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Uncorrected Translation

CR 95/7 (Traduction)
CR 95/7 (~ransïation)

Lundi 6 février 1995
Monday 6 February 1995 Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Dans le cadre de ce premier

tour de la procédure orale de l'affaire concernant le Timor oriental

(Portugal c. Australie), la Cour consacrera toute cette semaineaux

plaidoiries orales de l'Australie, 1'Etat défendeur. J'appelle à la

barre l'agent de l'Australie

M. GRIFFITH : Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,

Voici la troisième affaire à laquelle l'Australie est partie dont

est saisie la Cour. C'est la deuxième où jlai l'honneur de représenter

l'Australie en qualité d'agent. Nous avons de bonnes raisons de déclarer

que se présenter devant cette Cour est toujoursun honneur. Nous

regrettons de devoir plaider ici sans pouvoir bénéficier des conseils

éclairés d'un ancien Président de la Cour, notre ami Eduardo Jiménez de

Aréchaga, qui a participé à la préparation des écritures de l'Australie.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,
-

L'Australie est profondément convaincue de l'importance du rôle que

joue la Cour dans le règlement pacifique des différends internationaux.

Elle l'a manifesté en acceptant il y a longtemps et sans réserve

la juridiction de la Cour en vertu de la clause facultative. Mais

l'Australie tient à protester de ce que le Portugal abuse de notre sens

civique international. Elle l'a affirmé dans toutes ses écritures,

et elle le répète aujourd'hui : le Portugal se trompe d'action et

d'adversaire. Et il le fait pour de mauvaises raisons.

Notre position est qu'il n'existe tout simplement aucun différend réel
. .-
sur lequel la Cour puisse se prononcer.

Le Portugal joue au champion de la population du Timor oriental, et

des peuples non autonomes en général. Le rôle du «bon». Et il s'efforce

Cit.;9 de présenter l'Australie en exploiteur rapace d'un peuple sans dgfense, -3-

qui profite d'une situation pour piller les ressources naturelles du

Timor oriental. Le améchantw vu par M. Dupuy. Le Portugal veut donner

à entendre qu'un arrêt favorable à l'Australie serait un arrêt contre

le peuple du Timor oriental. Favorable au Portugal, il serait censé

consacré les droits du peuple du Timor oriental. Mais, Monsieur

le Président, cette représentation fausse non seulement les faits mais

aussi les questions de droit qui se posent dans la présente affaire.

Soyons clairs sur un point : au contraire de ce qu'affirme le

Portugal, il ne s'agit pas en l'espèce de déterminer si le peuple du

Timor oriental a droit ou non à l'autodétermination. Il a Le

Portugal dit qu'il l'a. L'Australie dit qu'il lua. Il n'existe aucun

différend à ce sujet.

Et, pour réitérer sa position, s'agissant du droit du peuple du Timor

oriental à l'autodétermination, l'Australie désire rappeler au Portugal
-

qu'elle le soutient depuis plus longtemps, avec plus d'intransigeance et

plus de constance qu'il ne l'a fait lui-même. L'Australie soutient ce

droit du peuple du Timor oriental depuis bien avant que le Portugal n1ait

abjuré le colonialisme en 1974. Laissant de côté l'habillage passionnel

donné par le Portugal à la présentation de sa thèse, la Cour aborde cette

affaire en sachant qu'il est admis par chacune des parties que le peuple

du Timor oriental possède le droit à llautodétermination
-
Par conséquent, la longue argumentation du Portugal dans ses

écritures et ses plaidoiries, pour montrer que le peuple du Timor

oriental possède le droit à llautodéterm;c-tion, concerne une question

qui n'est pas en litige. Le Portugal enfonce une porte ouverte,

sans vouloir admettre qu'elle est ouverte.

Pour essayer de maintenir «en jeu» la question de

luautodétermination, le Portugal s'efforce de transformer en déni la -4-

position australienne de soutienconstant de ce droit. Le Portugal dit

que l'Australie revient maintenant sur la position qu'elleavait adoptée

précédemment. Cela n'est vrai. Nousle répétons :l'Australie reconnaît

que le peuple du Timor oriental a le droit à l'autodétermination. 11 est

exact que l'Australie a également reconnu que l'Indonésie exerce de jure

O1 O
la souveraineté sur le territoire. Mais il n'y a rien d'incompatible

entre cette reconnaissance etle fait que l'Australie continuede

reconnaître le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination.

Dans la plupart des situations coloniales,on trouve à la fois la

reconnaissance de la puissance colonialeen tant que souverain de jure,

et la reconnaissance du droit à l'autodéterminationdu peuple du

territoire. immédiatement avant la proclamation unilatérale

d'indépendance de la République démocratiquedu Timor oriental, le

FRETILIN lui-même «a continué de reconnaître la souveraineté du Portugal

sur le territoire* (mémoiredu Portugal, vol. II, annexe 11.24, p. 159,

par. 112, et p. 160, par. 117). Ces deux typesde reconnaissancesont

parfaitement compatibles. D'ailleurs, ils coexistent habituellement.

Avant 1974, la constitution du Portugal proclamait quele Timor

oriental étaitune province du Portugal. Aujourd'hui,l'Indonésie

affirme qu'il est une province de l'Indonésie. Mais la désignation que

le droit interned'un Etat exerçant la souveraineté sur un territoire

donne à celui-ci ne change rien à son statut et à son droit à

l'autodétermination au regard du droit international. Le fait que

lfAustral~iereconnaisse actuellement la souverainetéde l'Indonésie

n'est pas plus incompatible avec le droit à l'autodéterminationdu Timor

oriental que ne l'était auparavantsa reconnaissancede la souveraineté

du Portugal sur le Timor oriental. L'Australiepeut reconnaître, et elle

le fait, à la fois que le Timor oriental est une provincede l'Indonésie -5-
- ~

et que le peuple du Timor oriental continue de posséder le même droit

à l'autodétermination qui était le sien quand il était placé sous

l'administration coloniale du Portugal. Ce droit subsiste, bien que

sa jouissance continue d'être différée.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, si, dans la présente

affaire, la question n'est pas de savoir si le peuple du Timor oriental

possède le droit à l'autodétermination, de quoi s'agit-il donc ?

L'Australie cherche la réponse dans les conclusions du Portugal. Ce sont

en effet les conclusions des Parties qui déterminent le cadre d'un

différend.

La seule conduite de l'Australie dont le Portugal se plaint dans

ses écritures est celle qu'énoncent ses conclusions 2 et 3 qui figurent

dans les deux dernières pages du mémoire de celui-ci (mémoire du

Portugal, p. 235-237; réplique du Portugal, p. 273-275). Le seul grief

du Portugal est que l'Australie a traité avec un Etat autre que le

Portugal au sujet du Timor oriental, et a exclu toute négociation avec

le Portugal. Dans ses plaidoiries, M. Correia a confirmé que les seuls

actes que le Portugal considérait illicites étaient la négociation, la

conclusion et l'exécution du traité avec un Etat autre que le Portugal,

à savoir l'Indonésie (CR 95/2, p. 34).

Ainsi, la présente affaire concerne les droits prétendus

du Portugal : le seul point à déterminer est de savoir si, en droit

international, l'Australie pouvait conclure et exécuter le traité de 1989

avec l'Indonésie. Le Portugal affirme que l'Australie aurait dû traiter

avec le Portugal et seulement avec le Portugal. L'Australie le conteste.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour,

En fait, le Portugal soutient que l'Indonésie, llEtat avec lequel

l'Australie a traité, exerce illégalement des droits souverains sur le - 6 -

territoire. Le Portugal dit que la présence de l'Indonésie dans le

territoire est illégale, et que le Portugal est la seule autorité

légitime. L'Indonésie le conteste. Et voilà, Monsieur le Président, le

différend entre le Portugal et l'Indonésie, qui constitue réellement

l'objet de cette affaire. La Cour devrait nécessairementstatuer au fond

sur ce différend entre le Portugal et l'Indonésie avant de pouvoir

aborder la question de la position de l'Australie.

Mais si l'Indonésie est habilitée à exercer des droits souverains sur

le territoire, l'Australie ne saurait avoir violé le droit international

pour avoir traité avec elle. Car, à moins que la Cour ne déclare

illégale la présence de l'Indonésie dans le territoire, et tant qu'elle

ne l'aura pas fait, il ne peut être question d'une infraction quelconque

au droit internationalpar l'Australie. Mais il est manifeste pour

le Portugal que la Cour ne peut paç.statuer sur le droit de l'Indonésie

à administrer le territoire en l'absence de celle-ci. Or l'Indonésie

n'est pas partie à la présente instance, et n'a pas consenti à ce que

la Cour statue sur cette question.

La conséquence est inévitable : la Cour ne saurait avoir compétence

pour statuer sur les demandes formulées par le Portugal, ou ces demandes

doivent être irrecevables, au motif qu'une décision de la Cour exigerait

qu'elle statue au préalable sur lesdroits et les responsabilités

d'un Etat tiers, qui n'est pas partie à l'instance. Le principe de

l'Or monétaire est directement applicable.

Tentant d'esquiver cette conséquencenécessaire, M. Dupuy, parlant

au nom du Portugal, a dit expressément que la Cour n'est pas appelée à

examiner ni à juger la légalité de la conduite de l'Indonésie au Timor

oriental (CR 95/5, p. 70). M. GalvZo Teles a déclaré sans équivoque que
.J3I
le Portugal ne fonde pas sa demande sur uneviolation qu'auraitcommise - 7 -

l'Australie du devoir de ne pas reconnaître une situation de fait créée

par la force (CR 95/5, p. 56).

Ce qu'affirme le Portugal, c'est que cette question du statut

du Portugal doit être pour la Cour une edonnéew, parce qu'en diverses

occasions, entre 1975 et 1982, l'Assemblée générale a désigné ou reconnu

le Portugal comme apuissance administrante, du Timor oriental- Ainsi,

dit le Portugal, la Cour peut décider, dans l'abstrait, que tous les

Etats sont tenus d'une obligation permanente de traiter exclusivement

avec lui pour ce qui concerne ce territoire. Selon le Portugal, le fait

pour l'Australie de traiter avec un autre Etat que lui-même peut être

qualifié de violation du droit international. Le Portugal présente sa

thèse comme si la conduite de cet autre Etat importait peu. Mieux, selon

le Portugal, il n'y a même pas lieu d'examiner avec quel autre Etat

l'Australie a traité. Seul est pertinent le fait que l'Australie a

traité avec un Etat, n'importe lequel, autre que le Portugal, puissance

administrante du territoire.

Mais, Monsieur le Président et Messieurs de la Cour, si la conduite

de l'Indonésie est dénuée de pertinence, pourquoi le Portugal a-t-il tant

à en dire ? Par exemple, le volume III de la réplique du Portugal

contient plus de quatre-vingt-dix pages de documents relatifs au massacre

de Santa Cruz, et à la réaction de la communauté internationale à

cet événement (répliquedu Portugal, vol. III, p. 245-338). Dans

ses plaidoiries devant la Cour, le Portugal a déclaré que des ascènes

indescriptibles de mar-:cre» ont suivi l'intervention indonésienne

au Timor oriental et que l'Indonésie a mené «une politique de génocide

contre le peuple du Timor oriental avec un mépris total et systématique

des droits de l'homme les plus élémentaires» (CR 95/2, p. 28-29). - 8 -

Monsieur le Président, l'Australie n'a cessé de critiquer la conduite

de l'Indonésie au Timor oriental. Mais pourquoi le Portugal évoque-t-il

ici ces faits navrants ? La conduite de l'Indonésieest bien pertinente

(ainsi que la teneur de l'argumentationdu Portugal lesuggère fortement)

et cela corroborela thèse de l'Australie selonlaquelle l'objet

véritable de la présente instance estle différend persistant entrele

Portugal et l'Indonésie. Mais, affirmons-nous,l'Australiene peut pas

et ne doit pas être traînée devantla Cour pour répondre de la conduite

de l'Indonésie. Or, en l'absence de l'Indonésie,la Cour ne peut pas

statuer sur celle-ci.

Si, par contre, la conduite de l'Indonésien'est pas pertinente (et

le Portugal dit qu'elle ne l'est pas), pourquoi s'y référer constamment

dans les écritures et les plaidoiries ? Ayant «fabriqué»un différend

avec l'Australie,le Portugal profite del'occasionpour lancer des

allégations contre 1 'Indonésie qui, déclare-t-ilensuite, sont sans

pertinence pour l'instance qu'il a introduite contrel'Australie. Ses

agents et ses coagents ont tenu un discours affectif, trèsémotif,

qui s'adressaitmanifestement à la presse dans lesgaleries. Il ne

concernait enrien les questions dont le Portugal lui-mêmedit que

la Cour est saisie.

L'Australie n'est donc rien de plus qu'un leurre commode. Il est

clair que cette instancen'a été introduite contrel'Australieque parce

que l'Australie est - et que l'Indonésien'est pas - partie à la clause

facultative-

On connaît le passé colonial détestabledu Portugal, que l'on a

plutôt éludé que nié dansla présente affaire. Sa politique coloniale

a été qualifiée par l'Assembléegénérale de crime contre l'humanité

(résolution 2184 (XXI)du 12 décembre 1966, par. 3; résolution 2270 -9-

(XXII) du 17 novembre 1967, par. 4). Le Portugal essaie maintenant de

se donner une nouvelle image, celle du champion international des peuples

non autonomes. Il admet sans détour espérer que la présente affaire

eentrera dans l'histoire de la jurisprudence internationales (CR 95/2,

p. 50). Ainsi, l'Australie, simplement parce qu'elle a accepté la

juridiction de la Cour en vertu de la clause facultative, doit servir

de véhicule au Portugal sur le long chemin qu'il a à faire pour redorer

son image ternie d'ancienne puissance coloniale

Pour jouer de manière convaincante ce rôle de champion, le Portugal

doit donner à l'Australie celui du «méchant». Dans l'introduction à ses

plaidoiries, le Portugal a gratuitement, par des insinuations et des

citations inexactes, tenté de salir la réputation de l'Australie. Les

déclarations liminaires des agents du Portugal ont été jusqu'à laisser

entendre que l'Australie connaissait, et avait approuvé d'avance, les

--
projets indonésiens d'occuper le Timor oriental, pour avoir accès aux

ressources pétrolières du Timor Gap (CR 95/2, p. 26-30).

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, cette allégation, ainsi

présentée, est indigne. Elle est totalement inexacte. Et de plus, elle

est absolument dénuée de pertinence pour l'argumentation du Portugal.

Celui-ci a précisé, à maintes reprises, que sa demande concerne

exclusivement les rapports de l'Australie avec l'Indonésie depuis 1978.
-
Ses insinuations sur la conduite de l'Australie en 1974-1975 sont à la

fois injustifiées et fausses, et sont aussi, comme le Portugal l'a

reconnu, sans aucun rapport avec sa cause. Elles ont été faites

délibérément dans l'intention de nuire, et dans le seul but de ternir

l'image de l'Australie.

Le conseil du Portugal a cité l'ouvrage d'un dirigeant timorais, qui

observe qu'il n'y a aucune raison pour que le peuple timorais paye pour - 10 -

les crimes du Portugal (CR 95/3, p. 51). Cela est vrai, bien sûr. Mais

en portant cette affairedevant la Cour, le Portugal tente de faire payer

l'Australie à la fois pour les crimes du Portugal lui-même et pour la

conduite de l'Indonésie.

Ce faisant, le Portugal essaie debalayer sous le tapis son propre

bilan colonial. A vrai dire, il s'installe sur un tapis tout neuf d'où

son histoire a été totalement balayée. Toutce qu'il a fait (ou n'a

pas fait) avant 1974, explique-t-il,n'est pas en cause ici (CR 95/2,

p. 14-15). Mais si. Les événements survenusau Timor orientai en 1975

ont résulté de la situation qui régnait alors dans le territoire.

De cela, le Portugal était responsable.

Loin d'avoir pris fin en 1974, ainsi que le Portugal le prétend

(CR95/2, p. 24), ce passé de négligencea atteint son point culminant

en 1975 lorsqu'il a décidé de se retirer du territoire. C'est le retrait

du Portugal qui a été la cause immédiatedu conflit. Lors du contre-coup

dlEtat du FRETILIN, la majorité des militaires locaux prirent parti.Le.

Portugal s'est alors retiré unilatéralement del'île principale de Timor.

Il ne disposait que deux pelotonsde troupes métropolitaines(CR 95/3,

p. 57). Et, en décembre, il a refusé d'en engager d'autres, malgré les

demandes du FRETILIN. Il s'est retiré dlAtauro à la première occasion.

Le Portugal n'a rien fait pour rétablir l'ordre. Il a abdiqué entièrement

ses responsabilités. Tout son «courage» et sa «détermination»lui sont

venus plus tard. Beaucouptrop tard.

Mons-ieur lePrésident, Messieurs de la Cour, la conclusion par

l'Australie du traité de 1989 avec l'Indonésien'avait rien à voir avec

un désir d'avoir accès aux ressourcesnaturelles du Timor oriental. Le

but de l'Australie était d'exploiter sespropres ressources naturelles.

Toute la zone sur laquelle porte le traité est une zone sur laquelle l'Australie avait revendiqué des droits souverains bien avant les

événements de décembre 1975. Et l'Australie continue de revendiquer

des droits souverains sur la totalité de cette zone. Les revendications

de l'Australie ont été, et demeurent, contestées par l'Indonésie. Une

solution pratique devait être apportée à ce conflit de revendications

avant que l'Australie puisse prospecter et exploiter ce qu'elle continue,

nous le répétons, de revendiquer comme ses propres ressources naturelles
$17
dans la zone. De même que tous les peuples, l'Australie possède un droit

intrinsèque à exploiter des ressources naturelles qui sont au large

de ses côtes. L'élément central dans cette affaire est le droit de

l'Australie, Etat côtier, d'exercer ses droits maritimes en négociant

le règlement d'un différend avec llEtat qui exerce son autorité sur

le territoire côtier opposé. En l'absence de toute résolution de

l'organisation des Nations Unies imposant le contraire, un Etat côtier

comme l'Australie n'est pas tenu de s'abstenir de faire valoir ses

propres revendications et de veiller à ses intérêts dans les zones

maritimes situées au large de ses côtes jusqu'à ce qu'ait été réglé

un différend relatif à l'autodétermination auquel est partie 1'Etat

côtier opposé.

Bien entendu, le traité de 1989 avec l'Indonésie n'est pas un traité

de délimitation maritime. Il n'affecte pas les droits souverains

revendiqués dans la zone de coopération par chaque Etat contractant

(paragraphe 3 de l'article 2 du traité). Le traité ne lie pas le

Por':;.:al. Il s'agit simplement d'un traité entre l'Indonésie et

l'Australie qui règle, sur une base provisoire, un différend entre

des Etats exerçant actuellement des droits souverains sur des territoires

adjacents. - 12 -

Négocier avec l'Indonésie supposait que l'Australie reconnaisse la

situation de fait que l'Indonésie exerçait des droits souverains sur le

Timor oriental. Maisc'est un fait. Je l'ai dit, cette reconnaissance

par l'Australien'est pas incompatibleavec le droit du peuple du Timor

oriental à disposer de lui-même.

Le Portugal assure qu'aucun autre Etat n'a été aussi loin

que l'Australie dans la reconnaissancede jure de la souveraineté

indonésienne sur le Timor oriental. Cela est inexact. Le contre-mémoire

de l'Australiementionne plusieurs autresEtats (à vrai dire beaucoup)

qui ont reconnu la souverainetéde l'Indonésiesur le Timor oriental

(contre-mémoirede l'Australie,p. 69-76). En particulier, des Etats

de la région (commela Malaisie, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, les

el1 8 Philippines et Singapour) ont été plus loin, même beaucoup plus loin,

que l'Australie,et ont reconnu également que le Timor orientals'était

prononcé sur son autodétermination,et que sa population avait choisi

l'intégration à l'Indonésie.

L'Australie ne doute pas que le Portugal se soucie sincèrement

du bien-être de la populationdu Timor oriental. Elle partage ce souci,

et a apporté activement son assistance au peuple duTimor oriental. Mais

cette question d'autodéterminationrelève essentiellement des organes

politiques de l'Organisationdes Nations Unies. Aucune résolution de

l'organisationdes Nations Unies n'enjoint, ni même ne demande, aux Etats

de ne pas traiter avec l'Indonésiede ce qui concerne ce territoire.

En réalité, de même ~r? d'autres Etats ont reconnu l'annexiondu Timor

oriental par l'Indonésie, ils ont également concluavec l'Indonésie

des traités qui s'appliquentau territoiredu Timor oriental.

L'Organisation des Nations Unies n'a jamais critiqué l'Australieni

aucun autre Etat pour avoir reconnula souverainetéde l'Indonésiesur - 13 -

le Timor oriental, ou pour avoir traité avec elle de ce qui concerne

ce territoire. En particulier, aucun organe de l'Organisation des

Nations Unies n'a jamais critiqué l'Australie à propos du traité de 1989

avec l'Indonésie. Et aucun organe de l'organisation des Nations Unies,

ni aucun Etat autre le Portugal nia jamais laissé entendre que le droit

international oblige tous les Etats à traiter exclusivement avec
-

le Portugal en ce qui concerne le Timor oriental.

En 1982, dans la dernière des résolutions qu'elle a adoptées sur

la question du Timor oriental, l'Assemblée générale a prié le Secrétaire

général d'entamer «des consultations avec toutes les parties directement

intéressées, en vue de rechercher les moyens permettant de parvenir à

un règlement global du problème» (résolution 37/30 du 23 novembre 1982,

par. 1). La résolution de l'année précédente avait désigné les «parties

intéressées» comme étant le Portugal, les représentants du peuple du

Timor oriental et liIndonésie (résolution 36/50 du 24 novembre 1981,

-.
par. 3). 1-1est clair que llOrganisation des Nations Unies ne reconnaît

pas le Portugal comme la seule autorité légitime au Timor oriental. Il

est seulement l'une des diverses parties directement intéressées

Comme suite à la de.ande formulée par l'Assemblée générale, des

consultations, auxquelles participent l'Indonésie et le Portugal, ont

été organisées et se poursuivent à l'heure actuelle sous les auspices du

Secrétaire général. Ce dernier a tenu une cinquième série de réunions

à Genève avec les ministres des affaires étrangères du Portugal et de

l'Indonésie le 9 janvier 1995. Une déclarqti.ona été rendue publique à

l'issue de ces réunions, et elle figure en tant que document 3 dans le

dossier remis ce matin à la Cour. On peut y lire que les deux ministres

sont «convenus d'examiner, lors de la prochaine série de consultations,

des questions de fond identifiées par le Secrétaire général en ce qui - 14 -

concerne les moyens permettant deparvenir à un règlement juste,global

et acceptable au plan interne du problème du Timor oriental3 (p. 2,

par. 6). On y lit aussi qu'ilest nécessaire queles deux Parties

continuent de faire preuve de retenue de manière à maintenir un climat

favorable permettantde nouveaux progrès sur la voie d'un règlement

global du problème du Timor oriental (p. 3, par. 8). Ainsi,

l'organisation des Nations Unieselle-même reconnaît que

l'autodéterminationdu Timor oriental est subordonnée à un règlement

préalable d'un différend entrele Portugal et l'Indonésie.

..
Le Portugal tentemaintenant de transférerunilatéralement

la question du Timor oriental devantune nouvelle instance, à savoir

la Cour. Il le fait alors même qu'il a lui-même reconnu qu'il était

«nécessaire ... de continuer à faire preuve de retenue de manière à-

maintenir un climat permettantde nouveaux progrès» dans le cadre des

c~nsultationsavec le Secrétaire général que je viens de mentionner.

Si le Portugal veut continuer de s'intéresser à la question, il doit

le faire devant les organes politiques compétentsde l'Organisation

des Nations Unies et dans le cadre des négociations organisées par le

Secrétaire général. L'Australie espère que la situation au Timor

oriental seraréglée de manièresatisfaisantepar un acte

d'autodéterminationdu peuple du Timor oriental. Mais la Cour ne peut

produire un tel résultat, ni régler la question du Timor oriental dans

le cadre de la présente procédure.

11 n1y.a tout simplement aucundifférend juridiquebilateral entre

le Portugal et l'Australiequi soit susceptibled'être tranché par la

Cour. Aucune décision de la Cour sur le fond de la présente affaire

n'apportera de solution concrète au problème du Timor oriental. En

revanche, la prudence s'impose, car une décisionde la Cour pourrait - 15 -

certainement, en effet, nuire aux relations entre l'Australie et

l'Indonésie, compromettre l'aide que l'Australie peut offrir au peuple du

Timor oriental, nuire aux efforts que continue de déployer le Secrétaire

général et porter atteinte . -.à l'exploitation par l'Australie de ses

- propres ressources naturelles.

Dans la présente affaire, l'Australie n'a pas soulevé d'exceptions

préliminaires sur lesquelles elle demandait à la Cour de se prononcer

par une décision distincte et préalable. Les mêmes faits et documents

sont pertinents tant en ce qui concerne l'argumentation relative à la

juridiction et à la recevabilité que les arguments sur le fond. Nombre

de ces arguments sont liés entre eux. Il est possible de répondre

à chacune des diverses propositions du Portugal au niveau de la

recevabilité et sur le fond, comme la duplique de l'Australie en fait

la démonstration (duplique de l'Australie, par. 9-31).

-
Si la Cour juge qu'elle n'a pas compétence, ou que la demande

portugaise est irrecevable, elle ne peut bien entendu statuer sur le fond

même si les Parties ont présenté leurs arguments à cet égard.

Conformément à la nature et aux limites de la fonction judiciaire

internationale, la Cour ne peut statuer sur les questions de fond que si

elle juge d'abord que la requête du Portugal est recevable et qu'elle est

compétente pour en connaître.

-
Mais si, rejetant les arguments de l'Australie, la Cour décide

de statuer au fond, l'Australie estime que la position du Portugal

est intenable. La question est alors de savoir si, par l'effet du

chapitre XI de la Charte, tous les Etats doivent traiter uniquement avec

le Portugal en ce qui concerne le territoire du Timor oriental. Le

Portugal affirme en fait que le chapitre XI a pour effet de cristalliser

les droits et pouvoirs existants de llEtat colonial en ce qui concerne le - 16 -

territoire, quelle que soit l'évolution politique ultérieure. Mais le

chapitre XI concerne les droits des peuples non autonomes, et non ceux

des Etats qui administrent ces peuples. Il a pour objet d'amener la

disparition rapide de tous les régimes coloniaux. Il ne vise pas à

protéger les droits d'un ancien Etat colonial sur un territoire, et

encore moins à assurer la survie de ces droits longtemps après que llEtat

en question a cessé d'exercer toute autorité sur le territoire.

Comme on l'a dit, la question abstraite que pose le Portugal est

celle de savoir si tous les Etats sont tenus de traiter uniquement avec

le Portugal, de telle manière que traiter avec un autre Etat, quel qu'il

soit, constituerait une violation du droit international. Il n'est pas

demandé à la Cour d'examiner avec quel autre Etat l'Australie a traité,

et encore moins si la conduite de cet autre Etat, qui n'est pas nommé,

est illicite.

Le Portugal argue qu'une obligation de traiter uniquement avec lui

découle de son statut juridique objectif de «puissance administrante* du

territoire. Pour l'Australie, un tel statut juridique objectif, ayant-

les effets juridiques que lui attribue le Portugal, n'existe pas en droit

international. Et en l'absence d'un statut particulier qui aurait les

effets que lui attribue le Portugal, ce dernier n'a tout simplement aucun

grief sur lequel la Cour pourrait statuer à l'encontre de l'Australie.

Nous estimons que l'Australie ne peut être, et n'est pas, tenue de

traiter exclusivement avec le Portugal, un Etat qui est totalement absent

n22 Fi territoire depuis près de vingt ans. Et, en outre, il n'est pas
<-.
demandé à la Cour de décider, et elle ne peut le faire, avec quel Etat

l'Australie est autorisée à traiter.

Monsieur le Président, l'Australie a développé ses arguments dans ses

pièces de procédure. Le conseil de l'Australie va maintenant examiner les questions abordées par le Portugal dans ses plaidoiries. Nous allons

procéder comme suit :

Tour d'abord, M. Tate va se pencher sur la politique de l'Australie

à l'égard du Timor oriental et sur l'élaboration du traité.

J'aborderai ensuite certaines questions clés de l'affaire et

exposerai leur importance juridique.

M. Crawford et M. Pellet développeront ensuite l'argumentde

l'Australie selon lequel la Cour ne peut connaître de la présente

affaire, ni statuer en l'espèce, en l'absence d'une tierce partie dont

la présence est nécessaire, à savoir l'Indonésie.

M. Burmester expliquera ensuite pourquoi le Portugal n'a pas qualité

pour introduire la présente instance contre l'Australie.

M. Crawford et M. Burmester aborderont ensuite la question de

l'autodétermination et ils montreront que rien dans le traité ne nie
-
ce droit, que dans les circonstances actuelles la réalisation de

l'autodétermination est une question qui relève des organes politiques

de l'Organisation des Nations Unies, et qu'en l'absence de directive

contraire de l'organisation des Nations Unies, l'Australie a le droit

de traiter avec 1'Etat qui contrôle effectivement le territoire.

M. Bowett présentera ensuite les arguments de l'Australie sur

l'effet juridique des résolutions de l'organisation des Nations Unies

sur la question du Timor oriental. Il montrera qu'aucune résolution de

l'Organisation des Nations Unies n'impose à l'Australie l'obligation

contraignante de ne pao traiter avec l'Indonésie en ce qui concerne

le Timor oriental.

*i" 3 M. Staker expliquera ensuite qu'en droit international il n'existe
.*Lr

pas de statut juridique particulier de «puissance administrante» qui - 18 -

aurait pour effet d'obliger l'Australiede traiter uniquement avec

le Portugal en ce qui concerne le Timor oriental.

MM. Pellet et Bowett expliquerontensuite pourquoi l'Australiea

le droit de négocier pour protégerses propres ressourcesmaritimes et

montreront que, ce faisant, elle n'a porté atteinte à aucun droit

appartenant à d'autres «parties intéressées,.

Enfin, jtexpliqueraipourquoi, selonl'Australie,la Cour ne devrait

pas, pour des raisonsd'opportunitéjudiciaire, statuersur le fond,

et je ferai aussi des observations connexes sur la question des mesures

correctives.

Monsieur le Président, dans leurs plaidoiries, lesmembres de la

délégation australiennene donneront pas de références précises. Avec

votre permission,nous fournirons ces références auGreffe pour qu'il les

insère dans le compte rendu,et nous le remercionspar avance pour cela.

Monsieur le Président, je vous demandede donner la parole à M. Tate

si la Cour le veut bien.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup Monsieur Griffith.Je donne la parole

à M. l'AmbassadeurTate.

M. TATE : Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

C'est pour moi un grand honneurde comparaître devantla Cour.

J1entends traiter de certains aspects importants de la politique de

l'Australie à l'égard du Timor oriental.

Je commencerai parla question de l'~utodétermination.

Au début de son argumentation,le Portugal a tenté de troubler

pernicieusement l'esprit de la Cour afin de dévaloriserun fait

incontestable - à savoir l'appui que le Gouvernementaustralien a

apporté, au cours de la période 1974-1975, au droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même. Le Portugal a entrepris de qualifier
024
les déclarations de soutien de l'Australie de comédie pour le grand

public, sans rapport aucun avec la politique véritable du gouvernement

(CR 95/2, p. 26).

Ainsi, au moyen d'une citation fallacieusement tronquée d'un passage

de A Frightened Country, de M. Alan Renouf, le Portugal a tenté de donner
-

à la Cour la nette impression que lors d'entretiens privés avec le

président Suharto à Djakarta, le 6 septembre 1974, le premier ministre

australien de l'époque, M. Gough Whitlam, avait renoncé à appuyer le

principe d'autodétermination, en évoquant l'avenir du Timor oriental.

Rien ne saurait être plus éloigné de la vérité, comme le montre,

passage après passage, le texte qui suit le paragraphe d'où le Portugal a

tiré si sélectivement sa citation trompeuse (CR 95/2, p. 26). Messieurs

les Membres de la Cour trouveront le texte intégral aux pages 439 à 449

du dossier qui leur a été remis. M. Renouf écrit que M. Whitlam a

insisté pour que «les Timorais décident en définitive de leur propre

avenir». M. Renouf lui-même rapporte qu'à l'issue des conversations

entre M. Whitlam et le président Suharto il a été décidé que la politique

à suivre serait «que la -préoccupation essentielle de l'Australie [serait]

l'autodétermination» (Renouf, op. cit., p. 443-444).

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il n'y a eu aucune

approbation secrète de l'intégration à l'Indonésie sans l'assentiment

véritable du peuple du Timor oriental. Il n'y a eu aucune entente

secrète en vertu de laquelle l'Australie avaliserait jamais l'e~ploi de

la force pour réaliser cette intégration. En fait, M. Renouf le fait

très clairement comprendre dans les pages d'où le Portugal a si

tendancieusement tiré sa citation. Il rapporte plutôt, dans ces pages

qu'au cours de ses entretiens, aux échelons ministériel et départemental,avec l'rndonésie, l'Australie n'a cessé de mettre celle-ci en garde

contre l'emploi de la force.

M. Renouf relate que lors du deuxième tour de conversations entre

M. Whitlam et le président Suharto, à Townsville, du 3 au 5 avril 1975 :

awhitlam a obtenu l'assurance que l'Indonésie n'aurait pas

recours à la force au Timor oriental. Il a insisté sur le fait
qu'il ne saurait y avoir rien de moins qu'un acte
d'autodétermination acceptable au plan international, encore
qu'il persistait à croire que le meilleur résultat que pouvait

avoir le plébiscite serait l'intégration à l'Indonésie. Le
communiqué déclarait que les Timorais avaient le droit de
déterminer leur propre avenir. >> (Renouf, op. cit., p. 445. )

On ne relève pas le moindre signe d'un comportement peu honorable ou

hypocrite de la part du premier ministre australien. Rien ne justifie la

scandaleuse allégation du Portugal quant à «l'approbation à peine

déguisée d'une invasion armée indonésienne» (CR 95/2, p. 30).

Certes, la question de la participation australienne à une force

d-intervention au Timor oriental a été soulevée. L'Australie a bien été

invitée par une partie intéressée à participer à une force multinationale

pour réprimer la guerre civile, qui était en train d'éclater au Timor

oriental. Cette partie intéressée était le Portugal (réplique du

Portugal, p. 62, par. 3.71). Selon M. Renouf, le Gouvernement australien

a rejeté la proposition du Portugal parce qu'elle aurait fait apparaître

l'Australie comme un pays colonialiste, ce qu'elle n'était pas (Renouf,

op. cit., p. 445-446).

Le gouvernement de M. Whitlam avait été élu sur un programme de

retrait des troupes australiennes d'une guerre civile qui se déroulait en
.-
Asie du sud-est. Un seul Viet Nam suffisait pour ma génération.

L'Australie a eu raison de refuser au Portugal d'envoyer ses jeunes

soldats dans le tragique conflit fratricide qui avait éclaté au Timor

oriental. Chose incroyable, lundi dernier, quelque vingt ans plus tard, - 21 -

le Portugal se plaint encore devant la Cour de ce refus de l'Australie

(CR 95/2, p. 22).

Ainsi, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, l'Australie n'a

ni avalisé l'emploi de la fo.-e par l'Indonésie, avant ou après le fait,

ni répondu favorablement à l'invitation du Portugal de participer à une

force d'intervention au Timor oriental.

Aussi pouvez-vous vous imaginer combien nous avons trouvé insultantes
026

les accusations dlaapprobation à peine déguisée d'une invasion armée

indonésienne* (CR 95/2, p. 25) et de complicité dans une politique

qualifiée de «politique de génocide2 au Timor oriental (CR 95/2, p. 23),

lancées contre l'Australie - accusations dont jlai démontré qu'elles

étaient totalement dépourvues de fondement. La deuxième accusation est

particulièrement surprenante venant d'un Etat qui n'est pas encore, à ce

jour, partie à la convention sur le génocide. Si les allégations du
--
Portugal étaient fondées, pourquoi n'a-t-il pas formé de recours à

l'époque ? Pourquoi n'a-t-il pas introduit d'instance il y a

dix-neuf ans ? Ses allégations n'ont rien à voir avec la conclusion d'un

traité en 1989. Elles ne se rattachent à rien. Le Portugal a décidé de

les lancer, après avoir formulé une requête à laquelle elles ne se

rapportent pas

Le Portugal se présente devant la Cour en déclarant qu'il ne faut pas

voir là un acte d'hostilité. Il n'en a pas moins ouvert d'emblée sur des

hostilités fielleuses contre l'Australie et son éminent ancien premier

min;stre, en se trompant de cibles. Le Portugal entendait ainsi prévenir

la Cour contre l'Australie lorsque celle-ci déclarerait qu'elle soutient

toujours le droit du peuple du Timor oriental à disposer de lui-même.

Vous saurez maintenant, lorsque vous l'entendrez, que la déclaration

australienne est digne de respect. Aussi la Cour peut-elle entièrement se fier au document de travail du.

Secrétariat de l'ONU sur le Timor daté du 22 mai 1975 (A/AC.109/~.1015,

in mémoire du Portugal, vol. II, annexe 11.11, p. 611, où il est dit :

aLe Gouvernement australien a déclaré à plusieurs reprises

que le droit du peuple de Timor à l'autodétermination devait
être le facteur décisif lors de l'examen de l'avenir du
territoires.

Il est noté en outre, dans ce document, que le 23 octobre 1974, le

premier ministre australien de l'époque, M. Gough Whitlam, avait déclaré

au Parlement que l'Australie ne recherchait aucune position particulière
027
dans ce territoire et que les voeux des habitants de Timor seraient

décisifs pour déterminer l'indépendance du territoire ou son intégration

à l'Indonésie.

Cette position de l'Australie a été confirmée à la suite des

événements de décembre 1975. Prenant la parole devant le Conseilde

sécurité, le 14 avril 1976, le représentant de l'Australie a déclaré :

<La position australienne sur le conflit de Timor a été

énoncée très clairement. Elle est tout à fait conforme aux
résolutions adoptées au mois de décembre par l'Assemblée
générale ... et le Conseil de sécurité ... Nous appuyons
l'essentiel de ces deux résolutions, et plus particulièrement
l'appel qui y est lancé pour que les forces étrangères soient
retirées et que s'établisse un processus par lequel le peuple du

Timor oriental puisse décider de son propre avenir.
Telle est toujours la politique du gouvernement australien, à
savoir que le peuple du territoire doit exercer librementet
effectivement son droit à l'autodétermination ...» (Mémoire du
Portugal, vol. II, annexe 11.25, p. 234, par. 36 et 38.)

A cette occasion, le représentant de l'Australie a en outre souligné .

l'importance d'une reprise de l'aide humanitaire internationaleen faveur

du territoire (ibid., L. 235, par. 41) .

On trouvera dans le contre-mémoire de luAustralie (par. 57 à 71) et

dans sa duplique (par. 41) d'autres précisions concernant les

déclarations faites par des ministres ou des représentants australiens

aussi bien avant qu'après les événements de décembre 1975. On constatera que dans ces déclarations, l'Australie a déploré les agissements de

l'Indonésie et confirmé son opposition à la manière dont l'Indonésie

avait annexé le Timor oriental.

Monsieur le Président, s'il est un point sur lequel le Portugal a

dûment appelé l'attention, lundi dernier, c'est la réunion de la

soi-disant assemblée populaire à Dili, en mai 1976 (CR 95/2, p. 71). Le

Portugal a souligné avec raison que l'ONU avait décliné l'invitation que

lui avait adressée l'Indonésie à participer à cette réunion. J'insiste

sur le fait que l'Australie a agi en accord total avec l'ONU à cet égard.

Mieux, c'est précisément parce que l'ONU n'avait pas participé ni envoyé

- -
d'observateurs à aucun acte dit d'autodétermination que le ministre des

affaires étrangères australien a déclaré au Parlement : *Mais sans cette participation des Nations Unies, ce
gouvernement n'a pas pensé pouvoir cautionner, par sa présence,
ce qui a constitué un nouvel épisode de cette affaire tragique.,

(Contre-mémoirede l'Australie, annexe 19, p. 255.)

L'Australie témoignait ainsi très tôt de ce qu'elle jugeait et

appuyait le rôle de l'ONU comme absolument crucial

L'Australie reconnaît que la mise en oeuvre du droit à

l'autodétermination du peuple du Timor oriental est une question qui

relève essentiellement des organes compétents de l'Organisation des

Nations Unies. Pendant toute la période durant laquelle la question du

Timor oriental a figuré à l'ordre du jour de l'organisation, l'Australie

a appuyé le Secrétaire général dans ses efforts pour trouver une solution

à la situation. L'Australie n'a cessé d'inciter le Portugal et

l'Indonésie à se consulter, soit directement soit sous les auspices du

Secrétaire général, en vue de régler cette situation. Elle a été et
-~

demeure prête à accepter et à appliquer toute décision contraignante des

organes compétents de l'ONU en la matière, ou toute solution qui serait

acceptable au plan international, et à laquelle parviendraient <<les

parties directement intéressées» - dont l'Australie n'est pas.

Mais revenons-en aux conséquences de la réunion de la soi-disant

assemblée populaire. Lorsque l'Indonésie a annoncé l'intégration du

Timor oriental à son territoire, en juillet 1976, le ministre des

affaires étrangères australien a déclaré que «le processus de

décolonisation au Timor oriental devait être fondé sur un acte valide

d'autodétermination» et que «la situation est actuellement que

l'Indonésie a pris des mesures, sans la participation de 1 Or~anisation

des Nations Unies, pour annexer le Timor oriental et en faire sa

vingt-septième province». Il a ajouté que par conséquent <dans ces

circonstances, l'Australie ne peut pas considérer que les conditions
3 39 - 25 -

générales d'un processus satisfaisant de décolonisation ont été remplies,

(contre-mémoirede l'Australie, annexe 20, p. 257).

Cette position figure de nouveau, plus tard la même année, dans le

document de travail du Secrétariat de l'ONU sur le Timor, qui note que

allAustralie s'est en outre déclarée favorable à un acte authentique

d'autodétermination et à la reprise au plus tôt de l'assi-tance

humanitaire internationale accordéeau territoires (Comité des

- Vingt-Quatre, document de travail établi par le secrétariat sur Timor,

additif daté du 2 septembre 1976, A/AC.109/L.l098/Add. 1, mémoire du

Portugal, vol. II, annexe 11.12, p. 86, par. 40).

L'aspect <aide humanitaire» constitue un autre thème de la politique

australienne à l'égard du Timor oriental. Si l'Australie n'a pas avalisé

le vote de l'assemblée populaire comme constituant un exercice

satisfaisant du droit à l'autodétermination, el1e.a tenté de traiter avec

l'Indonésie, s'agissant du Timor oriental, en vue de promouvoir les

intérêts de la population de ce terr'itoire. Elle a agi ainsi par souci

pratique de soulager les souffrances humaines du peuple du Timor

oriental.

L'ampleur de l'aide - humanitaire et autre dispensé par l'Australie au

Timor oriental depuis 1975 est sans intérêt aucun pour les questions

juridiques que le Portugal demande à la Cour de trancher. Toutefois,

sans vouloir trop abuser de la patience de la Cour, je suis contraint,

par le portrait que le Portugal a brossé de l'Australie, présentée comme

un pilleur avide, de faire quelques observations à ce sujet.

Par exemple, l'Australie a conclu avec l'Indonésie un accord en vue

de permettre à plusieurs centaines de Timorais de rejoindre leurs

familles en Australie (mémoiredu Portugal, annexe 111.37, vol. V,

p. 244). Il faut se rappeler que quelque 2500 Timorais ont été évacués - 26 -

vers l'Australie après l'intervention militaire indonésienne en 1975.

Une communauté timoraise assez importante a ainsi commencé à se

constituer en Australie. Et en octobre 1976, l'Australie a annoncé
030
qu'elle affecterait, par l'intermédiaire de la Croix-Rouge indonésienne,

250 000 dollars australiens à des secours humanitaires. Cela s'ajoutait

à une contribution antérieure.

L'Australie a appuyé de façon suivie l'action de missions de secours

de la Croix-Rouge. Depuis 1983, elle a versé 2 660 000 dollars

australiens au Comité international de la Croix-Rouge (CICR) pour ses

activités au Timor oriental. Le Gouvernement australien a contribué à la

réalisation d'un projet du Fonds des Nations Unies pour l'enfance

(UNICEF) au Timor oriental, depuis sa création en 1982 jusqu'en 1989. Sa

contribution totale à ce projet s'est élevée à 3 900 000 dollars

australiens (pour des précisions concernant 1990, voir mémoire du

Portugal, vol. V, annexe IV.12, p. 334).

L'Australie a également consacré d'importantes contributions à l'aide

directe au développement, destinée au peuple du Timor oriental. L'aide

australienne au développement en Indonésie est fortement axée sur le

Timor oriental. En liaison avec le conseil indonésien de planification

du développement national, le bureau australien pour l'assistance

internationale au développement a élaboré un programme qui mettra à la

disposition du Timor oriental, au cours des cinq prochaines années, un

montant de 30 millions de dollars australiens au titre de l'aide au

développement. Les projets envisagés dans le cadre de ce programme

visent à profiter directement aux populations du Timor oriental. Les

deux plus importants sont un projet de 12 millions de dollars

australiens, en vue d'améliorer les réseaux de distribution d'eau et

d'évacuation des eaux usées, destiné aux populations pauvres et socialement défavorisées au Timor oriental, et un projet de développement

agricole et rural de 10 500 000 dollars australiens. Aucun de ces

projets ne pourrait être réalisé sans la coopération de l'Indonésie.

Une bonne part de cette assistance était indispensablepour améliorer
.-

la situation scandaleuse dans laquelle le Portugal avait laissé le

malheureux peuple du Timor oriental. Je constate que dans son

argumentation, le Portugal a mis l'accent sur sa participation à diverses

initiatives diplomatiques sans toutefois préciser s'il a dispensé une

*... assistance directe et pratique quelconque à la population du Timor
"37
oriental depuis qu'il l'a abandonnée à son sort en 1975. Peut-être la

semaine prochaine l'agent du Portugal pourra-t-il préciser à la Cour

quelle assistance financière son pays a éventuellement fournie,

depuis 1975, au peuple du Timor oriental, au titre de projets

humanitaires et d'aide au développement.
-

Cette description de l'aide humanitaire et au développement fournie

au cours de deux décennies offre a la Cour un contexte qui lui permettra

maintenant d'apprécier la bona fides de la déclaration faite par le

ministre australien des affaires étrangères le 20 janvier 1978. Il y

observait que pour réaliser «de futurs progrès en vue de la réunion des

familles et de la reconstruction du Timor [oriental] ... l'Australie aura

besoin de traiter directement avec le Gouvernement indonésien en tant
-
qu'autorité de fait. Et de poursuivre :

*C'est là une réalité avec laquelle nous devons composer.
Par conséquent, le gouvernement a décidé que, tout en demeurant
critique à propos des ,moyenspar lesquels l'intégration a été
réalisée, il sera..tirréaliste de continuer à refuser de

reconnaître de facto que le Timor oriental fait partie de
l'Indonésie.» (Contre-mémoirede l'Australie, annexe 21,
p. 259.)

En décembre de la même année, le ministre australien des affaires

étrangères a annoncé que l'ouverture des négociations entre l'Australie et l'Indonésierelatives à un traité sur le <Timor Gap* entraînerait la

reconnaissancede jure de l'incorporationdu Timor oriental à

l'Indonésie. Il a répété une fois de plus quele fait, pour l'Australie,

d'engager ces négociationsane change rien à l'oppositionque le

gouvernement n'a cessé d'exprimer quant aux conditions danslesquelles le

territoire a été incorporé à l'Indonésie*mais que l'Australie devait

aaffronter les réalités, (mémoiredu Portugal, vol. V, annexe 111.37,

Cette reconnaissance desréalités n'a entraîné aucune modification de

la position de l'Australie sur l'autodétermination. Prenant laparole

devant l'Assemblée généralele 4 octobre 1983, soit quatre années

entières plus tard, le ministre australien des affaires étrangèresa

répété ce qu'il avait dit à Djakarta, plus tôt la même année, à savoir :

«Jtai fait remarquer, au nom du Gouvernement australien,
032 que l'Indonésieavait incorporéle Timor oriental et, en même
temps, j'ai dit que nous étions préoccupés de voirqu'un acte
d'autodéterminationinternationalement contrôlé et accepté

n'avait pas eu lieu.,

Le ministre a exprimé l'espoirque l'Indonésieet le Portugal

seraient à même de aparvenir à un règlement durablede cette question,

règlement qui tiendra[itl compte des meilleurs intérêts de la population

du Timor oriental» (mémoiredu Portugal, vol. V, annexe 111.44, p. 269,

par. 194).

Le Portugal a fondé son argumentation surce qu'il affirme être

nécessairement le sensde cette déclaration (CR 95/2, p. 68-70). Mais

des déductions théoriquesne tiennent guèreface à la déclaration

catégoriquedu ministre australien des affaires étrangères qu i'affirme

apréoccupé [...] de voir qu'un acte d'autodétermination

internationalement contrôlé et accepté n'avait pas eu lieu*. Ce n'est

pas là une simple constatationde fait. C'est l'expressionde sa - 29 -
. ~

préoccupation de voir que ce qui aurait diîêtre fait ne l'a pas été.

L'Australie persiste, et dans sa reconnaissance et dans la manifestation

de cette préoccupation; la déduction que l'on est fondé à en tirer est

que le peuple du Timor oriental continue toujours d'avoir le droit de

disposer de lui-même. D'où les déclarations claires de l'Australie en ce

sens.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, l'Australie a assumé à

bon droit un rôle critique en ce qui concerne les violations des droits

de l'homme au Timor oriental. En fait, le Portugal se rappellera

qu'après la signature du traité relatif au «Timor Gapw, en décembre 1989,

l'Australie a déclaré, le 18 janvier 1990, dans une note adressée au

Portugal que

«l'Australie réaffirme qu'elle n'entend nullement, en

reconnaissant llincorporation à l'Indonésie du Timor oriental,
avaliser l'emploi de la force par l'Indonésie. Le soutien actif
de l'Australie aux droits du peuple du Timor oriental est bien
établi» (mémoire du Portugal, vol. V, annexe 111.26, p. 139).

A plusieurs reprises l'Australie a fait part à l'Indonésie de sa vive

préoccupation lorsque ces droits ont été violés. On trouvera, par

exemple, au paragraphe 43 de la duplique de l'Australie, des précisions

sur sa réaction aux massacres de Dili en 1991. L'Australie a --

énergiquement condamné ces massacres et demandé au Gouvernement

indonésien de veiller à ce que des mesures appropriées soient prises pour

châtier les responsables.

A propos de ces massacres, le premier ministre australien a déclaré

devant le Parlement, le 27 novembre 1991, que 1'Australie «inlri+ [ait]

instamment le Gouvernement indonésien à réagir de façon positive à cette

tragédiew, et d'ajouter :

«A notre avis, il faut que le Gouvernement indonésien
s'efforce de trouver une solution à ce conflit chronique et

qu'il comprenne que la solution militaire n'est est pas une... [Lle Gouvernement indonésien doit redoubler d'efforts, non pas
en vue d'organiser quelque rencontre de pure forme, mais pour

s'asseoir et discuter avec les représentants du peuple du Timor
oriental, y compris ceux de la résistance.,

Le texte intégral de la déclaration figure à l'annexe 1 de la duplique de

l'Australie. D'autres réactions de l'Australie aux événements au Timor

oriental sont exposées aux annexes 2 et 3 de ladite duplique.

En qualité dlEtat de la région géographiquement voisin du Timor

oriental, l'Australie est intéressée à encourager la réconciliationentre

l'Indonésie et le peuple du Timor oriental. Notamment, elle a cherché à

encourager le Gouvernement indonésien à prendre des mesures qui

faciliteraient ce processus de réconciliation. Le Gouvernement

australien a identifié un besoin urgent pour que le Gouvernement

indonésien réduise la visibilité et la taille de ses forces armées au

Timor oriental, de manière à permettre un niveau d'autonomiepolitique
--

plus élevé au Timor oriental, et aussi pour que ce gouvernement prenne un

éventail d'autres mesures destinées à respecter d'une manière plus

appropriée les sensibilités religieuses et culturelles différentes du

peuple du Timor oriental.

Monsieur le Président, Membres de la Cour.

Je terminerai par quelques commentaires rapidessur la conclusion du

traité sur le *Timor Gap».

L'Australie a passé le traité de 1989 avec l'Indonésie dans le but de

se donner les moyens d'exercer ce qu'elle considère être sespropres

droits souverains sur l'aire. La totalité de l'aire sur laquelle porte

le traité relatif au «Timor Gap» fait l'objet de revendications

australiennes de droits souverains en droit international depuis bien

avant les événements de 1975. - 31 -

Avant les événements de 1975, cette opposition a été exprimée

clairement au Portugal sous la forme de deux notes diplomatiques du

Gouvernement australien datant de 1971 et de 1974 respectivement (mémoire

du Portugal, annexe IV.6, vol. V, p. 287 et 288; annexe IV.ll, vol. V,

p. 327 à 331). Lorsque, en 1974, l'Australie a cherché à négocier avec

le Portugal, celui-ci a répondu qu'il préférait attendre les résultats de
-

la conférence sur le droit de la mer qui devait avoir lieu plus tard

cette année-là (mémoire du Portugal, annexe IV.10, vol. V, p. 326).

L'Australie a maintenu sa position au cours des négociations avec

l'Indonésie à partir de 1979 et elle continue à la soutenir aujourd'hui

(mémoire du Portugal, annexe IV.12, vol. V, p. 333). L'Australie a été

empêchée de jouir de ses droits parce que ceux-ci étaient contestés par

l'Indonésie. Etant donné que l'Indonésie jouait effectivement le rôle de

llEtat côtier faisant face, l'Australie a été obligée de conclure une

entente avec celle-ci de manière à être en mesure d'exercer ses propres

droits. -

L'Australie ne nie d'aucune manière le fait qu'avant 1975, le

Portugal contestait ses revendications et que, par la suite, l'Indonésie

a fait, et continue à fa-ire de même. C'est justement là toute la

question. L'Australie a été obligée de négocier avec 1'Etat qui agissait

effectivement comme Etat côtier.

A la fin de 1978, l'Australie devait négocier avec l'Indonésie pour

pouvoir mettre en oeuvre un accord applicable. Le Portugal n'était pas

en rnec72rdee donner effet à un accord de ce genre. Mais plus important

+Tl-
,i 3 3 encore, le Portugal ne pouvait résoudre le différend de l'Australie avec

l'Indonésie. Même si l'Australie avait conclu en 1989 un accord futile

avec le Portugal, l'Indonésie aurait maintenu ses prétentions

concurrentes dans cette zone. Etant donné que l'Indonésie se comportait - 32 -

effectivement comme llEtat côtier lui faisant face, ce différend ne

pouvait être ignoré.

En résumé, il existait dans les faits un différend entre l'Australie

et l'Indonésie, et ce différend réelne pouvait être résolu quepar des

négociations entre l'Australie et l'Indonésie. Le préambule du traité

déclare à juste titre que les partiessont résolues à maintenir,

renouveler et renforcer <leurs politiques de promotion d'une coopération

constructive de bon voisinage* (requêteintroductive d'instance, annexes,

p. 24). Quand l'Australie a un différend avec llEtat qui se comporte

effectivement comme 1'Etat côtier lui faisant face, il est certain qu'une

telle coopération, expriméeici sous la forme d'un traité, est hautement

souhaitable.

Ainsi que l'a dit notre agent,ce traité n'est pas un accord-de

délimitation maritime qui établit des frontières maritimes permanentes.

par conséquent, et comme il l'a dit, il ne lie pas le Portugal et,

Monsieur le Président et Messieurs de la Cour, il n'engagerait pas un

futur Timor oriental, s'il devait le devenir par l'exercice authentique

de son droit imprescriptible à l'autodétermination.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je vous demande

maintenant de bien vouloir appeler à la barre M. Griffith qui traitera

des aspects les plus marquants qui caractérisent laprésente instance.

Le PRESIDENT : Merci beaucoup Monsieur llAmbassadeur. Je donne la

parole à M. Griffith.

.- M. GRIFFITH :

Elérnentsclefs du différend et leur signification juridique

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.

Je vais maintenant aborder la signification juridique de certains
-. .
-
éléments clefs concernant la conduite du Portugal et la façon dont

l'organisation des Nations Unies ont traité celui-ci, tant avant qu'après

décembre 1975.

Il est indubitable qu'après son admission à l'organisation des

Nations Unies en 1955, et au-mépris des conclusions sans équivoque de

cette organisation, le Portugal a constamment nié que les territoires

qu'il administrait étaient des territoires non autonomes relevant du

chapitre XI. Il a nié que ces territoires ou que leur peuple avaient un

droit à disposer d'eux-mêmes. Le Portugal a constamment été condamné par

l'organisation des Nations Unies, et ce dans des résolutions de plus en
--

plus sévères. Le Portugal avoue que par une révision de la constitution

en 1951, qui a eu pour effet de déclarer que ces territoires étaient des

«provinces d'outre-mer*, «on prétendait imposer par la voie

constitutionnelle le déni, aux peuples colonisés, de leur droit à

disposer d'eux-mêmes* (mémoire, par. 1.07).

Le Portugal s'efforce maintenant de présenter la «Révolution des

oeillets* et le changement de politique coloniale du Portugal qui

s'ensuivit comme une rupture nette avec le passé. Il cherche à donner

l'impression qu'en dépit de tout ce qui a pu se produire avant 1974, il

est devenu par la suite une puissance administrante modèle, ne ménage???

aucun effort pour permettre l'autodéterminationdu Timor oriental jusqutà

ce que son administration du territoire soit interrompue par la force par

l'Indonésie en décembre 1975. Mais bien sûr, le principe fondamental de

la continuité de ltEtat s'inscrit en faux contre la réponse facile que le - 34 -

unouveau Portugal* n'avait rien à voir avec le Portugal colonial. La

Cour a entendu Mme Higgins expliquer que la responsabilité ne disparaît

pas avec le passage du temps (CR 95/5, p. 9). Que le Portugal s'en

souvienne !

Une chose est claire : le chaos et l'effondrement de l'administration

entre juillet 1974 et décembre 1975 a été le résultat direct de la longue

négligence du Portugal, qui a duré plus de quatre siècles.

En outre, la réaction de l'organisation des Nations Unies aux

événements du Timor oriental doit être vue dans le contexte de toute

l'histoire du rôle joué par les Nations Unies dans la décolonisation des

territoires sous administration portugaise. Le Portugal ne s'est pas

attiré la condamnation des Nations Unies uniquement parce qu'il refusait

de reconnaître que les territoires d'outre-mer qu'il administrait étaient

des territoires qui, en vertu du chapitre XI de la Charte, avaient droit

à l'autodétermination. Le Portugal a de plus été constamment condamné

pour ses propres actes commis contre les peuples de ces territoires.

Dans la résolution 1699 (XVI) du 19 décembre 1961, l'Assemblée

générale a noté «la détérioration continue de la situation dans les

territoires sous administration portugaise» (alinéa 5 du préambule). A

partir de 1962, l'Assemblée générale a commencé à adopter chaque année

des résolutions sur «les territoires sous administration portugaise*.

Dans la première de ces résolutions, en 1962, elle s'est déclarée

vivement préoccupée «par l'intensification des mesures d'oppression mises

en oeuvre-par le Gouvernement portugais contre lespeuples autochtones

des territoires qu'il administre* (résolution 1807 du 14 décembre 1962,

alinéa 6 du préambule) et elle a noté avec une profonde préoccupation que

la politique coloniale du Portugal avait «créé une situation qui

constitue une grave menace à la paix et à la sécurité internationales» - 35 -

(ibid., alinéa 9 du préambule). Dans cette résolution, l'Assemblée

générale est allée jusqu'à demander au Conseil de sécurité, au cas oa le

Portugal ne respecterait pas les résolutions de l'Assemblée générale, de

<prendre toutes les mesures appropriées pour assurer le respect par le

Portugal de ses obligations en tant qu8Etat Membre*.

De nouvelles condamnations ont été prononcées dans des résolutions
038
ultérieures sur les territoires sous administration portugaise. Ainsi,

en 1966 et 1967, l'Assemblée générale a condamné la politique du Portugal

pour sa répression et sa négligence envers ses colonies, et la guerre

coloniale qu'il menait était qualifiéede «crime contre l'humanités

(résolution 2184 (XXI) du 12 décembre 1966, par. 3; résolution 2270

(XXII) du 17 novembre 1967, par. 4).

Nous noterons également qu'à partir de 1966 le texte de ces

résolutions fait référence aux territoires sous «domination» portugaise

plutôt que sous «administration» portugaise.

Dans chacune des résolutions adoptées par l'Assemblée générale, il

était demandé au Conseil de sécurité d'envisager de prendre des mesures à

propos de ces territoires. En fait, le Conseil de sécurité a adopté cinq

résolutions traitant des territoires portugais (viséesdans la réplique

de l'Australie, p. 180-181).

On ne peut donc dire que le Portugal se s'est simplement «amendé* de

lui-même en 1974 et a décidé de reconnaître ses obligations aux termes du

chapitre XI de la Charte. La cause immédiate du changement de politique

coloniale du Prrtugal en 1974 a été, comme l'admet le Portugal, la guerre

coloniale qui faisait rage dans ses territoires africains (mémoire du

Portugal, par. 1.10). La résolution de l'Assemblée générale sur «les

territoires sous domination portugaise», adoptée en décembre 1974, quelques mois après ce changement de politique coloniale, se félicitait

du changement de politique du Portugal, mais ajoutait ce qui suit :

reconnaissant que les changements intervenus dans la

politique du Portugal vis-à-vis de ses territoires coloniaux ont
résulté essentiellement de la lutte héroïque et de la résistance
opiniâtre des peuples des territoires intéressés, dirigés par
leurs mouvements de libération nationale pour leur indépendance
et la restauration de leurs droits fonda ment aux.^

(Résolution 3294 (XXIX) de llAssemblée générale du
13 décembre 1974, alinéa 8 du préambule; mémoire du Portugal,
annexe 11.8, vol. II, p. 41-42.)

Avant 1974, l'Assemblée générale avait déjà reconnu que les
039

mouvements de libération nationale dans ses territoires étaient eles

représentants authentiques des aspirations véritables des peuples de ces

territoires* (par ex. résolution 3113 (XXVIII)de l'Assemblée générale du

12 décembre 1973, par. 2 du dispositif). A sa vingt-huitième session

en 1973, l'Assemblée générale a approuvé les pouvoirs du représentant du

Portugal «étant bien entendu qu'il représente le Portugal tel que

celui-ci existe à l'intérieur de ses frontières en Europe» et qu'il ne

représente pas les territoires administrés par le Portugal en Afrique

(résolution 3181 (XXVIII) du 17 décembre 1973).

Bien que la résolution visât spécifiquement les territoires

d'Afrique, la conséquence nécessaire des mots «le Portugal tel qu'il

existe à l'intérieur de ses frontières en Europe» était que l'Assemblée

générale ne reconnaissait pas non plus le Portugal comme représentant le

peuple du Timor oriental. Le fait est que même après son changement de

politique en 1974, l1Organisation des Nations Unies n'a jamais reconnu la

légitimité des prétentions du ?crtugal à représenter les territoires

placés sous son administration au niveau international. En

décembre 1974, llAssemblée générale s'est félicitée du changement de

politique coloniale du Portugal (résolution 3113 (XXVIII)du

12 décembre 1973). Mais malgré ce changement de politique, le titre dela résolution elle-même a été modifié : alors que dans toutes les

résolutions précédentes il était aterritoire sous administration

portugaise*, il est devenu *territoire sous domination portugaises. En

outre, la résolution de 1974 réaffirmait que l'Assemblée générale

apportait

ason appui total et sa solidarité constante aux peuples des

territoires sous domination portugaise dans la lufte légitime
qu'ils mènent pour conquérir sans délai la liberté et
l'indépendance sous la direction de leurs mouvements de
libération nationale ... qui sont des représentants authentiques

des peuples intéressés» (paragraphe 6 du dispositif).

Rien ne suggère dans cette résolution de 1974 que l'Assemblée

générale s'attendait maintenant à ce que le Portugal, en tant que

puissance administrante modèle, favorise la capacité de ces peuples à

s'administrer eux-mêmes et les aide dans le développement progressif de

leurs libres institutions politiques, comme le prévoit l'article 73 b) de

la Charte. Dans le passé, le Portugal avait de toute évidence manqué à

ses obligations au titre du chapitre XI, et ce passé n'avait pas été

oublié. L'Assemblée générale espérait maintenant lafin la plus rapide

possible de la présence coloniale portugaise.

James Dunn, ancien consul d'Australie à Dili, auquel le Portugal fait
--
souvent référence, écrit qu'au cours de la longue période de domination

coloniale portugaise sur le Timor oriental «les réalisations des

Portugais furent médiocres, et à leur départ cette colonie était l'un des

pays les plus pauvres et les moins développés du tiers monde»

(contre-mémoirede l'Australie, par. 28). M. Ramos Horta, l'un des

dirigeants du FRETILIN a aussi dit :

«Sous les Portugais, le Timor oriental semblait figé dans
l'histoire. L'horloge du développement y était immobile.
Depuis des siècles, les Portugais négligeaient le Timor

oriental.» (Contre-mémoirede l'Australie, par. 29.) D'autres détails sur les conditions qui régnaient au Timor oriental à

l'époque de l'intervention indonésienne se trouvent dans les annexes aux

pièces de procédure du Portugal. En février 1976, le représentant

spécial du Secrétaire général a dit ce qui suit dans son rapport :

«Les estimations récentes de la population varient entre

six cent cinquante mille et six cent soixante-dix mille
habitants. La population alphabétisée représente moins de
10 pour cent du total. Bien que de nombreuses écoles primaires
aient été créées ces dernières années, il n'existe qu'une seule

école secondaire ... Il y a moins de dix diplômés d1université.w
(Document ~/12011, 12 mars 1976, par. 7; mémoire du Portugal,
vol. II, annexe 11.10, p. 53.)

Prenant la parole devant le Conseil de sécurité le 15 décembre 1975,

M. Ramos Horta décrit la présence portugaise au Timor oriental dans ces

mots : «cinq siècles d'exploitation et d'oppression cruelles* (mémoiredu
341
Portugal, vol. II, annexe 11.24, p. 157, par. 99).

C'est là quelque chose que llAssemblée générale n'a pas oublié non

plus. La première des résolutions du Conseil de sécurité sur le Timor
--

oriental, adoptée en décembre 1975, a regretté «que le Gouvernement

portugais ne se soit pas pleinement acquitté des responsabilités qui lui

incombent en tant que puissance administrante aux termes du chapitre XI

de la Chartes.

Il y a eu un certain nombre d'événements clés avant décembre 1975.

Les 10 et 11 aoQt, 1'UDT a tenté un coup dlEtat au Timor oriental.

Celui-ci a été mis en échec en l'espace de quelques jours par un contre

coup dlEtat du FRETILIN, fortement appuyé par les troupes timoraises, qui

étaient les restes de l'armée portugaise. Ces troupes ont fourni des

-
armes au FRETILIN. Le Portugal a peu réagi. Le 22 août 1975, le

ministre des affaires étrangères du Portugal a déclaré que le conflit

armé s'était tellement étendu que les autorités portugaises n'étaient - 39 -

plus en mesure de contrôler la situation, ni même de l'évaluer pleinement

en raison des possibilités de communication limitées (A/10208, annexe).

Après que le gouverneur eut sollicité à maintes reprises des

instructions du Gouvernement. portugais à Lisbonne, l'administration

- portugaise a été autorisée à quitter Dili. Loin de recevoir des

instructions pour reprendre le contrôle de la situation, comme le prétend

le Portugal (mémoire du Portugal, par. 1.141, le gouverneur a été invité

à se dégager de la situation. Le gouverneur et son administration se

sont transférés sur l'île dlAtauro, à 23 kilomètres au nord de Dili, où

ils sont restés jusqu'en décembre 1975. Ainsi, à partir d'août 1975, le

Portugal a cessé d'exercer tout pouvoir effectif sur le territoire.

L'action militaire indonésienne n'avait rien à voir avec cela. Si le

Portugal a continué de faire certains efforts diplomatiques sur le plan

international en ce qui concerne la décolonisation du Timor oriental

-
(mémoire du Portugal, par. 1-29-1.301, à partir du mois d'août 1975 il

n'était plus, sur le plan pratique, llEtat administrant du territoire.

Comme le Portugal l'a dit à la Cour (CR 95/3, p. 57) ses forces

militaires ne dépassaient pas deux sections : sans doute moins de cent

personnes.

A la mi-septembre 1975, il a été signalé que le FRETILIN contrôlait

l'île de Timor. Le FRETILIN a annoncé qu'il avait renoncé à sa demande

-
d'indépendance immédiate en faveur de la création d'un gouvernement

provisoire en 1976 et l'indépendance quelques années plus tard. Mais par

la suite, le 28 novembre, le FRETILIN a proclamé l'indépendance du

territoire et la création de la «République démocratique du Timor

Les raisons données par le FRETILIN pour déclarer l'indépendance

étaient la menace indonésienne à Timor et le retard intervenu dans les - 40 -

négociations prévues entre le Portugal et les diverses parties et dont il

tenait le Gouvernement portugais pour responsable (mémoire du Portugal,

vol. II, annexe 11.10, p. 53, par. 16). Parlant devant le Conseil de

sécurité le 15 décembre 1975, M. Ramos Horta, le représentant du

FRETILIN, a dit que la déclaration unilatérale d'indépendance <n'était

qu'une -formalité légalisant, en droit international, une situation de

fait qui existait depuis trois mois déjà» (mémoire du Portugal, vol.11,

annexe 11.24, p. 159, par. 112 et p. 160, par. 118).

Deux jours après la déclaration d'indépendance du FRETILIN,

ltAPODETI, l'UDT, le KOTA et le parti Trabalhista ont proclamé

l'indépendance du territoire et son intégration à l'Indonésie (Comité des

Vingt-Quatre, <Timor», document de travail établi par le Secrétariat le

24 juin 1976, A/AC.109/L.1098; mémoire du Portugal, vol. II,

annexe 11-12, p. 77-78, par. 16 et 19-20).

Ainsi, au 30 novembre 1975, non seulement le Portugal n'exerçait plus

aucun contrôle de facto sur le territoire, mais il n'était reconnu par

aucun des groupes politiques du Timor oriental comme ayant le moindre

droit d'exercer une souveraineté quelconque sur le territoire. Il est

significatif en outre que la position qui prévalait alors n'avait rien à

voir avec l'Indonésie.

Le Portugal n'a pas reconnu cette déclaration d'indépendance, mais le

jour de la déclaration il a envoyé une lettre au Secrétaire général des

Nations Unies avouant que <les autorités portugaises n'ont pas les moyens

d'assurer- ls normalisation de la situation à Timor» (A/10402-S/11887;

mémoire du Portugal, vol. II, annexe 11.19, p. 114).

Monsieur le Président, en termes simples, lors des troubles de 1975

le Portugal a abdiqué ses responsabilités. Il est un fait qu'au moment

de l'intervention indonésienne, le Portugal n'administrait pas le Timor oriental. Il avait effectivement abandonné son administration. On peut

lire dans son mémoire (par. 1.14) cette réflexion songeuse que c'est Kun

des mystères de llHistoirew que l'intervention indonésienne <ait eu lieu

précisément au moment où le Portugal avait réussi à créer les conditions

qui pouvaient lui permettre de reprendre le contrôle de la situations.

Quelle blague ! Le Portugal suggère même que cette perte de contrôle du

-territoire a été uniquement due à l'intervention indonésienne (CR 95/3,

p. 57). Soyons lucides : c'est la perte du contrôle du territoire par le

Portugal qui a précédé l'action de l'Indonésie. Et c'est l'effondrement

avoué de l'ordre public dans le territoire, et l'absence du Portugal dans

cette situation, que l'Indonésie a invoqué comme ayant motivé son

intervention (voir, par exemple, mémoire du Portugal, vol. II,

annexe 11.24, p.154-157, par. 76-94).

Dans ses exposés, le Portugal défend son comportement au Timor

oriental entre l'époque de la révolution des oeillets et décembre 1975

(réplique du Portugal, par. 3.19; CR 95/3, p. 57). Toutefois, un résumé

plus exact fut donné par le représentant de la Malaisie, qui déclara au

Conseil de sécurité le 15 décembre 1975, immédiatement après l'invasion :

<Les partis politiques au Timor n'ont, en fait, pas eu à---
lutter contre la puissance coloniale, car celle-ci s'est retirée
dès les toutes premières hostilités. En évacuant presque toute

l'administration portugaise et le personnel militaire dès les
premiers signes de trouble au Timor portugais, la puissance
coloniale a abdiqué les responsabilitéssolennelles qu'elle
avait assumées en tant que puissance administrante, en vertu
de la Charte des Nations Unies et de la déclaration sur l'octroi

de l'indépendance aux pays et aux peuples coloniaux.» (Mémoire
du Portugal, vol. II, annexe 11.24, p. 163, par. 144.)

La délégation de Costa Rica ne ilrai «jastifier ... la faiblesse du

Portugal ... en tant que puissance administrante, au moment où son mandat

allait se terminer» (ibid., vol. II, p. 196-197, par. 53). - 42 -

Comme nous le savons, les autorités portugaises n'ont opposé

absolument aucune résistance aux forces indonésiennes.

M. Ramos-Horta a écrit :

aPar une triste ironie, deux frégates portugaises modernes

étaient ancrées au large dtAtauro. Elles ne vinrent jamais
jusqu'à la côte pour rappeler la souveraineté portugaise et
lancer un avertissement à l'Indonésie. De plus, les équipages
des navires prenaient des bains de soleil sur les plages

dlAtauro ...B (J. Ramos-Horta, Funu: The Unfinished Saga of
East Timor, Red Sea Press, Trenton, New Jersey, 1987, p. 60.)

De toute manière, la conduite du Portugal à l'époque revenait à

abandonner effectivement l'administration du territoire. Le fait est

que, quand il exerçait le pouvoir, le Portugal n'a jamais exécuté

les obligations qui incombent à un Etat administrant en vertu de

l'article 73. Il reconnaît que, depuis 1975, il s'est trouvé dans

l'incapacité de le faire et qu'il ne peut pas le faire maintenant.

Cependant il soutient aujourd'hui devant la Cour qu'il est resté, de

façon ininterrompue, le seul Etat légitimement habilité à administrer

le Timor oriental.

Monsieur le Président, je vais passer à une autre question. Je peux

continuer, ou, si vous préférez, je suis à votre disposition pour une

suspension

Le PRESIDENT : Vous pouvez continuer

M. GRIFFITH : Monsieur le Président, nous allons maintenant examiner
...

la réaction de l'organisation des Nations Unies à la position du Portugal

après décembre 1975. Le Portugal déclare, et lfFurtralie est d'accord

que la responsabilité principale des questions de décolonisation incombe

à l'organisation des Nations Unies, surtout à l'Assemblée générale.

Toute l'argumentation du Portugal se fonde sur le fait que l'Assemblée

générale a adopté des résolutions qui se référaient à lui comme à la - 43 -

apuissance administrante*. L'attitude de l'ONU présente donc une

importance absolument cruciale dans la cause plaidée par le Portugal

contre l'Australie.

Sur la question du Timor oriental, nous le savons, deux résolutions

du Conseil de sécurité ont été adoptées en 1975 et 1976 et huit

résolutions de l'Assemblée générale ont été adoptées entr.- 1975 et 1982

(les textes français de ces résolutions sont reproduits à l'annexe i de

la requête du Portugal et aux annexes 1.1 à 1.10 du mémoire du Portugal.

Le textes anglais sont reproduits aux annexes 25 et 26 du contre-mémoire

de l'Australie) .

J'invite la Cour à se reporter aux comptes rendus des débats qui se

sont déroulés au Conseil de sécurité et à l'Assemblée générale avant

l'adoption de ces résolutions : on les trouve dans le contre-mémoire de

l'Australie (par. 72-144). Etant donné que l'argumentation de

l'Australie relative aux effets juridiques de ces résolutions à son égard

sera présentée plus tard par M. ~owett, je me contenterai dans l'immédiat

de me référer au traitement que ces résolutions accordent au Portugal.

Deux choses sont claires. Premièrement, rien, dans aucune de ces

résolutions, ne demande -le retour de ces territoires sous administration

portugaise. Deuxièmement, aucune de ces résolutions ne dit que le

Portugal est le seul Etat habilité à traiter avec d'autres Etats au sujet

du territoire, ni ne demande la non-reconnaissance d'aucune autre

administration.

Qu'est-ce donc que disent ces résolutions ? Elles indiquent
cs6

clairement que le Portugal est une partie «intéressée». Toutefois, à cet

égard, il ne diffère en rien de l'Indonésie. - 44 -

De plus, les résolutions traduisent aussi une évolution dans

l'attitude des organes de l'ONU, surtout de l'Assemblée générale,

entre 1975 et 1982.

La première fut la résolution 3485 (XXX) de l'Assemblée générale, du

12 décembre 1975, adoptée cinq jours après l'intervention indonésienne.

Sans demander le retour d'une administration portugaise, le paragraphe 3

du dispositif lance un appel à

<tous les partis du Timor portugais pour qu'ils répondent de
manière positive aux efforts qui sont faits en vue de trouver
une solution pacifique au moyen d'entretiens entre eux et le

Gouvernement portugais». ..

L'Assemblée générale reconnaissait par là que le Portugal n'était pas une

<partie au Timor portugais*, mais qu'il avait un rôle à jouer dans les

efforts internationaux déployés pour aboutir à un règlement de la

contestation qui opposait les parties présentes au Timor oriental.

-. Dix jours plus tard, le Conseil de sécurité adopta la résolution 384

(1975). Dans cette résolution (comme dans toutes celles qui suivirent),

le territoire fut désigné désormais comme le «Timor oriental» et non le

~Timor portugais». Le paragraphe 3 se contentait de demander au

Gouvernement portugais «de coopérer pleinement avec l'organisation des

Nations Unies», tout comme le paragraphe suivantpriait instamment tous

les Etats et toutes les autres parties intéressées «de coopérer

pleinement avec l'Organisation des Nations Unies dans ses efforts*. Le

Portugal est appelé la puissance administrante, mais, en dehors de cela,

rien n'indique qu'il joue un rôle particulier dans le problème ou son
.-

règlement.

En avril 1976, le Conseil de sécurité adopta sa deuxième et dernière

résolution sur la question. A la différence de la résolution antérieure

de l'Assemblée ggnérale et de celle du Conseil de sécurité, le Portugal
-47 - 45 -

n'est plus désigné comme la apuissance administrante*. Sauf qu'elle

donne acte d'une déclaration des représentants du Portugal, la résolution

ne fait aucune mention expresse du Portugal et n'indique d'aucune autre

manière que l'organisation des Nations Unies estime que celui-ci a un

rôle particulier à jouer.

Dans les résolutions de l'Assemblée générale de 1976 et 1977, la

position est semblable. Le Portugal n'est pas visé en qualité de

puissance administrante et, sauf pour donner acte du fait que ses

représentants ont prononcé une déclaration, il n'y a aucune mention

expresse du Portugal. -

Dans la résolution de l'Assemblée générale de 1978, il n'y a aucune

mention du Portugal quelle qu'elle soit.

La résolution de l'Assemblée générale de 1979 ne mentionne le

Portugal que pour constater qu'il a prononcé une déclaration. Il n'est

-
fait aucune autre mention du Portugal. Le paragraphe 2 de la résolution

déclare que «le peuple du Timor oriental doit avoir la possibilité de

déterminer librement son propre avenir, sous les auspices de

l'organisation des Nations Unies» sans préciser quel rôle, s'il y en

avait un, incombait au Portugal.

Il a fallu attendre 1980 pour que le Portugal commence à prendre des

mesures afin de contribuer à la solution des questions du Timor oriental.

-
La résolution de l'Assemblée générale de 1980 accueillait avec

satisfaction une initiative diplomatique prise par le Gouvernement

portugais et ariait instamment «toutes les parties directement

intéressées de coopérer pleinement en vue de créer les conditions

nécessaires à l'application rapide de la résolution 1514 (XV) de

l'Assemblée générale» (par. 3). Bien entendu, le Portugal était une

«partie directement intéressée». Mais il en allait de même de l'Indonésie et des représentants du peuple du Timor oriental. Le

Portugal n'était que l'une des diverses parties directement intéressées.

De même, dans la résolution de 1981, l'Assemblée générale invite ala
048
puissance administrante à poursuivre ses efforts en vue d'assurer que le

peuple au Timor oriental exerce comme il convient son droit à

l'autodétermination et à l'indépendancew (par. 4). Cependant le

paragraphe précédent demandait à

atoutes les parties intéressées, à savoir le Portugal, en sa

qualité de puissance admlnistrante, et les représentants du
Timor oriental, ainsi que l'Indonésie, de coopérer pleinement
avec l'organisation des Nations Unies en vue de garantir au
peuple du Timor oriental le plein exercice de son droit à

l~autodéterminationw (par. 3 du dispositif).

Il ressort clairement de ces deux paragraphes qu'en 1981 l'ONU

reconnaissaiE que le Portugal avait un rôle à jouer dans la mise en

oeuvre du principe de l'autodétermination au Timor oriental et que ses

efforts diplomatiques étaient les bienvenus. Il en ressort toutefois

aussi clairement, premièrement, que le Portugal n'est que l'une de trois

parties intéressées, deuxièmement, que le Portugal n'est pas la partie

qui représente le peuple du Timor oriental et troisièmement, que c'est à

l'ONU qu'incombe la responsabilité de la mise en oeuvre de la

décolonisation du Timor oriental. Les parties intéressées sont invitées

à coopérer avec l'ONU.

Dans la résolution de l'Assemblée générale de 1982, la dernière, il

n'est fait mention d'aucun rôle précis pour le Portugal, sauf que les

institutions spécialisées qui aident le peuple du Timor oriental sont
. . -
invitées à le faire «en étroi:e ,consultationavec le Portugal, en sa

qualité de puissance administrantew.

Que concluons-nous de cela ? - 47 -
- .
Premièrement, rien n'indique, dans les termes de ces résolutions, que

l'ONU ait jamais envisagé le retour du pouvoir portugais sur le

territoire en attendant l'autodétermination. Un alinéa du préambule de

la résolution du Conseil de sécurité de 1975 déclare même, au passé, que
Y 0-9
ale Portugal ne [s'est] pas pleinement acquitté des responsabilités qui

lui incombent en tant que puissance administrante~.

Deuxièmement, rien n'indique qu'après 1975 l'ONU ait considéré le

Portugal comme le seul Etat habilité à assurer la représentation

internationale du territoire et, notamment, comme le seul Etat habilité

en droit à traiter avec d'autres Etats à propos du territoire. Bien au

contraire, toutes les résolutions adoptées à partir de 1979 reconnaissent

expressément que la solution du problème doit être trouvée adans le cadre

de l'Organisation des Nations Unies».

Compte tenu du passé du Portugal en tant que puissance coloniale, de
-
l'histoire de la participation de l'ONU à la décolonisation de

territoires sous administration portugaise, ainsi que de l'histoire des

événements au Timor oriental, on pouvait s'attendre à tout cela. A

l'évidence, il est impossible de prétendre que, par leurs résolutions

adoptées dans l'intérêt du peuple du Timor oriental, les organes de.llONU

envisageaient effectivement que le Portugal assumerait, de façon

unilatérale, le rôle qu'il revendique maintenant relativementau droit à

l'autodétermination. Bien plutôt, les résolutions envisagent qu'à tout

moment le Portugal agira en coopération avec l'ONU.

11 y a un autre élément décisif aux fins de la ~rgsente affaire :

rien, dans le texte d'aucune des résolutions, n'indique que les Etats ne

doivent pas reconnaître l'autorité de l'Indonésie sur le Timor oriental,

ni qu'ils doivent s'abstenir de traiter avec l'Indonésie à propos du

territoire. Comme il s'agit là encore d'une question qu'abordera - 48 -

M. Bowett, je me contente pour lemoment d'opposer les termes des

résolutions relatives à d'autres territoires qui furent adoptées à l'ONU

avant et après les résolutions relatives au Timor orientale ,t dont les

dispositions demandaient auxEtats Membres dene pas reconnaître

l'autorité d'un Etat ou régime déterminé surun territoire déterminé, et

de ne pas traiter avec cet Etatou régime à propos dudit territoire (voir

appendice A au contre-mémoirede l'Australie).

Le rôle limité envisagé par l'ONU pour le Portugal apparaît aussi

dans l'attitudede l'organisationvis-à-vis de l'Indonésie. Comme on le

verra, un changement manifestes'est produit dans l'attitudede

l'Assembléegénérale en 1979.

Dans les premières résolutions,adoptées en 1975 et 1976, il était

demandé au Gouvernement indonésien de retirer sef sorces du Timor

oriental «sans délai» ou «sans plus tarder» (résolution3485 (XXX)de

l'Assembléegénérale du 12 décembre1975, résolution 384 (1975)du

Conseil de sécurité et résolution 389 (1976)du Conseil de sécurité). La

résolution 31/53 de llAssembléegénérale, du lesdécembre 1976, adoptée un

peu moins d'un an après l'intervention indonésienne, demande aussiau

Gouvernement indonésiende retirer sesforces du territoire,bien qu'en

cette occasion, les mots «sans délai» ou «sans plus tarder» aient été

omis.

Il est clair qu'en demandant ainsi à l'Indonésiede se retirer, l'ONU

ne supposait nullement qu'à lloccasiond'un tel retrait le Portuga'l

reprendrait l'administrationdu territoire jusqu'à l'autodéterminatinn.

Le représentant spécialdu Secrétairegénéral désignéen vertu de la

résolution du Conseil desécurité de 1975 fit savoir que le Gouvernement

de la <Républiquedémocratique duTimor oriental* souhaitait voir

remplacer les forcesindonésiennes par uneforce internationale composée - 49 -

de Portugais et de contingents de pays d'Europe occidentale. Cependant,

ce qui est très significatif de la part d'un Etat qui se déclare en

mesure de creprendre le contrôle de la situation» (mémoire du Portugal,

par. 1.14) , le Portugal n'a même pas insisté pour participer à une force

internationale. Il a dit qu'il ne s'opposerait pas à l'envoi d'une force

internationale ne comprenant pas de contingents portugais (mémoire du
-

,/ 3 1 Portugal, vol. II, annexe II.10, p. 56, par. 40-41) . Ainsi, même si

l'Indonésie s'était conformée à ces premiers appels qui demandaient son

retrait, le Portugal ne serait pas nécessairement revenu.

Toutefois, en 1979, il y eut clairement une rupture dans la politique

de l'Assemblée générale. Aucune des résolutions ultérieures à partir de

1979 ne demande plus à l'Indonésie de se retirer.

Nous devons admettre qu'à cette date, llAssemblée générale avait

reconnu que l'Indonésie n'allait pas se retirer. Il n'est pas davantage

fait mention de l'article 2, paragraphe 4, ni de l'article 11,

paragraphe-3, de la Charte. Mme ~iggins présente faiblement une

explication selon laquelle l'ordre des priorités de l'ONU s'était modifié

(CR 95/5, p. 30). Quant à dire que l'organisation était trop occupée par

d'autres questions, ou qu- ce changement ne signifie rien, c'est

minimiser le rôle central de l'ONU dans la question du Timor oriental.

Le paragraphe 2 du dispositif de la résolution de 1979 déclare que

«le peuple du Timor oriental doit avoir la possibilité de déterminer

librement son propre avenir, sous les auspices de l'organisation des

8 Nations Unies». Rien n'indique que le retrait indonésien du territoire

du Timor oriental ait constitué une condition préalable de l'exercice de

l'autodétermination (même si, à l'évidence, un tel retrait pouvait

résulter de l'exercice du droit à l'autodétermination). L'intervention

de l'Indonésie n'est pas davantage déplorée dans ce texte. Rien n'y - 50 -

indique.nonplus qu'en 1979 les Etats avaientl'obligationou le devoir

de s'abstenir de traiter avec l'Indonésie à propos du territoire. La

résolutionne contient même aucune mention du Portugal, saufpour

constater que le représentantdu Portugal a faitune déclaration.

De plus, la résolution de 1979 ne rappelle aucunedes résolutions

antérieureset contient des dispositions différentesde celles de ces

résolutions. Ceci nepeut que dénoter l'adoption par l'Assemblée

générale d'une attitude et d'une politique nouvellesvis-à-vis du Timor
052
oriental. Or, cette politique nouvelles'exprime, avec des modifications

secondaires, dans les résolutionsultérieures

Dans les résolutions de 1980 et 1981, comme dans la résolutionde

1979, les résolutions antérieures à 1979 ne sont aucunement mentionnées,

et encore moins réaffirmées. Sansdoute la résolutionde 1982 --

déclare-t-elle qu'elleest adoptée «ayant ... à l'esprit» les résolutions

axtérieures,mais elle ne les «réa£firme» pas, ni ne les «rappelle».

On peut avoir à l'esprit les différences autant que les

ressemblances. On doit admettrequ'en décidant de ne pas réaffirmer les

résolutions antérieuresde l'ONU, l'Assembléegénérale a indiquéet

décidé que les résolutionsantérieures expressément relatives au Timor

oriental ne devaient plus être considérées comme appropriées o en

vigueur. Ces différencescruciales ne sontsusceptibles d'aucuneautre

interprétationdu point de vue des résolutions successives.

Monsieur le Président,le moment seraitpeut-être bien choisi pour

une suspensi-on d'audience. - 51 -

Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Griffith. Le moment est

bien choisi pour interrompre votre exposé et permettre la brève pause

habituelle. La Cour va faire une pause de 15 minutes.

L'audience -st suspendue de 11 h 30 à midi.

Le PRESIDENT :Veuillez prendre place. Monsieur Griffith.

M. GRIFFITH : Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le fait

est que, depuis 1979, tout en continuant à reconnaître que le peuple du

Timor oriental a droit à l'autodétermination, l'Assemblée générale a

accepté la réalité de la présence indonésienne au Timor oriental jusqu'à
053
l'autodétermination et cessé de demander le retrait indonésien. Bien

entendu le Portugal ne tient pas compte de cette évolution et demande à

la Cour de méconnaître les changements très réels et importants qui sont

intervenus dans les termes des résolutions. A l'instar du colonialisme
-
portugais, il demande à la Cour de suspendre le cours du temps pour

l'Assemblée générale.

Comme nous le savons, bien que la question du Timor oriental ait été

inscrite à l'ordre du jour provisoire de l'Assemblée générale chaque

année depuis 1982, l'Assemblée ne l'a plus examinée. Chaque année depuis

1982, l'Assemblée générale a suivi la recommandation du Comité et renvoyé

l'examen de la question à la session suivante. L'Assemblée générale n'a

donc pas modifié son attitude, adoptée en 1979 et réaffirmée en 1980,

1981 et 1982.

Le Comité des Vingt-Quatre i,?.lisseixaminé la situation au Timor

oriental tous les ans depuis 1983. En chaque occasion, il a décidé

d'examiner la question et d'en poursuivre l'examen à sa session suivante,

sous réserve de toute directive reçue de l'Assemblée générale. Le Comité

a été tenu bien informé. Au cours de ses délibérations annuelles, il a - 52 -

entendu des déclarations dlEtats Membres, ainsi que de pétitionnaires,

tels qu'Amnesty International et le FRETILIN, au sujet de la situation

dans le territoire. Le Comité a été aussi saisi de documents de travail

écrits avec soin et préparés par le Secrétariat de l'ONU (A/AC.109/715,

~/~~.109/747, A/AC.109/783, A/~C.109/836, A/AC.109/871, A/AC.109/919,

~/AC.109/961, A/AC.109/1001, A/AC.109/1072). En aucun cas, le Comité n'a

envisagé d'autre rôle pour le Portugal que celui de partie intéressée.

Il n'a pas non plus critiqué aucun Etat tiers pour avoir traité avec

l'Indonésie à propos du Timor oriental.

Les mêmes observations s'appliquent aussi à l'examen de la question
054
du Timor oriental par la Commission des droits de l'homme (contre-mémoire

de l'Australie, par. 159 et duplique, par. 59). En 1983, la Commission a

réaffirmé le droit du peuple du Timor oriental à l'autodétermination,

lequel n'est pas contesté en l'espèce. La Commission n'a cependant

jamais déclaré qu'eu égard au droit à l'autodétermination les Etats

étaient tenus de ne pas traiter avec l'Indonésie à propos du territoire,

ou de traiter seulement avec le Portugal.

On peut en dire autant de l'examen de la question du Timor oriental

par la sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et

de la protection des minorités (contre-mémoire de l'Australie,

par. 160-161 et duplique, par. 60). La sous-commissiona recommandé à la

Commission des droits de l'homme d'examiner la situation des droits de

l'homme et des libertés fondamentales au Timor oriental et elle a

encouragé-.leSecrétaire général dans ses efforts poi2r apporter une

solution durable à la situation. Elle n'a jamais donné à entendre que

les Etats puissent être tenus de traiter uniquement avec le Portugal à

propos du territoire. . -
Je passe a la question importante des efforts déployés par le

Secrétaire général de l'organisation des Nations Unies. L'intervention

directe du Secrétaire général au Timor oriental a commencé en

décembre 1975, quand le Conseil de sécurité lui a demandé d'y envoyer un

représentant spécial afin d'évaluer sur place la situation et de prendre

contact avec toutes les parties et tous les Etats intéressés

(résolution 384 (1975) du Conseil de sécurité). A la suite de la visite

du représentant spécial au Timor oriental en 1976, le Secrétaire général

a proposé, dans son rapport du 29 février 1976, puisque les parties

intéressées avaient déclaré qu'elles étaient prêtes à poursuivre les

consultations avec le représentant spécial, de poursuivre lesdites -

consultations dans 1 'immédiat, étant entendu que tout fait nouveau ferait
O 5 5

l'objet d'un rapport au Conseil de sécurité. Le Conseil de sécurité a

accepté la proposition du Secrétaire général. En 1979, l'Assemblée

générale a aussi demandé au Secrétaire général de poursuivre ses

consultations et de faire rapport à l'Assemblée générale à leur sujet

En 1982, elle est allée plus loin : dans la résolution 37/30 du

23 novembre 1982, elle a prié le Secrétaire général d'entamer des

consultations avec toutes les parties directement intéressées, en-vue de

rechercher les moyens permettant de parvenir à un règlement global du

problème (contre-mémoirede l'Australie, par. 176-177).

Depuis 1983, conformément à cette dernière résolution sur le Timor

oriental, le Secrétaire général a tenu l'Assemblée générale informée des

événements survenus dans l'exercice de ses bons offices. Chaque année

depuis 1984, il a présenté un bref rapport sur l'état d'avancement des

travaux (voir, en particulier, A/38/352, A/39/361, A/40/622, A/41/602,

A/42/539, A/43/588, A/44/529, A/45/507, A/46/456, A/49/391). - 54 -

Le rapport le plus récent sur les activités du Secrétaire géneral en

la matière est la déclaration du 9 janvier 1995, que nous avons incluse

dans le dossier que nous avons remis à la Cour (doc. 3).

Le Secrétaire général joue ainsi un rôle central et continu pour

faciliter les consultations entre le Portugal et l'Indonésie, dont une

mission que lui a confié l'ONU comme étant le moyen le plus approprié

pour régler le problème du Timor oriental. Il n'a pas émis l'idée que

d'autres Etats doivent agir, ou s'abstenir d'agir, d'une manière

quelconque, pour faciliter ces processus. Il n'a jamais critiqué aucun

Etat tiers, ni nommément, ni de façon indirecte.

Quand on résume la réaction de l'ONU sur la situation au Timor

oriental, il est significatif qu'il n'y ait eu aucune résolution du

Conseil de sécurité depuis 1976 et aucune résolution de llAssemblée

générale depuis 1982. Dans sa réso-lutionultime, adoptée en 1982, comme

dans toutes les résolutions adoptées depuis 1979, l'Assemblée générale
256

n'a pas demandé à l'Indonésie de se retirer immédiatement et sans

condition, mais elle a simplement demandé aux parties de négocier.

Pourquoi ? Il nt$ a qu'une réponse : une majorité de l'Assemblée

admettait qu'un retrait indonésien n'était ni vraisemblable, ni requis

par les exigences de la situation. S'il en allait de la sorte en 1982,

il devait en aller de même plus encore en 1989 (quand l'Australie conclut

le traité avec l'Indonésie) et plus encore aujourd'hui. Depuis 1983,

l'Assemblée générale a reçu des rapports du Secrétaire général relatifs à

llexercice de ses bons offices et, à chaque session, elle a renvoyé

l'examen de la question. C'est là une façon de reconnaître que les

négociations qui se déroulent sous ses auspices continuent et que toute

décision serait prématurée. - 55 -

Manifestement, l'Organisation des Nations Unies n'envisage, pour le

Portugal, aucun autre rôle qu'une participation à ces consultations et

négociations.

Compte tenu de ce que pensait la majorité des membres de l'Assemblée

générale en 1982 et étant donné que le Portugal n'a pas porté l'affaire

devant l'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité les a-nées

suivantes, la position est claire : on n'envisage aucun rétablissement de

la situation d'avant 1975. De plus, nous relevons, une fois encore, ce

fait important : il n'y a eu, de la part d'aucun organe de l'ONU, aucune

critique, ni de la reconnaissance australienne en 1979, ni des

négociations de l'Australie avec l'Indonésie entre 1979 et 1989, ni de la

conclusion du traité relatif au «Timor Gap» en 1989, ni de l'adoption de

lois en conséquence, ni d'aucun autre des actes dont se plaint le

Portugal.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.

Comme -nous l'avons observé, le iendemain de l'intervention

indonésienne, les autorités portugaises ont quitté même llIle dlAtauro,

renonçant ainsi définitivement au dernier vestige de la présence

portugaise sur le territoire. Atauro même n'a jamais été attaquée. Le

Portugal est simplement parti sans retour.

Certes, il a rompu les relations diplomatiques avec l'Indonésieet a

porté l'affaire devant le Conseilde sécurité. En avril 1976, il a de

nouveau saisi le Conseil de sécurité.

Par la suite, toutefois, l'activité du Portugal à l'égard de la

situation au Timor oriental s'est rapidement ralentie. Le paragraphe 46

du contre-mémoire de l'Australie cite tant un ancien ministre des

affaires étrangères du Portugal que M. Ramos-Horta, qui critiquent

l'inaction du Portugal au cours des années suivantes. - 56 -

Dans son mémoire (par. 1.48), le Portugal affirme que de 1976 a ce

jour, les représentants du Portugal ont rappelé la situation du Timor

oriental lors des sessions annuelles de l'Assemblée générale. Une note

de bas de page renvoie aux annexes au mémoire où figurent toutes ces

déclarations.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, l'examen des

déclarations auxquelles se réfère le Portugal est révélateur, et montre

ces prétentions à la constance et à la persévérance sous leur jour et a

leur valeur véritables. Chaque année, des représentants du Portugal ont

fait devant l'Assemblée générale une déclaration couvrant une vaste gamme

de problèmes qui se posaient dans le monde entier. Et, en effet, quelque

part, au milieu de chaque discours, on peut trouver un bref paragraphe ou

deux sur le au Timor oriental. Pour ce qui est des allocutions de 1975

et 1976, les annexes au mémoire au Portugal ne reproduisent qu'un bref

extrait où figurent les paragraphes consacrés au Timor oriental. Mais

les discours prononcés lors des sessions ultérieures sont reproduitsen

entier. Le résultat en est que les déclarations à l'Assemblée générale

occupent plus de cent cinquante pages des annexes aumémoire du Portugal.

Or, si celui-ci avait décidé de ne reproduire que les paragraphes
-,8

consacrés au Timor oriental (comme il l'a fait pour les allocutions de

1975 et 1976), il aurait suffi de quelques pages. En deux mots, quoi

qu'il prétende maintenant, le fait est que ce qu'a dit le Portugal au

sujet du Timor oriental devant l'Assemblée Générale a été bref et

discret. --

Si le Portugal maintenait encore expressément en1976 qu'il était

ala seule autorité légitime à Timor» (Comité des Vingt-Quatre, *Timor>,

document de travail établi par le Secrétariat, 24 juin 1976,

A/AC.109/L.1098, mémoire du Portugal, annexe 11.12, vol. II, p. 81, - 57 -

par. 36), il n'a pas réitéré cette prétention par la suite dans ses

déclarations devant l'Assemblée générale ou le Comité des Vingt-Quatre.

Selon M. Ramos-Horta, <De 1976 à 1982, les Portugais se sont comportés

comme s'ils avaient accepté le fait accompliw (J. Ramos-Horta, Funu : The

Unfinished Saga of East Timor (Trenton,

New Jersey, 19871, p. 125-126).

Les allocutions de 1976 et 1977 montrent clairement le rôle que le

Portugal estimait devoir jouer : faire ce que le consensus des Nations

Unies jugeait approprié. Le Portugal avait certainement renoncé à toute

idée qu'il lui appartenait d'assumer autrement que pour la forme le rôle

de puissance administrante du Timor oriental. C'est ce qui ressort

clairement de sa déclaration de 1978 : «nous estimons que les

Nations Unies devraient promouvoir le respect des résolutions adoptées

par l'Assemblée générale et par le Conseil de sécurité» et il adressait
-
«un appel urgent à tous ceux qui peuvent intervenir en la matière»

(mémoire du Portugal, vol. II, annexe 11.19, p. 302, par. 204). Le

Portugal s'était lavé les mains de toute responsabilité

Puis, en 1979, nous trouvons un seul paragraphe, où le Portugal

lançait

«un appel à la conscience internationalepour que soient
rapidement réunies les conditions qui permettront la

normalisation progressive de la vie des populations du Timor
oriental» (mémoire du Portugal, vol. II, annexe 11.30, p. 3171,

rien de plus.

A l'époque où l'Australie reconnaissait que l'Indonésie exerçait sa

souveraineté sur le Timor oriental, le Portugal lui-m6r.esemblait depuis

plusieurs années avoir cessé de se présenter en puissance administrante.

Il ne s'affirmait pas sur le plan international comme interlocuteur

obligé en ce qui concernait ce te-rritoire. Au contraire, il est clair - 58 -

que sa politique était de considérer que l'affaire relevait des Nations

Unies, avec lesquelles le Portugal était prêt à coopérer adans le cadre

de ses limites*. Corroborant cette conclusion, les résolutions de

l'Assemblée générale adoptées en 1976 et 1977 ne mentionnaient pas le

Portugal comme puissance administrante, et que celle de 1978 ne citait

pas du tout le Portugal.

L'examen de toutes les déclarations portugaises figurantdans les

écritures du Portugal révèle qu'entre 1976 et 1989, année où a été conclu

le traité entre l'Australie et l'Indonésie, le Portugal n'a jamais exigé

que l'Indonésie se retire du Timor oriental comme condition préalable à

l'autodétermination. Il n'a jamais prétendu que d'autres Etats qui

avaient reconnu cette intégration - et ils étaient assez nombreux, y

compris certains Etats de la région - violaient le droit international.

Il n'a jamais prétendu qu'en attendant l'autodétermination, le Portugal

était seul habilité à traiter avec d'autres Etats de ce qui concernait le

territoire.

Mais pendant tout ce temps, de 1976 à 1989, les déclarations du

Portugal réaffirment un certain nombre d'éléments :

Premièrement, que le Portugal n'avait pas de revendications à l'égard

du territoire du Timor oriental. Le Portugal dit maintenant que malgré

les déclarations par lesquelles il n'a cessé de répéter cela, il

continuait de se considérer comme seul habilité à traiter avec d'autres

Etats de ce qui concernait le territoire tant que l'autodétermination

n'avait pgs été réalisée. pourtant c'est une réserve ou une prétention
0 6 0
que le Portugal n'a jamais exprimée à l'époque.

Deuxièmement, que le Portugal n'a cessé d'affirmer que la solution au

problème du Timor oriental devait se trouver dans le cadre des Nations

Unies. Troisièmement, que dans ce cadre, selon le Portugal, la solution

devait se trouver dans la négociation entre toutes les parties en cause.

En janvier 1992, le Portugal a informé le Secrétaire général qu'il

était disposé à participer à un dialogue esans conditions préalables*

sous les auspices du Secrétaire général, avec l'Indonésie et toutes les

parties directement intéressées. Ce point est important. Le Portugal

lui-même n'excluait pas, en principe, le maintien du statu quo. Il

proposait que les négociations reprennent sous la médiation d'une

personnalité expérimentée, dotée d'un prestige international, acceptée

par les parties. Comme nous l'avons vu, le Secrétaire général a

poursuivi les pourparlers depuis, tant avec l'Indonésie qu'avec le
-

Portugal, en vue d'amener les parties à un dialogue sérieux sur la

question du Timor oriental.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, sur le plan des
-
principes, il est bien établi que les droits que revendique le Portugal

et que nient d'autres Etats ne peuvent être préservés que moyennant des

protestations suffisantes et persistantes de la part de llEtat dont les

droits sont contestés (a£faire des Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège) ,

C.I.J. Recueil 1951, p. 138). On ne saurait ignorer le silence, su^une

inaction incompatible avec l'attitude qui est adoptée maintenant. Ce

silence ou cette inaction sont manifestement pertinents. Dans la mesure

où il tente ici d'invoquer des droits qui lui seraient propres sur les

ressources du Timor oriental, le Portugal n'a pas pris les dispositions

nécessaires pour préserver des droits qu'il aurait pu avoir autrement.

Vis-à-vis de l'Australie, l'attitude du Portugal a été équivoque.

L'Australie a reconnu de facto l'intégration du Timor oriental à

l'Indonésie en janvier 1978. Vers la fin de cette année, l'Australie a

annoncé que l'ouverture des négociations relatives au Timor Gap, prévues - 60 -

pour mars 1979, constituerait une reconnaissance de jure de la position

de l'Indonésie. A l'époque, le Portugal s'est contenté d'exprimer de la

csurprise* (en janvier et en décembre 1978) devant la reconnaissance

australienne (contre-mémoirede l'Australie, annexes 22 et 23). Au sujet

des négociations sur le Timor Gap, il a observé, à l'époque, un silence

total.

Les négociations avec l'Indonésie ont commencé en février 1979, mais

le Portugal n'a formùlé aucune objection officielle, par voie de note ou

autre, à leur ouverture. Ce n'est que plus de six ans plus tard, en

septembre 1985 (à l'annonce de négociations portant sur une zone de

développement conjoint), que le Portugal a élevé une protestation

officielle contre les négociations du Timor Gap.

Pour excuser ou justifier son silence manifeste de 1979 à 1985, le

Portugal s'appuie sur la thèse incroyable, que «la protestation était

déjà implicite dans l'attitude constante du Portugal» (mémoire du

Portugal, par. 2.13). Cela n'explique ni n'excuse son absence totale de

protestation. Pendant ce temps, le Portugal lui-même ne prétendait pas

être le seul Etat avec lequel les autres devaient traiter, pas plus qu'il

n'a protesté contre les négociations que nombre d'autres Etats menaient

avec l'Indonésie et qui s'appliquaient au territoire du Timor oriental.

Devant les atteintes graves infligées à la position qu'adopte maintenant

le Portugal, celui-ci n'aurait pu se protéger que par des protestations

et le rappel sans équivoque de ses prétentions :or, avant 1985, il n'y

en a tout sjq~lement pas eu.

Le Portugal déclare aussi qu'il «a choisi le cadre multilatéral», en

particulier celui des Nations Unies, «pour affirmer et réaffirmer sa

positions (mémoire du Portugal, par. 2.13). Mais cela aussi est faux.

06 2 Comme nous 1 avons vu, dans le cadre multilatéral, il a dit fort peu de - 61 -

chose, et il n'a rien dit aux Nations Unies, pas un seul mot, sur

l'attitude de l'Australie. Nous n'avons entendu que le silence.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il est une question

finale qui appelle des commentaires de ma part. Il s'agit de la question

des droits propres de l'Australie dans la région de «Timor Gap». M. Tate

a rappelé à la Cour que l'Australie a toujours revendiqué -es droits

souverains dans la zone de coopération tout entière.

Cependant M. GalviioTeles voudrait faire croire à la Cour que le seul

problème qui se pose tient au chevauchement de zones de 200 milles marins

et qu'au-delà de la limite australienne des 200 milles le territoire au

large doit être considéré comme faisant partie du Timor oriental.

Il n'a guère fait mention de la fosse du Timor, comme-s'il s'agissait

là d'une caractéristique sans grande importance.

Il n'en est rien. En fait, la fosse du Timor est aussi vaste, aussi

déclive et aussi profonde que le Grand Canyon, comme un examen du profil

bathymétrique et une carte bathymétFique de la région le montrent. Ce

profil et cette carte figurent dans les dossiers, remis à Messieurs les

juges, en tant que plans 1, A et B, et si la Cour voulait bien, pour

quelques instants, s'y reporter - si Messieurs les juges voulaient bien

déplier les deux cartes jointes à leur dossier - je pourrais leur

indiquer le rôle de ces cartes. La première carte représente une coupe

bathymétrique; elle indique le plateau continental qui s'étend à une

profondeur de plus ou moins - le plus souvent moins - 200 mètres jusqu'à

l'extrémité de la Fosse du Timor, ~.?isdescend en pente raide à travers

des profondeurs de 2000 à 3000 mètres, jusqu'au point le plus profond.

La ligne de coupe montre la ligne graphique de cette coupe transversale

et si je peux me permettre d'inviter Messieurs de la Cour à passer à la

carte suivante, ils constateront que la configuration de la'fosse qui est - 62 -

indiquée en bleu profond sur cette deuxième carte, montre la situation de

la fosse de manière a faire apparaître la ligne septentrionalede la zone

de coopération, la ligne septentrionale du secteur C, comme étant
063

parallèle à la fosse elle-même. La ligne de base représente la limite

septentrionale de la zone de coopération. On ne saurait pas ne pas tenir

compte d'une caractéristique géomorphologiqueaussi importante. Il

s'agit vraiment d'un Grand Canyon sous la mer

Le Portugal vous a dit que cette affaire n'est pas une affaire de

délimitation maritime. Cela est vrai. Il s'ensuit que la Cour ne

saurait examiner cette affaire sur la base de l'existence affirmée plus

d'une fois par le Portugal, d'au moins un secteur incontestable du lit de

la mer, au nord de la ligne de 200 milles marins de l'Australie, secteur

à l'égard duquel l'Australie ne peut faire valoir aucun intérêt;. Ce

secteur est représenté sur la carte de M. Teles ainsi que sur le deuxième

plan auquel j'ai prié la Cour de se reporter. Je voudrais me faire bien

comprendre : l'Australie revendique, et continue de revendiquer, un

intérêt dans la région tout entière couverte par les zones A, B et C du

traité (jusqu'à la ligne de la fosse). L'Australie formule ses

revendications conformément au droit internationalet à la pratique. Il

s'agit d'une question que le traité lui-même ne préjuge pas. Malgré

l'analyse que le Portugal fait lui-même de ces revendications, la Cour ne

saurait, dans cette procédure, prendre position sur cette question

contestée. Avant de passer à une autre question, qu'il me soit permis de

renvoyer également la Cour aux deux cartes dépliable? supplémentaires qui

font partie de ce dossier et dont la première indique la zone de

coopération, avec laquelle la Cour est déjà familiarisée, cependant que

la seconde est une carte de la région située entre l'Australie et le

Timor oriental et l'Indonésie, évidemment, qui indique la situation de la zone de coopération : l'ensemble de ces quatre cartes permettra à la Cour

de se faire une idée de la géomorphologie de la région.

Monsieur le Président, à ce stade je vous prie de bien vouloir

appeler à la barre M. Crawford qui ouvrira la présentation de nos

conclusions sur la recevabilité.

-
Le PRESIDENT :Merci beaucoup Monsieur Griffith. Je donne maintenant
044
. - la parole à M. Crawford.

M. CRAWFORD : Mr. President, Members of the Court, it is once again a

great honour to plead before you, and above al1 for the first time under

your presidency, Mr. President.

A. Introduction

1. Jusqu'à présent, la Cour a entendu l'exposé de la politique

australienne à l'égard du Timor oriental et l'analyse de certains des

traits les plus remarquables des prétentions du Portugal. L'Australie en

vient maintenant aux questions de recevabilité qui se posent dans la

présente affaire. Ai-je besoin de préciser que l'Australie n'agit pas

ainsi au titre d'une exception préliminaire, mais bien du point de-vue du

fond de l'affaire; de ce point de vue d'ailleurs, une remarque s'impose

avant tout. Maître Ga1vS.oTeles a voulu déduire du fait que l'Australie

avait décidé de débattre en même temps de la recevabilité et du fond de

l'affaire qu'elle admettait certaines choses :

«ceci implique une admission liminaire de la part de
l'Australie : qu'il peut y avoir des solutions au f(.ndqui, à

elles seules, rendront inacceptables les objections
australiennes regardant la recevabilité de la requête»
(CR 95/5, p. 49).

Ceci n'implique rien de la sorte, Monsieur le Président. L'Australie a

pensé, devant les liens étroits qu'il y a entre les questions de - 64 -

recevabi.litéet la manière dont le Portugal a choisi de présenter sa

thèse, qu'il faudrait très vraisemblablement régler les questions de

recevabilité, qui reviendraient de toute manière au moment de l'examen au

fond. Il est tout à fait conforme au Règlement d'aborder ces questions

comme des problèmes liés entre eux, ce qu'elles sont en effet. C'est

faire preuve d'imagination que de déduire de cette procédure que son

auteur admet quoi que ce soit.

2. Au moment d'aborder donc les questions de recevabilité, je dois,
305

avec mon collègue M. Pellet, traiter d'abord du premier argument, de

l'argument essentiel concernant l'irrecevabilité de la requête

portugaise. Pour l'Australie, on est dans le cas d'une plainte non

fondée avec erreur sur l'intéressé. Par son contenu, la réclamation

portugaise amène nécessairement la Cour à déterminer, avec l'autorité de

la chose jugée, le statut juridique, les droits et la responsabilité

internationale d'un Etat tiers qui n'est pas partie à la présente

instance. Or, c'est là quelque chose que la Cour ne peut pas faire.

3. Ces dix dernières années, la Cour a évidemment entendu cette

argumentation bien souvent. Je crains fort qu'elle ne l'entende encore

dans la présente affaire, et qu'elle ne l'entende même bien davantage !

Ce matin, j'analyserai d'abord le contenu des prétentions portugaises,

que l'Australie juge irrecevables, pour dégager ensuite les principes

juridiques applicables à la question de l'irrecevabilité, en insistant

particulièrement sur les conclusions les plus récentes de la Cour, celles

de l'affairede Certaines terres à phosphates à Nauru. Demain, M. Pellet

commencera à s'occuper de la question de l'irrecevabilité sous l'angle de

l'argumentation du Portugal qui repose sur ce que celui-ci qualifie

d'«agissements de l'Australie». Je reviendrai sur la question de

l'irrecevabilité dans la mesure où elle touche au point fondamental de la - 65 -

requête du Portugal, le traité de 1989 lui-même, dont le Portugal n'a pas

l'intention de contester la validité. De quelque côté qu'on l'envisage,

la réponse à la question est la même : le Portugal demande à la Cour de

prononcer contre l'Australie une décision qu'elle ne peut prononcer, dans

une procédure judiciaire, qu'en statuant au préalable sur la

responsabilité internationale ou l'absence de titre territorial d'un Etat
-

tiers.

B. ~e fond de la demande du Portugal
35 6

4. Permettez-moi de commencer en dégageant les grandes lignes des

demandes que le Portugal présente effectivementdans sa requête, laquelle

définit bien sûr, selon l'article 40 du Statut, «l'objet du différend,,

ou, pour reprendre la terminologie du paragraphe 2 de l'article 38 du

Règlement de la Cour, «la nature précise de la demande». (Pour une

analyse plus poussée, se reporter au contre-mémoire de l'Australie,

deuxième partie, chap. 1, et à la dup-.que de l'Australie, première

partie, chap. 1.)

5. La section 1 de la requête portugaise a pour titre «Objet du

différend». Mais dans cette partie comme dans tout le reste de la pièce,

le seul grief que le ~ortugal a à formuler à propos de la conduite de

l'Australie porte sur certains actes ou agissements qui, selon les termes

du paragraphe 2 de la requête :

<se concrétisent par la négociation et la conclusion, par
l'Australie, avec un Etat tiers, d'un accord portant sur
l'exploration et l'exploitation du plateau continental dans la

zone du <Timor Gap», ainsi que par la négociation, poursuivie à
ce jour, avec ce même Etat tiers, de la délimitation de ce même
plateau*.

Il est dit également - à tout juste titre - que ces agissements excluent

toute négociation équivalente avec le Portugal (par. 3). L'Australie a

négocié avec l'Indonésie, non avec le Portugal, elle est parvenue à une - 66 -

entente et elle prend des mesures pour y donner suite. Tel est le fond,

telle est la teneur du différend, tel est le vif du sujet, que montrent

aussi les paragraphes 18 à 26 de la requête du Portugal, où les

tagissementss de l'Australie dont il est question tout du long sont les

actes liés à la négociation, à la conclusion et au début de la mise à

exécution du traité.

6. Cette façon de concevoir le différend est illustrée dans les

conclusions du Portugal, dans son mémoire et dans sa réplique. Le

paragraphe 1 des conclusions est une question préjudicielle, il donne une

raison pour statuer plutôt qu'il ne fait partie intégrante de la demande;

en d'autres termes, c'est un moyen - qui a, bien entendu, trait à

l'autodétermination. Les passages clefs des Conclusions sont les

paragraphes 2 et 3. Il y est expliqué que l'Australie est en infraction
rj67

avec le droit international pour deux raisons :

«du fait d'abord d'avoir négocié, conclu et commencé l'exécution
de l'accord du 11 décembre 1989, d'avoir pris des mesures

législatives internes pour son application, et de négocier
toujours avec ltEtat partie à cet accord, la délimitation du
plateau continental dans la zone du «Timor Gap». ..»

Ensuite, parce qu'elle a exclu toute négociation avec le Portugal en

cette matière. Autrement dit, le grief concerne la négociation, la

conclusion et la mise en application d'un traité avec un Etat partie

anonyme plutôt qu'avec le Portugal. Cet Etat partie anonyme est en fait

l'Indonésie. Les paragraphes 4 et 5 traitent des conséquences de tels

agissements

7. C'est la même démarche que l'on retrouve dans les exposés oraux et
..

les conclusions présentés la semaine dernière au nom du Portugal (voir

par ex. CR 95/2, p. 53, M. Galv5.0Teles; CR 95/6, p. 22, M. Dupuy).

8. Malgré certains des arguments présentés oralement et par écrit par

le Portugal, il ne s'agit pas ici d'une question abstraite - 67 -

dlaautodéterminationw. Il ne peut s'agir de cela :l'Australie n'est pas

en litige avec le Portugal sur ce principe fondamental. Le Portugal n'a

pas non plus souhaité faire porter ses conclusions sur la conduite que

l'Australie aurait eu dans les années 1974 et 1975 (voir par ex. CR 95/5,

p. 70 et 74, M. Dupuy). Certaines déclarations antérieures, selon

lesquelles l'Australie aurait été complice d'un acte d'agression, voire

d'un génocide, étaient semble-t-il plus destinées aux médias qu'à la

Cour. M. Griffith et M. l'ambassadeur Tate en ont suffisamment parlé.

Ce qui intéresse la Cour, cl~estl'affaire telle qu'elle est presentée

dans la requête; or, comme je l'ai montré, cette requête se concentre, à

ltexclusion de tous autres événements réels ou imaginaires, sur les

activités de l'Australie qui ont consisté à négocier, conclure et mettre
058

à exécution le traité. Il est vrai que dans ses écritures et dans

certaines de ses plaidoiries (voir par ex. CR 95/6, p. 22, M. Dupuy) le

-
Portugal soutient qu'il ne conteste pas le traité lui-même, mais

seulement le fait que l'Australie l'ait conclu avec un autre Etat que le

Portugal. 11 demeure que, dans cette conclusion comme dans sa requête,

le Portugal a choisi de faire de la négociation, la conclusion et la mise

à exécution du traité l'objet principal de sa demande. La question se

pose alors des conséquences juridiques de cette façon de présenter les

choses.

9. Avant d'y répondre, il me semble que quelques éclaircissements ne

seraient pas inutiles. Puisque le fondde la demande du Portugal,

l'objet du différend tel qu'il l'expose. est le fait que l'Australie a

conclu un traité, la période qui intéresse la présente affaire est celle

pendant laquelle le traité a été conclu, c'est-à-dire 1989. Certes, le

Portugal se plaint que l'Australie a négocié le traité en question,

opération qui a pris dix années. Mais cette négociation n'est pas une - 68 -

activité en soi, elle est conduite afin de conclure un accord, si accord

il peut y avoir. 11 est difficile de voir comment il peut être illicite

de négocier un traité quand l'issue des négociations est licite; si la

Cour jugeait que l'Australie n'aurait pas dû négocier avec l'Indonésie

mais que, la chose étant faite, le traité lui-même est <licite>, ce

serait pour le Portugal une victoire sans objet, si l'on pouvait encore

parler de victoire. On voit donc clairement que la négociation a un

caractère purement préliminaire et que sa licéité dépend de la conclusion

effective du traité en 1989. On peut dire évidemment la même chose de la

mise à exécution qui a suivi, et de toute autre convention qui pourrait

un jour ou l'autre remplacer le traité (encore qu'il s'agisse là d'une

éventualité pour l'instant tout à fait théorique, car aucun traité n'est

actuellement envisagé). Ainsi donc, le point focal de la présente

instance est la conclusion du traité de 1989. Et la question que doit

359 trancher la Cour sur le plan de la recevabilité est celle de savoir si

elle peut accorder au Portugal ce qu'il demande sans avoir nécessairement

à se prononcer en même temps sur le statut juridique, les droits ou les

responsabilités d'un Etat tiers.

C. Les principes de droit applicables

10. Pour faciliter la réponse à cette question, permettez-moi de

résumer en quelques mots les principes de droit qui s'appliquent ici,

principes que la Cour a élaborés à la suite d'une série d'affaires, dont

la plus récente intéressait l'Australie elle-même, celle de Certaines

terres à phospha .e.c à Nauru en 1992 (CI. J. Recueil 1992, p. 240) .

11. Dans cette affaire-là, il fallait savoir si la Cour pouvait se

prononcer sur la responsabilité internationalede l'Australie pour des

actes qu'elle avait accomplis, en son nom et au nom de deux autres Etats qui formaient avec elle l'autorité de tutelle de Nauru, placée sous ce

régime. Comme l'Australie agissait pour le compte des trois Etats en

vertu d'un accord prévoyant expressément qu'il en serait ainsi, toute

conclusion rendue contre l'Australie devait à priori s'appliquer aussi

aux deux autres Etats. On a soutenu que cela suffisait à faire de la

question de la responsabilité de ces deux Etats, le Royaume-Uni et la

Nouvelle-Zélande, l'objet même de la décision.

12. Il y avait là, bien sûr, un renvoi à l'arrêt rendu dans l'affaire

de l'Or monétaire, dans lequel la Cour avait refusé <de statuer sur la

responsabilité internationalede l'Albanie» en son absence et sans son

consentement (a£faire de 1 'Or monétaire, C.I. J. Recueil 1954, p. 32).

13. Dans l'affaire de Nauru, la Cour a réaffirmé à l'unanimité la

règle posée dans celle de l'Or monétaire. Mais la majorité de ses

membres a choisi de ne pas appliquer la règle aux faits. A leur avis,
^ 'i p
les intérêts du Royaume-Uni et de la Nouvelle-Zélande ne constituaient

pas «l'objet même de la décision à rendre sur le fond de la requête de

Nauru» (C.I.J. Recueil 1992, p. 261, par. 55). La Cour s'en est

expliquée dans le passage suivant :

«Dans la présente affaire, la détermination de la --
responsabilité de la Nouvelle-Zélande ou du Royaume-Uni n'est
pas une condition préalable à la détermination de la

responsabilité de l'Australie, seul objet de la demande de
Nauru ... Dans l'affaire de l'Or monétaire, le lien entre, d'une
part, la position que la Cour devait nécessairement arrêter
quant à la responsabilité alléguée de l'Albanie et, d'autre
part, la décision qu'elle avait été priée de prendre concernant

l'attribution de l'or, n'était pas purement temporel, mais
également logique ... Dans la présente affaire, toute décision
de la Cour sur l'existence ou le contenu de la responsabilité
que Nauru impute à l'Australie pourrait certes avoir des
incidences sur la situation juridique des deux autres Etats

concernés, mais la Cour n'aura pas à se prononcer sur cette
situation juridique pour prendre sa décision sur les griefs
formulés par Nauru contre l'Australie.» (C.I.J. Recueil 1992,
p. 261, par. 55.) - 70 -

14:La Cour fait donc la distinction entre les incidences d'un

jugement sur des tiers d'une part, et le cas, d'autre part, où les droits

ou la situation juridique d'un tiers doivent être déterminés aux fins de

trancher les questions soulevées par l'affaire sur lesquelles la Cour

doit statuer. Ce lien, selon les termes mêmes de la Cour, ne doit pas

être apurement temporel, mais également logique>. Si, dans l'affaire de

l'Or monétaire, la Cour avait décidé que l'or devait être livré à

l'Italie, c'eût été parce que celle-ci avait des titres juridiques

valables à opposer à l'Albanie, et nécessairement pour cette raison. La

Cour devait nécessairement statuer sur ces titres. De simples

conclusions concernant le comportement de l'Albanie n'auraient pas été

suffisantes :la Cour devait décider. Mais, faute du consentement de

l'Albanie, elle ne pouvait procéder. Dans l'affaire de Nauru au

contraire, le jugement de la Cour aurait eu des incidences pour les deux

aÜtres Etats, mais n'aurait pas constitué une détermination ni une

décision pour ce qui concernait ceux-ci. Comme Nauru l'a soutenu dans
c / 1

cette affaire, il y avait des moyens dont la Nouvelle-Zélande et le

Royaume-Uni auraient pu se prévaloir, qui n'étaient pas ouverts à

l'Australie, et il n'était absolument pas nécessaire que la Cour statue

sur ces moyens (voir CR 91/20 du 19 novembre 1991, p. 92; CR 91/22 du

22 novembre 1991, p. 45)

15. M. Shahabuddeen a également expliqué cet aspect de la question,

dans les termes suivants, dans son opinion individuelle :

«le critère n'est pas seulement celui de l'identité d'objet,
mais aussi celui de savoir si par rapport à un même objet, la
détermination judiciaire de la Cour porte sur la responsabilité
d'un Etat qui n'est pas partie ... Une décision dans la présente
affaire constituerait-elle une détermination judiciaire de la

responsabilité de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni ? Oii,
sans constituer une telle détermination dans lesformes, cela équivaudrait-il à une telle détermination au sens véritable auquel il

fut demandé à la Cour de statuer sur la responsabilité de
l'Albanie ?w (C.I.J. Recueil 1992, p. 296.)

La réponse à ces questions fut négative dans l'affaire de Nauru.

16. Trois membres de la Cour n'ont pas souscrit à cette réponse.

Selon son Président, sir Robert Jennings, la Cour <rendrait

inévitablement et simultanément une décision sur les intérêts juridiques
. -

de ces deux autres Etats» (C.I.J. Recueil 1929, p. 302). Selon M. Ago,
Y
<c'est précisément en se prononçant sur ces griefs adressés à la seule

Australie que la Cour affectera inévitablement la situation juridique des

autres Etats, à savoir leurs droits et leurs obligations*

(C.I.J. Recueil 1992, p. 328). Selon M. Schwebel, «si la Cour statuait

sur la responsabilité de l'Australie, cela reviendrait à statuer,

semble-t-il, sur la responsabilité de la Nouvelle-Zélande et du

Royaume-Uni» (C.I.J. Recueil 1992, p. 342). M. Oda pour sa part n'a pas

jugé utile de trancher la question à cette phase de la procédure

(p. 303).

17. Dans son jugement, la Cour a très certainement tenu comptedu

fait que la demande de Nauru prenait naissance dans la responsabilité de

tuteur explicitement accept-e par l'Australie ainsi que par les deux

autres Etats, dans la «mission civilisatrice sacrée» pour laquelle, selon

les arrangements qui s'appliquaient à Nauru, l'Australie avait le rôle

principal. En aucune manière cette affaire ne mettait en cause un tiers,

n'impliquait un étranger, n'appelait quiconque à répondre des actes d'un

autre Etat, éventuellement répréhensibles. Il n'y avait rien dans la

position de l'Australie à l'égard de Nauru qui en faisait une position

accessoire, un effet secondaire. L'«autorité administrante» tripartie de

Nauru n'était pas une entité juridique distincte, ni un organisme

international créé à cette fin expresse, mais simplement l'association de trois Etats collaborant dans ce rôle. Et selon les dispositions

applicables, le statut juridique, les compétences et les responsabilités

de l'Australie étaient d'ordre primaire; l'Australie ne pouvait être

démise de l'administration effective de Nauru sans son consentement, et

elle ne l'a d'ailleurs jamais cédée.

18..Tel est le contexte de la décision de la Cour - et il est

primordial pour l'affaire. On rappellera que la Cour a jugé :

adans la présente affaire, toute décision de la Cour sur
l'existence ou le contenu de la responsabilité que Nauru impute

à l'Australie pourrait certes avoir des incidences sur la
situation juridique des deux autres Etats concernés,mais la
Cour n'aura pas à se prononcer sur cette situations juridique
pour prendre sa décision sur les griefs formulés par Nauru

contre l'Australie» (C.I.J. Recueil 1992, p. 261, par. 55).

19. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il s'agit là d'un

arrêt récent, défavorable à l'Australie. Loin d'essayer de se soustraire

à ses responsabilités (comme l'a laissé entendre M. Dupuy : CR 95/6,

p. IO), l'Australie a accepté cette décision, et ultérieurement réglé son

différend avec Nauru en lui accordant, dans le cadre d'un règlement

amiable, une somme substantielle, à savoir plus de cent millions de

dollars australiens (voir accord entre l'Australie et la République de

Nauru pour le règlement de l'affaire pendante devant la Cour

internationale de Justice concernant Certaines terres à phosphates à
973
Nauru, 10 août 1993, reproduit dans (1993) 32 ILM 1471; la Cour en a

pris acte dans son ordonnance de radiation du 13 septembre 1993, C.I.J.

Recueil 1993, p. 322). La Cour apprendra peut-être avec intérêt qu'une

yartie de-ce montant a depuis été versé par le Royaume-Uni et la

Nouvelle-Zélande (voir échange de lettres constituant un accord relatif à

Nauru entre les Gouvernements de l'Australie et du Royaume-Uni de

Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Canberra, 24 mars 1994, Australian

Treaty Series 1994, no 9; échange de lettres constituant un accord - 73 -

relatif à Nauru entre les Gouvernements de l'Australie et de la

Nouvelle-Zélande, Canberra, 23 mai 1994, Australian Treaty Series 1994,

no 17). L'Australie fait maintenant fond sur cette décision de la Cour

dans des circonstances auxquelles, comme nous allons le démontrer, elle
-.

est à l'évidence et selon ses propres termes applicable

D. Les principes juridiques appliqués à la demande du Portugal :

perspective d'ensemble

20. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour.

Nous passons maintenant à l'application du principe dans la présente

affaire. Qu'il me soit d'abord permis d'indiquer brièvement, et en

considérant la question dans une perspective d'ensemble, pourquoi la

demande du Portugal est irrecevable si l'on applique la jurisprudence

élaborée par la Cour dans toute une série de décisions depuis l'affaire

de l'Or monétaire jusqu'à celle concernant Certaines terres à phosphates

2 Nauru. M. Pellet et moi-même développerons et préciserons ensuite

notre argumentation en tant qu'elle vaut pour divers aspects des

prétentions du Portugal en ce qui concerne le traité. Mais la position

générale peut être exposée très simplement.

21. Dans la présente affaire, il ne suffit pas de faire des

implications quant à la conduite de l'Indonésie, sa responsabilité et son

statut relativement au Timor oriental; la Cour doit trancher. Elle doit
974
décider, avant que et aux fins de statuer sur les questions qui se posent

dans la présente affaire, qu'en 1989 l'Indonésie n'exerçait pas la

souveraineté sur le Timor oriental, et n'avait pas le droit dg conclure

le traité. Dans l'affaire de l'Or monétaire, l'Italie alait.droit à l'or

si, et seulement si, la conduite de l'Albanie était illicite. Dans la

présente affaire, le Portugal a le droit de se voir adjuger le bénéfice

de ses conclusions si, et seulem-t si, la conduite de l'Indonésie - 74 -

- occupation et administrationdu territoire - était illicite,et si du

fait de cette illicéité, l'Indonésien'avait pas en 1989 le droit de

conclure un traité pour le compte du Timor orientalni le statut

nécessaire pour le faire. Du point de vue de la recevabilité,les deux

demandes sont exactement lesmêmes; le même principe s'applique dans les

deux cas.

22. Cette exceptionest tant générale que particulière : elle

s'applique à l'ensemble de l'action portugaise, c'est-à-direau fond de

l'affaire en général, mais elle concerne aussi les questions

particulières que le Portugal soulève - ou qu'il prétend avoir évité de

soulever - sur le fond. L'Australie reviendradonc sur le problème de la

recevabilité lorsqu'il se posera dans des contextes particuliers, pour

compléter ou conforter les arguments générauxqu'elle va maintenant

développer.

23. L'affaire de Nauru a bien entendu été analysée de manière assez

détaillée par M. Dupuy. A l'issue de son analyse, il est parvenu à la

conclusion suivante :

«l'existenced'un lien conventionnel entredeux Etats n'empêche
nullement que, selon le cas, sa négociation, sa conclusion,ou même
sa mise en oeuvre, si elles s'avèrent incompatiblesavec les
obligations des parties contractantes vis-à-vis d'autres Etats,
engagent individuellementla responsabilité de chacuned'entre

elles» (CR 95/6, p. 21).

J1examineraice point plus longuementdemain, lorsque je traiterai de

l'affirmationdu Portugal selon laquelleil n'attaque pas le traité de

1989. Mais la conclusion deM. Dupulrignore totalement le point

important que contientla décision dans l'affaire de Nauru comme dans

celle de l'Or monétaire. Naturellement,la seule existenced'un lien

conventionnel avec unEtat tiers n'est pas suffisante,et l'Australien'a

jamais affirmé qu'il en était autrement. Mais il s'agit de savoir si, en
075 tant qu'étape nécessaire ou, comme le dit la Cour, logique de son

raisonnement,la Cour doit statuer sur la responsabilité juridique, le

statut ou les pouvoirs d'un Etat tiers. Et si la question qui se pose

est celle de la capacité decet Etat tiers à conclure un traité, ou son

droit ou pouvoir de le faire, ou la responsabilité qui est la siennepour

l'avoir fait, alors le principe énoncé dans l'affaire de l'Or monétaire,

-un principe que le Portugal acceptemaintenant expressément (CR 95/6,

p. 11, Dupuy), est applicable et la requête est irrecevable.

24. Malgré les protestationsdu Portugal, l'argument que j'ai

développé s'applique tant à la licéité de la conduite de l'Australiequ'à

la validité du traité de 1989. Demain, mon collègueM. Pellet commencera

par la question de la recevabilité en tant qu'elle concerne la conduite

de l'Australie,puisque le Portugal s'efforce d'opérer une distinction

entre cette conduiteet le traité lui-même. Je reviendrai ensuitedevant

la Cour pour présenter nos arguments concernant le traité lui-même.

Merci, Monsieur le Président,Messieurs de la Cour.

The PRESIDENT: Merci professeurCrawford. 1now give the floor to

Professor Pellet.

Mr. PELLET: Thank you Mr. President.

Mr. President, distinguishedMembers of the Court,

THE LEGALITY OF AUSTRALIA'S CONDUCT - THE ABSENCE OF INDONESIA

1. It is always a signal honour for an internationallawyer to appear

before you. Each new case makes me freshly consciousof this privilege

and 1 am very grateful to you for extending it to me.

Nevertheless, Mr. President, 1 cannot hide the fact that, as 1

listened to Our opponents pleading Portugal's case last week, the - 76 -

uneasiness 1 had already experienced when readingthe Memorial and the

Reply intensified,and 1 must admit to feeling a degreeof bittemess.

The counsel of Portugal, to whom 1 nonetheless extend cordial

greetings, are making every effort to present Australia as the bad Party;

the one supposed to have infringed the rights of a small, defenceless

people and, in particular, to have violated its fundamental rights to

self-determinationand to permanent sovereignty overits natural wealth

and resources.

Yet everyone in this hall is well aware that this isnot how things

really stand. Firstof al1 because, in proceedings beforeyour lofty

jurisdiction, thereare not goodies on one side and baddies on the other;

there are simply sovereign Statesentitled to a judgment basedon sound

legal reasoning. Australiais certain that it is in that spirit-thatyou

will adjudicate upon the matter. Secondly and most important,because if

-.
the rights of Timor have beenviolated, Australia isin any case not the

culprit. Consequently,the essentialprinciple of consent to your

jurisdiction prohibitsyou from rulingon the matter. It may be a cause

for regret, but the present, very incomplete degreeof integrationof the

international community makesit impossible to go further. You have

pointed this out on many occasions, and ProfessorCrawford has just

explained the consequences derivedfrom that factin your jurisprudence.

n77 2. Mr. President, Portugal does not like a distinctionto be made
W
between the alleged case it is presenting to you and the real case;

between l'affaire fictive and l'affaire réelle. It affirms that

Australia has set out to "distort"the subject-matterof the Application

(PR,p. 10, para. 1.17), culminating in"absurd resultsn (PR,p. 12,

para. 2.04) . - 77 -

Mr. President, 1 cannot leave myself open to such impeachments. The

best way of dealing with them is certainly to take as a starting-point

what the PortugueseParty itself says. In the first place, as it

expressly acknowledges,Indonesia, in its own words, has "violated the

principle of the right of peoples to self-determination","in particular,

by invading bythe use of force the territory of East Timor a-d

conductinguntil the present day a systematic and murderous repressionof

the national liberation movementsand the Timor populationn (PR,

pp. 218-219, para. 7.31). On the other hand, I1Australia - in Mr. Dupuyls

own words - has obviously taken no part whatsoeverin any of the acts of

direct violence against thepeople of East Timoru (CR 95/5, p. 70; see

also PR, p. 219, para. 7.32). It is nevertheless Australia - not

Indonesia - that is here and now before you, and it is for want of being

able to get at the "beam" that Portugaldetects in the Indonesian "eyen

that it is having a go at what it believes to be the Australian "moteu.

What then does it hold against~ustralia? Not the use of force

against the people ofTimor, as we have just heard.

In its Mernorial,Portugal advanced another theory which also exposed

it to great dangers - pr-ocedural dangers of course, since it runs no

other risks. It unwisely presented "the negotiation, conclusion and

beginning of the performance" of the Agreement concluded between

Australia and Indonesia on 11 Decernber 1989 as the first and principal

"causa petendi" of its claims. These are, again, its own terms, and it

repeats them, word for word, on two occacions (PM,p. 74, para. 3.04;

and p. 203, para. 8.01). But a treaty, Mr. President, is not a simple

fact, a fact "in itself", as Portugal would haveit (PM,p. 75,

para. 3.06); it is, by definition, "an internationalagreement

concluded ... between StatesM and, in the present instance, Indonesia is one of those States. ProfessorCrawford, as he has just said, will show

the consequencesof this finding of evident fact, which also pertainsto

the "real casen: the whole of the alleged dispute submitted to you boils

down to the negotiation, conclusion and begiming of the performance of

the 1989 Agreement between Australiaand Indonesia and in real litigation

before an "a~tual~~ court, the invention of an abstract agreement,

concluded with a party if not unknown, at least kept from view and "kept

darku, must be impossible

3. Scenting the danger, Portugal therefore had to take abstraction one

step further, seeking to conceal not just the role of Indonesia,but the

very existence of the 1989 Treaty betweenAustralia and Indonesia. This

is clear in its Reply, and was still more striking in its oral pleadings

last week.

In infinitely vaguerand more obscure terms, Portugal now says that

its request is aimed

"only at the Australian coursesof conduct, namely, among other
things, the fact that it negotiated and concluded the 'Agreement1
as a simple fact; the fact that it took it upon itself to explore

and exploit the continental shelf in the areaof the Timor Gap upon
certain terms and conditions,which, they too, are also taken as a
simple fact" (PM, p. 75, para. 3.06) .

A subtle distinction indeed: Portugal says it is not questioning the
, ,

+ 9 validity of the 1989 Agreement but the legalityof its negotiation,

conclusion and performance(cf. PR, p. 16, para. 2.10), as though one

could negotiate, conclude and perform a "factll.

"The Portuguese~pplication is only aimed at the conduct of
Australia and 2t the wrongfulnessof that conductarising £rom the

fact that AustraJia has not treatedEast Timor as a
non-self-governingTerritory or respected therelevant resolutions
of the United Nations." (PR,p. 211, para. 7.19.)

It adhered to this new contention in its oral arguments last week

(cf. CR 95/4, p. 51, or CR 95/6, pp. 31-32). - 79 -

There, Mr. President, is the dispute as alleged by Portugal.

Al1 right, so be it! Let us try to apply the utterly unrealistic

rules that Portugal wants to dictate to us; let us try to disregard

Indonesia. Unfortunately for Portugal, it will only be to find that this

- is quite impossible, forwe cannot play aboutwith reality; the law

applies to concrete matters arising out of real situationsthat cannot be

effaced at the wave of a magic wand. Portugal's counsel said last week

that history could not be placed in parentheses. That is true. Facts

cannot be placed in parentheses either, nor can the ones desired be

sifted out from the rest.

4. Popular wisdom in my country has it that Ilavecdes Isi1, on

mettrait Paris dans une bouteillev - "if 'ifs' and lands1were pots and

pans ...". It is with "ifsn that Portugalseeks to persuade you that

you, Members of the Court, have jurisdictionto deal with its
-

Application. Its reasoning seemsto me, in substance, to be as follows:

IF the Administering Powerof this territory were Portugal, IF Indonesia

could not claim to exercise any rightof any kind over the territory, IF

the 1989 Treaty concerned natural resourcespertaining exclusively to

Portugal, and IF, in these circumstances, Australiahad signed it with a
?J3

State other than Portugal, Australiacould be held responsible.

There are two objections to this reasoning, both of which are

nullifying.

In the first place, the Court obviously cannot:

- decide that it is with Portugal thata treaty of this kind can be

concluded, without deciding beforehand thatIndonesia does not have

that capacity; - 80 -

- or determine that Portugalis invested with exclusive rights overthat

territory, without determining, again beforehand, that Indonesia,which

nevertheless claims such rights, does not, for its part, have any;

- or admit the Portuguese claims to the natural resourceo sf Timor,

without first rejecting the competing claimsof Indonesia;

- or postulate that the conclusion of a treaty is a simple fact, a fact

"in itself", as Portugal wouldhave it (PM,p. 75, para. 3.06) whereas,

by definition, as 1 have already said, a treaty is "an international

agreement concluded ... between States" and, in the present instance,

Indonesia is one of those States.

Australia did not conclude, on some unspecifiedday, with some

unspecified State, some unspecified treatyconcerning the natural

resources of some unspecified territory. It concluded, on

11 December 1989, a very particular agreement with a very particular

State, Indonesia,whereby these two States provide, over a specified

period, for the partially joint exploitationof the natural resourcesof

the continental shelf that theyeach consider to belong to them.

Portugal may of course dispute this if it so wishes. To do that, it must

first establish that Australia holdsno right over that part of the

continental shelf claimedby Portugal, the legal settlement of which is

the actual subject of the Agreement with Indonesia; but in the present
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instance, as it happens, the only rights disputed arethose that

Indonesia - which is, decidedly, present everywhere - professes to

exercise. Australia, Mr. President, has not taken posseçsion of

resources not belongingto it; it considers that it has sovereignrights

over those resources but, when al1 is said and done, if that were not the

case, it would be Indonesia - still Indonesia - which would - according

to Portugal, unlawfully - have ceded those resources, and ceded themto - 81 -

Australia. The issue then is not whether Australia disposedof what did

not belong to it but, in actual fact, whether Indonesia ceded it. In

other words, whether Indonesia is on its own ground in East Timor. This

cannot be postulated; we cannot act "as thoughN it were true; to settle

the dispute submittedto it by Portugal, the Court mustnecessarily

adjudicate upon this point.

Moreover and in the second place, with the Portuguese "ifs" , the task

of Australia - and of the Court - would be singularly simplified, for IF

Portugallspresentation were legally acceptable, and IF it were not

important to know with which State Portugal has concluded a treaty, or to

whom the territory coveredby the treatypertains, then it is clear that

Australia is perfectly entitled to conclude an agreement with whatever

State lies opposite toit with a view to joint exploitationof the

natural resourcesof the continental shelf or shelves separatingthem.

5. Mr. President, things are unfortunately notso simple and the

'Icourses of conduct" that Portugal imputesto Australia cannot be

separated off from those of Indonesia. It is only if Indonesia does not

exercise sovereign rightsover East Timor that those courses of conduct

might perhaps, indirectly or consequentially,entai1 the responsibSity

of Australia.

In itself, of course, there is nothing legally impossible aboutthe

determinationof such responsibilitybut it necessarily hingeson the

prior determinationof that of Indonesia; yet on that the Court is

statutorilyunable tq adjudicate in the absence of that State. Contrary

to Portugal's insistent allegations,Australia does not Say "It wasnlt

me, someone else did it" (cf. CR 95/5, p. 67, or 95/6, p. 10) or "Je ne

suis pas concernéeu (CR 95/4, p. 42); it simply considersthat, in

accordance with the most firmly establishedprinciples of the Statute, - 82 -

the Court cannot know 'who it is". Rules of procedure have a function,

it is not a "let-out'but a protective function; and this is thrown

particularly intorelief when there is any question of protecting the

rights of a sovereign State.

On this point, Mr. President,we have to be very clear. Through

Professor Dupuy, Portugal has accused Australiaof acting as the

spokesman of Indonesia (cf.CR 95/6, p. 24). If by that he means that

Australia is taking sides with Indonesiain its dispute with Portugal,

nothing could be further from the truth. On the other hand, if my

opponent and friend means thereby that Australiawishes Indonesians

sovereignty to be fully preserved, that Australiaconsiders that country

to have the right not to be judged by this Court unless it accepts its

jurisdiction,in accordance with oneof the most firmly established

principles of internationallaw, then Portugal is right: Australia,

;hich is itself suffering from clearly improper proceedings, is ready to

be "more Indonesian than Jakartan and to Say here what Indonesia cannot

Say for itself since it is not a party to the proceedings, namely, that

the behaviour of a State, whatever it may be, cannot be the subject of a

legal ruling if it does not so consent.

There is no question of Australia's "hidingU,as Portugal endlessly

repeats, behind Indonesiaand practisinga strategy of evasion

(cf. CR 95/2, p. 38; CR 95/4, p. 52; CR 95/5, p. 66; CR 95/6, p. 17,

etc.) to dodge its own responsibilities. It is a question of preventing

tSe rights nf two sovereign States£rom being simultaneously flouted:

- firstly, Indonesia has the right not to be judged if, in its sovereign

wisdom, it so decides; the Statute can be amended; perhaps the

Statute should be amended; but so long as it remains as it is, so long - 83 -

as Article 36 is what it is, neither States nor the Court can apply it

selectively and discriminatorily;

- secondly, Australia for its part has the right not to be judged for

acts it has not committed; yet, for al1 its half-hearted denials,that

is indeed what Portugal is seeking. It is exerting itself to have

Austraiia smirched with the opprobriumthat it feels attaches tothe
-

behaviour of Indonesia.

According to Portugal, Australia haschanged its strategy. In its

Counter-Memorial,the Australian Party stressedthe fact that "the true

respondent is not a party to these proceedings" (ACM,p. 7; see CR 95/5,

p. 49); in its Rejoinder, Australia is said to have acknowledged that it

had taken up the wrong defence by agreeing that it may be a "relevant

party" but not a "sufficientPartyf1 (ibid.) .

If there is no incompatibility betweenthese two arguments, they

supplement and reinforce one another: Australia considers that Portugal

is in fact pitted only against ~ndonesia. For al1 its righteous

anti-Australianindignation forthe purposes of this lawsuit, it is

Indonesia that Portugal has in its sights. The proof is that Portugal

finally devotes the bulk -of its pleadingsto denouncing the activities of

that country, not of Australia. That is, incidentally,quite

understandable; if it cannot establishthe illegality of the actions of

Indonesia, then by the same token, and Ilasa matter of absolute logical

necessity" - Portugal is very fond of that phrase - its accusations

against Australia must fall. Australia is the wrong target, la mauvaise

cible, and if it might in turn becomea target the bullet would have

first, necessarily,inevitably, to pass through the first target; the

prime responsibilityof Indonesia would haveto be established. It has been alleged in this hall that Australia is playing "chat

perchén or "canlt catch me" (CR 95/6, p. 22). 1 do not much care for

this kind of comparison with playin such a painful case; for if it is a

game, it is cruel. But 1 may perhaps be permitted to Say that, if anyone

is playing, we on this side think it is Portugal. It is playing with the 4

honour of Australia; it is playing with the sovereigntyof Indonesia; L
e

it is playing blind man's buff: blinded, possiblyby its good intentions

but blinded al1 the same, it is going for a State that can do absolutely

nothing about the matter, just because it cannot get at the one it is

really after

7. In attempting to dissimulatethe congenitalweakness of its

argument, Portugal consequently hasto:

(1) formulate utterlyartificial questions in terribly abstract

terms, which nevertheless fail to conceal the fundamental factthat,

should there be any responsibility involved, that of Australia wouldbe

merely consecutiveupon that of Indonesia;

(2) take shelter behind so-called United Nations decisions; and

(3) introduce distinctions,without any relevance in the present

case, between obligationserga omneç, on the one hand, and obligations

erga singulum, on the other

Mr. President, 1 intend to take up these three points again one by

one, but 1 think that, since our time today is just about up, it would

probably be as well for me to stop here. Thank you.

The PRESIDENT: Thank you very tx~ck,Professor Pellet. The Court

will resume its hearings tomorrowmorning at 10 orclock.

The Court rose at 1 p.m

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