Translation

Document Number
094-20020311-ORA-02-01-BI
Parent Document Number
094-20020311-ORA-02-00-BI
Bilingual Document File
Bilingual Content

Non-Corrigé Traduction

Uncorrected Translation

CR2002116 (traduction)

CR 2002116(translation)

Lundi 11mars2002 à15heures

Monday 11March2002at 3p.m.1 018 LePRESIDENT :Veuillezvous asseoir. La séanceest ouverteetje donnela parole, aunom

de la Républiquedu Cameroun,au professeurMalcolmShaw.

M. SHAW :Je vousremercie, Monsieurle président.

IV.BAKASSI

La situationavant1961

1.Monsieurle président,MadameetMessieursde laCour, l'agentduNigéria aaffirmédans

son intervention que Bakassi était «au cŒur mêmede l'affaire)) (CR 200218, p. 18). C'est

toutàfait exact. Dans l'exposéqui suit, nous aborderonsla questiondu titre sur Bakassi,jusques

et y compris le processus par lequel les deux territoires camerounais sous tutelle sont devenus

indépendants en rejoignantl'unle Nigéria, l'autre leCamerounle le'octobre 1961. Les questions

postérieuresà cette dateserontexaminéespar M.Mendelson.

2. Pour la longuepériode quia précédé l'indépendance,l'argumentationdu Nigériane tient

qu'à un seulfil, ténu la souverainetéétaitdétenuepar lesrois et chefs du Vieux-Calabar,lesquels

exerçaient en outre des droits territoriaux souverainsaomnessur le plan international. Voici

l'argumentationen deçà de laquellela thèseduNigérianetient plus. Commel'a déclaré leconseil

du Nigéria assezbrutalement :le Cameroun «vous invite à accepter qu'un Etat puisse céderun

territoire appartenaàtun autreEtat sans l'autorisation expressede ce dernier))(CR 200218,p. 55).

Vous remarquerez la formulation,Monsieur le président :«un territoire appartenantà un autre

Etat)).

3. Le Nigéria soutient que ((Bakassi faisait partie du temtoire des rois et chefs du

Vieux-Calabam qui, en 1884, ((avaient, sur le plan international, la capacitéde conclure des

traités)),de sorte que la Grande-Bretagnen'estinvestie que des droits restreintsque lui confèrele

traité de protection,et [que] ces droits ne s'étendentni à la souverainetésur le temtoire du
.
Vieux-Calabar, ni au droit ou au pouvoir de céderce territoire)). La Grande-Bretagne «n['aurait]

@
de ce fait [possédé] aucuntitrejuridique sur Bakassi et n'[aurait] pas [eu]en droit le pouvoirde

transférer Bakassi à l'Allemagne par le truchement du traité de mars 1913», de sorte que

l'Allemagne ne pouvait acquériraucun titre valable, pas plus que ses successeurs, y compris le

Cameroun. Le Nigériaaffirme en outre que, (ijusqu'en 1960 et quelle que soit la période considéréel ,e titre sur Bakassi [serait] en conséquence[resté]au mains des rois et chefs du

Vieux-Calabaret, partant,du Nigéria~et que«tout le tempsque le traitéde protection est demeuré

en vigueur, le pouvoirde modifier unilatéralementses frontières ... a fait ...défaut à la

Grande-Bretagne.))(CR200218,p. 65 et voirCR200219,p. 19.)

r. 019 4. La thèseduNigériaest aussi erronéequ'elle est simple. LeNigéria ademandé à la Cour

d'admettre que letraitéde protection de1884avait été conclu entre deux entitésqui,à l'époque,

jouissaient de la personnalité juridique internationet qu'il avait poureffet de reconnaître les

droitsterritoriauxinternationauxsurBakassijusqu'à l'indépendance et au-delà, en ce qui concerne

aussi bien le titre souverain que son étenduetemtoriale erga omnes. Tout instrument, accord,

activitéet processus contraire cette manièrede voir serait nécessairementfaux et inopéranten

droit.

5. On nous demandede considérer qu'ily a eu une longue séried'erreurs juridiques. La

tentative de la Grande-Bretagnede convenir avec l'Allemagne,par le traitéde mars 1913, d'une

frontièreen ce qui concerne Bakassiétaitune erreur. L'Allemagne,en acceptant cette frontière,a

commis une erreur. L'établissementdu mandat, et par la suite de la tutelle, sur les territoires

camerounais administréspar le Royaume-Uni,y compris sur Bakassi, étaitune erreur. Pendant

toute lapctriodedu mandat,puis de la tutelle, lapratique britanniqueconsistànmontrer, par son

activiti Iigislative et son comportement officiel sur le terrain, que Bakassi faisait partie du

Cameroun meridionalétaitune erreur. L'activitéde supervision dela SociétédesNations et des

organes de5 NationsUnies à l'égardd'un territoirequi, commele montrentpar exemplede manière

continue les canes officielles qui leur étaientsoumises par la Grande-Bretagne, comprenait

Bakassi. eiaitune erreur. Le processus du plébiscite,tel que supervisépar les NationsUnies et

intégrantBahassi aux circonscriptionsde plébiscite du Camerounméridional,étaitune erreur. La

résolutionde l'Assembléegénéralequi a misjuridiquement fin àla tutelle sur la base du processus

du plébisciteétaitune erreur. Et surtout, la pratique nigériane del'époque-quis'est poursuivie

pendant plusieurs dizaines d'années- consistantà reconnaître Bakassicomme faisant partie du

Cameroun étaitégalementune erreur. On pourrait être tenté de conclure que jamais autant de

personnesn'ont répéta éutant de foislamême erreur pendantsi longtemps. 6. Il est clair, Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, que cette erreur

n'existe pas. Nous sommes au contraire en présenced'une pratique constante de la puissance

.
coloniale puis administrante, d'autresEtats intéressés,d'organes decontrôle internationaux, des

Nations Unies et, assez récemment encore,du Nigérialui-mêmeq , ui tous affirment queBakassi

faisait partiede l'actuelCameroun. J'examineraàprésentplus en détailce fil uniquesuivi par le

raisonnementdu Nigéria,qui est maintenantentrain de s'effilocherrapidement.

Le statutjuridiqueinternationaletle champdela compétenceterritorialedersoiset chefsdu
Vieux-Calabar

7. Personne ne nie que les habitants de la régionde la rivièreCalabar, y compris de ses

villes, communautés et postes avancés, comptaient à l'époque concernéede nombreux

O 2 0 commerqantset marchands entreprenantsqui se livraient àune série d'activitécommerciales et
O
Là n'est toutefois pas la question. Il s'agit de savoir si, en 1884et par la
voyageaient au loin.

suite, il existaitune personne moraleinternationalepossédantdes droits souverains et territoriaux

complets auregard dudroit internationalet quiaurait, dèslors,pu détenirun titre territorialvalable

erga omnessur le plan international,et ce,jusqu'à la date de l'indépendance duNigéria.En effet,

seule une réponse afirmative pourrait maintenir tendu le fil de l'argumentation du Nigériaet

soutenir sesaffirmations.

8. Certes, il ne fait pas de doute qu'à l'époqueen question, plusieurs populations étaient

actives dans la régionconcernée, mais le Nigéria n'a fourniaucune preuve qu'un membre

quelconque de la communauté internationaledes Etats ait reconnu les rois et chefs du

Vieux-Calabar, ouait étéen rapport avec eux, en tant qu'entité souveraen droit international.

Or, c'estlà une question essentielle. Ce que nous avons, c'est un traité,le traitéde protection

de 1884,quimarquepour le Nigériala fin desa périodehistorique.Il nous faut toutefoisexaminer

ce traitéetson contexte,tant local qu'international. *

9. Le Nigérianous ofie un choix : soit le traitéétaitun «mythe», comme il l'exprime en

caricaturantl'argument du Cameroun(CR 200218,p. 43), desorte que leterritoire enquestionétait,

en réalité,erranullius,soit letraitéaéconcluavec un Etatsouverainau sens où l'entendait alors

le droit international. Ce choix n'en est pas unCette question a ététraitéenon seulementà

l'occasion de l'affaire del'lde Palmas (RSA, vol. II, p. 829), mais par la Cour elle-mêenl'affaire du Sahara occidental (C.I.J.Recueil1975, p. 12). Ce que nous disons n'est peut-êtrpas

nouveau,mais c'estexact.

10.L'arbitre Huber anoté,dans l'affairede 1711d ee Palmas, que les accords(qu'il qualifie

de «contrats») entre les Etats et les «princes indigènesou chefs de tribus non reconnus comme

membresde la communautédesnations))n'étaient pas «ausensdu droit international, des traités ou

conventions susceptibles de créerdes droits et des obligations de l'ordre deceux dont, en droit

international' naissent des traités)). Ils n'étaient toutefois pas sans effet puisque, ((s'ils ne

constituent pas destitres au sens du droit international,ils sont néanmoinsdes faits dont le droit

internationaldoit tenir comptedans certainscas» (p. 858). Dans l'affaire du Sahara occidental, la

Cour s'est inspirée del'approchede l'arbitreHuber et a soulignéque la pratique desEtats acceptait

que «lesterritoireshabitéspardes tribus ou des peuples ayantune organisationsocialeet politique

n'étaient pas considéré csommeterra nullius» mais que les puissances coloniales acquéraientla

souveraineté «au moyen d'accords conclusavec les chefs locaux))(p. 39). La Cour n'a indiquéà

aucun moment que ces chefs locaux étaientdes Etats souverains reconnus comme tels par la

communautéinternationale,ni que ces accordsconstituaientdes traitésau sens desaccordsconclus

entreEtats souverains.

11. Il est pleinement reconnu que la série des accords de protectorat conclus entre la

Grande-Bretagneet les chefs locaux dans la régionen question a fait obstacle à l'acquisition de

titre par occupationde terrae nullius et a, enréalité,dans ce contexte de la ruéesur les colonies,

créé vis-à-visdes Etats tiers une situationque ceux-ci ontacceptée. Celane signifie toutefois pas,

tant s'en faut, que, d'une manièregénéralec,es accords aient éténécessairement conclusavec des

Etats souverains- et cela est vrai en particulierdes rois et chefs du Vieux-Calabar. Cetteentité

pose toutefois un autre problème. Tenter de déterminersa nature revient àessayer d'attraperune

anguille.

12. Dans son contre-mémoire,le Nigéria qualifieles rois et chefs du Vieux-Calabar de

({fédératio acéphale))(Cm, p. 67)'ce quiestune conceptionassezcurieuseen droit international.

Plus loin, il dit du Vieux-Calabarqu'il s'agitd'une ((formuleramasséequi couvrait apparemment

les diversrois et chefs de larégiondu Calabarn(ibid., p. 93). Le conseil duNigériaa reconnuque

«nous ne sommes pas en présenced'une entitéunitaire mais plutôt d'un groupement d'entités politiques,en l'occurrencedes cités-Etats distinc)ui, soutient-il,avec le temps,«se sontmises

à agir ensemble sous lenom de «rois et chefs du Vieux-Calabar»»(CR 2002/8, p. 43). Il tente de

conclureainsià l'existenced'unstatutjuridique internatio:l'effortest louable,mais n'est guère .

convaincant. Comme le relate le célèbreécrivainnigérian J. C. Anene, le major Macdonald,

nommécommissairedes districtsduNiger en 1889,alors qu'il exploraitla région,se dirigea vers

le Vieux-Calabar, où il trouva un agglomératde «royaumes» et de «duchés»indépendants))

(SouthernNigeriain Transition1885-1906: TheoryandPracticeina ColonialProtectorate,1966,

p. 124)[traductionduGefle].

13. Un autre effort assez peu convaincant est celui qui consisàedéterminer l'étendue

territoriale du Vieux-Calabar. Premièrement,il est assez difficile dediscerner la relation exacte

entre Bakassi et les rois et chefs du Vieux-Calabar. Le Nigéria soutient à la fois que le

Vieux-Calabar détenaitle titre original sur Bakassi etque Bakassi étaitune dépendanceMN,

p. 74-75),ce qui n'estpas la mêmechose. En outre, Bakassi n'estcitéenulle partdans le traitéde

1884.

14. Deuxièmementse pose la question de l'étendue territorialdu Vieux-Calabar. Que

prétendle Nigéria? [Projection de la carte nigérienneCMN no28.1 Monsieur le président,

Madameet Messieursde la Cour,vous voyez à l'écran l'une desartes-croquisduNigéria- elle

r 0 2 2 se trouve également dans votredossier sous l'onglet 125. conseil du Nigériaa déclarée,n se

basant sur le rapport fait en 1890au Foreign Office par le consul Johnston, que, bien quele

temtoire à l'ouest de la Ndian ait «sans aucun doute possible» appartenu au Vieux-Calabar,

«Bakassiet le Rio del Rey se trouvent manifestemenà l'ouest de la Ndian» (CR 2002/8, p. 41).

Mais qu'enest-il dutemtoire situéentre le Rio delRey etla Ndian,Monsieur leprésidentIl doit

êtreconsidérép , our la mêmeraison, commeayant fait partie du domaine des rois et chefs du

Vieux-Calabaret, dèslors, commefaisant aujourd'hui partie du Nigéria.Le conseila cité peu

plus tard Edward HydeHewett, un autre consul britannique de l'époque, qui notait, dans le

contextebien spécifiquedu traitéde protectionde 1884,que«les chefs de la régionde Tom Shot,

d7Efüt,larégionquilonge le RiodelRey, et dYIdombil,arégionauxalentours delarivièreRurnby,

ont déclaréqu'ils étaientdes sujetsdu Vieux-Calabar)). Comme vousle voyez, nous sommesici

loin au-delà de Bakassi; or, la logique de l'argumentation unique du Nigériavoudrait quel'ensemble géographiquedu Vieux-Calabar tel qu'il se présentaiten 1884 ait ététransmis au

Nigériaen 1960, et soit donc susceptibled'unerevendication de sa part aujourd'hui ou,qui sait,

demain. Car si tel n'est pas le cas, commentle Nigéria explique-t-il alors quela frontièreait été

établieau Rio del Rey ? Si elle l'a étédu fait d'une initiative britannique prise avantle traité

de 1913,celavaliderait la compétence temtoriale britannique et,par ricochet, la cessionde 1913.

Mais dans le cas contraire? Le conseil du Nigériaa tentéde rattraper la situation en affirmant,

dans une autre plaidoirie que, «[e]n l'absence d'accords produisant dûment leurs effets,il faut

recourir à la frontière traditionnelle,à savoir le Rio del Rey. Depuis toujours, ...l'autorité

territorialedes rois et des chefs du Vieux-Calabars'étendaittrèsl'est,au moinsjusqu7àce cours

d'eau» (CR2002111,p. 60). «. ..Au moinsjusqu'à» - certes, maisbien plus que cela, commel'a

soutenu le Nigérialui-même. En outre, commentcette frontièrecoutumière a-t-elleété fixéeet où

setrouve lapreuve requise d'unepratiquefondantune telleaffirmation ? [Finde la projection.]

15.Monsieur leprésident,plus on étudiela demandedu Nigéria,plus on songe a une toilede

Magritte. A premièrevue, les choses sont logiques,claires et ordinaires,mais en y regardant de

plus près,toutest totalementillogiqueet dénuéde sens. Unemaison plongée dans l'obscurité, sous

un ciel bleu etensoleillé.

Leprotectorat

16. Examinons à présentla question duprotectorat établipar le traitéde 1884. L'assimiler

au protectorat international traditionnellement exercé sur des Etats protégés relève de la

mystification. Car, en réalité, le concept e protectorat s'est mué,tout le moins s'agissant de

l'Afrique subsaharienne de la fin du XIXesiècle,en une forme de colonialismepur et simple,ne

laissant au territoire concernéaucune souveraineté. Lindley(The Acquisition andGovernmentof

Backward Territory in International Law, 1926, p. 183, 187 et 203), Alexandrowicz (The

European-Ajï-icanConffontation,1973,p. 69-70),et d'autresauteurs (tels queCrawford, Creation

of States inInternationalLaw, 1979,p. 198et suiv.) ont notéque, dans le cadre de ce protectorat

colonial, la communauté internationalereconnaissaità 1'Etatprotecteur une souveraineté externe,

encore que ledegréde souverainetépurementinternefûtassez variable. 17.Commele relevait l'arbitreHuber dansl'affairede I'Ilede Palmas àpropos de la notion

deprotectorat colonial:

«il n'y a pas là d'accord entreégaux;c'est plutôtune forme d'organisationintérieure

d'un temtoire colonial, sur la base de l'autonomiedes indigènes. Afin de régulariser
la situation à l'égarddes autres Etats, cette organisation doit être complétép ear
l'établissement des autorités nécessairespour assurer l'accomplissement des
obligations imposéespar le droit international à tous les Etats relativement à leur
propreterritoire. Et c'est ainsila suzerainetéexercéeur I'Etatindigènequi devient la
base de la souverainetéterritorialà l'égarddes autresmembres de la communautédes

nations.))(P. 858.)

Crawford écritainsi qu'en vertu de la pratique internationale découlant del'acte générad le la

conférencede Berlin de 1885 :((1'Etatprotecteur possédait,sur le plan international, les pleins

pouvoirs : il étaitnotamment habilitéà céderle territoireprotégéen l'absence de tout agrémentet

enviolation des accords de protectorat))(op.cit.,p. 200;voir également la réplique du Cameroun,

p. 262 et suiv.). [Traductiondu Greffe.]

18. Dans un tel contexte,le fait qu'au regard du droitinterne de la puissance coloniale,le

statut de ces protectorats différâtde celui des colonies était sansincidence sur les questions

relatives au titre de souverainetétemtoriale externe. Laquestion des dispositions applicablesaux

habitants concernésen matièredenationalitéou celle de savoirsi la législationadoptéerelevaitou

non de la Foreign JurisdictionAct sont certes intéressantes, ais hors de propos en ce qui a traàt

celle, déterminante,du titre territorial erga omnes. Comme l'écrivait lord Lugard : (Nous en

arrivonsainsi à la conclusion suivante : au regard du droit interne, un protectorat africain ne fait

paspartie desdominionsbritanniques, mais,auregard du droitinternational,doit être traité comme

en faisant partie.))Traductiondu Grefle.] (TheDual Mandatein British TropicalAfiica, Seéd.,

1965,p. 35;voir égalementlarépliquedu Cameroun,p. 270et suiv.)

19. Le Nigérian'a fourni aucun élémentde preuve à l'appui de son affirmation selon

laquelle le Vieux-Calabar auraitexercé sasouverainetésur le plan international. Il n'a nullement

apportéla preuve d'une reconnaissance internationale dela souverainetéqu'il attribueaujourd'hui

au Vieux-Calabar;il n'a produit aucune référence à une reconnaissanceinternationale de sontitre

temtorial, etmoins encore desonétendue.Cepoint a son importance,non seulementau regarddes

règles générales dd eroit international relatives la qualitéd7Etat, mais égalementparce qu'à

l'époque de la conférencede Berlin, le droit international reconnaissait le principe d'une occupation effective des territoires coloniaux et sous protectorat dès lors que celle-ci avait été

notifiéeaux Etats tiers, et surtout acceptéepar ceux-ci. Danscette mesure, si les rois et chefs du

Vieux-Calabar avaientété reconnuspar lacommunautéinternationalecommeune entité souveraine

en droitinternational,la questionqui nous occupe icine se seraitmême pasposée.

20. Mais qu'en était-il de lpratiquebritannique ? Ici, leNigériavoudrait nous faire croire

que le traitéde protection de 1884 a marqué lafin de l'histoire du Nigéria,et ce, jusqu'à son

indépendanceen 1960. Il n'en est rien. Au contraire, les faits montrent que trèspeu de temps

aprèsla conclusion de cet accord, la situation constitutionnelle aussi bien que territoriale de la

régionconnut une évolutionqui ne devait pas êtrela dernière. Toutefois, ilnous faut d'abord

replacerl'accord de 1884dansson contexte, à savoirla ruéesur les temtoires de toute cette région

de l'Afriquede l'Ouest.

21. Dans un ouvrage classique, TheMap of Afiica by Treaty(3'éd.,1909, 3 vol., réédité

en 1967)'Hertslet évoquele très grand nombre de traitésconclus entre 1884 et 1892,sous une

fonne plus ou moins standard. Hewett, enparticulier,passa en 1884avec des «chefs indigènesdu

district du Niger» un certain nombre d'accords qui plaçaient leurs territoires sous protection

britannique (vol. 1, p. 116). Hertslet en énumèrequelque 350 à 400 (p. 131 et suiv.), qui

interdisaientessentiellementauxchefs enquestionde correspondreou de concluretout accord avec

une quelconquepuissance étrangère sans le consentement dela Grande-Bretagne,en échange de la

protection de celle-ci. Le traitérelatif au Vieux-Calabarn'était donc qu'ue inusculepierre dans

le vasteédificedurenforcementde la mainmisebritanniquesur l'ensemblede la régiondu delta du

Niger. Assimiler l'attitude de la Grande-Bretagne à une reconnaissance internationale de la

souveraineté etdu titre territorial de chacun des souverains avec lesquels elle a conclu de tels

accordsrelèvede laplus purefantaisie.

22. Il nous fautà présentnous penchersur le traitéde 1884 lui-même.Pour le Nigéria,il

s'agit d'un traité minimaliste, restreignant simplement la capacité du Vieux-Calabarà entrer en

rapport avec des Etats étrangers,et le plaçantsous protection britannique (CR200218,p. 46). Le

1 025 conseildu Nigéria s'en tien t cette analyse- et il faitbien. Enréalitéi,l secontente d'énoncerles

dispositions des articles 1et2 queje viensd'évoquer,avant de conclure : «Voilà tout ce que dit le

traité pource quinous concerne.» (Ibid.,p.48.) Voire ! Car il suff~tde creuser un peu pour faireapparaître un tableau totalement différent. Considéron certaines des autres disposition- elles

apparaissent projetées à l'écran derrière moi et figurent dans votre dossier sous l'onglet126

[projection du texte,annexeCMN23, p. 1101. L'article3 confere intégralementet exclusivement L

aux autorités britanniques consulairesou autres lajuridiction civile et pénalàl'égarddes sujets

britanniqueset des sujetsétrangersjouissantd'uneprotection britannique. Une clause quin'estpas

totalementincompatibleavec la personnalité internationalem , ais poursuivons. L'article dispose

quetous les différendsopposantentre euxdes rois et chefs du Vieux-Calabar,ou opposantceux-ci

à des négociantsbritanniques ou étrangers ouencore à des tribus voisines, doivent, en l'absence

d'un règlement amiableê , tre soumisaux autorités britanniques, auxquelleisl revient de les arbitrer

et de trancher ou d'aider à les résoudre. Arbitreret trancher, rien de moins; point de fonction

consultative ici, Monsieur le président. Au reste, c'est précisémentl'exemple d'une telle

disposition qu'évoqueLindley pour mettre en évidenceune relation implicite d'autoritéou de

protection(op. cit.p. 185). Ici, bien sûr,elle n'est rienmoins qu'implicite, maisl'idéeessentielle

est claire. Poursuivons.

23. L'anicle 5 énonce une clausegénérale d'une portéevéritablement remarquable.11fait

obligation aux rois et chefs d'agir suravisdes autoritésbritanniques,consulairesou autres,«en ce

qui concerne les questions relatives à l'administration de la justice, au développement des

ressourcesdu pays, aux intérêts commerciaux o,u toute autre questionayant traàtla paix, l'ordre

et la bonne administration,et au progrès généra dle la civilisation)). Une énumération d'activités

gouvemementcrleson ne peut plus concluante,me semble-t-il. Et relevons qu'il ne s'agit pas

seulementdc solliciterl'avisdes Britanniques,maisencored'agir en conséquence. Certesl,'article

prévoit le droit de faire appel des décisionsde ces autorités britanniques mais, Monsieur le

président,devantle secrétaired'Etatauxaffairesétrangères de SaMajesté[fin dela projection].

24. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, on est ici bien loin d'une ,

déclarationd'indépendance.Bien loin d'une reconnaissance d'indépendance. L degrédecontrôle

britanniquedont ce traitémarque l'acceptationest incompatibleavec le minimum d'indépendance

que suppose l'exercice d'une souveraineté internationale. Le conseil du Nigériamontre tout

bonnement qu'en fait d'imagination,il n'a rien àenvier à M. Tolkien lui-même lorsqu'il affirme

que «les parties contractantes étaientdes personnes internationales,égales devantla loi; [et qu'] elles étaienà l'évidence convenues de certaines dispositiondsans le cadre du droit international))

, O 2 6 (CR 200218,p. 46). Et la Cour notera bien que, ses allégationsde consolidation historique

postérieureà l'indépendancemises à part, l'argumentation du Nigéraepose exclusivementsur ce

traité.

25. Le nombre considérable-je dis bien considérable- de traitésde protectorat signés

avec les chefs locaux ne constitue nullement un point d'aboutissement historique. Bien au

contraire, un processus de réorganisation et de consolidation s'est enclenché presque

immédiatement.Enjuin 1885,soitmoins d'unan aprèsla conclusionde notre traitéde protection,

un protectoratbritannique fut établi surlesdistricts duNiger (le protectorat desrivières),à

savoir la région compriseentre le protectorat britanniquede Lagos et la rive droite de l'entrée du

Rio del Rey, protectorat auquel, deuxans plus tard, les régions administrpar la RoyalNiger

Companyfurent intégrées.En 1893,le protectoratdesrivières à huile fut rebaptisé ((protecttead

la côteduNigen). Le 27 décembre 1899 futadoptéeuneordonnanceen conseilportant créationdu

protectorat du Nigéria méridional -comprenant le protectorat de la côte du Niger et certains

territoires auparavantadministrésparlaRoyalNiger Company - et organisant son administration.

Ce protectorat concernaitune régionplus importante que les précédentes.Une ordonnance fut

adoptéele 16février1906, qui annulait celle de 1899 et étendaitle protectorat du Nigéria

méridional àtoute cette régiondu sud duNigériaà l'exceptionde lacolonie duNigériaméridional

(voirHertslet,op. cit., p. 117et suiv.).

26. Rien n'atteste que le Gouvernement britanniquese soit senti empêcpar les centaines

de traitésde protectorat (dont notre traitéde 1884 concernantle Vieux-Calabar)de modifier ces

frontièresinternes et cette organisation administrative. Rien n'atteste que les rois et chefs du

Vieux-Calabar aient protestécontre la violation qui s'est ensuivie de ce qu'on nousprésente

aujourd'hui comme leur souveraineté. De fait, en ce qui concerne le Nigéria,tout montre que la

puissance coloniale était parfaitement en mesure de modifier l'étendue territorialedes divers

protectorats selonsonbon vouloir,oupresque.

27.Notons enfin que le 1"janvier 1914,la colonieet le protectorat du Nigéria méridionaelt

le protectorat du Nigériaseptentrional furent réunispour former la colonie et le protectorat du

Nigéria,qui demeurèrenten place jusqu'à l'indépendance en1960. Mais 1960révèleaussi unenouvelle faille dansla thèsedu Nigéria.Car ellesoulèvela questionsuivante:commentlesrois et

chefs souverains du Vieux-Calabar, dotés, souvenez-vous, de droitstemtoriaux et de droits

souverainssur leplaninternational,en sont-ilsvenusà rejoindreleNigéria? a

28. Sur ce point, les conseilsdu Nigériaétaientau diapason. Rien de plus simple ! Pour

l'un, ((l'enchaînementhistorique qui mène des rois et chefs du Vieux-Calabarjusqu'au Nigéria

actuel est suffisamment clair)) (CR 200218, p. 36). Pour l'autre, «le lien entre le Nigéria

d'aujourd'hui etle Vieux-Calabar d'hier est manifeste))(ibid, p.39). Pour un troisième,«le titre

origineldu Vieux-Calabar ...a finipar êtreabsorbédans l'entité en vode créationdu Nigéria.A

l'époquede l'indépendanceen 1960,le titre originel sur Bakassi appartenait au Nigériaen sa

qualitéde successeur du Vieux-Calabar.))(CR 200219,p. 19.) Ce mêmeconseila évoqué par la

suite le ((titreoriginelsur la presqu'îlede BakassihéparleNigéria à la date del'indépendance))

(Ibid, p.47.) Peut-êtresornmes-nousquant à nous en droitde nous demandercommentce titre a

été absorbé,conférét,ransmis. Etpar qui? Etquandprécisémen ?t Etpar quelmécanisme ?

29. Aux dires du Nigéria, le Vieux-Calabar possédaitune personnalité juridique

internationaleet un titre souverainsur le territoire. Le droitinternationalne prévoitpas qu'un

puisse êtrecédé accidentellemeno tu fortuitement. Dès lors,comment ce pseudo-Etat aurait-il

officiellementperdu sa personnalitéjuridiqueindépendante ? Aucun élémenn te vient corroborer

l'existenced'un processus de successiondans lecadre duquelles représentantsdesrois et chefsdu

Vieux-Calabar auraientofficiellementcédé auNigérialeursouverainetéet leurtitre territorial. Le

transfert se serait-il déroulérlusieurs annéespendant la périodecoloniale? Mais si tel etait le

cas, et le Nigériane l'a pas prétendu,ce mécanismenormatifn'aurait-ilpas également entraînéle

transfertàla Grande-Bretagnedutitre sur letemtoire en questionet, de ce fait, validéla cessionde

1913 àl'Allemagne ? Un traitéquela Grande-Bretagnen'ajamais dénoncéj,amais attaqué,jamais

critiqué,en ce qui concerne Bakassi. De quelque manière qu'il aborde la question,le Nigériase

trouve auxprises avecdes obstaclesjuridiques insurmontables.

Le traitédu 11 mars1913

30. La mention du traité de 1913 nous amène au cŒur, juridiquement parlant, de

l'argumentation camerounaise. La thèse du Nigéria est simple : pour lui, ce traité n'a pasd'importance. Il n'entre pas en ligne de compte en ce qui concerne Bakassi. Et ce, soutient le

Nigéria, parceque la Grande-Bretagnen'étaitpas fondéeen droit àcéderla région à l'Allemagne.

Point n'est besoinde plaider pour la validitéde ce traitéen général.Le Nigérial'a expressément

admise devant cette Cour (voir par exemple CR2002110,p. 41). Il se borne à affirmer qu'il ne

s'applique pas à Bakassi. Ou plutôt, que les articles relatiàsla frontière qui concernent cette

presqu'île sont,pour une raisonqui reste obscure, dissociablesdu traitéet entachésde nullité. Le

professeur Simma a déjàrépondu à cet argument. Je me contenterai ici de formuler quelques

observations.

31. Premièrement,il n'y a ni doute ni désaccord quant aufait que les articles relatifsà

Bakassi définissentune frontièrequi va dansle sens desrevendicationscamerounaises. LeNigéria

ne prétendpas que cette lignesoit incertaine ou qu'ellene correspondepasà celle querevendique

le Cameroun. Il conteste simplementla légalitde cetteligne établiepar letraité. Deuxièmement,

aucune des parties ne conteste que les articles 18 à 22 de ce traité ont pour effet de céder

officiellementla presqu'île de Bakassià l'Allemagne, et ce, indépendammentde la question de

savoirjusqu'à quel point cettecession était annoncéear la pratique antérieure. Troisièmemennt,i

l'une nil'autredes parties ne contestequ'uneformedeprotectoratexistait ducôtébritannique dela

ligne, avant mars 1913. Quatrièmement,les deux parties sont en désaccordsur la question de

savoirsice traités'est accompagnéd'effectivités allemandeM s. aisle professeur Tomuschata déjà

montré, ense fondant, entre autres, sur des documents britanniques, l'existence d'effectivités

allemandes à Bakassi dans lapériode précédant l'occupatio par les puissancesalliées(CR200213,

p. 61 et suiv.).

32. La question que la Cour est appeléeàtrancher est la suivant:les dispositionsdu traité

de protection de 1884 étaient-ellesde naturà empêcher la Grande-Bretagnd ee céderle territoire

en question? Le Nigéria soutient que la souverainetéappartenait aux rois et chefs du

Vieux-Calabar,et qu'elle englobait la personnalitéjuridique internationale et le titre territorial

international. LeNigériainvoque à l'appui ladoctrinenemodat quod non habet, en affirmantque

la Grande-Bretagne a ((outrepassétous les pouvoirsdont elle était investie.. [et que] dans ces

conditions, le transfert de territoire qu'elle prétendaitréaliserétaitdénuéde tout effet juridique))

(CR200218, p. 55-56). 33. Le Cameroun ne conteste pas la doctrine nemo dat -elle conteste seulement son

application en l'espèce. Nous avons montré que cet argument pèche à plusieurs niveaux.

Premièrement,il està tout le moins douteuxque les rois et chefsdu Vieux-Calabaraient constitué

une entitésouveraine indépendantedotéede droits territoriaux au regard du droit international.

Deuxièmement,letraitéde protectionde 1884n'a ni reconnuni confirmé,ni, àfortiori,conféré,de

tels droits ou pouvoirs. Troisièmementi,l ressort de lapratique britannique, en 1884 et après,que

la Grande-Bretagnene se sentait nullementempêchéd ee modifierl'organisation administrativeou

la délimitationterritoriale dans la régionen question. Quatrièmement,aucune reconnaissance ni

acceptationpar la communautéinternationale de la souverainetéoude la compétencetemtoriale du

Vieux-Calabar n'était envisagée e,t ce, pas plus avant que pendant ou aprèsla conclusion de

l'accord. Cinquièmement,il n'a été produit aucun élément attestanutne activité en cesens de la

part desrois et chefs. Sixièmement,alorsque l'Allemagneet la Grande-Bretagne onttoutes deux

expressément reconnu àcettedernièrecompétencepour céderBakassi, le Nigérian'a pu faire état

d'aucune protestation internationalequi aurait étéélevéelà contre. Septièmement, lapratique

internationalemontre sans équivoqueque dans le cadre des protectorats coloniaux de 17Afiique

subsahariennede lafin du XIXe et du débutdu XXe siècle,la puissance coloniale étaithabilitàe

exercerl'intégralité dela souveraineté externe,et qu'elle étaitnotamment en droit de céder une

partie du temtoire protégé. Huitièmement, lorsque les autorité brsitanniques et françaises ont

succédé à l'autorité allemandpendant la premièreguerre mondiale,aucune tentative de dénoncer

ou demodifier letraité demars 1913 n'a étéfaite. Venons-enàprésent à la période desrégimesde

mandatet de tutelle.

La périodedu mandat et dela tutelle

34. La pratique observéedurant ces périodesa déjàfait l'objet d'une plaidoiriei generis

devantla Cour (CR200214,p. 18 et suiv.). Le Nigériay répondcomme à l'accoutumée :Bakassi 1)

n'étaitpas territoire allemand, par conséquent la pratiquedurant les régimes du mandatet de la

tutellen'est pas pertinente. Et, selon le conseil du Nigéria,tteréponsesapeles fondementsde

toute l'argumentation que développe ensuitele Cameroun))(CR200218,p. 61). Pendant tout ce

temps,etjusqu'à 1961, «le traitéde protectionde 1884est restéen vigueur et a continuéde lier laGrande-Bretagne))(ibid., p. 62). Eh bien, Monsieur le président, il sembleraitque personnen'en

ait informéla Grande-Bretagne,ni la Société des Nations, ni l'organisation des Nations Unies,ni

mêmelesrois et chefsdu Vieux-Calabar.

35. Le conseil du Nigériane contestepas les argumentsdu Camerounpour ce qui estde la

nature et de l'étenduedespouvoirs des puissancesmandatairesou des autoritésadrninistrantessous

le régimede tutelle, mais il déclareque,«[p]our que ces limites à l'autorité territorialepuissent

avoir une quelconque pertinence,il doit êtdémontré queBakassifaisaitpartie des temtoires sous

mandat ou sous tutelle))(ibid.,p. 63). Nousnous sommesdéjàattardéssur ce point; nousn'avons

pas l'intention d'y revenir (voir 200214, p.18 et suiv.). Nousrappellerons simplement avoir

montréqueles fonctionnairesbritanniquessurle terrainconsidéraient Bakassicomme faisantpartie

du territoiresous mandat(voir,par exemple,le rapport sur les ((villagesde pêcheursde la zone du

Rio del Rey)),réplique duCameroun, annexe3, par. 6), a l'instar dugouverneurdu protectoratdu

Nigériaqui le reconnut lui-même dans une lettre de 1936 (contre-mémoire duNigéria,vol. VII,

annexeCMN 133).

36. La pratique britanniqueen matièrelégislativelemontre d'unemanièreplus claireet plus

incontestable encore. Aux termes de la Northern Region, WesternRegion and Eastern Region

(DefinitionofBoundaries)Proclamation 1954[Proclamation de1954sur la régionNord, larégion

Ouest et la régionEst portant définitiondes frontières],à laquelle se réfèreront les Ordersin

Council ultérieurs,«àpartir de la mer, la frontière [entrela régionest du Nigériaet le Cameroun

méridional]suit le chenalnavigable de larivière Akpa-Yafe[Akwayafé])( )mémoiredu Cameroun,

annexes201 et 202 et CR200214,p. 31 et suiv.). Les cartes officiellesbritanniques de l'époque,

présentéesaux organesde surveillance,confirmentcetteposition(voir,par exemple,le mémoiredu

Cameroun, annexe383, cartes 36, 38, 41, 43, 45 et 46);à cet égard, laCour n'aura pas oublié

l'exposéduprofesseurCot(CR 200214,p. 58et suiv.).

37. Le Nigéria ne tientaucun compte de tout cela. Son conseil déclareabruptement :

«Toutesles actions de laGrande-Bretagnesous les régimes de mandatet de tutelle impliquantune

séparationentre la presqu'îlede Bakassi et leprotectoratou susceptiblesd'être interprétésmme

ayant cet effet, étaient ainsientachées d'irrégularités)).CR200218, p. 64, en italiques dans

l'original) en d'autrestermes,la Grande-Bretagnen'avaitpas les compétencesvoulues.Il suffit d'ignorertoute la pratique pertinenteet de répéter ce mantra. ien entendu, il est curieux que le

Nigéria,qui d'habitude n'hésitepas à se prévaloir largement des prétenduee sflectivitéset de la

consolidationhistorique,ne fasseaucuncas deseflectivitéde la puissanceadministrantelégitime. a

38.Avant d'envenir au plébiscite, ilmereste un dernierpointàexaminer. Atrois occasions

distinctes,deux des conseilsdu Nigériaont déterréd'anciens griefs. Dans le premier cas, il a été

dit que: «A l'issue de la premièreguerre mondiale, l'intégralitdu territoire du Cameroun sous

mandatbritannique fut, dans la pratique, administrée comme une partie dprotectorat duigéria))

(CR 2002/8, p. 64)' dans le second cas, que «Balcassi[était]administrée depuisle Nigériaet

comme partie intégrante du Nigéria)jusqu'en 1960 (ibid.,p. 66). Dans le troisième,le conseil a

évoqué «[l]'administrationde Bakassi en tant que partie intégrantedu Nigériapendant la période

allant de 1913 jusqu'à la datede l'indépendance))comme l'un desélémentsde la consolidation

historique (CR 2002/9,p. 52). Nous pensions vraiment enavoir fini avec cette revendicationet

fallacieuse. L'incontournable BritishCameroons Order in Council 1923 [ordonnance adoptéeen

conseil relative au Camerounbritannique] prévoyait queles régionsseptentrionalesdu Cameroun

britannique seraient administrées((comme si elles faisaient partie)) des provinces du nord du

Nigéria,et que sesrégionsméridionalesseraientadministrées ((cornmesi elles faisaientpartie)) des

provincesdu sud duNigéria (mémoird eu Cameroun,annexe130). Letexte ne ditpas «entant que

partie intégrante)),mais «comme si elles faisaient partie)). Et cette nuance est lourde de

conséquencesendroit. Cette disposition essentielle futreprise devant laSociédes Nations(ibid.,

annexe 144) et la situationperdurapendant toute la périodedu régimede tutelle. Aussi le conseil

0 3 1 du Nigéria a-t-il complètementtordt,u point de vuejuridique, lorsqu'ilinsinuequel'administration

de Bakassien tant quepartie intégrantedu Nigéria durantles régimes du mandatet de latutelleest

l'un deséléments dela consolidationhistoriquedutitre(CR 2002/9,p. 52).

Le plébisciteet l'indépendance
\
39. Le plébiscitequi a mené à l'indépendance esctapital, car il correspoàdl'intervention

active de l'organisation des Nations Unies en tant qu'organe dotéde pouvoirs contraignants.

L'autodétermination du Cameroun britannique s'est effectuée sous le contrôle actif de

l'organisation des Nations Unies et procédait directement d'une résolution de l'AssembléeGénérale qui, selon cette Coura , eu un «effet juridique définiti» (Cameroun septentrional,

C.I.J.Recueil 1963,p. 32).

40. Selon le conseil du Nigéria,rien ne prouve que le plébisciterelatif au Cameroun

méridionalportait égalementsur Bakassi (CR200219,p. 43). Il soutient égalementqu'il n'existe

aucun documentattestant une quelconque participation dela population de Bakassi au plébiscite.

Mais étant donnéque le rapport de 1961 soumis par le Commissaire des Nations Unies aux

plébiscitesne fournissait les résultats duscrutin que par circonscription de plébiscite,et que

Bakassine formaitpas unecirconscriptionentant que telle, iln'estpas possible de produirede tels

chiffres pour le moment. Nous ne disposonsque d'un résultatglobal pour les circonscriptionsen

question. Cela étant,la carte annexée à ce rapport montre que les circonscriptions qui nous

intéressent comprenaienbt ien Bakassi; il s'agit donc d'une difficulté mineure[projection de la

carte annexéeau rapport du Commissaire des Nations Unies aux plébiscites,dossier des juges,

onglet 1271.

41. Arrêtons-nous un instant sur cette carte. Selon le conseil du Nigéria, le faitque les

frontièresysoient indiquéesne signifie pas que l'Organisationdes Nations Unies les reconnaisse

ou les approuve officiellement, conformément à la clause limitative de responsabilitéhabituelle

(CR2002/9, p. 44). Certes. Cependant, l'intérê dte cette carte ne résidepas dans le fait qu'elle

montre les frontières internationales entant que telles, mais dans le fait qu'elle présentele cadre

temtorial au seinduquel lesplébiscitessesontdérouléss ,ousla surveillancede l'Organisation des

Nations Unies : les résultatsdu plébisciteont étéentérinésdans la résolution1608, qui avait un

((effetjuridique définitif,t le Nigéria,non contentd'avoirvotéen faveurde cette résolution,y a

réaffirmé sonadhésiondansl'accordqu'il aconclule 29 mai 1961avec leRoyaume-Uni.

42. Le tribunal arbitrala déjàconsidéréla question descartes de l'Organisation desNations

Unies dans la premièrephase de l'arbitrageErythrée/YémenS . 'agissantde la carte utiliséepar les

Nations Uniesen 1950,letribunal a déclarédanssa sentence,:

«Il est, semble-t-il, inutile d'établirsi la carte étaitjointe au rapport de la
Commission des Nations Unies pour lYErythrée à titre de carte officielle de ladite
commission, ou bien à titre de compromis - voire simplement à titre d'illustration.
Ce dont cette carte témoigne,c'est qu'elle a étéutilisée,qu'elle a étédiffuséeet
qu'elle n'a suscitéaucune objection.Aucuneprotestationn'a été enregistréeen 1950 nijamais par la suite,et 1'Ethiopiea votéelle-mêmepour l'adoptidurapporttouten
connaissantparfaitement l'existence dela carte.(paragraphe378).»

Et letribunal en a tirésesconclusions(par.379). Enrevanche,dansla présente instancel,e Nigéria

n'a pascontestéla précision, la provenancou l'authenticitéde la carterelative au plébiscite

moinspas à notre connaissance. Cettecarte est importantecar elle illustre en détaill'organisation

du plébiscite:elle montre le découpage en circonscriptions, identifie celleit offre ainsi une

analysedéfinitivedu cadretemtorial ausein duquell'opérationa étéconduite,sous lesauspicesde

l'organisation desNations Unies.

43. Regardonscette carte de plus près. Nousvoyons que Bakassi fait partie, d'unemanière

généraled,e la circonscriptionde plébiscite appele ictoria Sud-Ouest;cela étant,une partie de

Bakassidépendégalementde la circonscription de Kumba. Deplus, la villed'Archibong - quele

Nigéria a souvent revendiquéecomme faisant partie de Bakassi et du temtoire nigérian

(CR 2002111, p.60) - est clairement identifiée sur la carte, comme vous le voyez. Nous

disposonsdoncbien de preuves explicitesquant auxtoponymes. En outre, le Southern Cameroons

(Constitution)Order in CouncilProclamationof Constituencies 1961 [ordonnance adoptéeen

conseil de 1961 relative à la constitution du Cameroun méridional,portant proclamation des

circonscriptions] précisequ'Archibong dépendexpressément de la région de Kumba - ce que

vouspouvez constateren vous reportantà l'onglet 128de votre dossier [finde la projection].

44. Pour conclure:le Nigériafaittout tenià un fil, le fil du traitéde 1884. Maisce fil ne

peut supportertoutes ces demandes. A l'échelleinternationale, lesrois et chefs du Vieux-Calabar

n'avaientni personnalitéjuridique, ni souverainetéterritoriale. Les termes du traitémontrentque

pratiquement tous les pouvoirs d'importance étaienp tassésaux mains des Britanniques. De

l'institution du protectorat colonial et de la pratique observéecet égard, ilressort que la

souveraineté externe, en cecompris le pouvoir de céder des temtoires, était exercée parla

puissance coloniale. Parle traiténglo-allemandde 1913, l'Allemagne aacquis en bonne etdue .

formele titre surBakassi. L'instaurationdes régimesdu mandatet de latutelle a gelélesfrontières

internationales existantes, dontla ligne de 1913Bakassi. Le plébiscite de 1961,supervisépar

l'organisation des Nations Unies, démontre clairementque Bakassi dépendaitdu Cameroun

méridional. Le plébiscite futentérinpar la résolution 1608, ui mit fin au régimede tutelle. Le

Nigéria,dans tous ses rapports avec les autorités britanniqueset celles du Cameroun sous administration britannique, étaittotalement acquàce processus d'accessionà l'indépendance,

qu'il a acceptétout d'aborden votant pour la résolution1608,puis ensouscrivant formellement

dans l'accord du 29 mai 1961(CR 200211, p. 61 et suiv.). Aprèsl'indépendance,il a continué,

comme nous le verrons, à reconnaître Bakassi comme territoire camerounais. Le fil casse. En
033
vérité, il'a jamais vraiment existé. Et voilà qu'au fond, ce que le Nigéria vousdemande

aujourd'hui, c'estde procéderun contrôlejudiciaire desactesdes organisationsinternationales,

45. Je reviens enfin sur la carte [projectionde la carte de l'organisation des Nations Unies

relativeau plébiscite].Monsieur le préside, adame et Messieursde la Cour,celle-ci représente

le contexte territorial du plébiscite. Voilàqui prouve que Bakassi faisait partie du Cameroun

méridional,quis'estprononcéen faveur de son rattachementà la Républiquedu Cameroun. Voilà

la cartede notrehéritagecolonial. Voilàla photographiedu titreterritorial dontparlait laChambre

en l'affaire Burkinaaso/Républiquedu Mali (C.I.J.Recueil 1986, p. 568). Voilà le tableau de

l'utispossidetis au momentde l'indépendance, quimontre que letitulaire dutitre sur Bakassi était

le Cameroun.

Je remercie la Cour de sa bienveillante attention etje vous prie, Monsieur le président,

d'appelerà présentle professeurMendelsonà la barre.

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Shaw. Je donne maintenant la parole au

professeurMaurice Mendelson.

M. MENDELSON :Merci, Monsieurle président.

V. BAKASSI

Lasituation avant1961

1.Introduction

1.Monsieurle président,Madame et Messieurs de laCour, il me revient,lors de ce tour de

plaidoiries, de traiter les questionsrelatives presqu'île de Bakassi aprèsle rattachement du

Camerounméridional, y comprisla presqu'îleàla Républiquedu Camerounen 1961.

2. LeNigéria,ces derniersjours, a plaidé tàla fois desnouveautésfortsurprenantes etdu

«déjà VU» fort déprimant. Hélas, dansles deux cas, ces arguments n'ont pas la moindre

consistance. Commençonspar les nouveautés surprenantes. 2. La populationdeBakassi :le chocdeschiffres

3. Lors de son intervention, MmeAndem-Ewanous a dit'que les eaux de Bakassi abondent

en plancton,que la faune et laflore aquatiquey sontvariéeset quela populationvit principalement

de lapêche.Mon amiM. Brownlienous aensuiteapprisque le chiffie de lapopulationdeBakassi
O 3 4

s'établità environ 156 000 habitants2. Ce n'étaitpas un lapsus, car lui-mêmeet plusieurs

intervenants ont parléde «plus de 150 000)) habitants. M. Pellet a évoquécette indication

surprenante dans son exposéliminaire,mais la question mériteà présentd'être examiné dee plus

près.

4. Au paragraphe 2.35 du contre-mémoiredu Nigériaqui date de mai 1999(c'est-à-direde

moins detrois ans),nous apprenonsque

(([dl'aprèsles chiffres fournis par la commission nationale de la population de
Calabar, la population de Bakassi est de l'ordre de trente-sept mille cinq cents
habitants. Ces chiffres sont une projection [les italiques sont de moi] du dernier
recensement qui aété effectuépar leNigériaen 1991.» [TraductionduGreHe.1

Il doit donc s'agir d'une «projection»pour le mois de mai 1999.En janvier 2001, dix-huitmois

seulement après,le nombre d'habitantsestpasséde 37 500 à 100000, lit-on dans la duplique3. Et

aujourd'hui, treizemois à peine après, ce chifie est, semble-t-il, de 156 000. On veut donc

apparemmentvous faire croire que la populationest encore plus fertile que lespoissons, qu'elle a

plus que quadruplé enmoins de trois ans, et s'est accrue deplus de 50en l'espace d'uneannée.

Les sauts qui sont ainsi enregistrés jusqu'au chiffre actuelde 156 000 semblent totalement

invraisemblables,et la Cour noteraque cechiffren'estétaypar aucun élémentde preuve.

5. Le conseil du Nigéria nousapprend également qu'il s'agit d'une ((population

permanente»4. Voilà encore une évolutionsurprenante, puisqu'autrefois, cette population était

toujours en transit, son comportement étant surtoutdicté par les intempéries, qui rendaient

impossiblela pêchedurant la saison despluies. D'ailleurs,d'aprèsles élémentdse preuve que le

Nigéria a lui-mêmp eroduits, non seulementla pêcheétaitsaisonnière, mais encorece n'étaitpas
.I

les mêmes pêcheur qsui venaienà Bakassitous les ans5. Je me réfèreaux documentsjoints en

'CR 200218p.29,par. 5.
CR 200219p.45, par. 134.

Vol. 1,p. 166,par. 3.275.

CR 200218p.33,par.22.
*Voir par exempleles ann115(par.6)e117(par.5)au contre-mémoduNigéria.annexe auxécrituresduNigéria elles-mêmesC . ommel'a faitremarquerun fonctionnaire : «Onne

dirajamais assez que la population de ces villageset coloniesde peuplement est nomade ... Les

gens qui séjournentdans les villages de pêcheursn'ont qu'unbut : pêcher intensivemene tt vite.»6

[Traductiondu Greffe.] Là encore, aucun élémenn te vient étayerce prétendubouleversement

dansle comportementde lapopulation.

6. Et où vit cette immense populationpermanente ? D'aprèsMme Andem-Ewa, le conseil

du ~i~éria',«de vastes zones sonthabitables))dansla presqu'île. De vastes zones ? Mais quelle

est leur superficie, Monsieurle président? En effet, Mme Adem-Ewa vous a dit précédemment,

dans le mêmeexposé,que «[l]a végétationàBakassi,dense et épaisse,est principalementformée

de palétuviers.. A mesureque l'ons'éloignedela côte pour s'avancer dansl'intérieurdes terres,

les palétuvierscèdentla place à une forêt tropicaltrèsancienne)). Un rapide coup d'Œil jetéaux

photographies 1 à 33 jointes au contre-mémoire8,tirées, semble-t-il, de la vidéo nigériane

manifestementpartiale quivous a été projetéel'autrejour, confirmebel etbien l'impressionque la

végétation esttrèsdense. Un environnementpeupropice à l'habitat,pourrait-onpenser.

7. Bien entendu, le Camerounne prétend pasque Bakassi est dépourvue de terreferme. A

l'évidence.commevousl'a dit le conseildu Nigéria,«on setrouve ici à plusieursmètres au-dessus

du niveau de la Toutefois, là encore, nous disposons des rapports objectifsémanantde

fonctionnaires britanniques,que le Nigériaa produitset qui nousapprennent,par exemple,que

«les villagesde pêcheurs ...sontsituésenrèglegénérale sur les petites bandes deterre

quiemergent des mangroves. La mer inonderégulièrementces bandes à maréehaute
et s'infiltre parfois dans les habitations. La puanteur persistante des détritusde
poisson en décomposition, mélangée à celle des mangroves, est indescriptible.»i0
[TruJucr~on du Greffe.]

Du reste, tous ces éléments sont confirmés au paragraphe3.9 du contre-mémoire.Il reste que le

Nigéria, à force de gonfler devant vous les chiffresavec enthousiasme pour étayer sa thèse,vient

désormaisdeperdre toutcontactaveclaréalité.

AnnexeCMN 121,par.5.

'CR 200218,p. 32,par.19.
FVol.XII.

CR 200211,p.63,par.3.
'AnnexeCMN 114,par.XIV. Danslemêms eens,voirannexeRC3, vol. IV, p.28,par.7. 8. La réalité, lvoici:dans sonimmensemajorité,sur bienplus de 90 % de sa superficie,la

presqu'île deBakassi est soit trop humide, soit couverte d'une végétation tropdense pour être

habitable, età fortiori, habitable en permanence. Cette fois encore, comme cela est si souvent

arrivéen l'espèce, il me faut remercier le Nigéria d'avoir produit des élémentsde preuve

corroborant la thèse du Cameroun. Je vous renvoie, par exemple, aux photographies aériennes

compositesquise trouventaux onglets6et 8 de l'atlasdu contre-mémoire-j'y viendraiplus tard,

mais j'indiquerai seulementque les taches blanches, si vous regardez bien, ne sont pas des

implantationsmais des nuages - et je vous renvoie également à la carte nigérianequi figureà

l'onglet4 de l'atlas jointau contre-mémoire.Cescartes sontà présentprojetées à l'écran,et vous

lestrouverezaussi reproduitesà votreintentionà l'onglet 129de votre dossier. Malheureusement,

je vois que les photocopies et la projectionà l'écranne sont pas très claires, mais, Madameet

Messieurs de la Cour, vous verrez en bas à gauche de la légende qu'ily a un symbole - le

036
troisième àpartir du bas- grâce auquelon peut voir où se trouvent les «mangroves»sur la carte.

D'après celle-ci,les mangroves recouvrentla quasi-totalitéde la presqu'île. Je vous prie de noter

que,plus loin au nord, la forêt tropicdense qui, selon MmeAndem-Ewa, setrouverait au nord,

parexempleautour d7Akwa,ne figuremême pas surcette carte.

9. Alors où vit donccette populationpermanente? On nous a dit quela superficietotale de

lapresqu'île est d'environ00kilomètrescarrés.Supposons,et l'estimation estprobablementbien

trop généreuse,que cette superficie soit habitable à 10%, mêmetemporairement. Soit une

superficiede 70kilomètrescarréspour 156000habitants. Le calcul est simple : la densitéde la

populationest par conséquentde 2229habitants au kilomètrecarré. Mêmeaux Pays-Bas,le pays

d'Europe où la densitéde la population est la plus forte, il n'y a que 387,5 habitants au

kilomètrecarré1'- c'est-à-dire que la densitéde la populatioà Bakassi est six fois plus forte

qu'aux Pays-Bas. Ô surprise, c'est doncil y a quelquesjours à peine, dans ce prétoire,que le

monde aura appris qu'il existeune île de Manhattan ignorée jusque là sur la côte occidentalede

l'Afrique. [Finde la projection.]

lSource:Statistics Canada,www.statcan.cdenglisNPgdh~:people/Pop .htm,t/320de.moOI 10. Monsieurle président,les faits parlent d'eux-mêmes.Il s'agit encore,j'en ai bien peur,

d'un nouvel exemple de la tendance du Nigéria à pratiquer l'inflation ou l'invention pour les

besoinsde sa cause.

11. Avant d'en finir avec la vidéodu Nigériaque j'ai évoquée et qui serà l'évidenceses

intérêtsj, formulerai encoredeux observations. Le Nigéria afait grand cas de la citoyenneté

nigérianede certainshabitants de Bakassi et - ce qui n'est pas la même chose - des attaches

ethniques avecle Nigériade certains d'entreeux (mais sûrement pas de tous, soit dit en passant).

Plusieurs conseils du Camerounont démontré pourquolies liens de la nationalitéou de I'ethnicité

sont dénuésde pertinence au regard du droit et des faits.En réponse à la vidéomanifestement

partialedu Nigéria,nous serionsravis devous en proposer unedesnôtres, filméespar lesmembres

de la délégationcamerounaise,dans lesquelleson voit aussi des groupes de Nigériansheureux de

vaquer à leurs occupations quotidiennes,comme dansla vidéonigériane - sauf que dansla nôtre,

ils ne sont pas tenus sagement alignéspar des soldats portant casque et gilet de sauvetage.

Toutefois, lagrandedifférenceest que cesvidéosdeNigériansont été filmées loin àl'intérieurdu

territoire camerounais,et mêmep, our certaines d'entreelles, dans les régionsfrancophones. Mais

nousn'avons pasvoulu importunerlaCouravec cesvidéos.

12. Ce queje veux dire, Monsieur le président,et ce point a déjà été évoqué c'*,t que le
037

Cameroun accordedepuis longtemps son hospitalité à de nombreuxNigérianscomme à d'autres

personnes sansqu'onlui disepour autantque cela porte atteinteàson titre temtorial, et cejusqu'à

ce quele Nigériarevendique la presqu'île. Et il se produit exactementle mêmephénomène dans

d'autres régionsd'Afrique. Il ne s'agitpas simplement d'un point de fait ou de droit, mais d'un

graveproblèmehumain. Onn'ose imaginerquellesconséquencescela aurait sur le planhumain si

les Etatsd'Afrique et d'ailleurs devaientcroire que ce que leur dit la plus haute juridiction du

monde, c'est qu'un titre de souveraineté peut êtrreemis en cause lorsqu'ils permettent à des

étrangers devivreà l'intérieur de leurtemtoire,surtoàtproximité dela frontière.

13. Il est bien entendu vrai qu'au momentoù elles découpèrentl'Afrique, les puissances

coloniales netinrentpas toujours comptedes attachesethniques, de sorte que, d'un boutà l'autre

'*VoirparexempleCR 200214p.44-45par20. du continent, les frontières divisentbel et bien les groupes ethniques. Les dirigeants des Etats

africains qui venaient d'accéderà l'indépendancedans les années soixante en étaient bien

conscients. Mais ils savaient aussi que vouloir effacerles frontièrescoloniales et réorganiserle

continentselon des critères ethniquesse serait soldépar des guerresinterminableset par le chaos.

Et c'estla raison pour laquelleils ont adoptéla célèbre résolne l'OUA consacrantleprincipe

de l'uti possidetis, un principe confirmé demanière éclatantenotamment dans l'affaire du

Dflérendfiontalier (BurkinaFaso/Républiquedu ~ali)'~. Ce n'est pas là non plus, Monsieurle

président,un problème propre à l'Afrique, bien qu'il touche particulièrement ce continent.

Aujourd'hui, partoutdans le monde, des mouvementsirrédentistess'emploientà détruire les Etats

existants en utilisant comme cheval de bataille ce même argumendte I'ethnicité. Le Cameroun

espère que laCourtraiteracet argumentavecle méprisqu'il mérite.

3. Le Nigériane répondpas aux argumentsdu Cameroun : la contradiction estinsuffisante

ouéludée

14. J'ai dit au débutde mon exposéque les plaidoiries que le Nigéria aconsacrées au

premiertour à la souverainetésurBakassi étaientunmélange de nouveautéssurprenanteset de déjà

vu. S'agissantdu déjàvu, monami et collègueM.Pelleta déjàsouligné quenos contradicteursont

tendance à se contenterde répéter, lodes plaidoiries,voire de reliàehaute voix, ce qu'ils ont

déjàdit dans leurs écritures,àts'abstenirde nous répondre. Cettetendance est particulièrement

marquéedans leursplaidoiriesrelatives Bakassi. Il faut en conclureque nos argumentsn'ont pas

étécontestés- oupasréellement contesté -s parcequ'ilsn'étaientpas contestables.

Q 3 8 4. L'acceptationparle Nigéria du titreduCameroun

15.Je commencepar cej'appellerai assezlibrement,par commodité,l'«acceptationdu titre»

[acknowledgement], expression qui englobe la reconnaissance et l'acquiescement et va jusqu'à

recouvrirparfois les effectivités,sauf que I'acceptationest logiquementantérieureaux effectivités.

Car, à supposer même,aux fins du débat,qu'il y eût le moindre doute au sujet du titre du

Cameroun à la suite immédiate du plébiscieu ultérieurement, I'acceptatpar le Nigériadu titre

du Cameroun aurait définitivementrésolula question en faveur du Cameroun. Le Nigériane

l3C.I.J.Recueil1986,p. 565-567,par. 20-26. contestepas cette idéegénérale.En revanche, il a complètement ignorénos développementssur

certains des exemples que nous citons à l'appui, et il en reprend d'autres de manière soit

contestable,soit manifestementerronée.Permettez-moid'entrer dansles détails.

a) La note diplomatique du Nigériano570de 1962

16.J'évoquerai pourcommencer lanote diplomatique du Nigériano570 du 27 mars 1962,

que mon ami M. Thouvenin a déjàétudiée lors de son intervention du 22 févrieri4(la note et le

diagrammequi lui estjoint figurentdans votre dossierà l'onglet 74, maisje n'ai pas besoin pour

l'instantdevous y renvoyer). Pourl'essentiel,la démarcheduNigérias'expliquepar le fait queles

zones de prospectionpétrolièreau sud et au sud-ouestde Bakassi sechevauchaientsur une petite

étendueet que le ministrenigériandesaffairesétrangèrevoulaitréglerleproblème. 11est reconnu

dans cette lettre la note diplomatiqu- que la zone N, au large de Bakassi, «est désormais au

largede la Républiquedu Cameroun)), àlaquellecette zonea été restituée, lit-.l est également

dit que «[c]ommele montre la carte,la frontièresuit le coursinférieurde la rivièreAkpa-Yafé,où

il n'y a apparemment aucune incertitude,puis elle débouche surl'estuaire de la Cross River)).

Cette ligne est illustréesur un croquiscartographiquequi figure'onglet 73-2 de votre dossier.

M. Thouvenin, s'appuyanten particuliersur lesaffaires du Groënland oriental et des Minquierset

Ecréhous, a faitvaloir quecette notevaut reconnaissanceet acceptationrmellespar le Nigénadu

titre du Cameroun. Lorsde ma propreinterventionce même jour1',j'ai attiré votreattentionsur le

faitqueM. Elias, personnalitéparticulièrementéminente, alosttorney-Generaldu Nigéria,a cité

cette note parmi d'autres documents et conclu que«le principe de bonne foi dans les relations

internationales exige quele Nigériane renie passa parole d'honneur,attestéepar la notede2)).
r 039
L'extrait de la lettreM.eElias est déjàreproduitdans votre dossieà,l'onglet 72. Je le signale

carje doisindiquerquecet argumentn'a pas reçude réponse.

lCR 200215,p27-29,par.5-14.
lIbid .,r.25,par.19.b) Leprincipe de base sur lequel étaienf tondésles accordsde délimitationmaritime et l'octroi
depermis d'exploitationdes hydrocarbures

17. En revanche, une réponse - une espèce deréponse - a étédonnéeaux autres points

soulevéspar M. Thouvenin, qui concernaient les accords de Yaoundé,de Kano et de Maroua

conclus entre 1971 et 1975au sujet de la délimitation deseauxsituéesà l'ouest de lapresqu'île de

Bakassijusqu'au pointG, finalementi6. Pour l'essentiellaréponseduNigéria a consisté à nier que

le général Gowoneût constitutionnellement le droit de lier le Nigériapar ces accords. Mon

collègueet ami sir Ian Sinclairtraiterade cettequestiondansson exposé de demain.Je ne vais pas

anticiper sur ce qu'il va dire au sujet de la force obligatoirede ces traités,mais je me dois de

formuler juste deux observations dans le contexte qui nous occupe. Je dirai d'abord queces

instrumentsrévèlentune fois de plus quel estle principe debase adoptépar les deuxParties, et ce

principe est que Bakassi appartenait au Cameroun, indépendamment du véritable caractère à

attribuerauxditstraités. C'étailte principe de base. Toutelaligne de conduitedesdeuxPartiessur

cette question procède de ce point de départ. Dans l'affaire duDiférend fiontalier terrestre,

insulaire et maritime, la Chambre de la Cour a considéré comme déterminantle fait que «les

négociationsfurent menéessur la basedu postulat, admisde part et d'autre, que c'était la limite

entre les ejidos deCitali et de Ocotepeque quidéfinissaitla frontière)),même si cesnégociations

s'étaient dérouléesà une époqueoù les deux parties étaienten litige au sujet de leur frontière,et

bien que le Honduras n'eût rien admisI7. Cela est vrai àfortiori en l'espèce,puiqu'il n'y avaià

l'époquepas de différendentre les parties et que, commenous venons de le voir, le Nigéria avait

déjàadmiscertaineschoses.

18.Par ailleurs, en plus des traités signentre 1971et 1975, il existait de longue date au

Cameroun une pratique consistant a octroyer despermis d'exploitationdes hydrocarbures dansla

presqu'îlede Bakassi elle-mêmeet au large, sans que le Nigériales conteste, ce sur quoij'ai attiré

votre attention le 21 févrieri8. Une fois de plus, le principe de base qui fut adopté étatue la

presqu'île appartenaitau Cameroun. Le 6 mars, pour tenterd'examinerce problème sérieuxm , on
.

ami M. Crawford a expliqué à la Cour que les deux Etats considéraientcomme totalement

l6~bid.,p.23-33, par.15-35.

l7C.I.JRecueil1992,p.405, par.72.
'CR200214,p.46-47, par.24. distincteset indépendantesl'une de l'autre lesdeuxquestions litigieuses,en l'occurrence cellede

f 4) 4 0 la souveraineté territoriale, d'uncôté,et, de l'autre,celle de la souveraineté et des droits dumême

ordre sur la mer territoriale adjacente et un peu au-delà; et il en étaitainsi en vertu d'un accord

taciteque M. Crawforda dû inventer pour 1'0ccasion~~L. 'explicationdonnée àla Courest que «la

conduite des Parties n'est compréhensibleque si l'on considère les deux questions comme

distinctes)). Monsieur le président, c'est l'argumentation de M.Crawford qui est

((incompréhensible)).Il est inconcevableque le Nigéria, quimis tant de soinà protéger ses droits

(voyez, par exemple, la note diplomatique de 1962)'il est inconcevable que le Nigériaait omis

d'évoquersa prétenduesouverainetésur leterritoire dont relevaient leszonesmaritimespertinentes

pendant la longue période au coursde laquelle le Cameroun a octroyédes concessions, ou bien

entre 1970 et 1975,lorsque lesdeux Etats ont signédes accordset négocié la délimitatiodne leurs

eaux situéesau large des côtes. On ne peut que compatir avec le conseil qui a été chargé de la

quadraturedu cercle,mais,vraiment,son argumentationne collepas dutout.

c) Visitesdeconsulset d'ambassadeurs

19. Il y a ensuite la sériedes acceptations,etc., relatives aux visites et aux dispositions

adoptéespour les visites demembresdu personneldu consulatet de l'ambassadedu Nigériadans

la presqu'île ainsique dans d'autres endroitsdu Cameroun, visites qui ont eu lieu à plusieurs

reprisesentre 1969et le milieu desannéesquatre-vingt20.LeNigérias'estcontenté dansses pièces

écritesde poser la question, dénuée de pertinence, de savoir si la visite de l'ambassadeur avait

effectivement eu lieu et de nier que les consuls avaient le droit ou le pouvoir d'accorder la

reconnaissance de la souveraineté surun territoire. Dans ma plaidoirie, j'ai indiquéque le

problèmene portait pas sur ce point. Une fois de plus, le Nigérian'a pasrépondu. Monsieurle

président,je n'imposeraipas a la Cour un nouveaurécit des faits dontle Camerouna parlélors du

premier tour, maisje voudrais simplementrappelertrès brièvement certainesdes conclusions qu'il

étaitpossible, avons-nous dit, de tirer de cet historique. Premièrement, le fait de demander

l'autorisationet la coopérationdu Cameroun puisde le remercier aprèsl'événement, constitule a

l9CR2002112,p. 61-64,par.13-19.

CR200215,p.20-24, par.9-16. formela plus manifested'acceptation dela souverainetédu Cameroun etdu contrôlequ'il exerce

effectivementsurlesrégionsen cause,y comprissurBakassi. Deuxièmement,leconsulgénérad lu

Nigériaa plus d'unefoisdit à ses concitoyensdeBakassi qu'ilsvivaienten territoirecamerounais

et devaient obéir auxlois du Cameroun : voilà un autre exemple d'une acceptation manifeste.

Troisièmement,les consuls et les ambassadeursne se rendent pas en visite officielle dans leur
f 0 4 1

propre pays. Quatrièmement, les consuls délivrent dp essseports àleurs propres ressortissants

résidantdans despays étrangersmaisne le font pas dans leurpropre pays. Cinquièmement,le fait

quedes pêcheurs nigérian ss trouvanà Bakassi aienteu besoind'un passeportincitefortement à

penser qu'ils ne se trouvaient pas en temtoire nigérian. Et sixièmement,les nombreux

fonctionnairesnigérians occupés à ces activitésauraient difficilementpu organiser et faire les

visites, ou obteniret délivrerdes passeports sans que leur gouvernementle sache ou prêteson

concours. Tous ceséléments constituen dtoncàla foisunereconnaissanceexpresseettacite par le

Nigériadu titre du Camerounsur Bakassi,et nous prions respectueusemenlta Courde conclureen

cesens.

d) La lettredeM. Elias

20. Le même jour, on vous a montré lacélèbre lettrde M. Elias- elle est reproduità

l'ongletno72de votre dossie?'. Cedocument a été dépoa séprèsde la Cour en même temps que

le mémoireet le Nigéria n'a jamaismis son authenticitéen doute. Etant donnéle renom de son

auteur,et le fait que la lettre est en quelque sorte contraire auxpropres insu Nigéria,elle

revêutnetrèsgrande importanceetestdotéed'une éloquencefor ctonvaincante.

e) Laposition du ministèrede lajusticedu Nigéria, 1985-186

21. Si je cite maintenantune lettre semblablemais ultérieure, je vaisdonner l'impression

d'«en rajouter)) inutilement. Pourtant le document en question revêtaussi une très grande

importance, comme ilapparaîtrapar la suite. Ce document setrouve à l'annexe175au mémoire

du ~ameroun~~.Puisque la photocopieoriginale est longueet difficile à lire, vous en trouverez

2'Ibidp.24-25,par17-20.
22Vol.VI,p.229etannexeOC 34. certains extraità l'onglet no130 de votre dossier, des extraits que sir Ian Sinclair et moi allons

citer. J'insistesur lefaitque la Courdisposede ce documentdepuis ledépôt dumémoire.

22. Il s'agit donc d'extraits d'une lettre du 6juin 1985 rédigéepar M. K. B. Olukolu, un

fonctionnairedu ministère delajustice du Nigéria. 11ressort de ladite lettre que le ministre des

affairesétrangèresq, uiétait latête du((groupede travailspécialsurleTchad et le Cameroun))(un

nom impressionnant s'il en est !), avait demandé à êtreavisé officiellementde la ((frontière

maritimeet terrestre actuelle))avecle Cameroun. Cettelettre donne lesrenseignementsdemandés.

0 4 2 II fautnoterau passageque l'on avait solliciles vues deM. Geoffky Marston, quiest membrede

l'équipeactuelle duNigéria.Le documentestlong, fortintéressant,trèsinstructif à étudierdeprès,

maisje me contenterai d'insister surcertains passages clés,en particulier ceux qui expriment des

conclusions, au lieu de me pencher sur toute son articulation. Puis-je commencer par le

paragraphe7 ? Aprèsavoir examinétoute une série d'argumentsjuridiques, dontun bon nombre

ont été repris dans les piècesdu Nigériaaux fins de la présenteinstance,M. Olukolu déclare, au

bas delapremièrepagede cet extrait : «A ce stade, alléguerque la péninsulede Bakassi fait partie

du territoirenigérianconstitue unevaine tentative.)) De l'autre côtéde la feuille, qui est en recto

verso, il se fonde encoresur d'autres arguments, par exemplele fait que le Secrétairegénéral des

NationsUnies avait lui-même confirméque Bakassi faisaitpartie du territoire sur lequel portait le

plébisciterelatif au Cameroun méridional. M. Olukolu n'accorde aucune valeur aux arguments

fondéssurle fait quedenombreuxcitoyensnigérians habitentla presqu'île. Il rejette expressément

des arguments qui vous ont par la suite été présenté comme des preuves d'effectivités, tels

l'inscriptionsur les registres électorauxet levote aux électionsnigérianes,le paiement d'impôtsau

Nigériaet le fait que certains villages de Bakassi ont étépris en compte dans un recensement

nigérian. Tous ces éléments sont exposéd sans les paragraphes7 et 8, où l'auteur déclare

également expressément, en bas de la page 2 et en haut de la page 3 de l'extrait, que le Cameroun

exerce son autoritéadministrativesur la presqu'île, et que celle-ci n'a pas été abandonnépear le

Camerounet n'est pas terra nullius. Au paragraphe 10,page 3, il dit encore, d'une façonqui s'est

par la suiterévéléperémonitoire :«à moinsquenous ne soyons disposés à recourirà la force (avec

toutes les conséquencesque cela suppose), je ne vois pas comment le Nigériapeut aujourd'hui

valablement faire valoir ses prétentions sur la péninsulede Balcassi)),et il préconise des négociationsavec le Cameroun. Auparagraphe 11,il concluten ces termes [l'observationsuivante

est sans objet en fiançais]Les documentsjuridiques et lesattitudes passives ouactives de notre

pays qui militent contre nous sont légion et écartent toutepossibilitépour le Nigériade nier

l'appartenancede Bakassi au Cameroun.» Il en vient ensuitàla frontière maritime. Je ne veux

pas empiéterpour ainsi dire, sur le terrain de mes collègues,mais je me permettrai simplement

d'attirer maintenantvotre attention surle paragraphe18, danslequel, aprèsavoir examinétous les

arguments juridiques possibles, d'ordre international et constitutionnel, qui pourraient servir

rejeter les accords de Yaoundéet deMaroua, M.Olukoluaboutit àla conclusionqueces arguments

et ces objections,etpar conséquentlapropositiontendantà rejeter l'accord deMaroua,sont dénués

detout fondementjuridique.

23. Voilà un homme courageuxet honnêteM , onsieur le président,Madame et Messieursde
043
la Cour, dont le Nigériaaurait dû écouterles conseils avisés. Mais outre le fait qu'il énonàe

nouveau ce que pensait l'Attorney-GeneralElias, en l'actualisant d'une certaine façon,ce

document revêtselon nous une autre dimension. Il prouve que le Gouvernementnigérianavait

depuis longtemps des visées surla presqu'île et qu'il commençaitalorsnvisagerle recoursà la

force. Je vous renvoie au paragraphe2, en haut dela premièrepage, où M. Olukolu indique que

plusieurs avis juridiques ont étéprésentéssur ce sujet par son ministère, le dernier datant

d'août 1977. Puis, au paragraphe 10,commeje l'ai déjàsignalé, ilest ditmots couverts quele

recours à laforce commence àêtreenvisagé.Ilressort clairementde ce documentquela campagne

visantà annexer Bakassiétaitdéjàlancée,ou toutau moins qu'elle étaità l'étude. Mon ami le

professeurTomuschatvous le démontrerade façonplus détailléd eans quelquesinstants.

24. Un rapport similairefigurel'annexe279 du mémoire23.Daté du6juin 1986,il émane

du conseiljuridique de la fédératiet secrétairegénéraldu ministèrede lajusticeà Lagos, mais

n'a malheureusementété trouvé que dans sa traduction française.Ce document,mêmes'il n'est

pas aussi détaillé,aboutit exactementau mêmerésultatque celui de M. Olukolu et, cela dit en

passant,M.Marston, dontla collaborationest soulignée,seraheureux d'apprendre qu'ily est décrit

commeun ((expertnigériande renomméeinternationale)).

2Ibid .,2335. 25. Monsieur le président,il estimpossible d'ajouter quoi quece soità ces rapports. Et

mêmesi nousne les avionspas ànotredisposition,n'importe lequel-je répète,n'importe lequel

- des autres actes de reconnaissance et d'acceptation de la souveraineté camerounaise quej'ai

évoqués suffirait réduireà néantla moindre esquisse de revendication nigérianedu titre. Mais

avant de conclure sur cesujet, j'évoquerai unautre dernière forme d'acceptation digned'intérêt

- cela ne prendraquequelquesminutes - il s'agitdes élémentse preuvecartographiques.

f) Les élémentd sepreuve cartographiques

26. La réactiondu conseil du ~i~éria~~ face aux élémentsde preuve cartographiques

particulièrement éloquents produitspar mon ami le professeur cot2' a été, sij'ose dire,

parfaitementinadaptée. La principale critiqueformuléearnotre contradicteurest, semble-t-il,que

les cartes sont établiàpetite échelle. Monsieurle président,Madame et Messieurs de la Cour,

l'échelleutilisée est sansnul doute suffisammentgrande pour que quiconque dans cette salle

d'audience constatequeles cartes représententclairementBakassidu côtécamerounaisde la ligne.

O 4 4 Un autre argumentavancépar notre adversaireest qu'«aucune [des cartes]n'a été établipear des

experts s'étant intéressésdes questionsde souveraineté revêtant un caractère éminemme lntal

et spécifique)).Sije lestraduis, ces propossignifientqu'aucundes fonctionnairesqui ont dessiné

les cartes, y comprisceuxqui se trouvaientau Nigériaavantet après l'indépendance,e s'attendait

àune revendicationde souverainetésipeu réalisteet ils n'avaient pas encorereçupour consignede

fabriquer des élémentsde preuve pour en étayerune en particulier. Des cartes officiellessontdes

cartes officielles.tionetemporis, leNigéria cherche,comme à son habitude,àjouer sur les deux

tableaux,voire éventuellement sur lestrois, cette fois-ci. Il s'appuie sur troisde sespropres cartes

datéesde 1990, 1991et 1992; mais il rejette deux cartes plus anciennes datéesde 1989 et même

de 1976 qu'il qualifie de ((tardiveset donc conformes [aux]intérê[du Cameroun])). Puisjuste

après,le conseilvous a indiqué que((troisdes cartes invoquéespar le Cameroun ontété publiéeàs

l'époquede l'indépendancedu Nigériaou peu aprèscelle-ci ...;c'est-à-dire tout au débutde la

phase de consolidationhistorique)).Enrésumél,eNigéria affirme,semble-t-il,quelescartes datant

24CR 200219.p. 47-par.143-153.
*'CR 200214p. 53-63.du débutdes années quatre-vingt-dixqui l'arrangent sont pertinentes,tandis que d'autres cartes

sonttrop récentesmêmesi ellesont été publiéesavantet que d'autrescartessont quant àelles trop

anciennes. Monsieur le président,sur combien de tableaux le Nigéria entend-iljouer? Pour

achevercet examentrèsrapidede l'argumentationdu Nigéria relativeaux cartes,j'ajouterai qu'on

ne peut s'empêcher d'admirer ls eang froiddont a fait preuvemon éminent amien s'appuyantsur

la carte administrativeo10du Nigéria, publiée par le servicegéographique fédéra dle Lagos en

1990. Il a mis enévidenceque celle-cireprésentaitBakassi du côténigériande la ligne - tel est

effectivementle cas - sanstenir comptedu fait queles éditions précédente de cette mêmecarte

- trèsexactement la même - la plaçaientdu côtécamerounais, commevous l'a montréM. Cot.

Il s'agitpourtantd'une sériede cartes nigérianes. Jecrois en avoirsuffisammentdit.

Monsieur le président,j'enarrivemaintenant à une respirationnaturelle de mon exposé et

peut-êtreestimerez-vous que, comme dans Astérixchez les Bretons, ((c'est l'heure de l'eau

Le PRESIDENT :Je vous remercie,Monsieur le professeur. La Cour va suspendrepour le

théou le cafépendantune dizainede minutes.

L'audienceestsuspenduede 16h 35 à 16h 45.

Le PRESIDENT :Veuillezvous asseoir. Jevous prie tout d'abord d'excuserle retard avec

lequelnous reprenons nos travaux, maisj'ai dû procéderàdesconsultationspendant cettepériode

et, bienentendu,le Cameroundisposeradutempsnécessairepour finir sesplaidoiriesce soir, selon

le programme qui avait été prévu. Je donne maintenant laparole au professeur Mendelsonpour

qu'ilpoursuivesaplaidoirie.

M. MENDELSON :Merci, Monsieurle président.

27. M.leprésident, comptetenudela faiblessedes argumentsduNigéria, quireposentsur le

principe du nemo da?quodnon habet etsur la nullitédes traitésde délimitation, etcompte tenuen

outrede tous les exemplesdereconnaissanceet d'acceptationde la souveraineté camerounaiseque

je viens d'évoquer, nous estimonsque la question des effectivitésest entièrement dénuée de

pertinence,carpurement théorique. Toutefoise ,u égardau travailconsidérableque lesconseilsduNigériaet leurs collaborateurs ont manifestement consacré à cette question, il serait peut-être

désobligeantdene pasen dire aumoins quelquesmots, même si nos adversairesn'ont pasvraiment

répondu auxargumentsque nousavonsavancésdans nospropres plaidoiries.

5. Leseffectivités

28. Le le' mars, mon éminentadversaire et néanmoinsami M. Brownlie a rejetésans

ménagementce qui revenait pour lui à déformerles questions en litige ainsi que ses propres

argumentsz6.Il a déclaré:

«M. Mendelson ne s'intéresse guère,voire pas du tout, à la consolidation
historiquedu titre, qui est le fondementde la thèsedu Nigéria, maisfait plutôt appel
au concept de prescription, qui n'appartient pasà la même catégorie et n'a pas été
invoquépar le Nigéria. Selon M. Mendelson, si le Nigéria avait invoquéla

prescription,un très grandnombre des effectivités énumérép esr le Nigéria auraient
été balayées. Mais l'affirmation n'est pas fondéeet, en tout étatde cause,le Nigéria
n'a pas invoquéla prescription. Le conseil du Cameroun ne saurait aller jusqu'à
réinventerlathèsedu Nigériapour pouvoir l'attaquer.))

Le propos estéloquent,mais voyonsce qu'il recouvre.

29. Quelques instants auparavant,mon éminentami avait revendiqué uneconcessionqui en

réalitén'en étaitpasune. Il a priéla Cour de bien noter quej'avais reconnuque le Nigéria avait

produit plus de preuves d'effectivités quele Cameroun. En réalité, tel n'apas étéle cas. J'ai

simplement reconnuque le Nigériaavait, pour ainsi dire,consacré davantage de pages àénumérer

ses effectisites. maisje mets en doute leur valeurjuridique pour diverses raisonssur lesquellesje

reviendrai Pour l'heure,nous lui consentironsnon pas une concession,mais deux-pour autant

qu'il n'essaie pas de dénaturerà nouveau nos propos. Je ne pense pas que ces concessions lui

serontd'unequelconqueutilité,maisil est libred'en faire cequ'il voudra.

30. La premièrede ces concessionsest la suivante :si les autres affirmations du Nigériase

révèlentexactes, et si ce dernier étaitbien détenteurdu titre en 1961, alors-à moins que le

Nigéria n'ait reconnu, ou accepté,la souveraineté camerounaise - ou acquiescé à ladite

souverainetépar d'autresmoyensnous serionsen train deparler de quelquechosequi constituerait

pour leNigériaune confirmationde son titre et il n'y auraitpas prescription. Naturellement, ilne

s'agit paslà d'une concessionvéritablementnouvelle :cettenotion a étéintégréeà notre démarche

26CR 200219,p.68par.250.depuis le départ,de manière expliciteou implicite. A vraidire,je ne pense pas qu'elleva êtreutile

au Nigéria,et ce pour deux raisons. Tout d'abord, parce qu'il a reconnu la souveraineté du

Cameroun, expressémentet implicitement,comme nousl'avons vu. Et ensuite,nous estimonsque

le Nigériaest à mille lieux de pouvoir établirqu'immédiatement aprèlse plébiscite,il détenait en

droit le titresur la presqu'île, depouvoirmême établirqueletitre étaitincertain. Si la Cour devait

considérerque nous avons tort sur ces deux points-et ce doit nécessairement être sulres

deux points -' nous serionsalorsen effetdansune situationqui permettraitauNigériad'invoquer

valablementses effectivités.Mais dansle cascontraire,non.

31.Notre seconde«concession», laquelledécoulede lapremière,est la suivante. Ce qui est

bon pour l'unest bonpour l'autre. SileNigériadétenaitbien le titre en 1961,commeil le prétend,

et s'il n'ajamais accepté la souveraineté camerounaise, alors,à ce moment-là, c'est leCameroun

qui tombe sousle coup dela prescription,etnotammentdesrèglesrelatives à la lourde charge dela

preuve. C'est là nécessairement ce qu'ilen est en droit et c'est ce que nous avons toujours

affirmé :seulement, à causedes faits, la concessionne vapasêtreutileau Nigéria.

32. Monsieur le président,le Cameroun s'est réellement penché sur la thèse du Nigéria

relativeà la consolidationhistorique du titre. Il s'est efforcéd'éviterun dialogue de sourds,dans

lequel chaque Partie se bornerait à clamer qu'elle possède le titre et qu'elle en a assuréla

consolidation effective. Vous aurez constaté que dans mon exposé, j'ai analysé

soigneusement- et j'espère en toute équit- l'argumentationprésentéepar le Nigériadans sa

duplique et que j'ai précisé sur quels points nous n'étionspas d'accord. Je vous renvoie par

exemple au compterendu de l'audiencedu 21 février,lors de laquelleje me suis vraimentefforcé

de dégagerles éléments de l'argumentationdu Nigériasur lesquels nous pouvions nous rejoindre.

Un manque de précisionet un fiou délibérés caractérisent certaid n'entreeux2'. Cependant,dans

notre effortd'analyse desarguments de la Partie nigérianen ,ous n'étions pasobligés d'accepterle

cadre juridique tendancieux dans lequelelle présentaitses arguments, ni sa version et son

interprétationdes faits. Ici encore, nousne nous sommespas contentésde rejeter en bloc le cadre,

les faits et l'interprétation donnée; nouasvons expliquécomment et pourquoi nous n'étionspas

*'CR2002/4,p.35-53,enparticulp.36-40et50-53.Q 47 d'accord. Nous avons brièvement exposéquelles étaientles effectivitésdu Cameroun pour

répondre aux observationscontenues dans la duplique. Or le conseil du Nigéria,au lieu de

présentersa plaidoirie,s'est contentéde répéte,t souventde lire, letexte des piècesde procédure

précédemment déposép esr le Nigéria. Le Cameroun n'est pas responsable de ce dialogue de

sourds et il tientà préciser qu'iln'accepte pas un compte rendu et une description de son

administrationde lapresqu'îlenotoirement inexactset quiont déjàété réfutés.

33. Après avoiranalysélathèsedu Nigériaselon laquelle la souveraineté desois et chefsdu

Vieux-Calabarsur Bakassi existaitet avait perduré jusqu'à l'indépendance, ainqsie l'argument

supplémentaire selon lequelle Royaume-Uniavait administréBakassi au nom du Nigéria,et non

aunom du Cameroun méridional,j'ensuis venu à l'examendu troisième voletde l'argumentation

du Nigériaen citant un extrait de sa duplique, dans lequel le Nigéria déclare les élémentsde

preuve qu'il apporteàcet égard((constituent,s'il s'avéraitnécessaire d'en apporterjuridiquement

la preuve, une source indépendantede titre fondésur la possession paisible,l'acquiescementet la

consolidation historiquedepuisl'indépendance.»28Dans sa plaidoirie,M. Brownlie a accordéune

grandeimportance àlapériode postérieur e~'indé~endance~C ~'.est l'affirmationselon laquelle ce

troisième argument se fondait,fût-cesottooce,sur laprescriptionqui a tant émule Nigéria. Mais

si l'un ou l'autre de ses deux premiers arguments devait êtrerejeté - ce qui nous semble

inévitable-, il y a possession de fait et c'est le droit applicable en matièrede prescription qui

s'applique.

34. Précisonsles choses. Toutd'abord, le Nigériane prétendpas que la presqu'île est terra

nulli~s~~.Nous sommesau moins d'accord sur ce point. Mais mon éminentami poursuit :«Pour

17Etatdéfendeur,la situation juridique semble êtreen substance la mêmeque dans l'affaire des

Minquierset des Ecréhous.»Il nenous explique pas exactement enquoielle est semblable,maisil

faut probablement en conclure qu'elle n'est pas identique. Quoi qu'il en soit, Monsieur le

président,nous voyons ici le Nigériatenter une fois de plus de parertoute éventualité, ême si

lesdeux affaires sont en fait trèsdifférentes.Dans celle de3, la source de titre se perdait dans

'*CR2002/4,p.38-39,par.9.

29CR200219,p. 19,par.8.
30CR200219,p.50,par.157.. la nuit des temps :le titre, faisait-on valoir, remontàila conquêtede l'Angleterre parles

Normands en 1066, et les deux Parties avançaient des arguments tirés du droit féodal

médiéval- lesquels, a estiméla Cour, étaientfondés«sur des vues plus ou moins incertainesou

controversée^ L aC our a dèslorsjugéopportun d'examinerles actes relatifs à la possession
O 4 g
effective plutôtque de trancher l'affaire en déterminanstimplement qui étaitle détenteurdu titre

originel.Mais cette affaire est très éloignéede celle qui nous occupe. On se rappellera en

particulier quependant les quelque quaranteannéesqui ont précédle plébiscite,le Royaume-Uni

a exercéune autoritéétatiquesur la presqu'île d'unemanièreconstante et relativement soutenue.

C'est surles conséquencesde l'exercice decette autoritéque les Parties ne sont pas d'accord-

nous ne partageons pas lemême avis sur la question desavoirlaquelle des deux Partiespeut faire

valoir ces effectivités. c'est bien là le cŒurdu problème. On notera d'ailleurs que du même

coup, cela vide de sens la référenceque fait mon éminentami aux incertitudes évoquéesdans

l'affaire du Difjerendfiontalier (BurkinaFaso/République du Mali); en tout étatde cause, le

passage qu'il cite parle d'incertitudequant((l'étendue territoria)récisesur laquelle portele

titre de souveraineté,une question qui ne se pose pas en l'espèce32. Le Nigériane saurait

assurémentjouer sur les deuxtableaux: ou bien ilexerçaitla souverainetésurBakassien 1961,ou

bien c'étaitle Cameroun. Il n'est aucunbesoin d'embrouiller lasituationen introduisantun tertium

quidtotalementhors depropos.

35. Qu'en est-ilalors de cette prétendue ((consolidanistorique)? Mon éminentami se

trahit lui-mtme lorsqu'il dit, au paragraphe 162, que«les titres conventionnels peuvent être

modifies par voie de consolidation historique)). Le Cameroun rejette formellement cette

affirmation, pour les raisons exposéesce matin par mon ami le professeur Cot. Mais de toute

façon,cedont le professeur Brownlieparle n'estautre quel'établissement titre par lapossession

de fait, ce que'on appelle traditionnellementla ((prescriptionacquisitive)). Certes, cene sont pas

les appellations qui importent, mais les circonstances de chaque cas. Et bien sûr, l'expression

((consolidationhistorique duitre))peut parfois être utilepour décrirele ratio decidendi dans des

affairescommecelle des Minquierset Ecréhouso , u même à l'occasion servirdeconceptgénérique

"C.I.J.Recue1953,p.56.
3CR2002/9, p.5 1-5par165.pour désignerdifférentersègles s'appliquantà différentessituations. Maiscequenous n'acceptons

pas, c'est l'utilisation que le Nigéria fait de ce concept en l'espèce. Etil est intéressantde

souligner que Charlesde Visscher lui-mêmed , ans un passage citépar mon éminentami, affirme

que la notion de consolidationembrasse, entre autres, la possession deait33.Ainsi, dèslorsqu'il

apparaîtconcrètementque l'une desPartiesest un occupantde fait, le droit qui s'appliqueestcelui

régissantla possession de fait, et on peut parler, pour les besoins de la présenteaffaire, de

prescription. Pardonnez-moi cette comparaisonun rientriviale, Monsieur le président,maissij'ai

devant moi quelque chose qui marche comme un canard, qui cancane commeun canard et qui

ressemble à un canard,je suisenclin àappelerça un canard,quel quesoit lenom que mon éminent

amipréfèrelui donner. Et leNigériaaurabeauciter tous lesjuristes possibles à l'appui du concept

générad le consolidationhistorique, iln'évitera paspour autant que l'onjuge sa conduiteà l'aune

des normes qui ont toujours-je dis bien toujours- été appliquées e,n droit international,aux

occupantsde fait.

36. Nos adversaires font valoir -et ont toujours prétendu- quele Nigérian'est pas

l'occupantde fait. Mais il n'est certainementpas déraisonnable,de lapart du Cameroun,d'avancer

l'hypothèse qu'il l'est, et d'examiner les conséquences juridiques découlantde cette

hypothèse - d'autantque celle-ci,nous l'avonsmontré,est loin d'être invraisemblableD. emême,

nous pouvonsraisonnablementattendre duNigéria qu'il examine luiaussi cettehypothèse.

37. Après toutesces arguties terminologiques, nous revenons doncau point de départdu

premier tour :l'applicationdes critèresutilisésen droit internationalpour établirsi un occupantde

fait a acquisun titre valablece quej'appellerai l'application dudroitrelatià la prescription. Ce

sont ces règles-làqui, selon nous, doivents'appliquer sans conteste dèslors que le Nigériane

démontrepasle bien-fondéde sa revendicationsur Calabar,et qu'il n'établit pas qu'il est,comme

il le prétend,le successeurdesadministrateursbritanniquesde Bakassi. La question,d'ailleurs,ne

se poseraque si nous-mêmes neparvenonspas à obtenirquele Nigériareconnaissenotretitre.

38.Au premier tour de plaidoiries,commeje l'ai déjà dit, leCamerouna fait valoirquecinq

conditions étaient à remplir pour que la conduite d'un Etat puisse être qualifién ee fût-ce que

33Ibid .,51,par160.d'effectivitépotentielle;1'Etatenquestion doitnotammentagir àtitrede souverain. Le Nigérian'a

pas contesté cetteliste de conditions,pas plus qu'il n'adémenti directementque nombre de ses

prétendueseffectivitésne satisfaisaientpasàces conditions. Le conseil nigérians'est contentéde

redonner la liste des effectivités énumérées dan less écrituresdu Nigéria. Le Cameroun a

évidemmentadmis que telles ou telles prétendueseffectivitésnigérianespouvaient satisfaire aux

cinq conditions, et qu'il étaitfort possible que le Nigéria ait accomplides actes sur la presqu'île

parallèlement à ceux du Cameroun. Maisj'ai alors ajoutétrois conditions supplémentaires qui,

selon nous, réduiraienànéantlesprétentionsduNigéria.L'uneest l'absencedetoute protestation.

Or, nous avons démontré que le Cameroun avait bien protesté contreles incursions nigérianes,et

nous avons fourni un exemple remontant à 1969~~.Mon éminentami a tenté debalayer notre

argument en disant qu'«aucune précision n'est donné quant à la portée de la revendication

~arnerounaise))~~m, ais cette affirmation est singulièrement peu convaincante. Le Cameroun,

confronté à ce qu'il considèrecomme l'exerciceillicite d'une autorité étrangèeans l'une de ses

villes,proteste contrecetacte:riend'anormal à cela.

39. Une autre condition énoncéepar le Cameroun a trait au fait qu' il ne peut y avoir

prescription par possession de fait si le détenteurdu titre exerce lui-même, simultanément, un

contrôle administratif. J'ai consacréune bonne partie de ma plaidoirie à démontrerque le

Cameroun avait bel et bien exercéun tel contrôle. Pour commencer, nous avons prouvéque le

Camerounpouvait se fonder sur les actes de sesprédécesseurs en titrel,es autorités britanniqàes

l'époquedu régimedumandat etde la tutelle,etbien sûrl'Allemagne. Ensuite,pour la période qui

a suivi l'accessionà l'indépendance, nousavons soulignéque mêmesi le Cameroun n'avaitpas

citébeaucoup d'exemples danssesécritures,celles-cien contenaientnéanmoinsassezpour prouver

qu'il n'avait pas acquiescé à la souveraineté nigériane. Nos adversaires n'ont pas répondu

sérieusementsur ce point. Et il me faut rappeler, Monsieur le président,que l'un des actes

accomplispar le Cameroun estl'octroi continu,dès1963,de permis d'exploitationpétrolièredans

la presqu'île et au large decelle-ci36. En outre, comme le Nigériale reconnaît lui-même,les

34CR 200214,p.50,par.34.
35CR200219,p.21,par.18.

36CR200214,p.46-47,par.24. Voir égalemep7.-50, par.25-34. effectivités camerounaises dansla région ontaugmenté progressivementau fil du temps. Nos

adversaires font grand cas de cet état dechoses qui s'explique non pas, comme ils le laissent

entendre, parce que le Cameroun veut ((créerdes faits»- ça, c'est leur spéciali-' mais parce

qu'il accroît graduellement son contrôlesur son territoire, comme le fait tout Etat nouvellement

indépendant.Une telle évolutionne s'opèrepas dujour au lendemain,en particulier lorsqu'il faut

intégrer après l'indépendance,comme dans le cas du Cameroun, deux systèmes juridiques,

linguistiquesetpolitiquesdifférents.

40. Nous n'avons pas seulement fait valoirque ces huit conditions, ensemble,ont réduità

néantlatotalitédes effectivitésénumérée par leNigéria;nous avonségalementdémontré un autre

point important. En mefondant surunprécédenn totoire,l'affaireduzfférendfiontalierterrestre,

insulaire et maritime (ElSalvador/Honduras), dans laquelle la Chambre, consacrant une longue

jurisprudence, a estiméqu'ily avait lieu depréférelre titulairedu titrelorsqu'il existaitun titre,j'ai

conclu qu'il ne suffisait pas chacune des Parties d'amasser ses exemples d'effectivitéssur un

plateau de labalance, pour ainsi dire le droitexige de la Cour qu'ellefasse largementpencher la

0 5 3
balance en faveur du détenteurdu titre. Mon éminentamin'a rien trouvé à répondre à cela,si ce

n'est qu'il alaisséentendrequeje meplaignaisd'avoirtropde travail à cause du ~i~éria~'.Même

si l'on part duprincipe que lorsque l'onplaide,tous les coups sont permis, ce n'estpas une façon

trèssérieusede répondre à une objectiontrèssérieuseopposéepar le Cameroun aux demandes du

Nigéria.

6. Conclusion

41.Monsieur leprésident,Madame etMessieursde laCour, leNigéria n'apaspujustifier en

droit sa dénonciationdes instruments conventionnelsqui attribuent au Cameroun le titre sur la

presqu'île deakassi et le confirment. LeNigéria lui-mêm aeadmis etreconnu cetitre en maintes

occasions. Par conséquent,la question de la prétendue consolidationhistorique du titre qu'il

détiendraitet de ses prétendueseffectivités nese pose mêmepas. Et mêmesi on la posait

uniquementpour les besoins dudébat,il n'en resteraitpasmoins que le Nigérian'a pas démontré

que les rois et chefs du Vieux-Calabar exerçaientun contrôleeffectif sur la presqu'îleet que cettesouveraineté avaitperduréjusqu'à l'indépendance;il n'a pas démontréque le Royaume-Uni

administraitlapresqu'île aunom duNigériaetnon pas au nom du Camerounméridional; enfin, il

n'apas démontré l'existencd e'untitreacquisparprescription,oude quelquetitre que cesoit,après

l'indépendance.Ce qu'ila tentédeconsolider,c'est un châteaude cartes.

42. Je vous remercie de votre bienveillante attention. Monsieur le président,je vous

demande debienvouloirdonner laparole à moncollègueetamile professeurTomuschat.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup. Je donne maintenant la parole au professeur

Christian Tomuschat.

Mr. TOMUSCHAT: Thankyou, Mr. President.

6. Responsibility

Mr. President,MembersoftheCourt,

1. It fallsto me to reply to the argumentsof Nigeria in which it sought at the hearings last

Friday to showthat it had incurredno responsibility. Butthat attempt failed, as 1shall now show.

Nigeria's responsibilityflows principallytom its invasion of the Bakassi Peninsulaand of a large

area of Cameroonianterritory in the Lake Chadarea, as well as fiom its non-compliance with the

provisional measures indicatedby the Court on 15March 1996. In order to dispel any doubt,1

should observeat this pointthat thetwo major annexationistoperationsundertakenbyNigeriawere

accompanied orfollowedby numerous instancesof unlawfùluse of forcewhich Cameroonregards

as forming part of those two major undertakings. Those incidents cannot have any separate or

autonomousexistence,given thattheyrepresentthe direct consequencesofthe regrettableambition

onthe part ofNigeria to seize boththe BakassiPeninsula anda large areaof Cameroonian territory

around Lake Chad. Cameroon has already expressed itself at length on this issue (CR200217,

pp. 37-39, paras.9-16). 1will notretum to it again.

2. Cameroonthusopenly acknowledges that,for it,the centre of gravityof the disputeliesat

the northem and southem ends of the line whichseparates the two Stateswithout separatingtheir ,

peoples, whohave alwayslived amicablysideby side, despitethe tensions which have developed

at intergovemment level. Throughout its young history, Cameroon has madea deliberateeffortto

foster good relationsbetween its peoples andthoseof Nigeria. Thus, in particular, ithas welcomed millionsof Nigerianswho residetoday peacefullyon itsterritory,but whom it obviously expectsto

obey Cameroonianlaw. Unfortunately,Nigeriahas interpreted thisgenerosityon Cameroon's part

as a weakness. As a result it has acted intemperately,violating Cameroonian sovereignty and

culminating in military operationswhich seek to seizefrom Cameroon somehundreds of square

kilometresof itsterritory.

3. Nigeria has criticized Cameroon for joining its territorial claims with requests for

reparation, emphasizing that no party had ever previously presentedits case to the Court in this

way (CR2002114,p. 47, para.4, p. 48, paras.6, 8). Butjoining the claims in this way is simply

followingthe niles of legal logic. WhatCameroonisprimarilyseeking to achieveis the liberation

of its national territory, a consequencewhich, under the rules goveming responsibility,will flow

automaticallyfroma findingbythe Court thatthe areasin questionhave beenoccupiedunlawfully,

but which will need to be statedexpresslyby the Court,ince otherwisethe implementationof its

judgmentwill simply raise newproblemsif incomprehensiononNigeria's part.

053 4. Mr. President, let me make this clear to you fromthe outset: this case is not a boundary

disputelike any other. Nigeriahas not onlychallengedan established conventionalboundaryas it

was, after all, entitled to do. It has also, in full knowledgeof its actions, chosen to undertake a

military invasion of the territories which it claimed. Allow me to share something with you

Mr. President,Members ofthe Court. IfNigeriahad notlauncheda military invasionofBakassi in

1993,at a time when negotiations with Cameroonwereongoing, the issue of responsibilitywould

never have been placed before the Court. But, the Nigerian authoritidid decid eo supplement

their territorial claims with the use of force.And that fact cannot be allowed to have no

consequence. What Carneroonis asking is simply thatthe Court should recognizethis andthat, in

particular,it shouldrequireNigeria forthwithtoeaseitsunlawfuloccupation. No Stateis entitled,

in fullimpunity,to seek to settlea difference,even a territorialone,by force., politicallyand

morally, the particular circurnstances of this case render it expedient that the territorial and

responsibilityclaimsbejoined. In law,thereis no reasonwhy this shouldnotbe done.

5. The fact that we findfew or no similar casesinthe past is readily explicableby reason of

the particular natureof the presentcase andof the internationaljudicial system. Wheno parties

concludean agreementto submita disputeto the Court,they almostalways do so after overcoming certainmisgivings. Thus specialagreementswillnormallyexcludethe most contentiousissuesand

concentrate on the essential,which, in the case of territorial disputes, is the appurtenanceof the

contested area to one or other of the opposing parties. Moreover,as regards the optional clause

provided for in Article36, paragraph2, ofthe Court'sStatute,many States havetended to exclude

fiom acceptance of the Court's jurisdiction anymatter relating to a military conflict (see, for

example, Greece,Honduras, Hungary,India,Kenya, Malawi)or to the reparation due in the event

of violation of an international obligation (see, for example, Cyprus, Guinea, Liberia,

Liechtenstein,Madagascar,Malawi). Onehas onlyto readthe Court's Yearbookto appreciatethis.

Nigeria, by contrast, has made no resewation of this kind. There is thus nothing to prevent

Cameroonfiom putting Nigeria's responsibilityin issuebeforetheCourt. In reality,in the absence

of reservations, a dispute may be resolved in its entirety withoutthe need, afier the Court has

rendered itsjudgment, for further lengthy negotiations with a partner or opponent,with whom it
054
may not alwaysbe easyto deal.

(a) TheelementsconstitutingNigeria'sresponsibility

6. Everyonepresent in this Hall is familiar with the terms of the draft articles producedby

the ILC after long years of work and completed last year under the intellectual directionof

ProfessorCrawford. 1need not therefore concernmyself in anyway with the origins and context

of that draft. What is importanthere is the applicationto the facts inthis case of thes defined

by the ILC and published as an annex to General Assemblyresolution 56/83. That work of

codificationis generally consideredto reflectcurrent customarylawand, as regardsthe firstpart of

the draft, thepart largelyshapedby JudgeAgowhenhe was a memberof the ILC,there isvirtually

no dispute. Perfect unanimity prevails in so far as concernsthe articles dealingwith the basis of

internationalresponsibility.

7. The ILC has made it clear that there are two elementsthe presence of which results in

responsibilityon the part of the State in question. First, the act in question must be imputable or

attributableto that State.In regard to the events in the Bakassi Peninsulaand in the Lake Chad

area, and equally as regards Cameroon'scharges againstNigeria for having failedto complywith

the Court'sOrder of 15March 1996,this condition is clearlyfulfilled. Bakassihas been occupied militarily, and similarly in the Lake Chad area Nigeria has deployed substantial elements of its

armed forces and its police. It only remains to show that there have been- and are still-

violationsby Nigeria of one ormorerulesof intemationallawto the detrimentof Cameroon.

8.Inthis respect Cameroonrelies inthe first instanceon the principleof thenon-useof force

laid down in Article2 (4) of the United Nations Charter. It is clear that Nigeria has seriously

breached this rule, which constitutes the comerstone of international law in Our present era.

Certainly,Nigeria cannotargue here that Carneroonhas been indulging inflights of fantasy. The

presence of Nigerian troops in the two areas is an indisputable reality, a very bitter one for

Cameroon.

; 055 9.Curiously,however,ProfessorAbi-Saabpresentedus last Fridaywith a new theoryonthe

meaning and scope of the principleof non-use of force. According to the Professor,Nigeriahas

never incurred responsibility,becauseit hasnever challengedthe territorial statusquo and,on the

ground, has done no more than peacefully administer temtory which it believed to be its own

(CR2002114,p. 21,para. 18). Professor Abi-Saab regardsthese circumstancesas a new exception

to the prohibitiononcrossingby force an intemationallyrecognizedboundary.

(b) TheinvasionandoccupationoftheBakassiPeninsula

10. Itwill howevernot benecessaryto embarkupon a majortheoretical debateon the exact

scope of the prohibition of the use of force in order to rebut that argument. For this to be

contemplated, it would first be necessary for Nigeria to show that its presence in Bakassi has

alwaysbeen consolidatedandpeaceful.

11. But in reality Nigeria has never administered the Bakassi Peninsula in a "peaceful"

manner. It got itselfthere by force. Of course,in its oral argument Nigeria skilfullyexploitedthe

fact that the south-western partof Cameroon had been under British administration, first as a

LeagueofNations mandate,andafter 1945as a TrustTerritory. Whichexplainswhy theNigerian

inhabitantsand administrationnecessarilyexercisea substantialinfluencein the area. Nonetheless,

it is patently clear that, with the end of the Trusteeship régime andthe accession of the two

countriesto independence,the situationchanged. The fact that someschools financedby Nigeria

or Nigerianchurches wereableto remain inBakassi makesabsolutelyno difference. It isperfectly normal for many States to run schools abroad for the children of their citizens residing there.

Cameroon does not deny, and has never denied, that Bakassiis largely inhabited by Nigerians,

though certainly not 156,000 of them, a figure which recalls towns such as Angers, Brest or

Grenoble in France, or Blackpool and Aberdeen inGreat'Britain andwhichhardly correspondsto

the "measured consistency" proclaimedby the Agent of Nigeria in closinghis team's firstround

(CR 2002114,p. 65, para. 2).

12. After the departure of the administering power, it simply wasn't easy to set up a

Cameroonian administration. My colleague Maurice Mendelson has just told you about this.

0 5 6 Camerooncouldnytdo it fromone day to the next. Butby 1968the mainserviceswere operating.
Cr
Professor Brownlie confirmed this indirectlywhen he stated that in 1968 "there were acts of

harassmentby Camerooniansoldiers" (CR200219,p. 19,para. 9; pp.27/28, paras.50-52; p. 30,

para. 61). And 1would stressthis: at thattime,in 1968,therewas not one singleNigerianmilitary

outpost in Bakassi, nor a single outpost of the Nigerian police. One has only to read what

Professor Brownlie had to Say in regard to the purported Nigerian efectivii nésthe Bakassi

Peninsula. In a passage dealing with the systemof publicder, we findnothingbut referencesto

the tribal system (CR200219,pp. 54/55, paras.177-184),functioning independently of the State

systemandnot affecting itspowers.

It was only fromthe second half ofthe 1980sthatNigeria beganto set up a "bridgehead" at

Jabane (Reply of Cameroon,pp. 517 ff). Finally, itwas December 1993which saw the Nigerian

armed forces launch their attack upon the Bakassi Peninsula as part of a well-planned and

organized invasion. ProfessorBrownlie, despite having a compiled a completeinventory of the

alleged Nigerian presence in Bakassi, wasnable to demonstratea militarypresence coveringthe

areas outside Jabane before the date of the invasion. It was the Cameroonianauthorities which

assumed overall responsibility for publicorder. They did so while being awarethat the foreign

populationofNigeriansremainedattachedto itstraditionalauthorities.

13. It isunnecessas, to prove here that Bakassi falls as of right under Cameroonian

sovereignty. My colleagues, BrunoSimma, MalcolmShawand MauriceMendelson have already

presented al1the relevant elementsof fact and law. 1will do no more than recall the key points:

the 1913Treaty is avalid internationalagreement untaintedby any formof defect. Bakassiformed part of the temtory placed under mandate and subsequentlyunder trust; in an opinion given in

1971,the NigerianJustice Ministryconcludedthat Bakassiwas ~ameroonian~~;Nigeriaconfirmed

that Bakassi belongs to Cameroon, in particular in the Maroua Agreement of 1975; in 1981

Nigeria set up a task force chargedwith working outways of gettinground the 1913 Treatyso asto

take over Bakassi; in 1985 a hrther opinion was sought from the Nigerian Justice Ministry

6357
specifically for that task force, the author of which, a certain Mr. K. B.Olukolu, reached the

conclusion that Bakassi was indisputably ~ameroonian~~.It is remarkable,however, that in this

officia1documentof the Nigerian Justice Ministrythere is a seriousreferenceto the possibilityof

using force to seizeBakassi in the event that a legal challenge was found to offer no chance of

suc ces^^^.Unfortunately, that was not an isolated initiative. At the same period the Nigerian

military intelligence service alsoprepared a study on means and methods of acquiring Bakassi for

Nigeria, if need be even by military means. But the author of that study takes a "wise man's"

approach. Accordingto his recommendations,"Nigeria would only have recourse to war after

exhaustingal1itsresourcesandthrough ne~essity'~'.

14.We askourselveshow, in suchcircumstances,Nigeria's counselcouldclaimthat Bakassi

had effectively always been under Nigerian administration. The mass of evidence in favour of

Cameroon is such that there can be no naive invocation of the benefit of "honest belief and

reasonablemistake". But it is this notion thathas become the Respondent's legal"joker", intended

to make good al1of the holes and deficiencies inthe Nigerian argument. However,it has proved

extremely difficultto find any suitable categoryin which to place this concept, whose originand

existence in internationallaw are more than doubtful. As they have been presentedto us, "honest

beliefand reasonablemistake"are bastardchildren,statelesscreatureswithnoright of abode.

15. Initially,one mightbe temptedto classifythem as indicatorsof thefact that amechanical

comparisonbetweenthe realityand the lawis not necessarilyenoughto engageresponsibility. The

mere presence of a soldier on foreign temtory certainlydoes not mean that the State to which his

38~eeBassey E. Ate, Nigeriaand Cameroon, in:ssey E. Atemola A. Akinterinwa(eds.), Nigeriaand its
ImmediateNeighbours.ConstraintsandProspectsofSub-RegionalSecurityinthe 1990s,p. 11).14
39~ernorialof Carnero, ookVI, Ann.275.

40~bid,oint10.
41~ernorialof Cameroon, BookVI,Ann.276,p.2313 (2325). unit belongs has committed a breachof the sovereigntyof the foreign territorialState. The soldier

may have got lost,and evenan entire Companycan get lost in a mountainousorjungle region. But

we are not dealing here with thecase of a few soldiersor an aircraft having unwittingly losttheir
O58
way and unintentionally crossed an international boundary. Thisis not a case of a "fortuitous
1
event", at one point contemplatedby the ILC (YILC, 1979, Vol.II (Part 2), p. 135) but ultimately

droppedfrom the draft because of the fears expressedby a nurnberof Statesin regard to the false

situationsto whichit might lead42.

16. Secondly, it can be seen without too much difficult that "honestbelief and reasonable

mistake"are certainlynot "circumstancesprecluding wrongfulness" withinthemeaningof the draft

articles of the International Law Commission, contrary to Nigeria's contentionin its Rejoinder

(p.579,para. 15.57). It is quitewrong to assertthat theILC did not seek to "specifi exhaustively

the circumstancesprecluding wrongfuiness in relation to every case that may occur". For the

Commission, the list of circumstances capable ofprecluding wrongfulnessis an exhaustive one.

Thereare expertsinthis Hall whocan confinn this interpretation.

17. It ishus not surprisingthat Nigeria's written pleadings and oral argument demonstrate

an overall uncertainty in regard to the correct classification of "honest belief and reasonable

mistake". Its counselhave gone to desperatelengthsto find an appropriatelegal categoryfor the

concept, but no true home for it has been found. What was presented initially as something

relevant to the concept of "fault", rejected by the ILC (see Counter-Memorialof Nigeria, p. 638,

para. 24.34), subsequentlybecame a circumstanceprecluding wrongfulness,only to emergefinally

in Professor Abi-Saab's speech as a circumstanceshowing that there had been no breach of the

relevant primary rule in the present context, narnely the principle of the non-use of force

(CR2002114,p. 23,para. 27). SirArthurimplied the same thing in his speech(CR 2002114,p. 33,

paras.35-36).

18.We maynonetheless concedeto Nigeria thatwe do indeedneed to ask ourselves whatis

the elementconstituting a violation. Whenarewe entitledto speakof a breachof the principle laid

42~eethe observationsof Statesin theGeneral Assembly,A/CN.4/488,25 March 199ILCFinal Report,
UnitedNations doc.A/56/10.down in Article2, paragraph4, of the UnitedNations Charter,a principle representinga source of

obligationserga omnes?

19.But whatNigeria sayscan be resumedin a coupleof lines. It believedit was on its own

temtory. It had alwaysbeenpresent in Bakassi. It thushad no reasonto doubtthe lawfulnessof its

actions. It is, however, somewhat curiousto seek to invoke a lack of blameworthiness in the

circumstances ofthis case. 'Nigeriawas well aware of al1the circumstances which militated in

favour of Cameroon. In its Ministries,people were racking their brains to find a solution to an

inescapabledilemma. They knew that territorial title belonged toCameroon. And eventhose who

perhaps did not share the communisopinio were bound to admit that the situation was a very

delicate one. Nigeria, by adopting the position ofthe invalidity of the 1913Treaty, knew at the

very least that itmight be wrong. Al1the appearanceswere in favour of Cameroon. In these

circumstances,then,what couldNigeriado? What shouldit do?

20. In orderto leam a littleaboutthe common law,which in the present context is so dear to

the hearts of Nigeria's counsel,1have studiedtwo basic textbooks on the law of torts. There we

find some very clear propositions, but also very simple ones, propositions that we can apply

without dificulty to the factsofthe presentcase. Thusin the fifieenthedition ofPollock's Lawof

Torts we read the following:

'7hestandard of duty is fixed by reference to whatwe should expect in the like case
from a man of ordinarysense, knowledge,andprudence ... If a man will drive a car,
hc 1sboundto have the ordinary competenceof a motorist, if he will handle a ship,of
a scarnan; if he will treat a wound, of a surgeon... and so in every case that can be

put"

1 assume th31 this test, although describedmore than 50 years ago, still represents the general

orientation of Britishjurisprudence. So what can it mean in the specific context of the present

case? Uhat should a man- or woman- have done in order to comply with the concept of

reasonableness, which corresponds exactlyto the principle of "due diligence" cited in numerous

internationaldecisions?

21.Cameroonhas no doubtin thisregard. Thegovemmentof a State isthe highestauthority

in matters relatingto foreign policy. It carries a heavy responsibility not only towards its own population, but also towards its neighbours and the entire intemational community. In

consequence, it must conduct itself in particular in accordance with theles contained in the

O 6 O United Nations Charter. To this end it is bound to settle its disputes with its neighbours in a

peacefulmanner, avoidingthe use offorce exceptin situationsof self-defence.

22.If it had compliedwiththeserules,Nigeria wouldhave behavedin awaytotally different

from what it actually did. First, it would have been incumbent upon it formally to inform

Carneroonforthwithof its subjectiveview that the1913Treatywas tainted by seriousdefects and

accordingly lackedbinding force. After having so informed Cameroon, Nigeria ought to have

proposedto Cameroonthat they opennegotiationswith a viewto achievinga peacefulsolutionby

agreement. But noneof this happened. Nigeriawent downthe path of unilateralism, playingthe

card ofmilitary intervention. Itwasonly inthecourse ofthepresentproceedingsthatthe challenge

to the 1913Treaty was expressly formulated. However, a govemment must behave like a

govemment, that is to Say in accordance with the requirementsthat the internationalcommunity

imposesupon the supreme authorityof an entity respectedas a sovereign State. It is quite clear

that whatwe are dealing withhereis an ill-concealeddesirefor territorythat Nigeriahas soughtto

realizeby force ofamis. An article bythe Nigerianwriter BasseE.Ate is revealingin this regard.

Statingthe optionswhichhe believedwere opento Nigeria,he writes:

"As option one, Nigeria could unilaterally occupy Bakassi Peninsula. In
decidingto doso, of course,the military,logistic, political,financialand otherfactors
bearing on the calculations of the outcome of such operation should be considered.
Assumingthe level of thisaction, Nigeriamight thenforce the Camerooniansto enter
intoseriousnegotiationsaimedat establishinga mutuallyacceptablebo~ndary.'~~

In this article,we arecertainlynotin a "fantasy"world. Weare dealingwith the practicalrealityof

relations between thetwo countries. The author, Bassey E. Ate, who was also CO-editorof the

entire volumedevotedto the problemsof politicsand securityin Nigeria,is not simplya free spirit

indulging in subjective speculation. As professor at the Institute of Intemational Relationsin

Lagos, he had accessto the work ofthe task force already referred toand was simplyreproducing

its conclusions. "Peaceful" administration? Long-term possession?No more thanpious dreams,a

very longway fromwhat tookplaceon the groundin themangrovesofBakassi.

"op .it.,149. 23. Let us return brieflyto the legal structureerectedby our opponents inan attemptto rely
;: 061
on an erroneousbut "good faith" interpretationof the 1913 Treaty. The erroron which Nigeria

reliesdoesnot relate to anyspecificfactbut to its interpretationof the lawandof the relevant legal

instruments. In other words, as Cameroon has alreadypointed out without any denial fiom the

otherside,Nigeriais relying onan errorof law (CR 200217,p.45, para. 34). And thatreason alone

is sufficientto preclude anyideaof reasonablemistake. An errorof law hasnever beenacceptedin

internationallaw,for the simplereasonthat every Stateis deemedtoknowthe law.

(c) The occupationof anextensiveareaof Cameroonianterritoryin the LakeChadregion
24. 1willnow pass onto the LakeChad region. The factualposition there is distinguishable

fromthat in Bakassiin termsof the way eventsunfolded,but not in its effects. Here again,Nigeria

is seeking to appropriatean area of Camerooniantenitory. But the courseof events is different.

Therehas beenno attack readilyidentifiablein termsof time andplace, butrather a penetrationby

stages, what wouldbe calledin the environmentalfield "creepingpollution"- which is moreover

themost dangerousform,themost difficultto combat.

25. In human terms, the unfortunate effects of the progressive dryingup of Lake Chad are

readily understandable. For a fisherman, it is essential, vital, to live beside the waters where he

plies his trade. On dry land:[hesitate to state the obvious, there are no fish to be found. Thus,

logically,the fishermenfollowedthe Lake as it graduallyreceded fiom them. And, Mr.President,

againin a generousgesture,Cameroontook no preventiveactionwhen thishuman tide crossedthe

boundary between Nigeria and Cameroon and settled on Cameroonian territory. Al1the maps

clearly showthat in those places where the villages lie today wrongly claimed by Nigeria, the

waters of the Lake coveredthe entire area, even 30years ago. No village could exist there. It is

onlythe disappearanceof theLake which has madeit possible for human communitiesto settleon

Cameroonianterritory ontheWestbankof Lake Chad. Even20years ago,thatbank layinNigeria.

MycolleagueJean-PierreCotunderscoredthis pointthis morning.

C 062 26. While this migration of a population seekingto ensure its survival might be perfectly

comprehensible, itwas aboveal1a social phenomenonand shouldnot havebeen taken by Nigeria

as a pretext toxtend its administrativestructuresto these new "colonies". Nigeria hadno right to set up police posts there, or to send in its armed forces and to carry on other activities there of a

public authority nature. Intemationallaw does not recognize the concept of a rolling fiontier, a

"boundary on wheels". Itis true that the drying up of LakeChad is an appalling disaster for

Nigeria- as it is forl1the other riparian States of Lake Chad. But internationallaw provides

Stateswith avastrange ofpossibilitiestocope withsucha problemon the basis of CO-operation.

27. Let us now retum to Cameroon's claim that by its actions Nigeria violated the

prohibition onthe use of force in theLakeChad region too. The facts are virtuallyundisputed. It

wouldbe pointless to repeat what my colleague Jean-PierreCot has just shown you. Nigeria has

exported its State structures, including its armed forces, across the boundary separating the

temtories of the two countries. It has established itselfto the east of that Iine, claimingthat it is

thereby right of law.

28. 1sthis reliance on good faith sufficientto absolve it of the charge that a violationof the

principleof non-use of forcehas beencommitted? The reply must come plain and clear: itis not.

Themere presenceof troopson a foreigntemtory is in itself conclusiveevidenceof responsibility,

Savein exceptional circumstanceswhich are clearly not present in this case. Nigeria has been

unableto establishany defence precludingwrongfulness. Moreover, even on the assumptionthat

thenotion of"violation" impliesanelementof "blameworthiness",what resultsdo we get?

29. Mr. President, Membersof the Court, in the Lake Chad area the situationallowedof no

doubt. There was a binding instrumentwhich delimitedthe boundary. Within the fiameworkof

the LCBC, that boundary had always served as the basis for the demarcationworks. Nigeria thus

knew exactly where its temtory lay. How can it seriously invoke "honest belief and reasonable

mistake"? The responsibiliv of a govemmentis quitedifferentfiom that of a fisherman,forwhom

it is ofittle consequencewhere he catcheshis fish,provided that there are fish to be caught. Ifit

4)6 3 felt that its nationals who had settled in Cameroon lacked social services, Nigeria could have

suggestedto Cameroonthatthey opennegotiations. Once again,regrettably, Nigeriahaspreferred

theunilateral solutionmanumilitari, without exploringthe possibility of findingan agreedsolution

with Cameroon. Let me repeat it: even if an invasiontakes place without resulting in hostilities

betweenarmedforces onthe two sides,it still representsa clearviolation ofArticle 2, paragraph4,

ofthe United Nations Charter. An armedstruggle is not a componentelementof a violationof the principleprohibiting theuseof force. In any event,evenif the Courtwere to take the viewthat, in

the particular circumstancesof the events as they occurred in the Lake Chad area, it would be

inappropriate to speak of armed attack or violation of Article 2, paragraph4, the facts clearly

demonstrateaviolationof thetemtorial sovereigntyof Cameroon. Thus Nigeria'sresponsibilityis

in anycase engaged.

30. To complete my argument on this point, allow me, Mr.President, to conclude by

referringto the wordsof the lastSpecialRapporteurof the InternationalLawCommissionon State

responsibiliw. 1amgoing tocitethe secondreport,dated30 April 1999:

"In some legal systems, a claim of right, held in good faith, may justi@ or
excuse certain conduct,even thoughthe legal basis of the claim is incorrect. There
doesnot appearto be anyauthorityforsucha doctrinein international~aw."~'

(d) Nigeria 'snon-cornpliancewith the Court'sOrderof 15March 1996

31.1now cometo the third sectionof my speechthis afternoon: Nigeria'snon-compliance

with the Court's Order of 15March 1996. Onthis point, SirArthur sought to show you in his

speech last Friday that Cameroon's arguments are unsustainable. But what his speech showed

rather wasthat thereis substanceto Cameroon'scharges.

32. 1 shall begin with a brief commentaryon the fact-finding missionwhich failed,thanks

to- or rather because of- Nigeria's resistance(CR200217, p. 63, para. 13). The course of

events in Bakassi could easily have been clarified if Nigeria had given its consent to the

establishment of this mission. But, because of Nigeria's resistance, the fact-findingmissionwas
064
transformed into a meregoodwill mission,without any fact-findingpowers, which in factwas not

able to visit the part of Bakassi occupied by Nigeria. SirArthur replied (CR2002114, p.36,

para. 49)that thiswas a politicalmatter "tobe determinedinNewYork". Yeteveryoneknowsthat

such key decisionsare taken in the capitalsand not by diplomaticrepresentativesinNew York. It

istrue, as Sir Arthursays, thatthe failureof this attemptto conduct a carefuland detailedenquiry

is a "political fact". But political facts do not follow the laws of nature. They are the result of

''second Report of the Special Rapporteur, JamesCrawford, on State Responsibility, 30Apri1 1999,
UnitedNations doc. AlCN.41498lAdd.2,para. 26484.tehuman decisions. Weare entitledto drawtheappropriateconclusions. 1shallnot do so myself but

rather leave it tothe discretionofthe Court.

33. 1would, however, if 1may, referto the Judgment in the Corfu Channelcase, where the

Court had precisely to deal with the situationof a State which, as a result of obstruction by the
$

other Party, was not in a position to provide the proof which in a normal situation would be

required in order to demonstratethe truthof its allegations. Perhaps1might quote a short passage

verbatim:

"the [State] victim of a breach of internationallaw is often unable to fumish direct
proof of facts giving rise to responsibility. Such a State should be allowed a more
liberal recourse to inferences of fact and circumstantial evidence. This indirect
evidence is adrnittedin al1systemsof law,and its use is recognizedby international
decisions. Itmustbe regardedas of specialweight when it is based on a series of facts
linkedtogetherand leadinglogicallyto a singlecon~lusion.'*~

Cameroonrelies on this rule, and it considers thatits claim is al1the morejustified in that Nigeria

prevented the implementationof the joint fact-findingmission which had been suggestedby the

Secretary-Generalofthe UnitedNations andendorsedbythe Courtin its Orderof 15March 1996.

34. As regards the various violations committed by Nigeria,1 cannot, within the limited

scope ofthis second-roundspeech, again gooveral1the incidentscitedby Carneroon. But someof

them certainly merit fùrther scrutiny. First, we should take a closer look at the fighting of

ApriVMay1996. SirArthur repeatedNigeria's assertion that "it was Carneroon whichlaunched

attacks against Nigerian positions between 21 April and 1May 1996" (CR2002/14, p. 36,

para. 47). But the consequencesof that fighting speakfor themselves. If 1may, Mr.President,

Members of the Court, 1 would simply ask you to reread Cameroon'saccount of the course of

events: Cameroon immediately protested to the Security Council on 30 April 1996 (see

CR 2002/7,p. 60, para.7), whereasit onlyoccurredto Nigeria to lodgeits ownprotest some seven

to eight weeks later (ibid., pp. 61-62, para. 11). A State which was attackedand then, fürther,

falsely accused of being responsible for the hostilities, would it have remained silent for almost

two months?That isreallyratherhard to believe.

35. Cameroon fürther cites Nigeria's completesilence regarding Cameroon's charge of

having formally established the Bakassi Peninsula as a unit of local govemment. The fact is

4I.C.J. Repor1949,p. 18.undeniable. ButNigeria has completelydistortedCameroon'sclaims when it Statesthat therewas

nothing in the Court's Order which required "al1civilian administrationto come to a halt", or

which prohibited Nigeria fiom "mak[ing] arrangements for the health, the education and social

welfare of the Nigerian populationof Bakassi" (CR2002114,p. 38, para. 54). Cameroonhas not

suggested anything of the sort. What it has, however, complained of is the creation of the

municipality of Bakassi, which is somethingquitedifferent, namely an attempt to consolidatethe

factual situation in order to give it an appearance of normality and hence of constitutional

legitimacy. The legal situationwas indeeda curiousone, even in terms of Nigerian intemal law:

onthe one hand,the Nigerian Govemmentwas assertingthat Bakassi had always been an integral

part of Nigeria. On the other hand, it was bound torecognize that Bakassi did not exist at local

govemment levelin terms ofnationaladministration. It is clearthat the "regularization"of Bakassi

for purposes of interna1law breached the Court'sOrder in that it sought to create and strengthen

links of loyalty of the population of Bakassi with the Nigerian political system. It was an act in

exercise of public authority which only the rightfulholder of territorial sovereignty is entitledto

exercise.

36. It is fromthe same standpointthat we should addressthe question of the ban on flights

over Bakassi. In somewhat cavalier fashion, Nigeria's counsel remarkedin his statement that

Nigeria could notbe prevented from "provid[ing]forthe safetyof civil aviationin the skies above

Bakassi" (CR2002114,p. 38, para.54). Does the UnitedKingdombelieve itself entitledto provide

for the safety of aviation in the skies above Ireland? Clearly, when a State arrogatesto itself the

right to regulate air traffic over the territory of another State, it encroaches upon the latter's

sovereignrights. The conclusionisveryplain: inthisregardtoo,Nigeria failedto complywith the

Court'sOrder.

(e)Nigeria's counter-claims

37. Mr.President,Members of the Court, in the final part of my speech 1am now going to

address Nigeria's counter-claims. Cameroon has refiained fiom formally challenging the

admissibilityof those claims, even those introducedat a relativelylate stage in the proceedingsin

the Rejoinder, leavingthe decisionto the Court. Asto the merits,it is clearlyimpossibleto dealin detail with al1of the facts alleged by Nigeria in support of its claims (see Reply of Cameroon,

pp. 563-587). 1will accordingly confinemy replyto the facts cited by Professor Crawford inhis

oral statement.

38.Allow me, if 1may, to beginby returningto the incidentof 16May 1981,whichhas been
i
citedtime and again by Nigeria as evidenceof Cameroon'swrongfulintent. Nigeria spokeof it in

its Preliminary Objections (Introduction, paras.34-39), in its Counter-Memorial

(Counter-Memorial of Nigeria, paras.2.20-2.21 and 24.65-24.67) as well as in its Rejoinder

(Rejoinder of Nigeria, pp. 611-615), and SirArthur retumed to it in his statement (CR 2002114,

p. 41, paras.67 et seq.). It is not a subject of the present dispute, having been dealt with by a

fiiendlysettlement. Nonetheless,thatincidenthasbeen introducedinto the case in orderto portray

Cameroonas an aggressive State, contemptuousof its internationalobligations. Nigeria levies this

chargeagainst Cameroonby drawing conclusionswhich are in no wayjustified fkoma reading of

the exchangeof letters between the two Presidentsrelating to the settlement of the dispute. It is

true that, ultimately, Cameroon,throughits President(letter of 16July 1981,Counter-Memorialof

Nigeria, Vol. XI,p. 2623, Ann. 345), expressed hisregret for the loss of life and offered to pay

compensationto the familiesof the victims. It shouldbe notedin this regard that President Ahidjo

"expressedhis regrets",he did not "apologize". Evena diplomatof little experienceis awareof the

differencebetween the two formulae, which has not preventedour opponents fkomspeaking of a

"letter of apology" (CR2002114,p. 41, para. 69). In fact, this diplomatic solution of a tragic

f O 6 7 incident tellsusrery little about the course of events. The Cameroonian President stuckto his

version of c\.ents, according to which the incident occurred in the Rio del Rey, hence in

Cameroonian territory, whilst the Nigerian President expressedhis belief that the site of the clash

was the Ri\rr Akwayafe (letter of 20July 1981,Counter-Memorialof Nigeria, Vol. XI,p. 2627,

Ann.346). The difference of opinionin regard to the circumstancesof the clash thus persistedto

the end,contraryto whatNigeria's counselsoughtto imply(CR 2002114,p. 43, para. 76).

39. It is not difficultto see why the CameroonianHead of State finally resignedhimself to

offeringfinancial compensation,eventhough he had goodreason to believe that the incidentwas

the direct consequence of a violation of the Cameroonian fkontier. The language used by

President Shagariin his letter of 25May 1981 is dictatorial, allowing of no objection. Insteadof acceptinga fact-findingmission,whichwould have beenthe surestway of identiQing thecauses of

the incident, he rejects this out of hand,bservingthat Nigeria "has not the slightest doubt as to

where theincidenttook place" (Counter-MemorialofNigeria,Vol.XI, p. 2620,Ann. 344). Behind

this letter was a barely concealed threatto use force in order to oblige Cameroon to submit to

Nigeria'sdemands. In clearterms,the second letterfiom President Shagariof20 July 1981,which

bringsthe disputeto a final close, statesthat the incident couldhave triggered a war between the

two countries. Given the relative strengths of Nigeria and Cameroon, we are bound to ask

ourselves how SirArthur could have concludedfrom this incident that Cameroon nurtured "the

hope of provoking Nigeria into starting a major, full-scale armed response"(CR 2002114,p. 43,

para.77).

40. 1will,if 1may, be quite directin this regard: itis a conclusionthatis not onlymistaken,

butmanifestlyatvariance withthe lawsofpolitical logic. The factthat underlyingthis affairwas a

threat of force on Nigeria's part- a threat the reality of which has been described in detail in

Cameroon'sReply (Reply of Cameroon,pp. 508-509) - emerges clearly fiom Sir Arthur's final

comment. It was a commentthat he hadno need to make, but nonetheless did make to us orally,

statingthat it wasPresident Shagariwho was ableto prevent this incident fiom turning "into the

majoranned confrontationwhich Cameroon hadbeen trying to provoke", and that it was also he,

0 6 $ President Shagari,who was able to "quel1the Nigerian people's justified outrage at this incidentyy

(ibid., p. 43, para.78). That is truly to turevents on their head, in order to make them Saythe

contrary to what they tell us in reality. But the interpretation of that incident sets the tone for

Nigeria's conductas a whole,as well asfor its oralpleadings in this case. Since 1981,Cameroon

haslived underthe shadow of amilitarythreat fromNigeria, and it seeks as rapid a termination as

possibleto thisnightmare asa result oftheCourt'sfinaljudgment.

41. The same method, consistingin creatingan impression- the impression thatCameroon

is the aggressor, the assailant, whilstNigeria and Nigerians are the victims - is to be found

throughoutNigeria'swrittenpleadingsdealingwithresponsibilityand has alsobeen a featureof its

oralarguments.

42. Letme take just one example,the fightingon 3 February 1996. Cameroon meticulously

describedthe course of eventsin its Reply(Reply ofCameroon,pp. 529-530)and inthe firstround of argument (CR200217, pp.53-56). Everything it says is supported by reliable, undeniable

evidence. Cameroonhas shownthat it wasnot that it was not preparingany form of manoeuvre,

that theNigerianstook advantage ofthisto open fire onthe Cameroonian positions,to driveout its

troops and to pursue them into the middle of Bakassi. There were Cameroonian counter-attacks,
C
Cameroon has adrnittedthis too. But Ouropponents have distortedal1of this, introducing facts

whichwerenevermentioned (Sir Arthur Watts, CR200217,p. 34-35,paras. 41-45).

43. But sinceNigeria has sought to instil doubt intoyour minds as to the true nature of the

two Stateshere beforeyou today, 1am boundto add thatthere is evidenceenablinga truepictureto

be formedin this regard. Evidence moresubstantial thanthe "witnessstatements"or otherdubious

documentsproducedby Nigeria, and to which, moreover,it attachesno greater evidentiaryweight

than doesCarneroon(CR 200217,p. 57,para.31). 1willcitethree.

44. First the publicly stated instruction issued by Brigadier-General WomotimiDiriyai,

Commanderof the 13thMotorized Brigadeof the 82ndDivision of the Nigerian army "for every

one shot the gendarmes fire at Ourmen or any Nigerian, the Nigerian troops are ready to fire

100shotsin retaliation" (Ann.MC 345). Onehundred shotsto one. That is no doubt whatNigeria

calls proportionality. The incident of3February 1996takes on its true significancein the light of

that instruction.

45. Then there is letter from the International Committeeof the Red Cross, Regional
,' 069

Delegation for Central Africa, of 26 January 1996 (Ann.OCDR19). It is addressed to the

Cameroonian Ministerof State for Defence. It concemsthe exhumationand handing over of the

body of a Nigerian officer to the Nigerian authoritieson 22 December 1995 at Douala, in the

presenceof the Ambassadorof the FederalRepublic ofNigeria. This is how the Head of Mission

of thehumanitarianorganizationdescribedthe scene:

"Despite some procedural difficulties introduced by the Nigerian Party, the
mission was carried out with the utmost decorum, particularly as a result of the
exemplary arrangements made by the Carneroonian military and administrative
authorities."

46. Finally 1should like to cite another letter fiom the International Committeeof the Red

Cross, addressed to the Cameroonian Minister for Foreign Affairs on 25 April 1997

(Annex.OCDR 43). The Committee States: "From thetime of the first clashesbetweenthe armed forcesof the Republic of

Cameroon and the Federal Republic of Nigeria in connection with the Bakassi
Peninsula, the IntemationalCommittee of the Red Cross (ICRC) formally requested
the authoritiesof both Statesfor permissionto have, inter alia, accessto any military
and civilianpersonnelbeingdetained ...

The ICRCwelcomedthe constructivedialogue it was able to establish with the
High Authorities of the Republic of Carneroonand which accorded ital1necessary
facilities to cany out its humanitarian mission. Thus, the ICRC was able to take
action to assist Camerooniancitizens displaced by the fighting in Bakassi. Since

March 1996, it has, further,received the authorizationof the Cameroonian authorities
to visit Nigerian civilians arrested and imprisoned for security reasons. This
authorizationwasextended,fiom 21May1996,to Nigerianprisoners ofwar ...

The ICRCassuresthe Cameroonianauthoritiesthat it is continuingits effortsat
the highest level with the Governmentof the Federal Republic of Nigeria in order to
obtain information on the fate of personscaptured by the Nigerian authorities and to
receive authorizationto visitCameroonianprisoners.

The ICRC regrets the fact that, to date, the Nigerian authorities have not
respondedto theserequests."

47. Here we have a third party, an entirelyimpartial one, describingthis situation. On the

one side, Cameroon, in full compliance with its obligations, in particular in the field of

humanitarian law. On the other side, Nigeria, refusing to give any information onthe fate of

persons captured by its soldiers, refusing the humanitarian organizations access to them and

ignoringtherequests ofthe Red Cross.

070 48. After this introduction, which was necessary in order to rebut an "impression"

deliberatelycreated byNigeria, 1now tum totheprecise pointsraised by Professor Crawford. And

1shalldo so asrapidlyas 1cm.

49. As regards the events in Bakassi (CR 2002114,p. 54, paras.21, 22), Cameroon has

refuted indetail in its Reply the claims containedin the Counter-Memorial(Reply of Carneroon,

pp.564-576). It is certainly true that there may have been civilian victims, which Cameroon

deeplyregrets. But we should bearin mind thatthe climateof insecurity, highly damagingforthe

civilian population, was created by Nigeria as a result of its military invasion of the peninsula.

Even on the basis of Nigeria's own account, the victims died as a result of military operations,

responsibility for which cannot be ascertained. The Court will not fail to note that al1of the

incidentssummarizedunder headingV in the listgiven to the Court onthe day of the oralhearings

are situated chronologicallyin the years 1994to1999. As regards the new incidents cited in the

NigerianRejoinder (RejoinderofNigeria, pp.749-750),it is difficult to see what relation theycan bear to the territorial disputebetween thetwo Parties. Each one of them would cal1for a separate

examination. Cameroon would repeatthat it regrets al1of the loss and darnage caused,above al1

the loss of human life. But it is obliged to state that, in its opinion, the evidence provided by

Nigeriais insufficient.

50. Asregards the alleged attacksin themonth of April 1998, of which Nigeriamakes great

play (CR2002114, p.55, para. 25), it is helpful to read with care the documents produced in

support of the accusations. What do we find? Certainlynot the accuracy of which Nigeria has

boasted throughout the proceedings. Let us take one of the witness statements (Rejoinder of

Nigeria, Vol.IX, AM. 203). A Mr.BasseyAndem States: "Anytime we go to the high sea the

gendarmesused to pursueus and whenthey catch us, theywill seize Ourengines andfire us inside

the boat..." (ibid., p. 1707).Another witness,Mr. Ita OkonSimeon, tells us: "Gendarmeshave

always been firing their guns on us.. ." (ibid, p. 1709). In regard to the day in question,

18April 1998,the statements show substantial differencesconcerning the time when the alleged

attack began. Whilst one of the witnesses declares without hesitation that the Cameroonian

gendarmes began firing "at around 12o'clock noon" (ibid.,p. 1721), othersare convincedthat the
0 71

attack began at dawn: "At the dawn of the above-mentioneddate, 1heard ...firing and shelling

from my sleep." (ibid.,p. 1737). Thislast versionis confirmedby anotherwitness: "On the early

hours of the above stated date, the Gendarmesat the hostile creek fired indiscriminately atown

location..." (ibid, p. 1739). None ofthis hangstogether. Moreover, according to thewitnesses'

account, "bombs" were launched. However you look at it, this allegation seems implausible.

Bombs,withtheir destructive potential,would certainlyhavecaused far more seriousdamage. So,

we may acceptthat therewas some sortof incident,but thatincident certainlydid not occur in the

wayportrayedby Nigeria. Its "witness" statementsclearlylackcredibility.

51. Thesame view - a manifestlack of credibility- must be taken of the other incidents
I

cited by Nigeria. Particularly problematic arethose of 26February 1993and 27June 1993 (see

Counter-MemorialofNigeria, p. 806,para. 25.11).

52. The reader of the relevant documentsis not even informed of the locality where these

incidentsarealleged to have taken place. Al1remainsvague. Accuracy? Reliability? There isn't 53. We are running out of time, Mr. President. Cameroon will retum to the

counter-claims in the course of the extra period accorded to it for this purpose after Nigeria's

second round. Mr. President, 1 should like to end my speechhere. 1 recognize that it is an

extremelyticky matter forthe Court, even more sothan for Carneroon,to ascertain factsin respect

of which the Parties have given widely differingversions. Nonetheless, howeverconfused the

generalpicturemay appear, thereare two areaswherethe lightshines unobscuredby any shadow:

Nigerian troops and security forcesare deployedin thekassiPeninsula and in an extensivearea

of Lake Chad, in each instance on Cameroonianterritory where they have no right to be. That

presence in itselfconstitutesanternationallywrongfulact.

54. Mr. President1 have reached the end of my statement. Tomorrow moming, with your

permission, my colleague AlainPellet will introduce Cameroon'soral argument on the maritime

boundary. Thankyou.

072 The PRESIDENT: Thankyou, Professor. That endstoday'ssitting. The next Sittingwill be

tomorrou at 10 a.m. The sittingis closed.

TheCourtroseut 6.20p.m.

Document Long Title

Translation

Links