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CR 2005/14 (traduction)
CR 2005/14 (translation)
Mercredi 27 avril 2005 à 10 heures
Wednesday 27 April 2005 at 10 a.m. - 2 -
8 Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte. La Cour se réunit
aujourd’hui pour entendre, ce matin et cet après-midi, le second tour de plaidoiries de l’Ouganda.
Je donne à présent la parole à M. Reichler.
LES ELEMENTS DE PREUVE A L ’APPUI DE LA THESE DE LA LEGITIME DEFENSE
INVOQUEE PAR L ’O UGANDA
1. Monsieur le président, Madame et Messieu rs les Membres de la Cour, c’est à nouveau un
grand honneur pour moi que de me présenter devant cette auguste assemblée judiciaire, cette fois-ci
afin d’entamer le second tour de plaidoiries de laRépublique de l’Ouganda. Je traiterai ce matin
des éléments de preuve venant appuyer la thèse de l’Ouganda selon laquelle il a agi en état de
légitime défense. Ce faisant, je répondrai en pa rticulier aux affirmations des conseils de la RDC
selon lesquelles il n’y aurait aucune preuve —aucune preuve— que le Soudan ait été
militairement présent en RDC, pas davantage qu’il n’y aurait de preuve que le Gouvernement de la
RDC ait collaboré avec le Soudan ainsi qu’avec les rebelles ougandais dans les attaques armées
visant l’Ouganda.
2. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je suis certain que vous vous
rappellerez les déclarations d’une extrême dureté faites lundi par M. Salmon concernant les thèses
de l’Ouganda. En voici simplement quelques exemples : «Il n’y a pas … la moindre preuve qu’il y
ait eu des Soudanais [sur le territo ire de la RDC].» «Il ne suffit pas de répéter à satiété la même
fable pour qu’elle devienne réalité.» «[L’Ouganda] aurait aussi bien pu dire les Martiens au
Congo.» «La présence des Soudanais au Congo est un conte fabriqué de toutes pièces.»
3. Or, M. Salmon est un universitaire d’une grande culture et d’une grande érudition. Je n’ai
pu m’empêcher d’être impressionné par les nombreuses citations dont il nous a fait lecture, tirées
des grands penseurs et auteurs du passé. Il semble avoir tout lu — tout sauf ses propres écritures en
l’espèce. Mais il serait injuste que je ne cite que M. Salmon. De toute évidence, il en va de même
de M. Corten et de M. Klein, qui ont également affirmé à la Cour qu’il n’existait aucune preuve
⎯ aucune preuve — d’une participation militaire du Soudan aux événements survenus en RDC, ou
de la collaboration entre celle-ci et le Soudan oules rebelles ougandais dans les attaques armées - 3 -
visant l’Ouganda. De toute évidence, ils n’ont pas lu non plus leurs propres écritures. Aucun
d’entre eux ne l’a fait. Et c’est donc à moi qu’incombera cette tâche.
9 Les éléments de preuve présentés par la RDC dans ses écritures
démontrent la complicité entre le Congo et le Soudan
4. Je citerai maintenant l’annexe 108 de la réplique de la RDC, datée du 9 septembre 1998, et
présentée comme fondée sur des «sources diplomatiques et militaires» :
«à partir de la capitale mé ridionale de Juba, le Soudan envoie depuis plusieurs jours
des renforts militaires aux forces du président de la RDC Laurent Kabila et de ses
alliés dans la ville d’Isiro, au nord-est, ai nsi que dans la zone de Dongo. Selon une
source, des avions de transport militaire, avec apparemment pour destination la RDC,
quittent Juba depuis cinq jours d’affilée.»
5. On peut lire à la même page de cette a nnexe à la réplique de la RDC que «le président
Kabila entretient des relations chaleureuses avec Khartoum depuis longtemps déjà, bien avant que
les combats présents n’éclatent». Et je poursuis la citation : «Le Soudan est le grand gagnant des
derniers combats qui viennent d’éclater.»
6. On lit encore, dans cette même annexe 108 à la propre réplique de la RDC, datée du
14 septembre 1998 : «La semaine passée, deux mille soldats soudanais ont été envoyés en RDC en
renfort à l’armée du président Kabila.» Il s’ag it de deuxmille soldats soudanais. Pas de
deuxmillemartiens, ni de deuxmille professeurs de droit belges, mais de deux mille soldats
soudanais envoyés en RDC — ce que confirment les propres écritures de la RDC.
7. Je citerai un nouveau passage de la réplique de la RDC, toujours tiré de l’annexe108,
cette fois-ci du document daté du 16septembre 1998: «Le Soudan a envoyé deux mille de ses
soldats à Kindu, dans la province de Mainema, afin d’aider le président Laurent-Désiré Kabila et
ses alliés.» Cette annexe de la RDC se poursuit de la manière suivante : «depuis le 3 septembre»,
des informations font état d’«une particip ation soudanaise au conf lit». Nous avons donc
maintenant quatre mille soldats soudanais engagés dans ce conflit, dont certains présents au Congo
depuis le 3septembre1998. Cet élément est c onfirmé par les pièces soumises par la RDC
elle-même.
8. Voici encore un passage tiré d’un rapport c ité à vingt-deux reprises par la RDC dans sa
réplique et provenant d’une source qu’elle y présente plusieurs fois comme fiable : - 4 -
«En septembre1998, le président Museveni a indiqué que ses troupes tenaient
les principaux aéroports de l’est du Congo afin d’empêcher les Soudanais de les
utiliser contre l’Ouganda. Il a ajouté qu’ il disposait d’informations selon lesquelles
des soldats soudanais seraient présents à Isiro (limitrophe du Soudan et de l’Ouganda).
Ces informations ont également été rapportées par des organisations humanitaires
travaillant dans la région.»
9. Ainsi, la lecture des pièces de la RDC nous apprend-elle maintenant qu’il y avait des
soldats ougandais à Isiro dans l’est du Congo en septembre1998, exactement comme l’avait
affirmé le président Museveni, information confir mée par des organisations humanitaires présentes
dans la région. L’aérodrome d’Isiro, comme on se le rappellera, avait été le tout premier objectif
10
des forces ougandaises après la décision prise pa r le haut commandement ougandais, lors de sa
réunion du 11septembre1998, d’engager les UPDF contre les forces soudanaises hostiles qui
étaient en train de prendre le contrôle des aérodromes congolais aux fins d’attaquer l’Ouganda.
10. La Cour se souvient-elle des allusions faites par M. Salmon aux visites «fictives» du
président de la RDC à Khartoum en vue d’obtenir une alliance militaire avec le Soudan ? Eh bien,
ce même rapport, celui donc cité à vingt-deux repri ses dans la réplique de la RDC, indique ensuite
que: «le président Kabila s’était secrètement rendu à Khartoum le 28août en vu d’y obtenir une
assistance».
11. Je citerai à présent l’annexe 68 à la réplique de la RDC :
«L’évolution de la guerre incite le Gouvernement soudanais à s’investir aux
côtés du présidentKabila. Les autor ités de Khartoum donnent leur appui à
l’expédition par voie aérienne dans le Ba s-Uele, à Buta, de trois cents rebelles
ougandais. Leur mission consiste à préparer la contre-offensive qui doit les conduire à
retourner dans leur pays.» (P. 29.)
12. Lors de sa plaidoirie de lundi, MS .almon a cité l’ouvrage écrit par
M. Jean-Pierre Bemba, actuel vice-président de la RDC et ancien dirigeant de l’organisation rebelle
du MLC. M.Salmon a jugé particulièrement ac cablant pour les thèses de l’Ouganda le fait que
M. Bemba, qu’il présente comme un allié de l’Ouga nda, «ne parle pas d’un seul soldat soudanais»
à Gbadolite. Et M.Corten, sautant dans le train en marche, d’affirmer à la Cour que, bien que
M.Bemba ait consacré de très nombreuses pages aux combats qui faisaient rage dans le nord et
l’est du Congo, il n’y a jamais mentionné une seule fois la présence de troupes soudanaises.
M. Corten a vivement recommandé la lecture de l’ouvr age de M. Bemba. Il a bien raison. Hélas,
ni M.Corten, ni M. Salmon ne peuvent vraiment savoir de quoi retourne ce livre, pour la simple - 5 -
raison qu’ils ne l’ont visiblement lu ni l’un ni l’autre. C’est donc encore à moi qu’il reviendra de le
faire. Je ne vais pas vous donner simplement lectur e de passages de l’ouvrage de M. Bemba, mais
d’extraits de ce livre qui ont été reproduits en a nnexe aux écritures de la RDC, et plus précisément
à l’annexe 68 de la réplique de la RDC :
«Sous le commandement du colonel DewardN’Sau, les effectifs affichés par
l’état-major de la 5 région militaire, secteur Nord-Equa teur sont de 14 245 militaires.
Laurent Kabila mesure toute l’importance de la bataille de Gbadolite et donne des
instructions précises à son état-major composé de 256 cadres et officiers. Sur les axes
Yakoma et Businga, le colonel N’Sau dépl oie respectivement 2471 et 2868 éléments.
Il organise également 1207unités chargées du secteur de Gemena. A ces troupes, il
faut ajouter 2210 soldats du contingent tchadien, 3932 extrémistes Hutus Interahamwe
et un détachement de 108 soldats soudanais.» (P. 39; les italiques sont de nous.)
11 13. Voici un nouvel extrait de l’ouvrage de M. Bemba, reproduit à l’annexe 68 de la réplique
de la RDC :
«A Gbadolite, la démotivation des troupes est totale. Le colonel N’Sau informe
Kabila du départ de ses alliés tchadiens et de mande à Kinshasa du renfort. Il ne reste
sur l’aéroport de Gbadolite qu’un Antonov26, qui après avoir été piloté par des
équipages soudanais…» (P. 43-44; les italiques sont de nous.)
14. Eh bien, M. Salmon avait après tout raison. M. Bemba ne mentionne pas un seul soldat
soudanais engagé dans les combats en RDC aut our de Gbadolite — il en mentionne centdix.
Autrement dit, il y avait bien, en 1999, des troupes soudanaises combattant à Gbadolite et dans les
environs de cette ville, tout comme il y en avait en1998 à Businga, Dongo, Buta et Isiro, autant
d’endroits dont les écritures de la RDC montrent que des troupes y avaient été déployées.
15. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je voudrais, afin d’être
parfaitement clair, préciser une nouvelle fois que les divers passages que je viens de lire sont
exclusivement tirés des propres pièces de la RDC. Je pourrais continuer encore longtemps, mais je
ne le ferai pas. L’Ouganda n’ a en effet devant lui que sixheures pour son second tour, et il y a
encore d’autres thèmes à aborder, et d’autres orateurs pour cela. Qu’ il me soit permis de le dire :
on ne saurait décemment affirmer qu’il n’existe aucune preuve ⎯ aucune preuve ⎯ d’une
participation du Soudan aux activités armées menées contre l’Ouganda à partir du territoire
congolais avec la collaboration du Gouvernement de la RDC. Au contraire, ces faits sont
amplement prouvés par les propres écritures de la RDC ainsi que par les éléments de preuve fournis
en annexe à celles-ci. - 6 -
L’importance de l’incapacité de la RDC à nier ces éléments de preuve
16. Telle est la raison pour laquelle ⎯ et il s’agit-là d’un point d’une extrême importance ⎯
la RDC n’a jamais expressément nié son allian ce militaire avec le Soudan, n’a jamais nié une
présence militaire du Soudan en RDC, ni les activ ités armées menées par celui-ci en RDC contre
l’Ouganda, pas davantage qu’elle n’a nié l’existen ce d’un soutien direct de la part du Soudan aux
groupes rebelles attaquant l’Ouganda à partir du territoire congolais avec la collaboration du
Gouvernement de la RDC, ou d’un contrôle de sa part sur ces groupes rebelles. Aucun de ces faits
précis n’a jamais été démenti ⎯ ni dans les écritures de la RDC, ni dans les plaidoiries de celle-ci
devant la Cour. La RDC s’est au contraire employée à développer une argumentation extrêmement
habile afin de commenter ces faits d’une importance capitale. Je vous citerai un passage des
conclusions formulées à ce sujet par la RDC dans sa dernière pièce écrite, ses observations écrites
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additionnelles concernant les demandes reconventionnelles de l’ Ouganda, observations écrites
déposées en février 2003; je citerai un passage tiré du paragraphe 1.65 :
«Pour sa part, la RDC réaffirme de la manière la plus solennelle qu’aucune
alliance n’a jamais été conclue avec le Soudan en vue d’agresser l’Ouganda , ni au
mois de mai 1998, ni ensuite. Pour le reste, la RDC rappelle que, en dépit de ce que
semble souhaiter la Partie ougandaise, elle n’entend pas se prononcer sur le conflit qui
oppose le Soudan à l’Ouganda depuis plusieur s années, que ce soit en accréditant ou
en niant les éventuels liens entretenus entre le régime de Karthoum et certains
mouvements rebelles ougandais.» (Les italiques sont de nous.)
17. Il s’agit, dans les circonstances de l’espèce, d’une affirmation des plus remarquables.
Elle a visiblement été soigneusement et intelligemment conçue. Elle est ⎯ et c’est le moins qu’on
puisse dire ⎯ fortement nuancée. La RDC ne nie pas avoir conclu une alliance militaire avec le
Soudan, ni avoir reçu sur son territoire des milliers de soldats soudanais et des milliers de soldats
tchadiens introduits sur celui-ci par le Soudan, ni des milliers de rebelles ougandais entraînés par le
Soudan en août et septembre 1998, tous soldats qu’ elle a incorporés dans son armée nationale. Au
lieu de cela, elle nie simplement le fait que l’ objet de son alliance militaire avec le Soudan ait été
d’«agresser l’Ouganda». Il est intéressant de not er que la RDC ne nie pas que telle ait été
l’intention du Soudan, ou que la RDC ait elle-même été au fait de cette intention du Soudan. En
réalité, la RDC ne nie absolument rien quant à la présence militaire du Soudan au Congo, au
déploiement, par le Soudan, de ses propres troup es dans l’est du Congo, ou encore à ses activités
armées, à la fois directes et menées à l’appui des actions des rebelles ougandais, et hostiles à - 7 -
l’Ouganda. Face à ces assertions factuelles spéci fiques et détaillées de la part de l’Ouganda
concernant des questions touchant à l’implication du Soudan, et bien que ces éléments soient des
éléments importants qui jouent un rôle déte rminant dans la thèse développée par l’Ouganda
concernant l’état de légitime dé fense dans lequel il se trouvait, tout ce que la RDC est prête à
répondre, c’est : «pas de commentaires».
18. Ainsi la RDC n’a-t-elle jamais nié les fa its suivants, cités de manière précise et détaillée
par l’Ouganda dans ses plaidoiries :
1. Le 14 août 1998, le général de brigade Saladin Khalil, de la division militaire soudanaise de la
province de l’Equateur, supervise à Kinshasa la livraison à l’armée congolaise de cargaisons
d’armes transportées par trois avions. (De fait, ainsi que je l’ai montré, les pièces soumises par
la RDC confirment que, durant cinq jours, des av ions de transport militaires en provenance de
Jouba, dans le sud du Soudan, ont livré du matériel à la RDC.)
13 2. Le président soudanais Omar al-Bashir pe rsuade le président Idris Deby, son homologue
tchadien, de faire aéroporter à Gbadolite, par l’armée de l’air soudanaise, une brigade de
deux mille cinq cents soldats appelés à se battre contre l’Ouganda. (Je viens d’ailleurs de lire à
la Cour, il y a quelques minutes, des extraits de pièces écrites de la RDC dans lesquels celle-ci
reconnaît qu’au moins deuxmille deuxcentssoldats tchadiens ont été déployés en Ouganda;
M.Salmon a, pour sa part, au cours du premie r tour de plaidoiries, reconnu que des troupes
tchadiennes avaient combattu en RDC contre l’Ouganda.)
3. Le Soudan renforce ses missions d’entraîne ment de soldats congolais, parmi lesquelles
d’anciens membres de l’armée rwandaise et des milices Interahamwe, entraînement qui se
déroule dans des camps situés au Soudan; ce dern ier pays en assure ensuite le retour en RDC
afin qu’ils puissent prendre part à des combats contre l’Ouganda et cont re le Rwanda. (Nous
verrons dans quelques instants que ce point a lui aussi été reconnu par la RDC dans ses
écritures.)
4. A la fin du mois d’août1998, le président Kabila rencontre une nouvelle fois, à Khartoum, le
président al-Bashir, lui demandant un renforcement de son assistance militaire. (La RDC
reconnaît d’ailleurs, dans des annexes à sa réplique que je vous ai lues tout à l’heure, que cette
rencontre a bien eu lieu le 28 août 1998.) - 8 -
5. A la suite de cette réunion, le colone l soudanais IbrahimIsma ilHabiballah livre, le
2septembre1998, une cargaison d’armes à l’ar mée congolaise à Gbadolite, ces armes devant
être utilisées par des unités du Front national de l’Ouganda II (UNRF II), un groupe d’insurgés
anti-ougandais qui a auparavant été intégré à l’ armée congolaise. (La RDC reconnaît, dans les
pièces écrites dont je viens juste de vous lire des extraits, qu’au moins troiscents rebelles
ougandais, entraînés par le Soudan et déployés à Buta contre les forces ougandaises, avaient été
intégrés à l’armée congolaise.)
6. Toujours au début du mois de septembre, une brigade de l’armée soudanaise comptant environ
deux mille cinq cents hommes placés sous le commandement du lieutenant-général
AbdulRahman SirKhatim arrive à Gbadolite, d’où elle est dans un premier temps déployée
vers Businga en prévision d’une attaque visant les forces ougandaises. (La RDC reconnaît
d’ailleurs dans ses écritures l’arrivée dans le nord du Congo d’au moins deuxmille soldats
soudanais, auxquels viennent s’en ajouter deux mille autres dans le sud, à Kindu; elle reconnaît
par ailleurs que, au 3 septembre 1998, des forces soudanaises prenaient part au conflit.)
19. Comme nous l’avons également vu, selon les a nnexes à la réplique de la RDC, les forces
soudanaises furent déployées très loin vers l’est, jusqu’à Isiro, d’où il est aisé de frapper l’Ouganda.
L’aéroport d’Isiro est d’ailleurs à même d’accueillir des hélicoptères de combat, des avions de
transport de troupes ou de matériel de taille moyenne ainsi que des avions de combat légers. Il ne
se trouve qu’à 320 kilomètres des villes frontières ougandaises.
14 20. Ces divers faits ont été invoqués par l’Ouga nda à l’appui de sa thèse de la légitime
défense. Ils démontrent que, au mois d’août et au début du mois de septembre 1998, les attaques
armées de plus en plus violentes lancées contre l’Ouganda par des groupes rebelles basés en
territoire congolais furent encouragées et facilitées par la présence militaire et le soutien
opérationnel et logistique direct du Soudan, de t oute évidence autorisés par le Gouvernement de la
RDC. Concernant ce dernier aspect, il n’est pas in utile de noter que le Gouvernement de la RDC
n’a jamais présenté l’intervention militaire souda naise ou tchadienne comme une «invasion», ni
appelé au retrait des troupes soudanaises ou tchadi ennes. Leur présence et l’objet de leur mission
en RDC étaient de toute évidence approuvés par les autorités congolaises.
Toutefois, plutôt que de - 9 -
nier ces faits, tout ce qu’ont réussi à faire la RDC et ses conseils a été d’affirmer haut et fort : «pas
de commentaires».
21. Le silence de la RDC face à ces divers faits est ⎯pour emprunter un mot au distingué
conseil de la Partie adverse ⎯ «assourdissant». Mais il n’a rien de ce que M.Salmon pourrait
qualifier de «silence de mépris». Au contraire, ce silence n’est dû qu’à la pleine conscience des
faits. Je ne critiquerai pas M. Salmon et ses collègue s pour avoir manqué de nier les faits précis et
détaillés démontrant un engagement militaire du S oudan en RDC, ou sa participation directe ou
indirecte à des attaques armées contre l’Ouganda à partir du territoire congolais. Au contraire, je
les félicite d’avoir eu l’honnêteté de ne pas nier ce qu’ils savaient être vrai. Je suis sûr que, en tant
qu’hommes intègres, ils ne se déshonoreraient p as en adoptant soudain une attitude opposée, et
qu’ils ne se permettront donc pas vendredi, lors de leur exposé final devant la Cour, qui n’est
supposé concerner que les demandes reconventionnelles de l’Ouganda, de nier ce qu’ils ont jusqu’à
présent constamment omis de nier, que ce soit dans les trois longues pièces écrites déposées par la
RDC ou au cours de ces troissemaines de procé dure orale. En toute hypothèse, une telle
dénégation, au tout dernier moment et juste avant que le rideau ne tombe, qui plus est dans des
circonstances qui ne permettrai ent pas à l’Ouganda de rétorque r, apparaîtrait comme un geste
désespéré, totalement déplacé et entièrement dépourvu de crédibilité.
22. S’ils devaient à ce moment-là, foulant au pied tout sens moral, vous citer telles ou telles
pages de la réplique dans lesque lles ils prétendraient avoir nié le rôle militaire du Soudan dans le
conflit en cause, et la collaboration entre le Soudan et la RDC, mon humble conseil serait d’aller y
voir de près, comme je l’ai fait. Vous découvrir iez alors qu’il ne s’agirait que de mettre à mal les
moyens de preuve de l’Ouganda. Les faits précis et détaillés que je vous ai décrits ici ce matin,
ainsi que lors de ma plaidoirie du 15 avril, ne s ont jamais expressément niés par la RDC dans ses
écritures.
15 23. A défaut de pouvoir nier les faits, mes émin ents contradicteurs s’emploient à faire porter
leur offensive sur l’insuffisance des preuves de l’Ouganda. Ils s outiennent en particulier que les
allégations de fait précises avancées par l’Ouganda quant à la présence et aux activités militaires du
Soudan au Congo émanent des services de renseigneme nts militaires de l’Ouganda, et ne sauraient
constituer une preuve, du fait qu’ils proviennent de l’une des Parties à la procédure, ce qui les prive - 10 -
de toute fiabilité et les rend en même temps irrecev ables. Il s’agit là d’une façon grossièrement
erronée de présenter le droit de la preuve, ainsi que mon confrère Ian Brownlie l’exposera plus en
détail ce matin. Les moyens de preuve avancés par l’Ouganda sont bel et bien des moyens de
preuve. Le fait qu’ils proviennent d’une Partie à la procédure peut certes influer sur l’importance
que la Cour décidera d’y attacher, mais ne les rend pas pour autant irrecevables. Quant au poids
que la Cour devrait leur accord er, nous ne doutons pas qu’elle tie ndra compte du fait que la RDC
n’a jamais spécifiquement ni expressément nié les moyens avancés. Face à la volonté
particulièrement révélatrice de la RDC de s’en tenir au «pas de commentaire», l’Ouganda affirme
que les éléments de preuve qu’elle a avancés n’ont en rien été réfutés, et méritent donc qu’une
importance particulière leur soit attachée. En t out état de cause, et comme nous l’avons vu, les
moyens de preuve avancés par l’Ouganda sont pleinement corroborés par les documents mêmes
figurant en annexes aux propres écritures de la RDC.
24. Etant incapable de nier les faits déci sifs démontrant une présence et des activités
militaires soudanaises au Congo hostiles à l’Ouganda au mois d’août et au début du mois de
septembre1998, la RDC et ses conseils ont rétorqué en développant deux arguments.
Premièrement, et ainsi que je viens de l’explique r, ils ont nié la valeur probante des moyens
avancés par l’Ouganda. D’où la ritournelle creuse des trois conseils selon laquelle il n’y aurait
aucune preuve —aucune preuve— susceptible de venir à l’appui des demandes de l’Ouganda.
Ainsi que nous l’avons vu, il est i nutile d’aller plus loin que les propres écritures de la RDC et les
éléments de preuve documentaires qu’elles contiennent pour trouver des éléments probants
suffisants corroborant les affirmations de l’O uganda quant au rôle du Soudan —rôle qui, il
convient de le répéter, n’a jamais été expressément nié par la RDC.
25. Quant au second argument contraire de la RDC, développé pour la première fois lors des
présentes audiences, il consiste à affirmer que les activités militaires menées au Congo par le
Soudan contre l’Ouganda sont dé pourvues de pertinence. La nouve lle théorie de la RDC est que,
puisque l’Ouganda a «envahi» la RDC le 7 août1998, toute collaboration militaire contre
l’Ouganda qui serait intervenue entre la RDC et le Soudan —ou entre la RDC et les groupes
rebelles ougandais — après cette date relèverait de la légitime défense de la part de la RDC. Dès
lors, selon la RDC, il n’est même pas besoin d’ex aminer si, après le 7août1998, la RDC ou le - 11 -
Soudan ont mené telle ou telle action de manière individuelle ou en collaboration, puisque, dans
l’un et l’autre cas, il s’agirait de légitime défense. Ainsi, outre sa ligne de défense fondée sur «pas
16 de commentaire», la RDC oppose maintenant un « non pertinent» aux preuves irréfutables d’une
collaboration entre la RDC, le Soudan et les rebelles ougandais dans les attaques armées menées
contre l’Ouganda.
26. C’est cette théorie qui a été à grand peine énoncée par M. Corten vendredi dernier. Ainsi
que la Cour voudra bien se le rappeler, il a insist é plusieurs fois sur le fait que les périodes à
considérer étaient au nombre de deux, à savoir la période venant avant le 7août1998, qui serait
pour lui caractérisée par une absence de preuve de toute collaboration entre le Gouvernement de la
RDC et les groupes rebelles ougandais et le Soudan, et la période venant après le 7août1998, à
l’égard de laquelle il affirme que la collaboration intervenue entre la RDC et ses alliés soudanais ou
anti-ougandais n’aurait pas été illicite, puisque tout ce qu’aurait fait la RDC à l’encontre de
l’Ouganda après le 7 août 1998 relèverait de la légitime défense.
Les éléments de preuve contenus dans les écritures de la RDC mettant en évidence
une complicité entre celle-ci et les rebelles ougandais
27. Je reviendrai dans quelques instants sur l’accent que tente aujourd’hui de placer la RDC
sur la date du 7 août 1998. Je voudrais aupara vant compléter ma réponse à l’argument avancé par
la RDC selon lequel il n’y aurait aucune preuve — aucune preuve — que la RDC ait collaboré avec
le Soudan ou des groupes rebelles ougandais dans des attaques armées visant l’Ouganda. J’ai déjà
porté à l’attention de la Cour la quantité impressionnante d’éléments de preuve — tirés des propres
écritures de la RDC, rien moins que cela— quant à l’utilisation, par le Soudan, du territoire
congolais afin de mener et de soutenir des atta ques armées contre l’Ouganda, ainsi que de la
collaboration entre le Gouvernement de la RDC et le Soudan à cet égard. Il me reste à présent à
traiter des preuves d’une collaboration entre le Gouvernement de la RDC et les groupes rebelles
ougandais dans les attaques armées menées cont re l’Ouganda, preuves qui sont tout aussi
impressionnantes, malgré l’observation faite par M. Salmon à la Cour selon laquelle «il n’y a
toujours pas la moindre preuve que la RDC ait appuyé les mouvements rebelles ougandais». J’ai
eu l’occasion, dans ma présentation liminaire lo rs du premier tour des présentes plaidoiries,
d’examiner certains des éléments de preuve concernant la collaboration entre le Gouvernement de - 12 -
la RDC et les groupes rebelles ougandais; je ne me répéterai donc pas aujourd’hui, et me
contenterai de renvoyer la Cour, pour un examen de ces divers élém ents de preuve, à la page29,
paragraphes 40 à 44, du CR 2005/6. Je me bornerai aujourd’hui à examiner les seuls éléments de
preuve qui n’ont pas été auparavant abordés lors des plaidoiries, en commençant, comme je l’ai fait
tout à l’heure, par ceux qui figurent dans les propres écritures de la RDC.
28. Je citerai tout d’abord le paragraphe3.24 de la réplique de la RDC, qui cite, en en
confirmant la valeur, un document daté du 13 août1998. Après avoir décrit ce qu’il présente
17 comme la «scission entre les trois anciens alliés — l’Ouganda, la RDC et le Rwanda», le document
sur lequel s’appuie la RDC décrit «un nouvel ordre géopolitique dans la ré gion», dans le cadre
duquel le président Kabila
«recherchait de nouvelles alliances externes avec le Soudan, Cuba, la République
centrafricaine, le Zimbabwe et l’Angola, ainsi qu’avec des groupes internes, tels que
l’ancienne armée rwandaise et les milices Interahamwe, d’anciens généraux du
présidentMobutu, les Mai Mai, les rebelles des ADF et les insurgés du Burundi
hostiles aux régimes en place au Rwanda, en Ouganda et au Burundi».
29. Je citerai à présent quelques passages du livre de Jean-Pierre Bemba, reproduit à
l’annexe 68 à la réplique de la RDC :
«Dès le début de l’année1998, des camps d’entraînement secrets sont ouverts
pour la formation des génocidaires rwandais . A l’étranger, [le président] Kabila
envoie au Soudan, ennemi juré de l’Ouga nda, plusieurs dizaines de jeunes Congolais
—pour la plupart originaires d’une même province— afin de leur permettre
d’accéder aux méthodes du terrorisme et de la guérilla… Les services de
renseignements rwandais informent [le président] Kagame des manŒuvres [du
président] Kabila.» (P. 6.)
30. Je citerai à présent un rapport dont la RDC fait état à cinq reprises dans sa réplique en le
présentant comme digne de foi :
«Dès février 1998, les Rwandais comme ncèrent à planifier une intervention;
l’Ouganda s’y serait opposé au motif que cette intervention ne présenterait aucune
crédibilité ni au plan international, ni au plan régional. (P. 21.)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Au début de 1998, tous les chefs de services de renseignements se réunirent à
Kampala pour y discuter de la situation au rega rd de la sécurité et préparer un certain
nombre de sommets de chefs d’Etat… L’autre réunion entre les mêmes personnes se
tint à Kinshasa, où l’Ouganda, le Rwanda, l’Angola et le Zimbabwe furent choqués
d’apprendre que le Soudan y avait également été invité. La réunion de chefs d’Etat
sur la sécurité fut donc annulée. (P. 21-22.)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 13 -
En mai 1998, il commença à apparaître que le président Kabila se préparait lui
aussi à la guerre avec le Rwanda et l’Ouganda. (P. 21.)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Selon BizimaKaraha [qui était alors ministre des affaires étrangères du
président Kabila], [le président] Kabila se rendit en secret en juin1998 pour y
rechercher une assistance en vue de préparer une attaque contre le Rwanda et
l’Ouganda. (P. 22.)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
En privé, les responsables régionaux des services de sécurité se plaignaient du
caractère ambigu du président Kabila. Tout en permettant aux troupes ougandaises de
pénétrer au Congo pour y poursuivre les rebelles des ADF, il semblait proposer, dans
le nord-est du pays, un couloir par leque l le Soudan se trouvait en mesure de
parachuter des armes destinées aux rebelles anti-ougandais. L’intensification des
attaques lancées depuis le Congo par des groupes rebelles contre le Rwanda et
l’Ouganda en février 1998, et l’appare nte tolérance du Gouvernement de la RDC
vis-à-vis de la présence de ces groupes, accrût l’impression que le président Kabila
avait trahi ses anciens alliés, qui l’avaien t aider à prendre le pouvoir en 1997.»
(P. 22.)
31. Ces diverses preuves d’une collaboration entre le Gouvernement de la RDC et des
groupes rebelles anti-ougandais ainsi qu’avec le Soudan sont tirées, comme je l’ai dit plus haut, des
18 propres écritures de la RDC et de documents qui y sont annexés ou cités comme dignes de foi. Je
pense que la dernière citation tirée de ces pièces répondra de manière satisfaisante à la question
posée par MM. Salmon, Corten et Klein —ceux-ci ayant un penchant à se répéter les uns les
autres— quant à savoir comment il était possibl e que le président Kabila eût coopéré avec
l’Ouganda en permettant aux troupes ougandaises de combattre les troupes rebelles en territoire
congolais, tout en collaborant avec ces groupes rebelles, à la fois directement et par l’intermédiaire
du Soudan. La réponse, que la RDC nous fournit elle-même, est que le président Kabila jouait
double jeu, ou, selon l’expression employée dans le document présenté par la RDC, témoignait
d’un caractère «ambigu», puisqu’il entretenait secrètement une pression militaire contre l’Ouganda
alors que, selon toutes les apparences, il apportait son soutien à celui-ci.
32. Il convient aussi de se rappeler que la politique du Congo connut une évolution au cours
de l’année critique1998, durant les six premiers mo is de laquelle le président Kabila s’efforça de
se débarrasser du Rwanda. La politique du Con go passa ainsi d’une forme de coopération avec
l’Ouganda au début de l’année à une période hy bride de semi-coopération avec l’Ouganda et de
collaboration simultanée avec ses e nnemis, pour enfin se transformer, en août et septembre1998, - 14 -
en une politique d’appartenance ouverte à une allia nce anti-ougandaise avec le Soudan, le Tchad,
les groupes rebelles anti-ougandais et d’autres él éments du même acabit, parmi lesquels les
ex-FAR et les milices Interahamwe.
Les éléments de preuve produits par l’Ouganda
33. Les documents émanant des services de renseignements militaires présentés à la Cour par
l’Ouganda et annexés à ses écritures confirment amplement cette évol ution de la politique
congolaise. Tous sont des documents originaux, cont emporains des faits. Ils n’ont été ni altérés ni
expurgés. Lorsqu’il s’agissait de déclarations ou de documents manuscrits, ils n’ont pas été
retranscrits. Les fautes de grammaire et d’orthograp he et les erreurs manifestes de dates ou de
lieux n’ont pas été corrigées. Ces documents sont parfaitement authentiques. Les informations
proviennent de transfuges, de rebelles faits prisonniers, d’agents des services de renseignements, ou
ont été obtenues à la suite de l’interception de communications électroniques. Il suffit d’ailleurs de
se replacer dans le contexte pour se convaincre de leur authenticité. Le Gouvernement et les forces
armées de l’Ouganda les ont jugées suffisamment fiab les pour fonder sur elles leur stratégie et leur
tactique militaires, ou puiser en elles confirmati on de renseignements déjà en leur possession. Ces
documents n’ont pas été forgés de toute pièce après les faits ni aux fins de la présente affaire. Non
—ils émanent des services de renseignements militaires, et il a fallu les d éclassifier pour que les
19 conseils de l’Ouganda puissent s’en servir. Le fait qu’il s’agisse de documents ougandais a
peut-être des conséquences en ce qui concerne le ur force probante, mais non leur recevabilité en
tant que moyens de preuve. Leur contenu, les circonstances dans lesquelles ils ont été établis, et le
fait que la plupart des informations qu’ils comportent sont corroborées par d’autres sources, y
compris les annexes aux propres écritures de la RDC, sont autant de facteurs confirmant le poids
qu’il convient de leur reconnaître.
34. Pour ne pas infliger à la Cour un expo sé excessivement long, je ne donnerai lecture que
de quelques extraits. Je commencerai par un document daté du 2 juillet 1997 :
«Depuis peu, la structure de commande ment de l’AFDL [il s’agit des forces
fidèles au président Kabila] le long de la frontière a été modifiée. Les
commandantsBanyamulenge [c’est-à-dire tuts is congolais] loyaux ont été remplacés
par d’anciens commandant des FAZ, reconvertis [les FAZ étaient les forces armées du
présentMobutu]. Il s’agit de ceux-là mê mes qui opéraient aux postes frontières et - 15 -
offraient refuge à ces dissidents sur le sol congolais. Compter sur eux pour surveiller
les agissements de groupes auxquels ils appart enaient autrefois, ou y mettre un terme,
serait imprudent.» (CMO, annexe 12.)
35. Je citerai à présent un autre document, un peu plus récent, en date du 23 février 1998 :
«L’ancien commandant opérationnel de br igade, le colonelEbamba, a été
réaffecté ici en qualité de commandant de brigade, de même que plusieurs des anciens
officiers. Cet officier avait la charge directe de l’organisation, de l’entraînement, du
contrôle du financement, et des opérati ons de la NALU [c’est-à-dire de l’Armée
nationale de libération de l’Ouganda] jusqu’au dernier moment, lorsque celle-ci a
attaqué l’Ouganda le 13 novembre1996 à Bwera… La population se demande s’il
n’est pas venu pour fournir des armes et des munitions à l’ennemi, tout
particulièrement au vu du fait que celui-ci compte des membres des FAZ… Il serait
préférable qu’il soit rappelé immédiatement, de même que la plupart des autres
membres des FAZ qui opéraient en ces lieux et dominent maintenant les forces
présentes ici.» (CMO, annexe 18.)
36. Le passage suivant est tiré de la dépositio n de Fred Tukore, transfuge des ADF, en date
du 27 juin 1998 :
«Ont été identifiés jusqu’à présent comme collaborant à ce groupe les colonels
Ebamba (Beni) et Mayala, commandant de brigade à Bunia. Ceux-ci doivent agir
comme intermédiaires entre les rebelles et le Gouvernement de la RDC en vue de
soutien logistique et d’asile si la situation vient à empirer.» (CMO, annexe 20.)
37. L’extrait suivant est tiré de la déposition de Junju Juma, commandant des ADF :
«En 1998, les ADF ont décidé de passer le même accord avec le gouvernement
de Kabila pour lutter contre le Gouvernem ent de l’Ouganda. Le colonel Ebamba,
représentant du gouvernement de Kabila, a accepté de soutenir à cette fin les ADF.
Plus tard, un lien a été établi entre les ADF , le Soudan et la RDC, de sorte que des
armes ont été livrées et un appui logistique apporté aux ADF par l’intermédiaire du
Gouvernement de la RDC.» (CMO, annexe 64.)
38. La suite de cette évolution de la politique congolaise est attestée par la déposition de
Lyavala Ali, dirigeant des ADF :
20 «Vers 1998, Kabila s’est br ouillé avec Museveni. J’ ai moi-même commencé à
établir des liens avec Kabila par l’intermédia ire de ses agents dans la région. Parmi
les membres de la délégation qu’il nous a envoyée en vue des négociations, figuraient
un pasteur de Butembo et une autre personne dont j’ai oublié le nom. La ville de Beni
n’était pas encore tombée aux mains de l’Ou ganda. [Ce qui veut dire que cet épisode
est antérieur à l’entrée des forces ougandaises à Beni, le 7août1998.]» (CMO,
annexe 71.)
39. Et la trame continue de se déroul e:r voici un extrait de la déposition
d’Issa Twatera Embundu, commandant des ADF :
«Il en est résulté une réunion avec trois commandants des FAC. Le chef
(responsable local) de Masambu a pris des di spositions pour la tenue de la réunion.
Les trois commandants ont exprimé leur déception à l’égard du gouvernement de
Museveni et ont promis leur soutien aux ADF. Après cette réunion, ils en ont fait part - 16 -
au colonel Ebamba des FAC à Beni, qui a transmis à son tour le message au président
Kabila…, ce dernier a accepté de soutenir les ADF… Le Gouvernement du Congo a
ensuite commencé à fournir des munitions.» (CMO, annexe 76.)
40. Le commandant Embundu a aussi déclaré :
«[L]es FAC ont commencé à fournir des armes et des munitions en grandes
quantités, du matériel a été transporté par avion entre le Soudan et Kisangani, mais les
UPDF ont pris Kisangani [la Cour se rappellera que le détachement d’un bataillon des
UPDF à Kisangani date du 1 eseptembre1998] avant que les ADF aient pu se saisir
des armes. Kabila a alors pris des dispositions pour livrer d’autres armes et a envoyé
les ADF afin de les récupérer. Une équipe de cinq personnes menées par Moses a été
envoyée à Kinshasa pour négocier avec Kabila par l’intermédiaire de Khartoum. Ont
suivi deux parachutages d’armes et de munitions sur les bases des ADF dans le
Ruwenzori.» (Ibid.)
e
41. Enfin, je voudrais répondre à M Kalala, qui a récusé l’affirmation de l’Ouganda selon
laquelle Taban Amin, fils d’Idi Amin et dirigeant d’ un groupe rebelle, le Front de la rive ouest du
Nil (WNBF), avait été nommé par le président Kabila général de division des FAC (l’armée
congolaise). Nous avons aujourd’hui remis à la Cour un nouveau rapport, qui relève du domaine
public, daté du 20 janvier 2005, concernant les déclarations faites à ce sujet par Taban Amin, rentré
en Ouganda à la suite de l’amnistie accordée par le gouvernement aux anciens rebelles :
«L’ancien dirigeant rebelle du Front de la rive ouest du Nil (WNBF),
Taban Amin, a indiqué avoir été promu général de division par l’ancien président de la
République démocratique du Congo, LaurentKabila. TabanAmin s’en est pris hier
au major Shaban Bantariza, porte-parole de l’armée, qui lui avait contesté ce rang. Le
fils de l’ancien dictateur Idi Amin a s outenu qu’il tenait celui-ci du Gouvernement de
la République démocratique du Congo, du temps de la présidence de Laurent Kabila.»
Avec la permission de la Cour, nous ferons figurer ce document à l’onglet 20 du dossier des juges.
42. Monsieur le président, Madame et M essieurs de la Cour, j’espère que vous me
pardonnerez de m’attarder si longuement sur les preuves que les attaques ar mées perpétrées contre
l’Ouganda l’ont été dans le cadre d’une collabor ation de la RDC avec le Soudan et les groupes
rebelles ougandais. J’estime —et j’espère que la Cour en conviendra— qu’il s’agissait là d’une
réponse à la fois nécessaire et proportionnée à l’atta que en règle contre les moyens de l’Ouganda à
laquelle se sont livrés M. Salmon et ses collègues. Ceux-ci ont, je le rappelle , maintes fois répété
21 qu’il n’y avait aucune preuve — aucune preuve — à l’appui des allégations de l’Ouganda, qui voit
dans certaines attaques menées à son encontre, tant avant qu’après le 7août1998, le fruit d’une
collaboration active ou passive de la RDC avec le Soudan comme avec les groupes rebelles
ougandais. - 17 -
Il n’y a pas eu d’invasion de la RDC par l’Ouganda en août 1998
(ni par la suite)
43. J’en viens maintenant à la thèse de la RD C selon laquelle le 7 août 1998 serait une date
critique en l’espèce, qui marquerait un tournant décisif. La RDC affirme avoir été «envahie» par
l’Ouganda ce jour-là; ce serait donc dans l’ex ercice de sa légitime défense qu’elle aurait ensuite
mené ou soutenu des activités armées contre l’O uganda, en collaboration avec les groupes rebelles
ougandais et le Soudan. Je voudrais d’emblée faire remarquer que cette thèse attribuant au 7 août
une importance capitale est récente, et fort él oignée de celle défendue par la RDC dans ses
écritures. La RDC a d’abord soutenu que l’Ougand a était à l’origine de la rébellion congolaise qui
a éclaté contre le présidentKabila et son gouvernem ent le 2août1998, et avait envahi la RDC le
même jour pour prêter main forte aux rebelles. Toutefois, la RDC a en tous points renoncé à cette
thèse à l’audience. Ce changement de positi on semble obéir à une double motivation.
Premièrement, la thèse selon laquelle l’Ouganda aura it été à l’origine de la rébellion congolaise du
2août ou aurait dépêché des hommes en soutien aux rebelles n’est nullement étayée par les
éléments de preuve. Ceux-ci m ontrent en revanche que c’est le Rwanda —et non l’Ouganda—
qui a encouragé la rébellion congolaise et aussitôt envahi la RDC, avançant rapidement jusqu’au
centre du pays. Deuxièmement, la RDC semble avoi r modifié sa position afin de s’abriter derrière
de nouveaux documents soumis par elle à la Cour ap rès la clôture de la procédure écrite. Il s’agit
d’extraits de dépositions faites par des officiers des UPDF devant la commission Porter à propos de
l’opération «Safe Haven», évoqués par le RDC pour la première fois le 11 avril, et d’un document
dont la Cour n’a eu connaissance que vendredi de rnier, énumérant l’ensemble des mouvements de
troupes intervenus dans le cadre de cette opération entre le 7 août 1998 et le 31 juillet 1999.
44. Certes, ces documents montrent que des forces militaires ougandaises ont bel et bien été
déployées à Beni, dans l’est du Congo, le 7 août1998 —ce qui nous est présenté comme la
première avancée militaire réalisée dans la cadre de l’opération «Safe Haven». Mais il n’y a là rien
de nouveau. Dans son contre-mémoire, déposé voici plus de quatre ans, l’Ouganda faisait état de la
présence de ses forces, les 6 et 7août1998, à Beni, où elles ont essuyé une attaque conjointe des
22 ADF et de quelques unités de l’armée congolaise. L’Ouganda affirmait également, dans son
contre-mémoire, qu’après les affrontements de Beni, ses troupes s’étaient déployées à Bunia,
également en zone frontalière, s’em parant de son aérodrome le 13août ⎯un point qui ressort du - 18 -
document consacré à l’opération «Safe Haven» présen té par M. Corten vendredi dernier. Ce
document fait également référence à deux avancées des UPDF que j’ai relatées dans ma plaidoirie
du 15 avril — en direction de Watsa, également en zone frontalière, le 29 août, et de Kisangani, le
er
1 septembre. En digne fauteur de zizanie qu’ il se plaît à être, M.Salmon s’emploie à donner
l’impression que l’Ouganda s’est contredit au sujet de ces avancées. Il l’accuse d’avoir affirmé
dans ses écritures qu’aucun mouvement de troupes n’avait eu lieu en RDC au mois d’août1998
pour ensuite se dédire à l’audience. Mais, ainsi qu’il ressortait ⎯ déjà ⎯ clairement de son
contre-mémoire, l’Ouganda a toujours reconnu que des soldats ougandais étaient présents dans la
région frontalière de l’est du Congo, et en partic ulier à Beni et à Bunia, à partir des 7 et
13 août 1998, respectivement.
45. Des quatre contingents des UPDF stationnés dans l’est du Congo entre le 7août et le
1erseptembre, seul celui de Béni a été attaqué. Il s’agissait du contingent qui se trouvait à Béni et
dans les environs depuis plus d’un an, c’est-à-dire depuis la première fois que le présidentKabila
avait invité des soldats ougandais à se poster da ns les zones frontalières de l’est du Congo pour
mettre un terme aux activités des ADF et d’autres groupes rebelles ougandais.
En ce qui concerne Bunia, une autre localité proche de la frontière dans laquelle des soldats
ougandais opéraient et se rendaient régulièrement depuis plus d’un an, avec le consentement du
présidentKabila, la RDC, au pa ragraphe2.59 de sa réplique, dit ceci: «Grâce à la complicité de
M. Kibonge, commandant de la 225 ebrigade des FAC basée à Bunia, l’UPDF a occupé Bunia sans
combat, le 12août1998.» En d’autres termes, les forces dites «d’invasion» ont été accueillies à
Bunia par le commandant de l’armée congolaise. Il n’y a pas eu non plus le moindre combat à
er
Kisangani, lorsqu’un bataillon des UPDF s’est déployé dans l’aéroport de la ville le 1 septembre.
Kisangani avait été prise par des soldats rwanda is et leurs alliés rebelles congolais du RCD, peu
après le déclenchement des hostilités, le 2 août. Ainsi que la RDC le déclare dans sa réplique, dont
j’ai déjà lu des pass ages ce matin, l’aéroport de Kisangani était une plaque tournante pour la
livraison des armes et munitions que le Gouvernem ent de la RDC et le Soudan fournissaient aux
ADF et à d’autres groupes rebelles ougandais. C’est pourquoi l’Ouganda a accepté l’invitation du
Rwanda et des rebelles congolais, afin de faire en sorte que l’aéroport ne soit plus utilisé pour
ravitailler les groupes rebelles qui lui étaient hostiles. - 19 -
23 46. Reportons nous de nouveau au document relatif à l’opération «Safe Haven». Rien
d’autre n’a eu lieu ⎯ absolument rien ⎯ avant le 17 septembre 1998. Voilà tout. Rappelons que
c’est la RDC qui a invoqué ce document dans le cad re de sa thèse, et qu’elle a attendu vendredi
dernier pour en faire état devant la Cour. Que lle serait, selon ce document, la date de l’«invasion»
de la RDC par des forces ougandaises? Ce n’est pas le 7août à Béni: des soldats ougandais se
trouvaient déjà dans le secteur, avec le consentement de la RDC, depuis plus d’un an. Ce n’est pas
le 13août, lorsque ces soldats ont pénétré dans Bunia, qui se trouvait aussi dans leur zone
d’opération habituelle depuis plus d’un an et où ils ont été accueillis comme des forces amies, non
comme des envahisseurs, par le commandant de la brigade congolaise de cette ville. Ce n’est pas
le 29 août, lorsqu’ils ont gagné Wat sa, localité située elle aussi dans la zone frontalière. Ce n’est
pas non plus lorsqu’un petit contingent est arrivé à Kisangani, dont le Rwanda s’était déjà emparé,
pour garder l’aéroport. Et il n’y a certainement pas eu invasion lorsque ces quatre petits
contingents sont restés sur place, sans en bouger, pendant toute la période antérieure au
11 septembre.
47. La RDC et ses conseils n’ont pas contesté les éléments fournis par l’Ouganda quant au
nombre ou à la position des soldats des UPDF dans l’est du Congo au mois d’août et au début du
mois de septembre 1998. Comme l’Ouganda l’a décl aré, au cours de cette période, seuls quelques
modestes renforts ont été dépêchés aux quelque 2000hommes qui se trouvaient dans le secteur
depuis avril1998 au moins, en vue de renforcer la protection de ses frontières après le
déclenchement de la guerre civile dans l’est du Congo et l’effondrement total du dispositif de
maintien de l’ordre dans la région. En outre , la présence de ces troupes était strictement limitée
aux zones frontalières de l’est du Congo, à l’ex ception d’un petit contingent tenant l’aéroport de
Kisangani, carrefour où transitaie nt les livraisons destinées aux zones frontalières. C’est ce que
confirment tous les extraits de témoignages d’officiers ougandais interrogés par la commission
Porter, que j’ai évoqués le 15avril, ainsi que le nouveau document sur l’opération «Safe Haven»
que les conseils de la RDC ont présenté vendred i dernier. Là encore, la thèse de la RDC est
démentie par ses propres documents; ceux-ci mont rent incontestablement qu’il n’y a pas eu
«invasion» ougandaise de la RDC en août 1998. - 20 -
Il n’y a pas eu d’«offensive conjointe» en août 1998
48. Lundi, M. Corten a invoqué la déposition faite devant la commission Porter par l’ancien
général ougandais JamesKazini pour étayer l’ar gument selon lequel il y aurait eu une invasion
ougandaise de la RDC le 7 août 1998. Mais le général Kazini n’a rien affirmé de tel. Il a en réalité
dit deux choses, que M. Corten a tenté de confondr e en une seule et même idée. Premièrement, le
24 général Kazini a déclaré à la commission Porter que l’opération «Safe Haven» avait commencé le
7août à Béni. Personne ne le conteste. De uxièmement, en réponse à une autre question, il a
affirmé que, dans le cadre de cette opération, d es forces ougandaises avaient «décidé de lancer une
offensive conjointe avec les rebelles». Le généra l Kazini n’a jamais déclaré que cette offensive
avait été lancée le 7 août. Il n’a attribué aucune date au début de l’offensive. La meilleure preuve
⎯ et en fait la seule ⎯ que nous ayons sur la date de l’offensive conjointe réside dans le document
relatif à l’opération «Safe Haven» que la RD C a présenté vendredi dernier. Il s’agit ⎯ comme les
conseils de la RDC l’ont justement déclaré ⎯ d’une liste exhaustive recensant toutes les activités
militaires menées en RDC par les UPDF, ainsi que par des forces rebelles congolaises alliées, entre
le mois d’août 1998 et le mois de juillet 1999. Cette liste énumèr e les opérations militaires que les
UPDF et les forces rebelles congolaises ont menées conjointement à partir de juin 1999, lorsque les
UPDF se préparaient à lancer leur offensive maje ure et finale contre Gbadolite. Ces opérations
figurent dans les lignes 47, 49, 52, 54, 55 et 64 du tableau, qui désignent les unités impliquées sous
le sigle «FLC», les initiales des forces armées du MLC. On voit que le MLC a pris part à
l’offensive conjointe contre Gbadolite entre le 30 juin et le 4 juillet 1999.
49. J’ai lu un peu plus tôt des extraits du livre de Jean-Pierre Bemba, annexé à la réplique et
cité dans celle-ci, qui confirment que le MLC a combattu aux côtés des UPDF dans le cadre d’une
offensive conjointe contre Gbadolite. Le ML C, comme les conseils congolais nous l’ont
eux-mêmes rappelé à l’audience, n’a été créé que fi n septembre 1999 et n’a disposé d’une force de
combat opérationnelle que quelques temps plus tard. Il n’y a, en l’espèce, aucune autre preuve
d’une offensive menée conjointement par des fo rces rebelles ougandaises et congolaises. Pareille
offensive n’a tout simplement pas eu lieu en août 1998. - 21 -
Les documents officiels de la RDC eux-mêmes confirment qu’il n’y avait pas
de présence ougandaise à Kitona
50. Vendredi dernier, M. Corten a ressuscité le schibboleth de Kitona. On a, là encore, tenté
de faire croire que l’Ouganda avait «envahi» la RDC début août 1998. Il a de nouveau accusé les
troupes ougandaises d’avoir participé à l’attaque cont re Kitona, dans l’extrême-ouest du Congo, le
4 août 1998. Mais il n’a cité auc une preuve crédible pour appuyer ses dires. J’ai déjà souligné, le
15 avril, le caractère douteux et l’insuffisance des récits contradictoires de journalistes que la RDC
a présentés comme des preuves. En outre, j’ai i ndiqué que le pilote censé avoir transporté par
avion des soldats ougandais à Kitona ⎯et dont la déclaration sous serment vous était
expressément soumise pour démontrer mon propos ⎯ avait, en réalité, déclaré qu’il ne savait pas si
des soldats ougandais se trouvaient à bord de l’avion, et qu’il ne pouvait dire si l’un ou l’autre des
25 soldats était ougandais. Aussi ai-je été surpris d’entendre M.Corten, vendredi dernier, invoquer
cette même déclaration sous serment dans l’es poir de prouver que des soldats ougandais avait été
transportés par avion à Kitona.
51. En fait, j’ai été particulièrement étonné que M. Corten et la RD C cherchent à s’appuyer
sur ce témoignage sous serment, qui a été produit des années après les évén ements en question et
dans le but précis de servir la RDC en l’esp èce. MM.Corten et Salmon ont tous deux dénoncé
vigoureusement ce témoignage soumis par l’Ouganda, au motif qu’il avait été produit de manière
unilatérale et spécialement aux fins de la pr ésente affaire et qu’il était, dès lors, trop
fondamentalement vicié et sujet à caution pour qu e la Cour le considère comme une preuve.
L’Ouganda pourrait en dire de même, et à plus fo rte raison, des déclarations sous serment pro
domo récemment produites par la RDC. Non seulement les déclarations sous serment que la RDC
a soumises concernant Kitona ont été produites spéc ialement aux fins de l’affaire, mais encore
sont-elles toutes issues de la tristement célèbre DEMIAP, le redoutable service du renseignement
militaire de la RDC, qui a été maintes fois accu sée par des tierces parties indépendantes, dont le
département d’Etat des Etats-Unis, de commettre d es violations flagrantes des droits de l’homme,
notamment de torturer les malheureux qui avaient affaire à elle. Cela vaut également pour la
déclaration sous serment, préparée exclusivement aux fins de l’espèce, qui a été soumise au nom du
célèbre colonel Ebamba, l’officier de l’armée congolaise qui a facilité la coopération militaire entre
le Gouvernement de la RDC et les rebelles ougandai s. Si l’on applique les mêmes critères que - 22 -
MM.Salmon et Corten, l’ensemble de ces déclarations sous serment fraîchement produites et
pro domo, préparées spécialement pour l’affaire, devraient être considérées comme nulles.
52. Ce qui porte le coup de grâce aux allégations de la RDC sur Kitona, toutefois, ce sont les
déclarations qu’elle a faites elle-même, officiellement, à l’époque ⎯c’est-à-dire, celles qui n’ont
pas été établies spécialement aux fins de la présente affaire. Pour être plus précis, le 11 août 1998,
la RDC a formellement soumis à l’Organisation d es Nations Unies ses griefs concernant l’attaque
de Kitona. Voici ce que la RDC a déclaré à l’époque sur cette attaque, peu après les faits, et bien
avant qu’elle pense à introduire devant la Cour une instance contre l’Ouganda. Le document entier
figure dans l’une des pièces écrite s de la RDC, à l’anne xe41 de la réplique; je cite un extrait de
cette déclaration officielle de la RDC :
«Dès que le rapatriement des soldats rwandais s’est terminé, le Congo a été
victime d’une agression armée par le Rwanda et ses alliés… De nombreuses colonnes
de camions de l’armée rwandaise, bondés de soldats rwandais lourdement armés, ont
violé les frontières congolaises dans le dessein de prendre les villes de Bukavu et de
Goma les2 et 3août…Trois avions du type Boeing appartenant à des entreprises
26 privées congolaises et placés sous le comma ndement d’un ressortissant rwandais qui
avait été chef d’état-major des Forces armées congolaises jusqu’à la fin du mois de
juillet ont transporté quelque 800soldats rwandais vers la base militaire de Kitona,
dans la partie occidentale du Congo, dans le but de rallier les soldats congolais qui
étaient entraînés dans cette base et de prendre le port de Matadi, qui était vital pour
Kinshasa, la capitale congolaise…»
Les avions transportaient quelque 800 soldats rwandais.
53. Peu après, le 31août1998, la RDC a une nouvelle fois dénoncé l’attaque de Kitona
devant l’Organisation des NationsUnies, accusant là encore le Rwanda ⎯ et uniquement le
Rwanda ⎯ d’avoir mené cette attaque. Le deuxième rapport soumis par la RDC à l’Organisation,
à l’instar du premier, ne faisait aucune mention de l’Ouganda concernant l’a ttaque de Kitona. Seul
le Rwanda était accusé par la RDC d’avoir attaqué Kitona (MRDC, annexe 27, p. 7). Ayant attiré
l’attention de la Cour sur ces déclarations exha ustives que la RDC a officiellement adressées à
l’époque à l’Organisation des Nations Unies, point n’est besoin, selon moi, de s’attarder davantage
sur les événements de Kitona.
L’importance du 11 septembre 1998
54. La RDC n’est donc parvenue à avancer aucune preuve à l’appui de sa thèse initiale selon
laquelle des troupes ougandaises auraient envahi le Congo le 2 août 1998, ou immédiatement après - 23 -
cette date, ni de sa nouvelle thèse exposée au cours des présentes plaidoiries, selon laquelle des
troupes ougandaises auraient envahi le Congo le 7 août 1998. Les éléments de preuve montrent
que la date charnière de cette affaire n’était ni le 2août1998, ni le 7 août 1998, mais le
11septembre 1998. C’est la date à laquelle, pour des raisons dûment consignées dans une note
interne confidentielle que l’Ouganda a déclassifiée et présentée à la Cour, le haut commandement
ougandais décida de déployer des milliers de sold ats supplémentaires en RDC, afin de venir à bout
des rebelles ougandais et des forces armées conjointes opérant sous la conduite du Soudan et du
Tchad, qui menaient et soutenaient des attaques armées lancées contre l’Ouganda à partir du
territoire congolais. Le 15 avril, j’ai assez longuement commenté ce document, sa signification et
sa portée, et je ne me répéterai pas aujourd’hui. Je dirai simplement, au sujet de ce document
important, que la tentative faite par M.Corten, vendredi dernier, d’en interpréter les termes de
façon à ce qu’ils coïncident avec l’affirmation de la RDC selon laquelle des troupes ougandaises
auraient envahi le Congo avant le 11 septembre, non seulement pêche par manque de logique, mais
est indéfendable. M.Corten a mis l’accent sur le terme «maintenir» — citant, dans sa traduction
française le passage suivant du document en question : «the High Command sitting in Kampala this
11thday of September, 1998 resolves to maintain forces of the UPDF in the DRC in order to
secure Uganda’s legitimate security interests...» — pour s’exclamer en lui-même: «Ha, ha!
27 Maintenant je les tiens: «maintain» signifie les y laisser. Par conséquent, les forces ougandaises
mentionnées dans cette note devaient déjà s’y trouver le 11 septembre.»
55. Le raisonnement de M.Corten présente plusieurs faiblesses, toutes nuisibles à son
argument. Pour commencer, en anglais, le terme «maintain» n’a pas la même signification que
«retain». «Maintain» peut signifier laisser quelqu’un ou quelque chose en place, mais peut aussi
signifier mettre quelqu’un ou quelque chose en place et lui fournir son appui aussi longtemps qu’il
s’y trouvera. En tout état de cause, il est ridicule d’ergoter sur le choix des mots. Le document n’a
pas été écrit par des spécialistes du droit international et il n’était pas destiné à être publié. Il devait
servir à indiquer ce que le haut commandement c onsidérait comme une décision d’une importance
capitale, ce qui fut le cas. Quoi qu’il en soit, même s’il y avait quelque ambiguïté dans le choix des
mots, la signification du document est parfaitement illustrée par la conduite ultérieure de ceux qui
participèrent à sa rédaction. Les éléments de preuve fournis par la commission Porter, par - 24 -
exemple, que j’ai examinés le 15 avril, ont montré que, le 12septembre 1998, au lendemain de la
décision du 11 septembre, les troupes ougandaises reçu rent, pour la première fois, l’ordre de
marcher en direction de l’ouest à partir des pos itions qu’elles occupaient à l’époque dans les
régions frontalières de l’est du Congo et d’attaquer les forces soudanaises et tchadiennes qui se
trouvaient alors à Isiro. Dans les jours et les semaines qui suivirent, des milliers de soldats
ougandais furent envoyés en renfort en RDC, por tant finalement le nombre total des effectifs
déployés à près de dix mille hommes. Le mouvement amorcé par les forces ougandaises à partir
des quatre positions qui étaient les leurs dans l’est du Congo — Beni, Bunia, Watsa et l’aéroport de
Kisangani — est décrit dans le document concernant l’opération «Safe Haven», que la RDC a porté
à l’attention de la Cour vendredi dernier. Il ressort de ce document qu’il n’y eut aucun mouvement
er
d’aucune sorte entre le 1 septembre, lorsqu’un contingent des UPDF arriva à l’aéroport de
Kisangani, et le 17septembre, six jours après la décision du 11 septembre. En fait, l’Ouganda
n’introduisit aucun soldat de plus en RDC durant ce tte période et la RDC n’a fourni aucune preuve
du contraire. L’absence d’activité militaire avant le 11 septembre, comparée à l’important volume
d’activité qui suivit, démontre que la date char nière en l’affaire est celle du 11 septembre 1998,
étant donné que c’est la date à laquelle l’Ouganda décida d’introduire un nombre important de
nouveaux soldats au Congo et, pour la première fo is, de les déployer au-delà de la zone
immédiatement frontalière.
56. Les raisons pour lesquelles l’Ouganda prit cette décision d’une importance capitale sont
énoncées dans la note du 11 septembre. Dans nos précédentes interventions devant la Cour,
M.Brownlie et moi-même avons soigneusement explicité et examiné ces raisons et décrit les
28 circonstances qui conduisirent l’Ouganda à pre ndre cette mesure. Nos observations à cet égard
figurent dans le CR 2005/6, aux pages 38 et 39, pa ragraphes 60 et 61, et dans le CR 2005/7, aux
pages 14 et 15, paragraphes 18 et 19. Comme l’a expliqué M. Brownlie le 18 avril, et comme il le
réaffirmera aujourd’hui lorsqu’il me succédera à la barre, les mesures prises par l’Ouganda le
11 septembre et après cette date constituaient une réponse aux attaques armées menées, à partir du
territoire congolais, par des rebelles ougandais entièrement appuyés et dirigés par le Soudan, lequel
avait déjà engagé ses propres opérations militair es contre l’Ouganda en collaboration avec le
Gouvernement de la RDC. Il n’existe aucune preuve de quelque autre motif de la part du président - 25 -
Museveni et du haut commandement. L’idée avan cée par M.Sands lundi selon laquelle «l’accès
aux diamants, à l’or et aux autres ressources nature lles … est au cŒur … de [ce conflit]» est donc
dépourvue de tout fondement. En fait, la commissi on Porter — dont M. Sands garantit pleinement
l’indépendance, la précision et le sérieux ⎯ rejette totalement l’idée selon laquelle le président
Museveni ou le Gouvernement ougandais auraient envoyé les UPDF en territoire congolais pour
des raisons économiques ou commerciales. Une al légation aussi diffamatoire à l’encontre des
principaux dirigeants ougandais est tout simplement infondée et ne repose sur aucune preuve.
Remarques de conclusion
57. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, lorsque j’ai pris la parole devant
la Cour le 15 avril, en tant que premier interven ant de l’Ouganda, j’ai a ffirmé qu’il n’y avait en
l’espèce ni anges ni démons et que les deux Parties étaient des victimes. Que tel soit bien le cas,
j’ai la conviction que c’est ce que démontrent les éléments de preuve soumis à la Cour par les deux
Parties, tant au cours de la procédure écrite que durant les plaidoiries. La RDC est une victime.
Elle a été victime d’une invasion par des forces ét rangères, les forces rwandaises, qui ont presque
réussi à prendre Kinshasa et à renverser le Gouvernement de la RDC. L’Ouganda, lui aussi, est une
victime. Il a été victime d’une agression armée de la part d’une puissance étrangère, le Soudan.
Malheureusement, les deux Etats coupables d’i nvasion et d’agression armée n’ont pas pu être
amenés à être parties à la présente instance. Il est paradoxal et déplorable que seuls les deux Etats
victimes paraissent devant vous, réduits à en déba ttre entre eux. Deux pays pauvres, dont les
précieuses ressources qu’ils sont obligés de dépenser dans une procédure judiciaire seraient mieux
employées si elles pouvaient être investies dans des écoles, des hôpitaux, la lutte contre la
pandémie du sida et le développement économique. L’Ouganda reconnaît que le Gouvernement de
la RDC avait parfaitement le droit de se défendre et de défendre son territoire contre l’invasion
29 rwandaise, et le droit de solliciter l’assistance militaire d’Etats tiers. S’il n’avait pas obtenu cette
assistance, notamment celle du Zimbabwe et de l’ Angola, le Gouvernement de la RDC aurait très
certainement été renversé par l’armée rwandaise. Malheureusement l’une des trois puissances vers
laquelle la RDC s’est tournée pour obtenir un soutien militaire afin de se préserver était le Soudan.
Le Soudan n’était que trop disposé à fournir son aide, mais à une condition. Cette condition, c’était - 26 -
d’avoir toute latitude pour déployer ses propres forces dans l’est du Congo et intensifier les
attaques armées menées contre l’Ouganda par les rebelles ougandais qui agissaient pour son
compte, ainsi que pour attaquer l’Ouganda directement à partir des aérodromes stratégiques situés
dans l’est du Congo. La seule solution acceptable pour l’Ouganda consistait à engager ses forces
militaires en RDC pour venir à bout des groupes rebell es et de leurs maîtres. Voilà les faits. Voilà
ce que démontrent, au bout du compte, les preuv es. Dans ces conditions, l’Ouganda conclut très
respectueusement que l’affirmation de la RDC selon laquelle l’Ougand a aurait perpétré une
agression armée à son encontre ne repose sur aucun fondement solide, ni en fait, ni en droit.
58. Monsieur le président, Madame et Messieu rs les juges, je me souviens de ce que mon
excellent ami M.Sands a dit au début des plaidoi ries lorsqu’il a cité sir Robert Jennings, ancien
juge de la Cour, qui donnait le conseil suivant : présentez les faits simplement. En toute honnêteté,
je ne pense pas que l’une ou l’autre Partie ait su ivi ce conseil dans la présente espèce. Mais je
pense qu’elles ont toutes deux à cela quelque excuse, tant il est vrai que les faits sont en
l’occurrence loin d’être simples. Ils sont même d’une complexité extrême. Il ne sera pas aisé pour
la Cour de faire le tri. J’espère que ma tentative d’élucider ces faits, tentative qui a commencé le
15 avril et qui s’achève ici aujourd’hui, se révélera de quelque utilité pour la Cour, et allègera son
fardeau à cet égard.
59. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, ainsi se termine mon exposé sur
les preuves étayant la thèse de la légitime dé fense avancée par l’Ouganda. Ce fut à nouveau un
honneur pour moi que de plaider devant vous et je vous remercie de votre aimable attention.
J’aimerais à présent vous demander de bien vouloi r, Monsieur le président, si vous l’estimez
opportun, appeler à la barre mon éminent collè gue, M.Ian Brownlie, qui sera le prochain
intervenant de l’Ouganda, à moins que vous ne jugiez utile de profiter de ce moment pour faire une
pause.
30 Le PRESIDENT: Je vous remercie, Monsieur Reic hler. Il est temps de faire une pause de
dix minutes, après quoi je donnerai la parole à M. Brownlie.
L’audience est suspendue de 11 h 15 à 11 h 30. - 27 -
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Monsieur Brownlie, vous avez la parole.
M. BROWNLIE : Je vous remercie, Monsieur le président.
L A LEGITIME DEFENSE
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, dans mon premier exposé du
deuxième tour de plaidoiries de l’Ouganda, je répondrai aux arguments du Congo portant sur la
légitime défense. Et, ce faisan t, j’évoquerai certaines questions relatives aux moyens de preuve
ainsi que la problématique de l’occupation de guerre.
Commençons par la question de la preuve. Les représentants du Congo ont à maintes
reprises prétendu que la manière dont l’Ouganda tra ite cette question est fautive. L’Ouganda voit
ladite question autrement. La justice interna tionale est administrée dans un cadre parfaitement
respectueux du droit, et, après tout, nous sommes bien devant la Cour interna tionale de Justice.
C’est-à-dire que les principes régissant l’établissement de la preuve s’appliquent et qu’il faut les
appliquer avec la rigueur qui convient, et non pas avec la souplesse préconisée par nos éminents
adversaires.
Au second tour de plaidoiries, la position sur les questions de preuve n’a guère évolué.
M.Klein continue d’affirmer que rien ne prouve que le gouvernement central ait participé
directement aux agressions armées. Tel n’est pas le cas, comme mon collègue, M. Reichler, l’a fort
bien démontré ce matin.
Dans un autre contexte, celui des prétendues violations des droits de l’homme, M.Kalala a
critiqué la réponse faite par l’Ouganda à la présentation bancale, par nos éminents adversaires, de
leur thèse sur les droits de l’homme. Or, Monsieur le président, ce faisant, M. Kalala a simplement
tourné autour du problème sans le résoudre. En fait, à mon avis, en fin de compte, la confusion à la
fois couvre plus de terrain et est plus profonde. Qui plus est, les exemples concrets illustrant les
erreurs et l’identification erronée de groupes ar més que j’ai donnés dans mon exposé du premier
tour n’ont pas été contestés. Sur ces questions, le compte rendu d’audience est éloquent.
La délégation congolaise continue de tenir un raisonnement fort énigmatique en matière
31
d’établissement de la preuve. M.Kalala sou tient que, les documents officiels étant produits
«unilatéralement», ils doivent être considér és comme irrecevables. Mais ces documents, à - 28 -
l’évidence, sont, en raison de leur nature même, produits unilatéralement. Il s’agit d’éléments de
preuve, naturellement, tels qu’ils ont été admis dans de nombreuses affaires portées devant la Cour.
La manière dont le Congo traite la question des preuves est également inhabituelle sous un
autre aspect. Apparemment, il faudrait que les élém ents de preuve soient des documents ou des
instruments écrits. Quels sont les fondements ju ridiques de cette concepti on? Il n’en existe
strictement pas un seul. Il n’existe pas de sour ce faisant autorité qui limiterait ainsi la recevabilité
des preuves présentées. La conduite des Etats est un moyen de preuve parfaitement admis comme
tel, et ce fut, par exemple, le cas dans l’examen au fond de l’affaire du Temple de Préah Vihéar
(C.I.J. Recueil 1962, p.6). De surcroît, en 1949, lors de l’examen au fond de l’affaire du Détroit
de Corfou, la Cour a admis la preuve de ce qu’ elle a appelé l’«attitude» de l’Albanie
(C.I.J. Recueil 1949, p. 4).
En fait, ce à quoi obéit le Congo en adoptant cette méthode, c’est à la volonté d’exclure des
sources de preuve qui démentent sa thèse, et en particulier la preuve des réunions que des
responsables congolais ont eues à des étapes cruc iales avec les chefs des groupes armés basés à
l’est du Congo, ainsi que des réunions déterminan tes qui ont eu lieu entre des représentants du
Congo et des représentants du Soudan. La preuve de ces activités menées par le Congo émane
nécessairement jusqu’à un certain point des services de renseignement. Les gouvernements sont
autorisés à s’exprimer en se fondant sur ce qu’ils sont seuls à savoir. Lors de l’examen au fond de
l’affaire du Détroit de Corfou, le Royaume-Uni fut autorisé à faire état de l’existence d’une
ordonnance de l’amirauté relative à la finalité du passage des navires de guerre britanniques. La
Cour a aussi admis des éléments de preuve revêtant diverses formes qui concernaient le
comportement des deux gouvernements, et cela sans trop de difficulté.
De même, en l’affaire des Plates-formes pétrolières, la Cour n’a manifestement pas rejeté de
moyens de preuve au seul motif que les élémen ts présentés sous diverses formes auraient été
produits «unilatéralement» par les différents gouvernements en cause.
Et encore un point. Les représentants du Congo considéreraient comme irrecevables
jusqu’aux notes de protestation et rapports officiels produits, comme ce serait normal,
postérieurement à des incidents tels que le pillage d’une ambassade. Ces documents ne sauraient - 29 -
être écartés sur la base d’une présomption de nu llité ou d’irrecevabilité. Le respect du droit donne
certainement ici pour principe la présomption de régularité ou de validité.
Avant d’en finir avec cette question de la pre uve, je me dois, au nom de la délégation de
l’Ouganda, de répondre à l’allégation des conseils du Congo qui disent que des preuves auraient été
«fabriquées» par les représentants de l’Ouganda. Ce tte allégation, et elle a été répétée plusieurs
32
fois, est inacceptable. Il n’a été produit aucune preuve de la fabrication. Assurément, il serait
regrettable que les conseils les moins expérime ntés qui assistent à l’audience s’imaginent que ce
comportement est normal. Je n’ai encore jamais entendu formuler pareille allégation devant la
Cour.
Après ces considérations préliminaires, je peux parler de l’exposé que M.Klein a présenté
sur la légitime défense au second tour (CR2005/ 12, p.23-42). M.Klein a malencontreusement
choisi de laisser de côté, ou, ce qui est la même chose, de ne pas prendre au sérieux, les éléments
clés de mon argumentation sur la légitime défense. Sa réaction a consisté à s’appuyer sur des
généralités relatives à l’action préventive.
Sur la question des agressions armées, M. Klein adopte dans un premier temps pour position
d’affirmer que rien ne prouve que le Gouvernement central congolais ait directement participé aux
agressions armées dirigées contre l’Ouganda. Cette question a été traitée ce matin, avec autorité et
de manière approfondie, par M.Reichler. Il existe bel et bien des preuves de cette participation,
lesquelles d’ailleurs sont évoquées dans les écritures du Congo lui-même.
Je me permets de revenir au droit. M. Klein et ses collègues ont pris grand soin de s’abstenir
d’examiner minutieusement, voire d’examiner tout court, le concept d’agression armée. Et, comme
je l’ai souligné au premier tour, le Congo se ga rde bien de prendre en considération l’étude
importante de M. Dinstein sur ce thème.
M. Klein a fait quelques progrès à cet égard, et M. Dinstein figure à présent dans une note de
la page26 du compte rendu (CR 2005/12). Toutefois, le texte n’est pas cité. Dinstein traite
explicitement du problème des bandes armées de la manière suivante ⎯ dans une rubrique intitulée
«Appui aux bandes armées et aux terroristes» :
«Dl’afsaire Nicaragua, la Cour internationale de Justice a dit que l’on peut
«considérer comme admis que, par agression armée, il faut entendre non seulement
l’action des forces armées régulières à travers une frontière internationale», mais aussi - 30 -
l’envoi de bandes armées ou de troupes «irré gulières» dans le territoire d’un autre
Etat. La Cour a cité l’article3, alinéa g) de la définition de l’agression retenue par
l’Assemblée générale (voir plus haut, chap .5, B), qui «peut être considérée comme
l’expression du droit international coutumier.»
Et Dinstein poursuit :
«On peut ajouter que, aux termes de la déclaration relative aux principes du
droit international touchant les relations amicales et la coopération entre Etats
conformément à la Charte des NationsUn ies, adoptée unanimement par l’Assemblée
générale en 1970, «[c]haque Etat a le devoir de s’abstenir d’organiser ou d’encourager
l’organisation irrégulière ou de bandes armées … en vue d’incursions sur le territoire
d’autres Etats». Dans le projet de code d es crimes contre la paix et la sécurité de
33 l’humanité, élaboré par la Commission du droit international en 1954, figurait parmi
ces crimes l’organisation (ou l’incitation à l’organisation) par les autorités d’un Etat de
bandes armées en vue d’incursions dans le territoire d’un autre Etat, l’aide directe
apportée à de telles incursions et même la tolérance envers l’utilisation par les bandes
armées du territoire local comme base d’opérations contre un autre Etat.»
«Les assauts de troupes irrégulières, de bandes armées ou de terroristes étant
menés d’habitude par de pe tits groupes qui emploient des tactiques de guérilla, la
question de savoir si elles sont d’une «gravi té suffisante» et répondent aux critères
minimaux d’une agression armée⎯ ou à la définition consensuelle de l’agression⎯, se
pose manifestement (voir supra, ii)). Cela ne veut pas dire que chaque incident isolé,
examiné indépendamment, doit, comme il est requis, être d’une gravité suffisante. On
peut très bien faire valoir que, si ces actes se répètent de manière particulièrement
systématique, une série d’attaques de guérilla pourrait être appréciée dans sa totalité et
équivaloir à une agression armée.» (Voir infra, chap. 8, A a), ii).)
«Il est dit dans l’arrêt Nicaragua que «si la notion d’agression armée englobe
l’envoi de bandes armées par un Etat sur le territoire d’un autre Etat, la fourniture
d’armes et le soutien apporté à ces band es ne sauraient être assimilés à l’agression
armée». La Cour «ne pense pas» qu’«une assistance à des rebelles prenant la forme de
fourniture d’armements ou d’assistance logistique ou autre» équivaut à une agression
armée. Ce sont là des déclarations à caractère général qu’il y a lieu de préciser. Dans
son opinion dissidente, sirRobertJennings a fait valoir que même si «la simple
fourniture d’armes ne saurait être considérée comme équivalant à une agression
armée», elle peut être qualifiée comme telle lorsqu’elle est accompagnée d’une
«assistance logistique ou autre». Dans une autre opinion dissidente, le juge Schwebel
a accordé beaucoup d’importance aux mots «le fait de s’engager d’une manière
substantielle dans une telle action» (qui figurent à l’article 3, al. g) de la définition de
l’agression), qui sont selon lui incompatibles avec le libellé employé par la majorité de
la Cour.»
Dans la troisième édition de sa monographie publiée en 2001, Dinstein ajoute à cet endroit du texte
les paragraphes suivants :
«Lorsque des terroristes sont parrainés par Arcadie et vont s’attaquer à Utopie,
ils peuvent être considérés comme des «organes de facto» d’Arcadie. [L]’imputabilité
à un Etat d’un acte de terrorisme est incontestable s’il est prouvé que l’auteur d’un tel
acte était un organe de l’Etat agissant à ce titre. Les livraisons d’armes ne
correspondent peut-être pas à elles seules à une agression armée. Toutefois, la gravité
d’une agression armée n’est pas amoindrie par le subterfuge de l’agression indirecte,
ni par le recours à un agent. Il n’existe pas de différence réelle entre le déploiement - 31 -
des forces armées régulières d’un pays et une opération militaire exécutée à distance,
par la manipulation des ficelles d’une organisation terroriste (non officiellement
associée à l’appareil du gouvernement). Les conséquences entières de la
responsabilité internationale n’en sont pas a tténuées d’un iota s’il «est établi» que les
terroristes «agissent en réalité au nom de cet Etat.»
Et, au dernier paragraphe, il est dit ceci :
«En 1999, la Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie (TPIY) a dit, en l’affaire Tadić, que des actes accomplis par les
membres d’un groupe militaire ou paramilita ire organisé par un Etat peuvent être
considérés comme des «actes d’organes de facto de l’Etat, indépendamment de toute
instruction précise de cet Etat concernant la commission de chacun de ces actes». Le
TPIY a insisté sur la subordination du groupe au contrôle général de l’Etat : l’Etat n’a
pas besoin de donner des instructions particulières pour diriger chaque opération
individuelle, pas plus qu’il n’a besoin de choisir des objectifs concrets. Les terroristes
peuvent ainsi agir de manière tout à fait autonome et demeurer des organes de facto de
l’Etat qui les contrôle.»
34 Et, Monsieur le président, c’est ainsi que l’on peut voir, contrairement aux regrets formulés
par le professeur Klein, que M. Dinstein a bel et bien pris en compte l’affaire Tadič ⎯ quand il en
a eu la possibilité ⎯, sans que cela change quoi que ce soit aux grandes lignes de son
raisonnement. C’est ce raisonnement que M. Klein a él udé et, au risque de mettre la patience de la
Cour à l’épreuve, je vais souligner le passage essentiel de Dinstein qu’appréhende tellement la
Partie adverse. Comme vous vous en souvenez, Dinstein écrit ceci :
«Les assauts de troupes irrégulières, de bandes armées ou de terroristes étant
menés d’habitude par de pe tits groupes qui emploient des tactiques de guérilla, la
question de savoir si les assauts sont d’une «gravité suffisante» et répondent aux
critères minimaux d’une agression armée ⎯ou à la définition consensuelle de
l’agression⎯, se pose manifestement (voir supra, ii)). Cela ne veut pas dire que
chaque incident isolé, examiné indépendamment, doit, comme il est requis, être d’une
gravité suffisante. On peut très bien faire valoir que, si ces actes se répètent de
manière particulièrement systématique, une série d’attaques de guérilla pourrait être
appréciée dans sa totalité et équivaloir à une agression armée.»
Ce passage est cité dans le contre-mémoire qui est daté du mo is d’avril2001 et, quatreans
plus tard, le Congo continue de répondre par le silence. Le pass age n’a pas été modifié depuis la
première édition de l’ouvrage qui est de 1988.
Il reste la question de la tolérance de la présence de bandes armées dont on sait qu’elles
mènent des opérations contre le territoire d’un Etat voisin.
La position de l’Ouganda à ce sujet est claire, et M.Klein s’est manifestement refusé à
examiner l’argument que j’ai soutenu au nom de l’Ouganda au premier tour. Si vous me le
permettez, Monsieur le président, je vais rappeler cet argument à la Cour : - 32 -
«J’en arrive à l’une des failles les plus graves de la thèse de M. Corten. Celui-ci
soutient que le Congo n’a pas organisé d’ «agressions armées» contre l’Ouganda
(CR2005/3, par.10-13). Nous devons co mprendre par là qu’on nous dit que les
agressions dirigées contre l’Ouganda par des bandes armées basées au Congo n’étaient
pas placées sous le contrôle du Gouvernement cen tral du Congo. En même temps, le
Congo admet que des groupes de miliciens étaient depuis longtemps établis sur son
territoire (voir DO, par. 65-67).
Le lien manquant est fourni par les principes de la responsabilité des Etats et par
l’obligation d’empêcher que le territoire national ne soit utilisé par des bandes armées
organisant depuis ce territoire des actions à l’encontre d’Etats voisins. Mon adversaire
ne voit pas que, conformément aux principes de la responsabilité des Etats, le Congo
est responsable des agressions armées lancées par les divers groupes rebelles. Cette
responsabilité naît dans les conditions prescrites par la définition de l’agression
de 1974, qui sont que, suivant l’alinéa g), il y a intervention directe d’un Etat. Mais,
Monsieur le président, cette responsabilité existe aussi conformément aux principes du
droit international général en raison, tout simplement, de l’absence de contrôle sur les
activités de bandes armées. Dans sa réplique (au paragraphe3.131), le Congo veut
faire valoir que la responsabilité du souverain territorial est limitée par les dispositions
de l’article8 du projet d’articles sur la responsabilité des Etats adopté en seconde
lecture par la Commission du droit internati onal en2001. Nous avons déjà cité cet
35 article qui vise le comportement sous la dir ection ou le contrôle de l’Etat. Pour le
Congo, il est très difficile du fait de cette di sposition d’attribuer à un Etat les actes de
personnes privées.» (CR 2005/7, p. 29-30, par. 76-77.)
J’ai ensuite examiné cette question avant de poursuivre :
«Où est-ce que ce raisonnement nous conduit ? Il nous ramène inévitablement à
l’article51 de la Charte, qui définit le droit de légitime défense du point de vue du
droit coutumier : «dans le cas où un Membre … est l’objet d’une agression armée».
Comme il en est des autres aspects de la notion d’agression armée, les
agressions armées menées par des bandes ar mées dont l’existence est tolérée par le
souverain territorial créent une responsabilité en droit et constituent par conséquent
des agressions armées au sens de l’article 51. Il existe de ce fait une norme distincte,
surajoutée, de responsabilité suivant laque lle, en l’absence de contrôle exercé sur
l’activité de bandes armées, on risquera de voir des Etats voisins prendre l’initiative
d’assurer leur légitime défense.» (Ibid., p. 30, par. 79-80.)
Monsieur le président, le professeur Klein n’a pas cherché à répondre à ces divers points.
La doctrine est assez expansive au sujet des bandes armées et elle remonte à l’entre-deux
guerres. De nombreux pays ont adopté une dé finition de l’agression prévoyant qu’il y a
responsabilité quand il n’est pas exercé de contrôle sur les bandes armées menant des activités sur
le territoire d’Etats voisins. La pratique est décrite dans un article dont je suis l’auteur, publié dans
la revue International and Comparative Law Quarterly (octobre1958, p.712-735). Le sujet est
traité dans d’autres sources, nota mment dans mon ouvrage intitulé International Law and the Use
of Force by States (1963, p.386-387 et dans d’autres passag es). Certes, mon article de1958 est - 33 -
indiqué dans une note de bas de page de l’un des comptesrendus du premier tour, mais la
délégation du Congo ne s’est guère intéressée à la pratique antérieure.
Il y a un autre élément important que M.Klein a éludé. Au premier tour, l’Ouganda a
expliqué le lien entre la notion d’agression armée figurant dans la Charte des NationsUnies et le
principe de la responsabilité due à la tolérance. Voici comment cette idée a été exprimée au nom
de l’Ouganda :
«S’il faut appliquer le critère de nécessi té de la légitime défense sur la base de
l’effectivité et du sens commun, c’est incontest ablement l’avis de l’Etat victime et de
ses ressortissants qui doit compter le plus. Et cet avis doit reposer sur une norme
objective en rapport avec les effets des agressions armées. La conséquence est que,
pour l’Etat victime, le résultat est inchangé et la nécessité demeure la même, que l’Etat
d’où émanent les agressions armées y participe directement ou soit simplement
responsable d’héberger ou de tolérer les bandes armées auteurs des agressions.»
Aucune réponse n’a été donnée au second tour sur ce point.
36 Il y a quelques autres observations à formuler sur l’intervention de M. Klein au second tour.
Tout d’abord, il soutient que, dans ma répli que orale du premier tour, je n’ai pas répondu aux
arguments du Congo concernant la nécessité et la pr oportionnalité. Or, avec tout le respect que je
lui dois, j’ai déjà examiné en détail ces questions (CR 2005/7, p. 28-32). S’il est exact de dire que
la position de l’Ouganda est que la nécessité doit être considérée comme faisant partie intégrante
de la notion de légitime défense et non comme un élément distinct, cela ne veut pas dire qu’il faut
laisser cette question de côté, comme je me suis efforcé de l’expliquer.
Dans son exposé du second tour, M. Klein a soutenu que l’exigence de nécessité n’était pas
satisfaite au motif que, prétend-il, l’Ouganda ne s’était pas plaint auprès du Conseil de sécurité.
Or cette question a, elle aussi, été examinée en détail dans mon exposé du premier tour et la
Cour voudra bien se reporter aux passages pe rtinents du compte rendu d’audience (CR2005/7,
par. 90-91).
Monsieur le président, je peux à présent i ndiquer brièvement quelle est la position de
l’Ouganda sur la question de la légitime défense.
En premier lieu, quand le souverain territori al tolère l’activité debandes armées et les
agressions armées que ces bandes mènent contre un Etat voisin, l’absence de contrôle fait courir à
l’Etat qui héberge ces bandes armées le risque de subir de la part de l’Etat victime une action qui - 34 -
répond à l’article 51. Cette conséquence procède de l’application de principes très largement admis
quant à la responsabilité des Etats et il n’est pas indispensable que le souverain territorial exerce sa
direction et son contrôle.
En second lieu, les agressions armées engagent la responsabilité et font courir le risque de
subir une action défensive quand il y a engagement direct conformément à la définition de
l’agression retenue par l’Assemblée générale. Le Congo nie qu’il y ait eu engagement direct.
Ces thèses juridiques ne sont pas énoncées sur la base d’une formule unique qui conviendrait
à toutes les affaires. La chronologie de l’affaire revêt une grande importa nce et la situation a
évolué parallèlement aux changements d’alliances politiques du Gouvernement central du Congo.
Monsieur le président, ce qui est tout à fait clair, c’est que l’Etat demandeur ne nie pas
l’existence des faits auxquels s’applique la première proposition ⎯ celle qui repose sur la tolérance
de bandes armées. Quant à la seconde proposition ⎯ celle qui concerne l’engagement direct dans
les activités de bandes armées ⎯, M. Reichler a apporté ce matin la preuve d’un tel engagement de
la part du Gouvernement central du Congo, preuve que l’on trouve aussi dans les écritures.
37 Monsieur le président, je tiens à remercier la Cour de sa patience et de sa bienveillante
attention et je vous prie de bien vouloir donner la parole à mon collègue, M. Reichler.
Le PRESIDENT : Merci, professeur Brownlie. Je donne à présent la parole à M. Reichler.
M. REICHLER :
L E CONSENTEMENT DE LA RDC A LA PRESENCE DES FORCES MILITAIRES
OUGANDAISES SUR LE TERRITOIRE CONGOLAIS
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, M.Brownlie ayant achevé la
présentation des thèses de l’Ouganda concernant la légitime défense, je vais maintenant aborder la
question du consentement de la RDC à la présence des soldats ougandais sur le territoire congolais.
L’accord de Lusaka est une manifestation de consentement
2. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, il y a trois mots qui terrorisent mes
distingués collègues représentant la Partie adve rse: accord de Lusaka. Dès que ces mots sont
prononcés, les conseils de la RDC courent aux abri s. La raison en est évidente. L’accord de - 35 -
Lusaka constitue le consentement formel à la présence des forces militaires ougandaises en RDC à
partir du 10 juillet 1999. La RDC ne peut pas va lablement soutenir que la présence physique des
forces ougandaises au Congo était illicite après cette date.
3. En dépit, ou peut-être à cause, de l’importance primordiale de l’accord de Lusaka en la
présente affaire, les conseils de la RDC ont tout fa it pour éviter d’en parler. Depuis le début de la
procédure orale, ils ont plaidé pendant dix-neuf heures et trente minutes, et n’ont consacré qu’un
quart d’heure au total à l’accord de Lusaka. M. Corten a été le premier, du côté congolais, à
aborder le sujet. Il l’a expédié en cinq minutes, reléguant l’accord de Lusaka au rang d’un simple
accord de cessez-le-feu, transitoire par nature et totalement dépourvu de force contraignante.
Lundi, la RDC a non seulement abandonné cet argument, elle a aussi abandonné le pauvre
M. Corten. La tâche ingrate consistant à traiter de l’accord de Lusaka est alors revenue à M. Klein,
lequel y a consacré dix minutes. Mais sa thèse n’est pas plus convaincante que celle de M. Corten.
4. La RDC et ses avocats continuent de prét endre que l’accord de Lusaka n’autorisait pas les
38 soldats ougandais à rester sur le territoire de la RDC après le 10juillet1999. Mon éminent
contradicteur, M. Klein, est allé jusqu’à soutenir que l’accord n’autorisait même pas la présence de
l’Ouganda pour la période de cent quatre-vingts jours initialement prévue dans l’annexe «B» (et qui
a été par la suite prolongée avec l’accord de toutes les parties, y compris la RDC). Avec tout le
respect que je lui dois, l’interprétation que fait M. Klein de cet accord est on ne peut plus erronée.
5. Le raisonnement juridique de l’Ouganda est, selon moi, imparable. D’ailleurs, comme je
vais le démontrer, il est confirmé par la logique suivie par la RDC elle-même. Permettez-moi de
reprendre ce raisonnement étape par étape. Comme je l’ai fait ob server le 19avril, lorsque j’ai
parlé pour la première fois du consentement, la Cour a expressément déclaré, dans son ordonnance
portant indication de mesures conservatoires, que l’accord de Lusaka est «un accord international
liant les Parties» (ordonnance en indication de mesures conservatoires, par.37). L’Ouganda
(comme chacune des autres parties signataires) ne pouvait donc pas violer les termes de cet accord
sans manquer à ses obligations conventionnelles. Voilà pour la première étape.
6. Deuxième étape : examinons les termes de l’acco rd et les obligations qu’ils imposent. Le
paragraphe 11.4 de l’annexe «A» (projeté sur l’écran derrière moi) stipule que «[t]outes les forces
resteront» — «resteront» — en place «[d]ans le ca s des forces étrangères, jusqu’au moment du - 36 -
début du retrait conformément au calendrier de re trait de la commission militaire mixte/OUA et de
l’ONU». Ces termes sont sans ambiguïté : «resteront», «jusqu’au moment». La forme «resteront»
a évidemment un sens impératif sans équivoque. Aucune marge d’appréciation n’est permise.
Quant à l’expression «jusqu’au moment», elle signi fie dans ce contexte que les forces étrangères
n’avaient pas à se retirer avant que la conditi on énoncée au paragraphe 11.4 — à savoir l’adoption
du «calendrier de retrait de la commission milita ire mixte/OUA et de l’ONU»— se soit réalisée.
Ainsi que je l’ai démontré le 19 avril, l’accord de Lusaka disposait expressément que le «calendrier
de retrait de la commission militaire mixte/OUA et de l’ONU» ne devait pas s’appliquer — que le
retrait ne devait pas commencer — avant que les groupes armés nommément désignés qui avaient
attaqué l’Ouganda et d’autres Etats voisins soient désarmés, démobilisés, réinstallés et réinsérés
[CR 2005/8, p. 23-25, par. 15-20]. Cela est claireme nt indiqué dans l’annexe «B», qui contient la
liste et la chronologie des «événements majeurs du cessez-le-feu».
7. La troisième étape du raisonnement est t out simplement la conclusion qui s’impose:
l’Ouganda ne pouvait pas retirer ses forces sans se co nformer au calendrier de retrait adopté par la
commission militaire mixte, l’OUA et l’ONU, sous peine de violer ses obligations conventionnelles
internationales. Par conséquent, la seule façon logique d’interpréter l’accord de Lusaka est de le
39
considérer comme une autorisation, et même comme un mandat exprès donné aux soldats
ougandais de demeurer en RDC jusqu’à ce que le calendrier de retrait leur commande de se retirer.
8. Les conseils de la Partie adverse se pl aisent à citer l’accord de Luanda de septembre 2002
comme un exemple dont l’accord de Lusaka serait le contre-exemple. M. Corten comme M. Klein
voient dans l’accord de Luanda l’archétype de la manifestation du consentement. A les entendre,
les dispositions de l’accord de Lusaka seraient diffé rentes. Permettez-moi de ne pas partager ce
point de vue. Ce qui est frappant, au contraire, c’est bien la ressemblance entre les dispositions
pertinentes de ces deux accords.
9. Le texte du paragraphe4 de l’article1 de l’accord de Luanda est projeté sur l’écran
derrière moi et il figure également dans le dossier de plaidoiries sous l’onglet 8. Il est ainsi conçu :
«Les Parties conviennent que les troupes ougandaises seront dans les montagnes de Ruwenzori
jusqu’à la mise en place d’un mécanisme de sécurité constitué par les Parties…» - 37 -
10. L’Ouganda convient, naturellement, qu’ il s’agit dans ce cas d’une manifestation de
consentement dépourvue d’ambiguïté. Et puisque c’est le cas, l’accord de Lusaka en est une
également. Les termes employés dans les deux tra ités sont en effet les mêmes. Dans l’un et
l’autre, il est dit que les soldats ougandais «resteront» en place «jusqu’à» ce qu’un certain
événement ait eu lieu. Dans l’accord de Lua nda, cet événement était la mise en place d’un
mécanisme garantissant la sécurité de l’Ouganda; dans l’accord de Lusaka, c’était l’élaboration, par
la commission militaire mixte, l’OUA et l’ONU, d’un plan de retrait suivant le désarmement, la
démobilisation, la réinstallation et la réinserti on des groupes armés qui avaient attaqué l’Ouganda
et d’autres Etats depuis le territoire congolais.
11. Le libellé étant le même, la conséquence juridique ne peut qu’être la même : l’accord de
Lusaka est une manifestation du consentement du Congo à la présence des soldats ougandais
enRDC, de la même manière que l’accord de Luanda est une manifestation du consentement de
la RDC à cette présence. Sur ce point, les seules différences importantes entre ces deux traités sont
la nature des conditions préalables au retrait de s forces ougandaises, conditions que je viens de
rappeler, et les positions sur lesquelles les soldats ougandais étaient autorisés à rester en attendant
que lesdites conditions préalables soient réalisées. Dans l’accord de Luanda, les UPDF étaient
autorisées à rester sur le versant occidental des montagnes de Ruwenzori; dans l’accord de Lusaka,
elles étaient autorisées à rester dans toutes les portions du territoire de la RDC où elles se
trouvaient.
40 12. Comme je l’ai expliqué mardi dernier, le Secrétaire général et le Conseil de sécurité ont
tous deux confirmé l’interprétation faite par l’Ouganda de l’accord de Lusaka. Lorsque l’Ouganda,
en avril2001, a annoncé qu’il allait procéder au retrait unilatéral de ses troupes de la RDC, le
Secrétaire général l’a imploré par écrit de ne p as le faire. Ainsi, du point de vue de l’ONU,
l’Ouganda était non seulement autorisé à rester au Congo, mais tenu de le faire, au moins jusqu’à la
mise en Œuvre du plan de retrait prévu dans l’accord. J’ai écouté attentivement ce que mes
éminents contradicteurs ont dit du consentement da ns les deux tours de plaidoiries. Ni M. Corten
ni M. Klein n’ont commenté la lettre du Secrétaire général; ils n’y ont même pas fait allusion. Ce
n’est que lorsque M.Kalala a pris la parole lundi après-midi pour présenter les thèses de la RDC
sur la question des droits de l’homme qu’il en a ét é question. M. Kalala a affirmé que dans cette - 38 -
lettre, le Secrétaire général ne demandait pas à l’ Ouganda de rester au Congo, mais au contraire
d’en partir. Monsieur le préside nt, Madame et Messieurs les juges, cette interpréta tion de la lettre
ne tient pas debout, surtout à la lecture des propres pièces de la RDC. La fausseté de l’argument
ressort clairement du paragraphe 2.90 de la rép lique, dans lequel la RDC rappelle les circonstances
qui ont donné lieu à la lettre du Secrétaire général. On y lit ce qui suit :
«Le 3mai2001, [c’est-à-dire la veille de la lettre du Secrétaire général], une
note verbale de la mission permanente de l’Ouganda auprès des NationsUnies
transmettait encore une déclaration du prési dentMuseveni aux termes de laquelle les
forces ougandaises seraient sous peu retirées de la RDC.» (Par. 2.90.)
Et quelle a été la réponse du Secrétaire général ? Loin de se féliciter de l’annonce de l’Ouganda,
comme il aurait dû logiquement le faire si l’accord de Lusaka avait imposé le retrait de tous les
soldats ougandais à cette date, il a écrit au pr ésident Museveni pour demander que l’Ouganda
«reste pleinement engagé» dans le processus de paix de Lusaka et ne retire ses forces que
conformément à ce processus, c’est-à-dire conformément au calendrier qu’allaient fixer la
commission militaire mixte, l’OUA et l’ONU. En réponse à la lettre du Secrétaire général, le
président Museveni est revenu sur sa décision de retirer unilatéralement et immédiatement du
Congo les forces de l’Ouganda. Le Secrétaire général n’y a pas opposé la moindre objection.
Aucune erreur n’est possible sur la signification de cette lettre.
41 L’accord de Lusaka n’est pas un simple accord
de cessez-le-feu
13. Lundi, M. Klein a modifié l’argument que M. Corten avait initialement formulé dans sa
plaidoirie du premier tour, et selon lequel l’accord de Lusaka était un simple accord de
cessez-le-feu qui, à ce titre, ne pouvait exprimer le consentement du Congo à la présence des forces
militaires ougandaises. Alors que M.Corten av ait soutenu que l’accord de Lusaka dans son
intégralité n’était qu’un accord de cessez-le-feu, M.Klein a coupé la poire en deux. Optant pour
une solution de repli, il a soutenu que, en effet, cet accord était peut-être davantage qu’un accord de
cessez-le-feu en ce qui concerne la dimension interne du conflit congolais, mais qu’il n’était quand
même qu’un accord de cessez-le-feu en ce qui concerne la dimension externe de ce conflit. Il est
intéressant de relever que cet argument de M.Corten selon lequel l’accord de Lusaka tout entier
n’était rien d’autre qu’un simple accord de cessez-le-feu est apparu pour la première fois au stade - 39 -
des plaidoiries. La RDC n’avait rien dit de tel dans ses écritures. Quant à l’argument de M. Klein
selon lequel Lusaka n’était qu’à moitié un accord de cessez-le-feu, il a été inventé pour les besoins
du second tour: jamais on ne l’avait entendu aupa ravant. Dès lors, on ne peut que se demander
quelle serait la position de la RDC, et lequel de ses conseils serait chargé de l’exposer, si la
procédure orale devait se poursuivre la semaine prochaine. Fort heureusement, elle s’achève
vendredi.
14. L’erreur fatale de la thèse de M. Klein procède de son hypothèse de départ ⎯ que rien
dans le texte du traité ne vient étayer ⎯ selon laquelle les dimensions interne et externe du conflit
peuvent être dissociées. En fait, M.Klein part du principe qu’il y a deux accords de Lusaka,
chacun régissant l’un des aspects du conflit. Or, comme je l’ai dit le 19 avril, les parties à l’accord
sont convenues que les deux conflits étaient liés. Le préambule de l’accord —que vous voyez
projeté derrière moi— le reconnaît d’ailleurs expressément; les parties y reconnaissent en effet
«que le conflit en RDC a une dimension à la fois in terne et externe qui trouvera sa solution dans le
cadre des négociations politiques intercongolaises et de l’engagement des pa rties à la mise en
Œuvre de cet accord».
15. Ainsi, les parties ont reconnu que les di mensions interne et externe du conflit étaient
inextricablement liées, et que le règlement du conf lit externe, qui impliquait la RDC, l’Ouganda et
d’autres Etats voisins, supposait le règlement préala ble du conflit interne. Les parties ont décidé
que la dimension externe serait résolue après que la dimension interne l’aurait été par des
«négociations politiques intercongolaises» permetta nt d’aboutir à un «nouvel ordre politique» au
42 Congo, c’est-à-dire à un nouveau gouvernement nationa l composé de toutes les parties congolaises
à l’accord, ainsi que des forces vives du Congo. Dans l’accord, cela ressort entre autres du
calendrier de mise en Œuvre figurant à l’anne xe «B», qui prévoit la clôture du dialogue
intercongolais et la mise en place d’un nouvel ordre politique avant le déploiement des forces de
maintien de la paix de l’ONU, le désarmement des groupes armés et le retrait ordonné des forces
étrangères. C’est ce que dit l’accord de Lusaka, mais cela relève aussi du simple bon sens. Tant
que le chaos régnait en RDC, avec une guerre civile faisant rage dans tout le pays, un pouvoir
central vacant et des bandes armées prises de folie meurtrière, surtout dans les régions frontalières
de l’extrême est, il n’y avait aucun moyen de sécu riser les frontières avec les Etats voisins, dont - 40 -
l’Ouganda. Le règlement pacifique du conflit interne était donc la condition sine qua non du
règlement du conflit externe, dont l’objectif déclaré ét ait de garantir la sécurité des frontières de la
RDC et de ses voisins.
16. Contrairement à ce que M. Klein a soutenu au second tour, il est tout simplement
impossible de dissocier les dimensions intern e et externe du conflit. Aussi, puisque chacun
convient désormais que l’accord de Lusaka n’est pas un simple accord de cessez-le-feu en ce qui
concerne la dimension interne du conflit, il ne peut pas l’être non plus en ce qui concerne sa
dimension externe, ces deux dimensions étant inextricablement liées.
17. Mais, à supposer que l’on puisse les dissocier comme le voudrait M. Klein, sa théorie ne
résisterait pas à un examen objectif de l’accord. En effet, même pour les aspects purement externes
du conflit, l’accord prévoit bien plus que la simple cessation des hostilités. Parmi les «principes de
l’accord» énoncés à l’articleIII, figurent «la normali sation de la situation le long des frontières
internationales de la République démocratique du Congo, y compris le contrôle du trafic d’armes et
l’infiltration de groupes armés» (par. 17), «la nécessité de trouver des solutions aux préoccupations
de sécurité de la République démo cratique du Congo et des pays voisins» (par. 21), et la nécessité
de «désarmer les milices et les groupes armés, y compris les forces génocidaires» (par. 22). Le
caractère contraignant de ces «principes» est renforcé aux chapitres7, 8, 9 et 12 de l’annexe «A»
de l’accord.
18. Il est donc impossible de soutenir sérieusement que l’accord de Lusaka, ou l’une
quelconque de ses dimensions, est un simple accord de cessez-le-feu. Comme la Cour l’a dit
43 elle-même dans son ordonnance portant indication de mesures conservatoires, l’accord porte sur
«[l]es modes de solution du conflit dans la région convenus … sur un plan plurilatéral» (par. 42).
19. Pour une série de raisons identiques, il est impossible de soutenir, comme l’a pourtant
fait M. Klein, que le «but fondamental» de l’accord de Lusaka était de garantir le retrait des troupes
étrangères. Je l’ai déjà dit, l’article III de l’accord présente les «principes» adoptés d’un commun
accord. Il y en a vingt et un. Certes, l’un de ces vingt et un principes est le retrait des forces
étrangères. Mais il est présenté dans l’accord comme la conséquence de la réalisation d’un objectif
bien plus important encore: le règlement de la dimension externe de la crise congolaise par le
rétablissement de la paix et de la sécurité aux frontières de la RDC, de l’Ouganda et d’autres Etats - 41 -
voisins. Ce n’est qu’une fois la paix et la sécurité rétablies aux frontières ⎯par le règlement
politique pacifique de la guerre civile congolaise, le désarmement, la démobilisation et le retrait des
groupes armés qui lançaient des attaques contre l’Ouganda et d’autres Etats depuis le territoire
congolais ⎯ que devait débuter le retrait des forces étrangères prévu par les parties. Le retrait,
dont l’ONU, l’OUA et la CMM allaient fixer le calendrier, ne devait donc pas commencer avant
que les seize autres «événements majeurs du cessez-le-feu» ⎯dont le désarmement et la
démobilisation des groupes armés ⎯ énumérés à l’annexe «B», se soient réalisés.
Les résolutions du Conseil de sécurité invoquées par le Congo confirment
l’interprétation que fait l’Ouganda de l’accord de Lusaka
20. La RDC a parfois invoqué deux résolutions du Conseil de sécurité censées infirmer
l’interprétation que fait l’Ouganda de l’accord de Lusaka. La plus souvent citée est la
résolution1234 d’avril 1999. Ce texte toutefoi s n’est pas d’un grand secours pour interpréter
l’accord de Lusaka, puisque celui-ci n’a été conc lu que le 10 juillet 1999, soit trois mois après
l’adoption de la résolution. Cela étant, la résolution annonçait l’accord de Lusaka en
«condamn[ant] la poursuite des activités de tous les groupes armés en [RDC], dont les ex-Forces
armées rwandaises, les Interahmwe et autres, et le soutien dont ils bénéfici[ai]ent» et en
«réaffirm[ant] que tous les Etats [avaient] l’obl igation de respecter l’intégrité territoriale,
l’indépendance politique et la s ouveraineté nationale de la Répub lique démocratique du Congo et
des autres Etats de la région…». Les passages que je viens de lire sont extraits des paragraphes 8
et 1 de la résolution 1234.
21. L’autre résolution du Conseil de sécurité citée par la RDC est la résolution 1304 du
44
16juin2000, dont un extrait figure au dossier de plaidoiries remis à la Cour par la RDC. Cette
dernière cependant aurait bien fait de communi quer l’intégralité du texte: en effet, au
paragraphe 4 a) de la résolution, le Conseil de sécurité appelle l’Ouganda et le Rwanda à «retir[er]
toutes leurs forces du territoire de la République démocratique du Congo, sans plus tarder,
conformément au calendrier prévu dans l’accord de cessez-le-feu [de Lusaka] et [dans] le plan de
désengagement de Kampala en date du 8 avril 2000».
22. Les termes de ce paragraphe, qui appelle bi en à un retrait, mais à un retrait effectué
conformément à l’accord de Lusaka et au plan de désenga gement de Kampala, tranchent avec ceux - 42 -
du paragraphe3, dans lequel le Conseil de sécurité exigeait que les forces ougandaises et
rwandaises, ainsi que toutes les autres forces, «se retirent immédiatement et complètement de
Kisangani», ce que l’Ouganda a fait aussitôt. Ainsi, contrairement à ce que soutient la RDC, la
résolution1304 reconnaissait en fait que le retr ait des forces ougandaises de la RDC dans son
ensemble ⎯ à l’exception de la ville de Kisangani ⎯ ne devait s’effectuer que conformément aux
accords multilatéraux de Lusaka et Kampala.
23. Il faut aussi souligner que le Conseil de sécurité, au paragraphe 4 b) de sa résolution
exigeait que «chaque étape du retrait accomplie par les forces ougandaises et rwandaises fasse
l’objet d’une action réciproque de la part des autr es parties, conformément au même calendrier»
⎯ c’est-à-dire que, lorsque l’Ouganda et le Rwanda retiraient des forces, les autres parties devaient
en faire autant, suivant le même calendrier. Ainsi, le Conseil de sécurité reconnaissait que l’un des
principes fondamentaux de l’accord de Lusaka était le retrait coordonné de l’ensemble des forces,
étrangères et nationales, invitées et non invitées, exactement comme l’a dit l’Ouganda. Je demande
à la Cour de bien vouloir de se reporter aussi au paragraphe 4 c) de la résolution.
24. Avant de quitter le sujet de la résolution 1304, il est intéressant de citer quelques autres
paragraphes que la RDC a laissés de côté. Dans l es considérants de la résolution, le Conseil de
sécurité réaffirme «son appui résolu à l’accord de cessez-le-feu de Lusaka». Au paragraphe 10, il
«exige que toutes les parties mettent fin à toute forme d’assistance aux groupes armés visés au
paragraphe9.1 de l’annexe A de l’accord de cessez-le-feu, ou de coopération avec eux» ⎯ au
nombre desquels figurent, bien entendu, les sept bandes armées anti-ougandaises dont la Cour a
tant entendu parler. Ainsi, loin d’infirmer l’interprétation que fait l’Ouganda de l’accord de
Lusaka, la résolution 1304 la confirme complètement.
er
45 25. Il est éclairant à cet égard de rappeler l’ordonnance de la Cour du 1 juillet 2000 portant
indication de mesures conservatoires. Après l’a doption de la résolution1304 par le Conseil de
sécurité le 16juin2000, la RDC a présenté à la Cour une demande en indication de mesures
conservatoires, la priant instamment, sur le fondement de cette résolution, d’appeler l’Ouganda à
retirer immédiatement toutes ses forces de l’ensemble du territoire congolais. Telle était la
principale mesure que la RDC demandait à la Cour d’indiquer. Il est intéressant de rappeler qu’à
l’époque, la RDC n’avait, dans sa demande, fait au cune allusion à l’accord de Lusaka. Elle n’en - 43 -
avait pas soufflé mot. L’Ouganda, de son côté, avait communiqué à la Cour une analyse détaillée
du texte de l’accord, analyse très semblable à celle que j’ai eu l’honneur de présenter le 19 avril et
que je viens de compléter aujourd’hui. Comme nous l’avons déjà dit, la Cour a conclu que l’accord
de Lusaka était un «accord international liant les Parties». Elle n’a pas fait droit à la demande de la
RDC; elle n’a pas appelé l’Ouganda à retirer ses forces du Congo.
L’ordonnance de la Cour sur les demandes reconventionnelles
de l’Ouganda
26. Dans sa plaidoirie du premier tour sur la question du consentement, M. Corten a cité la
décision de procédure prise par la Cour en novembre 2001 au sujet des demandes
reconventionnelles de l’Ouganda, et indique qu’e n déclarant irrecevable la troisième de ces
demandes, relative aux violations par le Congo de l’accord de Lusaka, la Cour empêcherait en
somme l’Ouganda d’invoquer l’accord de Lusaka pour sa défense au fond contre la thèse de
l’agression formulée par la RDC. Cet argument ne tient pas. Rien dans l’ordonnance de la Cour ne
laisse entendre que l’accord de Lusaka est sans pertinence quant aux prétentions de la RDC ou aux
moyens de défense de l’Ouganda. La Cour indique simplement qu’elle ne peut retenir la demande
reconventionnelle de l’Ouganda relative aux violations de l’accord de Lusaka parce que les
infractions spécifiques visées dans cette demande ne relèvent pas des mêmes circonstances que
celles de la demande formulée par la RDC contre l’Ouganda. Cela ne revient évidemment pas à
soutenir que l’accord est sans pertinence au regard de l’ensemble des aspects de l’affaire, ou que
l’Ouganda ne peut pas le faire valoir pour sa défense à titre de preuve du consentement donné par
la RDC à la présence des forces ougandaises au Congo après le 10 juillet 1999.
La présence ougandaise est restée conforme aux conditions prévues
dans l’accord de Lusaka
27. La RDC prétend également que l’Ouganda aurait poursuivi son occupation de tout le
nord du Congo parce qu’il «contrôlait» cette région avec les quelques milliers d’hommes seulement
qu’il avait en RDC. M. Brownlie a déjà abordé certains des aspects juridiques de cette question,
46 aussi ne l’examinerai-je que dans la mesure où elle se rattache aux prescriptions de l’accord de
Lusaka. Les termes de cet accord indiquaient clairement que l’autorité administrative locale devait
être exercée par les rebelles congolais, notamment le MLC et le RCD, dans les régions qu’ils - 44 -
contrôlaient de facto. L’accord légitimait ainsi l’exercice de cette autorité, au moins jusqu’à l’issue
du dialogue intercongolais. Au pa ragraphe 18 de l’article III, il est par exemple indiqué: «Aux
termes du présent accord et à l’issue des né gociations politiques intercongolaises, l’autorité
administrative de l’Etat sera rétablie sur l’en semble du territoire national de la République
démocratique du Congo.»
28. Ainsi, dans l’attente du «rétablissement» de «l’autorité administrative» à l’issue du
dialogue intercongolais, les pouvoirs congolais en place ⎯à savoir, dans leurs zones respectives,
le MLC et le RCD ⎯ ont été investis de l’autorité administrative.
29. De la même manière, le paragraphe 6.2 de l’annexe «A» stipule :
«Dès l’entrée en vigueur du présent accord, sera mis en place un mécanisme de
concertation entre les parties congolaises [c’est -à-dire le Gouvernement de la RDC, le
MLC et le RCD] qui permettra de poser, sur l’ensemble du territoire national, des
actes, et de mener des opérations ou des ac tions qui relèvent de l’intérêt général,
notamment dans les domaine s de la santé publique…, de l’éducation…, des
migrations, de la circulation des personnes et des biens.»
30. Ce paragraphe indique une fois encore clairement que l’autorité administrative était
confiée aux parties congolaises, dans leurs zones de contrôle respectives. C’est également ce que
dit l’accord de désengagement de Kampala du 8 avril 2000, au paragraphe 4 :
«Les parties [parmi lesquelles figurent le MLC et le RCD, organisations
rebelles congolaises, ainsi que le Gouvern ement de la RDC] assureront un
environnement sûr et sécurisé pour toutes les personnes dans leurs juridictions
respectives [dans leurs juridictions respectives], en maintenant des organismes civils
d’application de la loi…»
31. Par la suite, les mêmes parties ont défini quatre zones de désengagement distinctes dans
l’accord de désengagement d’Harare du 6décembre 2000. La zone1, la plus septentrionale des
quatre, est la seule dans laquelle se trouvaient des soldats ougandais. Comme il est dit aux pages 3
et 4 de l’accord, la zone 1 était divisée entre les forces du MLC et des UPDF d’une part, et celles
des FAC ⎯c’est-à-dire l’armée congolaise ⎯ et de leurs alliés de l’autre. Quant au nombre de
soldats ou aux positions qu’ils occupaient à l’intérieu r de la zone 1, l’accord ne distingue pas entre
le MLC et les UPDF. En fait, comme je l’ai déjà fait remarquer, les soldats du MLC étaient bien
plus nombreux que ceux des UPDF et couvraient t oute la zone; les soldats ougandais étaient en
grande partie confinés à la région frontalière or ientale et à quelques positions stratégiques, en
particulier les aéroports. La RDC semble en avoir convenu lundi. - 45 -
47 32. En outre, comme nous l’avons montré, l’Ouganda, à la suite de l’accord de
désengagement d’Harare, a rapidement réduit ses effectifs présents en RDC, si bien qu’en
avril 2001, il ne restait pas plus de 3000 soldats ougandais au Congo, la grande majorité se trouvant
dans la région frontalière orientale. La RDC n’a pas non plus contesté ces faits.
33. D’ailleurs, les arguments de la RDC concernant une «occupa tion» ougandaise sont
contredits par ses propres écritures. Par exemple, elle écrit au paragra phe2.127 de sa réplique:
«Dans bien des situations, lorsque les troup es ougandaises se retirent d’une localité ou d’un
territoire occupé c’est pour en laisser le contrôle au MLC. Ce fut entre autres le cas pour les villes
de Buta et Gemena.» Dans son livre, dont les c onseils de la RDC ont recommandé la lecture à la
Cour, M. Bemba insiste à plusieurs reprises sur le fait que l’administration locale à l’est du Congo
était exercée par le MLC et le RCD et non par l’Ouganda (DO, annexe 46, p. 65-66, 129 et 156).
34. La RDC s’est plainte à plusieurs reprises de ce que les UPDF se seraient livrés à des
actes d’hostilité postérieurement à l’entrée en vigueur de l’accord de Lusaka. Elle n’a cependant
pas été très loquace sur les circonstances dans lesque lles auraient eu lieu ces hostilités. En fait, les
hostilités dont parle le Congo ont été engagées par les FAC ⎯ l’armée congolaise ⎯ qui, en
violation des accords de désengagement de Lusaka et de Kampala, ont cherché à reprendre le
territoire gagné auparavant par le MLC. Ce dernier a riposté militair ement pour repousser les
soldats des FAC et tenir les positions qui lui avaient été assignées dans ces accords. L’Ouganda ne
nie pas avoir fourni une aide limitée au MLC. Mais, quand M. Bemba a cherché à profiter de cette
situation et à élargir la zone qu’il contrôlait, l’ Ouganda l’en a empêché, comme il l’avait déjà fait à
d’autres occasions (DO, annexe 46, p. 31 et 81).
35. Dans le dossier de plaidoiries de la RDC figurent plusieurs cartes censées montrer la
présence ou les opérations militaires des troupes ougandaises au Congo. Ces cartes n’ont été
produites qu’au stade des audiences. L’Ouganda considère donc que ce ne sont pas des éléments
de preuve, mais simplement d es supports graphiques permettant aux conseils d’exposer leurs
arguments plus aisément. Même à ce titre, l’O uganda élève une objection à l’utilisation qui en a
été faite dans cette procédure, car le contenu de ces cartes, en ce qui concerne la présence ou les
activités des forces ougandaises, n’est pas étayé par les éléments de preuve produits dans cette
affaire, et il est même souvent contredit par ce ux-ci. Les cartes à l’ég ard desquelles l’Ouganda - 46 -
émet des objections sont celles qui se trouvent dans le dossier de plaidoirie remis par la RDC, sous
les onglets suivants : 2, 3, 16, 18, 24, 25 et 26.
48 36. En septembre2002, quand l’Ouganda et la RDC ont signé l’accord de Luanda, il n’y
avait de forces ougandaises qu’à Gbadolite, à Beni, dans la province d’Ituri et sur le versant ouest
des monts Ruwenzori. Et toutes ces troupes étaient spécifiquement visées dans l’accord de Luanda,
qui appelait en particulier l’Ouganda à retirer i mmédiatement ses troupes de Gbadolite et de Beni,
puis celles qui se trouvaient en Ituri, lorsque lacommission de pacification de l’Ituri aurait établi
un accord pour mettre fin à la violence interethnique dans cette région. L’Ouganda a parfaitement
respecté les termes de l’accord de Luanda : il a retiré rapidement ses forces de Gbadolite et de Beni
et il a retiré du Congo, en temps voulu, toutes ses troupes qui s’y trouvaient encore le 2 juin 2003.
La RDC n’a pas contesté ces faits.
37. Monsieur le président, Madame et Messi eurs de la Cour, les faits montrent que, du
10juillet1999 au 2juin2003, des forces milita ires ougandaises se trouvaient au Congo avec le
consentement du Gouvernement de la RDC, tel que celle-ci l’avait donné initialement dans l’accord
de Lusaka et tel qu’il avait été prolongé et confir mé d’abord dans les accords de désengagement de
Kampala et d’Harare et enfin dans l’accord de Luanda de septembre 2002. L’Ouganda répondra
par écrit à la question posée par M.le jugeElarab y concernant la prorogation par les Parties des
délais prévus au calendrier figurant à l’annexe B de l’accord de Lusaka, ainsi qu’aux questions de
MM. les juges Vereshchetin et Kooijmans.
Le consentement de la RDC en août et septembre 1998
38. Il reste un seul sujet à aborder sur le thème du consentement: c’est celui du
consentement qui s’est appliqué à la présence des forces ougandaises en RDC pendant le mois
d’août et le début du mois de septembre 1998. J’ai exposé la position de l’Ouganda le 19 avril et je
n’ai pas besoin de me répéter. Cependant, M. Klein a fait lundi plusieurs affirmations qui
demandent à être réfutées. Mais d’abord, je voudrais confirmer un point important d’accord entre
les Parties, que M. Klein a indiqué: des sold ats ougandais étaient présents sur le territoire du
Congo jusqu’en août 1998 avec le consentement du Gouvernement de la RDC. - 47 -
39. Ce que le Congo persiste à nier est que son consentement, pour la période précédant
août 1998, ait jamais été donné de manière formelle . Selon ce qu’ont dit les conseils de la RDC au
cours de ces audiences, le consentement de la RD C avant cette date était purement informel. Ils
49 nous ont dit aussi que le protocole écrit conclu le 27avril1998 entre les deuxpays n’était pas la
manifestation d’un consentement à la présence de soldats ougandais au Congo car, selon eux, il n’y
était pas expressément question des troupes ougandai ses opérant en RDC. De prime abord, la
distinction entre formel et informel peut sembler excessivement formaliste. Elle est néanmoins
importante, car si le consentement de la RD C avait été rendu formel par un instrument dûment
signé par ses agents, il ne pouvait être révoqué que formellement. A ce jour, la RDC n’a jamais
prétendu qu’elle avait révoqué son consentement formellement parce que, en fait, elle ne l’a jamais
fait. Tout le raisonnement de la RDC sur ce poi nt repose sur une tentative maladroite pour faire
disparaître la conséquence juridique inéluctable de ce fait critique.
40. Les avocats de la RDC, MM. Salmon, Corten et Klein, ont chacun à sa manière écarté le
protocole d’avril 1998, le considérant comme non pertinent pour la question du consentement. Le
fait qu’autant d’attention a été accordée au protocol e, et par autant de conseils, témoigne de son
importance. Certes le protocole est rédigé en la ngage diplomatique. Mais les circonstances dans
lesquelles il a été conclu, et que la RDC évite de mentionner, donne un sens évident à ses termes.
Il y a tout d’abord le comportement de la RD C, qu’elle a elle-même admis. L’Ouganda a dit ⎯ et
la RDC ne l’a jamais nié ⎯ qu’avant la signature du protocol e, deux bataillons ougandais étaient
stationnés dans les régions frontalières à l’est de la RDC. L’Ouganda a aussi dit ⎯ et la RDC ne
l’a jamais nié ⎯ qu’après la signature du protocole, un troisième bataillon ougandais a été
rapidement déployé à l’est du Congo. Voilà qui en soi suffit à démontrer la signification du
protocole. Il y a ensuite le contexte factuel su r le terrain. Aucun groupe rebelle n’était basé en
Ouganda, et les parties n’ont jamais eu l’intention ⎯ et la RDC n’a jamais prétendu le contraire ⎯
de permettre à des soldats congolais de mener des activités militaires ou autres du côté ougandais
de la frontière. Dans ces c onditions, la seule signification qui pouvait être donnée au protocole
d’avril1998 était qu’il autorisait des soldats ougand ais à agir contre des groupes rebelles sur le
territoire congolais. - 48 -
41. En outre, la Cour a entre les mains le té moignage qu’a fait devant la commission Porter
un officier supérieur ougandais, M.RalphOchan, alors secrétaire permanent au ministère des
affaires étrangères de l’Ouganda, témoignage dans lequel il décrit les circonstances qui ont conduit
au protocole du 27avril1998, ainsi que le but de protocole (DO, annexe 64). A troisreprises au
moins, les avocats de la RDC ont dénigré M.Oc han, le traitant de simple «fonctionnaire» et
qualifiant son témoignage de conf us. Selon eux, ce témoignage ne serait pas fiable car M. Ochan
aurait déclaré que l’attaque du collège technique de Kichwamba était à l’origine du protocole
d’avril 1998 ⎯ce qui est manifestement impossible. L’acharnement de mes éminents
50
contradicteurs à discréditer M.Ochan et son témoignage devant la commission Porter est
manifestement dû au fait qu’ils sont conscients de la fragilité de l’argumentation de la RDC sur la
signification du protocole. A mon avis, une lecture impartiale du témoignage de M. Ochan montre
que celui-ci n’est coupable d’aucune confusion. Témoignant rétrospectivement en2001 sur des
évènements qui remontaient à 1998, il a simplement cité l’attaque de Kichwamba comme un
exemple connu du genre de problèmes que le protocole visait à régler. En d’autres termes, comme
M.Ochan l’a clairement indiqué dans son témoignage, le protocole avait pour objet d’aider à
empêcher les attaques terroristes contre l’Ougand a en permettant le déploiement de soldats
ougandais sur le territoire congolais. En tant que tel, le protocole constitue une expression formelle
de consentement qui ne peut être retiré que formellement ⎯ et ce retrait formel n’a jamais eu lieu.
42. Mais l’Ouganda n’est pas aveuglément formaliste au point de prétendre que, le
consentement du Congo n’ayant jamais été révoqué formellement, il est encore valable aujourd’hui.
De toute évidence, à un moment donné, le consentement initial de la RDC à la présence de soldats
ougandais dans la région frontalière à l’est du Congo, tel qu’il était formellement exprimé dans le
protocole d’avril1998, a cessé de s’appliquer: ce moment est celui où l’Ouganda a décidé, le
11septembre1998, de déployer pour la première fois des troupes au-delà de la zone frontalière
immédiate. Mais, jusqu’alors, et pour des rais ons que j’ai indiquées plus en détail la semaine
dernière et dont je ne vais p as imposer maintenant la répétition à la Cour, le statut des troupes
ougandaises situées dans la région frontalière n’ava it pas changé (CR 2005/8, p. 17-18, par. 4-5).
Le consentement donné formellement n’avait jamais été révoqué. - 49 -
Conclusion
43. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà qui conclut mon exposé.
M’adressant à la Cour pour la dernière fois dans ces audiences, je voudrais vous remercier,
Monsieur le président, ainsi que toute la Cour, p our le grand honneur et privilège que vous m’avez
donné de plaider devant vous et pour toute l’aimable et courtoise attention que vous-même, la
Cour, le Greffe et les brillants traducteurs m’ont accordée tout au long de ces audiences. Je vous
remercie tous et vous souhaite une bonne journée.
51 Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Reichler.
Voilà qui conclut l’audience de la matinée. Nous reprendrons à 15heures cet après-midi.
L’audience est levée.
L’audience est levée à 12 h 45.
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Translation