Non-Corrigé Traduction
Uncorrected Translation
il
CR2000/11(traduction)
CR2000111(translation)
Jeudijuin 2000
Thursda8June2000 The PRESIDENT: Pleasebe seated. The sittingis open and todaywe startthe presentation
of the State of Bahrain. 1askyou first to excusethe delay withwhich theCourthas openedthis
sitting,which was dueto consultations1have hadwiththe Parties. 1am now going to givethe ?
floorto His ExcellencyMr. Jawad SalimAl-Arayed,Agentof the StateofBarhain.
M. AL-ARAYED :Merci, Monsieurleprésident.
1.MonsieurleprésidentM , adameetMessieurs les Membres de la Cour :
2. C'estpour moiun honneur et un plaisir d'êtrà cette barre, de vous exprimerle respect
qu'éprouve 1'Etatde Bahreinpour la Cour internationale de Justiceet de me faire devantvous
l'échode l'espoir le plus cher denotre peuple, l'espoirque votre décisionva nous permettrede
considérerl'aveniravecsérénitéa et ecconflance.
3. La compositionde notre équipejuridique est devant vous, et, pour gagner du temps,je
m'abstiendraidetoute présentation individuelle.
4. Monsieur le président,notre pays est trèspetit. Avec neufcent quatorze habitantsau
kilomètrecarré-neuf cent quatorzehabitants- Bahreeïnest, par la densitéde population, le
cinquièmepays du monde. Les Bahreeinitesont deuxfois plusnombreux queles Qatariens,mais
lamasseterrestrede Qatarest seizefois plus étenduequela nôtre.
5. Vous comprendrezquelleémotionnous ressentonsquandun voisinaussi richementdoté
en territoirenationalveut nous retirer le tiers du précieuxespace sur lequelnous devonsvivreet
éleverles générationsàvenir.
6. Si Qatar devaitnous prendre les îles Hawaret si sa conceptiondes fkontièresmaritimes
devait finalement l'emporter, notrearméede l'air devrait demanderl'autorisation detraverser
l'espace aérienqatarienne serait-ce quepouratterriràBahreeïn.Ileniraitde mêmp eour lesgrands
aéronefscommerciauxqui desservenn totrepetitterritoire.
7. Autrementdit,non seulementnotrepays se verrait-il amputé, mais encorle a souveraineté I
qu'ilnous seraittoujours permisd'exercer serait-elleintolérablementréduite. 8. Qatar a sans répit poussé l'expansionnism jesque sur nos terres. En 1937,Qatar a
expulsépar la forcelapopulation bahreïnitedelarégionde Zubarah. Aujourd'huiencore,la zone
demeure de facto sous contrôle qatarien. Si nous n'avions pas érigépour nous défendrede
fortificationssur lesîlesHawar, Qatarlesaurait certainement envahaussi.
9. En 1986,Qatar a lancéune attaqueannéecontre FashtadDibal, l'un de nos principaux
élémentn saturelsen mer. Heureusement, les pressions arabeest internationalesl'ontfait reculer.
Je le répète,i nous nenousétionspas montrés résolus àdéfendre lesîles Hawar, Qatarles aurait
sansdoute attaquéesaussi.
10. Aujourd'hui encore, noudsemeuronsprêtsànous défendresur les îlesHawar. Quantà
l'occupationdefacto delarégiondeZubarah parQatar, elle estinacceptableparprincipe. La force
ne créepas letitre. Laforcene primepasle droit.
11. Toutaussi ficheusement,l'expansionnisme de Qatal r'a aussi conduità transgresserla
légalité.Commevousl'avez vu dansnosmémoiresc ,ela fait plus desoixanteansque Qatara pour
la première fois tenté de revendiquersîies Hawar. En 1939, laGrande-Bretagnea rejetécette
revendicationparceque Qatar n'avaitpaspu établir,fût-cepar le moindreélémendte preuve, avoir
jamais eu une présence surles îles. A cetteépoque comme aujourd'huis,on seul argument était
celuidelaproximité.
12.Plus récemment, reconnaissan qtue laproximitéen soi ne créepas de droitssouverains,
Qatar est arrivéà constituer un épaisdossier de quatre-vingt-deuxdocuments censésêtredes
documentshistoriquesqu'aucunhistorienn'avaitjamais vusauparavant. Parces documents, Qatar
prétendaitmontrer qu'il avaitlongtempsexercéle contrôle sur les îles Hawar. Puis, Qatara
unilatéralement dépos une requêteintroductived'instancedevantla Cour et s'est fondé surces
documentspour étayerses thèsesprincipalesà l'appui desa demande. Comme Bahreïna pu le
prouver, absolument tousces documents sont des faux. On imagine facilement le dommage
qu'auraitsubil'administrationde lajustice internationale-du reste, laCour elle-mêmen eut été
ébranlée- siBahreïnn'avap its dénoncépubliquemen ctsfaux.
13.En ce qui concerneles îlesHawar, combiende fois faudra-t-ilque Bahreeis'adresseau
juge à ce sujet? Suivantun principe de droitétablide longue date, possessionet administration
ininterrompues créentun titre quene saurait dissoudrela voracité d'un vonuandce derniernepeut pas produire d'autre argument que celud ie la proximité. n'existe pasde règlede droit
interne qui dise: ((C'esttout près»- (de le vew> - (dlonc, c'est à moi.» Et pareillerègle
n'existecertespas endroitinternational.
14. Comment pourrait-onaujourd'hui passeroutre au caractère définitifde la décision
de 1939,laquelle aconfié que Bahreeïnavaitle contrôleeffectifdesîlesHawar?
15.Mais,au-delà decesprincipes,je ne veuxpas que vous vous mépreniez sur l'intensid te
l'émotion qu'éprouv lepeuplebahreïnite. Lesîles Hawar fontpartie intégrante dela patrie. Pour
le peuple bahreüiite, l'idéemêmequ'on puisse ôter ces îles à Bahre'inserait intolérable.Des
milliers de Bahreïnitesappartiennentà des familles qui ont fondé foyer suc res îles depuisdes
générations. Leurs ancêtres, leursprochesy sont enterrés. Ces îles sont indissociablesdu tissu
même denotrepetitpays.
16.Vous comprendrezdonc,Monsieurle président,que la présenteinstanceatteintBahrein
au cŒurmêmede son existence. Pour Qatar, en revanche, cette affaire est une aventuresans
risque. Ce qui explique pourquoi Qatara agi comme s'il n'avait rien à perdre en déposant
unilatéralementsa requête.
17.Récemment,le climat entrenos deuxpays s'est amélioré.Qatar a fait savoir,par une
lettre adresséeen décembre1998 à la Cour, qu'il ne ferait pas appel aux quatre-vingt-deux
documentsqui sont desfaux. Sonéminent agenta ,exactementcommeil le fallait, exprimé des
regrets. L'émirde Qatara pris l'initiativede chercher à engager avecBahreeindes négociations
bilatéralessur toute une vaste gamme de questions. C'est pourquoi il s'est renduà plusieurs
reprisescheznous oùil fut lebienvenu.
18.Le peuplebahreïniteestheureux devoirlà les signes d'une volonté d'accommodemene tt
de coopération. Nous ne voulons pas que les fantômes et la rancŒur,vestiges des vieux
malentendus, empoisonnenn tosrelations. ,
19.C'est l'avenirque nous allons vivre,nous et nos enfants;c'estpourquoi nousespérons
pouvoircontinuerd'entretenirnos relationsbilatéralesdansun esprit constructifet amical, l'esprit
del'avenir. 20. Avec votre permission, Monsieurle président,lors des audiencesqui sontprévues,nos
conseils ne donneront pas lecture des sources de leurs citations. Mais ces sources seront
communiquées au Greffeetje prie celui-ci delesporter au compterendu.
21. Monsieur le président,Madameet Messieursles Membresde la Cour,je vousremercie
de m'avoirprêté attentionet d'avoirbien voulu m'entendrevous dire les inquiétudes etl'angoisse
du petit pays que je représente. Pour Bahreïn, il n'est pas admissible que Qatar procède à
l'annexionillicite de Zubarahpar la force. Quant auxîles Hawar,c'est un élémenv tital de notre
pays. Lesîles sontànousdepuisdes génératione st nousvousdemandonsde nousen confirmerla
possession.
22. Monsieur le président, je vais vous prier d'appeler aussitôt à la barre
sirElihuLauterpachtquiva vous donnerun aperqudesthèsesde fondque nousplaidonsen ce qui
concerneles questionsterritoriales.
23.Le peuplebahreeiniteva attendrevotredécision avec confiance:justice serarendue. Mon
peupletient profondémentà sa terre et les îles Hawar font partie intégrantede la terrebahreeinite.
Je vousremercie,Monsieurleprésident.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur le ministre. Je donne maintenant la parole à sir
ElihuLauterpacht.
SirElihu LAUTERPACHT :
1.Introduction
1.Monsieurleprésident,MadameetMessieurs dela Cour,
2. J'ai de nouveaule privilègeet le plaisir de me présenter devant vous.La Partie quej'ai
l'honneurdereprésenteraujourd'huiest1'EtatdeBahre'in.
3.Malgré lesseizechangements dedécorquela Coura connusdepuisquele demandeurl'a
saisie de l'affaire, celle-cin'a jamais étécomplexeet ne l'est pas davantage aujourd'hui. Mais
l'affairen'est plus celle quele demandeura exposée pourla premièrefois dans sonmémoireen
septembre1996. 4. Certes,les questions principales qu'elsoulèverestentles mêmes. Les questiond se titre
surlesîles Hawaret Zubarah demeurent lesprincipalesquestionstenitorialesen litige. Etc'estdu
règlement de ces questions que dépendlargement l'autre volet principal de l'affaire-la *
délimitationmaritime.
5. Mais la manière dont Qatara présenté sa revendicatio sur les îles Hawardevantla Cour
s'est fondamentalement modifiée depuils e dépôtde son mémoireet de son contre-mémoire.En
examinantles incidencesdece fait,Bahreïnest dansl'obligationd'en indiquerle motif.
6. Cemotif est le suivant:Qatarne sefondeplus surcequ'on aappelé par euphémisme «les
quatre-vingt-deux documents)o )u les documents(monauthentiques)).Maisaucuneexpressionne
peut masquer qu'il s'agit defaux. Les morts n'écriventpas de lettres ! La correspondance
officiellen'est pas signéepar des enfantsde dix ans ! Peu importe qui a produitles documents,
Bahreïnaccepte tout à fait les dénisde responsabilité etles excuses de Qatar. Mais l'agentde
Qatara beau affirmerquel'incidentest clos (CR200015,p. 16),cela ne sauraitêtrele cas. Cequi
s'est passé a des effets directs sur plusieurs aspects importantsde l'affaire, surtout en ce qui
concernela question desîles Hawar.
7. Si la Cour avait l'occasion d'examineà r nouveaula version surlignée dumémoirede
Qatar queBahreïn a remise à son présidentlors de la réuniontenue en novembre1997et qui
indiqueenjaune les passagesfondéssur les faux,la Cour constateraitquela suppression, dansle
chapitreV de cette pièce,intitulé(L'intégritéterritorialede Qatar et la souveraineté Qatar sur
les îles Hawm ne fait pas qu'amputer cechapitre, elle le réduit effectivement à néant.
Disparaîtraittotalementla sous-section«Desexemplesdereconnaissance» figurant dans la section
principale intitulée «Reconnaissance territoriale)). Disparaîtrait aussi la prétendue carte
topographiqueottomanede 1873si libéralemenp tarseméedesceaux qui,uneenquête ultérieure l'a
démontré a,vaient étachetés iciàLa Haye,dans unmagasind'articlesde fantaisie-carte qui,si
b
utilementpour Qatar, qualifieles îlesHawar d'«îles Hawarde Qatm et trace dans la mer une
limitesituée bien à l'ouestde ces îles. Disparaîtraient égalemenltes références figurandtans la
note 58concernantd'autres actesde souverainetéaccomplip sar Qatar surlesîles Hawar - toutes
absolumentfausses. Soitdit en passant,toutefois,on constateque bon nombrede ces références
indiquenttrèsclairement le genred'actesdont, selon Qatar, lapreuve par un Etat demandeurest suffisantepour confirmerun titre temitorialqu'il revendiquepar possessionet contrôle. Les faux
- leurexamenle montrera- semblent indiquerque Qatar étaittoutsaufexigeant quantau degré
de mainmise établissanlte titre d'un Etatsur un territoire. Qatara fait valoir trèspeu d'actesde
possession. Il a préffairelargementappel àdestémoignagesquine sont en réalité fondéqse
sur les dires d'autrui,principalementdes déclarations attribuéeasux Ottomans et auxcheikhs
d'Abou Dhabiet de Dubai. Iln'estguèreloisiblà ceux qui brandissent des normesdepreuvede
comportementet d'effectivitaussi peu exigeantescommefondementd'unerevendicationdetitre
de faire aujourd'huivolte-faceet de demanderahreeïnd'appliquerdes critèresplus stncts. Ce
n'enest pasmoinsce que Bahreeia fait,comme lemontrent sesécritures les exposés orauque
ses conseils présentertour les étayer.ux actesqui ont effectivement marqula présencede
Bahreeïnsur ces îles ne s'opposeplus aujourd'hui absolutucuncomportement contradictoire
de Qatar. Sont également disparules éléments qui prétendaientétablir lareconnaissancepar
Bahreïn dela souverainedeQatarsurlesîlesHawar.
8. Le contre-mémoire de Qatar est tout aussi viciépar ces documents pernicieux. Aux
O 1 3 paragraphes2.39 et 2.40 de celui-ci, Qataren cite vingt-deuxen récapitulantles allégationsselon
lesquellesil a exercéson autoritésurles îles Hawar. Or, chacun decesvingt-deux documentsfait
partie des quatre-vingt-deux dontQatar nous dit aujourd'huiqu'ils ne doivent pasêtrepris en
considération. Lorsqu'il présentéces documents,Qatar a annoncé, nonsans emphase, qu'ils
démontraienlte peu de fiabilitédes documentsofficiels sulresquelsînse fonde. Commel'a
déclaréQatar: «Les apparences existent dans les documents officiels puisésdans les archives
britanniques»alors que[l]aréalitdéplaisante)-)pour reprendresa formulati-n «ressort»de
sespropresdocuments. Quels documents,peut-onse demander et comment diable ont-iltrouvé
placedansl'affaire
9. Dans l'introduction de son contre-mémoire, Qatara résuméce qu'il a appelé les
principaux élémendtsudossieret aaffmé que lesélémentdsepreuve produits par lui avaten
- premièrement,<anontré» que toutela presqu'île et les îlesHawarfaisaient partie ineegrantd
son territoire;
- deuxièmement,<anontré»que c'étaitlà un fait reconnu «au moins» depuis le milieudu
W siècleparlaGrande-Bretagne,l'Empire ottoman,lesémirs locauetmême Bahreïn;- troisièmement,«fait justice» des preuvesque Bahreïn a présentées à l'appui de sa défense
concernant lesîles Hawar,qui a été couronnéede succèslors de l'arbitrage ayantabouti à la
sentencebritanniquede 1939;et
- quatrièmement,«apportéla preuvequ'il avaitfaitacte de souveraineté))danlses îlesHawar.
10.Commel'indique lacitationmême de Qatar, tousces «principauxéléments» du dossier
de Qatar étaienttributaires des quatre-vingt-deux documents. Or, ceux-ci ont maintenanttous
disparu. Ilne resterien des(cprincipauéléments))du dossier de Qatar.
11.A quoiBahreein était-ien droit des'attendre dès loque Qataravait indiqué qu'ilne se
fonderait plus sur ces quatre-vingt-deux documents? Il auraitétéraisonnablede s'attendre à ce
que Qatarrenonce àsarevendication fondée surdespreuves apportéep sar cesdocuments. Bahreïn
était endroit de s'attendrea ce que Qatar, dans lemêmeesprit de regret qui a caractérisé sa
décisionde renoncer aux faux, s'en tiendrait à la logique de la position qu'il avait adoptéeet
renoncerait également àcontinueràfaire valoir sa revendication sulres îles Hawar. Aprèstout,si
on commence uneaffaireen sefondanttotalementsur certains documents,on s'attadrait, unefois
la faussetéde ceux-ciétablie,auretraitdesvolets compromisde l'affaire. Eton n'apporteraitpas
davantageune réponseen disantque l'argument dela proximité pouvait continuer à fournirun
moyen subsidiaireviablepour l'aspectdela thèse deQatarfondésurles faux. Commenous allons
le voir, l'argumentde la proximité, invoquéà l'appuide la revendicationde titre de Qatarsur les
îles Hawar, estlui aussitotalement réduitnéantface aux preuvesde la possessionde cesîlespar
Bahreïn .
12.C'est ainsiqueBahreeinenestvenuàsupposerqueQatarseborneraitplutôtàconcentrer
ses effortssurZubarahet la délimitationmaritime. Mais -, et ce futunevraie surpris- Qatara
inventé un moyen de substitutionà l'appui de sa revendicationsur les îles Hawar. Il prétend
maintenant rejeter ainsi la pertinence du comportement et detoutes les effectivités. En voici
semble-t-il les grandes lignes : Qatar est un Etat qui existe effectivement et est reconnu
depuis 1868;il contrôlecomplètementtoutela presqu'îlesur laquelle il aun titre entier. Ce titre
s'étendaux îles Hawar du fait de leur proximité. C'est pourquoi tous les actes qui y ont été
accomplisultérieuremenp t ar Bahre-sont illégauxet inopposablesàQatar. Au demeurant,la date
critiqueàl'égarddes îles Hawarestl'année1936,ce qui a pour effet d'ôter toutevaleurjuridiqueaux effectivitéde Bahreeïnqui, selonla vision sélectide Qatar, sont toutespostérieuresà 1936.
Partant,les îles Hawarsont,sur leplanjuridique, vides ou inhabitée. llesappartiennentdès lors
à1'Etatleplus proche,quisetrouveêtre Qatar.
13. Bahreeinprie la Courde se demanderpourquoi ce nouveau moyen n'a pas étédéveloppé
danslemémoireinitialdeQatars'il estaussifondéquele prétend maintenant celui-ci. Il auraitpu
àbon droit êtreavancéàtitre subsidiaire. Or,Qatarne l'a pas fait, et sansdoute pourde bonnes
raisons. Bahreeinrépondraà chacunde ces nouveauxmoyens etil inviterachaquefois la Courà
partagerles doutesqu'ilnounit surlerôlequ'ils peuvent maintenantjouer danlaprésente affaire.
14.Tout cela est dit, Monsieurle président,Madame et Messieursde la Cour, nonpas dans
un esprit de rancŒur ni avec la volontéde rouvrir gratuitement d'anciennesplaies, mais
uniquementparce qu'il importederecentrerle débat. Je puismaintenantlaisserdecôtéla question
des fauxet de leur effet sous réserve d'uneernièreobservation:bien que Qatarse soit engagéà
ne pas se fonder sur les faux,le fait est que ces documents,qui ont vicié l'affaire, continueront
d'exercer uneinfluence insidieuseà laquelleil seradifficilede se soustraire. Mêmmaintenant,
par exemple, M. Salmon s'est pris au piège de ces documents. Le 5juin, il a parléde la
reconnaissancede l'autoritédes Al-Thani surl'ensemblede la presqu'îlede Qatar à partir de la
moitié du XMC siècle.Il s'estréféré dansanoteauparagraphe2.25du contre-mémoirede Qatar.
Ce paragraphe s'appuielui-même sur troisnotes. La première,qui renvoie aurécitque Palgrave
faitdesonvoyageen 1862-1863,neposepasdeproblème.Il n'envapas demême des deux autres
puisqu'elles renvoientaux annexes II.1 et II18 du mémoire deQatar qui font toutes les deux
partie des faux portésà la connaissancede la Cour et de Qatar. Il ne s'agit pasde donner à
entendre que cette référencefigurant dans la plaidoirie de M. Salmon n'est pas purement
accidentelle. Maiscela montre bienlaprudence dontla Cour doitfaire preuvedansl'examendela
versiondes faits présentépear Qatar, surtoutquandil prétend affirmation important- que la
familledes Al-Thani exerçaituneplus grande autoritqu'ellenel'a réellemenftait. Cepointimité,
je peuxmaintenantaborderd'une manièrp eluspositivelesquestionsde fond.
15.La Cour comprendraévidemmentque Bahreeïn ne reprendradans sa réponseni l'ordre
desargumentsavancés actuellementpar Qatan r,i leur contenu exact. L'argumentatide Bahrein
chercheraplutôt de façongénérale - du moinspour ce qui a trait aux questionsprincipalesdesouveraineté surles îles Hawar et sur Zubarah- à suivre et à développerla sériedes quatorze
propositionsqueje vais présenter succinctement danls'espoir qu'ellespermettrontà la Courde
voir plus rapidement et plus facilementquelles sont les grandes lignes de force de la thèsede
Bahreïn. Leur formulationsuccincte impliquera nécessairement l'emploi tdeermes générauq xui
susciterontpeut-êtrdes critiquesde la part de certains.J'espèreque ce ne serapas le cas, mais si
ce l'étaitj,e vousprie de nepas m'entenir rigueur.
16. Commencerpar quelques considérations générales d estmise au stade actuel d'une
affairequi s'est caractéripar laproductiond'unetelle massededocuments. Qataranotamment
présenté quatrfeois plus de pages d'annexes queBahreïn (même si Qatarne s'est servi quede
50 % environdesdocuments qu'ila soumis). Car malgré l'apparenteprofusion de faitssoumisàla
Cour,surtoutence qui concernela situation auXD(' siècle,l'affaire dotousêtes saisisdemeure,
commeje l'ai dit au débutde mon exposé, uneaffairesimple. Bahreïn cherche, dansce cadre,à
obtenir deuxchoses :premièrement,le rétablissement de sa position dasonancienne possession,
Zubarah,et, deuxièmement,le rejet desrevendications desouverainetédeQatarsur deszonesqui,
depuis longtemps,sont en la possessionde Bahreeïnet relèventde son autoritéà savoirles îles
Hawar, y compris Janan et HaddJanan, ainsi que sur toutesles formationsinsulaireset autres,y
comprisFashtadDibal etQit'atJaradah,qui constituentl'archipeldeBahreïn.
17. Ces objectifs me conduisentmaintenant à présenterles propositions qui représentent
l'essentiel de l'argumentation de Bahreïn sur les questions de territoire. L'argumentation
concernantla frontièrmaritime sera présentéàepart.
18.Cesquatorzepropositions sont énoncées ci-après:
19.Lestrois premières concernent principalement Zubara bien quela deuxièmes'applique
aussiauxîles Hawar.
1) Première proposition :La familledes Al-Khalifa (c'est-à-dila famille deBahreein) exercé
l
son autoritéà Zubarah du milieuà lafin du XVIF siècle. Elle acontinué d'y exercesron
autoritépendanttoutle XD(. siècle,tantdirectementquepar l'intermédiairede sespartisans,
les membres de la tribu des Niïm. Même Qatar concède,au paragraphe 5 de sa propre
requête,qu'il a déposée en l'espèceen juillet 1991, quela presqu'île de Qatar est une
dépendancede Bahreeïn~Jusqu'en 1868, la péninsuledu Qatar fut considérée palres Britanniques commeune dépendance de Bahreïm. ils'agit là d'un aveu de la plus grande
importance. Qatarne conteste pasle bien-fondéde la position britannique selonlaquellela
presqu'îlede Qatar était,jusqu'en 1868aumoins, une dépendance de Bahreïn Qatar estime
que la presqu'îleenglobeles îles voisineset notammentles îles Hawar, etQatar estliépar
cette opinion. Aussi pouvons-nous conclureque Qatar admetdans ce passage que Bahreeïn
possédaituntitrenon seulementsurZubarahmais aussisurlesîles Hawar.
2) Deuxièmeproposition : Mêmeaprès 1868, pendant tout lereste du XlXe siècle et
jusqu'en 1916,il n'y avait pas d'Etat de Qatar doté d'attributsde souverainetésur toute la
zone géographique dela presqu'îlede Qatar. La ville de Doha qui se trouvait sur la côte
orientaleaété soumise àla familledes Al-Thani (c'est-à-direla famille qatarienne) aumilieu
du XIX' siècle,mais l'autoride cette famillene s'étendait aunord ou aunord-ouestdela
presqu'îlejusqu'à Zubarah. Qatar avance maintenan qtu'il constitue un Etat aussiancien que
Bahreeinmais letexte de l'accordde 1868sur lequelil se fonden'étayecettethèseni par ses
termes,ni par ses effets. Le tout premier indicede reconnaissanced'un Etat de Qatar qu'on
est en mesurede relever figure dansle traiténon ratifiéde 1913. Et mêmealors, l'étendue
territorialedecette entitéresun pointtrèsflou. Sil'onpartdel'aveufaitpar Qatar, quej'ai
rappelédans lapremière proposition, à savoir quejusqu'en 1868la presqu'îlede Qatar était
considérée par les Britanniques comme une dépendancede Bahreein,une des questions
principalesà laquelleQatar doits'attaqueren l'espèc- et qui semblejusqu'àprésentavoir
échappé à son attention- est celle-c:comment Qatar s'acquittera-t-ilde la chargede la
preuve qui pèseincontestablement surlui du fait de cet aveu, comment pourra-tl ontrerde
quelle façon, quand et dans quellemesure Bahreïn a perdu son titre sur la presqu'île,y
comprisplusparticulièrement suZ r ubarahet sur lesîlesHawar?
Troisièmeproposition :En 1937les Al-Thaniet leurs partisansont expulsépar la force de
3)
Zubarah les membresde la ûibu des Naim fidèlesà Bahreeïnqui y représentaient l'exercice
continudel'autoritéde ses souverains. Cette agressiocontreZubarah étaitun emploiillicite
de la forcequine sauraitêtregénérateurdd eroits.La Courne devraitpas considérec romme
valable un tel acte illicite. Elle devraitreconnaître la pérennides droits souverainsde
Bahreïn et lesautres droitsdela familledesAl-KhalifahZubarah. Les dix propositions restantesconcernent surtoutles îles Hawa-, la questionterritoriale
peut-êtrelaplusimportanteenl'espèce.
@
4) Quatrièmeproposition : Les conditions auxquellesle droit international subordonne
l'acquisition et la conservation d'un titre sur les îles Hawar,y compris Janan, sont la
possessionpacifique etcontinueduterritoireainsiquelamanifestationpublique d'une autorité
administrativedans ces îles. Commenous l'avonsmontréet le montreronsde nouveauavec
un grand luxe dedétails,Bahreïna rempli etcontinuederemplircesconditions.
Cinquième proposition: Le fait que la famille desAl-Thaniinstalléeà Doha ainsi que ses
5)
partisansn'ontpaspénétré à l'intériedelapresqu'îledeQatarau siècle,voireaudébut
du XX' siècle,n'a pas seulementsignifiéque l'influencedes Al-Thanine s'estpas fait sentir
jusqu'à Zubarah,mais aussi queles Al-Thani n'exerçaient absolumenatucuneautoritéréelle
sur les îles Hawar, y compris sur Janan,ouà l'égard de celles-ci, voieur la côte de la
presqu'îlequi leur faisaitface. Même en1934 - j'insiste sur((1934-) le résident politique
britanniqueavaitrelevéque
«le cheikh de Qatar est davantage un grand marchand qu'un souverain et n'a
pratiquementaucune autoritésur l'intérieurde sontatoù des opérations pétrolières
seraientsans doute effectuéesetoù les élémentsbédouilessplus forts sont des tribus
nomades d'Arabiesaoudite»(documents supplémentaires de Bahreïn 1,"mars2000,
annexe5,télégrammd eu 10janvier 1934).
De plus, la régionsituéeentrela côte ouest et la côte est de la presqu'îlett est encore
désertiqueet ne pouvait êtrtraverséeque difficilementl'époque.On a doncune situation
tout à fait opposéeà celle des liaisons maritimes qui sont si faciles dans les eaux peu
profondesséparantl'îleprincipale deBahre-ïndesîlesHawar. Il ya en ce sensunité naturelle
entrelesîles Hawaret Manama,maisnonentrecesîlesetDoha,commele montrela cartequi
se trouvemaintenant derrièremoi. D'ailleurs,même lorsquela sociétépétrolièreenatrepris
ses activitéssurla côteouest deQatar, Dukhan, endroit quin'estpas situétoutàfaitenface, ?
018 mais un peu au sud des îles Hawar, elle les a exercéesà partir de Bahreeinet toutes ses
fournituresétaientapportéesde là par bateau. Soitdit enpassant, iln'y a aucuneraisonde
croireque l'unitégéologiquequi, selonQatar, existeraitentre la presqu'îleet les îles Hawar
n'engloberait pas aussi l'île principale de Bahrein et ne s'étendrait paségalement à l'Arabiesaouditeet même à l'Iran. Jusqu'où,peut-onse demander, devraientse faire sentir
les effetspolitiquesde l'unité géologi?e
6) Sixièmeproposition :Vers 1800,le cadide Zubarah,le plus hautreprésentantoff~cieldans la
hiérarchiereligieuse etjudiciaire dela familledes Al-Khalifah,a autoriséune branchede la
tribudesDowasir às'installer surlesîlesHawar. En 1845,le souveraindeBahreïnles a aussi
invitéà s'installerdansl'îleprincipale deBahreïn. Cettebranche desDowasira alorscessé
de pratiquerle nomadisme. Par lasuite,ces Dowasirse déplaçaient entre Bahreïnet les îles
Hawar et les maisons qu'ilspossédaientaussi à Budaiya et Zallaq sur l'île principale de
Bahreeïn.Les déplacements saisonnierds'undomicilefvreauxîlesHawarl'hiver versun autre
domicilefixe dans les villes de Zallaq etBudaiyasur l'îleprincipalede Bahreïnl'ététaient
réguliers et constantsau XIXe siècle etle sont restés jusqu'aumilieu duXX" siècle. Les
Dowasir bahreüiitesinstallésauxîles Hawarontacceptél'autorité dessouverains deBahreeïn
presquesans interruptionpendanttoute laduréedu XTXe siècleet duXXe siècle.La présence
des Dowasirbahreïnitesaux îles Hawar s'est également accompagnée de cellend ombreux
Bahreeïnitesqui n'étaientpas desDowasir. Le fait qu'une population établie ait habid te
façon régulière aux îlesHawar est attestépar les marques qui sont fondamentalesen la
matière :maisons,mosquéesc ,imetières,citernesa eau, piègesàpoissons, etc., quiremontent
aux premiersjours de cette occupation.
7) Septièmeproposition :Le Gouvernementbahreïnitea exercé pendant de nombreusea snnées
une autorité souveraineauxîles Hawar. L'exercice decette autorités'est traduitnotamment
par des actes législatifs,judiciaires et exécutifs accomplis de façon continue par le
Gouvernement de Bahreïn auxîles Hawar ou à l'égardde celles-ci, notamment par la
délivrancede permispourla pêche de poissonsou d'huîtres perlières et l'extractne gypse
ainsi quepar la constructiond'infiastnictureset la prestationde servicespublics. Ces actes
constituentce que nousappelonsdes«effectivités».Un grand nombre des éléments d pereuve
produitsà cet égardparBahreeïnsont antérieursu années trente.
8) Huitièmeproposition : Jamais - et il faut insister sur ce po-ntjamais Qatar n'aexercé
d'autoritésur les îlesHawarouprispossession de celles-ci etotalitéou enpartie, dequelque
manière quece soit. J'ai déjàindiquéque Qatar avait renoncé à invoquerles élémentd se preuve contraires -tous faux -qui ont étéproduits dans son mémoire et son
019 contre-mémoire.Un traitmajeur etincontournable des exposéfsaits aunom de Qatarlorsde
.
la premièrephase des audiencesest qu'aucun d'entre eune mentionne, ne serait-ce qu'une
seulefois, l'existence d'effectivsatariennes oula présence de résideqsatariensauxîles
Hawar.
9) Neuvième proposition:La présencede Bahreein et l'absence correspondande toute activité
qatariennedans les îlesouà l'égardde celles-ci ontétexaminéeset mises en évidence au
cours de la périodeallant de 1936 1939lorsque la Grande-Bretagne,sous la protection de
laquelleBahreïnet Qatarsetrouvaienà l'époquea, procédéàceteffetà uneétudeminutieuse
de la situationsur les îles Hawar. La Grande-Bretagnea invitéà maintesreprises Qataà
fournirdes preuvesdu degréd'autorité qu'il prétendait exerceresrîles. Qatarn'aproduit
absolument aucune preuve de possession ou d'occupation desîles - ni même, comme
M. Paulssonle dirabientôt,de l'existencede la cartejointeàla concessionpétrooctroyée
par son souverainle 17mai 1935,censéeengloberles îles. Se fondantsurles éléments dont
elle disposaitsur la présencede Bahreinet l'absencecorrespondantede Qatar dans les îles
Hawar,la GrandeBretagnea décidé quecesîles appartenaientàBahreïn.
10) Dixièmeproposition : Le demier moyen principal avancé par Qatarà l'appui de sa
revendicationsur les îlesHawar est celuide leur proximité géographde la côte de Qatar,
ainsi que dufait qu'unepartiedes îles setrouvedansla mererritorialede 3 milles deQatar,
qui a égalementtentéd'étayercetteargumentationeninvoquantdes cartes et deséléments de
preuveditsde«communerenommée)).
11) Onzièmeproposition :Le droitinternationaln'admetpasqu'untitre aitpourseulfondement la
proximité, celle-cipouvant toutefois êtun élément étayan dtes actes de possession ou
d'autoritéIien est ainsi,que les îles en questionse trouventàl'extérieurou àl'intérieurdes
eau territoriales de 1'Etatlimitrophe.Dans l'affaire Erythréeflémen,le tribunal a fait
observer:
«il estjusqu'àun certainpointpossible deprésumerquetouteîle situaularged'une
des côtespeut êtrconsidéréc eomme appartenantà cettecôteen tant quedépendance
sauf si 1'Etatsur le tenitoire duquelse trouve la côte opposéea pu démontrerqu'il
avaituntitremanifestementmeillem (sentence,par.458). Aprèsque Qatar eut renoncéà invoquersesprétendus élémen ds preuve de possessiondes
îles Hawar et d'exercice d'une quelconque autorité administrative sur ces îles, ses
revendicationssur ces dernières nese fondentplus que surla seule proximité. Celle-cine
saurait servir par elle-mêmeà conférerun titre à Qatar - surtout en présenced'une
020 possessionincontestéepar Bahreïn. Qatar auraitdonc dû également renoncer à invoquer la
proximitélorsqu'il acesséd'invoquerlesfaux.
12) Douzièmeproposition : Les cartes auxquellesQatar fait appelet les élémentdse preuvedits
«de communerenommée)) nelui sont d'aucunsecours. Le conseil de Qatar a d'ailleurs
reconnuquedes cartesnepeuvent àellesseulesétabliruntitre.
13) Treizième proposition :Ce quiest vrai des îles Hawar elles-mêmels'est également deJanan
quin'est qu'unappendicedecesîles.
14) Quatorzièmeet dernièreproposition : Outrequ'elle apermis de constaterpar écritles faits
relatifs à la présencede Bahreïn et à l'absence de Qatar sur les îles Hawar, la décision
britannique de1939 a tranchéla questiondu titre de Bahreïnou de Qatar surces îles. Cette
décisionpeut êtreconsidérée avant tou ctomme un arbitrage. De ce fait,la questiondu titre
prend alors force de chosejugée,et la Cour ne saurait la rouvrir aujourd'hui. A titre
subsidiaire, on peut la considérercomme une décisionpolitique prise dans le cadre de
l'autorité exercéepa lr Grande-Bretagne en saqualitéde puissance protectricedesdeux Etats.
Dans un cas comme dans l'autre, noussoutenonsque la Cour est tenue de reconnaîtrela
validitéet l'effetde la décisiobritannique- d'autantplus que selonla doctrine del'affaire
des Grisbadama, il n'y apaslieu de modifierun «étatdechosesexistanb).
20. Voici donc, Monsieur le président, Madameet Messieurs de la Cour, les quatorze
propositions relatives aux questionsterritoriales concernant Zubarah et les îles Hawar. La
délimitation maritime et les questions connexesrelatives au statutdes reliefsmaritimes,Dibalet
Jaradah,sontdesquestionsdistincteset il est préférable qu'ellessienttraitéesséparémen ptar mes
collèguesexpertsen ces matières.
21. Lespropositionsquiviennentd'être formuléeset les argumentsrelatifsàla délimitation
et auxreliefs maritimesseront maintenantdéveloppé psr les conseilsde la façonsuivante: i) Je m'apprêteà formuler un certain nombre de conclusions juridiques se rapportant
principalementà l'acquisition deterritoireet à l'applicationtrèslimitéedu principe de
proximité en droitinternational. Je ferai égalemenctrtaines observationsjuridiques sur
le défautde validité légale dl'occupationforcée de Zubarahpar Qatar en 1937et sur
l'inapplicabiliduconcept de datecritique.
ii) Mon collègue,M. Jan Paulsson, prendrala paroleaprèsmoi et présentera à la Courles
élémentfsactuelsrelatifslaposition deBahreïnsurZubarahcomme sur lesîlesHawar.
Ildonnera égalemend tesindicationsassezdétailléessurles circonstancesetla validitéde
ladécisionde 1939.
021 iii) M. Reisrnan analyseraensuite la nature et les conséquencesjuridiques de la décision
britanniquede 1939.
iv) Etantdonnél'importancedesmanifestationsparBahreeïn d'autoritésouverainesurles îles
Hawaret l'absencetotale d'activité comparabd le Qatar,des précisionsseront apportées
surcette questionparM.RobertVolterra.
v) M.Fathi Kemichaprendra la parole aprèslui et, retraçant le processus d'accessiondes
partiesune pleine indépendance en 1971,examinera lapertinence etl'effet en l'espèce
duprincipedel'utipossidetis.
vi) DeuxpointsprécisrelatifsauxîlesHawarresterontàtraiter. Premièrement, l'examen des
cartes,lesquellesétayentla positionde Bahreïnrelativeauxîles Hawar etne corroborent
pascellede Qatar. Cettetâchem'incombera.
vii) Enfin,ence qui concernele secondpoint précisrestantàaborder,qui est importantet a
trait l'autoritéde Bahreïn surles îles Hawar,M. Paulssonreprendra la parole pour
évoquerla manière dontles négociations relatives aux concessions pétrolières dla ans
zoneetl'octroidecesconcessions au cours des année tsente, ont confirml'autoritetle
4
titredeBahreïnsurles îlesHawaren déniantparallèlement totuittre àQatar.
viii)Ayant ainsi couvert les différents aspectsrelatifs aux deux principales zones faisant
l'objet d'un conflit de souveraineté,il sera alorspossible d'aborder laquestion de la
délimitationmaritime. C'est dans ce contextqeuela questiondu statutjuridiquedeDibal
et deJaradah sera examinée. Jene chercheraipas à résumerici les principauxarguments de Bahreiïnen la matière. Mieux vautlaisser cet aspect de l'affaire à mes éminents
collèguessi expérimentés, MM. Weil et Reisman, qui reviendront également df eaçon
plus approfondiesurles droitsdeBahreïnen ce quiconcerneJanan.
22. Maintenantqueje vous ai présenté ledsifférentsvolets quecomportera l'argumentation
de Bahreïn,j'en arrive,avec la permissionde la Cour, auxpoints de droit qu'il m'appartientde
traiter. Mais, Monsieur le président, peut-être jugerez-vopsportun d'intercaler une pauseàce
stade?
THEPRESIDENT :The Courtwilladjoumfor ten minutes.
The Courtadjourned fiom 11.25a.m.to II .40 am.
ThePRESIDENT :Pleasebe seated.Thesittingis resumed. SirElihu,youhavethe floor.
SirElihu LAUTERPACHT: Monsieur le président, Madame et Messieursde la Cour,juste
avant la pause, je vous avais indiqué que j'aborderais les différentspoints de droit qu'il
m'appartient de couvrir.Il s'agitdes points suiva:ts
23. L'établissement elte maintien du titre territorial, que je traiteraien trois:pa)lees
droit fondamental;b) la réponseà apporter à l'argumentationde M. Salmon surles effectivités;
c) la question du titre sur les îles. J'évoquerai brièvement, nutre, la question de l'effet de
l'occupationforcéedeZubarahpar Qataren 1939et,enfin,la questionde la datecritique.
II. Etablissementet maintiendutitre
A. Le droit fondamental
24. Yenviens d'abordau droit relatifà l'établissementet au maintien du titre sur les îles
Hawar.
25. Il semblerait qu'ence qui concernele droit applicableàla déterminationdu titre sur les
îles,les divergences entreles Parties peuventêdéfiniesavecprécision. 26. Il y a lieude faire une distinctiàcet effet entre, premièrementl,e droit fondamental
relatifl'acquisitiondu titresurlesîles et,deuxièmementl,aportéedel'applicationàcet égarddu
conceptde proximité et les limitations de celui-ci.
27. Sur lepremier point,le droit fondamenta,'avais d'abord pensé quleesParties n'étaient
pas profondément divisées, eq tue leursprincipales divergences portaient sulre second élément,
celui de la proximité. La situation se présente désormais up neu différemment,à la suite de
l'argumentationde M. Salmon. Aussi,afinqu'ilne subsiste aucun doute au sujet dla positionde
Bahreeinconcernantles élémentsjuridiquep sositifsqui corroborentsontitre sur les îles Hawar, je
023 vais les reformuler brièvement, sachant bienque la Cour connaît déjà parfaitement ces
considérationsfondamentales.Cefaisant,jerépondrai bien entendu àce qu'a ditM. Salmon.
28. Aux finsquinous occupent,je n'ai pasbesoin de citer largemenlta doctrine.
29. La Courne verra certainementpas un manquede respect enverselle,j'en suispersuadé,
sije passe immédiatemena tuplus récentexamenpar un tribunalarbitral,dansle cadre del'affaire
Elythrée/Yémen d,e questions de titre. Comme il s'agissait précisément en l'occurrendc'une
question de titre relatif des îles, cette décisionest particulièrement pertinente en l'espèce.
Quelquescitationsdecettesentence permettentd'exposerle droiten lamatière :
«Le droit international moderne de l'acquisition(ou de l'attribution)d'un
territoire demandede manière générale : une manifestation intentionnelle de pouvoir
et d'autoritésur le territoire,par l'exercicecontinuet pacifique dela compétenceet
des attributsde la puissance publique. Ces deux derniers critèressont tempérés en
fonctiondelanatureduterritoireetde l'importancede sa population,s'ily ena une.»
(Erythrée/Yémep nr,emièresentencearbitrale, 9 octobre 1998,par. 239.) [Traduction
du Grefle.]
«La preuve de l'intentionde revendiquerles îles à titre de souverain est un
élémentessentiel du processus de consolidation du titre. Cette intentionpeut être
attestéepar l'expressionpublique d'une revendication publiqude'un droitou par une
affirmationpublique de souveraineté sur ces îles, ainsique par des actes législatifs
visant ouvertement à y réglementerl'activité.»(Ibid., par.241.) [Traduction du
Grefle.]
4
Au sujet des témoignages de l'attachemenq tue les populations desdeux rives semblent avoir
depuislongtempspourlapêche danlsesîleset autour d'elles,le tribunalarbitraladéclaré :
«Toutefois, celane constituepas une preuve d'effectivipour la simpleraison
qu'il ne s'agit dans aucun de ces cas d'actesaccomplis à titre de souverain. Le
tribunal doit, pour conclure à une activitéétatique susceptible d'établir une revendication desouveraineté,pouvoir se fonder sur desactivitésde délivrance de
permis et d'application d'une réglementation concernant leo spérationsde pêche
décritesplushaut.)) (Ibid.,par. 3.)[Traduction duGrefe.]
En extrapolant laportéelimitéede cetteobservation,je croiscomprendreque le tribunal disaitque
la simpleprésencede particuliers surune île ne suffit pas en soi pourconférern titreà 1'Etat
demandeur auquelils se rattachent. Il faut pour cela quelquechose qui ait le caractèred'une
activitéou d'un pouvoir connexedse1'Etat.
30. A cet égard, tant M. Salmon (CR200015, p. 41, par.26) que M. Shankardass
(CR200018,p. 34, par.49) se sont référé s la décisionprise l'annéedernièrepar la Cour dans
l'affaire del'ne de Kasikili/Sedudu(BotswanaNamibie) (C.I.J.Recueil 1999) comme si elle
appuyait leur thèse.Ilpeut donc etre utile d'indiquer brièvementn quoi les faits pertinentsde
cette affaire-là doiventêtre distingnsettementde ceux de la présenteinstance. M. Shankardass
interprètela décision dela Cour commesignifiant que«lesMasubian'occupaientpas l'île à titre
desouverain lorsqu'ils l'utilisaite façonintermittente, augrédessaisonsetselon leurs besoins,
O 2 4 à des finsexclusivementagricoles)>.Toutefois, le conseilde Qatara dû oublierquela Coura cité
deux facteursqui l'ontamenéeàconclure que lesMasubian'avaientpas occupécette îleà titre de
souverain. Cesdeux facteurssont énoncés quelques lignes aprèsplaessage queje viensde citer.
Premièrement,les Masubia ont commencé à exploiter l'île avant l'établissementde toute
administration coloniale dansla bande de Caprivi. Iln'existaitdonc pas de souverain dont ils
auraient pu confirmerle titre par leursactes. Deuxièmement, cetteexploitationde l'île parles
Masubia semblaits'être poursuiviaeprès l'établissemedte l'administration coloniale ss tliée
à des revendicationsterritoriales de l'autorité administrant le Caprivi. Ainsi présentaitla
situationtelle quela Coura pu ladéterminer.
31. La situation présenteest entièrement différente et je me bornerai à le rappeler
sommairement,puisqueM. Paulsson etM.Volterraenparlerontdansleurs exposés :ici,il y avait
des souverains avantl'arrivéedes Dowasir dans lesîles Hawar,les Al-Khalifah,souverainsde
Bahreïn. Ce sont ces souverains quiont accordé auxDowasirle droit de résider dans les îles
Hawar. C'estce qu'areconnu en 1909le résident politique britanniqu le,capitainerideaux. En
outre, la présencedes Dowasir dans les îles Hawar est étroitementliée aux revendications
territorialesdessouverains deahreein- comme lemontrentlesdifférentes effectivités dBeahreïndansles îles Hawarau cours des XW etXXe siècles.La plus fi-appanteest peut-être représentée
parle fait quecertains Dowasir ont quittéîsesHawarpendant plusieursannéesen 1923,puisont
demandé l'autorisationde Bahreïnpouryretournervers 1928. Si, auvu de ce queje viens dedire,
la relation entre lesDowasiretBahreüin'est pas réputéeà titre de souverain,on voit mal quelle
relationrépondraitàcecritère.
32. Je reviensmaintenantaux citationsde la sentenceElythréeB"YmenI.l y a lieu de faire
observerqu'en examinantla vie sur les îlesqu'ila qualifiée,eu égardaux faits,de saisonnière et
temporaire,àla différencedela situationdefaitquenous démontreronsen ce quiconcerneles îles
Hawar,le tribunala néanmoinsjugé qum eême cette activitélimitée -pour reprendrles termes
employéspar la Cour dans l'affaire des Pêcheries(Royaume-Unic. Norvège) de 1951 -
représente«une considération»à laquelle «il faut faire place))et «dont la portée dépasse les
données purement géographiques : celle de certainsintérêts conomiques propresà une région
lorsque leur réalité etleur importance se trouvent clairementattestéespar un long usage»
(C.I.J.Recueil1951,p. 133).
33. On peut ajouterà cela deux observationsplus brèves : la premièreest empruntée à
M. Huber dans l'affaire de l'ne de Palmas -et je me permets de préciserque les passages
pertinentsde la sentence del'ne de Palmas figurentsous-lacote 1 dans le dossier quivous a été
remis :«Il est tout à fait naturel que l'établissdte la souveraineté soit l'aboutissemdt'une
lente évolution,d'un développement progressid fu contrôle étatique.» Le tribunal arbitral de
l'affaireElythrédYémea ncitécetteremarqueenl'approuvant(SentencearbitraleErythrédYémen,
par. 104.)
34. La deuxièmecitationest elleaussi empruntéeàl'affaireElythrédYémed nanslaquelle,il
fautle rappeler, ilavaitdes actesde gouvernementaccomplis parles deuxparties,etnonpar une
seule,commec'estle casen l'espèce. Cette citatioenstla suivant:
35.
«On peut dire d'embléequ'il ressort de l'analyse de l'étatqui ne cesse
d'évoluerde tous ces aspects différents des activitéd ses pouvoirs publics que
-comme d'ailleursdans l'affaire des Minquierset Ecréhous,où s'opposaient aussi
des arguments relatifs à des revendicationsde titres très ancien- c'est [etje soulignece passage]1'histoire relativement réceee 1'utilisationet de lapossession
qui constitue en définitiveun fondement essentiel des décisionsdu tribunal.))
(Premièresentencearbitrale, 1998,par. 450;les italiques sont demoi.) [Traduction
du Greffe.]
B. Réponse àl'argumentationde M. Salmonausujetdeseffectivités
36. Permettez-moide dire que les citations dont je viens de donner lectàrla Courne
prêtent vraiment paàcontroverse. Ainsique la Courl'auradéjàconstatéen lisantles écrituresde
Bahreïn, etcela lui sera rappeléouveau aucours de nos exposés, cescitations définissentdes
conditionsque la conduite de Bahreïn a amplementremplies -non pas depuis 1936,comme
l'affirmeQatar,mais depuislestout premiersjoursdelaprésence de Bahreïn danlses îlesHawar.
37. Mais lorsqu'on envient, comme je vais maintenantle faire, aux commentairesde mon
ami et confrère,M. Salmon,on ne sauraitdonner àpenser un seul instant qu'ilsne prêtentpaà
controverse. Je laisse de c,armes collèguesen parleront plus tard, eu'a diM. Salmonpour
commencer,au sujetdequietanon movere, d'utipossidetis,du caractèred'Etatde Bahreïnet de la
créationde Qatar. Le sujet qui me concerne maintenantest sa cinquième questi:<tlyeffectivité
d'actes d'occupation)CR200015, p. 37). La Cour a entendulà un argumentqueje qualifierai,
avec toutlerespectquilui est dû, d'aussicirculaire qu'inattendu.
38. M. Salmon commencepar le passage où la Chambre de la Cour, dans l'affaire du
Différendfiontalier (BurkinaFaso/République du Mali), classe les actes des autorités
O 2 6 administratives en quatre catégorie(sCR 200015,p. 37, par. La).premièreest celle «où le fait
correspondexactement au droit». Pour une raisonou pour une autre, la citati-n à cela près
complète- omet alorsun membre de phrase qui figure dans l'origina: «où une administration
effectives'ajoutàl'utipossidetisjuris)). Ici, danscettepremière catégl,'effectivitéintervient
pourconfirmerl'exercice dudroitnéd'untitrejuridique.
39.La deuxièmecatégorie est celle«oùle faitne correspondpas audroib)c'est-à-dire«oùle
territoireobjet du différendest administré effectivetar un Etat autreque celui qui possèdele
titrejuridique)). Ence cas,«aly a lieude préférelretitulairedutitre)).
40. La troisième catégorie ectelle où ttl'effectne coexiste avec aucuntitrejuridique)).
Alors«elledoitinévitablemenêt trprise enconsidératiom. 41. Etle quatrièmecas est celui«oùletitrejuridiquen'est pasde natureàfaireapparaîtrede
façonprécisel'étendueterritorialesurlaquelleilporte)).
42. La raisonpourlaquelleM. Salmoninvoquecetteclassificationlaissetoutàfaitperplexe,
parcequ'ellen'aidepas àrésoudreleproblème dontest saisielaCour. Toutdépenddela catégorie
où on le place.ahreeindirait ques'ilentredansl'une de ces catégories, qui sont touiéesà un
contextecolonial,ce serait probablementla première:«oùle fait correspond exactementau droib)
(etje complète lacitation avec lesmots omispar M. Salmon),«où une administrationeffective
s'ajouteà l'uti possidetisjuris, c'est-à-dires'ajoute au titre juridiqueexistanb).ment dit,
Bahreïna un titrejuridiqueet seseffectiviviennent l'étayer.En ce cas,commele ditla citation
((l'effectivn'intervient quepour confirmerl'exercicedu droitnéd'untitrejuridique)). Bahreïn
considèrequ'il a toujourseu un titre sur les îles Hawarparce que celles-ci étaient sdansla
zonesur laquellerégnaientles Al-Khalifah àl'époquede la concession initialementaccordée aux
Dowasir. Rienne s'estproduitquiprive Bahreeide ce titre;et seseffectiviconfirmentqu'ilest
en sapossession.
43. M. Salmon, pour sa part, semblerait placer l'affaire dans une catégoriedifférente.
Laquelle, ce n'est pas toutà fait clair, mais c'est probablementla deuxième«où le fait ne
correspondpas au droit ..il y alieu de préférlr titulairedutitre)). Il pense sans doutequeQatar
estletitulairedu titre etquesontitre devraitdoncêpréféraéuxeffectivitésdeBahreiïn.
027 44. Mais ce point de vue ne contribue nullement à prouver le titre de Qatar. Et les
considérationsqu'ajoute à ce sujeM. Salmonn'y parviennent pas davantage.La toutepremière
phrasede sonparagraphe19révèle lafaiblessedesonargumentation :
«Cesprincipes élémentaires montreln atraison pour laquelle l'occupatid'un
territoire qui appartient à un autre Etat ne met pas en cause un conflit entre deux
effectivitésdont il faudraitpeser les mérites respectifs et quidevrait se résoudrepar
l'octroi du territoire au profit del'effectivitéla mieux établie.)()Les italiquessontde
moi.)
M. Salmonfaitunepétition de principe.Il part del'hypothèseque lesîles Hawar«appartiennent»
à Qatar. Or, c'est justement cette «appartenance» qui esten question. Par conséquent,sa
conclusionest entièrement dénuée de valeur. Il déclare:«En ce sens,toute l'argumentationde
Bahreeinsur la prédominance del'effectivitde son occupationdes îlesHawar estsanspertinence.
Seul un acquiescement de Qatar, souverainterritorial, aurait pu créer untitre.)) Peut-être M. Salmonaurait-il eu raison de conclurede la sorte si Qatar étaitle souverainterritorial. Mais
comme c'est ce qu'il doit prouver, tous lesefforts qu'il déploie pour exclurela pertinencedes
effectivitésdeahreeinse soldepar un échec.Je diraimêmep ,our en termineravec cettepartiede
mon argumentation,que M. Salmonn'aurait paspu montrer plus clairementqu'il ne le fait, en
essayant ainside nier lapertinencedes effectivitésde Bahreïndans les îlesHawar, queleurréalité
et leursignification préoccupent Qatar.
LE TITRESURLESILESENTANT QUE TELLES
45. Nous devons donc examiner maintenantles fondements qui ne sont pas de simples
affirmations et sur lesquels Qatarfait reposer sa revendicationde titre sur les îles HawLe.
30 mai,sir Ian Sinclairrésumeen ces termesles argumentspositifsavancéspar Qatarà l'appuide
sa souveraineté
«Qatar revendique un titre originelsur les îles Hawar au motif que la grande
majoritéde celles-cisont situéesdansune zone de3milles delarge mesuréeàpartir
de la laissede bassemerde la côtedu temtoire continental de Qatar,et que les autres
îles lui reviennentaussipar applicationdu principe de proximité telque celui-ci doit
êtrecompris.»(CR200016,p. 5 1,par. 39.)
46. Sir Ian invoque également deux autres motifs «qui étayent et confirment» la
revendicationde souveraineté de Qatar: les preuves historiqueset les preuves cartographiques.
Nous traiterons de ces questions dans la suite de l'exposéde Bahreein. Pour le moment,
contentons-nousd'examiner l'argument principal développé pa sir Ian et par Qatar dans ses
écritures.
47. Mais avant d'analyserla thèsede sir Ian Sinclair,il me paraît indispensabled'évoquer
une question defait qui est la base de sonargumentation. Commeil est dit dans la répliquede
Qatar(auparagraphe4.6) :
028 ((Qatarinvoque,non seulementle fait que, dansleur majorité,lesîles et îlots qui
constituentles îles Hawar se situent en toutou en partie dans la limite d'une mer
temtoriale de 3 millesmarinsà compterde la côte du continent (telleque reconnue
par Qatar et la Grande-Bretagnedans les années trente),mais aussi le fait que la
totalitéde ces îles et îlotsse situedansla limite des 12millesmarins correspoàdant
la définitionmoderne de la mer territoriale (quiest celle qu'applique aujourd'hui
Qatar).
Et ce faita édenouveau rappelé par siIran Sinclair(CR200016,p. 44, par. 27). 48.L'effetproduitpar la limited'unemerterritorialede 3milles estindiquésurlacarteno9
du mémoire de Qatar (en regardde la page145),telle qu'elleest anichéeà l'écran.Bahreinn'a
aucune raison de contester la représentation généraclette limite des 3milles sur cette carte
qatarienne,touten réservantsa position concernantcertains détails etl'emplacementdeslignesde
.
base sur des questions n'affectant pas directement notrepropos. Je tiens égalementà faire
remarquerque lazonedes îles asséchant en permanenceest coloriéeenjaune clair,lepourtouren
jaune foncé indiquanltes zonesasséchantniquement à marée basse.
49. Commevous pouvez le voir, la ligne des 3 millesn'englobe pasles îles Hawarautant
que Qatarle laisse entendrelorsqu'ilfme qu'elles se situen«entoutou en partie»endeçàde la
limite des3 milles. Pour êtreplus précis,si on regarde dusud vers le nord, seule la moitiéde
Janan, environun tiersde l'îleHawarelle-même ainsqiue SawadJanubiyah etSawad Shamaliyah,
sont en deçà de la limite. Sontdoncrejetéesau-delà deladite limitela moitiéde Janan,laportion
septentrionale (soit la plus grande partie) de Hawar, ainsi quel'intégralité deîsles d'Umm
Hazwarah, Umm Jini,JuzurAlajiyat,JaziratAjirah,RabadSharqiyahetRabadGharbiyah.
50. De sorte que, même siQataravait raison d'attribuerla mer territorialede 3millesle
rôle (contestable,commenous le verrons)qu'il luiconfère,ce rôle est limité:faudrait doncse
pencher surla questionde savoir,ce queQatarne faitpas, si les zonessituéesen deçàdela limite
des 3 milles suffisentà faire passer toutes les îles sous le régimede la merterritorialeou si, au
contraire, la superficieplus importantedes zones situéesau-delà de cette limite produitl'effet
inverseet soustraitlatotalitédesîlesconcernéaurégime des 3milles. Bahreein,elavasansdire,
affirme que le fait que la plus grandepartie de l'île Hawar, c'est-à-dire del'île principale,soit
situéehorsdela limitedes 3 milles, videdsa substancel'argument de Qatafrondésur cettelimite
même si,quod non,ilétaitvalableenprincipe.
51.Quantàl'extensionde la largeurde la mer territorialede Qatar, dontla limiteest située
désormais nonà trois mais à 12milles, Bahreïn affinne qu'elle nesaurait entraîner aucune
différence surle plan juridique. Qatar n'a étendusa mer territoriale à 12milles que le
16avril 1992, soit neufmois aprèsavoirdéposé sa requête introductdi'ienstancedevantla Cour
dans la présenteaffaire (le8juillet 1991). Cette décision nedoit donc pas êtreexaminéeen
l'espèce. Detoute façon, mêmesi l'extensionavait eulieu avant,ellen'auraitenrienmodifiélerôle conféré àla mer temtoriale,un rôle qui,au cas où il aurait une quelconque incidence, aurait
produit ses effets plusieursdizaines d'annéesauparavant. Qu'ilme soit également permisde
mentionneraupassagequel'extensionpar Qatar dela largeurdesa merterritorialede 3 à 12milles
constituaitune violation manifeste du principedu statu quo adoptéen 1983dans le cadre de la
médiation confiée à Son Altesse le roi d'Arabiesaouditeà qui Bahreeinvoue une reconnaissance
éternelle. L'extension visait manifestement à renforcer la position juridique deQatar dans la
présente affaire. Qatar ne peut donpcas fairedemi-tour pouraccuser aujourd'huiBahreïnd'avoir
violéle statu quo. En tout cas, c'étaitau médiateur qu'levenait d'interveniren cas d'allégation
deviolationéventuelle dustatu quo,ce qu'iln'ajamais fait,ni dans ce cas-cini dansaucunautre.
Bahreïn considère qu'il n'y a paslieu de s'attarder davantage sur la question du statu quo en
l'espèce.
52. Maisrevenons-enà l'argumentde sir Ianfondésur lamer territoriale :à supposerqu'il
ait une quelconque valeur,ce que Bahreïn conteste, sa portée géographiqe uet singulièrement
limitée,ce quiluiôtesansdoute toute pertinence.
53. J'enviensau fondde l'argumentquesirIan tire du faitque 1'Etatexercesa souveraineté
sursamer territoriale. L'argument appellaeumoinstroisréponses.
54. La premièreest que les auteurs ayant spécifiquemen atbordé laquestiondu titre sur des
îles situéesdans la mer temtoriale ont constamment nuancé leurs observationssur les droits de
1'Etatcôtier en reconnaissantla possibilitéqu'unautre Etatait pu acquérirun titre sur uneîle par
les moyens ordinaires. Aucunerègleabsoluene consacre l'appartenancedes îles situées dansla
mer territorialà 17Etatcôtier. Ainsi, dans l'affaireEjtthrée/Yémenl,e tribunal fitremarquer à
propos des Mohabbakahs qui sont situéeà smoins de 12millesde la côte de 17Erythré :e«Quelle
que soit leurhistoire,en l'absence d'un titredontle Yémenpuisse manifestementseprévaloir,les
Mohabbakahs doiventaujourd'hui, pour cetteraison, être considérées comme érythréennes»
(Sentencearbitrale de 1998,p. 125,par. 472). Je mets l'accentsur les mots «en l'absenced'un
titre dont le Yémenpuisse manifestementse prévaloir.. .» Bahreeinaffirme,bien entendu, etil
étayerasa thèse plus tard,qu'il possède un titre incontestable surles îles Hawar envertu d'une
dominationexercée depuisdes temps immémoriaux associée à une occupation ininterrompue et
auxpreuves d'uneconstanteautoritéadministrative. 55. Dans l'affaire Erythrée/Yémen l, tribunal cite l'ouvrage M. Bowett intituléLegaI
RégimeofIslands in InternationalLaw [Lerégimejuridiquedes îles en droit international](p. 48
Q 3 0 (1978)) danslequel l'auteuraffme au sujetdesîles situéesàl'intérieurde la merterritorialed'un
Etat: «La présomptionen pareil cas est que l'île relèvede la mêmesouverainetéque la terre
proche»avantde poursuivre :
«Ce ne peut êtretout auplus qu'une présomption, cairl n'est pas rare quedes
îlessoumisesàla souverainetéd'un Eta ste situentàune distancedu littorald'un autre
Etat inférieureà la largeur deseaux territoriales dece dernier. Par conséquent,la
présomptionchanged'objetlorsque preuve est faiteque la souverainetéappartient à
un autreEtab (Ibid.) [Traductiondu Greffe.]
56. En développantson argument, sirIan a citéun extrait de la sentence renduepar
M. Huberen l'affaire de l'ne de Palmas, extrait qu'ilqualifiede (passage clé»de cette sentence
arbitraleCR2000J6,p. 43). Cependant il donne audit passage uneinterprétatioqueje ne saurais
partager et nos divergences étant fondamentalejse, me vois contraintd'imposer à la Cour une
nouvellelecturedu même passage,tel qu'ilfigure dans ledossierdesjuges (sousla cotetab.ID).
Je lisàlapage 854.
«Bien que des Etats aient soutenu danscertaines circonstancesque les îles
relativement proches de leurscôtes leur appartenaient en vertu deleur situation
géographique, il estimpossible de démontrerl'existence d'une règlede droit
international positifffirmant que les îles situéesen dehors des eaux territoriales
appartiendraientàun Etat à raison du seul faitque son territoireforme pour ellesla
terrafirma (leplusproche continentoulaplus procheîle d'étendue considérable).»
58.Sir Ian essaie de solliciter ce paspour endégager,dit-il,une proposition négatie
59. «La Cour observeraque cette proposition négativ[edeM. Huber]ne s'applique qu'aux
îles situéesen dehors des eaux territoriales; ellene concernepas celles qui se trouvdans les
eauxtemtoriales.» (CR2000J6,p. 43,par.24.)
60. Saufle respectqueje dois àsirIan,je ne lispas de propositionnégativedansla citation,
mais uniquement une proposition positive danlsa phraseconsidérée dans soe nnsemble, à savoir
qu'ilestimpossibledeprouver l'existenced'unerègle dedroit internationalpositifayantpour effet
d'attribuerlesîles situéeshautemerà1'Etatleplusproche. 61. Qu'est-ce que M. Huber voulait doncdire par lesmots «les îles situéesen dehors des
eaux territoriales»quand ilconstatait qu'il est impossiblde prouver l'existenced'une règlede
droit international positif attributesîles situéeshors de ses eauxterritorialesàun Etat du seul
fait que son territoirefome la terra Jirma (le continent le plus procheou l'île d'étendue
considérable laplusproche).
62. Je commencerai parrappeler que 1'Ilede Palmas est située,comme l'indique le
compromisdes parties,à quelque50millesau sud ducap Saint-Augustin,lui-même situé dansla
partie méridionale d'une île des PhilippinesnomméeMindanao. L'île setrouve àpeu près à
mi-distance de ce capetdel'îlela plusprochedugroupe desNanusarattachéàce quiétaitalorsles
Indes orientalesnéerlandaiseset quiest aujourd'hui l'IndonésieL. 'île étadonc situéeen pleine
mer, fortloindesmersterritorialesrespectivesdesparties.
63. M. Huber avait clairement consciencedu fait,puisqu'ilfit allusionàl'emplacement des
îles dansdeprécédentp sassagesde sasentence. Evoquantladélimitation du territoire,ilfirmait:
«S'il n'existe cependant aucune ligne conventionnelle d'une précision
topographiquesuffisanteou s'ily a des lacunes dans lesfrontièresautrementétablies,
ou siune ligne conventionnelledonne lieu àdes doutes,ou si, commec'estle cas par
exemple pour une îlesituéeenhaute mer,la questionse pose de savoirsi un titre est
valableerga ornnes,l'exerciceréel,continu et pacifiquedes fonctionsétatiquesest, en
cas de litige, le critérium correctet naturel de la souveraineté territoriale.))
(Nations Unies,Recueildes sentencesarbitrales, vol. II, p. 840;les italiques sont de
nous.)
64. De nouveau,un peu plus loin dans la sentence,il déclarai:«On doit se rappelerqu'il
s'agitd'uneîle quelquepeu isolée-partant, d'un territoireclairement délimité et individualisé.))
(Ibid.,vol.II,p. 855.)
65. Il est certainqueM.Huberne répondait pasàun argument quelconque avancé par l'une
despartiessuggérant d'accordeu rntraitementparticulier auxîles situéesansleseauxterritoriales.
J'ai relu les piècesde procédurede cette affaire et je n'y ai trouvé aucun passage oùl'une ou
l'autre des partiesaurait préconiséd'établirune distinction entre lesîles situées dansles eaux
territorialesetcellesqui sont situésnhautemer.
66.Je me permetsdedire à laCourque,lorsque M. Huberinsèredanssesremarquessurles
îles la formuleendehors deseauxterritoriales)),il ne fait riend'autrequ'exercerla prudence etla
réserve judiciairesqui s'imposent, selon une pratique sûremen ftamilièreà la Cour. L'affaire portéedevant M. Huberconcernaitune île située en haute er. Il n'avaitdoncnul besoindeposer
une règleconcernantles îles des eaux territorialeset de risquer ainsi de s'exposer ensà des
critiquespour s'êtrexpriméen termespurementincidents. Bienqu'iln'ait évoqué que les((îles
0 3 2 situéesen dehors des eaux territoriales)),rien dans ses propos n'exclut l'applicabilitéde son
raisonnementauxîles situéesdansles eauxtenitoriales. Il ne donne pas àentendre,par exemple,
que cesîies sont soumisesà d'autresrègles quecelles qui s'appliquentaux îles situéesen haute
mer. Le point important est quela logique de son approcheet la généralité d son langagesont
telles que cette approche peutaussi bien s'appliqueraux îles situéesdans les eaux territoriales
qu'aux autres.
67. Ainsi, lorsqu'il dit qu'il est impossible de prouver l'existence d'une règle de droit
international positifribuantdes îles situéeshors de ses eaux territoriàlun Etat du seulfait
que sonterritoireformelaterraha laplus proche, cetteaffirmationvaut aussibien pourlesîles
de la mer territorialequepour lesîles de la hautemer. Tout commeil constate que lesprécédents
ne sont niasseznombreux,ni assezprécispourétablirendroitinternationalunerègledeproximité
applicableauxîlessituéesen hautemer, onpourrait demême affirmerqu'aucun précédent n'établit
de règlede ce type pour les îles situéesdans la mer temtoriale. Tout comme il affirme que
l'applicationduconcept decontiguïtéauxîlesde la hautemerseraiten contradiction aveccequia
été dite l'acquisition dla souverainetéterritoria,n pourraitde même plaider l'inapplicabilité
duconceptauxîles situéesà l'intérieudelamerterritoriale.
68. La doctrineet lapratique postérieurs l'affairede l'ne de Palmas confirment l'analyse
queje viens d'exposer. SirHumphreyWaldocka faitune déclarationqui illustreparfaitement ce
point. Dans un articlede 1948consacréàl'arrêt rendu par la Cour permanente dans l'affairdu
Groenlandoriental,il affirme:
(([l'arrêt] ncontredit pas du tout, à mon avis, les vues de M. Huber quant au
caractèrenonjuridique des doctrinesdeproximité ...Les sentencesarbitralesrendues
au siècleont établi,sans le moindre doute,que "l'occupationeffective" ne
correspond pas à la colonisation physiquedu territoire mais à la manifestation
effectived'uneactivitéétatiqueS. il'on garde ce point fondamental'esprit,l'affaire
du Groenland oriental ne présenteaucune difficultéet ne contredit en rien les
principesde l'occupation effective.La Courn'a pas dit que le Danemark exerçaitsa
souverainetésur le Groenland oriental uniquement parce que celui-ci prolongeuit
autre territoiredéjà détenuar le Danemark;ellene l'a pas ditnon plusparce que, le
Groenlandétantune île, il forme un ensemble géographique.La Cour a dit que le Danemark avait manifestement exercé uneautorité étatique surl'ensemble du
Groenland, mêmesi cette autorité n'avaiteu qu'un faible impact dans la partie
contestéede l'île... L'unité géographique du Groenland étaité uémenitmportant
quand il a falluévaluer leslimitesde l'activitéétatique du Danemarkm , ais ilressort
clairementde l'arrêq t ue lacontinuité géographiqu n'aurait serviàrienauDanemark
si celui-ci n'avaitpu apporterla preuvede l'exercicemanifested'une certaineactivité
étatiquesurl'ensemblede 1'île.»
Et sirHumphreydepoursuivre :
«En bref, la seule significationattribuéepar les tribunauxinternationauxà la
proximitén'est pas celle d'un principe juridique indépendantd'une occupation
effective mais celle d'un fait indiquant l'étendue d'uneoccupation effective.»
("Disputed SovereignQin the Falkland Island Dependencies" B,YXXV(1948)'p. 343
et 344;les italiques figurentdans l'original[Traduction duGreffe.]
69. Et sirHumphreyd'ajouter :
«Le droit international paraît donc prendreen compte la continuité oula
proximité d'un territoireuniquement dans le cadre du principe de l'occupation
effective. A l'intérieurde ceprincipe,la proximité peutavoir pour effet de créer une
présomptionde fait quant à ce qu'un Etat particulier exerce ou manifeste sa
souverainetésur un territoire extérieuroù aucune activité étatique notable n'est
attestée..» (fiid.)
Mais, si je peux me permettre d'ajouterici une observationpersonnelle,c'est là tout le rôle du
conceptdeproximité.
70. Le faitque sir Humphreyait formulécesremarques ausujet de la souveraineté exercée
sur une seule et mêmeportion contiguëde territoire, en l'occurrencele Groenland,indique que
l'adoptioninconditionnelle, quelquespages plutsôt (p.341)'de l'exclusiondeM. Hubervisant les
îles situéesdans les eaux territoriales d'un Etatétaitprobablement inconsidérée. Elle est
inconciliableavec lareconnaissancepar sirHumphreydu caractèrelimitéde la présomption créée
par la proximitémêmequand il s'agit d'une portion continue du territoire terrestre. Elleest a
fortiori inapplicableaux îlessituéesdans desaux territoriales.
71. Et c'est,selon toutevraisemblance,la raison pour laquellesir GeraldFitzmauriceomet
délibérément les mots discutables «situh éors des eauxterritoriales»(représentés pad res points
de suspensiondans sa citation)quandil cite lui-même la proposition deM. Huberdans l'un des
savantsarticlesqu'ila publiés dans le BritishYearbooksur le droitet la procédurede votre Cour
(voirBY XXXII(1955-1956)'p. 74;TheLawandProcedureof the International Couro tfJustice
(1986)' vol. 1, p. 312, no2).Pour Qatar, «sir Gerald a peut-êtrefait erreun>(réplique de Qatar,par.4.21). Personnellement,je préferecroireque sir Gerald- un desjuges les pluséminentsde
cetteCour,peu enclinaux erreurs - loin dese tromper, appliquaitàla questionla strictelogique
juridiquequi imprègnel'ensemblede sa contributionremarquable au droit.
72.La deuxièmeraisonpour laquelleil n'y apas lieude considérer que lesîles situéesdans
.
la merterritorialedérogentàl'exclusiondu concept de proximité commefondementdu titre est la
suivante :lajustificationavancée pour traiter ainsi les situéesdansla mer territorialerelèvede
considérationsliéesà la sécurit:
«la Cour se rappellera certainementquela raison d'être du concept meer territoriale
étaitque l'on sentaitla nécessideprotéger lesintérêts fondamentau de1'Etatcôtier
en matière de sécurité, et c'est une considérationtoujours valable aujourd'hui»
(CR200016,p. 43, par. 25.)
73.Or, si cetteconsidératioesttoujours valable aujourd'hui,l estpeu probable que, comme
le donne à entendre sirIan,la sécuritéde 1'Etatcôtier soit assuréesimplementpar une extension
automatiquede la souveraineté d'unEtat surses eauxtenitorialesàtoutesles îles situéesdans les
limites deces eauxquine tiendraitpascomptedu faitquecesîles pourraient appartenir à un autre
Etat. Suggérerquela sécurité de1'Etatcôtier pourraitsetrouverainsiprotégée revienet,nréalità,
appliqueràl'enverslarègledelaportée decanon. Lescanonsavaientanciennementuneportéede
3milleset l'Etatauraitdonc,enprincipe,pu être protégé si les îles situéesàmoinsde 3milles de
sonlittoral relevaientde sa souveraineté. Mais ce'estévidemmenp t lus le cas aujourd'hui, oùla
portéedesmissilesa connuune augmentationénorme, àtelpointqu'unEtat pourraitêtremenacéà
partir d'unerampe de lancementsituéeà des dizaines,voire des milliers de milles. Sielle était
valable,l'optiquedela sécuritjustifieraitquel'onrevendiquedesîles situéesàdenombreuxmilles
de la côte,ce qui est évidemmentexclu.Les considérations de sécuriténejustifientdoncpas que
l'onimiteles îles situéesdans les limites des eauxterritoriales autrementque les îles situéesplus
loin.
74. La troisièmeraison qui inciteà rejeter le conceptde proximitéet, en particulier, son
applicationauxîlescomprisesdans leslimites delamerterritorialed'unEtat,est qu'enpratique,les
Etat ont pu accepter laprésenced'îlesétrangèresàproximité deleurs côtes,voire àl'intérieurde
leurmerterritoriale. LesîlesHawar ne fontpas exceptionàcetterègle. 75. Lorsqu'onexaminedans quellemesure la présenced'uneîle revendiquéepar 1'Etat A
située en totalité ou en partie à l'intérieurdes eaux territoriales de 1'EtBt fait quasi
automatiquement,commele soutiendraitQatar,partiedu territoirede1'EtaB àraison duprincipe
de proximité,il est utilederappelerqu'il existe au moins onze exemps'îlesd'un EtatA situées
entièrement ou partiellementà l'intérieurou à proximité immédiate des eaux territoriaesun
EtatB maisreconnuescomme appartenant à1'EtaA. Detoute évidenced , anscetype de situation,
les arguments de proximité, de défense 1'EtaB, etc., ne l'ont pas emporté.Je donàeprésent
cesonzeexemples àla Cour:
- Toutd'abord,l'îleKamaran. Jusqu'àl'unification, en1990,de la République démocratiquet
populaire duYémenet de la Républiquearabe du Yémen,la première revendiquaitl'îlede
Kamaranb ,ien qu'ellefût situéeà l'intérres eauxtemtoriales de ce qui étaità l'époqla
République arabedu Yémen(commeil ressortde la cartequi apparaît à l'écranet qu'ellefut
revendiquéepar celle-cià raison de sa proximité. Sulre cas en question,le Gouvernement
britanniquea estimé,en 1956,quelaproximiténe confèrepas,en soi,detitre surun territoire.
- Nouspassons à présentaux îles grecques deLesbos,Khios, Samos,Simi,Rhodeset Megisti,
qui sont toutes situéesà une distance de la côte turque inférieureà la largeur des eaux
temtorialesde cet Etat,etnous vousavonsdonné deux exemples simplement.
- Troisièmeexemple, lesîles malawiennesde Chisamuleet Likomal dansle lacNyassa, quiest
un lacfrontalierentreles deuxEtats, sesituentrespectivementà 10et à3millesau largede la
côte duMozambique, quiestle côté estdelacartepourvous.
- Ily a ensuite le cas de l'îlefrançaisede Saint-Pierre-et-Miquelon,qui est situéeentre10 et
12millesau largedelacôtesudde laprovince de Terre-Neuve.
- LesîlesShortland,quiappartiennentauxîles Salomon,setrouvententre3 et 5millesnautiques
au largedela côtedelaPapouasie-Nouvelle-Guinée.
- Avantd'être cédées récemm àenat Namibie,les treizePenguin Islands, situéesàmoins de
6milles au largede la côte de la Namibie,appartenaientà 1'Afïiquedu Sud. Nous avons
présentédeuxexemples,maislesautressont assezsimilaires.
- Lesîles Corisco etElobey,de la Guinéeéquatoriale,setrouvenà environ 16millesnautiques
delacôte duGabon. - Les îles australiennesde Dauan,Boiguet Saibaisont situéesàune distance compriseentre5
et 1,7millesnautiquesaulargedelacôte delaPapouasie-Nouvelle-Guinée.
- Lesîles espagnolesChaferim setrouventà2 milles nautiquesaulargede la côteduMaroc.
- En son point le plus proche dela côte, l'îlegrecquede Coflouest situéeà environ 1,l mille
nautiquedela côte albanaise.
- Et l'île bangladaisedeSr.Martinsse situe à environ 4,7millesplein ouest du point le plus
prochesurlacôtedu Myanmar,c'est-à-diredelaBirmanie.
Toutes cescartesfigurent dans le dossidesjuges, afinque vouspuissiezlesexaminer.
76. Comme la Cour peut doncle constater,la proximité desîles Hawar par rapport à la
péninsuledeQatarne constituepas unproblèmeinhabituel.
77. Mais la question de la proximitépeut êtrevue sous un angle différent-et c'est
important.
78. Supposonsque, contrairementàla réalitéc,ommele soutientQatar,celui-ci existait déjà
en tantqu'Etatdansla secondemoitiédu XIX" siècleet s'étendaitsurtoute la superficiedece que
O 3 6 l'onappelle aujourd'huila péninsule de Qatar.Il s'ensuivraitqu'ily a environ centquaranteans,
quand cet Etat est né,si la doctrinede la proximitéétaitdéjàd'unequelconqueapplication,elle
auraiteupour effetd'étendrd'emblée auxîlesHawarla souverainetéde Qatar.
79. C'est eneffet de cette manière que fonctionnela doctrinede la proximité. Etantun
conceptjuridique,elledoitêtrenapplication aumomentoù 1'Etatquil'invoquea acquisletitre de
souveraineté sur l'espace créatderdroitou l'espacedominant.Parconséquent,si Qatara acquis
auXIX" sièclela souverainetésur lapéninsule contig,'estnécessairemenàt cetteépoquequ'ila
acquisla souverainetsurles îlesHawar en vertu dela doctrinedelaproximitéou dela contiguïté.
Comme le revendiquaitle souverainde Qatar en 1939, «les îles Hawar appartiennentà 1'Etatde
Qatar depuis le jour même où Dieu les a créées» (mémoire de Bahreein,annexe289, vol. 5,
p, 1184).
80. Il faut alors se demander comment,le cas échéan, atara confortéou préservce titre
de souverainetépendant l'intervalle, alsu'ilne déployaitaucuneactivité sur les îles et fàce
l'activiqueBahreïn,au contraire,ymenait visiblement. 81. La questionest poséeimplicitementdans l'une des phrases de la sentencerenduepar
M. Huberdans l'affaire del'ne de Palmas. Quandil se penchesur le droit intertemporel,il note
qu'«il fautdistinguerentrela créationdu droit en question etle maintien dece droit». Il poursuit
en cestermes :
«Lemême principe quisoumetun acte créateur dedroitau droiten vigueurau
moment où naît le droit exige que l'existencede ce droit, en d'autres termessa
manifestation continue,suiveles conditionsrequisesparl'évolutidu droit.)) (Revue
générald ee droitinternationalpublic, 1935,p. 172.)
En d'autrestermes, la simple extension théoriquede la souveraineté exercée paQ ratar sur la
péninsule elle-mêm aeux îles contiguës qui, aumilieu duIX" siècle, aurait peut-êeuffi,sans
plus, à accorder le titre de souverainea Qatar ne peut survivre au fait que, pendant les cent
cinquanteannéessuivantes, Qatarn'a fait, à aucun égard,la preuve de la souverainetéqu'il
revendiquesur les îlesHawarni mêmee ,nréalités,ur la côte contiguë dela péninsule,maisc'est
sans importance. A l'exceptiondes activités d'exploitation pétroàreikrit etàDukhansur la
côte de la péninsule,pas tout fait en face des îles Hawar,-etla carte que vous voyezest la
célèbre cartede la concession- activitésqui sont relativement récentes, cetterégionde la
péninsule de Qatar estnezonevide, sanshabitantsni moyensdecommunication.CommelaCour
le voit,une large bandejaune s'étede la côte qui fait faceauxîles Hawar jusqueoha,et cette
zone est vide; vide d'habitants et videoyensde communication. S'iln'ya certespas lieu de
O 3 7 mettre en doute la souverainetéactuelle de Qatar sur la péninsule elle-mêm(à l'exceptionde
Zubarah),il fautcertainement soulignerque,si l'on veutrespecter l'évolution histdudroiten
ce quiconcernel'acquisitionet, cequiestpluspertinent,lemaintien dutitresurun temtoire,Qatar
n'aabsolumentrien fait ausujetdesîlesHawar.
82.On en vient ainsi à une autre considération extrêmemep ntrtinente, queM. Huber
exprimepardeuxfois dansl'affairedel'ne dePalmas. Lapremièreest la suivante :
«si la contestationest baséesur le fait que l'autre partiea effectivement exelaé
souveraineté,ceci est insuffisant pour fonder le titre par lequel la souveraineté
temtoriale a étvalablement acquise àun certainmoment;il fautaussi démontreq rue
la souveraineté territoriale acontinué d'exister et existait au moment qui, pour le
règlementdu litige,doit êtreconsidéré comme décisiC f.ette démonstration consiste
dans l'exercice réeles activités étatiques,qlu'ilappartient la seule souveraineté
temtoriale.)) (Revuegénéraldeedroit international public,1935,p. 164.)
83.La deuxièmeobservationpertinentese situeplusloin dansla sentence: ((L'existencede la souverainetéterritorialeau commencementdu XVIIIe siècle
et son exerciceauXD(e sièclenepermetpas de conclure ..qu'il y apour cettepériode
présomptionjusqu'à preuve du contraire, de cette souveraineté. ...[Alucune
présomptionde cet ordre ne peut êtreinvoquéedans les arbitrages internationaux, à
moins de stipulation expresse. C'estau tribunalqu'ilappartientde déciders'ilest ou
non convaincu de l'existencecontinue de la souveraineté, par les preuves de son
exercice àdesintervallesplusoumoins longs.))(Revuegénérale dd eroitinternational
public, 1935,p. 194.)
84.En résumés,'ilexisteune quelconqueprésomptiod netitre desouveraineté souls'effetde
laproximité,elledoit avoirexistédèslanaissance de Qatar entant qu'Etat. Qatarfait valoir quesa
qualitéd'Etatdate du XD(e siècle. Mais depuisce moment là Qatar n'a rien fait pour exercer
ouvertementni afkner sa souveraineté sulres îles Hawar, mêm- ecomme le soutient Qatar
avant queBahreïnnerevendiqueles îlesHawar. Et depuiscetterevendication, - soit, selon Qatar,
àpartirde 1936 - Qatarn'arien faitpour afErmersa souverainetés ,i ce n'estbrièvement,pour
éleverdesprotestationslimitées etpeunombreuses.
85. En conclusion, à supposer qu'ilait jamais existépar présomptionun titre sur les îles
Hawaren faveurdeQatar,il est caduc, àcause du tempsqui s'estécoulé et de l'inactivide lYEtat
dontil s'agit. Enformulantcette conclusion,je me borne à me fairel'échodes opinions exprimées
par M. Huber, tellesqueles répèteet les approuvesirHumphreyWaldockdans lepassage suivant,
etje citesirHumphrey :
(M. Huberinsiste surle fait quela présomption ne vaut que dans les premiers
stadeset que, lorsquele titre est revendiqsous l'effet d'unexercice ininterrompuet
prolongéde souverainetéi,l doity avoirune quelconquemanifestationde souveraineté
surl'intégralitdu territoirerevendiqué.En d'autrestermes, laproximité ne constitue
qu'une preuveparprésomption d'une souveraineté revendiquée,eq st iréfutée quand
il n'est pas apporté depreuve concrète dela souverainetéau cours d'une période qui
appelait manifestementun exercice patent de souveraineté.» (Waldock, op.cit.,p.
345.) [TraductionduGreffe].
86.Voilà qui assimilepour ainsi direle fondementdutitre deBahre'insurles îlesHawaràla
notionde titre historique endroit international,tel qu'il estfinidans I'affaireErythréenémen
commesuit :
«Mais un titre historique a aussi, en droit international,une signification
différente,celle d'un titre qui a étécrééou consolidépar la possession, ou
l'acquiescement, oupar une possessiondont laduréeest telle qu'ellefinit,en droit, par
être reconnue commeun titre. Ce sont làégalementdes titreshistoriques,en cesens
que la continuitéet l'écoulement d'une certaine période de tem spst essentiels.))
(Première sentence,1998,par. 106.) [TraductionduGrefle . 87. Par conséquent,plus Qatar situeloin dans le passéla créationde 1'Etatqatarien,plus
longue estlapériodependantlaquelle l'absence totaled'effectivitéqatariennesdans les îlesHawar
démontrela disparition du titre qu'ilrevendiquesur ces îles,à supposer que ce titre ait jamais
existé.
88.Monsieurleprésident, j'arrive iciàlafindela section quiconcerneletitrejuridique.J'en
viens à présent brièvemenà t la question del'usagede la force fait par Qatarpour s'emparerde
Zubarahen 193 7.
Zubarah :l'usagedelaforcepar Qatarenvuedes'emparerdeZubarah en1937
n'apas eupoureffetde priverBahreïndesontitre
89. M. David a vraiment expédié ce sujea tvec une promptitude remarquable dans son
exposédu 5juin (CR2000/9,p. 15, par.26) :((Jene m'attarderaipas nonplus sur les mérites
d'unetellequalz~cationqui,endépitde cequesuggèreBahreïn,n'a mêm jemais retenul'attention
de la SociétdesNations.))
90. Je me permets d'afher -et vousme pardonnerezmon français- que le fait quela
prise de Zubarah ait ou non retenu l'attentionde la Sociétdes Nations est hors de propos. Les
considérationsqui ôtent tout effet juridiqueà l'acquisition de territoire par la force sont des
considérationsde fondquisontvalablesmême sil'onn'apas faitappel à la SociétédesNations.
91. Si la prise de Zubarah en1937à la suite d'unacte de violenceavait lieu aujourd'hui,il
est certain qu'elleseraitillégale et dénd'effet,en cesensqu'ellene priveraitpasBahre'indeson
titre. La situationétaitmoinsclaire en1937,parce quele droit était alorsen train d'évoluer te
passer d'unesituationoùla guerreet lerecours àla forceétaient admiscommelicites àla situation
qui règne aujourd'hui eqtui estacceptée sansréserve,celle où l'usage dela force est illiciteetn'a
pas en soipour effet d'opérer un transfert de propriété.Toutefois, mêmesi les annéestrente
représentaienutne période detransition,ahreeinestimeque laCourne doitpas accorderdevalidité
àlaprisedeZubarahdont lesAl-Thanis'emparent parla force en 1937.
92. A l'époque,les principaux instruments quitraitent la question de l'appropriation de
temtoire par la force étaient le Pactede la SociédesNations etle pacte Briand-Kellogde 1928.
En vertu de ce dernier en particulier, les Etats s'engageaientà s'abstenirde recourir à la force
commeinstrument de politiquenationale. 93. Je rappelle aussi sanstrop m'attarderque, dans son mémoire,Bahreeinévoquecertains
grandstournants :en 1932,dix-neuf républiques américainespubliu entedéclaratiodans laquelle
elles s'engagentàne pasreconnaîtrede validitéaux acquisitionsde territoireobtenues parla force
des armes;la même année (1932),les membresdu Conseil dela SociétédeN sationsadressentune
*
note au Japonpour lui signifier qu'il découle forcément'erticle10duPactequ'aucuneviolation
de l'intégritterritorialed'unpays Membre de laSociété des Nationsopérée en infiactionà cet
article ne doit êtrereconnue comme valable; l'Assembléede la SdN publie peu après une
déclaration analoguee;t en 1933est adoptéela conventionde Montevideosur les droitset devoirs
des Etats,dans IaqueIleles parties conviennent de nepas reconnaîtreles acquisitionsde territoire
obtenuespar la force(mémoire de Bahreeinp,. 227et228).
94. Cesinstrumentsn'ontpas été sanseffetsur la formationdu droit.Il convientderelever
comment le problèmeest abordédans la cinquièmeéditionde l'ouvraged'ûppenheim intitulé
InternationalLaw, parue l'annéemêmede la prise de Zubarah(1937). L'éminent directeur dla
publicationécrivait:
«Avantle Pactede la SociétédeN s ationset le Traitégénérale renonciatioà
la guerre, lareconnaissanced'untitre de souverainetpar voie de conquêteprocédait
nécessairemend t u faitquele droitde la guerrevisaita foisàfairerespecterle droit
età modifier les droitsexistants et étaitadmis commetel. Le droit de mettre fià
l'existenced'unautre membre de la communautéest une anomaliejuridique qui ne
peut se comprendreque par référence à d'autresanomaliesdu système juridiqueen
question. Envertu dudroit internationalgénérall,a conquêtn'estpas le résultatd'un
acteillégal;au contraire, elleest la conséquence recoursàla forceautoriséparle
droit intemational. Cette situation s'estmodifiéesous l'effetdu Pacte de la Société
desNationset, enparticulier,dutraitégénéral dreenonciationà la guerre[c'est-à-dire
le pacte Briand-Kellog]. Comme ces instrumentsinterdisentla guerre, ils privent
probablement d'effet leconquêtes opéréep sar un Etat qui a recouruà la gume en
violation de ses obligations. L'acte illégal ne peutnomlement pas produire des
effetsdontson auteurtirera avantage. Commeindiquéci-dessus,la doctrinedite dela
non-reconnaissancene rend pas pareille conquête illégalee;lle annonce qu'on a
l'intentiond'assumer l'obligatiou qu'onl'assumedéjàde nepasvalider parun acte
de reconnaissance desrevendicationsde titre territorialqui ont leur source dans un
acte illégalde sorteque l'acte de reconnaissance,dès lors, estlui-mêmsans effet.))
(ûppenheirn, InternationalLaw,5' éd., 1937, publié par H. Lauterpacht, p. 453
et 454.) [TraductionduGrefe.] 96. Endépit dela prudence,sur ce sujet, dudirecteurdepublicationde l'édition de 1937de
l'ouvraged'ûppenheirn,il est instructifde voir comment lemêmesujet esttraitédansla dernière
éditionde cet ouvrage, réalisée soulsa directionde sirRobertJenningset de sirArthurWatts qui
s'exprimentcomme suit:
((11faut toutefois tenircompted'uneautre dimensionde ce problème. Suivant
un nombreimpressionnantde sources quifont autorité, l'interdictiod nu recoursà la
force figurant à l'article2, paragraphe4 de la Charte des Nations Uniesn'estpas
simplement un principe de droit international coutumier mais aussi un principe
fondamental,essentiel,de ce droit; et ila, enréalitél,e caractèredeus cogens. Si la
règlequi s'oppose à l'usagede la force revêtce caractèreimpératif,il faut alors
nécessairementse demander s'il est aujourd'hui admissible de faire valoir un titre
obtenu parsubjugation,fût-il ancienet historique;et cela,nonobstantle principe du
droit intertemporelqui, bienqu'axiomatiqueen un certainsens,n'esttoutefoispasallé
jusqu'à faire appelàla notionde iuscogens.» (Oppenheim,InternationalLaw,9"éd.,
1992,premier volume,p. 704.) [Traductiondu Greffe.]
Mêmesi, comme on s'yattendrait dela part d'auteursaussi éminents quesirRobertJenningset
sirArthurWatts, les incidences de cette question extrêmementsensible sont immédiatement
nuancéespar l'idé qeu'ilexistepeut-êtredesconsidérations concurrentejs',aiestimé devoir évoquer
devant la Cour leur argument quiest qu'ilne faut pas partir du principe que l'appropriationde
territoirepar la forcene époque antérieuà rela Chartefait nécessairement l'objdteprotestations
aujourd'hui.
98. Bahreïn affme que la situationde Zubarahest précisémen le type de situation que les
directeurs depublication de l'ouvraged'ûppenheim pourraientavoir eu à l'espritlorsqu'ilsse
demandent«s'ilest aujourd'hui admissiblede faire valoir un titre obtenu par subjugation, fût-il
ancien et historique)). Comme ils le soulignent, «la reconnaissance, l'acquiescementet la
consolidationhistorique générale)) peuvent conféru enre légitimitéà l'exerciceininterrompuet
pacifique dela souverainetéterritoriale, ême si la revendicationinitialeparaît aujourd'hui altérée
à la lumière dela norme impérativequi interdit le recours ou la menace du recours à la force))
(ibid.). Toutefois,ces conditionsne sont pasréuniesdansle cas de Zubarah. Bahreeïnn'ajamais
souscrit, acquiescéni participà une consolidation historique généra qlei conféreraitégitimitéà
laprise de Zubarahpar Qatar. Bahreeïna, aucontraire,exprimé constammentsonopposition àcette
appropriationet maintenusarevendication surcetterégion.Entre 1937et 1961,Bahreein a protestévingt-quatrefois, pas moins, contre les actes de Qatarà Zubarah (voir le mémoire deBahreïn,
section 2.14,et le contre-mémoire de Bahreïn, pa4r..15). Bahreeïna conservéla même position
tout au long du processus de médiation.Et,bien sûr, c'est parceque Bahre'ïns'en tienttoujoursà
cetteposition queBahreeina insistépourquela question de Zubarahsoitinclusedans l'affairedont
i
Qatara saisila Courenl'instance (répliqueeBahreeïns,ection4.5, p.140 à143).
99. Il faut releverque Qatar lui-même admet qu'austade où en était l'évolutiondu droit
en 1938telqueje viensdele décrire,l'appropriationdeterritoirequifait suiten acted'agression
n'est pasvalide. Certes,lecontexteétait quelque peu différee, ce sensqueQatar prétendaiqtue
Bahreeïns'était,n 1938,emparé de manièreillicitedesîles Hawar. Toutefois,commeles faits ne
corroborentnullement l'allégation de Qatar, contrairementà ce qui s'estproduit à coup.sûr à
Zubarah l'année précédente, Bahreïn n'hésite don crpapspeleà Qatarla positionque celui-cia
adoptéeen ce qui concernele droit et sur laquelle il ne peut pas aujourd'hui revenir(voir le
mémoiredeQatar,par. 5.58-5.59).
LA DATE CRITIQUE
100.Monsieur le présidenjt',en viensenfin, etheureusement brièvementà, la questiondela
date critique. Si j'étudiecette question, c'est seulementparce que le professeur Salmon et
sirIanSinclairl'ontsoulevée.
101. En présentantcette question, dans son exposél,e professeur Salmona déclaré : «On
s'étonneraitque l'on ne fassepas apparaître ouque ne pointe pas ici à la surface de la mer le
serpent de la «date critique».» (CR 200015, p. 43, par.28.) En fait, il est surprenant que la
questionait étésoulevée ences tennes, puisqu'il se trouve que, dans soncontre-mémoireQ , atar
«s'estdélibérémen at stenude mettre en avant la notion de«date critique»»(contre-mémoirede
Qatar,par.3.98).
102. Cette notionresurgit aujourd'hui, alorsque nous en sommes à la phase finalede la
procédure, évidemment parcq eue Qatar a bien consciencequ'il ne possèdeaucun élémend te
b
preuve à fournir de sonactionsur les îlesHawaret cherche désespérémeà nt carterles multiples
élémentd sont disposeBahreeïn pour prouverses activitéssur ces îles, en particulierdepuis 1936.
Lanotion dedatecritiqueresurgitdonc avecdeplus enplusd'insistance. 103. Dans son contre-mémoire, Qatar n'a pas demandéà la Cour «de déclarerinlimine
irrecevable toutepreuve produite par Bahreïn auseul motifqu'elle se rapporteràides actions
menéespar luiou en son nom aprèsavril 1936)).Qatar anéanmoinsdemandé àla Courde rejeter
pour totalementirrecevabletoutélément de preuve dont elleraitconvaincue qu'il aét((fabriqué
de toutes piècespar Bahreïn pourdonner du poids à son argumentation))ou qui serait làédes
actions «entreprises pour améliorelra position de Bahreïn en droit))(contre-mémoire de Qatar,
par. 3.99).M.Salmon explique à présent que toules actesde Bahreïnpostérieurs au 28 avril 1936
O4 2 sont inopposables à Qatar, sans préciser, semble-t,i ces actes ont étou non ((fabriqués de
toutespiècespar Bahreïnpour donnerdu poids àson argumentation))ouentrepris«pouraméliorer
lapositionde Bahreïnen droit»(voirCR 2000/5,p. 43, par.29). Dans son exposé,sir Ian Sinclair
a poussé l'argumentun pas plus loin. A son avis,les élémense preuvepostérieursà 1936 sont
totalement irrecevables. C'estseulementsi cette prise deposition catégoriqueest rejetéeque ces
élémentd se preuve apparaîtrontcommeétant, pourle moins,inopposables. (CR200018,p. 39-40,
par. 16-18.)
104.Néanmoins,il se peut qu'en fin de compteles différencesentre les diverses manières
dont Qatars'est exprimé dansses piècesécritesn'aientpas d'importance. Qatar citelui-mêmla
sentencearbitralerendueen l'affaire deTub:
«En principe, les événements postérieuà rsla périodecritique peuventêtre
pertinents,non pas du point devue d'unchangementde situation, mais dansla seule
mesure où ils peuvent révéler ou illustrer la situation telle qu'on l'interpréterait
pendantlapériodecritique.))(Contre-mémoire deQatar,par. 3.100.)
105. Pour Bahreïn, la Cour peut fort bien, et devrait mêmeen l'espèce,évaluertous les
éléments de preuve postérieursà 1936exactementcommeelle doit évaluerles preuvesrelatives
auxévénementasntérieurs à1936.
106. Quel'on fixe,le cas échéant, uneate critiqueou une période critiqueantérieure, cela
n'empêchera enrien la Cour d'attacher de l'importaàdesactes effectuésdansle prolongement
normal d'uneadministrationétatiquequi existaitantérieurement. C'est bie cas en l'espèce.Le
comportementde Bahreïn a constammentété -et constammentveut dire depuis le XIXesiècle
compatible avec le développementnaturel, normal, d'une communauté dans les îles Hawar-
développementqui a commencé delongues années avant1936 et se poursuit de façon ininterrompuejusqu'à nosjours. Slierythme et l'échde ce développemenste sontaccrus,ilne
fautpas l'imputeràdesmotifspeu avouables. Celatraduitdesbesoinsetun intégtrandissants au
seinde la populationet des moyens accruspour répondren attente. Et aussi,commeon l'a dit I
ailleurs,l'agression soudainede Qatarcontre FashtalDibal1986 a rendu le Gouvernementde
Bahreïnplus sensibleàlanécessitdemettreen placedesmesuresde défensesurlesîlesHawar.
107. On peut présenter ici quelques mots tirés de l'argumentation avancéepar
sirGeraldFitzmaurice dans l'affaire des Minquiers et des Ecréhous, tels que les cite
sirRobertJennings dans son brillantessai intituléTheAcquisitionof Territory in International
Law. [L'acquisition detemtoiren droitinternational.] Sir Gerald exp:ique
«Repousser trop loin la date critiquereviendrait à encourager l'émissionde
revendications formellesque le pays intéren'aurait pas besoin de soutenir ou de
maintenir, convaincu qu'il est, en toute sécurité,que l'émissionmêmede la
revendication apour effet de fixerla positionjuridique et d'écarterou de détruirela
valeurde tousles actesaccomplispostérieuremenptar l'autrepartie.)) (Op.c38.)p.
043 Les termes (revendications formelles» décriventparfaitement les revendications formulées sans
preuvesàl'appuipar le souverain de Qatare1938et 1939. Laformulene saurait serviràôter sa
portéejuridiqueà la continuitéde la présence réelet de l'activitéréellede Bahreïn sur les
îlesHawarau coursdes soixanteannéesqui ontsuivi.
108.Monsieurle président,Madameet Messieursde la Cour,voilàqui m'amèneàla finde
mon exposé d'aujourd'hui.Je vousremercievivementde votre patienceet de l'attentionquevous
avez portéeàmon analyse. Puis-jevous demander,Monsieurle président,d'appeleràpréseàtla
barreM.Paulsson.
The PRESIDENT :Thank you, SirElihu. 1nowgivethe floortoMr.Jan Paulsson.
M. PAULSSON:
LES ÉVÉNEMENTS DESANNÉESTRENTEREPLACÉSDANSLEUR CONTEXTE
Introduction
1. Je vous remercie, Monsieurle président. C'est pourmoi un privilègeque de prendrela
paroledevantles Membreséminentsde cetteCour. 2. Bahreeim'a confiéle soin de traiterles questions d'histoire. Mais après avoirévoqué,
parce qu'ille fautbien, une perspective générale,vais essentiellementm'intéresseràune période
très courte,quiestcellede la décennieallandt e 1930à 1940.
3.Jeproposeàvotre examen cinqséries de questions simple s
- Tout d'abord, audébut deces années trente :comment se présentaitBahreïn à l'époque,et
comment seprésentait Qatar ? Qatardit aujourd'hui qu'il exerçaitlors sa souverainetsur la
totalitéde la péninsule. Est-ce vraiOubien Bahreein a-t-il raisonde dire que la domination
des Al-Thanin'étaitassurée,si du reste elle l'était,que sur certaines parties de la péninsule
-principalement surla côte orientale?
- En deuxièmelieu,toujours au débutdes années trente :quels étaientles liens de Bahreïnavec
Zubarah-et quels étaientles liens de Qatar? Existe-t-il le moindre élément de preuve
attestantque Zubarah a été à un momentquelconque soumiseà la domination des Al-Thani
avantl'invasionde 1937?
- Troisièmement,nous arrivons à l'attaquearmée de Qatar sur Zubarah. Que s'est-ilvraiment
passé ? Est-ceque Qatar a soumisou bien a libéré les habitants dla régionde Zubarah ? Et
Bahreïn a-t-iljamais renoncé, entre1937et aujourd'hui, à soutenir la même position qui est
que la conquêtdee Qatar était illégaetneprêtaidt oncpas àreconnaissance ?
- Quatrièmement :nous passonsauxîles Hawar. Au débutdes annéestrente, quels liensavaient
respectivementBahreeïnet Qataravec lesîles?
- La cinquièmeet dernière série de questions concernela décisionprise en 1939 par les
Britanniques pourdire que la possessiondes îles Hawarrevient à Bahreeïn.Comment est-on
parvenu à ce jugement des Britanniques ? Et quelles ont étéles suites de cette décision,
entre 1939et aujourd'hui?
4. Cinq sériesdequestionssimples,celan'a pas l'aird'êtretrèslourd,Monsieurleprésident,
mais je crains de ne mêmepas pouvoir aborder la deuxième série avant demain matin,pour la
simpleraisonquela premièresérieest la plus longue à îraiter. J'ai trouvé l'endr,e crois,oùje
pourrai m'arrêterd,ansdix-huitminutes àpeuprès, maissije me trompedans mes calculs,je m'en
remets à ce quevousdéciderez. Le PRESIDENT :Youmaycontinueuntil 1 .10p.m.
M. PAULSSON :Than kou.
Comment seprésentaiB t ahre'ïnau début deannées trente?
5. A cette date, l'île principalede Bahreeïnétaithabitéeen permanence depuisdes milliers
d'années.C'étaitle centrede l'empireDilmun. D'aprèsl'épopée sumériend neeGilgamesh, c'est
là que le seulsurvivantdu déluge, Ziusudra, trouvraefuge etc'estlà que le héros,Gilgamesh,vint
trouverle secretde lajeunesse perpétuelle.
6. Occupantune situation stratégieurla voiede communicationentrele Moyen-Orient et
le sous-continent indien, Bahreïn a toujours étéet demeure aujourd'hui encore un centre
d'échanges commerciaud xans larégion.
7. Par comparaison, les territoirescôtiers situésà proximitéde l'archipelde Bahreïn sont
arides et peu peuplés. Aucunmystéreen l'occurrence:Bahreïna été gâtéparla nature car c'est
l'endroitoù lesimmensesnappesaquiferespleines d'eaudoucesituéessouslapéninsulearabique
remontentversla surfaceet s'ymanifestentpar des sources artésiennes.D'oùlenom Bahreïn,ou
((deuxmers»en arabe, c'est-à-direla mer saléetout autour etla mer d'eaudoucedans le sol. Il
existe d'ailleurs quelquessources d'eau douce sur les fonds marins eux-mêmes,d'où ce
phénomène exceptionnelpropreau Golfe de Bahreeinqui est qu'à quelquesmètresde profondeur
l'eaupeut êtrbuvable. Ces endroits ontété tensecrets mais cesont dessecretsque lespêcheurs
deBahre'ïnconnaissentencore.
8. La grande activitétraditionnellede Bahra été lpêche perlière. Maiscette activité a
rapidementdécliné dansles annéesvingtcar lesbancsd'huîtresperlières sesontépuisés. Eatussi,
raisonplusnettementdéterminanteencore,la maisonjaponaiseMikimotoamis aupoint laperlede
culturequia rapidementenvahilesmarchésinternationaux.
a 9. Politiquement, Bahreïn a étégouvernésans interruption par les Al-Khalifa depuis le
XWIe siècle.La Grande-BretagnetraiteBahreïncomme unEtat depuis longtempsetcetteattitude
remonte au moins au traité général de 1820 .u début des annéetsrente, le souverainétaitle
cheikhIsabinAli, quidécède en 1932aprèsunrègnede soixante-trois ans.
10.L'année1932 estaussi celleoù l'on découvredu pétrolesur l'îleprincipale de Bahreïn.
C'est lapremièrefois quel'ondécouvredupétroledansla partie arabe duGolfe,avant qu'onn'en
trouveenArabiesaoudite,auKoweït,àAbou Dhabiet àQatar.
11.Pendant les annéesvingt, prospectionet exploitationpétrolièont donnélieu, comme
vous le savezbien, à une spéculation intense.Pour faire fortunerapidement, c'étaiten quelque
sorte1'Internetde l'époque.
12. Il y avait un hommequ'obsédaitla prospection pétrolièrdu côtéarabe du Golfe, le
légendaire majorFrank Holmes, unnéo-zélandaiq sui avait combattu pendantla premièreguerre
mondialeet pensait désormaisavoir quelques compétences géologiques. Voic cimmentle décrit
un historie:
«Il étaitconvaincuquela côtearabique serait unefabuleusesourcedepétroleet
il a cherchéà donnercorps à son rêve avecun acharnement infatigable. C'étailte
«promoteun>par excellence,il avait le don de susciter la confiance,et il a arpentéla
partie arabe du Golfe,passant d'un souveraindésargenté l'autre, leurdécrivantce
qu'il voyait, leur promettantla richesse quand les autres ne voyaient quela misère,
tenant à empiler les concessions dans sa besace.)) (Daniel Yergin, The Prize,
p. 280-281(1991).) [Traductiondu Greffe.]
13.En 1925,l'émirdeBahre-ïnaccorde une concessionpétrolière àla sociétde Holmes, la
EasternandGeneralSyndicate.Maisla société arrive auboutde sesressourcesetne parvient pasà
trouver des fondsà Londres. ((Holmesétaitparticulièrement insupportabàeLondres)),disait-on.
((Toutlemondefuyaitquandonle voyaitarriver.))(Ibid.,p. 282.)
14.Holrnesse renddoncen Amériqueet finalement, vers 1930,la StandardOil ofCalifomia
prend une option sur les droits de Holrneset crée unefiliale, appeléela Bahreïn Petroleum
Company,laBAPCO,quidevienttitulairedela concession àBahreein.
15. Le Gouvernement britannique manifeste immédiatement son mécontentement. La
Grande-Bretagne avait passéaccord avec plusieurs cheikhs dans ses protectorats aux termes
O 4 6 desquelsl'exploitationdupétrolene pouvait êtrconfiée qu'àdes «intérêtsritanniques)).Il fallutmenerdes négociations trèsduresàuntrèshautniveau avecle Gouvernementdes Etats-Unispour
que la Grande-Bretagnefinisse par se laisser fléchir etpar autoriser la BAPCO à exploitersa
concession.
16. La BAPCO a commencé à forer en octobre 1961. Six mois plus tard, le rêve
obsessionnelde Holmesétaitdevenuréalité.
17. Les grandes découvertes de gisemenp tsétroliersen Arabieaouditeet au Koweïtn'ont
pas eulieu avant 1938et, à Qatar, lapremièredécouverte&te de 1939. Cela expliquepourquoi
Bahreïnavait une longueur d'avance ep tourquoic'est à Bahreüiqu'il yeut pendant un moment
uneraffineriequiétaitla quatrièmeraffinerie de pétrdumonde.
18. C'est une ironie de l'histoire que ce petit émirat deBahreein,lequel finalementa
beaucoupmoins de réservespétrolièreq sueles autrespaysproducteursdepétroledu Golfe,aitpu
ainsibénéficieprendant une brève période d'une extraordinaire prospéritSir CharlesBelgrave,
qui, aprèsêtrearrivé surplace en 1926,a été pendant trente et un ans conseillerde l'émirde
Bahreïn,écritdanssesmémoires ce quisuit:
«Avec la découverte du pétrolBe,ahreïnacquiertla réputation,dans le Golfe,
d'êtreun endroit«oùles rues sont pavéesd'on>,et où desArabesoriginairesd'autres
régionsdu Golfe sontvenuschercherdutravail, s'attendantàfaire fortuneen quelques
mois .. Beaucoupd'entre eux sont arrivésà Bahre'ïnillégalement, ont versé une
grosse sommeaupropriétaired'unbateau quiles déposait,le soir,surunbout decôte
totalementdésertou surunbancdesable découvert àmaréebasseenleurdisant qu'ils
étaientdésormaissur la côte bahreeïnite.A maréehaute, quand la mer recouvraitle
banc de sable,unbonnombre de ces malheureux se sontnoyés...» (Charles Belgrave,
Persona1Columm,p. 103-104(1959).) [Traductiondu Grefle.1
19.Lanaturehumaineétantce qu'elleest,onpeutdiresanscraintedesetromperquevers la
findes annéestrente, ses voisins les plus pauvres considéraient Bahreïn dasns prospéritnon
seulementavecadmirationmaisaussiavecenvie.
CommentseprésentaiQ t atar audébutdesannées1930 ?
20. Qatar était,et est toujours, un pays désertique,plat et caillouteux. Il n'existe
pratiquementpas de végétation naturelleA. vec unesuperficieseizefoisplusétenduequecellede
*
BahreeïnQ, atar est pourtant, par sa populationl,e plus petitpaysdu monde arabe. L'histoirede ce
pays permet de penser que l'habitathumain était pratiquement inexistant surcette terre inhospitalièreau milieu du XIXesiècle,qui est le moment oùdes pêcheursde poissons et des
pêcheursde perles ont commencé peu à peu à transformerleurs campements temporairesen
villages, surlacôteorientalede la péninsule,endroit oùsetrouveDohaaujourd'hui.
21.Dans ses mémoiresQ , atarformuledeshypothèses, parlant de communautés importantes
qui ontpeut-êtreexistéau nord de Qatar même avant l'arrivéedes Al-Khalifa. Dans sonexposé
O4 7 oral,M. Davida parléd'uneville qui((auraitpu existem(CR2000/8,p. 53, par.7). Ily a peut-être
du vrai dans ces hypothèsesmais on ne peut pas diresérieusementque 1'Etatmodernede Qatar
succède en quelque sorte à une très ancienne principauté fantomatiqudeont l'existence est
incertaine,dontl'époqueest totalement hypothétique, dnets frontièressont inconnueset dontles
souverainsne peuventpas être identifiés.
22. Et pourtant, au cours dela présente procédurerale, Qatara cherché convaincrela
Cour d'accepter deux propositioslapremière estque,quandnousnoustrouvons dans lesannées
trente, Qatarestun Etat depuislongtemps,et la secondeest quele temtoire appartenantdepuisla
naissance àcetEtat de Qatar estdepuistrèslongtemps lapéninsuletoute entièreet du reste aussi
les îlesHawar. Chacun des intervenanestremonté, semble-t-il,lus loindans lepassépoursituer
la dateà laquelleQatar serait devenuune entité politiques'étendant stoute la largeurde la
péninsule,depuisM. Salmon,qui parle du ((débudt u XXesiècle)) (CR2000/5,p. 35, par. a)),
puisM. Bundy,quicite ((1870àpeuprès» (CR 2000/7,p. 3, par.7),jusqu'M. David quiparledu
amilieuduXIXesiècle))(CR2000/8,p. 55,par. 12).
23. Maisce n'étaitpas là la position qu'adoptaitQatar quand il a dépoen l'espècesa
requêteintroductive d'instance,ni du reste celle qu'il adoptait dans ses écritures avant
d'abandonner les 82 documentsuenoussavons. Quand Qatar espéraitse servd ie ces documents
pour essayer deconvaincre la Cour qu'il avait lapreuve d'actesd'administration accomplis
Zubarah et sur lesîlesHawar,Qatarn'hésitaitpas dutout àadmettreque ce n'étaitpas avant une
date unpeu postérieure 1945qu'ilétaitdevenu un Etatassurantsoncontrôle surla totalité dela
péninsule. Pendant tout le XIXesiècle, écrivait atar «il n'y avait que des chefs tribaux qui
s'évertuaient consolider leur position en nouantdes relations avec les autres tribus et en
contrôlantlesréseaux commerciaux(contre-mémod eeQatar, par.2.14). 24. Qatara déclarén'êtredevenuun Etatau sensmoderne duterne qu'«aulendemainde la
seconde guerre mondiale)) (contre-mémoirede Qatar, par.2.13)' c'est-à-dire quelque temps
après1945. Donc, en1930,Qataren tant qu'entitépolitique était tout au plus encoreen train de t
chercheràsedéfinir,dupointde vue social comme du pointdevuegéographique.
25. Qatar a dit aussi queBahreüi étaitégalementune société traditionnellee ce Spe -
jusqu'en 1923dansson cas. C'estlà incontestablement une inexactitude. Bahreïn pourrap iasser
un trèslongmoment àen débattre mais n'en dirrien dutout,carce débatn'a pas d'intérêptourla
présenteinstance. Comme Qatar a admisn'êtreavant 1945que le domaine d'un «chef tribal»
cherchant à ((consolider[sa]position»,quandon prétend qu'un certain territoire aappartenuà ce
cheftribal,on doitincontestablementle prouver.Or, Qatara reconnu qu'enpratique,l'étendue du
pouvoir des Al-Thani variait avec le nombre de tribus qui acceptaient de se soumettre à leur
autoritéàtel ou tel autre moment. Le clan des Al-Thanin'obéissait certainemenptas àun destin
particulier,unmandat divin, leur ordonnant derégnes rur un territoireprédéterminé; ce clane
bénéficiaitpas d'une unitgéopolitique dèssanaissance. LesEtatsnouveauxn'ontpas d'existence
àpriori.
26. Arrêtons-nous sur le fait que la Grande-Bretagne avait,en Amériquedu Nord, des
colonies qui ont collectivementaccédé à la souveraineteen 1776. Elles ont crééune capitale
fédéraleà Washington. Vers l'ouest, si l'on appliqula théorieadoptéedésonnaispar Qatar telle
qu'elle nous a étéprésentp éour la premièrefois la semainedernière,le territoirede IaCalifomie
feraitpartiedece nouvel Etat américain dèlsrsque l'on pourraittrouvern petitnombre de cartes
commodes. Après tout, la limiteturellecorrespondaitau rivage dl'océanPacifique. D'aprèsla
thèsede Qatar, toutespagnol,tout américainautochtonequi aurait alors ététrouvé en Califomie
auraitalorsdûenêtre expulsé parce que c'étaiun «occupant».
27. Il existebien entendubon nombred'îles et de presqu'îlessur lesquellesla souveraineté
est divisée: il y la Républiquedominicaineet Haïti, deux anciennes colonies qui doivent se
partager la mêmeîle; il en va de mêmepour l'Indonésie etle Timor oriental; et aussipour 4
l'Indonésieà nouveau et la PapouasieNouvelle-Guinée.Et que dire de Boméo,où trois Etats
souverainscohabitent :l'Indonésie, lMalaisieet Brunei? Les capitalesde deux de ces pays sur
trois ne sontpas mêmesituéessur l'île de Bornéo,je pense à Djakartaet à KualaLumpur, mais cela n'y change rien;dans ces conditions,le fait que les Al-Khalifaont déplaleur capitalequi
étaitàQatar n'estguère déterminantI .l y a aussile cas de la Suèdeet de la Norvègequi fournit
peut-être untrèsbon exemple,car cesdeuxpaysfurentautrefoissousla dominationdumême pays
tiers,le Danemark, et ils separtagent aujourd'huiunepéninsulesansvoir,àmon sens,la moindre
envie d'adhérerà la thèsedu professeurSalmon, lathèse des unités naturelles quicondamnerait
l'undecesroyaumes scandinaves àl'absorption par le second.
28.11n'est tout simplementpas possibledeprétendreau nom desAl-Thanique dèsque ces
dernierssontdevenus les maîtres deDoha,ils sont immédiatement devenus ausl sis maîtresd'une
unitéterritorialedéfmied'avance,y comprisZubarah,encore moinslesmaîtres desîlesHawar. Et
il n'est pas possiblenon plusd'accepter,commediversconseilsde Qatarl'ont dit,que cette entité
politique «devait progressivemensteorgen)(CR2000/5,p. 28,par. 15a)), ((s'estprogressivement
crééen(CR 2000/6, p. 8, par. l), a été«ueconnu[e]»pendant une périoded'une duréede
soixante-dixans (CR2000/7,p. 3, par. 7; voir égalemenC tR2000/8,p. 55, par. 12) commesi le
simple écoulementdu temps dispensait d'avoir à indiquer avec précision lesévénements
0 4 9 constitutifs du titre. L'autorité politique exercé suer un territoire ne s'acquiert paspar
l'appropriation,ni par l'accumulation d'indicationsu'indications faussésur lescartesquel'on
affectionne.
29. M. Salmon a soutenu queles ((effectivités))u Sahara occidental ou dans la jungle
amazoniennenecréentpointletitresaufsi le souverainy consentou donne son acquiescement.La
comparaisonest mal adaptée, enl'occurrence, etcela s'expliquetrèssimplement :il faut d'abord
qu'il y aitun souverain. S'agissant du Sahara occidentalM. Salmon l'admettratrèsvolontiers,
tous les intéressésc,'est-à-direspagne,le Maroc et la Mauritanie,ontreconnu que le bledsiba
dans le secteur septentrional, secteur pertinent, fait'ores et déjàpartie de 17Etatmarocain
(CR 2000/5,p. 41, par. 25a)). Pour le Brésil,qui peutdouter,fût-ce dansla région amazonienne
elle-mêmeq ,u'ila depuis longtemps établi sa souverainetur laditerégion? Mais teln'étaitpas
le casavec 17Etade Qataretlapéninsulesurlaquellecet Etatestné.
30. Il ne s'agit pointen l'occurrence d'une théoreridique quine tient pas parceque le
derniermaillon estmanquant;le maillonmanquant enl'espèce estletoutpremier. 31. La théorie de1'Etatet du tenitoire national que Qatar défendrelève,semble-t-il,du
mysticisme, de l'émotion. Comme sir Elihu Lauterpacht vient de le rappeler à la Cou, le
i
cheikhAbdullah Al-ThanideQatarécritceci :«Lesîles Hawar appartiennentà1'Etatqatarien(sic)
depuis le jour même oùDieu les a créées ...elles n'appartiennent pasà Bahreïn d'après leur
I
situation naturelle etgéographique.)) (Mémoirede Bahreïn, vol. 5, annexe 289,p. 1184). Qatar
admet certainement quel'organisationde la société des hommes su notre planètese situe juste
quelque temps après la créationdesîles Hawar. Quantàcettefractionparticulièredela société des
hommes qui est devenuele Qatar contemporain,elle n'est pasnéeà l'étatadulte : Qatar est le
produit de l'expansionnisme et du regroupement.VersZubarah,l'expansiona été illégale;ersles
îlesHawar, l'expansionn'atout simplement jamaiseu lieu.
32.En fait,il étaitaussiinévitablequ'il estfatal aujourd'hui la thèsede Qatarquecelui-ci
reconnaisse,commeil l'a fait dans son contre-mémoire n,'êtredevenu un Etat qu'après1945. La
situation dans la presqu'îlede Qatar jusqu'à une date situéefort avant dans le AT siècleest
incompatibleavec toute notion d'Etat -ou mêmede souverainetétribale indigène - s'étendant
sur la totalitéde cette presqu'île.Ii suffit d'examiner quelques pièces d'archives retraça sotn
histoire(voirenoutrela section2.2 ducontre-mémoirede Bahreeïn) :
- En 1871,c'estdoncaprèsl'année1868àlaquelle unetelleplaceest donnéemaintenantdansla
nouvelle conception ques'est forgée àQatarde son émergence en tant qu'entité politiquu,n
rapport interne de l'Empire ottoman mentionnait Mohammed binThani comme résidantà
Dohaetn'ayant (pas d'autoritésurles autresvillages)).(Mémoired eahreïn,par. 133et 158).
- En 1881,le filsdeMohammed,Jasim,écrivaia turésidentpolitiquebritannique :
«Jen'ai pasde pouvoirsur [lacôte de Qatar]. Vousconnaissezle traité conclu
du tempsdemonpère [1868]entrenouset le Gouvernementbritannique,selonlequel
nous devionsseulementêtre responsablesde [lavillede Doha]et d'AlWa. [village
situéjusteau suddeDoha].))(Mémoire deBahreeinp ,ar. 133.)
- En 1893,lorsd'uneentrevueaveclerésident politiquebritannique :
«Le cheikh Jasimreconnut immédiatemenltes droitsde Bahreeïnet se déclara
désireuxde lui payer tribut comme par le passé.)) (Mémoirede Bahreeïn,par.66
et 164.)- Et enfin, pendanttoute lapériodeoù ils furentprésentsdanslapresqu'île(deà11915)'les
Ottomans ont parlé dla (province de Qatan>comme constituée parla régionde Doha,par
opposition aux temtoires deZubarah et d'Odeid situés ailleursdans la presqu'île (voir
mémoire de Bahreïn,section2.7).
Et ici,Monsieurleprésidentj,e vous demanderailapermission dem'interrompre.
ThePRESIDENT :Thank youverymuch. The sittingof the Courtis over. Wewillresurne
ourworktomorrowat 10a.m.
The Court roseat1.1Op.m.
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