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Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir je vous en prie. te matin, la

Cour reprend ses audiences publiques en l'affaire de l'Application de la

convention pour la prévention et la r6pressicn du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro) l . Je donne

maintenant la parole à M. Brownlie

M. BROWNLIE : Je vous remercie, Monsieur le Président.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il m'appartient - et ce

sera là mon ultime tache dans ce premier tour de plaidoiries - de vous

présenter la cinquième exception préliminairede la Yougoslavie, à savoir

qu'il n'existe pas entre les Partles de différend qui relèverait de

l'article IX de la convention sur le génocide, car la Yougoslavie

n'exerçait aucune compétence Eerritoriale dans les zones concernées au

cours de la période visée.

On peut résumer les éléments de cetce exception comme suit :

i) La convention sur le génoclde ne peut s'appliquer que lorsque ltEtat

concerné exerce une compétence territoriale dans les régions où les

violations de la convention se seralcn';produites. L,esdispositions

principales de la convention prévoiect que les Etats parties doivent

«prévenir et punir le crime de génociae>>(art. I), prendre les

mesures législatives nécessaires pour assurer l'application de la

convention (art. V) et traduire les personnes accusées de génocide

devant %les tribunaux compétents de 1'Etat sur le territoire duquel

l'acte a été commis» (art. VI). Je soutiens, Monsieur le Président,

que 1'Etat défendeur n'avait pas compétence territorialeni

n'exerçait aucune autorité, aux fins de l'application de la - 3 -

conventionou de l'adoptiondes'mesures législatives nécessaires,

dans les zones conce:rnéesau cours de la période visée dans la

requête.

ii) La convention sur le génociden'engage pas la responsabilitédes

Etats à raison d'actes de génocide en tant que tels. Les

obligations imposées par la convention concernent en effet «la

prévention et la rép:ression du crime de génocide» lorsque ce crime

est commis par des ~(articuliers : les articles V et VI de la

convention sont, sebn nous très clairs surce point.

Les deux considérationsqui précèdent excluent conjointemene tt

séparément la compétence ratlone materiae selon l'article IX de la

convention sur le genocide.

Monsieur le Président, le mémoire de llEtat demandeur est fondé sur

une interprétation foncigrementerronée de la convention,ce qui fait que

les demandes formulées dans les «conclusions» (mémoire,p. 177-178)

reposent sur des allégations de responsabilité dlEtat qui n'entrent pas

dans le champ d'applicationde la convention ni de sa clause

compromissoire.

En bref, il y a défaut de compétence ratione materiae car le mémoire

se fonde sur aes allégationsqui ne relèvent pas de l'cbjet de la

convention sur le génocic3e. Dès lors, il n'y a pas de différend ausens

de l'articleIX de celle-ci.

On peut établir un parallèle utile avec l'issue qu'a coniiue

l'instancerécemment introduite devantla Cour à propos de la Demande

d'examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l'arrêt rendu par

la Cour le 20 décembre 1974 dans i 'affairedes Essais nucléaires. Dans

son opinion individuelle en cetteaffaire, M. Shahabuddeena fait

observer : eOr, il est clair en droit que la Cour ne peut agir que si
elle est saisied'un différend et qu'elle est alors tenue de

rester dans le cadre de ce différend. Le différend dont la Cour
a été saisie en 1973 procédait d'une demande de la
Nouvelle-Zélande que la Coura interprétéecomme «uniquement
applicable aux essais atmosphériques,et non à des essais d'un

autre type». En 1974, la Cour aurait agi ultra petita si elle
avait tentéde se prononcer sur la licéité des essais
souterrains (à supposer qu'elle en ait été priée), s'agissantlà
d'un autre type d'essais. La demande actuellede la
Nouvelle-Zélande vise à obtenir une décision quant à la licéité

des essais souterrains. Les questionsqu'elle cherche ainsi à
soulever n'entrent pas dans le cadre du différend de 1973 que la
Cour reste tenue de respecter.» (Les italiques sont de moi.)

! Li La conclusion de la majorité de la Cour avait pour l'essentielle même

fondement.

Monsieur le Président,les dispositionsde la convention sur le

génocide s'appliquenten l'espèce au fait qu'un Etat s'est abstenu de

prévenir ou de réprimer des actesde génocide perpétrés sur leterritoire

où il exerce sa compétence

Elles n'engagent pas la responsabilitéd'une partie contractante en

tant que telle à raison d'actes de génocide, mais sa responsabilité pour

ne pas avoir prévenuou puni les actes de génocide commis par des

particuliers sur son territoire ou par des particuliers relevantd'elle à

tout autre titre.

La nature de la responsabilité à raison de violations de la convention

Je démontrerai à la Cour en développantce moyen, Monsieur le

Président, que la conventionsur le génocide n'a jamais été interprétée

ni appliquée de la manière que 1'Etat demandeur vous demande avec

insistance d'accepter.

Il est soutenu dans le mémoire que la convention rend lesEtats

directement responsables des actes de génocide. Cette affirmation,

Monsieur le Président, ne se justifiesimplementpas. De plus, 1'Etatdemandeur ne démontre pas que laRépublique fédérativede Yougoslavie

avait une quelconquecompétence en Bosnie à l'époque considérée.

Quelle est donc l'interprétation qu'il convient de donner à la
convention ?

Les travaux préparatoires

Les travauxpréparat:oires se sont déroulésen huit.--étape et auxquels

ont participé différents organeset groupes d'experts. Je me limiterai à

analyser les phases lesplus importantes de ceprocessus compliqué.

Le projet de rédigerune convention pourla prévention et la

répressiondu génocide son origine dans la résolution 96 (1)

adoptée par l'Assembléegénérale le 11 décembre 1946, par laquelle le

Conseil économique et social a été chargé d'entreprendreles études

nécessaires. On trouvera letexte de la résolution dans le document des

Nations Unies sur les résolutions adoptées par l'Assembléegénérale

pendant la première partie de sa premièresession, pages 189 à 190.

Le Conseil a alors adopté la résolution47 (IV) du 28 mars 1947 par

laquelle il chargeait le Secrétairegénéral :

«a) D'entreprendre,avec l'aide d'experts dans le domaine
du droit internationalet criminel, les études nécessaires en
vue de rédiger un projet de convention,conformément à la

résolutionde l'Assc?mblée générale; et

bl De présenter au Conseil économiqueet social, à sa
prochaine session, un projet de convention sur lecrime de

génocide, après avoir consultéla Commission de 1'Assemblée
générale chargée d'étudier le développement progressifdu droit
internationalet sa codificationet, si possible, la Commission
des droits de l'homine, et après avoir invité tous les

GouvernementsMembrces à exprimer leuravis sur cette question.»
(Résolutionsadopté,es par le Conseil économiqueet social
pendant sa quatrième session du 28 février au 27 mars 1947,
p. 34.)

Le comité spécials'est réuni du 5 avril au 10 mai 1948 (voir à cet égard

le rapport du comité et le projet de convention rédigépar celui-ci,

doc. E/794, 24 mai 1948, et doc. E/794/Corr. 1, 10 juin 1948). Le projet de convention adoptg'et communiqué au Conseil économique et

social est très proche du texte définitif de la convention sur le

génocide. Les projets d'articles V, VI et VI1 préfigurent notamment les

articles IV, V et VI de la convention respectivement. Voici le texte

adopté des articles du projet de convention :

(Qualité des coupables) Les auteurs des actes énumérés à
l'article IV seront punis, qu'ils soient
des gouvernants, des fonctionnaires ou

des particuliers.

ARTICLE VI

(Législationsnationales) Les Hautes Parties contractantes

s'engagent à prendre, conformément à
leurs procédures constitutionnelles, les
mesures législatives nécessaires pour
assurer l'application des dispositions

de la convention.

ARTICLE VI1

Les individus accusés d'avoir commis le
(Juridictions compétentes)
crime d? génocide ou l'un quelconque des
actes énumérés à l'article IV seront
traduits devant les tribunaux compétents
de llEtat sur le territoire duquel

l'acte a été commis ou devant un
tribunal international compétent.»

Les diszussions au sein du comité revèlent que ses membres tenaient

tous pour acquis quo la responsabilité pénale instituéepar l'article V

visait exclusivement les particuliers. La répression des actes de

génocide par les tribunaux de 1'Etat sur le territoire duquel ces actes

ont été comn?isa été admise par les sept membres du comité lors de leur

examen (doc. E/794, p. 11).

Quatre membres du comité se sont alors prononcés, Monsieur le

Président, contre le principe de la juridiction universelle. Le rapport

fait mention de «répression universelle». Ces quatre voix contre incluaient celles de la France, des Etats-Unis et de l'Union des

Républiques socialistes !soviétiques (ibid., p. 12).

Le compte rendu anal.ytiquedes séances du comité spécial figure dans

le document E/~c.25/SR.1-27.

Discussions au sein du Conseil économique et social

Après examen en cette séance plénière (le 26 août 1948), le Conseil

économique et social a décidé (résolution 153 (VII)) de transmettre le

projet de convention et le rapport du comité spécial (E/794) à la

troisième session de llA,ssembléegénérale (doc. E/SR.180, E/SR.201,

E/SR.202, E.SR.218 et E/SR.219) .

Lors de sa troisième session, l'Assemblée générale a renvoyé le

rapport du comité spécial à la Sixième Commission.

Discussions ar:sein de IcaSixième Commission, du 29 octobre au
3 décembre 1948

La Sixième Commission à consacré cinquante et une séances à la

discussion du projet de convention et a adopté uc certain nombre

d'amendements (voir Comptes rendüs analytiq~es des séances de la Sixième

commission, 29 octobre-3 décembre 1948) .

-17 Le rapport de la Sixième Commission idoc. A/760 & Corr. 2) inclut le
b'

texte du projet de convention qui a été approuvé par la Commission et

dont l'adoption par l'Assemblée générale a été recommafidée. Le texte est

identique à celui de la convention approuvée par l'Assemblée générale

compte tenu du rejet des amendements proposés aux 178" et 179" séances

plénières

Le texte des dispositionsessentielles adopté par la Sixième

Commission est le suivant : Les personnes ayant commisle génocide ou l'un quelconque
des autres actes énumérés à l'article III seront punies,
qu'elles soient des gouvernants,des fonctionnairesou des

particuliers.

Article V

Les Parties contractantes s'engagent à prendre,

conformément à leurs Constitutions respectives,les mesures
législatives nécessaires pourassurer l'applicationdes
dispositions de la présente Convention,et notamment à prévoir
des sanctions pénales efficacesfrappant les personnes coupables

de génocide, ou de l'un quelconque des autres actes énumérés à
l'article III.

Article VI

Les personnes accuséesde génocide ou de l'un quelconque
des autres actes énumérés à l'article III seront traduites
devant les tribunauxcompétents de 1'Etat sur le territoire

duquel l'acte a été commis, ou devant la Cour criminelle
internationalequi sera compétente à l'égard de celles des
Parties contractantes quien auront reconnu la juridiction.»

Les discussionsau sein de la Sixième Commission confirment quela

responsabilitédes parties contractantesvisait l'obligationde prévenir

et de punir les actes de génocide commis par des particulierssur le

territoire de la partie contractante en cause

Il n'était donc pas question de responsabilité directe de1'Etat à

raison d'actes de génocide.

Monsieur le Président, cette analyseest parfaitement compatible avec

l'article IX de la conventionqui prévoit ce qui suit :

«Les différends entre les Parties contractantes relatifs à

l'interprétation,l'applicationou l'exécutionde la présente
Convention,y compris ceux relatifs à la responsabilitéd'un
Etat en matière de génocide ou de l'un quelconque des autres
actes énumérés à l'article III, seront soumis à la Cour

internationalede Justice, à la requête d'une partie au
différend .»

Cette disposition englobenaturellement les différends «relatifs à la

responsabilitéd'un Etat en matière de génocide». Ces termes figurent à

l'article IX, mais il faut bien sûr interpréterce membre de phrase avec -9-

les autres dispositionsde fond de la convention. Ce sont les

particuliers quisont pénalementresponsables selonles dispositionsdu

droit interne appliquées par les juridictions nationales. Les Etats

répondent non pas des violations du droitpénal, mais de l'inexécutionde

leur obligationde faire appel à leur droit internepour «préveniret

punir» les actesde génocide commis par des personnes sur lesquelles ils

exercent leur contrôle.

C'est la raison pour laquelle,Monsieur le Président, la convention

s'intitule : «Convention pour la prévention et la répressiondu crime de

génocide».

Les obligationsdes parties contractantesde faire appel à leur droit

interne ainsi quede prévenir et de punir les actes de génocide perpétrés

par des particuliers se rattacnenc inévitablement à l'exercice de la

compétence législative ei coercitive surle territoire de 1'Etat en

question. L'applicationdes principes de la responsabilitédes Etats

exige que 1'Etat en cause ait la capacité diexercerun coxtrôle sur le

territoire concerné.

Et cette respocsabil-ité de 1'Etat ae prévenir et de punir le génocide

est d'ordre *civil» et non d'ordre epenaix.. Comme le fait remarquer

M. Nehemiah Robinsondan:;son études détaillée, c'était là l'opinionde

la majorité des membres dela Sixième Commission (The Genccide

Convention:A Commentary,New York, 196G, p. 101-102) .

Ce fait a été expressément reconnupar le représentantdu

Royaume-Uni, M. Fitzmaurice,qualité qu'il avait alors. Le Royaume-Uni

et la Belgique étaient les auteursde l'amendementcommun qui visait «les

différends relatifs à la responsabilitéd'un Etat dans les actes énumérés

aux articles II et IV» (ainsique le prévoyait le texte à ce stade là). - 10 -

11 est manifeste que la Sixième Commission ne considérait pas que

cette formulation engageait la responsabilité pénale de llEtat.

Le représentant du Royaume-Uni a déclaré qu'il s'agissait, selon

l'amendement commun, d'une «responsabilité civile et non pas d'une

responsabilité pénale» (Assembléegénérale, troisième session, première

partie, sixième Commission, 103e séance, 12 novembre 1.948,

doc. A/C.6/SR.103, p. 440; voir aussi Fitzmaurice, 104e séance, ibid.,

p. 444; et 10Se séance, ibid., p. 460) .

C'est kgalement la position adoptée par le représentant de la France,

M. Charles Chaumont (103eséance, ibid., p. 431). Celui-ci a déclaré

selon le compte rendu analytique :

«le représentant de la France ne s'oppose nullement au principe
de la responsabilité internationale desEtats, du moment qu'il

ne s'agit plus de responsabilité d'ordre pénal mais uniquement
d'ordre civil».

M. Spiropoulos (Grèce) (103eséance, ibid., p. 432-4331, M. Demesmin

(Haïti) (ibid., p. 436) et M. Ingles (Philippines) (104' séance, ibid.,

p. 442) ont exprimé des paints de vue analogues.

On pourrait également faireétat des discussions concernant

l'article V du projet de convention au cours de la 93' séance de la

Sixième Commission. Il s'agissait du projet d'article visant les

catégories de particuliers qui seraient tenus pénalement responsables des

actes de génocide. Ces discussions se sont dérouléesen tenant pour

acquis que llEtat en tant que tel n'était pas pénalement responsable.

i 6 Voici, selon le compte rendu analytique de la 93' séance, l'avis
-.
qu'avait exprimé le représentant des Etats-Unis,M. Maktos :

«M. MAKTOS (Etats-Unisd'Amérique) tient à signaler, en
qualité de Président du Comité spécial du génocide que ce n'est
pas le texte français de l'article V qui fut pris comme texte de
base lors du vote sur cet article. A ce moment-là, le Comité estima que l'expression heads ofState correspondaitmieux au

mot français cgouvernantsaque le mot rulers, qui ne comprend
pas, par exemple, le Président des Etats-Unis d'Amérique.»

Vient ensuite le passage importantpour notre propos :

«M. MAKTOS ne partage pas le point de vue du représentant
du Royaume-Uni suivant lequel le génocidepeut être commispar
des entités juridiques, comme llEtat ou le gouvernement : en

réalité, le génocide est toujours commis par -desindividus.
L'un des buts de la convention sur le génocideest d'organiser
la répression de ce crime. Il faut donc s'attacher à punir les
auteurs d'actes de génocide et non à prévoir des mesures telles

que la cessation des actes incriminés ou le paiement de
réparations.» (Doc.A/C.6/SR.93, p. 319-320.)

Comme je l'ai déjà mentionné, M. Fitzmaurice, le représentant du

Royaume-Uni, a expliqué par la suite qu'il s'agissait là «d'une

responsabilité civileet non pas d'une responsabilitépénale».

Voilà tout ce qu'il y a à dire pour les travaux préparatoires.

Interprétation doctrinale

Les auteurs faisant autorité confirment majoritairement l'analyse des

travaux préparatoires que j'ai développée devantla Cour. On peut

répartir cette doctrine en deuxcatégories. Il y a d'abord celle qui est

plus ou moins contempora.ine de l'adoptior, de la convention sur le

génocide le 9 décembre 1948.

La doctrine contemporaine de l'adoption de la convention sur le génocide

L'un des premiers commentaires à être publiés est celui-ci :

1. Anonyme. Yale Law Jciurnal,vol. 58 (1948-1949) ,p. 1142-1160. Ce

«commentaire»sou1ign.eque :

«La compétence à l'égard de l'infractionsera
territorialementlimitée, les Etats extradant les criminelsen
fuite conformément à leur législationet aux traités alors en
vigueur. » (P. 1147. )

2. M. Josef Kunz, commentateur influant de cetteépoque qui écrivait

surtout dans 1'American Journal of International Law, avait insisté dans cette revue sur ce qu'il appelait les aspects«anciens et

traditionnels»de la convention. Voici ce qu'il disait :

«La conventionn'a rien de révolutionnaire. Les nouveaux

crimes viennent simplements 'ajouter aux delicta juris gentium,
tels que la piraterie, la traite des esclaves, lacontrefaçon,etc
Les crimes prévus aux articlesII et III sont «des crimes du droit
des gens», mais non pas des crimes contre le droit international.
11s sont définis par ledroit i~~ternationalm ,ais la convention ne

lie les particuliers que lorsque les Etats prennent les mesures
législatives internescorrespondantes. La convention confère
compétence en matière pénale dans le cadre de sa législation
interne à 1'Etat sur le territoire duquell'acte a été commis. De

plus, comme l'a déclaré la Sixième Commission,l'articleVI «ne
porte pas atteinteau droit de tout Etat de traduire devant ses
propres tribunaux n'importe lequel de ses ressortissantspour des
actes comrnrsà l'extérieur de son territoire».»

Et Kunz de continuer :

«La situation juridiqueest donc lasuivante. Chaque partie

contractante est tenue de traduire devact lj euge national,
conformément à la législation interne adoptée pour appliquer la
convention,tout particulier, fonctionnaireou gouvernant, qu'il
soit ressortissantou étranger, à raison des crimes visés aux
articles II et III, commis sur leterritoire decet Etat et chaque

partie contractactea en outre le droit de traduire en justice ses
propres ressortissants pourles mêmes crimes commis à l'étranger.»

Et de conclure :

<<Lefait que ces crimesne soient pas cocsidérés comme des
crimes politiques pour ce qul est de l'extraaitionne canstitue
aucunement uneinnovation;les parties ne s'engagentd'ailleurs à

accorder l'extraditionque «conformément à leur législationet aux
traités En vigueur».» (AmericanJournal of InternationalLaw,
vol. 43, 1949, p. 745.)

3. Dans le cours qu'il a donné à l'Académiede droit internationalde

La Haye sur «Les crimes contrellnumanité»,M. Jean Graven a analysé

les discussions au sein de la Sixième Commission sur la nature de la

responsabilitéétatique envisagée dansle projet de convention. Il

était d'avis que la possibilité d'une responsabilitépénale des Etats

avait été exclue (RCADI, vol. 76 (1950-I),p. 507-511).4. Dans un article publié en 1951 dans 1'AmericanJournal of

InternationalLaw, M. Manley Hudson a procédé à une analyse détaillée

de l'article IX de la convention, laclause compromissoire. Je le

cite :

«Dans la mesure où cet article prévoit le mode de règlement
des différends relatifs à l'interprétation,l'applicationou

l'exécution (enanglais fulfillment)de la convention, il s'agit
d'une disposition izypequi ne diffère guère de celle qu'on retrouve
dans de nombreux instruments multipartites.

L'article poursu.ittoutefois en disant <<ycompris ceux [les
différends] relatifs à la responsabilitéd'un Etat en matière de
génocide ou de l'un quelconque desautres actes énumérés à
l'article III». Comme aucune autre disposition de la convention ne
vise expressément la responsabilité des Etats, il est malaisé de

voir commentun différend concernant cette responsabilitépourrait
être compris parmi les différends relatifs à l'interprétation,
l'applicationou l'exécutionde la convention. Vu l'engagement
pris par les parties à l'articlepremier de prévenir le génocide,

un différend relatif à la responsabilité étatique pourrait
peut-être se rattacher à l'exicutionde la convention. Mais
lorsquton l'examine d.ansson ensemble, la convention ne vise qu'à
punir les particuliers; il n'est nulle part question de punir un

Etat. L'article V par lequel les parties s'engagent à prendre les
mesures législatives punitives l'exclut. La «responsabilitéd'un
Etat» visée à l'article IX n'est pas d'ordre pénal. [Lors de la
rédaction de la conventionpar la Sixième Commissionde l'Assemblée

générale, la délégationdu Royaume-Uni a retiré sa proposition de
tenir les Etats pénalement responsables (NationsUnies,
doc. A/C.5/236) et appuyé la solution consistant à les tenir
civilement responsables. Assemblée générale, troisième session,

première partie, documents officiels, Sixième Commission,p. 428,
440.1 La convention se borne donc à retenir la responsabilité
civile de 1'Etat et celle-ci est régie non pas par les dispositions
de la conventionmais par le droit internationalgénéral.»

(AmericanJournal of InternationalLaw, vol. 45, 1951, p. 33-34.)

Le passage que je viensde citer à la Cour est reproduit dansun

importantouvrage de référence,les volumes du Digestof International

Law, publié sous la direction de Mme Marjorie M. Whiteman, (volume11,

5. J'en viens maintenant. à un très longpassage tiré d'un ouvrage

classique de l'époque de M. Sibert, Traité de droit international

public, publié à Paris en 1951 (p. 446). Au paragraphe 284, à la page 446, M. Sibert énumèrece qu'il

considère comme les vicesde la convention et le cinquième qu'il cite,

qui figure sous l'alinéa e), est celui qui nous intéresse. La Cour

pourra consulter le passage pertinentdans le compte rendu

«284. De quelques autres vices de la convention. En
réalité la convention rejette le principe.des.mesures
internationalespcur réprimer le crime. C'est là le plus grave
de ses défauts. Il en est d'autres. Relevons ceux-ci: a) Les

gouvernants, leurs agents, les simplesparticuliersne sont pas
seuls à commettre le crime de génocide: des organisations
terroristes le peuvent préparer ou perpétrer. La conventionn'en
dit mot. L1URSS avait proposé des mesures pour en paralyser

l'activité: les USA s'y opposèrent sous le prétextefallacieux
des libertés fondamentales, dela liberté d'information,de
presse, d'association,comme s'il pouvait y avoir liberté pour
le crime de se préparer à sa guise. LIEgypte se rangea aux côtes
des U.S.A. en invoquant que laproposition soviétique

s'apparentait à la propagande en vue du génocide dont la notion
venait d'être reconnue trop vague pour figurer dans la
convention; b) la convention (art.III) n 'envisagepas la phase
préparatoire du gécocide; c) elle se désintéresse à peu près

totalementde la lutte collectivequi pourtant s'impose pour le
prévenir. Sans doute à l'article 1%'de la convention les hautes
parties contractantess'engagent-elles2 le punir et à le
prévenir individuellement.Nulle part l'entraide internationale
n'est ni moindrement organisée ni même prévue sérieusementaux

fins de la prévention collective:on n'acccmplit rien d'efficace
en disant, comme le fait l'articleVIII: -Tcute partie
contractantepeut saisir les organes compétents des Nations
Unies afin que ceux-ci prennent, conformément à la Charte des

Nations Unies, les mesures qu'ils jugent appropriées pourla
prévention ... des actes de génocide' :dl le génocide culturel
et le génocide des groupes politiquesne sont pas inclus dans la
convention.Contre cet inexplicableostracisme, les USA et la

Chine (le 2 décembre 1948) ont vigoureusementprotesté. Que la
clause relative aux groupes politiques ait été au dernier moment
rejetée de la façon la plus inattendue, c'est regrettable,
dis ai^le délégué chinois, en raison du fait que, dans le monde
d'aujoürd'hui,les conflits entre peuples sont largement fondés

sur des iléments idéologiquesdépassant lesfrontières
nationales, raciales ou religieuses.Par là-même les groupes
politiques ont, en tant que tels, plus besoin que tout autre
groupement humain, d'être protégés; e) la conventionne se

précccupe pas de la responsabilité civile de1 'Etatpour cause
de génocide. Son silence, à cet égard paraît donnergain de
cause, bien à tort, à ceux qui étaient hostiles à une telle
responsabilitg,prétexte pris de ce que l'on ne saurait
stigmatiserun Etat tout entier pour desactes dont seuls ses

fonctionnairesou gouvernants sont responsables.Pareil point de
vue ne s'insurge-t-ilpas, sans justificationpossible, à la
fois contre: a) toute la jurisprudence des tribunaux internationauxqui, depuis déjà longtemps, consacrent la
responsabilité de lincollectivité étatiquepour les actes de ses
gouvernants ou de ses agents quand ils méconnaissent le droit
des gens et b) contre les mouvements jurisprudentiels ou
législatifsde plus d'un pays qui soumettent de plus en plus la

puissance publique elle-même à l'obligation de réparer au
bénéfice de ses propres assujettisles dommages résultant dos
accomplissements illégaux de ses représentantsou de ses
agents ?

Tant de défauts dénoncés par plusd'une délégation ne

pouvaient pas perme.ttrequ'on donnât long créditau texte né,
dans un pénible enfantement, surla colline de Chaillot en
décembre 1948; aussi l'article 14 ne lui a-t-il assigné en
principe qu'une durc5ede dix ans à partir de la date de son
entrée en vigueur (avec prolongationpossible, il est vrai, de

cinq ans en cinq ans, sauf dénonciationavant l'expiration du
terme) .

Si l'on préfère l'efficacitéaux textes spectaculaireson
voudra mettre ce délai à profit pour reprendre à pied d'oeuvre
une constructionda:nslaquelle on ne peut voir qu'un point de

départ sur la route ardue qui conduitau respect absolu des
droits les plus sacrésde l'humanité.»

Le point important que je veux faire valoir est queM. Sibert estime

que la conventionne tie.ntmême pas les Etats civilement responsables.

Doctrine ultérieure

Je pense maintenant avoircité devanc la Cour un nombre suffisamment

important dedifférents ouvrages contemporains. Je vais maintenant,très

brièvement, examinercertains des élémentsles plus importantsde la

doctrine ultérieure,airisique du commentaire postérièur à la convention.

J'estime que la doctrine ultérieure confirme amplement l'analyse adoptée

dans les commentaires contemporains.

1. Le premier élément est l'ouvrage,auquel j'al déjà fait référence,

de Kehemiah Rcbinson, The Genociae Convention:A Commentary,publié par

le congrès juifmondial à New York en 1960. Il s'agit d'une étude

minutieuse et approfondie de l'élaboration de la convention et d'une

.-7- analyse de sss dispositions. Lors de l'examen de l'article IX,

M. Robinson décrit ce qu'il est advenu de la proposition initiale duRoyaume-Univisant à instaurer la responsabilité pénale desEtats, ainsi

que la proposition présentéeconjointement parle Royanme-Uniet la

Eelgique cqui était considéréepar les membres du comité comme engageant

une responsabilitécivilen (p. 99-106 de l'étude de M. Robinson et, plus

particulièrement, page 102, note de bas de page 6).

2. Le deuxième élément est le chapitre rédigépar M. Oda de

l'excellentManual of Public InternationalLaw, publié sous la direction

de Max Sorensen en 1968

M. Oda décrit l'adoption de la convention sur le génocide en ces

termes :

«Dans une autre résolutionadoptée à la même époque,
l'Assembléegénérale a déclaré que le génocideétait un crime du
droit des gens pour lequel les auteurs, qu'il s'agisse d'hommes

dlEtat, de fonctionnairesou de particuliers,doivent êtrepunis
(résolution 96 (11, 11 décembre 1946). Elle a pris les
dispositions nécessaires pourconclure une convention sur le
sujet, et en conséquence, la conventionpour la prévention et la

répression du crime de génocide, plus communémentdénommé la
Convention sur le génocide, a été adoptée par l'Assemblée
générale en 1948 et est entrée en vigueur en 1951 (78
Nations Unies, Recueil des traités 277). Dans cette convention,

les parties contractantes déclarent que le génocide, qu'il soit
commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime du
droit des gens, qu'elles s'engagent à prévenir et à punir. Il y

est prévu que les personnes coupablesde génocide doivent être
punies, qu'elles soient des gouvernants,des fonctionnaires ou
des particuliers. Danscette convention,le génocide s'entend
des actes commis dans l'intentionde détruireun groupe

national, ethnique,racial ou religieuxpar le meurtre des
membres du groupe, l'atteintegrave à l'intégritéphysique ou
mentale des membres du groupe, la soumission intentionnelle du
groupe à des conditionsd'existencedevant entraîner sa

destruction physique,des mesures visant à entraver les
naissances au sein du groupe ou le transfert forcéd'enfants du
groupe à un autre groupe.»

Puis il poursuit :

«Les Etats contractantsont l'obligation d'adopterles

législations nécessairespour assurer l'applicationde la
convention, et peuvent, par ailleurs,demander à l'organe
compétent de l'Organisationdes Nations Unies de prendre toutes
les mesures voulues pourprévenir et réprimer le génocide. Les

personnes accuséesde génocide peuvent généralement,en vertu
des dispositionsde la convention,être traduites devantun tribunal compétentde lfEtat sur le territoire duquell'acte a

été commis,ou devant une cour criminelle internationale dont la
compétence serait reconnuepar les Etats concernés. Cette
procédure n'a pas encore été utilisée pour la créationd'un
tribunal international permanent et il semble qu'il y ait peu de

chances qu'un tel tribunal soit créé dans un proche avenir. En
dépit de certaines ciifficultés pratiques, le fait que le
génocide soitmaintenant considéré commeun crime commispar des
particuliers auregard du droit des gens et que sa répression

soit sérieusementenvi.sag&epar l'Organisationdes Nations Unies
peut revêtirune grande importance.» (Manual of Public
International Law, New York, 1968, p. 517.)

Monsieur le Président, il est manifeste que cet éminent auteur

n'avait pas considéré laconvention comme créantune responsabilité

pénale pour les parties contractantes.

3. Un autre élément est constituépar la remarquable étudede

M. Malcolm Shaw, qui figure dans levolume «InternationalLaw at a Time

of Perplexity»publié sous la direction de Dinstein, The Essays in Honour

of Shabtai Rosenne (Dordrecht, 1989, p. 797). M. Shaw rend compte de la

rédaction de l'article IX en ces termes :

«La disposition relative à la question de compétence aux
fins de déterminer la responsabilitéd'un Etat en matière de

génocide présenteun intérêt particulier. Celle-ci avait été
incluse dans le texte afin d'essayer de rendre la convention
plus efficace,en dépit d'une vive opposition au motif que la
responsabilitéd'un Etat dans le domaine du droit pénal

international prêtait à controverseet avait un caractère vague.
La majcrité a estimé qu'ils'agissaitplutôt d'une question de
responsabilité civile emportant l'obligatio de payer des
dommages-intérêts. La question des Etats devant indemniser

leurs propres ressortissants en vertud'une règle juridique
internationalea également snscité un certain intérêt à cet
égare, mais n'a pas fait l'objet de clarificationou de
décision.» (P. 818, à l'exceptiondes notes de bas de page.)

L'opinion des Etats-Unis en 1950

L'analyse est en outre confirméepar la thèse adoptée par le

Gouvernement des Etats-Unis au cours des audiences consacrées à la

convention, qui sesont déroulées devant le sous-comité de la commissiondes relations extérieuresdu Sénat'américain. Au cours de ces audiences,

Dean Rusk, alors sous-secrétairedlEtat, a analysé les dispositionsde la

convention en ces termes :

«Je tiens à dire ici d'une manière généraleque la
convention fait deux choses : elle définit le crime de génocide
et, oblige les Etats à prendre des mesures pour prévenir et
punir le génocide sur leurs .territoires..respectifs.

Le génocide, tel qu'il est défini à l'article II de la
convention, consiste à commettre certains actes déterminéstels
que le meurtre ou l'atteintegrave à l'intégritéphysique ou
mentale d'individus,membres d'un groupe national, ethnique,
racial ou religieux dans l'intentionde le détruire.

L'historiquede l'élaborationde l'article II montre que les
négociateurs au sein de l'organisationdes Nations Unies avaient
estimé qu'il n'était pas nécessairequ'un groupe humain tout
entier soit détruit pour que le crime de génocide soit

constitué. Ils avaient plutôt estiméqu'il fallait entendre par
génocide la destructionpartielle d'un groupe dans l'intention
de détruire legroupe concerné tout entier. Du point de vue de
l'applicationpratique aux Etats-Unis,le génocide s'entend des

actes commis, tels que le meurtre de membres d'un groupe
déterminé et la destructiond'une partie importante dece
groupe, comme faisant partied'un plan visant à détruire le
groupe tout entier sur leterritoire des Etats-Unis. On peut

ainsi facilementse rendre comptequ'il n'y a jamais eu de
génocide aux Etats-Unis,au sens de cetteconvention,et il est
peu probable qu'il y en ait un à l'avenir.

Cependant, la convention a pour objet deprévenir et de
réprimer le crime de génocide. Elle ne prétend pas substituer
la responsabilitéinternationale à la responsabilité des Etats
mais elle oblige chaque Etat à prendre des mesures à l'intérieur

de ses propres frontièrespour protéger le droit à la vie de
groupes humainstout entier. » (WhiLeman,op. ci t ., supra,
p. 860.)

Dans cet exposé, rien n'indique que le Gouvernement desEtats-Unis estime

que la responsabilitépénale de 1'Etat est engagée lors del'acceptation

de la convention sur le génocide.

Cette position cadre bien d'ailleurs avec les points de vue exprimés

par les représentantsdes Etats siégeant à la Sixième Commission et elle

reflète les termes mêmes de la résolutionde l'Assembléegénérale qui est

à l'origine Le tout le projet de rédigerune convention sur le génocide

Voici le texte des passages importantsde cette résolution de 1946 : «L'Assembléegiinérae l,en conséqüence,

Affirme que le génocide est un crime de droit des gens que
le monde civilisé condamne,et pour lequel les auteurs
principaux et leurs complices,qu'ils soient des personnes
privées, des fonctionnairesou des hommes d'Etat, doivent être

punis, qu'ils agissent pour des raisonsraciales, religieuses,
politiques ou pour d'autres motifs;

Invite les Etats Membres à prendre -lesmesures,législatives

nécessairespour prévenir et réprimer ce crime;

Recommande d'organiserla collaborationinternationale des
Etats en vue de prendre rapidement des mesures préventives

contre le crime de génocide et d'en faciliter la répression,et,
à cette fin,

Charge le Conseil économiqueet social d'entreprendreles

études nécessaires en vue de rédigerun projet de Convention sur
le crime de génocide, qui sera soumis à l'Assembléegénérale
lors de sa prochaine session ordinaire.»

Toutes ces sources, tant cellesqul concernent lespoints de vue des

goavernementsque celles qui proviennent de la doctrine, mettent en

relief le lienexistant entre les obligations des parties contractantes

et la compétenc~terrj.to:rial de llEtat en cause

L 'Etatdemandeur n 'a pas prouvé les prétentions qu 'il avance à propos de

1'applicatiord ,e la coinvention

Monsieur le Président,Messieurs ae la Cour, lrEtat demandeur n'étaye

pas dans son mémoire les prétentions qu'il avance à propos de

l'applicationde la conv~ontion.

Il y fait aux pages 117 à 126 une série d'affirmationsjuridiques

fondées sur une interprétation fondamentalement erronée du texte de la

conventionet des travaux préparatoires.

Ce qui est surprenant,c'est que nos adversa-iresfont complètement

abstractiandevant la Cour de ia doctrine. Elle est passée sous silence

à la seule exceptiond'un passage de la 9' édition dlOppenheim,qui,

malheureusement,est cité hors de soncontexte. Nous le reproduirons

dans son intégralité dansle compte rendu *Compétencea été dévolue à la Cour internationale de
Justice à 1'égard des différends relatifs à 1'interprétation,

1'applicationet 1'exécutionde la convention, y compris la
responsabilité desparties à raison d'actes de génocide. s

Le mémoire s'arrête là. Mais le passage cité a une suite que nous ferons

figurer dans le compte rendu :

sI1 est manifeste que, pour une large part, la convention

équivaut à l'expression d'une protestation contre les méfaits
passés de la sauvagerie individuelleou collectiveplus qu'elle
ne constitue un instrument efficace de leur prévention ou de
leur répression dans l'avenir. Par conséquent, comme la

punition des actesde génocide est principalementconfiée aux
tribunaux nationaux despays concernés, il est clair que si ces
actes sont commisdans le respect de la législationnationale,
ils resteront impunis à moins qu'ils ne soient pénaliséspar une

législation rétroactive. Parcontre, la convention fait
obligation aux partiesde promulguer et d'appliquer
effectivementune législation destinée à prévenir et à réprimer
ces actes, et tout manquement à cette obligation est soumis à la

compétence de la Cour internationalede Justice et des
Nations Unies.»

Nous soutenons que le passage cité dans son intégralitn ée conforte pas

le point de vue adopté dans le mémoire. Le texte intégral se trouve à la

page 994 de l'ouvrage dlOppenheimet figurera également dansle compte

rendu.

Dans l'exposé qu'il a soumis sur les exceptionspréliminaires, 1'Etat

demandeur ne consacre qu'un paragraphe à la doctrine concernantla

convention (p. 62, par. 5.19). La 9' édition dlOppenheim,volume 1, est

encore invoquéesans citer aucun passageparticulier.

Ce qui nous laisse, pour cette source, dans l'exposé sur les

exceptions préliminaires,le passage tiré de Perlman, qui vise les

meurtres commis «par des gouvernements»et l'ouvrage de Farhad Malekian.

Malheureusement,ce dernier cite exclusivementPerlman, sans examiner

davantage la doctrine. Que conclure, Monsieur le Président, sinon que le

Gouvernement de la Bosnie-Herzégovinen'a pas jugé utile de faire le

point sur l'ensemble de la doctrine convention à la
LIEtat demandeur n'a pas prouvé llapplicabilité de la
Yougoslavie à 1 'égard de la Rosnie

Qu'il me soit maintenant permis de rappeler à la Cour la teneur

précise de la cinquième exception préliminaire de la Yougoslavie. Elle

comporte pour l'essentiel qùatre propositions.

En premier lieu, la convention ne saurait slappliquer.qu'encas de

défaut de prévenir ou de réprimer des actes de génocide perpétrés sur le

territoire de la partie contractante.

En deuxième lieu, la République fédérativede Yougoslavie n'a plus

exercé aucune compétence territoriale en Bosnie après la fin avril 1992.

En troisième lieu, :ilne saurait donc être fait application de la

convention à la Yougoslavie à l'égard d'actes de génocide qui auraient

été commis en Bosnie après la fin avril 1992.

En quatrième lieu, il s'ensuit qu'il ne saurait y avoir de différend

au sens de l'article IX de la convention, faute d'allégations reprochant

aux forces armees yougoslaves des actes qui auraient &té commis avant la

fin avril 1992

La Yougcslavie n'a exercé aucune compéteace territoriale en Bosnie depuis
la fin avril 1992

La Ycugûslavie soutient n'avoir exerc& aucune compétence territoriale

en Bosnie après la fin avril 1992. L'armée nationale yougoslave, la JNA,

s'est alors retirée et, si elle se crouvait encore en Bosnie, c'est à

cause exclusivement des barrages routiers dressés et des attaques lancées

par les milices locales. Les Nations Unies y ont eu à régler localement

le problème de ce qu'on appelait la «levéedes barrages».

Les dirigeants musulmans bosniaques on= voulu déclarer l'indépendance

le 6 mars 1992 (voir la requête, par. 14). Le 27 avril 1992, le

Gouvernement yougoslave s'est prononcé en faveur duprincipe d'un retrait

et le 4 mai 1992 la présidence a pris la décision d'accélérer ce retrait. - 22 -

Le mémoire de la Bosnie précise que, le 27 avril 1992, le Gouvernement

bosniaque a «intim[é] à tous les soldatsde l'armée fédérale l'ordre de

quitter le territoire de la République» (p. 50, par. 2.3.6.1)

Le Gouvernement de la Yougoslavie a indiqué dans ses exceptions

préliminaires :

«Depuis la fin d'avril 1992, la République fédérative de
Yougoslavie c'a ni exercé son autorité ni fait valoir sa
juridiction sur le territoire de l'ex-Républiqueyougoslave de

Bosnie-Herzégovine.» (P. 49, par. 1.17.19.)

Le 27 avril 1992 a été proclamée la République fédérativede Yougoslavie

se composant de la Serbie et du Monténégro dans leurs frontières

existantes

La notification de succession de la Bosnie était antidatée au 6 mars 1992

Il est utile ici de rappeler les termes del'avis de succession que

la Bosnie a transmis au Secrétaire général le 29 décembre 1992. En voici

la teneur :

«Le Gouvernement de la République de Bosnie-Herzégovine,
ayant examiné la conventionpour la prévention et la répression
du crime de génocide, du 9 décembre 1948, à laquelle
l'ex-Républiquefédérative socialiste de Yougoslavie était

partie, souhaite être le successeur de cette dernière et
s'engage à respecter et exécuter scrupuleusement toutesles
clauses figurant dans ladite convention, avec effet à compter du

6 mars 1992, date à laquelle la République de Bosnie-Herzégovine
est devenue indépendante.»

Cette notificationde succession emporte donc de la part de la Bosnie

reconnaissance du fait que la Yougoslavie ne demeurait pas responsable de

l'application de la convention en Bosnie après l'accession de celle-ci à

l'indépendance. Nous faisons naturellement valoir ce point sans

préjudice de la position que la Yougoslavie a adoptée de façon générale

sur la question de la succession dtEtats..b 8 t esallégations de génosi,de figurant dans le mémoire visent, à deux
exceptions près, des événements qui se sont produits après la fin
d 'avril 1992

Monsieur le Président,Messieurs de la Cour, on constate avec

étonnement lorsqu'on examine avec soin les allégationsfigurant dansle

mémoire qu'ellesvisent, à deux exceptions prèsuniquement, des

événements qui se sont pz:oduitsen mai 1992ou plus tard.

Quant à ces deux exceptions,il s'agit d'événementsqui se seraient

produits en avril 1992pour lesquels il n'existe d'ailleurs aucune preuve

que des forces armées yoiigoslaves y soient mêlées (voir mémoire, p. 35,

par. 2.2.5.5 et p. 35-36, par. 2.2.5.8).

La requête tout autant que le mémoire de la Bosnie visent des actes qui

auraient été commis pal: des forces irrégulières

A de très rares exceptionsprès, tant la requête que le mémoire

indiquent queles crimes auraient été commis par des groupes

paramilitaireset non pas par des membresde l'armée nationale yougoslave

(voir requête,par. 34-83, et mémoire, p. 14-40)

Pas la moindre preuved'un lien entre la structure de command.ement

des forces desSerbes de Bosnie et celle des forces des armées

yougoslaves n'a été produite. Le rapport du Secrétairegénéral du

30 mai 1992 (S/24049)indique clairement l'absenced'une structure de

commandementdès le mois de mai 1992 compte tenude l'indépendance

d'action manifeste du commandementdes forces des Serbesde Bosnie.

Voici les paragraphes pertinents :

«L'incertitudequi pèse sur la question de savoir qui
contrôle politiquementles forces serbes en Bosnie-Herzégovinea
encore compliqué la situation. La présidence dela

Bosnie-Herzégovineavait d'abordhésité à entamer des
pourparlers sur ces questions comme sur d'autres avec les
dirigeants de la «Républiqueserbe de Bosnie-Herzégovine»et
avait exigé au contraire des pourparlers directs avec les

autorités de Belgrade. Un représentant de haut rang de 1'APY à Belgrade, le

général Nedeljko Boskovic, a mené des discussions avec la
présidence de la Bosnie-Herzégovine,mais il est désormais
évident que sa parole ne lie nullement le commandant de l'armoe
de la «République serbe de Bosnie-Herzégovine»,le général

Mladic. En fait, comme il est indiqué au paragraphe 6 b)
ci-dessus, des forces irrégulières serbes ont attaqué un convoi
de 1'APY qui se retirait d'une caserne de Sarajevo le 28 mai,
aux termes d'arrangementsnégociés par le Général Boskovic. Il
apparaît également que 1.esbombardementsinkenses de Sarajevo

qui ont eu lieu la nuit du 28 au 29 mai avaient étéordonnés par
le général Mladic en violation directe des instructions du
général Boskovic et de l'état-major de 1'APY à Belgrade.

9. Etant donné qu'il n'est pas sûr que les autorités de
Belgrade soient en mesure d'influer sur le général Mladic, qui
s'est diss~cié de llAPY, la FORPRONU s'est efforcée de
s'adresser à ce dernier tant directement quepar l'intermédiaire

des dirigeants politiquesde le «République serbe de
Bosnie-Herzégovine». A la suite de ces tentatives, le général
Mladic a accepté le 30 mai 1992 d'arrêter les bombardements de
Sarajevo. Si j'ai l'espoir que les bombardements de la ville ne

reprenàront pas, il est clair égalemect que l'apparition du
général Mladic et des forces Cp'il commande, lesquellesagissent
de manière indépendanteet échappent semble-t-ilau contrôle de
i'APY, complique beaucoup le problème soulevéau paragraphe 4 de
la résulution 752 (1992). Le président Izetbegovic a récemment

indiqué à des officiers supérieurs dela FORPRONU à Sarajevo son
intention de traiter avec legénéral Mladic, mais non avec la
directicn politique de la «République serbe de
Bosnie-Herzégovine.»

La responsabilitéde la Youçosla--ie ne saürait en aucun cas être engagée

à défaut de preuve de l'existence d'une structure de commandement

établissant un liec entre ses forces arméesec celles des Serbes de

Bosnie. 11 ne s'agit tcutefois que d'uns hypothèse car dès que la

Yougoslavie a cessé d'exercer sa conpétence territoriale, la convention

sur le génocide a cessé de s'appliquer ic iimine.

La Cour ne manquera pas Üe se rappeler que, selon la Bosnie, la

convention est entrée en vigueürpour la Bosnie à partir du 6 mars 1992,

et il s'ensuit donc qu'il lui incombait de prévenir et de réprimer le

génocide sur le territoire qu'ellerevendiquait.L'existence d'un différend au regard de 1 'article IX de la convention

revêt le caractère d'une question préjudicielle

Comme j'ai déjà eu l.'occasion de le souligner à propos de la première

exception préliminaire, la non-applicabilité des dispositions de la

convention sur le génocide à l'objet de la requête constitueun obstacle

à l'exercice de la compétencede la Cour, que l'on peut qualifier de deux

façons

En premier lieu, la clause juridictionnelle exige l'existencd e'un

différend et l'absence d'un objet pertinentsoulève la question de la

portée de cette clauseet par conséquentune question de compétence

En même temps, l'absencede différend juridique opposant les Parties

doit se discuter avant la compétence et peut être qualifiée d'exception

préliminaire de caractère non juridictionnel. Dansson opinion

individuelle,dans l'affaire du Cameroun septentrional,

sir Gerald Fitzmauricea ainsi expliqué lanature de cette exception :

«Il est cependant d'autres exceptions n'ayant pas le
caractere d'exceptions à la compétence de la Cour qui peuvent

et, à strictementparler, dolvent être examinéespréalablement à
toute questionde compétence. Ainsi, une exceptiond'après
laquelle la requête n'a pas révélé qu'il existait véritablement
un différend entreles parties doit être discutée avant la

compétence,car, s'il n'y a pas de différend, il n'y a rien à
propos de quoila Caur puisse envisager sacompétence ou son
incompétence. C'est pour cetce raison q~l.'unt eelle exception
concernerait plutôtla recevabilité quela compétence. En

l'espèce, cette exception s'est présentée commeune exception à
la compétenceparce que la clause juridictionnelleinvoquée, à
savoir l'article 19 de l'accord de tutelle, exigeait elle-même
l'existence d'un différend. Mais, quel que soit le libellé de

la clause juridictionnelle,la condition d'après laquelle il
doit y avoir un différend réelau sens propre du terme et non
pas seulement, par exemple, unedivergence d'opinions,est une
condition générale quis'impose nécessairement à tout tribunal

et limite sa faculté d'action. Pour des raisonsque
j'indiquerai plus loin, je considère qu'en ce sens il n'y avait
pas de différend en l'espèce.» (C.I.J.Recueil 1963, p. 105.) Conclusions

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je voudrais à ce stade

présenter mes conclusions.

Premier élément capital : llEtat demandeur se fonde sur une clause

compromissoire figurant dans un traité normatif. Il convient donc quela

Cour applique cette clause au texte du traité dansla forme où il a été

conclu et non pas à une autre version des obligations des Etats qui ne

serait pas fondée sur le traité contenant la clause compromissoire.

A 'i Deuxième élément capital : l'inapplicabilitéde la convention sur le
J l

génocide à l'objet de la demande énoncée dans la requêtedu fait que la

Yougoslavie n'a exercé aucune compétence sur le territoire de la

Bosnie-Herzégovine depüis la finavril 1992.

De plus, c'est llEtat demandeur lui-mêmequi soutient que c'est la

Bosnie et non la Yougoslavie qui depüis le 6 mars 1992 avait la

responsabilitéde prévenir et de réprimer lesactes de génocide dans la

région en question.

Il s'ensuit donc, Monsieur le Président, que la convention est

inapplicable à l'objet de la requête. 11 ~'y a donc pas de différend

opposant la Bosnieet la Yougoslavie au sens de l'article IX, la clause

compromissoire. La Cour n'est donc pas compétente.

Monsieur le Président, je vous remercie ainsi quevos collègues de

votre patience. Permettez-moide faire une suggestion : il vaudrait

mieux que M. Etinski commence sa plaidoirie après lapause-café même s'il

est un petit peu tôt pour celle-ci. Je m'en remets à vous, Monsieur le

Président. - 27 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie beaucoup,Monsieur Brownlie pour

votre exposé. La Cour ok~servera une pause de quinze minutes. L'audience

reprendra à 11 h 15.

L'audience est suspendue de 11 heures à 11 h 15

Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. L'audienceest reprise et je

donne la parole à l'agent de la Yougoslavie,M. Rodoljub Etinski.

M. ETINSKI :Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, plaise à la

Cour.

M. Suy a démontré hier de manière très convaincante que l'affirmation

du demandeur selonlaquelle la convention sur legénocide avait pris

effet entre les Partiesdepuis le 6 mars 1992 n'était pas fondée en

droit. Il a, à cette ocizasion,prouvé que, dans le cas où la Cour

déclarerait q71ele demandeur estpartie à cette convention,celle-ci

n'était pas applicable soit avant le 14 décembre 1995, soit avant le

29 mars 1993, soit avant le 18 mars 1993. A titre entièrement

subsidiaire,M. Suy a considéré qu'elle l'était depuis le

29 décembre 1992. Tout en m'efforçant de ne pas reprendre les arguments

de M. Suy, permettez-moi de rappeler ici les travaux préparatoires de la

Commission du droit international. Je me permets aussi d'appelervotre

attention sur certains actes des ex-républiquesyougoslaves qui vont à

l'encontre de la règle de la succession automatique.

M. Shabtai Rosenne, membre de la Commission du droit international,

au moment où celle-ci rédigeait le projet de convention sur la succession

d'Etats en matière de traités,avait déjà souligné lors de la première - 28 -

série d'audiencesde la Cour dans la présente affaire, que l'instrument

de la notificationde successionétait exclusivement réservé axx Etats

nouvellement indépendantsissus du processus dedécolonisation. La

plupart desnouveaux Etats qui avaientvu le jour après 1990 et n'étaient

pas issus du processus de décolonisation avaient suivi latendance

générale de la pratique internationaledans ce domaine et n'avaient pas

recouru à cet instrumentde notificationde succession. Ces Etats,

l'Arménie, l'Azerbaïdjan,l'Estonie, la Géorgie, le Kazakhstan, le

Kirghizistan, laLettonie, la Lituanie, la Républiquede Moldova, le

Tadjikistan, le Turkménistanet l'Ouzbékistan,sont tous des

ex-Républiquessoviétiques. Tousont recouru à l'adhésion. Seulesla

République tchèque, la Slovaquieet les ex-Républiques yougoslavesont

recouru à la notification de successionpour devenirparties aux traités

multilatérauxde 1'Etat prédécesseur,contrairement à la pratique

.-- solidement établie, et je ne pense pas quela Cour y verra une raison
,'w

suffisante pour déclarerque les règles coutumières existantes ont

changé. Si la Cour estime toutefoisque cette dérogation à la pratique

est suffisaatepour appliquer à tous les nouveaux Etats les règles

coutumièresréservées aux Etats nouvellement indépendants issus du

processus de décolonisation, je demande instamment à la Cour de prendre

en considérationles arguments suivants :

a) le principe de la table rase a toujours existéet fait maintenant

partie du droit internationalgénéral;

b) les règles relatives à la notification de successiond8Etats aux

traités multilatéraux ont vu le jour dans le cadre du processus de

décolonisationet ont été codifiées en 1977 et 1978 lors de la

conférence des Nations Unies surla successiondlEtats en matière de

traités;C) les règles relatives h la notification de succession, issues du

processus de décolonisation, ont été utilisées après la conférence des

Nations Unies sur la succession dtEtats en matière de traités, comme

règles générales de droit coutumier international;

d) la règle des effets non rétroactifs de la notification de succession

constitue l'une des règles les plus importantes à cet égard;

e) le demandeur n'a pas prouvé l'existence d'une règle de succession

automatique en tant que coutume internationale ou règle liant les

Parties au différend;

f) le demandeur a contesté l'existence de la règle de la succession

automatique, ainsi que son applicabilité aux Parties au différend;

g) il s'ensuit que la succession du demandeur à la convention sur le

génocide peut être régie par les règles coutumières qui ont trouvé

leur expression aux articles 16, l?, 22 et 23 de la convention de

Vienne sur la succession d'Etats en matière de traités (ci-après

dénommée la conventio:nde Vienne de 1978).

a) Le principe de la table rase a toujours existé et fait désormais
partie du droit international général

Le principe de la ta.blerase est exposé à l'article 15 du projet

d'articles de 1974 élaboré par la Commission du droit international.

Elle n'avait aucun doute quant à l'origine coutumière et la validité

universelle de cette règle. On peut llre dans le rapport sur les travaux

de la vingt-sixième sess:Londe la Commission du droit international, qui

s'est tenue du 6 mai au 26 juillet 1974 (doc. A/9610/rev. l), ce qui

suit :

«La plupart des auteurs considèrent, et cette façon de voir
est confirmée par la pratique des Etats, qu'un Etat nouvellement

constitué «fait table rase», sauf pour ce qui est des
obligations «locales» ou «réelles». La doctrine de la table
rase est généralemeritconsidérée comme correspondant à la
position «traditionrielle»er,la matière. Elle a été appliquée antérieurement à des cas 6'Etats nouvellement indépendants qui
étaient dianciennescolonies (Etats-Unis d'Amérique,républiques
hispano-américaines)ou qui résultaientd'une sécession ou d'un

démembrement (Belgique,Panama, Irlande, Pologne,
Tchécoslovaquie, Finlande) .» (Annuaire de la Commission du
droit international, 1974, vol. 2, première partie, p. 218.)

A l'appui du projet d'articles de la Commission du droit

international, la délégationde Madagascara notamment déclaré, lors de

la séance du 21 avril 1977 de la conférencedes Nations Unies sur la

succession d8Etats en matière de traités,ce qui suit :

«Le fait que le principe de la «table rase» est accepté
universellementet sans réserve ressort non seulement du
paragraphe 3 du commentaire relatif à l'article 15 (A/CONF 80/4,

p. 541, qui rappelle le caractèretraditionnel de ce principe,
mais aussi desexemples nombreux et concordants de lapratique
suivie par la plupart des Etats, cequi paraît aussiindiquer

que la règle dite «de la continuité»n'a guère résisté à
l'épreuve du temps et de la pratique.» (Conférence des
Nations Unies sur la successiondlEtats en matière detraités,
première session, Vienne, 4 avril-6 mai 1977, documents

officiels,vol. 1, p. 151.)

Etant donné que tous les participants au débat siétaientprononcés en

faveur de ceprincipe, celui-ci a été accepté et est devenu l'article 16

de la convention qui est libellé comme suit :

«Un Etat nouvellementindGpendantn'est pas tenu de
maintenir un traité en vigueur ni ci':devenir partie du seul
fait qu'à la date de la succession dlEtats le traité était en

vigueur à l'égard du territoire auquelse rapporte la succession
dlEtats. »

En fait, le grand principe selon lequel un traiténe.peut pas lierun

Etat sans son consentement trouve son expression dans cett eisposition.

b) Les règles relatives à la notification de succession dlEtats aux
traités mizltilatéraux ont été élaborées lors du processus de
décolonisation et codifiées en 1977 et 1978 par la conférence des

Nations Unies sur la succession dlEtats en matière de traités

Je me pencherai un instant sur les règlesénoncées aux articles 17,

22 et 23 de la troisième partie de la conventionde Vienne de 1978. Je

ne procéderai pas à l'examen de toutes les règles de cette troisièmepartie, étant donné que seuies les règles dont je parle se rapportent à

l'affaire portée devant la Cour.

Ainsi, le premier alinéa de l'article 17 de la convention de Vienne

de 1978 est libellé comniesuit :

«Sous réserve des paragraphes 3 et 4, un Etat nouvellement
indépendant peut, par une notification de succession, établir sa

qualité dlEtat contractant à l'égard d'un traité multilatéral
qui n'est pas en vigueur si, à la date de la succession d'Etats,
lfEtat prédécesseur était un Etat contractant à l'égard du
territoire auquel se rapporte cette succession dVEtats.»

Les deux paragraphes suivants de cet article ne se rapportant pas à

la présente affaire, je ne les examinerai pas. Dans le rapport sur les

travaux de la vingt-sixième session de la Commission du droit

international, qui s'est:tenue du 6 mai au 26 juillet 1974, ladite règle

est commentée de la manière suivante :

«Dans le cas des traités multilatéraux en général, le droit
d'un Etat nouvellerrientindépendant de devenir partie en son

propre nom semble bien établi, comme en témoigne d'ailleurs la
pratique déjà exami.néedans les commentaires des articles 8, 9
et 15. Comme on l'a indiqué dans ces commentaires, chaque fois
qu'un ancien territ.oiredépendant d'une partie à des traités

multilatéraux dont le Secrétaire général est dépositaire devient
un Etat indépendant., le Secrétaire général lui adresse une
lettre l'invitant à préciser s'il se considère ou non comme
étant lié par les traités en ql~estion. Cette lettre est envoyée

dans tous les cas - aussi bien lorsque lfEtat nouvellement
indépendant a conc'u un accord de dévolution ou a fait une
déclaration iinilat6iralde'application provisoire que loroqu'il
n'a donné aucune indication concernant sa position à l'égard des

traités auxquels son prédécesseur était partie. Le.Secrétaire
général ne consulte pas les autres parties aux traités avant
d'écrire à 1'Etat riouvellementindépendant, et il ne s'enquiert
pas non plus de l'opinion des autres parties ni n'attend leur

réaction lorsqulil leur notifie toute réponse affirmative reçue
de llEtat nouvellenientindépendant. 11 semble donc qu'il parte
de l'hypothèse que 1'Etat nouvellement indépendant a le droit,
s'il le desire, de notifier au dépositaire qu'il continue à

participer à tout traité multilatéral général qui était
applicable à l'égard de son territoire avant la succession. Qui
plus est, pour autant que l'on sache, aucune partie à un traité
n'a jamais conteste jusqulici le bien-fondé de cette hypothèse.

Quant aux Etats noiivellementindépendants eux-mêmes, ils sont
partis du principe qu'ils possèdent bien ce droit de
participation. Il semble qu'il en soit de même, en général, pour les
traités multilatérauxdont le dépositaireest autre que le
Secrétaire général. Ainsi, la pratique suiviepar le
Gouvernement suisse en tant que dépositaire de la Convention

relative à la protection desŒuvres littéraireset artistiques
et de ses actes de révision et par les Etats intéresséssemble
clairement reconnaîtreque les Etats successeurs nouvellement
indépendantsont le droit de se considérer comme partie à ces

traités en vertu de la participationde leur prédécesseur,et
cela est également-vraides conventions humanitaires de Genève,
dont le Conseil fédéral suisseest le dépositaire. La pratique
suivie en ce qui concerne les conventions multilatérales dont

les Etats-Unis d'Amérique sont le dépositaireest également
fondée sur une reconnaissancedu droit de tout Etat nouvellement
indépendantde se déclarer partie à la conventionen son nom
propre. » (Annuairede la Commission du droit internationa ,l

1974, vol. II, première partie, p. 222.)

Je ne citerai qu'une autre phrase de ce rapport ainsi libellée : «le

droit de llEtat nouvellement indépendant est plutôt celui de notifier son

propre consentement à être considéré commeune partie distincte au

Si j'ai cité cettephrase, c'est parce que je suis convaincu qu'elle

nous permettra de mieuxcomprendre la nature et les effets de la

notificationde succession faite par le demandeur. J'aimerais ici

appeler votre attention sur le passage pertinentde l'exposé de M. Suy.

L'article 17 de la convention de Vienne de 1978 ne fait que reconnaître

officiellement larègle de droitcoutumier,élaborée lorsdu processus de

décolonisation

Les règles énoncées à l'article 22 de la convention de Vienne de 1978

sont aussi l'expressiondes coutumes internationales. Les règles

pertinentes de cet article relatif à la notificationde succession sont

libellées comme suit :

<cl.Une notificationde succession à un traité multilatéral
en vertu de l'article 16 ou de l'article 17 doit être faitepar
écrit. 2. Si la notificationde Successionn'est pas signée par le

chef de llEtat, le chef du gouvernementou le ministre des
affaires étrangères,le représentantde 1'Etat qui fait la
communicationpeut être invité à produire ses pleins pouvoirs.

3. A moins que le traité n'en dispose ailtrement, la
notification de succiession

a) est transmise par llEtat nouvellement indépendant au

dépositaire ou, s'il n'y a pas de dépositaire,-auxparties
ou aux Etats contractants;

b) est considérée comme ayant été faitp ear llEtat nouvellement
indépendant à la date à laquelle elleest reçue par le
dépositaireou, s'il n'y a pas de dépositaire, à la date à
laquelie elle est reçue pclrtoutes les partiesou, selon le
cas, par tous les Etats contractants.

5. Sous réserve des dispositionsdu traité, la notification
de succession ou la communication y relative n'est considérée
comme ayant été reçue par18Etat auquel elle estdestinée qu'à
partir du moment où cet Etat en a été informé par le
dépositaire. »

Dans le rapport sur les travauxde la vingt-sixièmesession de la

Commission dn droit interna~ional,qui s'est tenue du 6 mai au

26 juillet 1974,on peut lire notammenE :

«On trouvera une indication conzernant la pratique suivie
par le Secrétaire généralen la matièze aans la lettre qu'il
envoie aux Etats noilvellement incépendarits pour leur demander de
préciser leurs intelitions à l'égard Ges traités dont il est le

dépositaire. Cette lettre renfermele passage ci-aprgs :

Conformément à cette pratique, les nouveaux Et-ats

reconnaissent généralementqu'ils sont liés par ces traités en
adressant au Secrétairegénéral une notificationofficielle
énanant du chef de 1'Etat,du chef au gouvernement ou du
ministre des affaires étrangères. » (Annuairede la Cornmission

du droit international,1974, vol. II, première partie,
p. 238-239.)

c) Les règles relatives à la n9tification de succession, élaborées lors

du processus de décolonisation, ont été appliquées après la conférence
des Nations Unies sur la succession dlEtats en matière de traités en
tant que règle'générale de droit international coutumier

Avec votre permission,je vais maintenant examiner quelle a été la

'7 pratique desEtats après la conférence des Nations Unies sur lasuccession dlEtats en matière de traités. Commenous le savons, tous les

Etats issus du territoire de l'ex-Union soviétique (Arménie,Azerbaïdjan,

Estonie, Géorgie, Kazakhstan,Kirgnizistan,Lettonie, Lituanie,

République de Moldova, Tadjikistan, Turkménistanet Ouzbekistan)ont eu

exclusivement recours à l'adhésionpour devenir parties à des traités

multilatéraux. Si nous nous reportons à la dernière publicationdes

Nations Unies intitulée «Traitésmultilatéraux déposésauprès du

Secrétairegénéral, état au 3i décembre 1994» (ST/LEG/SER.E/13), nous

constatons que tous ces Etats sontdevenues partiesaux conventions

internationalesrelatives aux droits de l'homme, ainsi qu'à d'autres

traités multilatéraux,par voie d'adhésion. Aucun d'entre eux n'a estimé

être lié par la règle de la succession automatique,telle qu'elle est

prévue à l'article 34 de la conventionde Vienne de 1978. Aucun Etat n'a

contesté l'attitude des ex-Républiques soviétiques. Nous pouvons donc en

conclure qu'iln'existe aucune conscience juridique dela force

obligatoire de la règle de la succession automatique,c'est-à-direde

l'existencede cette règleen tant que règle de droit coutumier. Au

contraire, la pratique décrite a cocfirmé que le principe de la table

rase est toujoursapplicable.

Dans une lettre datée du 16 février 1993, à laquelle était jointe une

liste de traitésmultilatéraux,reçue par le Secrétairegénéral le

22 février 1993, le Gouvernement dela République tchèquea notifié ce

qui suit :

«Conformémentaux principes en vigueur du droit

internationalet à ses stipulations,la République tchèque, en
tant que successeurde la République fédéraletchèque et
slovaque, se considère liée, à compter du 1" janvier 1993, date
de la dissolutionde la République fédérale tchèqueet slovaque,

par les traités internationauxmultilatéraux auxquels la
République fédérale tchèque et slovaque étaitpartie à cette
date, y compris les réserveset déclarationsy relatives faites
précédemmentpar cette dernière. Le Gouvernement: de la République tchèque a examiné les

traités multilatéraiur énumérés dans la liste ci-jointe. La
République tchèque se considère liée par ces traités ainsique
par toutes les réserves et déclarationsy relatives, en vertu de
la succession intervenue le le'janvier 1993.

La République tchèque, conformémentaux principes de droit
internationalbien établis, reconnaît les signatures accomplies
par la République tchèqueet slovaque relativement à tous

traités, comme si elles avaient été-accompliespar elle.» (Les
italiques sont denous.

Par la suite, dans ime lettre datéedu 19 mai 1993, à laquelle était

également jointeune liste de traités multilatéraux déposés auprèsdu

Secrétairegénéral, reçue par le Secrétaire général le 28 mai 1993, le

Gouvernement dela République slovaquea notifié sa succession aux

traités de 1'Etat prédécesseur

Ces lettresont été publiées à la page 9 de la publicationdes

Nations Unies intitulée «Traitesmultilatéraux déposésauprès du

Secrétaire général,état au 31 décembre 1994». Ces deux Etats n'ont pas

succédé à tous les traités auxquels1'Etat prédécesseur était partie

Après avoir examiné tous ces traités,ils ont choisi ceux auxquels ils

acceptaient desuccéder. Ainsi, par exemple, la République slovaque n'a

pas succédé à la convention internationale contre l'apartheid dans les

sports du 10 décembre 1985, à laquelle la Tchécoslovaquieétait partie

La République tchèque n'a pas succédé à la convention et statut sur la

liberté du transit à lacpelle la Tchécoslovaquie étaitpartie (voir

«Traitésmultilatéraux déposés auprès du Secrétairg eénéral, état au

31 décembre 1994», p. 190 et 1030). Aucun de ces deux Etats n'a succédé

à l'accord international sur lecafé (ibid,p. 730-741), à l'accord

internatiocalsur le sucre (ibid, p. 742), à l'accord international sur

le cacao (ibid,p. 748, 749, 750, 763, 839), à l'accord international sur

l'étain (ibid,p. 761) et à l'accord internationalsur le caoutchouc

naturel (ibid,p. 783). On peut donc conclure que cesdeux Etats ne se considéraientpas comme automatiquzmentparties à tous les traités de

1'Etat prédécesseur. Ils ont estimépouvoir y devenir partiespar voie

de succession et décider librement de ceux auxquels ils voulaient

succéder, ce qu'ils ont fait par des notificationsde succession aux

traités qu'ils avaient choisis. Ils ont donc notifié leur succession à

4 (J chaque traité multilatéral séparément en indiquanl tes dénominations des

traités dans me liste jointe à la déclarationde succession. Ils ont

agi ainsi conformémentaux règles énoncées aux articles 16, 17, 22 et 23

de la conventionde Vienne de 1978.

Sans vouloir débattrede la question de savoir si les Républiques

yougoslaves sécessionnistesavaient acquis la qualité dlEtat indépendant

conformémentau principe de l'égalité et du droit des peuples à disposer

d'eux-mèmes,ci de la date à laquelle elles ont véritablement accéd é

l'indépendance,je peux néanmoinsaffirmer que leur comportement est en

de nombreux points très semblable à celüi des Républiques tchèque et

slovâque qui ont notifié leur succession aux différents traitéd se 1'Etat

prédécesseur aux dépositaires aetraltés multilatéraux

Dans une note datée du le'jrillet 1092 que le Secrétairegénéral de

ltOrçanisationdes Nations Unies areçue le 6 juillet 1992, la Slovénie

l'a informé

«qu'elle se considérait liéepar les traités énumérés ci-après
«en succédant à la République socialiste fédérative de

Yougoslavie en ce qui concernele territoire dela République de
Slovénies,,avec effet au 25 juin 1991,date à laquelle la
Slovénie a assumé la responsabilitéde ses relations
internationaies» (NationsUnies, C.N.240.1992. Traités,
notificâtion dépositaire).

Une lisre de traités estannexée à cette lettre. Tous les traités

multilatéraux auxquels 1'Etat prédécesseur était partie n'y figurent pas.

Ainsi, la Slovénie n'a pas succédé au protocole de signature facultative

à la conventionde Vienne sur les relationsdiplomatiques concernant - 37 -

l'acquisition de la nationalité, fait à Vienne le 18 avril 1961 (voir

«Traités multilatéraux déposés auprès du Secrétaire général, état au

31 décembre 1994», p. 691, ni à la convention internationale contre

l'apartheid dans les spo:rts,adoptée par l'Assemblée générale des

Nations Unies le 10 décernbre 1985 (ibid, p. 198), ni à la convention sur

la signalisation routière, conclue à Vienne le 8 novembre 1968 (ibid,

p. 587), ni à la convention sur le consentement au mariage, l'âge minimum

du mariage et l'enregistrement des mariages, ouverte à la signature à

New-York le 10 décembre L962 (ibid, p. 6991, ni à certains autres.

La Slovénie a adhéré le 16 juillet 1993 à la convention contre la

torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,

adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1984

(ibid, p. 186), bien que 1'Etat prédécesseur ayant été partie à cette

convention, les conditio:nsde succession étaient réunies. La Slovénie a

adhéré à tous les traités conclus sous les auspices du Conseil de

l'Europe auxquels 1'Etat prédécesseur était partie (voir tableau des

signatures et des,ratifications des conventions e.taccords conclus dans

le cadre du Conseil de l'Europe).

La Croatie a notifié sa succession à un très grand nombre de traités

multilatéraux conclus par 1'Etat prédécesseur, dont le Secrétaire général

de l'organisation des Nations Unies est le dépositaire. Toutefois, la

Croatie n'avait pas succédé à certains de ces traités, comme le protocole

de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations

diplomatiques concernant le règlement obligatoire des différends, fait à

Vienne le 18 avril 1961 (ibid, p. 70), l'accord international portant

création de l'université pour la paix, adopté par l'Assemblée générale

des Nations Unies le 5 décembre 1980 (ibid, p. 679), ou la convention

internationale contre la prise d'otages, adoptée par l'Assemblée générale - 38 -

des Nations Unies le 17 décembre 1979 (ibid,p. 714). La Croatie a

adhéré à tous les traités auxquelsétait partie ltEtat prédécesseur dans

le cadre au Conseil de l'Europe (voir tableau des signatures et des

ratifications des conventionset accords conclusdans le cadre du Conseil

de 1'Europe 1.

La Macédoine s'est comportée de la même manière. Elle a notifié sa

succession à certains traitésmultilatéraux auxquels était partie 1'Etat

prédécesseur,dont le dépositaireest le Secrétairegéneral de
.a2

l'organisationdes Nations Unies, mais n'a pas succédé à certains autres,

comme la convention internationale contrel'apartheiddans les sports,

adoptée par l'Assembléegénérale des Nations Unies le 10 décembre 1985

(ibid,p. 1981, l'arrangementrelatif à la répressionde la circulation

des publications obscènes, signé à Paris le 4 mai 191C et amendé par le

protocole signé à Lake Success, New-York, le 4 mai 1949 (ibid,p. 3291,

la convention internationalesur l'harmonisationdes contrôles des

marchandises aux frontières,conclue à Genève 12 21 octobre 1982 (ibid,

p. 446), etc.

La Macédoine â adhéré à la convention àes Nations Unies contre le

trafic illicitedes stupgfiantset des substancespsychotropes,conclue à

Vienne le 20 décembre 1988 à laquelle 1'Etat prédécesseur était partie

(ibid,p. 2961, ainsi qu'aux traités conclus dansle cadre du Conseil de

l'Europe auxquels 1'Etat prédécesseur était partie (voir tableau des

signatures et ratificationsdes conventionset accords conclus dans le

cadre du Conseil de l'Europe).

La manière de procéder de la Bosnie-Herzégovinea été expliquéeaux

pages 66 et 67 des exceptions préliminaires présentées à la Cour en

juin 1995. - 39 -

Entre-temps,la situationa changé. La Bosnie-Herzégovinea adhéré à

certaines conirentions coi~cluesdans le cadre du Conseil de l'Europe

auxquelles llEtat prédéct-sseur était partie. Il convient donc denoter

que la Bosnie-Herzégovine n'a pas succédé à ces conventions,mais qu'elle

y a adhéré, comme c'est :Lecas de la convention culturelleeuropéenne du

29 décembre 1995, la con~rention pour la sauvegardedu patrimoine

architectural del'Europe du 1" avril 1995, la convention européennepour

la protection du patrimoine archéologiqud eu 30 mars 1995 et la

convention contre le dopage du le' février 1995. La Bosnie-Herzégovinea

adhéré à seize conventioils conclues dans le cadre du Conseil de l'Europe

auxquelles llEtat prédécesseur était partie(voir tableau des signatures

et ratifications des conventionset accords conclusdans le cadre du

Conseil de l'Europe).

Sans préjuger aucunement d'autres questions pertinentes, dont la

licéité de l'acquisitiondu statut dlEtat indépendant,ainsi que ladate

effective de l'accession à l'indépendance,nous pouvons constater que, si

les ex-Républiquesyougoi;lavessont devenues partxes a la plupart des

traités internationauxailxquelsavalt adhéré 1'Eta: prédécesseur par voie

de successicnou d'adhésion,elles ne sonc pas devenues parties à

certains d'entre eux. II s'ensult qu'elles ne se considéraient pas liées

par les traitss multilati5raux auxquels llEtat prédécesseur étaitpartie

ou par les conventionsinternationales relatives aux droits dl e'homme et

ne se considéraientpas non plus parties à ces traitéspar voie de

succession automatique. Pourelles, la successionétait l'une des

possibilités juridiques de aevenir partiesaux traités de1'Etat

prédécesseur et elles y ont recouruen conséquence. Ce faisant, elles se

sont conformées aux règles énoncées aux articles 16, 17, 22 et 23 de la

conventionde Vienne de 1978d) La règle des effets non rétroactifs de la notification de succession

Permettez-moi d'exposerbrièvement la manière dont la Commissiondu

droit internationala réglé la question de l'effet rétroactif dela

notification de succession. Des membres éminents de cette Commission se

sont déclarés opposés à l'idée de l'effet rétroactif. M. Bedjaoui, alors

membre de la Commission,a déclaré :

«Il s'ensuit que l'applicationeffective d'un traité
aussitôt après la créationd'un Etat dépend non pas d'une règle
coutumière,mais de la volonté exprimée par cet Etat et les

Etats tiers. Dans ces conditions,on ne saurait concevoir une
présomption de continuitéou de rétroactivité. Personnellement,
M. Bedjaoui estpartisan du principe dela non-rétroactivitédes
traités tel qu'il est exprimé à l'article 28 de la Conventionde

Vienne. Certes, on peut présumer la rétroactivité,en
dérogation à ce principe, dans le cas précisoù le nouvel Etat
notifie sa successionconformément à l'article 7 du projet.
Cependant, l'incertituderégnera aussi longtemps que cet Etat

n'aura pas manifesté sa volontéet il se peut qu'il refuse
finalement de se considérer comme lié par le traité. C'est
pourquoi M. Bedjaoui souhaite que la Commissionn'introduisepas
la notion de rétroactivitédans le projet.» (Annuairede la

Commission du droit international,1972, vol. 1, p. 116,
par. 21, 23.)

Se sont également élevés contre les effets rétroactif de la

notificationde succession :M. Yasseen (voirAnnuaire de la Commission

du droit international,1972, vol. 1, p. 115, par. 4), M. ushakov (voir

Annuaire de la Commission du droit i~ternational,1974, vol. 1, p. 247,

par. 41) , M. Hambro (voir Annuaire de la omission du droit

international, 1974, vol. 1, p. 246, par. 35), sir rancis Vallat (voir

Annuaire de la Commission dudroit international,1974, vol. 1, p. 248,

par. 52,531, M. Rossides (voirAnnuaire de la ~ommissiondu droit

international,1972, vol. 1, p. 114, par. 88) et M. Kearney (voir

Annuaire de la Commission du droit international,1972, vol. 1, p. 114,

par. 91) Afin de résoudre ce problème, la Commissiondu droit internationala

proposé que soitadoptée pour l'article 18 qui figurait dansson projet

d'articles de 1972 la so.lution suivante :

<<i.A moins qu'un traité n'en dispose autrement ou qu'il
n'en soit autrement convenu,un Etat nouvellement indépendant

qui fait une notificationde successionconformément à
l'article 12 ou à l'article 13 est considéré comme..étant partie
ou, selon le cas, comme Etat contractant

a) Au moment de la réceptionde la notification par le

dépositaire; ou

b) S'il n'y a pas de dépositaire,au moment de la réception
de la notification par les partiesou, selon le cas, les

Etats contrinctants.

2. Lorsque, en applicationdu paragraphe 1, un Etat
nouvellement indépendantest considéré comme étantpartie à un

traité qui étaiten vigueur à la date de la successiondlEtats,
le traité est considéré comme étant en vigueur à l'égard de cet
Etat à partir de la date de successiondlEtats, à moins

a) Que le traité n'en dispose autrement;

b) Que, dans le cas d'un traité visé au paragraphe 3 de
l'article 12, toutes les partiesne conviennentd'une

date ultérieure;

C) Que, dans le cas d'autres traités, la notification de
successionne spécifie une date ultérieure.

3. ...» (Voir Annuaire de la Comissio~ du droit
international, 1972, vol. II, p. 291, 292.)

La Commission du droit internationaa l donc établi une distinction

entre la date de réceptionpar le dépositairede la notificationde

succession,considérée comme étant la àate à laquelle un nouvel Etat

devient partie à un traité, et la date de succession, considéréecomme

étant celle à partir de laquelleun traité est envigueur à l'égard d'un

nouvel Etat. Des Etats ont critiqué la solution proposéedu point de vue

de la non-acceptabilitéde la rétroactivitéde la notification de

succession. «Le Royaume-Uni a estimé ipe lorsqu'un Etat nouvellement

indépendant faisaitune notificationde succession aprèsqu'il
s'était écoulé un délai considérable depuis l'indépendance,
d'autres Etats pouvaient avoir, de bonne foi, agi entre-tempsen

présumant que le traité n'était pas applicableentre eux et
llEtat nouvellement indépendant. Si lTEtat nouvellement
indépendant demandait quela date de l'indépendancesoit la date
effective, on ne pourrait vraisemblablement pas prétendre que

les autres Etats avaient violéle traité parce qu'ils ne
l'avaientpas appliquépendant cet-ictervalle. Dans ses
propositions, la Commissionn'envisageaitpas cet aspect de la

question.» (Voir Annuaire de la Commission du droit
international, 1974, vol. II, première partie, p. 66, par. 310.)

Le Gouvernement des Etats-Unis critique également la propositionde

la Commission du droit international citée ci-dessus en évoquant le

problème de la rétroactivité (voir Annuairede la Commission du droit

izternational, 1974, vol. II, première partie, p. 56, par. 310).

Tenant compte des observationsformuléespar lesdits Etats, la

Commission du droit internationala remanié les dispositionsde

l'article 18 du projet d'articles qui sont maintenant celles de

l'article 23 de la conventionde Vienne de 1978. Voici comment ladite

règle énoncée alors à l'article 22 du projet d'articles était expliquée

dans le rapport sur les travaux de la vingt-sixième sessionde la

Commission du droit international, qül s'est tenue du 6 mai au

26 juillet 1974 (doc. A/9610/Rev. 1). On peut y lire notammentce qui

suit :

«7) Le texte de 1972 de l'article [l'article le du projet
de 19721 prévoyait que 1'Etat nouvellement indépendantqui fait

une notificationde succession 2 un traité en vigueur à la date
de la succession d1Etats est considéré comme étantpartie au
traité an moment de la réception de la notification (ancien

paragraphe l), mais que le traité est considéré comme étant en
vigueur à l'égard de 1'Etat nouvellement indépendant à partir de
la date de la succession dfEtats, sous réserve de certaines
exceptions expressémentprévues (ancienparagraphe 2). Dans

leurs observationsconcernant lesarticles 12, 13 et 18 du texte
de 1972, les délégationset les gouvernementsont appelé
l'attentionde la Commission sur un certain nombrede
difficultés que ces dispositions suscitaient. 8) L'article 18 du projet de 1972 donnait à une
notificationde succ:ession faite par un Etat nouvellement
indépendantun effet rétroactif, afinque, même si la
notificationde succ:ession était longtemps différée après la

date de la successiondlEtats, un traité multilatéralsoit, en
règle générale, considéré comme étant en vigueur entre cetEtat
et les autres parties aveceffet à compter de la date de la
successiondlEtats. A cet égard, les autres parties au traité

n'auraient eu aucun choix, mais 1'Etat nouvellement indépendant
aurait eu la possibilité de choisir une date post.éri.eur sei
l'applicationrétroactivedu traité présentaitpour lui des
Inconvénients. A la vingt-sixièmesession, plusieurs membres de

la Commissionont fait observerque, si telle était la règle,
elle pouvait mettreles Etats parties au traité dans une
situatio~ juridique intenable,car, pendant la période
intérimaire, cesEtintsne sauraientpas s'ils étaient ou non
tenus d'appliquer le traité à l'égard de 1'Etat nouvellement

indépendant. Cet Elcatpourrait faireune notificationde
succession des annéesaprès la date de la successiondlEtats, et
dans ces conditions unepartie au traité pourrait être tenue
responsablerétroactivementd'une violation du traité.

9) A ce prûpos, quelques membres dela Commission ont
estimé qu'il y avait une contradictionintrinsèque entre le
paragraphe 1 et le paragraphe 2 de l'article 18 du projet de

1972 car, par définition, unepartie à un traité était quelqu'un
à l'égard de qui le traité était en vigueur et, conformémentau
paragraphe 1, un Etat nouvzllement indépendantne devenait
partie qu'à partir de la date à laquelle il faisait la

notification de succession tandisque, conformémentau
paragraphe 2, le traité était considéré comme étant en vigueur à
l'égard de llEtat nouvellement indépendant à partir de la date
de la succession dlEtats. D'autres membres de la Commission ont

exprimé l'avis que le paragraphe 1 n'était pas tout 2 fait
conforme à la pratique du Secrétaire général, qui normalement
considéraitun Etat nouvellement inaépendant comme étant partie
au traité à partir de la date de la succession dtEtats, et non

pas à partir de la date à laquelle la notification desuccession
était faite.

10) Compte tenu de ces considérations,la Commission a

conclu que l'article 18 du projet de 1972 devait être remanié
afin de prévoir l'élément de continuitéqu'impliquaitla notion
de successiondlEtats, eu égard au lien juridique existant entre

un trzité multilatéral et le territoire de 1'Etat nouvellement
indépenda3t à la date de la succession. Elle a décidé que cela
pouvait être fait enprévoyant, en principe, que llEtat
nouvellement indépe.ndant qui fait unenotification de succession

à l'égard d'un trai.témultilatéral devait êtreconsidéré comme
étant partie à compter de la date de la succession dlEtats.

11) En revanche, la Commission a considéré qu'il fallait
adopter une disposi.tionpermettant d'éviter les conséquences

fâcheuses quelloct.roi d'un effet rétroactif à la notification
de successionpouvait avoir sur le plar!des droits et obligations existant en vertu du traité entre 1'Etat
nouvellement indépendantet les parties au traité. Au cours de
sa vingt-sixième session,la Commissiona envisagé plusieurs

moyens d'atténuer les effets rétroactifs quise produiraient si
1'Etat nouvellement indépendant étaitconsiaéré comme étant
partie au traité, et cela sans réserve, à compter de la date de
la succession dtEtats. Elle a envisagé la possibilité de

prévoir, aux articles 16 et 17 ou à l'article 22, des délais
dans lesquels la notificationde successiondevrait être faite.
Toutefois, il n'a pas été possible de s'entendresur ce qui
pouvait être considérécomme un délai raisonnable à cette fin,
et plusieurs membres de la Commissionétaient par principe

opposés à l'imposition de délais. Celan'aurait pas, de toute
façon, résolu complètement lesproblèmes que posaitl'effet
rétroactif duparagraphe 2 de l'article 18 du projet de 1972.
Finalement, la Commissiona conclu que la solution la plus

satisfaisante seraitde considérerque l'applicationdu traité
est suspendue entre la date d'une successiondlEtats et la date
à laquelle la notificationde successionest faite. La
Commission a considéré que si les Etats intéressés voulaient

appliquer le traité au cours de la période intérimaire,cela
pouvait normalementêtre fait au moyen de l'application
provisoire prévue par l'article 26...» (Annuairede la
Commission du droit international, 1974, vol. II, première
partie, p. 243.)

La Commission du droit international était à même de résoudrele

conflit existant entrela pratique selon laquelie les Etats nouvellement

indépendantsse considéraientliés par les traités multilatéraux auxquels

ils avaient succédéet la règle généralede la non-rétroactivité. Même

si elle avait cherchéune solution à ce conflit dans les principes

généraux du droit, c'est-à-diredans la logique juridique,la solution

q-uiavait été finalement retenue était également fondéesur la pratique

internationale del'applicationprovisoire des traités de 1'Etat

prédécesseur, instauréepar la note du Tanganyika de 1961 qui a ensuite

été acceptée par un grand nombre de pays. Cette pratique de

l'applicationprovisoire des traités étaiten contradictionavec l'idée

que les traités multilatéraux puissents'appliquerentre un Etat

nouvellement indépendantet tout autre Etat partie depuisle moment de la

succession établi surla base de la notification desuccession. S'ils

avaient envisagéd'agir ainsi, ces Etats n'auraient certainementpasnotifié l'applicationprovisoire des traités. La règle coutumière créée

par ladite pratiqueest ~xprimée à ilarticle 27 de la conventionde

Vienne de 1978 qui est libellé comme suit :

«l. Si, à la da.tede la successiondlEtats, un traité
multilatéral était envigueur à l'égard du territoire auquelse
rapporte la success~~on dlEtats et si llEtat nouvellement

indépendant fait part deson intentionque ce traité soit
appliqué à titre provisoire à l'égard de son territoire, le
traité s'applique à ce titre entre1'Etat nouvellement
indépendantet toute partie qui y consent expressémentou qui,

en raison de sa concluite, doit être considéréecomme y ayant
consenti.

Il s'ensuit que les règles pertinentes del'article 23 de la

conventionde Vienne de 1978 relatives aux effets d'une notification de

succession sont fondées sur leprincipe généralet sont l'expressionde

la coutume internationale. Elies sont rédigéec somme suit :

cl. A moins que ie traité n'en dispose autrement ou qu'il
n'en soit autrement convenu,un Etat nouvellement indépendant
qui fait une notifil~ation de successio~i conformément à

l'article 17 ou au paragraphe 2 de :;article 18 est considéré
comme partie au traité à compter de la ùate de la succession
dlEtats ou a compte:rde la date de 11er,tr6e en vigueur du

traité, si cette date est postérieure.

2. Toutefois, :L'application dc traicé est.considérée comme
suspendue entrellEtat nouvellement indépendantet les autres

parries au traité jdsqu'à la date à laquelle la notification de
succession est faite, sauf dans la mesure où le traite est
appliqaé à titre provisoire conformément à l'article 27 ou s'il
en est autrement convenu.»

La notificationde succession produit des effets juridiques

conformément aux règles énoncées à l'article 23 de la conventionde

Vienne. Quelquesoit le moment à partlr duquel llEtat successeur se

considsre lié par un traité, le traité est inapplicable entre1'Etat

successeur et d'autres parties à ce traité tant quellEtat successeurn'a

pas notifié sa succession audépositairedu traité. La pratique internationale, ainsi que les prémissesfondamentalesdu droit des

traités, vont à l'encontre de l'effet rétroactif de la notification de

succession. Les conventions internationalesrelatives aux droits de

l'homme ne font pas exception à ces règles.

e) Le demandeur n'a pas prouvé l'existence d'une règle de la succession

-automatique en tant que coutume international*-ou-règle liant les
Parties au différend

Hier, M. Suy a montré que le demandeur n'avait pas prouvé l'existence

de cette règle en tant que coutume internationale. A cette occasion,

j'aimerais ne mentionner que les points les plus pertinents.

Aux paragraphes 3.48 à 3.51 de son exposé, le demandeur fait état du
-.7c;

rapport présenté par la République de Bosnie-Herzégovineau Comité des

droits de l'homme, à la demande du Comité, avant la notification de sa

succession au pacte international relatif aux droits civils et

politiques. Il s'agissait là d'une exception. D'autres Etats n'ont pas

donné suite à la même demande que leur avait adressée leComité des

droits de l'homme. Ainsi, au paragraphe 5 du rapport du Secrétaire

général intitulé «Succession dlEtats en macière de traités internationaux

relatifs aux droits de l'homme» (EjCN.4/1995/80) du 28 novembre 1994, il

est dit :

«A sa quarante-septième session (mars/avril 19931, le
Comité a déclaré que toutes les populations à l'intérieur du

territoire d'un ancien Etat partie au Pacte continuaientd'avoir
droit aux garantiesénoncées dans le Pacte et que, en
particulier, l'Arménie, l'ex-Républiqueyougoslave de Macédoine,
la Géorgie, le Kazakhstan, le Kirghizistan,l'Ouzbékistan,le

Tadjikistan et le Turkménistan étaient liés par les obligations
découlant du Pacte à compter de la date de leur indépendance.
En conséquence, il a considéré que les rapportsexigibles en

vertu de l'article 40 du Pacte devaient êtreprésentés et a
demandé à ces Etats, dans des notes verbales datéesdu
28 mai 1993, adressées à leurs ministres des affaires
étrangères, de lui soumettre les rapports en question. Le

Comité n 'a reçu aucun rapport en réponse à cette demande. Toutefois, depuis la clôturede sa quarante-septième session,

1 'Arménieet la Géoirgieont adhéré au Pacte et 1'ex-République
yougoslave de Macédoine est devenue partie au Pacte par
succession.» (Les italiques sont de nous.)

Il est manifeste quela plupart desnouveaux Etats successeurs

n'acceptent pas le point de vue des expertsdu Comité des droits de

1 homme

Il n'existe aucun accord entre les Partiesau différend en ce qui

concerne l'applicationde la règle de la succession automatique. Le

demandeur affirme qu'il existe un accord entre lesRépubliques

sécessionnisteset la République fédérative deYougoslavie sur

l'applicationde cette règle. A l'appui de sa thèse, le demandeur a cité

au paragraphe 3.6.3 de son exposé (p. 47) une phrase tiréede l'avis no 9

de la commissionBadinter libellé comme suit :

«le phénomène de la succession dtEtats est régi par des
principes de droit international dont s'inspirenl tes

conventionsde Vienne du 28 août 1978 et du 8 avril 1983, que
toutes les républiquesont accepté de retenir comme base de
leurs discussions».

Il n'existe aucun accord entre les Partiesau différend sur

l'applicationde la règle de ia successionautomatique. La phrase citée

ne peut pas non plus être considéréecomme une preuve suffisante de

l'existenced'un tel accord. Après tout, cette phrase fait référence aux

principes de droitinternationaldont s'est inspirée la conventionde

Vienne de 1978, et non 2 l'applicationdes règles énoncées à tous les

articles de la convention. La règle figurant à l'article 34 de la

conventionde Vienne de 1978 est la règle de legeferenda, non un

principe de droit international. Comme je l'aidéjà démontré,la

convention de Vienne de 1978 renferme deux principes de droit

international, le principede la «table rase» et la règle de la

non-rétroactivité de la notification de succession. Il s'ensuit que,s'il existe véritablement un accord relatif à l'application des principes

de droit international dont s'est inspirée la convention de Vienne

de 1978, seuls les deux principes mentiorniléssont applicables en

1'espèce.

f) Le demandeur a contesté l'existence de la règle de la succession
automatique, ainsi que son .applicabilité.entre..les..Sarties au
différend

Monsieur le Président, les Républiques yougos~aves sécessionnistes, y

compris la Bosnie-Herzégovine, ont contesté l'existence de la règle de la

succession automatique, ainsi que sa validité entre la République

fédérative de Yougoslavie et elles-mêmes.

A la 13e séance de la Commission des droits de l'homme, le

représentant permanent de la République de Bosnie-Herzégovine auprès de

l'Office des Nations Unies à Genève, M. BijediE, a critiqué :

«le rapport du Secrétaire général sur la succession dlEtats en
matière de traités internationaux relatifs auxdroits de l'homme
(E/CN.4/1995/80),qui énumérait les dates de réception des

instruments d'adhésion ou de ratification âux traités relatifs
aux droits de l'homme par des Etats qui ont succédé, entre
autres, à l'ex-Yougoslavie, et dans lequel les dates de
réception de ces instruments communiquéespar l'ex-République
socialiste fédérative de Yougoslavie étaient indiquées comme

étant celles ayant trair à la République fédérative de
Yougoslavie (Serbie et Monténégro), en regard du nom
«Yougoslavie» ... Son gauvernement s'est vigoureusement élevé
contre la prétention de la République fédérative de Yougoslavie

(Serbie et Monténégro) d'assumer la personnalité de
l'ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie, étant
donné qu'aucun des Etats issus de 1 'ex-Yougoslaviene s'était vu
octroyer le droit de succession automatique . . .(les italiques

sont ds nous), elle n'avait pas so~imisla notification de sa
succession aux traités multilatéraux auxquels l'ex-République
socialiste fédérative de Yougoslavie était partie, procédure à
laquelle s'était dûment conformées la Bosnie-Herzégovine, la
Croatie, 1.aSlovinie et l'ex-République yougoslave de

Macédoine ... Il convienarait de rectifier les inexactitudes
figurant dans les documents des Nations Unies en insérant le
préfixe «ex» avant «Yougoslavie>>partout où il s'agissait de la
République socialiste fédérative. deYougoslavie, à moins que, et

jusqu'à ce que, la République fédérative de Yougoslavie (Serbie
et Monténégro) ait achevé la procédure de succession. Une lettre dans ce sens a été adressée au Secrétaire général de
l'Organisation des Nations Unies aux fins de distribution comme

document officiel., (Citationreprise du document des Nations
Unies E/CN.4/1995/SIZ.13 du 14 février 1995, p. 17, par. 79, 80
et 81.)

Pour le même motif, le représentant de la Slovénie a adressé une

lettre au Secrétaire génc6ralde l'organisation des Nations Unies, publiée

comme document des Nations Unies sous la cote E/CN.4/1195/122 du 7

février 1995 dans laquelle onrelève notamment ce qui suit :

«La Slovénie tient à souligner que la «Yougoslavie~ a cessé
d'exister et qu'elle a, de ce fait, cessé d'être partie aux
instruments relatifsaux droits de l'homme. Tous les Etats
successeurs, notamment la <<Républiquefédérative de Yougoslavie
(Serbie et Monténégro)», sont de nouveaux Etats et ne peuvent

être considérés comrneparties aux instruments susmentionnés que'
s'ils notifient 1eu;rsuccessior, ». (Les italiques sont de nous. )

Le représentant perrnanentde l'ex-Républiqueyougoslave de Macédoine

a également écrit au Secrétaire ggnéral à ce sujet, en contestant

l'existence de tout fondernentjuridique permettant deconsidérer la

République fédérative de Yougoslavie comme le successeur automatique de

l'ex-République fédérative socialiste de Yougoslavie en matière de

traités internatioriaux. Sa lettre a été publiée .commedocument des

Nations Unies sous la cote A/50/78, 2/1995/11 du 2 février 1995.

Le représentant perrnanentde la République de Croatie a également

adressé une lettre au Secrétaire générai de l'organisation des

Nations Unies dans laquelle on peut lire notamment ce qui suit :

«C'est ainsi que les représentants de la République

fédérative de Yougoslavie (Serbieet Monténégro) n'ont pas été
autorisés à participer aux réunionset conférences
internationales d'Etats parties aux traités multilatéraux dont
le Secrétaire général est dépositaire ... étant donné que cet

Etat ne s'était pas conformé aux règles du droit international
régissant la succes,siond 'Etats. A plusieurs occasions en
effet, la République fédérative de Yougoslavie (Serbie et
Monténégro) avait cherché à participer à des rencontres

internationales en tant qu'Etat partie sans être présentée comme Etat successeur. Elle voulait ainsi créer un précédent qui lui
permettrait ensui te de prouver qu'elle est le seul et
automa tique successeur de 1 'ex-République fédérative socialiste

de Yougoslavie. >> (Les italiques sont de nous. )

Cette lettre a été publiée comme dccument des Nations Unies sous la

cote A/5075, E/1995/10 du 31 janvier 1995

Il s'ensuit que lesdits Etats considèrent que la République

fédérative de Yougoslavie est, comme eux, un nouvel Etat successeur et

qu'elle doit notifier sa succession aux conventions relatives aux droits

de l'homme pour en devenir partie. Nous savons tous, que la République

fédérative de Yougoslavie ne se considère pas comme un nouvel Etat. Si

j'ai développé ces objections présentées par les ex-Républiques

yougoslaves, c'est uniquement pour démontrer qu'aucune d'entre elles, y

compris le demandeur, ne croit à l'existence réelle de la règle de la

succession automatique et n'estime que cette règle a force obligatoire

pour elle et la République fédérative de Yoügoslavie.

g) Il s'ensuit que la succession du demandeur à la convention sur le
génocide peut être régie par les règles coutumières qui trouvent leur
expression dans les articles 17, 22 et 23 de la convention de Vienne
de 1978

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, permettez-moi de

rappeler ici les termes du paragraphe 92 de la requête introductive

d'instance :

«Cette date d'entrée en vi~ueur de la notification de
succession est conforme aux règles ordinaires du droit

internatiocal coutumier relatives à la succession drEtats en
matière de traités. Ces règles ont été codifiées notanimentdans
les articles 17, 22, 23 et 34 de la convention de Vienne du
23 août 1978 sur la succession dlEtats en matière de traités.

L'ex-Yougoslavie a signé cette convention de Vienne le
6 février 1979 et a déposé un instrument de ratification de
cette convention le 28 avril 1980. Par conséquent, la
Bosnie-Herzégovine est devenue partie à la convention sur le
génocide à compter du 6 mars 1992 (sans aucune réserve) .»

(Requête introductive d'instance, enregistrée au Greffe de la
Cour le 20 mars 1993, p. 111.) Sous réserve que la Cour déclare que le demandeur est partie à la

convention sur le génocide et que les règles coutumières réservées

uniquement aux Etats nouvellement indépendantsissus du processus de

décolonisation sontdevenues applicables à tous les nouveaux Etats, nous

admettons que les règles énoncéesaux articles 17, 22 et 23 de la

convention de Vienne de 1978 soient applicables aux relations entre la

République fédérative de Yougoslavie et 1'Etat demandeur. Dans ce cas,

la convention sur le génocideétait sans effet entre les Parties avant le

29 décembre 1992.

Monsieur le Président, le présent exposé met fin au premier tour de

nos plaidoiries. Je vous remercie, ainsi que Messieursles Membres de la

Cour, de votre attention. Avec votre permission, je présenterai nos

conclusions finales à l'issue du deuxième tour de plaidoiries. Je vous

remercie.

Le PRESIDENT : Je remercie eauc c ouagent, M. Rodoljub Etinski, de

son exposé qui met fin ailxplaidolrles de la Yougoslavie. L'audience est

levée et la Cour reprendra ses audiences demain, mercredi le'mai 1996 à

10 heures, pour entendre lesplaiaoiries de la Bosnie-Herzégovine.

L'audience est levée à 12 h 20. Non- Corrigé

Uncorrected ( Translation
l

CR 96/7/corr.

(English translation only)
10 May 1996

The English transla.tionof the quotation on page 19 is reproduced
below :

"284. Other defects of the Convention. In fact the

Convention rejects the principle of international measures to
punish crime. This Is its biggest defect. There are others.
For example: (a! ccnstitutionally responsible rulers, their
agents or private individuals are not the only ones to commit
the crime of genocide: terrorist organizations may prepare or

perpetrate oenocide. The Convention does not mention tnis. The
USSR proposed measures to paralyse terrorist activity: the USA
opposed them on the spurious pretext of fundamental freedoms,
freedom of information, freedom of the press, freedom of
association, as if there could be freedom for wrongdoers to
prepare their crimes as they pleased. Egypt added its voice to

that of the USA, claiming that the Soviet proposa1 resembled
propaganda for genocide, the concept of which had just been
accepted as being too vague to be included in the Cocvention;
(b) the Convention (Art. III) does not address the preparatory
stage of genocide; (cl i t ignores almost entirely the collective

struggle which is, however, necessary in order to prevent
genocide. Unquestionably, in Article 1 of the Convention, the
High Contracting Parties, as individual States undertake to
punish and prevent ,genocide. Mutual international assistance is
not organized in any way whatsoever, nor is it seriously

prescribed for the :purposeof coilective preven tion : nothing
effective is achieved by stating, as does Article VIII: 'any
Contracting Party may cal1 upon the competent organs of the
United Nations to take such action under the Charter of the
United Nations as tbey consider apprcpriate for the prevention

.. .of acts of genocide' : (d) cultural genocide and the genocide
of political groups are not included in the Convention. The VSA
and China (on 2 December 1948) lodged a strong protest against
this inexplicable oçtracism. It was regrettable, the Chinese
delegate stated, tha,tthe clause relating to political groups
had been rejected most unexpectedly at the last minute, since

conflicts between peoples in the modern world were rooted to a
great extent in ideological elements, which paid no heed to
national, racial or religious frontiers. For this very reason,
political groups, as such, had a greater need of protection than
any other human groilp; (el the Convention does not address the

issue of the civil responsibili ty of the State for genocide.
Its silence on this score appears to justify, quite wrongly,
those who opposed such responsibility, on the pretext that an
entire State cannot be stigmatized for acts committed by publicofficiais or constitutionally responsible rulersalone. Can it

not be said that, with no justification whatsoever,such a
viewpoint flies in the face of both: (a) the sum of the case-law
of internationaltribunals which have longrecognized the
collective responsibilityof the State for the acts of its
constitutionally responsiblerulers or itsagents when they

disregard international lawand (b) trends in case-law or
legislation in more than one country which increasingly place
the sovereign authorityitself under an obligation to compensate
its own subjects for harm arising from the illegal acts of its
representativesor agents?

So many defects, denounced by more than one delegation,
inevitably meant that scant credit was accorded to the text produced
with such travail on the hi11 of Chaillot in Decernber 1948; this is

why Article XIV provided, in principle, that it would remain in force
for a period of ten years only from the date of its entry into force
(althoughit could be prolonged for successivefive year periods,
unless denouncedbefore the expiration of the currentperiod).

If preference is given to efficacy ratherthan to spectacular
texts, this lapse of time ought to be turned to advantage, in order
to resume work on a construction whichcan be seen as only a first
step on the difficult rcsd ,Cotstai respect for the most sacred
rights of mankind."

Document Long Title

Translation

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