Non corrigé
Uncorrected
CR 2010/4
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THAEGUE
ANNÉE 2010
Audience publique
tenue le lundi 26 avril 2010, à 15 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Tomka, vice-président,
faisant fonction de président
en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2010
Public sitting
held on Monday 26 April 2010, at 3 p.m., at the Peace Palace,
Vice-President Tomka, Acting President, presiding,
in the case concerning Ahmadou Sadio Diallo
(Republic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire
Al-KMhas.awneh
Simma
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Crinçade
Yusuf
Grejugesood,
MaMhiou.,
Mjugepsuya, ad hoc
Cgoefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Vice-President Tomka, Acting President
Al-KhaJswgesh
Simma
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Trindade Cançado
Yusuf
Greenwood
Judges ad hoc Mahiou
Mampuya
Couvrisrar
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement de la République de Guinée est représenté par :
le colonel Siba Lohalamou, ministre de la justice, garde des sceaux,
comme chef de la délégation ;
Mme Djénabou Saïfon Diallo, ministre de la coopération ;
M. Mohamed Camara, premier conseiller chargé des questions politiques à l’ambassade de Guinée
auprès des pays du Benelux et de l’Union européenne,
comme agent ;
M.AlainPellet, professeur à l’Université ParisOuest, Nanterre-LaDéfense, membre et ancien
président de la Commission du droit international, associé de l’Institut de droit international,
comme agent adjoint, conseil et avocat ;
M. Mathias Forteau, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, secrétaire général
de la Société française pour le droit international,
M.Daniel Müller, chercheur au Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Université
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Pa ris Ouest, Nanterre-La Défense, directeur du
Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), avocat au barreau de Paris, cabinet Sygna
Partners,
M. Luke Vidal, avocat au barreau de Paris, cabinet Sygna Partners,
M. Samuel Wordsworth, membre des barreaux d’Angleterre et de Paris, Essex Court Chambers,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Ahmed Tidiane Sakho, ambassadeur de la République de Guinée auprès des pays du
Benelux et de l’Union européenne,
M. Alfred Mathos, agent judiciaire de l’Etat,
M. Hassan II Diallo, conseiller juridique du premier ministre de la République de Guinée,
M. Ousmane Diao Balde, directeur de la division juridique et consulaire au ministère des affaires
étrangères,
M. André Saféla Leno, président de la chambre d’accusation de la Cour d’appel de Conakry,
S. Exc. M. Abdoulaye Sylla, ancien ambassadeur,
comme conseillers ;
M. Ahmadou Sadio Diallo, homme d’affaires. - 5 -
The Government of the Republic of Guinea is represented by:
Colonel Siba Lohalamou, Minister of Justice, Keeper of the Seals,
as Head of Delegation ;
Ms Djénabou Saïfon Diallo, Minister of Co-operation;
Mr.Mohamed Camara, First Counsellor for Political Affairs, Embassy of Guinea in the Benelux
countries and in the European Union,
as Agent;
Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisOuest, Nanterre-La Défense, Member and
former Chairman of the International Law Co mmission, Associate of the Institut de droit
international,
as Deputy Agent, Counsel and Advocate;
MrM. athias Forteau, Professor at the Univers ity of PariOuest, Nanterre-La Défense,
Secretary-General of the Société française pour le droit international,
Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
Mr.Jean-Marc Thouvenin, Professor at the Univer sity of ParisOuest, Nanterre-La Défense,
Director of the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), member of the Paris Bar,
Cabinet Sygna Partners,
Mr. Luke Vidal, member of the Paris Bar, Cabinet Sygna Partners,
Mr. Samuel Wordsworth, member of the English and Paris Bars, Essex Court Chambers,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr.AhmedTidianeSakho, Ambassador of th e Republic of Guinea to the Benelux countries
and to the European Union,
Mr. Alfred Mathos, Judicial Agent of the State,
Mr. Hassan II Diallo, Legal Adviser to the Prime Minister of the Republic of Guinea,
Mr. Ousmane Diao Balde, Director of the Legal a nd Consular Division of the Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. André Saféla Leno, President of the Indictments Division of the Court of Appeal of Conakry,
H.E. Mr. Abdoulaye Sylla, former Ambassador,
as Advisers;
Mr. Ahmadou Sadio Diallo, businessman. - 6 -
Le Gouvernement de la République démocratique du Congo est représenté par :
S.Exc.M. Henri Mova Sakanyi, ambassadeur de la République démocratique du Congo auprès du
Royaume de Belgique, du Royaume des Pays-Bas et du Grand-Duché de Luxembourg,
comme agent et chef de la délégation ;
M.Tshibangu Kalala, professeur de droit international à l’Université de Kinshasa, avocat aux
barreaux de Kinshasa et de Bruxelles, député au Parlement congolais,
comme coagent, conseil et avocat ;
M.Lwamba Katansi, professeur à l’Université de Kinshasa, conseiller juridique au cabinet du
ministre de la justice et des droits humains,
MmeCorine Clavé, avocat au barreau de Br uxelles, cabinet Liedeker ke-Wolters-Waelbroeck-
Kirkpatrick,
M. Kadima Mukadi, avocat au barreau de Kinshasa, cabinet Tshibangu et associés,
M. Bukasa Kabeya, avocat au barreau de Kinshasa, cabinet Tshibangu et associés,
M. Kikangala Ngoie, avocat au barreau de Bruxelles,
M. Moma Kazimbwa Kalumba, avocat au barreau de Bruxelles, avocat-conseil de l’ambassade de
la République démocratique du Congo à Bruxelles,
M. Tshimpangila Lufuluabo, avocat au barreau de Bruxelles,
MmeMwenze Kisonga Pierrette, chef du service ju ridique et du contentieux à l’ambassade de la
République démocratique du Congo à Bruxelles,
M. Kalume Mabingo, conseiller juridique à l’amba ssade de la République démocratique du Congo
à Bruxelles,
comme conseillers ;
M. Mukendi Tshibangu, chargé de recherches au cabinet Tshibangu et associés,
Mme Ali Feza, chargé d’études au cabinet du ministre de la justice et des droits humains,
M. Makaya Kiela, chargé d’études au cabinet du ministre de la justice et des droits humains,
comme assistants. - 7 -
The Government of the Democratic Republic of the Congo is represented by:
H.E.Mr.Henri Mova Sakanyi, Ambassador of the Democratic Republic of the Congo to the
Kingdom of Belgium, the Kingdom of the Netherlands and the Grand Duchy of Luxembourg,
as Agent and Head of Delegation;
Mr. Tshibangu Kalala, Professor of International Law at the University of Kinshasa, member of the
Kinshasa and Brussels Bars, and Deputy, Congolese Parliament,
as Co-Agent, Counsel and Advocate;
Mr.Lwamba Katansi, Professor at the University of Kinshasa, Legal Adviser, Office of the
Minister of Justice and Human Rights;
MsCorinneClavé, member of the Brussels Bar, Cabinet Liedekerke-Wolters-Waelbroeck-
Kirkpatrick,
Mr. Kadima Mukadi, member of the Kinshasa Bar, Cabinet Tshibangu & Associés,
Mr. Bukasa Kabeya, member of the Kinshasa Bar, Cabinet Tshibangu & Associés,
Mr. Kikangala Ngoie, member of the Brussels Bar,
Mr.Moma Kazimbwa Kalumba, member of the Brussels Bar, Lawyer-Counsel, Embassy of the
Democratic Republic of the Congo in Brussels,
Mr. Tshimpangila Lufuluabo, member of the Brussels Bar,
MsMwenze Kisonga Pierrette, Head of the Lega l and Litigation Department, Embassy of the
Democratic Republic of the Congo in Brussels,
Mr.Kalume Mabingo, Legal Adviser, Embassy of the Democratic Republic of the Congo in
Brussels,
as Advisers;
Mr. Mukendi Tshibangu, Researcher, Cabinet Tshibangu & Associés,
Ms Ali Feza, Researcher, Office of the Minister of Justice and Human Rights,
Mr. Makaya Kiela, Researcher, Office of the Minister of Justice and Human Rights,
as Assistants. - 8 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est
ouverte. Avant de donner la parole au coagent de la République démocratique du Congo pour qu’il
puisse continuer sa plaidoirie, je voudrais tout d’a bord vous informer que la Cour, en conformité
avec l’article 53 du Règlement de la Cour, après s’ être renseignée auprès des Parties, a décidé que
des exemplaires des pièces de procédure et des documents annexés soient rendus accessibles au
public, aujourd’hui.
Deuxièmement, la Cour vient de recevoir une demande de la République démocratique du
Congo d’avoir un peu plus de temps afin de ré pondre à la question posée ce matin. Je voudrais
vous informer, Monsieur le coagent, que vous êtes libre, soit de répondre au cours de l’audience de
l’après-midi ou si vous avez besoin d’un peu pl us de recherche, vous pouvez répondre par écrit,
mais la réponse écrite doit être transmise au Greffe de la Cour à midi, douze heures demain mardi,
afin que la République de Guinée, si elle veut , peut commenter oralement au cours du deuxième
tour de plaidoiries. Et maintenant je vous don ne la parole, Maître Tshibangu Kalala. Vous avez la
parole Monsieur.
M.KALALA: Monsieur le président, je vous remercie pour m’avoir accordé la parole. Je
commence d’abord par la première question que vous m’aviez posée juste pour question
d’information à propos de la Constitution congolaise qui était en vigueur en1996 au moment de
l’expulsion de M.Diallo. Monsieur le président , Messieurs les juges, j’ai l’original de cette
Constitution avec moi ici, je l’ai amenée. Pour des raisons de commodité pour la Cour, j’ai fait une
photocopie qui sera versée dans le dossier de s juges que vous aurez pour que vous puissiez en
prendre connaissance. Alors, c’est long mais je vais vous lire l’article122 de cette Constitution.
Une seule phrase qui dit ceci: «Le présent acte ⎯donc la Constitution ⎯ entre en vigueur à la
date de sa promulgation. Fait à Gbadolité ⎯Gbadolité, c’est la ville où habitait le
président Mobutu ⎯ le 9 avril 994. Signé: Maréch al Mobutu Sese Seko» Donc, cette
Constitution est entrée en vigueur le 9avril1994, la date de sa promulgation. Et, l’article121 de
cette Constitution dit ceci: «Toutes les dispositions Constitutionnelles légales et réglementaires
contraires au présent acte Constitutionnel de transition sont abrogées.» Qu’est-ce que cela
signifie ? Cela signifie qu’en 1996 au moment de l’expulsion de M. Diallo, c’est cette Constitution - 9 -
qui était en vigueur. Elle n’est pas entrée en vigue ur en 1996, elle est entrée en vigueur en 1994 ;
le 9 avril 1994, date de sa promulgation. Elle n’est pas entrée en vigueur en 1996. Elle était là bien
avant et cette disposition de l’article121 juement annule toutes les dispositions qui étaient
contraires à cette Constitution, y compris donc, toutes les lois qui donnaient compétence au
président de la République alors que cette C onstitution donnait compétence au premier ministre
dans certaines matières et au gouvernement. Voilà ce que cela veut dire.
Maintenant, Monsieur le prési dent, je vais me prononcer sur la question qui a été posée par
le jugeCançado tout à l’heure. Maintenant la question est de savoir est-ce que je suis en mesure
d’y répondre tout de suite ou je demande un délai de réflexion ? Et bien je pense que Monsieur le
président, Messieurs les juges, vous imaginez vous -mêmes que j’ai un très grand respect, une très
grande admiration pour la Cour qui m’a posé ce tte question et je ne peux pas y répondre comme
cela à pied levé. Et bien, je préfère prendre le temps de la recherche. Comme vous l’avez souhaité,
demain avant douze heures, je pourrai remettre pa r écrit la réponse qui pourrait engager alors mon
pays, la République démocratique du Congo que je représente ici.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Merci et vous aurez cette occasion de
répondre par écrit demain et de déposer la réponse au plus tard à midi. Merci.
M.KALALA: Je vous remercie, Monsieur le pr ésident. Monsieur le président, vous me
donnez l’autorisation maintenant d’aborder la plaidoirie sur le fond de la question ?
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de préside nt : Bien sûr, vous êtes invité à continuer
votre plaidoirie.
M. KALALA :
LES DROITS PROPRES DE M. DIALLO EN TANT QU ’ASSOCIÉ DES SOCIÉTÉS
A FRICONTAINERS -ZAÏRE ET A FRICOM -ZAÏRE
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, je vais aborder au cours de cette plaidoirie la
deuxième question relative à la violation alléguée des droits propres de M. Diallo en tant qu’associé
des sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. - 10 -
I.LA RDC N ’A PAS VIOLÉ LES DROITS PROPRES DE M. D IALLO EN TANT QU ’ASSOCIÉ
2. Monsieur le président, Messieurs les juges, dans ses écritures et dans ses plaidoiries, la
Guinée accuse la RDC d’avoir violé les droits de M.Diallo en tant qu’associé à la suite de son
expulsion intervenue le 31janvier1996. Mais avant de contredire les arguments présentés à ce
sujet par l’Etat demandeur, je vais d’abord ra ppeler ce que la Cour a dit dans son arrêt du
24 mai 2007 sur les exceptions préliminaires concernant les droits dont la violation est alléguée par
le demandeur. La Cour a déclaré à ce propos ce qui suit :
«61. Comme la Cour l’a ra ppelé dans l’affaire de la Barcelona Traction, il
est … inutile d’examiner les multiples formes que prennent les différentes entités
juridiques dans le droit interne» ( C.I.J. Recueil 1970, p. 34, par. 40). Ce qui importe,
du point de vue du droit international, c’est de déterminer si celles-ci sont ou non
dotées d’une personnalité juridique indépendante de leurs membres. L’attribution à la
société d’une personnalité morale indépe ndante entraîne la reconnaissance à son
profit de droits sur son pa trimoine propre qu’elle est seule à même de protéger. En
conséquence, seul l’Etat national peut exercer la protection diplomatique de la société
lorsque ses droits sont atteints du fait d’ un acte illicite d’un autre Etat. Afin de
déterminer si une société possède une personnalité juridique indépendante et distincte,
le droit international renvoie aux règles du droit interne en la matière.
62. La Cour, afin de préciser la nature juridique des sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre, doit se référer au droit interne de la RDC et, en particulier, au
décret du 27février1887 sur les sociétés commerciales. Ce texte dispose, en son
article premier, que «[l]es sociétés commer ciales légalement reconnues conformément
au présent décret constitueront des indivi dualités juridiques distinctes de celles des
associés».
63. Le droit congolais attribue à la SPRL une personnalité juridique
indépendante et distincte de celle des associés, notamment en ce que le patrimoine des
associés est complètement séparé de celui de la société, et que ceux-ci ne sont
responsables des dettes de la société qu’à hauteur de leur apport à celle-ci. Il en
découle [point très important] que les créances et les dettes de la société à l’égard des
tiers relèvent respectivement des droits et des obligations de celle-ci. Ainsi que l’a
souligné la Cour dans l’affaire de la Barcelona Traction [encore un point
fondamental]: «Tant que la société subsis te, l’actionnaire n’a aucun droit à l’actif
social.» (C.I.J. Recueil 1970, p. 34, par. 41.) Ceci demeure la règle fondamentale en
la matière, qu’il s’agisse d’une SPRL ou d’une société anonyme.» ( Ahmadou Sadio
Diallo (République de Guinée c.République démocratique du Congo), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil2007 , p. 605-606, par. 61-63 ; les italiques sont de
nous.)
En conséquence poursuit la Cour, la Guinée ne peut endosser les réclamations que pourraient avoir
les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers envers la RDC. Ainsi, la Guinée ne peut faire valoir
d’atteintes au droit de propriété des biens ou des créances que ces sociétés, et non M.Diallo,
possédaient en tant que personnes morales. - 11 -
3. Monsieur le président, Messieurs les j uges, ces précisions étant apportées, je vais
m’employer au cours de la présente plaidoirie à examiner la question de savoir si l’expulsion de
M. Diallo en janvier 1996 du territoire congolais aurait entraîné une quelconque violation des droits
propres de M. Diallo en tant qu’associé ⎯ et j’insiste en tant qu’associé ⎯ dans ses relations avec
les sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre. Je vais examiner les droits propres de M. Diallo
en tant qu’associé tels qu’ils sont définis, comme la Cour l’a dit, dans le droit interne congolais afin
de démontrer que ces droits n’ont pas été violés en l’espèce dans le contexte de l’expulsion de
M.Diallo. Mais avant cela, je me permets de faire une observation généra le pour dire à la Cour
qu’il y a eu une discussion approfondie sur le concep t de droits propres des associés au cours de la
phase sur les exceptions préliminaires. La RDC n’entend pas revenir ici en détail sur ce qu’elle
avait exposé à ce sujet dans ses écritures. Je n’y re viendrai donc pas ici pour éviter des répétitions
inutiles. Je prie donc la Cour de bien vouloir s’y référer.
4. Dans son mémoire, le demandeur a cité l es droits propres de M.Diallo suivants comme
ayant été violés par la RDC. Il s’agit du droit à une part des bénéfices dans les sociétés, du droit de
propriété dans les sociétés, en particulier à l’égar d des parts sociales, du droit de choisir le gérant
des sociétés, du droit de surveiller et de contrôler tous les actes accomplis par la gérance et toutes
les opérations des sociétés et enfin du droit de prendre part aux assemblées générales. La RDC a
répondu dans son contre-mém oire aux allégations de la Guinée sur l’ensemble de ces droits dont
elle alléguait la violation. Mais dans sa réplique et dans ses plaidoiries de lundi dernier, la Guinée
n’a retenu que trois droits qui auraient été violés : le droit de propriété sur les parts sociales, le droit
de surveiller et de contrôler les sociétés et le droit de nommer le gérant des sociétés. Il s’ensuit que
la Guinée aurait renoncé à invoquer la violation d’ autres droits auxquels elle avait pourtant fait
allusion dans son mémoire. Mais indépendamment de cela, je mont rerai dans un instant qu’aucun
de ces droits n’a été violé par la RDC.
A. La RDC n’a pas violé le droit de M. Diallo à une part des bénéfices des sociétés
5. Monsieur le président, Messieurs les juges, le demandeur a fait valoir d’abord le droit de
M.Diallo à une part des bénéfices des deux sociétés en cause. Or, au sujet de la distribution de
dividendes, l’article 27 des statuts d’Africontainers, par exemple, énonce ce qui suit : - 12 -
«L’excédent favorable du bilan, après déduction des charges, frais généraux et
amortissements nécessaires, constitue le bénéfice de la société. Il sera réparti entre les
associés en proportion des parts qu’ils possèdent, chaque part donnant un droit égal.
L’assemblée générale pourra toutefois décide r que tout ou partie des bénéfices sera
affecté à la création d’un fonds de réserve spécial ou d’un fonds d’amortissement des
parts sociales ou reporté à nouveau. Les di videndes sont payables chaque année aux
époques et de la manière fixée par l’assemblée générale.»
6. Monsieur le président, Messieurs les juges, pour que la République de Guinée puisse faire
valoir une quelconque violation du droit de M. Dia llo à une part des bénéfices, il faut d’abord que
la preuve soit faite que cette société a distribué effectivement des dividendes. Or, la Guinée ne
produit pas des documents comptables d’Africontaine rs, ni d’Africom-Zaïre, qui n’avait du reste
aucune activité commerciale depuis plusieurs années, ni même des décisions de l’assemblée
générale attestant de la distribution des dividendes aux associés.
7. En outre, à supposer même qu’il soit ét abli que les sociétés Africontainers et
Africom-Zaïre distribuaient des dividendes, en core faudrait-il que la Guinée démontre que
M. Diallo a été mis dans l’impossibilité de les pe rcevoir en raison de la décision d’éloignement du
territoire congolais prise à son encontre ou de tout autre acte illicite de la RDC. Or, la Guinée ne
démontre pas, Monsieur le président, que M. Di allo en aurait été empêché par un quelconque autre
acte imputable à la RDC dans ses relations avec lesdites sociétés.
8. Devant cette argumentation de la RDC développée dans son cont re-mémoire, la Guinée
n’est plus revenue dans sa réplique et dans ses plaidoiries sur la prétendue violation de ce droit. De
ce fait, je ne peux que prier la Cour de bien vouloir constater que les allégations de la Guinée quant
à la violation de ce droit ne sont pas fondées.
B. La RDC n’a pas violé le «droit de propriété dans les sociétés, en particulier
à l’égard de ses parts sociales»
9. Monsieur le président, Messieurs les juges, la Guinée a également invoqué la violation du
droit de propriété de M.Diallo sur les parts sociales. Il n’en est rien comme je vais l’expliquer
dans un instant.
10. M.Diallo est toujours, jusqu’au moment où je plaide devant vous , l’unique propriétaire
de ses parts sociales. La RDC n’a posé aucun acte susceptible de porter atteinte à ce droit. La
Guinée le reconnaît elle-même. Mais elle préten d que, s’il est vrai que M.Diallo est toujours
propriétaire de ses parts sociales, il y a eu néanmoins une expropriation indirecte ou rampante de ce - 13 -
droit par la RDC en vidant ces parts sociales de leur valeur réelle à la suite de son expulsion. Je
répondrai à cette objection de la Guinée plus loin au cours de cette plaidoirie. Je passe à un autre
droit.
C. Le droit de choisir le gérant des sociétés
11. La Guinée continue à insister sur la violation par la RDC du droit de M. Diallo de choisir
le gérant des sociétés Africom-Zaïre et Africont ainers. Je dois encore une fois, Monsieur le
président, souligner devant la Cour qu’en droit congolais le droit de choisir le gérant d’une société
commerciale n’est pas un droit de l’associé mais celui de la société elle-même agissant par
l’intermédiaire d’un organe appelé assemblée générale des associés.
12. Je dois également relever ici que l’artic le65 du décret de1887 sur les sociétés
commerciales dispose à cet égard que «Les gérant s sont nommés soit dans l’acte constitutif, soit
par l’assemblée générale, pour un temps limité ou sans durée déterminée.»
En ce qui concerne par exemple la société A fricontainers, qui est la seule société dont les
statuts ont été produits devant la Cour, parce que nous n’avons rien pour Africom-Zaïre, il est
prévu à l’article14 de ces statuts que: «La société est administrée par un ou plusieurs gérants,
associés ou non, nommés par l’assemblée générale.» Monsieur le président, vous trouverez ces
o
documents dans le dossier des juges sous la cote n 1.
Il est donc clair, Monsieur le président, qu ’en droit congolais, et non peut-être en droit
guinéen, n’en déplaise à la Guinée, le droit de choisir le gérant d’une société commerciale
appartient à cette société et non à chacun de ses associés pris individuellement. Il peut même
arriver, Monsieur le président, Messieurs les jug es, que le gérant soit choisi en l’absence d’un
associé donné dès lors que le quorum pour qu’ une assemblée générale des associés siège
valablement conformément aux statuts de la société a été atteint.
13. Par ailleurs, dans la présente affaire, la Guinée n’a pas démontré qu’une assemblée
générale a été convoquée et que la RDC aurait de mandé aux autres associés de ne pas laisser
M. Diallo participer à la désignation d’un nouveau gérant ou de s’y faire représenter par une autre
personne de son choix. Bien au contraire, la Guinée a produit la preuve que M. Diallo a participé à
la désignation d’un nouveau gérant en la personne de M. Nkanza ne Kongo. Monsieur le président, - 14 -
Messieurs les juges, vous trouverez le document afférent à cette preuve qui a été établi par l’avocat
o
d’Africontainers après l’expulsion de M. Diallo sous la cote n 2 du dossier des juges. Et c’est ce
même Nkanza qui a procédé à l’inventaire des biens de la société et représenté celle-ci aux
négociations avec la société Gécamines en1997, soit plus d’une année après l’expulsion de
M. Diallo.
14. A la lumière de ce que je viens d’expliquer, Monsieur le président, la RDC prie la Cour
de rejeter les allégations de la Guinée sur la prétendue violation du droit de M. Diallo de nommer le
gérant comme non fondées.
D. Le droit de surveiller et de contrôler tous les actes accomplis par la gérance
et toutes les opérations des sociétés
15. Monsieur le président, Messieurs les juges, c’est également à tort que la Guinée invoque
la violation par la RDC du droit de M. Diallo de surveiller et de contrôler les actes accomplis par la
gérance. Il est vrai, et je suis d’accord avec la Guinée et ses défenseurs sur ce point, qu’en droit
congolais un associé a le droit, mais sous certain es conditions, de contrôler et de surveiller la
gestion de la société. Mais dans la présente espèce, la Guinée n’a pas démontré que la RDC a
donné l’ordre à la société Africontainers de ne pas permettre à M.Diallo de contrôler ses
opérations. Or, il est établi que bien qu’étant à Conakry, M.Diallo continuait à contrôler la
situation et à obtenir des rapports réguliers de la gérance. Il continuait lui-même à écrire des lettres
depuis Conakry adressées aux autorités congolai ses pour réclamer le paiement des créances
d’Africontainers. Monsieur le président, vous trou verez une copie de cette lettre dans le dossier
o
des juges sous la cote n 3.
E. Le droit de prendre part aux assemblées générales
16. Monsieur le président, Messieurs les juges, l’Etat demandeur est revenu au cours de sa
plaidoirie sur la prétendue violation du droit de M.Diallo de prendre part aux assemblées
générales. Mais malheureusement, pour que la Guinée puisse faire valoir une quelconque violation
du droit de M.Diallo de prendre part aux assem blées générales, elle devrait d’abord faire la
démonstration qu’une assemblée générale a été co nvoquée et que M.Diallo n’a pas pu s’y rendre
en raison de son éloignement du territoire de la RDC. Aussi, l’Etat défendeur devrait montrer, tout - 15 -
au moins, que la RDC aurait donné l’ordre à la société Africontainers de ne pas prendre en
considération toute procuration que M.Diallo donnerait à un tiers pour le représenter à une
assemblée générale. Etant donné qu’aucune assemblée générale n’a été convoquée, on ne peut pas,
Monsieur le président, soutenir in abstracto que la RDC a violé le droit de M. Diallo d’y participer.
On se trouve donc dans la même hypothèse que celle du droit de M. Diallo à une part des bénéfices
que j’ai déjà examinée au cours de cette plaidoirie.
17. Concernant la convocation d’assemblées générales, il s’agit encore une fois d’un droit de
la société et non d’un droit individuel de chaque associé. Nous sommes en droit congolais, peut-
être est-ce différent en droit guinéen. En effet, la convocation de l’assemblée générale est un acte
fonctionnel du gérant que celui-ci pose en tant qu’or gane de la société. C’est donc la société qui
convoque les assemblées générales. Le seul droit reconnu aux associés en la matière est celui de
demander au gérant de convoquer une assemblée gé nérale. Je suis d’accord avec la Guinée parce
qu’elle l’a dit. Et en cas de refus ou de car ence de celui-ci, la demande doit être adressée au
tribunal compétent qui doit convoquer l’assemblée géné rale. Nous faisons la même analyse que la
Guinée. Mais là où nous nous séparons de la Guinée, c’est qu’on voit donc clairement qu’un
associé n’a pas le droit de convoquer lui-même une assemblée générale mais celui de demander la
convocation de celle-ci. C’est différent.
18. Dès lors que, dans son arrêt sur les ex ceptions préliminaires du 24mai2007, la Cour a
jugé que la Guinée ne peut exercer sa protection diplomatique à l’égard des sociétés Africontainers
et Africom-Zaïre, ce droit du gérant ne peut être protégé dans la présente instance.
Par ailleurs, la Guinée n’a fait valoir aucune pr ivation de droits de M.Diallo en tant que
gérant et a limité son argumentation aux droits personnels de M.Diallo ainsi qu’à ses droits
d’associé. Après avoir expliqué à la Cour que la RDC n’a violé aucun des droits de M. Diallo en
tant qu’associé des sociétés Africontainers-Zaïre et Africom-Zaïre, mais ceci, j’insiste, sous réserve
de ce que je vais dire au cours de cette plaidoirie au sujet de l’existence de cette société, je vais à
présent, Monsieur le président, montrer à la Cour que la RDC n’a pas non plus exproprié les parts
sociales de M. Diallo.
Monsieur le président, encore une fois perm ettez-moi de faire appel à votre sagesse. Les
contraintes du décalage horaire du voyage, de ses difficultés, etc… Je voudrais vous prier si vous - 16 -
pouvez donner quelques minutes de pause pour que nous puissions suspendre l’audience et je vais
reprendre la deuxième et dernière partie de ma plaidoirie après cette pause.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Merci, Monsieur le coagent. Si telle
est votre demande et votre vŒu, nous pouvons suspendre l’audience pour quinze minutes et nous
allons reprendre à 15 h 55 pile. La séance est suspendue.
L’audience est suspendue de 15 h 40 à 15 h 55.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de préside nt : Veuillez vous asseoir. Et je passe la
e
parole à M TshibanguKalala pour continuer sa plaidoiri e. Vous avez la parole, Monsieur le
coagent.
M. KALALA : Je vous remercie, Monsieur le président, pour m’avoir accordé la parole.
II.L A RDC N ’A PAS EXPROPRIÉ M. D IALLO DE SON DROIT DE PROPRIÉTÉ
SUR LES PARTS SOCIALES
19. Monsieur le président, Messieurs les juges, l’Etat demandeur a insisté tant dans ses
écritures qu’au cours de ses plaidoiries de lundidernier sur l’expropriation indirecte par la RDC
des parts sociales de M. iallo qu’il détenait dans les sociétés Africom-Zaïre et
Africontainers-Zaïre à la suite de son expulsion du territoire congolais. Il n’en est rien, Monsieur le
président, comme je vais l’expliquer à la Cour da ns quelques instants. Pour mieux traiter cette
question, je vais d’abord dire un mot sur l’exis tence de ces deux sociétés (A) avant d’examiner la
valeur économique des parts sociales et leur e xpropriation alléguée (B), pour démontrer qu’il ne
pouvait y avoir expropriation de celles-ci.
A. Existence des sociétés Africontainers-Zaïre et Africom-Zaïre
20. Monsieur le président, Messieurs les jug es, selon le droit congolais, une société est une
personne morale qui naît, qui vit et qui peut mourir. S’agissant de sa mort, elle peut intervenir soit
par la volonté de ses associés, donc ses créateurs, soit par une décision judiciaire. Et cette
disparition, comme celle d’une personne physique, doit être régulièrement et légalement constatée.
Pour les deux sociétés concernées, elles ont été créées conformément au droit congolais. Il n’existe - 17 -
à ce jour aucune preuve légale irréfutable constatant la mort de ces deux sociétés. Elles continuent
donc à exister dans la mesure où elles n’ont pas été régulièrement dissoutes et totalement liquidées.
Je sais que le professeur Alain Pellet tire d’autres conclusions sur ce point et je ne suis pas d’accord
avec lui. On ne peut donc pas soutenir, comme l’affirme la Guinée de manière erronée, que les
sociétés Africom-Zaïre et Africontainers-Zaïre ont cessé d’exister sur le plan juridique. La
cessation d’activités est une chose, l’existence juridique en est une autre. Ces deux sociétés
continuent donc à exister aussi longtemps que leur mort juridique n’aura pas été constatée
conformément aux règles juridiques en la matière. Je passe maintenant au deuxième point relatif à
la valeur économique des parts sociales de M. Diallo.
B. La valeur économique des parts sociales de M. Diallo et l’expropriation de celles-ci
21. Monsieur le président, Messieurs les juges, dans ses écritures comme dans ses
plaidoiries, la Guinée soutient que l’expulsion de M.Diallo en janvier1996 aurait eu pour
conséquences l’expropriation indirecte et la pert e de la valeur économique des parts sociales de
M. Diallo. Elle conclut sa thèse en demandant une réparation. Ces allégations de la Guinée ne sont
pas fondées, Monsieur le président, Messieurs les j uges, comme je vais l’expliquer à la Cour dans
quelques instants.
Cessation des activités des deux sociétés plusieurs années avant l’expulsion de M. Diallo
22. Monsieur le président, Messieurs les jug es, il est établi de manière incontestable que les
deux sociétés n’avaient alors plus aucune activité commerciale plusieurs années avant l’expulsion
de M. Diallo intervenue en janvier 1996.
23. A propos de la société Africom-Zaïre, qui est une société fantôme, il n’a été signalé
aucune activité commerciale, aucune commande de puis le milieu des années1980. Et même
lorsque la Guinée, Monsieur le président, ⎯cela est très important, c’est symptomatique ⎯ fait
établir l’inventaire des biens de M.Diallo et de la société Africontainers en janvier1996, rien,
absolument rien, n’est fait pour la société Africom-Zaïre. Cette société était donc déjà dans un état
de faillite non déclarée en violation des lois et règl ements de la RDC au moment même où Diallo
vivait en RDC. Je crois que le professeur Alain Pellet a la répon se à ce qu’on entend par «état de
faillite non déclarée» parce qu’il était surpris par cette expression quand je l’avais utilisée dans la - 18 -
duplique. Donc cette société était déjà dans un état de faillite non décl arée en violation des lois et
règlements de la RDC au moment même où Diallo vivait encore en RDC. Dans ces conditions,
Monsieur le président, on ne pe ut même pas parler des parts sociales qui auraient une certaine
valeur économique pour une société qui était, et qui est, dans une telle situation alors que Diallo en
était toujours gérant. Une autre question, Monsieur le président, est de savoir la hauteur même des
parts sociales de M. Diallo dans cette société dans la mesure où ses statuts n’ont jamais été produits
devant la Cour par la Guinée.
24. Monsieur le président, Messieurs les memb res de la Cour, comment la Guinée peut oser
demander à la Cour une réparation pour l’exprop riation indirecte alléguée des parts sociales de
M. Diallo par la RDC dont on ne connaît même pas le nombre et la hauteur dans le capital social de
la société Africom-Zaïre ? Comment, Monsieur le président, la Cour pourrait-elle éventuellement
fixer la valeur des parts sociales d’une sociét é en faillite depuis de nombreuses années? La
demande de la Guinée relative à cette société, Monsie ur le président, relève de la pure fantaisie et
ne peut donc être prise au sérieux par cette Cour prestigieuse.
25. Monsieur le président, Messieurs les juges, j’en arrive maintenant au cas de
l’expropriation alléguée des parts sociales dans la so ciété Africontainers. Au sujet de la société
Africontainers, il est établi, à partir des preuves écr ites versées au dossier judiciaire par la Guinée
elle-même, que cette société éta it également dans un état de fa illite non déclarée depuis au moins
l’année 1991.
26. En effet, la lecture des pages 18 et 19 du mémoire de la Guinée montre clairement qu’à
partir de l’année 1991, Africontainers n’a fourni aucun service de transport par conteneurs à aucun
de ses principaux clients avec lesquels elle était en relation d’affaires. Le tableau des opérations
d’Africontainers reproduit par la Guinée elle-même à la page 19 du mémoire de la Guinée indique
clairement le chiffre zéro pour l’année1991. Mo nsieur le président, Messieurs les juges, vous
trouverez ce tableau dans le dossi er des juges sous la cote n o4. Aussi, dans l’annexe198 de son
mémoire, la Guinée fait état du fait que les commandes de la Gécamines ont baissé d’année en
année pour s’arrêter définitivement en 1991. Mons ieur le président, Messieurs les juges, vous
trouverez également ce document sous la cote n o5 du dossier des juges qui est entre vos mains.
e
M Vidal a confirmé d’ailleurs cette situation de M.Diallo lorsqu’il dit que la situation de - 19 -
M.Diallo était déjà obérée en1995, c’est-à-dir e que l’intéressé était déjà surendetté plusieurs
années avant même son expulsion de la RDC.
27. Monsieur le président, le français n’est p as ma langue maternelle. Je suis allé consulter
le dictionnaire Larousse et le Petit Robert pour conna ître le mot «obéré». J’ai vu que «obéré» veut
dire surendetté, qui a des charges financières, qui ne s’en sort pas. Mais cela, en 1995, avant même
son expulsion. Monsieur le président, Messieurs le s juges, la Cour a eu à examiner une affaire
1
similaire dans le cadre de l’affaire Oscar Chinn en 1934 . Dans cette affaire, le Royaume-Uni
réclamait à la Belgique la réparation des pe rtes et des dommages qu’aurait subis le sujet
britannique M.OscarChinn du fait des mesures prises le 20juin1931 par l’administration
coloniale belge au Congo avantageant l’entrepri se UNATRA au détriment d’ autres entreprises de
transport.
Selon le Royaume-Uni, «la mesure du 20 juin1931, en privant par contre-coup
M. Oscar Chinn de la perspective de poursuivre fructueusement ses affa ires, aurait constitué une
violation des principes généraux du droit interna tional et, notamment, celui du respect des droits
acquis». Le Royaume-Uni concluait son argumen tation par demander une réparation, comme la
Guinée le fait dans la présente instance.
28. Pour la Belgique, l’entreprise de M. Oscar Chinn n’avait plus aucune activité de transport
sur le fleuve Congo et ses affluents lorsque l’admini stration coloniale a pris la mesure concernée et
donc que celle-ci n’est pas à la base de la ruine des affaires de M. Oscar Chinn.
29. Dans son arrêt rendu en l’ affaire le 12décembre1934, la Cour, après avoir constaté
qu’effectivement les bateaux de M.Chinn «étaient à la chaîne» avant la mesure incriminée, a
déclaré ce qui suit :
«La Cour, sans méconnaître le change ment de la situation économique de
M. Chinn, laquelle l’aurait amené à liquider son entreprise de transport et son chantier,
ne saurait apercevoir dans sa situation primitive, qui comportait la possession d’une
clientèle et la possibilité d’en tirer profit, un véritable droit acquis. Une conjoncture
économique favorable, ainsi que l’achala ndage, sont des éléments temporaires
susceptibles de modifications inévitables; les intérêts des entrepreneurs de transports
ont pu subir des atteintes par suite de la crise générale et des moyens pris en vue de la
combattre.
1 o
Affaire Oscar Chinn, arrêt, 1934, C.P.J.I. série A/B n 63. - 20 -
Aucune entreprise, surtout une entreprise de commerce ou de transports, dont le
succès est lié au cours changeant des prix et des tarifs, ne peut échapper aux
éventualités et aux risques qui sont le r ésultat des conditions économiques générales.
Certaines industries peuvent faire de grands profits dans une é poque de prospérité
générale ou bien en profitant d’un traité de commerce ou d’une modification des droits
de douane; mais elles sont aussi exposées à se ruiner et à s’éteindre àocause d’une
situation différente.» (Oscar Chinn, arrêt, 1934, C.P.J.I. série A/B n 63, p. 88.)
La Cour conclut que : «Aucun droit acquis n’est violé dans des cas semblables par l’Etat.» (Ibid.)
«[L]a preuve n’ayant pas été apportée à suffisance de droit que les pertes et dommages dont se
plaint le sieurOscarChinn sont imputables aux mesures reprochées au Gouvernement belge,
aucune réparation n’est due par celui-ci.» (Ibid., p. 68.)
30. Monsieur le président, Messieurs les juges, les chrétiens, qui lisent la Bible auraient pu
dire que la Cour a dit dans cet arrêt une vérité di vine et qu’elle a rédigé un verset biblique auquel
on ne peut ni rien ajouter ni rien retrancher. L es conclusions atteintes par la Cour en 1934 dans
l’affaire Oscar Chinn sont parfaitement transposables dans la présente affaire. La société
Africontainers est une société de transport comme l’était celle de M.OscarChinn. Je viens de
démontrer qu’Africontainers était déjà en faillite depuis1991, que ses containers «étaient à la
chaîne», pour reprendre l’expression de la Cour, inutilisés et ravagés par la rouille sous les
intempéries tropicales et les éléments de la nature depuis 1991, que M. Diallo était criblé de dettes,
que ses parts sociales dans cette société n’avaient pl us aucune valeur, et pour reprendre l’image de
e
M Müller qui a plaidé sur ce point-là au cours de sa plaidoirie, le verre était déjà vide; mieux
encore le verre était déjà cassé au moins cinq ans avant l’expulsion de M. Diallo en janvier 1996.
31. Comment, dans ces conditions, Monsieur le président, Messieurs les juges, peut-on
exproprier un verre vide et déjà cassé? Qu’ est-ce que la RDC pouvait encore exproprier, et à
quelle fin ? Un Etat sérieux peut-il exproprier du ve nt et de la fumée ? Comment peut-on justifier
de manière rationnelle et convaincante qu’une mesure d’expulsion prise en 1996 soit à la base de la
ruine des affaires de M. Diallo intervenue au mo ins cinq ans auparavant ? Le seul bien, Monsieur
le président, Messieurs les juges, de Diallo que la RDC aurait pu probablement exproprier, c’est sa
voiture Citröen. Or la Guinée nous a dit que cette voiture n’avait ni plaquettes de freins ni tuyau
d’échappement. Et donc la RDC n’a jamais vu ni touché à cette voiture.
32. Monsieur le président, Messieurs les juges, cette affaire est une affaire de gros sous
contrairement à ce qu’a affirmé M.Mohamed Camara. M.Diallo a envoûté les autorités - 21 -
guinéennes en leur faisant croire qu’il a laissé une immense fortune en RDC. Elles sont tombées
dans un vulgaire piège tendu par M.Diallo, qui est un séducteur hors pair, un manipulateur de
première classe.
33. Monsieur le président, Messieurs les jug es, la Guinée veut utiliser la Cour comme une
agence de recouvrement de créances ou un tribunal de commerce pour permettre à M. Diallo dont
les affaires étaient totalement en ruine de refina ncer ses activités. La RDC est convaincue que la
Cour, dont la sagesse, la perspicacité et la connaissance du droit font l’honneur de cette
prestigieuse institution ne sont plus à démontrer, ne va pas tomber dans le piège qui lui est tendu,
de manière aussi visible, par la Guinée qui cherche, et la plaidoirie du professeurAlainPellet le
prouve à suffisance, à remettre en cause l’autorité de la Cour, par ses attaques répétées contre
l’arrêt sur les exceptions préliminaires en voulant réclamer le paiement des créances des sociétés en
passant par les droits de Diallo comme associé. Et la RDC ne doute pas, Monsieur le président,
Messieurs les juges, que la Cour va rejeter la thèse de l’expropriation des parts sociales de
M.Diallo défendue par la Guinée comme non fond ée pour des raisons que je viens d’exposer au
cours de cette plaidoirie.
34. Au total, la RDC prie la Cour de bien voulo ir constater et de dire qu’elle n’a ni exproprié
les parts de M. Diallo parce que c’est du vent, de la fumée, ni violé ses droits en tant qu’associé et
qu’aucune réparation n’est due.
Monsieur le président, Messieurs les juges, sur ces paroles, je viens de terminer ma plaidoirie
cet après-midi. Je vous remercie pour votre aimable attention.
Le VICE-PRESIDENT, faisant foncti on de présiden:tJe vous remercie,
Maître Tshibangu Kalala.
Voilà qui met un terme au premier tour de plaidoiries de la République démocratique du
Congo. Je tiens à remercier chacune des Parties pour les exposés présentés au cours du premier
tour de plaidoiries. La Cour se réunira de nouv eau lemercredi28avril, de 16à 18heures, pour
entendre la République de Guinée en son second tour de plaidoiries. A la fin de l’audience, la
République de Guinée présentera ses conclusions finales. - 22 -
Pour sa part, la République démocrati que du Congo présentera sa réplique orale
le jeudi 29 avril, de 16 à 18 heures. A la fin de l’audience, la République démocratique du Congo
présentera à son tour ses conclusions finales.
Chacune des Parties disposera donc d’une séance complète de deux heures pour l’intégralité
de sa réplique orale. Je rappellerai néanmoins que , conformément au paragraphe1 de l’article60
du Règlement de la Cour, les expo sés oraux devront être aussi succincts que possible. J’ajouterai
que le second tour de plaidoiries a pour objet de permettre à chacune des Parties de répondre aux
arguments avancés oralement par la Partie adver se. Le second tour ne doit pas constituer une
répétition des arguments déjà formulés, et je vous sau rais gré de votre collaboration à cet effet. Il
va donc sans dire que les Parties ne sont pas tenue s d’utiliser l’intégralité du temps de parole qui
leur est alloué. Je vous remercie et l’audience est levée.
L’audience est levée à 16 h 20.
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Public sitting held on Monday 26 April 2010, at 3 p.m., at the Peace Palace, Vice-President Tomka, Acting President, presiding, in the case concerning Ahmadou Sadio Diallo (Republic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo)