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CR 2003/26 (traduction)
CR 2003/26 (translation)
Mardi 16 décembre 2003 à 10 heures
Tuesday 16 December 2003 at 10 a.m.
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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L’audience est ouverte.
Comme prévu, la Cour entendra les Etats-Unis d’Amérique en leur premier tour de
plaidoiries. Je donne maintenant la parole à M. William Taft IV, l’agent des Etats-Unis
d’Amérique.
M. TAFT : Merci monsieur le président.
I. INTRODUCTION
1.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, éminents conseils, j’ai
l’honneur de me présenter à nouveau devant la Cour en qualité d’agent des Etats-Unis. Je suis
accompagné aujourd’hui par des représentants du département d’Etat et du ministère de la justice
des Etats-Unis. En outre, Mme Elisabeth Zoller, professeur à l’Université de Paris II, et
M. Thomas Weigend, professeur à l’Université de Cologne, présenteront des exposés en notre nom.
1.2. Monsieur le président, la Cour a récemment examiné la convention de Vienne sur les
relations consulaires dans l’affaire LaGrand. L’arrêt de la Cour y défend le principe selon lequel,
lorsqu’il n’y a pas eu information ni notification consulaires selon les termes du paragraphe 1 de
l’article 36 de la convention et qu’un ressortissant étranger est par la suite déclaré coupable d’un
crime et condamné à une lourde peine, l’Etat fautif doit, par les moyens de son choix, prévoir un
réexamen et une revision du verdict de culpabilité et de la peine en prenant en compte la violation.
1.3. Dans l’arrêt LaGrand, la Cour a innové à deux égards. Tout d’abord, elle a appelé les
Etats-Unis à prendre des mesures pour exécuter leurs obligations tirées de la convention de Vienne
sur les relations consulaires en réexaminant et en revisant l’issue d’une procédure pénale. Position
qui ne pouvait manquer d’être remarquée, car aucun Etat partie n’avait auparavant compris qu’il lui
fallait tenir compte, dans l’application de son droit pénal, d’un manquement à l’exécution des
obligations qui lui incombent en vertu de la convention. Pour autant que je sache, à l’exception
peut-être de deux cas isolés qui n’étaient pas directement liés à une absence d’exécution de
l’article 36, aucun Etat n’avait jamais procédé ainsi.
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- 3 -
1.4. Mais la Cour est allée plus loin. Elle a entrepris d’ordonner à un Etat souverain
d’inclure une nouvelle étape procédurale dans son système judiciaire ¾ à savoir un réexamen et
une revision sélectifs, dans certains cas, d’un verdict de culpabilité et d’une condamnation. Ainsi
faisant, la Cour a expressément laissé aux Etats-Unis le soin de s’acquitter de cette obligation dans
leur droit national par des moyens de leur choix.
1.5. Les Etats-Unis ont conformé leur comportement à l’interprétation de la convention
donnée par la Cour dans l’affaire LaGrand, ce qui n’a été possible que parce que la Cour nous avait
laissé le choix des moyens. En outre, les Etats-Unis ont adapté leur comportement non seulement à
l’égard des ressortissants allemands, mais également à l’égard de tous les ressortissants étrangers.
Selon les termes du président Guillaume, il n’était pas question pour nous de recourir à une
interprétation a contrario de la position adoptée dans l’arrêt LaGrand, dans des affaires impliquant
des défendeurs d’autres Etats, y compris le Mexique.
1.6. La Cour a parcouru une distance considérable dans l’affaire LaGrand; aujourd’hui,
moins de trois ans plus tard, le Mexique lui demande d’aller plus loin, bien plus loin. Au mépris de
principes fondamentaux de la souveraineté d’un Etat ainsi que de l’objet et de l’objectif particuliers
de la convention, qui vise à organiser les relations consulaires entre des Etats, le Mexique demande
à la Cour d’interpréter et d’appliquer la convention comme si celle-ci visait principalement à régir
le fonctionnement du système de justice pénale d’un Etat lorsqu’il affecte des ressortissants
étrangers. Il demande à la Cour de dégager de cette convention une règle selon laquelle les
fonctionnaires consulaires pourraient intervenir dans une enquête pénale en cours, y compris dans
la procédure d’interrogatoire, et participer à la défense d’un ressortissant étranger en tant
qu’avocat. En ce qui concerne les remèdes, le Mexique voudrait que la Cour s’immisce encore
plus profondément dans le système de justice pénale des Etats-Unis. Il demande à la Cour de
décider que la convention n’impose pas de réexamen et de revision ainsi que le prévoit l’arrêt
LaGrand, mais l’exclusion automatique d’éléments de preuves et l’annulation de verdicts de
culpabilité et de peines en cas de violation. Le Mexique demande un ensemble de remèdes
qu’aucune juridiction nationale n’accorde pour une violation de l’article 36 et qu’aucune loi
nationale n’ordonne.
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1.7. En réalité, la convention énonce des obligations et des droits particuliers qui sont loin
d’être aussi considérables que le Mexique le suggère. Les obligations consistent à informer une
personne placée en détention qu’un fonctionnaire de son consulat recevra, si la personne le
souhaite, notification de sa situation et, si la personne placée en détention indique qu’elle le
souhaite effectivement, à notifier le fonctionnaire consulaire de cette mise en détention. Le
fonctionnaire consulaire de l’Etat d’envoi peut, par la suite, fournir une assistance qui respecte le
droit national de l’Etat de résidence.
1.8. Mais ce qu’il faut voir, c’est que la convention ne confère à une personne placée en
détention aucun droit à être assisté par un fonctionnaire de son consulat. Une personne placée en
détention ne peut pas non plus invoquer devant les juridictions nationales de l’Etat de résidence le
fait qu’elle n’a pas reçu d’assistance de la part de son consulat après en avoir fait la demande.
1.9. Et puisque aucune obligation de fournir une assistance, qu’elle soit rapide ou qu’elle
existe seulement, ne pèse sur l’Etat d’envoi, il ne peut raisonnablement exister une règle imposant à
l’Etat de résidence de suspendre son enquête ainsi que le fonctionnement méthodique de son
système de justice pénale jusqu’à l’arrivée du fonctionnaire consulaire. Une telle règle reviendrait
à faire de la justice de l’Etat de résidence l’otage de l’agenda des fonctionnaires consulaires. Le
Mexique n’a identifié aucun Etat partie à la convention qui appliquerait une telle règle; son
affirmation sans précédent selon laquelle la convention imposerait une telle condition doit donc
être rejetée.
1.10. Cette affaire se trouve au croisement sensible des obligations juridiques concernant la
conduite des relations consulaires et du droit pénal interne d’un Etat souverain. Monsieur le
président, Madame et Messieurs de la Cour, la Cour internationale de Justice a traversé ce carrefour
avec prudence dans l’arrêt LaGrand. Elle a laissé aux Etats-Unis le soin de s’acquitter de leur
obligation tirée de la convention dans leur système de justice pénale ainsi qu’il leur semblait
approprié de le faire ¾ par les moyens de leur choix.
1.11. Le rôle de la Cour dans cette affaire est d’interpréter la convention. Elle n’a aucune
autorité pour créer, reviser ou appliquer le droit interne d’un Etat. La ligne qui sépare ces fonctions
est une ligne nette que la Cour a toujours respectée. Lorsqu’elle crée des remèdes aux violations du
droit international, elle n’essaye pas de s’immiscer dans la souveraineté d’un Etat ni de repenser
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elle-même le système juridique de celui-ci pour assurer le respect d’une obligation internationale.
Au lieu de cela, elle part du principe que, les Etats s’étant volontairement engagés à respecter les
obligations contenues dans la convention, on attend d’eux qu’ils s’en acquittent. Cette hypothèse
concernant la bonne foi d’un Etat souverain et de ses fonctionnaires publics élus ou nommés est, en
effet, essentielle pour l’autorité de la Cour et pour l’efficacité de son action.
1.12. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les faits propres aux
cinquante-deux cas aujourd’hui présentés à la Cour sont nombreux. Leur présentation par le
Mexique est souvent incomplète, et celui-ci n’est en général pas parvenu à s’acquitter de la charge
de la preuve en démontrant que les Etats-Unis ont violé les obligations qui leur incombent en vertu
de la convention. Pour que la Cour établisse les faits dans chaque cas, ainsi que le Mexique lui
demande de le faire, il faudrait qu’elle fonctionne tantôt comme une juridiction de première
instance, tantôt comme une juridiction d’appel en matière pénale, rôle qu’elle a déjà rejeté avec
sagesse. Toutefois, même s’il devait être jugé que des violations ont été commises dans certains
cas, la Cour a déjà dégagé un remède dans l’affaire LaGrand, remède ouvert dans chaque affaire.
La question se pose ici pour la Cour de savoir s’il existe une raison d’aller plus loin que ce qui a été
décidé dans l’affaire LaGrand. Il n’y en a pas.
1.13. Cependant, avant que la Cour ne réponde à cette question, il lui faudra déterminer si les
demandes du Mexique relèvent de sa compétence. Hier, le Mexique s’est opposé à ce que la Cour
examine les arguments sur la compétence et la recevabilité soulevés par les Etats-Unis, citant un
amendement récent à l’article 79 du Règlement de la Cour. Les Etats-Unis font observer qu’ils ont,
lors de la procédure relative à la demande en indication de mesures conservatoires, spécifiquement
réservé leur droit de déposer dans cette affaire des arguments concernant la compétence1
, à la suite
de quoi les Parties sont convenues d’un seul tour de plaidoiries. L’article 79 régit le dépôt
d’exceptions préliminaires, c’est-à-dire d’exceptions sur lesquelles des «décision[s doivent être
rendues] avant que la procédure sur le fond se poursuive». Cet amendement a été rédigé pour

1 Avena et autres ressortissants mexicains, mesures conservatoires (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique),
CR 2003/2, p. 8 : «Les Etats-Unis ne prétendent pas soulever maintenant la question de savoir si la Cour a compétence
prima facie, tout en se réservant le droit de contester la compétence de la Cour au stade opportun de la procédure.»
13
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accélérer la procédure devant la Cour lorsqu’il doit y avoir plus d’un tour de plaidoiries2
, et non à
modifier le calendrier des affaires dans lesquelles les Parties ont décidé, comme en l’espèce, de
s’exprimer dans le cadre d’un seul tour de plaidoiries3
.
1.14. En ce qui concerne la compétence et la recevabilité, la décision demandée par le
Mexique outrepasse largement les responsabilités de la Cour aux termes de la convention et du
protocole. Cela est particulièrement frappant pour ce qui est des conclusions du Mexique énonçant
les remèdes recherchés. Il demande à la Cour d’ordonner aux Etats-Unis d’appliquer des règles
spécifiques concernant les éléments de preuve en matière pénale, d’annuler des verdicts de
culpabilité ainsi que des peines et de faire que leurs autorités de police conduisent les
interrogatoires d’une manière particulière. Chacune de ces mesures outrepasse la compétence de la
Cour.
1.15. La demande du Mexique est également irrecevable sur des aspects non négligeables.
Le Mexique demande à la Cour de rendre un arrêt définitif en vertu du droit international
concernant des affaires qui sont toujours pendantes dans le système de justice pénale interne, d’en
rouvrir d’autres et d’imposer des issues particulières dans ces affaires. Les juridictions et les lois
du Mexique n’offrent pas quant à elles ces mêmes remèdes aux nations étrangères qui invoquent
des violations de la convention.
1.16. Bien que les Etats-Unis n’aient pas été d’accord avec l’arrêt de la Cour dans l’affaire
LaGrand, ils ont conformé leur comportement à cet arrêt. Ils ont poursuivi les efforts
considérables qu’ils avaient entrepris pour améliorer, sur tout leur territoire, le respect des
conditions énoncées au paragraphe 1 de l’article 36 et assurent le réexamen et la revision de
verdicts de culpabilité et de peines conformément à l’interprétation faite par la Cour du
paragraphe 2 de l’article 36 pour les affaires dans lesquelles il y a eu violation du paragraphe 1 de
l’article 36. Nous respectons le paragraphe 2 de l’article 36 à travers les fonctionnements combinés
de nos procédures judiciaires et des recours en grâce au niveau des exécutifs.

2
Rapport de la Cour internationale de Justice à l’Assemblée générale, 1
er août 2000 — 31 juillet 2001,
par. 364-365 : «Le 5 décembre 2000, la Cour a décidé d’amender deux articles de son Règlement, adopté en 1978. Ces
articles portent sur des procédures incidentes… Les amendements … visent à réduire la durée de ces procédures…»
3
Voir l’Affaire du Navire «SAIGA» (No
2) (Saint-Vincent-et-les Grenadines c. Guinée), Tribunal international du
droit de la mer, 1er juillet 1999, par. 53.
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1.17. Dans son mémoire, le Mexique s’est particulièrement attaché à la procédure de recours
en grâce. Il se plaint essentiellement du fait que, dans la plupart des affaires, la grâce n’a pas été
accordée. Cela est exact, mais cela ne vient en aucune manière soutenir la demande du Mexique
selon laquelle les verdicts de culpabilité et les peines ne sont pas réexaminées en tenant compte
d’une violation de la convention dans la procédure de recours en grâce et ne peuvent pas l’être. Au
contraire, elles peuvent être réexaminées et dans ce cadre l’ont été.
1.18. Dans son mémoire, le Mexique calomnie les gouverneurs élus ainsi que d’autres
fonctionnaires prenant part à la procédure de recours en grâce. Ces personnes s’acquittent de leurs
fonctions consciencieusement et conformément à la loi. A ce propos, je voudrais inviter la Cour à
porter une particulière attention au cas de M. Gerardo Valdez Maltos, l’un de ceux que le Mexique
a mis en lumière dans son attaque sur la procédure de recours en grâce. La procédure, dans cette
affaire, a été menée de manière consciencieuse, rigoureuse et approfondie. L’agent du Mexique
lui-même a présenté l’affaire au gouverneur et à son équipe. Le gouverneur s’est entretenu
directement avec le président mexicain. Bien que le gouverneur n’ait pas accordé la grâce, tant la
commission des libertés conditionnelles, qui l’a recommandée lors d’un scrutin, que le gouverneur
ont incontestablement tenu le plus grand compte de la violation de la convention et ont engagé le
réexamen et la revision exposés dans l’arrêt LaGrand.
1.19. Le Mexique n’est pas non plus parvenu à fournir à la Cour un motif quelconque qui
permettrait de conclure que notre système judiciaire ne prévoit pas, pour les ressortissants
étrangers, de procès équitable respectant pleinement les droits de la défense. Notre système peut
lui aussi remédier aux conséquences de toutes les violations de la convention qui auraient été
correctement invoquées, et tant nos juridictions de première instance que nos juridictions d’appel
ont l’obligation de garantir, selon les termes employés par le juge Koroma dans son opinion
individuelle jointe à l’arrêt LaGrand, une «procédure judiciaire … équitable et régulière».
1.20. Enfin, la Cour ne devrait pas s’écarter du remède qu’elle a prescrit dans l’arrêt
LaGrand en cas de violations de l’article 36, à savoir le réexamen et la revision par des moyens
laissés au choix de l’Etat de résidence. Ce remède satisfait pleinement l’objectif de réparation, en
fournissant un mécanisme par lequel la situation pourrait être rétablie comme si la violation n’avait
jamais existé. Il respecte également l’équilibre approprié entre les droits et les intérêts des deux
Etats parties.
15
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1.21. La Cour ne doit en aucun cas accorder le remède sans précédent et importun que le
Mexique a demandé — l’annulation de verdicts de culpabilité et de peines, l’exclusion d’éléments
de preuve lors de procédures juridiques ultérieures, des ordonnances de cessation et des garanties
excessives de non-répétition. Le Mexique affirme que la Cour devrait appliquer une forme absolue
de restitutio in integrum. Mais, comme la Cour ne l’ignore pas, la restitution au sens que demande
le Mexique n’est appropriée que dans certains types de situations, telles que la restitution d’un bien.
Ce n’est pas le cas en l’espèce. En outre, le remède demandé par le Mexique ne serait pas lié à la
preuve d’un préjudice, et il serait indépendant de toute condition visant à démontrer que la
violation d’une obligation conventionnelle a effectivement causé un dommage. Aucune pratique
étatique ne vient étayer une telle demande.
1.22. La Cour a indiqué dans LaGrand que le choix des moyens pour permettre le réexamen
et la revision demandés «doit revenir» aux Etats-Unis. «Doit revenir.» Le Mexique ne veut pas
laisser ce choix aux Etats-Unis, mais il veut que la Cour engage le réexamen à leur place et décide
à l’instant que la violation implique d’infirmer dans chaque cas le verdict de culpabilité et la peine.
Mais si le résultat est connu, pourquoi dans ce cas reviser les affaires ?
1.23. La Cour est allée loin dans l’affaire LaGrand. Le Mexique dit qu’elle n’est pas allée
assez loin. Les Etats-Unis prient respectueusement mais vigoureusement la Cour de ne pas aller
plus loin.
*
* *
1.24. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voici comment nos
présentations orales vont se dérouler aujourd’hui.
1.25. Mme Zoller commencera notre présentation en abordant les sujets de la compétence et
de la recevabilité. Elle montrera que la Cour n’est pas compétente pour ordonner les remèdes sans
précédent que le Mexique demande.
1.26. Puis, nous examinerons au fond l’affaire du Mexique, qui débute par une peinture
scandaleusement déformée du système de justice pénale des Etats-Unis. M. Philibin, du
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département de la justice des Etats-Unis, en donnera à la Cour une image fidèle. Il montrera en
particulier que les Etats-Unis garantissent dans leurs procédures pénales une équité fondamentale
tant pour les citoyens américains que pour les ressortissants étrangers. L’assistance consulaire est
importante et bienvenue, mais même si elle n’est pas fournie, les juridictions des Etats-Unis
garantissent que les ressortissants étrangers défendeurs dans une affaire criminelle bénéficient de
tous les droits substantiels et procéduraux que l’assistance consulaire, selon le Mexique, cherche à
protéger. Ce sont les mêmes protections que celles qui sont accordées à nos propres ressortissants.
Elles ont pendant de nombreuses années servi de modèle à la justice dans le monde entier.
1.27. M. Sandage, du département d’Etat des Etats-Unis, montrera ensuite que le Mexique
n’a pas réussi à apporter la charge de la preuve des faits essentiels à son affaire, tant en ce qui
concerne les cinquante-deux cas qu’en ce qui concerne les allégations générales et infondées de
violation systématique de l’article 36. Il montrera que les conclusions auxquelles le Mexique
demande à la Cour de parvenir ne sont pas soutenues par des éléments de preuves solides.
1.28. Mme Brown, du département d’Etat des Etats-Unis, parlera ensuite, et sera suivie de
M. Mathias, qui fait également partie du département d’Etat. Tous deux, Mme Brown et
M. Mathias, expliqueront le sens de l’article 36 à la lumière du but et de l’objet de la convention de
Vienne. La présentation que le Mexique a faite hier a laissé l’impression que la convention
cherchait à réglementer le traitement des ressortissants étrangers dans le système de justice pénale
de l’Etat de résidence. En réalité, l’objectif de la convention est de faciliter l’activité du consul
dans le cadre du système de justice pénale existant, et non pas de modifier celui-ci.
1.29. Pendant la séance de l’après-midi, les présentations de nos intervenants s’attacheront
aux remèdes.
1.30. En premier lieu, M. Thessin décrira la façon dont les instances judiciaires des
Etats-Unis et les organes connaissant des recours en grâce auprès de l’exécutif combinent leur
action pour permettre le réexamen et la revision de verdicts de culpabilité et de peines tel que
demandé dans l’arrêt LaGrand.
1.31. M. Weigend examinera les remèdes que le Mexique a proposés à la Cour et montrera
qu’ils sont en général incompatibles avec le fonctionnement des systèmes de justice pénale des
Etats parties à la convention.
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1.32. A la suite de M. Weigend, la Cour entendra à nouveau Mme Zoller, qui examinera en
particulier le remède de restitutio in integrum demandé par le Mexique. Le Mexique a mal compris
les circonstances dans lesquelles ce remède s’applique ainsi que les objectifs de ce dernier.
Mme Zoller abordera également le véritable sens de la notion de réexamen et de revision.
1.33. Enfin, M. Mathias s’exprimera sur le remède que la Cour a ordonné dans l’arrêt
LaGrand et montrera que le «réexamen» et la «revision» par les moyens que l’Etat de résidence a
lui-même choisis sont des remèdes appropriés et suffisants pour réparer la violation des obligations
de la convention qui peut survenir à l’avenir ou a pu apparaître dans les cas présentés en l’espèce à
la Cour.
1.34. J’introduirai brièvement la séance de cet après-midi et conclurai ce soir notre
présentation orale.
1.35. Merci, Monsieur le président. Je vous demande d’appeler maintenant à la barre
Mme Zoller.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Taft. Je donne maintenant la parole à Mme Zoller.
Ms ZOLLER:
II. JURISDICTION AND ADMISSIBILITY
Mr. President, Members of the Court,
2.1. The present case appeals to our conscience in respect of “the judicial power, so terrible
to mankind” of which Montesquieu spoke. But it does so in the context of the settlement of a
dispute between States. It is exclusively with this dispute that the Court must concern itself, as
required by Article 38, paragraph 1, of its Statute, and it is on the subject of this dispute that the
United States conferred upon me the signal honour of speaking before the Court.
2.2. The dispute between the two States concerns the consequences of an alleged breach by
the United States of Article 36 (1) (b) of the Vienna Convention on Consular Relations, as
interpreted by the Court in the LaGrand Judgment. In that case, the Court held that when nationals
of a State party are sentenced to severe penalties and their rights under the above-cited provision
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have not been respected, the receiving State must allow “by means of its own choosing, . . . the
review and reconsideration of the conviction and sentence by taking account of the violation of the
rights set forth in that Convention”.
2.3. Well before the LaGrand Judgment, the federal Government of the United States had
gone to extraordinary lengths with the 50 states in the Union to implement and carry out the
international obligations deriving from the Vienna Convention. Since the LaGrand Judgment, the
Government has continued to increase its efforts to train and instruct police, prosecutors and judges
as to the importance of the consular notification obligations in all criminal proceedings involving
defendants of foreign nationality. Moreover, it has taken steps with the states to ensure that, where
breaches of the Convention do occur, the competent state authorities weigh among all the
considerations contributing to a decision on a clemency petition the fact that the convicted
individual did not receive consular assistance at the beginning of the proceedings; since the
LaGrand Judgment, there has not been one case in which the review and reconsideration measures
referred to in that Judgment have been taken.
2.4. The problem is that these efforts do not satisfy Mexico. It is not interested in the review
and reconsideration steps which the United States has already taken and continues to implement in
exercise of the powers appertaining to it. Mexico wants to turn back the clock 10, or even 20 years
and is asking you to order the United States to retry all the cases.
2.5 Mr. President, these demands can only be rejected. Aside from the fact that Mexico’s
request is inadmissible, the United States is of the view, first and foremost, that the Court is without
jurisdiction to satisfy Mexico’s claim. I shall first address the Court’s lack of jurisdiction.
*
* *
1. Lack of jurisdiction of the Court
2.6. The object of Mexico’s claim is to induce the Court to exceed its jurisdictional powers.
Mexico is not asking the Court to state the law ¾ which in any case it has already done in the
LaGrand Judgment ¾; nor is it asking the Court to provide reparation, in the form of an
equivalent, for an injury which cannot be made good in kind, as the Applicant has not made a
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claim, even on an alternative basis, for compensation. What Mexico is asking the Court in the
submissions in its Memorial is to “adjudge and declare” that the United States is under an
obligation: (1) to “vacat[e] the convictions . . . [and] the sentences”, and (2) “to take all legislative,
executive and judicial steps necessary” to bar the application of procedural and substantive rules of
municipal law. The United States denies the jurisdiction of the Court to impose upon it either of
these obligations in the present proceedings.
A. The Court’s alleged powers to order the United States to vacate sentences and convictions
handed down in accordance with its municipal criminal law
2.7. The United States denies that the Court has jurisdiction to declare null and void
sentences and convictions handed down in accordance with federal and state domestic criminal law
in the United States. The United States does not seek to “scare” or “intimidate” the Court. It
wishes solely to point out that there is no legal basis whatsoever either in treaty law or in general
law which could found this jurisdiction, which Mexico appears to take for granted.
2.8. First, no provision of the Vienna Convention on Consular Relations allows for reference
to the Court of the type of claim which Mexico has submitted to it. The link between the disputed
judgments and the Vienna Convention is weak in the extreme, if not non-existent. Further, there is
nothing in that Convention to support the view that the parties to the Optional Protocol to the
Convention intended to allow judgments of their trial and appellate courts to be referred to the
Court.
2.9. Second, no provision of the Statute of the Court authorizes it to act as a court of appeal
or court of cassation in respect of judgments handed down by the sovereign courts of the States
parties to the Statute. Mexico denies that it seeks to make the Court into a court of appeal or court
of cassation. But a review of its submissions shows that that is indeed what it is asking of the
Court. Once again, Mexico is asking the Court to order the annulment of sentences and convictions
handed down by domestic criminal courts. The role of those courts is to rule on the guilt of the
accused and to determine the nature of the punishment incurred and it is not the role of the Court to
judge whether their decisions constitute an abuse of authority. If it were otherwise, the Court
would no longer be a court of international law; it would become a court of domestic law and this
would represent a complete distortion of its place in the United Nations system. It must be
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understood that Mexico, by asking the Court to declare that judgments handed down by courts in
the United States are null and void, is inviting the Court to intervene in “matters which are
essentially within the domestic jurisdiction of [a] State”, in violation of Article 2, paragraph 7, of
the United Nations Charter. It is inviting the Court to become the supreme court of a global State
in complete violation of what the Court has said about the Organization of the United Nations4
, of
which it remains one of the “principal organs” under Article 7, paragraph 1, and “the principal
judicial organ” under Article 92 of the Charter. Even worse, as will be seen from the analysis to be
offered by Professor Weigend this afternoon, Mexico even seeks to make the Court into a super
supreme court of the United States in that it is asking the Court to impose on the United States
obligations which are unique to the American system of criminal justice and which could not be
applied in many legal systems of the States parties to the Convention.
B. The Court’s power to order States to adopt required conduct
2.10. The United States has acknowledged that the Court may, within the limits of
international law and in some circumstances, have the power to order States to adopt conduct
required by international law. The United States notes that in 1980 it itself benefited from this
when, in the case concerning its diplomatic and consular staff in Tehran, it obtained from the Court
a Judgment ordering Iran to “immediately terminate” the wrongful acts ascribable to it5
. But ¾
and this is the great difference with the present case ¾ it was a matter at that time of ordering a
State to fulfil an international obligation binding upon it in straightforward terms, that State
enjoying no discretionary power whatsoever in performing it. Its power was, as we say in French,
“liée” “(“fettered”), fettered by international law.
2.11. Mr. President, when the power of a State is constrained by international law, as it was
in the case of the United States hostages in Tehran, that is to say when there is one and only one
way for the State to comply with its international obligations, it is quite natural, and even to be

4
See the Advisory Opinion, Reparation for Injuries Suffered in the Service of the United Nations, in which the
Court stated that the Organization is not “a ‘super-State’, whatever that expression may mean”, I.C.J. Reports 1949,
p. 179.
5
I.C.J. Reports 1980, p. 44.
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expected, that the Court should have the power to order the State to adopt the conduct required by
international law. If the Court did not, it would be unable to fulfil its mission because, without that
power, it could not indicate to the parties the means to move beyond, and put to rest, a dispute.
2.12. On the other hand, when the State has discretionary power, when it enjoys the power to
satisfy its international obligations “by means of its own choosing”, as the Court recognized in the
LaGrand case, the Court no longer holds the same powers to direct. Whenever the Court
establishes a result to be achieved, like, for example, the “review and reconsideration” of the
convictions in the LaGrand case, it is for the State to achieve the indicated result by means of its
own choosing.
2.13. If, by virtue of a judgment of the Court, a State has “a free choice of means”, it is
impossible to see how the Court could, without contradicting itself, order that State, as Mexico
would have it do, “to take all legislative, executive and judicial steps necessary” to bar the
application of procedural and substantive rules of domestic law. In these circumstances, the Court
has no jurisdiction to order a State to legislate, execute the law or adjudicate in a particular way.
The Court does not have jurisdiction to compel a State to amend procedural rules. More
specifically, in respect of the procedural default rule, the Court does not have jurisdiction to compel
the United States to confer ordre public status on an argument raised by litigants before domestic
courts, which would make it possible to raise this argument at any stage in the proceedings. Once
again, these claims would lead to a complete distortion of the United Nations system. Mexico is
seeking from the Court what one seeks from a domestic court of law. But the Court is without
jurisdiction to order a State to act in a certain way when it is perfectly lawful to act in another.
Judicially compelled performance, what goes by the name of specific performance to common law
lawyers, has no place in public international law.
2.14. For these reasons, the United States requests the Court to adjudge and declare that it
does not have jurisdiction to order the United States to annul the convictions and sentences handed
down by its state courts and federal courts or to order it to take all legislative, executive and
judicial steps necessary to apply the LaGrand decision.
21
- 15 -
2. Inadmissibility of Mexico’s claim
2.15. Mexico’s claim is inadmissible on a number of grounds, which have been elaborated in
the United States Memorial. Most important is the haste with which Mexico has acted in this case.
The rule that local remedies must be exhausted has not been observed.
2.16. Mexico submits to the Court 52 cases, none of which has been concluded, except for
three in which the death sentences have been set aside; all the others are currently still proceeding;
moreover, a large number of them are only at the first appeal stage.
2.17. It is therefore obvious that local remedies have not been exhausted. As the Court stated
through the Chamber formed in the case concerning Elettronica Sicula S.p.A (ELSI): “[F]or an
international claim to be admissible, it is sufficient if the essence of the claim has been brought
before the competent tribunals and pursued as far as permitted by local law and procedures, and
without success”6
. The pursuit in these cases falls far short of what is permitted by the laws of the
United States.
2.18. As far as Mexico is concerned, however, there is no need to wait. Waiting serves no
purpose, because in Mexico’s view the means chosen by the federal and state authorities for review
and reconsideration of judgments are ineffective.
2.19. First, the charge of ineffectiveness is directed at the fact that, when a defence based on
the absence of consular notification is raised at first instance, the judge neither declares statements
by the accused under such conditions inadmissible nor grants any other appropriate remedy. But
this in no way proves that the defence is ineffective; it merely proves that it does not operate to
produce the result sought by Mexico.
2.20 Secondly, the charge of ineffectiveness is directed at the inadmissibility of fresh
arguments on appeal, thus defeating a defence based on the lack of consular notification. If the
accused and his counsel have failed to raise at first instance any irregularity arising from
non-notification of the proceedings to the consular authorities, they are barred from raising that
argument later on appeal. Mexico claims that this procedural rule ipso facto renders the exhaustion
of local remedies completely ineffective. For this submission to be well founded it would still be
necessary at least to show that, without it, the verdicts and sentences would have been different.

6
I.C.J. Reports 1989, p. 46, para. 59.
23
22
- 16 -
But Mexico cannot adduce such evidence in any of the cases that it has submitted to the Court. It
proceeds by generalizations, an extremely perfunctory way of assessing the review and
reconsideration procedures available to those convicted.
2.21. Thirdly, the charge of ineffectiveness is directed at clemency appeals, which are
normally heard by State governors, usually with the assistance of an advisory board. Mexico
considers these procedures to be totally ineffective. So they are, if we accept, as Mexico contends,
that the test of perfect effectiveness is for the death penalty to be commuted to life imprisonment in
all cases. However, for such an argument to be well founded it would be necessary to accept the
assumption on which Mexico’s claim relies, namely that capital punishment in peace-time is
contrary to general international law. Whichever way one looks at the issue, positive international
law does not support the Applicant’s claims. Thus the clemency proceedings provided for by
American law cannot ipso facto be described as arbitrary.
2.22. Under the laws applicable in the States concerned, each Mexican national involved in
the present case has the right to lodge an appeal for clemency and for consideration of his
complaint regarding the alleged violation by the United States of its obligations under the
Convention. Both in its Memorial and in oral argument Mexico has dwelt at length on the arbitrary
nature of these proceedings. However, with the exception of three Mexican nationals who have
already been reprieved, none of the 52 remaining in the present case has yet lodged an appeal for
clemency. In these circumstances, Mexico has no basis in fact or in law on which to found its
allegations. Notwithstanding their gravity, its claims remain unconfirmed. There are a number of
reasons to doubt their truth: of the seven death sentences passed after the LaGrand Judgment, in
purported violation of the Vienna Convention, six have been commuted.
2.23. Fourthly, Mexico’s Application is inadmissible in that the Applicant is accusing the
United States of alleged violations of the Vienna Convention of which it had long been aware, but
to which it failed to draw the federal authorities’ attention in time, or only after a considerable
delay. This being so, it must be accepted that Mexico has renounced both its right to contest these
violations and to claim reparation for them7
. In any event Mexico did not raise the matter with the

7
See Russian Indemnity (Russia v. Turkey) (Agreement of 22 July-4 August 1910), UNRIAA, Vol. XI, pp. 431,
444-446 (1912) (loss of applicant’s right to invoke the wrongfulness of an act); Savarkar (France v. Great Britain)
(Agreement of 25 October 1910), UNRIAA, Vol. XI, pp. 252, 255 (applicant who acquiesced in a wrongful act).
24
- 17 -
United States immediately, so that action could have been taken. This is perhaps because, at the
time when it became aware of them, Mexico did not consider that such violations were capable of
entitling it to the remedies which it is claiming today.
2.24. Fifthly and lastly, Mexico’s Application is inadmissible because the Applicant cannot
lawfully require that the respondent State comply with rules of conduct that it does not itself
respect. Mexico is not entitled to demand that the United States should apply standards that it does
not apply in its own municipal law. Not only does Mexican criminal law not provide the remedies
that Mexico seeks to require of the United States, but its authorities themselves do not respect the
obligations that they demand of the United States. In these circumstances, the Court should
recognise that it is being used by Mexico in a political campaign ¾ and it should not yield to these
pressures.
2.25. For these reasons the United States asks the Court to declare Mexico’s claims
inadmissible, because its nationals have not exhausted the review and reconsideration procedures
that exist under the law of the United States.
2.26. I now ask you, Mr. President, to give the floor to Mr. Philbin.
Le PRESIDENT : Merci, Madame Zoller. Je donne maintenant la parole à M. Philbin.
M. PHILBIN :
III. LE SYSTEME DE LA JUSTICE PENALE AMERICAINE GARANTIT UN PROCES
EQUITABLE A TOUT ACCUSE, QUELLE QUE SOIT SA NATIONALITE,
SANS ETRE TRIBUTAIRE DE L’ASSISTANCE CONSULAIRE
3.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un honneur que
de plaider devant vous au nom des Etats-Unis. En ma qualité de représentant du département de la
justice des Etats-Unis, je suis particulièrement heureux de pouvoir vous présenter brièvement le
système de la justice pénale aux Etats-Unis.
3.2. Dans son mémoire, le Mexique a malheureusement donné une description inexacte et
déformée de ce système. Il cherchait ainsi à montrer qu’un ressortissant mexicain ne pouvait, sans
assistance consulaire, bénéficier d’un procès équitable aux Etats-Unis. Selon le Mexique, la raison
en est que les ressortissants mexicains se heurtent à des barrières linguistiques et culturelles qui les
25
- 18 -
empêchent de comprendre l’explication qu’on leur donne de leurs droits; qu’ils ne peuvent être
assistés d’enquêteurs et d’experts ni se procurer des éléments de preuve se trouvant à l’étranger; et
que leurs avocats commis d’office sont inefficaces et les interprètes fournis par les tribunaux,
incompétents. De la même manière, les représentants du Mexique ont soumis hier à la Cour, en
guise de preuves, des anecdotes tirées de leur expérience en d’autres affaires, pour essayer de lui
faire accroire que l’assistance des fonctionnaires consulaires était indispensable à l’équité des
procès.
3.3. Je vais cependant vous montrer aujourd’hui que le Mexique dépeint de manière erronée
le système de la justice pénale américaine. A cette fin, je passerai en revue les principales étapes
d’une procédure judiciaire, en mettant l’accent sur les même questions qui mobiliseraient, d’après
le Mexique, l’attention des fonctionnaires consulaires. Et j’illustrerai mon propos avec des faits
tirés précisément des cas soumis par le Mexique à la Cour. Pour plus de précisions sur notre
système judiciaire, qui est complexe et dont la description complète prendrait plusieurs heures, je
renvoie la Cour à l’annexe 7 au contre-mémoire.
A. Le système de la justice pénale ne pourrait, sur le plan pratique, être tributaire
de l’assistance consulaire pour garantir l’équité
3.4. Permettez-moi, en guise de préambule, de rappeler que nous jugeons parfaitement
légitime le souci du Mexique de s’assurer que ses ressortissants sont traités de manière équitable
dans le système de justice pénale. Mais, en vérité, les Etats-Unis, comme tout autre Etat, doivent
garantir un procès équitable à tout accusé, quelle que soit sa nationalité et qu’il ait ou non la chance
de bénéficier d’une assistance consulaire. En outre, sur le plan pratique, il serait totalement
déraisonnable de présumer que les ressortissants non américains bénéficieront systématiquement de
l’assistance consulaire, vu que ni la convention de Vienne ni le droit international n’exigent des
fonctionnaires consulaires qu’ils assistent leurs ressortissants, et qu’en outre, selon les moyens dont
ils disposent, l’assistance consulaire qu’ils peuvent effectivement fournir peut être
considérablement limitée. Il convient de rappeler à la Cour que beaucoup de nations n’ont qu’un
nombre réduit de représentants consulaires aux Etats-Unis, et ils sont souvent basés à
Washington D.C. uniquement. Vu qu’il y a des millions de ressortissants étrangers aux Etats-Unis,
26 et qu’un nombre considérable d’entre eux sont arrêtés chaque année, même si l’information et la
- 19 -
notification consulaires étaient fournies systématiquement, beaucoup de personnes ne recevraient
aucune assistance consulaire d’aucune sorte. Par conséquent, notre système judiciaire ne pouvait
être, et n’est pas, tributaire de l’assistance consulaire pour garantir un traitement équitable aux
ressortissants non américains.
3.5. En disant cela, je ne cherche pas à déprécier les efforts des fonctionnaires consulaires, ni
à laisser entendre qu’il n’est pas important de respecter l’article 36. Mais il faut, en même temps,
regarder en face les réalités qui découlent du très grand nombre d’étrangers poursuivis au pénal
dans les différents Etats américains, des moyens dont disposent les consulats pour les assister, et du
fait que la convention laisse exclusivement à la discrétion de l’Etat d’envoi la décision de fournir
ou non une assistance.
B. Le système de la justice pénale prévoit déjà des garanties complètes pour préserver
l’ensemble des droits qui, selon le Mexique, ne peuvent être protégés sans
l’intervention de ses fonctionnaires consulaires
3.6. Comme je l’ai déjà dit, notre Constitution et notre législation visent expressément à
garantir un procès équitable à tout accusé indépendamment de sa nationalité. Laissez-moi vous
expliquer comment nous y parvenons.
1. Les droits pendant l’interrogatoire en détention — la notification des droits Miranda
3.7. En général, une procédure pénale à l’encontre d’une personne commence lorsque cette
personne est arrêtée. Dans le système de la justice pénale des Etats-Unis, comme dans beaucoup
d’autres, l’utilisation d’aveux obtenus sous la contrainte est interdite. Pour prévenir tout recours à
la contrainte, notre législation prévoit qu’une personne placée en détention ne peut être interrogée
avant que les autorités ne lui aient adressé ce que l’on appelle familièrement la «notification des
droits Miranda», pour lui faire connaître ses droits. Vous trouverez sous l’onglet no
1 de votre
dossier d’audience le texte de cette notification tel qu’utilisé par le FBI. L’énoncé de ces droits est
le suivant :
¾ avant que l’on ne vous interroge, vous devez comprendre vos droits;
¾ vous avez le droit de garder le silence;
¾ tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous devant un tribunal;
¾ vous avez le droit de consulter un avocat avant le début de l’interrogatoire;
- 20 -
¾ vous avez le droit d’exiger la présence d’un avocat pendant l’interrogatoire;
¾ si vous n’avez pas les moyens d’engager un avocat vous-même, il vous en sera commis un
d’office avant le début de l’interrogatoire, si vous le souhaitez;
¾ si vous décidez de répondre maintenant sans être assisté d’un avocat, vous avez le droit de
cessez de répondre à tout moment8
.
3.8. L’interrogatoire ne peut se poursuivre si l’intéressé déclare qu’il ne comprend pas ces
droits, ou s’il déclare ne pas vouloir faire de déclaration à la police. S’il demande à être assisté
d’un avocat, l’interrogatoire ne peut se poursuivre tant qu’un avocat n’est pas présent. Si
l’interrogatoire est conduit alors que l’intéressé a affirmé vouloir exercer ses droits, aucune de ses
déclarations ne pourra être utilisée par l’accusation au procès.
3.9. Le Mexique reconnaît l’existence de l’obligation de notifier les droits issus de la
jurisprudence Miranda, mais il affirme que cette déclaration est difficile à comprendre et qu’elle ne
permet pas aux ressortissants mexicains de bien saisir la teneur du droit qu’ils ont de garder le
silence et du droit d’être assisté d’un avocat. Le Mexique soutient que la présence d’un
fonctionnaire consulaire est nécessaire pour expliquer au détenu la portée des droits Miranda. Le
Mexique invoque à cet égard l’opinion d’un expert qui cite des études ayant conduit à la
conclusion, entre autres, que même les accusés nés américains qui n’ont pas fait d’études
supérieures n’arrivent pas à comprendre parfaitement la notification des droits Miranda, que les
ressortissants mexicains et autres accusés hispanophones ne la comprennent généralement pas, et
qu’elle est habituellement mal traduite.
3.10. A notre connaissance, aucun juge aux Etats-Unis n’a accepté pareilles conclusions. Pas
un seul juge n’a convenu que la sempiternelle notification des droits Miranda était trop compliquée
pour être comprise par des étrangers ou même par des Américains de naissance qui n’auraient pas
un niveau d’instruction élevé. Au contraire, nos juridictions ont uniformément reconnu que la
notification simple et claire des droits Miranda que je viens de vous énoncer était plus que
suffisante pour informer un détenu de ses droits. Il n’est pas davantage prouvé que les traductions
en espagnol de la notification des droits Miranda soient systématiquement mauvaises.

8
Texte intégral de la déclaration des droits constitutionnels issus de la jurisprudence Miranda, telle qu’elle figure
sur le formulaire utilisé par le FBI.
27
- 21 -
3.11. Mais ce qui est plus important aux fins de l’espèce, c’est que les différents faits propres
aux cinquante-deux affaires invoquées devant la Cour illustrent en soi l’efficacité de la notification
des droits Miranda. La diversité des réactions dans ces affaires montre que les ressortissants
mexicains concernés n’ont pas fait d’aveux sous la contrainte. Au contraire, leurs réactions
prouvent qu’ils étaient parfaitement capables de comprendre cette notification des droits Miranda
et d’exercer leurs droits sans la présence d’un fonctionnaire consulaire.
3.12. Nous pouvons d’emblée écarter trois cas. Il s’agit d’affaires où l’accusé a fait une
déclaration spontanée avant d’être arrêté ou pendant la procédure administrative de
l’enregistrement, et n’a donc pas été interrogé en détention9
. Sur les quarante-neuf autres accusés,
dix-sept — soit plus d’un tiers — ont apparemment refusé de répondre aux questions ou de faire
des déclarations10. Or, certains d’entre eux sont des personnes arrivées aux Etats-Unis à l’âge
adulte, qui ne parlaient pas couramment anglais ou étaient peu instruites, autrement dit,
précisément le genre de personnes dont le Mexique affirme catégoriquement qu’elles sont
incapables de comprendre la notification des droits Miranda11. Il s’agit notamment de
M. Hector Garcia Torres (cas no
32) qui, en dépit d’une scolarité limitée à trois ans au Mexique, a
suffisamment compris les droits qu’il tenait de la jurisprudence Miranda pour décider de ne pas
faire de déclaration. Sur les trente-trois accusés restants, neuf ont nié toute responsabilité pénale12
,
et quatre ont avoué les faits mais sans en assumer la responsabilité13. En somme, seul un tiers
environ des accusés dont le Mexique a soumis les cas à la Cour ont fait des aveux complets et
reconnu leur culpabilité. Cela semble correspondre au pourcentage de détenus qui avouent sur
l’ensemble des personnes arrêtées aux Etats-Unis14
.

9
Cas nos 8, 36 et 51.
10 Cas nos 2, 4, 5, 7, 9, 12, 13, 15, 16, 21, 29, 32, 35, 37, 42, 48 et 53.
11 Cas nos 9, 12, 15, 32, 35, 37, 42 et 48.
12 Cas nos 18, 19, 20, 25, 26, 30, 39, 43 et 46.
13 Cas nos 24, 38, 41 et 42.
14 Voir par exemple Paul G. Cassell, All Benefits, No Costs : The Grand Illusion of Miranda’s Defenders,
90 NWL Rev. 1084, p. 1092 (1996); Mandy DeFilippo, You Have the Right to Better Safeguards : Looking Beyond
Miranda in the New Millenium, 34 J. Marshall L. Rev., p. 637 (printemps 2001).
28
- 22 -
3.13. On ne peut davantage présumer que chacun des vingt accusés qui ont fait des aveux
complets, et chacun des quatre accusés qui ont fait des aveux partiels, ait avoué sous la contrainte
ou parce que, en l’absence d’un fonctionnaire consulaire pour le conseiller, il n’était pas en mesure
d’apprécier les conséquences de sa déclaration. De nombreux délinquants, qu’ils soient américains
ou étrangers, font des aveux sans y être contraints, en ayant parfaitement compris leurs droits et
librement choisi de ne pas les exercer. Citons par exemple le cas de M. Salcido Bojorquez (no
22)
qui a fait des aveux devant un juge mexicain. De même, M. Perez Gutierrez (cas no
51) a répété
plusieurs fois, dans une déclaration enregistrée, qu’il était soulagé d’avoir avoué. Aucun de ces
hommes n’a été soumis à une contrainte et aucun n’a mal saisi les conséquences de ses aveux. Ils
ont avoué parce que, comme chacun l’a dit explicitement, ils regrettaient leurs crimes horribles.
L’argument avancé par le Mexique présume en filigrane que si un individu fait des aveux, c’est que
les protections prévues par le système de justice pénale ont été inopérantes et que l’intéressé n’a
sans doute pas compris ses droits. Mais une telle présomption n’est pas acceptable en droit. Ainsi
que l’a expliqué la Cour suprême des Etats-Unis, seuls les aveux obtenus sous la contrainte sont
proscrits par la loi : «loin d’être interdits [les aveux fiables et spontanés] sont par définition
souhaitables»15. Ils sont même «essentiels pour aider la société dans son souci et son devoir
d’identifier ceux qui ont violé la loi, en vue de les déclarer coupables et de les punir»16
.
3.14. Enfin, si un ressortissant étranger en détention n’a pas compris la notification des droits
Miranda en raison de problèmes linguistiques ou autres, et que cette incompréhension l’a conduit à
renoncer sans le vouloir à ses droits, il peut demander que sa déclaration soit écartée en tant que
preuve à charge. Comme va vous l’expliquer M. Weigend, le système des Etats-Unis se distingue
par la fréquence des retraits de déclarations en première instance. Il ne suffit pas cependant
simplement qu’un accusé affirme après coup que ses aveux ont été obtenus sous la contrainte pour
que sa déclaration soit écartée. Lorsqu’une demande de retrait est présentée, le tribunal de
première instance examine attentivement les circonstances dans lesquelles la déclaration a été faite
et vérifie par lui-même si la notification des droits Miranda a eu lieu, si cette notification a été
suffisante, si elle a été comprise, et si l’intéressé a voulu exercer ses droits. Les conclusions du

15 Oregon v. Elstad, 470 US 298, p. 305 (1985).
16 Moran v. Burbine, 475 US 412, p. 426 (1986).
29
- 23 -
tribunal seront soumises à l’examen d’autres juridictions. Ainsi, il est possible de vérifier dans tous
les cas et avec toute l’attention requise si la notification des droits Miranda a été faite
convenablement et si les allégations de contrainte sont fondées.
2. Surveillance des interrogatoires
3.15. Le Mexique affirme également que ses fonctionnaires consulaires doivent être présents
pendant les interrogatoires pour prévenir les brutalités policières. Mais le système judiciaire
américain interdit catégoriquement de tels actes — pendant les interrogatoires comme à tout autre
moment — et toute personne qui violerait cette interdiction sera poursuivie sans faiblesse.
Cependant, pour garantir que cette interdiction soit respectée, nombre de services enregistrent
systématiquement les interrogatoires afin d’en conserver une trace, ce qui permet, d’une part, de
prévenir et de déceler les abus, et, d’autre part, de démentir les allégations de mauvais traitements
qui ne seraient pas fondées.
3.16. Enfin, ni les Etats-Unis ni aucun autre pays n’a interprété l’article 36 comme exigeant
de la police qu’elle autorise la présence de fonctionnaires consulaires pendant les interrogatoires.
En outre, aux fins de l’administration de la justice, cela serait totalement impraticable. Rappelons
que dans le cas de M. Ramiro Hernandez Llanos (no
24), un fonctionnaire consulaire mexicain est
allé voir l’accusé pour la première fois neuf jours après avoir appris son arrestation.
M. Solache Romero (cas no
47) a reçu la visite d’un fonctionnaire consulaire un mois après que le
consulat eut été informé de sa détention17. En citant ces deux exemples, je n’insinue pas que le
Mexique ait mal agi ou agi tardivement. Ce que je veux dire, c’est simplement que, même si le
consulat est averti immédiatement, rien ne permet de supposer qu’il réagira rapidement, et de fait,
rien ne l’y oblige. La règle proposée par le Mexique, qui voudrait que les interrogatoires soient
interrompus jusqu’à l’arrivée d’un fonctionnaire consulaire, signifie que les Etats parties à la
convention seraient empêchés de conduire leurs interrogatoires pendant les jours, ou semaines,
nécessaires à la mise en place de l’assistance consulaire — à supposer d’ailleurs qu’une limite soit

17 Voir MM, annexe 70, app. 37; voir également CMEU, annexe 2, app. 34, par. 4, et app. 47, par. 5.
30
- 24 -
fixée à cette attente, au vu de la nouvelle règle avancée par le Mexique selon laquelle le consulat
doit réagir dans un délai raisonnablement court. Pareille proposition n’est applicable dans aucun
système de justice pénale.
3. Mise à disposition d’un service d’interprétation adéquat pour les non-anglophones
3.17. Dès le moment de l’arrestation, une personne qui n’a pas une connaissance suffisante
de la langue anglaise peut aussi avoir besoin d’un interprète pour communiquer avec son avocat et
avec les autorités, notamment judiciaires, ainsi que pour comprendre la déposition des témoins à
son procès. Le Mexique affirme qu’il peut fournir des interprètes compétents à ceux de ses
ressortissants qui ne parlent pas anglais. Là encore, l’assistance consulaire n’est pas nécessaire
pour satisfaire ce besoin, parce que le système de justice pénale, dans son fonctionnement
ordinaire, y pourvoit déjà entièrement. Lorsqu’un accusé ne peut comprendre ou parler l’anglais, il
est fait appel à un interprète. Si aucun interprète n’est disponible, la procédure — notamment
l’interrogatoire — est reportée jusqu’à ce qu’un interprète soit présent. On trouve un bon exemple
de cette pratique dans une affaire que le Mexique a portée à l’attention de la Cour pour illustrer nos
prétendues violations systématiques de l’article 3618. Mathilde Perez-Merino, ressortissante
mexicaine arrêtée dans l’Oregon, parlait un dialecte indigène et ne comprenait ni l’espagnol ni
l’anglais. Soulignons qu’elle n’a pas été interrogée ni informée de ses droits Miranda parce que
personne ne pouvait communiquer avec elle. Un fonctionnaire consulaire mexicain était présent
lorsqu’elle a été déférée devant un juge trois jours après son arrestation, mais c’est le tribunal de
première instance qui a fait venir un interprète du Mexique19. Nous ignorons toujours si le
fonctionnaire consulaire a pu ou non communiquer avec elle, mais ce que nous savons, c’est qu’un
service d’interprétation adéquat a été fourni par le tribunal et non par le fonctionnaire consulaire.
Ce qui s’est passé dans ce cas est parfaitement conforme à la façon de faire habituelle aux
Etats-Unis et a garanti un traitement équitable à l’intéressée.

18 Voir MM, annexe 7, pièce jointe B, par. 151.
19 Voir CMEU, annexe 1, app. 4, p. 46.
31
- 25 -
4. Mise à disposition d’un avocat
3.18. L’étape qui suit l’arrestation est souvent celle de l’inculpation. Aux Etats-Unis, toute
personne — américaine ou étrangère — qui encourt un chef d’inculpation pouvant donner lieu à
son placement en détention a le droit d’être représentée par un avocat ayant les titres requis et
dûment autorisé à exercer. La Constitution exige qu’un avocat soit fourni aux frais du
gouvernement à toute personne qui n’a pas les moyens d’en engager un elle-même. Le
gouvernement fédéral ainsi que la plupart des Etats fournissent deux avocats aux accusés passibles
de la peine capitale.
3.19. L’obligation constitutionnelle de permettre à tout inculpé d’être assisté d’un avocat
s’accompagne de l’obligation de veiller à ce que cette assistance soit efficace. Contrairement à ce
qui se passe dans nombre de systèmes juridiques, les juridictions des Etats-Unis examinent le cas
échéant les interventions des avocats et annulent la déclaration de culpabilité de toute personne
dont l’avocat, bien que dûment autorisé à exercer, aurait néanmoins fait preuve d’incompétence au
procès20. Mais nous ne reconnaissons pas aux détenus le droit supplémentaire d’être représentés
par l’avocat le plus qualifié. Et les autres Etats ne le font pas davantage.
3.20. Le Mexique soutient que la représentation juridique des ressortissants mexicains laisse
souvent à désirer, non parce que les avocats sont incompétents mais plutôt parce qu’ils ne sont pas
aussi bons que d’autres pourraient l’être. La Cour a entendu hier des récits, là encore anecdotiques,
qui donnaient à penser que le Mexique, dans nombre d’affaires, avait fourni des avocats hautement
qualifiés à ses ressortissants. J’aimerais cependant attirer l’attention de la Cour sur les cas précis
que le Mexique lui a soumis. Dans vingt et un de ces cas, le Mexique, alors qu’il avait été informé
à l’avance de la tenue du procès, n’a pas fourni à l’accusé un avocat chargé de le défendre en
première instance21. Le Mexique n’a pas même remplacé l’avocat des quatre accusés (cas nos 7, 10,
20 et 50) dont le procès a eu lieu après septembre 2000, c’est-à-dire après la mise en place du

20 Nous avons cité ce principe dans la déclaration concernant la justice pénale, annexe 7, par. 15.
21 Il s’agit de : Benavides Figueroa (cas no
3), Covarrubias Sanchez (cas no
6), Esquivel Barrera (cas no
7),
Gomez Perez (cas no
8), Hoyos (cas no
9), Juarez Suarez (cas no
10), Manriquez Jaquez (cas no
14), Mendoza Garcia (cas
n
o
17), Ramirez Villa (cas no
20), Salcido Bojorquez (cas no
22), Sanchez Ramirez (cas no
23), Verano Cruz (cas no
27),
Zamudio Jimenez (cas no
29), Hernandez Llanas (cas no
34), Ramirez Cardenas (cas no
41), Rocha Diaz (cas no
42),
Tamayo (cas no
44), Solache Romero (cas no
47), Camargo Ojeda (cas n
o
49), Hernandez Alberto (cas no
50), et
Reyes Camarena (cas no
54).
- 26 -
Mexican Capital Legal Assistance Programme (programme d’assistance juridique en faveur des
ressortissants mexicains encourant la peine de mort). Dans tous ces cas, le Mexique s’est contenté
de la représentation de ses ressortissants par les avocats commis d’office aux frais de l’Etat.
3.21. Le Mexique affirme que ses fonctionnaires consulaires négocient souvent avec le
ministère public au nom des ressortissants mexicains, pour tenter de le convaincre de retenir des
chefs d’accusation moins graves ou d’accepter que l’accusé plaide coupable en échange d’une
peine moins lourde. Mais c’est là une des fonctions principales de l’avocat de la défense qui, à ce
stade, aura déjà été attribué à tout accusé, quelle que soit sa nationalité ¾ au moins depuis le
moment de la notification formelle des charges. Tous les avocats de la défense rechercheront
activement une négociation judiciaire de ce genre, parce que c’est une composante habituelle de la
procédure pénale, qu’ils connaissent parfaitement. Et il n’y a assurément rien qui prouve ou donne
à penser qu’un procureur sera plus réceptif à une demande visant à obtenir des chefs d’accusation
moins graves si celle-ci est faite par un fonctionnaire consulaire plutôt que par un avocat de la
défense. Enfin, le Mexique voudrait s’attribuer le mérite d’un certain nombre d’affaires dans
lesquelles la personne en cause a été accusé de crimes non passibles de la peine capitale et dans
lesquelles un fonctionnaire mexicain était intervenu à un stade précoce de la procédure. Là encore,
le Mexique s’appuie sur des récits anecdotiques qui ne montrent pas précisément le rôle joué par le
fonctionnaire consulaire, et qui ne prouvent assurément pas que la négociation judiciaire ait eu lieu
grâce à son intervention.
3.22. Le Mexique prétend que ses fonctionnaires consulaires passent souvent plus de temps
avec un accusé passible de la peine capitale que l’avocat de ce dernier, et il cite comme exemple le
cas de deux condamnés qui n’ont jamais vu les avocats chargés de les représenter dans une
procédure engagée après leur condamnation. Mais on ne voit pas du tout ce que le Mexique veut
démontrer par là. Si le problème est que l’absence de contact personnel entre l’avocat et la
personne qu’il défend a rendu son intervention inefficace, ce ne sont pas les visites d’un
fonctionnaire consulaire qui pourront remédier à ce problème; et, en tout état de cause, l’accusé
pourra, conformément à la loi, demander réparation pour défaut d’une assistance juridique efficace.
32
- 27 -
5. Assistance en matière d’enquête et d’expertise
3.23. Le Mexique prétend également que ses fonctionnaires consulaires aident les accusés à
bénéficier d’une assistance en matière d’enquête et d’expertise. Or, là encore, le système de la
justice pénale américaine y pourvoit déjà. Si un accusé, en particulier s’il est passible de la peine
capitale, a besoin d’un enquêteur ou d’un expert et n’a pas les moyens de le rémunérer, le
gouvernement en engagera un à ses frais. Par exemple, M. Fong Soto (no
48), même après avoir
été déclaré coupable et condamné, s’est vu accorder par les autorités judiciaires le financement
d’une enquête approfondie menée par la défense en vue de rassembler des éléments de preuve
supplémentaires susceptibles de le faire bénéficier de circonstances atténuantes. Et si un condamné
a subi un préjudice faute reçu une assistance essentielle, sa déclaration de culpabilité sera annulée.
En outre, pour en revenir aux cas soumis à la Cour, soulignons que le Mexique lui-même ne
prétend pas qu’un seul des cinquante-deux accusés se soit vu refuser l’assistance d’un enquêteur.
6. Rassemblement d’éléments de preuve à l’étranger
3.24. Le Mexique affirme encore que les fonctionnaires consulaires peuvent aider à
rassembler au profit d’un accusé mexicain des éléments de preuve se trouvant dans son pays
d’origine. Mais n’importe quel accusé peut avoir besoin de preuves situées à l’étranger, et un
accusé mexicain peut avoir besoin de preuves situées ailleurs qu’au Mexique. Le système
judiciaire des Etats-Unis pourvoit déjà à ces besoins. Tout accusé a déjà la possibilité de faire
appel aux autorités d’un autre pays par le biais d’une commission rogatoire, qui consiste à solliciter
l’assistance d’un juge du pays concerné pour la collecte d’éléments de preuve. En fait, même si les
preuves recherchées se trouvent dans le pays dont l’accusé est ressortissant et que celui-ci est
assisté d’un fonctionnaire consulaire, une commission rogatoire peut néanmoins s’avérer nécessaire
¾ par exemple si les détenteurs de ces preuves n’acceptent de les produire qui en application d’une
décision des autorités judiciaires. Mais ce qui importe ici, c’est qu’il existe une procédure,
accessible à tous les accusés, qui permet de répondre à ce besoin. Un accusé n’est pas tributaire de
l’assistance de son consulat pour obtenir dans son pays d’origine des éléments de preuve qui lui
sont nécessaires.
33
- 28 -
7. Détection des troubles mentaux présumés
3.25. Le Mexique affirme ensuite que nombre de ses ressortissants qui ont été déclarés
coupables de crimes passibles de la peine capitale sont atteints de lésions cérébrales ou d’autres
troubles psychologiques, et que ses fonctionnaires consulaires sont formés pour détecter les cas de
ce genre.
3.26. Nous convenons qu’il est possible que certaines des personnes ¾ toutes nationalités
confondues ¾ qui commettent des actes insensés d’une violence inouïe soient atteintes de troubles
mentaux. C’est pourquoi le système judiciaire américain interdit la tenue d’un procès si l’accusé
est inapte à comparaître en justice, c’est-à-dire s’il n’est pas capable de comprendre la procédure ou
de participer à sa défense; l’Etat finance alors les expertises psychiatriques nécessaires pour évaluer
les facultés mentales de l’accusé et aider la défense aux stades du jugement et de la détermination
de la peine. Ainsi, dans le cas no
50 du dossier initialement soumis à la Cour ¾ un cas dont je
précise qu’il a ensuite été retiré par le Mexique parce que l’accusé avait en réalité eu la possibilité
de prendre contact avec son consulat ¾, la juridiction concernée ordonna une série de bilans
psychiatriques qui furent effectués par plusieurs experts. Le Mexique reconnaît également dans
son résumé des affaires que dans le cas no
11, les autorités ont diagnostiqué l’état de
M. Juan Manuel Lopez et lui ont fait suivre un traitement. En outre, exciper de troubles mentaux
qui rendent l’accusé inapte à comparaître ou partiellement irresponsable est encore une des
fonctions traditionnelles de l’avocat de la défense. Grâce à l’assistance juridique, tout accusé est
donc assuré qu’un avocat recherchera en sa faveur le moindre élément de preuve susceptible
d’appuyer ce moyen de défense qui est si fréquemment invoqué.
8. Surveillance des procès
3.27. Le Mexique soutient que ses fonctionnaires consulaires assistent aux procès et
surveillent le déroulement des procédures pour s’assurer que leurs ressortissants sont traités de
manière équitable. Mais aux Etats-Unis, tous les procès au pénal sont ouverts au public,
notamment à la presse, et un compte rendu de la procédure est établi et ensuite publié. Dans un
système qui se soumet aussi ouvertement à une telle surveillance minutieuse du public, on voit mal
ce qu’un fonctionnaire consulaire pourrait faire au cours d’un procès où il ne joue aucun rôle
officiel, n’étant qu’un spectateur parmi d’autres dans la salle d’audience.
34
- 29 -
3.28. Le Mexique affirme encore que ses fonctionnaires consulaires détectent les éventuelles
manifestations de partialité dans les procédures et sont formés pour dénoncer auprès des autorités
compétentes, le cas échéant, tout «climat de partialité». Nous démentons catégoriquement que le
système judiciaire des Etats-Unis se montre partial à l’égard des Mexicains, comme le Mexique le
laisse entendre sans avancer aucune preuve. Absolument rien ne prouve qu’il en soit ainsi, et
encore moins que les avocats de la défense, les juges et les procureurs, sans oublier le public et la
presse, seraient insensibles à l’existence de préjugés ou qu’ils n’auraient pas la capacité ou la
volonté d’exprimer leur préoccupation s’ils pensaient qu’un accusé était victime de préjugés. Et si
un accusé a subi un préjudice en raison de déclarations ou d’éléments de preuve entachés de
partialité, il a le droit incontesté de s’en plaindre au procès et, si nécessaire, de formuler le grief en
appel.
9. La procédure de recours en grâce
3.29. Enfin, le Mexique fait valoir que ses fonctionnaires consulaires peuvent entreprendre
des démarches auprès des autorités chargées de l’examen des recours en grâce en faveur de ses
ressortissants déjà condamnés. En affirmant cela dans son mémoire, le Mexique rappelle en
particulier que M. Ryan, gouverneur de l’Illinois, a commué les sentences capitales de trois
ressortissants mexicains après que des fonctionnaires consulaires furent intervenus en leur faveur.
Nous convenons que des fonctionnaires consulaires peuvent jouer utilement ce rôle, mais cela
n’étaye en aucun cas les demandes du Mexique devant la Cour, et ce pour une raison très simple :
les fonctionnaires consulaires du Mexique peuvent encore jouer ce rôle dans la procédure de
recours en grâce de chacun des quarante-neuf autres condamnés dont la demande de grâce n’a pas
encore été examinée.
Conclusion
3.30. Monsieur le président, il doit être clair maintenant que les services consulaires fournis
par le Mexique ne peuvent être considérés comme essentiels à l’équité des procès. Nous ne
cherchons aucunement à minimiser l’importance de ces services consulaires ni à contester la
35
- 30 -
décision du Mexique de les fournir à ses ressortissants. Mais l’équité du système judiciaire des
Etats-Unis n’est pas et ne saurait être tributaire de la volonté d’un fonctionnaire consulaire de
fournir ou non une assistance.
3.31. Ce système, au contraire, est conçu pour garantir des droits fondamentaux, sur un pied
d’égalité, aux citoyens américains comme aux ressortissants étrangers. Si l’accusé est un étranger,
le système protègera ses droits, qu’il ait ou non demandé à prévenir son consulat et que celui-ci ait
ou non la volonté ou la capacité de fournir une assistance conséquente. Et, comme un de mes
confrères vous le démontrera cet après-midi, si un accusé est privé de l’assistance d’un avocat
efficace, des services d’un interprète compétent, d’une assistance essentielle en matière d’enquête
ou d’expertise, ou de tout autre élément permettant de garantir une équité fondamentale, le système
de la justice pénale américaine prévoit d’importants mécanismes pour y remédier.
3.32. Merci, Monsieur le président, je vous prie d’appeler maintenant à la barre M. Sandage.
Le PRESIDENT : Merci Monsieur Philbin. Je donne maintenant la parole à M. Sandage.
M. SANDAGE :
IV. LES FAITS RELATIFS AUX CINQUANTE-DEUX CAS ET LES ALLEGATIONS
DE VIOLATIONS SYSTEMATIQUES
A. Introduction
4.1. Je vous remercie, Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour. C’est un
grand honneur pour moi que de représenter aujourd’hui les Etats-Unis d’Amérique devant la Cour
internationale de Justice. Il m’échet d’examiner les cinquante-deux cas mis en cause par le
Mexique, ainsi que les allégations mexicaines selon lesquelles l’article 36 est violé de façon
continue et systématique. J’envisagerai par là même la charge de la preuve incombant au Mexique
en l’espèce, et décrirai les efforts considérables déployés par les Etats-Unis en vue de garantir le
respect, par leurs autorités, des obligations que leur impose la convention.
4.2. Monsieur le président, chaque affaire pénale repose sur des faits qui lui sont propres et
particuliers. Les cinquante-deux cas que le Mexique a soumis à votre examen n’ont qu’un seul
dénominateur commun : chacun concerne un meurtre odieux dont un ressortissant mexicain a été
36
- 31 -
reconnu coupable par une cour de justice et pour lequel il a été condamné à la peine capitale. Les
cas sont, à tous autres égards, complètement différents les uns des autres et d’une complexité
extraordinaire, tant du point de vue du droit pénal que de celui de la convention de Vienne.
4.3. La Cour a déjà dit sans équivoque qu’elle ne chercherait pas à agir en tant que cour
d’appel de dernière instance en matière criminelle pour connaître d’affaires pénales particulières22
.
Les juges et jurys de nos juridictions nationales saisies en première instance ont minutieusement
examiné les preuves matérielles, apprécié la crédibilité des témoins comparaissant à l’audience, pesé
les mérites respectifs des arguments présentés par les conseils, appliqué le droit aux faits et pris des
décisions conformes au droit sur la culpabilité et la peine à imposer. Des appels directs et des
procédures incidentes d’habeas corpus se trouvent en instance dans toutes ces affaires, sauf quatre.
La plupart des détenus n’ont pas encore formé de recours en grâce.
4.4. Point n’est besoin, pour la Cour, de tenter de déterminer dans chacun de ces cas
particuliers si le paragraphe 1 de l’article 36 a été violé, car même si une telle violation devait être
établie, il serait toujours possible d’y remédier par le réexamen et la revision, conformément à la
décision de la Cour en l’affaire LaGrand. MM. Mathias et Thessin approfondiront davantage ce
point plus tard dans la journée.
4.5. A supposer toutefois que la Cour conclue que le réexamen et la revision prescrits en
l’affaire LaGrand ne permettent pas de remédier à une quelconque violation alléguée du
paragraphe 1 de l’article 36, et qu’elle doive décider au cas par cas si ce paragraphe a été violé,
alors la Cour devra déterminer si le Mexique a apporté la preuve de tous les éléments permettant
d’établir une violation avant de juger si le Mexique a démontré qu’il avait droit aux remèdes
exorbitants qu’il demande. Dans l’exposé de M. Dupuy hier après-midi, le Mexique a tenté de
s’acquitter de cette charge par une solution générale et simpliste, en demandant à la Cour de
constater des violations indifférenciées de la convention dans tous les cas puisque, selon les termes
de son conseil, «les faits [dans les cinquante-deux cas] sont identiques»23, et d’ordonner un remède
draconien qui s’appliquerait indépendamment de tous ces faits. Mais pareille approche est

22 Voir Convention de Vienne sur les relations consulaires (Paraguay c. Etats-Unis d’Amérique), ordonnance du
9 avril 1998, C.I.J Recueil 1998, p. 257, par. 38; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), mesures
conservatoires, C.I.J. Recueil 1999, p. 15, par. 24.
23 CR 2003/25, p. 54, par. 429 (Dupuy).
- 32 -
inconciliable avec la convention et conduirait à des résultats absurdes. Et, cela va sans dire, les
faits sont tout sauf «identiques» dans les cinquante-deux cas, comme Mme Babcock elle-même l’a
reconnu hier matin24
.
4.6. Nous avons exposé dans l’annexe 2 à notre contre-mémoire, sous une forme
nécessairement condensée, les faits relatifs aux cinquante-quatre cas qui étaient en cause au
moment où nous avons déposé cette pièce, en les présentant, dans la mesure du possible, tels qu’ils
avaient été constatés par nos jurés et nos juges et complétés par nos propres recherches. Les
dossiers de nos juridictions à partir desquels ces résumés ont été établis comptent plus de
cent cinquante mille pages. Très souvent, le Mexique n’a présenté à la Cour rien de plus que des
allégations factuelles pro domo, dont beaucoup avaient déjà été examinées et rejetées par nos
juridictions nationales. Depuis qu’il a introduit la présente instance, le Mexique a déjà retiré trois
cas particuliers dont les circonstances n’étayaient finalement pas ses demandes. Qu’il ait agit de la
sorte donne à réfléchir : la Cour s’exposerait fatalement à de graves risques d’erreur si elle tentait
de trancher des questions relatives à la convention de Vienne en s’appuyant sur des éléments de fait
si fragiles. Le Mexique s’est en revanche obstiné hier, tout au long de sa présentation, à revenir sur
les circonstances des deux cas que la Cour a expressément refusé d’examiner ici, au motif qu’ils
avaient été invoqués trop tard.
B. Le Mexique doit établir le bien-fondé de sa requête en produisant
des preuves concluantes
4.7. Si vous le permettez, j’examinerai tout d’abord le critère de la preuve à appliquer en
l’espèce. Il est assurément bien établi que c’est au plaideur cherchant à établir l’existence d’un fait
qu’incombe la charge de le prouver25
. Etant donné le caractère exceptionnel des allégations que le
Mexique formule, et les remèdes extraordinaires qu’il demande, le critère de la preuve doit
nécessairement être très rigoureux. La Cour a reconnu en l’affaire du Détroit de Corfou que,

24 CR 2003/24, p. 26, par. 80 (Babcock).
25 Voir Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 587-588, par. 65.
Selon les termes utilisés par le juge Guillaume, «les parties n’ont nullement l’obligation de prouver leurs «prétentions»,
mais seulement de prouver les faits sur lesquels ces prétentions reposent». C. Amerasinghe, rapporteur à la quinzième
commission de l’Institut de droit international, «Principles of Evidence in International Litigation», Annuaire de l’Institut
de droit international, vol. 70-1, 2002-2003, p. 313 (réponse de M. Gilbert Guillaume) (dénommé ci-après «Principles of
Evidence»).
37
- 33 -
lorsque le demandeur formule à l’encontre d’un Etat souverain des accusations «d’une gravité …
exceptionnelle», la preuve doit atteindre «un degré de certitude» permettant de la considérer
comme une «preuve concluante»26
.
4.8. Cette affaire faisait certes intervenir des questions relatives à l’emploi de la force, mais
nous considérons que, puisque le Mexique invite la Cour à prendre des mesures inédites touchant le
cœur même de notre souveraineté nationale — c’est-à-dire les moyens par lesquels les Etats-Unis,
au niveau fédéral et à celui des Etats, assurent le respect de l’ordre et de la sécurité publics —, les
critères à appliquer à tous les éléments de la demande mexicaine doivent être également rigoureux.
Des questions de cette nature touchent à l’ordre fondamental de l’Etat, exactement au même titre
que celles concernant l’emploi de la force. En outre, le remède hautement contraignant que le
Mexique a demandé — un de ceux qui, comme l’a dit M. Taft, reviendrait à «s’immiscer dans la
souveraineté d’un Etat et [imposerait à la Cour] de repenser elle-même le système juridique de
celui-ci pour assurer le respect d’une obligation internationale» ¾ présente précisément la gravité
exceptionnelle qui, selon les vues exprimées par la Cour en l’affaire du Détroit de Corfou et dans
d’autres décisions, appelle un critère de la preuve rigoureux.
C. Le Mexique n’a pas établi de manière concluante les éléments constitutifs d’une violation
du paragraphe 1 de l’article 36 et ne peut le faire
4.9. Si la Cour devait examiner ces cas un par un à l’aune d’un tel critère, elle découvrirait
que le Mexique n’a établi que quelques-uns des éléments qu’il devait prouver pour fonder une
allégation faisant état de violations des paragraphes 1 et 2 de l’article 36. Ces éléments,
Mme Babcock a tenté de les réduire simplement au nombre de deux, mais en réalité il y en a six,
comme je vais l’expliquer. Premièrement, le Mexique doit prouver que, dans chacun des
cinquante-deux cas actuellement soumis à la Cour, l’accusé était ressortissant de l’Etat d’envoi
¾ le Mexique — aux fins de l’article 36.
4.10. Deuxièmement, il doit être établi que l’intéressé n’était pas également citoyen de l’Etat
de résidence — les Etats-Unis — au moment de son arrestation ou de sa mise en détention.

26 Voir Détroit de Corfou, fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 17; voir aussi l’ouvrage de sir Gerald Fitzmaurice,
The Law and Procedure of the International Court of Justice, vol. 1, p. 126-127 (1986) («des accusations d’une gravité
exceptionnelle à l’encontre d’un Etat souverain ou de son gouvernement demandent à être établies par des preuves
concluantes reposant sur un haut degré de certitude»).
38
- 34 -
Aucune obligation, ni aucune violation, ne peut voir le jour dans un cas où l’accusé est citoyen
américain. Le Mexique l’a reconnu et a retiré le cas de M. Zambrano (no
28), car ce dernier avait la
nationalité américaine au moment de son arrestation. Mais dans beaucoup des cinquante-deux
autres cas, le dossier renferme de solides indices suggérant également la nationalité américaine.
Cela vaut notamment pour M. Avena lui-même (cas no
1) et M. Ayala (no
2), tous deux étant de
filiation américaine, ainsi que pour M. Salazar (no
21), qui était mineur à son arrivée aux EtatsUnis,
et pour bien d’autres encore27
.
4.11. Contrairement à ce que Mme Babcock a donné hier à entendre, nous prétendons non
pas que le Mexique ait la charge de démontrer ce deuxième élément, mais qu’il a celle de produire
les éléments de preuve pertinents28
— en effet, dans leur grande majorité, ceux-ci ne peuvent
parvenir que de sources mexicaines; c’est donc au Mexique de les présenter avant qu’il puisse être
satisfait à la charge de la preuve proprement dite. Le point de savoir si les cinquante-deux accusés
ont acquis de plein droit la nationalité américaine est principalement fonction de faits que le
Mexique est bien mieux à-même d’obtenir que les Etats-Unis — nom des parents, date et lieu de
naissance, lieu de résidence, situation matrimoniale à la naissance de l’enfant et ainsi de suite — et
ce, parce que ce sont avant tout des informations d’ordre personnel et biographique sur les parents
de l’intéressé qui permettraient de répondre à cette question. Pratiquement toutes ces informations
sont en possession du Mexique, par l’intermédiaire des cinquante-deux personnes qu’il représente
désormais. Nous avons répondu à cette question technique mais importante tant dans notre contremémoire29
que dans les documents supplémentaires que nous avons déposés le 10 décembre.
4.12. Les déclarations sous serment soumises tardivement par le Mexique, dans lesquelles
certains de ces accusés affirment qu’ils ne sont pas ressortissants des Etats-Unis, ne satisfont pas à
la charge qu’a le Mexique de produire les éléments nécessaires. A supposer même que les

27 Ces cas sont énumérés dans le contre-mémoire des Etats-Unis, note de bas de page n° 334.
28 Voir, par exemple, l’ouvrage «Principles of Evidence», p. 171 («si, pour prouver ce qu’elle avance, [la
première partie] invoque des documents qui sont en la possession exclusive de la [seconde partie], alors la [première
partie] a une obligation de démonstration, mais l’obligation de produire les éléments de preuve incombe à la [seconde
partie]»).
29 CMEU, par. 7.4.
39
- 35 -
intéressés aient pensé fournir en toute bonne foi ces déclarations ex parte, ces cinquante-deux
personnes pouvaient être devenues des ressortissants américains de plein droit, sans le savoir, du
fait des circonstances de leur naissance ou des démarches juridiques accomplies par leurs parents.
4.13. Mais même à supposer, pour les besoins de l’argumentation, que chaque personne
arrêtée ait exclusivement eu la nationalité mexicaine, le Mexique n’en doit pas moins établir un
troisième élément, à savoir, selon ses propres termes : que le fonctionnaire ayant procédé à
l’arrestation savait, ou avait «des raisons de» savoir que, au moment de l’arrestation ou de la mise
en détention, le suspect était un ressortissant mexicain30. Le Mexique cherche, à tort, à faire glisser
vers les Etats-Unis la charge de la preuve sur ce point, mais c’est de toute évidence à lui que cette
charge incombe. Les Etats-Unis ne peuvent pas, ainsi que Mme Babcock l’a demandé hier,
«prouv[er] n’avoir pas découvert» qu’une personne était mexicaine31. En tout état de cause, il ne
peut être satisfait à cette charge dans des cas, tels que celui de M. Salcido Bojorquez (no
22), où les
suspects n’ont pas correctement indiqué ou ont ou simplement dissimulé leur nationalité32; en
outre, le Mexique semble reconnaître que, sans davantage d’informations, les fonctionnaires
procédant à l’arrestation ne sont nullement tenus d’informer de ses droits un ressortissant mexicain
qui présente sa nationalité sous un faux jour.
4.14. Il ne peut pas davantage être satisfait à la charge de la preuve dans les cas où,
manifestement, l’intéressé peut fort bien avoir donné l’impression d’être un ressortissant des
Etats-Unis lors de son arrestation. Dans le cas de M. Ramirez Villa (no
20), par exemple, on voit
mal pourquoi le fonctionnaire ayant procédé à l’arrestation aurait eu des raisons de savoir qu’il
avait affaire un ressortissant étranger. M. Ramirez Villa vivait aux Etats-Unis depuis l’âge de un
ou deux ans. Il y avait terminé ses études secondaires et y était inscrit dans un établissement
universitaire de premier cycle. Cela vaudrait également pour M. Flores Urban (no
46), qui, arrivé
aux Etats-Unis à l’âge de sept ans, avait été champion de sport et avait remporté un prix en sciences
alors qu’il était lycéen dans la ville où il devait plus tard être arrêté33
.

30 Voir MM, par. 11.
31 CR 2003/24, p. 36, par. 114 (Babcock).
32 Ces cas sont énumérés dans le contre-mémoire des Etats-Unis, note de bas de page n° 336.
33 Ces cas sont énumérés dans le contre-mémoire des Etats-Unis, note de bas de page no
338.
40
- 36 -
4.15. Le Mexique n’a fourni que des preuves très incomplètes sur cet élément important, se
bornant la plupart du temps à affirmer que le fonctionnaire concerné aurait dû savoir, sans chercher
à en expliquer les raisons dans chaque cas. Mais la réalité est que les Etats-Unis constituent un
pays extrêmement vaste et hétérogène. Nos fonctionnaires ne peuvent présumer une nationalité
étrangère en se fondant simplement sur un nom de famille, une apparence ou une façon de
s’exprimer. Contrairement à de nombreux pays, les Etats-Unis ne sont pas dotés d’un système de
carte d’identité nationale. Il est tout à fait raisonnable de la part d’un fonctionnaire procédant à
l’interrogatoire d’une personne ayant un père, une mère ou un conjoint américain et vivant aux
Etats-Unis depuis son enfance, ou encore y ayant été scolarisé, de penser qu’il a affaire à un
citoyen américain. En pareils cas, il n’y a aucune «raison de savoir», pour reprendre les termes
employés par le Mexique.
4.16. Quatrièmement, pour chacun des cinquante-deux cas restants, le Mexique doit non
seulement démontrer que les autorités compétentes avaient ou auraient dû avoir connaissance de la
véritable nationalité de l’intéressé, mais aussi indiquer quand elles l’ont découvert de façon à
permettre à la Cour de déterminer le moment auquel est née l’obligation de dispenser l’information
consulaire. Cette découverte a pu intervenir à un stade très avancé de la procédure pénale. Dans le
cas de M. Caballero Hernandez (no
45), par exemple, il semble que même lors de son procès
l’accusé pensait être citoyen américain. Si sa nationalité mexicaine a été révélée, ce fut de manière
fortuite et seulement lors d’une déclaration de sa mère au cours du contre-interrogatoire, frappant
de stupeur aussi bien l’accusation que la défense. Le Mexique s’est contenté d’affirmer,
concernant chacun des cinquante-deux cas restants, que le fonctionnaire concerné avait, ou aurait
dû avoir, connaissance de la nationalité mexicaine de l’accusé dès le moment de l’arrestation. Ce
genre d’affirmation simpliste n’établit en rien ce point essentiel. Elle est tout bonnement à inscrire
parmi les efforts que le Mexique déploie pour conduire la Cour à la conclusion erronée qu’un
remède uniforme serait approprié.
4.17. Si la Cour devait conclure que l’obligation d’informer l’accusé a effectivement vu le
jour, alors il lui faudra déterminer si le Mexique a démontré le cinquième point — c’est-à-dire
démontré que l’intéressé n’a pas été informé de ses droits consulaires sans retard. C’est là un
41
- 37 -
élément dont, les deux parties en conviennent, le Mexique doit apporter la preuve34. Mais cet
élément ne peut être prouvé en indiquant simplement, comme le Mexique a tenté de le faire, que les
autorités mexicaines n’avaient pas reçu de notification officielle les avisant de la mise en détention,
parce que la personne arrêtée peut fort bien avoir été informée mais avoir refusé la notification
consulaire35. Le Mexique concède qu’il en a été ainsi dans le cas de M. Hernandez Alberto (no
50),
qu’il a retiré — mais il en a également été ainsi dans bien d’autres cas, notamment dans celui de
M. Juárez Suárez (no
10), qui a été informé de ses droits consulaires lors de la lecture publique de
l’acte d’accusation, quarante-huit heures après son arrestation. Après s’être entretenu avec son
défenseur, M. Suárez a expressément refusé la notification consulaire.
4.18. Hormis la concession qu’il a faite dans ce seul cas, le Mexique semble autrement
demander à la Cour de croire que chacun des cinquante-deux accusés aurait à coup sûr demandé la
notification consulaire s’il avait été informé de ses droits en la matière. Dans son mémoire, le
Mexique n’a fourni aucune preuve à l’appui de cet argument simpliste. Nous avons relevé cette
absence de preuves dans notre contre-mémoire36, et ce n’est que très récemment que le Mexique a
présenté un certain nombre de déclarations sous serment pour tenter d’y remédier. Or, ces
déclarations sous serment manifestement pro domo, dont la plupart ont été signées par les accusés
après que les Etats-Unis eurent déposé leur contre-mémoire, ne peuvent satisfaire à la rigueur
exigée du Mexique dans la démonstration qui lui incombe à l’égard de ces cas. Les Etats-Unis
n’ont d’ailleurs pas été en mesure, dans le peu de temps dont ils disposaient, de s’enquérir, auprès
des fonctionnaires ayant procédé aux arrestations, de la véracité de ces déclarations sous serment.
Ces documents doivent donc être considérés comme des preuves ex parte grandement sujettes à
caution. S’agissant même des affaires dans lesquelles des violations ont été postulées devant nos
juridictions ou constatées par elles, pareils constats et postulats peuvent très bien être le reflet d’une
décision du ministère public tendant à présumer, aux fins de l’argumentation, un défaut de
notification avéré, l’accusé ne pouvant, par exemple, manifestement pas démontrer son droit à
obtenir réparation, quelle que fût la violation. Ils peuvent de même résulter d’une interprétation

34 CR 2003/24, p. 27, par. 83 (Babcock).
35 Voir, par exemple, CMEU, par. 7.13-7.14.
36 CMEU, par. 7.6-7.7.
42
- 38 -
erronée des faits ou du droit. Chaque cas doit être soigneusement relu à la lumière de ces éléments.
Quoi qu’il en soit, les arguments aujourd’hui avancés par le Mexique sont en totale contradiction
avec notre propre expérience aux Etats-Unis, où seul un petit nombre des Mexicains et autres
ressortissants étrangers informés de leurs droits consulaires demande effectivement qu’il y ait
notification37
.
4.19. S’il devait être établi que les informations en matière consulaire n’ont pas été données,
il resterait encore à prouver que les intérêts du Mexique ont été lésés. Pour démontrer l’existence
de ce préjudice, le Mexique doit nécessairement établir le sixième élément : à savoir que s’il y a
effectivement eu notification consulaire, alors cette notification n’est pas intervenue en temps
voulu pour permettre au Mexique de dispenser une véritable assistance, nonobstant le défaut
d’information en matière consulaire. Face à des cas tels que celui de M. Hernandez Llanas (no
34),
dont la mise en détention a été portée à la connaissance du Mexique dans les quarante-huit heures
suivant l’arrestation, il paraît douteux de conclure, comme le Mexique y exhorte la Cour, qu’un
manquement aux prescriptions spécifiques de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 entraîne
toujours un préjudice. Le Mexique voudrait apparemment faire croire à la Cour que dans le cas de
M. Hernandez Llanas, il ne peut qu’y avoir eu préjudice, puisque l’intéressé a avoué son crime.
Mme Babcock a argué d’une manière générale que tout aveu donnait fatalement lieu à un préjudice,
puisque le ministère public peut «utiliser et utilisera» cet aveu comme pièce maîtresse de l’affaire38
.
En vérité, M. Hernandez Llanas a frappé sa victime à mort, violé à plusieurs reprises la femme de
la victime, puis s’est endormi aux côtés et dans le lit de cette dernière, où il a ensuite été trouvé par
la police. Il a laissé ses empreintes génétiques partout sur les lieux du crime. Même sans sa
déclaration à la police, M. Llanas aurait de toute façon été déclaré coupable39
. Etant donné la
quantité de preuves matérielles et de témoignage à charge, il est tout simplement grotesque, de la
part du Mexique, de prétendre avoir subi un préjudice chaque fois que l’accusé a fait une
déclaration à la police.

37 Voir la déclaration de l’ambassadeur Maura A. Harty concernant le respect par les Etats-Unis des dispositions
de l’article 36 1) b) de la convention de Vienne sur les relations consulaires, par. 54, CMEU, annexe 1 (dénommée
ci-après la «déclaration concernant le respect de la CVRC»).
38 CR 2003/24, par. 139 (Babcock).
39 Déclaration de Peter Mason concernant les cinquante-quatre cas, CMEU, annexe 2, app. 34.
- 39 -
D. Le Mexique n’a pas établi de manière concluante les éléments constitutifs d’une
violation du paragraphe 2 de l’article 36 et ne peut le faire
4.20. En l’affaire LaGrand, la Cour a expressément reconnu qu’aucun Etat ne pouvait
garantir l’information consulaire de tout ressortissant étranger placé en détention sur son
territoire40; elle a en conséquence indiqué un remède pour ces situations inéluctables ¾ le
réexamen et la revision du verdict de culpabilité et de la peine. Lorsque le réexamen et la revision
ont eu lieu ou peuvent avoir lieu, il est remédié à toute violation du paragraphe 1 de l’article 36, et
le paragraphe 2 de ce même article ne peut donc naturellement pas être violé.
4.21. Une analyse détaillée des cinquante-deux cas restants à l’aune du critère de la preuve
que je viens de décrire révèlerait également que le Mexique a manqué de prouver de manière
concluante les prétendues violations du paragraphe 2 de l’article 36.
4.22. L’examen des faits pertinents aux fins du paragraphe 2 de l’article 36 nous ramène à un
amalgame de situations qui contredit l’assertion par laquelle le Mexique reproche uniformément
aux juridictions américaines d’avoir manqué d’examiner les violations alléguées du paragraphe 1
de l’article 36. Dans un certain nombre de ces cas, les moyens fondés sur la convention de Vienne
ont été longuement plaidés devant les juridictions américaines. Dans onze cas, nos juridictions ont
conclu qu’il y avait bien eu défaut d’information, mais qu’aucun préjudice n’en était résulté41
.
Dans d’autres cas, les fonctionnaires consulaires ont eu connaissance de l’affaire si rapidement
qu’aucun préjudice n’était possible. Bien souvent, le Mexique, faute de grief légitime, se concentre
uniquement sur le fait qu’une déclaration a été recueillie auprès de l’accusé avant qu’il ait été
informé des droits consulaires qui étaient les siens. Mais il ne peut y avoir là préjudice, étant donné
que le paragraphe 1 de l’article 36 ne saurait influer sur l’interrogatoire de suspects, comme nous
l’expliquerons plus tard dans la journée. En pareils cas, la juridiction saisie a jugé, fort justement
selon nous, qu’il n’y avait aucune raison de prononcer l’inadmissibilité des éléments de preuve.
Dans d’autres cas, le prétendu manquement aux dispositions du paragraphe 1 de l’article 36 aurait
pu être plaidé en justice mais les accusés ont choisi de ne pas soulever ce moyen. Dans
quelques-uns des cas seulement, la notification consulaire est effectivement intervenue trop tard

40 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 124.
41 M. Ayala (cas no
2), M. Sanchez Ramirez (no
23), M. Vargas (no
26), M.Maldonado (no
37), M. Medellin Rojas
(no
38), M. Plata Estrada (no
40), M. Ramirez Cardenas (no
41), M. Regalado Soriano (no
43), M. Caballero Hernandez
(no
45), M. Fong Soto (no
48), M. Torres Aguilera (no
53).
43
- 40 -
pour que ce moyen puisse être examiné par nos juridictions. Et, ainsi que M. Thessin l’expliquera
cet après-midi, dans les cas en question, un réexamen et une revision exhaustifs demeurent
possibles par le jeu des mécanismes de recours en grâce.
4.23. Mais ¾ et cela est plus important ¾ le Mexique n’est pas parvenu à établir l’existence
de violations du paragraphe 2 de l’article 36, car il n’a pas présenté, il ne peut pas présenter, un seul
cas dans lequel les Etats-Unis ne permettraient pas le réexamen et la revision du verdict de
culpabilité et de la peine. La raison en est que ¾ au-delà de l’exception, notable, des trois cas dans
lesquels la grâce a déjà été accordée ¾ aucune des affaires n’a encore atteint le stade de
l’épuisement des voies de recours prévues par le droit interne américain pour qu’il puisse être fait
appel d’une condamnation à mort. En fait, nombre des condamnés attendent toujours la tenue de
l’audience relative à leur premier appel direct42
.
4.24. Le Mexique demande à la Cour de conclure que le réexamen et la revision permis aux
Etats-Unis sont inefficaces, et présente pour conforter une telle conclusion des preuves totalement
inadéquates. Le Mexique n’a certainement pas présenté de preuves concluantes attestant que les
Etats-Unis et leurs Etats ne permettent pas à leurs juridictions et aux organes chargés d’examiner
les recours en grâce d’assurer un réexamen et une revision effectifs. S’agissant d’ailleurs de
plusieurs des neuf Etats américains dont il est aujourd’hui question43, le Mexique n’a pas produit la
moindre preuve. Ce qu’il a présenté comme tel ne va guère au-delà d’accusations indirectes et
infondées quant à la bonne foi des fonctionnaires des Etats et aux systèmes que ceux-ci
administrent conformément à la loi.
E. Le Mexique n’a pas démontré de manière concluante son affirmation selon laquelle
les Etats-Unis omettent systématiquement de respecter leurs obligations
et ne peut le faire
4.25. Je vais à présent répondre aux assertions du Mexique selon lesquelles les Etats-Unis
omettraient systématiquement de respecter les obligations que leur impose la convention. Dans des
affaires précédentes, ainsi que dans notre contre-mémoire44, nous avons décrit à la Cour les efforts

42 Voir, par ex., CMEU, par. 7.3, notes 326-329 et passages correspondants.
43 Les conclusions initiales du Mexique impliquaient dix Etats américains. Le Mexique ayant retiré le cas de
M. Hernandez Alberto (n° 50), seul cas intéressant la Floride, le système juridique de cet Etat n’est désormais plus en
cause en l’instance.
44 Voir CMEU, par. 2.27-2.33.
44
- 41 -
substantiels déployés par les Etats-Unis pour satisfaire à ces obligations. Les Etats-Unis ont diffusé
plus de cent mille exemplaires d’un manuel sur le respect des obligations d’information et de
notification consulaires à l’intention des autorités de police, et plus de six cent mille fiches
rappelant les prescriptions de la convention. Ces deux pièces ont été versées au dossier soumis à la
Cour45, et la fiche figure sous l’onglet no
2 du dossier d’audience. Les Etats-Unis ont travaillé en
étroite collaboration avec les Etats amis et voisins, dont le Mexique, à l’élaboration d’autres
instruments de formation, vidéocassettes et actions de sensibilisation. Nous continuons à coopérer
étroitement avec les autorités mexicaines afin de satisfaire à nos propres obligations en vertu de la
convention et d’aider le Mexique à dispenser une assistance à ses ressortissants résidant aux
Etats-Unis. Cette coopération est illustrée plus en détail dans notre contre-mémoire et dans les
annexes qui l’accompagnent46
.
4.26. Ces efforts, dont la Cour a expressément pris acte47, ont été salués par d’autres Etats
comme constituant la référence en matière de respect de la convention, et ont même conduit les
autorités mexicaines à exprimer leur inquiétude, car elles craignaient d’être submergées par le
nombre de notifications émises48
.
4.27. Nous sommes donc surpris, et je dirais même déçus, de voir le Mexique, tant dans sa
plaidoirie d’hier que dans son mémoire, accuser les Etats-Unis de violer systématiquement
l’article 36, encore aujourd’hui. Il n’en est rien. Le Mexique cherche à utiliser cent deux nouveaux
cas qu’il a invoqués à cette fin, les dépeignant grossièrement dans l’espoir manifeste qu’ainsi la
Cour ne verra ni les vices de ses arguments ni les lacunes de ses preuves.
4.28. Pour commencer, ces cent deux cas ne représentent qu’une infime partie des milliers de
cas de ressortissants mexicains accusés d’infractions graves qui passent chaque jour par le système
de justice pénale des Etats-Unis et, ainsi que le Mexique l’a reconnu, seuls six de ces cas
impliquent une possibilité, lointaine de surcroît, de voir la peine capitale prononcée49. Vus dans ce

45 Voir la déclaration sur le respect de la convention, annexe 1, pièce jointe 1 (fiche); département d’Etat des
Etats-Unis, bureau du conseiller juridique, document no
10518, janvier 1998, CMEU, annexe 21 (manuel sur le respect de
la convention).
46 Voir CMEU, par. 2.27-2.33; déclaration sur le respect de la convention.
47 LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, par. 123-124.
48 Déclaration sur le respect de la convention, par. 47-48, annexe 1.
49 CR 2003/24, p. 37, par. 120 (Babcock).
45
- 42 -
contexte, cent deux cas de non-respect allégués dans des affaires pénales très variées ne peuvent
tout simplement pas éclairer l’argument des violations systématiques qui nous occupe ici. En
outre, il nous a été très difficile de faire des recherches sur ces cas, étant donné que, bien souvent,
nous ne disposons même pas des noms, dates de naissance et numéros de rôle exacts ni d’autres
éléments d’identification fondamentaux sur les accusés (sans parler de l’absence d’informations sur
leur famille). Ce que nous avons toutefois pu trouver jusqu’à présent ne vient nullement confirmer
l’existence de violations systématiques invoquée par le Mexique. Bien au contraire.
4.29. Nous avons, là encore, découvert des personnes prétendant avoir la nationalité
américaine, d’autres ayant la double nationalité, d’autres encore qui, bien qu’ayant été informées de
leurs droits consulaires, ont choisi de ne pas demander la notification consulaire. Nous avons
également découvert un grand nombre de personnes qui avaient effectivement demandé cette
notification, demande satisfaite bien avant le procès, souvent le jour même de sa formulation. S’y
ajoutent quelques cas dans lesquels nous sommes, à ce stade, dans l’incapacité de déterminer si les
informations consulaires ont été fournies et, dans la négative, pour quelles raisons elles ne l’ont pas
été. Cette incapacité est essentiellement due au fait que le Mexique nous a fourni des informations
inexactes et incomplètes. Ce que nous pouvons toutefois dire de ces cas, c’est qu’ils ne corroborent
pas les allégations du Mexique faisant état de problèmes systématiques concernant le respect, par
les Etats-Unis, des dispositions de l’article 3650
.
4.30. Le Mexique reproche apparemment aux Etats-Unis de violer à leur guise les
obligations que leur impose la convention et de les traiter avec désinvolture. Les éléments de
preuve que le Mexique a produits ne confortent pas de telles accusations et sont, de toute façon,
contredits par les preuves que nous avons nous-mêmes présentées concernant nos efforts
considérables visant à garantir le respect de la convention. Enfin, lorsqu’il y a effectivement
violation dans une affaire, celle-ci peut faire l’objet d’un réexamen et d’une revision conformément
aux principes énoncés en l’affaire LaGrand, comme nous l’expliquerons plus tard dans la journée.

50 Voir la déclaration sur le respect de la convention, app. 4 (réponse aux allégations de violations continues des
dispositions de l’article 36 figurant aux paragraphes 159 à 168 du mémoire (les «cent deux affaires» de violations
alléguées)).
46
- 43 -
F. Conclusion
4.31. Monsieur le président, pour résumer, et nonobstant les envolées rhétoriques de
M. Dupuy hier soir, les cinquante-deux cas restants ne peuvent pas tous être mis sur le même plan
et ne souffrent aucune généralisation grossière. La situation factuelle en la présente instance
diffère grandement de celle qui vous fut exposée en l’affaire LaGrand. Le Mexique n’en dit rien à
la Cour. Il a tout intérêt à lui présenter comme simple la tâche qui l’attend à l’égard des questions
de fait. Simple, sa tâche ne l’est pas. Il serait impossible d’analyser avec méthode et
circonspection les cinquante-deux cas restants en se fondant sur les éléments de preuve que le
Mexique a fournis. Mais, comme nous l’avons dit, point n’est besoin pour la Cour d’entreprendre
pareille analyse car les Etats-Unis permettent malgré tout le réexamen et la revision, conformément
à l’arrêt LaGrand.
4.32. Monsieur le président, voilà qui conclut ma partie de la démonstration des Etats-Unis.
Je remercie la Cour de sa bienveillante attention et vous prie de bien vouloir appeler, après la
pause, Mme Catherine Brown à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Sandage. L’audience est maintenant
suspendue pour quinze minutes et reprendra à 11 h 55.
L’audience est suspendue de 11 h 40 à 11 h 55.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne à présent la parole à
Mme Catherine Brown.
Mme BROWN : Je vous remercie, Monsieur le président.
V. L’INTERPRETATION DU PARAGRAPHE 1 DE L’ARTICLE 36
5.1. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, c’est un honneur pour moi de me
présenter une nouvelle fois devant vous aujourd’hui au nom des Etats-Unis. Ce matin, je vais
traiter de l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 1 de l’article 36, qui est la
«nouvelle» question en l’espèce ¾ c’est-à-dire une question que la Cour n’a pas entièrement
examinée en l’affaire LaGrand. Il s’agit en outre d’une question importante car le remède que le
Mexique demande, à savoir que la Cour ordonne la suppression de déclarations recueillies avant
47
- 44 -
qu’un ressortissant ne reçoive l’information consulaire ¾ en d’autres termes, empêcher que ces
déclarations soient utilisées au procès ¾ dépend de la manière dont la Cour tranchera cette
question.
5.2. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, en interprétant le paragraphe 1
de l’article 36 de bonne foi, conformément à son sens ordinaire dans son contexte et à la lumière de
son objet et de son but, et en tenant dûment compte de la pratique ultérieure des Etats lors de la
mise en œuvre de l’article 3651, la Cour ne peut parvenir qu’à une seule conclusion : c’est que
l’expression «sans retard», telle qu’employée au paragraphe 1, ne signifie pas «immédiatement et
avant l’interrogatoire», comme le soutient le Mexique. En réalité, le paragraphe 1 de l’article 36
n’a aucune incidence sur l’interrogatoire d’un ressortissant étranger. Il n’exige pas que
l’interrogatoire cesse en attendant que soient accomplies les procédures qui y sont visées. Et il ne
donne même pas, non plus, à l’obligation de fournir à un ressortissant étranger l’information
consulaire, ni même à celle de procéder à la notification consulaire, le sens que le Mexique lui
attribue.
Le texte du paragraphe 1 de l’article 36
5.3. Monsieur le président, je vais tout d’abord examiner la question de l’expression «sans
retard», puis celle de la portée de l’obligation de procéder à l’information et à la notification
consulaires. Il va sans dire qu’il nous faut commencer par le texte, ce que M. Donovan prétendait
faire hier. Les membres de la Cour trouveront sous l’onglet 3 de leur dossier de plaidoiries le
véritable texte du paragraphe 1 de l’article 36. Nous savons maintenant qu’à l’alinéa b),
l’expression «sans retard» est employée à trois reprises. Il est d’abord précisé que le poste
consulaire doit être averti, si une demande est présentée à cet effet, «lorsque … un ressortissant de
[l’Etat d’envoi] est arrêté, incarcéré ou mis en état de détention préventive ou toute autre forme de
détention». Dans notre contre-mémoire, c’est ce que nous avons appelé l’obligation de
«notification consulaire»52 et nous avons utilisé cette expression en l’espèce pour maintenir la
distinction entre cette obligation et celle d’informer le ressortissant, à laquelle je vais venir dans un

51 Voir CMEU («le contre-mémoire»), p. 81-89.
52 Ibid., p. 75.
48
- 45 -
instant. L’alinéa b) prévoit ensuite que les communications adressées au poste consulaire par un
ressortissant étranger arrêté doivent être transmises «sans retard» à un fonctionnaire de son
consulat. Et cet alinéa stipule enfin, dans sa dernière phrase, que les autorités compétentes de
l’Etat de résidence «doivent sans retard informer l’intéressé de ses droits aux termes du présent
alinéa». Et, comme je viens de le mentionner, pour éviter toute confusion avec l’obligation de
procéder à la notification consulaire, c’est ce que nous nous sommes efforcés d’appeler
systématiquement l’obligation de fournir l’«information consulaire»53. Cette obligation exige que
le détenu soit avisé que, s’il le souhaite, un fonctionnaire de son consulat sera informé sans retard
de sa détention, et que toute communication adressée par lui au fonctionnaire de son consulat sera
transmise sans retard.
5.4. Le mot «immédiatement» n’est pas employé dans le texte que je viens de passer en
revue; il n’est aucunement fait mention de l’interrogatoire et le mot «avant» n’y est pas non plus
employé, pour donner à entendre que les procédures requises doivent être accomplies en rapport
avec quelque autre mesure que ce soit.
5.5. Pour mieux comprendre pourquoi la thèse du Mexique n’est pas fondée, je vous
demanderai également d’examiner l’alinéa c), qui traite des communications entre les
fonctionnaires consulaires et la personne détenue. Il précise notamment que les «fonctionnaires
consulaires ont le droit de se rendre auprès d’un ressortissant…, de s’entretenir et de correspondre
avec lui et de pourvoir à sa représentation en justice». Notez ¾ car c’est très important ¾ que
l’alinéa c) ne dit pas que les fonctionnaires consulaires ont le droit d’exercer l’un de ces droits
«sans retard»54. M. Donovan a dit hier que c’est seulement parce que l’alinéa c) énonce des droits
et non des obligations, avant de tenter d’établir une distinction entre l’alinéa c) et l’alinéa b), mais
je pense qu’il apparaît, dès l’abord, évident aux yeux de tous qu’il n’y a en réalité aucune
différence significative entre dire qu’un fonctionnaire consulaire a un droit de visite et dire que
l’Etat de résidence a l’obligation d’autoriser les visites. Dans aucun de ces cas la visite ne doit
avoir lieu «sans retard».

53 Ibid.
54 Ibid., p. 77, note 154.
49
- 46 -
L’expression «sans retard» n’est pas définie
5.6. Comme la Cour le sait, l’expression «sans retard» n’est pas définie dans la convention.
Au cours des trente-six années qui se sont écoulées depuis l’entrée en vigueur de la convention, les
Etats parties ont donc joui d’une certaine latitude quant aux modalités d’application des
dispositions de l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 dans le cadre de leur système juridique
interne. Et, de fait, ils ont appliqué l’alinéa b) de diverses manières. Aux Etats-Unis, nous avons
émis des directives qui sont reproduites dans votre dossier sous l’onglet 455. Et comme vous
pouvez le voir, nous avons précisé qu’«il ne dev[ait] pas y avoir de retard délibéré», tant en ce qui
concerne l’information que la notification consulaires, et que l’action requise devait être menée
«dès que cela est raisonnablement possible compte tenu des circonstances»56. Nous avons
également précisé que nous nous attendons «à ce que les fonctionnaires consulaires soient
prévenus en principe dans les vingt-quatre heures, et impérativement dans les soixante-douze
heures»57 ¾ ce qui laisse dans chaque cas une certaine latitude selon les circonstances. Mais
d’autres Etats ont adopté des façons de posséder nettement différentes, comme j’y reviendrai sous
peu de manière plus détaillée.
La définition proposée par le Mexique
5.7. Comme vous l’avez entendu dire hier, le Mexique voudrait que la Cour limite la marge
d’appréciation que la concentration confère aux Etats. En fait, comme je le montrerai, le Mexique
mettrait en cause la pratique de quasiment tous les Etats parties à la convention en donnant à
l’expression «sans retard» un sens particulier et extrêmement restrictif. En faisant notamment
valoir que l’expression «sans retard» doit concrètement être remplacée par les mots
«immédiatement et avant l’interrogatoire»58, le Mexique soutient au fond que les alinéas b) et c)
pris ensemble devraient être remaniés pour se lire comme suit :

55 Ibid., p. 79-80. Annexe 21, «Notification et communication consulaires : directives à l’intention des
responsables de l’application des lois et autres fonctionnaires fédéraux, étatiques et locaux concernant les ressortissants
étrangers aux Etats-Unis et le droit des fonctionnaires consulaires de leur prêter assistance», département d’Etat des
Etats-Unis, bureau du conseiller juridique, document 10518, janvier 1998, p. A525.
56 Ibid., p. A552.
57 Ibid.
58 MM («le mémoire»), p. 70-83.
- 47 -
«les autorités compétentes de l’Etat de résidence doivent demander à l’intéressé
immédiatement après son arrestation et avant qu’il ne soit interrogé s’il souhaite que
les fonctionnaires de son consulat soient informés de sa détention et, dans
l’affirmative, lesdites autorités doivent cesser tout interrogatoire jusqu’à ce que lesdits
fonctionnaires consulaires aient reçu notification et aient pu s’entretenir avec
l’intéressé».
5.8. Il y a manifestement un abîme entre ce que je viens de dire et le véritable texte sous vos
yeux. Et il n’y a en vérité aucune raison juridique, logique ou pratique de passer du texte de
l’article 36 à l’interprétation que préconise le Mexique.
Le contexte de la disposition ainsi que son objet et son but n’étayent pas l’interprétation du
Mexique
5.9. Gardons à l’esprit l’analyse textuelle claire à laquelle je viens de procéder et
intéressons-nous au contexte dans lequel les obligations de l’alinéa b) sont énoncées, ainsi qu’à leur
objet et à leur but. Nous savons tous, bien sûr, que le but de la convention prise dans son ensemble
est de promouvoir et de réglementer les relations consulaires entre les Etats59. Son but n’est pas de
réglementer les systèmes de justice pénale. Si la convention réglemente quelque chose, c’est bien
la manière de traiter les fonctionnaires consulaires et le statut de ces derniers, et elle précise quelles
fonctions ils peuvent exercer, principalement en son article 5 mais aussi dans une certaine mesure
en son article 36. De manière générale, parmi ces fonctions, il y a l’assistance aux ressortissants de
l’Etat d’envoi, mais pas la protection du ressortissant étranger dans le cadre d’une enquête pénale.
Ces fonctions n’incluent pas la participation à l’interrogatoire d’un ressortissant étranger, ni le
pouvoir d’arrêter un interrogatoire se déroulant dans le cadre d’une enquête pénale. Elles
n’autorisent pas non plus que des fonctionnaires consulaires agissent en tant qu’avocat d’un
ressortissant étranger. Et, en vérité, non seulement ils ne sont pas autorisés à ce faire, mais ils n’ont
aucune obligation d’ordre fiduciaire envers les ressortissants de leur pays et peuvent agir contre
l’intérêt de ces derniers60. Ainsi, un ressortissant étranger peut être incarcéré précisément parce
qu’un fonctionnaire consulaire l’a demandé — par exemple en réclamant la mise en détention
provisoire du ressortissant dans le cadre d’une procédure d’extradition.

59 CMEU, p. 69, où est cité le quatrième paragraphe du préambule de la convention de Vienne sur les relations
consulaires (la CVRC), annexe 23, pièce 1.
60 CMEU, p. 74-75.
50
- 48 -
5.10. Si nous nous intéressons seulement à l’article 36, nous voyons qu’il est intitulé — et c’
est très significatif — «Communication avec les ressortissants de l’Etat d’envoi». Son but est
clairement indiqué dans le paragraphe d’introduction : «[faciliter] l’exercice des fonctions
consulaires». Par conséquent, lorsque l’alinéa a) énonce le principe fondamental de la liberté de
communication entre les fonctionnaires consulaires et les ressortissants de leur pays, il le fait
conformément au titre de l’article 36 et en vue de faciliter l’exercice par les fonctionnaires
consulaires de leurs fonctions. De la même manière, lorsque les alinéas b) et c) traitent ensuite la
circonstance particulière que constitue l’incarcération d’un ressortissant, ils le font pour veiller à ce
que la communication avec les ressortissants de l’Etat d’envoi — ce sont une nouvelle fois les mots
employés dans le titre ¾ puisse se poursuivre dans le contexte d’une incarcération, et là encore
pour faciliter l’exercice par un fonctionnaire consulaire de ses fonctions61. Une seule disposition
supplémentaire y est ajoutée, celle permettant aux fonctionnaires consulaires de pourvoir à la
représentation en justice.
5.11. Monsieur le président, Madame et Messieurs les juges, vous noterez bien que
l’article 36 ne vise pas expressément les poursuites pénales ni l’enquête pénale. Il n’est pas intitulé
«Enquêtes pénales visant les ressortissants de l’Etat d’envoi». Les obligations visées à l’article 36
ne naissent pas lorsqu’est ouverte une enquête pénale, ni lorsqu’est interrogé un ressortissant
étranger, ni lorsque celui-ci est inculpé, ni même lorsque commence un procès pénal62. Tous ces
événements pourraient se produire sans qu’il y ait mise en détention de la personne. Si tel est le
cas, seules les obligations visées à l’alinéa a) ¾ permettre la libre communication ¾ s’appliquent.
Si un ressortissant étranger est mis en examen ou poursuivi sans être placé en détention, l’Etat de
résidence n’a aucunement l’obligation de l’informer de quoi que ce soit en application de la
convention.
5.12. M. Donovan a cherché hier à voiler ce fait en indiquant que l’alinéa b) du paragraphe 1
de l’article 36 s’applique dès qu’il y a arrestation, ce qui sous-entend une procédure pénale. Certes,
cet alinéa vise l’arrestation, mais dans la seule mesure où celle-ci, dans ce contexte, conduit à une
mise en détention. De plus, les obligations visées à l’alinéa b) peuvent naître si la mise en

61 Ibid., p. 72-75.
62 Ibid., p. 85.
51
- 49 -
détention vise d’autres fins, par exemple en matière d’immigration, ou dans le cadre d’une mise en
quarantaine pour des motifs de santé publique, voire même, dans certains systèmes juridiques, dans
le cadre d’une affaire civile63
.
Le Mexique n’est pas fondé à insister pour la fourniture d’une assistance consulaire
5.13. Vous noterez également que rien dans l’article 36, ni dans l’article 5, ni dans aucune
autre disposition de la convention, n’oblige l’Etat d’envoi à prêter assistance à ses ressortissants.
Cela vaut même dans le cadre d’une procédure pénale. La convention n’établit non plus aucune
norme quant à l’assistance consulaire à fournir. La question de savoir si et de quelle manière il faut
prêter assistance à un ressortissant relève entièrement du pouvoir discrétionnaire de l’Etat d’envoi.
Aucun procureur, aucun enquêteur au pénal, aucun policier, ni aucun fonctionnaire pénitentiaire de
l’Etat de résidence ne peut obliger un fonctionnaire consulaire à se rendre auprès d’un ressortissant
étranger, à communiquer avec lui, ni à lui prêter assistance d’une quelconque manière. L’intéressé
et l’avocat qui assure sa défense ne peuvent non plus rien faire pour forcer le fonctionnaire
consulaire à agir. Et bien sûr, aucun tribunal de l’Etat de résidence ne peut non plus le faire, que ce
soit d’office ou à la demande de l’intéressé. La convention ne donne tout simplement aucun droit
au ressortissant étranger de recevoir l’assistance consulaire si l’Etat d’envoi s’y refuse64
.
La bonne définition à la lumière du texte, du contexte, et de l’objet et du but
5.14. L’expression «sans retard» doit être interprétée à la lumière des buts limités de la
convention et de l’article 36, ainsi que du texte de celui-ci. Pour les besoins de la présente affaire,
si la Cour estime nécessaire de retenir une définition pour cette expression, au lieu de se contenter
de rejeter celle du Mexique, nous avons suggéré que la meilleure interprétation de l’expression
«sans retard» serait qu’elle impose d’agir dans le cadre normal des activités et sans atermoiements
ni inaction délibérée65. Cette interprétation est conforme à la teneur du texte et conduit à des
résultats raisonnables à chacune des trois fois où cette expression est employée66. En revanche,

63 Ibid., p. 81-82.
64 Ibid., p. 99-100.
65 CMEU, p. 78-104.
66 Ibid., note 163.
52
- 50 -
l’interprétation du Mexique modifie considérablement la teneur du texte et créerait de nombreuses
anomalies d’un bout à l’autre de la convention, dans laquelle l’expression «sans retard» et d’autres
expressions à caractère temporel sont employées dans des contextes très divers67
.
5.15. Notre interprétation est également conforme à ce que ne dit pas le texte. Elle est
conforme au fait que l’article 36 ne vise pas l’enquête pénale et ne précise pas les modalités de la
notification.
5.16. Notre interprétation est également conforme au fait qu’une mise en détention n’est pas
forcément liée à une poursuite pénale. Mais même dans le cadre d’une arrestation pénale, notre
interprétation tient pleinement compte des très nombreuses circonstances qui peuvent exister : par
exemple, l’arrestation d’une personne qui prétend frauduleusement être le ressortissant de l’Etat de
résidence, ou dont la nationalité n’est pas facilement déterminable, ou l’arrestation de plusieurs
personnes en même temps, ou une arrestation ayant lieu dans des circonstances difficiles.
5.17. Et enfin, notre interprétation va dans le sens du but de l’article 36 puisqu’elle facilite
les communications avec le consulat et permet au consulat de prêter assistance tout en laissant à
l’Etat de résidence une marge de manœuvre appropriée lors de la mise en œuvre.
La pratique des Etats montre que l’interprétation du Mexique est erronée
5.18. S’il subsiste le moindre doute sur le caractère erroné de l’interprétation du Mexique, la
Cour verra clairement que ce doute est levé par la pratique des Etats, que nous avons analysée dans
une annexe au contre-mémoire68. Pour l’interprétation de l’article 36, le Mexique a constamment
refusé de reconnaître l’importance que revêt la pratique des Etats. Il a même laissé entendre hier
que les preuves que nous avons produites étaient sans pertinence. Or, il se trompe. La question qui
se pose en l’espèce n’est pas celle de la pratique des Etats concernant les remèdes dans des affaires
inhabituelles. Ce qui est en cause, c’est la manière dont les obligations imposant d’agir énoncées
au paragraphe 1 de l’article 36 doivent être comprises. Ces obligations à chaque fois que des
ressortissants étrangers sont placés en détention. La pratique des Etats est donc abondante et sa

67 Ibid.
68 Ibid., p. 89-100. Annexe 4 au contre-mémoire, déclaration de Mme l’ambassadeur Maura A. Harty sur la
pratique des Etats lors de l’application du paragraphe 1 de l’article 36 de la convention de Vienne sur les relations
consulaires (la «déclaration sur la pratique des Etats»), p. A377-A389. Voir également l’annexe 3 au contre-mémoire,
déclaration de M. Thomas Weigend sur la compatibilité des conclusions du Mexique avec les règles de procédure pénale
suivies par les tribunaux pénaux, nationaux et internationaux (la «déclaration Weigend»), p. A361-A373.
53
- 51 -
force probante est grande. Et contrairement à ce qu’a dit hier M. Donovan, elle est «concordante,
commune et constante». Vu le temps limité qui m’est imparti, je me contenterai de souligner
quelques points essentiels. Et je prie les membres de la Cour de bien vouloir en même temps se
reporter au tableau que nous avons reproduit dans leur dossier de plaidoirie (onglet no
5), et peut-
être aussi à la note de synthèse sur la pratique du Mexique (onglet no
6).
5.19. En premier lieu, en ce qui concerne l’information consulaire, ni les lois du Mexique ni
leur application dans la pratique n’indiquent que ce pays a envisagé à un moment quelconque qu’il
devait faire en sorte que cette information soit donnée à un ressortissant étranger en détention avant
l’interrogatoire69. En vérité, la loi fédérale mexicaine relative à la notification consulaire ne prévoit
même pas de donner l’information aux ressortissants étrangers : elle se contente de disposer qu’il
faut adresser une modification aux fonctionnaires consulaires70. Et en dépit de ce qu’il a indiqué
hier, à savoir que l’article 36 est incorporé dans la législation mexicaine, dans la pratique le
Mexique ne donne pas l’information consulaire avant l’interrogatoire. Dans la plupart des autres
Etats, comme aux Etats-Unis, l’information consulaire peut être ou peut ne pas être donnée avant
l’interrogatoire. C’est semble-t-il, dans huit Etats que la pratique plus ou moins habituelle consiste
à donner l’information consulaire avant l’interrogatoire, mais, contrairement à la description qu’en
a donnée M. Donovan hier, ces Etats — à une exception près peut-être — ne semblent pas donner
l’information consulaire avant l’interrogatoire en ayant le sentiment qu’ils sont juridiquement tenus
de le faire71. En outre, plusieurs Etats suivent officiellement une pratique incompatible avec
l’interprétation préconisée par le Mexique. Ainsi, en Argentine, un juge donne aux détenus
l’information consulaire lors de l’audience préliminaire, après une période de détention au secret de
un à trois jours pendant laquelle le ressortissant étranger peut être interrogé72
.
5.20. En second lieu, s’agissant de la notification consulaire, aucune loi au Mexique ne
dispose qu’il doit être procédé à la notification avant l’interrogatoire. En pratique, la notification
peut être ou peut ne pas être donnée avant l’interrogatoire73. Nous constatons également que,

69 CMEU, p. 89 et 91-92; déclaration sur la pratique des Etats, p. A387-388.
70 CMEU, p. 91-92, où est cité le paragraphe 4 de l’article 128 du code de procédure pénal fédéral du Mexique.
71 Déclaration sur la pratique des Etats, p. A380-A381.
72 Ibid., p. A380.
73 Ibid., p. 91.
54
- 52 -
notamment parce que les Etats emploient des moyens divers pour procéder à la notification, y
compris le courrier ordinaire74, il peut s’écouler un certain temps avant que la notification soit
reçue. Les Etats qui ont voulu faire en sorte que la notification ait lieu dans un délai précis, l’ont
fait au moyen de conventions consulaires bilatérales qui en règle générale prévoient une
notification dans un délai allant de un à quatre jours, ce qui montre bien ici que la convention de
Vienne n’impose pas une notification plus rapide. Hier, M. Donovan a dit à tort que notre étude
couvrait moins d’un tiers des Etats parties. Or, en réalité, elle a porté sur plus de 80 % d’entre eux
et visait à montrer, d’une part, la pratique au titre de la convention de Vienne et, d’autre part, celle
au titre de ces conventions bilatérales. Si l’on tient compte de la pratique des Etats en matière
d’application aussi bien de la convention de Vienne que des conventions bilatérales, il apparaît
même plus clairement qu’aucun Etat n’interprète l’article 36 comme imposant une notification
avant l’interrogatoire. Les Etats n’interprètent même pas de cette manière les conventions
bilatérales, pourtant plus protectrices.
5.21. En troisième lieu, pour ce qui est du droit de visite des fonctionnaires consulaires, étant
donné que l’alinéa c) du paragraphe 1 de l’article 36 ne précise pas que les visites doivent être
permises «sans retard», dans de nombreux pays les visites des fonctionnaires consulaires pendant la
phase d’enquête d’une affaire pénale sont soit totalement interdites soit étroitement contrôlées.
L’Argentine, la Belgique, la France, l’Espagne, la Chine, l’Italie et plusieurs autres Etats
permettent que s’écoule une certaine période de détention incommunicado lorsque l’affaire en est
au stade de l’enquête75. Dans d’autres Etats, par exemple l’Allemagne, les fonctionnaires
consulaires doivent en principe obtenir une autorisation écrite avant de pouvoir rendre une visite
avant le procès, et cela prend en général quelques jours76. Le droit de visite est moins étroitement
contrôlé dans beaucoup d’autres pays, auquel cas la visite peut être ou peut ne pas être autorisé
avant un interrogatoire77. Mais la succession dans le temps de ces deux événements totalement
indépendants et distincts dépendra du choix fait pour les organiser.

74 Déclaration sur la pratique des Etats, p. A385.
75 Ibid., p. A385-A386.
76 Ibid., p. A385.
77 Ibid.
55
- 53 -
L’interprétation du Mexique conduirait à des résultats absurdes et serait impossible à mettre
en pratique
5.22. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, le fait qu’aucun Etat n’ait
interprété le paragraphe 1 de l’article 36 comme exigeant que la communication avec le consulat ait
lieu avant l’interrogatoire ne devrait pas constituer une surprise, car une telle interprétation
conduirait à des résultats absurdes, comme M. Philbin l’a expliqué en partie ce matin. Nous avons
déjà relevé que le fonctionnaire consulaire n’a aucune obligation de rendre visite aux ressortissants
de son pays, de communiquer avec lui, ni de lui prêter assistance. Suspendre un interrogatoire en
attendant la réponse du consulat pourrait compromettre une enquête ou être source de menace pour
la sécurité publique; mais suspendre cet interrogatoire alors qu’un fonctionnaire consulaire n’est
aucunement tenu d’agir, et ne le fera peut-être jamais, rendrait concrètement l’Etat de résidence
menant l’enquête pénale otage des ressources limitées et des priorités consulaires de l’Etat
d’envoi78. Le Mexique a laissé entendre hier que la Cour pouvait régler ce problème essentiel en
élaborant une règle complexe permettant la communication dans un délai raisonnable selon la
gravité de l’infraction pénale et la proximité du poste consulaire. Outre le fait indéniable qu’elle
conduirait concrètement la Cour à réécrire la convention, cette proposition aboutirait à des résultats
encore plus absurdes. Au lieu d’une règle unique pour tous les Etats parties, les autorités de chaque
Etat auraient à déterminer subjectivement si l’infraction est grave et dans quelle mesure les
fonctionnaires consulaires de cent soixante-cinq pays différents sont disponibles avant de pouvoir
agir. Il y aurait ainsi des centaines de règles différentes retardant les enquêtes pendant des périodes
d’une durée variable et imprévisible.
5.23. Si l’on laisse de côté ces absurdités, il est à relever, sur le plan pratique, que les Etats
ne pouvaient avoir eu l’intention de parvenir à un tel résultat. Quand des policiers arrêtent une
personne, leur objectif est de protéger le public et de résoudre un crime. L’arrestation peut avoir
lieu dans des circonstances difficiles ou viser plusieurs personnes. Souvent, la nationalité étrangère
d’une personne arrêtée ne devient connue que pendant l’interrogatoire proprement dit, voire même
après. Une fois que la nationalité étrangère d’une personne détenue est confirmée, il faut ensuite
suivre une procédure bien précise pour déterminer quelles sont les conditions requises et remplir

78 CMEU, p. 99-100.
56
- 54 -
celles-ci79. La Cour se rappellera que toutes les arrestations ne sont pas régies par la convention de
Vienne. Le respect des obligations d’information et de notification consulaires n’est donc pas
forcément une fonction pouvant être accomplie «immédiatement» ¾ pour reprendre le mot
employé par le Mexique ¾, ni même une fonction qu’un Etat penserait pouvoir accomplir
effectivement dans le cadre d’un interrogatoire. C’est manifestement la raison pour laquelle de
nombreux Etats ont raisonnablement conclu qu’il valait mieux le faire à d’autres moments et selon
d’autres modalités, notamment lors de la comparution devant le juge après l’interrogatoire80
.
Les travaux préparatoires n’étayent pas l’interprétation du Mexique
5.24. Enfin, je m’arrêterai seulement quelques instants sur les travaux préparatoires qui,
selon le Mexique, étaieraient son interprétation. En réalité, il ressort de ces travaux que la Cour
devrait faire preuve de la plus grande prudence avant de donner une définition quelconque à
l’expression «sans retard», et que les négociateurs ne pouvaient avoir eu pour intention
l’interprétation proposée par le Mexique. Certes, l’expression «sans retard injustifié» fut écartée au
début de peur qu’elle n’encourage des retards délibérés. Mais elle ne fut pas rejetée en faveur de
l’expression «immédiatement et avant l’interrogatoire». Au lieu de cela, c’est l’expression «sans
retard» qui est employée dans le texte définitif, car toutes les tentatives visant à préciser davantage
l’obligation de notification consulaire échouèrent81. En outre, le débat dans son intégralité
concernant cette expression ne portait que sur l’obligation de procéder à la notification consulaire.
Il n’avait rien à voir avec l’information à donner sans retard au ressortissant détenu. Cette
disposition fut ajoutée dans le cadre d’un compromis de dernière minute et sans qu’il y eut débat
sur son sens ou ses modalités d’application. Pas un seul gouvernement n’a laissé entendre que
l’information consulaire devait être donnée avant l’interrogatoire82. Donc, pour récapituler sur ce
point, l’alinéa b) du paragraphe 1 de l’article 36 n’oblige pas de donner l’information consulaire
immédiatement avant l’interrogatoire, et le paragraphe 1 de cet article dans son ensemble ne crée
aucune obligation relative à l’interrogatoire d’un ressortissant étranger.

79 Ibid., p. 81-83.
80 Déclaration sur la pratique des Etats, p. A380-A381 et A385.
81 CMEU, p. 100-104.
82 Ibid., p. 101-103.
- 55 -
Le Mexique a exagéré l’importance des dispositions procédurales de l’alinéa b) du
paragraphe 1 de l’article 36
5.25. Je voudrais à présent en venir à mon dernier point. J’ai noté que le Mexique a déployé
beaucoup d’efforts pour trouver des éléments à l’appui de son interprétation de l’expression «sans
retard» afin de fonder en droit sa demande tendant à ce que la Cour ordonne la suppression des
déclarations faites avant que ne soit donnée l’information consulaire. Mais il commet là encore une
autre erreur en interprétant le paragraphe 1 de l’article 36 de manière à pouvoir le rattacher au
remède qu’il demande. Il surestime l’importance de l’obligation de donner l’information au
ressortissant étranger, et même l’obligation de procéder à la notification formelle83. Le Mexique
laisse entendre que les cas où l’information consulaire n’a pas été donnée et ceux où la notification
formelle n’a pas été effectuée sont tous d’égale importance. Pour le Mexique, peu importe sur le
plan juridique que le fonctionnaire consulaire soit informé d’une détention dans un bref délai ou
non— si l’information consulaire n’a pas été donnée sans retard à la personne détenue, tout ce qui
suit — selon le Mexique — est juridiquement vicié. Monsieur le président, Madame et Messieurs
de la Cour, cet argument est détaché de la réalité, comme vous vous en apercevrez lorsque vous
examinerez les faits des cas qui vous ont été soumis, aujourd’hui au nombre de cinquante-deux.
5.26. Cet argument se fonde en outre sur une idée illusoire visant à faire de l’obligation de
procéder à l’information et à la notification consulaire un «droit de l’homme» ou un droit «essentiel
pour une procédure régulière». Nous avons amplement indiqué dans le contre-mémoire pour
quelles raisons cette idée ne saurait être retenue84. Mais je voudrais ici examiner cette question
seulement dans le contexte de l’interprétation qu’il convient de donner au paragraphe 1 de
l’article 36.
5.27. Nous avons vu que le but de l’article 36 est de faciliter l’exercice par le fonctionnaire
consulaire de ses fonctions85. Celles-ci peuvent être exercées si le fonctionnaire est informé de la
détention, pas nécessairement si le ressortissant en détention est averti qu’une notification peut être
adressée à son consulat, ni si l’Etat de résidence reçoit une notification formelle. Le défaut

83 CMEU, p. 76-78.
84 Ibid., p. 121-140.
85 Ibid., p. 73.
57
- 56 -
d’information consulaire et l’absence de notification consulaire formelle sont toujours regrettables,
mais ils ne sauraient être considérés comme revêtant la même importance aux fins de l’article 36,
indépendamment du point de savoir si et à quel moment il y a eu concrètement notification.
5.28. L’importance de l’information consulaire donnée aux ressortissants étrangers est donc
limitée. Il s’agit d’un mécanisme procédural qui permet au ressortissant étranger de mettre en
œuvre le processus connexe de notification. On le voit bien, même dans la propre législation
fédérale du Mexique, qui ne prévoit que la notification, et non l’information consulaire86. Et si un
fonctionnaire consulaire reçoit concrètement notification d’une détention, dans à peu près le même
délai dans lequel il aurait reçu notification si l’information consulaire avait été donnée «sans
retard», ne pas procéder à l’information consulaire ni même à la notification formelle ne saurait
causer le moindre préjudice réel à l’Etat d’envoi. C’est ce que la Cour a reconnu dans l’arrêt
LaGrand, lorsqu’elle a constaté qu’il y avait eu violation des alinéas a) et c) du paragraphe 1 de
l’article 36 au motif que l’Allemagne n’a concrètement reçu notification qu’après la condamnation
des frères LaGrand et une fois devenue applicable la règle de la carence procédurale. La Cour a
bien précisé que les alinéas a) et c) du paragraphe 1 de l’article 36 ne sont pas forcément violés au
seul motif que telle ou telle prescription de l’alinéa b) de ce paragraphe n’a pas été suivie87. Et
lorsqu’elle a prescrit le réexamen et la revision «en tenant compte de la violation», la Cour a
reconnu de la même manière que toutes les violations ne sont pas les mêmes. Nous avons
également vu ce matin que le paragraphe 1 de l’article 36 n’oblige en aucune manière un
fonctionnaire consulaire à exercer ses fonctions en faveur d’un ressortissant en détention.
5.29. Il ressort de ces éléments que l’obligation de fournir l’information consulaire n’est pas
une obligation de notifier une norme de droit substantiel quelconque, y compris le droit à
l’assistance consulaire, car un tel droit n’existe pas. Il ne s’agit pas non plus d’une obligation de
fournir une information relative à la procédure pénale. Pour que l’obligation soit pleinement
remplie, il suffit simplement de dire au ressortissant étranger en détention qu’il peut demander la

86 CMEU, p 91-92.
87 LaGrand, arrêt, par. 73.
58
- 57 -
notification consulaire et la transmission de ses communications. Une exigence procédurale de
nature aussi limitée, qui s’applique en cas de détention et non de poursuite pénale, ne saurait avoir
de caractère fondamental dans le cadre d’une procédure pénale.
Résumé
5.30. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, il y a lieu pour la Cour de
rejeter les efforts du Mexique visant à définir l’expression «sans retard» comme imposant
l’information consulaire, et par conséquent la notification au consulat et la communication avec
celui-ci, «immédiatement et avant l’interrogatoire». Il y a lieu en outre de rejeter les efforts du
Mexique visant à ériger les dispositions procédurales de l’article 36 en droits substantiels faisant
partie intégrante de la procédure pénale. Le lien avec la procédure pénale que préconise le
Mexique ne trouve pas appui dans le libellé même de l’article 36; il n’est pas étayé par l’objet et le
but de l’article 36; et il est manifestement incompatible avec la pratique des Etats. Aucun Etat
partie à la convention de Vienne n’a à un moment donné interprété le paragraphe 1 de l’article 36
de la manière que le Mexique demande à la Cour de le faire. Retenir l’interprétation du Mexique
ne constituerait rien de moins qu’une réécriture de fond en comble de la convention, tâche qui,
selon la Cour, ne constitue pas sa fonction88
.
5.31. Monsieur le président, ceci met fin à mon exposé et je vous prie de bien vouloir à
présent appeler M. Mathias à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Madame Brown. Je donne maintenant la parole à
M. Mathias.
M. MATHIAS :
VI. INTERPRETATION DU PARAGRAPHE 2 DE L’ARTICLE 36
6.1. Je vous remercie, Monsieur le président. C’est un honneur pour moi que de me
présenter de nouveau devant la Cour au nom des Etats-Unis.

88 CMEU, p. 142-144.
59
- 58 -
6.2. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, il m’appartient ce matin de
procéder à une analyse du paragraphe 2 de l’article 36 de la convention. Je vais, pour commercer,
examiner le texte de cette disposition, qui se divise en deux parties, et dégager le sens de ces deux
parties du texte ainsi que celui de la disposition lue dans son ensemble. J’expliquerai ensuite que la
disposition a deux fonctions distinctes. Premièrement, elle régit et détermine l’exécution des
obligations souscrites au paragraphe 1 de l’article 36. Deuxièmement, elle traite de la nécessité de
remédier à toute violation d’une obligation souscrite au paragraphe 1 de l’article 36. La seconde
fonction, relative aux remèdes, a été celle sur laquelle a principalement porté l’analyse qu’à faite la
Cour de cette disposition en l’affaire LaGrand, et c’est aussi celle qui si trouve en jeu en l’espèce.
Enfin, j’aborderai la question du domaine approprié dans lequel doit se faire l’examen par la Cour
des violations alléguées du paragraphe 2 de l’article 36.
A. Le paragraphe 2 de l’article 36 énonce la règle générale selon laquelle les obligations
souscrites au paragraphe 1 de l’article 36 doivent être exécutées
conformément aux lois et aux règlements existants
6.3. Madame et Messieurs de la Cour, vous avez devant vous le texte du paragraphe 2 de
l’article 36, qui figure sous l’onglet no
3 du dossier de plaidoiries. Il se divise en deux parties; le
membre de phrase principal de la disposition énonce une règle générale, et le second membre de
phrase limite cette règle générale par une réserve.
6.4. La première partie du paragraphe, à savoir le membre de phrase principal, dispose que
«[l]es droits visés au paragraphe 1 du présent article doivent s’exercer dans le cadre des lois et
règlements de l’Etat de résidence…». Elle pose la règle générale : les «droits visés au
paragraphe 1» doivent s’exercer de manière largement conforme aux lois de l’Etat de résidence, en
particulier les lois et règlements régissant le fonctionnement du système de justice pénale. En
d’autres termes, les Etats parties ne sont pas tenus de s’acquitter des obligations souscrites au
paragraphe 1 en promulguant de nouvelles lois ou en établissant de nouvelles procédures ou de
nouvelles doctrines judiciaires. Ils ne sont pas non plus tenus de modifier de fond en comble leurs
lois et règlements pour y introduire des dérogations. Rien de tout cela n’est exigé d’eux. Ils
doivent s’acquitter de leurs obligations dans le cadre des lois et des règlements de l’Etat de
résidence. Telle est la règle générale : les lois et règlements existants s’appliquent.
60
- 59 -
6.5. Dans son mémoire, le Mexique n’a aucunement traité de cette «règle générale». Hier, il
en a nié la pertinence. On est en droit de se demander si cette règle a une quelconque importance
en l’espèce. De fait, elle revêt une importance considérable. La règle générale constitue un
obstacle insurmontable sur laquelle bute la position du Mexique.
6.6. L’article même de la convention sur lequel le Mexique se fonde pour la création des
obligations en cause dans la présente instance établit une règle selon laquelle les lois et règlements
existants des Etats parties de résidence fournissent le cadre dans lequel les obligations doivent être
accomplies. L’importance de ce point est claire : on ne saurait interpréter ces obligations d’une
manière qui conduirait à conclure que les lois et règlements existants des divers Etats parties sont à
considérer généralement comme étant inadéquats. Une telle interprétation ne correspondrait pas au
cadre dans lequel les obligations ont été créées et contredirait les termes mêmes de la règle générale
que je viens de décrire. Si les auteurs de la convention avaient voulu que cette disposition imposât
des modifications substantielles dans les systèmes juridiques internes de tous les Etats parties ¾ et
il ne fait aucun doute que l’interprétation proposée par le Mexique imposerait des modifications
substantielles dans les lois et règlements de chaque Etat partie ¾ cette disposition n’aurait alors en
aucune manière été incluse dans la convention.
6.7. Comme Mme Brown vient de le faire remarquer, et M. Weigend l’expliquera plus avant
cet après-midi, la vaste majorité des Etats parties autorisent l’interrogatoire des suspects par les
services de police avant que l’information ou la notification consulaire aient pu être fournies. Par
ailleurs, M. Weigend le dira cet après-midi, pratiquement tous les Etats ont des règles concernant la
nécessité de soulever certains moyens de défense au procès de première instance, et aucun Etat ne
semble ordonner la réouverture d’un nouveau procès au seul motif que le défaut de notification
consulaire a été démontré lorsqu’un accusé n’a pas au moins réussi à apporter la preuve qu’il en a
résulté un préjudice quelconque. Ces points sont amplement exposés dans notre contre-mémoire et
le Mexique ne les a pas contredits. Toutefois, la position du Mexique implique que de nombreuses
dispositions de cette nature contenues dans la législation interne des Etats parties sont de manière
générale contraires aux obligations prescrites par la convention et qu’il faudrait y apporter des
modifications pour que les Etats parties puissent s’acquitter de leurs obligations.
61
- 60 -
6.8. Cela nous amène à la réserve, qui constitue une limitation de la règle générale. Elle
prévoit que les lois et règlements de l’Etat de résidence «doivent permettre la pleine réalisation des
fins pour lesquelles les droits sont accordés en vertu du présent article».
6.9. Quelles sont ces fins et quelle en est l’effet sur la question qui nous occupe ?
6.10. Comme Mme Brown l’a expliqué il y a quelques instants, la convention elle-même
répond à la première partie de la question. Elle contient, au paragraphe 1 de l’article 36, une
déclaration qui en définit expressément le but : «Afin que l’exercice des fonctions consulaires
relatives aux ressortissants de l’Etat d’envoi soit facilité.» C’est là la seule déclaration de finalité
pertinente que l’on puisse trouver dans la convention. Le paragraphe 1 de l’article 36 a pour objet
de faciliter l’exercice des fonctions consulaires relatives aux ressortissants de l’Etat d’envoi, et il
s’agit là de son unique objet. La convention est claire sur ce point.
6.11. Dans son mémoire, le Mexique interprète de manière inexacte le but poursuivi à travers
l’article 36. Il prétend que l’objet de l’article est «d’assurer à l’Etat d’envoi que ses ressortissants
déférés devant les autorités pénales d’un Etat étranger pourront bénéficier d’une procédure
équitable»89. Il n’existe aucune analyse juridique justifiant la substitution par le Mexique du terme
«assurer» au terme «faciliter», qui apparaît dans la convention, ni celle de l’expression «pourront
bénéficier d’une procédure équitable» à «l’exercice des fonctions consulaires», expression qui
figure dans la convention. Ce n’est là que pure assertion et de rien de plus.
6.12. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, résumons les principaux
éléments de l’analyse faite jusqu’ici : le paragraphe 2 de l’article 36 énonce la règle générale selon
laquelle «les droits visés au paragraphe 1» doivent être exercés conformément aux lois et
règlements des Etats. La réserve du paragraphe 2 constitue une exception à cette règle générale.
Elle constitue un élément important du paragraphe 2 de l’article 36 et il convient de l’appliquer en
l’interprétant correctement. Or cette interprétation doit tenir compte de la présomption contenue
dans la règle générale ¾ à savoir que les lois et règlements existants doivent être acceptés comme
le cadre juridique qui s’impose et que la réserve ne s’appliquerait qu’à titre exceptionnel. Comme
M. Weigend l’expliquera cet après-midi, aucun Etat partie n’a de lois et de règlements conformes à

89 MM, par. 303.
62
- 61 -
l’interprétation proposée par le Mexique du paragraphe 2 de l’article 36 ¾ aucun. Par conséquent,
l’interprétation du Mexique ne saurait être correcte. Les auteurs de la convention ont exprimé une
intention claire, au moyen du paragraphe 2 de l’article 36, de préserver leurs lois et règlements
existants et de veiller à ce que, dans les cas exceptionnels seulement, il soit entendu clairement que
les obligations souscrites dans la convention doivent se comprendre comme s’intégrant dans le
cadre des lois et règlements existants. Aucun Etat partie n’ayant de lois conformes à
l’interprétation par le Mexique de l’article 36, cette lecture de la convention ne peut tout
simplement pas être correcte.
B. Le paragraphe 2 de l’article 36 a deux fonctions, fonction essentielle et fonction de remède;
le Mexique a décrit de manière inexacte les obligations prescrites par la Cour
en matière de réparation
6.13. Après en avoir examiné la signification, il reste à examiner les deux contextes dans
lesquels le paragraphe 2 de l’article 36 pourrait être appliqué.
6.14. La fonction essentielle de ce paragraphe s’applique en liaison avec l’exécution
régulière des obligations souscrites au paragraphe 1. Par exemple, si un fonctionnaire consulaire
souhaite rendre visite à un ressortissant détenu, il doit le faire en se conformant aux lois et
règlements de l’Etat de résidence, pour autant que lesdits lois et règlements permettent la pleine
réalisation des fins consistant à faciliter la fourniture de l’assistance consulaire. Ainsi, dans la
pratique, si un fonctionnaire consulaire souhaite rendre visite à un détenu, il doit le faire pendant
les heures de visite, mais ces heures de visite doivent être fréquentes et suffisamment longues pour
faciliter l’exercice des fonctions consulaires. Nous pouvons tous convenir de cela.
6.15. La seconde fonction de la disposition est la fonction de remède. Dans l’affaire
LaGrand, la Cour avait décidé que la règle de la carence procédurale, telle qu’elle avait été
appliquée aux frères LaGrand, avait eu pour effet d’empêcher «la pleine réalisation des fins pour
lesquelles les droits sont accordés…» en :
«empêch[ant] [les tribunaux américains] d’attacher des conséquences juridiques au
fait, notamment, que la violation des droits prévus au paragraphe 1 de l’article 36
n’avait pas permis à l’Allemagne d’assurer en temps opportun aux frères LaGrand le
concours d’avocats privés et de les assister, de manière générale, dans leur défense,
comme le prévoit la convention»90
.

90 LaGrand, par. 91.
63
- 62 -
Dans l’affaire LaGrand, la Cour a donc décidé qu’en cas de violation du paragraphe 1 de
l’article 36, le paragraphe 2 de l’article 36 impose la possibilité d’évaluer l’importance de la
violation; en un autre endroit de son arrêt, la Cour mentionne cette exigence en termes de réexamen
et de revision du verdict de culpabilité et de la peine en demandant aux Etats de mettre en œuvre à
cet effet les moyens de leur choix, en tenant compte de la violation91
.
6.16. Or la majeure partie de ce qu’a dit le Mexique sur les obligations juridiques ayant trait
à cette fonction de remède ¾ la procédure de réexamen et de revision qui est au cœur de l’arrêt
LaGrand ¾ est tout simplement erronée.
6.17. Le Mexique affirme donc que «la Cour a estimé, dans l’affaire LaGrand, que l’examen
du recours en grâce ne constituait pas en soi «le réexamen et la revision» requis»92. Aucun
fondement n’est fourni à l’appui de cette affirmation et n’aurait pu l’être, car la Cour n’a jamais
formulé une telle conclusion. La procédure de recours en grâce dans le cas des frères LaGrand ne
faisait pas partie du dispositif de l’arrêt LaGrand, la Cour n’a non plus traité explicitement du
recours en grâce dans son raisonnement. De surcroît, les Etats-Unis ayant adapté leur
comportement aux conclusions de l’arrêt LaGrand, la procédure de recours en grâce est désormais
inspirée par l’obligation de réexamen et de revision.
6.18. Le Mexique affirme aussi qu’«il est clair que dans les prescriptions qu’elle a adressées
aux Etats-Unis dans LaGrand, la Cour envisageait manifestement que «le réexamen et la revision»
s’effectueraient dans le cadre de procédures judiciaires»93. Là non plus, aucun fondement n’est
fourni à l’appui de cette affirmation, et pour la même raison. L’arrêt de la Cour en l’affaire
LaGrand n’étaie nullement la position du Mexique. Dans l’affaire LaGrand, la Cour a bien relevé
que l’Allemagne avait plaidé pour que, «dans les cas où il n’est pas exclu que le jugement prononcé
soit vicié par la violation du droit à la notification consulaire, des procédures de recours permettent
de revenir sur la décision et soit de revoir le verdict de culpabilité, soit de prononcer une autre
peine»94. C’était là un argument avancé par l’Allemagne. Ce n’était donc rien d’autre qu’un

91 LaGrand, par. 125.
92 MM, par. 246.
93 MM, par. 245.
94 LaGrand, par. 118.
64
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argument de l’Allemagne. En particulier, il n’est fait aucune référence aux procédures de recours
dans le raisonnement de la Cour sur le remède du réexamen et de la revision qu’elle prescrit, pas
plus qu’il n’y est fait référence dans le dispositif. Au contraire, la Cour conclut expressément que
«[c]ette obligation [de réexamen et de revision] peut être mise en œuvre de diverses façons. Le
choix des moyens doit revenir aux Etats-Unis.»
95 La Cour a bien montré qu’elle n’approuvait pas
le remède demandé par l’Allemagne, à savoir une procédure de recours.
6.19. Le Mexique avance toutefois une assertion concernant la pertinence en droit du
réexamen et de la revision à laquelle les Etats-Unis souscrivent. Le Mexique dit dans son
mémoire : «La manière exacte dont les Etats-Unis cherchent à s’acquitter de leurs obligations
relève de leur droit national. Peu importent les mécanismes de droit interne utilisés, pourvu qu’ils
assurent le respect des obligations juridiques incombant aux Etats-Unis à l’échelle
internationale.»
96 Voilà enfin un point sur lequel les deux Parties sont d’accord : tant que les
moyens employés par les Etats-Unis pour assurer le réexamen et la revision sont conformes aux
obligations prescrites par la Cour en l’affaire LaGrand, il n’y a pas violation du paragraphe 2 de
l’article 36. Et en appréciant dans quelle mesure les Etats-Unis respectent l’obligation de réexamen
et de revision, la Cour doit tenir compte de mon argument initial : l’article 36 établit la règle
générale selon laquelle les obligations qu’il énonce doivent être mises en œuvre dans le cadre des
lois et règlements existants.
6.20. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, nous avons vu que le
paragraphe 2 de l’article 36 a deux fonctions : une fonction essentielle, liée à la mise en œuvre
régulière des obligations souscrites au paragraphe 1, et une fonction de remède, lorsqu’il y a eu
violation de ces obligations. Pour chacune de ces fonctions, la règle générale ne varie pas : les lois
et règlements existants de l’Etat de résidence doivent s’appliquer, la seule restriction étant relative
aux cas exceptionnels. Conformément au respect dû aux lois et règlements internes des Etats
parties tel que dicté par la convention, et au vu des considérations liées à son propre rôle, la Cour,
en l’affaire LaGrand, n’a pas imposé de mécanisme particulier permettant de respecter l’obligation
de réexamen et de revision prescrite par elle, mais elle a laissé le choix des moyens à l’Etat partie à

95 LaGrand, par. 125.
96 MM, par. 285.
65
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la convention. Si les moyens choisis par l’Etat satisfont à l’obligation, prescrite par la Cour, de
mettre en œuvre une procédure de réexamen et de revision, il n’y a pas violation du paragraphe 2
de l’article 36. M. Thessin démontrera cet après-midi que les moyens choisis par les Etats-Unis
dans le cadre de leurs lois et règlements — en matière de réexamen judiciaire et de recours en grâce
devant l’exécutif — satisfont entièrement à ces obligations. Il n’y a pas eu violation du
paragraphe 2 de l’article 36.
C. Il n’existe aucun fondement à un réexamen au cas par cas du respect
du paragraphe 2 de l’article 36
6.21. Un autre point concerne la nature du réexamen auquel la Cour doit procéder en
l’espèce. Dans l’affaire LaGrand, comme la Cour le sait, elle a conclu que la violation du
paragraphe 2 de l’article 36 «a découlé des circonstances dans lesquelles a été appliquée la règle de
la carence procédurale, et non de la règle elle-même»
97. Dans cette affaire, les éléments du dossier
dont disposait la Cour contenaient toutes les informations relatives à la procédure concernant les
frères LaGrand. Il existait un fondement factuel incontesté sur lequel la Cour pouvait appuyer sa
conclusion en ce qui concerne le paragraphe 2 de l’article 36. En l’espèce, même si l’on tenait
compte des documents supplémentaires produits récemment par le Mexique, les éléments de
preuve qu’il a soumis seraient loin de constituer un fondement sur la base duquel la Cour pourrait
apprécier dans quelle mesure les Etats-Unis se sont acquittés des obligations leur incombant en
vertu de cette disposition à l’égard des cinquante-deux ressortissants mexicains cités dans la
présente affaire.
6.22. Par ailleurs, s’agissant de chacune des cinquante-deux procédures individuelles, la
Cour ne pourrait en tout état de cause entreprendre une appréciation définitive de la manière dont
les Etats-Unis se sont acquittés de leurs obligations, car ces procédures demeurent pendantes. C’est
pour cette raison qu’aucune de ces cinquante-deux procédures n’est recevable, et les demandes
présentées par le Mexique à leur sujet doivent être rejetées. Dans ces procédures, l’appréciation
appropriée par la Cour doit, dès lors, donc se limiter tout au plus aux lois et règlements pertinents
en tant que tels, et l’arrêt de la Cour ne doit pas contenir cinquante-deux appréciations distinctes de
la manière dont les Etats-Unis s’acquittent de l’obligation prescrite au paragraphe 2 de l’article 36 à
l’égard de chacun des ressortissants mexicains cités dans la présente affaire.

97 LaGrand, par. 125.
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6.23. Il existe un autre motif indépendant pour lequel la Cour ne doit pas aller, en l’espèce,
au-delà du réexamen des lois et règlements pertinents des Etats-Unis en tant que tels. Cela
présenterait l’avantage de correspondre davantage à la nature de l’obligation faite aux Etats parties
par la réserve contenue dans le paragraphe 2 de l’article 36. Cette obligation, quoi qu’il en soit, est
exprimée en termes généraux : à savoir que les lois et règlements d’un Etat partie doivent permettre
la pleine réalisation des fins pour lesquelles le paragraphe 1 de l’article 36 est prévu. Il s’agit d’un
engagement que prend un Etat quant à la nature de ses lois et règlements, et non d’une garantie
concernant l’application de ces lois et règlements dans un cas particulier quelconque98. Les
demandes du Mexique fondées en l’espèce sur le paragraphe 2 de l’article 36 doivent être rejetées,
car les lois et règlements des Etats-Unis sont organisés de manière à permettre le réexamen et la
revision prescrits par la Cour. La Cour ne doit pas, au regard du droit, tirer de conclusion sur la
manière dont les Etats-Unis s’acquittent de l’obligation énoncée au paragraphe 2 de l’article 36,
dans le cas de chaque ressortissant mexicain. Tout au plus, la question qui se pose est celle des lois
et règlements en tant que tels des Etats-Unis.
6.24. Monsieur le président, ceci conclut mon exposé et les exposés des Etats-Unis pour ce
matin. Je vous remercie de votre attention. Lorsque nous nous réunirons de nouveau cet
après-midi, je vous demanderai de bien vouloir appeler M. Taft à la barre.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Mathias.
L’exposé de M. Mathias met un terme à la séance de ce matin. La Cour reprendra les
audiences du premier tour de plaidoiries des Etats-Unis cet après-midi à 15 heures.
L’audience est levée à 13 heures.
___________

98 Voir Différend concernant l’accès aux informations au titre de l’article 9 de la convention Ospar (Irlande
c. Royaume-Uni), sentence finale, 2 juillet 2003, Cour permanente d’arbitrage (déclaration de M. Reisman), par. 14 :
«le seul argument qui puisse être invoqué à l’échelle internationale est celui selon lequel l’Etat défendeur
a omis d’assurer que sa législation nationale ait été promulguée ou aménagée de manière à atteindre les
objectifs prescrits par la convention. L’argument direct pour non-atteinte de ces objectifs dans un cas
particulier … ne peut être invoqué parce qu’il ne correspond pas au libellé de l’obligation spécifique
imposée par la disposition pertinente du traité.» [Traduction du Greffe.]
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