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CR 2009/16 (traduction)

CR 2009/16 (translation)

Lundi 21 septembre 2009 à 10 heures

Monday 21 September 2009 at 10 a.m. - 2 -

12 The VICE-PRESIDENT, Acting President: Please be seated. The sitting is open. The Court

meets today to hear the first round of oral argument of the Eastern Republic of Uruguay. Uruguay

will then conclude its first round of oral argu ment on Thursday 24September, from 10a.m. to

1p.m. Je donne à présent la parole à S.Exc. M. l’ambassadeur Carlos Gianelli, agent de

l’Uruguay, pour qu’il prononce son discours d’ouverture. Vous avez la parole, Monsieur.

M. GIANELLI :

I. NTRODUCTION

1. Monsieur le président et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un honneur de paraître

devant cette éminente juridiction, et un grand privilège d’être l’agent de l’Uruguay en l’instance.

2. Je tiens à vous dire tout d’abord, au nom de notre délégation, combien je déplore l’absence

de notre agent principal, retenu à Montevideo pa r des problèmes de santé inopinés. Je remercie

également mon homologue, MmeRuiz Cerutti, pour la sollicitude qu’elle a exprimée à l’égard de

M.l’ambassadeur Gros Espiell, et je puis l’assurer que ses meilleurs vŒux ont été transmis à ce

dernier.

3. Monsieur le président, la présente affaire constitue un triste épisode dans l’histoire des

relations entre l’Argentine et l’Uruguay, deux Et ats traditionnellement proches. Nous regrettons

que deux pays amis en soient arrivés à s’affront er d’une manière que ni les Uruguayens ni les

Argentins n’auraient jamais pu imaginer. Mais la tristesse que j’éprouve aujourd’hui, et le peuple

uruguayen tout entier avec moi, est d’autant plus grande que l’Argentine a tenu des propos

outranciers tout au long des plaidoiries de la se maine dernière, en faisant purement et simplement

passer l’Uruguay pour un hors-la-loi sur la scène in ternationale. L’Uruguay est toutefois heureux

d’avoir ici l’occasion de répondre point par poin t et en toute sincérité aux accusations sans

fondement portées contre lui par l’Argentine. Ainsi qu’il va être démontré par les éminents

conseils et avocats qui vont me succéder à la barre, au regard de la réalité des faits et du droit,

l’Uruguay n’a violé — et ne viole — d’aucune façon le statut du fleuve Uruguay de 1975. - 3 -

II.C OOPÉRATION INTERNATIONALE ET BON VOISINAGE

4. Monsieur le président, Messieurs de la Cour , l’Argentine a tenté de faire croire que notre

pays était parfaitement indifférent au statut de 1975. L’Uruguay a été accusé de «se comporte[r]

comme si le statut de 1975 n’existait pas». En fa it, l’Uruguay attache infiniment d’importance au

statut, notamment parce que celui-ci contribue à le protéger dans le cadre de sa relation avec son
13

voisin, bien plus grand et bien plus développé économiquement.

5. De par l’importance de son territoire, de sa population, de son agriculture et de son

industrie, c’est l’Argentine —et non l’Uruguay— qui fait de loin le plus grand usage du fleuve

Uruguay, avec les conséquences qui s’ensuivent pour l’environnement. Pour l’Uruguay, le statut

de1975 est sacré car il lui garantit le droit d’être protégé contre la pollution et les nuisances

environnementales venant d’Argentine, et celui d’utiliser le fleuve de manière équitable.

6. En parcourant les comptes rendus des audiences de la semaine dernière, j’ai été frappé par

le décalage qui existe entre les faits et la façon dont l’Argentine s’efforce de les présenter à la Cour.

Après les longs discours de l’Argentine, la Cour tr ouvera sans doute utile d’examiner les faits, tels

qu’ils sont.

7. Dans ses exposés de jeudi dernier (CR 2009/ 15), l’Argentine a laissé entendre de façon à

peine voilée à la Cour que, si elle ne prenait p as de mesures rigoureuses contre l’usine Botnia, elle

ferait reculer de plusieurs dizaines d’années la ca use du droit international de l’environnement.

L’Argentine a placé la Cour devant un choix qui n’ a pas lieu d’être, Monsieur le président. Je ne

dis pas cela uniquement parce que telle est l’opinion de l’Uruguay. Je le dis parce que cela ressort

des éléments de preuve. L’un des traits remarquables de cette affaire est que, en définitive, la Cour

n’a pas à choisir entre les arguments de l’Uruguay et ceux de l’Argentine.

8. La présente instance est différente de la gr ande majorité des affaires portées devant la

Cour, dans lesquelles les parties fondent leurs allé gations sur des éléments de preuve qu’elles ont

préparés spécialement pour la cause. En l’espèce, la Cour dispose de nombreux rapports établis par

des experts de l’environnement indépendants engagés par la Soci été financière internationale,

organe de la Banque mondiale ; ces rapports démontre nt clairement que l’usine Botnia satisfait en

tous points aux normes internati onales les plus exigeantes et qu’elle ne pollue pas le fleuve

Uruguay. - 4 -

9. Les rapports auxquels je fais référence opposent également un démenti total aux tentatives

peu subtiles de l’Argentine visant à faire accroire que l’usine Botnia n’aurait pas pu être construite

en Europe, en Amérique du Nord ou dans d’ autres pays développés. Comme le montrent

clairement ces rapports, elle aurait pu l’être. L’usine qui nous occupe ici rivalise avec les

meilleures d’Europe. Sans réserve aucune. Si l’Argentine se demande pourquoi l’usine a été

construite en Uruguay, peut–être suffit–il de lui rappeler qu’un eucalyptus pousse trois fois plus

vite dans nos contrées qu’en Europe.

14 10. Monsieur le président, la décision prise par l’Argentine début 2006 de suspendre toute

activité de surveillance de la qualité de l’eau est contraire aux principes généraux de coopération et

de bon voisinage et aux dispositi ons du statut de 1975, ainsi que la Cour l’a reconnu dans son

ordonnance de juillet2006. Nous a vons appris le 30juin dernier que, au lieu de passer par la

CARU pour surveiller le fleuve comme il est pr évu dans le statut, l’Argentine s’est livrée

secrètement pendant deux ans à sa propre analyse, de manière unilatérale.

III.LES ÉLÉMENTS DE PREUVE PRÉSENTÉS PAR L ’A RGENTINE

11. Monsieur le président, vous avez entendu la semaine dernière de longs discours sur le

phénomène d’inversion du courant. Il vous a été répété maintes fois combien ce phénomène était

fréquent et, en particulier, que l’Uruguay n’en aurait pas tenu compte ou n’aurait pas consulté

l’Argentine à ce sujet. Monsieur le président, de telles allégations sont parfaitement dénuées de

fondement. Le fait est, et la réalité est là pour le prouver, que l’Uruguay a bel et bien tenu compte

des propriétés hydrodynamiques du fleuve, y compris d es épisodes d’inversion du courant. Il en a

également tenu compte dans sa modélisation de la dispersion des effluents de Botnia—une

modélisation qu’il a communiquée à l’Argentine lo rs des réunions du groupe technique de haut

niveau (GTAN) qui ont eu lieu en novembre 2005, il y a quatre ans de cela, et qui a été acceptée.

Voilà ce que les éléments de preuve versés au dossier, dont certains par l’Argentine elle-même,

attestent. La vérité est que l’Uruguay a parfaitement cerné la question, l’a exposée en détail à

l’Argentine en 2005, et n’a fait aucune erreur.

12. Vous avez entendu essentiellement le même discours au sujet du vent. Les conseils de

l’Argentine vous ont déclaré, cette fois encore, que l’Uruguay soit n’avait pas saisi la dynamique - 5 -

fondamentale des vents dans la région, soit avait manqué de s’en informer, omettant de consulter

l’Argentine à cet égard. Là encore, l’argument de l’Argentine est radicalement contredit par les

éléments de preuve. Dans les jours à venir, les conseils de l’Uruguay démontreront que celui-ci n’a

pas seulement pris en considération la question du vent: il l’a en outre parfaitement cernée et a

partagé son point de vue avec l’Argentine bien avant le début même des travaux de construction de

l’usine Botnia.

13. Autant les conseils de l’Argentine ont pu se montrer prolixes la semaine dernière, autant

ils ont été fort peu diserts sur les normes relativ es à la qualité de l’eau que les deux pays ont

adoptées dans le cadre de la CARU. Il s’agit là des normes que l’Argentine et l’Uruguay se sont

mutuellement engagés à respecter — et qui constituent donc le droit applicable entre les Parties en

la matière. Dans une affaire concernant la pollution de l’environnement, on pouvait

raisonnablement s’attendre à ce que les normes applicables nous soient exposées. Tel n’a pas été le

cas, et la raison en est simple: tout au long de ses vingt-deux mois d’exploitation, l’usine Botnia
15

n’a jamais dépassé les normes de qualité de l’eau.

14. En revanche, Monsieur le président, il a été fait grand cas d’une prolifération d’algues

«sans précédent» en février 2009, mise sur le co mpte de l’usine, ainsi que de la présence de

nonylphénols, de lindane, de dioxines et de fu ranes, entre autres substances. Là encore,

l’Argentine invoque des faits erronés, ce qu’il est ai sé de démontrer. La prolifération d’algues n’a

pas été causée par l’usine Botnia. En fait, ce phénom ène est courant les mois d’été, et l’épisode en

question semble avoir débuté bien en amont de l’us ine, au-delà de la zone exposée aux effets de

l’installation industrielle telle que définie par l’Argentine elle-mêm e, les algues ayant ensuite été

charriées vers l’aval pour être emportées par l’océan.

15. S’agissant des dioxines et des furanes, leurs concentrations sont si faibles qu’elles

échappent à la détection des technologies modernes. Si ces substances ont certes été une source de

préoccupation du temps des anciennes usines de pâte à papier, tel n’est toutefois plus le cas avec

cette usine de la dernière généra tion. L’Argentine n’en a trouvé aucune trace dans les eaux du

fleuve ; elle en a découvert uni quement dans les sédiments de la baie de Ñandubaysal qui, comme

elle le reconnaît elle-même, n’est pas touchée par les effluents de Botnia. - 6 -

16. La réponse est encore plus simple dans le cas des nonylphénols et du lindane. L’usine

Botnia n’utilise ni l’une ni l’autre de ces substanc es à aucun stade du processus de fabrication. Le

lindane est interdit en Uruguay depuis de nombreu ses années. En Argentine, par contre, ces deux

substances sont toujours largement utilisées dans l’ agriculture — dans le cas du lindane — et dans

l’agriculture et l’industrie dans le cas des nonylphénols. C’est donc d’Argentine qu’elles

proviennent, Monsieur le président, et non de Botnia.

17. La construction et l’exploitation de l’usin e de pâte à papier Botnia sont parfaitement

conformes à toutes les lois et réglementations a pplicables en matière environnementale, comme le

démontreront les résultats d’un plan de surve illance exhaustif qui sera présenté à la Cour cette

semaine — des résultats qui confirment en outre les prévisions faites dans l’évaluation d’impact sur

l’environnement qui a été réalisée sous la dir ection de la DINAMA, av ant même la délivrance

d’une autorisation environnementale préalable. Te lles sont les raisons pour lesquelles la Cour n’a

pas à choisir entre la protection de l’environnement et la poursuite des activités de l’usine Botnia.

IV. R ESPECT DES OBLIGATIONS PROCÉDURALES
16
18. Monsieur le président, non contente de reprocher à l’Uruguay d’avoir fait fi de ses

obligations de protéger et de préserver l’envi ronnement, l’Argentine a également consacré une

bonne partie de la semaine dernière à l’accuser d’avoir manqué à ses obligations procédurales telles

qu’énoncées dans le statut. Monsieur le président, l’Uruguay n’a rien fait de tel.

19. Je dois dire que j’ai été très surpris d’entendre l’Argentine accuser l’Uruguay de ne

l’avoir jamais ni informée ni consultée. En fait, l’Uruguay a fourni à l’Argentine une masse

considérable d’informations sur les usines et sur le milieu récepteur, non seulement avant la mise

en service de l’usine Botnia, mais avant même sa réelle mise en chantier. Monsieur le président, je

ne puis m’empêcher de poser à l’Argentine la qu estion suivante: s’ils ne procédaient pas à des

consultations, qu’ont donc fait ses représentants penda nt six mois, en 2005 et en 2006, lorsqu’ils

ont rencontré à douze reprises leurs homologues ur uguayens pour échanger des informations et

partager leurs vues sous les auspices du GTAN ? - 7 -

V. A CTIONS COERCITIVES EXTRAJUDICIAIRES

20. La Cour n’est pas sans savoir qu’un groupe de citoyens argentins a dressé des barrages

sur la principale voie de communication internatio nale entre l’Argentine et l’Uruguay, le pont

General San Martin, depuis que la pr ésente instance a été introduite il y a plus de trois ans. Ces

barrages, qui ont été ouvertement tolérés par le Gouvernement argentin et qui ont coûté des

centaines de millions de dollars à l’Uruguay, visent à acculer celui-ci à faire fermer l’usine Botnia.

Tel était l’objet de la demande en indication de mesures conservatoires présentée par l’Uruguay en

décembre2006. A l’époque, un tribunal arbitral spécial du Mercosur avait déjà indiqué dans sa

sentence que la tolérance de l’ Argentine vis-à-vis des barrages constituait de sa part un

1
manquement aux obligations lui incombant en vertu du traité d’Asunción .

21. Pourtant, les barrages sont toujours en place. L’Argentine, défiant ouvertement le

tribunal du Mercosur, au mépris du principe du bon voisinage et en violation d’autres principes du

droit international, s’obstine à les tolérer. Ré cemment, par exemple, le sénat de l’Entre Ríos a
17

adopté à l’unanimité une loi faisant de ces barrages un «grand moment historique et culturel».

22. Monsieur le président, je doute fort que la Cour, tout au long de sa longue et riche

histoire, ait jamais eu à connaître d’une affaire da ns le cadre de laquelle l’une des parties aurait

laissé ses autorités provinciales, alliées à un gro upe de citoyens, avoir recours à des mesures

extrajudiciaires pour faire pression sur la partie ad verse au sujet du litige. L’Uruguay ne pliera

jamais face à ce type de coercition, pas plus qu’il ne renoncera à défendre le droit au

développement durable que lui garantit le statut de 1975. En définitive, depuis le début de la

présente instance, ces mesures illicites n’ont fait qu’exacerber le différend qui oppose les deux

pays. L’Uruguay estime que la tolérance affichée par l’Argentine en la matière est inconciliable

avec l’ordonnance du 13 juillet 2006, dans laquelle la Cour avait «encourag[é] en outre les Parties à

1
Sentence arbitrale du tribunal spécial du Mercosur, c onstitué pour connaître du différend soumis au Mercosur
par la République orientale de l’Uruguay contre la République argentine au motif de

«l’omission par l’Etat argentin d’avoir adopté les mesures appropriées pour empêcher et/ou mettre fin aux
entraves à la libre circulation constituées par le blo cage sur le territoire argentin des routes d’accès aux
ponts internationaux General SanMartín et GeneralArtiga s, qui relient la République orientale de
l’Uruguay à la République argentine», décision IV du 6 septembre 2006, n° 2, annexe 2 à la demande en
indication de mesures conservatoires soumise par l’Uruguay le 30 novembre2006, également disponible
à l’adresse suivante :
http://www.mercosur.org.uy/innovaportal/inn.orettaHTTPFile/Laudo%20e0Co…-
%20ES.pdf?contentid=375&vernsi1&filename=Laudo%20de%20tC esr 20de%20Ruta%20-%20ES.pdf
(dernière visite le 1 septembre 2009). - 8 -

s’abstenir de tout acte qui risquerait de rendre plus difficile le règlement du présent différend»

(Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c.Uruguay) , mesures conservatoires,

ordonnance du 13 juillet 2006, C.I.J. Recueil 2006, p. 134, par. 82).

23. Monsieur le président, M. Alan Boyle va aujourd’hui me succéder à la barre pour

démontrer que l’usine Botnia n’a causé aucun dommage au fleuve Uruguay ou à son biote

aquatique depuis sa mise en service en novembre 2007.

24. Monsieur le président, si vous le voulez bien , invitons maintenant M.Boyle à la barre.

Merci infiniment.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie pour votre

intervention, Monsieur l’Ambassadeur. J’appelle à présent M. Alan Boyle à la barre. Monsieur

Boyle, vous avez la parole.

M. BOYLE :

I.L A PERFORMANCE DE L USINE

1. Monsieur le président, Messieurs de la C our, c’est pour moi un honneur et un privilège de

plaider à nouveau devant vous pour le compte de la République orientale de l’Uruguay. Ma tâche

ce matin est simple : je présenterai les éléments de preuve à l’appui de la thèse de l’Uruguay sur la

protection de l’environnement et montrerai que l’ usine Botnia a été à la hauteur des engagements

18 qu’a pris l’Uruguay dans le cadre du statut de 1975 et dans celui de sa propre Constitution. Malgré

ce que vous a dit M. Sands la semaine dernière ⎯ et je rends hommage à son plaidoyer puissant et

résolu ⎯ la thèse de l’Argentine est aussi chancelante aujourd’hui qu’elle l’était en 2006.

2. Les éléments qui seront portés à votre attention cette semaine montrent que l’usine de pâte

à papier Botnia a surpassé les attentes de l’Uruguay et de la Société financière internationale. Elle

n’a causé aucune pollution nocive du fleuve, selon la définition du statut. Elle n’a pas mis en

danger l’écologie ni l’écosystème du fleuve. Elle répond aux normes MDT européennes afférentes

aux usines de pâte à papier. Elle répond aux normes de la Banque mondiale en matière de

responsabilité environnementale et sociale. Elle répond en tous points aux normes relatives à la

qualité de l’eau et à la protection de l’enviro nnement convenues par les deux Parties et exposées - 9 -

dans le digeste de la CARU ⎯ il est tout fait remarquable que nulle part dans leurs plaidoiries, les

conseils de l’Argentine n’aient mentionné ces règl es, ni affirmé qu’elles aient été enfreintes.

L’usine Botnia a respecté ces normes rigoureuses, et elle les a respectées parce que telle était

l’exigence de l’Uruguay. En somme , c’est la bonne usine, et elle est située au bon endroit, sur un

fleuve qui est plus que capable de soutenir ce type de développement économique. Sa performance

exemplaire est parfaitement conforme aux conditio ns fixées par le statut du fleuve Uruguay en

matière d’environnement, ainsi qu’à toutes les autres normes internati onales applicables.

Franchement, l’Argentine n’a rien à faire valoir.

3. La semaine dernière, la Cour a entendu b eaucoup de choses à propos des polluants, dont

une partie n’avait rien à voir avec cette affaire. On ne lui a presque rien dit à propos de la qualité

de l’eau, qui reste bonne même après la mise en service de l’usine. Les preuves présentées par

l’Uruguay sur ce point seront exposées plus en détail ce matin, mais les principaux points à cet

égard sont résumés à la pageESiii du troisi ème rapport EcoMetrix —vous trouverez ce résumé

sous l’onglet n o3 de votre dossier 2. EcoMetrix est une société canadienne d’ingénierie

environnementale et de conseil chargée par la SFI de conseiller celle-ci sur le projet Botnia. Tous

ses rapports ont été produits pour le compte et sur les indications de la SFI, selon les spécifications

fixées par celle-ci.

4. Le troisième rapport d’EcoMetrix contient troisconclusions qui devraient amplement

dissiper d’éventuels doutes quant à l’impact de l’ usine Botnia. Première ment, EcoMetrix conclut

que la qualité de l’eau reste bonne :

19 «La qualité de l’eau du fleuve Uruguay est considérée comme élevée, étant
donné que les concentrations des paramètres indicateurs se situent très au-dessous des
normes de la CARU et des normes nationales uruguayennes en vigueur les plus
strictes.»

Deuxièmement, il conclut que la qualité de l’eau n’a pas varié depuis la mise en service de l’usine :

«Une comparaison des données d’évaluati on avant et après la mise en service

de l’usine démontre que la qualité de l’ea u du fleuve Uruguay n’a pas été modifiée en
conséquence de l’usine.»

2Documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin2009, annexeS7, EcoMetrix, monitoring indépendant de
la performance environnementale de l’us ine réalisé à la demande de la SFI (phase3: examen de la performance

environnementale de l’année 2008), (ci-après troisième rapport d’EcoMetrix), mars 2009. - 10 -

Troisièmement, il ne trouve aucune différence sens ible entre la qualité de l’eau en amont et la

qualité de l’eau en aval de l’usine, ce qui confirme ses conclusions précédentes :

«La qualité de l’eau entre l’usine et Fray Bentos est comparable à la qualité de

l’eau plus en amont du fleuve…, ce qui indi que que l’usine n’a p as affecté la qualité
de l’eau du fleuve Uruguay.»

5. Ce ne sont pas là les conclusions de l’Urugua y. Ce ne sont pas celles de Botnia. Ce sont

les conclusions d’experts indépendants nommés par la SFI. Ceux-ci peuvent prétendre à ce qu’un

grand poids soit attribué à leurs avis et l’ Uruguay soutient que leurs conclusions sont

déterminantes. La validation indé pendante de projet Botnia par la SFI est précisément le type de

preuve à laquelle il conviendrait d’attribuer un poids considérable. Comme la Cour l’a relevé dans

l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du

Congo c. Ouganda), «une attention particulière» mérite d’être prêtée aux éléments de preuve

obtenus» par des personnes indépendantes «rompu[e]s à l’examen et à l’appréciation de grandes

3
quantités d’informations factuelles, parfois de nature technique» .

II. LES UTILISATIONS DU FLEUVE À F RAY B ENTOS

6. Les conclusions des experts de la SFI ne devraient pas être surprenantes pour la Cour:

l’Uruguay a tout intérêt à faire en sorte que l’usine Botnia ne pollue pas le fleuve et ne génère pas

des taux de pollution atmosphérique nocifs ⎯ni maintenant, ni à l’avenir. Comme il l’a fait

jusqu’à présent, le fleuve Uruguay continuera d’ alimenter FrayBentos et d’autres communautés

riveraines en eau potable, ainsi qu’à leur permettre des activités récréatives ⎯c’est donc une

ressource que l’Uruguay n’est vraiment pas portée à compromettre. Et contrairement à ce qu’a

prétendu l’Argentine la semaine dernière, le point d’accès à l’eau potable pour FrayBentos

demeure là où il a toujours été : en aval de l’usin e Botnia. Il y a bien un point d’accès de secours,

mis en place en amont pour parer aux éventualit és d’accidents de navigation, mais il n’a pas été

utilisé depuis la mise en service de l’usine. Les rapports de monitoring de la SFI indiquent que «la

qualité de l’approvisionnement en eau brute [il s’agit de FrayBentos] n’est pas modifiée par

3 Activités armées sur le terrie du Congo (République démocratique du Congo c.Ouganda), arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p.35, par.61. Le rapport cons idéré ici était celui de la commi ssion Porter, qui avait interrogé des

personnes engagées dans les actions en cause dans cette affaire. - 11 -

4
20 l’effluent de l’usine » . Sur la carte, vous pourrez voir à la fois le tuyau d’évacuation de l’usine

Botnia et le point d’accès à l’eau potable de Fray Bentos. Et en haut à gauche, du côté argentin,

vous pouvez voir le Gualeyguaychú qui se jette dans la baie de Ñandubaysal. [Figure 1 ⎯ carte.]

7. Mais le fleuve Uruguay est aussi un fact eur décisif du développement économique de la

région. La nouvelle usine de pâte à papier est loin d’être la seule source de rejets industriels. Du

côté argentin, le parc industriel de Gualeygua ychú contient quelque vi ngt-cinq usines engagées,

entre autres, dans des activités de teinture, de fa brication de piles électriques et de transformation

de produits alimentaires et de boissons 5. A Colon, plus loin en amont, il y a l’usine chimique

Fana Quimica, et de nombreuses autres installations industrielles argentines sont situées en d’autres

endroits le long du fleuve. Elles rejettent toutes des eaux usées dans le bassin hydrographique 6.

8. Le propre rapport scientifique de l’Argentin e montre que les activités de ce type sont une

source non négligeable d’un grand nombre des subs tances détectées dans le fleuve, y compris les

nonylphénols dont il a été fait état la semaine dernière 7. Loin de montrer que tout ce que l’on

trouve dans le fleuve provient de l’usine Botnia, les données de l’Argentine indiquent que nombre

de ces substances sont une conséquence omniprésente de l’industrialisation du fleuve qui est en

plein essor 8.

9. De même, les eaux usées des 75000 résidents de Gualeyguaychú sont déversées dans le

fleuve à proximité de l’usine Botnia et c onstituent un apport importa nt de phosphore. Les

écoulements provenant des centaines de milliers d’h ectares de terres agricoles et d’élevage doivent

rejeter de l’azote et du phosphore da ns le fleuve. Les planteurs de soja autour de Gualeyguaychú

utilisent des nonylphénols dans les herbicides 9. Il est certain qu’une partie de tout cela, voire une

bonne partie, finit dans le fleuve.

4Troisième rapport d’EcoMetrix, par. 4.6.

5CMU, vol. X, annexe 224, p. 40.

6CMU, par. 2.144.
7
Documents nouveaux produits par l’Argentine, 30 juin 2009, vol.I, rapport scientifique et technique (ci-après
rapport scientifique et technique de l’Argentine), chap. 3.5, p. 39.
8
Ibid., chap. 3.6.1, p. 44.
9J. C. M. Papa, Institut national de technologie agricole argentin (INTA), «Evaluación de la capacidad activadora

sobre glifosato de un coadyuvante en base a nonilfenol» (2002), publié à l’adresse suivante
http://www.inta.gov.ar/oliveros/info/documentos/malezas/artic1.htm (consulteseptembr2e009) et «Malezas
tolerantes y resistentes a herbicidas» (2008), publié à l’adresse suivante
http://www.inta.gov.ar/rafaela/info/documentos/miscelaneas/112/misc112_… (consulté le 20 septembre 2009). - 12 -

21 10. Le statut du fleuve Uruguay envisage les utili sations de ce type : l’article 27 reconnaît le

droit de chaque Partie d’utiliser les eaux du fleuve à des fins ménagères, sanitaires, industrielles et

agricoles, conformément aux dispositions du statut et aux règles adoptées en vertu de celles-ci par

la CARU. Et au cas où vous en douteriez, la pr atique des deux parties montre que l’utilisation du

fleuve à des fins «sanitaires» et «industrielles» est censée comprendre le rejet des eaux usées et des

effluents industriels. L’importance de ce point sera tout à fait évidente lorsque nous considérerons

la définition de la «pollution» ultérieurement cette semaine.

11. Les Parties conviennent aussi toutes de ux que conformément au droit international

général, elles ont l’une et l’autre ce que la C our a désigné comme un «droit fondamental à une part

équitable et raisonnable des ressources d’un cours d’eau international». (Affaire relative au Projet

Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J.Recueil1997 , p.78.) Cela aussi doit

nécessairement comprendre le rejet des effluents et des eaux usées. L’argument selon lequel tout

rejet d’effluent constitue une pollution interdite par le statut est tout simplement intenable au regard

de l’article 27 et des droits équitables des deux Parties.

III L A PRÉTENDUE VULNÉRABILITÉ DU FLEUVE A F RAY BENTOS

12. Je vais maintenant aborder la question de la prétendue vulnérabilité du fleuve à Fray

Bentos. Fray Bentos est l’emplacement qui conv ient pour une usine de ce type et de cette

dimension. L’Argentine donne une image très tr ompeuse du débit du fleuve et de sa capacité à

diluer les effluents rejetés à Fray Bentos. L’Uruguay est en réalité un très grand fleuve — l’un des

25 plus grands du monde. D’ un débit supérieur à 6230m 3/s à Fray Bentos 10, il est

considérablement plus grand que tous les fle uves d’Europe, exception faite du Danube et de la

Volga 11. Même le «Rhin majestueux», à son maximu m, n’atteint que 40pour cent du débit de

12 3
l’Uruguay à FrayBentos . Le débit moyen de la Vistule est de 1000m /s, celui de l’Elbe

877 m 3/s, et celui de la Seine 410 m /s seulement. Sur tous ces fleuves sont implantées des usines

10
Voir Exponent, réponse à la réplique du Gouvernemeargentin (ci–après rapport Exponent), p.5–9 DU,
vol. IV, annexe R83.
11
S.A Schumm et B.R. Winkley (dir. publ.), The Variability of Large Alluvial Rivers, ASCE, 1994.
12Technische Universität de Dresde, http://intranet.floodmaster.de/wiki/rhine_river. - 13 -

13 3
22 de pâte à papier . Même si nous retenons le chiffre de 440m /s avancé par l’Argentine pour les

conditions d’étiage les plus extrêmes, l’Uruguay est encore un grand fleuve, plus que suffisant pour

une usine de pâte à papier.

13. Mon collègue M. McCubbin e xpliquera plus en détail à la Cour pourquoi le débit élevé

du fleuve permet en effet de s upporter le volume d’effluents rejeté par l’usine, même en période

d’étiage 1. Le Professeur Sands cependant a parlé la se maine dernière de «quantités énormes» de

polluants. En fait, la quantité d’effluents est fa ible comparée au volume du fleuve lui–même, et à

la quantité de nutriments introduits dans la rivi ère par d’autres sources. Le volume total des

effluents n’a de sens que mis en contexte. Le facteur important, lorsqu’on compare des capacités

de supporter des effluents, est qu’un plus grand fleuve peut accueillir une plus grande usine.

14. Les arguments de l’Argentine sur l’invers ion du courant à Fray Bentos sont purement et

simplement erronés. Contrairement à ce qu’affi rme l’Argentine, l’Uruguay a modélisé en détail

l’inversion du courant et les courants d’étiage avant d’approuver l’implantation de l’usine sur ce

15
site . Ses hypothèses sur l’inversion du courant étaient même plutôt plus prudentes que celles de

l’Argentine. L’Uruguay n’a pas fait d’erreur sur ce point. Les caractéristiques de débit du fleuve

et sa capacité à couler dans les deux sens étaient parfaitement connues et ont été pleinement prises

en compte dans le processus d’autorisation. Mê me en période de faibles courants, aucun préjudice

sensible n’était prévu. Les éléments produits pa r l’Uruguay ne mettent pas en évidence l’existence

d’un tel préjudice, et ceux de l’Argentine pas da vantage. Les principaux arguments de cette

dernière concernant le site choisi pour l’us ine sont donc aussi erronés que ses données sont

fallacieuses. Mais M. Reichler traitera tous ces points plus en détail dans la suite de la matinée.

15. Le fleuve n’est pas non plus trop vulnérab le à Fray Bentos pour supporter le volume de

phosphore et d’autres effluents rejetés à cet endro it. Il ressort du dossier que l’Uruguay a très

raisonnablement conclu, après des évaluations de l’ impact sur l’environnement très complètes, que

le type d’usine implanté à Fray Bentos ne causera it pas de dommage au fleuve et n’affecterait pas

13Voir rapport Exponent, p.5–9, DU, vol.IV, annexeR83. Le chiffre qui y est donné pour l’Elbe devrait être
corrigé en 877 m 3/s. Programme des Nations Un ies pour l’environnement 2008,

http://www.grid.unep.ch/product/publication/freshwater_europe/elbe.php.
14EcoMetrix, étude d’impact cumulé finale (septembre 2006) (ci-après étude d’impact cumulé finale), p.4.48,
4.49 et 4.54–4.57, CMU, vol. VIII, annexe 173.

15CR 2009/16 (Reichler). - 14 -

les utilisations préexistantes sur les deux rives. C’ était aussi la conclusion de la Société Financière

Internationale —sur la base de rapports d’expertise, celle–ci a mê me conclu que le site pouvait
16
accueillir deux usines de pâte à papier . L’argument de M.Kohe n selon lequel le choix de

l’emplacement n’est ni optimal ni rationnel pren d nécessairement pour hypothèse l’existence d’un

préjudice sensible. Comme le reste de mon intervention et l’essentiel de la plaidoirie de

23 M.Reichler vont le montrer, les éléments de pr euve, de manière écrasante, tentent à indiquer que

M. Kohen se trompe. L’usine n’a pas causé un tel préjudice, et il est extrêmement invraisemblable

qu’elle en cause un.

16. Il est aussi complètement faux d’avancer, comme les conseils de l’Argentine l’ont fait la

semaine dernière, que le fleuve a atteint son «point de bascule» ou que l’Uruguay a fait preuve d’un

«profond mépris pour l’environnement». Les élémen ts de preuve font apparaître précisément le

contraire : que l’Uruguay s’est montré prudent, dilige nt et efficace dans l’évaluation du risque et la

prévention de la pollution liée à l’usine Botnia. Permettez-moi de résumer les points essentiels de

l’argumentation de l’Uruguay concernant l’enviro nnement, avant de passer en revue les preuves

que nous avons produites devant la Cour.

17. Très simplement ⎯mais les explications détaillées suivront sans aucun doute ⎯

l’argumentation qui sera aujourd’hui développée devant vous est que l’Uruguay n’a pas manqué de

respecter les normes de la CARU en matière de qualité de l’eau et de protection de

l’environnement, ni aucun autre instrument applic able. Mercredi, j’exposerai que, si ces normes

n’ont pas été violées, il n’y a pas de pollution do mmageable au sens du statut. S’il n’y a pas de

pollution dommageable, l’usine n’a pas pu causer de préjudice sensible à l’écologie du fleuve ou à

l’Argentine, et elle ne présentera aucun risque de préjudice sensible. S’il n’y a ni préjudice

sensible ni risque notable, il ne peut y avoir violation des articles du statut de 1975 relatifs à

l’environnement. Et, en l’absence de violation du statut, même dans le sens le plus large,

l’argumentation de l’Argentine concernant le pr éjudice environnemental, ou l’implantation de

l’usine, tombe entièrement.

16
Etude d’impact cumulé finale, CMU, vol. VIII, annexes 173–178. - 15 -

IV. LES ÉLÉMENTS DE PREUVE PRODUITS PAR L ’U RUGUAY

18. Permettez-moi donc de passer maintena nt aux éléments de preuve produits par

l’Uruguay. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, le fleuve, et l’usine, ont fait l’objet d’une

surveillance étendue tant avant la mise en servi ce que par la suite. Outre l’étude d’impact sur

l’environnement effectuée dans le cadre de l’évaluation par la DINAMA de la demande

d’autorisation de Botnia, la Cour se rappellera sans doute les deux autres évaluations — dites étude

d’impact cumulé et étude d’impact cumulé finale — qui ont été faites sur instructions de la Société

Financière Internationale avant que l’usine so it autorisée à démarrer ses opérations. L’étude

d’impact cumulé finale est une analyse fortement revue et développée entreprise par EcoMetrix, à

qui il avait été demandé de revoir l’étude originale à la suite des critiques adressées à celle–ci par la

médiatrice de la SFI. Elle a été achevée largem ent un an avant que la DINAMA n’autorise la mise

en service de l’usine et allait absolument dans le sens de cette décision.

24 19. En novembre 2007, juste avant le début de l’exploitation de l’usine, deux autres rapports

17
ont été établis pour la SFI par des «consultants externes indépendants» ⎯ EcoMetrix à nouveau

et l’AMEC, société internationale d’études tec hniques ayant une vaste expérience des usines de

pâte à papier et de la lutte antipollution. Ce s ont les seuls experts indépendants à avoir examiné en

détail l’usine Botnia. EcoMetrix a constaté que les programmes de surveillance étaient

«extrêmement complets et [allaient] au-delà des engagements identifiés dans l’[étude d’impact

cumulé]» 18. L’AMEC, de son côté, conc luait dans son rapport à l’utilisation de «techniques de

production modernes qui ne devraient entraîner que de faibles émissions pour d’excellentes

performances environnementales» 19. M.McCubbin reviendra plus en détail demain sur la

technologie.

20. Or, sur la base de ces rapports d’expertise, la SFI, de manière tout à fait raisonnable et

juste, a conclu que «l’usine de pâte Orion de Botnia, en Urugua y, [était] prête à fonctionner en

conformité avec les exigences environnementales et sociales de la SFI et les normes des MTD

17
DU, par.4.14., EcoMetrix, évaluation du programme surveillance de la performance environnementale de
l’usine, réalisée à la demande de SFI (phase1: examen avant mise en service) (Pre-Commissioning Review),
novembre 2007.
18
Ibid., par. 4.43.
19Ibid., par. 4.22. - 16 -

20
(meilleures technologies disponibles)» . Ces deux ensembles de normes exigeantes étaient décrits

en détail dans les pièces de l’Uruguay, et je ne vais pas les répéter ici 21. Et sur la base de ces

rapports indépendants, la SFI s’est également d ite convaincue que «l’usine respectera[it] les

politiques environnementales et sociales de la SFI et de l’AMGI t out en engendrant», ajoutait-elle,

«de fortes retombées économiques pour l’Uruguay» 22 : c’est là sa conclusion.

21. Les analyses indépendantes n’ont donc pas fait défaut avant la mise en service de l’usine.

Toutes les études nécessaires avaient été entreprises et examinées par les institutions compétentes

de l’Uruguay et par la SFI avant que l’usine ne reçoive l’autorisation de mise en service.

22. Bien entendu, les analyses et évaluations ne se sont pas arrêtées là. En juillet2008,

EcoMetrix a publié un deuxième rapport pour la SFI, évaluant les six premiers mois d’exploitation

23
de l’usine et selon lequel il y avait eu un «suivi comple t des rejets dans l’atmosphère et dans

l’eau», qui avait permis «une description détaillée de la quantité et de la qualité des rejets dans

l’atmosphère et dans l’eau, ainsi qu’une mesure directe de l’efficacité et des performances

opérationnelles de l’usine». Les experts avaient au ssi considéré que les in formations rassemblées
25

dans le cadre de la surveillance des opérations suffisaient pour, je les cite, «établir que l’usine

fonctionn[ait] dans le respect des seuils autorisés stipulés par les autorisations environnementales

délivrées» 24. Et ils concluaient : «Après six mois d’ex ploitation, tout indique que les performances

de l’usine sont conformes aux normes envir onnementales élevées prévues dans l’évaluation

d’impact sur l’environnement et da ns l’étude d’impact cumulé, et à celles de l’Uruguay et de la

25
SFI. »

23. Cette surveillance intensive se poursuit aujourd’hui. EcoMetrix a établi pour la SFI un

troisième rapport examinant la performance environnementale de l’usine pendant la première année

d’exploitation, jusqu’en novembre2008. La dire ction de l’Uruguay pour l’environnement, la

20DU, par. 4.15.
21
CMU, chapitre 5.
22
DU, par. 4.15.
23DU, Monitoring indépendant de la performance environn ementale de l’usine, réalisé par EcoMetrix à la

demande de la SFI (phase 2 : examen de la performance environnementale à 6 mois).
24DU, par. 4.73.

25Ibid., par. 4.86. - 17 -

26
DINAMA, a également rédigé un rapport sur la performance de l’usine jusqu’en mai 2009 ; dans

la suite de mon intervention, je citerai abondamment ces deux rapports, qui donnent l’image la plus

récente de la réalité. Le troisième rapport d’EcoMetrix figure dans les documents nouveaux

présentés par l’Uruguay, à l’annexe S7, mais vous en trouverez aussi un résumé dans votre dossier

sous l’onglet n o3. Le rapport de la DINAMA a été au ssi remis à la Cour dans un souci de

o
transparence, et vous en trouverez également un résumé dans votre dossier sous l’onglet n 3.

24. La semaine dernière, l’Argentine a émis diverses critiques non fondées concernant le

régime de surveillance de Botnia. Et pourtant , le mécanisme de surveillance conjointePROCEL

adopté en accord avec l’Argentine en 2004 était loin d’être aussi strict 27. Ce mécanisme avait été

conçu spécifiquement pour les usines Botnia et ENCE. L’Argentine s’ét ant retirée de PROCEL,

l’Uruguay a été obligée de prendre ses propres dispos itions. Les émissions de Botnia, la qualité de

l’eau, les effets sur le biote aquatique et les séd iments font aujourd’hui l’objet d’une surveillance

plus fréquente, et plus complète, que ne le pr évoyait PROCEL. Des analyses sont effectuées

aujourd’hui sur des substances plus nombreuses que convenu alors 28. Il est vrai que certaines

substances chimiques ne font pas l’objet d’analyses, parce qu’elles ne sont pas utilisées ni produites

par Botnia, notamment les nonylphénols et le lindane ; cependant, l’objectif est de surveiller ce que

l’usine Botnia introduit dans la rivière, et non pas ce qu’elle y prélève.

26 25. En outre, contrairement à ce qu’a affirmé l’ Argentine la semaine dernière, la collecte des

données initiales a commencé en août 2006 29, soit quinze mois avant la mise en service de l’usine

30
en novembre2007 . Depuis lors, Botnia exerce une surv eillance et présente des rapports sur

toutes les substances sur lesquelles elle est tenue de le faire ⎯la preuve en est dans les rapports

eux-mêmes; Botnia y a même fourni certain es des données qu’ont utilisées la DINAMA et

26 Documents nouveaux fournis par l’Uruguay le 15 septembr e 2009 en vue de la procédure orale; rapport de la

DINAMA sur la qualité de l’eau de surface et des sédiments (janvier-juin 2009) (ci-après rapport de la DINAMA sur la
qualité de l’eau); rapport de la DINAMA sur la qualité de l’ air (janvier-juin 2009) ; rapport semestriel de la DINAMA
sur la performance environnementale (11 novembre 2008-31 mai 2009), juillet 2009.
27
CMU, vol. IV, annexe 109 ; DU, vol. IV, annexe R89.
28 Ibid.

29 Documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin 2009, annexeS2, DINAMA, rapport d’évaluation de la
performance pendant la première année d’opé ration de l’usine Botnia et de la qua lité de l’environnement dans la zone
d’influence (mai 2009).

30 DU, vol. II, annexe R6. - 18 -

EcoMetrix. Absolument rien ne permet de sout enir que la surveillance exercée par Botnia ou le

système de surveillance dans son ensemble seraient inadéquats.

V. LES RAPPORTS ÉTABLIS APRÈS LA MISE EN SERVICE DE L ’USINE BOTNIA

26. Passons à présent aux rapports établis postérieu rement à la mise en service de l’usine, en

particulier le troisième rapport d’EcoMetrix 31, dont je voudrais vous inviter à examiner de plus

près certaines conclusions. Fondé sur de nombr euses données de surveillance, ce rapport conclut,

pleinement et sans réserve, que la performance environnementale de l’usine est aujourd’hui

exceptionnelle.

27. Comme vous pourrez le voir, le rapport conf irme très clairement que l’usineBotnia ne

cause aucune pollution de nature à causer un préjudice. C’est exactement ce qu’avait prédit la

DINAMA et ce que concluait l’étude d’impact sur l’environnement de la SFI. On trouve un

résumé des points essentiels aux pages ES.i et ES.ii du troisième rapport d’EcoMetrix :

«D’après cette évaluation et à ce jour, t out indique que l’usine fonctionne selon

les normes environnementales élevées pré vues dans l’évaluation d’impact sur
l’environnement et l’étude d’impact cumu lée, et en conformité avec les normes
nationales uruguayennes et celles de la SFI . Ces résultats correspondent également
aux mesures de performance effectuées au sein d’autres usines à papier modernes.»

28. Après avoir examiné les résultats de la surveillance effectuée sur un semestre, jusqu’en

mai2009, la DINAMA est parvenue à la même conclusion dans son dernier rapport: «la

performance environnementale de l’usine Botnia a continué à respect er la réglementation

environnementale en vigueur, les autorisations e nvironnementales et les cr itères établis dans les

documents de référence des meilleures techniques disponibles (MTD)» 3.

Telle était la conclusion de la DINAMA.

27 29. Avant d’examiner brièvement les chiffres qui viennent étayer ces conclusions, je vais

tenter d’expliquer aussi simplement que po ssible quels sont les critères importants pour

réglementer et évaluer les déversements d’eaux u sées de l’usine de pâte à papier. L’Argentine

aimerait vous faire croire que c’est le volume qui compte. Si seulement les choses étaient aussi

simples! Je laisserai à d’autres les explications techniques détaillées, mais je citerai ici trois

31
Troisième rapport d’EcoMetrix, par. 4.6.
32
Rapport semestriel de la DINAMA sur la performance environnementale. - 19 -

moyens qui pourraient nous permettre de comprendr e et de mesurer ce que le conduit déverse dans

le fleuve.

30. Il s’agit, premièrement, de la qualité de l’eau. Les normes relativ es à la qualité de l’eau

sont des moyens de garantir que les eaux du fleuve restent propres à l’usage prévu, y compris

comme source d’eau potable, même après que des effl uents y ont été déversés. Un fleuve recevra

toujours des effluents de nombreuses origines ⎯la question essentielle est de savoir quelle

concentration ces effluents doivent atteindr e pour être considérés comme une pollution

inacceptable qui pourrait être préjudiciable pour le fle uve et violer le Statut. Plus le fleuve est

fragile, plus les normes relatives à la qualité de l’eau sont strictes. La CARU a adopté des normes

relatives à la qualité de l’eau et convenues entre les Parties pour la plupart des polluants importants

qui peuvent être déversés dans le fleuveUruguay, bien que c es normes ne concernent ni le

phosphore ni l’azote. Et je reviendrai sur ce point.

31. L’usineBotnia doit, suivant les autori sations qui lui ont été accordées, fonctionner de

manière à ne pas violer les normes applicables l es plus strictes, qu’elles aient été adoptées par la

CARU ou par l’Uruguay. Et ces normes sont effectivement strictes. Les experts de la SFI estiment

que les normes de la CARU soutiennent la co mparaison avec celles, notamment, de l’Union

33
européenne, de l’Australie, et de l’Organisation mondiale de la santé . L’Argentine n’a pas

soutenu le contraire. Le respect des normes applicables en matièr e de qualité de l’eau est donc un

critère important pour juger si l’usine respecte toutes les prescriptions relatives à la prévention de la

pollution qui figurent dans le statut de 1975.

32. Deuxièmement, nous pouvons également prendre en considération les limites applicables

au déversement d’effluents. Si la qualité de l’eau constitue l’objectif ⎯ le résultat ⎯, les limites

relatives aux effluents sont l’un des moyens de le garantir. Exprimée en milligrammes par

litre(mg/l) et en tonnes par jour(t/j), l’une indi que la concentration des effluents par litre d’eaux

usées déversé dans le fleuve par l’usine, l’autr e représente la limite à la quantité absolue des

effluents qui peuvent y être déversés en une journée. Ce sont là des principaux outils par lesquels

les organismes nationaux de contrôle obtiennent ou préservent la qualité de l’eau souhaitée.

33
Etude d’impact cumulé finale, annexe D, p. D2.5, D2.9-D2.10, CMU, vol. VIII, annexe 176. - 20 -

28 33. En vertu du statut de1975, ce sont les Parties, et non la CARU, qui recommandent les

34
limites applicables aux effluent s pour chaque source considérée . Le droit uruguayen et les

autorisations accordées à l’usin e établissent des limites précises de déversement journalier pour

toutes les substances pertinentes. Le respect de ce s limites est donc le second critère permettant de

juger la performance de l’usine de pâte à papier. Mais il est essen tiel que la Cour comprenne que,

dans ce qui sort du conduit de dé versement des effluents, on retr ouve les substances que contenait

déjà l’eau prélevée par l’usine. Si, par exempl e, l’eau du fleuve contient beaucoup de phosphore

d’une autre provenance lorsqu’elle est extraite du fl euve par l’usine de pâte à papier, cette même

quantité de phosphore sera également présente da ns les eaux usées qui seront rejetées dans le

fleuve ⎯même si rien n’a été ajouté au cours du passage dans l’usine de pâte à papier. Ces

déversements ne changeront bien évidemment pas la qualité de l’eau.

34. Enfin, la troisième manière d’examiner ces questions est, selon moi, de considérer

l’efficacité pour l’environnement ⎯ quelle quantité d’effluents l’usine de pâte à papier rejette-t-elle

par tonne de pâte à papier produite ? M. McCubbin traitera de ce point demain, je ne vais donc pas

m’y arrêter, et je passe tout de suite à ce qu’EcoMetrix et la DINAMA concluent à propos des

limites de déversement des effluents et de la qualité de l’eau. L’évaluation a été si

approfondie ⎯un journaliste a décrit l’usineBotnia comme «l’un des sites les plus surveillés au

monde actuellement» 35⎯ que je ne peux que survoler les informations recueillies, mais je suis

certain que la Cour me saura gré de ne pas entrer dans le détail.

VI. LES REJETS DE L ’USINE B OTNIA SONT CONFORMES AUX PERMIS
ACCORDES PAR L ’U RUGUAY

35. J’aimerais tout d’abord attirer votre atten tion sur le fait que les rejets de l’usine sont

conformes aux limites fixées en matière de rejets d’effluents.

36. Le troisième rapport d’EcoMetrix prouve ⎯et cela a été confirmé par la DINAMA ⎯

que les rejets d’effluents de l’ usine sont conformes à tous les règlements et permis uruguayens

34Le digeste (recueil de normes)de la commission administrativedu fleuveUruguay (CARU) contient
effectivement des limites qui s’applique nt aux effluents pour un certaide substances, pointE3 (ci-après

pointE3 du digeste de la CARU), titre 2, chapitre5, article 7 (1984, tel qu’amendé), CMU, vol.IV, annexe60, mais les
effluents de l’usine Botnia ne contiendront aucune de ces substances et l’Argentine ne prétend pas le contraire.
35Clarín, 25 janvier 2009, documents nouveaux produits par l’Uruguay (30 juin 2009), annexe S17. - 21 -

36
applicables et que les effluents de l’usine ne sont pas toxiques . Parfois, des substances toxiques

sur lesquelles l’Argentine a attiré votre attention, notamment des dioxines et des furanes, peuvent

être détectées dans les rejets de l’usine mais, lorsque tel est le cas, c’est seulement à des

concentrations de fond identiques à celles de l’eau du fleuve.

29 37. Je commencerai par le phosphore. La Cour se souvient sans doute que, comme

l’Argentine l’a indiqué la semaine dernière, le phosphore, tout comme l’azote, est nocif pour le

fleuve car il peut, dans certains cas, contribuer à la prolifération des algues. Tout en reconnaissant,

bien entendu, que le fleuve sou ffre depuis longtemps d’un problème de prolifération des algues,

l’Uruguay estime que l’Argentine a largement surestimé l’impact des rejets de phosphore

provenant de l’usine Botnia.

38. Ainsi par exemple, les rejets de phosphore au cours de la première année d’exploitation

de l’usine sont demeurés très en-deçà des limites réglementaires. La limite maximale de rejet de

phosphore est fixée à 5 milligrammes par litre 37 tant par le décret uruguayen n o253/79 que par le

permis accordé à l’usine Botnia; or celle-ci reje tte en moyenne0,59mg/l, soit un peu plus du

38
dixième de la limite autorisée , ce qui est encore inférieur de40% à la norme de 1mg/l qui, a

indiqué M. Wheater dans les écritures, devrait s’appliquer à l’usine Botnia 39.

39. De plus, comme le confirme également EcoMetrix dans son rappor t, le phosphore total

«a été réduit au cours de la dernière partie de l’année d’évaluation 2008 grâce à l’optimisation des

procédés de l’usine et au traitement de l’effluent» 4. Et cette amélioration s’est poursuivie depuis

la publication du troisième rapport d’EcoMetrix. Ainsi la DINAMA a-t-elle établi que, entre

novembre 2008 et mai 2009, le rejet moyen de phosphor e de l’usine a encore diminué, presque de

moitié, pour atteindre 0,3mg/l. Ce chiffre, qui représente moins d’un dix-septième de la limite

41
réglementaire, est inférieur de 70 % à la norme de 1 mg/l évoquée par M. Wheater ⎯ j’ai bien dit

de 70 %.

36Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.5.
37 o
Décret n 253/79, art. 11, par. 2. CMU, vol. II, annexe 6.
38
Troisième rapport d’Ecometrix, p. 3.4.
39Deuxième rapport Wheater, p. 25, RA, vol. III, annexe 44 ; RA, par. 3.175.

40Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.4.

41Rapport semestriel de la DINAMA sur la performance environnementale, p. 14. - 22 -

40. Passons maintenant à l’azote. La performance de l’usine Botnia a été tout aussi bonne en

ce qui concerne l’azote. Dans son rapport, EcoM etrix indique que «[l]a concentration de l’azote

42
totale se situe largement au-dessous de la limite autorisée» . Bien qu’elle n’ait pas réitéré cette

assertion la semaine dernière, l’Argentine a affirmé dans ses écritures que les concentrations en

azote des effluents rejetés par une usine de production de pâte à papier fonctionnant selon les règles

de l’art devraient être comprises entre2 et 4mg/l 43. Or, la concentration moyenne en azote des

44
effluents rejetés par l’usine Botnia au cours de la première année d’expl oitation est de 2,6mg/l .
30

La charge mensuelle maximale pour2008 a tout juste atteint le tiers de la limite autorisée et a

même été inférieure aux prévisions établies dans le cadre de l’étude d’impact cumulé finale 4.

41. Dioxines, furanes, lindane. La semaine dernière, la Cour a beaucoup entendu parler des

dioxines et des furanes qui, selon l’Argentine, au raient été déposés dans le fleuve par l’usine

Botnia. Ce que l’Argentine n’a en revanche pas évoqué devant la C our, ce sont les résultats de la

surveillance des effluents de l’usine, sans doute parce qu’ils prouvent de manière irréfutable que les

dioxines et les furanes présents dans le fleuve ne pouvaient pas provenir de l’usine. Même en ayant

recours à une méthode sophistiquée capable de dét ecter dans l’eau une concentration extrêmement

faible, inférieure à une partie par quadrillion ⎯oui, j’ai dû faire des recherches sur Google pour

savoir ce qu’était un quadrillion ⎯on n’a pas détecté de dioxines dans les effluents de l’usine, à

l’exception d’un seul furane présent dans un éch antillon en concentration très inférieure au

cinquième d’un quadrillionième de gramme par litre ⎯ ce qui, je pense, est vraiment très, très, très

faible. C’est assurément moins que les taux de fu rane détectés dans les échantillons de départ

46
prélevés dans le fleuve Uruguay . Cette infime quantité est plus de 25 fois inférieure aux limites

autorisées en matière de rejets. Comme l’a conclu EcoMetrix, elle ne pouvait pas être attribuée à

l’usine et ne pouvait en fait provenir que de l’ eau captée dans le fleuve pour alimenter cette

dernière.

42Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.4.
43
RA, par. 3.111.
44
Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.4 ; DU, vol. IV, annexe R98.
45Ibid., approbation du système de traitement des eaux usées, op. cit., tableau 1 ; CMU, vol. X, annexe 225.

46Troisième rapport d’EcoMetrix, p. .5;. rappor t semestriel de la DINAMA sur la performance
environnementale, p. 6, tableau 2. - 23 -

42. Il en va de même pour le lindane. L’utilisation du lindane est illégale en Uruguay depuis

47
plus de vingt ans . En se fondant sur sa connaissance des processus appliqués dans l’usine Botnia,

la DINAMA confirme que celle-ci n’utilise pas de lindane. Bien entendu, des traces de cette

substance, provenant d’autres sources, demeurer ont détectables dans le fleuve pendant de

nombreuses années. L’Argentine part de l’hypothèse que tous les «polluants» ⎯ pour reprendre le

terme qu’elle utilise ⎯ que tous les polluants, donc, qu’elle a identifiés proviennent de l’usine. Or,

les preuves présentées par l’Uruguay démontrent tr ès clairement qu’il n’en est rien. On peut

s’attendre à trouver des dioxines et du lindane dans le fleuve, et dans les sédiments. Ce sont, après

tout, des substances persistantes. Elles peuvent êt re présentes dans l’eau que l’usine prélève dans

le fleuve, auquel cas elles seront encore présen tes dans l’eau que l’usine y rejette. Si les

concentrations ne sont pas supérieures aux concen trations de fond, elles ne peuvent pas provenir

des rejets de l’usine Botnia.

31 43. L’absence presque totale de dioxines et de furanes dans les rejets de l’usine n’a rien pour

surprendre. Ces polluants organiques persista nts font en effet l’obj et, en Uruguay, d’une

réglementation conforme aux dis positions de la Convention de20 01 sur les polluants organiques

persistants, et ce sont des sous-produits de la combustion et de divers procédés industriels, y

compris du blanchiment au chlore de la pâte de bois. Mais l’usine Botnia n’utilise pas la technique

du blanchiment au chlore et, par conséquent, elle ne produit des dioxines et des furanes qu’en des

quantités infimes à peine décelables, contrairemen t aux usines de pâte à papier exploitées en

Argentine, qui utilisent toujours ce procédé vieux de plusieurs dizaines d’années. Il est d’ailleurs

remarquable, comme je l’avais dit devant la C our en2006, que l’Argentine ait, selon son propre

Inventaire national des rejets de dioxines et de furanes, rejeté 2110 g de dioxine en 2001, alors que

l’ensemble de l’Uruguay n’en a par comparaison rejeté au to tal que 55g en2002, selon son

48
inventaire national . Et ce sont là les chiffres les plus récents disponibles.

44. Toxicité. J’aimerais également répondre à l’Arge ntine sur le qualificatif de «toxique»

qu’elle a, à maintes reprises et assez légèrement, utilisé à propos des effluents de l’usine Botnia.

47
www.mgap.gub.uy/dgssaa/normativa.
48Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants (POPs). www.pops.int. (consulté le

15 septembre 2009). - 24 -

Ces effluents ne sont pas toxiques ⎯ et le rapport scientifique de l’Argentine lui-même ne conclut

pas à leur toxicité. Comme elle y est tenue aux termes de l’autorisation qui lui a été délivrée pour

son système de traitement des eaux usées, l’usin e Botnia procède chaque mois à des tests de

49
toxicité aigüe sur ses effluents en mesurant le taux de survie des poissons, des invertébrés et

d’autres biotes du fleuve dans les effluents purs. Et les effluents de l’usine Botnia ont obtenu

d’excellents résultats, puisque les tests n’ont perm is d’y détecter absolument aucune toxicité

aiguë 50. Les experts techniques de la SFI ont conclu que «les tests mensuels ont été effectués selon

des protocoles standard, en ayant recours à trois procédures de test distinctes». Ces résultats

montrent que les effluents ne sont pas toxiqu es et qu’ils sont parfaitement conformes aux

51
réglementations et permis uruguayens . Pas de poissons morts, pas d’escargots morts, ni dans le

laboratoire, ni dans le fleuve.

45. Je ne m’attarderai pas sur la pollution at mosphérique: M.McCubbin vous en dira plus

sur les aspects techniques de cette question. Pour l’Uruguay, la pollution atmosphérique est

totalement exclue du champ de compétence de la Cour en l’espèce. Le statut de1975 concerne

l’utilisation rationnelle et optimale du fleuve Ur uguay (art.premier). Il couvre, notamment, la

32 navigation sur le fleuve, la pêche, la conservati on des ressources naturelles et la prévention de la

pollution du «milieu aquatique» (art. 35 et 37 à 41). Il ne crée pas un régime général de protection

de l’environnement et ne cherche pas non plus à réglementer les effluents autrement que par le

biais du fleuve.

46. Le statut ne comporte aucune dispos ition portant spécifiquement sur la pollution

atmosphérique. L’article 36, sur lequel s’appuie l’Argentine, concerne la coordination des mesures

«par l’intermédiaire de la commission» ⎯ à savoir la CARU ⎯ visant à éviter «une modification

de l’équilibre écologique et à contenir les fléaux et autres facteurs nocifs sur le fleuve et dans ses

zones d’influence». On ne peut pas raisonnabl ement interpréter cet article comme couvrant la

pollution atmosphérique transfrontière qui touche rait prétendument des zones situées bien au-delà

du fleuve. S’il s’appliquait effectivement à la pollution atmosphérique, la CARU aurait établi une

49Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.6, DU, vol. IV, annexe R98.
50
Ibid., p.3.5; voir également rapport se mestriel de la DINAMA sur la pe rformance environnementale, p.6,
tableau 2.
51Troisième rapport d’EcoMetrix, p. 3.5. - 25 -

réglementation à cet égard. Or, elle n’a pas établi de réglementation sur la qualité de l’air. Elle

s’est strictement confinée à la réglementation de la qualité de l’eau et ni l’Argentine ni l’Uruguay

n’ont jamais proposé qu’elle réglem ente la pollution atmosphérique transfrontière. Cela réfute

certainement de manière décisive l’allégation selon laquelle la question est régie par le statut.

47. Par ailleurs, l’Argentine n’a pas non plus présenté à la Cour de preuve établissant que les

rejets atmosphériques provenant de l’usine ont un caractère notablement nocif pour le milieu

aquatique ou qu’ils en modifient l’équilibre éco logique mais, bien entendu, les preuves produites

par l’Uruguay établissant que la qualité de l’eau n’ a pas changé valent aussi bien pour les dépôts

dans le fleuve provenant de l’atmosphère que pour les rejets provenant de l’orifice d’évacuation des

effluents.

48. L’article60 du statut stipule très clairement que les seuls différends couverts ratione

materiae par celui-ci sont ceux qui concernent «l’interprétation ou l’application … du statut». Il en

découle que la pollution atmosphérique s’étenda nt au-delà du fleuve lui-même échappe à la

compétence de la Cour telle qu’elle est définie à l’article 60.

VII. LES NORMES DE QUALITÉ DE L ’EAU EDICTEES PAR LA CARU N’ONT PAS ÉTÉ VIOLÉES

49. J’en viens maintenant à notre affirmation selon laquelle les normes de qualité de l’eau de

la CARU n’ont pas été violées. Lorsque nous analysons l’impact de l’usine Botnia sur la qualité de

l’eau du fleuve Uruguay, c’est en réalité l’absence de tout impact que nous analysons ⎯ mesuré

essentiellement à l’aune des normes de qualité de l’eau fixées par la CARU et par l’Uruguay. Nous

constatons que, comme l’ont indiqué EcoMetrix et la DINAMA, l’usineBotnia ne produit aucun

effet sur le fleuve. Le plan de surveillance de l’usineBotnia réalisé par la DINAMA impose un

suivi de la qualité de l’eau prenant en compte plus de soixante paramètres, sur la base de

prélèvements réalisés tant avant qu’après la mi se en service de l’usine dans seizestations

représentatives le long du fleuve. La surveillance s’est étalée sur toutes les saisons de l’année 2008

33 et la première moitié de 2009, et, bien sûr, elle se poursuit. Elle couvre des périodes de débit faible

et de débit élevé. Elle s’est traduite par l’analyse de milliers d’échantillons. Vous verrez, je

l’espère, à l’écran ⎯ le voici ⎯ l’emplacement de ces stations de surveillance: certaines sont en

amont de l’usine, d’autres à côté, d’autres encore sont en aval. - 26 -

50. Les résultats présentés par EcoMetrix dans son troisième rapport montrent très

clairement que les rejets de l’usine Botnia n’ont pas entraîné la moindre violation des normes

applicables de qualité de l’eau de la CARU. Ceux obtenus par la DINAMA confirment cette

conclusion, qui avait été prévue très précisément, initialement par la DINAMA, puis dans le cadre

de l’étude d’impact cumulé finale réalisée pour la Banque mondiale. Cette dernière étude prédisait

que «le rejet des eaux usées de l’usine n’aura[it] qu’un effet mi nimal sur la qualité de l’eau du

fleuve Uruguay dans des conditions de débit moyen ou extrêmement faible » 5. C’est effectivement

ce qui s’est passé ⎯et le propre rapport scientifique de l’Argentine ne tend pas à prouver le

contraire, même si le conseil de l’Argentine s’ est gardé de le dire. De fait, dans son étude

biogéochimique, qui mesurait «les paramè tres standard de qualité de l’eau» ⎯je la cite ⎯ de

novembre2008 à avril2009 (p.10), le rapport de l’ Argentine conclut que «tous les paramètres

(tous les paramètres) présentent des valeurs relativement normales en ce qui concerne le fleuve

Uruguay» (p.15). C’est très étrange de lire ça, si l’on se rappelle ce qui a été affirmé devant la

Cour la semaine dernière.

51. Les éléments de preuve fournis par l’Argentine elle–même confirment donc les

conclusions de l’Uruguay. Prenons ainsi le gra phique de la DINAMA : il montre que les niveaux

d’azote étaient, partout dans le fleuve, inférieurs à ceux de l’année de référence et de l’année de

mise en service de l’usine 53. De même est-il toujours impossible de détecter la présence de

54
dioxines et de furanes dans les stations les plus proches de l’usine Botnia, ou ailleurs .

52. L’une des conclusions qui ressort de tous les plans de surveillance entrepris avant la mise

en service de l’usine Botnia est que les niveaux de phosphore étaient trop élevés. On ne s’étonnera

pas que cela soit toujours le cas. Toutefois, il importe de bien comprendre qu’il est ressorti de cette

surveillance que les niveaux de phosphore dans le fleuve n’ont pas augmenté. Les données les plus

récentes recueillies par la DINAMA confirment que les concentrations de phosphore dans les eaux

situées en amont et en aval de l’usine sont extrêm ement variables, mais le graphique illustrant la

présence de phosphore total en 2009 est très sembla ble à celui réalisé les années précédentes, y

52Troisième rapport d’EcoMetrix, par. 4.5. (Les italiques sont de nous.)
53
Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau, p. 17, figure 4.23 (juillet 2009).
54Ibid., p. 21, par. 4.1.11.5. - 27 -

55
34 compris pendant l’année de référence, avant la mise en service de l’usine . Ce n’est pas du tout ce

à quoi l’on s’attendrait si l’usine avait réellement eu la moindre incidence sur la qualité de l’eau.

53. Le troisième rapport d’EcoMetrix aboutit, indépendamment, à la même conclusion. En

ce qui concerne le phosphore, il indique :

«Les concentrations de phosphore sont comparables aux niveaux de référence
précédemment relevés pour le fleuve Urugua y…[et, permettez-moi de souligner ce
qui suit, il est dit :] Les niveaux de phosphore total, actuels et antérieurs, ne sont pas
56
attribuables aux rejets d’effluents de l’usine.»

Mais, bien que la présence de phos phore dans le fleuve ne soit a ttribuable ni exclusivement ni

même principalement à Botnia et à l’Uruguay, celui-ci s’est diligemment employé à réduire les

apports en phosphore et autres nutriments provena nt des eaux usées municipales, ou d’activités

agricoles et autres activités d’utilisation des terres.

54. Comme nous l’avons dit dans notre dup lique, et comme le recommandaient l’étude

d’impact cumulé finale et la SFI, l’usineBotn ia entreprendra prochainement de traiter les eaux

57
usées de la ville de Fray Bentos . Selon l’étude, ce traitement des eaux usées «rédui[ra] la charge

totale en substances organiques et en nutriments , notamment en phosphore, rejetée dans le fleuve

Uruguay» 58et «compense[ra] pratiquement la charge nette en substances organiques et en

59
nutriments provenant de l’usine Botnia…» . Ce processus devrait permettre de réduire de quelque

8,8tonnes les rejets de phosphore au voisinage i mmédiat de l’usine, ce qui représente près des

60
trois quarts des rejets annuels de l’usine Botnia anticipés dans l’étude .

55. Deuxièmement, l’Uruguay s’attache égalem ent à accroître et à moderniser la qualité

d’autres systèmes de traitement des eaux usées municipales dans le pays, y compris ceux à l’origine

61
de rejets dans le fleuve Uruguay . Ainsi, le système de traitement des eaux usées qu’il est prévu

55Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau, p. 18, figure 4.24.
56
Troisième rapport d’EcoMetrix, par. 4.2. (Les italiques sont de nous.)
57
Voir l’accord entre l’OSE et Botnia concernant le traitement des eaux usées de la ville de FrayBentos
(29 avril 2008), DU, vol. III, annexe 71.
58
Etude d’impact cumulé finale, annexe D, p. D4.5-4.6, CMU, vol. VIII, annexe 176.
59Ibid., p. D4.6. (Les italiques sont de nous.)

60DU, par.4.93. Voir aussi: OSE, rejets de liquidesrésiduaires dans le bassin du fleuve Uruguay, DU, vol.II,
annexe 13 ; étude d’impact cumulé finale, annexe D, p. D4.6. CMU, vol. VIII, annexe 176.

61Banque mondiale, communiqué de presse, DU, vol. III, annexe 69. - 28 -

d’installer à Salto réduira les rejets de phosphore dans le fleuve d’environ 25 tonnes par an, ce qui

62
représente environ le double des rejets prévus de l’usine Botnia .

35 56. Enfin, l’Uruguay met au point un plan co mplet de sauvegarde et de contrôle visant à

limiter le ruissellement et l’érosion des sols , responsables d’apports en phosphore et autres

nutriments dans les domaines de l’agriculture et de l’élevage 63. Une fois pleinement mises en

Œuvre, ces mesures, conjointement, compenseront amplement les rejets de phosphore de l’usine

Botnia. Il serait, bien sûr, éminemment souhaita ble que l’Argentine participe à la coordination de

telles mesures conformément à l’article36 du statut. Non seulement elle ne l’a pas fait, mais le

problème est en grande partie dû à ses propres rejets de nutriments.

57. Le fait que l’Argentine ne se soit pas du tout occupée de ses propres rejets dans le fleuve

est sans doute la plus éclatante des faiblesses de s on argumentation. Loin de montrer que le fleuve

est extrêmement vulnérable, il prouve précisément le contraire. Après avoir entendu l’Argentine

expliquer que le statut de 1975 crée une communauté d’intérêts à l’égard du fleuve, les membres de

la Cour seront sans doute surpris d’apprendre que l’Uruguay est seul à réglementer les rejets de

64
phosphore . Ni l’Argentine ni la CARU n’ont fixé de normes de qualité de l’eau en ce qui

concerne le phosphore, ou le phosphore soluble réact if dont on nous a parlé avec tant d’éloquence

la semaine dernière.

58. Si le fleuve est effectivement aussi vulnérable que l’affirme l’Argentine, pourquoi

celle-ci n’a-t-elle pas adopté une norme de qualité de l’eau concernant le phosphore? Pourquoi

n’a-t-elle pas proposé que la CARU en adopte une ? De toute évidence, l’Uruguay ne s’y serait pas

opposé. Si la CARU ne s’est pas dotée de nor mes de qualité de l’eau régissant l’usage des

différents types de phosphore, c’est, vraisemblablement, parce que l’Argentine ne le souhaitait pas.

59. Et pourquoi l’Argentine n’a-t-elle pas fait plus pour régler elle-même ces problèmes?

Pour ne citer qu’un exemple, il ressort du dossi er que ses rejets de phosphore, via le fleuve

Gualeguaychú, contribuent à la charge de phosphore total dans une proportion bien plus importante

62
DU, par. 4.93-4.95.
63Ministère uruguayen de l’élevage, de l’agriculture et de la pêche, «Campagne pour l’utilisation responsable des
sols» (16 avril 2009), documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexe S1, déclaration sous serment de

M. Andrés Berterreche, ingénieur, sous-secrétaire à l’élevage, à l’agriculture et à la pêche de l’Uruguay (11 juillet 2008),
DU, vol. IV, annexe 95.
64DU, décret 253/79. - 29 -

que les effluents de l’usine Botnia. Les e xperts uruguayens ont estimé que les charges de

phosphore en provenance du seul bassin hydrograph ique du fleuve Gualeguaychú représentaient

plus de 350tonnes/an 65⎯cela représente plus de 25fois l’ ensemble de l’apport en phosphore de

66
l’usine Botnia à la totalité du fleuve . Du reste, ce chiffre est relativement plus bas que celui que

cite l’Argentine dans ses documents. Et l’Argen tine n’a pas contesté ces calculs. Elle reconnaît

⎯ l’Argentine reconnaît dans ses écritures ⎯ que la cause la plus probable de cette concentration

élevée de phosphore près de la plage de Ñandubaysal est la proximité de l’embouchure du fleuve
36
67
Gualeguaychú ⎯ ce qui n’a rien d’étonnant.

60. En ne faisant rien pour diminuer ces rejets, l’Argentine n’agit ni diligemment pour

prévenir la pollution conformément aux dispositi ons du statut, ni équitablement dans l’usage

qu’elle fait elle-même du fl euve en tant que ressource partagée. Elle tire grief de rejets de

nutriments bien moins importants (en provenance de l’usine Botnia), mais s’approprie une part

totalement disproportionnée des utilisations ménagères, industrielles et agricoles du fleuve pour ses

propres effluents. De fait, ce que l’Argentine revendique, c’est une servitude, qui lui permettrait de

polluer indéfiniment le fleuve. Elle se défend en affirmant que les utilisations actuelles du fleuve

par l’Argentine ont priorité sur celles, plus récentes, qu’en fait l’Uruguay, ou en attribuant la

présence de tous les polluants du fleuve à l’usine Botnia, alors que, manifestement, cela n’est tout

bonnement pas vrai.

VIII. L’ÉQUILIBRE ÉCOLOGIQUE DU FLEUVE ET L ’ENVIRONNEMENT
N ’ONT PAS SUBI DE PRÉJUDICE

61. J’en arrive maintenant à l’équilibre écol ogique du fleuve, et je n’ai pas grand-chose à

ajouter. La semaine dernière, l’Argentine a présen té des allégations précises concernant les effets

nocifs sur les poissons et les rotifères. L’exposé de M. Reichler démontrera à la Cour qu’elles ne

sont pas crédibles. Tout ce qu’il me reste à dire, c’est que le programme de surveillance de

l’Uruguay comprend des évaluations détaillées des e ffets de l’usine sur la faune du fleuve, ainsi

que sur les sédiments dans lesquels les espèces lo cales de poissons s’alimentent. L’Uruguay n’a

65Et 3400 tonnes d’azote, selon les estimations les plus basses, DU, par. 6.28.
66
Rapport Exponent, sect. 4.2, DU, vol. IV, annexe 83.
67MA, par. 6.32. - 30 -

trouvé aucun élément prouvant que des modifications écologiques se seraient produites dans le

fleuve. Au contraire, ses actions de surveillance montrent que celui-ci est tout aussi sain qu’avant

la mise en service de l’usine.

62. En août, la direction nationale des r essources aquatiques, la «DINARA», a présenté

publiquement les résultats de la surveillance de l’ ichthyofaune qu’elle a menée durant la deuxième

68
année d’exploitation de l’usine Botnia . Son programme de surveillance couvrait le secteur

compris entre le kilomètre80 et le kilomètre110 du cours inférieur du fleuve Uruguay. Les

résultats ont ensuite été comparés avec ceux de l’ét ude de référence et ceux de l’année précédente,

le but étant évidemment d’évaluer les modificati ons qui auraient pu se produire à court et moyen

terme.

37 63. Le rapport très complet de la DINARA ⎯ qui a été remis à la Cour ⎯ conclut que, par

rapport à 2008 et 2009, il n’y a pas de modificati on de la biodiversité des espèces et que la

longueur moyenne et le poids moyen calculés pour les quatre lieux de pêche n’ont pas révélé de

changements importants.

64. La DINAMA a également surveillé les sédiments dans lesquels certaines espèces de

poissons s’alimentent. Je me contenterai de citer un passage de son rapport de juillet 2009 : «Les

résultats de la surveillance des sédiments menée en février 2009 … m ontrent une fois de plus que

la qualité des sédiments au fond du fleuve Uruguay n’a pas été altérée suite à l’activité industrielle

69
de l’usine Botnia.»

65. La semaine dernière, il a été reproché à l’Uruguay d’avoir porté préjudice à la zone

humide Ramsar d’Esteros de Farrapos. Ce site est situé entièrement en Ur uguay. L’allégation de

l’Argentine selon laquelle des dommages auraient été causés au site est étayée par une simple

photographie montrant prétendument que la prolifér ation d’algues de février s’est étendue jusqu’à

des zones situées près de la frontière méridionale. M.Reichler montrera que la prolifération

d’algues est partie, non pas de l’usine Botnia, mais d’un point situé beaucoup plus en amont.

68 e
Rapport de suivi de la DINAMA sur la faune ichtyquedans la zone de l’usin e de cellulose Botnia, 2 année
d’exploitation (août 2009).
69Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), p. 29, par. 5.2. (Les italiques sont de nous.) - 31 -

66. Dans l’exposé que j’ai présenté à la C our en 2006, j’ai fait observer qu’Esteros de

Farrapos n’était pas inscrit sur la liste des sites Ramsar menacés sur le plan écologique
70
⎯autrement dénommée «Registre de Montreux» . La situation n’a pas changé. Au

15 septembre 2009, date à laquelle j’ai effectué une recherche sur Google, l’Argentine n’avait pas

obtenu son inscription sur le registre de Montreux. Cela n’est pas surprenant ⎯ l’Argentine n’a

aucune preuve de dommage. Elle n’a produit au cune donnée indiquant qu’elle avait procédé à des

prélèvements pertinents à Estero s de Farrapos, ou qu’elle avait m esuré le débit du fleuve à cet

endroit. Certes, nous convenons que, dans certaines conditions, le modèle montre que le panache

d’effluents pourrait atteindre Esteros de Farrapos, situé à quelque 16 kilomètres de

l’usine ⎯malheureusement, je ne disposais pas de cette information et je n’ai donc pas pu la

communiquer à la Cour en 2006. Mais quand bien même cela se produirait-il, le taux de dilution

serait celui de 1:1000 indiqué sur la planche que M. Colombo a si aimablement montrée à la Cour

la semaine dernière. A ce niveau de dilution, il y a tout lieu de penser que les effluents émanant de

l’usine seraient totalement inoffe nsifs et bien inférieurs à une concentration constitutive de

pollution.

38 IX. C ONCLUSIONS

67. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, cela m’amène fort heureusement à mes

conclusions. Toutes les études réalisées avant la décision de l’Uruguay d’autoriser la mise en

service de l’usine ont conclu qu’il n’y avait auc un risque de préjudice sen sible pour l’Argentine,

aucun risque de pollution du fle uve, aucun risque de modificati on importante de son équilibre

écologique. L’Uruguay a pleinement tenu compte de ces études et des observations de l’Argentine

avant d’approuver la mise en se rvice de l’usine. Les résult ats fournis par les rapports de

surveillance indépendants et par la DINAMA, de puis le début de l’exploitation de l’usine,

confirment l’exactitude de toutes ces prévisions. En particulier, et je me permets de résumer pour

la Cour, voici ce que démontrent les éléments de preuve que nous avons soum is à la Cour, et je

formulerai sept conclusions :

70
www.ramsar.org. - 32 -

1. On ne constate aucun cha ngement de la qualité des eaux lo rsque l’on compare les données

préopérationnelles et postopérationnelles ⎯ aucun changement.

2. Les niveaux de phosphore et d’azote présents dans le fleuve n’ont pas changé depuis la mise en

service de l’usine ⎯ aucun changement.

3. Les niveaux de polluants organiques persistants, y compris les dioxines et les furanes, n’ont pas

changé depuis la mise en service de l’usine ⎯ aucun changement.

4. Les rejets d’effluents de Botnia se situent en deçà des niveaux prescrits dans l’ensemble des

règlements et autorisations de rejets applicables, et l’Argentine n’a pas soutenu le contraire.

5. Les rejets d’effluents de l’usine n’ont p as eu pour conséquence que la qualité des eaux du

fleuve cesse de satisfaire aux normes applicables de la CARU approuvées par les deux Etats, et

l’Argentine n’a pas soutenu le contraire.

6. Les rejets d’effluents de l’usine n’ont pas en traîné de modification de l’équilibre écologique du

fleuve ni porté préjudice à l’environnement aquatique.

7. Enfin, prises dans leur ensemble, ces conclu sions amènent inévitablement à conclure que les

rejets d’effluents de l’usine Bo tnia n’ont pas entraîné de pollu tion nocive en violation du statut

du fleuve Uruguay de 1975, et je reviendrai sur ce point mercredi.

68. M. Reichler va maintenant montrer à la C our que les éléments de preuve de l’Argentine

conduisent exactement aux mêmes conclusions ⎯ exactement à la même conclusion.

Monsieur le président, peut-être convient-il de faire maintenant une pause café. Monsieur le
39

président et Messieurs de la Cour, ainsi s’achève mon exposé de ce matin.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: C’est en effet un bon moment pour

faire une pause. Je vous remerc ie, Monsieur, de votre exposé, et je suspends l’audience pendant

15 minutes.

L’audience est suspendue de 11 h 15 à 11 h 30.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Veuillez vous asseoir. La séance

reprend. Monsieur Reichler, vous avez la parole. - 33 -

M. REICHLER :

L ES PERFORMANCES DE L ’USINE : LES PREUVES DE L ’A RGENTINE

(PREMIÈRE PARTIE )

1. Monsieur le président, Messieurs les jug es, je suis comme toujours particulièrement

honoré de me présenter devant vous et je considère comme un privilège spécial de prendre la parole

aujourd’hui au nom de l’Uruguay.

2. J’examinerai, aujourd’hui et demain, les éléments de preuve concernant les questions

environnementales soulevées en l’espèce. Plus part iculièrement, je passerai en revue les éléments

de preuve présentés par l’Argentine et je démontrerai qu’ils n’étayent pas sa thèse.

3. En réalité, en matière de preuve, le fiasco de l’Argentine est spectaculaire. Comme on

vous l’a dit la semaine dernière, l’Etat requérant a investi plus de deuxans dans l’élaboration de

son étude scientifique et technique, qui n’a été présent ée à la Cour que le 30juin de cette année.

Selon l’Argentine, plus de 90 personnes, tous niveaux compris, ont participé à cette étude, qui a été

réalisée par les départements scientifiques de deuxuniversités argentines à la demande du

Gouvernement argentin 7. On n’a apparemment pas regardé à la dépense. Néanmoins, comme

vous le verrez, les données recueillies dans le cad re de cette énorme étude n’étayent pas les

prétentions qui vous ont été présentées la semaine dernière.

4. En réalité, et c’est un fait remarquable étant donné l’ampleur, la portée, le coût et l’objet

de l’étude scientifique argentine, les données recueillies par l’Arge ntine corroborent tout à fait les

thèses de l’Uruguay :

il)’useotnia n’a pas affecté la qualité de l’eau du fleuve Uruguay ;

40 ii)l’usine n’a pas causé une augmentation des concen trations de phosphore, d’azote ni

d’aucune autre substance dans le fleuve ;

iii)elle n’a pas causé ⎯et même, si l’on se fie aux données présentées par l’Argentine à

partir de sa propre étude ⎯ elle n’a pas pu causer la prolifération d’algues du

4 février 2009 ;

iv)l’usine n’a pas affecté la biodiversité ni l’écosystème du fleuve ;

71
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, résumé, p. 1. - 34 -

v)elle n’a pas causé de dommage aux organismes a quatiques comme les coquillages ou les

rotifères ;

vi)elle n’a pas causé de dommage aux poissons ;

vii) elle n’a pas introduit de nonylphénols dans le fleuve ; et

viii) ellen’a pas introduit de dioxines ou de furanes dans le fleuve.

5. Pendant quatre jours la semaine dernière , nous avons eu droit à un exposé ingénieux des

très compétents conseils de l’Argentine. Le tableau qu’ils ont présenté de l’usine Botnia était une

horreur ⎯et j’emploie ce terme dans deux sens différe nts. L’usine qu’ils ont dépeinte est un

horrible cauchemar environnemental. Mais le tableau présenté à nos yeux par l’Argentine était

horrible dans un autre sens. Il ne ressemblait en rien au modèle. En fin de compte, Monsieur le

président, comme vous et les éminents membres de la Cour allez le voir, le tableau qu’ont peint de

l’usine les conseils de l’Argen tine était loin de Vermeer ou du ré alisme hollandais. Il relevait du

surréalisme de Salvador Dalí.

6. Monsieur le président, au cours des proc hains jours, l’Uruguay vous présentera les faits

⎯non pas les faits tels que nous voulons bien les pr ésenter, mais les faits tels qu’ils sont. Vous

verrez que les éléments de preuve dont est saisie la Cour, en particulier l’étude scientifique et

technique réalisée par l’Argentine elle-même, n’étayent pas la thèse de l’Argentine. L’usine Botnia

n’a causé aucun dommage au fleuve, à la qualité de ses eaux ni à aucun autre aspect de

l’environnement aquatique; il n’y pas davantage de preuves qu’elle risque d’en causer à l’avenir.

En fait, vous verrez que l’usine Botnia présente d es performances bien supérieures à ce que même

la SFI et ses experts indépendants avaient prédit et qu’elle respecte des normes environnementales

bien plus strictes.

7. Monsieur le président, je dois d’abord vous prier d’être indulgent car malgré mon désir, je

ne pourrai éviter d’employer des termes techniques et scientifiques. Conscient de l’effet

soporifique qu’une avalanche de mots techniques et de chiffres peut avoir sur l’auditeur le plus

patient, je m’efforcerai de garder dans d es limites raisonnables les termes scientifiques et

mathématiques et m’appuierai dans une grande mesure sur des aides visuelles —cartes, photos

satellites, graphiques— pour faciliter à la Cour l’absorption d’une qu antité considérable

d’informations complexes, mais très pertinentes. - 35 -

I.L’ INVERSION DU COURANT

41 8. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, l’Argentine nous a abondamment parlé la

semaine dernière de l’inversion du courant du fleu ve Uruguay. Les experts et les conseils de

l’Argentine nous ont dit que le fleuve Uruguay coul ait en sens inverse, c’est-à-dire vers l’amont,

très fréquemment. En fait, c’est le cas de beaucoup de fleuves. L’inversion du courant est un

phénomène répandu dans les estuaires et bon nombre d’autres estuaires accueillent également des

usines de pâte à papier, ainsi que M.McCubbin v ous l’expliquera demain. Il n’y a rien de

nouveau, ni de surprenant, pour l’Uruguay, dans l’hydrodynamique du fleuve Uruguay, y compris

la fréquence de ces inversions de courant. L’Uruguay, et la DI NAMA en particulier, connaissent

ce phénomène depuis bien avant l’arrivée de la société Botnia.

9. Lundi dernier, M.Sands nous a montré un gr aphique, sur lequel je re viendrai plus tard.

D’après ce graphique, selon ce que nous a dit M.Sands, des épisodes significatifs d’inversion du

courant se produiraient 23 % des jours de l’année 72.

10. M. Sands et ses collègues nous ont dit à maintes reprises que c’était l’un des aspects les

plus importants —sinon le plus important— de l’argumentation de l’Argentine, parce que, selon

eux, l’inversion du courant du fleuve empêche les effluents de l’usine Botnia de se disperser en

aval. An contraire, selon les conseils de l’Arge ntine, les effluents comme le phosphore et l’azote

s’accumulent dans la partie du fleuve adjacent e à l’usine jusqu’à atteindre des niveaux de

concentration néfastes à la qualité de l’eau et à la biodiversité 73.

11. Si l’on en croit l’Argentine, le péché cardinal de l’Uruguay est d’avoir négligé de prendre

en compte l’inversion du courant du fleuve lorsqu ’il a décidé d’autoriser l’usine Botnia. Je ne

rappellerai pas ici toutes les occasions où l’on a ré pété cet argument la semaine dernière, mais il y

en a eu au moins treize 74, dont vous trouverez les références dans les notes de bas de page du

compte rendu de ma plaidoirie. C’est un thème central de l’argumentation argentine: l’Uruguay

n’a pas pris en compte l’inversion du courant du fleuve lorsqu’il a autorisé l’usine, soit en raison de

72
CR 2009/12, p. 41, par. 12-13 (Sands).
73
Par exemple, CR 2009/12, p. 38-39, par. 7-9 (Sands).
74CR 2009/12, p. 38, par. 8, p. 39, par. 9, p. 41, par. 13, p. 47, par. 22, p. 51, par. 32, p. 53, par. 36 ; CR 2009/14,
p. 52, par. 29 (Colombo), p. 57, par. 7 (Sands), p. 60, par. 11-12 ; CR 2009/15, p. 13, par. 6 (Sands). - 36 -

l’incompétence pure et simple de la DINAMA, soit parce que, selon les termes peu aimables de

M. Kohen, l’Uruguay a plié devant Botnia . 75

42 12. On nous a dit en outre que l’Uruguay avait fait les choses à l’envers: il avait d’abord

autorisé, puis évalué. Même lorsque l’Uruguay a finalement commencé à évaluer le projet, selon

M. Sands, il s’est trompé, parce qu’il a supposé à tort que le fleuve ne coulait en sens inverse qu’en

de rares occasions et qu’il a gravement sous-estimé la fréquence de ce phénomène 76.

13. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, je crains que ce ne soient mes bons amis de

la Partie adverse qui se trompent. Certes, les conseils de l’Argentine sont tous des avocats

extrêmement convaincants, éloquents et efficaces, et de bons juristes, ainsi qu’ils l’ont tous

démontré la semaine dernière. Mais, et par ticulièrement en raison du profond respect qu’ils

m’inspirent, c’est avec beaucoup de regret que je dois dire qu’ils ne connaissent pas les éléments de

preuve. Ils ne connaissent pas les éléments de preuve dans la présente affaire.

14. Les preuves, ces preuves qui figurent au do ssier de la présente affaire depuis des années,

les mêmes preuves qui ont été présentées par l’Uruguay à l’Argentine dans le cadre des

négociations du GTAN qui se sont tenues entre le mo is d’août2005 et le mois de janvier2006,

avant l’autorisation de la construction de l’usine, ces preuves établissent les six faits suivants :

1. L’Uruguay a évalué de façon exhaustive, consci encieuse et exacte le courant du fleuve, et en

particulier la tendance du fleuve à couler en sens inverse, bien avant d’autoriser la construction

77
de l’usineBotnia . Les citations du dossier concernant tous ces points seront indiquées dans

les notes de bas de page du compte rendu.

2. L’Uruguay a soigneusement évalué les courbes de débit dans une larg e étendue du fleuve, et

non pas en un seul point comme l’Argentine, pour obtenir une image plus exacte du volume et

75
Voir CR 2009/13, p. 25, par. 35 (Kohen).
76
CR 2009/12, p. 42, par. 13 (Sands).
77 Rapport de l’évaluation d’impact environnemental de la DINAMA (11 février 2005), CMU, vol. II, annexe 20,
par.1 et 4.1; rapport complémentaire n5 de l’étude d’impact sur l’environnemen t de Botnia, annexeVIII; étude de la

dispersion du panache et études sédi mentologiques (12novembre2004), CMU, vol . VII, annexe 164 (ci-après étude
hydrodynamique de Botnia) ; analyse des émissions liquides provenant des usines de pâte à papier Botnia et M’Bopicuá,
effectuée par MM.Cyro Croce, ingénieur chimiste, et Eu genio Lorenzo, ingénieur hydrologie et environnement,
DINAMA (7 novembre 2005) (GTAN/DU/24/07-11-05), CMU, voV l., annexe 143 (ci-après présentation
hydrodynamique de la DINAMA devant le GTAN); analyse hydrologique du projet d’usine de cellulose envisagé par
Botnia sur le fleuve Uruguay, J.CraigSwanson etEduar do A. Yassuda (Applied Science Associates, Inc.) (juin 2007),
[DU], annexe 214, p. 6-9. - 37 -

de la vitesse du courant ainsi que de son sens, et prédire de façon plus précise en combien de

temps et dans quelle direction les effluents de l’usine Botnia se disperseraient . 78

3. L’Uruguay a utilisé, pour déterminer la disp ersion des effluents, un modèle numérique bien

connu de mesure de la qualité de l’eau dont les résultats sont présentés sous forme de

simulation vidéo, comme celle qui a été présentée à la Cour par l’Argentine la semaine dernière.

43 Sur la base de ces analyses du courant, l’Uruguay a décidé de retenir, pour calculer la quantité

d’effluents pouvant être rejetée par le fleuve sans risque pour la qualité de l’eau ou les espèces

aquatiques, une hypothèse prudente selon laquelle le courant du fleuve est inversé 29% du

temps. En d’autres termes, l’Uruguay a supposé, lorsqu’il a examiné le projetBotnia, que le

courant du fleuve était inversé encore plus fréquemment que ne le dit l’Argentine 79.

4. En se fondant sur cette hypothèse extrêmement prudente et sur d’autres hypothèses tout aussi

modérées concernant le volume et la vitesse du courant ainsi que son sens, l’Uruguay a conclu

que les effluents de l’usine Botnia se dilueraient et se disperseraient bien avant d’atteindre des

niveaux de concentration constituant un risque pour la qualité de l’eau ou pour les espèces

aquatiques, y compris les poissons 8.

5. C’est en s’appuyant sur ces conclusions, et ce uniquement après les avoir présentées et

expliquées à l’Argentine, et confirmées ultérieurement, que l’Uruguay a autorisé la construction

de l’usine en janvier 2006. La mise en service effective de l’usine n’a été autorisée que 22 mois

78Rapport de l’évaluation d’impact environnemental de la DINAMA (11 février 2005), CMU, vol. II, annexe 20,
par.1 et 4.1; rapport complémentaire n 5 de l’étude d’impact sur l’environnemen t de Botnia, annexeVIII; étude de la
dispersion du panache et études sédi mentologiques (12novembre2004), CMU, vol . VII, annexe 164 (ci-après étude

hydrodynamique de Botnia) ; analyse des émissions liquides provenant des usines de pâte à papier Botnia et M’Bopicuá,
effectuée par MM.Cyro Croce, ingénieur chimiste, et Eu genio Lorenzo, ingénieur hydrologie et environnement,
DINAMA (7 novembre 2005) (GTAN/DU/24/07-11-05), CMU, voV l., annexe 143 (ci-après présentation
hydrodynamique de la DINAMA devant le GTAN); analyse hydrologique du projet d’usine de cellulose envisagé par
Botnia sur le fleuve Uruguay, J.CraigSwanson etEduar do A. Yassuda (Applied Science Associates, Inc.) (juin 2007),
[DU], annexe 214, p. 6-9.

79 Ibid., observations de la DINAMA sur le rapport du Gouvernement argentin consacré au problème du
phosphore, annexe 43 (mai 2008), DU, vol. II, annexe R 11, p. 2. Voir aussi CR 2009/12, p. 41, par. 13 (Sands).
80
Rapport de l’évaluation d’impact environnemental de laDINAMA, par.1 et 4.1; étude hydrodynamique de
Botnia ; présentation hydrodynamique de la DINAMA deva nt le GTAN ; observations de la DINAMA sur le rapport du
Gouvernement argentin consacré au problème du phosphore, annexe 43 (mai 2008), DU, vol. II, annexe R11, p. 2. - 38 -

plus tard, c’est-à-dire en novembre2007, après que la SFI et ses experts indépendants eurent

confirmé la validité des conclusions de l’Uruguay . 81

6. L’évaluation qu’a faite l’Uruguay du co urant du fleuve, y compris son inversion ⎯ notamment

les calculs, les conclusions et le modèle lui-même, sous forme de diapositives aussi bien que de

simulations vidéo ⎯ a été communiquée à l’Argentine au cours du processus GTAN et

examinée de manière approfondie avec l’Argentine en 2005 82. Nous avons, dans le dossier de

l’affaire, les documents qui prouvent tout cela.

15. Le conseil de l’Argentine vous a dit me rcredi dernier que celle -ci n’avait pu trouver

qu’un document, un seul, dans tout le dossier de l’affaire, qui montrait que l’Uruguay avait

conscience de la question de l’inversion du couran t, et l’Argentine a projeté à l’écran une seule

44 feuille préparée par Botnia en décembre 2003, cen sée indiquer la direction du courant à une seule

date de ce mois. Voilà tout ce que l’on trouve da ns tout le dossier de l’affaire, vous a assuré le

83
conseil de l’Argentine . Et bien, l’Argentine n’a pas dû examiner le dossier avec beaucoup de

diligence, si tant est qu’elle l’ait examiné.

16. Si les conseils de l’Argentine avaient vraiment examiné le dossier de l’affaire, voici

quelques uns des documents qu’ils auraient trouvés. Je dis «quelques-uns» parce que je suis sûr

que la Cour n’apprécierait pas que je consacre le reste de mon exposé à la description de toutes les

pièces dudit dossier qui prouvent chacun des six poi nts relatifs aux analyses de l’inversion du

courant effectuées par l’Uruguay, sur lesquelles je viens de mettre l’accent. Par ailleurs, l’Uruguay

avait communiqué toutes ces pièces à l’Argentine pendant les consultations du GTAN avant

l’ouverture de la présente procédure. [Planche 1. ] Cette planche est reproduite sous l’onglet 5 du

dossier de plaidoiries. Comme le montrent la liste et les tableaux qui l’accompagnent sous

81 Rapport de l’évaluation d’impact environnemental de la DINAMA, par.1 et 4.1; premier rapport de la
délégation uruguayenne au GTAN, annexe B (31 janvier 2006), CMU, vol. V, annexe154, p.B2 (note concernant le
document GTAN/DU/12/14-09-05 transmis à la délégation argentine: CD conten ant le modèle de dispersion des
effluents de la société Botnia ) ; présentation hydrodynamique de la DINAMA au GTAN ; DU, par. 6.62.

82 Premier rapport de la délégation uruguayenne au GTAN (31janvier2006), CMU, vol.V, annexe154, p.B2
(note concernant le document GTAN/DU/12/ 14-09-05 transmis à la délégation argentine: CD contenant le modèle de
dispersion des effluents de la société Botnia); présentation hydrodynamiq ue de la DINAMA deva nt le GTAN. Voir
aussi premier rapport de la délégation uruguayenne au GTAN (31janvier2006), CM U, vol.V, annexe154, p.B3 (note
concernant le document GTAN/DU/24/07-11-05); rapport fina l de la délégation argentine au GTAN (3février2006),
[MA], vol.IV, annexe1, p.9 (citant le s études de Botnia sur la dispersion dupanache et sur les sédiments, selon

lesquelles les phénomènes d’inversion de courant sont «habituelles dans la zone»).
83 CR 2009/14, p. 60-61, par. 12 (Sands). - 39 -

l’onglet 5, l’Uruguay a transmis à l’Argentine un grand nombre de documents contenant ses études

hydrodynamiques du fleuve, notamment celles de la fréquence des inversions du courant. Pour

donner un exemple, je vous invite à regarder le troisième des documents énumérés à l’écran.

[Planche2.] Il s’agit de quelques unes des planches faisant partie de la simulation animée du

modèle que l’Uruguay a utilisé pour évaluer l’ inversion du courant, et pour expliquer son

évaluation à l’Argentine. Elles sont reproduites sous l’onglet 6 du dossier de plaidoiries. La

simulation elle-même a été communiquée à l’Argentine sur support électronique

84
le 14 septembre 2005 . Le 7novembre2005, l’Uruguay a montré et expliqué cette simulation à

l’Argentine dans le cadre d’une projection de diapositives pendant les négociations du GTAN entre

85
les deux Etats . Le fait qu’il s’agisse d’une simulation est indiqué par la petite icône horloge qui

apparait en bas à gauche. [Planche2 a).] Certaines de ces planches montrent que l’Uruguay a

effectué une modélisation du flux des effluents à pa rtir de trois points de rejet: l’usine Botnia,

l’usine ENCE ⎯dont la construction était alors envisagée ⎯et la station d’épuration municipale

de Fray Bentos [planche 2 b)]. Vous voyez également que le modèle adopté par l’Uruguay montre

l’inversion du courant, qui s’étend sur une certain distance en amont au-delà de l’usine Botnia.

17. Monsieur le président comme le montrent les planches, il y a une certaine ressemblance

entre le modèle que l’Uruguay a communiqué à l’Argentine en novembre 2005 et celui que

l’Argentine a projeté devant la Cour la semaine dernière, la seule différence étant que l’Uruguay a
45

été plus prudent en estimant à29% la fréque nce d’inversion du courant, contre23% pour

l’Argentine. Des diapositives également présent ées à l’Argentine en novembre2005, et qui ont

donné lieu aux analyses hydrodynamiques et mathématiques complexes sur lesquelles l’Uruguay

fonde son hypothèse d’une fréquence d’inversion de 29 %, sont également reproduites sous l’onglet

6 du dossier de plaidoiries. Elles figurent aussi à l’annexe 143 du contre-mémoire de l’Uruguay.

18. Il semblerait donc, Monsieur le préside nt, que l’Argentine ne soit pas fondée à se

plaindre de l’évaluation de l’inversion du couran t par l’Uruguay. Celui-ci a adopté en2005 une

84Premier rapport de la délégation uruguayenne au GT AN (31 janvier 2006), CMU, vol.V, annexe154, p.B2
(note concernant le document GTAN/DU/12/ 14-09-05 transmis à la délégation argentine: CD contenant le modèle de

dispersion des effluents de la société Botnia), CMU, vol. V, annexe 143. Vo ir aussi, RA, vol. IV, annexe 2, annexe B,
p. 101 (idem).
85Présentation hydrodynamique de la DINAMA devant le GTAN ; premier rapport de la délégation uruguayenne
au GTAN (31janvier2006), CMU, vol.V, annexe154, p. B3 (note concernant le document GTAN/DU/24/07-11-05).
Voir aussi RA, livre IV, annexe 2, annexe B, p. 102 (idem). - 40 -

approche encore plus prudente, fondée sur l’hypothèse d’un scénario critique, en estimant à 29 % la

fréquence d’inversion du courant, ce qui était plus prudent que les 23 % présentés par l’Argentine

la semaine dernière. La véhémence de l’Argent ine à cet égard est d’autant plus difficile à

comprendre au vu des éléments de preuve qui mont rent que l’Uruguay lui a tout présenté, et tout

expliqué, dans le cadre de la procédur e du GTAN entre septembre et novembre2005 86.

[Planche 12 c).] Il s’agit d’un extrait de l’annexe R-11 de la duplique, page 2. Pour le contexte, la

page entière de ce document de la DINAMA se trouve dans le dossier de plaidoiries, sous

l’onglet 6. Le document tout entier se trouve dans le volume II de la duplique. Le texte à l’écran

est une réponse directe au rapport précédent de l’ Argentine, dans lequel celle-ci a retenu une

fréquence d’inversion du courant de 23 %. Etant donné les déclarations faites la semaine dernière

par les conseils et experts de l’Argentine, ce texte mérite d’être lu à haute voix :

«Toutefois, les auteurs semblent oublier que les modèles utilisés à la fois dans

l’étude de Botnia et dans celle d’EcoMet rix se fondent sur l’hypothèse d’un scénario
particulièrement critique qui comporte d es phénomènes d’inversion du courant plus
exigeants que ceux établis dans le RGA. En particulier, l’étude de Botnia part du

principe que les phénomènes d’inversion du courant ont lieu 29,23 % du temps…»

Le rapport ajoute ensuite qu’il s’agit d’une donnée implicite dans les calculs présentés dans le

document GTAN/DU/16/30-09-05, reproduit sous l’ onglet 6, transmis à l’Argentine le

87
30 septembre 2005 .

19. M.Sands a dit à la Cour mercredi, dans la conclusion emphatique de son exposé, que

88
l’Uruguay «n’a produit aucun élément de preuve sur le débit du fleuve» . En réalité, l’ensemble

des conseils de l’Argentine vous ont dit la sema ine dernière, non pas une, mais treize fois, que

l’Uruguay n’avait jamais évalué la tendance du c ourant à s’inverser, ni la fréquence de cette

inversion, avant d’autoriser la construction de l’us ine, et que l’Uruguay n’avait jamais fait part de
46

son évaluation à l’Argentine, ni consulté celle-ci à ce sujet. En vous disant cela, ils ont bien prouvé

une chose : ils ne connaissent pas leur dossier.

86
Présentation hydrodynamique de la DINAMA devant le GTAN ; premier rapport de la délégation uruguayenne
au GTAN (31janvier2006), CMU, vol.V, annexe154, p. B3 (note concernant le document GTAN/DU/24/07-11-05).
Voir aussi RA, livre IV, annexe 2, annexe B, p. 102 (idem).
87
Observations de la DINAMA sur le rapport du Gouve rnement argentin consacré au problème du phosphore,
annexe 43 (mai 2008), DU, vol. II, annexe R11, p. 2.
88CR 2009/14, p. 65, par. 18. - 41 -

20. Or, l’Argentine a continué à déclarer avec insistance que l’Uruguay s’était trompé,

alléguant que quand il s’est enfin, et tardivement, décidé à penser à l’inversion du courant, ce qui,

selon eux, n’était pas pendant les négociations du GTAN mais après que l’autorisation de

construire l’usine eut été accordée, l’Uruguay a sérieusement sous-estimé la fréquence des

inversions du courant. Selon M.Sands, l’Uruguay n’a pas pris ce phénomène au sérieux, le

considérant un événement «rare» 8. Pourtant, comme le montrent les éléments de preuve,

l’Uruguay a postulé que le courant du fleuve s’inve rsait sensiblement plus souvent que ne l’a fait

l’Argentine: 29% contre 23%. C’est dommage, ma is ils ne connaissent tout simplement pas le

dossier.

21. Reste à savoir, cependant, si l’Uruguay et la DINAMA ont fait le bon calcul. Leur

hypothèse sur l’inversion du courant était-elle assez prudente pour garantir que l’usine Botnia ne

polluerait pas le fleuve? Comme l’ont expli qué les experts de l’Argentine, et nous sommes

d’accord avec eux sur ce point, la réponse à cette question se trouve dans la composition chimique

des eaux du fleuve. Quelle que soit leur fréquence, les inversions du courant ne sont pas nocives en

elles-mêmes. Elles le deviennent uniquement qua nd elles empêchent les effluents de Botnia de se

disperser en aval et en provoquent l’accumula tion jusqu’à ce qu’ils atteignent des taux de

concentration nocifs.

22. Ainsi, pour déterminer si l’Uruguay et la DINAMA ne se sont pas trompés, il nous faut

examiner la composition chimique des eaux, et surt out, les concentrations dans l’eau des éléments

sur lesquels l’Argentine a mis un accent particulier la semaine dernière ⎯le phosphore et

l’azote ⎯ particulièrement dans la portion du fleuve qui serait affectée par l’usine Botnia. Il nous

faut également déterminer si cette usine a entraîné l’augmentation des concentrations de ces

éléments, et dans l’affirmative, si ces concen trations sont, ou pourraient être, nocives pour le

fleuve, ses eaux et la vie aquatique.

II.L A COMPOSITION CHIMIQUE DE L ’EAU

23. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, les éléments de preuve montrent que l’usine

Botnia n’a eu aucun impact sur les niveaux de concentration de phosphore ou d’azote dans le

89
Voir, par exemple, CR 2009/12, p. 39, par. 10. - 42 -

fleuve Uruguay. J’ai bien dit aucun impact. Certes, l’usine Botnia rejette ce qu’on vous a présenté

comme de grandes quantités de phosphore et d’azote da ns le fleuve. Nos co llègues de l’autre côté

47 de la barre se sont faits un plai sir de vous indiquer les tonnages a nnuels, et ils l’ont fait à maintes

reprises. Nous ne leur en tenons pas rigueur. Les données qu’ils citent sont celles de la DINAMA.

Toutefois, les preuves montrent que la totalité du phosphore et de l’azote rejetés par l’usine ⎯ la

totalité du phosphore et de l’azote rejetés par l’usine ⎯ est rapidement dispersée et évacuée par le

fleuve, et finit dans l’océan Atlantique. Ni le phosphore ni l’azote ainsi rejetés ne s’accumulent ni

ne font augmenter la concentration de ces s ubstances dans le fleuve. Cette conclusion est

pleinement établie par les analyses répét ées de la composition chimique de l’eau ⎯ en particulier

les analyses visant à déterminer les concentrations de phosphore et d’azote ⎯ réalisées par les deux

Parties.

24. Monsieur le président, les éléments de preuve ⎯ tous les éléments de preuve ⎯

montrent que la composition chimique de l’eau à l’usine de Botnia et aux environs demeure

inchangée. Elle n’a pas changé depuis que l’usine est entrée en service il y a près de deuxans.

Elle est identique à la composition de l’eau aille urs dans le fleuve, ou de meilleure qualité. Les

éléments de preuve montrent que les concentra tions de phosphore et d’azote à l’usine Botnia ou

près de celle-ci n’ont pas changé depuis que l’usine est entrée en service, et qu’elles sont égales ou

inférieures à celles relevées dans d’autres parties du fleuve. Ceci ne peut signifier qu’une chose, à

savoir que ces effluents ont été convenablement dilués et dispersés, puis évacués dans la mer.

25. Comme mon collègue M.Boyle l’a déjà dit à la Cour, les preuves produites par

l’Uruguay, qui proviennent du programme complet de surveillance exécuté par la DINAMA, et les

rapports des consultants indépendants de la SFI montrent que l’usine Botnia n’a pas fait augmenter

les concentrations de phosphore ou d’azote dans le fleuve 90. Comme M. Boyle a déjà examiné ces

preuves, je ne les évoquerai qu’en passant et axer ai ma plaidoirie d’aujourd’hui sur les preuves

produites par l’Argentine. Ce qui surprendra peut-être la Cour, eu égard en particulier à ce qu’a dit

90Documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30juin 2009, annexeS2, DINAMA, rapport d’évaluation de la
performance pendant la première année d’opé ration de l’usine Botnia et de la qua lité de l’environnement dans la zone
d’influence (mai2009), app.I, par. 4.1; annexeS7, troisièm e rapport d’EcoMetrix, mars2009, p.ES.iii («la qualité de
l’eau du fleuve Uruguay n’a pas été modifiée en conséquence de l’ usine») et par. 4.2-4.4. Voir également rapport de la
DINAMA sur la qualité de l’ea u (juillet2009), original espagnol disponibl e en cliquant sur le lien «Informe Agua
Semestre Ene-Jun 2009» à l’adresse h ttp://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_docman&Itemid=312.

Traduction communiquée à la Cour le 15 septembre 2009. - 43 -

le conseil de l’Argentine la semaine dernière , est que les propres preuves de l’Argentine ⎯ les

propres preuves de l’Argentine ⎯ démontrent de manière concluan te que l’usine Botnia n’a pas

modifié les concentrations de phosphore et d’azote dans le fleuve Uruguay. Je serai plus précis.

La propre étude scientifique et technique de l’Argentine ⎯ celle qui a mesuré l’impact de l’usine

Botnia de novembre2007 à avril2009, le docum ent de 600pages que l’Argentine a déposé au

Greffe de la Cour le 30juin de cette année, cel ui qu’a établi l’équipe dirigée par M.Colombo, le
48

principal élément de preuve que l’Argentine a produit sur la performance effective de l’usine ⎯

cette fameuse étude scientifique et technique ⎯ montre que l’usine Botnia n’a pas fait augmenter

les concentrations de phosphore et d’azote dans le fleuve.

26. Pourquoi cette preuve est-elle si important e? Les conseils de l’Argentine nous ont dit

pourquoi la semaine dernière. Selon eux, ce sont les rejets de phosphore et d’azote de l’usine

Botnia, associés à l’inversion du courant du fleuve durant les jours ayant précédé le 4 février 2009,

qui ont produit une accumulation et une concentr ation accrue de phosphore et d’azote devant

l’usine au point qu’une prolifération d’algues s’ est produite ce jour là. Ils ont répété cette

accusation plusieurs fois: ils ont soutenu que l es rejets de phosphore, spécialement, de l’usine
91
Botnia, avaient causé la prolifération d’algues du 4 février 2009 .

27. Mais les preuves n’étayent pas cette c onclusion. Bien plus, les propres preuves de

l’Argentine ne l’étayent pas. En fait, les pre uves de l’Argentine réfutent totalement le propre

argument de l’Argentine au sujet des rejets de phosphore et de la cause de la prolifération d’algues.

III. LE PHOSPHORE

28. Prenons le phosphore. L’étude scientifique et technique de l’Argentine présente les

résultats de deux analyses distinctes des concentrati ons de phosphore dans le fleuve. La première

figure au chapitre4 de l’étude, qui porte sur «[l]a prolifération extraordinaire d’algues du

92
4 février 2009» . L’autre figure au chapitre3, et est intitulée «Etudes biogéochimiques». Le

chapitre 4 de l’étude de l’Argentine montre que l’usine Botnia ne modifie pas les concentrations de

phosphore dans le fleuve Uruguay. Dans le cadre de cette étude, les concentrations totales de

91
Par exemple, CR2009/12, p.42 et 47, par.14 et 22(Sands); CR2009/14, p.6 et 62-64, par.6, 15 et 17
(Sands) ; CR 2009/14, p. 45, par. 45 (Colombo).
92
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 3 et 115. - 44 -

phosphore ont été mesurées en neuf points différents ⎯ deux en amont, trois à proximité de l’usine

Botnia, deux dans la baie argentine de Ñandubaysal et deux plus bas en aval ⎯, et à cinq périodes

différentes: en mai, juillet, septemb re, novembre 2008 et en janvier 2009 ⎯cette dernière à la

93
veille de la prolifération d’algues du 4février . La conclusion de l’étude figure à la page75 du

49 chapitre4, et elle est reproduite à l’onglet8 du dossier et projetée à l’écran. [Planche 4.] «En

général, des valeurs moyennes comparables ont été observées dans toutes les zones durant la

période de l’étude. La valeur moyenne maxi mum a été enregistrée en mai2008…en amont.» 94

On trouve, sur la même page de l’étude de l’Argentine, un diagramme étayant cette conclusion, qui

est reproduit sous l’onglet 9. Vous le voyez main tenant à l’écran. [Planche 5.] Il indique les

concentrations de phosphore relevées à chaque s ite à chacun des cinq moments où les tests ont été

effectués. Comme la Cour peut le constate r au vu de ce diagramme, les concentrations de

phosphore dans la «zone d’influence de Botnia» s ont les mêmes que celles relevées en amont, en

aval et dans la baie argentine de Ñandubaysal, ou leur sont inférieures.

29. Cela ressort mieux si l’on considère sép arément les dates auxquelles les mesures ont été

effectuées. Prenons la première et la dernière de ces dates, par exemple. [Planche 6.a.] Voici les

représentations graphiques des résultats des mesure s effectuées par l’Argentine en mai 2008, mois

où ces mesures ont commencé. Comme vous le voyez, à ce moment là la concentration la plus

élevée a été relevée à l’une des stations de contrôle d’amont, hors de la zone d’influence attribuée à

l’usine Botnia. Il est tout aussi apparent que les résultats des me sures effectuées aux trois stations

de contrôle situées à l’intérieur de la «zone d’influence de l’usine Botnia» ⎯ c’est la terminologie

de l’Argentine, c’est son diagramme ⎯ font apparaître des concentrations de phosphore inférieures

à celles relevées dans les trois sites situés dans la baie de Ñandubaysal, en Argentine. Ceci est

particulièrement intéressant parce que, tout au long de son étude scientifique et technique,

l’Argentine déclare à maintes re prises que ces sites situés dans la baie se trouvent dans «un

95
environnement relativement détaché du fleuve» , et qui n’est pas «lié aux variations à court terme

93
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 63.
94Ibid., chap. 4, p. 75.

95Ibid., chap.3.2, par.4.1.2 (affirmant que les scientifiques argentins ont pu «séparer nettement la baie, du fait
qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la
baie est un milieu qui est à l’abri des fl uctuations à court terme du fleuve»), pa r.4.3.1.2 (mettant en avant des données
qui «renforcent l’interprétation selon laquelle la baie est un environnement qui est relativement détaché du fleuve»). - 45 -

96
du fleuve, naturelles ou dues à l’activité de l’homme» . De cette manière, l’Argentine fait de ces

sites situés dans la baie des stations de contrôle, non influencées par les effluents de l’usine Botnia.

30. Regardons maintenant les résultats des me sures pour le mois de janvier 2009, peu avant

la prolifération d’algues du 4 février. [Planche 5. b.] Nous voyons que, à cette date critique, dans

l’ensemble des trois sites prétendument «influen cés» par Botnia, les concentrations de phosphore

étaient inférieures à celles relevées aux stations de contrôle d’amont, et égales ou inférieures à

celles constatées sur les deux sites situés dans la baie argentine de Ñandubaysal, laquelle est, je le

50 rappelle, hors de la «zone d’influence» de Botnia. Je rappelle à la Cour que toutes ces données ont

été produites et présentées par l’Argentine dans sa communication du 30 juin 2009 97.

31. Ce qui rend ces résultats particulièrement impressionnants c’est que cette étude était loin

d’être impartiale. Au contraire, peut-être a-t-elle été conçue pour prendre l’usine Botnia en faute.

C’est ce que donneraient à penser les sites choisi s par l’Argentine pour les mesures, représentés

sous l’onglet10 et à l’écran. [P lanche 6.] Des trois sites les pl us proches de l’usine choisis par

l’Argentine, un est en face de la ville de FrayBentos et tout près du point où les eaux usées

municipales sont rejetées dans le fleuve, et un au tre est un peu en aval du point de rejet des eaux

usées de Fray Bentos, où il reçoit aussi les eaux usées et effluents industriels de la ville argentine

de Gualeguaychú et de son parc industriel, qui d escendent le fleuve Gualeguaychú jusqu’à la baie

de Ñandubaysal et traversent celle-ci 98. En d’autres termes, deux des trois sites choisis situés dans

la zone dite «d’influence de Botnia» ont été ef fectivement placés par les scientifiques argentins

directement sur le passage de tous les déchets industriels et d’origine humaine évacués ou rejetés

99
dans le fleuve par plus de 100 000 Argentins et Uruguayens sans aucun lien avec l’usine Botnia .

Quoi qu’il en soit, et malgré ces partis pris, les sites choisis pour les mesures dans la «zone

d’influence de l’usine Botnia» ont passé l’examen argentin. Les scientifiques argentins eux-mêmes

sont contraints d’admettre qu’il n’y a pas de c ontribution détectable aux concentrations de

96
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par.1 (concluant que la baie «n’est apparemment
pas influencée par les variations à court terme du fleuve, naturelles ou dues à l’activité de l’homme»).
97
Ibid., chap. 4, p. 75.
98Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 64-65, fig. 28 et tableau VI ; CMU, par. 4.42 ; DU,
par. 5.38.

99Voir CMU, par. 4.42 ; DU, par. 1.33. - 46 -

phosphore de l’usine : «Des valeurs moyennes comparables ont été observées dans toutes les zones

durant la période de l’étude.» 100

32. L’étude présentée au chapitre4 a mesuré l es concentrations totales de phosphore. Elle

101
n’a pas mesuré les concentrations de phosphore réactif soluble . La Cour se souviendra peut-être

de ce qu’a dit M.Sands à ce sujet mercredi dernier. Il a dit à la Cour que la surveillance du

phosphore dans les effluents effectuée par la DI NAMA est insuffisante parce qu’elle ne porte que

sur le phosphore total et ne mesure pas le phosphore réactif soluble. Il a dit à la Cour que la seule

manière convenable de mesurer le phosphore consistait à mesurer le phosphore réactif soluble, ou

PRS, puisque c’est la forme de phosphore qui selon lui stimule la croissance des algues et contribue

aux proliférations d’algues. Il a même pub liquement remercié un des experts argentins,

102
51 M.McIntyre, pour le lui avoir signalé . Il est donc étrange que la propre étude de l’Argentine,

qui indique qu’elle vise la «prolifération extraordinaire d’algues du 4février2009» 103, ne

mentionne pas le phosphore réactif soluble et ne fournit aucune donnée en ce qui le concerne.

33. Fort heureusement, le PRS, comme on le désigne, fait l’objet d’une autre étude de

l’Argentine, qui figure au chapitre3 du rapport scientifique et technique, et nous nous en

réjouissons. Le chapitre3 est particulièrement intéressant parce que son auteur est M.Colombo

lui-même. Or les constatations de M.Colo mbo au sujet du phosphore diffèrent de celles

consignées au chapitre4. Là où les scientifiqu es auteurs de ce chapitre4 ont conclu que «des

valeurs moyennes comparables ont été observées dans toutes les zones durant la période de

104
l’étude» , M.Colombo conclut que «les nutriments contenant du phosphore présentent des

105
différences plus contrastées entre les stations» . Toutefois, M. Colombo n’a pas constaté que les

concentrations de phosphore étaient plus élevées à l’un quelconque des points de contrôle qui serait

influencé par l’usine Botnia. [Planche 7.] Au contraire, voici ce qu’il a écrit, et que vous trouverez

aussi sous l’onglet11: «Tant le PRS que le Pt [c’est-à-dire le phosphore soluble et le phosphore

10Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 75.

10Ibid.
102
CR 2009/14, p. 63, par. 15 (Sands).
103
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 4, p. 3 et 115.
10Ibid., chap. 4, p. 75.

10Ibid., chap. 3.1, p. 24. - 47 -

total] présentent des concentrations plus élevée s dans la baieBellaco …et dans une moindre

mesure dans le lagon Inès.» 106 Ces deux sites, où l’on a observé des concentrations de phosphore

plus élevées durant la période de l’étude, se trouvent dans la baie argentine de Ñandubaysal. Ce

qui est particulièrement important dans cette constatation, comme je l’ai déjà dit, c’est que, ainsi

que l’Argentine l’a reconnu dans différents passages de son étude scientifique et technique, la baie

de Ñandubaysal et le lagon Inès constituent un écosyst ème relativement isolé, qui n’est pas affecté

107
par les effluents de l’usine Botnia . Ainsi, M. Colombo a constaté que les concentrations de PRS

et de Pt étaient plus élevées dans les zones du fl euve non affectées par l’usine Botnia que dans les

zones qui selon l’Argentine sont affectées par l’usine, et que les plus hautes concentrations de

toutes ont été constatées dans la baie argentine de Ñandubaysal.

52 34. Comme je l’ai dit, M.Colombo a mesuré la quantité de phosphore réactif soluble ainsi

que la quantité totale de phosphore, ce qui devrait fa ire plaisir à M. Sands. Ce qui risque de moins

lui faire plaisir, en revanche, ce sont les conclu sions que M.Colombo en tire. A ce stade, il est

utile de rappeler ce que M. Sands a indiqué au sujet du PRS et de l’usine Botnia. Il a dit à la Cour,

mercredi dernier, que l’usine Botnia était responsable d’une augmentation considérable

⎯ considérable — de la concentration de PRS dans les zones du fleuve qui subissent son influence,

108
et que cette augmentation avait entraîné la prolifération d’algues du 4 février .

35. Tout en gardant à l’espr it ces déclarations de M.Sands, voyons ce que M.Colombo a

effectivement conclu au sujet des concentrations de PRS. Dans son étude, la concentration de PRS

est mesurée sur sept sites tests différents ; trois d’entre eux sont situés da ns ce que l’Argentine

appelle la zone d’influence de l’usine, les quatre autres se trouvant en dehors de cette zone. L’un

de ces quatre sites de contrôle est situé en amont de l’usine, les trois autres se trouvant dans la baie

argentine de Ñandubaysal, en y incluant le lagonInés 10. Des mesures ont été effectuées entre le

106Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 24.

107Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifiques argentins
ont pu «séparer nettement la baie, du fait qu’elle se comporte comme un écosyst ème relativement séparé du fleuve
Uruguay» et que les données «montrent que la baie est un milieu qui est à l’abdes fluctuations à court terme du
fleuve»), par.4.3.1.2 (mettant en avant des données qui «renforcent l’interprétation se lon laquelle la baie est un

environnement qui est relativem ent détaché du fleuve») et par.1 (concl uant que la baie «n ’est apparemment pas
influencée par les variations à court terme du fleuve, naturelles ou dues à l’activité de l’homme»).
108CR 2009/14, p. 63, par. 15 (Sands).

109Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 7-8, tableau 1 et figure 1. - 48 -

24novembre2007, juste après la mise en service de l’usine, et le 17avril2009 11. Il n’existe

aucune donnée de référence; du moins, aucune don née de ce type n’a été présentée. Toutes les

mesures figurant dans l’étude de M. Colombo ont été effectuées après la mise en service de l’usine.

Il lui est donc impossible de comparer les c oncentrations postopérationnelles de phosphore ou de

PRS aux concentrations préopérationnelles et ce, sur quelque site que ce soit. De toute évidence, il

s’agit là d’une faiblesse fondamentale de son étude. Un autre problème est celui du choix des sites

tests, lesquels sont représentés su r la carte qui figure sous l’onglet n o12. [Planche8.] Deux des

trois sites que l’Argentine considère comme se trouva nt à l’intérieur de «la zone d’influence de

Botnia» et que vous voyez sur cette carte sont le siteU3, parfaitement s itué, juste en face des

conduites d’évacuation des eaux usées de Fray Bentos et le site U4, lequel est situé légèrement en

aval et reçoit les eaux usées et effluents industriels de Gualeguaychú ainsi que de Fray Bentos 111.

36. Au cas où la Cour penserait que, si j’ex amine de manière aussi détaillée les préventions

contre l’usine Botnia qui ont été délibérémen t introduites dans la méthode employée par

M.Colombo, c’est pour excuser ou expliquer certa ines statistiques révélant des concentrations

importantes de PRS émanant de l’usine, je m’empresse de vous assurer que de telles données

n’existent pas. [Planche9.] C’est ce qui r essort du graphique de M.Colombo, présenté à la
o
page 26 du chapitre 3 et reproduit sous l’onglet n 13 de notre dossier de plaidoiries.

37. Je dois avouer, Monsieur le président, que la première fois que j’ai regardé ce graphique,
53

je me suis dis que j’avais de la chance qu’il ne s’agisse pas de mon électrocardiogramme. Les

concentrations de PRS, telles que mesurées pa r M.Colombo, forment en effet une courbe

quasiment plate ; elles sont extrêmement régulières et très basses en chacun des septsites tests et

ce, tout au long de la période de dix-mois que couvre l’étude, à une seule exception près, à savoir le

18 mars 2009, soit six semaines après la prolifération d’algues du 4 février.

38. S’agissant de cette prolifération d’algues, la Cour relèvera que, au vu du graphique,

pendant la période précédant et suivant immédi atement le 4février, il n’y a eu aucune

augmentation notable des concentrations de PRS su r les sites correspondant à l’usine Botnia. En

fait, si on examine ⎯ comme nous l’avons fait ⎯, les données qui ont servi à établir le graphique

110
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 30, tableau 7 et chap. 3.2, par. 3.2.3, tableau 7.
111Ibid., chap. 3.1, p. 7-8, tableau 1 et figure 1. - 49 -

de M.Colombo, on remarque que, aux dates t ests qui entourent la prolifération d’algues du

4février, les concentrations de PRS relevées sur les sites se trouvant dans la prétendue zone

d’influence de Botnia ont toujours été nettement inférieures à ce lles observées dans la baie

112
argentine de Ñandubaysal . Ainsi, le 14janvier2009, dernière date test avant la prolifération

d’algues, la concentration moyenne de PRS sur l es trois sites se trouvant dans la prétendue zone

d’influence de Botnia était de 14,7 microgrammes par litre, alors que la concentration moyenne sur

les sites se trouvant dans la baie de Ñandubaysal était de 54,5, soit près de quatre fois supérieure 113.

39. Quels sont donc les enseignements de l’étude de M.Colombo sur le PRS? Ils sont au

nombre de quatre. Premièrement, les concentrations de PRS sont plus élevées dans les portions du

fleuve qui ne subissent pas l’influence de Botnia que dans les prétendues zones d’influence de

l’usine. Deuxièmement, les concentrations de PRS sur les sites se trouvant dans la prétendue zone

d’influence de Botnia sont restées basses pendant toute la période test, c’est-à-dire les

dix-huit premiers mois d’activité de l’usine. Troisièmement, aucune augmentation de la

concentration de PRS — ni, a fortiori, l’augmentation exceptionnelle mentionnée par M. Sands —

n’a été enregistrée à l’usine Botnia ou dans ses environs avant la prolifération d’algues du 4 février.

Quatrièmement, aucun élément de preuve ne révè le un quelconque lien de causalité entre les

émissions de PRS de l’usine Botnia et la prolifération d’algues du 4 février.

40. Enfin, cette étude démontre une fois en core que nos amis de l’équipe argentine ne

connaissent pas les éléments de preuve. S’agi ssant du PRS, ils ne semblent pas même connaître

leurs propres éléments de preuve. Cela est partic ulièrement inquiétant si l’on considère

l’importance qu’ils ont accord ée aux émissions de phosphore ⎯et surtout aux émissions de

PRS— de l’usine Botnia, et à leur prétendue in fluence sur la composition chimique de l’eau, la

qualité de celle-ci et la prolifération d’algues.

54 41. Jeudi dernier, M.Wheater a dit à la Cour que les concentrations de PRS sur le site de

Botnia avaient «doublé» avant la prolifération d’algues du 4 février 2009, et que c’est cela qui avait

entraîné cette prolifération 11. Eh bien, penchons-nous de nouveau sur le graphique de

112Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 26 et 30, fig. 10 et tableau 7.
113
Ibid, chap. 3.1, p. 30, tableau 7.
114CR 2009/15, p. 27, par. 17 (Wheater). - 50 -

M.Colombo pour vérifier. [Planche9 de nouveau.] Voici, encore une fois, ce que ce graphique

indique pour le 14janvier, la de rnière date test retenue par M. Colombo avant la prolifération

d’algues. La courbe est plate. Pas de pouls. Les données qui ont servi à établir le graphique

montrent que la concentration de PRS sur le s iteU2 de Botnia, qui est celui que M.Wheater

mentionne et où les concentrations ont soi-di sant doublé, n’était que de 14µg/l. Aucune

concentration inférieure n’a été enregistrée su r aucun des autres sites tests ce jour-là. Les

concentrations de PRS sur les sites tests de la baie argentine de Ñandubaysal étaient de21 sur le

115
site N5, et de 88 — soit plus de cinq fois supérieures à ceux du site de Botnia — sur le site N6 .

42. Comment M. Wheater a-t-il donc pu nous dire que les concentrations de PRS sur le site

de Botnia avaient «doublé»? Nous avons examiné de nouveau l’ensemble des données de

M.Colombo. Elles n’étayent en rien cette affirmat ion. Cela nous a pris un certain temps, mais

nous avons fini par découvrir ce que M. Wheater semble avoir fait et tout le mal qu’il s’est donné

pour parvenir à formuler cette affirmation devant la Cour. [Planche10.] Voici un tableau

contenant toutes les données correspondant aux mesures de M. Colombo relatives au PRS et ce, sur

tous les sites et à toutes les dates tests entre le 24 novembre 2007 et le 17 avril 2009 116. S’il y a des

blancs, c’est parce que certaines données correspondant à certains sites tests et à certaines dates ne

sont pas disponibles. Ce tableau — que nous av ons réalisé en utilisant uniquement les données de

M. Colombo —, ainsi que ceux que je vous projettera i ensuite, figurent tous sous l’onglet 14. Afin

de montrer à la Cour en quelques minutes ce que nous avons mis plusieurs heures à découvrir,

examinons les résultats enregistrés sur le site U1, le site de contrôle situé en amont, sur le site U2,

qui est le plus proche de l’usine Botnia et où M.Wheater prétend que les concentrations de PRS

ont doublé, ainsi que sur les sites N5 et N6, s itués dans la baie de Ñandubaysal, dont M. Colombo

dit qu’ils ne subissent pas l’infl uence de l’usine. [Planche 10 a).] Encore une fois, c’est sur le

site U2 que M. Wheater prétend que les concentra tions de PRS ont «doublé» avant la prolifération

d’algues de février2009. La Cour ne manquera p as, j’en suis sûr, d’être impressionnée par la

créativité dont M. Wheater a fait preuve pour parvenir à ce résultat. Il a commencé par exclure ou

ignorer les trois quarts des données de M.Colom bo, à savoir toutes celles qui ont été collectées

115
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 30, tableau 7.
116Ibid., chap. 3.1, p. 30, tableau 7 et chap. 3.2, par. 3.2.3, tableau 7. - 51 -

117
55 avant le 31octobre2008 . [Planche 10 b).] Puis, il a fait la moyenne entre les valeurs relevées

sur chacun des quatre sites tests aux huit dates restantes. [Planche 10 c).]

43. Il n’a pas du être satisfait du résultat. La concentration de PRS était de 39, a-t-il indiqué,

sur le site de prélèvement U2 de Botnia, ce qui est toutefois inférieur de 15% à la concentration

relevée plus en amont, sur le site de prélèvem ent U1. Cependant, le principal problème auquel a

été confronté M. Wheater est qu’il ressort des donn ées que la concentration de PRS relevée sur le

site de Botnia est insignifiante par rapport à ce lle relevée dans la baie de Ñandubaysal. La

concentration de PRS du site N5, situé dans la baie, était près de deux fois supérieure à celle du site

de Botnia, et la concentration de PRS du site N6 , également situé dans la baie, près de trois fois

supérieure. Qu’a donc fait M.Wheaterensuite? Eh bien, n’ayant rien trouvé dans l’étude de

M.Colombo pour étayer sa thèse, il s’est intéressé à d’autres documents. Lesquels? Il s’est

intéressé aux mesures préopérationnelles de Botnia ⎯ ces mêmes données dont il nous a dit, jeudi,

qu’elles étaient tout à fait inutiles et totalement dépourvues de pertinence aux fins de l’évaluation

118
d’impact sur l’environnement de l’Uruguay ⎯, et il a également utilisé les données provenant

des sites de prélèvement de Botnia, lesquels sont différents de ceux retenus par M. Colombo dans

119
son étude. Il est ainsi parvenu à un résultat de 20microgrammes par litre . Il s’agit là d’un

chiffre totalement artificiel et dépourvu de pertin ence. Dire que M. Wheater a, pour l’obtenir,

comparé des pommes et des oranges reviendrait à lu i accorder une crédibilité qu’il n’a pas. Après

tout, les pommes et les oranges sont des fruits. P ourtant, c’est sur cette base, sur la base de ces

calculs, qu’il a été dit à la Cour que les concentrations de PRS avaient doublé, qu’elles étaient

passées de20 à 39 sur le site de prélèvement U2. Si elle le souhaite, la Cour peut, comme nous

l’avons fait, reconstituer les étapes du raisonnement de M. Wheat er en reprenant l’un après l’autre

les passages de la plaidoirie de M. Sands qu’il a c ités lors de son intervention de mercredi dernier,

page 63, notes de bas de page 163 et 164 du CR.

117
Voir CR 2009/15, p. 27, par. 17, note de bas de page(Wheater) (citant seulement la page 30 du chap. 3.1,
ce qui ne comprend pas un autre tableau des données de M. Colombo qui figure au chap. 3.2, par. 3.2.3, tableau 7).
118CR 2009/15, p. 31-32 et 36, par. 25-27 et 38 (Wheater).

119Voir CR 2009/15, p. 27, par. 17, note de bas de page43 (Wheater) (citant le tabl eau A.4 de l’annexe A du
troisième rapport d’EcoMetrix de mars 2009). - 52 -

44. Revenons-en au tableau de M. Colombo. S’il s’agit d’étudier des concentrations de PRS

sur le site de Botnia aux alentours du 4 février, da te de la prolifération d’algues, alors il nous faut

nous intéresser aux données des mois de ja nvier et de février 2009. [Planche 10 d).] Les chiffres

correspondant au site U2 à ces dates ⎯ les chiffres pertinents ⎯ sont de 14 microgrammes par litre

le 14 janvier et de 18,3 le 12 février. Aussi, même si on allait jusqu’à retenir le chiffre artificiel de

M. Wheater comme concentration de référence, à savoir 20, les concentrations de PRS relevées sur

le site Botnia aux dates les plus proches de la prolifération d’algues étaient inférieures à ce qu’elles

étaient avant la mise en service de l’usine Botnia. Par contraste, les concentrations de PRS relevées
56

dans la baie de Ñandubaysal étaient nettement plus élevées , supérieures de près de 300% sur le

site N6, aux alentours de la date de la prolifération d’algues.

45. La personne qui, au sein de l’équipe de l’ Argentine, semble être quelque peu au fait des

éléments de preuve est M.Colombo. Après tout , ainsi que l’a indiqué le directeur de l’étude

exposée au chapitre 3, c’est lui qui a produit ces ch iffres. Cela explique sans doute pourquoi il n’a

pas avancé les mêmes arguments irréfléchis que les autres conseils de l’Argentine au sujet du

doublement des concentrations de PRS à proximité de l’usine Botnia. En réalité, bien qu’il ait

parlé pendant une heure mercredi dernier, M. Colombo n’a absolument rien dit ⎯ pas un mot ⎯ au

sujet des concentrations de phosphor e sur le site de l’usine Botnia ou dans ses environs, ou en un

quelconque autre point du fleuve. Il n’a pas évoqué la question des concentrations de PRS. Quand

on y réfléchit, cela mérite d’être relevé. En dép it de l’importance que les conseils de l’Argentine

ont accordée au phosphore, et en particulier aux concentrations de PRS, tout au long de leurs quatre

jours de plaidoiries, et de leur insistance sur le fait que l’usine aurait provoqué une augmentation

des concentrations de phosphore dans sa zone d’in fluence, ce qui aurait engendré une prolifération

d’algues sans précédent, le membre de l’équipe de l’Argentine qui a effectivement étudié les

concentrations de phosphore a préféré garder le silence sur ce sujet.

46. Ayant ainsi démontré que les propres éléments de preuve présentés par l’Argentine, et la

propre étude de M.Colombo, révèlent que les émissions de PRS et les émissions totales de

phosphore émanant de l’usine Botnia n’entraînent pas une augmentation des concentrations de

phosphore dans le fleuve ⎯autrement dit, que ces substances ne s’accumulent pas au niveau de

l’usine ou à proximité de celle-ci, contrairement à ce que MM. Sands et Wheater ont avancé, mais - 53 -

qu’elles sont au contraire rapidement dilu ées, dispersées et évacuées en aval du fleuve ⎯,

j’examinerai rapidement les éléments de preuve présentés par l’Uruguay. Il s’agit des résultats des

analyses chimiques de l’eau effectuées par la DINAMA du mois d’août 2006 ⎯ soit plus d’un an

avant la mise en service de Botnia ⎯ à aujourd’hui 120. [Planche 11.] Ainsi que M.Boyle l’a

indiqué, la DINAMA a régulièrement analysé la composition chimique de l’eau sur 16sites

différents ⎯comme cela ressort du document figur ant sous l’onglet15 du dossier de

plaidoiries ⎯, soit neuf sites de plus que les sept rete nus par M. Colombo au chapitre 3 de l’étude

effectuée par l’Argentine. Six des sites retenus par la DINAMA se trouvent en amont de l’usine

57 (contre un pour l’étude de M. Colombo). Trois autres sont situés à proximité immédiate de l’usine,

121
et sept sont répartis à différentes distances en aval .

47. [Planche 12.] Voici les résultats d’anal yses effectuées aux mois de décembre 2008 et de

122
février 2009 . Comme vous pouvez le voir à l’écran, et s ous l’onglet16, il n’y a pas de réelle

variation des concentrations de phosphore, que ce soit en décembre ou en février, entre les sites de

prélèvement, à une exception près ⎯ l’endroit précis où les eaux usées de Fray Bentos sont rejetées

dans le fleuve. Cependant, même là, les effets des rejets se dissipent rapidement, ainsi que cela

ressort des concentrations de phosphore inférieures enregistrées sur les trois sites suivants situés en

aval.

48. [Planche 13.] Ce graphique, qui figure également sous l’onglet17 du dossier de

plaidoiries, a lui aussi été préparé par la DINAMA. Il fait apparaître les concentrations moyennes

de phosphore tout au long de l’année2008, et au cours du premier semestre2009, en chacun des

seize sites de prélèvement de la DINAMA. Ce s données sont rapprochées des concentrations

moyennes relevées sur chaque site de prélèvement au cours de la période de référence, laquelle est

antérieure à la mise en service de l’usine Botnia 123. Contrairement à M.Colombo, la DINAMA

120Voir documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin2009, annexeS2, DINAMA, rapport d’évaluation
de la performance pendant la première a nnée d’opération de l’usine Botnia et de la qualité de l’environnement dans la

zone d’influence (mai 2009).
121Ibid., voir également le rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009).

122Ibid., rapport de la DINAMA sur la floraison de cyanobactéries dans le fleuve Uruguay le 4février2009
(juillet2009) (ci-après rapport de lDINAMA sur la floraison de cyanobactér ies), original espagnol disponible à
l’adresse : http://www.mvotma.gub.uy/dinama/index.php?option=com_content&task=view&… sous
l’intitulé «Floración de cianobacter ias en el río Uruguay el 04/02/2009».Traduction communiquée à la Cour
le 15 septembre 2009.

123Rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), p. 18, figure 4.24. - 54 -

dispose de données de référence pour la période préopérationnelle, données qu’elle peut comparer à

celles collectées depuis que l’usine est en activité. [Planche 13 a).] Les données de référence

apparaissent en rose. [Planche 13 b).] Les concentrations moyennes de phosphore pour chacun des

sites de prélèvement pour l’année2008 apparai ssent en vert. Comme vous pouvez le voir, dans

chacune des stations, la concentr ation moyenne de phosphore en2008 est inférieure à la

concentration de référence. Ce la vaut notamment pour les concen trations de phosphore relevées

dans chacun des trois sites de prélèvement su bissant le plus directement l’influence de

l’usineBotnia, à savoir les sites n o7, 8 et9, dont les résultats sont tous inférieurs aux

concentrations de référence. Après plus d’ une année entière d’activité de l’usine, les

concentrations de phosphore étaient inférieures à ce qu’elles étaient avant sa mise en service.

49. Les résultats sont similaires pour l’année 2009. [Planche 13 c).] Ici aussi, les valeurs de

référence apparaissent en rose. Les données de 2009 apparaissent en bleu. Ainsi que cela ressort

du graphique, les concentrations moyennes de phosphore de tous les sites pour le premier semestre

de l’année 2009 ne sont guère différents de ce qu’ils étaient avant que l’usine Botnia ne soit mise

o
en service. Toutefois, si l’on s’intéresse plus particulièrement au site de l’usine Botnia, le site n 7,

et aux sites situés en aval de celui-ci, on consta te que les concentrations de phosphore enregistrées

dans la première moitié de l’a nnée2009 étaient identiques ou inférieures aux concentrations de

référence, c’est-à-dire même inférieures aux concentrations de phosphore relevées avant que

l’usine ne soit mise en service.

58 50. Entendons-nous bien, l’Urug uay ne prétend pas que Botnia réduit les concentrations de

phosphore dans le fleuve Uruguay. Ce n’est pas sa thèse. Le fait que ces concentrations soient

aujourd’hui inférieures à ce qu’ell es étaient avant que l’usine ne soit mise en service reflète les

variations naturelles des concentr ations de phosphore d’une année à l’autre. Il faut cependant

garder présent à l’esprit que la première par tie de l’année2009, qui coïncide avec l’été en

Amérique du sud, a été marquée par une sècheresse extrême et des niveaux d’eau très bas 12. Cela

signifie que tout effluent de phosphore non disper sé rejeté par l’usine Botnia dans le fleuve

Uruguay aurait été plus facilement détecté, puisque le s concentrations auraient été supérieures. Le

124Voir les commentaires de l’Uruguay relatifs aux documents nouveaux fournis par l’Argentine, 15 juillet 2009,

annexe C5 (17 février 2009). - 55 -

fait que tel ne soit pas le cas dans les portions du fleuve sur lesquelles l’usine a une incidence

confirme une nouvelle fois que Botnia n’entraî ne pas d’augmentation d es concentrations de

phosphore dans le fleuve. Nous n’avons cep endant pas besoin d es données présentées par

l’Uruguay pour le prouver. Cela est attesté pa r les données de l’Argentine elle-même. Celles-ci

attestent, notamment, que l’usine Botnia n’a jamais entraîné d’augmentation des concentrations de

phosphore dans le fleuve à un quelconque moment depuis qu’elle a été mise en service, et

certainement pas à une date proche de la prolifér ation d’algues du 4février. Cette prolifération

d’algues ne saurait être imputée aux émissions de phosphore émanant de l’usine. Les propres

chiffres de M. Colombo l’attestent.

IV. L’ AZOTE

51. Passons maintenant à l’azo te, le second des deux nutriments émis par l’usine Botnia que

le conseil de l’Argentine a cherché à lier à la croissance d’algues et, en particulier, à leur

prolifération du 4 février.

52. Tout comme il n’a pas soutenu les exposés que le conseil de l’Argentine a présentés à la

Cour au sujet des concentrations de phosphore, M. Colombo a gardé un silence étudié au sujet des

concentrations d’azote. Il avait pour cela de bonn es raisons. Voici ce que M. Colombo a conclu à

propos des concentrations d’azote à la page24 du chapitre3de l’étude scientifique et technique

soumise par l’Argentine le 30ju in: «les nutriments azotés ont une distribution spatiale assez

homogène» [traduction du Greffe]. En d’autres termes, la concentration d’azote est à peu près la

même sur tous les sites de prélèvement. Autrement dit, elle n’est pas plus élevée sur les sites de

prélèvement sur lesquels l’usine Botnia aurait eu des effets.

53. Ne nous étonnons donc pas que M.Colombo ne nous ait rien dit des concentrations

d’azote. Ses données concernant l’azote contredi sent totalement l’argument de l’Argentine selon

59 lequel les importantes quantités d’azote rejetées par l’usine Botnia sont à l’origine des

concentrations élevées d’azote dans les parties du fleuve affectées par l’usine, ce qui a fortement

accéléré la croissance des algues et notamment causé leur prolifération le 4 février. A la différence

des autres membres de l’équipe de l’Argentine, M. Colombo connaît les données empiriques qu’il a

lui-même recueillies. Il sait que, selon sa propr e étude, les concentrations d’azote ont «une - 56 -

125
distribution spatiale assez homogène» et que, par conséquent, elles ne sont pas plus fortes sur le

site de l’usine Botnia qu’ailleurs.

54. L’Uruguay a également présenté des données empiriques concernant l’azote qui

confirment les résultats de l’étude de M.Colombo. Les résultats des analyses effectuées par la

o
DINAMA ⎯que vous trouverez sous l’onglet n 18 ⎯ montrent, de la même façon, que les

émissions d’azote de l’usine Botnia n’ont pas fait augmenter la concentration d’azote dans le fleuve

ni contribué à la prolifération d’algues du 4février. [Planche14.] Des analyses effectuées en

décembre2008 et en février2009, c’est-à-dire avan t et après la prolifération d’algues, montrent

qu’à ces deux dates les taux d’azote relevés sur tous les sites situés dans la «zone d’influence de

l’usine Botnia» étaient inférieurs à ceux mesur és sur les sixsites de contrôle en amont et

équivalents à ceux des sept sites en aval, avec une exception : un taux d’azote élevé a été constaté

o
en décembre2008 sur le site n 13 ⎯celui situé directement devant les conduites d’évacuation

dans le fleuve des eaux usées non traitées de Fray Bentos 126. Aucun taux anormal d’azote n’a été

constaté où que ce soit en février, le mois de la prolifération d’al gues. [Planche15.] Le tableau

suivant, établi par la DINAMA pour son rapport de surveillance semestriel pour 2009, et que vous

pouvez consulter sous l’onglet n o 19, montre les taux moyens d’azote sur l’ensemble des seize sites

127
de prélèvement de la DINAMA . [Planche 15 a).] Là encore, la ligne rose représente les valeurs

de référence, c’est-à-dire les concentrations d’azote sur les divers sites de prélèvement pendant la

période qui a précédé la mise en service de l’usine Botnia. [Planche15 b).] La ligne bleue

représente les taux moyens d’azote sur tous les si tes de prélèvement pour les six premiers mois

de2009. A l’évidence, les taux d’azote de2009 s ont inférieurs aux valeurs de référence sur

l’ensemble des sites. Encore une fois, l’Uruguay ne prétend pas que l’usine Botnia a fait baisser

les taux d’azote du fleuve. Mais il est po ssible de tirer une conclusion de ces données ⎯ la même

que celle que l’on peut tirer des données produites par l’Argentine ⎯ à savoir que l’usine n’a pas

causé d’augmentation des taux d’azote.

125Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 24.

126Voir les documents nouveaux produits par l’Uruguay, 30 juin 2009, annexeS2, DINAMA, rapport
d’évaluation de la performance pendant la première année d’opé ration de l’usine Botnia et de la qualité de
l’environnement dans la zone d’influence (mai2009); rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet2009);
rapport de la DINAMA sur la floraison de cyanobactéries (juillet 2009).

127DINAMA, rapport de la DINAMA sur la qualité de l’eau (juillet 2009), p. 17, figure 4.23. - 57 -

60 55. Monsieur le président, les données empiriques, toutes les données empiriques, y compris

les propres données de l’Argentine, qu’elles soient considérées séparément ou avec celles de la

DINAMA, montrent de manière concluante que l’usine Botnia n’a fait augmenter ni les

concentrations de phosphore ni celle s d’azote dans le fleuve Uruguay ⎯à aucun moment des

dix-huitpremiers mois de son fonctionnement, et assurément à aucun moment proche de la

prolifération d’algues du 4février. Les données empiriques, y compris, surtout, les propres

données de l’Argentine, réfutent la prétention de celle-ci selon laquelle les émissions de phosphore

ou d’azote de l’usine se sont accumulées dans le fleuve, ont fait augmenter les concentrations de

ces éléments dans l’eau, et stimulé la croissance des algues ou causé leur prolifération le 4 février.

La cause de cette prolifération d’algues doit se tr ouver ailleurs. Nous verrons exactement où

demain. Mais avant d’en arriver là, exami nons les données empiriques concernant une autre

substance mesurée par l’Argentine dans le cadre de son étude scientifique et technique. Examinons

à présent les résultats des analyses effectuées par M. Colombo concernant la chlorophylle.

V. L A CHLOROPHYLLE

56. Monsieur le président, Messieurs de la Cour, vous apprendrez sans doute avec un certain

soulagement que je n’ai pas l’intention d’achever mon exposé tôt aujourd’hui. L’usine Botnia ne

produit pas et n’émet pas de chlorophylle. Person ne ne l’insinue, par même l’Argentine. La

chlorophylle, comme bien sûr nous l’avons tous ap pris en classe de biologie ou de botanique au

lycée, est la substance qui donne aux plantes, notamment aux algues qui ont proliféré en février

dernier dans le fleuve Uruguay, leur couleur verte. C’est un e composante des algues. La

chlorophylle est indispensable au processus de la photosynthèse, dans lequel elle transforme les

128
rayons du soleil en aliments, de telle sorte que les algues peuvent croître et multiplier . S’il y a

des algues dans le fleuve, il do it donc y avoir de la chlorophylle. Une abondance de chlorophylle

129
dans une masse d’eau comme le fleuve Uruguay entraîne généralement une abondance d’algues .

128
Rapport de la DINAMA sur la qualitéde l’eau (juillet2009); rapportla DINAMA sur la floraison de
cyanobactéries (juillet2009), p.8. Vaussi, par exemple, l’article «Chlorophyl l» de Wikipedia, publié sur le site:
http://en.wikipedia.org/wiki/Chlorophyll.
129Ibid. - 58 -

57. C’est pourquoi l’Argentine a mesuré la ch lorophylle. Si elle pouvait localiser dans le

fleuve de fortes concentrations de chlorophylle , alors elle allait pouvoir établir où se trouvait de

fortes concentrations d’algues et des proliféra tions effectives ou potentielles comparables à celle

qui s’est produite le 4 février. Manifestement, l’Argentine espérait trouver de fortes concentrations

de chlorophylle aux endroits sur lesquels l’usine Botnia était cens ée influer. Et bien vous pouvez

61 déjà deviner, sans mon aide, quels étaient les résu ltats du test mené par l’Argentine. Vous pouvez

le deviner parce que personne dans l’équipe de l’Argentine n’a ri en dit à propos de la chlorophylle

la semaine dernière. En quatrejours d’inte rvention, pas un mot n’a été prononcé sur la

chlorophylle, alors même que l’Argentine avait expressément mené des tests pour la déceler. Vous

pouvez être assurés que si l’Argentine avait trouvé ce qu’elle cherchait, c’est-à-dire des taux de

chlorophylle élevés indiquant la présence de fortes concentrations d’algues devant l’usine Botnia,

vous en auriez entendu parler. Ce silence total sur le sujet vous permet de supposer que les taux de

chlorophylle à l’emplacement ou à proximité de l’us ine étaient plus faibles, ou au moins n’étaient

pas plus élevés, qu’ailleurs dans le fleuve.

58. Mais vous n’avez pas besoin de suppo ser quoi que ce soit. Les données effectives

recueillies par l’Argentine donnent de meilleures indications ⎯assurément meilleures pour

o
l’Uruguay. [Planche n 16.] Voici à l’écran, et sous l’onglet 20, ce que M. Colombo a conclu au

chapitre3 de l’étude de l’Argentine à propos des ta ux de chlorophylle dans le fleuve, sur la base

des échantillons normaux prélevés sur septsites t outes les deuxsemaines entre novembre2007 et

octobre2008, soit pendant la première année plei ne d’activité de l’usine: «la concentration de

chlorophylle est généralement faible…; dans le baie [la baie de Ñandubaysal], les moyennes

observées sont deuxfois plus gra ndes que dans le fleuve Uruguay…» 130 Commejeviensdele

dire, la baie, bien sûr, est celle de Ñandubaysal, en Argentine, et, selon les affirmations répétées de

l’Argentine, l’usine Botnia n’a pas d’impact sur elle 13. Lorsque M.Colombo mentionne ici le

fleuve Uruguay, il veut dire la zone adjacente à l’ usine Botnia, parce que sur les quatre sites où il a

130Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.2, par. 4.2.2.

131Ibid., chap. 3.2, par. 4.1.2 (affirmant que les scientifique s argentins ont pu «séparer nettement la baie, du fait
qu’elle se comporte comme un écosystème relativement séparé du fleuve Uruguay» et que les données «montrent que la
baie est un milieu qui est à l’abri des fl uctuations à court terme du fleuve»), pa r.4.3.1.2 (mettant en avant des données
qui «renforcent l’interprétation selon laquelle la bun environnement qui est relati vement détaché du fleuve»).et
par. 1 (concluant que la baie «n’est a pparemment pas influencée par les variations à court terme du fleuve, naturelles ou
dues à l’activité de l’homme»). - 59 -

effectué ces tests dans le fleuve, troisse trouve nt dans ce qu’il appelle «la zone d’influence de

132
l’usine Botnia» . Cela est confirmé par un autre des gra phiques établis par l’Argentine, à savoir

la figure 10, page 26, chapitre 3 de leur étude, reproduit sous l’onglet 21 du dossier de plaidoiries.

59. Comme le montre le graphique et, tout particulièrement, les données ⎯ que nous avons

examinées ⎯ à partir desquelles ce graphique est établi, les tests ont été effectués vingt et un jours

133
sur une période dedix-huitmois . Pour vingtde ces vintetunjours, les taux de chlorophylle

étaient globalement faibles, et les taux les plus faibles étaient enregistrés sur les sites qui, selon

l’Argentine, se trouvaient dans la zone d’influe nce de l’usine Botnia. Un seul jour sur ces

vingtetun, il y a eu une poussée significative des taux de chlorophylle, comme vous pouvez le

voir, et c’était en mars2009, soit unmois après la prolifération d’algues du 4février. En ce qui

concerne cette prolifération, et sa cause, le gr aphique et les données sous-jacentes sont tout à fait

62 instructifs. Le graphique et les données de l’ Argentine montrent en effet que les taux de

chlorophylle, et par conséquent les concentrations d’algues, étaient très faibles les 15janvier et

12 février ⎯ c’est-à-dire les deux dates les plus rapprochées de celle à laquelle la prolifération a eu

lieu ⎯sur les sites censés être sous l’influence de l’usine Botnia. A ces dates, les taux de

chlorophylle étaient sensiblement plus élevés dans la baie argentine de Ñandubaysal qu’ils ne

l’étaient sur les sites de la prétendue zone de l’usine Botnia. Prenez le 15janvier2009, par

exemple, c’est-à-dire la date du dernier test eff ectué avant la prolifération d’algues. Selon les

données de l’Argentine, le taux moyen de chlorophylle sur les troissites censés être dans la zone

d’influence de l’usine Botnia était de 2,5mg/l. Le même jour, les taux relevés sur les sites de la

baie de Ñandubaysal s’établissaient en moyenne à 9mg/l, et ils étaient donc plus de 350%

supérieurs à ceux des sites situés dans la zone d’influence de l’usine Botnia 13. Donc, à la date du

dernier test ayant précédé la prolifération d’algues, il n’y avait pas d’accumulation d’algues, à

l’usine Botnia ou à proximité. Mais il y en avait une dans la baie.

60. Les conclusions de M.Colombo concerna nt la chlorophylle sont corroborées par la

photographie satellite qui se trouve sous l’onglet 22 du dossier de plaidoiries. [Planche n o 18.] Il

132CR 2009/14, p. 53, par. 28 (Colombo).
133
Rapport scientifique et technique de l’Argentine, chap. 3.1, p. 31, tableau 8 et chap. 3.2, par. 3.2.3, tableau 8.
134Ibid., chap. 3.1, p. 31, tableau 8. - 60 -

s’agit d’une photo prise par un satellite sino-brésilien le 2février, soit deux jours avant que la

135
prolifération d’algues ait été observée . Grâce à un procédé algorithmique bien établi et

couramment accepté mis au point par Ekstrand en1992, la présence et les taux relatifs de

136
chlorophylle peuvent être représentés par diverses couleurs . Le rouge indique le taux le plus

élevé de chlorophylle, vient ensuite le jaune, puis le vert et enfin le bleu, qui représente le taux le

plus faible. Comme vous pouvez le voir sur cette photographie, les taux de chlorophylle et de

concentration d’algues les plus élevés, le 2février2009 ⎯c’est-à-dire les zones colorées en

rouge ⎯ se trouvent en Argentine, dans la rivière Gualeguaychú, dans la baie de Ñandubaysal et un

peu en aval le long de la côte. L’Argentine e lle-même a indiqué qu’il faut quelques jours pour que

ce type de phénomène donne naissance à une prolifér ation d’algues. D’après cette photographie, il

semblerait que le 2février, les fortes concentra tions d’algues dans la baie de Ñandubaysal étaient

transportées vers le fleuve Uruguay.

61. A titre de comparaison, considérons la zone entourant l’usine Botnia. Elle est bleue.

Toute bleue. Comme l’indique la légende de la ph otographie, cela signifie que le 2février, soit

deux jours avant la prolifération d’algues, les taux de chlorophylle et de concentration d’algues à

l’usine Botnia et à proximité étaient relativement faibles, en fait les plus faibles. Si nous regardons

63 plus en amont, nous pouvons voir d’autres zones en rouge ; bien que la photo soit un peu obscurcie

par la couverture nuageuse, nous pouvons commen cer à voir un peu plus en amont d’autres zones

en rouge où les taux de chlorophylle étaient très él evés à la veille de la prolifération d’algues ; cela

indique la présence probable d’une abondance d’algu es en ces endroits situés en amont, ainsi que

dans la baie de Ñandubaysal.

62. Monsieur le président, nous sommes à présent prêts à passer au 4février2009,

c’est-à-dire à la date à laquelle la prolifération d’algues a été observée, et à tirer nos conclusions,

sur la base des données empiriques, quant à ce qui l’a causée. Cependant, cela pourrait être le bon

moment pour interrompre mon exposé et je propose, avec votre permission, de m’arrêter ici pour

continuer demain matin à partir de 10 heures.

135
CBERS-2B (2février2009, 14h2). Voir égalem ent rapport de la DINAMA sur la floraison de
cyanobactéries (juillet 2009), p. 10.
136S.Ekstrand, «Landsat TM based quantification of chlorophyll-a duri ng algae blooms in coastal waters»,
International Journal of Remote Sensing, vol. 13, 1992, Issue 10, p. 1913-1926. - 61 -

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de préside nt: Merci, MonsieurReichler. Si vous

pensez que c’est le moment de vous interrompre, faites. Je dois rappeler que les Parties ne sont

nullement dans l’obligation d’utiliser tout le temps qui leur est alloué pour exposer leurs

arguments. La séance est donc levée et les audiences reprendront demain matin à 10 heures.

M. REICHLER : Merci, Monsieur le président.

L’audience est levée à 12 h 50.

___________

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