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CR 97/17 (translation)
CR 97/17 (traduction)

Tuesday 14 October1997
at 10 am.

Marda 10 heurese 1997 Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de présiden:Asseyez-vous,je vous en prie. La a*

Courreprend ses audiencesdans l'affairerelaàides Questionsd'interprétatet d'application

delaconventiondeMontréalde 1971résultantde l'incidentaériendeLockerbie(Jamahiriyaarabe

libyenne c. Royaume-Uni) et je donne maintenant la parolà lord Hardie, procureur général

dlEcosse.

M. HARDIE :Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

5.1.M. Greenwood a exposéhier le premier argument des exceptions préliminairesdu

Royaume-Uni - à savoir que la Cour n'apas compétence pourexaminer la requête dela Libye

puisqu'il n'ya pas de différend entrela Libye et le Royaume-Uni au titre des dispositions we

l'artic14 de la convention de Montréal. J'aborderaice matin le deuxième argumentde nos

exceptions préliminaires,d'un caractère plus large. Comme la Cour l'a bien prdans son

ordonnancede 1992,il n'estpaspossibled'examiner laprésenteaffairesanstenirpleinementcompte

des effets des résolutions en questionadoptéespar le Conseil de sécurité. C'est pourquoi

M. Bethlehem a appelé hierl'attentionde la Cour sur les principales dispositions de ces trois

résolutions. Selon nous, lesrésolutions748 et 883 sontjuridiquement obligatoireset créent pour

la Libye et le Royaume-Unides obligationsjuridiques qui sont déterminantespour tout différend

sur lequel la Cour pourrait avoir compétence.Autrement dit, mêmes'ilexistait entre la Libye et

leRoyaume-Uniun différendrelevantdesdispositionsde l'arti14de laconventionde Montréal,
-
lesditesrésolutionsauraient poureffet de rendre irrecevablela requêtede laLibye qui devrait être

déclaréecomme telle au stade actuel.

5.2.Dans ses pièces,la Libye a essayéde présenter le problèmecomme un grand principe

constitutionnel,commeuneoppositionentre lafonctionjudiciaire et la fonction politiqueet un défi

au principe de la primautédu droit dans la communauté internationale. Maisil n'en est rien,

Monsieur le Président. La véri,ommeje m'efforcerai dele montrer, est bien plussimple. La

Charte des Nations Unies établitun systèmepour traiter ce qui étaiten5 et reste encore

aujourd'hui leplus grave problèmeauquel aitaire face la communauté internationàsavoir

les menaces contre la paix et les ruptures de la paix. C'estpour ràpces menaces,à ces -3-

ruptures et aux actes d'agressionqu'a été crélé e Conseil de sécurité en tant qu'organesusceptible

de prendre des mesures pour traiter ces questions à tout moment. Le Conseil n'estplacédans

aucune relation hiérarchiqueavec d'autresorganesdel'organisation desNations Unies. La Charte

est au contraire fondée surl'hypothèseque les principaux organes peuvent Œuvrer côte àcôte. La

-..\ /; présenteaffaireappelle,selonnous, uneanalyseappropriéede laquestionde savoirceque l'onpeut
- u, #.;
et que l'ondevrait faire, et non pas des considérations rhétoriquestendan t opposer le Conseil et

la Cour.

5.3.Je me propose, Monsieurle Président,de traiter cet argument dans le cadre des quatres

grandes propositions suivantes

premièrement, les dispositions de la Charte des Nations Unies assignent des responsabilités

spéciales auConseil de sécurité pour le maintien de la paix et de la sécurité internationaleset

la Charte attribue au Conseil les compétences nécessaires pour exercer lesdites responsabilités

de manière eff~cace(par. 4.33 à 4.42 des exceptions préliminairesdu Royaume-Uni);

deuxièmement,conformémentaux obligations imposées par le Conseil de sécurité enl'espèce,

la Libye doit remettre les accusés pour qu'ils soient jugés en Ecosse ou aux

Etats-Unis d'Amérique (par4 . .7-4.12);

troisièmement, lesobligations découlant des résolutionsdu Conseil de sécurité priment tous

autres droits et obligations des Parties (par. 4.13), et

quatrièmement,laconclusionde laLibye selonlaquellelaCour peut seprononcersurla validité

des résolutionsdu Conseil de sécurité quana tu fond doit être rejetée (par4..19 à 4.29).

1. Première proposition - Les dispositions de la Charte des Nations Unies assignent des

responsabilitésspécialea su Conseilde sécurité pour le maintiende la paix et de la sécurité
internationales,et la Charte attribue au Conseil les compétences nécessaires pour exercer
lesdites responsabilitésde manière efficace

5.4. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, selon ma première proposition, les

dispositions de la Charte des Nations Unies assignent des responsabilités spéciales au Conseil de

sécuritépour le maintien dela paix et de la sécuritéinternationales et laCharte attribue au Conseil

les compétences nécessaires pour exercer lesdites responsabilité de manière efficace. 5.5. Il est possible, aux fins de mon raisonnement, de résumerles compétencesessentielles

que la Charte attribue au Conseil de sécurité de la manièresuivante :

constater l'existence d'unemenace contre la paix, d'une rupture de la paix et de tout acte

d'agression;

prendre les mesures appropriéespour faire face à de telles situations;

décider siles mesures qu'ila pu prévoirdans sesdécisionsontbien été misesen oeuvreet, dans

la négative, examinerla question de savoir quelles mesures complémentairesdevraient être

utiliséespour donner effet à ses décisions.

'./, 12 Je traiterai successivement chacun de ces points.
j '.
w
Constatationde l'existenced'une menacecontre lapaix,d'unerupturedela paixoud'unacte
d'agression

5.6. Messieursde la Cour, commeM.Bethlehem l'a montréhier, dans sesrésolutions748 et

883, le Conseil de sécurité a estimé que le comportement de la Libye, et notamment le fait de ne

pas avoir donnéentièrementet efficacementsuite aux requêtes contenuesdans la résolution731,

constitueraientune menace contre la paixet la sécuritéinternationales.En adoptantsesrésolutions

748et 883, le Conseila agi dans le cadrede l'article39 de laCharte,dont lesdispositionssontbien

connues. Je rappellerai simplement àlaCourqu'elles sont énoncées sansambiguït é «le Conseil

de sécurité constate l'existenced'unemenacecontre la paix, d'unerupture de la paix ou d'unacte

d'agressionetfait desrecommandationsoudécidequellesmesuresserontprises ...pourmaintenir ...
w

la paix et la sécurité internationales.)()les italiques sont de moi).

5.7. Cette responsabilité,contestéeen I'espècepar la Libye, constitue une des pierres

angulairesdu systèmede la ChartedesNations Unies. L'article39 ne sauraitcependant être luhors

contexte. On ne saurait certes pas le lire sans tenir égalementcompte de l'énumération c,ontenue

dans la Charte - qui est aprèstout I'instrumentessentielen cause - des fonctionset pouvoirsdu

Conseil de sécurité.Je rappellerai en particulier les dispositionsdu paragraphe 1de l'article 24de

la Charte qui prévoientnotamment que les Membres de l'organisation {(confèrentau Conseil de

sécurité la responsabilité principaldeu maintien de la paix et de la sécurité internationales)). -5-

5.8. La question dont est actuellement saisie la Cour est essentiellementcelle de savoir si,

lorsquele Conseil agit conformément à l'article 39, ses décisionpeuvent faire l'objetd'unexamen

quantau fond de la part de laCour. Il n'existecependantpas de réponse«juridiquement»correcte

au problèmede savoirsi lapaix et le sécurité internationalessont menacéespar un ensembledonné

de circonstances. Les vues émisespar le Conseil de sécurité en applicationde l'article39 relèvent

nécessairementde son pouvoir d'appréciation,il s'agit d'unequestion relevant uniquement du

Conseilde sécurité. Il n'estpas de critères((juridiques))pouvantservir àévaluerunetelle situation.

Il découle donc de l'absence de tout étalonjuridique en la matière, que touteévaluation parun

quelqu'autreorgane - comme la Cour- entraînerait nécessairementune appréciationdifférente

de la situation en question par cet autre organe.

-. ,. ,! 5.9.Laresponsabilitédu Conseildesécuritée ,tduConseilde sécurité seulement,de constater
.* , ,

l'existenced'unemenace contre la paix est une question, Monsieur le Président, quevous avez

abordéedans l'opiniondissidente que vous avez annexée à l'ordonnancerelative à la demande en

indicationde mesures conservatoiresrenduedans laprésenteaffaire en avril 1992,dans lestermes

suivants reproduits à la page 66 de cette ordonnance :

«lorsqu'ils'agitde constater l'existenced'unemenace contre la paix, d'unerupture de
la paix ou d'unacte d'agression,le Conseiljouit d'une totale liberté d'appréciation. Il
semble que c'estle Conseil, et lui seul, qui estjuge de l'existence d'unétatde choses
qui entraîne la mise en applicationdu chapitre VII.»

Nous relevonsavecinquiétudequ'eninvitantlaCour à examinerquantaufond lesrésolutions

en question, la Libye engage en fait la Cour à se substituer au Conseil pour donner sa propre

appréciationen lamatière. Ce n'estaucunementce qu'a prévu la Charte.Pour reprendre lestermes

utiliséspar M. Lachs dans son opinion individuelle sur la demande en indication de mesures

conservatoires

«L'onpeut donc legitimementsupposerque l'intentiondes fondateursn'était pas
d'encourager ces organes à exercer leurs fonctions parallèlementcomme avec des
Œillères, maisplutôt d'avoirentre eux une interaction fi-uctueuse.))(Ordonnance du
14 avril 1992,C.I.J. Recueil 1992, p. 26.)

Ce que demande la Libye à la Cour ne saurait êtreconsidérécomme une ((interactionfi-uctueuse)). -6-

5.10. La Libye demande en somme à la Cour de se déclarerl'ultime arbitre du caractère

approprié des décisionsdu Conseil de sécuritéc,e qui revientà un exercice parallèleet ((comme

avec des Œillères»de la pire sorte des fonctionsrespectives de chacun de ces organes. Si un tel

principe étaitjamaisadmis, uneépée de Damoclès seraitsuspenduesur toute décisiondu Conseil

de sécurité.Le Conseil de sécurité ne saurait ainsi s'acquitterdu rôle qui lui revient autitre du

chapitreVI1si lesconstatationsqu'ilfaitconformément à l'article39pouvaientfairel'objetde litige.

5.11. Bien quej'insiste beaucoup sur ce point,je ne pense pas, Messieurs de la Cour, qu'il

s'agisse làd'une question quipuisse vous poserde grandes difficultésen l'espèce.La Cour a déjà,

dans lecadrede l'avisqu'ellea rendudansl'affairedu Camerounseptentrional(C.I.J.Recueil1963,

p. 32), indiquéqu'elle n'est pasdisposàréexaminerles décisionp srisespar l'Assemblée générale W

dans les domaines de sa compétence. Il doit en être à fortiori ainsi pour celles du Conseil de

sécurité.

Prise de mesures appropriées àla suite de la constatation d'une menace contrela paix,d'une
rupture de la paix ou d'un acte d'agression

5.12.Messieursde la Cour,lesconsidérationsqueje viens d'exposer àl'égarddemapremière

proposition concernant les compétencesdu Conseil sont également valables dansle cas de ma

-,,. :-- deuxième proposition. Vous vousrappellerez, queselon cette proposition, le pouvoirde décider
-..L
des mesures appropriéespour faire face à des situations dont il a été constaqu'ellesconstituent

une menace contre la paix relèvent également du seul Conseil de sécurité.

5.13. La deuxième compétence attribuéa eu Conseil consiste en effet déciderdes mesures

appropriéespour faire face à une menace contre la paix, à une rupture de la paix ou àun acte

d'agression. Cette compétence est liée à la responsabilité préalabde constater en premier lieu

l'existencede la menaceou d'uneautre situation. Elle découle destermes mêmesde l'article39 et

de la structuredu chapitreI1de laCharte. Le libelléde l'article39vise toutàlafois lapossibilité

de constater l'existence d'une menace contre la paix ou autre situation et celle de faire «des

recommandations ou décide[r]quelles mesures seront prises conformément aux articles41 et 42

pour maintenir ou rétablirla paix et la sécurité internationales)).es dispositions des articles -7-

successifs du chapitre VI1 ainsi que le titre même duchapitre font clairement ressortir que,

conformément à ce chapitre, le Conseil de sécurdoit agir pour faire face aux menaces contre la

paix, aux ruptures de la paix et aux actes d'agression.

5.14.Monsieur le Président,il est largement reconnu qu'uncaractèreessentiel dusystèmede

la Charte est de lier inextricablementla responsabilitéde constaterl'existenced'unemenace contre

lapaix et celle de déterminerlesmesures appropriées pourfairefaceà cette menace. Les deux sont

attribuéesau Conseil de sécurité etil en est incontestablementainsi.

5.15. Aucune disposition de la Charte ni rien dans la pratique de l'organisation ne saurait

étayerlaproposition de laLibyeselon laquelle lesmesuresordonnéespar leConseilpourraientfaire

l'objetd'unexamenjudiciaire. Si unetelle éventualitéavaié t tprévueou mêmeenvisagéepar les

auteurs de laCharte, ces derniers auraient stipuléune dispositioncet effet. Or il n'existepas de

telle disposition. En revanche, la Charteet la pratiquede l'Organisationappuientamplement l'idée

que la détermination des mesuresappropriéespour faire face àune menace contre la paix relève

du seul Conseil de sécurité.Parmi les mesures auxquelles le Conseil est autorisà avoir recours

figure l'emploide la force. La prise d'unetelle mesure pourrait difficilement faire l'objet d'un

examen judiciaire.

Question de savoir si les requêtes contenues dans les décisionsdu Conseil de sécurité ont été
satisfaiteset, dans la négative,quellesmesurescomplémentairesdevraientêtre prises pour
donner effet à ces décisions

5.16. La troisièmecompétenceattribuée exclusivementau Conseil de sécurité est celle de

déterminers'il a étébien donné suite aux dispositions de ses résolutions. A notre avis, cette

compétence découle naturellement dela responsabilitédu Conseil de constater l'existenced'une

menace contre la paix et de prendre des mesures pour y faire face. Une approche différente

reviendraitàreconnaîtreau Conseillepouvoird'agirtouten l'empêchant dd eéterminersi sonaction

a atteint sonobjectif. La Cour relèveraque l'article41attribue expressémentau Conseille pouvoir

de décider quelles mesuressont nécessaires pourdonner effet à ses décisions. -8-

5.17. Une bonne manièred'aborder cettequestion en l'occurrenceestd'analyserce qui s'est

passé aprèsl'adoptionde la résolution731. Comme M. Bethlehem l'a fait ressortir hier, c'est

l'inobservationpar la Libye de cette résolutionqui a amenéle Conseil de sécuritéà adopter la

résolution748. Comme le représentantdu Japon l'a fait observer au cours des débats surla

résolution748, «il étaità prévoir que le Conseil de sécurité devraitprendre des mesures

complémentairessi la Libyene donnaitpas suite à [la résolution7311)).La Cour relèvera quetant

la résolution 748 quela résolution 883indiquentexpressément queles sanctionsqu'elles prévoient

visent àassurer le respect des décisionsdu Conseil.

5.18. Il nous semble,Monsieur le Président,que la Libye neconteste pas expressément que

ces pouvoirs reviennent au Conseil de sécuritéet au Conseil de sécuritéseulement, mais elle

soulève, à cet égard, la question de savoir si ces pouvoirs sont ou non «illimités»et, plus

particulièrement, sile Conseil peut prévoirdes mesures contraires au «droit en vigueur)).

5.19. Le plus généralde ces arguments est, selon nous, entièrement abstrait et sans effet

pratique. La question n'estpas de savoir s'ilexiste des limitesque peut faire le Conseilmais,

qui aurait la possibilité defaire respecter ces limites. Le demandeur commet une erreur en

supposant que, dans le cadre dans lequel le Conseil de sécurité ala responsabilitéd'agir pour

maintenir la paix et la sécuritéinternationales, l'existencede limitesn autorité impliquerait

l'existenced'uncontrôlejudiciaire. Un tel argumentà priori n'esttout simplementpas soutenable

comptetenu des dispositionsmêmesde laCharte,de sa genèse(illustréeauparagraphe 4.17de nos
.-
exceptions préliminaires) et de la jurisprudence de la Cour elle-même (résuméeaux

paragraphes 4.23. et 4.24 de nos exceptionspréliminaires).

5.20.Comme il ressort implicitementde ce queje viens dedire, nous ne pensonscependant

pas que les actions du Conseil de sécurine soient soumisesàaucun contrôle. Il existe certes de

tels contrôles. Ceux-ci s'exercentcependant un niveaupolitique plutôt qu'à unniveaujuridique.

Un de ces contrôlestient la compositionmême du Conseilqui,ainsi que nous l'avonsfaitressortir

dansnosexceptionspréliminaires,vise à représenterla compositionde l'ensemblede l'organisation.

En conséquence,le Conseiltient compte,danssesdécisionséventuellesd ,e la plus grandediversité

de vues. Un autre contrôletientà la rotation annuelle partielle des membres du Conseil quia en -9-

grande partie le mêmeeffet. Un troisième contrôle tient à la responsabilitédu Conseil, en tant

qu'organede l'OrganisationdesNationsUnies, devanttous les Membres de l'organisation comme

il ressort parexemple des rapportsannuelsqu'ilprésenteà l'Assemblée généraleconformémentau

paragraphe 3 de l'article24 de la Charte.

5.21. Il s'agitlà de contrôles réelsqui sont cependantbien loin du concept d'un contrôle

judiciaire ultérieur visaàtvalider ou invalider lesdécisions prisespar le Conseil dans l'exercice

de ses responsabilitésspéciales.Le demandeur prétenddans sa réponse qu'iy l a lieu de distinguer

entre la substitution,par la Cour, de son pouvoir d'appréciatàocelui du Conseil et l'application,

parlaCour,de ((critèresobjectifs»pourcontrôlerl'exercicecapricieuxpar leConseilde sonpouvoir

d'appréciation.Ledemandeurest cependant incapabledepréciserquelssontces((critèresobjectifs))

ni d'oùils viennent.Il est tout aussi incapablede dire comment unjugement de la Cour, donnant

tort au Conseil lorsquecelui-ciaurait constaté,par exemple, qu'unesituation particulièreconstitue

unemenacecontre lapaix et la sécuritéinternationales,serait réellementdifférentd'uc nenclusion

de la Cour constatant que cette situationparticulièrene constitue pas une menace contre la paix et

la sécuritinternationales. Cela reviendraitsimplement,selon nous, pour la Cour,à substituerson

pouvoir d'appréciationà celui du Conseil.

5.22.Monsieur le Président, Messieursde la Cour, lanaturepolitique des contrôles existants

ne devraitmasquer ni leur efficaciténi le fait qu'ils s'exercentdansun cadrejuridique, celui prévu

par la Charte; les membres du Conseil ont actuellement parfaitement conscience du fait que la

Charte leur confère,non pas de pleins pouvoirs, mais des pouvoirs spéciaux à des fins définies.

La Libyedoit accepter la réalitéles membresdu Conseilont pris lesdécisionscontenuesdansces

trois résolutionsen toute consciencedes responsabilitésque leur confèrela Charte.

II. Deuxième proposition -- Conformément aux obligations imposées par le Conseil de
sécurité en l'espèce,la Libye doit remettreles accusés pourqu'ilssoient jugésen Ecosse
ou aux Etats-Unis

5.23.Ma deuxièmepropositionest la suivante :conformémentaux obligationsimposéespar

le Conseil de sécurité enl'espèce,la Libye doit remettre les accuséspour qu'ils soientjugés en

Ecosse ou aux Etats-Unis. - 10-

5.24.Le Royaume-Unia invoqué lestrois résolutionsadoptéespar leConseilde sécuriqui

intéressentdirectementet spécifiquementlaprésenteaffaàrsavoirlesrésolutions731,748 et 883

(annexes 2, 3 et 4 des exceptions préliminairesdu Royaume-Uni).. Bethlehem a analysé hier

devant la Cour les dispositions de ces résolutions. Nous maintenonces résolutionsappellent

la remise des accuséspour qu'ils soientjugés en Ecosseou aux Etats-Unis.

5.25. La Libye avance, dans son mémoire, plusieursargumentspour appuyer sa thèseselon

laquelle ces résolutions n'appelleraientpas la remise des accusés. Ces arguments, sur lesquels la

Libye n'estpas revenue dans sa réponse,ont été analyes détailaux paragraphes4.7.4.12. des

exceptions préliminairesdu Royaume-Uni,maisje les résumeraiici.

5.26. La Libye prétend, toutd'abord, que la résolutio3fait référence «la Charte des -

Nations Unies et aux principes pertinents du droit international))et écartedonc la remise des

accusés. II n'est cependantnullement contraireaux principesdu droit internationalque le Conseil

de sécuritéappuieunedemandederemised'unepersonnepourqu'ellesoitjugée. Ainsique M.Oda

l'a fait observer dans la déclaration qu'il a faite sur la demande en indication de mesures

conservatoires (p. 19:

«unEtat compétentpour entamerdespoursuitescontreune personnequi setrouveêtre
en territoire étranga[it] la facultéde demander au souverain territorial d'extrader
l'intéressé..»

Le Conseil de sécurité ne pourrait paslicitement appuyer une reqen elle-même légitime.

5.27.La Libye prétendd'autre partqu'uneremise desaccusésne saurait avoir prévue car 1

un procès équitablene saurait être garantien Ecosse. J'aitraitéhier cette question. Quoi qu'ilen

soit, il est évidentque le Conseil de sécne partage tout simplementpas les vuesde la Libye

en la matière.

5.28.Les autres argumentsde laLibyeconcernantlesrequêtescontenuesdanslesrésolutions

ne montrent que l'ingéniosid'unconseil averti s'attachantelever des ambiguïtéslà où il n'en

existe pas. Ces arguments sont, commeje l'aidéjà dit, traitésnos exceptionspréliminaireset

je ne retiendrai pas davantageattention.dela Couà leur égard. - 11-

5.29. J'aborderai maintenant le caractère obligatoire des requêtesdu Conseil de sécurité.

Contrairement aux résolutions 748 et 883 ultérieures,la résolution731n'a pasété adoptéeau titre

du chapitre VII. Bien que le texte de cette résolutionne le dise pas expressément,il y a lieu de

supposer que cette dernière a été adopté conformément auchapitre VI de la Charte, qui autorise

notamment le Conseil de sécurité à faire des recommandations à l'égardde situations dont la

prolongationseraitjugée susceptibledemenacerlemaintiende lapaix et desécuritéinternationales.

Son importancetient au contexte plus large des préoccupationsdu Conseil de sécurité au sujet de

l'incidentde Lockerbie. La résolution731visait à fournir à la Libye une occasionraisonnable de

répondre à l'appelformuléau nom de lacommunauté internationalec ;'estlaréactioninadéquatede

la Libye à cette requêtequi a constitué labase des décisionsprises par le Conseil de sécurité dans

sa résolution748 puis dans sa résolution883. Si la Libye avait choisi de se comporter autrement

et avait donnéune «réponse complèteet effective))aux demandes du Royaume-Uni, comme le

Conseil de sécurité l'engageait.à le faire dans sa résolution731, les choses auraient sans doute eu

un aspect entièrement différent aujourd'hui.

5.30. Cela n'est cependant quece qui «auraitpu être)).Pour les raisons qu'a déjà exposées

M. Bethlehem, la réponse dela Libye n'a pas satisfait le Conseil de sécurité qui a adopté ses

résolutions 748 et 883 en conséquence.Il est incontestable, pour lesraisons déjà fournies,queces

deux résolutions ont été adoptéa es titre du chapitre VI1de la Charte et que leConseil entendait

leur donner la force obligatoire prévueaux articles 24, 25, 41, 48 et 49 de la Charte. Le

Royaume-Uni croit comprendre que cela n'est pasnon plus contesté parla Libye.

5.31.Au stage actuel, la Libyemet seulement enquestioncesdeux résolutionsen prétendant

que leur processusd'adoptionn'a pasété appropriéet qu'ilest doncdénué d'effet;la résolution731

afait l'objetd'uneobjectionanalogue. M.Bethlehema traité hierlaquestionde lavalidité formelle

de ces résolutions.

. .,., 5.32. Si on laisse donc de côtéles questionsde lavalidité formelledesditesrésolutions,il ne
- . <

fait guère de doute, selon nous, que les résolutions748 et 883 contiennent des décisions

obligatoires :ellesont étéadoptée psar leConseilexpressémentautitre du chapitreVI1de laCharte

à la suite de la constatationformelle que les circonstancesconstituaient une menace contre la paix - 12-

et la sécurité internationales et le Conseil y a expressémedtéclaré qules obligations qu'elles

imposentaux Etatsvisent à donnereffetauxdécisionsduConseil. Cesobligationsontété énoncées

enoutred'unemanièreimpérativequi montreamplementque leConseil,ayantremplilesconditions

prévues auchapitre VII, entendait imposer des mesuresjuridiques obligatoirespour tous les Etats

membres. Les résolutionsrelèventainsi incontestablementde l'engagement pris à l'article25 par

chaqueEtat membre ((d'accepteret d'appliquer lesdécisionsdu Conseilde sécuritéconformément

à la présente Charte)).

5.33. Je peux mentionner à cet égard, Monsieurle Président,que la Libye a essayé de

développer,dans sespièces,un argument selon lequelcela ne résout pas la questicar l'article25

ne serait applicable qu'auxdécisionsdu Conseilde sécuritéprise((conformément à la...Charte)), 1

ce qui supposeraitun réexamende leurs dispositionsquant au fond. Qu'il mesoit permis de faire

remarquer que cet argument est fallacieux tant du point de vue grammatical quejuridique. Le

membre de phrase «conformément à la présente Charte))est une locution adverbiale censée se

rapporter aux verbes «accepter» et ((appliquer))et non pas au substantif ((décisions)).Ce point

ressort plus clairement encore dans la version française de la Charte.

5.34.Il est donc clair que, selon la meilleure interprétationque l'onpuisse donner du texte

dans les deux langues, l'article25 vise non pas ce que le Conseil doit faire mais ce que les Etats

membres sont tenus de faire à la suite d'une décision du Conseil. C'estau paragraphe 2 de

l'article 24que le Conseilest appeàéagir conformémentaux buts et principesdesNations Unies.
v
Cela ne revient cependant pas du touà dire que l'article25 donnà chaque Etat membre le droit

de choisirà son gréles décisions prisespar le Conseil de sécuritau titre du chapitre VII, qu'il

entendaccepter selonqu'illesconsidère conformesou nonaux butset principesdesNations Unies.

La Cour a été,bien entendu, saisie de la question de l'applicationde l'article 25de la Charte

l'égarddes résolutionsdu Conseil de sécurité dansle cadre de l'avisconsultatif qu'elle a rendu

en 1971 sur la Namibie (C.I.J.Recueil 1971,p.16). On peut néanmoins encorese demander si la

Cour a estimé àbon escient dans cet avis que le Conseil de sécurpourrait prendredes décisions

obligatoires au titre de pouvoirs implicites ne relevant pas du chapitrede la Charte. Il est

cependant évident quela question considérée par la Cour étaitcelle des effets d'une résolution - 13 -

dûmentadoptéepar le Conseilde sécuritéen ton pas cellede savoirsi l'article25 confèàela Cour

le pouvoir de réexaminerles dispositions d'unetelle résolutionquant au fond.

5.35. Nous sommes donc d'avis que lesdites résolutions imposent à la Libye l'obligation

impérative de remettre lesdeux accuséspour qu'ils soient jugésen Ecosse ou aux Etats-Unis.

J'aborderaimaintenantma troisièmeproposition concernantla question desavoir si les obligations

imposées parle Conseil de sécurité priment tous autres droits et obligations des Parties.

III. Troisième proposition- Lesobligations imposées par le Conseildesécurité priment tous
autres droits et obligations des Parties

5.36.Je commencerai par les observationsquej'ai à faire en la matièreen traitant un point

qui a apparemmentcausé quelquesdifficultés au demandeur. La Libye a constammentagi devant

la Cour comme si les résolutionsen question avaient été adoptéeesn vue de i'écarterde ses droits

au titre de la convention de Montréal,mais cette insinuation ne tient pas compte tant de la

chronologie des décisionsdu Conseil que de la véritable nature des décisionsdu Conseil. Le

Conseil n'asimplement pris que des mesures appropriéespour faire face à une menace contre la

paix et la sécurité internationales. Le représentant permanent du Royaume-Uniauprès de

l'organisation desNationsUnies abien faitressortircepoint(SPV.3033, annexe 10desexceptions

préliminairesdu Royaume-Uni,p.104). Mais M. Bethlehem est déjàintervenu hier à ce sujet.

5.37.En outre, le demandeurprétend quele Conseilde sécuritéest tenu par toute obligation

juridique déjà en vigueurentre les Etats impliquésdans une situation dont il est saisi. La Libye

formule expressémentcettevue àdiverses reprises dans ses écrituresen affirmant que le Conseil

n'est pas juridiquement autoriséà écarterles «droits» conférésà la Libye par la convention de

Montréal. Comme M. Greenwood l'a montré, l'existencm eêmede tels «droits» est extrêmement

douteuse et contestable- ce qui met en question lavalidité de cet argument dela Libye. Mais,

si on laissecet aspectde côté,'argumentne peut manquerde se heurter à l'article103de laCharte.

Je n'hésite pasà citer cet article qui prév:it

«Encas de conflit entre les obligationsdesMembresdesNations Unies envertu
de la présente Charte etleurs obligations en vertu de tout autre accord international,
les premièresprévaudront.)) -14-

5.38. Jecite cet article non parce que les membres de la Cour n'enconnaissentpas bien les

dispositions,mais parceque lesargumentsdu demandeuren remettentenquestiontoute la finalité.

L'article 103est cependantun élémentessentilu systèmede laCharte. Il énoncel'obligationdes

Etatsmembres de reconnaîtrelasupérioritdu droit international que la Charteest censéeformuler.

A l'article24, les Etats membres confèrent au Conseil de sécula responsabilité principaledu

maintien de la paix et de la sécurité internationales.icle25, les Etats membresconviennent

d'accepter et d'appliquer les décisdu Conseil de sécurité.Le chapitre1attribue au Conseil

despouvoirs de décisionallant mêmejusqu'à l'emplodie la forcearmée.A cet égard,l'article 103

nefait que complétercesmécanismesen prévoyant expressémen qtue, danscertainescirconstances,

les arrangements bilatéraux des Etatsmembres doivent céderle pas aux intérêts supérieudsu W

maintien de la paix. Cet article ne saurait signifier que la libertédu Conseil puisse être

limitéepar deprétendusdroitsconventionnels d'une partie; ilsignifieen faittout lecontraire.

5.39.Il reste seulemeàtnoter quetant le sensque les dispositionsexpressesde l'article103

s'appliquentauxdécisionsobligatoireduConseilde sécuritéainsi qu'auxdispositionsde laCharte

elle-même.Le syllogisme est simple :les Etats membres sontjuridiquement tenus ((d'accepteret

d'appliquer))les décisions obligatoiresdu Conseil; cette obligation est une ((obligationen vertu de

laCharte));et cette obligation prévaut sur les ((obligationsdesEtats membres en vertude tout

autre accord international)). La versionfrançaise est là aussi encore plus claire que la version

anglaiseà cet égard. La conclusion évidente,déjà implicitedansle raisonnement tenupar la Cour
-
dans son avis consultatif relaàil'affairede la Namibie(C.I.J. Recueil1971, p. 16),a déjàété

clairement reprise dans l'ordonnancede la Cour du 14 avril 1992refusant l'indication demesures

conservatoiresen l'espè(C.I.J. Recueil1992,p. 3;voirégalementlesparagraphes 4.6à 4.64des

exceptionspréliminairesdu Royaume-Uni). Même les membres de lC aour qui n'ont passouscrit

à cette décisionont néanmoinssoulignél'importance del'article à0l'égardes décisionsprises

conformément à l'article 25.

5.40. MonsieurlePrésident,Messieursde laCour,j'aborderaimaintenant la quatrièmepartie

de mon argumentation de ce matin,à savoir que la conclusion de la Libye selon laquelle laCour

peut se prononcer sur la validité des résoluen question quant au fond doit êtrerejetée. -..- r: IV. La Quatrième proposition - IIy a lieu de rejeterla thèse libyenneselon laquelle la Cour
- L. i: peut se prononcer sur la validitésubstantiellesde ces résolutions.

5.41. La Libye a énoncé cettequestion sous la forme d'unprincipe abstrait et général. Ce

n'estpas ainsi que le Royaume-Uni envisage ce problème mais, par respect pour l'argumentation

développéepan roscontradicteurs,je l'examineraid'abordsouscet angle avantd'aborderbrièvement

les objections de fond que la Libye formule contre la validité des résolutions748 et 883. Maisje

voudrais toutefois faire une observation préliminaire.

5.42. La réponse de la Libye - aux paragraphes 3.18 et 3.28 - fait grand cas du fait que

le Royaume-Uni «n'a pu citer le moindre texte)) pour justifier l'affirmation selon laquelle les

décisionsdu Conseil de sécuriténe peuvent faire l'objet d'uncontrôle au fond par la Cour. Or

celle-ci trouvera les précédentscitéspar le Royaume-Uni aux paragraphes 4.17 à 4.24 de nos

exceptionspréliminaires. De plus, ce n'estpas le Royaume-Uni qui invoque comme argument de

fond à l'appuide sathèse l'absence de possibilitéde contrôler les décisionsdu Conseil de sécurité.

Ce que le Royaume-Uni a fait, c'est desoulever - comme il était obligéde le faire surtout au vu

de la décisionde la Cour sur la demande en indication de mesures conservatoires - l'effet des

résolutionsdu Conseil de sécuritéen tant qu'élément influans tur la recevabilité des demandes

libyennes.

5.43. J'aborderaimaintenant la question de la compétencegénérale de la Cour d'examinerla

validité substantielledes décisionsdu Conseil de sécurité.L'argumentationdu Royaume-Uni sur

la nature particulièredes pouvoirs du Conseil de sécurité est exposée au point IV de la quatrième

partie de nos exceptions préliminaires. Je voudrais simplement ce matin attirer l'attention de la

Cour sur un ou deux aspects particuliers de celle-ci.

5.44. La premièreobservation est que la question revêtun double aspect :la juridiction et

la compétence. Bien que ces deux aspects aient un rapport entre eux, ils ne sont pas identiques :

quand on parle de compétence,il s'agit de savoir si la Cour est investie, dans le cadre du système

de laCharte des Nations Unies, du pouvoir d'examiner,ou «de contrôler))la légalité des décisions

du Conseil de sécurité. Quand on parle de juridiction par contre, il s'agit de savoir si la Cour,

mêmesi elle possède ce pouvoir, peut l'exercer à titre incident dans une procédure contentieuse - 16-

engagéeen vertu d'une clause compromissoire telle que le paragraphe 1 de l'article 14 de la

convention de Montréal. La distinction à opérerentre compétenceet juridiction n'est paspur

formalisme. 11y a par exemple, comme le font ressortir les paragraphes 4.19 à 4.22 de nos

exceptions préliminaires,une différence qualitative fondamentaleentre une demande par laquelle

le Conseil lui-mêmeprie la Cour dans le cadre de la procédure consultativede rendre un avis sur

la portéede ses pouvoirset laprétentionselon laquelle la Courpeut exercerun pouvoir decontrôle

judiciaireàtitre purement incident lorsqu'elleest appelàeseprononcersur un différendbilatéral.

M. Greenwood a examinéhier les aspectsjuridictionnels de cette question.

5.45. Permettez-moi donc, en abordant la question de la compétence, d'attirer tout

particulièrementl'attention de laCour sur les indices clairs que la Charte elle-mnous donne. J

La responsabilité principale qu'ale Conseil de sécurité demaintenir la paix et la sécurité

internationales ne lui a pas été conférée simplemec ntmme ça. Elle lui a étéconférée(([alfin

d'assurerl'action rapideet efficacede l'organisation)). Ce sontlà exactementlespremiersmots de

l'article 24. L'article prévoit luique le Conseil de sécurité doit être((organiséde manière à

pouvoir exercer ses fonctions en permanence». Ces élémentsconsidérés ensemble montrent de

façon la plus claire que, pour les auteurs de la Charte, il se peut fort bien quel'actionace»

doive être((immédiate)e)t que cette décisionappartient nécessairement au Conseil. Empêcho eu

différer l'exercicede ses responsabilitéspar le Conseil de sécurité serait incompatible avec

l'intentionmanifeste de la Charte étant donné rôle cléque le Conseildevaitjouer dans le cadre
w
de l'exercice de ses responsabilitéspour atteindre les buts et mettre en Œuvreles principes des

Nations Unies.

5.46. S'ilavaitétdans l'intentionde laconférence,qui a rédigé a harte desNations Unies,

de permettre aux Etats de contesterau fond lesrésolutionsdu Conseil de sécuriq,ui s'adressaient

à eux, on pourrait penser qu'elleaurait adopté des dispositionsen ce sens. Comme il est indiqué

dans nos exceptions préliminaires,la Belgique avait d'ailleursformuléune proposition ence sens

a la conférencede San Francisco en 1945 : «Tout Etat partie àun différend dont estsaisi le Conseilde sécurité ese tn droit
de demander à laCPJi unavisconsultatif sur lepointde savoirsi unerecommandation
faiteou une décision prisepar leConseil ou quiy sont proposées portentatteinte à ses

droits essentiels. Si la Cour estime que ces droitsont été méconnusou sont menacés,
il appartient au Conseil, soit de reconsidérerla question, soit de renvoyer le différend
pour décision devant l'Assemblée».(Documentsde la Conférencedes Nations Unies
sur l'organisationinternationale (UNCIO), vol. 4, p. 476-477.)

. '-y.o. La portéelimitée dela proposition belge ressort clairementde cestermesmêmescommed'ailleurs
,' //
, .L.-
le fait qu'ellen'auraitpas assuré à la Libye la mesure de redressement qu'ellesollicite de la Cour

aujourd'hui. Quoi qu'il en soit la proposition a été rejetée et une proposition formulée

ultérieurementpar la Belgique en vue d'établirun comitédes questionsjuridiques a subi le même

sort. Les exigencesposéesparla Charte, lacapacitéqu'avaientlesorganesprincipauxde demander

des avis consultatifs ainsi que le droit des Etats à faire trancher leurs différendspar la Cour

- estimait-on clairement - fournissaient des garanties suffisantes de protection des droits de

souverainetéau regard du droït international (UNCIO, vol. 13,doc. 843 (IV/2/37), p. 649 et doc.

5.47. Il n'estcependantpas nécessaire d'invoquerles travaux préparatoirespour rejeter cette

proposition comme dépourvuede fondement. Si les auteurs de la Charte avaient eu l'intention de

conférer à la Cour le pouvoir d'examiner aufond lesrésolutionsdu Conseilde sécuritéo ,n ne peut

concevoir qu'ils ne l'auraient pas prévuexpressément. Malgréla preuve de l'examende cette

question que nous pouvons tirer des travaux préparatoireset malgré l'absence notoire d'une telle

dispositiondans la Charte, la Cour est priéede tenir pour acquis, premièrement, qu'elle peut d'une

façon ou d'uneautre déduire l'existence d'untel pouvoiret, deuxièmement,que les caractéristiques

de ce pouvoir sontjustement celles qui conviennent aux thèses quela Libye avance en l'espèce.

Il n'estpas non plus utile d'affirmer, sans plus ampledémonstrationq , ue pareilpouvoir ((faitpartie

de l'exercice normal dela fonctionjudiciaire)). Il s'agitlà simplementd'unepétition de principe.

5.48. Dans son mémoire,la Libye avance un argument tiré dela présumée ((invalidité o))

((inopposabilité))des résolutionsdu Conseil de sécurité.Elle affirme que la Cour a le pouvoir

d'écarter ces résolutione sn se fondant sur ce motif particulier. Il incombedonc à la Libye et non

au Royaume-Uni de justifier l'exercice de cette compétencepour laquelle on ne trouve aucun

précédentdans la jurisprudence de la Cour (ou de sa devancière) ou dans la pratique del'organisation des Nations Unies (ou de sadevancière)au cours des soixante-quinze ans deleur

existence. La Libye se contente d'invoquerdes notions tiréesdu droit administratif de certains

systèmesjuridiques (((excèsde pouvoir)),((détournemente pouvoir))).A supposerqueces notions

juridiques existent le moindrement en droit international, elle n'a mêmepas tenté dedémontrer

qu'elless'appliquentau droit de la Charte des Nations Unies et, plus particulièreàel'exercice

par le Conseil de sécurité depouvoirs particuliers dont il est investi pour maintenir la paix et la

sécuritéinternationales. Ce ne sont pas tous les systèmesjuridiquesqui ont élabola notion de

contrôle juridictionnel des actes de tous les organes politiques et il est manifeste que toutes ces

notions quiontété élaboréenserevêtent paslesmêmescaractéristiquesL .esanalogiesétabliesavec

les systèmes juridiques nationaux sont sans intérêtn l'espèceétant donné les caractéristiques w

particulièresdu système dela Charte.

5.49. 11incombe donc à la Libye de convaincre la Cour des fondementsjuridiques qu'elle

invoque àl'appuides propositionstotalement inéditesqu'elledemande à la Cour d'accepteret de

mettre en oeuvre. Les autorités citées dansle mémoirede la Libye sont toutes extrapoléesde

décisionsserattachantau droit administratifinternationalau sens trèslimitéet étroitoù ce terme,

par exemple, vise le régimejuridique interne d'une organisation internationale. Ces décisions

portent sur des questions telles que l'emploidu personnel du Secrétariat oules relations existant

entre les différentsorganesen quiconcerne l'admissiondesmembres. Commel'indiqued'ailleurs

letitre même de son livre (TheLawof the International CivilServiceas Applied byInternational

Administrative Tribunals (1988)), M. Amerasinghe analyse le statut juridique des fonctionnaires

internationauxet M. Fawcett examinelui le problèmede savoir s'il seraitlicite pour l'Assemblée

générale,lorsqu'elle se prononcesur l'admissionde nouveaux Etats Membres, de tenir compte

d'autresconsidérationsque cellesqui sontexpressémenténuméréd esnslaCharte (((Détournement

dePouvoir byInternationalOrganizations)),33 BYIL (1957), p. 316). Toutcela n'arieà voir avec

les pouvoirs particuliers conférésau Conseil de sécuritépour maintenir la paix et la sécurité

internationales. - 19-

5.50. Le seulautre précédent qu'invoqule aLibyeest ladécision rendueen l'affaireTadicpar

la chambre d'appel du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (105 ILR 453). Le

demandeur prétendque cette affairejustifie l'existence d'un pouvoirde contrôlejudiciaire. Je ne

m'attarderaipas sur la question,je me bornerai àénumérelres facteursqui, selon nous,distinguent

cette décisionde la présenteaffaire. En premier lieu, l'affaireTadicmettait en cause la légitimité

dans son ensemblede la créationdu Tribunalen tant qu'organesubsidiairedu Conseilde sécurité.

Etant donnéle caractère particulierdu Tribunal en tant qu'institutionjudiciaire dotéede larges

pouvoirstouchant les droitset la liberté des particuliers,les attaques dirigées contrele fondement

mêmede sajuridiction commandaientmanifestementune réponse. C'est ce qu'a faitlachambrede

première instanceau motif qu'ellen'était paselle-mêmeinvestie de lacompétencede se prononcer

sur le pouvoir du Conseil de sécurité d'institueu rn tribunal. La chambre d'appela en revanche

décidéqu'il fallaiptrésumer quele Conseilde sécuritéétaiin tvesti decepouvoir. Il ne m'appartient

-, ,, 6, pas de dire quelle est la meilleure solution. Je ferai simplementobserverque pareille question ne
c. -,'";.
se pose pas en I'espèce.Il ne nous est pas demandé ici dedire si la Cour internationalede Justice

a été régulièrementinstitué oesi elle ajuridiction sur les Etats conformément à la Charteet à son

Statut. En deuxièmelieu, le Tribunal pénal internationalexaminaitla licéité de sa propre création

aux seules fins de déterminersa juridiction «première» dansl'affaire dontil était saisi. Dans sa

décision,la chambre d'appela expressémentnié êtrienvestie de tout pouvoir générad le contrôler

les actes du Conseil de sécurité. En troisième lieu, la question soulevée dansl'affaire Tadic

concernait la portéedes pouvoirs du Conseil de sécurité (était-il habilit écréerune juridiction

judiciaire dotée depouvoirs de coercition à l'égardde particuliers ?) et non pas les modalités

d'exercicede cespouvoirs. N'endéplaiseaux demandeursen l'espèce, lacontestationqu'ils élèvent

ne porte pas sur la question de savoir si le Conseil de sécurité avait le pouvoir d'adopterles trois

résolutionsen question mais sur la façon dont celui-ci a choisi d'exercer ce pouvoir reconnudans

lescirconstancesparticulièresqui nousintéressent.Je soutiensque cet aspectde ladécision rendue

dans l'affaire Tadic est sans incidence en l'espèce. 5.51.Monsieur lePrésident,la fonctionde contrôle, peu importe lecontexte dans lequelelle

s'exerce, se présentenécessairementsous la forme d'une instanceengagée'encontredu Conseil

(cela serait certainementvrai dans un systèmede droit civil dans le cas d'uneaction pourexcèsde

pouvoir ou détournementde pouvoir). Mais comment le Conseil de sécurité, supposerque ses

décisionssoient attaquées doit-il êtreprésentédans un différendbilatér?lQuiserait endroit

de comparaîtreet d'interveniren son nom Quelles seraient les parties dans l'instancede contrôle

introduite incidemment au jugement du différend bilatéralEn outre, qui serait liépar l'arrêt

rendu ? Les intérêtdse bien d'autres Etatsen plus de ceux des deux parties elles-mêmesseraient

directement touchéspar toute décision quela Cour pourrait rendre. Doivent-ils êtreentendus et,

dans l'affirmative, selonquelles modalités

5.52. Je voudrais développerun peu plus ce point et examiner les effets de toute décision

défavorablede la Cour à l'égardde la validité d'une résolutiodu Conseil de sécurité. Le

Royaume-Uniadéjàattirél'attentionsurlesgravesconséquencesnégativesqu'entraîneraitauniveau

de la certitudejuridique la possibilitéde contesterenjustice les résolutionsdu Conseilde sécurité

n'importe quandaprèsleuradoption(par.4.26 à4.37 des exceptionspréliminaires).Le demandeur

ne saurait se contenter d'éluderla question de savoir quels seraient les effets sur l'ordrejuridique

internationalsi l'on reconnaissaitle pouvoir decontrôler la «validité»des décisionsdu Conseilde

-\:> r- sécurité. L'exercicedu pouvoir du Conseil est-il bloquéjusqu'à ce qu'il ait étéstatuésur la
-JL-.3

contestationsoulevéeenjustice? Ou la mise en Œuvrede ces pouvoirsest-elle diffé?éeEtdans -

l'affirmative,pendant combien de temps? Que se passerait-il si la question doit attendre d'être

soulevéeà l'occasiond'undifférend bilatéral surventour toute autre rais-n à quelle époque

ultérieure cela pourrait-il se produireposons- pour prendre un exemple quiest loind'être

extravagant- qu'un traité d'amitet de commerce contenant une clause compromissoireait été

en vigueur en1990 entre l'Iraqet le Koweït. La répliquedu Conseil de sécuràtl'invasioneà

l'occupationdu Koweït par l'Iraqaurait-elle dû êtremise de côtéjusqu'àce que la Cour soit en

mesurede seprononcersur larequête del'Iraqlapriant de dire si les sanctionséconomiquesétaient

compatibles avec les clauses de commerce du traitéDe plus, si la Cour est investie du pouvoir

de contrôler les mesures prises par le Conseil, faut-il aussi y inclure le pouvoir de contrôler les - 21-

mesures que le Conseil envisagdee prendre? Si la thèse du demandeur est bien fondée, ilne

resterait pas grand chose de la ((responsabilitéprincipale)) du Conseil de sécurité d'assurerle

maintien de la paixet de la sécurité internationales.

5.53Y.enviens maintenant, Monsieurle Président,aux critiques particulièresque la Libye

a formuléesà l'encontre de labonne foi avec laquelleont étéadoptéesles résolutions748et 883.

Je ne suisévidemmentpasautoriséà m'exprimerau nomdu Conseilde sécurité.Il s'agitlà,comme

je l'aidéjà fait observer,d'undestraits distinctifsde laposition du demandeuredecontester

la validité des mesuresprises par un organequi ne peut être repéevant laCouren l'espèce.

Mais le Royaume-Uni ne saurait passer sous silence les calomnies que la Libye répandsur les

motifs ou les intentionsqui ont présidéadoptionde ces résolutionsou, pour être plusprécis,

sur la motivation ou l'intentioncollective qui ont amené lesmembres du Conseil de sécurité

adopter ces résolutions.

5.541.1me faut donc ici parler brièvementdes insinuatiàla base des prétentionsde la

réponse de la Libye, qualifiant les résolutions748et 883soit d'excèsde pouvoir soit de

détournementde pouvoirmanifeste. Je le fais sansévidemmentconcéderueces conceptsou leurs

conséquencesont leur place dans le droit de la Charte, mais simplement pour montrer que les

critiques que nos adversaires tentent d'adresser au Conseil de sécuriténe reposent sur aucun

fondement.

5.55 L.es efforts déployés nos adversairespour appliquer les notions d'excèpouvoir

oude détournementdepouvoirreposentsurunetripleallégation :lesrésolutions748et 883ne sont

pas fondéessur les faits mêmes de l'affaire; elles visentlicitement- le passé etnon pas

l'aveniret on a abuséen outre du droit de se prononcersur l'existenced'une menacecontrela paix

et la sécurité internationales afin simplt e permettre l'exercice despouvoirs de coercition
-1'7.. ,
L..b. découlantdu chapitre VI1de la Charte des Nations Unies. Je voudrais examiner brièvementces

allégationsafin de démontrerqu'elles reposent- comme c'est le cas d'ailleurs du reste de

l'argumentationdudemandeuren l'espèce- sur lamême méprise fondamentalecommise à l'égard

de la nature des décisionsdu Conseil de sécuqui nous intéressent. - 22 -

5.56. Monsieur le Président,à l'origine desdeux premiers voletsde cette triple allégationse

trouve ànouveau l'idée fausse que le Conseilde sécurits'occupait de l'incidet e Lockerbieet de

rien d'autre dansles résolutions731, 748 et 883. Hier je vous ai déjàcependant expliqué que la

démarchedu Royaume-Uni auprèsdu Conseil, à la lumière del'enquête pénaq lu'ila menéedans

l'affaireet de laréponsenon satisfaisantede laLibyeaux demandesformuléesparleRoyaume-Uni,

la France et les Etats-Unis d'Amérique,s'inscrivaittrèsclairement dans le contexte plus largedu

rôle que la Libye a clairement joué par le passé pourencourager et appuyer le terrorisme

international.

5.57. Les débatset les textes des résolutionselles-mêmesindiquent clairement que c'est

exactement ainsi que l'ensembledes membres du Conseil de sécuritéont abordé laquestion. 1

M. Bethlehems'estattardédefaçonassezcirconstanciéesurcepointhier. Il sembledoncmanifeste

que les conclusions de I'enquête pénalerelative à l'incident deLockerbie ont été, aux yeuxdu

Conseil de sécurité,«la goutte qui a fait déborderle vase)).

5.58. Il s'ensuit que l'ensemble de certains morceaux de l'argumentation de la Libye,

c'est-à-dire douze pages de son mémoire(p. 193-205) et onze pages de sa réponse (p. 83-94),

portent àfaux. Il nous semble d'ailleursque nosadversaires le reconnaissent à la page 92 de la

réponse lorsqu'ilsconcèdentque ((l'actiondans l'affairede Lockerbieviserait, selon le Conseilà

éviterde futurs actes terroristes)).

5.59. Pourcontournercetteconclusion,nos contradicteursexcipentde l'incohérence d'action
i
duConseilet fontvaloirque cetteincohérencevicieson intentiondéclaréeainsq iue l'effetordinaire

de ses décisions. Mais cetargument tiréde l'incohérenced'action du Conseil est totalement

dépourvu defondement. Il repose partiellement surce qui ne peutêtrequ'une supposition,à savoir

que le Conseil n'agirait pas de la mêmefaçon si des situations comparables se présentaient à

l'avenir.

5.60. 11n'ya pas moyen deprédirede façon automatique comment le Conseil pourrait agir

dansunenouvelleaffaire. Saréponsedoit s'adapteraux circonstancesde chaquesituation àlaquelle

il est confronté. On ne saurait dèslors accepterque les décisions contraignantesdu Conseil de

sécuritépuissent faire l'objet'uncontrôlejudiciaireexpost facto de leur validité au motifqu'une- ,.r- décisiondans une situationdonnéecontreditune autredécisionprise dansune autresituation. Cette
_. -_.[
façon de voir est en totale contradictionavec le large pouvoir discrétionnaireque les auteurs de la

Charte ont conféréau Conseil de sécuritépour réglerles questions du maintien de la paix et de la

sécurité internationalesau nom de l'ensemble deses membres comme l'indiquel'article24. Si le

Conseilde sécuritédoitrendrecompte expost facto de lacohérencede sesdécisions,c'estpurement

au niveau politique,àl'ensembledesmembresau nom desquels il agit. J'aidéjàtraité cepoint mais

il s'agitd'une question toutà fait différented'uncontrôlejudiciaire de validité.

5.61. Mêmeau vu des faits de l'espèce,il est manifestementfaux de laisser entendre que le

Conseil n'obligerait jamais aucun autre Etat à livrer des personnes accusées de crimes pour les

traduire enjustice dans un autre pays. Dans les résolutions 1044et 1054adoptéesultérieurement

par leConseil enjanvier et en avril 1996 à la demandede l'Ethiopieaprèsune tentative d'assassinat

sur la personne du présidentégyptien à Addis-Abeba, le Conseil de sécuritéa demandé au Soudan

d'extrader vers l'Ethiopie les trois personnes accusées de la tentative d'assassinat qui s'étaient

réfugiées au Soudan. Le Conseila par la suite conclu que l'absencede réponsedu Soudan à cette

demande constituait une menace contre la paix et la sécuritéinternationaleset a appliqué à cet Etat

certaines sanctions restreintesen vertu du chapitreVI1de la Charte. Les résolutionsdu Conseil de

sécurité établissant lestribunauxpénauxinternationauxpour laYougoslavie et leRwanda imposent

aux Etats l'obligation de livrerdes particuliers, notamment leurs propres ressortissants, pour qu'ils

soient traduits en justice devant ces tribunaux (voir S/RES/827, 1993, par. 4 du dispositif

et SRESl955, 1994,par. 2 du dispositif).

5.62. Voilà tout ce qu'il y aà dire sur l'hypothèsed'une action incohérente à l'avenir. On

trouve également dans les pièces de procédure du demandeur une allégation bizarre d'action

incohérentepar lepassé,fondéesurle fait que leConseil n'apas pris de sanctionscontre Israël dans

l'affaireEichmann ou contre la France et la Suède lorsque ces Etats ont refusé d'extrader des

personnes suspectées de terrorisme en 1993 et 1995. Mais quel lien possible peut-il bien exister

entreces affaireset celle quinous occupe ? Quel que soit lebien-fondédesactionsentreprisesdans

ces cas, il s'agit exactementdu genre d'incidentisoléqui, selon la Libye, ne devraitpas entraîner

de sanctionsde lapart du Conseil de sécurité. L'enlèvemendt'Eichmannétaitpar définitionun acte unique et isolé, mais leConseil s'est saisi dela question et a dl'actionentreprisepar Israël

et a indiqué quela répétition d'un parealcteà l'avenirpourrait menacer la paix et la sécurité

y.r-.:- internationales. Les excuses présentéultérieurement par Israëlet l'acceptationde leur caractère
,-,-.;-.,
suffisant par l'Argentineont permis de tirer un trait sur l'affaire. En ce qui concerne les affaires

française et suédoise plusrécentes, les mesuresprises par ces deux gouvernementà,tort ouà

raison, n'ontcertainement pas étéprisau méprisflagrantdes résolutionsdu Conseilde sécuri!é

La Libye nous demande-t-elled'accepterque laFranceet la Suèdesontdeuxpays connus pourleur

appui et leurparticipation auterrorisme, et devraientêtre considélermêmeplanque laLibye

à cet égard?

5.63 .e grief d'incohérenceest un autre exemple de l'incapacitéde la Libye de reconnaîtrev

que les décisionsdu Conseil de sécurine visaientpas uniquementet exclusivement l'incidentde

Lockerbie àtitre d'événemenitsolé,mais visaient lesconséquencesde l'incident de Lockeràla

lumièrede bien d'autres élémentqsui étaienà la fois directement et nécessairement pertinents.

5.64 .e voudrais ensuite examiner l'allégation selonlaquelle il y a eu abus du pouvoir de

constatation en vertu de l'arti39e de façon àpermettre au Conseil de sécuritéd'exercer les

pouvoirs de coercition qu'iltient du chapitre VII. Ici encore, le Royaume-Unine sait absolument

pas ce que cet argument est censé apprendàela Cour. Les éminents conseils denos adversaires

ont eu une expérience approfondie du fonctionnement pratique quotidien des organes des

Nations Unies. Aucun organedes Nations Unies n'agitspontanément sans avoir été saisd i'une
-
proposition ence sens par un Etat membre ou un groupe d'Etats. Selon lescénariohabituel, qu'il

s'agissed'unnouveau pointà l'ordre dujour ou d'unouvellemesure dans lecadre d'unpoint déjà

inscrià l'ordredu jour, un ou plusieurs Etats soulèventune question et demandànl'organeen

cause de l'examiner. Les résolutionsne surgissent pas spontanément; 1'Etatou les Etats qui

soulèventune question en vue de la prise decertainesmesures doivent normalement soumettreun

projet de résolution pour que l'organismel'examine. Cette règle vautpour le Conseil de sécurité

tout autant que pour tout autre organe, qu'il s'agisse d'un organe plénierou d'un organeà

composition restreinte. Il se penche alors sur le bien-fondéde la mesure qu'onlui demande de

prendre, ildéterminenotammentsi cette mesure entrebien dansle cadrede sespouvoirs,il négocie - 25 -

letexte exact de la décisionetl'adopteensuite, si besoinest, par un vote. S'agissantdu Conseil de

sécurité, dans le casoù ce qui est proposéest une mesure de coercition en application du

chapitre VII, le Conseil est évidemment tenud'examiner le bien-fondé decette mesure et de

rechercher sielle relèvebiendespouvoirs qu'iltient de laCharte. Ce qui donneinvariablementlieu

àdevives discussionsentrelesmembresduConseiltantdans lescouloirsquelorsdesconsultations

... r officieuses régulières dansla salle du Conseil. Des étudesrécemment publiées sulre mode de
- -
fonctionnement du Conseil établissentbien l'existencede ce mécanisme. Si, à l'issuede celui-ci,

les membres du Conseil conviennent qu'une mesure autitre du chapitre VI1 s'impose et est

opportune et relève despouvoirs que le Conseil tient de la Charte, le projet de résolutiondont

l'adoption est proposée comporteraévidemmentla constatationde l'existenced'unemenace contre

la paix (ou d'une rupture dela paix ou d'unacte d'agression). Cette procéduren'aabsolumentrien

de mystérieuxou d'inhabituelet nousn'arrivonsabsolumentpas à comprendrece qu'elle peutavoir

de contestable sur le planjuridique.

5.65. Monsieur le Président,avant de terminer ma plaidoirie devant la Cour et de demander

à sir Franklin Berman de résumer notre argumentation, permettez-mod ie mentionner un dernier

mais très important aspect du présentdifférend.

5.66.11concerne l'article14 de la convention deMontréal surlequel le demandeur cherche

à fonder la compétence dela Cour ainsi que plus particulièrementle délaide six mois qui y est

prévu. LaCour se rappellera de ce que M. Bethlehema déclaré hier que ce n'estque lorsque les

membres du Conseil de sécuritéont examiné activementce qui est devenu par la suite la

résolution 731 que la Libye a soulevépour la première fois la question de la convention de

Montréal.Aprèsl'adoption de la résolution etaprèsquelereprésentantspéciad lu Secrétairegénéral

a tentéen vain de convaincre la Libye de se conformeraux demandes qu'énonçaic tette résolution,

le Secrétaire généralraédigé un rapport à l'intentiondu Conseil de sécurité.Le même jour où ce

rapport a été présentaéu Conseilde sécuritél,aLibyea introduitsarequête dansla présenteaffaire

et présentésa demande en indication demesures conservatoires. -

- 26 -

5.67. Monsieurle Président,le choix du moment du dépôt de la requête libyenn nee saurait

être passé sous silence.La Cour sait parfaitement bien que le paragraphe1 de l'article 14 de la

conventionde Montréalsur lequel la Libye s'appuiepour fonderla compétencede la Cour prévoit

notammentqu'undifférendconcernantl'interprétation ou l'applicationde laconventionne peut être

soumis à la Cour que si les Parties ne peuventle réglerpar voiede négociationset que si elles ne

parviennent pas parla suite, dans les six moàsse mettre d'accordsur l'organisationde l'arbitrage

que vise cette disposition. M. Ni a insisté particulièrement surcette question dans son opinion

individuellesur la demande en indication demesures conservatoirestout en laissantentendre que

ce délai neconstitueraitpas nécessairementun obstacle permanent à la compétencefondéesur la

convention de Montréal. -

5.68. Monsieur le Président,Messieursde la Cour, permettez-moi d'indiquerclairementque

le Royaume-Uni ne veut pas faire montre d'un esprit procédurier. Nous n'invoquonsplus le

non-accomplissement delaconditionposéeauparagraphe 1del'article 14pourécarterlajuridiction

, -7p
w, ,:~j de la Cour. Cela ne veut toutefois pas dire que l'inobservationmanifeste et délibéréepalra Libye

du délai fixé dansla convention de Montréalest aujourd'huidénuée depertinence. Bien au

contraire. Au moment où le Conseil de sécurité étaiatctivementsaisi de la question et étaittenu,

à lumièredu rapport du Secrétairegénérac lonstatant le non-respect par la Libye de sa résolution

antérieure,d'examiner les autres mesures qui pourraient être prisespour la contraindre à s'y

conformer, celle-ci a, en pleine connaissance de cause, décidé saisir la Cour prématurément.
J
C'estsurcette saisineprématuréede laCour quereposemaintenantlathèse delaLibyevoulantque

l'onait amené le Conseil de sécuritéà agir pour devancer l'intervention dela Cour. Or c'estle

contraire qui est vrai. Ce qui s'estpasséen 1992c'est unetentatiàepeine voiléede la Libye de

se servirde la Cour pour tenir en échecle fonctionnementnormal du dispositifprévupar la Charte

des Nations Unies en demandant l'indicationde mesures conservatoirespour empêcher leConseil

de sécurité de continuer examiner un projet de résolutiondont il étaitdéjà saisi. Le stratagème

a échouéet ce qu'il nousreste cinq ans et demi plus tard ce sont ses suites présentéessous un

habillagejuridique invitant la Cour infirmer expost factoles décisionsdu Conseil. - 27 -

5.69.Monsieur lePrésident, Messieurs de laCour,je vous remerciede votre grandeattention

etje vousdemandemaintenantdepermettre à sir Franklin Bermanderésumernotreargumentation.

Sir Franklin BERMAN : Monsieur le Président, Messieursde la Cour, plaise à la Cour.

1. Il m'incombe à présentde résumer lesarguments du Royaume-Uni qui étayentnos

exceptionspréliminaires. Celles-ci, sije puis me permettre de le rappeler à la Cour, sont de deux

ordres et se rapportent, d'une part, à la compétencede la Cour au regard de l'article14,

paragraphe 1, de la conventionde Montréalet, d'autrepart, à la recevabilité surla base de motifs

beaucouppluslargestirésdel'existenced'obligationsjuridiques supérieuresdécoulantderésolutions

obligatoires du Conseil de sécurité des Nations Unies.

2. Je ne reprendraipas l'argumentationdansle détail,maisje m'efforcerai d'en rassemblerles

divers éléments et de relever les points quinous semblent les plus importants.

3. Permettez-moicependantde rappelertout d'abord à la Cour à quoi se rapporte la présente

instance. Elle ne se rapporte pas à des points de droits abstraits, bien que le droit y joue un rôle

-...., essentiel. Ce n'estpas uneoccasion enor de fourniraux auteursde manuelsde nouveauxéléments
-: .d 0
stimulantssur le droit des organisationsinternationales,bien que ce soitpour la Cour l'occasion de

réaffirmer clairement certainsprincipes fondamentaux de la Charte des Nations Unies que l'on

risque de perdre de vue dans la confusiondes arguments empreints d'imagination. Cetteinstance

se rapporte en faità une tragédiehumaine, un attentat terroriste commis contre un avion de ligne

civil en vol, ayant délibérémententraînlé a mort de 270 innocents,et qui a porté atteinteaux droits

fondamentaux de voyage, de commerce et de communication internationaux qui sont l'unedes

caractéristiquesmarquantesdu monde moderne. Cette instance se rapporte à la découvertede ce

qui s'estpasséet de l'identitédes responsableset, plus précisément, à notre devoir de veiller àce

que quiconque ait commis ce crime soit, à bon droit, traduit en justice pour qu'ilsoit clair que le

terrorisme n'est ni toléréni approuvé. Agissantau nom de l'ensembledes Etats membres de

l'organisation desNationsUnies,leConseil desécurité demandeavecinsistanceunprocès enbonne

et due formeet a posé desexigencesquant au lieu où celui-cidevra se dérouler. Nous ne doutons - 28-

pas que la Cour, elle aussi, fera siens ces objectifs et qu'entant qu'organejudiciaire principal des

Nations Unies, elle mettra dans la balancetoute son autoritépour les atteindre.

4. Toutefois, nous n'ensommes qu'àla phase préliminaire del'instance. La Couà n'apas

se prononcer sur la question principale et nous avons expliqué(comme nous nous sentionstenus

de le faire) les raisonspour lesquellesla Cour pourrait setrouveren difficultéey soit

pourrien- si elle devait seprononcersur la questionprincipale. La Cour n'estpas unejuridiction

pénale,elle n'est paséquipour le devenir, et ce n'estcertainementpas devant elle qu'auralieu
le procès desdeux accusés. De sorte qu'ilnous appartient d'éviterautant que faire se peut toute

situation dans laquelle la fidélité deàasa missionjudiciaire pourrait entrer en conflit avec

lesnécessitéet lesexigencesd'unprocès pénal.A notre avis, cesraisonsconstituentun argument

de poids pour que la Cour se prononce surnos exceptionsprélimiàtitre préliminaire, avant

que se pose la question de pàsla phasede l'examenau fond. Autrement dit, nousconsidérons

quenous sommesentièrementfondés ànousprévaloirdes dispositionsde l'article79 duRèglement

de la Cour qui, dans sa version actuelle, autorise un déàesoulever toute exception non

seulementà la compétencede la Cour, mais ausaila recevabilitéde la requêteou toute autre

exception sur laquelle il demande une décisionavant la poursuite de la procéduresur le fond.
5. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, vousêtessûrementparfaitement au fait de

nos deux exceptionspréliminaires. Maisj'aimerais vousrameneren arrière. J'aimeraisvous prier
J ;i.L
de bien vouloir examiner ce que le demandeurcherche réelàeobtenir de la Cour. àtdire
-
vrai, il n'estpas du tout aiséde le découvrir. La principale source est évidemmentle mémoire

libyen de 1993à la fin duquel la Libye demande réparation sousla forme d'une déclaration dont

les termes sont souventvagues et imprécis.Aux lettres) ,ue nousconsidéronscomme les

conclusions principales énoncées fin du mémoire, la Libye demanàla Cour de dire que le

Royaume-Uni a violéses obligationsjuridiques envers la Libye telles que stipulées dans certains
articles de la convention de Montréal.esttoutefois pas précisé en quocionsistent exactement

ces obligations et, comme M. Greenwood l'amontré,dès quel'onregarde de plus près lesarticles

en question, les prétendues ((obligatqu'ils énoncentsemblent se désagréger si ce sont les

obligations misesla charge du Royaume-Uni que l'onrecherche. Certes, ces articles créent des - 29 -

obligations,comme il est naturel que des dispositionsconventionnellesle fassent, mais n'est-il pas

vrai que les obligations crééespar ces articles sont, dans le contexte de l'affaire Lockerbie, mises

àla charge de la Libye ? D'ailleurs, nousne nions pas que la Libyeait rempli les obligations qui

découlaientpourelle de ces articles. Mais, àvrai dire, ce n'estpas sur cela que porte la requêtde

la Libye, commeje le démontrerai dansun instant lorsqueje parlerai de la conclusion 4 énoncée

dans le mémoirede la Libye.

6. Je doistoutefoispréciserque le faitqu'iln'yait pas de contestationausujet desobligations

de la Libye au titre des articles indiquésdans le mémoirene signifie en rien que celle-ci se soit

égalementacquittéedetoutes ses obligationsdécoulant de laconventiondeMontréal - cequi,soit

dit en passant, est ce que la Libye, dans sa conclusionb), prie la Cour de déclarer. Au cours de

la procédure relative à la demande en indication demesures conservatoires,M. Schwebela posé

des questions qui appellent nettement l'attention surle point de savoir si l'onpeut dire qu'unEtat

a pleinement satisfait aux obligations qui sont les siennesau titre de la convention de Montréalde

préveniret d'empêcherdea sctes terroristescontre l'aviationalors que ses agents sont sérieusement

soupçonnésd'avoirdélibérémentcommu isnattentatterroristede grandeampleur. Maiscen'est pas

la question que la Libye a voulu porter devant la Cour. Elle se posera peut-être lors de l'examen

au fond, mais elle ne se pose pas pour le moment.

7. Néanmoins,je dois aussi préciserque le Royaume-Unine reconnaît absolument pas que

la Libye s'estpleinementconformée à toutes ses obligationsau titre de la Convention,ne serait-ce

que sur un point évident :la Libye a manifestementet délibérémentchoisi d'écartle es exigences

de l'article14,paragraphe 1 -- la clause de règlement des différends.Cela ne l'a cependant pas

-,,- - empêchée de saisilra Cour, en fondant la compétence decette dernièresur cette clause, tout en
d' ,4 e7

priant la Cour d'abandonneren sa faveur i'applicationdes conditions énoncéesdans la clause

elle-même. Avant de saisir la Cour, la Libye n'a pas définiun différendqui l'opposeraitau

Royaume-Uni sur labase des dispositions de fond de la Convention; elle n'apas cherché à régler

un tel ((différend))ar des moyens bilatéraux;elle ne s'est pasefforcéede bonne foi de réglerce

((différend)p)ar voie d'arbitrageet elle a fait fi du délaide six mois expressémentposédans cet

article. Les membres de la Cour auront leur propre opinion sur le point de savoir si ces - 30 -

manquements,parfaitementdélibérés s, ffiraientnormalementà exclurelacompétencede laCour.

Comme l'a dit le procureur général,nous ne nous fondons pas sur ces éléments. Mais nous

estimons qu'ilsjettent une lumièrerévélatrice surla véritable naturede cette instance. Et nous

espérons que cettelumièreest encore plus vive aprèsle rappel chronologiqueque M. Bethlehem

a fait hier des événementssurvenus àl'époque à New York et La Haye.

8. Mais, d'après laLibye, cette instance a traàtla convention deMontréal. Revenons-en

donc à cette Convention. La thèsede la Libyerevient essentiellementà dire que la Conventionlui

donne le droit inaliénablede traduire enjustice les deux accusés,droit qu'ellepeut exercer pour

exclure toute possibilité d'un procès enun autre lieu. M. Greenwood a démontréque la thèse

libyenne repose tout entière sur cesfondements; si vous les retirez, toute la thèses'effondre.

9. C'est cequi m'amène à la conclusion4 énoncée dansle mémoirede la Libye. On y

trouve quelque chose detrèscurieux. L'ons'attendraità ceque laLibye demande à la Courde dire

etjuger que le Royaume-Uni estjuridiquement tenu de respecter le droit exclusif de la Libye de

juger les deux accusés.Mais non :dans saconclusion finale, la Libye dit que le Royaume-Uniest

juridiquement tenu derespecter ledroit de laLibye à ce que la convention deMontréal«ne soit pas

écartéepar des moyensqui seraientau demeuranten contradictionavec les principes de la Charte

desNations Unies ..etc)). D'après nous, Monsieurle Président, c'est le Conseil de sécurité))qui

est clairement visé.

10.J'en arrivedoncmaintenant à lasecondede nos exceptionspréliminairesetje prie laCour
w

de constater que, quelleque puisse êtrela situationau regardde la conventionde Montréal,ce qui

est en cause ici (c'est-à-direle lieuoù devrait se déroulerle procèsdes deux accusés) a désormais

fait l'objetde décisionsdu Conseil de sécurité qui lietes deux Parties et qui sont revêtues d'une

autorité supérieure. Avec votrepermission, je ne reprendrai pas le rappel point par point des
-,c,,,fi
"W'S
décisionsdu Conseildesécurité qu'afaitM. Bethlehem. Je suissûrqu'ilen est clairementressorti :

- que les décisionsdu Conseil de sécurité constituaientune réponse prudente et mûrement

réfléchieà une situation dont les Membres duConseil ont estiméqu'ellemenaçait la paix et la

sécurité internationales; - 31 -

- que la situation ne se limitait en aucun cas à l'affaire de Lockerbie prise isolément, mais

englobait un ensemble beaucoup plus vaste de comportements de la Libye sur le plan

international; et

- que le Conseil de sécuritéagissaitbien dans le cadre de ses pouvoirs en réponsàune situation

(à savoir le terrorisme international dirigé contre l'aviation civile)qui entrait bien dans son

domaineétablide compétenceet,de fait, en rapport avec un incidentparticulier que le Conseil

lui-mêmeavait déjà examiné.

11.Je précise tout ceci,:Monsieurle Président,non pas parce queje suis habilità parler au

nom du Conseil, ni parce que mon Gouvernement est en quoi que ce soitjuridiquement comptable

desdécisionsdu Conseil,mais simplement pour contrertoute nouvelletentative de nos adversaires,

qui suivraient en cela la ligne qu'ilsont adoptée dansles piècesde procédureécrite, d'insinuerque

le Conseil a agi de parti pris ou de façon capricieuse, que le Conseil a entrepris d'étendreson

domaine de compétenceou ses pouvoirs uniquement pour êtreen mesure de persécuterla Libye.

Si cela était entréen quoique ce soit danssesintentions, pourquoi aurait-il, dans sa résolution731,

donnéa la Libye l'occasion «d'apporter ..une réponsecomplète et effective))avant d'adopterdes

mesures de coercition ? La Charte des Nations Unies ne lui en faisait certainement pas une

obligation.

12. Mais revenons-en à ce que certains considèrentcomme la question de la possibilitéde

contrôler les décisionsdu Conseil de sécurité,bien que nous préférionsla présenter commela

question des rôles respectifs de la Cour et du Conseil au regard de la Charte. Pour notre part, nous

ne partons pas de l'hypothèsequela Chartecréeun conflit entre eux et nous voulonsencoremoins

en créerun. Nous ne pensons pas que les rédacteursde la Charte aient eu cette penséeou cette

intention. Comme le procureur générav lous l'ad'ailleursdit, la possibilitéd'une formede contrôle

judiciaire sur les décisions du Conseil a étédirectement étudiéà la conférencede San Francisco

et c'estdélibérémen qtu'ellen'apas étretenue;elle nel'apas étéparce que les rédacteursont pensé

que cela remettrait en cause la structurequ'ils envisageaient ou (comme nous vous l'avons expliqué

aujourd'hui et hier) le système prévu parla Charte pour assurer le maintien de la paix et de la

sécuritéinternationales.S'ilen était ainsàl'époque,l'introductionà ladérobée, cinquanteans plus - 32 -

tard, de ce contrôle nesauraitêtre considécomme moinssusceptiblede perturberla structureou

le systèmetel qu'ilsont été conçuspour fonctionner. Ce que la Charte envisage manifestement,

c'estque les actions du Conseil et de la Cour, dans leurs domaines respectifs, devraient renforcer

les buts que sont la préservation,le maintien et la restaurationde la paix et de la sécurile dans

monde. Pour nous,c'est sûrement ce que M. Lachs entendaitpar ((interactionfructueuse)).

13.Je dois donc souligner,Monsieur le Président,que notre analyse ne fait aucune pàrce

prétenduconflitenfoui au coeur même de la Charte desNationsUnies; ce sont nos adversairesqui

cherchent à l'invoquerdevant la Cour et non pasnous. D'aprèsnous, le fait qu'ils l'invoquentest

la conséquencedirecte et logiquede la manièredont l'instancea étéintroduiteen 1992 :il y a eu

tout d'abordunetentative d'employer l'indicatide mesuresconservatoirescommeune injonction W

à l'encontredu Conseil de sécurité, puisaujourd'huiune tentative d'obtenir dela Cour qu'elle

approuve rétrospectivementla non-observation par la Libyedes décisionsque le Conseil a prises

il y a plus de cinq ans. Le rappel chronologiquedes faits que vous a présenM. Bethlehem est

si révélateur, les lieavec le manquement délibéré par la Libye des dispositions expresses de

l'article14,paragraphe 1,de la conventionde Montréalsontsiconvaincants(ainsique le procureur

général l'adémontré) quenous soutenons devant la Cour qu'uneseule conclusion s'impose.

14.MonsieurlePrésident,s'ildevaitjamais y avoiruneaffaire quiappelleun examendurôle

judiciaire de la Cour par rapport aux décisionsdu Conseil de sécurité,n'est pascelle qui nous

occupe. Bien entendu,on peut concevoirque la Cour puissehésiteret demander ladémonstration
w
limpide de toute allégation selonlaquelle le Conseil de sécura consciemment et délibérément

entreprisd'éteindredes droitsconventionnelsétablis. ais cen'estpas lecas en l'occurrenceet ce,

à un double titr: ce n'estpas le cas en l'espèceparce que les droits que la Libye prétendtirer de

la conventionde Montréalsont illusoires,comme nous l'avonsfait valoir devant laCour lorsde la

phase relative aux mesures conservatoires,et ce n'estpas le casen l'espèce parceque les décisions

du Conseil de sécurité relevaientde l'exercice normalde la responsabilitéqui lui incombait en

applicationde laChartede déterminerquellesmesurespouvaientconstituerune réponseappropriée

à une menace contre la paix et la sécurité internationales.Je me permets de renvoyer la Couà

l'analyse deM. Greenwooddesprétentionstout àfait fallacieusesque nosadversairesontprésentées -33 -

sur la base de la convention deMontréal et auxanalysesde MM. Hardie et Bethlehem du compte

rendutout àfait captieuxque nos adversairesont fait de lateneur et de la motivationdes décisions

du Conseil de sécurité.De sorte que la Cour n'a pasàaccorder le moindre crédità la thèseselon

laquelle la Libye est détentrice de droits conventionnels clairement établis dont elle a été

injustementdépouillée.

15. Je n'en dirai pas davantage sur la question générale et abstraite dela possibilité de

contrôler lesrésolutionsduConseilde sécurité.Le procureurgénérav lousa montréquecettethèse,

que nos adversaires ont fait miroiter la Cour, est hérissée ddifficultésjuridiques qu'ilspassent

purementet simplementsous silence. Il vous a égalementdémontréqule e fait que la Charte n'ait

pas prévuun contrôlejudiciaire n'est pas lefmit d'une inadvertance,mais que cela ne signifiepas

que lesMembres du conseil ne soient actuellementsoumis àaucuncontrôleprévu par laCharte ni

qu'ilséchappent à tout contrôle.

16.MonsieurlePrésident,Messieursde laCour,nousnous sommesefforcésd'expliquerp , ar

l'intermédiairede la personne laplus autorisée,le procureur générallui-mêmee,n quoi consiste la

procédure pénale écossaiseet les nombreuses garanties qu'elle prévoitpour la sauvegarde de la

justice et des droits des accusés. Le procureurgénéral a égalemenit diqué,une fois de plus avec

soinet précision, lesarrangementsspéciauxquelesautorités compétentes sontdisposées à prendre

pourtenir compte des intérêts internationauexnjeu dansce procès. LeConseilde sécurité n'a pas

le moindrementdouté que les accusés bénéficieraied n'tun procèséquitableen Ecosse. LaCour ne

devrait pas davantage en douter.

17. Monsieur le Président,Messieurs de la Cour,ainsi s'achèvent nosexposés introductifs;

je vous remercie de votre attention.

Le VICE-PRESIDENT faisant fonction de PRESIDENT : Merci, sir Franklin BERMAN.

Après une suspensiond'audience d'un quart d'heure, la Cour entendra les exposés oraux des

Etats-Unis d'Amérique.

L'audienceest levée à II h 25.

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