Non Corrigé
Uncorrected
CR 2010/19
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THAEGUE
ANNÉE 2010
Audience publique
tenue le mercredi 20 octobre 2010, à 9 h 30, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Owada, président,
en l’affaire du Différend territorial et maritime
(Nicaragua c. Colombie)
Requête du Honduras à fin d’intervention
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2010
Public sitting
held on Wednesday 20 October 2010, at 9.30 a.m., at the Peace Palace,
President Owada presiding,
in the case concerning the Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia)
Application by Honduras for permission to intervene
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Owada,président
viceMpra,ident
KoMroMa.
Al-Khasawneh
Simma
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Crinçade
Yusuf
XuMe mes
Dojnogshue,
CotMM.
jugesaja, ad hoc
Cgeffrrr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Presiewtada
Vice-Presdmekta
Judges Koroma
Al-Khasawneh
Simma
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Cançado Trindade
Yusuf
Xue
Donoghue
Judges ad hoc Cot
Gaja
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement du Nicaragua est représenté par :
S.Exc.M.CarlosJoséArgüelloGómez, ambassadeur du Nicaragua auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme agent et conseil ;
S. Exc. M. Samuel Santos,
ministre des affaires étrangères du Nicaragua ;
M. Alex Oude Elferink, directeur adjoint de l’Ins titut néerlandais du droit de la mer de l’Université
d’Utrecht,
M.Alain Pellet, professeur à l’Université de ParisOuest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
M.PaulReichler, avocat au cabinetFoley Hoag LLP, WashingtonD.C., membre des barreaux de
la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique et du district de Columbia,
M.AntonioRemiroBrotóns, professeur de droi t international à l’Universidad Autónoma de
Madrid, membre de l’Institut de droit international,
comme conseils et avocats ;
M.RobinCleverly, M.A., D.Phil, C.Geol, F.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
M.JohnBrown, R.D., M.A., F.R.I.N., F.R.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
comme conseillers scientifiques et techniques ;
M. César Vega Masís, directeur, direction des affaires juridiques, de la souveraineté et du territoire,
ministère des affaires étrangères,
M. Julio César Saborio, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
M. Walner Molina Pérez, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
Mme Tania Elena Pacheco Blandino, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères,
comme conseils;
Mme Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux du district de
Columbia et de New York,
Mme Carmen Martinez Capdevila, docteur en droit international public à l’Universidad Autónoma
de Madrid,
Mme Alina Miron, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
M.EdgardoSobenesObregon, premier secrétaire à l’ambassade du Nicaragua au Royaume des
Pays-Bas,
comme conseils adjoints. - 5 -
The Government of Nicaragua is represented by:
H.E. Mr. Carlos José Argüello Gómez, Ambassador of Nicaragua to the Kingdom of the
Netherlands,
as Agent and Counsel;
H.E. Mr. Samuel Santos,
Minister for Foreign Affairs of Nicaragua;
MrA. lexOudeElferink, Deputy-Director, Netherlands Institute for the Law of the Sea,
Utrecht University
Mr.AlainPellet, Professor at the University ParisOuest, Nanterre-La Défense, Member and
former Chairman of the International Law Co mmission, associate member of the Institut de
droit international,
Mr.PaulReichler, Attorney-at-Law, Foley Hoag LLP, Washington D.C., Member of the Bars of
the United States Supreme Court and the District of Columbia,
Mr.AntonioRemiroBrotóns, Professor of Intern ational Law, Universidad Autónoma, Madrid;
Member of the Institut de droit international,
as Counsel and Advocates;
Mr.RobinCleverly, M.A., DPh., CGEOL., F.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
Mr.JohnBrown, R.D., M.A., F.R.I.N., F.R.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
as Scientific and Technical Advisers;
Mr. César Vega Masís, Director of Juridical Affairs, Sovereignty and Territory, Ministry of
Foreign Affairs,
Mr. Julio César Saborio, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affai
rs,
Mr. Walner Molina Pérez, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
Ms Tania Elena Pacheco Blandino, Juridical Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
as Counsel;
Ms Clara E. Brillembourg, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the District of Columbia and
New York,
Ms Carmen Martínez Capdevila, Doctor of Public International Law, Universidad Autónoma,
Madrid
MsAlinaMiron, Researcher, Centre for International Law (CEDIN), University ParisOuest,
Nanterre-La Défense,
Mr. Edgardo Sobenes Obregon, First Secretary, Embassy of Nicaragua in the Kingdom of
the Netherlands,
as Assistant Counsel. - 6 -
Le Gouvernement de la Colombie est représenté par :
S. Exc. Julio Londoño Paredes, professeur de relations internationales à l’Université del Rosario de
Bogotá,
comme agent ;
S. Exc. M. Guillermo Fernández de Soto, président du comité juridique interaméricain, membre de
la Cour permanente d’arbitrage et ancien mini stre des affaires étrangères de la République de
Colombie,
comme coagent ;
M.JamesCrawford, S.C., F.B.A., professeur de droit international à l’Université de Cambridge,
titulaire de la chaire Whewell, membre de l’Institut de droit international, avocat,
M.RodmanR.Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris, membre du barreau de NewYork,
cabinet Eversheds LLP (Paris),
M. Marcelo Kohen, professeur de droit internationa l à l’Institut de hautes études internationales et
du développement de Genève, membre associé de l’Institut de droit international,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Francisco José Lloreda Mera, ambassadeur de la République de Colombie auprès du
Royaume des Pays-Bas, représentant permanent de la Colombie auprès de l’OIAC, ancien
ministre d’Etat de la République de Colombie,
M. Eduardo Valencia-Ospina, membre de la Commission du droit international,
S. Exc. Mme Sonia Pereira Portilla, ambassadeur de la République de Colombie auprès de la
République du Honduras,
M. Andelfo García González, professeur de droit inte rnational, ancien ministre adjoint des affaires
étrangères de la République de Colombie,
Mme Victoria E. Pauwels T., ministre-conseiller au ministère des affaires étrangères de la
République de Colombie,
M. Julián Guerrero Orozco, ministre-conseiller à l’ambassade de la République de la Colombie aux
Pays-Bas,
MmeAndreaJiménezHerrera, conseiller au ministère des affaires étrangères de la République de
Colombie,
comme conseillers juridiques ;
M. Thomas Fogh, cartographe, International Mapping,
comme conseiller technique. - 7 -
The Government of Colombia is represented by:
H.E. Mr. Julio Londoño Paredes, Professor of International Relations, Universidad del Rosario,
Bogotá,
as Agent;
H.E. Mr. Guillermo Fernández de Soto, Chair of the Inter-American Juridical Committee, Member
of the Permanent Court of Arbitration and former Minister for Foreign Affairs of the Republic
of Colombia,
as Co-Agent;
Mr.JamesCrawford, S.C., F.B.A., Whewell Professor of International Law, University of
Cambridge, Member of the Institute of International Law, Barrister,
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the NewYork Bar,
Eversheds LLP, Paris,
Mr.MarceloKohen, Professor of International Law at the Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva; associate member of the Institut de droit international,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Francisco José Lloreda Mera, Ambassador of the Republic of Colombia to the Kingdom
of the Netherlands, Permanent Representative of Colombia to the OPCW, former Minister of
State,
Mr. Eduardo Valencia-Ospina, Member of the International Law Commission,
H.E. Ms Sonia Pereira Portilla, Ambassador of the Republic of Colombia to the Republic of
Honduras,
Mr. Andelfo García González, Professor of Interna tional Law, former Deputy Minister for Foreign
Affairs of the Republic of Colombia,
Ms Victoria E. Pauwels T., Minister-Counsellor, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of
Colombia,
Mr. Julián Guerrero Orozco, Minister-Counsellor, Embassy of the Republic of Colombia in the
Kingdom of the Netherlands,
Ms Andrea Jiménez Herrera, Counsellor, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Colombia,
as Legal Advisers;
Mr. Thomas Fogh, Cartographer, International Mapping,
as Technical Adviser. - 8 -
Le Gouvernement du Honduras est représenté par :
S. Exc. M. Carlos López Contreras, ambassadeur, conseiller national au ministère des affaires
étrangères,
comme agent ;
SirMichaelWood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du
droit international,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à l’Université de Genève,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Julio Rendón Barnica, ambassadeur, ministère des affaires étrangères,
S. Exc. M. Miguel Tosta Appel, ambassadeur, président de la commission hondurienne de
démarcation au ministère des affaires étrangères,
S. Exc. M. Sergio Acosta, chargé d’affaires a.i. à l’ambassade du Honduras au Royaume des
Pays-Bas,
M. Richard Meese, avocat à la Cour d’appel de Paris,
M. Makane Moïse Mbengue, docteur en droit, maître de conférences à l’Université de Genève,
Mlle Laurie Dimitrov, élève-avocat, barreau de Paris, cabinet Meese,
M. Eran Sthoeger, faculté de droit de la New York University,
comme conseils ;
M. Mario Licona, ministère des affaires étrangères,
comme conseiller technique. - 9 -
The Government of Honduras is represented by:
H.E. Mr. Carlos López Contreras, Ambassador, National Counsellor, Ministry of Foreign Affairs,
Asgent;
SirMichaelWood, K.C.M.G., member of the E nglish Bar, member of the International Law
Commission,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law at the University of Geneva,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Julio Rendón Barnica, Ambassador, Ministry of Foreign Affairs,
H.E. Mr. Miguel Tosta Appel, Ambassador, Chairman of the Honduran Demarcation Commission,
Ministry of Foreign Affairs,
H.E. Mr. Sergio Acosta, Chargé d’affaires a.i. at the Embassy of Honduras in the Kingdom of the
Netherlands,
Mr. Richard Meese, avocat à la Cour d’appel de Paris,
Dr. Makane Moïse Mbengue, Senior Lecturer at the University of Geneva,
Miss Laurie Dimitrov, pupil barrister, Paris Bar, Cabinet Meese,
Mr. Eran Sthoeger, Faculty of Law, New York University,
Csounsel;
Mr. Mario Licona, Ministry of Foreign Affairs,
as Technical Adviser. - 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. The task of the Court this morning
is to hear the first round of oral argument of Nicaragua, and later this morning it will hear
Colombia’s first round of oral argument. Before I give the floor to the first speaker, I note that
JudgeAbraham, for the reason which has been e xplained to the President, is going to be absent
today. I shall now give the floor to His Excellency Mr. Carlos José Argüello Gómez, the Agent of
the Republic of Nicaragua.
Mr.ARGUELLOGOMEZ: Mr.President, distinguished Members of the Court, good
morning. It is always an honour to be before you.
1. Unfortunately the present case is a blatant attempt to dishonour one of your Judgments.
Nicaragua is indignant at this attempt by Honduras to reopen a case on which you passed judgment
barely three years ago. The presence of Mr.Samuel Santos, the Foreign Minister of Nicaragua,
today at this hearing is to emphasize the importance Nicaragua attaches to this matter.
2. Mr.President, 11years ago, on 8December1999, Nicaragua filed an Application
requesting that the Court “determine the course of the single maritime boundary between the areas
of territorial sea, continental shelf and exclus ive economic zone appertaining respectively to
Nicaragua and Honduras” (Territorial and Maritime Dispute be tween Nicaragua and Honduras in
the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 666, para. 17).
3. During the eight years this case was before the Court, both Parties had the opportunity to
present all arguments and questions of fact related to the issues before the Court.
4. The Court was asked by both Parties in their final submissions to determine a single
maritime boundary for all the disputed areas.
5. It is pertinent to point out that Honduras in its first submissions in its Counter-Memorial
had claimed that
“The boundary for the purpose of the delimitation of the disputed areas of the
continental shelf and Exclusive Economic Z one in the region is a line extending from
the above-mentioned point at the 12-mile limit, eastwards along the 15thparallel
(14°59.8') until it reaches the longitude at which the 1986 Honduras/Colombian
maritime boundary begins (meridian 82).” (Ibid., pp. 667-668, para. 18.)
6. In other words, Honduras changed its original position and in its final submissions omitted
the request that the delimitation line should stop at meridian82 and requested that the single - 11 -
maritime boundary to be drawn by Court extend “un til the jurisdiction of a third State is reached”
(Territorial and Maritime Dispute between Ni caragua and Honduras in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), pp. 667-668, para. 18). This makes
its present request to intervene, because of its alleged interests in areas east of the 82nd meridian,
all the more remarkable.
7. It is, then, evident from their submissions that the Parties were not asking for a partial
delimitation of their maritime areas in the Caribbean Sea, but for a complete delimitation of these
areas. And this is exactly what the Court decided in its 8 October 2007 Judgment. The Court fixed
a starting point for the delimitation and then determ ined that this line, after tracing an arc around
certain cays attributed to Honduras, would follow a bisector along an azimuth determined by the
Court until it reached the area where the rights of third States may be affected ( ibid., pp. 759-760,
para. 320).
8. Honduras cannot have any interest of a lega l nature south of this bisector. The potential
delimitation areas in dispute between Nicaragua and Colombia all lie south of this line.
9. Professor Pellet will address these points in more detail, but as an initial demonstration of
this in graphic form, on screen we have:
10. (CAG 1) Figure 3-1 from the Nicaraguan Reply which is an illustration of the
delimitation area generated by the entire contin ental coasts of Nicaragua and Colombia. It
naturally does not represent areas where Nicara gua has claims but the entire area of potential
entitlement generated by both continental coasts. This image has been paraded as if Nicaragua had
claims that gobbled up Panama and other neighbours. Anyone who has any knowledge of
questions of maritime delimitation understands the purpose of this illustration. In any case, this
graphic is of no legal interest to Honduras since it refers to areas entirely south of the maritime
boundary drawn by the Court. On the screen we have traced the delimitation line drawn by the
Court superimposed on this figure. (CAG1) This graphic also shows the outer limit of the
continental shelf delimitation claimed by Nicaragua. It is clearly far away east and south of the line
fixed by the Court between Nicaragua and Honduras.
11. In the thousand words this picture saves, it is clear that Honduras has no legal interests in
any of the issues before the Court. - 12 -
12. Mr. President, Members of the Court, the majority of the Members of the present Court
were also Members at the time the 8October20 07 Judgment was rendered and are thus perfectly
aware of all these issues. In any case the issues are very clear with even a cursory glance at that
Judgment confronted with what Honduras is presen tly arguing. Consequently, I will not prolong
my presentation responding to issues which have no relevance to the present case.
13. On Monday, the Agent of Honduras called upon the Court to contribute to the certainty,
stability and finality of borders in the area 1, as if the Court had not already done so in regard to
Nicaragua and Honduras its October 2007 Judgment. What is really at issue here is the certainty,
stability and finality of the Court’s judgments, especially its Judgment of October 2007.
14. Mr. President, what I have said so far is sufficient response to the Honduran Application
and the arguments so far expressed, but Professor Pellet will round this out, addressing the main
legal issues involved in an application to interven e that is being used as a back door entrance to
reopen the door of a case that has been shut with all the force of res judicata.
15. Thank you, Mr.President, may I ask you to call Professor Pellet. Thank you for your
attention.
The PRESIDENT: Thank you, YourExcellency Ambassador CarlosJoséArgüelloGómez,
the Agent of the Republic of Nicaragua.
Now I call Professor Alain Pellet to the floor.
M. PELLET : Merci beaucoup Monsieur le président.
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, permettez-moi de commencer
là où mon camarade Paul Reichler 2 a terminé sa plaidoirie de vendredi dernier relative à
l’intervention du Costa Rica et de dire combien, moi aussi, je suis désemparé de me trouver dans
une équipe de plaidoirie nicaraguayenne sans la présence de Ian Brownlie, que j’ai côtoyé si
longtemps et qui m’a, dès le milieu des années 1980, initié aux mystères de la procédure devant la
Cour. Nous pouvions avoir des désaccords, ceci n’a pas empêché que des liens forts se créent entre
nous, ici, à la Commission du droit internationa l, et ailleurs… Je m’associe également à
1
CR 2010/18, p. 18, para. 19 (Mr. López Contreras).
2CR 2010/16, p. 28-29, par. 36 (Reichler). - 13 -
l’hommage qui a été rendu au professeur SánchezR odríguez et j’exprime tout spécialement ma
sympathie aux représentants de la République du Honduras.
2. Monsieur le président, les requêtes à fin d’intervention se suivent et ne se ressemblent pas.
Ou plutôt, elles paraissent se ressembler alors que, lorsque l’on y regarde de près, elles présentent
des différences non négligeables. C’est le cas en ce qui concerne d’une part celle qui nous réunit
aujourd’hui et celle qui vous a été présentée par le Costa Rica la semaine dernière, d’autre part.
Dans les deux cas, le candidat à l’intervention souhaite évidemment vous convaincre qu’«un intérêt
juridique est pour lui en cause» dans l’affaire principale. Dans les deux cas, il le fait en prêtant aux
conclusions des Parties une portée qu’elles n’ont p as et en tentant d’utiliser à son avantage les
traités conclus avec la Colombie. Et, dans les deux cas, l’Etat demandant à intervenir s’emploie à
vous convaincre de vous prononcer, en réalité, sur le tracé de sa propre frontière avec les Parties.
3. Mais là s’arrêtent les ressemblances. Même si elles sont importantes, les différences le
sont aussi ⎯ notamment parce qu’alors que le Costa Rica entend intervenir sans être lié par le futur
arrêt de la Cour, le Honduras prétend pour sa part le faire, à titre principal en tout cas, en tant que
partie. Mais aussi et surtout parce qu’alors que le Costa Rica prend prétexte de son intervention
pour remettre en question sa frontière bien établie avec la Colombie, confirmée par une longue et
paisible pratique, en demandant à intervenir, le Honduras, pour sa part, conteste rien moins qu’un
arrêt de la Cour, celui que vous avez re ndu le 8 octobre 2007 dans l’affaire du Différend territorial
et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes.
4. Pour tenter de s’en affranchir, le Hondur as, avec le soutien enthousiaste de la Colombie,
brandit le traité qu’il a conclu le 2 août 1986 avec celle-ci. Cet accord ne change rien à l’affaire : le
Honduras ne peut pas avoir attribué à un Etat tiers des zones maritimes relevant du Nicaragua et il
ne peut faire valoir, au mépris de l’autorité de la chose jugée, aucun «intérêt juridique» qui soit
pour lui en cause dans l’affaire dans laquelle il tente d’intervenir.
5. Avant d’en venir à ce point ⎯le seul qui me paraisse mériter de faire l’objet d’une
véritable discussion ⎯, je souhaite préciser, à titre liminaire, et au risque de décevoir les conseils
du Honduras, que je ne répondrai que de manièr e sommaire à un argument qu’ils ont longuement
développé: puisqu’ils se sont appesantis sur les deux qualités alternatives en lesquelles le pays
qu’ils représentent prétend intervenir ⎯ celle de «partie intervenante » ou celle d’intervenant «tout - 14 -
3
court» . «With due respect», ceci me paraît dépourvu de toute pertinence: en admettant que les
deux formes d’intervention soient possibles, l’une comme l’autre demeureraient régies par
l’article62 du Statut et devraient remplir la (ou les) conditions sine qua non posée(s) par cette
disposition : l’Etat qui demande à intervenir doit êt re à même de faire valoir qu’«un intérêt d’ordre
juridique est pour lui en cause» «dans un différend» soumis à la Cour: il doit s’agir d’un intérêt
d’ordre juridique; et il doit être en cause dans un litige opposant d’autres Etats entre eux. Qu’il
s’agisse d’une condition unique se décomposant en deux éléments indissociables ou de deux
conditions différentes mais cumulatives, la conséquence est la même: elle doit (ou elles doivent
toutes deux) être remplie(s). Je réunirai ces deux exigences sous l’appellation unique de «la
condition de l’article62» mais en précisant bien qu’elles en font toutes deux, indissociablement,
partie. Cette condition de l’article 62 n’est pas remplie en l’espèce.
6. La professeur Boisson de Chazournes tente d’en affranchir le Honduras en affirmant, avec
une très grande insistance, que cette obligation sera it laissée à l’appréciation subjective de la seule
partie demandant à intervenir: «Il suffit…qu ’un Etat estime qu’«un» de ses intérêts d’ordre
juridique est en cause dans une instance pendante, pour qu’il soit en principe autorisé à exercer son
4
droit d’intervention.» «Droit d’intervention…», l’expression est pour le moins trompeuse : droit
de demander à intervenir, oui ⎯ et c’est un droit qu’un Etat estimant avoir un intérêt de ce genre
5
peut librement choisir d’exercer ou non ; la Cour l’a rappelé dans l’affaire Cameroun c. Nigéria ,
dont mon aimable contradictrice donne une interprétation qui n’est pas tenable 6. Mais «[l]a Cour
décide» comme le précise le paragraphe 2 de l’article 62 ; de ce fait, le subjectif devient objectif car
il appartient bien sûr à la ha ute juridiction de déterminer objectivement si l’intérêt juridique
invoqué est réel et s’il est vraiment en cause dans l’affaire à propos de laquelle il est incidemment
présenté. Et il ne suffit pas, comme le prétend sirMichaelWood, qu’un Etat «fasse valoir un
3 CR 2010/18, p.28-31, par.19-29 (Boisson de Chazournes) ; CR 2018/10, p. 36, par. 19-20 ; p. 41, par. 36 ou
p. 45, par. 48 (Wood).
4 Ibid., p.25, par.13; les italiques sont danl’original; le soulignement est de nou; voir aussi: ibid., p.21,
par. 5-6, p. 22-23, par. 7-9, p. 24, par. 10, p. 12, par. 12-13, p. 27, par. 16, p. 29, par. 25 (Boisson de Chazournes).
5 Frontière terrestre et maritime entre le Camer oun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 324, par. 116.
6 CR 2010/18, p. 22, par. 7 (Boisson de Chazournes). - 15 -
chevauchement de revendications» 7 («advance overlapping claims») pour qu’il soit en droit
d’intervenir; il faut encore que ces revendi cations aient une vraisemblance suffisante pour
s’analyser en un véritable intérêt juridique en cause pour l’Etat demandant à intervenir.
7. Et peu importe que, dans notre affaire, le Honduras veuille intervenir comme partie ou
non. Il ne peut le faire en aucune de ces deux qualités: l’intérêt qu’il invoque est chimérique et
repose sur la remise en cause de la chose jug ée par l’arrêt de2007. Et l’invocation du traité
de1986 ne saurait en aucune manière modifier cette conclusion. Ce sont, Monsieur le président,
les deux points que je me propose d’aborder successivement avec votre permission.
I. LA REMISE EN CAUSE DE LA CHOSE JUGÉE
8. Monsieur le président, dans sa requête 8 comme dans ses plaidoiries orales de lundi, le
Honduras déclare vertueusement qu’il «fully accepts the res judicata of the2007 decision of the
Court» 9. Une fois cette déclaration faite, il s’emploie à persuader ⎯ à peine insidieusement ⎯ la
Cour de revoir sa copie et remet en cause tout à la fois le dispositif de l’arrêt de 2007 et les motifs
qui en sont le support nécessaire.
o
[Projection n 1 : Extrait du dispositif de l’arrêt de 2007]
9. Pour lever toute ambiguïté, il me paraît utile de rappeler ce que la Cour a décidé alors et
qui est pertinent aux fins d’apprécier l’intérêt juridique qu’avance le Honduras à l’appui de sa
prétention à intervenir dans l’affaire qui oppose le Nicaragua à la Colombie. Le passage qui nous
intéresse se lit ainsi :
«A partir du pointE, la frontière suivra l’arc formé par la mer territoriale
de12milles marins de South Cay en direction du nord, jusqu’à rencontrer la ligne
d’azimut au point F (situé par 15° 16' 08" de latitude nord et 82° 21' 56" de longitude
ouest). A partir du poinF t, elle se poursuivra le long de la ligne
d’azimut 70° 14' 41,25" jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en
cause les droits d’Etats tiers.» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et
le Honduras dans la mer des Cara ïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt ,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 760 et 763, par. 321.3) in fine.)
7CR 2010/18, p. 44, par. 44 (Wood).
8
Requête à fin d’intervention, p. 4, par. 15.
9CR 2010/18, p. 16, par. 12 (López Contreras) ; voir aussi, ibid., p. 37, par. 22 (Wood). - 16 -
[Projection n 2 : Tracé de la frontière maritime]
10. Ceci est sans doute plus compréhensible si on le visualise sur un croquis. Il s’agit de
celui figurant à la page761 de l’arrêt de la Cour de2007 sur lequel quelques précisions
explicatives ont été ajoutées :
⎯ les points E et F marquent les deux extrémités du dernier segment de la frontière maritime qui
contourne les cayes dont la Cour a décidé qu’elles relevaient de la souveraineté du Honduras ;
o
[Projection n 2-1]
⎯ le pointF est aussi celui où la ligne reprend la direction de l’azimut suivi depuis le point de
départ de la frontière maritime unique entre l es deux Etats, interrompue par la nécessité de
donner un effet aux cayes attribuées au Honduras ; et
o
[Projection n 2-2]
⎯ nous avons rajouté une pointe de flèche à la fin de la ligne en pointillés figurant sur le croquis
illustratif de la Cour.
11. Cette flèche signifie simplement que la ligne d’azimut 70° 14' 41,25" se poursuit jusqu’à
ce qu’elle atteigne «la zone dans laquelle elle ri sque de remettre en cause les droits d’Etats tiers»
⎯ selon les propres termes de la Cour (ibid.), qui s’en est longuement expliquée en procédant à un
examen minutieux des droits des Etats tiers qui pourraient être affectés ⎯ et, en particulier, de ceux
de la Colombie. Et cette réponse fait justice de la prétention du Honduras à intervenir dans l’affaire
présente. Mais ceci me met dans une situation inc onfortable, Monsieur le président: ou bien je
relis des pans entiers de votre arrêt de2007 ; ou bien je renonce à répondre complètement au
Honduras puisque, en réalité, c’est contre cet arrê t qu’il bataille et que la réponse à ses arguments
se trouve entière, complète, limpide, dans votre arrêt lui-même.
[Fin de la projection 2]
12. Si j’étais vous, Mesdames et Messieurs les juges, je ne serais pas très content que l’on
relise à la barre de longs passages d’un arrêt de la Cour, récent de surcroît, et à la rédaction duquel
beaucoup d’entre vous ont participé. Mais, en mê me temps, il m’est difficile de simplement vous
inviter à relire votre arrêt et de jouer au chat de LewisCarol en m’éclipsant dans un sourire
⎯ satisfait que vous ayez déjà démontré … ce qu’il me faudrait démontrer. Comme c’est pourtant
ce que vous avez fait et qu’il me faut bien justifier ma présence à cette barre, j’ai choisi une voie - 17 -
moyenne : vous trouverez dans vos dossiers (sous l’onglet n o 4) un tableau mettant en vis-à-vis les
allégations du Honduras et les réponses que vous y avez apportées par avance (le tableau est
d’abord en français et puis l’anglais suit); et je me bornerai à tirer quelques conclusions de ce
tableau.
13. Deux choses en ressortent très clairement :
⎯ la première est que la Cour a déterminé dans son in tégralité, en 2007, la frontière maritime
entre le Nicaragua et le Honduras ;
⎯ la seconde que, en particulier, elle a pris gra nd soin de montrer que son arrêt ne porte aucune
atteinte aux intérêts de tiers et, tout à fait spécifiquement, à ceux de la Colombie.
14. Sur le premier point, il est délibérément trompeur d’affirmer que «la Cour a déjà
déterminé une partie de la frontière maritime en tre le Nicaragua et le Honduras dans son arrêt du
8 octobre 2007 concernant le Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras
10
dans la mer des Caraïbes» . Elle n’a pas déterminé une partie mais bien toute cette frontière. En
ce qui concerne le point terminal de la ligne, elle avait trois possibilités qu’elle a exposées très
clairement :
1) «ne pas se prononcer» et se contenter «de décl arer que celle-ci se poursuit jusqu’à atteindre la
juridiction d’un Etat tiers» ;
2) «décider que la ligne … se poursuit … au-delà du 82 e méridien ; ou bien»,
3) «indiquer que les droits d’Etats tiers qui existera ient à l’est [de ce] méridien ne concernent pas
la zone à délimiter…». (C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758, par. 314.)
C’est cette troisième solution qu’elle a choisie apr ès s’être assurée que les droits des Etats tiers ne
pouvaient se trouver atteints et, ce faisant, c’est bien toute la frontière maritime entre les deux Etats
qu’elle a tracée; il ne lui reste plus rien à déli miter dans les relations entre le Honduras et le
Nicaragua.
10 Requête à fin d’intervention du Honduras,. , par.; voir aussi, CR2010/18. 6, pa. 1
(López Contreras) ; p. 33, par. 7, et p. 39, par. 27 (Wood). - 18 -
15. En dépit des savantes argu ties terminologiques de sirMichael 11 ⎯sur lesquelles je
m’abstiendrai d’ergoter ⎯ je ne comprends pas comment il peut soutenir que ce n’est pas le cas
lorsque, dans le dispositif lui-même puisque cela lui tient à cŒur (exa gérément d’ailleurs, on va le
voir), la Cour dit expressément :
«A partir du point F, elle [c’est-à-dir e la frontière maritime unique entre le
Nicaragua et le Honduras] se poursuivra le long de la ligne d’azimut 70° 14' 41,25"
jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’Etats
tiers». (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la
mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 763, par. 3) du
dispositif ; les italiques sont de nous.)
En ce qui concerne ces deux Etats (Nicaragua et Honduras), la frontière maritime est complètement
déterminée sans que le point terminal lui-même ait à être fixé par des coordonnées précises car ceci
aurait concerné les droits d’un tiers (qui n’est pas la Colombie, mais la Jamaïque ⎯je vais y
revenir). Tout ce que la Cour pouvait dire (et elle l’a dit) est qu’en ce qui concerne le point
terminal de la frontière entre le Nicaragua et le Honduras, il est situé sur l’azimut. Ceci suffit à
déterminer complètement la frontière entre ces deux pays.
16. J’ajoute que, ce faisant, la Cour s’est acquittée pleinement de sa mission qui est de
«régler les différends qui lui sont soumis» ⎯ pas de les laisser pendants. Et c’est tout spécialement
vrai s’agissant des litiges frontaliers. Conformément au célèbre dictum de l’arrêt de1962 dans
l’affaire du Temple :
«D’une manière générale, lorsque deux pays définissen t entre eux une frontière,
un de leurs principaux objectifs est d’arrêter une solution stable et définitive. Cela est
impossible si le tracé ainsi établi peut être remis en question à tout moment, sur la
base d’une procédure constamment ouverte…» ( Temple de Préah Vihéar (Cambodge
c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 34.)
Cela vaut tout autant lorsque le règlement frontalier résulte d’une décision judiciaire, q
ui n’est
⎯ c’est bien connu ⎯ «qu’un succédané au règlement direct et amiable de ces conflits entre les
Parties» (Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex, ordonnance du 19août1929,
C.P.J.I. sérieA n o 22, p.13) 1. Au surplus, dans son arrêt de 2007, la Cour, comme vient de le
rappeler l’agent du Nicaragua, a répondu aux attentes du Honduras lui-même qui, dans ses
conclusions finales, l’avait priée de fixer la frontière maritime entre les deux Etats selon une ligne
11
CR 2010/18, p. 38-39, par. 25-31 (Wood).
12Voir aussi Incident aérien du 10août1999 (Pakistan cI.nde), compétence de la Cour, arrêt,
C.I.J. Recueil 2000, p. 33, par. 51. - 19 -
spécifiée, «jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers» ( C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 669, par.19).
Après s’en être longuement expliqué, c’est ce qu’a fait la haute juri diction dans le dispositif de
l’arrêt de 2007.
17. Il existe, à cet égard, un contraste très frappant entre sa position dans cet arrêt de 2007 et
celle qui a été la sienne dans l’affaire Cameroun c. Nigéria à l’égard de l’intervention de la Guinée
équatoriale. Dans cette dernière affaire ⎯ comme dans Nicaragua c.Honduras, la Cour a relevé
13
que des problèmes concernant les droits et intérêts d’Etats tiers pouvaient surgir ; et, dans les
deux affaires, elle a fixé la portion terminale de la frontière maritime en indiquant la direction que
devait suivre une ligne d’azimut déterminée sans indiquer un point terminal précis, afin de
14
préserver les droits des Etats tiers . Mais alors que, parmi les tr ois solutions possibles qu’elle a
énumérées dans son arrêt de 2007, elle a retenu la troisième dans Nicaragua c. Honduras, c’est à la
première consistant à ne pas se prononcer qu’elle s’est arrêtée en ce qui concerne la frontière
maritime entre le Cameroun et le Nigéria. Dans son arrêt de 1998, elle avait noté
«que la situation géographique des territo ires des autres Etats riverains du golfe de
Guinée, et en particulier de la Guinée équatoriale et de SaoTomé-et-Principe,
démontr[ait] qu’en toute probabilité le prolongement de la frontière maritime entre les
Parties … finira par atteindre les zones mariti mes dans lesquelles les droits et intérêts
du Cameroun et du Nigéria chevaucheront ceux d’Etats tiers» ( Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nig éria (Cameroun c.Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 324, par. 116.) ;
15
et ceci l’avait conduite à lancer à ces Etats une sorte d’invitation à intervenir , puis à se garder de
donner quelque précision que ce soit quant à l’extension de la ligne d’azimut 16. Par contraste, dans
son arrêt de2007, elle précise que la ligne qu’elle fixe ne saurait « porter atteinte aux droits de la
Colombie» (Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758, par. 316), et elle déclare
expressément qu’elle «peut» («may» ⎯ un «may» auquel sirMichael ose, sans rire, prêter une
13 Voir Frontière terrestre et maritime entre le Camer oun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, not. p. 324, par. 116, et Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 756, par. 312.
14 Voir Frontière terrestre et maritime entre le Camer oun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria; Guinée
équatoriale (intervenant)), arrêt, C.I.J.Recueil 2002 , p. 448, par.307, et p. 457, par. 325.IV.D) (dispositif), et Différend
territorial et maritime entre le Ni caragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras) , arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319, et p. 763, par. 321.3) (dispositif).
15 Ibid.
16 Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria; Guinée équatoriale
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, p. 448, par. 307, et p. 457, par. 325.IV.D). - 20 -
17
simple portée «méthodologique» ⎯ elle déclare donc qu’elle peut disais-je (elle le peut car elle
s’est assurée que cela était possible) déclarer que «la frontière maritime [entre le Nicaragua et le
Honduras]…s’étend au-delà du 82 e méridien sans porter atteinte aux droits d’Etats tiers» ( ibid.,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319) ⎯«déclarer», ce n’est pas «méthodologique» du tout;
c’est, au contraire, très «res judicata» !).
18. Ceci, à vrai dire, suffit à établir que le Honduras ne peut faire valoir aucun intérêt d’ordre
juridique qui pourrait être affecté par l’arrêt à inte rvenir dans l’affaire entre le Nicaragua et la
Colombie: quelle que soit la décision de la C our, sa frontière maritime avec le Nicaragua est,
complètement et définitivement, déterminée par l’arrêt de2007 qui a été rendu, après que le
Honduras a amplement informé la Cour non seulement de ses propres droits et intérêts, mais aussi
de ceux de la Colombie ⎯ tant il est vrai que, dans ses plaidoiries aussi bien écrites 18qu’orales 19
de l’époque, le Honduras a montré une extrême sollicitude pour les intérêts colombiens.
[Projection n o3 : commencer avec la carte de la projection n 2] o
19. La Cour n’y a d’ailleurs pas été insensible; elle s’est, très spécifiquement, penchée sur
les intérêts de la Colombie à propos desquels elle formule deux conclusions essentielles :
[Projection n o3-1 : Les intérêts de la Colombie selon l’arrêt de 2007]
1) Même si l’interprétation hondurienne du traité Barcenas-Esguerra de 1928 relativement au tracé
de la frontière maritime entre la Colombie et le Nicaragua était correcte, de l’aveu du Honduras
lui-même, «tout au plus, la ligne établie par ce traité se poursuit le long du 82 e méridien
e
jusqu’au 15 parallèle» (C.I.J. Recueil 2007 (II), p.758, par.315); or, relève la Cour, la ligne
de délimitation qu’elle a retenue (celle qui suit l’azimut) «se trouve bien au nord du
e e
15 parallèle lorsqu’elle rencontre le 82 méridien. Par conséquent, contrairement à ce
qu’affirme le Honduras, elle ne couperait pas la frontière conventionnelle de1928 et, partant,
ne saurait porter atteinte aux droits de la Colombie» (ibid.).
17CR 2010/18, p. 39, par. 30.
18Voir not. contre-mémoire, p. 21-22, par. 2.15-2.16 ; p. 145-146, par. 7.42-7.43 ou duplique, p. 96, par. 5.42.
19Voir not. CR 2007/8, p. 10, par. 2 (Jiménez Piernas) ; p. 23, par. 26, et p. 46, par. 35 (Quéneudec). - 21 -
[Projection n 3-2]
2) Toujours suite aux mises en garde du Honduras, défenseur trop zélé des intérêts colombiens, la
Cour se montre également consciente de ce que «une éventuelle prolongation de la ligne de
délimitation» dans l’affaire du Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras risquerait de «porter préjudice aux droits de la Colombie en vertu du traité»
(C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 758, par. 316). Elle n’en prend pas moins une position très ferme :
réservant les droits éventuels d’autres Etats tiers 2, elle relève, avec la plus grande netteté,
qu’une délimitation entre le Honduras et le Nica ragua se prolongeant «vers l’est au-delà du
82 eméridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait [ce qui est] le cas de la bissectrice retenue
par la Cour) ne porterait [ne porte] en réalité p as préjudice aux droits de la Colombie, dans la
mesure où les droits de cette dernière en vertu de ce traité ne s’étendent pas au nord du
e
15 parallèle» (C.I.J. Recueil 2007 (II), p.759, par.316) ⎯j’ai cité votre arrêt mais en
remplaçant le conditionnel par le présent puisque, sur la base de ce raisonnement, telle a été,
effectivement, la délimitation re tenue par la Cour. Je reviendr ai dans quelques instants de
manière plus spécifique sur les implications ⎯ ou, plutôt, l’absence d’implication, du traité
de1986 aux fins de l’appréciation de l’intérêt qu’invoque le Honduras à l’appui de son
intervention.
[Projection n o3-3]
20. Mais pour l’instant, on ne saurait difficilement être plus clair : quoi que la Cour décide en
la présente affaire, la frontière entre le Nicara gua et le Honduras, qui est complètement délimitée,
n’est pas susceptible d’être remise en cause. En outre, plus spécifiquement, sa décision ne peut
porter atteinte aux droits de la Colombie, tels que ceux résultant du traité de 1986 avec le Honduras
ou de celui de 1928 avec le Nicaragua ; et cela est vrai quand bien même on donnerait de celui-ci
⎯ traité de 1928 ⎯ l’interprétation extrême que le Honduras avait avancée, dans son
empressement à défendre les intérêts de la Colombie ⎯une interprétation que le Nicaragua
considère comme indéfendable (mais ce n’est pas le sujet du jour).
o
[Fin de la projection n 3]
20Voir not. C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 318. - 22 -
21. Il est vrai que, par une formule habilement ciselée qui figure au paragraphe15 de sa
requête, le Honduras tente de contourner l’autorité de la chose jugée: il se défend de viser «à
21
remettre en cause la res judicata du dispositif de l’arrêt du 8octobre2007» , laissant du même
coup entendre que, pour les motifs, c’est autre chose… Et, lundi, sir Michael, moins allusivement
(mais fort longuement 22), s’est montré plus ouvertement défensif sur ce point : «the res judicata of
23
the 2007 Judgment is contained in, and limited to, the dispositif set forth in paragraph 321» .
22. Or, selon une jurisprudence véné rable, qui remonte à l’affaire des Fonds pieux des
Californies :
«toutes les parties d’un jugement ou d’un a rrêt concernant les points débattus au litige
s’éclairent et se complètent mutuellement et … elles servent toutes à préciser le sens et
la portée du dispositif, à déterminer les points 24r lesquels il y a chose jugée et qui
partant ne peuvent être remis en question» .
Et ceci a été constamment confirmé depuis lors à l’occasion de requêtes en interprétation ou en
revision notamment ; et c’est ce qu’a red it en termes d’une très grande clarté ⎯ et en se référant à
l’autorité de la CPJI dans l’affaire de l’ Usine de Chorzów ⎯ le tribunal arbitral dans l’affaire de la
Délimitation du plateau continental franco-britannique :
«Le tribunal arbitral considère comme bien établi que, dans la procédure
internationale, l’autorité de la chose jug ée, c’est-à-dire la force obligatoire de la
décision, ne s’attache en principe qu’au contenu du dispositif et non pas aux motifs de
la décision. De l’avis du tribunal, il est également clair que, étant donné les liens
étroits existant entre les mo tifs d’une décision et le cont enu du dispositif, on peut en
principe recourir aux motifs pour élucider le sens et la portée du dispositif. Il en
résulte que, sous certaines conditions et da ns certaines limites, on peut fort bien
invoquer les motifs d’une d25ision à l’a ppui d’une demande d’interprétation du
contenu du dispositif[ ]. … De plus, si certaines constatations figurant dans les
motifs constituent une condition essentielle de la décision contenue dans le dispositif,
ces constatations doivent être considérées comm26faisant partie des points tranchés
avec force obligatoire dans la décision.»
Telle est également la position de la Cour actuelle qui estime que l’autorité de la chose jugée
s’étend au dispositif bien sûr, mais aussi a ux «motifs…dans la mesure où ceux-ci sont
21 CR 2010/18, p. 38, par. 25, ou p. 39, par. 27 (Wood) ; voir aussi requête à fin d’intervention, p. 4, par. 15.
22
Ibid., p. 38-40, par. 27-30.
23
Ibid., p. 38, par. 25.
24 Décision arbitrale, 14 octobre 1902, Fonds pieux des Californies (Etats-Unis c. Mexique), RSA, vol. IX, p. 12.
25 Cf. affaire de l’Usine de Chorzów, fond, arrêt n 13, 1928, C.P.J.I. série A n° 13, p. 11.
26 Décision arbitrale, 14 mars 1978, Délimitation du plateau continental entre Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord et République française, RSA, vol. XVIII, p. 365-366, par. 28. - 23 -
inséparables du dispositif» (Demande en interprétation de l’arrêt du 11 juin 1998 en l’affaire de la
Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria), exceptions
préliminaires (Nigéria c.Cameroun), arrêt , C.I.J. Recueil 1999, p.35, par.10) 27. C’est d’ailleurs
très exactement ce qu’a dit la Cour dans un autr e arrêt de2007, celui rendu dans l’affaire du
Génocide et qu’a cité sirMichael; elle y évoque: «les questions qui ont été tranchées, le cas
échéant implicitement, avec force de chose jugée» (Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie- Herzégovine c.Serbie-et-Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 95, par. 126 ; les italiques sont de nous) ou, selon le texte anglais, encore
plus clair : «the issues . . . which are entailed in the decision of those issues » ; et elle ajoute qu’«il
peut être nécessaire de lire une conclusion générale dans son contexte afin de déterminer si elle
recouvre tel point particulier» (ibid. ; les italiques sont de nous).
23. Les motifs de l’arrêt de 2007 (l’arrêt Nicaragua c. Honduras cette fois) auxquels j’ai fait
référence, constituent la base nécessaire de la décision prise par la Cour en ce qui concerne la partie
terminale de la frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras et ils l’éclairent si elle pouvait
sembler obscure ⎯ce qu’elle n’est pas malgré le zèle avec lequel sirMichael s’emploie à en
obscurcir le sens. Car, j’y insiste, quand bien même on s’en tiendrait au troisième point du
dispositif, sans se référer aux motifs qui le soutiennent , la situation serait claire: cette frontière a
été déterminée en son entier et le Honduras ne peut faire valoir aucun intérêt juridique qui soit
susceptible d’être affecté par le futur arrêt de la Cour dans l’affaire Nicaragua c. Colombie ⎯ sauf
à remettre nécessairement en cause l’autorité de chose jugée de celui de 2007 :
28
⎯ la formule du paragraphe 3 du dispositif, que j’ai analysée tout à l’heure , est limpide : la ligne
d’azimut (qui constitue la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua) se poursuit
«jusqu’à atteindre…»; «jusqu’à», ce n’est pas «en direction de»; c’est…jusqu’à! ⎯ cela
signifie «tant qu’elle n’aura pas atteint» la zone indiquée où se situe son point terminal ;
⎯ et les croquis qui illustrent ce dispositif et sont insérés aux pages761 et762 de l’arrêt ne
laissent aucun doute sur la signification de celui-ci.
27
Voir aussi Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Ind onésie/Malaisie), requête à fin d’intervention,
arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 596, par. 47, et Shabtai Rosenne, The Law and Practice of the International Court , vol. III,
Martinus Nijhoff Publishers, 2006, p. 1603.
28Voir supra, par. 10-15. - 24 -
24. A propos de croquis, ceux que le Honduras a inclus dans son «dossier des juges» de lundi
méritent quelques commentaires.
o o
[Projection n 4 : Dossier des juges du Honduras (MW3) (croquis n 8 de l’arrêt de 2007)]
25. Commençons par celui de l’onglet 8 (pas l’ onglet 8 de notre dossier mais de celui du
Honduras de lundi). Il reproduit l’un des deux croqui s insérés dans l’arrêt de 2007 afin d’illustrer
son dispositif. Deux choses sont à noter. La flèche d’abord ⎯qui confirme qu’évidemment la
e
frontière maritime fixée par l’arrêt ne s’arrête pas au 82 méridien. Mais aussi, et plus encore, que
le Honduras a choisi d’inclure ce croquis-ci ⎯ mais pas celui-là que l’on projette maintenant.
o o
[Projection n 5 : Croquis n 7 ⎯ arrêt de 2007]
26. Alors même que
⎯ celui que le Honduras a reproduit n’est que l’ag randissement d’une petite partie du premier
croquis ⎯ celui qu’il n’a pas produit et que vous voyez ici ;
⎯ celui que vous voyez à l’écran (et qui figure aussi à l’onglet 6 de votre dossier d’aujourd’hui)
e
comporte une ligne en pointillés (les pointillés commencent après le 82 méridien au
demeurant) qui remonte très loin vers le nord-est et pointe en direction d’un Etat tiers ;
⎯ qui se trouve ne pas être la Colombie, mais la Jamaïque.
[Projection n o6: Dossier des juges du Honduras (LBC 1) (carte montrant l’emplacement des
concessions pétrolières)]
27. Et, chose extraordinaire, dans aucun des cinqcroquis que le Honduras vous a
communiqués cette ligne, cruciale pourtant, ne figure (à une nuance près sur laquelle je vais revenir
dans un instant).
28. Celui qui est projeté en ce moment est spéci alement intéressant. Au prétexte d’informer
la Cour de la «réalité factuelle» 29, le Honduras n’a pas hésité à reproduire un schéma censé illustrer
l’emplacement des concessions pétrolières, schéma qu’il avait déjà produit lors des plaidoiries
de2007 et à y laisser figurer la mention «La ligne hondurienne» («The Honduran Line»). C’est
audacieux... C’est même téméraire si l’on s uperpose la ligne de l’arrêt de 2007 qui est res judicata
⎯et dont il résulte que le Honduras ne pouvait évid emment concéder quoi que ce soit au sud de
29CR 2010/18, p. 52-53, par. 13 (Boisson de Chazournes). - 25 -
celle-ci. Voici une illustration particulièrement frappante de la remise en cause par le Honduras de
la ligne décidée par la Cour.
[Projection n 7 : Dossier des juges du Honduras (CLC 1) ( carte montrant la zone à délimiter entre
le Nicaragua et le Honduras dans la requête aux fins d’intervention)]
29. Les autres croquis qui vous ont été remis lundi conduisent aux mêmes conclusions.
Ainsi, sur celui-ci, le Honduras a fait figurer le rectangle sur lequel il prétend pouvoir faire valoir
des droits (et dont je reparlerai plus longuement dans quelques instants), mais pas la ligne de l’arrêt
⎯que nous avons ajoutée. Et une autre pe tite remarque: la ligne rouge qui est supposée
représenter celle fixée par le traité de1986 entr e la Colombie et le Honduras est indiquée comme
e
passant juste au-dessus ⎯ au nord ⎯ du 15 parallèle; or, en réalité, comme je le préciserai dans
une minute, celle que prévoit ce traité passe légèrement en dessous ⎯ au sud de ce parallèle.
o
[Projection n 8 : Dossier des juges du Honduras (MW 1) (croquis montrant les lignes du traité de
délimitation maritime entre le Honduras et la Colombie de1986 et du traité de délimitation
maritime entre la Colombie et la Jamaïque de 1993)]
30. La même remarque vaut en ce qui concerne le croquis «MW1» de lundi dernier, qui est
identique, le rectangle mis à part, et sur lequel l’ajout de la ligne de l’arrêt est tout aussi parlant:
foin de la res judicata !
[Projection n o9: Dossier des juges du Honduras (MW2) (reproduction du croquis n o3.1 de la
réplique du Nicaragua du 18 septembre 2010, vol. II)]
31. Le Honduras fait grand cas de ce schéma-ci dont il caractérise quelque peu la portée,
30
comme le Costa Rica l’avait fait la semaine dernière : il s’agit à l’évidence de la zone pertinente
aux fins de la délimitation entre la Colombie et le Nicaragua et les limites horizontales de cette
zone, qui est la zone étant figurée en rose sur la carte, ne sont pas celles que la Partie
nicaraguayenne a prié la Cour de tracer ⎯elle n’a formulé aucune conclusion sur ce point et la
question est hors de cause. Il est fâcheux que si r Michael ait cité très incomplètement ce qu’avait
dit mon collègue et ami Paul Reichler à cet égard la semaine dernière: «The consequence of the
adoption by the Court of this boundary with Colombia, is that, as between those two States only,
30CR 2010/12, p. 39, par. 26 (Lathrop) ; ibid., p. 52, par. 13 (Ugalde). - 26 -
the waters on the Nicaraguan, or western side of the boundary would appertain to Nicaragua not
Colombia . . .» 31. Et sirMichael s’est arrêté ici pour poser une question: «Qu’est-ce que cela
signifie?» («What does that mean?») 32 Question censée refléter ses «sérieuses préoccupations»
(«grave concerns») ⎯ alors que l’avocat du Nicaragua y avait répondu par avance :
«the boundary would appertain to Nicaragua not Colombia, except for the enclaved
areas around Colombia’s islands.
This boundary between Nicaragua and Colombia would not have any impact on
the rights of Costa Rica, Panama or any other third State. It is «relational» ⎯ to use
Professor Crawford’s word ⎯ only to Nicaragua and Colombia; it is a boundary
relative only to Nicaragua and Colombia. Nicaragua has never intended it to be
applicable to any third State, as it thought it had made perfectly clear in its written
33 34 35
pleadings , and certainly emphasized in the first round... »
«What does that mean?». Si notre contradicteur avait cité complètement ce qu’avait dit
e
M Reichler, il le saurait, c’était très clair : cela signifie que le Nicaragua entend que les droits des
tiers soient pleinement préservés dans la présente affaire, comme ils l’ont été par l’arrêt de 2007 à
l’égard des pays qui étaient alors tiers.
32. Mais revenons à notre croquis et aux con séquences que le Honduras en tire. Il montre
très précisément le contraire de ce qu’il veut lui faire dire. Au fond ce croquis est le seul sur lequel,
par inadvertance visiblement, le H onduras a laissé figurer la ligne de2007 ⎯il est vrai que c’est
un croquis nicaraguayen…Et ce qu’il montre, c’est que le Nicaragua, pour sa part, s’en tient
strictement à la chose jugée en2007. Ni plus, ni moins, cela a déjà été dit par l’agent tout à
l’heure.
[Projection n o10: Dossier des juges du Honduras (MW4) (reproduction du croquis n o3.1 de la
réplique du Nicaragua du 18 septembre 2010, vol. II avec l’ajout de la ligne du traité de 1986 et de
la ligne médiane revendiquée par la Colombie)]
31
Costa Rica 2010/18, p. 36, par. 18 (Wood citant Reichler, CR 2010/16, p. 22) ; les italiques sont dans l’original.
32
Ibid. (Wood).
33«MN, par. 3.92 («the only consistent principle to emerge from the case law is the principle that the Court lacks
the competence to make determinations which may affect the claims of third States»).»
34«CR 2010/13, p. 33, par. 16 (Reichler) ; emphasis added.»
35CR 2010/18, p. 36, par. 17. - 27 -
33. Le croquis suivant ⎯ qui est le dernier ⎯ appelle les mêmes remarques. Le Honduras y
a ajouté la ligne colombienne prétendument d’équi distance et celle du traité de1986: cela, de
nouveau, confirme de manière écl atante que ce qui oppose les Pa rties à l’affaire principale ⎯ le
Nicaragua à la Colombie ⎯ ne présente, et ne peut présenter, aucun intérêt juridique pour le
Honduras ; tout se passe en deçà de la ligne décidée av ec force de chose jugée en 2007. C’est fini.
C’est jugé. Le Honduras n’est plus, n’est pas, concerné. S’il a un intérêt juridique ce ne peut être
qu’au nord de la ligne d’azimut fixée par l’arrêt de 2007. Aucun intérêt ne peut être, ni n’est, «pour
lui en cause» dans le différend que la Cour doit trancher entre le Nicaragua et la Colombie.
[Fin de la projection no10]
II. L’ABSENCE D ’INTÉRÊT JURIDIQUE DE NATURE À JUSTIFIER
L’INTERVENTION DU H ONDURAS
34. Mesdames et Messieurs les juges, l’incomp atibilité de la requête à fin d’intervention du
Honduras avec le principe fondamental de l’autorité de la chose jugée exclut que vous puissiez
donner une suite positive à cette demande. Et le traité de 1986 n’y peut rien changer. Il s’agit là
d’un argument fort secondaire mais auquel le Honduras s’accroche comme le naufragé à son radeau
⎯et je ne doute pas que la Colombie tentera t out à l’heure de lui lancer (en vain) une bouée
secourable. C’est donc seulement pour surplus de droit que je vais m’employer à établir
brièvement que, bien entendu, le Honduras ne peut tenir en échec le principe fondamental de la
res judicata en invoquant le traité de délimitation maritime qu’il a conclu en 1986 avec la
Colombie.
35. Le Honduras prétend s’en justifier de la manière suivante :
«Le traité de 1986 entre le Honduras et la Colombee énonce les droits du
Honduras dans [la] zone maritime [située au nord du 15 parallèle sur laquelle ces
deux Etats possèderaient des droits]. Aussi, toute prétention du Nicaragua sur les
e
espaces maritimes situés au nord du 15 parallèle risque d’affecter les droits et intérêts
du Honduras en tant qu’Etat tiers comme il a été reconnu par la Cour dans son arrêt
d’octobre 2007. En tant que tel, le H onduras possède un intérêt juridique réel, actuel,
direct, concret dans la délimitation des esp aces maritimes dans la zone au nord du
36
tracé frontalier résultant du traité de 1986.»
36Requête à fin d’intervention du Honduras, p. 3, par. 12 ; voir aussi CR 2010/18, p. 15, par. 7 (López Contreras),
ibid., p. 42-43, par. 38, ou p. 43- 44, par. 40-43 (Wood). - 28 -
36. D’emblée, il convient, je crois, de bien situer le contexte et de ne pas confondre les
rôles : dans son arrêt de 2007 la Cour s’est interrogé e sur les droits éventuels des Etats tiers dans la
zone dans laquelle devait interven ir la délimitation demandée par le Nicaragua; et elle a fait en
sorte que sa décision ne porte aucune atteinte aux droits de ces tiers, au nombre desquels se trouvait
la Colombie. Le Honduras était, pour sa part, Partie au différend et est lié par l’arrêt. Aujourd’hui,
c’est la Colombie qui est Partie à l’instance; le Honduras est tiers et, à ce titre, il formule une
requête à fin d’intervention. Je sais bien qu’il demande aussi à intervenir en tant que partie mais je
ne vois pas en quoi ceci le dispenserait de respecter l’arrêt de 2007 et de faire face aux
conséquences qui en résultent à son égard.
37. C’est d’ailleurs pour cela que la question est subsidiaire ; et comme l’argumentation pour
y répondre recoupe largement celle que j’ai expo sée jusqu’à présent dans une perspective plus
générale, je serai bref.
o
[Projection n 11 : Le rectangle du Honduras]
38. Le raisonnement est d’ailleurs simple, dès lors que l’on se reporte à un croquis. Je n’ai
guère d’appétence pour les cartes, Monsieur le président, ni de sympathie pour Napoléon, mais sur
ce point au moins il avait raison : «un petit croquis vaut mieux qu’un long rapport».
39. Celui qui est projeté sur l’écran re produit l’annexe B aux observations écrites du
Nicaragua. Il fait apparaître, en hachures vertes, un rectangle représentant l’intérêt juridique dont
le Honduras prétend se prévaloir.
o
[Projection n 11-1]
Ce rectangle n’est pas une invention du Nicaragua, il est décrit avec précision dans le
paragraphe 17 de la requête hondurienne à fin d’intervention :
«La zone dans laquelle se trouvent situ és les intérêts d’ordre juridique qui
pourraient être affectés par la décision de la Cour dans l’instance pendante est
contenue approximativement dans un rect angle dont le point de départ est
l’intersection du 82 méridien et du parallèle 14°59' 08". Se dirigeant vers l’est, la
e
limite inférieure suit ce parallèle jusqu’au 80 méridien et le côté du rectangle oriental
remonte vers le nord le long de ce méridi en jusqu’au point d’intersection avec le
parallèle 16°20'; de là, la limite septentri onale se dirige vers l’ouest en suivant ce
parallèle jusqu’à son intersection avec le 82 méridien et le côté occidental du rectangle
redescend le long de ce dernier jusqu’au point de départ.»
Je crois que Napoléon avait raison : c’est plus clair sur le croquis ! - 29 -
40. C’est ainsi que le Honduras lui-même définit son propre intérêt juridique à intervenir.
Nous ne sommes concernés par rien d’autre.
[Projection 11-2]
41. Ce rectangle est partagé de bout en bout entre les Parties à l’affaire qui a donné lieu à
l’arrêt de 2007. Nous sommes, si je puis dire «en pleine res judicata» : la ligne de 2007 attribue ce
rectangle, avec l’autorité qui s’a ttache à la chose jugée, au Honduras ⎯ au nord-ouest ⎯ et au
Nicaragua ⎯ au sud-est.
42. Je sais bien, Monsieur le président, que l’au torité de la chose jugée n’est que relative et
que comme tous les arrêts de la Cour, celui de 2007 «n’est obligatoire que pour les parties en litige
et dans le cas qui a été décidé». Et que, dès lors , il ne lie pas la Colombie. Il est, pour elle,
res inter alios judicata, comme le traité honduro-colombien de 1986 est res inter alios acta
vis-à-vis du Nicaragua ⎯ ce que la Colombie elle-même a sou ligné dans son c ontre-mémoire :
«The question of delimitation between Colombia and Nicaragua is the subject-matter of the present
proceedings ⎯ a matter which the Colombia-Honduras Agreement did not deal with.» 37
43. Mais cet accord n’en a pas moins son rôle à jouer dans notre affaire : il indique la limite
que la Colombie a reconnu être son intérêt juridique dans la zone à délimiter. Voyons ce qu’il en
est sur le croquis où M.John Brown a fait figurer la ligne décrite à l’article premier du traité de
1986 ⎯ que je lis :
«La frontière maritime entre la République de Colombie et la République du
Honduras est constituée par des lignes géodésiques unissant les points situ
és aux
coordonnées suivantes :
Point n °1: Lat. 14° 59' 08" N Long. 82° 00' 00" O
o
Point n °2: Lat. 14° 59' 08"N Long. 79° 56' 00" O».
Autrement dit, dans un premier te mps, le traité de 1986 prévoit que la limite maritime entre la
Colombie et le Honduras suit ⎯ sur 120 milles marins ⎯ le parallèle 14° 59' 08" nord, qui est situé
très légèrement au sud du côté méridional du re ctangle censé illustrer l’intérêt juridique du
Honduras. Ensuite, la ligne monte vers le nord le long du méridien 79° 56' 00" de longitude ouest,
«jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers»
37
Contre-mémoire de la Colombie (CMC), p. 361, par. 8.53. - 30 -
(C.I.J. Recueil 2007 (II), p.761, par.321.3) (dispositif)) (je si gnale d’ailleurs que la flèche sur le
e
schéma de la Cour va au-delà du 80 méridien), au nord de la zone d’exploitation conjointe prévue
par le traité du 12novembre1993 entre la Colomb ie et la Jamaïque, traité que la Partie
38
colombienne oppose au Nicaragua .
44. Monsieur le président, la Jamaïque pour sa part n’est pas présente à l’instance. La Cour
ne manquera évidemment pas de continue r à préserver les intérêts de ce pays ⎯ comme, du reste,
elle l’a fait dans son arrêt de2007, dans lequel elle a déclaré que la frontière maritime entre le
e
Nicaragua et le Honduras «s’étend au-delà du 82 méridien sans porter atteinte aux droits d’Etats
tiers» (C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 319), mais sans en indiquer le point terminal (voir ibid.
et dispositif, p. 763, par. 321.3)). De toute évidence, même si elle n’est pas citée, ceci concerne la
Jamaïque qui n’est pas partie à l’instance principale et n’a pas demandé à y intervenir, et qui n’était
pas partie dans l’affaire qui a donné lieu à l’a rrêt de2007. De cette manière, cette décision
préserve intégralement les droits de ce pays, doubl ement et complètement tiers. C’est d’ailleurs
aussi pour cela que la Cour ne pourrait, de toute f açon, fixer un point triple qui marquerait le point
terminal de la frontière maritime du Nicaragua avec le Honduras: une telle fixation impliquerait
nécessairement la Jamaïque qui n’est pas partie à l’instance principale.
45. La limite prévue par le traité de1986 c ontourne le rectangle dans lequel le Honduras
prétend faire valoir un intérêt juridique. Et je comprends, Monsieur le président, que, au mépris
des préceptes napoléoniens, le Honduras se soit abstenu de joindre à sa requête à fin d’intervention
le moindre croquis illustrant ses intérêts juridiques allégués et que le seul schéma que, contraint et
forcé, il ait produit lundi dernier à cette fin (sous l’onglet1 de son dossier de plaidoirie) se garde
d’y faire figurer la ligne de l’arrêt de 2007. Cela aurait montré trop clairement qu’il n’a aucun droit
à intervenir dans l’affaire qui op pose le Nicaragua à la Colombie ⎯ et ceci de son aveu même : le
rectangle dont il se prévaut parle pour lui, ou plutôt contre lui…
38Voir CMC, p. 238, par. 4.188 ; p. 324, par. 7.28 ; p.350, par. 8.26 ou p. 358-359, par. 8.46 - 8.47; réplique de
la Colombie, p. 194, par. 5.62 ; p. 195, par. 5.67 ; ou p. 295, par. 8.45. - 31 -
46. Les traités sont sacrés ? Certes. Mais à c ondition de ne pas porter atteinte aux droits des
tiers ⎯ à l’égard desquels ils sont res inter alios acta ; car si pacta sunt servanda 39, il est tout aussi
40
établi que pacta tertiis nec prosunt, nec nocent . Ce sont les traités valides qui doivent être
respectés; pas ceux qui tentent de disposer des droits ou, pis, du territoire d’autrui. Et le traité
de1986 ne saurait être opposé au Nicaragua dès lors que, loin d’établir «objectivement» une
frontière qui partage des territoires ne faisant l’objet d’aucune réclamation de la part d’un tiers, il
empiète sur les droits souverains de celui-ci ⎯ comme la Cour l’a consta té dans son arrêt de 2007,
qui est res judicata pour le Honduras.
47. Et mon ami et contradicteur sir Michael Wood de se lamenter :
«assuming arguendo that Nicaragua’s claim were correct, Honduras would then find
itself with conflicting bilateral obligations . On the one hand, it has legal rights
vis-à-vis Colombia under the 1986 Treaty. On the other, it could have conflicting
obligations under the 2007 Judgment vis-à-vis Nicaragua» . 41
Peut-être bien… Mais il n’y a rien que la Cour puisse faire pour consoler sir Michael ! C’est son
client, le Honduras, qui s’est mis dans cette position en concluant le traité de 1986 au détriment du
Nicaragua ; et la haute juridiction a d’ores et déjà décidé qu’il n’aurait pas dû faire ceci.
48. Quant à la Colombie, elle est intéressée par son côté de la ligne de 1986, qui suit le
42
parallèle 14°59'08", c’est-à-dire par la zone située au sud de cette ligne . Dans cette zone, la
Colombie peut faire valoir les droits qu’elle estim e détenir dans le cadre de la présente instance et
le Nicaragua peut les contester; mais aucun intérêt juridique du Honduras n’est en cause à cet
égard. L’arrêt du 8octobre2007 a circonscrit ce prétendu intérêt hondurien clairement,
fermement, et définitivement ⎯il n’est pas en cause dans l’affaire dont le Nicaragua a saisi la
Cour contre la Colombie et pour laquelle la ha ute juridiction s’est reconnue compétente par son
arrêt de 2007 ⎯ de 2007 lui aussi, mais du 13 décembre 2007.
o
[Fin de la projection n 11]
39
Cf. l’article 26 de la convention de Vienne de 1969 sur le droit des traités. Voir CR2010/18, p.14, par.4
(López Contreras).
40
Cf. l’article 34 de la convention de Vienne.
41CR 2010/18, p. 43, par. 39 (Wood).
42C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 316. - 32 -
49. Monsieur le président, comme la Cour l’a dit avec force le principe de la res judicata
43
⎯dont on voit mal comment il pourrait être qualifié de «subterfuge juridique» ⎯ présente un
«caractère fondamental [qui] ressort des termes du Statut de la Cour et de la Charte des
Nations Unies» :
«Selon ce principe, les décisions de la Cour sont non seulement obligatoires
pour les parties, mais elles sont définitives, en ce sens qu’elles ne peuvent être remises
en cause par les parties pour ce qui est des questions que ces décisions ont tranchées,
en dehors des procédures spécialement prévues à cet effet [par les articles 60 et 61 du
Statut], qui présentent un caractère exceptionnel...
116. Le principe de l’autorité de la chose jugée répond, tant dans l’ordre
international que dans l’ordre interne, à deux objectifs, l’un général, l’autre particulier.
Premièrement, la stabilité des relations juridiques exige qu’il soit mis un terme
au différend considéré. La fonction de la Cour est, selon l’article38 du Statut, de
«régler» les «différends qui lui sont s oumis», c’est-à-dire d’y mettre un terme.
Deuxièmement, il est dans l’intérêt de chac une des parties qu’une affaire qui a d’ores
et déjà été tranchée en sa faveur ne soit pas rouverte.» (Application de la convention
pour la prévention et la répression du cri me de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 90-91, par. 115-116.)
50. En cherchant à remettre en cause l’arrêt du 8 octobre 2007, au mépris de l’article 59 du
Statut, le Honduras met en danger la stabilité des relations juridiques et oublie fâcheusement que
«les énonciations de l’arrêt de la Cour sont définitives et contra ignantes» et qu’«elles demeurent
dans tous les cas non pas à titre de proposition faite par la Cour aux Parties mais comme ce que la
Cour elle-même a établi» ( Demande en revision et en interprétation de l’arrêt du 24février1982
en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c.Jamahiriya
arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 219, par. 48). Les prononcés de 2007 ne sont pas des
recommandations ou des propositions faites aux Parties ; elles s’imposent à elles et l’instance entre
le Nicaragua et la Colombie ne saurait cons tituer un prétexte donné au Honduras pour s’en
affranchir.
51. Mesdames et Messieurs de la Cour, je vous remercie bien vivement d’avoir prêté
attention à mes propos, qui marquent la fin des plaidoiries du premier tour de la République du
Nicaragua.
43
CR 2010/18, p. 19, par. 2 (Boisson de Chazournes). - 33 -
The PRESIDENT: I thank ProfessorAlainPelle t for his presentation. The statement by
Professor Alain Pellet brings to an end the first round of oral argument of Nicaragua.
The Court rose at 10.40 a.m.
___________
Public sitting held on Wednesday 20 October 2010, at 9.30 a.m., at the Peace Palace, President Owada presiding, in the case concerning the Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia) - Application by Honduras for permission to intervene