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102-20020603-ORA-01-01-BI
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INMA
CR 2002/27 (traduction)
CR 2002/27 (translation)
Lundi 3 juin 2002 à 10 heures
Monday 3 June 2002 at 10 a.m.
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The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open.
The Court meets today, pursuant to Articles 43 et seq. of its Statute, to hear the oral
arguments of the Parties in the case concerning Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
(Indonesia/Malaysia).
I would recall that each of the Parties to the present case, the Republic of Indonesia and
Malaysia, has availed itself of its right under Article 31 of the Statute of the Court to choose a
judge ad hoc. Indonesia had chosen Mr. Mohamed Shahabuddeen. Following the latter’s
resignation as judge ad hoc with effect from 20 March 2001, it chose Mr. Thomas Franck to
replace him. For its part, Malaysia chose Mr. Christopher Gregory Weeramantry.
Messrs. Weeramantry and Franck were duly installed as judges ad hoc in the case last year, when
the Application by the Republic of the Philippines for permission to intervene was considered; in
accordance with Article 8, paragraph 3 in fine, of the Rules of Court, they are not required to make
new declarations for the present phase of the case.
*
* *
The proceedings were instituted on 2 November 1998 through the notification by Indonesia
and Malaysia of a Special Agreement to submit to the Court a dispute between them concerning
sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan. By Order of 10 November 1998 the Court fixed
2 November 1999 and 2 March 2000 respectively as the time-limits for the filing of a Memorial
and a Counter-Memorial by each of the Parties, in light of their wishes as expressed in the Special
Agreement. The Parties’ Memorials were filed within the time-limit so fixed. By a joint letter of
18 August 1999, the Parties requested the Court to extend to 2 July 2000 the time-limit for the
filing of their Counter-Memorials. By Order of 14 September 1999 the Court acceded to that
request. By joint letter of 8 May 2000, the Parties asked the Court for a further one-month
extension of the time-limit for the filing of their Counter-Memorials. By Order of 11 May 2000 the
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Court also acceded to that request. The Parties’ Counter-Memorials were filed within the
time-limit as thus extended.
Under the terms of the Special Agreement, the two Parties were to present a Reply not later
than four months after the date on which each had received the certified copy of the
Counter-Memorial of the other Party. By joint letter of 14 October 2000 the Parties requested the
Court to extend that period by three months. By Order of 19 October 2000 the President of the
Court fixed 2 March 2001 as the time-limit for the filing of a Reply by each of the Parties. The
Parties’ Replies were filed within the time-limit so prescribed.
In view of the provision in the Special Agreement for a possible fourth written pleading by
each of the Parties, the latter, by joint letter of 28 March 2001, informed the Court that they did not
wish to present any such further pleading. Nor did the Court itself find any need for this.
On 13 March 2001, the Philippines filed in the Registry of the Court an Application for
permission to intervene in the case, invoking Article 62 of the Statute. By Judgment handed down
on 23 October 2001, the Court found that the Application of the Philippines could not be granted.
I would add that the Court, having ascertained the views of the Parties, has decided, pursuant
to Article 53, paragraph 2, of its Rules, that copies of the pleadings and documents annexed will be
made available to the public with effect from today. Further, in accordance with Court practice, the
pleadings without their annexes will appear on the Court’s Internet site and will be published at a
later date in the Pleadings, Oral Arguments, Documents series of the Court.
I note the presence at the hearing of the Agents, counsel and advocates of the two Parties,
whom I am pleased to welcome.
In accordance with the hearings schedule decided by the Court after consultation with the
Parties, Indonesia will be heard first. This decision does not of course imply that Indonesia can be
regarded as the applicant State or Malaysia as the respondent State and has no effect on any
question concerning the burden of proof. Having said that, at the Parties’ request, I shall now give
the floor to H.E. Mr. Hassan Wirajuda, Agent of the Republic of Indonesia.
Sir, you have the floor.
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M. WIRAJUDA :
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, c'est pour moi un grand honneur
d’être à nouveau devant vous pour représenter mon gouvernement dans cette affaire.
Remarques liminaires
2. Comme vous le savez, ce différend est le premier que deux pays de l’ANASE portent
devant la Cour par voie de compromis. Monsieur le président, cet événement revêt une très grande
importance. La Cour n’ignore sans doute pas que, depuis la création en 1967 de l’Association des
nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), les pays qui en sont membres préfèrent régler leurs
différends «en famille». Cette méthode a ses avantages, et ces pays sont parvenus à régler de
nombreux litiges qui les opposaient, et parfois même à les mettre en sommeil.
3. Il est pourtant encourageant que deux pays de l’ANASE fassent aussi confiance à la Cour
pour arbitrer leurs différends de façon juste et impartiale. Cette démarche traduit une plus grande
maturité dans les relations entre les pays de la région et dans les efforts qu’ils font pour y
promouvoir l’ordre, la paix et la stabilité par le respect de la justice et du droit, comme le prévoit la
déclaration de l’ANASE de 1967. C’est d’ailleurs conformément à l’esprit de la déclaration de la
concorde de l’ANASE de 1967 que les pays membres de l’organisation s’engagent à régler leurs
différends par des voies pacifiques. Toutefois, en l’espèce, les tentatives faites par l’Indonésie et la
Malaisie depuis les années quatre-vingt pour régler leur différend concernant Sipadan et Ligitan
n’ont pas abouti à une solution acceptable. Les parties se sont donc entendues pour soumettre leur
différend à une autre procédure prévue par la Charte des Nations Unies, à savoir le règlement par la
Cour.
4. La République d’Indonésie est fière d’avoir, avec la Malaisie, pris l’initiative de cette
démarche pour résoudre un différend territorial. Nous espérons, nous sommes même d’ailleurs
convaincus, que, ce faisant, nos deux pays créeront un précédent qui sera suivi pour régler
pacifiquement d’autres différends territoriaux dans la région.
5. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je sais que ce n’est pas la
première fois que la Cour est saisie d’un différend territorial concernant de petites îles. On peut se
demander comment des formations si petites peuvent entraîner des différends aussi insolubles.
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Mais, que les territoires concernés soient petits ou grands, les Etats prennent les problèmes de
souveraineté très au sérieux et l’Indonésie ne fait pas exception. L’Indonésie étant constituée
exclusivement d’îles, cette affaire est particulièrement importante pour mon gouvernement et pour
la population de mon pays.
6. Nous attendons de la Cour équité et justice, et des décisions fondées sur le respect du droit
qui satisferont les Parties à ce différend.
L’origine du différend
7. Comment ce différend est-il né ? Permettez-moi d’exposer très brièvement le contexte
dans lequel le problème est survenu. Des renseignements plus détaillés figurent bien sûr dans les
pièces écrites de l’Indonésie. [Projection de la carte générale de la région.]
8. Etat archipel, l’Indonésie détient la souveraineté sur plus de 17 000 îles, dont Sipadan et
Ligitan, lesquelles sont depuis toujours inhabitées. Il n’est donc pas surprenant que Sipadan et
Ligitan n’aient pas été au centre d’une activité intense au cours des années.
9. Dans les années soixante, l’Indonésie et la Malaisie ont toutes deux intensifié la
prospection pétrolière et gazière dans leurs eaux territoriales et sur leur plateau continental. La
production de pétrole et de gaz est bien évidemment un élément majeur de l’économie de mon
pays, et le gouvernement était déterminé à ouvrir de nouvelles zones à l’exploration et
l’exploitation.
10. Dans la région qui nous concerne, l’Indonésie a attribué en 1966 à une compagnie
pétrolière japonaise, JAPEX, une concession sur une zone d’exploration au large. [Représenter les
limites de la concession sur la carte.] Deux ans plus tard, la Malaisie a elle aussi accordé un
permis, juste au nord de la concession indonésienne, à une autre compagnie japonaise, TEISEKI.
[Montrer la concession sur la carte.] Il n’y avait pas de chevauchement entre ces concessions car
elles respectaient toutes deux la ligne convenue séparant les possessions des Parties le long du
parallèle 4º 10’ de latitude nord. Toutefois, la délivrance par l’Indonésie et la Malaisie de permis
de prospection au large, dans cette zone mais aussi ailleurs, a été l’un des éléments qui ont poussé
les deux Parties à reconnaître la nécessité de négocier les limites de leurs plateaux continentaux.
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11. Des représentants des Parties se sont rencontrés en septembre 1969 à Kuala Lumpur pour
parler des questions de délimitation. Des progrès importants ont été réalisés, au point que les deux
Parties ont pu conclure un accord de délimitation concernant le détroit de Malacca et certaines
parties de la mer de Chine méridionale qui bordent les deux Etats autour de Bornéo. Cet accord est
reproduit à l’annexe 136 du mémoire de l’Indonésie.
12. Néanmoins, lorsque les représentants des Parties se sont penchés sur les zones situées au
large de Kalimantan Est et du Sabah, ils se sont heurtés à des difficultés. A la grande surprise de
l’équipe indonésienne, la Malaisie a revendiqué la souveraineté sur Pulau Sipadan et Pulau Ligitan.
L’Indonésie a vivement protesté, déclarant que la question avait été réglée par la convention
anglo-néerlandaise de 1891. L’Indonésie considérait alors et considère toujours que le principe de
l’inviolabilité des traités est très important et que les Etats doivent respecter leurs engagements
conventionnels.
13. L’Indonésie a également invoqué, au cours des négociations, plusieurs cartes
malaisiennes qui, comme vous le verrez lors de nos plaidoiries aujourd’hui et demain,
représentaient les îles du côté indonésien de la ligne de 4o
10’ de latitude nord. Il fut néanmoins
impossible, dans ces circonstances, de conclure un accord de délimitation dans cette région. A cet
égard, les deux Parties reconnurent qu’il était nécessaire d’examiner des problèmes connexes de
délimitation maritime et d’utilisation des eaux situées entre les deux pays, étant entendu que l’un et
l’autre devraient faire preuve de retenue pour maintenir le statu quo.
14. Les membres de la Cour trouveront un compte rendu complet des négociations de 1969
dans les écritures de l’Indonésie. J’invite la Cour à se référer en particulier à la déclaration sous
serment de M. Mochtar Kusuma-atmadja, ancien ministre des affaires étrangères de l’Indonésie et,
jusqu’à cette année, membre de la Commission du droit international, ainsi qu’à celle de
l’amiral Sumardiman. Ces déclarations sont annexées au mémoire de l’Indonésie (vol. 5,
déclarations A et B). M. Mochtar Kusuma-atmadja et M. Sumardiman ont l’un et l’autre participé
aux négociations de 1969, M. Mochtar étant responsable de l’équipe indonésienne.
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L’accord de statu quo
15. Je n’ai rien vu dans les pièces de la Malaisie qui infirme le compte rendu des
négociations présenté par l’Indonésie. Pourtant, un aspect lié aux discussions a vivement
préoccupé l’Indonésie par le passé, même si nos collègues malaisiens ne semblent pas en avoir tenu
compte dans leurs écritures. Il s’agit de l’accord de «statu quo», un accord visant à «laisser les
choses en l’état», auquel les délégations étaient parvenues dans le cadre des négociations s’agissant
de Sipadan et de Ligitan.
16. Jusqu’aux négociations de 1969, les îles étaient inhabitées. L’Indonésie a démontré que
des pêcheurs indonésiens les utilisaient fréquemment comme abri et lieu de pêche. Il est possible
que des pêcheurs malaisiens aient fait de même. Mais il n’y avait aucun édifice et aucun des deux
Etats n’y était officiellement présent.
17. Dans ces conditions, il était tout à fait naturel que les négociateurs, lorsqu’ils prirent
conscience que les deux parties avaient des vues divergentes concernant l’appartenance de Sipadan
et de Ligitan, s’entendent pour que rien ne soit fait qui serait de nature à compliquer la
situation æ en bref, ils décidèrent de maintenir le statu quo. Cela n’est rien moins que ce que le
droit international imposerait aux parties de toute manière, à savoir l’obligation d’agir de bonne foi
et de ne pas prendre de mesures unilatérales de nature à aggraver un différend.
18. L’Indonésie a toujours respecté cet accord de statu quo. Et pendant la dizaine d’années
qui a suivi les négociations de 1969, la Malaisie l’a elle aussi respecté. Malheureusement, à partir
de 1979, elle a changé d’attitude et pris une série de mesures unilatérales : d’abord en publiant des
cartes qui représentaient les îles comme étant malaisiennes (à la différence des cartes qu’elle avait
publiées auparavant), puis en érigeant plusieurs installations touristiques à Sipadan. Ces actes
étaient fondamentalement incompatibles avec l’accord de statu quo.
19. L’Indonésie a été obligée de protester. Elle a aussi fait preuve de beaucoup de retenue en
ne prenant pas de mesures unilatérales, par respect d’un certain esprit de coopération et pour
favoriser une culture de règlement pacifique des conflits dans la région æ une culture qui doit faire
l’objet de soins attentifs. Comme la Cour l’aura constaté à la lecture des documents annexés à son
mémoire, l’Indonésie a protesté chaque fois que la Malaisie entreprenait un acte unilatéral.
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20. Monsieur le président, je ne veux pas m’appesantir sur ces incidents. Mais l’Indonésie
est fermement convaincue que ce type d’activités n’est pas pertinent pour la détermination de la
souveraineté dans cette affaire, notamment si l’on tient compte du fait que le différend sur les îles
s’était déjà cristallisé en 1969. Il serait regrettable, surtout dans le climat politique actuel, très
instable, que les Etats ne tirent pas les leçons de l’histoire, ou soient amenés à penser qu’il est dans
leur intérêt juridique de prendre des mesures unilatérales pour occuper un territoire ou exacerber un
différend existant. Avant 1967, c’est-à-dire avant la naissance du différend, l’Indonésie, en tant
que plus grand pays membre de l’ANASE, s’est engagée à recourir exclusivement à des voies
pacifiques pour régler les litiges dans la région. Elle est toujours fidèle à ce principe.
Conclusion
21. Pour en revenir à une note plus positive, l’Indonésie est heureuse de constater que,
malgré ces divergences avec la Malaisie, les relations entre les deux pays demeurent excellentes, et
qu’ils ont eu la sagesse de soumettre leur différend conjointement à cette Cour.
22. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, les conseils de l’Indonésie
traiteront de façon plus approfondie certaines des questions que j’ai évoquées. Pour plus de
commodité, je vais donc indiquer en quelques mots comment l’Indonésie entend présenter sa cause.
23. Sir Arthur Watts prendra la parole après moi et donnera un bref aperçu de
l’argumentation de l’Indonésie.
24. Il sera suivi de M. Soons et de M. Pellet, qui présenteront le contexte historique de
l’affaire, y compris les circonstances dans lesquelles Hollandais et Britanniques s’installèrent à
Bornéo au XIXe
siècle, leurs relations avec les souverains locaux et les événements qui ont amené
la conclusion de la convention anglo-néerlandaise décisive de 1891.
25. Sir Arthur Watts reviendra alors à la barre pour examiner cette convention de plus près.
26. Après cet exposé, M. Soons décrira les différents aspects du comportement des
Néerlandais et des Britanniques les uns envers les autres qui confirmèrent, après la conclusion de la
convention de 1891, la souveraineté néerlandaise sur les îles.
27. Nous en viendrons ensuite à l’argumentation de la Malaisie. M. Bundy réfutera
l’argument malaisien fondé sur une prétendue chaîne de titres passant de l’Espagne aux Etats-Unis,
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à la Grande-Bretagne, puis à la Malaisie. Après cela, M. Pellet traitera de l’argument malaisien
fondé sur une prétendue administration des îles.
28. Mme Malintoppi se penchera ensuite sur les éléments de preuve cartographiques produits
par les deux Parties. Enfin, M. Pellet clôturera le premier tour des plaidoiries de l’Indonésie en
rappelant les éléments clés des actes récents de l’Indonésie et de la Malaisie qui, une fois encore,
confirment la souveraineté de l’Indonésie à la fois sur Sipadan et sur Ligitan.
29. Monsieur le président, je remercie la Cour de son attention. Je vous serais
reconnaissant, Monsieur le président, de bien vouloir appeler à la barre sir Arthur Watts, qui est le
prochain intervenant de l’Indonésie. Je vous remercie vivement.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Monsieur le ministre. Je donne maintenant la parole à
sir Arthur Watts.
Sir Arthur WATTS : Merci, Monsieur le président.
Résumé de l’affaire
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour,
1. Une fois de plus, c’est un honneur pour moi de me présenter devant vous, aujourd’hui au
nom de la République de l’Indonésie. Mon intention ce matin est de vous résumer brièvement
l’affaire, ainsi que les arguments que l’Indonésie vous exposera au cours des jours qui viennent.
2. La présente affaire porte sur deux îles de très petite taille situées à proximité de la côte
nord-est de la grande île de Bornéo, dans la partie nord-ouest de la mer de Célèbes. La carte que
vous voyez à l’écran, et qui se trouve également sous l’onglet 2 de votre dossier d’audience,
représente Bornéo et la région alentour. Les deux petites îles en litige sont appelées Pulau Ligitan
et Pulau Sipadan, «Pulau» signifiant simplement «île» dans la langue locale. Vous pouvez voir
maintenant l’emplacement précis de ces îles.
3. Cette carte vous montre également les territoires de l’Indonésie et de la Malaisie sur l’île
de Bornéo proprement dite. Pour l’Indonésie, la partie représentée appartient à la province du
Kalimantan-Est; pour la Malaisie, il s’agit de l’Etat du Sabah. Monsieur le président, Madame et
Messieurs de la Cour, vous comprendrez sans peine pourquoi un différend a surgi, vu
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l’emplacement des deux îles, quant à la question de savoir si la souveraineté sur ces dernières
appartient à l’Indonésie ou à la Malaisie.
4. Permettez-moi de vous en dire un peu plus sur ces îles. Je vous ai déjà dit qu’elles étaient
très petites. C’est indéniable : Sipadan fait environ 0,13 kilomètre carré, et Ligitan a une superficie
analogue. Elles sont si petites qu’elles ne figurent même pas sur la plupart des cartes.
5. La photo projetée maintenant que vous trouverez également sous l’onglet 3 de votre
dossier d’audience, représente Sipadan. Elle vous donne un aperçu de la dimension de cette île et
de sa végétation. Sipadan n’est rattachée à aucune masse continentale adjacente; c’est en fait une
île d’origine volcanique, constituée par le sommet d’une montagne sous-marine d’environ 600 à
700 mètres de haut, sur laquelle un atoll corallien s’est formé. Cela explique qu’elle soit entourée
d’eaux profondes qui atteignent rapidement 500 mètres et plus.
6. L’île, comme vous le voyez sur la photo, est très boisée.
7. Voici maintenant une photographie similaire de Ligitan; elle figure également sous
l’onglet 4 du dossier d’audience. Comme Sipadan, Ligitan n’est rattachée à aucune masse
continentale adjacente.
8. Comme vous pouvez le constater, cette île est constituée principalement de sable. Elle est
située à proximité d’un banc de sable étroit, immergé à marée haute mais qui assèche à marée
basse, jusqu’à 1,2 mètre au-dessus du niveau de la mer. L’île elle-même, en revanche, est
découverte en permanence. Il y pousse quelques buissons et arbustes.
9. Les deux îles étaient parfois utilisées en saison par les pêcheurs et les ramasseurs d’œufs
de tortues, qui y avaient des abris rudimentaires, mais aucune n’a jamais eu de population
permanente. Il y a quelques années, cependant, après l’émergence du présent différend entre les
Parties, un petit complexe touristique malaisien privé a été installé sur Sipadan.
10. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà pour le cadre
géographique du différend que les Parties ont convenu de vous soumettre. Permettez-moi
maintenant de vous rappeler brièvement comment ce différend est né, et d’en exposer les
principaux aspects juridiques, tels qu’ils sont vus par l’Indonésie.
11. Concernant le premier de ces aspects æ les origines immédiates du différend æ, je n’ai
rien à ajouter à ce que l’agent de l’Indonésie vient de dire. Ainsi qu’il vous l’a expliqué, le
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différend a surgi en 1969 alors que l’Indonésie et la Malaisie négociaient au sujet d’une
délimitation maritime. Plutôt que de retarder leurs négociations le temps de résoudre ce petit
problème local, les parties ont préféré conclure au sujet des deux îles ce que l’on pourrait appeler
un accord de statu quo, tout en poursuivant leurs pourparlers sur d’autres questions.
12. Bien que les parties aient fait leur possible pour trouver une solution consensuelle au
différend, elles n’y sont pas parvenues. C’est pourquoi elles ont décidé de soumettre la question à
cette Cour. A cette fin, elles ont signé en 1997 un compromis qui est entré en vigueur en 1998.
13. Il va de soi que les origines immédiates de l’affaire soumise aujourd’hui à la Cour
reposent sur une histoire beaucoup plus longue qui remonte à de nombreuses années æ en fait, à la
première moitié du XIXe
siècle, à l’époque où les Etats européens étendaient leur présence dans
cette région de l’Asie du Sud-Est.
14. En résumé, le titre de l’Indonésie sur certains territoires de la région découle du titre que
son prédécesseur colonial æ les Pays-Bas æ possédait avant elle; ce titre néerlandais a été
confirmé par les dispositions d’une convention conclue en 1891 entre les Pays-Bas et la
Grande-Bretagne, convention qui visait elle-même à régler un différend relatif à la limite entre les
territoires du sultan du Boeloengan (du côté néerlandais) et ceux du sultan de Sulu (du côté
britannique).
15. Pour être un peu plus précis, il me faut vous expliquer qu’au début du XIXe
siècle, les
trois souverains locaux importants étaient le sultan du Brunéi, le sultan de Banjermassin, suzerain
du sultan du Boeloengan, et le sultan de Sulu. La carte que vous voyez maintenant à l’écran, et qui
se trouve sous l’onglet 5 de votre dossier d’audience, montre les zones æ très
approximatives æ où s’exerçait l’autorité de ces souverains. En fait, les intérêts du sultan du
Brunéi dans les zones directement concernées par la présente affaire n’étaient que secondaires,
même s’il nous arrivera d’évoquer la position du Brunéi.
16. Ce qui nous intéresse ici, c’est la zone où les intérêts territoriaux du sultan du
Boeloengan et ceux du sultan de Sulu se touchaient. Vous voyez cette zone sur la carte devant
vous, qui se trouve également sous l’onglet 6 de votre dossier d’audience. En fait, comme
M. Pellet va le démontrer tout à l’heure, les prétentions des deux sultans se chevauchaient : il
semble que, parfois, celui de Sulu revendiquait des terres allant, au sud, jusqu’à la «rivière Sibuko»
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æ un repère moins certain qu’on ne pourrait le penser, mais dont l’emplacement pourrait être celui
indiqué sur la carte æ, tandis que celui du Boeloengan revendiquait des terres æ qu’il contrôlait
d’ailleurs æ s’étendant au moins, au nord, jusqu’à Batoe Tinagat et la rivière Tawau (signalés sur
la carte).
17. C’est alors que les Britanniques et les Néerlandais sont entrés en scène, chacun cherchant
à étendre son autorité et son contrôle dans la région. M. Soons vous expliquera comment ces deux
Etats européens ont établi leur autorité sur les domaines des différents sultans dans le nord-est de
Bornéo æ les Néerlandais sur ceux du sultan du Boeloengan, et la Grande-Bretagne, sur ceux de
Sulu, par la création de la British North Borneo Company.
18. L’incertitude qui existait quant aux limites des territoires des sultans du Boeloengan et de
Sulu est devenue un sujet de contestation entre les Pays-Bas et la Grande-Bretagne. A mesure que
ces deux pays augmentaient leurs activités dans la région, les motifs de friction se multipliaient
également, et de fait, à certains moments, leurs relations étaient assez tendues. Il était clair que les
deux Etats ne pourraient s’entendre sur la définition des limites de l’autorité territoriale antérieure
des sultans et, ainsi que M. Pellet va vous l’expliquer, il devint essentiel pour eux de régler la
question une bonne fois pour toutes, de façon à préserver la stabilité dans la région et éviter les
sources de frictions territoriales.
19. A cette fin, les deux Etats entreprirent de négocier un traité en vue de fixer la frontière
entre leurs possessions respectives dans la région. Ces négociations aboutirent à la signature d’une
convention en 1891, qui définissait la frontière entre leurs possessions au nord de Bornéo. Le sens
et l’effet de cette convention sont au cœur de l’affaire soumise aujourd’hui à la Cour. Si je puis me
permettre, à ce stade, d’évoquer brièvement la nature du problème d’interprétation qui se pose, je
dirais qu’il découle de la façon dont la frontière est décrite dans la convention.
20. Les Parties ont commencé par déterminer un point de départ sur la côte de l’île de
Bornéo proprement dite : ce point est indiqué sur la carte projetée à l’écran, qui se trouve
également sous l’onglet 7 de votre dossier d’audience. A partir de ce point, la frontière suivait une
ligne qui se dirigeait vers l’ouest à travers l’île de Bornéo; ce segment de la frontière n’a toutefois
qu’une importance secondaire dans la présente affaire.
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21. Ce qui est directement en cause, en revanche, ce sont les dispositions de l’article IV de la
convention, qui indique comment la frontière devait se prolonger vers l’est. Comme la Cour peut
le voir, le point de départ de la frontière est séparé du large, à l’est, par l’île de Sebatik. C’est
pourquoi l’article IV prévoyait que la frontière, à partir du point de départ convenu sur la côte, à la
hauteur du parallèle 4º 10’ de latitude nord, «se continu[ait] vers l’est le long du même parallèle, à
travers l’île de Sebittik».
22. L’Indonésie estime que la disposition de l’article IV visait à définir æ et doit être
interprétée comme définissant æ une ligne de partage entre tous les territoires néerlandais et
britanniques dans la région, qui était censée se prolonger vers le large aussi loin que nécessaire
pour séparer également les territoires néerlandais et britanniques situés en mer; cela lui semble
d’autant plus évident que le règlement contenu dans la convention était un compromis, et que les
parties concernées cherchaient manifestement à régler l’ensemble de leurs différends territoriaux
dans la région. Vous pouvez voir sur la carte que le parallèle choisi par les parties passe largement
au nord de Sipadan, et juste au nord de Ligitan, attribuant de ce fait les deux îles aux Pays-Bas.
23. Cette thèse de l’Indonésie est confirmée par un grand nombre d’arguments et d’éléments
de preuve, qui seront examinés en temps voulu. A ce stade liminaire, l’Indonésie se contentera
d’attirer votre attention sur une carte qui joue un rôle essentiel dans la présente affaire.
24. Cette carte, que vous voyez maintenant à l’écran, et qui se trouve également sous
l’onglet no
8 de votre dossier d’audience, fut soumise au Parlement néerlandais lors de la procédure
de ratification de la convention de 1891. La ligne fixée dans la convention y est indiquée en rouge.
Cette carte montre clairement que, pour le Gouvernement néerlandais comme pour le Parlement
néerlandais, la convention de 1891 établissait une ligne se poursuivant vers le large le long du
parallèle 4o
10’ de latitude nord, et au-delà de la côte de l’île de Sebatik; autrement dit, selon les
termes de l’article IV, une ligne qui «se continu[ait] vers l’est le long du même parallèle». La carte
fut transmise par la légation britannique à La Haye au Foreign Office à Londres. Le Gouvernement
britannique ne formula aucune protestation au sujet de cette description de la ligne, et il faut donc
considérer qu’il l’acceptait.
25. La convention de 1891 ayant établi que la ligne du parallèle 4o
10’ de latitude nord
constituait la limite entre les possessions néerlandaises et britanniques dans la région, c’est cette
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même ligne qui sert aujourd’hui de frontière entre les possessions héritées par l’Indonésie et la
Malaisie de leurs prédécesseurs coloniaux. Nous avons déjà vu que cette frontière conventionnelle
attribuait aux Pays-Bas la souveraineté sur les deux îles actuellement en litige, puisque l’une et
l’autre sont situées au sud de la ligne convenue : ces îles appartiennent donc maintenant à
l’Indonésie.
26. Du fait qu’il découle d’un traité, ce titre a un effet juridique qui prévaut sur tout autre
pour établir la souveraineté actuelle de l’Indonésie sur Ligitan et Sipadan.
27. Cependant, l’Indonésie ne se fonde pas uniquement sur la convention de 1891.
L’interprétation qu’elle donne de cet instrument est confirmée à la fois par l’existence démontrée
d’une pratique étatique remontant à 1891, et par des déclarations de la Malaisie allant dans le
même sens.
28. Pour apprécier l’existence d’une pratique des Etats relative à Sipadan et à Ligitan, il faut
garder à l’esprit deux considérations générales. Premièrement, le différend soumis aujourd’hui à la
Cour s’est cristallisé en 1969, et aucune conduite postérieure à cette date ne doit être retenue
comme preuve de l’exercice d’une souveraineté de l’Etat : en effet, une fois que le différend est
apparu, toute action d’un Etat fait inévitablement naître le soupçon qu’elle est calculée, qu’elle vise
à consolider, voire à établir, sa prétention de souveraineté. A cet égard, on notera en particulier que
c’est seulement après 1969 qu’un complexe touristique malaisien privé a été établi æ en dépit des
protestations de l’Indonésie æ sur l’île de Sipadan : cet élément censé prouver la souveraineté
malaisienne doit donc être écarté, tant à cause de sa date qu’en raison de son caractère privé.
29. La deuxième considération générale à ne pas perdre de vue est qu’aucune des Parties ne
peut prétendre que ces deux îles minuscules étaient au cœur de ses préoccupations dans la région :
en effet, elles étaient inhabitées et présentaient un intérêt économique très limité. Par conséquent,
les éléments susceptibles de démontrer l’existence d’une pratique concernant spécifiquement
Sipadan et Ligitan seront nécessairement moins abondants qu’ils ne pourraient l’être si ces îles
abritaient des communautés très nombreuses et florissantes. Il est d’autant plus important, dans ces
circonstances, de se rappeler constamment que le titre de l’Indonésie sur les deux îles est fondé sur
les dispositions de la convention de 1891. Un titre conventionnel mérite le plus grand respect, en
- 15 -
particulier lorsqu’il n’est opposé qu’à une pratique étatique très limitée, et plus encore si cette
pratique est elle-même contradictoire.
30. Cela dit, des éléments prouvent l’existence au fil des ans d’une pratique qui confirme la
position de l’Indonésie. Ainsi, peu après la conclusion de la convention de 1891, les Pays-Bas
modifièrent leur instrument juridique local qui définissait les territoires du sultan du Boeloengan.
Ils le firent de façon à reconnaître que la convention ne délimitait pas seulement les territoires des
parties sur l’île de Bornéo proprement dite, et que la ligne passant par le parallèle 4o
10’ de latitude
nord leur attribuait également les îles situées de leur côté de la ligne. Le Gouvernement
britannique fut informé de cette modification et il n’émit aucune objection.
31. De même, en 1921, un navire de la marine néerlandaise qui patrouillait dans la région fit
escale à Sipadan, mais en s’abstenant ostensiblement de pénétrer dans les zones sous autorité
britannique situées au nord de la ligne fixée par la convention.
32. Autre exemple encore, celui des concessions pétrolières octroyées par l’Indonésie et la
Malaisie dans la région, et qui, comme l’agent de l’Indonésie vient de le dire, ont respecté elles
aussi la ligne convenue dans la convention.
33. Après la carte dite du «mémoire explicatif», que j’ai citée tout à l’heure, et qui fut
utilisée par le Gouvernement et le Parlement néerlandais lors de la ratification de la convention
de 1891, un grand nombre d’autres cartes æ notamment des cartes officielles publiées par la
Grande-Bretagne et par la Malaisie æ ont confirmé que la ligne de la convention se poursuivait
vers le large à l’est de l’île de Bornéo.
34. Dans le résumé que je viens de vous faire, je me suis limité aux relations existant entre
les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, pour commencer, puis entre l’Indonésie et la Malaisie. Toute
l’affaire tourne autour de ces relations. Je dois également signaler le rôle historique qu’auraient
joué les relations entre le sultan de Sulu, l’Espagne et les Etats-Unis. Mais à ce stade, je me
contenterai justement de les signaler : pour l’Indonésie, elles constituent une question secondaire,
qui n’est pas directement pertinente pour les questions principales de l’affaire. En particulier, elles
ne peuvent en aucun cas servir à dénier le titre de l’Indonésie sur Sipadan et Ligitan tel qu’il
découle de la convention de 1891.
- 16 -
35. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, ici s’achève mon introduction.
Je vous ai résumé la teneur de l’affaire qui vous est soumise aujourd’hui, ainsi que les principaux
éléments de la thèse que l’Indonésie va maintenant vous exposer plus en détail. Mais une chose est
déjà très claire. L’Indonésie n’a pas besoin de développer une argumentation complexe et
artificielle : sa thèse est simple et claire. Elle repose essentiellement sur cinq points élémentaires :
i) premièrement, au XIXe
siècle, les prétentions du sultan de Boeloengan sur les îles
aujourd’hui en litige étaient au moins aussi fondées que celles du sultan de Sulu, et elles
l’étaient même davantage;
ii) deuxièmement, il n’est pas nécessaire, cependant, que la Cour examine sur le fond les
prétentions concurrentes des sultans, parce que les deux Etats protecteurs, c’est-à-dire les
Pays-Bas et la Grande-Bretagne, ont réglé avec la convention de 1891 les différends
territoriaux qui les opposaient dans la région; dans cette convention, ils ont adopté
comme frontière entre leurs possessions le prolongement vers l’est de la ligne passant par
le parallèle 4o
10’ de latitude nord;
iii) troisièmement, puisque Sipadan et Ligitan sont toutes deux situées au sud de la ligne
fixée dans la convention, celle-ci a eu pour effet d’attribuer les deux îles aux Pays-Bas, et
par conséquent, aujourd’hui, à l’Indonésie;
iv) quatrièmement, jusqu’au moment où le différend s’est cristallisé en 1969, la ligne
conventionnelle passant par le parallèle 4o
10’ de latitude nord avait été respectée dans la
pratique des deux Parties comme constituant la ligne séparant leurs possessions
territoriales respectives dans la région; et
v) cinquièmement, les éléments de preuve cartographiques æ notamment les cartes
officielles publiées par la Grande-Bretagne pour la British North Borneo Company et par
la Malaisie æ montrent que la ligne fixée dans la convention de 1891 se poursuivait au
large de l’île de Bornéo proprement dite, laissant Sipadan et Ligitan du côté néerlandais
æ et maintenant indonésien æ de cette ligne.
36. Monsieur le président, j’en ai terminé; puis-je vous demander de donner maintenant la
parole à M. Soons, qui poursuivra cet exposé de la thèse de l’Indonésie ? Merci, Monsieur le
président.
- 17 -
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, sir Arthur. I now give the floor to
Professor Alfred Soons.
M. SOONS :
Le contexte historique : la présence des Pays-Bas et de la Grande-Bretagne dans la région
nord-est de Bornéo avant la convention anglo-néerlandaise de 1891
Introduction
1. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, c’est pour moi un grand honneur
d’être ici devant vous pour représenter le Gouvernement de la République d’Indonésie.
2. Pour que l’on comprenne bien la convention anglo-néerlandaise de 1891, qui alloua
Pulau Sipadan et Pulau Ligitan au Royaume des Pays-Bas, l’Indonésie juge utile de fournir un bref
aperçu de la manière dont les deux Etats en présence, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, en sont
arrivés à procéder à cette délimitation territoriale. C’est la tâche qui m’incombera ce matin.
3. Je souhaiterais toutefois préciser d’emblée que l’aperçu historique que je vais vous
présenter maintenant exprime un point de vue européen. Naturellement, ce n’est pas parce que
c’est pour nous la seule perspective valable pour examiner les événements historiques qui seront
traités dans cet exposé. Au contraire, le point de vue choisi résulte inévitablement du fait qu’en la
présente espèce, nous devrons juger, à l’aune des règles contemporaines du droit international, des
actes accomplis par des Etats européens dans cette partie de l’Asie du Sud-Est, tant entre eux que
dans leurs relations avec les souverains locaux. Il ressort déjà clairement de la procédure que
l’application de concepts européens et des règles contemporaines du droit international soulève un
certain nombre de difficultés. Les faits que je vous présenterai ici ont essentiellement trait aux
actions accomplies pendant la période considérée par les puissances coloniales néerlandaise et
britannique; il ne s’agit naturellement que d’une période très limitée de l’histoire de la région
nord-est de Bornéo au XIXe
siècle.
4. Je commencerai par une description de la situation à Bornéo avant que ne débute
l’expansion européenne en direction du nord-est de Bornéo. Puis j’examinerai les actions
entreprises par les Néerlandais pour prendre le contrôle de cette région, et pour finir, je vous
présenterai l’historique des initiatives britanniques ayant mené à la création de l’Etat du
- 18 -
Nord-Bornéo, pour le compte duquel le Gouvernement britannique agissait lorsqu’il a conclu la
convention de 1891 avec les Néerlandais.
La situation à Bornéo avant le début de l’expansion européenne en direction du nord-est
5. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, jusqu’au milieu du XIXe
siècle,
la région nord-est de Bornéo n’était vue par les puissances coloniales européennes que de loin :
depuis la mer qui l’entourait, où passaient les navires lors de leurs voyages commerciaux. Ces
navires se tenaient autant que possible à l’écart de la côte, car c’était une zone dangereuse : elle
était parsemée de nombreux récifs et les pirates opéraient souvent dans les eaux côtières. De la
même façon, la population locale voyait les Européens à distance : ces derniers ne débarquaient sur
le rivage que très rarement. Il n’existait aucun établissement européen permanent et les chefs
indigènes régnaient sans interférence de la part des Européens.
6. Aussi est-ce seulement vers le milieu du XIXe
siècle que les puissances européennes
commencèrent à s’intéresser activement à la région. Jusqu’alors, leur présence dans l’île de Bornéo
en général était limitée : seuls les Néerlandais s’étaient établis de manière permanente à différents
endroits de l’île, au sud et au sud-ouest. Certains de ces établissements remontaient à la fin du
XVIe
siècle.
7. Lorsque les Européens commencèrent à s’intéresser au nord-est de Bornéo, trois
principaux souverains régionaux étaient censés exercer leur autorité sur cette région, qu’ils se
partageaient : le sultan du Brunéi, celui de Sulu et celui de Banjermassin. Ces trois sultanats sont
représentés sur la carte qui vous est maintenant projetée à l’écran, de même que le siège de leurs
gouvernements (dossier d’audience, onglet 9). L’étendue géographique précise du territoire sur
lequel s’exerçait leur autorité n’était toutefois pas clairement définie. Cela était dû à la conception
qu’ils avaient de la notion de territoire, et à la nature de l’autorité qu’ils exerçaient sur leur
territoire, à quoi s’ajoutait un système de rapports hiérarchiques fluctuants entre les souverains
indigènes de cette région. Mon collègue, M. Pellet, vous expliquera cela de manière plus
approfondie tout à l’heure.
8. Le sultan du Brunéi exerçait son autorité sur la partie septentrionale de Bornéo. Celle-ci
comprenait principalement les zones côtières et les régions situées en amont le long des rivières. A
- 19 -
l’origine, elle comprenait également la région nord-est de Bornéo (qu’on appelle aujourd’hui le
Sabah), mais celle-ci, semble-t-il, fut cédée au sultan de Sulu au XVIIIe
siècle.
9. Le Royaume du sultan de Sulu comprenait l’archipel situé à l’est de la partie
septentrionale de Bornéo, qui constitue l’extrémité sud-ouest de l’archipel des Philippines
considéré dans son ensemble. Mais le sultan prétendait que son autorité s’étendait aussi à la région
nord-est de Bornéo (le Sabah), celle-ci lui ayant été cédée par le sultan du Brunéi au XVIIIe
siècle,
comme je viens de l’indiquer.
10. Enfin, le Royaume du sultan de Banjermassin comprenait la partie méridionale de
Bornéo, région où s’étaient établies les premières colonies néerlandaises. Néanmoins, ce sultan
revendiquait également la souveraineté sur de vastes régions de Bornéo, au nord de Banjermassin
proprement dit. Il avait cédé les possessions qu’il avait sur la côte orientale de Bornéo à la
Compagnie néerlandaise des Indes orientales en 1787 (MI, par. 3.7 et 4.56). Lorsque la Compagnie
néerlandaise des Indes orientales fut dissoute, quelques années plus tard, toutes ses possessions
furent transférées au Gouvernement néerlandais. Pendant les guerres napoléoniennes, les territoires
néerlandais d’outre-mer, et notamment les possessions néerlandaises dans les Indes orientales,
tombèrent brièvement aux mains des Britanniques. La paix revenue, la plupart de ces territoires
furent rendus par les Britanniques aux Pays-Bas, en vertu du traité du 13 août 1814 (MI, par. 3.8
et 4.51). Toutefois, ce traité ne suffit pas à rassurer la Grande-Bretagne et à la convaincre que les
Pays-Bas ne réintroduiraient pas dans la région un régime de monopole commercial tel que celui
qui avait existé du temps de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales.
11. Un nouveau traité fut donc négocié entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas, portant sur
les droits et les intérêts des deux Etats dans l’Asie du Sud-Est. Ce traité, conclu en 1824,
comportait des dispositions commerciales et territoriales. Il établissait l’égalité de traitement
commercial entre les parties. Aux termes de l’article XII (dont vous trouverez le texte complet
dans le dossier d’audience, sous l’onglet 10), la Grande-Bretagne s’engageait à se qu’ «il ne [soit]
pas formé d’établissement britannique … dans aucune des … îles situées au sud du détroit de
Sincapore, et qu’aucun traité ne sera[it] conclu sous l’autorité britannique avec les chefs de ces
îles». Comme nous le verrons, la signification exacte de cette disposition deviendra une source de
litige entre les Néerlandais et les Britanniques.
- 20 -
12. Cette situation — le manque d’intérêt des puissances européennes pour les régions
septentrionale et orientale de Bornéo — changea lorsqu’un sujet britannique, James Brooke, qui
avait commencé en 1841 par faire du commerce à titre privé dans la région occidentale de Bornéo,
fut nommé en 1844 agent de la Grande-Bretagne à Bornéo. En 1846, Brooke persuada le sultan du
Brunéi de céder à la Grande-Bretagne l’île de Labuan, que vous voyez maintenant représentée sur
la carte, et qui est située à proximité de la côte de Brunéi, non loin de sa capitale. Cette île devint
une colonie britannique dont Brooke fut le premier gouverneur. Il devint également rajah
indépendant de Sarawak, la partie la plus occidentale du Sultanat de Brunéi, et occupa par la suite
d’importantes zones au nord, comme vous le voyez sur la carte.
13. Ces initiatives prises par la Grande-Bretagne à Bornéo soulevèrent les protestations du
Gouvernement néerlandais qui jugea ces actes contraires au traité de 1824. Selon les Néerlandais,
ce traité leur réservait l’île de Bornéo. Les Britanniques restèrent sur leur position, soutenant que le
traité de 1824 n’empêchait aucunement l’une ou l’autre des parties de nouer des relations avec les
souverains locaux de Bornéo et que la limitation des droits britanniques prévue dans le traité, qui
s’appliquait aux îles situées au sud du détroit de Singapour, ne visait pas l’île de Bornéo.
14. Selon le Gouvernement néerlandais, l’île de Bornéo n’était pas mentionnée dans le traité
de 1824 parce que celui-ci se fondait sur le principe que Néerlandais et Britanniques ne devraient
pas occuper le même territoire en commun. Les Britanniques étant absents de Bornéo en 1824, les
Néerlandais en concluaient qu’il leur était interdit de s’y installer par la suite. Le Gouvernement
britannique était toutefois d’avis qu’aucune disposition du traité de 1824 n’interdisait la création
d’établissements britanniques dans les parties de Bornéo où les Pays-Bas ne possédaient pas de
droits reconnus. Pendant toute la seconde moitié du XIXe
siècle, le traité de 1824 fut fréquemment
invoqué lors des débats internes aux Pays-Bas pour exprimer une opposition aux activités
britanniques dans la partie nord de Bornéo, mais finalement, le Gouvernement néerlandais décida
de ne pas insister auprès des Britanniques. Il choisit donc, comme nous le verrons, de ne pas
s’opposer à ce qu’une entreprise britannique privée établisse une présence dans les territoires du
nord de l’île de Bornéo (MI, par. 3.14-3.17).
15. Peu de temps après les succès remportés par Brooke sur la côte nord-ouest de Bornéo, un
autre Anglais, Erskine Murray, chercha à s’établir sur la côte orientale de Bornéo, en 1843-1844.
- 21 -
Cette tentative échoua et Murray fut assassiné. Mais les Néerlandais furent prompts à réagir et
commencèrent à exercer un contrôle effectif sur les territoires de la côte orientale. Monsieur le
président, Madame et Messieurs de la Cour, la lutte pour la région nord-est de Bornéo avait
commencé.
16. Du côté néerlandais, elle était motivée par deux raisons principales. La première était la
volonté de s’assurer que les autres puissances occidentales n’interviendraient pas dans la région, de
façon à les empêcher de prendre le contrôle du territoire. La seconde raison avait trait,
naturellement, à la défense d’intérêts économiques : l’exploitation des ressources naturelles de ces
territoires. Les principales ressources naturelles que recherchaient les entreprises privées étaient le
charbon, le bois puis plus tard également le pétrole.
17. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, avant de continuer à vous
décrire les actions entreprises par les Néerlandais pour s’assurer le contrôle effectif de ces régions,
je dois vous expliquer que la méthode privilégiée par les Néerlandais pour acquérir des territoires
coloniaux dans le sud-est asiatique, antérieurement et aussi pendant toute cette période, consistait à
faire pression sur les souverains locaux pour qu’ils concluent des accords (dénommés «contrats»)
par lesquels ils acceptaient la suzeraineté néerlandaise, ou cédaient leurs territoires au
Gouvernement néerlandais. Souvent, les territoires de ces souverains locaux leur étaient rendus en
fiefs. Il était exceptionnel que les territoires soient annexés par la conquête, et ce ne fut pas le cas
dans les régions côtières de la partie nord-est de Bornéo.
La prise de contrôle de la région nord-est de Bornéo par les Néerlandais
18. J’en arrive maintenant aux actions entreprises par les Néerlandais pour prendre le
contrôle de la région nord-est de Bornéo. Comme je l’ai indiqué il y a un instant, le sultan de
Banjermassin, au sud, prétendait détenir l’autorité suprême sur les souverains de la côte orientale
de Bornéo. Il avait cédé ces territoires à la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, au
XVIIIe
siècle, cession qui fut renouvelée par contrat avec le nouveau Gouvernement des Indes
orientales néerlandaises en 1817, 1823 et 1826 (voir MI, par. 4.57-4.58). Ces contrats
mentionnaient de manière spécifique les régions du Pasir, de Koetei et de Berou. Toutefois, le
Gouvernement néerlandais parvint très vite à la conclusion que cette prétendue autorité du sultan de
- 22 -
Banjermassin sur la côte orientale de Bornéo était tout au plus théorique, et il commença à entrer en
relation directe avec les souverains locaux, de façon à asseoir et à manifester son autorité.
Immédiatement au nord de Banjermassin proprement dit, ces souverains étaient les sultans du Pasir
et de Koetei. Ces régions sont indiquées sur la carte que vous voyez maintenant projetée à l’écran.
Au nord de ces territoires se trouvait le royaume appelé Royaume de Berou. Celui-ci, qui est
également représenté sur la carte, était constitué à l’origine de trois entités distinctes : Sambalioeng,
Goenoengtaboer et Boeloengan. En 1834, les Néerlandais donnèrent en fief le territoire du Berou
au sultan de Goenoengtaboer. Le Boeloengan n’y était pas inclus, mais pour la première fois, son
sultan se soumit directement à l’autorité du Gouvernement des Indes néerlandaises, la même année
(MI, vol. 2, annexe 8). Cela montre qu’il n’existait pas alors de rapport hiérarchique entre lui et le
sultan de Goenoengtaboer et que son territoire était, à l’époque, considéré comme complètement
distinct du Berou.
19. C’est aussi pendant cette période que le territoire de Tidoeng, composé de six districts
situés au nord du Boeloengan proprement dit, passa sous l’autorité du Boeloengan. Cette région,
qui est représentée sur la carte, fut à partir de ce moment considérée par les Néerlandais comme
une dépendance du Boeloengan faisant partie de son territoire. Vous trouverez cette carte sous
l’onglet 11 du dossier.
20. En 1844, les Etats de Sambalioeng, Goenoengtaboer et Boeloengan (qui composaient
précédemment le Berou) furent tous les trois reconnus par le Gouvernement des Indes
néerlandaises comme des royaumes distincts. Leurs chefs reçurent officiellement le titre de sultan.
21. En 1850, le Gouvernement des Indes néerlandaises conclut avec chacun des sultans des
trois royaumes un contrat aux termes duquel le territoire du royaume lui était donné en fief (MI,
par. 4.62). Le contrat conclu avec le sultan du Boeloengan est daté du 12 novembre 1850; vous le
trouverez dans vos dossiers sous l’onglet 12.
22. Le contrat conclu avec le sultan du Boeloengan comprenait une description de la zone
géographique se trouvant sous son contrôle. L’article 2 de ce contrat, que vous voyez maintenant
projeté à l’écran, stipule ce qui suit :
«Le territoire du Boeloengan est limité par les frontières suivantes : avec le
Goenoeng-Teboer : la côte vers l’intérieur, la rivière Karangtiegau depuis son
embouchure jusqu’à sa source; en outre, le Batoe Beoekkier et le mont Palpakh;
- 23 -
avec les possessions Sulu : en mer le cap dénommé Batoe Tinagat, ainsi que la rivière
Tawau.
Les îles suivantes appartiennent au Boeloengan : Tarakan, Nanoekhan et
Sebatik, avec les petites îles qui s’y rattachent.
Cette délimitation est établie à titre provisoire, et donnera lieu à un nouvel
examen complet et à une nouvelle détermination.»
23. Trois éléments de cette définition territoriale méritent ici une attention toute particulière.
Le premier est la limite septentrionale du territoire, définie comme le cap Batoe Tinagat et la
rivière Tawau. Leur emplacement est indiqué sur la carte qui vous est projetée à l’écran, et qui se
trouve sous l’onglet 13 du dossier d’audience. La délimitation territoriale reconnaissait donc que
Boeloengan avait une frontière commune avec des territoires appartenant au sultan de Sulu sur l’île
de Bornéo proprement dite.
24. Le deuxième élément qui mérite notre attention est que des îles sont citées dans la
définition. Les trois plus grandes sont mentionnées expressément : Tarakan, Nanoekhan et Sebatik,
tandis que toutes les autres sont seulement évoquées de manière générique : les «petites îles qui s’y
rattachent». Mais cela montre clairement que le sultan du Boeloengan, outre l’île principale de
Bornéo, avait également des possessions maritimes. A cet égard, il convient de souligner que la
population du Sultanat de Boeloengan était très diverse et était constituée de Dayaks vivant en
amont des rivières dans les territoires de Tidoeng, ainsi que de Malais et de Bugis dans les régions
côtières. Les Bugis, originaires du sud de Sulawesi mais parfaitement intégrés à la société du
Boeloengan, représentaient la composante maritime de la population. Telle est la situation telle que
la décrit l’historien Vincent Houben, dont le rapport d’expertise est joint au contre-mémoire de la
Malaisie. Contrairement à ce que la Malaisie conclut, semble-t-il, de ce rapport, Boeloengan faisait
également du commerce en mer et possédait donc une dimension maritime.
25. Le troisième élément de la définition territoriale méritant d’être souligné est la clause de
sauvegarde finale : la délimitation devait être considérée comme provisoire. Cela montrait que les
Néerlandais reconnaissaient d’emblée que subsistait une certaine incertitude quant aux limites
exactes du territoire.
26. D’aucuns considéraient que le territoire relevant du sultan du Boeloengan s’étendait au
nord très au-delà de la rivière Tawau (MI, par. 5.5; RI, par. 5.14 et annexe 1). Je me rapporte à
l’article de H. Von Dewall publié en 1855, dont un extrait constitue l’annexe 1 de la réplique de
- 24 -
l’Indonésie. L’auteur y explique qu’en 1849, il était envisagé de fixer le point le plus septentrional
des possessions néerlandaises sur la côte orientale de Bornéo à 5º 40’ de latitude nord (la baie de
Sandakhan), ou même à 6º 25’ de latitude nord. Le Gouvernement néerlandais décida finalement
de ne pas entériner ces revendications, comme je viens de le souligner, mais cela met une nouvelle
fois en lumière l’incertitude qui régnait dans cette région au sujet des frontières.
27. En 1878, un nouveau contrat fut conclu avec le sultan du Boeloengan. Il reprenait la
même définition territoriale que celui de 1850, mais sans la mention du caractère provisoire de la
délimitation. Vous trouverez une copie de ce contrat dans sa traduction anglaise dans votre dossier
d’audience sous l’onglet 14 (MI, vol. 2, annexe 19).
28. Les limites du Sultanat de Boeloengan furent par la suite reprises dans les définitions
territoriales des divisions administratives de la partie néerlandaise de Bornéo. L’arrêté du
2 février 1877, qui partagea la résidence de la division méridionale et orientale de Bornéo en
six divisions, désignait la sixième division, la plus au nord, comme «Koetei et côte est de Bornéo».
Aux termes de l’article 3 de l’arrêté, cette division comprenait «les Etats féodaux du Boeloengan
(dont font partie les pays de Tidoeng et les îles de Tarakan, Nanoekan et Sebatik, avec les îles plus
petites qui s’y rattachent)…» (MI, par. 4.67).
29. La présence néerlandaise au Boeloengan pendant cette période n’était assurément pas
purement théorique. Les Néerlandais pouvaient parfois se montrer actifs, sur terre et surtout en
mer au large des côtes de Boeloengan. Par exemple, dès 1849, une expédition fut envoyée dans les
régions de l’intérieur et des drapeaux néerlandais y furent distribués aux chefs locaux, comme le
montre le document figurant dans le dossier d’audience sous l’onglet 15 (MI, vol. 3, annexe 57).
30. En mer, la marine néerlandaise patrouillait le long des côtes dans le but de protéger la
population du territoire néerlandais contre les menaces de pillage, et la navigation côtière contre la
menace des pirates. A titre d’exemple de la présence néerlandaise, je me permets d’appeler votre
attention sur les activités du navire néerlandais Admiraal Van Kinsbergen, de 1875 à 1877, qui sont
évoquées dans le contre-mémoire de l’Indonésie, au paragraphe 3.67. Le journal de bord du navire
consigne en date du 10 juin 1876 qu’il avait croisé autour de l’île de Sipadan, et même qu’il avait
débarqué des sloops armés sur l’île de Mabul, qui se situe à 8 milles au nord de Sipadan. Le fait
que le commandant du navire de guerre néerlandais se soit estimé autorisé à se rendre dans cette île
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montre clairement que les Néerlandais considéraient cette zone comme appartenant à Boeloengan.
Mais l’élément le plus important est que les Néerlandais étaient en effet présents physiquement
dans la région. Dans sa réplique (par. 3.21-3.23), la Malaisie minimise l’importance de la présence
des navires de guerre néerlandais dans la région comme preuve de l’exercice d’une souveraineté
territoriale. Néanmoins, il est important de souligner ici que la présence de la marine néerlandaise,
pendant toute cette période, prouve que le Gouvernement néerlandais considérait que sa
souveraineté, par l’intermédiaire du sultan du Boeloengan, s’étendait au moins jusqu’à cette zone.
31. Puisque j’ai mentionné l’Admiraal Van Kinsbergen, j’aborderai rapidement la question
de la prétendue erreur de traduction soulevée par la Malaisie au paragraphe 3.23 de sa réplique. La
Malaisie, renvoyant à l’annexe 12 de notre contre-mémoire, indique que nous avons laissé entendre
que le titre de cette annexe, «l’Admiraal Van Kinsbergen en patrouille au large de la côte de
Boeloengan», était la traduction de la phrase apparaissant en haut de la page correspondante du
journal de bord du navire, qui était en néerlandais : «Admiraal Van Kinsbergen in Solo zee, van
Sesajab naar Kobang». Naturellement, ce n’est pas le cas. Le titre de l’annexe n’était pas une
traduction, et ce n’est pas ce que nous avons voulu dire. Le titre visait à décrire ce dont traitait
l’extrait — c’est-à-dire les activités de ce navire de guerre dans cette zone particulière. L’Admiraal
Van Kinsbergen était à ce moment-là le navire de guerre stationné à Tarakan pour garder la côte
nord-est néerlandaise de Bornéo. La page du journal de bord de ce jour indique que le bateau a
navigué entre Sesajab et Kobong. Etant donné que la rivière Sesajab se situe à Boeloengan, le Van
Kinsbergen se trouvait manifestement au large de la côte de Boeloengan. On ne saurait donc nous
reprocher d’avoir ainsi intitulé cette annexe !
32. Il existe d’autres exemples de la présence de navires de guerre néerlandais dans la région,
comme en témoignent les descriptions qu’en ont fait les Britanniques. Nous mentionnons ces
navires dans notre contre-mémoire, au paragraphe 3.38, mais je m’abstiendrai de répéter ici ce que
nous avons écrit.
33. Le drapeau néerlandais était hissé en permanence à Batoe Tinagat en 1879, date à
laquelle un fonctionnaire néerlandais y était également en poste et un navire de guerre néerlandais
basé dans l’île de Tarakan patrouillait la zone frontalière. Cela permit aux Néerlandais de réagir
rapidement et d’affirmer leur souveraineté lorsqu’en septembre 1883, Treacher, le premier
- 26 -
gouverneur du Nord-Bornéo, voulut affirmer ses droits territoriaux en se rendant dans sa vedette
officielle sur la rive sud de la rivière Sibuko, où il hissa les couleurs du Nord-Bornéo, tira une salve
d’honneur, amena les couleurs, grava une inscription symbolique sur un arbre voisin puis reprit la
mer. Naturellement, les Néerlandais abattirent aussitôt l’arbre dont il avait fait une balise (MI,
par. 5.4).
34. Telle était la situation du côté néerlandais pendant la période au cours de laquelle les
Britanniques commencèrent à s’établir dans la région nord-est de Bornéo.
Les origines de l’Etat du Nord-Bornéo
35. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, vous constatez que j’ai
commencé à parler des Britanniques. Je vais maintenant décrire le rôle des Britanniques dans la
lutte pour le nord-est de Bornéo, qui a tout d’abord abouti à la création de la British North Borneo
Company (BNBC) puis à celle de l’Etat du Nord-Bornéo sous protectorat britannique. Au milieu
du XIXe
siècle, le Gouvernement britannique, de plus en plus préoccupé par l’activité des pirates au
nord de l’île de Bornéo, chercha les moyens de protéger le commerce maritime britannique. C’est
la principale raison pour laquelle fut établie une colonie sur l’île de Labuan : elle permettait de
disposer d’une station d’approvisionnement en charbon pour les navires de la marine royale.
Parallèlement, en 1850, les Etats-Unis établirent une présence formelle dans la région en signant
avec le sultan du Brunéi un traité qui assurait la liberté de commerce entre les deux pays.
36. En 1865, le consul des Etats-Unis à Bornéo, M. Moses, obtint du sultan du Brunéi une
concession sur la plus grande partie du territoire qui devait par la suite être administré par la
BNBC. La limite méridionale de sa concession était fixée à 5° de latitude nord. M. Moses céda
par la suite la concession à une entreprise dénommée American Trading Company. Celle-ci tenta
de convaincre le Gouvernement américain de reprendre la concession, sans succès. De nouveaux
acquéreurs furent trouvés en la personne du baron Von Overbeck et des frères Alfred et Edward
Dent. Von Overbeck était le consul général d’Autriche-Hongrie à Hong Kong. Les frères Dent
étaient des agents commerciaux qui avaient fondé la société britannique Dent & Co., dont les
bureaux étaient à Londres et à Shangaï. Le 29 décembre 1877, le sultan du Brunéi accepta
d’accorder à MM. Dent et Von Overbeck trois titres séparés portant sur une vaste superficie du
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nord de l’île de Bornéo, en contrepartie d’un montant annuel de quinze mille dollars au total (MI,
vol. 2, annexe 16).
37. Etant donné que la concession comprenait une partie du territoire situé le long de la côte
orientale du Sabah, que revendiquait également le sultan de Sulu, le baron Von Overbeck jugea
prudent de conclure aussi un accord séparé avec ce souverain. Le 22 janvier 1878, le sultan de
Sulu accepta de transférer une concession aux frères Dent et à Overbeck, pour cinq mille dollars
par an. Vous trouverez une copie de cet accord dans le dossier d’audience sous l’onglet 16
(MI, vol. 2, annexe 17). Le territoire de la concession y est défini comme suit :
«tous les territoires et les terres qui nous sont tributaires sur l’île de Bornéo
proprement dite, depuis la rivière Pandassan sur la côte ouest jusqu’à la baie de
Maludu, s’étendant tout au long de la côte est jusqu’à la rivière Sibuco au sud et
comprenant toutes les provinces riveraines de la baie de Maludu, ainsi que les Etats de
Pietan, Sugut, Bangaya, Labuk, Sandakhan, Kinabatangan, Mamiang, et tous les
autres territoires et Etats en direction du sud, riverains de la baie de Darvel et jusqu’à
la rivière Sibuco, avec toutes les îles qui s’y rattachent dans une zone de trois lieues
marines le long de la côte.»
38. Les lieux cités dans cette définition sont représentés sur la carte que vous voyez
maintenant projetée à l’écran, et qui figure sous l’onglet 17 du dossier d’audience.
39. La disposition relative à la concession que je viens de citer et qui, j’en suis sûr, sera
encore citée au cours des présentes plaidoiries, mentionne «la rivière Sibuko» comme la limite
méridionale de la concession. L’identité exacte de cette rivière demeure incertaine; le professeur
Pellet vous l’expliquera plus en détail. S’il s’était agi de la rivière Sibuko située à Boeloengan, qui
est représentée sur la carte, il y avait manifestement un chevauchement avec le territoire revendiqué
par les Néerlandais, ce qui ne pourrait qu’être par la suite une source de différend avec les
Néerlandais.
40. Plus tard, en 1878, les frères Dent et Overbeck établirent leur présence sur le territoire de
leur concession récemment acquise en désignant trois résidents, deux sur la côte occidentale et un
sur la côte orientale, dans la baie de Sandakhan; Sandakhan est également représenté sur la carte.
41. Les frères Dent demandèrent alors au Gouvernement britannique une charte royale pour
leur entreprise commerciale, cherchant ainsi à s’assurer son soutien. Cette demande déclencha les
protestations du Gouvernement néerlandais, qui pria la Grande-Bretagne de l’assurer de nouveau
qu’elle n’avait aucune prétention de souveraineté sur la région, ce qu’elle fit. Devant l’insistance
- 28 -
du comte Van Bylandt, l’envoyé néerlandais à Londres, le Secrétaire du Foreign Office
britannique, lord Salisbury, répondit que son gouvernement respectait les droits des sultans de Sulu
et du Brunéi et n’entendait nullement y porter atteinte (mémoire de l’Indonésie, par. 3.36).
42. A ce stade de mon exposé, je dois préciser que l’Espagne revendiquait également les
possessions du sultan de Sulu dans la partie nord de Bornéo, suite à un traité conclu en 1851 avec
ce sultan. Les Britanniques rejetèrent les revendications espagnoles sur Sulu et ses dépendances,
qu’elles considéraient comme une «revendication purement théorique sur une portion indéterminée
du territoire de Bornéo». Toutefois, en 1885, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et l’Espagne
signèrent un protocole aux termes duquel la Grande-Bretagne et l’Allemagne reconnaissaient la
souveraineté espagnole sur l’archipel des Sulu, en contrepartie de la renonciation par l’Espagne à
toute revendication sur le nord-est de Bornéo. M. Bundy examinera cet après-midi l’importance de
cet accord pour notre affaire.
43. En novembre 1881, le Gouvernement britannique octroie une charte royale à la
compagnie. Vous trouverez une copie du texte sous l’onglet 18 de votre dossier. En mai 1882, la
compagnie est officiellement constituée sous le nom de British North Borneo Company. Sa charte
royale avait pour effet de faire officiellement du Gouvernement britannique l’autorité compétente
pour régler tout différend entre la compagnie et les sultans ainsi qu’entre la compagnie et des
puissances étrangères. Le Gouvernement britannique engagea alors des négociations directes avec
les Néerlandais sur les différends territoriaux entre la BNBC et le Gouvernement néerlandais.
44. Puis, le 12 mai 1888, le Gouvernement britannique passa avec la BNBC un accord
portant création de l’Etat du Nord-Bornéo. Cet accord, que vous trouverez dans vos dossiers sous
l’onglet 19, faisait du Nord-Bornéo un Etat sous protectorat britannique, dont le Gouvernement
britannique assurait les relations extérieures avec les Etats étrangers. En conséquence, ce
gouvernement acceptait les revendications de souveraineté sur la région présentées par l’Etat du
Nord-Bornéo, et allait par la suite intervenir dans tout règlement de différends territoriaux entre les
Pays-Bas et l’Etat du Nord-Bornéo. Comme je l’ai déjà dit, les définitions territoriales contenues
dans les contrats néerlandais passés avec le sultan du Boeloengan et dans la concession accordée
aux frères Dent et à Von Overbeck par le sultan de Sulu, qui mentionnent notamment la rivière
Sibuko comme la limite méridionale, conduisaient à un chevauchement des revendications. Cette
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question devait désormais être réglée entre les gouvernements des Pays-Bas et de la
Grande-Bretagne. Les négociations commencèrent en 1888 et une commission mixte fut formée en
1889. Le professeur Pellet vous en parlera.
45. Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, voilà qui m’amène à la fin de
cette introduction historique. Je vous remercie pour votre patience et votre attention. Je vous prie,
Monsieur le président, de bien vouloir appeler à la barre mon collègue M. Pellet, qui poursuivra au
nom de l’Indonésie. Mais peut-être est-ce un moment propice pour faire une pause. Je vous
remercie.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le professeur. La séance est suspendue pour
une dizaine de minutes.
L’audience est suspendue de 11 h 20 à 11 h 30.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. La séance est reprise et je donne maintenant la
parole à M. Alain Pellet.
Mr. PELLET:
THE CONTEXT AND OBJECT OF THE 1891 CONVENTION
Mr. President, Members of the Court,
1. It is once again an honour for me to address what I am happy to see is now the full Court
again, on behalf of Indonesia. This morning I shall deal with the immediate context and object of
the 1891 Convention, in connection with which Malaysia substantially distorts Indonesia’s
argument and makes what I have no hesitation in describing as a legal misinterpretation.
2. However, a preliminary remark first. In its “Practice Direction I” , the Court states that it
wishes to “discourage the practice of simultaneous deposit of pleadings in cases brought by Special
Agreement”; the present case shows how justified this desire is. Indeed, like my colleagues, I find
myself in the embarrassing situation of having to respond to the arguments put forward by
Malaysia in its Reply, whereas we have already broadly responded to them in advance in our own
- 30 -
Reply, filed the same day. This is particularly striking with respect to the theme of my oral
argument this morning.
3. On page 2 of its Reply, Malaysia states that Indonesia’s case depends on three
propositions and that “[i]f Indonesia fails to establish any one of these three propositions, its case
fails altogether” (para. 1.4.). According to the first of these propositions, Indonesia has to prove
“that the islands were part of the Sultanate of Bulungan under Dutch sovereignty”(ibid.).
Meanwhile, Indonesia has established, in particular on pages 9 to 15 of its Reply (paras. 1.4
to 1.23), that there are absolutely no grounds in law for this assertion by Malaysia: by proceeding
to allocate colonial territories as between the Netherlands and Great Britain, the 1891 Convention
rendered the question of whether it was the Sultan of Boeloengan or the Sultan of Sulu who
exercised sovereignty over the islands æ the object of this dispute æ completely irrelevant from
the legal standpoint. If the islands appertained to Sulu, they passed to the Netherlands under the
Convention; if they belonged to Boeloengan, they remained Dutch.
4. According to Indonesia, it is the latter argument that is the valid one and I shall revert to it
briefly. But this is of only historical interest: in law, it is of no importance; colonial imperialism
concerned itself very little with to whom the territories which the European powers divided up
between them belonged. At the most, in their negotiations inter se, the powers sought to turn the
agreements which they had concluded with local chiefs to advantage. Great Britain and the
Netherlands both made sure they did so during the travaux préparatoires of the 1891 Convention.
However, this process was even more random since the sultans in the region had a completely
different notion of territory than the one characterizing a State in the European sense.
Consequently, the limits of their territorial power were uncertain and their claims often
overlapped (I).
5. Mr. President, I propose to revert briefly to this twofold proposition before going on to
show:
æ that the presence of Boeloengan and of the Netherlands immediately north of parallel 4° 10’ N
prior to 1891 was established beyond doubt, whereas that of Great Britain or Sulu south of this
parallel was non-existent (II) and
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æ that if uncertainties there were, by concluding the 1891 Convention, Great Britain and the
Netherlands sought precisely to put an end to them (III).
I. The attitude to territory of the Sultans in the region on colonization
6. Indonesia has shown, in its Memorial (pp. 38-44), that at the close of the nineteenth
century, the Muslim Sultans in the region, whether in the Malay Peninsula or in the Indonesian or
Philippine Archipelagos, had a complex attitude to the notion of territory, quite different from the
attitude characterizing contemporary States, whose territory is both a constituent element and an
object of the full and exclusive powers constituting what is commonly termed “territorial
sovereignty”.
7. Malaysia did not trouble to explicitly refute the explanations we gave on this subject. But
it is striking that, in the three volumes of its written pleadings, it obdurately presents the territory of
the Sultanate of Sulu in the 1850s or 1880s as that of a contemporary European State. Malaysia,
which makes no bones about using the word “sovereignty” (see, for example, Memorial of
Malaysia, p. 29, para. 5.1), has not bothered to reply to the Indonesian Memorial which, as I have
just said, took care to highlight the difference between the territorial conceptions then prevailing in
the region and the notion of sovereignty as generally conceived in contemporary international law.
However, it frequently resorts to more unusual vocabulary, which no doubt betrays a certain
embarrassment. It refers to the “dependencies of the Sultanate of Sulu” (cf. Memorial of Malaysia,
pp. 29-36, paras. 5.3-5.8), its “authority” (p. 34, para. 5.8), “its possessions” (cf. Counter-Memorial
of Malaysia, p. 54, para. 3.7) or “dominions” (Memorial of Malaysia, p. 1, para. 1.3 (1) or p. 11,
para. 2.10), the “allegiance of the local people” (Counter-Memorial of Malaysia, p. 55, para. 3.9 or
Reply of Malaysia, pp. 9-11, paras. 2.6-2.11), etc.
8. Mr. President, I understand the embarrassment revealed by Malaysia’s choice of
vocabulary for, as we have shown, the analogy with the notion of territorial sovereignty familiar to
us is rash to say the least.
9. It seems to me pointless to rehearse again the arguments on this topic in our Memorial and
I would ask you, Members of the Court, to refer to it if you would. All I need do here is note the
main conclusions:
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10. (1) The personal links were stronger than the territorial links as such; moreover, the
notion of territorial sovereignty, in the broadly prevailing sense in which it is used today in
international law, is alien to Muslim thought. As explained by Majid Kadduri,
“the adoption by Muslim States of the principle of territorial sovereignty led
eventually to the transformation of the concept of the Siyar [that is the law ruling
external relations of Islam] from a law regulating the conduct of a universal State to
that of a law recognizing territorial segregation. This gave rise to a set of complex
problems stemming from the concept of territorial sovereignty, such as frontier and
boundary questions” (“International Law, Islamic”, Encyclopaedia of Public
International Law, 6, p. 232; see also, Western Sahara, Advisory Opinion, I.C.J.
Reports 1975, p. 42, para. 88 or the Arbitral Award of 9 October 1998,
Erithrea/Yemen (First Stage ¾ Territorial Sovereignty and Scope of the Dispute),
p. 35, para. 130).
As the Court pointed out in the case concerning Western Sahara, in the Islamic world, “[p]olitical
ties of allegiance to a ruler ( . . .) have frequently formed a major element in the composition of a
State” (I.C.J. Reports 1975, p. 44, para. 95); the same applied in the region we are concerned with
and this characteristic was further strengthened by the pre-Islamic influence which continued to
make itself felt there (cf. Cesar Adib Majul, “Political and Historical Notes on the Old Sulu
Sultanate, Journal of the Malaysian of the Royal Asiatic Society, Vol. XXXVIII, Singapore, 1965,
p. 27; see also N. Tarling, Sulu and Sabah ¾ A Study of British Policy Towards the Philippines
and North Borneo from the Late Eighteenth Century, OUP, Kuala Lumpur, 1978, p. 2).
11. (2) One of the results of this was that it was impossible to speak of “boundaries” in the
modern sense of the word; as firmly stated by the foremost specialists on these questions with
respect to Sulu: “Strictly speaking, the sultanate of Sulu was a multi-ethnic group state which did
not have any recognised boundaries” (T. M. Kiefer, quoted by N. Tarling, op. cit., p. 5; see also
C. Sather, The Bajau Laut : Adaptation, History and Fate in a Maritime Fishing Society of
South-Eastern Sabah, OUP, Kuala Lumpur, 1997, p. 38 or D. E. Brown, Brunei : The Structure
and History of a Bornean Malay Sultanate, Star Press, Brunei, 1970, pp. 76-77).
12. (3) The Sultan’s territorial and administrative power was, so to speak, “radial”; it grew
weaker the further one went from where it was established; and regardless of whether we are
speaking of Sulu or Boeloengan, the area which concerns us is, after all, a march, far away from the
centre where the Sultan resided.
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13. (4) In Borneo itself, human incursion was limited to the immediate vicinity of the rivers,
where power was exercised on the basis of human settlement, excluding the surrounding jungle
which was impenetrable (cf. D. E. Brown, op. cit., pp. 76-77 and “The Social Structure of
Nineteenth Century Brunei”, The Brunei Museum Journal, Vol. 1, No. 1, 1969, p. 172; see also
N. Tarling, op cit., p. 4 or W. H. Treacher, “British Borneo : Sketches of Brunai, Labuan and North
Borneo”, Journal of the Straits Branch of the Royal Asiatic Society, p. 48 æ see Counter-Memorial
of Malaysia, Vol. 2, Ann. 11 or the Memorandum of Sir E. Hertslet of 9 January 1889, Memorial of
Indonesia, Vol. 2, Ann. 38, p. 334 and the Netherlands Declaration of 18 July 1889, Vol. 3,
Ann. 58, p. 19).
14. (5) Another effect of this organization of political power is that the islands were only of
any genuine relevance to the definition of the local sultanates if permanently inhabited; otherwise,
one is faced with the problem encountered by the Arbitral Tribunal in the Eritrea/Yemen case. In
its first Award, of 9 October 1998, the Tribunal pointed out that Yemen’s claims came up against
the obstacle
“of the sheer anachronism of attempting to attribute to such a tribal, mountain and
Muslim medieval society the modern Western concept of a sovereignty title
particularly with respect to uninhabited and barren islands used only occasionally by
local, traditional fishermen” (p. 118, para. 446).
It should also be noted that, in this case, neither Indonesia nor Malaysia has been able to provide
the slightest proof that the disputed islands were used before the colonial period and it is certainly
not enough to assert, as Malaysia does in its Reply, that the islands it claims were evidently a part
of the administrative structure of the region (p. 68, para. 5.7) for this to be so.
15. In view of this, it does indeed seem that the sultans, the Sultan of Boeloengan and the
Sultan of Brunei or Sulu, considered that all the islands in the vicinity of the territories with which
they had links belonged to them, as shown by the many examples of treaties of cession given in the
Indonesian Memorial (pp. 50-51, paras. 4.39-4.42) æ bearing in mind that, in general, these
treaties confine themselves to mentioning the territories ceded or conceded and the “adjacent
islands or islets” without giving any further details. This does not indicate a particularly strong
interest and also confirms that the sultans in the region did not think in terms of precise territorial
delimitation.
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16. The consequence of all this is that it is vain to seek at all cost to substitute the prevailing
modern concepts of the spatial and territorial organization of power for those which were then held
in the region, as Malaysia does. The local chiefs exercised authority, an authority which was
variable and diverse moreover, over populations whose ties of allegiance could be many. As a
result, there were uncertainties and areas of overlap throughout the territorial extent of this
authority.
17. A particularly clear example of this phenomenon is the two concessions granted to Dent
and Overbeck respectively by the Sultan of Brunei in 1877 and by the Sultan of Sulu in 1878, for
the same immense territory. It is perhaps noteworthy in this respect that it was with the Sultan of
Brunei that the two “businessmen” (or “adventurers”?), Dent and Overbeck, first had dealings;
then they turned to the Sultan of Sulu, who claimed portions of these same territories, even though
the precise boundaries not only of the territories, but even of the claims of both parties, were clear
(cf. Memorial of Indonesia, Vol. 2, Anns. 16, pp. 104-106, and 17, pp. 110-111).
18. As pointed out by Sir James Brooke, first British Governor of Labuan in 1849:
“The geography of Borneo is so imperfect, and the boundary-lines of petty
States so irregular, so vague, and of so little consequence to the native Rulers, that it
can be scarcely maintained . . . ‘that the general knowledge obtained of the
geographical and political affairs of Borneo afford an opportunity of fixing the
circumscription of a territorial division of the island’.” (Quoted by Sir Edward Hertslet
in a “Memorandum on the Dutch Frontier on the North-East Coast of Borneo”,
20 June 1882, Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 28, p. 264.)
This idea is taken up by Sir Edward Hertslet in 1882 (ibid.), who also writes that: “Native rulers
really know nothing of Boundary Lines” (Manuscript notes made in preparation for Anglo-Dutch
Joint Commission to resolve the boundary question, undated, Memorial of Indonesia, Vol. 2,
Ann. 56, p. 439); and it is also forcefully expressed in a British Foreign Office Memorandum
signed “H. C. E.” of 1879 relating to the Dent/Overbeck concessions: “The question of the Sulu
territory in Borneo is a very complicated one. The limits of the territory are very uncertain, and the
exact nature of the authority exercised over it by the Sultan of Sulu is equally so.” (Memorial of
Indonesia, Vol. 2, Ann. 20, p. 139.) The Indonesian Memorial gives other examples of the
bafflement of Europeans and Americans faced with the uncertainty of the boundaries and the
overlapping territories in this region of the world (pp. 44-52).
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19. Malaysia arrogantly ignores these considerations: for it the Sultan of Sulu exercised
territorial sovereignty within well-defined boundaries, including in the islands which are the object
of the dispute and which, by a complicated sequence of historical circumstances, Malaysia has
inherited.
20. It is easy to understand why Malaysia adopts this purely Eurocentric and anachronistic
presentation: contrary to what is the case for Indonesia, Malaysia absolutely needs to establish the
existence of this original title, failing which its entire argument collapses.
21. In their written pleadings, our opponents have, it is true, not shown any great consistency
as regards the “sequence of titles” on which they base themselves. For sometimes they explain that
the BNBC (British North Borneo Company) administered Ligitan and Sipadan on the basis of the
1878 Concession, that these rights then passed to Great Britain, then, by succession to Malaysia
(Memorial of Malaysia, pp. 2-3, paras. 2.1-2.2), although it is by no means clear whether they
consider that the Sultan of Sulu had or had not ceded the two islands to the BNBC (cf.
Counter-Memorial of Malaysia, p. 69, para. 3.29). At other times æ and this is the argument for
which they now seem to have a preference (cf. Reply of Indonesia, p. 3, para. 10) æ our opponents
consider that the islands were ceded in 1878 by the Sultan of Sulu to Spain, which, in turn, handed
them over in 1900 to the United States, which, by the Convention of 1930, itself handed them over
to Great Britain, of which Malaysia is the successor (see Counter-Memorial of Malaysia, p. 5,
para. 1.7; Reply of Malaysia, pp. 1-2, para. 1.3). These two arguments are wholly incompatible,
but this does not really matter for what is our present concern (Mr. Bundy will this afternoon revert
at greater length to the latter argument, since even Malaysia seems to have abandoned the former):
in both cases, Ligitan and Sipadan must have originally belonged to the Sultan of Sulu; if not,
regardless of how this matter is approached, these two islands are not (cannot be) Malaysian today.
22. On the other hand, as I said a moment ago, Mr. President, this original title is of no
decisive importance to Indonesia’s argument, which, as my eminent friend Sir Arthur Watts
pointed out, is infinitely less tortuous: Ligitan and Sipadan lie south of the boundary between the
territories allocated respectively to Great Britain and the Netherlands by the 1891 Convention and
consequently fell within the jurisdiction of the latter, regardless of their previous legal situation,
before passing to Indonesian sovereignty after its independence.
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23. In law, the appurtenance of the disputed islands prior to 1891 is of little importance since
the Convention concluded on that date settled this problem. At all events, even if this question of
the appurtenance of the islands prior to 1891 had been important (quod non), the probability that
they lay within the territorial jurisdiction of Boeloengan is infinitely stronger than their
appurtenance to Sulu, which not a single element in the written pleadings of Malaysia or in the
documentation available to us makes the slightest bit likely.
II. The presence of Boeloengan and the Netherlands to the north, and the absence of Sulu and
the United Kingdom to the south of parallel 4° 10’ N prior to 1891
24. As I have already said, Mr. President, neither Malaysia nor, I must concede, Indonesia,
have provided the Court with irrefutable proof of the effective control of Pulau Ligitan and Pulau
Sipadan by the Sultan of Sulu or the Sultan of Boeloengan prior to 1891. The fact nevertheless
remains that, although Malaysia cannot point to the presence, in this area, of Sulu, or the BNBC, or
of Great Britain, matters are different where Boeloengan and the Netherlands are concerned, who
were established there, with certainty, on the eve of the conclusion of the 1891 Convention.
25. Let us begin, if you will allow me, with the absence of Sulu or the British. This will not
take long for they are quite simply not there!
26. Oh, of course, there is the text of the 1878 Concession, by which the Sultan of Sulu
conceded to Dent and Overbeck all the rights and powers belonging to him
“over all the territories and lands which are tributary to us on the mainland of the
island of Borneo from the Pandasan river . . . to the southward thereof on the coast of
Darvel Bay as far as the Sibuku River with all the islands included therein within nine
miles of the coast” (See Memorial of Malaysia, Vol. 2, Ann. 9, p. 31).
But this text requires some comment:
æ first, the Sultan cedes the rights belonging to him; however, nemo plus juris transferre potest
quam habet; in other words, if he did not exercise rights of sovereignty over the disputed
territories, they could not, by definition, have been ceded to Dent and Overbeck, then to the
BNBC;
æ second, it is striking that the Sultan of Sulu carefully steers clear, and rightly so, of referring to
his “sovereignty”; he only mentions the “territories and lands which are tributary to us”; as
pointed out by the British memorandum of 1879 which I have already quoted:
- 37 -
“From the use of the word ‘tributary’, it might be argued that the Sultan of Sulu
did not possess absolute sovereignty over the territory in question, and on that ground
his right to cede it might be questioned. This argument would, however, appear to tell
us as much against the cession to Messrs Dent and Overbeck, as against the recent
cession to Spain.” (Memorial of Indonesia, Vol. II, Ann. 20, p. 138);
æ third and last, Malaysia does not question the position of the River “Sibuku” or “Siboehoe”,
which it equates with the River “Sibuko”, which flows into the bay of the same name opposite
the island of Nanoekan, almost exactly on a level with the 4th parallel North. It is wrong of
Malaysia not to consider this question.
27. It is remarkable that the Dent/Overbeck concession seems to consider that the river in
question flows not into Sibuko Bay, but into Darvel Bay, situated some 100 km further north. Yet
there are a number of rivers which flow into Darvel Bay, as shown by the sketch-map being
projected behind me, at least one of which, the River “Subakun” or “Sabahan”, has a name which
sounds like “Sibuku” (see Memorial of Indonesia, Map Atlas, maps Nos. 12, 14 or 18). Modern
Malaysia itself is not too clear where it stands in this respect: in its Memorial (maps No. 3, p. 11,
and No. 7, p. 32) or its Reply (map No. 1, p. 6bis), it designates this river by the name “Sabahan”,
but calls it “Subakun” in its Counter-Memorial (map No. 1, after page iv); one understands that the
Sultan of Sulu was not very precise about this over 120 years ago . . .
28. This certainty did not escape Count de Bylandt, Ambassador of the Netherlands in
London and principal Dutch negotiator of the 1891 Convention, who, in a letter of
1 December 1882 to Lord Granville, British Foreign Minister, considered that the river was
“situated east of Batoe Tinagat [I shall return to this expression in a moment æ para. 39] and
therefore outside Dutch territory” (Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 31, p. 280; see also
Ann. 47, p. 284). So much for the Subakun.
29. This siting of the southern boundary of Sulu’s influence is even more likely because it is
compatible not only with the claims asserted by the Netherlands when the Convention was being
negotiated, but also with their actual presence (and with the presence of Boeloengan) on the ground
in the period preceding the negotiation. There are many proofs of this presence æ whereas, and let
me stress this, Malaysia cannot, for its part, claim any effective presence of Sulu or of the BNBC in
the region and recognizes that it was only in 1982, after the signature of the 1891 Convention and
- 38 -
as a result of it, that the company was set up at the mouth of the River Tawau (cf.
Counter-Memorial of Malaysia, p. 53, para. 3.2), which lies at latitude 4° 20’ N.
30. Admittedly, as Malaysia points out in its Reply (p. 69, para. 5.9), Semporna was founded
in 1887 by the BNBC but Semporna lies on Darvel Bay on parallel 4° 25’ N æ not on Sebuko Bay.
And, contrary to what Malaysia asserts (ibid., p. 68, paras. 5.7-5.8), the question regarding what
respectively were the northern boundary of Boeloengan and the Netherlands on the one hand, and
the southern boundary of Sulu and the BNBC on the other (always providing the notion of
“boundary” was relevant æ which it only was to some extent) æ this matter, as I was saying, is by
no means without interest for two reasons:
æ on the one hand, as I have pointed out, the local Sultans considered that the small uninhabited
islands off the territories placed under their authority belonged to them;
æ on the other hand, this problem lay at the heart of the Anglo-Dutch disputes culminating in the
adoption of the 1891 compromise.
31. There is no doubt that the Dutch were established north of the parallel 4° 10’ ultimately
adopted. Allow me, if you will, Mr. President, to briefly outline the elements which prove this
beyond any shadow of a doubt:
32. (1) As my colleague and friend, Alfred Soons, has just told you, in 1850 the Netherlands
concluded a “contract” with the Sultan of Boeloengan whereby the island of Sebatik, together with
the small islands appertaining to it, and the Tawau River were expressly included within his
territory and its boundary with Sulu was established at “the cape named Batoe Tinagat” (Memorial
of Indonesia, Vol. 2, Ann. 13, p. 81). The same formula was employed when a new contract was
concluded, in 1878 (ibid., Ann. 19, p. 123). The latter contract was communicated to Great Britain
on 17 January 1880 (see ibid., Ann. 38, p. 334) and evoked no protest from it, a point which the
Malaysian pleadings are careful not to mention (cf. Counter-Memorial of Malaysia, p. 12, para. 2.9,
and Reply of Malaysia, pp. 27-28, para. 3.7), even though it indicates a clear acknowledgement of
the absence of any claim on the part of the British Government æ an acknowledgement all the
more significant for the fact that this episode took place two years after the Dent/Overbeck grant
and that London, which had monitored the conclusion of that concession very closely, was fully
alive to the situation.
- 39 -
33. (2) On the basis of this definition of their possessions in Borneo, the Dutch effectively
established themselves at Batoe Tinagat from 1849 onwards (cf. Memorial of Indonesia, Vol. 3,
Anns. 57, p. 13 and 58, p. 25), and ceremoniously hoisted their flag there again in 1879 and took
control of the Tawau River (cf. Memorandum on the Ratification of the 1891 Convention presented
to the Second Chamber of the Netherlands States-General, Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 77,
p. 122; see also the documents cited in the Memorial of Indonesia, Vol. 1, p. 57, n. 72, Reply of
Indonesia, p. 89, para. 5.17 and the report by Professor V. J. H. Houben, Counter-Memorial of
Malaysia, App. 1, pp. 11-12, para. 5.2). It is of interest to note that, in a memorandum of 1889
Hertslet, haughty custodian of British interests that he was, appears to have considered that there
was nothing unreasonable about the above situation (Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 38,
p. 345; see also Ann. 36, p. 311).
34. (3) What is more, an incident took place in 1883 æ Professor Soons has already referred
to it æ which is highly indicative of the situation as it existed at the time. I shall describe it in the
words used by Hartsen, the Netherlands Minister for Foreign Affairs, in a despatch of 1888 to
Count de Bylandt æ its text was communicated to the Marquis of Salisbury but evoked no
reaction: “[t]he British North Borneo Company tried on 8 September 1883 to hoist a flag on the
left bank of the Siboekoe River, but removed it in response to representations by the Netherlands
controller at Batoe Tinagat, where the Netherlands flag has continuously been flown” (Memorial of
Indonesia, Ann. 37, p. 330). This establishes beyond all doubt that the British wished to be there
but were not; whereas the Dutch were firmly established there and had the capacity to command
respect for their rights.
35. (4) They had indeed the means to do so, through their relatively intense naval activity
along the entire eastern coast of Borneo as far as Darvel Bay. We know that the Admiraal Van
Kinsbergen, a Dutch warship, was at Sipadan and Mabul in 1876; I shall say no more on this point
since Professor Soons has already dealt with it. Overall, the Dutch naval presence to the north of
parallel 4° 10’ is evidenced in numerous documents (see Reply of Indonesia, p. 28, para. 1.41 and
pp. 88-89, para. 5.17).
36. (5) Indisputable proof of the presence of Boeloengan north of parallel 4° 10’ N before the
conclusion of the 1891 Convention is provided by the express request of the Sultan that the cession
- 40 -
of his territory should be subject to recognition of the right of the population of Boeloengan to
gather forest products in the area between Broershoek and Batoe Tinagat for a period of 15 years
(cf. Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 77, p. 124). That right is also expressly recognized in
Article VII of the Convention:
“The population of Boelongan shall be allowed to collect jungle produce in the
territory between the Simengaris and the Tawao Rivers for fifteen years from the date
of the signature of the present Convention, free from any tax or duty” (Memorial of
Indonesia, Vol. 3, Ann. 75, p. 111).
This avowal of the rights vested in Boeloengan leaves no doubt about the fact that the
Sultan’s authority extended northwards from the parallel adopted as the boundary in 1891 and to
the south of which the disputed islands lie.
37. There is no doubt that the activities of both Boeloengan and the Dutch mainly concerned
the “continent” æ since Borneo really is a continent æ rather than the disputed islands themselves;
all the same, they show that both were effectively present in the area to a much more northerly
latitude than parallel 4° 10’ N (Batoe Tinagat lies at approximately 4° 14’ N and the source of the
Tawau River at approximately 4° 40’), whereas Semporna, which represented the southernmost
outpost of the BNBC before the signing of the Convention, lies at approximately 4° 50’ N.
Undoubtedly therefore, consistently with the sultans’ conception of their territorial authority, the
Sultan of Boeloengan considered himself the owner of all the islands in the area æ where, let me
say once again, neither Sulu nor the British had any activity before 1891.
38. To sum up, Mr. President, the situation at the opening of the negotiations which resulted
in the conclusion of the Anglo-Dutch Convention was the following:
æ the local sultans, including of course those of Boeloengan and Sulu, did not have the same
conception of the notion of territory as their European interlocutors æ which may explain the
apparent ease, so disconcerting to international lawyers at the beginning of the twenty-first
century, with which they ceded their rights over their territories to the colonial powers;
æ they showed scant interest in the small uninhabited islets lying off the territories which they
controlled æ which certainly goes a long way towards explaining why neither of the Parties to
the present dispute has been able to furnish explicit proof of the presence of either Sulu or
Boeloengan in Ligitan or Sipadan before 1891;
- 41 -
æ the fact remains that these islands lie off territories which were controlled by the Netherlands
and claimed by the Sultan of Boeloengan as his property, and according to the conceptions of
territory prevailing at the time they must therefore have been considered as belonging to him.
39. What conclusions ensue from this? First, that obviously the Sultan of Sulu could not
claim (nor did he do so) any right to the south of Darvel Bay. And this conclusion holds water
despite an argument dwelt on in the Malaysian Reply (pp. 30-31, para. 3.12), namely that,
according to the Dutch, the easternmost limit of the Netherlands possessions was “Batoe Tinagat”.
The explanation of this assertion lies in its context: the negotiations in progress were intended to
lead to a division of the island of Borneo into a northern portion which would go to Great Britain
and a southern portion belonging to the Netherlands; an east-west line therefore had to be agreed
on and quite naturally the Dutch representatives considered it eminently reasonable that, to that
end, a line should be drawn to whose south lay the territories they occupied, a line running “from
the westernmost point, Tandjong Datoe, to the easternmost point, Batoe Tinagat” (Memorial of
Indonesia, Vol. 2, Ann. 37; despatch from Mr. Hartsen to Count de Bylandt, p. 329). The choice
of these two points, the westernmost and the easternmost, for the sole purpose of enabling a
north-south territorial division to take place is obviously devoid of implications in regard to any
east-west delimitation of territories.
40. This initial conclusion suffices to dispose of the entire Malaysian thesis, whether it
follows the “BNBC track” or the more tortuous “Spain/United States/United Kingdom” one; in
either case Malaysia is faced with an impasse: it cannot profess to be the heir to the Sultan of Sulu,
who patently had neither any rights nor an effective presence in the area off which the islands now
claimed by Malaysia lie.
41. The fact remains that, however incontestable the Dutch presence was up to Batoe Tinagat
and the Tawau River, it was challenged by the British, purely on the basis of the Dent/Overbeck
grant, which mentioned the Sibuko River “on the coast of Darvel Bay” as the northern limit.
However unfounded that claim was, it was the basis upon which the British embarked on the
negotiation of the 1891 Convention, the intended result of which was a full and definitive
settlement of the territorial dispute between the two States.
- 42 -
III. The definitive settlement of the territorial dispute by the 1891 Convention
42. Indonesia has discussed at length the travaux préparatoires of the 1891 Convention in its
pleadings (Memorial of Indonesia, pp. 61-82, paras. 5.2-5.40, Counter-Memorial of Indonesia,
pp. 82-89, paras. 5.59-5.76 and Reply of Indonesia, pp. 7-32, Chap. I). I shall say no more on this
point except to respond to the Malaysian Reply, which in any case is extremely circumspect in this
respect æ I can therefore be fairly brief, even if I need to run over things in order to put them in
perspective.
43. The context here amounts to three propositions:
(1) Great Britain and the Netherlands were both aware of the uncertainties surrounding the
territorial limits of the Sultanates of Sulu and Boeloengan from which they claimed their
respective titles;
(2) both parties agreed to settle their territorial dispute in the area definitively; and
(3) they did so on the basis of a compromise line represented by parallel 4° 10’ N.
44. There is no point, Mr. President, in my dwelling on the clear awareness which both the
British and the Dutch had about the uncertainties regarding the precise limits of their respective
possessions, since I drew attention to it only a few moments ago (see in particular para. 18 above);
a few additional citations nonetheless.
45. First on the British side:
æ in his Memorandum of 1879 on the Political, Strategical, and Commercial Advantages to Great
Britain of the Northern Part of Borneo, which determined the position taken by the British
negotiators throughout the negotiations, Hertslet stated as follows: “The territories in Borneo
in the actual occupation of the Dutch, the Sultan of Brunei, and the Sultan of Sulu, are not
clearly defined” (Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 21, p. 179; see also Ann. 28, passim);
æ a like statement occurs two years later in the observations of the Lords Commissioners of the
Admiralty on the draft charter of incorporation of the BNBC: “it appears that the south-eastern
boundary is not clearly fixed with regard to the claims of the Dutch on that part of the coast”
(Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 24, p. 217).
- 43 -
46. The Dutch displayed equal uncertainty, if not during the negotiations themselves, at least
during the parliamentary debates which preceded the ratification of the 1891 Convention
(cf. Memorial of Indonesia, Vol. 3, Anns. 77, 84 and 86).
47. It was only logical that both sides should express the wish to put an end to these various
uncertainties once and for all. Here again, Members of the Court, I fear that I must ask you to
listen to a number of citations. They leave no room for doubt.
48. As early as 1881 the British made clear their intention to define the limits of their
protectorate over North Borneo fully and conclusively . Thus Pauncefote, a Foreign Office official,
wrote to Peel (the representative of the Lords Commissioners of the Admiralty) on behalf of
Lord Granville: “I am now to request that you will state to the Lord President of the Council that
all questions of boundaries æ I stress all questions æ in regard to the ceded territory will be settled
as soon as possible” (Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 24, p. 219; emphasis added). The
remainder of the sentence refers to clause 16 of the draft charter (see Memorial of Indonesia,
Vol. 2, Ann. 23, p. 193), whereby Great Britain required the company not to oppose the acceptance
of adverse territorial claims if the Secretary of State saw fit to defer to them, a fact which confirms
the lack of assurance of the British Government in regard to the precise territorial extent of the
Dent/Overbeck grant (see also the letter from Lord Granville to Count de Bylandt of
21 November 1881, Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 24, p. 225).
49. The Dutch displayed identical concerns as well. Thus in a letter dated
19 November 1888 to Lord Salisbury, the British Secretary of State, Sir Horace Rumbold, who was
the British Plenipotentiary Minister in The Hague, reported as follows on a conversation with
Hartsen, the Netherlands Minister for Foreign Affairs:
“His Excellency [that is Hartsen] further observed how desirable it was that the
two Powers who were interested in Borneo should come to a complete understanding
which would not leave room for any third Power to step in at any time and claim
territory there as being res nullius.” (Memorial of Indonesia, Ann. 35, p. 304; see
also Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 37, p. 329.)
This wish to achieve a full and definitive delimitation was confirmed by the Netherlands Minister
for Foreign Affairs in the parliamentary debate which preceded the ratification (cf. Memorial of
Indonesia, Vol. 3, Ann. 86, p. 216).
- 44 -
50. In 1883, the British proposed that the dispute should be resolved by means of a
compromise; this was initially refused by Count de Bylandt on behalf of the Dutch Government
(cf. the draft memorandum by Hertslet of 20 December 1888, Memorial of Indonesia, Ann. 36,
pp. 308-309; see also Ann. 40, p. 358). The idea was nevertheless revived with the creation of the
Joint Commission in the early summer of 1889. The British delegates were instructed to negotiate
a compromise (the word appears in the Foreign Office internal notes æ cf. Memorial of Indonesia,
Vol. 2, Ann. 56, p. 474) and insisted on that course at the Commission’s second meeting on
19 July 1889 (Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 58, p. 28), which Count de Bylandt accepted at
the third meeting on 27 July (Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 59, p. 31; see also Ann. 62,
p. 47 and Counter-Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 17) and which the Directors of the British
North Borneo Company approved one year later (Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 61, p. 42).
The Explanatory Memorandum submitted to parliament by the Netherlands Government confirms
that the compromise approach was the one followed by the parties (cf. Memorial of Indonesia,
Vol. 3, Ann. 77, p. 123).
51. Indonesia has shown in its written pleadings that, although the initial desire of the Parties
was to settle the question of the “land” boundary, they were no less interested in the surrounding
islands æ the only places, let it be said in passing, that might give rise to the res nullius issue
which Hartsen was concerned about, as I said just now. I will mention just two further points on
which we have not perhaps placed sufficient emphasis:
æ first, the map appended to the remarks of the Court of Directors of the BNBC on the 1890 draft
compromise, reproduced at tab 22 in the judges’ folders, shows virtually all the islands in the
area, and Sipadan expressly (Memorial of Indonesia, Vol. 3, Ann. 61, p. 44), which puts
beyond all possible doubt the fact that those islands were involved in the delimitation exercise
and that they were a matter of concern to the company;
æ secondly, the British Foreign Office internal document reproduced in Annex 56 to the
Indonesian Memorial (Vol. 2, p. 476), on the basis of which the British negotiating position
was established, is highly significant: the dividing line between the Dutch possessions and the
territory belonging to the BNBC is described in the document as follows, as illustrated by the
map displayed behind me, tab 23 in your folders:
- 45 -
æ from a point A on the coast of Borneo near Broershoek on parallel 4º 10’ N;
æ the line was, according to those instructions, to follow that parallel 4º 10’ N to a point B at
its intersection with meridian 117º 39’ E opposite the extremity of the island of
Noenoekan;
æ thence the line would go south-east along the channel separating Sebatik from Noenoekan
to a point C, where parallel 4º meets meridian 117º 50’ E;
æ finally, and this is the significant point, “[t]he line would continue thence in an Easterly
direction along the 4th parallel, until it should meet the point of intersection of the meridian
of 118º 44’ 30” marked D”.
52. Point D does indeed appear on a map extracted from the Stanford map of North Borneo
which was used æ and annotated æ by the British delegation during the Joint Commission’s
discussions; the annotations seem to be in Sir Edward Hertslet’s handwriting. This map was found
in the Foreign Office archives (PRO ref. FO 12/86) in a bundle marked in manuscript: “Borneo æ
Copies of Maps handed in at the Joint Commission July 1889”. It appears at tab 24 in the judges’
folders.
53. The same is true of the line added to another copy of the same map, in all probability by
the BNBC in order to illustrate its compromise proposal. This time the line is in green (the colour
used to indicate the limits of the Company’s possessions) and yellow (marking the limits of Dutch
territory). It runs from the point C mentioned in the preparatory document for the British
instructions as far as the margin of the map.
54. Admittedly in all these cases, which are remarkably consistent, the line, which passes to
the south of Sebatik, follows parallel 4° N and not parallel 4º 10’ at sea æ but this is not the point;
the maps which you have just seen, Members of the Court, demonstrate without a shadow of doubt
that the British, in accordance with their instructions, intended to achieve a compromise which
embraced both sea and land. Whether its colour be blue, yellow or green, the line proposed by
them includes the sea and does so as far as the margins of the map on which the negotiators based
their position and which they had communicated to their Dutch interlocutors.
55. Furthermore, on one of these maps, which was sent to The Hague to Minister for Foreign
Affairs Hartsen the day after the conclusion of the Joint Commission’s negotiations on
- 46 -
28 July 1889, Count de Bylandt, the ambassador in London and the chief Dutch negotiator,
pencilled in the final compromise line proposed by the British. As can be seen, the map expressly
indicates that it was attached to Sir Edward Hertslet’s Memorandum of 20 December 1888 (“With
Sir E. Hertslet’s Memo of December 20th 1888”), which confirms that it was definitely a document
used in the negotiations. This map is displayed behind me. It appears in that form in Annex 22 to
the Indonesian Counter-Memorial (Vol. 2) and is reproduced in the judges’ folders at tab 26, but in
order to make the chief Dutch negotiator’s markings more visible we have indicated them on the
screen by red arrows and circles. The Batoe Tinagat enclave was declined by Bylandt on account
of the impossibility of defending it (cf. Counter-Memorial of Indonesia, Vol. 2, Ann. 21).
Nevertheless, the pencil line between the two red arrows is well and truly the final compromise
line. It runs eastwards to the margin of the map.
56. The Dutch map of 1885, also annotated by Count de Bylandt (with the wording
“10th proposal by Adm. Mayne” æ I shall not attempt to read this wording out in Dutch, a
language which remains a total mystery to me!); this map, as I was saying, has the same
characteristics and calls for the same observations as the preceding one; it appears at tab 27 in the
judges’ folders. And a map in the Sabah Archives (Map P51/94) is marked in the same manner.
Unfortunately Indonesia has been unable to obtain this map and Malaysia has not seen fit to
produce it, even though the Indonesian Counter-Memorial clearly refers to its existence
(Counter-Memorial of Indonesia, p. 88, para. 5.72).
57. In its Reply, Malaysia challenges the probative force of the annotations made by Count
de Bylandt on the Stanford and Stemfoort maps of 1885, annotations which clearly show that in the
minds of the negotiators the 4° 10’ N line was extended eastwards. According to our opponents,
these pencil additions are discredited by the fact that the line so marked also continued westward
from Sebatik and, in both cases, to the margins of the maps (Reply of Malaysia, p. 44, para. 4.10).
58. In the view of Malaysia, the fact that this line was drawn on either side of Sebatik is
simply due to the fact that Bylandt used “a pencil and ruler to trace the 4° 10’ Parallel right across
the map” (ibid.). Apart from the fact that using a ruler does not necessarily mean that you draw a
line along its entire length with the pencil, a far more convincing explanation for the prolongation
of the line to the west of Sebatik and Broershoek (on the coast) is that at that stage of the
- 47 -
negotiations (the date is 27 July 1889) the sole British proposal was to adopt parallel 4° 10’ N; it
was logical that Count de Bylandt should mark it both at sea and on land, as had in fact been done
on all the maps annotated during the negotiations, including the one relating to the BNBC’s
proposal.
59. Contrary to what Malaysia asserts, these pencil marks are not blunders which
accidentally coincide with the edge of a ruler miraculously as long as the map itself; they are an
accurate cartographic reflection of the discussions between the parties, regarding which this series
of five maps æ absolutely consistent, not in terms of the line itself but because they reveal the
object of the discussions æ are clear evidence that the negotiations related to the sea situated to the
east of Sebatik as well as to the land situated to its west.
60. The discussions were comprehensive, Mr. President; the compromise which they
achieved was equally so. It consisted in establishing parallel 4° 10’ N as the dividing line between
the respective possessions of the Dutch and the British on land and at sea. By this means the
various uncertainties affecting the territorial delimitation between the local sultanates were
disposed of æ that in fact was the goal of the exercise; it would not have been attained if the status
of the surrounding islands had remained unresolved.
Members of the Court, thank you for your attention. May I ask you, Mr. President, to be
kind enough to give the floor to Sir Arthur Watts, who for the ten or 15 minutes which remain will
begin his analysis of the 1891 Convention. Thank you very much.
The PRESIDENT: Thank you Professor. I now give the floor to Sir Arthur Watts.
Sir Arthur WATTS :
LA CONVENTION DE 1891
Monsieur le président, Madame et Messieurs de la Cour, je vais maintenant me pencher sur
la convention de 1891.
Introduction
1. MM. Soons et Pellet ont expliqué le contexte. Ils ont montré comment la relation
territoriale initialement incertaine entre le sultan de Boeloengan et le sultan de Sulu s’était muée en
- 48 -
une situation territoriale également incertaine entre les Pays-Bas et la Grande-Bretagne; et ils ont
montré comment ces deux Etats ont réglé la question en concluant la convention de 1891. Par cette
convention, les parties entendaient mettre fin une fois pour toutes à toutes les incertitudes qui
existaient quant à l’étendue territoriale de leurs possessions coloniales dans ce secteur nord-est de
Bornéo.
2. Il est maintenant nécessaire d’examiner avec assez d’attention les termes de cette
convention, dans la mesure où elle a trait à la souveraineté sur Sipadan et Ligitan.
Termes de la convention
a) Objet et but
3. En premier lieu, il est nécessaire de parler de son objet et de son but. Bien entendu, le but
politique général de la convention a été expliqué par M. Pellet æ les parties voulaient régler les
incertitudes territoriales qui subsistaient dans la région afin de connaître les limites territoriales du
territoire dans lequel elles étaient responsables du développement social, politique et économique.
4. Toutefois, la convention elle-même traite brièvement de la question. Comme indiqué dans
son préambule, son but était de «définir les frontières entre les possessions des Pays-Bas sur l’île de
Bornéo et les Etats de cette île qui sont sous protection britannique». Les parties ont donc «résolu
de conclure une convention à cet effet … à ces fins».
5. Il convient de noter que rien dans cette disposition n’établit que le but de la convention
était de définir uniquement les frontières terrestres des territoires des parties dans la région. Ce
terme n’est pas utilisé dans le préambule.
6. Il n’est pas non plus convaincant de dire, comme essaie de le faire la Malaisie, que la
convention de 1891 doit être traitée «seulement» comme un traité de frontière, et non comme un
traité conférant un titre sur des possessions selon qu’elles sont situées d’un côté ou de l’autre d’une
ligne convenue. Dans l’affaire du Différend frontalier1
, la Cour a estimé que la distinction faite par
les auteurs entre «conflits de délimitation» et «conflits d’attribution territoriale» était plus
importante en théorie qu’en pratique : il en va de même ici en ce qui concerne la distinction parfois

1 C.I.J. Recueil 1986, p. 564, par. 18.
- 49 -
invoquée entre les traités dits de frontière et les traités dits d’attribution. Concrètement, les uns
comme les autres attribuent la souveraineté territoriale à l’un ou l’autre des Etats concernés.
7. Cette prétendue distinction est intrinsèquement académique, artificielle et, en pratique,
sans objet. De plus, comme l’a montré l’Indonésie dans son contre-mémoire2
, considérer la
convention de 1891 comme étant «seulement» un traité de frontière et non un traité d’attribution est
incompatible à la fois avec le comportement des parties et avec la pratique des Etats. Non
seulement, comme le montre le contre-mémoire, les Etats utilisent régulièrement le terme
«frontière» s’agissant de zones maritimes, mais ils utilisent aussi ce terme en relation avec des
traités qui seraient considérés par les auteurs, quelle que soit l’analyse, comme des traités
d’attribution.
8. L’indication que les frontières en question se trouvent «sur l’île de Bornéo» n’implique
pas non plus que les parties se souciaient seulement des frontières terrestres, comme l’Indonésie l’a
également montré dans son contre-mémoire3
.
9. En fait, le libellé du préambule atteste le contraire. Le terme «possessions» est apte à
désigner les possessions insulaires aussi bien que continentales — comme le montrent d’ailleurs les
dispositions de fond de la convention qui traitent expressément de la frontière sur l’île de Sebatik.
10. En outre, en visant dans le préambule «les possessions» des Pays-Bas, les parties ont
manifesté leur intention de traiter de toutes ces possessions dans la région. D’autre part, en visant
les frontières des «Etats … qui sont sous protection britannique», les parties ont manifesté
pareillement leur intention de traiter de tous les territoires de ces Etats, qu’ils soient sur le continent
ou insulaires — étant donné en particulier que le terme «possessions» est aussi utilisé à
l’article premier pour désigner les territoires britanniques affectés par la frontière.
11. Quoiqu’il en soit, l’objet et le but d’un traité n’est pas défini seulement par les
dispositions du préambule. L’objet et le but qui étaient ceux des parties lorsqu’elles ont conclu le
traité doivent aussi être recherchés dans leurs relations durant la période ayant précédé cette
conclusion. Ainsi, dans l’affaire Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et

2
CMI, par. 5.8-5.12.
3
CMI, par. 5.14 e). Voir également le MI, par. 5.43 i).
- 50 -
Bahreïn4
, la Cour a établit l’objet et le but du «procès-verbal de Doha» en étudiant les
circonstances générales dans lesquelles celui-ci avait été adopté et l’attitude des parties à l’époque
de cette adoption.
12. S’agissant de la convention à l’examen, alors que l’existence d’incertitudes quant à
l’étendue des possessions de chacune des parties laissait craindre que les différends ne perdurent, il
est clair que le but fondamental des parties était de régler une fois pour toutes leurs incertitudes
territoriales. Ces incertitudes concernaient les territoires insulaires tout autant que les territoires
continentaux. Il est donc pleinement conforme à l’objet et au but fondamentaux de la convention
de considérer celle-ci comme concernant toutes les îles de la région : en d’autres termes, il ne serait
pas conforme à cet objet et à ce but de traiter la convention comme ne concernant pas les
possessions insulaires, et de laisser ainsi celles-ci demeurer des sources potentielles de différends
territoriaux.
13. En bref, l’attribution du titre sur les îles faisait partie intégrante du but principal de la
convention.
14. Ceci dit, je vais maintenant examiner les dispositions de la convention qui donnent effet
à son but tel que celui-ci a été défini.
M. le président, je peux m’arrêter ici ou, si vous préférez, poursuivre encore cinq ou
six minutes.
Le PRESIDENT : Je crois que nous pouvons nous arrêter là parce que vous allez entrer dans
l’analyse des différents articles du traité et qu’il est préférable que cette analyse se fasse de manière
cohérente. La séance va donc être levée maintenant et nous reprendrons l’audience cet après-midi
à 15 heures. Je vous remercie.
L’audience est levée à 13 heures.
___________

4 C.I.J. Recueil 1995, p. 19, par. 31-40.

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