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YUGONBE

CR 200416(traduction)

CR 200416(translation)

Lundi 19avril 20àIOheures

Monday 19April2004 at 10a.m.6 Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. L'audience est ouverte.

La Cour se réunitaujourd'hui, en application du paragraphe 4 de l'article 79 du Règlement

de la Cour de 1978,pour entendre les Parties en leurs plaidoiries sur les exceptions préliminaires

la compétenceet à la recevabilitésoulevéespar les Etats défendeursdans les affaires relativàla

Licéitéde l'emploi de la force (Serbie et Monténégroc. Allemagne) (Serbie et Monténégro

c. Belgique) (Serbie et Monténégro c. Canada)(Serbie et Monténégro cF . rance) (Serbie et

Monténégroc. Italie) (Serbie et Monténégroc. Pays-Bas) (Serbie et Monténégroc. Portugal) et

(Serbieet Monténégro c. Royazrrne-Uni).

La Cour ne comptant pas sur le siègedejuge ayant la nationalitéde la Serbie et Monténégro,

1'Etatdemandeur s'est prévaludu droit que lui confèrele paragraphe 2 de l'article 31du Statut de

procéder àla désignationd'un juge ad hoc :il a désignéM. Milenko Kreéa. Lejuge KreEaavait

étéinstalléen tant que juge ad hoc en 1999, au cours de la phase de la procédurerelative à la

demande en indicationde mesures conservatoires.

A l'époque,les Etats défendeurs suivants, aujourd'huien cause, avaient égalementdésigné

des juges ad hoc : la Belgique (le juge Duinslaeger); le Canada (le juge Lalonde) et l'Italie (le

juge Gaja). Par la suite, la Belgique, le Canada et l'Italie ont demandéla confirmation de la

désignation de leursjuges ad hoc pour la suite de la procédureet le Portugal a fait étatde son

intention de désignerM. JoséManuel SérvuloCorreia pour siéger enqualitéde juge ad hoc. La

Serbie et Monténégro s'est opposée àla nomination dejuges ad hoc par ces Etats, au motif que les

Etats défendeurs faisaient cause commune. Lors d'une réunion que j'ai tenue avec les

représentants des Partiesle 12décembre 2003, afin deme renseigner auprès d'elles sur certaines

questions de procédure,les agents des Etats défendeurs ont réaffirméque leurs gouvernementsne

faisaientpas cause commune; l'agent de la Serbie et Monténégro a déclaréque son gouvernement

ne maintenait pas son objectionàla désignation dejuges ad hoc par la Belgique, le Canada,l'Italie

et le Portugal aux fins de la présente phase de la procédure. Par lettres datéesdu

23 décembre 2003,le greffier a informéles Parties que la Cour avait décidé, en application du

paragraphe 5 de l'article 31 de son Statut que, compte tenu de la présencesur le siègedejuges de

nationalitébritannique, française et néerlandaise, lesjugesad hoc désignpar les Etats défendeurs7 ne siégeraientpas dans la présente phase dela procédureen ces affaires. Dans ces lettres, les

Parties ont en outre été aviséesue cette décisionétaitsans préjudicede la question de savoir si,

dans le cas où la Cour devrait rejeter les exceptions préliminairesdes défendeurs,lesjugesdhoc

que ceux-ciavaient choisis pourraient siéger lorsde phases ultérieuresdesdites affaires.

Par ailleurs, le juge Simna avait auparavant estimé devoirne pas participer aujugement de

ces affaires et m'en avait fait part, conformémentau paragraphe 1de l'article 24 du Statut. Au vu

de la décisionsusmentionnéeprise par la Cour en vertu du paragraphe 5 de l'article 31 du Statut,

l'Allemagne n'a pas étéautorisée à désigner un juge ad hoc aux termes de l'article 37 du

Règlementde la Cour.

Bien qu'il existe huit instances distinctes, introduites par huitrequêtesdistinctes, la position

du demandeur est à chaque fois la même. Il en va de mêmepour ce qui est des réponsesqu'il

apporte aux exceptions préliminaires soulevées dans chaque instance, qui, toutes, se trouvent dans

une large mesure fondéessur les mêmes arguments.En conséquence,la Cour a estimé souhaitable

d'organiser la procédure orale dans la phase actuelle de manière à éviterd'inutiles redites,une

démarchequ'elle avait également adoptéelors de la préckdentephase, relative aux demandes en

indicationde mesures conservatoires. Après avoir consultéles gouvernements concernés,la Cour a

décidéde procédercomme suit :il est prévudeux tours deplaidoirie; lors de chacun de cestours, la

Cour entendra d'abord les plaidoiries des Etats défendeurssur les exceptions soulevéesdans les

huit affaires; elle entendra ensuite la réponsede I'Etat demandeur, la Serbie et Monténégr, ces

arguments.

Le 29 avril 1999, la Serbie et Monténégro (alorsdénomméeRépublique fédéralede

Yougoslavie) a déposé desrequêtes introduisantdes instances contre la Belgique, le Canada, la

France, l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne, le Royaume-Uni et les

Etats-Unis d'Amérique (<pourviolation de l'obligation de ne pas recouàil'emploi de la force)).

Dans ces requêtes,la Serbie et Monténégro, évoquant les bombardements dse on territoire

par les Etats membres de l'organisation du Traitéde l'Atlantique Nord(OTAN) en 1999,dans le

cadre de la crise du Kosovo, affirmait que les Etats évoqués ci-dessus avaient commises actes en

violation de leur ((obligationinternationalede ne pas recouàil'emploi de la force contreun autre

Etat)),de leur ((obligationde ne pas s'immiscerdans les affaires intérieuresd'unautreEtat»,de leur ((obligation de ne pas porter atteinàela souveraineté d'un autre Etat)), de leur «obligation de

protégerles populations civiles et les biens de caractère civil en temps de guerre [et] de protéger

8 l'environnement)), de leur ((obligation touchanà la liberté de navigation sur les cours d'eau

internationaux)),de leur ((obligationconcernant les droits et libertés fondamentaux dela personne

humaine)),de leur ((obligationde ne pas utiliser des armes interdites» et de leur ((obligationde ne

pas soumettre intentionnellement un groupe national des conditions d'existence devant entraîner

sa destruction physique)). La Serbie et Monténégroa priéla Cour de dire etjuger, notamment, que

les Etats défendeurs portaient((la responsabilité de la violation des obligations internationales

susmentionnées))et devaient <<réparationpour les préjudicescausés à la République fédérale de

Yougoslavie ainsi qu'à ses citoyens et personnes morales)).

Pour fonder la compétence dela Cour, la Serbieet Monténégro a invoqué,dans ses requêtes

contre la Belgique, le Canada, les Pays-Bas, le Portugal, l'Espagne et le Royaume-Uni, le

paragraphe 2 de l'article 36 du Statut de la Cour et l'articlee la convention sur le génocide;

dans ses requêtes contrela France, l'Allemagne,Italie et les Etats-Unis, elle a invoqué l'articleiX

de la convention sur le génocideet le paragraphe 5 de l'article 38 du Règlementde la Cour.

Le 29 avril 1999,la Serbie et Monténégroa également soumis unedemande en indication de

mesures conservatoires dans chacune des dix affaires susmentionnées. La Cour a tenu des

audiences sur ces demandes du 10au 12mai 1999.

Par lettre du 12 mai 1999, l'agent de la Serbie et Monténégro a soumis à la Cour un

((complément à la requête)de son gouvernement, tendant, entre autreà,ajouter comme bases de

compétencede la Cour, dans les affaires opposant la Serbie et Monténégro àla Belgique et aux

Pays-Bas, ((l'article4 de la convention de conciliation, de règlementjudiciaire et d'arbitrage entre

le Royaume de Yougoslavie et la Belgique, signéàBelgrade le 25 mars 1930 et en vigueur depuis

le3 septembre 1930))et ((l'artic4edu traitéde règlementjudiciaire, d'arbitrage et de conciliation

entre le Royaume de Yougoslavie et les Pays-Bas, signéàLa Haye le 11 mars 1931et en vigueur

depuis le 2 avril 1932»,respectivement.

Le 2 juin 1999, la Cour a rendu dix ordonnances. Dans les affaires entre la Serbie et

Monténégroet, respectivement, la Belgique, le Canada, la France, l'Allemagne, l'Italie, les

Pays-Bas, le Portugal et le Royaume-Uni, la Cour, ayant conclu qu'elle n'avait pas compétence primafacie, a rejetéles demandes en indication de mesures conservatoires et réserla suite de la

procédure. Quant aux affaires opposant la Serbie et Monténégro à l'Espagne et aux Etats-Unis

d'Amérique,la Cour, ayant estimé qu'ellen'avait manifestement pascompétencepour connaître, a

ordonné leurradiation du rôle.

9 Le4janvier 2000, dans le délai fixpar la Coura cet effet, la Serbie et Monténégro a déposé

un mémoireidentique, datédu 5janvier 2000, dans chacune des huit affaires maintenues au rôle de

la Cour. Les4 et 5juillet 2000, dans le délaifixé pourle dépôtd'un contre-mémoire,les huit Etats

défendeursontprésenté des exceptions préliminaireà la compétencede la Cour età la recevabilité

de la requête dela Serbie et M:onténégrdoans chacune des affaires. La procéduresur le fond des

affaires a été suspendue en application de l'art79 du Règlementde la Cour. Dans chacunedes

affaires, la Serbieet Monténégroa déposéle 20décembre 2002, dansle délaitel que prorogépar la

Cour. un mêmeexposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions

préliminaires soulevéespar les Etats défendeurs. Par lettresadresséesa la Cour en janvier et

février2003, les huit Etats défendeurs ontfait étatde leurs vues sur cet exposé écrit.En réponse,

par lettre du28 février2003, la Serbie et Monténégro afait connaître à la Cour que ses

observationsécritesdu 20 décembre 2002ne devaient pas être interprétées comme une notification

dc dcsistcment, et préciséqu'e:llesavaient simplement pour objet d'obtenir que la Cour statue sur

sa compétence àla lumièredes éléments nouveaux sur lesquellsa Serbieet Monténégro avait attiré

sonattention.

Idorsde ma rencontre avec les représentantsdes Parties, le 12décembre2003, quej'ai déjà

ivoquée,a été poséela question d'une éventuellejonction des instances.Les Parties ont également

expriméle souhait de produire des documents nouveaux. Dans les lettres du greffier en date

du 23 décembre 2003,que j'ai également déjà mentionnées, les Partieo snt étéinformées quela

Cour rivaitdécidé de ne pas procéderà lajonction des instances; elles ont égalementéinformées

que la Cour avait fixé au27 février 2004la date d'expiration du délaipour le dépôtde nouveaux

documents, et que lesdits documents, qui devraient se rapporter uniquement aux questions de

compétenceet de recevabilité, seraient soumisla procédiireprévueà l'article 56 du Règlementde

la Cour. Par lettre du 26 février 2004,la Serbie et Monténégro,dans le délaifixé parla Couà cet

effet,a expriméle vŒude produire des documents nouveauxdans l'affaire l'opposantala Belgique

conformément auxdispositions de l'article 56 du Règlement. La communication prévueau

paragraphe 1 de cet article a en conséquence étéadressée à la Belgique qui, par lettre

du 12mars 2004, a fait savoir à la Cour qu'elle ne s'opposait pas à la production desdits

documents. La Cour a donc décidéque ceux-ci seraient versés audossier. Par lettre conjointe

datée du27 février 2004,dans le délai fixépar la Cour à cet effet, les Etats défendeursont

égalementexprimé le vŒu, conformémentaux dispositions de l'article 56 du Règlement, de

10 produiredes documents nouveaux réunis dansun volumecommun. En l'absence d'objection dela

Serbie et Monténégro, à qui avait étéadresséela communication prévueau paragraphe 1 dudit

article, la Cour a décde verser les documents nouveaux au dossier de chacune des affaires.

J'ajouterais que, s'étantrenseignée auprès des Parties,la Cour a décidé,conformémentau

paragraphe2 de l'article 53 de son Règlement,de rendre accessibles au publàcl'ouverture de la

procédureorale, les piècesde procédure et lesdocumentsy annexés.

Je constate la présencea l'audience des agents, conseils et avocats des Parties. La Cour

entendra les Parties conformément au calendrierque le greffier leur a fait tenir par sa lettre

du 23décembre 2003.Ainsi, elle entendra ce matin la Belgiqueet les Pays-Bas. Cet après-midi,la

Cour entendra le Canada, le Portugal et le Royaume-Uni. Demain matin, elle entendra

l'Allemagne,la France et l'Italie et, mercredi matin, pour clore le premier tour de plaidoiries, elle

entendrala Serbie et Monténégro. Jeudi,la Cour ouvrira le secondtour de plaidoiries en entendant,

le matin, la Belgique, les Pays-Bas, le Canada et le Portugal. Puis, l'après-midi,elle entendra le

Royaume-Uni, l'Allemagne, la France et l'Italie. Enfin, vendredi après-midi, le second tour de

plaidoiries s'achèvera avecla plaidoirie de la Serbie et Monténégro.

Je donne donc maintenant la parole M. Jan Devadder,agent du Royaume de Belgique.

Mr. DEVADDER:

1. Mr. President, Members of the Court, it is an honour for me to appear before you again,

todayas Agent of Belgium in this case. 2.Mr. President, in a few moments 1shall ask you to cal1Mr. Bethlehem, who will set out in

detail Belgium's arguments in these proceedings. But before doing so, as Agent of Belgium, 1

would like to offer a few corrunents. First, 1 wish to underscore Belgium's concem about the

recent surge of violence in Kosovo. Belgium has employed the strongest possible language in

denouncing these acts of ethnic violence, which have taken lives, caused damage to property and

resulted in the destruction of cultural and religious heritage. Belgium intends to do its utmost,

1:1 within its responsibilities under Security Council resolution 1244 (1999), to preserve peace and

stability in the province, for the good of al1its inhabitants, regardless of ethnic origin or religious

belief. Protecting the rights and security of members of'al1 communities living in this area is

crucial.

3. Second, it is important for you to be aware of the relations which have been established

between Belgium and Serbia aridMontenegro since the events of the 1990s.

The Belgian Minister for Foreign Affairs, Mr. Louis Michel, recently returned from an

official visit to Belgrade, in early March, during which he met the Serbian Prime Minister,

Mr. Kostunica, as well as the outgoing Minister for Foreign Affairs, Mr. Svilanovic, and the new

Minister Mr. Draskovic. Our two States recently signed a series of agreements, in particular a

military CO-operationagreement in April 2003 and an agreement on the protection of investments

last month. In light of the statement resulting from the Thessaloniki Surnrnit in June 2003,

Belgiumnotes that Serbia and Montenegr0 is a potential candidate for membership of the European

Union, in the context of the Stabilization and Association Agreement. However, the European

Union considers that further progress is needed to complete the membership process and in

particular, that full CO-operationwith the Intemationaliminal Tribunal forthe former Yugoslavia

is required.

4. Third, 1 further note that in-depth discussions have taken place conceming the

participation of Serbia and Montenegro in the NATO Partnership for Peace programme. Belgium

hopes thisparticipation will m,aterializein the near future, forit represents an essential step towards

the normalization of relations following the events of the 1990s. However, this participation also

depends on the settlement of a series of outstanding problems, which in a way are the legacy of

those events, and which inclutle the issue, and the major one at that, of full CO-operationby Serbiaand Montenegro with the International Criminal Tribunal for the former Yugoslavia. Moreover,

the present case remains an obstacle to the progress of the Partnership for Peace negotiations.

Belgiumhopes it will be possible, in keeping with its written pleadings and its oral argument today,

to sweep asidethis obstacle to the future normalization of itsrelations with Serbia and Montenegro.

5. Fourth, regarding the details of the present case, the Written Observations by Serbia and

Montenegro dated 18 December 2002 in reply to the PreliminaryObjections of Belgium showa

change in the Applicant's position. As Mr. Bethlehem willexplain in greater detail, in the light of

these Observations, Belgium maintains that there is no longer any dispute between the Parties.

Although underlying disagreements on various issues still remain, the Written Observations of

Serbia and Montenegro reveal that there is agreement between the Parties on an issue of

jurisdiction which is in fact decisive in the case submitted to the Court. On this point Belgium

refers to the written submissions of Serbia and Montenegro. In the light of these submissions,

Belgiumasksthe Court to close the present case on al1counts.

6. Fifth, to dispel al1 doubt, 1 wish to stress that Belgium maintains al1 its Preliminary

Objections tojurisdiction and admissibility. On one point, regarding the admission of Serbia and

Montenegro to membership of the United Nations, these objections have been overtaken by events

since Belgium submitted its written pleadings on 5 July 2000. However, intewening events, far

from invalidating the objections by Belgium, in fact support them. While the emphasis on this

issue has shifted, as Mr. Bethlehem will explain in greater detail, the objection raised is still

relevantpeu se.

7. In view of the limited time available this morning, and having regard to other matters,

Belgium hasno intention of goingback over eachof its eightPreliminary Objections tojurisdiction

and admissibility in detail.In particular, we do not contemplate atthis stage rehearsing Belgium's

objections to admissibility. However, to dispel al1doubt, 1stress again that we maintain al1our

objections to jurisdiction and admissibility. If need be, in the light of the oral submissions by

Serbia andMontenegro this Wednesday, we willrevert to these issues during the reply phaseat the

end of theweek. However, 1venture to hope that thiswillnot be necessary. 8. Sixth and last,1must briefly mention here the 1930bilateral Convention between Belgium

and the formerKingdom of Yu,goslavia,a Convention relied upon in the Applicant's Memorial asa

basis of jurisdiction. In Our written pleadings, we havt: given a number of reasons why this

Convention cannot legitimatel:~be relied upon in this case. Indeed, in the light of the Written

Observations of Serbia and Montenegro in reply to the above-mentioned Preliminary Objections, it

seems that Serbia and Montenegro is no longer involungthis Convention as a basis ofjurisdiction.

Doubt nevertheless remains on this issue if one refers to the documents submitted to the Court by

Serbia and Montenegro under cover of its letter to the Registrar dated 26 February 2004. To dispel

this doubt straight away, 1muistpoint out that the practice of the two Parties over a considerable

period of time shows that, on both sides, this Convention is no longer regarded as being in force

between the Parties to the present case - and that, in fact, it is no longer in force at all. The

Applicant has relied on it in its Memorial, despite the fact that it was not referred to at al1in the

lengthy correspondence between Belgium and Serbia and Montenegro, and with the other

successor States of Yugoslavia - Bosnia-Herzegovina excepted - on the question of succession

to the treatiesbetween Belgiiim and the former Yugoslavia. Following Belgium's Preliminary

Objections of 5 July 2000, which showed, among other things, that the Convention had lapsed or

that Serbia and Montenegro had not succeeded to it, there were further exchanges of

correspondence between the t.woParties on the question of succession to the treaties. The 1930

Convention was never referredlto here either. Althoughit appears to rely on it in its Memorial, and

notwithstanding Belgium's objections on this point, at no time - 1repeat - at no time after

Belgium had submitted its Preliminary Objections, did Serbia and Montenegro seek to assert that

the Convention had remained :inforce and that it had succeeded to it. The first - and only- time

the 1930 Convention was referred to in the context of bilateral relation- was a Note from the

Ministry of Foreign Affaiirs in Belgrade addressed to the Belgian Ambassador on

26 December 2003. In that Note, Serbia and Montenegro informed Belgium that it was prepared to

include the 1930 Convention in the list. This occurred one month after the Court had invited the

Parties to attend the hearings in the present case and after literally years of silence on the part of

Serbiaand Montenegro, whereas Belgiumhad publiclyasserted that the Convention had lapsed and14 that Serbiahad not succeeded to it. Belgium relies on the silence of Serbia and Montenegroon this

point. There is no basis whatsoever- and never has been- for claiming that the 1930

Convention remained in forceor that Serbia and Montenegro succeeded to it.

9. Mr. President, Mr. Bethlehem isnow goingto set out Belgium's submissionson the points

1havejust mentioned, andon certain others, in greater detail. May1ask you to cal1upon him todo

SO.

Le PRESIDENT :Merci, Monsieur Devadder. Je donne à présentla parole au professeur

Daniel Bethlehem.

M. BETHLEHEM :

INTRODUCTIONETPLANGENERALDE L'ARGUMENTATION

1.Monsieur le président,Madameet Messieurs de la Cour, c'est un honneur pourmoi quede

me présenter aujourd'hui devant vous, en particulier pour représenter la Belgique dans cette

procédure.

2. Ce matin, mon exposé se divisera en quatre parties. Premièrement,je développerai

l'argument énoncé il y a un instant par l'agent de la Belgique selon lequel, au vu des observations

écritesprésentées parla Serbie et Monténégroen réponseaux exceptions préliminaires dela

Belgique, il y a accord entre les Parties sur une question decompétencequi est déterminante dans

l'affaire soumiseàla Cour. La Belgique invitera donc la Cour à conclure la présente instancepar

une décision reflétanlt'accord des Parties sur cet aspect.

3. Deuxièmement,si la Cour n'est pas disposée àprocéderde la sorte, il sera nécessaire de

formuler des conclusions supplémentaires. J'évoquerai donaclors certains éléments contextuelst

certains faits nouveaux survenus depuisque la Belgique a soulevéses exceptions préliminairesle

5juillet 2000.

4. Troisièmement,je présenterai ensuite plusieurs observations générales sulr question de

la compétence, portant surl'ensemble de l'affaire plutôt que sur un fondement de compétence

particulier invoqué parle demandeur. L'idéecentrale de ces observations est que l'important est

d'établir sila Cour était compétenteau moment oùl'instance a étéintroduite. Comptetenu de ce15 que l'on reconnaît actuellement avoir étéla situation juridique à l'époque, la Serbie etMonténégro

n'avait pas qualitépour ester devant la Cour en qualité dedemandeur.La requêteintroductive

d'instance était dénuéede validitéab initio. Et I'ad~nission de la Serbie et Monténégroà

l'organisation des Nations Unies le leTnovembre 2000 ne l'habilite pas à poursuivre cette

procéduresur la base de sa requêtedu 29 avril9.

5. Quatrièmement, a titre subsidiaire, je développerai brièvement pour finir un certain

nombre de points concernant chacun des chefs de compétenceinvoqués par le demandeur dans son

mémoire. Laprésente instance est touta fait inhabituelle dans la mesure où le demandeur n'a

contesté aucunedesexceptioris d'incompétenceet d'irrecevabilité soulevéespar la Belgique. Le

Règlementde la Cour et les directives régissant saique enjoignent aux parties de faire preuve

de brièvetédans leurs exposésoraux. Mesobse~ations sur les chefs de compétenceinvoqués par

le demandeur dans son mémoire se limiteront donc quelques points succincts qui méritance

stade d'êtrerelevés. Ainsiu.el'a notéM. Devadder, la Belgique maintient toutes les exceptions

d'incompétence et d'irrecevabilité qu'ellea soulevéesdans ses pièces écrites. Elle se réservele

droit de revenir sur ces exceptions si besoin est,ièredes conclusions orales du demandeur.

6.Monsieur le président,avant d'en venir a mes conclusions, ja dire quelques mots de

terminologie. La présente instance até introduite par la République fédéralede Yougoslavie.

Dans la désignation initialeel'affaire, le demandeur était simplement désignésous le nom de

<<Yougoslavie>).Dans les pièces de procédure, il est dénomméla République fédérale de

Yougoslavie ou, en abrégé,lRFY. Par la suite, il est devenu la Serbie et Monténégro. Dans mon

exposé,je parlerai selon le cas de la République fédérade Yougoslavie, de la RFY ou, par

commodité, de la Serbie et Monténégro. Les diverses formulations, que j'emploierai

indifféremment,ne recouvrent aucune intention particulière.

PREMIER EARTIE

ILY A ACCORD ENTRE:LES PARTIES SUR UNEQUESTION DECOMPETENCE QUI EST

DETERMINANTE DANS L'AFFAIRESOUMISE A LA COUR

7.Monsieur le président.Madame et Messieurs de la Cour, je passe à présentà la première

partie de mes conclusions, a savoir qu'il y a accord entre les Parties sur une question de

compétencequi est déterminantedans l'affaire soumisela Cour. Ainsi que je l'ai relevéil y a un moment, il s'agit d'une affaire inhabituelle. La Serbie et Monténégron'a contesté aucune des

exceptions d'incompétenceet d'irrecevabilitésoulevées par la Belgique. Les pièces écrites dela

Belgique sont volumineuses : elles représentent quelque cent quatre-vingt-cinq pages

d'argumentation. En réponse, la RFY a soumis ses observations et conclusions le

16 18 décembre2002. C'est un document particulièrement important dont je prévois que vous

entendrez parler bien davantage encore dans le courant de cette semaine. La partie dispositive

comprend quatre alinéasrédigés dans les termes les plus brefs, comme suit

«La République fédérale de Yougoslavie complète ses communications
antérieures surla base de faits nouvellement découvertsdepuis le dépôt despiècesde

procédureprécédentes. Cesfaits découlentde l'admission de la République fédérale
de Yougoslavie en tant que nouveau Membre de l'organisation des Nations Unies le
lernovembre 2000. La République fédérale de Yougoslavie conclut qu'il ne fait
aucun doute aujourd'hui que

a) au regard des articles 35 et 36 du Statut de la Cour et de la convention sur le
génocide (et au regard des conventions bilatérales pour ce qui concerne les

instances contre la Belgiquet les Pays-Bas),

la République fédérale de Yougoslavie étantdevenue nouvellement Membre de
l'organisation des Nations Unics le 1"novembre 2000, il en découlequ'elle ne
l'était pas avant cette date. Il est donc maintenant établi que, avant le
1" novembre 2000, la République fédérale dYeougoslavie n'étaitpas et ne pouvait
pas êtrepartie au Statut de la Cour en qualité de Membrede l'organisation des

Nations Unies;

b) au regard de la convention sur le génocide,

la République fédéralede Yougoslavie n'a pas assuré la continuité de la
personnalité juridique de l'ex-Yougoslavie ni de sa qualité de partie à la
convention, avec pour conséquence,en particulier, que la République fédéraldee
Yougoslavie n'étaitpas liéepar la convention sur le génocide avantd'adhérer à

cette convention (avecune réservea l'articlIX)en mars 2001.>>

8. Dans les conclusions qui suivent ces observations, la RFY demandà «la Cour de statuer

sur sa compétenceà la lumière de l'argumentation exposée dans lprésentesobservations écrites)).

Et c'est tout. Voilà quoi se résumela pièce écrite établear la Serbie et Monténégro enréponse

aux exceptions préliminaires soulevéepar la Belgique. LaSerbie et Monténégro n'apas demandé

à la Cour de se déclarer compétente. Elle n'a pas demandéa la Cour de déclarer fondéela

conclusion de la RFY selon laquelle la Cour aurait compétence. Ellen'apas demandé àla Cour de

rejeter les exceptions d'incompétence soulevéesar la Belgique. Elle a simplement demandé àlaCour de se prononcer sur sa compétence en ayant égard, notamment, au fait que la Serbie et

Monténégroreconnaissait n'avoir pas étépartie au Statut à l'époqueconcernée. Cette demande a

été réitérédeans la correspondance ultérieureadressée àla Cour.

9. Monsieur le président, ainsi que vous l'avez fait observer dans vos observations

liminaires, la RFY invoque dans son mémoire troisbases de compétence contre la Belgique : les

déclarationsdesParties au titr de la clause facultative, l'articliX de la convention sur le génocide

et l'article4 d'une convention bilatérale conclue en 1930 entre la Belgique et le Royaume de

Yougoslavie. Dans ses pièces écrites, la Belgique affirme en particulier que la Cour n'était pas

((ouverte))à la RFY au sens de l'article 35 du statut'. Les observations écrites de la Serbie et

Monténégroen réponse aux exceptions préliminaires étayent en fait l'affirmation dela Belgique

sur ce point en ce qui concerne chacun des chefs de compétenceinitialement invoqués parla RFY.

La Serbie et Monténégro a prié la Cour de se prononcer :;Urla compétencede la Cour en l'espèce

en tenant compte de l'appréciation communedes Parties h cet égard. Cetteappréciation commune

sur ce point critique est déterminantedans l'affaire soumise à la Cour. Elle représenteun terrain

d'entente entre les Parties suirla question fondamentale de la compétence, qui pénètretous les

aspects du différenddont la Cour est saisie. Ainsi que la Cour l'a fait observer dans les affaires des

Essais nucléaires : ((L'existeinced'un différend est ...la condition première de l'exercice de sa

fonction judiciaire... Le difftjrend dont la Cour a étésaisie doit donc persister au moment ou elle

statue. Elle [la Cour] doit tenir compte de toute situation dans laquelle le différend adisparu.. .»'

10. Monsieur le président, Madame et Messieurs. de la Cour, eu égard aux observations

écriteset conclusions de la Serbie et Monténégro, dans lesquellescelle-ci a abandonné lesmotifs

de compétence qu'elle invoquait initialement, la solution appropriée serait que la Cour raye

l'affaire de son rôle. Subsidiairement, la Belgique prie la Cour de mettre un terme à la présente

instance par un arrêt constatant l'absence de différend.

'Laposition de la Belgique est résuel'alinéa)du paragraphe 12de sesexceptions préliminaires.

Essais nucléaires(Austraic.France) (Nouvelle-Zélanc.France),arrêtsdu 20 décembre1974,par. 55 et 58
respectivement. 11. Je tienàajouter, pour être complet, quela Belgique ne prévoitpas que le demandeur

revienne sur ses observationsécrites dans sonexposéoral de mercredi. Si toutefois il étaittentéde

le faire, pour quelque raison que ce fût, la Belgique considère que le principe de l'estoppel s'y

opposerait. Sibesoin est,je reprendrai cepoint au second tour de plaidoiries.

DEUXIEME PARTIE

CONTEXT E T ELEMENTS NOCIVEAUXDEPUIS LE 5JUILLET 2000

12. J'en viens maintenant à la deuxième partie de mon intervention, dans laquelle

j'évoquerai certainsaspects du contexte de l'affaire, ainsi que certaines évolutions intervenues

depuis le dépôtpar la Belgique de ses écrituresle 5juillet 2000. Je serai bref, n'ayant d'autrebut

que d'offrir un cadre de référence pourla suite de ma plaidoirie.

18 13.La présente instance aétéintroduite par une requêtedéposéeau Greffe le 29 avril 1999.

La requêtereproduisait une déclarationde la RFY datée du25 avril 1999 antérieure, donc,de

quatre jours à ce dépôt-, que la RFY présentait comme une déclaration faiteau titre du

paragraphe 2 de l'article du Statut. La RFY poursuivait en affirmant que la Cour était

compétente pourconnaître de l'affaire en vertu des déclarationsd'acceptation de la juridiction

obligatoire de la Cour faites par les Parties, d'une part, et de l'articleonvention sur le

génocide, d'autre part.Au cours de la procédure orale sur les mesures conservatoires, le

demandeur a invoquécomme base de compétence supplémentaire contre la Belgique l'articlee

la convention bilatéralede 1930.

14. La Cour a, par son ordonnance du 2juin 1999, rejeté la demande en indication de

mesures conservatoires. Les motifs sur lesquels elle s'est fondée,s'agissant de sa compétence au

titre de la clause facultative et de iXasur la convention sur le génocide, demeurentvalables

aux finsde la présente phase dela procédure.

15. La RFY a déposéson mémoirele 5janvier 2000. Elle y affirmait être Membre de

l'organisation desNations Unies et invoquait contre la Belgique les trois chefs de compétencedéjà

mentionnés. Sur le fond, la RFY ne se contentait pas de développerdes arguments a l'appui des demandes énoncéesdans sa requête, maisajoutait de nouvelles allégations,qui allaient bien au-delà

des points mentionnés dans celle-ci et portaient notamient sur des faits censés êtreintervenus

aprèsle 10juin 1999, date de Il'adoptionpar le Conseil de sécuritéde la résolution 1244(1999).

16. La Belgique a déposéses exceptions préliminaires d'incompétence et d'irrecevabilitéle

5juillet 2000. Elle y énonçait huit conclusions distinctes. La Belgique fondait principalement ses

exceptions sur le fait que la (Sour n'était pas ouverte a la RFY au titre de l'article 35 du Statut,

notamment parce qu'elle n'étaitpas Membre de l'organisation des Nations Unies.

17. A la suite du dépht de ces exceptions préliminaires, il s'est produit plusieurs faits

nouveaux qui ont, ou sont susceptibles d'avoir, une incidence sur les arguments avancés en

l'espèce. Les principaux documents y relatifs ont étésoumis à la Cour sous le couvert de la lettre

conjointe en date du 27 février2004 des agents des huit Etats défendeurs dans les instances

parallèles encours, lettre que vous évoquiez, Monsieur le président, voici quelques instants. Je

n'entends pas analyser en détailces évolutions, maisil peut êtreutile d'en souligner les principaux

aspects.

18. Le 27 octobre 200C1,le président nouvellement élu de la RFY, Vojislav Kostunica, a

adresséau Secrétaire généralde l'ONU une lettre par laquelle il sollicitait <(l'admissionde la

19 Kcpublique fédéralede Yougoslavie à l'organisation des Nations Unies, comme suite à la

résolution777 (1992) du Conseil de sécurité)?. Danssa résolution777, le Conseil de sécurité

considéraitque la RFY ne pouvait assurer automatiquement la continuitéde la qualitéde Membre

dc l'organisation des Nations Unies qu'avait l'ancienne République fédérative socialiste de

Yougoslavie et devait présenter à l'organisation une demande d'adhésion4.

19. A la suite d'un rapport du comité d'admission de nouveaux Membres du Conseil de

sécurité5l,e Conseil a examiné la demande d'admissiori de la RFy6. Dans sa résolution1326

(2000). il a recommandéà 1'A.ssemblée générale d'admettrela République fédérald ee Yougoslavie

Al551528-S/200011043,30 octobre 2000. (Document n1des Documents nouveaux présentés par les Etats
dcfcndeursen vertu de l'article 56 di]Règlementde la Cour.)
Résolution777 (1992) du Conseil de sécurité,a31des exceptions préliminairesde la Belgique.

S.120001105,31octobre 2000. (Documentno2 des Documeritsnouveauxprésentéspar les Etatsdéfendeurs.)

"l~v.42 14 et SlPV.4215, tous deux en date du 1octobre 2000.(Documents nos3 et4 des Documents
nouveaux présentés par leEstatsrndeurs.)en qualitéde Membre de l'0rganisation7. Donnant suite à cette recommandation, l'Assemblée

générales ,ur la base d'un projet de résolutiondont la Belgique étaitcoauteur8,a décidé d'admettre

la République fédéraldee Yougoslavie à l'Organisation9. Un certainnombre des déclarations faites

pendant laséance del'Assembléegénérale lors de laquelle laRFY a été admise montrent, sibesoin

était,qu'elle a été admiseen tant que nouveau Membre et non, sous quelque modalitéque ce soit,

en qualité de successeurde l'ex-~ou~oslaviel~. D'autres Etats faisant précédemment partie de

l'ancienneYougoslavieont particulièrementinsistésur ce point.

20. Le 12 mars 2001, la RFY a déposéauprèsdu Secrétairegénéralde l'Organisation des

NationsUnies une notification d'adhésion à la convention sur le génocide,indiquant que celle-ci

entrerait en vigueurà l'égardde la RFY le 10juin 2001. Lanotification d'adhésioncomportaitune

réserve à l'article IX, ainsi libell:e«la République fédérald ee Yougoslavie ne se considère pas

liéepar l'article IX»de la convention.

21.S'agissantdes faits nouveaux intervenusentrelesParties sur leplan bilatéral,la Belgique

a exposé en détail auchapitre sept de ses écritures lesdiverses analyses internes et discussions

bilatéralesqui ont eu lieu au sujet de la successionde la RFY aux traités conclusentre la Belgique

et l'ex-~ougoslavie". Cette question n'était pas encore tranchée formellement am u oment de

l'introduction dela présenteinstance, les échangesbilatéraux entre les Parties ayant étésuspendus

dans le contexte des événementsdu Kosovo. Toutefois, ainsi que l'expose la Belgique dans ses

exceptions préliminaires, tous lesélémentsdont on disposait alors donnaient clairement à penser

que la RFY n'avait pas succédé àl'ex-Yougoslavieen ce quiconcernait la convention de 1930. Ils

incitaient même à conclure que la convention de 1930 était purement et simplement devenue

caduque au plus tard le 4juillet 1992". J'y reviendraiultérieurement.

'SIRES11326(2000). 31 octobre 2000. (Document no5 des Documents nouveaux présentépsar les Etats
dcfendeurs.)

A/55lL.23*, ICrnovembre 2000. (Documentno8des Documents nouveauxprésentés parles Etatsdéfendeurs.)
AIRES155121, 10novembre 2000. (Document no 10 des Documents nouveaux présentéspar les Etats
dcfendeurs.)

O Al55lPV.48, le'novembre 2000, p. 28 et suiv. (Documentno8des documents nouveaux présentés palres Etats
dcfendeurs.)
''Exceptions préliminaires,par. 417-423 et 438-448

''Ibid.par. 412-423. 22. La périodequi a suivi le dépôtdes exceptions préliminairesbelges a vu une reprise des

discussionsbilatéralesentre la Belgique et la Serbie et Moilténégrosur la question de la succession

aux traités. L'annexe 13 de lainote conjointe du 27 février2004 soumise a la Cour par les Etats

défendeurs comporte cinq nouveaux documents à ce sujei. Il en ressort que des échangesont eu

lieu entre les deux Etats sur la question générade la succession aux traités l6 septembre2001,

puis le 25mars 2002. Cette question est cependant demeuréependante, les deux Etats n'étantpas

parvenus a s'entendre sur la succession à propos d'un traitérelatif aux transports maritimes.

Toutefois, comme dans le cas des précédents échangeb silatéraux, la convention de 1930 dont il

s'agit en l'espècen'a été évoquée dan srlrcrrees discussions entre les deux Etats, l'appréciation

qui prévalaitde part et d'autre étanàl'évidenceque cet iristrument n'était plusen vigueur ou que,

s'il l'était,la RFY n'y avait pas pris la succession de l'ex-Yougoslavie.

23. Comme l'évoquait l'agent de la Belgique, la Cour a, le 27 novembre 2003, avisé les

Partiesàla présenteaffaire de la tenue d'audiences en avril 2004. Le 23 décembre 2003,à la suite

d'une rencontre entre lesagents des Etats parties aux huit affaires et le président dela Cour, le

greffier a écrit auxPartiespour leur notifier le calendrier des audiences. décembre2003,soit

un mois plein après que la Cour eut convoquéles Parties a l'audience, le ministère des affaires

étrangères dela Serbie et Monténégro aécrit à l'ambassade de Belgique à Belgrade pour proposer

d'inclure la convention de 1930dans la liste des traités'égard desquels laSerbie et Monténégro

assumerait la succession de l'ex-Yougoslavie. Alors que les échangesbilatéraux entreles deux

21 Etats surla question de la succession aux traitésse poursuivaient depuis de longues années,c'est la

première etla seule fois que la convention de 1930 a Sténe fût-ce que mentionnée. Dans la

correspondance que 1'ambass;idede Belgique a adressée ensuitele 23 février2004 au ministèredes

affaires étrangèresde la Serbie et MonténégroàBelgrade, la Belgique a rejetécette proposition. TROISIEM EARTIE

LA COMPETENCEDELA COUR DOITS'APPRECIERA LA DATE DUDEPOT
DEL'ACTE INTRODUCTIFD'INSTANCE

24. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, ayant ainsi fait le point de la

situation actuelle, j'en viens mainteàala troisième partie de mes conclusions, oùj'affirme que

la compétencede la Cour doit s'apprécier la dateà laquelle l'acte introductif d'instance a été

déposé. Leschoses sont simples. Premièrement, la compétencede la Cour doit s'apprécierà la

date ou l'instance a introduite. Deuxièmement,la Serbieet Monténégron'avait pas qualitépour

saisir la Cour lorsqu'elle adéposérequête introductived'instance. Troisièmement,cette requête

n'était doncpas valableàla date où elle a été déposée. uatrièmement, la Serbie et Monténégro

n'est pas habilitéeaujourd'hui poursuivre une procédure fondéesur cette requêtenon valable.

Comme je l'ai déjà dit dansmon introduction, cetteconc1usion qui concerne l'affaire dans son

ensemble, et non telle ou telle base de compétence invoquée parla Partie demanderesse. Si la Cour

la fait sienne, elle sera décisive pour toute l'affaire.

25. Avant d'en venir au cŒur du problème, deux remarques plus généralesme semblent

pertinentes.Pour commencer, ilest manifeste aujourd'hui que la Serbieet Monténégro n'éitas

membre de l'organisation des Nations Unies ni partie au Statut de la àoquelque autre titre au

moment ou elle a déposésa requête introductived'instance. En outre, c'est en tant queveau

Mcmbre qu'elle fut admise au sein de l'organisation le'novembre 2000. On n'a pas considéré

quc l'admission dela Serbie et Monténégro ressuscitaitl'appartenance en sommeil de l'ancienne

Yougoslavie et en assurait la continuité, comblantainsi le fossé temporel de tellefaçon que la

Serbie et Monténégro auraiten quelque sorte étéMembre de l'Organisation sans interruption

depuis 1945. A l'évidence,telle n'étaitpas l'intention du Conseil de sécuriténi de l'Assemblée

générale,i celle des différents Membres deONU qui firent des déclaratioàce sujet.

26. Ensuite, comme je l'ai déjà rele, aucun moment la Serbie et Monténégron'a affirmé

avoir accès à la Cour à un autre titre que sa qualité de Membre de l'organisation des

22 Nations Unies. Elle ne saurait le faire maintenant. Le principe applicable est celui posé parla

Cour dans l'ordonnance qu'elle a rendue en l'espèce sur la demande en indication de mesuresconservatoires, où elle a rejeté l'invocationpar la RFY d'une nouvelle base de compétenceau stade

de la procédureorale, au motif qu'«une démarcheaussi tardive, lorsqu'elle n'est pas acceptée par

l'autre partie, met gravement en pérille principe du contradictoire et la bonne administration de la

justiceui3.

27. Monsieur le présideint,j'en viens maintenant a la question centrale de cette partie de mes

conclusions. Il est manifeste aujourd'hui que la Serbie et Monténégro n'étaiten aucun cas partie

au Statut de la Cour au moment ou elle a déposésa requêteen vue d'introduire une instance. Elle

ne conteste d'ailleurs pas ce point. La Serbie et Monténégron'a pas non plus prétendu quela Cour

lui fût ouverteà un quelconqiie autre titre. Elle ne saurait le faire maintenant. La seule question

qui demeure est celle de savoir si l'admission de la Serbie et Monténégro à l'organisation des

Nations Unies le 1" novembre 2000, en tant que nouveau Membre, peut remédier au vice radical

qui entache sa requête introductived'instance du 29 avril 1999. La Belgique estime que non. La

requêtede la Serbie et Monténégro était fondamentalement viciéleorsqu'elle a étédéposée.Elle

est nulleab initio. L'admission ultérieure dela Serbie et Monténégroà l'ONU, quelque dix-huit

mois plus tard, ne peut remédier àce vice.

28. Il est bien établidans la jurisprudence de la Cour que la compétence doit s'apprécierau

moment du dépôtde l'acte introductif d'instanceI4. La Cour l'a notamment confirmédans l'affaire

du Muridut d'arrêt qui nous a conduits devant elle il n'y a pas bien longtemps. Ce principe ne

rclévc pas simplement de l'application judiciaire des règles du droit intertemporel. Il est un

Climcnt clé dela bonne admiriistration de lajustice.

29. Ce principe souffre cependant une exception notable. La Cour ne sanctionnera pas un

vice entachant un acte de procédure sile demandeur peut aisémenty porter remède''. Comme l'a

dit la Cour permanente dan!; l'affaire relative à Certains intérêts allemands en Haute-Silésie

polonoise, la Cour (me pourriait s'arrêterà un défautde forme qu'il dépendraitde la seule Partie

IILicéiléde 1'emploide luforcc (Yougoslavie c. Belgique), tntssuresconservatoires. ordonnance du 2juin 1999,
('1.JRccltcil 1999par44.

14Voir par exempleMandat d'arrêtduIl avril 2000 (République démocratiquedu Congo c. Belgique),t uêd
Il,/é~~rrc2r002, C.IJ. Recueil 2002, par. 26.
15
Applicalion de lu convent,ionpour la prévention etla répresîioridu crime de génocide(Bosnle-Herzégovinec
Yo~rgosluvic,xceptions préliniinaii-es.arrêtdu II juillet 1996,C.I.J.Recueil 1996,par. 26. - 20 -

intéressée de fairedisparaître»'6. Ainsi, la Cour ne se déclarera pas incompétente aumotif, par

exemple, qu'il existe un simple vice de forme ou de procédure auquel le demandeur pourrait

aisément remédieren déposantune nouvelle requêteintroductive d'instance.

30. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, c'est là le cŒurde la question

qui se pose en l'espèce. Levice radical qui, au moment où la procédure fut engagée,entachait la

base de compétence invoquéepar la Serbie et Monténégro peut-ilou non êtrequalifiéde simple

vice de forme ? Peut-on dire, pour reprendre l'expression employéedans l'affaire desConcessions

Mavrommatis en Palestine, que la requête de la Serbie et Monténégroétait simplement

prématurée ? Dans les circonstances de l'espèce, où donc se situe le point d'équilibrequand on

met en balance les conséquences préjudiciablesqu'auraient respectivement pour le demandeur etle

défendeurl'acceptation ou le rejet de l'exception d'incompétencesoulevée parla Belgique à cet

égard ?

31.A la date où elle a étédéposée,la requêteintroductive d'instance en la présenteaffaire

sortait complètementdu cadre juridictionnel de la Cour tel que défini aux articles35, 36 et 37 du

Statut. Cette requêten'étaitpas simplement prématurée. Elle s'appuyait intentionnellement sur

une prémisse faussed'une importance fondamentale. Il ne s'agit pas seulement d'une question de

moment mais d'une manipulation délibérée du fondement essentiedle la compétence dela Cour. Il

serait extraordinaire den'y voir qu'un simple vice de forme.

32. On peut certes avancer que la Serbieet Monténégro pourrait remédiea ru vice existant en

déposant une nouvelle requête introductive d'instance. Mais cela ne serait pas si simple. Toute

nouvelle affaire devrait nécessairement différer qualitativement decelle qui nous occupe, et ce à

d'importants égards. Comme nousle verrons plus en détailtout à l'heure, on ne saurait considérer

comme valable la déclaration faite en vertu de la clause facultative qu'invoque la Serbie et

Monténégroen l'espèce. Lorsqu'elle afait cette déclaration,la Serbie et Monténégro n'étaiptas

partie au Statut. Et,à la connaissance de la Belgique, elle n'a pas confirmécette déclarationaprès

son admission à l'organisation des Nations Unies.

IbCertains intérsllemands en Haute-S~lpolonaise, C.P1.sériA no6,p. 14 33. Un raisonnement parallèle peut êtretenu a propos de l'articlIX de la convention sur le

génocide, invoquécomme chef de compétence distinct. La Serbie et Monténégro a déposé le

12 mars 2001 une notification d'adhésion à cette convention, assortie d'une réserve concernant

l'articleX. La Belgique ne se prononce pas sur la question de l'adhésionou de la succession de la

Serbie et Monténégroà la convention. Elle se borne a relever que si la Serbie et Monténégro

voulait fonder la compétence de la Cour sur la convention sur le génocide dans le cadre d'une

nouvelle affaire, elle devrait nécessairement le faire par référenceà son acte du 12mars 2001.

Dans ces conditions, la réserve qu'elle a formulée aurait pour effet, si elle était jugéevalable,

d'exclure la compétence. Si cette réserve n'étaitpas jugée valable, ou si l'on considérait quela

Serbie et Monténégro était devenue partie à la convention sur le génocide autrement que par sa

notification d'adhésion, des questions d'estoppel se poseraient quant à l'effet de sa réserve de

mars 2001.

34. La Serbie et Monténégroaurait égalementbeaucoup de mal à invoquer a nouveau la

convention de 1930 comme base de compétence. Les événementssurvenus depuis le dépôt desa

requête dansla présenteaffaire confortent la position de la Belgique sur ce point.

35. Le défautqui entache la requête dela Serbie et Monténégroen l'espèce n'estdonc ni un

simple vice procéduralni quelque chose que le demandeur pourrait aisément corriger de façonà se

retrouvera peu près dans la situation qui serait la sienne si la Cour déaice stade de se déclarer

cornpetente. Par conséquent, l'exception que souffre le principe selon lequel la compétencedoit

s'apprécier au moment du dépôt de l'acte introductif d'instance n'est pas applicable en

l'occurrence. C'est le principe juridictionnel de base qui doit s'appliquer.

36. Au-delà de cette conclusion, la mise en balance des inconvénientset avantages pour les

Partics oblige en l'espèce à conclure que le vice radical qui entache la base de compétence

invoquéepar la RFY dans sa requêtevicie cette dernière ab initio. Permettre à la Serbie et

Monténégo de maintenir s,a demande alors qu'elle n'a jusqu'alors pas mêmerépondu aux

exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité dela Belgique porterait atteinte aux droits qu'a

cellc-ci en tant que défendeur et serait contraire à la bonne administration de la justice.Cela

soulèverait également des questions fondamentales de charge de la preuve. Compte tenu des exceptions d'incompétence et d'irrecevabilité présentée psar la Belgique, c'esà la Serbie et

Monténégro qu'il incombe de prouver la compétence. Or, elle n'a même pasencore commencé à

le faire. On voit maldans ces conditions sur quelle base la Cour pourrait se déclarer compétente.

37. Monsieurleprésident, Madame etMessieurs de la Cour, il me faut commenterun dernier

aspect de cette question. Le fait que la Serbie et Monténégroait étéet continue d'êtrela partie

défenderessedans l'affaire relativeà l'Application de la convention pour la prévention et la

répression du crirne de génocideengagéepar la Bosnie, et qu'elle ait elle-mêmeengagé une

procédureen l'affaire de la Denlande en revision de l'arrêt duII juillet 1996, sur laquelle la Cour

a statué l'annédernière,ne remetpas en cause ce queje viens d'exposer. LaDemande en revision

di.coulait de l'affaire relaàil'Application de la conventionpour la prévention etla répression

25 du crime de génocide. En tant que défendeur danscette premièreaffaire, la Serbie et Monténégro

avait tout à fait qualité pour engager une procédure dans la seconde. Dans I'affaire de

l'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, la

considérationdéterminanteest que la RFY n'a pas contestéla compétenceen invoquant sa non-

appartenance à l'Organisation des Nations Unies. Au contraire, elle a affirmé enêtremembre par

succession àl'ancienne Yougoslavie. La RFY a donc acquiescédans cette affaireàsa comparution

dcvant la Cour. Si elle étaitparfaitement en droit d'agirainsi en tant que défendeur, ellene saurait

pour autant invoquer cet acquiescement pour établirla compétencede la Cour dans la présente

affaire. La Belgique se fonde à la fois sur la lettre et l'esprit de l'article 35 du Statut. Elle

n'acquiesce pas àla présentationd'une demande à son encontre par un demandeur quin'avait pas

qualitépour saisir la Cour au moment oùill'a fait.

38. Il est un autre élément pertinentqui distingue les questions de compétencese posant en

I'cspécede celles qui se posaient dans l'affaire de l'Application de la convention pour la

pr61'c~tirioent la répressiondu crime de génocide. Dans cette dernière affaire,la Cour, en se

déclarant compétente, a souligné t,nt au stade des mesures conservatoires que dans son arrêt sur

les exceptions préliminaires, queles deux Partiesla procédure correspondaientà deux parties du

territoire del'ancienne Yougoslavie, laquelle avait signéla convention sur le génocideet déposé

son instrumentde ratification sansl'assortir d'aucune réserve.La Cour a de nouveau insistésur ce point dans I'affaire de la Demande en revision", confirmant le caractère sui generis de ces

procédureset la prise en compte des circonstances particulières existant entre les Etats qui faisaient

auparavant partie de l'ex-Républiquefédérative socialiste deYougoslavie. Iln'y a aucune analogie

entre les questions de compétencequi se posaient dans l'affaire de l'Application de la convention

pour la préventionet la répression du crime de génocide.et celles qui se posent dans la présente

espèce.

39. Compte tenu de ces considérations, la Belgique affirme que la compétence dela Cour

dans la présenteaffaire doit êtreappréciéeà la date du dépôtde la requêteintroductive d'instance

de la Serbie et Monténégro. Personnene laisse entendre ;iujourd'hui que la Cour était ouverteà la

Serbie et Monténégro à cette date. La requête introductived'instance n'était donc pas valable

lorsqu'elle a été déposée. On ne saurait corriger maintenant ce vice radical en invoquant une

26 exception destinéeà éviterun formalisme procédural inutile. La Serbie et Monténégron'est donc

pas habilitée aujourd'hui àpoiirsuivre la présente procéduresur la base de sa requêtenon valable.

QUATRIEM E ARTIE

OBSERVATIONSSUR LES FONDEMENTSDEC0MPE:TENCEPARTICULIERS INVOQUES

PARLE DEMANDEUR DANS SONMEMOIRE

40. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je formulerai en dernier lieu

quelques brèves observationis sur chacun des chefs de compétence avancés par la Partie

demanderesse dans son mémoire. Je ne répéterai pasce qu'a déjà ditla Belgique dans ses pièces

écrites. La Belgique maintient tous les arguments qu'elle y a développés,sur lesquelsje reviendrai

s'ily a lieu au deuxièmetour.

1. Compétenceau titre des déclarations faitespar les Parties en application de la clause
facultative

41. Je ferai tout d'abord deux remarques sur la compétence de la Cour au titre des

déclarationsfaites par les Parties en application de la clauseacu~tative'~

1Demande en revision de l'arrêtIljuillet 1996en I'affaaireràl1'Applicationde la convention pourla
prévention et la répression du.ime de génocide (Bosnie-Herzégovinec. Yougoslavie), exceptions préliminaires
(Yougoslavic.Bostiie-Herzégovine),arrêt du3 février20057-fi2.
18
Voir le chapitre 5 des exceptions préliminairesde la Belgique. 42. La première remarque s'inscrit dans la ligne de mes précédentesconclusions. Il est

reconnu à présentqu'au moment où elle a prétendufaire une déclarationau titre du paragraph2 de

I'article 36 du Statut, la RFY n'était paspartià celui-ci. Si l'on se reporte aux termes clairs

employés au paragraphe 2 de I'article 36 -lequelvise des Etats parties au présent Statut»,il est

manifeste que la prétenduedéclarationn'étaitvalable ni à la dateà laquelle elle a été faite,ài

celle du dépôtde la requêteintroductive d'instance. La Belgique a traité ce point dans ses

exceptionspréliminairesdans les termes suivants :

«En l'absence d'une qualité à ester, la RFY ne peut, par le simple fait de
déposer une déclaration prétendument faite en vertu de I'article 36 2) du Statut,
chercher à étayerles arguments fondamentalementcontestables qu'elle expose ailleurs
et se servir des procédures de la Cour. La RFY n'était pas recevable à faire une
déclaration baséesur I'article 36 2) duStatut.La déclarationde la RFY en date du

25 avril 1999 ne peut dès lors pas attribuer compétence à la Cour en la présente
instance.»19

43. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, cette appréciation demeure

valable aujourd'hui.

44. 11ne reste plus qu'à savoir si l'admission dela Serbie et Monténàgl'organisation des

Nations Unies le 1" novembre 2000 a remédiéau vice par ailleurs radical qui entachait la

déclaration faite dix-huitmois auparavant. La Belgique soutient que non. Une déclarationau titre

27 du paragraphe 2 de I'article 36 est un acte volontaire. Elle ne résultepas automatiquement de la

qualité de Membre de l'organisation des Nations Unies. Elle exige une démarche positive

additionnelle de la part de1'Etat partie au Statut de la Cour. Le simple fait que la Serbie et

Monténégroait étéadmise comme Membre de l'organisation le 1" novembre 2000 ne saurait

donc, en soi, lever la nullitéde sa déclarationdu 25avril 1999. 11aurait faàtout le moins, que

vienne s'ajouter quelque autre comportement, postérieurà son admission àl'ONU -tel qu'une

confirmation ou reformulation de la déclaration dela part de la Serbie et Monténégroou un

acquiescement de la part de la Belgique ou, plus généralement, une plus large acceptation de la

validitéde la déclaration.

19Exceptionspréliminairesp,ar.235 45. Aucun comportemerit ultérieur dece genre, que ce soit pour confirmer ou pour accepter

la déclarationde la RFY du 25 avril 1999, n'apparaît dans cette affaire. La Serbie et Monténégro

n'a fait aucune démarche pour confirmer ou réitérersa déclaration après son admission à

l'organisation des Nations Unies. La Belgique n'a pas acquiescé à la déclaration de la RFY, ni

n'en aadmis la validité. Au contraire, elle en a dèsle débutcontestéla validité. Iln'existe pas par

ailleurs d'élémentsde preuve de caractère plus généralsuggérantune plus large acceptation de la

validitéde la déclaration.

46. Le principe selon letquella compétencede la Cour doit s'apprécierà la date du dépôtde

l'acte introductif d'instance est également pertinent en l'espèce. La RFY n'était paspartie au

Statut lorsqu'elle a prétendument fait une déclarationau titre du paragraphe 2 de l'article 36, le

25 avril 1999. Elle n'y étaitpas non plus partie quatreours plus tard, le 29 avril 1999, lorsqu'elle

aengagéla procéduresur le prétendu fondement deladite déclaration. Lacompétencede la Cour

doit s'apprécierà cette date. La nullité dela déclarationà cette date ne saurait êtrelevéeexpost

.fucio par l'admission, dix-huit mois plus tard, de la Serbie et Monténégroà l'Organisation des

Nations Unies.

47. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, ma seconde remarque sur la

qucstion de la compétence au titrede la clause facultative vise seulement àrenforcer la conclusion

principale présentée à ce sujet par la Belgique dans ses pièces écrites. La Cour s'est certainement

déji fait une idéeclaire sur c~epoint puisqu'il a étéà la base de l'ordonnance qu'elle a rendue en

I'espcce sur la demande en indication de mesures conservatoires. Il consiste essentiellement en ce

que la limitation temporelle établie dans la déclaration faitepar la RFY au titre de la clause

facultative a pour effet d'exclure les différendsdécritsclans la requête et dansle mémoirede la

Serbie et Monténégro.

28 48. L'appréciation qu'a faite la Cour de.cette question dans son ordonnance relative à la

demande en indication de mesures conservatoires demeure pertinente aujo~rd'hui~~. Je ne

m'étendraipas davantage sur la question, sauf pour faire remarquer que les deux éléments dela

limitation temporelle établiepar laRFY dans sa déclarationdu 25 avril 1999 sont pertinents dans la

20
Ordonnance relatiàla demande en indicationde mesuresconservatoires, par.28.présente affaire.Commeje viens de le faire observer,la RFYy déclare accepterlajuridiction de la

Cour pour tous les différends a)survenant ou pouvant survenir après la signature de ladite

déclarationet b) ayant trait à des situations ou à des faits postérieurs à cette signature. La

déclaration tenddonc àexclure lajuridiction dela Cour à l'égardde toutes les questions antérieures

à la signature de la déclaration.

49. Telle qu'elle est exposéedans la requêteet le mémoirede la RFY, l'affaire dont la Cour

est saisie concerne un différend qui,à la fois, est survenu bien avant la signature par la RFY de sa

déclarationet a traitàdes situations ou des faits antérieuràla signature de ladite déclaration.Les

deux éléments de la limitation temporelle figurant dans la déclarationde la RFY opèrentdonc l'un

et l'autre, en ayant pour effet d'exclure en l'espècela compétencede la cour2'. Ces points sont

traités endétaildans les pièces écritesde la Belgique et je ne m'y attarderai pas davantage àce

stade de la procédure.

2. Compétence autitre de l'articleIX de la conventionsur le génocide

50. Monsieur le président, j'en viens maintenant à la question de la compétence autitre de

l'articleX de la convention sur le génocide''.Là encore, la Cour s'est déjàfait une idée clairedu

point central pertinent en la matière,ce point étantégalemenà la base de l'ordonnancerelativeà la

demande en indication de mesures conservatoires que la Cour a rendue dans la présenteespèce. Il

consiste essentiellement en cecique les allégations formuléedsans le mémoirede la RFY,mêmesi

on les accepte telles quelles, ne permettent pasde conclure qu'il y a eu violationde la convention

sur legénocide.

51. S'agissant du critèred'appréciationpertinent à ce sujet, la Cour a dit, dans l'affaire des

Plates-formes pétrolières23, qu'il fallait rechercher si les violations alléguéesdu traitéen cause,

telles qu'elles sont invoquées,entrent ou non dans les prévisionsde ce traité. Formulée ainsi, la

''Voir lechapitre 5 des exceptions préliminairesde la Belgique, notamment lespàr313aphes 262

22Voir ci-après, chapitre 6des exceptions préliminairesde la Belgique.
23 Plates-formes pétrolières(Républiqueislaniiqued'Iran c. Etats-Unis d'Amérique),exception préliminaire,
arrêt,.I.J.Recueil 1996, p. 803, par. 16.29
question consiste à savoir si, en admettant provisoirement les faits allégués,les allégationsde

génocideavancées parla RFY dans son mémoire peuvent ratione materiae entrer dans le champ

d'application dela convention sur le génocide. La Belgique soutient que non.

52. Avant de développerce point, ilpeut êtreutile de souligner que l'on observe dans la

jurisprudence de la Cour une certaine évolution quant au critère à appliquer, au stade de la

compétence, pour apprécier les allégations de violation d'un traité. Selon la jurisprudence

antérieure à l'affaire desPlal!es-foi-n1séfrolières, ilfallait, par exemple, prouver ((l'existence

d'un rapport raisonnable entre ce traitéet les demandes présentées à la Cour)) ou répondre à la

question de savoir si les allégations deviolation ((sontde caractère suffisamment plausible))pour

justifier la conclusionqu'e1le:sentrent dans le champ d"app1icationdu traité en question24. En

l'occurrence, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je veux simplement

souligner que, quelle que soit la manière dont le critère de la compétence est formulé,

l'appréciationdans la présente:affaire reste la même.Les faits tels qu'ils sontprésentéspar la RFY

à l'appui de son affirmation de génocidene suffisent pas à étayer la conclusion qu'il y a eu

violation de la convention sur le génocide. Les moyens avancésne font pas apparaître de rapport

raisonnable avec la convention sur le génocide. Les allégationsde génocide formuléespar la RFY

n'ont pas un caractère suffisamment plausible. Quelque formulation du critère de la compétence

qu'on choisisse,la Belgique s'en accommode.

53. Le génocideest un crime particulièrement effroyable. Une allégation de génocide est

une des plus graves accusatioiis qui puissent êtreportées. Sur les trois cent cinquante-deux pàges

simple interligne, employant une police de caractèresserrée.que compte le mémoirede la RFY,

moins de deux sont consacrées aux allégationsde «F;iits liés à l'existence d'une volontéde

commettre un génocide»25. Une autre demi-page du mémoire, intitulée((Exposédu droit», est

consacrée à la récapitulation de certaines dispositionsdk la convention sur le génocidez6.Voilà

quoi se résumentles allégationsde génocideformuléeseril'espècepar la FWY. Et encore ont-elles

été soumisesaprès que la Cour, dans son ordonnance relative à la demande en indication de

24Comme, par exemple, dans les affaires Interhandel et Ambatielos. Cet aspect est évoquéau paragraphe325
des exceptions préliminairesde la Belgique.

'5Mémoire dela RFY, p. 282-284.
26Mémoirede la RFY,p. 3;!6. mesures conservatoires, eut déjàsignaléque, selon son appréciation prima facie, les faits allégués

dans la requêtene lui semblaient pas entrer dans le champ d'application de la convention sur le

génocide. Dansces conditions, il est extraordinaire de se trouver, à ce stade, en face d'allégations

de génocidequi occupent au total moins de deux pages d'une pièce de procédure au demeurant
30

extrêmement longue.

54. La teneur des allégations contenuesdans ces deux pages ajoute encore à la superficialité

de la demande. Aucune allégationprécised'intention génocidaire oude comportement génocidaire

n'est formuléecontre la Belgique. L'inlcntion génocidaire ressortirait implicitement de la mention

qui est faite de certains bombardements isolés,ainsi que d'allégations non étayées -n'allant pas

au-delà de l'affirmation pure et simple- qui concernent l'utilisation d'uranium appauvri.

L'intention génocidaireressortirait également de l'affirmation que «les Serbes et les membres des

autres groupes non albanais furent tués, blessés ou expulsés en raison de leur appartenance

ethnique))et que des institutions serbes furent détruitesou endommagées2'. Voilàtoute l'étendue

des allégationsde génocideformuléespar la RFY.

55. Dans ses écritures, la Belgique a présenté en détaildes conclusions selon lesquelles les

violations alléguées par la RFY ne sont pas susceptibles d'entrer dans les prévisions de la

convention sur le génocide. Ces conclusions n'ont pas été contestéee st il n'est donc pas nécessaire

que je les développe davantage à ce stade. Le point essentiel est que, même sila Cour devait

ajouter foi aux allégations de génocide formulées par la RFY, elles n'entrent pas ratione materiae

dans le champ d'application de la convention sur le génocide. Peut-être devrais-jeêtreplus précis :

mêmesi cette affaire devait aboutir à un examen au fond des allégations, et que la Belgique reste

simplement silencieuse face à ces allégations, sans soumettre de contre-mémoire ni préparer

aucune plaidoirie sur la question, la Cour n'aurait toujours aucune base sur laquelle se fonder pour

arriver a une conclusion autre que celle consistant àdire que les allégations en question,aux fins de

la compétence,n'entrent pas dans le champ d'application de la convention sur le génocideet, sur le

fond, sont sans fondement.

" Mémoirede la RFY,p. 283. 56. Monsieur le président,Madame et Messieurs dt: la Cour, une brèveremarque se justifie

pour conclure cet exposé. Certains seront peut-êtred'avis de joindre la question de la compétence

concernant les allégations de: génocide à l'examen au fond, au motif -pourraient-ils faire

valoir- que ce n'est qu'à ce stade que la Cour sera véritablement en mesured'évaluerle poids des

faits alléguéset donc de déciders'ils entrent ou non dans le champ d'application de la convention

sur le génocide. La Belgique plrieinstamment la Cour de ne pas adopter une telle ligne deconduite,

pour deux raisons au moins. Premièrernenf, comme je viens de le faire observer, mêmesi la
31

Belgique devait garder le silence absolu face à ces allégations,il n'y a rien sur quoi la Cour puisse

s'appuyer pour conclure qu'elliessont fondées. Lesallégations avancéesne sont pas étayées par la

moindre preuve. Dans ces coriditions, il serait tout à fait inappropriéde s'engager à cet égarddans

un débat surle fond.

57.Deuxièmement, il y a d'autres raisons de principe, plus générales,qui militent en l'espèce

contre la jonction de la compétenceau fond. Une telle façon de procéder ouvrirait pour l'avenir

une brèche dans laquelle s'engouffrerait n'importe quel demandeur prêt à alléguerun génocide

pour faire valoir ses griefs, en ayant la quasi-certitude de parvenir par ce moyen à un débat surle

fond. La participation à la convention sur le génocideest quasi universelle. Joindre la compétence

au fond dans la présente affaire,où les allégations présentées sons ti manifestement infondées et

hors du champ d'application de la convention, aurait lin effet réducteur sur la convention et

risquerait d'en faire unnstrunlent d'attribution de compétencepour tout demandeur s'estimant lésé

qui souhaiterait pouvoir s'exprimer devant la Cour. La Belgique prie instamment la Cour de rester

sourde àtoute exhortation àjoindre, en l'espèce,les arguments relatifs à la compétenceàl'examen

au fond.

Monsieur le président, Iviadameet Messieurs de la Cour,j'en arrive enfin àla dernière partie,

assez brève, de ma plaidoirie. Monsieur le président,je suis à votre disposition si vous préférez

suspendre l'audience et faire une pause. Sinon, la fin de ma plaidoirie ne me prendra sans doute

qu'une douzaine de minutes.3. La compétenceau titre de l'article 4 de la convention de 1930

58. J'en viens donc, pour finir, à la question de la compétence au titre de l'article 4 de la

convention de 1930'~. La Belgique a avancé quatre arguments à l'appui de l'exception qu'elle a

soulevée dans ses écritures en réponse à l'invocation par la RFY de cette convention :

premièrement, l'article37 du Statut de la Cour ne s'applique pas dans les circonstances de l'espèce

puisque la RFY n'était pas partie à ce statut;deuxièniement, la convention de 1930 n'est plus en

vigueur; troisièmement, mêmesi la convention de 1930 est restée en vigueur, la RFY n'a pas

succédé à celle-ci; equatrièmetnent, les conditions stipuléespar la convention de 1930 n'ont pas

été remplies.

59. Dans la partie de mon exposé dece matin concernant le moment où la compétencedoit

s'apprécier,j'ai déjà développédans une large mesure l'argument relatif à l'application de

l'article 37 du Statut. Je n'envisage donc pas de m'étendre davantage sur ce point àce stade. De

même,je n'envisage pas non plus de revenir sur le quatrième argument avancépar la Belgique

dans ses exceptions préliminaires, selon lequel les conditions stipulées par la convention de 1930

n'ont pas étéremplies. La Belgique maintient l'ensemble de ses conclusions sur ce point mais, en

l'absence de réponseen sens contraire, elle n'a rienày ajouter àce stade. Pendant le peu de temps

qui me reste, je me limiteraià développerles deux arguments principaux avancéspar la Belgique à

propos du chef de compétencedont je traite actuellement, àsavoir, que la convention de 1930n'est

plus en vigueur et, subsidiairement, que mêmesi elle est en vigueur, la Serbie et Monténégron'a

pas succédé àcette convention.

60. Je commencerai par l'argument selon lequel la convention de 1930 n'est plus en vigueur.

Le raisonnement est simple : la convention s'est éteinte -que ce soit par caducité ou par

désuétude ousur la base du consentement implicite des parties - au plus tard le 4 juillet 1992,

c'est-à-dire à la date à laquelle la Commission Badinter a considéréque l'ex-Yougoslavie avait

cessé d'e~ister*~. Bien sûr, il y a très peu de jurisprudence, de pratique ou mêmede doctrine à

propos de la désuétude oula caducité des traités.La Commission du droit international a toutefois

28Pour plus de détails,voir le chapitreseptdes exceptionspréliminairesde la Belgique.

I9Cet argument fait l'objetdes paragraphes412 a 423des exceptionspréliminairesde la Belgique.reconnu que la caducitéou la désuétude peutêtreune cause effective d'extinction d'un traité,le

fondement juridique de l'extinction étanten pareil cas le consentement implicite des parties à

renoncer au traité.

61. La question est de savoir, en l'espèce, s'il existe une base sur laquelle fonder un tel

consentement implicite des parties àrenoncer à la convention de 1930. La Belgique estime que oui

et invoque dans ses exceptions préliminaires quatre élémentsà l'appui de cette thèse, à savoir

a) l'économie générald ee la ironvention, h) le fait qu'il n'étaitpas prévu quela convention dût

avoir des effets perpétuels, c) la pratique des parties originaires à la convention, et surtout d) la

disparition de l'ex-Yougoslavie et I'attirude constante des Etats successeurs de celle-ci à l'égardde

la question du maintien en vigueur de la convention. Je ne m'attacherai ici qu'au dernier de ces

éléments.

62. L'argument selon lequel la convention de 1930 n'est plus en vigueur comporte lui-même

plusieurs éléments.Le premier est que. lorsqu'une des parties contractantes originaires d'un traité

bilatéral disparaît, laquestion1se pose nécessairement de savoir si le traité reste en vigueur. La

disparition d'une des parties à un traité bilatéralest forcément un événementqui cristallise la

question de la continuitéde so'napplication.

63. Le deuxième élémentest que, pour pouvoir répondreà cette question, il faut examiner

aussi bien l'attitude de la partie originaire restante que celle des successeurs éventuelsde la partie

qui a cessé d'exister. Un traitébilatéral est un pacte qui requiert la volonté communedes deux

parties de nouer des relationsluridiques. En cas de disparition de l'une des parties originaires - il

ne s'agit pas d'un simple changement de nom ou autre changement mineur -, il ne saurait y avoir

de présomption en faveurde la continuité. Pour toute question relative à la continuité, l'attitudede

la partie originaire restante est déterminante.

64. Le troisième élément,dans le cas présent, est que l'appréciation qu'ont faite de la

situation tant la Belgique que les Etats successeurs de l'ex-Yougoslavie avec lesquels a été

soulevéela question de la suc:cessionaux anciens traités yougoslavesvient uniformémentétayerla

conclusion que la convention de 1930 n'est plus en vigueur. Les élémentsde preuve dont on

dispose à cet égard tendent clairementà démontrerqu'il y a eu renonciation tacite à la convention

et que celle-ci est devenue caduque par désuétude. 65. Ces preuves d'une renonciation à la convention de 1930 ne découlent pas seulement du

comportement de la Belgique ou d'autres Etats successeurs de l'ex-Yougoslavie, tels la Croatie, la

Slovénieet la Macédoine,mais aussi du comportement de la RFY elle-même. Dans la période qui

a suivi la dissolution de l'ex-Yougoslavie, la Belgique a menédes négociations séparéea svec la

Croatie, la Slovénie,la Macédoine et la RFY sur la question de la succession aux traitésbilatéraux

belgo-yougoslaves. A aucun moment au cours de ces échanges la convention de 1930 n'a même

étémentionnée. Elle ne figurait sur aucune des listes de traités qui ontétédresséespar les parties

dans le cadre de ces discussions. Aucune des parties n'a eu le sentiment,àquelque moment que ce

soit, qu'il y eût mêmelieu de mentionner la convention de 1930, et encore moins qu'elle fût en

vigueur.

66. Les annexes 61 à 72 des exceptions préliminairesde la Belgique contiennent àla fois les

documents de travail internes belges se rapportant à ces différentséchangesbilatérauxet le texte

des accords séparésconclus entre la Belgique et, respectivement, la Croatie, la Slovénie etla

34 Macédonie. Monsieurle président,Madame et Messieurs de la Cour, je vous invite àexaminer ces

documents -en particulier ceux qui concernent les négociations avec la RFY. Vous verrez que

l'on n'ytrouve pas la moindre référenceàla convention de 1930.

67. Pour en terminer avec la présente conclusion, le comportement de la Belgique, de

la RFY, de la Croatie, de la Slovénie et de la Macédonie au cours de la période qui a suivi la

dissolution de l'ex-Yougoslavie montre que, de l'avis commun de ces pays, la convention de 1930

n'ttait plus alors en vigueur. La seule et unique fois où cette convention ait étémêmementionnée,

c'est lorsquela RFY, dans sa lettre à la Cour du 12mai 1999,a cherchéàinvoquer ce texte comme

base de compétenceen la présente affaire. Cette lettre, toutefois, contredisait un comportement

- y compris de la part de la RFY elle-même - observédurant les six annéesprécédentes,qui

conduit àconclure que la convention de 1930n'étaitplus alors en vigueur. C'est ce comportement

antérieur -objectif, constant et uniforme - qui est l'élémentdécisif établissant que cette

convention est tombée endésuétude.

68. Monsieur le président, Madameet Messieurs lesjuges, j'en viens àprésentàla dernière

de mes conclusions, après quoi je mettrai un point final aux plaidoiries de la Belgique pour le

premier tour. Cette dernière conclusion est que,mêmedans le cas où la convention de 1930 serait restéeen vigueur, laSerbie et Monténégro n'y a pas succédé3'.Avant d'examiner cette question,je

dois souligner que c'est celle qui fait l'objet des documerits additionnels soumis à la Cour par la

Belgique et par la Serbie et Tvlonténégro.Les documents de la Belgique ont étésoumis dans

l'annexe 13 à la lettre conjointe du 27 février2004 signée parles agents des défendeurs. Il s'agit

de cinq documents datésdu 6 septembre 2001 au 23 février2004. Par commodité,j'indiqueraileur

place dans l'ensemble des piècesde procédurede la Belgique :ils forment les annexes 72 a) à72 e)

de sesexceptions préliminaires.et se situeraient,dans la picce principale, après le paragraphe 422.

69. Les documents additionnels de la Serbie et Monténégro ontété présentés sous le couvert

de la lettre adresséeà la Cour par le coagent de ce pays le 26 février2004. Ils sont au nombre de

deux. Le premier, une lettre du 29 avril 1996 adresséeau ministre des affaires étrangères dela

RFYpar son homologue belge, n'est pas en réalitéun document nouveau. La partie essentielle de

cette lettre est citéeet examinéeaux paragraphes 442 et 443 des exceptions préliminaires dela

35 Belgique, et lalettre est égalementreproduite dans l'annexe 74. Le second document additionnel

soumispar la Serbie et Monténégro correspond àl'annexe 72b) des exceptions préliminaires dela

Belgique, c'est-à-dire qu'il s'agit dumêmedocument que le deuxièmedes documents additionnels

produits par la Belgique.

70. Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, les conclusions de la Belgique

sur la question de la succession peuvent êtreprésentéesde manière trèssimple, sous forme de trois

propositions. Premièrement, du point de vue du droit, les questions de succession aux traités

bilatérauxne doivent pas êtret:raitées dela mêmemaniéreque les questions de succession aux

traitésmultilatéraux. C'est ce qui ressort de l'approchesuivie dans la convention de Vienne sur la

succession d'Etats en matière de traités, ainsique du commentaire de la Commission du droit

international sur les articles du projet qui avi de base àcette convention3'.

30
Exceptions préliminaires, par4.24-450.
" Pour plusde détails,voir le paragraphe430 des exceptions prése la Belgique. 71. Deuxièmement,pour ce qui est de la succession en matière de traités bilatéraux,le

principe de base est que cette succession requiert le consentement à la fois de la partie originaire

restante etde 1'Etatsuccesseur. Autrement dit, dans le cas des traitésbilatéraux,il n'y a pas de

présomptionde continuité3'.

72. Troisièmement,compte tenu de ce principe, pour déterminersi la Serbie et Monténégro a

succédé à la convention de 1930 -en supposant, pour les besoins de l'argumentation, que cet

instrument soit restéen vigueur-. ilfaut savoir s'il y a eu ou nonconsentement de la Belgique

commede la Serbie et Monténégro surce point.

73. Quatrièmement, sil'on se réfèreau comportement tant de la Belgique que de la Serbieet

Monténégro, ilest manifeste que, pour l'une comme pour l'autre, il n'y avait pas eu successioà la

convention de 1930. Comme je viens de l'indiquer, il y a eu pendant cette périodeune série

d'échangesbilatérauxentre les deux pays sur la question de la succession aux traités. A aucun

momentau coursde ces échangesla convention de 1930n'a été évoquée L.a Serbieet Monténégro

n'a pas revendiquéla succession. La convention de 1930 ne figurait pas sur les listes de traités

échangées au cours des discussions. Les documents de travail internes de la Belgique relatifsà la

question de la succession de la RFY n'en font nulle part rnentiod3. Au vu de la convergence

d'opinionqui ressort de tous les documents annexésaux exceptions préliminairesde la Belgique, il

est clair que ni la Belgique ni la Serbie et Monténégrone considéraientque cette dernièreeût

succédé à la convention de 1930.

74. Monsieur le président,j'en viens à présent à la lettre du 29 avril 1996 adresséeau

ministre des affaires étrangèresde la RFY par son homologue belge, à laquelle la Serbie et

Monténégroa manifesté l'intention de se référer etdont la partie essentielle est citée au

paragraphe442 des exceptions préliminaires dela Belgique. Cette lettre fait suiteà une série

d'échanges bilatéraux entre les deux pays sur la question de la succession, menéssur la base d'un

échangede listes des traitésbilatérauxdevant fairel'objet des discussions. La convention de 1930

n'apparaissait suraucune des listes de traitésainsi échangées entre ldeux pays.

3Pourplusdedétails,voir leparagra431des exceptionspréliminairedse laBelgique.

" Lesélémentpsertinents sonténonsuxparagraphe4s35à441 et444 à446 des exceptionspréliminairedse
laBelgiqueet dans plusieursannexesquiontjointes,notammentles annexeà65 et69à71. 75. Dans le cadre du processus de négociationconcernant les traitésmentionnés dansles

listes des deux pays, le ministre belge des affaires étrangères,dans cette lettre du 29 avril 1996,

proposait notamment àson homologue de la RFY que les accords bilatéraux entre la Belgique et

I'ex-Yougoslavierestent en vigueur jusqu'à ce qu'ils aient été soit confirmés, soirtenégociéspar

les deux parties. Le point iinportant, en ce qui concerne cette correspondance, c'est qu'elle

intervient en pleinmilieu d'échangesbilatéraux entreles deux pays sur la question de la succession

aux traités,menés à l'aide de liistesde traités détaills tabliespar chacund'eux. C'est auxtraités

figurant sur ces listes que le ministre belge des affaires étrangèresfaisait référence. Or, la

convention de 1930 n'y apparaissait nulle part. L'objet de la lettre du ministre belge des affaires

ktrangeres n'incluait pas la convention de 1930 ni aucun autre traiténe figurant pas sur les listes

des deux pays.

76. Les échangesqui ont eu lieu entre les deux pays postérieurement au dépôt dela requête

introductive de la présente iristance confirment que la RFY n'estimait pas avoir succédé à la

convention de 1930. Le 6 septembre 2001, l'ambassade de la RFY à Bruxelles a adressé unelettre

au ministèrebelge des affaires étrangères pourlui proposer de reprendre les négociations surla

question de la succession aux traités bilatéraux. s'agitd'un des documents additionnels présentés

par la Belgique, figurant l'arinexe 72a) de ses exceptions préliminaires. Ce document de la RFY

comprend une liste de traitésdont la RFY proposait qu'elle serve de base aux futures négociations

a\,ec la Belgique -c'était le 6 septembre 2001. La convention de 1930 ne figurait pas sur cette

liste. Six mois plus tard, le 2:5mars 2002, la RFY répond-au bout de six ans - à la lettre du

ministre belge des affaires étrangèresdu 29 avril 1996. Liiencore,dans le contexte plus large d'un

échangede listes de traités entreles deux pays, la convention de 1930brille par son absence.

77. Venons-en maintenant àl'échange de correspondance qui aeu lieu tout récemmententre

les deux pays, où cette fois la convention de 1930est bien présente. Ce qu'il faut notàpropos de

cette correspondance -et l'agent dela Belgique en a parlédans son exposéliminaire -, c'est que

le seul et unique moment où liaSerbie et Monténégro ait soulevéla question de la succession a la

convention de 1930 est le 26 décembre 2003,c'est-à-dire il y a quelques mois à peine et un mois

aprèsque la Cour eut informi: les Parties de la tenue des présentesaudiences. Libreà la Serbie et

Monténégrod'invoquer cette correspondance -cette iinique lettre- pour soutenir qu'elle a succédé a la convention de 1930. Maistout ce que montre enréalité cette correspondance - après

dix annéesd'un comportement témoignantqu'il étaitcommunément entenduque la convention

de 1930n'étaitplus en vigueur -, c'est qu'il s'agitd'une tentative de dernièreminute, et d'après

nous assezmal inspirée,visant a faire croire qu'il y a eu succession à la convention 1930. Cette

thèseest clairement démentiepar toutes les preuves qui attestent du contraire.

78.Monsieur le président,Madame et Messieurs les juges, dans l'hypothèseoù la Cour,

contrairement a la conclusion de la Belgique, considéreraitque la convention de 1930 reste en

vigueur, la Belgique soutient que la Serbie et Monténégrn'a pas succédé à cette convention et ne

saurait s'appuyer sur elle pour fonderla compétencede la Cour en l'espèce.

Conclusions

79. Je n'ai pas parlé de certaines des exceptions relatives à l'incompétence et a

l'irrecevabilitésoulevéesparla Belgiquedans ses exceptions préliminaires. Cependant, commeil

a été soulignél, Belgique maintient toutes les conclusions qu'elle a présentéesdans ses écritures.

S'ily a lieu,je reviendrai sur ces points lors du secondtour de plaidoiries. L'agent de la Belgique

présentera également a ce moment-la les conclusions formelles de la Belgique dans la présente

affaire. Monsieur le président,Madameet Messieurs dela Cour,je vous remercie de la patienceet

de la courtoisie avec lesquelles vous avez écoutémon exposéce matin. Ainsi s'achèvent les

plaidoiries de la Belgiquepour le premier tour.

38 Le PRESIDENT :Merci, Monsieur Bethlehem.

Effectivement, cet exposé deM. Bethlehem conclut le premier tour de plaidoiries de la

Belgique. La Cour fera maintenant une pausede dix minutes, aprèsquoi l'audience reprendrapour

nous permettre d'entendre l'exposéoral des Pays-Bas.

L'audience est levéea II h 55.

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