Non Corrigé
Uncorrected
CR 2010/22
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THAEGUE
ANNÉE 2010
Audience publique
tenue le vendredi 22 octobre 2010, à 15 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Owada, président,
en l’affaire du Différend territorial et maritime
(Nicaragua c. Colombie)
Requête du Honduras à fin d’intervention
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2010
Public sitting
held on Friday 22 October 2010, at 3 p.m., at the Peace Palace,
President Owada presiding,
in the case concerning the Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia)
Application by Honduras for permission to intervene
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Owada,président
KoMroMa.
Al-Khasawneh
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Crinçade
Yusuf
XuMe mes
Dojnogshue,
CotMM.
jugesaja, ad hoc
Cgefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Presewtada
Judges Koroma
Al-Khasawneh
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Cançado Trindade
Yusuf
Xue
Donoghue
Judges ad hoc Cot
Gaja
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement du Nicaragua est représenté par :
S.Exc.M.CarlosJoséArgüelloGómez, ambassadeur du Nicaragua auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme agent et conseil ;
S. Exc. M. Samuel Santos,
ministre des affaires étrangères du Nicaragua ;
M. Alex Oude Elferink, directeur adjoint de l’Ins titut néerlandais du droit de la mer de l’Université
d’Utrecht,
M.Alain Pellet, professeur à l’Université de ParisOuest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
M.PaulReichler, avocat au cabinetFoley Hoag LLP, WashingtonD.C., membre des barreaux de
la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique et du district de Columbia,
M.AntonioRemiroBrotóns, professeur de droi t international à l’Universidad Autónoma de
Madrid, membre de l’Institut de droit international,
comme conseils et avocats ;
M.RobinCleverly, M.A., D.Phil, C.Geol, F.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
M.JohnBrown, R.D., M.A., F.R.I.N., F.R.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
comme conseillers scientifiques et techniques ;
M. César Vega Masís, directeur, direction des affaires juridiques, de la souveraineté et du territoire,
ministère des affaires étrangères,
M. Julio César Saborio, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
M. Walner Molina Pérez, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
Mme Tania Elena Pacheco Blandino, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
comme conseils;
Mme Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux du district de
Columbia et de New York,
Mme Carmen Martinez Capdevila, docteur en droit international public à l’Universidad Autónoma
de Madrid,
Mme Alina Miron, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
M.EdgardoSobenesObregon, premier secrétaire à l’ambassade du Nicaragua au Royaume des
Pays-Bas,
comme conseils adjoints. - 5 -
The Government of Nicaragua is represented by:
H.E. Mr. Carlos José Argüello Gómez, Ambassador of Nicaragua to the Kingdom of the
Netherlands,
as Agent and Counsel;
H.E. Mr. Samuel Santos,
Minister for Foreign Affairs of Nicaragua;
MrA. lexOudeElferink, Deputy-Director, Netherlands Institute for the Law of the Sea,
Utrecht University
Mr.AlainPellet, Professor at the University ParisOuest, Nanterre-La Défense, Member and
former Chairman of the International Law Co mmission, associate member of the Institut de
droit international,
Mr.PaulReichler, Attorney-at-Law, Foley Hoag LLP, Washington D.C., Member of the Bars of
the United States Supreme Court and the District of Columbia,
Mr.AntonioRemiroBrotóns, Professor of Intern ational Law, Universidad Autónoma, Madrid;
Member of the Institut de droit international,
as Counsel and Advocates;
Mr.RobinCleverly, M.A., DPh., CGEOL., F.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
Mr.JohnBrown, R.D., M.A., F.R.I.N., F.R.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
as Scientific and Technical Advisers;
Mr. César Vega Masís, Director of Juridical Affairs, Sovereignty and Territory, Ministry of
Foreign Affairs,
Mr. Julio César Saborio, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affai
rs,
Mr. Walner Molina Pérez, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
Ms Tania Elena Pacheco Blandino, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
as Counsel;
Ms Clara E. Brillembourg, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the District of Columbia and
New York,
Ms Carmen Martínez Capdevila, Doctor of Public International Law, Universidad Autónoma,
Madrid
MsAlinaMiron, Researcher, Centre for International Law (CEDIN), University ParisOuest,
Nanterre-La Défense,
Mr. Edgardo Sobenes Obregon, First Secretary, Embassy of Nicaragua in the Kingdom of
the Netherlands,
as Assistant Counsel. - 6 -
Le Gouvernement de la Colombie est représenté par :
S. Exc. Julio Londoño Paredes, professeur de relations internationales à l’Université del Rosario de
Bogotá,
comme agent ;
S. Exc. M. Guillermo Fernández de Soto, président du comité juridique interaméricain, membre de
la Cour permanente d’arbitrage et ancien mini stre des affaires étrangères de la République de
Colombie,
comme coagent ;
M.JamesCrawford, S.C., F.B.A., professeur de droit international à l’Université de Cambridge,
titulaire de la chaire Whewell, membre de l’Institut de droit international, avocat,
M.RodmanR.Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris, membre du barreau de NewYork,
cabinet Eversheds LLP (Paris),
M. Marcelo Kohen, professeur de droit internationa l à l’Institut de hautes études internationales et
du développement de Genève, membre associé de l’Institut de droit international,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Francisco José Lloreda Mera, ambassadeur de la République de Colombie auprès du
Royaume des Pays-Bas, représentant permanent de la Colombie auprès de l’OIAC, ancien
ministre d’Etat de la République de Colombie,
M. Eduardo Valencia-Ospina, membre de la Commission du droit international,
S. Exc. Mme Sonia Pereira Portilla, ambassadeur de la République de Colombie auprès de la
République du Honduras,
M. Andelfo García González, professeur de droit inte rnational, ancien ministre adjoint des affaires
étrangères de la République de Colombie,
Mme Victoria E. Pauwels T., ministre-conseiller au ministère des affaires étrangères de la
République de Colombie,
M. Julián Guerrero Orozco, ministre-conseiller à l’ambassade de la République de la Colombie aux
Pays-Bas,
MmeAndreaJiménezHerrera, conseiller au ministère des affaires étrangères de la République de
Colombie,
comme conseillers juridiques ;
M. Thomas Frogh, cartographe, International Mapping,
comme conseiller technique. - 7 -
The Government of Colombia is represented by:
H.E. Mr. Julio Londoño Paredes, Professor of International Relations, Universidad del Rosario,
Bogotá,
as Agent;
H.E. Mr. Guillermo Fernández de Soto, Chair of the Inter-American Juridical Committee, Member
of the Permanent Court of Arbitration and former Minister for Foreign Affairs of the Republic
of Colombia,
as Co-Agent;
Mr.JamesCrawford, S.C., F.B.A., Whewell Professor of International Law, University of
Cambridge, Member of the Institute of International Law, Barrister,
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the NewYork Bar,
Eversheds LLP, Paris,
Mr.MarceloKohen, Professor of International Law at the Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva; associate member of the Institut de droit international,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Francisco José Lloreda Mera, Ambassador of the Republic of Colombia to the Kingdom
of the Netherlands, Permanent Representative of Colombia to the OPCW, former Minister of
State,
Mr. Eduardo Valencia-Ospina, Member of the International Law Commission,
H.E. Ms Sonia Pereira Portilla, Ambassador of the Republic of Colombia to the Republic of
Honduras,
Mr. Andelfo García González, Professor of Interna tional Law, former Deputy Minister for Foreign
Affairs of the Republic of Colombia,
Ms Victoria E. Pauwels T., Minister-Counsellor, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of
Colombia,
Mr. Julián Guerrero Orozco, Minister-Counsellor, Embassy of the Republic of Colombia in the
Kingdom of the Netherlands,
Ms Andrea Jiménez Herrera, Counsellor, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Colombia,
as Legal Advisers;
Mr. Thomas Frogh, Cartographer, International Mapping,
as Technical Adviser. - 8 -
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. Carlos López Contreras, ambassadeur, conseiller national au ministère des affaires
étrangères,
comme agent ;
SirMichaelWood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du
droit international,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à l’Université de Genève,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Julio Rendón Barnica, ambassadeur, ministère des affaires étrangères,
S. Exc. M. Miguel Tosta Appel, ambassadeur, président de la commission hondurienne de
démarcation au ministère des affaires étrangères,
S. Exc. M. Sergio Acosta, chargé d’affaires a.i. à l’ambassade du Honduras au Royaume des
Pays-Bas,
M. Richard Meese, avocat à la Cour d’appel de Paris,
M. Makane Moïse Mbengue, docteur en droit, maître de conférences à l’Université de Genève,
Mlle Laurie Dimitrov, élève-avocat, barreau de Paris, cabinet Meese,
M. Eran Sthoeger, faculté de droit de la New York University,
comme conseils ;
M. Mario Licona, ministère des affaires étrangères,
comme conseiller technique. - 9 -
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. Carlos López Contreras, Ambassador, National Counsellor, Ministry of Foreign Affairs,
Asgent;
SirMichaelWood, K.C.M.G., member of the E nglish Bar, member of the International Law
Commission,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law at the University of Geneva,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Julio Rendón Barnica, Ambassador, Ministry of Foreign Affairs,
H.E. Mr. Miguel Tosta Appel, Ambassador, Chairman of the Honduran Demarcation Commission,
Ministry of Foreign Affairs,
H.E. Mr. Sergio Acosta, Chargé d’affaires a.i. at the Embassy of Honduras in the Kingdom of the
Netherlands,
Mr. Richard Meese, avocat à la Cour d’appel de Paris,
Dr. Makane Moïse Mbengue, Senior Lecturer at the University of Geneva,
Miss Laurie Dimitrov, pupil barrister, Paris Bar, Cabinet Meese,
Mr. Eran Sthoeger, Faculty of Law, New York University,
Csounsel;
Mr. Mario Licona, Ministry of Foreign Affairs,
as Technical Adviser. - 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The Court meets today to hear the
second round of oral argument of Nicaragua and Co lombia. I shall first give the floor to
His Excellency Mr. Carlos Argüello Gómez, the Agent of Nicaragua.
Mr.ARGUELLO GOMEZ: Mr.President, distinguished Members of the Court, good
afternoon.
1. This has been a most unusual week. I must praise the patience of the Court in listening to
arguments that question the clear meaning of your very carefully drafted Judgment of
October 2007.
2. Counsel for Honduras dismisses Nicaragua’s insistence on the finality of this Judgment on
the question of the maritime delimitation between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea,
1
as the Nicaraguan “ res judicata Leitmotif” . This is true. In fact it is the leitmotif of this whole
proceeding. Honduran counsel also adverted that if it is not allowed to intervene it has the
“alternative course” of commencing “new proceedi ngs against Nicaragua and Colombia” and then
2
“seek to have them joined to the current case” . If that were to happen, I can only offer Honduras
the same “res judicata leitmotif”.
Th3e. res judicata issue taints Honduras’s Application to intervene to such an extent, as
ProfessorPellet will explain, that it also affects any jurisdictional claim that Honduras might
invoke on the basis of the Pact of Bogotá. Article VI of the Pact bans any jurisdictional recourse in
matters already settled by decisions of an international court. This Application to intervene should
not be before the Court and it should be summarily dismissed.
4. Mr.President, the Colombian presentation was again, as last week during the hearing of
Costa Rica’s Application to intervene, addressed to the merits of the present case. In that respect it
was not a surprise to read in the regional news that the high representatives of Colombia had
publicly thanked Costa Rica and Honduras for the help they had provided Colombia with its case
before the Court 3.
1CR 2010/21, p. 12, para. 16 (Wood).
2
Ibid., p. 18, para. 38 (Wood).
3El Nuevo Diario, 21 Oct. 2010, “Colombia valora postura de Honduras y Costa Rica en litigio con Nicaragua”. - 11 -
5. In spite of the temptation to contradict the statements of fact and law on the merits
asserted by Colombia ⎯ and Honduras ⎯ I will not continue to waste the Court’s time on these
points and simply make a general reservation of Nicaragua’s position on all these issues.
6. Last Wednesday, Colombia introduced into the judge’s folder ⎯ tab2 ⎯ a graphic
labelled “Area within which Honduras Claims Legal Interests”. (CAG1) This graphic visually
conveys the reason why Nicaragua had to seek the assistance of the Court in order to find a solution
to the attempt to cut off its maritime areas. In the graphic we can appreciate the Treaty lines
presently in place and in force between their respective Parties: Costa Rica/Panama,
Panama/Colombia and Jamaica/Colombia, which are not in question in these proceedings. What is
certainly in question, to the north, is the rectangle Honduras now claims and that follows on its
southern base, parallel 14° 59' 08" N as if the 2 007 Judgment had never happened. In the centre of
the graphic we have three small inhabited islands ⎯ San Andrés, Providencia and the islet of Santa
Catalina ⎯ and a few cays, the sovereignty over which is being contested in the present case. All
of these features that have an aggregate land area of just 44 sq km, are portrayed in the graphic out
of any proportion to their actual size and clearly take the lion’s portion of the maritime areas in the
region. Nicaragua’s extensive continental coast is left with under 80miles of territorial sea and
continental shelf. To better understand the situa tion we have added the e quidistance line claimed
by Costa Rica as a maritime boundary with Nicaragua in the hearings of last week. In the graphic
(CAG 1) we can appreciate that, just in the ar ea covered by the graphic, the islands and cays
claimed by Colombia are attri buted maritime areas of over 166, 000sqkm, whilst Nicaragua’s
coastline generates just under 58,000sqkm. This is the reason why we came to the Court and
brought a case against Honduras and against Colombia.
7. The case of Nicaragua v. Honduras was settled by the Court’s Judgment of
8 October 2007. This is the case that Honduras ⎯ and Colombia ⎯ are trying to reopen.
8. But there is another Judgment of the Court that has not been mentioned. In the present
case, Colombia interposed preliminary objections and claimed, among other things, that the
1928Treaty it had concluded with Nicaragua had fixed a maritime border that ran along the
82ndmeridian and that for this reason the Court did not have jurisdiction since this matter had
already been settled by the parties in that Treaty. In its Judgment of 13 December 2007 the Court - 12 -
concluded that “the 1928Treaty and 1930Protocol did not effect a general delimitation of the
maritime boundary between Colombia and Nicaragua” 4 and unanimously decided to reject “the
5
objection to its jurisdiction in so far as it concerns the maritime delimitation between the Parties” .
9. Both Colombia and Honduras have argued that their 1986 Treaty could not have been
affected by the October2007Judgment and Nicaragua agrees with this in so far as it concerns
Colombia that was not a party in that case. But an important point has been left out. The Treaty
between Colombia and Honduras had as its starting-point the following co-ordinate,
latitude 14° 59' 08" N longitude. 82° 00' 00" W; that is, the delimitation line began at the
intersection of the 82ndmeridian ⎯ that was claimed by Colombia as its maritime border with
Nicaragua ⎯ and the so-called 15thparallel that was claimed by Honduras as its border with
Nicaragua.
10. The 8 October 2007 Judgment in the case of Nicaragua v. Honduras determined that the
15th parallel (lat. 14° 59' 08" N) was not the maritime border between Nicaragua and Honduras and
that this border followed a bisector with a more north erly direction. This Judgment put to rest the
first co-ordinate of latitude on which the 1986 Treaty rested. The other Judgment decided that the
82nd meridian was not the maritime border between Nicaragua and Colombia. This put to rest the
first co-ordinate of longitude of the 1986 Treaty.
11. One case is res judicata vis-à-vis Honduras and the other is res judicata vis-à-vis
Colombia. The result in any case is that both legs of the 1986Treaty have been removed. The
1986 Treaty has no valid starting-point; it has no support on which to stand.
12. Yet, Honduras has come to this Court saying its legal interests, which may be affected by
the Court’s decision in this case are precisely and only those that arise from the 1986 Treaty. That
is exactly what both Honduras’s and Colombia’s c ounsel have argued this week: that the legal
interests on which Honduras bases its Application to intervene are those, north of the 15th parallel,
that derive from the 1986Treaty 6. Yet this is the area clearly awarded to Nicaragua by the
4
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminar y Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 869, para. 120.
5Ibid., p. 875, para. 142, sec. 1 (c).
6CR2010/18, pp.14-15, para.7 (López); ibid., pp.42-43, para.38 (Wood); CR2010/20, p.19, para.18
(Bundy); ibid., p.25, para.38 (Bundy); CR2010/18, p.44, pa ra.43 (Wood); CR2010/20, p.28, para.4 (Kohen);
CR 2010/20, p. 31, para. 11 (Kohen). - 13 -
2007 Judgment. The 1986 Treaty cannot prevail over that 2007 Judgment in so far as the rights of
Honduras and Nicaragua are concerned. Honduras has no case.
13. Honduras argued extensively in the Nicaragua v. Honduras case that the Court could not
render any judgment that would affect its 1986Treat y with Colombia that was not a party to the
case. In the footnotes to this presentation are indicated the sections of Honduras’s written and oral
pleadings in that case that directly addressed the question of the 1986 Treaty. I was informed that
7
it adds up to 3,121words . And now another thousand words and one additional week of the
Court’s valuable time are added to the arguments on the limits this Treaty allegedly imposes on the
Court’s powers of adjudication.
14. Mr.President, it is perhaps ironical that Article2 of this Treaty ⎯ the 1986Treaty ⎯
contains the following provision:
“The delimitation stated in the above ar ticle shall not overrule the layout of the
marine frontiers which have been establishe d or can be established in the future
between any of the Parties herein and third States, as long as said layout does not
affect the jurisdiction acknowledged to the other Contracting Party by the foregoing
instrument.”
15. So the 1986Treaty allows the parties to “lay out” maritime frontiers in the future with
third States but apparently it does not allow the Court to determine the maritime areas between
Nicaragua and Colombia without the presence of Honduras.
16. Mr.President, in its oral arguments of yesterday, Honduras introduced into the judges’
folders what it called a “map showing the area of Honduras’s interests”. This map is now on the
screen (CAG 2: MW6). In it, Honduras is clai ming the same maritime borderline it claimed
during the case that the Court decided in October2 007. It refers to areas located north of the
15thparallel that the Court decided were not part of Honduras’s maritime areas, as still
appertaining to Honduras. The image speaks for itself.
17. Mr. President, I do not wish to waste the tim e of the Court any further with this issue. I
have asked Professor Pellet to respond as succinctly as possible to the three hours of oral arguments
of Honduras and Colombia.
7CMH, p.22, paras.2.16-2.19, p.27, para. 2.28, p. 65, para. 4.22, p. 66, para. 4.25, p. 77, para. 5.18, p. 85,
para. 5.36; p. 133, para. 7.2, pp. 142-143, paras.7.31-7.37, pp.144-146, 7.41-743, p.149, para.8.10, p.150,
para. 8.13, p. 151, Submissions (2); RH, pp. 95-96, para. 5.42 and CR 2007/8, p. 22, para. 22, p. 23, para. 26, pp. 46-47,
paras. 35-36, (Quéneudec); CR 2007/10, p. 32, p. 153, (Colson). - 14 -
18. I would appreciate, Mr.President, if you would call ProfessorPellet to the podium.
Thank you.
The PRESIDENT: I thank Dr.Carlos Argüello Gómez, the Agent of the Republic of
Nicaragua, for his presentation. Maintenant, j’in vite M.le professeurAlainPellet à prendre la
parole.
M. PELLET :
1. Merci beaucoup, Monsieur le président. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs
les juges, Back to the Future semble être le scénario préféré de nos amis colombiens. Et je
comprends que les conseils du Honduras ⎯amis aussi d’ailleurs ⎯ approuvent le scénario avec
jubilation.
2. Ces audiences sont consacrées (en tout cas elles devraient l’être) ⎯ et vous l’avez rappelé
dans votre présentation introductive de lundi dernier, Monsieur le président,
«pursuant to Article84, paragraph2, of the Rules of Court to hear the oral argument
of the Republic of Honduras and the Parties on the question whether the Application
for permission to intervene in the case concerning the Territorial and Maritime
Dispute (Nicaragua v. Colombia), filed on 10June2010 by Honduras under
8
Article 62 of the Statute, should be granted» .
Les audiences devraient être consacrées à ceci, et non à la délimitation maritime ou à la question de
l’appartenance des formations insulaires de la zone contestée entre la Colombie et le Nicaragua. Je
reconnais d’ailleurs que, d’une manière générale, les représentants du Honduras s’en sont souvenus
parfois hier après-midi, contrairement à nos co llègues parlant au nom de la Colombie qui se
trompent à la fois d’époque et de procès.
3. Je ne sais pas quand la Cour a l’intenti on de fixer les audiences dans l’affaire dont le
Nicaragua l’a saisie afin de régler le différend qui l’oppose à la Colombie ⎯assez vite j’espère
malgré les requêtes en intervention dont l’impr obable admission retarderait encore et indûment
l’examen. Mais je dois dire qu’en écoutant nos contradicteurs j’avais l’impression d’être projeté
vers le futur et d’entendre les plaidoiries qu’ils feront lorsque le fond de l’affaire pourra enfin être
examiné. Mais nous n’en sommes pas là, et l’agent du Nicaragua vient de dire ce qu’il fallait pour
8
CR 2010/18, p. 10-11 (Owada). - 15 -
préserver nos positions. Pour ma part, je vais, même si c’est moins poétique, revenir au présent
⎯ c’est-à-dire à la question (la seule question qui devrait nous occuper), celle du bien-fondé de la
demande incidente du Honduras visan t à intervenir dans l’affaire qui oppose le Nicaragua à la
Colombie. Ceci revient à se demander (et à se demander seulement) si le Honduras a fait valoir un
intérêt d’ordre juridique qui soit pour lui en cau se dans le différend dont la Cour est saisie au
9
principal; ou, en d’autres termes encore, si la «condition de l’article62» est remplie ⎯ étant
entendu que, bien sûr, l’Etat qui désire intervenir a le pouvoir discrétionnaire d’exercer ou non son
10
droit, non pas «à intervenir» , mais à adresser à la Cour une requête à fin d’intervention.
4. Pour ce faire, Monsieur le président, je répondrai bien sûr conjointement aux arguments
de la Colombie et du Honduras puisque, ils n’en font pas vraiment my stère, ils font cause
commune ⎯ à une petite nuance près, par laquelle je va is commencer, qui concerne la possibilité
pour le Honduras d’intervenir en tant que partie. J’aborderai ensuite successivement trois points :
⎯ la question de la confusion qu’entretiennent les deux compères sur le rôle respectif de chacun ;
une fois celle-ci clarifiée, je discuterai
⎯ d’une part, la portée de la res judicata de 2007 vis-à-vis de chacun d’eux ; et,
⎯ d’autre part, l’incidence que pourraient avoir ⎯ou, plutôt, que ne peuvent pas avoir ⎯ les
traités conclus par la Colombie avec le Honduras en 1986 et avec la Jamaïque en 1993.
1. L’intervention du Honduras en tant que partie
5. Monsieur le président, je suis jaloux ! Jaloux du professeur Crawford et de la liberté que
lui a laissée son agent de vous faire une conférence ⎯ captivante d’ailleurs ⎯ sur la possibilité
pour un Etat d’intervenir en tant que partie dans une affaire devant la Cour. Moi aussi, j’aurais
bien voulu vous faire part de mes vues sur cet te intéressante question. Malheureusement
l’ambassadeur Argüello n’a pas manifesté une grande compréhension quand je lui ai fait part de
9
CR 2010/19, p. 14, par. 5 (Pellet).
10CR 2010/21, p. 22, par. 9 (Boisson de Chazournes). - 16 -
mon souhait d’essayer de déployer à mon tour me s talents professoraux devant vous et il m’a
enjoint de m’en tenir aux deux seuls aspects qui pe uvent avoir une incidence concrète dans le cas
d’espèce ⎯ et, en mon âme et conscience, en tant que conseil, je ne puis lui donner complètement
tort...
6. Le premier de ces éléments concrets concerne la première condition qui, selon mon
contradicteur, doit être remplie pour qu’un Etat puisse intervenir en tant que partie dans une affaire
dans laquelle un intérêt juridique serait pour lui en cause : avoir un lien juridictionnel avec les deux
parties originelles 11. Dans l’abstrait pas de problème: si la possibilité d’un e telle intervention
existe, cette condition va de soi. En revanche, l’affirmation du savant professeur est sérieusement
sujette à caution lorsqu’il se risque à l’appliquer à l’espèce : «First, as to jurisdiction, that problem
does not arise here, since all three States are parties to the Pact of Bogotá.» 12 Mais, contrairement
13
à cet avis que partage le Honduras , cela ne suffit pas Monsieur le président ! Il faut encore qu’il
résulte de cette base de juridiction que la C our a effectivement compétence en la présente
occurrence.
7. Or que disent les articles pertinents du pacte de Bogotá ? Certes, l’article XXXI prévoit la
compétence de la Cour dans les conditions prévues à l’article 36, paragraphe 2, de son Statut. Mais
l’article VI du même instrument exclut de la comp étence de la haute juridiction les «questions déjà
réglées au moyen...d’une décision d’un tribunal in ternational». La Colombie ne peut pas
l’ignorer: elle a invoqué avec véhé mence l’application de l’article VI dans le cadre du différend
dans lequel le Honduras cherche à intervenir, et elle a obtenu que la Cour l’en fasse bénéficier en se
déclarant incompétente pour connaître d’une partie ⎯ importante ⎯ de l’affaire dont le Nicaragua
14 15
l’avait saisie contre elle . Or, comme je l’ai montré mercredi dernier (et je vais y revenir
brièvement), toute l’argumentation du Honduras à l’appui de sa requête à fin d’intervention
11 CR2010/20, p.41, par.12 (Crawford); voir aussi: CR2010/21, p.27, par.6 (López Contreras) et p.18,
par. 37 (Wood).
12 CR 2010/20, p. 46, par. 31.
13 Requête à fin d’intervention du Gouvernement du Hondur as, p.5, par.21 et CR2010/18, p.46, par.49
(Wood) ; et voir aussi : CR 2010/21, note de bas de page 11.
14 Différend territorial et maritime (Nicaragua.olombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 861, par. 90.
15 CR 2010/19, p. 15-27, par. 8-33 (Pellet). - 17 -
consiste à remettre en cause les questions con cernant la délimitation déjà réglées par l’arrêt
du8octobre2007; la Cour n’a pas compétence pour se prononcer sur ces prétentions qui
constituent l’objet même de la requête hondurienne en interventi on et celle-ci doit être rejetée
⎯ rejetée aussi ⎯ sur la base de l’article VI du pacte de Bogotá.
8. Je dois dire que je ne peux m’empêcher de me demander si le Honduras, parfaitement
conscient qu’il ne peut intervenir comme partie, ne fût-ce que faute de lien juridictionnel avec le
Nicaragua (pour la raison que j’ai dite) ⎯si donc le Honduras, n’a pas forgé cette demande ⎯
présentée avec insistance comme étant «principale» 16, dans le seul espoir que, ne pouvant que la
rejeter, la Cour accepte, comme une sorte de «l ot de consolation» sa demande «subsidiaire».
Certes, un tel raisonnement est juridiquement ir recevable et vous ne sauriez, Mesdames et
Messieurs les juges, vous y laisser prendre. Mais les conseils entretiennent parfois de vains espoirs
de ce genre... Et, ici, l’espoir est d’autant plus frivole qu’une autre condition, qui s’applique aux
deux hypothèses, fait manifestement défaut et doi t entraîner le rejet des demandes honduriennes,
qu’elles soient «principales» ou «subsidiaires». Le Honduras ne fait en effet valoir aucun intérêt
juridique à intervenir, condition qui s’impose dans l’une comme dans l’autre hypothèse.
9. Alors que l’Etat demandant à intervenir semble clairement admettre qu’il s’agit là d’une
condition générale 17, le professeur Crawford a voulu faire naître le doute à cet égard: concédant
que l’article 62 ne fait aucune distinction entre l’intervention comme partie ou comme non-partie, il
affirme que la chose est «moins claire» (less clear) dans le premier cas, car cette idée de partie
18
intervenante serait une création prétorie nne («it is a creation of your case law») . Je ne veux pas
entrer dans une savante discussion académique sur ce point; mais il me semble très évident que,
quand bien même il s’agirait d’une création jurisprude ntielle, elle doit tout de même bien avoir un
ancrage statutaire, et celui-ci ne peut être que l’article62 du Statut. Or ⎯on ne le dira jamais
trop ⎯ la condition que cette disposition met à toute intervention est qu’un intérêt juridique soit en
cause dans l’affaire au principal pour l’Etat cherchant à intervenir.
16
Requête à fin d’intervention du Gouvern ement du Honduras, p. 5, par. 23 ; p. 5-6, par. 24 ; p. 7, par. 29-31 ;
voir aussi CR2010/18, p.27, par.17; p.28-29, par.21-22 ; p.30-31, par.28-29 (Boisson de Chazournes) et p.31,
par. 2 ; p. 35, par. 17 ; p. 36, par. 18-20 (Wood) ; et CR2010/21, p.18, par.34-3ood) et p.27, par.7 (López
Contreras).
17
CR 2010/21, p. 11, par. 13 (Wood).
18CR 2010/20, p. 43, par. 18 (Crawford). - 18 -
10. Dès lors, contrairement à la Colombie, nous pouvons d’ores et déjà répondre fermement
à Mme le juge Donoghue ⎯dont James Crawford semble avoir anticipé la question par
télépathie ⎯ que le Nicaragua a la très ferme conviction que peu importe décidément la qualité en
laquelle le Honduras prétend intervenir: il ne le pe ut ni comme partie, ni comme non-partie, et il
s’oppose à cette intervention.
2. La confusion des rôles
11. Mesdames et Messieurs de la Cour, en éc outant nos contradicteurs depuis le début de la
semaine, je me suis demandé si leur véritable argument n’était pas un message subliminal, qu’ils
tentent de vous adresser, au-delà des démonstrations qu’ils font mine de développer. Cet argument
non dit pourrait être exprimé ainsi : «les choses s ont tellement compliquées, les relations juridiques
entre les Parties tellement confuses» 19 ⎯les Parties et les non-parties, d’ailleurs ⎯, les faits si
20
complexes , qu’il est indispensable que vous autorisiez le Honduras à intervenir pour vous aider à
débrouiller «l’embarras incertain» du labyrinthe dans lequel les deux Etats essaient de vous
21
perdre . Mais ce labyrinthe, ils le créent de toute pièce ; les choses sont bien plus simples qu’ils le
disent si l’on veut bien les remettre en perspective et donner à chacun des acteurs le rôle qui lui
revient.
12. Sans suivre un ordre chronologique, le plus commode est sans doute de mentionner en
premier lieu l’arrêt du 13décembre2007, par le quel la Cour a considéré qu’elle n’avait pas
compétence pour se prononcer sur la question de «la souveraineté sur les îles de SanAndrés,
Providencia et Santa Catalina», réglée par le traité Barcenas-Esguerra de1928 (traité dont le
Nicaragua conteste la validité). Mais vous avez retenu votre compétence «pour statuer sur le
différend relatif à la souveraineté sur les formations maritimes revendiquées par les Parties autres
19
CR 2010/18, p. 32, par. 6 et p. 46, par. 50 (Wood) et CR 2010/20, p. 24-25, par. 38-39 (Bundy).
20
Ibid., p. 20, par. 4 ; p. 52, par. 13 (Boisson de Chazournes).
21Cf. Jean Racine, Phèdre, acte II, scène 5, «L’aveu de Phèdre». - 19 -
22
que» ces trois îles et «sur le différend relatif à la délimitation maritime entre les Parties» . Seules
ces questions peuvent donc être en cause dans le différend dans le quel le Honduras tente
d’intervenir.
[Projection n o 1 : Contexte géographique]
13. Le «contexte géographique» de ce litige est défini par le croquis figurant en tête de l’arrêt
sur les exceptions préliminaires, qui est reproduit sous l’onglet n o3 du dossier des juges.
o
[Projection n 1-1 : Le contexte géographique et la zone pertinente aux fins de la délimitation]
14. Nous y avons superposé la zone pertinente aux fins de la délimita tion, telle qu’elle est
figurée dans le croquis3-1 de la réplique du Nicar agua et dont la Colombie et le Honduras font
leurs choux gras. Il ne me paraît pas y avoir tellement de raisons de se gausser: cette zone
correspond fort bien, me semble-t-il, à ce que la Cour, elle-même, considère comme étant le
contexte géographique ⎯ un contexte qu’il convient à l’évid ence de prendre en considération aux
fins de la délimitation à intervenir entre les Parties au principal ⎯ dont je ne de vrais pas avoir
besoin de rappeler qu’il s’agit du Nicaragua, qui est le demandeur, d’une part ; de la Colombie, qui
est la défenderesse, d’autre part.
o
[Fin de la projection n 1]
15. Je ne devrais pas avoir à rappeler ces évidences, Monsieur le président; mais c’est,
malheureusement, absolument nécessaire ⎯car nous avons été fort interloqués de la fougue avec
laquelle l’équipe de plaidoiries de la Colombie a entrepris de démontrer, mercredi, que la Colombie
⎯ la Colombie ! ⎯ avait un intérêt juridique dans l’affair e dont le Nicaragua vous a saisis contre
elle. Ainsi, par la voix de son agent, elle a fait valoir que: «Colombia is not precluded from
upholding its rights vis-à-vis Nicaragua and claim it s rights north of the 15thparallel and west of
meridian 79° 56' 00" and west of the rest of the line fixed in that Treaty» 23; MM. Bundy et Kohen
22 Différend territorial et maritime (Nicaragu.olombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 876, par. 142.
23CR 2010/20, p. 13, par. 19 (Londoño). - 20 -
24
ont fait chorus ⎯ tout comme le Honduras, dont l’agent s’est érigé en défenseur des droits de la
Colombie 25 et dont un avocat a, durant l’audience d’hier après-midi, vigoureusement approuvé les
26
déclarations en ce sens de l’agent de la Colombie .
16. Mais la Colombie joue à se faire peur. Personne ⎯en tout cas pas le Nicaragua ⎯ ne
dit cela : en tant qu’Etat défendeur dans la présente affaire, elle peut faire valoir les droits qu’elle
croit avoir (de même qu’il est évidemment loisible au Nicaragua de les contester ⎯ et il s’oppose
très vigoureusement, en particulier à la prétention que je viens de citer). En tant que tiers par
rapport à l’arrêt du 8 octobre 2007 ⎯ celui qui a tranché le Différend territorial et maritime entre
le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes ⎯ la Colombie n’est pas liée par lui et il lui
est loisible d’en récuser tant les motifs que le dispositif ⎯même si cela est sans doute un peu
téméraire ⎯ étant rappelé qu’en concluant le traité de1986 avec le Honduras, elle a manifesté
qu’elle n’avait aucune revendication à faire valoir au nord du 15 e parallèle, arrêt ou pas.
17. Par contre, s’agissant de l’arrêt sur les exceptions préliminaires dans la présente instance,
non plus du 8 octobre ⎯ mais du 13 décembre 2007 (une année très «productive» pour la Cour), la
situation est inverse : en la circonstance, le Hondur as est tiers et la Colombie Partie. Il n’empêche
que, pour ce qui est du raisonnement, ce second a rrêt contribue à clarifier bien des choses ⎯ et je
vais y revenir dans un instant.
o
[Projection n 2 : Tracé de la frontière maritime]
18. S’agissant du Honduras, c’est tout le contraire. Il est tiers par rapport à l’affaire qui
oppose le Nicaragua à la Colombie dans laquelle il veut intervenir, et il doit établir qu’il a un
intérêt juridique pouvant être affecté par la future décision de la Cour. En revanche, il était Partie à
l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt d’octobre2007 ⎯par lequel il est lié. Bien entendu, il est, à
l’égard de celui-ci, dans une position toute di fférente de celle de la Colombie: en ce qui le
concerne, cet arrêt a l’autorité de la chose jugée et il ne peut faire valoir aucun intérêt juridique qui
irait à l’encontre du dispositif de cette décision ou des motifs qui la justifient.
24
Voir, parmi des très nombreux exemples : CR2010/20, p. 27, par. 46 (Bundy) ou p. 38, par. 35 (Kohen).
25
CR 2010/18, p. 14, par. 7-8 (López Contreras).
26CR 2010/21, p. 13, par. 19 (Wood). - 21 -
19. C’est à la lumière de ces considérations et, j’espère, de ces clarifications, qu’il faut,
Monsieur le président, se demander si le Honduras ⎯ le Honduras, pas la Colombie ⎯ peut, avec
un semblant de vraisemblance, se prévaloir de cet indispensable intérêt juridique.
[Projection n 3 : La portée de la res judicata de 2007]
3. La portée de la res judicata de 2007
20. A cet égard, le scénario n’est plus Back to the Future . Ce serait plutôt A la recherche du
temps perdu, car nos amis honduriens et colombiens u tilisent la machine à remonter le temps pour
tenter d’effacer l’arrêt du 8 octobre 2007.
21. Ils le font en fonction d’un raisonnement qui n’est pas toujours très facile à suivre mais
qui peut sans doute assez facilement être résumé ainsi : puisque la Colombie n’est pas liée par cette
décision ⎯celle de 2007 ⎯, le Honduras ne l’est pas non plus dans ses relations avec elle et il
peut donc se prévaloir d’un intérêt dans la présen te affaire dans la mesure où la Colombie lui a
reconnu, et continue de lui reconnaître, des droits da ns la zone dans laquelle il prétend en avoir.
Vous noterez en passant, Mesdames et Messieurs les juges, que le curieux principe de
Laurence Boisson de Chazournes (un intérêt d’ordre juridique existe puisque le Honduras «estime»
27
qu’il en est ainsi ), que ce curieux principe est en partie revu et corrigé par la Colombie: le
Honduras a un intérêt juridique puisque, moi, Colombie, j’estime qu’il en est ainsi 28.
22. C’est, Monsieur le président, fort mal poser le problème : la chose jugée a un effet relatif,
certes ; mais elle s’impose à chacune des Parties de façon absolue : la Colombie n’est pas liée par
l’arrêt de 2007, soit ! Mais le Honduras lui est lié par cet arrêt et il doit le respecter.
23. Permettez-moi une citation: «Maritime area s situated within the rectangle and lying
north of the bisector are not at issue in the presen t case. As between Nicaragua and Honduras, the
Court has ruled that those areas appertain to Honduras.» Si ce n’était pas dit dans un anglais châtié
(de l’américain en réalité), j’aurais pu dire ceci, mot pour mot 29. Or c’est M.Bundy qui l’a dit
mercredi. Mais je suis prêt à cosigner: la Cour a décidé que le nord de la zone dans laquelle le
27
CR2010/18, p.21, par.5 (Boisson de Chazournes) ; voir aussi CR2010/21, p.22, par.9 (Boisson de
Chazournes).
28
Voir par exemple : CR 2010/20, p. 25, par. 39 ou p. 27, par. 47 (Bundy) ; voir aussi p. 37, par. 34 (Kohen).
29CR 2010/20, p. 23, par. 33 (Bundy). - 22 -
Honduras prétend avoir un «intérêt juridique» lui pe rmettant d’intervenir, appartenait à ce pays
⎯ et ceci est chose jugée. Elle a aussi décidé, da ns le même arrêt, que les espaces situés au sud de
cette même ligne relevaient du Ni caragua ; ceci est tout autant res judicata. Et, sauf à remettre en
cause ce que la Cour a décidé, le Honduras ne pe ut invoquer aucun intérêt que l’arrêt à intervenir
pourrait affecter.
24. Et pourtant il le fait: le «rectangle» qui est figuré sur le croquis projeté en ce moment
illustre ses prétentions à cet égard. Nous en a vons déjà beaucoup parlé; mais il mérite encore
quelques mots, rapidement :
30
⎯ ce rectangle définit (et circonscrit), je le rappelle , selon le Honduras lui-même, son intérêt
potentiel ;
e
⎯ il est borné à l’est par le 82 méridien, point de départ de la ligne fixée par le traité de 1986, sur
lequel la Cour s’était abstenue de se prononcer dans son arrêt de2007 pour ne pas risquer de
31
porter préjudice aux droits de la Colombie, absente de l’instance ; mais, trois mois plus tard,
dans son arrêt du 13 décembre 2007, concernant les exceptions préliminaires dans notre affaire,
la Cour estime «que, contrairement à ce que prétend la Colombie, le s termes du protocole
[de 1930 au traité de 1928], pris dans leur sens na turel et ordinaire, ne peuvent être interprétés
comme opérant une délimitation de la frontière maritime entre la Colombie et le Nicaragua»
(Différend territorial et maritime (Nicaragua c.Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p.867, par.115), ce qui prive de toute signification cette limite
e
arbitraire du 82 méridien ;
⎯ le côté sud du rectangle n’est pas plus justifié : il résulte de l’arrêt du 8octobre2007 que le
Honduras n’a aucun droit au sud de la ligne de 2007 ;
⎯ quant au côté est, il faut remarquer qu’il ne peut, en lui-même, avoir aucune signification
particulière et, surtout, que la ligne en pointillés du croquis illustratif inclus dans ce dernier
arrêt se prolonge au-delà, à l’est du 80 eméridien.
o o
[Projection n 4 : Agrandissement du croquis n 7 (Tracé de la frontière maritime)]
30CR 2010/19, p. 28-29, par. 38-41 (Pellet).
31 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758, par. 315-316. - 23 -
25. Selon tant le Honduras que la Colombie , cette continuation de la ligne au-delà non
seulement du 82 e, mais même du 80 méridien, serait dépourvue de toute signification. MM. Bundy
o
et Wood en veulent pour preuve la flèche du croquis n 8 de l’arrêt d’octobre2007, sur lequel ils
tentent de polariser l’attention: l’un et l’autre prétendent en effet qu’il s’agit là de la seule
illustration qui vaille de la délimitation effectuée par la Cour 32. Même en s’en tenant à ce croquis,
o
qui n’est que l’agrandissement du croquis n 7 intitulé, lui, «Tracé de la frontière maritime», il est
clair que la flèche figurant à l’est, la pointe collée sur le 82 eméridien, implique que la frontière va
au-delà de ce méridien.
[Projection n o5: Dossier des juges du Honduras ⎯onglet8 (carte montrant la zone d’intérêts du
Honduras en même temps que la «zone pertinente aux fins de la délimitation» selon le Nicaragua)]
33
26. Sir Michael a cru me «faire plaisir» en produisant, hier le croquis MW6... L’intention
me touche, mais l’objectif annoncé n’est pas atteint: il y a toujours la flèche du croquis n o 8, et
o
mon contradicteur, à mon grand déplaisir, s’est bien gardé de reproduire la ligne du croquis n 7
(celui qui illustre le «tracé de la frontière») ⎯ que vous voyez apparaître maintenant.
27. Cette ligne ⎯ en pointillés ⎯ continue jusqu’au-delà du 80 eméridien ⎯ soit jusqu’à
environ 185 milles marins de l’embouchure de la rivière Coco, qui constitue le point de départ de la
frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua. Si la Cour avait eu le moindre doute sur le
fait que «la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits des tiers» pouvait conduire à
fixer le point terminal de cette frontière sur ou dans les environs du 82 e parallèle, nul doute qu’elle
n’aurait pas prolongé la ligne aussi loin. Dans le même esprit, il est significatif que la Cour ait pris
soin de mentionner «que la ligne ne saurait en aucun cas être interprétée comme se prolongeant à
plus de 200milles marins des lignes de base à par tir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale». Et, si elle l’a fait, c’est, à l’évid ence, parce qu’elle avait à l’esprit un point triple
lointain, inférieur à 200 milles mais lointain, et la conviction que l’Etat tiers concerné était non pas
la Colombie, mais la Jamaïque, je vais y revenir.
o
[Revenir à la projection n 3]
32Voir not. CR 2010/20, p. 21, par. 25 (Bundy) ; voir aussi CR 2010/21, p. 14, par. 23.
33CR 2010/21, p. 14, par. 23. - 24 -
28. Ici, la Colombie se fait véhémente : «le tie rs, dit-elle, c’est moi». J’ai montré mercredi
34
dernier pourquoi il n’en n’est pas ainsi : le tiers, c’est la Jamaïque . L’arrêt du 8 octobre 2007 ne
laisse aucun doute à cet égard.
29. Fidèle à sa volonté de préserver les droits des Etats tiers, la Cour y fait une longue
analyse de ceux qui seraient potentiellement affectés par la frontière maritime entre le Nicaragua et
35
le Honduras telle qu’elle trace cette frontière . A cette fin, elle procède par élimination
successive :
⎯ au paragraphe315 de l’arrêt, elle conclut que les droits de la Colombie en vertu du traité
de 1928 ne pouvaient pas être affectés ;
⎯ au paragraphe316, elle arrive à la même c onclusion en ce qui concerne les droits de la
Colombie en vertu, cette fois, du traité de 1986 ;
⎯ mais sa conclusion au regard des droits de la Jamaïque, examinés au paragraphe 317, est toute
différente :
«Le régime juridictionnel commun établi par la Jamaïque et la Colombie en
vertu d’un traité bilatéral de délimitation maritime conclu ene1993 et portant sur une
zone située au sud de Rosalind Bank à proximité du 80 méridien constitue une autre
source éventuelle d’intérêts d’Etats tiers. La Cour ne saurait tracer une délimitation
qui couperait cette ligne, parce que cela pourrait porter atteinte aux droits des
deux Parties à ce traité.» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 317.)
C’est à ce stade du raisonnement et à ce stade seule ment que la Cour souligne qu’en l’espèce elle
doit s’abstenir de fixer un point terminal qui impli querait de considérer les droits de la Jamaïque,
qui n’est pas partie à cette procédure.
30. Mais admettons que ce tiers soit la Colombie (même si la direction de la ligne tracée par
la Cour suffit à exclure absolument l’hypothèse) , admettons-le, cela ne pourrait rien changer à
l’affaire :
34
CR 2010/19, p. 30, par. 43-44 (Pellet).
35 Différend territorial et maritime entre le Nicaraguale Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 318. - 25 -
36
⎯ entre le Nicaragua et le Honduras, la frontière est complètement et définitivement fixée ;
⎯ et ceci est confirmé ⎯ entre autres ⎯ par la longueur de la ligne illustrant le «tracé de la
o
frontière» sur le croquis n 7 ;
⎯ du reste, si l’emplacement du point termin al devait être situé dans les parages du 82 e méridien,
il eût été absurde que la Cour s’intéresse à l’acco rd de 1993 entre la Colombie et la Jamaïque,
qui concerne une zone maritime fort éloignée de celui-ci ;
⎯ l’absence de fixation du point terminal est, on le sait, un moyen très usuel de préserver les
37
droits des tiers sans que cela implique, de quelque ma nière, que la délimitation maritime
mettant fin au différend n’est pas complète entre les Parties ;
⎯ il était d’autant plus légitime de procéder ainsi dans l’arrêt d’octobre 2007, que ceci répondait à
l’attente des Parties : «S’agissant du point terminal , ni le Nicaragua ni le Honduras n’ont, dans
leurs conclusions, indiqué de limite extérieure précise à leur frontière maritime.» ( Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 756, par. 312.) ;
⎯ dès lors, quels que soient le point terminal et le tiers concerné ⎯que ce soit la Jamaïque, la
Colombie, le Liechtenstein ou le Népal ⎯, on ne voit absolument pas quel intérêt juridique le
Honduras pourrait faire valoir : la frontière maritime du Honduras avec le Nicaragua est fixée
⎯ sur toute sa longueur ⎯ et on ne choisit pas son voisin.
o
[Fin de la projection n 3]
31. Et il y a autre chose (qui se surajoute à ce que je viens de dire). Le Honduras demande à
la Cour de «greffer à l’instance pendante» un di fférend qu’il définit comme consistant «en la
détermination d’une frontière maritime entre le Honduras et le Ni caragua, d’une part, et d’un point
triple entre le Honduras, le Nicaragua et la Colombie, d’autre part» 38. Or, aucune des deux Parties
à l’affaire principale n’a prié la Cour ni, évidemment, de déterminer un segment prétendument
36CR 2010/19, p. 20, par. 18 (Pellet).
37
Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya ar abe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p.91, par.130; Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/ Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 27, et Plateau
continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 26-28, par. 21-23 ; ou Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatori ale (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, par. 238, 245 et 307.
38 Requête à fin d’intervention, p.5, par.22; voir aussi p.9, par.36; CR2010/18, p.41, par.34 (Wood) et
CR 2010/21, p. 18, par. 34. - 26 -
manquant dans la frontière mar itime honduro-nicaraguayenne; ni de fixer un point triple ou plus
généralement de procéder à la délimitation latérale ou horizontale de leurs frontières avec leurs
voisins 39. Il est clair, dans ces conditions, que le Honduras entend ajouter un nouveau différend à
celui qui oppose le Nicaragua à la Colombie (tel que l’un et l’autre s’accordent à le définir).
Comme l’a excellemment dit le professeur Crawford dans sa présentation magistrale : «intervention
may not be used to tack on a new case, distinct from the case that exists between the original
parties» 40; et ceci ne vaut pas seulement pour les interventions comme parties ⎯ d’ailleurs, pour
dire ceci, le professeur Crawford s’est fondé sur les arrêts de la Cour de 1981, de 1985 et de 1990 .
Et que je sache, aucun de ces Etats demandant à inte rvenir n’entendaient le faire comme parties.
Et, plus récemment, dans son arrêt de 2001 sur la requête à fin d’intervention des Philippines dans
Indonésie/Malaisie, la Cour, reprenant les formules de la Chambre de 1990, a rappelé que le but de
l’intervention: «n’est pas de mettre l’Etat intervenant en mesure de greffer [justement] une
nouvelle affaire sur la précédente…» ⎯ce qui est très précisément ce que le Honduras déclare
vouloir faire ⎯ «Une procédure incidente ne saurait être une procédure qui transforme [une] affaire
en une affaire différente avec des parties différentes.» ( Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau
Sipadan (Indonésie/Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J.Recueil2001 , p. 588,
par. 35.)
[Reprendre la projection n o3 : La portée de la res judicata de 2007]
32. Pour récapituler sur ce troisième point, Monsieur le président :
⎯ l’intervention à laquelle aspire le Honduras a pour seul objet de remettre en cause l’arrêt
de 2007 fixant sa frontière maritime avec le Nicaragua sur toute sa longueur ;
⎯ celui-ci ayant à son égard l’autorité de la cho se jugée, il en résulte que le Honduras ne peut
faire valoir aucun intérêt de nature juridique dans la zone dans laquelle il prétend avoir cet
intérêt ⎯ le rectangle ;
⎯ la Cour ne pourrait fixer un point triple qui, inévitablement, concernerait un Etat tiers, la
Jamaïque ; mais,
39
Voir respectivement la réplique du Nicaragua, Subm issions, p.239-241, et la duplique de la Colombie,
Submissions, p. 337.
40CR 2010/20, p. 41, par. 14. - 27 -
⎯ quand bien même il s’agirait de la Colombie (quod non) , le Honduras n’a aucun intérêt
juridique à la fixation d’un tel point ;
⎯ fixation que les Parties à l’instance principale ne demandent pas et qui, par conséquent, n’est
pas en cause ;
⎯ en formulant une telle demande, le Honduras tent e de «greffer une nouvelle affaire» sur celle
dont le Nicaragua a saisi la Cour; telle n’est pas la vocation de la procédure incidente que
constitue l’intervention.
[Projection n o 6 : La non-pertinence des traités de 1986 et 1993]
4. La non-pertinence des traités de 1986 et 1993
33. Monsieur le président, il reste le traité de1986, qui, comme l’Arlésienne de Bizet, fait
beaucoup parler de lui sans pouvoir jamais produire les effets mythiques que la Colombie et le
Honduras lui prêtent. Il en va de même de celui de 1993.
34. La ligne résultant du traité conclu en1986 entre la Colombie et le Honduras vous est
familière, Mesdames et Messieurs de la Cour. Elle est surajoutée au croquis de tout à l’heure.
35. Au sujet de ce traité, le professeur Kohen veut nous faire dire deux choses :
⎯ d’une part, nous prétendrions que la Cour se serait, par son arrêt de2007 (celui entre le
Nicaragua et le Honduras), prononcée sur les effets juridiques du traité de 1986 41 ;
42
⎯ d’autre part, nous allèguerions que le traité lui-même créerait de tels droits .
En vérité nous ne disons pas vraiment ceci.
36. En ce qui concerne ce second point, nous ne parlons pas de «droits subjectifs» du
Nicaragua; nous disons seulement qu’en concluan t le traité, la Colomb ie a montré qu’elle
considérait que la frontière maritime qu’elle avait acceptée répondait à l’exigence d’un résultat
équitable. Ceci étant, le Nicaragua entend d’autant moins invoquer le traité en question en tant que
tel que, comme nos contradicteurs l’ont souligné abondamment 43, il a toujours considéré que ce
traité n’était pas valide. Il maintient que, fût-il valide, il manifesterait erga omnes les droits que la
41
CR 2010/20, p. 29-31, par. 7-11.
42 Ibid., p. 18, par. 20 (Bundy) ; p. 28, par. 5 ; p. 31-32, par. 12 ; p. 36-37, par. 29-33 (Kohen) ; CR 2010/21,
p. 14, par. 25 ; ou p. 16, par. 29 (Wood).
43CR 2010/20, p. 36, par. 29 ; p. 37, par. 33 (Kohen). - 28 -
Colombie prétend se voir reconnaître au sud de la frontière maritime entre le Nicaragua et le
Honduras. Mais, encore une fois, en l’occurrence, ces prétentions, même ainsi circonscrites, sont
irrecevables car, en concluant cet accord, les parties ont disposé des droits souverains du
44
Nicaragua. A cet égard, nous souscrivons en tièrement aux propos de mon contradicteur et des
autorités qu’il a citées: il s’agit de savoir qui (de la Colombie ou du Nicaragua) a le «meilleur
titre» sur les espaces maritimes contestés. Mais, le Honduras, lui, n’est pas concerné : il n’a pas de
droits au sud de la ligne de l’arrêt de 2007.
37. Quant à l’effet de cet arrêt pour la Colomb ie, il est acquis qu’il n’a, à son égard, aucune
force obligatoire ⎯ et je trouve que Marcelo Kohen s’est donné bien inutilement beaucoup de mal
pour rassembler en une note de bas de page (la note11 de sa plaidoirie 45) les références à pas
moins de dix-neuf arrêts de la Cour pour établir que celle-ci «ne peut exercer sa juridiction qu’à
l’égard d’un Etat qui y a consenti» 46! Je souligne tout de même qu’au paragraphe 316 de son arrêt
la haute juridiction, tout en précisant qu’elle ne se fondait pas sur le traité de 1986 «pour fixer un
point terminal approprié à la délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras», a relevé :
«cependant qu’une éventuelle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui se
e e
prolongerait vers l’est au-delà du 82 méridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait
le cas de la bissectrice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas préjudice aux
droits de la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière en vertu de ce
e
traité ne s’étendent pas au nord du 15 parallèle» (Différend territorial et maritime
entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c.
Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758-759, par. 316).
47
Notre contradicteur a, crânement, cité ce passage de votre arrêt ; c’est pourtant la constatation
tout à fait claire par la Cour de la limitation spatiale des droits de la Colombie, du fait de la
conclusion par elle du traité de1986 ⎯même si cette constatation n’est pas res judicata à son
égard.
38. Au demeurant, toutes ces considérations sont autant de digressions s’agissant du
problème qui nous intéresse aujourd’hui: une fois de plus, la Colombie discute l’existence, ou la
portée de ses propres droits en vertu du traité de 1986. Ce n’est pas le problème. Il n’est que de
44
CR 2010/20, p. 34-36, par. 22-28 (Kohen).
45
Ibid., p. 30, note de bas de page 11 (Kohen).
46Ibid., par. 9.
47Ibid., p. 29-30, par. 8 (Kohen). - 29 -
savoir quel rôle pourrait jouer cet instrument dans l’établissement de l’intérêt juridique dont le
Honduras se prévaut. Et la réponse est claire : il n’en n’a aucun.
39. Sir Michael, conscient de l’impasse de l’ approche géographique, avance que l’intérêt du
Honduras est lié à la question de la validité du traité de 1986 :
⎯ dans l’arrêt de 2007, affirme-t-il, «the Court refrained from passing judgment on [Colombia’s]
treaty rights and obligations» 48 ; nous n’avons pas de problème ;
⎯ il n’est donc pas exact que nous prétendions que l’arrêt ait rendu le traité invalide («the
2007 Judgment rendered the 1986 Treaty invalid») ;
⎯ en réalité, le traité est invalide en lui-même mais la Cour ne pouvait prendre position sur ce
point en l’absence de la Colombie ; or, précisément,
⎯ la Cour a pu, par son arrêt de 2007, décider le tr acé de la frontière maritime entre le Nicaragua
et le Honduras qu’elle a fixée à la ligne d’azimut décrite dans le sous-paragraphe 3 de son arrêt
de2007, sans se prononcer sur la validité du traité de1986, au moins da ns son dispositif, et
ceci en l’absence de la Colombie, Etat tiers.
[Projection n o 6-1 : supprimer la ligne de 1986, surajouter la ligne de 1993]
40. Les conclusions que je suis en train de tir er du traité de1986, on peut les tirer aussi du
traité de 1993. Mais pour des raisons différentes ⎯et encore plus simples: des raisons qui, à
nouveau, apparaissent clairement dans un croquis, un beau croquis ⎯ pour répondre à l’invocation
des mânes de Bonaparte par sir Michael hier et qui fêtait ainsi son Trafalgar Day. Le croquis que
vous voyez en ce moment montre que la li gne d’azimut décidée par la Cour en 2007 ne rencontre
pas celle prévue par le traité entre la Colombie et la Jamaïque de 1993.
41. Le Nicaragua «maintient le s objections qu’il a toujours élevées au sujet» de ce traité
⎯contrairement à ce qu’a prétendu M.Bundy 49 mais comme l’a constaté dans cette formule la
50
Cour dans son arrêt du 8 octobre 2007 . Au demeurant, quand bien même ce traité serait valide et
pourrait être opposé au Nicaragua ⎯ quod non, je le répète, malheureusement pour lui, le
48
CR 2010/21, p. 15, par. 24 (Wood).
49CR 2010/20, p. 20, par. 24 (Bundy).
50 Différend territorial et maritime entre le Nicaraguale Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 736, par. 255. - 30 -
Honduras se trouve du «mauvais côté de la ligne». Il n’en peut prétexter aucun intérêt pour
s’inviter dans une affaire dont on sait, suite à cet arrêt, qu’il ne le concerne en aucune manière.
o
[Fin de la projection n 6]
Mesdames et Messieurs les juges, je vous reme rcie vivement pour votre attention et je vous
prie, Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à M. l’agent du Nicaragua.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur le professeur Alain Pellet, pour votre
intervention. I now call His Excellency Dr. Carlos José Argüello Gómez to make his conclusions.
Mr.ARGUELLO GOMEZ: Thank you Mr.President, Members of the Court. I shall now
read the final submissions of the Government of the Republic of Nicaragua.
FINAL SUBMISSION
In accordance with Article 60 of the Rules of Court and having regard to the Application for
permission to intervene filed by the Republic of Honduras and its oral pleadings, the Republic of
Nicaragua respectfully submits that,
The Application filed by the Republic of Honduras is a manifest challenge to the authority of
the res judicata of your 8 October 2007 Judgment. Moreover, Honduras has failed to comply with
the requirements established by the Statute and the Rules of Court, namely, Article62, and
paragraph 2 (a) and (b) of Article 81 respectively, and therefore Nicaragua (1) opposes the granting
of such permission, and (2) requests that the Court dismiss the Application for permission to
intervene filed by Honduras.
A signed copy of the written text of our fi nal submission has been communicated to the
Court.
Mr.President, to conclude our participation in this stage of the oral proceedings, I wish to
express on behalf of the Republic of Nicaragua and of our delegation, our deepest appreciation to
you, Mr.President, and to each of the distinguished Members of the Court, for the attention you
have kindly given to our presentations. May I also offer our thanks, Mr. President, to the Court’s
Registry and to the team of interpreters, our r espective delegations of Honduras and Colombia, and - 31 -
their counsel. Finally, I must personally, and publicly, thank the Nicaraguan team. Thank you,
Mr. President.
The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency Dr. Carlos José Argüello Gómez, for your
statement. That concludes the second round of oral argument of Nicaragua.
The Court rose at 3.55 p.m.
___________
Public sitting held on Friday 22 October 2010, at 3 p.m., at the Peace Palace, President Owada presiding, in the case concerning the Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia) - Application by Honduras for permission to intervene