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CR 97/19 (translation)

CR 97/19 (traduction)

Wednesday 15 October 1997

Mercredi 15 octobre 1997 Le VICE-PRESIDENT,faisant fonctionde PRESIDENT :Veuillez prendre place. la Cour

se réunit aujourd'hui pourreprendre les audiences dans l'affaire relative à des Questions
b
d'interprétationetd'applicationde laconventiondeMontréal de1971résultand te l'incidentaérien ..

de Lockerbie (Jamahiriyaarabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique). M. Crook, conseil des

Etats-Unis, continuera sa plaidoirie. Monsieur Crook.

M. CROOK :Je vous remercie Monsieur le Présidentet vous souhaite une bonne journée.

Bonjour, Messieurs de la Cour. Quandj'avais finima présentationhier, j'allais entreprendre de

discuter de la manière dont la résolution748 impose à la Libye des obligations juridiques

obligatoires préciseset, avec la permission de la Cour,je reprendraià ce point.

Obligations contraignantes de transférer des personnep sour jugement

3.19. Cette résolution décideque la Libye ((doitdésormais appliquersans le moindre délai

le paragraphe 3 de la résolution731)). Il s'agit du paragraphe qui renvoyait aux documents

contenant les exigences des Gouvernements de la France, du Royaume-Uni et des Etats-Unis

d'Amérique quej'airésuméshier. Ainsi le Conseil a-t-il imposé à la Libye l'obligationjuridique

contraignante d'accomplir les actes définis dans ces documents. La Libye est tenue en droit,

notamment, de remettre, aux fins d'unprocès pénal enEcosse ou aux Etats-Unis, les personnes

accusées d'avoir détruil'appareilassurant le vol Pan Am 103. Quelle qu'aitpu être,par ailleurs,

la situationjuridique de la Libye en vertu de la convention de Montréalou du droit international

généralc,es obligationsjuridiques déterminantessontmaintenantcellesqu'imposelarésolution 748.

3.20. Pour encourager à se conformerà ces obligations, le Conseilde sécuritéaussiadopté

desmesures complémentairescontrelaLibye,relatives à l'aviation,auxventesd'armesetàd'autres

questions. Ces mesuresrestent en vigueurjusqu'àce que le Conseil((décideque le Gouvernement

libyens'estconformé)) aux dispositionsde larésolution748. Le Conseilde sécurité n'a prisaucune

décision ence sens. Il continueà se réunirtous les cent vingtjours pour réexaminerla question.

A l'issuede seize nouveaux examens de ce genre, le Conseil n'apas constatéque la Libye se soit

conformée à ses résolutions etil n'atrouvéaucune raison de modifier ses décisionsantérieures. 3.21. Le Conseil de sécuritéreste saisi de la situation à la suite de la résolution748.

Le 11novembre 1993,il a adoptéune résolutionen vertu du chapitre VII. La résolution883 a

réaffirméles résolutions 731 et 748 et accru la portée desmesures prises par l'organisation des

* ,-,-\ Nations Unies contre la Libye. La résolution883 a été adoptép ear onze voix contre zéro. Le
d .;'/1
-
Brésil,le Cap-Vert,l'Espagne, les Etats-Unis, laFrance, laHongrie,leJapon, laNouvelle-Zélande,

le Royaume-Uni, la Russie et le Venezuela ont votépour.

3.22.Ainsi lesrésolutions748et 883établissent-ellesdesobligationsclairesetcontraignantes

en vertu du droit international. En particulier,elles obligent la Libyeà livrer, aux fins d'unprocès

pénalapproprié,les auteurs présumés de la destruction de l'appareilassurant le vol Pan Am 103.

II. LA CHARTE OBLIGELA LIBYEET LES AUTRESETATSA SE CONFORMER AX
RÉSOLUTIONS748 ET 883

3.23.Je vais passermaintenant au deuxièmetitreprincipal dema plaidoirie pour établirque

la Charte oblige la Libye et les autres Etatsà se conformer aux résolutions748 et 883. La Libye

est tenue en droit de se conformer à ces résolutions. Elle doit transférerles auteurs présumés de

la destrction de l'appareil assurant le vol Pan Am 103, aux fins d'un procès pénal assortide

sauvegardesappropriéesde leurs droits, devant les tribunaux soit de l'Ecosse,soit des Etats-Unis.

Dans ces conditions,les demandes de laLibye en l'espèce,fondéessurla conventionde Montréal,

sontirrecevables. Lesrèglesjuridiquesquirégissentlasituationprésentesontcellesqu'ontdéfinies

les résolutions748 et 883 du Conseil de sécurité, maisnon pas les règles de la convention de

Montréal.

3.24. L'article25 de la Charte établit entout clartél'obligationde la Libye de se conformer

aux résolutionsdu Conseil :«Les Membresde l'organisation conviennentd'accepteret d'appliquer

lesdécisionsdu Conseilde sécurité conformément à la présente Charte.))Bien entendu,l'article48

de la Charte produit un effet semblable.

3.25. Aucune allégation de droitsou d'obligationsen vertu de la convention de Montréal ne

saurait exonérerla Libye de l'obligationmanifeste qui lui incombe d'exécuter les décisiond su

Conseil. Aucunpaysnepeut invoqueruntraité commeune excusepour refuserd'exécuterdetelles -4-

décisions. Une fois encorece qu'ilen est ressortclairementde la Charteelle-même. L'article 103

dispose :

«En casdeconflit entre lesobligationsdes MembresdesNations Uniesen vertu
de la présente Charte et leurs obligationsen vertu de tout autre accord international,
les premièresprévaudront.))

3.26. Or, la Libye soutient que les droits qu'elle invoqueen vertu de la convention de

Montréalet du droit international générad loivent passer avant les obligationsauxquelles elle est

tenue en vertu de la Charte. Elle invoque une remarquable séried'arguments à l'appui deson

allégation.

- Ne,p 3.27. La Libye soutient d'abordque la convention de Montréalest postérieure à la Charte
-. Ii;
W
dans le temps et constitue aussi une lex specialis pour les questions sur lesquelles elle porte

(observationset conclusions de la Libye, par. 2.18). La Libyesoutient donc avec insistance que

les droits qu'elle invoqueen vertu de la convention de Montréal ontla prioritépar rapport à ses

obligationsenvertu de laCharte. Elle se fondesur leprincipebienconnududroitdes traités,selon

lequel l'obligationconventionnelle la plus récentel'emporteet la lex specialis passe avant les

obligations plus généralesc,omme celles de la Charte.

3.28. Ce sont là des arguments imaginatifs, audacieux,dangereuxmême.La Libye ne cite

à l'appuiaucunepratiquedes Etats,aucuneopiniondoctrinale,ni aucunautreélémentfavorable qui

soit convainquant. Ces arguments sont tout simplement erronés.

3.29. En premier lieu, il n'existe aucune incompatibilité nécessaire entre les obligations
1

auxquelles la Libye est tenue en vertu de la Charte et sa position en vertu de la convention de

Montréal. Les deux peuvent être interprété ensparfaite harmonie. Quandla Libye a adhéré à la

Charte, elle a accepté que les dispositionsde tout autre traconclu par elle- avant ou aprèsce

moment, y compris la convention de Montréal- donnent lieu à une exécutionconforme à la

Charte, y compris ses articles 25, 48 et 103.

3.30. Rien dans la convention de Montréalne change quoi que ce soit à cela. Rien dans ses

termes ou son histoire ne donne lieu de penserque les Partiesaient entendu modifier ou remplacer

des articles déterminés de la Charte. La Charte reste pleinement obligatoirepour la Libye.

CR 97/19/LUS -5-

3.31.Il est trèsfacile de répondàel'argumentde la Libye surcette base. Sitoutefois il n'en

allait pas de la sorte, l'argumentresteraitinacceptable pourla Cour. La supérioritédes obligations

issues de la Charte par rapport aux obligations issues de traités ultérieurs est claireen droit

international. C'estce qu'exprimel'article 30,paragraphe 1,de laconventiondeViennesurledroit

des traités,qui définitla règleselon laquelle le traité postéril'emporteen général. Cependant

cette règle est énoncéeen termes exprès «sousréservedes dispositionsde l'article 103de laCharte

des Nations Unies)). La convention de Montréal nel'emportepas sur l'article 103de la Charte.

3.32. Laposition contrairede la Libye affaibliraitfondamentalementla Charte. L'allégation

de laLibye permettraitaux Etats de se soustrairepar une «option»au chapitre VII, ouàtoute autre

partie gênante dela Charte, en concluantde nouveauxtraités incompatibles.C'est là une doctrine

dangereuse et qui ne repose sur rien. La Cour ne devrait pas l'accepter.

3.33. LaLibye soutient aussi qu'ellen'apas besoinde se conformeraux résolutionsadoptées

par le Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VII, car ces résolutionsne se fondent pas sur la

Charte, ou de quelque manière dépassentla portéedes pouvoirs que le Conseil tient de la Charte

(observationset conclusions, par. 4.2). Cet argument n'estpas valablenon plus. LaChartecharge

les membresdu Conseil de sécurité de laresponsabilité dedéciderquellesmesuressontnécessaires

pour maintenir ou rétablirla paix et la sécuritéinternationales.Une fois que le Conseil a pris une

décision en vertu du chapitre VII, un Membre de l'organisation des NationsUnies, à titre

individuel,ne peutpas refuser des'yconformerparce qu'il prétendêtreen désaccordavec lavalidité

de cette décision.

3.34. Commedans le cas de l'argumentprécédent, la position de lL aibye est icide cellesqui

pourraient causer un préjudicegrave à l'ordrejuridique établipar la Charte. Quoi qu'ilen soit,

commeje l'établirai dans la dernièrepartie de monexposé,les mesuresprises par leConseilétaient

toutà fait raisonnableset appropriéesdans laperspectivede la menacecontre la paixet la sécurité

liée aux attentats la bombe contre les appareils assurant les vols Pan Am 103et UTA 772.

3.35. On a aussi donné àentendre que l'article103de la Charte,qui parle d'obligations, peut

ne pas s'étendreaux droit isus d'untraitéou du droit international général.11convient donc de -6-

rechercher si les droits qu'unEtat tient d'untraitéou du droit international généleuvent être

supplantéspar des décisionsdu Conseil de sécurité.
L
3.36.L'obligationde seconformerauxdécisionsduConseilde sécurité s'appliquepleinement

à la fois aux décisions qui ontune incidence sur les droits des Etats età celles qui ont une

incidence sur leurs obligations. Les dispositions applicables de la Charte sont rédigées en des

termes généraux et destinéesàproduire un effet ample. Elles le doiventpour assurer l'effectivité

du régimedu chapitre VI1et, en interprétantcet aspectde la Charte, la Cour n'areconnu aucune

distinction entre les «droits» et les «obligations». Bien plutôt, la Cour a souligné l'ampleur et

l'importancede ces dispositions de la Charte (voir,par exemple,nséquencesjuridiques pour les

Etats de laprésencecontinuede 1'A.iquedu Suden Namibie (Sud-Ouestapicain) nonobstant la w

résolution276 (1970)du Conseilde sécuritéa ,vis consultatGC.I.J.Recueil1971, p. 54,par. 116;

Activités militaireset paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis

d'Amérique), Compétence et recevabilité,arrêt,C.I.J.Recueil 1984, p. 440). Les écrits dela

doctrine ont aussi soulignél'ampleur des obligations qui incombent aux Etats d'exécuterles

décisionsdu Conseil. Ils n'appuientpas le point de vue selon lequel cetteobligation ne s'applique

pas aux «droits» (voir notamment TheCharterofthe UnitedNations. A Commentary,B. Simma,

éd.,p. 1120et suiv.)

3.37. De plus, la limitation ainsi proposéesuscite de gravesifficultés. Supposons qu'un

traité bilatérlonneaux ressortissantsde chaquepartie le droit de fairedes investissementssur le
.7
territoire de l'autre. Certes, la Charte donne au Conseil de sécur,ans une situationprévueau

chapitre VII, le pouvoir d'exigerquel'unedes partie interdisà ses ressortissants d'investir surle

territoire de l'autre,malgré ces dispositionsconventionnelles.

3.38. On en trouve la raison, non pas seulement àl'article 103,mais aussi aux articles 25

et 48. Leurstermes clairs obligent lesEtats exécuterles décisionsdu Conseil de sécurité.Si un

Etat doit renoncer à l'exercice de quelque droit conventionnel pour exécuter les décisions

obligatoires du Conseil, c'est simplementlà ce qu'exigela Charte. Les embargos, les interdictions

de vente d'armeset les autres mesuresobligatoires adoptéespar le Conseilempêchent souventlesEtats d'exercerdesdroits qu'ils tiennentde traitésou du droit international général. sécisions

du Conseilpeuventbien empêcheu rn Etat d'exercer desdroitsconventionnels,par exemplele droit

de poursuivre des liaisons aériennes bilatéralesOr, c'estlà ce qu'exigentles termes clairs de la

Charte.

3.39. La Cour a fort bien résumé la situation dans son avis consultatif en l'affairede la

Namibie :

(([Llorsquele Conseilde sécuritéadopte une décisionauxtermes de l'article25
conformément à la Charte, il incombe aux Etats Membres de se conformer à cette
décision...Nepas l'admettreseraitprivercetorganeprincipaldesfonctionsetpouvoirs
essentiels qu'iltient de la Charte.))Conséquencesjuridiques pour leE s tats de la
présencecontinuede l'AfriqueduSudenNamibie (Sud-Ouest africain)nonobstantla
résolution 276 (1970)du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J.Recueil 1971,

p. 54, par. 116.)

La Cour a reconnu l'effet des résolutionsdu Conseil de sécurité fondéessur les
articles25 et 103

3.40. La Cour a reconnu ces principes relatifs aux articles 25 et 103de la Charte et leur a

donnéeffet.Au stade des mesuresconservatoiresen 1992,laCour a décidé qu'elle nepouvait pas

alors statuer pleinement sur l'effet juridique dela résolution 748.Cependant l'ordonnancede la

Cour a reconnu clairement l'autoritjuridique des droits par elle établiset a soulignél'obligation

de s'yconformer. Cela ressort avecclartédu paragraphe 42 de l'ordonnance dela Cour :

((Considérantque la Libye et les Etats-Unis, en tant que Membres de
l'organisation des Nations Unies, sont dans l'obligationd'accepter etd'appliquer les
décisionsduConseil de sécuritéconformément à l'article25 de la Charte;que laCour,

qui, à ce stade de la procédure, enest à l'examend'une demandeen indication de
mesures conservatoires,estime que prima facie cette obligation s'étenà la décision
contenue dans la résolution 748 (1992);et que, conformément à l'article 103de la
Charte, les obligations des Partiescet égardprévalent sur leursobligationsen vertu
de tout autre accord international,y compris la convention de Montréal.))(Questions
d'interprétationet d'applicationde la conventionde Montréalde 1971 résultant de
l'incident aériede Lockerbie(Jamahiriyaarabelibyennec. Etats-Unisd'Amérique),
mesures conservatoires,ordonnancedu 14 avril 1992,C.I.J.Recueil 1992, p. 126.)

En 1992, la Cour a donc conclu que, prima facie, les obligations imposées par la

résolution748régissaientl'affaire. La Libyen'aindiquéaucuneraison d'aboutir àune conclusion

différentemaintenant, alors que la Cour peut statuer de façon définitiveà ce propos. La Cour

devrait maintenantjuger de façon définitive queles obligations imposéespar les résolutions748 -8-

et 883régissentla solutionde la présenteaffaire. MonsieurlePrésident,je vaismaintenant aborder

le troisièmetitre de ma plaidoirie, pour montrer que ces résolutions onvalablement adoptées L

par le Conseil.

3.41. Cette section sera brève.je vais montrer comment lesrésolutionsont valablement

adoptéeset répondre à certaines allégationscontraires de la Libye.

3.42.Les résolutions731,748 et 883ont étévalablementadoptéespar le Conseilde sécurité.

Elles ont étéadoptéeslors de séancesrégulièresdu Conseil àl'issuede débatsau cours desquels

la Libye a expriméson avis. Elles ont obtenu les majoritésrequises et le présidentdu Conseilde w

sécuritéles a déclarées adoptées.

3.43. En vertu de l'article27,paragraphe 3, de la Charte,une résolutionnéceneuf votes

affirmatifset aucunveto. En l'occurrencelarésolution748a obtenu 10 voix; larésolution 883,11

Aucun membre du Conseil de sécurité n'avotécontre l'uneou l'autrerésolution. La Chine s'est

associéeà d'autres Etats pours'abstenirsur les deux. Cependant, depuis plus de cinquante ans, la

pratique établiedu Conseilest qu'unetelle abstention d'unmembre permanent ne constituepas un

veto faisant obstaclà décision. Ceprincipe a étéadmis par la communautéinternationaleet la

Cour l'aaffirmédans sonavisconsultationen l'affaire delaNamibie (Conséquencejsridiquespour

les Etatsde laprésence continuede l'Afriquedu SudenNamibie (Sud-Ouestafricain) nonobstant
9
larésolution276 (1970)duConseildesécuritéa,visconsultatif,C.I.J. Recueil 1971,p. 22,par. 22).

3.44. La situation ressemble donà celle que la Cour a décriteen cette affa:re
- ,+
((Toute résolution émanant d'un organe des Nations Unies régulièrement

constitué,prise conformémentà son règlementet déclarée adoptép ear son président,
doit êtreprésumée valable.))(Ibid.,C.I.J.Recueil1971, p. 22, par. 20.)

3.45. Malgré celala Libye tente de présenterles décisionsdu Conseil de sécuritcomme .

atteintes d'une déficienceprocédurale. Ellepropose plusieurs arguments. Aucun ne tient debout.

Premièrement,la Libye soutient que l'article33 de la Charte oblige les partàeun différendà

rechercherun règlement pacifiqueen usant des divers moyensénumérés dans cet article. e n'est - 9 -

qu'après qu'ellesont essayé etépuisé de tels moyens que le Conseil de sécuritépeut prendre une

décision. La Libye, selon son interprétation,soutient donc que la Charte impose une règle de

((l'épuisementdesrecours)) à titre de condition préalable toute décisiondu Conseil de sécurité.

3.46.Cet argument n'estpas valable. Il se fonde sur une interprétation sélectiet étroità

un degré injustifiabledes élémentsconnexes du chapitre VI de la Charte. Ce qui compte plus,

cependant, c'est que l'article se trouve dans le chapitre VI. Il fait partie du systèmeétablipar

ce chapitre afin de favoriser le règlementpacifique des différends. Lesdécisionsdu Conseil de

sécurité attaquéep sar la Libye n'ontpas étprises dans le contexte du chapitre VI. Elles ont été

prises en vertu du chapitre VII. Le Conseilagissaitpour maintenir ou rétablirlapaix et la sécurité

internationales.

3.47.Dans unesituation de ce genrelaCharten'exige pasque lesparties audifférendpeinent

pour franchir les étapesdu chapitre VI avant que le Conseil ne puisseagir. Le Koweït et l'Iraq

n'ontpas eubesoin d'épuiserlespossibilités de règlemenptacifiqueprévuespar lechapitre VIavant

que le Conseil de sécuriténe soit en mesure de prendredes décisions fondées sur le chapitreI1

quand le Koweït a été envahi en 1990. Si le Conseil, chaquefois qu'ilaffronte une menace contre

lapaix ou une rupturede la paix, devaitattendrepour agir que les parties épuisentles procédéde

règlement pacifique,il serait handicapé dansson aptitudeà s'acquitterdes responsabilitésqui lui

incombent en vertu du chapitre VI1pour protégerla paix et la sécurité.

3.48.Dans lepasséla Cour a refusé àjuste titre d'interpréterla Charte en y introduisant des

éléments qui ne s'ytrouvent pas exprimés(voir par exemple Conditionsde l'admissiond'un Etat

comme Membre desNations Unies, C.I.J.Recueil1948, p. 57). Elle devrait agir de mêmeen

l'espèce. Elledevraitrejeterlademanded'adjonction auchapitre VI1d'uneexigencede l'épuisement

des recours.

3.49. La deuxièmedemande principale de la Libye est que le Conseil ne peut agir que sur

la base de faits ((pleinement démontrés)e)t que le Conseil n'avait à son compte que des faits

insuffisantspourjustifier les décisionsqu'ila prises dans cette affaire (observationset conclusions

de la Libye, par. 4.17). La Libye semble donner à entendre qu'il aurait dû y avoir quelque - 10-

procédurecontradictoire, dans laquelle les Etats-Unis et la Libye auraient présenté chacun ses

éléments de preuve, destinésa êtreappréciés et débattudsevant le Conseil.

3.50.Ce n'estpas làce qu'exigela Charte,ni le règlementou lapratique du Conseil. Il n'est

ni réaliste,ni appropriéd'exigerque le Conseil tienne dans les formes uneséance consacrée aux

preuvesavantdeprendreunedécisiondansunesituationdéterminéeC . ompte tenude sesfonctions

et de ses pouvoirs, le Conseil de sécuritédoit prendre des décisionsvitales dans des différends

complexeset en évolution. Souvent,ildoit agirvite et desheuresimprévisibles.Chaque membre

fait apport aux délibérationsdu Conseil de sa propre réserve d'informationet d'expérience,

complétép ear les informationsqu'ontfourniesleSecrétariat,d'autrgouvernements,etnotamment

en l'espèce laLibye. Absolumentrien n'habilite laCour àprescrireune procédurede constatation w

officielle des faits, un critère dela preuve, ou une quelconque «charge dela preuve))auxquels il

faille satisfaire avant que le Conseil ne puisse agir.

3.51.La Libye se plaintaussi que c'étaitunefaute pour la France, la Grande-Bretagne et les

Etats-Unisde prendre part au vote du Conseil sur ces questions(observationset conclusions de la

Libye,par. 4.34). La Libyesoutient qu'aucun deces pays n'auraitdûvoter quandlarésolution731

a étéadoptéea l'unanimitéet que ce vote a de quelque façon entachéd'un viceou de nullitéla

résolution731et les résolutionsultérieuresfondéessur lechapitre VII. LaLibyesoutientaussi que

ces trois pays se trouvaient disqualifiéspour voter en faveur des résolutions 748et 883, car le

Conseil, en les adoptant, s'acquittait d'une«tâche quasi-judiciaire)).

3.52.Le deuxième argumentest dépourvude tout fondement. L'article 27, paragraphe 3, de

la Charte ne soumet le voteà aucune limitationde ce genre lorsquela Charte prend une décision

en vertu du chapitre VII. Rien dans la pratique duConseil de sécurité ne justifiela demande de

la Libye. LaLibye demande à la Cour d'imposer au pouvoir de décisionu Conseilde sécuritédes

limites appréciablesqui ne reposent sur rien dans la Charte. b

3.53. L'attaquelancéecontre la résolution 731 échoudee la mêmemanière. Les termes de

la résolution731et les circonstancesde sonadoption indiquentque leConseila essayéde semettre

en présenced'une situatid ans le domaine des articles 34 et 35 de la Charte et non pas d'un - 11 -

dzféren edvertu del'article27, paragraphe3. Comme letexte l'indiqueclairement, le Conseilse

, c; préoccupaitdesproblèmesd'ensembleduterrorismeet desattaquescontrelesavions. Les soupçons
L,
de participation de la Libye aux attaques contre les appareils assurant les vols Pan Am 103 et

UTA 772, ainsi que sa conduite passée ontfait l'objetd'un examen commeun élémend t e cette

situation plus générale.Or, de toute manière,la demande de la Libye n'aproduit aucun effet en

droit. Les questionsrelatives au vote sur la résolution73 peuvent avoiraucune incidencesur

la validité desdécisionsultérieuresdu Conseil fondées sur le chapitreVII.

Monsieur le Président,je vais maintenant aborder un quatrièmeintitulé, assez long, dema

plaidoiriepour établirque ces résolutionsconstituaientun exerciceappropriédes responsabilitésdu

Conseil de sécuritéen vertu de la Charte.

IV. LES RESOLUTIONS CONSTITUAIENT UN EXERCICE APPROPRIEDES
RESPONSABILITESDU CONSEILDE SECURITEEN VERTUDE LA CHARTE

3.54. Dans cette dernièresectionje répondrai aux allégationsdelaLibye selon lesquellesle

Conseil de sécurité aagi de façon inappropriéeou par excès de pouvoir. J'expliqueraiaussi

pourquoi, mêmesi la Cour conclut qu'elle est compétenteet que les demandes de la Libye sont

recevables, elle n'endevrait pas moins refuser de statuer sur ces demandes.

3.55. En adoptant les résolutions 748et 883, le Conseil de sécuritédevait effectuer deux

sortes de constatations en vertu de l'article9 de la Charte. Premièrement le Conseil devait

déterminersi l'ensembledes circonstances qui luiétaient soumises la mortviolente de plusieurs

centaines de personnes, les indications de la responsabilitélibyenne, l'assistance récurrenteet

dépourvued'ambiguïtéapportéeau terrorisme par la Libye et ce qui a constitué,le Conseil l'a

constaté, lesréponsesinsatisfaisantes de la Libyeà ces résolutions- constituaient une menace

contre la paix et la sécuritéinternationales. Le Conseil a conclu que ces circonstances en

constituaient une. Le Conseil devaitalors prendre une décisionsur des mesures déterminées pour

maintenirou rétablir lapaix et lasécuritéinternationales. Les mesuresadoptéeincluentcellesque

la Libye demande maintenant àla Cour de déclarernulles. - 12-

3.56E .n prenant ces décisions,le Conseil de sécurin'a pas agi comme une juridiction

pénale. Dans un procèspénaltel qu'ildoit être,il faut prouver la culpabilitédes accusés par des

éléments de preuvehautementpersuasifs. LaLibyeattaqueleConseil desécuritéparcequecelui-ci

n'apas menésaprocédureconformément àde tels critères.Ortelle n'est paslatâchedont la Charte

charge leConseilet ce n'estpas cettetâchedont il s'estacquittéici. LeConseil en l'occurrence s'est

efforcé de garantirqu'ily aurait, devant quelquejuridiction appropriée,un procès pénaldûment

menéet équitabledes auteurs présumés d'ucnrimeterrible. Seul un tel procès permettaitd'établir

la culpabilité des individus accusés.

Bases de décisionsdu Conseil

3.57 Les décisionsprisespar le Conseil conformémenà l'article39 sont des décisionsqu'il

a seul le pouvoir de prendre en vertu de la Charte. Aucun autre organe ne saurait substituer son

pouvoir d'appréciationceluidu Conseil. LeConseilavaitnéanmoinsunebasesolidepourprendre

lesdites décisions qui étaienjtustifiéeset appropriéeseu égardaux circonstances. Le Conseil n'a

aucunement pris des ((décisionsincohérentes,contradictoisu irrationnelles» commele prétend

la Libye (observations et conclusions de laye, par. 4.55).

3.58.Le Conseil avait certainement de bonnes raisons de penser que la situation faisait

ressortirunemenacecontrela paixet la sécurité. Plusieurscentaise personnesavaientététuées

à lasuite desattaques soigneusementplanifiéesdontavaientfaitl'objetdesavionscivils. Ces morts

n'indiquaient passimplement une menace contre la sécuriinternationalemais constituaient une

atteinte massivecette sécurité.Le Conseilavaitégalementconscience desgravesmenacesposées

par le terrorisme international et du soutien que la Libye avait auparavant apàodes actes

terroristes.

3.59L.es minutieuses enquêtesmenées partrois Etats ont fait ressortir que la Libye était

directement impliquéedansces morts. Desaccusationsprécises ontétéformuléespar les autorités

chargées des poursuites dansdeuxEtats contre des personnesdéterminéesui auraient agi pour le

compte de la Libye. Bien entendu, ces accusations n'établissentaucunement la culpabilité des accusés,qui ne saurait être prononcéqeu'àl'issue d'un procès pénaglarantissantdûment les droits

de l'hommedesintéressés. Les chargesretenuescontrecespersonnesétaienttoutefoisdesfaitsdont

le Conseildevaittenir comptedanssonappréciationde lasituation. Le Conseilsavaitaussi la suite

inadéquateque laLibye avait donnée àses résolutions.Dans ces conditions,le Conseilétaitfondé

à constater une menace contre la paix et la sécurité internationales.

3.60. Les mesures que le Conseil a adoptéesen conséquence étaient égalementjustifiées

compte tenu des circonstances. Le Conseil a adoptéun ensemble de mesures précises,mesurées,

limitéeset non violentes. Le Conseil s'est également assuré de la légitimitet de l'équité dela

procédurepénaledont devraient faire I'objetles personnes accuséesdes meurtresde Lockerbie. Il

n'aétéaucunementindifférentaux droitsde l'hommedes accuséslorsqu'ila décidé qu'ilsdevraient

êtreremispour être jugés. 11a agi dans la convictionque les intéressésferaienlt'objetd'unprocès

conformeauxnormes internationalespertinentes. La question nese pose pas en l'espècede savoir

si le Conseil aurait pu éventuellementagir contrairement aux droits fondamentauxde l'homme.

3.61. Dans la situation extraordinaire dont il a été saisi, le Conseiln'étaitcependant pas

convaincu que la Libye fût disposée àfaire tenir un procèséquitable surson territoire ou en fût

même capable. C'est ainsqiue, comme la Cour s'ensouviendrapeut-être, une personne exerçant

. fJ les fonctionsdeministre de lajustice libyen figuraitparmicellesqui, selon le grandjury américain,
u
étaientimpliquéesdans la destructionde l'appareilassurant le vol 103de la Pan Am (pièce 1des

Etats-Unis, acte d'accusation,par. 10). A cet égard,il convient égalementde rappeler les vues

expriméespar M. El-Kosheri dans son opinion dissidente de 1992, comme suit:

«étant donné que les deux suspects libyens travaillaient ou travaillent encore pour le
gouvernementde leur pays et que leur procès pourraitfinalement déboucher sur une
affaireultérieurederesponsabilitéinternationaledesEtatsdans laquellelaLibye serait
accusée,cette situationde fait constitue selon moi une raisonsuffisantede douterque,
si leprocèsavait lieu en Libye,cela serviraitvéritablementl'intémtanifestéàla fois
par lesEtats-Unis et par le Royaume-Uni pour cequi est de faire en sorte qu'ilsoit
équitable. Quels que soient les mérites du systèmejudiciaire libyen dans des
circonstances normales, le souci d'une solution impartiale et juste me conduit à

considérer,dans le contexte particulier de la présenteaffaire, que les tribunaux
nationauxlibyens ne pourraient constituer unforum conveniens.))(Affaire relativeà
des Questionsd'interprétationet d'applicationde la conventionde Montréad le 1971
résultantde l'incidentaériende Lockerbie (Jamahiriyaarabe libyenne c. Etats-Unis
d'Amérique), C.I.J. Recueil 1992,p. 217, opinion dissidente de M. El-Kosheri.) - 14-

3.62. Le Conseil a doncdécidé de demanderque les accuséssoientremispour êtrejugép sar

les autorités judiciaires d'un autre Etat, ce qui étaitune mesure raisonnable et appropriée en

l'occurrence. Comme M. Tomuschat l'aécritau sujet de cette décision du Conseil :

«On ne voit guère ce qui pourrait faire l'objet d'une sérieusecontestation.
L'extraditiondes auteurs de graves crimes est un souci légitimedans le cadre d'une
stratégiede luttecontreleterrorisme.L'éradication duterrorismseupposel'élimination

effective de tout abri ou refuge pour les terroristes.)) [Traduction du Greffe.]
(C. Tomuschat, «The Lockerbie Case Before the International Court of Justice)),48
International Commission of JuristsReview 38, 44 (1992).)

Le Conseil ne s'est pas prononcéen matière deculpabilité nin'a pris aucune mesure
discriminatoirecontrela Libye

3.63. En demandant la remise des intéressés pourqu'ils soient jugés, le Conseil n'a

aucunement statué sur leplanjuridique sur leur culpabilitéou leur innocence. La culpabilitéou

l'innocencene peuvent êtreprononcées quepar unjury impartial à l'issue d'une procédurpeénale

appropriée tenant compte des droitsde l'accusé.

3.64. Je dois ici répondre aux déformations de la procédure pénale américainequi

apparaissenttout le long des piècesde la Libye. La Libye prétend notammentde manièrerépétée

que la justice américaine a préjugéla culpabilité des accusé(voir, par exemple, observations et

conclusions de la Libye, par. 1.6, 1.54). La Libye soutient queacted'accusationformulé parles

Etats-Unis montre que les tribunaux de ce pays ont préjugécette culpabilitéet la Libye seréfère

ainsi ironiquement, dans ses pièces, à la ((justice prétendument indépendante» deE stats-Unis

(observations et conclusions de la Libye, par..6).

3.65. Maintenant cet argument répété suggèreune grave méconnaissancede la procédure

pénaleaméricaine. Immédiatementaprèlsa destruction de l'appareilassurant le vol 103de la Pan

Am, des responsables américainsont entaméune enquêtepénalede grande ampleur, menée

parallèlementet en coopérationétroiteavec celle réalisée eEcosse. Les procureursaméricainset

écossaisse sont communiqué les éléments dp ereuve dont ils disposaient. Le moment venu, les

procureurs desEtats-Unis ontévalué de manièreautonomeles résultatsde l'enquêteI .lsontdécidé - 15 -

qu'ily avait lieu de formuler des charges sousforme d'unacte d'accusationconformémena tu droit

américain.

3.66. Selonlaprocédurepénale américainel,'inculpationdes individusaccusésen l'espèce -

commeil en est de même dans toute autre affaire pénale- n'apas résultde l'initiatived'unjuge.

Dans le système américain,lesjuges ne jouent aucun rôle dans le processus d'inculpation. Les

charges énoncées ne sont que de simples accusations rédigéespar des procureursofficiels sur la

basedes preuves dont ils disposent. Ces charges sontalorssoumises à un grandjury, composé de

vingt-troiscitoyensordinairesqui,conformément à laConstitutiondes Etats-Unis,exercentunrôle

de contrôlepouréviterque leministère publicn'entamedespoursuites à mauvaisescient. Au début

du procès,lejuge informe selon l'appellation qui luiest donnéeen anglais desEtats-Unis, le «petit

jury)),qui doit seprononcer sur laculpabilitéou l'innocencede l'accu, ue l'acted'accusationn'est

qu'unesimple hypothèseet ne constitue pas une preuve de la culpabilitédu défendeur.

3.67. Aucun juge n'est parvenu à aucune conclusion concernant la validité descharges

contenuesdans l'acte d'accusation.Les procureurs doivent,lors d'unprocèspublic,montrer aujury

le bien-fondédes charges contenues dans l'acte d'accusationen apportant des preuves montrant la

culpabilité des accusés d'une manière qun ie laisse raisonnablement aucun doute à cet égard.

L'accusén'apas à témoigner. L'accuséest représenté par un conseil qui peut essayer de contester

ou de réfuter tousles éléments depreuve du ministère public et interroger à son tour tous les

témoins de ce dernier.

3.68. Cette procédure,ainsi que le rôle du grandjury, sont expliqués dans lesexceptions

préliminairesdesEtats-Unis,au paragraphe 1.O6et auxparagraphes6 et suivantsde la pièce6 des

Etats-Uniscontenantlemémoiredu départementde lajustice. Comme ily est exposé,le caractère

suffisant des preuves tendantàétayerles charges figurant dans un acte d'accusationne peut être

établiqu'au cours d'unprocès où l'accusé a le droit d'êtreprésuméinnocent et où les charges

retenuescontre luidoiventêtreprouvéeasujury d'unemanièrequi ne laisseraisonnablementaucun

doute en la matière. - 16 -

3.69. Qu'ilme soit permis de me réfrrièvementà la demanded'indemnisationformulée

par les Etats-Unis contre la Libye en raisonde la destruction de l'appareilassurant le vol 103de
la Pan Am. La Libye cite également cettedemande commefaisant ressortir un profficielde

culpabilité. En novembre 1992, aussi bien qu'aujourd'hui, lesEtats-Unis ont estiméqu'une

indemnisation devait êtreversée pourla destruction de cet appareil au titre du droit de la

responsabilitédes Etats. Les Etats-Unistainsi déclapubliquementcomme le fontd'ordinaire

les Etats lorsqu'ilsestimentavoir subi un dommageinternationaldevantfaire l'objetde réparation.

Cependant, ces vues des Etats-unis ne constituent aucunement une preuve. Elles ne sont pas

recevables en justice et ne seraient pas prises en considérationlors du procès des accusés.

3.70. En agissant comme il l'a fait, le Conseil n'a cependant pris aucune mesure W

discriminatoire ou exceptionnelle contre la LibyeLe Conseil a, dans d'autres situations

importantes,demandéaussi,laremise de personnes pourqu'ellessoientjugées. Il a ainsi demandé

que des personnes, y compris des nationaux detatsollicité, soient remisespour êtrejugés tant

par le Tribunal pénalinternationalpour l'ex-Yougoslavie que par le Tribunpourjuger les

personnes présumées responsables d'actes crimisu Rwanda (résolution827, par4,Tribunal

internationalpourl'ex-Yougoslavieetrésolution955,par. 2,TribunalinternationalpourleRwanda).

En outre, dans ses résolutions1044et 1054,qu'ila adoptées demandedes Etats africaiàla

suite de la tentative d'assassinatdont le présidentdee,M. Moubarak, avait fait l'objet lors

de sa participation au sommet de l'OUAteàuAddis Abeba, le Conseil a demandé aux autorités -

soudanaisesde faire suàtlademandede l'OUA d'extraderen Ethiopielessuspectsimpliquésdans
la tentative d'assassinat. Le Conseil a également addes sanctions en l'occurrence envue

d'assurerla mise en Œuvrede cette décision.

Le Conseil peut demander la remise de personnes pour qu'ellessoient jugées

3.71. Selon la Libye, lesprincipes d'une bonneadministrationde lajustice ne permettaient

pas au Conseil d'adopterdûment ou sans outrepasser ses pouvoirs ses résolutions748 et 883

(observations et conclusions de la Libye, par. 4.16 et suiv.). -17-

3.72. Il semblerait, d'aprèscet argument, que le Conseil ne puisse agirà l'égardde toute

question revêtantun aspectjuridique et qu'il ne puissepas, notamment, demander la remise de

personnespour qu'elles soientjugées. Celan'est pas soutenable. LaCharte ne prévoitpasde telles

limites aux pouvoirs du Conseil. Tout en contestant les actes du Conseil à d'autres

égards, M. Bedjaoui confirmeque la demande deremise des personnes en question pour qu'elles

soient jugées n'était «au demeurant nullement hors de portée des pouvoirs du

Conseil» (M. Bedjaoui, Nouvel ordre mondialet contrôle dela légalité des actes du Conseil de

7 an q sécuritép,. 85). Le Tribunal pénalinternational pour l'ex-Yougoslaviea égalementreconnu la
- /' !
faculté,pour le Conseil, de demander la remise de personnes pour qu'elles soient jugéesdans

l'affaireTadic.

3.73. La Libye seréfêraeu principeaut dedereautjudicare, selon lequelunEtatpeutchoisir

soit de poursuivre soit d'extraderl'auteur présumd'uneinfraction. Elle souligne d'autrepart que

le droit international générallaisse la Libye entièrementlibrede déciderdela remise de nationaux

libyens pour qu'ils soientjugés à l'étranger. LaLibye prétendaussi parfois que sa constitution

interdit l'extraditionde nationaux libyens.

3.74. J'ai réponduauparavant au large argument de la Libye selon lequel le Conseil de

sécuriténe sauraitporteratteinte aux droits et obligationsjuridiques internationauxdesEtats ni les

modifier. Le Conseil a cependant manifestement de larges pouvoirs à cet effet. Beaucoup de

mesures obligatoires susceptibles d'êtrordonnéespar le Conseil conformément à l'énumération

contenue à l'article 41 de la Charte, comme l'interruptiondes relations économiquesou des

communicationsmaritimes,postales ou autres,porteraientsansdouteatteinte à des droitsexistants

au titre de traités,du droit coutumier ou du droit national, ou modifieraient ces droits.ne fait

néanmoins aucun doute quele Conseil peut adopter de telles mesures.

3.75. Aucunedispositionde laCharteniaucunélémend te lapratiquedesEtatsouduConseil

n'indiquent queles pouvoirs duConseilpuissentfaire l'objet dequelque limiteou réserveimplicite

que ce soit l'empêchandt'agirau motif queles décisions envisagéestoucheraient à des procédures

ou des questionsjuridiques. Commeje l'aimentionnétout àl'heure,le Conseil a pris, au titre du chapitre VII, plusieurs décisionsimportantes portant sur de telles procéduresou questions avec

l'approbationunanime de la communautéinternationale. C'est ainsi,par exemple, qu'ila créé les

Tribunauxpénauxinternationauxpour l'ex-Yougoslavieet le Rwandapar ses résolutions687, 827

et 955. L'Assembléegénéralea égalementcréédesorganessubsidiairesayanu tncaractèrejuridique

certain, comme le Tribunal administratif des Nations Unies.
3.76. Certains auteurs suggèrentune vue plus nuancéede la situation. Selon eux, les

décisionsdu Conseilde sécuritpourraientse heurteràune sorte de hiérarchiedes normesdu droit

international. Ils reconnaissentque le Conseil peut certes modifier les effets de certainesnormes

de droit international,ompris certaines règles de caractèrejuridique. Ils avancent, cependant,

qued'autresnormes - commecelles interdisantles actes de génocideet de torture - peuventêtre rl'

d'unordre plus élevé qui empêcheraitle Conseil de prendre des mesures incompatibles avecde

telles normes.

3.77. Cette idéesoulèvede nombreuses difficultés. Onne voit pas, par exemple, quels

seraientla natureoules fondementsjuridiques de cettehiérarchiedesnormesjuridiques nicomment

. ,> .F- l'onpourrait classertelle outelle normedans une catégorieou une autre. Quel quepuisse être son
._ -/'
intérêt théoriqucee,tte notion n'aaucunepertinence en l'occurrence. Il ne s'agitpas ici de savoir

si leConseilde sécuritéaécartédes normesdejus cogensou desprincipesfondamentauxdesdroits

de l'homme.

3.78. Leprincipeautdedere autjudicare ne présentecertainementaucunecaractéristiquelui
-
conférantun rangplus élevéquiempêchera litConseild'agiràsonencontre. La pratiquedesEtats

montre que ce n'estpas là un principe du droit international coutumier. Les Etats ne considèrent

pas en généraqlu'ilsaient l'obligationjuridique internationalede poursuivretoute personne dont

peuvent refuser l'extraditionvers un autre Etat. S'ilen était autrement,la convention de Montréal

n'auraitpas de raison d'être. Enoutre, dans d'autres circonstances, notamment dans le cas des

Tribunaux pénauxinternationaux pour l'ex-Yougoslavieet le Rwanda, le Conseil de sécurité a

demandé quedes personnes accuséesde certains crimes soulevant une inquiétudeinternationale - 19-

soient soumis à lajuridiction d'untribunal internationalet ne soient doncpas jugés conformément

à ce principe.

3.79.Il est égalementclairque la pratique decertains Etats de nepas consentàceque leurs

nationaux soient jugés à l'étranger n'estpas une règle du droit international coutumier. De

nombreuxEtats, y compris le mien(et, commeje crois le savoir, le Royaume-Uniaussi),extradent

normalement leurs propres nationaux. Les Etatsconcluent régulièremend tes traités et accordsen

vertu desquels ils acceptent de remettre leurs nationaux pour qu'ilsfassent l'objetde poursuite

l'étranger,ans que de telles remisesdoiventfaire suiàedes inquiétudes ouprotestationsde lapart

de lacommunautéinternationale.L'obligation deremettredespersonnespour qu'ellessoientjugées

devant les Tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda s'applique

également à des personnes ayantla nationalitéde 1'Etatde remise. Cela nepose aucun principe de

droit fondamental.

3.80.Bien qu'ellesouligneque saconstitutionl'empêchd e'extrader,la Libyea en faitformulé

des propositions touchant le procèséventueldes accusésen dehors de la Libye, àdes conditions

cependant qui ne répondaientpas aux demandes du Conseil de sécurité(voir, par exemple, le

deuxième rapportdu Secrétaire générap l,ar., pièce21 des Etats-Unis).

3.81. Les règles invoquées par lLibye n'ontdonc aucun caractèrespécialou exceptionnel.

Elles ne limitentni ne conditionnentaucunementlespouvoirsdu Conseilde sécuritéd'agiern vertu

de la Charte comme il l'afait en l'espèce.

Monsieur le Président, j'aborderaimaintenant mon dernier argument tendant à montrer

pourquoi la Cour devrait, en tout étatde cause, refuser de se prononcer en l'espèce.

En tout étatde cause, la Cour devrait refuser de se prononceren l'espèce

3.82. M. Murphya montré quela Cour n'apas compétenceétantdonnéque la requête de la

Libye ne touche pas véritablementà l'applicationou l'interprétatide la convention de Montréal.

J'aimontré queles prétentionsde laLibye sont irrecevablesdu fait que les règles applicablessont

celles qui résultent des décisionsobligatoirdu Conseil de sécurité.Dans l'argument queje vais maintenant exposer,je montrerai que, mêmesi la Cour avait compétenceet si les prétentionsdu

requérant étaientrecevablesl,a Cour devrait refuser dese prononcer en l'espèce.Les décisionsdu

Conseilde sécurité ont en effetrendu lesmesuresde réparationdemandéespar laLibye sans objet.

333. Dans l'affairedu Camerounseptentrional(arrêt,C.I.J. Recueil 1963,p. 15),la Cour a

décidéqu'elln ee pouvait statuerquant au fond sur unerequêteconcernantde prétenduesviolations

par le Royaume-Uni de l'accordde tutelle relatif au territoire du Cameroun étantdonné qu'une

décisiondel'Assemblée générale mettant finà cetaccorddetutelleavaitrendula requête sansobjet.

La Cour a déclaré :

«La fonction de la Cour est de dire le droit, maiselle ne peut rendre desarrêts
qu'à l'occasionde cas concrets dans lesquels il existe, au moment du jugement, un
litigeréelimpliquantunconflitd'intérêtsjuridiques entrelespartiesL .'arrêt dleaCour
doit avoir des conséquencespratiques ence sens qu'ildoit pouvoiraffecter les droits

ou obligationsjuridiques existants des parties.)) (Ibid.,p. 33-34.)

3.84. Etant donné qu'il avait étémis fin à l'accord detutelle, la Cour ne pouvait formuler

aucunjugement susceptible d'affecterles droits et obligationsdes parties à cet égard. Commela

Cour l'aconstaté :

((Lorsquela Courtrancheundifférendau fond, l'uneou l'autre partieoules deux
parties sonten faità mêmede prendre des mesures visant le passéou 1'avenir ou de
ne pas en prendre, de sorte qu'ily a soit exécution de l'arrê dte la Cour, soit refus
d'exécution.Telle n'estpas la situation en l'espèce. (Ibid.,p. 37-38.)

3.85. Le mêmeraisonnement s'applique en l'occurrence. En l'espèce,la convention de

Montréalest toujours bien entendu en vigueur. Cependant, lesdécisionsdu Conseil de sécurité

écartent,surleplanjuridique, les moyensque la Libyeprétendfairevaloir autitre de laconvention.

En raison des actes du Conseil de sécurité, la Libye ne saurait licitement continuerà retenir les

individus en question, mener ses propres enquêteset exercer éventuellement des poursuites

judiciaires.

>.L- '7 336. L'arrêr tendu par la Cour en 1974 dans l'affaire desEssais nucléaires(Australie c.
-
France) (arrêt,C.I.J. Recueil 1974,p. 253) est analogue à cet égard.La Cour a alorsdécidé «que

la demande de l'Australie est désormais sans objetet qu'iln'ya dès lorspas lieu à statuen) (ibid.,

p. 272). La Cour a indiqué que : «la présente affaire estl'une de celles dans lesquelles «les - 21 -

circonstances qui se sont produites ..rendent toute décision judiciaire sans objet» (Cameroun

septentrional,arrêt,C.I.J.Recueil 1963, p. 38). La Cour ne voit donc pas de raison de laisser se

poursuivre une procédurequ'elle sait condamnée à rester stérile»(ibid.,p. 271). Ce sont

précisément lem s êmes considérationqsui s'appliquentenl'espèce.La seulemanière dontla Cour

pourrait accorderà laLibye les mesuresde réparation qu'elledemandeconsisterait àréexaminer et

à valider des décisions obligatoires du Conseil de sécurité. Comme nosdeux prochains

orateurs, M. Schachteret Mme Zoller le montreront, la Cour ne peut cependant pas et ne doit pas

le faire. En conséquence,une décisionsur les prétentionsde la Libye au titre de laconvention de

Montréalne saurait affecter les droitset obligationsjuridiques desparties et serait doncdépourvue

d'objet.

***

3.87.J'ensuis presqueà la fin. Je suis reconnaissantauxmembresde laCourpour l'attention

et la courtoisie dont ils veulent bien faire preuve.

3.88. J'aimontréque les résolutionsdu Conseil de sécuritéétablissent lersèglesjuridiques

régissantle différend entrela Libye et les Etats-Unis. Ces règles,et non pas la convention de

Montréal,définissent les obligations des parties. Les prétentions libyennes fondées sur la

convention deMontréalsont donc irrecevables. Elles sont égalementsans objet et sans effet àla

lumière des actesdu Conseil.

3.89.Nos deuxprochainsorateursmontrerontque la Courn'apas compétencepour examiner

les affirmations généralede la Libye selon lesquelles le Conseil aurait commis des erreurs dans

l'interprétation de Charte, dans la déterminationdes faits, etdans la conduite de ses travaux et

que ces affirmations sont égalementirrecevables. J'ai cependant égalementrépondu à ces

affirmationsde la Libyeet montréque leConseil a pris ses décisionsdans l'exerciceadéquat de ses

responsabilités,responsabilités quela Charte attribue uniquement au Conseil.

3.90. La Cour n'a donc pas compétenceen l'espèceet les conclusions de la Libye sont

irrecevables. Mais, mêmesi il n'enétait pas ainsi,la Cour devrait refuser de donner suiteces - 22 -

conclusions puisque les mesures de réparationréclamées par la Libye sont sans objet ni efàela

lumièredes actes du Conseilde sécurité.

3.91. Je remercie la Cour pour la patience et l'intérêt qu'ellemontrédurant ma longue

intervention. J'aiété trèsonoré de prendrela parole devant vous. Je suis égalementtrès heureux

d'inviter la Cour à entendre notre prochain orateur, M. Oscar Schachter. La Cour souhaitera

peut-être sansdoute faire une pause café après l'intervention M. Schachter. Je vous remercie.

LeVICE-PRESIDENT,faisantfonctiondePRESIDENT :Merci MonsieurCrook. Jedonne

maintenant la parole à M. Schachter.

M. SCHACHTER :

Relations entre la Cour et k Conseilde sécurité

4.1. Monsieur le Président, Messieursde la Cour, c'est vraiment un honneur que de se

présenterdevantla Cour etun privilègede le faire dansuneinstancesi importantepour lemaintien

de la paix et de la sécurité internationaet l'éliminationdu terrorismed'Etat.

4.2. Comme MM.les membres de la Cour l'auront constatél,a question des relationsentre

le Conseil de sécuritéet la Cour est l'une des questions juridiques centrales qui se posent en

l'espèce. Des décisionscontraignantes du Conseil de sécurité,adoptéesen application du

chapitre VI1de la Charte des Nations Unies, sont contestéesdevant la Cour. Sur la base de cette

contestation, la Libye soutientque la Cour, dans l'exercicede sespouvoirsjudiciaires, esthabilitée

à apprécierla légalitdesdécisionsdu Conseilet qu'elleen a laresponsabilité.Mon exposéportera

principalement sur cette thèse.

4.3. Permettez-moi de dire, tout d'abord,que les Etats-Unis admettent que le Conseil de

sécuritédes Nations Uniesest un organe dontles pouvoirssontdéfiniset circonscritspar laCharte

des Nations Unies. Les résolutionspertinentesdu Conseil de sécurité,àsavoirles résolutions748

et 883,ont étéadoptéesdanslecadrede lamissiongénérale duConseil prévueauxarticles 24et 25

et conformémentauxpouvoirsspécifiquesénoncésdans le chapitrV eI1de laCharte, en particulier

les articles9 et 41. L'article48 de la Charte dispose égalementque les mesures nécessaires à -23 -

l'exécutiondesdécisiondsu Conseildesécuritésontprises partousles MembresdesNations Unies

ou certains d'entreeux, selon l'appréciatdu Conseil. En application de ces articles, le Conseil

a imposé des obligations contraignantesnon seulement à la Libye, mais aussià tous les autres

Membres des Nations Unies.

4.4. A maints égards,ces mesures decoercition ont pour effet de priver les Etatsconcernés

de leurs droits ou de limiter ces droitset ce, avec une rigueur touteparticulièrepour ce qui est de

I'Etatvisé,la Libye. Lorsqu'unEtat se présentedevant la Cour pour faire valoir ses droits qui se

heurtent à des sanctions prises par le Conseil de sécurité, laquestion juridique, comme

M. Shahabuddeen l'afait observer, «ne résulted'aucun conflit entre lacompétencedu Conseil de

sécuritéet celle de la Cour)) (Questions d'interprétationet d'applicationde la convention de

Montréal de1971 résultantde l'incidentaériende Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c.

Etats-Unis d!Amériquem ),esuresconservatoires,ordonnancedu 14 avril 1992,C.I.J.Recueil 1992,

p. 141). Il s'agitplutôt, a-t-il ajouté, plus préciséett plus exactement, d'un conflitentre les

droits qu'un Etat peut tirer de certains traités et les obligations imposéespar les mesures

contraignantes du Conseil.

4.5. Quel est, en ce cas, le rôle de la Cour lorsque, légitimement saisied'uneaffaire fondée

sur un traité, ellevoit contestée devant ellela validité desdécisionsobligatoires du Conseil

Libye a soutenu qu'enpareil cas la Cour est intrinsèquementautorisée à exercer ses fonctions

judiciaires telles que prévuesdans la Charte et dans son Statut, et qu'elle ala responsabilitéde le

faire. Cet argumentest important et nous ne le prenons paà la légère.Les Etats-Unisattachent

une grande importance aurôle dujudiciaire dans les différendsinternationauxet en particuàila

contributionde laCour,entant qu'organeprincipaldesNations Unies, à l'interprétatide laCharte

et des engagements des Etats Membres. Nous souscrivons au commentaire, si souvent cité,de

M. Lachs, selon lequel laCour est la ((gardiennede la légalitm, ême sinous ajouterions qu'elle

n'estpas la seuleà jouer ce rôle. Les Etats Membres et les autres organes principaux sont tous

tenus de respecter et d'appliquerla Charte et le droit international. - 24 -

4.6.La question qui se pose en l'espèce nepeutpas se réglersimplementen évoquantle rôle

essentiel quejoue la Cour dans l'exercice deses fonctionsjudiciaires. La contestationpar laLibye

des actes du Conseil de sécuritémet en cause la structure constitutionnelle fondamentale des

Nations Unieset lamanièredont lesEtats Membres interprètent lespouvoirs conféréa sux organes

et les modalitésd'exercice deces pouvoirs. Certes, la Cour a reconnu dans l'unede ses premières

affaires :

«lecaractèrepolitiqued'unorganene peutle soustraire à l'observation desdispositions
conventionnellesqui lerégissent, lorsque celles-ciconstituentdes limites à sonpouvoir
.. <.r- ou des critères à sonjugement))(conditionsde l'admissiond'un EtatcommeMembre
-! Î' des Nations Unies (article 4 de la Charte),C.I.JRecueil 1948, p. 64).

Mais elle a également admis :

«Il est évident quela Cour n'apas de pouvoirs de contrôlejudiciaire ni d'appel
en ce qui concerne les décisions prises par lesorganes des Nations Unies dont il
s'agit.))(Conséquencejsuridiquespour les Etatsde laprésencecontinuede l'Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouestafricain) nonobstantla résolution276 (1970) du
Conseilde sécurité, C.I.J.Recueil 1971, p. 5.)

Ces deux affirmationsont généralementéta écceptées. Nouslesconsidéronscommedes principes

inattaquablesdudroitdesNations Uniesetde lajurisprudenceserapportantauxquestionssoulevées

en l'espèce.

4.7. La présente instance est caractérisép ear des faits et une configurationjuridique qui lui

sont propres. Pour lapremièrefois, la Courest saisie d'une affaire contentieusedans laquelleun

Etat prétendque ses droits ont été méconnuspar une décision quele Conseil de sécurité a prise en

violation de la Charte et des principes fondamentauxdu droit international. Commenous l'avons

déjàindiqué, nous nenions pas que le Conseil soit tenu de se conformer aux buts et principes de

la Charte et d'agirdans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés.

4.8.Toutefois, le fait marquantdu point de vuejuridique est que les résolutionsen question

- et unique -
sont des décisionsprises par le Conseil dans l'exercice de laresponsabilitésuprême

qui lui est dévolue par la Charte. Ce n'estpas sur la base de conjectures ou de théoriesque le

Conseil a estiméque la situation constituait une menace à la paix età la sécuritéinternationaleset

que des mesures de coercition s'imposaient. Les actes terroristes ont coûtéla vie a des centaines - 25 -

de personnes; la responsabilité d'agentsde la Libye est ressortie d'enquêtes très pousséesL. a

réactioninternationale appelait des réponses effectives. Il étaitraisonnable - on pourrait dire

inévitable- qu'unemajoritéd'Etatsau sein du Conseil de sécurité considèrela situation comme

une menace àla paix età la sécuritéinternationales et prenne des mesures pour s'assurer queles

responsablesdesattentatssoientpunis. Le Conseila agi conformémentau chapitre VI1et a imposé

des sanctions qu'il était seulautorisà prendre.

4.9. Il n'entreassurémentpas dans les compétenceset les responsabilitésde la Cour de se

substituer au Conseil dans son appréciationde la menaceet des mesures prises en réponse. Les

rédacteurs dela Charte ont consacréune grande partie de leurs débats, à San Francisco, aux

pouvoirs de coercition du chapitre VII. La majorité a conclu en termes clairs - parfois

- :-.-; énergiques- que le Conseil de sécurité, etlui seul, avait le devoir de décider- de façon
.- -. u
discrétionnaire- qu'une solutionentrait danslesprévisionsde l'article39etappelaitdes sanctions

au sens du chapitre VII.

4.10. Il serait vain de spéculersur le point de savoir si, en théorie,on pourrait formuler des

normesjuridiques appelées àrégir lesdécisionsen casde menace àlapaix et lesmesuresdestinées

à assurer la paix. Les rédacteurs de la Charteet les Etats Membres, dans l'ensemble, n'ontpas

considéré «qu'ilappartenait au pouvoirjudiciaire de définir cesnormes ou de se prononcer à leur

sujet))(pour citer une décision dela Cour suprême des Etats-Unis). Plus encore, ils ont considéré

malaviséet dangereuxde soumettreles décisionspolitiquesdu Conseil àun contrôlejudiciaire. La

fonction propre de la Cour, lorsque la légalité de décisiondsu Conseil prises en application du

chapitre VI1est contestée devantelle, ne peut êtreque de souligner les pouvoirs discrétionnaires

conférésau Conseip lar la Charte. M.Weeramantryaclairementrésumé la situationjuridique dans

l'opinionqu'ila jointeà l'ordonnancede 1992 lorsqu'ila écrit :

«Il semble que c'estle Conseil, et lui seul, qui est juge de l'existence d'unétat
de choses qui entraîne la mise en application du chapitre VII» (Questions

d'interprétationet d'applicationde la conventionde Montréal de 1971 résultantde
l'incident aériede Lockerbie(Jamahiriya arabelibyennec. Etats-Unisd'Amérique),
Demande enindicationdemesuresconservatoires,ordonnancedu14 avril 1992,C.I.J.
Recueil 1992, p. 176). - 26 -

4.11. En formulant cette conclusion, nous ne nions pas que la Cour puisse exercer sa

responsabilitéjudiciaire dansdes affairescontentieusesquiportentsur des décisionsdu Conseilde

sécurité. Dansl'affairerelativeauPersonnel diplomatiqueet consulaire desEtats-ànTéhéran,

l'agentdes Etats-Unisa dita Cour :((Absolumentriendans laCharte desNations Uniesou dans

le Statutde la Cour ne laisseentendreque l'actiondu Conseil de sécuritéexclult'actionde laCour,

mêmesi ces deux actions pourraient certains égard êtearallèles.))(Personnel diplomatiqueet

consulaire des Etats-Unis Téhéran (Etats-Unis dgmérique c. Iran), C.I.J. Mémoires,p. 229

(Roberts Owen).)

4.12. On peut concevoir des situations où des affaires contentieuses légitimementportées

devant la Cour pourraient appeler une interprétationde pointsde droit soulevéspar desdécisions

du Conseil. Assurément, lesdécisions dela Cour en pareil cas ne lieraient pas le Conseil de

sécurité niles Etats qui ne seraient pas paàl'instance (Statut dela Cour, a59),mais cela

pourrait être sansimportance si le différend en question ne concerne quedes Etats partàes

,,r;fi, l'instanceet que le différend estjusticiable. En résuCour pourrait toujours remplir son rôle
"LY
judiciaire dans certaines affaires contentieusesmêmesi des décisionsdu Conseil de sécsonté

en cause. Toutefois,cet exercicepar la Cour de son rôlejudiciaire est toutdifférentdecelui

qui ressort de la thèse quela Libye a soutenue en l'espèune thèse dirigée contrel'exercice,

par le Conseil, de son pouvoirdiscrétionnairede déterminerqu'unesituation constitueunemenace

àlapaixet quedesmesuresde coercitions'imposent enapplicationduchapitre VII. L'impossibilité -

d'exercerun contrôlejudiciaire sur les actes du Conseil en l'espèti contraireau droitni en

marge dudroit. ElletrouvesonfondementdanslaChartemême et lesobligationsqui en découlent.

La Cour devrait bien exercer sa responsabilité judiciaire en reconnaissant que les obligations

imposées àla Libyepar le Conseil de sécurité constituenlta règlede droit applicable en l'espèce.

4.13. J'enviens maintenantà deux points connexes, importants du point de vue juridique.

Lepremier concernela questionintéressanteexposée entermes succinctsparBedjaouidansson

opinion:celle de savoir si la fonctionjudiciaire conàéla Cour par la Charte serait ((atteinte

dans sa raison d'être» slia Cour se voyait refuser le droit de fournir une solutionjuridique

CR 97119lLUS question dont elle a étélégitimementsaisie. Le conseil de la Libye s'estexpriméen termes plus

catégoriques,soutenant que refuser la compétence dela Cour violerait «la primauté dudroit»

implicite dans les principes de la Charte.

4.14. Ces deuxpointsmettent en lumièrele rôle de laCour en cequ'elle veilleau respect du

droit. Nous ne nions pas l'importancede ce rôlejudiciaire. D'aprèsnous, la Courdevrait fournir

en l'espèceune solution juridique en recourant à la règlede droit applicable, à savoir l'effet

obligatoiredes décisionsprises parleConseilde sécurité surla base du chapitre VII. Assurément,

la fonction judiciaire n'est pasatteinte dans sa raison d'êtreet la primautédu droit n'est pas

méconnuesi la Cour décide quele droit de la Charte s'appliqueaux décisionsdu Conseil de

sécurité.La Cour rempliraitalors ses fonctionsjudiciaires conformément à la réglede la primauté

du droit.

4.15. Existe-t-il un pouvoir judiciaire inhérentde la Cour qui, dans ces circonstances,

justifierait un contrôle judiciaire des décisions que le Conseil a prises en application du

chapitre VI1 ? Un argument en ce sens a été avancé par le conseil de la Libye et évoquépar

certains membres de la Courdans leursopinions. Pour étayercette position, leconseilde la Libye

a notamment invoqué l'opinion dissidente de M. Fitzmaurice dans l'affaire dela Namibie en se

. ..7., référan t son affirmation selon laquelle la Cour, saisie d'unedemande d'avisconsultatif, pourrait
- L,LJ

êtreappelée à déterminer siune résolutiondu Conseil est obligatoire ou si elle ne revêt quele

caractère d'unerecommandation.

4.16. A l'évidence,la Cour - ou de fait toute juridiction légitimementappelée à rendre un

avis - peutêtreamenée à interpréterun instrumentjuridique pertinent ou à déciderquels sont ses

effetsjuridiques sur les questionsen cause. Maistrancher desquestions d'interprétationestun cas

de figure qui se distingueradicalementde laprésenteinstanceoù le Conseiln'a pasdemandél'avis

de la Couret où le demandeurprie la Cour d'annuler la décision du Conseil. Il y a manifestement

une distinction fondamentaleentre l'exercicepar une Cour de son pouvoir inhérentd'interpréteret

d'appliquerune règlejuridique àune affaire dont elle a étésaisie et l'affirmationd'unpouvoir de

contrôlejudiciaire qui permettraità la Cour d'annuler des décisionsd'uncorps indépendant qui ne - 28 -

lui est pas subordonné. Lespouvoirs inhérents dela Cour d'interpréterles textes ne peuvent pas

être sollicitésu point d'enfaire despouvoirsde contrôleou d'annulation. C'estune question d'une

telle importance dans le droit des Nations Unies- ou en droit constitutionnel nationa- qu'on

ne saurait l'obscurciren se référatn termes imprécis àun pouvoirjudiciaire inhérent.Si la Cour

annonçait que le pouvoir judiciaire englobait de façon inhérentele pouvoir de renverser des

décisionsprisespar desorganespolitiquesendehorsdetoutedispositionconstitutionnelleprévoyant

un tel contrôle, elle ne manquerait pas de surprendre la communautéjuridique dans de nombreux

4.17. J'enarriveà une question différenteque la Libye a soulevéedans son argumentation :

*
celle de savoir si le droit international régit les décisionsdu Conseil de sécurité,ou plus

précisément, dseavoir si la Charte fait obligationau Conseilde sécuride seconformerauxrègles

du droit international lorsqu'il prenddes décisions surla base du chapitre1de la Charte. Une

grande partie de l'argumentation juridique sur ce point tourne autour du paragraphe 1 de

l'article premierde la Charte, qui énonce les butsdes Nations Unies et qui comprend, versla fin,

laformule suivante :((conformémena tux principesde lajustice et du droit international)). Comme

l'onpourrait s'yattendre,ce membrede phrase a été trèssoigneusementétudié à SanFrancisco lors

de la rédaction del'articlepremier. Le comitéconcernéa pris la décisionde transférerla formule

((conformémentaux principes de la justice et du droit international))de la premièrepartie du

paragraphe 1 à la dernière partiedu paragraphe 1,de sorte à ce qu'elle se rapporteuniquement à
w

«l'ajustement ou le règlement de différends ou de situation, de caractère international))

.* <.k1 (Nations Unies, doc. 944, rapport du comitéItl). Comme il est dit dans ce rapport, cette
-.'., .
modificationa été apportépeour veilleràce que le droit existantne viennepas limiter((l'obligation

essentielle de préveniret d'éliminerles menacesà la paix et les ruptures de la paix)). Il était clair

à l'époque, comme ilest clair pour nous aujourd'hui,que les mesures préventivesou coercitives

pourraient passer outre les droits desEtats - et qu'ellesle feraient souvent Toutefois, lorsqu'il

s'agissait d'ajusterou de régler des différendsou des situations, l'Organisation devrait agir

conformémentaux principes de lajustice et du droit international.

CR 97/19/LUS -29 -

4.18. La distinctionsejustifiaià l'évidence. Les mesures préventivesou coercitivesque le

Conseil de sécuritéprend en applicationdu chapitre VI1- en un mot les ((sanctions))-touchent

en général les droits des Etats t assent outre certains de ces droits; dans ce sens particulier, les

mesures ne seraient pas conformes au droit international tel qu'il se distingue de la Charte

elle-même.LaCharteelle-même est ledroitapplicable,ainsique l'énoncel'article103,entreautres

articles. Celanousramène à l'argument selon lequeluncontrôlejudiciaire des décisionsduConseil

est essentiel pour veillerla légalitdesdites décisionset à leur conformité àla Charte. Il existe

un ancien dicton selon lequel «pourun cordonnierrien nevaut le cuiretpour unjuriste rienne vaut

untribunal)). Maispour autant que nous,juristes, apprécionslestribunaux, ceux-cine sauraientêtre

- ni ne sont - les seuls gardiens de la légalité.Dans un monde d'Etats souverains, les Etats

eux-mêmes ontla responsabilitéet la capacité collectiveset individuellesde veiller au respect de

leur loi fondamentale. Certes,le Conseil desécuritéest avanttouu tnorgane politique;demanière

générale, ses Etatsmembresappliquentdes critères politiquesetjugent sur le plan politique. Mais

cela ne signifie pas qu'ilssoient indifférentsaux principes et règles dela Charte et incapablesde

parvenir à des décisions fondées sur cettebase. Il est certainementdans leur intérêt collectidfe

maintenir le cadrefondamentalsur lequelest assise leurautorité.Il ressortamplementdesdossiers

du Conseil que ses membres tiennent compte des dispositions de la Charte et, dans l'ensemble,

résolvent les différends qui peuvent surgir en se fondant sur la Charte et ses principes

d'interprétationreconnus. Comme on le sait, le Conseil n'estpas un organe monolithique. Ses

membres permanents et élussont largementreprésentatifsd'unmonde multiple. Il est essentiel,

pour leurautorité collective,demaintenir leursaccords constitutionnels. C'est en réponse à l'idée

. -< ,-., selon laquelle la Cour serait la seule gardienne de la légalique nous soulignons ce point (bien
.d..L
qu'il puisse sembler évident). Conformément à la Charte, le Conseil de sécurité etles autres

organes principauxpartagent cette responsabilité.En dernièreanalyse,ce sont les Etats membres

qui ont le pouvoir - et le devoir - de veillerà ce que leur Charte soit préservée et respectée.

Après tout, ce sont eux qui sont redevables devant leurs peuples de la paix et de la sécurité

internationales. - 30 -

4.19. Ainsi s'achèvemon exposé, Monsieurle Président. Avec votre permission, Monsieur

le Président,j'inviterai Mme Elisabeth Zoller,de l'universitéde Paris II, à traiter devant la Cour

des questions de compétence etde recevabilité.

LEVICE-PRESIDENT,faisantofficedePRESIDENT : Merci,M. Schachter,je supposeque

Mme Zoller préfère commencerson exposé après lapause ?

M. ANDREWS : Oui, Monsieur le Président.

LEVICE-PRESIDENT,faisant officede PRESIDENT : Nous observeronsdonc maintenant

notre pause de la matinée. L'audience estsuspenduependant un quart d'heure.

L'audienceest suspenduede Il h 05 à 11h10.

LE VICE-PRESIDENT, faisant fonctionde PRESIDENT :Veuillezvous asseoir. Je donne

maintenant la parole à Mme Elisabeth Zoller.

Mrs. ZOLLER :

Nature of a possible right of the Court to review the actions ofthe Security Council

5.1.Mr. President, Members of the Court, in asking me to develop some ofits Preliminary

Objectionsto Libya's Applicationinthe Lockerbiecase,the United StatesGovemmentis doingme

a twofold honour. First, it has afforded me the opportunity of addressing the Court for the first

time, and this is a privilege 1greatly value. Then it has entrusted me with the task of setting out

the point of view of a permanent member of the Security Council on an important legalquestion

- ,'--/\ of UnitedNations law. The question is that of the nature ofa possibleright of reviewby the Court
e, LJd
of the actions of the Security Council.

This issue arises because the real dispute referred to the Court by Libya is not a dispute

between it and the United States; it is a dispute between it and the Security Council and it is

against the Council that it is seekingredress. For, as Dr. Murphy explained, Libya hasno dispute - 31 -

withthe United Stateswithinthe meaning ofthe MontrealConvention. Its opponentisthe Security

Council,and Mr. Crook explained to you atlengthwhy, sincethey aredirected againstthe Security

Council,the Libyanclaimsare flawed. Afterhim, ProfessorSchachterdemonstratedthat whilethe

Security Council was indeed submitted to the law, it was not for the Court to take its place in

whatever assessment the Council made of situations likely to endanger international peace and

security. There remainsa finalquestion. Ifthe SecurityCouncilis indeedsubmittedto the law and

ifthe United Nations is anorganizationbasedon the rule of law, inthe sarneway that one can talk

of a "State based onthe rule of law" (Rechtsstaat),then who supervises such submission?

On this question the position of Libya is categorical. According to it, the Court has

jurisdiction purely andsimplyto reviewin contentiousproceedings, throughobjection,the legality

of Security Councildecisions. The UnitedStatesGovernment doesnot sharethis dogmaticopinion

and holds less categoricalviews on the matter. It does not think that the Charter and the Statute

authorize the Court to review in contentiousproceedingsthe legality of SecurityCouncil actions.

It therefore considersthatthe Court lacksjurisdiction to entertainLibya'sApplication,and that the

latter is moreover inadmissible. 1shall essentially be developing these two contentions.

1. The Court's Wantof Jurisdiction

5.2. With regard tothe Court'sjurisdiction for reviewing the legality of Security Council

resolutions 731,748 and 883, Ouropponent has butone single argumentrecurring like a leitrnotif

in its contention. According to Libya, the power of the Court to determine the legal effects of

_. -. Security Council resolutions "derives from the legal nature of the Court" (Memorial, p. 183,
+' .i4,
para. 6.46). According to it, the Court could not, without departing from its judicial function,

renounce its exerciseof that power. What is at issue, it tells us, is "the importance ofmaintaining

the integrity of the judicial function" (Observationsand Conclusions, p. 95, para. 3.11)And to

supportits contention ouropponentrelies ontwo cases: the 1962Certain Expensescase, in which

the Court is claimed to have exercised "itsjudicial functions" to affirm its power to review the

validity of actions by the organs of the Organization;further, and above all, the Namibia case in - 32 -

1971,which for Libya is "particularlyimportant"(ObservationsandConclusions, p. 93, para. 3.6)

and in which, still according to Libya, the Court invoked "itsjudicial function" to affirm its

jurisdiction to rule on the validity of General Assembly resolution2145 (XXI).

The United StatesGovernment intendsneither to confirmnorto refüte Libya'sinterpretation

ofthe foregoingtwo cases. The key point,accordingto it, is thatboth cases camebeforethe Court

throughthe advisoryprocedureandnot inthe frameworkof contentious proceedings.AstheUnited

States wrote in its Preliminary Objections(p. 95, para. 4.1 l),"[iln both instances,the Court was

acting in responseto a request for an advisory opinion". Libyahas never respondedon that point.

Not that it did not see the problem; but it eliminated it without resolving it on the ground that,

W
accordingto it, "thejurisprudence quoted aboverelatingto advisoryproceedingsalsoapplies,albeit

afortiori, to contentiousproceedings"(Mernorial,p. 187,para. 6.53). To backthatassertion,Libya

relied on the opinions of three judges: those of Judges Onyearnaand Fitzmaurice in the Namibia

case andthat of Judge Bustarnentein the Certain Expensescase. Notwithstanding the respect due

to those eminentMembersof the Court,the Libyanargumentcanjustly be termeda littlebrief and,

to Saythe least, expeditious. The Court is a collegiatejurisdiction and itsjudges, on their own and

howevergreat their individual authority,do not create precedents. It is precisely because Libya is

unable to rely on a single precedent in contentious proceedingsthat it is hard to understand how

it can so confidently assert - afortiori, it tells us (ibid) - that what would hold in advisory
-
.. -. -\ proceedingsis equally valid in contentiousproceedings. Examinationof the Court'sjurisprudence
J 4 1
would prompt more tempered observations.

5.3. Mr. President, there can be no doubt that the Court always exercises one and the same

function, the judicial function, as the "principaljudicial organof the United Nations" withinthe

meaningof Article 92 of the Charter. In practicalterms,this meansthat the Court "Statesthe law",

whether in contentious or in advisory proceedings. For the judicial function is that of stating the

law. And the drafters of the Charter entrusted this function of stating the law principally to the

Court by virtue of Article 92 of the Charter.

CR 97119lLUS -33 -
But if the judicial function is always one, if the constant requirement is to state the law,

should it be deducedthat the conditions of its exercise are identical? In other words, are the two

manners of exercising the judicial function equivalent and can the Court do in contentious

proceedings what it permits itself to do in advisory proceedings? For Libya the answer to this

question is beyonddoubtand, in its view, there is noiff~cultyin doing in contentiousproceedings

what is conceivable in an advisorycontext,andvice versa. As Libya sees it,there is no autonomy

betweenthe two classes of proceedingsandonecan switch fromonetothe otheras necessary. The

two proceedings are fungible, as it were, and onthe strength of this equivalence itasks the Court

to exercise its review function "incidentally"(Memorial, p. 188).

5.4. This equating of the two proceedingsleaves room for scepticism. Never in contentious

proceedings has the Court claimed or suggested that it could have a power of review overthe

actionsof the SecurityCouncil. Never has it regardeditself as thejudge or censor of the Security

Council, but ratheras its rightarm and counsel. In contentious proceedings it is as though the

Courtconsidereditselfto be entrustedwith thetaskof assistingthe SecurityCouncilinthe exercise

of itschief peace-keepingresponsibility. This is how it construed itsjurisdiction in the 1980case

conceming UnitedStates Diplornatic and Consular StafJ in Tehran, when it observed that there

could not be "anything irregular in the simultaneousexercise of their respective functions by the

-Ï/ Court and the Security Council" (I.C.J. Reports 1980, p. 21, para. 40; emphasis added). And it
w .>9
justified such"simultaneousexercise"by "reasons[thatwere]clear" (ibid.,p. 22),namelythat since

both organs were pursuing the same purpose at the sarne time - the peaceful settlement of

disputes- it was logicalthat the Court shouldbe ableto help "resolveany legal questionthat may

be in issue between the parties to a dispute" (ibid., p. 22, para. 40).

Four years later, in the 1984Nicaragua (Jurisdiction) case, the Court was again asked to

address legalaspects of a disputethat was exarninedby the SecurityCouncil. It followedexactly

thesarnejurisprudence. It distinguishedbetweenthe "functionsofapoliticalnature"ofthe Security

Council and the Court's "purelyjudicial functions", and it emphasized that both organs could

perform "their separate but complementary functions with respect to the same events" -34 -

(I.C.J. Reports 1984,p. 435, para. 95; emphasis added). In that as inthe previous case,the Court

considered itself to havejurisdiction because,in the exerciseof itsjurisdiction, itwas pursuingthe

same purpose as the Security Council. It therefore agreedto assist the Council in the exercise of

its functions by ruling on a question of law pertainingto a dispute referred to it. Two adjectives

used bythe Court - "simultaneous"and "complementary"- put inanutshell itspositionon how

it conceives its role in contentious proceedings vis-à-visthe SecurityCouncil. At thesame time

and in partnership with it: that is howthe Court understandsits role inaddressingthe legalaspects

of a question examinedby the Security Council.

5.5.But in this case Libya is by no meansasking the Court to fiIla role complementary to -

that of the Security Council and to pursue the sarne purpose as it. What Libya is asking of the -

Court is in fact to defeat the purpose pursued by the Council. It is asking it, rather than to assist

the Council in addressing a situation likely tondanger internationalpeace and security, on the

contrary to prevent it fiom so doing. It is asking the Court to halt the political process set in

motion by the Security Council. But the Court does not accept this kind of approach. It even

- -7 r. considers that it hasan automaticdutyto raisethe problemshould therebe any ambivalencein the
, U',i1
Applicant's representation. That is what happened in the Nicaragua (Jurisdiction)case. To the

objection that the proceedings institutedby Nicaragua wereonly "an appeal to the Court fiom an

adverse decision of the Security Council", the Court respondedthus:

"The Court is not asked to Say that the Security Council was wrong in its
decision, nor that there wasanything inconsistent with law in the way in which the
members ofthe Council employedtheir right to vote." (I.C.J. Reports 1984, p. 436,
para. 98.)

This meansthat, had that been the case, namelyhad the applicant soughtredress of a voting error

or irregularity in the SecurityCouncil,the Court wouldhave refusedto examine the applicationin

contentious proceedings. But herethis is exactlywhat Libya is askingtheCourt to do. It is asking

it first to invalidateresolutions 731,748and 883in view of "theway inwhich the membersof the

Council employedtheir rightto vote". As Libyaseesit,theUnited States,the UnitedKingdomand

France couldnot take part in the vote on thoseresolutions (Observationsand Conclusions,p. 124, -35 -

para. 4.34). And it then asks it to censurethe SecurityCouncil for its "error" and very precisely,

foranyone farniliarwith cases of relief soughtagainstexcess of authority in French administrative

law,for error of fact, error of law and error of legal categorizationof the facts: error of fact (the

two persons whom the United States and the United Kingdom would like to see broughttojustice

are allegedly in no way implicated in the Lockerbietragedy); error of law (the Security Council

is alleged to have misconstruedthe provisions of Chapter VII); anderror of legal categorization

of the facts (the consequencesof the Lockerbiebombingare claimed nottojusti@ the application

of Chapter VII). Withthe plea of a "formaldefect" on account of the way in which the members

of the Council employed their right to vote, with theplea of "breach of the law" in view of the

alleged commission of errors by the Council (see Memorial, p. 219 et seq.; Observations and

Conclusions,pp. 93-94 et seq.), we are clearly no longer in international contentiousproceedings

but in French administrativeadjudication. Libya'sApplication is in fact a disguised requestfor a

finding of nullity, a veiled appeal against an excess ofauthority. The difficulty is that the Court

simply lacksjurisdiction to entertain this kind of application in contentious proceedings.

5.6. Contrary to what underlies the Libyan approach, the two sources of the jurisdiction

whereby the Court exercises the judicial function,jurisdiction in contentious cases and advisory

jurisdiction, arenot interchangeable. Theyarenot interconnectedlikecommunicatingvessels. The

provisions of the United Nations Charter completed by those of the Statute of the Court have

establishedadistributionofjurisdiction. Jurisdictionincontentiouscases is onething andadvisory

jurisdiction is another. This distribution ofjurisdiction is formallyestablished,first in the Charter

whereit dealswith the two sourcesofjurisdiction in separatearticles(Article 36, paragraph 3, for

jurisdiction in contentious cases and Article 96, paragraph 1, for advisory jurisdiction). This

distribution ofjurisdiction isthen, and above al], confirmed in the Statute of the Court, covering

the two sourcesofjurisdiction in two different chapters(Chapter II, which deals withjurisdiction

incontentiouscases, and Chapter IV applyingto advisoryopinions). This differentiated treatment

ofjurisdiction in contentiousand advisoryproceedingsmeansthat the advisory Court is one thing

and the Court ruling in contentious cases another thing. The Court is perfectly aware of this - 36 -

distinction. It will not admit of those appearing before it, States or international organizations,

beingableto manipulatethetwokindsofjurisdiction as itmay suitthem. It opposesthe possibility

of obtaining through advisory proceedings what would be unobtainable fi-om contentious

proceedings, or vice versa.

5.7. We havejust seen fi-omthe Nicaragua (Jurisdiction) case that the Court ruled out al1

possibility of its seeking, in contentiousproceedings,ajudicial findingof any sort on a purported

irregularity committed by an organ of the Organization. And the converse isme. Just as resort

cannot be had to contentious proceedings in order to secure a result which is envisageable solely

within an advisoryframework,neithercan advisoryproceedingsbea channelforachievingaresult

obtainablesolelythrough contentiousproceedings. Thedecisive casehere isthe Status of Eastern w

CareIia (1923). Whatdoesthis Opinionteach us? In a fewwords: that a disputecannot be settled

through advisoryproceedings. 1 shall quote the three key sentences of the Opinion which are of

concern to us:

"The Opinion which the Court has been required to give bears on an actual
dispute between Finland and Russia ... [The] consent ... has never been given by
Russia ... The Court .. .finds it impossibleto give its Opinionon a dispute of this
kind" (P.C.I.J, Series B, No. 5, pp. 27-28).

Mutatis mutandis,we have a similar situation here in sofar as the Libyan Applicationraises, in

contentious proceedings, a "legal question" which in principle should be dealt with through the

advisory procedure in accordancewith the provisions of Article 96, paragraph 1,of the Charter. w

The sarnesolutionisapplicable,but inreverse: a "legalquestion"withinthe meaningof Article 96,

paragraph 1,of the Charter cannotbe answered within the frarneworkof contentiousproceedings.

Since the questionhas not been putin the form of a request for an advisory opinion, the Court is

unable to make a determination. And it is so unable, not because it deems that opportune, but

because the texts require it to act in that manner.

5.8.Thefactisthat, underits Statute,theCourthasacontentiousjurisdiction which islimited

and an advisoryjurisdiction which is general. If there aretwo ordersofjurisdictional competence, - 37 -

of necessitythere are two orders ofjurisdiction (in the material sense ofjuris dictio, namelythe

function of stating the law). The difficulty lies in perceiving, so to speak, these two orders of

jurisdiction. They are invisible. Inother words, the two orders ofjurisdiction are not expressed

institutionally, in that they are not manifested in separate organs. One and the same organ, the

International Court of Justice, exercises both of them as the principal judicial organ of the

United Nations, somewhatlike the Council of State in France which exercises advisoryfunctions

and contentious functions. In both cases, whether the framework is an advisory one or a

contentiousone, the Court doesjust the same thing. It states the law. However- andthis is the

decisivepoint - it does not doso for the same purposesnor underthe sameconditions. The role

of the Court in making a contentious determination is to state the law in order to settle disputes,

to resolveissues dividingStates. The advisoryroleof the Court isto statethe law inorderto assist

- ,.;\ an organof the United Nationsin the exercise of itsfunctions. In the first case,thejurisdiction of
- .. b'
the Court is strictly limited; in the second, there is no "legal question" it is unable to examine.

5.9. Naturally, though, the role of the Court in the maintenance of internationalpeace and

security is so important that al1 those of goodwill work untiringly to advance the cause of

internationaljustice on both fronts, the contentious and the advisory. Every one of these efforts

tends towards extending the role of the Court and of law in international society and the

United States of courserejoicesat that. In these somewhatfeverishefforts we do not, or rather do

not wish to see the difference betweenthe contentiousjurisdiction and the advisoryjurisdiction

because, in both cases, the cause fought for isjust - the fight for the law. It is true, too, that in

one and the other case the Court exercises the judicial function in the highest sense possible: it

states and it must state the law. But in the exercise of this high function which it possesses,the

Court cannot disregard the division of jurisdictional competence into the advisory and the

contentious. Not only because it must respect the texts, but also because the division of

jurisdictionalcompetencebetweentheadvisoryandthecontentiousfunctionsoftheCourtisdirectly

intended for the protection of the judicial function. This principle is essential for the proper

administration of internationaljustice. It protects the Court against litigants, whether States or organizations,who would seek services from it and notjustice. Thisis what we shall now expand

upon.

* **

5.10. If the draftsmen of the Charter andthe Statutewished thatthe contentiousjurisdiction

andthe advisoryjurisdiction of the Court shouldbeyand remain permanently,two separatespheres

of jurisdiction, the reason was to protect the integrity of the Court as the principaljudicial organ

of the United Nations. It was to give it the power to remain permanently in control of its

adjudicatory process and its jurisdiction. This is not always clearly perceptible, because the

-. / '! differencesbetweenthetwo sourcesofjurisdiction are generallypresentedin an abstractform. We
d 2,
note, for example, that unlike the contentious procedure, there are no "parties" in the advisory

procedure; neither are there "submissions",but a "question"which is circumscribedby the terms

of the request for an opinion; and finally there is no "reply"to States,but an "opinion"given to

the organ of the Organization. Al1this remains quite theoretical. In order to gauge the practical

consequences of the principle of dividing the advisory from the contentious jurisdictions, a

moment'sthoughtmust be givento what actuallyhappenswhen the validityof the acts of anorgan

of the Organizationcomesbeforethe Court forconsiderationthroughadvisoryproceedingsandnot

through contentious proceedings. The crucial point is that, when a request for an opinion is

submittedto the Court, the procedure which the Court is obliged to follow then has nothing todo

with the procedure required of it by a contentious application.

5.11. The first and the most important difference is that notice of a request for an advisory

opinion must be given forthwith to al1 States entitled to appear before the Court.

Consequently - in the event that Libya's accusationshad come before.the Court through the

advisory procedure and not the contentious procedure - the discussion would havebeen opento

al1those concemed. This, however,is not possiblein contentiousproceedingsand here in fact lies

the difficulty. How can a recourse against resolutionsof the SecurityCouncil be saidto remaina

"private affair" involving three States alone? The possible invalidity of Security Council

resolutions - what ismore,ofresolutionsadopted byvirtueof Chapter VI1- isamatterofpublic - 39 -

policy for the entire international community. How can those who voted for the resolutions in

question be saidnot to be "concerned"by the legal outcomeof the acts they have committed? If

it is true, as Libya maintains, that the Court has the power to scrutinize the legality of

Security Council resolutions, it is inconceivable that, in exercising such a power, it should

agree - to repeat the wording itused in the StatusofEasternCareliacase - to "departfiom the

essential rules guiding [its] activity as a Court" (P.C.I.J., SeriesB, No. 5, p. 29). Amongthese

"essential rules", however, there is the adversarial principle, to which the Court attaches a

fundamental importance. And this is understandable since the possibility for persons whose

- ; .f'.
-,..-LI' interests are at stake to be heard is one of the essential conditionsofjudicial procedure,that is to

Say,of that "judicialfunction"which so greatly disturbsOuropponent (onthe meaningof "judicial

function",seeM. Hudson, Lesavisconsultatifs delaCPJI,8RCADZ(1925,III) pp. 345,408). The

Courthas held,for example,that itsabilityto passjudgment onan act unlessthosedirectly affected

by the act were in a positionto submittheir views and argumentsto the Courtwould conflictwith

its "judicialcharacter" as a courtofjustice (cf.JudgmentsoftheAdministrativeTribunaloftheIL0

uponComplaintsMade against Unesco,I.C.J.Reports 1956,p. 86).

5.12. Theinsurmountabledifficultyisthat, quitesimply,this is impossiblewithinthe context

ofcontentiousproceedings. Al1the sarne,it is inconceivablethattheUnited Statesalone,evenwith

the United Kingdom, should represent the other Members of the Security Council and set about

defendingthe resolutions which those States have adopted. For the United Statesto representthe

United Nationsitself wouldbeevenmore incongruous. TheUnited Stateshas receivedno mandate

to speak on behalf of the Security Council. And what is more, by what right would the

United Statesspeak on behalfof the Security Council? Theproblem - which cannot,even so,be

sweptasideonthe pretext that it is insoluble - isthat,fortherightsof the defenceto be respected,

the United Nations, of which the Security Council is only an organ, would haveto be represented

in the proceedings. However,the United Nations cannot be a party in contentious proceedings.

Those who draftedthe Statuteruled out the possibilityof the United Nations being a party before

its principaljudicial organ, reserving for States alone the right to "be parties in cases before the - 40 -

Court" (Art. 34, para. 1, of the Statute). We cannot fail to draw the consequences which this

entails. Should the Court come to accept that it hadjurisdiction to consider the regularityof acts

of the Security Council in a contentiouscase, by way of objection, it wouldnot only go beyond

whatthe texts permit,but inevitably makea determinationwhich disregardedthe ruleaudi alteram

partem. What thenwould remain ofthe "integrityof itsjudicial function"by which Libyasets so

much store?

5.13. Mr. President, the difficulties do not stop there. Let us suppose furthermay God

forbid it- that youwere to upholdthe submissionsbefore youand acceptjurisdiction in orderto

scrutinizetheregularityof thedecisionsofthe Security Councilbywayofcontentiousproceedings.
I
What then would be the effect of any nullifiing decisions which you might hand down? For the

Parties, they would undoubtedly be resjudicata. For third parties,though? In internationallaw

the force ofresjudicata is not absolute, butonly relative, so that the United Nations would speak

with two voices, yours and that of the Security Council. Which would it be right to obey?

Moreover,would the State benefitingfrom the measure of nullity be ina position to go before the

Security Council and avail itself of the provisions of Artic94, paragraph 2, of the Charter with

regard to measures giving effect to thejudgment? And ifthat were so, should it be taken that the

provisions of that Article override those of Article 27, paragraph3, relating to the vote of the

permanent Members?

5.14. M.. President, on close examinationthe legal implications ofthe Libyan Application W

aretnily breathtaking. Whateverway you take it, this Applicationis apoisonous giftto the Court.

Libya haschosen to flatter the Court by contending that its dignity as a tribunal obliges itto rule

onthe legality ofthe Security Councilresolutions. TheUnited Statesprefersto rely onthe Court's

wisdom. Law andwisdom - for here the texts and commonsensego hand in hand - lead to the

conclusionthat the misuse of authoritycomplainedof by Libya cannotbe assessedby the Court in

a contentious case in a manner compatiblewith itsjudicial function. The draftsmenofthe Charter

had reason to wish the contentiousjurisdiction to be separate fiom the advisoryjurisdiction. In

particular, there are important differences in the Court's marginof freedom to state the law in a contentiouscase and in advisory proceedings. If it is true that the Court can review the legalityof

Security Councilresolutions,the characterit derivesfromthe Charteras a "judicialorgan"requires

it not to exercisethat power, if at all, except within the advisory frarnework. This means that the

questionof the legalityof the acts of an organ ofthe United Nations is alwayswhatmay be termed

a "preliminaryquestion"for the Court when it hears a contentiouscase, and that the Court has no

- , f i jurisdiction to make a determination on it. 1 shall now, Mr. President, take up my second point.
e 2; /L,i
The inadmissibility of the Libyan Application.

II. The Inadmissibility of the Libyan Application

5.15. In the remote event that the Court should not take the view of the United States, if

contraryto al1expectationyou shouldsee fit to assertthat you havejurisdiction to examine onthe

merits, by way of objection, the validity of Security Council resolutions 731, 748 and 883, the

LibyanApplication shouldnonethelessbe dismissedat the preliminary objectionsstage because it

is not admissible. The inadmissibility of the Eibyan Application has already been the subject of

comment by Mr.Crook and Professor Schachter as part of the considerations they have placed

before you regardingthe acts of the Security Council. The inadmissibiiities1shall now dwellon

are a secondary offering. In the event that you did not consider yourselves fettered by the

preliminary question of your lack of jurisdiction to review the legality of the acts of the

Security Councilincontentiousproceedings,youwould findthem inescapable.Supposingtherefore

that the objectionto the Court'sjurisdictionwere not a bar, you would neverthelessbe led in any

event to dismiss the Libyan Application in those circumstances, on the one hand for want of

standing and, on the other, for lack of a legally protected interest.

5.16. Libya is not entitled to challengethe regularity of the Security Councilresolutions. If

the Court is able to consider that regularity,we havejust shown that it could only do so, if at all,

inadvisory proceedings. States,however,arenot entitledto requestopinionsfromthe Court. That

was already the case in the era of the Permanent Court of International Justice, and the proposa1

made to the San Francisco Conference to extend to States the right to request opinions from the - 42 -

Court was expressly rejected by the Committee of Jurists, a step which was confirmed by

Committee IV-1 (UnitedNations Conference on InternationaO l rganization, Vol. 14, p. 850;

R. Russell,AHistoryofthe United NationsCharter,1958,p. 891). Nor could the Applicant'slack

of standing be remedied by some kind of subrogation of Libyain the rights of the organs of the

Organization. In the South.WestAfrica,Second Phasecase (1 C.J .eports 1966,p. 29, para. 33),

the Court found that the existence of specific legal remedies that were vested exclusively in the

-. , -\- organs of an organization had the effect of deprivingits members, taken individually,of capacity
-, 4
to act in its place.

5.17. Secondly, as regards the alleged misuse by the Security Council of its authority in

adoptingresolutions 731,748 and 883,Libya cannot derivefromthoseactsthe slightest legal right W

or interest which it could advance against the United States in the present case. Like al1the

Members of the United Nations, the United States is bound to comply with resolutions that are

adopted by the Security Council under Chapter VI1 of the Charter. It cannot therefore be

individuallyresponsibleto Libya forthe acts which Libyais challenging. Put in generalterms,the

Members of the United Nations are not severallyresponsibleto each of the other member States

for acts done by organs of the Organization. If that was the case, the United Nations could not

have legal personality, a situation that is manifestly precludedby Article 104 of the Charter and

above al1by your Opinion in the case concerningReparationforInjuriesSufferedin the Service

of the United Nations (I.C.J. Reports 1949, p. 174). Once the Organization is more than a rir

conglomeration of States, once it is a legal person, Libya cannot be considered entitled to claim

except againstthe Security Councilandthe United Nations as a whole. However, the Charter and

the Statute allow it no recourse individually. It does not lie with Libya to circumvent this

prohibition by seeking to obtain through a contentiousprocedure what is forbidden it in advisory

proceedings. As against the United States, Libya has no legal rightor interest for obtainingwhat

it is claiming. Its Application is therefore inadmissible. - 43 -

Mr.President, Members of the Court, thank you for your attention. With your leave,

Mr. President, 1would ask you to give the floor to Mr. Matheson, whowill speak on the properly

preliminary nature of the United Statesobjections.

Le VICE PRESIDENT,faisantfonctionde Président je vousremercie Madame Zoller. Je

donne maintenant la parole à M. Matheson.

M. MATHESON : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

- ,,/ Les exceptionspréliminaires desEtats-Unk et l'article 79
.# k'.;=,
6.1.C'està nouveauun grand honneuret ungrandplaisirpourmoi que decomparaîtredevant

vous pour représenterles Etats-Unis.J'expliquerai,dansma présentationce matin, lesmotifs pour

lesquels la Cour peut et devrait, selon nous, donner suite aux exceptions soulevéespar les

Etats-Unis à ce stade préliminairede la présenteaffaire.

6.2. Les faits clés de celle-cisont les suivants : la Libye n'a pas mis en évidenceun

comportementdes Etats-Unis qui serait contraire à la conventionde Montréal et elle a demandé à

la Cour unemesure de redressementqu'excluentles décisionsobligatoiresprises par le Conseil de

sécurité en applicationdu chapitre VI1de la Charte. Nous avons proposéquatre façons d'analyser

la présente affaire à la lumière deces faits clés. Dans chaque cas, la conclusion logique est la

même- le grief devrait êtrerejeté.

6.3.En premier lieu,nous avons soutenuque la Cour n'apascompétencepour connaîtredes

demandes formulées par la Libye. Nous avons montré quecelle-ci n'a jamais fait valoir de

demande valablementfondée surla conventionde Montréal. Mais même sice n'étaitpas le cas,

ces demandes ont été supplantéee sn application de l'article103 de la Charte par les décisions

obligatoiresdu Conseilde sécuritéquiimposaientdes obligationsde fond différentes.Tout ce qui

reste, c'estle grief de la Libye reprochant auConseilde sécurité d'avoiragi illégalement,grief qui

ne constitue pas une demande fondée surla conventionde Montréalet qui ne relève pasdès lors

de la compétencede la Cour.

6.4. En deuxième lieu,nous avons conclu à l'irrecevabilité dedsemandes de la Libye même - 44 -

si la Cour étaitcompétente.Ces demandes étantde prime abord incompatiblesavec les décisions

obligatoiresdu Conseil desécuritél,a Cour ne pourrait les retenir qu'encontrôlantet infirmant les

décisionsdu Conseil. Ainsi que nous l'avonssoutenu, la Cour n'apas le pouvoir d'infirmerou de

modifier lesdécisionsdu Conseil et elle n'acertainementpas le pouvoir d'annulerla constatation

de l'existenced'unemenacecontrela paix opérép ear leConseilenvertu duchapitre VI1ou lechoix

des mesures qu'ilaretenuespour combattrecette menace. Au demeurant, lesdécisionsdu Conseil

en l'espèceétaient manifestement liciteset amplementjustifiéespar les circonstances. La mesure

de redressementdemandée par laLibye seraitdonc incompatibleavec lerôle de la Cour et laLibye

est de toute façon sans qualité pourprésenterpareille demande. Les demandes de la Libye sont

donc dénuées de validité et irrecevables.

-. .; ri 6.5.En troisièmelieu,nous avons faitvaloir que laCour devraitrefuser d'accorderlamesure
..' .

de redressementsollicitéepar la Libye au motif que les décisionsdu Conseil de sécurité ont privé

ses demandes de tout objet. Tout arrêtde la Cour reconnaissant les droits revendiquésen

application de la convention de Montréalne saurait avoir aucun effet juridique sur les droits et

obligationsdes parties compte tenu des décisions obligatoiresdu Conseil et ne relèverait dèslors

pas de la fonctionjudiciaire propre de la Cour. La Cour devrait écarterles demandeslibyennessur

le fondementde la décisionqu'ellea rendue dans l'affairedu Cameroun septentrional (Cameroun

septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni), exceptionspréliminaires, arrêt, C.I.J.Recueil 1963,

p. 15).

6.6. En quatrièmelieu, même sila Cour venait à conclure qu'elle a et devrait exercer sa

compétenceet que les demandesde la Libye sont recevables, nousavons fait valoir que la Cour

devraitnéanmoinsdécider, àtitre préliminaire,queles décisionsdu Conseilde sécuritéexcluenlta

mesure de redressement sollicitée parla Libye. La Cour n'estpas tenue de se prononcer sur le

bien-fondédes demandesformuléespar la Libye autitre de la conventionde Montréal si ellecroit,

comme c'estnotre cas, que cesdemandes ont été supplantéesen droit positip far les décisionsdu

Conseil, que ces demandessoient ou non valablesau regard de la convention. Rienn'empêche la Courde trancher l'affairesur cettebase sansavoir à examinerplus avantles thèsesdéveloppéep sar

la Libye en vertu de la convention.

6.7. Chacune des quatre façons d'analyserl'affairefournit des raisons décisivespour rejeter

le grief de la Libyeà ce stade préliminaire.Nous sommesd'avisque les exceptions préliminaires

soulevéespar les Etats-Unis sont valables que l'onretienne l'uneou l'autrede ces quatre analyses.

6.8. L'article79 du Règlementde la Courdélimitela portée desexceptions qui peuventêtre

soulevées à ce stadede l'affaire. Le paragraphe 1de l'article79vise plusparticulièrement«[t]oute

exception à la compétencede la Cour ou à larecevabilitéde la requêteoutoute autre exceptionsur

laquelle le défendeur demandeune décision avantque la procédure surle fond se poursuive)).

6.9. C'estdélibérémen qtu'ona donnéune portée large àcetterègle. Elle visait expressément

à faciliterlerèglementd'autantde questionsquepossible audébutde l'instance. Avant 1972,année

-.;Q5.. de l'adoption dei'article79 dans sa rédactionactuelle, la Cour avait été critiqué e l'Assemblée
d
généralepour la tendance qu'elle avait de joindre au fond des questions qui auraient pu être

tranchéesau stade préliminaire de la procédure(voir par exemple le rapport de la sixième

commission, 11 décembre1970, Nations Unies, doc. N8238, piècesjointes soumises par les

Etats-Unis, pièce52, p. 21 et 22). Avant 1972, la Cour se sentait forcée de joindreau fond les

questionspréjudicielleslorsqu'iluifallait,pourstatuersuruneexceptionpréliminaire,examinerdes

questions de fait ou de droit qui pouvaient avoir un lien étroit avec certainesdes questions se

rattachant au fond de l'affaire.

6.10. L'actuelarticle 79, en revanche, autorisenon seulementmais encourage aussi la Cour

à statuerau stade préliminairesur toutes les exceptionssoulevéespar un Etat défendeuravantque

la procéduresur le fond se poursuive. Voici ce qu'a ditM. Jiménezde Aréchagaen 1973au sujet

de cet article dans sa rédaction actuelle

«Le nouveau paragraphe6 a pour objet d'offrir une solution différente aux
difficultés qui ont par lepassé obligéla Cour à joindre au fond une exception
préliminaireconcernantsa compétence ..la Cour, enprésenced'unetelle exceptionet
en vertu du paragraphe 6, requerrait alors que les parties présentent au stade
préliminaire leurs arguments concernant ces questions,mêmeceux relatifs au fond,

affectant la question de la compétence.)) (Eduardo Jiménez de Aréchaga, The
AmendmentstotheRulesofProcedureofInternationalCourtofJustice(Modifications apportées auRèglementdela Courinternationale de Justice),67 AmericanJournal of
InternationalLaw 13, 1973, piècesjointes soumises par les Etats-Unis d'Amérique,
annexe 55, p. 13.)

6.11.Statuersurchacunedesexceptionssoulevéespar lesEtats-Unisneposeaucunproblème

à ce stade de la procédure.Aucune d'entre ellesn'exigede se prononcer sur les faits contestésou

d'examiner des éléments depreuve. Chacune soulève des questions juridiques distinctes et

spécifiques :la portée de la conventionde Montréalou l'effetobligatoiredes décisionsdu Conseil

de sécurité. Ce sont des questionsque la Cour peut et devrait trancher maintenant plutôt que

d'attendreque la phase au fond soit terminée.

6.12.Chacunedesexceptionssoulevéesparles Etats-Unisrevêtuncaractèreauthentiquement
-
préliminaire. La brochure officielle de la Cour, rédigpar le Greffe sous l'autoritédu Président,

indiqueque lesexceptionspréliminairespeuvent incluredesmoyensfaisantvaloir quela Cour n'est

pas compétente,que le différend estdevenusans objet, que ladécisionseraitsans effetpratique ou

serait incompatible avec le rôle d'untribunal ou encore que l'Etat demandeur n'apas d'intérêt

juridiqueà présenterles demandes en question (C.I.J, La Courinternationalede Justice,4' éd.,

1996, p. 57). Les Etats-Unis soutiennent que les demandes de la Libye devaient être écartées

précisémenp t our ces raisons.

-, , ,-. 6.13. Nos moyens tirés del'incompétence de la Cour et de l'irrecevabilitédes demandes de
- >y
la Libye revêtenmt anifestementun caractèrepréliminaire.C'estd'ailleursexpressémentainsi que

les qualifie le texte de l'article79. Mais celui-ci n'estpas expressémentcantonné auxexceptions 1

d'incompétenceet d'irrecevabilité, mais il englobe aussi((touteautre exception sur laquelle le

défendeurdemande une décision avant quela procéduresur le fond se poursuive)).

6.14.Notre moyen invitant la Cour à rejeter les demandesde la Libyeparce qu'ellesont été

privéesd'objet parles décisionsdu Conseil revêtmanifestement aussi un caractère préliminaire

selon la décisionrendue dans l'arrtu Camerounseptentrional.Voici ceque la Coury avait dit :

((Qu'aumoment où la requêtea été déposé leCour ait eu ou non compétence
pour trancherle différendquiluiétait soumis,il reste que lescirconstancesqui se sont

produitesdepuis lorsrendenttoute décisionjudiciairesansobjet. LaCour estimedans
ces conditions que,si elle examinait l'affaireplus avant, ellene s'acquitteraitpas des
devoirs qui sont les siens.. Il ne servirait donà rien d'entreprendrel'examende l'affaire au fond pouraboutiràune décision qui, dansles circonstances sur lesquelles
la Cour a déjàattirél'attention,est inéluctable.))(Affairedu Cameroun septentrional

(Cameroun c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963,
p. 38.)

De même,dans l'affaire des Essais nucléaires, la Cour a traitéune question semblable

d'absence d'objet commeune de ces ((questions qui, sans qu'on puisse les classer peut-être à

strictementparler parmi les problèmes de compétenceou de recevabilité,appellentpar leur nature

une étude préalable à celle de ces problèmes [le fond de la demande])) (Essais nucléaires

(Nouvelle-Zélandec. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 259).

6.15.NotredernierargumentinvitantlaCour,sielleexercesacompétence, àtrancher d'abord

l'affaireau fond, en concluant que les décisionsdu Conseil excluent la mesure de redressement

réclamée par la Libye, revêt luiussi un caractère préliminaire.l ne dépend pasde questions qui

seposeraient à laphasedu fondde laprocédure,telles que ladéterminationdesresponsabilitép sour

la destruction de l'appareilassurant le vol 103de la Pan Am ou l'opportunité defairejuger les

suspects devant les tribunaux américains. 11vise plutôt des questions distinctes et spécifiques,

notamment l'effet juridique des décisionsdu Conseil de sécurité. Il permettrait de trancher

entièrement l'affaire sansqu'il soit nécessaire depassàrl'examenau fond.

. - c,, 6.16. Dans les observations qu'elle a formulées surles exceptions préliminaires des
- .':2
Etats-Unis, laLibye soutient que ces exceptionsne revêtentpas un caractèrepréliminaireau motif

que la Cour devrait, pour statuer sur celles-ci, se prononcer sur I'applicabilitconvention de

Montréalet sur les effets obligatoires des résolutionsdu Conseil de sécurité (observationset

conclusions sur les exceptions préliminaires des Etats-Unis,par. 5.2-5.13). Nous nesommes pas

d'accord.

6.17. Il n'ya rien dans le Règlementou lajurisprudence de la Cour qui permette de penser

qu'uneexception ne revêtpas un caractère préliminaireparce qu'elle porte sur l'interprétatiou

l'applicationdedispositionsconventionnellesousurd'autresquestionsjuridiques. Bienaucontraire,

le paragraphe 1de l'article 79du Règlement vise ((touteautre exception sur laquelle le défendeur

demandeune décisionavant que la procéduresur le fond se poursuive». Cette dispositionn'écarte - 48 -

pas les exceptionsdonnant lieuà interprétationou applicationde dispositionsconventionnelles. Le

paragraphe 6 de l'article79 dit expressémentce qui su:«la Cour peut, le cas échéant, invitelres

partiesà débattre touspoints de fait et de droit,àproduire tous moyens depreuve,qui ont trait

à la question)). Cette formulation couvre certainement toute interprétation dedispositions

conventionnelles qui s'avèrenécessairepour statuer sur l'exception.

6.18. En outre, l'argumentavancépar la Libye contredit la pratique actuelle de la Courà

l'égardde l'article79. La Coura récemment, à de nombreuses reprises,interprétou appliquédes

dispositionsconventionnellespour statuer sur des exceptionspréliminaireset elle a manifestement

estimé quecela n'enlevait nullementà ces exceptions leur caractèrepréliminairni ne l'empêchait

d'ydonner suite. W

6.19. Par exemple, dans son arrêt relatif aux exceptions préliminaires soulevée psar les

Etats-Unis dans l'affaire des Plates-formes pétrolières (C.I.J.Recueil 1996), la Cour s'est

longuement penchéesur l'interprétationet l'application detrois articles clésdu traitéd'amitié

de 1955entre les Etats-Uniset l'Iran. Elle a retenu lesexceptionspréliminairessoulevéespar les

Etats-Unis à l'égardde deux deces articles et les a écarts l'égarddutroisième. La Cour a ainsi

déterminé sices articles engendraient des obligationsjuridiques pour les Parties, elle a définila

portéeet la nature de ces obligations et elle a déterminé aussisi ces articles s'appliquaientaux

allégationsprécises formulée psar1'Etatdemandeur. Commeil fallaitpasser par làpour statuer sur

l'exceptionpréliminaire- qui portait dans cette affaire sur la compétence dela Cour au titre du

traité de 1955- il étaitparfaitementnormal qu'elle statue surces questions au cours de la phase

préliminaire decette instance sans que cela fasse perdàel'exceptionson caractèrepréliminaire.

6.20. De mêmed , ans l'affaidu Génocide (Application de la conventionpour laprévention

et la répressiondu crime de génocide,C.I.J. Recueil 1996), la Cour a été appeléeinterpréterla

conventionsur le génocideet à l'appliqueraux faits de l'affairedont elleétait pour statuersur

sa compétence.La Cour a été appeléeen particulierà déterminersila convention s'appliquaitaux

actes qui se seraient produits au cours d'unconflit armé internesur un territoire échappantau

contrôle du défendeur. Cettemanièrede voir n'a nullement modifié le caractère préliminaird ee - 49 -

l'exceptionsoulevée.

6.21. Tant dans l'affairedes Plates-formespétrolièresque dans celle du Génocide,la Cour

n'a pas reporté à la phase sur le fond l'examen des questions soulevéespar les exceptions

préliminairesparce qu'ilfallait, pour les régler,interpréteret appliquerlesdispositionsde fond d'un

traité. LaCour s'estplutôtattaquée directementau fond même des questionsd'interprétationetles

a réglées.Solution pleinede bon sens et directequi a simplifiéchaqueaffaire en réglantd'emblée

une question qui auraitpu exiger plustard davantagede temps et d'efforts. Elleaonnél'effetqui

convient au texte età l'objetde l'article79 de son Règlement.

6.22.11en est de même en l'espèce. Lefaitque laCourdoive,pour statuersur les exceptions

préliminairesdesEtats-Unis, interpréteret appliquerla ChartedesNations Unies ou la convention

de Montréalne conduit nullement à conclure que ces exceptions ne revêtent pasun caractère

préliminaire.

6.23. Trancherces questions à ce stade préliminaireseraitd'un grandavantagepour la Cour

et pour les Parties. Si la Cour décide maintenant de retenirl'unedes exceptions opposéespar les

Etats-Unis, la phase de l'examenau fond de l'affairedeviendra inutile. Cette phase qui serait

à n'en pas douter longue- exigerait de statuer sur des questions de fait très difficiles et

s'aventureraittrèsavantdansdes questionstrès sensiblesconcernantlasécuriténationale et lesactes

reprochésaux accusés.La productiond'élémentsdp ereuve et l'interrogatoirede témoins dansune

instance devant la Cour pourraient soulever des questions de publicité préjudiciableou

compromettre de toute autre façon le procès des accusés àune date ultérieure.

6.24.Il ne serviraiàrien pour la Cour de se lancer dansune telle tâche ardue pour finir par

conclureque toutes cesquestions sontdénuées de pertinenceparce que les décisionsdu Conseilles

ont toutes privéesd'objet.

6.25. En conclusion, nous croyons que statuer sur les exceptions des Etats-Unis ce stade

préliminaire seraitpour laCour une solutionparfaitementappropriéeet compatibleavec sonStatut

et sonRèglement. Nous prions instamment laCour de rendre une telle décision. - 50 -

Monsieur le Président,je propose maintenant a la Cour d'inviter l'agent des Etats-Unis,

M. Andrews, à résumerl'argumentationdes Etats-Unis. Je vous remercie.

*
Le VICE PRESIDENT,faisant fonctionde Président:je vous remercieMonsieur Matheson.

Je donne maintenant la parole a l'agentdes Etats-Unis.

M. ANDREWS :Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

7.1 Je résumerai maintenant lesprésentations du premier tour de plaidoiries des Etats-Unis

dans la présente instance et j'exarninerai enoutre certaines déclarationsapparaissant dans les

observationsetconclusionsdelaLibye surlesexceptionspréliminairessoulevéespar lesEtats-Unis,

qui donnent une vision fondamentalementerronée de laposition de ceux-ci.

7.2. Selonnous, lasituationdont laCour est saisie est trèssimple. LaLibye a fait valoir des

demandes en vertu de la convention de Montréalqui est la seule base possible de compétencede

la Cour en i'espèce. Or la Libye n'a cependantmis en évidenceaucun comportement qui serait

contraireà laconvention. Deplus, les demandesde la Libye sont incompatiblesavec les décisions

obligatoires prises par le Conseil de sécuritéen vertu du chapitre VII, décisions auxquelles

l'article 103 de la Charteconfire une valeur supérieure. La Libye ne peut donc maintenir ses

prétentionsqu'ententant de persuader la Cour de contrôler et d'infirmer cesdécisionsdu Conseil.

S.._ -.
,.i3 Y 7.3.Dans son ordonnancedu 14avril 1992concernantlademandeen indicationde mesures

conservatoiresprésentée par laLibye, laCouradémontré qu'elleaparfaitementcomprislasituation. w

En rejetant la demande de laLibye, la Cour a fait valoir les cinq points essentiels suivant:

- premièrement,que «la Libye et les Etats-Unis, en tant que Membres de l'organisation des

Nations Unies, sont dans l'obligation d'accepteret d'appliquer lesdécisionsdu Conseil de

sécurité conformément à l'article25 de la Charte))(Questionsd'interprétationet d'application

de la convention deMontréalde 1971résultantde l'incidentaériende Lockerbie (Jamahiriya

arabe libyenne c. Etats-Unis d'Amérique), mesures conservatoires, ordonnance

du 14 avril 1992, C.I.J. Recueil 1992, p. 126, par. 42); - 51 -

- deuxièmement,que«la Cour, qui, à ce stade de la procédure,en eàtl'examend'unedemande

en indication de mesures conservatoires, estime queprima facie cette obligation s'étenda

décisioncontenue dans la résolution748 (1992)))(ibid.);

- troisièmement,que, ((conformément à l'article 103de la Charte, les obligationsdes Paràies

cet égard prévalent sulreursobligations en vertu de tout autre accord international,y compris

la convention de Montréal(ibid.);

- quatrièmement,que «si, à ce stade, la Cour n'a doncpasà se prononcer définitivementsur

i'effetjuridique de la résolution748 (1992)du Conseil de sécurité,eestimecependant que,

quellequ'aitétélasituationavant l'adoptionde cette résolution, lesdroits quelaLibye dit tenir

de la convention de Montréalne peuvent à présent être considérécosmme des droits qu'il

conviendrait de protégerpar l'indicationde mesures conservatoires))(ibid., par. 43); et

- cinquièmement,qu'«uneindication des mesures demandées parla Libye serait de nature à

porter atteinte aux droits que la résolution 748(1992) du Conseil de sécursembleprima

facie avoir conférés auxEtats-Unis» (ibid., p. 127,par. 44).

7.4. Monsieur le Président,il reste donc maintenantdéterminer sila Libye a présentéun

quelconqueargument de nature àamener la Cour à modifier la décision qu'ela priseprima facie

dans son ordonnance de 1992. Nous soutenons que la Libye ne l'apas fait.

_. .. 7.5. La Libye n'acertainementprésentéaucun argumentpropre à réfuterlaconclusion de la
,, .,"i*
Cour selon laquelle les Parties sonttenues d'exécuterles décisionsdu Conseil de sécuen vertu

de l'article25 de la Charte, ou que ces décisions,en vertu de l'article 103de la Charte, prévalent

surtoutesobligationscontrairesrésultantdelaconventiondeMontréal.Ces conclusionsconstituent

une composante fondamentale du système de la Charte sans laquelle l'autoritéet l'efficacitédu

Conseil de sécuritéseraient gravementcompromises.

7.6. A notre avis, la Libyen'estpas non plus parvenueà réfuterde façon convaincante la

constatationprimafacie de la Cour selon laquelle ces conclusions s'appliquent aux décisionsdu

Conseil de sécuritécontenuesdans larésolution748. Commenous l'avonsmontré,cette résolution

était manifestementincompatible avec les demandes de la Libye dans cette affaire, puisque - 52 -

l'insistance dela Libyepour qu'uneenquêteentrepriseconcernant les deuxaccusés (etqu'ilssoient

éventuellementtraduitsenjustice) enLibyeest encontradictiondirecteavecl'injonctionduConseil

de sécuritéde les livrerdans les meilleursdélaispour qu'ilssoienttraduitsenjustice aux Etats-Unis b

ou au Royaume-Uni. C'est clairement ainsi que le Conseil et les Parties à la procédureont

interprétéla résolution748 lors de son adoption.

7.7. Il ne reste donc plus que l'affirmationde la Libye selon laquellela résolution748 est

entachéedenullité etsademandefaite à laCour decontrôleret d'annulercette décision.Vous avez

entendu lesargumentsque nous avonsavancéscontrecettedemande. M. Schachteret Mme Zoller

ont expliqué notreposition, à savoir qu'un tel contrôle dans une procédure contentieuse serait

+
incompatibleavec lerégimede laCharteet la compétencede cetteCour. M. Crook a exposé notre

point de vue selon lequel la situationtelle qu'ellea présentée au Consejiulstifiait largementsa

décisiondereconnaîtrel'existenced'une menacecontrela paixainsi que lesmesuresqu'ila arrêtées

pour faire faceà cette menace.

7.8.J'ajouteraissimplementque cettedemandede laLibye à la Cour- àsavoirque laCour

contrôle etdéclarenulle larésolution748 - seraitune mesured'uneimportancefondamentalequi,

à notre point de vue, modifierait radicalement lesrelations existantes entre la Cour et le Conseil,

au détriment desdeux institutions. Si les décisionsdu Conseil desécuriten vertu duchapitre VI1

concernant l'existenced'unemenace contre la paix et les mesuresà prendre pour faire facà cette

menace devaient être contrôlées et annulée par la Cour, le fonctionnementaussi bien de la Cour *

que du Conseil serait alors gravement compromis. En particulier, l'annulationpar la Cour des

. .-, décisionsduConseildans la présenteaffaireauraitdeseffetsinquiétantsetnégatifssurlacrédibilité
; ,-3
des actions entreprises par le Conseil pour luttercontre le terrorisme international.

7.9.Laviabilité des décisionpsrises parle Conseilen vertu duchapitre VI1repose,dansune

très large mesure, sur leur acceptation par les Etats comme étant des décisions obligatoires de

l'OrganisationdesNations Unies auxquellesilsdoiventseconformerdansles plusbrefsdélais.Par

exemple, l'efficacitet la sécuritédesmissionsdemaintien de la paixdesNations Unies dépendent

en grande partie de l'acceptationimmédiatepar les Etats de cette obligation juridique de se -53 -

conformer aux décisionsdu Conseil de sécurité sur lesquellesreposenc tes missions. Le contrôle

et l'annulationd'unetelle décision partout autre organe compromettraientgravement l'autoritéde

cesdécisionsengénérae lt compliqueraientsérieusement,dansla situationen question,la recherche

d'unesolution au problème de la menacecontre lapaix. En particulier, l'onpeut s'attendre ce que

le contrôlede tellesdécisionspar laCour (dansla présenteaffaire, par exemple)prennedes années,

et que, dans l'intervalle,la validitéet l'efficacité des décissu Conseil seraient soumises àde

dangereusesincertitudes. C'est précisément pou cetteraisonque lesauteursde laCharte ont confié

au Conseilde sécuritéla responsabilitéde faire les constatationsvisées chapitre VI1et ont rejeté

la notion de contrôlejudiciaire sur de telles constatations.

7.10. Pour la Cour, la perspective d'exercerun pouvoir de contrôle sur les décisionsdu

Conseil de sécurité peut sembler avoir un certain attrait. Mais dans la pratique, la Cour serait

confrontée au fait que les décisionsprises par le Conseil en vertu du chapitre VI1 sont

essentiellement desdécisions àcaractèrepolitiqueet quine peuvent être soumises à des normes ou

des procéduresjudiciaires. En effet, la Cour se retrouverait au centre de controverses politiques

intenses sans grande perspective de prendre des décisionsjuridiques significatives.

7.11. Dans le mêmetemps, il est important de prendre acte clairement du fait que,

contrairement aux affirmations énoncées par la Libye dans ses observations et conclusions sur les

exceptionspréliminairessoulevéep sar lesEtats-Unis,cesderniersne considèrentpasque leConseil

de sécurité, dansl'exercicedes fonctionsque lui confèrele chapitreII,jouit d'unpouvoir illimité

et n'est tenu par aucune obligation de se conformer aux normes de la Charte (observations et

conclusions de la Libye sur les exceptionspréliminairessoulevées par les Etats-Unis, p. 6à 63).

Comme nousl'avonsréaffirmé au cours decetteprocédure, lesEtats-Unisreconnaissentpleinement

. - ,. que les pouvoirsdu Conseil sont limitéspar les dispositionsde la Charte. Ce quenous contestons,
_' .'9:
c'est l'opportunitéde soumettre le respect de ces dispositioàsun contrôlejudiciaire.

7.12.De lamême façon, il n'estpas exact,comme laLibye l'aaffirmé dans ses observations,

que la résolution748aété adoptée«danslebutmanifested'empêchelrefonctionnementde la Cour

[etde compromettre l'étadte droit]))(ibid p.8,0). Nous avons montré que leConseilen adoptant, - 54 -

la résolution748, n'avaitpas agi dans le but d'entraverou de vider de sa substance la procédure

devant la Cour, mais qu'ildonnait suite au rapport que le Secrétairegénéral lui avaiatdressé,où il

indiquaitque la Libye ne s'étaitpas conforméelaprécédente résolutionadoptéepar leConseilen "tr

vertu du chapitre VI. Ce faisant, le Consealagi comme il l'afait dans de nombreux cas dont la r,

Cour ne s'occupaitpas - c'est-à-direde faire suivre une résolutionrelevant du chapitre VI d'une

décision relevantdu chapitre VII, lorsqueles mesuresprises dans lecadre duchapitre VI n'ontpas

atteint i'objectif recherché.Le fait que dans la présente affaire cetteaction se soit produite au

moment où la demandede la Libye était examinée parla Cour est la conséquence de latentative

libyenne d'empêchetroute décisiondu Conseil de sécuriten s'adressantprématurément à la Cour,

*
etnon une tentativedesEtats-Unisd'empêchelredécisionde laCour en s'adressantprématurément

au Conseil de sécurité. Dansune chronologie logique et normaledes événementsl,a Libye aurait

dû attendre la fin du délai desix mois prescrit par l'article14de la conventionde Montréalavant

de s'adresser à la Cour, et à ce moment-là le Conseil aurait adoptédepuis longtemps sa

résolution748, conformément à sa pratique normale.

MonsieurlePrésident,cela conclutl'exposéinitialdesEtats-Unisdanscette procédure. Nous

remercions la Cour de son attention et d'avoir écouté nos arguments.

Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de PRESIDENT : Je vous remercie

Monsieur Andrews. LaCour reprendrasesaudiencesvendredi pour entendrelesconclusionsorales
II
qui seront présentéeau nom de la Jamahiriya arabe libyenne. L'audienceest levéeet reprendra

vendredi matin à 10heures.

L'audienceest levéeà 12 h 45.

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