Corrigé
Corrected
CR 2013/3
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LA HAYE THE HAGUE
ANNÉE 2013
Audience publique
tenue le mercredi 17 avril 2013, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Tomka, président,
en l’affaire relative à la Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962
en l’affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande)
(Cambodge c. Thaïlande)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2013
Public sitting
held on Wednesday 17 April 2013, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Tomka presiding,
in the case concerning the Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962
in the Case concerning the Temple of Preah Vihear (Cambodiav. Thailand)
(Cambodia v. Thailand)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Tomka, président
M. Sepúlveda-Amor, vice-président
MM. Owada
Abraham
Keith
Bennouna
Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Mmes Xue
Donoghue
M. Gaja
Mme Sebutinde
M. Bhandari, juges
MM. Guillaume
Cot, juges ad hoc
M. Couvreur, greffier
- 3 -
Present: President Tomka
Vice-President Sepúlveda-Amor
Judges Owada
Abraham
Keith
Bennouna
Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Xue
Donoghue
Gaja
Sebutinde
Bhandari
Judges ad hoc Guillaume
Cot
Registrar Couvreur
- 4 -
Le Gouvernement du Royaume du Cambodge est représenté par :
S. Exc. M. Hor Namhong, vice -premier ministre et ministre des affaires étrangères et de l a
coopération internationale,
comme agent ;
S. Exc. M. Var Kimhong, ministre d’Etat,
comme agent adjoint ;
S. Exc. M. Long Visalo, secrétaire d’Etat au ministère des affaires étrangères et de la coopération
internationale,
M. Raoul Marc Jennar, expert,
S. Exc. M. Hem Saem, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume du Cambodge
auprès du Royaume des Pays-Bas,
M. Sarun Rithea, conseiller du ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale,
M. Hoy Pichravuth, assistant du vice-premier ministre,
comme conseillers ;
M. Jean-Marc Sorel, professeur de droit international à l’Université Paris I (Panthéon-Sorbonne),
sir Franklin Berman , K.C.M.G., Q.C., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Cour
permanente d’arbitrage, p rofesseur invité de droit international à l’Université d’Oxford et à
l’Université de Cape Town,
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de New York, cabinet
Eversheds LLP, Paris,
comme conseils et avocats ;
M. Guillaume Le Floch, professeur à l’Université de Rennes I,
Mme Amal Alamuddin, membre des barreaux d’Angleterreet de New York,
Mme Naomi Briercliffe, solicitor (Angleterre et Pays de Galles), cabinet Eversheds LLP, Paris,
comme conseils. - 5 -
The Government of the Kingdom of Cambodiais represented by:
H.E. Mr. Hor Namhong, Deputy Prime Minister and Minister for Foreign Affairs and International
Co-operation,
as Agent;
H.E. Mr. Var Kimhong, Minister of State,
as Deputy Agent;
H.E. Mr. Long Visalo, Secretary of State at the Ministry of Foreign Affairs and International
Co-operation,
Mr. Raoul Marc Jennar, Expert,
H.E. Mr. Hem Saem, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the Kingdom of Cambodia
to the Kingdom of the Netherlands,
Mr. Sarun Rithea, Adviser to the Minister for Foreign Affairs and International Co-operation,
Mr. Hoy Pichravuth, Assistant to the Deputy Prime Minister,
as Advisers;
Mr. Jean-Marc Sorel, Professor of International Law at the University of Paris I
(Panthéon-Sorbonne),
Sir Franklin Berman, K.C.M.G., Q.C., member of the English Bar, Member of the Permanent Court
of Arbitration, Visiting Professor of International Law at Oxford University and the University
of Cape Town,
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la c our d’appel de Paris , member of the New York Bar ,
Eversheds LLP, Paris,
as Counsel and Advocates;
Mr. Guillaume Le Floch, Professor at the University of Rennes I,
Ms Amal Alamuddin, member of the English and the New York Bars,
Ms Naomi Briercliffe, solicitor (England and Wales), Eversheds LLP, Paris,
as Counsel. - 6 -
Le Gouvernement du Royaume de Thaïlande est représenté par :
S. Exc. M. Virachai Plasai, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Royaume de
Thaïlande auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent ;
M. Voradet Viravakin, directeur général du département des traités et des affaires juridiques du
ministère des affaires étrangères,
comme agent adjoint ;
S. Exc. M. Surapong Tovichakchaikul, vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères,
S. Exc. M. Phongthep Thepkanjana, vice-premier ministre et ministre de l’éducation,
S. Exc. M. Sukumpol Suwanatat, A.C.M., ministre de la défense,
M. Thana Duangratana, vice-ministre rattaché au cabinet du premier ministre,
M. Sihasak Phuangketkeow, secrétaire permanent du ministère des affaires étrangères,
M. Nuttavudh Photisaro, secrétaire permanent adjoint du ministère des affaires étrangères,
Le général Nipat Thonglek, secrétaire permanent adjoint du ministère de la défense,
Le général Nopphadon Chotsiri, directeur généra l du service géographique royal thaïlandais,
quartier général des forces armées du Royaume de Thaïlande,
M. Chukiert Ratanachaichan, secrétaire général adjoint du bureau du conseil d’Etat, cabinet du
premier ministre,
M. Jumpon Phansumrit, procureur expert au bureau des politiques et stratégies, bureau de
l’Attorney General,
M. Darm Boontham, directeur de la division des frontières du département des traités et des
affaires juridiques du ministère des affaires étrangères ;
*
M. James Crawford, S.C., F.B.A., professeur de droit à l’Université de Cambridge, titulaire de la
chaire Whewell, membre de l’Institut de droit international, avocat,
M. Donald McRae, professeur à l’Université d’Ottawa, titulaire de la chaire Hyman Soloway,
membre de la Commission du dro it international, membre associé de l’Institut de droit
international, membre du barreau de l’Ontario, - 7 -
The Government of the Kingdom of Thailand is represented by:
H.E. Mr. Virachai Plasai, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of the Kingdom of
Thailand to Kingdom of the Netherlands,
as Agent;
Mr. Voradet Viravakin, Director-General, Department of Treaties and Legal Affairs, Ministry of
Foreign Affairs,
as Deputy Agent;
H.E. Mr. Surapong Tovichakchaikul, Deputy Prime Minister and Minister for Foreign Affairs,
H.E. Mr. Phongthep Thepkanjana, Deputy Prime Minister and Minister of Education,
H.E. A.C.M. Sukumpol Suwanatat, Minister of Defence,
Mr. Thana Duangratana, Vice-Minister attached to the Office of the Prime Minister,
Mr. Sihasak Phuangketkeow, Permanent Secretary, Ministry of Foreign Affairs,
Mr. Nuttavudh Photisaro, Deputy Permanent Secretary, Ministry of Foreign Affairs,
General Nipat Thonglek, Deputy Permanent Secretary, Ministry of Defence,
Lieutenant General Nopphadon Chotsiri, Director -General, Royal Thai Survey Department, Royal
Thai Armed Forces Headquarters,
Mr. Chukiert Ratanachaichan, Deputy-Secretary-General, Office of the Council of State, Office of
the Prime Minister,
Mr. Jumpon Phansumrit, Expert Public Prosecutor, Office of P olicy and Strategy, Office of the
Attorney General,
Mr. Darm Boontham, Director, Boundary Division, Department of Treaties and Legal Affai rs,
Ministry of Foreign Affairs;
*
Mr. James Crawford, S.C., F.B.A., Whewell Professor of International Law, Universit y of
Cambridge, member of the Institut de droit international, Barrister,
Mr. Donald McRae, Hyman Soloway Professor, University of Ottawa, Member of the International
Law Commission, associate member of the Institut de droit international, member of the Ontario
Bar, - 8 -
M. Alain Pellet, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, président de la Société
française pour le droit international, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Thomas Grant, membre du barreau de New York, maître de recherche au Lauterpacht Centre
for International Law de l’Université de Cambridge,
Mme Alina Miron, chercheur au Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseils ;
M. Alastair Macdonald, M.B.E., membre honoraire de l’unité de recherche sur les frontières
internationales du département de géographie de l’Université de Durham,
M. Martin Pratt, directeur de recherche à l’unité de recherche sur les frontières internationales du
département de géographie de l’Université de Durham,
comme conseillers experts ;
M. Ludovic Legrand, chercheur au Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseil adjoint. - 9 -
Mr. Alain Pellet, Professor a t the University Paris Ouest , Nanterre-La Défense, President of the
Société française pour le droit international, associate member of the Institut de droit
international,
Dr. Thomas Grant, member of the New York Bar, Senior Res earch Associate, Lauterpacht Centre
for International Law, University of Cambridge,
Ms Alina Miron, Researcher, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University Paris
Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel;
Mr. Alastair Macdonald, M .B.E., Honorary Fellow, International Boundaries Research Unit,
Department of Geography, Durham University,
Mr. Martin Pratt, Director of Research, International Boundaries Research Unit, Department of
Geography, Durham University,
as Expert Advisers;
Mr. Ludovic Legrand, Researcher, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
Assistant Counsel. - 10 -
The PRESIDENT : Good morning. Please be seated. L’audience est ouverte. La Cour se
réunit aujourd’hui pour entendre le premier tour des pla idoiries du Royaume de Thaïlande. J e
donne maintenant la parole à S. Exc. M. Virachai Plasai, agent du Royaume de Thaïlande. Vous
avez la parole, Monsieur l’agent.
Mr. PLASAI :
1. Mr. President, d istinguished Members of the Court, i t is a great honour and a true
privilege for me to once again represent the Kingdom of Thailand before you in the capacity of
Agent. I am addressing you today with the great respect that one owes to the principal judicial
organ of the United Nations, as well as the great respect we have for our distinguished opponents.
2. We note Cambodia’s desire, as expressed by His Excellency the Vice- Premier Minister of
Cambodia on Monday morning, for a peaceful and constructive relationship with Thailand. For our
part, we have always believed, and strongly believe, in living in peace and prosperity with our
neighbours. The futures of Thailand and Cambodia are intertwined. Boundaries are not meant to
divide but to provide opportunities for co- operation and mutual development. In this spirit,
Thailand agreed to the process of “joint survey and demarcation” under the Memorandum of
Understanding of 14 June 2000 1. That process covers the area that Cambodia now claims. It is an
agreed process for determining the boundary, which is not a judicial process.
3. Mr. President, Members of the Court, my Government is , and has always been, respectful
of the Court. Although that respect was tested to a considerable degree by the Judgment of 1962,
respect prevailed, and Thailand implemented the Judgment. That was expressly recognized by the
then head of State of Cambodia, Prince Sihanouk , when he visited the Temple shortly after. But
now we are told, 50 years later, that this recognition was false, and the Court is asked to give, under
the guise of interpretation, a declaration which the Court then expressly declined to give.
Memorandum of Understanding between the Government of the Kingdom of Thailand and the Government of
the Kingdom of Cambodia on the Survey and Demarcation of Land Boundary, 14 June 2000 [hereinafter the
“Memorandum”) [Annex 91 to the Written Observations of Thailand, 21 November 2011 ( hereinafter “WOTh”)]. - 11 -
I. La requête du Cambodge est un détournement de procédure
et un abus de l’intégrité de la Cour
4. Monsieur le président, l’arrêt de 1962 est clair . En 1962 et pendant le demi -siècle qui a
suivi, les P arties partageaient la même opinion sur son sens et sa portée. Dès juillet 1962, la
Thaïlande s’est dûment conformée à l’arrêt. Le Cambodge l’a reconnu. Un demi-siècle plus tard,
cependant, le Cambodge revient, à l ’improviste, devant la Cour pour mettre en doute le sens et la
portée de l’arrêt, s’appuyant juste sur un bref passage des motifs, coupé de son contexte.
5. Cette spectaculaire volte-face du Cambodge, Monsieur le p résident, n’a certainement pas
pour objectif d’obtenir de bonne foi une interprétation de l ’arrêt. Le vrai motif du Cambodge, il
apparaît clairement de ses plaidoiries, est de demander à nouveau ce que la Cour lui a déjà
expressément refusé en 1962, c’ est-à-dire un arrêt sur la frontière et le stat ut juridique de la carte
dite «de l’annexe I». C’est un véritable appel contre l’arrêt de 1962, autrement dit une demande en
revision. La requête du Cambodge n’est pas recevable dans le cadre de l ’article60 du Statut de la
Cour, et les éléments constitu tifs de la compétence de la Cour en vertu de cet article ne sont pas
réunis.
6. La Thaïlande s’estime en droit de soutenir qu’elle n’a consenti à la compétence de la Cour
que dans les limites des règles contenues dans son Statut . Dans ces conditions, la demande du
Cambodge apparaît comme un flagrant détournement de procédure et un abus de l ’intégrité de la
Cour même. La Thaïlande est certaine qu’en présence d’une telle demande abusive, la Cour aura à
cŒur de préserver l’intégrité de ses fonctions juridictionnelles.
II. Le présent différend a pour origine une nouvelle revendication territoriale
par le Cambodge en vue de l’inscription unilatérale dutemple
sur la liste du patrimoine mondial
7. Monsieur le président, le présent différend n’a rien à voir avec le contentieux initial. Il est
né d’une nouvelle revendication territoriale du Cambodge, qui a pour origine son désir de faire
inscrire, seul, le t emple sur la liste du patrimoine mondial, malgré les offres répétées de la
Thaïlande en vue d’une proposition conjointe .
8. Le différend à l’origine du contentieux initial, qui portait sur la souveraineté sur le temple,
a été définitivement réglé immédiatement après le prononcé de l ’arrêt. Le 15 juillet 1962, en effet,
2OET, par. 1.21. - 12 -
la Thaïlande remit le t emple au Cambodge et retira tout son personnel des environs du t emple,
marqués sur le terrain par une clôture et des panneaux suivant la limite adoptée par le c onseil des
3
ministres thaïlandais cinq jours auparavant . Le Cambodge a ainsi obtenu ce qu’il avait revendiqué
4
dans sa requête introductive d’instance de 1959 que j’appellerai en termes raccourcis «requête
initiale» , c’est-à-dire la souveraineté sur le temple et le retrait des «éléments de forces armées» 5
6 7
thaïlandais d’une «parcelle du territoire cambodgien» appelée «ruines du temple» . La satisfaction
du Cambodge fut formellement exprimée dès le 27 septembre 1962, par le c hef de sa diplomatie
devant l’Assemblée générale des Nations Unies, et le 5 janvier1963, par le chef de l’Etat au cours
8.
de la cérémonie officielle pour prendre possession du temple
9. Jusque dans les années 2000, le Cambodge n’ avait jamais contesté l ’effectivité et la
légitimité de la présence thaïlandaise de l ’autre côté de la ligne retenue par le conseil des ministres
quelques jours après l ’arrêt. Pendant un bon demi -siècle, il n’avait jamais contesté la conformité
de cette présence à l ’arrêt. Il admet lui- même, dans la présente procédure, qu ’au plus tôt , ses
activités dans la zone qu’ il revendique nouvellement aujourd’hui n’ont commencé que vers la fin
9
de 1998 avec la construction d’une pagode . De plus, jusqu’à la présente procédure, le Cambodge
n’avait jamais contesté le fait que la Thaïlande s ’est retirée du temple et de ses environs dès
10
juillet 1962 .
10. Le Cambodge avait même admis, dans divers documents qu ’il a soumis au Comité du
11
patrimoine mondial de l ’Unesco, que sa souveraineté territoriale ne s’ étend pas sur ladite zone .
Lorsque le temple fut finalement classé patrimoine mondial en 2008 avec le soutien de la
3 Résolution du conseil des ministres du Royaume de Thaïlande du 10 juillet 1962 [annexe 5 du S upplément
d’information du Royaume de Tha ïlande, 21 juin 2012 (ci -après «SIT»)], reproduite à l’onglet n o1.1 du dossier des
juges ; voir également OET, par. 4.35-4.36 ; SIT, par. 1.13.
4Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt du 15 juin 1962, C.I.J. Recueil 1962,
p. 9 ; C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c.Thaïlande), requête introductive d’instance, vol.I, p. 15.
5C.I.J. Mémoires, ibid., p. 15.
6
Ibid., p. 4.
7
Ibid., p. 15.
8OET, par. 4.37 et 4.43-4.47 ; SIT, par. 3.68.
9Réponse du Royaume de Cambodge, 8 mars 2012 (ci -après «Réponse»), par. 2.8 et 2. 67, et annexe 24. Voir
également CR 2013/1, p. 64, par. 42 (Bundy).
10OET, par. 5.66-5.79 ; SIT, par. 3.68-3.69.
11
Voir Département des traités et des affaires juridiques, «Historique des négociations en vue de l’inscription du
temple sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco», novembre 2011, [annexe 100 des OET]. - 13 -
Thaïlande, le bien inscrit ne s’étendait pas au -delà de la ligne retenue par le conseil des ministres
en 1962, comme en témoigne la carte mentionnée par un conseil du Cambodge à l’audience de
12
lundi .
11. Dès le début des années 2000, pourtant, des empié tements progressifs furent constatés
au-delà de la ligne du c onseil des ministres sur le territoire thaïlandais, en flagrante violation de
l’articleV du m émorandum de 2000. Ces activités illicites ont déstabilisé le processus de
négociation alors en cours conformément au mémorandum, et ont naturellement suscité de vives
protestations de la Thaïlande 13. Par souci de bon voisinage et au nom de la fraternité de
14
l’ANASE , cependant, la Thaïlande a fait preuve de la plus grande retenue, privilégiant la
négociation dans le cadre des mécanismes existants, y compris la commission mixte de frontière
établie par le mémorandum.
12. Ce nouveau différend de frontière s’est cristallisé en 2007, quand le Cambodge dévoila
o 15
ce schéma, [début de projection (diapositive n 1)] inclus dans sa demande unilatérale
d’inscription du temple sur la liste du patrimoine mondial à la trente et unième session du Comité à
Christchurch 16. Cette revendication empiète de quelque quatre kilomètres carrés et demi sur le
territoire thaïlandais.
13. Monsieur le président, l’intention réelle du Cambodge est ainsi devenue claire à
Christchurch. Les empiétements et autres incidents locaux, apparemment isolés et non concertés,
se transformèrent formellement en une revendication territoriale. Le but évident du Cambodge est
de s’approprier des zones en Thaïlande qu’il juge nécessaires à l’inscription du temple. Après une
période de négociation de bonne foi mais sans résultat, la Thaïlande réagit et intensifia les
17
protestations contre ces violations de sa souveraineté et de son intégrité territoriale .
12 CR 2013/1, p. 66, par. 53 (Bundy). Voir aussi Department of Treaties and Legal Affairs , op. cit., pièces
jointes 3 et 4, reproduites à l’annexe 100 des OET, p. 708-709.
13 Annexes 93 et 94 des OET.
14
Association des Nations de l’Asie du Sud-Est.
15 o
Reproduit à l’onglet n 1.9 du dossier des juges.
16 Voir également annexe 100 des OET.
17 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 jui n 1962 en l’ affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), requête introductive d’instance , 28 avril 2011 (ci -après «Requête»), annexes III
et IV. - 14 -
Contrairement à ce que le Cambodge prétend 18, ces protestations ne reflètent pas un changement
dans la position de la Thaïlande . Bien au contraire, elles constituent une confirmation de la
souveraineté continue de la Thaïlande, jusque -là incontestée, sur la portion du territoire
nouvellement revendiquée par le Cambodge . Cette revendication dont la Thaïlande n ’a pris
connaissance d’une façon claire et formelle qu ’en 2007, et qui constitue la vraie cause des récents
conflits armés, tous provoqués par le Cambodge. Dans tous les cas, la Thaïlande n’a fait
qu’exercer son droit de légitime défense conformément au droit international.
[Fin de la projection.]
14. Le présent différend ne porte donc pas sur le sens ou la portée de l’arrêt de 1962, mais
bien sur la question de la frontière, une question exclue par la Cour elle -même du contentieux
initial. Il doit être réglé dans le cadre du mémorandum de 2000. Mais le Cambodge refuse toute
négociation et insiste obstinément sur le seul arrêt de 1962 pour imposer à la Thaïlande la ligne
frontière de la carte de l’annexe I telle qu’il la transpose arbitrairement dans ses plaidoiries écrites.
Sa requête actuelle, Monsieur le président, mal fondée en fait et en droit , a pour conséquence une
interruption injustifiée du processus de négociation légitime et rendue obligatoire par le
mémorandum de 2000.
III. La présente zone litigieuse de quelque quatre kilomètres carrés et demi n’est pas
les environs du temple au sens du paragraphe 2 du dispositif de l’arrêt de 1962
15. Monsieur le p résident, contrairement à ce que le Cambodge prétend, la portion du
territoire thaïlandais qu’il revendique depuis 2007 n’est pas, et ne peut pas être, «les environs du
temple» au sens de l ’arrêt de 1962. Ceci pour la simple raison que, dans sa requête initiale, le
Cambodge n’avait revendiqué ni une zone de cette taille, ni une frontière . La Cour ne pouvait pas,
et n’aurait pas pu, décider ultra petita et accorder au Cambodge ce qu’il ne l ui avait pas demandé
en tout cas dans un premier temps.
16. Même lorsque le Cambodge, en sus de sa requête init iale, demanda à la Cour en
mars 1962 de se prononcer sur le tracé de la frontière et le statut ju ridique de la carte de l’annexe I,
aucune mention n’a été faite de cette prétendue zone de quelque quatre kilomètres carrés et demi.
18Requête, par. 15, et Réponse, par. 4.81. - 15 -
De toute manière, la Cour a expressément refusé de retenir ces demandes dans le dispositif de
l’arrêt, car elles représentent «une extension de la demande primitive d u Cambodge» (Temple de 19
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 36).
17. Ce défaut capital dans les plaidoiries initiales du Cambodge explique son malaise dans la
présente procédure, quand il s’agit de prouver l’existence de cette prétendue zone litigieuse initiale.
Le Cambodge, en effet, ne peut produire aucune pièce du contentieux originaire, y compris de ses
propres plaidoiries, à cette fin. Le mieux qu’il puisse offrir, c’est de falsifier les archives et plaider
dans ses plaidoiries écrites une ligne abusivement détournée de l’annexe 49 du contre -mémoire
thaïlandais de 1961 20, un document qu’il avait pourtant contesté et fortement critiqué pendant le
contentieux initial 21. Quel retournement de position, Monsieur le président ! Nous reviendrons sur
ce point, à nos yeux, décisif.
IV. La ligne du conseil des ministres thaïlandais de juillet 1962 marque une zone qui
correspond aux environs du temple au sens du paragraphe 2 du dispositif
de l’arrêt de 1962
18. Monsieur le président, l a Thaïlande, rappelo ns-le, s’est pleinement conformée à l’arrêt
dès 1962. La ligne adoptée par le Conseil des ministres thaïlandais en juillet 1962 pour l’exécuter
[début de projection (diapositive n o 2)] paraît en rouge sur cette étude cartographique comparative
23
entreprise par l’Université de Durham à notre demande . Elle marque une zone correspondant aux
environs du t emple tels que les P arties et la Cour les ont compris ; et que la Cour a décrits à la
page 15 de l’arrêt et illustrés su r la carte de l’annexe 85 d) , le seul extrait de carte que la Cour a
19Voir aussi SIT, par. 3.91-3.97.
20Requête, annexes cartographiques 2, 5, 6, 7 et 8 ; croquis, Réponse, page précédant la page77.
21
C.I.J. Mémoires, Temple de Preah Vihear (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, Réplique du Gouvernement du
Royaume du Cambodge , p. 473 (par. 74-77), et p. 540-542 (Rapport de MM. Doeringfeld, Amuedo and Ivey du
23 octobre 1961, annexeLXVI a)). Voir aussi diverses plaidoiries orales du Cambodge, ibid ., vol. II, p. 368-381.
22 o
Reproduit à l’onglet n 1.10 du dossier des juges.
23
Comparaison réalisée par IBRU entre des éléments sélectionnés de la carte de l’ITC révisée par l’équipe DAI
(en noir) et des éléments sélectionnés de la carte représentant le tracé adopté par le cabinet, dans International
Boundaries Research Unit, Durham University, «Etudes des cartes présentées pendant la période 1959- 1962 et des autres
cartes préparées en 2012», juin 2012 [annexe 46 du SIT], p. 31, reproduit également à l’onglet no1.10 du dossier des
juges. - 16 -
24
retenu dans le contentieux initial . C’est la «parcelle du territoire cambodgien» revendiquée dans
le contentieux initial.
19. La ligne du conseil des ministres correspond surtout à la seule ligne que le Cambodge a
plaidée dans le contentieux initial 25, celle de l’annexe LXVI c) de sa réplique, qui paraît en noir à
l’écran. La di fférence entre ces deux lignes [ fin de la projection et début de la projection
(diapositive n o 3 )] la zone en bleu à l’écran a été qualifiée par le chef de l’Etat cambodgien
le 5 janvier 1963 de «quelques mètres», de toute façon «sans importance» et acceptée de minimis 27.
20. La revendication actuelle du Cambodge est une rupture totale avec son passé. Dans ses
plaidoiries écrites, le Cambodge plaide, comme limite des environs du temple, [fin de la projection
et début de la projection (diapositive no 4 )] une version arbitrairement transposée de la ligne
frontière de la carte de l’annexe I, version qu’il n’a pas plaidée dans le contentieux initial. C’est la
ligne verte actuellement à l’écran.
[Fin de la projection et début de la projection (diapositiven o 5 ).]
Les «quelques mètres» jugés de minimis en 1962 par le chef de l’Etat cambodgie n, 0,07
kilomètre carré pour être précis, la minuscule zone en bleu à l ’écran, s’étendent soudain sur [fin de
la projection et début de la projection (diapositive n o 6 )] plusieurs kilomètres carrés que l’on voit
en rouge maintenant ! C’est la zone de quelque quatre kilomètres carrés et demi que revendique le
Cambodge depuis 2007. Zone qui, à tous points de vue, n’a rien à voir avec le contentieux initial.
21. Malgré votre jurisprudence bien établie en matière d’interprétation 31 , le Cambodge
s’acharne, pour soutenir cette nouvelle revendication territoriale, à faire incorporer dans le
dispositif de l’arrêt de 1962 la carte de l’annexe I. Ceci au nom d’une théorie inexistante dite de
24
Annexe 85 d), Map on the scale oo I: 2,000 prepared by the International Training Centre for Arial Survey
[annexe 52 du SIT], reproduite à l’onglet n 1.2 du dossier des juges.
25 o
Annexe LXVI c) de la réplique du Cambodge [annexe 51 du SIT], reproduite à l’onglet n 1.3 du dossier des
juges.
26 o
Reproduit à l’onglet n 1.11 du dossier des juges.
27
OET, par. 4.43-4.47 ; SIT, par. 3.68-3.69.
28Reproduit à l’onglet n 1.12 du dossier des juges.
29Reproduit à l’onglet n 1.13 du dossier des juges.
30Reproduit à l’onglet n 1.14 du dossier des juges.
31
Voir SIT, par. 3.26-3.37. - 17 -
32
«motif décisoire» et de «dispositif implicite» , et s’appuyant sur un passage bien isolé de s motifs
33.
de l’arrêt Il ignore pour ainsi dire tout le reste de l’arrêt , ainsi que la totalité des archives du
contentieux initial, y compris et surtout ses propres plaidoiries.
[Fin de projection.]
34
22. Monsieur le président, confrontés aux abondantes preuves de la Thaïlande à ce propos ,
le Cambodge s’est aussitôt enfermé dans son monde parallèle, un monde coupé de la réalité. Le
Cambodge prétend ainsi n’avoir eu connaissance de la ligne du conseil des ministres thaïlandais
35
qu’en 2007, par l’intermédiaire d’une carte « secrète» , un mythe que le Cambodge continue
mystérieusement à faire persister même au stade de la procédure orale 36. Mais un simple coup
37 38
d’Œil aux annexes 34 et 38 de nos observations écrites, et surtout à l’annexe 4 de la réponse du
Cambodge lui-même 39, suffit à démentir cette affirmation 40. De toute manière, comme nos
plaidoiries écrites l’ont déjà démontré, la carte à laquelle le Cambodge fait allusion, la série L7017,
41
n’a rien de secret et avait été communiquée au Cambodge bien avant 2007 .
23. Nos contradicteurs prétendent ensuite, sans apporter aucune preuve , que jusqu’en 2007,
la Thaïlande n’avait jamais contesté la ligne fr ontière de la carte de l’annexe 1 telle qu’il la
42
transpose et la plaide devant vous dans ses plaidoiries écr ites dans ce contentieux . Les
abondantes preuves de la Thaïlande démontrent, au contraire, qu’en réalité le Cambodge n’a
revendiqué cette ligne que vers la fin des années 2000 ; que la Thaïlande n’a pris connaissance de
32Réponse, par 4.23.
33
Affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, C.I.J. Recueil 1962, p. 33 ; requête,
par. 39 ; et Réponse, par. 1.23, 3.11-3.12 et 4.20-4.25.
34
Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Templ e de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du 18 juillet 2011 ; CR 2011/14, p. 12-13
(Virachai Plasai) ; OET, par. 4.33-4.69 ; SIT, par. 3.68-3.80.
35
Requête, par. 14-15 ; Demande en interprétati on de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’affaire du Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du
18 juillet 2011 ; CR 2011/13, p. 27 (Berman) ; Réponse du Royaume de Cambodge, 8 mars 2012, par. 1.3 iii) et 2.23.
Voir aussi SIT, par. 1.31-1.33.
36CR 2013/1, p. 44, par. 40b) (Berman) ; p. 66 et 74, par. 52 et 87 (Bundy) ; CR2013/2, p. 29, par. 41 (Sorel).
37
OET, annexes, p. 206.
38
OET, annexes, p. 240.
39
Réponse, annexe 4, p. 15-16.
40Voir aussi OET, par. 4.67-4.69.
41Voir, par exemple, annexe94 des OET.
42
Requête, par. 12 ; Réponse, par. 2.8, 2.23 et 2.67. - 18 -
cette ligne qu’en 2007 dans le cadre de l’examen de la demande cambodgienne au Comité du
patrimoine mondial ; et que c’est la Thaïlande qui a toujours exercé, seule, la souveraineté sur
l’autre côté de la ligne du conseil des ministres, ceci d’une façon continue, paisible et notoire, avant
43
comme après 1962 . Le Cambodge n’a jamais pu répondre d’une façon crédible à ces preuves.
24. De même, le Cambodge continue à soutenir que le présent différend de frontière a pour
origine les questions de politique intérieure thaïlandaise 44, alors que ce sont sa propre politique
étrangère agressive et ses nouvelles ambitions territoriales qui en sont les vraies causes.
25. Le monde parallèle du Cambodge s’étend même au domaine intellectuel etjuridique. Ses
plaidoiries postulent sans fondement que l’arr êt de 1962 a déterminé une frontière, alors que cette
question a été expressément exclue du contentieux initial . Ainsi, selon le Cambodge, la région du
temple échapperait à l’application du mémorandum de 2000, ceci au nom de l’arrêt de 1962 et
d’une théorie aussi obscure qu’intenable de la séparation totale et hermétique entre délimitation et
45
démarcation . La carte de l’annexe 1 serait ainsi devenue la source unique et autonome du tracé
de la frontière, déjà délimitée, dans cette région, et l es Parties n’auraient plus qu’à «démarquer» le
terrain suivant la configuration même de la ligne frontière sur la carte, au mépris de la topographie
réelle et des normes cartographiques généralement acceptées.
26. Mais la réalité, Mon sieur le président, est que le mém orandum de 2000 couvre toute
46
l’étendue de la frontière commune, y com pris dans la région du t emple . Il mentionne bien les
traités de délimitation franco-siamois 47, mais, au contrai re, ne mentionne pas l’arrêt de 1962. Le
mémorandum constitue en effet la preuve indubitable que, pour les deux pays, la question de la
frontière dans la région du t emple reste à régler entre eux conformément à leurs obligations
conventionnelles, et ceci indépendamment de l’arrêt de 1962, dès lors que la s ouveraineté du
Cambodge sur le temple est respectée.
43
OET, par. 1.26-1.27 et 4.43-4.69 ; SIT, par. 3.65-3.79.
44CR 2013/1, p. 65-67, par. 49-54 (Bundy) ; CR 2013/2, p. 28-29, par. 40 (Sorel).
45 Réponse, par. 2.70, 4.49 et 4.78- 4.79. Voir aussi Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), arrêt du
16 avril 2013, par. 43.
46
Mémorandum, art. IV 1) et V, Annexe 91 des OET.
47
Ibid., art. 1 a) et b). - 19 -
27. Quant aux «Terms of Reference» conclus entre les Parties en 2003 pour mettre en Œuvre
le mémorandum de 2000, ils ne me ntionnent nulle part l’arrêt de 1962. Contrairement à ce que
prétend le Cambodge 48, aucune disposition de cet instrument ne peut être entendue comme
incorporant implicitement l’arrêt de 1962 dans le processus du m émorandum. Bien au contraire,
l’instrument prévoit, comme étape obligatoire des travaux, un relevé conjoint de la «ligne de
49
partage des eaux continue sur le terrain» , un sujet qui a été expressément exclu de l’arrêt (Temple
de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 33).
V. Le Cambodge s’est livré à des impropriétés procédurales pour dénier à la Thaïlande
le droit à un procès en bonne et due forme, et pour induire la Cour
en erreur sur les faits
28. Monsieur le président, le présent contentieux est nécessairement à forte intensité de faits,
vu les circonstances particulières qui l ’entourent. En particulier, l es origines du différend initial
remontent à plus de cinquante ans avant l’arrêt, et depuis le prononcé de ce dernier, plus de
cinquante ans ont passé. Les documents que nous avons soumis établissent des faits qui sont
pertinents et utiles pour la Cour dans son appréciation du sens et de la portée de l’arrêt.
29. Les faits antérieurs à 1962 viennent éclairer les plaidoiries des Parties dans la procédure
initiale, notamment la manière dont elles concevaient la zone litigieuse originaire ou les environs
50 51
du temple . Les faits subséquents à l ’arrêt, pertinents selon la Cour , et selon le Cambodge
52
lui-même , démontrent indubitablement l ’absence de contestation sur le sens ou la portée de
53
l’arrêt .
30. A notre grande surprise, le Cambodge nous accuse de soumettre à la Cour des plaidoiries
écrites qui seraient trop longues, et assorties d ’un nombre excessif d’ annexes 54. Le Cambodge,
apparemment, voit la présente procédure comme une simple formalité, et la Cour comme déjà
48Réponse, par. 2.73.
49
Terms of Reference and Ma ster Plan for the Joint Survey and Demarcation of Land Boundary between the
Kingdom of Cambodia and the Kingdom of Thailand, Réponse, annexe 26, step 4 (1) (1.1), p. 15.
50OET, par. 3.38-3.46 ; SIT, par. 1.13, 2.24-2.25, 3.61, 4.69 et 4.96-4.97.
51 Demande en interprétation de l’arrêt du 15 juin 1962 en l’ affaire du Temple de Préah Vihéar (Cambodge c .
Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du 18 juillet 2011, par. 37.
52Réponse, par. 2.17 et 4.56.
53
Voir OET, par. 4.26-4.72 ; SIT, par.3.38-3.87.
54Réponse, par. 1.1 et 5.2. - 20 -
acquise à sa cause, au point de dénier à la Thaïlande son droit fondamental à un procès en bonne et
due forme. C’est sans doute pour cela que, pour sa part, le Cambodge apporte très peu de preuves à
l’appui de sa thèse, se bornant pendant la procédure écrite à accuser vaguement la Thaïlande de
55 56
«créer sa propre vérité» et prétextant un soi-disant «respect» envers la Cour.
31. Monsieur le président, le Cambodge semble avoir une notion du terme «respect» que la
Thaïlande ne partage pas. C’est apparemment par «respect» envers la Cour que le Cambodge s’est
maintes fois livré à de véritables impropriétés procédurales pour tenter de vous induire en erreur
sur les faits.
32. Ainsi, le Cambodge vous soumet, comme seule preuve de sa prétendue zone litigieuse
originaire de quelque quatre kilomètres carrés et demi, un croquis tout à fait rudimentaire, dont une
57
des dernières incarnations paraît à la page non numérotée qui précède la page 77 de sa Réponse .
Mais, Monsieur le président, c ’est en réalité une falsification des cartes numéros 3 et 4 de
l’annexe 49 du contre -mémoire thaïlandais, superposées l ’une sur l ’autre d’une façon abusive, et
complètement détournées de leur but originaire. Au total, le Cambodge vous a soumis plus d’une
dizaine de ce genre de falsifications cartographiques, concoctées à base de pièces produites par la
58
Thaïlande lors de la procédure initiale .
33. Dans le même esprit, le Cambodge a fait de nombreuses fausses déclarations concernant
59
plusieurs de ses autres preuves, y compris la carte de l ’annexe I . En particulier, celle-ci, qui est
une carte annexée à la requête initiale du Cambodge, est vantée sur le site Internet de l’ambassade
cambodgienne à Paris comme «adoptée par la CIJ comme annexe 1 à son arrêt rendu
60
le 15 juin 1962» .
55
Réponse, par. 2.33.
56
Réponse, par. 1.1.
57Reproduit à l’onglet n 1.11 du dossier des juges.
58Six inclues dans Requête, annexes cartographiques 2 (deux feuilles), 5, 6, 7 et 8; quatre inclues dans Répnse,
p. précédant p. 24 et 77, et annexes 34 et 35; et une jointe à la Lettre de l’Agent du Royaume de Cambodge à la Cour, le
19 juillet 2012, reproduite à l’onglet n.4 du dossier des juges. Voir aussi SIT, par. 1.26-1.48.
59Requête, par. 5.2 et annexes cartographiques , cartes annexées n 2, feuille 2, et n 7. Voir aussi Réponse ,
par. 4.60 et 4.83 ; OET, par. 1.11 et SIT, par. 1.35-1.48.
60Voir extrait du “Dossier PréahVihéar” http://www.ambcambodgeparis.info/public_html/images/ambdoc/pdf/
Preah%20Vihear2.pdf, reproduit à l’onglet n 1.5 du dossier des juges. - 21 -
34. Mais plus grave, le Cambodge vous soum et dans la présente procédure une « carte de
61
l’annexe I» qui n’est pas celle soumise dans le contentieux initial . Certes, les deux cartes en
question c’est-à-dire l’annexe I de la requête initiale et l ’annexe cartographique 1 de la requête
actuelle montrent le temple du côté cambodgien de la frontière . Mais les tracés de leurs lignes
frontières respectives sont différents, par endroits d ’une façon très importante. C ’est un vrai
problème, et non pas un « écran de fumée» comme le soutient le Cambodge 62: puisque celui-ci, à
tort, vous demande de vous prononcer en faveur de la ligne frontière de la carte de l ’annexe I. On
s’interroge légitimement alors : quelle ligne ? Quelle carte ? Monsieur le président, le Cambodge
est incapable de donner une explication quelconque sur ce point.
35. Toujours au nom du «respect», apparemment, le Cambodge vous soumet fort tard dans la
procédure [début de la projection ( diapositive n o7 )] un livre publié en décembre 2011 par
la Thaïlande 64, comme soi-disant preuve d’une «revendication» thaïlandaise de la zone litigieuse de
65
quelque quatre kilomètres carrés et demi , un mythe pourtant de propre création cambodgienne .
Mais comme son nom l ’indique, ce livre est une simple publication d’ information, qui de toute
façon ne mentionne de telle zone que comme une nouvelle zone litigieuse n’ayant rien à voir avec
l’affaire initiale. Le Cambodge, malgré tout, a procédé à un véritable montage de passages séparés
du livre, cités hors -contexte selon de fausses traductions 66. Ainsi, s elon la traduction française
67
donnée par le Cambodge du dernier paragraphe de la page 19 du livre , [fin de la projection et
o 68
début de la projection (diapositive n 8 )] le conseil des ministres thaïlandais « a décidé la
délimitation de la région du temple de Phra Viharn de deux manières». Mais c’est tout faux.
e
[Ajouter la traduction française du 6 paragraphe.]
61Reproduite à l’onglet n 1.6 du dossier des juges.
62
CR 2013/1, p. 70, par. 71 (Bundy).
63 o
Reproduite à l’onglet n 1.15 du dossier des juges.
64Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande, «Information dont le peuple thaï devrait prendre connaissance
concernant l’affaire du Temple de PhraViharn et les négociations thaï-cambodgiennes sur la frontière», décembre 2011.
65CR 2013/1, p. 19, par. 14 (agent du Cambodge).
66Lettre du 21 novembre 2012 envoyée au greffier de la Cour par l’agent du Royaume du Cambodge, reproduite
à l’onglet n1.7 du dossier des juges.
67Page 19 (en thaïlandais) reproduite à l’onglet n 1.8 du dossier des juges.
68 o
Reproduite à l’onglet n 1.16 du dossier des juges. - 22 -
La traduction française correcte de ce passage se lit ainsi : le conseil des ministres thaïlandais
«a décidé que la seconde méthode sera utilisée pour la détermination de la limite des environs du
temple de Phra Viharn». Je répète, «la seconde méthode», et non pas «de deux manières».
o 69
[Fin de la projection et début dela projection (diapositiven 9 ).]
36. Toujours à la page 19, pour ne citer qu’ un autre exemple, le Cambodge en extrait les
premier et sixième paragraphes, omettant [mettre en évidence et rayer les 4 paragraphes omis par le
Cambodge] les quatre paragraphes qui s ’intercalent, et les soumet à la Cour comme deux
paragraphes successifs. Ceci dans le but évident d ’inventer un faux lien direct entre eux, et de
faire paraître ainsi la ligne du c onseil des ministres thaïlandais comme une manifestation du
désaccord de la Thaïlande avec l’arrêt. Mais c’est encore tout faux.
[Ajouter la traduction française des 4 paragraphes omis.]
Le deuxième paragraphe de la page 19, commodément omis par le Cambodge, se traduit en
français : «Cependant, en tant que membre de l’Organisation des Nations Unies, la Thaïlande a le
devoir de se conformer à l’arrêt, puisque l’article 94 de la Charte des Nations Unies stipule que...».
Les deux paragraphes qui suivent, toujours omis par le Cambodge, reproduisent en entier le texte
en thaï de l ’article 94 de la Charte . Le cinquième paragraphe donne la référence des documents
constituant la r ésolution du conseil des ministres de juillet 1962. Lu dans son contexte, donc, le
sens du sixième paragraphe est clair . La ligne du conseil des ministres est une mesure prise de
bonne foi par la Thaïlande pour exécuter l ’arrêt de 1962 conformément à ses obligations
70.
internationales
37. Les déclarations de respect du Cambodge envers la Cour, Monsieur le p résident, se
voient totalement démenties par ses tentatives de refaire la vérité de cette manière.
[Fin de la projection.]
38. Mr. President, Members of the Court, I notice that, in his statement on Monday morning,
His Excellency the Agent of Cambodia, made reference to the Provisional Measures ordered by the
Court on 18 July 2011. I will simply say a brief word about your Order.
69Reproduite à l’onglet n 1.17 du dossier des juges.
70 o
Page 19 (traduction française et anglaise) reproduiteà l’onglet n 1.8 du dossier des juges. - 23 -
39. The most important purpose which led you to adopt your Order was to prevent a
71
recurrence of the loss of human life which unfortunately had taken place in the area . The Order
also noted allegations of damage to property 7. Since the adoption of the Order, the ceasefire in the
area, which Thailand and Cambodia had adopted before the Order, has continued. There has been
no recurrence of armed incidents or loss of life; and there has been no damage to property.
Mr. President, the situation on the ground is consistent with the purposes of the Order.
40. Monsieur le président, avec votre permission, nos conseils reviendront plus en détail sur
les points que j’ai évoqués et présenteront à leur tour d ’autres points en réponse des plaidoiries du
Cambodge. Je vous prie maintenant d ’appeler à la barre M. le professeurDonald McRae, qui
commencera par une analyse de la portée du différend soumis à la Cour dans le présent
contentieux. Je vous remercie de votre attention.
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Votre Excellence and I give the floor to
Professor McRae. You have the floor, Sir.
Mr. McRAE:
T HE SUBJECT -MATTER OF THE DISPUTE
Thank you, Sir. Mr. President, Members of the Court, it is a great privilege for me to appear
before this Court and an honour to do so on behalf of the Kingdom of Thailand.
1. Mr. President, this morning I shall address the question of the subject-matter of the dispute
brought by Cambodia before this Court. The case is one of interpretation; Cambodia has asked the
Court to interpret its Judgment of 15 June 1962. And, a preliminary question in a case of
interpretation is what precisely is the question that has been placed before the Court?
2. And, while the question of what does Cambodia want to be interpreted ought to be a fairly
straightforward matter, as the written pleadings of the Parties have shown, and as I will develop in
my statement this morning, the matter remains one of considerable obscurity. This, I will suggest,
results from an opaque and cont radictory request put before this Court by Cambodia in its initial
71Demande en interprétation de l’arrêt 15 juin 1962 en l’affaire Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande) (Cambodge c. Thaïlande), mesures conservatoires, ordonnance du 18 juillet 2011, par. 50.
72Ibid. - 24 -
Request, coupled with a shifting of ground in its written Response, and seemingly a further
changing of ground in these oral proceedings.
3. There is, of course, a reason for this. As we have pointed out in our written pleadings, and
as the Agent has already said, Cambodia’s real request is not about the interpretation of the
1962 Judgment. It is an attempt to refashion the 1962 Judgment to obtain a ruling that the Court
refused to make in 1962. A direct request for the interpretation that Cambodia wants is patently a
request that the Court cannot answer, and as a result Cambodia has been forced to create a veil of
questions for interpretation behind which its real objective is hidden. But once this veil is drawn
aside, it becomes clear that there is no basis for the Court to rule as Cambodia wishes.
The Cambodian Request
4. Let me, then, Mr. President, start at the beginning. What did Cambodia request in its
Application to this Court?
5. In paragraph 45 of its Request for Interpretation, we find what the Court is asked. It is of
course, by now well known, but I will repeat it. Cambodia asks the Court to adjudge and declare
that: [slide]
“The obligation incumbent upon Thailand to ‘withdraw any military or police
forces, or other guards or keepers, stationed by her at the Temple, or in its vicinity on
Cambodian territory’ (second paragraph of the operative clause) is a particular
consequence of the general and continuing obligation to respect the integrity of the
territory of Cambodia, that territory having been delimited in the area of the Temple
and its vicinity by the line on the Annex I map, on which the Judgment of the Court is
based.”
If we were to consider this request in isolation, the first thing that is apparent, is, as we have
pointed out in our Written Observations 73, there is in fact no question here. It is a statement, not a
question. But, to the extent that what Cambodia says in paragraph 45 can be formulated as a
question, it s eems that Cambodia is asking the Court to do two things; first to declare that the
obligation on Thailand under the second paragraph of the 1962 dispositif to withdraw personnel
from the Temple is a particular consequence of the general and continuing obl igation to respect the
territorial integrity of Cambodia, and second, to declare that the territory of Cambodia “in the area
of the Temple and its vicinity” was delimited by the line on the Annex I map.
7Written Observations, para. 4.87. - 25 -
6. The first of these really does not raise a questi on of interpretation. There is no dispute
over the obligation to respect the territorial integrity of Cambodia, and the obligation to withdraw
Thai troops from the Temple and its vicinity flows explicitly in the 1962 Judgment from the fact
that the Temple is in territory under the sovereignty of Cambodia. So, if that is all that the Request
is about, then it is simply a request to restate what is already said in the dispositif, not to interpret
it a pointless and time-wasting exercise.
7. But, of cour se, the second part of the R equest says something else; it appears to be a
request to have the Court recognize that “the area of the Temple and its vicinity” has been
delimited by the line on the Annex I map. The curious thing is that this request is not put
directly it is a form of corollary or add -on to the request to the Court to make the pointless
determination that the obligation on Thailand to withdraw from the Temple and its vicinity was a
consequence of the fact that the Temple is in Cambodian territory.
8. But why did Cambodia not ask this question directly? Well, the direct question has a
fairly simple and straightforward answer. The Court in 1962 did not determine that the line on the
Annex I map constituted the boundary between the Parties ; it expressly refused to do so. So
Cambodia is forced to camouflage its question by tacking it on to the end of an apparently benign
question, almost as an aside.
9. So, if one were to stop simply with what Cambodia has asked the Court in its initial
Request to “adjudge and declare”, the matter would be relatively clear. The Court would be asked
to declare something that was obvious that Thai troops had to withdraw because the Temple was
in Cambodian territory. Obvious and largely irrelevant because for many years there has been no
dispute about that. And, the Court would be asked a question, albeit surreptitiously, where there is
a simple answer. The Court , in 1962, rejected the Cambodian request to rule that the line on the
Annex I map represented the boundary between the Parties, and the Court today cannot under the
guise of interpretation do what the Court in 1962 deliberately refused to do. [End slide]
10. But, so far I have ignored the chapeau to paragraph 45 in the Cambodian Request. And,
when we turn to the chapeau something different is said something different and confusing.
The chapeau to the request to the Court to “adjudge and declare” reads as follows: [Slide] - 26 -
“Given that ‘ the Temple of Preah Vihear is situated in territory unde r the
sovereignty of Cambodia’ (first paragraph of the operative clause (dispositif)), which
is the legal consequence of the fact that the Temple is situated on the Cambodian side
of the frontier, as that frontier was recognized by the Court in its Judgment, and on the
basis of the facts and arguments set forth above, Cambodia respectfully asks the Court
to adjudge and declare that . . .”
11. Mr. President, the words “given that” at the outset of the chapeau appear to indicate that
what follows is an assum ption on the basis of which the Court mus t proceed in responding to the
Request for interpretation. And this is where Cambodia’s request collapses into total confusion.
For the very assumption that Cambodia starts with, that the “frontier” between Cambodia and
Thailand was determined in the 1962 Judgment, is just a variant of what the Court is asked to
adjudge and declare in the body of the Request to determine that the boundary, the frontier, was
decided by the Court on the basis of the Annex I map line. In other words, Cambodia has set out in
the chapeau to its formal R equest an assumption on which the Court is to proceed and that
assumption is what the Court is then asked to decide in the body of the request. [End slide]
12. This paradox of asking the Court to assume what it has to decide taints the Cambodian
Request and raises serious doubts about whether Cambodia has in fact set out in its Application any
substantive request for interpretation. In respect of Article 60 of the Statute of the Court , the Rules
are clear. A request for interpretation must be precise; in the words of Article 98, paragraph 2, of
the Rules it must indicate: “the precise point or points in dispute as to the meaning or scope of the
judgment”. Paragraph 45 of Cambodia’s R equest does none of this. There is no clarity or
precision in what Cambodia is asking of the Court, only obfuscation and obscurity.
The broader context of Cambodia’s Request
13. Can then precision be brought to the Cambodian R equest by looking at its Re quest as a
whole? In paragraph 5 of its Request, Cambodia purports to respond to the requirement of
Article 98, paragraph 2, by identifying the areas of disagreement between Cambodia and Thailand
over the meaning and scope of the 1962 Judgment. Two of the alleged points of difference relate
to the claimed existence of a boundary or frontier between the Parties. Cambodia claims that the
Judgment is based on “the prior existence of an international boundary established and recognized
by the Parties”, and i t claims that this established and recognized boundary was allegedly defined - 27 -
74
by the Annex I map. But as Thailand has pointed out in its Written Observations , none of these
alleged disputes identify any difference between the Parties with respect to what the Court decided
with finality in its 1962 Judgment.
14. Nonetheless, in a sense these alleged differences do give some precision to Cambodia’s
Request. It makes explicit what is only implicit in the formal R equest in paragraph 45 this case
is about Cambodia’s claim that the Annex I map line is the boundary between the Parties. It
provides direct confirmation of what is just lurking in paragraph 45. The assumption in the
chapeau to paragraph 45, that in the 1962 Judgment the Court had recognized the frontier between
the Parties, which metamorphoses into an indirect request that the present Court make a ruling that
the Annex I map line is the boundary is really the substance of Cambodia’s Request. It is what
Cambodia claims to be in dispute. It is w hat Cambodia wants a ruling on. But, it is put covertly,
indirectly, by implication and not as an explicit request. Because an explicit request would come
up against the fact that the Court in 1962 refused to make such a determination 7.
76
15. Moreover, as Thailand has noted in its written pleadings , there is a dispute about the
boundary between the Parties in the region that is an ongoing matter that the Parties have been
seeking to resolve. That is the purpose of the 2000 MOU. But, notwithstanding Ca mbodia’s
attempt to characterize it as such, this is not a dispute about the interpretation of the scope and
meaning of the 1962 Judgment.
16. The other point of dispute identified by Cambodia in its Request to the Court is that
Thailand’s obligation to withdraw its troops stationed at the Temple or in its vicinity is a “general
and continuing obligation” deriving from the fact that the Temple is in Cambodian territory. But
this provides no more clarification. It is simply another statement of the obscur e request in
paragraph 45 a request that if it is to be given any meaning is a request that the Court interprets
the second paragraph of the dispositif to mean that Thailand’s obligation to withdraw from the
Temple and its vicinity is a consequence of th e Temple being in territory that is under the
74
Written Observations, paras. 4.14 ff.
75Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962, p. 36.
76
Written Observations, para. 4.110. - 28 -
sovereignty of Cambodia. This, as I mentioned earlier, is a request for a restatement of what the
second paragraph of the dispositif already says. It is simply an exercise without any point.
17. But, of course, no one can seriously maintain that all Cambodia wants is a restatement of
the 1962 Judgment. The request about an interpretation of the second part of the dispositif is
simply a ruse, a subterfuge, a vehicle to open up the Judgment to the possibility of an interpretation
that would undermine what the Court did in fact in 1962.
18. Looking beyond the face of Cambodia’s Request, the objective of Cambodia in asking
the Court to determine that there is a “continuing obligation” on Thailand to withdraw it s troops
from the Temple and its vicinity, linked with the assumption that the Court in 1962 determined the
Annex I map line to be the boundary between the Parties, is to create the impression that the term
“vicinity” in 1962 was a reference to what Cambod ia claims today to be an area of 4.6 sq km and
which Cambodia falsely claims was in dispute in 1962.
19. This effort to create a dispute over the meaning of the term “vicinity” was recognized by
the Court in its Order on Provisional Measures of 18 July 2011. But, in treating this as potentially
in dispute the Court was only making a prima facie assessment, for the purpose of making an order
for provisional measures, not a determination based on a full analysis of the claims and arguments.
And, as we have shown in our written pleadings there never has been a dispute over the meaning of
“vicinity” in the application of the second paragraph of the dispositif because Thailand complied
with its obligations to withdraw troops stationed “at the Temple and in it s vicinity” within a month
following the decision in 1962. Only when Cambodia brought this Request for interpretation was a
dispute over the meaning of the term “vicinity” concocted. What is different now, is that
Cambodia wishes to assert authority over a larger area around the Temple and seeks to pretend that
this larger area was part of what was decided in 1962. There is, as Thailand has acknowledged, a
dispute over the location of the boundary and Thailand contests Cambodia’s new found claim that
what it describes as a 4.6 sq km area is in Cambodian territory, but that is not a dispute over the
interpretation of the second paragraph of the 1962 dispositif. - 29 -
The revised question
20. Mr. President, Members of the Court, one might have expected that in proceedings under
Article 60, the question for interpretation would be clear after the Request had been filed. But, as
we have shown, it is in fact far from clear, and this lack of clarity is compounded by an apparent
change in position by Cambodia when i t filed its Response. Thus, in order to try to understand
what it precisely is that Cambodia is requesting of the Court, we have to look closely at the
Response.
21. On its face, Cambodia’s Response appears to be a reaffirmation of the position taken in
its Request 77. Indeed, in paragraph 1.7 of its Response, Cambodia states that it reasserts the
substance of its Request of 28 April 2011. But, as the Response progresses it becomes clear that
this is not really so. Cambodia claims to have made a new discovery of a dispute on the basis of
Thailand’s Written Observations. It claims now that there is in fact a dispute over the meaning of
the term “territory” in the first paragraph of the dispositif . And this allows Cambodia to elaborate
on and essentially change the alleged “dispute” over the second paragraph of the dispositif.
22. If one looks at the opening of paragraph 3.16 of Cambodia’s Response, the matter is
stated clearly:
“Cambodia thus maintains that the pleadings in this case show beyond any
doubt: (i) that Cambodia and Thailand are in dispute as to the meaning and scope of
the manner in which the Court used the phrases ‘in territory under the sovereignty of
Cambodia’ in the first paragraph of the dispositif of the 1962 Judgment and ‘its
vicinity on Cambodian territory’ in the second paragraph.”
23. There are two points to be made about this. First, if it were true that Cambodia
discovered that there was a dispute over the interpretation of the word “territory” only when it read
Thailand’s Written Observations, then that could hardly be the basis for a request for interpretation.
Cambodia made no assertion of a dispute over interpretation in respect of the first paragraph at the
time it made its Request, and that makes its new claim inadmissi ble. Article 98 of the Rules of
Court allows a State to make a request for interpretation when there is a dispute. It does not
mandate bringing a request for interpretation and then later discovering a dispute. That is an abuse
of the Article 60 process. Now Sir Franklin’s attempt on Monday to patch up this deficiency by
quoting from the Avena Judgment that the Court examines the written pleadings of the parties to
7Request, para. 1.7. - 30 -
determine whether a dispute within the meaning of Article 60 exists , simply does not wor k. Of
course, the Court looks at the pleadings of the parties to identify if a dispute exists, but this does
not mandate a party to discover a dispute only after the pleadings have been filed.
24. Second, in paragraph 3.16 of its Response, Cambodia for t he first time makes an explicit
claim that there is a dispute over the meaning of the term “vicinity” in the second paragraph of the
dispositif. Such a claim was not made in paragraph 5 of its Request. Now Cambodia claims a
more explicit, and quite diffe rent, dispute over the meaning of the term “vicinity”. The implicit
attempt in the request for interpretation to expand the meaning of “vicinity” to cover the whole of
the alleged 4.6 sq km disputed area is now out in the open.
25. Thus, what has happene d is that Cambodia’s Request for interpretation and the grounds
on which it was based have changed. What was apparently not in dispute before has suddenly
become a dispute. What needs to be interpreted now seems broader than what was in the initial
request for interpretation. This becomes clear when attention is directed to paragraph 5.9 of the
Response, which identifies several further matters apparently in dispute.
26. Subparagraphs (ii) to (v) of paragraph 5.9 make clear that, in Cambodia’s view, the
dispute now relates to both the first and second paragraphs of the dispositif , linking the term
“territory” which is used in both of those paragraphs and positing a controversy over how the
paragraphs are to be read together. What is striking about this part of paragraph 5.9 is that it bears
little resemblance to what was identified as the dispute in Cambodia’s Request for Interpretation.
27. Although Cambodia’s new Request for interpretation is no less opaque than its original
Request, the reason for the change in Cambodia’s position is readily apparent. Cambodia is trying
to overcome the fact that its initial Request failed to link the Annex I map line claim sufficiently
clearly to the 1962 dispositif. The claim that the second paragraph of the dispositif was somehow
linked to the line on the Annex I map, simply had no plausibility.
28. Faced with this flaw in its analysis, Cambodia has now sought to rely not only on the
second paragraph of the dispositif , but also on the first. The first paragraph refers to the Temple
being situated “in territory subject to the sovereignty of Cambodia” the term “territory” may
7CR 2013/1, p. 33, para. 18 (Berman). - 31 -
have a wider scope than the term “vicinity”, and a wider scope is what Cambodia wants to provide
a basis for the argument that the interpretation of the dispositif can lead the Court to the reasons for
the decision and hidden in those reasons, according to Cambodia, is a decision that the Annex I
map line is the boundary between the Parties. Thus, we get the argument that the term “vicinit y on
Cambodian territory” in the second paragraph now means the same thing as “territory” in the first
paragraph.
29. But, while it is possible to fathom Cambodia’s strategy, nothing of this adds any
understanding to what it is that Cambodia is in fact re questing the Court to interpret. Because,
having made clear in paragraph 5.9 of its Response that the real issue for interpretation is not what
Cambodia requested in its initial Request for interpretation but rather the meaning of “territory” in
the first paragraph of the dispositif, Cambodia then goes on in the final paragraph of its Response to
reaffirm that its Request for interpretation is precisely that put forward in paragraph 45 of its
original Request.
30. But none of this makes any sense! One cannot on the one hand have a request for
interpretation put before the Court which does not involve the first paragraph of the dispositif of
the1962 Judgment, and then later argue that the real question is in fact the interpretation of that first
paragraph and ask the Court to “adjudge and declare” an interpretation of it, and on the other hand
reaffirm as it does in the final request that the question for interpretation does not involve the first
paragraph!
31. Mr. President, Members of the Court, Thailand was looking to Cambodia to provide
some clarification of the question it is putting before the Court in its oral arguments on Monday.
And, in fact, we did receive some clarification.
First, the Agent for Cambodia frankly admitted that this case is abo ut having the Court
recognize the Annex I line constitutes the boundary 7.
Second, Sir Franklin confirmed that paragraph 45 of the initial Request did in fact contain
the question to be interpreted. Indeed, he placed paragraph 45 on the screen. So, one m ight ask,
has Cambodia abandoned the new questions that it formulated in its Response?
7CR 2013/1, p. 20, para. 19 (Hor Namhong). - 32 -
But, third, it turned out that this is not so. Because, in explaining the meaning of
paragraph 45, Sir Franklin indicated that the reference in paragraph 45 to the second paragraph of
the dispositif entailed an inevitable reference to the first paragraph of the dispositif. “Organically
linked” he called it. Indeed, he said they were “symbiotically linked in a deeper way” 80.
32. Mr. President, I shall come to this or ganic or symbiotic link in a presentation later today
that looks at what the Court decided in 1962. At the present, I am simply trying to ascertain the
question for interpretation that Cambodia is placing before the Court. Is it what Cambodia asked in
paragraph45 an interpretation of paragraph two of the dispositif or is it what Cambodia
asked in its Response an interpretation of both paragraphs one and two of the dispositif and of
the relationship between them?
33. But, according to what Sir Fr anklin said on Monday, there never was a change in what
Cambodia was requesting. The reference in the second paragraph in the dispositif automatically
entailed automatically a reference to the first paragraph. On that basis, Cambodia never discovered
any new dispute at all after reading Thailand’s Written Observations. All along it apparently
intended that the reference in paragraph 45 to the second paragraph of the dispositif was a reference
to the first paragraph as well. But, if that was so, why, the n, was there a need to set out additional
questions in the Response. In short, rather than clarifying matters, Cambodia’s oral presentation
has simply introduced more confusion and contradiction.
34. Mr. President, in the circumstances, Thailand might be forgiven for asking, will the real
question for interpretation please stand up? But, of course, the real question cannot stand up,
because if it did, the nonsensical nature of the question would be obvious. To take a leaf from
Cambodia’s book, the question would have to be along the following lines:
“Given that the Court in 1962 rejected the request of Cambodia to determine
that the Annex I map line is the boundary between the Parties, the Court is requested
to adjudge and declare that the correct inter pretation of the 1962 Judgment is that the
Annex I map line is the boundary between the Parties.”
8CR 2013/1, p. 34, para. 19 (Berman). - 33 -
Cambodia, of course, is not prepared to ask such a question directly and thus it has to hide its
questions in a series on confusing questions and steps bizarr ely referred to as “irresistible logic” in
81
the Response , which it hopes will lead to the conclusion it asks.
35. Mr. President, at the outset I said that for the purpos es of proceedings under Article 60 it
is important to know precisely what questions for interpretation have been placed before the Court.
But, as I have shown, precision is not possible, clarity cannot be obtained, because, not only is
there uncertainty about what it is specifically that Cambodia is asking the Court to answer, but also
the questions that Cambodia appears to be putting are not really the questions that Cambodia wants
answered they are simply a device, a means to an end. There is no dispute over the meaning or
scope of the term “territory” in the first paragraph of the 1962 dispositifwhether or not one accepts
the Cambodian assumption that the Court in 1962 determined the Annex I map line as the
boundary, because sovereignty over the Temple is not in dispute. There is no dispute over the
meaning of the term “vicinity” in the second paragraph of the 1962 dispositif, whether or not one
accepts the Cambodian assumption that the Court in 1962 determined the Annex I map line to be
the boundary, because Thai troops withdrew from that area in 1962 and although there was some
questioning of the barbed-wire fence, that Thai troops had in fact withdrawn had not been seriously
challenged until Cambodia brought this case.
36. Thus, neither paragraphs of the dispositif serve as a permissible vehicle for Cambodia to
trawl the reasons in the 1962 Judgment to seek support for its view that in those reasons the Court
indirectly or inadvertently decided with binding force what it explicitly refused to do in the
dispositif.
37. Mr. President, in 1959, Cambodia came with a specific question t o be
determined sovereignty over the Temple of Phra Viharn. Then in the course of the proceedings,
it brought another, different question to the Court the claim that the Annex I map line is the
boundary between the Parties. History repeats itself. I n 2011 Cambodia brought before this Court
a question for interpretation, convoluted and confused as it was, which appeared to relate to the
second paragraph of the 1962 dispositif . Then in the course of these proceedings, Cambodia has
8Response, para. 3.12. - 34 -
brought another and seemingly different question for interpretation, relating to the interpretation of
the first paragraph of the dispositif.
38. In 1962 the Court rightly rejected the new claim of Cambodia, and just as today the
Court should reject the new question for inte rpretation. And that leaves what was requested in the
initial Cambodian request something that is not a question, and certainly not to be answered in
the way Cambodia proposes. But, as Professor Pellet will point out later in Thailand’s oral
presentation, there is in any event no jurisdiction to respond to allow Article 60 to be used to
reverse, under the guise of interpretation, what the Court decided in 1962.
Thank you, Mr. President, Members of the Court, for your kind attention. Mr. President, I
would now ask you to call on Ms Miron.
The PRESIDENT: Thank you very much, Professor McRae. Et je donne à présent la parole
à Mme Alina Miron. Vous avez la parole, Madame.
Mme MIRON : Merci, Monsieur le président.
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, me retrouver pour la première
fois à cette barre est pour moi un honneur insigne. Je le dois à la confiance que les autorités du
Royaume de Thaïlande m’ont accordée, pour laquelle je les remercie très sincèrement.
2. En cette fi n de matinée, il m’appartient d’apporter la «preuve par les cartes» que le
différend qui opposait les Parties dans l’affaire originaire était nettement plus circonscrit que ce que
le Cambodge prétend aujourd’hui. D’abord dans sa portée géographique, car i l concernait
exclusivement la parcelle restreinte de territoire sur laquelle se trouve le temple, et non pas la zone
de 4,6 kilomètres carrés que le Cambodge réclame à présent (I). Ensuite par son objet, car il portait
sur la souveraineté territoriale, et non pas sur la délimitation de la frontière (II).
3. Cette double démonstration suffit à neutraliser l’argument du Cambodge dans la présente
affaire selon lequel la Cour aurait reconnu, avec force de chose jugée, la ligne figurant sur la carte
de l’annexe I comme étant la ligne de frontière entre les Parties. Ce n’est donc que pour surplus de
droit que je consacrerai la fin de ma présentation à réfuter les arguments déroutants du Cambodge
qui prétend que la ligne de la carte de l’annexe I peut être un instrument autonome de la
délimitation de la frontière, ainsi que des environs du temple (III). - 35 -
I. LES CARTES ,ILLUSTRATION DE L ’ÉTENDUE GÉOGRAPHIQUE
DU DIFFÉREND DE 1962
A. La zone en litige selon le Cambodge
4. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, même après les plaidoiries de
lundi, nous nous demandons toujours quelles sont précisément les zones que le Cambodge
considère en litige. Il fournit certes quelques indications parcimonieuses, mais force est de
constater qu’aucune définition claire ne se dégage. I l l’identifie à un périmètre de
4,6 kilomètres carrés et s’abstient d’en fournir dorénavant la moindre représentation
cartographique, alors même qu’il soutient que ce périmètre résulte de l’intersection sur une carte de
deux lignes.
J’aborderai ces trois aspects tour à tour.
a) Le périmètre de «4,6 kilomètres carrés»
5. Monsieur le président, le Cambodge postul e qu’un périmètre de quelque
4 kilomètres carrés et demi, qui lui sont nécessaires, depuis 2007, pour l’inscription du t emple au
patrimoine mondial de l’U nesco, était la zone en litige en 1962. Mais le différend tranché par la
Cour en 1962 n’avait aucun rapport avec ce périmètre.
6. D’ailleurs, le Cambodge a du mal à prouver l’existence d’une telle zone litigieuse
en 1962. Durant la procédure écrite, il avait produit un croquis à propos duquel
S. Exc. l’ambassadeur Plasai a rappelé qu’il ne faisait pas parti e des pièces de la procédure
82
de 1962 . J’y reviendrai dans un instant. Le seul document que le Cambodge a mis en avant lundi
83
était le Livre Blanc de 2011 . Il est tout de même extraordinaire que la seule preuve de
l’existence, dans l’affaire initial e, d’une zone litigieuse de 4,6 kilomètres carrés soit un livre blanc
84
soumis par le Cambodge après la clôture de la procédure écrite dans la présente affaire !
b) Les croquis cachés du Cambodge
o
[Projection n 1 : Map Sheet 3 de l’annexe 49 du contre-mémoire de la Thaïlande (1961).]
82Vor aussi SIT, par. 1.45-1.47, par. 2.47-2.49.
83Voir CR 2013/1, p. 17, par. 7 ; p. 19, par. 14 (Hor Namhong) ; ibid., p. 73, par. 82 (Berman) ; CR 2013/2,
p. 36, par. 53 (Sorel).
84
Ministère des affaires étrangères de la Thaïlande, «Information dont le peuple thaï devrait prendre connaissance
concernant l’affaire du temple de Phra Viharn etoles négociations thaï-cambodgiennes sur la frontière », décembre 2011,
soumis par le Cambodge le 26 novembre 2012, lettren1155. - 36 -
7. Durant la présente procédure écrite, le Cambodge avait fait preuve d’un art cartographiqu e
prodigieux pour vous convaincre que la zone qu’il réclame aujourd ’hui était la zone litigieuse
en 1962. Cet art se basait sur le détournement des cartes des experts soumises par la Thaïlande en
tant qu’annexe 49 de son contre -mémoire. Un croquis en par ticulier semblait faire l’objet d’un
85
véritable culte cartographique de la part du Cambodge . Il s’agit de l a troisième planche de
l’annexe 49 du contre -mémoire la Map Sheet 3 actuellement projetée à l’écran . Elle
représente l’agrandissement d’une por tion de 4 centimètres sur 6 de la carte de l’annexe I et
reproduit volontairement les erreurs topographiques de cette dernière . Les experts de Delft
86
l’avaient d’ailleurs précisé dans leur rapport . Or, malgré son manque de précision et son origi ne
modeste, le demandeur n’en produit pas moins de neuf pastiches 87.
o o
[Projection n 2 : Annexe cartographique n 5 de la requête en interprétation (2011).]
8. En fait, jusqu’à lundi dernier, la Map Sheet 3 avait remplacé la carte de l’annexe I dans les
faveurs du Cambodge. Il en avait fait sa carte de référence dans la présente procédure, sans jamais
en garder la forme originale . [Animation.] Ainsi dans l’annexe cartographique n o 5 de la requête
introductive d’instance de 2011, la légende ajoutée par le Cambodge assurait que la ligne croisée
88
était la «ligne de frontière … adoptée par la CIJ en 1962» . A supposer que votre juridiction
puisse adopter une carte on se demande comment ? , le fait est que la Cour de 1962 n’a jamais
mentionné cette Map Sheet 3 dans son arrêt ni ne l’a même publiée avec les volumes d’écritures !
On peut alors difficilement considérer qu’elle ait pu «l’adopter» dans son arrêt !
9. [Animation.] Sur ce même croquis, le Cambodge ajoutait une «ligne de frontière
thaïlandaise en 1962» [animation] et une «ligne de frontière thaïlandaise en 2007», sans que l’on
sache comment il s’y est pris pour définir ces lignes. L’exercice est en outre très original :
d’habitude, on demande aux cartographes de transposer les mauvaises lignes des matériaux anciens
sur les bonnes cartes (modernes) . On ne leur demande pas de mettre les bonnes lignes modernes
85
Voir aussi SIT, p. 22-27, par. 1.35-1.43.
86 C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, p. 435.
87
Voir aussi SIT, p. 27, note 70.
88 o
Annexe cartographique n 5 de la requête introductive d’instance de2011. - 37 -
sur des cartes anciennes. Or, dans toutes ses preuves cartographiques, le Cambodge pratique cette
technique déconcertante.
o
[Projection n 3 : Le remplacement du croquis de l’ordonnance de 2011 par la Map Sheet 3.]
10. La volonté manifeste du Cambodge de vous faire ou voir « adopter» ce document l’a
poussé même à remplacer le croquis de votre ordonnance en indication de mesures conservatoires
par cette Map Sheet 3, sur laquelle il a transposé le quadrilatère de la zone dém ilitarisée provisoire
et rajouté quelques précisions toponymiques qui n’apparaissaient ni dans votre croquis de 2011, ni
89
sur la Map Sheet 3 originaire . Mesdames et Messieurs les juges, il ne nous avait pas échappé que
le Cambodge n’aimait pas la précision cartographique, mais on ne se doutait pas qu’il l’avait en
horreur au point de substituer à votre croquis celui qui fait l’objet de sa vénération !
11. Vénération passagère, toutef ois, si l’on doit juger d’après le silence gêné du
Cambodge durant les plaidoiries de lundi . Cette Map Sheet 3 semble avoir disparu ... et c’est tant
mieux: elle n’était guère fiable.
[Projection n o 4 : Croquis de la Réponse du Cambodge (2012).]
12. Le deuxième croquis caché par le Cambodge durant les plaidoiries de lundi est celui qu’il
avait soumis, dans sa r éponse, comme unique preuve de l’existence en 1962 d’un périmètre de
4,6 kilomètres carrés. C’était le croquis approximatif actuellement projet é à l’écran, dont il
90
affirmait qu’il était « une comparaison effectuée » par les experts de la Thaïlande. Nous avons
montré dans notre supplément d’information que ce croquis ne saurait constituer une preuve 91, pour
la simple raison qu’il n’avait jamais été présenté durant la procédure originaire et qu’il avait
soudainement fait sa première apparition en 2012, dans la R éponse du Cambodge . L’on se
demande dès lors si l’abandon de ce croquis par le Cambodge, durant les plaidoiries orales, signifie
que dorénavant il ne s’appuie plus dessus pour démontrer l’existence en 1962 d’un périmètre de
4,6 kilomètres carrés ?
89 Lettre de l’a gent du Royaume du Cambodge à S. Exc. M. Philippe Couvreur, 19 juillet 2012 (onglet 1.4 du
dossier des juges).
90RC, p. 77, par. 4.65.
91
SIT, p. 29-30, par. 1.47 et International Boundaries Research Unit, Durham Univers, «A review of ma ps
presented in the period 1959-1962 and others prepared in 2012», par. 6.2 et 6.7 (annexe 46 du SIT). - 38 -
c) Un périmètre prétendument déterminé par deux lignes, dont une est en effet indéterminable
13. Il reste que le Cambodge n’a toujours pas présenté la moindre preuve de l’existence de ce
périmètre en 1962. Cette zone n’est mentionnée nulle part dans l’arrêt ; d’ailleurs, durant la longue
procédure initiale, les Parties ne l’ont jamais identifiée. Nous avons épluché les quelque
1500 pages de plaidoiries écrites et orales. Il n’y en a aucune trace aucune !
o
[Projection n 4bis : Croquis de la Réponse du Cambodge (2012).]
14. Seule subsiste une affirmation, avancée par M. Bundy, lundi matin, que la « fameuse»
zone de 4,6 kilomètres carrés résultait de l’intersection de l a ligne de la carte de l’annexe I et de
celle de partage des eaux 92.
15. L’affirmation de M. Bundy est en réalité une reprise de la thèse avancée dans la
93
Réponse , dont le croquis à l’écran était la représentation cartographique . Le croquis s’est
peut-être évanoui, pour cause de manque de crédibilité sans doute, mais la logique derrière sa
fabrication demeure. Il s’agirait, selon le Cambodge, de la détermination de la zone en litige par
l’intersection de deux lignes : la ligne de la carte de l’annexe I, en vert, et la ligne du partage des
eaux, en rouge. Toutefois l’explication n’est pas plus convaincante que le croquis, et ce, pour les
deux raisons suivantes :
[Projection n o5 : Transposition de la ligne de la carte de l’annexe I]
D’abord, il faut savoir localiser sur le terrain l a ligne de la carte de l’annexe I, qui date, je le
rappelle, de 1908. Ce qui implique d’établir une méthode pour la transposer sur une carte
moderne. Les difficultés à cet égard sont dirimantes. J’y rev iendrai à la fin de mon exposé .
94
La carte actuellement à l’écran, préparée par l’IBRU , montre quelques-unes des possibilités
de transposition. A ce stade, il me suffit de constater qu’il est impossible de déterminer la zone
en litige si l’on ne sait pas où se trouve la ligne de la carte. La Cour aura remarqué d’ailleurs
que le Cambodge n’offre aucune indication à cet égard.
Ensuite, le Cambodge postule que la ligne de la cart e délimite la zone en litige au nord et la
ligne du partage des eaux le fait au sud. Mais que se passe- t-il à l’est et à l’ouest ? Où le
92CR 2013/1, p. 73, par. 82, notes de bas de page omises (Bundy).
93RC, p. 77, par. 4.65.
94
Voir International Boundaries Research Unit, Durham University, «Assessment of the task of translating the
Cambodia-Thailand bo undary depicted on the «Annex I» map onto the ground », October 2011, (IBRU Assessment)
[OET, annexe 96, p. 668]. - 39 -
Cambodge place-t-il la limite de cette «intersection» ? Car tout dépend de la méthode de
transposition retenue. L’on voit bien sur la carte à l’écran que, très souven t, les lignes à
l’instar d e la verte et de la jaune ne rejoignent jamais l a ligne de partage des eaux
(en rouge). Quand elles le font comme la bleue le premier point d’ intersection est à
quelque 6,8 kilomètres du temple, donc à une distance considérable.
16. Le Cambodge fait comme si la transposition de la ligne de la carte était facile. En plus
de l’avis parfaitement contraire des experts de l’IBRU 95, les tâtonnements même du Cambodge
dans la procédure originaire, quant à la localisation d’une portion très limitée de la li gne, celle
au nord du temple, suffiraient à établir que ce n’est pas le cas. Dans la procédure originaire,
une annexe à la requête la plaçait à quelque 500 mètres au nord du temple 96;
alors que dans la r éplique, et à plusieurs reprises durant les plaidoir ies, le Cambodge
97
l’approcha au pied du grand escalier nord, donc à quelques mètres du t emple . Ligne
mouvante, s’il en est !
17. L’on constate donc que la local isation de la ligne au nord du temple a donné lieu à
deux prises de position différentes de la part du Cambodge et encore ! aucune estimation n’a été
avancée à l’est et à l’ouest de celui -ci. Comment dès lors le Cambodge peut -il prétendre que la
ligne de la carte délimite précisément, à la fois la zone en litige et la frontière ? Le mystère
demeure.
[Projection n o 6 : «Not a crucial area».]
18. La théorie de l’intersection des deux lignes permet en fait au Cambodge de réclamer
aujourd’hui des zones qu’il avait exclues de la zone en litige dans l’affaire initiale. En effet, le
Cambodge montra à l’époque un mépris appuyé pour l’intérêt que l’expert de la Thaïlande avait
manifesté au sujet de la topographie [animation] autour de la colline Pnom Trap [animation] et du
ruisseauO’Tasem, qui figurait sur la carte de l’annexe I, mais s’avéra inexistant en réalité .
M. Acheson, le conseil du Cambodge, avait balayé d’un revers de la main ces investigations, en
95
Ibid.
96 Note de l’a mbassade de France à Bangkok en date du 9 mai 1949, n 114/49, C.I.J. Mémoires, Temple de
Préah Vihéar, vol. I, annexe XVI, p. 106 ; voir aussi ibid., vol. II, p. 189 (M. Roger Pinto, 2 mars 1962) ; et Temple de
Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 31. Voir aussi OET, p. 220-221, par. 5.24.
97
C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, p. 465. Voir aussi SIT, p. 191-193,
par. 4.67-4.69. - 40 -
98
soulignant que : [Animation.] « [T]his area, north-west of the Temple, is not the crucial area .»
M. Acheson signifiait ainsi qu’il ne trouvait pas pertinente l’investigation de zones aussi éloignées
99
de la zone en litige . Pourtant, dans la présente procédure, ces zones au nord-ouest du temple, sont
devenues «the crucial area ». Monsieur le président, l’on ne peut ainsi souffler le chaud et,
cinquante ans après, le froid !
[Fin de la projection n o 6.]
B. La «région du Temple» au sens de l’arrêt
19. Le Cambodge prétend donc sans aucune preuve à l’appui , on vient de le constater,
que l’arrêt portait sur un périmètre de 4,6 kilomètres carrés. Ce serait ce que l’arrêt appelle « la
100
région du temple» . Notre thèse est que la région du t emple au sens de l’arrêt est synonyme de
celle de «zone du temple», et que toutes les deux se réfèrent en fait à la «parcelle du territoire … où
101
se trouvent les r uines» du t emple. Le professeur McRae montrera tout à l’heure que de
nombreuses indications textuelles viennent étayer notre affirmation. Il m’incombe de préluder à sa
démonstration par un inventaire des preuves cartographiques allant dans le même sens.
[Projection n o 7 : «Annexe 85 d) (reproduction partielle)» (1962).]
102
20. Mesdames et Messieurs de la Cour, la carte actuellement sur vos écrans est la véritable
représentation cartographique de l’étendue géographique du différend originaire. Je la désignerai
comme l’annexe 85 d) car tel est son numéro dans la liste des annexes de la procédure initiale.
Je ferai trois remarques à son sujet.
21. Mon premier point concerne l’origine de l’annexe 85 d). La carte projetée est un extrait
d’une grande ca rte qui avait été accrochée au mur du grand hall de justice durant les plaidoiries
de 1962, pour assister les conseils dans leur démonstration et les juges dans la visualisation des
103
régions et détails discutés .
98C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), vol. II, p. 465 (Acheson, 22 mars 1962).
99Voir aussi OET, p. 43-45, par. 2.44-2.46 ; ibid., p. 243-244, par. 5.62-5.63 ; SIT, p. 147-148, par. 4.48-4.49.
100
Voir notamment CR 2013/1, p. 17, par. 7 ; p. 19, par. 12 ; p. 20, par. 19 (Hor Namhong) ; p. 22, par. 2 ; p. 23,
par. 5 (Sorel).
101
C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar, (Cambodge c. Thaïlande) vol. I, p. 4, par. 1. Voir aussi OET,
p. 21-22, par. 2.6 ; p. 23-24, par. 2.12 ; p. 41-42, par. 2.41-2.42 ; p. 91, par. 2.24-3.25 ; SIT, p.57, par. 2.32.
102 o
Voir aussi SIT, annexe cartographique n 52 et dossier des juges.
103Voir SIT, p. 46, par. 2.20 et IBRU Review, par. 5.1-5.3 [SIT, annexe 46]. - 41 -
[Projection n 8 : La grande carte (1962).]
22. La grande carte représentait un agrandissement de deux feuilles préparées par les experts
de Delft pour retracer correctement la topographi que de la région autour de Phra Viharn et afin
d’identifier précisément la ligne de partage des eaux dans la zo ne du t emple. [ Animation.] La
grande carte était constituée de trois pans. [Animation.] L’équipe thaïlandaise a pu en consulter
deux dans les archives de la Cour ; le troisième, dont fait partie la zone du t emple, reste toutefois
introuvable.
[Projection n o9 : La zone du temple sur la grande carte.]
23. L’annexe 85 d) est en fait une partie du pan oriental manquant . [Animation.] La Cour a
demandé qu’elle soit reproduite avec les plaidoiries. Pour les besoins de la reproduction, l’extrait
actuellement à l’écran a dû être découpé du pan oriental de la grande carte. Telle est,
pensons-nous, l’explication du fait que le reste de ce troisième pan a disparu des archives de la
Cour.
24. Monsieur le président, ma deuxième remarq ue au sujet de l’annexe 8 5 d) concerne son
objet. Plusieurs raisons permettent de considérer qu’elle illustre «la zone du t emple» telle que la
Cour l’a entendue en 1962.
[Projection n o10 : La zone du temple dans l’arrêt.]
25. Primo, la description cartographique est corroborée par une description textuelle de
l’arrêt. Un passage décrit ainsi la zone du temple :
«[animation] une ligne frontière qui suivr ait le faîte de l’escarpement, ou tout au
moins passerait au sud et à l’est de la zone du temple , laisserait cette zone en
Thaïlande, [animation] tandis qu’une ligne passant au nord, ou au nord et à l’ouest, la
placerait au Cambodge » (Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Tha ïlande), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 15 ; les italiques sont de nous).
Voici la véritable intersection des lignes qui définit la zone en litige ! Ainsi, pour la Cour, la zone
du temple était une portion restrei nte de l’éperon sur lequel Phra Viharn est situé . L’arrêt le
confirme d’ailleurs six pages plus loin, lorsqu’il distingue entre la zone du templ e d’une part et
l’éperon d’autre part, en incluant la première dans le second : «tout l’éperon de Préah Vihéar, zone
du temple comprise» (ibid., p. 21), écrivit la Cour.
o
[Projection n 11 : L’annexe 85 d) (reproduction partielle) et la carte du conseil.] - 42 -
26. C’est également la zone dont la Thaïlande devait retirer les troupes qui y étaient
stationnées. Les deux aires sont largement comparables, comme l’ambassadeur Plasai l’a évoqué
ce matin et comme le professeur Pellet le démontrera plus tard. Voilà d onc qui contredit
l’affirmation de M. Bundy que : «it is clear from the 1962 Judgment that the geographical focus of
the Court was much broader than the very limited area circumscribed by Thailand on its famous
Council of Ministers map».
o o
[Projection n 12 : Retour à la projection n 10 : Annexe 85 d).]
27. Secundo, la Cour a estimé nécessaire de faire publier cet extrait de l’annexe 85 d) avec
les volumes de plaidoiries. Ce choix est chargé de signification, si l’on considère la note de bas de
page insérée par le Greffe qui indique : «Des cartes annexées aux pièces de procédure … seules
sont reproduites … celles que la Cour a jugées nécessaires à l’intelligence de l’arrêt.» 104
105
28. L’annexe 85 d) fait partie des cinq cartes et croquis ainsi reproduits . Il en va de même
de la carte de l’annexe I en fait d’une de ses versions, différente de celle soumise par le
106
Cambodge avec sa Requête en 1959 . Si l’on doit peser en quoi ces deux cartes publiées étaient
«nécessaires à l’intelligence de l’arrêt », il est clair que la carte de l’annexe I était un motif pour
décider de la souveraineté sur le t emple, alors que la carte de l’annexe 85 d) est l’illustration
évidente de l’appréciation par la Cour de l’étendue géographique de la zone litigieuse.
[Projection n o 13 : Sélection de la zone du temple.]
29. Enfin, et ce n’est pas le moins important, c’est la Cour elle-même qui a choisi la portion
de la grande carte qui devait être publiée. A la différence des autres cartes de la procédure, toutes
produites par les P arties, l’annexe 85 d) est une pièce cartographique pro duite par la Cour
elle-même. De l’ensemble de la grande carte, la Cour a ainsi sélectionné à peu près 4 %. Seule la
volonté d’illustrer à grande échelle la zone du temple peut expliquer le fait que la Cour ait ordonné
ce découpage d’une pièce cartographique unique.
[Fin de la projection n o13.]
104C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar, (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, p. IX et ibid., vol. II, p. VII (les
italiques sont de nous).
105
C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar, (Cambodge c. Thaïlande), requête, annexe 1 ; contre-mémoire,
annexe 12 b), annexe 49 Map Sheet 4 ; duplique, annexe74 ; plaidoiries, annexe 85 d).
106
Voir CR 2013/1, p. 70, par. 68 (Bundy). - 43 -
II. L’ IDENTIFICATION DE L ’OBJET DU DIFFÉREND À TRAVERS LES PREUVES
CARTOGRAPHIQUES
30. Mesdames et Messieurs de la Cour, le Cambodge attribue à la carte de l’annexe I une
valeur telle qu’il est nécessaire de la remettre dans le contexte de l’affaire. A côté de nombreuses
preuves documentaires, les deux Parties se sont en effet appuyées sur un arsenal cartographique
conséquent pour étayer leur affi rmation de souveraineté sur le t emple. Pour être exacte, 59 cartes
107
et croquis ont été versés au dossier de la procédure originaire . Ce nombre jette à lui seul le doute
sur l’affirmation catégorique du Cambodge, selon laquelle la carte de l’annexe I était le motif
«central et unique de l’arrêt» 10.
31. Elle est d’ailleurs contredite par un passage en ouverture de l’arrêt, dans lequel la Cour
passe en revue les moyens de preuve sur lesquels elle entend fonder sa décision : «Des cartes lui
ont été soumises.» (Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Tha ïlande), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 14.) a-t-elle rappelé. J’attire votre attention sur ce pluriel des
cartes qui, d’emblée, met à mal la fable de l’unicité de la carte de l’annexe I.
A. L’approche templo–centriste de la carte de l’annexe I durant la procédure originaire
[Projection n o 14 : Annexe I de la requête du Cambodge (1959).]
32. Mesdames et Messieurs les j uges, le Cambodge avait fondé so n titre de souveraineté sur
le temple sur la convention de délimitation de 1904. Mais, comme la Cour elle–même le précisait,
la convention «ne mentionn[ait] pas Préah Vihéar» ( Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 16). Dès lors, pour étayer sa thèse le Cambodge a
dû se tourner, entre autres arguments, vers un instrument extérieur au traité. C’est la carte de
l’annexe I à la requête introductive d’instance, actuellement projetée à l’écran.
[Animation.]
33. A la différence de la convention de 1904 qui était muette au sujet du t emple, cette carte
l’identifiait nommément et le plaçait visiblement au sud de la frontière . Sa force probante
107C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar, vol. I, requête du Cambodge, annexes I, II; IVbis, VIbis, VII, XI,
XIII, XIII bis ; exceptions préliminaires de la Thaïlandannexe 2 ; observations du Cambodge, annexe XXXII ;
contre-mémoire de la Thaïlande, annexes 7 b), 7 c), 12 b), 15, 16, 46 b), 48, 49 -I, 49-II, 49-III, 49-IV. Réplique du
Cambodge, annexes XXXIII, XLIX, L, LI, LXVI c), LXVI d), LXVIII a) ; duplique de la Thaïlande, annexes 53, 54, 57,
60, 62, 64, 65 b), 65 c), 65 d), 66 b), 66 c), 73, 74-1, 74 -2, 75 b), 75 c), 76, 76 bis ; ibid., vol. II , annexes LXXII c),
LXXX, LXXXI, LXXXII, LXXXIII, 77 e), 81 a), 81 b), 84, 85 a), 85 b), 85 c), 85 d).
108
RC, p. 56, par. 4.10. - 44 -
potentielle n’était dès lors pas négligeable, ce qui explique que la Thaïlande se soit employée à en
contester l’autorité 109.
34. Toutefois, l’obj et de cette preuve était en lui -même limité. D’après le Cambodge
lui-même : «La carte montre clairement l’emplacement du temple de Préah Vihéar et situe
clairement le temple du côté cambodgien de la frontière.» 110 Si la carte de l’annexe I était parlante,
c’est parce qu’elle indiquait précisément l’emplacement du temple. Qu’elle prenne en
considération la carte ou tout autre argument, la Cour était appelée à répo ndre à une seule
question : le temple se trouve-t-il au nord ou bien au sud de la frontière ?
35. A cette question, sans ambages la Cour répondait par un constat clair : «[L]a carte situait
tout à fait clairement Préah Vihéar du côté cambodgien de la ligne.» ( Temple de Préah Vihéar
(Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 26.)
o
[Fin de la projection n 14.]
B. Les autres preuves cartographiques contredisent la thèse de l’unicité
de la carte de l’annexe I
36. Monsieur le président, en dépit de sa clarté au sujet du temple, la carte de l’annexe I
n’était pas, aux yeux de la Cour, suffisante pour prouver à elle seule le titre du Cambodge . L’arrêt
rappelle d’autres événements et se réfère à d’autres cartes avant de conclure au bien -fondé de la
réclamation cambodgienne. Je passerai rapidement en revue les autres moyens cartographiques,
mentionnés dans l’arrêt.
o
[Projection n 15 : Annexe XLIX de la réplique du Cambodge (1961).]
37. Parmi ces autres cartes, il y en avait une que la Thaïlande avait elle- même publiée
en 1937. La Cour insiste par deux fois, aux pages 27 et 28 de l’arrêt, sur le fait que cette carte,
actuellement projetée à l’écran, montrait indiscutablement l’absence d’ animus domini chez le
défendeur, puisqu’elle indiquait «Préah Vihéar en territoire cambodgien» 111.
38. Mesdames et Messieurs les j uges, sur cette carte aussi, le t emple est assez clairement
situé au sud de la ligne de frontière . L’on peut dès lors retenir sa valeur probante pour la
109
C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar,vol. I, p. 174–180 et p. 549–571.
110Ibid., p. 443.
111
Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 28. V oir aussi ibid.,
p. 27. - 45 -
désignation du souverain sur le temple. Toutefois, vous hasarderiez-vous à étendre sa valeur pour
la délimitation de la frontière ? Certainement pas : la topographie est quasiment inexistante et,
parmi les toponymes, seul celui du temple a été traduit par le Cambodge . Ce dernier détail ne
laisse d’ailleurs plus de place au doute quant à l’objet réel de ses revendications !
[Projection n o16 : Annexe VIbis de la requête du Cambodge (1959).]
39. Une autre carte ayant aidé la Cour à forger sa conviction est celle que la Thaïlande avait
déposée en 1947 auprès de la commission de conciliation franco–siamoise. De nouveau, cette carte
112
intéressait la Cour parce qu’elle «indiqu[ait] Préah Vihéar en territoire cambodgien» .
40. Ainsi, comme pour la carte de l’annexe I, l’approche templo–centriste a donc prédominé
dans l’examen de l’ensemble des éléments cartographiques. Les cartes évoquées par l’arrêt avaient
un point en commun : toutes situaient le temple au sud des lignes frontières qui y figuraient . En
revanche, elles ne montraient pas de lignes frontières identiques. Et si cette dissemblance n’a
troublé ni les conseils du Cambodge, ni la Cour, c’est pour la raison évidente que ceci n’entamait
pas leur force probante quant à la souveraineté sur le temple.
[Fin de la projection n o 16.]
III. L A RELATION DE LA LIGNE DE LA CARTE AVEC LA TOPOGRAPHIE DU TERRAIN
41. Monsieur le président, la thèse du Cambodge dans la présente affaire se résume à une
proposition : la carte de l’annexe I doit être reconnue comme instrument autonome de délimitation,
indépendamment du traité de 1904 113 et du critère de la ligne de partage des eaux qui y est retenu .
Cette thèse extrême ignore toutefois votre jurisprudence qui avertit que le manque de fiabilité
technique rend les cartes, surtout les cartes anciennes, impropres à constituer des instruments
114
autonomes de délimitation . La carte de l’annexe I n’échappe pas à ces tares.
112
Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 28.
113RC, p. 8–9, par. 1.18 (deux fois).
114
Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 582–583, par. 55. Voir
aussi Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005 , p. 119–120, par. 44 ; voir aussi Différend territorial
et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 722-723, par . 213-214 ; Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colomb, arrêt
du 19 novembre 2012, par. 100. Voir aussi sentence arbitrale du 4 avril 1928, Île de Palmas (Pays -Bas/Etats-Unis
d’Amérique) [traduction française : Revue générale de droit international public, t. XLIII, p. 179-180] ; sentence arbitrale
du 23 janvier 1933, Délimitation entre le Guatemala et le Honduras , RSA, vol. II, p. 1325 ; sentence du 14 juillet 1965,
Ruling concerning the Disagreement between Ecuador and Peru over the Zamora -Santiago Sector, RSA, vol. XXVII,
p. 413-432. Voir aussi Jaworzina, avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B n 33. - 46 -
a) Les versions de la carte de l’annexe I
42. Avant de m’employer à vous en convaincre, je reviendrai un instant sur la multiplicité de
la carte de l’annexe I. Nous utilisons toujours le singulier, «la carte de l’annexe I», mais le pluriel
sied mieux les cartes de l’annexe I car il en existe en effet plusieurs versions 115. Le
116 117
Cambodge l’a lui-même admis, dans sa Réponse et encore plus clairement lundi . A ce jour,
l’équipe thaïlandaise a pu en dénombrer six, don t trois dans les archives de la Cour datant de la
procédure originaire 118. A celles-ci se rajoute celle que le Cambodge a soumise en 2011 11.
[Projection n o17 : «La carte de l’annexe I».] 120
43. Lundi, M. Bundy a insisté sur le fait que l’existence avérée de multiples versions était
sans importance, puisque la seule qui comptait était «the map that Cambodia attached as Annex I to
its Application» 121. Je remarquerai d’abord que le Cambodge n’a pas apporté la preuve que la carte
affichée à l’écran est la véritable version annexée à la requête de 1959. Ensuite, quand bien même
le serait-elle, rien ne permet de conclure, comme M. Bundy l’a peut-être un peu trop rapidement
122
fait, que cette version était «the only map the Court focused on in the original case» . L’existence
de deux autres versions dans les archives de l’affaire originaire vient démentir cette affirmation.
o 123
[Projection n 18 La version de la carte de l’annexe I «de la Cour».]
124
44. En outre, comme le Cambodge l’a lui-même constaté , la Cour a publié une version de
la carte qui n’est pas celle déposée par le Cambodge en 1959 125. Pourquoi la version de la carte
publiée par la Cour aurait-t-elle moins d’importance que le document soumis par le Cambodge ? Je
115
OET, p. 268-272, par. 6.18-6.24 ; SIT, p. 164, par. 4.28 ; p. 193-195, par. 4.70-4.73.
116
RC, p. 16, par. 2.13.
117CR 2013/1, p. 70-71, par. 64-68 (Bundy).
118Annexe I, version dossier des juges (Cambodge), 15 avril 2013, onglet n 16 (dans les archives, elle comporte
le numéro 726147 sur le dos) ; annexe I semblable à la première, mais en meilleur état et sans le numéro 726147 sur le
o
dos ; annexe I publiée par la Cour (dossier des juges (Cambodge), 15 avril 2013, onglet n16).
119Dossier des juges du Cambodge, 15 avril 2013, onglet n 17.
120Dossier des juges (Cambodge), 15 avril 2013, onglet n 16.
121CR 2013/1, p. 69, par. 66 (Bundy). Voir aussi RC, p. 16, par. 2.12-2.13.
122CR 2013/1, p. 69, par. 66 (Bundy).
123 o
Dossier des juges (Cambodge), 15 avril 2013, onglet n 15.
124
CR 2013/1, p. 69, par. 66 (Bundy).
125 o
CR 2013/1, p. 69, et dossier des juges (Cambodge), 15 avril 2013, onglet n 16. - 47 -
ne veux pas suggérer qu’il y aurait une hiérarchie entre ces diverses versions, mais le silence du
Cambodge à ce sujet force l’interrogation.
[Fin de la projection n 18.]
45. En fin de compte, la version qui a la préférence du Cambodge est donc une carte :
que le Cambodge n’a plus ;
126
que la Thaïlande n’a jamais reçue ;
que la Cour n’a pas publiée ;
et dont on n’est pas sûr que ce soit la véritable annexe I à la requête de 1959.
46. Et ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg. Car, même si l’on ignore l’existence de
ces multiples versions, la thèse principale du Cambodge soulève une difficulté encore plus
dirimante. Elle consiste à savoir comment la ligne de la carte de l’annexe I devrait être transposée
sur une carte moderne . La Thaïlande a soumis dans la présente procédure un rapport d’experts
préparé par l’IBRU 127 qui détaille les difficultés de transposition de la ligne sur une carte
128
moderne . C’est le rapport dont M. Bundy avait dit quelques mots lundi.
47. Comme ce rapport le montre, la transposition de la ligne de la car te soulève de
nombreuses difficultés. Deux méthodes sont possibles pour transposer la ligne de la carte de
l’annexe I : une naturelle et une autre artificielle. La première, la méthode naturelle consiste à
dégager l’intention des auteurs de la carte et à lui rester fidèle 129. Dans le cas de la carte de
l’annexe I, elle consiste à identifier la ligne de partage des eaux.
48. A ce sujet, j’avoue avoir du mal à comprendre en quoi la position de la Thaïlande selon
laquelle la frontière suit la ligne de partage des eaux serait c ontraire à l’arrêt de la Cour et au
règlement conventionnel de 1904-1908 130. Tout au contraire, la Cour a noté dans son arrêt que «les
126
OET, p. 271-272, par. 6.24.
127 International Boundaries Research Unit, Durham University, « Assessment of the task of translating the
Cambodia-Thailand boundary depicted on the « Annex I» map onto the ground”, October 2011, (IBRU Assesment) [OET,
annexe 96].
128Voir aussi OET, p. 257-279.
129
IBRU Assessment, supra note 127, par. 41.
130CR 2013/1, p. 68, par. 60, et p. 71-72, par. 75-80 (Bundy). - 48 -
Parties ont choisi la ligne de partage des eaux » , cette ligne qui satisfait leur désir «d’obtenir une
132
solution certaine et définitive au moyen de lignes naturelles et visibles» .
[Projection n o 19 : Transposition de la ligne de la carte de l’annexe I.]
49. La méthode artificielle de transposition de la ligne, quant à elle, fait fi à la fois de
l’intention des auteurs de la carte, qui entendaient retracer une ligne de partage des eaux, et du désir
des parties aux traités de délimitation de 1904-1908 d’avoir des lignes naturelles et visibles. Car il
n’y a rien de naturel ou de visible dans la transposition mathématique : elle consiste, en effet, en
une série de transformations mathématiques des données de la carte de l’annexe I et dans leur
transposition sur une carte moderne.
50. A la demande de la Thaïlande, les experts de l’IBRU ont effectué cet exercice. Faute de
temps, je ne peux m’attarder sur leurs explications et je prie respectueusement la Cour de bien
133
vouloir s’y reporter . J’attire tout simplement votre attention sur le résultat de cet exercice : c’est
la carte actuellement projetée à l’écran. La transposition de la ligne de la carte de l’annexe I donne
un nombre indéfini de lignes frontières, en fonction des points de repère choisis. Ce sont des lignes
fort éloignées de la ligne de partage des eaux, et également très éloignées les unes des autres, au
détriment tantôt du Cambodge, tantôt de la Thaïlande.
51. Monsieur le président, la carte projetée parle d’elle- même : le résultat obtenu par la
méthode artificielle est imprécis, arbitraire et aléatoire. Il est donc aux antipodes du principe de la
134
stabilité des frontières , car il ne saurait y avoir de stabilité s’agissant d’une ligne frontière
susceptible d’un nombre indéterminé d’applications.
52. La méthode naturelle de transposition s’impose dès lors comme une évidence. Sur ce
point, il y avait d’ailleurs accord entre la Thaïlande et le Cambodge en 1962 135.
o
[Projection n 20 : Annexe LXVI de la réplique du Cambodge (1961).]
131Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 15.
132Ibid., p. 55 ; voir aussi ibid., p. 15.
133
IBRU Assessment, voir note17 ci-dessus et OET, p. 257-279, par. 6.1-6.31.
134
Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 35.
135SIT, par. 4.44, en pa rticulier note de bas de page n 429 ; voir aussi Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 21. - 49 -
53. En effet, durant la procédure originaire, le Cambodge a soumis une seule tentative
sérieuse de transposition d’une portion de la li gne de la carte de l’annexe I . C’est la carte
actuellement projetée à l’écran. Il s’agissait d’une carte censée représenter la ligne de partage des
136
eaux dans la zone du temple, carte annexée à la réplique du Cambodge .
[Projection n o 21 : Coïncidence de s lignes de partage des eaux thaï landaise et cambodgienne
(1961).]
54. Il est remarquable que la ligne de partage des eaux soutenue par le Cambodge ne variât
de celle présentée par la Thaïlande en 1962 que dans la zone du t emple, alors qu’elle était pour le
reste quasiment identique.
55. Le Cambodge se dédit à présent de cette position de bon sens . Il ne veut plus de la ligne
de partage des eaux qu’il avait endossée en 1962. Il vous demande d’adjuger la ligne de la carte de
l’annexe I comme étant la li gne de frontière, sans avoir jamais précisé quelle est cette ligne.
Surtout, il insiste qu’un prononcé en faveur de la ligne de la carte de l’annexe I comme étant la
limite des «environs du temple» serait «une interprétation tenant compte de l’effet utile, entendu au
sens d’une interprétation qui puisse recevoir une application effective … [du] dispositif de l ’arrêt
de 1962» 137. Rien n ’est pourtant moins certain ! Puisqu ’on ne sait rien de la localisation de la
ligne de la carte selon le Cambodge, un prononcé en ce sens serait celui qui aurait le moins de
chances de pouvoir recevoir une application effective !
[Fin de la projection n o21.]
56. En réalité, dans la présente procédure, le Cambodge est aux prises avec beaucoup de
difficultés, aussi insurmontables l’une que l’autre :
D’abord, dans la procédure initiale, la revendication territoriale du Cambodge portait sur cette
portion de territoire limitée, que l ’arrêt identifiait comme la zone du t emple, et que la Cour a
représentée par l’extrait publiée de l’annexe 85 d). Il vous demande maintenant de lui adjuger
une zone imaginaire de 4,6 kilomètres carrés.
136C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, annexe LXVI, p. 540-543, et SIT,
annexe cartographique n 51.
137
CR 2013/2, p. 22, par. 26 (Sorel). - 50 -
Ensuite, dans la procédure initiale, l ’utilisation de la carte de l ’annexe I, comme des autres
cartes d’ailleurs, avait une finalité unique : prouver le titre du Cambodge sur le temple. Il vous
demande maintenant d’en étendre la valeur à la délimitation de la frontière.
Enfin, dans la procédure initiale, le Cambodge avait accepté que la frontière devait suivre la
ligne de partage des eaux et avait présenté une transposition de la ligne de la carte de l’annexe I
qui ne différait de celle de la Thaïlande que dans la zone du t emple. Il renie maintenant cette
ligne, qui laisse en Thaïlande l’ensemble des territoires qu’il revendique aujourd’hui.
Face à ces contradictions multiples, vous ne pouvez, je pense , que rejeter la demande en
interprétation du Cambodge.
57. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le moment est venu pour moi
de clore cet exposé sur le matériau cartographique. Il ne me reste qu ’à vous remercier pour
l’attention avec laquelle vous avez bien voulu m ’écouter et à vous prier, respectueusement,
Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à celui dont je m ’estime fortunée d’être la
disciple, le professeur Alain Pellet. Mais sans doute après la pause. Merci.
Le PRESIDENT : Merci beaucoup, Madame Miron. Le professeur Pellet parlera après la
pause. L’audience est suspendue pour 15 minutes.
L’audience est suspendue de 11 h 40 à 12 heures.
Le PRESIDENT : Veuillez vous asseoir. Je donne la parole au professeur Pellet. Vous avez
la parole, Monsieur.
M. PELLET : Merci. Monsieur le président.
L A CONDUITE ULTÉRIEURE DES PARTIES NE RÉVÈLE PAS DE DIFFÉREND SUR
L’INTERPRÉTATION DE L ’ARRÊT
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, comme l’a souligné l’agent de la
138
Thaïlande , le Cambodge vous a saisis en l’absence de tout fait nouveau d’une requête en
revision qui ne veut pas dire son nom et qu’il travestit en requête en interprétation, alors même que
138Voir CR 2013/3, discours introductif de l’agent, et spécialement par. 11-12 et 18-25 (Plasai) ; voir également
CR 2013/3 (McRae), The Subject Matter of the Dispute, p. 1, par. 3. - 51 -
le sens de l’arrêt de 1962 ne prête pas à controverse. La preuve une preuve parmi d’autres en
est que la conduite des Parties postérieure au prononcé de l ’arrêt témoigne de leur compréhension
commune de son sens et de sa portée. C’est ce qu’il m’incombe de montrer ce matin.
2. Toute allusion, Monsieur le président, au comportement des Parties postérieurement à
l’arrêt suscite chez nos contradicteurs et amis la même irritation que les références aux plaidoiries
et surtout aux conclusions des Parties durant l’affaire originaire. Au demeurant, les plaidoiries des
Parties, d’une part, et leur comportement postérieur, d’autre part, ne jouent pas exactement le
même rôle: alors que «[l]’interprétation ne saurait en aucun cas dépasser les limites de l’arrêt telles
que les ont tracées d’avance les conclusions des Parties» ( Demande d’interprétation de l’arrêt du
20 novembre 1950 en l’affaire du droit d’asile (Colombie/Pérou), arrêt, C.I.J. Recueil 1950,
p. 403), les faits postérieurs, objet de ma présen tation de ce matin, servent essentiellement à
139
déterminer s’il existe un désaccord entre elles sur l’interprétation du dispositif de l’arrêt
condition sine qua non pour que la Cour puisse se prononcer sur une demande en interprétation ;
point sur lequel je reviendrai cet après-midi.
3. Il reste que, si, par leur attitude constante comme c’est le cas en l’espèce les Parties
ont appliqué en bonne intelligence, l ’arrêt concerné pendant une très longue période une
quarantaine d’années au moins en ce qui nous concerne (je pense aux années 1968- 2008 durant
lesquelles cette entente sur l ’interprétation de l’arrêt est indiscutable) cela crée à tout le moins
une forte présomption en faveur de l ’absence de différend sur l ’interprétation de l’arrêt. Je vois
mal d’ailleurs comment sir Franklin concilie son animosité à l’encontre de la pratique ultérieure des
140
Parties avec sa robuste affirmation selon laquelle «a Judgment of the Court, once handed down,
141
has «a life of its own»» . Loin d’introduire «par la porte de service» un délai pour la présentation
d’une demande en interprétation 142ou de «marginaliser» l’arrêt lui-même , une pratique constante
des Parties dans la mise en Œuvre de l’arrêt si elle coïncide contribue au contraire à en
affermir le sens.
139Dans ce sens, voir CR 2013/1, p. 56, par. 7 (Bundy).
140
Ibid., p. 54, par. 56.
141CR 2013/1, p. 46, par. 41 (Berman).
142Ibid., p. 54, par. 55.
143
Ibid. - 52 -
4. Comme la Cour l’a observé, «exécuter une décision, c’est mettre en exécution le dispositif
de celle- ci» ( Interhandel (Suisse c. Etats -Unis d’Amérique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1959, p. 28). Il s’en déduit que, dès lors que les Par ties à un différend soumis à la
Cour se sont accordées sur la mise en Œuvre de l ’arrêt rendu, elles ont interprété celui -ci de la
même façon . Tel est le cas en l ’espèce : la Thaïlande a appliqué l ’arrêt du 15 juin 1962 ; le
Cambodge l’a reconnu comme le montre le déroulement des événements pendant la période qui
a suivi le prononcé de l ’arrêt, en dépit de tiraillements initiaux dus essentiellement à la tension
diplomatique entre les deux Etats suite, justement, à ce prononcé (I). Ce n’est que tout récemment
que le Cambodge est revenu sur cette conception partagée alors qu ’aucun élément nouveau ne peut
justifier cette volte-face (II).
I. La période ayant suivi le prononcé de l’arrêt (1962-1971)
5. Monsieur le président, il n’est pas douteux que l’arrêt de la Cour a été reçu en Thaïlande
144
comme une meurtrissure . Il n’en reste pas moins que la décision de l ’appliquer a été très
rapidement prise à Bangkok (moins d’ une semaine après le prononcé 145). Cette décision a été
146
notifiée aux Nations Unies dès le 6 juillet . Et, bien que cette notification eût été assortie d ’une
réserve de droits, les autorités thaïlandaises ont promptement pris les mesures nécessaires à la mise
en Œuvre de l ’arrêt (1). Le Cambodge, comme à regret d ’ailleurs, a reconnu que ces mesures en
constituaient l’exécution correcte (2) tout en se plaignant que la Thaïlande se refuse à considérer
que l’arrêt avait fixé la frontière (3) ce que votre décision n’a, en effet, pas fait comme nous l e
montrons, je crois, à suffisance.
144OET, p. 137, par. 4.33, et notes de bas de page 234 et 256.
145Voir OET, annexe 10 : United States Embassy in Bangkok, Air gram to United States Secretary of State, «Full
Text of Bangkok Post article of June 21, 1962 concerning Prime Minister Sarit’s Announcement Thailand will Comply
with ICJ Decision on Phra Wiharn Case», No. A-425, 23 June 1963.
146
Lettre du 6 juillet 1962 envoyée par le m inistre des affaires étrangères de la Thaïlande au Secrétaire général
des Nations Unies [annexe 1 de la Demande en interprétation du Cambodge]. - 53 -
1. La résolution du conseil des ministres thaïlandais du 10 juillet 1962
147
6. La résolution du c onseil des m inistres du 10 juillet 1962 est l ’acte interne ayant
organisé les modalités du retrait des troupes et de la police thaïlandaise et de remise du temple au
148
Cambodge .
[Projection n o 1 : Résolution du conseil des ministres thaïlandais (10 juillet 1962).]
7. La carte qui accompagnait et illustrait la lettre du m inistre de l ’intérieur, sur la base de
laquelle la résolution du conseil des ministres a été prise, a été pr oduite par la Thaïlande durant la
phase des mesures conservatoires et est actuellement projetée sur vos écrans. La ligne rose illustre
l’option retenue par le conseil des ministres.
8. Au surplus, le Gouvernement thaïlandais se montre immédiatement souci eux de marquer
sur le terrain l’extension et les limites des «environs» du temple visés au paragraphe 2 du dispositif
de l’arrêt. Il précise qu’il convient de :
«1. Erect wooden signs, with the characteristics and size of a train station sign,
indicating the limit of the vicinity of the Temple of Phra Viharn, which are to be
placed: 1 at the Broken Stairway; 1 at the foot of the Naga Stairway; 1 at the left
wing corner of the Temple; and 1 at the escarpment behind the Temple.» 149
[Fin de la projection n 1 – Projection n 2 : «Les environs du temple de Phra Viharn ne s’étendent
pas au-delà de cette limite».]
9. Il ne s ’agissait en aucune manière de marquer la frontière entre les deux pays,
150
contrairement à ce que prétend la Partie cambodgienne , mais seu lement et fort clairement de
mettre l ’arrêt en Œuvre en reconnaissant la souveraineté du Cambodge sur le t emple et ses
151
environs : «Les environs du temple de Phra Viharn ne s’étendent pas au-delà de cette limite» .
10. Pas une fois dans la résolution du conseil des ministres il n’est question de «frontière» ou
de ligne frontière ; il ne s’est agi que de déterminer «la limite des environs du temple» et il n’y a
rien d’extraordinaire à ce que deux méthodes aient été envisagées à cette fin, la Cour n ’ayant pas
147SIT, annexe 5.
148Voir aussi CR 2013/3, discours introductif de l’agent, p. 15-19, par. 8-26 (Plaisai).
149
SIT, annexe 5 : Resolution of the Council of Ministers of the Kingdom of Thailand of 10 July 1962
(declassified on 26May 2011).
150
RC, p. 27, par. 2.47 ; p. 31, par. 2.62. Voir aussi CR 2013/4 (McRae), The Self-Evident Interpretation, p. 2,
par. 5 ; p. 4, par. 11.
151 Voir aussi CR 2013/4 (McRae), The Self-Evident Interpretation, p. 3, par. 8 ; p. 4, par. 10 ; p. 9, par. 29 ;
CR 2013/3 (Miron), Les preuves cartographiques de la procédure originaire , par. 38-51. - 54 -
abordé la question sous cet angle, il convenait de déterminer « les environs du t emple» dans
l’attente de la fixation définitive de la frontière et alors qu ’aucune méthode particulière ne
s’imposait. Peut-être eût-il été préférable que les deux Parties s ’accordassent expressément mais,
dans le contexte de l ’époque, compte tenu du traumatisme créé en Thaïlande par l ’arrêt, ç’eût été
beaucoup demander ; du reste, à ma connaissance, aucune règle n ’impose aux Parties à une affaire
réglée par la Cour de négocier les modalités de la mise en Œuvre de l ’arrêt. Si le Cambodge avait
été en désaccord avec celles retenues par la Thaïlande, il lui appartenait de le faire savoir et, le cas
échéant, de saisir la haute juridiction en incident d ’exécution dans le cadre d e son éventuelle
compétence. Mais il n ’a fait ni ceci, ni cela . Il a, au contraire, souligné que la Thaïlande avait
152
«obtempéré à la décision de la Cour» .
11. Je vais y revenir mais, auparavant, je voudrais souligner un autre aspect remarquable de
la décision du Gouvernement thaïlandais (qui explique d’ ailleurs sans doute pourquoi, à l ’époque,
le Cambodge s’est gardé de protester contre cette décision ) ; il tient à la quasi -coïncidence de la
limite des environs du temple retenue par le conseil des ministres avec la ligne de partage des eaux
153
telle que le Cambodge l’avait plaidée durant l’affaire initialement soumise à la Cour .
o o
[Fin de la projection n 2 début de la projection n 3 : Les environs du temple de Phra Viharn et
la ligne de partage des eaux cambodgienne.]
Le schéma qui est projeté en ce moment et que vous connaissez puisqu’il a illustré tout à
l’heure la présentation de notre agent superpose cette ligne (en pointillés noirs) et celle retenue
par le cabinet thaïlandais (en rouge). Voilà qui contredit clairement l ’affirmation du Cambodge
154
selon laquelle ces lignes «n’avaient aucune existence en 1962 » la ligne rouge, adoptée par le
conseil des ministres était tout ce qu’il y a de plus «existante» et correspondait grosso modo à celle
plaidée devant la Cour par le Cambodge lui -même. Du reste, à l ’époque, cette interprétation de
l’arrêt «sur le terrain», si je puis dire, n’a pas entraîné d’objection de la part du Cambodge. Bien au
contraire.
152 OET, annexe 28 : United Nations, Official Records of the General Assembly , Seventeenth Session, Plenary
Meetings, 1134th Meeting, p. 174, par. 91 (Mr. Huot Sambath (Cambodia)).
153 Voir C.I.J. Mémoires, Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), vol. I, réplique du Cambodge,
p. 472, par. 77.
154
Requête introductive d’instance, 28 avril 2011, p. 10, par. 25. - 55 -
2. La reconnaissance par le Cambodge de l’exécution de l’arrêt par la Thaïlande
12. Dès le 27 septembre 1962, le chef de la diplomatie cambodgienne, M. Huot Sambath,
déclarait à l’Assemblée générale des Nations Unies :
«C’est après avoir refusé plusieurs fois de s’ incliner et après avoir proféré
maintes menaces à notre égard que le Gouvernement thaïlandais , se sentant l’objet de
la réprobation mondiale, a obtempéré à la décision de la Cour … Préah Vihéar nous
est revenu.» 155
Par la voix de ses représentants les plus autorisés, le Cambodge admettait donc que, le temple
«restitué», l’arrêt était exécuté.
13. Du reste, plusieurs mois après le retrait des forces thaïlandaises, le Cambodge a pris en
grande pompe possession du temple. La visite du prince Sihanouk, en date du 5 janvier 1963, très
symbolique et médiatisée, s’ est déroulée dans les limites résultant de la résolution du c onseil des
ministres de la Thaïlande et les officiels cambodgiens en étaient parfaitement conscients. Le
156
cortège était grandiose plus d’un millier de pèlerins et l’atmosphère était bon enfant . Le
prince-chef d’Etat ne s ’est nullement ému des barbelés qu’ il a indiscutablement vus et repérés
157
comme établissant la matérialisation de l ’arrêt . Au contraire, il s ’est félicité que les policiers
thaïlandais se trouvant derrière les b arbelés fraternisent avec les Cambodgiens ; le cognac partagé
158
symbolisait cette bonne entente : «This is a good beginning for negotiations for the return of
friendship between our two countries» 159 declared the Prince. Tout au plus (et je me réfère à un
télégramme de l’ambassade des Etats-Unis à Phnom Penh) :
«When he mentioned the Thai construction of the barbed- wire area, he
described it as Thai encroachment by several meters on Cambodian territory awarded
it by the International Court of Justice . He said that he would not, however, make an
160
issue of this matter as these few meters were unimportant.»
155
OET, annexe 28 : Nations Unies, Documents officiels de l’ Assemblée générale, dix-septième session ,
1134 eséance plénière, p.177-191 de la version française.
156
Voir OET, p. 146-147, par. 4.43.
157Voir OET, p. 148, par. 4.46 et l ’annexe 49 (New York Times , 8 January 1963, « Peaceful Overture Held in
Cambodia At Disputed Shrine»).
158Voir OET, p. 149, par. 4.46.
159New York Times , 8 January 1963, «Peaceful Overture Held in Cambodia At Dispute d Shrine» [annexe 49
OET].
160
OET, annexe 51 : United States Embassy in Phnom Penh, Airgram to Department of State, «Cambodian
Official Reoccupation of Preah Vihear », No. A -325, 10 January 1963, p. 5 les italiques sont de nous . Voir aussi :
ibid., annexe 72, Herbert de Ribbing, Note to the Secretary -General, «Report by the Special Representative on his First
Visit to Cambodia and Thailand and First Contact with their High Authorities », 13 September 1966, p. 6, par. 10 ; voir
aussi OET, vol. I, p. 155–156, par. 4.56. - 56 -
14. On ne saurait lui donner tort : la zone du temple demandée par le Cambodge lors de la
2
procédure originaire était de [animation] 0,35 km , celle qui a été délimitée par la ligne du conseil
des ministres et, sur le terrain, par les barbelés, était de [animation] 0,28 km 2. Ces [animation]
0,07 km² sont, assurément, «sans importance» (unimportant).
15. Est-ce pour ces quelques mètres que le Cambodge vous a saisis de sa demande en
interprétation, Mesdames et Messieurs les juges ? Si oui, c’est vraiment faire injure à la dignité de
la Cour. Si non, on ne peut que constater que le Cambodge remet en cause les déclarations
formelles de son ancien chef d ’Etat je cite d’autres déclarations faites par le prince
Sihanouk en 1963 : «Le temple nous ayant été restitué, il n ’y a plus de matière à dispute.» 161 Ou
encore : «Nous devons cesser de nous accuser réciproquement. Nous avons utilisé des moyens
pacifiques : la Cour internationale de Justice à propos de Préah Vihéar. Cette affaire conclue, nous
162
n’avons plus de raison de nous disputer.»
[Fin de la projection n o3 Début de la projection n 4 : Les deux princes.]
16. La visite du p rince Sihanouk au temple, en janvier 1963, n’est pas sans rappeler l ’autre
visite princière, celle effectuée par le prince Damrong en 1930, qui a constitué l ’un des arguments
163
cruciaux ayant conduit la Cour à reconnaître la souveraineté du Cambodge sur le temple . Et il ne
peut, Monsieur le président, y avoir deux poids-deux mesures :
Dans l’arrêt de 1962, la Cour a décrit la visite du prince Damrong comme «l’incident de loin le
plus important», qui, considéré « dans son ensemble», équivalait « à une reconnaissance tacite
par le Siam de la souveraineté du Cambodge (sous protectorat français) à Préah Vihéar, du fait
que le Siam n’a pas réagi en une circonstance qui appelait une réaction tendant à affirmer ou à
conserver un titre de souveraineté en face d ’une prétention contraire évidente » 164; dans la
nouvelle affaire introduite par le Cambodge, la visite du prince Sihanouk, considérée dans son
ensemble, constitue aussi «l’incident de loin le plus important », son silence face aux barbelés
161OET, annexe 55 : La Vérité, 5 juin 1963, interview du prince Sihanouk par un journaliste indien, p. 2.
162
OET, annexe 56 : Le Bulletin de l’Agence Khmère de Presse, interview du prince Norodom Sihanouk, c hef de
l’Etat du Cambodge, accordée à Far Eastern Economic Review, 11 juillet 1963.
163
Voir aussi CR 2013/3 (Crawford), How the Court Established that Cambodia had Sovereignty over the
Temple, p. 69-71, par. 13-18, «The Prince’s visit».
164Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arr êt, C.I.J. Recueil 1962, p. 30 et 31. Voir aussi
CR 2013/4 (Crawford), How the Court Established that Cambodia had Sovereignty over the Temple, par. 8. - 57 -
et à l ’inscription thaïlandaise signifie qu’ il reconnaissait que la situation qu ’il avait sous les
yeux constituait l ’exécution satisfaisante de l ’arrêt ; et d ’ailleurs différence avec la visite
de 1930, le prince Sihanouk l’a, immédiatement après, expressément reconnu.
Autre différence : la visite du pri nce Damrong «s’inscrivait dans le cadre d ’une tournée
165
archéologique accomplie par le prince avec l ’autorisation du roi de Siam » ; le
prince Sihanouk était lui-même le chef d’Etat du Cambodge, et le caractère officiel de sa visite,
suite immédiate de l’arrêt de la Cour, ne peut faire aucun doute.
Par ailleurs, « [o]n pourrait difficilement imaginer une affirmation plus nette de titre de
souveraineté du côté franco-indochinois» de la position thaïlandaise que la façon dont elle avait
procédé à la mise en Œuvr e de l ’arrêt sur le terrain 166. «Cela appelait une réaction », que le
167
Cambodge n’a pas eue .
Et l’on peut transposer presque mot pour mot à la visite du prince Sihanouk les conclusions que
la Cour a tirées de celle du prince Damrong une trentaine d’ années plus tôt : «Ce qui semble
clair c’est ou bien que [le Cambodge ] [en substituant Cambodge à Siam] ne pensait pas en
réalité» pouvoir tirer des conséquences différentes de l ’arrêt de la Cour ce qui
correspondrait parfaitement aux déclarations sur l ’exécution de l ’arrêt faites par le p rince
Sihanouk «ou bien qu ’il avait décidé de ne pas faire valoir son titre, ce qui signifierait
encore une fois qu’il admettait les prétentions [thaïlandaises] ou acceptait» la position affirmée
par la Thaïlande sur le terrain 168 une position qui, je le rappelle, concernait la «limite des
environs du Temple » et non la frontière elle- même qui attendait (et attend toujours) d ’être
reconnue et démarquée d’accord parties.
o o
[Fin de la projection n 4 - Reprise de la projection n 3.]
165Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 30.
166 Voir aussi CR 2013/3 (Crawford), How the Court Established that Cambodia had Sovereignty over the
Temple, p. 71, par. 18, “The Prince’s visit” . Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 1962, p. 30.
167
Voir ibid.
168
Ibid., p. 31. - 58 -
3. Les prétendues protestations cambodgiennes
17. Certes, Monsieur le p résident, la position du Cambodge a été passablement versatile et,
en 1967, le prince Sihanouk conteste dans une interview la bonne exécution de l ’arrêt, mais de
nouveau et toujours, pour quelques mètres seulement :
«Tout autour de Préah Vihéar, les Thaïlandais ont conservé, en la bordant de fils
de fer barbelés, la bande de terrain qui s ’étend entre les assises du Temple et la
frontière qui passe à quelques mètres de là comme l’ont voulu les traités confirmés
par la décision de la Cour internationale de Justice.» 169
Pour avancer que le tracé des barbelés s’écartait de quelques mètres de la ligne frontière, le chef de
l’Etat cambodgien avait probablement en tête la ligne de frontière qui suivait la ligne de partage des
eaux mise en avant par le Cambodge en 1961 170, et qui diffère en effet de quelques mètres de celle
adoptée par le conseil des ministres thaïlandais (comme le montre la superposition des deux lignes,
à nouveau projetée sur vos écrans). Mesdames et Messieurs les juges, sommes -nous ici pour
quelques mètres ? Si oui, c’est un abus pur et simple de la procédure de recours en interprétation .
Sinon, le Cambodge se dédit ; il ne le peut, à peine d’ estoppel peut-être 171; de manquement à la
bonne foi sûrement.
o
[Fin de la projection n 3.]
18. Un mot encore sur l’intéressant tableau intéressant mais trompeur que M eBundy a
o
inséré dans le dossier des j uges préparé par le Cambodge. Il y figurait sous l’onglet n 10 ; nous
l’avons re produit sous l’onglet 4.1 du dossier de ce jour. Il est intitulé : «Chronologie des
objections du Cambodge à la position de la Thaïlande». Mais en réalité, si l’on y regarde d’un peu
plus près, les protestations dont nos amis de l’autre côté de la barre font si grand cas n’ont
nullement la portée qu’ils leur attribuent :
soit ils mettent en doute l’acceptation par la Thaïlande de la souveraineté du Cambodge sur le
os
temple c’est un mauvais procès ; il est fait par les documents n 1, 10, 11, 14 ou même 16
(de manière du reste allusive) ;
soit ils portent en réalité sur des incertitudes ou des désaccords sur le tracé de la ligne frontière,
un problème que l’arrêt n’a délibérément pas abordé ; avec force obligatoire, tel est le cas des
169Conférence de presse du 22 octobre 1967 ; les italiques sont de nous[annexe 19 à la RC].
170Voir ci-dessus, par. 11.
171
Voir aussi CR 2013/4 ( Crawford), How the Court Established that Cambodia had Sovereignty over the
Temple, par. 47-49 ; et CR 2013/4 (McRae), The Self-Evident Interpretation, p. 7, par. 20. - 59 -
documents n 2, 4, 7, 8 et 9 (qui ne font que citer le précédent), 10, 12, 13, 14, 15, 17, 18 et
19 ;
soit encore ils ne comportent qu’une brève mention qui, en réalité, fait écho aux déclarations du
Prince Sihanouk sur la différence de quelques mètres existant entre la l imite marquant les
environs du t emple et la frontière revendiquée par le Cambodge ; c’est ce que font les
os 172
documents n 5, 12 et 15 qui confirment l’argument «de minimis» ;
le document n o3 enfin concerne la position non pas des Parties mais de tiers.
o
A la seule exception du dernier des documents cités dans ce tableau le n 19, qui est postérieur à
la demande unilatérale d’inscription du temple sur la liste du patrimoine de l’Unesco , tous ces
documents datent de la période de tension entre les deux pays qui a suivi le prononcé de l’arrêt de
la Cour. Ensuite, pendant quarante années, le Cambodge a, par son attitude constante, montré qu’il
considérait tous ces problèmes comme définitivement réglés. La Partie cambodgienne semble
d’ailleurs en convenir 17.
174
19. En 1970, les deux Etats ont renoué leurs relations diplomatiques . Mais le Cambodge
était déjà en proie à de graves troubles intern es, et le t emple et la région environna nte ont été
occupés par le Viet Cong. Dans un premier temps, la Thaïlande avait aid é les troupes régulièr es
175
cambodgiennes à défendre le t emple . Toutefois, à partir de 1975, les Khmers Rouges l’ont
occupé.
II. La période 1990-2007
20. Monsieur le président, en 2000, les deux Etats ont signé le m émorandum d’accord sur le
levé et la démarcation de la frontière terrestre le «M.O.U.» 176 qui, comme son nom l’indique,
définit le cadre juridique à suivre pour la détermination des frontières. Pendant les plaidoiries sur
les mesures conservatoires, l’agent de la Thaïlande a déjà attiré l’attention de la Cour sur le fait que
172
Voir ci-dessus, par. 14-15 et 17 . Voir aussi, WOT, p. 4, par. 1.15 ; SIT, p. 110-111, par. -3.68 et p. 190,
par. 4.65.
173Voir CR 2013/1, p. 65, par. 46 (Bundy).
174Voir OET, p. 157, par. 4.57.
175
Washington Post, 11 juillet 1970, «Thai Troops Reported Guarding Threatened Temple in Cambodia » (SIT,
annexe 13) ; The Guardian, 6 novembre 1974, «Cambodia’s temple outpost» (SIT, annexe 14).
17614 juin 2000 (OET, annexe 91). - 60 -
cet accord ne mentionne pas l’arrêt de 1962 en tant qu’instrument pertinent pour procéder à la
reconnaissance et à la démarcation de l’ensemble de la frontière commune, «of the entire stretch of
the common land boundary», ce qui, bien entendu, inclut la zone du t emple . Ce silence,
Monsieur le président, ne traduit nullement un quelconque manque de respect à l’égard de l’arrêt ;
il montre simplement que les deux Parties considèrent que celui -ci n’est pas pertinent en ce qui
concerne le tracé de la frontière, dans les Dangrek, y compris dans la région du t emple, ou, en
d’autres termes, qu’en se prononçant conformément aux conclusions recevables du
Cambodge sur la souveraineté sur le t emple, la Cour ne s’était pas, pour auta nt, prononcée sur
l’emplacement de la frontière. Et j’indique au passage que, s’il est exact, comme s’en émerveille le
professeur Sorel, que la «fameuse carte L 7017» de 1978 «n’est pas mentionnée dans l’accord du
14 juin 2000» 178, c’est pour une raison dif férente : ne figurent dans l’énumération de l’article I , er
alinéas a) et b) du mémorandum . que des documents établis bilatéralement ; au surplus, la
Thaïlande ne prétend en aucune manière que ce soit le cas de la carte en question dont elle ne se
prévaut nullement en tant que «titre frontalier» en sa faveur.
21. Ceci étant, de leur côté, les autorités lo cales n’ont pas attendu que le mémorandum soit
signé et que la démarcation soit effectuée pour rouvrir le t emple aux touristes. Dès 1990, sa
réouverture a u public a été organisée conjointement par les autorités cambodgiennes et
thaïlandaises.
o
[Projection n 5 : Emplacement des facilités installées par la Thaïlande.]
22. Etroitement associée à l’exploitation touristique du monument, la Thaïlande a installé
[animation] une porte d’accès sur le pont enjam bant le ruisseau Takhop -Tani [animation], ainsi
qu’un bureau de vente de tickets [animation] à proximité du grand escalier nord. Les autorités
cambodgiennes n’ont pas émis le moindre doute quant au droit de l a Thaïlande de procéder à
l’installation de ces équipements, admettant du même coup qu’ils se trouvaient en territoire
thaïlandais. En revanche, les autorités thaïlandaises se sont montrées réticentes pour donner suite à
177CR 2011/14, p. 12, 30 mai 2011, par. 8 (Plasai) voir les articles IV.1) et V du mémorandum d’accord.
178
CR 2013/2, p. 29, par. 41. - 61 -
la demande cambodgienne de procéder à la construction de toilettes [animation] dans la zone même
du temple, du fait que celle-ci ne se trouvait pas en territoire thaïlandais 179.
o o
[Fin de la projection n 5 Projection n 6: Porte grillagée et escalier conduisant à la zone du
temple.]
L’accès au temple se faisait en empruntant le pont qui enjambe le ruisseau Takhop -Tani, à
100 mètres à peu près de l’escalier nord . Et une porte grillagée avait été installée à proximité,
180
toujours par les autorités thaïlandaises . Toutes ces installations, situées en territoire thaïlandais à
l’exception des toilettes, ont été entretenues par ces mêmes autorités.
23. A aucun moment, avant la présente procédure, le Cambodge n’a prétendu que ce pont et
le bureau de vente de billets d’entrée se situeraient en ter ritoire cambodgien, alors même qu’i ls se
trouvaient à moins de 200 mètres de l’escalier nord du t emple et que les inscriptions étaient en
181
langue thaïe . Et, ne fût -ce que pour rétablir la vérité historique, j’ajoute que, s’il est exact ,
comme l’a affirmé Jean -Marc Sorel lundi après-midi, que la conclusion du mémorandum de 2000
est intervenue «dans un contexte paisible », il n’est pas du tout exact en revanche qu’à ce
moment-là «la Thaïlande se trouvait en dehors du périmètre délimité par la frontiè re de la carte de
l’annexe I» 18. Sa présence y est attestée par un nombre impressionnant de documents qui figurent
183
au dossier .
[Fin de la projection n o 6.]
24. Ce modus vivendi issu de la coopération des autorités locales a fonctionné de manière
satisfaisante entre 1991 et 2001. Mais, à partir de 2001, le Cambodge a modifié sa position et
décidé d’exclure la Thaïlande de toute connexion avec le t emple. Cette année- là, une tentative
179Voir l’affidavit du lieutenant Surapon Rueksumran (OET, annexe 97).
180Voir les photographies prises en 1998 (A Photograph of the Ceremony to mark the Trial Opening of the Phra
Viharn Promontory for Archeological Site Visits and Studies, 1 August 1998 [annexe 20 au s upplément d’information
écrit de la Thaïlande]) et en 2001 (Photographs of the Iron Gate and the Iron Bridge at Takhop/Tani stream, taken on
17 December 2001 [annexe 25 au supplément d’information écrit de la Thaïlande]).
181Voir SIT, p. 114, par. 3.71.
182
CR 2013/2, p. 28, par. 40 (Sorel).
183
Voir en particulier : annexe 87 WOT: Summary of a meeting on the opening of Khao Phra Viharn as tourist
site between Thai side and Cambodian side, 7 November 1991; annex 88 WOT: A photograph of the iron ga te at Tani
stream, circa 1992 ; annexe 18 WOT: Bangkok Post, 1 April1998, «Hun Sen troops take Preah Vihear »; annex 21WOT:
Bangkok Post , 2 August 1998, «Touris t Floc k to Preah Vihear » ; annexe 24 SIET: Ministry of Foreign Affairs of
Thailand, Note N o Kor Tor 0603/1165 to the Governor of Si Sa Ket Province: Solving the Problems of Kiosks Selling
Goods and Wastewater Disposal in the Area of the Temple of Phra Bi harn, dated 11 December B.E. 2544 (2001)
(Declassified on 12 June 2012). - 62 -
pour consacrer le modus vivendi par un accord international a conduit à l’éviction du directeur
184
général du ministère du tourisme cambodgien, promoteur de l’accord . A peu près à la même
période, le Cambodge a entamé la construction d’une route facilitant l’accès au temple depuis la
plaine cambodgienne. Il a également fait bâtir en territoire thaïlandais une petite pagode à quelques
300 mètres du t emple, et encouragé l’installation permanente d’une population cambodgienne de
plus en plus nombreuse, aux abords du temple. C’est à partir de ce moment que le différend relatif
à la frontière dans la région s’est peu à peu cristallisé. Le Cambodge fait grand cas, et à tort, du fait
185
que la Thaïlande n’aurait pas objecté à ces empiétements . Cela est inexact : comme notre agent
l’a rappelé, la Thaïlande a vivement protesté 186. Et c’est précisément parce que le Cambodge a fait
la sourde oreille, que les autorités thaïlandaises ont dû se résoudre à fermer temporairement l’accès
187
au temple en décembre 2001 . Je relève en outre qu’en essayant de déplacer la discussion sur le
terrain de l’interprétation de l’article V du mémorandum de 2000, un instrument qui porte
exclusivement sur la reconnaissance et la démarcation de la frontière, le Cambodge se trahit à
nouveau : c’est bien sur le tracé de celle- ci qu’il veut vous convaincre de vous prononcer,
Mesdames et Messieurs les juges, malgré ou à cause de ! votre refus de le faire en 1962. La
distinction sur laquelle insiste si vigoureusement la Partie cambodgienne 188 entre la délimitation
qui serait acquise selon elle grâce à l’arrêt de 1962 ou à la consécration par celui -ci d’une
délimitation préexistante et la démarcation l’opposition systématique des deux notions relève
à l’évidence de cette stratégie frontalière. Il m’a semblé d’ailleurs que l’arrêt que vous avez rendu
hier relativisait quelque peu la différenciation entre les deux notions 189. En tous cas, il est clair que
la conclusion du mémorandum montre que le tracé de la frontière n’est à l’heure actuelle pas fixé.
184SIT, p. 115, par. 3.72 ; voir l’annexe.
185
RC, p. 34-35, par .2.74-2.79, p. 36, par. 2.81. Voir aussi CR 2013/2, p. 29, par. 41 (Sorel).
186
Ministère des affaires étrangères de la Th aïlande, Telegram to the Royal Thai Embassy in Phnom Penh,
5 April B.E. 2545 (2002) [SIT, annexe 33] ; Kantharalak District Office, Note No. Sor Kor 0318/36 to the Governor of Si
Sa Ket Province: Inquiry about the situation in the area of Pha Mor I Dang, dated 5 February B.E. 2546 (2003)
[annexe 38 au SIT]. Voir aussi : Adviser to the Minister of Foreign Affairs and Co -Chairman of the Thailand-Cambodia
Joint Boundary Commission, Note to the Adviser to the Royal Government of Cambodia in charge of State Border
Affairs, 25 novembre 2004 [OET, a nnexe 93] ; Adviser to the Minister of Foreign Affairs and Co-Chairman of the
Thailand-Cambodia Joint Boundary Commission, Note to the Adviser to the Royal Government of Cambodia in charge
of State Border Affairs, 8 mars 2005 [OET, annexe 94].
187
SIT, p. 116, par. 3.73.
188
CR 2013/1, p. 28, par. 40 (Hor Namhong) ; CR 2013/1, p. 64, par. 43- 44 (Bundy) ; CR 2013/2, p. 12, par. 7,
p. 27, par. 38, et note subpaginale 42, p. 28 (Sorel).
189Voir notamment Différend frontalier (Burkina Faso/Niger), arrêt du 16 avril 2013, par. 65-67. - 63 -
25. Et durant la première moitié des années 2000, la commission conjointe de démarcation
établie par cet accord a été effectivement saisie de la question du tracé de la frontière dans la région
du temple 190.
o
[Projection n 7 : Schéma-directeur pour le zonage de Préah Vihéar.]
26. L’accès au t emple du côté thaïlandais a été rou vert en 2003 191, mais l’embellie fut de
courte durée. La demande d’inscription unilatérale du temple sur la liste du patrimoine mondial de
l’Unesco, en 2007, a de nouveau envenimé la situation. Le Cambodge prétendait en effet étendre
largement les diverses zones concernées en territoire thaïlandais, comme le montre la carte qu’il a
192
soumise à la trente et unième session du c omité du patrimoine mondial : la «zone de
développement» (qui est figurée en bleu) et la zone tampon (en vert), mais aussi le périmètre même
attribué au « bien proposé pour inscription» (en marron) s’étendent agressivement au -delà de la
zone du t emple telle que la Cour l’a envisagée en 1962 et que les deux Parties l’avaient
matérialisée sur le terrain depuis lors.
27. La Thaïlande, qui avait, dans un premier temps, soutenu la démarche cambodgienne dans
193 194
son principe , protesta avec vivacité , si bien que, l’année suivante, le Cambodge limita sa
demande au t emple lui -même et réduisit en conséquence le périmètre du bien proposé pour
195
l’inscription , ce qui fut accepté par le Comité du patrimoine mondial, qui nota expressément :
[Fin de la projection n o 7 Projection n 8 : Représentation graphique revisée du bien.]
«que le bien proposé pour inscription est réduit et comprend uniquement le Temple de
196
Préah Vihéar et non l’ensemble du promontoire avec ses falaises et ses grottes» .
190Bangkok Post, 18 février 2003, «Border Talks» [SIT, annexe 39]. Voir aussi Bangkok Post , 20 février2003,
«Clear Borders Would Help End Temple Row» [SIT, annexe 40]. Voir aussi Bangkok Post , 22 février 2003,
«Cambodians «Encroach» on Thai Soil» [SIT, annexe 41].
191Voir Photographs of the Opening Ceremony of the Phra Viharn Promontory Border Area Point of Entry for
the Purpose of Tourism, taken on 31 May 2003 [annexe 42 au SIT].
192OET, vol. II, annexe 100, pièce jointe n 2, p. 707.
193RC, vol. I, par. 2.83, p. 36 et vol. II, annex 27, p. 112-113, annex 31, p. 165-166.
194Chronologie disponible sur la page française du s ite de l’autorité cambodgienne du Temple de Préah Vihéar :
http://www.preahvihearauthority.org/france.html.
195 o
Voir le plan modifié, annexé à la fiche d’évaluation n 1224 (Preah Vihear (Cambodge)) , disponible à
l’adresse : http://whc.unesco.org/ahive/2008/whc08-32com -inf8B1ADD2f.pdf.
196
Comité du patrimoine mondial, décision 32COM 8B.102, Examen des propositions d’inscriptions Temple
de Préah Vihéar (CAMBODGE), disponible à l’adresse : http://whc.unesco.org/fr/decisions/1548 . - 64 -
C’est une façon comme une autre de tirer des conséquences exactes de l’arrêt de 1962 ; l’Unesco
en revient aux fondamentaux : ce qui a été reconnu par l’arrêt, c’est qu e le temple relève de la
souveraineté cambodgienne le temple et non l’ensemble du promontoire.
o
[Fin de la projection n 8.]
28. Monsieur le p résident, en prenant prétexte de sa demande d’inscription du t emple au
patrimoine mondial pour non seulement res susciter ses prétentions «frontalières», pourtant
clairement écartées par la Cour du champ de son arrêt, mais aussi pour les amplifier démesurément,
le Cambodge revient sur l’attitude qui avait constamment été la sienne auparavant depuis
l’adoption de l’arrêt et sa mise en Œuvre par la Thaïlande :
alors qu’il avait publiquement reconnu, par les voix les plus autorisées, que la Thaïlande, en
retirant ses troupes, avait exécuté l’arrêt, il prétend aujourd’hui que «la Thaïlande ne s’était pas
retirée des «environs» du temple comme elle en avait l’obligation d’après le paragraphe 2 du
dispositif, et ... ne respectait donc pas la ligne figurant sur la carte de l’annexe I dans la zone du
Temple» 197; un «donc» fort abusif car il ne reflète aucune espèce de lien de causalité ;
mais même en acceptant cette thèse du Cambodge, selon laquelle la Cour aurait déterminé la
frontière (et nous avons montré à suffisance que ce n’est pas le cas), et que les environs du
temple situés en territoire cambodgiens seraient circonscrit s au nord par la ligne frontière
décidée par la Cour (quod non) , les nouvelles prétentions cambodgiennes sont radicalement
contredites par les déclarations du prince Sihanouk et d’autres officiels cambodgiens qui
avaient affirmé, dans les années 1960, que si les barbelés étaient mal placés, ils ne l’étaient que
de quelques mètres. D’évidence, le Cambodge n’est pas revenu devant la Cour pour ces
quelques mètres dont il se disait lésé en 1963 sans que ceci eût de l’importance. Les 4,6 km² ,
qu’il revendique aujourd’hui coïncident curieusement avec le territoire nécessaire à
l’administration du temple en tant que site du patrimoine mondial, en l’absence de coopération
198
de la part de la Thaïlande .
197RC, p. 25, par. 2.41 (les italiques sont de nous) .
198
Voir aussi CR 2013/3, discours introductif de l’ agent, par. 16 ; CR 2013/3 (Miron), Les preuves
cartographiques de la procédure originaire , par. 23-37. - 65 -
Monsieur le président, puis -je vous demander de bien vouloir donner la parole au
professeur Crawford. Merci beaucoup pour votre attention.
Le PRESIDENT : Merci, Professeur Pellet. I give the floor to Professor Crawford. You
have the floor, Sir.
Mr. CRAWFORD:
H OW THE C OURT ESTABLISHED THAT C AMBODIA HAD SOVEREIGNTY OVER THE TEMPLE
The distinction between motifs and dispositif
1. Mr. President, Members of the Court, y ou have heard from Professor McRae and
Ms Miron about what the Court had to decide in 1962. It falls to me to say some more about how
the Court decided it.
2. In 1934, Manley Hudson, addressed the distinction between motifs and dispositif in the
judgments of the Permanent Court. [Slide 1] According to Hudson,
“It is imperative under Article 56 of the Statute that ‘the judgment shall state the
reasons on which it is based’ (Fr., l’arrêt est motivé). Parties are not bound by the
‘reasons,’ however. Each of the Court’s judgments concludes with an operative part
(Fr., le dispositif ) in which the Court’s action or decision is embodied, and the
‘reaso199 serve as aids in the interpretation of what is contained in the operative
part.”
This view, from a major common law commentator on the Court’s procedure, was endorsed by a
civil lawyer, another Member of the Court. [S lide 2] Judge Anzilotti expressed the matter as
follows. In the interests of time, I will read only the first and last sentence, but the whole passage
would reward study.
“To say that the request for an interpretation can only relate to the binding part
of the judgment is equivalent to saying that it can only relate to the meaning and scope
of the operative part thereof, as it is certain that the binding effect attaches only to the
operative part of the judgment and not to the statement of reasons.
… it is the operative part which contains the Court’s binding decision and
which, consequently, may form the subject of a request for an interpretation. ”
(Interpretation of Judgments Nos . 7 and 8 (Chorzów Factory) , P.C.I.J., Series A,
No. 13, 1927, pp. 23-24, dissenting opinion of Judge Anzilotti; emphasis added.)
19M.O. Hudson, The Permanent Court of International Justic, 1934, pp. 419 –420. See also
Charles de Visscher, Problèmes d’interprétation judiciaire en droit international public, 1963, pp. 255–259. - 66 -
This principle still holds. It is not a question whether the Court should give reasons: of course it
should. In recent years, you may have become more discursive, I do not say loquacious, in giving
reasons, but you do not indulge in obiter dicta. But the distinction between motifs and dispositif
still obtains, as ever it did. In Arrest Warrant you said: [slide 3]
“The Court would recall the well- established principle that ‘it is the duty of the
Court not only to reply to the questions as stated in the final submissions of the
parties, but also to abstain from deciding points not included in those submissions’
(Asylum, Judgment, I.C.J. Reports 1950, p. 402). While the Court is thus not entitled
to decide upon questions not aske d of it, the non ultra petita rule nonetheless cannot
preclude the Court from addressing certain legal points in its reasoning.” ( Arrest
Warrant of 11 April 2000 (Democratic Republic of the Congo v . Belgium),
I.C.J. Reports 2002, pp. 3, 18-19, para. 43.)
You then made clear that you were not ruling on the questions of jurisdiction that arose in that case.
[End slide 3]
3. In deciding cases — the decision being expressed, contained, in the dispositif — the Court
“will have regard to” a variety of matter s which in a system of common law reasoning might well
be regarded as part of the ratio decidendi. A ratio is a reason, but you are deciding with binding
authority for States and your decision is encapsulated, contained, in the dispositif.
What Cambodia really wants
4. I turn to ask what Cambodia really wants. Counsel for Cambodia on Monday proposed, in
the interests of illustrating how the Court reached its 1962 decision, to set out a “coherent and
logical reading of the Judgment” 200. It was not Mr. Sorel’s fault that he found it difficult to do so,
because Cambodia comes to the Court today to ask for something which you in 1962 expressly said
201
you were not deciding . Cambodia asks for a determination today that the Annex I map line is to
be regarded as falling within the operative part of a Judgment when that determination was not only
absent from the dispositif but was expressly excluded by the Court from it. It is not surprising that
202
Cambodia finds it difficult even “complex and unlinear” to examine the reasoning of the
1962 Judgment in light of what the Court did decide.
200
CR 2013/2, p. 10 (Sorel).
20CR 2013/3, The subject-matter of the dispute (McRae). See also FWETh, p. 153, para. 4.13, quoting I.C.J.
Reports 1962, p. 14.).
202
CR 2013/1, p. 22, para. 2 (Sorel). - 67 -
5. But from the contradictions and discrepancies of Cambodia’s counsel on Monday, there
203
did indeed emerge a “logical” conclusion . What Cambodia wants from you under Article 60 is
nothing less than the substitution, in place of the treaty delimitation, of the entire Annex I map line,
115 km from end to end. It is true that Professor Sorel purported to limit the Cambodian claim to a
smaller area by relying on the ultra petita principle. Sir Franklin was not so modest. He denied
204
outright that the ultra petita principle applies to Article 60 . For him the only limit to
Cambodia’s pretensions is the edge of the Annex I map. Indeed, given his fixation on Thailand’s
acquiescence in the maps, one wonders whether the boundary line does not extend across all eight
of the maps produced by the cartographic firm of Henry Barrère in 1908 which are still relevant for
the boundary and in which Thailand — as the Court held — globally acquiesced (I.C.J. Reports
1962, p. 24).
6. By the way, the Court will have noted that Sir Franklin interpreted the word “confine”,
appearing twice in the Judgment ( I.C.J. Reports 1962, p. 14, last para.) , to mean “includes” 205.
Personally, I would not want to be “confined” with Sir Franklin in any place; I would not know
where I was!
7. Cambodia insists that the Court in 1962 reached its Judgment exclusively by adopting the
206
Annex I map line as the frontier line. Cambodia described the line as “a kind of ‘prer equisite’” ;
and asserts that “there is a binding frontier line between the two States in the area of the Temple
207
and that this stems from the line marked on the Annex I map” . The difficulty is that the frontier
line does not “stem” from the line marked on the map. The Court did not adopt the map as a
specification of the frontier line ( I.C.J. Reports 1962, p. 36). As Thailand said in the original
proceedings 208, As Thailand has said in the original proceedings and has shown with expert
203CR 2013/2, pp. 10 ff. (Sorel).
204
CR 2013/1, pp. 51-52, para. 51 (Berman).
205Ibid., p. 52, para. 51 (Berman).
206Response of the Kingdom of Cambodia (FWEC), para. 4.24.
207
Ibid., para. 4.26.
208I.C.J. Pleadings, Temple of Preah Vihear, Rejoinder of the Royal Government of Thailand, Vol. I, pp. 597-598,
para. 112, footnote 1; Ann. No. 76bis, Thailand’s Rejoinder (appended as Ann. 102 to WOTh). - 68 -
evidence again in the present proceedings, unrebutted expert evidence 209, the map is not capable of
giving such a specification, apart from a general indication that the boundary follows the
watershed. The Court looked at the map for a different reason: because, and only because, of what
the map said about sovereignty over the Temple.
8. But even if the map had been the only consideration supporting the Judgment, it would be
open to the Court to interpret the map under Article 60 only in so far as it falls within the operative
part of the Judgment, the dispositif. That is the point made by the Permanent Court in Polish
Postal Service in Danzig when it considered the limits to interpreting reasons in a judgment. The
Court said, “it is certain that the reasons contained in a decision, at least in so far as they go
beyond the scope of the operative part, have no binding force as between the Parties concerned”
(Polish Postal Service in Danzig, Advisory Opinion, 1925, P.C.I.J. Series B, No. 11, pp. 29- 30;
210
emphasis added). We analysed this point in the Further Written Explanations and drew attention
to Cambodia’s error in ignoring the limits 211.
9. On Monday, Sir FranklinBerman ignored the limits. Under the heading “No alternative
basis in the Judgment to the Annex I map” 21, he considered that the map was the “essential”
reason for the Judgment and thus could be subject to interpretation under Article 60. But the Court
was considering the map for a specific purpose. It made that purpose clear in the paragraph
immediately before and, again, in the paragraph immediately after that cited by Sir Franklin. It was
considering the map to tell whether “the power of the Governments to adopt such departures” had
actually been exercised by Thailand and Cambodia to adopt a departure from the line of the
watershed “at Preah Vihear” ( I.C.J. Reports 1962, p. 22). But the dispositif of the Judgment does
not say “The Court hereby decides that the Parties adopted a departure from the watershed.” The
map is not referred to, still less incorpor ated by reference in the dispositif, and the line on the map
is material to the dispositif only in so far as it justified the conclusion that Cambodia had
sovereignty over the Temple.
209
International Boundaries Research Unit, Durham University , “Assessment of the t ask of translating the
Cambodia-Thailand boundary depicted on the ‘Annex I’ map onto the Ground”, October 2011, WOTh, Ann. 96; about
which see WOTh, pp. 257-79.
210FWETh, p. 91, paras. 3.30-3.31.
211Ibid., para. 3.31.
212
CR 2013/1, p. 48, para. 45 (Berman), quoting I.C.J. Reports 1962, p. 48. - 69 -
10. The failure in Cambodia’s Response, the failure in Cambodia’s under standing of the
1962 Judgment overall, is that it pays no attention to how the Court used the map. Nor does it pay
attention to how the Court used any of the other considerations raised in the proceedings.
Sir Franklin referred to the “particular way” in which the Court decided the case 213, but neither he
nor any other of their counsel really analysed the “particular way”. This my colleague Mr. McRae
and I, sandwiched by lunch, will do.
11. Mr. President, Members of the Court, the Court decided the questi on of sovereignty over
the Temple by examining documents — in particular, but not only, the map — and events — in
particular, but not only, the visit of the Prince — and then, in respect of each of these, asking how
Thailand reacted. For the Court, the st riking thing about all of these considerations was what they
said, in different ways, but each clearly and to the same effect, about sovereignty over the Temple.
The striking thing about Thailand’s contemporary practice was that it did not react. In respect of
sovereignty, it did not react to any document or any event that the Court considered. Thailand’s
silence generated legal consequences. Those consequences were decisive in answering the one
question the Court had to answer.
12. In this presentation, I will look back at the evidence, and will recall how the Court used it
to decide the question of sovereignty. The Court was explicit that it did not use the evidence to
answer any other question ( I.C.J. Reports 1962, p. 14 ) — and, what is more, as becomes clear in
recalling how the Court used it, the evidence was incapable of answering the question that
Cambodia now nevertheless insists that you answered with res judicata effect.
The Prince’s visit
13. I will start by returning, once again, to what the Court identified as “much the most
significant episode” (ibid., p. 30). The Court said this about Prince Damrong’s visit to the Temple:
[slide 4]
“The Prince could not possibly have failed to see the implications of a reception
of this character. A clearer affirmation of title on the French Indo -Chinese side can
scarcely be imagined.” (Ibid., p. 30.)
21CR 2013/1 p. 51, para. 50 (Berman). - 70 -
“Title” means title to the Temple, and obviously to the ground on which it rests. So, as the Court
understood it, there were two things going on at the Temple. First, the conduct of France, with a
clear and unmistakable, meaning. Second, the Prince who could not possibly have missed what
was going on. This was not a clandestine mission by the Prince. He was not a secret archaeologist.
The flag flying, the champagne flowing, the French Resident in full dress uniform, this was a
declaration by France in respect of territorial title over the Temple. It was a public display of the
European elements of sovereign authority.
14. Now, the Prince was a dist inguished scholar of archaeology, published widely in the
field. He had organized Thailand’s archaeological service, its modern system of national museums
214
and libraries and the Royal Institute. His visit to the Temple was for archaeological purposes .
The French Resident described him as “un grand savant ” 21, and it was true . Surprised to see a
French officer in full dress uniform, the Prince responded in a decorous way, as befits the customs
of his people. It was a warm welcome on a warm day, and given the character of the occasion, he
would not have adopted words of explicit protest. Instead, he asked whether the Resident might
not be more comfortable if he changed into a white civilian suit 216. For the Court in 1962, this was
not enough to avoid the conclusion that Thailand had acquiesced in France’s assertion of
sovereignty.
15. Having satisfied itself of the clarity of France’s communication, the Court found it could
not credit the Prince’s rejoinder. He had been all too gracious. So the Court concluded that
Thailand had failed to respond 217.
16. The Court drew from this “most significant episode” the following conclusion. [Slide 5]
“Looking at the incident as a whole, it appears to have amounted to a tacit
recognition by Siam of the sovereignty of Cambodia (under French Protectorate) over
[the Temple], through a failure to react in any way, on an occasion that called for a
reaction in order to affirm or preserve title in the face of an obvious rival claim [to the
Temple].” (I.C.J. Reports 1962, pp. 30-31.)
214
Governor of Khukhan Province to Second Deputy Councilor, Distri ct officer of Nam Om, Ann. No. 39 (d):
I.C.J. Pleadings 1962, p. 396.
215Minute des allocutions prononcées lors de la réce ption de S.A.R. Le Prince Damrong a Préah Vihéar
(30 Janvier 1930): I.C.J. Pleadings 1962, Vol. I, Ann. LIII (a), p. 520.
216Memorandum by Luang Boriban, 29 Jan. 1930: I.C.J. Pleadings 1962, Vol. I, Ann. No. 39 (g), p. 403.
217
Ibid. - 71 -
17. Sir Franklin sought to treat this episode as secondary and unimportant, noting that is
occupied only a few paragraphs of the Judgment. But t he Court took a quite different view of this
“most significant episode”: it did not describe it in any way as subsidiary, and although it dealt
with it succinctly, this was no doubt because the facts were not in dispute, as they were with regard
to the map, which was, as it will be recalled , annexed to the Treaty, according to Cambodia’s
primary case. Mo reover the Prince Damrong incident was part of a substantial section of the
Judgment dealing with subsequent developments that is at pages 27 to 33 which was of
approximately the same weight, and was accorded no less significance, than the precedi ng section
dealing with the Map pages 21 to 27.
18. Mr . President, Members of the Court, a French colonial officer greeting a prince,
whatever the height of the pole or the temperature of the champagne, and even if accompanied by a
218
military band of bagpipes, snare drums, and a saxophone , are not devices for charting the course
of a frontier. A saxophone is not apt to be used as a boundary pillar. It is too mobile. But that i s
not what the Court understood France’s monumental display to have achieved. The French were
asserting sovereignty over the artefact the Prince had come to see. If there was an estoppel, it was
an estoppel as to the object of the Prince’s visit — the Temple and the Temple only. One might
219
call it an estoppel by ceremony, set up for the occasion !
19. Sir Franklin sought to locate the episode “under the rubric of attempts by Thailand . . .”
220
to avoid the consequences of its “attitude to the Annex 1 map and line . . .” . But by 1930, when
the episode occurred, it had been over 20 years since Prince Damrong had written, in his capacity
of Interior Minister from which he had long since retired, to thank the French for their eleven
221
maps . Sir Fran klin, after saying that it saved time not to read the text of the
218
See Albert R. Rice, From the Clarinet D’Amour to the Contra BassA history of large size clarinets (Oxford
University Press: 2008), p. 303, with reference to a ministerial decision of 19 August 1845 regarding the instrumentation
of French military bands.
219French Legation to S iam, letter to the Minister of Foreign Affairs of France, 14 Feb . 1930: FWETh, Ann. 2,
21 June 2012; and discussion at FWETh, pp. 184-185, para. 4.58; and further citations, FWETh, p. 182, para. 451.
22CR 2013/1, p. 48, para. 45, (Berman); emphasis added.
221
I.C.J. Reports 1962, p. 24. - 72 -
222
Judgment , asserted that “there is not a shred of support for Thailand’s attempt now to assert that
223
the Court had an alternative basis for its decision” . But there were indeed alternative bases for
its decision. Cambodia wishes you to interpret the text unread!
20. Moreover, the Court in 1962 was meticulous in identifying the independent probative
force of the evidence it had considered to determine sovereignty over the Temple. The text merits
reading, pace Sir Franklin. The Court said that, from the episode of the Prince’s visit:
[slide 6]
“What seems clear is that either Siam did not in fact believe she had any
title and this would be wholly consistent with her attitude all along, and thereafter,
to the Annex I map and line — or else she decided not to assert [title], which again
means that she accepted the French claim, or accepted the frontier at Preah Vihear as it
was drawn on the map.” (I.C.J. Reports 1962, p. 31.)
Let us take the second half of this proposition first. [S lide 7] That is the part after the first “or”.
The “French claim” here refers to the “obvious rival claim” entailed by the French Resident’s
reception of the Prince. According to the Court, Siam’s decision “not to assert [title]” could have
meant one of two things: she “accepted the Fren ch claim”, [slide 8] or [slide 9] of she “[Siam]
accepted the frontier at Preah Vihear . . .”, or. The proposition here is disjunctive. The phrase
“accepted the French claim” [slide 10] wa s treated separately — and disjunctively — from the
phrase “accepted the frontier at Preah Vihear . . .” The Court did not say that Siam’s silence, in the
face of the rival French claim, was relevant only “under the rubric” of the map , or the frontier the
map depicted at Preah Vihear. The map could be severed from Siam’s acceptance of the French
claim. In short, the map was not inseparable from questions of title to the Temple itself.
21. The same conclusion results from the first part of this proposition. [Slide 11] According
to the Court, considering the Prince’s visi t, it was possible that “Siam did not in fact believe she
had any title”. This means title over the Temple and it would equally have settled the question of
sovereignty. The Court then observed that not believing she held any title “would be whol ly
consistent with her attitude . . . to the Annex I map and line”. In this form of words, it is not Siam’s
“attitude. . . to the . . . map and line” which supports the conclusion that it did not believe it had
title to the Temple. It is the predicate event — the Prince’s visit — that supported that conclusion.
22CR 2013/1, p. 48, para. 45 (Berman).
22Ibid. - 73 -
The Court did not refer to the Prince’s visit simply “under the rubric” of the map. The visit itself
established Thailand’s attitude toward sovereignty over the Temple. It was a separ ate reason for
the Judgment. [End slide 11]
The Annex I map
22. Mr. President, Members of the Court, the Annex I map was the object of much argument
in the original proceedings. It instigated a major for ensic effort on behalf of both P arties. This is
not surprising. The map had involved transactions over the course of two years by members of a
Mixed Commission, the minutes of which were not all intact; and the precise conduct of which
was in doubt 22. This required lengthy discussion . 225
23. As to the map, the stakes were high. This is because, on one point, the map was clear.
Regardless of w hich version, or versions, the P arties might have examined, the map was
unmistakeable in its assertion that the Temple belonged to Cambodia. Much as the Prince’s visit
was as clear an affirmation of title on the French Indo- Chinese side as could be im agined, so did
the “map mark[] [the Temple] itself quite clearly as lying on the Cambodian side of the line” (I.C.J.
Reports 1962, p. 26). A symbolic expression communicated France’s a ssertion of sovereignty. It
did so “quite clearly”.
24. The Court considered the Thai authorities’ response to that assertion. Thailand
considered that she had “never accepted this map or the frontier line indicated on it, at any rate so
far as Preah Vi hear is concerned ” (I.C.J. Reports 1962, p. 21; emphasis added). So Thailand
denied any acceptance in relation to sovereignty over the Temple. It denied that the delimitation
commission could validly take any decision amounting to a “departure [from the watershed] such
as to place [the Temple] in Cambodia” (I.C.J. Reports 1962, p. 22; emphasis added). To this, the
Court responded that the Parties could validly take such decisions the effect of which was to place
the Temple in Cambodia: “it was . . . within the power of the Gover nments to adopt such
departures” (I.C.J. Reports 1962, p. 22).
22I.C.J. Reports 1962, pp. 17-20.
22CR 2013/1, pp. 36, 48, paras. 12, 45 (Berman); CR 2013/1, p. 71, para. 74 (Bundy). - 74 -
25. I note that the Court spoke of departures from the line, not of the replacement of a
delimitation in words by a cartographic delimitation . Yet there is no stopping Cambodia. Either
there was a particular departure from the t reaty alignment, to cope with the Temple, or else the
whole Annex I map, in all its arbitrary glory, replaced the treaty alignment, notwithstanding the
express refusal of the Court to say so in the dispositif.
26. Thailand in the original proceedings further denied that “a merely passive attitude” could
“suffice to render her a consenting party to a departure at Preah Vihear from the watershed line”
(I.C.J. Reports 1962, p. 22; emphasis add ed). It denied that its silence when it received the map
was so significant as to make it lose a conventional title over the Temple. The Court responded
that this silence was significant because: first, the Thai authorities were “persons having high
official standing in Siam” who “ knew of Preah Vihear ” (I.C.J. Reports 1962, p. 25; emphasis
added) knew of the Temple; and second, that “the map marked [the Temple] itself quite clearly as
lying on the Cambodian side of the line” (I.C.J. Reports 1962, p. 26); so one would have to have
been blindnot to see it. According to the Court, “[t]hey did not do so, either then or for many years,
and thereby must be held to have acquiesced” (I.C.J. Reports 1962, p. 23). Where one could have
spoken, and should have spoken, silence means consent.
27. But consent in a context such as this has no meaning if it is not clear what it is that one
has consented to. Thailand’s silence concerned a perfectly clear assertion. When it could have said
something about the Temple, Thailand had nothing to say. What the map said about the Temple,
Thailand was no longer able to deny.
28. The question in the case was which of two States held sovereignty over the Temple. In
respect of the other question, the question of the frontier which the Court refused to answer in 1962
and which Cambodia now seeks to renew, the modern evidence confirms what was clear before
the map gives no answer.
29. Thailand has submitted modern mapping evidence to show the insurmountable problems
226
which transposing the Annex I map line to the ground present you have seen the graphics
22International Boundaries Research Unit, Durham University“Assessment of the task of translating the
Cambodia-Thailand boundary depicted on the ‘Annex I’ map onto the G round”, October 2011, WOTh, Ann. 96; about
which see WOTh, pp. 257-279. - 75 -
shown by Ms Miron. Cambodia has nothing of substance to say about this evidence 22. True,
Mr. Bundy admonished the Court not to consider what he says are materials “post -dat[ing] the
228
Judgment” . But the problem of the transposition of the map lines indeed was raised in the
original proceedings. Thailand drew attention to the problem; Cambodia argued with Thailand
229
about it . The problem of transposition thus was addressed by both parties there , as it has not
been addressed by Cambodia here: issue was joined . You heard Mr . Bundy slide and slither his
way around the transposition problem in a few words and even fewer graphics; he knows perfectly
well that the transposition of the Annex 1 map line could easily result in Thai sovereignty over part
of the Cambodian plain! So much for the resolution of the underlying boundary issues by way of
Article 60 of the Statute! It is your function to resolve disputes, not to create further ones.
30. The point deserves emphasis. Many maps form part of the definition of a boundary in a
treaty. Some are attached to the treaty at the time of signature. Some are added following survey
or demarcation work. Some maps add considerable clarity to the definition of the boundary; many
add little or nothing beyond an illustrative representation of the location of the line in the general
geographical landscape. The Annex I map line falls firmly into the latter category. It depicts a
boundary which follows a watershed, but we already knew that from the treaty text. Beyond that,
the numerous significant errors in the depiction of the topography mean that it cannot be relied on
as a basis for locating the boundary on the ground. As the IBRU report demonstrates, any attempt
to transfer the Annex 1 line from the map onto the ground would result in a boundary which hardly
follows the watershed at all, which staggers drunkenly up and down the Dangrek range, like an
intoxicated grenadier; up and dow n the escarpment, the grenadier would have to be very athletic.
In an utterly impractical manner the antithesis of what Comman dant Bernard called for at the first
meeting of the M ixed Commission in 1904: “Il est de première nécessité d’avoir avant tout u ne
230
frontière visible et connue de tous.”
227
Cf Further Written Explanations of Cambodia (FWEC) , footnote 14. See also FWEC, pp. 16-17, para. 1.25.
22CR 2013/1, p. 69, para. 63 (Bundy).
229
See WO Th, pp. 210 -13, paras. 5.22- 5.25, with reference to I.C.J. Pleadings, Temple of Preah Vihear,
Rejoinder of the Royal Government of Thailand, Vol. I, p p. 597-598, para. 112, footnote 1; Annex No. 76bis, Thailand’s
Rejoinder (appended as Ann. 102 to WO Th); I.C.J. Pleadings, Temple of Preah Vihear, Oral Arguments, Vol. II,
pp. 457-458 (Mr. Dean Acheson, 22 March 1962); ibid., pp. 568-569 (Mr. Henri Rolin, 28 March 1962).
230
Counter-Memorial of Thailand, 29 Sept.1961, para. 77, I.C.J. Pleadings 1962, p. 195. - 76 -
Mr. President, that is a convenient moment to break for the sandwich.
The PRESIDENT: The Court will meet this afternoon at 3 o’clock on the continuation of
pleadings by the Kingdom of Thailand. This hearing is adjourned.
The Court rose at 1 p.m.
___________
Public sitting held on Wednesday 17 April 2013, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Tomka presiding, in the case concerning the Request for Interpretation of the Judgment of 15 June 1962 in the Case concerning the Temple of Preah Vihear (Cambodia v. Thailand) (Cambodia v. Thailand)