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CR2002112(traduction)

CR2002112(translation)

Mercredi6 mars2002à 10heures

Wednesday6 March2002at 10a.m. Le PRESIDENT :Veuillez vousasseoir. La séanceest ouverte etje donne immédiatement

la parole, au nom de la Républiquefédéraledu Nigéria, à M. IanBrownlie. Monsieur le

professeur,vous avezlaparole.

M. BROWNLIE :Merci, Monsieurle président.

LA POSITIONDUNIGÉRIA SUR LA RÉGIONDULAC TCHAD

1.Monsieur le président,Madameet Messieurs les Membresde la Cour,je vaisexaminerce

matin comment le Nigériafonde sa revendication de souverainetésur certains territoires de la

région du lacTchad. La revendication porte sur trente-trois villages, qui sont énuméréssous

l'onglet71 de votre dossier. Ces communautésde pêcheurset d'agriculteurs représententune

population d'environ60000 personnes. Les villages font partie des collectivitéslocalesde Marte

et deNgala.

2. Les limitesde larevendicationnigériane sces territoiresdu lacTchad sontindiquéessur

la carte qui est actuellementl'écran(c'est toujoursl'onglet 71). Ces limites illustrentles zones

qui sontsous le contrôle administratifduNigéria.

3.La thèseduNigériarepose sursix propositions,lesquellesse résument ains:

Premièrement :pour le Nigéria,les zones du lac Tchad situéesau nord eà l'est dupoint

terminal de la frontière terrestreà l'embouchure de 1'Ebedji constituent un territoire dont

l'appartenanceest indéterminées,ousréservede l'existence d'un titre nigériansur certaines zones

bien précisesqui soitfondésur la consolidationhistorique dutitre et l'acquiescement.

Deuxièmement :les travaux de la commission du bassindu lac Tchad n'ont pas aboutàun

résultatqui étaitdéfinitifet obligatoire pour le Nigéria. Faute d'une délimitatétablied'un

commun accord entre les Etats riverains,il n'y a aucune frontièreen place qui soit opposableau

Nigéria.

Troisièmemen t la commissiondu bassin du lac Tchada adoptéprécisémenp tour principe

que, si lestraitéshéritésla colonisation donnentdes indications pertinentes pourladélimitation,

leursdispositionsne fournissentpasentant quetelles de solutiondéfinitive. Quatrièmement :la pratique des Etats riverains confirme qu'il n'a pas émis en place de

délimitation définitive.

Cinquièmemen t le titre que revendique le Nigériasur les territoires du lac Tchad sont

fondéssur la consolidationhistorique du titreet l'acquiescement.

19 Sixièmement :dernier point, le titre sur ces territoires revient auNigéria,quel que soitl'état

d'avancement actuel des travaux de délimitation menés sous les auspices de la commission du

bassindu lac Tchad.

4. Sans doutevous souvenez-vous que l'expression«lac Tchad))renvoie habituellement àla

régioncorrespondant à la zonetraditionnellement inondéequi est indiquée surles cartes relevant

du domaine public. La carte qui vous est actuellement présentée -et qui figure sous

l'onglet72 - a étéétablieà partir d'une base de données numérique publiéepar la UnitedStates

DefenceMapping Agency. Cetterégioncomprend la zoneeffectivementinondée à n'importe quel

moment considéré. Cetteacception de l'expression «lac Tchad))qui est donc traditionnelle est

parfoisdite correspondreau lacTchad «normal» - c'est l'image quel'on peut voir sur les cartes

de l'atlas.

5. Beaucoup de villages sont établis sur lesparties asséchédu lit du lac. Il faut faireune

distinctionentre cesvillages et lesimplantationssurterre ferme, auNigéria etdans les autresEtats

riverains. Ces villages se trouvent soit sur des îles entouréesd'eau en permanence,soit dans des

sites qui se transforment en îles pendant la saison des pluies, soit dans une zone autrefois inondée

mais actuellement asséchée du lac Tchad «normal»,où la probabilitédes inondations est faible.

Aux fins de la présenteanalyse, il faut prendre la notion de lac Tchad «normal»comme base de

référence.C'est cettenotion coutumièrequi estjuridiquement pertinenteet qui constitue larégion

visée par leprocessusactuel dedélimitationet de démarcation.

6. Je vais tout d'abord démontrerqu'il n'y a pas eu de délimitationqui soit définitiveet

obligatoirepour leNigéria.Cettedémonstration reposesurtrois éléments :

Premièrement :les accordsde frontièrecoloniauxdatant de la périodeallantde 1906 à 1931

n'ontpas établidedélimitationdéfinitivedans la région dulac Tchad.

Deuxièmement : les incertitudes ont subsisté après l'indépendancedu Nigéria et du

Cameroun. Troisièmement :lestravaux de la commissiondu bassindu lac Tchad n'ontpas abouti à une

délimitationquisoit définitiveet obligatoirepourleNigéria.

7. Dansles documents relatifsau rôle de lacommissiondu bassin du lac Tchad (CBLT)en @

matièrede déterminationdes frontièresdes Etatsriverains dans le lac, leterme «démarcation»est

parfois utilisépour décrirela nature de la tâche. Comme l'examen du contexte historique le

démontre, la délimitation constitue l'essentiel du processus, tandis que la démarcation est

logiquementpostérieure àdes analysesjuridiquess'appuyantsur l'interprétationet l'applicationde

plusieurs accords de frontièresquidatentde l'èrecoloniale.

I 2 (b 8. La nature du programme de travail des experts techniques d9IGN transparaît très

clairement au travers des termes cités dans le procès-verbal de bornage des frontières

internationalesdans le lacTchad d71GN,adopté àN'Djamena le 14février 1990.Ce programme

parle logiquement de ((délimitationdes frontières)) : je cite ici l'annexe 5 de la requête

additionnelle. La déclaration liminaide ce rapportest lasuivante

«Nous soussignés,

expertsdes Etats membresde la CBLT (Cameroun,Niger, Nigériaet Tchad), dûment
désignép sar nos Etatspour lasupervisionet le contrôledes travauxde démarcation de
nos frontièresconformément à la résolutionno2 de nos gouvernements à leur sixième
sommettenu à N'Djamenales28 et 29 octobre1987,

d'unepart,

et IGN- France International (IGN-FI), titulaire du marchéno CBLTh402188,
approuvéle 26 mai 1988, pour la délimitationdes frontièresentre les territoires du
Cameroun,du Niger,du Nigériaet du Tchad,

d'autrepart,

avons procédédu 13 juin 1988 au 12 février 1990 à l'exécutiondes travaux de
délimitation et de bornage desdites frontières et soumettons à l'approbation des
gouvernements respectifs la description suivante des frontières que nous avons
bornées.»

9. Dansce contexte,nous devons considérerla distinctionclassiqueopéréeentre délimitation
,

et démarcation.Ceux quiont lu lesdocumentsémanantde laCBLT quitraitent de l'établissement

de la frontièredans le lac Tchad sont forcésd'admettre que cette opérationne se limitait pas

exclusivement à la démarcation. 10. CharlesRousseau, qui est une autoritéen l'occurrence,remarque que les deux termes

sont souvent confondusdans le langage diplomatique. Je me réfère à son traité enla matière,

intituléDroit international public,vol.III,1997, p. 269. Et, dans un ouvrage que j'ai publié

en 1979,j'observaismoi-même que :

«Il est d'usage courant d'opérerune distinction entre la délimitationet la
démarcation d'unefrontière. La premièrevise la descriptiondutracé dansun traitéou
autre texte écritou au moyen d'une lignetracéesur une carte. La démarcation,elle,
vise le moyen par lequel le tracédécritest indiquéou concrétisé sur le terrain au
moyende tas de pierres, de poteauxen béton,de bornesde différentsgenres,ou par le

débroussaillaged'une piste,etc. Cette distinctionest suffisammentclaire en principe,
mais l'usageque fait de ces termesle rédacteurd'unaccord international donné ouun
porte-parolepolitique peut ne pas toujoursêtreconstant. Ces deuxtermes sontparfois
utilisés pourdésignerla mêmechose.)) [Traductiondu Greffe.] (Brownlie,African
Boundaries,1979,p. 4.)

11. Je vais à présent montrer qu'il n'existe pas de délimitationqui soit définitiveet

obligatoirepourleNigéria.

12. Soulignonstout d'abord que nousn'avons hérité des accords de frontière dela période

coloniale conclus entre 1906et 1931aucune délimitation définitive dans la régidu lac Tchad,et

quedes incertitudesmajeuresrestentencore à lever.

13. Le Nigériaa déjà analysé minutieusementdans son contre-mémoire les accordsde

frontièrede lapériodecoloniale et certaines autres initiativesqui ont précédé l'indépendaetje

ne crois pas qu'ilsoit nécessairede refaire cetteanalyseMN,chap. 15et 16,p. 381 à 389). Le

Nigériaconcluaitson contre-mémoire en déclarantque :

((Ainsi,le 1"juin 1961,date à laquelle le Camerounseptentrionalfut intégréà
la FédérationindépendanteduNigéria,le processus de délimitationet de démarcation

de la frontière dans le lac Tchad en était toujours à un stade embryonnaire.))
[TraductionduGrefSeJ (Par.15.99.)

Les arrangementsvisant à délimiteret démarquerla frontière : le rôle de la commissiondu
bassin dulac Tchad

i) La situationaprèsl'indépendance du Cameroue nt du Nigéria
14. Aucun travail de délimitationn'a étéentrepris pendant les années qui ont suivi

l'indépendance du Cameroun et du Nigéria.Il est vrai que, dans les années1970,divers contacts

bilatérauxfurent pris pour examiner les problèmes de frontière. En outre, le mandat de la

commission mixte de délimitation de frontières, créée en 1965, prévoyait le règlement dedifficultésrelativeà la frontière,du lac Tchad à la mer :je me réfèrelà au procès-verbalde la

réunionde lacommission qui a eulieu du 12au 14août 1970(EPN,annexe 13). Mais ces efforts

diplomatiques n'ont donné aucunrésultatconcretence qui concernele lacTchad. +

ii) Pourquoi on va tenter à nouveau de délimiter les frontières dans la région du
lacTchad

15.En fait, leprocessus de délimitationfut entrepris sous les auspices de la commissiondu

bassin du lacTchad, créée paurne convention signéele 22 mai 1964(annexeCMN 60). LesEtats

membressontles quatreEtatsriverainsdu lac Tchadainsi que laRépublique centrafricaine.

16. Le statut de cette commission du bassin du lac Tchad expose certains ((principeset

défmitions))q,ui sont les suivan:s

(drticle 1: Les Etats membres affirment solennellement leur volonté

d'intensifier leur coopérationet leurs efforts pour la mise en valeur du bassin du
Tchad tel qu'il est défiàil'articleII.

Article II: On entend par bassin du Tchad la superficie dontles limites sont
définiesparlacarteannexée à laprésente convention.

Article III: Le bassin du Tchad est ouvert à l'exploitation partous les Etats
membres parties à la convention, dans le respect des droits souverains de chacun
d'eux, selon les modalités définiespar le présent Statut, les révisions ou
réglementationsultérieureosupar voie de compromis.

Article IV: L'exploitation du bassin et en particulier l'utilisation des eaux

superficielles et souterraines s'entend au sens large, et se réfère notammentaux
besoins du développementdomestique, industriel et agricole, et à la collecte des
produitsde sa fauneet de sa flore.))[TraductionduGrefe.]

17.Lesfonctionsde la commission sontdéfiniescommesuit (article IX) :

(ulrticlUr':Lacommission a lesattributionssuivantes :

a) établir des règlementscommuns en vue de l'application intégrale des principes
énoncésdans leprésent Statutet dans la Conventioà laquelleil est annexé,et en
assurerl'application effective;

rassembler, examiner et diffuser des informations sur les projets établispar les
b) Etats membres et recommander une planificationde travaux communs et de

programmesconjointsderecherchedansle bassindu lacTchad;

c) maintenirdescontactsétroitsentreles Hautes PartiesContractantesafin d'assurer
l'utilisationlaplusefficacedes eauxdu bassin; d) suivre l'exécutiondes étudeset des travaux dans le bassin du lac Tchadqui sont
prévusdans la présente convention,et en tenir informésles Etats membres au
moins une fois par an, grâce à des rapports systématiqueset périodiques que
chaqueEtats'engage à luiadresser;

examinerlesplaintes et favoriserlerèglementdesdifférendsainsique la solution
des divergences;

veillerà l'application des dispositions du présentstatut et de la conventioà
h)
laquelleil estannexé.))[Traductiondu GrefSe.1

18.La CBLT a le statut d'unorganisme international(article XVII (1) du Statut) et a pour

objectif essentiel defavoriser la coopérationen vue de l'exploitation laplus efficacedes eaux du

bassin du lacTchad. Ladélimitationest ainsi redevenue d'actualité parcqu'il seposait désormais

des problèmesde sécurité dans larégion.

19.En 1983,destroubles ont éclaté dans la régiondu lacTchad, provoquéspar des bandits

tchadiens, et il fut donc convoquéune session extraordinaire de la commission du bassin du

lac Tchad qui s'est tenue Lagos du21 au 23juillet. Dans son discours, M. Alhaji Bukar Shaib,

présidentde lacommission, aexpliquéson pointde vue en cestermes :

«Cette fois-ci,notre réunionest occasionnéepar les récents événementsqui ont

eu lieu le long de la frontièreentre le Nigériaet le Tchad dans la zone du lac du
bassin. Ce problème a faitl'objet de négociationsbilatéralesentre les deux Etats
membresqui ont heureusementréussi à rétablir lecalmeetà restaurer la situation qui
existait avant le déclenchementdes hostilités. Cependant, pourtrouver une solution
durable au problèmerécurrentqui se pose parce que de longues frontièresne sont pas
délimitées entredes Etats limitrophes, mêmequand lesdits Etats ont d'excellentes
relations, et qui se pose en l'occurrencesur le lac mêoù convergent les frontières

de nos quatre Etats, le Nigéria et le Tchad ont logiquement convenu que la
commission du bassin du lacTchad devait êtrele lieu où il faut examiner toutes les
ramifications importantes dece problèmeet les moyensde lui apporter, une fois pour
toutes, les solutions nécessaires,applicables non seulement aux deux pays mais à
l'ensembledes quatre Etats membres.)) (EPN, annexe 88, p. 859-860.) [Traduction
du GrefJe.]

20. Dans le procès-verbalde cette session extraordinaire, ce mêmediscours est résuméen

des termestrèssimilaires(voir EPN,annexe 88,p. 862).

21. 11fut décidé à cette réunionde créerdeux sous-commissions, l'une chargéede la

délimitationdes frontièreset l'autredes questionsde sécurité.Le passage suivantduprocès-verbal

indique lanature de l'ordredujour: ((Aprèsla suspensionde séance,la réuniondes experts commença, présidée par
M. N. O.Popoola, le secrétairepermanent du ministère [nigérian]des ressources
hydriques. Comme les deux questions à examiner étaient étroitementliées, ilfut
décidé que les sous-commissionsse réuniraient ensembledans la sallede conférences

et examineraientenpremier lieu lesproblèmesde délimitationde frontièresetensuite
les questionsde sécurité.Surpropositionduprésidentet avec l'accorddes délégations
présentes,les deuxcommissionsadoptèrentl'ordredujour suivant :

Ordredujour de lacommissionchargée de ladémarcation

1. Possibilité d'échangeds'informationset de documentsrelatifsauxfrontières.

2. Programmeetméthodologiedetravail de la commissiondes frontières.

3. Equipemixte chargéede ladémarcation.

Ordredujour de lacommissionchargée de lasécurité

1. Mesuresvisant àassurer l'efficacides patrouillesfrontalièresmixtes.

2. Démilitarisationcomplètedu lacpar les Etatsmembres.

3. Mesures visant àassurer lerespectdes accordsconclus.

2 4 4. Sécuritéde l'équipe chargée de la démarcatio des frontières.)) (Voir EPN,
annexe88, p. 864.) praduction du GreffeJ.

22. Les modalitésde mise en Œuvredes décisionsprises à Lagos furent examinées lors

des28''29' et 30' sessionsde la CBLTen 1984et en 1985. Les travaux progressaient lentement,

enpartie à causede problèmesliésau financement.

23. Dans un rapport en date du 17novembre 1984 de la sous-commission de la CBLT

chargéede la délimitationdes frontièresdans le lac Tchad, on trouve le passage suivant sous

l'intitulé «Documentjsuridiques debase)):

((5.Aprèsdiscussionset échangede vues, la sous-commissiona retenu comme
documentsde travail, les textes suivantstraitant de la délimitationdes frontièresdans

le LacTchad...» (MC,annexe 271,p. 2238-2240).

Quatre instrumentsde l'époquecolonialesontensuiteénumérés.

24. Il ressort clairement de ce rapport que la tâche prévueallait nécessairement conduàre

délimiterletracéet ne selimiteraitpasà untravail de démarcation. L

25. En 1985se tient le 5' sommetdes chefs d'Etat de la CBLT. Le rapport duprésidenten
6

exercice, M. Alhaji Bukar Shaib, est joint en annexe B au procès-verbal de ce sommet

(CMN,annexe275). 26. Sousle titre ((Démarcatiodes frontièreset sécuritsur le lac Tchad)),ce rapport fournit

uneanalyse intéressante:

((32.Suite aux incidents frontalierssurvenus entre le Nigéria et leTchad sur le
lac en avril 1983 et suiàela signaturedu protocole d'accordentre les deux pays en
juillet de la même année, la commissioné atéappelée à rapprocher les parties età
servir d'instance compétentepour régler définitivemelets problèmesfrontaliers dans
la région. Du 21 au 23juillet 1983,la commission a donc tenu à Lagos une session
extraordinaire au cours de laquelle deux sous-commissionsont étéconstituées,l'une

sur la démarcationdes frontièreset l'autresur la sécusur le lacTchad.

33. Du 12 au 16 novembre 1984, les experts des quatre Etats membres en
matièrede démarcationdes frontièresetde sécuritésur le lac Tchad sesontrencontrés
à Lagos et se sont entendus sur les documentsjuridiques qui serviraient de base aux
travauxfuturs.))

27. Ce rapport, rédigé palre président, rappelle quela CBLT «a été appelerapprocher les

parties en vue de réglerdéfinitivement lesproblèmesfrontaliers dans la région));il fait partie

intégrantedu procès-verbal qui aétéofficiellementadoptépar le 6' sommet des chefs dYEtatle

28 octobre 1987 (CMN, annexe 276,et EPN,annexe67).

28. Le communiqué final du 5'sommet(annexeC à l'annexeCMN275)rapporteque

«Les chefs d3Etat ont noté avec satisfaction les mesures prises par la
commission afin de trouver des solutions définitivesaux problèmesde démarcation
des frontièreset de sécuritsur le lac Tchadet ont incité la commissioà intensifier
ses efforts.))

29. Lors du 6' sommetdes chefs dYEtat,tenu en 1987,il a notammentétépris les décisions

suivantesen matièrede ((démarcation des frontières))

K- les Etats se sont engagésà assumer le coût des travaux de démarcation,qui
s'élèventà312884000francsCFA;

- cettesomme seradiviséeégalement entre les quatreEtats membres;

- uncompte bancairespécialseraouvert à cette fin;

- lestravaux débuteronten mars1988))(Cm, annexe276, p. 19).

30. Parconséquent,la CBLT a étéchargéepar les quatre Etats membres, tous riverainsdu

lacTchad, d'élaborerle programmetechniquededémarcation. iii) Préparation du cahierdeschargesde l'opération technique

31.En mars 1988,il est organiséuneréuniond'experts desEtats membresde la CBLT pour
*
((déterminerles conditions spécifiquesde la démarcationet du levé des frontièresdans le lac

Tchad))(CMN, annexe 277). La CBLT adopte au cours de cette mêmeréunionles conditions

généraled se l'appel d'offresinternational(CMN, annexe278).

32. Les SpéciJications techniquespour la délimitationdes frontières et les travaux de

géodésie danlse lac Tchad (CMN, annexe279) constituentun instrument distinct adopté à cette

date. La teneur de ce document mériteune attention particulière, car elle révèlela nature

essentielle de la tâche considérée,et celle-ci comprend des élémentsd'évaluationqui vont

beaucoupplus loin qu'unetâche normale de démarcation.

33.Le chapitre 1 desSpéciJicationts echniquesest révélateur à cet égard. Il disposece qui

suit:

«1.1.Toutes les activitésde géodésie et de démarcationdes frontièresentre les
territoiresdu Cameroun, duNiger,duNigériaet du Tchad dans le lac Tchad ainsique
dans les zones environnantesserontréalisées conformémentaux conditions stipulées
dansles présentesspécifications.

1.2.Consistancedes travaux à réaliser

La régionconcernées'étendsur une superficie d'environ 61000 kilomètres
carrés et se trouve située entre les coordonnéessuivantes : [que je m'abstiens
d'indiquer]

L'entrepreneur accompliralestâches suivantes :

i) reconnaissanceet matérialisation des vingtet un points de contrôle GPS et
des sept principauxpointslimites desfrontières;

ii) pose de soixante-deux bornes intermédiaires à 5 kilomètresmaximum entre

les points limites;

iii) détermination des coordonnéesdes bornes des frontières et des bornes
intermédiaires.

1.3.Documentation à remettre à 1'entrepreneuprar la commissiondu bassindu
lac Tchad

Pour mener àbien sa mission,l'entrepreneurrecevra les documents suivants de
lacommissiondu bassindu lacTchad :

i) un répertoiredespoints géodésiquee st pointsde contrôle,

les photographiesaériennes,mosaïquesetcartesexistantes,
ii) iii) des textes et documents traitant de la démarcationdes frontières dans le lac
Tchad :

a) une convention entre la Grande-Bretagneet la France sur la délimitationde

la frontièreentre les possessions britanniqueset françaiàel'est du Niger,
signée àLondres le 29mai 1906;

b) une convention précisantles frontières entre le Cameroun et le Congo
français,signéeà Berlinle 18avril 1908;

c) un accord entre le Royaume-Uni et la France sur la délimitationdes
frontières entre les possessions britanniqueset françaisàsl'est du Niger,
signé àLondres le 19février1910;

4 un échangede notesentre le gouvernementde Sa Majestédu Royaume-Uni
et le Gouvernement français concernantles frontières entre le Cameroun
françaiset le Camerounbritannique,faità Londresle 9janvier 1931;

e) un procès-verbalde la réuniondu 2 mars 1988entre le Tchad et le Niger
concernantla positionde leursbipoints surlerivagedu lac.» [Traductiondu
Grefse.]

34. Comme la Cour le constatera aisément,le fait que des traités soient citéscomme

instruments de référencerévèleque ces travaux relèventen réalitéde la délimitation. En outre,

puisqu'il faudrafaire des choix par rapportdestraités,le processusde délimitationlui-même fait

appel àdesdécisionsdefond.

35. En l'occurrence, le marchéfut attribué à IGN France International (procès-verbalde

l'examen des soumissions, CMN, annexe 280). Les conditions (CMN, annexe281) en étaient

notammentlessuivantes :

«Article 7: Documentation remise à l'entrepreneur par la commissiondu
bassindulac Tchad

L'entrepreneur recevrade la commission dubassindu lac Tchad les documents

suivants:

i) Un répertoiredespointsgéodésiquee st altimétriquesexistants.

ii) L'ensemble des mosaïques photographiqueset des cartes existantes dans
l'étatouelles setrouvent.

iii) Des textes et documentstraitant de la démarcationdes frontièresdans le lac
Tchad :

[La listedestraitésest ici lamêmeque celledes Spéc@cations techniques.] Article8 :Documentationfournie palr 'entrepreneurà la commission du bassin
du lac Tchad

L'entrepreneurfournira à laCBLT :

1) L'ensemble de la documentation visée aux articles 3 et 7 ci-dessus ..»
[Traduction duGreffe.]

36. Ce marchépasséavec I'IGNfut approuvépar la CBLTle 26 mai 1988.

37. En août 1988, àl'issue d'unesessionextraordinaireconvoquéeen raison d'undésaccord

au sujetde l'emplacementdubipoint CameroudNigéria,la CBLTdécidaque les expertsnationaux

devaient réglerle problèmeet élaborerdes((recommandationsprécises)).Le rapport de laréunion

des experts nationaux, qui eutlieu en septembre 1988,fait étatdes revendications divergentesdu

Cameroun et duNigéria,quis'expliquent, semble-t-il,par la divisionde la rivièrebedji(El-Beid)

en deux bras aux abords du lac. Le rapport recommande d'adopterun point obtenu par mise à

l'échellede la carte jointe au traitéde 1931 comme correspondant à l'embouchure de la rivière

Ebedji à cette date. Cette recommandation fit approuvéepar les commissaires lors de

la36"ession qui eut lieu en décembre 1988.Il n'esttoutefois pas dans mon propos d'approfondir

ici cette question.

iv) Lestravauxde démarcation de 1988à 1990

38. L'opérationtechnique de délimitationet de démarcationfit menée parIGN de 1988

à 1990et les résultatsfurentprésentéslors du 7esommet des chefsd'Etat en 1990. Les décisions

des chefsd'Etatfigurent dansla partie pertinenteduprocès-verbalet s'énoncent comme sui t

(Décisionno 1 :Rapportrelatifauxtravaux de démarcatiod nelafrontière

Considérant qu'à la date du 12 février 1990, l'entrepreneur IGN
FranceInternational a matérialisésept points principaux et soixante-huit bornes
intermédiaires;

Considérant qu'aprèsexamen de tous les documents et des travaux sur le
terrain, lesexperts ontréceptionnles travaux; Leschefs dYEtatont décidé:

- de prendre acte de laréalisationdans des conditions satisfaisantesdes travaux de

démarcation des frontières internationaleesntre le Cameroun, le Niger, le Nigéria
et le Tchad dans le lac et de charger les commissaires d'établirles documents
voulus dans un délai detrois mois et de les signer au nom de leurs pays
respectifs.)) (CMN,annexe282.) [TraductionduGrefSe.]

39. Les chefsdYEtatontreçu leProcès-verbalde bornagedesfrontièresinternationales dans

le lac Tchadadopté à N'Djamena le 14 février1990 (annexe 5 à la requête additionnelle). Les

partiesles plus intéressantesduprocès-verbal sontles suivantes

«Noussoussignés,

avons procédédu 13 juin 1988 au 12 février1990 à l'exécutiondes travaux de
délimitationet de bornage desdites frontières et soumettons à l'approbation des
gouvernements respectifs la description suivante des frontières que nous avons
bornées.

Chapitre1 Considérationsgénérales

1.1.Consistancedes travaux:

Les travaux ont consistéà reconstituerfidèlement surle terrain les indications
définissantletracédesfrontièresinter-Etats,contenuesdansles accords, lestraités,les
échangesde notes, lesconventionset les cartes en vigueur.

1.2.Tracéde lafrontière

La frontièreest tracéeen ligne droitede borneà borne, et matérialisépar des
bornes principales reliées entre elles par des bornes intermédiaires tous
les 5 kilomètres environ.Sept bornes principales sont construites aux emplacements
définisdansles texteset les cartesen vigueur.

Soixante-huitbornesintermédiairessontalignéesle long de latraverse dansles
traverses1-11,1-VII,II-Vet III-VI, et suiventla courbe du parallèlegéographiquepour
les traverses1-IVet II-III.

ChapitreVI.FrontièreCameroun-Nigérid aansle lac Tchad

Cettesection defrontièrea étéreconstituéeconformémentauxindications :

1) de l'échangede notesentre les gouvernementsde SaMajestédu Royaume-Uniet
. 29 de la France relatifà la frontière entre les zones britannique et française du
territoiredu mandatdu Cameroun,en datede Londresdu 9janvier 1931;

2) du rapport de la réuniondes experts relativà la détemination des coordonnées
de 17embouchurede l'El-Beid (Ebedji), tenue les 15 et 16 septembre 1988 à
N'Djamena,Tchad.)) 40.Il est révélateur qule premier despassagescités ci-dessusfasse mention destravaux de

((délimitationet de bornage desdites frontières)). II est clair que le «bornage» est une opération

distincte. La définitionde la ((consistancedes travaux» est particulièrement importante. Les c

travaux ont donc consisté à ((reconstituer fidèlementsur le terrain les indications définissant

[définissant]le tracédes frontièresinter-Etats,contenuesdans les accords, les traités, les échanges

de notes,les conventionset les cartes enigueur». Ceténoncéconfirmeque les travauxrelevaient

à lafois de la délimitationet de la démarcation.Il indiqueaussi que les travaux ont forcémentfait

appel à des décisionsde caractèrejuridique touchanta l'interprétationet l'application desdivers

accords internationaux.

v) La suite destravauxde démarcation

41. En novembre 1990,lors de la 39'session de la CBLT, les commissairesont décidé que

les expertsnationaux devaient reprendreleurstravaux sur le terrain, pour meneàbien des tâches

précises concernantdeux bornes intermédiaires(EPN, annexe 74, p.701). Lors des débats ausein

de la sous-commission compétente, la délégation nigériane a élm 'asis suivant qui est exposé

dans leprocès-verbal (EPN, annexe 74,p. 708) :

«Pour sa part, la quatrièmedélégation, à savoir le Nigéria, estime que les
travaux ne sont pas entièrement achevés(la borne11-111.1n'a pas éténumérotéel,es
travaux réalisés parla CBLT sont de qualitéinférieure, laborne II-V.1 qui était
implantéeau mauvais endroit n'apasété détruite,les points GPS et Azimutdes lignes

1-11et II-V n'ontpas été stabiliss,euxpoints GPSde la ligne1-11ont disparu).))

En conséquence,le Nigéria a refusé de signerle procès-verbal de bornage.Lors de la réuniondes

experts qui s'est tenue en juin 1991, le Nigéria arejetéla résolution no 10 de la 39'session

(annexe CMN 283).

42. En août 1991, àYaoundé,lors de lapremière réunion conjointe des experts nigérianset

camerounais sur les problèmesfrontaliers (il ne s'agissait pas d'une réunionde la CBLT), les

experts nigérians ontexpliqué quele retard apporté a la signature des ((documentsfinaux» de

démarcation du lac Tchadétaitdû à l'absencede certainesprécisions quin'avaientpas encore été

fourniessurquelquespointstechniques(EPN,annexe 52). Au coursde cetteréunion,la délégation

camerounaise a parléde la démarche entreprise parIGNcomme d'un exercice de ((délimitation et

de démarcation)). Lorsde la deuxièmeréunion d'expertsq , ui a eu lieu en décembre1991,on arecommandéaux deux délégationd se prendre contactavec la CBLT pour demander l'achèvement

dans les meilleursdélaisde certains travauxencore non réalis, ais cela ne devait pas ((retarder

lasignaturedurapporttechniquede la démarcationparles expertsnigérians))(EPN, annexe54).

43. Lors d'une réuniondes experts de la CBLTen janvier 1992, le Nigéria a indiqué qu'il

étaitdisposé à mettre en Œuvrela résolutionde la 39e session et à signer le procès-verbalde

bornagedes frontières(EPN, annexe 75). La commissiona pris note de l'intentiondes experts de

mettre en Œuvre la résolutionen juin 1992 au plus tard (EPN, annexe 75, p. 715). Lors de la

41'session de lacommission,en avril 1993(voir extraits du procès-verbal,a l'annexeCMN284)'

ilaété déclarqéue les expertsétaient retournsur leterrain, qu'ilsavaient définitiverégléles

questionstechniques liéesa leur mission et signélesdocumentstechniques. Cependant, en raison

d'un différendconcernant l'emplacement de la borne VI sur la frontière entre le Tchad et le

Cameroun,le commissaire duTchad a indiquéqu'ilne serait pasen mesure d'approuvercet aspect

du rapport. En l'absence d'unconsensusen faveur de l'adoptiondu rapport, il adécidé que les

documents relatifsaux travaux de démarcationseraient signéspar le secrétaire exécutft qu'ils

seraient distribuésaux commissaires,afin que ceux-ciles transmettenteurgouvernementet que

laquestionpuisseêtreréglée au prochainsommet - c'est-à-direle sommetdeschefsd7Etats.

44. Dans le procès-verbalde la 41esession de lacommission,il est faitétat dela décisionde

soumettre lesdocuments ((relatifs la démarcation des frontièràsl'approbationfinale des chefs

dYEtaett de gouvernementdesEtats membres))(annexeCMN284,p. 13,par.90).

45. Dans le procès-verbal du 8' sommet (annexe CMN 285) des chefs d7Etat et de

gouvernement,qui a eu lieuen 1994,figure,àla page 13la résolutionno5relativà la démarcation

des frontièresetà la sécuritdans la zone du bassin dulac Tchad : le document est reproduià

l'onglet83 de votredossier. Letexte de larésolution selit commesuit

((Fidèles aux principes et aux objectifs de l'OUA et de la Charte des

Nations Unies;

Conscients des lienstraditionnels qui unissentles populationsriveraines du lac
Tchad;

Résolumentdéterminés à renforcer et garantir la paix et la sécuritédans la
sous-région; Considérantque la matérialisationdes frontières a été entièremea nthevéeet
que le document technique a été signé palr es experts nationaux et le secrétariat
exécutif;

Considérantque la CBLT a le souci d'assurer le développementsocial et

économiquede lapopulation vivantdans le bassin conventionnel;

Considérant que l'insécurité necesse de croître dans la zone du bassin
conventionnel;

Considérant que les Etats membres ont la ferme volonté de résoudre le
problèmepersistentde l'insécuritédansla sous-région;

Les chefsd'Etatont décidé :

A. Ladémarcation desfrontières

- d'approuver le document technique relatif à la démarcation des frontières
internationales des Etats membres dans le lac Tchad tel que l'ont présenté les

expertsnationauxet lesecrétariatexécutifde laCBLT;

- que chaquepays devra adopterledocumentconformément à ses propres lois;

- que le document devra êtresignéau plus tard lors du prochain sommet de la
commission;

- de donner des instructions aux administrations locales et nationales des Etats
membres pour qu'elles mènentdes actions de sensibilisation en direction des
populations riveraines du lac Tchad pour le respect des frontièreset notamment
des droits,obligationset privilègesqui s'y rattachent;

- et ils ont félicité commissaires,les expertsnationaux, le secrétariatexécutiet

l'entrepreneur IGN-Francepour letravail accompli.))

Je m'abstiensde vouslirela section B relativeaux questionsde sécurité.

46. Il est donc prévu dans cette décision des chefs d'Etat d'approuver le «document

technique relatifàla démarcationdes frontièresinternationalesdes Etats membres», sous réserve

de son adoptionpar chaque Etat membre ((conformément à ses propres lois» et sous réservede sa

signaturelorsdu prochainsommetde lacommission.

47. Lors du neuvième sommet (dont le procès-verbal figure à l'annexe 286 du

contre-mémoire duNigéria) tenlu es 30 et 31octobre 1996,les chefsd'Etatet de gouvernement ont

adoptéladécision no2 (p. 11)(le documentest reproduità l'onglet 83):

(Rapport des Etats surla ratiJicationet la signaturedu documentrelatif à la
démarcation desfrontières

Considérantle pointde l'ordredujour visantla ratificationdu documentrelatif
à ladémarcationdes frontières; Considérant qu'ils'agit d'une question sensible eu égard aux événements
récents;

Considérantqu'il imported'assurer la paixet latranquillitédansla sous-région;

Vu l'absence deschefsd'EtatduCamerounet duNigéria,

Leschefsd'Etatontdécidé :

- de reporteràplustard l'examende la question;

- de donner pour mandat au présidentdu sommet d'intervenir, à travers des

consultations ou réunionsavec les deux chefs d'Etat du Cameroun et du Nigéria
en vue de trouver au problème une solution à l'amiable, dans l'esprit de la
fraternitéafricaine.»

Les chefsdYEtap t résentsétaientceux du Tchad,duNiger, et de laRépubliquecentrafricaine.

48. Dans le procès-verbalde la quarante-quatrièmesession de la commission du bassin du

lac Tchad tenue a N'Djamena du26 au 28 octobre 1996, qui reprend le texte des résolutions

adoptées,iln'estpas fait étatde la questionde la délimitation danslelac TchadN, annexe103).

49. Il n'est pas non plus fait mention de la question de la délimitationdans les résolutions

adoptéespar la commission lorsde sa quarante-cinquièmesession en 1998(DN, annexe 104)ou

lors de sa quarante-sixième sessionen 1999(DN, annexe105).

50. Lors du dixième sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu

le 28juillet 2000àN'Djamena il n'a pas étéfait étatde la questiondes frontièresdansle lacTchad

(voir DN, annexe 106et les documents reproduits à l'onglet 83). La situation est par conséquent

demeuréeinchangéedepuis leneuvièmesommettenu en 1996.

vi) Le Nigériajouissait d'un pouvoir discrétionnaireen matièred'acceptation de la

décisionprise par leschefs d'Etaten 1994

51. Le Gouvernement nigérian n'apas jugé opportun d'approuver le document technique

relatifà la délimitatiorddémarcatioprovisoirement adopté en1994. Le Gouvernementnigérian

estime que, du point de vue juridique, chaque Etat membre de la CBLTjouit d'un pouvoir

discrétionnaireenmatière d'acceptationde la décision provisoire prise par lechefs d'Etat. Cela

étaitmanifestementle point de vue adoptépar les chefs dlEtatlors du neuvième sommet, en 1996.De toute façon, le principequi s'appliquà la CBLT en matièrede vote est celui de l'unanimité,

comme le prévoitl'articleX du statut.Lors de ce premier tour,M. Cot a laisséentendre que le

Nigéria était automatiquement lié parles décisions des expertsmais il n'a pas étayécette

affirmation.Il ressort clairementde la pratiquede la CBLTque les décisionsfinales relevaient de

laprérogativedes chefsd7Etatet seulement deschefsdYEtat.

52.La position duNigériacorrespond à unepolitiqueet àune démarchejuridiquesaines. Le

règlementrelatifà la frontièresoulevaitdes questionsde fond, qui n'avaientréglées ni en 1919

ni en 1931et qui sontrestéessanssolutionau momentde l'indépendance.LeNigéria ades intérêts

considérablesdanslarégion; une population importante deNigériansvit dans lesvilles et villages

qui setrouvent sous sa souveraineté.

53. A la lumière deséléments de preuve, on ne peut que conclure raisonnablement que les

travaux de la CBLT n'ont pas abouti à un résultatdéfinitifet obligatoiàel'égard du Nigéria.

M. Cot l'a reconnu lors de ce premier tour (CR200212,p. 36, par. 66). Puis, il a ajoutéque le

Nigérian'en a pas moinsaccepté,de par son comportement,les prétendues délimitations d1 e919

et 1931. Ce que le Nigériaconteste. En tout étatde cause, l'affirmation contientune pétition de

principe. Il n'y a eu, ni en 1919,ni en 1931,de délimitationdéfinitivequi aurait pu faire l'objet

d'uneacceptation.

54.M. Cot a répétél'argumentdéjàconnuselon lequel ilexisteune frontièrebien établiesur

le lac Tchaddepuis 1919 etfou 1931(CR 200212,p. 18-21,par. 1-13). Pour insistersur l'existence

d'untitre conventionnel,le Camerounse fonde sur la déclarationThomson-Marchand,qui revêtla

forme de l'échangede notes anglo-françaisdu 9janvier 1931. Néanmoins,cet échange delettres

de 1931 ne fixait pas de manièredéfinitivela frontièreanglo-française, mais prévoyait qu'une

commission de délimitationprocéderait à la délimitation de la frontière.C'est ce qu'indique la

note britannique,qui faitpartie de l'écha:ge

((2.Le gouvernement deSa Majestéestime lui aussi que,comme vous le faites
observer, cette déclaration [ladéclaration Thomson-Marchand] n'est pesproduit des
travaux d'une commission de délimitationconstituéeaux fins de l'applicationdes
dispositions de l'article 1 du mandat et ne résulte qued'uneenquête préliminaire
menéeen vue de déterminer,de façon plus préciseque cela n'avaitété fait dansla déclarationMilner-Simonde 1919,la ligne que la commission de délimitation devra
suivre en fin de compte; que, néanmoins,la déclarationdéfinitla frontière pour
l'essentielet qu'ilest doncsouhaitableque l'accordqyiest contenu soitconfirmépar

les deux gouvernements afinque la délimitationeflectivede laffontièrepuisse être
conjîée à une commissionde délimitationnommée à cet effet conformémentaux
dispositionsde l'article1du mandat.

3. Le gouvernement de Sa Majesténote que le Gouvernementfrançais, par la
note susmentionnée,confirme, pour sa part, l'accord incorpodans la déclaration;et

j'ai l'honneur,en réponse,d'informer Votre Excellence parla présentenote que le
gouvernementde SaMajestéconfirmede soncôtécet accord.

4. En conséquence,le gouvernement de Sa Majestédans le Royaume-Uni
estime, comme le Gouvernementfrançais, que la délimitation proprement ditp eeut
maintenantêtreconfiée à la commissionde délimitationqu'envisage à cet efSet
l'article1dumandat.))(CMN,annexe CMN54;les italiquessont de moi.)

55. Il est claàla lecturedu textede l'échangede notes que les arrangements concernaient

essentiellementle programme àsuivre. L'échange de notes n'a pas donnélieu à une délimitation

sur le lac; il n'est donc pas étonnantque, lorsque la CBLT a entrepris les travaux de délimitation

en 1984,l'échangede notes n'ait pasétéconsidércé ommedéfinitif. MalheureusementM , . Cot n'a

pas,devant laCour,rendu comptede cestextes d'unefaçon suffisammentprécise.

La pratique desEtats riverains

56. Monsieur le président, ily a lieu de soulignerque le Nigérian'est pas le sàupenser

que la frontièren'a jamais étédélimitée de manièredéfinitive. C'étaitaussi ce que pensait la

CBLT elle-même lorsqu'elle s'est lancéedans une démarche visant,sous réservede sa propre

lexspecialisentant qu'organisationà établirfinalementune délimitationdéfinitive.Et c'est aussi

l'avisde la majoritédes Etatsriverains tel qu'il s'est exprimé dans leurcomportementen dehors

des structures de la CBLT. C'est ainsi que le Nigériaa acceptéau cours des derniers moisde

participer,au sujetde la frontièredansle lac Tchàddes pourparlers bilatéraavec leTchadet le

Niger respectivement. D'autrespourparlers sont envisagés.Rien ne sauraitdonc expliquer avec

plusde clartélasituationtellequ'elle existeréellement.

Lasituationjuridique actuelle

57. Du pointde vuejuridique, lasituation actuellepeut serésumercommesuit :

Premièrement :Les travauxentreprispar la CBLT portaientà la fois surla délimitationet la

démarcation. Deuxièmemen t Les instruments conventionnelsdatant de la périodecoloniale n'ont pas

délimité de manièr deéfinitivelafrontièredansle lacTchad.

Troisièmemen t Les travauxde la CBLTn'ont pasabouti à unrésultatqui fûtjuridiquement

contraignantpour leNigéria.

Quatrièmemen t En toutétat decause,les travauxvisantàaboutir àune délimitation globale

des frontièresdans le lac Tchadlaisse intactsur le planjuridique letitre que possèdele Nigériasur

certainssecteursdonnésde larégiondu lacTchad du fait dela consolidationhistorique desontitre

et de l'acquiescementdu Cameroun.

Je vais maintenant traiterdesfondementsdu titrenigérian.

Introduction :Fondementsdutitre nigérian

58. Pour leNigéria,la revendicationdu titre sur Darak et les villages avoisinantsreposesur

les trois fondementssuivants:

1) une occupation de longue duréepar le Nigériaet par des ressortissants nigérians, laquelle

constitueuneconsolidationhistoriquedutitre;

2) une administration exercée effectivementpar le Nigéria agissanten tant que souverain, et

l'absence deprotestations;

3) des manifestations de souverainetépar le Nigéria, parallèlement à l'acquiescement par le

Cameroun à lasouverainetéduNigéria surDaraket lesvillages avoisinantsdu lac Tchad.

59. Ces trois fondementsde la revendication sontvalablestant isolémentque conjointement.

Selon leGouvernement nigérianc ,hacun deces fondementsdu titre suffiraitàluiseul.

60. Les villages situésdans le lac Tchad, pour lesquelsle Nigériaet le Cameroun sont en

désaccordsont,commeje l'aidéjà indiquéé , numérésà l'ongletno71de votre dossier.

61. On peut voir comment se répartissent les villageset les zones adjacentes sur la carte

figurantsous l'ongletno71.

62. Quelquesvillages se trouvent bien à l'ouest ou au sud de ladémarcation provisoiredes

frontièresdu lac Tchad, réaliséepar IGN, mais la plupart sont situésà l'est. Pour le Nigéria,sa

positionjuridique se fonde notamment surle principe que le titre sur les villages citéslui revient,

indépendammentdu statut actuelde la délimitationentantque telle. 63. Dans ce cadre général,il convient de rappeler que si l'application du principe de

l'utipossidetis n'a aucun effet décisif, le comportement des parties ((revêtune importance

particulière)),comme la Chambre de la Cour l'a précisédans l'affaire du Dzflérendfiontalier

terrestre, insulaire et maritime. Comme le Gouvernement nigériana déjàeu 170ccasionde le

souligner,la Chambremet l'accent,dans plusieurspassagesimportants, sur le rôle déterminant de

l'acquiescement et de la reconnaissancepar rapport au principe de l'uti possidetis. Je citerai le

texte dansune autresection demonexposé.

64.Les villagesdu groupedontje parlesont situés surdes îles, ou d'anciennesîles, établies

sur le lit du lac Tchad. Les dates de fondation de la majoritédes villages sont énuméréeà la

page4 15 du contre-mémoire.

65. Le village le plus ancien,Katti Kime,a étfondéil y a quarante ans,tandis que la plus

récente implantation,Murdas, remonte àtrente ans. La majoritéde ces villages existent depuis

vingtà quaranteans.

66.Les pêcheurs et les agriculteursquiont fondécescommunautésmenaient leur activitéen

toute liberté, pacifiquement,et le systèmeadministratifmis en place aprèsl'établissement de ces

villageset gérépar le gouvernement localdeNgala étaitégalementsouple et pacifique. A aucune

date antérieureàla procédure actuelledevantla Cour le Gouvernementdu Cameroun n'a émis de

réserveni de protestation.

67.J'ai déjàparlédes éléments constitutifse la notionjuridique de consolidationhistorique

du titre lors de monpremier exposéde cetour. Je vais présenttraiter des éléments constitutifsde

laconsolidationhistoriqueen cequi concerne la revendicationduNigéria surle lacTchad.

Leséléments dlea consolidationhistoriquedutitre nigérian

i) L'attitudeet les attachesde la populationde Darak ainsi que des autres villagesdu
lac Tchad

68. Le premier de ces éléments correspond à l'attitudeet aux attaches de la population de

Darak ainsi que des autres villages. Nous avons déjàexaminé quellepertinence juridique

revêtaientl'attitude et lesattachesde la population demeurantdans le territoire en question pour

Bakassi. A l'instar des habitants de Bakassi, ceux de ces villages du lacTchad se considèrentcomme desNigérians. Des notes établiessur le moment quirendent compte d'entretiens avecles

bulamas (chefs) des villages, en mai 1998, témoignent du profond sentiment d'allégeance

manifesté par la populationde cetterégionvis-à-visdu Nigéria. Ces notes figurenà l'appendice

du chapitre 17du contre-mémoire.

69. Mêmeles résidentsnon originaires du Nigéria acceptentl'autorité nigérianeet paient,

sans protester, l'impôt locàlcet Etat, comme en témoignentles entretiens avec les bulamasde

Doron Liman, Katti Kirne, Darak, Kafuram, Sagir et Kirta Wulgo, comme le montre la figure

projetée à l'écran qui se trouve dans le dossier des juges (onglet73). Conformémentaux

allégeancesde la population,lesulamasdesvillagesreconnaissentl'autorité nigériane.

70. La majoritédes résidents sontissus de tribus nigérianes,dont les Kanuri et les Hausa

constituent les groupes les plus importants, et ne parlent pour la plupart que les langues Kanuri

et Hausa.

ii) Lesliens historiques

71. Les liens historiques existantdans la régiondu lac Tchad sont le deuxième élémenàt

évoquer. L'histoire delarégiona étédécriteen détailau chapitre 12ducontre-mémoire. L'histoire

de l'émiratde Bornou remonte à 1386,lorsqu'une branchedes Kanuri de l'empire deKanem fait

défectionetpart s'installerdans larégion situeu sud etàl'ouest du lacTchad. L'administration

mise en place dispose d'une structure politiqueet sociale organisée,qui lui permet de devenir

puissanteetprospère.

72. Vers 1800, l'Empire de Kanem,jadis grandiose, s'étiole et devientune province de

1'Emiratde Bornou, dont les confins s'étendenttout autour du lac Tchad. Pendant la première

moitiédu XIXe siècle,malgréles luttes et des guerres menées contrel'Empire Fulani, bordant

Bornou à l'ouest, lYEmiratde Bornou conserva son indépendance ainsi que le système

d'organisation traditionnel, le dirigeant politique étant appeléshehu. Depuis toujours, la

populationde cette zoneprête allégeance ashehuet c'est encorele cas.

73. Cepouvoir traditionnelestpréservésousla brèvepérioded'administrationfrançaisepuis

sous l'administration britannique. Les Britanniquesont mis en place un régime d'administration indirecte, par lequel le shehu conserve une grande partie de ses pouvoirs et de son autorité, bien

qu'il soit placésous la protection de l'Empire britannique. Mêmeles Allemands, qui ont créé

en 1902 un émiratrival, celui de Dikwa, conservent le système des souverainstraditionnels et

nomment un shehu à Dikwa. Après 1916, lorsque la Grande-Bretagnese charge de

l'administrationde Dikwa,cet émirat devintune subdivisionde Bornou.

74. Toute la région, y comprisla zone du lac Tchad, est placéesous le pouvoir et l'autorité

de lYEmiradt e Bomou depuisplusde cinq centans.

iii) L'exercicede l'autoritépar les chefstraditionnels

75. Le troisième élémend tu titre nigérian par consolidation historique correspond à

l'exercice de l'autorité ples chefstraditionnels. Ceux-ci occupenttoujours une place importante

dans la sociétnigérianeet au seinde la structure socialede la régionde Bomo et du lac Tchad. La

populationde la région prête encoreprincipalemea nltlégeanceau shehude Borno.

76. Le shehu est le chef officiel d'un systèmeadministratif complexe et le présidentdu

Conseil de 1'Emirat. La fonctionde shehu est héréditaire,ien qu'il soit choisipar le Conseilde

lYEmiratet qu'il soitapprouvéetintronisépar le gouvernementde 17Etatfédéré.

77. Au Conseil de lYEmirat,qui est le conseil exécutif traditionnel,les sièges sont pour la
3 8
plupart héréditaireset lmembressont désignée st consacréspar leshehu.

78. Le shehu est assistépar l'ajia (chef de district)et le lawan (chef de sous-district). Bien

que ces deuxfonctionssoienthéréditaires, les candidatssont désignést consacréspar le shehu.

79. Le chef de village est lelama. Il est responsable du maintien de lapaix, de l'ordreet

du respect des lois ainsi que du recouvrement des impôts au sein de son village. Le bulama est

choisi par le lawan en concertationavec les anciens de la localitéet sous l'autoritédéléguée du

shehu.

iv) Le peuplementdela régionpardes ressortissantsde1'Etatrevendiquant

80. J'en viens à présentau quatrième élément.Comme le Nigéria l'a exposé dans son

contre-mémoire,ilne saurait faireaucun doute quel'établissementde longuedate de ressortissants

de 1'Etatauteur de larevendicationjoue unrôle importantdans la constitutiond'untitre parvoiede

consolidation historique. La jurisprudence des tribunaux internationaux considère d'ailleursque l'implantation de ressortissants est un facteur pertinent.On se reportera à ce sujet aux

paragraphes 10.50 à 10.55 du contre-mémoire(p. 234-237). Dans la jurisprudence citée,il y a

notamment l'arrêtrendu par la Chambrede la Cour en l'affaire duDzflérendfuontalierterrestre,

insulaire et maritimeC.I.J.Recueil1992,p. 147,par. 180;et ibid.,p. 516,par. 265).

81. Les villages revendiqués par le Nigéria sonthabités par des Nigérians qui sont

majoritairesdans tous lesvillagesl'exception d'unseul (où les Maliensforment la majoritémais

vivent très bien sous administration nigériane). Aucunde ces villages, absolument aucun,ne

compteunpourcentageimportantdeCamerounais.

v) Les actes d'administrationdu gouvernement fédéraldu Nigériaet de 1'Etatde

Borno

a) Introduction

82.Comme leNigéria l'a signalédans son contre-mémoire, un élément majeuur processus

de consolidation historique est la preuve d'une possessionet d'une administration paisibles

consistant en des actes impliquantune manifestation de souveraineté) l'égarddes villages du

lacTchad (voir l'affahe des Minquiers et Ecréhous)ou en des «actes [présentant]un caractère

permettant de les considérercommeune manifestationde l'autoritéétatique))sur ces villages. Je

me réfêreici aux critèressuivis par cette mêmeCour en l'affaire des Minquiers et des Ecréhous

(C.I.J. Recueil1953,p. 58et 71).

83.Nous allons donc examiner maintenant les élémentq sui attestent que le Nigériaexerce
3 9
une administrationet uneactivitéétatiquepaisiblesdans lesvillages contestés.

b) Le maintien de1'ordrepublic

84. Tout d'abord,je vais examiner les éléments depreuve relatifs au maintiende l'ordre

public. L'illustrationpertinente figuredans le dossierdesjuges (onglet 74).ssortdes notesqui

figurentà l'appendice du chapitre 17du contre-mémoireque c'est le gouvernementfédéralqui a

établile commissariat de policeà Darak, et ce en 1981 (je vous renvoie à l'annexe 107 à la

dupliqueduNigéria,oùon trouve également des renseignements sur despostes de police nigérians

à Wulgo,Chika7a,KirtaWulgo etDoronMallam). 85.Il y a aussi une unitémobilede police postàeDarak. L'annexe 108de la duplique du

Nigériadonneune idéedu rôle généraq lu'elle joue danslemaintien del'ordrepublic,par exemple

en 1987-1988. Il y a en outre un poste de policà Kirta. La présence policièrefait échoà

l'importanceque revêt larégion. Darak qui est le centre administratif locala 20 000habitants,et

Kirta Wulgoen comptesix mille.

86.Il est arriàéplusieursreprises parle passéquedesbandes arméesvenues d'autres pays,

plus particulièrementdu Tchad, malmènentdespêcheurset villageoisnigérians,leurextorquantde

l'argent et commettantdans un ou deuxcas des délitsbeaucoupplus graves.epetitcommissariat

de police de Darak ne dispose normalement pas des moyens nécessaires pour fairefaceà une

situation aussi grave. Oncontactealors le président dela collectivitélocale deNgala qui sollicite

l'aide du gouverneur de 17Etatde Bomo. Ce dernier fait ensuite appelà des unitésde la

vingt-et-unième brigadeblindéede l'arméenigérianequi est basée Maiduguri. Cestroupessont

envoyéesdans la régionpour maintenir la paix et protégerles villageois et pêcheurs contrede

nouvelles attaques ou exactions. Une unitéde l'arméeest actuellementpostéeDarak pour faire

face àlamenacequereprésententlesbanditsvenant duTchad.

87.Le quartier général divisionnaire dlea police est iàsGamboru sur leterritoirede la

collectivité localede Ngala. Les documents ne manquent passur le fonctionnementdes services

policiers de la divisionde Gamboru-Ngala. Ily a notammentles listesdes commissariatsdepolice

et le détaildes affectations dans les villages nigérians, notammentà Kirta Wulgo, Darak,

Doron Mallam, Chika'a et Katti Kime, pour la période allant de 1987 à l'an2000

(DN, annexe 109). Il y a en outre lamain courantedu commissariatde police de Ngalapour 1987

4 Q et 1988 et pour les villages suivant: Jribrillaram, Kasuram Mareya, Doron Mallam, Darak,

Katti Kimeet Kirta Wulgo (DN, annexe 110). L'emplacement deces villages est indiquésur la

carte qui figuredans ledossier desjuges (onglet74).

88. On dispose de rapports de police pour la périodede 1987à 1991 (DN, annexe 111).

Ceux-ci émanentdu quartier généradlivisionnairede Ngala, de Doron Mallamet du commissariat

de police de Darak. Il est par exemple fait état, dansun rapport du 2 février1989émanantdu

commissariat de police de Darak, d'une infraction signaléepar un habitant du village dein

Dorinna. 89. La police,en collaborationavec le département fédéales pêchesdans 17Etatde Borno,

a égalementparticipéà une opération de surveillance liela pratique d'une technique depêche

dite«dumba»,quinécessitedesbarrières (DN,annexe 112).

Monsieur leprésident,avecvotrepermission,est-ceun momentopportunpour une pause ?

Le PRESIDENT :Eh bien, professeurBrownlie,si lemomentest opportunpourvous, il l'est

pourla Cour. Nousallons donc suspendrepourunedizainede minutes.

L'audienceestsuspenduede II h20à II h30.

Le PRESIDENT :Veuillez vous asseoir. La séance est repriseet je donne la parole au

professeurIan Brownlie.

M. BROWNLIE :Je vous remercie,Monsieurle président.Je vais poursuivremon examen

desmanifestationsde souverainetéduNigéria danslarégiondu lacTchad.

C) Lafucalité

90. La fiscalitéest un élémenitmportantde cetableau des manifestationsde la souveraineté.

Lesvillages du lacTchad versenttous un impôt localhardi)à la collectivitélocale deNgala dans

17Etatde Bomo. Un extrait du livre de caisse constatant les rentrfiscales pour 1991figurà

l'annexe288 du contre-mémoireduNigéria. On trouverades exemplesde quittancesde versement

de cet impôt pour1991 à l'annexe289 du contre-mémoiredu Nigéria. Ces documents concernent

les quinze villages suivants, qui sont énumdansvotre dossier d'audience (onglet)et dont la

liste va êtreprojetéà l'écran:Chika7a,Darak, Dororoya, Fagge, Garin Wanzam, Gorea Gutun,

Kafuram, Katti Kime, Kirta Wulgo, Mukdala, Murdas, Naga'a,Njia Buniba, RarninDorinna et

Sagir.

91. Des extraits des livres de caisse constatantle versement de l'hardi pour le village de

Wulgo en 1989 et 1990 sont reproduits aux annexes 113 et 114 de la duplique du Nigéria. Ces

documents concernent les quinze mêmesvillages ainsi que trois autres, savoir Gorea Changi,

Kamunnaet Sokotoram. 92. Les habitantsdes villages versent égalemenutn impôt sur lebétail(jangali)aux autorités

de 1'Etat de Borno. Je vous renvoie à l'extrait du livre de caisse du jangali pour 1990

(DN,annexe 115)qui vise Naga'a,Katti Kimeet Darak. Il est égalementfait état duversementde

l'impôtsur le bétaildans lesnotescontemporainesjointes au chapitre 17du contre-mémoire.

93. Des extraitsdes livresde caisse concernantle paiement de la taxe pour l'éducationdans

le village de Wulgo en 1988et 1989 sont reproduits aux annexes 116 et 117 de la dupliquedu

Nigéria. Ces documents concernentles villagessuivants :Chika'a,Darak, DarakGana, Dororoya,

Fagge, Garin Wanzam, Gorea Gutun, Kafuram,Kamunna, Katti Kime, Kirta Wulgo, Mukdala,

Murdas,Naga'a, Naira,Njia Buniba,RarninDorinna,Sagiret Sokotoram.

94. Les habitants versentdonc aussi unetaxe pour l'éducation.On trouvera des extraits du

livre de caisse de la taxe pour l'éducationainsi que des quittances de versement pour 1991 à

l'annexe290 du contre-mémoiredu Nigéria. Ces documents concernent les villages suivants :

Chika'a, Darak,Kafuram,KasuramMareya, Katti Kime,KirtaWulgoetNaira.

95. Les habitants de cesvillages acquittaieàtl'origine toutesces diversestaxesà l'autorité

autochtonede Dikwadans lesannéessoixanteet soixante-dix. Depuisles années quatre-vingt,ils

lesversent à la collectivitélocalede Ngala. Ontrouve d'autres quittancesde versementde l'impôt

local(haraji)et de lataxe pourl'éducationà l'annexe 118de la dupliquedu Nigéria.

96. Le rôle nominatif de la taxe haraji du village de Wulgo pour l'exercice 1973-1974

mentionne notamment Chika'aet Naga'a (DN, annexe 119). Le rôle nominatifde la taxe locale

pour 1980-1981 cite notamment Katti Kime et Naga'a (DN, annexe 120). Sont également

disponiblesles rôles nominatifsde la taxe locale pour lesexercices 1982-1983et 1984-1985. Des

extraits ensont reproduitsauxannexes 121et 122de ladupliqueduNigéria. Surces rôles figurent

les villages de Chika'a,Darak, Doron Mallarn,Dororoya, Fagge, Garin Wanzam, Gorea Changi,

Gorea Gutun, Kafuram, Katti Kime, Kirta Wulgo, M,ukdala, Murdas, Naga'a, Njia Buniba,

RaminDorinna et Sagir.

97. En 1975, lechef de district de Ngala a adressé auchef du village de Wulgo la lettre

suivante :

«Je vous écrispour vous informer que des nomades fulanis commencent à
s'attrouperen grand nombredans votreterritoire. Ils se trouvent actuellement dans la
région dulacTchad dansles paragesdeKatti Kimeet de KirtaWulgo. Au vu de ce qui précède,je vous envoie deux de mes gardes de corps qui
devraient sejoindreà vos hommespour se mettre en rapport avec ces personnes
de recouvrer l'impôtde capitation.)) (DN,annexe 123) [Traductiondu Grefe.]

98. Il convient de mentionnerà cet égardun autre élémentd'une très grande importance.

Les habitants de ces villages ne se sont jamais acquittésde l'impôt auprès des autoritésdu

Cameroun. Il est d'ailleurs établique les habitants ont refuséde le faire lorsque des agents du

Cameroun sont venus dans leurs villages. Je vous renvoie à présentaux notes contemporaines

concernantces villagesreproduitesàl'appendice du chapitre17du contre-mémoire.

d) Les associations

99. Le caractère nigériandes villages est confirmépar les activitésdes associations. Les

pêcheurs de la régiondu lac Tchad se constituent enassociationsqui ontpour vocation d'améliorer

les conditions d'existence de leurs membres, au profit desquels elles demandent des prêts et

d'autres formesd'aides auprèsde la collectivitélocaledeNgala. Le remboursementdes emprunts

consentisdans ce cadredonne lieuà ladélivrancede quittances(annexe DN 124).

e) Le recensement

100.Le recensement est une manifestation classique de souveraineté; orl,e bureau national

nigériandu recensement (NigerianNational Censm) et la commission démographiquenationale

(NationalPopulation Commission)ont recenséla populationen 1973et en 1991,respectivement.

Darak et les autres villagesde cetterégionfiguraientdanslazone de recensementdeWulgo.

101. Les documents dont nous disposons concernentdes demandes de remboursement de

fiais de transport établiesen décembre1973 par le chef de village de Wulgo pour ledéplacement

de l'agent recenseur et de contrôleurs deamboru dans des villages de la régiondu lac Tchad

(dont Chika'a) lors desjournées de recensement (annexeDN 125). La demande fournie à titre

d'exemple est adresséeau responsable de la division de recensement de Gamboru-Ngala,par

l'intermédiaire de son assistant. Les résultats du recensement de 1991 figurent à

l'annexeCMN 292.f) L'administrationdelajustice

102.J'aborderai maintenantla question de l'administration delajustice. Les villages sont

intégrés au systèmejudiciaire nigérian.Les différendssurvenant dans les villages nigérians sont

jugés par le tribunal de Wulgo, dont les décisions sont susceptibles de recours devant une

juridiction de deuxièmeinstance, 1'UpperArea Court de Ngala. Les documents disponibles se

rapportentaux années1981-1982 (annexesDN 126et DN 129). Les parties àces litiges habitaient

Darak,KirtaWulgo etNa'aga. Lesdocumentsqui nous intéressenticifigurent sousl'onglet76.

g) L'enseignement public

103. Les services de la collectivité localede Ngala ont construit des écoles primaires à

Chika'a, Naga'a, Darak et Kirta Wulgo :je vous renvoie à l'onglet77 et à la carte actuellement

projetée àl'écran. Les enfants dKe afuramfréquententl'écolede KirtaWulgo.

104.En août 1976, lesecrétaire àl'éducationde Ngala a reçudu chef de ce district la lettre

suivante

«Je me permetsd'attirervotre attention sur lebesoin deconstruirede nouvelles
classesdans la régiondu lac.

Il faut construiretroisclassesdansdes secteurstels queKirtaWulgo,Chika, ..

Dès quevous serez prêtj ,e crois que le chef de la circonscription de Wulgo

(Lawan)se fera unplaisirdevous montrerun emplacement.

J'espèrequevous comprenez.))(AnnexeDN 130.)

h) Santépublique

105.Les servicesde la collectivitélocalede Ngala et de 1'Etatde Bomo ont mis en place un

systèmesanitaire dans les villages du lac Tchad, comprenant la fournituresur place de soins et

Naga'a et Kirta Wulgo possèdentchacun leur propre
diverses formes de médecine préventive.

dispensaire. Je vous renvoieicià l'onglet78.

106. Lesvillages de Chika'aet de Darak bénéficiend tes services de dispensaires mobiles.

Les résidentsde Kafuramfréquententle dispensairede Kirta Wulgo. Les dispensaires mobilesdu

ministèrede la santérendentcomptechaquemois de leuractivitéau directeur générad lu ministère de la santéà Maiduguri. Ainsi, dans une lettre datée du 13juillet 1988,l est mentionnéque le

dispensairemobile «a quitté Maidugurile 4 juin 1988en directiondes villages suivants, sisurs

le territoire [de la collectivité locale]de Ngalao Kirta, Kirta Wulgo ..Darab. Le nombre

d'habitantsdeDarak atteintsde rougeoleet de coquelucheest indiqué(annexeCMN 295).

107.Le départementde soins de santéprimairesde la collectivité localede Ngala a mis en

placeun systèmede luttecontre les maladieset demédecinepréventive dansles villages. Leposte

de santéde Daraka d'ailleurs abritél'undes dispensairescréés par lcollectivitélocale deNgala

(annexes Ch4N296 et 297).

108. Les autoritésde Maiduguri ont pris les mesures qui s'imposaient dès qu'elles ont eu

connaissance d'épidémied se rougeole et de coqueluche survenues à Darak (annexes CMN298

à 302), et c'est auprès d'ellesqu'ont étédemandésles médicamentset l'assistance médicale

nécessaires.Un rapport de novembre 1994fait étatd'une épidémid ee choléradans les villagesde

Darak,Chika'a,Naga'a et Sagir (annexeCMN 303).

109. Des cas de vomissements et de diarrhéedans les villages ont ététraités grâce à

l'intervention de l'Unitéde lutte contre les maladies (Diseme ContPoIUnit) des services de la

collectivitélocale de Ngala (annexe CMN 304). Un rapport détaillédatant du 22 novembre1994

décritla situation Chika'a, Dororoya,Naga'a et Darak (annexe CMN 305). Des rapports plus

4 4 récents rendentcompte de la situatioà Chika'a, Dororoya,Naga'a et Darak (annexesCMN306

et 307).

110. Par ailleurs, ledépartementde la santé publique delacollectivité localede Ngalamène

un programme de prévention des épidémiese,n collaborationavecle ministèrede la santéde17Etat

de Bomo (annexes CMN 308 à310). Le programme comprendune campagne de vaccination,

toujoursen cours(annexeCMN 311)'etun programmede suividesmaladies infectieuses.

11 1.Une lettreadresséele 24novembre1992par la cliniquede KirtaWulgo au coordinateur

du départementdes soins de santéde la collectivitélocale de Ngala fait état d'inondations

(annexe CMN313). 112. Une lettre du 27 novembre 1992 du départementde soins de santéprimaires de la

collectivité localede Ngala est intitulée((Rapportsur les inondations surveàuDarab. Elle

indique que 15personnes ont été blessées, alorqsu'elles fuyaient devant les eaux déchaînées

(annexe CMN314).

113. Une lettre du 3 août 1993 adresséeau coordinateur des soins de santé par le

départementdes soins de santéprimaire deKattiKime, de la collectivité localede Ngala, fait état

d'une épidémie de rougeole. Le nomet l'âgedes enfants de Katti Kime atteints de cette maladie

sont mentionnés (annexeCMN 315).

114. Dans une lettre du 31 mai 1996 adressée au responsable de la salubrité de

l'environnement à Maiduguri, le responsable sanitaire de Garnboru signale une épidémiede

gastro-entérite Darak et formule des observations sur les mesures prises par le conseil local

(annexe DN 132). Une antenne d'interventionsanitaire a étémise en place à Darak pour lutter

contre l'épidémie (annexCeMN 312).

115. Le 25 août 1996, l'unitédu village de Darak a adresséau chef de district de la

collectivitélocaledeNgala une lettreannonçantune épidémiede choléraà Chika'a età Naga'a et

demandantde l'aide(annexe CMN316).

116.Depuis 1977(au moins),le départementde la médecineet de la santé dela collectivité

locale de Ngala se préoccupede l'assainissementdes villages(annexe CMN 317). En particulier,

des mesuresont été prises pour mettre enplaceun systèmed'assainissement etde traitementdes

eaux àDarak(annexeCMN 318).

i) Compétencesgénérale de l'administration

117.J'en viens maintenantaux compétences générale de l'administrationdans la régiondu

lacTchad. Une lettreadresséele le*juillet 1996par le département desservices administratifsde

17Etatde lacollectivitélocaledeNgala auprésidentde cettedernièreexplique:

«Bien que la police et ce service aient intensifiéleurs efforts communs pour
contrecarreretlou empêcher l'utilisation ultériees «dumbas» sur les rives du lac
Tchad qui relèvent des eaux territoriales nigérianes,la situation est toujours très confuse ... Le 18 juin 1996, dans le cadre de ses efforts répétép sour mettre
définitivementfinà l'usage de dumbassur les rives du lac Tchad, la police a entendu
et inculpéle chef de la communautéHausa à Darak,un certain Mohammed Dan
Lansu, et le secrétairegénéralde la société Darak Co-operative Multipurpose
Sociew Ltd,Ali Mohammed.))(AnnexeCMN 319.)

118. Une correspondance inteme du conseil de la collectivité localede Ngala, porte sur la

démolitionde piègesà poissons«dumbas»par l'armée nigérianeC . ette interventiona eu lieu dans

larégionde Daraket l'arméeest restéeàDarak pendant l'opération (annexeMN 322).

119.Une lettre du 18 septembre1996adresséeau chef de district deNgala par le conseilde

lacollectivitélocaledeNgalaexplique :

«Je suis chargé devous écrir..et de vous informerde la décisionprise par les
membres du comitéde sécuritéde démettreBularna Dan Lantso de ses fonctions de

bularnadeDar&.» (Annexe CMN323 .)

120. La nomination des chefs de village (bulama) relevait traditionnellement de la

compétencedu shehu de Bomou. Aujourd'hui,bien que cette nominationdemeure du ressort du

shehu ou du lawan,elle doit êtreapprouvéepar l'administrateurmilitaire deEtatde Bomo, qui

peut, le cas échéant,ommerou démettreun bulama (annexe CMN 294). Les salaires des chefs

sontpayéspar l'instance compétentede lacollectivitélocale.

121. Je vous renvoie àprésent à l'onglet79. Dans une lettre du 29 avril 1969,le chef de

districtde Ngala, chargédenommer leschefsde circonscription dans la régidu lac Tchad,donne

lesinstructionssuivantesau chef de villagede Wulgo

4 6 «Les présentesvous informentque vous devez vous rendre à KirtaWulgo et
installer le bulama Malum Fannarnien qualitéde chef de la circonscription de Kirta
Wulgo.

Vous ferez égalementsavoir à la population de la régionque le temtoire du
Bularna engloberaNdigiri, Yenva Kura, Kusama, Sigal ainsique toutes les villes du
lac.)) (AnnexeDN 133.)

122. Dans une lettre du 15 mai 1969,le chef de district de Ngala charge le mêmechef de

village«de se rendreà la ville de Chikaet d'installer lebulama Kachalla en qualitéde chef de la

circonscription dehikm (annexeDN 134). 123.Dans la correspondance datantde févrieret de mars 1981,on relève une lettre adressée

au chef de district de Ngala par le conseil de l'émiratde Dikwa, sollicitant des propositions de

candidatures pour les postesde chefs de village dans les villages nouvellement,otamment

Darak. Laréponse donnele curriculv uimtaeescandidatsqualifiés.Une lettre de nominationest

adresséeau candidat retenu,l'invitant présenteà lacérémonie d'installation (annexeDN135).

j) Etablissementdes lisiesélectorales

124.J'aborderai maintenant la question des listesélectorales. Nombreux sont les habitants

desvillages du lac Tchad inscrits commeélecteursconformémentà la législation nigéria. ien

n'indiquequeces populations participentaux électionscamerounaises.

125.Lors des électionslocales nigérianesde 1988et 1989, Darak et Wulgo formaientune

circonscriptionélectoraleunique. M.ukar Torobe fut élu pour représenter la circonscriptuoan

sein du conseil de la collectivité localede Ngala. Son attestation d'élection estreprodàite

l'annexe328du contre-mémoireduNigéria.

126. Lors des élections organisées en 1993 au niveau des collectivités locales,

M.MohammedLawan fut éluconseiller de la circonscription. Au cours des électionssuivantes,

tenues en 1996 et en 1997, M.Jidda Jhurso Mohammed fut élu conseiller. Son attestation

d'électionestégalementreproduità l'annexe328du contre-mémoireduNigéria.

k) Délivrancedepermis depêcheet réglementationdecetteactivité
127.J'en viens maintenanà la question de laréglementation dela pêcheet vous renvoàe

ce sujeà l'onglet80. Desnotes contemporaines révèlenqtuela collectivitélocaledeNgala délivre

despermis de pêchedans la région. Le Gouvernementde 1'Etatde Borno et la collectivitélocale

deNgala fournissentdes filetset du matériel depêche.La collectivitélocalede Ngala superviseet

réglementel'activitéde pêche.

128. Les services fédéraux dela pêche de1'Etatde Bomo ont pris un certain nombre

47 d'initiativesen matièredepêchdans lelac,notammentcellede fournir aux pêcheurde Darakune

aide au développement. Ils ont ouvert une antenneDarak et y ont établien 1982un entrepôt

frigorifiqued'une capacitéde dix tonnes pour fournirdes blocs de glace aux pêcheursde Darak.

Ontrouveraunrésumédecesinitiatives à l'annexe 136de ladupliqueduNigéria. 129. En décembre 1992, l'institutnigériande recherche sur la pêche en eau douce, qui

dépend du ministèrefédéradl es scienceset de la technologie, aapprouvéla créationde bassinsde

pêche destinésà la production de poissons d'eau douce par la socicoopérativepolyvalente de

Darak (annexe DN 137). Les bulamas de Darak, Darak Gana, Dororoya, RaminDorinna,

Garin Wanzam, Chika, Naga'a,Dom Mallam, Kafuram et d'autres villagesdu lac Tchad ont été

associésà ce projet. En octobre 1993,le même institut a approul'emploi,par la mêmesociété,

de piègesà poissonformantbarragedans lelac Tchad (annexeDN 138).

130.De concertavec la police, la collectivitélocale de Ngala aadopté desmesures visànt

décourageret supprimerl'emploi decertaines méthodes de pêcheet,plus particulièrementl'emploi

illégaldu dumba (barragesde pêche). Dans le cadre de cette action, lacollectivitélocale de Ngala

a crééen 1995 un comitéde démolitiondes dumbas (annexeCMN324). Ces mesures ont été à

l'origine d'actions en justice, ou du moins de menaces en ce sens, de la part de la société

coopérativede Darrak(annexeCMN325). Il y a lieu de noter quece sont les tribunaux nigérians

qui en auraient alorsésaisis.

131.Enjanvier 1996, les avocats decette mêmesociété ont adresséune requêteàcet égard

au gouvemeur militaire de 1'Etatde Bomo (annexe CMN326). En juin 1996, le cabinet du

gouvemeur a adresséau présidentdu conseil de la collectivité localede Ngala une lettre le priant

de prendreles mesuresrequisespour dissuader l'emploi dela méthodede pêchedite«dumba»,que

certains continuaientde pratiquer (annexeDN 139).

1) La réglementationdu commerce

132. La collectivité localede Ngala est habilitéeglementerle commerce entant que de

besoin. C'est ainsi que,dans une lettredu 14mai 1992, leconseil de lacollectivitélocaledeNgala

a indiqué«que la collectivitélocaleavait eu vent de la présence devendeàrDarak. Ils sont au

nombre dedouzeenvironet nous leuravonsordonnéily a quelquesmois de se procurerun permis

de l'Etat,cà quoiils s'emploientactuellement» (annexeCMN327). m) Versementd'une aideen cas de catastrophe
4 8
133.J'aborde maintenant la question de l'attribution d'uneaide en cas de catastrophe,etje

vous renverraià cet égard à l'onglet 81. En 1982 et 1983, des feux de brousse ont seméla

désolationàChika'a. Le chef du village aalorsdemandéleconcoursde de la collectivitélocalede

Ngala (annexe DN 140),et le bularnas'est adresséen 1983au lawan (cheftraditionnel)de Wulgo

pour obtenirde l'aide(annexeDN 141).

134.Les chefs de village deatti Kime et de Naga'a se sont eux aussi adressés,le premier

en juillet983, le second en mars 1984, à la collectivitélocale de Ngala pour obtenir del'aide

aprèscinq deces sinistres(annexesDN 142-143).

n) Immigration

135. Les services de l'immigration sontprésents,exerçant une surveillanceau moyen de

patrouilles,Darrak et dans les villages du lacTchad depuisla fin des années soixante.En 1973,

un poste de contrôle a été établi Gamboru pour veiller à la sécuritéde la régionde Darrak

(annexeDN 144).

136. Un poste de contrôle a été établiDarrak en octobre 1994,et initialement doté d'un

effectif de dix agents. On trouveraà l'annexe 145de la duplique du Nigéria des documents

concernant l'administrationdu poste de Darrak en 1994, alorsqu'il n'étaitencore qu'un poste de

patrouille,puisaprèssatransformationen poste decontrôle.

O) Aide audéveloppement

137.La collectivitélocalede Ngala dans 17Etatde Bornoa soit directementfourni une aide

aux villages, soit informéles communautésvillageoises de la possibilitéd'obtenir une aide

financière,ar exemplepour la constructiondepuits. Je renvoiàprésentà l'onglet82. 138.Une aideau développementaété fournieaux villagessuivants

Naga'a pour une école,un dispensaire,un puits en cimentet la fournitured'engraiset de

pesticides.

GoreaChangi pour laconstructiond'unpuits.

Darak pour des services mobiles, notamment un dispensaire, la fourniture de

médicaments, d'engraiset de pesticides, la construction d'un puits, la miàe

dispositionde filets, l'entretiende lanavigabilitéde la voie d'eau mànKatti

Kime, l'assistanceen casde dommagescauséspar les inondations.

Nimeri pour la fourniturede filetset de matérielde pêche.

KirtaWulgo pour une cliniqueet uneécole.

4 9 139.En 1997,la collectivitélocalede Ngala aaccordéunesubventionpour laréfectionde la

route menantà la régiondeKatti Kime/Darak(annexeCMN293).

viii)Les preuves présentéespalr eCameroundansses piècesde procédure

140. Dans sonmémoire,le Camerounn'a présenté aucune preuvd e'activitésétatiquesdans

la régiondu Tchad (p.405-413), ce qu'ilfait en revanche dans sa répliqueaux pages 13à 139

(par. 3.71-3.83)et 147-153,ainsi'à l'annexeRC225.

141.Or, ces élémentdse preuveprésententde graves insuffisances. Tout d'abord,mispart

une minorité d'entreeux, ilsne concernentque lesannées1982à 1988,alorsque ceux relatifsaux

activitésnigérianescouvrent une périodebeaucoup plus longue. Une contradiction existepar

ailleurs, inhérenteau fait que les preuves fournies par le Cameroun concernent des villages qui,

selon lui, sont placéssous le contrôle duNigéria, c'est-à-dire «ocpar les forces de sécurité

nigérianes.

142.Dans sa réplique,le Camerouns'abstientd'examinerles preuvesde possessionpaisible

présentées palreNigériadans son contre-mémoire(RC,p. 137-139, 147-1 53et 536-547). Lors du

premier tour de plaidoiries, le conseil du Cameroun a fait valoir ques efféctivitnigérianes étaientcontraIegem(CR 200212p. 37-39,par. 71-77). Cependant,dans le contexte du lac Tchad

et de son histoire, cette argumentation n'est rien d'autre qu'une pétitionde principe et un

raisonnement circulaire. Par ailleurs, elle ne justifie aucunement l'absencede protestation du

Cameroun.

143. Lors du premier tour de plaidoiries,. Cot a égalementaffirméque le Nigériane

pouvaitpas êtreprésent àtitre de souveraindans la régiondu lac Tchad en raison des opérations

de délimitationet de démarcation dela CBLT (CR200212,p. 36-37, par. 68-70). Ce pointde vue

est bien entendu fondésur l'hypothèseavancéepar le Cameroun selon laquelle le rapport des

expertss'imposeraitde pleindroit au Nigéria.

144. Quoi qu'il en soit, Monsieur le président,le processus de consolidation historiquene

sauraitêtreécartépar principe.Il convientd'ajouter plusieurs autres considératiàncelle-c: la

naturepaisible des activitésdu Nigéria dansla régiondu lac, lecaractèreouvert et public de ces

activitésainsi que l'absencedeprotestation de lapartdu Cameroun.

145. Le Gouvernement camerounaisn'a produit aucune preuve concernant quinze des

villagesrevendiquéspar leNigéria.Je vousrenvoieici à la duplique,page 265,paragraphe 5.97.

5 0 146. S'agissant des six villages suivants, le Cameroun n'a produitque deux documents

(RC,p. 147-153) :Aisa Kura,Bashakka,Darak Gana,Karakaya,Naira et Nimeri.

147. Les documents en question sont les mêmesdans chaque cas; ils sont joints aux

annexesRC 109et RC 119etconcernent uneseuletournée administrativeeffectuéedans ledistrict

de Hile-Alifa.Il n'est pas établi quecettetournéeait effectivementeu lieu. Par conséquent, nous

ne disposonsd'aucune preuvedigne de foi que le Camerounait effectivementexercédes actes de

souverainetéàl'égarddes vingtet un villagesconcernés.

148.Il faut également releverque bon nombrede documents produits par le Cameroun ne

portent que sur des activités envisagées,liéesnotamment à la planification de tournées de

recensement,etne fournissentaucun élémentprouvanq tu'ellesse soient effectivement déroulées.

149. Lors de l'examendes élémentd se preuverelatifs aux activitésétatiques,il ne faut pas

oublier que ce n'est qu'en 1994que le Cameroun a élevé pour la première fois desprotestations

contrel'administration des villagespar le Nigéria. Ce silence observépar le Cameroun revêtune

importanceparticulièreàlalumièredu caractèrepublicet notoiredes activitésétatiquesuNigéria. 150. Examinons à présentle dernier élémentdu processus de consolidation historique du

titre, c'est-à-dire l'acquiescement duCamerounà l'exercice pacifiquede la souveraineté parle

Nigéria.

L'acquiescementdu Camerounàl'exercicepacifiquedela souverainetéparle Nigéria

i) La pertinencejuridiquede l'acquiescement

151.L'acquiescement estunélémenttrèismportantdu processusde consolidation historique

d'un titre;j'en rappellerai tout d'abord la pertinence juridique générale. , premier rôle de

l'acquiescement,qui n'est nullement le seul, consisteintervenir conjointement avec les autres

élémentd se la consolidationhistorique, quej'aidéjàexaminés.

152. Son deuxième rôle, toutà fait indépendant, estde confirmer un titre reposant sur la

possessionpaisible du territoire contesté,c'est-à-dire l'administeffective des villages du lac

Tchadpar le Nigériaagissant en sa qualitéde souverainet en l'absencede toute protestation dela

part duCameroun.

153. En troisièmelieu, l'acquiescement peut-être considéré comme l'élément prind cipal

titre, c'est-à-dire comme l'élémeqtui en constitue l'essenceet le véritablefondement, plutôt que

comme la confirmation d'un titre logiquement antérieur à l'acquiescement et indépendantde
5 1
celui-ci. Il ne fait aucun doute que si les conditions s'y prêtent,un tribunal peut parfaitement

reconnaîtreun titrereposant surleconsentementtacite oul'acquiescement.

154.Le rôle indépendantde l'acquiescementen tant que sourced'un titre est reconnu dans

de nombreux passages de l'arrêtde la Chambre en l'affaire du DtfSérend frontalier terresire,

insulaireet maritime.Sont notamment pertinentsà cet égardles paragraphes67, 80, 81, 169, 176,

280, 284, 341, 345, 364 et 368. Le passage suivant de l'arrêt exposeclairement le rôle du

consentementtacite :

«La Chambre considèreque cette protestationdu Honduras, qui a étésoulevée
après une longue séried'actes de souveraineté d'El Salvador à Meanguera, a été
formulée trop tard pour dissiper la présomptiond'acquiescement de la part du
Honduras. Le comportementdu Hondurasvis-à-visdes effectivitésantérieurer sévèle
une admission, une reconnaissance, un acquiescement ou une autre forme de consentement tacite à l'égard dela situation. En outre, le Honduras a soumis à la
Chambre une liste volumineuse et impressionnante de documents sur lesquels il
s'appuiepour démontrerdes effectivitéshonduriennesen ce qui concerne l'ensemble
de la zone en litige, mais il n'a dans ces documents produit aucune preuve de sa

présencesur l'île deMeanguera.))(C.I.J.Recueil1992,p. 577,par. 364.)

ii) Lesélémentp srouvantl'acquiescementduCameroun

155. J'en viens à présentaux preuves de l'acquiescement du Cameroun. Les villages

revendiquéspar le Nigériacomptent une population importanteet établiede longue date. Le

nombre d'habitantsest considérable.

156.Lesactivitésdespêcheurset agriculteursqui ont fondéces villagesétaientpubliqueset

pacifiques et le système administratifmis en place après l'établissementde ces villages par la

collectivitélocalede Ngala a égalementfonctionné de manièrteransparenteetpacifique. A aucune

date antérieureàla procédureactuelle devant la Cour le Gouvernement camerounaisn'a émisde

réserveni de protestation.

157.Ainsi, l'«objetdu différend))décrit ans larequêtedu29 mars 1994ne comporte aucun

élémena tyant traià la régiondu lac Tchad. Les affirmationsdu Camerounselon lesquelles il y

aurait eu, en 1987, une «invasion» du territoire camerounais par les forces nigérianes doivent

nécessairementêtreexaminées àla lumièredu silence observé parle Cameroun. Je vous renvoie

aux pages 536 à547 et pages567a 569de la réplique.

158. Par conséquent,il n'est nullement fait référence des questions liéeà la régiondu

lacTchad. La premièrementionde cetterégionapparaîtdans la note du 11avril 1994adresséeau

Nigériapar leCameroun (annexe CMN 287 et annexeMC 355) dont le passagequi nous intéresse

est reproduitci-après

«Le ministère des relations extérieurde la Républiquedu Cameroun présente
ses compliments à l'ambassadede la République fédérale du Nigé rYaoundéet à
l'honneurd'attirer sonattentionsurce qui suit.

Des ressortissantsnigériansont occupé la localité camerounaisceonnue sous le
nom de Kontcha (division de Faro et Deo) dans la province camerounaise
d7Adamawoua. Les autoritéscamerounaises ont fait remarquer que, par le passé,
l'occupation militairenigérianedu territoire camerounais avait habituellementsuivi
l'occupation illégale de partiesde son territoire par des citoyens nigérians.
L'occupation militairede Darakpar le Nigéria etde certaines parties de la presqu'île

de Bakassi en est un bon exemple.)) (Les italiques sont de nous.) [Traduction du
Grefse. 159. La question est reprise dans la requêteadditionnelle déposéepar le Gouvernement

camerounaisle 6juin 1994-je dis bien le6juin 1994-, qui,à sonparagraphe 11,fait allusionà

ce ((nouveaudifférend)).Le Gouvernementcamerounais y décritl'«objet du litige))de la façon

suivante :

((1. Cet aspect du différend porte essentiellement sur la question de la
souveraineté sur une partie du territoire camerounais dans la zone du lac
Tchad- situéeentre lesfrontièresCameroun-Nigérie at Cameroun-Tchadjusque vers
le milieu des eaux restantes - dont la République fédérald eu Nigériaconteste
l'appartenance àla Républiquedu Cameroun.. .»

160. Comme il ressort de la requête additionnelle,le Cameroun a formuléson grief en

réponse àune note que le Nigérialui avait adressée le 14 avril1994(annexe MC 356). Celle-ci

constituait en réalité réponsedu Nigéria à la note du Cameroun du 11 avril 1994,déjàcitée.

C'est danscette noteque le Nigériafait pourla premièrefois référenceà la questionrelative au lac

Tchad. Soncontenu,pour ce quitouche àlaquestionquinous intéresse,est le suivant:

((11està la fois regrettableet inacceptableque Darak,qui a toujoursfait partie
intégrantedu district de Wulgo, qui dépendde la collectivitélocale de Ngala située
dans 1'Etatnigériande Borno,et qui est administrédetemps immémorialen tant que
tel, soit aujourd'huirevendiquépar le Cameroun commeunepartie de sonterritoire.))
[Traductiondu GrefSe].

161.Les preuves disponiblesconfirmentque lamajeurepartiedes villages nigériansexistent

depuis vingtà quaranteans. Leterrainest plat et dégagéet les activités pratiqusans lesvillages

nigérians, publiqueset non dissimulées.La conclusion qui vient spontanément àl'espritest que le

Gouvernement camerounais a, pendant des décennies, gardéle silence face à cette présence

nigérianenotoire et ancienne.

162. Dans ses pièces de procédure,le Gouvernement camerounais confirme l'absence de

toute protestation antérieure à 1994. Dans son mémoire, sous le titre «Les protestations

camerounaises)),le Cameroun ne cite qu'uneseule note, datéedu 21 avril 1994(annexe MC 357,

p. 589-590).

163. Danssaréplique,auxpages 142et 143, le Camerounnie avoirjamais acquiescéet cite

à titre depreuve sa notedéjàcitéedu 21avril 1994,antérieurede quelques semainesseulement à la

requêteadditionnelledu 6juin 1994. iii) Les actions militairesmenéepsarle Camerounen 1987

164.Dans son mémoire,le Camerounaffirme que certains villages relevant de son autorité

ont étéenvahis en février 1987par des civilsnigériansarmés demachetteset que cet incidenta été

suivi d'une occupation militaire parle Nigériadèsle 2 mai 1987(p. 587-589,par. 6.81-6.86). La

réplique contient des affirmations similaires (p. 536-547, par. 11.165-11.214 et p. 567-569,

par. 12.25-12.28).

165.Le Nigéria estimeque les incidents de mai 1987 dont se plaint le Cameroun ont pour

origine des actes de violence commis par les forces de sécurité de ce dernier. Les actes du

Camerounont troubléle statuquoadministratif nigérian. L'agressiocamerounaisede 1987avait

eu pour élémentprécurseurla visite de fonctionnairescamerounais à Kirta Wulgo en 1985, à la

suite de laquelle le Nigéria avait adressune note verbale au Cameroun : voir le télégramme

envoyéle 26 mars 1985par le ministèrenigériandes affaires étrangères(annexeCMN 376). Ce

télégramme montre qu'ilexistaitunstatuquoavec une administration nigériane en place.

166. Ainsi, cette fois encore, les événementsvisés trouvent leur origine dans le

comportementdu Cameroun : voir les rapportsinternesdes forces militaireset de policenigérianes

(annexe CMN 379, 380 et 381). Le Nigériaa répondule 8 mai 1987par une note de protestation

ainsi rédigée(dans lepassagequinous intéresse):

«Le ministèredes affaires étrangèresde la Républiquefédéraledu Nigéria
présenteses compliments à l'ambassadede la Républiquedu Camerounet a l'honneur
de lui faire savoir que lui sont parvenues des informationsrelativàsl'intrusion de

soldats et d'agentsdu Cameroun dans certains villages frontaliersfaisant partie de la
collectivitélocale de Ngala dans 1'Etatde Bomo (Républiquefédérale du Nigéria).
Les rapports qui en font étatsignalentaussi que ce n'est pas la premièrefois que ces
incidents se produisent. Ils précisenten outre que non seulementdes ressortissants
nigériansont étémalmenés,mais aussi que leurs villages ont été occupép sar les
soldats et agents du Cameroun, que les drapeaux nigérians dans ces villages ont été
5 4 amenéset brûléset le drapeau camerounais hissé à leur place, même enterritoire

nigérian.

Le ministère attirepar la présentel'attention de l'ambassade sur cet acte
d'intrusionflagrantet inamical commisen dépitdei relations cordiales existant entre
le Nigéria et le Cameroun et exprime la préoccupationet la consternation du
Gouvernement militairenigériandevantces incursions répétéec s,ndamnableset non
provoquées, qu'il juge graves.

Le ministère exigeen outre desexplicationspour cet acte inamical ainsi que la
garantie que de tels actes ne se reproduiront paà l'avenir.))(Annexe CMN 382.)
[TraductionduGrefSe.] 167.Toujours est-il que les chefs des villages nigérianset les forces de sécurinigérianes

ont résistéaux incursions camerounaises. En novembre et décembre 1987, le Cameroun a de

nouveau tenté de prendre pied dans la région,mais s'est là encore heurté à une présence

administrativenigériane préexistante. 11convient derappeler que leCamerounn'a formuléaucune

protestationavant 1994.

iv) Conclusion :l'acquiescementdu Cameroun

168.La positionjuridique duNigériapeutse résumercomme suit :

1) Depuis près devingt à quarante ans, le Nigériajouit de la possession paisibledes villagesdu

lacTchadqui onttoujoursétéadministré commefaisantpartie de 1'Etatnigériande Borno.

2) Le Cameroun n'a jamais, avant la note du 11 avril 1994, formuléde protestation ni de

revendicationau sujetdes villagesdu lacTchadactuellementen litige.

3) Le Camerounn'amis en placeaucun systèmeadministratifdans larégion.

4) L'immixtiondu Camerounen 1987a été decourte duréeet n'a donné lieu delapart de celui-ci

à aucune revendication àl'égardde la région. Le Camerounn'ajamais exercéde possession

paisible.

v) Conclusion :les élémentd sela consolidationhistorique

169.Les différentsélémentc sonstitutifsdu processusde consolidation historique du titresur

les villagesdu lac Tchadpeuvent àprésentêtre brièvement rappelé :s

Premièrement :le comportement et les attaches ethniques de la population des villages du

lac Tchadconfirmentle lien exclusifqui l'unit à1'Etatnigériande Borno.

Deuxièmement :les liens historiques de la régiontémoignent largement del'influence

géo-politiqueet économique prépondérand tee1'Emiratde Borno (et de ses successeurs) sur les

rives du lacTchad et enparticulierdans sa partieméridionale.

Troisièmement :les liens historiquesde larégionconsidérée sont renforcé et consolidéspar

le pouvoir politique contemporain et le rôle, consacré par la constitution, des souverains

traditionnelsnigérianset, dans larégionvisée,de SonAltesse Royaleleshehu de Borno.

Quatrièmemen tles villagessonthabitéspar des ressortissantsnigérians. Cinquièmement :les villagesdu lac Tchad ont étéadministrés en tant quepartie intégrante

duNigériapendantune trèslongue période.

Sixièmement :leCamerouna acquiescé à l'exercicepaisible de lasouverainetépar leNigéria.

170. Il convient de préciserque le processus de consolidation historique du titre sur les

villages revendiquéspar leNigérian'a pas eu pour effet de déplacerle titre définitifdu Cameroun

ou de tout autre Etat riverain. En l'absence d'une délimitation définitive dans la régiondu

lacTchad, les zones situéesdans le lac ont nécessairementle statut de territoires dont le titre est

indéterminé.

171. L'existence de ce type de territoire est admise dans la littérature (voirOppenheSm

International Law, neuvième éditionv,ol.1,1992,p. 566et 567). La premièresentencerendue par

le tribunal arbitral enl'affaire ErythréeLYéme(nvoir ILR, vol. 114, p. 46-58, par. 145-188)a

reconnule conceptde titre ((indéterminé)).

172.Larive ou le littoraldu lac Tchad«normal»constituela ligne de divisiontangible entre,

d'une part, le territoire continental du Nigériaet des autres Etats riverains et, d'autre part, les

régionsdont letitre reste indéterminé.

173. Il est donc manifeste queleprocessusde consolidationhistorique s'est déroudans un

contexte tel qu'il a eu création,et non déplacement, detitre. De même,il est particulièrement

utile queleprocessusde consolidationdutitre apporteunecertitudequi feraitautrementdéfaut.

Enfin, j'aimerais remercier M. ChristopherHackford et M. DavidLerer qui m'ont aidé à

préparer cet exposé. Ainssie conclut mon interventionpour ce matin. Monsieur le président,je

vousprie de bienvouloir donnerla paroleau professeur Crawford.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieurle professeur. Je donne maintenant la parole

au professeurJames Crawford.

M. CRAWFORD :

Monsieur le président,Madame etMessieurs de la Cour, c'est à nouveau un honneur pour

moi de me présenterdevantvousdanscetteaffaire importantenon dénuée detensions. LA FRONTIÈRE MARITIME :OBSERVATIONSPRÉLIMINAIRES

Introductionet vue d'ensemble

1.Dans cettepartie de ses plaidoiries,le Nigéria répondra aux exposésdu Cameroun sur la

frontière maritime.Les interventions du Nigériase déroulerontde lafaçon suivante :

a) Je formulerai aujourd'hui un certain nombre d'observationspréliminairessur la requête du

Cameroun, en mettant en évidence l'évolution du différendtant dans les relations entreles

Parties qu'au cours des plaidoiries devant la Cour,etj'insisterai tout particulièrementsur la

distinction entreles questions portant sur lafrontièreterrestreet celles portant sur la frontière

maritime. Pourconclure,je passerai en revue la géographiede larégion,en m'attachant plus

particulièrementaux relations déterminantesentre lescôtes.

b) En deuxièmelieu-je m'y appliqueraidemain matin -' je terminerai cette introductionpar

une descriptionde l'évolutionde la pratiquepétrolièredes Partiesdepuis quaranteans et de la

situationactuelleen matièrede traitésetprojets de traités entreleNigériaet lesautres Etats de

la région. Le Cameroun qualifie la pratique pétrolière du Nigérd i'unilatérale, derécente,de

secrète,d'incohérenteet d'illicite. Je m'attacheraimontrerque la façon dontilprésente cette

activitéest tout simplement absurde. J'évoquerai égalemenlt'historique des traités de

délimitation maritime concluspar leNigériaavec sesdeuxvoisinsinsulairesdugolfe.

c) En troisièmelieu, mon collèguele professeur GeorgesAbi-Saab vous présenteraune critique

exhaustive de la ligne revendiquéepar le Cameroun - la ligne équitable. Comme il le

montrera, cette ligne revendiquéepar le Cameroun ne constitue nullement une ligne de

délimitation maritime. Le Cameroun ne revendique aucun secteur particulier de territoire

maritime, qu'il s'agisse du plateau continental ou de la zone économique exclusive(ZEE),

maisinvite la Cour à tenir leNigéria àl'écart detout délimitationavec les autresEtats côtiers

du golfe. Enréalitél,e Cameroundemande àla Courde se tenir avec lui sur la ligne etde dire

au Nigéria : vous pouvez venirjusqu'ici mais pas plus loin. Cependant, la Cour ne saurait

déciderqu'elle se tiendra sur la ligne au profit du Cameroun,ni que les zones s'étendantde

l'autrecôtéde laligne relèventde la souverainetédu Cameroun. Compte tenu de la distance

entreces zones et le Camerounet comptetenu du faitqu'ellessonttoutes plusproches d7Etats tiers que du Cameroun,il est probable quece n'est pas à l'avantage duCameroun que la Cour

se prononcera. La Cour pourracertes setenir sur la ligne-je parlenaturellementde manière

métaphoriquej,e ne proposepas une descentesur les lieux -, mais leCameroun ne sera peut-

être pas1'Etat à l'avantage duquel elle le fera. En résumé, la ligne que le Cameroun entend

vous faire tracer- la prétendue((ligneéquitable)) - està la fois unilatéraleet multilatérale.

Elle est unilatéraleen ce sensqu'elle a pour effetjuridique exclusifd'écarter leNigéria. Elle

est multilatéraleen ce sensqu'elle apoureffet de laisserle Nigériaen margede tous lesautres

Etats du golfe (et ce, sans tenir compte de leurs souhaits). Or, une délimitationmaritime

établieen l'absencedes tiers concernésn'est ni unilatéraleni multilatérale:elle est bilatérale,

interpartes. Laprojectionélaborée par leCamerounfaittotalementabstractionde cetélément.

La ligne revendiquéepar le Cameroun doit donc êtrerejetéecatégoriquement,mêmesur ses

propres prémisses.

d) Mais il va de soi que le Nigéria n'accepte quasimena tucune de ces prémisses. Aprèsavoir

réfuté laligneproposéepar le Cameroun,j'aborderai demain,aprèslapause, la présentation de

laposition duNigéria.Cefaisant,je mettraien évidencele droit applicable,définirailaportée

géographiquede la tâche qui incombe à la Cour, puis examinerai le point de départthéorique

de toute délimitation ainsi queles diverses circonstances pertinentes susceptibles d'affecter

l'emplacement de la ligne.

2.Naturellement,la Couraprévuplusieursséancespour entendrel'intervention delaGuinée

équatoriale,qui porteexclusivementsur lafrontière maritime.En entendantle professeur Pellet la

semaine dernière,peut-être avez-vous penséqu'en s'exprimant devantla Cour en l'absence dela

Guinéeéquatoriale - qui étaitalors absente,naturellement,et l'est toujour-, il anticipaitsur les

plaidoiriesrelativesàcette interventionet abordaitcet aspectde façon prématurée.Pour sapart, le

Nigérian'entendpastraiter avantl'heure desquestions qui seront soulevéesdans le cadre de cette

intervention. Mais il est nécessaired'insister dès le départ surle fait que la position de la

Guinéeéquatorialesur cette question, tout comme celle de Sao Tomé-et-Principe,ne sauraitêtre

dissociéeet «mise en quarantaine))jusqu'à la fin de l'affaire. Il ne s'agit pas, pourainsi dire,d'un supplémentfacultatif à l'affaire en vertude la clause facultativedejuridiction obligatoire. De fait,

c'est précisémenten raison de la position d7Etats tiers, et notamment de celle de la

Guinéeéquatoriale,que la Cour a joint au fond l'une des exceptions préliminaires du Nigéria.

C'est pourquoi, avant d'examinerplus attentivement les circonstancesde l'espèce,il convient de

formulerun certain nombred'observationspréliminaires.

5 8 L'arrêtde la Cour sur les septièmeet huitième exceptions préliminaires

3. La première de mes observations porte sur l'arrêt rendu en 1998 par la Cour sur les

exceptions préliminaires relativesà la frontièremaritime. La Cour se souviendra sûrement que

deux d'entre elles,la septièmeet lahuitième, portaientsurlafrontièremaritime.

4. La septième exceptionpréliminaire soulevait deux questionsdistinctes. La première

portait sur lapossibilitéd'examinerlafrontièremaritime lorsd'une phasedistincte. Etant donnéle

nombre important de points à trancher en l'espèceet le caractère préalabledu problèmede la

frontièreterrestre prioritéreconnuepar la Courelle-même au paragraphe 106de son arrê t, le

Nigéria persisteàcroirequ'il aurait étjudicieux de distinguerla questionde la frontièremaritime

de celle de la frontière terrestre etd'examinerd'abordcette dernière. Les différendssont distincts,

commeje lemontreraiplusen détaildans un instant,et ont ététraitécsommetels parles Parties. Il

s'agit toutefois d'une questionsur laquelle la Courétait appeléà trancher, et le Nigériaaccepte

naturellementla façondontelle l'a fait.

5. En deuxièmelieu, la septièmeexception préliminaire portait uniquemens tur la frontière

maritime au-delà du point G. Le Nigéria a souligné queles Parties n'avaient engagéaucune

négociation sur ce secteur de la frontière maritime, et que la revendication maritime du

Cameroun - la ligne équitable-n'avait étpéortéeà sa connaissancequ'au momentde recevoir

le mémoire du Cameroun.Ce derniern'a pas niéet ne nietoujours pas ce fait, qui est maintenant

corroborépar la Guinée équatoriale. Aucun des voisins du Cameroun dans la régionn'avait

conscience de sa revendication, ni n'envisageait qu'il puisse s'écarter subitemendtu statu quo

maritime quirégnaitdepuis l'indépendance. Confront éce fait indéniable,le Camerouna fermé

les yeux sur l'absence de toute négociation, préférant fairaloir qu'auxtermes des articles74 et

83 de la convention sur le droit de la mer, une tentative de parvenir à un accord n'est pasnécessaire,tout au moins s'il est manifeste qu'aucunaccord n'est imminent. La Cour a pour sa

part soulignéqu'elle avaitcompétenceen vertu de la clause facultative de juridiction obligatoire

(art.36,par. 2). Il lui revenaitdonc de déciderde la significationet des effets des articles74 et 83

lors de laphase relative au fond'. LaCoura égalementobservéqu'endépitde l'imprécisionde la

revendication du Cameroun, «il existeà ce sujetun différend entreles Parties qui, en définitiveet

comptetenu des circonstancesde l'espèce,est suffisamment précisé pour pouvoirêtreportédevant

la

6. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, le Nigérian'a pas donné à

entendre, àla suite du dépôtdu mémoireduCameroun,qu'il n'existaitpas de différendrelatif à la

frontièremaritime au-delà du point G. Quellequ'ait pu êtrela situation à la date du dépôtde la

requête,lorsque se sont tenues les audiencessur les exceptions préliminairesen 1998, il existait

manifestement un litige, une divergence d'argumentation juridiqueentre les Parties quant à la

revendicationdu Camerounet àleurs droits maritimesrespectifs. Cedifférend n'acesséd'évoluer,

à mesure que la ligne du Cameroun se modifiait. Mais il seraitvain de nier l'existence d'un

différend maintenant, aussile Nigérias'en abstiendra-t-il. En outre, mêmesi le différend portant

sur la frontièremaritime au-delà dutripoint ne s'est pas cristallisé avantla date de dépôtde son

mémoirepar le Cameroun, la Cour a soulignéqu'il étaitinutile de demander à un Etat de seretirer

et d'entamerune nouvelleprocédureen raisond'un décalage temporea luquel il pouvait facilement

êtreremédié3.

7. Tout cela est vrai, mais ne sauraitépuiser l'objet de lanorme fondamentaleénoncée aux

articles74 et 83 de la convention sur le droitde la mer. Commela Cour l'a clairement laissé

entendredans son arrêt surles exceptions préliminairesc,es articlesérigentune règlede fond, non

une conditionpréalable d'ordreprocédural.De nombreuses autresraisons peuvent êtreinvoquées

pour rejeter la revendication du Cameroun sur le fond, comme nous nous appliquerons à le

montrer. Mais ce rejet peut également être motivp éar l'absencemêmede tentative du Cameroun

Frontière terrestre etmaritime entre le Cameroun et le Nigéria(Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires,arr, .I.J.Recueil8,p. 321-322,par.109.

Ibid.,p. 322, par.110.
' Application de la conventionpour la prévention etla répressiondu crime de génocide, exceptions
préliminaires,arrêt,.J.Recueil1996,p. 595-612,par.24. deprésentercette revendication au niveau diplomatique,que ce soit au Nigéria,ou, comme nous

allons le voir maintenanà,la Guinée équatoriale. LaCour n'est pas l'enceinte appropriéepour

engager des négociations,ni formuler ce que nous appelons en Australie des revendications

globales autrementdit desrevendications excessives- sansaucunrapport aveclaréalité.C'est

pourtantprécisémencte que le Cameroun esten train de faire et nous invitons la Courposer à

sa conduitelestermes précis des articles74 et:en premierlieu, les frontièresmaritimesdoivent

êtredéterminées«par voie d'accord)),c'est-à-dire par la notification réciproquedes Parties entre

ellesde leurs revendications et de leurs droits, puis par voie de discussion et de compromis. Des

raisonsvalables sont invoquéesà l'appui de cet impératifdans le traitéapplicable, la convention

de 1982. La délimitationmaritimen'est pas un processusmécanique,la Cour ne le sait que trop

bien. Les parties en cause dans la régiononcernéesont les mieux placéespour traiter de telles

questions,et cela est d'autant plusvrai que leproblème estplus complexe,que les droits acquiset

les attentes sont plus intriqués. La négociation n'esimplementdefacto le processus normal

de la délimitation maritime; il s'agit du processus normal prescrit, de la méthode

appropriée - celleà laquelle il convient de recourir avanttoute autre pour parvànun résultat

équitable. Le Camerounn'a absolumentpas tenu comptede cette prescription au-delà dupointG,
6 O

tantà l'égard du Nigéria qu'là'égardde la Guinée équatorialet, d'aprèsles éléments donntous

disposons,j'ajouterai qu'iln'en apastenu comptenon plusà l'égardde SaoTomé-et-Principe.Le

Cameroun demande à la Cour de négocierpour son compte avec ses trois voisins du golfe de

Guinée.Le Camerounaurait dû essayer de parvenirlui-même àun règlement négociéI.l n'a fait

aucune tentative en ce sens, de quelque nature que ce soit j'entends par là aucune tentative

portant sur la ligne qu'il revendique actuellement,ou quoi que ce soit qui, de prèsou de loin,

ressemble.

8.J'en arriveàla huitièmeexceptionpréliminaire,que la Cour ajointe au fond. La question

qui se pose en l'occurrenceest cellede l'effet d'une décine la Courà l'égard d'unEtats tiers,

laGuinéeéquatoriale,qui n'estpaspartie àl'instance. La Coura dià ce sujet: ((la Cour ne sauraitexclureque l'arrêdtemandépar le Cameroun puisse avoirsur les
droitset intérêtdsesEtatstiersune incidencetelle quelaCour seraitempêché deerendre
sa décisionen l'absencede cesEtats, auquelcas la huitièmeexceptionpréliminairedu
Nigériadevraitêtre retenue,toutau moinsen partie. La question desavoirsi cesEtats
tiers décideront d'exerceleurs droitsà intervention dans l'instance conformémenatu

Statutreste entière.^^

9. Je voudrais simplement formuler à ce stade deux observations sur ce passage. La

premièreporte sur la zone maritime proche des côtes, c'est-à-dire la zone qui s'étend jusqu'à

l'emplacementapproximatifdu tripointavec leszones revendiquéespar la Guinéeéquatoriale.La

deuxième atrait à la zone situéeau-delà,qui se prolonge dans le golfe de Guinée, etdont tous les

points sont plus proches du Nigériaet de la Guinée équatorialeou de cette dernière et de

Sao Tomé-et-Principe,ou du Nigéria,de Sao-Tomé-et-Principe, et de la Guinéeéquatorialeque du

Cameroun.

10. Pour ce qui est de la premièreobservation, relativea zone maritimeprochedes côtes,

la Cour s'est déclarée compétene ne 1998pour déterminerla frontière maritime entre lesParties

dans les eaux au sud de Bakassi, c'est-à-diredans les zones maritimes qui sont plus proches du

Camerounet du Nigériaqu'elles ne le sont d'Et& tiers, enparticulier la Guinéeéquatoriale.Il va

sans dire que leNigériaaccepte entièrementcetteposition et nous démontrerons,dansnos exposés,

pourquoi les prétentionscamerounaisesrelatives a ces eauxdoivent êtrerejetéessur le fond. Elles

doivent êtrerejetéesen tout premierlieu parceque la presqu'îlede Bakassi est nigériane etque la

frontière maritime quien résultedoit le refléter. Mais même à accepter la positioncamerounaise

sur la presqu'île de Bakassi- que le Nigériaconteste bien évidemment -, les revendications

maritimes du Camerounau-delà du point Gdoivent êtrerejetées. Nous expliquerons pourquoiau

cours de nos exposés.

Il. La deuxièmeobservation concernant la décisionde la Cour de joindre au fond la
61

huitièmeexceptionpréliminaire estlasuivante. Aucun desévénementssurvenud sepuis 1998n'est

venu entamer la valeurde cette exception,que leNigéria maintient. Certes, la Guinéeéquatoriale

est intervenueen l'instance,mais seulementenqualitédetiercepartie etnon departie àl'affaire. Il

est vrai aussi que leNigéria etla Guinéeéquatorialeontconclu un traitéde délimitation maritime.

Mais ni cesfaits nouveaux,ni aucunautre élémend te la situation,ne remettenten causele faitque,

Arrêdtu Il ju1998,C.I.J.Recueil1998,p. 324,par. 116. pour se prononcer sur la limitede la zone exclusiveque revendiquele Cameroun et qu'il situeà

descentaines de miles dans le golfe, la Cour sera amenàestatuersur les droits et intérsYEtats

tiers. La Cour n'est pas compétente pourcela et le fait qu'elledoive entendre, dans les derniers

jours de ces longuesaudiences,des exposés entrantdans le détailde ces questions n'y changerien.

12. Il existe en réalité unlien entre les deux observations que je viens de formuler,

concernant la zonejusqu'à l'emplacement approximatifdu tripoin- où la Cour est compétente-

et la zone au-delà de ce point- où nous considéronsqu'elle ne l'est plus. La Cour ayant fait

judicieusement reportél'examen de la question de sa compétenceau-delà du tripoint, elle n'a en

fait nulbesoin d'y procéder.Et la raisonen est fortsimple. Euégard sa conduite,de même qu'à

sa situation géographique, le Cameroun ne saurait revendiquer un territoire au-delà de

l'emplacement approximatifdu tripoint. Sa tentative d'obtenir dela Cour qu'elle le relàeune

vastezone prétendumentriche en ressources marines,à des centainesde milles de sa côte,au nord

età l'ouest deBioko, doit échouer, doitêtrerejetée,car la Courn'est pas appeléà se prononcer

sur les zones situéesau-delà du tripoint. Les deuxPartàel'instance,les trois parties concernées,

onttoujours considéréque leszones maritimesdu Cameroundansle secteur au nord et à l'ouest de

Biokotrouvaient ici leurs limites,dans les eaux immédiatemenàl'est et au sud de Bakassi. Pour

les raisons que nous exposerons, les effets de cette pratique quant aux frontièresmaritimes sont

irrévocables. La Cour ne devrait pas attribuer au Cameroun des zones maritimes que, dans le

mondede la réalitéq,ui n'est pas celui, fictif,de ses plaidoiries,le Cameroun lui-n'ajamais

considéréecsommelui appartenantou commefaisantl'objet d'unerevendication de sa part. C'est

pourquoi le Nigériaconclut que la compétenceque la Cour s'estreconnue en 1998pour examiner

lafrontièremaritimesuffit amplementaux finsde laprésenteinstance.

La relation entre les questions portant sur la frontièremaritime et celles portant sur la

frontièreterrestre: la pratique desParties

13. Monsieurle président, Madameet Messieurs de la Cour,je laisserai maintenantde côté
t
cesquestions plutôtarides de compétence pour aborderun pointimportant qui toucheà la relation

6 2 entre les secteursterrestre et maritime de laprésenteaffaire, unequestion qui est en rapportdirect

avec le fond. Il est évidentque les différendsportant sur le plateau continental et la zone

économiqueexclusive se rattachent à la relation entre la terre et la mer; or, la Cour, en l'espèce,doit avant tout déterminer l'emplacement dela frontière terrestre : en ce sens, les questions

maritimes sont secondaires. En vérité,le fait est que les Parties à la présenteaffaire n'ont pas

seulement considéréles questions de délimitation maritimecomme secondaires - pour autant

qu'elles les aient même traitées, mais qu'elles lesont même considérées comme distinctes, les

découplant dulitige relatifàla presqu'îlede Bakassi. Sije précise «pour autant qu'ellesles aient

même traitées)c ),est queles discussionsou les débatsont assezpeu portésur les zones situéesau

large, au-delàdu pointG. La configurationgénérale au large,telle quefixée dans lesannées 1960,

a étérespectée par chacunedes Parties - qui l'ont mêmeouvertement étendue -, puis,

sensiblement plus tard, par la Guinéeéquatoriale, auterme de très peu de discussions et de

désaccords. Lelien entre lesactivitésterrestreset maritimes- lienpurement abstrait et formelsi

l'on considèrela vie desrésidentsnigériand se la presqu'îlede Bakassi- n'a pas étéétabli.C'est

pourquoi les négociations relativesà la frontièrecôtière dans lesannées1970 se sont concentrées

essentiellementsur des questions d'accèsmaritime. Les échangede vues n'ont absolument pas

portésur lapresqu'îledeBakassi.

14.En revanche, comme l'amontréM.Brownlie,ledifférendconcernantla souverainetésur

la presqu'îlede Bakassia évoluée ,t les deuxParties l'ontporté devantla Cour, de façon toutàfait

indépendantede la questionde l'exploitation des ressourcesen hydrocarburesdes eaux au sudde la

presqu'île. Le Nigérian'a pas protestéface à l'importante activité camerounaiseau sud de la

presqu'île, pas davantage quele Cameroun n'aprotesténi formuléd'objection à l'activiténigériane

dans les eaux légèrement à l'ouestet au sud-ouest,àl'exception dedifférendsminimesportantsur

des localitésprécises. Cette activitédéjà ancienneet l'acquiescement manifesté parles deux

Parties doivent avoir nécessairement desconséquencesjuridiques sur les droits acquis et les

prétentions légitimes danlse domaine maritime, quelle que soit la façon dont la question de la

souverainetésur lapresqu'île deBakassi serarésolue.

15.J'insiste, quelleque soit lafaçon dont cette question serarésolue. Car là se trouve le

point essentiel. Un différend oppose depuis plusieurannéeslesParties ausujet de la presqu'île de

Bakassi. Comme l'ont montré mescollègues,la presqu'île étaitoccupéepar le Nigériaet

administrée comme faisant partiede son territoire. Mais ces deux pays, qui s'intéressaientpar

ailleursà l'exploitation offshoreau sud de la péninsule, sesont tous deux engagés danscelle-cisans que l'autre n'émettede protestations, exception faite de zones marginales ou d'incidents

isolés. Laconduite des Parties n'est compréhensibleque si l'on considère les deuxquestions

comme distinctes. L'avocat internationalvivant dans un monde d'abstractionsaura peut-êtredu

mal à comprendrepourquoi il s'agitlàde questions distinctes. Car aprèstout, la souverainetésurla

côte est en principe labase du titremaritime. Laterre domine lamer, onne cesse de lerépéter.r

tel n'est pasle cas ic: les Parties en cause jugent les deuxquestions distinctes. L'exploitation

pétrolièreétaitconcentréedans la zone offshore;sonobjet vital était ledéveloppement e la nation.

Le différend relatif Bakassi met enjeu le destin d'ungrand nombre de Nigérians, des personnes

bien réelles vivantdans des endroitsbien réels, avecdes problèmes totalement différents deeux

des concessionnaires pétroliers. Ces deux Etats souhaitaient avant tout poursuivre leur

développement,sansque des désaccordsau sujetde la frontièreterrestrene viennent l'entraver. Et

c'est ce qu'ils ont fait, sans se laisser retarder par un accord formel qui les aurait amenéà

suspendreces activités.

16. Le caractère distinct de ces questions ressort d'ailleurs de la correspondance

diplomatique. Je vous renvoie par exemple à la réunionconjointe de 1993,événemenitmportant

en ce sens qu'il témoigne del'attitude des Parties alors que la pratique pétrolièreétait déjà

ancienne. Le Cameroun lui-mêmese fonde sur le procès-verbal de cette réunion, quoique

l'interprétationqu'il en fait ne tienne pas, commeje le montrerai demain. Mais que cette réunion

ait eu lieu ne fait aucun doute. Elle fut l'occasion de procéàdes échanges devues concernant

aussi bien la frontière terrestre que la frontière maritime. Personnen'émit l'hypothèseque

l'exploitation offshoredu pétroleet du gaz pût d'une manière ou d'uneautre êtredéterminante

pour le règlementdu différendreconnu sur Bakassi. Au contraire, les deux chefs de délégation

indiquèrent«que les pointsde désaccordentre leNigériaet leCameroun concernantla déclaration

de Maroua de 1975 étaient dav&age politiques que techniques)) et que «afin de ne pas

compromettre les excellentes relations entre les deux nations, ils [avaient] décd'en référerà

leurschefsdYEtatrespectifs.»5 J

DN, annexDeN 173. 17. Les discussions se poursuivirent autourde la coopérationmaritime et de l'exploitation

des ressources maritimes transfrontalières. La question de la frontièreterrestrene fut pas réglée,

l'existence d'un différendau sujet de Bakassi fut reconnue,mais il fut néanmoinsconvenuque les

Parties poursuivraient l'exploitation des ressources maritimespour leur propre compte.n ne

pouvait laisser ledificultés politiques persistantes au sujetde la presqu'île de Bakassi et de la

déclarationde Maroua hypothéquerlesprogrèsréalisés sul res différendsd'ordretechniquerelatifs

à la zone maritime. II s'agissait là d'unefaçon senséede procéder,obéissàndes considérations

d'ordre pratique. Cela montreàquelpoint lesdeux aspects,terrestre et maritime,ont édissociés

dans la pratiqueet dans laperceptionqu'enavaientles Parties.

18.Il convient de souligner que les tribunaux internationauxdeviennent plus sensiblesaux

problèmesqui se posent lorsqu'il en va du destin de populations, de territoires habités,et non

6 4 simplementde souveraineté.La préoccupation majeureétaitd'éviter absolumen qtue la cessionpar

les deux Parties de zones pétrolifères off shore ne déterminle destin des populations sur le

continent. A l'époque, aucune desParties ne souhaitait que cela se produise. Mais la souplesse

témoignéepar le Nigéria au large n'étantnullement liée à sa position sur le continent, il

revendiquait - et revendique toujours- le droit du peuple nigérianà vivre sous sa propre

administrationcomme il l'atoujours fait.

19.Pourtrouver unprécéden t cette disjonction,on se reporteraau refis récemment opposé

par la cour d'arbitrage, dans l'affairemen/Erythrée à, la possibilitéde voir les questions de

concessions pétrolières offshoredéterminer lasouveraineté surles îles. La cour d'arbitrage a

elle-même soulevé cette question, laquelle elle a consacréune audience distincte. En outre,

l'activitéen matière de concessions dans la régionn'était pas négligeablem, êmesi elle était

dérisoireen comparaison dela pratiqueétabliede longue date dans la région quinous intéresseici.Pourtant, lacoura considéréque lescontratsd'exploitation pétrolière offshconcluspar les deux

parties«ne suffisentpasà établirouà conforterdemanièresignificativelesprétentionsde l'uneou

l'autre Partià la souverainetésur les îles en litige»6. Il s'agissait, ilest vrai, d'îles inhabitées;

mais cette conclusion s'applique a fortiori aux localiàéforte densitéde population telles que

Bakassi. Ettout porteà croire quec'estlà le pointde vue qu'ontadoptélesParties.

Descriptionde la géographiecôtière

20. Monsieur le président,Madame et Messieurs de la Cour, j'en viens à présent à mon

troisièmepoint important de ce matin, qui consisteen une analyse préliminairede la géographie

côtière. J'aimerais,cette occasion,remercier lesmembresde l'équipetechnique nigérianequi ont

contribué à l'élaboration des graphiques, en particulier Claire Ainsworth, Chris Carleton,

RobinCleverlyet DickGent.

21. La présente affaireconcerneune zone importantede la côte de 17Afiiqueoccidentaleet

centrale. Sous l'onglet 84 de vos dossiers, vous trouverez une représentation de toute laligne

côtière. Les Parties reconnaissent toutes deux que la question en cause se posà l'intérieurdu

golfe de Guinée,dont le Cameroun, situéau fond de celui-ci, tente toutefois de s'échapper. On

peutmêmedire sans exagérerquesonsystèmede lignes de constructiona été tout exprès conçude

manière à projeter l'ensemble dela façade côtièredu Camerounvers l'avantdu golfe, ignorant ce

faisant les droits des Etats insulaires situéssur la trajectoire de cette projection. Toutefois,il ne

s'agitpas icidu golfe de Fonseca; iln'y apas de condominiumétabli surceseaux, et projeterainsi

descôtes très loinvers le large est,commenous leverrons,tout fait illégitime.

22. On peut bien sûr parfaitement tracer une ligne de fermeture du golfe de Guinéede

cap Lopez, au Gabon,jusqu'à un pointsituétoutjusteà l'ouestd7Akasso;onpeut tracercette ligne

à travers les irrégularitéla côte. Même ainsii,l s'agit d'uneligne d'une longueur considérable.

Arbitrage du 9 octobre 1998,ILR vol. 114,p437.4,par. La présente affaireest pleine de lignes ambitieuses. Cette«ligne de fermeture))a une longueur

d'environ 335 milles marins. Il s'agit d'une lignetotalement abstraite, sans pertinencejuridique

propre. Je mepermetsderappeler àla Cour quela ligne de fermeturedu golfe de Fonsecaa moins

de20 milles marins7.

23.Nouspouvons à présentnous rapprocher un peu,ce qui sembleindiqué, etentrerdans le

golfe de Guinée lui-même .'est l'onglet5. Vousverrez que,dans cette zone,on trouveun grand

nombre de lignes côtières distinctes. En réalité,les Etats ayant des prétentionssur des zones

maritimes sont au nombre de cinq : le Nigéria,la Guinéeéquatoriale,le Cameroun, le Gabon et

Sao Tomé-et-Principe. Et la Guinée équatoriale compte deux territoires importants distincts,

chacunayantsafaçadecôtièrepropre.

24. Il convient donc, dans un premier temps,de déterminerles façades côtièresde ces cinq

Etats. A cette fin, nous allons tracer des lignes droites au travers des différentesindentations,en

suivant l'orientation générale du littoral, les stiers étantreprésentés,our ce qui est de leur

façade maritime, par la longueur de ces lignes. Afin d'éviterde préjugerde la question de la

délimitation maritime,nous donnerons à Bakassisa façade côtièrepropre.11convientaussi, lorsde

cette opération,demesurerles façades côtières deBioko quifont facevers le large, laissantde côté

la façade orientée aunord-est, c'est-à-dire versle détroit,ainsi que les façades côtières de l'îlede

Principe,quifont facevers l'intérieur.

25.Nousobtenonsalors lesfaçadescôtièresapproximativessuivantes :

a) le Nigéria - 140milles marins;

b) Bakassi - 14millesmarins;

c) le Cameroun - ladistancetotalede 155millesmarins;

d) les côtesdeBiokoorientéesvers l'extérieurdu golfe - 94millesmarins;

e) le Rio Muni(la secondepartiede la Guinéeéquatoriale) - 75millesmarins;

j le Gabon,au nordducap Lopez - 114millesmarins;

g) et Principe,pour lapartie concernée - 19milles marins.

'Voir affairdu Diffërend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua
(intervenant)),arrét,C.I.J.Recueil 1992,p.588,par.383. 26. La Cour n'ignore pas, bien sûr, que SaoTomé-et-Principeest un Etat archipélagiqueau

6 6 sensdes articles46 et 47 de laconventionde 1982. Conformément à l'article48, il entendmesurer

sazone économiqueexclusiveet son plateaucontinental à partir de ces lignesdebase. Nous avons

tenu compte uniquement de sa façade côtière réelle, mais il s'agit là d'une complication
i
supplémentaire.

27. Dans l'ensemble, il s'agit donc d'une situation extrêmement complexe. Elle est le

résultatdujeu croisé dela géographiephysiqueet de la géographiepolitique dans cette région,qui

forme un très vaste ensemble. Il est clair que, confrontéà cette situation, la Cour ne peut

l'aborder comme un tout, et il est certain qu'elle ne peut le faire pour deux Etats seulement, le

Nigériaet le Cameroun. La méthodedu Cameroun consiste à prendre la situation dans son

ensembleet àdiviserleszonesmaritimestout en ignorantles deuxEtats insulairesqui sontau cŒur

du problème. M.Mendelsonl'a reconnutrèsfranchement l'autrejour. Il a dit :oui, biensûr, nous

devrionsprendre Bioko en compte,maisce serait injustepour leNigéria. Monsieurle président,le

systèmede lignesde construction du Camerounest totalementinadmissiblepourtoute une sériede

raisons. La raisonessentielleen est toutefoisqu'il s'agitd'une tentativedetraiter la région comme

untout, mais en ignorantlesparamètresessentielsde l'équation.

28. La Cour, au lieu de suivre cette ligne de raisonnementdu Cameroun - ou, devrais-je

dire,cet ensemblecomplexe delignes -, devra porterattentionsur certainescirconstances propres

à la région. Pour pouvoir être adéquatemen trtaitée,la situation d'ensemble, complexe,doit être

subdivisée en ses éléments constitutifs. Il conviendra pour ce faire d'observer l'axiome

fondamental suivant de la délimitation maritime les tribunauxcompétentsseprononcent surles

dzférendsen matièrede délimitationmaritime entreles Etats parties etpar rapport à celles de

leurscôtes quifontface à lazone litigieuseou regardentvers elle. Mêmedansce cas, il peut être

impossible de trancher le différendintégralement,dans la mesure où il est possible que d'autres

Etats côtiers qui ne sont pas parties au différendaient égalementvue sur la zone litigieuseet que

leursrevendications,sur lesquellesla Courne peut statuer maisqu'elle ne peut ignorer, s'opposent

a une délimitationcomplète. Il y a toutefois nécessairementun commencement qui consiste à

examiner les relations côtièresspécifiquesdes Parties par rapporà la zone du différendqui les

oppose,la zonesituéeen facede leurs côtes. 29. Il faut, par conséquent,au tout débutde l'analyse du problème,séparerles différents

éléments.La première étape consiste icà reconnaître que certaines façadescôtièreà l'intérieur

du golfe de Guinéen'ont aucun rapport avec le présent différend et ne peuvent être prisesen

compte lorsqu'on analyse celui-ci. J'en prendrai comme premier exemple la façadecôtièrede

Biokoqui regarde vers l'est, et qui figure sous l'onglet Il est clair que cette façade est sans

rapportaucun avec le présentdifférend. Personnene soutiendraitque cetteligne côtièrefait face

la zone litigieuse,ni qu'il faille la prendreen compted'une quelconquemanière. Il y a ensuite la

façadecôtièredu Rio Muni,le territoirecontinentalde la Guinéeéquatoriale.Ici encore,il n'existe

6 7 aucun rapport avec le différend. Il est exact que la distance entre le Rio Muni et le Nigéria,

mesurée à travers la trouéeentre les deuxEtats insulaires,est inférà400milles marins. Si ces

îles n'existaientpas, il pourraitoirunproblème de délimitationm , ais ellessont là et on ne peut

lesignorer. LeNigériane formule aucuneprétention surles zonesmaritimesen face du Rio Muni,

et laquestion des côtes du Rio Muni n'ajamais étésoulevée- voire mentionnée - au cours des

dixannées de négociatioq nui ont précédl'accordentreleNigériaet la Guinéeéquatoriale.

30. Monsieur le président,Madameet Messieursde la Cour, il estcurieux que la méthode

deslignes de constructiondu Camerounprenne encomptele RioMuni, quiest sans rapportavec le

différend,mais pasBioko,dont le Camerounadmetqu'il constitueune circonstancenon seulement

pertinentemais même spéciale. La méthode des lignes de constructid ounCameroun ignore les

circonstancesspécialeset s'appuie surdes lignes côtièressansrapport avec le différend.Evoluant

dansun univers purementthéorique,elleest sansrapportavec laréalité.

31.Toutefois,si la façade côtièredu Rio Muniest sans rapport avecle différend,il en va de

mêmede la façade côtière duCameroun qui fait face à l'ouest. La distance entre Campo - le

pointnoir sur l'écran;voyezaussi l'onglet86- etBioko est de 92 millesmarins. Le «tripoint»-

techniquement,il ne s'agitpas d'un tripoint mais de l'endroit où la lignetouànl'écra- està

45 milles marinsde la côtedu Cameroun :c'est très loin dela ligne d'équidistance Bioko-Principe

convenue,que vous pouvezégalementvoir à l'écran.Je ne prétendspas, biensûr, qu'il existe un

accordeffectifsur la frontièreentre Campoet les eauxde la Guinée équatoriale mais quant àla

ligned'équidistance,la voici. La zone maritime entre la côte au nord de Campo et le Nigéria est

sansaucunrapportavec leprésentdifférent. 32. Monsieur le président,il y a un autre aspect, qui concerne l'effet des îles sur la

délimitationdans une zone où, potentiellement,les revendications se chevauchent. Les côtes sont

toutes égales, certes,maisje crainsque certainessoientplus égalesque d'autres.Et c'est lecas, en

particulier, pour les îles au large, qui produisent souvent des droits maritimes beaucoup plus

étendusque les Etats côtiers par unitéde façade côtière. Cela est notamment dû au fait, bien sûr,

qu'elles font faceà toutes les directions. Bioko possèdeune façade côtièresur ses quatre côtés,

d'une longueur totale de plus de 100 milles marins. De plus, Bioko n'est pas le seul élément

géographiquedanslegolfe. La ligneque vousvoyez à l'écrancorrespond,en réalitéà, un chapelet

plus longd'îles courantselon unedirection sud-sud-ouestdu mont Camerouna Anubon - quifait

aussi partie de la Guinée équatoriale en passant parBioko,Principe, Sao Tomé.Cette ligneest

étrangement droite. La raison en est qu'il s'agit d'uneligne tectonique, d'une ligne de volca:s

6 8 ceux-là mêmesdont sont issues les montagnes du Cameroun et les îles côtières. On le voit

clairement sur la carte topographique,sous l'onglet87. Cela correspond d'ailleursà une réalité

géographiqueévidente. Le golfede Guinée présentedeux secteurs, quasimentdeux moitiés. Le

Camerounaffectionnele terme ((unilatéral)) q,ui a étutilisé plusieursfois lorsdu premier tour de

plaidoiries,maisje n'ai pas pu comptercombiende fois au total. Or, sur le plantant géographique

que juridique, le golfe de Guinéeest bilatéral. Du côté est, ilexiste une sériede problèmesde

délimitation que présententles côtesopposéesdu Camerounet de Bioko, les côtes adjacentes du

Cameroun et du Rio Muni, les façades côtières opposéed su Rio Muni et de 1'Etatarchipélagique

de SaoTomé-et-Principeet ainside suite en descendant. A l'intérieur dugolfe,il existe au moins

six délimitationsmaritimes lelongdu côtéest de la ligne tectonique. Certainesont étérésoluesà

l'amiable,d'autres non. Il s'agi: 1)des côtes opposéesdu Camerounet de la Guinéeéquatoriale

au nord et à l'est de l'île de Bioko;2) des côtes adjacentesdu Cameroun et du Rio Muni; 3) des

côtes opposéesde Bioko (Guinéeéquatoriale)et de Principe(SaoTomé-et-Principe); 4) des côtes

opposées du RioMuni et de SaoTomé-et-Principe; 5) des côtes adjacentes du Rio MU&et du

Gabon; 6)des côtes opposéesdu Gabon et de SaoTomé-et-Principe. Le Nigérian'estpartie à

aucune de ces relations. Il n'a d'intérê t la résolutiond'aucune d'entre elles. Les côtes en

question ne font pas faceà cellesdu Nigéria. Le Nigéria n'aaucune prétentionsur ces eaux du

secteurest du golfe. La longuefaçadecôtière du Nigérian'a de relation avec aucunede ces côtes. 33. Examinons à présentle secteur ouest du golfe, sous l'onglet 88. Ici, c'est la longue

façade côtièredu Nigéria,orientéeau sud, qui domine. La façade de Bioko, orientée à l'ouest,

regarde vers cettezone. Il en va de mêmepour Sao Tomé-et-Principe.Le Camerouna une façade

relativementcourte dans cette partie occidentale,et reviendra demain. Par conséquent,dans la

partie occidentale du golfe, l'ouest de la ligne tectonique, cinq questions de délimitation se

posent, qui concernent: 1)les côtes adjacentes du Nigériaet du Cameroun dans le nord; 2) les

courtes côtes opposéesdu Camerounet de Bioko(Guinéeéquatoriale),égalementdansle nord, de

part et d'autre du détroit;3) les côtes opposées duNigéria et deBioko (Guinéeéquatoriale);le

secteur ouest de la frontièreentre la Guinéeéquatorialeet SaoTomé-et-Principe, quiest une

frontière convenue - on la voit à l'écran; 5) les côtes opposées du Nigéria et de

Sao Tomé-et-Principe.LeNigériaest partie àtrois de ces cinqrelations.

6 9 34. Monsieurle président,Madameet Messieurs de la Cour, le contraste est on ne peut plus

clair. La leçon à en tirer est que la Cour doit examiner les côtes en question, et les zones

auxquelles elles font face, si elle veut pouvoir donner ne fût-ce qu'un débutde solutioà ce

différend,qui n'est qu'une de la douzaine de questions de délimitationqui concernentles divers

Etats donnantsur le golfede Guinée.

35. Monsieur le président,j'en arrive ainsà la fin de la partie de mon introductionqui

concerne les questions de frontièresmaritimes. J'espère pouvoir vous entretenir demain de la

situation réellesur le terrain ou, plus exactement, sur l'eau. Pour l'essentiel, cette situation est

stable depuis de nombreusesannées,contrairement àla ligne revendiquéepar le Cameroun, quine

cessede changeret de sedéplacer.Je vousremercie, Monsieurle président.

Le PRESIDENT :Je vous remercie, Monsieurle professeur. Ceci met un termeàla séance

de ce matin. Laprochaineséanceauralieudemainmatin à 10heures. La séance estlevée.

L 'audienceest levéà 13h5.

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