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CR 2009/23 (traduction)

CR 2009/23 (translation)

Vendredi 2 octobre 2009 à 10 heures

Friday 2 October 2009 at 10 a.m. - 2 -

12 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Bonjour. Veuillez vous asseoir.

L’audience est ouverte et j’invite M. Reichler à la barre. Vous avez la parole, Monsieur Reichler.

M. REICHLER :

LES ÉLÉMENTS DE PREUVE

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour. Pendant ce second tour, l’Argentine a fait

plaider trois orateurs sur les aspects factuels de ses allégations relatives à un dommage

environnemental ⎯MM.Colombo, Wheater et Sands. A eux trois, ils totalisent près de

140minutes de temps de parole, ce qui est amplement suffisant pour semer une bonne dose de

confusion. Simplement pour le cas où ils y seraien t parvenus, l’agent de l’Uruguay m’a chargé de

dissiper un peu cette confusion.

2. Monsieur le président, je ne m’arrêterai pas sur les points de détail et privilégierai les

grands thèmes sur lesquels, s’agissant des éléments de preuve, l’Argentine a insisté au second tour.

Certains n’avaient jamais été abordés auparavant , d’autres ont subi quelques enjolivements. Les

septpoints que j’aborderai sont: premièrement, les nonylphénols; deuxièmement, les dioxines et

les furanes; troisièmement, les données sur la qualité de l’eau recueillies par l’OSE, qui est

l’agence du Gouvernement uruguayen chargée des questions hydrauliques et sanitaires;

quatrièmement, le vent et les odeurs ; cinquièmemen t, la prolifération d’algues du 4 février 2009 ;

sixièmement, l’introduction par l’Argentine de nouv eaux éléments de preuve par la transformation

de témoins en conseils ; et, septièmement, la question de l’indépendance, de la compétence et de la

crédibilité de la SFI.

3. Si vous le permettez, Monsieur le présiden t, Messieurs de la Cour, je commencerai par en

appeler une nouvelle fois à votre indulgence, ainsi qu’à la patience courtoise dont vous ne vous êtes

jamais départis, pour ce qui ne peut être qu’un long exposé de plus. Je puis toutefois vous offrir

deux consolations. Tout d’abord, c’est vraiment le dernier que je ferai devant vous. Et, ensuite,

l’Uruguay achèvera ses plaidoiries du second tour bien avant 13 heures. - 3 -

I.L ES NONYLPHÉNOLS

4. Je commencerai par les nonylphénols. M onsieur le président, comme nous le savons

maintenant grâce aux éléments de pr euve produits par l’Ur uguay, il s’agit là d’un faux problème.

Vous vous rappellerez que l’Argentine a soulev é cette question pour la première fois le

30juindernier, sur la base d’un rapport faisan t état d’une élévation des concentrations en

nonylphénols qui aurait été constatée dans le fleuve à proximité de l’usine Botnia 1. La question de
13

savoir comment les auteurs de ce rapport ont pu conclure à une telle élévation, alors que, de leur

propre aveu, ils ne disposaient d’absolument aucune donnée de référence recueillie avant la mise en

service, et qu’ils n’ont contrôlé la concentration en nonylphénols nulle part ailleurs dans le fleuve,

pas même dans la baie de Ñandubaysal, comme nous l’avons montré, ne constitue que l’une des

nombreuses failles de cette allégation avancée par l’Argentine 2. L’Uruguay y a répondu

promptement, deux semaines après avoir reçu le rapport argentin du 30juin, en produisant la

déclaration sous serment d’Alicia Torres, dans la quelle celle-ci attestait que Botnia n’utilisait de

nonylphénols dans le cadre d’aucun de ses processus 3. Mon très cher ami M. Sands a répliqué que

la déclaration pouvait avoir été savamment formulée dans le but précis d’éviter toute mention des

nonylphénols utilisés par Botnia pour nettoyer son usine 4. L’Uruguay a rétorqué en faisant valoir

que, lorsqu’elle a déclaré que Botnia n’utilisait de nonylphénols dans «aucun de ses processus»,

5
Mme Torres visait toute la chaîne des opérations, nettoyage compris . Au nom de l’Uruguay, j’ai

expressément indiqué, sur la base d’une déclaration sous serment faite par le principal responsable

de la gestion de l’environnement au sein de Bo tnia —un texte que nous avions alors en notre

possession, comme la Cour le sait à présent —, que Botnia n’utilisait de nonylphénols dans aucun

6
de ses procédés de nettoyage . Mais même cela n’a pas suffi à satisfaire mon ami M.Sands au

second tour, qui m’a reproché de ne m’exprimer qu’au présent — «M. Reichler … a [seulement]

1
Documents nouveaux produits par l’Argentine, 30juin2009, vol.I., rapport scientifi que et technique (ci-après
le «rapport scientifique et technique de l’Argentine»), p. ES.iii et chap. 3.1, p. 4.
2
Voir CR2009/16, p.26, par.25 (Reichler); CR2009/17, p. 23, par. 25 (Reichler) ; CR 2009/20, p. 50, par. 21
(Colombo) ; CR 2009/17, p. 23, par. 25 (Reichler).
3
Déclaration sous serment d’Alic iaTorres, ingénieur agronome, directrice de l’agence nationale pour
l’environnement (DINAMA), 13juillet2009, commentaires de l’Uruguay relatifs aux documents nouveaux fournis par
l’Argentine, 15 juillet 2009, annexe C24.
4
CR 2009/12, p. 49-50, par. 27 (Sands) ; CR 2009/15, p. 17-18, par. 13 (Sands).
5 CR 2009/17, p. 23, par. 24 (Reichler).

6 Ibid. - 4 -

dit…que Botnia ne «fait» aucun usage des nonyl phénols»— pour occulter le fait que l’usine en

avait effectivement utilisé .

5. En lisant le compte rendu, j’ai été vraime nt impressionné par l’insistance avec laquelle les

conseils de l’Argentine ont mis l’accent sur les rejets de nonylphénols supposés de l’usine Botnia et

par l’obstination avec laquelle ils se sont raccrochés à cette question. Ils en ont fait l’un des piliers

de leur thèse toute entière. Sachant que les nonylp hénols sont proscrits dans les usines de pâte à

papier européennes, ils ont prétendu que ceux re jetés ici démentaient l’ affirmation de l’Uruguay

selon laquelle l’usine satisfaisait aux normes interna tionales les plus strictes, y compris celles de

8
l’Union européenne . Ils ont tous fait copieusement fond là-dessus. Même mon ami M. Pellet s’y

est mis. Apparemment galvanisé par l’enthousiasme de ses collègues, M. Pellet s’est lui-même jeté

14 dans la mêlée en condamnant les émissions de nonylphénols de Botnia, qu’il a qualifiées de

«massive[s]» et de «hautement toxique[s]» 9. Rendez-vous compte, Monsieur le président:

engager, s’attacher les services de M.AlainPelle t, que je tiens sincèrem ent pour le plus grand

juriste de notre génération, et lui demander de pa rler à la Cour des nonylphénols. Autant engager

Picasso pour lui faire repeindre votre cuisine !

10
6. Eh bien, la dernière question du jugeBennouna nous offre une occasion de mettre un

terme à cette hystérie collective suscitée par les nonylphénols, à ce besoin compulsif de décortiquer

les mots pour savoir si l’expression «aucun des processus» englobe tous les procédés, ou si «ne

fait» s’applique uniquement au présent. L’Uruguay a décidé de ne pas attendre jusqu’au 9 octobre

pour répondre à la question du juge Bennouna, afin d’enterrer rapidement ce qui reste de la thèse de

l’Argentine. Bien entendu, nous nous réservons le droit de fournir par écrit une réponse plus

circonstanciée à la date butoir, mais nous en avons fourni une première aujourd’hui, laquelle

devrait selon nous suffire à clore le débat. L’Uruguay a, en effet, soumis aujourd’hui une réponse à

la question du jugBe ennouna sous la forme d’une décl aration sous serment de

MG. ervasioGonzález Simeonoff, le chimiste qui occupe le poste de responsable de

7CR 2009/21, p. 32, par. 37 (Sands).
8
Par exemple, CR 2009/21, p. 13, par. 5-6 (Sands).
9
CR 2009/20, p. 20, par. 13 (Pellet).
10CR 2009/21, p. 70 (Bennouna). - 5 -

l’environnement à l’usine de Fray Bent os. Celui-ci atteste que Botnia n’a jamais fait usage de

nonylphénols ni d’aucun produit en contenant pour nettoyer la pulpe, pour nettoyer l’usine ou pour

quoi que ce soit d’autre. Il désigne les produits de nettoyage spécifiquement utilisés par l’usine,

présente leur composition chimique, et fournit des certificats de leurs fabricants pour garantir

l’absence de nonylphénols. L’Uruguay a fait siennes les déclarations de M. González Simeonoff.

La question est réglée. Pas de nonylphénols signifie pas de nonylphénols.

7. Mardi, M. Sands a accusé l’Uruguay de dissi muler l’identité des agents nettoyants utilisés

par Botnia 1. Eh bien, nous ne devons pas être très doués da ns l’art de la dissimulation. Il suffisait

à M.Sands pour trouver cette information de lir e le rapport de l’AMEC, l’un des cabinets de

consultants experts auquel la SFI a fait appel et qu’elle a expre ssément chargé de réaliser une

évaluation de l’usine avant sa mise en service pour vérifier si elle mettait en Œuvre les meilleures

techniques disponibles de l’Union européenne (l es MTD). Le rapport de l’AMEC, qui n’a été

versé au dossier qu’en juillet 2008, décrivait en pa rticulier le principal agent nettoyant utilisé par

l’usine de Fray Bentos —celui-là même que M.GonzálezSimeonoff décrit lui aussi dans sa

déclaration sous serment—, et l’AMEC a ex aminé les fiches de données sur la sécurité des

15 matériaux de l’usine Botnia avant de confirme r que les techniques mises en place par celle-ci

étaient parfaitement conformes aux MTD de l’Union européenne 12. De toute évidence, M.Sands

n’a pas lu rapport de l’AMEC, et il n’en a pas eu connaissance d’une autre façon, avant d’accuser

l’Uruguay d’en cacher le contenu.

8. Avant de passer à autre chose, je vou drais répondre brièvement aux allégations des

conseils de l’Argentine sur ce qu’ils ont dit être la «haute toxicité» des nonylphénols censés avoir

13
été découverts dans le fleuve . La plus forte concentration de nonylphénols relevée par les

scientifiques argentins, toutes stations de prélèv ement confondues, la plus forte dont l’Argentine

14
fasse état, s’élève à 472 nanogrammes par litre . Même ce chiffre est dix fois inférieur à la norme

fixée dans les recommandations canadiennes sur la qua lité de l’eau, et soixante fois endeçà des

11
CR 2009/21, p. 32, par. 37 (Sands).
12
AMEC Forestry Industry Consulting, audit avant mise en service de l’usine de pâte kraft blanchie Orion
(septembre 2007), DU, vol. III, annexe 48, p. 22.
13Par exemple, CR 2009/20, p. 20, par. 13 (Pellet).

14Données biogéochimiques, tableau9, sur le site Intern et argentin protégé par un mot de passe, disponible à
l’adresse http://www.mrecic.gov.ar/scientificdata (nom d’utilisateur : PVA ; mot de passe : SAyDS). - 6 -

15
normes arrêtées par l’agence américaine de protection de l’environnement . Voilà une nouvelle

dont l’Argentine aurait en fait tout lieu de se réjouir puisque, comme nous l’avons montré au

premier tour, l’une des principales sources de nony lphénols présents dans le fleuve Uruguay est le

16
parc industriel de Gualeguaychú .

9. Mais puisque nous parlons ici des produits non utilisés par Botnia, permettez-moi de

porter le coup de grâce à l’une des autres allégations vacillantes de l’Argentine: je songe ici au

lindane. L’Uruguay a déjà répondu à la question du juge Simma. L’usine Botnia n’utilise pas de

lindane et n’en a jamais utilisé, dans le cadre d’aucun de ses procédés. Pas davantage que ceux qui

font pousser les arbres dont elle se sert pour fa briquer la pulpe. Eux non plus n’utilisent pas de

lindane. Cette substance est proscrite en Uruguay depuis de nombreuses années 17. En revanche,

elle n’est pas interdite en Argentine.

II. LES DIOXINES ET LES FURANES

10. J’en arrive ainsi à la deuxième des questi ons que j’examinerai aujourd’hui : il s’agit des

dioxines et des furanes. Cela devrait aller a ssez vite, l’Argentine n’ayant pas réfuté ce que

l’Uruguay a démontré, à savoir que, au regard des analyses effectuées sur les effluents de l’usine

18
Botnia, il n’y a rejet d’ aucune dioxine ni d’ aucun furane . Voilà qui devrait clore la question.

16 Botnia ne rejetant ni dioxines ni furanes, elle ne saurait être blâmée pour ceux qui peuvent

éventuellement être découverts dans le fleuve ou dans ses poissons. M.Colombo a lui-même

admis ne disposer d’aucune donnée attestant la moindre trace de dioxines ou de furanes dans les

eaux du fleuve. Il n’a fait état que d’une concentration infime dans les poissons 19.

20
11. Au second tour, M.Colombo a tenté de défendre son étude ichtyologique . Sa

présentation des méthodes d’échantillonnage nous a semb lé pécher quelque peu, si je puis dire,

15
Environnement Canada, recommandations canadiennes pour la qualité des sédiment s: les dioxines et les
furanes (2005), disponible à l’adresse http://www.ec.g c.ca/ceqg-rcqe/Francais/Html/GAAG_DioxinesFuranes
Sed_fr.cfm; agence de protection de l’e nvironnement des Etats-Unis, région5, RCRA Ecological Screening Levels
(2003), disponible (en anglais) à l’adresse http://www.epa.gov/reg5rcra/ca/ESL.pdf.
16
CR 2009/17, p. 24, par. 27 (Reichler).
17
CR 2009/16, p. 15, par. 16 (Gianelli).
18CR 2009/16, p. 30-31, par. 41-43 (Boyle) ; CR 2009/20, p. 51, par. 24 (Colombo).

19CR 2009/20, p. 51, par. 24 (Colombo).

20Ibid., p. 43, par. 3 (Colombo). - 7 -

mais nous n’avons pas besoin de la battre en brèche. Il a en admis bien assez pour démontrer que

les effets sur les poissons qu’il a prétendu constater ne pouvaient être reliés à l’usine Botnia. Tout

21
d’abord, rien ne prouve que l’usine rejette des dioxines et des furanes . Elle n’en rejette pas.

Ensuite, tous les poissons sujets de son étude ont été pêchés dans la baie de Ñandubaysal qui, ainsi

que M.Colombo l’a reconnu, n’est pas touc hée par l’usine Botnia ou par ses effluents 22. Enfin,

tous les poissons étaient des sábalos, une espèce fortement migratrice ⎯un fait admis par

M.Colombo lui-même,— si bien qu’il est impo ssible de savoir s’ils ont absorbé des dioxines ou

des furanes dans la baie de Ñandubaysal, dans le fl euve Uruguay, dans le fleuve Paraná ou dans le

très pollué Río de la Plata 23. Il s’agit là encore d’un faux problème.

III. DONNÉES DU MONITORING DE L ’OSE

12. J’en viens maintenant aux données du m onitoring de la qualité des eaux effectué par

l’OSE. Mardi, lors du dernier jour du second tour de plaidoiries de l’Argentine, et au cours des

dix dernières minutes du dernier e xposé relatif aux questions envir onnementales, M. Sands a, pour

la toute première fois, présenté des données, qui, selon lui, démontrerait que les effluents de l’usine

Botnia ont un effet préjudiciable sur la qualité des eaux 24. Afin de convaincre la Cour qu’il avait

fait une découverte véritablement spectaculaire ⎯ une sorte de bombe à retardement ⎯, M. Sands

25
a accusé l’Uruguay d’avoir tenté de dissimuler ces données . Faire des effets de manche est une

chose, Monsieur le président, mais formuler de fausses accusations en es t une autre. A supposer

17 qu’il ait raison, nous n’aurions vraiment pas choisi le meilleur endroit pour cacher ces données:

elles figurent dans le rapport EcoMetrix du mois de mars2009, ra pport que nous avons

nous-mêmes communiqué à la Cour et cité à maintes reprises lors des présentes audiences, ainsi

21CR 2009/16, p. 30-31, par. 41-43 (Boyle).

22CR 2009/17, p. 26-27, par. 34 (Reichler).
23
Rapport scientifique et technique del’Argentine, chap.5, p.3, 5-8, 18 et 22; CR2009/14, p.50, par.24
(Colombo) («Le chenal principal du fleuve Uruguay cons titue…une voie de migration pour plusieurs espèces de
poissons.») ; J. C. Colombo, C. Bilos, M. R. Lenicov, D.Colautii, P.Landoni et C.Brochu, «Detritovorous fish
contamination in the Río de la Plata estuary : a critical a ccumulation pathway in the cycle of anthropogenic compounds»,
Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences , vol.57 (2000), p.1141 (signalant la présence des «principaux
composants des contaminants or ganiques et de métaux-traces dans le Río dela Plata (dans le sábalo)»), disponible à
l’adresse http://article.pubs.nrc-c nrc.gc.ca/RPAS/rpv?hm=HInit&afpf=f00-031.pdf&journal=cjfas&volume=57

[traduction du Greffe].
24CR 2009/21, p. 28, par. 31 (Sands).

25Ibid. - 8 -

que sur le site Internet officiel de l’OSE, l’agence nationale uruguayenne de l’eau, site auquel

l’Argentine ⎯comme tout le monde ⎯ avait bien entendu librement accès 26. Enfin, vous

constaterez, lorsque nous vous aurons exposé les éléments qui ont été présentés triomphalement

mardi (CR 2009/21), que l’Uruguay n’avait absolument aucune raison de chercher à dissimuler ces

données. Une bombe à retardement? Pas vraiment. Ou alors elle a déjà explosé à la figure de

l’Argentine.

13. En se tirant ainsi dans le pied ⎯je ne vois pas d’autre expression ⎯, M.Sands a

démontré, une nouvelle fois, qu’il ne connaissait pas les éléments du dossier. Regardons de plus

près les planches qu’il a triomphalement exhibées mardi. [Projection.] Ces documents figurent

sous l’onglet 10 du dossier de plaidoiries. M. Sands nous a dit, en se fondant sur ces données, que

27
l’usine Botnia violait les normes de la CARU en matière de qualité des eaux . Commençons par le

premier tableau, ostensiblement intitulé «Oxygène dissous». Cet intitulé est toutefois aussi erroné

qu’ostensible. Tel est également le cas de l’ ensemble des données de ce tableau. Elles le sont

même plus encore.

14. M. Sands est parvenu à définir correctement ce qu’est l’«oxygène dissous» :

«[l’oxygène dissous] correspond à la quantité d’oxygène dissoute dans les eaux du
fleuve. C’est l’un des paramè tres pour lesquels on souhaite obtenir un chiffre élevé :

plus le chiffre est élevé, plus il y a d’oxy gène dissous dans le fleuve et plus les
conditions écologiques sont bonnes; à l’inver se, plus le chiffre est bas, plus le
dommage causé au fleuve est important.» 28

L’oxygène dissous étant bénéfique, et non néfaste, la CARU a édicté pour ce paramètre un seuil

minimal. La qualité de l’eau est considérée comme bonne lorsque ce seuil est dépassé. C’est sur

cette base, et avec une grande sagacité, que M. Sands a exposé à la Cour le terrible crime de

l’Uruguay: les niveaux d’oxygèn e dissous sont passés en-dessous de la norme minimale édictée

29
par la CARU après que l’usine Botnia a démarré son activité . A un petit détail près : M. Sands a

utilisé les mauvaises données. Les chiffres de son ta bleau ne sont pas ceux de l’oxygène dissous.

26
Troisième rapport EcoMetrix, mars2009, docu ments nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009,
annexeS7, p.4.10, tableau4.4; site Internet de l’OSE pour le monitoring de la qualité des eaux à FrayBentos,
disponible à l’adresse : http://www.ose.com.uy/a_monitoreo_fray_bentos.html.
27
CR 2009/21, p. 29, par. 32 (Sands).
28
Ibid., p. 29, par. 33 (Sands).
29Ibid., p. 29, par. 33 (Sands). - 9 -

Ils sont sans rapport avec l’oxygène dissous. L’intit ulé de ce tableau est, en réalité, erroné. Il

s’agit des prélèvements effectués par l’OSE pour un paramètre to talement différent et pour lequel,

18 contrairement à l’oxygène dissous, plus les valeurs sont basses mieux le fleuve se porte. Ce tableau

n’est donc rien d’autre qu’une grossière mépri se. Comment se fait-il que l’Argentine se soit à ce

point fourvoyée ? C’est ce que nous allons vous expliquer.

15. Voici de quoi il s’agit véritablement. L’ OSE ne mesure pas l’oxygène dissous. Aucune

mesure d’oxygène dissous ne figure dans le tableau de l’OSE que l’Argentine a fait apparaître sous

l’onglet 4 du dossier de plaidoiries de mardi et da ns lequel elle a puisé les données reprises dans le

tableau de M. Sands 3. [Projection.] Le surlignage jaune a été ajouté par l’Argentine. Le nom de

l’élément surligné a été traduit de l’espagnol en anglais par « oxidizability» [oxydabilité]. Il s’agit,

en fait, d’une mauvaise traduction de l’original espagnol, lequel se lit «oxidabilidad» et signifie

31
«oxydes» en français, comme cela ressort des rapports EcoMetrix. En tout état de cause, qu’on

parle d’oxydes ou d’oxydabilité, il ne s’agit pas d’oxygène dissous , qui est une substance très

différente. En espagnol, oxygène dissous se dit «oxígeno disuelto» et non «oxidabilidad». Or, il

existe une différence considérable entre ces deux pa ramètres. Pour faire simple, l’oxygène dissous

est, ainsi que l’a précisé M.Sands, bénéfique et l’ on souhaite qu’il y en ait beaucoup dans l’eau.

En revanche, c’est tout le contraire pour les oxydes ⎯ou, comme M.Sands préfère les appeler,

l’oxydabilité ⎯ car ceux-ci reflètent non la concentration d’oxygène contenue dans l’eau, mais

celle de substances organiques. Or, contrair ement à l’oxygène dissous pour lequel on souhaite

obtenir un chiffre élevé, on souhaite que les niv eaux d’oxydes soient bas. Il s’agit donc de

paramètres tout à fait opposés.

16. Dès lors, ce que M.Sands a fait, avec son éloquence et sa détermination habituelles

⎯ mais aussi sa non moins habituelle méconna issance des véritables éléments du dossier ⎯, a été

de comparer les niveaux d’oxydes aux normes de la CARU pour l’oxygène dissous. Son tableau

est donc totalement fallacieux. Il dénature les données.

30
Voir le site Internet de l’OSE, disponible à l’adresse : http://www.ose.com.uy/a_monitoreo_fray_bentos.html.
31Troisième rapport EcoMetrix, mars2009, docu ments nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe S7, p. 4.10, tableau 4.4. - 10 -

17. En fait, il existe bel et bien des données dans le dossier de l’affaire relatives à l’oxygène

dissous; non pas celles relatives aux «oxydes» qui ont été présentées par M.Sands, mais de

véritables données relatives à l’oxygène dissous. L’ oxygène dissous a été mesuré en chacun des

16sites qui font, six fois par an, l’objet du monitoring de la DINAMA 32. Sur les 96 échantillons

prélevés en 2008, aucun n’était en dessous de la norme minimale édictée par la CARU en ce qui

concerne l’oxygène dissous 33. Il en va de même des 48 échantillons analysés par la DINAMA à ce
19
34
jour pour l’année 2009 . D’ailleurs, au niveau de la prise d’eau de Fray Bentos, les concentrations

d’oxygène dissous sont en réalité plus élevées ⎯ c’est-à-dire, meilleures ⎯ qu’elles ne l’étaient

lors de la période préopérati onnelle, c’est-à-dire avant que Botn ia ne soit mise en service 35.

Contrairement à ce que M.Sands vous a dit mardi, il n’y a eu aucune violation des normes de la

CARU en matière de qualité des eaux.

18. Les autres tableaux présentés par M. Sands posent tout autant problème. [Projection.]

M.Sands a dit à la Cour que les normes de qua lité des eaux de la CARU pour les substances

phénoliques ⎯qui sont d’un microgramme par litre ⎯ n’avaient jamais été dépassées avant la

mise en service de l’usine Botnia. Pour reprendre ses termes, «il n’y avait pas de violations

antérieures» 36. Je suis vraiment navré de le dire, mais mon excellent ami s’est, une nouvelle fois,

fourvoyé. Largement fourvoyé. En réalité, il y a eu maints et maints dépassements de cette norme,

dans tout le fleuve, et ce, depuis que la CARU mesure les substances phénoliques, soit bien des

années avant que l’usine n’entre en service. Voici ce qu’indiquait l’étude d’impact cumulé finale

d’EcoMetrix, établie fin 2006, au sujet de la présence de substances phénoliques dans le fleuve

⎯ et cette remarque est fondée sur les données relativ es à la qualité de l’eau de la CARU pour les

années 1997-2004 — : «[i]l est particulièrement intéressant de noter que les substances phénoliques

32
Voir, par exemple, DINAMA, «Rapport d’évaluation de la performance pendant la première année d’opération
de l’usine Botnia et de la qualité de l’environnement dans la zone d’influence» (mai 2009), documents nouveaux produits
par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, p. 11/54 et figure 3.11.
33
Troisième rapport EcoMetrix, mars2009, docu ments nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe S7, p. 4.17, figure 4.2 (sous-fig. i) et j)).
34
Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), annexe A. Traduction communiquée à la Cour le
14 septembre 2009.
35Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), p. 7, figure 4.5.

36CR 2009/21, p. 30, par. 34 (Sands). - 11 -

dépassaient fréquemment le critère de qualité des eaux d’un microgramme par litre, les niveaux les

37
plus élevés ayant été relevés du côté argentin du fleuve» .

19. Ce phénomène de fréquents et nombreux dépassements des normes de la CARU, dans

tout le fleuve, et pas uniquement au niveau de la station de prélèvement de l’OSE à Fray Bentos, se

poursuit aujourd’hui. Il n’existe aucune preuve de ce que le fonctionnement de l’usine Botnia

aurait une incidence ; bien au contraire, les données démontrent que l’usine n’a eu aucune

incidence sur ce phénomène. Il ressort des él éments dont nous disposons que, contrairement à ce

qu’a affirmé M. Sands, les concentrations de subs tances phénoliques relevées au niveau de la prise

d’eau de l’OSE durant la période de référence ⎯c’est-à-dire la période préopérationnelle ⎯

excédaient déjà les normes de la CARU. Il re ssort également des données, ainsi que l’a conclu

l’étude d’impact cumulé finale, que les dépassem ents de taux de concen tration de substances

phénoliques sont fréquents aussi bien en amont qu’en aval du fleuve. Toutefois, les concentrations

postopérationnelles de substances phénoliques, ta nt pour 2008 que pour 2009, après la mise en

service de l’usine Botnia sont inférieures aux concentrations de référen ce, en particulier au niveau

de la prise d’eau de FrayBentos. [Projecti on.] C’est ce qui ressort du tableau actuellement à

20 l’écran. Voici les données de référence en ce qui concerne les substances phénoliques pour 2008

38 o
et 2009, telles que confirmées par un laboratoire agréé . La station de prélèvement n 11 est située

à l’endroit même de la prise d’eau de l’OSE 39. La norme de la CARU est représentée par la ligne

pleine de couleur rouge qui va de gauche à droite. Les concentrations de référence des substances

phénoliques sont représentées par la ligne rose. Les concentrations de substances phénoliques

pour 2008 sont représentées par la ligne pointillée verte, laquelle se trouve en dessous de la ligne de

référence et de la norme de la CARU. Les con centrations pour 2009 sont représentées par la ligne

bleue, laquelle est également située en dessous des niveaux de référence de la prise d’eau de l’OSE

et de la plupart des stations contrôlées, et égal ement en dessous de la norme de la CARU. Comme

vous pouvez le voir, les concentrations de subs tances phénoliques ont en réalité baissé dans

l’ensemble des stations de contrôle depuis que l’usine Botnia est en activité. Les concentrations les

37Etude d’impact cumulé finale, CMU, vol. VIII, annexe 173, p. 3.5.
38
Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), p. 21, section 4.1.11.2.
39Ibid., p. 3, tableau 1. - 12 -

plus faibles ont été relevées dans les endroits les plus proches du point de rejet de l’usine. Elles

sont même plus faibles à proximité de Botnia qu’ell es ne le sont dans la st ation de traitement des

eaux de Fray Bentos. Si, comme M. Sands a tenté de vous le faire accroire, l’usine avait entraîné

une augmentation des substances phénoliques au niveau de cette station, les concentrations seraient

plus élevées encore à proximité immédiate de l’usine elle-même. Or, tel n’est pas le cas.

20. Autre preuve que Botnia n’a pas eu d’im pact sur le taux de concentration de phénols

dans la prise d’eau de FrayBentos ou ailleurs : les quantités effectives de substances phénoliques

rejetées par Botnia sont extrêmement faibles et ne cessent de baisser. En effet, elles représentaient

40
moins de 5% de la limite réglementée en 2008 et moins de 1% en 2009 . C’est pour cela que

l’OSE, dont les données fondent l’argumentation du professeur Sands, a conclu ce qui suit :

«Depuis la mise en service de l’usine [Bot nia], il n’y pas eu de changement majeur

dans les caractéristiques de l’eau brute captée par l’OSE, et l’eau approvisionnée dans
la ville de FrayBentos a toujours ét é conforme aux normes internes de l’OSE
applicables à la qualité de l’eau potable» 4.

Pour les substances phénoliques plus particulièrement, EcoMetrix (cabinet de consultants auprès de

la SFI) a conclu que l’usine Botnia n’avait entr aîné aucune augmentation, «la concentration de

phénols dans les effluents étant inférieure à celle mesurée dans l’eau brute à la période

considérée ».2

21 21. Voilà qui m’amène au troisième et dernier tableau projeté mardi pour le phosphore, un

nutriment que nous connaissons bien désormais [pro jection]. Comme nous le savons, il n’y pas de

normes de la CARU réglementant le phosphore, il ne peut donc pas y avoir de violation. La

concentration de phosphore dépasse certes les normes de la qualité de l’eau définies par l’Uruguay,

comme c’est le cas partout dans le fleuve, mais la loi uruguayenne n’interdit pas la délivrance de

permis pour de nouvelles sources d’émissions de phosphore, telles que l’usine Botnia, à condition

40 Rapport d’évaluation de la performance pendant la première année d’opération, établi par la DINAMA,
mai2009), soumission de nouveaux documents par l’Uruguay, 30juin2009, annexe S2, p. 19/33, tableau 4 ; rapport

semestriel de la DINAMA sur la performance environnementale de l’us ine Botnia, juillet2009, p.14, tableau4.
Traduction communiquée à la Cour le 14 septembre 2009.
41 Site internet de l’OSE sur la surveillance de la qualité des eaux à FrayBentos, disponible sur
http://www.ose.com.uy/a_monitoreo_fray_bentos.html.

42 Troisième rapport d’EcoMetrix, mars 2009, Soumi ssion de nouveaux documents par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe. S7, p. 47. - 13 -

43
que l’Uruguay prenne des mesures perm ettant de compenser les nouveaux rejets . M. McCaffrey

a présenté hier (CR2009/22) toutes les mesures prises par l’Uruguay pour permettre ces

44
compensations . Il n’y pas de violation de la loi uruguayenne. Bien sûr, il n’y pas eu de violation

des normes argentines applicables aux émissions de phosphore, celles-ci n’existant pas.

45
L’Argentine ne réglemente pas du tout le phosphore .

22. L’Uruguay pourrait s’arrêter là sur le phosphore: pas de violation des normes de la

CARU, pas de violation de la législation uruguayenne , pas d’effet néfaste sur le fleuve. Il reste

toutefois un autre point à examiner. M.Sands a produit ce tableau pour vous persuader que,

contrairement à ce que l’Uruguay a démontré, l’usine Botnia a bien eu un impact sur la

concentration de phosphore, et en particulier, a entraîné une augmentation de cette concentration de

l’ordre de 0,01 milligramme par litre d’eau 46. C’est une très faible augmentation, qui, même si elle

était avérée, n’aurait pas d’impact considérable sur la qualité de l’eau. Mais elle n’est pas avérée.

En fait, les éléments de preuve montrent que l’usine Botnia n’a causé aucune augmentation

mesurable de la teneur en phosphore, même p as une augmentation aussi faible que celle de

0,01milligramme par litre d’eau. Regardons ces mêmes données de surveillance de l’OSE que

M.Sands prétend avoir utilisées pour son tableau [pro jection]. Si l’usine Botnia avait entraîné

l’augmentation, à présent alléguée par l’Argentine, du taux de phosphore dans la prise d’eau de

FrayBentos, nous aurions pu le voir en examinant ces données, particulièrement pendant la

première année d’exploitation, quand les rejets de phosphore de l’usine étaient deux fois supérieurs

22 à ceux d’aujourd’hui 47. Cependant, comme il ressort de ces données, pendant les six premiers mois

de la première année d’exploita tion de Botnia, quand les rejets de phosphore étaient encore à leur

maximum parce que l’usine n’avait pas encore at teint son plus haut niveau d’efficacité, la

concentration moyenne de phosphore à la prise d’eau était restée exactement la même:

43
CR2009/22, p.38, par.13 (McCaffrey). Voir aussi Décret 253/79, art.10 («Si un plan d’eau n’est pas
conforme aux conditions fixées pour sa classification, le ministèr e du logement, de l’aménag ement du territoire et de
l’environnement [ou MVOTMA se lon les initiales espagnoles] établit des programmes de ré tablissement pour le plan
d’eau en question en vue d’instaurer les conditions adoptées»)

44CR 2009/22, p. 38, par. 15 (McCaffrey).
45
Voir, par exemple, CMU, par. 4. 40.
46CR 2009/21, p. 28-29, par. 31-32 (Sands).

47CR 2009/17, p. 41, par. 38 (McCubbin). - 14 -

48
0.08 mg/L . Il n’y a pas eu de changement [projecti on]. Lorsque l’on considère l’année dans son

ensemble, comme l’a fait EcoM etrix dans son rapport de mars 2009, nous voyons que la

concentration moyenne de phosphore au même endro it du fleuve, à la fin de l’année 2008, a en

réalité baissé de 0.08 à 0.072 mg/L 49

23. Donnée qui n’apparaît pas sur ce tableau, qui s’arrête en 2008 : en 2009, le taux de rejet

mensuel moyen de phosphore par l’usine Botnia a baissé de 50%, par rapport aux moyennes

50
relevées en 2008 . Autrement dit, l’usine rejeta en2009 dans le fleuve seulement la moitié du

phosphore qu’elle y déversait en 2005.

24. Alors, comment M.Sands a–t-il réussi à donner l’impression que la concentration de

phosphore avait augmenté, même si c’était seulement de 0,01 milligramme? En utilisant les

données de manière sélective et écartant ce qui n’ai dait pas la thèse argentine. Je vous invite à

considérer le taux moyen de la période préalable à la mise en service, qui apparaît sur son tableau.

Il ressort de ce tableau que les seules données utili sées par M. Sands pour cette période couvraient

les mois d’avril à novembre 2007 ⎯avril à novembre 2007. Cela exclut les mois d’été dans

l’hémisphère sud (de janvier à mars), quand le taux de phosphore atteint normalement son

maximum. Parce que les mois d’été n’avaient pas été pris en compte, la moyenne s’est trouvée

artificiellement réduite, et il a été ainsi plus facile de donner l’impression qu’il y avait eu une

augmentation après la mise en service de l’usine. Je vous invite à présent à considérer, si vous

voulez bien, la moyenne de la période postérieure à la mise en service, à savoir la période

s’étendant de novembre 2007 à mai 2009. Cette moye nne couvre deux étés, dont l’un, de janvier à

mars 2009, a été marqué, comme nous l’a dit M. Co lombo, par des débits extrêmement faibles qui

51
ont naturellement conduit à des con centrations plus élevées de phosphore et d’autres substances.

Or, malgré tous ces éléments qui jouent en sa fave ur, tout ce que l’Argentine a réussi à soustraire

de ses données triées sur le volet était 0,01 milligramme par litre, en un seul point, isolé du fleuve ?

48Deuxième rapport d’EcoMetrix, DU, vol. IV, annexe R98, p. 4.9, tableau 4.3.
49
Troisième rapport d’EcoMetrix, mars2009, soumi ssion de nouveaux documents par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe S7, p. 4.10, tableau 4.4.
50
CR 2009/17, p. 41, par. 38 (McCubbin).
51CR 2009/16, p. 58, par. 50 (Reichler) - 15 -

25. Ce chiffre ne traduit pas un changement dans l’environnement. Il ne nous apprend rien.

Dans sa propre étude, M.Colombo reconnaît que le taux de phosphore varie largement et

23 naturellement le long du fleuve, tout le temps, et qu’il enregistre aussi des variations saisonnières

sensibles . Une augmentation aussi faible que celle de 0, 01milligramme par litre reste dans les

limites des variations naturelles du fleuve et de la variation saisonnière du taux de phosphore. En

réalité, cette augmentation, si augmentation il y a théoriquement, s’explique plus facilement ⎯ et

plus scientifiquement ⎯ par le fait que les deux périod es d’échantillonnage que M.Sands a

comparées n’incluent pas les mêmes saisons. Si ses données concernant la période préalable à la

mise en service avaient inclus ne serait-ce qu’un seul mois d’été, il n’y aurait probablement eu

aucune augmentation. En fait, c’est préciséme nt ce que montrent les données recueillies par la

DINAMA et confirmées dans l’analyse effectuée par le laboratoire indé pendant. La DINAMA a

recueilli des données de référence concernant le taux de phosphore sur la période de quinze mois

précédant la mise en service de l’usine 53. Lorsque l’on compare ces données aux taux de

phosphore enregistrés à la prise d’eau de Fray Bentos, ou à tout autre endroit du fleuve, elles

montrent de façon probante qu’il n’y a pas eu d’ augmentation, aucune, de la concentration de

phosphore depuis la mise en service de l’usine Bo tnia. Et c’est sur la base de ces données plus

complètes, non triées sur le volet, qu’EcoMetrix et la SFI ont conclu que «la teneur en phosphore

était généralement plus faible après la mise en service de l’usine, par rapport aux données de

54
référence de2005-2006 ». Selon la SFI et ECoMetrix, la teneur en phosphore était donc plus

faible après la mise en service de l’usine, par rapport aux données de référence de 2005-2006

IV. L E VENT ET LES ODEURS

26. M. Sands, le conseil de l’Argentine et les experts engagés par cette dernière n’ont eu de

cesse d’affirmer que l’Uruguay s’était trompé sur la direction du vent, qu’il n’avait pas compris que

55
les vents soufflaient fréquemment de l’Uruguay vers l’Argentine . Monsieur le président, je crains

52
Rapport technique et scientifique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 24.
53CR 2009/22, p. 57, par. 41(Boyle).

54Troisième rapport d’EcoMetrix, mars2009, soumi ssion de nouveaux documents par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe S7, p. 4.3.

55Voir, par exemple, CR 2009/12, p.52, par.34 (Sand); CR 2009/14, p.39, par.5 (Colombo); CR2009/14,
p. 57, par. 7 (Sands). - 16 -

que ce ne soient mon ami et ses collègues qui, une fois de plus, se trompent dans leur appréciation

des éléments du dossier. Cela est assez facile à démontrer, et je le ferai très rapidement. Ma

démonstration se fera en deux étapes. Premièreme nt, les annexes du contre-mémoire abondent en

preuves que l’Uruguay et la DINAMA ont parfaitem ent analysé la question de la direction du

56
vent . Deuxièmement, non seulement l’Uruguay a- t-il parfaitement étudié et analysé cette

question, mais encore est-il parvenu exactement aux mêmes conclusions que l’Argentine. [Image à
24

l’écran.] Dans l’étude d’impact sur l’envir onnement de Botnia, il est indiqué que les vents

57
dominants à l’emplacement de l’usine sont des ve nts «du sud, de l’est, du sud-est et du nord-est» .

L’Argentine est arrivée exactement à la même conc lusion dans son étude scientifique et technique,

58
et c’est aussi ce que M.Colom bo nous a déclaré le 16septembre . Alors de deux choses l’une:

soit les propos de M. Sands signifient que l’Arge ntine s’est également trompée sur la direction du

vent, soit M.Sands méconnaît les éléments de pr euve versés au dossier. Toutes les données sont

bien là, dans les annexes des pièces de procé dure écrite mais, assez curieusement, nos collègues

passent systématiquement à côté.

27. Les éléments relatifs aux mauvaises odeurs ont été présentés par les deux experts

engagés par l’Argentine, M.Colombo et M. Wheater. L’Uruguay a déjà expliqué que les

allégations relatives à la pollution atmosphérique ⎯mauvaises odeurs comprises ⎯, qui est sans

incidence sur la qualité des eaux du fleuve Uruguay, ne relevaient pas du statut de1975 ni de la

59
compétence de la Cour . L’Argentine persiste toutefois à soulever cette question. Nous lui

répondons donc, mais sans préjudice de ce que nous avons dit de sa compétence.

28. Commençons tout d’abord par la déclar ation de M.Colombo, selon laquelle l’usine

Botnia serait responsable des mauvaises odeurs pe rçues à Gualeguaychú, et notamment de l’odeur

de sulfure d’hydrogène ou d’Œuf pourri, car «la qualité de l’air était bonne ⎯ et [l’air]

56Voir, par exemple, CMU, vol.V, annexe141; CMU, vol. VI, annexe159; étude d’impact cumulé finale,
p. 4.85-4.86, CMU, vol. VIII, annexe 173.

57Evaluation d’impact sur l’environnement de Botnia soumise à la DINAMA, chap. 5, 31mars2009, CMU,
vol.VI, annexe159, p. 61; résumé du ra pport environnemental inclus dans l’étud e de l’impact sur l’environnement de
Botnia, 2 décembre 2004, CMU, vol. VII, annexe 166, p. 55.

58Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 1, p. 8 (selon lequel «D’après l’emplacement de l’usine
de pâte à papier Botnia, on peut affirm er que ce sont les vents soufflant du nord- est, de l’est, du sud-est et du sud qui
favorisent le transport des polluants depuis l’usine Botnvers le territoire argentin»); CR 2009/14, p. 39, par.5
(Colombo).

59CR 2009/22, p. 61, par. 53 (Boyle). - 17 -

60
exempt … d’odeur ⎯ avant [s]a mise en service» . Je suppose qu’un expert comparaissant devant

la Cour en qualité de conseil peut déclarer ce que bon lui semble mais, malheureusement pour

M.Colombo, les données contenues dans sa propr e étude contredisent sa déclaration. Non

seulement l’Argentine a détecté du sulfure d’h ydrogène dans le cadr e de son monitoring

préopérationnel, mais elle en a détecté à un taux de 0,0030ppm, soit une concentration

sensiblement supérieure au seuil de détection qu’elle a elle-même fixé (0,0021 ppm) 61.

29. Si l’Argentine voudrait bien rejeter sur l’usine Botnia la responsabilité de toutes les

odeurs nauséabondes perceptibles à Gualeguaychú, e lle ne peut décemment le faire. L’Uruguay

reconnaît que Botnia, bien que les techniques et pratiques qu’elle mette en Œuvre soient les

meilleures, les plus modernes et les plus efficaces, a émis des odeurs qui ont pu être détectées à six

reprises sur le site de l’usine en2008, première année complète d’exploitation, qui est également

25 celle où de tels épisodes risquent le plus de se produire 62. Les experts de la SFI s’accordent à dire

que, comme pour toutes les usines de pâte à papier modernes, la fréquence de ces incidents ne fera

que diminuer au fil du temps 63. Nous sommes cependant loin des 78incidents que l’Argentine a

tenté de mettre sur le compte de l’usine Botnia lors du premier tour de plaidoiries 64. Lors du

second, M. Wheater lui-même a tempéré cette allégation outrancière, ramenant à un total de huit les

épisodes qu’il estimait pouvoir attribuer à Botnia depuis la mise en service de l’usine 65. Et même si

l’on prend pour argent comptant les taux de sulf ure d’hydrogène avancés par l’Argentine dans ces

huit cas, ces taux sont tous très inférieurs à ceux prévus par les normes sanitaires les plus

rigoureuses, y compris celles édictées par l’Organisation mondiale de la santé 66.

60CR 2009/14, p. 41, par. 8 (Colombo).

61Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 1, p. 29, tableau 5.
62
Troisième rapport EcoMetrix, mars 2009, docum ents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009,
annexe S7, p. ES.v et 6.3.
63
Ibid., p. 5.1 («Nous reportant à l’expérience d’autresusines modernes de pâte à papier, on prévoit une
amélioration soutenue de la performance durant le reste de la phase de démarrage au fur et à mesure de la mise en Œuvre
d’autres mesures d’optimisation.»).
64
CR 2009/14, p. 39, par. 6 (Colombo).
65
CR 2009/20, p. 61, par. 15 (Wheater).
66Voir le rapport scientifique et techni que de l’Argentine, chap. 1, p. 39, fi gure30 (établissant que la plus forte

concentration détectée s’élevait à 0,00675 ppm ); Orgaoisation mondiale de la santé, Air Quality Guidelines for Europe ,
2000, WHO Regional Publications, European Series , n 91 ⎯ce document peut être consult3 à l’adresse suivante:
http://www.euro.who.int/document/e71922.pdf (la recommandation de l’OMS est de 150 ug/m , soit 120 ppb). - 18 -

30. Or, même ces prétendus incidents ne peuvent pas tous être attribués à Botnia. Les odeurs

attribuées à l’usine en avril2008 étaient ainsi dues au vaste feu de forêt qui a ravagé le territoire

argentin, à une époque où l’usine ne rejetait pas de gaz malodorants 67; et en mai2008, le volcan

Chaitén, au sud du Chili, est entré en éruption, li bérant des nuages de soufre dans l’atmosphère de

la région 68. Cependant, la source la plus probable de la plupart de ces odeurs est à rechercher bien

plus près: dans les égouts municipaux argentins, et notamment ceux de la station balnéaire de

Ñandubaysal et de Gualeguaychú.

31. La semaine dernière, M.Wheater a souten u que l’odeur d’un égout et celle d’une usine

de pâte à papier étaient bien «distinctes». Il a affirmé à la Cour que ces deux odeurs bien

différentes ne pouvaient en aucun cas être confondues 69. En conservant à l’esprit ces remarques,

examinons les deux déclarations sous serment de résidents locaux que l’Argentine a estimées si

70
probantes qu’elle les a versées au dossier de plaidoiries . Dans la première, il est indiqué que, le

29 janvier 2009, «les employés de l’entreprise Conf itería Balneario Ñandubaysal ont signalé qu’ils

26 sentaient, ainsi que les touristes assis à la terrasse, des odeurs désagréables…semblables à des

odeurs d’égout». Dans la seconde, le déclarant affirme que, alors qu’il «travaillait dans la cuisine

du café à la station de Ñandubaysal, il a senti une odeur désagréable [qui semblait] venir des

toilettes». Selon lui, cette odeur était «semblable à celle d’[un] égout». En fait, la quasi-totalité

des centaines de déclarations sous serment en provenance de Gualeguaychú recueillies par

l’Argentine renvoient à un seul épisode de mauvaise odeur survenu ⎯ le 26janvier2009 ⎯ et

71
nombre d’entre elles font état d’une «ode ur forte, semblable à celle d’un égout» , ou indiquent

simplement que «ça sentait les égouts» 72. Le lendemain, le 27 janvier, la presse a rapporté, dans un

67Troisième rapport EcoMetrix (mars 2009), documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009,
annexeS7, p. 6.1; DINAMA, rapport d’év aluation de la performance pendant la première année d’opération de l’usine

Botnia (mai 2009), documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S2, p. 3-4.
68DINAMA, rapport d’évaluation de la performance pendant la première an née d’opération de l’usine Botnia
(mai2009), documents nouveaux produits par l’Uruguay (30 juin 2009), annexeS2, p.3; tr oisième rapport EcoMetrix,

nouveaux documents produits par l’Uruguay (30 juin 2009), annexe S7, p. ES.v et 6.3.
69CR 2009/20, p. 61, par. 15 (Wheater).

70Voir le dossier fourni par l’Argentine à l’audience du 15 septembre 2009, onglet 18.

71Andres Ricardo Gomez, p. 14-15. Cette déclaration peut être consultée (en anglais) à l’adresse suivante:
http://www.mrecic.gov.ar/pulpmills/pdf/en/26-50en.pdf.
72
Marcelo Hernet, p.13/25. Cette déclaration peut être consultée (en anglais) à l’adresse suivante:
http://www.mrecic.gov.ar/pulpmills/pdf/en/50-74en.pdf. - 19 -

article que l’Argentine a versé au dossier, qu’ il se dégageait une «odeur nauséabonde d’égouts»,

précisant que les résidents de Gualeguaychú avaient expliqué que les égouts débordaient

généralement en raison de la «grande affluence de touristes» . Alors, si l’on part du principe que

M.Wheater avait raison et que le s odeurs provenant de l’usine de pâte à papier ne pourraient en

aucun cas être confondues avec des odeurs d’égout, ce que tous ces déclarants de la station de

Ñandubaysal et de Gualeguaychú ont senti ne pouvait pas provenir de l’usine de pâte à papier. Ce

qu’ils assimilaient à des odeurs d’égout était précisément cela.

V. PROLIFÉRATION D ’ALGUES

32. Monsieur le président, Messieurs de la C our, venons-en maintenant à la dernière chance

qu’avait l’Argentine de montrer que l’usine de Bo tnia avait effectivement causé des dommages au

fleuve. C’est, après celle relative aux nonylphénols, la thèse sur laquelle l’Argentine a le plus fait

fond: je veux parler de la prolifération d’al gues observée le 4février2009. Pour relativiser,

précisons que l’épisode a duré deux jours et que les algues ont ensuite été emportées par le courant.

Rien ne permet d’affirmer qu’il ait durablement porté atteinte au fleuve ou à des organismes

aquatiques. L’Argentine n’a fourni aucune preuve d’une telle atteinte, ne signalant pas le moindre

cas de poisson ou de rotifère mort. Les proliférations d’algues ne sont pas des phénomènes

inhabituels dans le fleuve Uruguay. Elles se produi sent presque chaque année. L’Argentine ne le

74
conteste pas .

33. Les éléments versés au dossier ⎯y compris, et tout particulièrement, ceux versés au

dossier de l’Argentine ⎯ permettaient déjà de conclure que la prolifération n’était pas due aux

27 nutriments, au phosphore, à l’azote ou à toute au tre substance émise par l’usine Botnia. Nous

avons indiqué au premier tour de plaidoiries qu’ il ressortait de l’étude réalisée par M.Colombo

lui-même qu’il n’y avait eu aucune modification de s concentrations de phosphore ou d’azote dans

les parties du fleuve qui, selon l’auteur de l’étude, seraient exposées aux effets de l’usine Botnia, et,

surtout, aucune hausse de ces concentrations dans la période précédant immédiatement le

73
«L’épisode d’odeur provoqué chez Botnia perçu à Guaguaychú. Il n’a pas affecté la santé humaine, ni
l’environnement», La República (27/1/2009), documents nouveaux produits par l’Argentine, 30 juin 2009, livre II : autres
documents ⎯ presse et autres médias.
74CR 2009/14, p. 44, par. 14 (Colombo). - 20 -

75
4 février 2009 . Nous avons aussi indiqué que les taux de chlorophylle, qui signale la présence

d’algues, étaient toujours faibles à proximité de l’usine Botnia et qu’ils l’étaient particulièrement au

76
cours de cette même période . A l’inverse, également selon l’étude de M. Colombo, tant les taux

de phosphore que ceux de chlorophylle étaient él evés dans la baie de Ñandubaysal juste avant

l’épisode du 4 février ⎯ ils étaient de fait plusieurs fois supéri eurs à ceux relevés dans la partie du

77
fleuve prétendument exposée aux effets de l’usine Botnia . Au second tour de plaidoiries,

M.Colombo n’a nullement tenté de réfuter l’un quelconque de ces arguments 78. Il avait pourtant

tous les éléments en main ⎯ l’Uruguay les avait exposés au premier tour. Il a eu l’occasion de les

contester, il n’a même pas essayé.

34. En gardant à l’esprit ces éléments relatif s à la qualité des eaux —éléments demeurés,

donc, incontestés—, examinons à présent de n ouvelles photographies satellites: nouvelles, parce

qu’elles ne vous ont pas encore été projetées, bi en qu’ayant incontestablement été versées au

dossier. Commençons par une photographie qui v ous a été présentée par l’Argentine au second

tour, une photographie satellite de la pro lifération d’algues observée le 4février 79(reproduite à

l’onglet 16). [A l’écran.] La voici telle que l’ Argentine vous l’a montrée : la zone de prolifération

d’algues y est entourée d’un trait vert. La C our se souviendra que les parties du fleuve qui

apparaissent en blanc correspondent à celles où la prolifération d’algues s’est produite. Mais

l’Argentine ne vous a pas présenté toute la réalité . Sur une photographie plus complète, prise le

même jour, qui n’avait pas été projetée jusqu’ à présent, nous voyons une portion beaucoup plus

importante du fleuve, en amont de l’usine Botnia , qui présente davantage de traînées blanches,

correspondant à des zones de prolifération d’algues situées bien au-delà de la partie du fleuve

susceptible, même selon l’Argentine, d’être exposée aux émissions de l’usine Botnia (onglet17).

[A l’écran.] Nous voyons ici une portion du fleuve qui se trouve à 55kilomètres en amont de

l’usine. Or, l’Argentin e n’a pas soutenu l’idée que les effluent s de l’usine Botnia remontaient le

fleuve sur plus de 25 kilomètres.

75CR 2009/16, p. 48 et suiv., par. 26 et suiv. (Reichler).
76
Ibid., p. 60-63, par. 56-62 (Reichler).
77
CR 2009/20, p. 56 et 62, par. 44 et 59 (Reichler).
78CR 2009/20, p. 44-50, par. 5-20 (Colombo).

79CR 2009/20, p. 45, par. 8 (Colombo). - 21 -

28 35. Les zones de prolifération d’algues sont plus faciles à discerner sur la photo satellite

suivante, où elles apparaissent en rouge, sur plus de 55 kilomètres vers l’amont à partir de l’usine

Botnia (onglet18). [Al’écran.] De même que sur la photographie que je vous ai montrée au

premier tour, ce que l’on voit sur celle-ci est en r éalité la présence de chlorophylle, substance qui

donne aux algues leur pigment. Les zones présentant les plus fortes concentrations de chlorophylle

et d’algues apparaissent en rouge, puis viennent celles en jaune, celles en bleu, enfin, étant celles

qui présentent les concentrations les plus fa ibles. En comparant cette photographie aux

précédentes, nous pouvons constater que les z ones colorées en rouge correspondent presque

exactement aux zones qui apparaissent en blanc sur l’ autre cliché (onglet19). [A l’écran.] Il ne

fait donc aucun doute que les zones en rouge sur la photo de droite sont celles où se sont produites

d’importantes concentrations ou proliférations d’algues.

36. Ces photos montrent que la zone située en face de l’usine Botnia n’était pas seule à

connaître une prolifération d’algues le 4février. Plusieurs efflorescences de cette nature se sont

produites en amont, depuis un point situé à 55 kilomè tres au moins de l’usine. Comme l’Argentine

n’a pas fait valoir que le courant, en cas d’inve rsion, remonte aussi loin, nous pouvons supposer, à

partir de cette photo, que les algues qui, le 4févrie r, ont proliféré à partir d’un point situé très en

amont ont été charriées par le courant habituel vers l’aval, en direction de l’usine Botnia.

37. [A l’écran.] Examinons maintenant très rapidement la photo satellite que nous vous

avons montrée plus tôt (onglet 20), dont la proj ection —nous le concevons sans peine— a fort

contrarié nos amis argentins au second tour. Cette phot o, je le répète, a été prise le 2 février. La

raison pour laquelle l’Argentine ne l’apprécie guère est tout à fait évidente ; cette photo montre les

endroits où les algues étaient abondantes deux jours av ant de faire leur apparition et de proliférer à

proximité de l’usine Botnia.

38. Comme nous l’avons constaté plus tôt, les concentrations d’algues sont très fortes dans la

baie de Ñandubaysal; elles y sont transportées par le fleuveGualeguaychú, traversent la baie et

aboutissent le long de la côte argentine. Au second tour, l’Argentine s’est employée à discréditer

cette photo plutôt compromettante 80 — compromettante parce qu’elle met en évidence la cause la

80
CR 2009/20, p. 46, par. 11 (Sands). - 22 -

plus probable de la prolifération d’algues qui a eu lieu deux jours plus tard dans une zone, située en

face de l’usine Botnia, qui, comme vous pouvez le constater, ne présentait aucun signe de présence

d’algues le 2février. Si l’Argentine dit vrai lorsqu’elle prétend que l’inversion du courant du

fleuve a été constante entre le 31janvier et le 5février, comme elle l’a maintes fois fait avec

insistance au second tour ⎯ allant jusqu’à présenter à cet effet une simulation animée qu’elle avait

29 déjà projetée au premier tour ⎯, il ne saurait faire de doute que l es algues de la baie auraient

remonté le fleuve sur une distance de quelques k ilomètres, jusqu’au site de l’usine. Mais,

arrêtons-nous un instant : M. Colombo nous a dit que les parties colorées en rouge sur cette photo

ne traduisaient pas la présence de chlo rophylle ou d’algues dans la baie ⎯ seulement celle de

81
sédiments qui abondent dans ces eaux turbides . Mais si cela est vrai, comment se fait-il qu’il n’y

a pas trace de rouge dans le lagon Inés, situé juste à cô té, à hauteur de la partie septentrionale de la

baie de Ñandubaysal, à droite de celle-ci sur la photo? Et ce, alors que M.Colombo nous a

expliqué lundi dernier, à l’aide de quatrephotos satellites différentes, que le lagonInés présentait

toujours une turbidité et une quantité de sédiments iden tiques, si ce n’est supérieures à celles de la

baie. Comme vous pouvez le voir sur cette photo, il y a du rouge vif dans la baie de Ñandubaysal,

et pas de rouge du tout dans le lagon. Le rouge n’est pas un indicateur de la présence de sédiments

ni de turbidité. C’est ce que confirme égalem ent la présence de traînées rouges en amont de

l’usine, dans le chenal principal du fleuve, où les sédiments sont rares. Et comment se fait-il que,

sur les deux photos prises le 4fé vrier que nous venons de vous présenter, figurent des traînées

rouges correspondant presque parfaitement aux zon es où des proliférations et concentrations

d’algues ont été constatées? Le rouge signale une forte présence d’algues. L’Argentine peut

s’évertuer à le nier, mais le fait est indiscutable. En réalité, selon la documentation scientifique à

ce sujet, disponible sur un site Internet facileme nt accessible, la présence de fortes concentrations

de sédiments masque une partie des algues présentes dans les eaux turbides 82. Somme toute, les

81CR 2009/20, p. 46, par. 11 (Colombo).

82Artigas et Pechmann, «Chlorophyll Detection a nd Mapping of Shallow Water Impoundments Using Image
Spectrometry», Research Letters in Ecology (2008), p. 4 et suiv. («Bien que ces indices spectraux aient été conçus pour
être utilisés avec des mesures de réflectance, dans les eaux turbides, les signaux optiques corrélés avec la chlorophylle A
sont souvent masqués par des signaux émis par des détritus ou des matières en suspension totales.») ; Lee et Rast, «Light
Attenuation in a Shallow, Turbid Reservoir: La ke Houston, Texas», U. S. Geological Survey, Water-Resources
Investigations Report (1997) : p. 4064 (««La présence de sédiments en suspension dans l’eau filtre la lumière qui pénètre
dans l’eau et diminue la transparence», limitant la capacité des détectereconnaître les algues et cyanobactéries
présentes dans les profondeurs» [traduction du Greffe]). - 23 -

concentrations d’algues présentes dans la baie ce jour-là pourraient bien avoir été plus importantes

que ne le donne à penser la photo satellite du 2 février.

39. Ajoutons cet élément à ce que nous avons appris il y a quelques minutes au sujet des

odeurs nauséabondes dues au débordement des égouts municipaux, constatées à Gualeguaychú le

26janvier et à la plage de Ñandubaysal le 29janvier ⎯juste avant que cette photo ne soit prise.

La capacité d’évacuation des égouts s’est révélée insuffisante par rapport à la multitude de touristes

venus pour le carnaval le plus réussi de toute l’histoire de la région, qui a compté un nombre record

83
de participants . Quelle direction cette masse énorme et sans précédent de déchets d’origine

humaine, à forte teneur en phosphore et en bact éries, prend-elle en quittant les égouts de

Gualeguaychú et de la plage de Ñandubaysal ? E lle va vers la baie de Ñandubaysal, puis dans le

fleuve Uruguay. Vous vous souvenez à quel point la rivière Gualeguaychú était rouge sur le cliché

30 du 2 février, date à laquelle les égouts fonctionnaient encore au-delà de leur capacité, comme on a

pu le lire dans la presse —un article que l’Argentine, comme je l’ai dit, a versé au dossier 84.

Voyons combien il y a de rouge dans la baie. Nous savons à présent que ce sont les eaux usées, en

quantités énormes, qui ont produit ces fortes concentrations d’algues.

40. Passons maintenant à l’autre élément présenté par l’Argentine en ce qui concerne la

prolifération d’algues, à savoir un échantillon d’al gues bleu-vert prélevé dans le fleuve. Les

analyses ont révélé qu’il contenait des bact éries connues sous le nom de coliformes

thermotolérants, en concentrations plus d’un millier de fois supéri eures à celles qui sont

généralement relevées dans le fleuve 8. Ces coliformes thermotolérants sont d’origine fécale. Ce

sont des déchets d’origine humaine, qui ne sont pa s produits par des usines de pâte à papier. Et

nous savons d’où ils provie nnent. Les analyses ont révélé la présence, en quantités importantes,

d’une bactérie appelée «klebsiella» 8. Les klebsiella viennent de pa rtout et abondent partout dans

83CR 2009/17, p. 56, par. 27 (McCaffrey).

84«Les mauvaises odeurs de Botnia ont atteint Gual eguaychú: aucun danger pour la santé humaine ou
l’environnement», La República (27/1/2009), documents nouveaux produits par l’Argentine, 30 juin 2009, vol. II : Autres
documents ⎯ articles de presse [traduction du Greffe].

85Documents nouveaux produits par l’Argentine, 30 juin 2009, vol.I, Rapport scientifique et technique,
chap.3.1, p.4 (il y est indiqué que l’échantillon d’écume contenait de «très fortes concentrations de coliformes
thermotolérants deux à trois fois supérieures aux valeurs normales»).

86CR 2009/14, p. 45, par. 17 (Colombo). - 24 -

le fleuve, y compris dans les zones qui ne subissent pas les effets de l’usine Botnia 87. Elles

88
prolifèrent également dans les réseaux d’égout urbains . Les analyses ont mis en évidence des

fibres microscopiques de cellulose ⎯bel et bien des fibres de cellulose 89. Celles-ci

pourraient-elles avoir un lien avec l’usine Botnia? En fait, les fibres de cellulose peuvent aussi

90
bien avoir pour origine du papier hygiénique décomposé . Vous trouverez même, dans une note

de bas de page, l’adresse d’un site Internet facilement accessible sur ce sujet.

41. La densité de cette concentration d’algues est incontestable, bien qu’elle ne soit pas aussi

forte que l’Argentine le prétend. Lorsque l’Arge ntine dit qu’au moment de la prolifération, la

concentration d’algues était des milliers de fois plus forte que lors des proliférations passées 91, elle

en prend à son aise avec les données. En ce qui concerne les proliférations antérieures, des

92
31 mesures ont été effectuées à partir des échantillons d’eau contenant des algues ⎯ je dis bien des

échantillons d’eau contenant des algues. En février2009, l’Argentine a simplement prélevé la

quantité à analyser dans l’écume qui se trouvait à la surface, concluant qu’il y avait plus d’algues

93
dans une poignée d’algues pures que dans un gobelet d’eau contenant des algues . Cela ne prouve

guère le caractère sans précédent de la prolifération d’algues qui a eu lieu cette année. Si les algues

étaient suffisamment consistantes pour retenir de nombreuses substances présentes dans le fleuve à

ce moment-là, cela ne signifie pas pour autant qu’ell es aient été à l’origine de la prolifération.

87Voir, par exemple, Wong, Cullimore et Bruce, «Sel ective Medium for the Isolation and Enumeration of
o
Klebsiella spp», Applied and Environmental Microbiology , avril 1985, vol.49, n 4, p. 1022-1024 ; Bagley, «Habitat
association of Klebsiella species», PMID-PubMed, indexé pour MEDLINE: 3882590 (L a klebsiella «semble être
ubiquitaire en termes d’ha bitat»;)«Klebsiella pneumoniae», Wikipedia Online, disponible à l’adresse
http://en.wikipedia.org/wiki/Klebsiella_pneumoniae#cite_ref-Sherris_0-0 (on y apprend que la klebsiella se rencontre
généralement dans la bouche, sur la peau et dans les intestins de l’homme [traduction du Greffe]).

88Wu, Saratale, Lo, Chen, Tsneg, Chang, Chang, Tsai, Su et Chang, «Simultaneous production of 2,3-butanediol,
ethanol and hydrogen with a Klebsiella sp . strain isolated from sewage sludge», Bioresource Technology ⎯
ISSN 0960-8524, vol. 99, n 17 (2008), p. 7966-7970 ; S. R. Andersen, «Effect s of waste water treatment on the species
o
composition and Antibiotic resistance of coliform bacteria», Current Microbiology, vol. 26, n 2, février 1993 [traduction
du Greffe].
89
CR 2009/14, p. 45, par. 16 (Colombo).
90Voir le site Internet d’Aracruz, une société brés ilienne spécialisée dans la pr oduction de pâte blanchie

d’eucalyptus. Selon cette société, aucune pâte ne saurait surpasser en qualité celle de l’eucalyptus («no pulp can beat
eucalyptus») étant donné que la douceur de ses fibres est incontestablement le critèr e de qualité incontournable
(«undisputably the most wanted characteristic») en ma tière de papier hygiénique. Disponible à l’adresse
http://www.aracruz.com.br/show_prd.do?act=stcNews&menu=true&lastRoot=23….
91
Voir, par exemple, CR 2009/15, p. 24, par. 7 (Sands).
92
Documents nouveaux produits par l’Argentine, 30 juin 2009, vol. I, Rapport scientifique et technique, chap. 4,
p. 117.
93
Ibid., p. 117 et 131 (indiquant que ce qui avait été prélevé était un échantillon d’«écume» prélevé dans la zone
de prolifération du 4 février). - 25 -

L’Argentine ne prétend pas que la prolifération ait été causée par des klebsiella, des coliformes

thermotolérants ou des fibres d’eucalyptus. Ceux-ci n’engendrent pas de proliférations d’algues.

42. Ce sont les nutriments qui, sous des conditions climatiques propices, sont à l’origine des

94
proliférations d’algues, comme M.Sands lui-même l’a reconnu . Rien ne permet d’affirmer

⎯rien— que les nutriments déversés par l’usin e Botnia aient eu le moindre rapport avec la

prolifération du mois de février. En fait, selon l es éléments de preuve de l’Argentine, les taux de

phosphore et d’azote étaient faibles à proximité de l’usine et n’avaient pas changé par rapport à

ceux d’avant la prolifération, ce qui prouve que celle-ci n’était en aucune manière due à la présence

de nutriments rejetés par l’usine 9. A l’inverse, les éléments de preuve de l’Argentine montrent que

les taux de nutriments, surtout de phosphore, ét aient anormalement élevés dans la baie de

96
Ñandubaysal, comme l’étaient les taux de chlorophy lle et d’algues, juste avant la prolifération .

D’après les éléments de preuve, c’est assurément l’Ar gentine qui est à l’origine de la prolifération,

et non l’usine Botnia. A moins qu’elle ne se trompe au sujet de l’inversion du courant. A moins

que le courant n’ait pas été inversé. Dans ce cas, selon la photographie satellite, la prolifération

aurait aussi bien pu commencer loin en amont et les algues auraient pu être transportées vers l’aval,

dans le sens habituel du courant, jusqu’au site de l’usine Botnia. Dans les deux cas, les données

recueillies écartent la possibilité que l’usine ait été une source de la prolifération.

VI. INTRODUCTION DE NOUVEAUX ÉLÉMENTS DE PREUVE PAR DES TÉMOINS INTERVENANT
EN QUALITÉ DE CONSEILS

43. Monsieur le président, l’Uruguay est pr éoccupé par le fait que l’Argentine utilise les

experts qu’elle a désignés en la présente affair e pour introduire de nouveaux éléments de preuve

pendant les audiences. La propension des experts de l’Argentine, qu’il s’agisse de M. Wheater ou

de M.Colombo, à sortir de leur rôle de conse il en présentant des faits qui ne figurent nulle part

dans les pièces de procédure écrite de l’affaire et en exprimant des opinions personnelles qu’ils

n’avaient jamais exprimées aupara vant dans leurs propres rapports ⎯voire en se prononçant sur

32 des sujets qu’ils n’avaient pas même traités ⎯ aura été un problème récurrent en l’espèce.

94
CR 2009/17, p. 15, par. 10 (Sands) («Cette proliférad’algues est due à des nutriments et est le signe de
modifications de l’équilibre écologique»).
95
CR 2009/16, p. 46 et suiv., sect. II (Reichler).
96Ibid. - 26 -

97
L’Uruguay s’est élevé contre cette pratique lors du premier tour , ce qui n’a pas empêché que des

violations encore plus graves de ce qui, selon nous, relève du Règlemen t de la Cour soient

commises pendant le second tour de plaidoiries de l’Argentine, tant par M.Wheater que par

M. Colombo.

44. Prenons M.Colombo, par exemple. Ses opinions ont proliféré plus rapidement et plus

abondamment encore que les algues dont nous venons de parler. Comme je l’ai indiqué la semaine

dernière, dans l’étude qu’il a présentée le 30juin ⎯ et qui constitue un élément de preuve en la

présente espèce ⎯, il n’a jamais affirmé que les effluents de l’usine Botnia étaient à l’origine de la

prolifération d’algues du 4février2009. Comme je l’ai également dit la semaine dernière en le

citant, M. Colombo a attribué cette prolifération non pas à un excès de nutriments émis par l’usine

98
⎯contrairement à ce que M.Sands a soutenu ⎯, mais à la faible concentration de nitrates au

moment de ladite prolifération, précisant que la présence d’algues en quantités abondantes

entraînait la consommation des nitrates. Il s’est montré catégorique sur le lieu où cela s’était

produit, à savoir dans la baie de Ñandubaysal qui, comme il l’a indiqué à maintes reprises ⎯ dans

son étude ⎯ ne subissait pas l’influence des effluents de l’usine Botnia 99. Voilà ce qu’il a dit dans

son étude, et c’est ce qui figure parmi les éléments de preuve qui ont été versés au dossier.

45. Mais ce n’est pas ce qu’il a dit à la Cour. Lors du premier tour de plaidoiries,

M. Colombo a en effet exprimé une opinion différent e de celle qui figure dans son étude. Il a dit

qu’il était «prouv[é] clairement que les effluents de l’usine [avaient] contribué à cette prolifération

100
d’une ampleur sans précédent» . Et il ne s’en est pas tenu là. Bien au contraire. Il est allé encore

plus loin au second tour, déclarant que «[l]a pr ésence d’effluents dans l’écume démontr[ait]

incontestablement que les rejets de Botnia [avaie nt] joué un rôle central dans l’eutrophisation du

97CR 2009/19, p 33 et suiv. (Reichler).

98CR 2009/12, p. 42, par. 14 (Sands).

99Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3. 1, p. 24 (où il est précisé que «les concentrations de
[nutriments azotés] étaient un peu moins élevées dans la baie que dans le fleuve Uruguay pendant l’été, en raison de leur
consommation biologique» [traduction du Greffe] ) et chap.3.2, par.1, 4.1.2 et 4.3. 1.2. Voir également, par exemple,
CR 2009/16, p. 49, note de bas de page 95 (Reichler).

100CR 2009/14, p. 45, par. 15 (Colombo). - 27 -

fleuve Uruguay» 10. Heureusement qu’il n’y a pas de troisième tour de plaidoiries. On se demande

jusqu’où M. Colombo pourrait aller.

46. De précieux enseignements sont à tirer de ce qui précède. Premièrement, les opinions

exprimées oralement par M.Colombo ne sont pas des éléments de preuve. Il est ici en tant que

conseil, et non en tant que témoin. Aussi ne pe ut-il pas introduire de nouveaux éléments de preuve

pendant les audiences. Il ne peut pas non plus modifier les éléments de preuve écrits dont il est lui-

même l’auteur. En tant que conseil, il est s upposé se contenter de faire des commentaires ou de

fournir des explications concernant des éléments qu i ont déjà été versés au dossier. L’équipe de

l’Argentine connaît les règles. Cela ne l’a toutefois pas empêchée de laisser M. Colombo les violer

à plusieurs reprises.

33 47. Deuxièmement, dans son empressement à enjoliver encore et encore son rapport écrit

pour appuyer les thèses défendues par la Partie qui l’ a engagé et dont il est le conseil, M. Colombo

a démontré qu’il pouvait difficilement être consid éré comme un expert «indépendant». Et il en va

de même de M. Wheater. Il est assez incroyable que M. Sands ait ⎯ sérieusement ⎯ déclaré que

102
MM.Colombo et Wheater étaient des experts «indépendants» , alors même qu’ils ont été

désignés par l’Argentine et que celle-ci les rétribue, et alors même qu’ils se sont présentés devant la

Cour en tant que conseils de l’Ar gentine, au motif que, selon M. Sands, ⎯ et je pense qu’il y a lieu

de s’arrêter sur ces mots ⎯ ils «n’ont pas personnellement intérê t à ce que l’affaire soit tranchée

103
dans un sens ou dans l’autre» ? MMC . olombo et Wheater n’auraient donc «pas

personnellement intérêt à ce que l’affaire soit tranch ée dans un sens ou dans l’autre» ? Je n’arrive

tout simplement pas à croire que M.Sands ait osé faire une déclaration aussi invraisemblable:

M.Colombo, qui a été engagé par l’Argentine ⎯par son propre gouvernement ⎯ aux fins de la

présente instance et pour produire des éléments que l’Argentine pourrait utiliser pour démontrer

que l’usine Botnia cause un dommage au fleuve Uruguay, n’aurait pas personnellement intérêt à ce

que l’affaire soit tranchée dans un sens ou dans l’au tre? M.Wheater, qui est également rétribué

par l’Argentine et qui s’est révélé l’un de ses avocats les plus ardents et les plus pugnaces, n’aurait,

10CR 2009/20, p. 49, par. 18 (Colombo).
102
CR 2009/21, p. 23, par. 21 (Sands).
10Ibid. - 28 -

lui non plus, pas personnellement intérêt à ce que l’affaire soit tranchée dans un sens ou dans

l’autre ?

48. Mon excellent ami M. Pellet soutient que le fait d’être rémunéré par un Etat ne suffit pas

104
à priver un expert de son indépendance. Il dit que cela dépend de l’état d’esprit de l’intéressé . A

supposer ⎯ ce qui n’est pas le cas ⎯ qu’il ait raison sur ce point, je lui ferais la réponse suivante,

s’agissant de l’état d’esprit de M. Colombo et de M. Wheater, et ce, dans une langue que, comme

nous le savons tous, il maîtrise parfaitement: res ipsa loquitur . Et j’ajouterais: quod erat

demonstrandum.

49. Bien que, en la présente espèce, l’état d’esprit des experts désignés par l’Argentine

transparaisse partout dans les CR, la Cour pourrait juger utile de retenir un critère plus objectif pour

distinguer les experts réellement indépendants de ceux qui ne le sont pas. L’Uruguay a déjà

présenté ses vues sur ce point en réponse à une question posée par M.le jugeBennouna 10, et je

n’abuserai pas du temps qui m’est imparti en m’étendant sur le sujet. Pour le dire simplement,

l’Uruguay considère que tout expert désigné et rétribué par une par tie n’est par définition pas

indépendant. Les vues d’un tel expert peuvent être recevables en tant qu’éléments de preuve mais,

en vertu de la jurisprudence constante de la Cour , elles doivent être traitées avec prudence et ne

34 peuvent avoir le même poids que des rapports et opinions présentés par des experts n’ayant aucun

lien avec les parties, en particulier lorsqu’ils émanent d’organisations internationales respectées qui

ont une expertise sur le sujet.

VII. LA SFI

50. Monsieur le président, Messieurs de la C our, cela me mène à mon septième et dernier

point, relatif à la compétence, à l’indépendance et à la crédibilité de la SFI et des experts-conseils

engagés par cette dernière.

51. Comme il se devait de le faire, puisque telle est la pierre angulaire sur laquelle repose en

dernière instance l’argumentation de l’Argentine, M.Sands a fait tout ce qui était en son pouvoir

pour mettre en doute la crédibilité des rapports d’expert s sur l’usine Botnia établis par la SFI et ses

104
CR 2009/20, p. 22, par. 19 (Pellet).
105
CR 2009/19, p. 33 et suiv. (Reichler). - 29 -

experts-conseils indépendants. Rien de surprenant à cela. Ce qui est surprenant, en revanche, c’est

la tactique qu’il a adoptée à cet effet. Il n’a pas contesté les compétences techniques,

l’indépendance ou la crédibilité de la SFI elle-même, ou de ses experts-conseils ⎯ en particulier

EcoMetrix, Hatfield et l’AMEC.

52. Son angle d’attaque a été tout autre. M.Sands a reconnu la bonne foi, l’indépendance,

les compétences techniques de la SFI et de s es experts-conseils, il a même reconnu que la

protection de l’environnement était de leur ressort. Le problème ⎯et c’est ce qui ôterait toute

crédibilité aux rapports qu’ils ont établis avec les meilleures intentions ⎯, nous dit M.Sands, est

que, tous autant qu’ils étaient, ils ont été abusés par l’Uruguay. L’Uruguay les a intentionnellement

induits en erreur, soutient M. Sands, et c’est du fait de cette tromperie délibérée que tous ont conclu

que l’usine Botnia répondait aux normes voulues et qu’elle ne causerait aucun dommage au fleuve
106
Uruguay ou à son écosystème, et qu’ils ont donné leur approbation .

53. En quoi a consisté cette fraude, cette s upercherie, commise par l’Uruguay à l’égard de

cette éminente institution internationale et de ses experts-conseils ? D’après M. Sands, l’Uruguay

savait que le fleuve était sujet à de fréquentes inve rsions de courant, mais il n’a pas communiqué

ces informations à la SFI et à ses experts-conseils ⎯ pis, il les a convaincus que les inversions de

107
courant étaient des phénomènes rares, pour les amener à approuver et à financer le projet Botnia .

Et, en bons naïfs bien intentionnés qu’ils étaient, la SFI et ses experts ont mordu à l’hameçon et

gobé toute l’histoire que leur a servie l’Uruguay. Ils ont approuvé le projet uniquement grâce au

35 subterfuge de l’Uruguay. Et, pa r conséquent, aucun des rapports ne peut se voir reconnaître la

108
moindre crédibilité .

54. C’est une intrigue savoureuse, qui mériterait d’être portée au grand écran !

55. Mais la thèse de M. Sands résiste-t-elle à l’examen ?

56. Voyons de plus près en quoi consistait en substance le propos qu’ il a développé dans le

discours de clôture réellement captivant qu’il n ous a tenu mardi dernier et, ensuite, comme nous

106CR 2009/21, p. 22 et suiv., sect. III (Sands).
107
Ibid., p. 21, par. 18 (Sands).
108Ibid. - 30 -

l’avons fait systématiquement pour tous les chef s d’Œuvre de rhétorique qu’il nous a livrés en

l’affaire, comparons-le à ce que nous apprennent les éléments de preuve.

57. Mardi dernier, M.Sands nous a dit que l’ Uruguay savait que l’inversion du courant du

fleuve était très fréquente, qu’il s’était fondé sur un taux d’inversion estimé à 29%, qu’il avait

réalisé sur cette base une simulation, et même ⎯ même ! ⎯ qu’il avait communiqué tous ces

109
éléments à l’Argentine dans le cad re des négociations du GTAN en2005 . Mais attendez une

minute! Est-ce bien là le même M.Sands qui , avec ses collègues, nous a asséné pas moins de

treize fois, au cours du premier tour, que l’Uruguay ignorait tout de l’inversion du courant, n’avait

élaboré aucun modèle, n’avait rien dit à l’Argentin e, et n’avait pas même songé à la question avant

110
d’autoriser le projet Botnia ? Quel revirement ! Quelle inversion de courant !

58. Que se passe-t-il donc? Il n’est pas difficile de le comprendre. M.Sands n’en a plus

après l’Uruguay et sa prétendue incompétence, ou sa prétendue servilité à l’égard de Botnia. Ce

qu’il vise, à présent, c’est à saper la crédibilité de la SFI, et de ses rapports d’experts sur l’usine

Botnia, seuls rapports, en l’affaire, à avoir été ét ablis par des experts rée llement indépendants, et

seuls rapports auxquels il faut, d’après la jurisprudence de la Cour, prêter une attention particulière.

Ces rapports réduisent à néant les allégations de dommage environnemental formulées par

l’Argentine, et M.Sands et l’Argentine ne peuve nt prendre le risque de voir la Cour en tirer

argument.

59. C’est ainsi qu’il a été amené à forger, entre la fin du premier et le début du second tours,

cette thèse ingénieuse qui l’a contraint à changer de cap sur la question de savoir si l’Uruguay était

pleinement conscient de l’ampleu r et de la fréquence de l’inve rsion du courant et à décider, non

plus de l’accuser de ne pas maîtriser suffisamment ce phénomène, mais d’en savoir trop, de l’avoir

36 tu à la SFI, et, pis encore, d’avoir fait accroire à cet te dernière que les inversions de courant étaient

des phénomènes rares, en vue d’obtenir son approba tion et une décision favorable au financement

111
du projet .

109Ibid., p. 19, par. 12 (Sands).
110
Pour une liste partielle de citations, voir CR 2009/16, p. 41, note de bas de page 74 (Reichler).
111Ibid., p. 22 et suiv., sect. III (Sands). - 31 -

60. Je trouve cela très instructif, car, étant mo i-même avocat de mon état, je suis toujours

heureux de voir un confrère britannique chevronné, un Queen’s Counsel qui plus est, se livrer à son

art, et lors de sa performance de mardi, M. Sands — je suis sûr que chacun en conviendra — était

vraiment au sommet de son art. Pour masque r son propre revirement sur les connaissances de

l’Uruguay en matière d’inversion de courant, M.Sands a accusé celui-ci ⎯ il a accusé

112
l’Uruguay — d’avoir fait volte-face dans sa position sur le sujet . Bien joué, mon ami ! Ou, du

moins, bien essayé.

61. En quoi consiste cette volte-face dont M.Sands accuse l’Uruguay? D’après lui,

l’Uruguay se serait contredit en tablant —comme M.Sands le reconnaît à présent— sur un taux

d’inversion de courant de 29 % dans le pire des cas, tout en insistant dans ses pièces de procédure

écrite sur le fait que, en réalité, da ns le concret, les inversions de courant se produisent bien moins

souvent, et que les inversions totales de courant, lorsque le fleuve tout entier coule à rebours, sont

113
des phénomènes rares . Nous avons effectivement déclaré dans nos écritures, à de nombreuses

reprises, que, en réalité, les inversions de couran t ne sont guère fréquentes, et que les inversions

totales de courant sont rares 114. Mais il n’y là aucune contradiction. Absolument aucune.

62. Ainsi qu’exposé au premier tour, en citant directement les éléments versés au dossier,

l’Uruguay a délibérément décidé, lorsqu’il a examiné et finalement approuvé le projet Botnia, de

faire fond sur une hypothèse extrême, d’envisager l es pires conditions de bas débit et de courant

inversé, en postulant que l’inversion de courant se produirait 29%du temps 115. Maiscelane

signifie nullement qu’il ait pris ce taux de 29%p our une réalité, loin s’en faut. Il s’agissait,

comme le montre le dossier, de l’hypothèse la pl us pessimiste qui a été retenue pour garantir à

l’Uruguay, entre autres, que, quand bien même ce taux si invraisemblablement élevé d’inversion de

courant se concrétiserait, le fleuve conserverait la capacité de diluer, de disperser et de balayer

rapidement tous les effluents de l’usine Botnia, sans dommage pour la qualité de ses eaux 11.

112CR 2009/21, p. 15, par. 7 (Sands).
113
CR 2009/12, p. 16, par. 8 (Sands).
114
Par exemple, CMU, par. 4.43, 4.56, 5.58 et 5.71-5.72.
115CR 2009/16, p. 42-46, par. 14-22 (Reichler).

116Ibid. - 32 -

37 63. M. Sands ne devrait pas s’étonner que l’ Uruguay ait toujours considéré, depuis l’époque

où il a fait fond sur cette hypothèse la plus pessimiste, que, en vérité, les inversions de courant, et

surtout les inversions totales de courant, ét aient un phénomène largement moins fréquent. S’il

avait connaissance des éléments de preuve produits en l’espèce, et par l’Argentine elle-même, il

aurait dû savoir que, selon les propres experts en hydrodynamique que celle-ci a consultés, le

fleuve Uruguay n’est sujet à des inversions totales de courant qu’1%du temps —je dis bien,

1%du temps. Latinoconsult et M.Rabinovich, deux différents consultants en hydrodynamique

117
engagés par l’Argentine, sont parvenus l’un et l’autre à la même conclusion . Voici, par exemple,

ce que Latinoconsult a conclu :

«La modélisation hydrologique du fle uve Uruguay près du site choisi par

Botnia…indique que le fleuve s’écoule vers l’aval pendant 82% du temps [je dis
bien, vers l’aval pendant 82% du temp s]…Pendant environ 1% du temps (soit
3à4jours par an), des vents forts de direction sud-est…soufflent sur le Río de la
118
Plata … [,] produisant ce que nous appellerons des inversions pures des flux.»

Cette conclusion vient des propres experts de l’Arge ntine. La Cour sera peut-être aussi heureuse

d’apprendre que l’un des experts derrière cette an alyse, à savoir que les inversions totales de

courant n’ont lieu qu’1%du temps et que le fl euve coule vers l’aval 82% du temps, était

M.GabrielRaggio, l’actuel expert de l’Arge ntine en hydrodynamique, et un membre de sa

119
délégation ici à La Haye .

64. Eh bien, Monsieur le président, nous touc hons au dénouement de ce grand mystère, et la

solution est proche. La dernière question à se poser est: quelles informations l’Uruguay a-t-il

données à la SFI et aux experts indépendants de celles- ci au sujet de l’inversion de courant? Et,

sur quels taux d’inversion de courant la SFI et ses experts ont-ils tablé lorsqu’ils ont approuvé le

projet Botnia ?

65. Les réponses à ces deux questions sont parfa itement claires, à l’étude du dossier. En ce

qui concerne la première, l’Uruguay a communiqué à la SFI et à ses consultants toutes les

informations en sa possession sur le phénomène d’ inversion du courant, y compris les documents

117
Rapport Latinoconsult, MA, livre V, annexe 3, p. 14/57, par. 2.1 ; rapport Rabinovich, RA, vol. III, annexe 43,
p. 74.
118Rapport Latinoconsult, MA, livre V, annexe 3, p. 14/57, par. 2.1.

119Ibid., p.55/57, app.A (indiquant que M.Raggio étaitchargé d’établir la «modélisation du fleuve»); voir
également l’annexeA au rapport Latinoconsult, p.1 (int itulée «Conditions d’inversion du courant du Río Uruguay, par
Gabriel Raggio»). - 33 -

qui établissaient un taux d’inversion de 29%, et y compris la modélisation hydrodynamique

réalisée à partir de cette estimation. En d’ autres termes, l’Uruguay a communiqué à la SFI ces

mêmes éléments d’information et documents dont M.Sands affirme aujourd’hui qu’il les aurait

peut-être également communiqués à l’Argentine da ns le cadre des négociations menées sous

38 120
l’égide du GTAN . Les notes de bas de page intégrées dans le compte rendu d’audience

comporteront des renvois précis aux différents docum ents. Quant à la seconde question, il s’avère

que la SFI et ses consultants, en particulier EcoM etrix, ont utilisé le même modèle et les mêmes

121
estimations que l’Uruguay ⎯ postulant que le taux d’inversion du courant se chiffrerait, dans le

pire des cas, à 29% ⎯ et que c’est sur cette base qu’EcoMetrix a recommandé l’approbation du

projet, que le cabinetHatfield a appuyé cette r ecommandation, et que la SFI et le conseil des

administrateurs de la Banque mondiale l’ont approuvée.

66. Comment M.Sands peut-il affirmer que l’Uruguay a trompé la SFI au sujet de

l’inversion du courant, et que la SFI a approuvé le projet Botnia sur la base de l’assurance

122
mensongère qui lui avait été donnée que les reflux de ce type étaient des phénomènes rares ?

Une seule explication possible: il méconnaît les éléments de preuve. J’imagine bien,

Monsieur le président, que la Cour commence à se lasser de m’entendre toujours ressasser la même

rengaine. Mais je puis vous assurer, Monsieur le président, que ce n’est guère plaisant pour nous

⎯ bien qu’il nous faille le faire ⎯ de devoir nous lever et montrer, encore et toujours, dans quelle

partie du dossier des faits réfutant complètement ce que M. Sands affirme avec tant d’éloquence et

de force sont établis de manière incontestée et incontestable. M. Sands a peut-être pour lui le talent

oratoire. Mais nous, nous avons les preuves.

12Société financière internationale, étude d’impact cumulé, usines de pâ te à papier uruguayennes, annexeH:

cahier des charges, septembre 2006, CMU, vol. VIII, annexe 177, p. H3.9 (établi ssant qu’EcoMetrix a utilisé «le modèle
hydrodynamique RMA2 et les données de Botnia» et a puis é ses «informations sur le modèle hydrodynamique et les
rejets d’effluents d’Orion [c’est-à-dire Botnia]…dans de s documents établis par Botnia», c’est-à-dire ceux que
l’Uruguay a présentés au GTAN); Société financière internationale, étude d’impact cumulé, usines de pâte à papier
uruguayennes, annexe D: qualité de l’ eau, septembre 2006, CMU, vol.VIII, anne xe176, p.D1.4 («Une visite en
Uruguay et des rencontres avec les représentants de Bo tnia [et de] la DINAMA ont permis de mieux cerner le
projet… Ces réunions ont permis de communiquer des données act ualisées sur la qualité de l’ eau, d’expliciter le cadre
réglementaire, et de présenter une description précise et à jour des projets. Différentes sources d’information ont été
utilisées à l’appui de l’appréciation. Les évaluations d’impact sur l’environnement concernant les usines ont fourni des
renseignements de caractère général sur le milieu hydrologique et aquatiqueexistant. La DINAMA a apporté des

informations supplémentaires.») et p. D3.1 et suiv. Voir CR 2009/16, p. 42-45, par. 14-18 et les notes de bas de page s’y
rapportant (Reichler) pour une analyse des documents fournis à l’Argentine dans le cadre du processus du GTAN.
12Ibid.

12CR 2009/21, p. 19, par. 13 et suiv. (Sands). - 34 -

67. L’Argentine tente une nouvelle fois de saper la crédibilité de la SFI et de ses rapports.

Non seulement mon ami M.Sands mais encore sa collègue, Mme Boisson de Chazournes, ont

soulevé le spectre d’un conflit d’intérêts ⎯ un conflit d’intérêts ! ⎯, parce que la SFI avait indiqué

39
à EcoMetrix qu’elle devrait intégrer à son é quipe M.IsmailPiedra Cueva, qui serait l’ un de ses

deuxexperts en hydrodynamique 123. Le conseil de l’Argentine a tiré grief de ce que ce même

M.PiedraCueva avait déjà travaillé pour Botnia, et avait mis au point le modèle d’inversion du

courant utilisé par Botnia dans lequel, ressort -il du dossier, est retenu un taux d’inversion du

courant de 29%. Or, il s’avère que la SFI voulait intégrer M.Piedra Cueva à son équipe

précisément parce que la modélisation du courant qu ’il avait réalisée était si prudente et modérée,

et reposait sur l’hypothèse elle-même prudente que «les phénomènes d’inversion de courant

124
[étaient] habituels» aux environs de l’usine Botnia . Non seulement Botnia mais aussi l’Uruguay

et, par la suite, la SFI, ont repris le modèle de M. Piedra Cueva, et son estimation prudente du taux

125
d’inversion ⎯ 29 % ⎯, lorsqu’ils ont approuvé la construction de l’usine .

68. L’Argentine a, en réalité, écrit à la SFI pour protester contre l’intégration de

M.PedraCueva dans les rangs de l’équipe EcoMetrix 12. Mais le plus intéressant quant à sa

position cet égard n’est pas le fait qu’elle ait protesté, mais sa réaction après que la SFI eut examiné

son objection et décidé de maintenir M. Pedra Cueva dans l’équipe. Sa réaction à la décision de la

SFI, consignée le 13 novembre 2006 da ns une lettre adressée par Romina Picolotti, alors secrétaire

d’Etat à l’environnement, a consisté à affirmer que M.PiedraCueva et les autres membres de

123Voir, par exemple, CR 2009/20, p. 39, par. 31 (Boisson de Chazournes) ; CR 2009/20, p. 57, par. 8 (Wheater).
Voir aussi Société financière internationale, étude d’impcumulé, usines de pâte à papi er uruguayennes, annexeD:
qualité de l’eau, septembre 2006, CMU, vol. VIII, annexe 176, p. D1.3 (établissant que M.PiedraCueva n’était pas le

seul membre de l’équipe constituée aux fins de l’étude d’impa ct cumulé finale amené à se pencher sur la question de la
modélisation hydrodynamique et de la qualité de l’eau).
124I. Piedra Cueva, Rapport complémentaire n 5 de l’étude d’impact sur l’environnement de Botnia, annexe VIII

⎯ Etude de la dispersion du panache et études sédimentologiques, 12 novembre 2004, CMU, vol. VII, annexe 164, p. 56.
125Rapport d’évaluation des impacts sur l’environneme nt de la DINAMA relatif à l’usine de Botnia,
11 février 2005, CMU, vol. II, annexe 20, par.4.1 (établissant que la DINAMA a basé ses conclusions sur la capacité

qu’aurait le fleuve à absorber les effluents de Botnia sur le s «résultats du modèle hydrodynamique») ; Société financière
internationale, étude d’impact cumulé, usines de pâte à papier uruguayennes, annexe H: cahier des charges,
septembre2006, CMU, vol.VIII, annexe177, p.H3.9 (étab lissant qu’EcoMetrix a utilisé «le modèle hydrodynamique
RMA2 et les données de Botnia» et puisé «des informations sur le modèle hydrodynamique et les rejets d’effluents
d’Orion [c’est-à-dire Botnia] … dans des documents établis par Botnia»). Voir aussi les observations de la DINAMA sur
le rapport du Gouvernement argentin consacré au problème du phosphore, DU, vol. II, annexe R11, p. 2.

126Note du secrétaire d’Etat à l’environnement et au dé veloppement durable de la Ré publique argentine en date
du 13 octobre 2006, MA, vol. II, annexe 17, par. 5. - 35 -

l’équipe de la SFI étaient «des scientifiques extrêmement qualifiés [dont] les compétences n’étaient

127
pas contestées» .

69. Monsieur le président, les tentatives faites par l’Argentine pour contester la crédibilité de

la SFI se sont révélées intenables. Les c oups portés en ce sens par l’Etat demandeur ⎯ par

l’intermédiaire du plus éloquent de ses conseils ⎯ ont raté leur cible. Cette offensive de

l’Argentine n’a absolument pas entamé la crédibilité de la SFI. Quoi qu’il en soit, les attaques de

l’Argentine contre la SFI et ses experts-conse ils indépendants portent seulement sur l’étude

d’impact cumulé finale, et sur la période qui s’est achevée par sa publication, et elle concerne en

particulier la manière selon laquelle, avant et pe ndant le processus d’auto risation du projet, qui

40 s’est achevé en novembre2006, la question de l’in version du flux a été prise en considération.

Comme la Cour s’en souviendra, l’usine n’ a été mise en service qu’un an plus tard, en

novembre2007. En d’autres termes, la seule faut e que l’Argentine pourrait parvenir à alléguer à

propos des rapports de la SFI ⎯et nous avons vu qu’en fait il n’y a pas de faute ⎯ concerne la

période préalable à l’autorisation et à l’exploitatio n de l’usine. Il convient donc de noter que

l’Argentine n’a présenté à l’appui du discrédit qu’elle veut jeter sur la SFI, sur ses experts, sur leur

crédibilité, ou encore sur la fiabilité de leurs rapports, aucun élément postérieur au début de

l’exploitation et concernant la performance eff ective de l’usine Botnia entrenovembre2007 et

décembre 2008, c'est-à-dire le dernier mois couvert jusqu’à présent par les rapports de la SFI. Bien

évidement, l’Argentine conteste leurs conclusions , selon lesquelles l’usine Botnia n’a eu aucun

effet sur la qualité de l’eau, aucun effet sur le fleuve Uruguay ou son écosystème, aucun effet sur la

qualité de l’air ambiant et aucun effet sur la con centration de phosphore, d’ azote ou de tout autre

effluent rejeté par l’usine, et selon lesquelles e lle n’a donné lieu à aucune violation des conditions

d’obtention des permis, à aucun dépassement des lim ites applicables aux rejets d’effluents et à

128
aucune atteinte à l’environnement quelle qu’elle soit . L’Argentine peut être en désaccord avec la

SFI et avec ses experts indépendants à propos de toutes ces conclusions, mais elle n’a apporté

aucune preuve ⎯ littéralement aucune ⎯, mis à part les avis non étayés d’experts-conseils

127
Note du secrétaire d’Etat à l’environnement et au dé veloppement durable de la Ré publique argentine en date
du 13 octobre 2006, MA, vol. II, annexe 18, par. 14.
128Voir, par exemple, troisième ra pport EcoMetrix, mars2009, Docume nts nouveaux déposés par l’Uruguay,

30 juin 2009, annexe S7. Voir aussi CR 2009/16, p. 17 et suiv. (Boyle). - 36 -

rétribués par elle-même, permettant de mettre en cause la moindre d’entre elles. L’Argentine peut

être en désaccord avec la SFI mais elle n’a indiqué à la Cour aucune raison de ne pas accorder à

cette organisation internationale et à ses experts-conseils triés sur le volet tout le respect qui leur est

du en leur qualité de juges des faits expérimentés, compétents et indépendants.

70. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, vous connaissez tous mieux que moi la

jurisprudence de la Cour : «[U]ne attention particulière mérite d’être prêtée aux éléments de preuve

obtenus par [des personnes indépendantes] rompu[e] s à l’examen et à l’appréciation de grandes

quantités d’informations factuelles, parfois de nature technique.» (Affaire des Activités armées sur

le territoire du Congo (République démo cratique du Congo c O.uganda), arrêt,

C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61, mais voir généralement par. 60-62.) Un rapport émanant d’une

organisation internationale spécialisée jouit d’une «autorité considérable», compte tenu du «soin

avec lequel ce rapport a été établi, [de] la divers ité de ses sources et [de] l’indépendance des

41 personnes chargées de son élaboration» (affaire relative à l’ Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (B osnie-Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro),

arrêt, C.I.J. Recueil 2007, p.135-137, par.228-230). Et les «[les dépositions] de témoins

désintéressés - qui ne sont pas parties au litige et n’ont rien à y gagner ni à y perdre» sont

«considérées comme ayant à priori une valeur probatoire élevée» (affaire des Activités militaires et

paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicar agua c.Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt,

C.I.J. Recueil 1986, p. 43, par. 69).

71. Monsieur le président, Messieurs de la C our, les rapports de la SFI et de ses experts

satisfont à l’ensemble de ces critères. Ils démontrent indéniablement que les demandes de

l’Argentine relatives au dommage causé au fleuve Uruguay ou à ses écosystèmes ne sont nullement

fondées. Si vous décidez de souscrire aux conclu sions de la SFI et de ses experts-conseils

indépendants, la thèse de l’Argentine est alors dép ourvue de fondement. De tout fondement. Et

même à supposer que vous décidiez de ne tenir auc un compte de la SFI et de ses experts, la thèse

argentine demeurerait tout aussi infondée. Ains i que nous l’avons montré, l’Argentine n’a produit

aucun élément crédible tendant à prouver que l’usine Botnia ait causé un dommage au fleuve

Uruguay ou à la qualité de ses eaux. Les élémen ts de preuve, y compris, comme nous l’avons

montré, ceux qu’a produits l’Argentine elle-même, démontrent l’absence de dommage. Et, partant, - 37 -

les demandes de l’Argentine fondées sur de prétendues violations des dispositions de fond du statut

de 1975 doivent toutes être rejetées.

72. Ainsi s’achève mon exposé de ce matin. Je saisis cette occasion pour vous remercier,

Monsieur le président et Messieurs de la Cour, d’ avoir eu le grand honneur de paraître devant vous

en l’instance, non pas une mais plusieurs fois. Ce la a été un grand privilège et je vous remercie

tous de votre patience, de votre c ourtoisie et de votre aimable atte ntion. Et je tiens à remercier

également personnellement les interprètes pour leur travail remarquable.

73. Je vous prie d’appeler maintenant à la barre le prochain orateur de l’Uruguay,

M.LuigiCondorelli, qui répondra à l’exposé du second tour de plaidoiries de l’Argentine sur les

remèdes, peut-être après la pause café.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je remercie M.Reichler de son

exposé et je suspends l’audience pendant 15 minutes pour la pause café.

L’audience est suspendue de 11 h 30 à 11 h 45.

42 The VICE-PRESIDENT, Acting President: Please be seated. The hearing is resumed and I

give the floor to Professor Luigi Condorelli. You have the floor, Professor Condorelli.

CMOr. DORELLI:

T HE REMEDIES REVISITED

1. INTRODUCTION

1. Thank you very much, Mr. President. Mr. President, Members of the Court, I thank you

in advance for your patience in listening to me one last time before the su bmissions shortly to be

read out by the Agent of Uruguay, Ambassador Gianelli, closing the oral proceedings. It is my task

to reply to the comments by the opposing Party on the subject of remedies. I shall be brief since, in

the second round of oral argument, Argentina introd uced nothing essentially new into the debate.

Argentina does not budge an inch from its previous position (or should one say parti pris?). It

repeats, repeats and repeats over and over again, with no sense of moderation that, Uruguay having

in its view breached its obligations laid down by the Statute, Argentina is entitled to obtain - 38 -

essentially just one thing: the dismantling of the plant as part of the restitutio in integrum 12. No

other remedy, including cessation and compensation, could possibly take the place of the order to

dismantle Botnia which the Court should issue to Uruguay. Let us not delude ourselves: it could

not possibly occur to the Court to decide that th e plant must be transferred or converted, as our

opponents appear to suggest 13. Ultimately, for Argentina, the only possible outcome of the present

proceedings is dismantling, nothing less: this a pplies to breaches of the procedural obligations

alone, of the substantive obligations alone and of bo th of them together; whatever their gravity;

and even if such breaches had not the slightest harmful effect on the river ecosystem.

2. Mr. President, Uruguay can but note once agai n, with sadness and surprise, this obsessive
43

leitmotiv, this relentless and indefatigable insistence on repeating: “Delenda Carthago!”, “Delenda

Carthago!”, “Carthage must be destroyed!”. It must be said, Members of the Court, this

doggedness strikes Uruguay as hard to reconcile w ith the spirit of friendship between the two

countries referred to, during her conclusions l ast Tuesday, by the Agent of Argentina,

Ambassador Ruiz Cerutti 131. Happily, the decision by your Court is imminent: the wisdom of the

Court will, it is strongly to be hoped, help to r estore calm to relations between the two countries,

which this case has rendered turbulent.

3. Mr. President, there is certainly no question of going back in detail at this late stage over

the argument I had the honour to present to the Court in the first round of oral pleadings concerning

the remedies claimed by Argentina, which would remain inappropriate, inequitable, excessive and

fundamentally disproportionate, even in the unlikely event that your Court were to decide to uphold

one or other submission of the opposing Party c oncerning the breaches of the Statute for which

Uruguay is allegedly responsible. Hence, in the following minutes, I shall first make just three

brief remarks in order to refute certain argum ents recently put forward by our opponents,

concerning, precisely, the remedies claimed by Argen tina. I shall then revert, at somewhat greater

length, to the claim submitted by the Respondent for your Court to explicitly recognize that

129
CR 2009/12, p. 24, para. 27 (Ruiz Cerutti); CR 2009/14, p. 21, para. 28 (Kohen); CR 2009/15, p. 42, para. 16
(Müller); CR 2009/21, p. 35, para. 42 (Sands), pp. 55 et seq., paras. 5 et seq. (Pellet).
130
CR 2009/21, p. 55, para. 8 (Pellet).
13CR 2009/21, p. 67, para. 24 (Ruiz Cerutti). - 39 -

Uruguay is entitled to continue operating the pulp mill and that Argentina has an obligation to

respect that right.

A. Some comments on the remedies claimed by Argentina

4. The first of the remarks relating to the reme dies claimed by Argentina is as follows. The

Court certainly recalls Uruguay’s comments arguing that the presence in the Statute of Articles 42

and 43 confirms that the ordinary remedy, in cases of a breach of the substantive obligations in the

Statute, is compensation, not restitution 132. ProfessorPellet challenges this argument. For him,

these provisions have nothing to do with the international responsibility of States for wrongful acts.

Article 43 ⎯ he asserts ⎯ “clearly concerns not relations between the two States, but the
44

consequences of the breaches committed by the u sers and falling within the respective jurisdiction

of the Parties” 13. However, this argument is not at all convincing. One has only to carefully read

the Article quoted to realize that things are quite different. Although it is undeniable that this

Article concerns breaches committed by the users, but not only that, it is also spelled out there that

the exercise of jurisdiction by one of the two States with regard to “any violation of pollution” in

no way prejudices the rights of the other Party “to obtain compensation for the losses it has

suffered as a result of such violation”. This ri ght of each State to compensation in the event of

wrongful conduct attributable to the other Party mu st naturally be understood in the light of the

principle embodied in Article 42, which clearly envisages State-to-State responsibility.

5. I now come to my second remark. It concerns the attempted misuse by the Applicant of

your Court’s Order of 13 July 2006 relating to Arge ntina’s request for the indication of provisional

measures, in order to discuss whether the remedy of restitution is disproportionate in this case or

not. For last Tuesday, Professor Pellet again repeated the new argument he had already set forth in

the first round of oral pleadings, according to which the assessment of whether the restitution is

proportionate or not should not be made in the presen t, but in relation to a kind of “critical date”,

which would, at the latest, be the date of the Or der of your Court which I have just quoted. In an

attempt to make his argument which was not based on any aspect of international practice

132
CR 2009/19, p. 53, para. 22 (Condorelli).
13CR 2009/21, p. 52, para. 4 (Pellet). - 40 -

(probably because there is none) more credib le, ProfessorPellet now argues that Uruguay is

allegedly subject to a kind of estoppel, which supposedly arises from the position it adopted in the

proceedings relating to the provisional measures. According to my eminent opponent and dear

friend, Uruguay “then undertook to comply with an order for dismantling or cessation of

134
operation” . It therefore follows that “in good faith, Uruguay cannot now go back on its word and

blackmail the Court (and the Applicant) with the ‘colossal damage’” 135: the idea is that the price of

restitutio in integrum may have become colossal today, whereas it probably was not so in 2006.

45 6. This theory is highly imaginative, but has no basis. It is true that, in the Order of

13 July 2006, the Court said that the possibility could not be excluded a priori of a judicial finding

that the plant must be dismantled or modified 136. It is also true that Uruguay has recognized that

the Court has the power to prescribe such measur es, by accepting the idea that the dismantling of

the plant could in certain extreme cases represen t the appropriate remedy, but only in the face of

possible wrongful acts of exceptional gravity: namely, in the unlikely event that the Court were to

find that this is the only possible option with a view to protecting the environment of the River

Uruguay, the construction and operation of the work in question being fundamentally incompatible

with the substantive obligations laid down by the Statute. Uruguay, however, has never agreed to

view the dismantling of the work as an appropr iate and proportionate re medy which would be

applicable in all cases of breaches of the Statute, in particular as regards the breach of procedural

obligations.

7. The third remark concerns the relation which, according to Argentina, should exist

between the remedy of restitution and compensation. As we know, the Applicant grants absolute

primacy, if not exclusivity, to restitution, the la tter necessarily entailing, in its view, the annulment

of the authorizations to construct the plants and all associated facilities, as well as their

137
dismantling . However, Argentina argues that it is al so entitled to compensation, but assigns it

what may be termed an ancillary role: for comp ensation is not viewed as a possible alternative to

13CR 2009/21, p. 55, para. 7 (Pellet).
135
Ibid.
13Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures, Order of 13 July 2006, I.C.J.

Reports 2006, p. 133, para. 78.
13MA, paras. 8.23-8.24; RA, para. 5.3. - 41 -

restitution, but is requested exclusively in a sec ondary capacity, to complete the reparation due.

During the oral pleadings, Professor Pellet said that the Applicant maintains this argument which is

included in the Argentina Republic’s Submissions presented by its Agent last Tuesday 138.

8. This view of the remedies to which Argen tina claims it is entitled needs to be carefully

weighed up by your Court. Uruguay requests the C ourt to note that the Applicant openly rejects

the idea that compensation could be granted to it in the place of and as a substitute for restitution,

since, according to it “ [o]nly the dismantling of the mill and its associated facilities... can
46
139
re-establish the statu quo ante ” . It follows that, in the unlikel y event that the Court were to

decide that Uruguay has breached its international commitments laid down by the Statute, but were

to decline to grant Argentina the principal remedy it calls for, the ancillary remedy of compensation

would also cease to apply, since, according to the Applicant, compensation can have no purpose

other than to serve as a complement to restitution.

9. Mr. President, I have now finished my co mments on the remedies claimed by Argentina.

Comments which ⎯ as you will have understood ⎯ should again be termed academic and

subsidiary, since Uruguay is convinced that the Court can but reject all the claims which the

opposing Party has submitted to it.

B. Recognition by the Court of Uruguay’s rights

10. I now come logically to the applicati on submitted by the Respondent aimed at getting

your Court not to confine itself to rejecting the claims submitted by Argentina, but also getting it to

explicitly declare that Uruguay is entitled, in accord ance with the 1975 Statute, to keep the Botnia

plant operating and that Argentina is obliged not to impede the enjoyment of that right. Indeed,

Uruguay is convinced that, by making it absolutely clear what Uruguay’s rights and Argentina’s

obligations are, the Court could make a rema rkable contribution to settling the dispute by

eliminating all doubt which might risk prolongi ng it in future. The importance which Uruguay

attaches to such a declaration has been abundantly illustrated in the Respondent’s Rejoinder as well

as in one of Mr. Reichler’s oral arguments last week 140. If it now seems necessary to revert to this

13CR 2009/15, para. 20 (Pellet); CR 2009/21, p. 55, para. 9 (Pellet).
139
MA, para. 8.24; emphasis added.
14RU, pp. 401-406, paras. 7.30-7.40 and CR 2009/19, p. 42, para. 23 (Reichler). - 42 -

topic, it is above all to reply to the objection ma de by Professor Pellet, who alleged that Uruguay’s

Request is “inadmissible under Article80 of the Rules of Court”, since it in fact constitutes a
141
“disguised counter-claim” .

11. In the Order of 17 December 1997 in the case concerning Application of the Convention

on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide, your Court said

47 “a counter-claim has a dual character in relation to the claim of the other party;
whereas a counter-claim is independent of the principal claim in so far as it constitutes
a separate ‘claim’, that is to say an au tonomous legal act the object of which is to
submit a new claim to the Court, and, whereas at the same time, it is linked to the

principal claim, in so far as, formulated as a ‘counter’ claim, it reacts to it; whereas
the thrust of a counter-claim is thus to wi den the original subject-matter of the dispute
by pursuing objectives other than the mere dismissal of the claim of the Applicant”
(Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of

Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Counter-Claims, Order of
17 December 1997, I.C.J. Reports 1997, p. 256, para. 27).

12. Thanks to this elucidation by your disti nguished Court, it is easy to show that Uruguay’s

claim has nothing of the counter-claim about it: for it is clear that, by requesting the Court to state

that Uruguay is entitled to continue operating the Botnia plant, the Responde nt is not introducing

any “separate” claim in relation to the claim intr oduced by Argentina, by which the Applicant,

precisely, disputes Uruguay’s right, arguing that the construction and continued operation of Botnia

would constitute breaches of the Statute. Still l ess by its Application does Uruguay seek “to widen

the original subject-matter of the dispute” by pr esenting a “new” and “independent” claim. Quite

the contrary, the right for which Uruguay claims recognition is already submitted to the Court in

this case: it even lies at the heart of the dis pute which your Court is called upon to settle following

Argentina’s Application.

13. What your Court emphasized with exempl ary clarity in its Order of 23January2007

concerning Uruguay’s request for the indication of provisional measures needs to be called to mind

again. In that Order, the Court recognized that “any right Uruguay may have to continue the

construction and to begin the commissioning of the Botnia plant in conformity with the provisions

of the 1975 Statute, pending a final decision by the Court, effectively constitutes a claimed right in

the present case” (Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Provisional Measures,

Order of 23January2007, I.C.J. Reports 2007, pp.10-11, para.29); to which the Court added:

141
CR 2009/21, p. 57, para. 12 (Pellet). - 43 -

“the rights which Uruguay invokes in, and seeks to protect by, its request... have a sufficient

connection with the merits of the case for the purposes of the cu rrent proceedings” ( ibid., p.11,

para. 30). In a word, contrary to the claims of our opponents, Uruguay is not presenting a “new”

and “separate” claim in relation to Argentina’s, it does not seek to widen the subject-matter of the

48 dispute at all: in short, in this case, there is no counter-claim, whether disguised or not. The

objection made by the opposing Party can therefore not be upheld by the Court.

14. Mr.President, Uruguay is well aware that, since the filing of its Rejoinder, your Court

has had occasion to consider a similar request s ubmitted by the Respondent in another case; and

we know that the Court rejected that request, finding, in particular, that the reasoning of the

Judgment, by which the Applicant’s claims were rejected, was in pr inciple sufficient for precisely

identifying its obligations and the rights of the Respondent, with respect to the questions which had

been “raised...and discussed by the Parties throughout the proceedings” ( Dispute regarding

Navigational Rights (Costa Rica v. Nicaragua), Judgment of 13July2009, para.154). The

wisdom of this conclusion is patent. However, th e present case is in this respect characterized by

features which suggest ⎯ in Uruguay’s view ⎯ a substantially different approach.

15. In our case, the dangers of prolonging the dispute beyond the imminent decision of the

Court are likely to be determined in particular by Argentine attitudes which the Respondent has

constantly criticised, including before your disti nguished Court. Your Court cannot be unaware of

what is common knowledge, namely that certain circles in Argentina are openly hostile to the

major industrial initiative relating to the exploitation of the natural resources of the River Uruguay,

which is the root of the present dispute. And it is also well known that, on Argentina’s part, there

is an attitude of support, or at least of very clear tolerance of the segment of Argentine public

opinion displaying greater active opposition to the Uruguayan initiative concerned, including by

manifestly illegal means, such as blockading in ternational bridges over the River Uruguay which

link Uruguayan and Argentine territory. The risk that the attitudes indicated will survive after

settlement of the dispute by your Court is serious and should not be underestimated: for there are,

alas, many signs that it will persist: for exampl e, the demonstrators who for years have blockaded

the General San Martín Bridge and still are doing, p ublicly proclaim that they will continue their - 44 -

49 “fight” against Botnia whatever your ruling 14. This being so, it would be very useful ⎯ if

Argentina’s request is rejected ⎯ for the Court to explicitly indi cate to the Applicant that it is

under an obligation not to impede the enjoyment of the right which your Court will have granted to

Uruguay and that, with a view to this, the Applican t must take all necessary steps to prevent such

enjoyment being impeded by obstacles which it is in its power to eliminate.

16. Mr.President, in the oral phase of the present proceedings Uruguay has alas not

discerned any pointers enabling it to feel reassured as regards concern that the dispute which your

Court is called upon to settle might continue be yond your imminent decision. On the one hand,

there has been not the slightest word from th e Applicant to assure the Court and Uruguay that,

should Argentina’s request be rejected and Uruguay ’s right to continue to operate Botnia be

recognized, Argentina will scrupulously respect that right and will take all steps within its power to

avoid any impediment to its exercise.

On the other hand, your Court heard the Agent of Argentina declare l ast Tuesday that what

she calls the “reaction” of demonstrators bl ockading international bridges “is merely the

143
consequence of building the plant on the left bank of the River Uruguay” ; which seems to justify

the forecast that, if your Court declines to or der the dismantling of Botnia, the “reaction” will

continue as the demonstrators have very publicly promised it will, and with it, the benevolent

refusal of the Argentine authorities to take adequate steps to put a stop to it. Are these not further

reasons which should prompt your Court to uphold Uruguay’s claim on this subject, in the form in

which it will be set out in a moment by the Agent of Uruguay?

Conclusion

17. But it is now high time for the Ag ent of the Eastern Republic of Uruguay,

AmbassadorGianelli, to present the Respondent’s s ubmissions to the Court. As for me, it only

50 remains to say what an honour it has been for me to appear again in this Court, and how grateful I

am for the attention you have shown me. Mr.Pr esident, Members of the Court, thank you very

much.

142
“Argentine Pulp Mill Protestors Promise to ‘Fight on’ Whatever the Hague Ruling”, Merco Press, 7 Sep. 2009
(http://en.mercopress.com/2009/09/07).
143
CR 2009/21, p. 67, para. 25 (Ruiz Cerutti). - 45 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Thank you Professor Condorelli, et je

donne la parole à S. Exc. M. l’ambassadeur Carl os Gianelli pour qu’il présente ses observations et

conclusions finales. Monsieur l’ambassadeur, vous avez la parole.

M. GIANELLI :

OBSERVATIONS ET CONCLUSIONS FINALES

1. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, c’est un honneur et un privilège de prendre à

nouveau la parole devant vous, cette fois pour cl ore non seulement le second tour de plaidoiries de

l’Uruguay mais aussi la procédure orale dans cette affaire.

2. Nous sommes loin de ce début de mois de juin2006 où nous nous sommes pour la

première fois présentés devant vous, dans la pr océdure orale sur la demande en indication de

mesures conservatoires de l’Argentine. Depuis, l’Uruguay n’a cessé d’admirer l’engagement dont

la Cour fait preuve au service de la justice. Je tiens, en mon nom propre et au nom de tous les

membres de ma délégation, à vous exprimer ma gratitude, à vous, Monsieur le président, aux

membres de la Cour, au greffier et au greffier adjoint, ainsi qu’à leurs excellents collaborateurs, aux

interprètes, et à tous ceux qui travaillent ici.

3. Monsieur le président, lorsque j’ai pris la parole devant vous il y a dix jours, j’ai exprimé

la tristesse que moi-même et tous les Uruguayens ressentons à nous trouver ici opposés à un voisin

auquel nous attache un lien indissoluble, qui n’ est pas fondé seulement sur des relations

économiques et commerciales, mais a des origines hi storiques, sociales et culturelles profondes.

Bien que cette tristesse reste palpable, les émo tions qui dominent aujourd’hui en nous sont le

soulagement et la fierté. Nous sommes soulagés que ce différend qui pèse terriblement sur nos

relations avec l’Argentine soit finalement, au bout de troisans, sur le point d’être tranché. Nous

sommes convaincus que, lorsque la Cour rendra sa décision, celle-ci sera juste et équitable.

4. Nous sommes fiers de notre équipe, Urugua yens et non uruguayens, grands avocats et

experts, qui a fait preuve de son dévouement inlassable non seulement à notre cause, mais aussi à la

Cour et aux règles gouvernant les procédures qui se déroulent devant elle. - 46 -

51 5. Nous sommes fiers aussi d’avoir eu l’occasion de démontrer à la Cour, et au monde entier,

notre attachement au développement durable, tant du fleuve Uruguay que de notre pays dans son

ensemble.

6. Monsieur le président, il est remarquabl e qu’un petit pays en développement comme le

nôtre confère à la protection de l’environnement un tel rang de priorité et qu’il ait tenu à ce que

Botnia n’emploie que les méthodes et la technologie les plus modernes dans son usine. L’Uruguay

n’a cessé d’y insister. Il ne pouvait en être autrement : la protection de l’environnement est inscrite

dans la Constitution uruguayenne, et le principe du développement durable est aussi incorporé dans

la loi, aux termes de laquelle il est du devoir fo ndamental de l’Etat, et des organismes publics en

général, de favoriser un modè le de développement écologi que durable, de protéger

l’environnement et, si celui-ci venait à subir des dommages, de les réparer ou de les faire réparer.

7. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, la manière dont l’Uruguay gère

l’exploitation de l’usine Botnia non seulement est en accord avec notre droit interne, elle est aussi

entièrement conforme aux oblig ations que nous avons assumées en vertu du statut du fleuve

Uruguay de1975. Comme je vous l’avais promis da ns ma première intervention, les conseils de

l’Uruguay ont maintenant présenté à la Cour une quantité importante d’él éments de preuve, dont

beaucoup proviennent de sources officielles argentines et qui montrent, sans l’ombre d’un doute,

que l’Uruguay s’acquitte de toutes les obligations que lui impose le statut.

8. En ce qui concerne les problèmes environnementaux que M.Reichler vient à nouveau

d’évoquer devant vous, il est absolument clair que l’usine Botnia n’a pas provoqué de pollution du

fleuveUruguay, et qu’elle n’a pas eu d’effets non plus sur l’écosystème du fleuve dans son

ensemble. Même compte tenu de l’inversion partielle du courant dont on nous a si souvent parlé, la

capacité d’assimilation du fleuve est considérable et il peut facilement absorber la quantité modeste

d’effluents que rejette l’usine Botnia. N’oublions pas que l’Uruguay est quand même le 25 efleuve

du monde, et non pas ce cours d’eau gazouillant que l’Argentine nous dépeint.

9. Ces conclusions ne sont pas celles de l’Uruguay seulement. Elles ont aussi été exprimées

par la seule voix indépendante que nous ayons entendue au cours de cette procédure, celle de la SFI

et des experts indépendants mandatés par elle. Leur rapport a été entériné par le conseil des

administrateurs de la Banque mondiale en novemb re2006, date à laquelle celui-ci a approuvé à - 47 -

l’unanimité de ses membres, à l’exception de l’admi nistrateur représentant l’Argentine, le prêt

demandé pour financer le projet Botnia.

52 10. Toute l’argumentation de l’Argentine relative à l’environnement s’articule autour du rôle

prétendu de l’usine Botnia dans une florai son d’algues isolée, observée un seul jour en

février2009, et qui n’a apparemment même pas causé de dommage mesurable. Et pourtant,

comme l’Uruguay l’a montré de manière concluan te, aucune base scientifique ne permet de

conclure que l’usine Botnia a causé cette florais on d’algues, ni même qu’elle y a contribué. Cet

argument ne tenant pas, c’est toute la thèse de l’Argentine concernant l’environnement qui

s’écroule.

11. Pour ce qui est des questions de procédure, les éléments de preuve sont également clairs.

Même abstraction faite des preuves très réelles et solides qui montrent que l’Argentine avait

accepté depuis longtemps l’idée que l’usine Botnia pouvait être construite et qu’elle le serait, le fait

incontestable demeure que l’Argentine a été cons ultée en détail et qu’elle a eu communication

d’une quantité énorme d’informations au sujet de l’usine avant le début des travaux. Les

négociations menées par l’Uruguay da ns le cadre du GTAN prouvent la volonté de notre pays de

participer au règlement du différend, tandis que le refus de l’Argentine d’exposer clairement ses

préoccupations écologiques et techniques donne à penser que ses actions étaient motivées par

d’autres considérations.

12. Ni l’Uruguay ni l’Argentine n’a l’obligation d’obtenir l’accord de l’autre avant

d’autoriser la réalisation d’un projet sur le fleuve . Le mécanisme de notification et de consultation

prévu par le statut ne subordonne pas l’exécution d’un projet au consentement préalable de l’autre

partie. Cela reviendrait en fait à donner à cette autre partie un droit de veto qui lui permettrait de se

ménager facilement des avantages en échange de son consentement.

13. Monsieur le président, la principale conc lusion de l’Uruguay à l’issue de cette procédure

est que, si l’Argentine n’a peut-être pas de griefs légitimes, elle a certainement une cible, et cette

cible, c’est l’usine Botnia. Il n’aura pas échappé à la Cour que tous les arguments de l’Argentine

convergent sur une seule demande: l’usine doit être démantelée. Rien d’autre ne sera suffisant,

M. Condorelli vient de l’expliquer très clairement. - 48 -

14. En 2006, l’Argentine a demandé à S. M. le roi d’Espagne de conduire une procédure de

facilitation, ce que l’Uruguay a bien entendu accep té. Mais cette procédure n’a pas abouti,

exactement pour la même raison : l’Argentine n’avait qu’une seule idée, la relocalisation de l’usine,

alors qu’il y avait d’autres points importants à prendre en considération.

15. Monsieur le président, Messieurs de la C our, cette attitude extrême montre en elle-même

que le souci de l’Argentine est moins de protég er l’environnement, ou de garantir l’intégrité du

statut, que de nier à l’Uruguay le droit de fa ire un usage équitable du fleuve. Nous savons que

53 l’Argentine a plus de 100entreprises industriell es sur le fleuve, ou à proximité du fleuve, qui

déversent des milliers de tonnes de phosphore chaque a nnée dans ses eaux. Contrairement à ce

qu’a affirmé l’Argentine, la pollution est liée, non pas à la dimension de l’usine, mais à la

technologie employée.

16. Animé par le désir de retrouver l’esprit de coopération qui a toujours caractérisé nos

relations avant2006, l’Uruguay réitère l’offre ⎯qu’il a déjà faite un nombre incalculable de

fois ⎯ de reprendre la surveillance commune du fle uve Uruguay avec l’Argentine. Peut-être est-il

vrai que la coopération entre nos deux pays est étro ite de manière générale, mais la surveillance du

fleuve reste une exception flagrante et vraiment pas nécessaire.

17. Le refus persistant de l’Argentine de participer à la surveillance commune est

inexplicable, pour ne pas dire incompatible avec les engagements qu’elle a pris au sein de la

CARU. Il est d’autant plus difficile à comprendr e que, pour une toute petite partie des ressources

qu’elle a consacrées à cette affaire, elle aurait facilement pu financer sa part d’un programme de

surveillance complet, tout en prenant des mesures concrètes pour contrôler ses propres

déversements de nutriments dans le fleuve. C’est exactement ce qu’a fait l’Uruguay, alors même

qu’il devait faire face aux dépenses totalement contre-productives qu’il a dû engager pour se

défendre dans cette affaire absurde.

18. Par ailleurs, il est évident que l’existe nce d’un différend penda nt devant la Cour

n’exonère pas les Parties de l’obl igation de protéger et de préser ver le milieu aquatique et de

prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger le fleuve qui leur incombe en vertu du statut

du fleuve Uruguay. - 49 -

19. La reprise de la surveillance commune non seulement serait une démonstration éclatante

du respect que portent nos pays aux principes du bo n voisinage et de la c oopération internationale,

elle contribuerait aussi directement à garantir que le fleuve reste une ressource vitale et viable pour

le développement durable de nos deux pays. En plus de ces mérites évidents, la surveillance

commune que propose l’Uruguay aura it aussi l’avantage de produire des résultats par définition

incontestables, et elle permettrait aux Parties de s’attaquer aux problèmes réels qui pourraient

éventuellement requérir leur attention.

20. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’Uruguay s’en remet avec confiance à

votre haute juridiction. De tous les pays du monde, l’Uruguay est celui dont la déclaration

d’acceptation de la clause facultative est la plusancienne, puisqu’elle a été présentée à la Cour

permanente de Justice internationale en 1921. No tre respect pour votre Cour, et notre confiance en

ses décisions, n’ont jamais faibli. Comme notre pr emier agent, l’éminent professeur Gros Espiell,
54

en a donné l’assurance à la Cour à la toute prem ière audience, enjuin2006, l’Uruguay se

conformera pleinement à la décision que rendra la Cour dans sa sagesse. Au nom du

Gouvernement uruguayen, je renouvelle aujourd’hui cet engagement.

C ONCLUSIONS FINALES DE L ’U RUGUAY

21. Enfin, Monsieur le président, sur la base des faits et arguments exposés dans le

contre-mémoire de l’Uruguay, da ns sa duplique, et au cours de la procédure orale, l’Uruguay prie

la Cour de rejeter les demandes de l’Argentine et de confirmer le droit de l’Uruguay de poursuivre

l’exploitation de l’usine Botnia conformément aux dispositions du statut de 1975.

22. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je vous remercie de votre aimable et

patiente attention. Ceci met fin aux plaidoiries de l’Uruguay.

Le VICE-PRESIDENT, faisant foncti on de présiden:tJe vous remercie,

Monsieurl’ambassadeur. La Cour prend note des conclusions finales dont vous venez de donner

lecture au nom de la République orientale de l’ Uruguay, comme elle l’a fait pour les conclusions

finales présentées par la République de l’Argentine le mardi 29 septembre 2009.

Ceci met un terme à ces trois semaines d’a udiences. Je voudrais remercier les agents,

conseils et avocats des deux Parties pour les ex posés qu’ils ont faits depuis trois semaines. - 50 -

Conformément à la pratique, je prierai les deux ag ents de rester à la disposition de la Cour pour

tout renseignement complémentaire dont elle pourrait avoir besoin.

Sous cette réserve, je déclare maintenant close la procédure orale dans l’affaire relative à des

Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay) . La Cour va maintenant se

retirer pour délibérer. Les agents des Parties seront avisés en temps utile de la date à laquelle la

Cour rendra son arrêt.

La Cour n’étant saisie d’aucune autre question aujourd’hui, l’audience est levée.

L’audience est levée à 12 h 25.

___________

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