cet ensemble. Cependant, même s’il exis tait des territoires insulaires à l’est du 82 eméridien de

longitude ouest que le traité n’aurait pas pris en compte (quod non) , on ne saurait conclure qu’il

attribuait ces îles colombiennes au Nicaragua. Ri en ne vient appuyer cette thèse. L’erreur

élémentaire du Nicaragua est d’affirmer avec insi stance que le traité de1928 est la seule source

potentielle de titre pour la Colombie. Cette erreur est d’autant plus frappante que le Nicaragua a

39RN, p. 39, par. 1.49.
40
DC, p. 41-44, par. 2.22.
41Ibid., et CMC, annexe 89. - 16 -

renoncé à faire valoir l’ uti possidetis qu’il avait d’abord avancé et qui, telle une ombre contrariée,

continue de planer. L’erreur du Nicaragua est également frappante si l’on considère qu’en

l’espèce, celui-ci n’a pas même fourni un début de preuve d’affectivités historiques, par rapport à la

masse d’éléments de preuve produits par la Colo mbie, qui concernent toutes les îles et remontent

jusqu’au XIX e siècle.

17. Le Nicaragua ne méconnaît pas uniquement l es titres et la pratique de la Colombie. Il

fait également abstraction de ses propres déclarations passées, comme par exemple sa réaction à la

sentence Loubet. Cette sentence attribuait une pa rtie de la côte des Mosquito au Costa Rica ⎯ et

reconnaissait la souveraineté de la Colo mbie sur «ManglC ehico, ManglG erande,

23 Cayos de Albuquerque, San Andrés, Santa Catalina, Providencia, Escudo deVeragua, ainsi que

toutes autres îles, îlots et bancs relevant de l’ancienne province de Cartagena, sous la dénomination

42
de canton de San Andrés» . La sentence touchait clairement à des questions qui préoccupaient le

Nicaragua au plus haut point. Rien d’étonnant à ce qu’il ait répondu en donnant une description

concise, exacte et réfléchie des îles qu’il estimait lui appartenir, et de la limite au-delà de laquelle il

n’avait pas de revendication territoriale 43. L’archipel ⎯toutes les îles le composant, y compris

toutes celles que le Nicaragua revendique en l’espèce ⎯ se situent au-delà de la limite qu’il a

indiquée.

18. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, dans sa forme expansionniste

comme dans son avatar «contractionniste», la reve ndication territoriale du Nicaragua ne mérite pas

qu’on s’y arrête. Il n’existe pas même un début de preuve de titre nicaraguayen, une seule

effectivité sur place. Cette revendication est dépou rvue de tout fondement. En réalité, elle est

avancée comme un quiproquo fallacieux pour couvri r une revendication maritime excessive au

point d’être absurde ⎯quelque chose que nous pouvons gagner. J’en viens donc à cette

revendication absurde.

42
Sentence arbitrale relative au différend frontalier entre la Colombie et le Co, 11 septembre 1990,
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. 28, p. 345.
43DC, vol. II, p. 92, figure R-2.1. - 17 -

La demande variable de délimitation présentée par le Nicaragua

19. Dans la requête et dans son mémoire, le Nicaragua formule une demande de délimitation

44
maritime, à laquelle il a renoncé, comme je l’ai dit , lors du second tour de procédure écrite. Dans

sa réplique, il affirme en effet avoir «décidé que sa demande devant la Cour devait porter sur une

45
délimitation du plateau continental» . (J’apprécie l’emploi du terme «décidé» dans une réplique !

En principe, la demande est prête avant l’introduction de l’instance!). Il ne s’agissait pas de

modifier la demande initiale, ni de l’approfondir, par exemple, sur la base de nouveaux éléments de

preuve. La «décision» du Nicaragua de de mander uniquement la délimitation du plateau

continental constituait en fait une demande entièrement nouvelle, qui était fondée sur des règles

n’ayant rien à voir avec la demande initiale, et qui requérait des éléments de preuve n’ayant pas

non plus de lien avec la demande initiale.

24 20. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, conformément au

paragraphe1 de l’article40 du Statut 46, il ne suffit pas d’indiquer l’objet du différend en termes

vagues et approximatifs. La précision est requise, tout comme un exposé des faits que le

demandeur présentera à l’appui de sa demande. La requête du Nicaragua ne contient aucun

élément ⎯de droit ou de fait ⎯indiquant une demande fondée sur l’article6 de la convention

de1982 et concernant une zone située à nette ment moins de 200milles marins de la côte

continentale de la Colombie. La demande introduite par le Nicaragua dans sa réplique est

irrecevable.

21. Toutefois, même si la Cour la jugeait recevable, cette demande n’en serait pas plus

crédible que la première, qui a été abandonnée. Le Nicaragua soutient que son plateau continental

s’étend à travers la mer des Caraïbes, en direction de la côte continentale de la Colombie, pénétrant

47
la zone des 200milles marins qui est le prolongement de cette côte . En conséquence, la

Colombie se voit privée d’une grande partie de ses droits à un plateau continental et à une zone

48
économique exclusive générés par ses îl es et même par sa côte continentale . Et comme si la

44RN, p. 12, par. 26.
45
Ibid.
46
Différend territorial et maritime (Nicaragua C. Co lombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 848, par.38.
47CR 2012/9, p. 25-34, par. 24-65 (Lowe).

48Voir DC, vol. II, p. 96, figure R-42. - 18 -

contradiction entre la demande initiale et la nouvelle demande ne suffisait pas, le Nicaragua

sollicite une délimitation du plateau continental éte ndu qui est une première au regard des règles et

procédures prévues à l’article 76. A l’exception du Nicaragua, jamais aucun Etat de la région n’a

déclaré de plateau continental s’étendant au-delà de la l
imite des 200 milles marins. Il n’existe en

fait pas de zone maritime dans les Caraïbes occidentales s’étendant au-delà de la limite des

200 milles marins, pouvant faire l’objet d’une telle revendicati on. Comme M.Bundy va vous le

montrer, lorsque des Etats ont formulé des prétentions relatives au rebord externe du plateau

continental devant la Commission visée à l’annexe II, la pratique dominante a été de limiter ces

49
prétentions afin de respecter les droits d’autres Etats à une zone de 200 milles marins .

22. Mais même en faisant abstraction du caractère démesuré de la nouvelle demande du

Nicaragua, reste le problème de l’absence de données. Le Nicaragua ne présente guère de données

pertinentes à l’appui de sa demande. Et lorsqu’il en fournit, il les présente comme «rempliss[ant]

50
en principe les critères voulus pour inclusion dans une demande [de plateau continental]» . On

25 pourrait les décrire comme des «ébauches de données», si toutefois cela existe. Ce que le

Nicaragua a fait jusqu’à présent ne saurait servir de base à une demande de plateau continental

devant la Commission visée à l’annexeII. A moins qu’il n’ait l’intention de faire valoir que la

Cour, en tant qu’organe judiciaire principal, est beaucoup moins exigeante que les membres de la

Commission lorsqu’elle examine les éléments de preuve à l’appui d’une demande, des ébauches de

données ne sauraient étayer sa thèse. Rien ne prou vant l’existence d’une zone de chevauchement

des titres potentiels, la délimitation n’a pas lieu d’être.

23. Confrontée à ces revendications mariti mes excessives et non fondées, la Colombie a

proposé ce qu’elle estime constituer une délimitation équitable entre les deux Etats dans la zone

concernée, dans le respect des règles et principes pertinents, tel que celui de l’équidistance et des

circonstances particulières. Elle décrira d’abord le contexte géographique en identifiant les côtes

pertinentes. Aucune côte distante de plus de 400 milles de celle du Nicaragua n’est pertinente, et la

côte continentale de la Colombie ne l’est donc pas. A l’inverse, l’archipel de San Andrés est tout

ce qu’il y a de plus pertinent. Les îles qui le com posent, et si j’ai bien compris le Nicaragua le

49
Voir DC, p. 149-156, par. 4.60-4.69, et figures jointes.
50
RN, annexes 1-18, p. 61, les italiques sont de nous. - 19 -

concède, du moins pour les trois plus grandes, gé nèrent tous les droits maritimes et constituent

l’autre côte pertinente.

24. Dans ce contexte, permettez-moi de dire quelques mots au sujet de Quitasueño. Ce banc

fait partie intégrante de l’archipel. C’est ainsi qu’il est administré par la Colombie et c’est

également ainsi qu’il est considéré par des Etats tiers. Quitasueño est une succession de petites îles

s’étendant du nord au sud sur un banc long de 57kilomètres, bordé par un grand récif 51. La

52 53
Colombie y a effectué des levés détaillés , et a chargé un second expert d’en effectuer d’autres .

Jusqu’à cette semaine, le Nicaragua n’avait pas présenté d’arguments juridiques ou factuels au sujet

de Quitasueño. J’y reviendrai demain.

54
25. Le Nicaragua ne se contente pas d’exclure Quitasueño de l’archipel, il nie également

que ce dernier dans son ensemble constitue une cô te pertinente. Il vous demande donc, dans un

26 vide juridique et factuel, de redessiner entièrement la géographie. M. Reichler n’a pu identifier le

moindre point de base, pas même sur San Andrés elle-même 5.

26. Ayant identifié les côtes pertinentes et les zones pertinentes qu’elles définissent, la

Colombie suivra la méthode de délimitation gé néralement appliquée en cas de titres qui se

chevauchent. La première étape consiste à identifier une ligne d’équidistance provisoire, mesurée à

partir de points de base appropriés. La ligne médiane est ensuite examinée compte tenu des

circonstances pertinentes, pour déterminer si elle peut être considérée comme équitable. Dans la

e
zone à délimiter en l’espèce, ces circonstances sont notamment le 82 méridien de longitude ouest,

élément fondamental du traité de1928, qui établissait une limite dans les deux sens. Autre

circonstance pertinente: l’absence du Nicaragua de la zone et la présence constante, effective et

prolongée de la Colombie. La délimitation mariti me n’est pas une forme de droit naturel, de

jus cogens, indépendant de la conduite des parties. La reconnaissance de la souveraineté de la

Colombie, et l’effet donné aux îles, par des Etats tiers entrent aussi en ligne de compte de même

51CMC, vol. I, par. 2.25.
52
. Etude sur Quitasueño et Albuquerque réalisée en septembre 2008 par la marine colombienne. CMC, vol. II-A,
annexe 171.
53
Rapport d’expertise de M.Robert W. Smith «Cartographie des îles de Quitasueño», février2010, DC, vol.II,
appendice I.
54CR 2012/9, p. 44-58, par. 19-51 (Oude Elferink).

55CR 2012/10, p. 35-37, par. 25-31 (Reichler). - 20 -

que les modes d’utilisation des ressources et, élément important, les considérations de sécurité. La

Colombie soutiendra, dans ses conclusions sur la délimitation, que les circonstances pertinentes

confirment que la ligne d’équidistance entre l’archipel et les côtes orientales du Nicaragua est la

ligne de délimitation équitable en l’espèce.

27. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs de la Cour, vous avez entendu mardi une

série d’exposés savants qui visaient à vous conva incre du caractère raisonnable de la troisième

mutation maritime du Nicaragua. Nous y répondrons demain si nous en avons le temps, sinon la

semaine prochaine. A ce stade, je me bornerai à faire trois observations.

28. La première est de caractère général. Me s collègues de la Partie adverse n’ont pu parler

de la question de la délimitation autrement qu’au moyen de pétitions de principe. Permettez-moi

de vous citer quelques exemples.

29. Voici ce qu’a dit l’agent (et je dois sou ligner que toute ressemblance entre lui-même et

Winnie the Pooh n’est que pure coïncidence): «Concernant les îles et les autres formations

maritimes, le seul résultat équitable serait des les en claver dans le plateau continental et la zone

économique exclusive du Nicaragua si la Cour estime qu’elles [c’est-à-dire les îles] appartiennent à

27 la Colombie.» 56 Cette affirmation part du principe que la question des zones maritimes du

Nicaragua l’emporte sur celle de la souveraineté. Ce qui est faux.

30. Pour M.Lowe: «Le Nicaragua n’«étend» rien: il se réfère à raison au plateau

57
continental que lui reconnaît déjà le droit international, ni plus ni moins» , je le dis avec respect, il

s’agit là d’une interprétation qui relève de la compétence de la Cour, et non de celle du Nicaragua.

31. Je cite M. Pellet :

«En d’autres termes, ce n’est pas par une opération divine que les îles

contestées se trouvent sur le plateau continental du Nicaragua ⎯ or, indiscutablement
elles s’y trouvent: ceci résulte de l’app lication normale des règles applicables en
matière de délimitation maritime dans les circonstances de l’espèce.» 58

Les eaux entourant les îles ⎯jusqu’à 12 ou 3 milles ⎯ sont nicaraguayennes; nous le savons

parce que les îles se trouvent du côté nicaraguayen de la ligne; nous savons où doit se trouver la

56CR 2012/8, p. 24, par. 43 (Argüello).
57
CR 2012/9, p. 31, par. 53 (Lowe).
58CR 2012/10, p. 14, par. 15 (Pellet). - 21 -

ligne car en vertu de «règles universellement admises», les eaux du Nicaragua vont jusque-là.

Donc la juridiction sur les eaux découle de la juridiction sur les eaux !

32. Je cite maintenant M.OudeElferink: «c omme le titre et le texte de la déclaration

l’indiquent clairement, ... la déclaration de souvera ineté disposait que les bancs [étaient] situés sur

le plateau continental du Nicaragua» 59.

33. La règle fondamentale de la présence nicaraguayenne était simple: «tout ce qui est

nicaraguayen est nicaraguayen, et tout ce que l’Œil embrasse est nicaraguayen». Comme d’autres

règles fondamentales, elle est logique si vous connaissez déjà la réponse à la question, mais dans le

cas contraire, elle n’est d’aucune aide. Le fait que des formations soient situées sur le seuil

nicaraguayen ne les rend pas nicaraguayennes : c’est une question de droit, le résultat du processus

de délimitation et non un présupposé.

34. Ma deuxième observation porte sur la prét ention du Nicaragua à un plateau continental

s’étendant à des zones situées à moins de 200 milles marins de la côte continen tale de la Colombie.

M. Bundy en parlera plus en détail mais je voudrais juste faire une remarque à propos du graphique

qui se trouve à l’écran. [Onglet 12 du dossier des plaidoiries.] Dans l’affaire Libye/Malte, la Cour

a conclu, et c’est ensuite devenu le fondement du droit moderne en matière de délimitation à moins

de 200 milles marins, que la géomor phologie n’entrait pas en ligne de compte dans cette zone, ce

28 que M. Lowe a semblé accepter 60. Mais seulement, dit-il, lorsque la distance totale entre les côtes

opposées représente moins du double de la distance de la zone économique exclusive, soit

400milles marins. Toujours selon lui, le Nicara gua possédait déjà un plateau continental au-delà

de 200 milles marins, ce qui était le cas ab initio, sans qu’il l’ait revendiqué, apparemment du seul

fait de l’application du droit inte rnational et qui, sous réserve de délimitation, pourrait s’étendre

jusqu’à atteindre la limite prévue dans l’article 76, même si celle-ci se situait bien à l’intérieur de la

zone de200milles marins de l’autre Etat côtier 6. J’espère que je l’ai bien compris. Mais il

s’ensuit un paradoxe qu’illustre le graphique à l’ écran. Prenons le cas de deux Etats côtiers, A

et B, qui se font face. L’Etat A a un plateau continental géomorphologique qui s’arrête nettement à

59CR 2012/9, p. 46, par. 21 (Oude Elferink).
60
Ibid., p. 29-30, par. 43-45 (Lowe).
61Ibid., p. 30, par. 46-48 (Lowe). - 22 -

l’intérieur de la zone économique exclusive de l’Et at B. Ce dernier n’a pas de plateau continental

au sens physique de ce terme ou un plateau très étro it. Si moins de 400milles marins séparent

l’EtatA de l’EtatB, M.Lowe accepte le principe énoncé dans l’affaire Libye/Malte : la

géomorphologie n’entre pas en ligne de compte et le plateau continental constitue la ligne médiane.

C’est ce que montre le dessin en bas de l’écran. Mais si cette di stance est de plus de 400milles

marins, la géomorphologie l’emporte, et le plateau continental de l’Etat A s’étend conformément à

l’article 76 (4et 5), empiétant considérablement sur l’Etat B. Il s’ensuit que l’Etat A dispose d’un

plateau continental plus vaste s’il est plus loin. Apparemment, il n’est pas de plateau continental

qui n’augmente avec l’éloignement, ce qui est ab surde. Vous connaissez le paradoxe de Baxter,

voici maintenant le paradoxe de Lowe. Mais contrairement à celui de Baxter, qui exprime une

vérité fondamentale, le paradoxe de Lowe ne ma rche que si son auteur a raison dans sa lecture

étroite et contournée de l’affaire Libye/Malte, ce qui n’est pas le cas. Le Nicaragua est le seul Etat

des Caraïbes occidentales à juger possible d’av oir un plateau continental qui s’étend jusqu’à

l’intérieur de la zone des 200milles marins d’autres Etats. Voilà pourquoi aucun d’entre eux n’a

présenté de revendication à la commission de l’annexe 2.

35. J’en viens à la zone économique exclusive revendiquée par le Nicaragua dont

M. Reichler nous a parlé avec talent. Il nous a accusés de ne pas faire d’analyse de proportionnalité

mais, jusqu’à jeudi, la Partie adverse n’en avait p as fait non plus et n’en a toujours pas fait pour le

plateau continental. M.Reichler, lui, en a fait une pour la zone économique exclusive:

souvenez-vous, rapport entre la longueur des côtes 1 à 21 ; rapport entre les zones maritimes 1 à 35

62
en faveur du Nicaragua ; résultat ⎯ plutôt charitable à notre avis ⎯ équité . M. Reichler est donc

parvenu, et c’est remarquable, à inverser l’e ffet des îles situées au large par rapport aux côtes

continentales dont M.Lowe s’est plaint si amèrement. Comme il était alors à la barre, nous

29 pouvons appeler cet effet, l’effet barre. Une petite formation au large aura plus d’effet qu’une

façade maritime. C’est une donnée géométrique. M. Lowe s’en est plaint, M. Reichler a inversé le

rapport.

62
CR 2012/10, p. 48, par. 57 (Reichler). - 23 -

36. Nous voyons à l’écran sa «solution équitable»: rapport entre les côtes, 1 à21, rapport

entre les zones maritimes, 1 à35. Comment est-il parvenu à ce résultat? Et bien, il n’a tenu

compte que des côtes occidentales des trois îles prin cipales, et ce, bien que la zone de délimitation

inclue la zone économique exclusive générée par leurs côtes orientales. En fait, contrairement à

cette barre qui ne rayonne que dans une direction, les côtes, et en particulier les îles, rayonnent dans

toutes les directions, et les zones économiques excl usives autour de l’archipel découlent de la

circonférence des îles, et non d’une seule façade à l’ouest. Vous voyez maintenant un tableau

indiquant la longueur totale des côtes des îles de l’archipel ⎯ vous l’avez déjà vu et vous le voyez

maintenant. Nous n’avons pas tenu compte de Qu itasueño pour ne pas être tendancieux, car cette

île transformerait la proportion. Mais elle est dé jà transformée. La longueur totale des côtes des

îles de l’archipel atteint près de 74 kilomètres. Le rapport avec la côte continentale du Nicaragua

est d’environ 6,1 à 1. Et même si nous ne tenons compte que de la longueur des côtes des trois îles

principales, qui est de 62,2 kilomètres, le rapport s’ établit à 7 à 1. On est loin du rapport de 20 à 1.

C’est sur cette base que M.Reichler justifie un rapport entre les zones maritimes de 35 à1 en

faveur du Nicaragua ! C’est tout simplement inéquitable.

37. Permettez-moi d’illustrer le résultat de ce tte iniquité flagrante dans d’autres rapports.

Premièrement, le rapport entre les zones économiqu es exclusives attribuées aux Parties. Vous le

voyez à l’écran.

Zones économiques exclusives attribuées par le Nicaragua au Nicaragua : 186 362 km²
Zones économiques exclusives attribuées par le Nicaragua à la Colombie : 0 km²
Rapport : l’infini.

38. Mais il y a autre chose. Voici maintena nt la zone de droits potentiels à une zone

économique exclusive selon M.Reichler. Vous voyez la zone figurée en rose, à l’est. Une zone

très importante. C’est la zone économique exclusiv e potentielle de l’archipel qui va au-delà de la

ligne des 200milles marins mesurée à partir d es côtes nicaraguayennes et ne peut donc être

revendiquée comme zone économique exclusive par le Nicaragua. Cette zone de 35 645 kilomètres

carrés n’est pas gagnée par le Nicaragua, mais elle est perdue par la Colombie. Elle devient une

zone de haute mer. Quelle est la proportion de zones économiques exclusives perdues par les

Parties ? - 24 -

Zones économiques exclusives perdues par le Nicaragua en raison de l’archipel : 0 km²

Zones économiques exclusives perdues par l’archipel en raison du Nicaragua : 35 546 km²
Rapport entre les zones perdues : l’infini.

39. Voilà donc l’équité selon le Nicaragua ⎯ quelle proposition modeste !

Demande en réparation du Nicaragua

30 40. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, j’en arrive enfin à la demande

en réparation du Nicaragua, qui ne demande maintenant plus que satisfaction 63. On peut y

répondre succinctement. La Cour n’a jamais tenu une partie internationalement responsable pour le

simple fait d’avoir fait valo ir une prétention maritime4. Elle a refusé par le passé de faire droit à

une partie qui demandait «une c onstatation générale de responsab ilité sur des questions au sujet

desquelles [elle] ne posséd[ait] que des rensei gnements limités et des preuves insuffisantes»

(Compétence en matière de pêcheries (République fédérale d’Allemagne c.Islande), fond, arrêt,

C.I.J. Recueil 1974, p. 205, par. 76). Le Nicaragua n’est même pas parvenu à étayer sa demande de

déclaration. De plus, la Cour a clairement indiqué ⎯ par exemple dans l’affaire

Cameroun/Nigéria ⎯ qu’elle ne souhaitait pas voir des demandes en responsabilité venir se mêler

65
à des affaires de différends territoriaux. Cet aspect de l’affaire du Nicaragua est également dénué

de fondement.

41. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, ainsi se termine cet aperçu

général de la thèse de la Colombie. Je vous prierais maintenant, Monsieur le président, de bien

vouloir appeler à la barre mon collègue, M.Kohen, qui traitera de la question du titre de la

Colombie sur d’autres îles qui comprennent l’archipel. Monsieur le président, Mesdames et

Messieurs de la Cour, je vous remercie.

The PRESIDENT: Merci, M. le professeur Crawford. I now give the floor to Professor

Kohen. You have the floor, Sir.

KOrH. EN:

63
RN, p. 235-238.
64 Différend territorial et maritime (Nic.olombie), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 934 ; déclaration du juge ad hoc Gaja.
65Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 448-453, par. 308-324 ; notamment p. 452, par. 319. - 25 -

N ICARAGUA ’S ARTIFICIAL CLAIM IN THE LIGHT OF C OLOMBIA ’S INDISPUTABLE
TERRITORIAL SOVEREIGNTY OVER THE CAYS

1. Mr.President, Members of the Court, it is an honour to appear once more before this

esteemed Court to defend Colombia’s rights. It falls to me to examine what remains of

Nicaragua’s territorial claim in the light of tsovereignty that Colombia has held and exercised

31 over all of the cays since its independence by virtue of the uti possidetis juris. Essentially this has

to be realized on the basis of the fundamental instrument governing the issue: the 1928 Treaty and

its 1930 Protocol of Exchange of Ratifications.

2. My task will essentially be to explain the interpretation of this conventional law, which

has enabled the territorial dispute between Colombia and Nicaragua to be settled once and for all. I

will be addressing four issues: firstly, the fact that the 1928-1930Treaty resolves all territorial

conflicts that might have existed between the Parties; secondly, the scope of the Parties’ statements

of mutual recognition of sovereignty in Article I of the 1928 Treaty; thirdly, the scope of the 82nd

meridian limit established by the 1930Protocol; and fourthly, the specific situation of Roncador,

Quitasueño and Serrana in the light of Article I, second paragraph, of the 1928 Treaty.

3. I should first like to clarify the terminology. Unless I say otherwise, I shall use the generic

term “cays” in the plural to denote the insular featur es on which the Court is requested to rule, that

is Alburquerque, East-Southeast, Roncador, Serrana, Quitasueño, Serranilla, Bajo Nuevo and all

their appurtenant maritime features.

4. I intend to show that all the cays form part of the San Andrés Archipelago and are

therefore under Colombian sovereignty. This will not actually be a terribly complicated task.

However, before interpreting the scope of the 1928-1930 Treaty, allow me, Mr. President, to take a

few moments to consider the origins of Colombian sovereignty, during the Spanish colonial period

and in the period of independence prior to the adoption of the 1928 Treaty.

A. The uti possidetis juris and State practice after independence show that
the cays form part of the San Andrés Archipelago

5. The source of Colombia’s sovereignty over the San Andrés Archipelago is to be found in

the Royal Decree of 1803, to which the Court has previously referred in its Judgment in the - 26 -

66
Nicaragua v. Honduras case . At the request of the people of San Andrés, this decree restored the

jurisdiction of the Viceroyalty of Santa Fé, or New Granada, over the archipelago and the Mosquito
32

Coast. The sketch-map that you can see on the scr een shows the extent of the Viceroyalty of

Santa Fé, or New Granada, the colonial administrative division out of which was born the Republic

of Colombia. This was the situation in 1810, when the people of the Viceroyalty of SantaFé or

New Granada initiated the process of independence. By virtue of the uti possidetis juris , the

archipelago became Colombian. Since indepe ndence, Colombia has continually exercised

sovereignty over the whole of the archipelago 67, with the exception of the Corn Islands, as it does

to this day.

6. For Nicaragua, at the time of independence, the archipelago consisted solely of the islands

of San Andrés, Providencia, Sant a Catalina and the Corn Islands, together with their surrounding

68
islets . The cays, again if we are to believe Nicaragua, did not form part of the archipelago, falling

rather under the sovereignty of Nicaragua, like the ar chipelago itself. As we shall see, there is no

justification for this interpretation, which has been fabricated for the purposes of the pleadings.

7. With your permission, Members of the Court, I should like to mention four facts which

seem to me to be unchallenged and which shed light on the question of which administrative

division was exercising jurisdiction over the cays at the moment of independence. Firstly, the

Parties agree that all the cays were under Spanish sovereignty during the colonial period. Secondly,

it is not disputed that a Spanish authority was established on the island of San Andrés 69. Thirdly,

there is no disagreement about the fact that specific surveys of these cays were carried out and that

agents of the Spanish Crown visited them, through the Viceroyalty of New Granada 70. Fourthly, it

is also undisputed that there was no Spanish au thority established on the Mosquito Coast, where

71
Spain did not exercise real and effective control . Nicaragua acknowledges in its Reply that, of

66
Territorial and Maritime Dispute between Nica ragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 709, para. 161.
67
CMC, pp. 88-146, paras. 3.15-3.151.
6RN, p. 40, para. 1.52, p. 41, para. 1.55, p. 48, para. 1.75.

6MN, p.38, para.1.67 and p.125, para.2.141; CMC, p.83, para.3.7, pp.86-87, para.3.12, p.88,
paras. 3.15-3.16; RN, p. 40, para. 1.52.

7CMC, pp. 39-42, paras. 2.41-2.44; RN, pp. 41-42, paras. 1.56-1.59.
71
Report issued by the Junta of Fortifications and Defense, Madrid, 21 October 1803, MN, Vol. II, Ann. 5; CMC,
Vol. II-A, Ann. 21. - 27 -

Spain’s possessions in the Caribbean Sea, which included the cays, the two most important stations

33 were Havana and Cartagena 72. During the period prior to independence, Spain’s activities relating

to the cays originated either in Cartagena, or on the island of San Andrés itself, but never had any

connection with Nicaragua, which was a province on the Pacific coast under the Captaincy-General

of Guatemala.

8. After independence, Nicaragua did not make any claims in respect of the cays that are

under consideration by the Court until 1913, wh en it claimed the whole of the San Andrés

Archipelago. According to its counsel, “[i]t was not until it had established control over the

Atlantic coast that Nicaragua was able to set its sights on the adjacent islands” 7.

9. As we know, on 11 September 1900 the French President, Emile Loubet, made an arbitral

award relating to the boundary dispute between Colombia and Costa Rica, the relevant section of

which reads as follows:

“With regard to the islands situated farther from the continent and comprised
between the Mosquito coast and the Isthmus of Panama, especially Mangle Chico,
Mangle Grande, Albulquerque Keys, San Andres, Santa Catalina, Providencia, Escudo

de Veraguas, as well as any other islands, isle ts and bars which formerly belonged to
the ancient province of Cartagena under the denomination of Canton of San Andres, it
is understood that the territory of these is lands, without any exception, belong to the
74
United States of Colombia.”

10. Nicaragua protested against this award, but only with regard to the features that it

believed to be under its sovereignty. Let us take a look at them on the screen. They were the Corn

Islands and the islets and cays lying between the 11th and 15th parallels of latitude north and [until]

75
the meridian equivalent to 82°09'45" longitude west of Greenwich . Obviously this does not

therefore include any of the cays that it is claiming today, which had been recognized as

Colombian by President Loubet, and which lie outsi de the demarcation lines designated with great

precision by Nicaragua itself.

72
RN, p. 42, para. 1.59.
73CR 2012/8, p. 35, para. 12 (Remiro Brotóns).

74Award relating to the boundary dispute betweenColombia and Costa Rica, 11 September 1900, UN, RIAA ,
Vol.28, p.345 [in French only; in English in Papers relating to the Foreign Relations of the United States , 1915, doc.
No. 1000, p 787].

75Diplomatic Note from the Nicaraguan Mi nister in Paris, Mr. Crisanto Medi na, to the French Foreign Minister,
Mr. Delcassé, 22 September 1900, CMC, Anns., Vol. II-A, Ann. 32. - 28 -

11. By contrast, at this time the Colombian position on the extent of the San Andrés

Archipelago and on its sovereignty over all of th e islands and cays of which it is composed was

34 perfectly established. This is demonstrated by th e fact that this position was recognized by third

States, such as Great Britain in 1874 and, subsequently, all of the neighbouring States and other

States76.

12. The forcible occupation of the Corn Islands by Nicaragua in 1890 prompted the

following statement from the Colombian Foreign Minister, Jorge Holguín, to Congress:

“Colombia has upheld, upholds and will continue to uphold, until the end of
time, that the islands of the Archipelago of San Andrés, formed by three groups of
islands that spread from the coasts of Central America, facing Nicaragua, to the cay of

Serranilla between latitude 15°52 north and longitude 80° 20 west of the Greenwich
meridian, the first of these groups being fo rmed by the islands of Providencia and
Santa Catalina and the cays of Roncador, Quitasueño, Serrana, Serranilla and Bajo
Nuevo; the islands of San Andrés and the cays of Alburquerque, Courtown Bank [that

is the East-Southeast cays] and others of less importance, forming the second; and the
islands of San Luis de Mangle, such as Mangle Grande, Mangle Chico and the cays of
Las Perlas forming the third, as well as the Mosquito Coast, are its property and
77
belong to it by inheritance, under the uti possidetis of 1810.”

13. This 1896 report to Congress was reproduced in the Diplomatic and Consular Annals of

Colombia in 1914, that is to say immediately after Ni caragua made its first claim to sovereignty

over the whole of the San Andrés Archipelago in 1913. This document originates from a public

authority that was able to engage Colombia inte rnationally; it was produced in the context of

Colombia’s territorial dispute with Nicaragua and received significant publicity. Nicaragua was

not unaware of Colombia’s views on the extent of the archipelago.

14. Throughout the proceedings, Nicaragua has remained remarkably silent on these two

fundamental documents: its response to Loubet and Holguín’s description. This is understandable,

as they leave no doubt about the Parties’ respective claims to the islands.

15. Practice throughout this period shows without a shadow of a doubt that the cays in

question were regarded as forming part of the San Andrés Archipelago. My colleague, Mr. Bundy,

will be addressing that issue. What do we find on the Nicaraguan side? No individual claims to

these cays whatsoever, either before or during the conclusion of the treaty, or for decades after it

76
CMC, pp. 47-48, paras. 2.50-2.52, pp. 189-201, paras. 4.78-4.102, pp. 220-238, paras. 4.140-4.188.
77
Ibid., p. 52, para. 2.59 and Ann. 89. - 29 -

had entered into force. The fact is that Nicaragua has tended to remain silent in the face of acts by

Colombia and third States, even though they have required a response, whereas Colombia defended

its sovereignty when the United States and Great Britain engaged in activities on these cays 78. This
35

attitude stands in stark contrast to Nicaragua’s protests when activities were carried out by British

subjects on the Miskito and Morrison Cays 79. Nicaragua was therefore perfectly well aware of

what it needed to do if it regarded itself as having sovereignty over the cays that it is claiming

today. And yet, it did nothing. It left it up to Colombia, the only State of the two to regard itself as

80
having sovereignty and to have behaved accordingly. “Qui tacet consentire videtur.”

16. To sum up, Members of the Court:

⎯ the Royal Decree of 1803,

⎯ the actual presence on the archipelago of an administration belonging initially to the

Viceroyalty of New Granada (or Santa Fé) and then to the independent Colombia, exercising

acts of authority over the cays,

⎯ the complete failure of Nicaragua to contest this situation, except in relation to the Corn Islands

at the end of the nineteenth century,

⎯ the fact that only Colombia responded to activiti es or claims by other powers in respect of

certain cays, and

⎯ the positions publicly displayed by both Colombia and Nicaragua

reveal that in 1913, when Nicaragua decided to lay claim for the first time to the whole of the San

Andrés Archipelago, the latter included all of the cays, and that for a century Colombia was the

only one of the two States not only to claim, but also to exercise, sovereignty over those cays.

The PRESIDENT: I am sorry to interrupt you, Professor Kohen, but I think that this would

be a good time to take our traditional coffee break of 15minutes. The sitting is suspended for

15 minutes.

The Court adjourned from 4.20 p.m. to 4.40 p.m.

7CMC, pp. 150-170, paras. 4.3-4.47, pp. 193-204, paras. 4.86-4.110.
79
Ibid., pp. 201-203, paras. 4.103-4.108.
8Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 23. - 30 -

36 The PRESIDENT: Please be seated. The hearing is resumed and you have the floor,

Mr. Kohen.

Mr. KOHEN: Thank you, Mr. President.

B. The territorial dispute can be settled by interpreting

the 1928-1930 Treaty

17. Mr. President, I now turn to the interpretation of the relevant provisions of the treaty, in

accordance with the rules laid down in Article 31 of the Vienna Convention on the Law of Treaties,

81
which reflects the customary law .

18. One of the first questions raised by Nicaragua’s position is whether the 1928-1930 Treaty

left a territorial dispute pending between the two countries. The 1928 Treaty is quite unambiguous.

It begins with the following sentence: “The Re public of Colombia and the Republic of Nicaragua,

desirous of putting an end to the territorial dis pute between them, and to strengthen the traditional

82
ties of friendship which unite them, have decided to conclude the present Treaty” .

19. “[P]utting an end to the territorial dispute” means, no more and no less, that after the

entry into force of the 1928-1930 Treaty, any territorial conflict between the two States was settled.

No territorial disputes therefore remained. Th ere is absolutely no doubt that the Court’s

jurisprudence supports this interpretation 83.

20. The interpretation now being put forward by the Applicant presupposes that the Parties

left the appurtenance of the cays vague in 1928-1930. In the words of its counsel on Monday, “that

37
territorial dispute did not relate, in an undifferentiated and vague manner, to all of the islands in the

8Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiri ya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p.21, para.41; Maritime
Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction and Admissibility,

Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 18, para. 33; Oil Platforms (Islamic Republic of Iran v. United States of America),
Preliminary Objection, Judgmen t, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 812, para. 23; Aerial Incident of 10August1999
(Pakistan v. India), Jurisdiction, Judgment, I.C.J. Reports 2000, p. 1059, para. 18; LaGrand (Germany v. United States
of America), Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 501, para. 99; Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
(Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002, p. 645, para. 37Legal Consequences of the Construction of a
Wall in the Occupied Palestinian Territory, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 2004 (I), p. 174, para. 94; Legality of Use
of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Ob jections, Judgment, I.C.J. Reports 2004(I), p. 318,
para. 100.

8Treaty concerning Territorial Questions at Issue between Colombia and Nicaragua, 24March 1928 , MN,
Vol. II, Ann. 19; CMC, Vol. II-A, Ann. 1; I.C.J. Reports 2007, p. 842, para. 18.
83
Sovereignty over Certain Frontier Land (Belgium /Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1959, pp. 221-222,
also cited in Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 24, para. 47. Cf. also
Interpretation of Article3, Paragraph2, of the Treaty of Lausanne, Advisory Opinion, 1925P.C.I.J., SeriesB, No.12,
p. 20; Jaworzina, Advisory Opinion, 1923, P.C.I.J., Series B, No. 8, p. 28. - 31 -

Caribbean Sea” . However, Mr. President, not only did Colombia claim and exercise sovereignty

over the cays at the time when the 1928-1930Treat y was concluded, it also explicitly regarded

them as forming part of the San Andrés Archipel ago. For its part, with the exception of the

CornIslands, Nicaragua had never ⎯ I repeat, never ⎯ laid claim individually to these cays and

never exercised the slightest effectivité there. You cannot have it both ways: either Nicaragua was

claiming the cays because they formed part of the archipelago, or there was no dispute because

Nicaragua was not claiming them in the light of Colombia’s clearly manifested sovereignty over

them. This dilemma cannot have escaped our colleagues on the other side of the Bar.

21. Nevertheless, Mr. President, let us analy se the contorted legal arguments put forward by

the Applicant in pursuit of a formal claim in which it clearly no longer believes, if it ever did so for

one moment. According to Nicaragua, the San A ndrés Archipelago consists solely of the three

main islands named in Article I of the 1928 Treaty and the nearby surrounding islets. “Conversely

[I am citing Nicaragua’s counsel], also on the basis of this instrument, all maritime features not

forming part of that archipelago belong to Nicaragua as appurtenances of the Mosquito Coast.” 85

This is a typical non sequitur , for which the interpretation of the treaty clearly provides no

justification whatsoever.

22. Let us then examine what the Parties really did concede to each other when they

concluded the 1928-1930 Treaty. Article I, first paragraph, reads, and I quote:

“The Republic of Colombia recognises the full and entire sovereignty of the
Republic of Nicaragua over the Mosquito Co ast between Cape Gracias a Dios and the

San Juan River, and over Mangle Grande a nd Mangle Chico Islands in the Atlantic
Ocean (Great Corn Island and Little Corn Island). The Republic of Nicaragua
recognises the full and entire sovereignty of the Republic of Colombia over the islands
of San Andrés, Providencia and Santa Cata lina and over the other islands, islets and

reefs forming part of the San Andrés Archipelago.”

38 23. I will pause for a moment to consider th e use of the verb “recognize” and its legal scope.

I cite your Judgment in the Libya/Chad case: “[t]o recognize a frontier is essentially to ‘accept’

that frontier, that is, to draw legal consequences from its existence, to respect it and to renounce the

86
right to contest it in future” . That statement concerns a frontier established by a treaty, but

8CR 2012/8, p. 62, para. 38 (Pellet).
85
Ibid., p. 34, para. 7 (Remiro Brotóns); RN, p. 55, para. 1.97.
8Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994, p. 22, para. 42. - 32 -

obviously the same goes for sovereignty over a strip of land or over isla nds. Nicaragua’s conduct

constitutes a flagrant example of not respecting such a formal recognition of sovereignty, enshrined

in a territorial treaty.

24. I now turn to the territorial scope of the statements of recognition made by the two

Parties. On Monday, Nicaragua’s counsel men tioned a note which the Colombian Minister in

Managua, Manuel Esguerra, sent to the Colombian Minister and to his country’s legation in

87
Washington in 1927 . The counsel overlooked one small detail in the same paragraph that he

cited. After mentioning that Nicaragua was claiming the whole of the San Andrés Archipelago,

Mr. Esguerra, the Colombian Minister in Managua, stated:

“[A]s you are aware of ⎯ this Archipelago is formed by the islands of San
Andrés, Providencia, Santa Catalina, Great Corn Island and Little Corn Island, and the
cays of Alburquerque, Cowton [Courtown ], Roncador, Quitasueño, Serrana,
88
Serranilla, Bajo Nuevo and Morrison.”

Members of the Court, this person is no more and no less than the one who negotiated and signed

the 1928Treaty. Is there the slightest doubt, Mr.President, that the cays ⎯ all the cays ⎯

appertain to the San Andrés Archipelago?

25. Colombia has demonstrated that the cays form part of the archipelago and that it has

always administered them, both before and after the entry into force of the 1928-1930 Treaty. The

89
evidence of this is plentiful and unambiguous . I could actually stop my analysis here. For the

sake of completeness, I am now going to explain that the expression “the Mosquito Coast”, as it
39
90
appears in Article I, cannot possibly include the cays on which you will be ruling . There are four

fundamental reasons for this.

26. Firstly, it should be sufficient to say that the noun “coast” can hardly replace the terms

“islands, islets and cays” when it is precisely a qu estion of defining islands, islets and cays.

Secondly, how could the expression “Mosquito Coast” encompass cays lying up to more than

200nautical miles offshore, when the treaty itself speaks of Nicaragua having sovereignty over

“the Mosquito Coast . . . and over Mangle Grande and Mangle Chico Islands in the Atlantic Ocean

87CR [2012]/8, p. 36, para. 19 (Remiro Brotóns).
88
CMC, Vol. II-A, p. 399, Ann. 112.
89
CMC, pp. 36-75, paras. 2.32-2.98, pp. 91-147, paras. 3.24-3.156; RC, pp. 77-82, paras. 2.86-2.91.
90RN, pp. 29 and 55, paras. 1.20 and 1.96. - 33 -

(Great Corn Island and Little Corn Island)”? There seems little sense in mentioning by name

islands that are closer to the coast (and to which the notions of “depe ndence”, “adjacency” or

“proximity” could more easily be applied) and no t doing likewise for islands that lie much further

away “in the Atlantic Ocean”. Thirdly, Nicaragua laid claim to the Corn Islands and took

possession of them in 1890, despite Colombia’s protest s, on the basis that they formed part of the

archipelago 91. If Nicaragua had had designs on the cays that it is claiming today, why did it do

nothing, why did it not claim any of them? On Mo nday, its counsel asserted that “Nicaragua had

no other means than protest” 9. So be it. In that case, where are Nicaragua’s protests or claims

regarding Alburquerque? East-Southeast? Roncador ? Quitasueño? Serrana? Serranilla? Bajo

Nuevo? Fourthly, Nicaragua cannot rely on both an exte nsive interpretation of the expression

“Mosquito Coast and Corn Islands” and a restric tive interpretation of an expression which is by

definition meant to be extensive: “the islands of San Andrés, Providencia and Santa Catalina and

over the other islands, islets and reefs forming part of the San Andrés Archipelago”.

27. Mr.President, there is no need for me to rebut Nicaragua’s arguments regarding

sovereignty based on the proximity of the cays to the coasts or the fact that they lie on Nicaragua’s

93
alleged continental shelf . The Court has already rejected a claim based on proximity or

adjacency of coasts in the same part of the Ca ribbean, observing that the cays in dispute between

40 Honduras and Nicaragua are “located considerably offshore and not obviously adjacent to the

mainland coast of Nicaragua or Honduras” 94. The cays in question lie between 27 and 41 nautical

miles from the land boundary between Honduras and Nicaragua. What are we to make then of the

cays in the present case? The closest to the Mosquito Coast (Alburquerque) lies 106 nautical miles

offshore and the furthest (Bajo Nuevo) is 266nau tical miles away; moreover, unlike the cays in

the Nicaragua v. Honduras case, they have been under the effective administration of another State

since independence. Furthermore, the argument that the cays lie on the continental shelf which

constitutes the prolongation of the Mosquito Coast has also been rejected by the Court. The Court

91
Diplomatic Note of 5November1890, addressed to Nicaragua’s Foreign Affairs Minister by Colombia’s
Foreign Affairs Minister; POC, Vol. II, Ann. 3.
92
CR 2012/8, p. 47, para. 74 (Remiro Brotóns).
93RC, Vol. I, pp. 44-58, paras. 2.23-2.51 and pp. 70-74, paras. 2.70-2.79.

94Territorial and Maritime Dispute between Nicragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 709, para. 163. - 34 -

95
has confirmed several times that “the land dominates the sea” ; it is therefore the territory that

generates a title to the continental shelf, and not vice versa.

28. Mr. President, Members of the Court, Co lombia has already provided ample evidence to

show that these cays were administered by Colomb ia. Moreover, when the Mosquito Coast was in

effect a British protectorate, not only did Great Britain not lay claim to the cays, but on the

96
contrary, it recognized that they were under Colombian sovereignty .

29. Colombia’s position is also amply confirme d by the cartography, both of the two Parties

97
and of third States . I will focus on the official Colombian maps that were drawn up just before

and immediately after the 1928-1930Treaty was c oncluded. On the screen you have a map of

Colombia from 1920, including an inset map entitled ⎯ and I will translate it ⎯ “Inset map

[‘Cartela’ in Spanish] of the Archipelago of San Andrés and Providencia belonging to the Republic

of Colombia”, showing the cays which Nicaragua now seems to be unaware form part of the

98
archipelago . The map you are looking at now is a similar official map, but this time dating from

41 1931, that is to say several months after the entry into force of the 1928-1930Treaty. Again you

will find an “Inset map of the Archipelago of San Andrés and Providencia belonging to the

Republic of Colombia”, on which all of the cays in question are shown. The only difference of

note is that this map identifies the 82nd meridian and that the words “Republic of Nicaragua” have

been added to the west of the meridian. Clearly, this map is a probative graphical interpretation of

the treaty arrangement of 1928-1930 between Colombia and Nicaragua. Once again, no reaction

was forthcoming from the Nicaraguan side. On Mo nday, Nicaragua’s counsel used a similar map,

99
but dated 1951 . He went looking for a needle in a bazaa r, but failed to see the elephant right in

front of him. He focused on the place where the names of the States appear to the east and west of

the 82nd meridian, but did not notice that all the ca ys which Nicaragua maintains do not form part

of the archipelago are listed under the title of the in set map: “Inset map of the Archipelago of San

95
Maritime Delimitation and Territorial Ques tions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Judgment,
I.C.J. Reports 2001, p. 97, para. 185; Territorial and Maritime Dispute btween Nicaragua and Honduras in the
Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 696, para. 113.
96
CMC, pp. 189-190, paras. [4].78-[4].93.
97
Ibid., pp. 60-74, paras. 2.78-2.97.
98Ibid., figs. 2.11 and 2.13.

99CR 2012/8, p. 55, para. 20 (Pellet). - 35 -

Andrés and Providencia”. All the insets of these maps are similar. The one on the 1920map

shows the Corn Islands as falling under Colombia n sovereignty. Our opponent’s cartographic

exercise may be imaginative, but given the co mpletely unambiguous titles of the inset maps, it

proves to be entirely moot. For its counsel’s argum ent to be credible, the inset maps would have

had to show only the portion that he zoomed in on before the Court, which amounts to one

sixteenth of their actual content. Unfortunately for the Applicant, there is not the shadow of a

doubt that they actually cover all the cays.

30. In fact, on the Nicaraguan side there is not hing, absolutely nothing, to support a claim of

any kind over these cays. It was not until 1972 that Nicaragua made an initial claim relating to

Roncador, Quitasueño and Serrana (a fter laying claim to the continental shelf near Quitasueño in

1969), and not until 1980 that it claimed the other cays in the “White Paper”, without ever naming

them, but defining them as “surrounding territories (‘territorios circundantes’)” of San Andrés and

100
Providencia . In support of this, Nicaragua alleged at the time that the 1928-1930 Treaty was null

and void and that the cays were appurtenances of the ⎯ allegedly Nicaraguan ⎯ continental shelf.

42 31. The Applicant seems to be afflicted by seasickness when it ventures into the waters of

the Caribbean to establish which cays appertain to the San Andrés Archipelago and which do not.

Even in its Application instituting proceedings , Nicaragua recognized that the Alburquerque,

East-Southeast and Bajo Nuevo cays should be rega rded as “appurtenant islands and keys” of the

islands of Providencia, San Andrés and Santa Catalina. Indeed, its first request to the Court was

“to adjudge and declare... that the Republic of Nicaragua has sovereignty over the islands of

Providencia, San Andres and Santa Catalina and all the appurtenant islands and keys, and also

over the Roncador, Serrana, Serranilla and Quitasueño keys” 101. It was not until later in the

proceedings that Nicaragua asserted for the first time that Alburquerque, East-Southeast and Bajo

Nuevo did not form part of the archipelago 10. This week, Nicaragua has abandoned its claim to

Alburquerque and East-Southeast, if we are to believe the graphical interpretation presented by its

100
“Declaration concerning the islands of San Andrés, Providencia and surrounding territories” of the Junta of the
Government of National Reconstruction of Nicaragua, 4February 1980, MN, Vol. II, Ann.73: Ministerio del Exterior,
White Paper (Libro Blanco sobre el caso de San Andrés y Providencia).
101
Application instituting proceedings, para. 8, first submission; emphasis added.
10MN, p. 265, submission 2. - 36 -

counsel on Monday 103. Admittedly, Mr.President, given how Nicaragua has conducted itself in

these proceedings, I dare not say whether this claim will resurface or not next week.

32. To sum up on this point, Members of the C ourt, the resulting interpretation of Article I,

first paragraph, is perfectly unambiguous: the wo rding, its context, the object and purpose of the

treaty and the conduct of the Parties all show that the cays on which you have jurisdiction to rule

are those referred to in the phrase “the other islands, islets and reefs forming part of the San Andrés

Archipelago”.

C. The 1930 Protocol puts a definitive end to any Nicaraguan claims regarding those cays

that remain under consideration

33. I now come to the clause which the Par ties included in the Protocol of Ratification

of1930 specifying that the San Andrés Archipelago does not extend west of the 82nd meridian.

This was added at the request of Nicaragua, whic h wanted to prevent Colombia from laying claim

to the cays situated close to the Nicaraguan coast 104, the most important of these being the Miskito
43

Cays.

T3ro.f ⎯ but nevertheless important ⎯ points should be made at this juncture.

Firstly, Nicaragua’s fears, which explain the ex istence of this clause, immediately nullify the

Applicant’s theory that the expression “the other is lands, islets and cays forming part of the San

Andrés Archipelago” refers solely to the islets in the immediate vicinity of the three main islands.

Secondly, those fears also negate the argument that the cays in question are a long way from the

main islands and cannot, therefore, form part of the “San Andrés Archipelago”.

35. The 82nd meridian is, at the very least, a territorial allocation line 105. A meridian runs

from north to south, dividing the surface of the earth. The 82ndmeridian separates Colombian

territory to the east from Nicaraguan territory to the west, up to the point where it reaches third

States to the north and south. It is as simple as that. Nicaragua simply laid no claim at all to

territory east of the 82nd meridian.

10Nicaragua, judges’ folder, 23April 2012, tabs26 to 29 [AP1-4 to AP1-7]; CR2012/8, pp.52-63, paras.16-
40 (Pellet).
104
MN, p. 7, para. 16, and p. 176, para. 2.251; MN, Vol. II, Ann. 80; and CMC, Vol. II-A, Ann. 199.
10CR 2012/8, p. 59, para. 29 (Pellet). - 37 -

36. On Monday, Nicaragua’s counsel claimed that the purpose of the 82ndmeridian was to

separate the Corn Islands fro m the San Andrés Archipelago 106. This is a good example of how to

107
disregard the principle of useful effect in the interpretation of treaties . The 1930 Protocol is thus

deprived of any effect, as ArticleI of the Treat y had already explicitly recognized that the Corn

Islands were Nicaraguan.

44 37. We know that Nicaragua’s fears related sp ecifically to the other cays close to its coast,

particularly the Miskito Cays 108. Let us look at the sketch-map. You can see that the Miskito Cays

are situated to the west of the 82nd meridian. They are at almost the same latitude as Quitasueño

and Serrana. If Nicaragua had claims to make on t hose cays and on the others lying to the east of

the 82ndmeridian, it should have asked for anot her line to be drawn, even one with several

sections, or requested a perimeter line around the thr ee main islands. For example, as indicated in

the Arbitral Award in Guinea v. Guinea-Bissau 109, France and Portugal established a perimeter line

around a number of Portuguese islands by means of the Franco-Portuguese Convention of 1885,

leaving all of the remaining insular features under French sovereignty.

Th8e. travaux préparatoires confirm this interpretation without a shadow of a doubt.

When Nicaragua requested the inclusion of the cl ause pertaining to the 82nd meridian, it used the

nautical chart published by the United States Hydrographic Office in 1885 110. That chart identifies

the 82ndmeridian, as well as the cays to which Nica ragua is now laying claim. If the Applicant

regarded itself as having sovereignty over those cays ⎯ over which Colombia was exercising

sovereignty ⎯ why did it say nothing and make no proposals in that regard? Again, the answer is

106
CR 2012/8, p. 60, para. 30 (Pellet).
10Lighthouses case between France and Greece, Judgment, 1934, P. C.I.J., SeriesA/B, No.62 , p.27; Corfu

Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judgm ent, I.C.J. Reports 1949 , p.24; Interpretation of Peace Treaties
with Bulgaria, Hungary and Romania, Second Phas e, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1950 , pp. 228-229;
Anglo-Iranian Oil Co. (United Kingdom v. Iran), Preliminary Objection, Judgment , I.C.J. Reports 1952, p.105; Legal
Consequences for States of the Continued Presence of South Africa in Namibia (South West Africa) notwithstanding
Security Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971, p. 35, para. 66; Aegean Sea Continental
Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports 1978 , p.22, para.52; Territorial Dispute (Libyan Arab
Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Reports 1994 , p.25, para.51; Maritime Delimitation and Territorial Questions
between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Jurisdiction and Admissib ility, Judgment, I.C.J. Reports 1995 , p.19,

para. 35; Application of the International Convention on the Elimination of all Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011, pp. 51-52, para. 133.
10See pp. 13-14 above, paras. 19-21.

10Delimitation of the Maritime Boundary between Guinea and Guinea-Bissau , Arbitral Award of
14 February 1985, United Nations, RIAA, Vol. XIX, p. 167, para. 45, and p. 169, para. 47.

11MN, p. 7, para. 16; and CMC, p. 265, para. 5.50, and Vol. III, Figure 5.1. - 38 -

simple. Nicaragua asked that a vertical line be drawn in order to protect those cays to which it had

a genuine claim and which could potentially be regarded as belonging to the San Andrés

Archipelago. This had nothing to do with the seven cays that we are discussing today.

39. Members of the Court, everything points to this interpretation. The Nicaraguan Minister

for Foreign Affairs explained before the Senate that the 82ndmeridian indicated “the geographic

limit between the archipelagos in dispute” 11. Nicaragua’s counsel placed considerable emphasis

on the Spanish word “límite”, which in his view was wrongly translated as “boundary” in

112
Colombia’s pleadings . However, the Nicaraguan Minister refe rs approvingly to the fact that his

Colombian colleague considered that the refere nce to the meridian “demarcated the dividing
45
113
line” . Boundary? Limit? A boundary delimits the extent of State competences on either side of

it, or, to use the wording of the Arbitral Award in Guinea-Bissau v. Senegal: “An international

frontier is a line formed by the successive extremitie s of the area of validity in space of the norms

of the legal order of a particular State” 11. Mr.President, I could produce a long list of Latin

American treaties establishing boundaries that are called “tratados de límites”. Choosing one at

random, there is the “Tratado de Límites” of 15April 1858 establishing the boundary between

Nicaragua and Costa Rica 115. Or there is the Honduro-Nicaraguan Comisión Mixta de Límites

established by the Gamez-Bonilla Treaty, which th e Court has translated as “Mixed Boundary

Commission” (Arbitral Award Made by the King of Spain on 23December1906 (Honduras v.

Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 1960 , p.199). Regardless of the term used, the

establishment of a boundary or limit along the 82nd meridian precludes the possibility of Nicaragua

having any claim at all to the east of that meridian.

111
Minutes of Session XLIX of the Chamber of the Se nate of the Nicaraguan Congress, 5March1930, MN,
Vol. II, Ann. 80, p. 259, and CMC, Vol. II-A, Ann. 199, p. 736.
112
CR 2012/8, p. 59, para. 29 (Pellet).
11Minutes of Session XLIX of the Chamber of the Se nate of the Nicaraguan Congress, 5March1930, MN,
Vol. II, Ann. 80, p. 259, and CMC, Vol. II-A, Ann. 199, p. 736.

11Case concerning the Delimitation of Maritime Boundary between Guinea-Bi ssau and Senegal, Arbitral Award
of 29 July 1989, United Nations, RIAA, Vol. XX, p. 144, para. 63.

11Dispute regarding Navigational and Related Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 2009,
p. 229, para. 19. - 39 -

40. Members of the Court, can it seriously be imagined that Nicaraguan sovereignty

leapfrogs the 82nd meridian and the Colombian isla nds, and then becomes established to the east,

north-east and south-east beyond them? That cannot possibly be the case.

41. The Nicaraguan Minister for Foreign Affairs at the time of the 1930 Protocol was right to

indicate ⎯ and I quote him again ⎯ that: “this clarification [of the Protocol of Ratification] was a

need for the future of both nations, as it came to establish the geographical boundary between the

116
archipelagos in dispute, without which the question would not be completely defined” .

D. The situation of Quitasueño, Roncador and Serrana under the 1928-1930 Treaty

46 42. The second paragraph of Article I of the Treaty refers explicitly to three cays: Roncador,

Quitasueño and Serrana. The English and French translations provided by the League of Nations

are incorrect. The original Spanish text reads as follows: “No se consideran incluidos en este

Tratado los cayos Roncador, Quitasueño y Serrana, el dominio de los cuales está en litigio entre

Colombia y los Estados Unidos de América”. The League of Nations document which the Court

used for information purposes in 2007 translates “N o se consideran incluidos en este Tratado los

cayos Roncador, Quitasueño y Serrana” as “The present Treaty does not apply to the reefs of

Roncador, Quitasueño and Serrana”. A more precise translation would be “The cays of Roncador,

Quitasueño and Serrana are not considered to be included in the present Treaty” 117. The Judgment

of 13December2007 has already noted the shortcomings of the League of Nations translation

118
regarding the term “cayos” . Colombia respectfully asks that the Court do the same at the merits

stage as regards the translation of the expression “No se consideran incluidos en este Tratado”.

43. A literal interpretation of the text, in its c ontext, reveals three things. Firstly, the three

cays form part of the archipelago. Secondly, Ni caragua does not lay claim to them and was unable

to recognize Colombian sovereignty over them in the way that it had done for the remainder of the

archipelago, because, thirdly, those cays were th e subject of a dispute between Colombia and the

United States of America.

116
Minutes of Session XLIX of the Chamber of the Se nate of the Nicaraguan Congress, 5March1930, MN,
Vol. II, Ann. 80, p. 259, and CMC, Vol. II-A, Ann. 199, p. 736.
11CMC, p. 252, para. 5.22, footnote 25.

11Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 842, para. 18. - 40 -

44. Nicaragua asserts, wrongly, that the wording of the 1928 Treaty precludes the inclusion

119
of these three cays in the archipelago . In reality, the opposite is true: the reason why the Parties

inserted this provision was that the three cays do form part of the archipelago. It was the United

States that originally demanded the inclusion of this paragraph, as it wished to avoid Nicaragua

recognizing Colombian sovereignty over cays which it claimed for itself. It should be remembered

that this United States-Colombian dispute began in 1853 and was reactivated when United States

nationals sought to extract guano without Colombian authorization 120. At no stage during any of
47

these events did Nicaragua react.

45. As we know, as soon as Colombia and Nicaragua had concluded the Esguerra-Bárcenas

Treaty in 1928, the United States and Colombia concluded the Olaya-Kellogg Agreement in order

to resolve the issue of the th ree cays. Colombia notified the Nicaraguan Government of the

conclusion of this Agreement in the following terms:

“I believe it to be pertinent to inform Your Excellency that the Cays of

Roncador, Quitasueño and Serrana having been excluded from the Treaty of 24 March
due to their being in dispute between Colombia and the United States, the Government
of the latter, recognizing Colombia as owner and sovereign of the Archipelago, of

which those cays are part, concluded with the Government of Colombia, last April, an
agreement that put an end to th e dispute, according to which the status quo on the
matter is preserved.” (Emphasis added.) 121

46. Nicaragua never contested the terms of th e Olaya-Kellogg Agreement. Nor did it object

to the assertion that Roncador, Quitasueño and Serra na formed part of the archipelago and that

Colombia held sovereignty over the latter. Such c onduct is wholly incompatible with any claim to

sovereignty.

47. It is interesting to note the internal contradictions in Nicaragua’s arguments. I would ask

three questions. Firstly, why was it necessary to include in the treaty a reference to Roncador,

Quitasueño and Serrana if these three cays did not form part of the San Andrés Archipelago?

Secondly, if Nicaragua considered that it had sovereignty over these three cays, why did it not

indicate this in the treaty, which refers only to the existence of a dispute between Colombia and the

United States in respect of those cays? Finally, if, as Nicaragua asserts, the Parties were referring

11CR 2012/8, p. 36, paras. 16-18 (Remiro Brotóns), and p. 52, para. 13 (Pellet).
120
CMC, pp. 150-164, paras. 4.3-4.31.
12Ibid., pp. 255-256, para. 5.31, Vol. II-A, Ann. 49. - 41 -

to cays that did not form part of the archipel ago, why did they not then explicitly mention

Alburquerque, East-Southeast, Serranilla or Bajo Nu evo, which Nicaragua claims sovereignty over

and which it therefore says do not form part of the archipelago?

48. There is one further point. Nicaragua’s first claim in respect of Quitasueño, Roncador

and Serrana in 1972 was not based on the fact th at the three cays did not form part of the

archipelago, or even on the principle of uti possidetis juris , but on their supposed presence on

Nicaragua’s “continental shelf”, in its “patri monial sea”, to use the words of the National
48
122
Constituent Assembly of Nicaragua of 4 October 1972 .

49. Mr.President, Members of the Court, under ArticleI, second paragraph, of the

1928Treaty, Nicaragua is precluded from making any claims to sovereignty over the cays of

Roncador, Quitasueño and Serrana 123. In fact, the Applicant has been anything but silent on this

matter: it is difficult to find a nother example of a State which ⎯ having concluded a treaty

expressly recognizing that a given area was the subject of a dispute between two other States ⎯

has proceeded to claim sovereignty over that same area several decades later.

50. The dispute between the United States and Colombia was definitively settled when the

United States relinquished its claim under the Vasquez-Saccio Treaty of 1972, coupled with
124
Colombia continuing to exercise sovereignty over the three cays .

51. To sum up the situation, Members of the Court, if there had been a dispute between

Nicaragua and Colombia as regards sovereignty over Roncador, Quitasueño and Serrana, that

dispute would have been caused by Nicaragua layi ng claim to the whole archipelago. Any such

dispute was therefore ended by the entry into fo rce of the 1928-1930 Treaty. Why? Because the

Treaty excludes these three cays alone from Nicaragua’s recognition of Colombian sovereignty

over the San Andrés Archipelago, in order to prevent Nicaragua from taking a position on the

dispute between Colombia and the United Stat es. Because Nicaragua has acknowledged, through

the 1930 Protocol, which established that the 82nd meridian was the “limit of the archipelago”, that

these three cays do not belong to Nicaragua. Because the purpose of the 1928 Treaty and the 1930

12MN, p. 133, para. 2.158, and p. 136, para. 2.166.
123
Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 40.
12CMC, pp. 174-188, paras. 4.51-4.77. - 42 -

Protocol was to put an end to all territorial disputes between Colombia and Nicaragua. Because the

only other State to lay claim to sovereignty over the three cays relinquished that claim under the

Treaty of 1972. Because Colombia has continued to perform acts à titre de souverain in respect of

the three cays following the entry into force of the 1928-1930 Treaty, with Nicaragua failing to

49 make any claims until 1972. And finally, because th is very belated claim by Nicaragua is based

solely on the three cays supposedly be ing located on a continental shelf ⎯ an argument that is

legally untenable, and indeed impossible: the fact is that the legal concept of a continental shelf did

not exist in 1928.

Conclusions

52. Mr.President, Members of the Court, I should like to conclude by providing the

following summary of the situation as regards territorial sovereignty. One Party is able to rely on a

title which existed at the moment that it gained independence, as well as a territorial treaty

categorically confirming that title. One Party is able to rely on colonial and post-colonial

effectivités. One Party is able to rely on broad intern ational recognition of its title of sovereignty,

including recognition by the very State which has now come before you to claim sovereignty. One

Party is able to present unambiguous cartographi c evidence. And what does the opposing Party

have to offer? A belated claim which changes its shape as the case develops, which ends up being

based on supposed geographical proximity to a dist ant coast and, ultimately, on an allegedly

geological argument that is, in reality, fanciful and puts the cart before the horse ⎯ i.e., the

continental shelf before the territory in question. There is also the fact that Nicaragua was silent for

decades following the conclusion of the 1928-1930 Treaty, while Colombia publicly and peacefully

exercised its sovereignty over the cays to which Ni caragua is now laying claim. To use the words

of the Court, that silence speaks volumes, sinc e Colombia’s conduct called for a response on the

part of Nicaragua if it considered itself to have sovereignty over that territory 125.

125
Sovereignty over Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Le dge (Malaysia/Singapore),
Judgment, I.C.J. Reports 2008, p. 51, para. 121. - 43 -

53. Mr.President, let me stress the profoundly destabilizing nature of Nicaragua’s conduct.

126
Its claim runs counter not only to the princi ple of the stability of territorial settlements but also

to another fundamental principle governing internat ional relations, flagrant violations of which

should be treated only in a firm and categorical way: the principle of pacta sunt servanda.

50 54. Members of the Court, thank you for your attention. Mr. President, I would ask that you

now give the floor to Mr. Rodman Bundy.

The PRESIDENT: Thank you, Mr. Kohen. Je donne la parole à M. Bundy. Monsieur, vous

avez la parole.

M. BUNDY : Merci beaucoup, Monsieur le président.

4. L’ADMINISTRATION ET LE CONTRÔLE EXERCÉS PAR LA COLOMBIE

SUR CES ÎLES CONFIRMENT SON TITRE

I. Introduction et cadre juridique

1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, c’est toujours un honneur pour

moi que de me présenter devant vous. C’est également un grand privilège de représenter le

Gouvernement colombien dans la présente affaire, qui revêt pour lui une importance cruciale.

2. Mon collègue M.Kohen a expliqué que la Colombie possédait un titre sur les îles en

litige, en vertu du principe de l’uti possidetis juris , et que la question de la souveraineté sur

l’archipel de SanAndrés avait été définitivement réglée par le traité de1928 et le protocole

de1930. Il m’incombe à présent de recenser les actes d’administration et de contrôle (les

effectivités) que la Colombie a accomplis à titre de souverain à l’égard de ces îles, qui viennent

confirmer son titre aussi bien avant qu’après le traité de 1928.

3. Le principal argument de la Colombie est que les effectivités confirment bien son titre

antérieur sur les îles; en d’autres termes, les ac tivités menées par la Colombie relativement à ces

îles correspondent au titre préexistant et sont en parfaite concordance avec la situation juridique

découlant de l’accord de 1928 et du protocole de 193 0. Nul n’ignore la déclaration de la Chambre

126Territorial Dispute (Libyan Arab Jamahiriya/Chad), Judgment, I.C.J. Report, p. 37, paras. 72-73;
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.Reports2007(II) ,

p. 861, para. 89. - 44 -

en l’affaire du Différend frontalier : «Dans le cas où le fait correspond exactement au droit, où une

51 administration effective s'ajoute à l’ uti possidetis juris , l’«effectivité» n'intervient en réalité que

pour confirmer l'exercice du droit né d'un titre juridique.» ( Différend frontalier

127
(Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63.)

4. Et même lorsque les effectivités ne coexistent pas avec un titre antérieur, la Cour a malgré

tout clairement affirmé, encore tout réce mment dans l’arrêt rendu en2007 en l’affaire Nicaragua

c. Honduras, que : «[l]’existence d’un titre souverain peut être déduite de l’exercice effectif sur un

territoire donné de pouvoirs relevant de l’autorité de l’Etat» ( Différend territorial et maritime entre

le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras) , arrêt, C.I.J.

Recueil 2007 (II) , p.712, par.172). Je sais que M.RemiroBrotóns a cité ce passage lundi

(CR 2012/8, p. 45, par. 60), mais il a omis de dire que, au même paragraphe, la Cour précisait les

conditions fondamentales devant êt re réunies pour qu’une prétention de souveraineté soit retenue

⎯conditions qui s’appliquent également en la pr ésente espèce et que la Cour a établies il y a de

cela des années dans l’affaire du Groënland oriental :

«une prétention de souveraineté fondée, non pas sur quelque acte ou titre en
particulier, tel qu'un traité de cession, mais simplement sur un exercice continu
d’autorité, implique deux éléments dont l’existence, pour chacun, doit être démontrée :

l’intention et la volonté d’agir en qualité de souverain, et quelque
manifestation…effecti[ve] de cette autorité.» ( C.I.J. Recueil 2007 (II) , p.712,
par.172, citant l’affaire du Statut juridique du Groënland oriental , arrêt, 1933,

C.P.J.I., série A/B, n° 53, p. 45-46.)

2. La Colombie a exercé une administration et un contrôle effectifs sur les îles
alors que le Nicaragua n’a rien fait

5. S’agissant de la question de savoir quelle pa rtie a à la fois manifesté son intention d’agir

en qualité de souverain sur les îles et exercé cette autorité de faç on effective sur le terrain, je

retiendrai quatre éléments décisifs, qui perme ttent de replacer l’ensemble de la question des

effectivités dans une juste perspective.

127Voir aussi Différend frontalier terrestre, insulairet maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992, p. 398, par. 61 ; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria ; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p.353, par.68, p.354, par.70 et
p. 415, par. 223 ; Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Mala, arrêt, C.I.J. Recueil 2002 ,

p. 678, par. 126 ; Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 120-121, par. 47 et p. 127, par. 77). - 45 -

6. En premier lieu, la Colombie a produ it des preuves documentaires établissant qu’elle

exerçait une administration et un contrôle effectifs sur toutes les îles revendiquées par le Nicaragua

aujourd’hui. Ces effectivités —j’en donnerai quelques exemples dans la suite de mon exposé —

montrent que, contrairement à ce qui a été dit lundi, les îles de l’archipel de SanAndrés étaient

considérées comme une entité et administrées comme telle. En outre, même si la Cour a conclu

que, pour les îles de petite taille, seule une mani festation modeste de pouvoirs étatiques était

128
52 nécessaire , les preuves fournies par la Colombie sont non seulement légion mais déterminantes.

Les éléments versés au dossier démontrent en effet la diversité des activités menées par celle-ci

relativement à ces îles, activités qui sont impressionnantes tant par leur nombre (il y a littéralement

des centaines de pages de preuves documentaires dans le dossier), que par leur étendue

géographique (elles couvrent toutes les îles concernées en l’espèce), ou encore leur pérennité (les

effectivités de la Colombie remontent à plus de cent cinquante ans).

7. Je m’intéresserai à présent aux actes offici els accomplis à titre de souverain par les

autorités chargées d’administrer l’archipel, et non par des entrepreneurs privés, ainsi que

M.RemiroBrotóns l’a laissé entendre (CR2012/8, p. 45, par.63-64). La Colombie a promulgué

des lois relatives à chacune des îles, réglementé la collecte de guano ou la pêche, appliqué et fait

respecter son droit civil et pénal, effectué des travaux publics, mené des missions de recherche et

de sauvetage, publié des réglementations envi ronnementales, ou encore dressé des cartes

géographiques et marines des îles et des cayes et bancs environnants. Toutes les îles et cayes ont, à

un moment ou un autre, été l’objet d’actes administratifs de la Colombie, tant collectivement

qu’individuellement.

8. En deuxième lieu, je tiens à souligner que le Nicaragua ne peut produire le moindre

élément prouvant qu’il ait eu intention d’agir en qualité de souverain sur ces îles, et encore moins

qu’il y ait accompli un seul acte à caractère souverain. Le fait est qu’il n’a jamais mis les pieds sur

ces îles à quelque titre que ce soit (et encore moins en qualité de souverain), ni avant ni après les

accords de 1928 et de 1930.

128
Nicaragua c.Honduras, arrêt, C.I.J. recueil 2007 (II) , p.712, par.173-174. VoiStatut juridique du
Groënland oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I., série A/B, n° 53, p. 45-46, et Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan
(Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 682, par. 134. - 46 -

9. Dans ces conditions, il n’est pas surprenant que le Nicaragua ait fait entièrement

abstraction de la question des effectivités dans ses pièces de procédure écrites et qu’il n’ait produit

aucune preuve de la moindre effectivité.

10. Lundi, M. Remiro Brotóns a tenté de revenir à la charge. Il a soutenu que les effectivités

n’étaient pas pertinentes parce qu’elles ne peuvent se substituer à un titre de souveraineté antérieur

(CR 2012/8, p. 44, par. 59 et p. 48, par. 79). Mais le problème, comme vient de le montrer

M. Kohen, c’est qu’il n’existe pas la moindre trace ⎯ pas la moindre trace ⎯, pas l’ombre d’une

preuve d’un titre antérieur du Nicaragua, rien du tout.

53 11. Le conseil du Nicaragua était de toute évidence mal à l’aise avec cet argument puisqu’il a

continué à soutenir, avec l’aide de mon ami M.Pe llet, que les effectivités de la Colombie étaient

limitées et tardives (CR2012/8, p.44, par.59); qu ’elles n’avaient pas été exercées avant la date

critique ⎯ 1969, selon M. Remiro Brotóns (CR 2012/8, p. 47, par. 72), mais M. Oude Elferink a

ensuite suggéré 2001 (CR2012/8, p.59, par.54) ; qu’elles avaient été exercées par des personnes

privées (CR2012/8, p.45, par.63-64); qu’elles avaient un caractère général parce qu’elles ne

faisaient pas référence à des îles en particulier et que les actes administratifs ne précisaient jamais

les îles sur lesquelles ils portaient (CR2012/8, p. 46-47, par.70); et, enfin, qu’elles avaient été

contestées par le Nicaragua (CR2012/8, p.47, par.74; et voir M.Pellet, CR2012/8, p.53,

par. 18). C’est ce qui a été dit lundi.

12. Je montrerai que, examinées à la lumière des faits, ces assertions sont toutes absolument

fausses.

13. En troisième lieu, un autre facteur qui caractérise le comportement des Parties est

précisément l’absence de protestation de la part du Nicaragua face à l’exercice de sa souveraineté

par la Colombie. Durant la longue période (cen t cinquante ans) pendant laquelle la Colombie a

exercé des fonctions souveraines sur chacune des îles, avant la date critique de 1969 avancée par le

Nicaragua, celui-ci a gardé le silence. Ains i que la Cour l’a fait observer dans l’affaire

Malaisie/Singapour : «De telles manifestations peuvent appeler une réponse, en l’absence de

laquelle elles deviennent opposables à l’Etat en qu estion. L’absence de réaction peut tout à fait

valoir acquiescement.» (Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South - 47 -

Ledge (Malaisie/Singapour) , arrêt, C.I.J. Recueil 2008 , p.50, par.121.) Et telle est bien la

situation en l’espèce. La Partie adverse soutient qu’il y a eu des protestations, mais où ? Quand ?

14. En quatrième lieu, aucun Etat tiers ne conteste la souveraineté de la Colombie sur les îles

de l’archipel. En vertu des accords de délimitati on qu’ils ont conclus avec cette dernière, tous les

autres Etats de la région, tels que le Panama, le Co sta Rica, la Jamaïque et le Honduras, sont partis

du principe que les îles étaient colombiennes. Quant à la communauté internationale dans son

ensemble, il n’existe pas le moindre élément te ndant à indiquer qu’un Etat aurait contesté la

souveraineté de la Colombie sur les îles, et encore moins reconnu au Nicaragua quelque droit que

ce soit sur ces dernières.

54 15. En résumé, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, les faits vont tous

dans le même sens : cela fait plus d’un siècle et demi que la Colombie agit à titre de souverain sur

ces îles et que le Nicaragua ne fait rien.

3. Exemples d’effectivités colombiennes

16. Comme je l’ai déjà dit, et cont rairement à ce que nous avons entendu lundi,

l’administration des îles par la Colombie a un long passé derrière elle. Le temps qui m’est imparti,

en particulier en cette fin d’après-midi, ne me pe rmet évidemment pas de pa sser en revue tous les

actes officiels — littéralement des centaines — que la Colombie a adoptés par le passé et continue

d’adopter aujourd’hui. Il me paraît plus utile , je crois, de sélectionner plusieurs exemples

représentatifs du comportement de l’Etat, re groupés sous différents types de fonctions

administratives, afin de mettre en évidence la nature et la portée de l’exercice de son autorité

souveraine par la Colombie.

A. L’organisation politique de l’archipel de San Andrés

17. Permettez-moi d’examiner tout d’abord l’organisation politique de l’archipel de

San Andrés en tant que partie du territoire de la Colombie.

18. Depuis1803, le gouvernement local de l’ archipel a toujours été dirigé par un haut

fonctionnaire de l’administration colombienne, nom mé dans un premier temp s par la vice-royauté

de Nouvelle-Grenade puis, après l’indépendance, par la Colombie elle-même. Une liste de ces - 48 -

fonctionnaires ⎯113 au total me semble-t-il ⎯ figure à l’appendice3 du contre-mémoire de la

Colombie, dans laquelle sont également indiquées les dates auxquelles ils ont administré l’archipel.

19. En1824, la Colombie promulgua une loi relative aux divisions politiques de son

territoire, aux termes de laquelle l’archipel de San Andrés constituait l’un des cantons du pays, dont

le chef-lieu se trouvait sur l’île du même nom 129.

20. La reconnaissance par d’autres puissances de la souveraineté de la Colombie sur toutes

les îles de l’archipel remonte au XIX e siècle. Déjà en 1874, une note adressée au gouverneur de la

Jamaïque par le Colonial Office britannique indiquait très clairement que le territoire de

SanAndrés et Providencia comprenait non seuleme nt les îles du même nom, mais également

55 Serrana, les cayes de Serranilla et d’Alburquerque, ainsi que Roncador et Courtown (autre nom des

130
cayes de l’Est-Sud-Est) . Cette note indiquait très clairement que les îles paraissaient relever de

la souveraineté de la Colombie conformément au décret royal de 1803, dont M. Kohen a parlé.

o
21. En 1912, la Colombie promulgua une loi (la loi colombienne n 52 de 1912) en vertu de

laquelle fut créée l’ Intendencia Nacional de SanAndrés et Providencia 131 et qui contenait des

dispositions fiscales relatives à ces îles ; elle prévoyait que les communications entre l’archipel et

le continent seraient assurées par un navire du gouvernement national et autorisait le gouvernement

à édifier des phares sur l’île.

22. Un décret présidentiel fut pris la même année ⎯ en 1912 ⎯ qui autorisait le responsable

local, l’Intendente, à délivrer des permis pour la pêche a ux perles ainsi que pour l’exploitation du

corail, des tortues, des écailles de tortue, du guano et de l’éponge le long des côtes du territoire de

132
l’Intendencia . En 1920, l’ Intendente fit rapport au gouvernement de la situation sur l’archipel,

en particulier à Roncador, Serrana et Quitasueño ⎯nommément désignées. Ce rapport confirma

que le représentant du gouvernement exerçait égal ement des actes d’autorité sur toutes les îles de

l’archipel et que des opérations de police étaient mises en place pour empêcher les navires

133
étrangers de pêcher dans les eaux adjacentes sans la permission du Gouvernement colombien .

129CMC, vol. II-B, appendice 4, p. 35.
130
CMC, annexe 173.
131
Ibid., annexe 91.
132Ibid., annexe 93.

133Ibid., annexe 103 - 49 -

23. La Colombie a adopté de nombreuses lois concernant l’administration des îles et vous en

trouverez la liste exhaustive, pour la période allant de1824 à aujourd’hui, à l’appendice4 de son

contre-mémoire. Ces lois portent sur tous les ch amps d’activités imaginables, depuis les questions

financières et fiscales, l’agriculture, la pêche, la recherche scientifique, les travaux publics, la santé

et les douanes jusqu’à la protection de l’environne ment. A ce propos, je pourrais ajouter qu’une

législation spécifique fut adoptée en1968 —soit avant la date critique évoquée par M.Remiro

Brotóns—, qui désignait nommément Serrana, R oncador, Quitasueño, Serranilla et Bajonuevo

134
comme étant des zones de préservation de l’environnement . Dois-je rappeler que, dans l’affaire

Indonésie/Malaisie relative à Sipadan et Ligitan, la Cour a jugé que l’établissement d’une réserve

56 naturelle «d[evai]t être considérée[] comme [une ] manifestation[] d’autorité réglementaire et

administrative sur un territoire mentionné par son nom» ( Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau

Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 684, par. 145) ; en l’espèce, le territoire

a été désigné nommément.

B. La délivrance de permis pour exercer certaines activités sur les îles

24. A partir du XIX e siècle, la Colombie commença également à délivrer des permis pour

l’exploitation des ressources découve rtes sur les îles. Mê me si certaines de ces autorisations ont

effectivement été accordées à des personnes privées, ces activités s’exerçaient sur la base de permis

délivrés par le gouvernement et de contrats conclus par celui-ci. C’est ce comportement, et non les

actes des entrepreneurs privés, qui peut être qualifié de souverain.

25. Dès 1854, le gouverneur de Carthagène a dopta un décret interdisant la collecte de guano

sur les îles qui constituaient l’archipel de San Andr és, lesquelles étaient considérées, en vertu de ce

135
décret, comme faisant partie du territoire national colombien .

26. Ce décret fut suivi en1871 d’une loi colombienne, qui reconnut au pouvoir exécutif

colombien le droit exclusif d’accorder des concessions pour la collecte de guano et de noix de coco

sur les îles d’Alburquerque, Roncador et Quitasueño, lesquelles étaient, encore une fois, désignées

par leur nom ⎯ il ne s’agissait pas d’une loi de portée générale ⎯ et décrites comme faisant partie

134
CMC, annexes 133 et 134.
135Ibid., annexe 72. - 50 -

136
du territoire de San Andrés et Providencia . La même année, le préfet colombien qui administrait

l’archipel exprima ses inquiétudes concernant les étrangers qui se livraient illégalement à la pêche à

la tortue et à la collecte de guano sur Roncador et Quitasueño, lesquelles, selon ses indications,

faisaient partie du territoire relevant de son administration 137. En conséquence, la Colombie prit un

décret pour interdire que de telles activités soient exercées sans autorisation sur ces îles, ainsi que

sur Alburquerque et les autres cayes rattachées aux îles de San Andrés et Providencia 138. Donc, au

risque de me répéter, voilà encore une législa tion qui désignait expressément les îles par leur nom,

bien avant ⎯ pas moins d’un siècle et demi — la date critique indiquée par le Nicaragua.

o
[Onglet n 33 du dossier des juges.]

57 27. A partir du XIX esiècle, la Colombie délivra de nombreux permis, autorisant ainsi

certaines activités économiques sur les îles. La liste que vous pouvez voir à l’écran vous donnera

une idée de cette pratique. Pour donner satisfa ction au conseil du Nica ragua, j’ai omis les

autorisations qui portaient sur l’archipel en général ⎯ et croyez-moi, elles sont nombreuses —, et

me suis limité à celles se référant à des îles précises et émanant d’autorités gouvernementales.

⎯ 1871 : concession pour la collecte de noix de coco sur Albuquerque, accordée par le préfet de

San Andrés et Providencia (CMC, annexe 77) ;

⎯ 1893: permis d’exploitation du guano délivré pour Serrana, laquelle était «située[] dans la

province de Providencia, dans l’archipel de San Andrés» ; le permis indiquait donc que Serrana

était effectivement considérée comme faisant partie de l’archipel de SanAndrés (CMC,

annexe 86) ;

⎯ 1896 : contrat d’exploitation de guano et d’autres fertilisants sur Roncador, Quitasueño, et les

cayes de l’Est-Sud-Est «et d’autres îles de l’archipel de SanAndrés...» ⎯elles faisaient donc

clairement partie de l’archipel ⎯; les autorisations émanaient du ministère des finances

(CMC, annexe 90) ;

136
CMC, annexe 73.
137
Ibid., annexe 74.
138Ibid., annexe 75. - 51 -

⎯ 1915: contrat concernant l’exploitation de guano sur Roncador, Quitasueño, Serranilla et

South West Cay ⎯encore une fois ⎯ «dans l’archipel de SanAndrés et Providencia»; le

contrat fut également conclu par le ministère des finances (CMC, annexe 97) ;

⎯ 1915: rapport du conseil des ministres colombien concernant les aspects juridiques des

contrats d’exploitation de guano sur les îles ⎯une fois encore ⎯ de l’archipel appelées

Roncador, Quitasueño, Serranilla et South West Cay (CMC, annexe 96) ;

⎯ 1916-1926: d’autres contrats furent conclus pour l’exploitation du guano, et les bénéficiaires

furent autorisés à ériger des infrastructur es sur Roncador, Serranilla, Quitasueño et

Alburquerque, situées ⎯ encore une fois ⎯ sur l’archipel de San Andrés et émanant ⎯ encore

une fois ⎯ d’autorités gouvernementales (CMC, annexes 96, 99, 100 et 110) ;

⎯ 1929: commande d’une étude gouvernementale sur les dépôts de guano situés sur Roncador,

Quitasueño, les cayes de Serrana et Alburquerque ⎯ une fois encore ⎯ sur l’archipel de

San Andrés (CMC, annexes 115 et 125).

28. Monsieur le président, je pourrais continuer ainsi, mais je vais non seulement vous lasser,

mais m’épuiser moi-même. Ce sont là des exemples d’effectivités exercées bien avant la date

critique; ils concernent des îles précises, et non l’archipel en général, et émanent d’autorités

58 gouvernementales. Ces exemples montrent que tout es les îles faisaient partie de l’archipel de

San Andrés et que le Nicaragua n’a jamais émis de protestation à cet égard. Ils montrent également

que les îles n’étaient pas de simples «rochers» et que, même dans le cas contraire, elles se prêtaient

à une vie économique propre.

C. Application de la réglementation relative à la pêche

29. La Colombie a également pris soin de réglementer les activités de pêche dans les eaux

adjacentes à ces îles et d’assurer le respect de ces réglementations.

30. Tout comme l’exploitation des ressources des îles, ces mesures d’application ont été

e
mises en place dès le XIX siècle et se poursuivent à ce jour. Dès 1892, par exemple, le ministère

colombien des finances ouvrit des crédits pour affréte r un navire à destination de Roncador et de

Quitasueño afin de mettre un terme aux activités illégales qui s’y déroulaient 139. Il était clairement

139
CMC, annexe 84. - 52 -

indiqué dans la directive ministérielle que la Colombie entendait prendre toute mesure

éventuellement nécessaire aux fins de protéger sa souveraineté sur ces territoires.

31. Au début du XX esiècle, nul n’ignorait la surveillan ce exercée par la Colombie sur les

activités de pêche. En 1925, l’Intendente de San Andrés et Providencia prit un décret afin d’ouvrir

des crédits destinés à l’af frètement d’un navire, lequel se sai sit de deux bateaux battant pavillon

britannique qui se livraient à des activités illicit es de pêche à la tortue dans les eaux de

Quitasueño 140.

32. Au cours de cette même période, la Colombie a dû lutter contre des activités de pêche

illicites menées autour de ces îles par des pêcheurs des îles Caïmanes, placées sous la juridiction de

la colonie britannique de la Jamaïque. Pour y me ttre un terme, les autorités des îles Caïmanes ont

publié des notifications gouvernementales, une pr emière en1914 puis une autre en1924, afin de

rappeler aux bateaux de pêche qui naviguaient dans les eaux colombiennes de l’archipel de

San Andrés et qui prélevaient du guano et des phosphates sur les îles et les cayes que leurs activités

étaient illicites en l’ absence d’un permis délivré par le Gouvernement colombien 141. Fait

également intéressant, la notification de1924 énumérait les îles composant l’archipel de

SanAndrés et mentionnait non seulement les îles de SanAndrés et Providencia, mais aussi

Serrana, Serranilla, Roncador, Ba jo Nuevo, Quitasueño —désigné comme étant une «caye»—,

59 Alburquerque et Courtown (autre nom des cayes de l’Est-Sud-Est). Voilà une indication on ne peut

plus claire du fait que l’archipel était effec tivement considéré comme une entité, administrée

comme telle par la Colombie.

33. Plusieurs des mesures adoptées par la Colo mbie pour réglementer les activités de pêche

visaient à prévenir la disparition d’espèces vulnérabl es ou menacées d’extinction. C’est ainsi que,

en coopération avec les Etats-Unis, la Colombie interdit la pêche à la conque dans les eaux voisines

de Quitasueño tandis que, dans les eaux de Ronca dor et Serrana, elle imposa une pêche saisonnière

142
de la conque ainsi que des quotas pour la pêche à la langouste .

140CMC, annexe 108.
141
Ibid., annexes 185, 186 et 194.
142Ibid., annexes 11-13. - 53 -

34. Il est arrivé à plusieurs reprises que d es navires battant pavillon étranger qui chassaient

sans permis dans les eaux adjacentes à ces îles so ient interdits de pêche. J’ai mentionné

quelques-uns des premiers exemples de cette pratique lorsque j’ai évoqué l’affrètement de deux

navires destinés à intercepter certains bateaux de pêche. Un autre exemple plus récent, mais

néanmoins antérieur à la date critique avancée par le Nicaragua, s’est produit en novembre1968

lorsqu’un navire battant pavillon nord-américain, qui pêchait dans les eaux colombiennes autour de

Quitasueño, a été appréhendé afin de véri fier qu’il respectait bien la réglementation

143
colombienne . A l’appendice8 du contre-mémoire de la Colombie, la Cour trouvera une

description détaillée de 50 incidents analogues qui on t eu lieu dans les eaux de Serrana, Serranilla

et Quitasueño et, plus généralement, dans l’ensem ble de l’archipel. Dans les années1980, la

Colombie a conclu deux accords de pêche avec la Jamaïque afin d’autoriser les navires jamaïcains,

et seulement eux, à mener des activités de pêche dans les eaux de Serranilla et Bajo Nuevo, sous

réserve que leurs prises annuelles seraient maintenues en deçà d’un certain quota, de manière à

144
préserver les ressources halieutiques . En vertu de ces accords, pas moins de 36pêcheurs

jamaïcains furent autorisés à séjourner sur Serranilla et 24, sur Bajo Nuevo. Difficile d’imaginer

une population si nombreuse sur des «rochers».

D. Formalités d’entrée sur le territoire

35. J’en viens à présent à la représentation diplomatique et aux formalités d’entrée sur le

territoire. Dès 1913, l’empire germanique reconnut que la juridiction de son vice-consul en poste à

60 145
Carthagène s’étendait aux îles de Sa nAndrés, Providencia et Roncador , Roncador étant

nommément désigné.

36. Dans le cadre de ses activités de surve illance et de réglementation de la pêche, la

Colombie a également exercé un contrôle des entr ées sur le territoire des autres îles. De toute

évidence, indépendamment des îles principales de SanAndrés, Providencia et Santa Catalina, les

seules îles sur lesquelles des pêch eurs étrangers ont été autorisés à séjourner sont Serr
anilla et

BajoNuevo, dans le cadre de l’accord conclu avec la Jamaïque dont je viens de parler, mais à la

14CMC, annexe 131.
144
Ibid., annexes 7 et 9.
14Ibid., annexes 94 et 119. - 54 -

condition expresse que les pêcheurs jamaïcains soient munis non seulement d’un permis de pêche

mais aussi d’une carte d’identité délivrée par le c onsulat de la Colombie à Kingston et qu’ils se

soumettent aux lois et réglementations colombie nnes. L’accord conclu en1984 avec la Jamaïque

reposait également sur le postulat, expressément mentionné dans le texte de l’accord, que les deux

îles, Serranilla et BajoNuevo, se prêtaient à l’habitation humaine et à une vie économique

146
propre . La Jamaïque était bien placée pour le savoir puisque cet accord concernait ses propres

ressortissants.

E. Visites des îles par des navires et missions de recherche et de sauvetage

37. La Colombie a aussi régulièrement effect ué des patrouilles navales sur chacune de ces

îles. Le premier exemple à avoir été consigné da te de 1937, lorsqu’un navire de guerre colombien

se rendit à Quitasueño et que son équipage visita le phare ; puis à Serrana, pour rappeler à l’ordre

un navire concernant l’obligation de détenir un permis délivré par les autorités colombiennes ; puis

à Roncador, où des membres de l’équipage furent débarqués sur l’île pour une journée

147
d’exploration . Tous ces faits sont consi gnés dans nos écritures. Là encore, il s’agit de mesures

administratives relatives à des îles nommément désignées.

38. Nombre de visites analogues ont eu lieu depuis, comme indiqué à l’appendice7 du

contre-mémoire de la Colombie. J’en citerai quelques exemples en essayant de m’en tenir à la date

critique mentionnée par M. Romiro Brotóns ou, à défa ut, à celle de M. Oude Elferink, qui est plus

tardive.

[Onglet 34 du dossier des juges.]

⎯ 1949 : visite d’un destroyer colombien à Serrana ;

61 ⎯ 1967 : activités de surveillance à Serrana, Ronca dor et Quitasueño — il est fait mention de ces

îles et de ces opérations dans des documents ;

⎯ 1968 : visite d’un navire dans ces trois mêmes îles (voir également CMC, annexe 130) ;

⎯ 1969 : opérations de patrouille à Serrana, Roncador et Quitasueño ;

146
CMC, annexes 7 et 9.
14Ibid., annexe 120. - 55 -

⎯ 1969: opérations de patrouille pour lutter contre la pêche illicite et la contrebande autour de

Serrana, Roncador et Quitasueño ;

⎯ 1969: visite par un groupe de huit sénateurs co lombiens, je crois, de Serrana, Roncador et

Quitasueño.

39. A cet égard, la juridiction navale attribuée aux capitaineries portuaires —des

capitaineries portuaires ont été établies dans l’archipel de San Andrés dès le début du XX e siècle —

148
couvre l’ensemble des îles de l’archipel .

40. La Colombie a mentionné plusieurs exemples de missions de recherche et de sauvetage

menées par sa marine dans les eaux des îles de l’archipel. Là encore, je n’en cite que quelques-uns,

qui concernent la proximité immédiate de ces îles et les eaux territoriales de chacune d’elles :

[Onglet 35 du dossier des juges.]

⎯ 1969 : sauvetage d’un navire au large d’Alburquerque (CMC, annexe 135) ;

⎯ 1969 : remorquage d’un navire en détresse vers Quitasueño (ibid.) ;

⎯ 1971 : sauvetage d’un navire échoué à Serrana (CMC, annexe 136) ;

⎯ 1983 : sauvetage d’un navire au large d’Alburquerque (CMC, annexe 145) ;

⎯ 1986 : sauvetage d’un voilier à Quitasueño (CMC, annexe 146) ;

⎯ 1989 : assistance à un navire échoué à Roncador (CMC, annexe 154) ;

⎯ 1990 : sauvetage d’un navire nicaraguayen à Alburquerque (CMC, annexe 152).

Cette liste est loin d’être exhaustive et les exem ples abondent dans nos écr itures. En revanche,

nulle trace d’un comportement comparable de la part du Nicaragua.

F. Travaux publics sur les îles

41. J’annonce que nous approchons de la fi n de mon exposé, si cela peut apporter un

quelconque soulagement. Une autre catégorie d’ actes accomplis par les autorités colombiennes et

62 pertinents en l’espèce concerne les ouvrages publics réalisés par la Colombie dans chacune des îles.

Dès1894, le Royaume de Suède et de Norvège s’est adressé à la Colombie pour lui demander

d’étudier l’opportunité de bâtir un phare à Ronca dor — preuve s’il en est de sa reconnaissance de

148
CMC, annexe 28. - 56 -

149
la souveraineté de la Colombie sur cette île . En1919, le ministre américain à Bogotá s’est

adressé au ministre colombien des affaires étrangères afin d’obtenir l’autorisation du

Gouvernement colombien de construire deux phares, l’un à Providencia et l’autre sur les cayes du

150
Sud-Sud-Est .

42. Depuis les années 1940, la Colombie s’est occupée de la construction, de l’exploitation et

de l’entretien de phares sur ces îles. Il existe actuellement des phares ou d’autres aides à la

navigation sur Alburquerque, les cayes de l’Est-Sud-Est, Quitasueño, Roncador, Serrana, Serranilla

et BajoNuevo. Comme l’a Cour l’a déclaré dans son arrêt en l’affaire Qatar c. Bahreïn : «La

construction d'aides à la navigation … peut être juridiquement pertinente dans le cas de très petites

îles.» (Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),

fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p.100, par.197). En l’espèce, la Colombie est responsable de

toutes les aides à la navigation sur l’ensemble d es îles en cause en l’espèce. En outre, elle a

répertorié les visites périodiques effectuées par sa ma rine dans le cadre de la modernisation et de

l’entretien des phares bâtis sur les cayes de l’Est-Sud-Est en 1964 15, à Quitasueño, Serrana, une

fois encore sur les cayes de l’Es t-Sud-Est et à Roncador en 1968 15. La marine a installé des

systèmes de signalisation solaire sur les cayes de l’Est-Sud-Est et sur toutes les autres îles en

1980 153, et reconstruit plusieurs phares entre 1996 et 2006 15. Ce comportement plus récent, au cas

où l’on viendrait m’accuser de perdre de vue la date critique, n’est que la suite logique de toutes les

activités déjà réalisées par le passé par la Colombie.

G. Etablissement des cartes géographiques et marines des îles

43. Dans le volume III du contre-mémoire, la Cour trouvera également un certain nombre de

cartes officielles dressées depuis 1920 — par la Colombie — qui situent l’archipel et l’ensemble de

ses îles, îlots et cayes à l’intérieur du territoire co lombien. Nous en avons vu quelques-unes cet
63

après-midi. La Colombie a en outre publié des cartes de chaque île. L’important est que, ce

14CMC, annexe 28.

15Ibid.,, annexe 40.
151
Ibid., annexe 129.
152
Ibid., annexe 132.
15Ibid., annexe 132.

15Ibid., annexe 143. - 57 -

faisant, elle a agi en qualité de souverain qui cartographiait son territoire. L’appendice9 de son

contre-mémoire contient une l ongue liste de cartes publiées par l’institut géographique colombien

entre1951 et 2006. A l’appendice2, la Cour trouvera une longue liste de publications dont

certaines datent de plus d’un siècle, qui situent l’ar chipel et l’ensemble de ses îles à l’intérieur du

territoire colombien. Le Nicaragua, quant à lui, n’a, là encore, rien fait de tel.

4. Conclusions

44. Monsieur le président, je pourrais continuer ainsi ad nauseam mais cela ne me semble

absolument pas nécessaire. Nombreux sont les éléments versés au dossier de la Colombie et

soumis à la Cour qui établissent à la fois l’intention de la Colombie d’agir en sa qualité de

souverain sur chacune de ces îles, mais aussi la manifestation effective de son autorité étatique sur

le territoire terrestre et maritime de chacune d’elles. Il s’agit d’un comportement adopté à titre de

souverain, propre à chacune des îles, généralisé et de longue date. Il démont re que la totalité des

îles faisait partie de l’archipel de SanAndrés en tant qu’entité, sans que le Nicaragua n’y fasse

objection. En résumé, Monsieur le président, Me sdames et Messieurs de la Cour, les preuves

documentaires démentent catégoriquement l’extraordinaire affirmation de M. Pellet, mardi je crois,

selon laquelle cette pratique est «en général inex istante» (CR 2012/8, p.53, par.18). Cette

affirmation ne tient pas face aux éléments de preuve versés au dossier.

45. Si l’on devait mettre en balance les effec tivités de chacune des Parties, la balance se

romprait, car il n’y a tout simplement aucune pratique du côté du Nicaragua qui puisse faire

contrepoids au comportement de la Colombie. Non seulement ce comportement établit le bien-

fondé de la thèse de la Colombie concernant sa souveraineté, mais il fournit une base indépendante

pour invoquer un titre de souveraineté dans l’ hypothèse, aussi invraisemblable qu’elle nous

paraisse, où il serait nécessaire d’établir une telle ba se en sus du titre dont peut déjà se prévaloir la

Colombie et dont l’existence a été démontrée.

Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre

attention et il me semble que le moment serait bien choisi pour clore l’exposé de la Colombie

aujourd’hui. - 58 -

64 Le PRESIDENT: Je vous remercie, M.Bundy. Cela conclut en effet pour aujourd’hui les

plaidoiries de la Colombie, qui disposera de main, matin et après-midi, de six heures

supplémentaires pour poursuivre. La Cour se réunira demain à 10heures. L’audience est

suspendue.

L’audience est levée à 17 h 50.

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