Non-Corrigé
Uncorrected
CR 2008/20
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THHEAGUE LAAYE
YEAR 2008
Public sitting
held on Thursday 4 September 2008, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Higgins presiding,
in the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea
(Romania v. Ukraine)
________________
VERBATIM RECORD
________________
ANNÉE 2008
Audience publique
tenue le jeudi 4 septembre 2008, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de Mme Higgins, président,
en l’affaire relative à la Délimitation maritime en mer Noire
(Roumanie c. Ukraine)
____________________
COMPTE RENDU
____________________ - 2 -
Present: Presieitgins
Vice-Presi-nhtasawneh
Judges Ranjeva
Shi
Buergenthal
Owada
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc Cot
Oxman
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Présents : Mme Higgins,président
Al-Kh.vsceprh,ident
RanMjva.
Shi
Buergenthal
Owada
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skoteiskov,
CotMM.
jOges an, ad hoc
Cgoefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
The Government of Romania is represented by:
Mr. Bogdan Aurescu, Director General, Ministry of Foreign Affairs of Romania, Professor
Lecturer, Faculty of Law, University of Buchar est, President of the Romanian Branch of the
International Law Association, member of th e Permanent Court of Arbitration, substitute
member of the Venice Commission,
as Agent, Counsel and Advocate;
Mr. Cosmin Dinescu, Director General for Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs of Romania,
as Co-Agent, Counsel and Advocate;
H.E Mr. Călin Fabian, Ambassador of Romania to the Kingdom of the Netherlands,
As Co-Agent;
Mr. James Crawford, S.C., F.B.A., Whewell Prof essor of International Law, University of
Cambridge, member of the Institut de droit international, Barrister, Matrix Chambers,
Mr. Vaughan Lowe, Q.C., Chichele Professor of Inte rnational Law, University of Oxford, member
of the English Bar, associate member of the Institut de droit international,
Mr. Alain Pellet, Professor at the University Paris Ouest, Nanterre-La Défense, member and former
Chairman of the International Law Commission, associate member of the Institut de droit
international,
a s Senior Counsel and Advocates;
Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel and Advocate;
Mr. Simon Olleson, member of the English Bar, 13 Old Square Chambers,
as Counsel;
Mr. Gicu Boroşi, Director General, National Agency for Mineral Resources,
Mr. Mihai German, Deputy Director General, Nati onal Agency for Mineral Resources, member of
the United Nations Commission on the Limits of the Continental Shelf,
Mr. Eugen Laurian, Counter-Admiral (retired),
Mr. Octavian Buzatu, Lieutenant Commander (retired),
Mr. Ovidiu Neghiu, Captain, Ministry of Defence of Romania,
as Technical and Cartographic Experts;
Mr. Liviu Dumitru, Head of the Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania, - 5 -
Le Gouvernement de la Roumanie est représenté par :
M. Bogdan Aurescu, directeur général au ministère roumain des affaires étrangères, chargé de
cours à la faculté de droit de l’Université de Bucarest, président de la section roumaine de
l’Association de droit international, membre de la Cour permanente d’arbitrage, membre
suppléant de la Commission de Venise,
comme agent, conseil et avocat ;
M.CosminDinescu, directeur général des affair es juridiques du ministère roumain des affaires
étrangères,
comme coagent, conseil et avocat ;
S. Exc. M. Călin Fabian, ambassadeur de Roumanie auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme coagent ;
M. James Crawford, S.C., F.B.A., professeur de dr oit international à l’Université de Cambridge,
titulaire de la chaire Whewell, membre de l’Institut de droit international, avocat, Matrix
Chambers,
M. Vaughan Lowe, Q.C., professeur de droit internati onal à l’Université d’Oxford, titulaire de la
chaire Chichele, membre du barreau d’Anglet erre, membre associé de l’Institut de droit
international,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Pari s Ouest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
comme conseils principaux et avocats ;
M. Daniel Müller, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseil et avocat ;
M. Simon Olleson, membre du barreau d’Angleterre, 13 Old Square Chambers,
comme conseil ;
M. Gicu Boroşi, directeur général de l’agence nationale des ressources minières,
M. Mihai German, directeur général adjoint de l’agence nationale des ressources minières, membre
de la Commission des limites du plateau continental de l’ONU,
M. Eugen Laurian, contre-amiral (en retraite),
M. Octavian Buzatu, capitaine de corvette (en retraite),
M. Ovidiu Neghiu, capitaine, ministère roumain de la défense,
comme experts techniques et cartographes ;
M. Liviu Dumitru, chef de l’unité frontières et délimitation maritime du ministère roumain des
affaires étrangères, - 6 -
Ms Irina Ni ţă, Second Secretary, Legal Adviser, Embassy of Romania in the Kingdom of the
Netherlands,
Ms Catrinel Brumar, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Mirela Pascaru, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Ioana Preda, Third Secretary, Borders and Maritime Delimitation Unit, Ministry of Foreign
Affairs of Romania,
Ms Olivia Horvath, Desk Officer, Public Diplom acy Department, Ministry of Foreign Affairs of
Romania,
as Advisers.
The Government of Ukraine is represented by:
H.E. Mr. Volodymyr A. Vassylenko, Adviser to th e Minister for Foreign Affairs of Ukraine,
Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of Ukraine, Professor of International Law,
National University of Kyiv Mohyla Academy,
as Agent;
H.E. Mr. Oleksandr M. Kupchyshyn, Deputy Foreign Minister of Ukraine,
Mr. Volodymyr G. Krokhmal, Director of the Lega l and Treaty Department of the Ministry of
Foreign Affairs of Ukraine,
as Co-Agents;
Mr. Rodman R. Bundy, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the New York Bar,
Eversheds LLP, Paris,
Mr. Jean-Pierre Quéneudec, Professor emeritus of International Law at the University of ParisI
(Panthéon-Sorbonne),
Sir Michael Wood, K.C.M.G., Member of the English Bar, Member of the International Law
Commission,
Ms Loretta Malintoppi, avocat à la Cour d’appel de Paris , Member of the Rome Bar,
Eversheds LLP, Paris,
as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Vasyl G. Korzachenko, Ambassador Extraordinary and Plenipotentiary of Ukraine,
Ms Cheryl Dunn, Member of the State Bar of California, Eversheds LLP, Paris,
Mr. Nick Minogue, Solicitor of the Supreme Court of England and Wales,
Mr. Oleksii V. Ivaschenko, Acting Head of International Law Division, Legal and Treaty
Department of the Ministry of Foreign Affairs of Ukraine, - 7 -
Mme Irina Niţă, deuxième secrétaire, conseiller juridique à l’ambassade de Roumanie au Royaume
des Pays-Bas,
Mme Catrinel Brumar, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Mirela Pascaru, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Ioana Preda, troisième secrétaire, unité frontières et délimitation maritime du ministère
roumain des affaires étrangères,
Mme Olivia Horvath, responsable du départem ent des relations diplomatiques du ministère
roumain des affaires étrangères,
commceonseillers.
Le Gouvernement de l’Ukraine est représenté par :
S. Exc. M. Volodymyr A. Vassylenko, conseiller du ministre des affaires étrangères de l’Ukraine,
ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Ukraine, professeur de droit international à
l’Académie Mohyla (Université nationale de Kiev),
comme agent ;
S. Exc. M. Oleksandr M. Kupchyshyn, vice-ministre des affaires étrangères de l’Ukraine,
M. Volodymyr G. Krokhmal, directeur du départem ent des affaires juridiques et des traités du
ministère des affaires étrangères de l’Ukraine,
comme coagents ;
M. Rodman R. Bundy, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de New York, cabinet
Eversheds LLP, Paris,
M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur émérite de dr oit international à l’Université de ParisI
(Panthéon-Sorbonne),
sir Michael Wood, K.C.M.G., membre du barreau d’Angleterre, membre de la Commission du
droit international,
Mme Loretta Malintoppi, avocat à la cour d’appel de Paris, membre du barreau de Rome, cabinet
Eversheds LLP, Paris,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Vasyl G. Korzachenko, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire d’Ukraine,
Mme Cheryl Dunn, membre du barreau de Californie, cabinet Eversheds LLP, Paris,
M. Nick Minogue, Solicitor à la Cour suprême d’Angleterre et du pays de Galles,
M. Oleksii V. Ivaschenko, directeur par intérim de la division du droit international, département
des affaires juridiques et des traités du ministère des affaires étrangères de l’Ukraine, - 8 -
Mr. Maxime O. Kononenko, First Secretary of the Embassy of Ukraine in the French Republic,
Ms Mariana O. Betsa, Second Secretary of th e Embassy of Ukraine in the Kingdom of the
Netherlands,
as Legal Advisers;
Mr. Robin Cleverly, M.A., D. Phil, C. Geol, F.G.S., Law of the Sea Consultant, Admiralty
Consultancy Services,
Major General Borys D. Tregubov, Assistant to the Head of the State Border Protection Service of
Ukraine,
as Technical Advisers. - 9 -
M. Maxime O. Kononenko, premier secrétaire à l’ambassade d’Ukraine en France,
Mme Mariana O. Betsa, deuxième secrétaire à l’ambassade d’Ukraine au Royaume des Pays-Bas,
comme conseillers juridiques ;
M. Robin Cleverly, M.A., D. Phil., C. Geol., F.G.S., consultant en droit de la mer, Admiralty
Consultancy Services,
M. Borys D. Tregubov, général de division, assistant du chef du service de protection des frontières
d’Etat de l’Ukraine,
comme conseillers techniques. - 10 -
The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is open. We meet for the continuation of
the first round of pleadings of Romania. I call Professor Pellet.
M. PELLET : Merci beaucoup, Madame la présidente.
VII. L E SECTEUR DES CÔTES ADJACENTES
L’ABSENCE D ’INCIDENCE DE L ’ÎLE DES SERPENTS SUR LA DÉLIMITATION
AU -DELÀ DE LA LIMITE CONVENTIONNELLE
1. Madame la présidente, Messieurs les juges, l’Ukraine a sûrement raison de considérer que
1
l’affaire qui nous occupe n’est pas l’«affaire de l’île des Serpents» . Mais le paradoxe est que c’est
l’Ukraine, justement, qui place cette minuscule form ation insulaire au centre de notre affaire et qui
en fait l’élément déterminant dont toute la délimitation dépend. En réalité, ses caractéristiques
doivent conduire non pas à l’ignorer : on ne refait pa s la nature, mais à en limiter l’impact dans la
délimitation à laquelle il vous est demandé de pr océder : d’abord parce que, comme mon collègue
et ami VaughanLowe le montrera t out à l’heure, notre île relève du paragraphe3 de l’article121
de la convention sur le droit de la mer de1982 et qu’elle n’a, à ce titre, droit au mieux
qu’à une mer territoriale; mais aussi parce que, tout à fait indépendamment de cela, de toutes
manières, une île de ce genre dans le contexte géographique qui est le nôtre ne saurait avoir les
effets ⎯ démesurés ⎯ que l’Ukraine voudrait lui faire produire que ce soit au niveau du tracé de la
ligne d’équidistance initiale (qui devrait être réalisé indépendamment de l’île des Serpents) ou de la
correction que celle-ci peut légitimement induire une fois la ligne d’équidistance tracée.
o
[Projection n 1 : la ligne d’équidistance provisoire de l’Ukraine.]
2. L’Ukraine en effet, qualifie à tort l’île des Serpents, que 46 km et demi séparent de la côte
2
la plus proche, d’«île côtière» (coastal island) , et elle utilise cette île pour établir la ligne
provisoire d’équidistance qui, les deux Parties en co nviennent, doit constituer la première étape de
la délimitation. Non seulement elle l’utilise, mais elle la «sur-utilise» pui squ’elle n’hésite pas à
fixer non pas un mais trois points de base sur l’île des Serpents elle-même. Et cela donne le tracé
singulier, projeté en ce moment à l’écran, qui re produit la figure5-1 de la duplique ukrainienne.
1
Voir la duplique de l’Ukraine (DU), p. 114, par. 6.60.
2Contre-mémoire de l’Ukraine (CMU), p. 205, par. 8.15, ou DU, p. 115, par. 6.64, ou p. 139, par. 7.25. - 11 -
L’île des Serpents est tellement petite que nos adve rsaires et amis ont dû la faire figurer dans un
encart la grossissant plus de 230 fois pour arriver à la rendre visible et à illustrer les trois points de
base qu’ils utilisent pour tracer ce qu’ils présentent comme la ligne provisoire d’équidistance.
J’attire tout particulièrement votre attention, Madame et Messieurs de la Cour, sur le point γ. A lui
seul, il commande tout le tronçon B-C de la ligne de délimitation ukrainienne ⎯ soit presque
140kilomètres (137 pour être précis) de frontière maritime entre les deux Etats. C’est «énorme»
Madame la présidente, mais on a l’impression que tout e la tactique de plaidoirie de l’Ukraine dans
cette affaire consiste à tenter de faire passer des énormités pour des évidences.
3. Car ce n’est pas tout : étant donnée la dist orsion démesurée qui résulte de l’utilisation de
l’île des Serpents dans le tracé de la ligne provi soire, on aurait pu s’attendre à ce que l’Ukraine en
corrige les effets en poussant vers le nord-est ce tte ligne indéfendable. Pas du tout, Madame la
présidente: c’est dans l’autre sens que la Partie ukrainienne prétend la déplacer au nom d’une
proportionnalité qui n’a au demeurant pas sa place à ce stade de l’opération de délimitation. Le
résultat, tout à fait extraordinaire, de ce tte opération est que la ligne ukrainienne ⎯ appelons la
«ligne ukrainienne de plaidoirie» ⎯ coïncide exactement avec la ligne que l’Ukraine avait
défendue à la fin de ses né gociations avec la Roumanie ⎯appelons la «li gne ukrainienne de
négociations» ⎯ que l’Ukraine n’a d’ailleurs jamais expr essément mentionnée dans ses écritures.
On pourrait, à première vue, penser qu’il n’y a rien que de très logique dans le fait que la ligne de
négociation et la ligne de plaidoirie se superposen t ; malheureusement pour l’Ukraine, en l’espèce,
cette «coïncidence» est entièrement artificielle : l’une comme l’autre des lignes initiales sont
3
tracées, si je peux dire, «n’importe comment» (l’a gent de la Roumanie l’a souligné mardi matin)
et la Partie ukrainienne leur fait subir, à sa fantaisie, dans un cas une rotation ⎯ d’ailleurs
passablement erratique ⎯ dans le sens des aiguilles d’une montre, dans l’autre dans le sens inverse
au nom d’un «critère du raisonnable» (criterion of reasonableness) 4dont on peine à percevoir la
logique, sinon que l’Ukraine a cherché désespérément à paraître cohérente. Sur le tableau que vous
avez, on devrait avoir à la fois li gne de négociation et ligne de plai doirie, c’est la même ligne mais
c’est la même ligne pour des raisons parfaitement artificielles.
3
CR 2008/18, p. 18-22, par. 11-21 (Aurescu).
4CMU, p. 236, par. 9.19. - 12 -
[Fin de la projection n 1 ; projection n 2 : concavité virtuelle de la côte.]
4. Je note en passant que, si l’on utilise l’île des Serpents comme un point de base, on en
arrive à modifier profondément le caractère de la côte «virtuelle» ainsi établie : de convexe qu’elle
est en réalité, on lui confère un tracé concave co mme le montre le schéma projeté en ce moment,
sur lequel la ligne orange figure cette côte conc ave virtuelle et totalement artificielle. Cette
5
«circonstance spéciale» devrait, de toute façon, être dument corrigée .
[Fin de la projection n o2.]
5. Madame la présidente, le principe selon lequel il faut, pour procéder à une délimitation
maritime, tracer dans un premier temps une ligne d’équidistance paraît, à première vue, sans
mystère: il s’agit, pour le coup, d’une opératio n mathématique, géométri que, qui ne devrait pas
poser de problèmes juridiques. Les choses sont malheureusement moins simples qu’il y paraît, en
tout cas lorsqu’une petite île vient «troubler le jeu», comme c’est le cas dans notre affaire. Dans ce
cas, la question se pose en effet de savoir si l’île en question peut être re tenue comme un point de
base ⎯à plus forte raison, si trois points de base peuvent y être fixés ⎯ à partir duquel (ou
desquels) ⎯ je vais aller moins vite, parce qu’apparemment vous avez du mal…
The PRESIDENT: I do appeal to all counsel wh en dealing with what are technical matters
especially to speak at a pace that the interpreters can keep with them. Thank you.
M.PELLET: That is very semi-technical. A partir duquel (ou desquels) la ligne
d’équidistance est tracée ?
6. Comme je l’ai dit en commençant, pour répon dre à cette question, il n’est, à vrai dire, pas
nécessaire de se prononcer sur la nature juridique de l’île des Serpents dont l’agent de la Roumanie
a présenté hier les caractéristiques. Il ne fait guère de doute qu’il s’agit d’un rocher ne se prêtant
«pas à l’habitation humaine ou à une vie économique propre» au sens de l’article1213) de la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer spécifiquement mentionné par les parties dans
l’article 4 a) de l’accord additionnel de1997. Dès lors , cette «île Potemkine» n’a «pas de zone
5 Voir la réplique de la Roumanie(RR), p.204-205, par.6.49. Voir Plateau continental de la mer du Nord
(République fédérale d’Allemagne/Dane mark) (République fédérale d’Allemagn e/Pays-Bas), arrêt, C.I.J.Recueil 1969,
p. 49, par. 89. - 13 -
économique exclusive ni de plateau continental» . Mais, sans nier la pertinence de ce que dira tout
à l’heure le professeur Lowe sur ce point, cet argument n’est pas essentiel en ce sens qu’il ne fait
que s’ajouter à celui, beaucoup plus général, qu’il m’appartient de vous présenter.
7. En effet, les caractéristiques de l’île des Serpents sont telles que, finalement, il importe
peu de savoir s’il s’agit d’une île au sens propre et général du terme, ou d’un rocher au titre de
l’article 121, paragraphe 3, de la convention de MontegoBay: de toutes manières, l’Ukraine ne
saurait revendiquer en sa faveur d’espaces maritimes allant au-delà de la mer territoriale de
12milles marins que les Parties se sont d’ores et déjà mises d’accord pour lui reconnaître. Cette
constatation s’impose à la lumière de l’examen de la pratique des Etats et de la jurisprudence,
relativement abondante, existant en la matière.
8. Le principe selon lequel «[l]a méthode la plus logique et la plus largement pratiquée
consiste à tracer d’abord à titre provisoire une ligne d’équidistance et à examiner ensuite si cette
ligne doit être ajustée pour tenir compte de l’existence de circonstances spéciales» (Délimitation
maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt ,
C.I.J. Recueil 2001, p.94, par.176; voir aussi l’arrêt du 8octobre2007, Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras) ,
7
par. 303) , ce principe disais-je semble être l’un des quelques points d’entente entre les Parties.
Mais leur accord cesse dès lors qu’il s’agit d’a ppliquer le principe en question dans ses deux
branches: elles sont en d ésaccord aussi bien «en aval» ⎯sur la question de savoir quand une île
constitue une «circonstance spéciale» ou «pertinente» ⎯ qu’«en amont» sur l’incidence des îles sur
le tracé de la ligne provisoire d’équidistance elle-même.
9. Il convient, au demeurant, de distinguer ces deux problèmes, que les Parties (et je dis les
Parties, parfois la Roumanie comme l’Ukraine, je le reconnais) ont eu une certaine tendance à
mêler au cours des plaidoiries écrites, et de se demander, successivement, compte tenu des
caractéristiques de l’île des Serpents,
6
Article 121 3) de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
7Voir aussi les sentences arbitrales du 11 avril 2006, Délimitation de la zone économique exclusive et du plateau
continental entre La Barbade et la République de Trinité-et-Tobago , disponible sur le site Internet de la CPA:
(http://www.pca-cpa.org/), par. 242 ou 304, et du 17 septembre 2007, entre Guyana et le Surinam, ibid., par. 335-342. - 14 -
⎯ d’une part, si celle-ci peut être prise en considération pour procéder au tracé initial de la ligne
provisoire d’équidistance ; et,
⎯ d’autre part, si elle doit être considérée co mme une «circonstance pertinente» conduisant à
déplacer, dans un sens ou dans l’autre, cette ligne provisoire.
J’aborderai successivement ces deux points.
I. L’absence d’incidence de l’île des Serpents sur le tracé de la ligne
provisoire d’équidistance
[Projection 1 bis : reprise de la projection 1 (initiale).]
10. Madame la présidente, j’ai toujours c onsidéré que le droit et le bon sens faisaient ⎯ ou,
en tout cas, devaient faire ⎯ bon ménage. Or la ligne provisoire d’équidistance proposée par
l’Ukraine ⎯qui est à nouveau projetée derrière moi et qui figure dans le dossier des juges sous
l’onglet VII-1 ⎯ défie le bon sens le plus élémentaire. Un regard à son tracé suffit à établir que
l’île des Serpents, pourtant insignifiante , la commande presque tout entière ⎯ et complètement en
ce qui concerne les côtes adjacentes.
[Fin de la projection 1 bis ⎯ projection n o 3 : l’effet respectif des lignes provisoires d’équidistance
ukrainienne et roumaine.]
11. Il en résulte qu’une île de 0,17km² (et une côte méridionale d’à peine 300mètres) ont
pour effet de «faire passer» dans le domaine maritime ukrainien plus de 7000km² d’espaces
marins. La ligne en pointillés rouges est la ligne provisoire d’équidistance inventée par l’Ukraine à
partir des trois prétendus points de base se trouvant sur l’île des Serpents. La ligne en pointillés
noirs est celle qui est construite à partir des lignes de base que les Parties ont communiquées à la
Division du droit de la mer des Nations Unies (étant d’ores et déjà précisé que l’Ukraine n’a notifié
aucune ligne de ce genre autour de l’île des Serpents) 8. Quant à la ligne noire et jaune elle est la
ligne finale que l’Ukraine présente comme «équitable». Tout ceci, Madame la présidente, n’a
aucun sens ⎯je le dis avec une certaine véhémence car, malgré les incertitudes du droit de la
délimitation maritime, rarement un Etat a eu l’aplomb d’avancer des prétentions aussi excessives.
[Fin de la projection 3.]
8
Mémoire de la Roumanie (MR), annexe 27 et RR, annexe 3. - 15 -
12. Du reste, si incertitudes il y a eu dans le passé, elles sont aujourd’hui totalement dissipées
pour ce qui est du tracé de la ligne provisoire d’équidistance qui, par analogie avec la rè
gle
applicable à la délimitation de la mer territoriale entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se
font face, est la ligne «dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des lignes
de base à partir desquels est mesurée la largeur de la mer territoriale de chacun des deux Etats» 9. Il
convient donc, dans un premier temps, de tracer not re ligne provisoire en fonction des lignes de
base retenues par les Parties sur leurs côtes respectives. Cette façon de faire est conforme à la
pratique généralement suivie dans des situati ons qui ressemblent à celle à laquelle nous sommes
confrontés, en particulier, lorsqu’une petite île isolée se trouve au large des côtes.
A. Une ligne équidistante des lignes de base respectives des Parties
13. Madame la présidente, en ce qui concerne les principes applicables, les Parties sont
largement d’accord :
⎯ premièrement, le tracé d’une ligne provisoire d’équidistance doit constituer la première étape
de toute opération de délimitation maritime entre Etats dont les côtes sont adjacentes ou se font
face 10;
⎯ deuxièmement, cette opération est strictemen t mathématique et ne repose sur aucune
11
appréciation subjective ; si ajustement il doit y avoir, celui-ci intervient ultérieurement, dans
une seconde étape ; et
⎯ troisièmement, aux fins de l’établissement de la ligne d’équidistance provisoire, ce sont les
lignes de base des Etats qui sont pertinentes 12.
14. Etant donné les développements figurant da ns les écritures des Parties sur chacun de ces
points, il ne me paraît pas utile d’y revenir ce matin ⎯ j’ai indiqué dans les notes de bas de page,
dans le texte remis au Greffe, les références pertinentes des pièces de procédure tant de la
Roumanie que de l’Ukraine, qui établissent leur accord à ces trois points de vue. Leur seul point de
9 Article 15 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982.
10 Voir MR, p.98-101, par.8.44-8.53, ou p.110-113, par.8.78-8.83; CMU, p.159-163, par.6.36-6.41, ou
p. 169, par. 7.1-7.3 ; RR, p. 189-190, par. 6.5-6.6, ou p. 281, par. 8.29 ; DU, p. 89, par. 5.1-5.2, p. 94-95, par. 5.21-5.24.
11 Voir MR, p.218, par.11.63-11.64; CMU, p.163, par. 6.42, p.170, par.7.5, ou p. 173-177, par. 7.14-7.26 ;
RR, p. 282, par. 8.31 ; DU, p. 94, par. 5.19-5.20, p. 108, par. 6.37, p. 133, par. 7.2 ou p. 135, par. 7.8.
12 CMU, p.170-171, par.7.5-7.8 ou p. 176-177, par. 7.25-7.26 ; RR, p. 270, par. 8.2 ou p. 282, par. 8.31 ; DU,
p. 3, par. 1.10, p. 84, par. 4.68, p. 89-90, par. 5.3, ou p. 135, par. 7.8. - 16 -
divergence (mais il est fondamental) est de savoir quelles sont les lignes de base pertinentes aux
fins de cette première étape de la délimitation.
15. Bien que les Parties s’accordent à penser ⎯pour reprendre la formule du
contre-mémoire ukrainien ⎯ que «[t]he «unqualified» application of the equidistance principle
necessarily entails the construction of a strict («unqualified») equidistance line as the provisional
line using all of the relevant base points on the Parties’ coasts as the first step in the process» 13.
Ceci, Madame la présidente, ne nous renseigne guère sur ce que sont ces points de base
«pertinents» (relevant).
[Projection 4 : les points de base invoqués par les Parties.]
16. Comme je l’ai dit, l’Ukraine, avec une ro buste assurance, n’en retient que trois pour le
secteur qui nous intéresse. Il s’agit des points α, β, et γ sur l’île des Serpents, que nous avons
rajoutés sur le schéma5-1 de la duplique ukrainienne. Ce sont ces troispoints (extrêmement
proches les uns des autres) qui, à eux seuls, comma ndent entièrement la ligne d’équidistance dans
le secteur situé entre le pointF, qui marque l’aboutissement de la frontière conventionnellement
arrêtée, et le point C (à partir duquel la ligne médiane est contrôlée par le cap Khersones).
17. La justification insistante que donne l’Ukraine à l’appui du choix de ces trois points est la
suivante :
1) «the first stage of the delimitation should be «d elimitation neutral» in the sense that it involves
constructing a strict equidistance line from the respective base points on each
Parties’ baseline» 14 ;
2) les points de base pertinents à cette fin sont ceux que chaque Partie utilise, dans son droit
15
interne, pour établir la largeur de sa mer territoriale ;
3) l’île des Serpents est dotée d’une mer territo riale – nous dit l’Ukraine-- en vertu de la
16
législation ukrainienne ; donc,
13
CMU, p. 175-176, par. 7.22 ; les italiques sont de nous.
14
DU, p. 94, par. 5.20 ; voir aussi ibid. , par. 5.19, p. 135, par. 7.8 ; ou CMU, p. 170, par. 7.5 ; voir aussi, p. 177,
par. 7.27, ou p. 198, par. 7.89.
15Voir CMU, p. 177, par. 7.27 ; DU, p. 90, par. 5.3, ou p. 139, par. 7.26.
16Voir CMU, p. 177, par. 7.27 ; DU, p. 90, par. 5.5, p. 91, par. 5.8, ou p. 137-138, par. 7.20. - 17 -
4) la ligne de base à prendre en considération p our délimiter la frontière maritime entre les deux
Etats est celle de cette île 17 ⎯sans qu’il y ait lieu de s’arrêter à sa taille insignifiante, ni à
l’effet démesuré que cette mét hode fait produire à cette toute petite formation sur les zones
maritimes revenant respectivement à chaque Partie.
18. La Roumanie n’a pas de querelle avec le point de départ de l’argumentation de
l’Ukraine : il est vrai que l’équidistance de la ligne doit être calculée en fonction des lignes de base
18
tracées à partir des côtes de chaque Partie. Le second point n’appelle pas non plus de remarque ,
si ce n’est que les lignes de base établies par la législation interne à chaque Partie ne sont
opposables aux autres Etats que si elles sont tracée s conformément au droit international (et j’y
19
reviendrai) . En revanche, les deux dernièresaffirma tions de l’Ukraine se heurtent à de graves
objections.
19. En ce qui concerne celle selon laquelle l’île des Serpents est dotée d’une mer territoriale
conformément à la législation ukrainienne, il serait plus exact de dire que la limite extérieure de ce
qui est aujourd’hui la mer territoriale de l’Ukra ine a été décidée par voie d’accord entre l’URSS et
la Roumanie comme le professeurCrawford l’a montré hier. Mais même en laissant ceci de côté
⎯pour les seuls besoins de la démonstration ⎯ il n’en reste pas moins que la législation
ukrainienne est remarquablement vague à cet égard, puisqu’elle ne vise pas expressément l’île des
Serpents 20 et n’évoque nullement, à fortiori, sa mer territoriale.
[Fin de la projection 4.]
20. Et il y a plus grave: jusqu’à l’élaborati on de son contre-mémoire , l’Ukraine n’a jamais
songé à inclure l’îlot dans le réseau de ses lignes de base ⎯ce qui, du reste, conforte aussi
l’argumentation que JamesCrawford a développée deva nt vous hier: c’était inutile car tout le
monde comprenait que l’espace marin relevant de l’île avait fait l’objet d’une délimitation finale et
définitive.
17
Voir CMU, p. 198, par. 7.91 ; ou DU, p. 92, par. 5.13, p. 116, par. 6.66, p. 135, par. 7.10, ou p. 139, par. 7.26.
18 Cf. Délimitation maritime et questions te rritoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 94, par. 177.
19 Voir Pêcheries (Royaume-Uni c.Norvèg e), arrêt, C.I.J.Recueil1951 , p.138-139. Voir aussi L. Lucchini et
M. VŒlckel, Droit de la mer, t. I, Pedone, Paris, 1990, p. 176-177.
20 Cf. CMU, p.177-178, par.7.27. Voir la loi du 4novembre1991, amendée en 1996 et 2003 et celle du
16 mai 1995, amendée en 1996 et 2003 (CMU, vol. 4, annexes 46 et 47). - 18 -
o
[Projection n 5 : le système de lignes de base ukrainien]
21. Il est très remarquable à cet égard que la «Liste des coordonnées géographiques des
points qui définissent l’emplacement des lignes de base servant à mesurer la largeur des eaux
territoriales, de la zone économique et du plateau continental de la mer Noire» ⎯liste que la
mission permanente de l’Ukraine auprès de l’Organisation des NationsUnies a notifiée à la
Division du droit de la mer sous couvert d’une note verbale du 11 novembre 1992 ⎯ ne fasse nulle
allusion à l’île des Serpents 21. Nous avons inclus la liste de ces coordonnées dans vos dossiers
o
Madame et Messieurs les juges (il s’agit de l’onglet n VII-5).
22. Dans des explications embarrassées, l’Ukraine fait valoir :
⎯ primo, que «Serpents’ Island, even if not fu lly integrated to the Ukrainian coastal front
properly speaking…as a coastal island, forms an integral part of the Ukrainian maritime
ensemble in the western side of the relevant area» 22;
23
⎯ secundo, que la mer territoriale de l’Ukraine et celle de l’île des Serpents se rejoignent ;
⎯ tertio, «that Ukraine’s notification of its baselines to the United Nations was provided solely in
order to notify Ukraine’s system of straight baselines, not to set out Ukraine’s baselines in
24
full» ; et
⎯ que, de toute manière, il n’existait aucune obliga tion de procéder à la notification des lignes de
base de l’île des Serpents en vertu de la convention de Montego Bay.
Aucun de ces «arguments», Madame la présidente, ne saurait emporter la conviction.
23. Il est tout à fait clair que c’est l’ensemble de ses lignes de base que l’Ukraine a entendu
notifier ; la preuve en est que, lorsque, entre deux points, elle se réfère à une ligne normale, définie
conformément à l’article5 de la convention, elle indique expressément que la ligne continue le
long de la laisse de basse mer ⎯étant précisé que la mer Noire ne connaît pratiquement pas de
marées. Tel est le cas :
21 o
MR, annexe 27, Bulletin du Droit de la mer n 36, 1998, p.52-53. Egalement disponible sur Internet:
http//www.un.org/Depts/los/LEGISLATIONANDTREATIES/PDFFILES/UKR_1992_Coordinat….
22
CMU, p. 205, par. 8.15 ; ou DU, p. 115, par. 6.64, ou p. 139, par. 7.25.
23CMU, p. 184, par. 7.46; DU, p. 115, par. 6.64.
24DU, p. 91, par. 5.9. - 19 -
⎯ du point se trouvant «au sud du lac Chagany en co ntinuant le long de la laisse de basse-mer
jusqu’au point 5» ;
⎯ du «Promontoire à l’est du cap Severney Odessky en continuant le long de la laisse de
basse-mer jusqu’au point 7» ;
⎯ de la «Flèche de Tendra, extrémité nord en cont inuant le long de la laisse de basse-mer
jusqu’au point 9» ;
⎯ etc., etc. ⎯cette expression («le long de la laisse de basse mer») est répétée douze fois et
établit bien que ce sont toutes les lignes de base que l’Ukraine a entendu notifier aux
NationsUnies, conformément aux obligations lui incombant en vertu de l’article16 de la
convention sur le droit de la mer.
24. Mais notre liste ⎯ je parle toujours de celle qui se tr ouve sous l’onglet VII-5 du dossier
des juges, est également extrêmement instructiv e à un autre point de vue. Elle mentionne
expressément pas moins de cinq îles :
⎯ l’île de Tsyganka ;
⎯ celle de Koubansky ;
⎯ la côte sud-ouest de l’île de Djarylgatch ;
⎯ le «Rocher au-dessus de l’eau au large du Cap Sarytch» ; et
⎯ le «Rocher Korabl-Kamen» ⎯ qui se trouve au-delà de la Crimée et donc en dehors des limites
de la carte.
Cinq îles mais pas trace de l’île des Serpents ⎯ et pour une raison assez évidente : contrairement à
celles qui sont citées, il ne s’agit nullement d’une «île côtière» et il eût été tout à fait abusif de la
faire figurer parmi les points de base utilisés pour la fixation et de la largeur des différentes zones
maritimes ⎯ mers territoriales mises à part ⎯ dominées par la côte ukrainienne, et de la frontière
maritime avec la Roumanie.
o o
[Fin de la projection n 5 ⎯ Projection n 6 : les effets de l’inclusion de l’île des Serpents dans le
système de lignes de base ukrainien.]
25. Quant à tirer argument du fait que les mers territoriales de l’Ukraine et de l’île des
Serpents se rejoignent (puisque cette dernière est située à moins de 24 milles marins du continent),
ceci est sans rapport avec la question des lignes de base qui doivent être prises en compte aux fins - 20 -
de la délimitation. Il suffit bien plutôt de cons tater que, malgré cette caractéristique, l’Ukraine n’a
pas jugé possible d’inclure l’île dans ses lignes de base. Et on la comprend: le croquis qui est
projeté derrière moi montre clairement pourquoi ceci n’aurait pas été juridiquement acceptable. Ce
ne serait, en aucune manière, compatible avec l es directives figurant à l’article 7 de la convention
des Nations Unies sur le droit de la mer :
⎯ la méthode des lignes de base droite n’est admissible que si «la côte est profondément
échancrée et découpée, ou s’il existe un chapel et d’îles le long de la côte, à proximité
immédiate de celle-ci» (art. 7, par. 1 ; voir Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p.103, par.212) ⎯ ce
n’est évidemment pas le cas : l’île des Serpents est isolée à plus de 46 kilomètres de la côte ;
⎯ et puis, «le tracé des lignes de base droites ne doit pas s’écarter sensiblement de la direction
générale des côtes et les étendues de mer s ituées en-deçà doivent être suffisamment liées au
domaine terrestre pour être soumises au régime des eaux intérieures» (art.7, par.3; voir
Pêcheries (Royaume-Uni c. Norvège), arrêt, C.I.J. Recueil 1951 , p. 133 ou p. 142) ⎯ ce n’est,
à l’évidence, pas le cas non plus : on ne voit pas comment l’Ukraine pourrait prétendre inclure
dans ses eaux intérieures tout l’espace compris entre les points, a, b et c ; et
⎯ conformément à l’article 16, le tracé retenu doit fair e l’objet d’une publicité de la part de l’Etat
côtier ; l’Ukraine, je l’ai dit, ne s’est pas acquittée de cette obligation.
Plus globalement, il est clair que si celle-ci avait fa it de l’île des Serpents l’un des points de base à
partir desquels est mesurée sa mer territoriale, ce qu’elle n’a pas fait, le tracé retenu n’eût pas été
«modéré et raisonnable», pour reprendre l’e xpression de la Cour dans l’affaire des Pêcheries
norvégiennes (ibid., p. 142).
o
[Fin de la projection n 6.]
26. En résumé, Madame la présidente :
⎯ la ligne provisoire d’équidistance doit, comme le s deux Parties en conviennent, être tracée à
partir des lignes de base des deux Etats ;
⎯ du côté ukrainien ces lignes n’incluent pas l’île des Serpents et
⎯ n’auraient, en tout état de cause, pas pu l’inclure ; - 21 -
⎯ il convient donc de procéder dans un premier temps au tracé de la ligne d’équidistance en s’en
tenant strictement aux points de base retenus et communiqués aux Nations Unies par l’Ukraine
d’une part et par la Roumanie d’autre part, sans prendre en compte l’île des Serpents qui, je le
répète, n’a pas ⎯et à très juste titre ⎯ fait l’objet d’une telle notification. Ceci est du reste
pleinement conforme à votre jurisprudence en la matière ⎯ je vais y revenir dans un instant.
[Projection n 7 : construction de la ligne d’équidistance dans le secteur 1.]
27. Le croquis que vous pouvez voir maintenant sur l’écran, Madame et Messieurs de la
Cour, illustre la construction de la ligne d’équidistance. Celle-ci ⎯ que vous voyez en rouge ⎯ se
trouve à égale distance des lignes de base des deux Etats ; et nous avons fait figurer sur le croquis
25
les points de base que l’Ukraine a énumérés dans sa notification de1992 et, du côté roumain,
ceux qui ont fait l’objet de la le ttre du représentant permanent au Secrétaire général en date du
18 juin 1997 2. Vous pourrez remarquer en passant qu’i ci encore il s’agit d’une ligne «mixte»
mêlant des segments déterminés selon la méthode des lignes de base droites, tandis que d’autres
suivent la laisse de basse mer.
[Fin de la projection n o 7 ⎯ projection n 8 : photo satellite de la digue de Sulina.]
28. Une particularité mérite d’être signalée: il s’agit de la digue de Sulina qui de l’avis
commun de la Roumanie et de l’Ukraine ne constitue pas une «circonstance pertinente» au sens
juridique du terme et cet élément peut être pris en compte d’emblée aux fins de l’établissement de
27
la ligne provisoire d’équidistance , comme le prévoit l’article11 de la convention de 1982. Au
surplus, à la différence de l’Ukrain e, qui n’a pas notifié au Secrétaire général l’île des Serpents en
tant que point de base (et qui ne pouvait pas le faire), l’extrémité de la digue de Sulina constitue le
28
point 2 des coordonnées que la Roumanie a communiquées en 1997 ; au surplus, non seulement
l’Ukraine a reconnu la pertinence de la digue dans le processus de délimitation dans le traité sur le
29
régime de la frontière de 2003 , mais encore elle en a elle-même fait usage, en tant que point de
25 o
Voir MR, annexe 27 et dossier des juges, pièce n VII-5.
26Voir CMU, vol. 3, annexe 41, ou RR, annexe 3.
27Voir MR, p. 203, par. 11.17, ou p. 220, par. 11.65 et 11. 67 ; CMU, p. 198, par. 7.90-7. 91. Voir aussi fig. 7-1 ;
RR, p. 50-53, par. 3.69-3.73 ; DU, p. 84, par. 4.68, ou p. 92, par. 5.15.
28Voir CMU, vol. 3, annexe 41, ou RR, annexe 3.
29
RR, p. 53, par. 3.73. - 22 -
base, pour construire sa propre ligne d’équidistance provisoire dans ses écritures 30. Quoique
31
veuille faire accroire la Partie ukrainienne , la situation de la digue du port de Sulina n’a rien à
voir avec celle de l’île des Serpents aux fins de la délimitation maritime; James Crawford y
reviendra de manière plus précise demain. En outre, comme on peut le voir sur la photo satellite
qui est projetée en ce moment, une importante île sablonneuse s’est formée et continue de se
développer à proximité du point d’arrivée de la digue, ce qui confirme qu’il est légitime de tracer la
ligne de base à partir de ce point conformément à l’article 7 de la convention de Montego Bay.
o o
[Fin de la projection n° 8 -- projection n 8 bis : reprise de la projection n 7.]
29. Madame la présidente, c’est parce que, comme le préconise l’Ukraine, il convient de
partir des points de base légitimement retenus par les Parties aux fins de la fixation de la largeur de
leur mer territoriale, que l’île des Serpents n’est appelée à jouer aucun rôle dans la fixation de la
ligne provisoire d’équidistance dans le secteur dans lequel les côtes roumaines et ukrainiennes sont
adjacentes. Cette exclusion est en tous points co nforme à la pratique internationale et à votre
jurisprudence, Madame et Messieurs les juges, lorsque vous avez eu à vous prononcer sur des
situations de ce genre.
[Fin de la projection n° 8 bis.]
B. Une ligne provisoire conforme à la pratique et à la jurisprudence internationales
30. Il est en effet de jurisprudence que de très petites îles isolées comme celle à laquelle
l’Ukraine s’emploie à faire produire des effets t out à fait disproportionnés tant par rapport à sa
taille qu’à sa situation, que de telle îles ne doivent pas être prises en considération aux fins du tracé
provisoire de la ligne d’équidistance. Et ceci sans qu’il soit besoin de décider s’il s’agit ou non
d’un «rocher» (au sens de l’article121, paragraphe3, de la convention des NationsUnies sur le
droit de la mer), quitte à les réintroduire dans le jeu dans une phase ultérieure en tant que
circonstances pertinentes. L’arrêt de la Chambre constituée dans l’affaire du Golfe du Maine
expose de manière limpide ce principe de bon sens autant que de droit :
30
CMU, p. 237-238, par. 9.23 et croquis 9-2 ; DU, p. 92, par. 5.15.
31Voir notamment CMU, p. 26, par. 3.53, ou p. 37, par. 4.13-4.14 ; DU, p. 83, par. 4.65-4.66, p. 84, par. 4.69, ou
p. 93, par. 5.18. - 23 -
«Dans un passage pertinent de l’a rrêt de 1969 relatif aux affaires du Plateau
continental de la mer du Nord (C.I.J. Recueil 1969 , p.36, par.57), la Cour a fait
ressortir que, pour déterminer le tracé d’une ligne de délimitation destinée à «diviser
également l’espace dont il s’agit» entre deux cô tes, il n’y a pas lieu de tenir compte
des «îlots, des rochers, ou des légers saillants de la côte, dont on peut éliminer l’effet
exagéré de déviation par d’autres moyens». S’en rapportant à cette remarque, la
Chambre tient pour sa part à relever les inconvénients que pe ut engendrer une
méthode consistant précisément à retenir comme points de base, pour le tracé d’une
ligne recherchant une division à égalité d’un certain espace
, de toutes petites îles, des
rochers inhabités, des hauts-fonds, situés pa rfois à une distance considérable de la
terre ferme.» (Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine
(Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J.Recueil1984 , p. 329-330, par. 201.
Voir également Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt,
C.I.J. Recueil 1985, p.48, par.64 et Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J.Recueil2001 , p.114,
par. 246.)
31. La ligne ukrainienne fait complètement fi de ces sages principes, pourtant mis en Œuvre
dans maints précédents.
32. Dans notre affaire, l’étude de ces précéd ents est d’autant plus indispensable que, par
l’article 4 a) de l’accord additionnel de 1997 ⎯dans lequel les Parties ont énoncé le premier des
principes qu’elles estiment pertinents aux fins de la délimitation de leurs zones maritimes
respectives, celles-ci sont convenues d’appliquer «le principe incorporé dans l’article121 de la
convention des NationsUnies sur le droit de la mer du 10décembre1982, tel qu’il est appliqué
dans la pratique des Etats et dans la jurisprudence internationale »32. Non seulement cette
mention expresse de la pratique justifie l’intérêt tout particulier qui doit lui être porté, mais encore,
ce renvoi à l’article 121 dans son ensemble montre que la pratique pertinente est celle qui concerne
toutes les îles ⎯ quel que soit leur caractère. En d’autres termes, bien que l’île qui nous intéresse,
l’île des Serpents, relève sans au cun doute de la catégorie des «rochers» visés au paragraphe 3 de
cette disposition, il convient de s’interroger, d’une manière très générale, sur l’incidence des îles en
matière de délimitation. Et cette étude est, en effet, fort instructive.
33. Nous y avons largement procédé dans nos écritures ⎯ auxquelles je me permets de vous
renvoyer : il s’agit respectivement de 15 pages de notre mémoire 33, de 10 pages 34 de la réplique et,
35
surtout, du long addendum (de près de 40 pages) au chapitre VI de la réplique .
32MR, annexe 2. Voir aussi RTNU, vol. 2159, p. 50.
33P. 113-127, par. 8.86-8.121.
34
P. 197-200, par. 6.25-6.36 et p. 275-280, par. 8.17-8.25.
35RR, p. 208-245, par. 6.53-6.187. - 24 -
34. J’avoue que la lecture en est assez astreignante. Mais, si elle n’est pas palpitante, elle est
édifiante. Elle montre en tout cas qu’il faut considérablement relativiser l’affirmation récurrente de
l’Ukraine, selon laquelle «[t]he role of islands in maritime delimitation is not subject to
pre-determined rules» 36.
35. Assurément, l’effet que peut avoir (ou ne pas avoir) une île sur le tracé d’une frontière
maritime varie en fonction de pl usieurs paramètres. Néanmoins, une fois ceux-ci déterminés, les
mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut établir les conséquences qui doivent en résulter
sur le tracé à venir de manière peut-être pas rigoureusement mathématique ⎯ le droit n’est pas une
science exacte ⎯ mais raisonnablement prévisible.
36. Ceci est particulièrement clair lorsque l’ on examine la jurisprudence pertinente, que le
tableau qui se trouve sous l’ongletVII-9 du dossi er des juges s’efforce de synthétiser. D’une
manière générale, ce tableau permet de constate r que dans nombre d’affaires la Cour ou des
tribunaux arbitraux n’ont pas tenu compte, lors du tracé de la ligne d’équidistance, d’une ou de
plusieurs îles auxquelles ils ont ensuite, parfois ⎯ pas toujours --, conféré un effet limité au stade
de l’examen des circonstances pertinentes. Tel est le cas :
⎯ de l’affaire de la Mer d’Iroise, dans laquelle le Tribunal a neutralisé les îles anglo-normandes
durant la première partie de l’ opération de délimitation et a tracé la ligne médiane comme «si
37
les îles anglo-normandes n’existaient pas» , alors même que leur taille et l’importance de leur
population sont sans commune mesure avec celles de l’île des Serpents 38;
⎯ dans l’affaire Tunisie/Libye, à une époque où le principe équidistance/circonstances pertinentes
n’était pas aussi solidement ancré dans le droit positif qu’aujourd’hui, la Cour a rappelé que «la
pratique des Etats fournit divers exemples de dé limitation dans lesquels des îles proches de la
côte ne se sont vu reconnaître qu’un effet partiel» ( Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya
arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 89, par. 129) ;
36
DU, p. 115, par. 6.62 ; voir aussi, par exemple, CMU, p. 48, par. 4.53, p. 49, par. 4.57, ou p. 63, par. 4.68.
37 Sentence arbitrale du 30 juin 1977, Délimitation du plateau continen tal entre le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la République française , RSANU., vol. XVIII, p. 223, par. 182 ; voir aussi
p. 226, par. 189, ou p. 230, par. 199.
38Ibid., p. 223, par. 182 ; voir aussi p. 226, par. 189, ou p. 230, par. 199. - 25 -
⎯ de même dans l’affaire du Plateau continental Libye-Malte, la Cour a jugé «équitable de ne pas
tenir compte de Filfla [vous l’avez vu hier dans les tableaux projetés par l’agent] dans le calcul
de la médiane provisoire entre Malte et la Libye» afin «d’éliminer l’effet exagéré de certains
îlots, rochers ou légers saillants des côtes ( Plateau continental (Jamahiriya arabe
libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 48, par.64; voir aussi p. 52, par.73), alors
même que Filfla est située à seulement 5kilomè tres de la côte maltaise, et pouvait, bien plus
que l’île des Serpents, être considérée comme une «île côtière»; du reste, elle figurait
(contrairement à l’île des Serpents) parmi les points de base de Malte ( Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 48, par. 64) ;
⎯ dans l’affaire opposant Dubaï à Sharjah le tribunal (qui a rendu sa sentence en anglais, je la cite
dans cette langue) «has come to the conclusion … that to allow to the island of Abu Musa any
entitlement to an area of the continental shelf of the Gulf beyond the extent of its belt of
territorial sea would indeed produce a distorting effect upon neighbouring shelf areas» 39 ;
⎯ dans l’arbitrage de la Mer Rouge entre l’Erythrée et le Yémen, le tribunal [ ⎯ qui a décidé que
«[t]he median line boundary will…be measu red from the low water line, shown on the
officially recognized charts for both Eritrea a nd Yemen, in accordance with the provision in
article5 of the convention» ⎯] donc le tribunal après avoir dit ça a, dans un premier temps,
fait abstraction des îles environnantes, dont certaines sont cependant infiniment plus
40
significatives que notre îlot ;
⎯ dans Qatar/Bahreïn, la Cour a constaté
«que Qit’at Jaradah est une île très petite , inhabitée et totalement dépourvue de
végétation. Cette île minuscule…se situe à peu près à mi-chemin entre l’île
principale de Bahreïn et la péninsule de Qa tar. De ce fait, utiliser sa laisse de basse
mer pour déterminer un point de base servant à construire la ligne d’équidistance et
retenir cette ligne comme ligne de délim itation reviendrait à attribuer un effet
disproportionné à une formation maritime insignifiante» ( Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et B ahreïn (Qatar c.Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 108-109, par. 219) ;
⎯ dans l’arbitrage du 26 mars 2002 entre la province de Terre-Neuve et du Labrador et celle de la
Nouvelle-Ecosse, le tribunal s’est interrogé sur la manière de traiter l’île Saint-Paul, une
39
ILR, vol. 91, p. 676-677 ; les italiques sont de nous.
40Sentence du 17décembre1999, 2 e phase, Délimitation maritime, p.366, par.135; voir p.364-366,
par. 129-135, et p. 367-368, par. 139-148. - 26 -
formation rocheuse, escarpée, d’une élévation de 148mètres, et dont la superficie est d’à peu
2
près 5km ; et ce n’est que parce que Terre-Neuve avait «expressément accepté cette île
comme point de base aux fins de délimitation» que le tribunal lui a reconnu ce statut 41 ;
⎯ par analogie, on peut aussi penser à l’arrêt de l’an dernier sur le Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Hondur as dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras) puisque ce n’est qu’après avoir tracé la ligne bissectrice séparant les espaces
maritimes relevant respectivement des deux Etats que la Cour a attribué une mer territoriale
aux petits îlots et cayes sur lesquels elle ava it reconnu la souveraineté du Honduras: la haute
juridiction
«ayant choisi la méthode de délimitation à partir du continent et défini les modalités
de son application, peut à présent aborder la tâche, indépendante de la première,
consistant à délimiter les eaux qui entourent ou qui séparent les îles et cayes situées au
nord et au sud du 15 parallèle» (arrêt du 8 octobre 2007, par. 299).
37. Plusieurs accords de délimitation conduisen t aux mêmes constatations même s’il n’est
pas toujours facile de déterminer ce qui a conduit l es Etats parties à retenir telle ou telle solution et
comme, contrairement à la Cour, les Etats ne sont pas tenus de procéder en deux temps, l’analyse
de la pratique conventionnelle est sans doute plus probante globalem ent que dans la perspective de
la décomposition en deux temps à laquelle la Cour procède traditionnellement. Il reste que, dans
certains cas, il est tout à fait clair que les parties contractantes n’ont délibérément pas pris en
compte certaines îles (parfois bien plus importantes que l’île des Serpents) dans le tracé de la ligne
d’équidistance à laquelle elles ont procédé. Cela est établi à suffisance dans nos écritures,
42
auxquelles je me permets de vous renvoyer .
38. Madame la présidente, Messieurs de la Cour, tout ceci donne une orientation claire:
lorsque la délimitation des espaces maritimes entr e deux Etats suit la procédure en deuxtemps,
maintenant bien établie comme constituant le principe en la matière, les îles présentant des
caractéristiques comparables à celles de l’île des Serpents (et d’autres beaucoup plus grandes aussi
d’ailleurs), les îles de ce genre ne sont en généra l pas prises en compte durant la première étape,
celle consistant à tracer une ligne de stri cte équidistance. Lorsqu’elles le sont ⎯ ce qui arrive
41
Par. 4.30-4.31.
42MR, p. 122-127, par. 8.104-8.121 et RU, p. 208-245, par. 6.53-6.187. - 27 -
parfois (mais il s’agit alors d’îles autrement plus impressionnantes que l’île des Serpents ⎯ même
si l’Ukraine semble vouloir s’inspir er de la fable de la grenouille qui se voulait aussi grosse que le
bŒuf 4…) ⎯ lorsqu’elles sont prises en compte, disais-je, il convient de s’interroger sur l’effet qui
doit leur être accordé (et celui-ci sera, dans tous les cas, atténué) ; lorsqu’elles ne le sont pas (ce qui
constitue la règle générale à l’heure actuelle) elles sont réintégrées dans l’opération de délimitation
à titre de «circonstances pertinentes» et peuvent en traîner, à ce titre, un réajustement de la ligne
d’équidistance.
II. L’effet de l’île des serpents sur la délimitation
en tant que circonstance pertinente
39. Madame la présidente, Messieurs les juges, pour petite et inhospitalière que soit l’île des
Serpents, elle existe et la Roumanie ne conteste pas son appartenance à l’Uk raine. Il s’agit donc,
d’«un fait devant être pris en compte dans l’opération de délimitation» (Délimitation maritime dans
la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège), arrêt,
C.I.J. Recueil 1993, p. 62, par. 55) ⎯ c’est-à-dire, conformément à la définition donnée par la Cour
dans l’affaire de Jan Mayen, une circonstance pertinente, qui, comme les circonstances spéciales
s’agissant de la mer territoriale, est susceptible «de modifier le résultat produit par une application
automatique du principe d’équidistance» (ibid.).
40. Puisque la Partie ukrainienne part du principe que l’île des Serpents ne constitue pas une
circonstance pertinente aux fins de la délimitation à laquelle la Cour est priée de procéder, je
m’interrogerai dans un premier temps sur les éléments susceptibles de constituer une telle
circonstance dans la présente affaire, avant d’examiner l’effet que ces circonstances, au premier
rang desquelles l’île des Serpents, pourraient exercer sur le tracé de la ligne provisoirement fixée.
A. Les «circonstances pertinentes» en la présente espèce
41. Madame la présidente, nos amis ukrainie ns ont une conception singulièrement floue et
sélective de la méthode «équidistance/circonstances pertinentes». Et je ne caricature
43«La Grenouille qui veut se faire aussi gr osse que le BŒuf» (M.C.A.Walckenaër, Œuvres complètes de Jean
de la Fontaine, Firmin Didot Frères, Paris, 1840, p. 12). - 28 -
malheureusement pas en disant que , en gros, ils considèrent comme «circonstances pertinentes»
tout ce qui pourrait être utilisé pour servir leurs intérêts ; les autres étant toutes «non pertinentes».
42. Je laisse l’île des Serpents de côté pour l’instant, Madame la présidente, et me borne aux
conclusions auxquelles conduit la lecture du chapitre 6 de la duplique ukrainienne. Il en résulte
que :
⎯ la «géographie côtière» (qui se caractériserait par la «prédominance géographique de l’Ukraine
dans la région pertinente») ;
⎯ les activités pétrolières et gazières ; et,
⎯ la surveillance des activités de pêche illicites ;
seraient autant de circonstances pertinentes, tandis que :
⎯ la nature de mer semi-fermée de la mer Noire ; et
⎯ les délimitations maritimes intervenues dans la zone n’entreraient pas dans cette catégorie.
o
[Projection n 9 : l’incidence de la délimitation conventionnelle.]
43. Pour des raisons sur lesquelles Daniel Mü ller et Cosmin Dinescu reviendront en détail
demain, les «effectivités» dont se prévalent les Par ties n’ont pas d’inciden ce sur les délimitations
maritimes ⎯ sauf dans les cas exceptionnels où leur coïncidence permet d’y voir un accord tacite.
Ce n’est pas le cas ici. Mais cette idée d’accord tacite renvoie à une catégorie, évidemment
essentielle, d’éléments qui eux doivent être pris en considération, même s’ils ne correspondent pas
à la définition des «circonstances pertinentes»: tel est le cas des accords qui peuvent intervenir
entre les Parties en vue de la fixation de tout ou partie de la frontière maritime litigieuse ou de la
détermination des caractéristiques de la ligne à tracer (voir Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c.Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 431, par. 268 ; 12 octobre 1984, Délimitation de la frontière maritime dans
la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J.Recueil1984 , p.266,
par. 22-23 ) 44. C’est ce qui s’est produit, dans notre espèce. La délimitation de la mer territoriale
adjacente aux côtes «continentales» des deux Parties et l’espace marin relevant de l’île des Serpents
du point F au point X ont été conventionnellement fi xés. Il en résulte évidemment un déplacement
44Voir aussi sentence arbitrale du 31 juillet 1989, Délimitation de la frontière maritime entre la Guinée-Bissau et
le Sénégal, RSA, vol. XX, p. 152, par. 85. - 29 -
non négligeable de la ligne de stricte équidist ance tracée conformément aux principes que j’ai
présentés tout à l’heure.
44. Quant à la «géographie côtière» dont se prévaut l’Ukraine, elle est, bien évidemment, au
centre de toute opération de délimitation maritime. C’est, dans tous les cas, en fonction d’elle :
⎯ que l’on détermine quelles sont les côtes et la zone marine pertinentes aux fins de la
délimitation ;
⎯ que l’on construit la ligne provisoire d’équidistance ; et
⎯ que l’on effectue le fameux «test de proportionnalité».
Mais cette pertinence globale n’en fait pas une «circonstance pertinente» (au sens technique de
l’expression) ⎯ sauf à tout mélanger et à, si l’on peut di re, tourner en rond en «comptant deux (ou
trois) fois» les mêmes éléments. C’est d’ailleurs très exactement ce que font la section3 du
chapitre 6 et le chapitre 8 tout entier de la duplique ukrainienne.
[Fin de la projection n o 9.]
45. Cela ne signifie évidemment pas que l es facteurs géographiques ne peuvent constituer
des circonstances pertinentes. Ils le sont pa r excellence, mais il doit s’agir d’éléments
individualisés ou individualisables comme la concavité (ou la convexité) d’une côte, sa
configuration spéciale, ou la présence d’une ou de plusieurs îles ⎯au fond, tous les éléments
géographiques pertinents sauf, précisément, ceux qui ser ont pris en compte afin d’apprécier le test
de la proportionnalité ⎯ de la proportionnalité globale. Comme l’a excellemment indiqué le
tribunal arbitral dans l’affaire Barbade/Trinité-et-Tobago, cette proportionnalité globale est «the
last stage of the test of the equity of a delimitati on. It serves to check the line of delimitation that
might have been arrived at in c onsideration of various other factors, so as to ensure that the end
45
result is equitable and thus in accordance with the applicable law under UNCLOS.»
46. N’en déduisez pas, chers amis de l’autr e côté de la barre, que nous sommes embarrassés
ou gênés par ce test : comme le professeur Lowe le montrera demain, il nous convient au contraire
parfaitement. Mais nous avons, po ur notre part, le sentiment que l’accent exclusif mis sur la
45Sentence arbitrale du 11avril2006,Délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental
entre La Barbade et la Ré publique de Trinité-et-Tobago , disponible sur le site Internet de la CPA: (http://www.pca-
cpa.org/upload), par. 240 ; voir aussi par. 337. - 30 -
proportionnalité montre que la Par tie ukrainienne n’a guère d’autre argument à invoquer et avance
celui-ci, sans craindre «l’énormité» dont je parlais tout à l’heure qui, pourtant, le déconsidère.
47. Pour revenir aux circonstances pertinentes, dans le vrai sens de l’expression, l’Ukraine
écarte, par principe, toutes celles qui ne lui convienne nt pas. Je ne m’attarderai pas sur la nature
fermée de la mer Noire et les accords de déli mitation déjà intervenus dans cette zone car
l’argumentation de la duplique est assez répétitive ⎯ sinon pour formuler deux remarques :
1)les arguments de la Roumanie au suje t de ces deux circonstances pertinentes sont
fondamentalement liés : c’est parce que la mer Noire est une mer semi-fermée que les accords
de délimitation entre Etats riverains y sont partic ulièrement importants et doivent être pris en
considération ; et
2) l’Ukraine allègue que la sentence arbitrale rendue il y a deux ans entre la Barbade et
46
Trinité-et-Tobago établirait la non-pertin ence des accords de délimitation régionaux ; en
réalité, le tribunal arbitral, loin de contester la possibilité que les accords conclus par des Etats
tiers puissent avoir un effet sur le tracé de la li gne frontière (comme cela a été admis dans la
47
sentence Guinée/Guinée-Bissau de 1985 ), a, dans sa sentence du 11 avril 2006 considéré qu’il
devait tenir compte de deux de ces accords.
o o
[Projection n 10 : reprise de la projection n 6.]
48. Ceci nous ramène, Madame la présidente, à l’île des Serpents, qui constitue, assurément,
la principale circonstance pertinente ⎯ ou plutôt peut-être la circonstance dont l’Ukraine a voulu,
non sans adresse, donner à penser qu’elle était la principale circonstance pertinente…en lui
déniant ce caractère! En effet, en l’incluant, artificiellement et illicitement, dans le système
ukrainien de lignes de base, nos contradicteurs te ntent d’éviter que la Cour puisse se prononcer sur
son degré de pertinence. Ils lui font, en effet, produire d’emblée un plein effet et il n’existe dès lors
plus aucun motif pour ajuster la ligne d’équidist ance «stricte», «unqualified», qui en résulte, pour
grossièrement inéquitable qu’elle soit: on ne peut logiquement utiliser le même facteur pour
construire une ligne et la corriger. Le tour serait donc joué… Sauf que, dans notre affaire, l’île des
46
Voir DU, p. 106, par. 6.31-6.32.
47RSA, vol. XIX, p. 187, par. 104, et p. 189-190, par. 108-111. - 31 -
Serpents ne peut être prise en considération dans le cadre de la première étape comme je l’ai
montré tout à l’heure.
49. Ce n’est que dans un second temps, une fo is la ligne d’équidistance tracée, que, comme
l’a rappelé la Cour, «les îles ont parfois été prises en compte comme circonstance pertinente en
matière de délimitation, lorsqu’e lles se trouvaient dans la zone à délimiter et relevaient de la
souveraineté de l’une des parties» (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria,
arrêt, C.I.J.Recueil 2002, p.446, par.299) 48. C’est à la lumière de cette jurisprudence constante
qu’il convient d’apprécier l’incidence de l’île des Serpents sur le tracé de la frontière en tant que
circonstance pertinente.
o
[Fin de la projection n 10.]
B. L’incidence de l’île des Serpents en tant que circonstance pertinente
50. Pour faire pendant au tableau qui figure da ns votre dossier sous l’ongletVII-9 et qui
montre que les petites îles ne sont, en règle généra le, pas prises en compte pour la construction de
la ligne provisoire d’équidistance, nous avons prép aré un autre tableau résumant la jurisprudence
relative au rôle des îles, cette fois en tant que circonstances pertinentes dans les affaires de
délimitation maritime ⎯affaires qui sont abondamment discutées dans les écritures de la
49
Roumanie . Ce second tableau figure dans le dossier des juges sous l’onglet VII-11.
51. Je ne vais pas commenter ce tableau ligne à ligne mais simplement essayer d’en
synthétiser les principaux enseignements. Le pr emier, essentiel en ce qui nous concerne, est que
dans aucun des cas qui, de près ou de loin, peuvent être considérés comme similaires au nôtre, un
plein effet n’a été donné aux îles considérées.
52. Au maximum, elles ont bénéficié d’un demi-effet :
⎯ Dans l’affaire de la Mer d’Iroise, le tribunal a reconnu que «la position des [îles] Sorlingues
[(Scilly Islands)] à l’ouest-sud-ouest de la péninsule de Cornouailles constitue une
48Renvoyant à la sentence arbitrale du 30 juin 1977 dans l’affaire de la Délimitation du plateau continental entre
le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la République française, RSANU, vol. XVIII, p. 130.
49MR, p.113-127, par.8.86-8.121; RR, p.197-200, pa r. 6.25-6.36, p. 208-245, par. 6.53-6.187, et p. 275-280,
par. 8.17-8.25. - 32 -
50
«circonstance spéciale» justifiant une ligne autre que la stricte ligne médiane» et il a
considéré qu’elles devaient se voir doter d’un «demi-effet». Compte tenu des caractères
particuliers de ces îles (peuplées de plus de 200 0habitants et situées à la même distance des
côtes de la Grande-Bretagne que l’île des Serpents l’est de l’Ukraine) le tribunal a considéré
qu’en procédant ainsi il suivait «une méthode appropriée et pratique pour remédier à la
disproportion et à l’inéquité qu’on crée sans ce la en donnant un plein effet aux Sorlingues en
51
tant que point de base pour fixer le tracé de la ligne de délimitation» .
⎯ La Cour de céans a procédé de la même manière pour tenir compte des îles Kerkennah dans
l’affaire du Plateau continental Tunisie/Libye qui, bien que couvrant 180km² (0,17km²
s’agissant de l’île des Serpents) et ay ant une population permanente de près de
15 000 habitants, les îles Kerkennah ne se sont vu reconnaître qu’un demi-effet.
⎯ Dans l’affaire du Golfe du Maine , la Cour a également donné un demi-effet à
«l’île Seal … longue d’environ 2 milles et demi, [qui] atteint une élévation d’environ 50 pieds
au-dessus du niveau de la mer, et est habitée à longueur d’année» (arrêt, C.I.J. Recueil1984,
p.337, par.222), comme l’a constaté la Cham bre. La Chambre a en effet considéré que «en
raison de ses dimensions [l’île des Serpents est vingt fois plus petite] et surtout de sa position
géographique [nettement plus proche de la cô te de la Nouvelle-Ecosse que l’île des Serpents
l’est de la côte ukrainienne], cette île … [l’île Seal] ne saurait être négligée» ( ibid., p. 336-337,
par. 222).
⎯ Dans la délimitation entre la province de Terre-Neuve et du Labrador et celle de la
Nouvelle-Ecosse, le tribunal arbitral a considéré initialement la possibilité de donner un
52
demi-effet à l’île de Sable, «une île sablonneuse isolée» ayant une superficie de 33km²
⎯ donc infiniment plus grande que l’île des Serpents ⎯ et virtuellement inhabitée, en vue de
l’établissement de la ligne d’équidistance provi soire «[c]ompte tenu de son éloignement et de
l’effet très exagéré que cette petite île déserte aurait sur la délimitation si un plein effet lui était
50
Sentence arbitrale du 30juin1977, Délimitation du plateau continental entre le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et la République française, RSANU, vol. XVIII, p. 252, par. 245.
51
Ibid., p. 255, par. 251.
52Sentence du 26 mars 2002, par. 4.32. - 33 -
53
donné» . Mais finalement, pour limiter l’effet d’ amputation déraisonnable résultant de ce
tracé, «le tribunal [a ajusté] encore la ligne d’équidistance en n’accordant aucun effet que ce
soit à l’île de Sable» 54.
53. Dans de nombreux cas, des îles beaucoup pl us considérables que l’île des Serpents se
sont vu reconnaître un espace maritime de 12 milles marins en tout et pour tout.
⎯ Il en est allé ainsi des îles anglo-normandes dans l’affaire de la Mer d’Iroise. Dans cette
affaire, le tribunal a commencé par indiquer ce que serait le tracé de la ligne médiane «si les
îles anglo-normandes n’existaient pas» 55, avant de constater que «[l]a présence de ces îles
britanniques auprès de la côte française, si l’on en tient pleinement compte pour effectuer la
délimitation du plateau continental, entraînera manifestement une réduction substantielle de la
partie du plateau continental qui reviendrait san s cela à la République française. Le tribunal
estime que ce fait constitue en soi, prima facie, une circonstance créatrice d’inéquité qui rend
nécessaire une méthode de délimitation remédi ant d’une certaine manière à cette inéquité» 56.
En conséquence, le tribunal a décidé que les îles anglo-normandes «seront enfermées dans une
enclave formée, au nord et à l’ouest, par la limite de la zone de 12 milles» tracée «à partir des
lignes de base existantes de la mer territoriale des îles anglo-normandes» 57. Madame
la présidente, Jersey et Guernesey comptaient à l’époque 130 000 habitants et occupent environ
195 km² ⎯à comparer, Madame la présidente, à l’absence de population permanente et aux
17 hectares de l’île des Serpents…
⎯ S’agissant de l’île d’AbuMusa dans le cadre de l’arbitrage entre Dubaï et Sharjah, dans sa
sentence de1981, le tribunal a considéré que ce tte île de 12km² (0,17pour la nôtre), peuplée
d’environ 500habitants et située à environ 41milles marins de la côte, devait se voir
58
reconnaître une mer territoriale à l’excl usion de tout plateau continental . Et le tribunal a
estimé que :
53 Ibid., par. 5.13.
54
Ibid., par. 5.15.
55
Ibid., p. 223, par. 182 ; voir aussi p. 226, par. 189, ou p. 230, par. 199.
56 Ibid., p. 229, par. 196.
57 Ibid., p. 231, par. 202.
58 Dubai-Sharjah Border Arbitration, (1981) ILR, vol. 91, p. 677. - 34 -
«To give no effect to the continental shelf entitlement to the island of Abu Musa
would preserve the equities of the geographical situation and would be consistent for
example, with comparable regional practice as applied to the islands of Al-Arabiyah
and Farsi in the SaudiArabian–Iranian Ag reement of January1969, and Dayinah in
the Abu Dahbi-Qatar Agreement of March 1969, where the continental shelf rights of
islands were limited as to coincide with their respective territorial waters, but not used
as basepoints for the purpose of constructing median or equidistance bou
ndaries in
59
respect of the continental shelves between opposite or adjacent states» ; et,
⎯ dans son arrêt de l’an dernier dans l’affaire relative au Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras (Nicaragua c. Honduras), la Cour a procédé dans un premier temps
à la délimitation à partir du continent et abordé ensuite la tâche consistant à délimiter les eaux
qui entourent ou qui séparent les îles et cayes situées au nord du 15 eparallèle qu’elle avait
attribués au Honduras pour déclarer finalement que, «sous réserve d’éventuels chevauchements
entre les mers territoriales situées respectivement autour d’îles honduriennes et d’îles
nicaraguayennes se trouvant alentour, BobelCay, SavannaCay, PortRoyalCay et SouthCay
doivent se voir accorder une mer territoriale de 12milles marins» (arrêt du 8octobre2007,
par. 302). Une mer territoriale de 12 milles marins, rien de plus.
54. Souvent, de très petites îles ne se sont vu reconnaître aucun effet sur le tracé de la ligne
de délimitation finalement retenu :
⎯ tel est le cas, par exemple de Filfla une petite île inhabitée proche des côtes de Malte qui, ayant
été exclue par la Cour du tracé de la ligne provisoire (voir Plateau continental (Jamahiriya
arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.Recueil1985, p.48, par.64; voir aussi p.52, par.73),
comme je l’ai dit tout à l’heure, n’a pas été réintégrée dans le raisonne ment qui a mené à la
délimitation définitive dans l’affaire Libye/Malte ;
⎯ il en est allé de même des île s de Jabalal-Tayr et JabalZ ubayr dans la seconde sentence
60
Erythrée/Yemen, sur la délimitation, du 17 décembre 1999 ; et aussi
⎯ dans Qatar c.Bahreïn , la Cour, après avoir établi qu’il ne convenait pas de tenir compte de
l’île de Qit’at Jaradah dans la construction de la ligne provisoire d’équidistance, je l’ai dit tout
à l’heure, a rappelé qu’elle
«a parfois été amenée à éliminer l’effet exagéré de petites îles (cf. Plateau continental
(Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 48, par. 64 ; Plateau
59
Ibid., p. 675-677.
60RSA, vol. XXII, p. 368, par. 147-148. - 35 -
continental de la mer du Nord , arrêt, C.I.J.Recueil1969 , p.36, par.57). Aussi la
Cour estime-t-elle qu’il y a en l’espèce une circonstance spéciale qui justifie le choix
d’une ligne de délimitation passant immédiatement à l’est de Qit’atJaradah»
(Délimitation maritime et questions territo riales entre Qatar et Bahreïn (Qatar
c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 109, par. 219) ;
la Cour a procédé de même s’agissant de Fasht al Jarim (ibid., p. 115, par. 248) ; et
⎯ dans l’arbitrage entre la Nouvelle-Ecosse et Terre-Neuve, le tribunal a, dans un premier temps,
tracé une ligne d’équidistance donnant un demi-effet à l’île de Sable, comme on l’a vu tout à
l’heure, pour ensuite lui reconnaître le caractère de circonstance spéciale et lui dénier tout effet
étant donnée la distorsion disproportionnée qui en résulterait, alors même que cette île est près
de 200 fois plus étendue que l’île des Serpents 61.
55. Avant d’en terminer avec l’examen de la jurisprudence pertinente, Madame la présidente,
il me semble important de noter que toutes ces décisions, qui visent à minimiser l’impact excessif
que pourrait avoir de petites îles sur le tracé de frontières maritimes, ont été prises indépendamment
de la question de savoir s’il s’agissait d’«îles» au sens de l’article121, pa ragraphes1 et2, ou de
«rochers» tombant sous le coup du paragraphe 3 de cette disposition. Dans certains cas, la question
a été laissée pendante ; dans d’autres, la Cour ou le tribunal arbitral ont expressément indiqué qu’ils
considéraient la formation en question comme une île de la première catégor ie, alors même qu’ils
n’ont pas admis qu’une telle île avait vocation à bé néficier d’un plateau continental ou d’une zone
économique exclusive conformes aux prévisions du paragraphe 2.
56. Madame la présidente, on chercherait en vain dans les écritures ukrainiennes une
contestation systématique des conclusions que la Roumanie a longuement explicitées dans les
siennes et que je viens simplement de résumer ⎯ sinon, j’aurai pu être encore bien plus long ! En
revanche, l’Etat défendeur s’est efforcé de minimi ser les enseignements que nous avions tirés de la
pratique en montrant que de nombreux exemples d’accords de délimitation maritime conclus par
les Etats confirment à tous points de vue les directives que l’on peut tirer de l’examen de la
62
jurisprudence . Dans son contre-mémoire, l’Ukraine n’en a pas moins cru pouvoir affirmer que
«reference to State practice is of limited importance in determining an equitable delimitation in this
61
Sentence du 26 mars 2002, par. 5.15.
62MR, p. 122-128, par. 8.104-8.122. - 36 -
63
case» , ce qui a conduit la Roumanie à présenter dans sa réplique pas moins de trente-neuf accords
(y compris ceux invoqués par l’Ukraine) dont l’analyse confirme les conclusions du mémoire 64. La
réponse que donne la Partie ukrainien ne dans sa duplique est d’une s obriété exemplaire; elle se
borne à deux phrases que je vais lire : «The role of islands in maritime delimitation is not subject to
pre-determined rules. The effect of an isla nd for delimitation purposes depends on a number of
different elements including: (i) the size and impo rtance of the island; (ii) the location of the
island; and (iii) its relationship with the other geographic factors characterizing the area to be
65
delimited.»
57. Nous ne contestons évidemment pas que l’ effet des îles dépend de plusieurs facteurs.
Les très nombreux exemples discutés par les deux Parties n’en montrent pas moins que :
⎯ premièrement, les petites formations insulaires se trouvant au large des côtes des Etats ne se
voient jamais reconnaître un plein effet sur les délimitations maritimes lorsque leur prise en
considération impliquerait une distorsion excessive de la frontière ;
⎯ deuxièmement, ces formations obtiennent au grand maximum une mer territoriale de 12 milles
marins ;
⎯ et, troisièmement, ceci indépendamment de leur définition au regard de l’article121 de la
convention sur le droit de la mer.
58. Mais je suis injuste avec la duplique, Mada me la présidente! Celle-ci, outre les deux
phrases que j’ai citées intégralement il y a un instant, comporte une note de bas de page dans
laquelle l’Ukraine, d’une part, ironise sur le fait que nous avions indiqué que huit des trente-neuf
précédents analysés nous semblaient plus spécialement illustratifs et, d’autre part, se plaint de ce
que «Romania omitted to comment on the examples of State practice cited by Ukraine where the
66
length of the parties’ coasts was an important factor» .
59. Sur le premier point, je me permettrai de me borner à vous renvoyer, Madame et
67
Messieurs de la Cour, aux écritures de la Roumanie . Les nombreux exemples qui y sont décrits
63CMU, p. 63, par. 4.68.
64
RR, Addendum au chapitre 6, p. 208-245, par. 6.53-6.187.
65
DU, p. 115, par. 6.62.
66DU, p. 115, note 44, renvoyant à CMU, p. 62-63, par. 4.64-4.67.
67MR, p. 122-127, par. 8.104-8.121 et RU, p. 208-245, par. 6.53-6.187. - 37 -
montrent que, dans des cas comparables à celui qui nous intéresse, les petites îles se trouvant dans
les zones en cause ne se sont vu reconnaître qu ’un effet zéro ou très limité aux fins de la
délimitation conventionnelle du plateau continental ou des zones économiques exclusives.
60. Quant au péché que nous aurions commis en ne formulant pas d’observation sur les
exemples de pratique conventionnelle dans laquelle la disproportion de longueur des côtes des deux
Etats aurait joué un rôle considérable, il est véniel : dans aucun de ces deux cas (l’Ukraine n’en cite
que deux) (il s’agit de l’accord de 1974 entre la France et l’Espagne relatif à la délimitation dans la
baie de Biscaye et de celui de 1978 entre les Antille s néerlandaises et le Venezuela), dans aucun de
ces deux cas, la question de l’incidence d’îles sur le tracé ne se posait. Au demeurant, la Roumanie
ne conteste nullement que la proportionnalité ait un rôle à jouer en matière de délimitation
maritime ; mais ce rôle se manifeste in fine, lorsqu’il s’agit de s’assurer du caractère équitable de la
solution à laquelle conduit l’application du principe équidistance/circonstances pertinentes. Nous
ne manquerons pas d’y revenir ⎯ au moment opportun ; c’est-à-dire à la fin de nos plaidoiries.
[Projection n° 11 : le tracé de la ligne dans le secteur des côtes adjacentes.]
61. Dans l’immédiat, restons-en au principe, tel que les Etats, la Cour de céans et les
tribunaux arbitraux l’ont mis en Œuvre.
62. J’ai expliqué tout à l’heure comment la ligne d’équidistance avait été tracée. Elle l’a été,
je le rappelle, en partant des points pertinents des lignes de base des Parties, c’est-à-dire côté
roumain, de l’extrémité de la digue de Sulina et, côté ukrainien, des points de base situé
s entre le
cap Kubansky et le cap Burnas. Comme le professeur Crawford l’a expliqué hier, il convient de
superposer ce schéma à celui résultant de l’accord des Parties qui a consisté à reconnaître à l’île des
Serpents une mer territoriale de 12 milles marins ju squ’au pointX, qui figure sur toutes les cartes
marines roumaines, soviétiques, puis ukrainienn es ou en provenance d’Etats tiers. Ce point se
trouve sur l’arc de cercle qui marque la limite de la zone maritime des 12 milles autour de l’île.
63. Mais imaginons un instant qu’il n’y ait pas eu de délimitation conventionnelle.
Qu’est-ce que cela changerait? Relativement peu de choses. Il résulte en effet des explications
que j’ai données ce matin que, compte tenu des carac téristiques de l’île des Serpents qu’a décrites
mon ami Bogdan Aurescu hier, celle-ci pourrait au mieux (et je dis bien, vraiment au mieux ⎯ elle
pourrait tout aussi bien n’avoir aucun effet sur la ligne…) ⎯ au mieux donc, l’île des Serpents - 38 -
pourrait se voir reconnaître une mer territoriale de 12 milles marins, ce qui conduirait également à
tracer autour d’elle un arc de cercle ayant ce rayon. Mais, en l’absence de délimitation
conventionnelle, celui-ci devrait s’arrêter non pas au point X, mais à son intersection avec la ligne
d’équidistance, qui est située à 2,5 milles marins au sud.
64. Si tel était le cas, la ligne de délim itation, après avoir tenu ainsi suffisamment et
largement compte de la circonstance pertinente que constitue l’île des Serpents, reprendrait son
cours normal en passant par le point D, jusqu’à son intersection avec la ligne médiane tracée dans
le secteur où les côtes des Parties se font face et que James Crawford décrira demain. Il s’agirait du
pointT (où la ligne d’équidistance et la ligne médiane se rejoignent, où l’on passe du secteur des
côtes adjacentes à celui des côtes qui se font face).
65. Mais tel n’est pas le cas : il n’y a pas de raison de remettre en cause le point X même s’il
68
est défavorable à la Roumanie. En revanche , comme elle l’a indiqué dans son mémoire , la
Roumanie se prévaut du précédent constitué par l’affaire Cameroun c.Nigéria, dans laquelle la
Cour après avoir constaté que le point d’aboutissement de la ligne conventionnelle (point G) n’était
«pas situé sur la ligne d’équidistance entre le Cameroun et le Nigéria, mais à l’est de cette ligne», a
estimé que «[l]e Cameroun est par conséquent en droit de demander que du pointG la limite des
zones maritimes relevant respectivement de chacune des Parties rejoigne la ligne d’équidistance»
(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, arrêt, C.I.J. Recueil. 2002, p. 448,
par.307). De même ici, la Roumanie est en droit de voir rétablie à son profit la situation
d’équidistance ⎯d’autant plus que les circonstances per tinentes que j’ai évoquées tout à l’heure
(le caractère semi-fermé de la mer Noire et les accords de délimitation qui ont déjà été conclus
entre les Etats riverains) plaident également en faveur d’une stricte équidistance au-delà du point
où l’île des Serpents cesse de produire ses effets. C’est ce rétablissement que réalise le tracé retenu
par la Roumanie du point X au point T en passant par les points Y et D 69.
66. Cette ligne, Madame la présidente, est raisonnable et équitable. Elle rend amplement
justice à l’île des Serpents, conformément à ce que l’URSS et la Roumanie avaient envisagé en
concluant les accords de 1949, 1963 et 1974. Et, j’ y insiste, elle est indifférente à la qualification
68
MR, p. 217-218, par. 11.58-11.62.
69Voir MR, p. 220-221, par. 11.68-11.73. - 39 -
de l’île des Serpents au regard de l’article 121 de la convention des Nations Unies sur le droit de la
mer. Qu’il s’agisse ou non d’un rocher, la solutio n est la même: elle ne peut en tout cas pas
prétendre à davantage qu’une mer territoriale de 12 milles marins.
67. Au demeurant, Madame la présidente, l’île des Serpents est bel et bien un rocher au sens
du paragraphe3 de l’article121 de la convention sur le droit de la mer ⎯comme le professeur
Vaughan Lowe va le montrer maintenant si vous voulez bien lui donner la parole.
o
[Fin de la projection n11.]
Je vous remercie bien vivement, Madame et Messieurs les juges, pour votre très longue et
très patiente attention. Mais c’est peut-être le bon moment pour une «pause café» particulièrement
méritée.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. The Court will now rise.
The Court adjourned from 11.20 to 11. 35 a.m.
The PRESIDENT: Please be seated. Professor Lowe.
Mr. LOWE: Thank you.
VIII. SERPENTS ’ SLAND UNDER THE 1982 C ONVENTION
Introduction
1. Madam President, Members of the Court, it is an honour to appear before you again, and it
is an honour to have been entrusted with the presentation of this part of Romania’s oral pleading.
2. Romania’s case in relation to Serpents’ Isla nd is straightforward. First, the boundary of
the maritime zones around Serpents’ Island was settled by agreement in 1949 and reaffirmed
thereafter. Professor Crawford has addressed you on that question.
3. Second, according to the established procedure in maritime delimitation, Serpents’ Island
should in any event be disregarded in drawing the provisional equidistance line, and taken into
account only as a relevant circumstance which may re quire an adjustment to the provisional line.
Professor Pellet has addressed you on that question. - 40 -
4. Third, as a matter of international law Se rpents’ Island cannot in any event generate any
maritime zone greater than the 12-mile zone that it already has. I shall address you on that third
point.
5. The central question is the status of Serpents’ Island under the 1982 Law of the Sea
Convention. Romania maintains that Serpents’ Isla nd falls squarely within the category of islands
established by Article121, paragraph3, of the Convention, so that as a matter of law it cannot
generate either an exclusive economic zone ⎯ an EEZ ⎯ or a continental shelf. Ukraine
maintains that, despite the size a nd characteristics of Serpents’ Island, it is entitled to treat it as an
island that falls under Article121, paragraphs 1 a nd 2, so that it can generate both an EEZ and a
continental shelf.
Rocks and islands in Article 121
6. My first submission concerns the structur e of Article121 and the way in which it deals
with islands ⎯ an island being, according to Article 121, paragraph 1, “a naturally formed area of
land, surrounded by water, which is above water at high tide”. In our submission, that means that
every naturally formed area of land, surrounded by wa ter, which is above water at high tide, is an
island for the purposes of Article 121.
7. The delimitation of maritime zones around islands was a controversial question during the
drafting of the Convention. As the Commentary on the Convention prepared by the Virginia
Centre for Oceans Law and Policy put it, referring to the treatment of the issue in the United
Nations Sea-Bed Committee between 1971 and 1973:
“the diversity of islands, and the question of their status and the criteria to be applied
in determining that status, were important and contentious issues in the light of their
importance in the delineation of maritime space” 70.
8. Various proposals were put to the Conferen ce for dealing with the generation of maritime
zones by very small offshore features ⎯ small islands, islets, rocks, or whatever one wishes to call
them. And in the words of an Irish submission to the Conference: “It is generally agreed that
7M.Nordquist, Centre for Oceans Law and Po licy of the University of Virginia, UNCLOS 1982. Commentary,
Vol. II, p. 322, para. VIII.4. - 41 -
offshore islands should not be used as the base poi nt for measuring an equidistance boundary line
71
in all circumstances.”
9. Article 121 was the result. It defines two different classes of island, both of which count
in the generation of maritime zones: but the different classes do not carry the same entitlements to
generate maritime zones. It is important to note that the Article is not a de minimis provision which
says that some features are so tiny that they should be entirely disregarded.
10. Article 121, which is of course binding upon Ukraine and Romania, reads as follows ⎯
there is a copy in tab VIII-1 of your folders:
“1. An island is a naturally formed ar ea of land, surrounded by water, which is
above water at high tide.
2. Except as provided for in paragraph 3, the territorial sea, the contiguous zone,
the exclusive economic zone and the continenta l shelf of an island are determined in
accordance with the provisions of this Convention applicable to other land territory.
3. Rocks which cannot sustain human habitation or economic life of their own
shall have no exclusive economic zone or continental shelf.”
11. You will appreciate that all paragraph 3 “r ocks” fall within the paragraph 1 definition of
“islands” ⎯ they are areas of land, surrounded by water,which are above water at high tide.
Rocks are islands; they are a sub-category of “island s”. This is the answer to Ukraine’s point,
made in paragraph 7.38 of its Count er-Memorial, that Serpents’ Island fits within the definition of
an island in paragraph1 of Article121. So it does. But so, too, do all the other rocks that fall
within paragraph 3 of Article 121.
12. So, Article 121 distinguishes between “parag raph 2” islands, which are entitled to a full
suite of maritime zones, and “paragraph3” is lands, or “rocks”, which are not. “Paragraph 3
islands” are not entitled to an EEZ or continental shelf, but only to a territorial sea.
13. That is my first submission: Article121 is not a provision concerning de minimis
maritime features that can be disregarded for all practical purposes. It is a carefully crafted
provision which distinguishes between two different categories of island.
14. The crucial question is whether Serpents ’ Island is a “paragraph2” island capable of
generating all of the maritime zones established by the Convention ⎯ territorial sea, EEZ and
71
United Nations, doc. A/CONF.62/C.2/L.43. - 42 -
continental shelf ⎯ or alternatively is a “paragraph3” island, which cannot sustain human
habitation or economic life of its own, and which can therefore gene rate only a 12-mile territorial
sea.
The interpretation of Article 121
15. So, let me turn to the precise wording of Article 121.
16. Paragraph 3 applies to “rocks which cannot sustain human habitation or economic life of
their own”. Let me first deal briefly with the ques tion of what a rock is in this context, and then
move on to questions of habitation and economic life.
Rocks
17. Ukraine argues that Serpents’ Island can sustain human habitation or economic life of its
own. It does not seek to argue that even if Serpents’ Island were incapable of sustaining human
habitation or economic life, it would still fall outside the scope of paragraph3 because it is not a
rock. Ukraine does not seek to argue that there is some unstated size criterion that distinguishes
a rock that cannot sustain human habitation or economic life of its own from an island that cannot
do so, so that Serpents’ Island would in any event, regardless of its habitability, be too large to be a
“paragraph 3” rock.
18. Obviously, the larger an island is, the more likely it is to be capable of sustaining human
habitation or economic life of its own. But that is a question of fact in every case. There is no
arbitrary size criterion in Article 121.
19. And, one might add, all of the prop osals for a mathematical size criterion that were put
forward at UNCLOSIII would plainly have left Se rpents’ Island in the “paragraph3” category.
72
One thinks, for example, of Malta’s proposal based on a distinction between maritime features
more and less than 1 sq km in area ⎯ Serpents’ Island is 0.17 sq km ⎯ and of Ireland’s proposal 73
referring to islands having at least 10 per cent of the land area, and 10 per cent of the population of
the State ⎯ Serpents’ Island is less than one three-millionth of 1percent of Ukraine’s land
territory.
72
United Nations, doc. A/AC.138/SC.II/L.28.
7United Nations, doc. A/CONF.62/C.2/L.43. - 43 -
20. The classification of Serpents’ Island un der Article 121 accordingly turns, as Article 121
explicitly indicates, solely on the question whethe r it can in fact sustain human habitation or
economic life of its own. And I turn to that question now.
Human habitation and economic life of its own
21. In its Counter-Memorial, Ukraine said:
“For the purposes of Article 121, the ability to sustain human habitation is to be
understood as meaning that, as a matter of practice over a number of years, human
habitation has been shown to be possible on the island, while the ability to sustain an
economic life of its own is to be underst ood as meaning that, as a matter of practic74
over a number of years, life on the island has proved economically sustainable.”
Read quickly, that formula might appear to be an unobjectionable gloss on Article121. But read
more carefully, it is evident that it contains some tendentious and highly problematic elements.
22. Does a demonstration that human habitation is possible prove that the island can sustain
human habitation? What if the “human habitation” consists of six marines camping on the island
for a week? Can it be said that an island can sust ain economic life of its own even if life on the
island is “sustainable” only by the continuous ferrying in and out, at the expense of the
government, of people and of all of the provisions essential for their daily life? Ukraine appears to
think that the answer to these questions is “yes”. In Romania’s view the answer is plainly, “no”.
23. So let me turn to the critical elements of paragraph3: the criteria referring to “human
habitation and economic life”.
24. First, you will notice that it is the rock that must be capable of sustaining human
habitation. No one doubts that human beings can survive in the most inhospitable and unlikely
places. Valeriy Poliyakov stayed in a space capsu le for over 437 days, ta king his food and water
with him; and St. Simeon Stylites is said to have spent 37 years sitting on a small pillar in the
desert in Syria, sustenance being provided regularly by supportive admirers. But neither the space
capsule nor St. Simeon’s pillar were themselves capable of sustaining human habitation. They
were simply the places in which astronauts happened to eat their packed lunches, or saints received
their donated food and water.
74
Para. 7.42. - 44 -
25. If the Article 121 criterion is to have any meaning at all, it must require more than that a
handful of people, entirely ⎯ and I emphasize, entirely ⎯ sustained by supplies of food and water
shipped in from the mainland by the government, should be able to survive for a time on the island.
If that were to be enough to satisfy the requirement, any State rich enough to be able to maintain
the airlift or the shipping in of supplies could bu y itself out of the paragraph 3 disqualification and
claim an EEZ and continental shelf around any offshore feature large enough for one or two people
to camp out on it.
26. There are many such features around the world, some where title is hotly contested
between States which hope to use the notional occupa tion of such features by unfortunate military
personnel as a basis for establishing vast maritime zones. A full 200-mile zone around even the
most minute rock in the open sea would cover 325,000 sq km ⎯ over 125,000 sq miles ⎯ of ocean
space.
27. But that is not what UNCLOS III intended. The Official Records of the Conference
record one delegate as saying that “navigation rights and military and police installations were not
75
sufficient justification for establishing an economic zone” . There is no sign of anyone at the
Conference disagreeing with that view. No one cl aimed that every rock carrying a lighthouse with
a room with a bed and a table, and therefore in some sense capable of “occupation”, is
automatically entitled to a 200-mile EEZ and continental shelf.
28. Article121 requires that the rock should be capable of sustaining human habitation or
economic life of its own. It is not enough that the mainland State can keep people alive on the
rock, and persuade, or order, people to stay on it for a period of time.
29. Well it is idle to pretend that the Law of the Sea Convention defines precisely what is
necessary in the way of human habitation, or that the travaux préparatoires give clear guidance on
that question. They do not. This is, we think, the first time that this question has arisen for
decision in an international court, and if our other submissions are not accepted the Court may have
to interpret the Article. And you would, of course, do so in acco rdance with the ordinary meaning
75
United Nations, doc. A/CONF.62/C.2/SR.39, 2 UNCLOS OR III, p. 284, para. 63. - 45 -
to be given to its terms in their context and in the light of the object and purpose of the Convention,
in the familiar words of the law of treaties.
30. As far as the “human habitation” element is concerned, Romania submits that this means
76
that there must be a sustained settle ment. It may be occupied seasonally , but it must be stable.
For instance, a small settlement on an islet may have been occupied during every fishing season by
generations of fishermen gaining their living from the waters around the rock. Ukraine, too, speaks
of “small communities” living on the rock 77. But a community is more than a number of
individuals who happen to have been on the island at some time or other.
31. The reference to a “community” connotes a substantial degree of stability and
permanence in the population continuing over a pe riod of time, even if the residents migrate
seasonally and change from time to time. What identifies a “small community” is a degree of
social cohesion, a sense of the community bei ng a social group, and not simply a number of
independent individuals. A village is a commun ity; a field containing people camping out on
holiday is not.
32. We also submit that the criterion of human habitation is not fulfilled where individuals
are ordered to go, and to stay on, the rock by their employers. This is particularly, but not
exclusively, the case where the employer is the Stat e. Compelling, or paying, employees to go out
to the rock is not the same as establishing a small community there.
33. In this respect, it is relevant to recall th at this Court in its recent Judgment described
Pedra Branca as “a tiny uninhabited and uninhabitable island” ( Sovereignty over Pedra
Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore) , Judgment of
23 May 2008, para. 66). The lighthouse and the ot her installations on Pedra Branca were manned
78
(ibid., paras.168, 235, 236, 237, 261) . The Court’s characterization of this small island as
“uninhabited” and “uninhabitable” casts light on what is the true meaning of “human habitation” in
the law of the sea ⎯ or, at least, on what cannot be considered as included within this term. The
presence of some individuals, even permanently or on a rotational basis, because they have to
7See RR, para. 5.14.
77
RU, para. 4.43.
7See also Singapore’s Memorial, para. 2.3. - 46 -
perform an official duty such as maintaining a lighthouse, does not amount to sustained “human
habitation”.
34. Well, that is one reason why the presence of the military or customs outpost does not
necessarily signify that the rock is capable of supporting human habitation. If the border guards or
customs officers are there, not because it is thei r home, their base, but simply because they have
been told that they have to do a job there, that makes the rock a work site, not the location of a
human habitation. If the employer decides to sh ift the workers elsewhere, they move. No one
stays. There is no stable settlement.
35. This is especially true where the job that they have to do is, in reality, an artifice, an
attempt to make the rock appear as if it were inhabited ⎯ when the instructions are to go there,
look busy, look numerous, and to try to look normal. And, as Dr. Aurescu will show you, that is
what the hardy souls on Serpents’ Island are doing.
36. Ukraine does not deny that they have been told to go there precisely in an attempt to
change the legal character of the island. In Annexes 67 and 84 of Ukraine’s Counter-Memorial, for
example, it is openly stated that the measures on Se rpents’ Island are “aimed at the legitimation of
79
the State boundary” and at ensuring proper conditions for human habitation and for the conduct
of economic and other activities.
37. Ukraine’s argument, at paragraph6.70 of its Rejoinder, is that the reasons for and
duration of the stay of the people on the island are ir relevant. But that cannot possibly be right. A
military unit sent for a few days to occupy a rock cannot convert it into an island capable of
sustaining human habitation.
38. Nor can the position be changed by trying to attract a handful of tourists to camp out on
the island alongside the employees. No one can seri ously contend that Serpents’ Island is, or ever
can be, a viable tourist resort, where tourist income supports a permanent resident population.
39. Dr. Aurescu explained to you yesterday what the island is like: bleak, inhospitable, with
no fresh water. And the simple fact is that Serpents’ Island itself is no more capable of sustaining
7CMU, Ann. 67, para. 5, and Ann.84, p.1; and cf., Ann.74. See paras.5.97–102 and 5.181 of Romania’s
Reply. - 47 -
human life and habitation than a steel oil platform would be. It is sufficiently large and stable to
support a helicopter bringing in food and water for the people sitting on it, but that is all.
40. Ukraine has a second argument. In its Counter-Memorial it puts forward the premise
that:
“‘Human habitation’ is not the same as a permanent resident population; and
‘economic life’ is not the same as viab ility as an independent, self-contained and
self-sufficient economy involving the devel opment of natural resources, since these
terms refer to lesser forms of economic activity.” 80
41. And it then concludes:
“Accordingly, and particularly in rela tion to small maritime features, these
criteria can be satisfied by small-scale ac tivities generating income and expenditure
and the flow of goods and services (such as scientific research and tourism).”
42. But that conclusion simply does not foll ow from the premise. A sustained, stable
81
settlement may indeed be occupied seasonally . One may also admit that there is no need for “an
independent, self-contained and self-sufficient economy”. Few, if any, States have an independent,
self-contained and self-sufficient economy. They survive by trading with one another.
43. But it is one thing to say that the thres hold is not to be set so impossibly high as to
require a self-contained and self-sufficient economy: and that we accept. But it is quite a different
thing to say that the threshold should be set so lo w that it is satisfied if one meets a perfunctory
requirement that there be “small-scale activities generating income and expenditure and the flow of
goods and services (such as scientific research and tourism)”.
44. For example, a warden who is sometim es sent to a tiny islet to accompany scientific
expeditions cataloguing its flora, and who receives their licence fees, might be described as “a
small-scale activity generating income”: but one could scarcely say on that basis that the islet is
capable of sustaining human habitation or economic life of its own.
45. Madam President, Members of the C ourt, the supposed “economic life” of
Serpents’ Island has no real existence outside of a line in the budget of the Ukrainian Government.
Serpents’ Island itself sustains nothing. The Ukrainian Government decides what money to spend
on the island; those paid to stay there presumably spend their money when they get off the island;
80
CMU, para. 7.41.
8See RR, para. 5.14. - 48 -
and if the Government stops pouring money into the rock, the people currently paid to be there will
doubtless pour out.
46. That is not “economic life of its own ”, sustained by the rock . That is an entirely
government-funded project.
82
47. Ukraine raises a third argument . If we have understood it, it says that in order to
determine if a rock is capable of sustaining econom ic life of its own one must look not only at its
actual economic activity but also at its potential economic importance if it were to generate an EEZ
or continental shelf, and Ukraine adds, disarmingl y, that “when applied to Serpents’ Island, the
existence of substantial natural resources ‘of its own’ cannot therefore be excluded”.
U4kr.aine needs the Court to accept that argument, because it is the only basis on which
Serpents’ Island can possibly be said to have any natural resources–– nothing grows on the islet.
A State cannot create an economy on the islet out of nothing, by paying border guards to stay on it
and trade their salaries for provisions. So , Ukraine says that one must look at the potential
economic importance of Serpents’ Island if it were to generate an EEZ or continental shelf.
49. Well, that argument is, of course, circular. It says that a rock can have an EEZ if it can
support economic life of its own; and that it can–– or at least might be able to–– support
economic life of its own if it has an EEZ. The argument makes no sense. The tests in Article 121
must be approached in order.
50. First, one must determine what maritime zones the island is entitled to. In order to
determine this, one looks at the island to see whether it can sustain human habitation or economic
life of its own. That question must be answered on the basis of the facts as they exist ⎯ not on the
basis of some hypothetical future development. If the island is not entitled to an EEZ or
continental shelf, because it falls within Article 121, paragraph 3, it is not entitled to them. Period.
One cannot act proleptically, as if it already had an EEZ or a continental shelf, and imagine that if
at some future time all of the revenues from exploiting those zones were to be poured in to
supplying a small group of people on the island one might argue that the island would then be
82
CMU, para. 7.41. - 49 -
sustaining human habitation or economic life of its own. That argument would be lifting itself up
by its own bootstraps, or by its own hair, like Baron Munchausen.
51. The argument must fail; and with it there disappears the one possibility that
Serpents’Island could have substa ntial natural resources of its own ⎯ those of the EEZ or
continental shelf to which Ukraine says Serpents’ Island is entitled.
52. As was said in our Reply , if it is to generate maritime zones under Article 121,
“natural conditions on a feature such as Serpents’ Island must support the
development of economic activities. Such c onditions cannot be artificially created or
injected from the mainland: although links with the mainland are permissible,
nonetheless the economic life must be real and not contrived, local and not merely
imported.”
And Ukraine has not answered this point.
53. Let me conclude this consideration of Article121 by emphasizing two characteristics
which distinguish Serpents’ Island from the many small islets near to the mainland of a State.
54. The first is the practical difficulty of actually delivering food and water to
Serpents’ Island. Dr. Aurescu explained yesterda y the difficulties of ensuring regular and frequent
supplies by air and sea.
55. The second characteristic is the extreme inhospitability of its climate: insufferably hot in
summer; freezing in winter; and beset by winds and fog.
56. This is not an offshore island close to the coast, where a handful of people might seek
peace and quiet in retreat from the world. It is not a haven, free of all the paraphernalia of modern
life, where inhabitants may row to the mainla nd each week to collect water, food and other
supplies. If it were, its legal position might perhaps be different. But it is not. It is an isolated,
barren, inhospitable rock. It is not a viable human habitation. No one can survive there without the
Ukrainian State providing constant support and all the necessities of daily life.
57. And in our submission, therefore, Serpen ts’ Island is not capable of sustaining human
habitation or economic life of its own, and is therefore not entitled to an EEZ or a continental shelf.
And it cannot, therefore, be used as a base point for the measurement of those zones or for the
83
Para. 5.16. - 50 -
construction of an EEZ or continental shelf equidi stance line. At most, it can only be taken into
account as a “factor” bearing on the equities of the delimitation between the two States.
Context of Article 121
58. Before concluding these submissions rela ting to Article121, I should say a little more
about how and why it is relevant in this case.
59. It is relevant most obviously becau se both of the Parties have ratified the
1982Convention, and are bound by the provisions of Article121. But it is also relevant for
another, and equally important, reason.
84
60. As Ukraine explained in its Counter-Memorial , there were negotiations on maritime
matters after Ukraine’s i ndependence. Bilateral negotiations between the Parties resulted in an
agreement relating to maritime delimitation–– the Additional Agreement of 2June1997,
reproduced as AnnexRM2. Paragraph4 of that Additional Agreement, a copy of which is at
tab VIII-2 of your folders, stipulates that ⎯ and it is worth quoting at length:
“The Government of Romania and the Government of Ukraine shall negotiate
an Agreement on the delimitation of the c ontinental shelf and the exclusive economic
zone in the Black Sea, on the basis of the following principles and procedures:
(a) The principle stated in article 121 of the United Nations Convention on the Law of
the Sea of December 10, 1982, as applied in the practice of states and in
international jurisprudence.
(b) The principle of the equidistance line in areas submitted to delimitation where the
coasts are adjacent and the principle of th e median line in areas where the coasts
are opposite.
(c) The principle of equity and the method of proportionality, as they are applied in
the practice of States and in the decisions of international courts regarding the
delimitation of continental shelf and exclusive economic zones.
(d) . . .
(e) The principle of taking into considerati on the special circumstances of the zone
submitted to delimitation.”
The paragraph continued to list further principles, which are not relevant to the point that I am
making here.
84
Para. 5.111. - 51 -
61. When the 1997 Additional Agreement was made, Romania was a party to the Law of the
Sea Convention but Ukraine was not. Yet although Ukraine was not then bound by the
Convention, Article 121 was singled out for specific mention. Indeed, it is the only Article in the
Convention that is referred to in this way, and it is the first of the principles by which the Parties
agreed to be bound in their negotiations. Why?
62. Ukraine itself has summarized our answer:
“At the time of the conclusion of the 1997 Agreement, the rules of international
law concerning islands applicable to Ukra ine and Romania were those established by
the 1958 Conventions, since UNCLOS was not in force between the two States. ...
Therefore, at that time, when they made a specific reference to Article121 of
UNCLOS, they referred necessarily to the onl y provision of that article enunciating a
new rule of international law, that is the third paragraph.” 85
63. Ukraine says that this is an “extraordinar y contention”; but it offers not a single word of
explanation as to why it thinks so. We say that it is very obvious what was the reason for referring
to Article121. There is only one islet that is relevant in the context of this delimitation and
addressed in the 1997 Agreement and that is Serpents’ Island. And the only respect in which
Serpents’ Island differs from any other part of th e Ukrainian coastline or the coastline of Romania
is in the context of Article 121, paragraph 3.
64. Consider the context in which the 1997 Agreement was made. Ukraine’s position was,
and still is, that the equidistance line must be drawn from baselines “both on the mainland and on
islands belonging to Ukraine” ⎯ and I quote there from the words of Article 5 of Ukraine’s Statute
86
on the State Frontier , enacted in 1991, six years before the 1997 Additional Agreement. The
second principle listed in the Additional Agreement referred to “the principle of the equidistance
line in areas submitted to delimitation where the coasts are adjacent”. Why were those two
principles not enough? Why were they qualifie d in the 1997 Agreement, by the addition of a
reference to Article 121 of a Convention which was not then in force between the Parties?
65. The purpose of the reference to Article 121 can only have been to add something to the
other principles that were referred to in th e 1997 Agreement. But if it was assumed that all coasts
are indeed alike, and base points “both on the mainland and on islands belonging to Ukraine” were
85
CMU, para. 7.33.
8CMU, Ann. 46. - 52 -
to be treated identically, the reference to Artic le121 would have been not merely pointless, but
positively and seriously misleading.
66. It would have been misleading because Article121 undoubtedly does add something to
the other principles, on equidistance, equity, pro portionality, and special circumstances. And what
it adds, plainly, is Article121, pa ragraph3. Paragraphs1 and 2 simply support the principle that
mainland and island coasts are to be treated alike.
67. Is it credible that the two States would ha ve agreed to include a reference to Article 121
at all, let alone give it the prominence that they did by placing it at the head of the list of applicable
legal principles, unless they wished to indicate that they attached particular importance to the one
and only respect in which Article121 differed fr om the general rule applicable to States’
coastlines? It defies common sense to suggest that paragraph3 was not the precise reason for
including the reference to Article 121.
68. The critical feature on the maritime boundary between the two States, on which
negotiations since 1991 had failed to produce an agreement, was Serpents’ Island. Our written
pleadings record Romania’s efforts over the years of UNCLOS III to secure a provision concerning
offshore features that cannot generate an EEZ or co ntinental shelf; and it was well understood that
its concern was specifically with Serpents’ Island. Those efforts resulted in the text of Article 121.
69. Ukraine knew that. Why then did it agree to put in an explicit reference to Article 121 ⎯
the Article that Romania had sponsored in orde r to address the question of Serpents’ Island ⎯ at
the head of the list of principles in the Additiona l Agreement? What reason could there be, if it
was not precisely to address the position of Serpents’ Island? There are no other islands that might
affect Romania’s maritime boundaries to which th e provision which is entitled “régime of islands”
could possibly refer.
70. As Ukraine notes, the principles set out in the 1997 Agreement were the principles on the
basis of which it agreed that negotiations should ta ke place. And it says that the principles do not
apply “as such” to the present proceedings 87. Professor Pellet has explained why that position is
wrong. But in any case, as Ukraine also accepts, the principles are part of the applicable rules of
87
CMU, para. 6.20. - 53 -
international law. The principles set out in th e first subparagraphof paragraph4 of the 1997
Additional Agreement not only can apply, they must apply, because Article 121 is binding on both
Romania and Ukraine as a matter of treaty law.
71. So, as you can see, this stipulation relati ng to the application of Article121(3) is no
accident arising unexpectedly from the application of the Law of the Sea Convention. For more
than 30years Ukraine has been well aware of Ro mania’s position on Serpents’ Island; and it
explicitly chose to accept Article 121 as the basis for settling the dispute in 1997 in the Additional
Agreement; and it did so again in 1999 when it ratified the Law of the Sea Convention.
72. Moreover, Ukraine did so knowing precisely that Romania’s understanding of the
meaning of Article121(3) was that it applied so as to preclude a claim to an EEZ or continental
shelf in respect of Serpents’ Island.
73. Romania’s argument on this point has been addressed by ProfessorPellet, and it is set
out in Chapter8 of the Memorial 88. There we point out that when Romania signed UNCLOS in
1982, more than ten years before the maritime boundary negotiations with Ukraine began,
Romania made a declaration in the following terms:
“according to the requirements of equity as it results from articles74 and 83 of the
Convention on the Law of the Sea the uninhabited islands without economic life can
in no way affect the delimitation of the maritime spaces belonging to the mainland
coasts of the coastal States”.
74. That declaration was clearly made with Serpents’ Island in view: there are no other
islands with which Romania has any immediate c oncerns. And the import of the declaration is
absolutely clear: uninhabited islands without economic life, including Serpents’ Island, can in no
way affect the delimitation of the maritime spaces belonging to the mainland coasts of the coastal
States.
75. Romania reaffirmed this declaration when it ratified the Convention in December 1996.
And only six months later, in June1997, Ukraine agreed to the principles set out in the
1997 Additional Agreement, including the explicit reference to Article 121. And two years later, in
1999, Ukraine ratified UNCLOS, including of course Article 121.
88
Paras. 8.20-8.30. - 54 -
76. At no stage during the 17years between the making of Romania’s initial declaration
upon signing the Law of the Sea Convention and Uk raine’s ratification of that Convention did
Ukraine lodge any objection to that declaration or make any comment or observation on it or any
reservation of its position.
77. Romania’s point is simple. If State A says publicly, and on the record, my understanding
of this particular provision is X; and State A then says to State B, “we have a dispute. Let us agree
to settle it on the basis of this particular provision”, and State B agrees, then State B should not be
permitted to turn round and say, “Ah, but when we agreed to accept the provision, we understood it
to have a different meaning. It does not mean X.”
78. Romania submits that Ukraine, having entered into the 1997 Additional Agreement,
having ratified the Law of the Sea Convention knowing full well Romania’s understanding of the
meaning of Article 121 (3), that it applied so as to preclude a claim to an EEZ or continental shelf
in respect of Serpents’ Island, and withoraising any objection to Romania’s declaration ⎯ or
even making an interpretative declaration of its ow⎯ that it cannot now adopt a contrary
position.
79. We accordingly submit that the Court should discount Ukraine’s present opposition to
Romania’s interpretation of Article 121.
80. Madam President, that concludes this part of my submissions on behalf of Romania, and
I would ask you now to call on Dr. Aurescu, who will continue the presentation of Romania’s case.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Lowe. I now call on Dr. Aurescu.
AMUr. ESCU:
IX. UKRAINE S A TTEMPT TO CHANGE THE C HARACTER
OF SERPENTS ’ SLAND
1. Madam President, Members of the Court, y esterday I showed you that Serpents’ Island is
in fact a rock, unable to sustain human habitation or an economic life of its own. This morning
ProfessorLowe has demonstrated the inev itable legal consequence of this fact ⎯ which is, that,
under the 1982 Convention, Serpents’ Island genertes no entitlement to a continental shelf or
exclusive economic zone. In this presentationwill focus on the recent initiatives of Ukraine to - 55 -
artificially “improve” the conditions of this rock in an attempt to establish an entitlement to
continental shelf and EEZ. It is not too much to say that Ukraine is engaged in an expensive
process of “rock reform”, accompanied by extensive “rock representations”, trying to present
Serpents’ Island as something it is not and cannot be. I will briefly outline Ukraine’s efforts in this
regard and will show that they have not succeeded in fact, and cannot succeed in law, in changing
the character of this feature as a rock within the meaning of Article121, paragraph3, of the
1982 Convention. Indeed, these efforts have the contrary effect to that intended.
2. This is not the first time in the region th at a grand attempt has been made to disguise
geography and to depict a human settlement wh ere none existed. The Court will no doubt be
familiar with the story of the famous Potemkin villages. These were, it seems, “constructed” along
the desolate banks of the Dnieper River by Fiel d Marshal GrigoriPotemkin to show to Russian
Empress Catherine the Great when she visited the Crimea in 1787. It is said that he,
Marshal Potemkin, had flocks of sheep driven at night to the next stop along the route and villages
painted on screens to create the illusion of a populated and prosperous region. Since then, the term
“Potemkin village” is the synonym for a showy f açade designed to hide an undesirable reality.
Historians suggest that Potemkin was not trying to deceive the Empress but rather the foreign
89
ambassadors who accompanied her . So it is here for Ukrain e, if for “ambassadors” one
substitutes “judges of this Court”.
3. There are four points to be made about Uk raine’s Potemkin village in the Black Sea.
First, Ukraine’s elaborate effort is designed an d undertaken exclusively for the purposes of this
case. Secondly, the Ukrainian programme of artificial transformation of Serpents’ Island is of very
recent origin ⎯ that is, after the critical date. Thirdly, it has, nonetheless, failed to convert the rock
into a non-rock simply because its tiny size and its adverse natural conditions cannot allow for any
transformation: as a matter of fact Serpents’ Island remains what it always was, incapable of
sustaining human habitation or an economic life of it s own. Fourthly, the very fact that Ukraine
has so stridently found it necessary to undertake these démarches betrays its awareness of the real
situation. Unless Serpents’ Island qualified as a ro ck under Article 121 (3), there would have been
89
See N. Davis, Europe: A History, OUP, Oxford, 1996, 658. - 56 -
no need for such efforts to have been taken. This extraordinary attempt serves only to highlight the
very hollowness it seeks to conceal.
4. Let me take these four points in turn.
1. Ukraine’s illusion is a recent design exclusively for the purposes of this case
5. First, the Ukrainian programme for the reform of Serpents’ Island is a recent design
concocted exclusively for the purposes of this case.
6. According to Ukraine 90, the first decision to “renovate” the island was taken on
91
18December 1995, by way of a resolution of the Government . This resolution was marked as
92
“not intended for publishing” . It authorized, and I quote verbatim from Annex67 of the
Ukrainian Counter-Memorial (it is also in your folders at tab IX-1): “a package of measures aimed
at legitimation of the state boundary with the Republic of Romania proceeding from that that in
conformity with the United Nations Convention on th e Law of the Sea the island has the exclusive
economical zone and the continental shelf of its own”. So this was not, on its face, an activity
justified in its own terms. From the very beginning, its purpose was very “maritime” ⎯ to
legitimize Ukraine’s claims for continental shelf and exclusive economic zone. Again, the
Ukrainian Government resolution of May 2002 93adopting a “Comprehensive Programme” for
transforming the island, describes the task of the programme as “the legitimation of the Island
status”. Also, the objective of the programme is “to create the appropriate conditions for human
habitation and conduct of the econom ical and other activities on the island” (emphasis added). Of
course they need to be “created”, as they do not exist naturally.
7. The Ukrainian media captures, often in the words of Ukrainian officials, the same
intention. For instance, an article from 2003 mentions that
“last year, Ukraine found an original method to convince the stubborn Romanians . . .
Kiev has actively started to develop Serpents ’ Island so that it could have more of the
attributes of a real island . . . The fulfilment of this program shall transform the island
into a place suitable for human life... flourishing and densely populated . . . and
90
CMU, p. 192, para. 7.72.
91
See CMU, Ann. 67.
92Ibid.
93“Comprehensive Programme of the Further Development of the Infrastructure and Conduct of Economic
Activities on Serpents’ Island and on the Continental Shelf”; CMU, Ann. 74. - 57 -
Ukraine should intensify... the accomplis hment of the Program of development of
the island, so that nobody could doubt that it is an island and not a rock. Without any
94
doubt, this is an argument in the Ukrainian-Romanian boundary dispute.”
Another article of December 2004, after this Court was seised by Romania with the present case
refers to the “intensive activity... conducte d in order to determine the recognition by the
international community of the status of island for Serpents’ Island” 95. To summarize, in the words
of the Ukrainian Prime Minister in office in 2006, “the importance of the status of island for the
Serpents’ Island [is]... the reason for which its infrastructure will have to be developed in the
future” 96.
8. One of the most unlikely measures taken to create the image of an inhabitable territory is
Ukraine’s decision to formally establish a village called “White” (in Ukrainian, Bile). It is, I think,
unique in the history of maritime delimitations. The purpose of this action is specified in the
explanatory memorandum of the Decision of the Parliament of Ukraine adopted on
8 February 2007: it is in your folders at tab IX-2 97. The relevant passage reads as follows: “The
locality Bile is established on Serpents’ Island. .. for the purpose of ensuring the human activity
on the territory of the island . . . and developing the maritime economic zone of Ukraine . . .” So it
is not because Serpents’ Island is inhabitable that a locality is created. The logic is inverted: in
order to create the appearance of human habitation, a settlement is form
ally declared and
established ⎯ so as to create a maritime claim. The sea dominates the land ⎯ the inverse of the
maxim applied by this Court.
9. The Ukrainian media explains this decision in similar terms. An article published in
December 2006 (it is tab IX-3 in your folders), me ntions: “If on Serpents’ Island a settlement . . .
is built, Romania will have no more reasons to form ulate claims as to this territory while Ukraine
will be able . . . to extract hydrocarbons from this area.” 98 Another article from August 2007 99(it
94MR, Ann. 74; MR, p. 185, para. 10.112.
95MR, Ann. 72; MR, p. 186-187, para. 10.116.
96
RR, Ann. 14; RR, p. 163, para. 5.100.
97
Explanatory Memorandum for Decision No. 646-V of the Ukrainian Parliament establishing the locality Bile on
Serpents’ Island, published in the Register of the Ukrainian Parliament No. 15/2007 of 13 April 2007, available on its
official site at http:/zakon1.rada.gov.ua/cgi-bin/laws/main.cgi and
http://gska2.rada.gov.ua/pls/zweb_n/webproc4_1?pf3511=29422; judges’ folder, tab IX-2.
98
“The Cabinet of Ministers of Ukraine has decided to develop the disputed territory”, authors Iurii Lukashin and
Svetlana Dolinchuk, the newspaper Ekonomicheskye Izvestia, issue No. 215 (520), 21 December 2006,
http://www.eizvestia.com/state/full/10042; judges’ folder, tab IX-3. - 58 -
is tab IX-4 in your folders) notes that “the Parliament adopted the decision to name the settlement
on the island ‘White Village’ .. . This will facilita te proving that Serpents ’ Island is an inhabited
island and not a rock.” According to a piece of news from June 2008 (it is tab IX-5 in your folders)
the head of the Department for Architecture a nd Urban Planning of the Odessa Region stated that
populating the village on Serpents’ Island is a way to solve the Romanian-Ukrainian delimitation in
100
Ukraine’s benefit .
10. But just as Potemkin’s villages existed onl y on canvas, so this settlement exists only on
paper. The Ukrainian press tells us that there is no mayor; there are no local councillors, for there
101
are no permanent residents to stand for these positions, and no one to vote for them . I quote
from an article published in 2007:
“How cynical from the part of the offici als! In order for the elections to be
organised it is necessary that permanent i nhabitants exist on the island, with their
official residence established there. And they simply do not exist!... There is an
axiom: in order for an island to102 an isla nd, it needs to be permanently inhabited, not
an imitation in this regard.”
Probably that is why during his visit in Novemb er 2007, 220years after the Crimean visit of
Catherine the Great, the Ukrainian President ⎯ I quote a press release from the official website of
the President of Ukraine ⎯ “suggested establishing a local se lf-governing council” on Serpents’
Island 103. It appears that this remote “village” is quite important for Ukraine since its highest
official, the head of the Central Administration of the State, has to decide upon issues such as local
elections in a fictitious locality.
11. Another example is what is described as the opening of a branch of a bank on Serpents’
Island. According to Ukraine, this is “test imony to the growing needs of the people living
there” 104. Ukraine rushed to implement this measu re on 21September 2004, some days after
99“The main opponent in the European Union”, author Vladimir Karbivnichyi, the weekly Komentarii, issue
No. 31 (88), 17 August 2007; judges’ folder, tab IX-4.
100“Populating Serpents’ Island is a way to solve the Romanian-Ukrainian dispute on the delimitation of the
continental shelf – [stated] Vladimir Iarovoi”, the Ukrainian Agency Reporter, 25 June 2008,
http://www.reporter.com.ua/cgi-bin/view_material.pl?mt_id=33302; judges’ folder, tab IX-5.
101“Although far away, Serpents’ Island is still our island”, author Viaceslav Voronkov, the Ukrainian newspaper
Golos Ucraini No. 169 (4169), 21 September 2007; judges’ folder, tab IX-6.
102Ibid.
103Press communiqué titled “President wants to develop Zmiyny”, the official website of the President of
Ukraine, http://www.president.gov.ua/en/news/8061.html; judges’ folder, tab VI-18.
104CMU, p. 196, para. 7.84. - 59 -
Romania seised the Court with the present case 105. But the pictures of this branch, displayed in the
106
Counter-Memorial , show an unused barrack with closed doors and no customers. There is no
evidence of any bank clerk on the island 107. Also, according to the Counter-Memorial, the branch
has no competence to perform commercial operations 10. Despite repeated calls, no one on the
109
island has ever answered the phone at the num ber advertised on the website of the bank . On the
few occasions when there was an answer it was because phone calls to the branch were diverted to
the mainland. Madam President, I would not advise anybody to put their money on Serpents’
Island!
12. In January 2008, the Ukrainian President issued a decree on measures to develop
Serpents’ Island, it is at tab IX-7 in your folders 110. But even Ukrainian experts were sceptical. In
a newspaper commentary, which can be found in tabIX-8 in your folders, a former Ukrainian
Minister of Economy considered the idea of creating a free economic zone, which was indicated by
the decree, “at least odd”. “See the picture of th is island, and you will un derstand why,” he said.
“A free economic zone will allow building a casino on the island, but who will go there?”, he
111
said. A Ukrainian deputy declared in January 2008 –– and this is tab IX-9 in your folders –– that
the cost of developing the island had no economic justification 112. The businessmen consulted by
113
the Ukrainian newspaper Delo in June 2008 estimated as “quite unlikel y” that Serpents’ Island
would become economically attractive. In fact, th e same article, which is at tabIX-10 in your
folders, mentions an adviser to the President of Ukraine stating that the creation of the free
economic zone has a great political motivation in the context of the Ukrainian-Romanian dispute as
105MR, Ann. 72; MR, p. 181, para. 10.108; RR, p. 159, para. 5.91.
106CMU, photo I and Ann. 94.
107
RR. Ann. 19; RR, p. 159-160, para. 5.92.
108
See CMU, Ann. 95 and RR, pp. 185-186, para. 5.180.
109
http://www.aval.ua/eng/branches/odessa/kilia/.
110Decree of the President of Ukraine No. 16/2008 regarding the urgent measures necessary for the development
of the south-western area of the Odessa Region, 15 January 2008, available at
http://www.president.gov.ua/documents/7284.html.
111
“Serpents’ [Island] will be granted freedom”,author Andrei Kislov, the Ukrainian newspaper
Ekonomicheskye Izvestia, issue No. 6 (769), 16 January 2008. http://www.eizvestia.com/state/full/30465.
112
“The Odessa Port extended on Serpents’ Island”, author Ekaterina Grebenik, the Ukrainian newspaper
Ekonomicheskye Izvestia, issue No. 13 (776), 25 January 2008,http://www.eizvestia.com/markets/full/30832.
113
“Ahillia –– the Fiscal Paradise”, author Tatiana Pavliuchenko, the Ukrainian newspaper Delo, 6 June 2008,
http://delo.ua/news/79702/. - 60 -
to the status of Serpents’ Island as island or rock and that it is important for the continental shelf
delimitation. MadamPresident, it is clear that the activities recorded by Ukraine on Serpents’
Island are no more than an artifice.
2. The Ukrainian effort of artificial transformation of Serpents’ Island began after the critical
date
13. Madam President, Members of the Court, I move now to my second point. This Court
has stated on numerous occasions, most recently in the Indonesia/Malaysia case, in the
Nicaragua v. Honduras case and in the Malaysia/Singapore case, that
“it cannot take into consideration acts ha ving taken place after the date on which the
dispute between the Parties crystallized unless such acts are a normal continuation of
prior acts and are not undertaken for the purpose of improving the legal position of the
Party which relies on them” ( Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan
(Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p.682, para.135; see also
Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean
Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment of 8 October 2007, para.117; Sovereignty
over Pedra Branca/Pulau Batu Pute h, Middle Rocks and South Ledge
(Malaysia/Singapore), Judgment of 23 May 2008, para. 32.).
Ukraine’s programme of rock reform is, I think, a paradigm example of such inadmissible conduct.
14. Of course, Ukraine was well aware of Ro mania’s position concerning the island. This
position was expressed already during the Soviet-Romanian negotiations for the delimitation of the
114
maritime spaces in the Black Sea , also in the context of the negotiations of the United Nations
Convention on the Law of the Sea, and when Ro mania signed and subsequently ratified it in the
declaration made on both occasions, as I showed on Tuesday. But in any case, Ukraine was
certainly aware of this position as a result of th e negotiations on the Treaty on Relations. For
instance, in 1995 the Parties informed each other of their claims as to the delimitation of the
maritime spaces in the Black Sea. The two No tes Verbales date from July 1995 (Romania) and
115
November 1995 (Ukraine) . These Notes refer to the exchange of divergent positions as to the
delimitation issue, which had already occurred in February and May 1993. At the latest, 1995 can
be considered as representing the critical date for the crystallization of the dispute between
Romania and Ukraine.
114
See MR, Anns. 30 and 31.
11CMU, Anns. 25 and 26. - 61 -
15. The Ukrainian Counter-Memorial includes the verbatim record, published in the
Romanian Official Monitor, of a hearing on 4December1995 in the Romanian Senate–– I have
already mentioned that in my speech on Tuesday –– when the then Roma nian Foreign Minister
stated that, “Serpents’ Island has no economic value, it is . . . composed of hard rocks which do not
allow for the existence of vegetation, it has no water resources” 11. He also made clear Romania’s
intention to submit the case to the International Court of Justice if no negotiated solution could be
achieved. This was before the adoption by Ukraine on 18 December 1995 of the first decision on
measures to “improve” the island, as were the Notes Verbales of July and November 1995.
16. On this ground alone, Ukraine’s measures are irrelevant to this dispute.
3. Ukraine’s project is ineffective as well as deceptive
17. Madam President, Members of the Court, I move to my third point. Quite apart from its
inadmissible timing and its inadmissible purpose, Ukra ine’s project of rock reform is completely
ineffective. Why? Because the natural features of Serpents’ Island are so inhospitable that they
reduce to nothing any attempts to transform it. Serpents’ Island remains what it always was ⎯ a
rock incapable of sustaining human habitation or economic life of its own.
18. Let me take as an example the attempts of Ukraine to find water on the island. As shown
in my presentation yesterday, using sea water, which is plentiful in the Black Sea, would be easier
and safer for health than the muddy fluid allegedly discovered by Ukraine. Also, the initiatives to
plant trees, to bring soil, have failed due to the rough climate on the island.
19. In 2007, the Accounting Chamber of Ukraine undertook an audit of the Comprehensive
Programme for the development of Serpents’ Island. The press release of this Ukrainian authority,
of June 2007, is in the judges’ folder at tab IX-11. As was noted by the Accounting Chamber:
“the objective of the Complex Programme, which consisted in creating adequate living
environment, as well as the conditions for economic and other types of activities in the
island, has not been reached. ... Another fact ... is the absence of the expected
results. ... Three years after the drafting of the Master Plan for the development of
Zmiynyi Island, which is the main document that determines the prospective
116
CMU, Ann. 22. See judges’ folder, tab I-6. - 62 -
opportunities for the development of the island’s territory, the implementation of the
plan has not been started.” 117
The Accounting Chamber went on to note that desp ite the sums expended, “[w]ater supply, water
purification, water disposal, sewage and adequate energy supply facilities are still not available on
the island”.
20. Then there have been attempts to improve communications with the island by building a
berth there. You may have seen the eye-catching pictures of this berth included by Ukraine in its
Counter-Memorial. But, as admitted by the 2005 Sailing Directions of the Black Sea and Sea of
Azov for Waters of Ukraine, also included by Uk raine in Annex 5 to the Counter-Memorial, “the
berth is unreliable as the ground holds the anchor badly and it is insu fficiently protected from
118
disturbance” . Thus, the Accounting Chamber of Ukraine, in its press release of June2007,
reported that “the mooring complex has not been put into operation”.
21. Faced with the problems of access, suggesti ons that Serpents’ Island may be used as a
tourist resort are totally absurd. As the Minist er of Transport of Ukraine is reported to have
declared in April this year–– it is at tabIX-12 in your folders–– tourists “have nothing to do or
119
see” on the island, and the idea of passenger transport there has no future . Indeed, when the
Ukrainian authorities tried to organize the first “tourist trip” on Serpents’ Island, on 14 June 2008,
the ship was unable to berth due to the bad weather, the powerful sea waves, the dangerous
submarine rocks and the unfinished berth. Accord ing to the Ukrainian media, the “tourists” were
only able to see “the lonely lighthouse and the steep rocks of this piece of land” 120.
22. Yesterday, I mentioned Ukraine’s cont entions in relation to the “highly selective
approach” 121 supposedly taken by Romania in presenting the image of Serpents’ Island and I have
117Press release of the Accounting Chamber of Ukraine of 26 June 2007, “Great problems of a small island”, in
English, available on the official website of this institution at
http://www.ac-rada.gov.ua/achamber/control/en/publish/article/main?art_…; judges’ folder,
tab IX-11 (see also tab VI-14).
118
CMU, Ann. 5; RR, p. 181, para. 5.163.
119
“Tourists have nothing to do on Serpents’ Island ⎯ [declared] Iosif Vinskii”, the Ukrainian press agency
Krug-Inform, 11 April 2008, http://www.krug.com.ua/index.php?option=com_content&task=view&id=3174&I…;
judges’ folder, tab IX-12.
120
“The first tourists were unable to get to Se rpents’ [Island]”, the Ukrainian press agency Reporter,
16 June 2008, http://www.reporter.com.ua/cgi-bin/view_material.pl?mt_id=33170; “A trip on Achilles’ Island costs
1d0ollars/tourist”, the Ukrainian newspaper Segodnia, author Elena Iuzefchuk, J62e008,
http://www.segodnya.ua/news/10044850.html; judges’ folder, tabs IX-13 and IX-14.
121CMU, p. 24, para. 3.45. - 63 -
demonstrated that these contentions are ungrounded. But what are these measures of Ukraine if not
themselves a highly selective approach aimed at concealing the natural features of Serpents’
Island? Whatever images Ukraine shows you, th ey are only designed for deceptive publicity.
They will not show the real features of this rock, but only a showy façade of what Ukraine would
like you to take as being reality. If Potemkin lived today, he would have used the same technique.
23. To summarize, despite all efforts and a ll the publicity, the fundamentals of Serpents’
Island are the same as ever they were. It was, and remains, a rocky uninhabitable protuberance.
4. Ukraine’s project as an admission against interest
[Slide 1: Pictures of the Rockall Island in the Atlantic Ocean]
24. Madam President, Members of the Court, I move to my fourth point. Ukraine’s
programme of rock reform is misconceived. As ProfessorLowe showed this morning,
Article121(3) of the 1982Convention is concerned with the inherent charact er of a feature as a
rock and not with the number of people who may be required to go there for official duties. In
1974, some United Kingdom marines were sent on th e island of Rockall in the Atlantic in an
attempt to consolidate the British claims to it and to the surrounding maritime areas ⎯ as you can
122
see in this publicity picture which is now on the screen, and also at tabIX-15 in your folders .
Also, in 1997 some Greenpeace activists camped out on Rockall for 42days ⎯ you can see the
123
graphic on the screen . However, Rockall would be a rock within the meaning of Article 121 (3)
of the 1982Convention whether it had a duty-free store, a cash point or a casino perched on its
summit ⎯ and the same is true of Serpents’ Island.
25. Indeed the point can be taken further. Since Ukraine is striving so hard to promote such
measures, thus showing that it is itself conscious, perfectly aware of the real character of Serpents’
Island, it is obvious that no one could consider the Island as capable of sustaining human habitation
or economic life of its own.
26. Of course Ukraine is entitled as a State to develop its territory as it sees fit; to build
casinos on every mountain top, to install cash points in every secluded valley. But the question is
122
Source: http://www.therockalltimes.co.uk/rockall/guards.jpg.
12Source: http://petermo.files.wordpress.com/2007/10/rockall-thin.jpg; judges’ folder, tab IX-15. - 64 -
why is it proclaiming a village where there can be no village, on a rock that cannot sustain human
habitation; why drilling for water when there is no potable water to be found; bringing soil and
trees where there are only rocks and no vegetation can possibly survive; why opening a bank with
no bank tellers and no customers? Whatever Ukraine does in this “taming of the Serpents” exercise
of “embellishing” the former “Achilles’ Island” is not only futile, but reveals at its best the
“Achilles’ heel” of Serpents’ Island and of Uk raine’s actions. These optical illusions can only
proceed from and be motivated by an uncomfortable awareness that Serpents’ Island is what it is ⎯
a rock incapable of sustaining human habitation or an economic life of its own. Madam President
and Members of the Court, Ukraine’s actions am ount to a clear recognition, a powerful admission
against interests by Ukraine itself, that the natural characteristics of Serpents’ Island do not allow it
to sustain human habitation or economic life of its own 124. In this case, of course, Ukraine cannot
succeed in transforming the juridical nature of Serpents’ Island, no matter how much money is
spent on it.
27. One might even invoke the idea of abu se of rights, which has been defined as the
exercise by a State of a right “for an end different from that for which the right was created, to the
injury of another State” 125. Obviously Ukraine is engaged in this expensive and futile rock show
126
with the intention of attempting to affect the rights of, and thereby injuring, Romania .
28. Madam President and Members of the Court, equity cannot be based on abuse. That is
why such abusive activities cannot have any infl uence on a solution of maritime delimitation,
which has to be equitable.
Conclusion
29. Madam President, Members of the Court, in November 2007 the President of Ukraine is
reported to have declared that ⎯ this is at tabIX-16 in your folders ⎯ “Serpents’ Island is a
127
special territory, and it must not look like it looks today” . According to the Governor of the
124
See MR, pp. 190-193, paras. 10.126-10.131.
12A. Kiss, “Abuse of Rights”, in R. Bernhardt (ed.), Encyclopaedia of Public International Law (Amsterdam:
North-Holland, 1992), Vol. 1, 4.
12See Art. 300 UNCLOS. See also MR, pp. 188-190, paras. 10.119-10.125.
12“Serpents’ Island is being rebuilt in a hurry, as Yushchenko wanted”, 24 December 2007, KPUnews press
agency, http://www.kpunews.com/odessa_topic11_5051.html; judges’ folder, tab IX-16. - 65 -
Odessa Region ⎯ this is at tabIX-17 in your folders ⎯ “the President ordered that the island
should be ‘embellished’...” 128. In February2008, Mr.OleksandrSushko, member of the Civil
Council of Ukraine’s Ministry of Foreign Affairs, stat ed (this is at tabIX-18 in your folders) that
the only purpose of the mentioned Ukrainian measur es is to consolidate Ukraine’s position before
the Court: “There is a . . . debate about the status of this island: is it rock or island? We do not try
to transform it into an island, because this woul d be impossible, we just try to strengthen the
129
arguments in our favour.”
30. Ukraine’ contention that such measures “arise from a natural development of the island’s
130
long established uses” is as unsustainable as its programme of reform of this barren spot.
Ukraine’s purpose is artificially to alter the natural conditions on Serpents’ Island in order to create
an appearance of human habitation and economic life. In the words of the top Ukrainian
officials ⎯ as revealed by one annex of Ukraine of its Counter-Memorial ⎯ the development of
Serpents’ Island is a “political issue” 131.
31. That is why Romania has always objected to these measures and made it clear that they
can have no legal effects in relation to the delimita tion of maritime spaces of the two countries in
the Black Sea. Romania’s position has been expressed in official public statements and press
132
communiqués, as well as in numerous Notes Verbales sent to Ukraine .
32. In its Rejoinder, Ukraine goes so far as to suggest that its programme is carried out
pursuant to the 1997 Exchange of Letters and thus with Romania’s consent. To quote the
Rejoinder: “[s]ince Ukraine’s independence, the Ukrainian Government has implemented a
programme of demilitarisation a nd development of Serpents’ Island in conformity with the
128“The Ukrainian authorities seek to accelerate the construction works on Serpents’ Island”, Deutsche Welle,
Ukrainian Branch, 25 January 2008, http://www.dw-world.de/dw/article/0,2144,3088100,00.html; judges’ folder,
tab IX-17.
129“The actions on Serpents’ Island target the consolidation of Ukraine’s position in The Hague, an official
admits”, 12February2008, Romanian press agency NewsIn, available at http://www.newsin.ro/ucraina-rominia-
insula.php?cid=view&nid=963aa954-ab8a-403d-af8d-6477cb9a387c&hid=media , judges’ folder, taIbX-18, also
available at http://www.romanialibera.ro/a117742/ucraina-recunoaste-ca-actiunile-din…-
dosar-mai-bun-la-haga.html (“Ukraine admits that the actions on Serpents’ Island are for a better case in The Hague”,
newspaper Romania Libera, 12 February 2008).
130CMU, p. 197, para. 7.86.
131CMU, Ann. 68.
132See MR, Anns. 77, 78, 79; RR, Anns. 23, 24, 25, 26. - 66 -
133
1997 Exchange of Letters” . In fact, as we have seen, the programme was inaugurated in 1995,
that is before the Additional Agreement of 1997. By cont rast, according to the Counter-Memorial,
134
the decision concerning the so-called demilitarization was only taken in 2002 . Not only were
these two decisions not coincidental; neither had they anything to do with the Additional
Agreement. In fact its text does not mention any “demilitarization”, but only contains an obligation
for Ukraine “not to locate offensive military devices” on Serpents’ Island, pending the conclusion
of a future agreement on confidence- and secu rity-building measures between Romania and
Ukraine 135, but which is still not finalized. Further, it may be noted that the Additional Agreement
makes no reference whatsoever to any measure of so-called “development” of Serpents’ Island.
33. Madam President, Members of the Court, to summarize, the various acts of Ukraine took
place recently, after the critical date. They are not a normal continuation of prior acts; no such
acts were taken either by USSR or by Ukraine before the first decision of 18December1995.
They are undertaken for the sole purpose of atte mpting to improve the legal position of Ukraine in
order to rely on them in the dispute with Romania. These acts aimed at artificially improving the
appearance of Serpents’ Island ca nnot change its real characteristi cs, because its adverse natural
conditions are not susceptible of any such transformation; the real character of the Island cannot be
hidden either ⎯ it is evidenced by the so many docum ents included by Ukraine itself in its
annexes. These acts of “rock reform” lack any le gal effect to the purpose sought by Ukraine and
cannot be taken into account when deciding upon th e equitable solution of a maritime delimitation
in this case. In reality, they represent a powerfu l admission against interests by Ukraine that the
natural features of Serpents’ Island do not allow it to sustain human habitation or economic life.
This is just one more argument that Serpents’ Is land should be disregarded for the purposes of this
delimitation.
34. Madam President, that concludes my presentation and, with your permission, the
pleadings of Romania today. I thank very much the Court for its attention and patience.
133
RU, para. 6.71 (8).
134
CMU, p. 194, para. 7.76.
13Paragraph 3 of the Additional Agreement. See MR, Ann. 2. - 67 -
The PRESIDENT: Thank you, Dr. Aurescu. Well, that does bring to an end the pleadings
for this morning. The Court now rises and will resume its sitting at 10 a.m. tomorrow.
The Court rose at 1 p.m.
___________
Public sitting held on Thursday 4 September 2008, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Higgins presiding, in the case concerning Maritime Delimitation in the Black Sea (Romania v. Ukraine)