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CR 2005/8 (traduction)

CR 2005/8 (translation)

Mardi 19 avril 2005 à 10 heures

Tuesday 19 April 2005 at 10 a.m. - 2 -

8
Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. Je donne maintenant la

parole au professeur Brownlie.

M.BROWNLIE: Merci, Monsieur le préside nt. Monsieur le président, Madame et

Messieurs de la Cour,

CONSENTEMENT DONNE PAR LE CONGO ENTRE MAI 1997

ET AOUT 1998

1. Je suis chargé aujourd’hui de présenter la première partie de l’argument tiré du

consentement donné par le Congo à l’Ouganda à la présence et au maintien des forces armées

ougandaises sur le territoire congolais, pour la période comprise entre mai 1997 et juin 2003.

2. Il existe deux fondements juridiques différent s, distincts, et dont chacun est suffisant à lui

seul, au déploiement et au maintien par l’Ouganda de ses forces militaires au Congo pendant ces

six années. Le premier est qu’il était nécessaire pour l’Ouganda d’assurer sa légitime défense. Le

second est que le Gouvernement congolais avait e xpressément consenti à la présence des forces

ougandaises au Congo.

3. L’Ouganda soutient que ch acun de ces deux fondements juri diques, la légitime défense et

le consentement, légitime à lui seul le déploiem ent de forces militaires ougandaises au Congo. Ce

sont deux fondements juridiques distincts et indépe ndants qui justifient les actions de l’Ouganda et

conduisent à rejeter la thèse du Congo selon laquell e l’Ouganda est responsable d’une agression

armée à son encontre.

4. Mon exposé portera sur le consentement donné à l’Ouganda par le Congo pour la période

comprise entre mai1997 et août1998. Mon estimé collègue M.PaulReichler parlera du

consentement donné par le Congo à l’Ouganda au ma intien de ses forces armées au Congo pour la

période suivante, en particulier en vertu de l’ accord de Lusaka de 1999 et des accords additionnels

sur sa mise en oeuvre. M.Reichler analyser a aussi la prorogation du consentement du Congo

résultant de l’accord bilatéral conclu à Luanda en septembre2002, ainsi que la prorogation des

délais prévus dans l’accord de Luanda jusqu’au retrait définitif des forces ougandaises du Congo,

en juin 2003. - 3 -

5. En guise d’introduction, et en réponse aux ar guments sur le consentement contenus dans

la réplique du Congo, l’Ouganda accepte d’appliquer la définition du consentement qui figure dans

les articles sur la responsabilité de l’Etat adoptés en 2001 par la Commission du droit international.

9 6. Je citerai donc l’article20, intitulé «Con sentement», qui dispose: «Le consentement

valide de l’Etat à la commission par un autre Etat d’un fait donné exclut l’illicéité de ce fait à

l’égard du premier Etat pour autant que le fait reste dans les limites de ce consentement.»

7. Dans le paragraphe 1 de son commentaire, la Commission écrit :

«L’article20 reflète le principe fondamental de droit international relatif au
consentement, dans le contexte particulier de la première partie. Conformément à ce

principe, le consentement donné par un Etat à un comportement déterminé d’un autre
Etat exclut l’illicéité de ce fait à l’égard de l’Etat qui a consenti, à condition que le
consentement soit valable et dans la mesure où le comportement reste dans les limites
du consentement donné.»

8. Monsieur le président, ni le texte de l’ article, ni le commentaire, ne mentionnent de

conditions de forme auxquelles la validité du consentement serait subordonnée. L’entrée pertinente

du Dictionnaire de droit international public , publié en 2001 sous la di rection de Jean Salmon, ne

mentionne pas non plus de formalités. Je parle de forme parce que, dans sa réplique, le Congo

insiste sur le fait qu’un écrit (réplique, par. 3.204) est indispensable. Or, la doctrine ne mentionne

aucune exigence de forme telle que l’existence d’un écrit. On se reportera à cet égard à

Oppenheim’s International Law , publié sous la direction de siRoberJtennings et de

sir Arthur Watts (vol. I, 9eéd., 1992, p. 511), ou au manuel de Daillier et Pellet, Droit international

e
public (6 éd., p. 757) ou encore à l’article d’E duardo Jiménez de Aréchaga paru dans le Manual of

Public International Law, publié sous la direction de Sorensen (1968, p. 541).

9. Ce qui compte, c’est que ce consenteme nt a en fait été donné par le Gouvernement

congolais à plusieurs reprises. L’existence de ce consentement est expressément admise à plusieurs

reprises par le Congo dans ses pièces écrites. Ai nsi, au paragraphe5.23 du mémoire, le Congo

déclare : «[a]vant le 28 juillet 1998, des troupes ougandaises étaient présentes sur le territoire de la

République démocratique du Congo avec le consen tement du gouvernement légitime de ce pays».

Il dit essentiellement la même chose dans plus ieurs autres passages du mémoire, auxquels nous

avons déjà renvoyé (par. 5.37, 5.40, 5.43 et 5.44). - 4 -

10. L’Ouganda conteste que ce consentement ait été retiré le 28 juillet 1998, avant tout parce

que le Congo reconnaît clairement que, à un certain moment, des forces ougandaises étaient

présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo «avec le consentement du

gouvernement légitime de ce pays».

10 11. Il est étrange, c’est le moins que l’on puisse dire, que le Congo ne veuille pas révéler

quand, selon lui, ce consentement a été donné. Da ns la réplique, le Congo nie catégoriquement

qu’il y ait eu une quelconque invitation (réplique, par.3.196). S’il n’y a pas eu d’invitation, il a

bien dû y avoir une forme ou une autre de consentement mutuel.

12. La première invitation congolaise a été faite en mai1997, dans les circonstances

suivantes. Ce mois de mai1997 est celui au c ours duquel le président LaurentKabila a pris le

pouvoir à Kinshasa, après avoir dirigé la rébellion qui a amené la chute du président Mobutu Ssese

Seko. Le nouveau Gouvernement congolais éta it incapable d’exercer s on autorité jusqu’aux

provinces orientales du pays, situées le long de la frontière ougandaise et dans lesquelles la

rébellion contre le président Mobutu avait affaibli l’ autorité administrative et les forces de sécurité

locales, laissant le champ libre aux septgr oupes de rebelles anti-ougandais qui attaquaient

régulièrement l’Ouganda à partir de l’est du Congo depuis 1994 au moins, et avec une force et une

brutalité croissantes depuis 1996. L’Ouganda espérait que le président Kabila serait plus réceptif à

ses préoccupations de sécurité que le président Mobut u, et il le fut en effet, du moins au début.

Incapable de maîtriser lui-même la situation dans l’est du Congo, le président Kabila invita

l’Ouganda à envoyer ses propres soldats dans la ré gion pour protéger ses frontières contre de

nouvelles attaques de la part des groupes armés ét ablis au Congo. En réponse à l’invitation du

président Kabila, l’Ouganda envoya en mai 1997 un petit contingent dans l’est du Congo.

13. Cela ne suffit cependant pas à faire cesser les agressions armées contre l’Ouganda, et

celles-ci se poursuivirent. Il y eut de fréquent es rencontres bilatérales de haut niveau sur les

problèmes de sécurité. En décembre1997, le pr ésident Kabila invita l’Ouganda à renforcer sa

présence militaire dans la partie orientale du Congo; en réponse, l’Ouganda envoya dans la région

deux bataillons, soit quelque 1200 soldats. Le Congo put alors envoyer lui-même quelques forces

armées dans l’est du Congo, où elles menèrent conjointement avec les forces ougandaises

stationnées dans la région des opérations contre les groupes armés. Dans sa réplique, le Congo - 5 -

admet que «différentes actions militaires ougandaises ont ensuite été menées en territoire congolais

avec l’accord des autorités locales», de même que «des opérations conjointes des forces armées des

deux Etats dans la région frontalière» (par. 3.37 et 3.38). Il n’a jamais fait l’ombre d’un doute que

les invitations du président LaurentKabila et l’envoi de troupes ouganda ises dans l’est du Congo

étaient rendus nécessaires par les attaques armées lancées contre l’Ouganda par des forces rebelles

opérant depuis des bases situées au Congo.

11 14. Monsieur le président, à cette époque, il ex istait un climat d’étroite coopération entre les

responsables des forces armées, y compris au plus ha ut degré de la hiérarchie. La réplique du

Congo décrit en partie la situation. Les passages cités, qui portent sur des événements survenus

en 1997 et au début de 1998, sont particulièrement pertinents. Selon la réplique :

«3.34. Le nouveau pouvoir congolais a dû faire face, avec des moyens limités, à
l’ensemble de ces graves problèmes de sécur ité. Il a, aux yeux de la plupart des
observateurs, réussi à régler la question dans certaines zones, telles Kinshasa ou la

province de l’Equateur. Il était par contre extrêmement difficile de parvenir à extirper
en quelques mois les racines aussi profond es d’une crise comme celle du Kivu. Cela
n’a pas empêché le gouvernement de pre ndre toutes les mesures qui pouvaient
raisonnablement être envisagées, et, en particulier, de faire appel à une coopération

accrue avec les Etats voisins pour lutter aussi efficacement que possible contre
l’insécurité, dans toutes les régions du pays.»

15. Le texte de la réplique dit ensuite :

«3.35. C’est dans ce contexte que l’on peut appréhender la politique menée par
les autorités congolaises dans le nord Kivu en vue de juguler les mouvements
irréguliers qui opéraient à l’encontre des Etats ougandais comme congolais et qui,
comme nous l’avons vu, étaient d’ailleurs en partie constitués d’ex-FAZ.»

16. Les paragraphes suivants de la réplique du Congo sont encore plus révélateurs :

«3.37. En second lieu, personne ne peut contester que les autorités congolaises
ont recherché pendant toute cette période une coopération militaire aussi efficace que

possible avec Kampala. Comme le signale un rapport précité de l’ International Crisis
Group.

«Although the Congolese Government troops are normally the only

official troops supposed to be operating in North Kivu, they are unable to
properly police the hinterland and ar eas bordering Rwanda and Uganda.
As a result, the DRC has permitted Ugandan military forces to carry out
operations and in some cases to conduct joint patrol activities.»

[«Bien que les forces du Gouvernement congolais soient
normalement les seules troupes offici elles censées opérer au nord Kivu,
elles sont incapables d’assurer correctement la sécurité dans - 6 -

l’arrière-pays et les zones frontalières du Rwanda et de l’Ouganda. En
conséquence, la RDC a autorisé les forces militaires ougandaises à opérer
et, dans certains cas, à conduire des opérations conjointes.» (Traduction

du Greffe.)]

Le texte de la réplique du Congo ajoute :

«Des opérations conjointes des forces armées des deux Etats dans la région
frontalière ont ainsi été envisagées dès le mois de septembre1997. Ainsi, selon un
responsable militaire ougandais opérant dans la région : «If Congo does not have the
military capacity at present because of its own problems, we will ask for joint

operations so that we can seal the border and d eal with this problem finally.» [«Si le
Congo n’a pas pour l’instant les moyens militaires requis, en raison de ses propres
difficultés, nous demanderons à conduire des opérations conjointes afin de boucler la
frontière et de régler définitivement cette question.» (Id.)] Les responsables de l’ADF
ne manquent pas de critiquer le renforcement d’une coopération qui la menace. Le

20novembre1997, le quotidien New Vision signale que «Ugandan and DRC
authorities were co-operating in the fight against rebels of the Allied Democratic
Front, based in the Ruwenzori mountains straddling the two countries.» [«Les
autorités ougandaises et congolaises coopéraient dans la lutte contre les rebelles de

l’ADF, basés dans les montagnes de Ruwenzori, de part et d’autre de la frontière entre
les deux pays.» (Id.)] Quant au gouverneur du nord Kivu, il met en garde les rebelles
contre une «military «clean-up» opera tion planned for the Ruwenzori area»
[«opération de «nettoyage» militaire prévue dans la région de Ruwenzori» (id.)].»

3.38. Différentes actions militaires ougandaises ont ensuite été
menées en
territoire congolais avec l’accord des autorités locales.»

12 Et il cite un exemple : «Le 19 décembre 1997, on rapporte que les troupes ougandaises ont pénétré

en territoire congolais pour détruire les bases de l’ADF «by a joint attack by Ugandan Army and

DRC forces in the Kamango hills» [«en lançant une attaque conjointe de l’armée ougandaise et des

forces de la RDC dans les collines de Kamango» (id.)].» Deux autres actions de même nature sont

encore citées dans la réplique.

17. Ces passages de la réplique du Congo sont d’une importance évidente.

18. D’abord, ils montrent le caractère artif iciel des tentatives faites par le Congo dans

d’autres passages de la réplique pour nier l’ex istence d’un consentement. Pendant une grande

partie de l’année 1997 et au début de l’année 1998 , il y eut une coopération concrète entre les deux

gouvernements. Les passages que je viens de c iter mentionnent des «opérations conjointes des

forces armées des deux Etats» et des «attaques communes». Le 8 février 1998, les deux

gouvernements signèrent un accord sur la formation des forces de police de la RDC aux techniques - 7 -

de maintien de l’ordre public (C MO, annexe 16). En outre, à pa rtir du mois de juillet 1997, des

forces de police ougandaises étaient présentes à Kinsh asa dans le cadre de la coopération pour le

maintien de l’ordre public.

19. Des preuves tangibles attestent l’étroite c oopération entre les deux Etats dans le contexte

du maintien de l’ordre public. Les forces armées me naient conjointement des opérations contre les

rebelles anti-ougandais.

20. Cela montre à l’évidence que le consente ment du Congo à la présence de forces armées

ougandaises sur son territoire était un consenteme nt implicite, résultant du comportement des

parties. Il est étonnant que le Congo persiste à a ffirmer, dans un autre chapitre de la réplique, qu’il

n’y a pas trace d’une quelconque invitation.

21. En fait, la réplique confirme et complè te sur ces points ce que dit au paragraphe31 le

contre-mémoire de l’Ouganda (p . 18-19): en réponse aux attaques des insurgés, le président

Laurent Kabila a invité l’Ouganda à déployer des troupes dans l’est du Congo en mai 1997 et à

nouveau en décembre 1997. Au petit contingent envoyé en mai se sont joints en décembre les

bataillons des UPDF, soit mille deux cents hommes e nviron. Un troisième bataillon a été déployé

dans l’est du Congo en avril 1998, là encore en réponse à l’invitation du président Kabila.

22. Monsieur le président, dans ces conditions, il était naturel que les deux Etats concluent,

le 27 avril 1998, un protocole relatif à la sécurité le long de la frontière commune (dossier des

juges, onglet n o11; contre-mémoire de l’Ouganda, annexe19). Ce protocole a été signé par

M. Tom Butime, ministre des affaires intérieures de l’Ouganda, et par M. Gaëtan Kakudji, ministre

de l’intérieur du Congo. En voici les passages essentiels :

13 «Les deux délégations ont poursuivi leurs discussions sur l’état préoccupant de
la sécurité constaté le long de la frontière commune

⎯ afin de mettre un terme à l’existence de groupes rebelles opérant d’un côté comme

de l’autre de la frontière, c’est-à-dire dans le Ruwenzori;

⎯ considérant que les deux délégations tie nnent à ce que leurs peuples vivent en
paix, conformément au souhait exprimé par les deuxchefs d’Etat de garantir et

renforcer la paix, la sécurité et la stabilité dans les régions des GrandsLacs, qui
sont des facteurs importants de développement social et économique;

⎯ vu qu’une analyse approfondie des ques tions militaires, de sécurité et

d’immigration a été effectuée. - 8 -

Les deux parties suivantes sont convenues de ce qui suit :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les deux parties ont reconnu l’existen ce de groupes ennemis qui opèrent d’un
côté comme de l’autre de la frontière co mmune. En conséquence, les deux armées
acceptent de coopérer afin d’assurer la sécur ité et la paix le long de la frontière

commune.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Les deux services de sécurité ont c onvenu qu’ils doivent renforcer leur

coopération.»

Voilà ce que dit le protocole.

23. En application de ce texte, l’Ouganda envoya un troisième bataillon dans l’est du Congo,

portant l’effectif de ses troupes à environ deuxmillehommes, et poursuivit ses opérations

militaires contre les groupes armés dans la région, tant unilatéralement que conjointement avec les

forces du gouvernement congolais. Tout comme les précédentes invitations du Congo à

l’Ouganda, le protocole visait à éliminer la menace qui pesait sur la sécurité le long de la frontière

entre le Congo et l’Ouganda, en prévoyant le déploiement de troupes ougandaises dans l’est du

Congo. En l’adoptant, les deux Parties reconnaissaient une nouvelle fois explicitement que le

déploiement de ses forces au Congo constituait de la part de l’Ouganda l’ex ercice nécessaire et

approprié de son droit de légitime défense en réponse à la menace que faisaient peser sur sa

sécurité les groupes rebelles basés du côté congolais de
la frontière.

24. Les termes du protocole, notamment l’expression «groupes rebelles opérant d’un côté

comme de l’autre de la frontière», doivent être interprétés avec prudence; en fait, il n’y avait pas de

groupes rebelles opérant du côté ougandais de la fron tière, et les parties n’avaient pas la moindre

intention de stationner des forces armées congolaises du côté ougandais. Quoi qu’il en soit, les

mesures prises par les parties à la suite du protocole dissipent les doutes qui pourraient subsister

quant à leurs intentions. Un troisième bataillon ougandais fut envoyé en territoire congolais sans

susciter d’objection. Les opérations de combat c ontre les rebelles anti-ougandais se poursuivirent,

parfois en collaboration avec les forces gouvernementales du Congo.

14 25. Je vais à présent aborder un autre sujet, à savoir l’argument selon lequel le Congo aurait,

le 28juillet1998, retiré son consentement à la présence des forces ougandaises sur son territoire.

Je me reporterai au mémoire (par. 2.20-2.105) et à la réplique (par. 3.207). - 9 -

26. Le Congo n’a pas démontré de façon convaincante le retrait de son consentement à la

présence des forces armées ougandaises. Je citerai deux documents. Le premier est un

communiqué de presse publié le 28 juillet 1998, où on lit ceci :

«Le commandant suprême des Forces armées nationales congolaises, le chef de

l’Etat de la République du Congo et le mini stre de la défense nationale, informe le
peuple congolais qu’il vient de mettre fin, à dater de ce lundi 27 juillet 1998, à la
présence militaire rwandaise qui nous a assisté pendant la période de libération du
pays. Il remercie, à travers ces militaires, tout le peuple rwandais de la solidarité qu’il

nous a témoigné jusque là. Aussi félicite- t-il la grandeur d’âme du peuple congolais
démocratique d’avoir toléré, hébergé et encadré ces soldats amis durant leur séjour
passager dans notre pays. Ceci marque la fin de la présence de toutes forces militaires
étrangères au Congo.» (Mémoire, par. 2.11.)

27. La pertinence de ce document est éviden te: il mentionne expressément la «présence

militaire rwandaise». Le silence concernant les forces ougandaises est délibéré, comme le

confirme la déclaration faite par le ministre congolais de la justice le 30 juillet 1998. Voici ce que

dit le mémoire à ce sujet (mémoire, par. 2.13) :

«Le 30 juillet 1998, le ministre de la justice fait état d’une «campagne de
désinformation depuis le départ des coopé rations militaires étrangères», tout en

insistant sur le fait que «les congolais banyamulenge, les burundais, les autres
étrangers sont libres de vaquer à leurs occ upations quotidiennes et que le respect de
leurs droits sera parfaitement garanti».

28. La réplique du Congo mentionne aussi l’annonce officielle du 27 juillet 1998. Je cite :

«Pendant son séjour officiel à Cuba du 24 au 25 juillet 1998, le président Kabila
apprend qu’un coup d’Etat est programmé contre son gouvernement dans les tout
prochains jours. Dès son retour de Cuba , il annonce officiellement, le 27 juillet 1998,

la fin de la coopération militaire avec le Rw anda et demande aux militaires rwandais
de regagner leur pays, tout en précisant que cela marque la fin de la présence des
troupes étrangères au Congo.» (Réplique, p. 75, par. 2.27.)

29. Il est frappant de voir que, dans toutes ces déclarations et rapports, il n’est nullement

question des forces ougandaises. La seule conclusion plausible à en tirer, c’est que les forces

ougandaises n’étaient pas visées par ces dispositions.

15 30. Dans l’exposé qu’il a fait mercredi dernier, mon éminent confrère, le professeur Corten,

n’a produit aucune information véritablement nouvelle sur ce point (CR 2005/4, par.1-23).

Cependant, il a dit deux choses qui appellent une réponse. Premièrement, il affirme que le

Gouvernement congolais n’a fait que tolérer la pr ésence de troupes ougandaises sur le territoire

congolais; cette affirmation est peu crédible compte tenu du protocole du 27 avril 1998.

Deuxièmement, le professeur Corten prétend que, même si le consenteme nt congolais n’a pas été - 10 -

retiré formellement, il l’a été de manière informele (CR2005/4, par.19). Certes, en droit, le

consentement peut être retiré de manière informelle ou tacite. Et il est vrai qu’avant la signature du

protocole d’avril 1998, le consentement à la présen ce de l’Ouganda, comme je l’ai démontré, était

tacite. Mais, Monsieur le président, l’argument du professeur Corten soulève une difficulté : c’est

que le Gouvernement de la RDC a bel et bien fait une déclaration formelle le 27 juillet et qu’il n’y

était absolument pas question de l’Ouganda.

31. En conclusion, il serait utile que je décrive le statu quo à la fin du mois de juillet 1998.

Premièrement , dans le cadre du programme de c oopération avec le Congo, et avec le

consentement du Gouvernement congolais, l’Ouga nda avait déployé quelque deux mille hommes à

l’est du Congo. Le mémoire du Congo reconnaît que, «avant le 28juillet1998, des troupes

ougandaises étaient présentes sur le territoire de la République démocratique du Congo, avec le

consentement du gouvernement légitime de ce pays» (par. 5.23).

Deuxièmement , ce consentement n’a pas été retiré par le Congo.

Troisièmement, dans la période comprise entre juin et août 1998, les attaques des groupes

armés basés dans l’est du Congo contre l’Ouganda ont repris de plus belle.

32. Je voudrais maintenant, Monsieur le président , remercier la Cour de m’avoir permis de

prendre la parole devant elle et de m’avoir accordé son aimable attention. Je vous prie de bien

vouloir à présent donner la parole à mon collègue, M. Paul Reichler, qui parlera de la période

comprise entre le mois d’août 1998 et le mois de juin 2003. Je vous remercie.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur Br ownlie. Je donne à présent la parole à

M. Paul Reichler.

16 M. REICHLER :

L E CONSENTEMENT DONNE PAR LE CONGO ENTRE JUILLET 1999 ET JUIN 2003

Introduction

1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, j’ai le privilège de poursuivre

l’exposé commencé par mon éminent collègue, M. Ia n Brownlie, sur le consentement donné par la

République démocratique du Congo à la présence et au maintien des forces armées ougandaises sur - 11 -

le territoire congolais. M.Brownlie a expliqué à la Cour comment le président de la RDC,

Laurent Kabila, avait en mai 1997, puis à nouveau en décembre 1997 et en avril 1998, consenti au

stationnement des forces militaires ougandaises à l’ est du Congo en vue de mettre un terme aux

attaques des bandes armées anti-ougandaises agissant depuis des bases situées du côté congolais de

la frontière. Comme M.Brownlie l’a démontré, ce consentement valait pour la période comprise

entre mai 1997 et août 1998, ce que reconnaît la RDC dans ses écritures
.

2. Il m’incombe de reprendre le récit là où M.Brownlie l’a interrompu, au début du

moisd’août 1998, et de le poursuivre jusqu’en juin2003, date à laquelle les dernières troupes

ougandaises encore présentes en RDC ont toutes été définitivement retirées. Depuis le 2 juin 2003,

il n’y a plus de soldats ougandais au Congo.

3. Pour examiner la question du consentement , je diviserai mon exposé en quatre parties,

correspondant à quatre périodes différentes. Dans la première partie, je parlerai du statut des forces

militaires ougandaises stationnées à l’est du Congo entr e le début du mois d’août et le milieu du

mois de septembre1998, période pendant laquelle l’Ouganda a substantie llement augmenté ses

effectifs au Congo afin de contenir les bandes armées de rebelles anti-ougandais qui multipliaient

leurs incursions en Ouganda, et de chasser de la RDC les forces hostiles soudanaises et

tchadiennes. Dans la deuxième partie, j’examinerai la période allant de la mi-septembre 1998, date

à laquelle l’Ouganda a renforcé sa présence au C ongo, à juillet 1999, date à laquelle, ayant atteint

ses objectifs militaires au Congo, il a donné l’ordre à ses troupes de cesser d’avancer et de ne pas

lancer de nouvelles attaques. La troisième période que j’étudierai dé bute en juillet1999, avec la

signature de l’accord de Lusaka autorisant expressément les forces ougandaises présentes au Congo

à y rester jusqu’à ce que les groupes armés anti-ougandais —au nombre de sept et tous

17 nommément désignés dans l’accord — soient désarmés, démobilisés, réinstallés et réinsérés, afin

qu’ils ne puissent pas poursuivre leurs attaques armées contre l’Ouganda. La quatrième et dernière

période que j’examinerai débute en septembre 2002, date de la signature par l’Ouganda et la RDC à

Luanda, en Angola, d’un accord de paix bilatéral dans lequel était réitéré le consentement de la - 12 -

RDC à la présence des forces ougandaises sur le territoire congolai s et qui contenait un calendrier

adopté d’un commun accord pour le retrait définitif ⎯ calendrier dont les échéances ont par la suite

été prorogées mais qui, en définitive, a été dûment observé par l’Ouganda, de sorte que les derniers

soldats ougandais ont quitté le Congo le 2 juin 2003.

I. Le statut des forces ougandaises au Congo en août et septembre 199
8

4. Permettez-moi d’aborder maintenant le statut des forces militaires ougandaises présentes

au Congo au cours de la première de ces quatre périodes, celle qui s’étend du début du mois

d’août1998 au milieu du mois de septembre de cet te même année. M.Brownlie a démontré à la

Cour que la RDC avait été incapable de fournir le moindre élément prouvant qu’elle avait retiré son

consentement à la présence des forces ougandaises stationnées à l’est du Congo, à compter de la fin

du mois de juillet1998. Le décret présidentiel publié par LaurentKabila le 27juillet1998

demandait expressément aux troupes rwandaises — et aux seules troupes rwandaises — de quitter

la RDC. Les troupes ougandaises n’ont été mentionnées ni dans ce décret, ni dans aucun autre.

Aucun autre décret de ce type n’a d’ailleurs été publié, ni en août 1998, ni en septembre, ni par la

suite. En fait, la RDC n’a jamais informé l’Ouganda, de manière formelle ou même informelle,

qu’elle révoquait le consentement exprès qu’elle avait donné en mai 1997 et maintenu depuis lors,

ni qu’elle abrogeait le protocole écrit d’avril 1998, dans lequel elle consentait au stationnement des

troupes ougandaises sur le territoire congolais po ur combattre les groupes anti-ougandais basés

dans les régions frontalières.

5. Que la RDC n’ait jamais informé l’Ouganda , par écrit ou même oralement, du retrait de

son consentement est un fait établi, et signifi catif qui plus est. La RDC et l’Ouganda avaient à

l’époque des relations diplomatiques. L’ambassade du Congo à Kampala était restée ouverte et en

activité. Si les autorités congolaises avaient voulu communiquer officiellement avec l’Ouganda au

sujet du retrait du consentement de la RDC, elles l’auraient fait sans peine. Abordant la question

dans sa plaidoirie de mercredi dernier, M. Cort en a reconnu au nom de la RDC que, s’il n’y avait

eu que ce décret du 27 juillet 1998, peut-être un «doute» aurait-il pu subsister quant à la position de

18 la RDC concernant le statut des forces ougandaises (CR2005/4, par.17). Or, il n’y a eu que ce

décret. Il est vrai que dans ses écritures, la RDC cite diverses sources journalistiques reprenant les - 13 -

déclarations dans lesquelles certains responsables congolais, au cours du mois d’août, accusaient de

manière générale le Rwanda et l’Ouganda d’ag ression. L’ambassadeur de la RDC auprès des

Nations Unies a formulé de même des accusations de caractère général. Dans ces circonstances, le

fait que la RDC n’a jamais info rmé l’Ouganda, de manière direct e ou indirecte, formellement ou

informellement, par écrit ou oralement, qu’elle révoquait son consentement est d’autant plus

significatif. Le consentement qui avait été donné en mai 1997 et maintenu depuis cette date n’avait

pas été révoqué. Au pire, un «doute» subsistait quant au statut des troupes, pour reprendre

l’expression de M.Corten. Aussi l’Ouganda éta it-il en droit d’attendre une formulation plus

précise de la position de la RDC sur cette questi on, avant d’avoir une quelconque obligation de

modifier le statu quo.

II. Le statut des forces ougandaises au Congo entre septembre 1998 et juin 1999

6. Cela m’amène à la deuxième période que je souhaite examiner aujourd’hui. Elle s’étend

de la mi-septembre1998 à juillet1999, c’est-à-dir e sur dix mois. Ainsi que mes collègues et

moi-même l’avons déjà expliqué à la Cour, le 11septembre1998, le haut commandement de

l’Ouganda prit la décision de renforcer ses troupes en RDC pour répondre à c
e que l’Ouganda

percevait comme une menace grave et imminent e à sa sécurité, et pour contenir les groupes

anti-ougandais du côté congolais de la frontière et chasser du Congo les forces soudanaises et

tchadiennes. L’Ouganda ne prétend pas que ces nouvelles forces ougandaises aient été envoyées

au Congo avec le consentement du gouvernement de la RDC. Comme je vais l’expliquer, la RDC

n’a qu’ultérieurement consenti à la présence de ces troupes su r son territoire, dans le cadre de

l’accord de Lusaka signé le 10juillet1999. Elle n’a pas donné son consentement à l’entrée de

nouvelles troupes en septembre 1998 ou après, jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord de Lusaka.

Ce que l’Ouganda soutient, ainsi que l’a très clairement rappelé M. Brownlie hier, c’est que, entre

septembre 1998 et juillet 1999, en déployant des forces militaires au Congo, il n’a fait qu’exercer le

droit de légitime défense qu’il tir ait de la Charte des NationsUnies et du droit international

coutumier. - 14 -

III. Le consentement donné par la RDC dans l’accord de Lusaka de juillet 1999

7. Permettez-moi maintenant d’aborder la troi sième partie de mon exposé sur la question du

consentement, en examinant l’accord de Lusaka de juillet 1999. J’ai pour la première fois évoqué

19 cet accord vendredi dernier, lorsque j’ai passé en revue l’ensemble des éléments de preuve relatifs à

la thèse ougandaise de la légitime défense. J’esp ère que la Cour trouvera utile que j’examine

aujourd’hui cet accord plus en détail, eu ég ard notamment à la thèse ougandaise selon laquelle,

après le 10juillet1999, les forces militaires ougandaises étaient présentes en RDC en vertu du

consentement donné par le G ouvernement de la RDC dans l’accord lui-même. Dans son

ordonnance en indication de mesures conservatoires, la Cour a qualifié l’accord de Lusaka

d’«accord international liant les Parties» (mesures conservatoires, ordonnance du 1 erjuillet 2000,

C.I.J. Recueil 2000, p. 127, par. 37), et c’est bien ce qu’il est.

8. En ce qui concerne la question du con sentement, l’accord de Lusaka autorisait

expressément l’Ouganda, ainsi que tous les autres Etats voisins alors présents militairement en

RDC, à maintenir leurs troupes au Congo jusqu’à ce que les groupes armés menaçant leur sécurité,

parmi lesquels les sept groupes anti-ougandais cités par M. Brownlie, soient désarmés, démobilisés

et retirés du Congo. En cela, l’accord n’était p as seulement une manifestation du consentement de

la RDC et des autres parties au maintien d es troupes ougandaises au Congo, mais aussi la

reconnaissance expresse du fait que la présence de ces troupes était justifiée par la nécessité de

sauvegarder la sécurité de l’Ouganda, aussi l ongtemps que les groupes an ti-ougandais resteraient

armés, mobilisés et actifs en RDC. L’accord de Lusaka figure au dossier de plaidoiries sous

o
l’onglet n 5.

9. L’accord de Lusaka est au centre de la présen te affaire et il mérite un examen approfondi.

Comme l’a indiqué le Secrétaire général des Nations Unies en 2000 :

«On ne répétera jamais assez toutefois que l’accord de cessez-le-feu de Lusaka
est porteur de l’espoir le plus tangible de règlement du conflit en République

démocratique du Congo et représente, en l’état actuel des choses, le seul moyen viable
pour y parvenir.» (Contre-mémoire, annexe 56, par. 86.)

10. Le Conseil de sécurité a adopté au moins huit résolutions exprimant son appui sans

réserve à l’accord de Lusaka et appelant l’ensemble des parties à en respecter les dispositions. Ces

résolutions sont énumérées au paragraphe 77 du c ontre-mémoire et jointes en annexe à celui-ci (il

s’agit des résolutions 1265, 1273, 1279, 1291, 1296, 1304, 1323 et 1332 (CM, annexes 49, 50, 52, - 15 -

58, 61, 70, 77 et 81, respectivement)). Citons pour exemple la résolution 1291 du 24 février 2000,

dans laquelle le Conseil de sécurité déclare «[a] ppuy[er] résolument l’accord de cessez-le-feu de

Lusaka (S/1999/815), qui représente la base la plus viable pour le règlement du conflit en

République démocratique du Congo…» (CM, annexe 58.)

20 11. L’accord de Lusaka a été conclu en juille t1999 par les chefs d’Etat de six pays ⎯ la

RDC, l’Ouganda, le Rwanda, le Zi mbabwe, l’Angola et la Namibie ⎯ et les dirigeants des trois

organisations rebelles congolaises qui, un an auparavant, en août1998, avaient pris les armes

contre le gouvernement du président Kabila. En dépit de son titre, cet accord était bien plus qu’un

simple accord de cessez-le-feu entr e les belligérants. Il instituait un dispositif général de maintien

de l’ordre public fixant un cadre précis pour le règlement pacifique des deux ⎯ car les parties en

ont distingué deux ⎯ conflits armés interdépendants dont la RDC était le théâtre : le conflit interne

opposant le Gouvernement de la RDC aux trois organisations rebelles congolaises, et le conflit

externe entre la RDC et ses voisins, notamment l’Ouganda (voir accord de Lusaka, p. 3).

Les modalités de règlement du conflit interne

12. Ainsi que je l’ai indiqué vendredi dernier, les parties ont établi pour régler chacun de ces

deux conflits des modalités distinctes, mais non sans rapports. Les modalités retenues pour le

règlement du conflit interne opposant le Gouvern ement de la RDC aux rebelles congolais sont

énoncées aux paragraphes 19 et 20 de l’accord et dans le chapitre 5 de l’annexe A. Elles méritent

un examen détaillé. Le paragraphe 19 dispose :

«Dès l’entrée en vigueur du présent Ac cord, le Gouvernement de la République

démocratique du Congo, l’ opposition armée, à savoir le Rassemblement congolais
pour la démocratie et le Mouvement pour la libération du Congo, et l’opposition
politique s’engagent à entamer un dial ogue national ouvert. Ces négociations
politiques intercongolaises, associant égalem ent les Forces vives de la nation,

mèneront à un nouvel ordre politique et à la réconciliation nationale en République
démocratique du Congo. Les négociati ons politiques intercongolaises seront menées
sous l’autorité d’un facilitateur neutre, accepté par toutes les parties congolaises.

Les Parties s’engagent à soutenir ce dialogue et veilleront à ce que les
négociations politiques intercongolaises s’eff ectuent conformément aux dispositions
du chapitre 5 de l’annexe «A».» (Accord de Lusaka, p. 6.)

13. Le chapitre5 de l’annexeA est intitulé «Du dialogue national (négociations politiques

intercongolaises)». Il dispose à l’alinéa b) du paragraphe5.2: «Tous les participants aux - 16 -

négociations politiques intercongol aises bénéficieront d’un stat ut identique.» Les trois

organisations rebelles congolaises se voient ai nsi accorder un «statut identique» à celui du

Gouvernement de la RDC dans le cadre d es négociations politiques intercongolaises. Le

paragraphe 5.5 de l’annexe A énonce les objectifs des négociations politiques intercongolaises. Il

est ainsi conçu :

«les parties congolaises s’entendent pour que l’ordre du jour des négociations
politiques intercongolaises porte sur :

i. Le calendrier et les principes de procédure des négociations politiques
intercongolaises;

21 ii. La formation de la nouvelle armée congolaise dont les éléments seront issus des

Forces armées congolaises, des forces armées du Rassemblement congolais pour la
démocratie et des forces armées du Mouvement pour la libération du Congo;

iii. Le nouvel ordre politique en RDC, en particulier les institutions devant être mises

en place en vue de la gouvernance en RDC;

iv. Le processus des élections libres, démocratiques et transparentes en RDC;

v. Le projet de constitution devant régir la RDC après la tenue des élections.»

14. Permettez-moi de m’arrêter un instant sur ces éléments. Les modalités fixées par les

Parties en vue de résoudre la dimension interne du conflit congolais, dont je viens de donner

lecture, suffisent à détruire l’allégation avancée la semaine dernière par le conseil de la RDC, qui

voyait dans l’accord de Lusaka un simple accord de cessez-le-feu ⎯ lequel, et je cite là M. Corten,

n’est «qu’une trêve…par définition provisoire» (CR2005/4, par.30). Mais l’accord de Lusaka

n’établit pas une simple «trêve». C’est un accord de paix complexe et global qui vise à régler tous

les grands problèmes de fond. En ce qui c oncerne les modalités de règlement du conflit interne

entre les parties congolaises, les obligations énoncées aux paragraphes19 et 20 et à l’annexe5

impliquent rien de moins que la création de nouvelles institutions gouvernementales, l’élection

d’un nouveau gouvernement national ⎯ autrement dit, un règlement de paix global.

Les modalités de règlement du conflit externe

15. Ce caractère complexe et global du règlement de paix établi dans le cadre de l’accord de

Lusaka est également perceptible dans les modalités retenues pour le règlement de la dimension

externe du conflit congolais, opposant la RDC à ses voisins, notamment l’Ouganda. En fixant ces - 17 -

modalités, les parties ont expressément reconnu que la cause principale du conflit externe résidait

dans l’utilisation du territoire congolais par de s bandes armées cherch ant à déstabiliser ou à

renverser les gouvernements d’Etats voisins (préambul e et par.21 et 22). En vue de régler ce

conflit, les parties se sont mises d’accord sur une série de mesures particu lières visant à interdire

l’apport de toute assistance à ces groupes armés, à les empêcher de continuer à opérer depuis le

territoire congolais, ainsi qu’à les démanteler, en désarmant, démobilisant et réinstallant leurs

membres. Elles se sont engagées, ainsi qu’il est dit dans le préambule (p.2), à «mettre fin

immédiatement à toute aide aux forces négatives déterminées à déstabiliser les pays voisins, cesser

immédiatement toute collaboration avec ces forces ou de leur accorder un sanctuaire».

22 16. Chacune des Parties convenait plus précisément, au chapitre 12 de l’annexe A :

«a)De ne pas armer, entraîner, héberger sur son territoire ou apporter une forme
quelconque d’aide aux élém ents subversifs et aux mouvements d’opposition
armés, dans le but de déstabiliser les autres pays;

b) De signaler tous les mouvements étrangers ou hostiles détectés par l’un ou l’autre
pays le long des frontières communes;

c) D’identifier et d’évaluer les problèmes aux frontières et coopérer dans la définition

des méthodes pour les résoudre pacifiquement;

d) De résoudre le problème des group es armés en République démocratique du
Congo conformément au présent Accord.»

17. Le paragraphe 22 de l’accord même précise ceci : «Un mécanisme sera mis en place pour

désarmer les milices et les groupes armés… Dans ce contexte, toutes les Parties s’engagent à

localiser, identifier, désarmer et rassembler tous les membres des groupes armés en RDC.»

18. Les Parties ont créé à cet effet une commission militaire mixte, composée de hauts

responsables de leurs forces armées et chargée d’établir les mécanismes concrets permettant le

désarmement des groupes armés considérés dans l’accord comme une menace pour la sécurité des

Etats voisins de la RDC. Le chapitre 9 de l’annexe A, paragraphe 9.1, dispose : - 18 -

«La Commission militaire mixte, avec l’assistance des Nations Unies, élaborera
et mettra immédiatement en Œuvre les mécanismes pour la poursuite, le cantonnement

et le recensement de tous les groupes armés qui se trouveraient en République
démocratique du Congo, à savoir, les ex-Forces armées rwandaises (ex-FAR), l’ADF,
le LRA, l’UNRF II, les milices Interahamwe, le FUNA, le FDD, le WNBF, le NALU,
l’UNITA…»

19. De ces neuf groupes, sept ont été cités par M.Brownlie, dans la plaidoirie qu’il a

consacrée hier à la légitime défense, comme ay ant utilisé le territoire congolais pour lancer des

attaques transfrontalières contre l’Ouganda: l’ADF, le LRA, l’UNRFII, le FUNA, le WNBF, les

ex-FAR et les milices Interahamwe. L’importance donnée par l’accord à la présence de ces bandes

armées en tant que cause du conflit externe au Congo, et les dispositions visant à leur désarmement

et à leur retrait, constituaient une reconnaissance explicite, par l’ensemble des parties, notamment

la RDC, de la menace grave que faisaient peser ces groupes sur la sécurité de l’Ouganda ⎯ sécurité

dont la protection exigeait qu’ils soient désarmés, démobilisés et retirés du territoire congolais.

20. La menace que les groupes armés en question constituaient pour la sécurité de

l’Ouganda, et la nécessité de les désarmer et de les évacuer, n’a pas été reconnue seulement par les

23 six Etats et trois organisations rebelles congolaises signataires de l’accord de Lusaka, mais aussi

par le Secrétaire général et le Conseil de sécur ité. Dans son rapport du 15 juillet 1999, cinq jours

après la conclusion de l’accord de Lusaka, le Secrétaire général soulignait: «Le problème des

groupes armés est particulièrement sérieux et délicat. Il est au cŒur des conflits dans la sous-

région, ces groupes menaçant la sécurité de tous les Etats c
oncernés. Aucune paix durable ne

pourra être instaurée tant qu'il n'aura pas été réglé. » (CM, annexe 46, par. 21; les italiques sont de

nous.) De la même manière, dans une déclara tion de son président datée du 26janvier2000, le

«Conseil de sécurité constat[ait] que le désarmement, la démobili sation, la réinstallation et la

réinsertion (DDRR) figur[ai]ent parmi les objectifs fondamentaux de l'accord de cessez-le-feu de

Lusaka.» (CM, annexe 57; les italiques sont de nous.)

Le lien entre le désarmement des bandes armées et le retrait des forces étrangères

21. C’est dans les dispositions sur le désarmeme nt, la démobilisation et la réinstallation des

groupes armés que l’accord de Lusaka traite de la présence des forces militaires étrangères en

RDC. Comme son libellé le montre, les parties considéraient qu’il y avait une relation directe de - 19 -

cause à effet entre les activités des groupes armés en RDC et le déploiement sur le territoire

congolais de forces étrangères, notamment ougandaises. En d’autres termes, les parties

reconnaissaient que les attaques transfrontalières lancées par les groupes armés depuis le territoire

congolais avaient amené les Etats limitrophes, y compris l’Ouganda, à déployer leurs troupes en

RDC pour mettre fin aux menaces que ces groupes constituaient pour leur sécurité. Cette

convergence de vues entre les parties ressort de la disposition par laquelle elles conviennent que les

forces militaires étrangères, telles qu’elles sont actuellement constituées, doivent rester en RDC en

attendant que les groupes armés soient désarmés, dém obilisés et réinstallés. Le paragraphe12 de

l’articleIII de l’accord précise que les forces ét rangères devront se retirer conformément au

calendrier de mise en Œuvre joint en annexe à l’accord et faisant expressément partie intégrante de

celui-ci :

«Le retrait définitif de toutes les forces étrangères du territoire national de la
République démocratique du Congo sera effectué conformément au calendrier figurant

à l’annexe«B» du présent accord et au programme de retrait qui sera arrêté par
l’Organisation des Nations Unies, l’OUA et la Commission militaire mixte.»

22. L’annexeB de l’accord, à laquelle le para graphe 12 renvoie, est intitulée «calendrier de

la mise en Œuvre de l’accord de cessez-le-feu». Elle énumère vingt et un «événements majeurs du

24 cessez-le-feu» et fixe une date pour chacun d’eux, en commençant par «1. Signature officielle de

l’accord de cessez-le-feu», le «jourJ». Les autres événements les plus importants sont les

suivants :

«5. Etablissement de la Commission militaire J à J + 7 jours
mixte et des groupes de vérification de l’ONU

6. Désengagement des Forces J + 14 jours

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

12. Début du dialogue national J + 45 jours

13. Clôture du dialogue national J + 90 jours

14. Installation des nouvelles institutions J + 91 jours

15. Déploiement de la mission de l’ONU J + 120 jours
pour le maintien de la paix - 20 -

16. Désarmement des groupes armés J + 30
à J + 120 jours

17. Retrait ordonné des Forces étrangères J + 180 jours.»

23. Comme le montre ce calendrier, les parties à l’accord de Lusaka ont expressément

convenu que les forces étrangères ne se retireraient de la RDC qu’ après l’aboutissement du

dialogue national congolais, l’établissement d’un nouveau Gouvernement congolais, le

déploiement de soldats de la paix des Nations Unies et surtout le désarmement des neuf groupes

armés indiqués nommément. En attendant ces «événements majeurs du cessez-le-feu», les forces

étrangères étaient toutes expressément tenues de rester dans leurs positions en RDC. Je vous lis le

paragraphe 11.4 du chapitre 11 de l’annexe A :

«Toutes les forces [étrangères] resteront dans les positions déclarées et
enregistrées :

a)Dans le cas des forces étrangères, jusqu’au moment du début du retrait
conformément au calendrier de retrait de la Commission militaire mixte/OUA et de
l’ONU.»

24. Le lien entre le désarmement des groupes ar més menaçant la sécurité des voisins de la

RDC, notamment de l’Ouganda, et le retrait consécutif de la RDC des forces armées de ces Etats ne

pouvait être plus évident. Comme le Secrétaire général l’a indiqué au Conseil de sécurité en

février 2001,

«L’accord de cessez-le-feu de Lusaka tenait compte des préoccupations que
suscitait chez le Rwanda, l’Ouganda et le Burundi la présence de groupes armés
menaçant la sécurité de leurs frontières et il y était souligné que le retrait des forces

rwandaises et ougandaises serait directemen t lié aux progrès réalisés dans le
25 désarmement et la démobilisation des milices .» (CMO, annexe84, par.88; les
italiques sont de moi.)

L’importance de l’accord de Lusaka

25. On peut tirer de cet examen de l’accord de Lusaka la conclusion importante qui suit.

S’agissant de l’Ouganda, les parties ont express ément convenu que les forces ougandaises en RDC

«resteraient» en place et qu’elles se retireraient une fois remplies certaines conditions préalables

expresses, notamment le désarmement, la démob ilisation et la réinstallation des groupes armés

désignés qui attaquaient l’Ouganda depuis le territoire congolais. L’accord prenait donc acte du - 21 -

consentement exprès de toutes l es parties, y compris de la RDC, à ce que les troupes ougandaises

«restent en place dans les positions qu’elles occupaient alors en RDC» jusqu’à ce que le

désarmement, la démobilisation et la réinstallation des groupes armés soient achevés.

26. L’importance de l’accord de Lusaka n’échappera pas à la Cour. En premier lieu, pour

l’avenir, l’accord valait renouvellement du consen tement donné auparavant par la RDC, entre

mai 1997 et août 1998, au déploiement de troupes ougandaises au Congo. En second lieu, il valait

reconnaissance par toutes les parties de la justif ication donnée par l’Ouga nda à l’envoi de troupes

supplémentaires en RDC entre la mi-septembre1998 et la mi-juillet1999. Si, comme les parties

l’ont admis, l’Ouganda était fondé en juillet1999 à maintenir sur place ses dix mille soldats alors

postés au Congo en raison de la menace que les groupes armés anti-ougandais faisaient peser sur sa

sécurité à cette époque, il avait, a fortiori, é fondé à déployer ses forces à l’est du Congo en

septembre1998, puisque la menace pour sa sécu rité était alors bien plus grande. En

septembre 1998, l’Ouganda était confronté non seulement aux groupes armés, qui étaient alors bien

plus forts qu’en juillet1999, mais aussi a ux forces hostiles conjuguées du Soudan et du Tchad

occupant des positions stratégiques majeures en RDC, depuis lesquelles elles pouvaient lancer à

tout moment des attaques immédiates particulièrement dangereuses pour l’Ouganda.

27. La RDC soutient que le consentement à la présence de troupes ougandaises donné en

juin1999 dans l’accord de Lusak a ne pouvait produire d’effets juridiques que pour l’avenir et ne

pouvait être appliqué rétroactivemen t. L’Ouganda en convient. Dans l’accord de Lusaka, c’est

pour l’avenir que la RDC et les autres parties consentaient expressément à la présence de forces

militaires ougandaises au Congo ⎯c’est-à-dire à partir du mois de juillet1999. Toutefois, en

reconnaissant que la situation de légitime défense dans laquelle se trouvait l’Ouganda justifiait la

présence de ses forces à l’est du Congo en juillet1999 et ultérieurement, les parties ont

26 logiquement reconnu que la légitime défense justif iait aussi l’envoi par l’Ouganda de ses forces

militaires au Congo en septembre 1998, puisque nul ne conteste que les menaces pour la sécurité de

l’Ouganda étaient alors encore plus graves et imminentes qu’en juillet1999, une fois les forces

soudanaises et tchadiennes expulsées du Congo. - 22 -

La modification du calendrier

28. Au cours de la présente instance, la RDC a soutenu que l’Ouganda avait violé l’accord de

Lusaka en laissant ses troupes au Congo pendant plus de cent quatre-vingts jours après la signature

de l’accord (RRDC, par.3.213). Cet argument est fondé sur le calendrier joint en annexe à

l’accord, dont j’ai donné lecture tout à l’heure, et enparticulier sur le fait qu’il prévoit le «retrait

ordonné des forces étrangères» au jour «J+180jours». Mais il est impossible de considérer ce

point du calendrier comme s’il était indépendant des autres.

29. La faille dans l’argumentation de la RDC est que le retrait des forces étrangères devait

commencer, selon le calendrier, soixante jours après le «désarmement des groupes armés» et que,

dans l’esprit du Secrétaire général et de toutes le s parties, ce retrait dépendait des «progrès» du

désarmement de ces groupes. Malheureusement, au jour «J+180jours», aucun progrès réel

n’avait été fait : le désarmement des groupes armés n’avait même pas commencé. Sur le terrain, la

réalisation des «événements majeurs du cessez-le-feu» énumérés dans l’accord de Lusaka,

notamment l’instauration d’un dialogue national c ongolais, la clôture de ce dialogue, la mise en

place de nouvelles institutions gouvernementales et surtout le désarmement des groupes armés

⎯ tous ces événements devant précéder le retrait des forces étrangères ⎯ a pris beaucoup plus de

temps que ne l’avaient initialement prévu les parti es. Le retrait des forces étrangères, y compris,

mais pas seulement, les forces ougandaises, a donc pris beaucoup de retard. Il ressort des éléments

du dossier qu’aucune autre partie à l’accord n’ a accusé l’Ouganda d’avoir violé ce texte à cet

égard. Le Conseil de sécurité ne l’a pas fait non plus.

30. La position du Zimbabwe, l’allié de la RDC, était identique à celle de l’Ouganda. En

avril 2001, près de deux ans après la signature de l’accord de Lusaka, le ministre de la défense du

Zimbabwe, M. Mahachi, a justifié ainsi la présence continue de forces militaires zimbabwéennes en

27
RDC : «la bonne application de l’accord de paix de Lusaka devait déterminer le rythme auquel le

Zimbabwe continuerait à réduire son contingent mi litaire en RDC jusqu’au moment d’un retrait

total» (DO, annexe 50). - 23 -

31. Un an plus tard, en juillet2002, le ministre des affaires étrangères du Zimbabwe,

M.Mudenge, a déclaré: « [d]ès que l’accord de paix de Lusak a aura été réalisé, nous ne

manquerons pas de retirer nos troupes sur-le-champ.» Cette citation est reproduite à l’annexe 82 de

la duplique de l’Ouganda.

32. Hormis dans le cadre de la présente in stance, personne, pas même la RDC, n’a jamais

sérieusement soutenu que le délai de centquatre-vi ngts jours pour le retrait des forces étrangères

était une échéance stricte, indépendante des autres éléments du calendrier de mise en Œuvre. En

fait, en dehors de ce cadre, la RDC a elle-même adopté une position identique à celle de l’Ouganda

et du Zimbabwe, à savoir que le calendrier fixé dans l’accord de Lusaka s’était révélé trop

optimiste et qu’il fallait le modifier, mais que l es parties étaient toujours résolues à l’appliquer en

intégralité. Voici ce que M. Yerodia Ndombasi, alors ministre des affaires étrangères de la RDC et

aujourd’hui vice-président de ce pays, a dit devant le Conseil de sécurité le 15 juin 2000, onze mois

après la signature de l’accord de Lusaka :

«Je dois donner aussi des assurances que le Gouvernement de la République

démocratique du Congo a négocié, par mon intermédiaire, les accords de Lusaka et les
a signés par la personne de S. Exc. Mzee Laurent-Désiré Kabila.

Nous sommes pour les accords de Lusaka. Nous appelons à leur applica
tion

intégrale. Même si nos calendriers, par exemple, avaient été entamés, contrairement à
ce qui était prévu dans les accords, nous n’en avons pas profité pour mettre en
question les accords eux-mêmes. Nous so mmes pour l’application des accords de
Lusaka, que cela soit bien entendu.

Naturellement, lorsque le voile du futur s’est déchiré, il est facile de juger, alors
que lorsqu’il recouvre encore le présent, personne ne peut prévoir avec exactitude ce
qui se passera. Voilà pourquoi, pour les accords de Lusaka qui ont été signés, des

modifications, par exemple au sujet de la date, du calendrier, se sont imposées sans
pour autant rendre caduque la nécessité de les appliquer. Je le répète, nous sommes
pour, et nous ferons tout pour que leur a pplication soit facilitée. Mon gouvernement
est pour la facilitation du dialogue congolais. Evidemment, cette facilitation s’incarne

dans une personne, que l’OUA a nommée et qui a obtenu l’agrément de toutes les
parties.» (CMO, annexe 69, p. 11.)

Le traitement égal de toutes les forces étrangères

33. La semaine dernière, les conseils de la RDC ont laissé entendre que l’accord de Lusaka

établissait en quelque sorte un régime à deux vitesses pour le retrait des forces étrangères du

territoire congolais. D’après eux, l’accord opéra it une distinction entre les forces étrangères qui

avaient été «invitées» et celles qui étaient «non invitées» (voir CR2005/4, par.32). Par forces - 24 -

«invitées», les conseils de la RDC entendaient probablement celles du Zimbabwe, de l’Angola et

28 de la Namibie. Par forces «non invitées», ils entendaient à l’évidence celles de l’Ouganda et du

Rwanda. Le problème, c’est que cet argument ne cadre ni avec le texte de l’accord, ni avec le

comportement ultérieur des Parties. L’accord n’opè re pas la moindre distinction entre les forces

étrangères présentes en RDC. Au contraire, il les traite toutes sur un pied d’égalité (voir l’accord,

annexeA, chap.11, par.11.4). Toutes les forces étrangères étaient tenues de rester en place

jusqu’à la réalisation des conditions préalables fixées dans le calendrier de mise en Œuvre, puis de

se retirer de la RDC conformément à ce calendrier (ibid.). C’est ce qu’a confirmé le plan formel

adopté à Kampala le 8avril 2000 aux fins du désengagement de toutes les forces militaires

congolaises et étrangères au Congo. L’accord de désengagement de Kampala, comme on l’a

appelé par la suite, a été signé par toutes les par ties à l’accord de Lusaka, en application de ce

dernier. Vous le trouvez sous l’onglet n o6 de votre dossier d’audiences. A l’alinéa a) du

paragraphe13, l’accord de Kampala prévo it un recul initial de 30kilomètres, suivi du

redéploiement des forces vers des positions défensives à l’intérieur de
la RDC, qui seraient

déterminées par les observateurs des NationsUnies. L’alinéa a) du paragraphe10 dispose

qu’«[a]ucune Partie ne sera mise en position tactique désavantageuse par le désengagement» et

l’alinéa b) du paragraphe 2, que «[l]es Parties comprennent et acceptent qu’à l’intérieur de la RDC,

elles devront toutes appliquer de façon égale les ob ligations contenues dans ce plan». C’était donc

là un principe fondamental du plan : le désengagement des forces devait se faire de manière égale,

mutuelle, réciproque et simultanée ⎯non pas unilatéralement, ou d’une manière qui mettrait un

Etat dans une position tactique désavantageuse vis-à-vis des autres.

L’accord de désengagement de Kampala

34. L’accord de désengagement de Kampala offre de nouvelles preuves permettant de réfuter

l’argument des conseils de la RDC selon lequel, par l’accord de Lusaka, la RDC avait consenti tout

au plus à ce que les forces ougandaises restent en territoire congolais pendant 180 jours. L’accord

de Kampala a été signé le 8 avril 2000, près de neuf mois (ou 270 jours) après l’accord de Lusaka,

et il prévoyait que les forces étrangères resteraient en RDC après s’être retirées des lignes de front. - 25 -

Comme le ministre des affaires étrangères de la RDC l’a déclaré deux mois plus tard devant le

Conseil de sécurité, «des modifications, par exemple au sujet de la date, du calendrier, s[’étaient]

imposées» (contre-mémoire, annexe 69, par. 11).

35. Le lendemain de cette intervention du mini stre des affaires étrangères de la RDC, le

16juin2000, le Conseil de sécurité a approuvé le calendrier du retrait des forces étrangères fixé

dans l’accord de Lusaka et l’accord de désengagement de Kampala. Dans sa résolution1304, le

Conseil de sécurité a demandé que l’Ouganda et le Rwanda «retirent toutes leurs forces du
29

territoire de la République démocr atique du Congo sans plus tarder, conformément au calendrier

prévu dans l’accord de cessez-le-feu et le plan de désengagement de Kampala en date du

8 avril 2000» (CMO, annexe 70, par. 4, al. a); les italiques sont de nous).

36. Rien ne vient donc étayer l’argument de la RDC selon lequel l’Ouganda était tenu de

retirer ses forces de la RDC avant la date prévue dans le calendrier de l’accord de Lusaka, ou avant

les autres forces étrangères présent es au Congo, celles du Zimbabwe et de l’Angola par exemple.

Ce que les accords de Lusaka et de Kampala prévoyaient, au contrair e, c’est le retrait simultané de

toutes les forces étrangères conformément au calendr ier adopté par les parties à Lusaka, retrait qui

était subordonné expressément à la réalisation pr éalable de certaines conditions dites «Evénements

majeurs du cessez-le feu», y compris le désarmement et la démobilisation des groupes armés visés.

Si ces conditions n’étaient pas réalisées et s’il n’y avait pas de retrait simultané des autres troupes

étrangères de la RDC, l’ Ouganda n’avait nullement l’obligation de retirer ses propres forces

militaires avant la date prévue.

Monsieur le président, le moment serait-il bien choisi pour faire notre pause de la matinée ?

Le PRESIDENT : Vous pouvez poursuivre.

M. REICHLER : Je vous remercie, Monsieur le président. - 26 -

L’accord de désengagement de Harare

37. L’accord de désengagement de Kampala a été appliqué avec succès, et les diverses forces

étrangères et congolaises déployées sur les lignes de front se sont effectivement écartées les unes

des autres. Cela ayant réduit considérablement le risque de reprise du c onflit armé, l’Ouganda a

alors retiré une partie de ses forces de la RDC car ses intérêts en matière de sécurité ne lui

semblaient plus nécessiter leur présence au Congo. C’est volontairement que l’Ouganda a pris

cette mesure, et non pas parce qu’il avait l’obligat ion de retirer des forces à ce moment-là. Le

retrait des forces ougandaises s’est accéléré après la conclusion de l’accord de désengagement de

Harare, le 6décembre2000. Ce texte se trouve s ous l’onglet n°7 de votre dossier. L’accord de

Harare venait compléter l’accord de désengagement conclu plus tôt à Kampala et prévoyait de

nouvelles mesures de désengagement et de redé ploiement en RDC des forces combattantes,

30 étrangères et congolaises. Des sous-plans distincts furent adoptés pour chacune des quatre zones

géographiques délimitées en RDC. Le sous-plan établi pour la zone 1 s’appliquait à l’Ouganda, au

MLC ainsi qu’aux FAC (l’armée congolaise) et à leurs alliés. Aucun des trois autres sous-plans ne

s’appliquait aux forces ougandaises. Le sous-plan re latif à la zone1 figure aux pages3 et4 de

l’accord de Harare, sous l’onglet n°7. Il y a, à la page13 de l’accord, une carte de la RDC qui

montre les quatre zones. J’ai déjà évoqué cette carte, et le sous-plan relatif à la zone1 figurant

pages3 et4, dans mon intervention de vendredi dernier. En particulier, j’ai souligné que,

contrairement au tableau dépeint au début de la semaine dernière par la RDC, ce n’étaient pas les

forces militaires ougandaises qui couvraient la zone 1, mais celles du MLC. Il faut souligner une

nouvelle fois que le MLC avait des milliers d’hommes sous son commandement et qu’il détenait

l’autorité administrative de facto dans l’essentiel de la zone 1. Les forces du MLC étaient bien plus

présentes que les Ougandais par leur nombre et par l’étendue de territoire qu’elles couvraient. Les

Ougandais, je le répète, se concentraient principalement sur les zones frontalières de l’est du Congo

et sur un petit nombre de positions stratégiques clés, surtout les aéroports et le
s aérodromes situés

entre Gbadolite et la frontière ougandaise. - 27 -

Le statut du Mouvement de Libération du Congo

38. Compte tenu des accusations portées contre l’Ouganda, il convient de s’arrêter un peu

maintenant sur le statut spécial accordé au MLC et aux deux autres organisations congolaises par

l’accord de Lusaka et par les deux plans de désenga gement ultérieurs. Le MLC était bien entendu

partie à l’accord de Lusaka. Il devait prendre part au dialogue politique intercongolais sur un pied

d’égalité avec le Gouvernement de la République démocratique du Congo. Ses forces militaires

devaient être intégrées dans une nouvelle armée nationale. En outre , et ceci mérite une mention

particulière, le paragraphe 18 de l’accord disposait : «Aux termes du présent accord et à l’issue des

négociations politiques intercongolaises, l’autorité administrative de l’Etat sera rétablie sur

l’ensemble du territoire national de la République démocratique du Congo.» Par cette disposition,

les parties décidaient de laisser l’administration civile aux mains des autorités locales qui

l’exerçaient de fait, à savoir le MLC en ce qui concerne le territoire congolais compris dans la

zone 1 de l’accord d’Harare, jusqu’à l’aboutissement des négociations politiques intercongolaises.

Le plan de désengagement lui-même renforça cette décision en confinant les forces du

Gouvernement de la République démocratique du Congo de leur côté de la ligne de

31 désengagement, le MLC et les autres organisati ons rebelles gardant ainsi le contrôle de

l’administration civile dans les zones qu’elles tenaient, jusqu’à ce que le dialogue intercongolais ait

abouti à la mise en place d’un nouvel ordre politique en RDC.

39. Comme je l’ai indiqué vendredi dernier, les négociations politiques intercongolaises, qui

se sont achevées en décembre2002, ont eu pour conséquence de créer un nouvel ordre politique

dans lequel, outre que les forces militaires du MLC étaient intégrées dans la nouvelle armée

nationale congolaise, le chef du MLC, M.Jean-PierreBemba devenait l’un des vice-présidents de

la République démocratique du Congo et des ministères importants étaient confiés aux

représentants de son organisation. En bref, les parties à l’accord de Lusaka ont conféré au MLC

une grande légitimité, comme l’ont fait aussi les Congolais dans le nouvel ordre politique. En

revanche, les parties ont voué à l’élimination les groupes rebe lles qui avaient combattu contre

l’Ouganda, en décidant de les désarmer, de les démobiliser, de les rapatrier et de les réinsérer. Il

était expressément interdit aux parties d’apporter une aide quelconque à ces «forces négatives». - 28 -

Le retrait volontaire par l’Ouganda de la plus grande partie de ses troupes

40. Pour se faire une idée précise du nombre de soldats ougandais présents au Congo à la fin

de l’année2000, il faut se rappeler qu’au plus fort des combats, ce nombre s’élevait à

10000hommes environ. Après l’accord de désengagement de Kampala, ces effectifs ont été

réduits et, après l’accord d’Harare, ils ont sensiblement diminué, surtout entre janvier et avril 2001.

Comme l’indique le paragraphe 101 du contre -mémoire de l’Ouga nda, il ne restait

approximativement, à la fin du mois d’avril2001, que 3000soldats ougandais en République

démocratique du Congo. Après cette date, l’Ouganda a pratiquement cessé de retirer

unilatéralement ses troupes du Congo, pour les raisons que je vais exposer maintenant.

41. Si l’Ouganda a cessé de retirer ses troupes du Congo, c’est essentiellement parce que le

Secrétaire général lui avait demandé de le faire. En avril2001, le présidentMuseveni a fait une

déclaration publique annonçant que toutes les forces ougandaises encore présentes au Congo

allaient prochainement être retirées. Il a indi qué que les troupes ougandaises présentes à l’est du

Congo ⎯où elles se trouvaient alors en majorité ⎯ n’étaient ni habilitées à assumer la

responsabilité du maintien de l’ordre public, ni fo rmées pour ce faire, surtout dans la région

instable de l’Ituri. Il a déclaré que ce rôle revenait aux forces de la pa ix de l’Organisation des

NationsUnies, ainsi qu’il était prévu dans l’accord de Lusaka. Cette déclaration publique du

32 président Museveni a rapidement suscité une réponse de la part du Secrétaire général, sous la forme

d’une lettre datée du 4mai2001. En fait, le Secr étaire général y insistait pour que l’Ouganda ne

retire pas unilatéralement ses dernières troupes du C ongo, et qu’il ne procède à ce retrait que

conformément au processus de désengagement issu de l’accord de Lusaka. La lettre du Secrétaire

général, que vous trouverez sous l’onglet no 13 du dossier, se lit comme suit :

«A ce moment particulièrement sensible et délicat du processus de paix en
République démocratique du Congo, je pense qu’il est crucial que l’Ouganda et tous
les autres signataires de l’accord de Lusaka restent pleinement engagés aux côtés de la

communauté internationale, et en particulier des NationsUnies, qui cherchent
ensemble à consolider les tendances positiv es qui se sont récemment fait jour en
République démocratique du Congo.

J’ai confiance en votre engagement dans la recherche de la paix en République
démocratique du Congo. A cet égard, je tiens à vous encourager à poursuivre le retrait
des troupes ougandaises dans le cadre général du processus de désengagement.» (Les
italiques sont de nous.) - 29 -

42. Après avoir reçu la lettre du Secrétaire général, le présidentMuseveni déféra à la

demande de ce dernier et décida de ne pas retirer les dernières forces ougandaises de la République

démocratique du Congo. Aucune des parties à l’ accord de Lusaka, pas même la RDC, n’émit de

protestation à l’encontre de cette décision. A partir de ce moment là, l’Ouganda resta cependant

déterminé à retirer ses troupes de la RDC à la première occasion, sans offenser le Secrétaire général

ou la communauté internationale et sans violer les engagements qu’il ava it pris dans l’accord de

Lusaka. A cette fin, l’Ouganda demanda à plusieur s reprises au Conseil de sécurité d’envoyer une

force de maintien de la paix multinationale pour assumer le rôle que lui assignait l’accord de

Lusaka et permettre à l’Ouganda de retirer définitivement et complètement ses troupes du Congo.

IV. Le consentement donné dans l’accord de Luanda
de septembre 2002

43. J’en viens maintenant à la quatrième et dernière partie de mon exposé, qui portera

essentiellement sur la nouvelle confirmation du consen tement de la RDC au maintien des forces

armées ougandaises sur son territoire, telle qu’elle ressort de l’accord bilatéral entre la RDC et

l’Ouganda conclu à Luanda, en Angola, le 6 septe mbre 2002. L’accord de Luanda, signé par le

président de la RDC et celui de l’Ouganda, reconnaissait expressément une fois de plus la gravité

de la menace que les groupes d’insurgés armés anti-ougandais opérant depuis l’est du Congo

faisaient peser sur la sécurité de l’Ouganda , et stipulait que les troupes ougandaises pouvaient

demeurer en RDC jusqu’à ce que des mécanismes de sécurité appropriés aient été mis en place :

«Les Parties conviennent que les troupes ougandaises seront dans les montagnes
de Ruwenzori jusqu’à la mise en place d’ un mécanisme de sécurité constitué par les
33 Parties à la frontière commune, y compris les patrouilles mixtes et l’entraînement des

troupes.» (Accord de Luanda, art. 1, par. 4.)
o
44. L’accord de Luanda, qui figure dans le dossier de plaidoiries sous l’onglet n 8, prévoyait

le retrait ordonné de toutes les autres forces ougandaises qui se trouvaient alors au Congo. La RDC

et l’Ouganda convinrent en particulier que les troupes ougandaises basées à Gbadolite, Beni et dans

d’autres lieux se retireraient immédiatement et que les forces ougandaises présentes à Bunia, la

capitale de la province de l’Ituri, se retireraient quant à elles conformément au calendrier annexé à

l’accord (voir accord de Luanda, art. 1). Tout comme celui qui était annexé à l’accord de Lusaka,

le calendrier adopté à Luanda prévoyait une série chronologique d’«événements» qui devaient - 30 -

conduire au retrait des forces ougandaises de Bunia et le rendre possible. A l’époque, en

septembre 2002, la situation à Bunia était explosiv e. Des rivalités de longue date entre les groupes

ethniques Hema et Lendu se traduisaient par des fl ambées de violence, provoquant notamment des

massacres de civils non armés. L’administration co ngolaise en Ituri, composée de factions rivales

du mouvement rebelle RCD-K, lequel avait signé l’accord de Lusaka avant de se scinder en

plusieurs groupes rivaux, était incap able de maintenir l’ordre. Agissant pour la première fois de

conserve, les gouvernements de la RDC et de l’Ouganda décidèrent donc d’intervenir.

45. Comme le stipulait l’accord de Luanda, la RDC et l’Ouganda convinrent de mettre en

place, avec l’assistance de l’Organisation des Nations Unies, «une commission de pacification de

l’Ituri composée de parties [c’est-à-dire de la RDC et de l’Ouganda], de forces politiques,

militaires, économiques et sociales actives à Buni a et d’habitants des communautés locales»

(accord de Luanda, art. 1, par. 3). La mission de la commission de pacification de l’Ituri, ou CPI,

était d’amener l’ensemble des acteurs concernés à conclure des accords visant à mettre fin à la

violence, instaurer la paix et créer des mécanismes de maintien de l’ordre afin d’assurer la sécurité

dans la région. Il fut décidé que le retrait des force ougandaises de Bunia suivrait l’«inauguration

de la CPI à Bunia», l’«établissement de l’autorité administrative dans la province de l’Ituri» par la

CPI, et l’«installation [par la CPI] d[’un] mécanisme de maintien de l’ordre en remplacement» des

forces ougandaises (accord de Luanda, annexeA). Par l’accord de Luanda, la RDC a donc bien

consenti à ce que les troupes ougandaises restent sur les Monts Ruwenzori jusqu’à ce que les

parties mettent en place les mécanismes garantissant la sécurité de l’Ouganda, et à Bunia jusqu’à ce

34 que la commission de pacification de l’Ituri voie le jour et établisse une nouvelle autorité

administrative ainsi qu’un mécanisme de maintien de l’ordre dans la province de l’Ituri. Toutes les

autres forces ougandaises devaient en revanche se re tirer de la RDC, ce qu’elles ont effectivement

fait. Aussi, à partir de septembre 2002, les forces militaires ougandaises étaient-elles, comme

auparavant, présentes en RDC avec le consentement exprès du Gouvernement de la RDC.

Monsieur le président, je n’en ai plus que pour cinq minutes. Puis-je poursuivre ?

Le PRESIDENT : Continuez, je vous en prie.

M. REICHLER : Je vous remercie. - 31 -

La coopération entre l’Ouganda et la RDC

46. A partir de septembre 2002, la RDC et l’Ouganda ont travaillé en partenariat pour mettre

un terme aux violences en Ituri. L’Ouganda a not amment Œuvré en étroite collaboration avec la

RDC afin d’obtenir des accords de cessez-le-feu entre les milices des ethnies Hema et Lendu. Ces

accords ont été conclus difficilement, l’un après l’autr e, mais en fin de compte tous les groupes en

présence ont accepté de cesser les hostilités. Ces acco rds de cessez-le-feu figurent dans le dossier

de plaidoiries sous les nos16 à 19. Ce processus ayant pris plus de temps que prévu, les échéances

fixées dans le calendrier annexé à l’accord de Luanda ont été prorogées à plusieurs reprises, d’un

commun accord entre la RDC et l’Ouganda. En février 2003, le président de l’Ouganda, M.

Museveni, et le président de la RDC, M. Joseph Kabila, se sont rencontrés à Dar-es-Salaam. Dans

leur communiqué conjoint, ils ont

«noté … la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire en Ituri … par le fait
des nouvelles hostilités entre les factions armées . Les chefs d’Etats ont réaffirmé leur
engagement de mettre en application l’accord de Luanda. Ils ont convenu de créer les

conditions favorables à la mise en place de la commission de pacification de l’Ituri…»
(Dossier de plaidoiries, no9, p. 2.)

Le retrait du reste des troupes ougandaises

47. Les présidents Museveni et Joseph Kabila sont convenus que «la commission devait être

mise en place et commencer ses travaux le 17 fé vrier 2003 et les conclure le 20 mars 2003 ce qui

serait suivi par le retrait total des troupes ougandaises de l’Ituri» ( ibid., p. 3). Sur le terrain, la

poursuite des violences interethniques a retardé d’un mois, c’est-à-dire jusqu’au 17 mars, le début

35 des travaux de la CPI. En conséquence, le ministre des droits de l’homme de la RDC et le ministre

des affaires étrangères de l’Ouganda, représentant leurs présidents respectifs, ont signé un accord à

Gulu, en Ouganda, prolongeant d’un mois le calendr ier annoncé par les présidents en février. Cet

o
accord, qui figure dans votre dossier sous le n 9, a repoussé la date du retrait des forces

ougandaises de Bunia à la fin du mois d’avril 2003. Cette date a été repoussée une nouvelle fois

d’un commun accord par les présidents Museveni et Kabila lors de leur rencontre du 9 avril 2003 à

Pretoria, en Afrique du sud, et fixée à la fin du mois de mai 2003. Les forces ougandaises se sont

alors retirées conformément à ce nouveau calendrier. Comme cela est désormais bien établi, la

présence militaire de l’Ouganda en RDC a pris fin le 2 juin 2003. - 32 -

Conclusion

48. Monsieur le président, Madame et Messieu rs les juges, M. Brownlie et moi-même avons

aujourd’hui traité de toute la période au cour s de laquelle les forces militaires ougandaises ont été

présentes en RDC, depuis l’arrivée des premiers soldats ougandais dans l’est du Congo en

mai1997 jusqu’au départ définitif des derniers soldats en juin2003. Les éléments de preuve

confirment en tous points la thèse de l’Ouganda selon laquelle ses forces armées étaient présentes

au Congo de mai 1997 à août 1998, puis de juillet 1999 à juin 2003, avec le consentement exprès

du Gouvernement de la RDC, conformément à ce qui avait été convenu oralement avec le président

Laurent Kabila en mai et décembre 1997, au protocole bilatéral d’avril 1998, à l’accord multilatéral

de Lusaka de juillet 1999 et à l’accord bilatéral de Luanda de septembre 2002.

49. La seule période à laquelle le consenteme nt exprès de la RDC ne s’appliquait pas est

celle qui s’étend de la mi-septembre 1998 à la mi -juillet 1999. La position de l’Ouganda est que la

présence de ses forces militaires en RDC durant cette période de dix mois résultait de l’exercice de

son droit de légitime défense. C’est ce que M. Brownlie a brillamment démontré hier matin.

50. L’Ouganda soutient par ailleurs qu’il convie nt de ne pas négliger les points de vues des

parties à l’accord de Lusaka pour évaluer la nécessité et la proportionnalité des opérations

militaires de l’Ouganda sur le territoire de la RD C. Comme nous l’avons vu, les parties à cet

accord ont explicitement reconnu la gravité du danger que faisaient peser sur l’Ouganda les

attaques des différentes bandes rebelles nommées dans l’accord; sur la base de ce constat, elles ont

autorisé les forces ougandaises à se maintenir au Congo tant que ces groupes ne seraient pas

désarmés et démobilisés. L’Ouganda soutient qu e, ce faisant, les par ties à l’accord de Lusaka

reconnaissaient que le déploiement des forces ougandaises en RDC constituait une réponse

nécessaire et proportionnée à la menace résultant pour la sécurité de l’Ouganda de la présence des

36 groupes armés sur le territoire congolais. L’accord date de juillet1999, et la menace contre la

sécurité de l’Ouganda était alors moins grande qu ’elle ne l’avait été en septembre 1998. Si la

présence de dixmillesoldats ougandais était jus tifiée en juillet 1999, ainsi que la RDC l’a

elle-même reconnu en signant l’accord de Lusaka, il ne pouvait logiquement pas en être autrement

entre septembre 1998 et juillet 1999. - 33 -

51. Ainsi s’achève mon exposé qui conclut aussi celui de l’Ouganda pour ce matin. Avec la

permission de la Cour, le prochain intervenan t de l’Ouganda, mon éminent collègue le professeur

EricSuy, me succédera demain à la barre pour a border devant la Cour la question des demandes

reconventionnelles de l’Ouganda. Monsieur le président, Madame et Messieurs lesjuges, je vous

remercie de l’honneur que vous m’avez fait en me permettant de me présenter de nouveau devant

vous aujourd’hui.

Le PRESIDENT: Merci, Monsieur Reichler. Voilà qui conclut les audiences de ce matin.

Les audiences reprendront à 10 heures demain matin et nous entendrons la suite des exposés oraux

de l’Ouganda.

L’audience est levée.

L’audience est levée à 11 h 50.

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