CR 2006/33
International Court Cour internationale
of Justice de Justice
THHEAGUE LHAAYE
YEAR 2006
Public sitting
held on Thursday 20 April 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Higgins presiding,
in the case concerning the Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)
________________
VERBATIM RECORD
________________
ANNÉE 2006
Audience publique
tenue le jeudi 20 avril 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de Mme Higgins, président,
en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)
____________________
COMPTE RENDU
____________________ - 2 -
Present: Presieitgins
Vice-Presi-Kntasawneh
RanjevJaudges
Shi
Koroma
Parra-Aranguren
Owada
Simma
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda
Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc Mahiou
Kre ća
Couvgisrar
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Présents : Mme Higgins,président
Al-K.vsce-prh,ident
RaMjev.
Shi
Koroma
Parra-Aranguren
Owada
Simma
Tomka
Abraham
Keith
Sepúlveda
Bennouna
Sjoteiskov,
MaMhou.,
Kre ća, juges ad hoc
CgoMfferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
The Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:
Mr. Sakib Softić,
as Agent;
Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,
as Deputy Agent;
Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of
the International Law Commission of the United Nations,
Mr. Thomas M. Franck, Professor of Law Emeritus, New York University School of Law,
Ms Brigitte Stern, Professor at the University of Paris I,
Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Facult of Law of the University of Florence,
Ms Magda Karagiannakis, B.Ec, LL.B, LL.M., Barrister at Law, Melbourne, Australia,
Ms Joanna Korner, Q.C., Barrister at Law, London,
Ms Laura Dauban, LL.B (Hons),
Mr. Antoine Ollivier, Temporary Lecturer and Research Assistant, University of Paris X-Nanterre,
as Counsel and Advocates;
Mr. Morten Torkildsen, BSc, MSc, Torkildsen Granskin og Rådgivning, Norway,
as Expert Counsel and Advocate;
H.E. Mr. Fuad Šabeta, Ambassador of Bosnia and Herzegovina to the Kingdom of the Netherlands,
Mr. Wim Muller, LL.M, M.A.,
Mr. Mauro Barelli, LL.M (University of Bristol),
Mr. Ermin Sarajlija, LL.M,
Mr. Amir Bajrić, LL.M,
Ms Amra Mehmedić, LL.M, - 5 -
Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est représenté par :
M. Sakib Softić,
comament;
M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,
comme agent adjoint;
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Pa risX-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,
M. Thomas M. Franck, professeur émérite à lafaculté de droit de l’Université de New York,
Mme Brigitte Stern, professeur à l’Université de Paris I,
M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,
Mme Magda Karagiannakis, B.Ec., LL.B., LL.M.,Barrister at Law, Melbourne (Australie),
Mme Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, Londres,
Mme Laura Dauban, LL.B. (Hons),
M. Antoine Ollivier, attaché temporaire d’ense ignement et de recherche à l’Université de
Paris X-Nanterre,
comme conseils et avocats;
M. Morten Torkildsen, BSc., MSc., Torkildsen Granskin og Rådgivning, Norvège,
comme conseil-expert et avocat;
S. Exc. M. Fuad Šabeta, ambassadeur de Bosnie-Herzégovine auprès du Royaume des Pays-Bas,
M. Wim Muller, LL.M., M.A.,
M. Mauro Barelli, LL.M. (Université de Bristol),
M. Ermin Sarajlija, LL.M.,
M. Amir Bajrić, LL.M.,
Mme Amra Mehmedić, LL.M., - 6 -
Ms Isabelle Moulier, Research Student in International Law, University of Paris I,
Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),
as Counsel.
The Government of Serbia and Montenegro is represented by:
Mr. Radoslav Stojanović, S.J.D., Head of the Law Council of the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor at the Belgrade University School of Law,
as Agent;
Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of Serbia and Montenegro in the Kingdom of
the Netherlands,
Mr. Vladimir Cvetković, Second Secretary of the Embassy of Serbia and Montenegro in the
Kingdom of the Netherlands,
as Co-Agents;
Mr.Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central European University,
Budapest and Emory University, Atlanta,
Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Member of the International Law Commission, member of
the English Bar, Distinguished Fellow of the All Souls College, Oxford,
Mr. Xavier de Roux, Master in law, avocat à la cour, Paris,
Ms Nataša Fauveau-Ivanović, avocat à la cour, Paris and member of the Council of the
International Criminal Bar,
Mr.Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the University of Kiel, Director
of the Walther-Schücking Institute,
Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,
Belgrade, and President of the International Law Association of Serbia and Montenegro,
Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,
as Counsel and Advocates;
Ms Sanja Djajić, S.J.D., Associate Professor at the Novi Sad University School of Law,
Ms Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),
Mr. Svetislav Rabrenović, Expert-associate at the Office of the Prosecutor for War Crimes of the
Republic of Serbia, - 7 -
Mme Isabelle Moulier, doctorante en droit international à l’Université de Paris I,
M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),
comconseils.
Le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro est représenté par :
M. Radoslav Stojanović, S.J.D., chef du conseil juridique du ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro, professeur à la faculté de droit de l’Université de Belgrade,
comament;
M. Saša Obradovi ć, premier conseiller à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume des
Pays-Bas,
M. Vladimir Cvetković, deuxième secrétaire à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume
des Pays-Bas,
comme coagents;
M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de
Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,
M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre de la Commission du droit international, membre
du barreau d’Angleterre, Distinguished Fellow au All Souls College, Oxford,
M. Xavier de Roux, maîtrise de droit, avocat à la cour, Paris,
Mme Nataša Fauveau-Ivanovi ć, avocat à la cour, Paris, et me mbre du conseil du barreau pénal
international,
M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Université de Kiel, directeur de
l’Institut Walther-Schücking,
M. Vladimir Djeri ć, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,
Belgrade, et président de l’association de droit international de la Serbie-et-Monténégro,
M. Igor Olujić, avocat, Belgrade,
comme conseils et avocats;
Mme Sanja Djajić, S.J.D, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Novi Sad,
Mme Ivana Mroz, LL.M. (Indianapolis),
M. Svetislav Rabrenovi ć, expert-associé au bureau du procur eur pour les crimes de guerre de la
République de Serbie, - 8 -
Mr. Aleksandar Djurdjić, LL.M., First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and
Montenegro,
Mr. Miloš Jastrebić, Second Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and Montenegro,
Mr. Christian J. Tams, LL.M. PhD. (Cambridge), Walther-Schücking Institute, University of Kiel,
Ms Dina Dobrkovic, LL.B.,
as Assistants. - 9 -
M. Aleksandar Djurdji ć, LL.M., premier secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,
M. Miloš Jastrebi ć, deuxième secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,
M. Christian J. Tams, LL.M., PhD. (Cambridge), Institut Walther-Schücking, Université de Kiel,
Mme Dina Dobrkovic, LL.B.,
comme assistants. - 10 -
Le PRESIDENT: Please be seated. Professeur Stern, vous avez la parole.
Mme STERN :
Les viols et violences sexuelles en tant qu’actes de génocide
1. Madame le président, Messieurs les juges, il me faut aujourd’hui encore une fois revenir
e
devant vous sur l’analyse de certains faits qui, de l’aveu même de M Fauveau-Ivanovic, «en réalité
ne méritent pas d’être analysés» 1. On en conviendra aisément, ce s faits, qui concernent le viol,
2
dont elle a reconnu qu’il constitue bien «ce crime suprême, parfois pire que la mort» que j’avais
évoqué dans ma plaidoirie du premier tour, ces fait s ne méritent effectivement pas d’être analysés
plus avant, parce qu’ils sont aujourd’hui largemen t établis, largement avérés. Paradoxalement, la
Serbie-et-Monténégro a cependant cru utile de s’y attarder une nouvelle fois.
2. Je voudrais tout d’abord dire qu’après s’êt re continuellement évertuée, autant dans son
3 4
contre-mémoire de 1997 que dans sa duplique de 1999 , à envisager ces faits sous la seule
dénomination, si insultante pour les victimes, de «prétendus viols», la Serbie-et-Monténégro admet
enfin, dans ses plaidoiries orales de 2006, qu’«il est incontestable que les viols ont bien eu lieu en
Bosnie-Herzégovine» 5. Aussi tardive que soit cette reconn aissance, elle n’en serait pas moins
cependant bienvenue si elle ne se doublait d’une approche particulièrement insidieuse du défendeur
qui tend paradoxalement à réfuter malgré tout in fine l’existence massive et systématique de viols
et de violences sexuelles commis par les forces serb es sur le territoire de Bosnie à l’encontre des
hommes et des femmes du groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Il ne faut pas en effet
s’y méprendre: sous couvert d’une compassion a ffichée de la Serbie-et-Monténégro, pour la
première fois, il faut le noter, depuis plus de dix ans, envers les victimes des viols et des violences
sexuelles, le défendeur se lanc e désormais dans une ultime tentative de «minimisation» et de
«relativisation» des viols et des violences sexu elles qui ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine (I) à
1 CR 2006/20, p. 23, par. 4 (Fauveau-Ivanovic).
2 o
TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic , affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31 juillet 2003, par. 803.
3
Contre-mémoire, par. 1.3.4 : «Les prétendus viols».
4 Duplique, par. 3.3.5 : «Les prétendus viols».
5 CR 2006/20, p. 31, par. 41 (Fauveau-Ivanovic). - 11 -
laquelle s’ajoute une tentative de «disqualification» juridique de ces viols et violences sexuelles,
que le défendeur se refuse à considérer comme constitutifs de génocide (II). A l’examen, on
s’aperçoit que cette nouvelle stra tégie ne s’apparente en définitive à rien de moins qu’une
«dénégation» réitérée, à peine voilée, des faits, qui est à mon avis proprement impudente à l’égard
des victimes.
I. L’inanité de la tentative de la Serbie-et-Monténégro de minimiser et de relativiser
l’ampleur des viols et des violences sexuelles commis par les forces serbes
à l’encontre des membres du groupe des musulmans
de Bosnie-Herzégovine
3. Pour mettre en Œuvre cette approche nouve lle, le défendeur n’a tout d’abord trouvé
d’autre moyen que de se lancer dans une cont estation mathématique, so uvent technique, des
données chiffrées internationalement admises des vi ols, des violences sexuelles, présentées par la
Bosnie-Herzégovine, notamment des données auxquelle s elle s’était référée dans ses plaidoiries
orales. Certes, nous prenons acte de la mansuétude affichée par M e Fauveau-Ivanovic, lorsqu’elle a
exprimé sa «compassion la plus profonde pour toutes les victimes des viols» 6. Mais la Bosnie n’a
pas besoin de compassion, elle a besoin de justice et de vérité. Et la vérité est sans doute bien en
deçà de ce qui a été plaidé par la Bosnie.
Une indécente et inutile bataille de chiffres
4. Je commencerai donc par dire à votre Cour que nos adversaires se sont engagés à propos
des viols et des violences sexuelles à une ind écente et inutile bataille de chiffres. La
Bosnie-Herzégovine s’était à cet égard contentée de mentionner, avec le rapporteur spécial de la
Commission des droits de l’homme, M. Tadeuz Mazowiecki, le chiffre probable de douze mille cas
de viols. A ce stade des débats, la Bosnie -Herzégovine n’entend cependant pas, à dessein,
s’engager dans une bataille de chiffres pour déterm iner le nombre exact de viols et de violences
sexuelles. La Bosnie tient simplement à rappeler encore une fois que tous les rapports
internationaux étayent la conclu sion selon laquelle les viols et violences sexuelles commis en
Bosnie à l’encontre des femmes et des hommes ont revêtu une ampleur tout à fait considérable. La
6CR 2006/20, p. 23, par. 3 (Fauveau-Ivanovic). - 12 -
Bosnie-Herzégovine considère que cette conclusion est suffisante, et qu’il n’est pas essentiel, aux
fins de la présente affaire, de connaître les chiffres exacts.
5. Elle tient surtout à redire encore une fo is que, quelles que soient les données chiffrées
avancées, elles sont en tout état de cause certaine ment bien en deçà de la réalité des viols et des
violences sexuelles. Faut-il le ra ppeler encore une fois ? Ce sont les crimes les plus sous-estimés,
les femmes violées, déshonorées, «déshumanisées» se retranchant le plus souvent derrière un voile
de silence, et plus encore dans la société musulmane que dans les autres. Faut-il encore rappeler au
défendeur, avec le TPIR dans l’affaire Semanza, que «s’agissant des victimes, il n’y a pas de seuil
quantitatif à partir duquel on peut conclure au génocide» 7, comme la Serbie semble implicitement
le suggérer.
6. Apparemment conscient de la stérilité et de l’inconvenance d’un tel débat, la Serbie
8
consent d’ailleurs elle-même finalement à supposer «que ce nombre est exact» . Non content de
s’être attaché, dans un premier temps, à minimiser le nombre des viols et violences sexuelles, le
défendeur entreprend, dans un second temps, de les re lativiser en faisant valoir qu’ils n’ont tout au
plus constitué qu’une réalité acce ssoire, inévitable de n’importe quelle guerre, qu’ils ont, de
manière indiscriminée, visé toutes les femmes, qu’elles soient serbes, croates ou musulmanes.
Dans sa manŒuvre de relativisatio n des faits, la Serbie n’a trouvé d’autre issue, aussi désespérée
que vaine, que celle de faire valoir, que quel que soit le nombre exact de viols commis, le
demandeur n’aurait cependant pas précisé, selon se s termes, «où les viols étaient commis, il ne
précise pas qui en étaient les victimes en encore moins qui en étaient les auteurs» 9.
e
M Fauveau-Ivanovic a ainsi cru pouvoir encore persuader la Cour, à ce stade des débats, que les
viols et violences sexuelles ont été commis, «par tous et contre tous» 10, à l’égard de victimes
anonymes non identifiées et qu’ils ont été indistinctement commis, dans la même mesure, à la
même échelle, contre les victimes de tous bords, qu’elles soient serbes, croates ou musulmanes.
C’est pourquoi, il me faut revenir, Madame le président, sur les lieux, les auteurs et les victimes.
7TPIR, Le procureur c. Laurent Semanza, affaire n ICTR-97-20-T, Chambre de première instance III, jugement
et sentence, 15 mai 2003, par. 316.
8CR 2006/20, p. 25, par. 14 (Fauveau-Ivanovic).
9
Ibid., p. 24, par. 12 (Fauveau-Ivanovic).
10Ibid., p. 27, par. 21 (Fauveau-Ivanovic). - 13 -
Les lieux, les auteurs et les victimes
7. Les faits dont il est ici question sont ceux à propos desquels l’Assemblée générale des
Nations Unies s’est déclarée, dans sa résolution 48/143 du 5 janvier 1994,
«atterrée par les informations répétées et confirmées faisant état de viols et de sévices
généralisés dont les femmes et les enfants sont victimes dans les zones de conflit armé
dans l’ex-Yougoslavie, en particulier par le fait que les forces serbes recourent
systématiquement à ces p11tiques contre les femmes et les en fants musulmans en
Bosnie-Herzégovine» .
8. Ces faits sont encore ceux que le Conseil de sécurité a mentionnés dans sa résolution 1034
du 21 décembre 1995, en condamnant
«dans les termes les plus vifs les violations du droit international humanitaire et des
droits de l’homme commises par les forc es serbes de Bosnie et les forces
paramilitaires dans les zones de Srebrenica , Zepa, Banja Luka et Sanski Most…qui
révèlent une politique systématique de violations ⎯ exécutions sommaires, viols,
12
expulsions massives» .
Cette résolution du Conseil de sé curité faisait suite à d’autres résolutions plus anciennes dans
lesquelles il s’était déjà déclaré « horrifié par les informations sur la détention et le viol massifs,
organisés et systématiques des femmes , notamment les femmes musulmanes en
Bosnie-Herzégovine» 1. Pour que le Conseil de sécurité se dise «horrifié», c’est qu’il disposait de
preuves suffisantes de l’existence des actes allégués pour justifier l’utilisation d’un tel langage, peu
fréquent dans son vocabulaire.
9. Après la lecture combinée de ces réso lutions, émanant des plus hautes instances
représentatives de la société internationale, et pour peu qu’on daigne leur accorder quelque autorité,
la Serbie-et-Monténégro peut-elle raisonnablement soutenir, en toute bonne foi, que le lieu, que les
auteurs, que les victimes des viols et des vi olences sexuelles n’ont pas été nommément et
explicitement désignés? La Serbie-et-Monténé gro peut-elle encore sérieusement persister à
affirmer, comme elle l’avait fait dans sa duplique, que «[l]es résolutions de l’Assemblée générale et
du Conseil de sécurité des Nations Unies … soit ne parlent ni des viols ni des violences sexuelles,
11Nations Unies, doc.A/RES/48/143, «Viols et sévices dont les femmes sont victimes dans les zones de conflit
armé dans l’ex-Yougoslavie», 5 janvier 1994, 4 alinéa du préambule; les italiques sont de nous.
12
Nations Unies, doc. S/RES/1034 (1995), 21 décembre 1995, par. 2.
13NationsUnies, doc.S/RES/798 (1992), 18 décembre 1992, 7 e alinéa du préambule; doc.S/RES/820 (1993),
17 avril 1993, par. 6. - 14 -
soit, si cela est le cas, ne mentionnent ces crimes que d’une façon générale sans rejeter la
responsabilité sur une des parties au conflit» 14 ?
10. Cela devrait suffire, Madame le présid ent, Messieurs les juges. Mais pour qu’il ne
subsiste plus aucune ambiguïté possible sur ce point, qu’il nous soit une nouvelle fois permis de
rappeler la réalité de s faits: les faits, non pas tels que l’on peut supposer ou penser qu’ils se sont
15
produits, les faits non pas, comme l’affirme le défendeur, tels que la Bosnie-Herzégovine les voit ,
mais les faits tels qu’il est unanimement admis qu’ils se sont effectivement produits bien que le
défendeur croie encore pouvoir feindre de les ignorer.
11. Face à cet aveuglement persistant du défendeur, la Bosnie-Herzégovine se doit de réitérer
dans ce prétoire ⎯citations du jugement du TPIY à l’appui de ses affirmations, dont la Cour
trouvera les références précises en notes de ba s de page du compte rendu de cette plaidoirie ⎯ les
conclusions auxquelles le TPIY est parvenu dans de nombreux jugements et décisions, dont la
Bosnie-Herzégovine demande à la Cour d’apprécier la valeur probatoire décisive.
12. Les viols et les violences sexuelles, Madame le président, Messieurs les juges, ont été
commis sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine, lors de la prise d’assaut par les forces
serbes de nombreuses municipalités. Les occurrences citées dans notre précédente plaidoirie orale,
tirées de l’affaire Kunarac et consorts 16 ont notamment mis en relief le système généralisé de viols
et de violences sexuelles régnant dans la municipa lité de Foca, située au sud-est de Sarajevo, et à
l’est de la frontière entre la Bo snie et la Serbie. Faut-il rappe ler que les accusés, Kunarac, qui
commandait, de juin 1992 au moins à février 1993, une unité spéciale de reconnaissance de l’armée
des Serbes de Bosnie, et Kovac, l’un des membres adjoints de la police militaire serbe à Foca, ont
été condamnés, pour avoir encouragé ou eux-mêmes perpétré des viols et violences sexuelles, pour
avoir, selon les termes du TPIY, «maltraité de s jeunes filles et des femmes musulmanes, et
seulement des Musulmanes, justement parce qu’elles étaient musulmanes» 17 ?
14 Duplique, par. 3.3.5.35.
15 CR 2006/20, p. 23, par. 6 (Fauveau-Ivanovic).
16 TPIY, Le procureur c. Dagoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic , affaires nsIT-96-23 et
IT-96-23/1, Chambre de première inst ance II, jugement, 22 février 2001; Le procureur c. Dragoljub Kunarac,
Radomir Kovac et Zoran Vukovic, affaires n IT-96-23 et IT-96-23/1-A, Chambre d’appel, arrêt, 12 juin 2002.
17 TPIY, Le procureur c. Dagoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic , affaires nsIT-96-23 et
IT-96-23/1, Chambre de première instance II, jugement, 22 février 2001, par. 592; les italiques sont dans l’original. - 15 -
13. Les viols se sont également perpétrés dans les centres et camps de détention, installés
dans plusieurs régions de la Bosnie-Herzégovine. On peut en premier lieu rappeler que des viols et
des violences sexuelles ont été commis dans le centre de détention de Luka, dans la municipalité de
18
Brcko, au nord-est de la Bosnie. Les détenus de ce camp, dont la majorité était des Musulmans ,
ont été soumis à des viols et des violences sexuelles commis par les forces serbes. Une telle
conclusion a été établie par le TPIY, dans plusieurs jugements, notamment dans la décision relative
à la requête aux fins de l’obtention d’un ju gement d’acquittement rendue dans l’affaire Milosevic 19
ou encore dans l’affaire Cesic 20.
14. Des viols et des violences sexuelles ont ég alement été avérés dans la région de Prijedor,
dans le nord-ouest de la Bosnie-Herzégovine, au sein de laquelle, vous le savez maintenant, se
situaient les tristement célèbres camps de détention d’Omarska, de Keraterm, de Trnopolje.
S’agissant du camp d’Omarska, de nomb reux jugements ou décisions du Tribunal
21
corroborent ces faits de viols et de violences sexuelles , qu’il s’agisse notamment des jugements
22 23 24
rendus dans l’affaire Sikirica , dans l’affaire Stakic , dans l’affaire Kvocka ou encore de la
décision du TPIY relative à la requête aux fins de l’obtention d’un jugement d’acquittement, que je
18 o
TPIY, Le procureur c. Goran Jelisic , affaire n IT-95-10, Chambre de première instance I, jugement,
14 décembre 1999, par. 74.
19 o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic, affaire n IT-02-54-T, Chambre de première instance I, décision
relative à la requête aux fins d’obtenir un jugement d’acquittement, 16 juin 2004, par. 159.
20TPIY, Le procureur c. Rando Cesic, affaire n IT-95-10/1-5, Chambre de première instance I, jugement portant
condamnation, 11 mars 2004, par. 13.
21TPIY, Le procureur c. Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Radic, Zoran Zigic, Dragoljub Prcac , affaire
o
nIT-98-30/1-T, Chambre de premiore instance I, jugement, 2 novembre 2001, par1 .08; er Le procureur
c. Radoslav Brdjanin, affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement, 1 septembre 2004, par. 515; Le
procureur c. Momcilo Krajisnik, Decision on third and fourth prosecution motions for judicial notice of adjudicated facts,
Chambre de première instance I, 24 mars 2005, par. 261-262.
22TPIY, Le procureur c. Dusko Sikirica, Damir Dosen, Dragan Kolundzija, (Sikirica et consorts) , affaire
o
n IT-95-8, Chambre de première instance III, jugement relati f aux requêtes aux fins d’acq uittement présentées par la
défense, 3 septembre 2001, par. 125.
23 o
TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic , affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31 juillet 2003, par. 234-236.
24TPIY, Le procureur c. Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Radic, Zoran Zigic, Dragoljub Prcac , affaire
n IT-98-30/1-T, Chambre de première instance I, jugement, 2 novembre 2001, (affaire Kvocka et consorts – camps
d’Omarska et de Keraterm ),opar.761; Le procureur c. Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Radic, Zoran Zigic,
Dragoljub Prcac, affaire n IT-98-30/1-T, Chambre de première instance I, jugement, 2 novembre 2001, (affaire Kvocka
et consorts – camps d’Omarska et de Keraterm), Chambre d’appel, arrêt, 28 février 2005. - 16 -
viens de mentionner, rendue en 2004 dans l’affaire Milosevic 25. Le constat judiciaire de ces faits a
été également dressé par le TPIY dans sa décision rendue en l’affaireMomcilo Krajisnik 26.
Des viols ont également été commis dans le camp de Keraterm, comme en attestent, à
nouveau, de nombreux jugements et décisions du TPIY, rendus dans les affaires Sikirica 27,
Brdjanin 28, Stakic et Kvocka . 30
La sinistre litanie continue car les viols et violences sexuelles étaient également monnaie
courante au sein du camp de détention de Trnopolje 31, peut-être davantage encore car il s’agissait
du camp dans lequel étaient détenues le nombre le plus important de femmes et de jeunes filles 32.
Les détenues, femmes et jeunes filles musulmanes de Bosnie-Herzégovine, étaient emmenées du
camp la nuit par des soldats serbes pour être violées ou soumises à des violences sexuelles 33. Là
encore, ces faits ont donné lieu à un constat judiciaire du TPIY dans l’affaire Krajisnik 34.
Rapportant la commission de viols et de vi olences sexuelles dans la région de Prijedor, le
TPIY a formulé, dans l’affaire Brdjanin, la conclusion qui suit: «Rap es and sexual assaults were
25 o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic , affaire n IT-02-54-T, décision relative à la requête aux fins
d’acquittement, Chambre de première instance I, 16 juin 2004, par. 193.
26 TPIY, Le procureur c. Momcilo Krajisnik, Decision on third and fourth prosecution motions for judicial notice
of adjudicated facts, Chambre de première instance I, 24 mars 2005, par. 261-262.
27
o TPIY, Le procureur c. Dusko Sikirica, Damir Dosen, Dragan Kolundzija, (Sikirica et consorts) , affaire
n IT-95-8, Chambre de première instance III, jugement relati f aux requêtes aux fins d’acq uittement présentées par la
défense, 3 septembre 2001, par. 125.
28 TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 518.
29 o
TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic , affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31 juillet 2003, par. 240-241.
30
TPIY, Le procureur c. Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Radic, Zoran Zigic, Dragoljub Prcac , affaire
n IT-98-30/1-T, Chambre de première instance I, jugement, 2 novembre 2001, (affaire Kvocka et consorts – camps
d’Omarska et de Keraterm ); Le procureur c. Miroslav Kvocka, Milojica Kos, Mlado Radic, Zoran Zigic,
o
Dragoljub Prcac, affaire n IT-98-30/1-T, Chambre de première instan ce I, jugement, 2 novembre 2001, (affaire Kvocka
et consorts – camps d’Omarska et de Keraterm), Chambre d’appel, arrêt, 28 février 2005.
31 Voir TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31 juillet 2003, par. par. 242-244; Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n oIT-99-36-T, Chambre de première
er
instance II, jugement, 1 septembre 2004, par. 514.
32 o
TPIY, Le procureur c. Slobodan Milosevic , affaire n IT-02-54-T, décision relative à la requête aux fins
d’acquittement, Chambre de première instance I, 16 juin 2004, par. 200.
33 o
Voir TPIY, Le procureur c. Milomir Stakic, affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31juillet 2003, par.242-244; Le procureur c. Slobodan Milosevic, affaire n IT-02-54-T, décision relative à la requête
aux fins d’acquittement, Chambre de première instance I, 16 juin 2004, par. 200.
34
TPIY, Le procureur v. Momcilo Krajisnik, Decision on third and fourth prosecution motions for judicial notice
of adjudicated facts, Chambre de première instance I, 24 mars 2005, par. 295. - 17 -
commonplace throughout the camps in the Prijedor area. It is satisfied that in all these incidents,
35
the male perpetrators aimed at discriminating against the women because they were Muslim» .
15. Des viols ont également été avérés dans la municipalité de Teslic. Dans l’affaire
Brdjanin, le Tribunal a ainsi considéré que de ju illet à octobre 1992, de nombreuses femmes
musulmanes avaient été violées par les forces serbes de police et l’armée des Serbes de Bosnie
(VRS) 36. Le Tribunal a également souligné dans cette affaire: «all this was intrinsically
discriminatory against these women» 37.
16. Des viols et des violences sexuelles ont encore été commis dans la région de
BosanskiSamac, située au nord-est de la Bosn ie-Herzégovine. Todorovic, chef de la police de
Bosanski Samac de mars à décembre 1992 et membre de la cellule de crise serbe, a lui-même
reconnu, dans son plaidoyer de culpabilité, la véracité des faits de violences sexuelles infligées à de
nombreux civils nonserbes détenus dans divers camps de détention de cette région et a plaidé
coupable pour ces faits 38. Les viols et violences sexuelles commis dans cette région ont également
39
été rapportés par le TPIY dans l’affaire Simic et consorts .
17. Et je m’en excuse, mais la litanie n’est pa s encore finie. La commission de viols et
violences sexuelles a également été établie dans la municipalité de Vlasenica, située dans l’est de la
Bosnie-Herzégovine. Suite à la prise de la ville aux alentours du 21 avril 1992, les forces serbes
ont établi le «camp de Susica», principal camp de détention de la région, dont Dragan Nikolic,
d’appartenance ethnique serbe, fut le commanda nt de juin 1992 à septembre 1992. Dans son
plaidoyer de culpabilité, celui-ci a plaidé coupab le de complicité de viol, reconnaissant que de
nombreuses détenues du camp de Susica, Musulmanes de Bosnie-Herzégovine, avaient été
victimes de violences sexuelles, notamment de vi ols et de pratiques insultantes, dégradantes,
infligées par les gardiens du camp et par les memb res des forces spéciales, par des soldats de la
35 o
er TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 518.
36 o
er TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 523.
37 o
er TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 523.
38 o
TPIY, Le procureur c. Stevan Todorovic , affaire n IT-95-9/1-S, Chambre de première instance I, jugement
portant condamnation, 31 juillet 2001.
39 o
TPIY, Le procureur c. Blagaje Simic, Miroslav Tadic, Simo Zaric , affaire n IT-95-9-T, Chambre de première
instance II, jugement, 17 octobre 2003. - 18 -
région, en dehors du camp, dans des lieux divers tels que des maisons situées autour du camp ou
l’hôtel Panorama, utilisé comme quartier général mi litaire. Il a reconnu avoir lui-même fait sortir
du hangar des détenues en sachant qu’elles allaient être violées et avoir, de toute autre manière,
40
encouragé de telles pratiques .
18. Il faut encore mentionner la commission d’autres viols et violences sexuelles dans
41
d’autres municipalités , rapportée par le TPIY dans l’affaire Brdjanin, dans les termes qui suivent :
«[t]he Trial Chamber finds that … rape s of Bosnian Muslim and Bosnian Croat
women occurred in municipalities of Banja Luka, Bosanska Krupa, Donji Vakuf, and
in Kotor Varos. In each incident, armed Bosnian Serb soldiers or policemen were the
perpetrators. There can be no doubt that these rapes were discriminatory in fact.» 42
19. Au regard de tous ces éléments, le défe ndeur peut-il vraiment, Madame le président,
arguer, comme il l’a fait lors du premier tour des pl aidoiries orales, que les lieux des viols, que les
auteurs des viols et que les victimes des viols n’ont pas été expressément identifiés ?
20. Bien sûr, avant de tirer la conclusion qui résulte de ces différents jugements du TPIY
⎯dont l’exposé ne saurait d’ailleurs être exhaustif ⎯ la Bosnie tient à rappeler avec force à la
Cour et au défendeur qu’elle n’a jamais nié que des viols et des violences sexuelles avaient été
commis également par des non-Serbes 43 et qu’elle n’a jamais entendu réfuter ou sous-estimer cette
réalité et la souffrance endurée par les victimes. Si l’on peut ainsi concéder au défendeur que les
données chiffrées internationales relatives aux viols et violences sexuelles englobent également des
cas de viols et violences sexuelles commis à l’enco ntre de Serbes et des Croates, il faut pourtant,
Madame le président, Messieurs les juges, raison garder et bien reconnaître que ces actes, aussi
détestables et condamnables qu’ils soient, n’ont revêtu que le car actère de crimes circonstanciels,
qu’ils n’ont constitué que des actes isolés, commis de manière sporadique. Ils ne sauraient en
aucune manière que ce soit être utilisés pour servir de paravent à l’occult ation par la Serbie du
40TPIY, Le procureur c. Dragan Nikolic , affaire n IT-94-2-S, Chambre de première instance II, jugement
portant condamnation, 18 décembre 2003; affaire n oIT-94-2-A, Chambre d’appel, arrêt relatif à la sentence,
4 février 2005.
41TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 1010.
42TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 1010.
43Réplique, chap. 7, par. 245. - 19 -
caractère massif et systématique des viols et violences sexuelles qui ont été commis au service de la
politique de nettoyage ethnique génocidaire, à l’encontre du groupe des Musulmans de Bosnie.
21. Cette manŒuvre de relativisation du dé fendeur s’avère extrêmement pernicieuse parce
qu’elle vise à présenter une image déformée, fallacieuse et infondée, de la réalité des crimes qui se
sont réellement produits en Bosnie. En s’appuya nt sur le fait que des Serbes et des Croates ont
également subi des viols et des violences sexuel les, le défendeur croit pouvoir se retrancher
derrière ⎯ et je le cite ⎯ derrière le fait «que les femmes sont souvent les premières victimes d’un
état de non-droit qui surgit lors de la guerre» 44, derrière ⎯ et je le cite encore ⎯ «la dure réalité de
la guerre et malheureusement de la cruauté de la nature humaine qui se révèle dans des situations
telles qu’une guerre civile» et ceci pour occulter le caractère massif, généralisé et organisé des viols
et violences sexuelles commis à l’encontre des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, que le
défendeur ne consent finalement qu’à envisa ger, non sans un certain cynisme, que comme
l’inévitable rançon des soldats serbes et co mme des «dommages collatéraux» inhérents à toute
guerre. Cette allégation est tout simplement inacceptable.
22. Au regard des considérations qui précèdent, la conclusion qui s’impose, la seule possible,
Madame le président, Messieurs le s juges, est la suivante: les viols et violences sexuelles se sont
produits sur tout le territoire de la Bosnie-Herzégovine, ils ont principalement et massivement été
perpétrés contre les femmes et les hommes du groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine,
parce que ces femmes et ces hommes étaient musulmans et qu’ils ont été quasi exclusivement
encouragés et perpétrés par les forces serbes, par des soldats serbes ou commandants et personnels
45
serbes des camps de détention .
23. Après avoir mis en Œuvre une stratégie de minimisation et de relativisation des viols et
des violences sexuelles commis par les forces serbes contre le groupe des Musulmans de Bosnie, la
Serbie-et-Monténégro développe en suite une stratégie de «disqua lification» des faits, qu’elle ne
croit possible d’envisager que sous la dénomination de crimes de guerre ou sous celle de crimes
contre l’humanité et non sous celle de génocide. Nous savons, depuis ces longues plaidoiries
44CR 2006/20, p. 31, par. 43 (Fauveau-Ivanovic).
45 o
TPIY, Le procureur c. Radislav Krstic , affaire n IT-98-33, Chambre de première instance I, jugement,
2 août 2001, par. 45. - 20 -
relatives au génocide, que les actes de génocide sont certains actes matériels énumérés à l’article II
de la convention sur la génocide (actus reus) accompagnés d’une intention génocidaire spécifique
(mens rea). La Serbie-et-Monténégro a présenté des re marques sur ces deux aspects, tentant une
disqualification des viols et violences sexuelles au ssi bien dans leur composante matérielle que
dans leur composante intentionnelle, sur les quelles je me propose maintenant de faire
successivement certains commentaires.
II. L’inanité de la tentative de la Serbie-et-Monténégro de disqualifier les viols et violences
sexuelles commis à l’encontre des femmes et des hommes musulmans
de Bosnie-Herzégovine : ceux-ci sont bien des actes constitutifs
de génocide
Les viols et violences sexuelles commis à l’ encontre des membres du groupe des Musulmans
de Bosnie-Herzégovine entrent dans les catégories d’ actes matériels constitutifs de
génocide (article II de la convention)
Les viols et les violences sexuelles sont bien de façon intrinsèque des actes portant une atteinte
grave à l’intégrité physique et mentale ainsi que des actes de soumission intentionnelle du
groupe à des conditions d’existence devant en traîner sa destruction physique totale ou
partielle
24. Enfin, la Serbie-et-Monténégro en convient dans des termes dénués d’ambiguïté. Contre
toute attente, elle consent en effe t désormais, dans un élan bienvenu envers les victimes et dans un
heureux revirement de position par rapport à celle qu’elle avait adoptée dans son contre-mémoire 46,
à reconnaître ce qu’elle avait toujours nié. Je cite les propos tenus par le conseil du défendeur:
«Nous ne nions pas que le viol pe ut constituer le génocide car auc un doute ne subsiste que le viol
est une atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de la personne» 47, atteinte sanctionnée, on le
sait, au titre de l’articleII, alinéa b) de la convention sur le génocide. Le défendeur reconnaît
également que le viol peut constituer une mesure visant à soumettre les membres du groupe à des
conditions devant entraîner sa destruction en termes non équivoques et je cite à nouveau les propos
e
de M Fauveau-Ivanovic: «[n]ous ne nions pas que le viol est également un acte criminel
susceptible de soumettre intentionnellement un groupe à des conditions d’existence devant
46Contre-mémoire, par. 1.3.4.2.
47
CR 2006/20, p. 28, par. 27 (Fauveau-Ivanovic). - 21 -
entraîner sa destruction ph ysique totale ou partielle» 48, atteinte sanctionnée, on le sait, au titre de
l’article II, alinéa c) de la convention sur le génocide.
25. Madame le président, Messieurs les juges, je pourrais m’arrêter là car la Bosnie a
maintes fois souligné qu’il suffit que les acte s prohibés entrent dans une seule des catégories
d’actes énumérés à l’article II de la convention su r le génocide pour qu’il puissent servir de base à
une reconnaissance de l’existenc e d’un génocide. Mais la Bosnie avait voulu montrer, et veut
toujours montrer, que si évidemment tous les viol s entraient dans les deux catégories qui viennent
d’être mentionnées, les circonstances de la commission de certains d’entre eux étaient tellement
particulières, tellement perverses, qu’elles entraient aussi, selon le cas, dans les trois autres
catégories d’actes mentionnés à l’article II.
26. Curieusement, la défense de la Serbie -et-Monténégro a été extrêmement hétéroclite
concernant l’existence de ces actes matériels puisque trois paragraphes ont été consacrés à la
reconnaissance selon laquelle les ac tes de violences sexuelles comm is en Bosnie constituaient des
49
atteintes graves à l’intégrité physique et mentale , un paragraphe à la reconnaissance selon laquelle
les actes de violences sexuelles commis en Bosnie étaient susceptibles de soumettre
intentionnellement un groupe à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique
50
totale ou partielle , alors qu’aucun développement, pas un seul paragraphe n’a été consacré aux
nombreux cas où les violences sexuelles se sont trouvées indissolublement liées à la mort, aux
meurtres de membres du groupe visé, point donc sur lequel je ne reviendrai pas. A l’inverse, de
longs développements ont été consacrés aux deux ca tégories restantes, qui sont, d’un point de vue
quantitatif plus marginales, même si ces actes en disent long sur l’intention génocidaire
sous-jacente: c’est ainsi que la Serbie a consacré sept paragraphes pour tenter de réfuter que les
actes de viols puissent aussi être analysés comme des mesures visant à entraver les naissances au
sein du groupe, ce qui peut tout de même sembler aller de soi, puis encore quatre paragraphes pour
nier que, dans les circonstances particulières où ils ont été commis, certains actes de viol ont
constitué des viols procréatifs. Compte te nu de l’insistance des développements de la
48CR 2006/20, p. 28, par. 30 (Fauveau-Ivanovic).
49Ibid., par. 27-29 (Fauveau-Ivanovic).
50
Ibid., par. 30 (Fauveau-Ivanovic). - 22 -
Serbie-et-Monténégro sur ces deux points et su rtout du caractère extrêmement contestable de
certaines des affirmations proférées, je suis contrainte de consacrer quelques instants à réfuter ce
que vous avez dû entendre.
Les viols et violences sexuelles peuvent être considérés comme des mesures visant à entraver
les naissances au sein du groupe
27. Je voudrais ici revenir à une allégation que lque peu surprenante du défendeur. Celui-ci
conteste en effet que le viol et les violences sexuelles puis sent constituer une «mesure visant à
entraver les naissances au sein du groupe», affirmation envisagée comme vous le savez à
51
l’article II 2), qu’il considère comme «complètement infondée» . La Serbie-et-Monténégro se
livre pour démontrer ce caractère soi-disant non fondé à une lecture totalement erronée et sollicitée
de ce que j’avais dit dans ma plaidoirie du 2 mars, dans laquelle je m’étais référée à l’arrêt rendu
par le TPIR dans l’affaire Akayesu. Dans cet arrêt, le Tribunal a considéré que les «mesures visant
à entraver les naissances au sein du groupe » englobaient «les mutilations sexuelles, les
stérilisations et les contracepti ons forcées, la séparation des hommes et des femmes et la
52
prohibition des mariages» . Contrairement à ce qu’a prétendu curieusement le défendeur, j’avais
expressis verbis rapporté ces mesures dans ma plaidoirie orale 53. Mais le défendeur affirme ensuite
que ce jugement ne mentionne pas, en tout état de cause, le viol au titre des mesures visant à
entraver les naissances au sein du groupe. Puis que le défendeur n’a apparemment pas pris la peine
de lire le jugement Akayesu avant de procéder à une contestation de mes arguments, qu’il me soit
permis, Madame le président, Messieurs les juge s, de relire entièrement le paragraphe 508 de
l’arrêt rendu par le TPIR dans l’affaire Akayesu :
«la Chambre note que les mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
peuvent être d’ordre physique, mais aussi d’ordre mental. A titre d’exemple, le viol
peut être une mesure visant à entraver les naissances lorsque la personne violée refuse
subséquemment de procréer, de même qu e les membres d’un groupe peuvent ê54e
amenés par menaces ou traumatismes infligés à ne plus procréer.»
51CR 2006/20, p. 31, par. 41 (Fauveau-Ivanovic).
52 o
TPIR, Le procureur c. Jean-Paul Akayesu, affaire n ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, jugement,
2 septembre 1998, par. 507.
53
CR 2006/7, p. 19, par 61 (Stern).
54TPIR, Le procureur c. Jean-Paul Akayesu, affaire n ICTR-96-4-T, Chambre de première instance I, jugement,
2 septembre 1998, par. 507-508. - 23 -
Il n’est pas besoin de s’attarder davantage sur l’allégation du défendeur qu’une lecture élémentaire
du jugement Akayesu réfute en des termes on ne peut plus explicites. Mais persistant dans son
absence de lecture ⎯tant du jugement que du compte rendu de mes propos tenus lors de la
plaidoirie orale ⎯, le conseil de la Serbie-et-Monténégro fait ensuite mine de ne pas vouloir entrer
dans le débat consistant à déterminer si le vi ol et les violences sexuelles peuvent constituer une
mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe, débat qui, de manière incompréhensible,
55
lui «semble trop indigne, trop dégradant pour toutes les victimes de viol» . Madame le président,
Messieurs les juges, il me semble que c’est de ne pas reconnaître ipso facto et ipso jure que les
viols peuvent constituer une mesure visant à entraver les naissances au sein du groupe qui est
indigne et qui est dégradant pour les victimes qui ont subi de tels actes. N’oublions pas, en effet,
les traumatismes psychologiques que de tels actes engendrent chez les victimes en ce qui concerne
la reprise d’une activité sexuelle normale ou encore les séquelles physiques irrémédiables, pouvant
aller jusqu’à la stérilité, qui altèrent indéniablement le processus normal de procréation au sein du
groupe.
Certains viols et violences sexuelles, compte tenu des circonstances de leur commission,
peuvent être considérés comme des mesures visant à assurer le transfert forcé d’enfants
d’un groupe à un autre groupe
28. La Serbie-et-Monténégro réfute cette idée selon laquelle certains viols et violences
sexuelles ⎯ nous n’avons jamais dit tous les viols et violences sexuelles ⎯ puissent s’inscrire dans
le cadre des mesures visant à assurer le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe, par
l’entremise de ce que nous avons appelé les «viols procréatifs». Donnons acte à
e
M Fauveau-Ivanovic de ce qu’elle a bien voulu r econnaître, au nom de la Serbie-et-Monténégro
que «[l]e viol suivi de la grossesse est un vi ol prolongé, un viol provoquant un traumatisme
56
complémentaire, une souffrance de plus, une blessure de plus, une cicatrice de plus» . Mais cette
souffrance de plus, cette blessure de plus, elle re fuse qu’elle puisse être prise en compte. Elle
s’élève également de façon véhémente contre l’ utilisation de l’expressi on de «bébés tchetniks»
considérant qu’il s’agit là d’un «terme particulièrement inapproprié pour les nouveau-nés» 57. Je
55CR/2006/20, p. 31, par. 41 (Fauveau-Ivanovic).
56Ibid., p. 33, par. 49 (Fauveau-Ivanovic).
57
Ibid., p. 32, par. 47 (Fauveau-Ivanovic). - 24 -
noterai simplement que c’est un terme qui a été utilisé à plusieurs reprises par la Commission
d’experts des NationsUnies ainsi que par le juge Riad, membre du TPIY, lors d’un interrogatoire
devant le Tribunal dans les affaires Karadzic et Mladic 58. En vérité, on ne peut nier le fait que
certains viols ont été commis en vue d’engendrer des procréations forcées, l’intention expressément
affichée par leurs auteurs, serbes, de donn er une lignée nouvelle à l’enfant à naître ⎯ leurs propos
faisant valoir que les femmes musulmanes donne raient ainsi naissance à des «bébés serbes» ⎯
ayant été clairement mis en relief dans un certain nombre d’affaires devant le TPIY, et notamment
59 60
dans les affaires Kunarac et Brdjanin . Il va également sans dire que la procréation forcée
imposée à une femme musulmane par un auteur serb e correspond indéniablement à un transfert
forcé d’un enfant d’un groupe à un autre, si l’on suit et si l’on reconnaît, comme l’a fait le TPIY
dans l’affaire Krstic à propos de la société des Musulmans de Srebrenica 61, le caractère patriarcal
de la société des Musulmans de Bosnie-Herzégov ine, dans la mesure alors où l’ascendance
paternelle est, dans ce cadre, seule prise en considération pour fonder celle de l’enfant à naître. La
Serbie-et-Monténégro a contesté, dans sa duplique, que les viols procréatifs puissent être envisagés
sous l’angle de la notion de transfert d’enfant d’un groupe (celui des Musulmans de
Bosnie-Herzégovine) à un autre groupe (celui des Serbes), en faisant valoir que «les enfants nés
dans ces circonstances … ne sauraient en aucun cas être des «bébés serbes»» 62. Ce que je voudrais
dire ici, c’est qu’il importe de relever qu’au-delà des réalités médicales ou scientifiques, qu’au-delà
du débat relatif à la transmission identitaire qui ne relève pas de la compétence des juristes,
qu’au-delà même du sort réservé à ces enfants, c’est l’intention génocidaire proclamée, celle visant
à assurer une modification de la composition ethnique du groupe visé, celle visant à transmettre
une lignée nouvelle à l’enfant à naître, qui impo rte véritablement au-delà de sa réalisation
effective. Il faut donc, à mon avis, reconnaître que le s procréations forcées peuvent bel et bien,
58Voir réplique de la Bosnie-Herzégovine, 23 avril 1998, chap. 7, par. 111 et par. 176 et TPLe procureur c.
Karadzic et Mladic, affaires n IT-95-5-R61 et IT-95-18-R16, déposition de Mme Oosterman, 2 juillet 1996, annexe 76,
p. 31 [traduction du Greffe].
59 TPIY, Le procureur c. Dagoljub Kunarac, Radomir Kovac et Zoran Vukovic , affaires nsIT-96-23 et
IT-96-23/1, Chambre de première instance II, jugement, 22 février 2001, par. 583.
60TPIY, Le procureur c. Radoslav Brdjanin , affaire n IT-99-36-T, Chambre de première instance II, jugement,
1 septembre 2004, par. 1011.
61TPIY, Le procureur c. Radislav Krstic, affaire n IT-98-33-A, Chambre d’appel, arrêt, 19 avril 2004, par. 28.
62Duplique, par. 3.3.5.23. - 25 -
dans certains cas, constituer une mesure visant à a ssurer le transfert forcé d’enfants d’un groupe à
un autre.
29. Quoi qu’il en soit, la Bosnie-Herzégovine voudrait faire partager à la Cour son
indignation soulevée par certains propos du défe ndeur qui a cru être en droit de porter une
appréciation sur les valeurs socioculturelles de la société musulmane de Bosnie-Herzégovine. La
Bosnie-Herzégovine avait tenu à souligner les sentiments d’humiliation et de honte ressentis par les
femmes musulmanes violées, sentiments qui, s’ils sont certes communs à toutes les victimes de
viols, revêtent cependant une acuité particuliè re dans la société musulmane, compte tenu de
l’importance qu’elle accorde à l’honneur de la fam ille, honneur de la famille qui est étroitement lié
à la réputation des femmes et à leur chasteté. Malgré les déclarations publiques des hautes
autorités musulmanes de Bosnie-Herzégovine qu i ont cherché à réhabiliter expressément les
femmes violées, la Bosnie avait aussi mentionn é, au regard de l’effondrement des valeurs
traditionnelles induit par ces viols, elle avait mentio nné la difficulté morale et sociale pour ces
femmes d’assumer les enfants issus de ces viols au sein de leur communauté. La
Serbie-et-Monténégro a cru de ce fait pouvoir affi rmer, non sans une extrême impudence, que la
Bosnie-Herzégovine aurait développé une doctrine étrange, qu’elle qualifie même de «théorie
63
abominable», «selon laquelle le métissage ne serait pas admissible» . Il y a là des propos
particulièrement malvenus puisque l’on sait que c’est précisément l’aspe ct multiculturel de la
société de Bosnie-Herzégovine qui a été attaqué par la politique de nettoyage ethnique poursuivie
par la Serbie-et-Monténégro dans ce pays. La Bo snie tient donc à faire partager à la Cour son
indignation devant une telle assertion formulée au sein de votre prétoire, qui, en relation avec le
contexte si traumatisant des grossesses forcées, s’avère indécente pour les femmes qui ont formulé
le douloureux et courageux choix de garder ces enfants. Madame le président, Messieurs les juges,
ce n’est pas d’un enfant de l’amour, d’un enfant né d’une relation amoureuse et sexuelle librement
consentie entre un homme et une femme qui s’aiment, issus d’ethnies ou de nationalités différentes
dont il est ici question, comme la Serbie-et-Montén égro voudrait vous le faire croire, c’est de la
naissance d’un enfant non désiré, issu d’une rela tion sexuelle non consentie, d’une procréation
63CR 2006/20, p. 32, par. 49 (Fauveau-Ivanovic). - 26 -
forcée, dont il s’agit. En faisant valoir finale ment, dans un étonnant élan d’altruisme dont je ne
peux croire la sincérité ⎯ surtout si l’on se souvient des assertions de la duplique que j’ai rappelées
selon lesquelles il ne s’agissait pas là d’enfants serbes ⎯ que la «communauté serbe aurait accepté
64
un bébé, dont l’un des parents serait un non-Serbe, peu importe sa nationalité» , la
Serbie-et-Monténégro envisage la conception de ces enfants issus d’un viol sous la seule
dénomination de «métissage», faisant ainsi bien peu de cas du traumatisme et de la douleur
auxquels les femmes musulmanes de Bosnie-Herzégovine violées et ayant subi des grossesses
forcées, ont dû faire face.
30. Au-delà des prétentions du défendeur visa nt à contester que les viols ne peuvent en
aucun cas constituer ni une mesure visant à entraver les naissances, ni une mesure visant à assurer
le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un au tre, la Bosnie-Herzégovine prend cependant acte
⎯on peut même dire reprend acte puisque je l’ai déjà mentionné en début de plaidoirie ⎯ avec
satisfaction, de ce que la Serbie-et-Monténégro admet ⎯ enfin ⎯ qu’ils portent en tout état de
cause atteinte à l’intégrité mentale et physique des membres du groupe et qu’ils les soumettent
également à des conditions d’existence devant entraî ner la destruction physique du groupe, l’acte
matériel de génocide est ainsi de fait considéré comme constitué par le défendeur lui-même.
31. Il est cependant encore nécessaire que les actes constitutifs de génocide aient été commis
dans l’intention de détruire un groupe national, et hnique, racial ou religieux, en tout ou en partie,
comme tel, cette intention constituant la caractér istique intrinsèque du crime de génocide, dont
l’existence se trouve cependant contestée par le défendeur.
L’intention génocidaire est présente derrière les viols et les violences sexuelles commis à
l’encontre des membres du groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine
32. Après avoir tenté de disqualifier les viols et violences sexuelles en tant qu’actes matériels
pouvant être constitutifs de génocide, la Serbie-et-Monténégro poursuit sa tentative de
disqualification en alléguant qu’il n’y a aucune in tention génocidaire derrière toutes les atrocités
qui se sont produites. Elle conteste l’existenc e de cette intention génocidaire, en des termes
extrêmement vagues ⎯et je cite ⎯ «il faut encore que quelqu’un ait voulu, que quelqu’un ait
64CR 2006/20, p. 33, par. 50 (Fauveau-Ivanovic). - 27 -
planifié une politique qui ferait du viol une arme destinée à détruire un groupe national, ethnique,
65
racial, religieux» , ajoutant que la Bosnie-Herzégovine n’aurait pas «prouv[é] qu’une telle
politique existait» 66. Il nous faut ainsi revenir Madame le président, Messieurs les juges, sur les
longs développements que la Bosnie -Herzégovine a déjà consacrés à l’intention génocidaire dans
sa précédente intervention orale, comme d’ailleurs dans ses écritures.
33. En affirmant que cette intention ne peut êt re caractérisée que si elle est établie par une
politique ou une planification affichée expressis verbis, l’argument du défendeur apparaît pour le
moins anachronique. La Bosnie se doit en effet de rappeler que l’existence d’un plan, d’une
politique annonçant clairement, à la manière d’Hitler, la volonté au plus haut niveau de détruire un
groupe déterminé, que cette politique constitue un élément qui facilite l’apport de la preuve de
l’intention, cependant l’existence d’un plan ou d’une politique ne constitue nullement un élément
67
juridique constitutif du crime de génocide .
34. C’est ainsi en raison de la difficulté de voir les auteurs d’un crime de génocide exprimer
68
de manière explicite l’intention qui les habite que la jurisprudence constante et abondante,
émanant tant du TPIY que du TPIR, délibérémen t omise d’ailleurs par la Serbie-et-Monténégro
⎯je dois le noter ⎯, reconnaît que cette intention, facteur d’ordre psychologique par excellence,
peut et doit être considérée comme avérée dès lors qu’existe un faisceau d’indices concordants ou
65CR 2006/20, p. 28, par. 26 (Fauveau-Ivanovic).
66Ibid.
67TPIY, Le procureur c. Goran Jelisic, affaire n IT-95-10-A, Chambre d’appel, arrêt, 5 juillet 2001, par. 48; Le
procureur c. Dusko Sikirica, Damir Dosen, Dragan Kolundzija (Sikirica et consorts) , affaire n IT-95-8, Chambre de
première instance III, jugement relatif aux requêtes aux fins d’acquittement présentées par la défense, 3 septembre 2001,
o
par. 89; Le procureur c. Vidoje Blagojevic , Dragan Jokic , affaire n IT-02-60-T, Chambre de première instance I,
jugement, 17 janvier 2005, par.656. Pour le TPIR, voir notament Le procureur c. Clément Kayishema et
Obed Ruzindana, ICTR-95-1, Chambre de première instance II, jugement, 21 mai 1999, par. 94.
68
TPIY, Le procereur c. Juvénal Kajelijeli , affaire n°ICTR-98-44A-T, Chambre de première instance II,
jugement et sentence, 1 décembre 2003, par. 806. - 28 -
un effet conjugué de différents éléments qui pe rmet de caractériser clairement, de manière
69
inductive, cette intention génocidaire .
35. Parmi ces éléments, on peut mentionner :
⎯ le contexte général de la perpétration desdits actes;
⎯ l’ampleur ou l’échelle des atrocités commises;
⎯ leur caractère général, dans une région ou dans un pays;
⎯ leur caractère systématique;
70
⎯ la gravité des blessures physiques subies par les victimes ;
⎯ le fait de choisir délibérément et systématiquement les victimes en raison de leur appartenance
à un groupe particulier;
⎯ la récurrence d’actes destructifs et discriminatoires;
⎯ la perpétration d’actes portant atteinte au fondement du groupe;
⎯ «la perpétration d’autres actes répréhensibles systématiquement dirigés contre le même
groupe» 71.
36. Si chacun des éléments susmentionnés, pris isolément, ne permet certainement pas de
caractériser, en lui-même et à lui seul, l’intention génocidaire, l’effet conjugué de tous ces éléments
permet en revanche indéniablement de rapporter la preuve de l’intention génocidaire.
69TPIY, voir notament Le procureur c. Radovan Karadzic et Ratko Mladic , affaires n osIT-95-5-R61 et
IT-95-18-R61, examen de l’acte d’accusation dans le cadre de loarticle 61 du Règlement de procédure et de preuve,
11 juillet 1996, par. 94-95; Le procureur c. Goran Jelisic, affaire n IT-95-10, Chambre de première instance I, jugement,
14 décembre 1999, par.73; Le procureur c. Dusko Sikirica, Damir Dosen, Dragan Kolundzija (Sikirica et consorts) ,
affaire n IT-95-8, Chambre de première inst ance III, jugement relatif aux demandes d’acquittement présentées par la
o
défense, 3 septembre 2001, par. 61; Le procureur c. Goran Jolisic, affaire n IT-95-10-A, Chambre d’appel, arrêt, 5 juillet
2001, par.47; Le procureur c. Radislav Krstic , affaire n IT-98-33, Chambre de première instance I, jugement, 2août
2001, par.572; Le procureur c. Milomir Stakic , affaire n IT-97-24-T, Chambre de première instance II, jugement,
31juillet 2003, par.526; Le procureur c. Radislav Krstic , affaire n IT-98-33-A, Chambre d’appel, arrêt, 19 avril 2004,
o
par. 34. Pour le TPIR, voir Le procureur c. Jean-Paul Akayesu, affaire n ICTR-96-4-T, Chambre de première instaoce I,
jugement, 2septembre 1998, par.523; Le procureur c. Clément Kayishema et Obed Ruzindana , affaire n ICTR-95-1,
Chambre de première instance II, jugement, 21 mai 1999, par.93; Le procureur c. GeorgesAndersen Nderubumwe
Rutaganda, affaire n ICTR-96-3-T, Chambre de première instance I, jugement, 6 décembre 1999, par. 525; Le procureur
o
c. Alfred Musema , affaire n ICTR-96-13, Chambre de premiore instance I, jugement et sentence, 27 janvier 2000,
par. 166-167; Le procureur c. Laurent Semanza, affaire n ICTR-97-20-T, Chambre de première instance III, jugement et
sentence, 15 mai 2003, par.313; Le procureur c. Juvénal Kajelijeli, affaire n o ICTR-98-44A-T, Chambre de première
instance II, jugement et sentence, 1 erdécembre 2003, par.804-806; Le procureur c. Sylvestre Gacumbitsi , affaire
o
n IR-2001-64-T, Chambre de première instance III, jugement, 17 juin 2004, par. 252.
70
TPIY, Le procuerur c. Juvénal Kajelijeli , affaire n°ICTR-98-44A-T, Chambre de première instance II,
jugement et sentence, 1 décembre 2003, par. 805.
71 o
TPIY, Le procureur c. Goran Jelisic , affaire n IT-95-10, Chambre de première instance I, jugement,
14 décembre 1999, par. 47; Le procureur c. Radislav Krstic, affaire n IT-98-33-A, Chambre d’appel, arrêt, 19 avril 2004,
par. 33. - 29 -
37. Le fait que les viols et violences sexue lles ont été commis à grande échelle, de manière
généralisée et systématique, non pas même dans une région déterminée mais sur tout le territoire de
la Bosnie-Herzégovine, avec une intention discrimi natoire manifeste, principalement à l’égard des
femmes et des hommes du groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, tel que l’a rapporté le
TPIY, le fait que ces viols et violences sexuelles ont causé de graves blessures physiques,
peuvent-ils raisonnablement être contestés? Les viols et violences sexuelles qui ont
principalement été commis à l’encontre des femmes, soubassement symbolique du groupe des
Musulmans de Bosnie en tant que vecteurs de vi e, peuvent-ils être qualifiés autrement que comme
portant atteinte au fondement même du groupe ?
38. Et que l’on prenne encore la peine, Mada me le président, Messieurs les juges, comme la
jurisprudence nous y invite, à situer les viols et violences sexuelles dans le contexte général dans
lequel ils ont été commis au regard notamment de «la perpétration d’autres actes répréhensibles
72
systématiquement dirigés contre le même groupe» . Il va sans dire que les viols et violences
sexuelles commis dans ce cadre constituaient in déniablement l’un des éléments-clés en tant que
moyen de terreur utilisé par les forces serbes po ur conquérir une suprématie totale face aux
Musulmans. La politique de violences sexuelles était une dimension intrinsèque de la politique
générale de nettoyage ethnique génocidaire. Commis sur tout le territoire de la Bosnie, les viols et
violences sexuelles ont répondu à une organisation similaire. Cette utilisation du viol en tant
qu’arme de nettoyage ethnique a été particulièreme nt bien mise en lumière dans le quatrième
rapport Mazowiecki, dont je vous lis un extrait particulièrement significatif :
«le viol est une des méthodes qui a été utilis ée pour terroriser les populations civiles
dans les villages et forcer des groupes et hniques à partir…des unités paramilitaires
serbes pénètrent en général dans un villa ge où ils violent plusieurs femmes en
présence d’autres pour que la nouvelle se ré pande dans le village et créer ainsi un
climat de terreur. Plusieurs jours plus tard, des officiers de l’armée populaire
yougoslave arrivent dans le village proposan t à la population non serbe de quitter le
village.» 73
72 o
TPIY, Le procureur c. Goran Jelisic , affaire n IT-9o-10, Chambre de première instance I, jugement,
14 décembre 1999, par. 47; Le procureur c. Radislav Krstic, affaire n IT-98-33-A, Chambre d’appel, arrêt, 19 avril 2004,
par. 33.
73NationsUnies, «Situation des droits de l’homme dans le territoire de l’ex-Yougoslavie», rapport soumis par
M.Tadeusz Mazowiecki, rapporteur spécial de la Commission des droits de l’homme, doc.E/CN.4/1993/50,
10 février 1993, annexe II, par. 48, p. 74-75. - 30 -
39. Au regard des considérations qui précèdent, il apparaît impossible de nier que les viols et
violences sexuelles commis contre le groupe des Musulmans de Bosnie ont bel et bien été commis
avec une intention génocidaire.
40. Qu’il me soit permis, avant de conclure, de revenir encore sur un point essentiel déjà
abordé dans notre précédente pl aidoirie. On sait que le TPIY a déjà condamné de nombreux
auteurs, de nationalité serbe, pour les viols et violences sexuelles co mmis à l’encontre des
Musulmans de Bosnie-Herzégovine, et qu’il n’a jusq u’à présent envisagé ces actes «que» sous la
qualification de crimes contre l’humanité.
41. Un premier point sur lequel je souhaiterais d’abord insister à nouveau est la très grande
proximité factuelle et juridique entre le crime co ntre l’humanité/persécution et le génocide. Un
e
conseil de la Serb ie-et-Monténégro, M Fauveau-Ivanovic, tout en reconnaissant leur proximité,
insiste plutôt sur la distinction entre les deux, qu e la Bosnie-Herzégovine bien sûr n’a jamais niée,
en citant un extrait de l’arrêt Kupreskic rendu par le TPIY, que je relis également, car il est
extrêmement éclairant :
«[c]e qui compte dans les deux cas, c’est l’intention discriminatoire : pour attaquer des
personnes à cause de leurs caractéristiques ethniques, raciales ou religieuses. Alors
que dans le cas de la persécution, l’inte ntion discriminatoire pe ut revêtir diverses
formes inhumaines…l’intention requise pour le génocide doit s’accompagner de
celle de détruire, en tout ou en partie, le groupe auquel les victimes appartiennent.» 74
L’intention discriminatoire était incontestablement présente, je pense vous en avoir convaincu, elle
a été reconnue encore et encore par les jugements et décisions du TPIY, le groupe des Musulmans a
été détruit en partie, avec des schémas très cohé rents et répétitifs: peut-o n encore prétendre que
l’intention génocidaire n’est pas prés ente? Il y a en effet une cons tatation de droit, irréfutable,
c’est l’existence de l’intention discriminatoire; s’y ajoute une constatation de fait, tout aussi
irréfutable, c’est la destruction en partie du groupe visé par la politique discriminatoire, c’est-à-dire
du groupe des non-Serbes et particulièrement des Musulmans de Bosnie-Herzégovine. Il
m’apparaît que l’intention génocidaire surgit ir rémédiablement du rapprochement de ces deux
constatations.
74 o
TPIY, Le procureur c. Zoran Kupresic et consorts , affaire n IT-95-16-T, Chambre de première instanceII,
jugement, 14 janvier 2000, par. 621. - 31 -
42. Faut-il rappeler ce qu’a dit le TPIY, dans l’examen des actes d’accusation contre Mladic
et Karadzic dans le cadre de l’article 61, qui met les violences sexuelles, qu’elles aient été
commises en dehors des camps lors d’attaques de villages ou à l’intérieur des camps, au cŒur de la
politique génocidaire :
«[l]es caractéristiques de toutes les violences sexuelles permettent d’affirmer qu’elles
faisaient partie d’une politique généralisée de nettoyage ethnique : les victimes étaient
principalement des civils «non serbes», très majoritairement des Musulmans; les
violences sexuelles ont été pratiquées … de façon systématique et selon des méthodes
récurrentes …; elles ont été accomplies en concomitance avec un effort pour déplacer
les populations civiles et leurs modalités dévo ilent l’intention de renforcer la honte et
l’humiliation des victimes et de la communau té à laquelle elles a ppartiennent afin de
les contraindre au départ; il apparaît qu e l’objectif de nombreux viols était la
fécondation forcée; plusieurs témoignages soulignent en outre que les auteurs de ces
violences ⎯souvent des soldats ⎯ avaient reçu des ordres en ce sens et que les
commandants des camps et les officiers étaient informés de telles violences et y
participaient» .5
43. Un second point concerne la nécessité de l’examen de l’intention génocidaire par votre
Cour sous un angle différent de celui qui est utilis é par les tribunaux internationaux. La difficulté
de preuve de l’intention génocidaire dans les affaires ayant trait à la responsabilité pénale
individuelle s’explique en partie parce que le faisceau d’indices nécessaires à la preuve de
l’intention génocidaire de l’accusé n’est pas né cessairement accessible dans un contexte étroit
d’une affaire individuelle. Il en va tout différ emment devant votre Cour, qui est la seule à avoir
une vision d’ensemble, la seule à pouvoir examin er conjointement les actes des plus hautes
autorités de l’Etat de Serbie-et- Monténégro et les actes de tous les exécutants, qui, chacun à leur
niveau, ont mis consciencieusement, si je puis di re, en Œuvre la politique génocidaire décidée au
plus haut niveau, en étant soit conscient de particip er à l’entreprise génocidaire, soit en tout cas en
ayant connaissance du contexte dans lequel s’inscrivaient leurs actes, même s’ils n’étaient pas
eux-mêmes mus par une intention génocidaire.
44. Il ne faut pas s’y méprendre: le génoc ide est, dans la pleine acception que cette
expression revêt, un crime international qui e ngage non seulement la responsabilité pénale des
individus qui le commettent mais également celle de l’Etat auquel peuvent être attribués les actes
commis par des individus, agissant de jure ou de facto pour son compte. Ce qui est en jeu dans la
75 os
TPIY, Le procureur c. Radovan Karadzic et Ratko Mladic , affaires n IT-95-5-R61 et IT-95-18-R61, examen
de l’acte d’accusation dans le cadre de l’article 61 du Règlement de procédure et de preuve, 11 juillet 1996, par.64,
p. 39-40. - 32 -
présente instance ⎯nous l’avons déjà souligné plusieurs fois ⎯ concerne exclusivement la
responsabilité internationale d’un Etat pour génocide. La nécessité de l’intention ne peut et ne doit,
dans ce cadre, être analysée qu’au plus haut nive au de l’Etat, dans un cadre d’ensemble. Ce n’est
finalement que lorsque l’on a une vision globale des événements qui se sont déroulés en
Bosnie-Herzégovine que l’intention génocidaire appa raît : si les viols et violences sexuelles ont pu
être ainsi envisagés individuellement et isolémen t, sous la «simple» qualification juridique de
crimes contre l’humanité ⎯et ils l’ont été, vous le savez ⎯ cela n’exclut en rien qu’ils puissent
aussi s’inscrire dans la logique du génocide dès qu’on les envisage dans leur ensemble, par leur
ampleur, par leur répétition et par leur accumulation même : ces cr imes contre l’humanité peuvent
constituer un génocide, comme l’a expressément r econnu la Commission du droit international,
dans son commentaire sur la notion d’acte composite qui est inclus dans la déclaration de 2001 sur
la responsabilité des Etats, et je cite la Comm ission: «le fait illicite de génocide est généralement
constitué d’une série de faits qui sont eux-mêmes illicites» 7, tout en n’étant pas le génocide.
Autrement dit, à partir d’un certain seuil, une accumulation de crimes contre l’humanité peut
constituer un génocide.
45. Si l’on a ainsi en vue le schéma d’ensemb le des différents actes et instruments utilisés
par la Serbie-et-Monténégro pour mettre en Œuvre le nettoyage ethnique génocidaire, il est possible
de conclure que, de même que le transfert for cé de populations, de mê me que le meurtre des
membres du groupe des Musulmans de Bosnie, les viols et violences sexuelles ont également été
placés au service de la mise à exécution du netto yage ethnique génocidaire, car ils ont été commis,
à la lumière du faisceau d’indices concordants précédemment établi, dans l’intention de détruire, en
partie, le groupe des Musulmans de Bosnie.
*
* *
76
Commentaire de la CDI sous l’article 15, intitulé «Violation constituée par un fait composite», des articles sur
la responsabilité de l’Etat oour fait internationalement illicite,in J. Crawford, Les articles de la CDI sur la responsabilité
de l’Etat, Paris, Pedone, 2003, n 9, p. 171. - 33 -
46. Madame le président, Messieurs les juges, on voudrait croire que la Serbie ne puisse
encore raisonnablement affirmer ⎯ et je la cite ⎯ que, de manière générale, «dans cette guerre, les
femmes de toutes les nationalités étaient violées et parfois les auteurs des viols étaient de même
77
nationalité que leurs victimes» . Elle fait cette affirmation pour réfuter le fait avéré, qui pourtant
ne fait l’ombre d’un doute, selon lequel les hommes et les femmes musulmans de
Bosnie-Herzégovine ont formé l’immense majorité des victimes de viols commis par les forces et
soldats serbes. Si la finalité à peine voilée de cette allégation vise, on l’aura compris, à se
décharger d’une responsabilité par trop difficile à assumer, elle s’avère tout à fait inacceptable en la
présente espèce. Votre responsabilité, Madame et Messieurs les juges, est également immense et
elle s’avère capitale au regard de cette nouvelle tentative de dé négation des faits, elle s’avère
capitale au regard de la vérité que la Bosnie-Herzégovine vous demande de reconnaître.
47. Je ne peux pas oublier, au-delà de l’honne ur qui m’est donné de représenter devant vous
la Bosnie-Herzégovine, que les plaignants à votre barre ⎯ au nom desquels la Bosnie-Herzégovine
agit ainsi qu’en son nom propre ⎯ ne sont pas, comme le prétend le défendeur, les victimes d’un
groupe anonyme: ce sont les milliers d’hommes et de femmes du groupe des Musulmans de
Bosnie-Herzégovine qui constituent, bien malgré eu x, le symbole tragique de l’humanité tout
entière, atteinte au plus profond de sa dignité et de son intégrité physique et morale.
48. Ce sont ces milliers de femmes et d’hom mes et d’enfants du groupe des Musulmans de
Bosnie-Herzégovine qui vous demandent de porter une réfutation explicite à la thèse de la
Serbie-et-Monténégro qui croit pouvoir dissimuler et disqualifier les viols et violences sexuelles
pourtant massifs et systématiques commis par le s forces serbes à l’encontre du groupe des
Musulmans de Bosnie-Herzégovine en se retranchant derrière le paravent de l’état chaotique
inhérent à tout conflit et des cas isolés de viols et de violences sexuelles qui ont été commis contre
des Serbes. Si l’allégation n’est guère sérieuse, el le est cependant insidieuse en ce qu’elle vise à
78
occulter qu’«ainsi que la vertu, le crime a ses degrés» .
49. Au terme de cette plaidoirie, la Bosnie demande ainsi à votre Cour de reconnaître la
nature juridique particulière, historiquement sans précédent, qu’a revêtu la criminalité sexuelle
77CR 2006/20, p. 31, par. 43 (Fauveau-Ivanovic).
78
Racine, Phèdre, acte IV, scène II. - 34 -
massive et systématique déployée par les forces serbes sur tout le territoire de la Bosnie à
l’encontre du groupe des Musulmans de Bosnie-Her zégovine. Le droit ne peut pas et ne doit pas
79
répugner à désigner les crimes commis par le nom qu’ils méritent , et à désigner l’Etat qui en est
responsable, lorsque les conditions sont remplies.
50. Après avoir démontré à la Cour que les vi ols et les violences sexuelles s’inscrivaient
dans toutes les catégories d’actes matériels constit utifs de génocide, énumér és à l’articleII de la
convention sur le génocide, après que la Serbie -et-Monténégro ait d’ailleurs elle-même reconnu
que les viols et violences sexuelles pouvaient être envisagés sous l’angle de deux des catégories
énumérées à l’article II de la c onvention, la Bosnie-Herzégovine demande à votre Cour d’affirmer
clairement que ces viols et violences sexuelles ont été commis avec une intention génocidaire, telle
qu’elle peut sans conteste et sans difficultés êt re inférée des circonstances factuelles de la cause,
dès lors que l’on a une vision d’ensemble des événements qui se sont produits en Bosnie, comme la
Cour est seule en mesure, à présent, de l’avoir.
51. Cette vision d’ensemble, telle que vous l’a présentée la Bosnie-Herzégovine, à la suite
des conclusions unanimes et réitérées des nombreux rapports internationaux pertinents et du TPIY,
est donc celle du caractère massif des viols et de s violences sexuelles commis à l’encontre du
groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine par le s forces et soldats serbes, selon un schéma
identique, sur tout le territoire de la Bosnie. Ces viols et ces violences sexuelles ont en eux-mêmes
constitué, selon les termes employés par le Secrétaire général de l’ONU, une «politique
systématique complémentaire ou constitutive d’une politique plus vaste qui vis[ait] délibérément à
80
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel» . La
Bosnie-Herzégovine demande à votre Cour donc de reconnaître expressément que les viols et
violences sexuelles commis contre le groupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, ont constitué,
dès lors qu’on les situe dans le contexte dans lequ el ils ont été perpétrés, un rouage essentiel, une
partie intégrante de la mise en Œuvre de la politique de nettoyag e ethnique génocidaire dont la
finalité ultime était de détruire, en partie, le gr oupe des Musulmans de Bosnie-Herzégovine, qui se
79TPIY, Le procureur c. Radislav Krstic, affaire n IT-98-33-A, Chambre d’appel, arrêt, 19 avril 2004, par. 37.
80
Lettre datée du 9 décembre 1994, adressée au président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général,
Nations Unies, doc. S/1994/1405 (1994), 9 décembre 1994, par. 145. - 35 -
trouvait sur le territoire convoité par les forces serbes, génocide dont la responsabilité incombe à la
Serbie-et-Monténégro.
52. Cette reconnaissance officielle des pratiques de génocide qui ont eu lieu par l’entremise
des viols et des violences sexue lles commis par les forces serbes à l’encontre du groupe des
Musulmans de Bosnie-Herzégovine est seule à même de permettre, au-delà de toutes les victimes
de cette politique de nettoyage ethnique génocidaire qui ne sont plus là pour témoigner, qui ne sont
plus là pour nous entendre, que celles qui sont encore en vie, et notamment celles qui ont été
victimes de viols et de violences sexuelles, ne cèdent pas, faute de reconnaissance par votre Cour
des atrocités qu’elles ont subies, à la honte de surv ivre. Il va sans dire, Madame le président,
Messieurs les juges, que seule ce tte reconnaissance permettra aux vi ctimes ainsi réhabilitées de
s’acheminer dans la voie d’un processus plus larg e de réconciliation. Je vous remercie de votre
attention. Peut-être si la Cour pense que c’est opportun, ce serait un bon moment pour faire une
pause, sinon le prochain orateur est M. Thomas Franck.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Stern. I think we will hear, if he is ready,
Professor Franck.
Mr. FRANCK: Madam President, Members of the Court, it is my role this morning to revisit
the issue of inferring genocide from acts when those acts are seen to establish a clear pattern.
INFERRING GENOCIDAL INTENT
Genocidal intent may be inferred from acts when these establish a clear pattern
1. I am responding to Maître de Roux, who gave us his views regarding the evidence of
intent necessary for a determination of genocide.
2. He and we have no differences regarding the definition of genocide. We fully agree that it
is necessary to demonstrate a specific intent on th e part of the perpetrator. We strongly disagree,
however, as to whether this Court may deduce a spec ific intent to destroy a group in whole or in
part from a systematic pattern of conduct. The issue is obviously one of great importance to this
case and to the future interpretation of the Genocide Convention. Maître de Roux would have you
rule that genocidal intent must be proven specifically ⎯ for example, by writings such as the - 36 -
minutes of the Wannsee Conference at which senior Nazi officials mapped out the final destruction
of European Jewry. We do have evidence that directly confirms the genocidal intent of senior Serb
officials, but we think it is important that the right lesson be derived from this particular aspect of
the case. An overwhelming pattern of circumstantial evidence of intent is highly persuasive
evidence when it has not been rebutted. It would be terrible if what people learned from this case
were to be that genocide is OK as long as you make sure not to leave a paper trail.
3. No. When the perpetrators’ actions speak for themselves, neither the withholding nor the
destruction of documents, nor, even, their abjuri ng of literary proclivities, can save those who did
the deeds. Their silence cannot save them from an imputation of their motives; for their actions
speak. When the Court is presented, over and over, with undeniable evidence that Muslims were
singled out for killing and torture, if they were me n, and for rape and tortur e if they were women,
and that those who were not killed were driven fr om their homes, that th ey were incarcerated in
inhuman circumstances, that their places of worship were destroyed, their libraries and cultural
institutions vandalized: then, Madam President, ho nourable Members of th e Court, an inference
regarding intent is simply inescapable. We do not, as Maître de Roux suggests (CR 2006/20, p. 20,
para.341), ask you to make this inference from “t he fact that murders and rapes took place in
Bosnia” but, rather, from the fact that these took place in a systematic pattern, over and over, in one
place after another, and always against the same people defined by their association with a
religious, ethnic group.
4. This cannot have been the result of random acts of mayhem. This was not the ordinary
barbarity of warfare. This was very different. It was a deliberate policy of obliterating as much of
a group as was necessary to cause the rest to flee and to make possible the cleansing of
approximately 60percent of Bosnia for inhabita tion only by Serbs. The facts established by the
ICTY ⎯ whether in individual cases actually turning on a charge of genocide, or in cases in which
an individual was charged with committing crimes against humanity and war crimes ⎯ these many
facts, all found beyond a reasonable doubt, when th ey are pieced together, clearly demonstrate a
pattern of killings, torture, rape and the destruct ion of religious and cultura l property which, when
taken as a whole, indicate an intent to effect et hnic cleansing, by whatever means necessary. That
pattern of cleansing was deliberate. And it adds up to a deliberate genocide, for it shows a - 37 -
deliberate intent to destroy in whole or in part the religious and ethnic communities of non-Serb
Bosnians. As the Appeals Chamber said in Krstic after examining the massacre at Srebrenica “the
law condemns, in appropriate terms, the deep and lasting injury inflicted, and calls [it] by its proper
81
name: genocide” .
In matters of genocide, States may be presumed to intend the consequences
of their deliberate acts
5. Maître de Roux has told us that, while indi viduals usually may be presumed to intend the
natural consequences of their acts ( id., pp.19-20, para.336) no such presumption may be made
when a crime requires a showing of “special intent.” Moreover, when the wrong alleged is
genocide, he has further told us, the requisite intent “to destroy in whole or in part” an ethnic or
religious group may not be presumed from the act itself (ibid.). We do not disagree, in so far as
Maître deRoux’s comments are directed only to criminal trials of individuals. Let us be clear on
this point. We do not contend that the killing or to rture of any one, or even of several Muslims by
one Serb is necessarily an act from which a Court may deduce a genocidal intent, although there
are acts and circumstances in which such an inference might well be appropriate. In respect of
criminal trials of individuals, we likewise have not argued that a court must presume that a person
who rapes a Muslim woman necessarily intended the natural consequence of that act: for example,
that, by that act, he deliberately intended to dest roy a victim’s ability to have children. Absent
collateral evidence of the perpetrator’s “special intent”, Madam President, acts by a single
miscreant, indeed, may “merely” demonstrate that he committed a crime against humanity or a war
crime. That is precisely why many of the defendants in the ICTY were charged with crimes against
humanity, rather than with genocide. The single act, or the several acts of single perpetrators, these
do not necessarily speak as to their “special intent” to do more than commit the act itself.
6. But, if a court is presented with evidence that very many Serbs raped large numbers of
Muslim women, and that this ⎯ together with the simultaneous and endemic torching of mosques
and cultural institutions, the torture and murder of many leaders of Muslim communities and
Muslim men and boys ⎯ deliberately causing the surviving Muslims to flee from more than half of
8Prosecutor v. Krstic, case No. IT-98-33-A, Judgement, 19 April 2004, para. 37. - 38 -
Bosnia, and that many thousands trying to flee were summarily executed, and that these events
happened in accordance with a well-establishe d plan to create an ethnically purified,
geographically contiguous Greater Serbia ⎯ then what? Now, surely, an inference of genocide is
inevitable. Such an inference is not necessarily appropriate as to some of the individuals who
committed these acts. But it is surely an inferenc e appropriately drawn as to the intent of those
who planned, organized, staffed, and financed th e awful project. Surely, an inference of State
responsibility is not just reasonable, it is unavoidable.
7. Such a reasonable ⎯ indeed, inevitable ⎯ inference would not derive from any one act by
one individual. Not at all. Again, we would like to be as clear as possible. We have not
introduced the fact findings of the ICTY regarding acts committed by any individual in order to
prove the intent of the Respondent in this case. Wh at Krstic or Blagojevic did cannot, in isolation,
prove Belgrade’s genocidal intent. These findings of the ICTY are introduced solely as evidence
that those acts were, indeed, committed; proven to have been committed. Maître de Roux may be
right, that no one act, no matter how thoroughly es tablished as a fact, necessarily demonstrates the
requisite specific intent to support a charge of genocide.
8. But, honourable Members of this Court, you are not hearing a case about the guilt, or the
degree of guilt, of individual perpetrators. Th e conviction of individuals for genocide, crimes
against humanity and war crimes at the ICTY is not subject to review, here, and we have not
introduced them in this case for that purpose. You are deciding a case of State, not of individual,
responsibility. We have introduced evidence of these individuals’ convictions, and the grounds on
which they were convicted at the ICTY, for quite an other reason: we present them as facts which,
when taken together, constitu te a pattern that cannot but be seen by all of us to have occurred
intentionally. That intention is not necessarily, or invariably, deduced from the state of mind of
each person who killed, tortured or raped, but, ra ther, emerges from the pattern of commissions, a
pattern that amounts to an organized campaign in which these individuals played small parts.
9. When, as here, there is an epidemic of acts occurring in a pattern that cannot possibly be
dismissed as simply random, then the deduction becomes inescapable that the overall objective ⎯
to clear out the Muslims one way or another ⎯ was, indeed, intended, not necessarily by each
perpetrator, but surely by the government responsible for creating the conditions for that scourge to - 39 -
occur. When individual acts of persons who commit genocide, or crimes against humanity, or war
crimes congeal into a pattern of wanton destruction of communities, then it becomes unavoidable
to conclude that the instigators ⎯ not necessarily every single perpetrator, but the instigators ⎯ did
really have the specific genocidal intent. That in tent is deducible, not from any one act by any one
person, but from the lethal pattern of acts committed.
10. Maître de Roux correctly points out that crimes committed by individual Serbs may often
have amounted to no more than ⎯ I do apologize for the ghastly characterization ⎯ no more than
ordinary crimes in international law. We agree with him that the “facts may constitute a multitude
of other crimes . . . murders as war crimes, the murders as crimes against humanity . . .” ( id., p. 20,
para. 336). Yes, Maître de Roux, but not when thos e murdered, in one place after another, are all
non-Serbs and all those killing them are Serbs. No t when all those raped in one horrible facility
after another are non-Serbs and those raping them are Serbs. Not when the pattern of killing, torture,
rape and destruction is so graphically clear that it is impossible not to deduce a plan and an intent.
It would be morally blind to profess not to see what is so utterly apparent. The ICTY with
jurisdiction over individual crimes, but not Stat e responsibility, had no reason to discern that
pattern or to name the perpetrator, the mastermind of the pattern, because that mastermind was not
an individual but a State.
11. The ICTY has convicted two persons of co mplicity to commit genocide and others of
war crimes and crimes against humanity. And, indeed, those convicted of complicity to commit
genocide, persons in some command position, were shown to have acted in a criminal enterprise,
the requisite intent of which was the destruction, in whole or in part, of the group to which the
victims belonged. As to others, that specific intent was not proven. But this is irrelevant to us here.
It is not these individuals who are before this Court today. It is a State whose leaders’ intent we are
asked to surmise. It is the responsibility of a State that is in contention. The acts of which various
individuals have been convicted in the ICTY are not, in themselves, the focus of attention in this
Court. Rather, their relevance is simply this: that those individuals’ acts, whether of genocide,
crimes against humanity, or war crimes, when they are all pieced together, become powerful
evidence of the intent of the régime that created the opportunity, that armed and put into position
persons all too willing to commit these crimes, a régime which knew these crimes were being - 40 -
committed and encouraged, or allowed, them to conitnue, enabled and permitted them to happen over
and over, at the hands of persons for whom that régime was responsible.
12. That which the law does not permit with regard to inferring the intent of individuals from
their acts it does permit with respect to the acts of governments. This is as it should be.
Individuals may kill and rape in crimes of passion or dementia, out of anger or lust. Governments,
however, are different. A State that sponsors a pattern of mass killings, torture and rape, cannot
escape responsibility because its régime was insane, or acting on some irresistible impulse. It must
be presumed to have intended the result it achieved, and to be fully responsible for it. That is why
inferences as to State responsibility are perfectly appropriate where such an inference may be
inappropriate with reference to the intent of an in dividual perpetrator. This distinction, however,
has not been made in Maître de Roux’s pleading.
Inferences may be drawn from the non-production of evidence
13. Members of the Court, inferences may be drawn from the non-production of evidence.
Deducing genocidal intent from a pattern of genocidal attacks would not be necessary, or would be
merely confirmatory, if we had carloads of wr itten admissions against interest. When Germany
was occupied, after the Second World War, the allies constituting the Nueremberg Tribunal had the
advantage of full control over what remained of the Nazi German archives. In this case, however,
the Court does not have the benefit of proceeding after a capitulation, when all the files spill open.
Had Belgrade been willing to share with us the unr edacted versions of archival materials to which
we requested access, it might have been possible to produce more strictly formal textual evidence
of the existence and working out of a specific plan and intent.
14. And so, surely, some inferences are appropriately drawn from Serbia’s refusal to make
the requested disclosure. In my earlier pleadings (CR 2006/3, pp.24-27, paras.13-20), I offered
the Court some of the jurisprudence relevant to the drawing of such inferences.
15. But we do not need to rely solely on infere nces from such a blatan t failure to disclose.
We have demonstrated a deadly pattern of acts. It speaks for itself, directly. It speaks of
intentionality: not necessarily of the intent of individual perpetrators, but of the deliberate acts of a - 41 -
State. If this Court ever recognized a situation in which the facts speak for themselves, this war in
Bosnia must surely qualify.
16. Admittedly, such an inference from the facts is only a rebuttable presumption. But what
evidence has the Respondent produced to rebut th e inference? Yes, perh aps the Serb authorities
deserve some credit for preventing the only mosque in Belgrade from being completely destroyed,
after it was fired upon and damaged. But this is, surely, not good enough. The Respondent does
not demonstrate any concerted effort to assume responsibility for the terrible actions being
committed, and to put a stop to them, and to punish the worst perpetrators. Without such evidence,
the inference, so strongly supported by common logic and intuition, must stand.
17. For they were terrible acts, and they con tinued, for years. In the great international
institutions, and in the reporting media, there was general agreement as to who was ultimately
responsible, and who had unleashed the storm, and who could have put a stop to it. We have
reminded you that the General Assembly, th e Security Council and the United Nations
Secretary-General all spoke to the very issue of responsibility that is now, at last, before this Court.
They spoke even while these terrible acts were unfolding. The Assembly used the term “virtual
extermination” to decry what was being done to the Muslim population and it affixed “primary
responsibility” on Bosnian Serbs and “the Yugoslav Army and the political leadership of the
Republic of Serbia”. It held them responsible for the acts “which their agents commit upon the
territory of another State” (id., p. 32, para. 34). That was a conclusion derived from the facts. That
was the charge levelled by the international comm unity against the FRY. Surely, these charges,
too, ought to have called forth the production by Belgrade of exculpatory evidence for presentation
to this Court, evidence of serious efforts by the Belgrade leadership to stop what its forces, and
those acting at its behest, were doing in Bosnia. But we have seen no shred of such redemptive
evidence for the critical period 1992-1995, the time when tens of thousands perished and hundreds
of thousands were driven from their homes in that most ruthless campaign of ethnic cleansing.
Even now, a decade later, there is no evid ence that the Respondents even acknowledge the
enormity of what happened, or are inclined to help make amends.
18. Such direct evidence as we do have ⎯ and we have presented you with a lot ⎯ confirms
the inference that these patterns of acts are the execution of a deliberate intent. To quote once more - 42 -
Co-President Mrs.Plavsic’s carefully framed gu ilty plea to the ICTY: the leaders “knew and
intended that the separation of the ethnic comm unities would include the permanent removal of
ethnic populations, either by agreement or by fo rce and...”. They knew and intended “that any
forcible removal of non-Serbs from Serbian clai med territories would involve a discriminatory
campaign of persecution” (id., p. 36, para. 39). Thus, while the inference of intent is inevitable, it
does not stand by itself. It is supported by the statement of a person who was excellently
positioned to know the motives of her fellow Serb le aders both in Bosnia and in the FRY. At a
very minimum, this evidence shifts the onus of proof to the Respondent. The Respondent has the
obligation to respond. But the Respondent has sought to discharge that obligation not with
evidence of concerted efforts to stop the carn age, but, instead, merely with flat denials
unaccompanied by supporting facts. And they have tried to engage us in the numbers game. After
we provided the Court with an abundance of evidence demons trating the political objectives
developed in Belgrade ⎯ the Greater Serbia scheme, the Six Strategies ⎯, after we have shown
evidence of the FRY’s continued payment of VRS officers’ salaries, of joint military operations
between the VRS and Yugoslav special forces and militias, after we demonstrated the
subordination of the Republika Srpska monetary system and budget to that of Belgrade, are we not
entitled to insist that the onus of proof has shifted to the Respondent? It surely cannot be enough
just to issue flat denials and to quibble as to the precise number of thousands killed, tortured, raped
and expelled.
19. Permit me, honourable Members of the Court, to add a few further words on the
importance of Mrs. Plavsic’s guilty plea, which th e Respondent has dismissed as untrustworthy. I
realize that we are in an area where legal systems may differ. They may disagree as to the weight
they give to a plea-bargain. But I do ask you to no te that Mrs.Plavsic agreed to give herself up.
She received a very heavy sentence of 11 years, especially heavy for a defendant of advanced
years. I also ask you to note that her plea was subject to careful scrutiny by the judges before they
concluded that it was indeed valid. I also ask you to note that Co-President Plavsic was privy to
information very few others possessed or were willing to share. Please note that the Yugoslav
Tribunal was not simply interested in convicting a criminal but was extremely conscious, as is this
Court, of its role in making a definitive historical record. - 43 -
Conclusion: the intent to destroy in whole or in part may be deduced from a pattern of acts
such as those that conduced to the uprooting of an entire community
20. We have presented to you, Members of the Court, the determination of law made by the
criminal tribunals that bear on the definition of genocide. The ICTY and the ICTR, we have
demonstrated (CR 2006/6, pp.29-35), have both concluded that the conduct of individuals
conducing to ethnic cleansing, whether achieved through killing, terror, rape or plunder, constitutes
genocide when the intent is to uproot entire co mmunities and deprive the group of their right to
exist “as such”. So much more evidently, Members of the Court, must it be characterized as
genocide when a State promotes that uprooting and expulsion of the group through a pattern of
deliberate killing, torture and rape. It is not ne cessary to kill everyone, it is enough to make their
existence as a community impossible. There can be no doubting the conclusion of the ICTY that
this was precisely the objective being served by i ndividuals in Bosnia: to clear vast tracts for
occupation only by Serbs. It is up to you, judges of the World Court, to determine and to name the
government at whose behest that genocidal intent was being pursued by those individuals.
21. So we return just once more to the key question: when may intent be deduced from acts.
In the Krstic case the Yugoslav Tribunal concluded that, when such massive crimes are committed
as were there demonstrated, then, “the intent to destroy, in whole or in part, as such, must be
discernible in the criminal act itself” ⎯ it must be discernible in the criminal act itself ( id., p.32,
para.14). Krstic was the commander of large fo rces. If this intent may be discerned from the
wanton acts of an individual in a responsible command position, yet a person who, as
MaîtredeRoux has cautioned us, might also be su sceptible to irrepressible passion or bizarre
whim, then, surely, the genocidal intent of a government may even more logically be discerned
from an endemic pattern of wanton State actions, since one must surely presume a State’s
responsibility for its acts and for their consequences.
22. We have presented you, honourable Members of the Court, with masses of evidence of
acts committed, evidence of who committed those acts, and with what consequences. When we
have finished, we will have shown you evidence di rectly supporting the allegation that those acts
were committed at the behest of Belgrade and with its support and connivance. We have presented,
and will continue to present, evidence that these acts were undertaken not as a random result of
war, but with the specific intent to destroy the no n-Serb communities in that 60 per cent of Bosnia - 44 -
which the Serbs intended for themselves. This obvious pattern of horrific acts inescapably
demonstrates the intent necessary to characterize those acts, collectively, as genocide.
Thank you, Madam President.
The PRESIDENT: Thank you, Professor Franck. The Court will now rise and resume in
15 minutes.
The Court adjourned from 11.45 a.m. to 12 noon
The PRESIDENT: Please be seated. Mr. van den Biesen, you have the floor.
Mr. van den BIESEN:
E THNIC CLEANSING
Numbers
1. Madam President, Members of the Court, Bosnia and Herzegovina has not tried to play a
numbers game in presenting its case before this Co urt. We call it a numbers game because that is
precisely what it is: the numbers for this genocide, as the Respondent has presented them, do not
paint a complete picture or even begin to descri be what happened to the Bosniaks and Bosnian
Croats during those horrific four years. This is for a variety of reasons, all of which are a problem
for professional demographers who remain working on the statistics even today.
2. First of all, the Respondent seems to have the impression that the only thing that counts in
this case is the number of casualties, the number of people actually and effectively killed. This is a
serious mis-appreciation of the true meaning of th e Genocide Convention, which is not only about
killing, but which in ArticleII explicitly also lists other acts including “causing serious bodily or
mental harm to members of the group” and “delib erately inflicting on the group conditions of life
calculated to bring about its physical destruction in whole or in part”. This is precisely why we
present the Court with a complete as possible picture of the ethnic cleansing that took place in
Bosnia and Herzegovina, victimizing the Bosnian Croats and the Bosniaks. - 45 -
3. The Respondent attacks us for “exaggerating” numbers 82. Here, Madam President, the
Respondent seems to be attacking positions which we have, during the first round of our oral
pleadings, clearly put into the perspective of what we know today. We have explained that in our
written pleadings we have consistently used independent sources to support the numbers of victims
which we have presented to the Court. This was an entirely appropriate thing to do and it is visible
for anybody that we have at no time misinterpreted, let alone misused, the sources which we indeed
did use.
4. We have also stated in the first round that we are aware of the reports produced on the
request of the Prosecutor of the ICTY, which repo rts conclude that the numbers, indeed, are lower
than what we mentioned before based on inde pendent sources. Also, we have accepted the
numbers established in those reports as the best, i. e., the most reliable numbers as of today. We
have explicitly stated that “[w]e do not wish . . . to question the validity of these findings” 83. Why?
Because there is a good explanation for the fact that these numbers are lower than assumed earlier.
Apparently, a lot of casualties have been registered several times, which went at first unnoticed
because of misspellings of names and mistakes about other details. By now, these errors have all
been detected and corrected, which, obviously, leads to another number, which number Bosnia and
Herzegovina certainly has accepted.
5. It is not clear at all why the Respondent has chosen to ignore all of this and has spent quite
some time accusing us of overstating the facts. Moreover, it is not at all clear, although I must say,
84
rather annoying, why Mr. Obradovi ć saw it fit to accuse us of “trying to find more death records” ,
while we were not doing anything other than info rming the Court about the reservations made by
the ICTY researchers as to the numbers they foun d, the number of deaths which are explicitly not
included in the totals presented by them.
6. Also, it is not clear why the Respondent, of all people, deemed it appropriate to utter these
types of serious accusations and insinuations, whil e they themselves selected Mr.Sardon as an
independent expert to assist the Court with his professional knowledge. Mr.Sardon, who
82CR 2006/12, pp. 39-40, para. 74 (Mr. Obradović).
83
CR 2006/2, p. 45. para. 59 (Mr. van den Biesen).
84
CR 2006/12, p. 39, para. 74 (Mr. Obradović). - 46 -
himself ⎯ in an academic article published in 2001 ⎯ presented as a fact of general and accepted
knowledge a number of 200,000 to 300,000 people killed in Bosnia and Herzegovina; he presented
the number without providing any reference 85. In doing so, he presented a number much higher
than the number Bosnia and Herzegovina mentioned in its Reply of April 1998. This Reply was
submitted to the Court three years before Mr. Sard on published his article. Maybe the Respondent
should ⎯ for once ⎯ demonstrate some modesty rather than presenting a series of baseless
accusations.
7. Bosnia and Herzegovina is, of course, extr emely happy with the fact that the numbers of
the casualties appear to be lower, much lower, than was assumed in the past. However, this does
not, of course, mean that all of a sudden the suff ering and the grief of the surviving victims of this
thorough ethnic cleansing campaign has diminished. Not at all, the surviving victims are not
suffering nor mourning because of numbers: they are suffering the actual loss of their beloved and
the actual loss of their home and goods and the actu al loss of the Bosnia and Herzegovina that was
theirs, including the living spirit of centuries of Roman Catholic and Muslim cultural heritage.
8. Again, it is necessary to point out that the total number of people killed during this conflict
is not a decisive argument for either Party in this case to either prove or disprove that a genocide in
Bosnia and Herzegovina was committed. As I sa id, new figures have come to light since we
submitted our written pleadings as more work has been carried out. The figures we have today are
still the product of work in progress which demons trates the complex matt er which these expert
demographers are facing.
9. This is due to a number of factors. The last population census in Bosnia and Herzegovina
was carried out in 1991 and there has been no such complete counting since; the only source is the
1997-1998 voters’ register which does not have the same totality of a population census. Next to
this there is the question of the refugees: I w ill come back to that later. Unfortunately, the
demographer witness-expert called by the Respondent, Mr. Sardon, offered no help to the Court or
to the Parties on precisely these complicated matters.
8Jean-Paul Sardon, “Demographic Change in the Balkans Since the End of the 1980s”, Population: An English
Selection 13 (2), 2001, pp. 49-70. The number is mentioned on p. 51. - 47 -
10. The Respondent has on several occasions referred to Mr.Toka ča, the Director of the
86
Sarajevo-based Research and Documentation Center (IDC) , and expert Sardon has done the
87
same . The Respondent informed the Court that Mr.Toka ča had “confirmed a total number of
93,837 casualties”. The Respondent seemed very pleased with that number and went on to suggest
that Bosnia and Herzegovina was about the only party in the world that does not want to have
anything to do with Mr. Toka ča. The insinuation clearly made by Mr. Obradovi ć here is aimed to
convey the message to this Court that Bosnia would not like Mr.Toka ča since he produces
so-called “low” numbers of casualties.
11. Madam President, this is another baseless assertion. The truth of the matter is that
Mr. Tokača in the past made it perfectly clear to us, to me, that he prefers to finish his study before
his work can be used as a reliable reference. Not th at it would not be reliable today, but it is by far
not finished. So it is Mr.Toka ča himself who, for professional and entirely respectable reasons,
takes this position with respect to his own work, to his own findings. And for that reason he sent a
letter to you, Madam President, on 13 March 2006, which letter he published on his website.
The PRESIDENT: That answers my question as to the provenance of this letter coming into
your hands. Please continue.
Mr. van den BIESEN: We would not have known that there was a letter if it were not for his
website.
12. This is what the letter says:
“Hereby, I would like to express my astonishment at the actions of
Mr. Radislav Stojanović, the legal representative of Serbia and Montenegro, who
during his presentation before the court mentioned certain data from our research, but
placed it completely out of context in whic h it was originally presented and omitted a
number of other details nece ssary for interpretation and understanding of the above
mentioned data. In this way, presumably wishing to achieve effects only known to
88
him, he has misled the court and the public.”
Then, he goes on in the letter to explain that the number of 93,837 was mentioned by his Centre at
the beginning of a reach-out campaign aimed at receiving more and more detailed information on
8CR 2006/12, pp. 38-39, paras. 71-72.
8CR 2006/26, p. 41.
88
www.idc.org.ba/Letter%20to%20the%20President%20of%20ICJ.doc. - 48 -
missing and killed persons in order to refine and to complete his database. He also states in his
letter that he expects the final number of casualties to be higher than 100,000. This, for now and to
us, indicates that, indeed, for this moment it is not unreasonable to assume the ICTY number of
102,000 to be a reasonable and reliable estimate, precise ly as we did. Again, we do repeat that the
researchers of the ICTY themselves have indicated that this number will probably still rise.
Arithmetic
13. We have presented, during our written a nd oral pleadings, a picture of the internal
displacement of the population in Bosnia and Herzegovina: a picture which shows that the territory
which was designated for the new Serbian State, which would only include Serbs, was ethnically
cleansed of the non-Serbs during the conflict. There has been no serious attempt by the
Respondent to tackle these facts. Mr. de Roux stated before this Court that:
“Parmi les quatre millions trois cent mille personnes qui vivaient avant la guerre
en Bosnie-Herzégovine 42,2 % étaient des Musulmans bosniaques et 32,2 % étaient
des Serbes . . . Et bien aujourd’hui, parmi les trois millions cinq cent mille Bosniaques
vivant en Bosnie 45,5 % sont des Musulmans bosniaques et 35,3 % sont des Serbes.
Ce qui veut dire que les proportions sont re stées à peu près les mêmes et qu’en dehors
des victimes directes du conflit, vous avez eu des réfugiés et puis vous avez eu une
émigration forte de tous les peuples de cette région pour aller vivr e, travailler, dans
des pays plus accueillants que ce malheureux territoire.” 89
14. The figures presented here by the Respondent come from the expert demography report
compiled for the Prosecutor at the ICTY in the Milosevic case. These figures do, indeed, show that
in percentage terms the proportion of Muslims in Bosnia had increased by 7.7percent between
1991 and 1997-1998. However, this does not take into account the absolute numbers used to create
these percentages. Now, it is not so that these absolute numbers are not available: this information
is to be found in the same report, on the page pr ior to the one that the Respondent submitted in the
judges’ folder. These figures show that it was the Bosnian Muslims whose population had
decreased the most of all of the ethnic groups in absolute terms, percentage-wise the decrease on
the Bosnian side was 40 per cent higher than on the Bosnian Serb side 9. Those figures are figures,
Madam President, and they tell at best part of the story. If one only looks at percentages and notes
that ⎯ percentage-wise ⎯ there is no difference between the situation before the ethnic cleansing
8CR 2006/19, pp. 17-18, para. 165 (Mr. de Roux).
90
CR 2006/2, p. 46, footnote 34 (page 22). - 49 -
and after, some people may be tempted to say that it follows from the figures that “all sides
suffered the same”. Apparently, the Respondent co uld not resist this temptation and did, indeed,
91
suggest that this was the case .
15. Only from an arithmetic point of view this approach does not make sense. Losing
10percent of a, for example, total population of 1.5 million leads to 150,000 casualties, losing
10 per cent of a total population of one million leads to a loss of 100,000. So both groups, in this
example, lost 10percent: clearly, in absolute figures, the first group counts 50percent more
casualties than the second group.
16. During the first round of pleadings, Bo snia and Herzegovina have accepted that the
current figure of the total number of killed during the relevant period of time is 102,000. This has
eventually also been accepted by the Respondent who at the same time immediately tried to put a
negative spin on it when they stated that:
“Mais, ce nombre comprend les victimes civiles et militaires, ce nombre
comprend les victimes du conflit entre les Serbes et les Musulmans, entre les Serbes et
les Croates, entre les Croates et les Musulmans et entre les deux factions musulmanes
rivales dans la région de Bihac. Ce conflit, qui a fait tant de victimes, cent deux mille
nous dit-on et je ne conteste pas ce chiffre, comprend des victimes musulmanes, des 92
victimes croates, des victimes serbes parce que tels étaient les belligérants.”
17. The report used by Bosnia and Herzegovina for these figures is again that from the ICTY
researcher, Ms Tabeau. This report produces a breakdown of the figures, which provides for a
picture different to the one suggested by the Respondent: first, the war-related deaths of the
93
Bosniaks is almost three times that of the Serbs, this includes both citizens and military ; second,
the number of civilians killed in the wa r is higher than the number of combatants 9; third, the
numbers are incomplete and there are many factors that will have a considerable impact on any
final estimate which can therefor e only be made pre-emptively 95; fourth, the number of Bosniak
civilians killed in the conflict is over ten times that of Serb civilians killed 9; and, finally, it is
91
CR 2006/19, pp. 17-18, para. 165 (Mr. de Roux).
92CR 2006/19, p. 15, para. 159 (Mr. de Roux).
93CR 2006/2, p. 45, footnote 32 (p. 205).
94
Ibid., p. 206.
95
Ibid., pp. 209-210.
96Ibid., p. 204. - 50 -
wrong to flatly refer to three ethn ically defined groups as the warring parties. This suggests an
even-handedness which certainly did not exist.
18. Apart from that, the arithmetic approach ha s in itself very little value. This approach
does not tell us what exactly caused the loss. It does not tell us what exactly happened to the
people who are counted as “loss”. Were they all killed; if not, what amount was? Did they all
seek refuge across the borders; if not, what amount did?
19. These percentages do not show either what happened to the people who were not
registered as killed or as international refugees. For our case this is extremely important. These
figures as such do not show that ethnic cleansing took place in Bosnia and Herzegovina. They do
not show the difference in the composition of th e population per municipa lity between the period
before 1992 and after 1995.
20. What these figures do not show either is who exactly is making up the numbers; who is
behind these numbers? In other words if, for example, the figures would count a number of
one million people of one group to have lived in Bosnia and Herzegovina before 1992 and that this
same group only counts 800,000 after 1995, these figures do not tell us if the 800,000 counted after
1995 are all part of those one million that lived in Bosnia before 1995.
21. This last issue is, indeed, very relevant for us given the extreme amounts of demographic
movements among the Serbs. Now, what was the cause of that? Not an ethnic cleansing campaign
conducted against the Serbs. There is no factual basis for such an assumption, and the Respondent
has only suggested something like that but has not submitted conclusive evidence. But there is an
issue of large amounts of refugees involved here. It is known that hundreds of thousands of young
Bosnian Serb men left their country because they di d not want to serve as soldiers in the Bosnian
Serb forces. So this has been a substantive flow, away from Bosnia and Herzegovina. Some of
that loss in numbers was compensated by a substantial inflow ⎯ an inflow of Serb refugees from
the Krajina region in Croatia.
22. The Krajina inflow took place during the summer and fall of 1995. This alone makes it
clear that one also needs to know more about the dates of the population mo vements to be able to
appreciate the true value of these figures. In other words, the movements of non-Serbs caused by
the ethnic cleansing campaign, almost all took place before the end of 1992, when the Serb side - 51 -
had cleansed 70percent of the territory. The movements on the Serb side were, time-wise,
unrelated and were caused by completely different factors.
23. If anything, these aspects sh ow that arithmetic will not help any of the Parties in this
case. We have been trying to avoid doing that, and, instead, we are looking at the larger picture.
This tells us, which is undisputed, that towards th e end of 1992, 70percent of the territory of
Bosnia and Herzegovina was ethnically cleansed. This area became smaller in the course of 1995
and in Dayton it was agreed that the Bosnian Serb entity would get 49percent, which is still half
of the territory of the country for 30percent of its citizens. This Bosnian Serb territory, by then,
was indeed purified, but as I just said, this took place before the end of 1992. The non-Serbs were
killed, raped, terrified, terrorized a nd forcibly transferred. The majority of the casualties of the
entire 1992-1995 period occurred between the end of March1992 and the end of December 1992.
The great majority of people killed were non-Serbs, the Bosniaks by far being the largest part.
Internally displaced persons
24. Madam President, Bosnia and Herzegovina have provided a concise picture of the pattern
of ethnic cleansing, which was time-wise concentr ated in 1992 and geographically in those areas
important for the realization of the goal to have one State for Serbs. There has been very little said
about this by the Respondent; and certainly no serious attempt has been made to grapple with the
fact that the internal displacement of the popul ation was something which was calculated, indeed,
carried out, and that the effects of this are still being felt today. Mr. de Roux referred to my earlier
pleadings and stated that I used:
“le nombre de huit cent seize mille pers onnes déplacées et le nombre d’un million
trois cent mille réfugiés. C’est-à-dire, environ 50% de la population de la
Bosnie-Herzégovine, mais ces personnes comme ces réfugiés ne sont évidemment pas
tous des Musulmans de Bosnie, ils ne sont pas tous des non-Serbes, parmi ces
personnes déplacées et parmi ces réfugiés, un nombre tout à fait considérable sont des
Serbes... le pourcentage serbe parmi les réfugiés et les personnes déplacées
correspond à peu près au pourcentage des Serbes dans la population de
Bosnie-Herzégovine. Les Serbes étaient, tout comme les autres peuples de
Bosnie-Herzégovine, victimes de cette guerre.” 97
In the first place, the reference to “cette guerre” is at least confusing, since we have seen that the
numbers on the Serb side were seriously influenced by refugees from Croatia. “Cette guerre” may,
9CR 2006/19, p. 16, para. 160 (Mr. de Roux). - 52 -
then, refer to the Greater Serbia project as a whole, but obviously this may not be used to
demonstrate some sort of “even-handedness” in Bosnia.
25. The Respondent cites the expert report of Ms Tabeau in the Milosevic case to corroborate
such a statement, but, if this report is analysed, a number of conclusions can be drawn. The first of
these conclusions is that of the writers of the repo rt themselves, who state clearly that “the largest
absolute losses occurred to the Muslims”; and this referred to the municipalities that they had
evaluated 98, and that was the vast majority of the area that was relevant for the Milosevic case, and
that area is about the same as what is now Republika Srpska. Furthermore the conclusion of the
researchers is “that the decline of the Muslim po pulation was much more dramatic than the decline
99
of Serbs” .
26. In our first round of oral pleadings we presented a number of case studies of various
municipalities in Bosnia and Herzegovina whic h showed how these places were ethnically
cleansed. In doing so, we also illustrated the et hnic make-up, in percen tage terms, for those
municipalities before an d after the conflict 10. There has been no attempt on the part of the
Respondent to explain why it is, for example, that:
⎯ the municipality of Visegrad before the war was made up of 63.6percent Bosniaks,
31.8percent Serbs and 0.2percent Croats and after the war the Bosniaks were 0.0percent,
the Serbs 95.9 per cent and the Croats 0.6 per cent 10;
⎯ no explanation is provided for why it is that the population of Prijedor in 1991 was made up of
43.85 per cent Bosniaks, 42.48per cent Serbs and 5.61 per cent Croats. After the conflict this
population was constituted of 92.28percent Se rbs, 5.4percent Muslim and 1.5percent
Croat 102.
27. Maybe I should not say that “no attempt” was made. Mr.de Roux did state that, quite
contrary to the evidence that has been presented by Bosnia and Herzegovina:
98
CR 2006/2, p. 46, footnote 34 (p. 13).
99Ibid., p. 14.
100CR 2006/5 (Ms Karagiannakis); CR 2006/6 (Ms Dauban).
101
CR 2006/6, p. 19, para. 28 (Ms Dauban).
102CR 2006/5, p. 38, para. 59 (Ms Karagiannakis). - 53 -
“Cela démontre bien que le déplacement des populations était une politique
menée en toute logique militaire par chacun des trois belligérants. Il ne s’agissait pas
de détruire un groupe national, ethnique, raci al ou religieux mais simplement de vivre
à l’abri dans un territoire, comme malheure usement l’avait enseigné une très longue
histoire.”103
28. Why the Respondent needed to introduce th is obscure link between the ethnic cleansing,
which we are discussing here, and a long period of history is not clear and it certainly goes no way
towards answering the present case. Furthermore, there has not been a shred of evidence produced
by the Respondent to support the assertion that the Bosnian Serbs were ethnically cleansed from
municipalities in Bosnia and Herzegovina: there has been nothing said simply because there was
no governmental policy to do such a thing on the side of the Applicant. In actual fact, what can be
seen is that there was a policy on the part of theSerbs to displace their own population.
Forced Serb displacement
29. This issue is relevant for the appreciation of the figures ⎯ the issue of the Serb policy of
forced displacement of their own people from territory held by the Bosnian Government to the
Serb-held territories. Madam President, the Pres ident of Republika Srpska issued a “decision on
formation of the staff for helping Serbs in Sa rajevo and other towns”, which decision was
published in the Official Gazette of Republika Srpska on 30December1993. One of the aims of
the Staff, headed by its Presiden t Vladimir Lukic, was directed to the “organized mass getting out
of Serbs from occupied areas”. This decision, although dealing with humanitarian aid to Serbs,
shows that it was the Serb policy to resettle their own people to the “cleansed areas”, and in so
doing they would fulfil their strategic goal of ethnic separation. The decision also sets out the duty
of all State organs–– the duty of all State organs–– and other organs and organizations of
104
Republika Srpska to give help and co-operate with the staff .
30. And it was not a formality, this decision. Contrary to the wish of Serbs who stayed in the
Bosnian government-controlled areas to live together with Muslims and Croats, the Pale régime did
its best to influence the Serbs living in Saraje vo and other Bosnian government-controlled areas to
10CR 2006/19, p. 16, para. 163 (Mr. de Roux).
104
Decision on Formation of the Staff from Helping Serbs in Sarajevo and Other Towns,Official Gazette of
Republika Srpska 25/93, 30 December 1993, p. 978. - 54 -
leave that territory and move to the Serb-held pa rts of Bosnia and Herzegovina. This policy is
described by Richard Holbrooke in his book:
“[I]n the two weeks before Sarajevo’s unification, Pale ordered all Serbs in
Sarajevo to burn down their apartments and leave the city. They even broadcast
detailed instructions on how to set fires. Young arsonists, mostly thugs from Pale,
roamed the streets warning Sarajevo Serbs th at if they did not destroy their homes and
leave, they would be punished severely, perhaps even killed.”
And the book goes on:
“For those Bosnian Serbs who had moved into Sarajevo from the country-side
during the war, destroying apartments they would have to leave anyway was easy.
But tens of thousands of Sa rajevo Serb families had lived in peace for generations in
the once-cosmopolitan city. Most were ready to stay had they not been forced to
leave. Kris Janowski, the spokesman for the United Nations High Commissioner for
Refugees, estimated that before the exo dus there were seventy thousand Serbs in
Sarajevo, of whom at least thirty thousand wanted to stay. After the intimidation
tactics of Pale, fewer than ten thousand remained, many of whom would leave soon
thereafter. In the week before March 19, a steady stream of Serbs clogged the roads
out of Sarajevo, most carrying furniture, plumbing fixtures, and even doors. Behind
them rose the smoking remains of Grbavica and Ilidza. ‘We must not allow a single
Serb to remain in the territories whic h fall under Muslim-Croat control,’ said
GojkoKlickovic, head of the Bosnian Se rb Resettlement Office (and later Prime
Minister of Republika Srpska).” 105
What happened in Sarajevo happened throughout Bosnia and obviously fitted the policy formulated
in Strategic Goal No.1: “1. Establish State bo rders separating the Serbian people from the other
two ethnic communities.” 106
31. Getting this pure Serbian territory was ac hieved in a number of ways, all of which we
have shown to the Court during the first round of our pleadings:
(1)There was a killing of the non-Serb popula tion which prima facie eradicated them from
territories which were to be a part of Greater Serbia but it also had the effect of terrorizing
those who were not killed to leave.
(2) There was a wholesale removal of the population from the area forcibly or by making life so
unbearable that there was no real choice.
(3) The internal displacement was further achieved by a resettlement of the Bosnian Serbs to the
newly cleansed territory.
10To End a War (1998, Random House, NY, pp. 335-336).
10CR 2006/4, p. 19, para. 37 (Mr. van den Biesen). - 55 -
32. Contrary to this policy, the Bosnian Government clearly had different goals. Those goals
included in the first place preserving multi-ethni c and multicultural identity for Bosnia and
Herzegovina. The evidence on this is undisputed . The Bosnian Government Presidency Platform
for the Activities of the Presidency of Bosn ia and Herzegovina in Conditions of War of
26 June 1992 is just one example. It states:
“1. What kind of Bosnia and Herzegovina?
Bosnia and Herzegovina is a soverei gn and independent state of citizens,
constituent and equal peoples Muslims, Serbs and Croats and members of the other
peoples who live in it . . .
2. Relations and institutions that guarantee national equality.
The three constituent nations, Muslims, Serbs and Croats in Bosnia and
Herzegovina have their nati onal interests but also interests which stem from the
tradition of centuries of living together. Political and social life in Bosnia and
Herzegovina is based on the equality of Mu slims, Serbs and Croats and me107rs of
the other peoples and nationalities in conducting the affairs of state.”
33. We have pointed out earlier that the Bosnian Government Army and the Bosnian
Presidency kept to its multi-ethnic composition. And, Madam President, these were not isolated
examples. The Bosnian United Nations Mission in New York, for example, was multi-ethnic
throughout, while, for example, the Bosnian Ambassa dor to Paris, at the relevant time, was a
Bosnian Serb.
Sarajevo
34. While it was a fact of general knowledge that Sarajevo was a besieged city, the
Respondent tries to present a picture that would show that the city was actually some sort of
military stronghold beleaguering the troops on the hills surrounding the city. The Respondent
stresses here that there was an enormous army in the city 108. Of course, there were many troops in
the city. This was the seat of the Government. If one place needed to be defended, obviously it
would be the capital.
35. The Respondent chooses to remain silent about the nature of the siege, and about the fact
that it was the JNA that surrounded the city with heavy weapons, tanks and the like on 6 May 1992,
10ICTY, Prosecutor v. Enver Hadžihasanović and Amir Kubura, IT-01-47, Exhibit No. DH 209.
108
CR 2006/15, p. 11, para. 150 (Mr. de Roux). - 56 -
up-to-date military equipment which did not leave its positions and kept the city in a relentless
stranglehold for four years. The Respondent does not talk about that but chooses to bring forward a
109
witness who declared that the city was not under siege . Well, if the Respondent and the Bosnian
Serbs wish to be ignorant about this, it may help to recall General Assembly resolution 49/10 of 3
November 1994, which demanded “that the Bosnian Serb Party lift forthwith the siege of Sarajevo
and other safe areas, as well as other besieged towns . . . ” 11. And this was November 1994.
36. So, in November 1994 the situation which began in May 1992 had not changed.
Apparently, the enormous amount of troops within Sarajevo was not so enormous after all if they
were not able to put an end to the siege.
37. No, they were not enormous. There was no complaining about manpower: many
Sarajevons were all too ready to defend their city. But serious weaponry was not available while
the lifeline to the city ⎯ the tunnel under the airport ⎯ was not a truly easy way to provide for
additional weapons, let alone for the badly needed heavy weapons.
38. The Trial Chamber of the ICTY that delivered a judgment in the Galić case found:
“Tvhideecpe,cially in relation to the nature of the civilian activities
targeted, the manner in which the attacks on civilians were carried out and the timing
and duration of the attacks on civilians, co nsistently shows that the aim of the
campaign of sniping and shelling in Saraje vo was to terrorize the civilian population
of the city. UN military personnel present in Sarajevo during the Indictment Period
who observed and analyzed the attacks launched into the city not made in relation to
military objectives concluded that the purp ose of the attacks was to spread terror
among the civilian population.” 111
39. The numbers that are available of the casu alties in Sarajevo were provided by us during
the first round. They are telling and we just note that the Respondent has not deemed it necessary
to deny them. Nor has the Respondent denied the other facts we provided with respect to Sarajevo
including the video footage of Mr.Kostunica visiting the Serb troops, supporting the Serb troops
besieging the city and displaying with greater gestures where in his view the future borders of the
Serb State would have to be.
10CR 2006/24.
11A/RES/49/10, 51st plenary meeting, 3 Nov. 1994.
111
ICTY, Prosecutor v. Stanislav Galic , case No.IT-98-29, Trial Chamber Judgement of 5 December 2003,
para. 592. - 57 -
40. The massacres in Sarajevo discussed by us have not been seriously questioned by the
Respondent either. The exception may be the Markale market massacre, since General Rose spoke
about that. We know that General Rose has been of the opinion that it is not possible to establish
who fired the grenade at the Markale market. He said so in his book and again he said so as a
112
witness in the Galic case . We did, during his testimony here before this Court, ask him if he still
was of that opinion, to which he agreed. And we did ask the question since the Trial Chamber in
the Galic case had judged ⎯ after having heard General Rose’s testimony ⎯ that it was beyond
reasonable doubt that the Serb side indeed was responsible for the firing of this grenade. And we
just waited to see if General Rose would have changed his mind given that judgment. He
apparently did not. For the purposes of our case we prefer to rely on the judgment of the judges of
the ICTY.
41. This policy of strangling cities was practised by the Serb side with respect to all safe
areas, so-called safe areas, and surely falls within the terms of Article II (a), (b) and (c) of the
Genocide Convention.
Camps
42. Madam President, in our first round we provided the Court with an overview of the
camps, which were an indispensable link in the policy of ethnic cleaning.
43. The pattern is, by now, familiar. The armed forces would take over a municipality, the
paramilitaries would come in for the dirty work: summary execution, beatin gs, terrorizing. The
next step would be separating boys and men from girls and women. The men would go to camps.
On many occasions women were taken to specia l camps where rape would be daily practice;
better, daily nightmares. The camps were often k illing sites, but on many occasions people would
be brought to killing sites even without going to a camp. And next would be deporting the people
from the camps to Bosnia and Herzegovina government-controlled areas. It is clear that camps
were key to the ethnic cleansing policy.
44. Precisely this pattern that we are descri bing here –– and which we have been describing
earlier––, has been established “beyond reasonable doubt” in a number of ICTY judgments,
11CR 2006/23, p. 29. - 58 -
judgments in which the judges more often than not conclude that this should be called “ethnic
cleansing”. Also judgments in which the judges es tablish that the cleansed areas were repopulated
by resettling Serbs. These are the judgments. I have listed them in our pleading, Madam President,
I hope you do not mind if I do not read them, but I hope that they will appear nevertheless in the
transcripts113.
45. Also with respect to the camps, the Respon dent focuses on specific numbers. Again, we
have dealt with the decline in numbers of casualties already. And again, the fact that a Trial
Chamber concludes that an amount of “X” people were killed in camp “Y” does not mean that the
number of people actually killed in this camp will never be higher than “X”. The numbers
established in Trial Chamber judgments may certainly be used; they have a value as a minimum
number. The numbers of the independent reports we referred to earlier during the written pleadings
are at the same time not without any meaning, but it is clear that ⎯ for reasons given ⎯ these
numbers are higher than the reality by now has shown.
Conclusion
46. Madam President, I come to a conclusion. All this talk about numbers does not change
the pattern, it does not change the picture of th e well-organized manner with which the ethnic
cleansing campaign was conducted. It does not bri ng back to life the people that were killed and it
does not take away the immaterial and material damage caused. There is no question that a more
developed view of these numbers is not going to bring back the mixed character of the population
of Bosnia and Herzegovina. It does not restore the vast amounts of destroyed places of Muslim and
Roman Catholic worship. It does, in short, not undo the effectiveness ⎯ some will say the
11ICTY, Prosecutor v. Goran Jelisić, case No.IT-95-01, 5 July 2001, Appeals Chamber, Br čko (Northeast
Bosnia); ICTY, Prosecutor v. Duško Sikirica, case No.IT-95-8, 13 November 2001, Trial Chamber, Prijedor, Bosnian
Krajina (North); ICTY, Prosecutor v. Dragoljub Kunarac et al. , case No.IT-96-23 & 23/I, 12 June 2002, Appeals
Chamber, Foča KP Dom (East Bosnia); ICTY, Prosecutor v. Milomir Stakić, case No.IT-97-24, 31 July 2003, Trial
Chamber, Prijedor, Bosnian Krajina (North); ICTY, Prosecutor v. Milorad Krnojelac , case No. IT-97-25,
17 September 2003, Appeals Chamber, Foča KP Dom (East Bosnia); ICTY, Prosecutor v. Blagoje Simić et al. , case
No.IT-95-9, 17October 2003, Trial Chamber, Bosanski Samac (North East); ICTY, Prosecutor v. Ranko Češić, case
No.IT-95-10/1, 11 March 2004, Trial Chamber, Br čko (Northeast Bosnia); ICTY, Prosecutor v. Slobodan Milošević,
case No.IT-02-54, 16June2 004, Trial Chamber Decision on Judgement for Motion for Ac quittal, all of Bosnia and
Herzegovina; ICTY, Prosecutor v. Radoslav Brđanin, case No.IT-99-36, 1 September 2004, Trial Chamber, Bosnian
Krajina (North); ICTY, Prosecutor v. Kvočka et al., case No. IT-98-30/1, 28 February 2005, Appeals Chamber, Prijedor,
Bosnian Krajina (North); ICTY, Prosecutor v. Momcilo Krajisnik , case No.IT-00-39&40, 16 August 2005, Trial
Chamber Decision on Judgement for Motion for Acquittal, all of Bosnia and Herzegovina; ICTY, Prosecutor v.
Dragan Nikolić, case No. IT-94-2, 4 February 2005, Appeals Chamber, Vlasenica (East Bosnia). - 59 -
success ⎯ of the ethnic cleansing campaign that took place in Bosnia. The Respondent may plead
its number approach forever, but that sort of pleading will not erase the fact that the non-Serb
population of Bosnia and Herzegovina was erased from half of Bosnia’s territory.
Madam President, this concludes my pleadi ng. Professor Condorelli was getting ready to
take the floor, but maybe five minutes is a little too short to make it worth his and your while.
Thank you.
The PRESIDENT: Thank you, Mr. van den Biesen . I share your view that it will be better
to start this afternoon. Thank you.
The Court now rises and will resume at 3 p.m.
The Court rose at 1 p.m.
___________
Public sitting held on Thursday 20 April 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace, President Higgins presiding