Non-Corrigé
Uncorrected
CR 2009/13
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THHEGUE
ANNÉE 2009
Audience publique
tenue le mardi 15 septembre 2009, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Tomka, vice-président,
faisant fonction de président
en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c. Uruguay)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2009
Public sitting
held on Tuesday 15 September 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace,
Vice-President Tomka, Acting President, presiding,
in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Tomka, vice-président, faisant fonction de président en l’affaire
KoMroMa.
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Crinçade
Yusuf
Grejugesood,
BeTroresz.
juiesesa, ad hoc
Mme de Saint Phalle, greffier adjoint
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Vice-President Tomka, Acting President
KoromJaudges
Al-Khasawneh
Buergenthal
Simma
Abraham
Keith
Sepúlveda-Amor
Bennouna
Skotnikov
Trindade Cançado
Yusuf
Greenwood
Judges ad hoc TorresBernárdez
Vinuesa
Deputy-Registrar de Saint Phalle
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement de la République argentine est représenté par :
S. Exc. Mme Susana Ruiz Cerutti, ambassadeur, conseiller juridique du ministère des relations
extérieures, du commerce international et du culte,
comme agent ;
S. Exc. M. Horacio A. Basabe, ambassadeur, directeur général de l’Institut du service extérieur de
la nation, ancien conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte, membre de la Cour permanente d’arbitrage,
S. Exc. M. Santos Goñi Marenco, ambassadeur de la République argentine auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme coagents ;
M.AlainPellet, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, membre et ancien
président de la Commission du droit internatio nal, membre associé de l’Institut de droit
international,
M. Philippe Sands QC, professeur de droit internatio nal au University College de Londres, avocat,
Matrix Chambers, Londres,
M. Marcelo Kohen, professeur de droit internationa l à l’Institut de hautes études internationales et
du développement, Genève, membre associé de l’Institut de droit international,
Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à l’Université de Genève,
M. Alan Béraud, ministre à l’ambassade de la République argentine auprès de l’Union européenne,
ancien conseiller juridique du ministère des affaires étrangères, du commerce international et du
culte,
M.DanielMüller, chercheur au Centre de droit in ternational de Nanterre (CEDIN), Université de
Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
comme conseils et avocats ;
M. Homero Bibiloni, secrétaire d’Etat à l’environnement et au développement durable,
comme autorité gouvernementale ;
M. Esteban Lyons, directeur national du contrôle environnemental du secrétariat à l’environnement
et au développement durable,
M.HowardWheater, docteur en hydrologie de l’ Université de Bristol, professeur d’hydrologie à
l’Imperial College, directeur de l’Imperial College Environment Forum,
M. Juan Carlos Colombo, docteur en océanographie de l’Université de Québec, professeur à la
faculté des sciences et au musée de l’Université de La Plata, directeur du Laboratoire de chimie
environnementale et de biogéochimie de l’Université de La Plata,
M.NeilMcIntyre, docteur en ingénierie envir onnementale, maître de conférences à l’Imperial
College, Londres, - 5 -
The Government of the Republicof Argentina is represented by:
H.E. Ms Susana Ruiz Cerutti, Ambassador, Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
as Agent;
H.E. Mr. Horacio A. Basabe, Ambassador, Director of the Argentine Institute for Foreign Service,
former Legal Adviser to the Ministry of Fore ign Affairs, International Trade and Worship,
Member of the Permanent Court of Arbitration,
H.E. Mr. Santos Goñi Marenco, Ambassador of the Argentine Republic to the Kingdom of the
Netherlands,
as Co-Agents;
Mr.AlainPellet, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, member and
former Chairman of the International Law Co mmission, associate member of the Institut de
droit international,
Mr. Philippe Sands QC, Professor of International Law at the University College London, Barrister
at Matrix Chambers, London,
Mr.MarceloKohen, Professor of International Law at the Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva, associate member of the Institut de droit international,
Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law at the University of Geneva,
Mr.AlanBéraud, Minister at the Embassy of the Argentine Republic to the European Union,
former Legal Adviser to the Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Worship,
Mr. Daniel Müller, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), University
of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
as Counsel and Advocates;
Mr. Homero Bibiloni, Federal Secretary of Environment and Sustainable Development,
as Governmental Authority;
Mr.EstebanLyons, National Director of Environm ental Control, Secretariat of Environment and
Sustainable Development,
Mr. Howard Wheater, PhD in Hydrology at Bristol University, Professor of Hydrology at Imperial
College and Director of the Imperial College Environment Forum,
Mr. Juan Carlos Colombo, PhD in Oceanography at the University of Québec, Professor at the
Faculty of Sciences and Museum of the National University of La Plata, Director of the
Laboratory of Environmental Ch emistry and Biogeochemistry at the National University of
La Plata,
Mr.NeilMcIntyre, PhD in Environmental Engineering, Senior Lecturer in Hydrology at Imperial
College London, - 6 -
Mme Inés Camilloni, docteur en sciences atmosphériques, professeur de sciences atmosphériques à
la faculté des sciences de l’Université de Buenos Aires, maître de recherche au conseil national
de recherche (CONICET),
M.GabrielRaggio, docteur en sciences techni ques de l’Ecole polytechnique fédérale de
Zürich (ETHZ) (Suisse), consultant indépendant,
comme conseils et experts scientifiques ;
M.HolgerMartinsen, ministre au bureau du conseiller juridique du ministère des affaires
étrangères, du commerce international et du culte,
M. Mario Oyarzábal, conseiller d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
M.FernandoMarani, secrétaire d’ambassade, amb assade de la République argentine au Royaume
des Pays-Bas,
M.GabrielHerrera, secrétaire d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
MmeCynthiaMulville, secrétaire d’ambassade, bureau du conseiller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,
Mme Kate Cook, avocat, Matrix Chambers, Londres, spécialisée en droit de l’environnement et en
droit du développement,
Mme Mara Tignino, docteur en droit, chercheur à l’Université de Genève,
M.MagnusJeskoLanger, assistant d’enseignement et de recherche, Institut de hautes études
internationales et du développement, Genève,
comme conseillers juridiques.
Le Gouvernement de l’Uruguay est représenté par :
S. Exc. M. Carlos Gianelli, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès des
Etats-Unis d’Amérique,
comme agent ;
S. Exc. M. Carlos Mora Medero, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès du
Royaume des Pays-Bas,
comme coagent ;
M.AlanBoyle, professeur de droit international à l’Université d’Edimbourg, membre du barreau
d’Angleterre,
M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,
M.LawrenceH.Martin, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau de la Cour suprême des
Etats-Unis d’Amérique, du barreau du district de Columbia et du barreau du Commonwealth du
Massachusetts, - 7 -
MsInésCamilloni, PhD in Atmospheric Sciences, Professor of Atmospheric Sciences at the
Faculty of Sciences of the University of Bue nos Aires, Senior Researcher at the National
Research Council (CONICET),
Mr.GabrielRaggio, Doctor in Technical Scienc es of the Swiss Federal Institute of Technology
Zurich (ETHZ) (Switzerland), Independent Consultant,
as Scientific Advisers and Experts;
Mr.HolgerMartinsen, Minister at the Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
Mr.MarioOyarzábal, Embassy Counsellor, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign
Affairs, International Trade and Worship,
Mr. Fernando Marani, Embassy Secretary, Embassy of the Argentine Republic in the Kingdom of
the Netherlands,
Mr. Gabriel Herrera, Embassy Secretary, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
Ms Cynthia Mulville, Embassy Secretary, Office of the Legal Adviser, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Worship,
MsKateCook, Barrister at Matrix Chambers, London, specializing in environmental law and law
relating to development,
Ms Mara Tignino, PhD in Law, Researcher at the University of Geneva,
Mr.MagnusJesko Langer, teaching and research assist ant, Graduate Institute of International and
Development Studies, Geneva,
as Legal Advisers.
The Government of Uruguay is represented by:
H.E. Mr. Carlos Gianelli, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the United States of
America,
as Agent;
H.E. Mr. Carlos Mora Medero, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the Kingdom of
the Netherlands,
as Co-Agent;
Mr.AlanBoyle, Professor of International Law at the University of Edinburgh, Member of the
English Bar,
Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Faculty of Law, University of Florence,
Mr. Lawrence H. Martin, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the United States Supreme
Court, the District of Columbia and the Commonwealth of Massachusetts, - 8 -
M. Stephen C. McCaffrey, professeur à la McGeorge School of Law de l’Université du Pacifique,
Californie, ancien président de la Commission du droit international et rapporteur spécial aux
fins des travaux de la Commission relatifs aux cours d’eau internationaux,
M.PaulS.Reichler, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau de la Cour suprême des
Etats-Unis d’Amérique et du barreau du district de Columbia,
comme conseils et avocats ;
M. Marcelo Cousillas, conseiller juridique à la direction nationale de l’environnement, ministère du
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement de la République orientale de
l’Uruguay,
M. César Rodriguez Zavalla, chef de cabinet au ministère des affaires étrangères de la République
orientale de l’Uruguay,
M.CarlosMata, directeur adjoint des affaires juri diques au ministère des affaires étrangères de la
République orientale de l’Uruguay,
M. Marcelo Gerona, conseiller à l’ambassade de la République orientale de l’Uruguay au Royaume
des Pays-Bas,
M. Alberto Pérez Pérez, professeur à l’Université de la République, Montevideo,
M. Eduardo Jiménez de Aréchaga, avocat, admis au barreau de la République orientale de
l’Uruguay et membre du barreau de New York,
MA. damKahn, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Commonwealth du
Massachusetts,
MmeAnaliaGonzalez, LLM, cabinet Foley Hoag LLP, admise au barreau de la République
orientale de l’Uruguay,
Mme Clara E. Brillembourg, cabinet Foley Hoag LLP, membre des barreaux des districts de
Columbia et de New York,
MmeCicelyParseghian, cabinet Foley Hoag LLP, membre du barreau du Commonwealth du
Massachusetts,
M. Pierre Harcourt, doctorant à l’Université d’Edimbourg,
M. Paolo Palchetti, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Macerata,
comme conseils adjoints ;
Mme Alicia Torres, directrice nationale de l’environneme nt au ministère du logement, de
l’aménagement du territoire etde l’environnement de la République orientale de l’Uruguay,
M.EugenioLorenzo, conseiller technique à la direction de l’envir onnement du ministère du
logement, de l’aménagement du territoir e et de l’environnement de la Ré publique orientale de
l’Uruguay,
M.CyroCroce, conseiller technique à la direction de l’environnement du ministère du logement, de
l’aménagement du territoire etde l’environnement de la République orientale de l’Uruguay, - 9 -
Mr.StephenC.McCaffrey, Professor at the McGeorge School of Law, University of the Pacific,
California, former Chairman of the Interna tional Law Commission and Special Rapporteur for
the Commission’s work on international watercourses,
Mr.PaulS.Reichler, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the United States Supreme Court
and the District of Columbia,
as Counsel and Advocates;
Mr. Marcelo Cousillas, Legal Counsel at the Nationa l Directorate for the Environment, Ministry of
Housing, Territorial Planning and Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr.CésarRodriguezZavalla, Chief of Cabinet, Ministry of Foreign Affairs of the Eastern
Republic of Uruguay,
Mr.CarlosMata, Deputy Director of Legal Affair s, Ministry of Foreign Affairs of the Eastern
Republic of Uruguay,
Mr.MarceloGerona, Counsellor of the Embassy of the Eastern Republic of Uruguay in the
Kingdom of the Netherlands,
Mr. Alberto Pérez Pérez, Professor of the University of the Republic, Montevideo,
Mr. Eduardo Jiménez de Aréchaga, Attorney at law, admitted to the Bar of the Eastern Republic of
Uruguay and Member of the Bar of New York,
Mr. Adam Kahn, Foley Hoag LLP, Member of the Bar of the Commonwealth of Massachusetts,
MsAnaliaGonzalez, LLM, Foley Hoag LLP, adm itted to the Bar of the Eastern Republic of
Uruguay,
MsClaraE. Brillembourg, Foley Hoag LLP, Member of the Bars of the District of Columbia and
New York,
MsCicelyParseghian, Foley Hoag LLP, Me mber of the Bar of the Commonwealth of
Massachusetts,
Mr. Pierre Harcourt, PhD Candidate, University of Edinburgh,
Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the School of Law, University of Macerata,
as Assistant Counsel;
Ms Alicia Torres, National Director for the Environment at the Ministry of Housing, Territorial
Planning and Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr.EugenioLorenzo, Technical Consultant for the National Directorate for the Environment,
Ministry of Housing, TerritorialPlanning and Environment ofthe Eastern Republic of Uruguay,
Mr. Cyro Croce, Technical Consultant for the National Directorate for the Environment, Ministry of
Housing, Territorial Planning and Environment of the Eastern Republic of Uruguay, - 10 -
Mme Raquel Piaggio, bureau de la gestion des eaux (O.S.E.), consultante technique à la direction de
l’environnement du ministère du logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement
de la République orientale de l’Uruguay,
M.CharlesA.Menzie, PhD., Principal Scientist et directeur d’EcoSciences Practice chez Exponent,
Inc., à Alexandria, Virginie,
M. Neil McCubbin, Eng., Bsc. (Eng), 1 Class Honours, Glasgow ; Associ ate of the Royal College of
Science and Technology, Glasgow,
comme conseillers scientifiques et experts. - 11 -
Ms Raquel Piaggio, Water Management Administration ⎯ O.S.E. ⎯ Technical Cons ultant for the
National Directorate for the Environment, Mini stry of Housing, Territorial Planning and
Environment of the Eastern Republic of Uruguay,
Mr. Charles A. Menzie, PhD., Principal Scientist and Director of the EcoSciences Practice at
Exponent, Inc., Alexandria, Virginia,
Mr. Neil McCubbin, Eng., BSc. (Eng), 1st Class Honours, Glasgow; Associate of the Royal College
of Science and Technology, Glasgow,
as Scientific Advisers and Experts. - 12 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président : Veuillez vous asseoir. L’audience est
ouverte et nous allons entendre la suite du premier to ur des plaidoiries de la République argentine.
Je donne la parole à M. le professeur Marcelo Kohen. Vous avez la parole, Monsieur.
M. KOHEN :
VI. L A QUESTION RELATIVE À L ’EMPLACEMENT DE L ’USINE EST AU CŒUR DU DIFFÉREND
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, c’est à nouveau un honneur de comparaître
devant votre haute juridiction, pour défendre les droits de l’Argentine. Cette première plaidoirie va
traiter de l’une des questions qui se situent au cŒur du différend qui oppose nos deux pays frères.
Mon propos sera de démontrer que :
⎯ primo, le choix de l’emplacement des usines est fondamental pour évaluer si les projets
satisfont aux exigences du droit applicable ;
⎯ secundo, les arguments uruguayens qui tendent à ignorer la présence d’une population riveraine
et les utilisations préexistantes doivent être rejetés ;
⎯ tertio, c’est la CARU qui a déterminé l’existen ce d’utilisations prioritaires, la récréation
figurant en deuxième lieu ;
⎯ quarto, l’Uruguay n’a jamais pris les mesures nécessaires pour déterminer le caractère
approprié de l’emplacement choi si et a obstinément refusé de discuter de cette question avec
l’Argentine;
⎯ quinto, le site choisi par Botnia n’est pas approprié et les arguments fabriqués ex post facto par
la Partie défenderesse afin de justifier ce choix sont infondés.
A. Le choix du site est fondamental pour déterminer si le projet satisfait aux exigences
du droit applicable
2. L’Uruguay prétend que les études ayant trait à l’évaluation des sites alternatifs ne sont ni
obligatoires, ni nécessaires1. C’est faux. D’une part, le choi x de l’emplacement est fondamental
afin d’évaluer l’impact environnemental du projet sur l’écosystème. D’autre part, ce choix est
également capital pour déterminer si l’usine Bo tnia, installée là où elle est, représente une
1
Duplique de l’Uruguay (DU), par. 5.92-5.93. CR 2006/49, par. 6 (Boyle). - 13 -
utilisation «rationnelle et optimale» du fleuve Ur uguay comme le statut de1975 l’exige, ou une
2
utilisation «équitable et raisonnable» , critères que les deux Parties reconnaissent comme relevant
3
du droit international général, et repris par la convention des Nations Unies de 1997 .
3. En outre, l’article 7 du statut de 1975 permet à la CARU d’établir «si le projet peut causer
4
un préjudice sensible à l’autre Partie» . Un tel préjudice peut porter atteinte à une partie si les
exigences environnementales ne sont pas respectées mais aussi, si les utilisations existantes du
fleuve se voient menacées par les projets de l’autre partie.
4. L’Uruguay affirme de manière incorrecte que, ni le statut de 1975, ni le droit international
5
général n’exigent l’étude de sites alternatifs . Le statut de1975 renvoie au droit international
général et la pratique et les instruments internationaux qui le reflètent prescrivent une évaluation du
site en fonction des propositions alternatives existantes 6.
5. L’Uruguay prétend ensuite que, dans le cas d’espèce, il n’y avait pas lieu d’étudier des
7
solutions alternatives aux lieux d’implantation . Il oublie qu’il s’agit de la plus grande exploitation
industrielle dans toute l’histoire du fleuve Uruguay. C’est un ouvrage qui peut matériellement être
installé à d’autres endroits. Nous ne sommes pas devant un ouvrage qui, par sa nature ou fonction,
ne peut être établi que dans l’endroit choisi par Botnia.
6. Enfin, l’Uruguay a eu recours à un dernier argument surprenant: les demandeurs d’une
autorisation de construction pourra ient uniquement effectuer une étude relative à l’impact sur des
8
sites qui sont déjà leur propriété ou en leur possession . C’est la preuve que tout était déjà joué
2
Article premier du statut de1975 (mémoire de l’Arge ntine (MA), livre II, annexe 2; contre-mémoire de
l’Uruguay (CMU), vol.II, annexe 4), article5 de la conven tion sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres que la navigation (résolution 51/229 de l’Assemblée générale).
3MA, par. 3.163-3.168 ; CMU, par. 4.63-4.65 ; DU, par. 5.49-5.51.
4
Les italiques sont de nous. MA, livre II, annexe 2 ; CMU, vol. II, annexe 4. Traduction anglaise : «whether the
plan might cause significant damage to the other Party».
5
CMU, par. 6.59 ; DU, par. 5.93.
6
Buts et principes sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement adoptés par le conseil d’administration du
PN1U9E87)d4icrnici:oenible à
http ://www-penelope.drec.unilim.fr/penelope/library/Libs/Int_nal/unep/unep.htm) ; art. 4 et 5, appendice II et article 1 b)
de l’appendice III de la convention d’Espoo; article10 e) du projet d’articles sur la prévention des dommages
transfrontières résultant d’activités dangereuses adopté par la Commissi on du droit international en2001 ( Documents
o
officiels de l’Assemblée générale, cinquante-sixième session, supplément n 10 (A/56/10)) ; Lignes directrices en matière
d’EIE adoptées par la conférence des parties à la convention sur la biodive rsité, décision VIII/28, par. 4, 5 b) c), 25 b),
27 e), 28, et 39, mars 2006 (disponible à: http://www.cbd.in t/doc/decisions/cop-08/full/cop-08-dec-fr.pdf) (cf. MA,
par. 5.56, et réplique de l’Argentine (RA), par. 4.69 et 4.70) (dossiers de plaidoiries du 15 septembre 2009, onglet no5).
7
DU, par. 5.91-5.92.
8
DU, par. 5.92. - 14 -
lorsque Botnia a pris la décision d’acheter le te rrain pour la construction de l’usine, avant même
d’obtenir l’autorisation de construction.
7. L’affirmation uruguayenne relative à l’ absence d’obligation d’envisager des sites
alternatifs est contredite par l’antécédent le plus important en matière d’application des articles7
à13 du statut de1975, à savoir le rejet du projet de barrage argentino-brés ilien de Garabi par la
CARU en1981. Le projet comprenait l’évaluation de sites alternatifs. Je cite la notification du
o
rejet par la CARU adressée au Gouvernement argentin [projection n 1] :
«De nombreux emplacements possibles pour les ouvrages envisagés ont été
analysés dans l’étude présentée. Ceci permet de supposer que la possibilité de
relocaliser les ouvrages proposés, ainsi que d’autres, à d’autres endroits du fleuve, ne
serait pas à écarter. Ce qui aboutira à un résultat plus harmonieux sur l’ensemble 9u
fleuve, dans le but d’éliminer toute possibilité de préjudices sensibles.» [Fin de la
projection n 1.]
8. Du reste, dans ses tentat ives ultérieures visant à justifier le choix du site, l’Uruguay finit
par prétendre que Botnia avait effectué de telles études comparatives 10. Ces prétendues études
n’ont été communiquées ni à la CARU ni à l’Argentine avant que le projet ne soit autorisé.
9. A ce stade, nous pouvons conclure qu’il ex istait une obligation d’envisager plusieurs sites
dans une véritable étude relative à l’impact environnemental, que cette étude aurait du être soumise
à la CARU et que l’Uruguay ne s’est pas acquitté de cette obligation.
B. Les arguments uruguayens pour ignorer la présence d’une population riveraine
et des utilisations préalables ne sont pas fondés
10. Permettez-moi maintenant, Messieurs les j uges, d’attirer votre attention sur un constat
important: ni Ñandubaysal, ni Gualeguaychú ont d écidé de s’installer à cô té de Botnia. C’est
Botnia qui a délibérément choisi de s’établir à pr oximité de la deuxième plus grande concentration
humaine existante sur les rives du fleuve Uruguay, là où ⎯ en plus ⎯ se trouvent déjà une station
balnéaire, ainsi que l’un des plus importants r éservoirs et lieux de reproduction de ressources
halieutiques.
9 (Ma traduction.) PV de la CARU 9/81 du 18 décembre 1981, MA, livre III, annexe 3, p. 25; CMU, vol. IV,
annexe 68. Traduction anglaise : «Numerous possible sites for the proposed works we re analyzed in the presented study.
This allows presuming that the possibilit y of relocating the proposed works, as well as others, to other sites along the
river is not to be ruled out. This would achieve a more harm onious result on the entire river system in order to eliminate
o
any possible sensible damage.» (CMU, vol. IV, annexe 68.) (Dossiers de plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n 6.)
10CMU, par. 4.118 ; DU, par. 5.90. - 15 -
11. L’Uruguay cherche à éviter l’examen de l’impact de la présence d’une population
riveraine et des utilisations préalables de celui-c i dans la zone d’implantation des usines en se
servant de deux arguments. Le premier consiste à affirmer que les pollutions aériennes, visuelles et
acoustiques ne seraient pas couvertes par le statut du fleuve Uruguay 11. La pollution de l’air a un
impact évident sur l’écosystème d’un cours d’eau international. Elle constitue un «facteur nocif sur
le fleuve et ses zones d’influence», pour repre ndre les termes employés par l’article36 du statut
de1975. Les pollutions visuelles et sonores ⎯dans le cas concret qui nous occupe ⎯ portent
atteinte à l’utilisation «rationne lle et optimale», «équitable et raisonnable» du fleuve, vu leur
contradiction intrinsèque avec les utilisations préalables du fleuve à l’endroit choisi.
C. Le faux dilemme présenté par l’Uruguay opposant «utilisation préalable» c. «utilisation
équitable et raisonnable»
12. Le deuxième argument uruguayen consiste à affirmer que les utilisations préalables du
fleuve n’ont aucune priorité sur les possibles nouvelles utilisations de celui-ci. Selon l’autre
Partie : «le tourisme et la pêche sont concurrencés par d’autres utilisations équitables revendiquées,
notamment les utilisations industrielles et domestiques, qui donnent lieu à un accroissement des
niveaux de phosphore dans le fleuve» 12.
13. Je voudrais attirer votre attention sur la position du président Jiménez de Aréchaga sur la
question. [Projection n o2.] En synthétisant la citation que vous voyez à l’écran et qui se trouve à
o
l’onglet n 7 de vos dossiers, il peut être affirmé que les traités sont en général fondés sur le respect
des utilisations existantes et ce respect semble être le point de départ de toute analyse. La règle de
base serait ainsi prior in tempore, potior in jure , sans préjudice d’autres solutions qui prendraient
13
toujours en considération les utilisations préalables . Voilà pour ce qui est de la pensée de celui
dont l’influence dans les prises de position de son pays en matière fluviale n’est plus à établir. [Fin
o
de la projection n 2.]
11CMU, par. 1.23 ; DU, par. 1.12.
12DU, par.5.51 [traduction du Greffe] . Version originale: «tourism and fishing must compete with other
equitable claims, including industrial and domestic uses resulting in higher levels of phosphorus in the river».
13Jiménez de Aréchaga, Eduardo, «International Lega l Rules Governing Use of Waters from International
Watercourses», Inter-American Law Review, 1960, vol. II, p. 335-336. - 16 -
14. Monsieur le président, la question n’est pas de choisir entre «utilisation préalable» et
«utilisation équitable et raisonnable», comme le prét end l’Uruguay. Pour évaluer si l’installation
de l’usine Botnia dans le lieu où elle opère constitue une utili sation équitable et raisonnable,
rationnelle et optimale, du fleuve, il faut prendre en considération deux circonstances pertinentes,
dont l’Uruguay refuse obstinément de tenir compte : le site choisi et les u tilisations déjà existantes
à cet endroit. C’est ce qui découle du statut et du droit international général 14. L’article8 des
15
règles d’Helsinki reflète la pratique internationale, et comme l’a affirmé une voix autorisée dans
ce domaine, «sans revenir à la pratique traditionnelle, qui consistait à leur attribuer valeur de droits
acquis, les utilisations en questi on sont présumées prioritaires, sauf s’il peut être établi que les
raisons justifiant leur continuation sont moins pertinentes, à la lumière des circonstances, que celles
qui militent en faveur d’une activité nouvelle» 16.
D. C’est la CARU qui a déterminé l’existence d’utilisations prioritaires
15. Précisons encore un autre élément impor tant pour l’évaluation du site. La CARU a
o
classifié dans son digeste les eaux du fleuve en fonction de leur utilisation. [Projection n 3.] Vous
avez les deux articles pertinents à l’écran, ainsi que dans vos dossiers à l’onglet n o 10 . A
l’articlepremier, vous pouvez c onstater une première liste dans laquelle les utilisations dites
«légitimes» sont mentionnées. A l’article 2, vous avez une deuxième liste dans laquelle est établie
la classification des eaux du fleuve sur la base de leurs utilisations légitimes et «prépondérantes» :
les eaux destinées à des activités de ré création y figurent comme «utilisation n o2». [Fin de la
o
projection n 3.]
16. Dans cette perspective, la CARU approuve le 11fé vrier2000 le projet dit de
«zonificación» du fleuve Uruguay, c’est-à-dire, la détermination des zones du fleuve destinées aux
14 Article6, alinéa1, lettree) de la convention de 1997 sur le droit relatif aux utilisations des cours d’eau
internationaux à des fins autres que la navigation (dossier de plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n 8).
15 Règles sur les utilisations des eaux des fleuves internationauILA, Report of the Fifty-Second Conference,
Helsinki, 1966, Londres, 1967 (dossier de plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n 9).
16 Caflisch, Lucius, «Règles générales du droit des cours d’eaux internationaux», Recueil des cours de l’Académie
de droit international de La Haye, 1989, vol. 219, p. 159.
17
Digeste, thème E3, titre 2, chap. 4, art. 1 et 2 ; MA, livre II, annexe 12, p. 276-277 ; CMU, vol. IV, annexe 60. - 17 -
quatre utilisations qualifiées de «prépondé rantes». Vous l’avez à l’onglet n o 11 . La station
o o
balnéaire de Ñandubaysal figure comme zone relevant de l’utilisation n 2. [Projection n 4.] Vous
pouvez voir à l’écran un croquis préparé par la CARU en août2003, montrant les zones
d’utilisation n os1 et 2, toutes proches de l’endroit choisi par Botnia 19. [Fin de la projection n o 4.]
o
[Projection n 5.] Et c’est la CARU dans son travail de «zonificación» qui a établi le critère des
20 o
utilisations prioritaires, suivant l’ordre d’utilisation 1 à 3 . [Fin de la projection n 5.]
17. Il est à remarquer que dans la premiè re note de la CARU adressée au Gouvernement
uruguayen relativement aux usines de pâte à papier [projection n o6], la commission exprimait
explicitement son souci au sujet de l’utilisation préalable à des fins touristiques de la zone
envisagée. L’Uruguay a reproduit cette note à l’ annexe 19 de sa duplique, mais malheureusement
il a ⎯ disons ⎯ «oublié» de reproduire le paragraphe que vous av ez à l’écran. Vous pouvez
o 21
consulter cette note dans vos dossiers sous l’onglet n 14 . Le Gouvernement uruguayen n’a
jamais répondu à cette note de la CARU. Il n’a pas transmis à la CARU la moindre information sur
le choix du site ou sur l’éventuelle évaluation de sites alternatifs. [Fin de la projection n o6.]
E. L’Uruguay n’a jamais pris les mesures nécessaires pour déterminer le caractère approprié
des emplacements choisis et a obstinément refusé de discuter de cette question
avec l’Argentine
18. Monsieur le président, je vais énoncer les choses de manière directe: ni Botnia, ni
l’Uruguay n’ont jamais entrepris une étude sérieus e relative à l’emplacement du site de l’usine.
Pour la simple raison que Botnia s’est assurée que l’usine serait construite juste en aval du pont
international General San Martín, et ceci avant mê me de soumettre son projet à la DINAMA le
31mars2004. En effet, Botnia a acheté le te rrain à proximité du pont General San Martín
22
en 2003 . Le 22septembre2004, Botnia a demand é au Gouvernement uruguayen l’octroi du
18 o
Annexe 4 du rapport n 198 de la sous-commission de qualioé des ea ux et de la prévention de la pollution,
CARU, PV 02/00 du 1f1 évri2r000, et résolution n 3/00 du même jour, disponible su :r
http://mrecic.gov.ar/publicdocuments.
19 o
Dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n 12.
20
Point 3.1. a) de la proposition de zonification du fleuve, CARU, PV 02/00 du 11 févrior 2000, et Reports made
at the Environmental Alert Office of the Municipality of Guaoeguaychú to the CAO, résolution n 3/00 du même jour,
disponible sur : http://mrecic.gov.ar/publicdocuments (onglet n 13).
21
CARU, note SET-1413-UR, 17octobre2002. MA, par.2.5, et annexes, livreIII, annexe12, p.79-82. DU,
annexes, vol. II, annexe R19.
22
Réplique de l’Argentine (RA), par. 3.75, et annexes, livre III, annexe 43, par. 1.4.3-1.4.5. - 18 -
régime de zone franche libre d’impôts pour le terr ain destiné à la construction de l’usine, tout
comme l’autorisation d’y construire un port 23. Tout cela, cinq mois avant la décision du
Gouvernement uruguayen de délivrer l’autorisation de construction.
19. Un autre fait incontesté est que l’Uruguay a systématiquement ignoré, voire même rejeté,
la demande d’information argentine sur les raisons sous-tendant le choix des emplacements et sur
24
la question de savoir si la possibilité de sites alternatifs avait été étudiée .
20. Il a fallu attendre la publication par la SFI de l’étude cumulative finale en
septembre2006 pour apprendre que Botnia avait prétendument comparé divers sites avant de
25 o
décider de s’établir à proximité du pont international General San Martín . [Projection n 7.] A en
croire cette étude, quatre sites auraient soi-disan t été désignés comme des sites potentiels, mais le
quatrième (La Paloma, le seul situé sur le bord de l’océan Atlantique) a été écarté sans qu’aucune
26 o
explication n’eût été fournie . [Fin de la projection n 7.] La réalité est que l’étude d’impact
soumise par Botnia à la DINAMA ⎯tel que présentée par l’Uruguay dans ses écritures ⎯ se
réfère de façon extrêmement va gue dans une seule page à une prétendue évaluation de sites
27
alternatifs .
21. Pas un seul document de la DINAMA ou du ministère compétent n’atteste que l’Uruguay
ait entrepris la moindre étude comparative des sit es alternatifs potentiels. Un fait significatif est
constitué par la modification de la législation uruguayenne en septembre 2005, ayant mené à l’ajout
de l’exigence relative à l’évaluatio n des emplacements des projets 28. Par conséquent, cette
exigence n’existait pas en droit interne lorsque l’Uruguay a autorisé la construction des usines
d’ENCE en octobre2003 et de Botnia en février 2005. La réalité saute aux yeux: l’Uruguay n’a
tout simplement pas entrepris l’examen du choix du site et de la possibilité de sites alternatifs
lorsqu’il a permis la construction des usines.
23
CMU, vol. II, annexe 21, p. 2.
24
DU, par. 5.91-5.93.
25 MA, livre V, annexe 6, p.333. CMU, vol.VIII, annexe173. (Croquis, dossier des plaidoiries,
o
15 septembre 2009, onglet n 15.)
26 CMU, vol. VIII, annexe 173, p. 2.10-2.11, par. 2.3.2.
27 Botnia Environmental Impact Assessment Submitte d to DINAMA, chap. 3, 31 mars 2004, CMU, vol. X,
annexe 218.
28 Décret 349/005, 21 septembre 2005, chap. V, art. 20 b) et 22 (CMU, vol. II, annexe 24). - 19 -
o
22. [Projection n 8.] Le rapport Hatfield d’avril2 006 a considéré comme insatisfaisante
29 o
l’information reçue relativement au choix du site . [Fin de la projection n 8.] C’est seulement
dans son contre-mémoire de juillet 2007, que l’Uruguay a pour la première fois tenté d’expliquer sa
30
position .
23. Auparavant, le refus uruguayen d’entrer en matière était fondé sur la prétention en vertu
de laquelle le choix du site était une décision souveraine de l’Uruguay. L’agent de l’Argentine
vous a rappelé hier les déclarations du ministre Opertti et de la présidente de la délégation
31
uruguayenne à la CARU à cet égard .
24. Je serais un peu plus rigoureux dans mon ar gumentation que l’a été l’Uruguay, Monsieur
le président: la décision de respecter ou non ses engagements internationaux est toujours une
décision souveraine de l’Etat concerné. L’Uruguay semble «souverainement» oublier les
prescriptions du statut de 1975.
25. Les négociateurs uruguayens au sein du GTAN sont allés encore plus loin en refusant la
demande argentine d’information [projection n o 9] :
«la raison pour laquelle l’usine s’est insta llée à un endroit déterminé n’est pas du
ressort du groupe [le GTAN] et elle ne figure pas parmi ses compétences, puisque,
outre le fait même d’être une décision antérieure au présent gouvernement, la
32 o
localisation des usines est déjà un fait» . [Fin de la projection n 9.]
26. Je n’ai point besoin d’aborder ici l’argum ent indéfendable en droit international selon
33
lequel le choix du site était une décision d’un gouvernement précédent . Je remarque également
que l’attitude négative adoptée par l’Uruguay en re fusant de discuter des raisons sous-tendant
l’emplacement choisi s’est dès le début doublée de sa volonté manifeste d’imposer les usines
comme un fait accompli.
29
Hatfield Consultants, Cumulative Impact Study - Uruguay Pulp Mills, avril 2006, par. A23, p. 18, MA,
livre V, annexe 9, p. 504.
30
CMU, par. 4.118.
31 MA, par.2.26, et annexes, livreVII, annexe 4; «O pertti señaló que Uruguay no nécesita autorización para la
instalación de plantas de celulosa s», Radio Sarandí, Uruguay, 28mai2008, New Documents Submitted by Argentina ,
30 juin 2009, vol. II, Press Articles ; MA, par.2.27 et 4.21-4.22, et annexes, liv re VII, annexe5; CR2009/12, p.20-21,
par. 18 (Ruiz Cerutti).
32
MA, par.2.65, et annexes, livre IV, annexe 4. Traduction du Greffe: “the reason the plant was located at a
certain place is alien to the Group and is not one of itsmpetences since, besides being a decision taken prior to the
present government, the location of the plants is a fact”. (Dossiers de plaidoirie, 15 septembre 2009, onglet n
33
Tinoco Arbitration, Aguilar-Amory and Royal Bank of Canada claims (Great Britain v. Costa Rica ),
18 October 1923, RSA, vol. 1, p. 377. - 20 -
27. En fait, la thèse de l’Uruguay, qui i nvoque sa souveraineté comme fondement exclusif
pour le choix du site, fournit une illustration éclat ante d’invocation de la «doctrineHarmon» dite
aussi «de la souveraineté absolue sur les cour s d’eaux», que plus personne n’ose aujourd’hui
34
revendiquer . Si chaque partie installait des ouvrages ou utilisait les eaux du fleuve en ignorant ce
qui existe sur la rive de son voisin, et ceci même en prétendant que la qualité des eaux ne serait pas
affectée ⎯ce qui n’est pas le cas ici ⎯, nous serions dans une logique étrangère à la notion de
communauté d’intérêts que votre Cour à faite sie nne pour qualifier le régi me juridique des cours
35
d’eau internationaux .
F. Le site choisi n’est pas approprié
28. Les professeursSands etWheater ont commencé hier et le professeurColombo
poursuivra demain la démonstration que, du point de vue environnemental, le choix du site s’avère
totalement inapproprié. J’abordera i maintenant le fait que l’emplacement de ce site n’est pas non
plus adéquat, si l’on prend en considération les utilisations préalables de tourisme et de recréation.
29. Il est important de relever que, tant Bo tnia qu’ENCE se sont prétendument référées à la
nécessité de ne pas négliger l’utilisation préal able des zones touristiques. [Projection n o 10.]
Botnia a précisément écarté le site de La Paloma sur la côte atlantique de l’Uruguay pour cette
raison! De manière audacieuse, l’Uruguay a ment ionné que Botnia avait également mis de côté
d’autres sites en aval parce qu’ils étaient proches d’aires de récréation! 36 L’argument employé
pour justifier l’exclusion de Nueva Palmira a aussi été sa proximité avec des zones de récréation et
37
d’importance historique situées sur la rive uruguayenne .
30. L’étude cumulative finale d’EcoMetrix av ance toute une série de spéculations sur la
prétendue absence d’effet de l’usine Botnia sur le tourisme. Si l’us ine n’avait pas d’ impact sur le
tourisme, alors on pourrait se demander pour quels motifs La Paloma a été exclue, et ceci pour des
34
Jiménez de Aréchaga, Eduardo, “International Legal Rules Governing Use of Waters from International
Watercourses”, Inter-American Law Review, 1960, vol.II, p.329-330; Caflisch, Lucius, “Règles générales du droit des
cours d’eaux internationaux”, Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye , 1989, vol.219,
p.48-50. McCaffrey, Stephen, The Law of Internationa l Watercourses. Non-Navigatio nal Uses, Oxford, OUP, 2001,
p. 111
35Juridiction territoriale de la Commissi on internationale de l’Oder, arrêt 16, 1929, C.P.J.I. série A n 23,
p. 27 ; Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt, C.I.J. Recueil 1997, p. 56, par. 85.
36CMU, par. 6.58. (Croquis, dossier de plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n o15.)
37
CMU, vol. VIII, annexe 173, par. 2.3.2. - 21 -
raisons touristiques ! [Fin de la projection n 10.] Vous avez constaté, Messieurs les juges, que la
société propriétaire du camping de la station baln éaire de Ñandubaysal a saisi la justice argentine
contre Botnia pour les dommages occasionnés par ce tte dernière à son activité. Dans ce contexte,
l’Argentine a transmis à l’Ur uguay des commissions rogatoires, auxquelles l’Uruguay a refusé
d’accéder en invoquant des raisons «de sécurité, d’ordr e public et des intérêts essentiels de l’Etat»,
en violation de ses obligations conventionnelles 38. [Projection n 11.] Les échos de la presse, dont
vous voyez un exemple à l’écran 39, ainsi que les témoignages du personnel du camping, des
commerçants et des touristes de Ñandubaysal sont très parlants quant à l’impact sur le tourisme
d’une usine de pâte à papier 40. [Fin de la projection n 11.]
31. La présence d’une usine de pâte à papi er géante a profondément bouleversé la vie des
habitants de Gualeguaychú. Cette ville s’est dé veloppée ces dernières années grâce au tourisme et
elle a fait le choix d’une politique rigoureuse de protection de l’environnement, élaborant par
exemple, un traitement modèle des eaux usées 41. Messieurs les juges, le tourisme et l’industrie de
la pâte à papier ne sont pas conciliables. Le carnaval et les odeurs nauséabondes ne sont pas
conciliables. Les plages, la navigation de plaisance et un fleuve pollué ne sont pas conciliables.
Les algues et la baignade ne sont pas conciliables. La fumée de Botnia qui s’étend à des kilomètres
n’est pas non plus le meilleur moyen pour dissi muler la présence de cette usine dans un milieu
38
Uruguayan Ministry of Education and Culture, Note of 10 February 2009, Uruguayan Ministry of Education
and Culture, Note of 10 February 2009 (2), Presidency of Uruguay, Resolution 20/52, 9December2008; Argentine
Ministry of Foreign Relations, International Trade and Worship, Note CGABI No. 097/09, 29 April 2009: New
Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009, vol. II, Refusal of Judicial Assistance under Binding Treaties.
39“Mal olor y tension por Botnia”, La Nación j22800r9,
http ://www.lanacion.com.ar/nota.asp?nota_id=1094106 (dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 17).
40Témoignages sous serment de Lisa ndra Espósito, Carlos María Guidoni, María Gisela Odoná, Gisela Vanesa
Rojas, Nicolás Lorenzo Costa, Christian Ariel Barrere, 30 janvier 2009, disponible s:ur
http ://mrecic.gov.ar/publicdocuments ; témoignages sous serment de Hugo Baus, Christian Quiroz et autres,
26 janvier 2009, Annex II of the Letter from the Assembly of Gualeguaychú to the CAO ⎯ Notarial Proceedings on bad
smells at Ñandubayzal, disponible su:rhtt//mrecic.gov.ar/publicdocuments (dossier de plaidoiries,
15 septembre 2009 ; onglet n 18).
41
Gualeguaychú, “Usine de traitement des eaux usées”, RA, livre II, annexe 47. - 22 -
autrefois naturel et préservé. Malheureusement, les problèmes de santé, dus à la pollution de l’air
42
par Botnia, affectent la population locale et constituent aussi une triste réalité .
G. Les arguments fabriqués ex post facto pour justifier le choix du site sont infondés
32. Examinons maintenant ce que l’Uruguay qualifie comme les «cinq facteurs clé» pour le
43
choix de Botnia . Les quatre premiers sont de natu re purement économique, ce sur quoi il n’y
aurait rien à dire, si tant est que ces considérati ons seraient justifiées et obéiraient non seulement à
l’intérêt commercial de la compagnie mais aussi aux intérêts économiques des populations
concernées établies des deux côtés du fleuve. Je mentionne donc ces cinq «facteurs» uruguayens :
«1) L’accessibilité : sur un fleuve navigable et proche d’un pont international sur ce fleuve» 44
Certes, le fleuve est navigable, mais pas uni quement à la zone Fray Bentos/Ñandubaysal. Et
c’est faire preuve d’un humour caustique que d’ identifier l’accès au pont international comme un
critère clé : il est manifeste que ce pont permettr ait en effet à Botnia d’accéder aux services situés
du côté argentin. La volonté de Botnia de profiter de la présence voisine de Gualeguaychú et d’une
connexion rapide à BuenosAires, sans tenir compte des exigences écologiques, ainsi que des
besoins économiques et sociaux des populations locales a enflammé les esprits.
«2) Les matières premières : la proximité des plantations d’eucalyptus existantes.» 45
Argument respectable, me dira-t-on, mais c es forêts sont le résultat de plantations
effectuées…par Botnia elle-même ou par ses prédécesseurs, avec le concours de la Banque
o
mondiale, il y a 20 ans de cela ! [Projection n 12.] Par ailleurs, comme vous pouvez le remarquer
42 «Botnia présente des excuses en raison des odeurs» ( El País, 22 novembre 2007), RA, livre III, annexe 52;
«Communiqué de presse de Botnia» (17 août 2007), RA, livre III, annexe 48 ; «District Attorney Enrique Viana : «Botnia
is Inconsistent with Uruguay’s Environmental Status »» (Ipodagua, 20 April 2009), New Documents Submitted by
Argentina, 30 June 2009, vol. II ; «Samples of the Thousands of Affidavits and Records of Patient Examination», New
Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009, vol. II; «B otnia: Fray Bentos Reside nts in Sad Resignation At
Smells and Pollution», New Documents Submitted by Argentin a, 30 June 2009, vol. II; «Botnia: To smell, or not to
smell, that is the question» (Press Release ⎯ January 28, 2009), New Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009,
vol. II ; «Explosion in gas pipe at Botnia causes alarm ⎯ Fray Bentos. Shock wave and smell reach capital of Rio Negro»
(El País), New Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009, vol. II ; «Explosion at Botnia causes stink in Fray
Bentos» (Clarín, 27 February 2009), New Documents Submitted by Argentina, 30 June 2009, vol. II.
43 DU, par. 5.90.
44 Version originale : «Accessibility : on a navigable river and near a major bridge over that river».
45
Version originale : «Raw materials : proximity to existing plantations of eucalyptus». - 23 -
à l’écran, FOSA, une compagnie du groupe Botnia, est propriétaire de plantations dans différentes
46 o
régions de l’Uruguay et pas uniquement à proximité de Fray Bentos . [Fin de la projection n 12.]
«3) La main-d’Œuvre : la grande disponibilité du personnel à Fray Bentos» 47
L’immense majorité de la main-d’Œuvre de Fray Bentos employée durant l’étape de construction
ne travaille plus à Botnia et se trouve dans sa ma jeure partie au chômage. Aujourd’hui, seulement
quarante des habitants de Fray Bentos sont employ és par la compagnie finlandaise. La situation
48
économique et sociale a empiré . Je laisse parler les élus du département de Río Negro, là où se
situe Fray Bentos : [projection n° 13.] «après la c onstruction du projet Botnia, nous avons atteint le
49
taux de chômage le plus élevé du pays» ; «Botnia n’a pas été la panacée pour nous ... Nombreux
sont ceux qui ont affirmé que le paradis était né ici mais ce ne fut finalement pas le cas. Nous
avons beaucoup de chômeurs ici et devons nous battre pour que les gens puissent pêcher et se
50
défendre car nous sommes en difficulté» . Plus que de développement durable, c’est de l’intérêt
exclusif de l’investisseur dont il a été question. [Fin de la projection n° 13.] Les témoignages de
déception venant de la population de Fray Bentos sont là pour le rappeler, comme vous pouvez le
constater aussi dans les coupures de la presse urugua yenne que vous trouverez à l’onglet n° 19 de
vos dossiers. Ils démontrent également un autre trait récurrent de la politique de Botnia: le
mensonge comme moyen d’action. En effet, des prétendus 4023emplois directs créés par Botnia
51
(à l’usine, dans les plantations et dans des activités de logistique) , seulement 560 ont été
46 Croquis, dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n 15.
47 Version originale : « Manpower : ready availabilityof labour in Fray Bentos».
48 New Documents submitted by Argentina, 30 June 2009, vol. II, Press Articles : «La planta de Botnia está que
explota», El País , Montevideo, 28 février 2009; “District Attorney Enrique Viana: ‘Botnia is inconsistent with
Uruguays Environmental Status’” 20 avril 2009 ;. «A media máquina» («A rythme ralenti»), El País, Montevideo, 19
avril 2008, disponible sur: http://www.elpais.com.uy/Supl e/ QuePasa/08/04/19/quepasa_341882.asp ; «La pregunta del
millón: ¿Cuántos fraybentinos trabajan en Botnia?», Zona Oeste , Fray Bentos, 6 mai 2008, disponible sur:
http ://mrecic.gov.ar/publicdocuments ; «Los empleos invisibles de Botnia en Río Negro: que al menos sirvan de
experiencia», communiqué de Guayubira, Montevideo, 28 mai 2008, disponible sur: http://www.guayubira.org.uy
(dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 19).
49 [Ma traduction] Conseillère départementale Irma Lust, séance extraordinaire de la Junte départementale de Rio
Negro, 21novembre2008, PVn° 121, p.21. Disponible sur: http://www.j untarionegro.gub.uy/Actas/Acta121.pdf
(dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 20).
50
[Ma traduction] Conseiller départemental Marcos Gérez, s éance extraordinaire de la Junte départementale de
Rio Negro, 27 juillet 2009, PV n° 143, p. 4. Disponible sur : http ://www.juntarionegro.gub.uy/Actas/Acta143.pdf
(dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 20).
51
Information disponible dans : «Botnia Fray Bentos», http ://www.botnia.com/es/default.asp ? path=284,1530. - 24 -
dénombrés par la société qui vient d’acheter la plus grande partie des activités uruguayennes de
52
Botnia .
«4) La disponibilité de l’eau : elle peut être extrai te et rendue au fleuve sans risque pour la réserve
d’eau potable et sans danger de pollution» 53
Les scientifiques examineront la question de la pollution causée aux eaux. Je signalerai pour
l’instant le fait que Botnia ait dû prendre en charge une prise d’eau potable alternative pour la ville
54
de Fray Bentos en décembre 2007, en amont du site de décharge des effluents .
«5) La viabilité: pas de probabilité de dommage s significatifs à l’envir onnement du fleuve ou à
55
l’Argentine»
33. Ce n’est pas un hasard si cette considér ation arrive en dernier lieu dans la liste
uruguayenne. Nous reviendrons pl us tard dans la semaine sur les dommages causés au fleuve et à
ses zones d’influence, ainsi que des risques enc ourus. L’Uruguay est bien conscient que la
présence de Botnia porte atteinte aux utilisations préalables du fleuve à des fins touristiques, de
pêche et de récréation, puisqu’il prétend dans sa duplique qu’il a pris des mesures «pour atténuer
l’impact de l’usine Botnia su r les utilisations existantes» 56. Même s’il prétend les avoir
57
«amplement détaillées» da ns son contre-mémoire , on ne trouve rien de précis dans le texte de
celui-ci.
34. J’ajoute finalement un «détail» qui se mble être passé inaperçu à l’Uruguay. Comme
vous pouvez voir à l’écran [projection n° 14.], le point de décharge qui émet entre autres 13 tonnes
de phosphore et 68 tonnes de nitrogène par an, se trouve à 237 mètres de l’Argentine : une distance
52
«UPM and Metsäliitto sign a letter of intent on ne w ownership structure of Botnia», UPM ; Helsinki,
15 juillet 2009 ; disponible sur:/:3t.tuppm-kymmene.com/ upm/internet/cms/upmcms.nsf/
$all/97f7495329b69288c22575f500244019?OpenDocument&qm=menu,0,0,0 . Cf aussi: “Cayendo en la realidad.
Botnia desmiente a Botnia”, disponible sur : http ://www.guayubira.org.uy/celulosa/ desmiente.html
53Version originale : «Availability of water : it can be extracted and returned to the river without risk to drinking
water supply or pollution».
54RA, par. 4.80 et 4.180 ; et annexes, livre III, annexe 53.
55Version originale : «Suitability : no likelihood of significant harm to the river environment or Argentina».
56
DU, par. 5.51. Version originale : «to mitigate the impact of the Botnia plant on existing uses».
57
Ibid. - 25 -
58
plus courte que d’ici à la Javastraat. Et ceci dans un milieu aquatique partagé . [Fin de la
projection n° 14.]
Conclusion
35. Monsieur le président, j’a rrive maintenant à mes conclusions . La réalité est simple. Le
rapport d’EcoMetrix de septembre2006 ne tend pas à dissimulerque «[p]ermettre aux gens
[c’est-à-dire les fonctionnaires et les employés de Botnia] de vivre en ville plutôt que dans des
59
endroits ruraux a été un facteur important pour Botnia» . L’intérêt exclusif de rentabilité
maximum, ainsi que l’avantage de pure commodité de l’investisseur ont été en définitive les seules
véritables raisons sous-tendant le choix de l’empl acement de l’usine, et ceci au mépris de la
vulnérabilité de l’écosystème, des utilisations existantes et de toute autre considération économique
ou sociale des populations riveraines. Malheureus ement l’Uruguay a totalement fléchi devant les
exigences de la compagnie finlandaise.
36. Sans parler des nombreuses autres possi bilités d’implanter une usine de cette taille
ailleurs que sur le fleuve Uruguay, un simple coup d’Œil à la carte du fleuve [projection n° 15] vous
permettra de constater l’existence de vastes zones des deux côtés du fleuve en aval de Fray Bentos
60
sans agglomérations humaines et sans zones d’utilisation existantes . [Fin de la projection n° 15.]
37. La question de la localisation de l’usin e demeure donc une question ouverte. Vous avez
évoqué la possibilité de son démantèlemen t dans votre ordonnance du 13juillet2006 61. La
localisation de Botnia figurait aussi comme point «A» dans le groupe de questions identifiées par
les parties comme base de la facilitation du roi d’Espagne 62.
38. Merci, Monsieur le président, de votre bi enveillante attention. Je vous prie de donner la
parole à mon collègue et ami Alain Pellet, qui commencera les exposés sur les violations par
l’Uruguay de ses obligations procédurales.
58 Dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 12.
59 MA, livre V, annexe 6, p. 344. [Ma traduction] Version originale : «Allowing people to live in a city instead of
the rural areas was an important factor for Botnia».
60 Dossier des plaidoiries, 15 septembre 2009, onglet n° 12.
61
Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), mesures conservatoires, ordonnance du
13 juillet 2006 , C.I.J. Recueil, p. 133,r. 78 (citant Passage par le Grand-Belt (Finlandec. Danemark), mesures
conservatoires, ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p. 19, par. 31).
62 Déclaration de Madrid, 20 avril 2007 (RA, livre II, annexe 38). - 26 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Je vous remercie, Monsieur le
professeur, et j’invite Monsieur le professeur Alain Pellet à prendre la parole.
M. PELLET :
VII. L ES RÔLES RESPECTIFS DE LA CARU ET DE LA C OUR
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, les articles 7 à 12 du statut du fleuve Uruguay
de 1975 fixent la procédure à suivre lorsqu’une Partie «projette de construire de nouveaux chenaux,
de modifier ou d’altérer de manière significative les chenaux existants ou de réaliser tous autres
ouvrages suffisamment importants pour affecter la na vigation, le régime du fleuve ou la qualité de
ses eaux» 6. Dans cette procédure, la commission administrative du fleuve Uruguay (la CARU)
⎯ qui a par ailleurs des fonctions importantes et diversifiées ⎯ et la Cour ont, l’une et l’autre, un
rôle à jouer. La première, la CARU, constitue le cadre «de droit commun» par l’intermédiaire
duquel les Parties doivent se concerter et s’informer, tandis que la seconde a ⎯en vertu de
l’article 12 ⎯ le pouvoir du dernier mot faute d’accord entr e les Parties dans les délais spécifiés
par ces dispositions. Leurs rôles respectifs sont donc à la fois différents et complémentaires : alors
que, en dépit de pouvoirs limités d’appréciation et de décision, la CARU est essentiellement un
cadre de concertation entre les Parties, la Courpour sa part est investie d’un pouvoir de décision
finale. Mais, globalement, ce mé canisme complexe tend vers un but unique : il s’agit d’empêcher
que l’une des Parties puisse imposer ses vues à l’au tre tout en assurant qu ’une solution définitive
pourra être prise dans un délai raisonnable.
2. Et j’irai au plus simple, Monsieur le président : la CARU d’abord ; la Cour ensuite ⎯ last,
mais évidemment not least ! ⎯ et pas seulement pour des raisons de prestige ; mais aussi parce que
c’est vous, Messieurs les juges, qui, même dans le cadre de l’article12 du statut de1975, avez
⎯ou devriez avoir... ⎯ la compétence du dernier mot, une compétence dont l’Uruguay vous a
privés. Car, s’agissant de la Cour, il y a une différence essentielle⎯que l’Uruguay s’obstine à
nier ⎯ entre son rôle en vertu de l’article 12 du statut d’une part et son rôle en vertu de l’article 60
du statut d’autre part. Je vais y revenir ⎯ mais d’abord, la CARU.
63
Article 7 ; voir aussi l’article 27. - 27 -
I. Le rôle de la CARU
3. L’Uruguay s’emploie, avec une grande conviction apparente, à payer tribut ( lip service
serait sans doute plus exact…) au rôle «très important» de la CARU 64 dont il décrit avec soin les
65
différentes fonctions en vertu du statut , pour mieux lui dénier les compétences qui lui reviennent
au titre de la procédure du chapitre II et, plus précisé ment, à l’issue des articles 7 à 11. Or ce sont
celles-ci, et celles-ci seulement, qui nous occupent ici, Monsieur le président : en court-circuitant la
CARU, l’Uruguay a violé ses engage ments conventionnels. Je laisse pour l’instant de côté la
question de savoir si les Parties se sont mises d’accord pour ne pas les respecter ⎯ question à
laquelle j’ai déjà fait allusion hier matin et sur laquelle M.AlanBéraud et le professeur
MarceloKohen reviendront plus longuement. Le seul problème pour l’instant est de déterminer
quelles étaient ⎯ quelles sont ⎯ les obligations des Parties à cet égard.
[Projection n° 1 : article 7, alinéa 1, du statut.]
4. Comme le relève à très juste titre la Partie uruguayenne, «the plain text of Article 7 speaks
66
for itself» . L’alinéapremier de cet article7 est projeté en ce moment; il figure ⎯ avec
l’ensemble des articlespertinents quant à la procédure à suivre ⎯ sous l’onglet21 du dossier des
juges. Lisons cette disposition ⎯ elle est essentielle : elle cond itionne l’ensemble de la procédure
à suivre :
«La Partie qui projette de construire de nouveaux chenaux, de modifier ou
d’altérer de manière significative les chena ux existants ou de réaliser tous autres
ouvrages suffisamment importants pour affecter la navigation, le régime du fleuve ou
la qualité de ses eaux, en informe la co mmission administrative, laquelle détermine
sommairement, dans un délai maximum de tren tejours, si le projet peut causer un
préjudice sensible à l’autre Partie.»
5. En l’occurrence :
⎯ il ne pouvait faire aucun doute que les deux usines projetées ⎯Botnia et ENCE ⎯
constituaient des «ouvrages suffisamment importants pour affecter la navigation, le régime du
67
fleuve ou la qualité de ses eaux» ⎯l’Uruguay ne le conteste d’ailleurs pas . Il s’agit de
64Cf. CMU, p. 135, par. 2.191 ; voir aussi : p. 139, par. 2.199, p. 170, par. 3.33 ; DU, p. 35, par. 2.12.
65
Voir CMU, p. 133-146, par. 2.188-1.205, et DU, p. 34-35, par. 2.10-2.11.
66DU, p. 40, par. 2.20.
67CR 2006/49, p. 10, par. 2 (Boyle); CMU,p.74-75, par.2.76, p.80, par. 2.87, p. 175, par. 3.41; DU, p.77,
par 2.83. - 28 -
projets industriels particulièrement importants, les plus importants à vrai dire qui aient été
projetés ou, pour Botnia, construits, sur le fleuve, et, dès lors, la saisine de la CARU s’imposait
à l’évidence: en vertu de l’article27 du statut, «[l]e droit de chaque Partie d’utiliser les eaux
du fleuve, à l’intérieur de sa juridiction, à des fins ... industrielles … s’exerce sans préjudice de
l’application de la procédure prévue aux articles7 à 12 lorsque cette utilisation est
suffisamment importante pour affecter le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux» ⎯ c’était
bien sûr le cas ; (Je suis désolé, j’ai oublié de mettre l’article 27 dans l’anglais, donc vous ne le
trouverez qu’à l’onglet 1 d’hier matin.)
⎯ la Partie uruguayenne ne conteste pas non plus qu’elle n’a pas informé la CARU
conformément à cette disposition 68 (du reste, l’ardeur avec laquelle nos contradicteurs
69
prétendent que les Parties se sont mises d’accord pour contourner cette formalité l’établit à
suffisance).
6. Or, Monsieur le président, il ne s’agit nullement d’une faculté: lorsqu’un projet (deux
a fortiori) entre(nt) dans les prévisions du premier alin éa, la partie qui porte ce projet DOIT en
informer la commission («deberá comunicarlo») ; il s’agit là d’un devoir juridique. Première
obligation de l’Uruguay donc ⎯ et première obligation violée : celle d’informer la CARU. Si cela
avait été fait ⎯ cela ne l’a pas été ⎯ mais si ça l’avait été, qu’aurait-il pu ou dû se passer ?
7. Il eût alors appartenu à la commission de «déterminer» ⎯je ne fais que lire l’article7,
Monsieur le président ⎯ de déterminer «sommairement, dans un délai maximum de trente jours, si
le projet peut causer un préjudice sensible à l’autr e Partie». Evidemment, la commission n’a rien
pu déterminer du tout puisqu’elle n’a pas été saisie. Mais, l’eût-elle été, c’est bien ici une décision
70
qu’elle aurait dû prendre, n’en déplaise à nos amis uruguayens ⎯peu importe que cette
détermination soit «sommaire»: déterminer, c’est prendre une position et, en l’occurrence, cette
position aurait dû conditionner tout le reste de la procédure.
o o
[Fin de la projection n 1 ⎯ projection n 2 : article 7, alinéas 2 et 3, du statut.]
68
RA, p. 155, par. 2.14. Voir aussi par exemple, CMU, p. 153, par. 3.7, ou DU, p. 47, par. 2.34.
69
CMU, p. 172-195, par. 3.35-3.73 ; DU, p. 43-46, par. 2.27-2.33 et p. 120-168, par. 3.8-3.71.
70DU, p. 128, par. 3.23. Voir aussi CMU, p. 144, par. 2.205. - 29 -
8. Du reste, le deuxième alinéa de l’article 7 ne laisse aucun doute : «S’il en est ainsi décidé
ou si une décision n’intervient pas à cet égard, la Partie in téressée notifie le projet à l’autre Partie
par l’intermédiaire de la Commission.» L’Uruguay s’indigne : «Reading Article 7 in context, it is
clear that the isolated words Argentina relies on are not meant to confer on the Commission the
power to authorize or reject projects.» 71 Assurément, Monsieur le président ! Mais ce n’est pas du
tout ce que l’Argentine prétend… La question n’ est pas de savoir si la commission a compétence
pour autoriser ou rejeter un projet : elle ne l’a pas ; MAIS elle est l’organe qui doit être informé de
tout projet susceptible de causer un préjudice sensible à l’autre Partie et qui a compétence pour
déterminer (c’est-à-dire décider) rapidement (et sommairement dans un premier temps) si tel est le
cas. La CARU participe sans aucun doute au processus qui mène à l’autorisation ⎯ ou non ⎯
d’un projet présenté par l’un des Etats riverains.
9. Ceci, Monsieur le président, est une étape obligatoire qui, je l’ai dit, conditionne tout le
reste de la procédure. Et elle est bien dans l’esprit général du statut de1975 qui fait de la
commission le pivot central, l’organe clé de la c oordination entre les Parties dans à peu près tous
les domaines couverts par le statut. Pour n’avoi r pas respecté cette étape primordiale, l’Uruguay
s’est mis en porte à faux pour toute la suite de la procédure. Malgré les efforts de la Partie
argentine, il n’a à aucun moment essayé de «remettre la CARU dans le jeu» en respectant les
dispositions suivantes du chapitreII qui, elles aussi, confèrent un certain rôle à la commission
72
qu’on ne saurait réduire à celui d’une simple boîte aux lettres .
10. Que doit-il ⎯ qu’aurait-il dû ⎯ se passer ensuite? Si, comme cela était inévitable, la
CARU avait décidé qu’il y avait un risque du genre de celui qu’envisage l’alinéapremier de
l’article6, l’Uruguay aurait dû, comme l’y oblige l’ alinéa2 de cette disposition, notifier les deux
projets à l’Argentine « par l’intermédiaire de la commission» [«through the...Commission»], en
respectant les directives de l’alinéa3 ⎯il s’en est abstenu et s’est borné à fournir une
documentation fort peu éclairante en court-ci rcuitant largement la CARU; mes collègues y
reviendront.
71
DU, p. 38, par. 2.17.
72RA, p. 102, par. 1.109. Voir aussi CMU, p. 82, par. 2.90 ; DU, p. 40-42, par. 2.22-2.24. - 30 -
[Fin de la projection n o 2.]
11. Et c’est toujours par l’intermédiaire de la commission que la Partie qui projette de
construire l’ouvrage ⎯ ici l’Uruguay ⎯ doit faire parvenir à la Partie notifiée ⎯ l’Argentine ⎯ le
complément de documentation nécessaire pour pe rmettre à celle-ci de se prononcer dans les
centquatre-vingtsjours. «Ce délai» précise le dern ier alinéa de l’article8, «peut être prorogé de
façon raisonnable par la commission si la complexité du projet l’exige». Il s’agit là, Monsieur le
président, d’une autre décision que peut prendre la CARU au titre de l’article8 ⎯et elle ne peut
évidemment la prendre que si elle a été saisie et si les règles relatives à la procédure de notification
de la documentation requise ont été respectées.
o
[Projection n 3 : article 9 du statut.]
12. En vertu de l’article9, le s choses peuvent s’arrêter là: la Partie notifiée peut en effet,
expressément ou par son silence, aboutir à la c onclusion que l’exécution de l’ouvrage ne devrait
pas causer un préjudice sensible à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux, et,
dans ce cas, il peut être procédé à la construction ou à l’autorisation de la construction projetée.
Mais permettez-moi une pause à ce stade, Monsieur le président.
73
13. Contre toute raison (mais avec insistance ), la Partie uruguayenne prétend que
l’obligation d’informer la commi ssion au titre de l’article7 peut intervenir à tout moment, à
condition que ce soit «en temps utile». Je ne revi endrai pas sur le fait que le texte même de
l’article7 ne s’accommode pas d’une interprétation aussi laxiste 74 : un «projet» c’est évidemment
quelque chose qui n’est pas encore réalisé. Au su rplus, le texte de l’article9 confirme que c’est
bien avant l’autorisation que l’obligation de notifier doit prendre place: «Si la Partie notifiée ne
formule pas d’objections ou ne répond pas dans le délai pré vu à l’article8, l’autre Partie peut
construire ou autoriser la construction de l’ouvrage projeté». Cela veut dire ⎯ et cela ne prête pas
à discussion ⎯ que ce n’est, au mieux, qu’au stade de l’ article9 que l’autorisation de construire
peut intervenir; certainement pas, donc, avant que l’information requise par l’article7 ait été
donnée. En agissant différemment, l’Uruguay a essayé de placer la CARU devant le fait accompli
⎯ ou plutôt, il ne l’a placée devant rien du tout puisqu’il ne l’a pas saisie...
73
CMU, p. 62-71, par. 2.52-2.70 ; DU, p. 47-59, par. 2.34-2.52.
74MA, p. 157-158, par. 4.12 ; RA, p. 82-85, par. 1.89-1.94. - 31 -
[Fin de la projection n 3.]
14. Du coup, bien sûr, il n’y avait aucune chance d’en arriver à la situation envisagée à
l’article11 du statut qui, lui aussi, impose à la Partie notifiée d’informer l’autre, dans le délai de
centquatre-vingts jours, de sa conclusion selon la quelle l’exécution de l’ouvrage projeté «peut
causer un préjudice sensible à la navigation, au régime du fleuve ou à la qualité de ses eaux».
15. C’est donc bien, Monsieur le président, tout le mécanisme de coopération des articles 7
à 11 du statut du fleuve Uruguay qui a été paralysé ⎯ toutes les obligations concernant la CARU,
posées dans le chapitre II, qui ont été violées :
⎯ elle n’a été ni saisie ni informée des projets uruguayens ;
⎯ elle a, de ce fait, été privée de sa compétence d’ en déterminer les risques pour le fleuve et ses
zones d’influence, et aussi pour l’Argentine bien sûr ;
⎯ elle a, par la suite, été systématiquement court- circuitée par l’Uruguay qui ne s’est pas acquitté
de ses obligations de notification et de comm unication à l’Argentine des pièces exigées par le
statut «par l’intermédiaire de la CARU»,
⎯ alors même qu’ici encore elle aurait pu exercer le pouvoir limité mais bien réel de décision qui
lui appartient en matière de délais.
16. Mes collègues vont, dans quelques instants, présenter plus à fond les manquements
procéduraux attribuables à la Par tie uruguayenne. Avant d’en venir au rôle de la Cour dans ce
dispositif procédural, je voudrais seulement ajouter une remarque de natu re générale: on pourrait
penser qu’après tout ces violations sont assez anodines ⎯ et l’Uruguay fait tout ce qu’il peut pour
essayer de vous le donner à penser, Messieurs les juges ; juste un exemple parmi d’autres de cette
tentative : «With respect to both ENCE and Botn ia, Uruguay notified, exchanged information and
consulted with Argentina over an extended period of time. Even if these steps did not precisely
track the tidy, step-wise process set forth in Artic les 7-12, there can be no honest dispute that the
«régime complet d’obligations procédurales» Ar gentina describes was none theless fulfilled in all
meaningful respects. The law can require no more.» 75 Bien sûr. Après tout, pourquoi se
formaliser de ce que la Partie projetant de construire deux énormes usines de pâte à papier n’ait pas
75
DU, p. 388, par. 7.9. - 32 -
communiqué les informations qu’il lui appartenait de donner à la CARU et par son intermédiaire, si
elle l’a fait autrement ? Ce raisonnement est erroné d’abord parce que la Partie projetant les usines
n’a pas donné ces informations autrement comme mes ém inents collègues et amis vont le montrer.
Mais aussi parce que, en court-circuitant la co mmission, l’Uruguay vide le statut de1975 d’une
partie de ce qui fait son essence même ⎯ une partie à laquelle l’Argen tine est très attachée : c’est
que le statut n’est pas un simple traité bila téral imposant des obligations synallagmatiques aux
Parties; il institutionnalise une coopération perman ente et poussée dont la CARU est l’élément
central et incontournable ; en ne s’acquittant pas de ses obligations à son égard, c’est le statut dans
son ensemble que l’Uruguay remet profondément en question. Comme l’a relevé la Cour au
paragraphe 81 de son ordonnance du 13 juillet 2006 :
«l’établissement de la CARU ⎯mécanisme commun doté de fonctions
réglementaires, administratives, techniques, de gestion et de conciliation ⎯, à laquelle
a été confiée la bonne application des di spositions du statut de1975 régissant la
gestion des ressources fluviales partagées, constitue un élément significatif à cet
égard ; ... le statut de 1975 impose aux parties de fournir à la CARU les ressources et
les informations indispensables à son f onctionnement ; ... le mécanisme d’ordre
procédural mis en place aux termes du statut de 1975 occupe une place très importante
dans le régime de ce traité». ( Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
(Argentine c.Uruguay), mesures con servatoires, ordonnance du 13juillet2006,
C.I.J. Recueil 2006, p. 133, par. 81.)
Il va sans dire que je ne saurais mieux dire.
II. Les rôles de la Cour
17. Monsieur le président, la Cour joue un rôle important dans ce mécanisme procédural
conçu de manière à permettre une utilisation harmonieuse et équilibrée de la ressource partagée que
constitue le fleuve Uruguay. L’article12 du statut de1975 en fait le «décideur» final lorsque les
Parties n’aboutissent pas à un accord dans le déla i de centquatre-vingts jours à compter de la
communication visée à l’article 11. En outre, beau coup plus classiquement, la Cour a compétence,
en vertu de l’article60, pour régler tout diffé rend concernant l’interprétation ou l’application du
statut qui n’aurait pu être réglé par négociation di recte. C’est à ce titre qu’ elle est saisie en la
présente occurrence ⎯mais ceci justement parce que le comportement de l’Uruguay a empêché
qu’elle puisse l’être sur le fondement de l’article 12.
o
[Projection n 4 : article 12 du statut.] - 33 -
18. Je reviens, Monsieur le président, sur l’une des antiennes chères à l’Uruguay ⎯ qui
aimerait bien que nous disions que la Partie notifiée a un droit de veto sur les projets de l’autre
Partie dont elle estime (elle, Partie notifiée) qu’ ils risquent de causer un préjudice sensible à la
76
navigation, au régime du fle uve ou à la qualité de ses eaux . Il l’aimerait bien car ce serait une
erreur dont il espère qu’elle l’exonèrerait de sa r esponsabilité. Mais, je le répète avec force, nous
ne disons nullement ceci . Ce que nous disons ⎯ qui découle d’une simple lecture de la séquence
constituée par les articles 7 à 12 du statut, c’est que si les Parties ne sont pas d’accord soit à l’étape
de l’article9, soit à celle de l’article11, au cune Partie ne peut imposer ses vues à l’autre ⎯ sans
pour autant que le processus soit bloqué ou que le projet doive nécessaireme nt être abandonné.
Mais, dans cette hypothèse, ce n’est ni à l’Argen tine, ni à l’Uruguay de décider: tout ce qu’ils
peuvent faire, c’est, conformément aux dispositions claires de l’article12, suivre «la procédure
indiquée au chapitre XV».
[Fin de la projection n o 4 ⎯ projection n 5 : article 60 du statut.]
19. Ce chapitreXV comporte un articleunique ⎯ l’article 60 ⎯ qui prévoit la saisine
unilatérale de votre haute juridiction en cas de différend concernant l’interprétation ou l’application
du statut. Mais il suffit de le lire pour constate r que, si l’article12 renvoie à cette «procédure»,
l’article 60 constitue une base de compétence distin cte concernant un sujet spécifique : la question
(sur laquelle, par hypothèse, les deux Parties n’ ont pu se mettre d’accord) de savoir si, oui ou non,
le projet est préjudiciable au sens des articles7 et suivants. Et l’une des preuves montrant qu’il
s’agit bien d’un fondement distinct de la compéten ce de la Cour est que, dans ce cas, l’alinéa 2 de
l’article 60, qui renvoie aux articles 58 et 59, n’est, à l’évidence, pas applicable.
[Fin de la projection n o 5 ⎯ projection n 6 : paragraphe 3 de la requête.]
20. Dans le cadre de l’article12, la Cour est appelée à autoriser ou non l’exécution d’un
projet envisagé par l’une des Parties et dont l’ autre considère qu’il constitue une menace pour la
navigation, le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux. Tel n’ est pas le cas en la présente
espèce :
76CMU, p. 89-90, par. 2.110 ; DU, p. 80, par. 2.87. - 34 -
⎯ ce n’est pas sur la base de l’article12, mais sur celle de l’article60 que l’Argentine a saisi la
Cour comme cela est expressément précisé dans le paragraphe3 de la requête qui est sur
l’écran en ce moment ;
⎯ la procédure du chapitre II ayant été totalement ignorée par l’Uruguay, il ne pouvait y être mis
fin par la saisine de la Cour au titre de l’article 12 : on ne peut pas terminer une procédure qui
n’a jamais été entamée…
⎯ enfin ⎯ et peut-être surtout ⎯ il serait absurde que la Cour se borne maintenant à procéder à la
détermination du caractère potentiellement préjudici able d’un projet en vue d’en permettre ou
d’en interdire l’exécution, c’est-à-dire la construction ou l’autorisation de construire (seul objet
de l’article 12) alors que les autorisations ont été données (illicitement) le 9 octobre 2003 pour
l’usine ENCE et le 15 février 2005 pour Botnia, que les travaux de cette dernière ont été menés
à marche forcée à partir d’avril2005 et que l’usine est en service (quand elle veut bien
fonctionner …) depuis le 9 novembre 2007.
21. Pourtant l’Uruguay s’obstine et, dans le passage assez obscur de sa duplique consacré au
rôle de la Cour 7, il tente de faire accroire qu’en dépit des termes dépourvus d’ambiguïté de la
requête, vous seriez saisis sur le f ondement de l’article 12. Il en voudrait pour preuve, pour seule
preuve 78, que, dans une note diplomatique du 14 décemb re 2005, le secrétaire argentin aux affaires
étrangères conclut que, faute d’accord entre les Part ies, «conformément aux termes de l’article 12
du statut du fleuve Uruguay, la procédure pr évue au chapitreXV du statut susmentionné est
79
applicable» . Il reste, Monsieur le président, que cette note du 14décembre2005 elle-même «se
reprend» et invoque in fine l’article 60 du statut comme base de compétence dans l’affaire dont il
est envisagé de saisir la Cour et que, en effet, l’Argentine n’a pas, dans sa requête, invoqué
l’article 12 : elle a ⎯ correctement ⎯ fondée la compétence de votre haute juridiction sur
l’article 60 du statut.
[Fin de la projection n o 6.]
77
DU, p. 109-113, par. 111-113.
78
Voir DU, p. 110, par. 2.134.
79MA, annexe 27. - 35 -
22. Ceci a-t-il une importance, Monsieur le pr ésident ? L’Uruguay, sans surprise, s’efforce
de la minimiser: «That is not to say that th e Court lacks the competence to render a decision
concerning the meaning of Articles 7-12, or whet her either of the Parties has violated those
procedural provisions.» 80 Dont acte … Mais tout de même trois remarques :
⎯ en premier lieu, pour reconnaître ceci l’Uruguay (à juste titre) se fonde, expressément, sur
l’article 60 du statut, pas sur l’article 12 ;
⎯ en deuxième lieu, l’Uruguay ne sait plus très bien lui-même si la Cour doit se prononcer, ou n’a
pas besoin de se prononcer sur la question de savoir si l’usine ENCE était susceptible de
causer, et si l’usine Botnia cause et est suscep tible de causer «un préjudice sensible à l’autre
Partie» ou d’«affecter … le régime du fleuve ou la qualité de ses eaux» puisqu’il réponds tantôt
81 82
dans un sens , tantôt dans l’autre ; vous trouverez les références dans le texte écrit du compte
rendu selon les chapitres de la duplique… A vrai dire, Monsieur le président, une réponse
positive ne fait aucun doute : bien sûr que la Cour doit se prononcer sur ce point ! Mais, alors
que, si elle était intervenue dans le cadre de l’article12, sa décision aurait eu pour seul effet
d’autoriser ou non la construction des usines litigieu ses, dans le cas présent, il appartient à la
Cour de constater la responsabilité de l’Urugua y pour l’ensemble de ses violations du statut
de 1975 comme je l’ai rappelé hier et d’en tirer les conséquences ; et c’est pour éviter ceci que,
⎯ en troisième lieu, l’Uruguay n’en revient p as moins, ensuite et toujours dans le même
paragraphe ⎯ c’est le paragraphe 2.136 de sa duplique ⎯, à cet article 12 :
«Yet, the fact that the case has come to the Court through Article 12 nonetheless
has important implications for the issue of remedies» since «if the Court finds that a
project will not cause significant harm, the situation should be no different than it
would have been if, as under Article 9, the notified State had come to the conclusion
that the project did not threaten harm; i.e., the initiating State may proceed with its
83
project without any further procedural obligations»
23. Ce serait peut-être exact, Monsieur le président, si nous en étions au stade «article 12» de
la procédure envisagée par le chapitreII du statut . Mais nous n’en sommes justement pas là!
L’Uruguay en tentant de placer l’Argentine et la Cour devant un fait accompli a entravé le bon
80DU, p. 111, par. 2.136.
81
DU, p. 109, par. 2.132.
82
DU, p. 399, par. 7.24.
83DU, p. 111, par. 2.136. - 36 -
fonctionnement de cette procédure et, indépendamm ent même des violations «substantielles» du
statut que constituent la construction et la mise en service de l’usine Botnia, il doit répondre de la
mise à l’écart totale de la procédure du chapitre II, qui constitue, en elle-même, une violation de sa
responsabilité et appelant une réparation appropriée.
24. J’en ai, Messieurs de la Cour, term iné avec cette «introduction aux violations
procédurales commises par l’Uruguay». Je vous reme rcie de votre attention. Et je vous prie,
Monsieur le président, de bien vouloir donner la pa role au ministre AlanBéraud qui montrera les
nombreuses contradictions qui marquent la thèse uruguayenne.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de préside nt : Merci, Monsieur Pellet et je passe la
parole à M. Béraud. Monsieur Béraud, vous avez la parole.
M. BERAUD :
VIII. LES NOMBREUSES CONTRADICTIONS DE L ’URUGUAY
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, c’est pour moi un vrai privilège et un honneur
de comparaître devant la Cour pour la première fois pour défendre les droits de l’Argentine, mon
pays.
2. Tout le long de l’affaire, l’Uruguay nous a présenté des versions contradictoires sur son
attitude devant le statut de 1975. Cette tac tique rend difficile de déterminer qu’elle est
l’argumentation que l’Uruguay prétend opposer à l’Argentine.
3. Je veux attirer l’attention de la Cour sur les différentes argumentations données par
l’Uruguay concernant sa position à l’égard des articles7 à12 du statut de 1975 ainsi que sur ses
efforts désespérés pour essayer de dissimuler la décision énoncée dès 2003 par le ministre des
affaires étrangères, M.Opertti, devant le Sénat de son pays 84: réaliser à tout prix et sans arrêt la
construction des usines de pâte à papier sur la rive gauche du fleuve Uruguay sans se préoccuper du
statut de 1975.
84
Voir infra note 24. - 37 -
Première version : l’Uruguay prétend qu’il s’est acquitté pleinement des obligations prévues
par les articles7 à12 du statut, en particulier de l’obligation de notifier la CARU et
l’Argentine prévue par l’article 7
o
[Projection n 1.]
4. A l’audience concernant la demande argen tine en indication de mesures conservatoires,
l’Uruguay affirmait que : «il apparaît déjà prima facie que l’Uruguay s’est acquitté de ses
85
obligations telles que prévues par le statut» . L’Uruguay l’a réitéré dans la duplique (textes à
l’onglet n o22 de vos dossiers): «it has fully satisfied the obligations incumbent on it under
Articles 7-12 with respect to the Botnia plant, as well as the ENCE plant» 86.
5. L’Uruguay a insisté, en particulier, sur le fait qu’il aurait notifié la CARU et l’Argentine
des projets d’usines de pâte à papier: «Bot h CARU and Argentina were notified before
construction began on the plants, and far in advance of the time wh en any irreversible steps were
87
taken.» Malheureusement cela n’a pas été le cas. L’Uruguay n’a jamais expliqué quand ou
comment il s’est pleinement acquitté des obligations des articles 7 à 12 du statut. Il n’a jamais saisi
la CARU.
[Fin de la projection n o1.]
Deuxième version. L’Uruguay n’a notifié ni la CARU ni l’Argentine mais il prétend qu’il
pouvait différer la notification jusqu’à l’en trée en opération des usines donc il n’a pas
violé le statut de 1975
o
[Projection n 2.]
6. Cette version met en évidence que l’Uruguay s’emploie systématiquement à réinterpréter à
sa guise la portée des obligations prévues par les articles7 à12 du statut afin de minimiser ses
manquements. L’expression clé dans la duplique à ce sujet c’est «implementation of a project».
Pour l’Uruguay «the implementation of a project must be the initiation of activities that are capable
of harming to the river. In this case, that is not the construction of the ENCE and Botnia plants but
88 o
only their operation» Il ajoute (texte disponible aussi à l’onglet n 22 de votre dossier) «Uruguay
was not obligated to notify the Commission or aw ait its «summary determination» under Article 7
85
CR 2006/47, p. 43, par. 28 (Condorelli).
86DU, par. 1.10.
87CMU, par 1.32.
88DU, par. 2.121 ; les italiques sont dans l’original. Voir aussi CMU, par. 2.181. - 38 -
before issuing initial environmenta l authorisations to either ENCE or Botnia, or proceeding with
the implementation of the Botnia project. Thus, Uruguay did not violate Article 7.» 89 L’Uruguay
essaie de vider de toute sa substance et de tout sen s utile les obligations prévues par les articles 7 à
12 du statut en les remplaçant par l’obligation de monitoring postopérationnelle qui est prévue dans
le statut, pour le contrôle de la pollution 9. L’Uruguay essaie de passer de la prétention d’avoir
notifié la CARU et l’Argentine sur le projet Botnia à la version opposée: «nous n’avons pas
notifié, mais nous n’avons pas violé le statut».
o
[Fin de la projection n 2.]
Troisième version. D’après l’Uruguay, il n’a pas notifié parce que la simple connaissance des
projets d’usines par la CARU et par l’Argentin e satisfaisait l’obligation de notification
prévue par le statut de 1975
[Projection n 3.]
7. L’Uruguay tente de réduire l’obligation de no tification à un simple exercice informatif et
informel comme si le seul fait que la CARU et l’ Argentine étaient au courant des projets suffisait
pour que l’Uruguay se soit acquitté de l’obligation prévue par l’article7 du statut. L’Uruguay
o
affirme que: (le texte est à l’onglet n 22 de votre dossier) «Argentina was aware of the Botnia
project beginning in or around November 2003, and by April 2004 (10 months before the AAP was
issued) CARU had taken cognizance of the project. In other words, … both Argentina and CARU
were well informed about the Botnia project.» 91«L’Argentine connaissait le projet Botnia dès
novembre2003 ou vers cette période et, en avr il2004 (dix mois avant la délivrance de
l’autorisation environnementale préalable) la CARU avait pris connaissance du projet. En d’autres
termes, … l’Argentine et la commission étaient bien informées du projet Botnia.»
o o
[Fin de la projection n 3 ; projection n 4.]
8. La simple connaissance de l’existence d es projets d’usines envisagées par des entreprises
étrangères, selon l’Uruguay, devait suffire pour que la CARU et l’Argentine, pour que toutes les
deux se considèrent notifiées, conformément à l’article7 du statut. Mais il nie également ses
affirmations: «It must also be pointed out that, as a matter of logic, the Article 7 notification
89
DU, par. 3.5.
90DU, par. 1.2.
91CMU, par. 3.62. - 39 -
cannot occur at the earliest moments of planning because there will not be sufficient information at
that stage to enable CARU to render an opini on about whether or not the project will cause
92
significant harm to the other State.» La simple connaissance est donc insuffisante et, au point de
vue formel, rappelons⎯nous que c’est la présidente de la délégation uruguayenne à la CARU qui
nie cette version devant le Sénat de son propre pa ys: «selon l’article7 du statut, c’est l’Etat qui
93
doit faire la présentation» . La simple connaissance des usines envisagées ne peut tenir lieu de
respect des obligations statutaires.
o o
[Fin de la projection n 4 ; projection n 5.]
9. L’Uruguay va plus loin. Il affirme que cette simple connaissance a eu un double effet:
non seulement elle a remplacé l’obligation de notification mais elle a aussi suffi pour que
l’Argentine accepte la «construction» de deux usines en 2003/2004 ⎯ au pluriel comme l’Uruguay
aime à répéter ⎯: «first in 2003/2004 when the Parties’ Foreign Ministers agreed that the plants
94
would be built» . Mais compte tenu de l’information dont l’Uruguay disposait le 9 octobre 2003,
date de la réunion des présidents et des ministres des affaires étrangères à Anchorena et date de la
délivrance de l’autorisation environnementale préalable ⎯ l’AAP ⎯ pour l’usine ENCE, ce pays
n’était pas en mesure d’autoriser à «construi re» même pas conformément à son propre droit
interne. C’est l’Uruguay qui l’affirme «Urugua y granted Botnia its AAP on 14 February 2005.
Botnia’s AAP was merely the first stage in the permitting process and did not, itself, allow Botnia
to engage in any construc tion, or related activities» 95. Cette simple connaissance était également
manifestement insuffisante pour que l’Argentine puisse donner son accord à la «construction» des
usines en connaissance de cause ⎯qu’elle n’avait pas ⎯ et pour qu’elle abandonne ses
réclamations concernant l’application du statut et l’impact des usines sur le fleuve Uruguay et son
écosystème.
[Fin de la projection n o5.]
92
CMU, par. 2.53.
93
Voir ci-dessus note 25, MA, annexes, livre VII, annexe 5, p. 88. Voir aussi, MA, p. 38, par. 2.27.
94CMU, par. 3.85.
95DU, par. 4.10. - 40 -
Quatrième version. L’Uruguay prétend qu’il s’est acquitté des obligations statutaires ⎯ des
articles 7 à 12 ⎯ de façon unilatérale et en dehors du statut
o
[Projection n 6.]
10. Selon l’Uruguay, comme l’a rappelé le pr ofesseur Alain Pellet, (vous pouvez consulter
les textes à l’onglet n o 22 de vos dossiers) «With respect to both ENCE and Botnia, Uruguay
notified, exchanged of informati on and consulted with Argentina ove r an extended period of time.
96
Even if these steps did not precisely track the tid y, step-wise process set forth in articles 7-12»
L’Uruguay s’emploie à démontrer qu’il se serait pos é en gardien et juge du préjudice sensible que
ces deux immenses usines pourraient causer au fleuve et à son écosystème.
[Fin de la projection n o 6 ; projection n 7.]
Mais si l’Uruguay n’ignorait pas que «[i]n order to ensure that each Party’s right to make
optimum use of the river is not unfairly impaired by the other, the Statute creates a system of
notification, information sharing, consultation … when one Party is planning a project of sufficient
scope to affect the river and thus potentially harm it or the other State» 97, il se targue d’avoir agi de
façon purement unilatérale.
[Fin de la projection n o 7 ; projection n 8.]
En effet, «Uruguay has authorized these plan ts, and approved the operation of the Botnia
plant, only because it is convinced that they po se no risk of harm to the Uruguay River or the
aquatic environment. And the evidence , … fully supports Uruguay’s decisions.» 98 Il ajoute, en ce
qui concerne l’usine Botnia et l’Argentine que : «[i]n the absence of any significant risk to
Argentina, when authorising a site for the plan t Uruguay is fully entitled to rely on its sovereign
right...»99. L’Uruguay «décide» à lui seul aussi sur des risques et des préjudices pour l’Argentine.
o o
[Fin de la projection n 8 ; projection n 9.]
11. Après avoir procédé unilatéralement à ces appréciations, l’Uruguay essaie de faire croire
qu’il n’avait aucune obligation d’informer l’Argentine et qu’il a transmis des informations mais en
dehors du statut. En outre, il les considéra co mme suffisantes et même si ces informations se
96
DU, par. 7.9.
97CMU, par. 1.27.
98DU, par. 2.131.
99
CMU, par. 4.61. - 41 -
révèlent insuffisantes, tant pis pour l’Argentine ! L’Uruguay le confirme : «But Argentina cannot
simultaneously argue both i)that it lacked suffici ent information to assess the plants’ effects and
ii)that they will «manifestly» cause significant harm.» 100 L’Uruguay tente aussi de faire
disparaître toute obligation de consultation co mme l’a clairement avoué le ministre Opertti
«national construction work…there is no obligatio n to consult» (projets nationaux…il n’existe
aucune obligation de consultation) 101. Informer, seulement, mais c’est à l’Uruguay de décider
quand, comment et sur quoi.
o
[Fin de la projection n 9.]
Cinquième version. L’Uruguay n’a pas notifié ni consulté conformément au statut parce que
les Parties se seraient mis d’accord pour écarter l’application du statut
[Projection n 10.]
12. Pour se passer du statut, l’Uruguay fait de s on mieux pour tenter de réduire l’affaire à un
accord intervenu en 2003/2004 102. Pour l’Uruguay (textes à l’onglet n 22) :
«the question of exactly when notice is due to CARU under Article7 is largely
academic in the circumstances of this case. Whenever that notice might have been
due, the fact is that the Parties specifically agreed to dispense with that step here.
There is thus no need for the Court to resolve what is largely an abstract debate.» 103
Alors, l’Uruguay admet sans équivoqueque dorénav ant il ne va pas soumettre les projets à la
CARU «the fact that Uruguay never subseque ntly submitted the projects to CARU for a
preliminary determination under Article 7 of the 1975 Statute…» 10. Même si aucune notification
n’a eu lieu, peu importe.
o o
[Fin de la projection n 10 ; projection n 11.]
13. C’est sans le moindre embarras que l’Ur uguay soutient aussi que, suite à ce prétendu
accord, il n’est plus obligé de mener des consultations avec l’Argentine conformément au statut (à
l’onglet n o6 de votre dossier) «Since Argentina had previously agreed that the plant would be
100
CMU, par. 3.106.
101
Voir infra note 27.
102Voir supra note 11.
103DU, par. 2.34.
104
DU, par 3.95. - 42 -
built…Uruguay was under no obligation to part icipate in additional consultations under the
105
statut.»
o o
[Fin de la projection n 11 ; projection n 12.]
Toutefois en égard à cette même conduite, l’ Uruguay proclame sans émoi exactement le
contraire devant la Cour
«there is no serious argument that the ability of CARU or Argentina to review the
projects and have their concerns consider ed and addressed was impaired in any way
when the AAPs to ENCE and Botnia were i ssued in October 2003 and February 2005,
respectively… There was still more than enough time for CARU to review the project
106
and for Argentina’s concerns to be addressed before the projects were carried out.»
Mon collègue et ami le professeur Kohen revie ndra sur la portée réelle des arrangements
de 2003/2004.
o
[Fin de la projection n 12.]
14. Monsieur le président, le cercle des versi ons contradictoires s’est refermé. Si l’Uruguay
s’était d’ores et déjà acquitté pleinement de ses obligations conformément aux articles7 à12 du
statut pourquoi aurait-il eu besoin de conclure un accord avec l’Argentine afin de contourner la
CARU? Ou bien il s’est acquitté de ses obligatio ns ou bien il les a contournées. L’Uruguay ne
peut pas invoquer les deux choses à la fois. Si l’Uruguay n’avait pas violé les obligations prévues
par les articles7 à 12 du statut, il n’aurait pas eu besoin d’élaborer d’autres versions. Il a dû
remanier ses versions de l’affaire aux fins de la présente procédure, comme si l’on pouvait choisir
la version la plus «arrangeante» au mépris de la réalité. Mais non, Monsieur le président,
Messieurs les juges, la réalité s’impose. Je vais venir à la question de la décision prise par
l’Uruguay, peut-être c’est le moment approprié pour faire une la pause café, ou je continue ?
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de président: Non, Monsieur vous pouvez
continuer, je crois que vous avez encore au maximum quinzeminutes; il est préférable que vous
terminiez votre présentation et puis la Cour prendra sa pause.
M. BERAUD : Merci bien, Monsieur le président, je continue alors.
105
CMU, par. 3.71.
106CMU, par. 3.13. - 43 -
La réalité c’est la décision prise par l’Urugu ay de ne pas s’acquitter des obligations prévues
par le statut de 1975
15. Les versions uruguayennes successives et contradictoires ont un seul but:essayer de
cacher la décision exprimée par le ministre des affaires étrangères de l’époque, M. Opertti, devant
le Sénat de son pays, le 26no vembre2003 (vous trouverez cette citation sur l’écran et à l’onglet
o
n 23 de votre dossier) :
o
[Projection n 13.]
«il est naturel que le Gouvernement de l’ Uruguay ne soit pas en situation d’avoir à
placer cette question dans le champ des compétences de la commission. Il s’agirait
d’une renonciation à des compétences que le Gouvernement de la République n’est
107
pas disposé à effectuer : c’est aussi simple que ça.»
M. Opertti est clair, pour l’Uruguay la question d es usines de pâte à papier relevait uniquement de
la souveraineté uruguayenne et ne serait pas soumise à la CARU ni au statut.
o o
[Fin de la projection n 13 ; projection n 14.]
16. La présidente de la délégation urugua yenne à la CARU, MmeMarthaPetrocelli a
confirmé devant la commission d’environnement du Sénat de son pays, dansans plus tard, le
12 décembre 2005, la volonté de son pays de soustraire, de manière délibérée, les projets d’usines à
l’intervention de la CARU. (Vous trouverez cette déclaration à l’onglet nº 24.) En effet, le
président de la commission du Sénat note la soi-disant «astuce» de l’Uruguay: «L’un des
arguments évoqués est que [si l’Uruguay] avait cons ulté on lui aurait dit non.» Et finalement il
demande à Mme Petrocelli :
⎯ «Que serait-il arrivé si on lui avait dit non ?»
108
⎯ «On n’aurait pas fait les ouvrages» a répondu Mme Petrocelli de manière nette .
(⎯ The President : «What would have happened if the answer had been no ?»
⎯ Ms Petrocelli : «The works would not have been carried out.»)
C’est l’évidence même. Depuis lors, l’Uruguay a agi conformément à cette stratégie sans
hésitation et sans détour.
107Sénat de la République orient ale de l’Uruguay, commission des affaires étrangères, séance du
26 novembre 2003. Intervention du ministre des affaires étrangères, M. Didier Opertti, MA, annexes, livre VII, annexe 4,
p. 74 et RA, p. 69, par. 1.73. Voir aussi MA, p. 37, par. 2.26 et RA, p. 148, par. 2.4.
108Sénat de la République orientale de l’Uruguay, commission de l’environnement, séance du 12 décembre 2005,
exposé des délégués uruguayens à la CARU, MA, annexes, livre VII, annexe 5, p. 89. Voir aussi MA, p. 39, par. 2.27. - 44 -
o o
[Fin de la projection n 14 ; projection n 15.]
17. Cette décision de mettre la construction des usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay
à l’écart de la CARU et du statut de1975 a été confirmée par la présidence de l’Uruguay,
en mai 2006 (vous trouverez le texte à l’onglet n o 25) :
«The Estatuto further establishes a pro cedure … to ensure that each party is
informed by the other party about the works it intends to carry out and that each party
has the opportunity to make observations. Uruguay met this obligation … however it
109
did not do so by means of the procedure established in the Estatuto.»
[Fin de la projection n 15 ; projection n 16.]o
18. M. Opertti a reconfirmé, en mars 2008, que l’Uruguay n’a jamais eu l’intention de mener
des consultations avec l’Ar gentine sous prétexte qu’il n’y avait pas d’obligation en ce sens, étant
donné qu’il s’agissait des projets nationaux effectués sur le territoire national (à l’onglet nº 26) :
«According to Opertti, all this time, information has been misconstrued as
consultation…Opertti emphasized that, in sofar they [the celullose plants] are
Uruguayan national construction110rks, carried out within Uruguayan territory, there
is no obligation to consult» .
o o
[Fin de la projection n 16 ; projection n 17.]
19. M. Luis Hierro, vice-président de l’Uruguay lorsque cette décision a été prise en 2003, a
affirmé le 2juin2009, que le Président de l’ Uruguay, M.Vázquez, n’a pas respecté la parole
donnée au Président argentin, selon laquelle l’usine de pâte à papier ne serait pas construite (à votre
disposition à l’onglet nº 27) :
«Mr. Hierro maintained that President Vázquez did not keep his word to former
Argentine President Néstor Kirchner, since he had promised not to build cellulose
plants. He said so all throughout 2004… Anyway, he subsequently changed his mind
and that turned Argentina against Uruguay.» 111
o
[Fin de la projection n 17.]
20. Les paroles du ministre Opertti refl ètent effectivement la position uruguayenne ⎯ les
autres déclarations les confirment ⎯ puisque l’affaire s’est déroulée depuis le début conformément
à cette décision: pas de statut, pas de notifi cation, pas de consultations, éviter toute réponse
109
République orientale de l’Uruguay, présidence, L’Urugua y a informé sur l’installation des usines de pâte de
cellulose, 29 mai 2006, MA, annexes, livre VI, annexe 13, p. 79. Voir aussi RA, par. 2.3.
110
Radio Sarandi, Interview given by Former Uruguayan Foreign Affairs Minister Didier Opertti: « Opertti stated
that Uruguay needs no permission to establish cellulose plants», 28 mars 2008. New Documents submitted by Argentina,
vol. II Other Documents, Press Articles. Uruguayan Officials’ Acknowledgements.
111
Espectador.com, «Hierro criticized Uruguay’s Foreign Policy» (2 June 2009). New Documents submitted by
Argentina, vol. II Other Documents, Press Articles. Uruguayan Officials’ Acknowledgements. - 45 -
négative à la CARU et de la part de l’Argentin e, s’en tenir à un processus décisionnel entièrement
et exclusivement uruguayen, se conformer à sa seule souveraineté et mettre à l’écart les obligations
du droit international, même si le fleuve Urugua y est un cours d’eau part agé avec l’Argentine et
que ce fleuve est régi par un régime spécial du droit international ⎯ le statut de 1975. L’Uruguay
savait parfaitement que ses projets pharaoniques étaient «suffisamment importants» pour affecter le
fleuve et ses zones d’influence et pour causer un préjudice sensible à l’Argentine et à l’écosystème.
Mais l’Uruguay a préféré prendre des risques et en assumer toutes les conséquences. Ce pays a
préféré assurer l’investissement étranger de l’usine Bo tnia dans le site précis choisi par ce dernier,
au mépris des droits et des intérêts des populati ons riveraines concernées, même si elles sont les
principales bénéficiaires du régime de protection et de préservation du fleuve, placé par le statut
sous la responsabilité des deux Etats riverains et de la CARU.
[Projection n o18.]
21. Il faut saluer l’effort ⎯ tout à fait vain d’ailleurs ⎯ de l’Uruguay pour tenter d’échapper
devant la Cour à la réalité incontournable de sa décision, en admettant que «l’usine Botnia tombe
nécessairement dans le champ des obligations de no tification et d’information prévues par le statut
de 1975» (onglet nº 28) :
«In his 26November2003 remarks, Minister Opertti articulated his view that
the ENCE plant did not fall within the competencies of CARU... As Uruguay stated
on the record at the oral hearings on Argentina’s provisional measures request, the
ENCE plant (and the Botnia plant) do fall within the notification and
information-sharing obligations of the 1975 statute. This is not in dispute in these
proceedings.» 112
Cette admission parle d’elle-même.
[Fin de la projection n o18.]
Conclusion
22. Primo : l’Uruguay a décidé dès 2003 que les usines de pâte à papier envisagées sur la
rive gauche du fleuve Uruguay seraient construites sans recourir au mécanisme du statut du fleuve
Uruguay. Le ministre des affaires étrangères, M. Opertti, l’a avoué au Séna t de son pays: «c’est
aussi simple que ça». La présidente de la délé gation de l’Uruguay à la CARU, Mme Petrocelli, en
112CMU, par. 3.41, les italiques sont dans l’original. - 46 -
a donné la raison : «On n’aurait pas fait les ouvrages.» Cette décision de 2003 a fixé ne varietur la
ligne de conduite univoque suivie depuis lors par l’Uruguay.
Secondo : une fois la requête argentine soumise à la Cour, l’Uruguay a tenté de cacher cette
décision en déclarant ⎯pour les seuls besoins de cette affaire ⎯ que les usines ENCE et Botnia
sur le fleuve Uruguay tombent nécessairement dans le champ d’application du statut. L’Uruguay a
fabriqué, ex post et au fur et à mesure que se déroulait la procédure, les différentes versions
contradictoires que je viens de vous exposer. D’a bord, il a prétendu qu’il s’est acquitté pleinement
des obligations prévues par les articles 7 à 12 du stat ut, en particulier de l’obligation de notifier les
projets d’usines de pâte à papier à la CARU et à l’Argentine. Puis, il avoue qu’il n’a pas procédé à
cette notification. Mais il prétend que cela ne c onstituerait pas une violation du statut parce qu’il
pouvait s’acquitter de cette obligation plus tard ou bien parce qu’une simple connaissance des
projets aurait été suffisante pour que la CARU et l’Argentine se considèrent notifiées. Puis, il
prétend qu’il s’est acquitté des obligations statutai res, mais, cette fois-ci, en dehors du statut.
Enfin, il tente de faire croire que la question du respect du statut n’a pas la moindre importance
parce qu’il se serait mis d’accord avec l’Argentine pour ne pas recourir aux mécanismes du statut.
Te:rtio toutes ces versions s’excluent. Il n’est pas question d’en choisir une. Ces
argumentations contradictoires et insoutenables ne peuvent pas faire oublier que les actes de
l’Uruguay confirment de manière éclatante sa décision de ne pas soumettre les projets de
construction des gigantesques usines ENCE et Botn ia à la CARU et de ne pas s’acquitter de ses
obligations de notification, d’information et de consultation préalables prévues par le statut. La
responsabilité et ses conséquences juridiques s’en suivent ; et
Quarto : les tentatives de l’Uruguay de minimiser ses violations des règles du statut et de
réduire l’affaire à la seule obligation de m onitoring postopérationnel de l’usine Botnia ⎯ qu’il ne
respecte par ailleurs pas ⎯ ne veulent que détourner l’attentio n de la Cour des vraies questions
posées par cette affaire.
23. Je vous remercie, Monsieur le président, Messieurs les juges, de l’attention que vous
avez bien voulu me prêter, et je vous prie, Monsieur le président, de bien vouloir donner la parole à
ma collègue, le professeur Laurence Boisson de Chazournes, peut-être après la pause café ? Merci. - 47 -
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de préside nt : Merci, Monsieur le ministre, de votre
plaidoirie. Le moment opportun est venu pour prendre notre pause café traditionnelle ; cette fois-ci
pour quinze minutes. La séance est suspendue.
L’audience est suspendue de 11 h 40 à 11 h 55.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de prési dent: L’audience est reprise et je donne la
parole à Mme le professeur Laurence Boisson de Chazournes. Vous avez la parole, Madame.
Mme BOISSON de CHAZOURNES :
IX. L’U RUGUAY A VIOLÉ SES OBLIGATIONS DE NOTIFICATION
1. Monsieur le président, Messieurs les juges, vous venez d’entendre mon collègue
Alan Béraud vous décrire, vous compter les diverses stratégies déployées par l’Uruguay pour tenter
de justifier ses violations. Et l’évocation de ces différentes stratégies vous a peut-être fait penser à
des mouvements de danse, peut-être même à des mouvements de tango. Mais ces pas
stratégiques ... ou ces pas de danse ... de tango, nedoivent pas faire oublier que l’Uruguay a violé
ses obligations en matière de notification telles qu’énoncées aux articles 7 et 8 du statut.
2. L’Uruguay est d’ailleurs bien conscien t des conséquences du non-respect de ces
obligations puisqu’il a indiqué que: «Le non-r espect des règles énoncées dans ces dispositions
entraîne manifestement la responsabilité internationale.» 113 On ne saurait mieux dire et cela
s’applique entièrement dans notre affaire.
3. Je montrerai :
1) que l’Uruguay avait l’obligation de saisir la CARU et de notifier les projets des usines ENCE et
Botnia à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU, ce qu’il n’a pas fait ;
2) que l’Uruguay avait l’obligation de fournir une documentation complète à la Partie notifiée
préalablement à toute autorisation de construction, ce qu’il n’a pas fait ;
3) et que des contacts informels ne peuvent en au cun cas tenir lieu de saisine de la CARU et de
notification des projets à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU ;
113
DU, par. 2.72. - 48 -
4) en ne respectant pas ses obligations de notification, l’Uruguay a porté atteinte à l’objet et au but
du statut.
1) L’Uruguay aurait dû saisir la CARU et notifier les projets de l’usine ENCE et de l’usine
Botnia à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU
4. Monsieur le président, les usines de pâte à papier d’ENCE et de Botnia constituent des
projets «suffisamment importants pour affecter la navigation, le régime du fleuve ou la qualité de
ses eaux» 11. Ils devaient alors être notifiés à l’Arge ntine par l’intermédia ire de la CARU aux
termes des articles 7 et 8 du statut. L’Uruguay lu i-même ne nie d’ailleurs pas que les deux projets
sont des ouvrages «suffisamment importants» qui entrent dans le champ d’application des articles 7
et suivants du statut 115.
5. L’Uruguay admet également que les obligati ons de notification trouvaient application
puisque, lors des audiences de 2006, l’un des con seils a affirmé que l’Urugua y s’était «acquitté de
116
bonne foi des obligations que lui imposent les articles 7 et suivants» .
6. Les projets ENCE et Botnia devaient donc bien être soumis à la CARU. Les arguties du
ministre des affaires étrangères de l’Uruguay de l’époque, M.Opertti, dont on a déjà évoqué
quelques propos, devant le Sénat uruguayen en 2003 selon lesquelles les projets des usines de pâte
à papier n’étant pas des ouvrages binationaux et n’entraînant pas une utilisation commune d’une
117
ressource naturelle partagée, devaient être soumis «exclusivement à l’ordre juridique uruguayen»
sont totalement, si je puis dire, hors contexte du statut du fleuve Uruguay.
7. L’application du statut du fleuve Urugua y ne tient aucunement au caractère national ou
binational d’une activité, si l’on suit la terminol ogie employée par M.Opertti. L’application du
statut tient à l’objet et au but du statut, à savoir la gestion et la protecti on du fleuve Uruguay et de
ses zones d’influence. En l’espèce, les usines projetées étaient situées sur la rive gauche du
fleuveUruguay et utilisaient ses eaux. Le fleuve et ses zones d’influen ce étaient susceptibles de
114
Art. 7, al. premier du statut.
115CMU, par. 2.87.
116CR2006/47, p.38, par.15 (Condorelli). Voir aussi CR2006/49, p.10, par.2 (Boyle) et p.20 par.11
(Condorelli). Voir aussi CMU, par. 3.4 ; DU, par. 1.10.
117Procès-verbal, intervention du ministre des affair es étrangères, M.Didier Opertti, au Sénat uruguayen
(novembre 2003), MA, annexes, livre VII, annexe 4, p. 71, onglet - 49 -
souffrir de préjudices sensibles causés par les usines. Le respect du statut était donc en cause et il
l’est toujours.
8. Prétendre, comme l’a fait M.Opertti, que le seul organe compétent pour décider si les
usines de pâte à papier présentaient un risque pour la qualité des eaux du fleuve était le ministère de
118
l’environnement de l’Uruguay est tout aussi erroné . Cette interprétation, en violation flagrante
du statut de 1975, veut contourner les règles prévu es par les articles 7 et 8 du statut. Cette volonté
de contournement des règles du statut ressort très clairement encore d’autres propos tenus par le
même M. Opertti quand il dit : «Le fait de reconnaître à la commission une compétence spécifique
dans cette étape de la procédure, reviendrait à reconnaître la présomption de l’application des
119
articles 7 et 8.»
9. Voici l’aveu. Les articles7 et 8 du statut de 1975 devaient être écartés si on voulait
construire les usines ENCE et Botnia. M. Opertti, le même, a d’ailleurs confirmé ses propos dans
une interview donnée en mai 2008 120.
10. Les propos de MmePetrocelli, qui ont déjà été évoqués aussi, qui est l’ancienne
présidente de la délégation de l’Uruguay à la CARU, vont dans le même sens. Devant la
commission de l’environnement du Sénat de son pays, MmePetrocelli a reconnu que les projets
des usines de pâte à papier n’ont été ni communiqués à la CARU ni notifiés par la suite à
l’Argentine 121.
11. Messieurs les juges, l’obligation de saisir la CARU et de notifier les projets ENCE et
Botnia aurait dû être respectée. Cette obligation dé coule tant de l’article7 que de l’article27 du
statut. L’article 7 s’applique aux «ouvrages suffisamment importants pour affecter la navigation, le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux» et l’article27 a trait aux utilisations des eaux du
fleuveUruguay. Selon l’article 27, une partie qui envisage une utilisation industrielle des eaux
«suffisamment importante» ⎯je rappelle que Botnia ne prél ève pas moins de 60millions de
118
Ibid., onglet 3 des documents généraux du dossier.
119RA, par. 1.73.
120Radio Sarandi, Interview given by Former Uruguayan Minister Didier Opertti : «Opertti stated that Uruguay
needs no permission to establish cellulose plants» (28 Ma y 2008), nouvelle documentation présentée par l’Argentine,
30 juin 2009, vol. II.
121Procès-verbal, intervention du président de la délégation de l’Urugua y auprès de la CARU,
Mme Martha Petrocelli, au Sénat uruguayen (12 septembre 2005), MA, annexes, livre VII, annexe 5, p. 79, onglet 4. - 50 -
122
mètres cubes d’eau par an ⎯ doit saisir la CARU et notifier une telle utilisation à la partie
affectée. L’Uruguay ne l’a pas fait.
12. L’Uruguay ne peut pas alléguer que l’ar ticle27 du statut lui reconnaîtrait un prétendu
123
droit «à des rejets de substances potentiellement nocives» dans le fleuve Uruguay, ressource
naturelle, je le rappelle, partagée par l’Argentine et l’Uruguay. Les projets ENCE et Botnia
consistaient en des utilisations suffisamment impor tantes «pour affecter le régime du fleuve ou la
qualité des eaux» et entraînaient donc l’applicatio n de l’article 27 ainsi que celle du chapitre II du
statut. Aucune disposition du stat ut ne permettait à l’Uruguay de s’exonérer de l’application des
124
obligations de saisine de la CARU et de notification à la partie affectée . Aucune disposition du
statut ne reconnaissait à l’Uruguay une licence de pollu er ou un droit de polluer le fleuve Uruguay.
Il devait respecter ces obligations.
13. L’Uruguay a aussi tenté d’échapper à ses obligations en prétendant que l’Argentine
n’aurait pas demandé le respect des obligations de notification prévues par le statut de 1975 pour
125
les projets ENCE et Botnia . Cela est bien sûr faux. L’autorisation délivrée le 9 octobre 2003 à
la société ENCE est intervenue en dépit du fait que la CARU avait déjà demandé des informations
sur le projet le 17 octobre 2002 et le 21 avril 2003 126. L’information transmise par la DINAMA à
la CARU le 14mai2003 ne contenait que des info rmations déjà connues du grand public, qui ne
répondaient certainement pas aux exigences des articles 7 et 8 du statut 127.
14. Lors de la réunion extraordinaire de la CARU le 17 octobre 2003, à peine huit jours après
la délivrance par l’Uruguay d’une autorisation à ENCE, la délégation argentine à la CARU a en
outre demandé le respect de l’article 7 du statut. Le président de la CARU, l’ambassadeur argentin
GarcíaMoritán, a fait la déclaration suivante ⎯le texte est disponible dans vos dossiers à
l’onglet24: «Nous avons été surpris justemen t parce que jusque-là toutes les déclarations
122
Résolution du ministre du transport et des travux publics uruguayen (12 septembre 2006), MA, annexes,
livre VII, annexe 16, p. 381.
123
CMU, par. 4.10.
124
MA, par. 4.64.
125DU, par. 3.85-3.90.
126 Notes SET-10413-UR du 17 octobre 2002 et SET-10617-UR du 21avril2003, MA, annexes, livre III,
annexe 12, p. 81 et annexe 16, p. 99.
127Note SET-10706-UR du 15 août 2003, MA, annexes, livre III, annexe 18, p. 109. - 51 -
antérieures [de l’Uruguay] avaient souligné le fa it que, avant qu’une décision ne soit prise, la
question devait être soumise à la considération de la CARU. Nous ne comprenons pas comment
cette résolution du [ministère uruguayen de l’ environnement]…, autorisant l’implantation de
l’usine de pâte à papier à M’Bopicuá, peut s’harmoniser avec les dispositions de l’article 7 du statut
du fleuve Uruguay.» 128 La déclaration de l’ambassadeur GarcíaMoritán confirme que
l’autorisation de construction de l’usine ENCE a été octroyée en dehors de toute saisine de la
CARU et sans notification préalable de ce projet à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU.
15. La réponse du président de la délégation de l’Uruguay à la CARU lors de cette même
réunion extraordinaire en octobre 2003 est également très parlante sur le contournement des règles
du statut du fleuve Uruguay. Le président de la délégation de l’Uruguay à la CARU avoue ne pas
129
être «en condition d’avancer quoi que ce soit ou de faire des réflexions d’un autre ordre» . Il
indique également: «Ce projet ne nous est pas encore parvenu.» 130 Messieurs les juges, il n’y a
vraiment rien à ajouter: l’Uruguay a fait preuve d’une belle constance en vue de s’exonérer des
obligations découlant de l’article 7 du statut.
16. En 2005, une situation similaire à celle que je viens de décrire s’est présentée à propos de
l’autorisation délivrée le 14février2005 par le ministère uruguayen de l’environnement pour le
projet d’usine de pâte à papier Botnia. L’Arge ntine, qui avait appris cette autorisation par les
médias, a tenté par l’intermédiaire de sa déléga tion à la CARU, de saisir la commission pour faire
respecter les obligations découlant du chapitre II du statut.
17. Lors de la réunion de la CARU du 11mars2005, le vi ce-président de la délégation
argentine à la CARU, M. Rodríguez a fait la décl aration que vous pouvez lire dans votre dossier à
l’onglet25 : «Nous avons pris connaissance à tr avers les médias, non offici ellement…, que l’Etat
Uruguayen aurait décidé l’autorisation environnementale préalable pour l’implantation d’une usine
de pâte à cellulose, à l’entreprise finlandaise Botnia, aux alentours de Fray Bentos» 131et que «dans
ce sens, dit le vice-président argentin, il existe d es antécédents en la matière» faisant référence au
128 o
CARU, procès-verbal n 11/03, 17 octobre 2003. MA, annexes, livre III, annexe 5, p. 36, onglet 24 du dossier.
129
Ibid., p. 39, onglet 24 du dossier.
130Ibid., onglet 24 du dossier.
131CARU, procès-verbal n 3/05, 11 mars 2005. MA, annexes, livre III, annexe 31, p. 257, onglet 25 du dossier. - 52 -
projet ENCE 132. Comme dans le cas de l’usine ENCE, la délégation de l’Uruguay à la CARU a dit
ne pas disposer d’informations sur le projet de l’usine Botnia. Sur la pr oposition de la délégation
uruguayenne, la CARU a formulé une nouvelle demande de renseignements à la DINAMA,
l’institution uruguayenne chargée de la protection de l’environnement ⎯ cette fois-ci à propos du
133
projet Botnia ⎯, cette demande n’a pas reçu de réponse de la part de l’Uruguay .
18. Par la suite, l’Uruguay a adopté un compor tement illicite semblable à celui suivi pour les
usinesENCE et Botnia, en autorisant la construction du terminal portuaire de la société Botnia le
5juillet2005 sans passer par la CARU et sans notifier ce projet à l’Argentine 134. A nouveau,
l’Argentine a pris connaissance de ce projet par les médias uruguayens. L’Argentine a alors
formellement demandé que l’Uruguay respecte ses ob ligations en vertu de l’article7 du statut
de1975, par une note datée du 27juin2005, c’ est-à-dire avant que l’Uruguay ait donné une
135
autorisation pour ce terminal portuaire . Une fois cette autorisation accordée par l’Uruguay, la
demande argentine a été formellement renouvelée à deux reprises au sein de la CARU, et cette
demande de l’Argentine a même été doublée de la demande de suspension des travaux tant que la
CARU ne se serait pas prononcée sur le projet 13. Rien ne s’est passé.
19. Poursuivant sa politique systématique d’au torisation unilatérale, l’Uruguay a autorisé, le
12 septembre 2006, la société Botnia à prélever et utiliser les eaux du fleuve à des fins industrielles
pour la production de pâte à papier 13. Le 16 novembre 2007, l’Uruguay a en outre autorisé la mise
138
en service du terminal portuaire Ontur à Nueva Palmira . Messieurs les juges, ces autorisations
pour des installations connexes à l’usine Botnia ont toutes été données en violation de la procédure
des articles 7 et 8 du statut.
132Ibid., onglet 25 du dossier.
133
Ibid., p. 257-258, onglet 25 du dossier.
134
Résolution no TO 39/2005 du ministère du transport et de s travaux publics de l’Uruguay (5 juillet 2005), MA,
annexes, livre VII, annexe 6, p. 101.
135
Note MREU n°168/05 de l’ambassade d’Argentine en Uruguay au ministère des affaires étrangères de
l’Uruguay du 27 juin 2005, MA, annexes, livre II, annexe 7, p. 145.
136 os
CARU, procès-verbaux n 08/05 et 09/05, MA, annexes, livre III, annexe 34, p. 302-303 et annexe35,
p. 315-316.
137
Résolution du ministère des transports et des trava ux publics du 12 septembre 2006, MA, annexes, livreVII,
annexe 16.
138 o
Note CARU-ROU n 069/07 (16 novembre 2007), RA, annexes, livre II, annexe 34. - 53 -
20. Faisant preuve d’imagination, l’Uruguay u se encore d’un autre détour en prétendant que
la pratique de l’Argentine et de l’Uruguay eu égard à l’article 7 du statut de 1975 montrerait que les
autorisations seraient notifiées à la CARU «après coup» 139. Ceci n’est conforme ni aux
prescriptions du statut de 1975, ni à la pratique des deux Etats.
21. La pratique suivie par les parties est pourtant éclairante. En 2001, la CARU a adopté une
décision concernant le port de M’Bopicuá qui se ré fère explicitement aux articles 7 et suivants du
statut en affirmant que les deux parties s’engageai ent «à préparer les documents nécessaires sur le
140
projet, conformément aux dispos itions de l’article7 et suivan ts du statut du fleuve Uruguay» .
En 2004, l’Uruguay a présenté à la CARU le proj et d’aménagement des installations portuaires de
Nueva Palmira. La CARU l’a approuvé le 27 janvier2006 en application des prescriptions du
141
statut de 1975 . Ces projets, d’une envergure bien moindr e que celle des usines de pâte à papier,
ont été notifiés par l’Uruguay à l’Argentine, pa r l’intermédiaire de la CARU, avant qu’une
quelconque autorisation ne soit donnée.
22. La pratique récente relative au projet du terminal portuaire Cartis ur confirme la portée
des obligations prévues aux articles7 et 8 du statut de 1975. Lors de la session de la CARU du
19décembre2008, la délégation uruguayenne a communiqué des informations sur le projet
142
Cartisur au titre de l’article7 du statut de 1975 . Par la suite, par une note du 22janvier2009,
143
l’Uruguay a notifié ce projet à l’Arge ntine par l’intermédiaire de la CARU . Puis, par une note
du 18février2009, la délégation argentine à la CARU a fait savoir qu’en vertu de l’article8 du
144
statut de 1975, elle considérait que l’information fournie par l’Uruguay était incomplète . Encore
une fois, par l’intermédiaire de la CARU, le 30avril2009, l’Uruguay a fourni des informations
supplémentaires à l’Argentine sur ce projet 145. Monsieur le président, Messieurs les juges,
139DU, par. 2.42.
140CARU, procès-verbal n° 4/2001, 27 avril 2001, MA, annexes, livre III, annexe 2, p. 13.
141
CARU, procès-verbal n° 1/2006, 27 janvier 2006, RA, annexes, livre II, annexe 12.
142
CARU, procès-verbal n°15/08, 19 décembre 2008, nouvelle documentation présentée par l’Argentine,
30 juin 2009, vol. II.
143 o
Note CARU-ROU n 002/09 du 22 janvier 2009, procès-verbal n°02/09, 23 janvier 2009, nouvelle
documentation présentée par l’Argentine, 30 juin 2009, vol. II.
144
Note CARU n°57/09 du 18 février 2009, procès-verba l n°3/09, 20 février 2009, nouvelle documentation
présentée par l’Argentine, 30 juin 2009, vol. II.
145 o
Note CARU-ROU n 059/09 du 7 mai 2009, procès-verbal n°06/ 09, 22 mai 2009, nouvelle documentation
présentée par l’Argentine, 30 juin 2009, vol. II. - 54 -
l’examen de la pratique suivie par les Etats ⎯ les deux Etats, l’Argentine et l’Uruguay ⎯ confirme
l’interprétation donnée par l’Argentine des articles 7 et 8 du statut. On ne peut en aucun cas parler
d’une quelconque «pratique modificatrice», voire «abrogative», au cas où de telles pratiques
existeraient en droit international. Il s’agit d’ une pratique qui confirme le respect du traité et
l’interprétation qu’en donne l’Argentine.
23. Pour justifier ses manquements à l’obligation d’informer la CARU des projets des
usinesENCE et Botnia, l’Uruguay a en outre présen té une liste d’environ 170projets industriels
d’envergure mineure que l’Arge ntine aurait autorisé sans les communiquer à la CARU ni les
notifier à l’Uruguay par l’intermédiaire de la commission 146. Messieurs les juges, ces projets
n’étaient pas des projets suffisamment importants pour affecter la navigation, le régime du fleuve
ou la qualité des eaux au sens de l’article 7 du statut, et ne constituaient pas une utilisation des eaux
du fleuve susceptible d’affecter le régime du fleuve ou la qualité des eaux au sens de l’article 27 du
statut. L’Uruguay n’a d’ailleurs jamais prétendu au sein de la CARU qu’il s’agissait de violations
du statut de 1975. Les projets ENCE et Botnia ne sont en rien comparables aux projets listés par
l’Uruguay dans le document susmentionné. Les deux usines qui nous intéressent sont bien
évidemment des projets couverts par les articles 7 et 27 du statut et devaient donc être notifiées.
2) L’Uruguay n’a pas transmis par l’intermédiaire de la CARU à l’Argentine une
documentation complète sur les projets
24. Les stratégies déployées par l’Uruguay pour contourner le respect de ses obligations ne
s’arrêtent pas à ce que je viens de décrire. L’Uruguay utilise égalemen t de multiples arguments
pour affaiblir la portée de l’obligation de saisine de la CARU et pour vider de son sens le pouvoir
de décision conféré à celle-ci aux termes du statut de 1975. Ainsi après avoir dit que «l’Uruguay,
affirme que, s’agissant de l’usine Botnia, ainsi que de l’usine ENCE…il s’est pleinement
conformé aux obligations qui lui incombent en vertu des articles7 à12» 14, l’Uruguay a déclaré
que «l’Uruguay n’était pas tenu d’informer la commission ou d’en attendre la «décision sommaire»
prévue par l’article 7 avant de délivrer des [autorisations environnementales préalables] … à ENCE
146
CMU, vol. X, annexe 224.
147DU, par. 1.10. - 55 -
ou à Botnia» 148. L’Uruguay semble oublier son obligation au terme de l’article 7. L’obligation au
terme de l’article7 est celle de fournir une documentation complète à l’Argentine par
l’intermédiaire de la commission du fleuve Uruguay préalablement à toute autorisation.
25. Le statut requiert en effet qu’une documentation complète soit donnée non seulement à la
CARU, mais aussi à la partie notifiée par l’ intermédiaire de la CARU. L’ensemble des
informations envisagées à l’article7, alinéa 3, du statut, est indispensable afin que l’Etat notifié
puisse évaluer l’éventualité d’un dommage au fle uve et à ses zones d’influence. Pourtant,
Monsieur le président, aucune des informations relatives aux aspects essentiels des ouvrages ENCE
et Botnia n’a jamais été notifiée à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU en application du
statut de 1975. Aucune…
26. Une étude d’impact environnemental (EIE) relève aussi des informations nécessaires qui
devaient être transmises. Cela supposait bien sûr que l’EIE ait été conduite en bonne et due forme,
cela pour permettre une évaluation au sens de l’ar ticle7 du statut de 1975. C’est un aspect sur
lequel je reviendrai.
3) Des contacts informels ne peuvent en aucun cas tenir lieu de saisine de la CARU et de
notification des projets à l’Argentine par l’intermédiaire de la CARU
27. L’Uruguay tente également de réinterpréter le contenu des obligations de notification en
affirmant «l’Argentine était déjà au courant du projet Botnia au mois de novembre2003, lorsque
ses représentants officiels rencontrèrent, pour la première fois, les représentants de la
sociétéBotnia, et la CARU en av ait déjà connaissance au mois d’av ril2004, lors de sa première
rencontre avec les représentants de la société» 14. Messieurs les juges, une telle assertion n’a rien à
voir avec l’obligation de notification prévue par le st atut de1975. C’est à l’Etat qui projette un
ouvrage sur le fleuve Uruguay de transmettre le pr ojet par l’intermédiaire de la CARU à l’autre
partie et de lui fournir une documentation complète, au titre de la notification. Le fait qu’un projet
soit conduit par des entreprises privées ne dispen se pas l’Etat compétent de communiquer de
manière officielle, par le biais de la notification, le projet à l’autre Etat. En aucun cas une prise de
contact faite par une société privée ne remplace l’obligation de communiquer officiellement la
148
DU, par. 3.5.
149DU, par. 3.66. - 56 -
documentation complète par l’intermédiaire de la CARU. M.González Lapeyre, négociateur du
statut pour l’Uruguay et représentant à la CARU pour l’Uruguay, avait bien souligné cet aspect
important d’une communication formelle entre deux Etats, en notant que l’article 7 «est très clair»
en prévoyant «une procédure en vertu de laquelle chaque pays doit communiquer [tout projet
suffisamment important] à la commission» 150.
28. L’ancienne présidente de la délégati on uruguayenne à la CARU, MmePetrocelli, a
reconnu ce fait de manière on ne peut plus cl aire dans son exposé au Sénat uruguayen
du 12 décembre 2005. Mme Petrocelli a indiqué : «Selon l’article7, c’est l’Etat qui doit faire la
présentation… La partie ⎯ diplomatiquement parlant ⎯ est celle qui doit faire la présentation et
informer qu’elle va réaliser un ouvrage ⎯privé ou public ⎯ et l’annoncer avec suffisamment de
151
temps.» Des contacts entre la société Botnia et d es membres de la CARU ne peuvent en aucun
cas se substituer à l’obligation pour l’Uruguay de saisine de la CARU et de notification à
l’Argentine.
29. Messieurs les juges, les informations sur les projets des usines ENCE et Botnia
transmises par des contacts informels et par la presse ne sauraient être prises en compte aux fins de
l’application des articles 7 et 8 du statut. Dans le cadre de l’affaire relative à Certaines questions
concernant l’entraide judiciaire en matière pénale, votre Cour a rappelé que même si Djibouti a pu
disposer de certaines informations à travers la presse et a pu prendre connaissance des documents
pertinents de nombreux mois plus tard, cette situation ne satisfaisait pas les exigences posées par la
152
convention de 1986 entre la France et Djibouti . En l’espèce il en va de même.
150CARU, procès-verbal n 8/81, 13 novembre 1981, point 2.4, p. 450. MA, annexes, livre III, annexe 7, p. 57;
les italiques sont de nous.
151 Procès-verbal, intervention du président de la délégation de l’Uruguay auprès de la CARU,
Mme Martha Petrocelli, au Sénat uruguayen (12 septembre2005), MA, anne xes, livVII, annex5, p.9
(ma traduction).
152Affaire relative à Certaines questions concernant l’entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France),
4 juin 2008, par. 150-151. - 57 -
4) En ne respectant pas ses obligations de notification, l’Uruguay porte atteinte à l’objet et au
but du statut
30. Permettez moi de souligner en dernier lieu, que les multiples stratégies et arguties de
l’Uruguay pour dénaturer la portée des articles7 et8 portent atteinte à l’objet et au but du
mécanisme de coopération mis en place par le statut.
31. La finalité de la procé dure de coopération qui a été décr ite dans ses détails par le
professeur Pellet est de prévenir la survenance d’un préjudice sensible à la navigation, au régime du
fleuve ou à la qualité de ses eaux. A cette fin, tout projet d’un ouvrage suffisamment important
(art. 7), ou qui suppose une utili sation suffisamment importante des eaux (art. 27) doit être notifié
préalablement à la CARU et à l’autre partie.
32. Ne rien notifier ou notifier un projet après la délivrance d’une autorisation de
construction, réduit à néant la raison d’être des ob ligations imposées par le statut de1975. Cela
signifie que l’Etat qui envisage de construire un ouvrage procède lui-même à la détermination du
dommage causé ou du dommage susceptible d’être causé par un projet, avant que la CARU ait pu
se prononcer, avant que la procédure prévue ne puisse produire ses effets pour protéger
l’environnement du fleuve Uruguay et de ses zones d’influence.
33. Si le projet Botnia avait été notifié, comme il devait l’être, les graves problèmes
environnementaux causés par l’usine auraient pu êt re détectés. Les questions de géomorphologie
particulière du fleuve et de faibles courants pendant les mo is d’été, les sérieux problèmes
d’eutrophisation du fleuve et de pollution de l’air ainsi que la question de l’utilisation de substances
153
polluantes pourtant mises au ban par la communauté internationale auraient pu être identifiés .
Conclusion
34. Messieurs les juges, permettez-moi de rappeler en guise de conclusion que les
obligations de notification incombant à l’Urugua y ont été violées. Malgré l’annonce de la
154
délocalisation de l’usine d’ENCE en dehors de la région du fleuve et de ses zones d’influence ,
l’Uruguay en autorisant la construction de l’usine ENCE le 9 octobre 2003 a violé le statut de 1975
et a commis un fait internationalement illicite . L’autorisation donnée par l’Uruguay pour la
153
CR 2009/12, p. 45-50, par. 19-27 (Sands).
154RA, par. 0.13 et 2.10. - 58 -
construction de l’usine Botnia en2005 est ég alement constitutive d’une autre violation des
obligations de notification prévues par le statut de 1975.
35. Les autorisations données aux installati ons connexes de l’usine Botnia constituent
également des violations des prescriptions des articles 7 et 8 du statut.
36. La mise en service de l’usine Botnia est e lle aussi bien entendu constitutive de violations
du statut.
37. Messieurs les juges, je vous remercie de vot re attention. Monsieur le président, puis-je à
présent vous demander de donner la parole à mon collègue, le professeur Philippe Sands.
Le VICE-PRESIDENT, faisant fonction de pr ésident: Je vous remercie, Madame, de votre
plaidoirie. I now give the floor to Professor Philippe Sands.
SMAr.DS:
X. U RUGUAY HAS BREACHED ITS OBLIGATIONS OF CONSULTATION
(ARTICLES 9-12 OF THE STATUTE )
1. Mr. President, Members of the Court, a distinguished former President of this Court wrote,
not so long ago, of the growing importance of wh at she referred to as “the procedural law of
co-operation”, and its “striking inte rweaving” with substantive norms15. The point that she made
reflected an important reality: as agreement on th e nature and content of substantive obligations
becomes more elusive, obligations of a procedur al character become all the more important in
helping States and parties to international agreements to record their views on the standards that are
required. And at the very core of these procedural obligations is the obligation to consult, which is
closely connected with and supplements the obligation of notification on which you have just heard
from my friend Professor Boisson de Chazournes.
2. The obligation to consult today lies at the very heart of the modern system of international
legal obligations. It is reflected in a great nmber of international agreements, as well as other
instruments like Principle19 of the Rio Declaration on Environment and Development 156and
155
Rosalyn Higgins, Problems and Process (OUP, 1994), p. 136.
15Principle 19 provides: “States shall provide prior and timely notification and relevant information to potentially
affected States on activities that may have a significant adverse transboundary environmental effect and shall consult with
those States at an early stage and in good faith.” - 59 -
Article9 of the International Law Commission’ s Articleson Prevention of Transboundary Harm.
The significance of the obligation to consult has been repeatedly affirmed by this Court in several
leading cases. I am thinking, for example, of the Fisheries Jurisdiction cases, where the Court
recognized powerfully a general obligation on Stat es “to take full account of each other’s rights”
(Fisheries Jurisdiction (United Kingdom v. Iceland) (Merits) Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 31).
3. Now, the rationale underlying the obligatio n of consultation is clear: in a world of
increasing complexity, consultation provides the means by which States can speak to each other,
share their views, refine their positions, hopefully in order to reach a mutually satisfactory outcome
on the proper way forward on issues that may divide them. Without the full and good faith
exchange of views that underpins any consultation, without the ability of one State to hear about
the concerns of another, without the opportunity th at is given of each to modify its own position in
order to accommodate the legitimate concerns of the other, without these things, international
discourse breaks down.
4. And that is why, in their wisdom, the drafters of the 1975 Statute put the obligation to
consult at its very heart, principally in Article 9, but also in relation to Articles 10 and 11. These
157
provisions have been fully addressed by the Parties in the written pleadings , so on Article 9 I do
not propose now to rehash everything that has be en said. What is clear is that there remain
significant differences between the Parties on the requirements imposed by Article 9 and the related
provisions, and that is what I am going to address. It is therefore for this Court to authoritatively
interpret these Articles, and then to apply them to the facts. We are inviting you to rule that
Articles9 and 10 and 11 ⎯ and as Professor Boisson de Chazournes has said, also Articles7
and 8 ⎯ were applicable to the Botnia project; that they imposed specific obligations that were not
respected by Uruguay; and that Uruguay fell into legal error by proceeding to authorize and
operate the plant without respecting these provisi ons; and for all of these reasons, it is now
internationally responsible for the consequences. And we say ⎯ as Professor Boisson de
Chazournes said ⎯ that if the obligation of consultation had been properly followed, for example,
15MA, paras.3.62-3.70, 3.80-3.93, 3.94-100, 4.80-89; CMU, paras. 2.166-2.187 and 3.108-127; RA,
paras. 1.132-1.155 and Chapter 2, in particular, paras. 2.44-2.70; UR, paras. 2.86-2.124. - 60 -
the particular characteristics of the river could have been teased out and understood and lessons
learned from them, and the kinds of images that I showed you yesterday avoided.
5. Professor Pellet has already summarized all th e relevant provisions of the Statute, but we
have the sense that you may be hungry for more about this Statute. So, on your screens you can see
Article9. As you can see, the scheme provides that, once properly notified, Article9, read
alongside Article 8, gave to Argentina a period of 180 days from the receipt of full documentation
to respond to Uruguay. Uruguay neither notif ied Argentina through CARU nor provided full
documentation during Uruguay’s process of authorization, and it still has not received full
documentation today. We still do not know from Uruguay, for example, on what basis it concluded
that the river flowed constantly downstream and th e reverse flow was only a rare occurrence. We
do not know from Uruguay precisely what quantities of toxic pollutants ⎯ some of which were
referred to yesterday and on which more will be said tomorrow ⎯ were intended to be used; what
the volume of those uses are. On all of that, Uruguay has declined to assist.
6. Now, the 180-day period never began to run. If Uruguay had provided the required
information, and if Argentina had not objected or failed to respond, then ⎯ and only then ⎯ was
Uruguay legally entitled to “carry out or authorize th e work planned”. The text of Article 9 admits
of no ambiguity: if Argentina had been provided with the full documentation and had raised
objections then Uruguay would not be able to “carry out or authorize the work planned”. There is
simply no other way to read that provision. And in this way, the right to carry out or authorize the
works may be said to be conditional upon the prior provision of information in accordance with the
Statute. Now, the scheme is clear: no information, no right to proceed to the works. It is as simple
as that, despite Uruguay’s Herculean efforts to re ad the simple language of Article9 rather
differently. So, in circumstances in which Urugu ay failed to provide the information, depriving
Argentina of any ability to respond in accordance with the Statute, we say Uruguay had no right to
proceed to the works. On Uruguay’s approach, all a party has to do to get around these obligations
is to not notify, and it is then magically excu sed from all the other obligations. Putting it another
way, Uruguay is in effect claiming to be entitled to rely on its own wrongdoing to excuse it from a
meaningful obligation to consult. Uruguay’s read ing of Article 9 denudes it of any practical value
and it makes the scheme established by Articles9 to 11 an empty letter, devoid of any relevance. - 61 -
Now, we suppose it is open to this Court to adopt that interpretation, but if ⎯ surprisingly ⎯ it
were to do so, the consequence of such an inte rpretation would be to consign to meaninglessness
every international commitment to consult in every international agreement. And we are, in this
room, all of us aware of the vast number of agreem ents dealing with shared international rivers and
other matters on which the obligation to consult is central for very good reasons. [Article 9 off
screen.]
7. [Article 10 on screen.] Article10 deals with inspection rights, and the situation which
would have pertained if Argentina had received information and had not objected: now, in those
circumstances Argentina would have been entitled to “inspect the works being carried out in order
to determine whether they conform to the plan s ubmitted”. Of course, that provision simply never
cut in because there was never any notification or consultation. So, on Uruguay’s interpretation,
the failure to notify and consult means that Uruguay can proceed to construct, and Argentina would
have no rights under Article 10. Uruguay’s appro ach, we say, has very unhappy consequences: it
cannot be right that Argentina should be in a wors e off situation as result of Uruguay’s failure than
if Uruguay had followed the scheme imposed by the Statute. That would be what the English
courts call a “perverse conclusion”? Why? B ecause it creates an incentive on a party to avoid
compliance. [Article 10 off screen.]
8. [Article11 on screen.] Now, if Argentin a’s rights under the Statute had been respected,
and it had then been given an opportunity to present an objection under Article 11, I can assure you
that such objection would most certainly have b een forthcoming, having regard to the manifest
inadequacy of Uruguay’s environmental assessment and the information that would have been
made available to Argentina, in particular on issues relating to the flow of the river. The evidence
before you admits of no doubt: we now know, we know, that Uruguay misunderstood the
phenomenon of reverse flow, we know that it failed to grapple with wind conditions, and we now
know, since the pleadings closed, that it is disch arging large quantities of nutrients and other
pollutants, although we do not know precisely which. And they are doing all this into a river that
Uruguay itself recognizes to be in a condition of environmental stress. Now, in these
circumstances it is rather significant, we think, th at Botnia should very recently have confirmed on
its website that “phosphorous discharges for the first months of operation of [the plant] are - 62 -
higher... than those of Botnia’s mills in Finland” 158. Indeed, as ProfessorWheater made clear
yesterday, no Botnia plant in Finland comes close to discharging the quantities of phosphorus,
13 or so tonnes, that Botnia continuously discharges into the River Uruguay. It is important to note
the language of Article11. The Statute uses the words “might significantly impair”: “might”, it
does not say “would significantly impair”. In this sense the obligation and the corresponding right
to object has a built-in precautionary element: precautions built into the scheme. So, in such
circumstances, Argentina has the right to notify the other party of its concerns, again within a
period of 180days, through the Commission. And that notification cannot be general, it has to
specify the area of concern and it also has to specify “the changes that are suggested to the plan or
programme of operation”. That would have been an opportunity for the Parties to have had a
substantive exchange, for example, on issues relating to the flow of the river. But, of course, that
could never happen. But during this period ⎯ and thereafter, depending on what happens ⎯, you
cannot construct and you cannot ope rate. The alternative interpretation, to which Uruguay is
159
attached , is simply inconsistent with the conditional right under Article9 to carry out or
authorize the work planned, as I have just explained. [Article 11 off screen.]
9. Now, this is the careful scheme envisaged by the drafters of this specific Statute, and it has
been very obviously violated by Uruguay, wh ich has proceeded to construction and operation
despite the Statute requirements. The consultati ons required under Article 9 and subsequent
provisions were not carried out, let alone completed, either in respect of the ENCE plant or of the
Botnia plant, before authorization to construct the plants took place or to authorize the operation of
the Botnia plant took place. Uruguay issued its operational permit for the Botnia plant on
8 November 2007 in clear violation of these provisions.
10. Now, it seems that the Uruguayan authorities recognized the difficulties that we posed by
meeting their obligation to consult under the Statute, as numerous of my colleagues have
mentioned, and we may call 15September “Petrocelli day”. MadamePetrocelli was, as you now
know, during this period, the head of Uruguay’s delegation to CARU. On 12 December 2005 she
158
Botnia, Monitoring results of mill's effluent from start-up ril092 , at
http://www.botnia.com/en/default.asp?path=204;1490;2203;2229;2230.
15CMU, paras. 2.174-188 and 3.108-127; RU, paras. 2.94-1.119. - 63 -
gave evidence to the Environment Committee of the Uruguayan Senate, and she made it
abundantly clear that her Government had acted wi th deliberation in seeking to avoid referring the
mills to CARU so as to avoid the process of consultation required by the Statute. [Plate IX-2 on ⎯
Text of exchange.] The President put the following question to her:
“One of the arguments put forward is that if consultation had taken place, the
answer would have been no. That is an awkward point. What would have happened if
the answer had been no?”
That is the question put to her. What is her response? It is pretty instructive:
“The works would not have been carried out. We would have had to refer the
matter to an international tribunal [she is referring to this Court] to establish what
damage was caused by a decision to reject.” 160
11. Those are pretty significant words: “The works would not have been carried out.” As
Uruguay’s head of delegation at CARU, Madame Petrocelli knew what she was talking about. She
knew that it was, as she put it, an “awkward point” that had been put to her, and in her statement
she confirmed two crucial issues: first, there w as no consultation, there were no consultations, and
second, if there had been, and Argentina had objected , the matter would have had to go off to this
Court before any works had been carried out. Ur uguay has simply no answer whatsoever to this
point. MadamePetrocelli and her Government unde rstood that the consultations required by the
Statute would have prevented Uruguay from is suing authorizations for the two plants and
permitting further work or their operation, in the face of any Argentine opposition. She and her
Government recognized that the Statute’s obligation to consult is not a mere formality. It is a
central part of the scheme established by the Statute to safeguard the interests of both parties where
a proposed project is seen by one to raise con cerns. Consultation is the key to meeting the
objective of optimum and rational utilization of the river, as required by Article1 of the Statute.
And that is why Uruguay took a deliberate step to bypass the Statute. [Plate IX-2 off.]
12. And that is also why the then Uruguayan Foreign Minister, Mr.Opertti told Uruguay’s
Senate’s Foreign Affairs Committee in November 2003 that the plant was not going to be
submitted to CARU, because they were “subject so lely to the Uruguayan legal order” and did not
16MA, para.2.27 (English translation); Senate of Oriental Republic of Uruguay, Environment Committee,
sitting of 12 December 2005, statement by the Uruguayan delete to CARU, p.4 of orig inal Spanish text, Anns.,
Vol. VII, Ann. 5. - 64 -
161
pose a risk to the quality of the waters . Like MadamePetrocelli, Mr.Opertti knew that if
consultations under the Statute took place and led to an Argentine objection they would lead
inexorably to proceedings before this Court.
13. Faced with this reality, Uruguay now says that this approach to the consultative scheme
envisaged by Articles 9 to 11 of the Statute is to create what he calls “a set of shackles from which
162
no derogation is permitted” . That is simply wrong, and Article 12 deals with that situation, as
Madame Petrocelli recognized and as Professor Pellet told you. Articles 9 to 11 reflect the specific
application of a general principle in interna tional law that requires two States to pursue
consultations under the Statute in good faith. They are not, however, obliged to achieve a
particular result, and if they cannot reach agreement, the last word goes to this Court.
14. Let me turn now briefly to some point s of agreement and disagreement between the
Parties.
15. Let us start with some simple points of agreement you will be pleased to hear. First,
Uruguay now accepts that MadamePetrocelli and Mr.Opertti were wrong and that ChapterII of
the Statute, including Articles 7 to 12, does apply to the Botnia plant. Paragraph 2.87 of Uruguay’s
Counter-Memorial puts it quite clearly: “Uruguay has now made it absolutely clear that it
163
considers that Articles7 to 12 of the Statute do apply . . . to the . . . Botnia plant[s].” So,we
welcome the reversal of position and we ask the Court to endorse it. Second, Uruguay accepts that
these provisions “impose a duty on both Parti es to engage in direct consultations” 164, and to do so
165
in good faith . Third, Uruguay appears also now to have conceded that these obligations were not
complied with in relation to the authorizations issued by the two plants 16.
16. So Uruguay, it seems, has abandoned its cl aim that these provisions were not applicable
to the Botnia plant. Instead, what it now does is present a cascading and, frankly, ever more
161
MA, para. 2.26.
162
RU, para. 2.5.
163See, for example, paragraph 2.87 of the CMU; and stat ements made during the hearings on the request for the
indication of provisional measures: see CR 2006/47, pp. 38-41 (Condorelli) and CR 2006/49, p. 10, para. 2 (Boyle) and
p. 20, para. 11 (Condorelli).
164CMU, para. 2.166.
165CMU, paras. 2.174-2.178.
166RU, paras. 2.2-2.4. - 65 -
confusing series of ex post facto arguments, conjured up who knows where, that seek to address the
real difficulties ⎯ the real difficulties ⎯ that Uruguay faces on this issue of consultation: first, it
argues that these provisions have a more limited sc ope and effect than that for which Argentina
167
argues ; second, it argues that, over time, the practice of the Parties has somehow departed from
strict adherence to the Statute’s requirements; a nd third, it argues that the Parties agreed somehow
to address at least the ENCE plant ⎯ perhaps the other one ⎯ outside the consultative framework
envisaged for CARU 168. Uruguay is simply wrong on all three points. I am going to say something
about the first two. Professor Kohen will deal with the third tomorrow: the fallacious argument
that somehow the GTAN process replaced the c onsultations required by the Statute and the
necessary statutorily required involvement of CARU.
(1) The scope and effect of Articles 9 to 11
17. I will deal first with the scope and effect of Articles9 and 11. Uruguay agrees that
consultations enable the notified State to assess the probable impact of the project and that such
negotiations have to be conducted in good faith. The point of disagreement is as to whether an
initiating State may proceed with the project dur ing those consultations and dispute resolution
before this Court 169.
18. In our submission, the consultations require d by Articles 9 to 11 did not take place. But
let us assume a contrario that they did take place, could Uruguay then proceed to construct and
operate when faced with Argentine objections? Now the issue of a right to proceed to construction
arises in different temporal moments. I will give you a number of different places where this issue
could arise: first, before the notification is made; second, if no objection is made after notification
under Article8; third, if an objection is made after notification under Article8 but within the
180-day period allowed for negotiations; fourth , if an objection is made by Argentina after
notification under Article8 and after the 180-day negotiation period has passed but before the
Article12 procedure has been initiated or concl uded; and fifth, if an objection is made after the
initiation of the Article 12 procedure. These are a ll the different moments at which the question of
16CMU, Chap. 3.
168
CMU, para. 3.35.
16CMU, para. 2.187. - 66 -
construction and operation might cut in. As Arge ntina has made clear in its pleadings (Reply,
paras.1.132-1.155), the only circumstance ⎯ the only circumstance ⎯ in which Uruguay could
proceed lawfully under the Statute to authorize or to implement was in the second situation, that is
to say if Argentina had either expressly stated that it had no objection to the works or where
Argentina failed to respond to a properly made Ar ticle8 notification within the prescribed period
of 180 days. In other words ⎯ you may be surprised to hear this ⎯ we agree with the position put
by Madame Petrocelli, the head of CARU’s delegati on that they could not have constructed. This
follows from the clear language of Article9 of th e Statute; the context for Article9, including
Articles11 and 12, which sets out what must happen where the notified party does object to the
works; and, finally, the object and purpose of the Statute as a whole ⎯ its whole raison d’être ⎯ is
to establish the joint machinery that is necessary for the optimum and rational utilization of the
River Uruguay and to promote the joint management of this shared and fragile natural resource.
Now Uruguay disagrees with its own Madame Petrocelli, and that is why Uruguay has hung her out
to dry.
19. Argentina’s interpretation ⎯ and Madame Petrocelli’s ⎯ is entirely consistent with the
approach taken in the 1997 Convention on Non-Na vigational Uses of International Watercourses.
That explicitly provides in Articles14 (b) and 17(3) that a notifying State shall not implement a
planned project whilst consultati ons and negotiations are under way. Now Argentina recognizes,
and accepts, that under the 1997 Convention the “no construction” rule, as it might be called,
applies only for a limited period, but that is because the 1997 Convention has no procedure
equivalent to, or analogous to, Article 12 of the 1975 Statute, which provides for the possibility of
an early, authoritative resolution of a dispute. Th e “no construction” rule is closely connected to
the commitment to achieve an equitable utilization of the river. As the ILC Commentary to draft
Article 14 of what became the 1997 Convention put it:
“If the notifying State were to proceed with implementation before the notified
State had had an opportunity to evaluate the possible effects of the planned measures
and inform the notifying State of its findings , the notifying State would not have at its
disposal all the information it would need to be in a position to comply with articles 5
170
to 7.”
170
Available at http://untreaty.un.org/ilc/texts/instruments/english/commentaries/8_3_1…. - 67 -
You see the wisdom of the position. The ILC is recognizing these procedural obligations are
closely connected to the substantive obligations. The rationale for the “no construction” rule in the
1975 Statute is also connected to the rationa le for the obligation to consult. And
MadamePetrocelli understood that, and that is wh y she and Mr.Opertti took steps to circumvent
the Statute. One leading commentator has encapsulated the underlying rationale of
Madame Petrocelli’s logic: “consultation and nego tiation in good faith are required, not as a mere
formality, but as a genuine attempt to give a reaso nable place to the interests of others in the
solution finally adopted” 171. Uruguay now has not explained how its approach ⎯ bypass CARU
first, then start construction ⎯ could be said to “give a reasonable place to the interests of
others” ⎯ “reasonable interest” of Argentina. We look forward to hearing from counsel for
Uruguay next week as to how its approach may be sai d to be consistent with the requirement to act
in good faith and to ensure the equitable utilizati on of the river in such a way as to respect the
interests of both Parties on both sides of this room.
20. Uruguay now says that MadamePetroce lli is wrong and that the Statute is somehow
“silent” on the question of implementation during the period after the notified State objects (RU,
para. 2.97). Yet Argentina’s interpretation to these provisions is the only one which preserves the
integrity of the procedural scheme as a whole in allowing the consultations to run their course and
reach resolution and maintain the balance require d under Article1 of the Statute. The plain
meaning of Article9 is that it allows the wo rk planned to be carried out or authorized only if the
other party has not objected. That is how we read it, that it is how Madame Petrocelli read it back
in 2005. Faced with the reality of these pro ceedings, Uruguay has now changed its position. Its
readings ignore the fact that th e 1975 Statute includes no equivalent ⎯ no equivalent ⎯ to the
language of Article 1(3), of the 1997 Co nvention, which expressly limits the “no
implementation” period to six months, or to Artic le19(1), which includes an overriding right to
implement in situations of “utmost urgency”. That is the difference between the 1975 Statute and
the 1997 Convention.
171
P. Birnie, A. Boyle, C. Redgwell, International Law and the Environment, 3rd edition, 2009, p. 569. - 68 -
21. Uruguay makes a further argument that is uns upported by the plain text of Article 9: it
says that the language of Article9 does not preclude “preparatory work” 172. That is not the plain
meaning or apparent intention of Article 9, which allows a party to “carry out or authorize the work
planned”. The text refers to the words “the wo rk planned”, it is broad, it is unlimited and it
certainly includes this project. It includes all aspects of this “work” on its face, not just “work” that
goes beyond that which may be said to be preparatory. The only reasonable reading of Article 9, in
the absence of words of limitation, is that it includ es all works of this scale that are “planned”. If
the purpose of these provisions is to be meaningful, if consultations of a meaningful nature are to
take place, such a purpose would be wholly underm ined by any activity, whether preparatory or
not. Beyond that, there is a real difficulty posed in distinguishing between work that is
“preparatory” and the work that goes beyond “prepa ratory”. So for these reasons we invite the
Court to reject that argument put by Uruguay.
(2) Argentina’s approach is consistent with past practice
22. The second point is this: apparently as a matter of desperate last resort, assuming that all
other arguments fail, Uruguay has belatedly taken re fuge in the old canard that over the years the
173
Parties have, through their practice, departed from the scheme laid down in the Statute . This is
factually incorrect. But Argentina is grateful to Uruguay for having raised the point, as it indicates
the gulf that divides reality from the product of Uruguay’s fertile legal imagination. How many
pulp mills, you might ask yourself, or other polluting projects of this kind have been proposed by
either of the Parties at this location on the Uruguay river? It turns out that there have been none.
One project that may be of relevance, and that has been addressed by both Parties, is the Garabi
dam project, proposed between Argentina and Brazil on the Uruguay river. It was submitted duly
to CARU in 1981. CARU identified possible a dverse effects on the river. In 1990, it seems,
Uruguay raised objections. Nevertheless, write s Uruguay in its Counter-Memorial, “Argentina
174
forged (and is continuing to forge) ahead with its plans to implement the project in Brazil” . That
was a project that started 28years ago, and you might ask yourself the question: well, in those
172
CMU, paras. 1.30, 2.181, 3.109-118 and RU, paras. 2.120-2.124.
173
CMU, paras. 2.58-70 and 2.140-155; RU, para. 2.41.
17CMU, para. 2.155. - 69 -
28 years how much construction has there been? The answer is none. We simply do not see how
you can “forge ahead” with a project that has not b een constructed after 28years. The reality is
that the project went to CARU in accordance with the scheme envisaged by the Statute,
information was notified, consultations took place, Uruguay, within its rights, insisted on the
proper application of Articles 7 to 12 of the Statute, the very same set of principles which inspired
Madame Petrocelli.
23. Even more recently, there was the case of the Traspapel paper mill, proposed by Uruguay
in 1995, a much smaller mill than the Botnia pl ant with an output of 300,000 tonnes per annum,
that is one third of the size. The Parties follo wed the correct procedure, the importance of which
was underscored by Mr. Lapeyre, who at that ti me, in 1996, was the head of Uruguay’s delegation
to CARU. This is what Mr. Lapeyre said:
“When we are speaking of an industrial plant which could affect the quality of
the waters, it is necessary to take a very cautious approach to the management of the
issue and to comply with the requirements la id down in Articles 7 to 13 of the Statute
of the River Uruguay.” 175
Uruguay followed these provisions to their letter and to their spirit. The project was dropped. On
this issue at least, Mr. Lapeyre understood the importance of being earnest!
24. Mr.President, Members of the Court, there is no issue as to inconsistent practice.
Articles9 to11 established a process that was inconvenient to Uruguay, so they simply took a
political decision to bypass the Statute. This Court cannot get around that fact. The provisions of
the Statute are clear. They imposed a duty to consult and a requirement that there be no
construction pending the outcome of this proce dure established by Article12 and for which the
Court exercises jurisdiction under Article60. You do not need to take that from me. We invite
you to follow the same “very cautious approach” to which Mr. Lapeyre was so attached as recently
as 1996. The scheme is clear: no information, no consultation; no consultation, no construction.
25. Mr.President, this is Argentina’s fi nal presentation for today. Tomorrow morning
Professor Kohen will address Uruguay’s rather curious claim that the Parties somehow agreed to
ignore the requirements of the 1975 Statute. Thank you very much.
175
MA, para. 3.118. - 70 -
The VICE-PRESIDENT, Acting President: I th ank Mr. Sands for his presentation. The
Court now rises and will resume tomorrow morning at 10 o’clock.
The Court rose at 1 p.m.
___________
Public sitting held on Tuesday 15 September 2009, at 10 a.m., at the Peace Palace, Vice-President Tomka, Acting President, presiding, in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay)